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Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le mardi 21 janvier 1975 - Vol. 16 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 50 — Charte des droits et libertés de la personne


Journal des débats

 

Commission permanente de la Justice

Etude du projet de loi no 50 —

Loi sur les droits et libertés de la personne

Séance du mardi 21 janvier 1975

(Dix heures sept minutes)

Préliminaires

M. Pilote (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre, messieurs! Les membres de la commission permanente de la justice sont réunis ce matin pour entendre les mémoires sur le projet de loi no 50, Loi sur les droits et libertés de la personne.

Sont membres de la commission: M. Bellemare (Johnson); M. Lapointe (Laurentides-Labelle) remplace M. Bienvenue (Crémazie), M. Burns (Maisonneuve), M. Choquette (Outremont), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Desjardins (Louis-Hébert); M. Brown (Brome-Missisquoi) remplace M. Levesque (Bonaventure); M. Morin (Sauvé); M. Lachance (Mille-Iles) remplace M. Pagé (Portneuf), M. Samson (Rouyn-Noranda); M. Perreault (L'Assomption) remplace M. Springate (Sainte-Anne), M. Sylvain (Beauce-Nord) et M. Harvey (Dubuc) remplace M. Tardif (Anjou).

Nous allons entendre les organismes qui ont été convoqués pour présenter leur mémoire. Le premier organisme est la Ligue des droits de l'homme, représentée par M. Maurice Champagne. Je les inviterais à prendre place en avant pour venir présenter leur mémoire.

M. Choquette: M. le Président, avant d'entendre la Ligue des droits de l'homme, on m'a fait des représentations, ce matin, au nom de la Commission des écoles catholiques de Montréal qui apparaît comme l'avant dernier organisme à être entendu aujourd'hui.

On m'a signalé que la Commission des écoles catholiques de Montréal devait tenir un conseil d'administration cet après-midi et les représentants de cette commission scolaire m'ont demandé s'il serait possible pour eux d'être entendus ce matin. J'ai dit que je soumettrais le cas à la commission.

Personnellement, je suggérerais, étant donné les raisons qui ont été soulevées par les représentants de la commission, qu'ils soient entendus immédiatement après le Conseil du patronat du Québec, ce qui pourrait leur permettre d'être entendus ce matin, possiblement, si l'exposé de la Ligue des droits de l'homme le leur permet.

Alors, puis-je faire cette suggestion? Je mentionne ceci parce que j'ai pris connaissance du mémoire de la Ligue des droits de l'homme, un mémoire très imposant et j'imagine que M. Champagne et ses collègues vont en avoir pour pas mal de temps à nous exposer les points principaux de leur mémoire.

Mais s'il était possible d'entendre la Commission des écoles catholiques de Montréal ce matin après le Conseil du patronat, je pense que ceci pourrait concilier un peu les besoins de la commission, le temps requis pour entendre les deux organismes, la Ligue des droits de l'homme et le Conseil du patronat, ainsi que la Commission des écoles catholiques de Montréal ce matin, quitte à entendre les autres organismes plus tard au cours de l'après-midi. Alors, je voudrais faire cette suggestion aux membres de la commission.

M. Burns: II serait peut-être plus prudent de laisser passer la CECM avant le Conseil du patronat.

M. Choquette: Je ne sais pas.

M. Burns: Evidemment, cela dépend...

M. Choquette: C'est parce que le Conseil du patronat a déjà accepté de se faire déplacer par la Ligue des droits de l'homme. Il semble que les patrons québécois soient toujours prêts à céder la place à d'autres et je ne voudrais pas abuser de leurs bonnes dispositions. C'est la raison pour laquelle je les avais quand même laissés au deuxième rang. Mais si, de nouveau, comme le suggère le député de Maisonneuve, ils acceptaient de céder le pas à la Commission des écoles catholiques de Montréal, eh bien, ceci serait certainement...

M. Burns: Demandez cela à M. Perreault, je suis convaincu qu'il va accepter.

M. Choquette: Je ne sais pas si M. Perreault va accepter cela.

Le Président (M. Pilote): Est-ce que M. Perreault est présent?

M. Burns: Ah! oui, il est là.

M. Choquette: M. Perreault, est-ce que vous accepteriez?

M. Perreault (Charles): Je pense que vous avez déjà bien exprimé notre position, M. le ministre, en indiquant que nous avons accepté de bonne grâce d'être déplacés une fois. C'est peut-être suffisant.

Le Président (M. Pilote): Alors, nous entendrons la Ligue des droits de l'homme et, en deuxième lieu, la Commission des écoles catholiques de Montréal.

M. Choquette: Le Conseil du patronat.

Le Président (M. Pilote): Le Conseil du patronat, excusez-moi, je pensais que c'était accepté.

M. Choquette: Le Conseil du patronat a décidé de négocier avec un peu plus de vigueur.

Le Président (M. Pilote): Alors, j'inviterais le représentant de la Ligue des droits de l'homme, M. Maurice Champagne, à identifier ceux qui l'accompagnent. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et il y a 20 minutes pour l'Opposition et 20 minutes pour le parti ministériel; mais sur cela, disons, libre à la commission de changer les règles. La parole est à M. Champagne.

Ligue des droits de l'homme

M. Champagne (Maurice): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, vous me permettrez d'abord de présenter la délégation de la ligue; à ma gauche, immédiatement, Me Jacques Desmarais, puis M. Léo Cormier qui est président de la ligue et qui a été très impliqué dans la préparation de ce dossier depuis longtemps; M. Raymond Boyer, qui est vice-président de la ligue, et Me René Saint-Louis qui est au conseil d'administration de la ligue et chargé plus particulièrement des questions touchant les affaires internationales et les droits des minorités. A ma droite, Me Jacques Tellier, qui est un consultant de la ligue et qui est membre du comité qui avait préparé le projet de la ligue que nous avions rendu public en 1973, et qui a également, évidemment, collaboré à la préparation du mémoire sur le projet de loi 50, et Aline Gobeil, qui est à la permanence de la ligue, de même que Monique Rochon qui est avec nous, qui est également à la permanence de la ligue.

Je pense qu'il est possible, dans les 20 minutes qui nous sont allouées, de résumer notre pensée, même si notre mémoire est assez vaste et contient 58 recommandations précises.

Il fautd'abord soulignerque, pour la ligue, c'est un grand moment, si vous voulez, parce que le ministre de la Justice doit se souvenir qu'il y a près de cinq ans, dans un de ses premiers discours publics, il avait fait, à la Ligue des droits de l'homme, justement, la promesse d'une charte des droits de l'homme pour le Québec.

Nous avons attendu patiemment, et nous avons travaillé avec acharnement pour arriver — et je crois que le ministre de la Justice a aussi travaillé à préparer cette loi — à un point fort important aujourd'hui. Nous nous en réjouissons. Nous nous réjouissons également de ce que le type de législation qui a été choisi par l'Etat, par le ministre de la Justice, correspond à ce q ue nous avions demandé, précisant, à plusieurs reprises, que le Québec ne devait pas choisir ces deux types extrêmes de législation qui sont les codes, comme en ont les autres provinces du Canada, ou encore, une vague déclaration de principe qui ne serait pas appuyée par des moyens administratifs et judiciaires importants.

Ceci, parce que — et c'est ce que nous indiquons dans la première partie de notre mémoire — le domaine des droits de l'homme, contrairement à la perception qu'on en a trop généralement dans la population, ne se limite pas à la non-discrimination, n'est-ce pas? C'est avant tout, pour nous, un question de développement. En d'autres termes, il ne faut pas oublier que la discrimination a deux sens. On peut faire de la discrimination en faisant quelque chose contre quelqu'un, en refusant, par exemple, de louer un logement à un Noir, ou également, on peut faire de la discrimination en ne faisant pas quelque chose pour quelqu'un. A ce niveau, nous touchons tout le domaine des conditions d'exercice des droits q ui nous paraissent aussi importantes que la reconnaissance des droits, et nous avons souvent cité maints exemples à cet égard au Québec, invoquant, entre autres, la condition de minorité.

Nous pensons qu'il ne faut pas restreindre la notion de minorité à la race, à la religion, à l'ethnie, à la langue, mais l'étendre dans une perspective sociale et se rendre compte comment les enfants, les handicapés, les personnes âgées et bien d'autres au Québec sont dans une situation de minorité vis-à-vis de l'exercice de droits fondamentaux.

Il nous a toujours paru vain de parler de droits individuels pour des groupes qui ne pouvaient pas bénéficier de politiques qui créaient des conditions d'exercice des droits pour les groupes et pour les individus faisant partie de ces groupes.

Nous développons donc, dans la première partie de notre mémoire, des choses qui nous paraissent fondamentales dans la philosophie des droits de l'homme et que nous retrouvons en partie dans le projet de loi, justement parce qu'on a choisi un type de législation qui ne se borne pas, comme les législations des autres provinces, à interdire la dis-crimimination dans certains secteurs, mais qui veut couvrir davantage.

Dans cette perspective et dans une perspective — je pense qu'il est important de le souligner — qui est très pratique, nous ne venons pas ici en théoriciens aujourd'hui, mais nous venons ici surtout parce que, depuis de longues années au Québec, nous avons vécu une expérience pratique, étantdonné qu'il n'y avait précisément pas de législation comme celle que le gouvernement présente maintenant. Nous avons dû faire beaucoup de suppléance au Québec et nous avons été en mesure d'évaluer les vrais besoins de la population dans cette matière. C'est pourquoi nous avons déposé, avec ce mémoire, le projet que nous avions préparé à la Ligue des droits de l'homme et que nous avions diffusé dans la population dans une perspective d'animation au projet le 24 mai 1973.

Ce projet nous paraît toujours justifié. C'est pourquoi d'ailleurs, dans le mémoire nous notons qu'il y a accord également entre la ligue et le projet de loi 50 sur une orientation de base, plus précisément sur l'objet précis de la loi.

Je voudrais ici ne pas faire référence simplement au projet de loi, mais à un communiqué du ministère de la Justice, qui, le jour du dépôt de la loi, précisait — et vous me permettrez de citer ce passage, parce que je pense qu'il est assez important pour indiquer l'intention du gouvernement et du ministre de la Justice. "Le but de la charte, dit ce communiqué — nous le citons à la page 7 de notre mémoire — comme l'expliquent les considérants du projet de loi, est d'affirmer solennellement les libertés et droits

fondamentaux de la personne afin que ceux-ci soient garantis par la volonté collective et mieux protégés contre toute violation. En fait, la charte vise à régler les rapports entre les citoyens en fonction de la dignité humaine..." ce qui est très important pour nous, parce qu'il nous paraît que les deux éléments fondamentaux d'une loi-cadre en matière des droits de l'homme, c'est une dimension, bien sûr, juridique, légale, mais c'est aussi une dimension qui touche une sorte de contrat social de base entre les citoyens. Ce passage, je pense, se situe dans cette dimension.

La charte vise donc "à régler les rapports entre les citoyens en fonction de la dignité humaine et à déterminer les droits et les facultés dont l'ensemble est nécessaire à l'épanouissement de la personnalité de chaque être humain. "Parmi les raisons qui rendent nécessaire l'adoption d'une charte, il y a la complexité croissante des relations dans lesquelles sont impliqués les individus, l'intervention accrue de l'Etat dans la vie quotidienne des citoyens, la multiplication des lois et des situations où les droits et libertés de chacun risquent d'entrer en conflit, l'utilisation accrue de l'ordinateur et ses effets sur la vie privée, le développement du caractère cosmopolite de nos centres urbains. Le projet de loi signale d'ailleurs que les droits de l'homme sont inséparables du bien-être général et qu'ils constituent le fondement de la justice et de la paix. Le gouvernement reconnaît ainsi l'importance fondamentale du respect des droits de l'homme dans l'établissement de relations sociales harmonieuses et le maintien de la paix sociale. En somme, la charte est le symbole des valeurs de la société québécoise".

C'est une affirmation, vous le reconnaîtrez, qui est chargée d'une lourde signification et qui appelle beaucoup de dimensions dans ce projet de loi.

S'il y a accord sur l'objet précis du projet de loi, évidemment, il y a divergence sur certaines modalités qu'en plusieurs cas, si on révise le projet de loi article par article, nous jugeons comme extrêmement importantes et qui appellent un certain nombre de mesures pour améliorer le projet de loi. Les mesures que nous proposons — c'est important de le souligner — ne correspondent pas simplement à ce que beaucoup de groupes peuvent souhaiter comme modifications au projet de loi, mais elles relèvent aussi, je dirais, de la logique même du projet de loi, de ce qui est déjà dans le projet de loi et qui demande qu'on aille plus loin dans certains secteurs, qu'on aille plus loin dans la logique même que l'on a voulu donner à ce projet de loi.

Nous faisons 54 recommandations, quatre autres recommandations ne touchent pas spécifiquement le projet de loi comme tel. Parmi ces recommandations, nous voudrions insister, d'une façon toute particulière, sur les quatorze premières mesures qu'elles appellent et qui ont un objectif fondamental, qui est de compenser, de limiter au maximum, le fait que cette charte ne soit pas une loi fondamentale.

Ce que la ligue demande à ce sujet, en particulier, est exprimé dans les premières recommandations, les recommandations 1 à 7, plus exactement. Je les résume.

Nous demandons surtout que le législateur fasse une distinction entre la législation passée ou actuelle et la législation future. Si nous comprenons que, pour certaines raisons, on ne puisse pas faire une législation fondamentale immédiatement, nous demandons, par ailleurs, que le projet de loi comporte des dispositions précises, pour que, par rapport à la législation future, la charte ait priorité.

D'ailleurs, nous rejoignons en cela les préoccupations du Barreau, avec lequel nous avons beaucoup travaillé sur ce dossier, et particulièrement, cette section du projet de loi. Nous proposons également un certain nombre de mesures pour qu'il soit possible à la commission d'étudier les projets de loi dans le cadre de ces fonctions. Nous demandons également que le ministre de la Justice fasse rapport à l'Assemblée nationale de toutes choses qu'il aura constatées dans des projets de loi, et dans les délais requis, qui pourraient être incompatibles avec la philosophie, avec les principes, avec les normes de la charte.

Je ne m'attarde pas, parce qu'on les a dans le mémoire et on pourra y revenir dans la discussion. Ce qui est important, je crois, est de saisir l'objectif, la portée fondamentale de ces recommandations de la ligue.

Il y a d'autres recommandations qui touchent la commission qui nous paraissent aussi importantes, parce qu'encore une fois, même si la charte est importante, il faut se rendre compte, combien la commission l'est. C'est pourquoi nous proposons un certain nombre d'additions, de modifications à ce qui touche I a commission, en particulier au fait de la formation de la commission.

Nous insistons pour qu'elle soit composée de plusieurs commissaires, qu'elle forme vraiment une équipe représentative des secteurs. Parce qu'encore une fois, il faut se rendre compte que la commission n'est pas une pure entité administrative. Ce que nous demandons à la commission est aussi en fonction de l'ampleur de la loi. C'est pour cela que nous nous sommes réjouis, évidemment, parce que nous avions insisté beaucoup là-dessus, soit sur ce fait que la commission dépende de l'Assemblée nationale. La commission est chargée d'appliquer une loi qui est très vaste, qui esttrès ample et nous disons qu'elle doit le refléter par l'équipe des commissaires.

Nous insistons également pour que, dans la perspective d'indépendance qui doit caractériser la commission, la Loi de la fonction publique ne s'applique pas — comme c'est le cas d'ailleurs pour l'Ombudsman — aux commissaires, aux employés et officiers de la commission. C'est notre recommandation no 9. Nous demandons également, dans les fonctions de la commission — et là, encore une fois, nous sommes en mesure de faire une recommandation pertinente à cet égard — qu'il soit clairement indiqué dans les fonctions de la commission qu'on assurera des

services publics de base en matière de renseignement et de référence dans le domaine des droits de l'homme, et également, qu'il soit possible à la commission, à partir de l'exercice de toutes ses fonctions, à l'article 58 et aux autres, qu'elle puisse faire les recommandations à l'Assemblée nationale sur la nécessité d'amender, de modifier tel ou tel chapitre, telle ou telle loi dont elle aura constaté qu'elle ne permet pas un exercice sain, normal et positif des droits de l'homme au Québec.

Nous demandons également qu'il soit possible que la commission fasse des rapports autres que son rapport annuel. Ceci peut être très important étant donné que nous savons que souvent les recommandations dans des rapports annuels perdent de leur vigueur, peuvent perdre même de leur pertinence parce qu'elles sont trop éloignées des circonstances qu'elles visent. Nous demandons également — et cela nous paraît extrêmement important aussi — que, dans ses pouvoirs, dans ses moyens d'enquête, la commission ne soit pas restreinte aux matières visées par les articles 11 à 17.

Nous faisons la distinction suivante. Nous disons que la commission doit faire enquête quand les citoyens s'adressent à elle pour les matières visées de 11 à 17, mais nous disons que, sur les autres droits et libertés, sur tout droit et toute liberté, la commission doit pouvoir, de son initiative, à certains moments, quand elle aura considéré qu'il y a des besoins extrêmement précis dans un secteur, que la commission devrait pouvoir faire enquête de sa propre initiative et ne pas être restreinte au champs des articles 11 à 17.

Voilà les principales recommandations de la ligue dans ce domaine qui nous paraît le plus important. Les autres recommandations de la ligue, les recommandations 15 à 54, visent à compléter la charte à toutes sortes de secteurs dans la formulation de droits qui sont absents de la charte, comme le droit à l'information, par exemple, ou des dimensions qui ont été omises, dans le projet de loi, qui ont été signalées, d'ailleurs, par plusieurs, déjà. Nous pensons en particulier a l'article 11, à l'âge et à l'état civil. Nous pensons également — on sait comment c'est important, un petit mot de ce genre — qu'il serait nécessaire d'ajouter à l'article 11, avant rénumération des motifs de discrimination, le terme "notamment" pour ne pas être restreint dans l'application et dans l'interprétation qu'on fera de la loi aux motifs qui sont énumérés là parce qu'on sait qu'il est difficile de tout prévoir et, par ailleurs, nous ne voudrions pas fermer des portes à d'autres possibilités, d'autres secteurs de droits qui pourraient être limités par la formulation actuelle de l'article.

Nous faisons évidemment des recommandations sur chacune des sections de la charte sur les droits politiques, sur les droits judiciaires et évidemment beaucoup au chapitre des droits économiques et sociaux.

Les quatre recommandations finales de la ligue visent, si vous voulez, deux types de lois que nous demandons à l'Etat de préparer parce qu'elles nous paraissent des instruments nécessaires pour compléter le projet de loi no 50, à savoir qu'il soit établi, au Québec, un office de révision des lois, qui complète le travail de l'Office de révision du code civil et de la Commission de la réforme du droit, d'ailleurs, et nous demandons également de considérer très sérieusement un projet de loi sur les actions de groupe, mais ce qui est plus clairement entendu et plus précisément par le terme "class action".

Les deux autres recommandations insistent pourque le gouvernement prenne lesdispositions qui s'imposent afin que soit facilité, à la commission, un travail de diffusion de la loi. C'est une loi qui doit être affichée dans tous les lieux publics. Nous demandons qu'elle soit distribuée par la commission, aussitôt qu'elle sera entrée en vigueur, de façon gratuite, à tous les citoyens, qu'elle soit disponible pour tous les citoyens du Québec, de façon gratuite, comme cela a été le cas pour le bail-type.

Nous demandons que des mesures soient prises pour qu'au plan du ministère de l'Education, la charte soit apprise dans les écoles.

C'est peut-être le moyen pour nos étudiants de se sensibiliser à des dimensions positives, non pas simplement en termes de droits de l'homme, mais aux dimensions positives des fonctions de la loi lesquelles fonctions on a malheureusement trop l'habitude, chez nous, de percevoir de façon trop négative, dans une perspective de contrainte ou de contrôle, et dans une dimension qui est souvent perçue comme répressive par des citoyens. On n'est pas suffisamment sensibilisé, chez nous, aux fonctions positives de la loi. J'y reviendrai en terminant.

Evidemment, nous demandons que le gouvernement donne à la commission un budget fort. Nous retrouvons là le scheme classique de toute loi, mais en particulier ici, puisqu'il s'agit d'une loi fondamentale il devrait y avoir beaucoup de Québécois de rassemblés ici, aujourd'hui et dans les jours qui viennent, pour s'intéresser et, éventuellement, célébrer l'avènement d'une telle loi. On n'est pas suffisamment conscient — et ça démontre, d'ailleurs, sa nécessité — de l'importance de ce projet de loi dans le développement d'une société comme la nôtre.

Je terminerai en rappelant que, pour la ligue, si la charte est importante, la création de la commission l'est autant. C'est le schème auquel je faisais allusion tout à l'heure, l'importance que prendra la charte dépend beaucoup de la vigueur de la future commission, de ses moyens, de même que son action dépendra beaucoup du budget qu'on mettra à sa disposition.

Pour nous, le projet de loi no 50 vise à établir au Québec une institution de dignité, de liberté. C'est une institution qui vise à créer dans notre société un espace particulier de liberté, au sens le plus fondamental et le plus digne de ce mot.

Dans cet espace de liberté, il sera important que les citoyens non pas mesurent seulement ce qu'est le domaine des droits de l'homme, mais mesurent en même temps l'importance de la loi. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons proposé que, dans le préambule de la loi, on indique explicitement qu'une des fonctions de la loi c'est de faire que l'exercice des droits de l'homme soit possible et soit

organisé de façon cohérente et dynamique dans une société.

C'est pourquoi, pour nous, la création de la commission est aussi importante que la promulgation même de la charte.

Le Président (M. Pilote): Excusez-moi, avant de procéder aux questions, les membres seraient-ils d'accord pour que M. Lapointe (Laurentides-Labelle) soit rapporteur de la commission? D'accord.

La parole est au ministre de la Justice.

M. Choquette: M. le Président, je voudrais tout d'abord exprimer mes félicitations à M. Maurice Champagne, directeur général de la Sûreté... de la Ligue des droits de l'homme — vous comprenez, j'ai une fonction un peu ambivalente, moi, comme ministre de la Justice — pour son exposé de ce matin. Je crois qu'il a résumé d'une façon très rapide et très succincte et aussi très éloquente le contenu du mémoire de la ligue. A ce propos, je voudrais signaler que le mémoire de la ligue sur cette loi est vraiment admirable et je tiens a dire à la ligue et à ceux qui la représentent ici aujourd'hui qu'il est manifeste que la ligue a mis dans la préparation de ce mémoire un travail très considérable et très intelligent de critique du projet de loi.

Il y a un point, en fait, qui a fait l'objet de discussions depuis q ue le projet de loi a été déposé et c'est celui du caractère transcendant du projet de loi ou de la loi future par rapport à d'autres lois. Ce matin, M. Champagne nous disait — et j'ai constaté au mémoire de la Ligue des droits de l'homme qu'il s'agissait des mêmes éléments qui furent repris ce matin — qu'on pourrait faire une distinction entre la législation passée et la législation future quant au caractère transcendant de la loi. Je crois comprendre, d'après cette distinction que l'on fait entre le passé et le futur sur le plan législatif, que l'on conçoit du côté de la ligue qu'il soit difficile d'appliquer dès immédiatement, c'est-à-dire au moment de l'adoption de la charte, ces principes à un ensemble législatif très considérable qui est tout le droit qui est acquis à l'heure actuelle, ne sachant surtout pas quels seraient les effets de l'application de principes qui se trouvent contenus dans la charte et qui sont, il faut l'avouer, pour un certain nombre, à un niveau d'abstraction assez élevé puisque, dans une charte, il faut nécessairement exprimer les droits et libertés dans une langue claire, concise, précise. Mais, quand même, il faut se situer à un degré d'abstraction très élevé par rapport au niveau habituel de la législation.

Alors, la question que la ligue s'est posée, et d'ailleurs que le gouvernement s'est posée, que je me suis posée quant au caractère transcendant de la charte par rapport aux lois passées, c'était: Quels seraient les effets, en fait, de l'application de ces principes dans des situations particulières qui peuvent se trouver dans toutes nos lois? On pourrait, par exemple, découvrir qu'une foule de nos lois comportent des accrocs aux principes énoncés à la charte, mais des accrocs que le législateur voulait. A ce point de vue, je signale qu'une des caractéristi- ques de la législation moderne par rapport aux principes législatifs qui pouvaient prévaloir au 19e siècle, c'est justement de faire la distinction entre les individus, entre les groupes d'individus suivant leur force respective. Le législateur, aujourd'hui, dans la plupart de ses lois, cherche à rétablir souvent, en fait, des inégalités de droits: de telle sorte que le législateur est souvent lui-même un agent de discrimination, si l'on veut, par rapport à un principe d'égalité théorique.

On a dépassé, sur le plan législatif, le stade du libéralisme laisser-faire du 19e siècle qui se caractérisait par des énoncés très vastes de principes qui visaient à conférer des droits purement et simplement à des individus ou à des groupes et à les laisser se débrouiller dans le poulailler où, souvent, c'était le renard qui avait raison de la poule avec, évidemment, les mêmes droits. Alors, toute la législation moderne tente justement de remédier à ces inégalités de faits et à rétablir ces inégalités. Alors, quand on applique des principes théoriques et abstraits, tels que ceux qui sont contenus à une charte au domaine législatif passé, on ne sait pas quels seront les effets de ces principes, jusqu'à quel point les intentions du législateur, qui comportaient des objectifs spéciaux de rétablissement d'égalité dans les faits, n'auront pas justement un effet inverse, c'est-à-dire, au fond, de rétablir des inégalités dans les faits.

Je crois que la Ligue des droits de l'homme s'est parfaitement rendu compte du dilemme dans lequel se trouve un législateur moderne, lorsqu'il veut adopter une charte des droits de l'homme et qu'il veut se situer dans une perspective sociale qui ne reconnaît pas seulement les égalités et les droits sur le plan législatif, mais reconnaît le besoin d'établir des égalités de fait.

Mais ceci m'amène, en fait, comme préambule à la question que je veux poser à la ligue. Puisque la ligue nous incite à vouloir introduire dans le projet de loi plus de muscle, plus de vigueur au point de vue de la transcendance de la charte par rapport aux lois futures, je demande à M. Champagne de nous dire quel texte il suggérerait pour, justement, assurer le caractère transcendant de la charte par rapport à des lois à venir, tout en gardant en mémoire ce que je lui ai exposé tout à l'heure dans mon préambule, c'est-à-dire qu'il faut très bien admettre que, dans l'avenir, il y aura et il faut qu'il y ait des exceptions aux principes énoncés par la charte.

Justement, récemment, j'ai eu l'occasion, alors que nous discutions en deuxième lecture du projet de loi qui concernait les enfants victimes de mauvais traitements, de démontrer comment les principes énoncés dans une charte peuvent être contradictoires et, comme tels, peuvent représenter des difficultés d'ajustement. En effet, dans la loi qui concernait les enfants victimes de mauvais traitements, je pense qu'il est manifeste que le gouvernement voulait, en fait, expliciter le principe qui se trouve à l'article 36 de la charte, qui se lit comme suit: "Tout enfant adroit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu".

Ici, je signale que le principe qui est exprimé à cet article pourra, pour certains qui ne sont pas avertis du développement législatif du droit familial et du droit en matière de filiation et de puissance paternelle, paraître facilement acquis, mais, en somme, le principe qui est énoncé à l'article 36 représente toute une évolution législative sur plusieurs siècles et donne, en fait, à l'enfant, des droits contre ses parents, contre ses gardiens. Je crois que la loi concernant les enfants victimes de mauvais traitements a son fondement de principe justement dans l'article 36. Par contre, pour rendre opérant ce principe du droit de l'enfant à la protection et à la sécurité que doivent lui donner ses parents et ses gardiens, il faut faire des accrocs à la charte, et un des accrocs, c'est justement à l'article 9 qui traite du secret professionnel, parce que, dans la charte, à l'article 9, nous énonçons, comme un des principes fondamentaux, celui que "chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne, tenue par la loi au secret professionnel, ne peut, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui lui ont été révélés en raison de son état ou profession, à moins qu'elle n'y soit autorisée par celui qui lui a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel".

Suivant le texte que je viens de lire, on constatera que le législateur donne beaucoup d'importance au secret professionnel et en fait même un droit fondamental pour tout citoyen. Or, lorsque vous appliquez ce principe au domaine des enfants victimes de mauvais traitements, force nous est de constater que, dans la plupart des cas, le constat de mauvais traitements, le syndrome de mauvais traitements dont un enfant peut être victime est constaté par des membres de la profession médicale. Dans la loi concernant les enfants victimes de mauvais traitements, nous avons fait une obligation au médecin, je ne dis pas de violer son secret professionnel, parce qu'il y a quand même des distinctions à faire entre les rapports du médecin avec les parents, les rapports du médecin avec les enfants, mais quand même nous l'avons obligé à écarter toute considération de secret professionnel, parce qu'à ce moment-là le bien-être et peut-être même la vie de l'enfant sont en jeu.

Par conséquent, dans cette loi, nous faisons primer carrément l'article 36 de la charte, concernant la protection et la sécurité de l'enfant, sur l'article 9 de la même loi quant au secret professionnel.

C'est donc dire qu'il faut admettre que, de façon à réaliser des objectifs sociaux souhaitables, il faut clairement envisager dans l'avenir la possibilité de lois qui viendront en contradiction avec certains des principes énoncés à la charte. Je ne dis pas qu'il faille que toutes nos lois se trouvent en contradiction avec cette législation; ce n'est sûrement pas l'objectif visé.

Je demande à M. Champagne ceci: Comment verrait-il que le législateur, confronté avec l'ensemble des problèmes que j'ai expliqués, puisse en somme, faire en sorte que la charte puisse acquérir un caractère transcendant, en laissant, par contre, toute la latitude voulue au législateur d'apporter des modifications aux principes, lorsque ces principes ne réussissent pas à atteindre les objectifs sociaux voulus ou désirés?

M. Champagne: M. le ministre, en répondant à votre question, vous me permettrez de faire un petit préambule. Nous souhaiterions, dans la mesure où la ligue est très consciente des difficultés que vous avez soulignées, que le législateur soit conscient, à un même degré, des possibilités d'introduire dans la législation des mécanismes qui permettront de compenser le fait que cette loi ne soit pas, dans l'immédiat, une loi fondamentale. Par conséquent, elle pourra recevoir les recommandations qui sont faites par bien d'autres que nous sur ce sujet.

La réponse à votre question, je pourrais l'indiquer de trois façons, au moins. D'abord, si on se réfère au texte du mémoire, l'article qui est principalement visé, c'est l'article 45 et la première partie du second alinéa qui dit que la charte "ne doit pas, non plus, s'interpréter de manière à augmenter, restreindre ou modifier la portée de toute disposition de la loi".

On peut se référer à la page 29 du mémoire de la ligue pour voir le texte que nous proposons, sous réserve, parce que les textes que nous proposons peuvent être évidemment revus. On sait que nous sommes dans une législation parmi les plus complexes. Ce qu'il est important de voir dans les textes de la ligue, ce sont des objectifs précis, des intentions précises sur des mécanismes; le détail, si vous le voulez, du texte au point de vue de la finesse législative, je pense qu'il pourrait évidemment venir par la suite.

Mais nous considérons que nous avons dans ces textes l'essentiel de ce qu'on devrait viser. Alors, nous proposons de remplacer cette partie de l'article 45 en ajoutant à l'article 45 un alinéa dans le sens suivant: "Toute loi du Québec, postérieure à la présente charte, doit s'appliquer suivant la charte... Nous insistons sur "s'appliquer", parce qu'il ne faudrait pas multiplier les termes "interpréter" dans ce projet de loi, de telle sorte qu'on mette l'accent sur une loi d'interprétation, même s'il y a des données du projet de loi, entre autres à l'article 44, qui indiquent qu'on n'est pas devant une loi d'interprétation. Il ne faudrait pas faire de ce projet de loi une loi d'interprétation dans le sens où l'a été surtout notre pauvre déclaration canadienne. C'est pourquoi nous insistons sur la nécessité d'introduire le terme "appliquer" à certains endroits.

Donc, "toute loi du Québec, postérieure à la présente charte, doit s'appliquer suivant la charte, à moins qu'une loi de l'Assemblée nationale du Québec ne déclare expressément qu'elle entrera en vigueur nonobstant la charte des droits et libertés de la personne du Québec et à la condition qu'elle ait été soumise à un vote libre des trois quarts de l'Assemblée nationale".

Il y a un mécanisme très rigoureux qui est prévu là. On se dit — cela a été, d'ailleurs, une des affirmations du ministre de la Justice quand il a, dans la

journée des débats où la charte a été présentée, dit très clairement que la charte devait orienter la législation future.

Alors, il nous paraît qu'il faille prévoir là des mécanismes rigoureux. Voilà une des modifications que nous envisageons et des objectifs, surtout, sur lesquels nous mettons l'accent, un mécanisme, et que l'Etat le dise, quand il ira à rencontre de la charte. Nous reprenons là, d'ailleurs, en partie la formule de l'article 2 de la déclaration canadienne.

Nous proposons également — c'est le texte de la deuxième recommandation — que, en ce qui concerne la première partie du second alinéa de l'article 45 — que j'ai indiqué tantôt — on dise ceci: Elle ne doit pas non plus s'appliquer de manière à restreindre ou modifier la portée d'une loi existant avant l'entrée en vigueur de la charte. Ce qu'il est important de voir, c'est une loi existant avant l'entrée en vigueur de la charte, une loi antérieure à la charte. Nous marquons là la distinction entre une loi passée et une loi future.

Par ailleurs, il est important de savoir que, dans l'un des textes qui n'a pas été rendu public — nous l'avons signalé dans le mémoire — mais qui a circulé, qui était une des études que l'Etat avait commandées, le projet Scott-Crépeau, à l'article 88, il était prévu dans ce projet que toute disposition d'une loi future, qui a pour effet de modifier ou d'abroger une disposition de la présente loi, est inopérante à moins que l'intention d'effectuer un tel changement n'y soit expressément énoncée. C'est l'article 88 du projet Scott-Crépeau, que le projet de l'Etat n'a pas reproduit.

