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Commission permanente de la justice
Etude du projet de loi no 50
Loi concernant les droits et les libertés de la
personne
Séance du mercredi 22 janvier 1975
(Dix heures vingt-cinq minutes)
M. Pilote (président de la commission permanente de la
Justice): A l'ordre, messieurs!
Les membres de la commission pour aujourd'hui seront les suivants: M.
Bellemare (Johnson); M. Lapointe (Laurentides-Labelle) remplace M. Bienvenue
(Crémazie); M. Burns (Maisonneuve); M. Choquette (Outremont); M.
Côté (Matane) remplace M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Desjardins
(Louis-Hébert); M. Brown (Brome-Missisquoi) remplace M. Levesque
(Bonaventure); M. Bédard (Chicoutimi) remplace M. Morin (Sauvé);
M. Lachance (Mille-Iles) remplace M. Pagé (Portneuf); M. Samson
(Rouyn-Noranda); M. Perreault (L'Assomption) remplace M. Springate
(Sainte-Anne); M. Sylvain (Beauce-Nord); M. Tardif (Anjou).
Nous entendrons ce matin Me Micheline Audette-Filion, qui
représente le Barreau du Québec, et je l'invite à bien
vouloir présenter son mémoire et à nous présenter
également ceux et celles qui l'accompagnent.
Barreau du Québec
Mme Audette-Filion (Micheline): Je vous remercie. M. le
Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, un projet
de charte des droits et des libertés de la personne depuis longtemps
attendu, réclamé et discuté depuis de très longues
années est enfin déposé devant l'Assemblée
nationale par le ministre de la Justice.
Le Barreau considère cette pièce de législation
tellement importante pour les Québécois que le bâtonnier et
le vice-président du Barreau ont tenu à être
eux-mêmes présents pour faire partie de ladélégation
du Barreau devant lacommission parlementaire.
Il me fait plaisir de vous présenter, à ma gauche, Me
Olivier Prat; à l'extrême droite, Me Henri Grondin,
vice-président du Barreau du Québec; Me Michel Robert,
bâtonnier du Québec, et Me Serge Ménard, qui faisait
également partie du comité.
Notre intervention portera principalement sur les dispositions
spéciales et interprétatives de la charte, les fonctions de la
commission, les libertés et les droits fondamentaux, les infractions et
les peines.
Je voudrais parler tout d'abord de la commission, pour ensuite
céder la parole à mes confrères.
Nous avons lu avec beaucoup d'intérêt les
représentations de la Ligue des droits de l'homme concernant la
commission qui est créée par le projet de loi, en particulier sur
les structures de la commission, sa composition, son budget de fonctionnement,
la représentativité de ses membres, la collégialité
de leurs décisions et nous sommes, en général, d'accord
avec les représentations qu'elle a faite sur le sujet.
Nous souhaiterions que la Commission des droits et des libertés
de la personne ait des pouvoirs d'enquête beaucoup plus étendus.
Nous souhaiterions, en particulier, qu'elle puisse faire enquête, soit
sur demande, soit de sa propre initiative, dans tous les cas qui sont
mentionnés dans la charte où les droits sont
édictés, et non seulement dans les cas de discrimination qui sont
prévus aux articles 7 à 11.
Nous aimerions aussi voir la commission pouvoir faire une intervention
beaucoup plus efficace et précise au niveau du législateur, dans
le processus d'élaboration des lois et de la réglementation. Par
exemple, nous aimerions voir la commission avoir le mandat précis et
exprès de préparer un inventaire de toutes les lois existantes,
de façon à signaler au législateur quels sont les cas
où, justement, des lois particulières iraient à l'encontre
de notre nouvelle charte, et faire des représentations au
législateur sur des modifications possibles à apporter qui
seraient souhaitables.
Nous aimerions aussi que la commission ait le pouvoir d'examiner tous
les projets de loi et les projets de réglementation également, du
moins lorsque ceux-ci ont une assez grande importance, et qu'elle ait le
devoirde signaler au ministre de la Justice les incompatibilités dans
les projets de loi.
Me Prat vous parlera plus tard du rôle du ministre, par la suite,
à l'égard de l'Assemblée nationale. Quant aux pouvoirs et
obligations de la commission de faire rapport à l'Assemblée
nationale, il s'agit là certainement d'un souci du législateur de
donner une importance considérable à la commission, puisqu'on la
fait dépendre non pas d'un ministère en particulier, mais de
l'Assemblée nationale. Ceci est une bonne chose.
Cependant, nous ne voudrions pas que cette commission se limite à
faire un rapport annuel à l'Assemblée nationale et que ses
recommandations, comme celles, malheureusement, du Protecteur du citoyen,
restent, dans bien des cas, lettre morte.
Nous pensons que la commission devrait avoir, auprès de la
population, un rôle très actif, un rôle d'information, un
rôle d'animation, un rôle beaucoup plus étendu que celui qui
semble on l'entrevoit dans les fonctions de la commission ne pas
avoir l'ampleur que nous voudrions lui voir accorder.
La commission devrait avoir des pouvoirs semblables, peut-être,
auprès du consommateur, à ceux de l'Office de la protection du
consommateur. Elle devrait publier ses décisions, informer
régulièrement la population des cas de discrimination et de tous
les cas où les droits fondamentaux seraient mis en péril, et
avoir une activité très près du consommateur, servir
d'intermédiaire réel entre le législateur et la
population.
Je laisse la parole, maintenant, à Me Prat, sur la question de la
valeur réelle de la charte ou de son application. Nous croyons que c'est
là le point le plus important. Nous parlerons, ensuite,
brièvement, des droits qui sont énumérés dans
la
charte, de même que des infractions et des
pénalités.
M. Prat: Messieurs, je m'excuse. Peut-être par
déformation professionnelle, je préférerais vous adresser
la parole debout, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Il me semble que ce projet de loi énonce comme principe de base
que la discrimination, pour quelque cause qu'elle se présente, est
actuellement, et va devenir bannie, dans la province de Québec. Dans cet
esprit, il faut que la loi prévoie, non pas qu'elle ne change rien,
qu'elle ne modifie, ni ne restreint aucune des dispositions législatives
existant actuellement au Québec, mais au contraire, il faut qu'elle
prévoie qu'elle va changer quelque chose. C'est la principale remarque
que le Barreau voudrait adresser à cette commission. En
prétendant que cette loi ne restreindra, ne modifiera, n'abrogera quoi
que ce soit dans le corps législatif de la province, on en ferait la
dernière loi de la province.
Je suggère que la plupart des lois qui sont votées par
l'Assemblée ont pour effet d'en modifier d'autres. Ne serait-ce qu'au
titre, par exemple, du contrat de bail, il est certain que, lorsque la loi
modifie le contrat de bail, elle modifie, du même coup, le droit des
obligations dans la province, plusieurs articles du code de procédure,
plusieurs articles du code civil qui sont elles-mêmes des lois
fondamentales.
Je suggère que notre principale recommandation est de donner des
dents à la loi. Nous avons pour cela formulé une remarque
concernant l'article 45. A la page 3 de notre rapport, nous proposons une
rédaction sensiblement différente de celle qui est dans le projet
de loi. Nous proposons que l'article 45, qui doit marquer la
prédominance de cette charte, se lise dorénavant, au premier
paragraphe: "Nul ne peut être privé de l'un des droits
proclamés dans la présente charte, si ce n'est par l'application
régulière de la loi".
Nous préférons de loin cette rédaction à une
affirmation qui, actuellement, existe au paragraphe 2 de la loi, suivant
laquelle elle ne changerait rien aux autres lois de la province, principalement
pour le motif qu'elle est dynamique, au lieu d'être statique. Non
seulement elle est dynamique je penserais au point de vue purement
linguistique mais dans l'esprit, je pense, d'un juge appelé
à trancher entre deux lois qui sembleraient être en conflit, celle
qui prononcera qu'on ne peut être privé d'aucun des droits
proclamés par la charte, sans l'application régulière des
droits, a une chance de plus de prévaloir sur une charte qui
prétendrait ne rien changer au corps des lois de la province.
Même si certains pouvaient nous faire le reproche que cette
phraséologie ressemble à d'autres lois du régime anglais
et pourrait, à certains, sembler être une traduction, nous
prétendons qu'il n'en est rien. L'application régulière de
la loi est une formule tout aussi compréhensible en droit
français, en droit administratif français ou en droit judiciaire
français, qu'en droit administratif anglais.
Les chartes des Nations unies, la Déclaration canadienne des
droits utilisent des formules au même effet, et dans le même sens,
et nous ne voyons juridiquement rien à reprocher à laformule qui
est ici proposée, que nous proposons. A titre d'exemple, il nous semble
que l'article II du projet prévoit que la discrimination et je
pense que je dois m'en rapporter au texte Toute personne a droit
à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine
égalité, des droits et libertés de la personne, sans
distinction, exclusion ou préférence fondée sur... Il nous
semble qu'il est difficile, pour un législateur, de prétendre
donner une liste exhaustive des critères qui, dans l'esprit d'un
citoyen, à un moment donné, à l'avenir, fonderont sa
discrimination ou de croire justifiée une distinction qu'il fait entre
deux citoyens.
Je pense, particulièrement, qu'avec l'évolution des
moeurs, on a longtemps toléré deux voisins à soi qui
avaient tel ou tel caractère distinctif; s'ils deviennent 300 dans la
même rue, l'individu aura peut-être une réaction
discriminatoire. On ne peut pas savoir d'avance quels seront les
critères que choisiront les citoyens pour se "ségréguer"
entre eux, pour se distinguer entre eux. Nous suggérons fortement
qu'après le mot "fondée", on mette "notamment", de façon
à prévoir les autres causesdediscrimination que les citoyens
s'inventeraient entre eux ou que les institutions s'inventeraient entre elles
et les citoyens. En mettant le mot "notamment", on constatera qu'à
l'article 58, je pense, qui marque la juridiction d'enquête de la
commission de surveillance de cette loi, le paragraphe a) dirait: Faire
enquête dans tous les cas de discrimination qui relèvent de sa
compétence. Si on avait mis "notamment", pour prévoir d'autres
motifs de discrimination qui pourraient surgir dans l'avenir, on n'aurait plus
à limiter la compétence de la commission. Il suffirait de dire:
La commission doit faire enquête dans tous les cas de discrimination dans
la province. A ce moment, elle aurait une juridiction absolue, quelque soit le
motif qui aurait été inventé par un nouveau venu,
pourdiscriminer ou distinguer, elle aurait juridiction pour faire enquête
d'abord, et sanctionner, éventuellement, cette discrimination
nouvelle.
C'est dire à quel point cette nouvelle charte amende, modifie et
intervient dans la lecture du corps des autres lois dans la province et donc,
c'est dire à quel point l'article 45 doit, dorénavant, se lire
dans un sens positif et non pas dans un sens négatif ou restrictif.
Nous suggérons également, à ce chapitre, que,
pourl'avenir, des protections soientdonnées, que la charte ne sera pas
modifiée, par erreur, ou qu'elle ne sera pas modifiée par un
simple vote pris à l'Assemblée, un peu rapidement et sans
information. Nous avons souligné, au tout début du
mémoire, que nous aurions souhaité que cette charte soit
protégée par un processus où tout amendement ou abrogation
requerrait un vote des deux tiers de l'Assemblée. Nous savons que ce
vote des deux tiers est en général réservé aux
questions de procédure et nous ne voyons pas pourquoi seule la
procédure jouirait d'une pareille exigence. Je ne suis pas un
spécialiste de l'As-
semblée nationale, mais je crois que, pour suspendre ou pour
remettre certaines sessions à plus tard, il faut un vote des deux tiers.
Pourquoi, en matière de substance, en matière de droit
substantif, n'instituerait-on pas l'obligation du vote des deux tiers? Nous
savons que chaque session est souveraine et que le Parlement, lorsqu'il se
renouvelle, redevient souverain et pourrait effacer tout ce qui a
été fait par ses prédécesseurs; cependant, puisque
la procédure veut, de temps en temps, exiger un vote des deux tiers, je
ne vois pas pourquoi la substance du droit ne l'exigerait pas et pourquoi on ne
l'écrirait pas dans un coin de la constitution de
l'Assemblée.
Si bien que, tout en souhaitant encore que cette charte ne puisse
être abrogée que par un vote des deux tiers, nous disons que, si
l'Assemblée ne va pas si loin, il faut absolument qu'elle
intègre, à l'article 45, les deux derniers sous-paragraphes que
nous avons mentionnés à la page 4 de notre mémoire,
à savoir que, lorsque cette charte aura été
proclamée, toute loi dont une disposition supprimerait ou restreindrait
un des droits proclamés dans la charte devra mentionner que c'est
délibérément qu'on a voulu cette abrogation ou cette
modification et qu'elle entrera en vigueur, nonobstant les termes de la
charte.
Si telle stipulation n'était pas intégrée à
la loi, le tribunal serait autorisé à considérer la charte
comme prévalant, dominant la nouvelle loi qui prétend la modifier
sans le dire. Il n'y aurait donc plus d'abrogation implicite, il faudrait que
l'abrogation ou la modification devienne explicite.
Le dernier sous-paragraphe de 45 que nous suggérons
prévoit et donne une lourde charge au ministre, mais en tenant compte
que la Commission des droits de l'homme serait là pour l'aider à
assumer cette charge, je pense qu'elle serait quand même raisonnable. "Le
ministre de la Justice doit, avant le vote d'une loi ou d'une
règlementation nous voudrions là ajouter "ou d'une
réglementation" aviser l'Assemblée nationale de toute
incompatibilité entre lesdispositionsde la loi ou de
l'arrêté en conseil projeté et celle de la charte".
Il est certain que la loi, la charte proposée prévoit que,
par exemple, à l'article 38, les parents ont droit d'exiger que, dans
les établissements d'enseignement publics, leurs enfants
reçoivent un enseignement religieux ou moral. Je prends cet exemple. Il
est évident que ce ne sera pas par des lois que sera peu à peu
modifié le programme scolaire ou le programme d'enseignement ou de la
religion ou de la morale ou du civisme ou l'enseignement même de la
charte des droits. Ce sera sûrement par arrêté en conseil,
voire parfois par réglementation interne, dans différentes
commissions scolaires.
Nous voulons, et c'est pour cela que notre première
recommandation sur l'article 45 prend son effet, que la Commission des droits
de l'homme puisse prendre connaissance non seulement des cas de discrimination
du chapitre II, des articles 11 à 17, mais également de tous les
cas où, dans une commission scolaire ou dans une autre, je prends cet
exemple, l'enseignement de la morale ou de la religion aurait été
ou aboli ou démesurément agrandi. Tous ces cas prévus dans
la loi donneront lieu à des arrêtés en conseil, des
réglementations à divers niveaux, et nous croyons que si cela
passe au niveau du conseil des ministres ou de l'Assemblée, le ministre
devrait attirer l'attention du législateur sur telle ou telle
incompatibilité entre ce que l'on a l'intention de faire et ce qui est
déjà inscrit comme droits fondamentaux dans la charte.
Pour reprendre cet exemple du droit aux parents et pour être plus
clair, le droit des parents à ce que leurs enfants reçoivent un
enseignement moral ou civique, il me semble que, telle que conçue, la
commission n'a pas de pouvoir d'intervention, dans le cas où, encore une
fois, une commission scolaire, par exemple, abolit l'enseignement, chose qui
pourrait être laissée à la discrétion je ne
sais pas comment est la Loi de l'enseignement public, quelle est la latitude
qu'elle laisse àchaquedirecteurd'école, à chaque
commission scolaire mais il est certain qu'il y a toute une partie de
l'esprit de l'enseignement et même des heures d'enseignement qui
découle de réglementations internes. Nous voudrions que la
commission puisse être saisie de ces problèmes et assurer à
tous les niveaux, et non seulement dans le chapitre II, mais au chapitre IV, au
chapitre III, les droits de la personne, les droits économiques et
sociaux. Ce sont ces pouvoirs d'enquête qui, tels que
rédigés dans la loi, nous paraissent trop étroits. Ce sont
ces pouvoirs d'intervention qui nous paraissent trop rares dans le temps,
puisqu'à première vue, sauf les cas de discrimination, la
commission n'interviendrait qu'une fois par année, en déposant un
rapport à l'Assemblée nationale.
Nous suggérons que le Barreau, à ce sujet, a vu
l'institution de l'Ombudsman avec énormément d'espoir et constate
depuis trois ans le silence qui entoure l'exercice de sa charge et cette
discrétion qui nous paraît excessive dans la façon dont il
s'acquitte de son devoir. On ne met pas en doute qu'il le fasse. Ce dont on
doute, c'est que le justiciable soit très au courant de ce que fait
l'Ombudsman quotidiennement, les recommandations qu'il a pu faire dans la
législation, et nous avons quotidiennement des appels de personnes qui
se plaignent d'infractions et on dit: Ce serait dans le domaine de la Loi de
l'Ombudsman et on le lui réfère.
C'est une bonne chose que le Barreau les réfère et ce
serait aussi une bonne chose que l'éducation populaire,
l'éducation publique, soit plus développée au niveau de
cette institution. Nous souhaitons ardemment que la future commission des
droits de l'homme ait un système de relations publiques beaucoup plus
large, diffuse beaucoup plus fréquemment ses décisions, ses
constatations, et les résultats d'enquêtes qui
intéresseraient le public. Nous croyons que les remarques de Me Filion
étaient fort appropriées lorsqu'elle demande une
représentation plus collégiale et que le rôle
pédagogique de la commission soit développé
considérablement.
Dans ce même chapitre, nous avons fait cer-
taines remarques concernant l'article 46. Nous voulons en particulier
que la couronne apparaisse comme étant liée par ce projet de loi.
On sait qu'en vertu de la loi d'interprétation, la couronne et le
gouvernement sont deux entités distinctes.
On sait également que cette loi doit toucher toutes les
matières et ce sera notre proposition d'amendement à l'article
47, toutes les matières qui sont de la compétence du
Québec. Je crois savoir et je crois qu'on sait également que la
couronne veut dire, dans les lois provinciales, et inclut la couronne
fédérale, c'est-à-dire l'organisme souverain du chef du
fédéral. Nous ne voyons pas pourquoi, lorsqu'il pose des gestes
économiques ou sociaux dans la province de Québec, l'organisme
souverain fédéral ne serait pas tenu de respecter les droits des
personnes domiciliées au Québec, de la même façon
que tout autre organisme.
On sait, par la jurisprudence, que lorsque la couronne accepte
d'être liée par une loi, et qu'elle est nommément
désignée, la couronne fédérale peut fort bien
être considérée comme liée. C'est pour cela que nous
demandons que "la couronne" apparaisse à l'article 46 et c'est pour cela
aussi que nous voulons que l'article 47 se lise dans le sens positif, que la
présente charte vise toutes les matières de juridiction du
Québec plutôt que de dire qu'elle ne touche que ces
matières qui sont de la juridiction du Québec.
C'était ce chapitre sur la prépondérance de la loi,
ou son statut dans le corps des lois de la province, qui nous a paru le
principal chapitre sur lequel le Barreau devait insister. Nous ne savons pas
quel est le sentiment de la commission sur nos propositions.
Maintenant, nous avons fait certaines remarques. Je m'excuse, je parle
un peu à la place de notre bâtonnier, qui est totalement
enroué et incapable de vous adresser la parole.
Le Président (M. Lapointe): Je m'excuse de vous
interrompre. Normalement, vous avez le droit à une période de 20
minutes pour présenter votre mémoire. Il reste seulement quelques
minutes. A moins que les membres de la commission acceptent de prolonger.
M. Burns: On est très flexibles là-dessus.
Le Président (M. Lapointe): Est-ce que cela va?
M. Burns: Oui.
Le Président (M. Lapointe): Vous pouvez continuer.
M. Prat: Je n'en ai pas pour très longtemps, je m'en
excuse. Nous avons certaines remarques concernant les droits de la personne et
en particulier, touchant au huis clos. Le projet prévoit que tout
tribunal pourra ordonner le huis clos dans l'intérêt d'une partie
ou d'un témoin. Le code de procédure civile qui est, lui aussi,
un code qui domine le corps des lois de la province, code auquel on doit se
référer lorsqu'une loi particulière est silencieuse sur la
procédure à suivre, prévoit que le tribunal ne peut
accorder le huis clos que lorsque l'ordre public ou la morale sont en jeu, ou
dans l'intérêt des enfants dans certains cas.
Nous ne croyons pas qu'il serait judicieux que deux lois fondamentales,
deux lois auxquelles on doit se référer en cas de de silence du
reste de la législation, aient un texte différent, dans une
matière aussi importante que la publicité des débats
judiciaires. Nous croyons fermement que le texte du code de procédure
civile, à l'article 13, a été longuement
réfléchi et que le droit au huis clos doit être
limité, au cas où l'ordre public et la morale sont en question,
sont en danger, et dans certains cas, pour la protection des enfants.
Nous ne croyons pas que le huis clos devrait être
généralement ordonné en matière de procès,
en faveur d'une partie, et surtout pas, en faveur d'un témoin.
M. Choquette: M. Prat, vous avez représenté la
Commission de police, dans différents litiges où sa
compétence a été contestée devant les tribunaux.
Qu'est-ce que vous faites de l'enquête sur le crime organisé et du
huis clos qu'on ordonne à l'occasion de certaines parties de cette
enquête?
M. Prat: Sauf par l'application régulière des
lois.
M. Choquette: Par conséquent, vous me ramenez, n'est-ce
pas, aux dispositions de l'article 45 auquel vous vous en êtes pris,
parce que si...
NI. Prat: Sauf dans des termes nouveaux. D'accord! Dans un sens,
oui.
M. Choquette: Oui.
M. Prat: Mais, attention. L'article du huis clos ici, l'article
20 excusez-moi différent du code de procédure, est,
encore une fois, un article dans une loi que nous voulons fondamentale et qui
doit être conforme à l'autre loi fondamentale gérant la
procédure dans la province.
Donc, en matière de procès, que ce soit devant toutes les
cours mentionnées dans la loi de s tribunaux judiciaires, il faut que
les délibération s soient publiques. Quand il s'agit
d'enquête où il n'y a pas d'accusé et où la
commission ne prétend avoir aucun droit de sanctionner un acte
répréhensible ou de départager entre deux justiciables le
droit de l'un à avoir le bien de l'autre, s'il n'y a pas de
procès, le pouvoir d'enquête peut prévoir et le
législateur ne pourra jamais perdre ce droit d'accorder des
pouvoirs d'enquête à une personne à qui il
délègue ce droit d'enquête. Ces pouvoirs d'enquête
pourront être plus ou moins expéditifs. Cela peut être une
commission royale où tous les débats seront ouverts, le droit de
contre-interroger sera ouvert àtous, comme on l'a vu dans certains cas.
Cela pourra peut-être être, au contraire, une enquête rapide,
menée sur une grande échelle où le droit de
contre-interrogatoire ne sera pas donné ou sera limité par le
législateur.
Mais en matière de droit général, nous croyons que
le huis clos porte atteinte à un droit qui est tout aussi fondamental,
à savoir, le droit, d'une part, de la société à
l'information, d'autre part, le droit de l'accusé et là,
on parle toujours d'un cas d'accusé ou de débat entre deux
parties d'être jugé en public et non pas in camera.
M. Choquette: Je dois attirer votre attention sur le fait que
toute la partie qui traite des droits judiciaires vise non seulement les
tribunaux judiciaires, mais un certain nombre de tribunaux quasi judiciaires,
comme un coroner, un commissaire enquêteur sur les incendies, une
commission d'enquête, une personne ou un organisme créé par
une loi publique et exerçant des fonctions quasi judiciaires.
M. Prat: C'est exact.
M. Choquette: De telle sorte que, je suis reconnaissant de
signaler l'intérêt qu'il y aurait d'assurer la cohérence
entre l'article pertinent du code de procédure civile sur lequel vous
avez attiré notre attention et les dispositions du projet de loi 50. Je
pense bien, comme vous, qu'il ne faudrait pas qu'il y ait de discordance entre
les articles pertinents à ce sujet, excepté que la Loi sur les
droits et libertés de la personne a une portée plus
considérable que l'article du code de procédure civile, puisque
nous englobons non seulement les tribunaux, c'est-à-dire le
système judiciaire, mais également les organismes à
caractère quasi judiciaire, à l'occasion desquels il peut
être intéressant, comme vous le savez vous-même, de pouvoir
ordonner le huis clos et ceci, pas seulement dans l'intérêt de
l'ordre public et des bonnes moeurs, mais dans l'intérêt et pour
la protection des témoins eux-mêmes qui comparaissent.
Je ne veux pas faire d'allusion à un certain nombre d'incidents
qui se sont produits à Montréal depuis le début de
janvier, les gens lisent suffisamment les journaux et en entendent suffisamment
parler. Mais il n'y a pas de doute qu'il y a des cas où la protection
des témoins doit être un facteur qui est pris en
considération.
M. Prat: Justement, dorénavant et M. Mé-nard
va vouloir dire un mot, je pense il faudra dire: Nonobstant la charte,
le huis clos pourrait être ordonné. C'est comme cela que
s'appliqueraient nos remarques. Est-ce que Me Ménard...
M. Ménard: D'ailleurs, je veux simplement préciser
qu'un organisme comme la commission d'enquête sur le crime
organisé ne semble pas lié par l'article 20 de la charte, parce
qu'il n'est pas un organisme par lequel il s'agit de la détermination de
droits et d'obligations ou d'une accusation. Il s'agit d'un organisme
d'enquête. Je pense que c'est une différence également
entre un tribunal quasi judiciaire. Même si c'est un tribunal quasi
judiciaire, il s'agit quand même de la détermination du droit
d'une personne ou de ses obligations. Pour une commission d'enquête, il
s'agit simplement de rechercher certains faits et de faire rap- port. La
commission d'enquête ne décide du droit ni des obligations de
personne. Vous aviez raison, M. le ministre, de signaler qu'il est
peut-être bon qu'une commission d'enquête comme celle-là
puisse avoir, pour la protection de certains témoins, le pouvoir d'agir
à huis clos.
Mais quand on visait le huis clos ou le caractère public d'un
débat judiciaire, nous visons un débat où il s'agit de
déterminer, pour une personne, en particulier, quel est son droit ou
quelle est son obligation ou quelle est la pénalité qu'elle devra
subir pour une infraction à une loi.
M. Choquette: Je crois que nous pourrions quand même
discuter sur la portée de l'article 20, en prenant en
considération l'article 35 qui dit que: "Au sens du présent
chapitre, le mot "tribunal" inclut, etc.." Alors, donc, quelle que soit la
langue de l'article 20, je crois que les principes du chapitre III
s'appliqueraient néanmoins à un tribunal, tel que défini
à l'article 35.
Je crois que cette question est assez mineure, en fait. Ce que je
retiens de la position exprimée par Me Prat et au nom du Barreau, c'est
que le Barreau aimerait que nous ayons des dispositions à peu
près semblables à celles qui existent dans la charte
fédérale des droits de l'homme. Parce qu'on se souviendra que la
caractéristique de cette charte fédérale est que, d'une
part, il y a l'expression du principe que les autres lois du Parlement
fédéral doivent se conformer aux principes de la charte sous
peine de déclaration de nullité par les tribunaux ordinaires.
Nous allons arriver dans un débat juridique des plus
intéressants et je suis content que ce soit le Barreau qui soit devant
nous. Les tribunaux ordinaires n'ont pas toujours appliqué cette
disposition de la charte fédérale. En fait, il y a deux
écoles, sur cette question, comme sur tant d'autres. Il y a une
école qui a donné la préséance à la charte
des droits de l'homme sur d'autres lois fédérales, tel que, cela
s'est exprimé dans la cause de Drybones et deux autres arrêts que
je n'ai pas en mémoire, mais probablement que les savants membres du
Barreau vont pouvoir me citer cette jurisprudence de mémoire très
facilement.
Ledéputéde Maisonneuve et moi, vous savez, nous sommes un
peu rouillés en droit, c'est pour cela que nous n'essayons pas de
rivaliser en science juridique avec le bâtonnier et les brillants
représentants du Barreau, parce que nous avons d'autres
préoccupations au niveau politique.
Donc il y a cette jurisprudence, devant les tribunaux, qui est assez
limitée. Par contre, il y a une école qui semble bien plus
prépondérante, qui dit que même si c'est écrit comme
ça dans la charte fédérale des droits de l'homme, en vertu
du principe de la suprématie du Parlement, un Parlement ne peut jamais
être lié par un Parlement antérieur ou par une loi
antérieure de telle sorte que, chaque fois que nous recommençons
l'étude d'une loi, au fur et à mesure de nos travaux, c'est
toujours un nouvel incident et le Parlement est toujours libre de
décréter, aujourd'hui, par exemple, la communauté de biens
existant entre l'homme et la femme, elle va être administrée par
la femme et s'il
veut dire que demain, elle sera administrée par l'homme, il peut
le faire.
La liberté d'action du Parlement doit être sans contrainte
et même par rapport à des lois antérieures. Et là,
je vais m'en rapporter aux autorités qui sont devant nous en
matière juridique, je leur demande si, dans la majorité des cas,
le sens des décisions des tribunaux canadiens a justement
été que cette disposition, dans la charte fédérale,
à l'effet que la charte s'impose à toute législation, les
tribunaux ne s'en sont pas occupés du tout et ont dit: Même si
c'est écrit comme cela dans la charte fédérale, ça
ne peut pas lier les Parlements qui ont passé des lois a la suite de
l'adoption de la charte, c'est-à-dire, je pense, vers le 10 août
1960.
Ce qui devrait démontrer au Barreau que, même dans le
domaine législatif, il n'est peut-être pas possible de lier des
Parlements subséquents par une disposition contraignante. C'est la
question que je pose à Me Prat et au bâtonnier.
M. Prat: M. Ménard brûle de répondre, je veux
dire juste un mot avant qu'il ne parle là-dessus. Le problème
vient de la constitution soit au Québec, soit au fédéral.
Y a-t-il possibilité, actuellement, au niveau fédéral, de
se donner une constitution qui tienne? Face à la prochaine session de
l'Assemblée, y a-t-il possibilité, au Québec, de se donner
une constitution qui résiste aux voeux de l'Assemblée
suivante?
En ce sens que, si l'autorité constitutionnelle était
rapatriée d'Angleterre, certainement une assemblée constituante,
conforme au processus de rapatriement, pourrait lier les parlements
subséquents.
Au même titre, j'espère qu'on réglerait le
problème éternel de savoir si les provinces disposeront, à
ce moment-là, elles aussi, d'un processus d'amendement de leur propre
constitution dans le cadre de ce processus de rapatriement. On n'entrera pas
là-dedans aujourd'hui, j'imagine, mais Me Ménard voulait
répondre plus sur la ligne juris-prudentielle.
M. Ménard: Oui. M. le ministre, vous avez raison de dire
qu'il y a deux écoles de jurisprudence. Que je sache, il y a l'ancienne
et la nouvelle. La nouvelle existe, effectivement, depuis l'arrêt
Dry-bones, mais une chose est certaine, c'est que par la rédaction du
deuxième paragraphe de l'article 45, si l'Assemblée nationale
approuvait cette rédaction, elle choisirait indubitablement l'ancienne,
c'est-à-dire l'école qui veut que la charte, qu'elle soit
fédérale ou provinciale, des droits de la personne, n'ait pas
priorité sur les autres lois. Même si les tribunaux voulaient la
faire primer sur les autres lois, avec le deuxième paragraphe de
l'article 45, tel qu'il est rédigé, ils ne le pourraient pas.
Nous avons voulu vous suggérer une formule par laquelle les tribunaux
pourraient, s'ils voulaient choisir la nouvelle, la choisir et nous croyons que
depuis l'arrêt Drybones, les tribun aux vont, effectivement, choisir la
nouvelle tendance.
Je vous assure que dans notre comité qui a préparé
le rapport, il y a des gens qui auraient voulu aller plus loin que la formule
que nous vous suggérons, mais si nous n'avons pas voulu, comme
organisme, aller plus loin que la formule que nous vous suggérons, c'est
que nous avons essayé d'imaginer, de comprendre les problèmes que
s'étaient posés les fonctionnaires de votre ministère qui
ont rédigé cet article et qui ne voulaient pas, en somme,
chambarder des lois sans en être conscients... c'est-à-dire par un
texte de la charte des droits de la personne, chambarder complètement
certaines lois, par accident et le découvrir dans cinq ou six ans, au
fur et à mesure de décisions judiciaires. Alors, nous avons voulu
prêter une formule qui a permis aux tribunaux d'appliquer ce que
j'appellerais la nouvelle école de jurisprudence plutôt que de
choisir un texte qui, indubitablement, a fait le choix de l'ancienne
école de jurisprudence.
M. Choquette: C'est justement, M. Ménard, si on me permet
de faire une petite réponse à votre intervention. Même en
inscrivant votre formule, je voulais signaler seulement à Me Prat et
à vous-même, qu'il n'est pas du tout prouvé qu'elle va
trouver la faveur des tribunaux. Vous comprenez ce que je veux dire?
M. Ménard: Oui...
M. Choquette: C'est bien beau de me parler de la nouvelle et de
l'ancienne école, mais je ne suis pas du tout sûr et vous ne
pouvez pas affirmerque les tribunaux vont vous donner raison.
M. Ménard: Vous avez raison, M. le ministre, mais ce que
nous voulions vous dire c'est que nous sommes certains qu'avec le texte que
vous proposez, les tribunaux vont choisir l'ancienne. Ils n'ont pas le
choix.
