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Commission permanente de la Justice
Etude du projet de loi no 50
Loi sur les droits et libertés de la
personne
Séance du mardi 21 janvier 1975
(Dix heures sept minutes)
Préliminaires
M. Pilote (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs! Les membres de la commission permanente de
la justice sont réunis ce matin pour entendre les mémoires sur le
projet de loi no 50, Loi sur les droits et libertés de la personne.
Sont membres de la commission: M. Bellemare (Johnson); M. Lapointe
(Laurentides-Labelle) remplace M. Bienvenue (Crémazie), M. Burns
(Maisonneuve), M. Choquette (Outremont), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Desjardins
(Louis-Hébert); M. Brown (Brome-Missisquoi) remplace M. Levesque
(Bonaventure); M. Morin (Sauvé); M. Lachance (Mille-Iles) remplace M.
Pagé (Portneuf), M. Samson (Rouyn-Noranda); M. Perreault (L'Assomption)
remplace M. Springate (Sainte-Anne), M. Sylvain (Beauce-Nord) et M. Harvey
(Dubuc) remplace M. Tardif (Anjou).
Nous allons entendre les organismes qui ont été
convoqués pour présenter leur mémoire. Le premier
organisme est la Ligue des droits de l'homme, représentée par M.
Maurice Champagne. Je les inviterais à prendre place en avant pour venir
présenter leur mémoire.
M. Choquette: M. le Président, avant d'entendre la Ligue
des droits de l'homme, on m'a fait des représentations, ce matin, au nom
de la Commission des écoles catholiques de Montréal qui
apparaît comme l'avant dernier organisme à être entendu
aujourd'hui.
On m'a signalé que la Commission des écoles catholiques de
Montréal devait tenir un conseil d'administration cet après-midi
et les représentants de cette commission scolaire m'ont demandé
s'il serait possible pour eux d'être entendus ce matin. J'ai dit que je
soumettrais le cas à la commission.
Personnellement, je suggérerais, étant donné les
raisons qui ont été soulevées par les représentants
de la commission, qu'ils soient entendus immédiatement après le
Conseil du patronat du Québec, ce qui pourrait leur permettre
d'être entendus ce matin, possiblement, si l'exposé de la Ligue
des droits de l'homme le leur permet.
Alors, puis-je faire cette suggestion? Je mentionne ceci parce que j'ai
pris connaissance du mémoire de la Ligue des droits de l'homme, un
mémoire très imposant et j'imagine que M. Champagne et ses
collègues vont en avoir pour pas mal de temps à nous exposer les
points principaux de leur mémoire.
Mais s'il était possible d'entendre la Commission des
écoles catholiques de Montréal ce matin après le Conseil
du patronat, je pense que ceci pourrait concilier un peu les besoins de la
commission, le temps requis pour entendre les deux organismes, la Ligue des
droits de l'homme et le Conseil du patronat, ainsi que la Commission des
écoles catholiques de Montréal ce matin, quitte à entendre
les autres organismes plus tard au cours de l'après-midi. Alors, je
voudrais faire cette suggestion aux membres de la commission.
M. Burns: II serait peut-être plus prudent de laisser
passer la CECM avant le Conseil du patronat.
M. Choquette: Je ne sais pas.
M. Burns: Evidemment, cela dépend...
M. Choquette: C'est parce que le Conseil du patronat a
déjà accepté de se faire déplacer par la Ligue des
droits de l'homme. Il semble que les patrons québécois soient
toujours prêts à céder la place à d'autres et je ne
voudrais pas abuser de leurs bonnes dispositions. C'est la raison pour laquelle
je les avais quand même laissés au deuxième rang. Mais si,
de nouveau, comme le suggère le député de Maisonneuve, ils
acceptaient de céder le pas à la Commission des écoles
catholiques de Montréal, eh bien, ceci serait certainement...
M. Burns: Demandez cela à M. Perreault, je suis convaincu
qu'il va accepter.
M. Choquette: Je ne sais pas si M. Perreault va accepter
cela.
Le Président (M. Pilote): Est-ce que M. Perreault est
présent?
M. Burns: Ah! oui, il est là.
M. Choquette: M. Perreault, est-ce que vous accepteriez?
M. Perreault (Charles): Je pense que vous avez déjà
bien exprimé notre position, M. le ministre, en indiquant que nous avons
accepté de bonne grâce d'être déplacés une
fois. C'est peut-être suffisant.
Le Président (M. Pilote): Alors, nous entendrons la Ligue
des droits de l'homme et, en deuxième lieu, la Commission des
écoles catholiques de Montréal.
M. Choquette: Le Conseil du patronat.
Le Président (M. Pilote): Le Conseil du patronat,
excusez-moi, je pensais que c'était accepté.
M. Choquette: Le Conseil du patronat a décidé de
négocier avec un peu plus de vigueur.
Le Président (M. Pilote): Alors, j'inviterais le
représentant de la Ligue des droits de l'homme, M. Maurice Champagne,
à identifier ceux qui l'accompagnent. Vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire et il y a 20 minutes pour l'Opposition et
20 minutes pour le parti ministériel; mais sur cela, disons, libre
à la commission de changer les règles. La parole est à M.
Champagne.
Ligue des droits de l'homme
M. Champagne (Maurice): M. le Président, M. le ministre,
MM. les députés, vous me permettrez d'abord de présenter
la délégation de la ligue; à ma gauche,
immédiatement, Me Jacques Desmarais, puis M. Léo Cormier qui est
président de la ligue et qui a été très
impliqué dans la préparation de ce dossier depuis longtemps; M.
Raymond Boyer, qui est vice-président de la ligue, et Me René
Saint-Louis qui est au conseil d'administration de la ligue et chargé
plus particulièrement des questions touchant les affaires
internationales et les droits des minorités. A ma droite, Me Jacques
Tellier, qui est un consultant de la ligue et qui est membre du comité
qui avait préparé le projet de la ligue que nous avions rendu
public en 1973, et qui a également, évidemment, collaboré
à la préparation du mémoire sur le projet de loi 50, et
Aline Gobeil, qui est à la permanence de la ligue, de même que
Monique Rochon qui est avec nous, qui est également à la
permanence de la ligue.
Je pense qu'il est possible, dans les 20 minutes qui nous sont
allouées, de résumer notre pensée, même si notre
mémoire est assez vaste et contient 58 recommandations
précises.
Il fautd'abord soulignerque, pour la ligue, c'est un grand moment, si
vous voulez, parce que le ministre de la Justice doit se souvenir qu'il y a
près de cinq ans, dans un de ses premiers discours publics, il avait
fait, à la Ligue des droits de l'homme, justement, la promesse d'une
charte des droits de l'homme pour le Québec.
Nous avons attendu patiemment, et nous avons travaillé avec
acharnement pour arriver et je crois que le ministre de la Justice a
aussi travaillé à préparer cette loi à un
point fort important aujourd'hui. Nous nous en réjouissons. Nous nous
réjouissons également de ce que le type de législation qui
a été choisi par l'Etat, par le ministre de la Justice,
correspond à ce q ue nous avions demandé, précisant,
à plusieurs reprises, que le Québec ne devait pas choisir ces
deux types extrêmes de législation qui sont les codes, comme en
ont les autres provinces du Canada, ou encore, une vague déclaration de
principe qui ne serait pas appuyée par des moyens administratifs et
judiciaires importants.
Ceci, parce que et c'est ce que nous indiquons dans la
première partie de notre mémoire le domaine des droits de
l'homme, contrairement à la perception qu'on en a trop
généralement dans la population, ne se limite pas à la
non-discrimination, n'est-ce pas? C'est avant tout, pour nous, un question de
développement. En d'autres termes, il ne faut pas oublier que la
discrimination a deux sens. On peut faire de la discrimination en faisant
quelque chose contre quelqu'un, en refusant, par exemple, de louer un logement
à un Noir, ou également, on peut faire de la discrimination en ne
faisant pas quelque chose pour quelqu'un. A ce niveau, nous touchons tout le
domaine des conditions d'exercice des droits q ui nous paraissent aussi
importantes que la reconnaissance des droits, et nous avons souvent cité
maints exemples à cet égard au Québec, invoquant, entre
autres, la condition de minorité.
Nous pensons qu'il ne faut pas restreindre la notion de minorité
à la race, à la religion, à l'ethnie, à la langue,
mais l'étendre dans une perspective sociale et se rendre compte comment
les enfants, les handicapés, les personnes âgées et bien
d'autres au Québec sont dans une situation de minorité
vis-à-vis de l'exercice de droits fondamentaux.
Il nous a toujours paru vain de parler de droits individuels pour des
groupes qui ne pouvaient pas bénéficier de politiques qui
créaient des conditions d'exercice des droits pour les groupes et pour
les individus faisant partie de ces groupes.
Nous développons donc, dans la première partie de notre
mémoire, des choses qui nous paraissent fondamentales dans la
philosophie des droits de l'homme et que nous retrouvons en partie dans le
projet de loi, justement parce qu'on a choisi un type de législation qui
ne se borne pas, comme les législations des autres provinces, à
interdire la dis-crimimination dans certains secteurs, mais qui veut couvrir
davantage.
Dans cette perspective et dans une perspective je pense qu'il est
important de le souligner qui est très pratique, nous ne venons
pas ici en théoriciens aujourd'hui, mais nous venons ici surtout parce
que, depuis de longues années au Québec, nous avons vécu
une expérience pratique, étantdonné qu'il n'y avait
précisément pas de législation comme celle que le
gouvernement présente maintenant. Nous avons dû faire beaucoup de
suppléance au Québec et nous avons été en mesure
d'évaluer les vrais besoins de la population dans cette matière.
C'est pourquoi nous avons déposé, avec ce mémoire, le
projet que nous avions préparé à la Ligue des droits de
l'homme et que nous avions diffusé dans la population dans une
perspective d'animation au projet le 24 mai 1973.
Ce projet nous paraît toujours justifié. C'est pourquoi
d'ailleurs, dans le mémoire nous notons qu'il y a accord
également entre la ligue et le projet de loi 50 sur une orientation de
base, plus précisément sur l'objet précis de la loi.
Je voudrais ici ne pas faire référence simplement au
projet de loi, mais à un communiqué du ministère de la
Justice, qui, le jour du dépôt de la loi, précisait
et vous me permettrez de citer ce passage, parce que je pense qu'il est assez
important pour indiquer l'intention du gouvernement et du ministre de la
Justice. "Le but de la charte, dit ce communiqué nous le citons
à la page 7 de notre mémoire comme l'expliquent les
considérants du projet de loi, est d'affirmer solennellement les
libertés et droits
fondamentaux de la personne afin que ceux-ci soient garantis par la
volonté collective et mieux protégés contre toute
violation. En fait, la charte vise à régler les rapports entre
les citoyens en fonction de la dignité humaine..." ce qui est
très important pour nous, parce qu'il nous paraît que les deux
éléments fondamentaux d'une loi-cadre en matière des
droits de l'homme, c'est une dimension, bien sûr, juridique,
légale, mais c'est aussi une dimension qui touche une sorte de contrat
social de base entre les citoyens. Ce passage, je pense, se situe dans cette
dimension.
La charte vise donc "à régler les rapports entre les
citoyens en fonction de la dignité humaine et à déterminer
les droits et les facultés dont l'ensemble est nécessaire
à l'épanouissement de la personnalité de chaque être
humain. "Parmi les raisons qui rendent nécessaire l'adoption d'une
charte, il y a la complexité croissante des relations dans lesquelles
sont impliqués les individus, l'intervention accrue de l'Etat dans la
vie quotidienne des citoyens, la multiplication des lois et des situations
où les droits et libertés de chacun risquent d'entrer en conflit,
l'utilisation accrue de l'ordinateur et ses effets sur la vie privée, le
développement du caractère cosmopolite de nos centres urbains. Le
projet de loi signale d'ailleurs que les droits de l'homme sont
inséparables du bien-être général et qu'ils
constituent le fondement de la justice et de la paix. Le gouvernement
reconnaît ainsi l'importance fondamentale du respect des droits de
l'homme dans l'établissement de relations sociales harmonieuses et le
maintien de la paix sociale. En somme, la charte est le symbole des valeurs de
la société québécoise".
C'est une affirmation, vous le reconnaîtrez, qui est
chargée d'une lourde signification et qui appelle beaucoup de dimensions
dans ce projet de loi.
S'il y a accord sur l'objet précis du projet de loi,
évidemment, il y a divergence sur certaines modalités qu'en
plusieurs cas, si on révise le projet de loi article par article, nous
jugeons comme extrêmement importantes et qui appellent un certain nombre
de mesures pour améliorer le projet de loi. Les mesures que nous
proposons c'est important de le souligner ne correspondent pas
simplement à ce que beaucoup de groupes peuvent souhaiter comme
modifications au projet de loi, mais elles relèvent aussi, je dirais, de
la logique même du projet de loi, de ce qui est déjà dans
le projet de loi et qui demande qu'on aille plus loin dans certains secteurs,
qu'on aille plus loin dans la logique même que l'on a voulu donner
à ce projet de loi.
Nous faisons 54 recommandations, quatre autres recommandations ne
touchent pas spécifiquement le projet de loi comme tel. Parmi ces
recommandations, nous voudrions insister, d'une façon toute
particulière, sur les quatorze premières mesures qu'elles
appellent et qui ont un objectif fondamental, qui est de compenser, de limiter
au maximum, le fait que cette charte ne soit pas une loi fondamentale.
Ce que la ligue demande à ce sujet, en particulier, est
exprimé dans les premières recommandations, les recommandations 1
à 7, plus exactement. Je les résume.
Nous demandons surtout que le législateur fasse une distinction
entre la législation passée ou actuelle et la législation
future. Si nous comprenons que, pour certaines raisons, on ne puisse pas faire
une législation fondamentale immédiatement, nous demandons, par
ailleurs, que le projet de loi comporte des dispositions précises, pour
que, par rapport à la législation future, la charte ait
priorité.
D'ailleurs, nous rejoignons en cela les préoccupations du
Barreau, avec lequel nous avons beaucoup travaillé sur ce dossier, et
particulièrement, cette section du projet de loi. Nous proposons
également un certain nombre de mesures pour qu'il soit possible à
la commission d'étudier les projets de loi dans le cadre de ces
fonctions. Nous demandons également que le ministre de la Justice fasse
rapport à l'Assemblée nationale de toutes choses qu'il aura
constatées dans des projets de loi, et dans les délais requis,
qui pourraient être incompatibles avec la philosophie, avec les
principes, avec les normes de la charte.
Je ne m'attarde pas, parce qu'on les a dans le mémoire et on
pourra y revenir dans la discussion. Ce qui est important, je crois, est de
saisir l'objectif, la portée fondamentale de ces recommandations de la
ligue.
Il y a d'autres recommandations qui touchent la commission qui nous
paraissent aussi importantes, parce qu'encore une fois, même si la charte
est importante, il faut se rendre compte, combien la commission l'est. C'est
pourquoi nous proposons un certain nombre d'additions, de modifications
à ce qui touche I a commission, en particulier au fait de la formation
de la commission.
Nous insistons pour qu'elle soit composée de plusieurs
commissaires, qu'elle forme vraiment une équipe représentative
des secteurs. Parce qu'encore une fois, il faut se rendre compte que la
commission n'est pas une pure entité administrative. Ce que nous
demandons à la commission est aussi en fonction de l'ampleur de la loi.
C'est pour cela que nous nous sommes réjouis, évidemment, parce
que nous avions insisté beaucoup là-dessus, soit sur ce fait que
la commission dépende de l'Assemblée nationale. La commission est
chargée d'appliquer une loi qui est très vaste, qui
esttrès ample et nous disons qu'elle doit le refléter par
l'équipe des commissaires.
Nous insistons également pour que, dans la perspective
d'indépendance qui doit caractériser la commission, la Loi de la
fonction publique ne s'applique pas comme c'est le cas d'ailleurs pour
l'Ombudsman aux commissaires, aux employés et officiers de la
commission. C'est notre recommandation no 9. Nous demandons également,
dans les fonctions de la commission et là, encore une fois, nous
sommes en mesure de faire une recommandation pertinente à cet
égard qu'il soit clairement indiqué dans les fonctions de
la commission qu'on assurera des
services publics de base en matière de renseignement et de
référence dans le domaine des droits de l'homme, et
également, qu'il soit possible à la commission, à partir
de l'exercice de toutes ses fonctions, à l'article 58 et aux autres,
qu'elle puisse faire les recommandations à l'Assemblée nationale
sur la nécessité d'amender, de modifier tel ou tel chapitre,
telle ou telle loi dont elle aura constaté qu'elle ne permet pas un
exercice sain, normal et positif des droits de l'homme au Québec.
Nous demandons également qu'il soit possible que la commission
fasse des rapports autres que son rapport annuel. Ceci peut être
très important étant donné que nous savons que souvent les
recommandations dans des rapports annuels perdent de leur vigueur, peuvent
perdre même de leur pertinence parce qu'elles sont trop
éloignées des circonstances qu'elles visent. Nous demandons
également et cela nous paraît extrêmement important
aussi que, dans ses pouvoirs, dans ses moyens d'enquête, la
commission ne soit pas restreinte aux matières visées par les
articles 11 à 17.
Nous faisons la distinction suivante. Nous disons que la commission doit
faire enquête quand les citoyens s'adressent à elle pour les
matières visées de 11 à 17, mais nous disons que, sur les
autres droits et libertés, sur tout droit et toute liberté, la
commission doit pouvoir, de son initiative, à certains moments, quand
elle aura considéré qu'il y a des besoins extrêmement
précis dans un secteur, que la commission devrait pouvoir faire
enquête de sa propre initiative et ne pas être restreinte au champs
des articles 11 à 17.
Voilà les principales recommandations de la ligue dans ce domaine
qui nous paraît le plus important. Les autres recommandations de la
ligue, les recommandations 15 à 54, visent à compléter la
charte à toutes sortes de secteurs dans la formulation de droits qui
sont absents de la charte, comme le droit à l'information, par exemple,
ou des dimensions qui ont été omises, dans le projet de loi, qui
ont été signalées, d'ailleurs, par plusieurs,
déjà. Nous pensons en particulier a l'article 11, à
l'âge et à l'état civil. Nous pensons également
on sait comment c'est important, un petit mot de ce genre qu'il
serait nécessaire d'ajouter à l'article 11, avant
rénumération des motifs de discrimination, le terme "notamment"
pour ne pas être restreint dans l'application et dans
l'interprétation qu'on fera de la loi aux motifs qui sont
énumérés là parce qu'on sait qu'il est difficile de
tout prévoir et, par ailleurs, nous ne voudrions pas fermer des portes
à d'autres possibilités, d'autres secteurs de droits qui
pourraient être limités par la formulation actuelle de
l'article.
Nous faisons évidemment des recommandations sur chacune des
sections de la charte sur les droits politiques, sur les droits judiciaires et
évidemment beaucoup au chapitre des droits économiques et
sociaux.
Les quatre recommandations finales de la ligue visent, si vous voulez,
deux types de lois que nous demandons à l'Etat de préparer parce
qu'elles nous paraissent des instruments nécessaires pour
compléter le projet de loi no 50, à savoir qu'il soit
établi, au Québec, un office de révision des lois, qui
complète le travail de l'Office de révision du code civil et de
la Commission de la réforme du droit, d'ailleurs, et nous demandons
également de considérer très sérieusement un projet
de loi sur les actions de groupe, mais ce qui est plus clairement entendu et
plus précisément par le terme "class action".
Les deux autres recommandations insistent pourque le gouvernement prenne
lesdispositions qui s'imposent afin que soit facilité, à la
commission, un travail de diffusion de la loi. C'est une loi qui doit
être affichée dans tous les lieux publics. Nous demandons qu'elle
soit distribuée par la commission, aussitôt qu'elle sera
entrée en vigueur, de façon gratuite, à tous les citoyens,
qu'elle soit disponible pour tous les citoyens du Québec, de
façon gratuite, comme cela a été le cas pour le
bail-type.
Nous demandons que des mesures soient prises pour qu'au plan du
ministère de l'Education, la charte soit apprise dans les
écoles.
C'est peut-être le moyen pour nos étudiants de se
sensibiliser à des dimensions positives, non pas simplement en termes de
droits de l'homme, mais aux dimensions positives des fonctions de la loi
lesquelles fonctions on a malheureusement trop l'habitude, chez nous, de
percevoir de façon trop négative, dans une perspective de
contrainte ou de contrôle, et dans une dimension qui est souvent
perçue comme répressive par des citoyens. On n'est pas
suffisamment sensibilisé, chez nous, aux fonctions positives de la loi.
J'y reviendrai en terminant.
Evidemment, nous demandons que le gouvernement donne à la
commission un budget fort. Nous retrouvons là le scheme classique de
toute loi, mais en particulier ici, puisqu'il s'agit d'une loi fondamentale il
devrait y avoir beaucoup de Québécois de rassemblés ici,
aujourd'hui et dans les jours qui viennent, pour s'intéresser et,
éventuellement, célébrer l'avènement d'une telle
loi. On n'est pas suffisamment conscient et ça démontre,
d'ailleurs, sa nécessité de l'importance de ce projet de
loi dans le développement d'une société comme la
nôtre.
Je terminerai en rappelant que, pour la ligue, si la charte est
importante, la création de la commission l'est autant. C'est le
schème auquel je faisais allusion tout à l'heure, l'importance
que prendra la charte dépend beaucoup de la vigueur de la future
commission, de ses moyens, de même que son action dépendra
beaucoup du budget qu'on mettra à sa disposition.
Pour nous, le projet de loi no 50 vise à établir au
Québec une institution de dignité, de liberté. C'est une
institution qui vise à créer dans notre société un
espace particulier de liberté, au sens le plus fondamental et le plus
digne de ce mot.
Dans cet espace de liberté, il sera important que les citoyens
non pas mesurent seulement ce qu'est le domaine des droits de l'homme, mais
mesurent en même temps l'importance de la loi. C'est d'ailleurs pourquoi
nous avons proposé que, dans le préambule de la loi, on indique
explicitement qu'une des fonctions de la loi c'est de faire que l'exercice des
droits de l'homme soit possible et soit
organisé de façon cohérente et dynamique dans une
société.
C'est pourquoi, pour nous, la création de la commission est aussi
importante que la promulgation même de la charte.
Le Président (M. Pilote): Excusez-moi, avant de
procéder aux questions, les membres seraient-ils d'accord pour que M.
Lapointe (Laurentides-Labelle) soit rapporteur de la commission? D'accord.
La parole est au ministre de la Justice.
M. Choquette: M. le Président, je voudrais tout d'abord
exprimer mes félicitations à M. Maurice Champagne, directeur
général de la Sûreté... de la Ligue des droits de
l'homme vous comprenez, j'ai une fonction un peu ambivalente, moi, comme
ministre de la Justice pour son exposé de ce matin. Je crois
qu'il a résumé d'une façon très rapide et
très succincte et aussi très éloquente le contenu du
mémoire de la ligue. A ce propos, je voudrais signaler que le
mémoire de la ligue sur cette loi est vraiment admirable et je tiens a
dire à la ligue et à ceux qui la représentent ici
aujourd'hui qu'il est manifeste que la ligue a mis dans la préparation
de ce mémoire un travail très considérable et très
intelligent de critique du projet de loi.
Il y a un point, en fait, qui a fait l'objet de discussions depuis q ue
le projet de loi a été déposé et c'est celui du
caractère transcendant du projet de loi ou de la loi future par rapport
à d'autres lois. Ce matin, M. Champagne nous disait et j'ai
constaté au mémoire de la Ligue des droits de l'homme qu'il
s'agissait des mêmes éléments qui furent repris ce matin
qu'on pourrait faire une distinction entre la législation
passée et la législation future quant au caractère
transcendant de la loi. Je crois comprendre, d'après cette distinction
que l'on fait entre le passé et le futur sur le plan législatif,
que l'on conçoit du côté de la ligue qu'il soit difficile
d'appliquer dès immédiatement, c'est-à-dire au moment de
l'adoption de la charte, ces principes à un ensemble législatif
très considérable qui est tout le droit qui est acquis à
l'heure actuelle, ne sachant surtout pas quels seraient les effets de
l'application de principes qui se trouvent contenus dans la charte et qui sont,
il faut l'avouer, pour un certain nombre, à un niveau d'abstraction
assez élevé puisque, dans une charte, il faut
nécessairement exprimer les droits et libertés dans une langue
claire, concise, précise. Mais, quand même, il faut se situer
à un degré d'abstraction très élevé par
rapport au niveau habituel de la législation.
Alors, la question que la ligue s'est posée, et d'ailleurs que le
gouvernement s'est posée, que je me suis posée quant au
caractère transcendant de la charte par rapport aux lois passées,
c'était: Quels seraient les effets, en fait, de l'application de ces
principes dans des situations particulières qui peuvent se trouver dans
toutes nos lois? On pourrait, par exemple, découvrir qu'une foule de nos
lois comportent des accrocs aux principes énoncés à la
charte, mais des accrocs que le législateur voulait. A ce point de vue,
je signale qu'une des caractéristi- ques de la législation
moderne par rapport aux principes législatifs qui pouvaient
prévaloir au 19e siècle, c'est justement de faire la distinction
entre les individus, entre les groupes d'individus suivant leur force
respective. Le législateur, aujourd'hui, dans la plupart de ses lois,
cherche à rétablir souvent, en fait, des inégalités
de droits: de telle sorte que le législateur est souvent lui-même
un agent de discrimination, si l'on veut, par rapport à un principe
d'égalité théorique.
On a dépassé, sur le plan législatif, le stade du
libéralisme laisser-faire du 19e siècle qui se
caractérisait par des énoncés très vastes de
principes qui visaient à conférer des droits purement et
simplement à des individus ou à des groupes et à les
laisser se débrouiller dans le poulailler où, souvent,
c'était le renard qui avait raison de la poule avec, évidemment,
les mêmes droits. Alors, toute la législation moderne tente
justement de remédier à ces inégalités de faits et
à rétablir ces inégalités. Alors, quand on applique
des principes théoriques et abstraits, tels que ceux qui sont contenus
à une charte au domaine législatif passé, on ne sait pas
quels seront les effets de ces principes, jusqu'à quel point les
intentions du législateur, qui comportaient des objectifs
spéciaux de rétablissement d'égalité dans les
faits, n'auront pas justement un effet inverse, c'est-à-dire, au fond,
de rétablir des inégalités dans les faits.
Je crois que la Ligue des droits de l'homme s'est parfaitement rendu
compte du dilemme dans lequel se trouve un législateur moderne,
lorsqu'il veut adopter une charte des droits de l'homme et qu'il veut se situer
dans une perspective sociale qui ne reconnaît pas seulement les
égalités et les droits sur le plan législatif, mais
reconnaît le besoin d'établir des égalités de
fait.
Mais ceci m'amène, en fait, comme préambule à la
question que je veux poser à la ligue. Puisque la ligue nous incite
à vouloir introduire dans le projet de loi plus de muscle, plus de
vigueur au point de vue de la transcendance de la charte par rapport aux lois
futures, je demande à M. Champagne de nous dire quel texte il
suggérerait pour, justement, assurer le caractère transcendant de
la charte par rapport à des lois à venir, tout en gardant en
mémoire ce que je lui ai exposé tout à l'heure dans mon
préambule, c'est-à-dire qu'il faut très bien admettre que,
dans l'avenir, il y aura et il faut qu'il y ait des exceptions aux principes
énoncés par la charte.
Justement, récemment, j'ai eu l'occasion, alors que nous
discutions en deuxième lecture du projet de loi qui concernait les
enfants victimes de mauvais traitements, de démontrer comment les
principes énoncés dans une charte peuvent être
contradictoires et, comme tels, peuvent représenter des
difficultés d'ajustement. En effet, dans la loi qui concernait les
enfants victimes de mauvais traitements, je pense qu'il est manifeste que le
gouvernement voulait, en fait, expliciter le principe qui se trouve à
l'article 36 de la charte, qui se lit comme suit: "Tout enfant adroit à
la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa
famille ou les personnes qui en tiennent lieu".
Ici, je signale que le principe qui est exprimé à cet
article pourra, pour certains qui ne sont pas avertis du développement
législatif du droit familial et du droit en matière de filiation
et de puissance paternelle, paraître facilement acquis, mais, en somme,
le principe qui est énoncé à l'article 36
représente toute une évolution législative sur plusieurs
siècles et donne, en fait, à l'enfant, des droits contre ses
parents, contre ses gardiens. Je crois que la loi concernant les enfants
victimes de mauvais traitements a son fondement de principe justement dans
l'article 36. Par contre, pour rendre opérant ce principe du droit de
l'enfant à la protection et à la sécurité que
doivent lui donner ses parents et ses gardiens, il faut faire des accrocs
à la charte, et un des accrocs, c'est justement à l'article 9 qui
traite du secret professionnel, parce que, dans la charte, à l'article
9, nous énonçons, comme un des principes fondamentaux, celui que
"chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne, tenue par
la loi au secret professionnel, ne peut, même en justice, divulguer les
renseignements confidentiels qui lui ont été
révélés en raison de son état ou profession,
à moins qu'elle n'y soit autorisée par celui qui lui a fait ces
confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit,
d'office, assurer le respect du secret professionnel".
Suivant le texte que je viens de lire, on constatera que le
législateur donne beaucoup d'importance au secret professionnel et en
fait même un droit fondamental pour tout citoyen. Or, lorsque vous
appliquez ce principe au domaine des enfants victimes de mauvais traitements,
force nous est de constater que, dans la plupart des cas, le constat de mauvais
traitements, le syndrome de mauvais traitements dont un enfant peut être
victime est constaté par des membres de la profession médicale.
Dans la loi concernant les enfants victimes de mauvais traitements, nous avons
fait une obligation au médecin, je ne dis pas de violer son secret
professionnel, parce qu'il y a quand même des distinctions à faire
entre les rapports du médecin avec les parents, les rapports du
médecin avec les enfants, mais quand même nous l'avons
obligé à écarter toute considération de secret
professionnel, parce qu'à ce moment-là le bien-être et
peut-être même la vie de l'enfant sont en jeu.
Par conséquent, dans cette loi, nous faisons primer
carrément l'article 36 de la charte, concernant la protection et la
sécurité de l'enfant, sur l'article 9 de la même loi quant
au secret professionnel.
C'est donc dire qu'il faut admettre que, de façon à
réaliser des objectifs sociaux souhaitables, il faut clairement
envisager dans l'avenir la possibilité de lois qui viendront en
contradiction avec certains des principes énoncés à la
charte. Je ne dis pas qu'il faille que toutes nos lois se trouvent en
contradiction avec cette législation; ce n'est sûrement pas
l'objectif visé.
Je demande à M. Champagne ceci: Comment verrait-il que le
législateur, confronté avec l'ensemble des problèmes que
j'ai expliqués, puisse en somme, faire en sorte que la charte puisse
acquérir un caractère transcendant, en laissant, par contre,
toute la latitude voulue au législateur d'apporter des modifications aux
principes, lorsque ces principes ne réussissent pas à atteindre
les objectifs sociaux voulus ou désirés?
M. Champagne: M. le ministre, en répondant à votre
question, vous me permettrez de faire un petit préambule. Nous
souhaiterions, dans la mesure où la ligue est très consciente des
difficultés que vous avez soulignées, que le législateur
soit conscient, à un même degré, des possibilités
d'introduire dans la législation des mécanismes qui permettront
de compenser le fait que cette loi ne soit pas, dans l'immédiat, une loi
fondamentale. Par conséquent, elle pourra recevoir les recommandations
qui sont faites par bien d'autres que nous sur ce sujet.
La réponse à votre question, je pourrais l'indiquer de
trois façons, au moins. D'abord, si on se réfère au texte
du mémoire, l'article qui est principalement visé, c'est
l'article 45 et la première partie du second alinéa qui dit que
la charte "ne doit pas, non plus, s'interpréter de manière
à augmenter, restreindre ou modifier la portée de toute
disposition de la loi".
On peut se référer à la page 29 du mémoire
de la ligue pour voir le texte que nous proposons, sous réserve, parce
que les textes que nous proposons peuvent être évidemment revus.
On sait que nous sommes dans une législation parmi les plus complexes.
Ce qu'il est important de voir dans les textes de la ligue, ce sont des
objectifs précis, des intentions précises sur des
mécanismes; le détail, si vous le voulez, du texte au point de
vue de la finesse législative, je pense qu'il pourrait évidemment
venir par la suite.
Mais nous considérons que nous avons dans ces textes l'essentiel
de ce qu'on devrait viser. Alors, nous proposons de remplacer cette partie de
l'article 45 en ajoutant à l'article 45 un alinéa dans le sens
suivant: "Toute loi du Québec, postérieure à la
présente charte, doit s'appliquer suivant la charte... Nous insistons
sur "s'appliquer", parce qu'il ne faudrait pas multiplier les termes
"interpréter" dans ce projet de loi, de telle sorte qu'on mette l'accent
sur une loi d'interprétation, même s'il y a des données du
projet de loi, entre autres à l'article 44, qui indiquent qu'on n'est
pas devant une loi d'interprétation. Il ne faudrait pas faire de ce
projet de loi une loi d'interprétation dans le sens où l'a
été surtout notre pauvre déclaration canadienne. C'est
pourquoi nous insistons sur la nécessité d'introduire le terme
"appliquer" à certains endroits.
Donc, "toute loi du Québec, postérieure à la
présente charte, doit s'appliquer suivant la charte, à moins
qu'une loi de l'Assemblée nationale du Québec ne déclare
expressément qu'elle entrera en vigueur nonobstant la charte des droits
et libertés de la personne du Québec et à la condition
qu'elle ait été soumise à un vote libre des trois quarts
de l'Assemblée nationale".
Il y a un mécanisme très rigoureux qui est prévu
là. On se dit cela a été, d'ailleurs, une des
affirmations du ministre de la Justice quand il a, dans la
journée des débats où la charte a été
présentée, dit très clairement que la charte devait
orienter la législation future.
Alors, il nous paraît qu'il faille prévoir là des
mécanismes rigoureux. Voilà une des modifications que nous
envisageons et des objectifs, surtout, sur lesquels nous mettons l'accent, un
mécanisme, et que l'Etat le dise, quand il ira à rencontre de la
charte. Nous reprenons là, d'ailleurs, en partie la formule de l'article
2 de la déclaration canadienne.
Nous proposons également c'est le texte de la
deuxième recommandation que, en ce qui concerne la
première partie du second alinéa de l'article 45 que j'ai
indiqué tantôt on dise ceci: Elle ne doit pas non plus
s'appliquer de manière à restreindre ou modifier la portée
d'une loi existant avant l'entrée en vigueur de la charte. Ce qu'il est
important de voir, c'est une loi existant avant l'entrée en vigueur de
la charte, une loi antérieure à la charte. Nous marquons
là la distinction entre une loi passée et une loi future.
Par ailleurs, il est important de savoir que, dans l'un des textes qui
n'a pas été rendu public nous l'avons signalé dans
le mémoire mais qui a circulé, qui était une des
études que l'Etat avait commandées, le projet
Scott-Crépeau, à l'article 88, il était prévu dans
ce projet que toute disposition d'une loi future, qui a pour effet de modifier
ou d'abroger une disposition de la présente loi, est inopérante
à moins que l'intention d'effectuer un tel changement n'y soit
expressément énoncée. C'est l'article 88 du projet
Scott-Crépeau, que le projet de l'Etat n'a pas reproduit.