Une troisième chose — et là, il faut retourner à notre loi à nous — il faut savoir que, dès 1868, on trouve le même principe en ce qui concerne ce qu'on pourrait appeler la prééminence du code civil. L'article 10, nous le citons dans la recommandation no 3 du chapitre 7 des Statuts du Québec 1868, dit: "Le code civil du Bas-Canada et le code de procédure civile du Bas-Canada, tel qu'imprimés avant l'union par l'imprimeur de la reine de la ci-devant province du Canada, ont été et sont en force de loi dans cette province et nul acte ou nulle disposition de la législation, en aucune manière, n'aura force à rencontre de quelque article de l'un ou l'autre desdits codes à moins qu'un tel article n'ait été spécialement désigné dans tel acte." Il y avait là, déjà, le principe qui signifiait que si des lois voulaient aller à rencontre du code, au fond, elles devaient le dire.

Ce sont les principaux éléments, je pense, d'une réponse succintete que nous pouvons vous adresser là-dessus, M. le ministre.

M. Choquette: M. Champagne, je vous remercie de vos explications. J'attire seulement votre attention sur le fait qu'il y a dans le domaine deux écoles de pensée sur le plan juridique. Il y a les tenants d'une théorie à l'effet qu'un Parlement peut, dans une loi, déterminer certaines conditions dans lesquelles des lois pourront ou ne pour- ront pas être amendées par des lois à venir. Par exemple, vous nous dites qu'un amendement ou une modification au principe de la charte ne pourrait être acquis qu'avec les trois quarts des voix des députés à la Chambre. Il y a une théorie à l'effet qu'une telle mesure est acceptable sur le plan juridique parce que, en fait, elle impose simplementdes modalités de modification au principe qui se trouve dans la charte.

Il y a, par contre, une théorie qui est plus traditionnelle et qui est plus courante, qui veut qu'on ne puisse pas apporter d'embarras à la suprématie du Parlement. On sait que, dans notre droit parlementaire, la suprématie du Parlement veut que ce soit un vote simple qui assure l'adoption d'une loi ou d'une mesure et qu'un Parlement est toujours libre d'adopter des lois contraires aux législations passées. Par conséquent, il peut y avoir divergence sur cela.

M. Burns: Je veux tout simplement vous signaler que je pense, sauf erreur, qu'on a déjà, dans notre système, au moins deux cas où on demande un vote des deux tiers de l'Assemblée.

Je pense que c'est dans le cas de la nomination du Protecteur du citoyen et de la nomination du Vérificateur général, sauf erreur.

M. Choquette: Oui. Mais cela n'empêche pas... parce qu'il s'agit de la nomination d'un officier public, il ne s'agit pas de de faire sa nomination par la suite. Je crois que les deux théories se soutiennent.

Maintenant, M. Champagne, vous avez attiré mon attention sur le contenu de l'article 88 du projet Scott-Crépeau, qui n'est pas public, n'est-ce pas, mais il est quasi public, à l'heure actuelle. Je voudrais simplement vous dire que l'article 88 vise plutôt des amendements à la charte elle-même et non pas des lois qui affecteraient des principes contenus à la charte. Je vous demande de lire l'article 88, à la lumière de ce que je viens de vous dire.

Je crois que si vous allez au projet Scott-Crépeau vous allez voir une disposition qui est encore plus intéressante, à l'article 46: "La jouissance et l'exercice des droits et libertés de la personne ne sont soumis qu'aux conditions et restrictions établies par la loi et nécessaires, dans une société démocratique, afin de satisfaire aux exigences de la sûreté de l'Etat, de l'ordre public, des bonnes moeurs, de la santé publique, de promouvoir le bien-être général et d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui."

Le contenu de cet article indique donc qu'on peut trouver des dispositions législatives en contradiction avec le principes de la charte, mais elles ne sont retenues par les tribunaux que dans la mesure où elles satisfont à ces exigences, à savoir, être nécessaires dans une société démocratique, afin de satisfaire aux exigences de la sûreté de l'Etat, de l'ordre public, des bonnes moeurs, de la santé publique, de promouvoir le bien-être général et d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui.

De prime abord, cet article est intéressant. Mais, il n'y a pas de doute que définir ce qui intéresse la santé publique, l'ordre public, les bonnes moeurs, le bien-être général, etc., ouvre la porte à toutes les modifications possibles aux principes de la charte. Parce que je ne vois pas beaucoup de tribunaux qui diraient que le Parlement s'est prononcé, à un moment donné, dans une mesure législative qui serait contraire à l'une de ces données visant l'ordre public, les bonnes moeurs, la santé publique, etc.

Par conséquent, l'inconvénient de cet article, malgré son intérêt superficiel, est peut-être qu'il n'est pas assez précis et quil ne représenterait pas véritablement une contrainte par rapport à la législation future, relativement aux principes contenus dans la charte. Je dois dire que cet article 46 de la déclaration des Nations Unies et a été repris dans une charte, je pense, de la Communauté européenne. On sait que des principes de cet ordre énoncés, soit dans des déclarations internationales ou multinationales, souvent, ne sont pas de la bonne législation. Ils sont énoncés plutôt comme des principes politiques et non pas nécessairement comme des principes législatifs.

Je ne dis pas que cet article n'a pas un certain intérêt, mais je vous le signale parce qu'il m'a intéressé. Je ne le rejette pas non plus complètement. Je pense qu'à l'analyse, nous pourrons peut-être le retenir, je ne dis pas le contraire. Mais je vous signale le pour et le contre, à ce sujet.

Maintenant, quant aux mécanismes de contrôle du législateur, dans son action législative future, on peut en situer à plusieurs niveaux. Il y a un contrôle politique qui se fait. Je vous signale ceci: Nous avons la chance d'avoir une opposition vigoureuse devant nous, à l'Assemblée nationale. Alors, advenant que nous allions enfreindre les principes contenus à ce projet de loi no 50 dans des lois à venir, et d'une façon indue, je n'ai aucun doute que le député de Maisonneuve, ici présent, va se dépêcher de sortir la loi 50 afin de rappeler au gouvernement qu'il est en train de contredire les principes et il va demander des explications sérieuses.

A ce point de vue, nous rejoignons le contrôle parlementaire et cette théorie de la suprématie du Parlement. C'est la raison pour laquelle, j'ai présenté le projet de loi dans cette teneur, parce que le contrôle politique doit quand même être gardé en mémoire. Il est très important. Les gouvernements ne peuvent pas tout faire, malgré le pouvoir qu'ils peuvent avoir. Ils sont quand même sujets à la critique de l'opposition. Ils sont sujets à la criti-quede l'opinion publique. Ils sont même sujets à la critique de groupes comme le vôtre, pour qui les droits de l'homme sont véritablement la raison d'être de votre organisme.

On peut aussi imaginer d'autres méthodes telles que des rapports de la commission des droits de l'homme que nous allons créer par cette charte, qui pourrait très bien, à un moment donné, faire des rapports à l'Assemblée nationale disant: Vous avez enfreint, ou vous êtes en contradiction avec les principes que vous énoncez. Est-ce que vous en avez pris connaissance? Ou, comme dans la charte de Diefenbaker de 1960, où c'est le ministre de la Justice qui doit se faire un peu le critique de sa propre législation en attirant l'attention du Parlement canadien sur des anomalies législatives par rapport aux principes contenus dans la charte. Vous comprenez que c'est mettre le ministre de la Justice dans une situation un peu délicate que de lui demander souvent d'être celui qui propose les lois et de se faire celui qui signale à l'Opposition ce en quoi ces lois sont divergentes par rapport à des principes établis dans une loi antérieure. C'est vraiment demander beaucoup. Je vous signale...

M. Burns: Du détachement.

M. Choquette: Beaucoup de détachement qu'il s'efforce d'avoir, mais auquel il n'atteint pas toujours. Mais je vous signale tout cela pour justement expliquer le contexte, les difficultés de rendre transcendante une telle loi.

Cela ne veut pas dire que je ne vous remercie pas d'attirer notre attention sur tous ces points; vous pouvez être assurés que nous allons réfléchir très sérieusement à vos propositions, ainsi qu'à d'autres qui ont été faites dans ce domaine, et, dans la mesure du possible, tenter d'améliorer le projet de loi.

Je ne veux pas monopoliser la période de discussion. Je crois que nos collègues ont certainement d'autres points de vue à vous signaler. Je vous dirais très sommairement, très brièvement, que les commissaires qui sont nommés auront une indépendance totale et absolue par rapport au gouvernement. D'abord, je crois que le niveau auquel nous voulons nous situer au point de vue des personnalités qui seront nommées membres de la commission des droits de la personne est signalé par le fait que ces personnes devront être proposées à l'Assemblée nationale par le premier ministre. Leur nomination sera agréée par l'ensemble de l'Assemblée et non pas par le conseil exécutif, c'est-à-dire le lieutenant-gouverneur en conseil. La commission fera rapport à l'Assemblée nationale directement tout comme le Protecteur du citoyen. Alors, ces gens ne sont pas non plus membres de la fonction publique. Je peux me tromper sur ce point, mais je crois qu'ils n'appartiennent pas à la fonction publique. Ils ont une indépendance absolue. Quant à leurs fonctionnaires, ils font possiblement partie de la fonction publique. Ceci est pour leur donner des garanties de pension, de bénéfices marginaux, leur donner les avantages qu'offre la négociation des syndicats dans la fonction publique. Je ne crois pas que cela entrave, de quelque façon, leur indépendance.

Vous avez mentionné les enquêtes qui pourraient être poursuivies par la commission. Vous avez signalé qu'en vertu du projet de loi, les enquêtes de la commission sont limitées aux articles 11 à 17 qui traitent de la discrimination, ceci, parce que nous sommes au chapitre de la discrimination et c'est le domaine où la fonction d'enquête de la commission s'y prête le mieux. Les autres principes peuvent faire l'objet de procès et d'actions devant

les tribunaux. Je rappelle ce propos. La charte ou le projet du moins, à ce point de vue, est vigoureuse quant aux droits qu'elle accorde aux citoyens sur le plan des tribunaux; car tous les principes contenus dans le projet de loi peuvent faire l'objet d'actions en dommages, d'injonctions et, comme vous l'avez souligné dans votre mémoire, de l'octroi, par les tribunaux, de dommages exemplaires au cas de violation des principes ou des droits et libertés conférés à la charte. Je signale ici que c'est la première fois que nous introduisons au Québec la notion de dommages exemplaires. Les dommages exemplaires n'existent pas dans le droit québécois actuel. Il y a les dommages moraux, mais c'est autre chose que les dommages exemplaires. Ici, le législateur, étant donné l'importance du respect des droits et libertés consacrés par la charte, donne au tribunal le droit d'accorder des dommages exemplaires au cas de violation. Alors, c'est quand même, je crois, donner beaucoup d'efficacité aux principes qui y sont contenus.

Je vais examiner avec un vif intérêt les droits et les améliorations quant au contenu même des lois. Vous n'en avez pas discuté dans le détail, ce matin, et je conçois facilement que vous ne pouviez pas le faire à cause du temps qui était mis à votre disposition. Mais ces principes qui sont énoncés comme des libertés et des droits fondamentaux sont perfectibles, sont améliorables et nous allons prendre connaissance de vos observations à ce sujet.

Vous avez signalé l'intérêt non pas d'un Office de révision du code civil, parce que cela fait quand même 25 ans qu'il existe et on a hâte qu'il accouche d'un nouveau code civil, mais d'une commission de réforme des lois. Je puis vous dire que ce sera une des propositions qui seront contenues dans le livre blanc sur l'administration de la justice. C'est une chose que le Québec doit avoir et je crois que cela permettra de garder quand même nos lois à jour. C'est une mesure qui devrait venir dans un avenir assez rapproché.

A part cela, vous avez signalé d'autres modifications législatives, soit au code de procédure civile ou d'autres modifications aux pratiques et au curriculum du ministère de l'Education. Je note vos suggestions avec intérêt. Je vous remercie.

Le Président (M. Pilote): M. Champagne.

M. Champagne: Rapidement, quelques commentaires pour répondre à ce que M. le ministre vient de signaler. En relation, d'abord, avec le projet Scott-Crépeau, je dois dire qu'au sujet de l'article que le ministre nous a indiqué, on peut dire que l'esprit de cet article se retrouve dans le projet de loi no 50. Il se retrouve contenu notamment dans la restriction même de l'article 45 et sous d'autres modalités. J'entends le fond, l'esprit de cet article.

D'autre part, il y a diverses interprétations concernant l'article 88. Beaucoup de juristes pensent que l'article 88, tel que proposé dans le projet Scott-Crépeau, étant donné qu'il parle de dérogation à la loi, touche autant, non pas nécessairement la loi comme telle, que des modifications à des lois ou des propositions de loi qui iraient à l'encontre de la loi.

D'autre part, il faut se rendre compte que l'article 88 de ce même projet faisait lui-même référence à l'article que j'ai cité dans la loi québécoise, qui parlait de la prééminence du code. Quant aux théories auxquelles on fait allusion, inutile de vous dire que nous en choisissons une et non pas l'autre. D'autre part, également, outre la théorie, il y a aussi la jurisprudence. Sur ce plan, je pense que, même si la jurisprudence n'est pas très éloquente au niveau de la déclaration canadienne, il reste qu'il y a une jurisprudence de créée en relation avec les mécanismes de prévus au niveau de la déclaration canadienne là-dessus.

Mais là où je voudrais insister surtout — et je pense que la ligue est très ferme là-dessus — c'est qu'encore une fois, dans la mesure où nous sommes prêts à reconnaître que c'est très difficile, pour toutes sortes de raisons, de décréter aujourd'hui une loi fondamentale, à causede l'inventairedesloisqui s'impose, surtout à cause de tout ce que cela pourrait présenter de situations brusques et énormes dans les changements dans la situation, devant les tribunaux en particulier, nous disons qu'il est important que le législateur — je suis bien heureux d'apprendre ce que vous nous avez dit, concernant la création de l'Office de révision des lois, il est sûr que cela va être un mécanisme qui va améliorer la situation — mais, dans la mesure où cela existe, nous disons qu'il est essentiel que la commission jouisse elle-même de libertés fondamentales, qu'elle ait une certaine marge de manoeuvre dans le sens où nous le préconisons dans les recommandations 1 à 14.

Quant aux remarques que vous indiquiez tantôt sur l'opposition, sur la situation politique, nous préférons, je vous l'avoue, voirdes mécanismes inscrits dans la loi. Dans la mesure où le législateur, déjà, a indiqué qu'il nous présentait une loi bien particulière, si, entre autres, on a fait que cette commission dépende de l'Assemblée nationale, qu'on doive procéder par un vote des deux tiers pour nommer les commissaires, etc., et bien d'autres mesures qui sont dans la loi, c'est parce qu'on lui accorde une importance particulière. Il est important de rappeler ici que, face au domaine des droits de l'homme, s'il y a quelqu'un qui doit donner l'exemple, c'est bien l'Etat.

Il va de soi que l'Etat se lie, d'une certaine façon, et qu'il soit bien marqué qu'à un moment donné, dans telle atmosphère, dans telle situation politique, si on veut aller à l'encontre de la charte, qu'on l'indique, et que la population s'en rende compte, à ce moment-là.

Dans les mécanismes que nous proposons, au niveau de l'extension des pouvoirs d'enquête de la commission, encore une fois, je pense qu'il est important de se rendre compte de la distinction que nous introduisons. Nous disons: Elle peut, nous ne disons pas: La commission doit faire enquête sur toute chose. Mais on comprendrait mal que la commission n'ait pas la possibilité, à un moment donné, de faire des enquêtes dans d'autres domaines et, encore une fois, compte tenu de la définition, très complexe, de la discrimination et de la définition même, d'ailleurs, que le projet de loi donne de la

discrimination, qui rejoint un peu ce que nous soulignons dans la première partie de notre mémoire.

C'est pourquoi je pense qu'on n'insistera jamais trop pour qu'on se rende compte que la ligue est très ferme dans ses recommandations de 1 à 14. Encore une fois, nous ne disons pas que ce sont des textes qu'il faut prendre à la lettre, mais nous disons qu'il y a là des objectifs, des intentions extrêmement claires, sur des mesures particulières que le pouvoir politique doit prendre pour lui-même respecter de façon fondamentale ce domaine particulier qui est celui des droits de l'homme, autant vis-à-vis du gouvernement que vis-à-vis de tous les citoyens. C'est pourquoi, M. le ministre, nous insistons pour que, vraiment, vous considériez ces recommandations d'une façon très précise, que nous ne sommes pas, d'ailleurs, je pense que vous aurez l'occasion de vous en rendre compte, les seuls à faire.

Encore une fois, c'est aussi important pour tous les juristes que nous avons rencontrés, pour les travaux que nous avons menés, par exemple, avec le Barreau, là-dessus, que ce l'est pour la ligue.

Le Président (M. Pilote): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: M. le Président, je veux, également, au nom de l'Opposition, remercier la ligue pour son excellent mémoire. Il est, de toute évidence, très fouillé, très complet et basé sur une expérience qui vous vient sans doute des années antérieures de pratique, si on peut dire, dans le domaine des libertés civiles et des droits fondamentaux.

Je trouve particulièrement intéressantes vos recommandations, justement, sur ce dont vous venez de traiter avec le ministre et je me bornerai simplement à vous énoncer le plaisir que j'ai eu à lire vos recommandations et vos remarques sur le caractère non fondamental de la loi et aussi sur l'extension des pouvoirs que vous voudriez voir accorder à la commission.

J'exprime immédiatement le voeu que la commission de la justice, lorsqu'elle se réunira à nouveau pour étudier le projet de loi, article par article, éventuellement, puisse s'en inspirer, et je suis très heureux d'entendre le ministre dire qu'il ne ferme pas les portes sur ce débat, parce que je pense qu'il est assez important que l'on tienne compte de l'importance des recommandations de la ligue là-dessus.

J'aimerais simplement, sur ce deuxième point, sur le point de l'extension des pouvoirs de la commission, vous poser une question, M. Champagne. On voit, dans votre recommandation no 12, a la page 31 de votre mémoire, que vous suggérez que la commission puisse, en tout temps, remettre au président de l'Assemblée nationale, qui les dépose à l'Assemblée nationale, des rapports spéciaux, sur des questions particulières qui appellent, selon la commission, des interventions urgentes. Votre suggestion continue en disant: "Dans les périodes où l'Assemblée nationale ne siège pas, la commission peut rendre publics de tels rapports, par d'autres voies." J'imagine que vous pensez aux voies telles que conférences de presse, rapports rendus pu- blics, en tout cas quelque méthode que ce soit. Avez-vous envisagé autre chose que cela ou si c'est, je pense, ce à quoi vous songiez?

M. Champagne: Oui, on imagine que la commission devrait être en mesure de pouvoir produire des rapports sur des questions fondamentales qui peuvent surgir, à un moment donné de crise, dans notre société, et qui appellent une intervention spécifique au niveau des droits de l'homme. Je pourrais vous donner l'exemple, actuellement, de la crise vécue, dans le domaine de la jeunesse, des institutions. Il y a une dimension fondamentale dans cette crise, qui est une dimension de droit, à la base de laquelle il y a la nécessité de concilier, dans cette société, les processus d'intervention sociale et d'intervention judiciaire.

Bon! Voilà une circonstance où un avis, un rapport étoffé d'une commission, comme une Commission des droits de l'homme, qui devrait s'attirer la crédibilité et le respect qui devraient être dévolus à une telle institution, pourrait produire avantageusement. On ne pense pas qu'il s'agisse d'interventions qui vont se multiplier et voir la commission dans la presse tous les jours, mais on pense que, dans certaines circonstances, la commission, je pense, dans la mesure où elle aura cette crédibilité, où elle sera constituée de façon très forte, pourra discerner les secteurs et les moments d'intervention cruciaux qui le requerront.

M. Burns: Je suis entièrement d'accord avec vous sur le pouvoir que la commission devrait avoir. Ce sur quoi je me pose des questions — et c'est ce sur quoi j'aimerais vous entendre nous éclairer — c'est le fait de pouvoir, par d'autres voies que l'Assemblée nationale, rendre publiques, même dans des situations urgentes, les positions de la commission. La raison pour laquelle je me pose cette question, et je ne suis pas naif, je sais fort bien que si la commission fait son devoir, comme on espère bien qu'elle le fera, elle ne sera pas toujours en accord avec certaines positions politiques gouvernementales à l'égard des droits de l'homme, de sorte que je ne m'attends pas, et c'est ce que je veux dire, naïvement à ce que la future Commission des droits de l'homme soit toujours en accord avec les positions, même politiques du gouvernement.

D'autre part, je me demande si le fait de permettre de les rendre publiques, par d'autres voies que la voie normale, c'est-à-dire celle qui l'a nommée, l'Assemblée nationale, n'installerait pas la commission dans une espèce de situation conflictuelle exceptionnelle à l'endroit du Parlement ou encore du gouvernement. Je me demande si vous vous êtes penchés sur ce...

M. Champagne: Oui.

M. Burns:... point de vue. Parce que là, la ligue agit — je m'excuse de toujours me référer à la ligue — la commission, dans cette hypothèse, agit un peu comme un antagoniste si la situation, à toutes fins pratiques, est à saveur politique. Comme elle ne

procède pas par la voie normale de sa création, c'est-à-dire l'Assemblée nationale, je craindrais que cet antagonisme — j'aimerais que vous nous rassuriez là-dessus — risque de donner à la ligue un caractère, évidemment, qu'elle ne doit pas avoir; elle doit avoir cette espèce d'indépendance supérieure, si vous me passez l'expression, cette espèce de neutralité au-dessus de la bataille si elle veut être efficace.

M. Champagne: Là-dessus, deux choses rapidement: Je pense d'abord qu'on pourrait se référer par analogie aux pouvoirs qu'ont, dans ce sens, les conseils consultatifs ou des institutions comme le Conseil supérieur de l'éducation. Vous savez que certains conseils doivent passer par le ministre pour émettre des avis publics sur des questions fondamentales; d'autres peuvent le faire en toute liberté et rendre des avis publics même si ces avis vont à rencontre du ministre ou du ministère auquel est attaché ce conseil. Donc, cela existe, si vous voulez, dans notre législation actuellement et on peut dire qu'en certaines circonstances cela a rend u de grands services qu'un conseil consultatif, à un moment donné, qu'on sait travailler dans une perspective sérieuse, soit dépourvu souvent de partisanerie de quelque ordre que ce soit. Le service que cela peut rendre à une population d'avoir un avis de ce groupe sur une question fondamentale, c'est ce qui est important pour nous au plan du principe.

Deuxièmement, je pense que, encore une fois, nous visons là un objectif; nous disons: C'est une chose qui devrait être possible, la commission va devoir adopter de la réglementation; il serait possible d'assortir cette utilisation de rapports autres que le rapport annuel de certaines mesures au niveau de la réglementation ou même dans la loi, si vous voulez. Nous proposons une chose à faire qui nous paraît extrêmement importante, il est possible peut-être de l'entourer de certaines modalités d'application.

M. Burns: Remarquez que si je pose cette question, ce n'est pas sur le fait que je ne crois pas que la commission doive avoir le pouvoir de faire d'autres rapports que les rapports annuels. Au contraire, je pense que c'est une recommandation très intelligente et j'espère qu'on la retiendra ou, du moins, on retiendra l'idée qu'il y a derrière cela.

Quant à l'autre point que vous soulevez à votre recommandation no 9, relativement à l'exclusion, à toutes fins pratiques, des commissaires, des officiers et des employés de la commission, de la Loi de la fonction publique, je me demande si la ligue s'est penchée sur la nature des relations ouvrières que pourrait avoir... Je pense qu'il n'y aurait pas de querelle sur les commissaires eux-mêmes et sur les officiers supérieurs. Même là, il peut peut-être y avoir un problème. Mais je pense plutôt aux employés, ceux qui ont le caractère de salariés au sens de la Loi de la fonction publique ou encore du code du travail. Quel type de relations ouvrières envisagez-vous? Deuxièmement, ne croyez-vous pas que le fait de ne pas inclure les employés de la commission dans la fonction publique ne pourrait pas, à un certain moment, créer des situations conflictuelles particulières...

M. Champagne: Oui.

M. Burns:... pour la commission? C'est-à-dire que... Je pense à un exemple qu'on a vécu il n'y a pas tellement de temps, avec un organisme qui est parapublic, mais qui n'est pas régi par la Loi de la fonction publique, qui, à un certain moment, a été affecté par un arrêt de travail, et où les choses qui étaient en litige étaient, d'une part, le désir des employés intéressés de se normaliser par rapport à la fonction publique, et, d'autre part, de créer, jusqu'à un certain point, des "patterns", si vous me passez l'expression, en négociation que la négociation de la fonction publique n'acceptait pas ou n'avait pas encore ratifiés.

Ne croyez-vous pas qu'il puisse y avoir, dans le concret, des situations conflictuelles comme celle-là qui pourraient survenir?

M. Champagne: Ecoutez! La première chose, d'abord, cette disposition existe dans le cas du Protecteur du citoyen. La recommandation que nous faisons là, c'est une recommandation qui reproduit textuellement la législation. Dans le cas du Protecteur du citoyen, la Loi de la fonction publique ne s'applique pas aux commissaires non plus qu'aux autres officiers et employés de la commission. Cela touche... C'est la même chose dans le cas du Protecteur du citoyen.

Nous disons: Si on a prévu cela dans le cas du Protecteur du citoyen — on comprend pourquoi — comment doit-on le prévoir encore autant, sinon davantage, pour la commission? De façon concrète, la raison principale que nous invoquons, c'est toujours la même chose. Nous disons: Cette institution doit se voir assurer la plus grande indépendance, la plus grande autonomie possible, et on peut se référer à des événements que nous avons vécus au Québec. Encore là, je pense qu'on peut se rapporter à l'expérience que nous avons vécue là-dessus et aux examens que nous avons faits dans tous les événements se rapportant à la crise qui s'est déroulée dans le contexte de la grève dans la fonction publique il y a quelques années au Québec. C'est tout récent.

Mais on imagine mal que la Commission des droits de l'homme, dans une circonstance comme celle-là, pourrait être appelée à faire une intervention, parce qu'il y a des droits en cause, n'est-ce pas? Cela s'est posé comme cela sur la place publique. On imagine mal qu'une commission dont une partie du personnel serait partie au conflit puisse intervenir. Je pense qu'on pourrait multiplier les exemples dans ce contexte, malheureusement. C'est pourquoi il nous paraît essentiel d'assurer cette indépendance à la commission, à tous égards.

M. Burns: Par exemple, vous verriez, dans le cadre de la dernière négociation du front commun, alors qu'on réclamait... Une des réclamations litigieuses de la part des parties syndicales était le minimum de $100 par semaine. Votre vue serait

que la commission aurait pu, dans un cas comme celui-là, avec les pouvoirs que vous lui voyez à cette commission, intervenir à l'endroit du minimum décent, par exemple, et ainsi être en position de conflit d'intérêts eu égard à ses propres employés. C'est ce que j'imagine que vous croyez?

M. Champagne: Je pense que Me Desmarais pourrait compléter là-dessus.

M. Desmarais (Jacques): L'article 43 du projet de loi 50: "Tous doivent recevoir un traitement ou un salaire égal pour un travail égal" combiné avec les dispositions de l'article 42, aurait pu permettre à la commission de se lancer dans un avis sur la demande de ces employés qui aurait créé d'autres problèmes beaucoup plus considérables que ceux que vous soulevez, ce qui ne signifie pas que les relations de travail avec les employés de la commission non soumises à la Loi de la fonction publique n'entraîneront pas, à certaines occasions, des conflits. Sauf que le type de conflit qui serait entraîné par leurs suggestions à la Loi de la fonction publique est un type de conflit que la ligue préfère ne pas voir, plutôt que l'autre type de conflit. C'est un choix.

M. Burns: Qui verriez-vous assumer la gérance des relations ouvrières pour la commission?

M. Desmarais: La commission elle-même. M. Burns: La commission elle-même?

M. Desmarais: Oui. Même assujettie à la Loi de la fonction publique, c'est la commission qui va avoir le droit de gérance auprès de ces employés, qui va interpréter la convention collective, s'il en est une. S'ils sont assujettis à la Loi de la fonction publique, ils vont être assujettis à la convention générale négociée par le Syndicat des fonctionnaires provinciaux, dans le cas des fonctionnaires, des ouvriers, s'il y a des ouvriers, et des professionnels s'il y a des professionnels...

M. Burns: Bon, bon. Merci. A la page 33 de votre mémoire, on voit la recommandation 22 qui se lit comme suit: "Toute personne a droit à ce que soit préservée la qualité du milieu et à l'équilibre écologique entre l'être humain et le milieu". Est-ce que, à votre connaissance, M. Champagne, il y a, de par votre expérience et vos recherches dans ce domaine-là, des déclarations de droit en quelque part, qui reconnaissent ce type de droit ou ce principe, si vous voulez?

M. Champagne: Je pourrais demander à Aline Gobeil, qui est recherchiste et qui a largement travaillé dans ce secteur, de répondre.

Mme Gobeil (Aline): Dans certains cas, effectivement, on est allé plus loin que la reconnaissance du principe du droit du public à l'environnement. Certains Etats sont allés jusqu'à s'imposer des règles quand même assez sévères. Par exemple, aux

Etats-Unis, le National Environmental Protection Act, qui est une loi fédérale de 1969, impose à l'administration politique fédérale de procéder à l'évaluation de l'impact de ses décisions, sur la qualité de l'environnement, avant de prendre telle décision. Cette loi-là donne lieu à une jurisprudence très abondante aux Etats-Unis.

De même, au Manitoba, il y a une loi des statuts de 1971 qui impose à la ville de Winnipeg, qui forme une communauté urbaine un peu similaire à celle qu'on connaît à Montréal, ce même type d'évaluation de ses décisions sur l'impact de l'environnement avant de pouvoir prendre telle décision.

Plusieurs états américains ont également des lois très élaborées dans ce domaine-là. On peut signaler notamment l'état du Wisconsin, et il y en a d'autres.

M. Burns: Dans les cas que vous nous citez, ce ne sont pas des déclarations de droit ou des chartes de droit. Ce sont des lois qui contiennent ces dispositions-là. Ce sont des lois spécifiques, j'imagine?

Mme Gobeil: C'est ce qu'on peut appeler des lois-cadres ou lois spécifiques. Il faudrait voir dans chacun des cas. Je pense qu'il y a quand même une reconnaissance plus qu'implicite du droit du public à l'environnement, puisque non seulement on reconnaît ce droit, mais que l'Etat s'impose également des obligations pour reconnaître ce droit.

M. Champagne: Et on comprend que si les exemples que nous apportons se situent dans le cadre de législations particulières, c'est qu'en fait, les législations-cadres ou les constitutions, au fond, ne le prévoyaient pas.

Justement, si on se réfère au texte du ministre qui disait: Voilà pourquoi il est important de légiférer dans le domaine des droits de l'homme, il y a des réalités nouvelles, etc., je pense que deux réalités fondamentales, qui sont assez nouvelles et qui appellent un type de protection nouveau, spécial dans le domaine des droits de l'homme, ce sont justement les problèmes dans le contexte de l'environnement et de la protection de la vie privée. C'est pour cela que les exemples qu'on peut prendre touchent des lois particulières. Dans notre cas, compte tenu de ce que nous visons dans la charte et compte tenu, surtout, des autres droits qui sont déjà affirmés, des droits qui sont aussi importants — on ne peut pas dire qu'un droit est plus important qu'un autre — compte tenu de rénumération que nous avons là, encore une fois, de la logique qui a été choisie par l'Etat, on dit qu'il faudrait absolument qu'il y ait — encore une fois, ce n'est pas la lettre de l'article qui est importante pour nous — l'affirmation d'un principe fondamental sur le droit à l'environnement.

M. Burns: Bon. Une autre question, M. Champagne. Je vois, à la page 12, entre autres, de votre mémoire, une espèce d'énumération de ce que vous appelez les minorités, en fait. Vous ajoutez, aux concepts généralement reconnus de minorités, des

gens ou des groupes comme les familles d'assistés sociaux, les familles monoparentales, les détenus, les ex-détenus, etc.

Je vois également, à la page 34 de votre mémoire, au paragraphe e) de la résolution 27, que vous — en fait; je n'ai pas compris que c'était une de vos recommandations — teniez compte de demandes qui étaient faites de reconnaître une formule quelconque pour protéger, à toutes fins pratiques, les droits des homosexuels. Pourtant, je ne vois pas, dans l'énumération que vous faites des minorités, les homosexuels. Dans l'esprit de la ligne, est-ce que les homosexuels sont des minorités au même titre que les autres que vous citez, par exemple?

M. Champagne: Ils y sont ailleurs. Nous avons, dans les premiers exemples que nous avons indiqués, au niveau de la définition de la discrimination du développement — je n'ai pas la page exacte en tête, à la page 11 ou dans une des pages du mémoire, je pense qu'on pourra la retrouver — cité le cas des homosexuels, notamment, comme cas type de discrimination dans notre milieu. La recommandation que nous faisons là-dessus, à la page 34, est, je pense, très claire. Nous disons, encore une fois, que le terme d'orientation sexuelle, à partir de nos études, à partir de nos moyens, ne nous paraissait peut-être pas nécessairement être celui qui convient. Il faut voir si c'est le meilleur terme.

M. Burns: II est utilisé ailleurs. Aux endroits où cela existe, c'est celui qui est utilisé, je crois.

M. Champagne: Oui, mais eu égard aux différents types de lois, n'est-ce pas? Les avis que nous avons eus là-dessus sont partagés sur le meilleur terme à choisir. C'est pourquoi notre position est claire là-dessus. Nous demandons que la question soit considérée par le législateur en vue de choisir le terme le plus approprié pour signifier, sans équivoque possible dans l'interprétation et l'implication de la charte, que les homosexuels seront une minorité protégée par la charte.