M. Choquette: Mais pour une très bonne raison. Parce que
moi, je me dis, par souci de réalisme je ne m'en cache pas
j'ai adopté la formule traditionnelle; mais je me suis dit: Le
contrôle qui se fera sur les législations subséquentes se
fera au niveau politique et ceci pour ne pas entraver le travail parlementaire
subséquent. Je suis de l'avis de Me Prat que nous pourrions avoir des
dispositions constitutionnelles, soit dans l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, on pourrait trouver la définition d'un certain nombre de
droits énumérés au projet de loi 50 dans une constitution
canadienne rapatriée, soit un Acte de l'Amérique du Nord
comportant... Mais on connaît toutes les difficultés qu'il y a de
faire cela. Je pense que pour le moment ce n'est pas autour de cette table
qu'on pourra régler ces problèmes.
On pourrait imaginer la possibilité d'une constitution
québécoise, en vertu de l'Acte de I Amérique du Nord
britannique, ce n'est pas exclu, si on n'affecte pas la fonction du
lieutenant-gouverneur en conseil. Par contre, cette loi que je présente
n'a pas la prétention d'être une constitution
québécoise. Vous allez facilement admettre avec moi qu'une
constitution québécoise pourrait voir s'y trouver un certain
nombre de dispositions qui se trouvent dans cette loi, mais elle devra
avoir
d'autres dispositions, par exemple, sur l'exécutif du
gouvernement, etc., enfin, une foule d'autres dispositions qui viendraient
compléter l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Avant qu'on
en soit arrivé là, il y a encore, je pense bien, pas mal de
travail à accomplir.
Donc, cette loi n'a qu'une portée limitée, elle n'a pas la
prétention de se situer au niveau constitutionnel.
Elle veut donner des garanties aux individus. Elle veut garantir, par la
volonté générale, les droits particuliers des individus et
c'est sa portée réelle. Je ne dis pas qu'on ne peut pas envisager
une constitution, mais, pour le moment, ce n'est pas sur la table.
Je conclus simplement en disant qu'en écartant les
possibilités sur le plan constitutionnel, parce qu'elles ne sont pas
envisageables d'une manière immédiate, ceci nous laisse avec le
débat de savoir ce que les tribunaux vont faire avec les
dispositionscontraignantesque vous nous suggérez d'introduire. Je dis:
Devant cette incertitude, est-ce qu'on ne doit pas adopter la solution la plus
prudente, la plus réaliste? Remarquez que je conçois très
bien qu'on puisse entretenir l'autre école et je ne suis pas du tout
lié au point de vue que je défends, même aujourd'hui. Vous
comprenez ce que je veux dire? Je laisse toutes les portes ouvertes et je ne
prends aucune option définitive, de telle sorte que votre point de vue,
je le dis, n'est pas écarté. Il n'est pas écarté,
je préfère avoir une bonne discussion avec toutes les parties
intéressées avant de prendre une option qui sera la
meilleure.
Il reste aussi que vous devez considérer, dans l'analyse du
problème, tel que défini sur le plan juridique, le fait que les
droits qui sont énoncés dans cette charte des droits de l'homme
sont nettement plus étendus que dans la charte fédérale.
Vous allez admettre avec moi que les droits définis dans la charte
fédérale, ce sont les libertés publiques fondamentales et
les droits judiciaires, et cela se limite exclusivement à cela. Tandis
que, dans notre projet de charte, pour ne citer que le cas des droits
économiques et sociaux, nous allons beaucoup plus loin. Nous avons donc
pris une option plus extensive sur la définition des droits, mais moins
contraignante sur les législations subséquentes. Je crois que
l'optique que nous avons prise est compatible, qu'il y a compatibilité
entre la théorie de l'extension, de la généralité
des droits qui sont définis, et l'adoption d'une théorie du
contrôle politique des législations subséquentes,
principalement par l'Opposition, principalement par les partis d'Opposition. Ce
sont eux qui vont pouvoir dire au gouvernement: Ecoutez, vous apportez telle
loi, etc.. Admettons qu'on apporterait une loi municipale qui habiliterait les
villes à contrôler les manifestations ou à ne pas les
contrôler. L'Opposition peut nous dire: Ecoutez, vous êtes en train
de voter une loi qui est contraire à la charte ou qui modifie la
portée de la charte. Le contrôle politique est là. Il y a
la presse, il y a le Barreau. Il y a la Ligue des droits de l'homme. Il y a les
syndicats.
M. Burns: Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir aussi la loi? C'est
cela le problème.
M. Choquette: Je sais, la loi, c'est bien beau, mais est-ce qu'on
veut que les Parlements soient contrôlés par des gens qui ne
siègent plus? C'est cela l'affaire aussi. C'est bien beau de voter une
loi, mais est-ce que vous voulez... Admettons que le Parti
québécois arriverait au pouvoir, voulez-vous être
contrôlés par des législateurs antérieurs qui ont
légiféré? C'est bien beau, mais je crois que le
gouvernement a un devoird'agir politiquement, doit avoir la latitude d'agir
politiquement. C'est pour cela qu'en Angleterre la suprématie du
Parlement a toujours été une théorie politique qui a cours
historiquement depuis sept ou huit siècles.
M. Prat: M. le ministre, vous avez soulevé deux choses.
D'abord, vous avez dit: II y a la presse. Mais je ne la vois nulle part. On a
le droit de vote, mais on n'a pas forcément le droit d'information.
C'est une lacune. Nous n'avons pas soulevé les droits fondamentaux. La
ligue a fait, je crois, un très bel exposé des droits
fondamentaux qui ne sont pas apparents ici...
M. Choquette: M. Prat, permettez-moi de vous interrompre. La
presse est très bien traitée dans ce projet de loi parce qu'il y
a la liberté d'opinion et la liberté d'expression et la
liberté de réunions pacifiques, et la liberté
d'association. Qu'est-ce qu'on veut de plus?
M. Prat: La liberté d'information, simplement, ce serait
un mot de plus. Cela ne chargerait pas beaucoup, je pense.
M. Choquette: Vous êtes juriste, vous n'êtes pas
politicien.
M. Prat: C'est vous qui amenez un débat sur la place
publique. Nous n'avons rien dit de cela.
M. Choquette: Vous êtes juriste et situez la discussion au
plan juridique. D'après vous, est-ce que la liberté d'expression,
ce n'est pas justement la liberté dont se sert la presse
quotidiennement, que ce soit la presse écrite ou la presse
parlée, la télévision, etc? C'est cela la liberté
d'expression. C'est le droit de projeter ses idées. La liberté
d'information n'ajoute rien.
M. Prat: M. le ministre, vous aviez d'ailleurs souligné,
ailleurs, dans le projet, que toute publicité ou littérature
à caractère discriminatoire est interdite. Vous avez donc
amené une juste limite au droit d'expression. Ayant amené cette
limite au droit d'expression, je pense qu'il était peut-être aussi
normal... Je souscris tout de même à l'opinion de la ligue, qui
demande que soit reconnu le droit d'information, qui va un peu plus loin que le
droit d'expression, parce que je pense qu'il implique, au niveau du medium,
l'obligation de laisser passer une expression d'opinion qui n'est pas en
contradiction avec l'article qui prévient les ex-
pressions discriminatoires, ou pour la littérature haineuse,
comme on l'appelait antérieurement.
M. Choquette: Vous êtes juriste, M. Prat, et dites-moi quel
est le contenu...
M. Prat: Monsieur...
M. Choquette:... exact de la liberté d'information.
Le Président (M. Pilote): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre! Si vous permettez, on va permettre à monsieur de
continuer son exposé, quitte ensuite à poser des questions. Le
ministre retiendra ses questions. Je comprends que c'est intéressant,
mais ce sera intéressant tantôt aussi. Alors, si vous lui
permettez d'achever son exposé, les questions viendront ensuite.
M. Prat: Sur l'article 34, nous avons fait certaines remarques
concernant la rédaction parce qu'il est clair que, lorsqu'un
témoin refuse de témoigner, sous prétexte qu'il pourrait
s'incriminer en continuant de témoigner, ce n'est pas le tribunal qui
lui accorde une protection, mais c'est la loi. En matière de droit
fédéral, c'est l'article 5 de la Loi de la preuve au Canada; en
matière de droit provincial, ou de poursuites possibles au niveau des
pénalités provinciales, c'est la loi provinciale qui le
prévoit, le code de procédure. Donc, c'est bien la loi qui donne
sa protection au témoin et non pas le tribunal. On voulait juste
souligner que les mots "la loi" devraient prendre la placede "le tribunal".
Me Ménard va vous parler des infractions et des peines qui
forment la page 12, la dernière remarque du Barreau.
M. Ménard: Je serai très court parce qu'il ne
reste, sur ce point, que deux choses à couvrir. Les articles 75 et 76
prévoient les dents qu'aurait cette loi. Alors, l'article 76
prévoit que les poursuites sont prises suivant la Loi des poursuites
sommaires. Pour la majorité du public, cela ne veut peut-être pas
dire grand-chose; pour les avocats, cela veut tout de suite dire un certain
nombre de choses. Cela veut dire, entre autres, quelle est la
pénalité qui sera attachée aux infractions prévues
dans la loi. Alors, nous la retrouvons à l'article 66 de la Loi des
poursuites sommaires; la pénalité maximale, c'est $500 d'amende,
sans qu'il n'y ait aucune pénalité minimale.
Nous croyons que, dans plusieurs cas, cela peut être insuffisant
et qu'il devrait y avoir une pénalité minimale dans le cas de
discrimination et qu'il devrait également y avoir un maximum plus grand
que $500 d'amende, et un minimum encore plus grand en cas de récidive.
C'est le premier point quant aux pénalités.
Deuxièmement, le deuxième paragraphe de l'article 66 de la
Loi des poursuites sommaires, auquel se réfère l'article 76 de la
loi, prévoit aussi qui peut prendre des poursuites pour des infractions
qui sont commises à la Charte des droits de la personne. Ces personnes
ne sont que des per- sonnes qui ont reçu l'autorisation préalable
du procureur général. Nouscroyonsqu'en matièrede droits
fondamentaux et de discrimination, la loi serait beaucoup plus efficace si, en
plus des personnes autorisées par le procureur général,
n'importe qui pouvait prendre une poursuite en vertu de la Charte des droits de
la personne. Nous pensons que cette méthode a déjà
donné d'excellents résultats, quant à la Loi
d'étiquetage bilingue où les simples citoyens pouvaient
poursuivre les entreprises qui enfreignaient cette loi et pouvaient, en vertu
justement des lois générales, recevoir une partie de l'amende qui
serait imposée par les tribunaux.
Nous croyons que, si vous permettiez à d'autres personnes que
celles qui sont spécifiquement autorisées par le procureur
général de prendre des poursuites en vertu de la Charte des
droits de la personne, cela rendrait beaucoup plus dynamique et beaucoup plus
actif, cela donnerait un moyen d'action supplémentaire aux
comités contre la discrimination qui peuvent s'organiser dans les
grandes villes, pour voir à ce que, effectivement, les
propriétaires des grandes conciergeries ou les magasins, ou les
propriétaires d'établissements publics en général,
ou de moyens de transport, n'exercent aucune discrimination. J'ai l'impression
aussi que cela coûterait probablement moins cher à la province
s'il y avait de ces organismes, pour mettre cette loi en application, qui
pourraient, de leur propre autorité, prendre des poursuites.
Il est évident que ces poursuites ne viseraient cependant que le
paragraphe a) de l'article 75, puisque celles qui sont prévues aux
paragraphes b), c) et d) sont des infractions, je dirais, de droit public, qui
concernent la commission ellemême. A ce moment-là, il serait
peut-être bon qu'uniquement le procureur général puisse
prendre des poursuites.
Pour ceux que cette méthode surprendrait, que n'importe qui
puisse prendre une poursuite, je vous signalerais que dans l'ensemble de notre
droit, il n'y a rien de surprenant en matière criminelle, n'importe qui
peut effectivement, à tout le moins, mettre en branle le processus
judiciaire en déposant une dénonciation. Il est certain que, par
la suite, le procureur général va intervenir mais pour des choses
beaucoup plus graves. Actuellement, les simples citoyens peuvent prendre des
poursuites.
Nous suggérons qu'en matière desdroits de la personne, et
principalement en matière d'infractions aux dispositions sur la
discrimination, ce pouvoir soit donné à toute personne et non
seulement à celles autorisées par le procureur
général.
Le Président (M. Pilote): L'honorable ministre.
M. Choquette: M. le Président, je voudrais d'abord
exprimer mes remerciements au Barreau pour son mémoire et
également pour la présentation en trois phases qui a
été faite ce matin, par trois membres du Barreau, qui ont
abordé divers aspects du projet de loi.
On me permettra tout d'abord de commencer par l'intervention de Me
Ménard, sur la question des poursuites pénales. Vous aurez
peut-être noté, M. Ménard, que dans le cas de
discrimination, il y a quand même une procédure qui permet
à la commission d'enquêter et lorsqu'elle constate qu'il y a
discrimination, elle attire l'attention du procureur général. Et,
je pense bien que le procureur général, devant un constat de
discrimination par la commission, examine la cause et voit s'il y a lieu
d'instituer une poursuite pénale. De telle sorte qu'on peut dire qu'il y
a quand même une façon, une pression, n'est-ce pas, une pression
légitime mise sur le procureur général de prendre ses
responsabilités, de prendre des poursuites pénales lorsque des
infractions ont été constatées.
Cependant, je vais prendre en considération votre point de vue
qui voudrait élargir, d'une certaine façon, la latitude
d'instituer des poursuites.
Nous avons déjà eu un débat avec Me Prat et M.
Ménard sur l'article 45 qui est préoccupant. Je voudrais, au
début de mes observations, demander au Barreau si on trouve que le
premier paragraphe qu'il suggère dans son mémoire pour remplacer
le premier paragraphe de l'article 45, véritablement remplace
efficacement le premier alinéa de l'article 45 dans le projet? Parce
que, en fait, tout ce que le premier alinéa de l'article 45 dans le
projet de loi fait, c'est de dire que la charte n'a pas pour effet de
supprimer, restreindre la jouissance ou l'exercice d'un droit ou d'une
liberté de la personne qui n'y est pas inscrite.
M. Prat: M. le ministre, il devient le deuxième. M.
Choquette: Ah! oui.
M. Prat: Celui-là devient le deuxième et c'est au
deuxième que nous nous attaquons, au deuxième alinéa de
votre projet que nous voulons substituer au premier du nôtre.
M. Choquette: Alors, le premier alinéa vous convient?
M. Ménard: Oui, il nous convient et nous l'avons
incorporé dans notre deuxième.
M. Choquette: Bon. Quant au premier alinéa: "Nul ne peut
être privé de l'un des droits proclamés dans la
présente charte, si ce n'est pas l'application régulière
de la loi." Ceci s'inscrit dans la théorie qui a été
adoptée pour la législation fédérale et dont nous
avons discuté tout à l'heure. Je ne pense pas que cela revienne,
qu'il y ait tellement lieu d'élaborer sur cela parce que je pense qu'on
a eu une discussion assez complète.
Maintenant, vous suggérez plus tard, je crois, qu'une
modification, même si on devait retenir, n'est-ce pas, votre idée
d'astreindre les législations futures aux dispositions de la charte,
vous préconisez quand même le principe du deux tiers des votes
exprimés en Chambre pour opérer une telle modification aux
principes de la charte. Je me demande si ceci est très conforme à
notre système parlementaire qui est, généralement,
basé sur l'existence des partis politiques et d'une majorité
gouvernementale. Est-ce que...
M. Prat: Nous voudrions juste souligner que, par exemple,
lorsqu'il s'agit d'amender le code criminel, on sait que le Parlement adopte un
vote libre, surtout lorsqu'il s'agit de la peine de mort, du droit des
personnes dans leur chambre fermée, et on a pris
généralement les votes libres sur des matières qui
paraissent fondamentales aux individus. Au même titre, nous ne voulions
pas faire de politique dans notre mémoire, mais lorsqu'on parle d'un
vote des deux tiers, nous penserions à un vote libre puisqu'il s'agit de
droits fondamentaux de l'individu ou bien alors il s'agit de droits
particuliers. Si ce sont des droits fondamentaux, il me semble que chacun doit
voter suivant sa conscience.
M. Choquette: Oui, mais à ce compte-là, pourquoi ne
prolongerions-nous pas cette règle a toutes les législations
présentées?
Un député, parfois, peut se trouver en situation, vous
savez, de formuler un accord mitigé à un projet de loi
gouvernemental ou même à une position prise par son parti, s'il
est dans l'Opposition. Ceci est un problème que nous vivons constamment
de part et d'autre à la Chambre et c'est la base du système
parlementaire.
Je ne veux pas donner d'exemple récent, parce que les exemples
récents ne seraient sûrement pas au même niveau que celui
que vous venez de nous citer d'un vote, par exemple, sur la peine de mort, qui
met, évidemment, beaucoup plus la conscience des députés
en jeu. Mais devant, disons, ce qui se passe à Montréal, depuis
le début de janvier, supposons que M. Allmand ou supposons que M.
Trudeau demanderait au Parlement fédéral de rétablir la
peine de mort pour réprimer le meurtre, c'est vrai qu'il pourrait y
avoir un problème de conscience pour les députés.
Mais ça ne veut pas dire que le gouvernement ne pourrait pas
s'engager et dire: Nous en faisons une mesure de confiance. Et si la
majorité des députés trouve que leur conscience les
empêche de voter pour cela, eh bien, ils vont, en défaisant la
mesure gouvernementale, défaire le gouvernement qui en a fait une
question de conscience.
C'est donc dire que le vote libre, dans notre système
parlementaire, a assez peu cours; c'est une chose qui s'est produite à
l'occasion de l'adoption du bill omnibus, qui avait amendé certains
articles du code criminel, que vous connaissez, je pense. Si je me rappelle
bien, c'était le cas. Mais on ne peut pas dire que c'est fréquent
et je me demande si la règle des deux tiers n'est pas, justement, d'une
certaine façon, contraire au fonctionnement du système
parlementaire, excepté dans certains cas que le député de
Maisonneuve a relevés hier.
M. Burns: Mais justement, ce que je trouve étonnant, c'est
que vous vous y opposiez, alors que ça existe pour des cas...
malheureusement, je
ne suis pas du même avis que M. Prat, au point de vue de la
procédure, je ne crois pas que cela existe au Québec. Mais cela
existe dans des cas beaucoup moins importants, à mon avis, ils sont
importants, mais beaucoup moins qu'une charte des droits et des libertés
fondamentales de la personne. C'est-à-dire qu'elle existe dans la
nomination, je pense, de trois hauts fonctionnaires qui sont nommés par
l'Assemblée nationale, le président des élections, le
vérificateur général et l'Ombudsman ou le Protecteur du
citoyen. Je ne suis pas sûr que ça s'applique aux trois, mais je
sais que ça s'applique dans le cas du président des
élections et aussi dans le cas du vérificateur
général, parce que nous l'avons vécu dans un Parlement
précédent.
Mais, il me semble que si on prend la peine de le faire pour la
nomination à un poste qui, toutes proportions gardées, est une
chose beaucoup moins importante, même si le poste est très
important, qu'une charte des droits, qu'on ne se prive pas de droits futurs,
qu'un Parlement ne se prive pas de droits futurs en rendant plus difficile
simplement l'amendement d'une pièce de législation qui est
majeure, centrale, fondamentale.
Dans ce sens, je partage entièrement le point de vue du Barreau
et j'espère que le ministre reviendra sur ce qui nous apparaît
comme des réticences.
M. Choquette: J'aurais évidemment des réticences
sur ce point-là à l'heure actuelle, je ne le cache pas.
Maintenant, dans le cas des nominations que vous avez mentionnées, le
président des élections, le Protecteur du citoyen et le
vérificateur général, c'est une procédure
spéciale qui a été adoptée en rapport avec
certaines nominations de façon à indiquer, je pense bien, la
confiance générale et la grande impartialité que doivent
avoir ces personnes dans l'exercice de leurs fonctions.
M. Prat: Oui, mais, M. le ministre, l'article 50 de cette charte
proposée propose un vote aux deux tiers pour la nomination du
président de la commission.
M. Choquette: Les membres de la commission.
M. Prat: Oui, même les trois membres.
M. Choquette: En effet. Je ne dis pas que, dans le cas d'une
nomination, on ne peut pas employer cette procédure. Mais, unefoisqu'une
nomination est faite, elle est faite. Tandis que nous sommes toujours
appelés à changer les lois.
M. Burns: C'est ce que je me dis. C'est que, toutes proportions
gardées, il me semble que la nomination à ces postes importants a
beaucoup moins d'importance et de conséquence comme telle qu'une
modification d'un droit prévu à la charte, soit par une loi
future ou par la modification même de la charte.
Il me semble que le Parlement devrait se dire: C'est tellement grave et
important, ce geste qu'on va poser. Et là on aurait peut-être
comme conséquence, justement, le non-alignement des partis lorsdu vote.
Il y aurait probablement les deux tiers, peu importent les lignes de
partis.
C'est ce que je trouve essentiel. On se dit: C'est assez important pour
qu'on rende cela plus difficile. Vous disiez tout à l'heure que, le jour
où je serai au pouvoir...
M. Choquette: J'ai dit: peut-être.
M. Burns: Bientôt, j'imagine. Personnellement je me
place dans la position d'un ministre qui présente une loi je
n'aurais aucune objection à me sentir lié par des lois
antérieures, lorsque ces lois sont aussi fondamentales qu'une charte des
droits.
M. Choquette: Oui.
M. Burns: Mais à ce moment, si je ne peux pas obtenir les
deux tiers des voix à l'Assemblée nationale pour des raisons de
partisanerie, évidemment, je me fierai sur l'opinion publique. Il me
semble que vous aussi, comme ministre, devriez réfléchir à
cela.
M. Choquette: Ce ne sont pas des raisons de partisanerie, parce
que je ne pense pas que, quand on est à ce niveau, il s'agisse de
partisanerie. Il s'agit de fonctionnement du système.
M. Burns: En somme, vous ne pensez pas au Parlement actuel, parce
que vous n'auriez pas de problème à avoir vos deux tiers.
M. Choquette: Non, pas du tout, en effet. Ce n'est pas le
Parlement actuel qui cause des problèmes, c'est pour l'avenir.
M. Burns: M. le ministre, si vous me le permettez, je dois
quitter pour une autre commission; j'ai une seule question...
M. Choquette: Sans doute.
M. Burns: ... à poser à Me Prat, tout en lui disant
et en disant au Barreau que je me limite à une seule question, pour la
simple raison que je suis d'accord sur l'ensemble du mémoire. Je les
remercie de nous avoir éclairés là-dessus.
Je voudrais simplement poser la question relativement à la
suggestion que vous faites, en page 4 de votre mémoire, lorsque vous
imposez au ministre de la Justice le devoir d'aviser l'Assemblée lors
d'un vote ou d'une loi qui pourrait soulever une incompatibilité avec la
charte. Ne verriez-vous pas d'un bon oeil, justement pour aider le ministre
à être objectif je ne parle pas du ministre actuel, mais on
ne sait pas, peut-être qu'il va être remplacé; il va
sûrement l'être un jour, il n'est pas éternel que
l'on exigeque le ministre, avant de donner cet avis, prenne avis de la
commission des droits?
M. Prat: C'est exact. C'est parmi les recommandations que faisait
Me Filion, au tout début. Nous considérons qu'actuellement la
commission n'a pas, à première vue, dans le texte même de
la loi la réglementation suivra, nous l'espérons
les moyens, la substance, le nombre, la représentativité qu'on
lui souhaiterait pour être un véritable organe d'information du
public et de l'Assemblée, lorsque de nouvelles lois viennent. On sait
qu'en ce moment la législation par réglementation est devenue
presque indispensable, vu la multiplicité des problèmes qui
assaillent quotidiennement l'Assemblée. Il me semble aussi important
que, dans la réglementation, par exemple, des hôpitaux, on ne
fasse pas des règlements à tort et à travers, sans
regarder quels sont les droits des personnes qui y sont traitées.
Là-dessus, la charte passe un peu sous silence certains droits
des personnes handicapées, des personnes malades. En particulier, les
handicapés de façon définitive ne reçoivent pas le
traitement auquel ils ont droit et qu'on leur a de facto refusé, comme
l'accès aux transports publics, aux édifices publics. Il serait
tellement simple de faire des rampes d'accès. Le palais de justice,
à Montréal, a des rampes d'accès, mais combien de
bibliothèques municipales, où les handicapés pourraient
venir, ont des escaliers de 40 marches pour y arriver! C'est absolument
ridicule de voir cela, alors que ce serait si simple de leur faire des rampes
d'accès.
Je suis d'accord que la commission devrait être consultée,
parce qu'elle est mieux apte à voir, dans une réglementation,
quelque chose qui peut paraître anodin à un fonctionnaire du
ministère de la Justice, qui a bien autre chose à faire, mais
à quoi elle est confrontée quotidiennement. Il me semble que le
service d'accueil des plaintes qui ne donnent pas lieu à enquête,
mais qui y donneraient lieu par la multiplicité et la
répétition de certaines plaintes devrait être très
soigneusement établi et avoir un personnel non seulement
compétent au point de vue théorique, mais dévoué
à ce genre de problèmes, qui sont des problèmes fastidieux
pour certains, mais qui exigent une motivation de chacun des fonctionnaires.
C'est pour cela aussi que je pense que la suggestion de la ligue de ne pas les
inclure dans la Fonction publique est une bonne idée. Peut-être
également devrait-elle être constamment en communication avec les
personnes qui, bénévolement, s'intéressent à ce
genre de problèmes, parce que, dans ces relations au niveau des droits
fondamentaux, le bénévolat aura toujours une place
considérable. Le fonctionnaire est une chose, mais le
bénévole devra rester intéressé. La commission
devra susciter et continuer à encourager les organisations
bénévoles et même les approcher d'elle. Donc, nous sommes
d'accord qu'elle devrait être consultée avant que les
règlements d'application des lois et les lois soient votées.
M. Burns: Merci, M. Prat. Merci, M. le ministre, de m'avoir
permis d'insérer ma question. Je m'excuse de m'absenter.
M. Choquette: Cela m'a fait plaisir. Mais nous allons continuer
à la discuter. Mais ne pensez-vous pas que d'introduire la commission
comme un organisme qui a une responsabilité indirecte, si vous
voulez mais une responsabilité quand même sur le plan
législatif, ne déplace pas le siège des
responsabilités législatives qui doivent être au Parlement
vers la commission? Je veux dire que le gouvernement se soumet à
l'approbation ou à la désapprobation d'un vote populaire à
la période régulière, à tous les trois, quatre ou
cinq ans. Là, le peuple peut juger si le gouvernement a agi
conformément aux lois, ou aux principes qui peuvent prévaloir
à ce moment.
Mais, à partir du moment où vous limitez l'action
parlementaire d'un gouvernement, par un organisme extérieur qui n'est
pas responsable n'oubliez pas que la commission des droits de l'homme
et je conçois très bien qu'il faille en créer une
n'aura aucune responsabilité il n'y a pas de sanction qui
puisse être exercée à l'égard des membres de cette
commission, pas de sanction démocratique, pas de sanction parlementaire.
En fait, ne serait-ce pas préférable que ce soit le gouvernement
qui ait la responsabilité de ces actes? Si on les trouve
repréhensibles ou discutables, le gouvernement en supportera les
responsabilités devant l'opinion publique et ultimement sur le plan
électoral.
M. Ménard: Mais la commission, ici, n'a qu'un pouvoir
consultatif. Elle n'a aucun pouvoir pour limiter l'action du Parlement. Elle
n'a que le pouvoir de signaler à l'attention de chaque
député en particulier que, s'il vote tel projet de loi, il va
enfreindre ce qui a déjà été voté avant.
Cela ne le limite pas dans ce qu'il peut faire.
M. Choquette: Oui, mais est-ce...
Mme Audette-Filion: C'est le même argument pour la
responsabilité du ministre de la Justice à qui lacommission
auraitfait les représentations. Il a un rôle, une
responsabilité d'information simplement, mais l'Assemblée
nationale demeure maître de ses décisions et si elle décide
de légiférer dans tel sens, c'est sa seule
responsabilité.
Une Voix: Mais elle devra le mentionner.
Mme Audette-Filion: Mais nous suggérerions,
évidemment, qu'elle le mentionne, pour donner plus de force.
M. Choquette: Oui. Sur un autre sujet, je crois que Mme
Audette-Filion a suggéré que la commission ait un pouvoir
d'enquête, non seulement dans le domaine de la discrimination,
c'est-à-dire les articles 11 à 17, mais sur les autres articles.
Je crois que cela a été une suggestion formulée par le
Barreau, et qui a été explicitée par Mme Audette-Filion.
En fait, le Barreau ne trouve-t-il pasqu'en ce faisant, on va créer deux
juridictions parallèles? C'est-à-dire que je ne crois pas que le
Barreau veuille exclure de la compétence des tribunaux
l'application des principes de la charte autres que ceux des articles 11
à 17. Le Barreau s'est-il posé le problème de la
coexistence de deux juridictions parallèles?
Mme Audette-Fi lion: Mais dans ce cas-ci, c'est un pouvoir
d'enquête, tout simplement, que nous recommandons, en suivant le
processus qui est déjà prévu dans la charte, à
savoir qu'à la suite de l'enquête la commission fait des
recommandations qui, si elles ne sont pas suivies, accordent à la
victime de la discrimination, ou d'un droit fondamental lésé, la
faculté soit de donner son consentement à la commission, pour que
celle-ci se prévale de l'article 44 et demande une injonction et des
dommages, si possible...
M. Choquette: Oui, mais...
Mme Audette-Filion: ...ou de faire la demande en s'adressant
elle-même au tribunal.
M. Choquette: Mais n'oubliez pas, madame, que la commission ne
fait pas seulement des recommandations à la suite d'une enquête.
Sa décision a une force contraignante dans le domaine, par exemple, de
la discrimination. Si la commission procède à une enquête
et qu'elle dit: II y a eu discrimination et nous ordonnons telle chose, c'est
un ordre, quitte à ce qu'il soit sanctionné par les
tribunaux.
Ne croyez-vous pas qu'il y a un problème qui surgit de cela, en
ce qui concerne les autres aspects de la charte, en rapport avec la force
contraignante d'un ordre de la commission?
Mme Audette-Filion: Je ne vois pas autre chose qu'un pouvoir
d'enquête et de recommandation. A l'article 70, on mentionne que la
commission peut recommander la cessation, dans un délai qu'elle fixe,
d'un acte discriminatoire ou le paiement d'une indemnité, ou les
deux.
A l'article 71, lorsque la recommandation prévue par l'article 70
n'a pas été à la satisfaction de la commission, suivie
dans le délai, la commission peut, avec le consentement écrit de
la victime s'adresser à la cour Supérieure, en vue d'obtenir une
injonction. Mais je pense que le tribunal a encore toute la latitude, il n'est
pas lié par la recommandation que la commission avait faite.
De même, un peu plus loin, on voit que la victime peut, si elle le
préfère, exercer personnellement les recours prévus.
Autrement dit, la commission la sert, l'aide, fait pour elle l'enquête,
fait des recommandations, si cela ne va pas plus loin, ce sont les tribunaux
qui jugent.
M. Choquette: Même si on se situe seulement sur le plan du
volume des affaires que ceci entraînerait devant la commission si, en
fait, toute l'ap-plicationde la charte devait ressortirde la compétence
de la commission, est-ce que vous ne croyez pas que le volume, les affaires
pourraient être tellement considérables, qu'à un moment
donné la commission va être embourbée?
Mme Audette-Filion: Effectivement, le volume serait beaucoup plus
grand, mais ceci rejoint une autre de nos recommandations indiquant qu'on
devrait augmenter l'importance de la commission. On la trouve insuffisante.
M. Choquette: Qu'est-ce que vous voulez de plus, au point de vue
de l'importance?
Mme Audette-Filion: Nous avons mentionné, à un
moment donné, que les recommandations qui étaient faites par la
ligue, nous les adoptions. Nous voudrions des pouvoirs plus étendus,
évidemment, des moyens plus étendus, cela va de soi.
M. Choquette: Maisdes moyens, cela veut dire du personnel, et
cela veut dire des commissaires. Si on devait charger la commission de
s'occuper de tous les aspects de la charte, je pense qu'on devrait nommer un
nombre énorme de commissaires et les faire siéger par banc. Ceci
nous amène à un système judiciaire parallèle
à celui qu'on a, à l'heure actuelle.
M. Ménard: Je ne vois pasdansquel cas, M. le ministre,
respectueusement, actuellement, et je ne vois pas en quoi les tribunaux peuvent
forcer, autrement que par une action pénale, dont nous avons
déjà parlé d'ailleurs, la cessation d'une infraction
à un droit particulier, autre qu'un droit discriminatoire
privé.
M. Choquette: Mais, qu'est-ce que vous faites de l'article
44?
M. Ménard: ... en commission, nous...
M. Choquette: L'article 44 donne un accès direct aux
tribunaux. L'article 44 donne un accès sous forme de demande
d'injonction, d'action en dommages. Tout est sanctionnable devant les
tribunaux, de par l'application de l'article 44.
Je crois que les infractions pénales sont assez mineures par
rapport aux recours qui sont donnés à l'article 44. L'article 44
est le "punch ' de ce projet de loi, c'est cela l'originalité du projet
de loi, par rapport à d'autres lois qui existent, c'est que tous les
droits qui sont dans la charte peu vent faire l'objet d'une action devant les
tribunaux et d'une action efficace réelle.
M. Prat: M. le ministre, justement, reprenons l'exemple, si vous
voulez bien, en deux minutes, des droits scolaires des parents. Si la
commission a le droit d'enquêter, à la suite de plaintes d'un
groupe de parents, face à l'enseignement moral ou religieux
article 38 et on continue à lire l'article 44 tel qu'il se lit,
l'impact sur le tribunal de la demande de la commission elle-même, avec
l'autorisation des parents concernés, pour faire rétablir un
droit qui est écrit dans cette charte et qui a été
bafoué pour une raison ou une autre par la commission scolaire
concernée, est beaucoup plus grand que si les parents doivent lire la
loi.