Une troisième chose et là, il faut retourner
à notre loi à nous il faut savoir que, dès 1868, on
trouve le même principe en ce qui concerne ce qu'on pourrait appeler la
prééminence du code civil. L'article 10, nous le citons dans la
recommandation no 3 du chapitre 7 des Statuts du Québec 1868, dit: "Le
code civil du Bas-Canada et le code de procédure civile du Bas-Canada,
tel qu'imprimés avant l'union par l'imprimeur de la reine de la
ci-devant province du Canada, ont été et sont en force de loi
dans cette province et nul acte ou nulle disposition de la législation,
en aucune manière, n'aura force à rencontre de quelque article de
l'un ou l'autre desdits codes à moins qu'un tel article n'ait
été spécialement désigné dans tel acte." Il
y avait là, déjà, le principe qui signifiait que si des
lois voulaient aller à rencontre du code, au fond, elles devaient le
dire.
Ce sont les principaux éléments, je pense, d'une
réponse succintete que nous pouvons vous adresser là-dessus, M.
le ministre.
M. Choquette: M. Champagne, je vous remercie de vos explications.
J'attire seulement votre attention sur le fait qu'il y a dans le domaine deux
écoles de pensée sur le plan juridique. Il y a les tenants d'une
théorie à l'effet qu'un Parlement peut, dans une loi,
déterminer certaines conditions dans lesquelles des lois pourront ou ne
pour- ront pas être amendées par des lois à venir. Par
exemple, vous nous dites qu'un amendement ou une modification au principe de la
charte ne pourrait être acquis qu'avec les trois quarts des voix des
députés à la Chambre. Il y a une théorie à
l'effet qu'une telle mesure est acceptable sur le plan juridique parce que, en
fait, elle impose simplementdes modalités de modification au principe
qui se trouve dans la charte.
Il y a, par contre, une théorie qui est plus traditionnelle et
qui est plus courante, qui veut qu'on ne puisse pas apporter d'embarras
à la suprématie du Parlement. On sait que, dans notre droit
parlementaire, la suprématie du Parlement veut que ce soit un vote
simple qui assure l'adoption d'une loi ou d'une mesure et qu'un Parlement est
toujours libre d'adopter des lois contraires aux législations
passées. Par conséquent, il peut y avoir divergence sur cela.
M. Burns: Je veux tout simplement vous signaler que je pense,
sauf erreur, qu'on a déjà, dans notre système, au moins
deux cas où on demande un vote des deux tiers de l'Assemblée.
Je pense que c'est dans le cas de la nomination du Protecteur du citoyen
et de la nomination du Vérificateur général, sauf
erreur.
M. Choquette: Oui. Mais cela n'empêche pas... parce qu'il
s'agit de la nomination d'un officier public, il ne s'agit pas de de faire sa
nomination par la suite. Je crois que les deux théories se
soutiennent.
Maintenant, M. Champagne, vous avez attiré mon attention sur le
contenu de l'article 88 du projet Scott-Crépeau, qui n'est pas public,
n'est-ce pas, mais il est quasi public, à l'heure actuelle. Je voudrais
simplement vous dire que l'article 88 vise plutôt des amendements
à la charte elle-même et non pas des lois qui affecteraient des
principes contenus à la charte. Je vous demande de lire l'article 88,
à la lumière de ce que je viens de vous dire.
Je crois que si vous allez au projet Scott-Crépeau vous allez
voir une disposition qui est encore plus intéressante, à
l'article 46: "La jouissance et l'exercice des droits et libertés de la
personne ne sont soumis qu'aux conditions et restrictions établies par
la loi et nécessaires, dans une société
démocratique, afin de satisfaire aux exigences de la sûreté
de l'Etat, de l'ordre public, des bonnes moeurs, de la santé publique,
de promouvoir le bien-être général et d'assurer la
reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui."
Le contenu de cet article indique donc qu'on peut trouver des
dispositions législatives en contradiction avec le principes de la
charte, mais elles ne sont retenues par les tribunaux que dans la mesure
où elles satisfont à ces exigences, à savoir, être
nécessaires dans une société démocratique, afin de
satisfaire aux exigences de la sûreté de l'Etat, de l'ordre
public, des bonnes moeurs, de la santé publique, de promouvoir le
bien-être général et d'assurer la reconnaissance et le
respect des droits et libertés d'autrui.
De prime abord, cet article est intéressant. Mais, il n'y a pas
de doute que définir ce qui intéresse la santé publique,
l'ordre public, les bonnes moeurs, le bien-être général,
etc., ouvre la porte à toutes les modifications possibles aux principes
de la charte. Parce que je ne vois pas beaucoup de tribunaux qui diraient que
le Parlement s'est prononcé, à un moment donné, dans une
mesure législative qui serait contraire à l'une de ces
données visant l'ordre public, les bonnes moeurs, la santé
publique, etc.
Par conséquent, l'inconvénient de cet article,
malgré son intérêt superficiel, est peut-être qu'il
n'est pas assez précis et quil ne représenterait pas
véritablement une contrainte par rapport à la législation
future, relativement aux principes contenus dans la charte. Je dois dire que
cet article 46 de la déclaration des Nations Unies et a
été repris dans une charte, je pense, de la Communauté
européenne. On sait que des principes de cet ordre
énoncés, soit dans des déclarations internationales ou
multinationales, souvent, ne sont pas de la bonne législation. Ils sont
énoncés plutôt comme des principes politiques et non pas
nécessairement comme des principes législatifs.
Je ne dis pas que cet article n'a pas un certain intérêt,
mais je vous le signale parce qu'il m'a intéressé. Je ne le
rejette pas non plus complètement. Je pense qu'à l'analyse, nous
pourrons peut-être le retenir, je ne dis pas le contraire. Mais je vous
signale le pour et le contre, à ce sujet.
Maintenant, quant aux mécanismes de contrôle du
législateur, dans son action législative future, on peut en
situer à plusieurs niveaux. Il y a un contrôle politique qui se
fait. Je vous signale ceci: Nous avons la chance d'avoir une opposition
vigoureuse devant nous, à l'Assemblée nationale. Alors, advenant
que nous allions enfreindre les principes contenus à ce projet de loi no
50 dans des lois à venir, et d'une façon indue, je n'ai aucun
doute que le député de Maisonneuve, ici présent, va se
dépêcher de sortir la loi 50 afin de rappeler au gouvernement
qu'il est en train de contredire les principes et il va demander des
explications sérieuses.
A ce point de vue, nous rejoignons le contrôle parlementaire et
cette théorie de la suprématie du Parlement. C'est la raison pour
laquelle, j'ai présenté le projet de loi dans cette teneur, parce
que le contrôle politique doit quand même être gardé
en mémoire. Il est très important. Les gouvernements ne peuvent
pas tout faire, malgré le pouvoir qu'ils peuvent avoir. Ils sont quand
même sujets à la critique de l'opposition. Ils sont sujets
à la criti-quede l'opinion publique. Ils sont même sujets à
la critique de groupes comme le vôtre, pour qui les droits de l'homme
sont véritablement la raison d'être de votre organisme.
On peut aussi imaginer d'autres méthodes telles que des rapports
de la commission des droits de l'homme que nous allons créer par cette
charte, qui pourrait très bien, à un moment donné, faire
des rapports à l'Assemblée nationale disant: Vous avez enfreint,
ou vous êtes en contradiction avec les principes que vous énoncez.
Est-ce que vous en avez pris connaissance? Ou, comme dans la charte de
Diefenbaker de 1960, où c'est le ministre de la Justice qui doit se
faire un peu le critique de sa propre législation en attirant
l'attention du Parlement canadien sur des anomalies législatives par
rapport aux principes contenus dans la charte. Vous comprenez que c'est mettre
le ministre de la Justice dans une situation un peu délicate que de lui
demander souvent d'être celui qui propose les lois et de se faire celui
qui signale à l'Opposition ce en quoi ces lois sont divergentes par
rapport à des principes établis dans une loi antérieure.
C'est vraiment demander beaucoup. Je vous signale...
M. Burns: Du détachement.
M. Choquette: Beaucoup de détachement qu'il s'efforce
d'avoir, mais auquel il n'atteint pas toujours. Mais je vous signale tout cela
pour justement expliquer le contexte, les difficultés de rendre
transcendante une telle loi.
Cela ne veut pas dire que je ne vous remercie pas d'attirer notre
attention sur tous ces points; vous pouvez être assurés que nous
allons réfléchir très sérieusement à vos
propositions, ainsi qu'à d'autres qui ont été faites dans
ce domaine, et, dans la mesure du possible, tenter d'améliorer le projet
de loi.
Je ne veux pas monopoliser la période de discussion. Je crois que
nos collègues ont certainement d'autres points de vue à vous
signaler. Je vous dirais très sommairement, très
brièvement, que les commissaires qui sont nommés auront une
indépendance totale et absolue par rapport au gouvernement. D'abord, je
crois que le niveau auquel nous voulons nous situer au point de vue des
personnalités qui seront nommées membres de la commission des
droits de la personne est signalé par le fait que ces personnes devront
être proposées à l'Assemblée nationale par le
premier ministre. Leur nomination sera agréée par l'ensemble de
l'Assemblée et non pas par le conseil exécutif,
c'est-à-dire le lieutenant-gouverneur en conseil. La commission fera
rapport à l'Assemblée nationale directement tout comme le
Protecteur du citoyen. Alors, ces gens ne sont pas non plus membres de la
fonction publique. Je peux me tromper sur ce point, mais je crois qu'ils
n'appartiennent pas à la fonction publique. Ils ont une
indépendance absolue. Quant à leurs fonctionnaires, ils font
possiblement partie de la fonction publique. Ceci est pour leur donner des
garanties de pension, de bénéfices marginaux, leur donner les
avantages qu'offre la négociation des syndicats dans la fonction
publique. Je ne crois pas que cela entrave, de quelque façon, leur
indépendance.
Vous avez mentionné les enquêtes qui pourraient être
poursuivies par la commission. Vous avez signalé qu'en vertu du projet
de loi, les enquêtes de la commission sont limitées aux articles
11 à 17 qui traitent de la discrimination, ceci, parce que nous sommes
au chapitre de la discrimination et c'est le domaine où la fonction
d'enquête de la commission s'y prête le mieux. Les autres principes
peuvent faire l'objet de procès et d'actions devant
les tribunaux. Je rappelle ce propos. La charte ou le projet du moins,
à ce point de vue, est vigoureuse quant aux droits qu'elle accorde aux
citoyens sur le plan des tribunaux; car tous les principes contenus dans le
projet de loi peuvent faire l'objet d'actions en dommages, d'injonctions et,
comme vous l'avez souligné dans votre mémoire, de l'octroi, par
les tribunaux, de dommages exemplaires au cas de violation des principes ou des
droits et libertés conférés à la charte. Je signale
ici que c'est la première fois que nous introduisons au Québec la
notion de dommages exemplaires. Les dommages exemplaires n'existent pas dans le
droit québécois actuel. Il y a les dommages moraux, mais c'est
autre chose que les dommages exemplaires. Ici, le législateur,
étant donné l'importance du respect des droits et libertés
consacrés par la charte, donne au tribunal le droit d'accorder des
dommages exemplaires au cas de violation. Alors, c'est quand même, je
crois, donner beaucoup d'efficacité aux principes qui y sont
contenus.
Je vais examiner avec un vif intérêt les droits et les
améliorations quant au contenu même des lois. Vous n'en avez pas
discuté dans le détail, ce matin, et je conçois facilement
que vous ne pouviez pas le faire à cause du temps qui était mis
à votre disposition. Mais ces principes qui sont énoncés
comme des libertés et des droits fondamentaux sont perfectibles, sont
améliorables et nous allons prendre connaissance de vos observations
à ce sujet.
Vous avez signalé l'intérêt non pas d'un Office de
révision du code civil, parce que cela fait quand même 25 ans
qu'il existe et on a hâte qu'il accouche d'un nouveau code civil, mais
d'une commission de réforme des lois. Je puis vous dire que ce sera une
des propositions qui seront contenues dans le livre blanc sur l'administration
de la justice. C'est une chose que le Québec doit avoir et je crois que
cela permettra de garder quand même nos lois à jour. C'est une
mesure qui devrait venir dans un avenir assez rapproché.
A part cela, vous avez signalé d'autres modifications
législatives, soit au code de procédure civile ou d'autres
modifications aux pratiques et au curriculum du ministère de
l'Education. Je note vos suggestions avec intérêt. Je vous
remercie.
Le Président (M. Pilote): M. Champagne.
M. Champagne: Rapidement, quelques commentaires pour
répondre à ce que M. le ministre vient de signaler. En relation,
d'abord, avec le projet Scott-Crépeau, je dois dire qu'au sujet de
l'article que le ministre nous a indiqué, on peut dire que l'esprit de
cet article se retrouve dans le projet de loi no 50. Il se retrouve contenu
notamment dans la restriction même de l'article 45 et sous d'autres
modalités. J'entends le fond, l'esprit de cet article.
D'autre part, il y a diverses interprétations concernant
l'article 88. Beaucoup de juristes pensent que l'article 88, tel que
proposé dans le projet Scott-Crépeau, étant donné
qu'il parle de dérogation à la loi, touche autant, non pas
nécessairement la loi comme telle, que des modifications à des
lois ou des propositions de loi qui iraient à l'encontre de la loi.
D'autre part, il faut se rendre compte que l'article 88 de ce même
projet faisait lui-même référence à l'article que
j'ai cité dans la loi québécoise, qui parlait de la
prééminence du code. Quant aux théories auxquelles on fait
allusion, inutile de vous dire que nous en choisissons une et non pas l'autre.
D'autre part, également, outre la théorie, il y a aussi la
jurisprudence. Sur ce plan, je pense que, même si la jurisprudence n'est
pas très éloquente au niveau de la déclaration canadienne,
il reste qu'il y a une jurisprudence de créée en relation avec
les mécanismes de prévus au niveau de la déclaration
canadienne là-dessus.
Mais là où je voudrais insister surtout et je pense
que la ligue est très ferme là-dessus c'est qu'encore une
fois, dans la mesure où nous sommes prêts à
reconnaître que c'est très difficile, pour toutes sortes de
raisons, de décréter aujourd'hui une loi fondamentale, à
causede l'inventairedesloisqui s'impose, surtout à cause de tout ce que
cela pourrait présenter de situations brusques et énormes dans
les changements dans la situation, devant les tribunaux en particulier, nous
disons qu'il est important que le législateur je suis bien
heureux d'apprendre ce que vous nous avez dit, concernant la création de
l'Office de révision des lois, il est sûr que cela va être
un mécanisme qui va améliorer la situation mais, dans la
mesure où cela existe, nous disons qu'il est essentiel que la commission
jouisse elle-même de libertés fondamentales, qu'elle ait une
certaine marge de manoeuvre dans le sens où nous le préconisons
dans les recommandations 1 à 14.
Quant aux remarques que vous indiquiez tantôt sur l'opposition,
sur la situation politique, nous préférons, je vous l'avoue,
voirdes mécanismes inscrits dans la loi. Dans la mesure où le
législateur, déjà, a indiqué qu'il nous
présentait une loi bien particulière, si, entre autres, on a fait
que cette commission dépende de l'Assemblée nationale, qu'on
doive procéder par un vote des deux tiers pour nommer les commissaires,
etc., et bien d'autres mesures qui sont dans la loi, c'est parce qu'on lui
accorde une importance particulière. Il est important de rappeler ici
que, face au domaine des droits de l'homme, s'il y a quelqu'un qui doit donner
l'exemple, c'est bien l'Etat.
Il va de soi que l'Etat se lie, d'une certaine façon, et qu'il
soit bien marqué qu'à un moment donné, dans telle
atmosphère, dans telle situation politique, si on veut aller à
l'encontre de la charte, qu'on l'indique, et que la population s'en rende
compte, à ce moment-là.
Dans les mécanismes que nous proposons, au niveau de l'extension
des pouvoirs d'enquête de la commission, encore une fois, je pense qu'il
est important de se rendre compte de la distinction que nous introduisons. Nous
disons: Elle peut, nous ne disons pas: La commission doit faire enquête
sur toute chose. Mais on comprendrait mal que la commission n'ait pas la
possibilité, à un moment donné, de faire des
enquêtes dans d'autres domaines et, encore une fois, compte tenu de la
définition, très complexe, de la discrimination et de la
définition même, d'ailleurs, que le projet de loi donne de la
discrimination, qui rejoint un peu ce que nous soulignons dans la
première partie de notre mémoire.
C'est pourquoi je pense qu'on n'insistera jamais trop pour qu'on se
rende compte que la ligue est très ferme dans ses recommandations de 1
à 14. Encore une fois, nous ne disons pas que ce sont des textes qu'il
faut prendre à la lettre, mais nous disons qu'il y a là des
objectifs, des intentions extrêmement claires, sur des mesures
particulières que le pouvoir politique doit prendre pour lui-même
respecter de façon fondamentale ce domaine particulier qui est celui des
droits de l'homme, autant vis-à-vis du gouvernement que vis-à-vis
de tous les citoyens. C'est pourquoi, M. le ministre, nous insistons pour que,
vraiment, vous considériez ces recommandations d'une façon
très précise, que nous ne sommes pas, d'ailleurs, je pense que
vous aurez l'occasion de vous en rendre compte, les seuls à faire.
Encore une fois, c'est aussi important pour tous les juristes que nous
avons rencontrés, pour les travaux que nous avons menés, par
exemple, avec le Barreau, là-dessus, que ce l'est pour la ligue.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Maisonneuve.
M. Burns: M. le Président, je veux, également, au
nom de l'Opposition, remercier la ligue pour son excellent mémoire. Il
est, de toute évidence, très fouillé, très complet
et basé sur une expérience qui vous vient sans doute des
années antérieures de pratique, si on peut dire, dans le domaine
des libertés civiles et des droits fondamentaux.
Je trouve particulièrement intéressantes vos
recommandations, justement, sur ce dont vous venez de traiter avec le ministre
et je me bornerai simplement à vous énoncer le plaisir que j'ai
eu à lire vos recommandations et vos remarques sur le caractère
non fondamental de la loi et aussi sur l'extension des pouvoirs que vous
voudriez voir accorder à la commission.
J'exprime immédiatement le voeu que la commission de la justice,
lorsqu'elle se réunira à nouveau pour étudier le projet de
loi, article par article, éventuellement, puisse s'en inspirer, et je
suis très heureux d'entendre le ministre dire qu'il ne ferme pas les
portes sur ce débat, parce que je pense qu'il est assez important que
l'on tienne compte de l'importance des recommandations de la ligue
là-dessus.
J'aimerais simplement, sur ce deuxième point, sur le point de
l'extension des pouvoirs de la commission, vous poser une question, M.
Champagne. On voit, dans votre recommandation no 12, a la page 31 de votre
mémoire, que vous suggérez que la commission puisse, en tout
temps, remettre au président de l'Assemblée nationale, qui les
dépose à l'Assemblée nationale, des rapports
spéciaux, sur des questions particulières qui appellent, selon la
commission, des interventions urgentes. Votre suggestion continue en disant:
"Dans les périodes où l'Assemblée nationale ne
siège pas, la commission peut rendre publics de tels rapports, par
d'autres voies." J'imagine que vous pensez aux voies telles que
conférences de presse, rapports rendus pu- blics, en tout cas quelque
méthode que ce soit. Avez-vous envisagé autre chose que cela ou
si c'est, je pense, ce à quoi vous songiez?
M. Champagne: Oui, on imagine que la commission devrait
être en mesure de pouvoir produire des rapports sur des questions
fondamentales qui peuvent surgir, à un moment donné de crise,
dans notre société, et qui appellent une intervention
spécifique au niveau des droits de l'homme. Je pourrais vous donner
l'exemple, actuellement, de la crise vécue, dans le domaine de la
jeunesse, des institutions. Il y a une dimension fondamentale dans cette crise,
qui est une dimension de droit, à la base de laquelle il y a la
nécessité de concilier, dans cette société, les
processus d'intervention sociale et d'intervention judiciaire.
Bon! Voilà une circonstance où un avis, un rapport
étoffé d'une commission, comme une Commission des droits de
l'homme, qui devrait s'attirer la crédibilité et le respect qui
devraient être dévolus à une telle institution, pourrait
produire avantageusement. On ne pense pas qu'il s'agisse d'interventions qui
vont se multiplier et voir la commission dans la presse tous les jours, mais on
pense que, dans certaines circonstances, la commission, je pense, dans la
mesure où elle aura cette crédibilité, où elle sera
constituée de façon très forte, pourra discerner les
secteurs et les moments d'intervention cruciaux qui le requerront.
M. Burns: Je suis entièrement d'accord avec vous sur le
pouvoir que la commission devrait avoir. Ce sur quoi je me pose des questions
et c'est ce sur quoi j'aimerais vous entendre nous éclairer
c'est le fait de pouvoir, par d'autres voies que l'Assemblée
nationale, rendre publiques, même dans des situations urgentes, les
positions de la commission. La raison pour laquelle je me pose cette question,
et je ne suis pas naif, je sais fort bien que si la commission fait son devoir,
comme on espère bien qu'elle le fera, elle ne sera pas toujours en
accord avec certaines positions politiques gouvernementales à
l'égard des droits de l'homme, de sorte que je ne m'attends pas, et
c'est ce que je veux dire, naïvement à ce que la future Commission
des droits de l'homme soit toujours en accord avec les positions, même
politiques du gouvernement.
D'autre part, je me demande si le fait de permettre de les rendre
publiques, par d'autres voies que la voie normale, c'est-à-dire celle
qui l'a nommée, l'Assemblée nationale, n'installerait pas la
commission dans une espèce de situation conflictuelle exceptionnelle
à l'endroit du Parlement ou encore du gouvernement. Je me demande si
vous vous êtes penchés sur ce...
M. Champagne: Oui.
M. Burns:... point de vue. Parce que là, la ligue agit
je m'excuse de toujours me référer à la ligue
la commission, dans cette hypothèse, agit un peu comme un
antagoniste si la situation, à toutes fins pratiques, est à
saveur politique. Comme elle ne
procède pas par la voie normale de sa création,
c'est-à-dire l'Assemblée nationale, je craindrais que cet
antagonisme j'aimerais que vous nous rassuriez là-dessus
risque de donner à la ligue un caractère, évidemment,
qu'elle ne doit pas avoir; elle doit avoir cette espèce
d'indépendance supérieure, si vous me passez l'expression, cette
espèce de neutralité au-dessus de la bataille si elle veut
être efficace.
M. Champagne: Là-dessus, deux choses rapidement: Je pense
d'abord qu'on pourrait se référer par analogie aux pouvoirs
qu'ont, dans ce sens, les conseils consultatifs ou des institutions comme le
Conseil supérieur de l'éducation. Vous savez que certains
conseils doivent passer par le ministre pour émettre des avis publics
sur des questions fondamentales; d'autres peuvent le faire en toute
liberté et rendre des avis publics même si ces avis vont à
rencontre du ministre ou du ministère auquel est attaché ce
conseil. Donc, cela existe, si vous voulez, dans notre législation
actuellement et on peut dire qu'en certaines circonstances cela a rend u de
grands services qu'un conseil consultatif, à un moment donné,
qu'on sait travailler dans une perspective sérieuse, soit
dépourvu souvent de partisanerie de quelque ordre que ce soit. Le
service que cela peut rendre à une population d'avoir un avis de ce
groupe sur une question fondamentale, c'est ce qui est important pour nous au
plan du principe.
Deuxièmement, je pense que, encore une fois, nous visons
là un objectif; nous disons: C'est une chose qui devrait être
possible, la commission va devoir adopter de la réglementation; il
serait possible d'assortir cette utilisation de rapports autres que le rapport
annuel de certaines mesures au niveau de la réglementation ou même
dans la loi, si vous voulez. Nous proposons une chose à faire qui nous
paraît extrêmement importante, il est possible peut-être de
l'entourer de certaines modalités d'application.
M. Burns: Remarquez que si je pose cette question, ce n'est pas
sur le fait que je ne crois pas que la commission doive avoir le pouvoir de
faire d'autres rapports que les rapports annuels. Au contraire, je pense que
c'est une recommandation très intelligente et j'espère qu'on la
retiendra ou, du moins, on retiendra l'idée qu'il y a derrière
cela.
Quant à l'autre point que vous soulevez à votre
recommandation no 9, relativement à l'exclusion, à toutes fins
pratiques, des commissaires, des officiers et des employés de la
commission, de la Loi de la fonction publique, je me demande si la ligue s'est
penchée sur la nature des relations ouvrières que pourrait
avoir... Je pense qu'il n'y aurait pas de querelle sur les commissaires
eux-mêmes et sur les officiers supérieurs. Même là,
il peut peut-être y avoir un problème. Mais je pense plutôt
aux employés, ceux qui ont le caractère de salariés au
sens de la Loi de la fonction publique ou encore du code du travail. Quel type
de relations ouvrières envisagez-vous? Deuxièmement, ne
croyez-vous pas que le fait de ne pas inclure les employés de la
commission dans la fonction publique ne pourrait pas, à un certain
moment, créer des situations conflictuelles particulières...
M. Champagne: Oui.
M. Burns:... pour la commission? C'est-à-dire que... Je
pense à un exemple qu'on a vécu il n'y a pas tellement de temps,
avec un organisme qui est parapublic, mais qui n'est pas régi par la Loi
de la fonction publique, qui, à un certain moment, a été
affecté par un arrêt de travail, et où les choses qui
étaient en litige étaient, d'une part, le désir des
employés intéressés de se normaliser par rapport à
la fonction publique, et, d'autre part, de créer, jusqu'à un
certain point, des "patterns", si vous me passez l'expression, en
négociation que la négociation de la fonction publique
n'acceptait pas ou n'avait pas encore ratifiés.
Ne croyez-vous pas qu'il puisse y avoir, dans le concret, des situations
conflictuelles comme celle-là qui pourraient survenir?
M. Champagne: Ecoutez! La première chose, d'abord, cette
disposition existe dans le cas du Protecteur du citoyen. La recommandation que
nous faisons là, c'est une recommandation qui reproduit textuellement la
législation. Dans le cas du Protecteur du citoyen, la Loi de la fonction
publique ne s'applique pas aux commissaires non plus qu'aux autres officiers et
employés de la commission. Cela touche... C'est la même chose dans
le cas du Protecteur du citoyen.
Nous disons: Si on a prévu cela dans le cas du Protecteur du
citoyen on comprend pourquoi comment doit-on le prévoir
encore autant, sinon davantage, pour la commission? De façon
concrète, la raison principale que nous invoquons, c'est toujours la
même chose. Nous disons: Cette institution doit se voir assurer la plus
grande indépendance, la plus grande autonomie possible, et on peut se
référer à des événements que nous avons
vécus au Québec. Encore là, je pense qu'on peut se
rapporter à l'expérience que nous avons vécue
là-dessus et aux examens que nous avons faits dans tous les
événements se rapportant à la crise qui s'est
déroulée dans le contexte de la grève dans la fonction
publique il y a quelques années au Québec. C'est tout
récent.
Mais on imagine mal que la Commission des droits de l'homme, dans une
circonstance comme celle-là, pourrait être appelée à
faire une intervention, parce qu'il y a des droits en cause, n'est-ce pas? Cela
s'est posé comme cela sur la place publique. On imagine mal qu'une
commission dont une partie du personnel serait partie au conflit puisse
intervenir. Je pense qu'on pourrait multiplier les exemples dans ce contexte,
malheureusement. C'est pourquoi il nous paraît essentiel d'assurer cette
indépendance à la commission, à tous égards.
M. Burns: Par exemple, vous verriez, dans le cadre de la
dernière négociation du front commun, alors qu'on
réclamait... Une des réclamations litigieuses de la part des
parties syndicales était le minimum de $100 par semaine. Votre vue
serait
que la commission aurait pu, dans un cas comme celui-là, avec les
pouvoirs que vous lui voyez à cette commission, intervenir à
l'endroit du minimum décent, par exemple, et ainsi être en
position de conflit d'intérêts eu égard à ses
propres employés. C'est ce que j'imagine que vous croyez?
M. Champagne: Je pense que Me Desmarais pourrait compléter
là-dessus.
M. Desmarais (Jacques): L'article 43 du projet de loi 50: "Tous
doivent recevoir un traitement ou un salaire égal pour un travail
égal" combiné avec les dispositions de l'article 42, aurait pu
permettre à la commission de se lancer dans un avis sur la demande de
ces employés qui aurait créé d'autres problèmes
beaucoup plus considérables que ceux que vous soulevez, ce qui ne
signifie pas que les relations de travail avec les employés de la
commission non soumises à la Loi de la fonction publique
n'entraîneront pas, à certaines occasions, des conflits. Sauf que
le type de conflit qui serait entraîné par leurs suggestions
à la Loi de la fonction publique est un type de conflit que la ligue
préfère ne pas voir, plutôt que l'autre type de conflit.
C'est un choix.
M. Burns: Qui verriez-vous assumer la gérance des
relations ouvrières pour la commission?
M. Desmarais: La commission elle-même. M. Burns: La
commission elle-même?
M. Desmarais: Oui. Même assujettie à la Loi de la
fonction publique, c'est la commission qui va avoir le droit de gérance
auprès de ces employés, qui va interpréter la convention
collective, s'il en est une. S'ils sont assujettis à la Loi de la
fonction publique, ils vont être assujettis à la convention
générale négociée par le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux, dans le cas des fonctionnaires, des ouvriers, s'il
y a des ouvriers, et des professionnels s'il y a des professionnels...
M. Burns: Bon, bon. Merci. A la page 33 de votre mémoire,
on voit la recommandation 22 qui se lit comme suit: "Toute personne a droit
à ce que soit préservée la qualité du milieu et
à l'équilibre écologique entre l'être humain et le
milieu". Est-ce que, à votre connaissance, M. Champagne, il y a, de par
votre expérience et vos recherches dans ce domaine-là, des
déclarations de droit en quelque part, qui reconnaissent ce type de
droit ou ce principe, si vous voulez?
M. Champagne: Je pourrais demander à Aline Gobeil, qui est
recherchiste et qui a largement travaillé dans ce secteur, de
répondre.
Mme Gobeil (Aline): Dans certains cas, effectivement, on est
allé plus loin que la reconnaissance du principe du droit du public
à l'environnement. Certains Etats sont allés jusqu'à
s'imposer des règles quand même assez sévères. Par
exemple, aux
Etats-Unis, le National Environmental Protection Act, qui est une loi
fédérale de 1969, impose à l'administration politique
fédérale de procéder à l'évaluation de
l'impact de ses décisions, sur la qualité de l'environnement,
avant de prendre telle décision. Cette loi-là donne lieu à
une jurisprudence très abondante aux Etats-Unis.
De même, au Manitoba, il y a une loi des statuts de 1971 qui
impose à la ville de Winnipeg, qui forme une communauté urbaine
un peu similaire à celle qu'on connaît à Montréal,
ce même type d'évaluation de ses décisions sur l'impact de
l'environnement avant de pouvoir prendre telle décision.
Plusieurs états américains ont également des lois
très élaborées dans ce domaine-là. On peut signaler
notamment l'état du Wisconsin, et il y en a d'autres.
M. Burns: Dans les cas que vous nous citez, ce ne sont pas des
déclarations de droit ou des chartes de droit. Ce sont des lois qui
contiennent ces dispositions-là. Ce sont des lois spécifiques,
j'imagine?
Mme Gobeil: C'est ce qu'on peut appeler des lois-cadres ou lois
spécifiques. Il faudrait voir dans chacun des cas. Je pense qu'il y a
quand même une reconnaissance plus qu'implicite du droit du public
à l'environnement, puisque non seulement on reconnaît ce droit,
mais que l'Etat s'impose également des obligations pour
reconnaître ce droit.
M. Champagne: Et on comprend que si les exemples que nous
apportons se situent dans le cadre de législations particulières,
c'est qu'en fait, les législations-cadres ou les constitutions, au fond,
ne le prévoyaient pas.
Justement, si on se réfère au texte du ministre qui
disait: Voilà pourquoi il est important de légiférer dans
le domaine des droits de l'homme, il y a des réalités nouvelles,
etc., je pense que deux réalités fondamentales, qui sont assez
nouvelles et qui appellent un type de protection nouveau, spécial dans
le domaine des droits de l'homme, ce sont justement les problèmes dans
le contexte de l'environnement et de la protection de la vie privée.
C'est pour cela que les exemples qu'on peut prendre touchent des lois
particulières. Dans notre cas, compte tenu de ce que nous visons dans la
charte et compte tenu, surtout, des autres droits qui sont déjà
affirmés, des droits qui sont aussi importants on ne peut pas
dire qu'un droit est plus important qu'un autre compte tenu de
rénumération que nous avons là, encore une fois, de la
logique qui a été choisie par l'Etat, on dit qu'il faudrait
absolument qu'il y ait encore une fois, ce n'est pas la lettre de
l'article qui est importante pour nous l'affirmation d'un principe
fondamental sur le droit à l'environnement.
M. Burns: Bon. Une autre question, M. Champagne. Je vois,
à la page 12, entre autres, de votre mémoire, une espèce
d'énumération de ce que vous appelez les minorités, en
fait. Vous ajoutez, aux concepts généralement reconnus de
minorités, des
gens ou des groupes comme les familles d'assistés sociaux, les
familles monoparentales, les détenus, les ex-détenus, etc.
Je vois également, à la page 34 de votre mémoire,
au paragraphe e) de la résolution 27, que vous en fait; je n'ai
pas compris que c'était une de vos recommandations teniez compte
de demandes qui étaient faites de reconnaître une formule
quelconque pour protéger, à toutes fins pratiques, les droits des
homosexuels. Pourtant, je ne vois pas, dans l'énumération que
vous faites des minorités, les homosexuels. Dans l'esprit de la ligne,
est-ce que les homosexuels sont des minorités au même titre que
les autres que vous citez, par exemple?
M. Champagne: Ils y sont ailleurs. Nous avons, dans les premiers
exemples que nous avons indiqués, au niveau de la définition de
la discrimination du développement je n'ai pas la page exacte en
tête, à la page 11 ou dans une des pages du mémoire, je
pense qu'on pourra la retrouver cité le cas des homosexuels,
notamment, comme cas type de discrimination dans notre milieu. La
recommandation que nous faisons là-dessus, à la page 34, est, je
pense, très claire. Nous disons, encore une fois, que le terme
d'orientation sexuelle, à partir de nos études, à partir
de nos moyens, ne nous paraissait peut-être pas nécessairement
être celui qui convient. Il faut voir si c'est le meilleur terme.
M. Burns: II est utilisé ailleurs. Aux endroits où
cela existe, c'est celui qui est utilisé, je crois.
M. Champagne: Oui, mais eu égard aux différents
types de lois, n'est-ce pas? Les avis que nous avons eus là-dessus sont
partagés sur le meilleur terme à choisir. C'est pourquoi notre
position est claire là-dessus. Nous demandons que la question soit
considérée par le législateur en vue de choisir le terme
le plus approprié pour signifier, sans équivoque possible dans
l'interprétation et l'implication de la charte, que les homosexuels
seront une minorité protégée par la charte.