Nous ne sommes pas en mesure, eu égard à cet aspect particulier du dossier, de dire que c'est ce terme, comme nous le faisons dans d'autres cas... Les termes que nous proposons ne sont pas nécessairement des termes définitifs. Ce qui est important, ce qui est fondamental c'est que la question soit considérée et qu'il ne fasse pas de doute, du point de vue de l'interprétation, de l'application de la charte, que les homosexuels vont être protégés par la charte. Parce que s'il y a des gens qui sont, dans toutes sortes de circonstances — mais en particulier dans le monde du travail et dans l'accès des lieux publics — victimes de discrimination tellement grosse, ce sont bien les homosexuels.

C'est d'autant plus important qu'ils soient nettement protégés par la charte que je pense qu'ils constituent dans le domaine — je dirais sans utiliser cette situation — une réalité type pour amener les êtres humains à être justes et à respecter les droits de l'homme entre eux.

M. Burns: Je vous remercie.

M. Desmarais: Est-ce que vous me permettez, M. Burns?

M. Burns: Oui, sûrement.

M. Desmarais: Habituellement, dans les lois auxquelles vous vous référez, le terme "orientation sexuelle" est défini très clairement. Mais, étant donné que la charte ne prévoyait pas de définition, si on emploie le terme "orientation sexuelle" sans le définir très strictement, nous croyons que ce serait une erreur. Si vous voulez l'employer, il faudrait le définir bien précisément.

M. Burns: D'accord. Dernière question, M. Champagne, relativement à votre recommandation 37, où vous traitez des partis politiques; toute cette section traite des droits politiques, mais surtout de l'aspect des partis politiques. Entre autres, je cite la fin de votre recommandation 37: "Leur organisation intérieure — je parle des partis politiques — doit être conforme aux principes démocratiques. Ils doivent rendre compte publiquement de l'origine de leurs ressources."

Tout le monde sait que le premier ministre du Québec a annoncé, pour très bientôt, un projet de loi qui serait déposé à l'Assemblée nationale, qui serait sans doute confié à nouveau au sous-comité ad hoc de l'Assemblée nationale qui a été formé pour examiner la réforme électorale et les problèmes de financement des partis politiques, entre autres. Est-ce que, dans cette optique qu'une loi particulière traite de ce problème, vous continueriez à insister pour que ce soit inscrit dans une charte des droits?

M. Champagne: Raison de plus. Il faut rappeler qu'une des fonctions de la charte — je pense que le ministre l'a indiqué à différentes reprises dans ses interventions publiques sur le projet de loi — est de contenir les grandes normes, les grands principes de la législation. Il est d'autant plus important de l'inscrire dans la charte, ce principe, que l'on prévoit déjà une loi particulière.

Par ailleurs, voilà un article où, après beaucoup de recherches, nous nous sommes arrêtés sur une formulation qui est déjà contenue dans une des législations, je pense, les plus intéressantes que nous ayons en matière des droits de l'homme. C'est une législation moderne, celle que l'Allemagne s'est donnée, en 1949, la loi fondamentale de l'Allemagne. On trouve dans la loi fondamentale de l'Allemagne cet article, qui nous paraît, à nous, essentiel dans les droits politiques, eu égard à tous les éléments qui sont dans ce texte sur la démocratie au sein des partis, sur la fonction fondamentale des partis politiques dans une société, et la nécessité de rendre publique l'origine de leurs ressources.

M. Burns: Dernière brève question, M. le Président. Je vois également à la recommandation suivante que vous suggérez que l'article 20, concernant le huis clos devant les tribunaux, soit modifié,

en enlevant tout simplement, pour décréter le huis clos, la raison qui se relie aux parties ou aux témoins. Si je comprends bien le sens de votre suggestion, c'est cela que vous suggérez à la recommandation 38.

Est-ce que vous pouvez, pour la commission, préciserce point? Pourquelle raison suggérez-vous que les parties et les témoins ne puissent pas être un motif pour décréter le huis clos? Actuellement, le deuxième alinéa de l'article 20 du projet de loi no 50 se lit comme suit: "Le tribunal peut ordonner le huis clos dans l'intérêt de la morale, de l'ordre public des parties ou des témoins." Vous avez fait sauter "des parties ou des témoins". J'aimerais, si possible, que vous nous donniez votre point de vue de façon un peu plus élaborée là-dessus.

M. Desmarais: L'article 13 du code de procédure civile actuel dit que "les audiences des tribunaux sont publiques où qu'elles soient tenues. Toutefois, le tribunal peut ordonner le huis clos s'il l'estime nécessaire dans l'intérêt de la morale ou de l'ordre public." Il continue: dans l'intérêt des enfants, mais précise une situation particulière.

On pense qu'ajouter l'intérêt des parties et des témoins, c'est renverser l'exception et en faire la règle générale. A tout moment, tout témoin et toute partie pourra demander le huis clos, parce qu'elle prétendra que c'est son intérêt à elle que ce soit le huis clos plutôt que la règle générale de la publicité de l'administration de la justice.

On pense que c'est ouvrir une porte un peu trop grandement pour permettre à des tribunaux, parce que là, l'intérêt des témoins et des parties... Quel genre d'intérêt? Cela peut toujours être dans un intérêt quelconque des témoins et des parties que le procès ne soit pas public. Nous préférons les règles habituelles ou la notion d'intérêt public et moral est laissée à l'appréciation du tribunal, parce qu'il ne faut pas oublier que c'est l'exception, le huis-clos. La règle que nous préconisons et qui est traditionnelle, c'est la publicité de l'administration de la justice. Or, ajouter la notion qui semble restreindre l'intérêt des témoins et des parties, c'est permettre une trop grande extension à la notion du huis clos qui va faire un échec complet à la tradition de la publicité, que nous voulons maintenir, d'ailleurs.

M. Champagne: Même dans le domaine de l'intérêt des enfants, on sait qu'il y a encore là beaucoup de théories, surtout si on regarde l'expérience vécue chez nous, beaucoup de gens pensent que le huis clos à la cour du Bien-Etre ne favorise pas nécessairement l'intérêt des enfants. D'ailleurs on sait que la Loi des jeunes délinquants prévoit justement des comités de citoyens, dont la ligue a demandé la formation il y a quelque temps, pour assister à toutes les activités de la cour. Alors il y a déjà, au niveau de la législation fédérale, si vous voulez, dans le cadre de la Loi des jeunes délinquants, une distinction par rapport au code de procédure. Bien sûr, on peut faire la distinction entre enfants et adolescents, mais vous savez, dans les cas pratiques, à ce niveau, elle est concrètement très difficile à établir. En raison de cela, on se dit qu'il vaudrait mieux laisser l'article comme nous le proposons.

M. Burns: M. le Président, je remercie, encore une fois, la ligue pour son excellent mémoire. En ce qui me concerne, ce sont les questions que j'avais à poser.

M. Choquette: Sur la dernière question posée par le député de Maisonneuve et à laquelle M. Desmarais et M. Champagne ont répondu, qu'est-ce que vous faites des commissions d'enquête dans le domaine du crime organisé ou de la commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans la construction? On sait qu'il y a de nombreux témoins qui comparaissent à huis clos et ceci, dans certains cas, est pour leur propre protection. Si les commissions n'étaient pas en mesure d'assurer le huis clos, les commissions pourraient se voir empêcher d'aller au fond des choses. Je vous souligne qu'il n'y a pas seulement l'impératif de la publicité qu'il faut donner au procès. Je me rallie entièrement au principe qu'en général la justice doit s'exercer publiquement. Ceci est une des meilleures garanties de la qualité de la justice. Mais il y a, par contre, d'autres circonstances où pas seulement pour des motifs d'ordre public et pas seulement pour des motifs d'ordre moral, il y a intérêt à ce que des témoins soient entendus à huis clos.

M. Desmarais: Mais il faudrait le préciserdans chacune des lois en question pour donner ce pouvoir au tribunal. C'est là-dessus que nous en avons. C'est dans la charte une disposition où effectivement, dans tous les cas, tout tribunal pourra, sur requête d'une partie ou d'un témoin, décréter le huis clos dans l'intérêt du témoin et de la partie. Quel genre d'intérêt? Vous venez de donner un exemple où vous avez défini l'intérêt sauf que le projet que vous soumettez à l'article de la charte ne définit pas cet intérêt. C'est la porte que vous ouvrez qui nous fait craindre l'interprétation qui sera donnée. L'extension qu'ont donnée certains tribunaux à la notion d'ordre public et de morale pour permettre effectivement que des auditions de témoins se fassent à huis clos n'est pas nécessairement une extension sur laquelle nous sommes en désaccord. Il peut arriver qu'en certaines circonstances cela soit assimilé à une raison d'ordre public, l'exemple que vous soumettez, sauf que nous craignons grandement que l'inclusion de ces deux notions dans la charte fasse en sorte que la porte soit, à partir de maintenant, beaucoup plus grande que celle que vous vouliez.

M. Champagne: Dans l'esprit de la charte, et surtout étant donné l'extension possible de la notion d'ordre public et de morale, cela ne nous paraît pas incompatible avec les exceptions que vous soulignez, M. le ministre.

M. Desmarais: C'est en vertu de lois particulières que vous soulevez les exemples que vous nous avez donnés.

M. Choquette: Oui. Dans le cas de l'enquête sur le crime organisé, il y a des dispositions, dans la Loi de police, qui permettent l'audition à huis clos. En fait, le tribunal peut l'ordonner. Dans le cas de la Loi des commissions d'enquête, qui régit l'enquête sur

l'exercice de la liberté syndicale, c'est l'application du chapitre 11 des lois du Québec. Je ne sais pas s'il prévoit l'audition à huis clos mais, de toute façon, c'est conforme, je pense bien... Non, pas nécessairement? L'arrêté ne le spécifie pas? Mais là, il y a, je crois, moins de dispositions législatives qui soutiennent le huis clos, mais je crois que, ce que l'on pratique est tout à fait défendable sur le plan juridique.

Justement, puisqu'on parle de commissions d'enquête, dans certains journaux, j'ai noté, dans le passé, des critiques selon lesquelles des réputations de gens étaient indûment salies par certaines affirmations faites publiquement, dans les circonstances où ces affirmations n'étaient pas suffisamment étayées ou soutenues par d'autres éléments de preuve. L'audition préalable à huis clos permet donc de s'assurer de la solidité de la preuve et de sa valeur pour être exposée publiquement par la suite.

Alors il y a peut-être plus, à ce moment-là, que des notions d'ordre public et des notions de morale. Enfin, je ne dis pas qu'on peut trancher le problème ce matin, mais je crois que c'est un impératif qu'il faut prendre en considération. J'ai mentionné, au début de mes remarques, le cas d'une protection physique qu'un témoin pourrait exiger pour témoigner. C'est un facteur. Mais il y a aussi la réputation des gens qui peut être exposée par des affirmations faites gratuitement par des témoins qu'on fait comparaître devant des commissions et à l'égard desquelles on n'a pas vérifié suffisamment la preuve corroborant ou le sérieux de leurs affirmations préalables par une audition à huis clos. Alors il faut quand même considérer aussi cet aspect.

M. Champagne: Oui, évidemment, pour nous, c'est une question qui est extrêmement importante. Je veux rapidement me référer à un contexte qui est celui de tous les pouvoirs des commissions d'enquête. C'est un secteur de très grande préoccupation pour la ligue. Ce que nous précisons là-dessus s'inscrit dans ce contexte général.

Il nous paraît, bien sûr, qu'il y a des avantages indéniables aux pouvoirs très grands exercés par les commissions d'enquête. Mais nous croyons aussi qu'en termes de droits de l'homme, et face au respect même des institutions que nous nous sommes données dans l'administration de la justice, il faudrait peut-être, à un moment donné, s'arrêter très sérieusement et faire une analyse très exhaustive du fonctionnement des commissions d'enquête, puis celui des tribunaux, pour nous demander dans quelle mesure nous ne courons pas le risque de développer, par les commissions d'enquête, une justice parallèle à celle des tribunaux. C'est une préoccupation fondamentale. Il faudrait peut-être une autre commission parlementaire pour en parler; mais je pense qu'il est important de souligner cette préoccupation. Nous sommes ici dans un secteur justement très net de conflits de droits individuels et collectifs. La ligue est très préoccupée — et je pense que nous ne sommes pas les seuls, d'ailleurs — par cette situation qui est extrêmement délicate, sur laquelle il est extrêmement difficile d'argumenter, compte tenu de tout l'ensemble du contexte. Mais pour nous, c'est une question fondamentale en termes de droits de l'homme, actuellement.

Le Président (M. Pilote): D'autres questions?

M. Desmarais: Peut-être, M. Choquette, qu'une des façons d'obvier aux réputations qui sont souvent salies devant lesdites commissions d'enquête, ce serait de permettre aux personnes qui sont amenées là comme témoins ou qui sont impliquées par les enquêtes et qui sont représentées par procureurs, d'interroger ces témoins.

Vous avez habilement, dans le projet de charte, fait en sorte que ce sont seulement les accusés qui auront l'occasion de se faire représenter par procureurs et de contre-interroger ces témoins.

Je vous signale qu'une des façons d'obvier au ternissage des réputations serait probablement, justement, de permettre aux personnes qui sont visées de se faire représenter par procureur et de poser des questions et de contre-interroger habilement les témoins qui sont amenés devant la commission d'enquête de façon à faire en sorte que les réputations de leurs clients ne soient pas ternies.

M. Choquette: M. Desmarais, je vois que vous avez scruté le projet de charte dans ses moindres détails et je vous en félicite. Vous avez saisi la différence que nous faisons entre les tribunaux et les commissions à ce point de vue. Pour une très bonne raison. Par exemple, dans l'enquête sur le crime organisé, nous étions confrontés avec le problème suivant: Admettant que le crime organisé retienne les services de procureurs pour contre-interroger les témoins qui pouvaient être produits devant la commission, il est évident que ces procureurs auraient pu contre-interroger les témoins sans limite et quasi paralyser le travail de la commission. Comme cela s'est vu, d'une certaine façon, à une autre époque, alors que l'enquête Caron a été tenue, sur toutes les histoires de police dans la ville de Montréal. Vous vous rappelez que cette enquête a eu lieu en 1955.

C'est la raison pour laquelle, dans la Loi de police, spécialement en rapport avec l'enquête sur le crime organisé, nous avons prévu une disposition selon laquelle un témoin, ou une personne qui a été mise en cause, par un témoignage, pouvait demander à la commission de se faire entendre sur les affirmations faites à son égard et ceci dans le but de protéger sa réputation.

D'autre part, nous avions également prévu, évidemment, que des questions pouvaient être données au procureur de la commission, pour être posées au témoin, ceci afin de ne pas paralyser les travaux de la commission. Dans ce domaine, il est évident, peut-être que je reprends un peu le thème que M. Champagne a pris tout à l'heure, parce qu'il est très vrai que nous sommes à la limite entre les droits de l'homme et le respect que nous voulons donner à tous les droits et libertés fondamentaux incluant le droit à la réputation et, d'autre part, l'efficacité de la justice à l'égard d'éléments criminels ou

l'efficacité même de la société de s'enquérir de problèmes sociaux qui sont imprégnés de criminalité et dans lesquels il y a toutes sortes d'éléments, sans subir les contraintes indues que peuvent vouloir faire subir à ces mécanismes d'enquête les éléments parfois criminels sur lesquels on procède à de telles enquêtes.

On est pris, justement, à la limite de ces deux impératifs et on essaie de tracer une ligne qui tente de respecter les deux dimensions.

Mais nous nous reverrons, sur ce sujet, lors de la présentation, un jour, peut-être par un autre ministre que moi, d'une nouvelle Loi des commissions d'enquête.

M. Desmarais: M. Choquette, peut-être que l'exemple que vous avez choisi, au sujet de la commission Caron n'était pas le plus approprié, en disant que cette commission aurait été paralysée, parce que je suis persuadé qu'un maire, que nous connaissons bien, ne prétendrait sûrement pas aujourd'hui que son travail a été paralysé, à ce moment-là, si on se fie aux conséquences que cela a pu avoir sur sa carrière.

M. Choquette: Je vous recommande d'aller au salon rouge, cet après-midi.

Le Président (M. Pilote): Le député de l'Assomption.

M. Perreault: M. Champagne, je vois à la page 33 de votre mémoire, votre recommandation no 19, vous avez ajouté: Intégrité physique, à l'article 1. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous avez ajouté ces termes à l'article 1 ?

M. Champagne: Nous donnons un exemple précis, précédemment, dans le mémoire. Nous faisons référence à une situation malheureuse qui se situe dans le domaine de l'intégrité physique, au Québec, où un très grand nombre de personnes âgées sont systématiquement droguées, sans contrôle de la part de l'Etat, de la société, pour qu'on évite de s'en occuper comme il le faudrait. C'est un cas grave et c'est d'ailleurs un problème mondial. Il y a des sociétés qui ont découvert par cela qu'on éliminait systématiquement des personnes âgées. C'est une situation particulièrement grave au Québec.

Il y a évidemment d'autres cas qui peuvent se poser dans le domaine de l'intégrité physique, surtout le domaine des greffes, par exemple, qui pose des problèmes sérieux et nouveaux, si vous voulez, que nous n'avions pas, il y a quelques années.

Alors, il nous paraît, pour couvrir tout un ensemble de secteurs — je ne donne que ces deux exemples, mais on pourrait en donner d'autres — qu'il est important d'ajouter, dans cet article, l'intégrité physique.

M. Perreault: Si je comprends bien, l'intégrité physique, ce que j'avais visé, vous avez mentionné la question de greffes en dernier dans votre intervention. La question de greffes n'est pas un maintien de l'intégrité physique.

M. Champagne: Cela se situe dans la protection de l'intégrité physique. C'est une question qui a été largement débattue, qui l'est encore; vous savez comment l'individu... comment il y a des mesures qui doivent être prises à un moment donné pour qu'un individu soit protégé contre toute espèce de forme, si vous voulez. A l'extrême, on pourrait parler de mutilation et, à d'autres on pourrait parler de greffe. C'est un niveau. Mais il y a un autre niveau, encore une fois, qui, eu égard aux distinctions que nous faisons dans le cas de la discrimination grosse et la discrimination qui est encore plus grosse, mais qui est plus sournoise, est bien le cas des personnes âgées.

M. Perreault: A la page 31, votre recommandation numéro 13. Ne croyez-vous pas qu'indirectement vous faites un double emploi avec le Protecteur du citoyen dans cette recommandation?

M. Champagne: Ah! non, je pense que la juridiction du Protecteur du citoyen est très nettement distinguée par rapport à celle de la commission. D'ailleurs, c'est indiqué même dans le projet de loi; il y a une distinction à l'article 66, où on fait allusion à la juridiction du Protecteur du citoyen. On y dit:"Le Protecteur du citoyen doit, lorsqu'il constate une plainte portant sur un cas de discrimination visé par la présente loi, transmettre le dossier à la commission, laquelle en est saisie de plein droit."

On sait que la juridiction du Protecteur du citoyen est très nettement délimitée par rapport aux fonctions administratives exercées par l'Etat et, d'ailleurs, n'incluant même pas des secteurs de discrimination dans l'administration — discrimination au sens large — qui sont très importants, comme ceux des gouvernements locaux. On sait que la juridiction du Protecteur du citoyen ne couvre pas les juridictions municipales et scolaires, par exemple, où on a eu depuis les dernières années, je ne sais combien de plaintes, combien de règlements adoptés... D'ailleurs, souvent des interventions de la ligue ont réussi à faire modifier des règlements qui étaient tout à fait illégaux dans ces secteurs.

Le Président (M. Pilote): D'autres questions?

M. Perreault: A la page 34, recommandation 27, vous avez ajouté la tenue physique et vestimentaire. Cela peut aller très loin; cela pourrait vouloirdire qu'on peut imposer, par exemple, à un groupe de personnes dans un bureau, un type, une personne qui pourrait sentir la porcherie; on forcerait ce groupe à travailler avec un type qui dégagerait une odeur nauséabonde. Cela va très loin.

M. Champagne: Oui, là encore, il y a une expérience abondante et malheureuse, au Québec, de gens qui ont été, au cours des dernières années, congédiés de façon tout à fait injuste pour des raisons de cet ordre: tenue physique et vestimentaire. Et la discrimination, sans aller au congédiement, du milieu, c'est très important. Par ailleurs, laquestion que vous soulevez est très importante,

parce que le législateur a prévu qu'il y avait des distinctions à faire entre la discrimination, et, ce qu'on peut appeler comme le traitement préférentiel ou une distinction qui va être fondée sur les exigences requises à l'article 17 pour un emploi.

D'ailleurs, à cet égard, nous avons une modification très précise que nous proposons. Quand, à l'article 17, on dit: II y a une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes exigées pour un emploi ou justifiée par le caractère charitable, philanthrophique, religieux ou éducatif d'une association ou corporation sans but lucratif ou qui est vouée exclusivement au bien-être d'un groupe ethnique n'est pas réputée discriminatoire.

Nous proposons que l'expression "sur les aptitudes exigées pour un emploi" soit remplacée par "une exigence et une qualité professionnelle". C'est le terme d'ailleurs que l'on retrouve dans la loi ontarienne et, dans le cadre de nos vérifications, on s'est rendu compte que ce terme ouvrait moins la porte à des abus. D'ailleurs, sur ce plan, on est rendu à des distinctions, un peu fines, mais déjà, si on dit "exigées pour un emploi et par un emploi", c'est tout autre chose; "exigées pour un emploi" nous réfère autant à la personne qu'à l'emploi, tandis qu'"exigées par un emploi" nous réfère davantage à l'emploi. C'est plus objectif et cela risque moins de comporter des mesures de discrimination.

Ceci, en réponse à votre question, pour dire que les cas du type de ceux que vous soulevez, sont évidemment couverts. D'ailleurs, c'est un article très dangereux. On a beaucoup réfléchi là-dessus. On convient que l'article 17 doit être là, mais il peut donner lieu à des abus sérieux, à un certain moment, de la part de gens qui s'autoriseront d'exigences professionnelles pour, indirectement, si vous voulez, faire de la discrimination. D'ailleurs, les cas là-dedans sont sans nombre.

M. Perreault: Oui, c'est cela, la tenue vestimentaire...

M. Choquette: On fait l'application à la police de ce principe. Les policiers, d'abord, sont obligés de porter un uniforme. Ils n'ont généralement pas droit de porter une barbe, excepté s'ils font du travail de sécurité comme M. Desmarais. Il faudrait faire une exception pour la police.

M. Champagne: Non, c'est évident qu'on a considéré la chose, mais cela devra être un secteur de très grande surveillance par une commission. Cela a été toute l'expérience de toutes les commissions des droits de l'homme. Nous l'avons vérifié avec les gens des autres provinces, c'est extrêmement dangereux. Il est nécessaire qu'un tel article soit là, mais il est très dangereux.

M. Choquette: Je remarque que... Je ne savais pas qu'on avait tant d'agents de sécurité réunis ici aujourd'hui. Je vois ici plusieurs membres de la tri- bune de la presse, et même des recherchistes parmi le Parti québécois.

M. Burns: Bien oui! On est infiltré de toutes parts.

Le Président (M. Pilote): ...d'autres questions?

M. Perreault: Ma prochaine question, à la page 37, recommandation 42: Vous dites: "Toute personne a droit de se faire représenter par un avocat". Avez-vous considéré le cas où une personne pourrait avoir le droit de ne pas avoir un avocat? Elles vont être obligées, dans le moment, dans certains cas, d'avoir un avocat.

M. Champagne: Ce n'est pas une obligation. Je pense que les gens l'interprètent souvent de cette façon. C'est un droit à l'avocat. Ce n'est pas une obligation.

M. Perreault: Dans le moment, il y a une obligation. Vous n'en parlez pas, dans le moment, dans votre texte.

M. Champagne: Quelle obligation?

M. Perreault: II y a une obligation, dans certains cas, de se faire représenter par un avocat.

M. Desmarais: Les corporations?

M. Perreault: A la Régie des services publics.

M. Desmarais: Des corporations?

M. Burns: Des corporations.

M. Champagne: Oui, mais on fait la distinction. C'est dans le principe général. C'est prévu quand nous disons: "Toute personne a droit de se faire représenter par un avocat ou d'en être assistée da-vant tout tribunal, à moins qu'une disposition expresse de la loi en prévoie autrement dans l'intérêt de la personne." Entre autres, nous visions là, bien sûr, la Loi des petites créances.

M. Perreault: Mais moi, je veux dire qu'il y a l'inverse aussi. On devrait pouvoir se représenter soi-même, sans être obligé... Moi, j'ai eu l'expérience quand j'étais maire, et le tribunal n'a pas voulu m'entendre. Il a fallu aller quérir un avocat pour interpréter mes questions et mes réponses.

M. Choquette: Pour la corporation municipale, pas dans les causes...

M. Perreault: Oui, j'étais maire alors. Je pouvais répondre mieux que l'avocat, à ce moment.

M. Desmarais: C'est bien possible, cela.

M. Choquette: Dans le domaine des relations de travail, on sait que, souvent, les syndicats sont re-

présentés par leurs agents d'affaires ou enfin, leurs représentants. J'ai même étendu le principe dans le domaine des enquêtes du coroner, pour permettre à M. Michel Chartrand d'agir comme avocat, latitude dont il profite. Je me demande, sur le principe qui est soulevé, s'il n'y a pas des distinctions.

M. Perreault: Je pense, M. le ministre, qu'une corporation devrait avoir le droit, c'est à elle à juger si elle a besoin d'un avocat ou non, et elle devrait avoir le droit de se présenter sans avocat.

M. Champagne: Je crois que l'article 42, tel que nous le présentons, si vous lisez la recommandation... C'est à l'article 30, la recommandation 42 est claire là-dessus.

M. Desmarais: Ce n'est pas cela qu'elle vise. M. Perreault: Non...

M. Desmarais: Ce que la charte veut prévoir, c'est que quelqu'un qui veut un avocat puisse...

M. Perreault: La charte devrait dire aussi celui qui n'en veut pas, non plus.

M. Desmarais: Ah ça!

M. Perreault: C'est une question de liberté. Vous êtes forts sur les libertés...

M. Champagne: Non, mais, M. le député, je vous signale qu'individuellement, vous n'êtes jamais obligé d'avoir un avocat lorsque c'est vous qui, personnellement, vous trouvez devant un des tribunaux en question. C'est votre droit le plus strict. Le cas des corporations, c'est une autre affaire.

M. Perreault: Les corporations, c'est une personne morale, la même chose.

M. Champagne: Sauf que nous sommes plus intéressés ici par le droit des personnes que le droit des corporations, comme Ligue des droits de l'homme.

M. Choquette: II faut dire aussi, si le député de l'Assomption me permet, que le projet de loi no 50 ne vise que des personnes physiques et ne touche en aucune façon à des corporations publiques ou privées.

M. Perreault: On y reviendra plus tard. A la page 38, par votre recommandation 49, est-ce que vous ne pensez pas qu'indirectement vous limitez le droit des individus au choix des écoles, indirectement?

M. Champagne: Vous savez, il faudrait ouvrir un long débat. Je pense qu'il est important, quand on reconnaît des droits particuliers, d'en contrôler l'exercice. Il nous paraît, à la lumière de beaucoup de dossiers de plaintes que nous avons à la ligue et que d'autres ont aussi concernant ce qui se passe au Québec, que l'utilisation du droit à l'enseignement privé est peut-être en train de se faire de telle sorte qu'elle en arrive à être un obstacle au développement du secteur public.

Les raisons ne touchent peut-être pas davantage ou à telle ou telle proportion l'utilisation faite de l'enseignement privé; elles touchent aussi le développement de l'enseignement public. Nous disons que ce principe, qui reconnaît le droit à des institutions privées, est un principe extrêmement particulier qui touche un droit très important, mais qui, dans l'application, peut être galvaudé et détruit. Nombre d'éducateurs au Québec — j'en ai été à un moment donné — ont été en mesure de le vérifier largement.

Nous formulons ici un principe qui devrait peut-être se traduire dans une loi particulière sur l'enseignement privé, sur des critères de contrôle et de justification pédagogique, encore une fois. Là, il faut bien respecter la nature des entités aux-quelleson a affaire. Quand on est dans le domaine de l'enseignement, on est dans un domaine pédagogique d'abord. Nous sommes en mesure de vérifier que les critères d'ordre pédagogique et les normes de contrôle dont nous disposons actuellement sont peut-être insuffisantes ou ne sont pas suffisamment appliquées.

C'est pour cela qu'il nous paraît, dans la mesure où nous voulons que ce droit soit reconnu et protégé, qu'il faille l'assortir d'une mesure de contrôle très stricte pour éviter qu'on ne se retrouve dans une situation sociale très conflictuelle au niveau des droits individuels, collectifs et de groupes particuliers. Encore une fois, cela ne peut pas se trancher, cette question, même au niveau des droits individuels et collectifs. Les groupes, ce sont des entités bien particulières dans une société et c'est surtout en référence avec certains groupes que le problème de l'enseignement privé se pose.

M. Perreault: Je suis content que vous ayez précisé que c'est de nature pédagogique, parce que votre article ouvrait la porte joliment grande.

M. Champagne: Mais encore une fois, nous sommes dans une charte. Nous ne sommes pas dans une loi particulière; nous sommes dans une charte dont les énoncés doivent être très vastes — c'est toute la difficulté de faire une charte — assez vastes pour ouvrir la porte à des lois particulières qui concrétisent l'application des principes qui sont dans la charte.

M. Perreault: A un autre endroit dans votre mémoire, vous parlez de la liberté de presse. Je pense que vous n'avez pas porté beaucoup d'attention au droit à la réputation du citoyen. Vous n'en parlez pas beaucoup.

M. Champagne: C'était prévu; on n'avait pas besoin d'en parler, parce que le législateur l'a prévu avant nous. Il y a un article là-dessus qui, je pense, est très clair. C'est dans les énoncés qu'on caractérise souvent en disant qu'ils pourraient

avoir une portée absolue. L'article 4 dit: "Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation".

Je pense que vous avez réponse à la question que vous soulevez.

M. Perreault: Je vous remercie.

Le Président (M. Pilote): D'autres questions? L'honorable député de Taschereau.

M. Bonnier: M. le Président, je suis confus et peiné d'avoir à poser des questions qui ne sont peut-être pas tellement importantes à la fin de ce débat. Je ne voudrais pas être impoli envers les autres groupes aussi, d'autant que je ne suis même pas membre de la commission. Si la commission me le permet, j'aurais quand même deux petites questions.

Le Président (M. Pilote): Allez.

M. Bonnier: Je voudrais d'abord demander à la ligue si elle s'est préoccupée, dans le secteur des droits politiques, de la liberté dont devraient jouir les hommes politiques. En Chambre, il y a un député qui a soulevé cette question et ce n'était pas bête.

Ma deuxième question est en relation avec les attributions de la commission. Comme vous le soulevez très justement, je pense que la valeur indéniable de ce projet de loi est qu'il est axé sur le développement des individus et de la collectivité et non pas simplement d'une façon très négative par rapport à la limite des droits qu'on impose à certains individus seulement.

A partir de ce moment-là, je pense, comme vous le soulignez d'ailleurs, que la commission — si on veut que cette loi ait une véritable dimension dans l'avenir — a un rôle essentiel et nécessaire. Je pense que le ministre a déjà expliqué les garanties qu'il y aurait dans la nomination descommissaires. Par ailleurs, est-cequ'il y aurait lieu de souligner dans la loi ou de spécifier de quelle façon elle va jouer son rôle? Vous dites, d'une façon globale, qu'elle peut faire des rapports de temps à autre. Cependant, on sait que si ça concerne l'ensemble du développement des individus et de la collectivité, il existe également, dans d'autres domaines, des organismes consultatifs. Il existe aussi des attributions qui sont données à telle et telle sphère de la vie socio-économique ou même culturelle.

A partir de ce moment-là est-ce qu'il y aurait lieu, selon vous, de spécifier, d'une façon plus catégorique, les relations entre cette commission et d'autres organismes consultatifs, d'autres organismes représentatifs qui ont quand même aussi des missions à remplir? Cela, pour qu'on n'aboutisse pas, au bout de quelque temps, à dire: Cela ne donne absolument rien parce que la commission se fout de tout ou de rien.

M. Champagne: En réponse à votre deuxième question, je pense que cela a été prévu, sous ré- serve du sens que vous donnez à "spécifique". Evidemment, on sait qu'il y a un principe de loi très important; plus on entre dans les détails, plus on se trouve devant une loi qui risque d'être moins bonne et très difficile à appliquer. Surtout, encore une fois, dans le cas de la charte. C'est le défi d'une loi comme celle-là, d'être très générale et assez spécifique pour qu'il y ait des choses possibles dans le sens de ce que vous indiquez.

Nous croyons, sur ce plan, que l'article 58 est suffisamment clair, suffisamment explicite, suffisamment large sous réserve des deux modifications que nous proposons d'y faire, entre autres, pour la question que vous soulevez au point e), coopérer avec tout organisme du Québec ou de l'extérieur voué à la promotion des droits et des libertés de la personne. A cet égard, nous avons indiqué et précisé clairement, au tout début de notre mémoire, que nous n'adressons pas seulement ce mémoire à la commission parlementaire, au ministre de la Justice ou à l'Assemblée nationale mais que nous l'adressons également à beaucoup d'organismes, nous l'adressons également, en priorité, aux juges et aux avocats, dont le rôle va être crucial dans l'application de la charte.

Il va vraiment dépendre en grande partie d'eux que la charte soit reconnue être un impact devant les tribunaux et qu'on puisse, à partir de la charte, établir une saine jurisprudence.