Quand ils arrivent à la commission, on leur dit: Cela n'est pas
de la discrimination, c'est un autre droit, c'est en dehors du chapitre 2,
c'est dans le chapitre 4. Allez-y de vous-même, vous avez l'article 44,
tentez votre chance. Allez voir l'assistance judiciaire, si vous n'avez pas
d'argent, allez voir le Barreau si vous en avez.
C'est un peu la notion de savoir aussi si la commission devra continuer
s'il y a un autre recours possible. C'est un peu toute cette façon
d'envisager le rôle étroit de la commission, que nous
combattons.
Nous aimerions lui voir un droit d'enquête qui déboucherait
sur une action de classe, une action de groupe de citoyens qui sont en bute
à un problème d'ordre scolaire. Ils arriveraient avec la
commission après une enquête faite par des enquêteurs qui
sont quand même spécialisés dans cette matière et
devant le juge, ils exposeraient leur grief avec leur soutien. Je les verrais
mieux que de les laisser, comme ils sont actuellement, en face de bureaux
d'assistance judiciaire, s'ils n'ont pas les moyens, ou des avocats
privés s'ils ont les moyens. Cette commission serait, à ce
moment, utile pour la protection de beaucoup de droits collectifs ou
individuels.
M. Choquette: Je crois qu'il y a un problème
insurmontable, au point de vue du volume des affaires qui iraient devant la
commission, dans ce sens que, si tout devait passer par la commission, le
nombre d'affaires serait tellement énorme que la commission serait
rapidement embourbée sous le volume des affaires. Je crois que l'article
44 est un recours efficace. Après tout, il y a des avocats au
Québec. Il y a l'aide juridique. L'article 44 amène un recours
immédiat. N'oubliez pas que l'article 44 n'impose pas de passer par une
autre instance, avant d'arriver aux tribunaux ordinaires.
Je vous demande, comme avocat, de réfléchir à
l'efficacité de l'article 44, au cas de la violation d'un droit. Vous
auriez le droit, en toute circonstance, de dire à votre client: Ecoutez,
nous avons l'article 44 qui permet, soit l'injonction ou l'action en dommages
et l'octroi de dommages exemplaires. Ceci permet de sanctionner
réellement tous les droits qui se trouvent à la charte. Je crois
que c'est cela qui est très efficace.
M. Prat: Mais on connaît la timidité du justiciable,
lorsqu'il n'a pas d'appui. S'il s'adresse à la commission, encore une
fois, il va être débouté, car ce n'est pas une question de
discrimination. Quand il s'agira d'aller consulter un avocat,
évidemment, d'y mettre les frais que cela implique et de monter devant
la cour pour une injonction, à mon sens, le justiciable se sentira moins
servi par la loi que si la commission avait un pouvoir d'enquête, de
consultation, de tentative de conciliation. Je prends, encore une fois,
l'exemple des autorités scolaires. Si les autorités scolaires ne
se pliaient pas aux recommandations de la commission, là elle irait,
avec ceux qui s'en sont plaints, devant les tribunaux. Il me semble que
c'était une possibilité d'ouverture de la commission qui valait
la peine d'être observée.
M. Choquette: Me Prat...
M. Robert: M. le bâtonnier, M. le ministre, je vais essayer
de dire quelques mots, je ne sais pas si vous allez m'entendre. Par ailleurs,
il ne s'agit pas pour le Barreau de recommander la création d'un nouveau
tribunal, en d'autres mots de morceler davantage la juridiction qui est
accordée aux tribunaux de droit commun. Vous savez que nous avons
toujours défendu cette position.
Il s'agit simplement d'accorder à la commission un pouvoir
d'enquête additionnel, mais non pas un pouvoir décisionnel. Je
pense que le pouvoir décisionnel doit demeurer avec les tribunaux de
droit commun, et plus particulièrement avec la cour Supérieure,
tel que vous le mentionniez, en vertu de l'article 44. Il ne s'agit pas, en
d'autres mots, de confier à la commission un pou voir décisionnel
quel qu'il soit. Là-dessus, je rejoins un peu les remarques de Me
Filion. Dans le texte qui est déposé, je ne sais pas si vous,
vous y voyez des pouvoirs décisionnels pour la commission, mais nous,
nous n'en voyons pas tellement. Parce que les recommandations qui sont
contenues aux articles mentionnés par Me Filion n'ont pas de force
exécutoire, semble-t-il.
En d'autres mots, la commission pourra toujours faire sanctionner sa
recommandation par un tribunal de droit commun qui lui conférera,
à ce moment, une force exécutoire. Mais cela n'empêchera
pas le tribunal d'examiner l'opportunité de la recommandation de la
commission. En d'autres mots, le tribunal pourra être d'un avis
différent de la commission quant à l'opportunité de la
recommandation. Il pourra refuser de donner suite à la recommandation.
Je ne sais pas si mon interprétation de la loi est incorrecte, mais
c'est un peu ce que j'ai vu en lisant la loi.
M. Choquette: Vous allez admettre, cependant, avec moi qu'il faut
faire une distinction, une différence entre la discrimination qui,
souvent, est une question d'appréciation, de jugement et, d'autre part,
certains droits qui sont nettement plus tranchés que d'avoir un recours
contre la discrimination.
Si on prend, par exemple, les libertés et droits fondamentaux qui
sont énoncés aux articles 1 à 10, là, il s'agit de
droits qui s'appliquent pleinement et qui donnent ouverture àdes
recours. C'est pour cela qu'on a prévu une application directe par les
tribunaux pour les droits énumérés dans cette partie,
tandis que, dans la discrimination, on a fait une différence. On a dit:
II y a peut-être une question de jugement, d'appréciation des
circonstances. Y a-t-il eu discrimination?
De toute façon, je crois que je vais prendre vos observations en
considération dans l'examen du projet de loi. Nous verrons s'il y a lieu
de changer certaines dispositions.
Je vous remercie, pour ma part, madame et messieurs du Barreau.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, je voudrais également
remercier les membres du Barreau qui nous ont présenté, je pense,
un très bon mémoire, ce matin. Comme il y a eu beaucoup de
questions posées et de réponses données, je me limiterai
peut-être à une question ou deux. Qu'il me soit permis de revenir
sur la suggestion que vous avez faite, à l'effet qu'un vote des deux
tiers de l'Assemblée nationale soit requis pour toute modification
à la charte. J'aimerais peut-être faire certaines
considérations. Nous savons tous qu'il existe une telle procédure
pour la nomination de certains hauts fonctionnaires; même dans le projet
de loi no 50, àl'article50, il est prévu une telle
procédure.
Cependant, la considération que je veux apporter, c'est que, pour
ce genre de nomination, il s'agit en quelque sorte d'avoir le consentement des
deux tiers de l'Assemblée, pour la nomination d'une personne ou de
personnes. Ce sont des personnalités et ce genre de mandat leur est
donné pour un temps bien défini, ce qui veut dire qu'à
toutes fins pratiques cela n'engage pas le Parlement indéfiniment.
D'autre part, comme les deux tiers des votes ne sont pas requis de la
population pour permettre de former un gouvernement, il serait peut-être
un peu difficile de demander les deux tiers des votes des députés
pour légiférer ou pour changer des lois. Cela serait
peut-être un peu entraver les droits de l'électeur, à ce
moment, qui, comme nous le savons, dans le domaine politique, donne son vote
à l'occasion d'une élection pour un programme qui lui est
présenté. Si un parti politique, par exemple, présente un
certain programme, qu'il est élu et qu'il a le pouvoir de former un
gouvernement, il pourrait se voir restreint dans son action, même
restreint dans l'application de son programme sur lequel il a été
élu, parce qu'il y aurait dans la présente loi une disposition
qui dirait que, pour la modifier, cela prend les deux tiers de
l'Assemblée.
C'est peut-être ce genre de considération que je voulais
apporter à votre attention. Vous avez souligné avec justesse que
ce genre de procédure est utilisé aussi dans d'autres domaines,
mais de façon très rare. Par exemple, nous avions besoin d'une
procédure semblable, je pense, si je me rappelle bien, dans le cas de
changements à être apportés aux comtés
protégés. Il y a eu peut-être un avantage et un
désavantage aussi, il faut se le rappeler, c'est que cette
procédure a retardé considérablement une réforme
électorale. Cela ne veut pas dire que je suis d'accord
entièrement sur la réforme qui a été faite, mais
cela a quand même retardé la réforme électorale.
C'est pourquoi je me demande s'il ne vaut pas mieux être
très prudent et en demeurer aux méthodes habituelles, pour ne pas
lier un gouvernement futur qui pourrait être élu avec le vote de
la population, avec un mandat précis, pour ne pas empêcher que son
mandat soit rendu à terme. Maintenant, je fais ces remarques sous toute
réserve, parce que je pense qu'on doit être ouvert à toute
discussion dans ce domaine. Peut-être que vous avez des détails
supplémentaires à apporter.
M. Prat: La seule remarque que nous ferions est que nous ne
souhaitons, en aucun cas, qu'un gouvernement soit élu sur un programme
électoral qui serait incompatible avec la présente charte, car
justement c'est ce qu'on voudrait éviter.
M. Samson: Je voudrais ouvrir une parenthèse
immédiatement. J'ai l'impression que personne ne voudrait être
élu avec un programme qui serait incompatible avec cela, mais
peut-être avec un programme qui voudrait compléter cela. On
empêcherait de le compléter, de cette façon.
M. Ménard: Si nous proposons la règle des deux
tiers dans le cas de cette loi, c'est justement parce que nous ne la
considérons pas comme une loi ordinaire. C'est vraiment une loi
exceptionnelle qui est à la base du contrat social et qui fait respecter
la démocratie, qui n'est pas uniquement le gouvernement par la
majorité, mais le gouvernement par la majorité dans le respect
des minorités, puis dans le respect des individus. Nous ne voudrions
certainement pas voir la règle des deux tiers commencer à
être instaurée dans un tas de lois, mais c'est parce que le
Barreau a compris que la charte des droits de la personne serait une des deux
ou trois lois fondamentales de la législation du Québec qu'il
aimerait y voir cette disposition.
D'ailleurs, je ferai remarquer que, dans d'autres pays
démocratiques, c'est le cas. La procédure pour changer la
déclaration américaine des droits est beaucoup plus
compliquée que celle que nous proposons.
M. Samson: C'est la constitution, à ce moment.
M. Ménard: C'est cela. D'ailleurs, nous espérons
bien qu'un de ces jours, quand il y aura une constitution du Québec
on en a les pouvoirs mais on n'en a pas cette charte des droits
de la personne sera portée dans cette constitution.
M. Samson: Cela me fera plaisir d'être au rendez-vous, mais
je ne sais pas quand.
M. Prat, vous avez ouvert une petite parenthèse en parlant un peu
de la liberté d'information. Je trouve cela assez intéressant, la
parenthèse que vous avez ouverte. Est-ce que, dans votre esprit
vous semblez d'accord sur le fait qu'il faudrait ajoutercela à la charte
la liberté d'information devrait aussi inclure une autre
protection spécifique pour le public, c'est-à-dire le droit
à l'information juste?
M. Prat: Je soulignais, je pense, en parlant de l'information,
que cette charte prévoit que toute littérature haineuse, toute
expression d'opinion discriminatoire sera dorénavant interdite et
sanc-tionnable en vertu de l'article 44, encore une fois, mais non pas en vertu
des poursuites pénales prévues au dernier chapitre.
Nouscroyonsqu'il est extrêmementdélicatde
pénétrer dans le champ de la limitation à l'information,
si ce n'est par cette attitude négative, c'est-
à-dire que toute limitation à l'information doit
procéder dans le sens qu'a pris la législation sur la
littérature haineuse, en partant de ce que l'on ne doit pas publier ou
diffuser et en restreignant au maximum, parce que, chaque fois qu'on fait un
pas pour limiter le genre d'information qui peut être donné au
public, on risque de tomber, avec d'excellentes intentions, dans une mauvaise
direction. Donc, il faut, je crois, proclamer la liberté de
l'information c'est un peu dire aussi le droit à l'information
mais lorsqu'on pense à la restreindre, il faut être
très attentif pour ne pas, encore une fois, avec toute sorte de bonne
volonté, la restreindre excessivement. Parce qu'on interdit
ladif-fusion, la publicité discriminatoires, je pense qu'on va à
peu près aussi loin qu'on peut aller pour la protection de
l'objectivité de l'information, car le reste, ce sont des notions non
quantifiables et sur lesquelles il serait plus que délicat de
légiférer. On risque de faire plus de mal que de bien si l'on
tente d'aborder le problème de l'objectivité ou de la
liberté d'accès aux sources d'information. Là aussi,
peut-être qu'une lacune a été soulevée par la ligue,
à savoir que tout document public, concernant un individu, doit lui
être communiqué sur demande, et, dans une société
qui se technocratise de plus en plus, il semble évident qu'un des droits
de l'individu est d'être informé sur les dossiers publics qui
existent le concernant. Par contre, il a également droit à ce que
ces documents publics le concernant ne soient communiqués que dans de
très rares cas et sous forme de secret.
Donc, la position qu'avait prise la ligue également, je pense,
à l'époque, sur les dossiers cumulatifs des élèves,
doit être respectée et prise en considération maintenant.
Ce droit à l'information est limité à l'individu. Le droit
d'information, le droit d'expression de l'information doit être
laissé aussi large que possible.
M. Samson: D'accord!
Le Président (M. Pilote): Le député
d'Anjou.
M. Tardif: M. le Président, Me Ménard a
répondu partiellement à une question que je me posais. Je serai
plus bref que je le prévoyais.
Il s'agit de la règle des deux tiers dont fait état la
page 2 de votre mémoire. Moi-même, lors de mon discours de
deuxième lecture, j'avais mentionné quelques exemples qui
existent dans notre législation actuelle, à savoir la nomination
du Vérificateur général et du Protecteur du citoyen, des
exemples que le député de Maisonneuve a repris tout à
l'heure.
A ma connaissance, je pense que le principe existe également en
République fédérale allemande où l'approbation des
deux tiers des Lander est requise pour des modifications ou l'adoption de la
Charte des droits de l'homme.
J'aimerais savoir si votre comité a fait des recherches ou
enquêtes pour savoir si le principe qui requiert l'assentiment des deux
tiers des députés pour des modifications à une Charte des
droits de l'homme existe dans d'autres pays ou dans d'autres provinces.
M. Ménard: Non, nous n'avons pas fait de recherches, mais
nous pourrions conseiller un livre qui contient tous ces textes de loi et que
pourrait certainement vous procurer le professeur Beaudoin, de
l'Université de Montréal. Je pense que le livre a
été écrit par sa femme et publié par
l'Université du Québec. Il contient tous les textes
législatifs du monde sur les déclarations des droits des
citoyens.
M. Tardif: Tout à l'heure, vous avez fait
brièvement allusion à la constitution américaine. Est-ce
que c'est un endroit où il est requis d'avoir l'approbation des deux
tiers des membres du Congrès...
M. Ménard: C'est extrêmement complexe. J'imaginais
faire référence à quelque chose que tout le monde
connaît vaguement, sans le connaître dans les précisions.
Mais enfin, vous vous souvenez sans doute d'avoir déjà
constaté, dans le passé, des procédures extrêmement
compliquées qui ont été entreprises aux Etats-Unis
pourobtenir l'approbation, Etat par Etat... pour obtenir un cinquième,
un sixième, un septième amendement à la déclaration
américaine des droits.
M. Robert: Je peux répondre, peut-être, à
cette question. Je crois que la règle est la suivante: II faut obtenir
les deux tiers des votes de chacune des Chambres du Congrès, plus les
votes des trois quarts des Etats, selon les règles applicables dans
chacun des Etats, ce qui veut dire plusieurs années de discussion, de
négociation, avant d'adopter un amendement à la constitution
américaine. Mais encore là, comme le soulignait le ministre, il
s'agit d'une constitution, et non pas d'une loi statutaire.
M. Tardif: D'accord!
Le Président (M. Pilote): Le député de
L'Assomption.
M. Perreault: Je ne suis pas un juriste, mais je me permettrais,
tout de même ayant de l'expérience dans le domaine de l'industrie,
de revenir sur l'article 20. A la page 9, dernier paragraphe, je lis ceci: Nous
insistons pour que le texte de la charte soit analogue à celui du code
de procédure civile. En particulier, il importe que le tribunal ne
puisse ordonner le huis clos "dans l'intérêt d'un témoin ou
d'une partie que si..."
Je pense que dans l'industrie, si l'une des parties ne peut demander au
tribunal d'avoir le huis clos, dans bien des cas on va nuire à la partie
concernée. Il y a bien des choses qui peuvent se régler sans
publicité, et ce dommage peut se ré-percuterdans l'avenir,
aprèsque lacause aura été réglée. Il faut
tenir compte des choses qui ne peuvent pas être prouvées. Dans
l'industrie, il y a beaucoup de choses qui se passent qu'on ne peut prouver,
qu'on ne peut toucher du doigt, mais qui sont là. Si on fait juge, l'une
des parties même le discriminé, si celui qui subit l'acte
discriminatoire juge qu'il a intérêt à ce que sa cause soit
entendue
à huis clos, je ne vois pas que le tribunal ne puisse pas
l'ordonner.
M. Prat: Malheureusement, on sait tous que certains procès
peuvent tourner court faute de preuve. Je ne sais pas si c'est à cela
que vous faites allusion en disant que certains éléments ne
peuvent pas être prouvés dans un processus industriel.
M. Perreault: Non, ce n'est pas à cela que je fais
allusion. Je fais allusion à ce qui arrive par la suitedans l'industrie
pour l'individu, après que tout a été jugé.
M. Prat: II est évident que le code criminel, par exemple,
prévoit qu'au niveau de l'enquête préliminaire, le
prévenu peut demander et la cour doit accorder le huis clos. C'est un
amendement au code criminel qui remonte à deux ou trois ans seulement.
Jusque là, la réputation des gens pouvait être
détruite pendant une enquête préliminaire qui souvent
pouvait courir douze ou quatorze jours et en fait montrait essentiellement la
preuve de la couronne et ne montrait pas, à ce stade-là, la
preuve de la défense.
Sauf ces exceptions législatives, qui sont maintenant
prévues, puisqu'on couvrirait cela par la formulation que nous avons
proposée pour l'article 45, il nous semble éminemment important
que le principe que la justice doit être rendue en public soit maintenu
et que la seule exception qui puisse y être apportée est celle
prévue au code de procédure civile.
M. Perreault: Je ne puis être d'accord avec vous parce
qu'ainsi, dans l'industrie, il y a beaucoup de cas de discrimination qui ne
seront jamais portés à l'attention de la commission si tout est
rendu public. Des centaines et des centaines de cas ne viendront même pas
à l'attention de la commission. Il y a beaucoup d'invididus qui ne
voudront pas voir étaler publiquement leurs problèmes.
M. Robert: Je pense qu'on ne parle pas nécessairement des
auditions ou des représentations faites à la Commission des
droits de l'homme. Je pense que ce dont on parle dans notre mémoire,
c'est le principe de la publicité des débats judiciaires. Je
pense que plusieurs siècles d'histoire en Angleterre et en France ont
démontré que c'est la meilleure garantie d'objectivité de
la justice et d'impartialité de la justice. La justice cachée est
souvent une justice injuste. Je pense que l'expérience des
siècles a démontré cela, ce qui n'exclut pas, à mon
point de vue, des représentations de nature
privéedevantdescommissions àcaractère d'enquête,
comme on l'expliquait pour la commission d'enquête sur le crime
organisé, comme on l'a souligné pour la commission Cliche, comme
cela pourrait se faire également devant la Commission des droits de
l'homme.
Ce sur quoi on insiste et je pense qu'avant qu'on touche
àce principe il faudraitque le législateur y songe longuement
c'est le principe de la publicité des débats judiciaires.
La loi a adopté des exceptions à ce principe en matière
criminelle et quand il s'agit d'enfants devant la cour du Bien-Etre social.
Même là, actuellement, il y a beaucoup de gens, dans la province,
qui remettent en question le principe de la confidentialité des
débats devant la cour du Bien-Etre social parce qu'on a constaté
justement, à la lumière de l'expérience, qu'il y avait eu,
peut-être, dans certains secteurs, une détérioration de la
qualité de justice qui est rendue par dans certains cas, je le
dis certains juges du Bien-Etre social. C'est ce principe qui nous
paraît être absolument fondamental.
M. Perreault: Vous semblez dire que ceci ne s'applique pas
à la commission. Je vais demander au ministre de la Justice, advenant
qu'on adopte votre texte, si la commission serait obligée de rendre
publics les cas semblables?
M. Choquette: Qu'est-ce que vous voulez dire par rendre
publics?
M. Perreault: Rendre publique la publicité de
l'enquête, de la commission, dans un cas de discrimination, par exemple,
dans le cas d'un employé dans une industrie. Le bâtonnier me dit
que cela ne s'applique pas à la commission, que cela s'applique au
tribunal.
M. Choquette: Je crois que les principes qui ont
été énoncés par le bâtonnier sont des
principes très sains et auxquels il faut souscrire. C'est
l'expérience vécue que la justice a tout intérêt, en
général, à être rendue publiquement. Il y a
cependant des exceptions.
On a mentionné plus tôt le cas de l'enquête sur le
crime organisé, même si on prend la commission Cliche, de
façon à s'assurer du sérieux de certains
témoignages et du fait que ces témoignages sont
corroborés, il y a un processus d'interrogatoire à huis clos des
témoins, avant qu'ils ne témoignent publiquement, pour faire en
sorte que la preuve qui sera présentée en public soit solide.
C'est une autre raison qui peut motiver l'usage du huis clos dans
certaines juridictions comme la commission d'enquête. Maintenant, il faut
ajouter que si on se reporte aux enquêtes qui sont tenues au
Québec en vertu de la Loi des commissions d'enquête, les
commissaires ont une liberté relative quant à la façon de
poursuivre l'enquête. Ainsi, il est possible de tenir une enquête
à la manière d'un procès, avec les avocats, la preuve
soumise publiquement, l'interrogatoire des témoins et le
contre-interrogatoire, comme dans un procès, où il est possible
aux commissaires, suivant les circonstances, d'aller simplement interviewer des
témoins, de prendre des déclarations écrites, même
pas nécessairement assermentées.
La loi des commissions d'enquête est très large sur la
procédure que peuvent adopter les commissaires dans leur façon de
poursuivre une enquête et leur donne énormément de latitude
sur le formalisme ou le non-formalisme à adopter lors
de la poursuite d'une enquête. Une enquête peut se
poursuivre d'une façon très informelle dans certains cas.
M. Perreault: Je vais plus loin, je vais au deuxième
alinéa de l'article 70, disons que la commission recommande la
cessation, dans un délai, d'un acte discriminatoire au sein d'une
industrie, le partie ne pourrait-elle pas demander que ce soit fait à
huis clos?
M. Choquette: Oui. Elle peut toujours le demander, mais cela ne
veut pas dire que la commission va être obligée d'accéder
à cette demande et je dirais qu'en règle générale,
il est préférable d'opter pour le caractère public des
procéd ures en cours.
M. Perreault: Je ne suis pas d'accord avec vous, M. le ministre,
vous n'avez jamais vécu dans une industrie.
M. Choquette: Non? Mais je ne comprends pas...
M. Perreault: Ce qui arrive par après, M. le ministre,
c'est que le cas sera jugé. Le gars a une carrière à faire
dans l'industrie, après, cela peut nuire à son plan de
carrière. C'est une chose qui peut être réglée bien
facilement si elle n'est pas rendue publique. S'il y a des dommages qui
résultent de la compagnie, il reste toujours quelque chose au dossier du
gars. On ne pourra jamais prouver plus tard que son plan de carrière a
été brimé à cause d'une chose comme cela.
M. Choquette: Prenons, par exemple, en vertu de l'application du
code du travail ou des conventions collectives qui peuvent exister dans
l'industrie à l'heure actuelle, le cas d'un employé qui a un
grief à faire valoir et que le grief n'est pas réglé dans
les stades préliminaires, cela va à l'arbitrage obligatoire et
là, normalement, les arbitres procèdent d'une façon
ouverte.
M. Perreault: Vous ne pouvez pas comparer, M. le ministre, un
syndicat a des cadres ou à d'autres personnes qui sont appelées
à monter dans l'échelle industrielle. Il n'y a pas de
comparaison.
M. Choquette: Avec quoi? Dites-moi la différence entre un
grief logé en vertu d'une convention collective et un grief pour raison
de discrimination qui va devant la commission. Je comprends que la commission
doit avoir une certaine latitude. Elle peut bien aller voir le patron et elle
peut aller voir l'employé, mais si le patron dit: Oui, j'ai
discriminé, c'est fini, l'enquête est terminée là et
la commission dit au patron: Vous allez engager ce monsieur. Admettons que ce
soit un noir qu'on ait discriminé pour une raison de couleur. La
commission dit: Vous allez le faire. Je ne vois pas du tout le problème
que vous soulevez.
Le Président (M. Pilote): Mme Audette-Filion.
Mme Audette-Filion: Je pense que la réponse est justement
à l'article 70 que vous avez mentionné, et également
peut-être à l'article 68. D'abord, on dit que la commission doit
avertir le plaignant, si elle refuse de faire enquête, et elle doit aussi
avertir les parties du résultat de son enquête. Elle n'a pas
d'autres obligations, je ne pense pas. Elle peut aussi recommander à la
partie de qui on se plaint de poser un acte. Si la personne ne pose pas l'acte
qui est recommandé, évidemment, l'étape suivante sera le
tribunal et celadevient public, mais, justement, l'article 71 dit
précisément que la commission ne pourra aller au tribunal
demander une injonction, par exemple, qu'avec le consentement écrit de
la victime. Ce qui veut dire que je ne vois pas la nécessité
qu'il y ait de la publicité autour des enquêtes de la commission
avant qu'on en soit rendu au niveau du tribunal, puisque le rôle de la
commission est un rôle de soutien de l'individu, d'enquête,
d'arbitrage et de recommandation et c'est là qu'il s'arrête.
Si cela ne fonctionne pas, le tribunal devient saisi, mais, encore une
fois, soit sur demande de la personne lésée ou surdemandede la
commission, mais avec le consentement écrit de la personne
lésée.
M. Perreault: Très bien, cela répond à ma
question.
Le Président (M. Pilote): Je remercie Me Filion, ainsi que
ceux qui l'accompagnent, de l'excellence de leur rapport. Soyez assurés
que la commission va prendre en considération vos recommandations. Je
vous remercie.
J'inviterais à présent M. Levy, porte-parole de la
Canadian Jewish Congress, à prendre place.
M. Levy n'est pas là. J'inviterais M. René Mailhot, de la
Fédération professionnelle des journalistes de la province de
Québec, à prendre place.
Je demanderais à M. Mailhot d'identifier ceux qui
raccompagnent.
Fédération professionnelle des
journalistes de la province de Québec
M. Mailhot (René): M. le Président, MM. les
ministres, MM. de la commission, je voudrais d'abord vous présenter les
membres de notre délégation. A mon extrême-gauche, Jacques
Plante, Louis Falardeau et, à droite, Gérald Leblanc et
Claude-Jean Devirieux. Ce sont tous des gens reliés à la
fédération par tradition de travail en
collégialité. Tous ces gens seront disponibles après la
présentation de notre mémoire pour commentaires, si
nécessaire.
Il est intéressant de noter qu'à peu près tous les
organismes qui nous ont précédés ont souligné,
entre autres, une faille de taille dans le projet de charte,
c'est-à-dire le fait que le droit à l'information ne soit pas
mentionné.
C'est précisément là-dessus que la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec
veut intervenir. Il s'agit pour nous de la continuité d'une
pensée que l'on a, à la fédération, depuis
maintenant au-delà de cinq ans. On aurait pu intervenir aussi sur
certains autres articles, entre autres sur ceux concernant le huis clos ou
encore le secret professionnel; nos vues sur ces deux questions sont largement
connues des parlementaires québécois puisque l'on est intervenu,
dans le passé, à plusieurs reprises là-dessus devant les
commissions parlementaires de la liberté de la presse. Nous serons
prêts, de toute façon, à commenter ces deux questions par
la suite.
Aujourd'hui, nous nous penchons plus particulièrement sur le
droit à l'information. Il nous semble inutile d'insister sur la notion
de besoin d'information, l'existence de ce besoin étant maintenant
reconnue universellement. Cependant, l'existence d'un besoin n'entraîne
pas automatiquement la reconnaissance d'un droit. Pour qu'un besoin tel que le
besoin d'information débouche sur la notion de droit, il faut absolument
que son caractère vital soit démontré.
Se basant sur divers études et travaux ainsi que sur la tendance
qui se fait de plus en plus évidente dans tous les pays occidentaux, la
FPJQ affirme que le besoin d'information a bien un caractère vital, en
ce sens que sa satisfaction est indispensable à l'individu et à
la collectivité pour assurer leur survie, que ce soit du point de vue
psychologique, social, économique ou politique, au niveau de
complexité atteint par notre société.
L'étude des divers droits de l'homme et des diverses
libertés montre combien certains d'entre eux et certaines d'entre elles
se complètent, combien est grande leur interdépendance. Ainsi,
dans bien des matières, l'éducation est complétée
par l'information. De même, à quoi servirait la liberté
ultime, la liberté de pensée, si l'on ne dispose pas d'une
information suffisante pour alimenter la pensée? A quoi servirait le
droit d'exprimer librement sa pensée si celle-ci est déficiente?
A quoi serviraient les droits d'association et de réunion si l'on ne
sait pas dans quel but ni comment atteindre ce but? A quoi servirait le droit
de participer à la chose publique si l'on ne possède pas
l'information permettant de juger de l'état des affaires publiques? Le
droit à l'information conditionne la plupart des autres droits,
eux-mêmes indispensables à l'évolution individuelle et
collective.
Le droit à l'information, c'est le droit d'aménager la vie
au meilleur de nos intérêts. C'est le droit à
l'intégrité mentale et même physique de la personne
humaine, dont dépend directement notre survie en tant qu'individu et en
tant que collectivité. Le droit à l'information est donc bien un
droit naturel fondamental de l'homme qui, dans la hiérarchie des droits,
se placerait tout de suite après le droit à la vie et dont
découlent la plupart des autres-droits naturels fondamentaux.
Ce droit à l'information dont nous venons d'affirmer le
caractère naturel et fondamental fait encore l'objet de nombreuses
discussions tant sa notion même est nouvelle. Alors que la plupart des
autres droits de l'homme ont été reconnus depuis longtemps, il
aura fallu attendre 1946 pour que le
Français Paul-Louis Bret, alors directeur de l'agence
France-Presse, mentionnât pour la première fois le "droit au
fait".
Depuis, l'idée a fait son chemin. Péniblement, cependant,
car la notion de droit à l'information et celle de liberté de
l'information qui en découle automatiquement, s'opposent à la
vieille conception de liberté de la presse que l'on trouve depuis la
Révolution américaine dans presque toutes les constitutions des
pays occidentaux. Tant d'études et de travaux ont porté sur cette
question qu'il ne nous semble pas utile d'y revenir, sinon pour rappeler que
c'est au nom de la liberté de la presse que l'on peut, par exemple,
publier une nouvelle fausse ou refuser de publier une nouvelle vraie, violant
ainsi le droit du public à l'information.
Mais il existe une tendance très nette en faveur de la
reconnaissance juridique du droit à l'information. Dès 1949, la
République fédérale allemande, rebâtissant à
neuf sur des ruines, proclame dans l'article 5 de sa Loi fondamentale (nom
donné à la constitution allemande): "Chaque citoyen... a le droit
de s'informer librement auprès de toutes les sources d'information
généralement accessibles..." Ce n'est pas encore le droit
à l'information intégrale qui est maintenant revendiqué
partout, mais c'est un réel progrès sur l'article 19 de la
Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par les
Nations Unies en 1948 et qui se bornait à reconnaître"... le droit
de chercher, de recevoir et de répandre... les informations et les
idées...", autrement dit, la liberté de la presse. La
République fédérale allemande étant un Etat
fédéral, il nous semble intéressant de mentionner que les
onze Landerqui la composent ont tous adopté leur propre loi de la
presse, alignée sur les termes de l'article 5 de la Loi fondamentale. La
meilleure est sans doute celle de la Bavière qui reconnaît aux
citoyens "un droit aux informations émanant de l'Etat", ce qui limite ce
droit à l'information administrative et politique, mais ce qui constitue
néanmoins un autre progrès sur la voie de la reconnaissance
juridique.
En ce qui concerne la reconnaissance constitutionnelle du droit à
l'information, c'est à peu près tout, en dépit des
exhortations répétées de l'Eglise catholique qui,
dès le 11 avril 1963, proclamait par la voix du pape Jean XXIII "le
droit de tout être humain à une information objective",
proclamation renforcée un an plus tard par une déclaration du
nouveau pape Paul VI affirmait que "le droit à l'information est un
droit universel, inviolable et inaltérable de l'homme moderne puisqu'il
est fondé dans la nature de l'homme".
Cependant, la reconnaissance du droit à l'information va se faire
dans divers pays "de facto", par le biais de la reconnaissance juridique de la
notion de la liberté de l'information qui découle logiquement du
droit. Ainsi, dès 1951, par une loi spéciale, la Finlande
proclame la liberté de l'accès à l'information concernant
les documents et les actes publics (sauf les secrets militaires et
matières connexes) et, depuis, l'exercice de cette liberté est
considéré comme un droit civil général. En
Suède, l'article 86 de la constitution stipule que "tous les documents
publics peuvent, sans condi-
tion, être publiés"; par ailleurs, la Loi de la presse, qui
est une loi portant garantie constitutionnelle, c'est-à-dire qu'elle ne
peut être modifiée qu'avec le consentement de deux Parlements
successifs, spécifie que tous les citoyens suédois ont
accès aux documents publics (sauf ceux concernant la
sécurité nationale et autres matières jugées
confidentielles).