Nous ne sommes pas en mesure, eu égard à cet aspect
particulier du dossier, de dire que c'est ce terme, comme nous le faisons dans
d'autres cas... Les termes que nous proposons ne sont pas nécessairement
des termes définitifs. Ce qui est important, ce qui est fondamental
c'est que la question soit considérée et qu'il ne fasse pas de
doute, du point de vue de l'interprétation, de l'application de la
charte, que les homosexuels vont être protégés par la
charte. Parce que s'il y a des gens qui sont, dans toutes sortes de
circonstances mais en particulier dans le monde du travail et dans
l'accès des lieux publics victimes de discrimination tellement
grosse, ce sont bien les homosexuels.
C'est d'autant plus important qu'ils soient nettement
protégés par la charte que je pense qu'ils constituent dans le
domaine je dirais sans utiliser cette situation une
réalité type pour amener les êtres humains à
être justes et à respecter les droits de l'homme entre eux.
M. Burns: Je vous remercie.
M. Desmarais: Est-ce que vous me permettez, M. Burns?
M. Burns: Oui, sûrement.
M. Desmarais: Habituellement, dans les lois auxquelles vous vous
référez, le terme "orientation sexuelle" est défini
très clairement. Mais, étant donné que la charte ne
prévoyait pas de définition, si on emploie le terme "orientation
sexuelle" sans le définir très strictement, nous croyons que ce
serait une erreur. Si vous voulez l'employer, il faudrait le définir
bien précisément.
M. Burns: D'accord. Dernière question, M. Champagne,
relativement à votre recommandation 37, où vous traitez des
partis politiques; toute cette section traite des droits politiques, mais
surtout de l'aspect des partis politiques. Entre autres, je cite la fin de
votre recommandation 37: "Leur organisation intérieure je parle
des partis politiques doit être conforme aux principes
démocratiques. Ils doivent rendre compte publiquement de l'origine de
leurs ressources."
Tout le monde sait que le premier ministre du Québec a
annoncé, pour très bientôt, un projet de loi qui serait
déposé à l'Assemblée nationale, qui serait sans
doute confié à nouveau au sous-comité ad hoc de
l'Assemblée nationale qui a été formé pour examiner
la réforme électorale et les problèmes de financement des
partis politiques, entre autres. Est-ce que, dans cette optique qu'une loi
particulière traite de ce problème, vous continueriez à
insister pour que ce soit inscrit dans une charte des droits?
M. Champagne: Raison de plus. Il faut rappeler qu'une des
fonctions de la charte je pense que le ministre l'a indiqué
à différentes reprises dans ses interventions publiques sur le
projet de loi est de contenir les grandes normes, les grands principes
de la législation. Il est d'autant plus important de l'inscrire dans la
charte, ce principe, que l'on prévoit déjà une loi
particulière.
Par ailleurs, voilà un article où, après beaucoup
de recherches, nous nous sommes arrêtés sur une formulation qui
est déjà contenue dans une des législations, je pense, les
plus intéressantes que nous ayons en matière des droits de
l'homme. C'est une législation moderne, celle que l'Allemagne s'est
donnée, en 1949, la loi fondamentale de l'Allemagne. On trouve dans la
loi fondamentale de l'Allemagne cet article, qui nous paraît, à
nous, essentiel dans les droits politiques, eu égard à tous les
éléments qui sont dans ce texte sur la démocratie au sein
des partis, sur la fonction fondamentale des partis politiques dans une
société, et la nécessité de rendre publique
l'origine de leurs ressources.
M. Burns: Dernière brève question, M. le
Président. Je vois également à la recommandation suivante
que vous suggérez que l'article 20, concernant le huis clos devant les
tribunaux, soit modifié,
en enlevant tout simplement, pour décréter le huis clos,
la raison qui se relie aux parties ou aux témoins. Si je comprends bien
le sens de votre suggestion, c'est cela que vous suggérez à la
recommandation 38.
Est-ce que vous pouvez, pour la commission, préciserce point?
Pourquelle raison suggérez-vous que les parties et les témoins ne
puissent pas être un motif pour décréter le huis clos?
Actuellement, le deuxième alinéa de l'article 20 du projet de loi
no 50 se lit comme suit: "Le tribunal peut ordonner le huis clos dans
l'intérêt de la morale, de l'ordre public des parties ou des
témoins." Vous avez fait sauter "des parties ou des témoins".
J'aimerais, si possible, que vous nous donniez votre point de vue de
façon un peu plus élaborée là-dessus.
M. Desmarais: L'article 13 du code de procédure civile
actuel dit que "les audiences des tribunaux sont publiques où qu'elles
soient tenues. Toutefois, le tribunal peut ordonner le huis clos s'il l'estime
nécessaire dans l'intérêt de la morale ou de l'ordre
public." Il continue: dans l'intérêt des enfants, mais
précise une situation particulière.
On pense qu'ajouter l'intérêt des parties et des
témoins, c'est renverser l'exception et en faire la règle
générale. A tout moment, tout témoin et toute partie
pourra demander le huis clos, parce qu'elle prétendra que c'est son
intérêt à elle que ce soit le huis clos plutôt que la
règle générale de la publicité de l'administration
de la justice.
On pense que c'est ouvrir une porte un peu trop grandement pour
permettre à des tribunaux, parce que là, l'intérêt
des témoins et des parties... Quel genre d'intérêt? Cela
peut toujours être dans un intérêt quelconque des
témoins et des parties que le procès ne soit pas public. Nous
préférons les règles habituelles ou la notion
d'intérêt public et moral est laissée à
l'appréciation du tribunal, parce qu'il ne faut pas oublier que c'est
l'exception, le huis-clos. La règle que nous préconisons et qui
est traditionnelle, c'est la publicité de l'administration de la
justice. Or, ajouter la notion qui semble restreindre l'intérêt
des témoins et des parties, c'est permettre une trop grande extension
à la notion du huis clos qui va faire un échec complet à
la tradition de la publicité, que nous voulons maintenir,
d'ailleurs.
M. Champagne: Même dans le domaine de
l'intérêt des enfants, on sait qu'il y a encore là beaucoup
de théories, surtout si on regarde l'expérience vécue chez
nous, beaucoup de gens pensent que le huis clos à la cour du Bien-Etre
ne favorise pas nécessairement l'intérêt des enfants.
D'ailleurs on sait que la Loi des jeunes délinquants prévoit
justement des comités de citoyens, dont la ligue a demandé la
formation il y a quelque temps, pour assister à toutes les
activités de la cour. Alors il y a déjà, au niveau de la
législation fédérale, si vous voulez, dans le cadre de la
Loi des jeunes délinquants, une distinction par rapport au code de
procédure. Bien sûr, on peut faire la distinction entre enfants et
adolescents, mais vous savez, dans les cas pratiques, à ce niveau, elle
est concrètement très difficile à établir. En
raison de cela, on se dit qu'il vaudrait mieux laisser l'article comme nous le
proposons.
M. Burns: M. le Président, je remercie, encore une fois,
la ligue pour son excellent mémoire. En ce qui me concerne, ce sont les
questions que j'avais à poser.
M. Choquette: Sur la dernière question posée par le
député de Maisonneuve et à laquelle M. Desmarais et M.
Champagne ont répondu, qu'est-ce que vous faites des commissions
d'enquête dans le domaine du crime organisé ou de la commission
d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans la
construction? On sait qu'il y a de nombreux témoins qui comparaissent
à huis clos et ceci, dans certains cas, est pour leur propre protection.
Si les commissions n'étaient pas en mesure d'assurer le huis clos, les
commissions pourraient se voir empêcher d'aller au fond des choses. Je
vous souligne qu'il n'y a pas seulement l'impératif de la
publicité qu'il faut donner au procès. Je me rallie
entièrement au principe qu'en général la justice doit
s'exercer publiquement. Ceci est une des meilleures garanties de la
qualité de la justice. Mais il y a, par contre, d'autres circonstances
où pas seulement pour des motifs d'ordre public et pas seulement pour
des motifs d'ordre moral, il y a intérêt à ce que des
témoins soient entendus à huis clos.
M. Desmarais: Mais il faudrait le préciserdans chacune des
lois en question pour donner ce pouvoir au tribunal. C'est là-dessus que
nous en avons. C'est dans la charte une disposition où effectivement,
dans tous les cas, tout tribunal pourra, sur requête d'une partie ou d'un
témoin, décréter le huis clos dans l'intérêt
du témoin et de la partie. Quel genre d'intérêt? Vous venez
de donner un exemple où vous avez défini l'intérêt
sauf que le projet que vous soumettez à l'article de la charte ne
définit pas cet intérêt. C'est la porte que vous ouvrez qui
nous fait craindre l'interprétation qui sera donnée. L'extension
qu'ont donnée certains tribunaux à la notion d'ordre public et de
morale pour permettre effectivement que des auditions de témoins se
fassent à huis clos n'est pas nécessairement une extension sur
laquelle nous sommes en désaccord. Il peut arriver qu'en certaines
circonstances cela soit assimilé à une raison d'ordre public,
l'exemple que vous soumettez, sauf que nous craignons grandement que
l'inclusion de ces deux notions dans la charte fasse en sorte que la porte
soit, à partir de maintenant, beaucoup plus grande que celle que vous
vouliez.
M. Champagne: Dans l'esprit de la charte, et surtout étant
donné l'extension possible de la notion d'ordre public et de morale,
cela ne nous paraît pas incompatible avec les exceptions que vous
soulignez, M. le ministre.
M. Desmarais: C'est en vertu de lois particulières que
vous soulevez les exemples que vous nous avez donnés.
M. Choquette: Oui. Dans le cas de l'enquête sur le crime
organisé, il y a des dispositions, dans la Loi de police, qui permettent
l'audition à huis clos. En fait, le tribunal peut l'ordonner. Dans le
cas de la Loi des commissions d'enquête, qui régit l'enquête
sur
l'exercice de la liberté syndicale, c'est l'application du
chapitre 11 des lois du Québec. Je ne sais pas s'il prévoit
l'audition à huis clos mais, de toute façon, c'est conforme, je
pense bien... Non, pas nécessairement? L'arrêté ne le
spécifie pas? Mais là, il y a, je crois, moins de dispositions
législatives qui soutiennent le huis clos, mais je crois que, ce que
l'on pratique est tout à fait défendable sur le plan
juridique.
Justement, puisqu'on parle de commissions d'enquête, dans certains
journaux, j'ai noté, dans le passé, des critiques selon
lesquelles des réputations de gens étaient indûment salies
par certaines affirmations faites publiquement, dans les circonstances
où ces affirmations n'étaient pas suffisamment
étayées ou soutenues par d'autres éléments de
preuve. L'audition préalable à huis clos permet donc de s'assurer
de la solidité de la preuve et de sa valeur pour être
exposée publiquement par la suite.
Alors il y a peut-être plus, à ce moment-là, que des
notions d'ordre public et des notions de morale. Enfin, je ne dis pas qu'on
peut trancher le problème ce matin, mais je crois que c'est un
impératif qu'il faut prendre en considération. J'ai
mentionné, au début de mes remarques, le cas d'une protection
physique qu'un témoin pourrait exiger pour témoigner. C'est un
facteur. Mais il y a aussi la réputation des gens qui peut être
exposée par des affirmations faites gratuitement par des témoins
qu'on fait comparaître devant des commissions et à l'égard
desquelles on n'a pas vérifié suffisamment la preuve corroborant
ou le sérieux de leurs affirmations préalables par une audition
à huis clos. Alors il faut quand même considérer aussi cet
aspect.
M. Champagne: Oui, évidemment, pour nous, c'est une
question qui est extrêmement importante. Je veux rapidement me
référer à un contexte qui est celui de tous les pouvoirs
des commissions d'enquête. C'est un secteur de très grande
préoccupation pour la ligue. Ce que nous précisons
là-dessus s'inscrit dans ce contexte général.
Il nous paraît, bien sûr, qu'il y a des avantages
indéniables aux pouvoirs très grands exercés par les
commissions d'enquête. Mais nous croyons aussi qu'en termes de droits de
l'homme, et face au respect même des institutions que nous nous sommes
données dans l'administration de la justice, il faudrait
peut-être, à un moment donné, s'arrêter très
sérieusement et faire une analyse très exhaustive du
fonctionnement des commissions d'enquête, puis celui des tribunaux, pour
nous demander dans quelle mesure nous ne courons pas le risque de
développer, par les commissions d'enquête, une justice
parallèle à celle des tribunaux. C'est une préoccupation
fondamentale. Il faudrait peut-être une autre commission parlementaire
pour en parler; mais je pense qu'il est important de souligner cette
préoccupation. Nous sommes ici dans un secteur justement très net
de conflits de droits individuels et collectifs. La ligue est très
préoccupée et je pense que nous ne sommes pas les seuls,
d'ailleurs par cette situation qui est extrêmement
délicate, sur laquelle il est extrêmement difficile d'argumenter,
compte tenu de tout l'ensemble du contexte. Mais pour nous, c'est une question
fondamentale en termes de droits de l'homme, actuellement.
Le Président (M. Pilote): D'autres questions?
M. Desmarais: Peut-être, M. Choquette, qu'une des
façons d'obvier aux réputations qui sont souvent salies devant
lesdites commissions d'enquête, ce serait de permettre aux personnes qui
sont amenées là comme témoins ou qui sont
impliquées par les enquêtes et qui sont représentées
par procureurs, d'interroger ces témoins.
Vous avez habilement, dans le projet de charte, fait en sorte que ce
sont seulement les accusés qui auront l'occasion de se faire
représenter par procureurs et de contre-interroger ces
témoins.
Je vous signale qu'une des façons d'obvier au ternissage des
réputations serait probablement, justement, de permettre aux personnes
qui sont visées de se faire représenter par procureur et de poser
des questions et de contre-interroger habilement les témoins qui sont
amenés devant la commission d'enquête de façon à
faire en sorte que les réputations de leurs clients ne soient pas
ternies.
M. Choquette: M. Desmarais, je vois que vous avez scruté
le projet de charte dans ses moindres détails et je vous en
félicite. Vous avez saisi la différence que nous faisons entre
les tribunaux et les commissions à ce point de vue. Pour une très
bonne raison. Par exemple, dans l'enquête sur le crime organisé,
nous étions confrontés avec le problème suivant: Admettant
que le crime organisé retienne les services de procureurs pour
contre-interroger les témoins qui pouvaient être produits devant
la commission, il est évident que ces procureurs auraient pu
contre-interroger les témoins sans limite et quasi paralyser le travail
de la commission. Comme cela s'est vu, d'une certaine façon, à
une autre époque, alors que l'enquête Caron a été
tenue, sur toutes les histoires de police dans la ville de Montréal.
Vous vous rappelez que cette enquête a eu lieu en 1955.
C'est la raison pour laquelle, dans la Loi de police,
spécialement en rapport avec l'enquête sur le crime
organisé, nous avons prévu une disposition selon laquelle un
témoin, ou une personne qui a été mise en cause, par un
témoignage, pouvait demander à la commission de se faire entendre
sur les affirmations faites à son égard et ceci dans le but de
protéger sa réputation.
D'autre part, nous avions également prévu,
évidemment, que des questions pouvaient être données au
procureur de la commission, pour être posées au témoin,
ceci afin de ne pas paralyser les travaux de la commission. Dans ce domaine, il
est évident, peut-être que je reprends un peu le thème que
M. Champagne a pris tout à l'heure, parce qu'il est très vrai que
nous sommes à la limite entre les droits de l'homme et le respect que
nous voulons donner à tous les droits et libertés fondamentaux
incluant le droit à la réputation et, d'autre part,
l'efficacité de la justice à l'égard
d'éléments criminels ou
l'efficacité même de la société de
s'enquérir de problèmes sociaux qui sont imprégnés
de criminalité et dans lesquels il y a toutes sortes
d'éléments, sans subir les contraintes indues que peuvent vouloir
faire subir à ces mécanismes d'enquête les
éléments parfois criminels sur lesquels on procède
à de telles enquêtes.
On est pris, justement, à la limite de ces deux impératifs
et on essaie de tracer une ligne qui tente de respecter les deux
dimensions.
Mais nous nous reverrons, sur ce sujet, lors de la présentation,
un jour, peut-être par un autre ministre que moi, d'une nouvelle Loi des
commissions d'enquête.
M. Desmarais: M. Choquette, peut-être que l'exemple que
vous avez choisi, au sujet de la commission Caron n'était pas le plus
approprié, en disant que cette commission aurait été
paralysée, parce que je suis persuadé qu'un maire, que nous
connaissons bien, ne prétendrait sûrement pas aujourd'hui que son
travail a été paralysé, à ce moment-là, si
on se fie aux conséquences que cela a pu avoir sur sa
carrière.
M. Choquette: Je vous recommande d'aller au salon rouge, cet
après-midi.
Le Président (M. Pilote): Le député de
l'Assomption.
M. Perreault: M. Champagne, je vois à la page 33 de votre
mémoire, votre recommandation no 19, vous avez ajouté:
Intégrité physique, à l'article 1. Pourriez-vous
m'expliquer pourquoi vous avez ajouté ces termes à l'article 1
?
M. Champagne: Nous donnons un exemple précis,
précédemment, dans le mémoire. Nous faisons
référence à une situation malheureuse qui se situe dans le
domaine de l'intégrité physique, au Québec, où un
très grand nombre de personnes âgées sont
systématiquement droguées, sans contrôle de la part de
l'Etat, de la société, pour qu'on évite de s'en occuper
comme il le faudrait. C'est un cas grave et c'est d'ailleurs un problème
mondial. Il y a des sociétés qui ont découvert par cela
qu'on éliminait systématiquement des personnes
âgées. C'est une situation particulièrement grave au
Québec.
Il y a évidemment d'autres cas qui peuvent se poser dans le
domaine de l'intégrité physique, surtout le domaine des greffes,
par exemple, qui pose des problèmes sérieux et nouveaux, si vous
voulez, que nous n'avions pas, il y a quelques années.
Alors, il nous paraît, pour couvrir tout un ensemble de secteurs
je ne donne que ces deux exemples, mais on pourrait en donner d'autres
qu'il est important d'ajouter, dans cet article,
l'intégrité physique.
M. Perreault: Si je comprends bien, l'intégrité
physique, ce que j'avais visé, vous avez mentionné la question de
greffes en dernier dans votre intervention. La question de greffes n'est pas un
maintien de l'intégrité physique.
M. Champagne: Cela se situe dans la protection de
l'intégrité physique. C'est une question qui a été
largement débattue, qui l'est encore; vous savez comment l'individu...
comment il y a des mesures qui doivent être prises à un moment
donné pour qu'un individu soit protégé contre toute
espèce de forme, si vous voulez. A l'extrême, on pourrait parler
de mutilation et, à d'autres on pourrait parler de greffe. C'est un
niveau. Mais il y a un autre niveau, encore une fois, qui, eu égard aux
distinctions que nous faisons dans le cas de la discrimination grosse et la
discrimination qui est encore plus grosse, mais qui est plus sournoise, est
bien le cas des personnes âgées.
M. Perreault: A la page 31, votre recommandation numéro
13. Ne croyez-vous pas qu'indirectement vous faites un double emploi avec le
Protecteur du citoyen dans cette recommandation?
M. Champagne: Ah! non, je pense que la juridiction du Protecteur
du citoyen est très nettement distinguée par rapport à
celle de la commission. D'ailleurs, c'est indiqué même dans le
projet de loi; il y a une distinction à l'article 66, où on fait
allusion à la juridiction du Protecteur du citoyen. On y dit:"Le
Protecteur du citoyen doit, lorsqu'il constate une plainte portant sur un cas
de discrimination visé par la présente loi, transmettre le
dossier à la commission, laquelle en est saisie de plein droit."
On sait que la juridiction du Protecteur du citoyen est très
nettement délimitée par rapport aux fonctions administratives
exercées par l'Etat et, d'ailleurs, n'incluant même pas des
secteurs de discrimination dans l'administration discrimination au sens
large qui sont très importants, comme ceux des gouvernements
locaux. On sait que la juridiction du Protecteur du citoyen ne couvre pas les
juridictions municipales et scolaires, par exemple, où on a eu depuis
les dernières années, je ne sais combien de plaintes, combien de
règlements adoptés... D'ailleurs, souvent des interventions de la
ligue ont réussi à faire modifier des règlements qui
étaient tout à fait illégaux dans ces secteurs.
Le Président (M. Pilote): D'autres questions?
M. Perreault: A la page 34, recommandation 27, vous avez
ajouté la tenue physique et vestimentaire. Cela peut aller très
loin; cela pourrait vouloirdire qu'on peut imposer, par exemple, à un
groupe de personnes dans un bureau, un type, une personne qui pourrait sentir
la porcherie; on forcerait ce groupe à travailler avec un type qui
dégagerait une odeur nauséabonde. Cela va très loin.
M. Champagne: Oui, là encore, il y a une expérience
abondante et malheureuse, au Québec, de gens qui ont été,
au cours des dernières années, congédiés de
façon tout à fait injuste pour des raisons de cet ordre: tenue
physique et vestimentaire. Et la discrimination, sans aller au
congédiement, du milieu, c'est très important. Par ailleurs,
laquestion que vous soulevez est très importante,
parce que le législateur a prévu qu'il y avait des
distinctions à faire entre la discrimination, et, ce qu'on peut appeler
comme le traitement préférentiel ou une distinction qui va
être fondée sur les exigences requises à l'article 17 pour
un emploi.
D'ailleurs, à cet égard, nous avons une modification
très précise que nous proposons. Quand, à l'article 17, on
dit: II y a une distinction, exclusion ou préférence
fondée sur les aptitudes exigées pour un emploi ou
justifiée par le caractère charitable, philanthrophique,
religieux ou éducatif d'une association ou corporation sans but lucratif
ou qui est vouée exclusivement au bien-être d'un groupe ethnique
n'est pas réputée discriminatoire.
Nous proposons que l'expression "sur les aptitudes exigées pour
un emploi" soit remplacée par "une exigence et une qualité
professionnelle". C'est le terme d'ailleurs que l'on retrouve dans la loi
ontarienne et, dans le cadre de nos vérifications, on s'est rendu compte
que ce terme ouvrait moins la porte à des abus. D'ailleurs, sur ce plan,
on est rendu à des distinctions, un peu fines, mais déjà,
si on dit "exigées pour un emploi et par un emploi", c'est tout autre
chose; "exigées pour un emploi" nous réfère autant
à la personne qu'à l'emploi, tandis qu'"exigées par un
emploi" nous réfère davantage à l'emploi. C'est plus
objectif et cela risque moins de comporter des mesures de discrimination.
Ceci, en réponse à votre question, pour dire que les cas
du type de ceux que vous soulevez, sont évidemment couverts. D'ailleurs,
c'est un article très dangereux. On a beaucoup réfléchi
là-dessus. On convient que l'article 17 doit être là, mais
il peut donner lieu à des abus sérieux, à un certain
moment, de la part de gens qui s'autoriseront d'exigences professionnelles
pour, indirectement, si vous voulez, faire de la discrimination. D'ailleurs,
les cas là-dedans sont sans nombre.
M. Perreault: Oui, c'est cela, la tenue vestimentaire...
M. Choquette: On fait l'application à la police de ce
principe. Les policiers, d'abord, sont obligés de porter un uniforme.
Ils n'ont généralement pas droit de porter une barbe,
excepté s'ils font du travail de sécurité comme M.
Desmarais. Il faudrait faire une exception pour la police.
M. Champagne: Non, c'est évident qu'on a
considéré la chose, mais cela devra être un secteur de
très grande surveillance par une commission. Cela a été
toute l'expérience de toutes les commissions des droits de l'homme. Nous
l'avons vérifié avec les gens des autres provinces, c'est
extrêmement dangereux. Il est nécessaire qu'un tel article soit
là, mais il est très dangereux.
M. Choquette: Je remarque que... Je ne savais pas qu'on avait
tant d'agents de sécurité réunis ici aujourd'hui. Je vois
ici plusieurs membres de la tri- bune de la presse, et même des
recherchistes parmi le Parti québécois.
M. Burns: Bien oui! On est infiltré de toutes parts.
Le Président (M. Pilote): ...d'autres questions?
M. Perreault: Ma prochaine question, à la page 37,
recommandation 42: Vous dites: "Toute personne a droit de se faire
représenter par un avocat". Avez-vous considéré le cas
où une personne pourrait avoir le droit de ne pas avoir un avocat? Elles
vont être obligées, dans le moment, dans certains cas, d'avoir un
avocat.
M. Champagne: Ce n'est pas une obligation. Je pense que les gens
l'interprètent souvent de cette façon. C'est un droit à
l'avocat. Ce n'est pas une obligation.
M. Perreault: Dans le moment, il y a une obligation. Vous n'en
parlez pas, dans le moment, dans votre texte.
M. Champagne: Quelle obligation?
M. Perreault: II y a une obligation, dans certains cas, de se
faire représenter par un avocat.
M. Desmarais: Les corporations?
M. Perreault: A la Régie des services publics.
M. Desmarais: Des corporations?
M. Burns: Des corporations.
M. Champagne: Oui, mais on fait la distinction. C'est dans le
principe général. C'est prévu quand nous disons: "Toute
personne a droit de se faire représenter par un avocat ou d'en
être assistée da-vant tout tribunal, à moins qu'une
disposition expresse de la loi en prévoie autrement dans
l'intérêt de la personne." Entre autres, nous visions là,
bien sûr, la Loi des petites créances.
M. Perreault: Mais moi, je veux dire qu'il y a l'inverse aussi.
On devrait pouvoir se représenter soi-même, sans être
obligé... Moi, j'ai eu l'expérience quand j'étais maire,
et le tribunal n'a pas voulu m'entendre. Il a fallu aller quérir un
avocat pour interpréter mes questions et mes réponses.
M. Choquette: Pour la corporation municipale, pas dans les
causes...
M. Perreault: Oui, j'étais maire alors. Je pouvais
répondre mieux que l'avocat, à ce moment.
M. Desmarais: C'est bien possible, cela.
M. Choquette: Dans le domaine des relations de travail, on sait
que, souvent, les syndicats sont re-
présentés par leurs agents d'affaires ou enfin, leurs
représentants. J'ai même étendu le principe dans le domaine
des enquêtes du coroner, pour permettre à M. Michel Chartrand
d'agir comme avocat, latitude dont il profite. Je me demande, sur le principe
qui est soulevé, s'il n'y a pas des distinctions.
M. Perreault: Je pense, M. le ministre, qu'une corporation
devrait avoir le droit, c'est à elle à juger si elle a besoin
d'un avocat ou non, et elle devrait avoir le droit de se présenter sans
avocat.
M. Champagne: Je crois que l'article 42, tel que nous le
présentons, si vous lisez la recommandation... C'est à l'article
30, la recommandation 42 est claire là-dessus.
M. Desmarais: Ce n'est pas cela qu'elle vise. M. Perreault:
Non...
M. Desmarais: Ce que la charte veut prévoir, c'est que
quelqu'un qui veut un avocat puisse...
M. Perreault: La charte devrait dire aussi celui qui n'en veut
pas, non plus.
M. Desmarais: Ah ça!
M. Perreault: C'est une question de liberté. Vous
êtes forts sur les libertés...
M. Champagne: Non, mais, M. le député, je vous
signale qu'individuellement, vous n'êtes jamais obligé d'avoir un
avocat lorsque c'est vous qui, personnellement, vous trouvez devant un des
tribunaux en question. C'est votre droit le plus strict. Le cas des
corporations, c'est une autre affaire.
M. Perreault: Les corporations, c'est une personne morale, la
même chose.
M. Champagne: Sauf que nous sommes plus intéressés
ici par le droit des personnes que le droit des corporations, comme Ligue des
droits de l'homme.
M. Choquette: II faut dire aussi, si le député de
l'Assomption me permet, que le projet de loi no 50 ne vise que des personnes
physiques et ne touche en aucune façon à des corporations
publiques ou privées.
M. Perreault: On y reviendra plus tard. A la page 38, par votre
recommandation 49, est-ce que vous ne pensez pas qu'indirectement vous limitez
le droit des individus au choix des écoles, indirectement?
M. Champagne: Vous savez, il faudrait ouvrir un long
débat. Je pense qu'il est important, quand on reconnaît des droits
particuliers, d'en contrôler l'exercice. Il nous paraît, à
la lumière de beaucoup de dossiers de plaintes que nous avons à
la ligue et que d'autres ont aussi concernant ce qui se passe au Québec,
que l'utilisation du droit à l'enseignement privé est
peut-être en train de se faire de telle sorte qu'elle en arrive à
être un obstacle au développement du secteur public.
Les raisons ne touchent peut-être pas davantage ou à telle
ou telle proportion l'utilisation faite de l'enseignement privé; elles
touchent aussi le développement de l'enseignement public. Nous disons
que ce principe, qui reconnaît le droit à des institutions
privées, est un principe extrêmement particulier qui touche un
droit très important, mais qui, dans l'application, peut être
galvaudé et détruit. Nombre d'éducateurs au Québec
j'en ai été à un moment donné ont
été en mesure de le vérifier largement.
Nous formulons ici un principe qui devrait peut-être se traduire
dans une loi particulière sur l'enseignement privé, sur des
critères de contrôle et de justification pédagogique,
encore une fois. Là, il faut bien respecter la nature des entités
aux-quelleson a affaire. Quand on est dans le domaine de l'enseignement, on est
dans un domaine pédagogique d'abord. Nous sommes en mesure de
vérifier que les critères d'ordre pédagogique et les
normes de contrôle dont nous disposons actuellement sont peut-être
insuffisantes ou ne sont pas suffisamment appliquées.
C'est pour cela qu'il nous paraît, dans la mesure où nous
voulons que ce droit soit reconnu et protégé, qu'il faille
l'assortir d'une mesure de contrôle très stricte pour
éviter qu'on ne se retrouve dans une situation sociale très
conflictuelle au niveau des droits individuels, collectifs et de groupes
particuliers. Encore une fois, cela ne peut pas se trancher, cette question,
même au niveau des droits individuels et collectifs. Les groupes, ce sont
des entités bien particulières dans une société et
c'est surtout en référence avec certains groupes que le
problème de l'enseignement privé se pose.
M. Perreault: Je suis content que vous ayez précisé
que c'est de nature pédagogique, parce que votre article ouvrait la
porte joliment grande.
M. Champagne: Mais encore une fois, nous sommes dans une charte.
Nous ne sommes pas dans une loi particulière; nous sommes dans une
charte dont les énoncés doivent être très vastes
c'est toute la difficulté de faire une charte assez vastes
pour ouvrir la porte à des lois particulières qui
concrétisent l'application des principes qui sont dans la charte.
M. Perreault: A un autre endroit dans votre mémoire, vous
parlez de la liberté de presse. Je pense que vous n'avez pas
porté beaucoup d'attention au droit à la réputation du
citoyen. Vous n'en parlez pas beaucoup.
M. Champagne: C'était prévu; on n'avait pas besoin
d'en parler, parce que le législateur l'a prévu avant nous. Il y
a un article là-dessus qui, je pense, est très clair. C'est dans
les énoncés qu'on caractérise souvent en disant qu'ils
pourraient
avoir une portée absolue. L'article 4 dit: "Toute personne a
droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa
réputation".
Je pense que vous avez réponse à la question que vous
soulevez.
M. Perreault: Je vous remercie.
Le Président (M. Pilote): D'autres questions? L'honorable
député de Taschereau.
M. Bonnier: M. le Président, je suis confus et
peiné d'avoir à poser des questions qui ne sont peut-être
pas tellement importantes à la fin de ce débat. Je ne voudrais
pas être impoli envers les autres groupes aussi, d'autant que je ne suis
même pas membre de la commission. Si la commission me le permet, j'aurais
quand même deux petites questions.
Le Président (M. Pilote): Allez.
M. Bonnier: Je voudrais d'abord demander à la ligue si
elle s'est préoccupée, dans le secteur des droits politiques, de
la liberté dont devraient jouir les hommes politiques. En Chambre, il y
a un député qui a soulevé cette question et ce
n'était pas bête.
Ma deuxième question est en relation avec les attributions de la
commission. Comme vous le soulevez très justement, je pense que la
valeur indéniable de ce projet de loi est qu'il est axé sur le
développement des individus et de la collectivité et non pas
simplement d'une façon très négative par rapport à
la limite des droits qu'on impose à certains individus seulement.
A partir de ce moment-là, je pense, comme vous le soulignez
d'ailleurs, que la commission si on veut que cette loi ait une
véritable dimension dans l'avenir a un rôle essentiel et
nécessaire. Je pense que le ministre a déjà
expliqué les garanties qu'il y aurait dans la nomination
descommissaires. Par ailleurs, est-cequ'il y aurait lieu de souligner dans la
loi ou de spécifier de quelle façon elle va jouer son rôle?
Vous dites, d'une façon globale, qu'elle peut faire des rapports de
temps à autre. Cependant, on sait que si ça concerne l'ensemble
du développement des individus et de la collectivité, il existe
également, dans d'autres domaines, des organismes consultatifs. Il
existe aussi des attributions qui sont données à telle et telle
sphère de la vie socio-économique ou même culturelle.
A partir de ce moment-là est-ce qu'il y aurait lieu, selon vous,
de spécifier, d'une façon plus catégorique, les relations
entre cette commission et d'autres organismes consultatifs, d'autres organismes
représentatifs qui ont quand même aussi des missions à
remplir? Cela, pour qu'on n'aboutisse pas, au bout de quelque temps, à
dire: Cela ne donne absolument rien parce que la commission se fout de tout ou
de rien.
M. Champagne: En réponse à votre deuxième
question, je pense que cela a été prévu, sous ré-
serve du sens que vous donnez à "spécifique". Evidemment, on sait
qu'il y a un principe de loi très important; plus on entre dans les
détails, plus on se trouve devant une loi qui risque d'être moins
bonne et très difficile à appliquer. Surtout, encore une fois,
dans le cas de la charte. C'est le défi d'une loi comme celle-là,
d'être très générale et assez spécifique pour
qu'il y ait des choses possibles dans le sens de ce que vous indiquez.
Nous croyons, sur ce plan, que l'article 58 est suffisamment clair,
suffisamment explicite, suffisamment large sous réserve des deux
modifications que nous proposons d'y faire, entre autres, pour la question que
vous soulevez au point e), coopérer avec tout organisme du Québec
ou de l'extérieur voué à la promotion des droits et des
libertés de la personne. A cet égard, nous avons indiqué
et précisé clairement, au tout début de notre
mémoire, que nous n'adressons pas seulement ce mémoire à
la commission parlementaire, au ministre de la Justice ou à
l'Assemblée nationale mais que nous l'adressons également
à beaucoup d'organismes, nous l'adressons également, en
priorité, aux juges et aux avocats, dont le rôle va être
crucial dans l'application de la charte.
Il va vraiment dépendre en grande partie d'eux que la charte soit
reconnue être un impact devant les tribunaux et qu'on puisse, à
partir de la charte, établir une saine jurisprudence.