Par ailleurs, nous adressons également le mémoire à d'autres organismes gouvernementaux et privés. On a parlé d u Protecteur du citoyen, on a parlé de la Commission du salaire minimum, du Conseil du statut de la femme, de la Commission d'aide juridique, etc., des organismes comme les ADDS dans le secteur privé. Il nous paraît extrêmement important que la commission puisse ne pas tout concentrer chez elle dans le domaine des droitsde l'homme mais qu'elle puisse établir intelligemment et efficacement un réseau de relations entre toutes les entités privées et publiques gouvernementales qui, dans la province, peuvent s'occuper du domaine des droits de l'homme. On le dit très clairement dans le mémoire.

Il ne faudrait absolument pas qu'il y ait une concentration de tout au niveau d'une commission. Je pense que c'était prévu. En tout cas, nous sentons que c'est possible au niveau du paragraphe e) de l'article 58. Quant à votre première question, je pense que, pour y répondre de façon précise, il faudrait peut-être que vous la développiez davantage.

M. Bonnier: Ce n'est pas parce que ce n'est pas important, c'est parce que je n'ai pas le temps.

Le Président (M. Pilote): Je vous remercie, messieurs, de l'excellence de votre mémoire et également de la façon dont vous l'avez présenté, MM. Champagne et Desmarais, ainsi que celles et ceux qui les accompagnent.

Nous allons maintenant passer à l'audition du mémoire présenté par le Conseil du patronat du Québec, dont M. Ghislain Dufour est le porte-

parole. J'inviterais M. Dufour à prendre place ainsi que ceux qui l'accompagnent.

J'inviterais M. Perreault à présenter celui qui l'accompagne.

Conseil du patronat du Québec

M. Perreault (Charles): Merci, M. le Président. Je suis accompagné du directeur général du Conseil du patronat, M. Ghislain Dufour, à ma gauche, et de M. Michel Vastel, de la permanence, un peu plus loin.

Nous tenons à vous remercier, M. le Président, MM. les membres de nous entendre aujourd'hui vous livrer ce bref mémoire sur un projet de loi très important. Je vais demander à M. Dufour d'en faire la lecture. Il est très court, après quoi, nous répondrons aux questions que voudront bien nous poser les membres de la commission.

M. Ghislain Dufour

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, MM. les membres, comme on vient de le mentionner, c'est un mémoire qui est très court, qui se réfère essentiellement à quatre points d'accord sur le projet de loi et à trois grandes interrogations que l'on se pose sur le projet.

Pour donner peut-être une chance à la CECM de se faire entend re, même s'il est bref, je vais quand même le résumer encore davantage.

Il y a quatre points d'accord, comme on le mentionnait tantôt. Le premier point, évidemment, c'est le fait que ce projet de loi ne se limite pas à traiter de discrimination sous toutes ses formes, comme c'est le cas dans les autres lois provinciales. Pour nous, au Conseil du patronat, c'est là une orientation heureuse qui rejoint d'ailleurs les préoccupations de la Ligue des droits de l'homme, et nous tenons à le mentionner.

C'est une orientation qui nous paraît pondérée, réaliste, parce qu'elle revêt la forme d'une codification, au lieu de la forme d'une charte, comme on nous l'avait proposé, il y a déjà deux ans, avec la collaboration, à ce moment, de la Ligue des droits de l'homme.

Un troisième point que l'on aimerait mentionner sur le bill 50, c'est la simplicité et la clarté qui caractérisent la rédaction de ses différents articles. Tous les citoyens québécois ne sont pas des avocats et, quand on rédige une loi, il faut surtout penser au citoyen q ui aura à vivre avec ces lois. Dans le cas très précis du bill 50, c'est une loi très facile de compréhension et on devrait s'en inspirer dans la rédaction future de certaines lois.

Quatrième point d'accord, c'est la création d'une commission des droits de la personne et les modalités pratiques de fonctionnement de cette commission telles que déjà prévues au projet de loi.

De façon plus précise, et outre le fait que cette commission est responsable directement à l'Assemblée nationale, nous appuyons le contenu de l'article 58 du projet de loi et les dimensions diverses que peut contenir la réalisation du programme prévu à cet article.

Même si notre appréciation de ce projet est très positive, elle ne s'accompagne pas moins, cependant, de certaines interrogations.

Nombreux sont ceux qui ont posé la question de l'absence de primauté de l'éventuelle loi 50 sur certaines autres lois. Par ailleurs, les exposés sur cette question du ministre de la Justice et du chef de l'Opposition officielle, ont fait ressortir qu'il s'agit là d'un problème juridique fort complexe. Il n'est que normal que l'homme d'affaires, comme tout autre citoyen, ou même l'entreprise comme personne morale, soient préoccupés par cette question. Il leur incombe, en effet, de s'assurer, comme tout autre citoyen, que le respect qu'ils ont à l'égard d'une loi n'est pas compromis par l'existence d'une autre loi qui en restreint ou en élargie la portée.

Or une courte réflexion permet de relever de nombreux cas où les dispositions générales de la nouvelle loi sont contredites par des lois ou des règlements actuels. Comment s'y retrouvera le citoyen? C'est là une question que l'on ne peut certes escamoter. Par ailleurs, nous partageons l'opinion du ministre de la Justice selon laquelle, si le bill 50 avait primauté sur toute autre législation, il serait essentiel de colliger immédiatement dans ce bill 50 tout un ensemble de lois et de règlements actuels, dans les domaines les plus divers. Le citoyen ne s'y retrouverait peut-être pas davantage, compte tenu de l'aspect rébarbatif que présenterait alors un tel recueil. Les articles 42 et 43, qui traitent des conditions de travail, par exemple, illustrent bien ce point de vue.

Une suggestion que nous avançons devant ce problème réel est que le gouvernement s'en tienne à sa proposition actuelle, mais qu'au même moment, il s'engage dans un programme d'information et d'éducation de la population sur les droits, les libertés mais aussi les responsabilités du citoyen non énumérés dans le bill 50. Nous reviendrons d'ailleurs sur cette question en conclusion.

Deuxième interrogation. Rien ne l'indique dans le projet de loi, mais le ministre de la Justice a déjà déclaré à l'Assemblée nationale que l'application de la charte pourrait être suspendue en période de crise. Nous ne croyons pas qu'il y ait généralement lieu de s'opposer à un tel principe, car même si le projet de loi 50 est clai rement axé sur les droits et les libertés individuelles, il n'en reste pas moins que certaines situations peuvent exiger la suppression temporaire de droits individuels pour s'assurer que certains droits collectifs sont mieux protégés.

Si cette affirmation ressort d'une constatation générale, il ne nous apparaît pas moins qu'il devrait être clairement inscrit au bill 50 que certains droits ne devraient être en aucune circonstance subrogés aux droits collectifs. Une liste de ces droits devrait d'ailleurs être clairement établie. C'est le cas notamment des articles 24 et 25 où on dit, par exemple, que toute personne arrêtée ou détenue a le droit d'être promptement informée, dans une langue qu'elle comprend, des motifs de son arrestation ou

de sa détention. De même que l'article où on dit: Toute personne arrêtée ou détenue a droit, sans délai, d'en prévenir ses proches et de recourir aux services d'un avocat.

Voilà, pour nous, certains genres de droits individuels fondamentaux, et non exhaustifs, qui ne devraient être subrogés aux droits collectifs en aucune circonstance.

Troisième interrogation. L'article 60 du projet de loi rend la Commission des droits de la personne responsable de toutes enquêtes relativement à l'application des articles 11 à 17 de la loi. Quant à l'article 70, il précise les pouvoirs de la commission à cet égard. Nous appuyons pleinement le contenu de ces deux articles.

Nous nous interrogeons cependant sur les raisons qui ont conduit à limiter la portée des pouvoirs de la commission à la seule application des articles 11 à 17.

Il nous apparaît que le simple citoyen est souvent tout aussi démuni quand il lui faut faire respecter certains droits politiques ou judiciaires que quand il est victime de discrimination. Bien plus, le dédale des procédures qu'il doit entreprendre pour faire respecter un droit politique ou judiciaire est beaucoup plus complexe que lorsqu'il est l'objet d'une discrimination au travail ou de la part d'un propriétaire de logement.

Nous considérons donc que, si la commission doit limiter sa responsabilité de droit d'enquête aux seuls articles 11 à 17, il y aurait lieu de revoir l'article 62 afin qu'au moins la commission puisse généralement prêter son assistance à toute personne qui le requiert, ne serait-ce que pour l'informer de ses droits et la diriger vers les ressources qui lui sont disponibles.

Voilà les trois grandes interrogations que nous nous posons. Nous réaffirmons notre appui au projet de loi no 50. Nous croyons qu'il s'agit là d'un texte de loi bien fait, bien rédigé et dont le Québec pourra, lorsque possiblement amendé, être fier.

A ce sujet, d'ailleurs, nous sommes de ceux qui croient qu'une telle loi ne devrait pas être reléguée aux archives après qu'elle aura été sanctionnée. Dans cet esprit, d'ailleurs, nous voudrions faire nôtre cette suggestion du chef de l'Opposition officielle, faite à l'Assemblée nationale le 12 novembre 1974 et qui disait: "Encore faudrait-il, si l'on veut faire évoluer les mentalités, que la loi fasse l'objet d'un enseignement dans les écoles de façon à fournir à nos enfants un enseignement civique."

Le Conseil du patronat est également de ceux qui, depuis longtemps réclament un tel enseignement civique et économique auprès de nos jeunes. Nous appuyons cette suggestion et sommes convaincus que le gouvernement s'engagera dans une telle voie. Comme nous sommes convaincus que ses programmes d'information, pour répondre à une autre préoccupation que nous exprimions antérieurement quant à la primauté ou à la non-primauté du bill 50 sur les autres lois, ne se limiteront pas au seul contenu de ce nouveau code et à la seule population étudiante.

M. le Président, c'est tout pour l'instant.

Le Président (M. Pilote): L'honorable ministre de la Justice.

M. Choquette: M. le Président, je remercie le Conseil du patronat de son exposé et de son mémoire qui, à la façon très pratique des hommes d'affaires, est allé directement aux points, dans un certain nombre de domaines. Je vais tenter d'apporter certaines réponses aux interrogations qui ont été posées justement sur ces aspects du projet de loi qui ont suscité l'intérêt du groupe qui est devant nous.

Tout d'abord, M. Dufour mentionnait, en passant seulement, cet aspect qui est souvent relevé au cours de discussions sur ce genre de textes législatifs, c'est-à-dire les obligations et les devoirs des hommes et des citoyens. On sait que certains critiques de ce genre de textes de loi signalent, en fait, à l'occasion, que ces textes ne comportent aucune contrepartie aux droits qui y sont exposés.

Je répondrais de deux façons à cela. Premièrement, les droits qui sont énoncés dans un tel texte comportent, évidemment, des obligations pour ceux qui sont les débiteurs des droits énoncés en faveur de certaines personnes. Par conséquent, il y a implicitement, ou même explicitement, une obligation pour les citoyens de permettre à leurs concitoyens l'exercice des droits en question. Donc, évidemment, il y a toute une série d'obligations et de devoirs qui découlent de l'application des principes qui sont énoncés à la charte.

Deuxièmement, j'attirerais l'attention du Conseil du patronat sur un des considérants qui se trouvent au début du projet de loi et qui se lit comme suit: "Considérant que les droits et libertés de la personne humaine sont inséparables des droits et libertés d'autrui et du bien-être général", c'est-à-dire qu'évidemment ces droits doivent se situer dans un contexte qui fait largement la place aux droits et libertés d'autrui et au bien-être général.

Le Conseil du patronat a endossé une suggestion qui a été formulée par le chef de l'Opposition, ainsi que par la Ligue des droits de l'homme, ce matin. C'est que le ministère de l'Education institue des programmes, dans les écoles, pour que les principes contenus au texte de loi soient appris et acceptés par notre jeunesse.

Je signale, à ce point de vue, que le ministre de l'Education a pris la parole sur le débat en deuxième lecture et a exprimé généralement son accord sur tout ce qui est contenu dans ce projet de loi, de telle sorte qu'on peut sûrement prévoir une action positive de la part de ce ministère pour faire suite à la suggestion reprise par le Conseil du patronat.

Sur le plan, justement, de l'éducation en général, je signale que le projet de loi est divisé en deux parties. La première partie est intitulée "Charte des droits et libertés de la personne". Elle pourra faire l'objet d'un document distinct de la deuxième partie qui, elle, expose la composition, les pouvoirs et tous les autres aspects pertinents au fonctionnement de la commission qui, eux, ne feraient pas nécessairement partie de ce texte qui serait mis à l'usage des écoles ou du public en général. Ceci nous permet-

trait d'avoir une charte qui serait limitée à 47 articles et d'alléger le texte en le délestant de toute la partie administrative qui pourrait très bien être séparée.

Nous avons pensé à cette optique, qui est celle du Conseil du patronat et d'autres personnes sur la question.

Le Conseil du patronat a soulevé certaines interrogations quant au contenu même du projet de loi. Sur l'aspect transcendant de la charte sur d'autres lois, je crois que nous en avons déjà suffisamment discuté ce matin avec la Ligue des droits de l'homme pourqu'il me soit permis de ne pas reprendre le débat sur cette question qui est très complexe.

Mais je note l'interrogation du Conseil du patronat à ce sujet et nous allons tenter d'apporter des solutions au problème relevé par le Conseil du patronat et soulevé dans d'autres milieux.

J'attire l'attention du Conseil du patronat quant à sa deuxième suggestion, qu'il faudrait énumérer un certain nombre de droits qui ne sauraient souffrir de suspension, en période de crise ou autrement. J'attire son attention sur l'article 47 de la charte et ceci pour lui dire que la portée de la charte doit s'inscrire dans la compétence constitutionnelle du gouvernement du Québec. Comme on le sait, en vertu de la constitution canadienne, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, la paix, l'ordre et le bon gouvernement ainsi que les dispositions de l'article 91, au sujet du droit criminel, font que ces matières sont de compétence fédérale, de telle sorte qu'il appartiendrait, en casde crise, aux autorités fédérales d'adopter des mesures qui pourraient s'imposer dans ces périodes et qui pourraient, d'une certaine façon, constituer des suspensions de certains droits qui sont exprimés dans cette charte.

Il faut le comprendre dans notre contexte constitutionnel. Par exemple, toute la partie qui traite des droits judiciaires doit se lire comme n'ayant qu'une portée provinciale à l'égard des lois provinciales et non pas à l'égard du droit criminel.

Je pense que ceci devrait être de nature peut-être pas à satisfaire le Conseil du patronat, dans son désir de voir certains articles absolument intangibles, quelles que soient les circonstances, mais au moins le satisfaire intellectuellement d'une réponse qu'il n'est pas possible au gouvernement provincial, avec la constitution telle qu'elle existe, de dire que ces droits sont garantis et pourront être exercés en toute circonstance.

Quand même, je pense que le fait de les énoncer dans la charte est une règle de conduite, au point de vue de l'administration de la justice, une règle de conduite vis-à-vis de la police et donne aussi à ces droits une importance qui pourrait normalement avoir une influence, advenant que nous ayons à faire face à des périodes de guerre, de crise ou autrement.

La troisième interrogation du Conseil du patronat porte sur l'extension des pouvoirs d'enquête de la commission et le conseil se demande pourquoi ces pouvoirs sont limités aux articles 11 à 17, qui traitent de la discrimination. C'est que les autres droits ou libertés énoncés, hors les articles 11 à 17, font l'objet de garanties par les tribunaux ordinai- res. Alors, il serait difficile d'aller donner, en plus, à la commission, un pouvoir d'enquête dans des matières qui, naturellement, pourraient faire l'objet de sanctions par les tribunaux ordinaires. Ceci créerait deux types de juridictions, l'une, les tribunaux ordinaires et l'autre, la commission, qui pourraient être appelées à statuer sur les mêmes choses.

Je conçois qu'on puisse me répondre: Mais vous l'avez fait dans le cas de la discrimination. C'est que les cas de discrimination sont souvent des casoù il faut exercer un jugement poursavoirs'ilya eu ou non, en fait discrimination. Ce n'est pas parce qu'une personne se plaint d'avoir été victime de discrimination qu'effectivement c'est le cas.

Alors, nous avons prévu, pouréviter la discrimination, un processus en deux temps. Le premier temps, c'est que la commission tente d'accorder les parties. Elle a une intervention conciliatrice. Car l'objet du projet de loi, c'est bien plus de pacifier les choses que de soulever des débats et de trancher d'une façon judiciaire dans un domaine comme celui de la discrimination.

Si cette intervention conciliatrice ne résout pas le problème, là, la commission est habilitée, dans un deuxième temps, à se porter elle-même demanderesse devant les tribunaux pour faire valoir la sanction qu'elle a recommandée aux parties, à lasuitede la plainte, sans, évidemment, omettre le droit du citoyen de se présenter lui-même s'il ne veut pas que la commission le fasse pour lui.

C'est comme cela qu'il nous a fallu faire une distinction entre des droits qui sont consacrés d'une façon — il faut le dire — quasi absolue, c'est-à-dire tout ce qui n'est pas dans les articles 11 à 17, et, d'autre part, toute la partie de la discrimination qui, elle, est plus empreinte de nuances. Parce que on peut se demander s'il y a eu discrimination à l'occasion d'un emploi. Est-ce qu'il y a eu discrimination à l'occasion d'un refus d'entrer dans une profession, un syndicat, etc? Eh bien! on sait qu'il peut y avoir de nombreux facteurs qui jouent là-dedans et c'est pour cela qu'à ce point de vue, une enquête par la commission se justifie suivant la procédure que j'ai brièvement résumée tout à l'heure.

Le Conseil du patronat fait cependant une suggestion que je vais étudier, à savoir: Est-ce que la commission ne pourrait pas, d'une certaine façon, être autorisée à prêter aide et assistance, ou au moins donner les informations pertinentes, au cas où il y aurait des violations des droits qui sont mentionnés dans les autres articles que les articles 11 à 17, au sujet de la discrimination? Je vais voir jusqu'à quel point il est possible de donner suite à cette suggestion.

Je rappelle cependant que les avocats sont là pour donner des conseils, que l'aide juridique a été créée justement pour venir en aide aux économiquement défavorisés et pour qu'on puisse mettre à leur service la profession juridique sans tenir compte ou, du moins, en écartant le facteur de revenus qui pouvait jouer autrefois alors que des droits pouvaient ne pas être représentés, où on pouvait ne pas faire valoir des droits devant les tribunaux, par suite de pauvreté. Il reste quand

même que le Barreau est là et je tiens à rappeler justement, dans un contexte un peu plus général, que cette Commission des droits de l'homme n'a ni la fonction de se substituer aux tribunaux en général, ni de se substituer au Barreau, ni de se substituer à l'aide juridique, ni de se substituer à l'Opposition officielle, pour revenir un peu sur un sujet qui a été abordé dans un échange de propos entre le député de Maisonneuve et le président de la Ligue des droits de l'homme, non pas le président du Conseil du patronat.

Alors, il faut quand même ne pas envisager cette commission comme un fourre-tout, comme un organisme qui va supplanter tout ce qui existe et qui permet, justement, de faire valoir des droits et de critiquer, même sur le plan politique ou autrement. Je veux donc dire ceci: C'est qu'il faut quand même que le projet de loi ait des limites, il faut qu'il ait des limites; il ne peut pas être universel. Si on pense à l'universalité, abolissons donc tout ce qui peut exlsterd'institutions et disons que la Commission des droits de la personne va trancher toutes les questions litigieuses qui peuvent se poser à tout point de vue dans la société québécoise. Je crois que cela serait une absurdité. Alors, il faut donc que le législateur s'arrête à un certain point, quitte évidemment à ce qu'il donne à la commission une extension suffisante pour l'exercice de ces pouvoirs.

Le Président (M. Pilote): L'honorable député de Maisonneuve.

M. Burns: M. le Président, je vais me limiter à une seule question parce que je pense que la Commission des écoles catholiques est pressée de se faire entendre avant que nous ne suspendions nos travaux. Cependant, je pense que cette question, comme vous êtes des employeurs essentiellement au Conseil du patronat et comme, à titre d'employeurs, c'est souvent à vous qu'on fait des reproches relativement à une forme de discrimination, c'est-à-dire dans l'emploi, je me demande si le Conseil du patronat s'est penché sur d'autres formes de discrimination que celles qui sont énumérées à l'article 11. Je pense, par exemple, à deux ou trois formes particulières, qui étaient suggérées par la Ligue des droits de l'homme tout à l'heure, qui ne sont pas incluses à l'article 11: l'âge ou la tenue vestimentaire, ou l'orientation sexuelle. Est-ce que le Conseil du patronat s'est penché sur ces formes? Je ne vois rien dans votre mémoire qui parle précisément de discrimination et de l'énumération à l'article 11, et des conséquences que cela peut avoir pour vous. En somme, je vous demande: Est-ce que vous avez objection, comme employeurs, à ce qu'on donne une extension plus large à l'énumération qu'on retrouve à l'article 11 du projet?

M. Perreault: Je peux répondre à une partie de la question. Le mémoire que nous présentons ici est structuré à partir d'études que nous avions déjà faites lors de la présentation de la Charte des droits de l'homme où nous avions, à ce moment-là, consulté nos membres et où nous avions obtenu un certain consensus quant à certaines orientations; sous forme de mémoire, nous avions rendu notre position publique, à ce moment-là.

Dans l'examen que nous avons fait et que nous commentons ici, nous nous sommes inspirés de ce premier travail, ainsi que du projet de loi, et nous avons commenté ce projet de loi. Donc, nous ne sommes pas allés plus loin, nous n'avons pas cherché d'autres interprétations ou d'autres difficultés ou d'autres applications que celles sur lesquelles nous nous étions penchés ou qui étaient contenues dans le projet de loi. C'est aussi simple que cela.

Le Président (M. Pilote): D'autres questions?

On vous remercie, messieurs, de votre mémoire, et soyez assurés que la commission va en prendre note.

J'inviterais, à présent, Mme Thérèse Lavoie-Roux.de la Commission des écoles catholiques de Montréal, à bien vouloir venir présenter son mémoire, le mémoire de la commission, et à identifier ceux et celles qui l'accompagnent.

Commission des écoles catholiques de Montréal

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, permettez-moi de vous remercier, ainsi que vos collègues, de bien vouloir nous entendre à cette heure-ci, alors que je sais que plusieurs pensent déjà, probablement, à partir, et de l'intervention de M. le ministre en notre faveur.

Je voudrais d'abord présenter les personnes qui m'accompagnent. A mon extrême droite, Mme Lise Sarrazin et Mme Cécile Poissant qui sont deux de mes collègues commissaires à la Commission des écoles catholiques de Montréal; Me Brunet, notre chef du contentieux; M. Baulu, qui est un psychologue à la division de nos services spéciaux, et M. Daviau, du contentieux de la CECM.

Je voudrais d'abord situer l'intervention de la CECM à une commission parlementaire sur les droits et libertés de la personne. D'abord, globalement, je voudrais dire que la CECM a été très heureuse et accueille très favorablement l'initiative du gouvernement du Québec de présenter un tel projet de loi. Si nous avons décidé, nous-mêmes, de faire une intervention, ce n'est pas pour faire des commentaires sur l'ensemble des articles du projet de la loi 50, qui sont d'un intérêt certain, mais plutôt pour intervenir au chapitre des droits reconnus particulièrement aux enfants. Cette intervention se situe dans le prolongement des articles 36, 37, 38 et 39 du chapitre 4, consacrés aux droits économiques et sociaux dans ce projet de loi.

Une première réflexion que nous nous sommes faite, c'est de nous interroger sur la forme que prend cette déclaration des droits et libertés de la personne. Le gouvernement aurait pu, par exemple, privilégier une introduction d'une telle déclaration dans un texte constitutionnel.

II nous a pourtant paru préférable que dans une première étape, compte tenu du fait que nous ne connaissons pas encore la portée des répercussions d'une telle loi sur les législations déjà existantes, qu'il semblait plus sage de procéder par une loi ordinaire du Parlement, quitte, dans une deuxième étape, à changer peut-être pour une loi fondamentale.

Je redis la conviction de la CECM de voir ce projet de loi comme un instrument privilégié pour favoriser la promotion de valeurs fondamentales et la diffusion de principes à grand rayonnement.

La Loi sur les droits et libertés de la personne présente aussi un énoncé de principes directeurs dont l'influence en matière de législation devrait éventuellement être considérable. Nous voyons vraiment qu'une charte des droits de l'homme ne saurait être sans influence, à cause de son contenu abstrait et de sa portée générale, mais que, bien au contraire, ces normes devraient inspirer largement les lois particulières que le Parlement du Québec devra adopter à l'avenir, eu égard à une foule de problèmes concrets.

Notre rapport contient deux recommandations principales et la première est celle-ci: Dans le sens où le gouvernement québécois doit assumer toutes ses responsabilités législatives et mettre au point un mécanisme pratique pour assurer le respect dans la législation passée et future de la Loi sur les droits et libertés de la personne actuellement à l'étude, nous soulignons qu'il ne convient pas de confier à la magistrature le soin de refaire les lois par le biais des méthodes d'interprétation.

Dans cette optique, la Commission des écoles catholiques de Montréal recommande que soit confiée à la commission sur les droits de la personne prévue au projet de loi 50, la responsabilité d'étudier les lois anciennes et nouvelles, particulièrement celles qui regardent l'enfance, dans l'optique des principes contenus dans la Loi sur les droits et libertés de la personne.

Notre deuxième recommandation porte, elle, sur une charte des droits de l'enfant. La Commission des écoles catholiques de Montréal, préoccupée avant tout de l'éducation des enfants, désire essentiellement attirer l'attention du législateur sur la nécessité d'inclure des articles traitant spécifiquement des droits de l'enfant dans la Loi sur les droits et libertés de la personne.

Il est évident que les droits et libertés reconnus à la personnedans le projetde loi valent aussi bien pour les enfants que pour les adultes, mais il faut souligner le besoin d'une aide et d'une protection de nature spéciale en faveur des enfants.

La prohibition, inscrite dans une loi, de toute forme de discrimination, n'empêche pas la juste reconnaissance, dans cette même loi, de situations particulières pour les citoyens moins autonomes. C'est d'ailleurs là une réalité qui a été reconnue par différents organismes gouvernementaux et nous en citons quelques-uns dans le mémoire.

Je voudrais simplement faire la lecture des principes généraux que nous souhaiterions voir incorporés à la loi, même si, évidemment, il ne s'agit pas d'une formulation précise au plan de la législation.

Ce premier principe, c'est que l'enfant a droit au maintien de l'unité familiale. Toute personne appelée à prendre unedécisiontouchant lafamille et surtout l'enfant dans son milieu familial doit faire en sorte que les disponibilités de la société, susceptibles d'aider au maintien du milieu familial, soient mises à sa portée et que tout ait été épuisé avant de séparer l'enfant de son milieu.

Le principe que l'on évoque vraiment ici, c'est le respect de l'intégrité de la famille. Dans les débats auxquelson assiste actuellement vis-à-visde certains abus dont les enfants sont l'objet, dans des mouvements bien intentionnés, souvent, on a tendance à sacrifier la famille, alors que nous croyons que son maintien doit être retenu comme un principe fondamental.

II)L'enfant doit être mis en mesure de se développer d'une façon normale, physiquement, psychologiquement et spirituellement.

III)L'enfant doit bénéficier pleinement des mesures de prévoyance et de sécurité sociales et doit être protégé contre toute exploitation avant et au moment de quitter l'école.

IV) L'enfant doit être élevé dans le sentiment que ses meilleures qualités doivent être mises au service de ses frères.

V)L'enfant a le droit de recevoir une éducation qui tienne compte du développement maximum de son individualité eu égard à ses aptitudes et, à ce titre, la société doit fournir, aux différents stades de son développement, tous les moyens éducatifs requis pour le préparer le mieux possible à travailler, à vivre de façon personnelle et autonome et à remplir ses devoirs de citoyen utile et serviable à ses semblables.

VI) L'intérêt supérieur de l'enfant doit guider toutes les interventions de ceux qui ont la responsabilité de son éducation et de son orientation.

VII)L'accès aux ressources éducatives ne saurait faire l'objet d'aucune discrimination relative au statut de race, de couleur, de religion, de conditions économiques de la famille, de préjugés sociaux et culturels, de conditions physiques ou mentales de l'enfant.

VIII) L'enfant a le droit d'être reconnu comme un être qui s'achemine graduellement vers une autonomie et non comme un être diminué, dépendant de l'adulte. A ce titre, il doit être considéré comme un adulte en devenir qui, au cours des stades de son développement, a droit au respect quant à sa volonté d'exprimer ses idées et ses sentiments et devient de plus en plus capable de prendre des décisions relatives à sa personne dans le respect du droit d'autrui.

Ce principe nous semble extrêmement important parce que sa non-reconnaissance, dans un grand nombre de cas, résulte dans des abus multiples des enfants.

IX) Les dispositions des lois sur l'éducation et des règlements adoptés sous leur empire ne doivent pas aller à rencontre des droits et libertés de l'enfant.

X) L'enfant désavantagé aux plans physique,

mental ou psychosocial doit recevoir le traitement, l'éducation et les soins spéciaux que nécessitent son état ou sa situation.

XI) L'enfant handicapé physiquement a droit que la société le considère comme un membre à part entière et tienne compte de son état dans les divers plans publics d'aménagement physique.

XII) Les enfants inadaptés doivent être intégrés aussi souvent et aussi parfaitement que possible dans la société dite normale. Ils ont droit aux mêmes avantages que tous en ce qui concerne leur apprentissage et leurs loisirs.

XIII)Toutes les données colligées dans des dossiers divers (dossiers scolaires, institutionnels) sont la propriété des enfants et des parents pour le temps où ceux-là sont mineurs. Ceux-ci ont donc le droit de contester l'exactitude des renseignements qui se trouvent dans ces dossiers.

XIV) Finalement, l'enfant traduit en justice a droit non seulement à une protection spéciale, mais aussi aux soins particuliers nécessaires à sa rééducation.

Les pages qui suivent servent à expliciter les principes énoncés. Je pense que les membres en ont probablement pris connaissance. Je voudrais quand même insister sur un point particulier qui nous semble important pour le fonctionnement de la commission qui serait instituée, c'est à l'effet que l'information soit mise à la disposition des enfants, du public et des parents, évidemment. Souvent, même si les droits existent, on n'en permet pas l'exercice parce que les gens ne sont pas suffisamment informés des ressources ou de leurs droits.

En conclusion, je vous réfère à la page 11: "Que la loi reconnaisse explicitement à la commission des droits de la personne le pouvoir d'étudier les lois anciennes et nouvelles, particulièrement celles qui concernent les enfants, ainsi que toutes réglementations découlant de ces lois, dans l'optique des principes contenus dans la Loi sur les droits et libertés de la personne, et de faire des recommandations appropriées."

Deuxièmement: "Que le législateur insère dans la Loi sur les droits et libertés de la personne un chapitre consacré spécialement aux droits de l'enfant dans l'optique des principes énumérés dans le mémoire de la commission."

Je vous remercie.

Le Président (M. Pilote): L'honorable ministre de la Justice.

M. Choquette: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier Mme Lavoie-Roux et les personnes qui l'accompagnent qui représentent la Commission des écoles catholiques de Montréal.

Je leur suis reconnaissant d'avoir attiré l'attention de la commission sur les dispositions du projet de loi qui concernent l'enfant, son épanouissement et sa protection. Evidemment, les suggestions de la CECM sont plus amples que les articles pertinents à ces questions qui se trouvent au projet de loi. Je ne dis pas que nous ne retiendrons pas certains éléments parmi l'énumération des droits qui feraient partie de la charte des droits de l'enfant.

Je voudais quand même attirer l'attention de MMe Lavoie-Roux et des représentants de la CECM sur différents articles du projet de loi qui démontrent la préoccupation du législateur à l'égard des droits de l'enfant.

Premièrement, le premier considérant est, à mon sens, très important en ce qui concerne les enfants. Il se lit comme suit: "Considérant que tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques destinés à assurer sa protection et son épanouissement."

Evidemment, c'est un énoncé de portée générale, mais il a quand même une portée à l'égard des enfants en particulier.

J'attire aussi l'attention de la Commission des écoles catholiques de Montréal sur l'article 36. J'ai eu l'occasion, je crois, plus tôt, dans la matinée, de commenter d'une certaine façon cet article pour dire qu'il contenait énormément de résultats de l'évolution dans les rapports entre les enfants et ceux qui ont autorité sur eux. A ce sujet, étant donné la préoccupation de la Commission des écoles catholiques de Montréal de maintenir l'unité de la famille, j'attire son attention sur le projet de loi no 78 qui n'est pas, évidemment, débattu devant la présente commission, mais qui a été adopté au cours de la dernière session, Loi concernant la protection des enfants soumis à des mauvais traitements.

L'article 14 b) énonce que le comité pour la protection de la jeunesse doit, dans la mesure du possible, préserver le milieu familial dans lequel se trouve l'enfant. Donc, je crois qu'on trouvera dans cet article un prolongement du principe énoncé à l'article 36. Quant aux aspects du projet de loi no 50 qui parlent de la discrimination, ils s'appliquent absolument aux enfants dans le système scolaire pour éviter des phénomènes de discrimination. La philosophie incorporée aux articles 11 à 17 sur la non-discrimination est tout à fait applicable et transpo-sable au milieu scolaire, surtout après l'implantation du bill 22 avec tous les problèmes que cela peut causer dans différents milieux et, en particulier, au niveau de la CECM. Je crois qu'il est particulièrement important que notre société démontre une intention à tous les niveaux d'éviter les formes de discrimination. Cela, justement, de façon à établir des rapports normaux avec toutes les minorités ethniques ou autres et en particulier celles qui s'incorporent au système scolaire que dirige la CECM à Montréal.