La reconnaissance du droit à l'information s'est également
faite aux Etats-Unis par le biais de la reconnaissance juridique de la
liberté de l'information. Le Congrès américain votait en
1967 le "Freedom of Information Act" qui pose le principe de la
publicité des dossiers de l'administration gouvernementale. Cette loi,
jugée trop restrictive, est actuellement en cours d'amendement et seules
les tribulations politiques vécues par le Congrès avec l'affaire
Watergate l'ont empêché d'en libéraliser les termes. La
tendance vers la reconnaissance juridique du droit à l'information, aux
Etats-Unis, est particulièrement significative. Le premier amendement de
la Constitution américaine se borne à déclarer que "Le
Congrès ne fera aucune loi... restreignant la liberté de parole
ou la liberté de la presse", mais de plus en plus, on voit les tribunaux
et jusqu'à la cour Suprême interpréter cet
article comme étant une garantie constitutionnelle du "Right to know"
conformément à la théorie avancée
généralement par l'éminent juriste Thomas Emerson.
Selon cette théorie, la liberté d'expression est
essentielle à l'homme pour qu'il puisse se réaliser; elle est
essentielle à l'avancement de la connaissance et à la
découverte de la vérité; elle est essentielle à la
société pour qu'elle puisse s'adapter aux circonstances et
réaliser un équilibre entre les divergences saines et un
consensus nécessaire.
Comme la libre information est indispensable, si l'on veut correctement
nourrir la pensée et exposer les problèmes auxquels l'homme et la
société doivent réfléchir et s'adapter, elle
devient un droit couvert implicitement par le premier amendement. C'est par
ailleurs, la reconnaissance implicite du droit à l'information qui
inspire la plupart des mesures mises en application dans le domaine de
l'information au cours des récentes années, que ces mesures
soient dues à des initiatives gouvernementales ou à des
initiatives privées.
Sans vouloir nous étendre indûment sur cette question, nous
citerons pour mémoire, en plus des garanties
apportéesdanscertains pays à la liberté de l'information
concernant les actes et documents publics dont nous venons de parler: l'aide
accordée par les pouvoirs publics à la diffusion de
l'information, que ce soit sous forme de subventions directe aux organes
d'information, de réduction des tarifs postaux ou encore d'exemptions
fiscales; la lutte entreprise par les gouvernements pour empêcher la
concentration des entreprises de presse et garantir la diversité des
sources d'information; la mise hors la loi de certains abus de l'information:
fausses nouvelles, diffamation, publicité trompeuse, etc.; les efforts
entrepris pour améliorer la formation professionnelle des journa-
listes; la mise sur pied des conseils de presse, organismes destinés
à veiller à la qualité de l'information dans le respect de
la liberté de l'information; l'inclusion de codes déontologiques
dans les conventions collectives régissant les conditions de travail
à l'intérieur des entreprises de presse; les revendications des
journalistes concernant la séparation entre la gestion commerciale de
l'entreprise de presse et celle de la salle de rédaction; enfin, la mise
en place de structures de rétroinformation; etc.
Toutes ces mesures, dont la plupart sont déjà
appliquées ou sont sur le point de l'être dans plusieurs pays
occidentaux, n'ont en définitive qu'un seul but: aménager le
domaine de l'information de façon que le droit à l'information
soit respecté et satisfait de la meilleure manière possible.
Considérées dans leur ensemble, elles constituent d'ailleurs un
embryon de cadre institutionnel dont les grandes lignes sont déjà
nettement dessinées et qui, tôt ou tard, finira par régir
le fonctionnement de ce que l'on a déjà qualifié de
"quatrième pouvoir", qui n'est plus celui de la presse, mais qu'on
pourrait plus justement appeler le pouvoir informationnel participant, de
concert avec le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le
pouvoir judiciaire, à la régulation et à
l'évolution de la société.
Les modalités d'organisation et de fonctionnement de ce cadre
institutionnel sont encore, pour la plupart, à inventer au
Québec; elles peu-ventd'ailleurs varier selon les circonstances. Mais il
nous semble absolument indispensable de le faire reposer, au même titre
que pour les autres pouvoirs régissant la société,
à la fois sur le principe d'un droit naturel et fondamental, et sur la
reconnaissance juridique de ce principe.
La FPJQ a toujours oeuvré, depuis sa fondation, pour
l'amélioration de l'information des citoyens; c'est pour cette raison
qu'elle a revendiqué et qu'elle a contribué à la mise sur
pied du Conseil de presse. C'est aussi pour cette raison qu'elle
préconise l'adoption d'un ensemble de textes législatifs qui
constitueraient l'armature du cadre institutionnel dont l'information a besoin
chez nous comme partout ailleurs. C'est encore pour cette raison qu'elle invite
avec force l'Assemblée nationale a insérer dans la future charte
des droits de l'homme du Québec le droit à l'information qui
constituera ainsi le critère suprême et l'assise juridique sur
lesquels il sera ensuite possible de fonder toutes les mesures susceptibles de
sauvegarder la liberté de l'information.
Ce faisant, le Québec ne s'aventurerait pas en terrain inconnu,
puisque, ainsi qu'on l'a exposé dans ce court mémoire, plusieurs
Etats l'ont précédé dans cette voie. Sans doute serait-il,
au Canada, la première province à reconnaître
officiellement le droit à l'information. Le Québec pourrait ainsi
faire figure de leader en ce qui concerne la défense des droits de
l'homme et de ses libertés fondamentales.
A notre avis, ce droit à l'information pourrait très bien
s'insérer, dès le départ, à l'article 3 du chapitre
1, c'est-à-dire le chapitre concernant les libertés et droits
fondamentaux, là où on parle du
droit à la libre expression, du droit à l'instruction, du
droit d'association, tout cela. Je sais que M. le ministre a mentionné,
tout à l'heure, que ces droits, déjà, constituaient,
à toutes fins utiles, le droit à l'information. Vous nous
permettrez de ne pas être d'accord sur cette interprétation de ces
droit. On pourrait, par exemple, dire que, si un citoyen du
Témiscamingue ou de la Gaspésie a le droit à la libre
expression, le droit de parole ou le droit d'association, il n'a pas
forcément le droit à l'information, parce qu'il peut en
être privé, et c'est le cas.
En faisant un survol assez général du Québec, on
pourrait comme cela trouver plusieurs endroits où les gens,
effectivement, n'ont pas ce droit à l'information.
Quand un Etat permet une concentration indue qui débouche sur des
situations de monopole, soit à l'échelle locale, régionale
ou nationale, le droit à l'information est brimé parce que l'on
coupe la diversité dans l'information, etc. On peut revenir
là-dessus. Quand l'Etat ne permet pas le secret professionnel pour les
journalistes, c'est un peu ce qui risque de se passer. Quand l'Etat permet,
faute de s'être penché plus sérieusement sur le
problème, la saisie de matériel journalistique par les corps
policiers ou l'arrestation indue du journaliste, c'est encore le même
droit qui est brimé. Quand on permet le huis clos ou un huis clos indu,
c'est encore ce même droit qui est brimé. Et on pourrait continuer
comme cela, par exemple, en parlant de la question du papier journal; si l'Etat
permet qu'une situation assez anarchique, comme celle qu'on connaît
maintenant, se perpétue et que cela puisse avoir comme
conséquence que certains journaux qui ont les reins moins solides que
d'autres disparaissent du marché, c'est encore ce même droit qui
est brimé. Quand l'Etat les retient indûment ou permet ou ne
permet pas l'accessibilité aux documents publics, c'est encore ce
même droit qui est brimé. Et je ne pense pas que le droit à
l'expression, ou le droit de parole, ou le droit d'association soit suffisant
dans un cas comme celui-là.
Le Président (M. Pilote): Avez-vous terminé?
L'honorable ministre de la Justice.
M. Choquette: Voici, je n'ai rien contre l'idée du droit
à l'information. Je pense que donner une information extensive et
complète est sûrement un objectif désirable, et cela
s'inscrit tout à fait dans un contexte démocratique, pour
permettre aux citoyens de juger des affaires publiques et, le cas
échéant, de prendre des positions, soit à l'occasion
d'élections ou autrement. Alors, ce n'est pas que j'en ai contre
l'objectif que vous visez. A ce point de vue, je vous dirais que je vous suis
reconnaissant d'avoir souligné un certain nombre de législations
étrangères où on a mentionné ce droit à
l'information.
Mais je vous pose la question: Comment voyez-vous ce droit à
l'information dans un projet de loi qui cherche, en même temps qu'il
énonce des principes, à rendre ces principes concrets et à
donner et conférer des droits spécifiques qui dé- coulent
de la violation de ces droits? Vous aurez noté, par exemple, que les
droits qui sont mentionnés généralement dans ce projet de
charte peuvent faire l'objet de sanctions par les tribunaux. Moi, je vous
demande comment le droit à l'information, principe sur lequel je n'ai
aucune critique à faire, pourrait faire l'objet d'une sanction par les
tribunaux?
M. Mailhot: Nous le voyons dans le domaine des droits
fondamentaux, dès le départ. Il n'y a absolument rien qui nous
empêcherait et d'en tenir compte dans la Charte des droits de
l'homme de circonscrire quatre ou cinq de ces droits parce qu'il faut
absolument disséquer la notion de droit à l'information, qui est
quand même un droit très vaste. Il n'y a rien qui nous
empêcherait donc de circonscrire trois ou quatre de ces droits, de les
inscrire dans la charte, évidemment à titre non limitatif, et de
poursuivre, par la suite, à développer graduellement un cadre
institutionnel législatif qui s'attaquerait à des
problèmes aussi importants auxquels on est confronté de
plus en plus sérieusement, ailleurs, depuis deux ou trois ans que
le problème de la concentration des entreprises de presse, que la
question du secret professionnel. Vous avez vous-même souligné,
lors des discussions à l'Assemblée nationale sur ce projet, que
vous étiez en train d'étudier d'assez près la question du
secret professionnel pour les journalistes.
Alors, ilfautquand mêmecommencerquelque part. On voyait
l'inscription de ce droit dans la charte comme une espèce de pierre
angulaire, si vous voulez, ou de pierre d'assise sur laquelle on pourrait baser
tout le reste.
M. Choquette: Vous avez parlé de décortiquer
l'idée de droit à l'information en un certain nombre de droits
qui pourraient être inscrits à la charte. Est-ce que vous pourriez
me citer ces éléments qui pourraient être
mentionnés?
M. Mailhot: Dans ceux que j'ai déjà
mentionnés, il y aurait au départ, bien sûr, celui qui me
paraît, dans l'immédiat, comme étant le plus urgent,
peut-être pas dans l'ordre, je veux dire, pas le seul problème
très important, mais le plus urgent parce qu'on vit actuellement une
situation assez catastrophique dans ce domaine, c'est le problème de la
concentration des entreprises de presse. Je pense que l'Etat peut assez
facilement en arriver à adopter une position très claire
vis-à-vis de ce problème. Cela fait quand même quatre ou
cinq ans que l'on en parle au Québec, les commissions parlementaires de
la liberté de la presse ont été saisies de
mémoires, d'études, de faits, de chiffres par des douzaines
d'organismes différents, entre autres le nôtre, et on sait
très bien ce qui se passe au Québec, on a une image très
précise de la situation. Il est même presque impensable de
réaliser qu'en 1975, alors que l'on vit ces problèmes depuis
plusieurs années, on n'a encore rien fait dans ce domaine. Cela pourrait
être un droit inscrit, quand je parle d'en circonscrire trois ou
quatre.
On a fait état dans notre mémoire, à plusieurs
reprises et certains organismes avant nous en ont fait état aussi
de l'accessibilité aux documents publics. C'est un
problème auquel on est confronté au Québec,
régulièrement aussi. La charte, comme telle, fait état de
la question du huis clos; elle fait état de la question du secret
professionnel. Cela aussi, ce sont deux droits qui pourraient être
circonscrits et inscrits au chapitre du droit à l'information.
Alors, il s'agirait d'en circonscrire un certain nombre, comme
ceux-là, de les étudier de plus près.
M. Choquette: Evidemment, tous les cas que vous mentionnez
soulèvent des débats en eux-mêmes. Si on commence par le
secret professionnel des journalistes, on sait que, dans environ la
moitié des Etats américains, il y a des lois qui
protègent, dans une certaine mesure, le journaliste quant à la
divulgation de ses sources. Mais ce n'est pas une protection absolue, dans le
sens que le journaliste peut, dans certaines circonstances, être
contraint de divulguer ses sources; il y a une discrétion pour le
tribunal d'appliquer au journaliste en question le secret ou la protection des
sources, ou de ne pas l'appliquer. Cela dépend des circonstances. Je
crois qu'il n'y a pas d'Etat qui ait donné un droit absolu au
journaliste de refuser de répondre parce qu'il a un secret
professionnel, à moins que l'on me corrige.
M. Falardeau: Là-dessus, M. le ministre, la
fédération, devant la commission Davey, et on avait aussi
déposé ce mémoire en annexe ici, lors d'une commission
parlementaire sur la liberté de la presse, ne demandait pas le droit au
secret professionnel comme un privilège pour les journalistes, mais bien
comme un droit pour les citoyens d'être informés, et on demandait
que le journaliste n'ait pas le choix de conserver, de garder le secret
professionnel, mais que l'objet de la conversation privilégiée ne
puisse pas être mis sans preuve devant les tribunaux.
Il y a déjà des Etats américains, notamment l'Etat
de New York, qui donnent un droit absolu au secret professionnel. Mais le
danger, dans certains cas, c'est qu'on laisse au journaliste le choix et, pour
nous, a ce moment-là, cela devient un privilège qu'on donne au
journaliste; or, ce n'est pas au journaliste qu'on doit le donner, mais c'est
plutôt un droit qu'on doit reconnaître aux citoyens.
M. Devirieux: M. le ministre, j'aimerais ajouter que si je me
réfère à l'étude de droits comparés que j'ai
faite récemment, il y a plusieurs Etats européens qui
reconnaissent le droit au secret professionnel absolu, notamment la
Suède et notamment dans une mesure moindre évidemment, il
y a toujours des cas d'exception les autres pays Scandinaves et
l'Allemagne. La Belgique a un système curieux; c'est qu'il n'y a pas de
texte proprement dit mais il y a une tradition qui veut que jamais, jamais,
depuis des décennies, un journaliste ne soit appelé à
témoigner.
L'idée fait son chemin en France et en Angleterre. En Angleterre,
il y a eu une commission royale d'enquête sur cette question, qui a
déposé des recommandations, et nous pourrions
éventuellement vous faire tenir la documentation que nous avons.
Maintenant, je voudrais ajouter à ce qu'a dit René
Mailhot. C'est que nous voyons l'inclusion du droit à l'information dans
une charte comme l'étape première; de la même façon
que l'Allemagne a rebâti à neuf, sur des ruines, nous, nous
bâtissons à neuf. Pourquoi, dans une première étape,
ne pas d'abord reconnaître ce droit auquel vous ne vous opposez pas
vous venez de nous le dire quitte ensuite à charger la
commission des droits de la personne, par exemple, de faire une enquête
plus élaborée pour établir des lois particulières,
des textes particuliers, qui viendraient compléter la déclaration
de principe?
Mais il nous semble absolument indispensable que l'on ait d'abord, non
seulement une déclaration de principe, mais une base juridique
fondamentale. Ce serait la seule façon. Il y a tellement de choses, la
bibliographie sur le sujet est très importante. On pourrait vous citer
une bibliographie volumineuse. La notion de droit à l'information, de
plus en plus, l'emporte sur la traditionnelle notion de la liberté de la
presse ou la liberté d'expression à laquelle on continue à
se raccrocher par habitude, mais qui date quand même de près de
200 ans, qui était liée à un contexte social,
économique et politique qui n'est plus le nôtre.
C'est la raison pour laquelle, je pense, puisque l'Etat du Québec
a l'occasion de faire du neuf, il devrait saisir cette occasion au vol.
M. Choquette: J'aimerais, si c'était possible, qu'on me
fasse parvenir la documentation que vous avez accumulée sur la question
et je pourrai alors me former une opinion.
M. Devirieux: Nous le ferons avec plaisir, d'autant plus que
c'est grâce à une bourse de l'Etat du Québec que nous avons
recueilli cette documentation.
M. Choquette: Ah! bon. Parfait. Très bien. Quant à
l'accès aux documents publics qu'est-ce qu'on appelle documents
publics?
M. Devirieux: Tous les dossiers de l'administration
gouvernementale devraient être ou sont considérés par des
lois comme le "Freedom of Information Act" des Etats-Unis ou comme la Loi de la
presse de Suède ou la Loi sur la liberté de l'information de
Finlande, etc. Les lois que nous avons mentionnées au passage dans ce
court mémoire sont déclarées d'intérêt
public, sauf, évidemment, des questions qui doivent demeurer
confidentielles, comme, par exemple, les questions touchant la Défense
nationale. Il est bien évident que si, un jour, le conflit qu'il y a
entre Terre-Neuve et le Québec s'aggravait au sujet du Labrador, le jour
où nous déplacerions nos troupes, il faudrait que ce soit un
secret bien gardé.
Mais nous n'en sommes pas encore là au Québec, voyez-vous.
Nous n'avons pas, comme la commission qui siège au salon rouge,
apporté notre maquette, mais...
Les questions touchant les enquuêtes policières en cours
peuvent évidemment constituer des cas d'exception. Quant au reste, la
tendance, notamment dans la république voisine, aux Etats-Unis, est que
tous les documents émanant de l'administration gouvernementale soient
publics et on en a eu la preuve avec toute l'affaire Watergate. L'affaire
Watergate est en quelque sorte la preuve, dans le concret, dans la pratique, de
la doctrine du droit à l'information chez nos voisins du sud.
M. Choquette: Mais on pourrait citer de multiples exemples. La
voirie aurait des projets de développement routier, par exemple; s'il y
avait le droit a l'information, quelqu'un pourrait aller voir quels sont ces
projets de développement, acheter des terrains et faire de la
spéculation.
M. Choquette:... s'il y avait le droit à l'information,
quelqu'un pourrait aller voir quels sont ces projets de développement,
acheter des terrains, faire de la spéculation. Il y a beaucoup
d'activités gouvernementales qui ne méritent pas d'être
connues au moment où elles sont en état d'élaboration.
J'ai un peu de difficulté à circonscrire...
M. Falardeau: Peut-être que les documents sont publics,
mais qu'on devrait prévoir, bien sur... Je dis que la règle
devrait être que les documents sont publics et qu'on devrait
prévoir des exceptions. On n'a pas fait de listes d'exceptions
possibles, mais il y en aurait sûrement un bon nombre. Mais la
règle devrait être que les documents sont publics.
M. Devirieux: Nous pouvons toujours nous inspirer de ce qui se
fait ailleurs. Je pense que c'est la meilleure façon de procéder
et notamment les pays Scandinaves, tout au moins les pays nordiques parce que
la Finlande ne se considère pas comme un pays Scandinave, sont dans le
domaine de l'information très en avance. Ces gens-là ont des
populations comparables à la nôtre, vivent dans des conditions
climatiques et géographiques comparables aux nôtres. Nous nous en
sommes inspiré en ce qui concerne le Protecteur du citoyen et ils ont,
eux, des modalités d'application de ce principe de l'accès aux
dossiers de l'administration gouvernementale.
M. Mailhot: Je voudrais faire remarquer à M. le ministre,
que, si on n'a aucune sorte d'objection à soulever toutes ces questions
ou tous les aspects de ces questions ici aujourd'hui, il faut quand même
réaliser qu'on n'arrive pas, en discutant de cela pour la
première fois, cela fait quand même quatre ou cinq ans qu'à
peu près toutes ces questions ont été
étudiées et de très près en commission
parlementaire de la liberté de la presse. Vous parliez tout à
l'heure de dossiers. Est-ce qu'on peut vous faire parvenir les dossiers? Bien
sûr qu'on vous fera parvenir des dossiers, mais on en a fait parvenir
quasiment une charge de camion depuis cinq ans. C'est-à-dire que c'est
notre responsabilité d'étudier de très près toutes
ces questions et d'en arriver éventuellement et le plus tôt
possible à un cadre qu'on décrivait, dans notre document, comme
un cadre institutionnel législatif concernant les problèmes de la
presse. Mais je vous avoue qu'après cinq ou six ans, on commence
à sentir qu'il y a, sinon un manque d'intérêt, on trouve
que cela prend du temps. C'est dans ce contexte, comme le soulignait M.
Devirieux, qu'on se dit que la charte des droits de l'homme serait un excellent
moyen pour établir une base ou faire une première étape
à ce cadre législatif que l'on envisage.
M. Choquette: Je note cela avec intérêt. Une
dernière question. Qu'est-ce que vous pensez des dispositions de la Loi
de la presse actuelle, qui permet à un journal de se rétracter,
dans un délai donné, à la demande d'un citoyen, et le
citoyen, devant une rétractation, perd l'avantage d'une action en
dommages pour atteinte à sa réputation, au moins pour les
dommages moraux qu'il a subis, pas pour les dommages matériels. Je note
à ce sujet que la Loi de la presse ne parle que de journaux
écrits et, par conséquent, exclut les media d'information du
genre radio, télévision, etc. Que pensez-vous de ces
dispositions?
M.Falardeau: Nous avons déjà signalé, en
commission parlementaire sur la liberté de la presse, que, justement, la
Loi de la presse était vieillotte en plusieurs de ses parties, notamment
parce qu'elle ne s'adresse qu'à la presse écrite, ne serait-ce
que cela. Je suis bien d'accord avec vous qu'il y aurait beaucoup de
modifications à apporter. Je ne suis pas certain que le fait qu'un
journal publie une rétractation enlève tous les droits de
poursuite, notamment au criminel...
M. Choquette: Non.
M. Falardeau: ...d'une part, et même au civil. Je pense
qu'il faut que la rétractation efface le dommage ou le tort pour que...
Là-dessus, je suis d'accord avec vous que la Loi de la presse est
désuette en bien des parties. De toute façon, elle couvre peu.
Elle couvre très peu de choses dans le domaine de la presse.
M. Devirieux: J'ajouterais, M. le ministre, que dans ce domaine,
nous sommes à la remorque de la législation
fédérale puisqu'une clause du code criminel concernant le libelle
diffamatoire ne s'applique pas non plus à la radio, ni à la
télévision.
M. Choquette: Oui, le code criminel a une application
générale. Il s'appliquerait à n'importe quelle diffamation
de nature criminelle ou par quelque media qu'elle soit commise.
M. Devirieux: Elle ne concerne que l'information
écrite.
M. Choquette: Le libelle, c'est écrit, et la diffamation,
c'est verbal. Je crois que le code criminel vise les deux.
Le libelle, c'est un écrit qui est de nature diffamatoire, tandis
que la diffamation, c'est verbal.
M. Leblanc: M. le ministre, j'aimerais revenir sur
l'accessibilité à l'information gouvernementale et vous dire que
ce serait peut-être important qu'on ait ce droit fondamental d'inscrit
comme référence. Je voudrais vous rappeler votre propre
expérience. A la fin de la dernière session, vous
déploriez le fait qu'une loi que vous trouviez excellente et qui
l'était, je crois sur la protection des enfants victimes de
sévices physiques n'ait pas eu la diffusion qu'elle aurait dû
avoir. Je voudrais vous rappeler que, peut-être, si on avait un texte
reconnaissant ce droit fondamental à l'information, en y ajoutant le
devoir connexe pour le gouvernement de la diffuser, peut-être qu'il
serait plus gênant pour un gouvernement de faire adopter 85%de ses
loisdans lesdeux derniers mois de fin de session. Peut-être qu'il serait
plus gênant pour un gouvernement de déposer 61 de ses 97 projets
de loi dans les mois de juillet et de décembre. Peut-être que ce
ne serait pas superflu de l'avoir.
M. Choquette: Je ne sais pas si cela réglerait le
problème législatif...
M. Leblanc: Au moins...
M. Choquette: ...mai s c'est un droit à l'information.
M. Leblanc: ...on pourrait faire appel à la
gêne.
Le Président (M. Pilote): L'honorable ministre des
Communications.
M. L'Allier: M. le Président, je voudrais remercier la
fédération de son mémoire. On ne peut pas blâmer la
fédération d'avoir présenté un mémoire
succinct, parce que, comme M. Mailhot l'a dit, des centaines et des milliers de
pages de documents ont déjà été
déposées à la commission sur la liberté de la
presse sur ce sujet.
En fait, si je comprends bien, la préoccupation de la
fédération, à ce moment-ci, c'est de voir inscrire, dans
une charte québécoise des drojts de l'homme, le principe
général du droit à l'information je reviendrai un
tout petit peu là-dessus. Cela est entendu que dans son application cela
suppose divers types d'intervention, soit via le Conseil de presse, soit via
d'autres mécanismes. Ce chapeau général qu'on retrouverait
dans la charte permettrait, dans l'évolution normale des structures
Conseil de presse, etc. de s'inspirer de ce principe pour en
arriver à une cohérence dans toutes les interventions qui
touchent l'information. Dans ce sens, c'est un droit à
l'information.
C'est de même un droit qui va aussi loin que le droit à la
communication au sens général. Ce n'est pas un droit à
l'information en sens unique, au sens où on entend des gens qui la
détiennent et qui auront l'obligation de la fournir. Cela va aussi loin
que de dire que les gens qui la reçoivent peuvent aussi utiliser les
moyens pour informer à leur tour. C'est dans ce sens que je parle d'un
droit qui n'est pas plus général, mais qui est un autre terme
à la communication. Dans ce que vous avez dit, on pourrait faire toutes
sortes de distinctions, même si les choses se recoupent presque
complètement. Il y a deux aspects qui se distinguent un peu plus. C'est,
d'une part, le droit à la cueillette de l'information par ceux qui ont
la responsabilité publique de transmettre l'information et, d'autre
part, le droit à l'accessibilité des sources d'information. Je
pense ici, par exemple, aux disparités régionales. En ce sens, un
tel principe, sur lequel je suis personnellement d'accord, permettrait des
interventions éventuellement pour amenuiser tout au moins les
disparités régionales au Québec dans l'accès aux
sources d'information, permettrait éventuellement peut-être
d'inscrire, dans le cadre normal des lois, des institutions, un cadre qui fait
en sorte que non seulement les citoyens ont droit aux sources d'information,
mais qu'ils ont droit à une information qui corresponde à leur
environnement, à leur région, à leur façon de
vivre, plutôt qu'à une information strictement anationale,
strictement de l'information d'agence de presse, par exemple.
Or, si on pouvait trouver une façon d'inscrire ce principe dans
la Charte des droits de l'homme, je pense que cela pourrait la bonifier. Je
suis, cependant, conscient des difficultés qu'a soulevées le
ministre de la Justice parce que de l'inscrire, par exemple, à l'article
3, à côté de la liberté de religion, de la
liberté d'expression, seulement cette simple phrase "droit à
l'information" rend extrêmement difficile... si on n'a que cela, à
la fois les contrôles et l'exercice des sanctions au même titre que
la liberté de religion. Il faudra donc qu'il se passe des choses qui
permettent de dire qu'on a mis en danger ce droit à l'information pour
des groupes et pour des individus, mais je fais plutôt confiance au
développement normal des institutions qui sont à se mettre en
place, comme le Conseil de presse et comme d'éventuelles
réglementations sur la concentration des entreprises, à partir du
cas du Soleil, pour que se traduise, dans ces institutions qui puiseront leur
autorité de cet article qui sera inclus dans la charte, une règle
de conduite générale, qui porte non seulement sur le droit
à l'accès aux sources d'information, aux documents publics, telle
ou telle chose, mais qui va aussi loin que de favoriser le droit des citoyens
à l'accessibilité à l'information, ce qui permettrait de
le faire, à ce moment.
Est-ce que j'interprète bien la pensée de la
fédération en disant ces choses? Est-ce cela que vous avez voulu
toucher?
M. Devirieux: Oui, absolument. Le droit à l'information
est un droit à la fois individuel et collec-
tif. C'est le droit de l'individu, du fait qu'il est membre de la
collectivité, et c'est le droit de la collectivité, en tant que
telle, de recevoir toute l'information qui le ou qui la concerne,
c'est-à-dire tout ce qui se passe dans son environnement et, par la
suite, de faire connaître sa réaction. Vous l'avez bien dit. Nous
sommes parfaitement en accord avec vous et, pour que ce droit puisse être
respecté, satisfait, il faut absolument que l'information soit libre,
c'est-à-dire que les mécanismes de l'information puissent
opérer librement, c'est-à-dire que les documents concernant
l'administration gouvernementale soient accessibles, c'est-à-dire que
les journalistes professionnels puissent avoir droit au secret professionnel
pour ne pas ensuite se priver de sources d'information qui brimeraient le droit
à l'information des citoyens en retour, pour qu'on puisse
empêcher, je ne sais quelle puissance maléfique, d'acheter ou de
mettre le grappin sur tous les organes d'information du Québec et,
ensuite, de ne donner qu'une information orientée à la
majorité de nos citoyens, etc.
Cela pourrait justifier aussi des initiatives gouvernementales pour
implanter des organes d'information communautairesou autresdansdes
régionsoù il n'y apas, actuellement, d'organe d'information.
Evidemment, comme nous l'avons dit dans notre mémoire, à
partir du principe de base que nous aimerions voir absolument inclure dans ce
document parce que, habituellement, on ne retouche pas des documents
semblables... Les Etats-Unis vivent encore avec une constitution qui date de
1784. Par exemple, ce sont des acrobates de l'interprétation
constitutionnelle. Nul pays au monde n'interprète la constitution comme
les Etats-Unis, mais nous n'en sommes pas encore là et, étant
donné qu'on ne retouche pas des documents de ce genre tous les ans,
même si ce sont de simples lois du Parlement, comme le faisait remarquer
tout à l'heure le ministre de la Justice, il faut absolument partir de
quelque chose et la seule façon de partir est d'inclure le droit
à l'information, mais nous l'inclurions dans la déclaration de
principe des droits naturels fondamentaux de la personne humaine et de la
collectivité, c'est-à-dire droit à la vie, droit à
la sûreté de la personne, etc.
M. L'Allier: Ce qui veut dire, en d'autres mots, qu'une fois que
ce droit à l'information sera inclus dans les libertés
fondamentales, tout le travail reste à faire pour déterminer son
application par secteurs d'activité.
Par exemple, le document administratif. Vous faisiez tout à
l'heure allusion à la Suède où la règle est
effectivement qu'un document administratif est public. Vous me contredirez si
c'est inexact, si je me souviens bien, la liste des exceptions s'allonge,
année après année, de documents qu'on doit exclure au
fonctionnement de la règle. On se rend compte que des cas auxquels on
n'avait pas pensé, qui peuvent toucher, soit les travaux publics, soit
ce que donnait comme exemple le ministre de la Justice, les travaux de voirie,
on n'avait pas pensé au début d'inscrire cela, mais il faut,
à l'exercice, l'inscrire. C'est donc le commencement d'un exercice de
définition de s moyen s de garantir le droit à l'information, en
ce sens que la simple inscription du droit à l'information ou à
la communication dans l'article 3, en lui-même, même si ce n'est
que cela et si, au cours des mois et des années qui suivent, cela ne se
produisait pas par des mesures plus concrètes pour la concentration,
pour la documentation publique, pour l'accessibilité régionale,
cela demeurerait davantage une déclaration de principe assez
difficilement applicable.
M. Mailhot: Est-ce que je peux faire remarquer au ministre
L'Allier qu'une grande partie de ce travail est déjà faite,
à la commission parlementaire de la liberté de la presse et
devant des comités spéciaux, que ce soit devant la commission
Davey ou d'autres commissions?
S'il ne s'agissait que d'étayer le droit du public à
l'information dans le projet de charte, cela pourrait se faire assez
facilement. Comme je le soulignais tout à l'heure, on pourrait
circonscrire trois ou quatre droits, mais à titre non limitatif
évidemment.
M. L'Allier: Je suis d'accord avec M. Mailhot, M. le
Président, que les travaux d'approche sont faits. On sait assez
précisément là où on devrait intervenir et de
quelle façon. Il resterait quand même à compléter et
à mettre le point final aux secteurs qui ont déjà
été largement fouillés par la commission sur la
liberté de la presse.
On peut donner toutes sortes d'exemples sur les documents administratifs
qui ne sont pas suffisamment accessibles, bien qu'ils soient publics et
là, on pourrait avoir une longue discussion à partir de ce qui
est la notion d'un document public. Un document public, c'est un document fini,
final, qui est le rapport d'experts, par exemple, ou s'il s'agit de tous les
documents partiels qui amènent à la conclusion finale d'une
étude sur un sujet donné. On pourrait discuter assez longuement
là-dessus.
Prenons par hypothèse un document public, un arrêté
en conseil, une loi, un rapport d'enquête qui a été remis
et qui demeure confidentiel; il pourrait se produire dans certains cas qu'il
doit être confidentiel pendant un temps donné, parce qu'on veut le
compléter par d'autres études, mais généralement,
il devrait être public du jour où il devient un outil de
réflexion qui amène à une intervention de l'Etat.
M. Mailhot: Un fait est à remarquer, c'est que depuis cinq
à six ans, les journalistes du Québec n'ont jamais autant
réfléchi à ces problèmes, n'ont jamais autant
accepté de se regarder, d'analyser leur travail, d'essayer de trouver
des solutions à l'amélioration de la qualité de
l'information. C'est tellement vrai, qu'on a maintenant un conseil de presse au
Québec qui est parmi les conseils de presse qui avait la structure
peut-être la plus complexe et c'est un conseil qui, jusqu'à
maintenant, fonctionne assez bien.