Par ailleurs, nous adressons également le mémoire à
d'autres organismes gouvernementaux et privés. On a parlé d u
Protecteur du citoyen, on a parlé de la Commission du salaire minimum,
du Conseil du statut de la femme, de la Commission d'aide juridique, etc., des
organismes comme les ADDS dans le secteur privé. Il nous paraît
extrêmement important que la commission puisse ne pas tout concentrer
chez elle dans le domaine des droitsde l'homme mais qu'elle puisse
établir intelligemment et efficacement un réseau de relations
entre toutes les entités privées et publiques gouvernementales
qui, dans la province, peuvent s'occuper du domaine des droits de l'homme. On
le dit très clairement dans le mémoire.
Il ne faudrait absolument pas qu'il y ait une concentration de tout au
niveau d'une commission. Je pense que c'était prévu. En tout cas,
nous sentons que c'est possible au niveau du paragraphe e) de l'article 58.
Quant à votre première question, je pense que, pour y
répondre de façon précise, il faudrait peut-être que
vous la développiez davantage.
M. Bonnier: Ce n'est pas parce que ce n'est pas important, c'est
parce que je n'ai pas le temps.
Le Président (M. Pilote): Je vous remercie, messieurs, de
l'excellence de votre mémoire et également de la façon
dont vous l'avez présenté, MM. Champagne et Desmarais, ainsi que
celles et ceux qui les accompagnent.
Nous allons maintenant passer à l'audition du mémoire
présenté par le Conseil du patronat du Québec, dont M.
Ghislain Dufour est le porte-
parole. J'inviterais M. Dufour à prendre place ainsi que ceux qui
l'accompagnent.
J'inviterais M. Perreault à présenter celui qui
l'accompagne.
Conseil du patronat du Québec
M. Perreault (Charles): Merci, M. le Président. Je suis
accompagné du directeur général du Conseil du patronat, M.
Ghislain Dufour, à ma gauche, et de M. Michel Vastel, de la permanence,
un peu plus loin.
Nous tenons à vous remercier, M. le Président, MM. les
membres de nous entendre aujourd'hui vous livrer ce bref mémoire sur un
projet de loi très important. Je vais demander à M. Dufour d'en
faire la lecture. Il est très court, après quoi, nous
répondrons aux questions que voudront bien nous poser les membres de la
commission.
M. Ghislain Dufour
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, MM. les membres,
comme on vient de le mentionner, c'est un mémoire qui est très
court, qui se réfère essentiellement à quatre points
d'accord sur le projet de loi et à trois grandes interrogations que l'on
se pose sur le projet.
Pour donner peut-être une chance à la CECM de se faire
entend re, même s'il est bref, je vais quand même le résumer
encore davantage.
Il y a quatre points d'accord, comme on le mentionnait tantôt. Le
premier point, évidemment, c'est le fait que ce projet de loi ne se
limite pas à traiter de discrimination sous toutes ses formes, comme
c'est le cas dans les autres lois provinciales. Pour nous, au Conseil du
patronat, c'est là une orientation heureuse qui rejoint d'ailleurs les
préoccupations de la Ligue des droits de l'homme, et nous tenons
à le mentionner.
C'est une orientation qui nous paraît pondérée,
réaliste, parce qu'elle revêt la forme d'une codification, au lieu
de la forme d'une charte, comme on nous l'avait proposé, il y a
déjà deux ans, avec la collaboration, à ce moment, de la
Ligue des droits de l'homme.
Un troisième point que l'on aimerait mentionner sur le bill 50,
c'est la simplicité et la clarté qui caractérisent la
rédaction de ses différents articles. Tous les citoyens
québécois ne sont pas des avocats et, quand on rédige une
loi, il faut surtout penser au citoyen q ui aura à vivre avec ces lois.
Dans le cas très précis du bill 50, c'est une loi très
facile de compréhension et on devrait s'en inspirer dans la
rédaction future de certaines lois.
Quatrième point d'accord, c'est la création d'une
commission des droits de la personne et les modalités pratiques de
fonctionnement de cette commission telles que déjà prévues
au projet de loi.
De façon plus précise, et outre le fait que cette
commission est responsable directement à l'Assemblée nationale,
nous appuyons le contenu de l'article 58 du projet de loi et les dimensions
diverses que peut contenir la réalisation du programme prévu
à cet article.
Même si notre appréciation de ce projet est très
positive, elle ne s'accompagne pas moins, cependant, de certaines
interrogations.
Nombreux sont ceux qui ont posé la question de l'absence de
primauté de l'éventuelle loi 50 sur certaines autres lois. Par
ailleurs, les exposés sur cette question du ministre de la Justice et du
chef de l'Opposition officielle, ont fait ressortir qu'il s'agit là d'un
problème juridique fort complexe. Il n'est que normal que l'homme
d'affaires, comme tout autre citoyen, ou même l'entreprise comme personne
morale, soient préoccupés par cette question. Il leur incombe, en
effet, de s'assurer, comme tout autre citoyen, que le respect qu'ils ont
à l'égard d'une loi n'est pas compromis par l'existence d'une
autre loi qui en restreint ou en élargie la portée.
Or une courte réflexion permet de relever de nombreux cas
où les dispositions générales de la nouvelle loi sont
contredites par des lois ou des règlements actuels. Comment s'y
retrouvera le citoyen? C'est là une question que l'on ne peut certes
escamoter. Par ailleurs, nous partageons l'opinion du ministre de la Justice
selon laquelle, si le bill 50 avait primauté sur toute autre
législation, il serait essentiel de colliger immédiatement dans
ce bill 50 tout un ensemble de lois et de règlements actuels, dans les
domaines les plus divers. Le citoyen ne s'y retrouverait peut-être pas
davantage, compte tenu de l'aspect rébarbatif que présenterait
alors un tel recueil. Les articles 42 et 43, qui traitent des conditions de
travail, par exemple, illustrent bien ce point de vue.
Une suggestion que nous avançons devant ce problème
réel est que le gouvernement s'en tienne à sa proposition
actuelle, mais qu'au même moment, il s'engage dans un programme
d'information et d'éducation de la population sur les droits, les
libertés mais aussi les responsabilités du citoyen non
énumérés dans le bill 50. Nous reviendrons d'ailleurs sur
cette question en conclusion.
Deuxième interrogation. Rien ne l'indique dans le projet de loi,
mais le ministre de la Justice a déjà déclaré
à l'Assemblée nationale que l'application de la charte pourrait
être suspendue en période de crise. Nous ne croyons pas qu'il y
ait généralement lieu de s'opposer à un tel principe, car
même si le projet de loi 50 est clai rement axé sur les droits et
les libertés individuelles, il n'en reste pas moins que certaines
situations peuvent exiger la suppression temporaire de droits individuels pour
s'assurer que certains droits collectifs sont mieux protégés.
Si cette affirmation ressort d'une constatation générale,
il ne nous apparaît pas moins qu'il devrait être clairement inscrit
au bill 50 que certains droits ne devraient être en aucune circonstance
subrogés aux droits collectifs. Une liste de ces droits devrait
d'ailleurs être clairement établie. C'est le cas notamment des
articles 24 et 25 où on dit, par exemple, que toute personne
arrêtée ou détenue a le droit d'être promptement
informée, dans une langue qu'elle comprend, des motifs de son
arrestation ou
de sa détention. De même que l'article où on dit:
Toute personne arrêtée ou détenue a droit, sans
délai, d'en prévenir ses proches et de recourir aux services d'un
avocat.
Voilà, pour nous, certains genres de droits individuels
fondamentaux, et non exhaustifs, qui ne devraient être subrogés
aux droits collectifs en aucune circonstance.
Troisième interrogation. L'article 60 du projet de loi rend la
Commission des droits de la personne responsable de toutes enquêtes
relativement à l'application des articles 11 à 17 de la loi.
Quant à l'article 70, il précise les pouvoirs de la commission
à cet égard. Nous appuyons pleinement le contenu de ces deux
articles.
Nous nous interrogeons cependant sur les raisons qui ont conduit
à limiter la portée des pouvoirs de la commission à la
seule application des articles 11 à 17.
Il nous apparaît que le simple citoyen est souvent tout aussi
démuni quand il lui faut faire respecter certains droits politiques ou
judiciaires que quand il est victime de discrimination. Bien plus, le
dédale des procédures qu'il doit entreprendre pour faire
respecter un droit politique ou judiciaire est beaucoup plus complexe que
lorsqu'il est l'objet d'une discrimination au travail ou de la part d'un
propriétaire de logement.
Nous considérons donc que, si la commission doit limiter sa
responsabilité de droit d'enquête aux seuls articles 11 à
17, il y aurait lieu de revoir l'article 62 afin qu'au moins la commission
puisse généralement prêter son assistance à toute
personne qui le requiert, ne serait-ce que pour l'informer de ses droits et la
diriger vers les ressources qui lui sont disponibles.
Voilà les trois grandes interrogations que nous nous posons. Nous
réaffirmons notre appui au projet de loi no 50. Nous croyons qu'il
s'agit là d'un texte de loi bien fait, bien rédigé et dont
le Québec pourra, lorsque possiblement amendé, être
fier.
A ce sujet, d'ailleurs, nous sommes de ceux qui croient qu'une telle loi
ne devrait pas être reléguée aux archives après
qu'elle aura été sanctionnée. Dans cet esprit, d'ailleurs,
nous voudrions faire nôtre cette suggestion du chef de l'Opposition
officielle, faite à l'Assemblée nationale le 12 novembre 1974 et
qui disait: "Encore faudrait-il, si l'on veut faire évoluer les
mentalités, que la loi fasse l'objet d'un enseignement dans les
écoles de façon à fournir à nos enfants un
enseignement civique."
Le Conseil du patronat est également de ceux qui, depuis
longtemps réclament un tel enseignement civique et économique
auprès de nos jeunes. Nous appuyons cette suggestion et sommes
convaincus que le gouvernement s'engagera dans une telle voie. Comme nous
sommes convaincus que ses programmes d'information, pour répondre
à une autre préoccupation que nous exprimions
antérieurement quant à la primauté ou à la
non-primauté du bill 50 sur les autres lois, ne se limiteront pas au
seul contenu de ce nouveau code et à la seule population
étudiante.
M. le Président, c'est tout pour l'instant.
Le Président (M. Pilote): L'honorable ministre de la
Justice.
M. Choquette: M. le Président, je remercie le Conseil du
patronat de son exposé et de son mémoire qui, à la
façon très pratique des hommes d'affaires, est allé
directement aux points, dans un certain nombre de domaines. Je vais tenter
d'apporter certaines réponses aux interrogations qui ont
été posées justement sur ces aspects du projet de loi qui
ont suscité l'intérêt du groupe qui est devant nous.
Tout d'abord, M. Dufour mentionnait, en passant seulement, cet aspect
qui est souvent relevé au cours de discussions sur ce genre de textes
législatifs, c'est-à-dire les obligations et les devoirs des
hommes et des citoyens. On sait que certains critiques de ce genre de textes de
loi signalent, en fait, à l'occasion, que ces textes ne comportent
aucune contrepartie aux droits qui y sont exposés.
Je répondrais de deux façons à cela.
Premièrement, les droits qui sont énoncés dans un tel
texte comportent, évidemment, des obligations pour ceux qui sont les
débiteurs des droits énoncés en faveur de certaines
personnes. Par conséquent, il y a implicitement, ou même
explicitement, une obligation pour les citoyens de permettre à leurs
concitoyens l'exercice des droits en question. Donc, évidemment, il y a
toute une série d'obligations et de devoirs qui découlent de
l'application des principes qui sont énoncés à la
charte.
Deuxièmement, j'attirerais l'attention du Conseil du patronat sur
un des considérants qui se trouvent au début du projet de loi et
qui se lit comme suit: "Considérant que les droits et libertés de
la personne humaine sont inséparables des droits et libertés
d'autrui et du bien-être général", c'est-à-dire
qu'évidemment ces droits doivent se situer dans un contexte qui fait
largement la place aux droits et libertés d'autrui et au bien-être
général.
Le Conseil du patronat a endossé une suggestion qui a
été formulée par le chef de l'Opposition, ainsi que par la
Ligue des droits de l'homme, ce matin. C'est que le ministère de
l'Education institue des programmes, dans les écoles, pour que les
principes contenus au texte de loi soient appris et acceptés par notre
jeunesse.
Je signale, à ce point de vue, que le ministre de l'Education a
pris la parole sur le débat en deuxième lecture et a
exprimé généralement son accord sur tout ce qui est
contenu dans ce projet de loi, de telle sorte qu'on peut sûrement
prévoir une action positive de la part de ce ministère pour faire
suite à la suggestion reprise par le Conseil du patronat.
Sur le plan, justement, de l'éducation en général,
je signale que le projet de loi est divisé en deux parties. La
première partie est intitulée "Charte des droits et
libertés de la personne". Elle pourra faire l'objet d'un document
distinct de la deuxième partie qui, elle, expose la composition, les
pouvoirs et tous les autres aspects pertinents au fonctionnement de la
commission qui, eux, ne feraient pas nécessairement partie de ce texte
qui serait mis à l'usage des écoles ou du public en
général. Ceci nous permet-
trait d'avoir une charte qui serait limitée à 47 articles
et d'alléger le texte en le délestant de toute la partie
administrative qui pourrait très bien être
séparée.
Nous avons pensé à cette optique, qui est celle du Conseil
du patronat et d'autres personnes sur la question.
Le Conseil du patronat a soulevé certaines interrogations quant
au contenu même du projet de loi. Sur l'aspect transcendant de la charte
sur d'autres lois, je crois que nous en avons déjà suffisamment
discuté ce matin avec la Ligue des droits de l'homme pourqu'il me soit
permis de ne pas reprendre le débat sur cette question qui est
très complexe.
Mais je note l'interrogation du Conseil du patronat à ce sujet et
nous allons tenter d'apporter des solutions au problème relevé
par le Conseil du patronat et soulevé dans d'autres milieux.
J'attire l'attention du Conseil du patronat quant à sa
deuxième suggestion, qu'il faudrait énumérer un certain
nombre de droits qui ne sauraient souffrir de suspension, en période de
crise ou autrement. J'attire son attention sur l'article 47 de la charte et
ceci pour lui dire que la portée de la charte doit s'inscrire dans la
compétence constitutionnelle du gouvernement du Québec. Comme on
le sait, en vertu de la constitution canadienne, l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, la paix, l'ordre et le bon gouvernement ainsi que les
dispositions de l'article 91, au sujet du droit criminel, font que ces
matières sont de compétence fédérale, de telle
sorte qu'il appartiendrait, en casde crise, aux autorités
fédérales d'adopter des mesures qui pourraient s'imposer dans ces
périodes et qui pourraient, d'une certaine façon, constituer des
suspensions de certains droits qui sont exprimés dans cette charte.
Il faut le comprendre dans notre contexte constitutionnel. Par exemple,
toute la partie qui traite des droits judiciaires doit se lire comme n'ayant
qu'une portée provinciale à l'égard des lois provinciales
et non pas à l'égard du droit criminel.
Je pense que ceci devrait être de nature peut-être pas
à satisfaire le Conseil du patronat, dans son désir de voir
certains articles absolument intangibles, quelles que soient les circonstances,
mais au moins le satisfaire intellectuellement d'une réponse qu'il n'est
pas possible au gouvernement provincial, avec la constitution telle qu'elle
existe, de dire que ces droits sont garantis et pourront être
exercés en toute circonstance.
Quand même, je pense que le fait de les énoncer dans la
charte est une règle de conduite, au point de vue de l'administration de
la justice, une règle de conduite vis-à-vis de la police et donne
aussi à ces droits une importance qui pourrait normalement avoir une
influence, advenant que nous ayons à faire face à des
périodes de guerre, de crise ou autrement.
La troisième interrogation du Conseil du patronat porte sur
l'extension des pouvoirs d'enquête de la commission et le conseil se
demande pourquoi ces pouvoirs sont limités aux articles 11 à 17,
qui traitent de la discrimination. C'est que les autres droits ou
libertés énoncés, hors les articles 11 à 17, font
l'objet de garanties par les tribunaux ordinai- res. Alors, il serait difficile
d'aller donner, en plus, à la commission, un pouvoir d'enquête
dans des matières qui, naturellement, pourraient faire l'objet de
sanctions par les tribunaux ordinaires. Ceci créerait deux types de
juridictions, l'une, les tribunaux ordinaires et l'autre, la commission, qui
pourraient être appelées à statuer sur les mêmes
choses.
Je conçois qu'on puisse me répondre: Mais vous l'avez fait
dans le cas de la discrimination. C'est que les cas de discrimination sont
souvent des casoù il faut exercer un jugement poursavoirs'ilya eu ou
non, en fait discrimination. Ce n'est pas parce qu'une personne se plaint
d'avoir été victime de discrimination qu'effectivement c'est le
cas.
Alors, nous avons prévu, pouréviter la discrimination, un
processus en deux temps. Le premier temps, c'est que la commission tente
d'accorder les parties. Elle a une intervention conciliatrice. Car l'objet du
projet de loi, c'est bien plus de pacifier les choses que de soulever des
débats et de trancher d'une façon judiciaire dans un domaine
comme celui de la discrimination.
Si cette intervention conciliatrice ne résout pas le
problème, là, la commission est habilitée, dans un
deuxième temps, à se porter elle-même demanderesse devant
les tribunaux pour faire valoir la sanction qu'elle a recommandée aux
parties, à lasuitede la plainte, sans, évidemment, omettre le
droit du citoyen de se présenter lui-même s'il ne veut pas que la
commission le fasse pour lui.
C'est comme cela qu'il nous a fallu faire une distinction entre des
droits qui sont consacrés d'une façon il faut le dire
quasi absolue, c'est-à-dire tout ce qui n'est pas dans les
articles 11 à 17, et, d'autre part, toute la partie de la discrimination
qui, elle, est plus empreinte de nuances. Parce que on peut se demander s'il y
a eu discrimination à l'occasion d'un emploi. Est-ce qu'il y a eu
discrimination à l'occasion d'un refus d'entrer dans une profession, un
syndicat, etc? Eh bien! on sait qu'il peut y avoir de nombreux facteurs qui
jouent là-dedans et c'est pour cela qu'à ce point de vue, une
enquête par la commission se justifie suivant la procédure que
j'ai brièvement résumée tout à l'heure.
Le Conseil du patronat fait cependant une suggestion que je vais
étudier, à savoir: Est-ce que la commission ne pourrait pas,
d'une certaine façon, être autorisée à prêter
aide et assistance, ou au moins donner les informations pertinentes, au cas
où il y aurait des violations des droits qui sont mentionnés dans
les autres articles que les articles 11 à 17, au sujet de la
discrimination? Je vais voir jusqu'à quel point il est possible de
donner suite à cette suggestion.
Je rappelle cependant que les avocats sont là pour donner des
conseils, que l'aide juridique a été créée
justement pour venir en aide aux économiquement
défavorisés et pour qu'on puisse mettre à leur service la
profession juridique sans tenir compte ou, du moins, en écartant le
facteur de revenus qui pouvait jouer autrefois alors que des droits pouvaient
ne pas être représentés, où on pouvait ne pas faire
valoir des droits devant les tribunaux, par suite de pauvreté. Il reste
quand
même que le Barreau est là et je tiens à rappeler
justement, dans un contexte un peu plus général, que cette
Commission des droits de l'homme n'a ni la fonction de se substituer aux
tribunaux en général, ni de se substituer au Barreau, ni de se
substituer à l'aide juridique, ni de se substituer à l'Opposition
officielle, pour revenir un peu sur un sujet qui a été
abordé dans un échange de propos entre le député de
Maisonneuve et le président de la Ligue des droits de l'homme, non pas
le président du Conseil du patronat.
Alors, il faut quand même ne pas envisager cette commission comme
un fourre-tout, comme un organisme qui va supplanter tout ce qui existe et qui
permet, justement, de faire valoir des droits et de critiquer, même sur
le plan politique ou autrement. Je veux donc dire ceci: C'est qu'il faut quand
même que le projet de loi ait des limites, il faut qu'il ait des limites;
il ne peut pas être universel. Si on pense à
l'universalité, abolissons donc tout ce qui peut exlsterd'institutions
et disons que la Commission des droits de la personne va trancher toutes les
questions litigieuses qui peuvent se poser à tout point de vue dans la
société québécoise. Je crois que cela serait une
absurdité. Alors, il faut donc que le législateur s'arrête
à un certain point, quitte évidemment à ce qu'il donne
à la commission une extension suffisante pour l'exercice de ces
pouvoirs.
Le Président (M. Pilote): L'honorable député
de Maisonneuve.
M. Burns: M. le Président, je vais me limiter à une
seule question parce que je pense que la Commission des écoles
catholiques est pressée de se faire entendre avant que nous ne
suspendions nos travaux. Cependant, je pense que cette question, comme vous
êtes des employeurs essentiellement au Conseil du patronat et comme,
à titre d'employeurs, c'est souvent à vous qu'on fait des
reproches relativement à une forme de discrimination,
c'est-à-dire dans l'emploi, je me demande si le Conseil du patronat
s'est penché sur d'autres formes de discrimination que celles qui sont
énumérées à l'article 11. Je pense, par exemple,
à deux ou trois formes particulières, qui étaient
suggérées par la Ligue des droits de l'homme tout à
l'heure, qui ne sont pas incluses à l'article 11: l'âge ou la
tenue vestimentaire, ou l'orientation sexuelle. Est-ce que le Conseil du
patronat s'est penché sur ces formes? Je ne vois rien dans votre
mémoire qui parle précisément de discrimination et de
l'énumération à l'article 11, et des conséquences
que cela peut avoir pour vous. En somme, je vous demande: Est-ce que vous avez
objection, comme employeurs, à ce qu'on donne une extension plus large
à l'énumération qu'on retrouve à l'article 11 du
projet?
M. Perreault: Je peux répondre à une partie de la
question. Le mémoire que nous présentons ici est structuré
à partir d'études que nous avions déjà faites lors
de la présentation de la Charte des droits de l'homme où nous
avions, à ce moment-là, consulté nos membres et où
nous avions obtenu un certain consensus quant à certaines orientations;
sous forme de mémoire, nous avions rendu notre position publique,
à ce moment-là.
Dans l'examen que nous avons fait et que nous commentons ici, nous nous
sommes inspirés de ce premier travail, ainsi que du projet de loi, et
nous avons commenté ce projet de loi. Donc, nous ne sommes pas
allés plus loin, nous n'avons pas cherché d'autres
interprétations ou d'autres difficultés ou d'autres applications
que celles sur lesquelles nous nous étions penchés ou qui
étaient contenues dans le projet de loi. C'est aussi simple que
cela.
Le Président (M. Pilote): D'autres questions?
On vous remercie, messieurs, de votre mémoire, et soyez
assurés que la commission va en prendre note.
J'inviterais, à présent, Mme Thérèse
Lavoie-Roux.de la Commission des écoles catholiques de Montréal,
à bien vouloir venir présenter son mémoire, le
mémoire de la commission, et à identifier ceux et celles qui
l'accompagnent.
Commission des écoles catholiques de
Montréal
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, permettez-moi de vous
remercier, ainsi que vos collègues, de bien vouloir nous entendre
à cette heure-ci, alors que je sais que plusieurs pensent
déjà, probablement, à partir, et de l'intervention de M.
le ministre en notre faveur.
Je voudrais d'abord présenter les personnes qui m'accompagnent. A
mon extrême droite, Mme Lise Sarrazin et Mme Cécile Poissant qui
sont deux de mes collègues commissaires à la Commission des
écoles catholiques de Montréal; Me Brunet, notre chef du
contentieux; M. Baulu, qui est un psychologue à la division de nos
services spéciaux, et M. Daviau, du contentieux de la CECM.
Je voudrais d'abord situer l'intervention de la CECM à une
commission parlementaire sur les droits et libertés de la personne.
D'abord, globalement, je voudrais dire que la CECM a été
très heureuse et accueille très favorablement l'initiative du
gouvernement du Québec de présenter un tel projet de loi. Si nous
avons décidé, nous-mêmes, de faire une intervention, ce
n'est pas pour faire des commentaires sur l'ensemble des articles du projet de
la loi 50, qui sont d'un intérêt certain, mais plutôt pour
intervenir au chapitre des droits reconnus particulièrement aux enfants.
Cette intervention se situe dans le prolongement des articles 36, 37, 38 et 39
du chapitre 4, consacrés aux droits économiques et sociaux dans
ce projet de loi.
Une première réflexion que nous nous sommes faite, c'est
de nous interroger sur la forme que prend cette déclaration des droits
et libertés de la personne. Le gouvernement aurait pu, par exemple,
privilégier une introduction d'une telle déclaration dans un
texte constitutionnel.
II nous a pourtant paru préférable que dans une
première étape, compte tenu du fait que nous ne connaissons pas
encore la portée des répercussions d'une telle loi sur les
législations déjà existantes, qu'il semblait plus sage de
procéder par une loi ordinaire du Parlement, quitte, dans une
deuxième étape, à changer peut-être pour une loi
fondamentale.
Je redis la conviction de la CECM de voir ce projet de loi comme un
instrument privilégié pour favoriser la promotion de valeurs
fondamentales et la diffusion de principes à grand rayonnement.
La Loi sur les droits et libertés de la personne présente
aussi un énoncé de principes directeurs dont l'influence en
matière de législation devrait éventuellement être
considérable. Nous voyons vraiment qu'une charte des droits de l'homme
ne saurait être sans influence, à cause de son contenu abstrait et
de sa portée générale, mais que, bien au contraire, ces
normes devraient inspirer largement les lois particulières que le
Parlement du Québec devra adopter à l'avenir, eu égard
à une foule de problèmes concrets.
Notre rapport contient deux recommandations principales et la
première est celle-ci: Dans le sens où le gouvernement
québécois doit assumer toutes ses responsabilités
législatives et mettre au point un mécanisme pratique pour
assurer le respect dans la législation passée et future de la Loi
sur les droits et libertés de la personne actuellement à
l'étude, nous soulignons qu'il ne convient pas de confier à la
magistrature le soin de refaire les lois par le biais des méthodes
d'interprétation.
Dans cette optique, la Commission des écoles catholiques de
Montréal recommande que soit confiée à la commission sur
les droits de la personne prévue au projet de loi 50, la
responsabilité d'étudier les lois anciennes et nouvelles,
particulièrement celles qui regardent l'enfance, dans l'optique des
principes contenus dans la Loi sur les droits et libertés de la
personne.
Notre deuxième recommandation porte, elle, sur une charte des
droits de l'enfant. La Commission des écoles catholiques de
Montréal, préoccupée avant tout de l'éducation des
enfants, désire essentiellement attirer l'attention du
législateur sur la nécessité d'inclure des articles
traitant spécifiquement des droits de l'enfant dans la Loi sur les
droits et libertés de la personne.
Il est évident que les droits et libertés reconnus
à la personnedans le projetde loi valent aussi bien pour les enfants que
pour les adultes, mais il faut souligner le besoin d'une aide et d'une
protection de nature spéciale en faveur des enfants.
La prohibition, inscrite dans une loi, de toute forme de discrimination,
n'empêche pas la juste reconnaissance, dans cette même loi, de
situations particulières pour les citoyens moins autonomes. C'est
d'ailleurs là une réalité qui a été reconnue
par différents organismes gouvernementaux et nous en citons quelques-uns
dans le mémoire.
Je voudrais simplement faire la lecture des principes
généraux que nous souhaiterions voir incorporés à
la loi, même si, évidemment, il ne s'agit pas d'une formulation
précise au plan de la législation.
Ce premier principe, c'est que l'enfant a droit au maintien de
l'unité familiale. Toute personne appelée à prendre
unedécisiontouchant lafamille et surtout l'enfant dans son milieu
familial doit faire en sorte que les disponibilités de la
société, susceptibles d'aider au maintien du milieu familial,
soient mises à sa portée et que tout ait été
épuisé avant de séparer l'enfant de son milieu.
Le principe que l'on évoque vraiment ici, c'est le respect de
l'intégrité de la famille. Dans les débats auxquelson
assiste actuellement vis-à-visde certains abus dont les enfants sont
l'objet, dans des mouvements bien intentionnés, souvent, on a tendance
à sacrifier la famille, alors que nous croyons que son maintien doit
être retenu comme un principe fondamental.
II)L'enfant doit être mis en mesure de se développer d'une
façon normale, physiquement, psychologiquement et spirituellement.
III)L'enfant doit bénéficier pleinement des mesures de
prévoyance et de sécurité sociales et doit être
protégé contre toute exploitation avant et au moment de quitter
l'école.
IV) L'enfant doit être élevé dans le sentiment que
ses meilleures qualités doivent être mises au service de ses
frères.
V)L'enfant a le droit de recevoir une éducation qui tienne compte
du développement maximum de son individualité eu égard
à ses aptitudes et, à ce titre, la société doit
fournir, aux différents stades de son développement, tous les
moyens éducatifs requis pour le préparer le mieux possible
à travailler, à vivre de façon personnelle et autonome et
à remplir ses devoirs de citoyen utile et serviable à ses
semblables.
VI) L'intérêt supérieur de l'enfant doit guider
toutes les interventions de ceux qui ont la responsabilité de son
éducation et de son orientation.
VII)L'accès aux ressources éducatives ne saurait faire
l'objet d'aucune discrimination relative au statut de race, de couleur, de
religion, de conditions économiques de la famille, de
préjugés sociaux et culturels, de conditions physiques ou
mentales de l'enfant.
VIII) L'enfant a le droit d'être reconnu comme un être qui
s'achemine graduellement vers une autonomie et non comme un être
diminué, dépendant de l'adulte. A ce titre, il doit être
considéré comme un adulte en devenir qui, au cours des stades de
son développement, a droit au respect quant à sa volonté
d'exprimer ses idées et ses sentiments et devient de plus en plus
capable de prendre des décisions relatives à sa personne dans le
respect du droit d'autrui.
Ce principe nous semble extrêmement important parce que sa
non-reconnaissance, dans un grand nombre de cas, résulte dans des abus
multiples des enfants.
IX) Les dispositions des lois sur l'éducation et des
règlements adoptés sous leur empire ne doivent pas aller à
rencontre des droits et libertés de l'enfant.
X) L'enfant désavantagé aux plans physique,
mental ou psychosocial doit recevoir le traitement, l'éducation
et les soins spéciaux que nécessitent son état ou sa
situation.
XI) L'enfant handicapé physiquement a droit que la
société le considère comme un membre à part
entière et tienne compte de son état dans les divers plans
publics d'aménagement physique.
XII) Les enfants inadaptés doivent être
intégrés aussi souvent et aussi parfaitement que possible dans la
société dite normale. Ils ont droit aux mêmes avantages que
tous en ce qui concerne leur apprentissage et leurs loisirs.
XIII)Toutes les données colligées dans des dossiers divers
(dossiers scolaires, institutionnels) sont la propriété des
enfants et des parents pour le temps où ceux-là sont mineurs.
Ceux-ci ont donc le droit de contester l'exactitude des renseignements qui se
trouvent dans ces dossiers.
XIV) Finalement, l'enfant traduit en justice a droit non seulement
à une protection spéciale, mais aussi aux soins particuliers
nécessaires à sa rééducation.
Les pages qui suivent servent à expliciter les principes
énoncés. Je pense que les membres en ont probablement pris
connaissance. Je voudrais quand même insister sur un point particulier
qui nous semble important pour le fonctionnement de la commission qui serait
instituée, c'est à l'effet que l'information soit mise à
la disposition des enfants, du public et des parents, évidemment.
Souvent, même si les droits existent, on n'en permet pas l'exercice parce
que les gens ne sont pas suffisamment informés des ressources ou de
leurs droits.
En conclusion, je vous réfère à la page 11: "Que la
loi reconnaisse explicitement à la commission des droits de la personne
le pouvoir d'étudier les lois anciennes et nouvelles,
particulièrement celles qui concernent les enfants, ainsi que toutes
réglementations découlant de ces lois, dans l'optique des
principes contenus dans la Loi sur les droits et libertés de la
personne, et de faire des recommandations appropriées."
Deuxièmement: "Que le législateur insère dans la
Loi sur les droits et libertés de la personne un chapitre
consacré spécialement aux droits de l'enfant dans l'optique des
principes énumérés dans le mémoire de la
commission."
Je vous remercie.
Le Président (M. Pilote): L'honorable ministre de la
Justice.
M. Choquette: M. le Président, je voudrais tout d'abord
remercier Mme Lavoie-Roux et les personnes qui l'accompagnent qui
représentent la Commission des écoles catholiques de
Montréal.
Je leur suis reconnaissant d'avoir attiré l'attention de la
commission sur les dispositions du projet de loi qui concernent l'enfant, son
épanouissement et sa protection. Evidemment, les suggestions de la CECM
sont plus amples que les articles pertinents à ces questions qui se
trouvent au projet de loi. Je ne dis pas que nous ne retiendrons pas certains
éléments parmi l'énumération des droits qui
feraient partie de la charte des droits de l'enfant.
Je voudais quand même attirer l'attention de MMe Lavoie-Roux et
des représentants de la CECM sur différents articles du projet de
loi qui démontrent la préoccupation du législateur
à l'égard des droits de l'enfant.
Premièrement, le premier considérant est, à mon
sens, très important en ce qui concerne les enfants. Il se lit comme
suit: "Considérant que tout être humain possède des droits
et libertés intrinsèques destinés à assurer sa
protection et son épanouissement."
Evidemment, c'est un énoncé de portée
générale, mais il a quand même une portée à
l'égard des enfants en particulier.
J'attire aussi l'attention de la Commission des écoles
catholiques de Montréal sur l'article 36. J'ai eu l'occasion, je crois,
plus tôt, dans la matinée, de commenter d'une certaine
façon cet article pour dire qu'il contenait énormément de
résultats de l'évolution dans les rapports entre les enfants et
ceux qui ont autorité sur eux. A ce sujet, étant donné la
préoccupation de la Commission des écoles catholiques de
Montréal de maintenir l'unité de la famille, j'attire son
attention sur le projet de loi no 78 qui n'est pas, évidemment,
débattu devant la présente commission, mais qui a
été adopté au cours de la dernière session, Loi
concernant la protection des enfants soumis à des mauvais
traitements.
L'article 14 b) énonce que le comité pour la protection de
la jeunesse doit, dans la mesure du possible, préserver le milieu
familial dans lequel se trouve l'enfant. Donc, je crois qu'on trouvera dans cet
article un prolongement du principe énoncé à l'article 36.
Quant aux aspects du projet de loi no 50 qui parlent de la discrimination, ils
s'appliquent absolument aux enfants dans le système scolaire pour
éviter des phénomènes de discrimination. La philosophie
incorporée aux articles 11 à 17 sur la non-discrimination est
tout à fait applicable et transpo-sable au milieu scolaire, surtout
après l'implantation du bill 22 avec tous les problèmes que cela
peut causer dans différents milieux et, en particulier, au niveau de la
CECM. Je crois qu'il est particulièrement important que notre
société démontre une intention à tous les niveaux
d'éviter les formes de discrimination. Cela, justement, de façon
à établir des rapports normaux avec toutes les minorités
ethniques ou autres et en particulier celles qui s'incorporent au
système scolaire que dirige la CECM à Montréal.