Je souligne cet aspect qui est extrêmement présent à mon esprit. Je me rends compte parfaitement des difficultés qui résultent de l'application du bill 22, des désaccords que ceci suscite dans certains secteurs de la société qui ont adopté une position contre le bill 22. Je ne leur reproche pas d'avoir des idées différentes de celles du gouvernement. C'est leur droit. Nous sommes en société démocratique, mais je crois que pour notre société tout entière, c'est un impératif absolu à l'heure actuelle de réduire toutes les causes de discrimination, des zones de conflits entre les groupes ethniques et les groupes linguistiques, tout en donnant, évidemment, au français la place qui lui revient normalement au

Québec, étant donné que c'est la langue de la majorité, ce qui est quand même l'élément d'où il faut partir.

Pour revenir au cas particulier des enfants, dans les droits économiques et sociaux nous avons quand même voulu tenir compte du droit des enfants à l'éducation. Nous l'avons mis comme principe de la charte. C'est un acquis.

Si on revient à l'époque d'avant l'application de la loi sur l'école obligatoire — je pense que cela date de 1942 — époque où on contestait à l'Etat le droit d'obliger les parents à envoyer leurs enfants à l'école, que de chemin parcouru, alors qu'aujourd'hui, c'est un principe qui est incontestable et que l'Etat doit, dans ces conditions, fournir l'éducation.

Quant à la diversité des croyances religieuses et morales, il faut tenir compte d'autres dimensions, les dimensions constitutionnelles, au point de vue du système protestant et du système catholique. Mais nous avons voulu, quand même, introduire un facteur de flexibilité, qui déborde exclusivement les préoccupations constitutionnelles de donner un enseignement catholique et un enseignement protestant, pour que la liberté de religion et la liberté des parents de voir à ce que leurs enfants aient un instruction religieuse et morale suivant leurs propres convictions acquièrent une reconnaissance dans le système scolaire, sujette, évidemment, aux préoccupations constitutionnelles, sujette aussi à l'importance des groupes en question, sujette à toutes sortes de contingences matérielles, physiques, à nos ressources financières pour donner ce genre de service.

Donc, je trouve que, si on analyse le projet de loi, on verra que beaucoup des préoccupations de la CECM y trouvent une réponse. Peut-être pas toute la réponse, je ne le dis pas, parce que n'oubliez pas qu'il y a tout un développement législatif à prévoir sur le plan du code civil. On sait que toute la partie de notre code civil qui traite de la famille, des rapports entre parents et enfants, des rapports entre époux, qui sont des facteurs dont il faut tenir compte, a subi assez peu de modifications depuis 100 ans que le code civil existe. Aujourd'hui, l'Office de révision du code civil est en train de regarder tout cela et, d'ailleurs, a fait certaines suggestions dans un rapport préliminaire sur le droit de la famille, qui a été rendu public récemment et qui veut rendre compte des développements sociaux et législatifs nécessaires pour que le droit actuel soit conforme aux problèmes et aux impératifs de la famille en 1975, ce qui représente quand même une évolution.

Alors, on pourra aussi, je pense bien, à la lumière de l'adoption d'un nouveau code civil, voir que le problème de l'enfance va subir des transformations. Il y a une autre zone où j'entrevois de grands développements; c'est dans le domaine de la protection de la jeunesse. On sait que le gouvernement avait déjà, il y a quelques années, déposé un projet de loi, le projet de loi no 65, qui, d'ailleurs, avait été controversé à l'époque. Je crois que la CECM avait comparu pour faire des représentations. Je me souviens que Mme Lavoie-Roux était venue à la commission parlementaire conjointe de la justice et des affaires sociales.

Depuis ce temps, nous avons consacré beaucoup de réflexion à ce domaine de la protection de la jeunesse et nous essayons d'arriver à des formules où nous allons évidemment tenir compte de la dimension sociale du problème et aussi de la dimension légale ou juridique de la question, de façon à faire en sorte qu'il y ait plus de cohésion, de cohérence dans l'attitude de ces deux secteurs fondamentaux dans le domaine de la protection de la jeunesse.

J'entrevois là aussi des développements qui vont venir peut-être plus concrétiser la protection de la jeunesse, de l'enfance, sans compter, évidemment, cette loi 78 à laquelle je faisais allusion et qui a fait un pas au moins en ce qui concerne les enfants soumis à des mauvais traitements.

A ce point de vue, je signale à Mme Lavoie-Roux l'intérêt qu'il y a de dire aux enseignants, dans son système scolaire, de signaler au comité pour la protection de la jeunesse les cas d'enfants qui sont remarqués comme subissant de mauvais traitements. Parce qu'avec cette loi, cela devient une obligation universelle, pour toute personne au Québec, que de dénoncer des cas d'enfants qui sont soumis à de mauvais traitements. La mesure a évidemment été assez radicale, elle est exorbitante du droit généralement en vigueur dans ce domaine parce qu'il n'y a pas de loi que je connaisse qui force les gens à se faire les dénonciateurs des autres.

Mais, dans le cas des enfants soumis à de mauvais traitements, étant donné qu'ils sont sans défense, qu'ils sont soumis à l'autorité parentale, il nous a fallu aller à des mesures plus fortes et faire en sorte que toute personne qui constate qu'un enfant est soumis à de mauvais traitements physiques, je ne dis pas des critiques sur le plan du mode d'éducation que peuvent donner les parents, ou enfin des difficultés d'ordre psychologique, parce que là franchement cela nous aurait amenés peut-être dans un système de délation beaucoup trop étendu, rapporter de tels cas.

Mais les enseignants, dans les écoles, sont, dans nombre de cas, aptes à constater eux-mêmes lesquels de leurs enfants peuvent subir de mauvais traitements dans leur milieu familial. A ce moment-là, ils doivent le rapporter au comité pour la protection de la jeunesse qui, lui, analyse le cas et juge des mesures à prendre, soit sociales, soit judiciaires, enfin avec tout l'éventail que l'on connaît.

Donc, nous nous sommes préoccupés de cette question de la protection de la jeunesse et, comme je le dis, cette loi 78, c'est un premier pas, mais on peut entrevoir dans un avenir assez rapproché d'autres développements pour la reprise du débat dans tout le domaine de la protection de la jeunesse. D'ailleurs, le ministre des Affaires sociales l'a dit récemment et je suis du même avis.

Je crois que ces développements, sur le plan du code civil, de la protection de la jeunesse et ce qui se trouve dans les dispositions du projet de loi 50, devraient auand même faire accomplir des pas

importants du côté des préoccupations qui sont les vôtres.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais simplement répondre à M. le ministre que je pense que nous avons tout à fait reconnu au départ que des principes généraux qui étaient énoncés dans la loi trouvaient une application tant auprès des enfants qu'auprès des adultes. Mais je reconnais avec vous que dans la loi 78 on voit à l'article 14 b) qu'on pense au maintien de la vie familiale pour l'enfant aussi longtemps que possible.

Je voudrais faire deux remarques. Dans le premier cas, c'est: Considérant que tout être humain possède des lois et libertés intrinsèques destinées à assurer sa protection et son épanouissement; pour nous, cela ne nous semble pas assez spécifique relativement aux enfants. On a tendance à croire — et je rejoins ici le principe 8 que j'énonçais tout à l'heure en page 7 de notre mémoire ce n'est pas reconnu par la société en général — que l'enfant a quand même droit à ses expressions d'opinion, a droit à se faire entendre, par exemple, dans un cas de placement, dans un cas de protection de l'enfance et tout cela, et qu'on est continuellement porté à considérer l'enfant comme une personne diminuée. C'est vraiment cette mentalité qui doit évoluer au point où on lui reconnaît vraiment les mêmes droits qu'à l'adulte, évidemment dans un contexte différent, avec les nuances que cela demande.

Maintenant, pour ce qui est du maintien du milieu familial, je suis d'accord avec vous que c'est un excellent pas quand, à l'article 14 b), on le mentionne. Mais il ne s'agit pas ici d'une loi qui touche vraiment, c'est excellent qu'on y ait pensé, qu'elle soit faite et tout cela... mais, c'est quand même une partie très limitée des enfants inadaptés ou des enfants qui ont des problèmes sociaux ou psychologiques. Alors, je pense que ce maintien de la famille comme principe devrait s'étendre à tous les autres cas d'enfants en difficulté ou de familles en difficulté. Alors, si c'est un bon pas dans la bonne direction et si, par contre, on croit au grand principe général du maintien de la famille, c'est dans ce sens qu'il devrait peut-être être introduit.

M. Choquette: Vous aimeriez qu'il ait une portée plus générale...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Choquette: ... strictement que ce qu'on trouve dans le projet de loi 78.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Choquette: Alors que je vous disais que ceci manifestait la préoccupation...

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

M. Choquette:... générale, vous aimeriez que ce soit exprimé.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Choquette: Je note votre suggestion.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Pilote): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Burns: M. le Président, je n'ai pas de commentaires, sinon que de remercier également la Commission des écoles catholiques, Mme Lavoie-Roux et ses collègues, d'être venus nous soumettre leur mémoire.

M. Choquette: Mon conseiller me demande de vous poser une question.

Que visez-vous précisément par votre article 3, à la page 7: L'enfant doit bénéficier pleinement des mesures de prévoyance et de sécurité sociale, et doit être protégé contre toute exploitation avant et au moment de quitter l'école?

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'on pourrait parler de différentes formes d'exploitation de l'enfant, par exemple si on pense à la publicité, si on pense à l'exploitation au plan du travail, les invitations qui sont faites en faisant miroiter aux jeunes le fait qu'ils pourraient recevoir un salaire en allant travailler. On les incite à quitter l'école avant que leur formation ne soit complétée. Je pense qu'on pourrait citer d'autres exemples d'exploitation des jeunes, tant durant leur temps d'école qu'au moment de la sortie de l'école.

M. Choquette: Merci beaucoup.

Le Président (M. Pilote): D'autres questions?

On vous remercie, Madame, ainsi que ceux et celles qui vous accompagnent, et soyez assurée que nous allons prendre bonne note de votre mémoire.

Mme Lavoie-Roux: Merci bien!

Le Président (M. Pilote): La séance suspend ses travaux jusqu'à trois heures, alors que nous entendrons la Fédération des travailleurs du Québec, représentée par M. Fernand Daoust.

(Suspension de la séance à 13 h 8)

Reprise de la séance à 15 h 30

M. Pilote (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre, messieurs!

J'invite M. Fernand Daoust, représentant de la Fédération destravailleursdu Québec, à bien vouloir présenter son mémoire. M. Daoust.

Fédération des travailleurs du Québec

M. Daoust (Fernand): M. le Président, avec votre permission, je vais vous lire ce document de quelque neuf ou dix pages, quitte à le commenter aussi au moment de la lecture.

La FTQ ne possède pas les énergies disponibles pour faire une étude exhaustive de tous les articles du projet de loi 50. Mais nous avons quand même tenu à faire part au gouvernement de remarques touchant plus spécifiquement les droits des travailleurs et travailleuses, les droits des syndiqués, les droits judiciaires qui se situent dans le prolongement de l'exercice des droits syndicaux, ainsi que l'ensemble des conditions de viequi affectentdirectement les travailleurs. Nous avons enfin certaines remarques à faire, d'ordre plus général, sur l'orientation du projet de loi. L'ensemble des commentaires que nous désirons porter à votre connaissance se situent dans le prolongement des positions officielles de la FTQ.

Malgré que nous accueillons le principe du projet de charte et certaines de ses dispositions avec satisfaction, le projet de loi actuel nous semble toutefois dépourvu des garanties fondamentales nous assurant que la charte s'incarnera véritablement dans notre réalité québécoise et imprégnera tant les décisions gouvernementales que les façons de penser et d'agir de la collectivité québécoise; pas plus que nous ne trouvons dans le projet soumis le souci de garantir aux travailleurs les droits socio-économiques qui nous apparaissent fondamentaux.

Notre présence à cette commission a donc pour but de souligner, pour le bénéfice des membres de l'Assemblée nationale et de l'opinion publique, les lacunes majeures du projet de loi 50, qui, à notre sens, en font une pièce législative quelque peu boiteuse; nous voulons également souligner certaines imperfections du projet, auxquelles il serait possible de remédier par des amendements.

Nous n'avons pas la naiveté de croire que les lacunes majeures que présente le projet de loi 50 sont susceptibles de disparaître en troisième lecture. Les grands oublis du législateur, pour fondamentaux qu'ils soient, constituent autant de gestes politiques qu'il faut reconnaître comme tels. Nous n'avons pas à nous étonnerde l'incompatibilité des positions gouvernementales et des positions syndicales à l'égard d'un projet de charte des droits, texte qui ne peut que constituer la synthèse de la conception de l'organisation sociale véhiculée par ses auteurs; cette incompatibilité n'est pas nouvelle. Ceci dit, nous voulons profiter de notre droit à exprimer notre dissidence, en soumettant également quelques modifications mineures, acceptables, à notre sens, par le législateur.

Voilà dix ans que la FTQ réclame du législateur une charte québécoise des droits de la personne. Avant-dernière province canadienne à se doter d'une charte des droits, le Québec a l'avantage de pouvoir profiter des expériences des autres provinces et de pouvoir identifier les faiblesses des pièces législatives canadiennes de même nature. A cet égard, l'aspect le plus positif du projet de loi qui nous est soumis est sans doute la création d'un organisme chargé de la diffuser et de voir à son application. L'expérience semble en effet démontrer que des législations visant à abattre la discrimination demeurent lettre morte, en l'absence d'un organisme spécifiquement chargé de l'incarner dans des institutions et rouages de la vie collective.

Nous exprimons donc notre satisfaction de voir le législateur enfin répondre aux demandes répétées de doter le Québec d'une charte des droits, de même que nous approuvons le principe de la création d'une commission.

Pour une loi fondamentale.

A la suite de plusieurs organismes, nous voulons nous aussi demander au gouvernement de faire de sa charte des droits une loi fondamentale qui ait préséance sur toutes les autres lois, et amène obligatoirement le gouvernement à ajuster toutes les législations québécoises actuellement en vigueur aux codifications de la charte. Sans doute un tel travail serait-il fort lourd, mais il nous apparaîtrait le prolongement naturel de la volonté gouvernementale de doter les Québécois d'une charte des droits, car l'utilité d'une telle pièce législative sera sapée à la base, si on ne lui donne pas une position centrale dans l'élaboration des politiques gouvernementales. La persistance du gouvernement à refuser de donner ce caractère fondamental à ce document législatif transformera cette charte en façade honorable et son adoption en entreprise de relations publiques. L'adoption du projet de loi 50, sans modification à ce niveau, constituerait un bien petit pas en avant; qu'on ne le fasse pas passer pour un pas de géant.

La coexistence pacifique éventuelle de la loi 51 avec une charte garantissant des droits que la loi 51 a précisément pour rôle d'annihiler constitue pour nous une illustration de l'absurdité qu'il y a à doter une collectivité d'une charte des droits non fondamentale. La loi 51 a pour objet de rendre régulière et admissible, pour peu que ce soit la volonté du gouvernement, l'utilisation de mesures d'exception violant certains articles du projet de charte à l'étude: perquisitions sans mandat, saisies, écoute électronique. Nous avions dénoncé, en temps et lieu, avec un grand nombre d'organismes, cette loi 51, mais, sans succès.

Nous continuons à penser qu'il est indigne d'une société démocratique de se donner les pouvoirs d'un Etat policier. L'existence de la loi 51 contribue donc à rendre quelque peu ironique la présentation d'une charte des droits.

Pour ce qui est de la commission chargée no-

tamment d'enquêter sur les atteintes à la discrimination, nous serions rassurés de voir son mandat couvrir tous les droits et libertés énoncés dans la charte et non pas seulement les articles 11 à 17. Il s'agit làd'une restriction qui contribue elle aussi à transformer en pièce décorative le projet de charte.

Pour un principe d'égalité.

Pour la FTQ, une charte des droits devrait avoir comme pierre d'assise un principe d'égalité de tous les citoyens au niveau de toutes les manifestations de l'activité collective. Cette préoccupation est absente du projet.

Nous ne trouvons pas dans le chapitre I, section I (libertés et droits fondamentaux), une garantie à l'effet que tous les citoyens doivent être assurés de développer de façon maximale leurs aspirations et aptitudes ainsi que d'avoir un accès égali-taire aux biens et services sociaux. Seul l'article 10 parle d'égalité, mais de façon bien restrictive, puisqu'il s'agit d'égalité devant la loi. Quant à nous, au-delà des généralités des articles 1 à 6, une charte des droits véritablement démocratique et avancée ne saurait avoir d'autre point de départ qu'une déclaration de principe allant dans le sens de la reconnaissance de l'égalité sociale de tous les citoyens. Ce principe de base devrait inspirer d'autres sections de la charte, notamment celle sur les droits économiques et sociaux. Ce n'est pas le cas.

Pour les droits des travailleurs.

Il est un droit élémentaire que le projet de loi passe absolument sous silence: le droit au travail. On parle du droit à l'assistance financière, mais pas du droit au travail. Pour nous, la justice sociale et la démocratie commencent par la garantie que toute personne valide et en mesure de travailler doit être pourvue d'un emploi répondant à ses compétences. Nous reviendrons plus loin sur l'article 42, qui a pour objet de garantir des conditions de travail équitables aux travailleurs en emploi.

Dans le prolongement du droit au travail auquel il est d'ailleurs conditionné, nous réclamons depuis quelques années un droit véritable pour tous les travailleurs à la syndicalisation. Malgré que l'on n'ait pas jugé bon de l'inclure dans la charte, les travailleurs, sauf quelques exclusions, ont un droit formel de se syndiquer, en vertu du code du travail Il en est cependant bien autrement lorsque vient le moment d'incarner ce droit. Les lois du travail actuelles, en écartant le principe de l'accréditation sectorielle, permettent l'existence d'un marché du travail défavorisé, royaume de l'exploitation des catégories traditionnellement discriminées, notamment les femmes et les travailleurs immigrés. Les syndicats, dont les ressources sont limitées, ne parviennent pas à pénétrer ces secteurs, dépourvus qu'ils sont d'un cadre légal permettant de vaincre les obstacles objectifs à la syndicalisation. A titre d'exemple, mentionnons la taille des entreprises. Ces lacunes législatives empêchent plus d'un travailleur sur deux d'avoir accès à une sécurité d'emploi minimum, au respect de ses droits et à la revendication collective. Pour la FTQ, le droit à la syndicalisation se confond avec le droit de ne pas être un objet bal- lotté sur le marché du travail au gré des plus puissants.

Il n'est pas suffisant d'avoir le droit à la syndicalisation. Même si on a réussi à se syndiquer, encore faut-il avoir et conserver le droit de grève. Nous ne faisons pas mystère à la FTQ que nous considérons que les travailleurs devraient avoir le droit de grève en tout temps, et ne plus être assujettis à des délais stricts comme l'indique l'actuel code du travail. Depuis plusieurs années, nous réclamons que l'on cesse de limiter la capacité d'exercer notre droit de grève. Pas plus qu'il était réaliste de croire que l'abolition du droit de grève dans le secteur public allait interdire toute grève, il n'est pas réaliste de vouloir enfermer notre droit de grève à l'intérieur d'étroites frontières. La profusion de grèves illégales que nous avons connue ces temps derniers en constitue une preuve. Les travailleurs n'ont d'autre arme que celle-là; ils ne se résigneront pas à la laisser au placard deux fois sur trois. C'est pourquoi le droit de grève est pour nous irremplaçable et inaliénable, sauf en cas d'entente volontaire; aucune autre procédure ne peut le remplacer et n'est susceptible de préserver une possibilité pour les travailleurs de profiter du rapport de force employeur-travailleurs. C'est pourquoi enfin le droit de grève est un droit qui devrait figurer dans une charte des droits.

Le droit de grève à son tour n'est pas sans subir plusieurs outrages qui l'invalident bien souvent. Toute légale qu'elle soit, une grève risque fort d'être annihilée par l'action combinée de la limitation du droit au piquetage et la possibilité laissée à l'employeur de poursuivre la production avec l'aide de briseurs de grève.

Il n'est donc pas suffisant d'avoir le droit théorique à la grève. Il faut en plus pouvoir l'exercer avec un minimum d'efficacité. A cet égard, les lois du travail qui ne prévoient pas l'interdiction d'utiliser des "scabs" portent atteinte au droitde grève. Que dire enfin des injonctions accordéees si complaisamment, ces procédures judiciaires qui ne respectent pas les lois démocratiques élémentaires, et on cite la règle: Audi alteram partem, et annulent les effets de la grève, cela sans parler de l'outrage au tribunal, procédure arbitraire s'il en est, qui frappe trop souvent les travailleurs.

Ils ont persisté a exercer un droit qu'on veut leur soustraire, mais contre l'utilisation abusive des injonctions dans les conflits de travail qui ont pour conséquence de perturber les rapports de force; contre l'utilisation abusive des outrages au tribunal, qui ne visent pas à permettre le déroulement normal d'un procès, mais interfèrent eux aussi dans l'exercice d'un droit démocratique, la charte des droits québécois ne dit pas un mot.

Les critères de discrimination.

L'article 11, où l'on retrouve la liste des critères de discrimination, omet certaines catégories importantes. Il s'agit de l'état civil: les femmes mariées, notamment, ayant parfois des démêlés avec des employeurs ou encore des institutions financières; il s'agit aussi de l'âge, les membres de certaines catégories d'âge (les plus jeunes ou les plus âgés) rencontrant des difficultés particulières sur le marché du travail.

La discrimination à l'endroit des femmes.

Quelques articles du projet de loi 50 concernent directement les femmes sur le marché du travail. Avant de faire nos commentaires sur les articles 17 et 43, nous voudrions réclamerque l'on ajoute à la charte un article assurant que les hommes et les femmes ont des droits égaux en tant que citoyens ainsi qu'à l'intérieur du couple. Ce principe devrait être explicitement à la base des articles concernant spécifiquement les femmes.

L'article 17 veut annihiter certains effets possibles et excessifs de l'article 11 (critères de discrimination), mais sans contester l'opportunité d'une telle précaution, quelques lignes de l'article 17 nous semblent dangereuses.

La première partie de l'article 17 nous apparaît, en effet, charrier le statu quo et tout son potentiel de discrimination, d'ailleurs largement utilisé, envers les femmes au travail. On y admet qu'un employeur peut exprimer une "distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes exigées pour un emploi". Cette petite phrase est suffisante pour permettre la perpétuation d'un double marché du travail, l'un pour les hommes et l'autre pour les femmes, d'un double système de placement et d'offre d'emploi. Le caprice des employeurs, qui ont compris que les concepts "salaires féminins" et "salaires masculins" charrient des réalités monétaires bien différentes, permettra encore de statuer que les aptitudes requises font qu'il est impérieux que les postes de téléphoniste, dactylo et d'opératrice de machine dans l'industrie du vêtement soient confiés à des femmes, alors qu'il est tout aussi impérieux que les postes d'inspecteur de la production dans les usines, de mécanicien et de gérant des ventes soient confiés à des hommes.

La FTQ, lors de son dernier congrès, considérait que la désexualisation du marché du travail était l'objectif prioritaire à atteindre, si l'on voulait que cesse la discrimination à l'endroit des femmes. C'est pourquoi nous demandons aux auteurs du projet de loi 50 de repenser cet article, pour éviter que les femmes et réciproquement les hommes ne puissent accéder à certains emplois. Nous croyons que les hommes et les femmes devraient être libres d'accéder aux emplois qu'ils désirent, indépendamment des performances musculaires exigées par tel type d'emploi. Si une femme a la résistance requise et désire être éboueur, plombier ou camionneur, nous ne voyons pas comment un employeur pourrait l'en empêcher à moins de faire de la discrimination. On cite le cas du Syndicat des métallos qui a maintenant quelques femmes-mineurs sur la Côte-Nord. Malheureusement, l'article 17, dans sa rédaction actuelle, permettrait largement cette discrimination.

Nous ne voulons pas suggérer ici une formulation précise. Nous demandons, toutefois, au gouvernement de reconsidérer la rédaction de cet article; l'exemple américain (Civil Rights Act of 1964, Title VII, tel qu'amendé en 1972) pourrait constituer une heureuse inspiration. Ce texte de loi stipule que les seules exceptions permises par la loi antidiscrimination désignent les cas où la religion, le sexe ou l'origine ethnique constituent des quali- fications professionnelles "bona fide" raisonnablement nécessaires au fonctionnement normal de l'organisme ou de l'entreprise. En cas de plainte, l'employeur doit prouver que tel est véritablement le cas; la jurisprudence semble indiquer que, dans les cas de discrimination sexuelle, des raisons "d'authenticité" doivent être invoquées: les acteurs, les éducateurs spécialisés, etc.

L'article 43 concernant le salaire (traitement égal pour un travail égal) témoigne de la même faiblesse que l'article 17. S'il est grandement temps que les citoyens, et principalement les citoyennes québécoises se voient assurés de cette garantie de justice élémentaire, puisque nous étions les seuls en terre nord-américaine à ne pas l'avoir, nous pourrions au moins profiter des expériences des autres pour passer un article de loi sans reproche et assuré d'atteindre l'objectif visé. A cet égard, il est élémentaire de nuancer l'expression "travail égal" pour que des différences absolument mineures ne puissent être invoquées pour justifier le paiement de salaires inférieurs aux femmes. Des expressions comme "travail équivalent" ou "de valeur égale" seraient sans aucun doute pertinentes. L'on n'a d'ailleurs en ce domaine qu'à prendre exemple sur les provinces canadiennes à l'ouest du Québec, ainsi que sur le code canadien du travail;' les provisions législatives que ces gouvernements ont votées en ce domaine vont dans le sens que nous indiquons.

Nous trouverions, également, opportun de compléter l'exigence du salaire égal par celle d'avantages sociaux égaux, sauf pour ce qui concerne la maternité.

Les cas où les femmes comme groupe sont discriminées au niveau notamment des régimes de retraite sont nombreux.

Quant aux circonstances pertinentes dont il est question au paragraphe suivant, l'expérience des provinces ou pays où l'Etat a légiféré en ce sens a démontré que les employeurs tentent toujours de faire flèche de tout bois et de toute circonstance plus ou moins pertinente, c'est pourquoi de telles généralités nous semblent à proscrire, dans la mesure où ne sont pas rédigées en même temps des réglementations précises et où aucun organisme n'est mandaté expressément pour surveiller la situation et la corriger làoù c'est nécessaire, à l'aide de sanctions significatives.

Tout en espérant que les articles 17 et 43 seront remaniés, nous croyons toutefois que ces questions de discrimination envers les femmes au travail mériteraient une loi indépendante de la charte, de même qu'un organisme spécifique pour appliquer les pouvoirs d'enquête et de sanction qu'une telle loi ne manquerait pas d'avoir, nous l'espérons. Nous remarquons, d'autre part, à l'article 78, la disparition de la loi sur la discrimination dans l'emploi; nous ne le regrettons pas, car elle était bien pauvre et inefficace, mais les articles 17 et 43 ne suffisent pas à remplacer une loi spécifique.

La FTQ est entièrement d'accord sur le principe et la rédaction de l'article 40 qui garantit aux minorités ethniques le droit de faire progresser leur propre vie culturelle. Cette garantie est indis-

pensable dans une société démocratique et hétérogène. Autant l'article 40 nous semble bien venu, autant il serait normal de garantir le droit pour la majorité de prendre les mesures requises pour protéger ses droits culturels et linguistiques, à commencer par celui d'intégrer les immigrants à la collectivité francophone, sans porter atteinte à leur authenticité culturelle. Majoritaires au Québec, mais de plus en plus minoritaires au Canada, les francophones que nous sommes ne devraient pas hésiter à s'affirmer comme tels dans une charte des droits. A cet égard, le gouvernement est beaucoup trop timoré dans l'ensemble de ses politiques linguistiques et ne devrait pas céder sous les pressions des groupes extrémistes anglophones.

Pour des conditions de travail équitables.

L'article 42 a pour objet de garantir des conditions de travail justes et raisonnables. Nous trouvons la formulation un peu brève. Nous proposons d'inclure dans cet article d'autres notions: celle d'une rémunération équitable, susceptibled'assu-rer au travailleur et à ses dépendants un niveau de vie décent; celle d'un milieu de travail sécuritaire; celle de conditions justes et raisonnables en ce qui concerne les heures de travail et les congés.

Nous avons insisté dans notre mémoire sur les droits collectifs. Il ne fait pas de doute pour nous que ce sont les groues organisés dans notre société qui sont à l'origine des changements sociaux, qui lui apportent son dynamisme, et qui contribuent à améliorer les conditions objectives de vie de la population. En ce sens, les droits individuels que reconnaît le projet de loi 50, pour importants qu'ils soient, sont très insuffisants si on ne complète pas cette approche par une autre approche collectiviste. C'est ce point de vue que notre mémoire a voulu défendre.

Le Président (M. Sylvain): M. le ministre de la Justice.

M. Choquette: M. le Président, je suis prêt à céder mon droit de parole à d'autres députés autour de cette table. Je donnerais mon avis et je poserais mes questions à M. Daoust peut-être après, s'il y ad'autresdéputésqui veulent prendre la parole, libre à eux.

M. Burns: Je trouve que le mémoire de la Fédération des travailleurs du Québec est très clair. En ce qui me concerne, je ne sens pas le besoin de poserdesquestions à M. Daoust. Encore une fois, j'espère que, lorsque la commission siégera article par article, elle prendra bonne note de certaines des recommandations de la FTQ.

Le Président (M. Sylvain): Y a-t-il d'autres membres de la commission qui veulent s'exprimer?

M. Choquette: Si aucun autre membre de la commission ne veut s'exprimer, je désirerais m'exprimer, M. le Président.

Je trouve que la rapidité avec laquelle le secrétaire général de la FTQ a lu le mémoire de son groupe symbolise peut-être la rapiditéde la rédaction du mémoire. Je pense que M. Daoust n'a pas prononcé ce mémoire avec toute la conviction qu'on aurait attendue de lui. Il me semble qu'il s'agit d'une espèce de devoir qui a été fait rapidement, pour que la FTQ fasse surface. Je ne reproche pas à la FTQ de vouloir faire surface, après un certain nombre de révélations à la commission Cliche. Sans insister sur le caractère accablant des révélations faites...

M. Burns: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. Choquette: Non. J'ai la parole.

M. Burns: II n'y a pas d'affaire...

Voyons donc! Vous le faites exprès absolument actuellement et de façon dégueulasse, absolument dégueulasse pour changer le sujet, et c'est tout à fait drôle, M. le Président, que ce matin, le ministre de la Justice nous dise: J'ai un tas de commentaires et un tas de questions à poser aux représentants de la Ligue des droits de l'homme. J'ai un tas de problèmes à soulever aux représentants de la Commission des écoles catholiques de Montréal et tout à coup, il saisit cette occasion pour soulever les problèmes qui sont discutés à la commission Cliche à l'endroit, justement, d'une personne qui est en train d'essayer de faire de son mieux pour devancer les travaux de la commission Cliche.

A ce moment, M. le Président, je trouve que l'attitude du ministre...

M. Choquette: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. Burns: Invoquez ce que vous voudrez. Le Président (M. Sylvain): A l'ordre! A l'ordre! M. Choquette: J'invoque le règlement.

M. Burns: C'est dégueulasse, absolument dégueulasse.

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre! A l'ordre! M. Choquette: J'invoque le règlement. M. Burns: Invoquez ce que vous voudrez. Le Président (M. Sylvain): A l'ordre! A l'ordre!

M. Burns: Vous rabaissez le ministre de la Justice à faire des choses comme vous faites...

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre! A l'ordre! M. Burns: ... absolument.

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre! Selon moi, il n'est pas de circonstance qu'on s'obstine de cette façon quand on recherche à promouvoir la liberté des droits individuels.

M. Burns: On vient de voir la dimension du ministre de la Justice...

M. Choquette: M. le Président, j'ai soulevé une...

M. Burns: On vient de voir exactement...

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!

M. Choquette: M. le Président, j'en ai assez de la démagogie du député de Maisonneuve...

M. Burns: Parlons de la démagogie du ministre de la Justice.

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!

M. Choquette: Non! Non! Non!

Le Président (M. Sylvain): J'invite le ministre de la Justice...

M. Choquette: J'avais la parole, et j'ai même dit...

M. Burns: Vous avez des gens à qui actuellement, on nous défend de poser des questions devant la commission parlementaire.

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!

M. Burns: ... qu'on nous défend de soulever devant l'Assemblée nationale...

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!

M. Choquette: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!

M. Burns: Le ministre lui-même...

M. Choquette: Qui a la parole?

M. Burns: ... saisit l'occasion...

M. Choquette: Qui a la parole?

Le Président (M. Sylvain): Je vais la prendre, si vous voulez me la laisser.

M. Choquette: Décidez-vous!

M. Burns: Servez-vous en de votre droit de parole...

M. Choquette: Etes-vous président ou ne l'êtes-vous pas?

M. Burns: ... à la hauteur de votre fonction.

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!

M. Choquette: Laissez faire ma fonction. Je m'occupe de ma fonction...

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!

M. Choquette: ... occupez-vous de la vôtre!

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!

M. Burns: On a un très bel exemple dans la personne du premier ministre.

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!

M. Choquette: Occupez-vous de votre fonction. Je vais m'occuper de la mienne. J'ai soulevé une question de règlement et je vous dis que vos propos sont irrecevables et que j'ai le droit de m'adresser à M. Daoust qui est un homme qui est capable de se défendre...

M. Burns: J'ai le droit de vous dire que c'est absolument dégueulasse ce que vous faites.

M. Choquette: Vous êtes hors d'ordre en me disant que je suis dégueulasse. Avez-vous compris? Vous êtes hors d'ordre.

M. Burns: Je vous dis et je vous répète. C'est bien dommage, mais vous n'avez pas de chef de police pour me fermer la bouche actuellement.

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre! A l'ordre!