On a tellement travaillé qu'on est à la toute
veille de se doter d'un code d'éthique professionnelle. Mais ce
qu'on remarque, c'est qu'autant les journalistes ont eu, depuis cinq à
six ans et je ne veux pas dire par là que les journalistes qui
nous ont précédé n'ont pas accepté de se regarder
un peu on se rend compte qu'autant on a pu, nous, faire des efforts
énormes pour essayer de trouver des solutions aux problèmes
auxquels nous sommes confrontés, auxquels notre société
est confrontée dans le domaine journalistique, autant l'Etat
jusqu'à maintenant, a fait la sourde oreille à ces
problèmes.
Je vous avoue que c'est un peu frustrant parce qu'on peut se doter d'un
code d'éthique, on peut mettre sur pied toutes sortes d'instruments de
travail, si dans nos relations avec l'Etat ou si, dans les relations de l'Etat
avec le monde de l'information ou avec des termes, des théories comme le
droit à l'information, cela demeure un vaste champ anar-chique, il est
difficile de continuer dans ce...
Vous faisiez état de la Loi de la presse, c'est une loi qui date
pratiquement du XIXe siècle. On peut s'en servir comme point de
départ, bien sûr, mais cela ne vaut même pas la peine de
passer des heures à disséquer cette loi et essayer d'en remodeler
une, enfin, essayer d'y apporter des amendements. Comme l'ami Devirieux le
soulignait, je pense qu'il serait de beaucoup préférable de
commencer à bâtir à neuf puisqu'il n'existe à peu
près rien.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, je voudrais, bien sûr,
remercier les membres de la Fédération professionnelle des
journalistes du Québec et je voudrais également les
féliciter de nous avoir présenté ce mémoire.
En effet, dans les principes que nous retrouvons dans la
présentation de leur mémoire, je vous assure, quant à moi,
que ces principes sont absolument valables et nous devrions les respecter de
part et d'autre en ce qui concerne le droit à l'information. C'est
pourquoi j'appuie cette demande que vous faites de voir inséré le
droit à l'information dans la loi, parce que ces excellents principes
que vous énoncés n'ont pas toujours été
respectés et ne sont pas toujours respectés.
Bien entendu, M. le Président, le monde de l'information doit
pouvoir jouir de certains privilèges lui permettant de donner cette
information juste à une population qui, également, a ce droit
à l'information juste. Je pense que ce matin, quant à moi, vous
avez frappé dans le mille. J'espère c'est un voeu que je
formule que tous les membres de votre fédération, et tous
ceux du monde de l'information, partagent votre point de vue à ce point
de le mettre en pratique plus souvent qu'ils le font présentement.
Lorsque nous retrouvons, dans l'avant-dernière page du
mémoire, que toutes ces mesures, dont la plupart sont déjà
appliquées ou sont sur le point de l'être dans plusieurs pays
occidentaux, n'ont en définitive qu'un seul but, aménager le
domaine de l'information de façon que le droit à l'information
soit respecté, je pense que c'est autour de tout cela que le
débat doit se situer, autour de ce droit du public à une
information. Quand je dis: Le droit du public à une information, cela
veut dire que le public, partout, sur notre territoire, non seulement dans la
ville de Montréal ou de Québec, mais partout sur le territoire,
le public doit pouvoir avoir accès à une information, en
provenance du gouvernement ou d'ailleurs, qui soit juste. Je souligne que ce
n'est pas toujours le cas. Je risque d'être interprété dans
la presse demain, encore une fois, mais je pense qu'il faut que cela se dise.
Si on m'interprète demain, je vous appellerai, M. Mailhot, pour vous le
dire. J'aurais peut-être pu vous appeler plusieurs fois, mais en tout
cas.
Il demeure une chose, c'est qu'à titre d'exemple, quand on voit
dans un journal un titre, c'est évident que la première chose que
nous faisons, c'est de lire le titre. Lorsqu'on arrive à lire l'article
qui est sous ce titre, il arrive malheureusement quelquefois que l'article est
absolument contradictoire avec le titre. Je pense que c'est une mauvaise
information à l'endroit du public. Je ne veux jeter la pierre à
personne. Je ne veux pas dire que c'est la faute du journaliste parce que j'ai
l'impression que ce genre de chose n'est justement pas la faute du journaliste
qui a écrit l'article; mais on parle d'un principe
général. Alors, le principe général fait que la
livraison de l'information, en partant de l'information qui est donnée,
peut être modifiée en chemin de telle sorte que la livraison n'est
plus ce qu'aurait dû être, en termes commerciaux, la commande.
Alors, M. le Président, quant à moi, je considère
que les efforts faits par la fédération des journalistes sont
louables, notamment quand on nous annonce qu'il y aura très
bientôt un code d'éthique. Je pense que c'est très
important. Même si on mettait dans la loi 50 le droit à
l'information, s'il n'y avait pas ce code d'éthique et si ce code
d'éthique n'était pas respecté, j'ai l'impression que ce
serait peut-être tourner en rond en invoquantde grands principes, mais en
ne les respectant pas.
Cela me plaît énormément de voir que vous avez
été aussi loin que de vouloir présenter un code
d'éthique. Evidemment, je suis persuadé que vous avez bien
l'intention de la respecter. En ce qui concerne les documents publics qui
doivent être mis à la disposition des journalistes, je suis
d'accord avec vous sur une bonne partie des demandes que vous faites.
Malheureusement, je n'irai peut-être pas jusqu'au bout des demandes que
vous faites, parce que mon impression et ma conviction sont qu'il doit y avoir
une différence entre un document qui est fini et prêt pour
publication et une intention. Si on publie une décision, c'est une
information qui part de quelque chose qui est décidé. Si on
publie une intention, c'est évident que c'est de l'interprétation
en quelque sorte, parce que les intentions peuvent s'interpréter
facilement. Il y a peut-être lieu d'aller plus en détail et de
trouver à quel endroit on peut situer la ligne de démarcation.
Mais, quant au principe
lui-mêmede l'accessibilité du monde de l'information aux
documents publics, j'y souscris entièrement.
En terminant, M. le Président, je voudrais poser une couple de
questions à M. Mailhot ou aux autres qui voudront peut-être
répondre. Croyez-vous, dans votre optique et avec l'expérience
que vous avez dans le monde de l'information, qu'un seul amendement à
l'article 3, qui ajouterait le droit à l'information, serait suffisant
et suffisamment clair pour garantir une information juste et au monde de
l'information et aux citoyens qui sont ceux à qui ont doit livrer
l'information?
M. Falardeau: Là-dessus, je pense qu'on a
déjà répondu que c'était seulement un premier pas
qui devrait être complété par d'autres lois. Je voudrais
revenir sur certaines des remarques du député de Rouyn-Noranda,
notamment quant à l'éthique. La fédération, qui ne
s'est jamais considérée comme le défenseur des
journalistes a toujours refusé également de s'ériger en
censeur de ses membres. La fédération n'a jamais voulu
considérer, n'a jamais voulu juger les manquements à
l'éthique de ses membres. Il serait assez futile et inutile d'appeler M.
Mailhot ou d'autres, si vous êtes mal interprété. Mais la
fédération, jugeant que ce n'était pas aux journalistes de
juger les journalistes, a travaillé, avec les employeurs notamment,
à mettre sur pied un Conseil de presse. C'est ce Conseil de presse, dont
plus du tiers des membres viennent du public, donc de personnes qui ne font pas
partie du monde de l'information, qui va publier un code d'éthique. Ce
n'est pas la fédération. C'est ce Conseil de presse qui va
être chargé de faire respecter le code d'éthique. Je pense
qu'il est important de signaler cela.
D'autre part, dans une remarque plus générale, je voulais
souligner que, quand la fédération demande la reconnaissance du
droit à l'information, elle ne demande aucun privilège pour les
journalistes. Elle demande qu'on reconnaisse un droit aux citoyens. On est bien
conscient que cela va probablement donner beaucoup plus de devoirs que de
droits aux journalistes. Cela va peut-être faciliter leur travail dans
une certaine mesure, mais cela va être exigeant aussi. Si l'inscription
dans la charte du droit à l'information est exigeante pour le
gouvernement et pour les corps publics, elle le sera aussi pour les
journalistes et pour la profession en général.
M. Samson: Merci. M. le Président, une dernière
question. Croyez-vous qu'il serait valable en ce qui concerne la formation de
la commission des droits de la personne j'espère qu'il y aura une
possibilité d'ajouter le droit à l'information dans la loi
advenant qu'il y ait ce droit à l'information dans la loi, que quelqu'un
du monde de l'information fasse partie de cette commission?
M. Mailhot: Ecoutez, il est bien évident que l'on aimerait
on parle du droit à l'information, mais, comme je le soulignais
au ministre L'Allier tout à l'heure, il y a déjà une bonne
partie du travail qui est fait, celui de disséquer ce droit, de
l'étayer et tout cela.
Il est bien évident qu'on aimerait se faire entendre si l'on
inclut dans la charte non seulement le droit à l'information, le droit
général, mais qu'on décide aussi de circonscrire certains
de ces droits ou certains aspects de ce droit.
M. Samson: Merci.
Le Président (M. Pilote): D'autres questions? On vous
remercie, M. Mailhot, ainsi que ceux qui vous accompagnent. Soyez
assurés que la commission va prendre bonne note de vos
recommandations.
La commission suspend ses travaux à cet après-midi, quinze
heures.
(Suspension de la séance à 13 h 6)
Reprise de la séance à 15 h 10
M. Pilote (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs!
Association des parents catholiques du
Québec
Le Président (M. Pilote): Nous allons entendre, cet
après-midi, en premier lieu, l'Association des parents catholiques du
Québec, représentée par Mme Adeline Mathieu, que
j'inviterais à s'avancer pour présenter son mémoire, ainsi
que celle qui l'accompagne.
Mme Mathieu: ... lever le micro?
Le Président (M. Pilote): Je pense que vous pouvez
demeurer assise, parce que si le mémoire est un peu long...
M. Choquette: II suffit de le faire fonctionner par le bas.
Le Président (M. Pilote): C'est cela. Baissez-le.
Mme Mathieu: On attendait un autre représentant de
Québec qui n'est pas encore arrivé.
Le Président (M. Pilote): Commencez par nous
présenter votre mémoire. Il arrivera peut-être
entre-temps.
Mme Mathieu: Je voudrais aussi présenter Mme Anna Normand,
de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, la vice-présidente de
l'association.
Le présent avis s'appuie sur des mémoires qui ont
déjà été présentés par notre
association aux différentes instances gouvernementales à propos
des projets de loi concernant l'éducation et la famille.
Depuis sa fondation, notre association a multiplié les
enquêtes, les études et les représentations. Toutes ses
sections ont continuellement participé à ses prises de position
à l'occasion de ses assemblées générales et de ses
consultations. Nos différents congrès ont toujours
regroupé plusieurs organismes, et nos recommandations expriment non
seulement les volontés de nos membres, mais rejoignent les désirs
de tous ces mouvements qui ont appuyé nos démarches.
Je ne veux pas, ici, vous donner toute la liste de ces congrès,
les énumérer en détail, mais il reste que depuis 1966,
tous les ans, notre association a regroupé des organismes ainsi que nos
membres sur les sujets qui sont aujourd'hui, pour nous, à l'ordre du
jour, entre autres l'éducation chrétienne, l'école
catholique et l'enseignement privé.
Nous avons voulu nous en tenir à trois articles qui nous touchent
de très près, parce que nous y sommes sensibilisés. Nous
croyons que l'action que nous avons entreprise depuis huit ans et très
importante. Nous voudrions que la charte tienne compte de toutes ces
démarches et tienne compte, peut-être davantage, des lois qui sont
déjà adoptées en regard de ces articles.
En plus de ces congrès, nous avons aussi fait des sondages, des
enquêtes. A un certain moment, nous avons présenté 100,000
signatures, justement à l'occasion d'une commission parlementaire un peu
semblable à celle-ci. C'était à l'époque où
on préparait la loi 56. Nous avons aussi fait des sondages dans
différentes régions de la province. Nous avons atteint environ
30,000 personnes à l'occasion de ces sondages dans des assemblées
publiques un peu partout dans la province.
C'est vous dire que nous nous sentons réellement à l'aise
pour plaider cette cause qui nous tient tellement à coeur.
Il y a aussi dans cette charte d'autres articles et d'autres
dispositions qui touchent à des droits fondamentaux, mais nous n'avons
pas voulu, aujourd'hui, les étudier: premièrement, parce que nous
n'avons pas eu suffisamment de temps, et deuxièmement, parce que nous
n'avons pas suffisamment aussi consulté nos membres sur les autres
articles.
Arrêtons-nous particulièrement sur les articles 37, 38 et
39. Les lois particulières adoptées par un gouvernement
démocratique doivent respecter les droits naturels, et à plus
forte raison une charte des droits qui est, par définition,
transcendante. Si nous avons bien compris, il s'agit d'une loi fondamentale. Le
gouvernement du Québec l'avait compris, d'ailleurs, en donnant à
la loi 60, créant le ministère de l'Education, le
préambule dont nous citons quelques extraits: "Attendu que tout enfant a
le droit de bénéficier d'un système d'éducation qui
favorise le plein épanouissement de sa personnalité; "Attendu que
les parents ont le droit de choisir les institutions qui, selon leur
conviction, assurent le mieux le respect des droits de leurs enfants; "Attendu
que les personnes et les groupes ont le droit de créer des institutions
d'enseignement autonomes et, les exigences du bien commun étant sauves,
de bénéficier des moyens administratifs et financiers
nécessaires à la poursuite de leurs fins".
Ces droits naturels sont précisément ceux qui font l'objet
de la Charte internationale droits de l'homme, signée en 1948 par 48
pays membres de l'O.N.U., dont le Canada.
Or, en étudiant les articles 37, 38 et 39 du projet de loi 50,
nous avons constaté que ces articles restreignent singulièrement
les droits des parents au choix de l'école selon leurs convictions et le
droit des groupes de créer des écoles d'enseignement
autonomes.
Articles 37 et 39. Ces deux articles se tiennent et il nous faut les
traiter ensemble.
A l'article 37, nous lisons: "Toute personne a droit, dans la mesure et
suivant les normes prévues par la loi, à l'instruction publique
gratuite". Cette clause en est une de droit interne. Mais elle est restrictive
vis-à-vis du droit naturel, tel que défini dans la Charte
internationale des droits de l'homme, article XXVI.
Toute personne, dit cette charte, a droit à l'éducation.
L'éducation doit être gratuite au moins en ce qui concerne
l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement
technique et professionnel doit être généralisé;
l'accès aux études supérieuresdoit être ouvert en
pleine égalité à tous en fonction de leur
mérite.
Si vous remarquez, ici, on n'a pas parlé d'enseignement public ou
privé, on a parlé de droit à l'instruction.
L'article 3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir
le genre d'éducation à donner à leurs enfants.
En voulant que l'instruction publique seulement soit gratuite, cet
article ne permet pas le choix de l'école aux parents ou tuteurs
pauvres. Un droit, sans les moyens de l'exercer, c'est comme s'il n'existait
pas, il est inopérant. La pénalisation des pauvres est toujours
une injustice et cette injustice est particulièrement odieuse quand elle
concerne l'éducation de leurs enfants.
Ce qui ne veut pas dire que nous demandons immédiatement que
l'enseignement privé soit gratuit, mais nous ne voulons pas que, dans
une charte des droits de l'homme, soit inscrit: "que seul l'enseignement public
est gratuit ".
Si l'école publique seulement est gratuite, il en résulte
aussi une injustice envers tous les parents qui choisissent une autre
école que celles qui sont établies par l'Etat. Ces parents paient
des taxes comme les autres. Si ces taxes ne sont appliquées qu'à
l'administration et l'entretien de l'école publique, ils seront
obligés de payer une deuxième fois pour l'administration et
l'entretien de l'école qu'ils auront choisie. De plus, cela pourrait
entraîner, à plus ou moins longue échéance, la
disparition de la grande majorité des institutions privées
d'enseignement général et professionnel.
Si l'on considère les coûts de la scolarité dans le
monde actuel, avec tout ce qu'une école demande en matériel
didactique, en services de tous ordres, on se rend compte que les frais de
scolarité montent en flèche et que, de plus en plus,
l'école ne peut être accessible si elle n'est pas
subventionnée en grande partie.
D'ailleurs, nos lois actuelles donnent des subventions aux institutions
privées. Mais nous ne voudrions pas que, dans ces articles de la charte,
il ne soit fait aucune mention de financement, seulement le droit à
l'enseignement privé. Je crois qu'il faut ajouter quelque chose.
De toute façon, pour cet article 37, nous proposons donc que
l'article reste tel quel, qu'on enlève seulement un mot; nous
proposonsque le mot "publique" soit supprimé.
A l'article 39: "Les parents, ou les personnes qui en tiennent lieu, dit
la charte, ont le droit de choisir pour leurs enfants des établissements
d'enseignement privé pourvu que ces établissements se conforment
aux normes prescrites ou approuvées en vertu de la loi".
Cet article est incomplet parce qu'il ignore un aspect fondamental de la
liberté de choix: le financementde l'enseignement privé, tel
quedémontré pour l'article 37. De plus, il n'est fait aucune men-
tion de la liberté des groupes et des personnes de créer des
écoles, comme nous l'assure le préambule de la loi 60
déjà cité.
Nous proposons de reformuler comme suit l'article 39: 1- Les parents ou
les personnes qui en tiennent lieu ont le droit de choisir pour leurs enfants
des établissementsd'enseignement privé, pourvu que ces
établissements se conforment aux normes prescrites ou approuvées
en vertu de la loi et de bénéficier des moyens financiers et
autres qui leur permettent d'exercer ce droit. 2- Nous croyons qu'il est
très important que, dans cette charte, on tienne compte aussi de la
liberté de créer des écoles.
Le deuxième article dit, pour nous, la correction que nous
demandons:
Les personnes et les groupes ont le droit de créer des
institutions d'enseignement autonome et, les exigences du bien commun
étant sauves, de bénéficierdes moyens administratifs et
financiers nécessaires à la poursuite de leurs fins.
Prenons maintenant l'article 38: "Les parents ou les personnes qui en
tiennent lieu ont le droit d'exiger que, dans les établissements
d'enseignement public, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux
ou moral, conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes
prévus par la loi." "Si les parents ont le droit de choisir pour leurs
enfants l'école "conforme à leurs convictions", il nous
apparaît évident que l'école publique doit leur en donner
la possibilité."
Or, selon les convictions des catholiques, il n'est pas suffisant
d'offrir un enseignement religieux "dans le cadre prévu par la loi",
pour répondre au droit des parents en éducation. Le mot
"enseignement religieux" ici n'est certainement pas suffisant. Il faudrait
employer un autre mot, "école".
Là, je vais parler pour nous, catholiques, mais nous n'entendons
pas du tout restreindre cette charte aux catholiques, bien entendu. Il s'agit
des droits de tout parent, qu'il soit protestant, juif, ou autre, quand il
s'agit d'école, d'enseignement religieux, il a droit à plus
qu'à des cours, mais à des écoles. Ce n'est pas
seulementde l'enseignement religieux, mais de l'éducation. "Selon le
concept que l'Eglise a de l'éducation, une école qui peut
satisfaire pleinement les catholiques n'est pas seulement une école
où l'on donne, à côté des matières profanes,
un enseignement proprement religieux, ou encore, où l'on consacre des
moments à la prière et au culte. Un esprit chrétien doit
donc se retrouver dans toute la vie de l'école, dans son ordonnance,
dans la philosophie de l'éducation qui l'anime, dans ses conceptions
pédagogiques." Il s'agit ici d'une citation du cardinal Roy.
De plus, il existe des rapports nécessaires et constants entre
l'école et les structures administratives. "Quand on fournit les
subsides et qu'on détermine la catégorie de personnel, qu'on
décide des programmes et des orientations académiques, on
a presque le pouvoir de vie ou de mort sur une école. Il me
paraît évident, dit Mgr Grégoire, que le réseau qui
donne naissance à une école doit avoir le même
caractère que l'école." Non seulement pour les écoles
catholiques, mais aussi par les écoles neutres ou autres. Parce que nous
avons demandé à plusieurs reprises des écoles autres pour
les autres qu'on leur donne le nom qu'on voudra et nous demandons
que ces autres écoles aussi puissent s'administrer, avoir un corps
administratif qui soit réellement le reflet de la pensée des
groupes à qui il est appelé à donner un enseignement.
Pour leur bon fonctionnement, les écoles confessionnelles, ou les
écoles autres, requièrent donc que les commissions scolaires qui
les administrent soient confessionnelles.
Nous proposons d'amender l'article 38 comme suit: "Les parents ou les
personnes qui en tiennent lieu ont le droit d'exiger dans le système
public des écoles conformes à leurs convictions et des structures
administratives ayant le même caractère que l'école."
Encore une fois, il ne s'agit pas uniquement pour nous d'écoles
catholiques. Nous voulons bien nous faire comprendre. Si on doit instaurer ici
au Québec des écoles neutres ou des écoles autres, nous
demandons pour elles aussi des structures administratives ayant le même
caractère que leur école.
Plusieurs autres articles font problème à notre avis et
demanderaient une longue étude. Citons entre autres: Le droit à
la vie, la liberté de conscience, la discrimination, les droits
judiciaires, les droits économiques et sociaux, les dispositions finales
et la fonction de la commission.
Les multiples interrogations et réflexions suscitées par
l'étude de ce projet de loi, nous amènent à la conclusion
que cette charte requiert une profonde révision. En conséquence,
nous demandons à la commission parlementaire de recommander au
gouvernement de surseoir à l'adoption de cette charte, tant et aussi
longtemps qu'il sera nécessaire pour assurer à la population
québécoise une loi juste et équitable.
Nous demandons de plus qu'une consultation à la mesure de
l'importance de cette loi soit entreprise à la grandeur de la province.
Je vous remercie.
Le Président (M. Pilote): Merci. Le ministre de la
Justice.
M. Choquette: M. le Président, j'exprime mes remerciements
à l'Association des parents catholiques du Québec pour avoir fait
connaître son point de vue sur le contenu de ce projet de loi, et tout
particulièrement sur les articles 37, 38 et 39, qui ont attiré
spécialement son attention, puisque, en fait, il s'agit des articles du
projet de loi qui sont pertinents au domaine scolaire et à la
liberté des parents de choisir l'une ou l'autre des institutions
d'enseignement disponibles ou d'obtenir l'enseignement religieux ou moral qui y
est donné.
Je voudrais quand même faire quelques observations à la
présidente de cet organisme.
D'abord, on attire notre attention sur le préambule de la loi 60,
qui créait le ministère de l'Education. Je dirais tout d'abord
qu'un préambule n'a pas force de loi, quelle que soit l'adhésion
qu'on puisse donner a la valeur ces principes énoncés à un
préambule, les principes qui y sont énoncés n'ont aucune
valeur, sinon pour permettre d'interpréter le texte des articles de la
loi, de telle sorte que, malgré que, de prime abord, je souscrirais aux
principes énoncés à la loi 60, ce n'est pas très
convaincant que de dire que la présente charte devrait reproduire des
dispositions d'un préambule. Encore aurait-il fallu nous dire que nous
aurions dû reproduire les articles de la loi qui créait le
ministère de l'Education.
Si on va aux articles mêmes qui créent la Loi du
ministère de l'Education, je ne pense pas, madame, qu'on retrouve, dans
cette loi ou dans aucune autre législation québécoise, un
droit aussi absolu que celui que vous revendiquez aujourd'hui,
c'est-à-dire que les institutions d'enseignement privé soient
financées au même titre et dans la même mesure que
l'enseignement public. A ce sujet, je voudrais attirer votre attention sur le
fait que nous finançons les institutions d'éducation
privée au Québec à raison de 80%, et le ministre de
l'Education, mon collègue, l'honorable François Cloutier, a
souvent l'habitude de dire je n'ai jamais entendu qu'il ait
été contredit sur cela que le Québec est
probablement l'endroit au monde où on finance le plus amplement et le
plus généreusement les institutions d'enseignement qui ne font
pas partie du réseau public.
Je m'étonne, madame, que vous réclamiez un financement
absolu et total des institutions d'enseignement privé, par rapport au
système public, alors que le Québec est déjà
très libéral, j'emploie ce mot sans aucune allusion
politique...
M. Burns: Dans le bon sens du mot.
M. Choquette: ...je l'emploie dans le bon sens du mot, comme dit
le député de Maisonneuve. Je m'étonne que vous demandiez
qu'on aille encore plus loin alors que cela n'est pas la situation actuelle et
que le Québec est déjà en avance surtout le monde, suivant
évidemment l'optique dans laquelle on se place.
Mme Mathieu: Ecoutez, je n'ai peut-être pas
été bien comprise. Je vais essayer d'être plus claire. On
ne veut pas qu'on inscrive, dans le texte de la loi, le mot "gratuit" pour
l'école publique uniquement. Parce qu'en principe, nous croyons qu'on
nedoit pas se limiterquand il s'agitdu choix des parents et de la
gratuité uniquement à l'école publique. Au niveau des
principes. Cela ne veut pas dire que dans le contexte actuel nous croyons que
nous devons avoir immédiatement la gratuité pour l'enseignement
privé. Quand il s'agit d'une charte qui doit tout de même
s'appliquer pour quelques années à venir, pas seulement pour
aujourd'hui, nous croyons qu'il est dangereux de mentionner ce mot "publique".
Nous aimerions qu'il soit enlevé.
Vous parlez du Québec où nous avons peut-être les
lois les plus généreuses. Je voudrais quand même faire une
petite distinction à ce sujet. En Belgique, par exemple, l'enseignement
élémentaire et maternel sera gratuit aux niveaux gardien,
primaire et secondaire dans les institutions privées. Cette
gratuité signifie la suppression de minerval directe ou indirecte. Aux
niveaux gardien et primaire, quatrième degré inclus, cette
gratuité implique la délivrance sans frais, en plus de livres et
des objets classiques. En langue, l'enseignement primaire libre de formation
générale, qui répond aux conditions imposées par la
loi, est défrayé par le trésor public, selon les
mêmes normes que l'enseignement public.
La loi fixe les conditions auxquelles les contributions du trésor
public sont accordées à l'enseignement libre secondaire, de
formation générale et de préparation à
l'enseignement supérieur.
En France, en 1970, la Loi Debré a été
prorogée et modifiée. Des contrats simples passés avec
l'Etat par les établissements privés du premier degré
n'étant plus soumis à unedurée limitée, tandis que
pour le second degré une échéance est prévue pour
1980. Alors, c'est presque dans certains cas la gratuité
complète.
J'ai de plus ici une analyse de différents pays, une étude
faite par l'UNESCO. Vous avez ici 55 pays qui ont fait connaître le mode
de financement de l'enseignement privé. J'ai ici la liste, je vous
remettrai le mémoire en question et vous verrez que, dans la grande
majorité des pays libres, l'enseignement est financé, soit en
totalité, à 75%, à 60% ou à 80%, mais on ne peut
pas dire que le Québec est le pays où le gouvernement donne le
plus à l'enseignement privé. Je vous ai cité trois pays,
la Hollande, et en particulier la Belgique qui donnent bien plus que le
Québec à ce sujet.
Mais, encore une fois, je ne voudrais pas vous faire comprendre que nous
demandons la gratuité aujourd'hui pour l'enseignement privé. Mais
nous craignons qu'une telle clause dans la charte des droits de l'homme, nous
limite, pour l'avenir. Peut-être que nous serons obligés, un jour,
de demander la gratuité pour l'enseignement privé. A ce moment,
nous ne voulons pas être limité par une charte comme
celle-là.
M. Choquette: Je vous dirais, Madame, que ce n'est pas parce que
dans la charte on dit que l'enseignement d'un système public est gratuit
que cela voudrait nécessairement dire qu'il n'est pas gratuit dans
l'enseignement privé. Vous comprenez ce que je veux dire.
Mme Mathieu: Je comprends tout.
M. Choquette: Un législateur éventuel, un autre
gouvernement ou le gouvernement actuel pourrait très bien dire: On va
financer entièrement les institutions privées. Ce ne serait pas
contraire au principe de la charte. Excepté que, pour le moment, il faut
quand même faire une distinction entre le système public puis les
institutions privées.
J'ai l'impression que dans la liste que vous nous avez lue, lorsque vous
avez référé à la Belgique, la Hollande et
peut-être aussi la France, que c'est surtout au niveau primaire que
l'enseignement privé est subventionné fortement par l'Etat,
tandis que la même chose ne serait pas vraie au niveau secondaire et
à d'autres niveaux.
Mme Mathieu: Excusez, en France il s'agit bien de l'enseignement
élémentaire et secondaire, mais je suis très heureuse de
vous entendre dire cela que vous croyez que c'est à
l'élémentaire. Parce qu'ici, au Québec, vous remarquerez
qu'à l'élémentaire tous nos externats ne sont pas
subventionnés. Au Québec, nos institutions de l'école
élémentaire, actuellement, ne reçoivent aucune subvention.
Seuls les pensionnats reçoivent des subventions.
M. Choquette: Vous avez raison, madame, les écoles
privées à l'élémentaire ne reçoivent pas en
principe de subvention au Québec, à l'heure actuelle. Maintenant,
peut-être que le ministre de l'Education voudrait accorder des
subventions à ces écoles, mais il y a quand même une
question de ressources. J'ai l'impression que cela pourrait être un
facteur important dans les décisions qu'il a à prendre dans ce
domaine.
Mais nous n'empêchons pas, d'après le projet de charte, un
développement du côté des institutions privées et
même un financement assez généreux par l'Etat. Je crois que
la preuve de cela, c'est que l'article 39 consacre l'existence d'un
système privé d'enseignement. Il n'en fait pas une obligation
pour l'Etat de le financer, mais il en reconnaît la valeur, l'importance.
Il se situe même au niveau des droits et libertés fondamentales.
Je vois difficilement comment vous pouvez vous opposer à cet
article.
Mme Mathieu: Un droit sans les moyens de l'exercer est un droit
un peu illusoire. Si on regarde les frais de scolarité au Québec,
actuellement, au secondaire, c'est près de $1,200 par
élève. Si on doit demander aux parents de payer ces frais de
scolarité, d'ici quelques années, il nous restera peut-être
dix ou quinze institutions privées au Québec. Un droit, si l'on
ne parle d'aucun financement dans la loi, c'est un droit illusoire.
M. Choquette: Je vais vous dire quelque chose, madame, et cela ne
s'adresse pas seulement à votre groupe ou à vous-même, mais
à d'autres groupes. Il serait erroné de s'imaginer que, dans la
loi sur les droits et libertés de la personne on va trouver toute la
législation québécoise. Il ne faudrait quand même
pas rechercher à inclure dans ce projet de loi, qui est assez modeste
par le nombre d'articles, de trouver toutes les choses auxquelles les gens
peuvent tenir au point de vue législatif et qu'on puisse ainsi
satisfaire à toutes les exigences.
Ce que nous essayons de faire, en fait, dans ce projet de loi, c'est de
résumer l'essentiel, de résumer les points fondamentaux. Il ne
faudrait pas nous demander de sortir de ce cadre. Je fais
cette observation pour vous et pour d'autres. Je sais que le
député de Maisonneuve aimerait vous...
Mme Mathieu: Mme Normand voudrait dire quelque chose.
M. Burns: Sans brimer le droit du ministre de la Justice de
questionner davantage, sur ce même point, Mme Mathieu, je me demande si
vous n'êtes pas obligés d'admettre, comme parents catholiques,
comme association de parents catholiques, que n'importe quel Etat, l'Etat du
Québec y compris, qui a pour principale fonction d'assurer
l'éducation au Québec, ne devrait pas avoir comme tendance
naturelle d'accorder une priorité au système d'enseignement
public, quitte à reconnaître et je suis entièrement
d'accord sur ce que le ministre de la Justice vient de dire, c'est un des rares
cas où je n'ai même pas de nuance à apporter à ce
qu'il vient de dire...
M. Choquette: Espérons que cela va continuer.
M. Burns: Espérons que cela va continuer, comme il dit. Au
départ parce que là on parle au niveau des principes
est-ce qu'on doit blâmer un Etat de vouloir assurer une
éducation la plus généralisée possible par
l'entremise de son système d'éducation publique, quitte à
protéger les droits de l'enseignement privé?
Mais là où je me pose de très sérieuses
questions sur votre mémoire, ou du moins sur cet aspect de votre
mémoire, non pas sur l'ensemble, c'est que vous avez l'air à
vouloir institutionnaliser ce qui serait contraire à toute
tendance normale d'un Etat qui veut, lui, assurer, au point de vue des biens
qu'il veut rendre disponibles à l'ensemble de la population vous
semblez vouloir généraliser l'enseignement privé, ce qui,
à mon avis, est contraire à toute tendance normale. Je vous pose
cette question: Le droit à l'instruction, qui est un droit prévu
par une charte des droits de l'homme, est-ce qu'il ne doit pas être
assuré de façon la plus généralisée
possible, sachant qu'au Québec, actuellement, qu'on le veuille ou non
et même l'archevêque de Montréal vient de faire des
commentaires là-dessus et même, je pense, que l'ensemble du
clergé au Québec est conscient de cette situation on se
retrouve dans une situation multireligionnaire, devrais-je dire? Si l'aspect
religieux est l'aspect qui vous incite à vouloir faire
reconnaître, si vous voulez, les écoles privées, à
ce moment-là il y a d'autres solutions, il y en a peut-être
d'autres. Et cela, je vous demande: Est-ce qu'il y en a d'autres que vous avez
envisagées, autres que celle de subventionner, comme actuellement,
à 80% certaines institutions privées? Est-ce qu'il y a d'autres
solutions que vous avez envisagées, outre celle de rendre les
institutions privées, contrairement à unetenjance naturelled'un
Etat, subventionnées?