Je souligne cet aspect qui est extrêmement présent à
mon esprit. Je me rends compte parfaitement des difficultés qui
résultent de l'application du bill 22, des désaccords que ceci
suscite dans certains secteurs de la société qui ont
adopté une position contre le bill 22. Je ne leur reproche pas d'avoir
des idées différentes de celles du gouvernement. C'est leur
droit. Nous sommes en société démocratique, mais je crois
que pour notre société tout entière, c'est un
impératif absolu à l'heure actuelle de réduire toutes les
causes de discrimination, des zones de conflits entre les groupes ethniques et
les groupes linguistiques, tout en donnant, évidemment, au
français la place qui lui revient normalement au
Québec, étant donné que c'est la langue de la
majorité, ce qui est quand même l'élément
d'où il faut partir.
Pour revenir au cas particulier des enfants, dans les droits
économiques et sociaux nous avons quand même voulu tenir compte du
droit des enfants à l'éducation. Nous l'avons mis comme principe
de la charte. C'est un acquis.
Si on revient à l'époque d'avant l'application de la loi
sur l'école obligatoire je pense que cela date de 1942
époque où on contestait à l'Etat le droit d'obliger les
parents à envoyer leurs enfants à l'école, que de chemin
parcouru, alors qu'aujourd'hui, c'est un principe qui est incontestable et que
l'Etat doit, dans ces conditions, fournir l'éducation.
Quant à la diversité des croyances religieuses et morales,
il faut tenir compte d'autres dimensions, les dimensions constitutionnelles, au
point de vue du système protestant et du système catholique. Mais
nous avons voulu, quand même, introduire un facteur de
flexibilité, qui déborde exclusivement les préoccupations
constitutionnelles de donner un enseignement catholique et un enseignement
protestant, pour que la liberté de religion et la liberté des
parents de voir à ce que leurs enfants aient un instruction religieuse
et morale suivant leurs propres convictions acquièrent une
reconnaissance dans le système scolaire, sujette, évidemment, aux
préoccupations constitutionnelles, sujette aussi à l'importance
des groupes en question, sujette à toutes sortes de contingences
matérielles, physiques, à nos ressources financières pour
donner ce genre de service.
Donc, je trouve que, si on analyse le projet de loi, on verra que
beaucoup des préoccupations de la CECM y trouvent une réponse.
Peut-être pas toute la réponse, je ne le dis pas, parce que
n'oubliez pas qu'il y a tout un développement législatif à
prévoir sur le plan du code civil. On sait que toute la partie de notre
code civil qui traite de la famille, des rapports entre parents et enfants, des
rapports entre époux, qui sont des facteurs dont il faut tenir compte, a
subi assez peu de modifications depuis 100 ans que le code civil existe.
Aujourd'hui, l'Office de révision du code civil est en train de regarder
tout cela et, d'ailleurs, a fait certaines suggestions dans un rapport
préliminaire sur le droit de la famille, qui a été rendu
public récemment et qui veut rendre compte des développements
sociaux et législatifs nécessaires pour que le droit actuel soit
conforme aux problèmes et aux impératifs de la famille en 1975,
ce qui représente quand même une évolution.
Alors, on pourra aussi, je pense bien, à la lumière de
l'adoption d'un nouveau code civil, voir que le problème de l'enfance va
subir des transformations. Il y a une autre zone où j'entrevois de
grands développements; c'est dans le domaine de la protection de la
jeunesse. On sait que le gouvernement avait déjà, il y a quelques
années, déposé un projet de loi, le projet de loi no 65,
qui, d'ailleurs, avait été controversé à
l'époque. Je crois que la CECM avait comparu pour faire des
représentations. Je me souviens que Mme Lavoie-Roux était venue
à la commission parlementaire conjointe de la justice et des affaires
sociales.
Depuis ce temps, nous avons consacré beaucoup de réflexion
à ce domaine de la protection de la jeunesse et nous essayons d'arriver
à des formules où nous allons évidemment tenir compte de
la dimension sociale du problème et aussi de la dimension légale
ou juridique de la question, de façon à faire en sorte qu'il y
ait plus de cohésion, de cohérence dans l'attitude de ces deux
secteurs fondamentaux dans le domaine de la protection de la jeunesse.
J'entrevois là aussi des développements qui vont venir
peut-être plus concrétiser la protection de la jeunesse, de
l'enfance, sans compter, évidemment, cette loi 78 à laquelle je
faisais allusion et qui a fait un pas au moins en ce qui concerne les enfants
soumis à des mauvais traitements.
A ce point de vue, je signale à Mme Lavoie-Roux
l'intérêt qu'il y a de dire aux enseignants, dans son
système scolaire, de signaler au comité pour la protection de la
jeunesse les cas d'enfants qui sont remarqués comme subissant de mauvais
traitements. Parce qu'avec cette loi, cela devient une obligation universelle,
pour toute personne au Québec, que de dénoncer des cas d'enfants
qui sont soumis à de mauvais traitements. La mesure a évidemment
été assez radicale, elle est exorbitante du droit
généralement en vigueur dans ce domaine parce qu'il n'y a pas de
loi que je connaisse qui force les gens à se faire les
dénonciateurs des autres.
Mais, dans le cas des enfants soumis à de mauvais traitements,
étant donné qu'ils sont sans défense, qu'ils sont soumis
à l'autorité parentale, il nous a fallu aller à des
mesures plus fortes et faire en sorte que toute personne qui constate qu'un
enfant est soumis à de mauvais traitements physiques, je ne dis pas des
critiques sur le plan du mode d'éducation que peuvent donner les
parents, ou enfin des difficultés d'ordre psychologique, parce que
là franchement cela nous aurait amenés peut-être dans un
système de délation beaucoup trop étendu, rapporter de
tels cas.
Mais les enseignants, dans les écoles, sont, dans nombre de cas,
aptes à constater eux-mêmes lesquels de leurs enfants peuvent
subir de mauvais traitements dans leur milieu familial. A ce moment-là,
ils doivent le rapporter au comité pour la protection de la jeunesse
qui, lui, analyse le cas et juge des mesures à prendre, soit sociales,
soit judiciaires, enfin avec tout l'éventail que l'on connaît.
Donc, nous nous sommes préoccupés de cette question de la
protection de la jeunesse et, comme je le dis, cette loi 78, c'est un premier
pas, mais on peut entrevoir dans un avenir assez rapproché d'autres
développements pour la reprise du débat dans tout le domaine de
la protection de la jeunesse. D'ailleurs, le ministre des Affaires sociales l'a
dit récemment et je suis du même avis.
Je crois que ces développements, sur le plan du code civil, de la
protection de la jeunesse et ce qui se trouve dans les dispositions du projet
de loi 50, devraient auand même faire accomplir des pas
importants du côté des préoccupations qui sont les
vôtres.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais simplement
répondre à M. le ministre que je pense que nous avons tout
à fait reconnu au départ que des principes généraux
qui étaient énoncés dans la loi trouvaient une application
tant auprès des enfants qu'auprès des adultes. Mais je reconnais
avec vous que dans la loi 78 on voit à l'article 14 b) qu'on pense au
maintien de la vie familiale pour l'enfant aussi longtemps que possible.
Je voudrais faire deux remarques. Dans le premier cas, c'est:
Considérant que tout être humain possède des lois et
libertés intrinsèques destinées à assurer sa
protection et son épanouissement; pour nous, cela ne nous semble pas
assez spécifique relativement aux enfants. On a tendance à croire
et je rejoins ici le principe 8 que j'énonçais tout
à l'heure en page 7 de notre mémoire ce n'est pas reconnu par la
société en général que l'enfant a quand
même droit à ses expressions d'opinion, a droit à se faire
entendre, par exemple, dans un cas de placement, dans un cas de protection de
l'enfance et tout cela, et qu'on est continuellement porté à
considérer l'enfant comme une personne diminuée. C'est vraiment
cette mentalité qui doit évoluer au point où on lui
reconnaît vraiment les mêmes droits qu'à l'adulte,
évidemment dans un contexte différent, avec les nuances que cela
demande.
Maintenant, pour ce qui est du maintien du milieu familial, je suis
d'accord avec vous que c'est un excellent pas quand, à l'article 14 b),
on le mentionne. Mais il ne s'agit pas ici d'une loi qui touche vraiment, c'est
excellent qu'on y ait pensé, qu'elle soit faite et tout cela... mais,
c'est quand même une partie très limitée des enfants
inadaptés ou des enfants qui ont des problèmes sociaux ou
psychologiques. Alors, je pense que ce maintien de la famille comme principe
devrait s'étendre à tous les autres cas d'enfants en
difficulté ou de familles en difficulté. Alors, si c'est un bon
pas dans la bonne direction et si, par contre, on croit au grand principe
général du maintien de la famille, c'est dans ce sens qu'il
devrait peut-être être introduit.
M. Choquette: Vous aimeriez qu'il ait une portée plus
générale...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Choquette: ... strictement que ce qu'on trouve dans le projet
de loi 78.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Choquette: Alors que je vous disais que ceci manifestait la
préoccupation...
Mme Lavoie-Roux: C'est cela.
M. Choquette:... générale, vous aimeriez que ce
soit exprimé.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Choquette: Je note votre suggestion.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Pilote): Est-ce qu'il y a d'autres
questions?
M. Burns: M. le Président, je n'ai pas de commentaires,
sinon que de remercier également la Commission des écoles
catholiques, Mme Lavoie-Roux et ses collègues, d'être venus nous
soumettre leur mémoire.
M. Choquette: Mon conseiller me demande de vous poser une
question.
Que visez-vous précisément par votre article 3, à
la page 7: L'enfant doit bénéficier pleinement des mesures de
prévoyance et de sécurité sociale, et doit être
protégé contre toute exploitation avant et au moment de quitter
l'école?
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'on pourrait parler de
différentes formes d'exploitation de l'enfant, par exemple si on pense
à la publicité, si on pense à l'exploitation au plan du
travail, les invitations qui sont faites en faisant miroiter aux jeunes le fait
qu'ils pourraient recevoir un salaire en allant travailler. On les incite
à quitter l'école avant que leur formation ne soit
complétée. Je pense qu'on pourrait citer d'autres exemples
d'exploitation des jeunes, tant durant leur temps d'école qu'au moment
de la sortie de l'école.
M. Choquette: Merci beaucoup.
Le Président (M. Pilote): D'autres questions?
On vous remercie, Madame, ainsi que ceux et celles qui vous
accompagnent, et soyez assurée que nous allons prendre bonne note de
votre mémoire.
Mme Lavoie-Roux: Merci bien!
Le Président (M. Pilote): La séance suspend ses
travaux jusqu'à trois heures, alors que nous entendrons la
Fédération des travailleurs du Québec,
représentée par M. Fernand Daoust.
(Suspension de la séance à 13 h 8)
Reprise de la séance à 15 h 30
M. Pilote (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs!
J'invite M. Fernand Daoust, représentant de la
Fédération destravailleursdu Québec, à bien vouloir
présenter son mémoire. M. Daoust.
Fédération des travailleurs du
Québec
M. Daoust (Fernand): M. le Président, avec votre
permission, je vais vous lire ce document de quelque neuf ou dix pages, quitte
à le commenter aussi au moment de la lecture.
La FTQ ne possède pas les énergies disponibles pour faire
une étude exhaustive de tous les articles du projet de loi 50. Mais nous
avons quand même tenu à faire part au gouvernement de remarques
touchant plus spécifiquement les droits des travailleurs et
travailleuses, les droits des syndiqués, les droits judiciaires qui se
situent dans le prolongement de l'exercice des droits syndicaux, ainsi que
l'ensemble des conditions de viequi affectentdirectement les travailleurs. Nous
avons enfin certaines remarques à faire, d'ordre plus
général, sur l'orientation du projet de loi. L'ensemble des
commentaires que nous désirons porter à votre connaissance se
situent dans le prolongement des positions officielles de la FTQ.
Malgré que nous accueillons le principe du projet de charte et
certaines de ses dispositions avec satisfaction, le projet de loi actuel nous
semble toutefois dépourvu des garanties fondamentales nous assurant que
la charte s'incarnera véritablement dans notre réalité
québécoise et imprégnera tant les décisions
gouvernementales que les façons de penser et d'agir de la
collectivité québécoise; pas plus que nous ne trouvons
dans le projet soumis le souci de garantir aux travailleurs les droits
socio-économiques qui nous apparaissent fondamentaux.
Notre présence à cette commission a donc pour but de
souligner, pour le bénéfice des membres de l'Assemblée
nationale et de l'opinion publique, les lacunes majeures du projet de loi 50,
qui, à notre sens, en font une pièce législative quelque
peu boiteuse; nous voulons également souligner certaines imperfections
du projet, auxquelles il serait possible de remédier par des
amendements.
Nous n'avons pas la naiveté de croire que les lacunes majeures
que présente le projet de loi 50 sont susceptibles de disparaître
en troisième lecture. Les grands oublis du législateur, pour
fondamentaux qu'ils soient, constituent autant de gestes politiques qu'il faut
reconnaître comme tels. Nous n'avons pas à nous étonnerde
l'incompatibilité des positions gouvernementales et des positions
syndicales à l'égard d'un projet de charte des droits, texte qui
ne peut que constituer la synthèse de la conception de l'organisation
sociale véhiculée par ses auteurs; cette incompatibilité
n'est pas nouvelle. Ceci dit, nous voulons profiter de notre droit à
exprimer notre dissidence, en soumettant également quelques
modifications mineures, acceptables, à notre sens, par le
législateur.
Voilà dix ans que la FTQ réclame du législateur une
charte québécoise des droits de la personne.
Avant-dernière province canadienne à se doter d'une charte des
droits, le Québec a l'avantage de pouvoir profiter des
expériences des autres provinces et de pouvoir identifier les faiblesses
des pièces législatives canadiennes de même nature. A cet
égard, l'aspect le plus positif du projet de loi qui nous est soumis est
sans doute la création d'un organisme chargé de la diffuser et de
voir à son application. L'expérience semble en effet
démontrer que des législations visant à abattre la
discrimination demeurent lettre morte, en l'absence d'un organisme
spécifiquement chargé de l'incarner dans des institutions et
rouages de la vie collective.
Nous exprimons donc notre satisfaction de voir le législateur
enfin répondre aux demandes répétées de doter le
Québec d'une charte des droits, de même que nous approuvons le
principe de la création d'une commission.
Pour une loi fondamentale.
A la suite de plusieurs organismes, nous voulons nous aussi demander au
gouvernement de faire de sa charte des droits une loi fondamentale qui ait
préséance sur toutes les autres lois, et amène
obligatoirement le gouvernement à ajuster toutes les législations
québécoises actuellement en vigueur aux codifications de la
charte. Sans doute un tel travail serait-il fort lourd, mais il nous
apparaîtrait le prolongement naturel de la volonté gouvernementale
de doter les Québécois d'une charte des droits, car
l'utilité d'une telle pièce législative sera sapée
à la base, si on ne lui donne pas une position centrale dans
l'élaboration des politiques gouvernementales. La persistance du
gouvernement à refuser de donner ce caractère fondamental
à ce document législatif transformera cette charte en
façade honorable et son adoption en entreprise de relations publiques.
L'adoption du projet de loi 50, sans modification à ce niveau,
constituerait un bien petit pas en avant; qu'on ne le fasse pas passer pour un
pas de géant.
La coexistence pacifique éventuelle de la loi 51 avec une charte
garantissant des droits que la loi 51 a précisément pour
rôle d'annihiler constitue pour nous une illustration de
l'absurdité qu'il y a à doter une collectivité d'une
charte des droits non fondamentale. La loi 51 a pour objet de rendre
régulière et admissible, pour peu que ce soit la volonté
du gouvernement, l'utilisation de mesures d'exception violant certains articles
du projet de charte à l'étude: perquisitions sans mandat,
saisies, écoute électronique. Nous avions dénoncé,
en temps et lieu, avec un grand nombre d'organismes, cette loi 51, mais, sans
succès.
Nous continuons à penser qu'il est indigne d'une
société démocratique de se donner les pouvoirs d'un Etat
policier. L'existence de la loi 51 contribue donc à rendre quelque peu
ironique la présentation d'une charte des droits.
Pour ce qui est de la commission chargée no-
tamment d'enquêter sur les atteintes à la discrimination,
nous serions rassurés de voir son mandat couvrir tous les droits et
libertés énoncés dans la charte et non pas seulement les
articles 11 à 17. Il s'agit làd'une restriction qui contribue
elle aussi à transformer en pièce décorative le projet de
charte.
Pour un principe d'égalité.
Pour la FTQ, une charte des droits devrait avoir comme pierre d'assise
un principe d'égalité de tous les citoyens au niveau de toutes
les manifestations de l'activité collective. Cette préoccupation
est absente du projet.
Nous ne trouvons pas dans le chapitre I, section I (libertés et
droits fondamentaux), une garantie à l'effet que tous les citoyens
doivent être assurés de développer de façon maximale
leurs aspirations et aptitudes ainsi que d'avoir un accès
égali-taire aux biens et services sociaux. Seul l'article 10 parle
d'égalité, mais de façon bien restrictive, puisqu'il
s'agit d'égalité devant la loi. Quant à nous,
au-delà des généralités des articles 1 à 6,
une charte des droits véritablement démocratique et
avancée ne saurait avoir d'autre point de départ qu'une
déclaration de principe allant dans le sens de la reconnaissance de
l'égalité sociale de tous les citoyens. Ce principe de base
devrait inspirer d'autres sections de la charte, notamment celle sur les droits
économiques et sociaux. Ce n'est pas le cas.
Pour les droits des travailleurs.
Il est un droit élémentaire que le projet de loi passe
absolument sous silence: le droit au travail. On parle du droit à
l'assistance financière, mais pas du droit au travail. Pour nous, la
justice sociale et la démocratie commencent par la garantie que toute
personne valide et en mesure de travailler doit être pourvue d'un emploi
répondant à ses compétences. Nous reviendrons plus loin
sur l'article 42, qui a pour objet de garantir des conditions de travail
équitables aux travailleurs en emploi.
Dans le prolongement du droit au travail auquel il est d'ailleurs
conditionné, nous réclamons depuis quelques années un
droit véritable pour tous les travailleurs à la syndicalisation.
Malgré que l'on n'ait pas jugé bon de l'inclure dans la charte,
les travailleurs, sauf quelques exclusions, ont un droit formel de se
syndiquer, en vertu du code du travail Il en est cependant bien autrement
lorsque vient le moment d'incarner ce droit. Les lois du travail actuelles, en
écartant le principe de l'accréditation sectorielle, permettent
l'existence d'un marché du travail défavorisé, royaume de
l'exploitation des catégories traditionnellement discriminées,
notamment les femmes et les travailleurs immigrés. Les syndicats, dont
les ressources sont limitées, ne parviennent pas à
pénétrer ces secteurs, dépourvus qu'ils sont d'un cadre
légal permettant de vaincre les obstacles objectifs à la
syndicalisation. A titre d'exemple, mentionnons la taille des entreprises. Ces
lacunes législatives empêchent plus d'un travailleur sur deux
d'avoir accès à une sécurité d'emploi minimum, au
respect de ses droits et à la revendication collective. Pour la FTQ, le
droit à la syndicalisation se confond avec le droit de ne pas être
un objet bal- lotté sur le marché du travail au gré des
plus puissants.
Il n'est pas suffisant d'avoir le droit à la syndicalisation.
Même si on a réussi à se syndiquer, encore faut-il avoir et
conserver le droit de grève. Nous ne faisons pas mystère à
la FTQ que nous considérons que les travailleurs devraient avoir le
droit de grève en tout temps, et ne plus être assujettis à
des délais stricts comme l'indique l'actuel code du travail. Depuis
plusieurs années, nous réclamons que l'on cesse de limiter la
capacité d'exercer notre droit de grève. Pas plus qu'il
était réaliste de croire que l'abolition du droit de grève
dans le secteur public allait interdire toute grève, il n'est pas
réaliste de vouloir enfermer notre droit de grève à
l'intérieur d'étroites frontières. La profusion de
grèves illégales que nous avons connue ces temps derniers en
constitue une preuve. Les travailleurs n'ont d'autre arme que celle-là;
ils ne se résigneront pas à la laisser au placard deux fois sur
trois. C'est pourquoi le droit de grève est pour nous
irremplaçable et inaliénable, sauf en cas d'entente volontaire;
aucune autre procédure ne peut le remplacer et n'est susceptible de
préserver une possibilité pour les travailleurs de profiter du
rapport de force employeur-travailleurs. C'est pourquoi enfin le droit de
grève est un droit qui devrait figurer dans une charte des droits.
Le droit de grève à son tour n'est pas sans subir
plusieurs outrages qui l'invalident bien souvent. Toute légale qu'elle
soit, une grève risque fort d'être annihilée par l'action
combinée de la limitation du droit au piquetage et la possibilité
laissée à l'employeur de poursuivre la production avec l'aide de
briseurs de grève.
Il n'est donc pas suffisant d'avoir le droit théorique à
la grève. Il faut en plus pouvoir l'exercer avec un minimum
d'efficacité. A cet égard, les lois du travail qui ne
prévoient pas l'interdiction d'utiliser des "scabs" portent atteinte au
droitde grève. Que dire enfin des injonctions accordéees si
complaisamment, ces procédures judiciaires qui ne respectent pas les
lois démocratiques élémentaires, et on cite la
règle: Audi alteram partem, et annulent les effets de la grève,
cela sans parler de l'outrage au tribunal, procédure arbitraire s'il en
est, qui frappe trop souvent les travailleurs.
Ils ont persisté a exercer un droit qu'on veut leur soustraire,
mais contre l'utilisation abusive des injonctions dans les conflits de travail
qui ont pour conséquence de perturber les rapports de force; contre
l'utilisation abusive des outrages au tribunal, qui ne visent pas à
permettre le déroulement normal d'un procès, mais
interfèrent eux aussi dans l'exercice d'un droit démocratique, la
charte des droits québécois ne dit pas un mot.
Les critères de discrimination.
L'article 11, où l'on retrouve la liste des critères de
discrimination, omet certaines catégories importantes. Il s'agit de
l'état civil: les femmes mariées, notamment, ayant parfois des
démêlés avec des employeurs ou encore des institutions
financières; il s'agit aussi de l'âge, les membres de certaines
catégories d'âge (les plus jeunes ou les plus âgés)
rencontrant des difficultés particulières sur le marché du
travail.
La discrimination à l'endroit des femmes.
Quelques articles du projet de loi 50 concernent directement les femmes
sur le marché du travail. Avant de faire nos commentaires sur les
articles 17 et 43, nous voudrions réclamerque l'on ajoute à la
charte un article assurant que les hommes et les femmes ont des droits
égaux en tant que citoyens ainsi qu'à l'intérieur du
couple. Ce principe devrait être explicitement à la base des
articles concernant spécifiquement les femmes.
L'article 17 veut annihiter certains effets possibles et excessifs de
l'article 11 (critères de discrimination), mais sans contester
l'opportunité d'une telle précaution, quelques lignes de
l'article 17 nous semblent dangereuses.
La première partie de l'article 17 nous apparaît, en effet,
charrier le statu quo et tout son potentiel de discrimination, d'ailleurs
largement utilisé, envers les femmes au travail. On y admet qu'un
employeur peut exprimer une "distinction, exclusion ou préférence
fondée sur les aptitudes exigées pour un emploi". Cette petite
phrase est suffisante pour permettre la perpétuation d'un double
marché du travail, l'un pour les hommes et l'autre pour les femmes, d'un
double système de placement et d'offre d'emploi. Le caprice des
employeurs, qui ont compris que les concepts "salaires féminins" et
"salaires masculins" charrient des réalités monétaires
bien différentes, permettra encore de statuer que les aptitudes requises
font qu'il est impérieux que les postes de téléphoniste,
dactylo et d'opératrice de machine dans l'industrie du vêtement
soient confiés à des femmes, alors qu'il est tout aussi
impérieux que les postes d'inspecteur de la production dans les usines,
de mécanicien et de gérant des ventes soient confiés
à des hommes.
La FTQ, lors de son dernier congrès, considérait que la
désexualisation du marché du travail était l'objectif
prioritaire à atteindre, si l'on voulait que cesse la discrimination
à l'endroit des femmes. C'est pourquoi nous demandons aux auteurs du
projet de loi 50 de repenser cet article, pour éviter que les femmes et
réciproquement les hommes ne puissent accéder à certains
emplois. Nous croyons que les hommes et les femmes devraient être libres
d'accéder aux emplois qu'ils désirent, indépendamment des
performances musculaires exigées par tel type d'emploi. Si une femme a
la résistance requise et désire être éboueur,
plombier ou camionneur, nous ne voyons pas comment un employeur pourrait l'en
empêcher à moins de faire de la discrimination. On cite le cas du
Syndicat des métallos qui a maintenant quelques femmes-mineurs sur la
Côte-Nord. Malheureusement, l'article 17, dans sa rédaction
actuelle, permettrait largement cette discrimination.
Nous ne voulons pas suggérer ici une formulation précise.
Nous demandons, toutefois, au gouvernement de reconsidérer la
rédaction de cet article; l'exemple américain (Civil Rights Act
of 1964, Title VII, tel qu'amendé en 1972) pourrait constituer une
heureuse inspiration. Ce texte de loi stipule que les seules exceptions
permises par la loi antidiscrimination désignent les cas où la
religion, le sexe ou l'origine ethnique constituent des quali- fications
professionnelles "bona fide" raisonnablement nécessaires au
fonctionnement normal de l'organisme ou de l'entreprise. En cas de plainte,
l'employeur doit prouver que tel est véritablement le cas; la
jurisprudence semble indiquer que, dans les cas de discrimination sexuelle, des
raisons "d'authenticité" doivent être invoquées: les
acteurs, les éducateurs spécialisés, etc.
L'article 43 concernant le salaire (traitement égal pour un
travail égal) témoigne de la même faiblesse que l'article
17. S'il est grandement temps que les citoyens, et principalement les
citoyennes québécoises se voient assurés de cette garantie
de justice élémentaire, puisque nous étions les seuls en
terre nord-américaine à ne pas l'avoir, nous pourrions au moins
profiter des expériences des autres pour passer un article de loi sans
reproche et assuré d'atteindre l'objectif visé. A cet
égard, il est élémentaire de nuancer l'expression "travail
égal" pour que des différences absolument mineures ne puissent
être invoquées pour justifier le paiement de salaires
inférieurs aux femmes. Des expressions comme "travail équivalent"
ou "de valeur égale" seraient sans aucun doute pertinentes. L'on n'a
d'ailleurs en ce domaine qu'à prendre exemple sur les provinces
canadiennes à l'ouest du Québec, ainsi que sur le code canadien
du travail;' les provisions législatives que ces gouvernements ont
votées en ce domaine vont dans le sens que nous indiquons.
Nous trouverions, également, opportun de compléter
l'exigence du salaire égal par celle d'avantages sociaux égaux,
sauf pour ce qui concerne la maternité.
Les cas où les femmes comme groupe sont discriminées au
niveau notamment des régimes de retraite sont nombreux.
Quant aux circonstances pertinentes dont il est question au paragraphe
suivant, l'expérience des provinces ou pays où l'Etat a
légiféré en ce sens a démontré que les
employeurs tentent toujours de faire flèche de tout bois et de toute
circonstance plus ou moins pertinente, c'est pourquoi de telles
généralités nous semblent à proscrire, dans la
mesure où ne sont pas rédigées en même temps des
réglementations précises et où aucun organisme n'est
mandaté expressément pour surveiller la situation et la corriger
làoù c'est nécessaire, à l'aide de sanctions
significatives.
Tout en espérant que les articles 17 et 43 seront
remaniés, nous croyons toutefois que ces questions de discrimination
envers les femmes au travail mériteraient une loi indépendante de
la charte, de même qu'un organisme spécifique pour appliquer les
pouvoirs d'enquête et de sanction qu'une telle loi ne manquerait pas
d'avoir, nous l'espérons. Nous remarquons, d'autre part, à
l'article 78, la disparition de la loi sur la discrimination dans l'emploi;
nous ne le regrettons pas, car elle était bien pauvre et inefficace,
mais les articles 17 et 43 ne suffisent pas à remplacer une loi
spécifique.
La FTQ est entièrement d'accord sur le principe et la
rédaction de l'article 40 qui garantit aux minorités ethniques le
droit de faire progresser leur propre vie culturelle. Cette garantie est
indis-
pensable dans une société démocratique et
hétérogène. Autant l'article 40 nous semble bien venu,
autant il serait normal de garantir le droit pour la majorité de prendre
les mesures requises pour protéger ses droits culturels et
linguistiques, à commencer par celui d'intégrer les immigrants
à la collectivité francophone, sans porter atteinte à leur
authenticité culturelle. Majoritaires au Québec, mais de plus en
plus minoritaires au Canada, les francophones que nous sommes ne devraient pas
hésiter à s'affirmer comme tels dans une charte des droits. A cet
égard, le gouvernement est beaucoup trop timoré dans l'ensemble
de ses politiques linguistiques et ne devrait pas céder sous les
pressions des groupes extrémistes anglophones.
Pour des conditions de travail équitables.
L'article 42 a pour objet de garantir des conditions de travail justes
et raisonnables. Nous trouvons la formulation un peu brève. Nous
proposons d'inclure dans cet article d'autres notions: celle d'une
rémunération équitable, susceptibled'assu-rer au
travailleur et à ses dépendants un niveau de vie décent;
celle d'un milieu de travail sécuritaire; celle de conditions justes et
raisonnables en ce qui concerne les heures de travail et les congés.
Nous avons insisté dans notre mémoire sur les droits
collectifs. Il ne fait pas de doute pour nous que ce sont les groues
organisés dans notre société qui sont à l'origine
des changements sociaux, qui lui apportent son dynamisme, et qui contribuent
à améliorer les conditions objectives de vie de la population. En
ce sens, les droits individuels que reconnaît le projet de loi 50, pour
importants qu'ils soient, sont très insuffisants si on ne
complète pas cette approche par une autre approche collectiviste. C'est
ce point de vue que notre mémoire a voulu défendre.
Le Président (M. Sylvain): M. le ministre de la
Justice.
M. Choquette: M. le Président, je suis prêt à
céder mon droit de parole à d'autres députés autour
de cette table. Je donnerais mon avis et je poserais mes questions à M.
Daoust peut-être après, s'il y ad'autresdéputésqui
veulent prendre la parole, libre à eux.
M. Burns: Je trouve que le mémoire de la
Fédération des travailleurs du Québec est très
clair. En ce qui me concerne, je ne sens pas le besoin de poserdesquestions
à M. Daoust. Encore une fois, j'espère que, lorsque la commission
siégera article par article, elle prendra bonne note de certaines des
recommandations de la FTQ.
Le Président (M. Sylvain): Y a-t-il d'autres membres de la
commission qui veulent s'exprimer?
M. Choquette: Si aucun autre membre de la commission ne veut
s'exprimer, je désirerais m'exprimer, M. le Président.
Je trouve que la rapidité avec laquelle le secrétaire
général de la FTQ a lu le mémoire de son groupe symbolise
peut-être la rapiditéde la rédaction du mémoire. Je
pense que M. Daoust n'a pas prononcé ce mémoire avec toute la
conviction qu'on aurait attendue de lui. Il me semble qu'il s'agit d'une
espèce de devoir qui a été fait rapidement, pour que la
FTQ fasse surface. Je ne reproche pas à la FTQ de vouloir faire surface,
après un certain nombre de révélations à la
commission Cliche. Sans insister sur le caractère accablant des
révélations faites...
M. Burns: M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. Choquette: Non. J'ai la parole.
M. Burns: II n'y a pas d'affaire...
Voyons donc! Vous le faites exprès absolument actuellement et de
façon dégueulasse, absolument dégueulasse pour changer le
sujet, et c'est tout à fait drôle, M. le Président, que ce
matin, le ministre de la Justice nous dise: J'ai un tas de commentaires et un
tas de questions à poser aux représentants de la Ligue des droits
de l'homme. J'ai un tas de problèmes à soulever aux
représentants de la Commission des écoles catholiques de
Montréal et tout à coup, il saisit cette occasion pour soulever
les problèmes qui sont discutés à la commission Cliche
à l'endroit, justement, d'une personne qui est en train d'essayer de
faire de son mieux pour devancer les travaux de la commission Cliche.
A ce moment, M. le Président, je trouve que l'attitude du
ministre...
M. Choquette: M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. Burns: Invoquez ce que vous voudrez. Le Président (M.
Sylvain): A l'ordre! A l'ordre! M. Choquette: J'invoque le
règlement.
M. Burns: C'est dégueulasse, absolument
dégueulasse.
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre! A l'ordre! M.
Choquette: J'invoque le règlement. M. Burns: Invoquez ce que vous
voudrez. Le Président (M. Sylvain): A l'ordre! A l'ordre!
M. Burns: Vous rabaissez le ministre de la Justice à faire
des choses comme vous faites...
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre! A l'ordre! M. Burns:
... absolument.
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre! Selon moi, il n'est
pas de circonstance qu'on s'obstine de cette façon quand on recherche
à promouvoir la liberté des droits individuels.
M. Burns: On vient de voir la dimension du ministre de la
Justice...
M. Choquette: M. le Président, j'ai soulevé
une...
M. Burns: On vient de voir exactement...
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!
M. Choquette: M. le Président, j'en ai assez de la
démagogie du député de Maisonneuve...
M. Burns: Parlons de la démagogie du ministre de la
Justice.
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!
M. Choquette: Non! Non! Non!
Le Président (M. Sylvain): J'invite le ministre de la
Justice...
M. Choquette: J'avais la parole, et j'ai même dit...
M. Burns: Vous avez des gens à qui actuellement, on nous
défend de poser des questions devant la commission parlementaire.
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!
M. Burns: ... qu'on nous défend de soulever devant
l'Assemblée nationale...
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!
M. Choquette: M. le Président, j'invoque le
règlement.
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!
M. Burns: Le ministre lui-même...
M. Choquette: Qui a la parole?
M. Burns: ... saisit l'occasion...
M. Choquette: Qui a la parole?
Le Président (M. Sylvain): Je vais la prendre, si vous
voulez me la laisser.
M. Choquette: Décidez-vous!
M. Burns: Servez-vous en de votre droit de parole...
M. Choquette: Etes-vous président ou ne l'êtes-vous
pas?
M. Burns: ... à la hauteur de votre fonction.
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!
M. Choquette: Laissez faire ma fonction. Je m'occupe de ma
fonction...
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!
M. Choquette: ... occupez-vous de la vôtre!
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!
M. Burns: On a un très bel exemple dans la personne du
premier ministre.
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!
M. Choquette: Occupez-vous de votre fonction. Je vais m'occuper
de la mienne. J'ai soulevé une question de règlement et je vous
dis que vos propos sont irrecevables et que j'ai le droit de m'adresser
à M. Daoust qui est un homme qui est capable de se
défendre...
M. Burns: J'ai le droit de vous dire que c'est absolument
dégueulasse ce que vous faites.
M. Choquette: Vous êtes hors d'ordre en me disant que je
suis dégueulasse. Avez-vous compris? Vous êtes hors d'ordre.
M. Burns: Je vous dis et je vous répète. C'est bien
dommage, mais vous n'avez pas de chef de police pour me fermer la bouche
actuellement.