M. Choquette: Vous avez un complexe policier.

M. Burns: C'est vous qui l'avez!

M. Choquette: Non. Moi, j'ai le complexe de la libre parole! J'ai le droit de m'adresser à M. Daoust, parce qu'il est capable de m'entendre.

M. Burns: Mais vous faites quelque chose qui n'est absolument pas à la hauteur d'un ministre de la Justice.

M. Choquette: Laissez faire la hauteur du ministre de la Justice.

M. Burns: D'ailleurs, là-dessus, vous suivez très bien le premier ministre, qui n'a jamai s été à la hauteur!

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!

M. Burns: ... c'est juste un back-bencher!

M. Choquette: M. le Président, le ministre de la Justice ne se prétend pas atteint de hauteur.

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre! A l'ordre! M. le ministre, à l'ordre!

M. Burns: Faites toutes vos conneries! Allez-y!

Le Président (M. Sylvain): Si le député de Maisonneuve veut intervenir, le ministre de ia Justice avait la parole.

M. Burns: Je vais lui laisser faire ses conne-ries!

Le Président (M. Sylvain): II opinait avec quelqu'un à la barre. A mon sens, le ministre de la Justice dira ce qu'il voudra et le député de Maisonneuve pourra demander la parole et je la lui donnerai volontiers.

M. Burns: Je pourrai dire ce que je veux aussi.

Le Président (M. Sylvain): Vous direz ce que vous voudrez.

M. Desjardins: II veut se faire expliciter.

M. Choquette: II peut dire tout ce qu'il veut. Je ne l'ai jamais empêché de dire ce qu'il veut. Je n'ai jamais soulevé de question de règlement à contretemps, M. le Président.

Le Président (M. Sylvain): II pourrait y avoir une question de pertinence, aussi, je pense que nous sommes ici pour étudier une charte et entendre quelqu'un à la barre.

M. Choquette: Oui. Oui.

Le Président (M. Sylvain): Continuez votre droit de parole, M. le ministre, et le député de Maisonneuve pourra intervenir après.

M. Burns: II pourra dire ce qu'il voudra, lui aussi, d'accord?

M. Choquette: M. Daoust, je disais donc que j'aurais compté que la FTQ, que vous représentez aujourd'hui, malgré les problèmes qui l'assaillent à l'heure actuelle — et je comprends très bien que vous n'en êtes pas personnellement responsable... A ce point de vue, je pense que le député de Maisonneuve aurait tort de voir dans mes propos une attaque à votre égard. Je conçois très bien que les fonctions que vous occupez peuvent être accaparantes et difficiles. Par contre, je sais que ce projet de loi tenait à coeur, au moins à une certaine époque, à certains membres de la direction de la FTQ. — Je m'étonne qu'on présente un mémoire qui n'offre pas la solidité qu'on devrait en attendre, d'autant plus qu'il est rempli, je dirais, d'un certain nombre d'exagérations, sinon do faussetés.

Par exemple, je note qu'au cours de votre mémoire, vousfaites allusion à la loi 51 etque vous y associez l'écoute électronique. Est-ce que cette écoute électronique vous a fait si mal, M. Daoust, que vous sentiez le besoin de ramenercette question à la surface?

Vous devriez savoir que l'écoute électronique est une matière qui est contrôlée en vertu de la loi de la vie privée, une loi fédérale et aucune loi provinciale ne porte sur ce sujet. Serait-ce, M. Daoust, que certains enregistrements reproduits dans d'autres forums, d'autres commissions, d'autres procès, vous auraient fait tellement mal que vous l'auriez sur le coeur et que vous sentiriez le besoin de reprocher au gouvernement du Québec d'avoir fait son devoir?

M. Burns: Je n'ai jamais vu une intervention d'une bassesse comme celle-là!

M. Choquette: Non, non.

M. Burns: C'est d'une bassesse! Une chance que vous achevez comme ministre de la Justice! Cela paraît!

M. Choquette: Un instant!

Le Président (M. Sylvain): A l'ordre!

M. Burns: C'est d'une bassesse!

M. Choquette: M. Daoust, sentiriez-vous qu'il faut reprocher aux forces policières d'avoir utilisé l'écoute électronique pour venir nous le reprocher à l'occasion de cette loi 51, que vous reprochez au gouvernement comme étant en contradiction avec la charte des droits de l'homme?

Il me semble que je peux poser facilement la question sans soulever l'ire du député de Maisonneuve, mais dans un dialogue avec vous qui se veut au niveau de la bonnefoi que vous manifestez et que votre groupe manifeste, parce que je pense qu'il est temps que la FTQ mette ses cartes sur la table. Ou elle veut être un organisme responsable, un organisme qui représente ses membres, ses travailleurs, pas un organisme qui nous envoie des slogans vides de sens, comme un certain nombre qu'on voit dans votre mémoire. Ce n'est pas ce que le peuple veut à l'heure actuelle. Le peuple veut qu'on représente ses intérêts véritables, pas une série de déclarations qui ne correspondent pas à la réalité et qui ne correspondent pas aux besoins des travailleurs.

M. le Président, je ne veux absolument pas insister sur ce point, parce que le gouvernement dont je fais partie — et je le dis au député de Maisonneuve et à M. Daoust — n'est un gouvernement antisyndical en aucune façon, mais il me semble qu'il est temps que le mouvement syndical atteigne à une certaine maturité. Il me semble que les syndicalistes doivent représenter les intérêts véritables des travailleurs et non pas les intérêts bas, et je garde ce qualificatif d'un certain nombre d'officiers syndicaux dont on entend parler dans les journaux et devant certaines commissions. M. Daoust, je ne vous blâme pas. Je sais que vous avez hérité d'une lourde charge. Mon attaque n'est pas à votre égard. Je sais que votre tâche est immense. Je vous souhaite bonne chance! Si je pouvais vous donner mon appui, je vous le donnerais, mais ne vous enfermez pas dans les slogans qui sont vides de sens et qui ne représentent pas les intérêts véritables des travailleurs.

Au Québec, à l'heure actuelle, il est temps que nous fassions la paix syndicale. Il est temps que nous nous entendions, mais nous allons nous entendre dans un dialogue honnête, réel, véritable, un dialogue qui n'emploie pas de faux-fuyants et de déclarations vides de sens. Je sais que vous êtes trop réaliste pour en employer, c'est pour cela que je ne mets pas sur votre compte le fait que vous ayez lu avec une très grande rapidité ce mémoire, qui n'est pas de votre cru, parce que vous avez autre chose à faire, à l'heure actuelle. Par contre, je désire dire que je vous suis reconnaissant, je suis heureux que la FTQ se soit présentée aujourd'hui, parce que c'était le signe que la FTQ va maturer, dans les mois qui vont venir, pas pour sacrifier les intérêts des travailleurs, personne ne vous demande cela, mais pour prendre les intérêts véritables des travailleurs.

Vous me parlez de droit au travail. Vous nous avez fait des reproches à ce point de vue. C'est un débat idéologique qui peut être intéressant. Là, on tombe dans du concret, parce que, après tout, il y a des sociétés où on garantit le droit au travail, mais on sait quelle est la contrepartie de ce droit au travail. En Union soviétique, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Hongrie, le droit au travail est garanti, mais à quelles conditions? Il n'y a pas de syndicalisme libre. Il n'y a pas de chef syndical, comme vous, qui puisse se présenter devant des commissions parlementaires et dire au gouvernement: Ecoutez, vous allez faire ci, vous allez faire ça. Certainement, tout le monde travaille, mais tant que nous allons avoir un système capitaliste, dans lequel vous êtes aussi impliqués que nous, parce que le syndicalisme est la réplique sociale du système capitaliste, ne nous parlez pas de droit au travail.

Quel employeur peut garantir le droit au travail? Cela ne sert à rien de faire croire aux travailleurs — d'ailleurs, vous le voyez plus que moi-même, M. Daoust, dans le domaine de la construction, alors que vous avez une main-d'oeuvre de 100,000 personnes peut-être, qui est appelée à travailler sur différents chantiers — qui peut garantir la liberté au travail. S'il arrive demain une crise économique et que la construction baisse au Québec et que les entrepreneurs arrêtent de lancer des projets, que va-t-il se produire? Qui va donner une garantie de travail? Qui va rendre ce droit au travail, que vous réclamez, immédiat, concret, pour chacun des 100,000 travailleurs que vous représentez avec la CSN et la CSD? Personne, à moins qu'on décide que le gouvernement va tout prendre en charge. Mais, là, il va falloir accepter la contrepartie, théoriquement. Et la contrepartie, je le regrette, mais c'est la dictature. Vous ne la voulez pas. Nous ne la voulons pas. Et le Parti québécois ne la veut pas. Alors, ne parlez pas de droit au travail, alors que nous n'avons pas les moyens, dans un système de libre marché, de libre entreprise, de garantir cette liberté de travail.

Vous nous avez parlé de droit de grève. Tout le monde admet que le droit de grève existe en principe, pour les travailleurs. Ce n'est pas remis en question. Cela découle du droit d'association. Si vous aviez lu notre projet de loi, vous sauriez que nous reconnaissons le droit d'association. Historiquement, le droit de grève s'associe au droit d'association. C'est la conséquence du droit d'association. Le droit de grève est limité exclusivement dans certaines fonctions particulières, comme celles qui intéressent le maintien de l'ordre public, la police, et peut-être d'autres activités du même ordre, ou encore durant la durée de conventions collectives. Par conséquent, quand vous dites que nous ne reconnaissons pas le droit de grève, comme si nousdevions le reconnaître, je vous dis qu'il est implicite dans ce projet de loi, du fait qu'il y a une reconnaissance du droit d'association et qu'historiquement et juridiquement le droit de grève est associé au droit d'association. Il ne faudrait quand même pas chercher midi à quatorze heures et inventer des choses qui ne sont pas exactes. Personne ne remet ce droit en cause. M. Daoust, pour être réaliste, vous n'allez pas prétendre qu'on peut déclencher des grèves à tout moment, durant les décrets et les conventions collectives et ériger ce système à l'état de principe. L'autre partie, avec laquelle vous négociez, et avec laquelle vous cherchez à arriver à des accords valables pour ceux que vous représentez, a le droit à une certaine sécurité contractuelle aussi. Je comprends qu'actuellement nous sommes dans une période d'inflation. Le coût de la vie mange le salaire des travailleurs, surtout des plus mal payés, pas des mieux nantis, comme ceux de la construction, mais ceux des plus mal payés. Evidemment, je comprends que cela crée des problèmes sociaux. Nous avons le problème de faire coexister le droit légal au respect des contrats, au respect des sentences arbitrales. Nous avons une préoccupation, je suis sûr que vous l'avez aussi, d'avoir le respect de la parole donnée durant un certain temps, sinon, tout est toujours remis en question.

D'un autre côté, il faut bien se rendre compte avec vous, M. Daoust — et à ce point de vue, je comprends vos problèmes — que lorsque le coût de la vie augmente et qu'il y avait des éléments imprévus au moment de la négociation d'un décret ou d'une convention collective, nous avons le problème des travailleurs qui voient leur revenu être mangé par l'augmentation du coût de la vie.

S'il était possible d'avoir un dialogue avec vous pour essayer de résoudre ces problèmes, non pas dans une confrontation, non pas dans un affrontement, mais de résoudre ces problèmes en se disant: Occupons-nous donc du bien commun, et le bien commun intéresse autant les travailleurs que vous représentez que les employeurs, je pense que cela serait plus concret que de nous livrer un peu ce genre de réflexion que vous nous avez faite, sans que je vous fasse des reproches trop graves sur ce plan.

Evidemment, vous nous avez parlé du recours à l'injonction. Mais sait-on que les groupes de travailleurs, les syndicats, ont recours à l'injonction contre les employeurs? Je ne dis pas que l'injonction est la solution parfaite en matière de relations de travail. Je ne dis pas que l'outrage au tribunal

non plus est une solution idéale. Je ne prétendrais pas cela du tout. Il faut probablement rechercher des solutions plus conformes aux problèmes actuels, pour que, à la fois dans le monde du travail et chez les employeurs, on ait conscience que les tribunaux, qui doivent statuer dans certains cas, déterminer les droits et éviter que ce soit la loi de la jungle qui s'instaure, puissent statuer.

Mais nous dire, du jour au lendemain: Ecoutez, l'injonction, l'outrage au tribunal, vous allez nous faire disparaître tout cela. C'est bien beau, mais par quoi va-t-on remplacer le respect des lois? Si c'est possible, mettez-vous à la place de ceux qui ont à administrer la loi. Peut-on avoir un régime de désordre? Quelqu'un, au Québec, veut-il un régime de désordre? Je ne crois pas que ce soit à l'avantage de qui que ce soit. Un régime de désordre sera la catastrophe collective et ne donnera rien à personne.

Evidemment, si vous nous disiez: Nous allons chercher de nouvelles solutions aux problèmes de l'application de la loi aux problèmes sociaux, là, je vous suis, M. Daoust. Je suis prêt à vous suivre sur ce terrain. Il faut que le gouvernement actuel ait un dialogue franc, honnête et sincère avec vous sur ce plan. Mais ne nous servez pas des choses trop banales, parce qu'il faut, je crois, résoudre des problèmes réels, qui intéressent les travailleurs que vous représentez, qui intéressent les employeurs, qui intéressent le gouvernement, qui intéressent la société tout entière.

Je regrette si j'ai été un peu dur avec vous au début. Je ne voulais d'aucune façon vous imputer quoi que ce soit, excepté qu'il y a de larges parties de la population québécoise qui sont un peu scandalisées, à l'heure actuelle, du comportement qui existe dans certains milieux syndicaux. Pour ma part, je vous souhaite bonne chance dans votre tâche d'assainir ce milieu.

Le Président (M. Pilote): Le député de Maisonneuve.

M. Daoust: M. le Président, nous avons préfacé notre mémoire en mentionnant que notre conception de l'organisation sociale véhiculée par la FTQ était incompatible avec la vôtre. Nous ne nous sommes pas cachés pour le dire. Je comprends mal cette flambée que vous avez eue, au tout début, à l'égard de ce qui se passe, à ce moment-ci, à la commission Cliche.

La FTQ a fait connaître, à de multiples reprises, sa désapprobation de certains comportements, de certains gestes, de certaines pratiques syndicales, et elle met tout en oeuvre, depuis le début du mois de décembre, pour assainir les syndicats qui seraient, dans une certaine mesure, responsables d'un tel état de choses. C'est public, nous l'avons répété à satiété et nous prenons les moyens pourf aire en sorte que, chez nous, à l'intérieur de nos rangs, on ne retrouve plus les gens qui se servent de leur poste sur le plan syndical à des fins personnelles.

Nous n'avons pas mâché nos mots pour dénoncer publiquement certaines pratiques et pren- dre les moyens voulus pour qu'il n'y ait pas de récidive dans l'avenir. Je dois vous dire que je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. Je suis loin d'être sur la même longueur d'ondes en ce qui a trait à la rapidité de la lecture du mémoire. Je pense que ce n'est pas tout à fait pertinent. Cela n'affecte en rien la conviction de celui qui le lit et de ceux qui l'ont approuvé. Je dois vous dire qu'essentiellement, indépendamment de toute commission d'enquête, ce mémoire reflète fondamentalement les positions qui ont été prises à de multiples congrès de la FTQ, les grandes orientations qui nous ont été données par des délégués. Elles sont traduitesdans un document. Je ne connais aucun des aspects soulevés dans ce document qui n'ait pas fait l'objet d'un débat, à l'occasion d'un congrès de la FTQ, que ce soit à l'égard de la loi 51 et du problème du droit de grève et de celui de la discrimination, concernant les femmes ou les personnes âgées, ou à l'égard du droit à l'emploi pour les travailleurs.

Tous ces sujets ont fait l'objet de multiples prises de position, tant au niveau du bureau de la FTQ, de son conseil général, que lors des derniers congrès. Ce n'est donc pas un document bâclé, comme vous semblez le prétendre. Ce n'est pas un devoir mal fait que nous venons vous soumettre pour nous acquitter d'une tâche et pouvoir dire, par la suite, que nous avons comparu devant votre commission. Nous sentions le besoin de vous le dire, et nous ne sommes pas les seuls, incidemment, à reprendre certains des sujets. J'écoutais, ce matin, rapidement, la Ligue des droits de l'homme. On voit beaucoup d'identité entre les vues exprimées sur certains aspects et ceux qu'on retrouve dans ce document. Il y a donc, si vous voulez, une espèce d'identité de vues à l'égard de multiples problèmes.

En gros, c'est donc notre position. Je trouve très malheureux que vous profitiez d'une occasion qui vous est donnée pour faire le procès de la FTQ et du syndicalisme, de façon générale.

M. Choquette: Ecoutez, M. Daoust. Peut-être me suis-je emporté un peu. Je suis d'accord. Mais, c'est peut-être aussi bien que je vous dise ce que je pense, plutôt que de garder cela par-devers moi. Pourquoi ne pas se parler franchement? Je suis sûr qu'il y a de bons éléments dans la FTQ. Vous êtes parmi ceux-là. Mais il faut que ceux-là prennent le contrôle de votre syndicat. Il faut que votre fédération tombe dans des mains responsables, et qu'à un moment donné, il y ait des dialogues de gens responsables qui se disent la vérité.

M. Daoust: M. Choquette, je ne suis pas venu ici pour faire le procès du Parti libéral.

M. Choquette: D'accord.

M. Daoust: Nous aurions beaucoup à dire là-dessus, à l'égard de certains comportements, et je pourrais avoir, moi aussi, mes flambées à l'égard de certaines pratiques à l'intérieur de votre parti et dont vous êtes sûrement bien au courant, mais je

pense que ce n'est pas l'endroit, pas plus que ce n'est l'endroit, à ce moment-ci, à mon sens, de faire le procès de la FTQ. Il y a d'autres lieux et d'autres moments qui seraient plus propices, à mon sens, et moins démagogiques, su rle plan des propos, que le moment que nous avons pour discuter de votre charte des droits de l'homme.

Le Président (M. Pilote): Avez-vous terminé, M. Daoust?

M. Daoust: Oui.

Le Président (M. Pilote): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: M. le Président, je ne voulais pas intervenir, mais je me sens l'obligation d'intervenir, à cause de l'attitude du ministre de la Justice qui est caractérisée par sa facilité et surtout sa bassesse à l'endroit d'un représentant légitime d'une fédération de travailleurs québécois qui a pris la peine de nous soumettre un mémoire et ce ministre de la Justice profite de l'occasion de voir peut-être — et je le dis avec beaucoup plus de sincérité que le ministre l'a dit — l'un de ses plus valables représentants venir nous présenter un texte qui a été examiné, eu égard au projet de loi qui nous a été soumis.

Je me retrouve pratiquement devant la même situation que ce qu'a soulevé le ministre de la Justice, de façon tout à fait incidente, à l'occasion de l'examen du projet de loi concernant la Loi de conciliation entre locataire et locateur, ce que semble avoir parti comme tendance le premier ministre en tête, et le ministre de l'Industrie et du Commerce, cette espèce de diminution de la productivité que, soit dit en passant, la semaine dernière, au cours de deux jours de commission parlementaire, on n'a pas été capable de nous prouver véritablement. Il me semble qu'on se retrouve devant une même situation que je réprouve, d'autant plusquej'ai toujours pensé qu'au moins le ministre de la Justice pouvait, lui, se situer à un niveau supérieur à celui auquel se retrouve tout le temps le premier ministre, c'est-à-dire celui des bas-fonds, celui des petites batailles de ruelles.

Il me semblait que le ministre de la Justice, surtout au moment où nous étudions une des pièces majeures de sa loi, aurait pu s'abstenir de faire des références à la commission Cliche, surtout lorsque cela n'a strictement rien à faire avec le mémoire qui nous est présenté par la FTQ. Pour moi, cela dénote une attitude carrément fasciste de ce gouvernement, j'insiste sur le mot, carrément fasciste, identifiée, ce qui est encore pire, par le ministre de la Justice.

Au nom de la FTQ, M. Daoust vient nous présenter un mémoire qui ne cadre pas dans les points de vue de ces messieurs du gouvernement. Il n'y a pas deux façons de contrer ce genre de mémoire. Il s'agit de les mettre sur la défensive. Et ce que je trouve particulièrement dégueulasse — et c'est ce pourquoi je le disais tout à l'heure — c'est que, ce faisant, le ministre de la Justice, censément le protecteur de l'ensemble de la collectivité québécoise — il se veut cette image en présentant le projet de loi 50 — vient utiliser véritablement des poux qui se trouvent à l'intérieur de certaines parties de la FTQ. pour les rejeter sur l'ensemble du syndicalisme.

M. Choquette: Je n'ai pas dit cela.

M. Burns: Que vous le vouliez ou non, M. le ministre, ou bien vous êtes totalement inconscient, auquel cas je suis encore plus inquiet qu'avant que j'aie commencé à parler.

M. le Président, lorsqu'un représentant autorisé du calibre de M. Daoust vient nous parler d'un mémoire qui se veut une critique qui n'est peut-être pas dans les normes que le gouvernement s'est fixées dans une loi du style protection des droits de l'homme, peut-être que c'est une tout autre philosophie qui préside à ce mémoire, mais à ce moment, on ne change pas de sujet.

Il me semble que le ministre de la Justice, le premier, devrait comprendre cela. A ce moment, je ne peux pas penser autre chose. Je ne peux pas faire autrement que de faire le parallèle avec le mois de mai 1972, alors qu'à un moment donné, le même ministre de la Justice a semblé nous dire, lorsque trois chefs syndicaux, au nom des travailleurs qu'ils représentaient, étaient un peu trop exigeants à son goût, il a trouvé une seule façon de leur fermer la boîte, soit celle de les mettre en prison. C'est exactement dans la même ligne. C'est dans la même attitude. Je trouve cela absolument dégueulasse comme attitude de la part d'un ministre de la Justice, surtout et plus encore lorsqu'il nous présente une charte des droits de l'homme.

M. Daoust vient, avec toute la bonne foi possible, nous présenter le point de vue de sa centrale, qui ne cadre pas, c'est évident, il n'est point besoin d'être un sociologue ni un économiste politique pour se rendre compte que ce que M. Daoust dit dans son mémoire n'est pas du tout dans le cadre de la pensée, s'il en est encore une, du gouvernement québécois. Il n'est point besoin d'avoir fait de longues études en sciences politiques pour découvrir cela. Mais la façon de contrer les positions de M. Daoust — sur lesquelles, soitdit en passant, je suis totalement d'accord —je ne vois pas que ce soit de lui rappeler une chose qui est partielle, disons-le, et insistons là-dessus, partielle et tout à fait par accident à l'intérieur de l'ensemble du syndicalisme québécois, de rappeler les mauvais moments que le syndicalisme québécois passe, par une marge, par un élément tout à fait marginal, qui se présente devant la commission Cliche.

Personnellement, je pensais que le mémoire de M. Daoust était suffisamment clair; même si ce qui était dans le mémoire de la FTQ faisait bien mon affaire, je ne me sentais pas l'obligation de louanger la FTQ de venir nous le dire, mais il me semblait que le ministre de la Justice devait avoir aussi la même décence, et ne pas essayer de changer le palier de la discussion.

M. le Président, je suis profondément déçu, je vous le dis, de l'attitude que le ministre de la Justice démontre à ce stade de l'examen des mémoires. Je me demande très sérieusement si nous ne perdrons pas notre temps, à l'avenir, à l'examen des mémoires des gens. Cela me fait de la peine pour ceux qui n'ont pas encore témoigné, m ais une telle attitude semble nous dire: Venez nous dire des choses qui font notre affaire, ou qui ne nous contrarient pas trop, parce que, autrement, nous allons regarder pour voir si vous ne couchez pas avec votre voisine, ou nous allons regarder pour voir si vous n'avez pas volé quelqu'un dans les trois années précédentes, ou nous allons regarder si vous n'avez pas fait un "hit and run" ou quoi que ce soit.

Le ministre de la Justice vient de donner une dimension, même involontairement — si c'est involontaire, c'est encore pire, parce qu'à ce moment, il m'inquiète encore plus — que je ne voyais pas à cette commission. Si on commence à reprocher à quelqu'un qui, au nom d'une centrale syndicale, soit dit en passant, tout à fait respectable, comme la FTQ, malgré certains problèmes qui affectent certains de ses syndicats affiliés, si on ramène cela sur la table, à ce moment, on va parler de problèmes qui font que M. Untel ne devrait peut-être pas venir parler avec nous, parce qu'il couche avec sa voisine. C'est la chose que je trouve absolument aberrante. Je me demande encore si les rumeurs ne sont pas fondées selon lesquelles le ministre de la Justice ne le sera pas pour longtemps. C'est peut-être ce qui lui donne cette liberté de déborder le cadre d'un ministre de la Justice, censément consciencieux des droits individuels, des libertés fondamentales, à l'occasion d'un projet de loi qui se lit: Loi sur les droits et libertés de la personne, qu'il utilise une telle attitude pour questionner un témoin, M. le Président, je le répète, parce que je ne trouve pas d'autres mots, c'est absolument dégueulasse!

Le Président (M. Pilote): Je ne permettrai plus d'intervention sur ce sujet. Le ministre s'est prononcé, il a débordé, jusqu'à un certain point. M. Daoust a répondu, ainsi que le député de Maisonneuve. J'inviterais les membres de la commission à revenir sur le mémoire qui a été présenté, en relation avec le projet de loi que nous avons entre les mains, les droits sur les libertés humaines. J'inviterais les membres de la commission à s'en tenir au mémoire qui a été présenté par la FTQ.

M. Burns: II n'y avait plus de questions, M. le Président.

Le Président (M. Pilote): II n'y avait plus de questions. Nous vous remercions de votre mémoire, M. Daoust. Soyez assuré que les membres de la commission vont en prendre note.

J'inviterais à présent M. Claude Roch, de la Chambre des notaires, à bien vouloir se présenter et à présenter ceux qui l'accompagnent.

Chambre des notaires du Québec

M. Cossette (André): M. le Président, si vous me le permettez, je vais vous présenter les représentants de la Chambre des notaires du Québec. Vous avez, à ma droite, Me Claude Roch, de notre service de recherche à la Chambre des notaires; près de moi, vous avez le secrétaire de notre commission de législation, Me Jean-Marc Audet, notaire à Sherbrooke; je suis moi-même André Cossette, notaire à Québec et président de la Chambre des notaires du Québec.

Je veux remercier d'abord les membres de cette commission d'avoir bien voulu accepter que nous leur présentions ce mémoire, même si la rédaction que nous en avons faite était un peu tardive. D'autre part, je voudrais vous demander de m'excuser, parce qu'une forte grippe m'accable actuellement et je voudrais donner la parole au secrétaire de cette commission de législation, qui va vous présenter le mémoire que nous avons préparé à l'intention de cette commission. Si vous me le permettez, je laisse la parole à Me Jean-Marc Audet, secrétaire de notre commission de législation. Me Audet.

M. Audet (Jean-Marc): M. le ministre, je tiens tout d'abord à dire que notre mémoire se situe sur un plan essentiellement juridique. Nous avons quelques commentaires à formuler, au sujet de la rédaction de certains articles, au sujet de certains principes qui sont énoncés dans ce projet de loi et au sujet de l'interprétation qui doit être donnée à cette loi.

Comme notre rapport est assez bref, je me permettrai de le lire assez lentement, de manière qu'on puisse discuter de certains principes, à un moment donné.

Le projet de loi no 50, Loi sur les droits et libertés de la personne, a été favorablement accueilli par la Chambre des notaires du Québec.

Nous ne saurions trop féliciter le ministre de la Justice pour l'heureuse initiative qu'il a prise de présenter un tel projet susceptible de renseigner le public sur ses responsabilités et devoirs relativement au respect de la personne humaine et sur les libertés et droits essentiels à tout individu.

Plus que de simples voeux pieux, les articles du projet en question prennent un sens grâce à l'article 44 prévoyant la faculté pour toute personne d'obtenir la cessation de toute atteinte à un droit ou une liberté reconnue par ladite loi et la réparation du préjudice moral ou matériel en résultant. Si l'atteinte est intentionnelle, le tribunal peut, en outre, condamner son auteur à des dommages exemplaires.

Il est vrai qu'il n'y a pas de sanction pénale précise à l'intérieur de la loi, mais nous sommes d'avis qu'il eût été difficile d'établir une sanction qui puisse raisonnablement s'appliquer sans nuance à toutes les situations prévues par la loi. Nous préférons penser que le législateur sera de plus en plus conscient dans l'avenir des droits et libertés qu'il s'apprête à affirmer et qu'à l'occasion

des diverses lois qu'il sera appelé à rédiger, il prévoira de telles sanctions, s'il y a lieu, afin de protéger le public contre toute atteinte à sa dignité.

Déjà l'article 1664t du code civil au chapitre du louage de choses prévoit une sanction d'au plus $500 contre tout propriétaire qui refuserait de consentir un bail pour raison de discrimination. De la même façon, s'inspirant de sa loi sur les droits et libertés de la personne, le législateur pourra prévoir des sanctions pénales dans toute législation future qui sera propice à l'introduction d'une telle mesure.

Ne serait-ce qu'au niveau de l'incitation au respect des droits et libertés de la personne que cette loi ne manquera pas de susciter, tant chez l'individu que chez le législateur lui-même, l'adoption de ce projet de loi rallie notre assentiment.

Nous tenons de plus à féliciter le ministre de la Justice pour les qualités de rédaction de son projet qui, à sa seule lecture, témoigne d'une élaboration soignée et mûrement réfléchie.

Nous passons maintenant à l'étude de différents articles.

Dans la rédaction des articles de la section I du chapitre 1er, on remarquera l'utilisation successive des expressions "tout être humain" et "toute personne".

Les membres du comité se sont demandé si les rédacteurs du projet avaient utilisé indifféremment ces deux termes, sans y voir de nuance ou si, au contraire, ils le faisaient avec une intention précise.

De plus, dans le langage juridique, le mot "personne" comprend personne physique et personne morale. On peut se demander s'il n'y aurait pas avantage à utiliser l'expression "être humain" chaque fois que l'article n'est applicable qu'aux personnes physiques, alors que l'expression "personne" serait utilisée dans tous les cas où l'article peut s'appliquer indifféremment aux personnes physiques et morales. Nous notons cependant une intervention de M. Choquette, ce matin, qui restreignait la portée du terme "personne" aux personnes physiques. Quoi qu'il en soit, il serait préférable de donner une définition précise à ces termes.

De plus, le comité de la Chambre des notaires s'est interrogé sur l'opportunité d'introduire la section I du chapitre 1 er à l'intérieur du code civil, peut-être comme avant-propos, étant donné que ce chapitre 1er de la section I a principalement pour objet les personnes et les biens.

Or, notre code civil consigne dans ses textes l'application des lois concernant les biens et les personnes. Il y aurait peut-être lieu de suggérer qu'on fasse comme on a fait pour la Loi sur les assurances, c'est-à-dire qu'on introduise au code civil le chapitre 1 er de la section I, tout en maintenant dans la loi statutaire le même texte.

A l'article 2, le comité de législation de la Chambre des notaires s'est inquiété de la portée que pouvait avoir le deuxième alinéa de cet article et suggère que toute référence à une aide physi- que quelconque soit supprimée, de sorte que l'article soit rédigé comme suit: "Nul ne peut, sans motif raisonnable, refuser ou négliger de prendre les moyens nécessaires et immédiats susceptibles d'apporter à une personne dont la vie est en péril, l'aide nécessaire que requiert son état".

Cette rédaction présenterait l'avantage de ne pas obliger le citoyen à porter lui-même le secours physique requis. On peut imaginer qu'il serait périlleux, en certaines circonstances, de porter directement secours à autrui et qu'il serait préférable qu'une personne ne porte pas elle-même l'aide physique susceptible de soulager la victime. En d'autres termes, on ne veut pas rendre contraignant l'objectif visé par cet article.

Le comité de législation interprète l'intention du législateur dans le sens d'une volonté précise visant à inciter le citoyen à faire preuve de moins d'indifférence devant le danger encouru par autrui et obligeant le même citoyen à poser un acte positif dans le but de secourir toute personne dont la vie est menacée. Dans certaines circonstances, le simple fait d'alerter ou de requérir les services des personnes compétentes ou tenues, soit par leurs fonctions ou leurs capacités, à porter directement l'aide physique requise, devrait suffire pour dégager la responsabilité de toute personne témoin d'une telle situation.

A l'article 3, peut-être y aurait-il lieu d'inclure dans cet article la reconnaissance de la liberté de croyance; le terme croyance étant peut-être plus complet que celui de religion. C'est d'ailleurs ce terme qui est employé à l'article 1664s du code civil, au chapitre du louage de choses.

A l'article 4, le comité s'est demandé s'il n'y aurait pas lieu de reconnaître à toute personne le droit d'accès à l'information contenue dans les dossiers tant publics que privés établis à son sujet, afin qu'elle puisse réaliser jusqu'à quel point sa dignité, sa réputation et son honneur sont mis en danger.

Bien sûr, advenant la rédaction d'un article en ce sens, certains dossiers, pour des motifs d'ordre médical, militaire ou encore d'ordre public, devraient être maintenus secrets dans l'intérêt, soit du citoyen lui-même ou de la société toute entière.

Nous laissons au législateur le soin de trancher cette question.

A l'article 14, il a semblé aux membres du comité que la référence spécifique au bail était inutile, puisqu'il s'agit là d'un acte juridique parmi tant d'autres. Sur le simple plan de la rédaction juridique, il nous paraît inapproprié de passer du particulier, c'est-à-dire conclure un bail, au plus général, c'est-à-dire ou autres actes juridiques.

Cette référence spécifique au bail est d'autant plus inutile que les articles 1665i, 1664r et 1664s du code civil traitent abondamment de ce droit à la non-discrimination etque ledéfautdeconsentirun bail pour raison de race, de croyance, de sexe, de couleur, de nationalité, d'origine ethnique, de lieu de naissance ou de langue est sanctionné à l'article 1664t par une amende d'au plus $500.