Mme Mathieu: Je pense que vous avez affirmé beaucoup de
choses...
M. Burns: Oui, oui.
Mme Mathieu:... est-ce qu'on va me donner le temps de dire tout
ce que je pense de toutes vos affirmations?
M. Burns: Bien oui, nous sommes très ou verts, nous sommes
prêts à vous écouter.
Mme Mathieu: Bon, alors quand vous affirmez la tendance...
M. Burns: ...qui dit qu'il n'est pas du tout d'accord avec moi,
mais on l'invite même à venir nous dire pourquoi il n'est pas
d'accord. Je n'ai pas d'objection.
Mme Mathieu: Alors, écoutez, d'abord je voudrais revenir
à la déclaration des droits de l'homme qui dit que le parent a
droit de choisir l'éducation à donner à ses enfants. Je
pense que la charte québécoise ne devrait pas être moins
large qu'une charte qui s'adresse à l'homme du monde entier, aux parents
du monde entier.
M. Burns: Ce n'est pas cela...
Mme Mathieu: Ecoutez, laissez-moi terminer.
M. Burns: On ne dit pas cela, Mme Mathieu. On ne dit pas
cela.
Mme Mathieu: Laissez-moi terminer. Si on accepte ce droit de
choix à l'éducation, des parents, on ne peut pas éviter la
possibilité de l'enseignement privé et du financement de
l'enseignement privé. Comment exercer un droit sans les moyens de
l'exercer, encore une fois? Lorsque vous dites: Les pays ont tendance surtout
à privilégier l'enseignement public; encore là, il
faudrait faire des distinctions. Le rôle de l'Etat, c'est d'assurer
l'instruction et l'éducation de l'enfant. Le rôle de l'Etat, c'est
le bien de l'enfant.
M. Burns: Oui.
Mme Mathieu: Et c'est aux parents de décider si le bien de
l'enfant, c'est à telle école ou à telle autre. C'est son
droit premier, inaliénable. Quand vous dites: Les Etats ont tendance
à affirmer qu'il faut d'abord privilégier le secteur public, je
crois qu'il faudrait nuancer beaucoup cette affirmation.
Je viens de lire une enquête de SOFRE, en France, par exemple,
où 87% de la population se montre favorable à l'enseignement
privé et où 74% demande qu'il continue d'être
subventionné comme il l'est actuellement.
Je pense que la France est tout de même un pays d'Europe important
qui, par la culture, ressemble au nôtre. Je regarde la Hollande,
où il n'est pas question de public ou de privé, où les
institutions sont subventionnées à 100%, qu'elles soient
privées ou publiques. En Belgique, actuellement, on peut dire que c'est
presque à 100%. Là, on
arrive réellement au choix possible, pour les parents, de
l'éducation, mais si on veut avoir une charte qui soit plus restrictive,
qui soit moins large que celle qui régit l'homme de l'univers, l'homme
du monde entier, là, je ne comprends plus, et je ne suis plus du tout
pour une charte québécoise des droitsde l'homme qui serait plus
restrictive qu'une charte mondiale et qui ne tient pas suffisamment compte, en
plus, de notre histoire, de nos valeurs, des communautés que nous avons
chez nous.
Il y a une autre affirmation que je voudrais relever. Vous dites: La
multiconfessionnalité. Nous avons vécu chez nous les
élections à Montréal, après la restructuration, et
savez-vous qu'il y avait un candidat qui n'a pas parlé de l'école
catholique, par exemple, et que la grande majorité des gens ont
parlé de la nécessité de structures confessionnelles et
que même certains candidats en cours de campagne ont changé leur
programme pour bien y inscrire qu'ils seraient favorables à des
structures confessionnelles?
Vous voyez le désir des parents. On parle de
multiconfessionnalité toutde même; si on regarde les Canadiens
français, où sont les autres confessions?
M. Burns: Justement, actuellement, on ne parle pas des Canadiens
français, c'est le problème. Mme Mathieu, je m'excuse, il ne
faudrait pas mal interpréter mon intervention. Je pense que, quand on
parle de charte des droits et des libertés de la personne, on parle
justement de non-caractérisation de certaines orientations. Ce qu'il
s'agit de protéger, à ce stade et là-dessus, je
pense que le ministre de la Justice a été pas mal clair
c'est que le fait qu'on dise que l'instruction publique est gratuite ne veut
pas dire que l'instruction privée ne le sera pas. Ce n'est pas ce que
nous disons, mais nous essayons de mettre dans une charte de grands principes.
A partir de là, toute discussion est possible, mais est-ce au stade de
l'examen d'un projet de loi qui établit censément une charte des
droits fondamentaux et des libertés de la personne? Je prétends
que non. Je prétends que ce genre d'intervention que vous voudriez
faire, Mme Mathieu, pourrait fort bien être accepté au niveau du
ministère de l'Education qui réviserait, par exemple je ne
pense pas que ce soit l'intention du gouvernement, mais je vous donne un
exemple qui, si à un moment donné le gouvernement
du Québec décidait que l'espèce de
séparation qui se fait au niveau confessionnel devait disparaître,
et qu'à l'avenir, cela ne devrait être qu'une différence au
point de vue de la langue. Je pense qu'à ce moment, vous auriez, fort
probablement, vu votre point de vue et votre orientation, de nombreuses
récriminations à venir porter au gouvernement
québécois qui s'apprêterait à faire cette
modification. Mais une charte des droits de l'homme veut assurer un bien
général. Le bien général qu'on tend à
assurer, actuellement, c'est l'instruction. Et actuellement, l'instruction, ou
l'éducation, si vous voulez, par l'entremise du ministère du
même nom, est généralisée par l'entremise des
facilités d'accès à un système public. Je pense
que, même si cela cho- que des gens de le dire, il vaut aussi dire bien
clairement que l'instruction privée est une exception et doit être
considérée comme telle. Et si elle est une exception, elle doit
être traitée comme telle. C'est tout simplement cela que je
voulais dire, parce qu'il ne faut pas l'oublier, nous parlons au niveau d'une
charte des droits de l'homme.
Mme Mathieu: Moi aussi, je parle au niveau d'une charte des
droits de l'homme, mais ce qui arrive justement, c'est qu'elle est plus
restrictive que la charte mondiale. On parle ici du choix de
l'éducation, maison ne parle pas d'enseignement public gratuit. Il n'y a
rien dans la charte mondiale qui met l'accent sur l'enseignement public
gratuit. Ensuite, dans la charte mondiale, on parle d'éducation. C'est
beaucoup plus large que l'enseignement. Quand on parle d'éducation, cela
veut dire que c'est un ensemble, c'est un tout, ce ne sont pas seulement des
cours. Dans l'enseignement religieux ou moral, il s'agit de cours; à ce
moment-là, c'est très restrictif. Cela va à l'encontre de
nos lois actuelles, justement. Nous voulons avoir une charte qui, normalement,
devrait être au-dessus de nos lois.
Nos lois devraient s'en inspirer et elle est plus limitative que nos
lois elles-mêmes. Il y a quelque chose d'absolument contradictoire et
d'inacceptable. J'aurais autre chose à dire, mais cela fait longtemps
que Mme Normand veut parler et j'aimerais lui donner la parole.
Mme Normand (Anna): Pour ma part, M. le Président, je
voudrais fournir un petit exemple. Nous avons déjà une loi 56 et
la loi 56, nous l'acceptons bien. Elle donne ses chances à
l'enseignement privé. Advenant, par exemple, que des adversairesde
l'enseignement privé, se référant à un article de
la charte québécoise, viennent dire: La loi 56, il faut
l'amender, de telle sorte que, les 80%, par exemple, disparaissent. Parce que
c'est marqué dans la charte: L'enseignement public est gratuit. Ensuite
on parle de l'enseignement privé et il n'entre pas dans cela. Il n'entre
pas dans cette phrase que vous avez là.
M. Choquette: Laissez-moi vous poser le problème à
l'inverse. Supposons que dans le projet actuel de la charte, on inscrivait,
relativement à l'article qui parle des institutions d'enseignement
privé, qu'il est obligatoire pour le gouvernement de les financer,
à raison de 80%. Supposons qu'on mette cela. Vous auriez...
Mme Normand: Non.
Mme Mathieu: On ne vous demande pas cela.
M. Choquette: Je sais que vous ne le demandez pas. Vous ne le
demandez pas, mais vous invoquez une loi qui existe, qui finance à
raison de 80%.
Mme Normand: Oui, mais on voudrait que la grande phrase de la
charte ne permette à personne de venir nous persécuter, par
exemple, en
disant: Vous avez 80% pour l'enseignement privé et cela n'a pas
sa raison d'être, parce que, ce qui prime, c'est l'enseignement public.
Et c'est marqué dans la charte: "Seul l'enseignement public est
gratuit."
Alors, voyez-vous, on pourrait contester la loi 56...
M. Choquette: Si on enlevait, suivant la suggestion qui a
été faite, le mot "publique" pour le mot "gratuite", cela
voudrait dire qu'on va changer la loi actuelle et qu'on va financer
intégralement les institutions privées.
Des Voix: Non.
M. Choquette: Mais oui. C'est cela que vous demandez.
Mme Normand: M. le Président, imaginez que le ministre de
l'Education voudrait, par exemple, mettre l'enseignement privé sur le
même pied. Il ne faudrait pas qu'il en soit empêché. Parce
que vous mettez que l'enseignement est gratuit, cela ne veut pas dire que vous
le mettez...
M. Choquette: Mais pourquoi les termes actuels n'empêchent
pas un tel développement?
Mme Normand: Moi, ils me font peur en tout cas.
M. Choquette: Oui.
Mme Normand: Parce que je les trouve limitatifs et je crains pour
l'enseignement privé. Je crois qu'il y a réellement deux articles
qui sont très limitatifs, si on les compare encore une fois aux
déclarations des droits universels. Je trouve qu'il faut changer
absolument la formulation. Enseignement moral et religieux, cela ne peut pas
satisfaire des parents, que ce soit des catholiques ou d'autres.
M. Choquette: Voici, madame. On va prendre une question que vous
avez soulevée tout à l'heure. Vous citez, à l'appui de
votre thèse, la Charte internationale des droits de l'homme, article 26.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'il y a une très
grande distinction è faire entre une charte internationale, de type
déclaration, à une loi précise, qui a une application
concrète dans un pays.
Si vous allez à votre Charte internationale des droits de
l'homme, vous allez voir que tous les pays du monde, à peu près,
l'ont signée, cette charte, incluant les pays où vous ne voudriez
jamais vivre et où on ne donne aucune espèce de liberté
religieuse, de telle sorte que je vous dis qu'il faut vous méfier de la
phraséologie du langage des mots qu'on trouve dans des
déclarations de portée internationale, parce que souvent, elles
n'ont pas valeur contraignante dans chacun des Etats, même s'ils ont dit
qu'ils l'acceptaient.
Vous savez, nous légiférons concrètement ici. Nous
légiférons sérieusement. Les principes qui sont inclus
dans la charte, nous avons l'intention de faire en sorte qu'ils s'appliquent.
C'est ça l'affaire. Ne nous citez pas des textes qui ont plutôt
valeur politique au point de vue international et qui n'ont pas
nécessairement d'effet contraignant. C'est bien beau pour un Etat de
signer tout cela, mais cela ne veut pas dire qu'il est engagé d'une
manière interne à mettre cela en vigueur, malgré qu'il
peut avoir donné un certain engagement.
Mme Mathieu: Je trouve cela d'autant plus grave. Si 48 pays ont
signé une clause comme celle-là...
M. Choquette: Oui.
Mme Mathieu:... qui recommandait que le parent puisse choisir
l'éducation pour ses enfants, pourquoi, dans une province comme la
nôtre, où il y a quand même et je le comprends
différentes options, le parent chez nous ne pourra pas jouir des
mêmes droits?
Là, on limite ses droits. On lui dit qu'il peut choisir un
enseignement religieux ou moral. Cela devient limitatif qu'on le veuille ou
non. Il faudrait absolument changer cette formulation pour employer le mot
"école". C'est le choix de l'école que les parents
désirent...
M. Choquette: Pardon, madame...
Mme Mathieu: ... pas seulement d'un enseignement religieux ou
moral.
M. Choquette:... en plus de l'argument que je vous ai
donné, vous allez lire attentivement l'article 26, et je vous
défie de trouver dans cela la liberté de choix des parents
d'envoyer leurs enfants dans un système scolaire privé. Cela n'y
est pas. Dites-nous où c'est.
Mme Normand: Le numéro 3, de l'article 26, je pense.
M. Choquette: On a le droit de choisir le genre
d'éducation donnée aux enfants. Qu'est-ce que cela veut dire?
Est-ce que je vais envoyer mon enfant étudier le latin, le grec, les
mathématiques? Cela ne veut pas dire d'autre chose que cela.
Mme Mathieu: Ecoutez, c'est la première fois de ma vie que
j'entends elle est quand même assez longue une
interprétation comme celle-là. On a cité L'ONU
continuellement, dans tous les pays du monde. J'ai des revues...
L'interprétation de cet article, cela a toujours...
M. Choquette: Madame...
Mme Mathieu: Le choix de l'éducation, c'était
l'éducation à donner à ses enfants. Ce n'est pas le choix
du latin. Il faut tout de même revenir aux réalités.
M. Choquette: ... dites-moi, dans cet article, dans les
paragraphes 1 et 2 ou 1 et 3 de l'article 26, où vous retrouvez une
reconnaissance, sur le plan
international, du système d'enseignement privé. Je vous
défie de trouver cela dans le texte que vous nous citez.
Mme Mathieu: Les parents ont par priorité le droit de
choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants. Le
genre d'éducation à donner à leurs enfants, cela
supposeque l'éducation qui est donnée dans telle école
satisfait ou ne satisfait pas les parents.
M. Choquette: Pas nécessairement, parce qu'il y a des
endroits où il y a seulement un système public.
M. Burns: C'est cela. Que faites-vous quand il n'y a pas
d'enseignement privé?
Mme Mathieu: II ya la possibilité...
M. Burns: Comment faites-vous le choix?
Mme Mathieu: ... de le créer, d'en créer, des
écoles.
M. Burns: Non, mais disons qu'il n'existe pas au Québec,
l'enseignement privé.
Mme Mathieu: Le choix est très limité. Il n'y a
plus de choix possible, parce que l'enfant est obligé d'aller à
l'école de sa paroisse ou de son milieu.
M. Burns: Mais vous ne pensez pas, entre autres, que cela indique
qu'il y a certaines écoles qui donnent tel type d'enseignement,
vis-à-vis de telle autre école qui donne tel autre type
d'enseignement, même si c'est dans le système public?
Mme Mathieu: Vous parlez de type d'enseignement.
M. Burns: Je vous donne, par exemple, le cas hypothétique
où le Québec, par son système public, n'assurerait qu'un
enseignement non confessionnel, et que certaines écoles donneraient,
également, en plus, l'option confessionnelle catholique, juive,
protestante, catholique de rite byzantin, tout ce que vous voudrez imaginer
comme possibilité d'option. C'est peut-être cela que cela veut
dire. Ne pensez-vous pas?
Mme Mathieu: Ecoutez, peut-être qu'on peut en dire beaucoup
de "peut-être"...
M. Burns: Bien oui.
Mme Mathieu: ... mais jusqu'à maintenant, quand on parle
d'éducation, c'est un ensemble, ce n'est pas seulement un cours de
religion ou un cours de latin. C'est l'ensemble de l'école qui donne une
vision de l'homme, une vision de la société, toutes les valeurs
sous une optique particulière. Quand on parle du choix de
l'éducation à donner à un enfant, ce n'est pas seulement
un cours de religion. C'est tout un ensemble et cet ensemble, il faut
absolument qu'il puisse se réaliser dans une école. On ne peut
pas dire: Je choisis, par exemple, telle école de métiers ou bien
telle autre école qui donne plutôt un cours scientifique. Le choix
des parents ne peut pas se limiter uniquement aux métiers ou aux genres
de cours scientifiques, littéraires ou autres.
Quand on parle d'éducation, c'est un tout, c'est un ensemble, et
seule une école qui a un caractère particulier peut offrir une
éducation qui pourrait répondre au choix du parent en
éducation. C'est la première fois et je vous avoue que je
suis extrêmement surprise qu'on donne un sens aussi limitatif et
aussi restreint. On prend la partie du tout. L'éducation pour tout
éducateur, c'est un ensemble, c'est un tout. Le cours, c'est une partie
de l'éducation. La profession, c'est une partie de l'éducation.
Je trouve cela extrêmement malheureux qu'on se limite à une
formulation aussi restrictive. Je trouve cela grave de conséquences et
presque incompréhensible, venant d'un gouvernement, justement, qui nous
donne une loi, actuellement, qui respecte les options et le choix des
parents.
Pour ma part, je ne peux pas considérer, si je regarde en
arrière de moi, tous ceux qui nous appuient, nos membres et combien
d'autres organismes, les 100,000 qui ont signé nos pétitions,
pour tous ces parents du Québec et nous représentons non
seulement l'enseignement privé, nous avons 300 sections dans la
province, davantage dans le secteur public que dans le secteur privé. Je
suis convaincue que, pour tous les parents du Québec qui croient
à la liberté de choix en l'enseignement, quand ils parlent de
cours, cela ne les satisfait pas. Quand on parle d'éducation, c'est un
ensemble.
Il s'agitd'uneécolequi répond aux aspirations des parents,
à leur vision du monde, au sens des valeurs qu'ils veulent encourager
leurs jeunes à comprendre et à vivre.
M. Choquette: A ce moment, madame, je vous répondrais que
c'est le milieu qui va créer le genre d'institutions publiques
répondant aux aspirations de la majorité. C'est le milieu social
qui aura ces répercussions quant à la qualité et à
la proximité idéologiques de l'enseignement qui est donné
avec l'idéologie de la majorité.
Dans le cas actuel, on ne peut aller au-delà d'un enseignement
religieux ou moral conforme à leur conviction. Nous respectons la
conviction religieuse ou morale des parents et je crois que l'article est assez
clair sur cela, et qu'on ne peut vraiment critiquer l'article.
Vous nous suggérez qu'on doive revenir à un système
scolaire orienté vers un enseignement catholique soustous ses aspects;
qu'on enseigne, par exemple, la chimie d'une façon catholique ou la
physique d'une façon catholique. Peut-être y en a-t-il encore qui
ont ces conceptions, mais je dirais que, d'une certaine façon, c'est
peut-être un peu dépassé de penser dans ces termes.
Je ne dis pas que l'école québécoise, même
publique, ne doit pas être chrétienne, parce que je crois que la
majorité est chrétienne et probable-
ment, catholique aussi, mais je pense que le système scolaire
devrait naturellement refléter cela, mais c'est assez difficile
d'arriver et de dire: On va mettre notre système public à
l'enseigne du catholicisme alors qu'on a peut-être une
société où il y a assez d'élément s
disparates à l'heure actuelle et il faut en tenir compte.
Mme Mathieu: Je suis d'autant plus surprise de vous entendre
parler ainsi... Excusez-moi.
Le Président (M. Pilote): Excusez-moi seulement une
minute. Il reste quand même qu'il y a pas mal de temps que nous discutons
du même sujet. J'aimerais que nous discutions d'autres articles de votre
mémoire de façon à entendre les quatre autres organismes
que nous avons à entendre cet après-midi.
Mme Mathieu: Me permettez-vous une seule réponse?
Le Président (M. Pilote): Oui.
Mme Mathieu: Je suis très surprise d'entendre la
dernière intervention du ministre alors que le comité catholique
vient justement de reconnaître les écoles catholiques et que le
comité protestant va reconnaître les écoles protestantes et
que, chez nous, cela semble une chose acceptée que nous ayons des
écoles catholiques. Je suis encore plus surprise de me faire dire que je
vois l'école catholique comme enseignant des mathématiques
catholiquesoudes...
On a entendu ces expressions tellement de fois. On croit que cela n'est
plus nécessaire d'y répondre. Quand on parle d'une école
catholique pour nous, c'est une conception de l'homme, une vision de l'univers
et de la société. Ce n'est pas d'enseigner de la religion dans le
cours de mathématiques. Il ne faudrait tout de même pas nous faire
dire ce qu'on ne dit pas et essayer de nous faire passer pour d'autres. Il ne
faudrait quand même pas essayer de nous ridiculiser surtout alors qu'on
vient justement de reconnaître au Québec des écoles
catholiques. Je crois qu'on devrait au moins, dans cette charte,
reconnaître ces droits qui sont reconnus dans des lois
particulières.
M. Choquette: Madame, c'est implicite. C'est dans la constitution
même du Canada, qu'au Québec, on a un système
d'enseignement qui est catholique et qu'on a un système d'enseignement
qui est protestant. On n'a rien changé à cela. Tout ce que nous
avons introduit comme notion, c'est de donner un certain droit à la
dissidence et ceci, dans le cadre des programmes prévus par la loi.
C'est-à-dire que si, par exemple, on avait des enfants juifs en un
nombre assez important dans une école qui serait protestante, les
parents pourraient, évidemment, sous réserve que le cadre des
programmes le prévoie, demander qu'il y ait un enseignement pour ces
enfants.
On a élargi... On n'a rien enlevé des droits existants. On
a laissé les deux systèmes scolaires exister dans leur forme
actuelle. On ne peut d'ailleurs pas les changer. Alors, je ne vois pas pourquoi
vous cherchez querelle à cet article alors que c'est la situation qui
prévaut à l'heure actuelle et vous semblez être satisfaite
de cette situation, excepté pour les fins du financement du
système privé.
Mme Mathieu: Pournous, cela me permetde...
M. Burns: Puis-je simplement faire le parallèle...
J'espère qu'on se fera bien comprendre en le disant. Je
répète ce que je vous ai dit tout à l'heure, madame
Mathieu. Nous sommes au niveau d'une charte des libertés et des droits
de la personne. Nous ne sommes pas au stade de l'établissement de
l'ensemble de la législation du Québec. Il y a des choses qui ne
sont pas dans une charte des droits de l'homme qui apparaissent ailleurs dans
notre législation et qui sont précisées ailleurs dans
notre législation.
Ce qui est important dans une charte des droits de l'homme, c'est que
les droits généraux, je pense, qui s'appliquent à
l'ensemble des citoyens du Québec soient établis clairement, sans
aucune ambiguïté.
Je vous donne simplement un exemple, et on va changer de domaine pour
qu'il n'y ait pas une certaine émotivité normale et, je pense,
parfaitement louable de votre part, parce que vous êtes engagée
dans le domaine que vous défendez. Là-dessus, je serai
sûrement le dernier à vous en blâmer.
Par exemple, si, hier, la FTQ était venue nous dire: L'article 43
de votre projet est inacceptable parce qu'il ne fait qu'énoncer que tous
doivent recevoir un traitement ou un salaire égal pour un travail
égal. Si la FTQ nous avait dit, à ce moment-là: II
faudrait inscrire là-dedans que les conventions collectives doivent
être respectées, que les taux de salaire qui ont été
négociés doivent être respectés, que les conventions
collectives ne devraient pas dépasser trois ans au Québec, bien,
Mme Mathieu, on leur aurait dit exactement la même chose que ce que nous
vous disons ici aujourd'hui. On leur auraitdit: II y a le code du travail pour
tenir compte de cela. Et les droits que vous, la FTQ, réclamez si
on nous avait dit cela se trouvent au code du travail; on n'a pas besoin
de mettre cela dans une Charte des droits de l'homme, à ce
moment-là, il me semble que c'est la réponse qu'on leur aurait
donnée.
Ce qu'on vous dit aujourd'hui, c'est qu'à partir du moment
où on assure d'abord le droit à l'instruction gratuite dans le
système public, d'une part, et qu'on reconnaît le système
privé, que le système privé soit subventionné ou
non, c'est une autre loi qui va le dire. En tous cas, c'est ma position
là-dessus; c'est mon point de vue et là-dessus, je partage
entièrement les points de vue du ministre de la Justice. Si jamais, les
80% des institutions privées étaient mises de côté,
je pense que ce serait à l'occasion d'une autre loi et sûrement
pas à l'occasion de cette loi-ci. Et là, je pense que vous auriez
l'occasion de faire valoir vos points de vue. Mais il est normal de concevoir
je
maintiens cette affirmation que j'ai faite tout à l'heure, contre
laquelle vous en aviez dépenser qu'un Etat va assurer la
gratuité du système public, sans assurer la gratuité du
système privé, et que, si le système privé qui est
actuellement subventionné à 80% doit, à un moment
donné, être aboli au point de vue des subventions pas le
système, mais la subvention ce sera par une autre loi
sûrement que par celle de la Charte des droits de l'homme qui consacre le
principe à l'instruction gratuite. En tous cas, c'est ce que je pense.
Je ne sais pas si cela rallie vos vues. Je ne le pense pas, mais, en tous
cas.
Mme Mathieu: Vous avez parlé, quand il s'agirait de
conventions collectives, d'entrer dans des détails...
M. Burns: Je vous donnais cela comme exemple, par analogie.
Mme Mathieu: Tout de même, on ne vous demande pas d'entrer
dans des détails. On vous demande d'enlever un mot, tout
simplement...
M. Burns: Mais un mot...
Mme Mathieu:... pour que ce ne soit pas restrictif.
M. Burns:... Mme Mathieu, qui porte à conséquence.
Si vous enlevez le mot "public", vous dites que toute l'éducation au
Québec est gratuite. C'est ce que cela veut dire, et ce n'est pas cela
actuellement. On serait des menteurs de dire le contraire. En tous cas, je ne
veux pas parler au nom du gouvernement mais, personnellement, au nom de
l'Opposition, je serais contre le fait que l'éducation privée
soit aussi gratuite que le système public. C'est aussi simple que
cela.
Mme Mathieu: Je crois que le fait d'enlever simplement le
mot...
M. Burns: J'ajoute ceci : Je pense que ce débat devrait se
tenir, a ce moment-là, non pas dans le cadre d'une Charte des droits de
l'homme, mais, si l'instruction privée devait devenir publique, c'est
une chose qui devrait se débattre en haut, à l'Assemblée
nationale, et dans le cadre d'une loi précisément à cet
effet. C'est un principe de base qui devrait être discuté et non
pas l'ensemble des droits qu'on veut reconnaître aux citoyens du
Québec et l'ensemble de la protection ou des éléments de
protection qu'on veut accorder aux citoyens du Québec. Je n'accepterais
pas, en tous cas, que ce débat se fasse à l'intérieur
d'une Charte des droits de l'homme qui se veut beaucoup plus
générale, beaucoup moins précise.
Mme Mathieu: Pour nous, l'Etat a des devoirs vis-à-vis de
la jeunesse; alors, il faut être très clair là-dessus. Il
ne s'agit pas de privilégier un secteur plus qu'un autre. Alors, j'ai
donné mon point de vue là-dessus, ce n'est pas nécessaire
d'y revenir. Je pense que madame voulait ajouterquelque chose.
Mme Normand: Moi, je me dis que si vous mettez seulement
"l'enseignement public est gratuit", n'importe qui qui voudrait abolir les
subventions à 80% données à l'enseignement privé,
pourrait se référer à votre clause dans la charte. Je me
dis, moi, que ce droit acquis, cette loi qui nous donne 80% pourrait être
remise en question, en se référant à la charte.
M. Choquette: Supposons qu'on se rendait à votre
requête de rendre l'enseignement aussi gratuit dans le système
privé subventionné, à l'heure actuelle. On sait que ce
système ne subventionne pas les écoles primaires, comme vous nous
avez dit plus tôt. Ceci voudrait dire que, pour assurer la subvention des
écoles primaires, il faudrait changer la charte. Vous comprenez ce que
je veux dire?
Mme Normand: Non.
M. Choquette: Si vous vous basez sur les droits actuels et vous
voulez les pousser un peu plus loin dans le domaine de l'enseignement
privé, on pourrait seulement consacrer dans le projet de loi actuel ce
qui est subventionné, donc on ne subventionnerait pas du tout les
écoles privées primaires. A ce point de vue, cela nous
empêcherait de progresser ultérieurement vers un financement ou,
du moins, ce serait un obstacle additionnel au progrès ultérieur
d'un système de subvention au moins partiel pour le système
primaire. Cela joue des deux côtés.
Vous ne saisissez pas. Actuellement les écoles primaires ne sont
pas subventionnées, n'est-ce pas?
Mme Normand: C'est cela.
M. Choquette: Si on est pour dire que l'enseignement
privé, qui est subventionné, à l'heure actuelle, c'est un
droit fondamental qu'il soit subventionné, on n'est pas pour
subventionner le système primaire actuel. Donc je vous dis que, plus
tard, cela peut causer un embêtement dans'votre recherche d'obtenir des
subventions pour les écoles primaires non subventionnées,
à l'heure actuelle.
Mme Normand: Mais si vous dites que l'enseignement est gratuit,
cela ne peut pas me brimer jamais.
M. Choquette: Je suis d'accord, madame. Mais comment voulez-vous
qu'avec l'argent qu'on a en caisse, je puisse vous donner ce genre
d'assurance?
Mme Normand: Justement, cela ne veut pas dire qu'on le demande
immédiatement et que c'est opportun. Pas du tout. Mais si c'est
seulement l'enseignement public qui est gratuit, on ne peut plus rien
faire.
M. Choquette: Si on enlève le mot "public", cela veut dire
que toute école au Québec est subventionnée.
Mme Normand: Peut-être faudrait-il une autre formulation,
alors? On va laisser cela à vos technocrates, une formulation plus
juste.
Le Président (M. Pilote): Madame, les membres de la
commission, après avoir entendu votre mémoire, vont quand
même tenir compte du mémoire que vous avez présenté.
Probablement qu'ils trouveront une autre formulation.
La parole est au ministre, au député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: Merci, M. le Président. Vous avez compris.
Le Président (M. Pilote): J'aurais peut-être
dû ajouter "sans portefeuille".
M. Samson: M. le Président, on n'en a pas besoin.
M. Burns: Pas depuis le mois de décembre.
M. Samson: Le portefeuille, ce n'est pas cela qui est le plus
important.
M. le Président, je voudrais remercier Mme Mathieu et les autres
qui l'accompagnent de s'être déplacés pour nous
présenter ce mémoire. Je voudrais spécialement
féliciter Mme Mathieu pour la façon dont vous vous
défendez, madame, devant cette commission. Ce n'est pas facile, vous
avez pu le voir. C'est la première fois d'ailleurs qu'il y a une
coalition entre le ministre de la Justice et le député de
Maisonneuve et ce n'est pas un succès.
M. Burns: C'est sur les affaires sérieuses qu'on
s'entend.
M. Samson: M. le Président, je voudrais dire aux membres
de l'Association des parents catholiques du Québec qui sont devant nous,
qu'il est important parfois d'avoir des notes discord antes à notre
commission parlementaire. Cela en prend une. Je serai cette note discordante.
Je ne suis pas du tout d'accord sur ce qu'ont dit le ministre et le
député de Maisonneuve.
Je suis plutôt d'accord sur ce que vous avez énoncé.
Je pense que vous avez raison de le dire avec conviction comme vous le faites.
J'ai trouvé un peu curieux, tantôt, lorsque l'on a tenté de
minimiser quelque peu l'importance du groupe catholique au Québec en
disant: C'est maintenant multiconfessionnel, etc., etc. Je pense qu'il faut
replacer les choses dans leur contexte. L'importance se manifeste
régulièrement. Peut-être que l'exemple sera boiteux, mais
en tout cas, un exemple est assez important dans les circonstances. Je prendrai
l'exemple de ma propre paroisse où je demeure. Mon curé de
paroisse remplit encore son église quatre fois le dimanche, le sous-sol
avec, et je n'ai pas vu un politicien du Québec, de quelque
catégorie que ce soit, la remplir plus d'une fois par quatre ans. Cela
veut dire que l'importance est encore là. Il ne faut pas avoir peur de
le reconnaître.
On dit: C'est évident, il ne faudrait pas arriver à
l'enseignement religieux, enseigner la chimie de façon catholique, les
mathématiques de façon catholique, etc., etc. Ce n'est pas cela
qu'on veut, je pense que ce n'est pas cela que vous voulez non plus, mais c'est
peut-être le contraire qui se produit, par exemple, on enseigne
peut-être la religion de façon chimique, présentement. Je
pense qu'il faut le comprendre. C'est ce qui se produit dans les faits.
Alors, M. le Président, quand on nous dit qu'à l'article
37, on ne peut pas enlever le mot "public" parce que cela pourrait
peut-être obliger le gouvernement à financer l'instruction
privée aussi, de la même façon, je dis: Non. Il est
possible que ce soit amendé sans que cela oblige le gouvernement
à financer à 100% l'instruction privée. Parce qu'il faut
bien lire l'article 37 où on dit: Toute personne a droit, dans la mesure
et suivant les normes prévues par la loi... Alors, la mesure et les
normes prévues par la loi déterminent si c'est à 100% ou
à 80% ou à 90%. Si on enlève le mot "public", cela peut se
faire sans que cela oblige le ministère de l'Education à y aller
à 100%.
Mais ce que je trouve important, c'est de reconnaître la valeur de
l'instruction privée. Cela ne veut pas dire que l'instruction publique
est absolument mauvaise. Cela ne veut pas dire cela. Mais il faut aussi
être assez réaliste pour savoir, et c'est peut-être ce que
le ministre sait, c'est peut-être pour cela qu'il a certaines
réticences, que si on donnait l'équivalent d'avantages à
l'instruction privée, on viderait peut-être certaines
écoles publiques présentement. On le sait peut-être, du
côté gouvernemental, et c'est peut-être pour cela qu'on est
un peu réticent. Il reste une chose, c'est que c'est un
régulateur valable. Le ministre de la Justice, je pense, est capable de
comprendre cela. Il a fait preuve dans d'autres domaines qu'il pouvait
comprendre certaines choses. Je pense que le ministre de la Justice peut
comprendre que c'est un régulateur valable, s'il y a une bonne
concurrence entre les deux réseaux, entre les deux systèmes, ce
sera susceptible de donner un enseignement meilleur. Je pense que
là-dessus on est d'accord. Si vous étiez, tantôt d'accord
avec le député de Maisonneuve, au moins là-dessus on est
d'accord, sur ce point de vue-là.