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre! A l'ordre!
M. Choquette: Vous avez un complexe policier.
M. Burns: C'est vous qui l'avez!
M. Choquette: Non. Moi, j'ai le complexe de la libre parole! J'ai
le droit de m'adresser à M. Daoust, parce qu'il est capable de
m'entendre.
M. Burns: Mais vous faites quelque chose qui n'est absolument pas
à la hauteur d'un ministre de la Justice.
M. Choquette: Laissez faire la hauteur du ministre de la
Justice.
M. Burns: D'ailleurs, là-dessus, vous suivez très
bien le premier ministre, qui n'a jamai s été à la
hauteur!
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!
M. Burns: ... c'est juste un back-bencher!
M. Choquette: M. le Président, le ministre de la Justice
ne se prétend pas atteint de hauteur.
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre! A l'ordre! M. le
ministre, à l'ordre!
M. Burns: Faites toutes vos conneries! Allez-y!
Le Président (M. Sylvain): Si le député de
Maisonneuve veut intervenir, le ministre de ia Justice avait la parole.
M. Burns: Je vais lui laisser faire ses conne-ries!
Le Président (M. Sylvain): II opinait avec quelqu'un
à la barre. A mon sens, le ministre de la Justice dira ce qu'il voudra
et le député de Maisonneuve pourra demander la parole et je la
lui donnerai volontiers.
M. Burns: Je pourrai dire ce que je veux aussi.
Le Président (M. Sylvain): Vous direz ce que vous
voudrez.
M. Desjardins: II veut se faire expliciter.
M. Choquette: II peut dire tout ce qu'il veut. Je ne l'ai jamais
empêché de dire ce qu'il veut. Je n'ai jamais soulevé de
question de règlement à contretemps, M. le Président.
Le Président (M. Sylvain): II pourrait y avoir une
question de pertinence, aussi, je pense que nous sommes ici pour étudier
une charte et entendre quelqu'un à la barre.
M. Choquette: Oui. Oui.
Le Président (M. Sylvain): Continuez votre droit de
parole, M. le ministre, et le député de Maisonneuve pourra
intervenir après.
M. Burns: II pourra dire ce qu'il voudra, lui aussi,
d'accord?
M. Choquette: M. Daoust, je disais donc que j'aurais
compté que la FTQ, que vous représentez aujourd'hui,
malgré les problèmes qui l'assaillent à l'heure actuelle
et je comprends très bien que vous n'en êtes pas
personnellement responsable... A ce point de vue, je pense que le
député de Maisonneuve aurait tort de voir dans mes propos une
attaque à votre égard. Je conçois très bien que les
fonctions que vous occupez peuvent être accaparantes et difficiles. Par
contre, je sais que ce projet de loi tenait à coeur, au moins à
une certaine époque, à certains membres de la direction de la
FTQ. Je m'étonne qu'on présente un mémoire qui
n'offre pas la solidité qu'on devrait en attendre, d'autant plus qu'il
est rempli, je dirais, d'un certain nombre d'exagérations, sinon do
faussetés.
Par exemple, je note qu'au cours de votre mémoire, vousfaites
allusion à la loi 51 etque vous y associez l'écoute
électronique. Est-ce que cette écoute électronique vous a
fait si mal, M. Daoust, que vous sentiez le besoin de ramenercette question
à la surface?
Vous devriez savoir que l'écoute électronique est une
matière qui est contrôlée en vertu de la loi de la vie
privée, une loi fédérale et aucune loi provinciale ne
porte sur ce sujet. Serait-ce, M. Daoust, que certains enregistrements
reproduits dans d'autres forums, d'autres commissions, d'autres procès,
vous auraient fait tellement mal que vous l'auriez sur le coeur et que vous
sentiriez le besoin de reprocher au gouvernement du Québec d'avoir fait
son devoir?
M. Burns: Je n'ai jamais vu une intervention d'une bassesse comme
celle-là!
M. Choquette: Non, non.
M. Burns: C'est d'une bassesse! Une chance que vous achevez comme
ministre de la Justice! Cela paraît!
M. Choquette: Un instant!
Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!
M. Burns: C'est d'une bassesse!
M. Choquette: M. Daoust, sentiriez-vous qu'il faut reprocher aux
forces policières d'avoir utilisé l'écoute
électronique pour venir nous le reprocher à l'occasion de cette
loi 51, que vous reprochez au gouvernement comme étant en contradiction
avec la charte des droits de l'homme?
Il me semble que je peux poser facilement la question sans soulever
l'ire du député de Maisonneuve, mais dans un dialogue avec vous
qui se veut au niveau de la bonnefoi que vous manifestez et que votre groupe
manifeste, parce que je pense qu'il est temps que la FTQ mette ses cartes sur
la table. Ou elle veut être un organisme responsable, un organisme qui
représente ses membres, ses travailleurs, pas un organisme qui nous
envoie des slogans vides de sens, comme un certain nombre qu'on voit dans votre
mémoire. Ce n'est pas ce que le peuple veut à l'heure actuelle.
Le peuple veut qu'on représente ses intérêts
véritables, pas une série de déclarations qui ne
correspondent pas à la réalité et qui ne correspondent pas
aux besoins des travailleurs.
M. le Président, je ne veux absolument pas insister sur ce point,
parce que le gouvernement dont je fais partie et je le dis au
député de Maisonneuve et à M. Daoust n'est un
gouvernement antisyndical en aucune façon, mais il me semble qu'il est
temps que le mouvement syndical atteigne à une certaine maturité.
Il me semble que les syndicalistes doivent représenter les
intérêts véritables des travailleurs et non pas les
intérêts bas, et je garde ce qualificatif d'un certain nombre
d'officiers syndicaux dont on entend parler dans les journaux et devant
certaines commissions. M. Daoust, je ne vous blâme pas. Je sais que vous
avez hérité d'une lourde charge. Mon attaque n'est pas à
votre égard. Je sais que votre tâche est immense. Je vous souhaite
bonne chance! Si je pouvais vous donner mon appui, je vous le donnerais, mais
ne vous enfermez pas dans les slogans qui sont vides de sens et qui ne
représentent pas les intérêts véritables des
travailleurs.
Au Québec, à l'heure actuelle, il est temps que nous
fassions la paix syndicale. Il est temps que nous nous entendions, mais nous
allons nous entendre dans un dialogue honnête, réel,
véritable, un dialogue qui n'emploie pas de faux-fuyants et de
déclarations vides de sens. Je sais que vous êtes trop
réaliste pour en employer, c'est pour cela que je ne mets pas sur votre
compte le fait que vous ayez lu avec une très grande rapidité ce
mémoire, qui n'est pas de votre cru, parce que vous avez autre chose
à faire, à l'heure actuelle. Par contre, je désire dire
que je vous suis reconnaissant, je suis heureux que la FTQ se soit
présentée aujourd'hui, parce que c'était le signe que la
FTQ va maturer, dans les mois qui vont venir, pas pour sacrifier les
intérêts des travailleurs, personne ne vous demande cela, mais
pour prendre les intérêts véritables des travailleurs.
Vous me parlez de droit au travail. Vous nous avez fait des reproches
à ce point de vue. C'est un débat idéologique qui peut
être intéressant. Là, on tombe dans du concret, parce que,
après tout, il y a des sociétés où on garantit le
droit au travail, mais on sait quelle est la contrepartie de ce droit au
travail. En Union soviétique, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en
Hongrie, le droit au travail est garanti, mais à quelles conditions? Il
n'y a pas de syndicalisme libre. Il n'y a pas de chef syndical, comme vous, qui
puisse se présenter devant des commissions parlementaires et dire au
gouvernement: Ecoutez, vous allez faire ci, vous allez faire ça.
Certainement, tout le monde travaille, mais tant que nous allons avoir un
système capitaliste, dans lequel vous êtes aussi impliqués
que nous, parce que le syndicalisme est la réplique sociale du
système capitaliste, ne nous parlez pas de droit au travail.
Quel employeur peut garantir le droit au travail? Cela ne sert à
rien de faire croire aux travailleurs d'ailleurs, vous le voyez plus que
moi-même, M. Daoust, dans le domaine de la construction, alors que vous
avez une main-d'oeuvre de 100,000 personnes peut-être, qui est
appelée à travailler sur différents chantiers qui
peut garantir la liberté au travail. S'il arrive demain une crise
économique et que la construction baisse au Québec et que les
entrepreneurs arrêtent de lancer des projets, que va-t-il se produire?
Qui va donner une garantie de travail? Qui va rendre ce droit au travail, que
vous réclamez, immédiat, concret, pour chacun des 100,000
travailleurs que vous représentez avec la CSN et la CSD? Personne,
à moins qu'on décide que le gouvernement va tout prendre en
charge. Mais, là, il va falloir accepter la contrepartie,
théoriquement. Et la contrepartie, je le regrette, mais c'est la
dictature. Vous ne la voulez pas. Nous ne la voulons pas. Et le Parti
québécois ne la veut pas. Alors, ne parlez pas de droit au
travail, alors que nous n'avons pas les moyens, dans un système de libre
marché, de libre entreprise, de garantir cette liberté de
travail.
Vous nous avez parlé de droit de grève. Tout le monde
admet que le droit de grève existe en principe, pour les travailleurs.
Ce n'est pas remis en question. Cela découle du droit d'association. Si
vous aviez lu notre projet de loi, vous sauriez que nous reconnaissons le droit
d'association. Historiquement, le droit de grève s'associe au droit
d'association. C'est la conséquence du droit d'association. Le droit de
grève est limité exclusivement dans certaines fonctions
particulières, comme celles qui intéressent le maintien de
l'ordre public, la police, et peut-être d'autres activités du
même ordre, ou encore durant la durée de conventions collectives.
Par conséquent, quand vous dites que nous ne reconnaissons pas le droit
de grève, comme si nousdevions le reconnaître, je vous dis qu'il
est implicite dans ce projet de loi, du fait qu'il y a une reconnaissance du
droit d'association et qu'historiquement et juridiquement le droit de
grève est associé au droit d'association. Il ne faudrait quand
même pas chercher midi à quatorze heures et inventer des choses
qui ne sont pas exactes. Personne ne remet ce droit en cause. M. Daoust, pour
être réaliste, vous n'allez pas prétendre qu'on peut
déclencher des grèves à tout moment, durant les
décrets et les conventions collectives et ériger ce
système à l'état de principe. L'autre partie, avec
laquelle vous négociez, et avec laquelle vous cherchez à arriver
à des accords valables pour ceux que vous représentez, a le droit
à une certaine sécurité contractuelle aussi. Je comprends
qu'actuellement nous sommes dans une période d'inflation. Le coût
de la vie mange le salaire des travailleurs, surtout des plus mal payés,
pas des mieux nantis, comme ceux de la construction, mais ceux des plus mal
payés. Evidemment, je comprends que cela crée des
problèmes sociaux. Nous avons le problème de faire coexister le
droit légal au respect des contrats, au respect des sentences
arbitrales. Nous avons une préoccupation, je suis sûr que vous
l'avez aussi, d'avoir le respect de la parole donnée durant un certain
temps, sinon, tout est toujours remis en question.
D'un autre côté, il faut bien se rendre compte avec vous,
M. Daoust et à ce point de vue, je comprends vos problèmes
que lorsque le coût de la vie augmente et qu'il y avait des
éléments imprévus au moment de la négociation d'un
décret ou d'une convention collective, nous avons le problème des
travailleurs qui voient leur revenu être mangé par l'augmentation
du coût de la vie.
S'il était possible d'avoir un dialogue avec vous pour essayer de
résoudre ces problèmes, non pas dans une confrontation, non pas
dans un affrontement, mais de résoudre ces problèmes en se
disant: Occupons-nous donc du bien commun, et le bien commun intéresse
autant les travailleurs que vous représentez que les employeurs, je
pense que cela serait plus concret que de nous livrer un peu ce genre de
réflexion que vous nous avez faite, sans que je vous fasse des reproches
trop graves sur ce plan.
Evidemment, vous nous avez parlé du recours à
l'injonction. Mais sait-on que les groupes de travailleurs, les syndicats, ont
recours à l'injonction contre les employeurs? Je ne dis pas que
l'injonction est la solution parfaite en matière de relations de
travail. Je ne dis pas que l'outrage au tribunal
non plus est une solution idéale. Je ne prétendrais pas
cela du tout. Il faut probablement rechercher des solutions plus conformes aux
problèmes actuels, pour que, à la fois dans le monde du travail
et chez les employeurs, on ait conscience que les tribunaux, qui doivent
statuer dans certains cas, déterminer les droits et éviter que ce
soit la loi de la jungle qui s'instaure, puissent statuer.
Mais nous dire, du jour au lendemain: Ecoutez, l'injonction, l'outrage
au tribunal, vous allez nous faire disparaître tout cela. C'est bien
beau, mais par quoi va-t-on remplacer le respect des lois? Si c'est possible,
mettez-vous à la place de ceux qui ont à administrer la loi.
Peut-on avoir un régime de désordre? Quelqu'un, au Québec,
veut-il un régime de désordre? Je ne crois pas que ce soit
à l'avantage de qui que ce soit. Un régime de désordre
sera la catastrophe collective et ne donnera rien à personne.
Evidemment, si vous nous disiez: Nous allons chercher de nouvelles
solutions aux problèmes de l'application de la loi aux problèmes
sociaux, là, je vous suis, M. Daoust. Je suis prêt à vous
suivre sur ce terrain. Il faut que le gouvernement actuel ait un dialogue
franc, honnête et sincère avec vous sur ce plan. Mais ne nous
servez pas des choses trop banales, parce qu'il faut, je crois, résoudre
des problèmes réels, qui intéressent les travailleurs que
vous représentez, qui intéressent les employeurs, qui
intéressent le gouvernement, qui intéressent la
société tout entière.
Je regrette si j'ai été un peu dur avec vous au
début. Je ne voulais d'aucune façon vous imputer quoi que ce
soit, excepté qu'il y a de larges parties de la population
québécoise qui sont un peu scandalisées, à l'heure
actuelle, du comportement qui existe dans certains milieux syndicaux. Pour ma
part, je vous souhaite bonne chance dans votre tâche d'assainir ce
milieu.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Maisonneuve.
M. Daoust: M. le Président, nous avons
préfacé notre mémoire en mentionnant que notre conception
de l'organisation sociale véhiculée par la FTQ était
incompatible avec la vôtre. Nous ne nous sommes pas cachés pour le
dire. Je comprends mal cette flambée que vous avez eue, au tout
début, à l'égard de ce qui se passe, à ce
moment-ci, à la commission Cliche.
La FTQ a fait connaître, à de multiples reprises, sa
désapprobation de certains comportements, de certains gestes, de
certaines pratiques syndicales, et elle met tout en oeuvre, depuis le
début du mois de décembre, pour assainir les syndicats qui
seraient, dans une certaine mesure, responsables d'un tel état de
choses. C'est public, nous l'avons répété à
satiété et nous prenons les moyens pourf aire en sorte que, chez
nous, à l'intérieur de nos rangs, on ne retrouve plus les gens
qui se servent de leur poste sur le plan syndical à des fins
personnelles.
Nous n'avons pas mâché nos mots pour dénoncer
publiquement certaines pratiques et pren- dre les moyens voulus pour qu'il n'y
ait pas de récidive dans l'avenir. Je dois vous dire que je ne suis pas
tout à fait d'accord avec vous. Je suis loin d'être sur la
même longueur d'ondes en ce qui a trait à la rapidité de la
lecture du mémoire. Je pense que ce n'est pas tout à fait
pertinent. Cela n'affecte en rien la conviction de celui qui le lit et de ceux
qui l'ont approuvé. Je dois vous dire qu'essentiellement,
indépendamment de toute commission d'enquête, ce mémoire
reflète fondamentalement les positions qui ont été prises
à de multiples congrès de la FTQ, les grandes orientations qui
nous ont été données par des
délégués. Elles sont traduitesdans un document. Je ne
connais aucun des aspects soulevés dans ce document qui n'ait pas fait
l'objet d'un débat, à l'occasion d'un congrès de la FTQ,
que ce soit à l'égard de la loi 51 et du problème du droit
de grève et de celui de la discrimination, concernant les femmes ou les
personnes âgées, ou à l'égard du droit à
l'emploi pour les travailleurs.
Tous ces sujets ont fait l'objet de multiples prises de position, tant
au niveau du bureau de la FTQ, de son conseil général, que lors
des derniers congrès. Ce n'est donc pas un document bâclé,
comme vous semblez le prétendre. Ce n'est pas un devoir mal fait que
nous venons vous soumettre pour nous acquitter d'une tâche et pouvoir
dire, par la suite, que nous avons comparu devant votre commission. Nous
sentions le besoin de vous le dire, et nous ne sommes pas les seuls,
incidemment, à reprendre certains des sujets. J'écoutais, ce
matin, rapidement, la Ligue des droits de l'homme. On voit beaucoup
d'identité entre les vues exprimées sur certains aspects et ceux
qu'on retrouve dans ce document. Il y a donc, si vous voulez, une espèce
d'identité de vues à l'égard de multiples
problèmes.
En gros, c'est donc notre position. Je trouve très malheureux que
vous profitiez d'une occasion qui vous est donnée pour faire le
procès de la FTQ et du syndicalisme, de façon
générale.
M. Choquette: Ecoutez, M. Daoust. Peut-être me suis-je
emporté un peu. Je suis d'accord. Mais, c'est peut-être aussi bien
que je vous dise ce que je pense, plutôt que de garder cela par-devers
moi. Pourquoi ne pas se parler franchement? Je suis sûr qu'il y a de bons
éléments dans la FTQ. Vous êtes parmi ceux-là. Mais
il faut que ceux-là prennent le contrôle de votre syndicat. Il
faut que votre fédération tombe dans des mains responsables, et
qu'à un moment donné, il y ait des dialogues de gens responsables
qui se disent la vérité.
M. Daoust: M. Choquette, je ne suis pas venu ici pour faire le
procès du Parti libéral.
M. Choquette: D'accord.
M. Daoust: Nous aurions beaucoup à dire là-dessus,
à l'égard de certains comportements, et je pourrais avoir, moi
aussi, mes flambées à l'égard de certaines pratiques
à l'intérieur de votre parti et dont vous êtes
sûrement bien au courant, mais je
pense que ce n'est pas l'endroit, pas plus que ce n'est l'endroit,
à ce moment-ci, à mon sens, de faire le procès de la FTQ.
Il y a d'autres lieux et d'autres moments qui seraient plus propices, à
mon sens, et moins démagogiques, su rle plan des propos, que le moment
que nous avons pour discuter de votre charte des droits de l'homme.
Le Président (M. Pilote): Avez-vous terminé, M.
Daoust?
M. Daoust: Oui.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Maisonneuve.
M. Burns: M. le Président, je ne voulais pas intervenir,
mais je me sens l'obligation d'intervenir, à cause de l'attitude du
ministre de la Justice qui est caractérisée par sa
facilité et surtout sa bassesse à l'endroit d'un
représentant légitime d'une fédération de
travailleurs québécois qui a pris la peine de nous soumettre un
mémoire et ce ministre de la Justice profite de l'occasion de voir
peut-être et je le dis avec beaucoup plus de
sincérité que le ministre l'a dit l'un de ses plus
valables représentants venir nous présenter un texte qui a
été examiné, eu égard au projet de loi qui nous a
été soumis.
Je me retrouve pratiquement devant la même situation que ce qu'a
soulevé le ministre de la Justice, de façon tout à fait
incidente, à l'occasion de l'examen du projet de loi concernant la Loi
de conciliation entre locataire et locateur, ce que semble avoir parti comme
tendance le premier ministre en tête, et le ministre de l'Industrie et du
Commerce, cette espèce de diminution de la productivité que, soit
dit en passant, la semaine dernière, au cours de deux jours de
commission parlementaire, on n'a pas été capable de nous prouver
véritablement. Il me semble qu'on se retrouve devant une même
situation que je réprouve, d'autant plusquej'ai toujours pensé
qu'au moins le ministre de la Justice pouvait, lui, se situer à un
niveau supérieur à celui auquel se retrouve tout le temps le
premier ministre, c'est-à-dire celui des bas-fonds, celui des petites
batailles de ruelles.
Il me semblait que le ministre de la Justice, surtout au moment
où nous étudions une des pièces majeures de sa loi, aurait
pu s'abstenir de faire des références à la commission
Cliche, surtout lorsque cela n'a strictement rien à faire avec le
mémoire qui nous est présenté par la FTQ. Pour moi, cela
dénote une attitude carrément fasciste de ce gouvernement,
j'insiste sur le mot, carrément fasciste, identifiée, ce qui est
encore pire, par le ministre de la Justice.
Au nom de la FTQ, M. Daoust vient nous présenter un
mémoire qui ne cadre pas dans les points de vue de ces messieurs du
gouvernement. Il n'y a pas deux façons de contrer ce genre de
mémoire. Il s'agit de les mettre sur la défensive. Et ce que je
trouve particulièrement dégueulasse et c'est ce pourquoi
je le disais tout à l'heure c'est que, ce faisant, le ministre de
la Justice, censément le protecteur de l'ensemble de la
collectivité québécoise il se veut cette image en
présentant le projet de loi 50 vient utiliser
véritablement des poux qui se trouvent à l'intérieur de
certaines parties de la FTQ. pour les rejeter sur l'ensemble du
syndicalisme.
M. Choquette: Je n'ai pas dit cela.
M. Burns: Que vous le vouliez ou non, M. le ministre, ou bien
vous êtes totalement inconscient, auquel cas je suis encore plus inquiet
qu'avant que j'aie commencé à parler.
M. le Président, lorsqu'un représentant autorisé du
calibre de M. Daoust vient nous parler d'un mémoire qui se veut une
critique qui n'est peut-être pas dans les normes que le gouvernement
s'est fixées dans une loi du style protection des droits de l'homme,
peut-être que c'est une tout autre philosophie qui préside
à ce mémoire, mais à ce moment, on ne change pas de
sujet.
Il me semble que le ministre de la Justice, le premier, devrait
comprendre cela. A ce moment, je ne peux pas penser autre chose. Je ne peux pas
faire autrement que de faire le parallèle avec le mois de mai 1972,
alors qu'à un moment donné, le même ministre de la Justice
a semblé nous dire, lorsque trois chefs syndicaux, au nom des
travailleurs qu'ils représentaient, étaient un peu trop exigeants
à son goût, il a trouvé une seule façon de leur
fermer la boîte, soit celle de les mettre en prison. C'est exactement
dans la même ligne. C'est dans la même attitude. Je trouve cela
absolument dégueulasse comme attitude de la part d'un ministre de la
Justice, surtout et plus encore lorsqu'il nous présente une charte des
droits de l'homme.
M. Daoust vient, avec toute la bonne foi possible, nous présenter
le point de vue de sa centrale, qui ne cadre pas, c'est évident, il
n'est point besoin d'être un sociologue ni un économiste politique
pour se rendre compte que ce que M. Daoust dit dans son mémoire n'est
pas du tout dans le cadre de la pensée, s'il en est encore une, du
gouvernement québécois. Il n'est point besoin d'avoir fait de
longues études en sciences politiques pour découvrir cela. Mais
la façon de contrer les positions de M. Daoust sur lesquelles,
soitdit en passant, je suis totalement d'accord je ne vois pas que ce
soit de lui rappeler une chose qui est partielle, disons-le, et insistons
là-dessus, partielle et tout à fait par accident à
l'intérieur de l'ensemble du syndicalisme québécois, de
rappeler les mauvais moments que le syndicalisme québécois passe,
par une marge, par un élément tout à fait marginal, qui se
présente devant la commission Cliche.
Personnellement, je pensais que le mémoire de M. Daoust
était suffisamment clair; même si ce qui était dans le
mémoire de la FTQ faisait bien mon affaire, je ne me sentais pas
l'obligation de louanger la FTQ de venir nous le dire, mais il me semblait que
le ministre de la Justice devait avoir aussi la même décence, et
ne pas essayer de changer le palier de la discussion.
M. le Président, je suis profondément déçu,
je vous le dis, de l'attitude que le ministre de la Justice démontre
à ce stade de l'examen des mémoires. Je me demande très
sérieusement si nous ne perdrons pas notre temps, à l'avenir,
à l'examen des mémoires des gens. Cela me fait de la peine pour
ceux qui n'ont pas encore témoigné, m ais une telle attitude
semble nous dire: Venez nous dire des choses qui font notre affaire, ou qui ne
nous contrarient pas trop, parce que, autrement, nous allons regarder pour voir
si vous ne couchez pas avec votre voisine, ou nous allons regarder pour voir si
vous n'avez pas volé quelqu'un dans les trois années
précédentes, ou nous allons regarder si vous n'avez pas fait un
"hit and run" ou quoi que ce soit.
Le ministre de la Justice vient de donner une dimension, même
involontairement si c'est involontaire, c'est encore pire, parce
qu'à ce moment, il m'inquiète encore plus que je ne voyais
pas à cette commission. Si on commence à reprocher à
quelqu'un qui, au nom d'une centrale syndicale, soit dit en passant, tout
à fait respectable, comme la FTQ, malgré certains
problèmes qui affectent certains de ses syndicats affiliés, si on
ramène cela sur la table, à ce moment, on va parler de
problèmes qui font que M. Untel ne devrait peut-être pas venir
parler avec nous, parce qu'il couche avec sa voisine. C'est la chose que je
trouve absolument aberrante. Je me demande encore si les rumeurs ne sont pas
fondées selon lesquelles le ministre de la Justice ne le sera pas pour
longtemps. C'est peut-être ce qui lui donne cette liberté de
déborder le cadre d'un ministre de la Justice, censément
consciencieux des droits individuels, des libertés fondamentales,
à l'occasion d'un projet de loi qui se lit: Loi sur les droits et
libertés de la personne, qu'il utilise une telle attitude pour
questionner un témoin, M. le Président, je le
répète, parce que je ne trouve pas d'autres mots, c'est
absolument dégueulasse!
Le Président (M. Pilote): Je ne permettrai plus
d'intervention sur ce sujet. Le ministre s'est prononcé, il a
débordé, jusqu'à un certain point. M. Daoust a
répondu, ainsi que le député de Maisonneuve. J'inviterais
les membres de la commission à revenir sur le mémoire qui a
été présenté, en relation avec le projet de loi que
nous avons entre les mains, les droits sur les libertés humaines.
J'inviterais les membres de la commission à s'en tenir au mémoire
qui a été présenté par la FTQ.
M. Burns: II n'y avait plus de questions, M. le
Président.
Le Président (M. Pilote): II n'y avait plus de questions.
Nous vous remercions de votre mémoire, M. Daoust. Soyez assuré
que les membres de la commission vont en prendre note.
J'inviterais à présent M. Claude Roch, de la Chambre des
notaires, à bien vouloir se présenter et à
présenter ceux qui l'accompagnent.
Chambre des notaires du Québec
M. Cossette (André): M. le Président, si vous me le
permettez, je vais vous présenter les représentants de la Chambre
des notaires du Québec. Vous avez, à ma droite, Me Claude Roch,
de notre service de recherche à la Chambre des notaires; près de
moi, vous avez le secrétaire de notre commission de législation,
Me Jean-Marc Audet, notaire à Sherbrooke; je suis moi-même
André Cossette, notaire à Québec et président de la
Chambre des notaires du Québec.
Je veux remercier d'abord les membres de cette commission d'avoir bien
voulu accepter que nous leur présentions ce mémoire, même
si la rédaction que nous en avons faite était un peu tardive.
D'autre part, je voudrais vous demander de m'excuser, parce qu'une forte grippe
m'accable actuellement et je voudrais donner la parole au secrétaire de
cette commission de législation, qui va vous présenter le
mémoire que nous avons préparé à l'intention de
cette commission. Si vous me le permettez, je laisse la parole à Me
Jean-Marc Audet, secrétaire de notre commission de législation.
Me Audet.
M. Audet (Jean-Marc): M. le ministre, je tiens tout d'abord
à dire que notre mémoire se situe sur un plan essentiellement
juridique. Nous avons quelques commentaires à formuler, au sujet de la
rédaction de certains articles, au sujet de certains principes qui sont
énoncés dans ce projet de loi et au sujet de
l'interprétation qui doit être donnée à cette
loi.
Comme notre rapport est assez bref, je me permettrai de le lire assez
lentement, de manière qu'on puisse discuter de certains principes,
à un moment donné.
Le projet de loi no 50, Loi sur les droits et libertés de la
personne, a été favorablement accueilli par la Chambre des
notaires du Québec.
Nous ne saurions trop féliciter le ministre de la Justice pour
l'heureuse initiative qu'il a prise de présenter un tel projet
susceptible de renseigner le public sur ses responsabilités et devoirs
relativement au respect de la personne humaine et sur les libertés et
droits essentiels à tout individu.
Plus que de simples voeux pieux, les articles du projet en question
prennent un sens grâce à l'article 44 prévoyant la
faculté pour toute personne d'obtenir la cessation de toute atteinte
à un droit ou une liberté reconnue par ladite loi et la
réparation du préjudice moral ou matériel en
résultant. Si l'atteinte est intentionnelle, le tribunal peut, en outre,
condamner son auteur à des dommages exemplaires.
Il est vrai qu'il n'y a pas de sanction pénale précise
à l'intérieur de la loi, mais nous sommes d'avis qu'il eût
été difficile d'établir une sanction qui puisse
raisonnablement s'appliquer sans nuance à toutes les situations
prévues par la loi. Nous préférons penser que le
législateur sera de plus en plus conscient dans l'avenir des droits et
libertés qu'il s'apprête à affirmer et qu'à
l'occasion
des diverses lois qu'il sera appelé à rédiger, il
prévoira de telles sanctions, s'il y a lieu, afin de protéger le
public contre toute atteinte à sa dignité.
Déjà l'article 1664t du code civil au chapitre du louage
de choses prévoit une sanction d'au plus $500 contre tout
propriétaire qui refuserait de consentir un bail pour raison de
discrimination. De la même façon, s'inspirant de sa loi sur les
droits et libertés de la personne, le législateur pourra
prévoir des sanctions pénales dans toute législation
future qui sera propice à l'introduction d'une telle mesure.
Ne serait-ce qu'au niveau de l'incitation au respect des droits et
libertés de la personne que cette loi ne manquera pas de susciter, tant
chez l'individu que chez le législateur lui-même, l'adoption de ce
projet de loi rallie notre assentiment.
Nous tenons de plus à féliciter le ministre de la Justice
pour les qualités de rédaction de son projet qui, à sa
seule lecture, témoigne d'une élaboration soignée et
mûrement réfléchie.
Nous passons maintenant à l'étude de différents
articles.
Dans la rédaction des articles de la section I du chapitre 1er,
on remarquera l'utilisation successive des expressions "tout être humain"
et "toute personne".
Les membres du comité se sont demandé si les
rédacteurs du projet avaient utilisé indifféremment ces
deux termes, sans y voir de nuance ou si, au contraire, ils le faisaient avec
une intention précise.
De plus, dans le langage juridique, le mot "personne" comprend personne
physique et personne morale. On peut se demander s'il n'y aurait pas avantage
à utiliser l'expression "être humain" chaque fois que l'article
n'est applicable qu'aux personnes physiques, alors que l'expression "personne"
serait utilisée dans tous les cas où l'article peut s'appliquer
indifféremment aux personnes physiques et morales. Nous notons cependant
une intervention de M. Choquette, ce matin, qui restreignait la portée
du terme "personne" aux personnes physiques. Quoi qu'il en soit, il serait
préférable de donner une définition précise
à ces termes.
De plus, le comité de la Chambre des notaires s'est
interrogé sur l'opportunité d'introduire la section I du chapitre
1 er à l'intérieur du code civil, peut-être comme
avant-propos, étant donné que ce chapitre 1er de la section I a
principalement pour objet les personnes et les biens.
Or, notre code civil consigne dans ses textes l'application des lois
concernant les biens et les personnes. Il y aurait peut-être lieu de
suggérer qu'on fasse comme on a fait pour la Loi sur les assurances,
c'est-à-dire qu'on introduise au code civil le chapitre 1 er de la
section I, tout en maintenant dans la loi statutaire le même texte.
A l'article 2, le comité de législation de la Chambre des
notaires s'est inquiété de la portée que pouvait avoir le
deuxième alinéa de cet article et suggère que toute
référence à une aide physi- que quelconque soit
supprimée, de sorte que l'article soit rédigé comme suit:
"Nul ne peut, sans motif raisonnable, refuser ou négliger de prendre les
moyens nécessaires et immédiats susceptibles d'apporter à
une personne dont la vie est en péril, l'aide nécessaire que
requiert son état".
Cette rédaction présenterait l'avantage de ne pas obliger
le citoyen à porter lui-même le secours physique requis. On peut
imaginer qu'il serait périlleux, en certaines circonstances, de porter
directement secours à autrui et qu'il serait préférable
qu'une personne ne porte pas elle-même l'aide physique susceptible de
soulager la victime. En d'autres termes, on ne veut pas rendre contraignant
l'objectif visé par cet article.
Le comité de législation interprète l'intention du
législateur dans le sens d'une volonté précise visant
à inciter le citoyen à faire preuve de moins
d'indifférence devant le danger encouru par autrui et obligeant le
même citoyen à poser un acte positif dans le but de secourir toute
personne dont la vie est menacée. Dans certaines circonstances, le
simple fait d'alerter ou de requérir les services des personnes
compétentes ou tenues, soit par leurs fonctions ou leurs
capacités, à porter directement l'aide physique requise, devrait
suffire pour dégager la responsabilité de toute personne
témoin d'une telle situation.
A l'article 3, peut-être y aurait-il lieu d'inclure dans cet
article la reconnaissance de la liberté de croyance; le terme croyance
étant peut-être plus complet que celui de religion. C'est
d'ailleurs ce terme qui est employé à l'article 1664s du code
civil, au chapitre du louage de choses.
A l'article 4, le comité s'est demandé s'il n'y aurait pas
lieu de reconnaître à toute personne le droit d'accès
à l'information contenue dans les dossiers tant publics que
privés établis à son sujet, afin qu'elle puisse
réaliser jusqu'à quel point sa dignité, sa
réputation et son honneur sont mis en danger.
Bien sûr, advenant la rédaction d'un article en ce sens,
certains dossiers, pour des motifs d'ordre médical, militaire ou encore
d'ordre public, devraient être maintenus secrets dans
l'intérêt, soit du citoyen lui-même ou de la
société toute entière.
Nous laissons au législateur le soin de trancher cette
question.
A l'article 14, il a semblé aux membres du comité que la
référence spécifique au bail était inutile,
puisqu'il s'agit là d'un acte juridique parmi tant d'autres. Sur le
simple plan de la rédaction juridique, il nous paraît
inapproprié de passer du particulier, c'est-à-dire conclure un
bail, au plus général, c'est-à-dire ou autres actes
juridiques.
Cette référence spécifique au bail est d'autant
plus inutile que les articles 1665i, 1664r et 1664s du code civil traitent
abondamment de ce droit à la non-discrimination etque
ledéfautdeconsentirun bail pour raison de race, de croyance, de sexe, de
couleur, de nationalité, d'origine ethnique, de lieu de naissance ou de
langue est sanctionné à l'article 1664t par une amende d'au plus
$500.