Nous proposons donc tout simplement que l'article se lise comme suit: "Nul ne peut, par dis-

crimination, refuser de conclure un acte juridique."

Nous aurions également certains commentaires additionnels à apporter au sujet de l'article 19. En effet, l'article 19 se lit comme suit: "Toute personne légalement habilitée et qualifiée a droit de se porter candidat, lors d'une élection provinciale, municipale ou scolaire, et a droit d'y voter." Nous aurions deux commentaires à apporter. Le premier, sur le début de l'article, et le deuxième, sur la fin de l'article. Au début de l'article, on ne voit pas pourquoi on devrait restreindre la possibilité de se porter candidat, lors d'une élection provinciale, municipale ou scolaire. On verrait beaucoup mieux le droit de se porter candidat lors d'une élection publique, puisque je crois qu'on peut se porter candidat lors d'une élection dans une institution hospitalière ou ainsi de suite. Quant à la deuxième partie: et adroitd'y voter, notre comité a eu l'occasion d'étudier le rapport de l'Office de révision du code civil sur l'enregistrement des personnes.

Nous y avons vu des restrictions sur l'exercice du droit de vote qui y sont proposées. En effet, la question de la carte d'identité et de la question de la carte d'électeur seraient des documents qui seraient, pour ainsi dire, essentiels pour exercer son droit de vote. Nous craignons fort de rencontrer là des indices qui voudraient que, si un individu pert sa carte d'électeur, il ne puisse autrement voter, lors d'une élection. C'est pourquoi nous voudrions qu'à l'article 19, on mentionne que toute personne a droit d'y voter, et adroit également d'exercer son droit de vote, en autant que la loi est respectée, mais nous ne voudrions pas que l'exercice du droit de vote soit diminué ou en danger, à cause de formalités peut-être trop strictes.

L'utilisation de l'expression "morale", toujours dans le deuxième alinéa de l'article 20, nous semble peu appropriée. Ce terme revêt en soi une certaine connotation religieuse qu'un projet de loi de cette nature se devrait d'éviter.

Le comité de législation de la Chambre des notaires suggère de remplacer ce terme par l'expression "ordre public et bonne moeurs", déjà consacrée dans le langage juridique.

Au sujet de l'article 30, nous préférerions que cet article soit sorti un peu de son contexte pénal et nous préférerions que cet article soit transcrit plutôt après l'article 20, de manière à en formuler un principe fondamental qui permettrait a tout individu d'avoir le droit d'être représenté par un avocat, ou d'en être assisté devant tout tribunal.

La reconnaissance du droit à la représentation par un avocat devant un tribunal nous paraît être une heureuse initiative.

Nous constatons cependant que le code de procédure civile à l'article 955, interdit à tout avocat d'agir comme procureur pour le recouvrement des petites créances.

Advenant l'adoption du présent projet de loi, nous croyons qu'il y aurait lieu de modifier l'article 955 du code de procédure civile, afin que les avocats puissent agir en tant que procureur, quel que soit le montant en litige, sans restreindre cependant le droit les justiciables de plaider pour les justiciables de plaider eux-mêmes, ou de recourir à des mandataires non rémunérés, dans le cas du recouvrement de petites créances.

La Chambre des notaires du Québec croit que l'article 955 du code de procédure civile constitue en lui-même une forme de discrimination qui, en l'occurrence, affecte les membres d'une corporation professionnelle et que, d'autre part, il brime le droit des citoyens à requérir les services d'un procureur compétent, droit que le présent projet de loi semble vouloir consacrer.

Enfin, au chapitre IV, la Chambre des notaires suggère que soient rayées, à l'intérieur des articles 37, 38, 39, 41 et 42, les indications à l'effet que les droits qu'ils énumèrent sont limités dans leur application aux normes prévues par la loi. L'article 45 prévoit déjà cette restriction globale et il n'y a pas lieu de la reprendre individuellement à chaque article.

Par ailleurs, nous suggérons que le droit aux soins médicaux soit inclus dans la liste des droits économiques et sociaux énumérés au chapitre IV. C'est d'ailleurs là une responsabilité présentement assumée par l'Etat.

Enfin, le comité propose au législateur d'inclure trois autres principes à l'intérieur de sa loi. Ces principes pourraient se lire comme suit: 1. "Aucune personne ne peut être privée de faire valoir ses droits pour des raisons économiques." Cette consécration d'un droit déjà reconnu à l'article 4 de la Loi de l'aide juridique trouverait, croyons-nous, sa place dans une charte des droits de la personne humaine, et cette rédaction permettrait évidemment de consacrer un droit fondamental qui est déjà reconnu dans une loi statutaire. 2."Toute personne adroit àun environnement sain et à un habitat salubre." Nous croyons en effet qu'actuellement, lorsqu'il s'agit d'habitat salubre, il y a peut-être certaines personnes âgées qui, malheureusement, n'ont pas cette possibilité de vivre dans un habitat salubre, et nous croyons que les droits des personnes âgées sont aussi valables que les droits des citoyens ordinaires. C'est la raison pour laquelle on pourrait consacrer encore, dans cette charte ou dans cette loi cadre, le droit à un habitat salubre, qui est un droit fondamental, surtout dans notre Etat. 3. "Toute personne a libre droit d'accès aux ressources naturelles qui ne sont pas susceptibles de propriété privée." Nous croyons que l'accès à l'eau, ou l'accès à certaines possibilités de pêche, ainsi de suite, sont des droits qui devraient être reconnus à un citoyen du Québec.

Au chapitre V, à l'article 45, qui a déjà fait l'objet de beaucoup de commentaires, évidemment, comme notaires, nous sommes assez conservateurs dans l'application des lois, nous avons la responsabilité de rédiger des contrats qui auront force de loi entre les parties, pendant leur vie et même qui lieront leurs successeurs, il est évident que nous ne voudrions pas que cette loi

soit interprétée de manière à créer des tribunaux d'équité, ou à permettre à des juges de rendre des jugements d'équité. Nous verrions là un ébranlement ostensible des conventions ou de la certitude des conventions entre les individus et toute atteinte à la sécurité des conventions, évidemment, aurait des résultats désastreux.

Malgré certaines critiques dont a fait l'objet l'article 45 du projet de loi sur les droits et libertés de la personne, le comité de législation de la Chambre des notaires tient à manifester son accord quant au maintien de cet article.

En effet, si ce projet de loi devait prévaloir sur toutes les lois présentement en vigueur, il en résulterait un climat d'incertitude nuisible à la sécurité des conventions. Il est à prévoir que des jugements d'équité viendraient semer le doute sur la validité d'articles par ailleurs clairs et précis et des interprétations jurisprudentielles jusque là bien établies. L'ambiguité qui en résulterait serait néfaste à tous les justiciables.

Par ailleurs, en ce qui concerne la législation future, il serait peu réaliste de priver le Parlement du pouvoir de légiférer à l'encontre de cette loi, dans le but de maintenir l'ordre public, de réprimer la criminalité, de protéger la famille, ou encore de protéger les individus contre l'abus des libertés et des droits exercés par autrui.

Cependant, de l'avis du comité, certains droits énumérés dans ce projet ne devraient pouvoir être écartés que sur stipulation expresse à cet effet dans les lois qui y contreviendraient. Ainsi, les articles 10, 11, 18, 20 et 30, que nous considérons comme des articles fondamentaux de ce projet de loi, ne devraient être écartés que si les lois qui y contreviennent le spécifient clairement. Ainsi, dans une loi statutaire, il y aurait toujours lieu, si on fait exception à une loi mentionnée dans cette loi cadre, de commencer l'article par: "Nonobstant l'article 10 de la Loi sur les droits et libertés de la personne, ainsi de suite, de manière à éveiller, justement, la curiosité des parties intéressées ou des corps intermédiaires intéressés.

Par ailleurs, nous ne croyons pas quedans un régime parlementaire de type britannique, le Parlement doive limiter son pouvoir de modifier la loi en s'imposant une majorité des deux tiers ou des trois quarts. Il faut bien reconnaître qu'un tel vote donne à la minorité un pouvoir de décision qui, normalement, appartient à la majorité, ce qui nous semble contraire aux principes démocratiques.

A la partie II, comme bien d'autres, le comité de législation de la Chambre des notaires a constaté le peu de pouvoirs accordés à l'organisme chargé de l'application de la loi. Peut-être y aurait-il lieu d'accroître le rôle de cet organisme, bien qu'il nous apparaisse difficile de retirer aux tribunaux de droit commun leur juridiction à partir du moment où cette loi n'a pas priorité sur les autres.

Nous laissons au législateur le soin de trancher la question.

A l'article 48, de plus en plus, il semble qu'il soit usuel de donner aux organismes chargés de l'application des lois, le nom d'office. On compte déjà l'Office de la protection du consommateur, l'Office des professions et bien d'autres. Dans le but de maintenir une certaine uniformité au niveau de ce genre d'organisme, nous suggérons que le nom d'Office des droits de la personne lui soit attribué.

En conclusion, la Chambre des notaires du Québec tient à manifester au ministre de la Justice sa satisfaction devant le présent projet de loi. Tant par sa teneur que par la qualité de sa rédaction, ce projet témoigne d'une préparation soignée et réfléchie.

Nous remercions le ministre de nous avoir permis de donner notre point de vue et de lui faire part de certaines recommandations qui nous apparaissent essentielles.

Le Président (M. Sylvain): M. le ministre de la Justice.

M. Choquette: M. le Président, permettez tout d'abord que je félicite la Chambre des notaires et son porte-parole pour le travail très précis qu'ils ont accompli dans l'analyse des dispositions de ce projet de loi. J'ai noté avec satisfaction que beaucoup d'articles mériteraient des améliorations pour être plus efficaces sur le plan du respect des droits etlibertésde lapersonne. Ace pointde vue, je tiens à dire que la Chambre des notaires manifeste, par son mémoire, une connaissance précise du fonctionnement de la loi. Elle a bien perçu les dimensions du projet de loi, son efficacité possible et je dois donc dire que les auteurs du mémoire que vous nous avez présenté ont fait un travail approfondi.

Vous avez soulevé tout d'abord la question des pénalités. A ce point de vue, je vous réfère à l'article 75 qui édicte un certain nombre d'infractions pénales à la loi. Nous n'avons pas voulu introduire dans la charte, ou dans le projet de loi, une disposition spécifique au point de vue des amendes, parce que, évidemment, nous pouvions ne pas faire ce geste. Il n'était pas obligatoire pour nous d'introduire un chiffre d'amende qui consacrerait la commission d'une infraction pénale, parce qu'on pouvait très bien se reporter à la Loi des poursuites sommaires qui édicte que, lors-qu'aucune pénalité n'est prévue précisément dans une loi, mais que, par contre, cette loi crée une infraction, il y a une amende maximum de $500.

Vous ayez fait référence à un certain nombre d'autres articles d'autres lois qui avaient été abrogés. Vous noterez que, dans la plupart de ces articles de loi ou de lois qui ont été abrogés, les pénalités allaient jusqu'à $500, de telle sorte qu'au fond la référence à la pénalité générale prévue à la Loi des poursuites sommaires n'offre aucune difficulté, dans le cas actuel. Il va de soi qu'au cas d'une infraction à cette loi le contrevenant est passible de la pénalité maximum prévue de $500. Je pense qu'à ce point de vue je peux répondre à votre question.

En deuxième lieu, j'admets avec vous, à la réflexion, votre critique quant au langage et à l'emploi des mots "être humain ou personne" qui sembleraient, pour l'observateur non averti, être interchangeables. Ce n'est pas le cas. Il me semble que — et à ce point de vue, je dois rectifier ce

que j'ai dit ce matin — la charte a une portée limitée, il est vrai, en ce qui concerne les corporations. Elle vise principalement les droits des êtres humains, mais elle peut, également, englober les droits des corporations, parce que l'emploi du mot "personne" désignerait, à ce moment, indifféremment, soit un être humain, soit une personne morale, c'est-à-dire une corporation.

Le fait de corriger ce que j'ai dit, ce matin, sur ce point m'amène à la conclusion qu'il faudra peut-être introduire certaines définitions dans ce projet de loi, de façon à dissiper ces ambiguïtés. Même si nous n'introduisions pas ces définitions dans la première partie du projet de loi, peut-être serait-il possible de les introduire dans la dernière partie, ce qui serait un peu différent de ce qui se passe ordinairement, mais, pour l'interprète des lois, pourrait néanmoins rendre service.

Vous aurez donc noté que, dans certains articles, il faut comprendre que, lorsque l'on réfère à un être humain, il s'agit d'un être humain en chair et en os. Lorsqu'il s'agit d'une personne, il s'agira à la fois d'un être humain et d'une personne morale.

Vous avez soulevé la question du droit d'accès à l'information. Vous l'avez soulevée d'une façon assez subtile. Je vous en félicite. Ceci dénote votre perspicacité juridique. Habituellement, on entend parler de droit à l'information, comme d'une espèce de droit général de lire le journal ou de regarder la télévision et d'être renseigné. Pour moi, ce droit ne correspond pas à un droit juridique réel, sanctionnable par les tribunaux. Parce que, conçu d'une façon aussi générale que cela, le droit à l'information ne s'adresse à aucun débiteur particulier. Cela ne serait pas un droit qu'on pourrait faire exécuter précisément par les tribunaux, le droitgénéral à l'information. Je sais que la Fédération des journalistes va peut-être venir nous exposer cette thèse, demain. Je veux bien admettre, même avant qu'ils comparaissent, qu'une société bien informée, c'est bien, c'est louable. Il n'y a rien à dire contre cela. Mais, de là à dire que ce droit à l'information est un droit sanctionnable sur le plan juridique, il y a un pas majeurque je ne serais pas prêt à franchir, avant d'avoir de très sérieux arguments en faveur.

Mais, dans le cas qui nous occupe, cet après-midi, c'est-à-dire l'exposé de la Chambre des notaires, le droit à l'information dont il est question est un droit de connaître le contenu de certains dossiers particuliers qui concernent un individu. Vous avez parlé, évidemment, de dossiers scolaires; on peut parler de dossiers de crédit qui existent dans...

M. Burns: Certains dossiers gouvernementaux.

M. Choquette: ...de certains dossiers gouvernementaux, peut-être pas dans tous les services, mais dans certains services.

Le député de Maisonneuve me permettra d'avoir cette petite réserve pour certains services policiers. Je m'excuse si ceci pouvait introduire une note fascinante à mon exposé.

M. Burns: Vous l'avez fait dans l'autre cas.

M. Choquette: Non, non. Mais, il n'y a pas de doute qu'aux Etats-Unis, à l'heure actuelle, il s'est développé toute une jurisprudence autour de ce principe du droit d'accès et de vérification du contenu d'un dossier qui vous concerne.

Je tiens à vous dire que, même si ce droit spécifique n'a pas été énoncé au projet de loi, nous sommes conscients du problème. Par ailleurs, il pourra y avoir d'autres lois qui vont venir réglementer, évidemment, la consignation d'informations dans les banques des données, des ordinateurs, ainsi que l'accès du citoyen à ces données et le droit pour celui-ci de faire corriger les données inexactes. Parce qu'on sait jusqu'à quel point, à un moment donné, un dossierde crédit, par exemple, qui est inexact, peut entraîner des conséquences néfastes pour un individu en particulier.

Nous sommes saisis du problème. Maintenant, quant à savoir si nous pourrions l'incorporer au projet de charte, à ce stade-ci, je réserve mon opinion, tout en exprimant mon approbation sur l'intérêt qu'il y a d'étudier cette question et l'intérêt qu'il y aurait de légiférer.

Vous avez critiqué la mention du bail comme pouvant donner lieu à la discrimination et vous nous avez dit que le bail devait être considéré comme tout autre acte juridique. A ce point de vue, je vous fais remarquer qu'il y a déjà des articles spécifique du code civil au sujet de la discrimination dans le louage. Etant donné que nous ayons l'intention de faire disparaître ces articles spécifiques sur la discrimination dans le louage du code civil, il nous paraissait plus raisonnable d'incorporer au moins une disposition relative au bail et au louage dans le projet de charte. Malgré que, sur le plan strictement juridique, je dois admettre que vous n'avez pas tort.

A l'article 19, vous avez mentionné le fait que l'on pourrait peut-être parler des élections d'une façon globale. Cela se discute. Les élections les plus officielles, évidemment, sont provinciales, municipales et scolaires; je ne dis pas qu'il n'y en a pas d'autres. Et le droit d'y exercer son vote ou d'y voter, cela se discute sur le plan de la rédaction. Nous allons regarder vos suggestions à ce point de vue.

A l'article 20, vous préférez "l'ordre public et les bonnes moeurs," plutôt que "l'intérêt de la morale". Ceci me semble du droit très sain que vous nous énoncez. Je ne suis pas prêt à dire que vous avez tort. Nous allons étudier votre suggestion d'une façon très immédiate. Au chapitre IV, vous avez mentionné l'intérêt qu'il y aurait de supprimer un certain nombre de restrictions qui s'attachent à l'exercice de ces droits et vous avez dit qu'il y aurait lieu de les supprimer, parce qu'en fait la loi est toujours sujette à d'autres lois. Vous avez probablement raison, théoriquement, excepté qu'il faut quand même noter, comme je l'ai dit en d'autres circonstances, que les droits économiques et sociaux sont quand même encore plus flous quant à leur portée que d'autres droits énoncés dans le reste de la charte. Certaines restrictions quant à l'exercice de ces droits n'étaient peut-être pas malvenue, même en considérant que ces droits sont sujets à d'autres lois, parce qu'elles seraient peut-être de nature à ne pas inciter les citoyens à croire qu'il y a un droit absolu total dans l'exercice de ces droits. Mais, encore une fois, je dois dire que, sur le plan juridique, votre exposé mérite d'être considéré.

Vous avez également suggéré d'y introduire certains droits sociaux, par exemple, les soins médicaux, l'habitat salubre. Nous allons réfléchir à ces suggestions et voir s'il n'y aurait pas lieu d'introduiredesdroits ayant une portée semblable à ceux-là.

Je termine, en vous disant que je vous remercie de votre contribution et vous pouvez être assu-

rés que nous allons donner beaucoup de réflexion à vos suggestions.

M. Cossette: Est-ce que vous avez pris une décision concernant le nom de l'organisme chargé de l'application de la loi?

M. Choquette: Non, je n'ai pas pris de décision. D'ailleurs, je me garderais de prendre des décisions, pour le moment. Nous avions dénommé cette commission la Commission des droits de la personne, parce qu'il s'agit de la Loi sur les droits et libertés de la personne.

Est-ce qu'il y aurait lieu de trouver un autre nom? Bien, voilà!

M. Cossette: On suggérait l'Office, tout simplement.

M. Choquette: L'Office?

M. Cossette: Parce que tous les autres organismes sont des offices, l'Office des professions, l'Office de la loi de la protection du consommateur et autres.

M. Choquette: Oui.

M. Cossette: Pour l'uniformité, en fait. C'est un détail.

M. Choquette: C'est une suggestion intéressante. Je vais y réfléchir sans vous donner de réponse, c'est ma politique.

Le Président (M. Pilote): L'honorable député de Maisonneuve.

M. Burns: M. le Président, j'ai simplement une ou deux questions à poser.

Soit dit en passant, je vous félicite pour la qualité technique de votre mémoire. Je le trouve très intéressant et il devrait nous guider à certains égards que je ne toucherai pas parce que, je pense, au départ, qu'il nous porte tous à réfléchir. Mais je vais m'arrêter simplement à quelques points sur lesquels je me pose un certain nombre de questions. Ainsi, à la page 3, votre comité suggère que la section I du chapitre premier soit insérée à l'intérieur du code civil.

Si on regarde simplement, brièvement, cette section I, on voit que, dans le fond, les articles 3 à 10 inclusivement peuvent avoir des implications dans des domaines autres que le droit civil. Vous êtes-vous demandé, par exemple, si le droit au respect de sa vie privée, prévu à l'article 5, le droit à la demeure inviolable, prévu à l'article 7, et, sous une autre forme à l'article 8, le respect du secret professionnel ne pourraient pas avoir une application en droit statutaire et, comme tel, si vous voulez, confiner ce droit au code civil? Ne trouvez-vous pas qu'à ce moment-là ce serait enlever une partie du pouvoir que ces articles pourraient avoir dans l'application du code de la route?

M. Cossette: Notre suggestion est à l'effet de le placer dans le code civil et de le laisser dans la Charte des droits de l'homme. Autrement dit...

M. Burns: Ah! bon, bon, bon!

M. Cossette: ...il serait répété tout simplement comme avant-propos dans le code civil.

M. Burns: D'accord. Vous ne suggérez pas de l'enlever?

M. Cossette: Non, non.

M. Burns: Ah! bon, bon. D'accord, on se comprend bien.

M. Cossette: On suggère de l'avoir à deux endroits.

M. Burns: D'accord.

M. Audet: Nouscroyonsqueleprécédentqui a été fait avec la loi sur les assurances est peut-être un bon précédent. D'une part, il y a l'article 6 qui nous incite fortement à recommander, en tout cas, d'introduire au code civil toute la section I. L'article 6 dit: "Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens." C'est un article qui est fortement restreint par beaucoup de dispositions du code civil qui, justement, déterminent les qualités nécessaires pour disposer de ses biens, les questions de capacité, les questions de validité, ainsi de suite.

M. Burns: J'avais compris que vous vouliez l'exclure de cela pour le mettre dans le code civil, auquel cas je me disais: Bien, il y a une série de lois statutaires auxquelles ces principes ne s'appliqueraient pas. J'inverse la question, maintenant que je connais le sens véritable de votre intervention. Je m'excuse si je ne l'ai pas comprise du premier coup, c'est sans doute de ma faute, ne croyez-vous pas qu'en le laissant là, il pourrait avoir une application sur une loi comme le code civil, si cette loi, qu'on appelle la Loi des droits et libertés de la personne, doit avoir une application à caractère général, comme — je pense — tout le monde est en mesure de s'y attendre? Dans le fond, je vous demande, maintenant que vous avez répondu à ma première question, quel est le but principal pour lequel vous l'introduisez au code civil alors qu'il peut avoirtrès bien, à mon humble avis — peut-être que vous pouvez me contredire là-dessus — son application même dans le cadre du code civil, tout en le laissant là?

M. Audet: Oui, c'est une mesure de prudence. C'est que nous ne voudrions pas que l'application de cette loi vienne modifier d'une manière ou d'une autre certains principes énoncés au code civil. Il n'en demeure pas moins que le code civil détermine très bien les droits juridiques des personnes et les droits juridiques auxquels les biens sont accrochés. Je crois que tout particulièrement l'article 6, est un article qui, pour nous, est fondamental au sens civiliste. Nous ne voudrions pas que l'interprétation de cette loi fasse, à un moment donné, pour des questions d'équité ou autres, qu'on ébranle les grands principes énoncés au code civil.

M. Burns: Vous pensez qu'en l'introduisant au code civil, ça pourrait pallier cela?

M. Audet: Ce serait une mesure de prudence.

M. Burns: Mais, entre vous et moi, notaire, croyez-vous vraiment que cela pourrait changer quelque chose que de le mettre au code civil?

M. Cossette: Non, mais...

M. Burns: Sinon pour satisfaire votre appétit de civiliste, bien louable d'ailleurs, bien acceptable.

M. Cossette: C'est un peu cela, c'est pour avoir un seul monument ensemble. Parce que, en somme, vu que cela affecte les droits et les libertés des personnes et que le code civil réglemente, en somme, toutes les activités des individus, c'est simplement pour avoir un tout. C'est plutôt à titre informatif.

M. Burns: D'autre part, notaire Cossette, ne trouvez-vous pas que c'est une technique législative difficile à comprendre qu'on répète dans diverses pièces de législation des mêmes éléments de législation qui ont application générale?

M. Cossette: D'accord, c'est une répétition.

M. Burns: C'est un peu comme si on répétait — je donnais le code de la route tout à l'heure — la Loi des convictions sommaires dans le code de la route. Il me semble qu'au départ, les gens diraient: Bien, vous faites exprès pour avoir du texte de plus dans vos lois.

M. Cossette: II ne faut pas oublier quand même que cette loi constitue, en somme, le chapeau de tous les droits et de toutes les libertés de la personne au Québec. Alors, c'est un peu dans cette perspective qu'on souhaiterait l'avoir à l'intérieur du code civil.

M. Burns: Vous n'en faites pas une condition... M. Cossette: Non, non.

M. Burns: ...sine qua non de votre approbation à ce type de loi?

M. Cossette: Non.

M. Burns: D'accord. A la page 7 de votre mémoire, sous l'article 30, vous nous indiquez qu'il serait normal qu'un justiciable ait le droit d'être représenté par avocat, même devant la Loi des petites créances, et...

M. Cossette: C'est-à-dire... M. Burns: Oui, excusez-moi.

M. Cossette: ...vu que c'est une loi qui tend à combattre la discrimination, nous avons trouvé que ces dispositions de la loi concernant les petites créances constituaient une discrimination à l'égard de nos confrères les avocats.

M. Burns: Mais moi qui ai appuyé le ministre de la Justice cette fois-là, gaiement, sans aucune animosité et sans difficulté, sans querelle, je pense que le ministre de la Justice et moi-même, à l'époque — quand jedis moi-même, je ne veux pas me prendre pour quelqu'un d'autre mais tous ceux qui ont appuyé le ministre de la Justice quand il a présenté son mémoire, nous l'avons félicité, entre autres, pour avoir résisté aux pressions que le Barreau avait mises sur lui à cette époque. C'est que je pense que la Loi des petites créances défendait un principe qui est encore, je dirais, plus important que celui d'avoir le droit d'être représenté par avocat, considérant le fait qu'on examine et qu'on place le tribunal des petites créances comme un tribunal d'une autre nature que le tribunal habituel. C'est un tribunal qui a d'abord et avant tout comme fonction de tenter d'obtenir une conciliation entre les parties, et si jamais cette conciliation n'est pas possible et n'amène pas un règlement, le tribunal — sauf erreur, M. le ministre de la Justice — agit presque comme représentant des deux parties mais doit, à un moment donné, poser une décision. C'était justement, et je le dis en toute liberté, étant avocat moi-même, pour éviter des délais qu'on voulait sortir les avocats de là, et éviter, du fait que ces poursuites, habituellement, sont des poursuites qui rendent honteux même un avocat décent de présenter un compte, d'être à toutes fins pratiques forcé à certaines occasions, à cause de l'importance du client, à cause d'une série de facteurs, de se présenter devant cette cour.

Il me semble que même si on affirme, et je le fais avec autant de force que vous, le droit de tout justiciable d'être représenté par avocat, on peut — et c'est une des applications, nonobstant la Charte des droits de l'homme, où on dit que, dans ce cas, il ne devrait pas y avoir d'avocat devant le tribunal des petites créances. Effectivement, le dossier de la cour des petites créances — je ne sais pas jusqu'à quel point on peut analyser que c'est un des éléments qui ont favorisé cela — est extraordinaire au point de vue du délai de règlement des causes. De mémoire, je me souviens que, l'année dernière, la moyenne de règlement des causes devant la cour des petites créances était de 53 jours.

Alors, je pense que c'est quelque chose qui est un acquis pour la cour des petites créances. Ce sont habituellement des causes où, véritablement, le justiciable n'a pas la possibilité de payer des honoraires d'avocat à cause de l'importance ou du peu d'importance financière de la cause.

Il reste quoi? Il reste les compagnies qui ont intérêt, les compagnies d'assurance en particulier, à aller devant la cour des petites créances, par voie de procureurs, et tout le monde sait que, depuis que la Loi des petites créances est en vigueur, ils ont réussi à entraîner leurs procureurs, qui ne sont pas des avocats, mais qui ont tellement l'habitude d'y aller qu'ils agissent comme si un avocat était présent, et cela permet, je pense, d'humaniser ce type de présentation de causes devant le tribunal par des justiciables, par des individus. Je ne sais pas, là-dessus, mais je ne partage pas du tout votre avis, et je cherche encore, même dans le grand principe que tout individu a le droit d'être représenté, la justification que vous pouvez avoir de demander que, même devant la cour des petites créances, un individu

puisse avoir recours à un avocat. Parce que vous savez que, si vous commencez cela, M. X, lui, va aller chercher un avocat, et là — je pense que c'est une des objections que nous avions lorsque nous avons adopté ce projet de loi — M. X, qui est plus fortuné, même dans une cause de moins de $300, va aller chercher son avocat. Mais M. Y, lui, qui n'est pas, aussi fortuné, devra, parce que l'autre a un avocat, recourir aux services d'un avocat. Je pense que, s'il y a un des cas où on doit l'exclure, ce principe général, et on l'admet, je pense, tout le monde, que c'est beau de faire une charte des libertés et des droits fondamentaux, mais il y a des cas où on doit être logique, réaliste, et cela, c'en est un, à mon avis, en tout cas, à moins que vous ayez des points de vue qui puissent me convaincre du contraire.

M. Audet: J'aurais une question à poser, ici, dans le même sens, au ministre de la Justice.

L'article 30, pour vous, se situe-t-il dans un contexte purement pénal, ou bien est-ce que le droit d'être représenté par un avocat, c'est un droit qui doit être reconnu autant au plan pénal qu'au plan civil ou à un autre plan?

M. Choquette: C'est un droit qui doit être reconnu, autant en droit pénal, criminel, civil, administratif, quasi judiciaire, et je vous réfère, à ce point de vue, à l'article 45 qui dit: Au sens du présent chapitre, le mot "tribunal" inclut un coroner, un commissaire enquêteur sur les incendies, une commission d'enquête, etc., une personne ou un organisme créé par une loi publique et exerçant des fonctions quasi judiciaires. Cela inclut non seulement le système judiciaire dans son ensemble, pénal et criminel, d'une part, civil, d'autre part, mais plus le secteur quasi judiciaire.

M. Audet: C'est la raison pour laquelle, en premier lieu, on préférerait que l'article 30 soit dégagé un peu de l'ensemble d'articles qui l'entourent pour le reporter comme principe fondamental à un article, peut-être, qui suivrait l'article 20, qui pourrait être intercalé entre les articles 20 et 21.

M. Choquette: Que faites-vous de l'article 31 ? "Tout accusé a droit à une défense pleine et entière et a droit d'interroger et de contre-interroger les témoins". Là, cela s'inscrit... Cela a rapport à la représentation par avocat, cela a un rapport plus particulier avec les tribunaux criminels, ou enfin, les causes pénales. Cela ne me semble pas anormal, en fait, que l'article 30 soit là.

M. Audet: Parce que, dans tous les articles environnants, on parle toujours de personnes arrêtées, d'accusés, ainsi de suite, alors qu'à l'article 30, on arrive avec un article qui, à notre avis, est peut-être mal placé dans l'ensemble des articles. On est bien d'accord sur le principe...

M. Burns: On parle de toute législation qui est de la compétence du Québec, à toutes fins prati- ques, et il y a du domaine pénal et du domaine non pénal, civil, en particulier, qui est de la compétence du Québec...

M. Cossette: ...que l'article 30 serait... M. Burns: En somme...

M. Cossette: ...se placerait mieux après l'article 20.

M. Burns: ...votre grosse objection, c'est peut-être l'endroit où on le situe. Peut-être que vous le considérez comme un article à caractère général...

M. Cossette: Oui.

M. Burns: ...qui ne devrait peut-être pas être mêlé aux...

M. Cossette: C'est cela.

M. Burns: ...aspects pénaux qui apparaissent aux articles 28 et suivants.

M. Cossette: Exactement, oui.

M. Burns: Maintenant, simplement une petite remarque, je ne sais pas...

M. Cossette: Oui, est-ce que vous me permettez de revenir sur l'article 30, en particulier?

M. Burns: Oui.

M. Cossette: C'est parce qu'on y voyait tout simplement, dans cette disposition de l'article 955 du code de procédure civile, une mesure discriminatoire.

M. Burns: J'y venais. C'était le deuxième aspect.

Au bas de la page 7, vous dites: "La Chambre des notaires du Québec croit que l'article 955 du code de procédure civile constitue en lui-même une forme de discrimination qui, en l'occurrence, affecte les membres d'une corporation professionnelle." Moi, je ne sais pas, mais même membre de cette corporation professionnelle, j'ai toujours pensé que ce n'était pas un droit qui m appartenait que d'être membre du Barreau et de re-présenterdes gens. C'était beaucoup plus un privilège qui m'était accordé par l'Etat.

M. Cossette: Par contre...

M. Burns: Evidemment, grâce à un certain nombre de compétences que j'aurais acquises ou de diplômes universitaires que j'aurais acquis, mais le fait, quand même, de dire — et c'est cela, dans le fond, la Loi du Barreau — vous ne pouvez pas représenter une autre personne dans une cause, si vous n'êtes pas avocat, ou encore, vous ne pouvez pas représenter quelqu'un d'autre que

vous dans une cause, à moins d'être avocat. Il me semble que c'est un privilège qu'on accorde à une catégorie de gens dans la société, d'accord, des gens qui ont acquis ce privilège, peut-être avec études à l'appui, comme d'ailleurs dans le cas de votre corporation professionnelle aussi, c'est le même cas. Je ne peux pas, moi-même, comme avocat, aujourd'hui décider que je fais un contrat, c'est-à-dire un testament qui aura le caractère d'authenticité que vous êtes capables d'y donner par votre seule fonction. Mais c'est un privilège qu'on vous accorde. A partir du moment où ce privilège est accordé, je vois difficilement qu'on parle de discrimination à l'endroit de gens à qui on a d'abord décerné ce privilège, et à qui on dit: Votre privilège se limite à ceci.

M. Cossette: Mais par rapport...

M. Burns: Je ne sais pas si on se comprend là-dessus.

M. Cossette: ...à l'individu lui-même, quand même, vous lui enlevez le droit de requérir les services d'un avocat pour le représenter.