M. Choquette: Puisque vous m'interpelez, est-ce que vous me
permettez de donner une courte réponse?
M. Samson: Bien sûr.
M. Choquette: Oui, je crois que c'est sain qu'il y ait un
système d'enseignement privé à côté du
système public parce qu'il va se créer une émulation
naturelle entre les deux systèmes. Je ne mets pas cela en cause. Ce
n'est pas le système privé, au contraire, on le reconnaît
par l'article 39. Donc, à ce point de vue-là, je ne le mets pas
en cause.
M. Samson: Justement, M. le Président, c'est parce que je
savais d'avance que le ministre ne mettrait pas cela en cause que j'ai pris la
chance
d'intervenir et de lui demander de revoir sérieusement cette
question de l'article 37 avant de prendre une décision finale. C'est
entendu qu'il y a peut-être des consultations à faire. Je pense
qu'il faut le reconnaître, et il faut aussi lui permettre de faire ces
consultations, mais je soumets, M. le Président, respectueusement, que
le fait d'enlever le mot "public" n'obligerait pas le gouvernement à
financer à 100% le système privé, compte tenu de la
réserve qui est inscrite à l'article 37 qui dit: "dans la mesure
et suivant les normes prévues par la loi". N'oubliez pas que cela compte
aussi pour le système public. Si, demain matin, le gouvernement mettait
le système public à 90%, il pourrait même le faire dans ce
contexte-là, si vous laissez l'article tel qu'il est là. Si vous
dites que, dans l'esprit du législateur, c'est le mot gratuit qui est le
plus important, il faut que vous fassiez sauter les deux premières
lignes de l'article pour que le mot "gratuit" ait toute sa valeur, sinon il n'a
pas toute sa valeur. Je dis que si on conserve les deux premières
lignes, il n'y a pas de danger à enlever le mot "public" à la
troisième ligne et je pense qu'à ce moment-là ce serait
peut-être permettre cette émulation dont le ministre a
parlé tantôt, que cela se fasse encore mieux que cela se fait
présentement et pour en arriver à un meilleur système
d'enseignement. Je pense que tous, nous recherchons cela.
Ce que vous voulez, si je vous comprends bien si je vous
comprends mal, dites-le moi, mais je vous interprète, en tout cas
ce que vous voulez, c'est un bon système d'éducation qui va
donner des bons résultats et vous voulez que ce soit mis dans la charte
que nous avons devant nous par un principe. Vous ne voulez pas qu'on aille dans
les détails, mais je pense que personne n'a à aller dans les
détails de ce côté, mais quel est le chapeau qu'il faut
mettre là-dessus? C'est par le principe qu'on inscrit. Est-ce que je
vous ai bien compris?
Mme Mathieu: Je crois que le journal des Débats, qui
relatera sans doute mes interventions, montrera clairement qu'on ne veut pas
entrer dans les détails d'une loi particulière. Il s'agit d'une
charte des droits de l'homme et je crois que toute personne de bonne foi qui
lit notre mémoire s'aperçoit que nous n'entrons pas dans les
clauses mineures ou particulières. Ce sont des principes pour nous.
Pour rejoindre votre intervention, certainement que le ministre ne
donnera pas immédiatement l'instruction gratuite au niveau de
l'université, alors que vous parlez de gratuité quand il s'agit
de l'enseignement public. Vous allez quand même faire des restrictions
même quand il s'agit du secteur public actuellement. Vous n'accorderez
pas la gratuité complètement, même pour le secteur
public.
Alors, si cette interprétation peut être limitative pour le
secteur public, cela peut l'être aussi pour le secteur privé.
M. Choquette: C'est parce que nous voulons quand même
indiquer une intention de faire en sorteque l'enseignement public soit gratuit,
même s'il ne nous est pas possible, à l'heure actuelle, de
garantir, d'une façon absolue, sa gratuité.
Je crois que c'est cela qui est l'intention. Mais cela n'enlève
rien au secteur privé en soi. Je pourrais vous donner un exemple: Les
livres scolaires, on sait que les élèves sont obligés de
les payer, dans plusieurs cas. C'est pour cela qu'il faut avoir, dans les
normes prévues par la loi.
On sait qu'à l'université, il faut que les
étudiants paient les frais de scolarité. Donc, on ne peut pas
leur garantir la gratuité absolue. C'est pour cela qu'on a
été obligé d'avoir cette petite réserve. Mais cela
indique quand même une intention du gouvernement, de la
collectivité parce qu'il ne s'agit pas simplement du gouvernement
dans une loi comme celle-là de rendre l'enseignement gratuit.
Je disais simplement, vous représentez le secteur privé,
vous insistez en particulier vous ne le représentez pas, mais
vous insistez sur le fait qu'on devrait donner au secteur privé
les mêmes avantages financiers qu'au secteur public.
M. Samson: M. le Président, je désire soumettre au
ministre il vient de le citer que c'est par les restrictions que
nous retrouvons à l'article 37 qui font que, même s'il est dit que
toute personne a droit à l'instruction publique gratuite, il reste qu'il
y a des domaines de l'instruction publique qui ne sont pas totalement gratuits,
comme l'instruction privée n'est pas totalement gratuite. Ce que je
considère valable, c'est de ne pas placer, par le projet de loi 50,
cette barrière qui risque d'être placée par l'article 37,
entre le secteur public et le secteur privé, quant aux droits
d'accessibilité.
C'est surtout de ce côté qu'il faut orienter nos intention
s et c'est dans ce sens-là que je crois qu'il n'y a aucun danger
à enlever le mot "publique" et je pense que tous les citoyens que
ce soient ceux-là qui ont davantage confiance au secteur public ou que
ce soient ceux-là qui ont davantage confiance au secteur privé
pourront sentir qu'ils ont une protection par la charte qui est une
protection de principe.
Mme Mathieu: Je voudrais, en terminant, faire une dernière
intervention à cause de celle que vous venez de faire. Vous avez dit que
nous représentions peut-être aujourd'hui davantage l'enseignement
privé, alors que nous sommes venus plaider pour les écoles
publiques catholiques, juives ou autres. Si elle est confessionnelle et si elle
doit le demeurer, sa confessionnalité ne se résume pas à
des cours de religion ou de morale.
Si on interprétait l'article de cette façon-là, ce
serait extrêmement malheureux et limitatif, non seulement pour nous, mais
pour les autres parents également. Dans le secteur public, on ne veut
pas que s'introduise cette conception de l'école qui pourrait être
très restrictive, concevoir l'école catholique comme une
école où on donne simplement des cours de religion, où il
y a une pastorale, des aumôniers. On veut que l'école catholique
soit
réellement un ensemble, un corps professoral. On veut que les
nouveaux règlements du comité catholique puissent
réellement être appliqués et se vivent, que ce ne soit pas
uniquement sur du papier.
A notre avis, cette conception de l'éducation qu'on limite
à des choix de cours, pour les parents, qu'ils soient du secteur public
ou privé, cela ne répond pas aux droits inaliénables des
parents, qu'ils soient catholiques ou autres. Parce que l'éducation
et je veux terminer là-dessus ce n'est pas seulement un
cours de religion; on pourrait même se passer de cours de religion dans
une école, s'il y avait un corps professoral qui avait la conception
chrétienne de l'homme et des valeurs, qui transmettrait, à
travers l'ensemble des matières et dans ce climat, une conception de
l'homme à laquelle nous croyons et pour laquelle, pour ma part, et
beaucoup d'autres aussi sont prêts à y mettre tout leur travail et
tout leur coeur. Je vous remercie.
Le Président (M. Pilote): L'honorable député
de Taschereau avait une question à poser.
M. Bonnier: Ce n'est pas tellement une question qu'une
précision, M. le Président, à la suite des
différentes réactions. Il me semble que, dans une loi comme
celle-ci, ce qui est dangereux, c'est qu'on mêle, non seulement le droit
des personnes, mais des systèmes, pour mettre en application ce droit
des personnes.
Là-dessus, je suistout à faitd'accord avec les
prémisses du député de Maisonneuve, quoique je ne sois pas
d'accord sur la conclusion. Je crois qu'il a fait avec raison la comparaison
avec la FTQ qui voudrait faire introduire dans une charte comme
celle-là, ce qu'elle n'a pas fait. Mais je veux dire par rapport
à l'hypothèse que le groupe syndical ou patronal voudrait faire
introduire là-dedans un système de... qu'en ce qui regarde les
conventions collectives, cela n'aurait pas lieu.
Je pense que c'est possible qu'à l'article 37, on soit
entré dans un système, un sytème qui pourrait
peut-être être discuté lorsqu'on parle de
l'éducation. J'aurais une suggestion à faire dans ce sens, je la
ferai sans doute quand on discutera article par article, mais il me semble que
l'intention du législateur là-dedans, c'est de faire en sorte,
dans les droits de la personne, que chacune des personnes ait accès
à l'éducation la plus poussée possible, sans égard
à ses moyens financiers. Dans le fond, c'est peut-être cela,
l'intention. Si c'était cela l'intention, il y aurait peut-être
lieu de la formuler d'une façon différente.
Cependant, vous me permettrez d'ajouter que lorsque vous faites une
suggestion à l'article 39, vous aussi, à mon avis, vous tombez
dans le panneau du système, alors que l'article lui-même se
réfère davantage aux droits de la personne elle-même, qui
sont bien garantis, je pense bien, par cet article, sans qu'on parle de
système comme tel. Je pense qu'il faut faire attention. Ce seront mes
seules considérations.
Le Président (M. Lachance): Le député de
Maisonneuve.
M. Burns: M. le Président, j'ai d'abord une question,
c'est-à-dire un commentaire et, deuxièmement, une question
très générale, maintenant qu'on a quitté le terrain
litigieux sur lequel nous nous étions engagés.
Je ne voudrais pas que votre groupement, l'Association des parents
catholiques du Québec, parte d'ici avec la conviction qui est
exprimée dans les premiers paragraphes de votre mémoire, lorsque
vous dites, et en particulier au quatrième paragraphe: Les lois
particulières adoptées par un gouvernement démocratique
doivent respecter les droits naturels et, à plus forte raison, une
charte des droits qui est, par définition, transcendante.
Je prends cette affirmation comme une affirmation de votre part que la
loi est transcendante, c'est-à-dire fondamentale, c'est-à-dire
qu'elle dépasse la législation actuelle et future. Je pense que
cela a été clairement établi depuis le début des
travaux de la commission, ainsi qu'au cours du débat en deuxième
lecture, que ce n'était pas le cas. Si votre affirmation exprime un
désir que la loi soit transcendante, c'est-à-dire qu'elle soit
vraiment une loi fondamentale qui passe par-dessus les lois passées et
à venir, j'aimerais vous l'entendre dire, mais j'aimerais aussi que vous
vous rendiez compte que le projet de loi, tel qu'il est actuellement,
particulièrement aux articles 45 et 46, fait que ce n'est pas le cas.
Etait-ce votre désir que cette loi soit transcendante?
Mme Mathieu: D'abord, nous n'avons pas exprimé de
désir à ce sujet. Nous avons constaté tout simplement une
interprétation qui avait été faite en regard de cette loi.
Peut-être qu'elle n'est pas immédiatement fondamentale, mais il
n'y a qu'un pas à faire pour qu'elle le devienne. Il s'agirait tout
simplement qu'un jour le Parlement décide, statue qu'elle devient une
loi fondamentale. Pour notre part, nous avons conclu, en disant que nous
n'étions pas prêts, que c'était prématuré
d'adopter cette charte et qu'elle demanderait encore beaucoup de
réflexion. On devrait permettre à beaucoup d'autres groupes de
pouvoir s'exprimer, parce qu'il y a beaucoup de groupes qui ne sont pas encore
au courant. Pour notre part, d'habitude nous organisons des fronts communs ou
des coalitions et nous n'avons pas eu le temps, cette fois-ci, nous avons
l'intention de le faire comme nous l'avons fait à plusieurs reprises.
Nous savons qu'il y a plusieurs organismes qui auraient aimé aujourd'hui
se faire entendre ou cette semaine qui ne sont pas prêts.
Nous trouvons que c'est trop vite, et ce que nous demandons, c'est que cette
étude puisse se prolonger pour permettre à cette loi d'être
réellement le reflet de la pensée profonde des
Québécois et des aspirations de notre milieu.
M. Burns: Une question... Je ne veux pas vous mettre mal à
l'aise, surtout...
Mme Mathieu: Le pire est passé.
Des Voix: Nous ne sommes pas mal à l'aise.
M. Burns: Je ne veux pas vous mettre mal à l'aise, surtout
eu égard à votre dernière réponse. Je me
réfère maintenant à la page 6 de votre mémoire et
peut-être que vous me donnerez la même réponse. En ce cas
j'accepterai, sans aucun commentaire, et avec autant de respect, cette
réponse que celle que vous venez de me donner. Donc, à la page 6,
vous nous dites que plusieurs articles font problème et demanderaient
une longue étude. Vous citez entre autres le droit à la vie, la
liberté de conscience, la discrimination, les droits judiciaires. Ce que
je voulais confirmer, c'est que, peut-être au moment où vous avez
rédigé le mémoire, vous n'étiez pas branchés
sur ça. Peut-être l'êtes-vous aujourd'hui. Si vous me dites
que vous ne l'êtes pas, j'accepte votre réponse
immédiatement et sans aucune discussion.
Mme Mathieu: Je peux être branchée, moi et mon
exécutif. Mais notre association, quand elle prend position, consulte
ses membres. Nous avons des assemblées plénières et nous
n'avons pas eu le temps de le faire.
M. Burns: D'accord.
Mme Mathieu: Alors, comme nous voulons réellement
être le porte-parole de nos membres, nous ne voulons pas traiter de ces
sujets aujourd'hui. Je crois qu'on nous a rendu assez souvent ce
témoignage de vouloir sincèrement être démocratiques
et de représenter réellement nos membres. En terminant, est-ce
que je pourrais aussi vous poser une question? Quel sens donnez-vous au mot
"charte"? Dans mon dictionnaire, j'avais vu qu'il s'agissait de loi
fondamentale.
M. Burns: Ce n'est pas au ministre de la Justice que vous avez
posé cette question? Parce que, vous savez, ce n'est pas mon nom qui est
attaché à ce projet de loi.
Mme Mathieu: Alors, c'est au ministre de la Justice que je pose
la question.
M. Choquette: Là, madame, vous nous relancez surun
sujetqui aétédiscutédepuishiermatin, la portée des
dispositions de cette charte quant aux autres lois existantes ou à
venir. Cette matière a été discutée très
longuement. Il y a les tenants d'une charte qui s'imposerait à
l'égard de toute législation à venir et qui rendrait nulle
toute législation à venir qui ne serait pas conforme aux
principes de la charte. Il y a, d'un autre côté, les tenants d'une
position nettement moins forte au point de vue de la portée juridique de
la charte sur des législations à venir et même des
législations passées et qui disent: II faut laisser une latitude,
il faut laisser plus de liberté au Parlement de décider de la
législation future, avec l'espoirqu'on s'inspirera toujours des grands
principes énoncés à la charte quant à la protection
des droits individuels. Il peut y avoir, en fait, un certain désaccord
sur la portée que devraient avoir les articles de cette charte, mais
cela a été discuté. Il y a des arguments sérieux
qui ont été soumis de part et d'autre. Moi-même, j'ai dit
que je n'avais pas pris de position absolument définitive sur le sujet,
que je laissais les représentants des groupes exprimer leur position ici
et que je réfléchirais à tout cela avec mes conseillers
pour voir dans quelle mesure cette charte doit avoir ce caractère
intangible vis-à-vis de toute autre législation.
Mme Mathieu: Si je comprends bien, il y en a d'autres que nous
qui ne sont pas encore complètement branchés.
M. Choquette: Sans doute, madame. Vous ne devez pas vous sentir
humiliée de ne pas être branchée sur tous les
éléments parce que, vous le savez, c'est une loi très
complexe, peut-être une des lois les plus complexes sur le plan juridique
qui ait jamais été votée par le Parlement actuel. Alors,
il n'y a pas de honte à ne pas avoir un avis sur toutes les questions et
tous les aspects de ce projet de loi.
Mme Mathieu: Alors, on peut même dire que le gouvernement
ne sait pas encore quelle sera la portée de cette loi.
M. Choquette: Je l'ai expliqué, madame, vous
devriez...
Mme Mathieu: Vous avez dit qu'il y avait différentes
tendances.
M. Choquette: Oui, mais voici, madame, j'ai exprimé ma
position en deuxième lecture. Si vous voulez relire le journal des
Débats, cela vous permettra de voir comment je pense. Mais, étant
donné que j'admets qu'on peut m'apporter des arguments qui ont une
valeur et qu'on a convoqué les groupes ici présents, je n'ai
jamais pris de position radicale selon laquelle il n'y a rien là-dedans
qui pouvait être changé. Je suis prêt à discuter de
tous les aspects.
Mme Mathieu: Merci.
Le Président (M. Pilote): Je remercie Mme Mathieu ainsi
que celles qui l'accompagnent et soyez assurées que la commission va
prendre bonne note de vos recommandations.
J'inviterais à présent Mme Marcelle Dolment, qui
représente le Réseau d'action etd'information pour les femmes,
à prendre place à la barre.
Réseau d'action et d'information pour les
femmes
Le Président (M. Pilote): J'inviterais Mme Dolment
à présenter celles qui l'accompagnent. Je l'inviterais,
également, si c'est possible, à faire le résumé du
mémoire qu'elle présente. Il restera ainsi plus de temps pour la
période des questions de la part des membres de la commission.
Mme Dolment (Marcelle): Malgré que ce sera peut-être
difficile de résumer en très peu de mots, parce qu'on a
changé, modifié ou ajouté à peu près 81
articles. On touche à peu près à 81 articles. Je pense que
nous allons essayer d'être le plus succinctes possible. Si vous voulez
nous donner juste le temps...
Le Président (M. Pilote): 20 minutes.
Mme Dolment: Mais la plupart des autres organismes ont eu
passablement plus que 20 minutes. Si vous vouliez nous laisser le temps de nous
exprimer, d'autant plus que ce sont presque tous des articles qui nous
intéressent.
M. Desjardins: Prenez votre temps. Le Président (M.
Pilote): Allez, on verra. M. Desjardins: Prenez votre temps. Mme
Dolment: Je voudrais présenter...
Le Président (M. Pilote): Je ferai remarquer à M.
Desjardins qu'il n'est pas président de la commission.
M. Samson: M. le Président, je vous demande
respectueusement si on peut quand même lui permettre avec le consentement
de la commission...
Le Président (M. Pilote): Oui.
M. Samson: Est-ce que je pourrais vous demander, avec le
consentement de la commission, qu'on lui donne le temps qu'il faut?
M. Desjardins: C'est cela.
M. Samson: Est-ce qu'on a le consentement de la commission?
M. Desjardins: Ah! oui.
M. Samson: On l'a. Il n'y a pas de problème.
M. Desjardins: Alors, M. le Président, quelle est votre
décision?
Le Président (M. Pilote): Allez!
Mme Dolment: Je voudrais présenter, auparavant, les
membres du RAIF, le Réseau d'action et d'information pour les femmes,
qui ont participé à la préparation du mémoire que
nous présentons aujourd'hui. Il y a Huguette Houle, Madeleine Lemay,
Louise Brunelle, Nicole Kobinger, Solange Martin et Pauline Robert.
Le préambule. Le projet de loi sur les droits et libertés
de la personne est une insulte aux femmes, parce qu'il maintient le statu quo.
Nous avons donc modifié la charte, de telle sorte que ses articles nous
permettent de réclamer nos droits et libertés. Nous avons inclus
28 nouveaux articles, modifié 28 autres et éliminé deux
articles. Nous y reviendrons après avoir noté nos
considérations sur la structure même de la loi.
Nul ne contestera que la charte des droits et libertés est un
projet de loi d'une grande importance à la condition cependant qu'elle
ait une véritable portée légale en primant sur les autres
lois. Nous avons fait des recommandations en ce sens dans les articles 45 et
58. Autrement, on ne peut l'appeler une charte, ce serait vraiment de la fausse
représentation.
De plus, qu'on ait laissé au premier ministre le soin de nommer
les commissaires est inadmissible. Car comment pourrait-on être assez
naives ou naïfs pour croire que ces nominations ne seront pas faites parmi
les amis du régime? Tout ce qui touche la charte doit être
dépolitisé et les postes comblés par voie
d'élection et non de nomination politique. Nous avons fait nos
suggestions à cet égard à l'article 49.
Deux petits bouts de phrase dans les articles 66 et 67 nous ont
frappées, et pour cause, car ils menacent de jeter par terre tout
l'édifice de la charte. Ce "ou que le requérant dispose d'un
recours adéquat" dans l'article 66 et ce "ou qu'une enquête n'est
pas nécessaire eu égard aux circonstances" dans l'article 67,
sont de la dynamite car ils permettent à la commission de se
débarrasser de toute plainte dont elle ne désire pas s'occuper,
avec une facilité telle que la charte peut devenir pratiquement
inopérante selon le caprice des commissaires.
Ces incroyables stipulations doivent disparaître sinon la charte
est une farce, comme la Charte canadiennedesdroits. Je pensequetout le monde
est d'accord sur la Charte canadienne des droits.
Nous notons cependant avec satisfaction que le premier paragraphe de
l'article 45 et l'article 58 d) permettront une évolution de la loi et
que toute la charte est écrite dans un langage limpide. Nous trouvons
indispensable l'article 58 b) qui donne rôle à la commission de
diffuser la charte, en établissant un programme d'information et
d'éducation.
Nous aimerions même que la charte soit au programme
d'études des écoles dès les premières
années. Il faut en effet sensibiliser la population à ses droits
et aux devoirs des uns envers les autres.
C'est là que la charte prendra tout son sens, à la
condition cependant qu'elle ne soit pas une loi d'apparat, mais une loi bien
vivante.
Cependant, ce rôle de formation de la population qu'on veut faire
jouer à la charte comporte un grand danger, car si celle-ci est
elle-même biai-sée, incomplète et surtout discriminatoire,
elle deviendra alors un élément de déformation d'autant
plus efficace qu'il sera plus subtil, adoptant les apparences de
l'objectivité et de la justice.
Comme ce projet de loi est susceptible de régir toutes nos
activités, il était impérieux de l'étudier en
profondeur. Malheureusement, le temps très court, beaucoup trop court
nous ne sommes pas les seuls a le mentionner alloué pour
la
préparation des mémoires nous a empêchées de
travailler le nôtre comme nous l'aurions désiré. Nous
sommes déçues et surprises que le gouvernement n'ait pas
donné plus de temps à la population pour se prononcer sur ce qui
la concerne au premier chef, car il avait fait de grandes déclarations
sur ses bonnes intentions à ce sujet. Qui en effet aura eu le temps de
préparer et de présenter des mémoires parmi les organismes
populaires ou à moyens modestes?
Les droits des femmes.
Ceci dit, le Réseau d'action et d'information pour les femmes
(RAIF) a été indigné le mot n'est pas trop fort
à la lecture de la charte, de constater qu'on a totalement
ignoré les droits les plus élémentaires des femmes dans ce
document. Cette charte est restrictive et irréaliste au point que, nulle
part, elle ne mentionne les implications du rôle biologique des femmes,
ce qui retire par le fait même à celles-ci plusieurs droits et
libertés pourtant reconnues implicitement à l'autre sexe. Il est
évident que cette charte a été conçue pour et par
des hommes afin de protéger leur mode de vie à eux dans une
totale indifférence des problèmes des femmes.
Il ne faudrait pas oublier qu'on a enfermé la femme dans la
famille et qu'on l'a liée avec les enfants. Alors quand, dans un des
articles, il est dit que "tout être humain a droit à...", il
appert que, dans la réalité, la femme ne peut exercer ce droit
"humain", qui vient de "homme" d'ailleurs.
Un nombre considérable de femmes sont donc exclues de cette
charte, car la femme en se mariant perd presque tous ses droits et la charte ne
les lui redonne pas. Une charte réaliste aurait dû lui garantir
que, quel que soit son état civil, ses droits fondamentaux de personne
seraient respectés, grâce à l'intégration d'articles
dont elle pourrait se réclamer pour faire respecter ses droits.
A cause de l'aliénation séculaire des droits et
libertés des femmes, on s'imagine que cette aliénation et
exploitation est dans l'ordre des choses et, conséquemment, on ne
cherche, on ne pense même pas à corriger une situation que les
hommes rejetteraient immédiatement, la trou vant invivable.
De plus, on a omis dans cette charte toute référence
à la maternité de la femme, rôle qui, pourtant, la
pénalise durement dans notre société misogyne. On s'est
comporté comme si la femme était un homme et n'enfantait pas ou
n'était pas susceptible d'enfanter, aberration impardonnable pour qui
prétend vouloir cerner tous les droits de la personne.
On a tellement perçu la femme comme un homme dans cette charte
que toute la terminologie employée exprime ce postulat. Ainsi, le texte
est partout émaillé de termes uniquement masculins pour
désigner des postes ou des états, comme si on ne concevait pas
qu'une femme puisse accéder à ces postes ou parce que, tout
simplement, elle est congénitalement absente des processus mentaux des
rédacteurs de textes de lois quand on parle de la personne. Il est vrai
que la femme n'a obtenu son statut de personne qu'en 1929! Nous avons donc
corrigé dans le texte tous ces accrocs à l'égalité.
Nous n'acceptons pas "homme" pour désigner l'ensemble des hommes et des
femmes, pas plus que le terme "être humain". Nous suggérons
"individu" ou "personne" selon ce qu'on veut dire, parce qu'on a fait la
distinction je pense que c'est la Ligue des droits de l'homme
à propos de "personne" et "être humain".
Orientation de la charte.
Nous avons ouvert un chapitre sur les droits ayant trait à la
santé. N'est-il pas surprenant que nulle part on n'ait mentionné
ce droit à la santé qui devrait venir immédiatement
après le droit à la vie, et qu'on n'ait pas
développé ce droit essentiel dans plusieurs articles comme on l'a
fait pour le judiciaire?
La raison de ce déséquilibre en serait-elle que les
juristes, en élaborant cette charte, sont, comme beaucoup de
spécialistes, tombés dans la déformation professionnelle
qui ne leur a fait voir que les facettes des problèmes qui les
préoccupent habituellement, au détriment des autres? Dix-huit
articles pour le judiciaire et seulement huit pour les droits
économiques et sociaux et aucun pour la santé, donc deux fois
plus pour le judiciaire que pour la santé, l'économique et le
social réunis, c'est assez symptomatique!
Ce morceau législatif nous apparaît comme une charte pour
intellectuels, les problèmes du commun des mortels et mortelles y
étant souvent complètement escamotés au profit de
subtilités judiciaires. En fait, on s'y préoccupe plus du sort
des prisonniers que de celui des femmes!
Si on avait inscrit et insisté plutôt sur le droit à
des conditions de vie décentes, à la qualité de vie,
à la santé, à la jouissance de biens honnêtement
acquis, si on n'avait pas constamment restreint la portée de certains
articles en introduisant des clauses comme "tel que prévu par la loi",
la puissance des mots, ce qu'ils auraient évoqué surtout, aurait
donné un tout autre éclairage à cette charte gravement
déficiente et morbide parce qu'elle reflète une
société qui préfère tenter de corriger des
situations dramatiques qu'elle a laissé se produire, plutôt que de
les prévoir.
La société est actuellement
déséquilibrée par le fait qu'il n'y a que des hommes qui
la dirigent. Si vous remarquez, en commission parlementaire, il n'y a que des
hommes, aucune femme. C'est vrai qu'il y a seulement une femme
député, mais s'il y a seulement une femme député,
ce n'est pas parce que les femmes n'ont pas la compétence...
M. Burns: Si vous saviez comment cela nous fait de la peine,
madame.
Mme Dolment: Si cela vous faisait de la peine, vous voteriez des
fonds pour avoir des garderies, alors les femmes pourraient s'impliquer
politiquement.
M. Burns: Je suis bien d'accord.
Mme Dolment : La société est actuellement
déséquilibrée par le fait qu'il n'y a que des hommes qui
la dirigent. En accordant aux femmes une liberté d'action et
d'implication sociale qu'elles n'ont pas actuellement, ni dans la charte, ni
dans la vie, parce qu'on les a instituées gardiennes du foyer, avec tout
ce que cela entraîne de limitations, en ne les obligeant plus à
une maternité forcée, nocive pour la société qui
hérite d'êtres non voulus, rejetés, futurs pensionnaires
des prisons et des asiles, en rendant donc les femmes matériellement
autonomes et aptes à remplir les postes qui leur reviennent dans la
société, au moyen d'articles de loi qui collent à la
réalité, au lieu de l'ignorer, on obtiendra une
amélioration du bien-être général qui
atténuera d'une façon surprenante la nécessité de
recourir à l'omniprésent judiciaire et à
l'incarcération, preuves irréfutables des déficiences de
cette société et de ses maladies.
Cette charte qui prétend s'élever contre la
discrimination, est elle-même, dans sa terminologie, son esprit et ses
omissions, d'une discrimination flagrante.
Voici donc les modifications qui s'imposent:
Les considérant, je ne les lirai pas, c'est simplement qu'on a
changé les termes. Surtout le deuxième considérant qui
était: Considérant que tous les hommes sont égaux.
Evidemment, c'est vrai, mais on espère que cela va changer, parce qu'on
espèreque lesfemmes, un jour, deviendront égales aux hommes.
Ensuite, pour la compréhension du texte, on a
répété le texte de loi et on a souligné ce qu'on
changeait. Quand c'était tout un nouvel article, on a souligné au
complet le nouvel article. Je pense que cela va être assez clair pour
comprendre les modifications qu'on a faites.
Dans le premier article on a mis: a), b), c), si on ajoutait des
articles.
Tout individu on a changé encore le terme qui était
"tout être humain". L'article 1 b) Toute personne a droit sa vie durant
à son identité. Les hommes n'ont pas pensé à
celui-là parce qu'ils l'ont leur identité.
L'identité est le bien le plus inaliénable d'une personne.
Maintenant que les femmes ont compris l'importance de leur identité et
veulent reprendre leur nom légal quand elles sont mariées, il y a
beaucoup d'organismes et d'institutions qui font énormément de
difficultés aux femmes et même qui vont le leur refuser
carrément, à cause de règlements internes établis,
alors que la loi dit bien clairement que le nom de la femme, le nom
légal, c'est son nom de naissance sur l'acte de naissance. Ils ne sont
même pas dans la légalité quand ils refusent cela.
L'article 2 a). Toute personne dont la vie est en péril ou la
sécurité menacée a droit au secours. Dans le
deuxième alinéa, on a encore ajouté "ou la
sécurité", parce qu'on ne voit pas pourquoi on restreindrait
l'obligation d'aider à la vie seulement. Cela nous paraissait une
lacune.
L'article 2 b). Toute personne a droit à l'autodéfense,
toutes les fois que sa vie ou la qualité de vie sont menacées.
C'est un nouvel article très important.
Si un individu est attaqué, il est essentiel qu'il puisse
repousser l'agression on pense aux femmes qui se font violer ou enfin
même l'autodéfense au point de vue de la vie ou qu'il
puisse prendre les moyens de défendre les éléments de base
et l'échelle des valeurs de sa vie, de même qu'on reconnaît
ce droit aux collectivités.
On ne veut pas mentionner de pays, mais enfin cela est arrivé
souvent pour des pays.
L'article 2 c). Toute personne a droit à la santé et aux
soins que nécessite son état ainsi qu'à son
bien-être physique, mental et social, C'est un nouvel article. Même
si on a ouvert un chapitre sur la santé, on a pensé qu'il
était nécessaire de l'inclure dans les droits fondamentaux, parce
qu'après tout, la santé, c'est le complément
nécessaire et essentiel de la vie.
L'article 2 d). Toute personne a droit à la libre disposition de
son corps. Un autre article extrêmement important. Cet article est
essentiel pour qu'un individu puisse se considérer comme libre. Il doit
avoir la possibilité de déterminer lui-même ce qu'il
adviendra de son corps en tout ou en partie. Que ce soient des greffes, comme
il a déjà été mentionné, que ce soit pour
accepter d'avoir des expériences médicales, enfin... Les droits
et libertés de la personne commencent là, à la personne
même. Si celle-ci ne peut contrôler son propre corps et à
quoi il servira, elle ne peut aspirer contrôler sa vie ni son milieu. On
fait d'elle alors une esclave, une véritable esclave, ce qui est
contraire au but le plus fondamental de la charte.
Toute personne a droit à des conditions de vie décente et
à la qualité de vie de l'environnement. Nouvel article. Nous ne
sommes pas les seuls à demander cela pour l'environnement, il y a
plusieurs organismes, je crois, qui l'ont demandé.
La vie n'est pas tout, il faut y adjoindre des conditions minimales,
sans lesquelles il vaudrait mieux ne pas être né. Sans ces
conditions, un individu ne pourrait pas préserver sa dignité, son
autonomie financière et matérielle. Il faut même plus qu'un
minimum vital, il faut aussi qu'on puisse avoir une qualité de vie.
C'est tellement vrai qu'il y a des millions d'individus qui sont morts pour
défendre justement cette qualité de vie qui se trouve à
être la possibilité pour une personne de se réaliser, de
s'épanouir socialement, intellectuellement et affectivement.