Nous proposons donc tout simplement que l'article se lise comme suit:
"Nul ne peut, par dis-
crimination, refuser de conclure un acte juridique."
Nous aurions également certains commentaires additionnels
à apporter au sujet de l'article 19. En effet, l'article 19 se lit comme
suit: "Toute personne légalement habilitée et qualifiée a
droit de se porter candidat, lors d'une élection provinciale, municipale
ou scolaire, et a droit d'y voter." Nous aurions deux commentaires à
apporter. Le premier, sur le début de l'article, et le deuxième,
sur la fin de l'article. Au début de l'article, on ne voit pas pourquoi
on devrait restreindre la possibilité de se porter candidat, lors d'une
élection provinciale, municipale ou scolaire. On verrait beaucoup mieux
le droit de se porter candidat lors d'une élection publique, puisque je
crois qu'on peut se porter candidat lors d'une élection dans une
institution hospitalière ou ainsi de suite. Quant à la
deuxième partie: et adroitd'y voter, notre comité a eu l'occasion
d'étudier le rapport de l'Office de révision du code civil sur
l'enregistrement des personnes.
Nous y avons vu des restrictions sur l'exercice du droit de vote qui y
sont proposées. En effet, la question de la carte d'identité et
de la question de la carte d'électeur seraient des documents qui
seraient, pour ainsi dire, essentiels pour exercer son droit de vote. Nous
craignons fort de rencontrer là des indices qui voudraient que, si un
individu pert sa carte d'électeur, il ne puisse autrement voter, lors
d'une élection. C'est pourquoi nous voudrions qu'à l'article 19,
on mentionne que toute personne a droit d'y voter, et adroit également
d'exercer son droit de vote, en autant que la loi est respectée, mais
nous ne voudrions pas que l'exercice du droit de vote soit diminué ou en
danger, à cause de formalités peut-être trop strictes.
L'utilisation de l'expression "morale", toujours dans le deuxième
alinéa de l'article 20, nous semble peu appropriée. Ce terme
revêt en soi une certaine connotation religieuse qu'un projet de loi de
cette nature se devrait d'éviter.
Le comité de législation de la Chambre des notaires
suggère de remplacer ce terme par l'expression "ordre public et bonne
moeurs", déjà consacrée dans le langage juridique.
Au sujet de l'article 30, nous préférerions que cet
article soit sorti un peu de son contexte pénal et nous
préférerions que cet article soit transcrit plutôt
après l'article 20, de manière à en formuler un principe
fondamental qui permettrait a tout individu d'avoir le droit d'être
représenté par un avocat, ou d'en être assisté
devant tout tribunal.
La reconnaissance du droit à la représentation par un
avocat devant un tribunal nous paraît être une heureuse
initiative.
Nous constatons cependant que le code de procédure civile
à l'article 955, interdit à tout avocat d'agir comme procureur
pour le recouvrement des petites créances.
Advenant l'adoption du présent projet de loi, nous croyons qu'il
y aurait lieu de modifier l'article 955 du code de procédure civile,
afin que les avocats puissent agir en tant que procureur, quel que soit le
montant en litige, sans restreindre cependant le droit les justiciables de
plaider pour les justiciables de plaider eux-mêmes, ou de recourir
à des mandataires non rémunérés, dans le cas du
recouvrement de petites créances.
La Chambre des notaires du Québec croit que l'article 955 du code
de procédure civile constitue en lui-même une forme de
discrimination qui, en l'occurrence, affecte les membres d'une corporation
professionnelle et que, d'autre part, il brime le droit des citoyens à
requérir les services d'un procureur compétent, droit que le
présent projet de loi semble vouloir consacrer.
Enfin, au chapitre IV, la Chambre des notaires suggère que soient
rayées, à l'intérieur des articles 37, 38, 39, 41 et 42,
les indications à l'effet que les droits qu'ils énumèrent
sont limités dans leur application aux normes prévues par la loi.
L'article 45 prévoit déjà cette restriction globale et il
n'y a pas lieu de la reprendre individuellement à chaque article.
Par ailleurs, nous suggérons que le droit aux soins
médicaux soit inclus dans la liste des droits économiques et
sociaux énumérés au chapitre IV. C'est d'ailleurs
là une responsabilité présentement assumée par
l'Etat.
Enfin, le comité propose au législateur d'inclure trois
autres principes à l'intérieur de sa loi. Ces principes
pourraient se lire comme suit: 1. "Aucune personne ne peut être
privée de faire valoir ses droits pour des raisons économiques."
Cette consécration d'un droit déjà reconnu à
l'article 4 de la Loi de l'aide juridique trouverait, croyons-nous, sa place
dans une charte des droits de la personne humaine, et cette rédaction
permettrait évidemment de consacrer un droit fondamental qui est
déjà reconnu dans une loi statutaire. 2."Toute personne adroit
àun environnement sain et à un habitat salubre." Nous croyons en
effet qu'actuellement, lorsqu'il s'agit d'habitat salubre, il y a
peut-être certaines personnes âgées qui, malheureusement,
n'ont pas cette possibilité de vivre dans un habitat salubre, et nous
croyons que les droits des personnes âgées sont aussi valables que
les droits des citoyens ordinaires. C'est la raison pour laquelle on pourrait
consacrer encore, dans cette charte ou dans cette loi cadre, le droit à
un habitat salubre, qui est un droit fondamental, surtout dans notre Etat. 3.
"Toute personne a libre droit d'accès aux ressources naturelles qui ne
sont pas susceptibles de propriété privée." Nous croyons
que l'accès à l'eau, ou l'accès à certaines
possibilités de pêche, ainsi de suite, sont des droits qui
devraient être reconnus à un citoyen du Québec.
Au chapitre V, à l'article 45, qui a déjà fait
l'objet de beaucoup de commentaires, évidemment, comme notaires, nous
sommes assez conservateurs dans l'application des lois, nous avons la
responsabilité de rédiger des contrats qui auront force de loi
entre les parties, pendant leur vie et même qui lieront leurs
successeurs, il est évident que nous ne voudrions pas que cette loi
soit interprétée de manière à créer
des tribunaux d'équité, ou à permettre à des juges
de rendre des jugements d'équité. Nous verrions là un
ébranlement ostensible des conventions ou de la certitude des
conventions entre les individus et toute atteinte à la
sécurité des conventions, évidemment, aurait des
résultats désastreux.
Malgré certaines critiques dont a fait l'objet l'article 45 du
projet de loi sur les droits et libertés de la personne, le
comité de législation de la Chambre des notaires tient à
manifester son accord quant au maintien de cet article.
En effet, si ce projet de loi devait prévaloir sur toutes les
lois présentement en vigueur, il en résulterait un climat
d'incertitude nuisible à la sécurité des conventions. Il
est à prévoir que des jugements d'équité
viendraient semer le doute sur la validité d'articles par ailleurs
clairs et précis et des interprétations jurisprudentielles jusque
là bien établies. L'ambiguité qui en résulterait
serait néfaste à tous les justiciables.
Par ailleurs, en ce qui concerne la législation future, il serait
peu réaliste de priver le Parlement du pouvoir de
légiférer à l'encontre de cette loi, dans le but de
maintenir l'ordre public, de réprimer la criminalité, de
protéger la famille, ou encore de protéger les individus contre
l'abus des libertés et des droits exercés par autrui.
Cependant, de l'avis du comité, certains droits
énumérés dans ce projet ne devraient pouvoir être
écartés que sur stipulation expresse à cet effet dans les
lois qui y contreviendraient. Ainsi, les articles 10, 11, 18, 20 et 30, que
nous considérons comme des articles fondamentaux de ce projet de loi, ne
devraient être écartés que si les lois qui y contreviennent
le spécifient clairement. Ainsi, dans une loi statutaire, il y aurait
toujours lieu, si on fait exception à une loi mentionnée dans
cette loi cadre, de commencer l'article par: "Nonobstant l'article 10 de la Loi
sur les droits et libertés de la personne, ainsi de suite, de
manière à éveiller, justement, la curiosité des
parties intéressées ou des corps intermédiaires
intéressés.
Par ailleurs, nous ne croyons pas quedans un régime parlementaire
de type britannique, le Parlement doive limiter son pouvoir de modifier la loi
en s'imposant une majorité des deux tiers ou des trois quarts. Il faut
bien reconnaître qu'un tel vote donne à la minorité un
pouvoir de décision qui, normalement, appartient à la
majorité, ce qui nous semble contraire aux principes
démocratiques.
A la partie II, comme bien d'autres, le comité de
législation de la Chambre des notaires a constaté le peu de
pouvoirs accordés à l'organisme chargé de l'application de
la loi. Peut-être y aurait-il lieu d'accroître le rôle de cet
organisme, bien qu'il nous apparaisse difficile de retirer aux tribunaux de
droit commun leur juridiction à partir du moment où cette loi n'a
pas priorité sur les autres.
Nous laissons au législateur le soin de trancher la question.
A l'article 48, de plus en plus, il semble qu'il soit usuel de donner
aux organismes chargés de l'application des lois, le nom d'office. On
compte déjà l'Office de la protection du consommateur, l'Office
des professions et bien d'autres. Dans le but de maintenir une certaine
uniformité au niveau de ce genre d'organisme, nous suggérons que
le nom d'Office des droits de la personne lui soit attribué.
En conclusion, la Chambre des notaires du Québec tient à
manifester au ministre de la Justice sa satisfaction devant le présent
projet de loi. Tant par sa teneur que par la qualité de sa
rédaction, ce projet témoigne d'une préparation
soignée et réfléchie.
Nous remercions le ministre de nous avoir permis de donner notre point
de vue et de lui faire part de certaines recommandations qui nous apparaissent
essentielles.
Le Président (M. Sylvain): M. le ministre de la
Justice.
M. Choquette: M. le Président, permettez tout d'abord que
je félicite la Chambre des notaires et son porte-parole pour le travail
très précis qu'ils ont accompli dans l'analyse des dispositions
de ce projet de loi. J'ai noté avec satisfaction que beaucoup d'articles
mériteraient des améliorations pour être plus efficaces sur
le plan du respect des droits etlibertésde lapersonne. Ace pointde vue,
je tiens à dire que la Chambre des notaires manifeste, par son
mémoire, une connaissance précise du fonctionnement de la loi.
Elle a bien perçu les dimensions du projet de loi, son efficacité
possible et je dois donc dire que les auteurs du mémoire que vous nous
avez présenté ont fait un travail approfondi.
Vous avez soulevé tout d'abord la question des
pénalités. A ce point de vue, je vous réfère
à l'article 75 qui édicte un certain nombre d'infractions
pénales à la loi. Nous n'avons pas voulu introduire dans la
charte, ou dans le projet de loi, une disposition spécifique au point de
vue des amendes, parce que, évidemment, nous pouvions ne pas faire ce
geste. Il n'était pas obligatoire pour nous d'introduire un chiffre
d'amende qui consacrerait la commission d'une infraction pénale, parce
qu'on pouvait très bien se reporter à la Loi des poursuites
sommaires qui édicte que, lors-qu'aucune pénalité n'est
prévue précisément dans une loi, mais que, par contre,
cette loi crée une infraction, il y a une amende maximum de $500.
Vous ayez fait référence à un certain nombre
d'autres articles d'autres lois qui avaient été abrogés.
Vous noterez que, dans la plupart de ces articles de loi ou de lois qui ont
été abrogés, les pénalités allaient
jusqu'à $500, de telle sorte qu'au fond la référence
à la pénalité générale prévue
à la Loi des poursuites sommaires n'offre aucune difficulté, dans
le cas actuel. Il va de soi qu'au cas d'une infraction à cette loi le
contrevenant est passible de la pénalité maximum prévue de
$500. Je pense qu'à ce point de vue je peux répondre à
votre question.
En deuxième lieu, j'admets avec vous, à la
réflexion, votre critique quant au langage et à l'emploi des mots
"être humain ou personne" qui sembleraient, pour l'observateur non
averti, être interchangeables. Ce n'est pas le cas. Il me semble que
et à ce point de vue, je dois rectifier ce
que j'ai dit ce matin la charte a une portée
limitée, il est vrai, en ce qui concerne les corporations. Elle vise
principalement les droits des êtres humains, mais elle peut,
également, englober les droits des corporations, parce que l'emploi du
mot "personne" désignerait, à ce moment, indifféremment,
soit un être humain, soit une personne morale, c'est-à-dire une
corporation.
Le fait de corriger ce que j'ai dit, ce matin, sur ce point
m'amène à la conclusion qu'il faudra peut-être introduire
certaines définitions dans ce projet de loi, de façon à
dissiper ces ambiguïtés. Même si nous n'introduisions pas ces
définitions dans la première partie du projet de loi,
peut-être serait-il possible de les introduire dans la dernière
partie, ce qui serait un peu différent de ce qui se passe ordinairement,
mais, pour l'interprète des lois, pourrait néanmoins rendre
service.
Vous aurez donc noté que, dans certains articles, il faut
comprendre que, lorsque l'on réfère à un être
humain, il s'agit d'un être humain en chair et en os. Lorsqu'il s'agit
d'une personne, il s'agira à la fois d'un être humain et d'une
personne morale.
Vous avez soulevé la question du droit d'accès à
l'information. Vous l'avez soulevée d'une façon assez subtile. Je
vous en félicite. Ceci dénote votre perspicacité
juridique. Habituellement, on entend parler de droit à l'information,
comme d'une espèce de droit général de lire le journal ou
de regarder la télévision et d'être renseigné. Pour
moi, ce droit ne correspond pas à un droit juridique réel,
sanctionnable par les tribunaux. Parce que, conçu d'une façon
aussi générale que cela, le droit à l'information ne
s'adresse à aucun débiteur particulier. Cela ne serait pas un
droit qu'on pourrait faire exécuter précisément par les
tribunaux, le droitgénéral à l'information. Je sais que la
Fédération des journalistes va peut-être venir nous exposer
cette thèse, demain. Je veux bien admettre, même avant qu'ils
comparaissent, qu'une société bien informée, c'est bien,
c'est louable. Il n'y a rien à dire contre cela. Mais, de là
à dire que ce droit à l'information est un droit sanctionnable
sur le plan juridique, il y a un pas majeurque je ne serais pas prêt
à franchir, avant d'avoir de très sérieux arguments en
faveur.
Mais, dans le cas qui nous occupe, cet après-midi,
c'est-à-dire l'exposé de la Chambre des notaires, le droit
à l'information dont il est question est un droit de connaître le
contenu de certains dossiers particuliers qui concernent un individu. Vous avez
parlé, évidemment, de dossiers scolaires; on peut parler de
dossiers de crédit qui existent dans...
M. Burns: Certains dossiers gouvernementaux.
M. Choquette: ...de certains dossiers gouvernementaux,
peut-être pas dans tous les services, mais dans certains services.
Le député de Maisonneuve me permettra d'avoir cette petite
réserve pour certains services policiers. Je m'excuse si ceci pouvait
introduire une note fascinante à mon exposé.
M. Burns: Vous l'avez fait dans l'autre cas.
M. Choquette: Non, non. Mais, il n'y a pas de doute qu'aux
Etats-Unis, à l'heure actuelle, il s'est développé toute
une jurisprudence autour de ce principe du droit d'accès et de
vérification du contenu d'un dossier qui vous concerne.
Je tiens à vous dire que, même si ce droit
spécifique n'a pas été énoncé au projet de
loi, nous sommes conscients du problème. Par ailleurs, il pourra y avoir
d'autres lois qui vont venir réglementer, évidemment, la
consignation d'informations dans les banques des données, des
ordinateurs, ainsi que l'accès du citoyen à ces données et
le droit pour celui-ci de faire corriger les données inexactes. Parce
qu'on sait jusqu'à quel point, à un moment donné, un
dossierde crédit, par exemple, qui est inexact, peut entraîner des
conséquences néfastes pour un individu en particulier.
Nous sommes saisis du problème. Maintenant, quant à savoir
si nous pourrions l'incorporer au projet de charte, à ce stade-ci, je
réserve mon opinion, tout en exprimant mon approbation sur
l'intérêt qu'il y a d'étudier cette question et
l'intérêt qu'il y aurait de légiférer.
Vous avez critiqué la mention du bail comme pouvant donner lieu
à la discrimination et vous nous avez dit que le bail devait être
considéré comme tout autre acte juridique. A ce point de vue, je
vous fais remarquer qu'il y a déjà des articles spécifique
du code civil au sujet de la discrimination dans le louage. Etant donné
que nous ayons l'intention de faire disparaître ces articles
spécifiques sur la discrimination dans le louage du code civil, il nous
paraissait plus raisonnable d'incorporer au moins une disposition relative au
bail et au louage dans le projet de charte. Malgré que, sur le plan
strictement juridique, je dois admettre que vous n'avez pas tort.
A l'article 19, vous avez mentionné le fait que l'on pourrait
peut-être parler des élections d'une façon globale. Cela se
discute. Les élections les plus officielles, évidemment, sont
provinciales, municipales et scolaires; je ne dis pas qu'il n'y en a pas
d'autres. Et le droit d'y exercer son vote ou d'y voter, cela se discute sur le
plan de la rédaction. Nous allons regarder vos suggestions à ce
point de vue.
A l'article 20, vous préférez "l'ordre public et les
bonnes moeurs," plutôt que "l'intérêt de la morale". Ceci me
semble du droit très sain que vous nous énoncez. Je ne suis pas
prêt à dire que vous avez tort. Nous allons étudier votre
suggestion d'une façon très immédiate. Au chapitre IV,
vous avez mentionné l'intérêt qu'il y aurait de supprimer
un certain nombre de restrictions qui s'attachent à l'exercice de ces
droits et vous avez dit qu'il y aurait lieu de les supprimer, parce qu'en fait
la loi est toujours sujette à d'autres lois. Vous avez probablement
raison, théoriquement, excepté qu'il faut quand même noter,
comme je l'ai dit en d'autres circonstances, que les droits économiques
et sociaux sont quand même encore plus flous quant à leur
portée que d'autres droits énoncés dans le reste de la
charte. Certaines restrictions quant à l'exercice de ces droits
n'étaient peut-être pas malvenue, même en considérant
que ces droits sont sujets à d'autres lois, parce qu'elles seraient
peut-être de nature à ne pas inciter les citoyens à croire
qu'il y a un droit absolu total dans l'exercice de ces droits. Mais, encore une
fois, je dois dire que, sur le plan juridique, votre exposé
mérite d'être considéré.
Vous avez également suggéré d'y introduire certains
droits sociaux, par exemple, les soins médicaux, l'habitat salubre. Nous
allons réfléchir à ces suggestions et voir s'il n'y aurait
pas lieu d'introduiredesdroits ayant une portée semblable à
ceux-là.
Je termine, en vous disant que je vous remercie de votre contribution et
vous pouvez être assu-
rés que nous allons donner beaucoup de réflexion à
vos suggestions.
M. Cossette: Est-ce que vous avez pris une décision
concernant le nom de l'organisme chargé de l'application de la loi?
M. Choquette: Non, je n'ai pas pris de décision.
D'ailleurs, je me garderais de prendre des décisions, pour le moment.
Nous avions dénommé cette commission la Commission des droits de
la personne, parce qu'il s'agit de la Loi sur les droits et libertés de
la personne.
Est-ce qu'il y aurait lieu de trouver un autre nom? Bien,
voilà!
M. Cossette: On suggérait l'Office, tout simplement.
M. Choquette: L'Office?
M. Cossette: Parce que tous les autres organismes sont des
offices, l'Office des professions, l'Office de la loi de la protection du
consommateur et autres.
M. Choquette: Oui.
M. Cossette: Pour l'uniformité, en fait. C'est un
détail.
M. Choquette: C'est une suggestion intéressante. Je vais y
réfléchir sans vous donner de réponse, c'est ma
politique.
Le Président (M. Pilote): L'honorable député
de Maisonneuve.
M. Burns: M. le Président, j'ai simplement une ou deux
questions à poser.
Soit dit en passant, je vous félicite pour la qualité
technique de votre mémoire. Je le trouve très intéressant
et il devrait nous guider à certains égards que je ne toucherai
pas parce que, je pense, au départ, qu'il nous porte tous à
réfléchir. Mais je vais m'arrêter simplement à
quelques points sur lesquels je me pose un certain nombre de questions. Ainsi,
à la page 3, votre comité suggère que la section I du
chapitre premier soit insérée à l'intérieur du code
civil.
Si on regarde simplement, brièvement, cette section I, on voit
que, dans le fond, les articles 3 à 10 inclusivement peuvent avoir des
implications dans des domaines autres que le droit civil. Vous êtes-vous
demandé, par exemple, si le droit au respect de sa vie privée,
prévu à l'article 5, le droit à la demeure inviolable,
prévu à l'article 7, et, sous une autre forme à l'article
8, le respect du secret professionnel ne pourraient pas avoir une application
en droit statutaire et, comme tel, si vous voulez, confiner ce droit au code
civil? Ne trouvez-vous pas qu'à ce moment-là ce serait enlever
une partie du pouvoir que ces articles pourraient avoir dans l'application du
code de la route?
M. Cossette: Notre suggestion est à l'effet de le placer
dans le code civil et de le laisser dans la Charte des droits de l'homme.
Autrement dit...
M. Burns: Ah! bon, bon, bon!
M. Cossette: ...il serait répété tout
simplement comme avant-propos dans le code civil.
M. Burns: D'accord. Vous ne suggérez pas de l'enlever?
M. Cossette: Non, non.
M. Burns: Ah! bon, bon. D'accord, on se comprend bien.
M. Cossette: On suggère de l'avoir à deux
endroits.
M. Burns: D'accord.
M. Audet: Nouscroyonsqueleprécédentqui a
été fait avec la loi sur les assurances est peut-être un
bon précédent. D'une part, il y a l'article 6 qui nous incite
fortement à recommander, en tout cas, d'introduire au code civil toute
la section I. L'article 6 dit: "Toute personne a droit à la jouissance
paisible et à la libre disposition de ses biens." C'est un article qui
est fortement restreint par beaucoup de dispositions du code civil qui,
justement, déterminent les qualités nécessaires pour
disposer de ses biens, les questions de capacité, les questions de
validité, ainsi de suite.
M. Burns: J'avais compris que vous vouliez l'exclure de cela pour
le mettre dans le code civil, auquel cas je me disais: Bien, il y a une
série de lois statutaires auxquelles ces principes ne s'appliqueraient
pas. J'inverse la question, maintenant que je connais le sens véritable
de votre intervention. Je m'excuse si je ne l'ai pas comprise du premier coup,
c'est sans doute de ma faute, ne croyez-vous pas qu'en le laissant là,
il pourrait avoir une application sur une loi comme le code civil, si cette
loi, qu'on appelle la Loi des droits et libertés de la personne, doit
avoir une application à caractère général, comme
je pense tout le monde est en mesure de s'y attendre? Dans le
fond, je vous demande, maintenant que vous avez répondu à ma
première question, quel est le but principal pour lequel vous
l'introduisez au code civil alors qu'il peut avoirtrès bien, à
mon humble avis peut-être que vous pouvez me contredire
là-dessus son application même dans le cadre du code civil,
tout en le laissant là?
M. Audet: Oui, c'est une mesure de prudence. C'est que nous ne
voudrions pas que l'application de cette loi vienne modifier d'une
manière ou d'une autre certains principes énoncés au code
civil. Il n'en demeure pas moins que le code civil détermine très
bien les droits juridiques des personnes et les droits juridiques auxquels les
biens sont accrochés. Je crois que tout particulièrement
l'article 6, est un article qui, pour nous, est fondamental au sens civiliste.
Nous ne voudrions pas que l'interprétation de cette loi fasse, à
un moment donné, pour des questions d'équité ou autres,
qu'on ébranle les grands principes énoncés au code
civil.
M. Burns: Vous pensez qu'en l'introduisant au code civil,
ça pourrait pallier cela?
M. Audet: Ce serait une mesure de prudence.
M. Burns: Mais, entre vous et moi, notaire, croyez-vous vraiment
que cela pourrait changer quelque chose que de le mettre au code civil?
M. Cossette: Non, mais...
M. Burns: Sinon pour satisfaire votre appétit de
civiliste, bien louable d'ailleurs, bien acceptable.
M. Cossette: C'est un peu cela, c'est pour avoir un seul monument
ensemble. Parce que, en somme, vu que cela affecte les droits et les
libertés des personnes et que le code civil réglemente, en somme,
toutes les activités des individus, c'est simplement pour avoir un tout.
C'est plutôt à titre informatif.
M. Burns: D'autre part, notaire Cossette, ne trouvez-vous pas que
c'est une technique législative difficile à comprendre qu'on
répète dans diverses pièces de législation des
mêmes éléments de législation qui ont application
générale?
M. Cossette: D'accord, c'est une répétition.
M. Burns: C'est un peu comme si on répétait
je donnais le code de la route tout à l'heure la Loi des
convictions sommaires dans le code de la route. Il me semble qu'au
départ, les gens diraient: Bien, vous faites exprès pour avoir du
texte de plus dans vos lois.
M. Cossette: II ne faut pas oublier quand même que cette
loi constitue, en somme, le chapeau de tous les droits et de toutes les
libertés de la personne au Québec. Alors, c'est un peu dans cette
perspective qu'on souhaiterait l'avoir à l'intérieur du code
civil.
M. Burns: Vous n'en faites pas une condition... M. Cossette:
Non, non.
M. Burns: ...sine qua non de votre approbation à ce type
de loi?
M. Cossette: Non.
M. Burns: D'accord. A la page 7 de votre mémoire, sous
l'article 30, vous nous indiquez qu'il serait normal qu'un justiciable ait le
droit d'être représenté par avocat, même devant la
Loi des petites créances, et...
M. Cossette: C'est-à-dire... M. Burns: Oui,
excusez-moi.
M. Cossette: ...vu que c'est une loi qui tend à combattre
la discrimination, nous avons trouvé que ces dispositions de la loi
concernant les petites créances constituaient une discrimination
à l'égard de nos confrères les avocats.
M. Burns: Mais moi qui ai appuyé le ministre de la Justice
cette fois-là, gaiement, sans aucune animosité et sans
difficulté, sans querelle, je pense que le ministre de la Justice et
moi-même, à l'époque quand jedis moi-même, je
ne veux pas me prendre pour quelqu'un d'autre mais tous ceux qui ont
appuyé le ministre de la Justice quand il a présenté son
mémoire, nous l'avons félicité, entre autres, pour avoir
résisté aux pressions que le Barreau avait mises sur lui à
cette époque. C'est que je pense que la Loi des petites créances
défendait un principe qui est encore, je dirais, plus important que
celui d'avoir le droit d'être représenté par avocat,
considérant le fait qu'on examine et qu'on place le tribunal des petites
créances comme un tribunal d'une autre nature que le tribunal habituel.
C'est un tribunal qui a d'abord et avant tout comme fonction de tenter
d'obtenir une conciliation entre les parties, et si jamais cette conciliation
n'est pas possible et n'amène pas un règlement, le tribunal
sauf erreur, M. le ministre de la Justice agit presque comme
représentant des deux parties mais doit, à un moment
donné, poser une décision. C'était justement, et je le dis
en toute liberté, étant avocat moi-même, pour éviter
des délais qu'on voulait sortir les avocats de là, et
éviter, du fait que ces poursuites, habituellement, sont des poursuites
qui rendent honteux même un avocat décent de présenter un
compte, d'être à toutes fins pratiques forcé à
certaines occasions, à cause de l'importance du client, à cause
d'une série de facteurs, de se présenter devant cette cour.
Il me semble que même si on affirme, et je le fais avec autant de
force que vous, le droit de tout justiciable d'être
représenté par avocat, on peut et c'est une des
applications, nonobstant la Charte des droits de l'homme, où on dit que,
dans ce cas, il ne devrait pas y avoir d'avocat devant le tribunal des petites
créances. Effectivement, le dossier de la cour des petites
créances je ne sais pas jusqu'à quel point on peut
analyser que c'est un des éléments qui ont favorisé cela
est extraordinaire au point de vue du délai de règlement
des causes. De mémoire, je me souviens que, l'année
dernière, la moyenne de règlement des causes devant la cour des
petites créances était de 53 jours.
Alors, je pense que c'est quelque chose qui est un acquis pour la cour
des petites créances. Ce sont habituellement des causes où,
véritablement, le justiciable n'a pas la possibilité de payer des
honoraires d'avocat à cause de l'importance ou du peu d'importance
financière de la cause.
Il reste quoi? Il reste les compagnies qui ont intérêt, les
compagnies d'assurance en particulier, à aller devant la cour des
petites créances, par voie de procureurs, et tout le monde sait que,
depuis que la Loi des petites créances est en vigueur, ils ont
réussi à entraîner leurs procureurs, qui ne sont pas des
avocats, mais qui ont tellement l'habitude d'y aller qu'ils agissent comme si
un avocat était présent, et cela permet, je pense, d'humaniser ce
type de présentation de causes devant le tribunal par des justiciables,
par des individus. Je ne sais pas, là-dessus, mais je ne partage pas du
tout votre avis, et je cherche encore, même dans le grand principe que
tout individu a le droit d'être représenté, la
justification que vous pouvez avoir de demander que, même devant la cour
des petites créances, un individu
puisse avoir recours à un avocat. Parce que vous savez que, si
vous commencez cela, M. X, lui, va aller chercher un avocat, et là
je pense que c'est une des objections que nous avions lorsque nous avons
adopté ce projet de loi M. X, qui est plus fortuné,
même dans une cause de moins de $300, va aller chercher son avocat. Mais
M. Y, lui, qui n'est pas, aussi fortuné, devra, parce que l'autre a un
avocat, recourir aux services d'un avocat. Je pense que, s'il y a un des cas
où on doit l'exclure, ce principe général, et on l'admet,
je pense, tout le monde, que c'est beau de faire une charte des libertés
et des droits fondamentaux, mais il y a des cas où on doit être
logique, réaliste, et cela, c'en est un, à mon avis, en tout cas,
à moins que vous ayez des points de vue qui puissent me convaincre du
contraire.
M. Audet: J'aurais une question à poser, ici, dans le
même sens, au ministre de la Justice.
L'article 30, pour vous, se situe-t-il dans un contexte purement
pénal, ou bien est-ce que le droit d'être représenté
par un avocat, c'est un droit qui doit être reconnu autant au plan
pénal qu'au plan civil ou à un autre plan?
M. Choquette: C'est un droit qui doit être reconnu, autant
en droit pénal, criminel, civil, administratif, quasi judiciaire, et je
vous réfère, à ce point de vue, à l'article 45 qui
dit: Au sens du présent chapitre, le mot "tribunal" inclut un coroner,
un commissaire enquêteur sur les incendies, une commission
d'enquête, etc., une personne ou un organisme créé par une
loi publique et exerçant des fonctions quasi judiciaires. Cela inclut
non seulement le système judiciaire dans son ensemble, pénal et
criminel, d'une part, civil, d'autre part, mais plus le secteur quasi
judiciaire.
M. Audet: C'est la raison pour laquelle, en premier lieu, on
préférerait que l'article 30 soit dégagé un peu de
l'ensemble d'articles qui l'entourent pour le reporter comme principe
fondamental à un article, peut-être, qui suivrait l'article 20,
qui pourrait être intercalé entre les articles 20 et 21.
M. Choquette: Que faites-vous de l'article 31 ? "Tout
accusé a droit à une défense pleine et entière et a
droit d'interroger et de contre-interroger les témoins". Là, cela
s'inscrit... Cela a rapport à la représentation par avocat, cela
a un rapport plus particulier avec les tribunaux criminels, ou enfin, les
causes pénales. Cela ne me semble pas anormal, en fait, que l'article 30
soit là.
M. Audet: Parce que, dans tous les articles environnants, on
parle toujours de personnes arrêtées, d'accusés, ainsi de
suite, alors qu'à l'article 30, on arrive avec un article qui, à
notre avis, est peut-être mal placé dans l'ensemble des articles.
On est bien d'accord sur le principe...
M. Burns: On parle de toute législation qui est de la
compétence du Québec, à toutes fins prati- ques, et il y a
du domaine pénal et du domaine non pénal, civil, en particulier,
qui est de la compétence du Québec...
M. Cossette: ...que l'article 30 serait... M. Burns: En
somme...
M. Cossette: ...se placerait mieux après l'article 20.
M. Burns: ...votre grosse objection, c'est peut-être
l'endroit où on le situe. Peut-être que vous le considérez
comme un article à caractère général...
M. Cossette: Oui.
M. Burns: ...qui ne devrait peut-être pas être
mêlé aux...
M. Cossette: C'est cela.
M. Burns: ...aspects pénaux qui apparaissent aux articles
28 et suivants.
M. Cossette: Exactement, oui.
M. Burns: Maintenant, simplement une petite remarque, je ne sais
pas...
M. Cossette: Oui, est-ce que vous me permettez de revenir sur
l'article 30, en particulier?
M. Burns: Oui.
M. Cossette: C'est parce qu'on y voyait tout simplement, dans
cette disposition de l'article 955 du code de procédure civile, une
mesure discriminatoire.
M. Burns: J'y venais. C'était le deuxième
aspect.
Au bas de la page 7, vous dites: "La Chambre des notaires du
Québec croit que l'article 955 du code de procédure civile
constitue en lui-même une forme de discrimination qui, en l'occurrence,
affecte les membres d'une corporation professionnelle." Moi, je ne sais pas,
mais même membre de cette corporation professionnelle, j'ai toujours
pensé que ce n'était pas un droit qui m appartenait que
d'être membre du Barreau et de re-présenterdes gens.
C'était beaucoup plus un privilège qui m'était
accordé par l'Etat.
M. Cossette: Par contre...
M. Burns: Evidemment, grâce à un certain nombre de
compétences que j'aurais acquises ou de diplômes universitaires
que j'aurais acquis, mais le fait, quand même, de dire et c'est
cela, dans le fond, la Loi du Barreau vous ne pouvez pas
représenter une autre personne dans une cause, si vous n'êtes pas
avocat, ou encore, vous ne pouvez pas représenter quelqu'un d'autre
que
vous dans une cause, à moins d'être avocat. Il me semble
que c'est un privilège qu'on accorde à une catégorie de
gens dans la société, d'accord, des gens qui ont acquis ce
privilège, peut-être avec études à l'appui, comme
d'ailleurs dans le cas de votre corporation professionnelle aussi, c'est le
même cas. Je ne peux pas, moi-même, comme avocat, aujourd'hui
décider que je fais un contrat, c'est-à-dire un testament qui
aura le caractère d'authenticité que vous êtes capables d'y
donner par votre seule fonction. Mais c'est un privilège qu'on vous
accorde. A partir du moment où ce privilège est accordé,
je vois difficilement qu'on parle de discrimination à l'endroit de gens
à qui on a d'abord décerné ce privilège, et
à qui on dit: Votre privilège se limite à ceci.
M. Cossette: Mais par rapport...
M. Burns: Je ne sais pas si on se comprend là-dessus.
M. Cossette: ...à l'individu lui-même, quand
même, vous lui enlevez le droit de requérir les services d'un
avocat pour le représenter.