M. Burns: C'est peut-être un des cas, notaire, où le droit collectif où l'Etat agit dans l'intérêt de la collectivité, et peut-être brime un droit individuel, je l'admets, dans ce cas, mais dans l'intérêt de la collectivité... Je vous donne simplement l'exemple que si un jour des avocats commencent à se pré-senterdevant lacourdes petites créances, cela va être un histoire où... On l'a vécu. Je pense que le député de Beauce-Nord est en mesure de le confirmer, sûrement le ministre de la Justice, encore plus que nous deux, est en mesure de confirmer le fait que le jour où vous avez un avocat dans le portrait, cela suscite la présence d'un avocat dans l'autre dossier...

M. Cossette: D'accord!

M. Burns: ...et c'était, je pense, l'idéologie...

M. Cossette: Nous avons...

M. Burns: ...qui était derrière le fait que les petites créances, en soi, d'une part, c'est pratiquement injuste, pour le justiciable, de le placer dans une situation où il doit requérir, pas nécessairement qu'il soit obligé, mais où il doit, par une question de fait, requérir les services d'un avocat.

M. Cossette: Nous avons cru, à l'origine, qu'il s'agissait là, par cette nouvelle disposition, d'un retour en arrière, à première vue.

M. Burns: J'espère que le ministre va nous dire que ce n'est pas...

M. Choquette: Je ne comprends pas dans quel sens vous avez compris qu'il s'agissait d'un retour en arrière.

M. Cossette: II n'y avait pas de mention ex- presse, de référence expresse à la loi spéciale concernant les petites créances, et à l'article 955 du code de procédure civile.

M. Choquette: Ah! Vous changez votre attaque, là. Vous venez de changer de bord.

Non, pas du tout. Je crois que la décision qui a été prise à l'origine d'exclure les avocats de la cour des petites créances était une décision bien fondée, et je vois qu'elle est maintenue. Il y a toutes sortes de raisons dont celles mentionnées par le député de Maisonneuve, entre autres, ce n'est pas que ce soit tellement discriminatoire à l'égard des avocats. S'il y a discrimination, ce serait à l'égard des parties...

M. Cossette: Les individus...

M. Choquette: L'avocat, c'est un représentant, purement et simplement. Il n'a pas de droit devant la cour comme telle. Il a un droit en tant que représentant d'un citoyen, d'un justiciable. Comme on l'a mentionné tout à l'heure, si on permet que l'avocat aille représenter le client devant le tribunal, une des parties va choisir un avocat, l'autre n'en aura pas, elle va se sentir en état d'infériorité. Si elle perd sa cause, elle va dire: C'est parce que mon adversaire avait un avocat. La prochaine fois, j'irai avec un avocat moi-même, et ainsi, le cycle est reparti.

Alors, pour clarifier l'affaire une fois pour toutes, pour éviter des frais judiciaires exagérés comparativement à l'enjeu des causes, il nous a paru qu'il fallait exclure les avocats, purement et simplement.

Cela ne veut pas dire que nous rejetons le principe fondamental du droit de représentation par avocat. Je crois que c'est un droit essentiel en général, dans les causes criminelles, pénales, dans la plupart des causes civiles. On a toujours fait une distinction quant aux procédures et à la façon, pour les cours, d'agir dans le domaine des petites créances et nous continuons dans la même veine. Je ne crois que cela implique discrimination, excepté que c'est peut-être une exception par rapport au principe général.

M. Cossette: Ça va.

M. Burns: Juste unequestion quej'espère voir maintenue en ce qui me concerne, M. le ministre, j'espère que vous continuez à être aussi enthousiaste en faveur de cette mesure que vous avez fait adopter il y a deux ans...

M. Choquette: Oui. Je crois qu'elle a donné d'excellents résultats, à l'épreuve. Il ne s'agit pas seulement d'une vue de l'esprit. Je comprends qu'au moment où on a présenté la loi, je pouvais moi-même m'interroger quant à l'impact de cela et avoir des hésitations en balançant le pour et le contre de tout cela. Peut-être le député de Maisonneuve était-il dans les mêmes dilemmes que moi. De toute façon, elle a été adoptée et cela a donné satisfaction.

Je reçois très peu de lettres au ministère de la

Justice, de la part de justiciables, exprimant un désaccord sur la procédure générale qui prévaut au tribunal des petites créances. Je ne dis pas que je n'en reçois pas du tout, j'en reçois de temps à autre, parce qu'il y a toujours des plaideurs déçus. Et je ne dis pas que les jugements sont toujours parfaits devant ce tribunal, parce qu'il n'est pas entouré des mêmes garanties que devant un autre tribunal. Il n'y a pas de contre-interrogatoire par avocat, l'admissibilité de la preuve n'est sûrement pas aussi rigoureuse.

Par conséquent, c'est vrai que c'est une justice un peu sommaire, mais c'est une justice sommaire pour de petites causes. Les gens, aujourd'hui, se plaignent des délais judiciaires. A part cela, cela a surtout permis d'aérer le système judiciaire. Je crois qu'il y a beaucoup de juges qui se sont aperçus que, après tout, on pouvait avoir un rapport direct avec le justiciable, sans avoir ce mandataire, ce représentant qui est utile, l'avocat, et je ne diminue pas son rôle. Mais cela a permis de toucher du doigt la justice dans sa plus simple expression et à ce point de vue-là, je crois que c'est sain pour le système dans son ensemble, parce que cela va aller vers des causes plus importantes où, là, naturellement, il faut admettre que l'avocat a pleinement sa fonction. C'est incontestable, parce que les enjeux sont plus considérables, les causes sont plus complexes et il faut qu'elles soient plaidées d'une manière très méticuleuse, mais ce principe de la précision et du méticuleux ne s'applique pas au même degré à de petites causes de moins de $300.

M. Burns: Comme dit le ministre de la Justice, je pense que déjà la cour Provinciale a augmenté son efficacité du fait qu'on lui a enlevé, tant au point de vue administratif qu'au point de vue de la présence devant les tribunaux, un certain nombre de causes qui, autrement, empêtraient et le greffe et le tribunal. Je pense que, dans les deux cas, on sent une espèce d'aération, comme disait le ministre de la Justice.

En tout cas, je voulais juste faire préciser votre point de vue là-dessus. Dernière question, MM. les membres de la Chambre des notaires, c'est au chapitre V. A la page 9, vous nous dites qu'en ce qui concerne la législation future, il serait peu réaliste de priver le Parlement du pouvoir de légiférer à rencontre de cette loi, dans le but de maintenir l'ordre public, réprimer la criminalité, protéger la famille ou encore protéger les individus contre les abus des libertés et des droits exercés par autrui.

J'aimerais que vous nous précisiez votre pensée là-dessus. Je vais tout de suite vous dire dans quel sens je vois certaines réticences à accepter globalement cette affirmation. Dans une loi aussi fondamentale qu'une loi qui concerne les libertés et les droits de la personne, il me semble que même le Parlement qui adopte cette loi devrait se prémunir contre ses agissements futurs. Vu dans le sens de la permanence de l'institution parlementaire; il devrait même se prémunir contre une facilité extrême dans l'amendement de cette loi. Il me semble que ce n'est pas priver l'institution parlementaire; le ministre de la Justice et moi avons échangé quelques propos là-dessus ce matin, quand un autre groupement s'est présenté devant nous. Je pense que le ministre a exprimé le fait qu'il y avait deux thèses sur le fait de restreindre la liberté du Parlement, soit par un vote des deux tiers ou soit par un vote des trois quarts, comme la Ligue des droits de l'homme le suggérait, mais je ne crois pas que ce soit véritablement restreindre, dans le sens absolu du mot, le droit du Parlement de se prononcer.

Si on rend plus difficile l'amendement de cette loi à l'avenir, ou encore si on rend plus difficile l'adoption d'une loi en contravention des dispositions et nonobstant les dispositions de cette charte des libertés et des droits de la personne, il me semble qu'on laissequand même ce droit, sauf qu'on y met une condition suspensive à son exercice.

Il faudrait qu'une loi aussi fondamentale et aussi générale d'application, une loi qui coiffe l'ensemble de notre législation se doive d'être examinée à fond et sérieusement avant d'être amendée ou encore, avant qu'on y apporte une disposition qui y contrevient. C'est dans ce sens-là.

Je ne pense pas que cela nie le droit fondamental de l'Assemblée nationale, en l'occurrence, de l'amender ou même d'y contrevenir par une autre loi, mais le fait de rendre cela plus difficile, il me semble, c'est une façon de nous rappeler l'importance primordiale de cette loi, l'importance fondamentale de cette loi.

M. Cossette: La façon qu'on y voyait, c'est celle que nous avons suggérée dans la page suivante de notre mémoire, selon laquelle, lorsque le Parlement adoptera une loi qui viendra à l'encontre de la Loi sur les libertés et les droits de la personne, il devra, à ce moment-là, le mentionner expressément, de façon à attirer l'attention du législateur sur le fait que cette loi à l'étude vient à rencontre des principes admis dans la Loi sur les droits et libertés de la personne.

M. Burns: Vous ne croyez pas qu'à cause de l'importance de la loi, on doive rendre ou bien son amendement ou bien sa contravention ou la contravention à cette loi plus difficile à faire, en tout cas, du moins sur le plan formel, pour justement souligner cela et enlever cette espèce d'angélisme auquel votre attitude voudrait s'attendre de la part du ministre de la Justice ou de tout autre ministre qui devrait se lever en Chambre — comme le ministre le disait ce matin — alors que son collègue, disons du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche se lèverait et dirait: Je propose la première lecture de tel projet de loi et voici quel en est l'objet. Il faudrait s'attendre à ce que le ministre de la Justice ou un autre ministre chargé de l'application de cette loi se lève et dise: Je tiens à vous signaler que la loi que mon collègue vient de déposer est en contravention de la charte des droits de l'homme.

Je me demande si ce n'est pas exiger un petit

peu trop de la part d'un ministre, quel qu'il soit et de quelque parti politique qu'il soit.

M. Cossette: Nous avons un peu adopté la même technique que pour le code ci vil. Vous savez que lorsqu'une loi statutaire amende indirectement un article du code civil, on doit le préciser: Nonobstant tel article du code civil, il y a telles dispositions. Nous croyons qu'il serait suffisant, dans ce cas-là, de se référer à la charte des droits de l'homme à l'occasion de l'adoption d'une loi particulière, pour attirer l'attention des députés sur le fait qu'il s'agit d'un changement à la charte des droits de l'homme, comme vous l'appelez.

M. Burns: Vous ne croyez pas que lorsqu'une loi est adoptée et qu'elle contrevient aux dispositions de la loi concernant les libertés des personnes, cette loi doit, pour être adoptée, subir un peu plus de difficulté avant de recevoir sa sanction, pour souligner justement de façon concrète le fait qu'on contrevient à un des principes énoncés dans cette loi.

M. Cossette: Plus de difficulté, en ce sens que vous voudriez exiger...

M. Burns: Sur le plan formel.

M. Cossette: ...la majorité, ou lesdeux tiers, ou les trois quarts.

M. Burns: C'est cela. Je pense, par exemple, aux deux tiers, ou aux trois quarts, ou à une autre formalité qui souligne qu'il s'agit d'un cas véritablement exceptionnel.

M. Cossette: Je pense qu'il est sûrement bon d'attirer l'attention du législateur, à l'occasion d'une modification à cette charte des droits de l'homme. La technique que nous avons proposée est une mention expresse, une référence expresse à l'article de la charte des droits de l'homme. C'est celle que nous jugeons la plus...

M. Burns: Vous ne voyez pas d'objection à mettre des barrières formelles, si vous voulez, comme celles que je vous suggérais, avant l'adoption d'une telle loi.

M. Cossette: Sur la règle voulant que la loi soit adoptée par plus qu'une majorité, nous ne sommes pas d'accord là-dessus. D'ailleurs, nous le disons dans notre mémoire.

M. Burns: Vous y verriez donc des objections. M. Cossette: Oui.

M. Burns: Et ces objections s'inspirent... M. Cossette: De notre régime parlementaire...

M. Burns: ...de principes fondamentaux, dans votre corporation professionnelle, ou de votre in- terprétation du régime parlementaire que nous vivons?

M. Cossette: C'est notre sentiment. Un peu les deux, disons.

M. Burns: D'accord.

Le Président (M. Pilote): Le député de L'Assomption.

M. Perreault: Je n'ai pas participé à la discussion, tout à l'heure, à l'article 30, mais j'aimerais m'inscrire en faux contre votre demande d'abroger l'article 955 relativement à la cour des petites créances. A ce moment-ci, je me permettrais même de demander au ministre d'indexer le montant maximum des petites créances; étant donné l'inflation, le montant maximum fixé par le législateur, lorsque nous avons adopté la loi, est maintenant complètement dépassé. Si on veut maintenir le but qu'on s'était fixé quant au montant maximum, on doit l'indexer au plus tôt.

M. Burns: Rétroactivement, comme le salaire des députés!

M. Perreault: Graduellement, nous défaisons la loi que nous avions votée pour les petites créances, parce que les montants vont devenir dérisoires.

M. Choquette: Je crois que la suggestion du député de L'Assomption est une suggestion progressive.

M. Perreault: Un point que je voudrais soulever, dans votre mémoire...

M. Burns: Je tiens à vous souligner, M. le ministre, que cela fait deux ans que je vous demande cela également. Je suis entièrement d'accord avec le député de L'Assomption.

M. Choquette: Cela ne fait pas deux ans que la loi est en vigueur.

M. Burns: Depuis qu'elle est en vigueur. La loi est en vigueur depuis septembre 1973. Cela fera deux ans. Mais depuis que la loi est en vigueur, je vous demande cela à l'occasion de l'étude de vos crédits. Je suistotalement d'accord avec le député de L'Assomption.

M. Choquette: Très bien. Nous commençons à avoir la majorité.

M. Burns: L'opposition circonstancielle.

M. Perreault: II y a un point de votre mémoire que j'aimerais souligner, à la page 9, dans un de vos trois nouveaux principes: "Toute personne libre a droit d'accès aux ressources naturelles". Vous savez que c'est large. Vous avez mentionné deux points. Il y a plus que cela dans les ressources naturelles.

M. Cossette: Oui, mais on comprend toujours, dans l'affirmation d'un principe comme celui-là, que c'est toujours sujet aux lois existantes; mais ce sera une occasion pour le législateur de penser peut-être à développer davantage ce principe et a permettre l'accès du public aux cours d'eau de la province, à la pêche, à la chasse.

M. Perreault: Aux mines.

M. Cossette: Peut-être pas jusqu'aux mines.

M. Perreault: C'est une ressource naturelle.

M. Cossette: Oui, d'accord, m ais c'est toujours dans le cadre des lois qui existent dans la province; mais nous avions surtout à l'esprit l'accès du public aux cours d'eau, à la pêche, a la récréation, aux loisirs en général.

M. Perreault: Ce sont plutôt des ressources renouvelables?

M. Cossette: Oui.

M. Perreault: C'est tout quant à moi.

Le Président (M. Pilote): Y a-t-il d'autres questions? Nous vous remercions, messieurs. Soyez assuré que la commission va prendre vos recommandations en considération.

M. Cossette: Nous vous remercions de nous avoir entendus.

Le Président (M. Pilote): J'inviterais à présent le Jewish Labour Committee of Canada, M. Elie Chalouh est-il présent?

M. Choquette: Non, les représentants ne sont pas ici.

Le Président (M. Pilote): J'inviterais à présent le Provincial...

M. Burns: M. le Président, concernant le Jewish Labour Committee of Canada, je ne suis pas au courant des raisons de leur absence, mais j'espère que, parce qu'ils sont absents, on peut les intercaler dans d'autres séances.

M. Choquette: II n'y a pas de problèmes. Nous allons les entendre au moment où ils jugeront possible de venir ici, à Québec.

M. Burns: D'accord.

Association provinciale des professeurs protestants du Québec

Le Président (M. Pilote): Nous allons entendre M. Norman Bernstein, de la Provincial Association of Protestant Teachers, s'il vous plaît.

M. Bernstein: Merci, M. le Président; M. John- son, le président de notre association, va présenter notre mémoire.

M. Johnson (John): Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire de la justice, je pense que les derniers seront les premiers et les premiers seront les derniers, ou quelque chose comme cela.

Au commencement, je voudrais présenter notre délégation de l'Association provinciale des professeurs protestants du Québec. A ma gauche immédiate, notre conseillertechnique, M. Norman Bernstein, qui a préparé notre mémoire; à sa gauche, l'assistante du président, Mlle Patricia Steele.

L'Association provinciale des enseignants protestants du Québec, représentant 6,500 enseignants dans les écoles sous la direction des commissions scolaires protestantes, est heureuse de présenter à la commission parlementaire de la Justice à l'Assemblée nationale du Québec, ses vues sur le projet de loi 50, relativement aux droits de l'homme et sa liberté.

En tant qu'éducateurs, nous sommes intéressés à la dignité et aux droits du citoyen individuel et à toute législation affectant ces droits.

L'introduction de l'acte des droits de l'homme à l'Assemblée nationale a été, suivant une longue formation de l'opinion publique précédant la présentation pour première lecture, quelque peu décevante. Nous aurions espéré que le Québec, étant parmi les dernières provinces du Canada à introduire une loi sur lesdroitsde l'homme, aurait, basé sur l'expérience d'autres juridictions, pu présenter une loi un peu plus forte que le projet de loi 50.

Nous croyons qu'une charte des droits de l'homme devrait être la pierre angulaire du corps de la loi. Les droits humains, sociaux, économiques, politiques et juridiques d'un citoyen individuel devraient être clairement établis dans la loi. Toute tentative d'interférence ou de reniement de ces droits devrait entraîner des sanctions immédiates par le truchement du processus juridique, impliquant des pénalités qui font qu'une atteinte portée aux droits d'un citoyen devient une pratique coûteuse. Le projet de loi 50 n'accomplit pas cela.

Le gouvernement doit être louangé pour avoir présenté un projet de loi qui renferme non seulement des restrictions contre la discrimination comme semble être la limite de plusieurs des autres lois provinciales, mais aussi un enchâssement législatif des droits qui sont considérés comme droits de base dans une société démocratique. Malheureusement, le gouvernement n'a pas cru bon d'établir des procédures d'application, afin de garantir les droits et libertés fondamentaux identiques au chapitre I, division 1 et aux chapitres II, III et IV.

Seulement en ce qui concerne la discrimination, le chapitre I, division 2, y a-t-il eu proposition de procédure d'application?

D'après nous, lafaiblesse principaledu projet de loi 50 est qu'il ne possède pas de préséance légale sur toutes les autres législations provincia-

les. Les articles 44 et 45 semblent fournir une échappatoire par laquelle toute loi adoptée par l'Assemblée nationale peut contrevenir, contredire ou limiter les provisions de l'acte des droits de l'homme en autant que les provisions d'une telle loi soient claires. L'article 46 énonçant que la charte lie le gouvernement et ses préposés n'est pas, à notre avis, un contrepoids adéquat aux deux articles précédents.

Si le gouvernement est sincère en établissant une protection législative pour ces droits et libertés spécifiés dans le projet de loi, alors la loi devrait démontrer ce désir clairement et sans équivoque. La crédibilité de la loi et la confiance publique qui lui est témoignée sont tout au moins aussi importantes que le texte actuel de la loi.

Si la charte des droits de l'homme peut, en effet, être abrogée par des provisions contraires dans une autre législation, alors la charte dégénérerait en document de relations publiques. Afin de clarifier l'intention du gouvernement et faire que la charte soit la base pour toute autre législation, nous recommanderions que les articles 44 et 45 soient remplacés par une provision semblable à celle trouvée dans "The Individual's Rights Protection Act" de la province d'Alberta, section I, paragraphe 1 : "Unless it is expressly declared by an Act of the Legislature that it operates notwithstanding this Act, every law of Alberta is inoperative to the extent that it authorizes or requires the doing of anything prohibited by this Act."

Le projet de loi devrait avoir des procédures d'application rigoureuses pour toutes les sections de l'acte et pas seulement pour les articles 11 à 17. Nous recommanderions que la juridiction de la commission des droits de l'homme soit étendue pour lui permettre d'enquêter, d'établir, donner des ordres et d'imposer des pénalités pour toute interférence à un droit ou une liberté reconnu par la charte. De plus, de rigoureuses sanctions pour outrage à la charte devraient être stipulées dans la loi.

Considérant l'accroissement des responsabilités recommandées ci-haut pour la commission des droits de l'homme, la commission devrait être assistée par un personnel permanent semblable à celui de la commission d'enquête sur les droits de l'homme dans d'autres provinces.

L'article 11 devrait être élargi pour aussi inclure une protection contre la discrimination pour causes d'âge et d'état civil.

Les exemples de discrimination ou de limitation des droits spécifiés dans la charte sont souvent rencontrés dans la publicité ou les politiques et règlements de certaines institutions publiques ou privées. Il devrait se trou ver au sein des articles 60 et 61 une clause pour que telle discrimination ou tel abus de droits puisse être contesté par les droits civils ou autres groupes, avant qu'un individu en soit victime.

Bref, nous croyons que toute loi des droits de l'homme du Québec devrait avoir préséance légale sur toute autre législation provinciale et que ceci soit clairement démontré. La loi devrait également fournir une enquête rapide et un jugement prononcé sur toute prétendue infraction aux droits et libertés garantis dans la loi.

M. le Président, notre position est presque la même dans toutes les clauses que celle de la Ligue des droits de l'homme qui était présentée ce matin, avec une petite différence. We have indicated in our brief that the Charter should be an omnibus bill that superimposes itself upon all legislation in the Province of Quebec, not only legislation which will be imposed in the future, but legislation of the past. We believe that the article quoted from the Alberta Bill of Rights is the kind of article which will allow this. It is not sufficient for an introduction of a Charter which can be set aside merely by existing legislation, which may be contrary to that Charter or which is simply ignored by future legislation that may be passed by the Legislature. Thank you.

Le Président (M. Pilote): Le ministre de la Justice.

M. Choquette: Mr Chairman, I want to thank the Provincial Association of Protestant Teachers of Quebec and to indicate that the English language has not been outlawed in Quebec recently, I want to express myself in English, to express my appreciation for the presentation which has been made to us today.

You mention in page 4 of your brief that there should be recourses offered by the law to prevent discrimination or prevent other infractions to the legislation, and you refer in particular to publicity and policies and by-laws of certain institutions, public and private. I wish to refer you to article 44 of the Act, which not only affords a recourse in damages for an infraction to the legislation, but also affords a right to injunction before the courts, in case there is some violation of the provisions of the Act, so I would think that, from the point of view of the recourses offered by the Legislation, it is evident that we have probably done more than is the case elsewhere, in other legislations, to provide suitable and adequate recourses before the ordinary courts of civil jurisdiction, in addition, of course, to the rights of recourse before the Commission in the case of discrimination, which are another matter.

So, I would think that your criticism in this respect would not be acceptable, I remind you, I am open to your suggesting to us that in other legislation they have more energetic recourses, either before the courts or the Human Rights Commission: I am not sure that in the Alberta Bill of Rights, there are equivalent recourses to those which are offered.

M. Bernstein: Mr Minister, if I may continue the precedent you so recently established of talking in the other language, there are two points: One in terms of straight discrimination under article 11: for example, discrimination on grounds of sex should, for example, an employer advertise in the newspapers that he wishes: "Help wanted, male". This would seem to be a contravention of article 11,

and rather than some woman applying for the job, being refused, taking out action through the Human Rights Commission, there should be automatic recourse so that an organization like "la Ligue des droits de l'homme" could go directly and obviate such discrimination before there are individual victims, because having an individual victim is rather tough on the individual victim and does not create the kind of cessation to the discriminatory act that would be necessary in a widespread case like that. And as far as recourses are concerned, the reason we are asking that the Human Rights Commission have its powers expanded, we are not lawyers, we are humble teachers, and we feel that, given our experience, as a teachers' organization given the experience of members, friends, that recourse through the normal tribunals, the courts and the other tribunals referred to in the Act, is a very slow process, it is a very expensive process. Consequently, if the Human Rights Commission had the powers expanded with the staff to deal with cases of abuse and cases of breach of the Human Rights Charter, we feel it could be done as rapidly, or we would hope it would be done as rapidly without recourse to long legal procedures as has been mentioned earlier this afternoon, the speed of recourse under the Small Claims Legislation.

M. Choquette: Tell me something. Did you see in other Canadian legislations such a recourse as the one you are describing before the Human Rights Commission to itself issue an injunction against some type of discriminatory practice that would be at large and not be aimed at a particular individual?

M.Bernstein: In terms of discrimination as outlined in articles 11 to 17, I believe at least two provinces allow the Human Rights Commission to impose sanctions on the offender.

M. Choquette: On what?

M. Bernstein: On the offender.

M. Choquette: Which provinces?

M. Bernstein: If I remember correctly, Nova Scotia and, I think, Ontario.

M. Choquette: Yes, but we have provided for this in another way, in that we have a conciliatory process in the first instance, and then, if this conciliatory process does not give the adequate results, the Commission can itself, take the case to court and get a judgment enforcing its sanction against the person who has discriminated against the discriminated person.. So, I think we have created a process that is more consonant to a Human Rights Charter. But what I am asking you specifically, is, if in those legislations, the Human Rights Commission can take an injunction against somebody who would make such an advertisement such as the one you describe: "Help wanted, male", and ob- tain an injunction before the courts to prevent this advertisement from being published.

M. Bernstein: We believe they can issue "cease and desist" orders. Again, I am not aware of and I do not know the exact terms of the law or their implications. However, in the other provincial legislations, they do provide for inquiry boards which investigate and make recommendations to the Human Rights Commission which then, in turn, makes rulings.

So, you have a double process, and this conciliatory process that you are talking about is done throught, I understand, investigation teams and through staff.

M. Choquette: From that point of view, I would think that that other provincial legislation is very close to what we have provided for here.

There is another point I just wanted to raise on this question. It is that it is impossible, I would think, to give to the Commission the whole administration of this law and not have these cases go to the courts where they deserve to go to the courts. Because, otherwise, you are going to divert to the Commission all the litigation concerning the Act and its application, and then, you are going to build a parallel system of justice different from your ordinary system of justice. I think that this is a move, you know, that is very subject to criticism. So this is why we have to circumscribe the role of the Commission in away, applying it to discriminatory practice. Other groups suggested this morning that they might exercise some council function in respect of other infractions to the Act. This remains to be seen.

M. Bernstein: No. What we are suggesting is the enlargement of the jurisdiction of the Commission. We appreciate the problem of having two parallel systems of justice, but we feel that the legislators of the province should be able to find a technique, a legislative technique to have the two systems, in other words, the Human Rights Commission and its work and the normal legislative procedure work in tandem and integrate the two, directly and rapidly, because, for a Human Rights Code to be applicable, enforceable and to have the public respect that it should have, justice has not only to be done, but to be seen to be done and that, very rapidly.

M. Choquette: You are certainly right in your aim and objective. I think that we should aim to have a justice that would be relatively speedy and this is why all the discriminatory practices have been referred to the Commission. Now then, there is the court system. We know that it brings about legal delays, some of them are, of course, undue, too considerable. It seems like the problem of wrestling with judicial delays is a worldwide problem these days. I do not say that I have a solution to it, but if you take the recourse by way of injuc-tion, for example, that we have given in the Act in respect to a discriminatory practice or any other

infraction to the Act, you may know that the recourse to injuction is a rapid recourse. It is one of the most speedy recourses. So, from that point of view, we may satisfy the objectives of reducing delays.

Maintenant, M. le Président, en plus de ce point, l'Association provinciale des enseignants protestants signale évidemment un point de critique qui est le caractère transcendant...

M. Burns: Non, fondamental.

M. Choquette: ...le caractère fondamental désiré...

M. Burns: Oui.

M. Choquette: ...de cette loi par rapport à d'autres lois. Mais moi, je voudrais dire à l'Association des enseignants protestants que si elle se réfère à l'Angleterre, par exemple, qui est sûrement, en fait, un lieu où on respecte largement les droits fondamentaux — même on peut dire que l'Angleterre est largement à l'origine d'un certain nombre des droits fondamentaux qu'on connaît aujourd'hui, l'habeas corpus, le Bill of Rights, etc. — en Angleterre, il n'y a aucune telle loi fondamentale, et le législateur anglais a toujours refusé d'adopter une loi qui transcenderait les autres lois.

Pour nos amis de langue anglaise, ceci me paraît un peu surprenant qu'ils...

M. Burns: Possible...

M. Choquette: ...s'inspirent plutôt d'une tradition américaine.

M. Burns: Mais la coutume a beaucoup plus force de loi...

M. Choquette: Oui?

M. Burns: ...dans un système britannique que dans un système nord-américain, quel qu'il soit, même si nous en sommes les héritiers normaux.

M. Choquette: Nous avons aussi un droit constitutionnel coutumier. Je pense qu'avec l'Acte de l'Amérique du Nord britannique nous avons hérité de toutes les procédures fondamentales du parlementarisme britannique. Même quand on regarde dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, il est dit que les Parlements fédéraux et provinciaux, je crois, vont fonctionner d'une façon similaire au Parlement de la mère patrie, de telle sorte qu'on peut dire que nous avons hérité du droit constitutionnel britannique.

D'ailleurs, le député de Maisonneuve sait comme moi que tout notre droit public est d'origine anglaise. Je m'étonne que ce soit un groupe de langue anglaise — je ne veux pas tourner le fer dans la plaie...

M. Burns: Vous n'avez pas de commission Cliche à leur reprocher!

M. Choquette: Non. Je ne veux pas, en somme, être extrêmement dur à leur égard. La question n'est pas là. Je crois que les deux points de vue se soutiennent, mais il faut quand même reconnaître que, dans le système britannique, on a plus fait confiance à la souveraineté du Parlement, à l'autorité des élus du peuple. Cela a toujours été. Tout le droit britannique est fondé sur cette prémisse. Je comprends qu'il y a certains Etats, peut-être de l'Afrique du Sud, l'Australie, qui sont partis dans différentes directions, à un moment donné, même les Etats-Unis, avec un système présidentiel; ils ont une constitution qui est transcendante, par rapport à toutes les autres législations, mais je voulais simplement dire à nos amis que les deux thèses se défendent. Ce qui me préoccupe, et ce n'est pas parce que j'aurais une objection à mon tour fondamentale contre un caractère contraignant de cette loi, mais c'est de savoir comment concilier la liberté des élus de décider suivant les questions, dans un sens ou dans l'autre, avec une loi à caractère fondamental. C'est ce qui est difficile à concilier. Cela ne veut pas dire que nous allons résoudre la question contre votre thèse.

M. Bernstein: Selon notre connaissance de l'histoire du Canada, les institutions et les lois du Canada sont un mélange entre celles des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne.

M. Burns: Pendant qu'on cherche ces documents-là, puis-je poser une question à M. Bernstein ou à un de ses collègues? M. Bernstein, dans le fond, à la page 3 de votre mémoire, dans la version anglaise, ne posez-vous pas tout le problème et complètement le problème du "class action", sans le dire? Je vous cite simplement, au bas de votre page 3, la dernière phrase, qui se lit comme suit: "There should be provision in articles 60 and 61 so that such discrimination or abuse of rights can be contested by civil rights or other groups prior to there being an individual victim". Si vous parlez de groupes de "civil rights" ou "other groups", il me semble que vous parlez, à toutes fins utiles, de possibilité de "class action".

M. Bernstein: Oui, c'est cela.

M. Burns: Votre groupe s'est-il vraiment penché sur cela? Evidemment, j'ai bien compris, tout à l'heure, le président de votre groupe nous dire que vous faisiez vôtres, à toutes fins utiles, les recommandations de la Ligue des droits de l'homme, et même si nous n'en avons pas parlé ce matin, la Ligue des droits de l'homme fait une recommandation d'insérer et de prendre l'occasion de la loi concernant la liberté et les droits fondamentaux des personnes pour insérer le "class action"; du moins, je voulais être bien sûr que je vous comprenais que vous étiez favorables aussi à cette mesure.

M. Bernstein: Nous sommes favorables au "class action", mais sans le dire dans les mots "class action". Oui.

M. Burns: D'accord. C'était la seule question que j'avais à poser. Merci beaucoup de votre mémoire.

Le Président (M. Pilote): D'autres questions?

M. Choquette: Je vais vous référer à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Dans les premières parties, vous allez voir qu'en plus des dispositions de cette constitution, nous avons importé tout le reste du droit britannique.

M. Bernstein: Sans avoir un débat sur l'histoire et les constitutions, on peut dire aussi que notre expérience est influencée par l'expérience américaine.

M. Choquette: Américaine. Je vous remercie, messieurs.

M. Burns: Je suis entièrement d'accord avec M. Bernstein là-dessus. C'est évident que, dans le contexte nord-américain, avec l'influence nord-sud qui existe, particulièrement sud-nord, devrais-je dire, c'est évident que, malgré nos traditions britanniques, les influences américaines sont très fortes chez nous, d'ailleurs à un point tel que les anglophones canadiens ont de la difficulté à trouver leur propre identité, par rapport à la société américaine...

M. Choquette: C'est pour cela qu'ils veulent nous garder dans le Canada.

M. Burns: ...et c'est pourquoi ils s'attachent tellement à nous pour nous garder là. C'est la différence entre le Canada...

M. Choquette: Dans le Canada. Allons-nous les priver de cela?

M. Burns: Je ne sais pas. Je ne vois pas pourquoi nous servirions de cobayes tout simplement. En tout cas, je pense que ce n'est pas le problème que nous allons régler aujourd'hui, mais merci infiniment de votre mémoire.

M.Johnson: Je pense que le ministre manque une attaque sur une autre délégation qui représente les syndicats au Québec.

M. Burns: II n'y a pas de danger, vous n'êtes pas devant la commission Cliche!

Le Président (M. Pilote): Nous vous remercions, messieurs. La séance ajourne sestravaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 17 h 57)

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