M. Burns: C'est peut-être un des cas, notaire, où le
droit collectif où l'Etat agit dans l'intérêt de la
collectivité, et peut-être brime un droit individuel, je l'admets,
dans ce cas, mais dans l'intérêt de la collectivité... Je
vous donne simplement l'exemple que si un jour des avocats commencent à
se pré-senterdevant lacourdes petites créances, cela va
être un histoire où... On l'a vécu. Je pense que le
député de Beauce-Nord est en mesure de le confirmer,
sûrement le ministre de la Justice, encore plus que nous deux, est en
mesure de confirmer le fait que le jour où vous avez un avocat dans le
portrait, cela suscite la présence d'un avocat dans l'autre
dossier...
M. Cossette: D'accord!
M. Burns: ...et c'était, je pense,
l'idéologie...
M. Cossette: Nous avons...
M. Burns: ...qui était derrière le fait que les
petites créances, en soi, d'une part, c'est pratiquement injuste, pour
le justiciable, de le placer dans une situation où il doit
requérir, pas nécessairement qu'il soit obligé, mais
où il doit, par une question de fait, requérir les services d'un
avocat.
M. Cossette: Nous avons cru, à l'origine, qu'il s'agissait
là, par cette nouvelle disposition, d'un retour en arrière,
à première vue.
M. Burns: J'espère que le ministre va nous dire que ce
n'est pas...
M. Choquette: Je ne comprends pas dans quel sens vous avez
compris qu'il s'agissait d'un retour en arrière.
M. Cossette: II n'y avait pas de mention ex- presse, de
référence expresse à la loi spéciale concernant les
petites créances, et à l'article 955 du code de procédure
civile.
M. Choquette: Ah! Vous changez votre attaque, là. Vous
venez de changer de bord.
Non, pas du tout. Je crois que la décision qui a
été prise à l'origine d'exclure les avocats de la cour des
petites créances était une décision bien fondée, et
je vois qu'elle est maintenue. Il y a toutes sortes de raisons dont celles
mentionnées par le député de Maisonneuve, entre autres, ce
n'est pas que ce soit tellement discriminatoire à l'égard des
avocats. S'il y a discrimination, ce serait à l'égard des
parties...
M. Cossette: Les individus...
M. Choquette: L'avocat, c'est un représentant, purement et
simplement. Il n'a pas de droit devant la cour comme telle. Il a un droit en
tant que représentant d'un citoyen, d'un justiciable. Comme on l'a
mentionné tout à l'heure, si on permet que l'avocat aille
représenter le client devant le tribunal, une des parties va choisir un
avocat, l'autre n'en aura pas, elle va se sentir en état
d'infériorité. Si elle perd sa cause, elle va dire: C'est parce
que mon adversaire avait un avocat. La prochaine fois, j'irai avec un avocat
moi-même, et ainsi, le cycle est reparti.
Alors, pour clarifier l'affaire une fois pour toutes, pour éviter
des frais judiciaires exagérés comparativement à l'enjeu
des causes, il nous a paru qu'il fallait exclure les avocats, purement et
simplement.
Cela ne veut pas dire que nous rejetons le principe fondamental du droit
de représentation par avocat. Je crois que c'est un droit essentiel en
général, dans les causes criminelles, pénales, dans la
plupart des causes civiles. On a toujours fait une distinction quant aux
procédures et à la façon, pour les cours, d'agir dans le
domaine des petites créances et nous continuons dans la même
veine. Je ne crois que cela implique discrimination, excepté que c'est
peut-être une exception par rapport au principe
général.
M. Cossette: Ça va.
M. Burns: Juste unequestion quej'espère voir maintenue en
ce qui me concerne, M. le ministre, j'espère que vous continuez à
être aussi enthousiaste en faveur de cette mesure que vous avez fait
adopter il y a deux ans...
M. Choquette: Oui. Je crois qu'elle a donné d'excellents
résultats, à l'épreuve. Il ne s'agit pas seulement d'une
vue de l'esprit. Je comprends qu'au moment où on a
présenté la loi, je pouvais moi-même m'interroger quant
à l'impact de cela et avoir des hésitations en balançant
le pour et le contre de tout cela. Peut-être le député de
Maisonneuve était-il dans les mêmes dilemmes que moi. De toute
façon, elle a été adoptée et cela a donné
satisfaction.
Je reçois très peu de lettres au ministère de
la
Justice, de la part de justiciables, exprimant un désaccord sur
la procédure générale qui prévaut au tribunal des
petites créances. Je ne dis pas que je n'en reçois pas du tout,
j'en reçois de temps à autre, parce qu'il y a toujours des
plaideurs déçus. Et je ne dis pas que les jugements sont toujours
parfaits devant ce tribunal, parce qu'il n'est pas entouré des
mêmes garanties que devant un autre tribunal. Il n'y a pas de
contre-interrogatoire par avocat, l'admissibilité de la preuve n'est
sûrement pas aussi rigoureuse.
Par conséquent, c'est vrai que c'est une justice un peu sommaire,
mais c'est une justice sommaire pour de petites causes. Les gens, aujourd'hui,
se plaignent des délais judiciaires. A part cela, cela a surtout permis
d'aérer le système judiciaire. Je crois qu'il y a beaucoup de
juges qui se sont aperçus que, après tout, on pouvait avoir un
rapport direct avec le justiciable, sans avoir ce mandataire, ce
représentant qui est utile, l'avocat, et je ne diminue pas son
rôle. Mais cela a permis de toucher du doigt la justice dans sa plus
simple expression et à ce point de vue-là, je crois que c'est
sain pour le système dans son ensemble, parce que cela va aller vers des
causes plus importantes où, là, naturellement, il faut admettre
que l'avocat a pleinement sa fonction. C'est incontestable, parce que les
enjeux sont plus considérables, les causes sont plus complexes et il
faut qu'elles soient plaidées d'une manière très
méticuleuse, mais ce principe de la précision et du
méticuleux ne s'applique pas au même degré à de
petites causes de moins de $300.
M. Burns: Comme dit le ministre de la Justice, je pense que
déjà la cour Provinciale a augmenté son efficacité
du fait qu'on lui a enlevé, tant au point de vue administratif qu'au
point de vue de la présence devant les tribunaux, un certain nombre de
causes qui, autrement, empêtraient et le greffe et le tribunal. Je pense
que, dans les deux cas, on sent une espèce d'aération, comme
disait le ministre de la Justice.
En tout cas, je voulais juste faire préciser votre point de vue
là-dessus. Dernière question, MM. les membres de la Chambre des
notaires, c'est au chapitre V. A la page 9, vous nous dites qu'en ce qui
concerne la législation future, il serait peu réaliste de priver
le Parlement du pouvoir de légiférer à rencontre de cette
loi, dans le but de maintenir l'ordre public, réprimer la
criminalité, protéger la famille ou encore protéger les
individus contre les abus des libertés et des droits exercés par
autrui.
J'aimerais que vous nous précisiez votre pensée
là-dessus. Je vais tout de suite vous dire dans quel sens je vois
certaines réticences à accepter globalement cette affirmation.
Dans une loi aussi fondamentale qu'une loi qui concerne les libertés et
les droits de la personne, il me semble que même le Parlement qui adopte
cette loi devrait se prémunir contre ses agissements futurs. Vu dans le
sens de la permanence de l'institution parlementaire; il devrait même se
prémunir contre une facilité extrême dans l'amendement de
cette loi. Il me semble que ce n'est pas priver l'institution parlementaire; le
ministre de la Justice et moi avons échangé quelques propos
là-dessus ce matin, quand un autre groupement s'est
présenté devant nous. Je pense que le ministre a exprimé
le fait qu'il y avait deux thèses sur le fait de restreindre la
liberté du Parlement, soit par un vote des deux tiers ou soit par un
vote des trois quarts, comme la Ligue des droits de l'homme le
suggérait, mais je ne crois pas que ce soit véritablement
restreindre, dans le sens absolu du mot, le droit du Parlement de se
prononcer.
Si on rend plus difficile l'amendement de cette loi à l'avenir,
ou encore si on rend plus difficile l'adoption d'une loi en contravention des
dispositions et nonobstant les dispositions de cette charte des libertés
et des droits de la personne, il me semble qu'on laissequand même ce
droit, sauf qu'on y met une condition suspensive à son exercice.
Il faudrait qu'une loi aussi fondamentale et aussi
générale d'application, une loi qui coiffe l'ensemble de notre
législation se doive d'être examinée à fond et
sérieusement avant d'être amendée ou encore, avant qu'on y
apporte une disposition qui y contrevient. C'est dans ce sens-là.
Je ne pense pas que cela nie le droit fondamental de l'Assemblée
nationale, en l'occurrence, de l'amender ou même d'y contrevenir par une
autre loi, mais le fait de rendre cela plus difficile, il me semble, c'est une
façon de nous rappeler l'importance primordiale de cette loi,
l'importance fondamentale de cette loi.
M. Cossette: La façon qu'on y voyait, c'est celle que nous
avons suggérée dans la page suivante de notre mémoire,
selon laquelle, lorsque le Parlement adoptera une loi qui viendra à
l'encontre de la Loi sur les libertés et les droits de la personne, il
devra, à ce moment-là, le mentionner expressément, de
façon à attirer l'attention du législateur sur le fait que
cette loi à l'étude vient à rencontre des principes admis
dans la Loi sur les droits et libertés de la personne.
M. Burns: Vous ne croyez pas qu'à cause de l'importance de
la loi, on doive rendre ou bien son amendement ou bien sa contravention ou la
contravention à cette loi plus difficile à faire, en tout cas, du
moins sur le plan formel, pour justement souligner cela et enlever cette
espèce d'angélisme auquel votre attitude voudrait s'attendre de
la part du ministre de la Justice ou de tout autre ministre qui devrait se
lever en Chambre comme le ministre le disait ce matin alors que
son collègue, disons du ministère du Tourisme, de la Chasse et de
la Pêche se lèverait et dirait: Je propose la première
lecture de tel projet de loi et voici quel en est l'objet. Il faudrait
s'attendre à ce que le ministre de la Justice ou un autre ministre
chargé de l'application de cette loi se lève et dise: Je tiens
à vous signaler que la loi que mon collègue vient de
déposer est en contravention de la charte des droits de l'homme.
Je me demande si ce n'est pas exiger un petit
peu trop de la part d'un ministre, quel qu'il soit et de quelque parti
politique qu'il soit.
M. Cossette: Nous avons un peu adopté la même
technique que pour le code ci vil. Vous savez que lorsqu'une loi statutaire
amende indirectement un article du code civil, on doit le préciser:
Nonobstant tel article du code civil, il y a telles dispositions. Nous croyons
qu'il serait suffisant, dans ce cas-là, de se référer
à la charte des droits de l'homme à l'occasion de l'adoption
d'une loi particulière, pour attirer l'attention des
députés sur le fait qu'il s'agit d'un changement à la
charte des droits de l'homme, comme vous l'appelez.
M. Burns: Vous ne croyez pas que lorsqu'une loi est
adoptée et qu'elle contrevient aux dispositions de la loi concernant les
libertés des personnes, cette loi doit, pour être adoptée,
subir un peu plus de difficulté avant de recevoir sa sanction, pour
souligner justement de façon concrète le fait qu'on contrevient
à un des principes énoncés dans cette loi.
M. Cossette: Plus de difficulté, en ce sens que vous
voudriez exiger...
M. Burns: Sur le plan formel.
M. Cossette: ...la majorité, ou lesdeux tiers, ou les
trois quarts.
M. Burns: C'est cela. Je pense, par exemple, aux deux tiers, ou
aux trois quarts, ou à une autre formalité qui souligne qu'il
s'agit d'un cas véritablement exceptionnel.
M. Cossette: Je pense qu'il est sûrement bon d'attirer
l'attention du législateur, à l'occasion d'une modification
à cette charte des droits de l'homme. La technique que nous avons
proposée est une mention expresse, une référence expresse
à l'article de la charte des droits de l'homme. C'est celle que nous
jugeons la plus...
M. Burns: Vous ne voyez pas d'objection à mettre des
barrières formelles, si vous voulez, comme celles que je vous
suggérais, avant l'adoption d'une telle loi.
M. Cossette: Sur la règle voulant que la loi soit
adoptée par plus qu'une majorité, nous ne sommes pas d'accord
là-dessus. D'ailleurs, nous le disons dans notre mémoire.
M. Burns: Vous y verriez donc des objections. M. Cossette:
Oui.
M. Burns: Et ces objections s'inspirent... M. Cossette: De
notre régime parlementaire...
M. Burns: ...de principes fondamentaux, dans votre corporation
professionnelle, ou de votre in- terprétation du régime
parlementaire que nous vivons?
M. Cossette: C'est notre sentiment. Un peu les deux, disons.
M. Burns: D'accord.
Le Président (M. Pilote): Le député de
L'Assomption.
M. Perreault: Je n'ai pas participé à la
discussion, tout à l'heure, à l'article 30, mais j'aimerais
m'inscrire en faux contre votre demande d'abroger l'article 955 relativement
à la cour des petites créances. A ce moment-ci, je me permettrais
même de demander au ministre d'indexer le montant maximum des petites
créances; étant donné l'inflation, le montant maximum
fixé par le législateur, lorsque nous avons adopté la loi,
est maintenant complètement dépassé. Si on veut maintenir
le but qu'on s'était fixé quant au montant maximum, on doit
l'indexer au plus tôt.
M. Burns: Rétroactivement, comme le salaire des
députés!
M. Perreault: Graduellement, nous défaisons la loi que
nous avions votée pour les petites créances, parce que les
montants vont devenir dérisoires.
M. Choquette: Je crois que la suggestion du député
de L'Assomption est une suggestion progressive.
M. Perreault: Un point que je voudrais soulever, dans votre
mémoire...
M. Burns: Je tiens à vous souligner, M. le ministre, que
cela fait deux ans que je vous demande cela également. Je suis
entièrement d'accord avec le député de L'Assomption.
M. Choquette: Cela ne fait pas deux ans que la loi est en
vigueur.
M. Burns: Depuis qu'elle est en vigueur. La loi est en vigueur
depuis septembre 1973. Cela fera deux ans. Mais depuis que la loi est en
vigueur, je vous demande cela à l'occasion de l'étude de vos
crédits. Je suistotalement d'accord avec le député de
L'Assomption.
M. Choquette: Très bien. Nous commençons à
avoir la majorité.
M. Burns: L'opposition circonstancielle.
M. Perreault: II y a un point de votre mémoire que
j'aimerais souligner, à la page 9, dans un de vos trois nouveaux
principes: "Toute personne libre a droit d'accès aux ressources
naturelles". Vous savez que c'est large. Vous avez mentionné deux
points. Il y a plus que cela dans les ressources naturelles.
M. Cossette: Oui, mais on comprend toujours, dans l'affirmation
d'un principe comme celui-là, que c'est toujours sujet aux lois
existantes; mais ce sera une occasion pour le législateur de penser
peut-être à développer davantage ce principe et a permettre
l'accès du public aux cours d'eau de la province, à la
pêche, à la chasse.
M. Perreault: Aux mines.
M. Cossette: Peut-être pas jusqu'aux mines.
M. Perreault: C'est une ressource naturelle.
M. Cossette: Oui, d'accord, m ais c'est toujours dans le cadre
des lois qui existent dans la province; mais nous avions surtout à
l'esprit l'accès du public aux cours d'eau, à la pêche, a
la récréation, aux loisirs en général.
M. Perreault: Ce sont plutôt des ressources
renouvelables?
M. Cossette: Oui.
M. Perreault: C'est tout quant à moi.
Le Président (M. Pilote): Y a-t-il d'autres questions?
Nous vous remercions, messieurs. Soyez assuré que la commission va
prendre vos recommandations en considération.
M. Cossette: Nous vous remercions de nous avoir entendus.
Le Président (M. Pilote): J'inviterais à
présent le Jewish Labour Committee of Canada, M. Elie Chalouh est-il
présent?
M. Choquette: Non, les représentants ne sont pas ici.
Le Président (M. Pilote): J'inviterais à
présent le Provincial...
M. Burns: M. le Président, concernant le Jewish Labour
Committee of Canada, je ne suis pas au courant des raisons de leur absence,
mais j'espère que, parce qu'ils sont absents, on peut les intercaler
dans d'autres séances.
M. Choquette: II n'y a pas de problèmes. Nous allons les
entendre au moment où ils jugeront possible de venir ici, à
Québec.
M. Burns: D'accord.
Association provinciale des professeurs protestants du
Québec
Le Président (M. Pilote): Nous allons entendre M. Norman
Bernstein, de la Provincial Association of Protestant Teachers, s'il vous
plaît.
M. Bernstein: Merci, M. le Président; M. John- son, le
président de notre association, va présenter notre
mémoire.
M. Johnson (John): Merci, M. le Président. M. le ministre,
MM. les membres de la commission parlementaire de la justice, je pense que les
derniers seront les premiers et les premiers seront les derniers, ou quelque
chose comme cela.
Au commencement, je voudrais présenter notre
délégation de l'Association provinciale des professeurs
protestants du Québec. A ma gauche immédiate, notre
conseillertechnique, M. Norman Bernstein, qui a préparé notre
mémoire; à sa gauche, l'assistante du président, Mlle
Patricia Steele.
L'Association provinciale des enseignants protestants du Québec,
représentant 6,500 enseignants dans les écoles sous la direction
des commissions scolaires protestantes, est heureuse de présenter
à la commission parlementaire de la Justice à l'Assemblée
nationale du Québec, ses vues sur le projet de loi 50, relativement aux
droits de l'homme et sa liberté.
En tant qu'éducateurs, nous sommes intéressés
à la dignité et aux droits du citoyen individuel et à
toute législation affectant ces droits.
L'introduction de l'acte des droits de l'homme à
l'Assemblée nationale a été, suivant une longue formation
de l'opinion publique précédant la présentation pour
première lecture, quelque peu décevante. Nous aurions
espéré que le Québec, étant parmi les
dernières provinces du Canada à introduire une loi sur
lesdroitsde l'homme, aurait, basé sur l'expérience d'autres
juridictions, pu présenter une loi un peu plus forte que le projet de
loi 50.
Nous croyons qu'une charte des droits de l'homme devrait être la
pierre angulaire du corps de la loi. Les droits humains, sociaux,
économiques, politiques et juridiques d'un citoyen individuel devraient
être clairement établis dans la loi. Toute tentative
d'interférence ou de reniement de ces droits devrait entraîner des
sanctions immédiates par le truchement du processus juridique,
impliquant des pénalités qui font qu'une atteinte portée
aux droits d'un citoyen devient une pratique coûteuse. Le projet de loi
50 n'accomplit pas cela.
Le gouvernement doit être louangé pour avoir
présenté un projet de loi qui renferme non seulement des
restrictions contre la discrimination comme semble être la limite de
plusieurs des autres lois provinciales, mais aussi un enchâssement
législatif des droits qui sont considérés comme droits de
base dans une société démocratique. Malheureusement, le
gouvernement n'a pas cru bon d'établir des procédures
d'application, afin de garantir les droits et libertés fondamentaux
identiques au chapitre I, division 1 et aux chapitres II, III et IV.
Seulement en ce qui concerne la discrimination, le chapitre I, division
2, y a-t-il eu proposition de procédure d'application?
D'après nous, lafaiblesse principaledu projet de loi 50 est qu'il
ne possède pas de préséance légale sur toutes les
autres législations provincia-
les. Les articles 44 et 45 semblent fournir une échappatoire par
laquelle toute loi adoptée par l'Assemblée nationale peut
contrevenir, contredire ou limiter les provisions de l'acte des droits de
l'homme en autant que les provisions d'une telle loi soient claires. L'article
46 énonçant que la charte lie le gouvernement et ses
préposés n'est pas, à notre avis, un contrepoids
adéquat aux deux articles précédents.
Si le gouvernement est sincère en établissant une
protection législative pour ces droits et libertés
spécifiés dans le projet de loi, alors la loi devrait
démontrer ce désir clairement et sans équivoque. La
crédibilité de la loi et la confiance publique qui lui est
témoignée sont tout au moins aussi importantes que le texte
actuel de la loi.
Si la charte des droits de l'homme peut, en effet, être
abrogée par des provisions contraires dans une autre législation,
alors la charte dégénérerait en document de relations
publiques. Afin de clarifier l'intention du gouvernement et faire que la charte
soit la base pour toute autre législation, nous recommanderions que les
articles 44 et 45 soient remplacés par une provision semblable à
celle trouvée dans "The Individual's Rights Protection Act" de la
province d'Alberta, section I, paragraphe 1 : "Unless it is expressly declared
by an Act of the Legislature that it operates notwithstanding this Act, every
law of Alberta is inoperative to the extent that it authorizes or requires the
doing of anything prohibited by this Act."
Le projet de loi devrait avoir des procédures d'application
rigoureuses pour toutes les sections de l'acte et pas seulement pour les
articles 11 à 17. Nous recommanderions que la juridiction de la
commission des droits de l'homme soit étendue pour lui permettre
d'enquêter, d'établir, donner des ordres et d'imposer des
pénalités pour toute interférence à un droit ou une
liberté reconnu par la charte. De plus, de rigoureuses sanctions pour
outrage à la charte devraient être stipulées dans la
loi.
Considérant l'accroissement des responsabilités
recommandées ci-haut pour la commission des droits de l'homme, la
commission devrait être assistée par un personnel permanent
semblable à celui de la commission d'enquête sur les droits de
l'homme dans d'autres provinces.
L'article 11 devrait être élargi pour aussi inclure une
protection contre la discrimination pour causes d'âge et d'état
civil.
Les exemples de discrimination ou de limitation des droits
spécifiés dans la charte sont souvent rencontrés dans la
publicité ou les politiques et règlements de certaines
institutions publiques ou privées. Il devrait se trou ver au sein des
articles 60 et 61 une clause pour que telle discrimination ou tel abus de
droits puisse être contesté par les droits civils ou autres
groupes, avant qu'un individu en soit victime.
Bref, nous croyons que toute loi des droits de l'homme du Québec
devrait avoir préséance légale sur toute autre
législation provinciale et que ceci soit clairement
démontré. La loi devrait également fournir une
enquête rapide et un jugement prononcé sur toute prétendue
infraction aux droits et libertés garantis dans la loi.
M. le Président, notre position est presque la même dans
toutes les clauses que celle de la Ligue des droits de l'homme qui était
présentée ce matin, avec une petite différence. We have
indicated in our brief that the Charter should be an omnibus bill that
superimposes itself upon all legislation in the Province of Quebec, not only
legislation which will be imposed in the future, but legislation of the past.
We believe that the article quoted from the Alberta Bill of Rights is the kind
of article which will allow this. It is not sufficient for an introduction of a
Charter which can be set aside merely by existing legislation, which may be
contrary to that Charter or which is simply ignored by future legislation that
may be passed by the Legislature. Thank you.
Le Président (M. Pilote): Le ministre de la Justice.
M. Choquette: Mr Chairman, I want to thank the Provincial
Association of Protestant Teachers of Quebec and to indicate that the English
language has not been outlawed in Quebec recently, I want to express myself in
English, to express my appreciation for the presentation which has been made to
us today.
You mention in page 4 of your brief that there should be recourses
offered by the law to prevent discrimination or prevent other infractions to
the legislation, and you refer in particular to publicity and policies and
by-laws of certain institutions, public and private. I wish to refer you to
article 44 of the Act, which not only affords a recourse in damages for an
infraction to the legislation, but also affords a right to injunction before
the courts, in case there is some violation of the provisions of the Act, so I
would think that, from the point of view of the recourses offered by the
Legislation, it is evident that we have probably done more than is the case
elsewhere, in other legislations, to provide suitable and adequate recourses
before the ordinary courts of civil jurisdiction, in addition, of course, to
the rights of recourse before the Commission in the case of discrimination,
which are another matter.
So, I would think that your criticism in this respect would not be
acceptable, I remind you, I am open to your suggesting to us that in other
legislation they have more energetic recourses, either before the courts or the
Human Rights Commission: I am not sure that in the Alberta Bill of Rights,
there are equivalent recourses to those which are offered.
M. Bernstein: Mr Minister, if I may continue the precedent you so
recently established of talking in the other language, there are two points:
One in terms of straight discrimination under article 11: for example,
discrimination on grounds of sex should, for example, an employer advertise in
the newspapers that he wishes: "Help wanted, male". This would seem to be a
contravention of article 11,
and rather than some woman applying for the job, being refused, taking
out action through the Human Rights Commission, there should be automatic
recourse so that an organization like "la Ligue des droits de l'homme" could go
directly and obviate such discrimination before there are individual victims,
because having an individual victim is rather tough on the individual victim
and does not create the kind of cessation to the discriminatory act that would
be necessary in a widespread case like that. And as far as recourses are
concerned, the reason we are asking that the Human Rights Commission have its
powers expanded, we are not lawyers, we are humble teachers, and we feel that,
given our experience, as a teachers' organization given the experience of
members, friends, that recourse through the normal tribunals, the courts and
the other tribunals referred to in the Act, is a very slow process, it is a
very expensive process. Consequently, if the Human Rights Commission had the
powers expanded with the staff to deal with cases of abuse and cases of breach
of the Human Rights Charter, we feel it could be done as rapidly, or we would
hope it would be done as rapidly without recourse to long legal procedures as
has been mentioned earlier this afternoon, the speed of recourse under the
Small Claims Legislation.
M. Choquette: Tell me something. Did you see in other Canadian
legislations such a recourse as the one you are describing before the Human
Rights Commission to itself issue an injunction against some type of
discriminatory practice that would be at large and not be aimed at a particular
individual?
M.Bernstein: In terms of discrimination as outlined in articles
11 to 17, I believe at least two provinces allow the Human Rights Commission to
impose sanctions on the offender.
M. Choquette: On what?
M. Bernstein: On the offender.
M. Choquette: Which provinces?
M. Bernstein: If I remember correctly, Nova Scotia and, I think,
Ontario.
M. Choquette: Yes, but we have provided for this in another way,
in that we have a conciliatory process in the first instance, and then, if this
conciliatory process does not give the adequate results, the Commission can
itself, take the case to court and get a judgment enforcing its sanction
against the person who has discriminated against the discriminated person.. So,
I think we have created a process that is more consonant to a Human Rights
Charter. But what I am asking you specifically, is, if in those legislations,
the Human Rights Commission can take an injunction against somebody who would
make such an advertisement such as the one you describe: "Help wanted, male",
and ob- tain an injunction before the courts to prevent this advertisement from
being published.
M. Bernstein: We believe they can issue "cease and desist"
orders. Again, I am not aware of and I do not know the exact terms of the law
or their implications. However, in the other provincial legislations, they do
provide for inquiry boards which investigate and make recommendations to the
Human Rights Commission which then, in turn, makes rulings.
So, you have a double process, and this conciliatory process that you
are talking about is done throught, I understand, investigation teams and
through staff.
M. Choquette: From that point of view, I would think that that
other provincial legislation is very close to what we have provided for
here.
There is another point I just wanted to raise on this question. It is
that it is impossible, I would think, to give to the Commission the whole
administration of this law and not have these cases go to the courts where they
deserve to go to the courts. Because, otherwise, you are going to divert to the
Commission all the litigation concerning the Act and its application, and then,
you are going to build a parallel system of justice different from your
ordinary system of justice. I think that this is a move, you know, that is very
subject to criticism. So this is why we have to circumscribe the role of the
Commission in away, applying it to discriminatory practice. Other groups
suggested this morning that they might exercise some council function in
respect of other infractions to the Act. This remains to be seen.
M. Bernstein: No. What we are suggesting is the enlargement of
the jurisdiction of the Commission. We appreciate the problem of having two
parallel systems of justice, but we feel that the legislators of the province
should be able to find a technique, a legislative technique to have the two
systems, in other words, the Human Rights Commission and its work and the
normal legislative procedure work in tandem and integrate the two, directly and
rapidly, because, for a Human Rights Code to be applicable, enforceable and to
have the public respect that it should have, justice has not only to be done,
but to be seen to be done and that, very rapidly.
M. Choquette: You are certainly right in your aim and objective.
I think that we should aim to have a justice that would be relatively speedy
and this is why all the discriminatory practices have been referred to the
Commission. Now then, there is the court system. We know that it brings about
legal delays, some of them are, of course, undue, too considerable. It seems
like the problem of wrestling with judicial delays is a worldwide problem these
days. I do not say that I have a solution to it, but if you take the recourse
by way of injuc-tion, for example, that we have given in the Act in respect to
a discriminatory practice or any other
infraction to the Act, you may know that the recourse to injuction is a
rapid recourse. It is one of the most speedy recourses. So, from that point of
view, we may satisfy the objectives of reducing delays.
Maintenant, M. le Président, en plus de ce point, l'Association
provinciale des enseignants protestants signale évidemment un point de
critique qui est le caractère transcendant...
M. Burns: Non, fondamental.
M. Choquette: ...le caractère fondamental
désiré...
M. Burns: Oui.
M. Choquette: ...de cette loi par rapport à d'autres lois.
Mais moi, je voudrais dire à l'Association des enseignants protestants
que si elle se réfère à l'Angleterre, par exemple, qui est
sûrement, en fait, un lieu où on respecte largement les droits
fondamentaux même on peut dire que l'Angleterre est largement
à l'origine d'un certain nombre des droits fondamentaux qu'on
connaît aujourd'hui, l'habeas corpus, le Bill of Rights, etc. en
Angleterre, il n'y a aucune telle loi fondamentale, et le législateur
anglais a toujours refusé d'adopter une loi qui transcenderait les
autres lois.
Pour nos amis de langue anglaise, ceci me paraît un peu surprenant
qu'ils...
M. Burns: Possible...
M. Choquette: ...s'inspirent plutôt d'une tradition
américaine.
M. Burns: Mais la coutume a beaucoup plus force de loi...
M. Choquette: Oui?
M. Burns: ...dans un système britannique que dans un
système nord-américain, quel qu'il soit, même si nous en
sommes les héritiers normaux.
M. Choquette: Nous avons aussi un droit constitutionnel
coutumier. Je pense qu'avec l'Acte de l'Amérique du Nord britannique
nous avons hérité de toutes les procédures fondamentales
du parlementarisme britannique. Même quand on regarde dans l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, il est dit que les Parlements
fédéraux et provinciaux, je crois, vont fonctionner d'une
façon similaire au Parlement de la mère patrie, de telle sorte
qu'on peut dire que nous avons hérité du droit constitutionnel
britannique.
D'ailleurs, le député de Maisonneuve sait comme moi que
tout notre droit public est d'origine anglaise. Je m'étonne que ce soit
un groupe de langue anglaise je ne veux pas tourner le fer dans la
plaie...
M. Burns: Vous n'avez pas de commission Cliche à leur
reprocher!
M. Choquette: Non. Je ne veux pas, en somme, être
extrêmement dur à leur égard. La question n'est pas
là. Je crois que les deux points de vue se soutiennent, mais il faut
quand même reconnaître que, dans le système britannique, on
a plus fait confiance à la souveraineté du Parlement, à
l'autorité des élus du peuple. Cela a toujours été.
Tout le droit britannique est fondé sur cette prémisse. Je
comprends qu'il y a certains Etats, peut-être de l'Afrique du Sud,
l'Australie, qui sont partis dans différentes directions, à un
moment donné, même les Etats-Unis, avec un système
présidentiel; ils ont une constitution qui est transcendante, par
rapport à toutes les autres législations, mais je voulais
simplement dire à nos amis que les deux thèses se
défendent. Ce qui me préoccupe, et ce n'est pas parce que
j'aurais une objection à mon tour fondamentale contre un
caractère contraignant de cette loi, mais c'est de savoir comment
concilier la liberté des élus de décider suivant les
questions, dans un sens ou dans l'autre, avec une loi à caractère
fondamental. C'est ce qui est difficile à concilier. Cela ne veut pas
dire que nous allons résoudre la question contre votre thèse.
M. Bernstein: Selon notre connaissance de l'histoire du Canada,
les institutions et les lois du Canada sont un mélange entre celles des
Etats-Unis et de la Grande-Bretagne.
M. Burns: Pendant qu'on cherche ces documents-là, puis-je
poser une question à M. Bernstein ou à un de ses
collègues? M. Bernstein, dans le fond, à la page 3 de votre
mémoire, dans la version anglaise, ne posez-vous pas tout le
problème et complètement le problème du "class action",
sans le dire? Je vous cite simplement, au bas de votre page 3, la
dernière phrase, qui se lit comme suit: "There should be provision in
articles 60 and 61 so that such discrimination or abuse of rights can be
contested by civil rights or other groups prior to there being an individual
victim". Si vous parlez de groupes de "civil rights" ou "other groups", il me
semble que vous parlez, à toutes fins utiles, de possibilité de
"class action".
M. Bernstein: Oui, c'est cela.
M. Burns: Votre groupe s'est-il vraiment penché sur cela?
Evidemment, j'ai bien compris, tout à l'heure, le président de
votre groupe nous dire que vous faisiez vôtres, à toutes fins
utiles, les recommandations de la Ligue des droits de l'homme, et même si
nous n'en avons pas parlé ce matin, la Ligue des droits de l'homme fait
une recommandation d'insérer et de prendre l'occasion de la loi
concernant la liberté et les droits fondamentaux des personnes pour
insérer le "class action"; du moins, je voulais être bien
sûr que je vous comprenais que vous étiez favorables aussi
à cette mesure.
M. Bernstein: Nous sommes favorables au "class action", mais sans
le dire dans les mots "class action". Oui.
M. Burns: D'accord. C'était la seule question que j'avais
à poser. Merci beaucoup de votre mémoire.
Le Président (M. Pilote): D'autres questions?
M. Choquette: Je vais vous référer à l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique. Dans les premières parties,
vous allez voir qu'en plus des dispositions de cette constitution, nous avons
importé tout le reste du droit britannique.
M. Bernstein: Sans avoir un débat sur l'histoire et les
constitutions, on peut dire aussi que notre expérience est
influencée par l'expérience américaine.
M. Choquette: Américaine. Je vous remercie, messieurs.
M. Burns: Je suis entièrement d'accord avec M. Bernstein
là-dessus. C'est évident que, dans le contexte
nord-américain, avec l'influence nord-sud qui existe,
particulièrement sud-nord, devrais-je dire, c'est évident que,
malgré nos traditions britanniques, les influences américaines
sont très fortes chez nous, d'ailleurs à un point tel que les
anglophones canadiens ont de la difficulté à trouver leur propre
identité, par rapport à la société
américaine...
M. Choquette: C'est pour cela qu'ils veulent nous garder dans le
Canada.
M. Burns: ...et c'est pourquoi ils s'attachent tellement à
nous pour nous garder là. C'est la différence entre le
Canada...
M. Choquette: Dans le Canada. Allons-nous les priver de cela?
M. Burns: Je ne sais pas. Je ne vois pas pourquoi nous servirions
de cobayes tout simplement. En tout cas, je pense que ce n'est pas le
problème que nous allons régler aujourd'hui, mais merci
infiniment de votre mémoire.
M.Johnson: Je pense que le ministre manque une attaque sur une
autre délégation qui représente les syndicats au
Québec.
M. Burns: II n'y a pas de danger, vous n'êtes pas devant la
commission Cliche!
Le Président (M. Pilote): Nous vous remercions, messieurs.
La séance ajourne sestravaux à demain, dix heures.
(Fin de la séance à 17 h 57)