Il faut aussi, pour un sain développement de la personne, qu'il y
ait la qualité de l'environnement, ne pas avoir le bruit, la pollution,
la destruction.
L'article 3: Toute personne on a ajouté "quel que soit son
âge ou son état civil" est titulaire des libertés
fondamentales, telles la liberté... on définit les
libertés et, entre autres, on a ajouté, nous, la liberté
de décision et la liberté d'action qui nous paraissaient
extrêmement importantes. L'âge, c'est important par rapport aux
enfants; parce qu'un enfant est sous tutelle, cela ne veut pas dire qu'il n'a
pas droit d'exprimer, d'avoir droit à ces libertés. C'est
important de le mentionner. L'état civil, c'est extrêmement
important, parce qu'on sait très bien qu'il y a des femmes, parce
qu'elles portent le nom du mari, qui ne peuvent pas exprimer leur opinion, sous
prétexte
qu'elles sont sous sa responsabilité financière ou
autre.
L'article 4: Toute personne a droit à la sauvegarde de sa
dignité, de son honneur et de sa réputation, ce qui exclut toute
forme d'esclavage, déguisé ou non. Parce qu'en Occident,
l'esclavage ne revêt pas les mêmes formes auxquelles on est
habitué, il ne faut pas se tromper, cela existe encore. Toute
espèce de domination consciente par la peur, le chantage, les moyens
médicaux ou autres, qui permet l'abus et l'exploitation d'autrui est
contraire aux droits les plus fondamentaux de l'individu; l'aliénation
économique et politique est une forme d'esclavage aussi.
L'article 5: On le laisse ainsi.
L'article 5 b): Toute personne a droit à sa vie sexuelle. Un
autre articletrès important. Comme la vie sexuelle implique un ou une
partenaire, on ne voit pas pourquoi entre adultes consentants, le
moded'expression de la vie sexuelle ne serait pas la prérogative de
chacun; on ne pourrait pas contester cela, parce que la vie sexuelle,
l'instinct sexuel est un instinct aussi vital que celui de la conservation. Ce
droit, les hommes l'exercent depuis toujours, en toute liberté. Il n'y a
aucune raison, sauf l'égoïsme et la discrimination on
insiste bien là-dessus la plus évidente de leur part, pour
qu'ils continuent à en profiter seuls, imposant par contre aux femmes
des interdits contraires à la liberté des personnes et au droit
pour tous les individus d'avoir accès aux jouissances de la vie. Cet
article implique bien clairement qu'on dissocie la vie sexuelle de la
maternité.
Un nouvel article, 5 c): Toute personne a droit à l'information
complète et à l'instruction, quel que soit son âge ou son
statut civil. Je pense que cela a été suffisamment
développé, sauf que nous voudrions ajouter qu'il y a des maris
qui interdisent à leur femme d'étudier. Et ce ne sont pas des cas
exceptionnels, on en connaît à la tonne de ces cas. Ils
défendent à leur femme d'étudier, ou bien ce sont eux qui
décident quel cours la femme doit prendre. Alors, c'est pour cela que
c'est important de spécifier: selon son âge et son statut civil.
Par contre, il y a des parents qui vont exiger de leurs enfants qu'ils ne
continuent pas leur instruction par intérêt égoïste,
pour avoir un peu plus d'argent, qu'ils laissent tomber leurs études.
Cela aussi est concerné, c'est un droit fondamental qui a
été oublié.
A l'autre article, on a ajouté: "honnêtement acquis";
profiter de la libre disposition de ses biens honnêtement acquis.
C'était impératif, parce qu'un bien peut être à la
fois légalement mais injustement acquis, ce qui arrive souvent. Il
était nécessaire qu'une charte nuance ce droit à la
jouissance car, autrement, ç'aurait entériné l'injustice
sociale et la malhonnêteté. On pense à un cas comme la
séparation de biens, où la maison reste parce que c'est le
mari qui a signé le contrat à l'homme alors que la femme
aménagé autant que lui pour la payer. Lorsqu'il y a divorce, la
femme n'a aucun droit à cette maison. Légalement, cela lui
appartient, mais c'est malhonnête de la garder, de sa part. C'est pour
cela qu'on veut bien le spécifier, et comme la charte c'est, en
même temps, un moyen d'éducation qui sera transmis dans les
écoles, c'est important de le stipuler. D'ailleurs, on espère que
la révision du code civil va changer bien des choses dans les
régimes matrimoniaux.
On le mentionne d'ailleurs dans l'autre article où on dit: Toute
personne a droit au fruit de son travail, quel que soit son âge, son
état civil ou son régime matrimonial. C'est un peu
différent de l'autre. Le fruit du travail peut être aussi bien le
salaire gagné à l'extérieur vous savez qu'avant,
les femmes n'avaient pas droit de garder leur salaire que le
résultat d'un labeur quelconque. Cela peut être une femme sur une
ferme, comme dans l'Ouest, le cas Murdock, où justement la femme a
été dépossédée de son travail de toute une
vie, ou une femme qui ferait des travaux à la maison.
Certains régimes matrimonieux sont contraires, on l'a dit, aux
droits des individus et devraient être adaptés à une plus
juste notion de propriété des biens.
A l'article 9, on a ajouté, par rapport au secret professionnel:
Que le secret professionnel devrait s'adresser aussi aux associés d'un
même bureau. Quand un secret est confié, ou qu'une confidence est
faite à un avocat ou à un médecin, maintenant qu'il y a de
plus en plus de bureaux de médecins ou d'avocats, cela ne veut pas dire
que c'est tout le bureau qui adroit à ces secrets. C'est important de le
spécifier, on l'avait oublié.
A l'article 11, on a ajouté, dans les motifs de discrimination:
les convictions politiques ou morales. C'est important, il nous semblait, et
surtout l'âge et l'état civil qui étaient mentionnés
par presque tous les organismes et, en plus, nous avons ajouté un motif
de discrimination très important, surtout quand on va en cour, où
que les gens qui n'ont pas d'argent peuvent très souvent être
privés d'un moyen d'aller en cour; les gens qui n'ont pas beaucoup de
moyens peuvent aller à l'aide juridique mais ceux qui ont des moyens
modestes n'ont pas assez d'argent pour y aller et ils ont trop d'argent pour
aller à l'aide juridique.
Les moyens financiers, le statut social ou professionnel, le nombre
d'enfants c'est important aussi. Une femme qui veut se faire
stériliser, on va lui demander combien d'enfants elle a. On est tout
à fait contre cela. Pour louer un logement, cela aussi est tout à
fait discriminatoire. Et l'état de maternité. On n'a pas
besoin d'expliquer ces choses.
Dans l'article 12: Nul ne peut publier ou exposer en public un avis, un
symbole ou un signe comportant discrimination ou employer couramment et
officiellement un terme discriminatoire, surtout si celui-ci exprime un lien de
dépendance, servitude ou possession.
Les termes "madame" et "mademoiselle", termes qui obligent la femme
à révéler son statut par rapport à l'homme, sont de
cet ordre. On n'oblige pas les hommes à dire s'ils sont mariés ou
non. On ne voit pas pourquoi on le ferait pour les femmes. Diviser les femmes
en deux catégories nous paraît discriminatoire et contraire
à l'esprit de la charte. Le Réseau d'action et d'information
pour les femmes suggérait un terme "made" ou "mad." qui est
l'abréviation, qui serait un terme unique et qui ne serait pas
discriminatoire pour désigner toutes les femmes.
Dans l'article 13, on a ajouté, dans les motifs de discrimination
pour empêcher autrui d'avoir accès aux moyens de transport ou
lieux publics, les établissements de santé et d'éducation
c'est extrêmement important les hôpitaux, les
écoles, cela n'avait pas été inclus. C'est inutile de
parler longuement là-dessus, je pense que tout le monde devrait
être d'accord. C'est arrivé dans des hôpitaux qu'on refuse
une femme parce qu'elle avait essayé de s'avorter elle-même, qu'on
lui refuse l'accès à l'hôpital; c'est déjà
arrivé.
L'article 14. Nul ne peut, par discrimination, refuser de conclure un
bail, ou autre acte juridique, on a ajouté: ou refuserde poser un acte
médical ou pharmacologique ou imposer un acte médical ou
pharmacologique, surtout par chantage ou fraude médicale.
Les actes médicaux et pharmacologiques sont encore plus
importants que les actes juridiques car ils concernent la santé et,
pourtant, on avait négligé de les mentionner. Il arrive, en
effet, que, par discrimination, des médecins ou des pharmaciens refusent
de poser les actes que leur profession requerrait d'eux. Nous désirons
également éviter que l'on pratique des interventions, par
exemple, la stérilisation, chez certaines catégories d'individus,
comme on l'a vu pour des noires. On leur imposait la stérilisation, on
faisait semblant qu'on leur donnait une piqûre pour autre chose, puis on
leur donnait une piqûre pour les stériliser. On n'a pas besoin de
nommer de pays, on sait que cela se fait couramment. Ou bien, une femme qui est
sur la table d'accouchement, on lui suggère de se faire
stériliser alors qu'elle vient d'avoir un enfant de façon
très dure. Je pense que c'est du chantage, elle va être
portée à dire oui et elle va le regretter deux ans
après.
L'article 15 b). Toute personne a droit à des conditions de vie
et de liberté égales à l'intérieur du mariage et
à des droits et responsabilités égales. Cela était
extrêmement important. C'est là qu'on voit que ce sont des hommes
qui ont rédigé la charte, parce qu'à l'intérieur du
mariage, ce n'est pas l'homme qui est discriminé, on le sait bien, c'est
la femme qui l'est. Cette affirmation de l'égalité du mariage est
une des clauses capitales de la charte universelle des droits, car la vie
à l'intérieur du mariage est un véritable nid de
discrimination de tous genres auxquels toutes les femmes, non seulement celles
à l'intérieur du mariage, mais toutes les femmes sont soumises
avec plus ou moins de nuances, et qui sont, d'ailleurs, la source d'injustices
innombrables à l'extérieur du mariage, par exemple, au travail.
Ainsi, parce que, dans nos moeurs, la femme dépend financièrement
de son mari, en principe, on va lui refuser souvent un salaire équitable
au travail. On dit: L'homme, c'est le chef de famille, il faut qu'il fasse
vivre une famille.
La même chose pour la stabilité, la femme, comme on dit:
Elle va être obligée de s'occuper des enfants, elle n'est pas
stable, on ne lui donnera pas d'avancement.
Dans l'article 16, nul ne peut exercer de discrimination dans
l'embauche, on a ajouté aussi les questionnaires et interviews, et aussi
dans l'emploi. Parce que, dans les questionnaires et interviews, très
souvent, on ne pose pas les mêmes questions aux hommes qu'aux femmes. Aux
femmes, on va leur demander: Que pense votre mari du fait que vous travaillez?
Combien d'enfants avez-vous l'intention d'avoir? Ou même quels sont les
moyens anticonceptionnels que vous employez? Alors qu'on ne demande pas cela
à l'homme. C'est vraiment de la discrimination et assez grave. C'est
pour cela qu'on l'a inclus. Une fois que la femme a un emploi, cela arrive
très souvent qu'il y ait discrimination, une fois que les conditions de
travail sont établies et l'embauche.
L'article 17, c'est pareil. Maintenant, tout le chapitre des droits
ayant trait à la santé. La première partie c'est par
rapport surtout à la femme et les autres, c'est
général.
Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à des
heures raisonnables de travail et à des congés
périodiques. On pense ici surtout aux mères de famille qui
travaillent 24 heures par jour, 7 jours par semaine et 365 jours par
année, sans même qu'on considère qu'elles aient droit
à des vacances ou à un repos. Leur santé est souvent
affectée.
Toute personne a droit à l'anesthésie ou à un
sédatif approprié dans les interventions médicales et les
accouchements.
Les curetages à vif en manière de punition de la femme
parce qu'elle a tenté de s'avorter et les mises au monde de l'enfant
d'une mère célibataire sans anesthésie ou sédatif
approprié, comme cela s'est fait dans bien de nos bons hôpitaux
catholiques du Québec, sous prétexte qu'elle a
péché ou qu'elle est de mauvaise vie sont ici visés. Cette
torture des femmes à même leur condition féminine est
à peu près ce qu'il y a de plus insoutenable et de plus
révoltant. C'est du sadisme.
Un autre article. Toute personne de sexe féminin a droit aux
soins prénataux et postnataux gratuits. Comme l'acte de mettre un enfant
au monde est un acte social vital, sans lequel la société
n'existe pas, il est logique que l'Etat fournisse gratuitement tous les soins
qui entourent cette fonction, comme dans bien des pays du monde.
Toute personne a droit à l'information complète
privée et publique sur la conception, la contraception, de même
qu'à l'accès gratuit aux moyens contraceptifs. Il est
évident qu'on ne peut parler de santé pour les femmes sans
aborder l'enfantement et la contraception qui dominent, hantent et modifient
toute leur vie. La gratuité des moyens contraceptifs nous paraît
une condition sine qua non de l'exercice de ce droit afin que toutes soient
égales dans le contrôle de leur fertilité, pas seulement
les femmes qui sont en moyens. On veut que toutes les femmes, même si
elles n'ont pas un sou, puissent avoir le contrôle
de leur fertilité parce que c'est peut-être celles qui
n'ont pas un sou qui ont besoin de la contrôler parfois.
Un autre article: Toute femme a droit à l'exercice du libre choix
de la maternité, incluant l'accès gratuit aux services
médicaux d'interruption de grossesse. Ce droit des femmes de
décider elles-mêmes de leurs capacités physiques,
psychologiques et social es d'être mères ou non, est la
liberté la plus lourde de conséquences qui soit pour la femme et
la société. La société doit en effet choisir: ou
être répressive dans ce domaine et remplir ses prisons, ses
hôpitaux et ses cliniques d'enfants et de mères victimes d'une
politique cruelle et irréaliste, ou encourager la maternité
responsable et en récolter plus tard les dividendes sociaux de tous
ordres. On ne peut enrôler les femmes de force dans la maternité,
parce que les femmes doivent aimer. L'enfantement est un acte d'amour, pas de
productivité. Même si notre natalité décroît.
Et l'amour est plus nécessaire à l'enfant que la vie, c'est sa
qualité de vie à lui. Il y a bien des enfants qui
préféreraient ne jamais être nés plutôt que
d'être nés et négligés et pas aimés. Il y a
droit à cela avant même que d'avoir droit à la vie.
Maintenant, je ne sais pas si vous avez eu la feuille, on avait
oublié une grappe de droits pour la santé, contraires à la
santé. Je ne les commenterai pas, je vais seulement les nommer
rapidement: Toute personne a droit de refuser d'être un sujet
d'étude ou d'examen pour les étudiants en médecine, comme
cela se pratique actuellement; toute personne a droit au libre choix de son
médecin; toute personne qui est internée dans un asile
psychiatrique a droit de connaître la raison de son internement et
d'exiger qu'un comité vérifie le bien-fondé de son
internement; toute personne a droit d'être admise dans un hôpital
et d'être soignée immédiatement, s'il y aurgence, à
moins que preuve ne soit faite de l'impossibilité pour cet hôpital
de recevoir et soigner ce patient ou cette patiente; toute personne a droit
d'obtenir des détails relativement à l'état exact de sa
santé.
Maintenant, les droits judiciaires, un ou deux sur lesquels on a
changé un peu. Le premier article des droits judiciaires, l'article 20;
on a ajouté: Toute personne a droit à une audition publique,
impartiale et complète de sa cause. C'était important parce que
combien d'individus ne peuvent obtenir justice parce que leurs moyens
financiers ne leur permettent pas de porter leur cas devant les cours
supérieures qui sont alors réservées aux seuls puissants
et bien nantis. Je fais allusion ici au cas de tout à l'heure, ceux qui
n'ont pas d'argent vont à l'aide juridique; ceux qui ont beaucoup
d'argent peuvent y aller; mais les gens du milieu, ce sont toujours les gens du
milieu qui, souvent, n'ont rien; ceux-là ne peuvent pas aller devant la
cour, cela coûte trop cher. Alors, on n'a pas mis de moyens parce que
c'est une charte; mais ce seront des moyens à trouver dans une loi du
code civil ou autre.
La justice doit être complètement, c'est-à-dire
à tous les niveaux, accessible à tous, quels que soient leurs
moyens. Faire jurisprudence, faire ré- viser un procès ne
devraient pas être l'apanage des riches, d'une élite. C'est un
droit démocratique à respecter, sinon l'égalité
devant la loi n'est qu'un vain mot.
Dans l'article 21, on a mis un membre d'article qui est très
important, c'est: Nul ne peut être privé de sa liberté,
sauf pour les motifs prévus par la loi et suivant la procédure
prescrite et, en particulier, ne peut être confiné dans un asile
psychiatrique ou une institution quelconque contre son gré ou en
extorquant une signature, à moins que preuve ne soit rapidement faite
devant des tribunaux indépendants de la nécessité d'une
telle action ou que le comportement de la personne ne menace la vie de ceux et
celles qui l'entourent.
Il y a des maris qui, pour se débarrasser d'une femme tout en
conservant le respect de l'entourage, n'hésitent pas à la faire
interner. Ainsi, ils n'ont aucune pension alimentaire à payer et la
garde des enfants leur est assurée. C'est vrai, cela. Pour cette raison
et sans doute plusieurs autres, le procédé a été
largement employé par des maris dont on ne se serait jamais
imaginé qu'ils puissent agir de la sorte. Ils retrouvaient ainsi leur
liberté à bon compte.
La loi 46 sur la protection des malades mentaux exige maintenant la
signature de la personne qu'on veut interner, mais le danger demeure, d'autant
plus que cette loi est loin d'être parfaite et que les maris peuvent
employer des moyens plus subtils, comme celui de convaincre la femme qu'elle
est réellement malade. On peut aussi se servir de la simple menace de
l'internement afin d'arriver à ses fins. La loi 46 devrait
prévoir ces cas et être beaucoup plus explicite et étanche
dans la protection des individus face au danger d'internement. Trop de
discrétion est encore laissée aux autorités. Si vous lisez
la loi 46, vous allez voir que cela laisse drôlement de latitude aux
autorités.
Qu'une charte doive comporter des articles pour prévenir ces
crimes contre la personnalité et la liberté est indiscutable,
surtout quand on voit à quel point ce moyen est employé dans
certains pays, qu'on ne nommera pas, pour se débarrasser d'une personne
gênante. Ce qui pourrait arriver ici aussi.
Des articles 22 à 35, à peu près rien de
changé, sauf des termes qui étaient discriminatoires, un ou une
coroner, un ou une commissaire enquêteur.
Dans les droits économiques et sociaux nous avons ajouté,
dans l'article 36 a): Tout enfant a droit à la protection, à la
sécurité et à l'attention que doivent lui apporter sa
famille ou les personnes qui en tiennent lieu. Parce qu'on sait bien que pour
un enfant, l'attention, c'est quelque chose de vital. C'était important
de le mettre, en plus de la protection et de la sécurité. Les
deux premiers ne sont pas suffisants.
Maintenant, il y a une grappe d'articles. Tout enfant a droit au
même niveau de vie que ses parents. Cela arrive que des parents fassent
des voyages sensationnels avec tout ce qu'il leur faut et que l'enfant soit
privé même du nécessaire.
L'autre article: Tout enfant a droit à avoir accès
à des mesures de protection psychosociales
s'il se plaint de mauvais traitements. Il a droit aux services d'un
expert qui pourra, les cas échéants , mener une enquête sur
la situation familiale. Si la plainte s'avère fondée, l'enfant
pourra demander que sa garde soit transférée à un
tiers.
Un autre article: Si nécessaire, l'enfant doit aussi
pouvoirbénéficierde mesuresde protection judiciaire, sur
requête de l'enfant et d'un expert psychosocial.
Et l'autre article: Toute personne a droit de rapporter les mauvais
traitements infligés à un enfant sans qu'elle encoure le risque
d'être poursuivie en retour.
Cela, je pense que cela rejoint... Je pense que c'est inscrit dans une
loi. Dans la Loi de protection de la jeunesse, je pense que c'est inscrit qu'on
peut rapporter, même c'est un devoirde rapporter. On ne savait pas cela.
Enfin, je pense que ce n'était pas nécessaire... Mais on peut
peut-être le spécifier quand même dans la charte.
Cette grappe d'articles est rendue nécessaire pour
prévenir, si possible, les nombreux abus et sévices dont sont
victimes plusieurs enfants, de plus en plus d'ailleurs.
L'article 38: On élimine complètement l'article 38 qui se
lisait comme suit: "Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le
droit d'exiger que, dans les établissements d'enseignement publics,
leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral, conforme
à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la
loi".
On l'élimine complètement. Voici pourquoi. Nous estimons
que ce n'est pas aux écoles publiques d'enseigner la religion,
malgré tout ce qu'on vient d'entendre tout à l'heure, mais aux
Eglises elles-mêmes ou aux écoles privées. Cet enseignement
d'une religion ou d'une morale à l'exclusion des autres est une atteinte
à l'intégrité de pensée des jeunes que nous
plaçons à l'école ainsi qu'à la liberté de
conviction qui est reconnue par la charte. Cet article est contradictoire avec
la charte même. Les élèves qui ne sont pas de la religion
enseignée subissent alors une discrimination qui peut être
traumatisante pour eux.
Ces nombreuses heures de cours et les sommes consacrées aux
salaires correspondants n'ont pas à être défrayées
par tous les parents, car ceux-ci peuvent être de convictions religieuses
ou laiques différentes.
Le Québec n'est pas, par définition, un Etat catholique,
il est un Etat tout court. Je pense que M. Choquette l'a mentionné tout
à l'heure. De plus en plus, il y a différentes religions et
différentes écoles de pensée, et l'Etat du Québec
est un Etat, pas catholique, un Etat tout court. Cet article est nettement
contraire à la charte des droits et libertés pour tous. On
pourrait plutôt donner aux élèves, dès les
premières années, un rudiment de connaissances sur le code civil
et le code criminel. Cela aussi a été mentionné. La
plupart d'entre eux n'ont aucune espèce d'idée de leurs droits et
des lois qui les régissent, ce qui fait qu'ils seront plus tard a la
merciedes événements ou qu'ils n'auront aucun sens civique.
Les articles 39 et 40 sont semblables, ainsi que l'article 41. 41 b),un
nouvel article: Toute personne a droit à un travail
rémunéré, malgré la réponse qui a
été faite à la FTQ.
Pendant longtemps, les femmes n'avaient droit qu'à une seule
aspiration: Se trouver un mari afin qu'il pourvoie à leurs besoins.
Elles ont évolué et aspirent maintenant de plus en plus à
un travail rémunérateur qui réponde à leurs
capacités, comme il est normal qu'un être adulte le désire.
On ne sait pas si c'est pour cela qu'on ne veut pas donner de fonds pour les
garderies. On pense beaucoup que c'est pour éviter d'avoir un surplus de
main-d'oeuvre sur le marché du travail, mais on estime que c'est un
droit fondamental de la femme de pouvoir travailler. C'est pour cela que c'est
important d'inclure... Je ne sais pas si c'est pour cette raison qu'il a
été... Non, il n'a pas été mis dans la charte.
Enfin, nous tenons à ce qu'il y soit. Et pourtant, ce droit leur est
encore refusé, soit par le mari, qui ne veut pas que sa femme aille
travailler, qui lui interdit carrément sinon c'est la porte; soit par
les employeurs qui traitent les femmes comme des amateurs, des intruses, des
usurpatrices. Il est temps qu'une charte insiste sur ce droit qui devrait
pourtant être évident. 41 c): Toute personne accomplissant un
service social, tel que, maternité, éducation première de
l'enfant ou défense de la patrie, a droit à une
rémunération appropriée. Parce que certaines personnes
accomplissent un travail essentiel, vital pour la société et
qu'elles l'ont accompli depuis toujours, librement, n'est pas une raison pour
les priver de ce à quoi ont droit tous les autres membres de la
collectivité: La rémunération et
l'auto-nomiefinancière. C'est un droit social vital qu'on a toujours
refusé à la femme, mais qu'on doit maintenant, de toute urgence,
lui reconnaître. Les femmes en ont assez assez, c'est assez!
de tolérer pareille injustice et ingratitude.
On ne se réfère pas aux salaires à la
ménagère. On n'en veut pas pour la ménagère. C'est
à chacun à faire son travail dans une maison. On en veut
uniquement pour l'éducateur ou l'éducatrice des premières
années. Ce n'est pas pour toute la durée de la vie de la femme ou
de l'homme. C'est pour les premières années d'éducation.
41 d): Toute femme a droit à un congé de maternité
raisonnable payé par l'Etat et à la conservation de ses droits
acquis.
Nombre d'industries et d'organismes n'accordent pas encore ce droit
élémentaire et, contre l'intérêt même de la
société, refusent à la femme enceinte la période de
repos nécessaire à son état. De même, il y a
quelques décennies, les ouvriers n'avaient aucun droit à des
vacances. Des employeurs vont même jusqu'à priver les femmes de
leurs droits parce qu'elles mettent un nouveau citoyen au monde. 41 I) Toute
personne a droit à ne pas voir sa liberté d'action
entravée parce qu'elle a charge d'enfant.
La femme qui a des enfants ne doit pas être astreinte à se
priver de droits fondamentaux comme celui de gagner sa vie et d'être
autonome financièrement et celui d'avoir droit au repos et de participer
pleinement à la vie de la société, comme
c'est arrivé pour plusieurs femmes du RAIF aujourd'hui, qui sont
venues ici avec leurs enfants, parce qu'elles n'avaient pas de gardienne et
parce qu'on trouvait que les enfants dérangeaient les gens de
l'assistance et les gens de la commission parlementaire, ont dû s'en
retourner chez elles alors qu'elles avaient droit de savoir ce qui se passait,
parce que se sont des droits fondamentaux qu'on est en train de
décider.
J'ai peut-être une suggestion àfaire, ce serait qu'à
l'Assemblée nationale, on ait une garderie. Ce n'est pas du tout
drôle. Je pense que les femmes ont le droit de savoir ce qui se passe et
qu'elles pourraient venir et savoir comment on détermine leur sort. Cela
me paraît élémentaire. On devrait même exiger dans
les lois que tout organisme public qui construit un édifice devrait
avoir une garderie, quand on sait que les femmes y vont, ou les hommes.
C'est à l'Etat à lui fournir les services adéquats
dans les endroits où il y a une concentration suffisante de la
population. Si le gouvernement n'a pas fait des garderies une de ses
priorités depuis le temps que les femmes les réclament
alors qu'il donne... c'est $600 millions que les Jeux olympiques vont
coûter pour 15 jours, autofinancés, cela veut quand même
dire que c'est la population qui les finance...
Je répète, si le gouvernement n'a pas fait des garderies
une de ses priorités depuis le temps que les femmes le réclament,
c'est qu'il n'est qu'indifférence face aux besoins des femmes.
On a accordé $2.5 millions aux garderies cette année.
Comparez $2.5 millions avec $600 millions pour des Jeux olympiques de 15 jours,
on verra l'échelledes valeursde la sociétédanslaquelleon
vit. 43). Tous doivent recevoir un traitement ou un salaire égal pour un
travail de valeur égale et accompli dans des conditions
équivalentes.
Cette règle s'applique et je pense que c'est inutile de
s'étendre, tout le monde était d'accord sur cela; c'est un
faux-fuyant pour les employeurs d'avoir des catégories ghettos, et je
pense que cela va être modifié.
L'article 45 a aussi très longuement traité. Ce que nous
suggérons, c'est que le deuxième alinéa se lise comme
suit: La présente charte a préséance sur toutes les lois
antérieures ou postérieures qui seraient incompatibles avec
celle-ci, et ne peut être amendée ou contrevenue que par un vote
des trois quarts. Nous avons mis trois quarts plutôt que deux tiers,
parce qu'avec des majorités comme on voit actuellement... un vote des
trois quarts de l'Assemblée nationale...
Une charte qui n'a pas préséance sur les autres lois n'est
plus une charte. Tout le monde était pas mal d'accord sur cela aussi. Ou
bien c'est une charte que vous faites, M.Choquette, ou bien c'est une loi bien
ordinaire. Si vous voulez avoir le crédit d'avoir fait une charte, il
faut que vous fassiez vraiment une charte et non pas un inventaire des lois
sociales qui ont déjà été votées par les
gouvernements. Ce n'est pas cela une charte.
Elle n'est alors qu'un appendice mineur du mouvement législatif
et finalement, elle ne corri- gera ni ne garantira rien du tout elle
sera peut-être pire que la charte canadienne se contentant de
n'être qu'un exercice littéraire sur les droits et
libertés, un verbiage inutiledestiné àjeter de la poudre
aux yeux ou peut-être à dire que le ministre Choquette a
adopté une charte. Ceci sans vous blesser.
M. Choquette: Pas trop.
Mme Dolment: Le maire Drapeau aime toujours laisser un monument
derrière lui, les Jeux olympiques; si vous voulez vraiment faire un
monument, faites-en une charte, non par une loi ordinaire que tout le monde
aura oubliée au bout de quelques mois.
L'article 48, c'est pareil. L'article 49. La commission est
composée d'au moins quatre membres dont deux femmes ce qui est
très important incluant le ou la présidente on
tient beaucoup à ces "le" ou "la" parce que les mots incitent beaucoup
les gens à se présenter à tel ou tel poste
élu(e)s pour un mandat n'excédant pas dix ans parmi les
candidat(e)s proposé(e)s par les divers corps intermédiaires et
organismes voués à la défense des droits et
libertés de la personne. Le choix se fera par scrutin secret.
Maintenant, s'il est nécessaire d'en mettre cinq, vous en mettrez
cinq, mais enfin, on veut que la moitié, autant que possible, soit de
femmes ou un peu plus de femmes, parce qu'il y a un peu plus de femmes
dans la population, je crois que c'est 52% .
Est-il nécessaire d'expliquer la raison de la modification que
nous faisons? La société se composant justement, d'un peu plus de
la moitié de femmes, la commission devrait se composer de la même
façon, d'autant plus que la plupart des plaintes viendront
vraisemblablement des femmes, puisqu'elles sont les êtres les plus
discriminés qui soient.
Ce serait impensable que ce soient uniquement des hommes qui, comme
toujours, comme ici aujourd'hui, comme à l'Assemblée nationale,
décident du bien-fondé ou non des griefs des femmes. Il faudrait
absolument avoir des femmes là-dedans.
Les articles de la charte ont été, une fois de plus,
discriminatoires en ne spécifiant pas la nécessité
d'inclure un nombre égal de femmes dans la composition de la
commission.
Par ailleurs, on ne peut décemment laisser la nomination des
commissaires au soin du premier ministre, c'est-à-dire d'un parti
politique, en somme. On a vu dans d'autres pays, aux Etats-Unis on ne
les nommera pas comment cela a pu se passer, les problèmes qu'ils
ont eus pour nommer les juges à la cour Suprême, parce que
c'était le président qui les nommait, même si cela est
entériné par les assemblées générales.
Il faut que les commissaires et, partant, que la commission soient
au-dessus de tout soupçon d'ingérence politique ou de favoritisme
politique. C'est une condition sine qua non de la bonne foi du gouvernement en
établissant une commission pour faire respecter la charte et
protéger toutes
les citoyennes et les citoyens et non pas seulement ceux favorables au
régime.
Quant aux modalités de l'élection des membres de la
commission, il reste à les déterminer, ceci requérant une
étude plus approfondie que ne le permettent les échéances
présentes et la complexité de cela d'ailleurs.
Maintenant, l'article 50, on l'élimine totalement puisqu'on a
changé l'autre. C'est logique qu'on l'élimine.
Ce n'est pas nécessaire de le lire. Je pense que cela doit
être entériné par les deux tiers de l'Assemblée
nationale, mais on dit élu. Ce n'est plus du tout le même
processus.
Les membres... Bon... C'est cela? On dit que la commission doit prendre
ses distances face à la politique. Je pense que tout le monde sera
d'accord sur cela.
Les fonctions.
Dans 58 a) on a mis: "La commission doit notamment faire un inventaire
des lois du Québec et soumettre à l'Assemblée nationale
dans un délai de cinq ans on a mis un délai, ceci est
très important un rapport de toutes les lois incompatibles avec
la présente loi. Cet article est la conséquence logique de
l'article 45 où il est dit que la charte a préséance sur
les autres lois. Il est mauvais et illogique que les lois se contredisent". Je
pense que nous n'étions pas les seuls à le dire. C'est inutile de
s'étendre là-dessus. Cela a été demandé par
la Ligue des droits de l'homme, le Barreau beaucoup d'organismes qui ont
étudié la chose à fond. d) établir un programme
d'information et d'éducation dans les écoles et le public il faut
bien mentionner dans les écoles; tout le monde était d'accord
aussi, mais je pense qu'il est nécessaire de le mentionner
destiné à faire comprendre et accepter l'objet et les
dispositions de la présente loi?
Au lieu des cours de catéchèse qui sont une atteinte
à la liberté de conscience... J'insiste là-dessus parce
qu'il est vrai que c'est une atteinte à la liberté de conscience.
Quand les enfants nous rapportent ce qui leur est dit dans les cours de
catéchèse, entre autres qu'entre la vie de la mère et la
vie de l'enfant, quand il y a vraiment danger et que la mère va mourir
on doit sacrifier la mère, je pense que cela commence à
être grave. Alors, des anciens frères pour donner des cours de
catéchèse, nous ne sommes pas d'accord et des cours de
catéchèse n'ont pas leur place à l'école. Les cours
de catéchèse vont dans une église ou dans une école
privée qui donneront des cours de religion s'ils le veulent, mais pas
dans un système public où il y a toutes sortes de religions,
où il y a différentes options au point de vue pensée. "Il
faudrait placer au programme des écoles l'étude de la charte
dès les premières années à leur niveau, en
l'expliquant dans leurs termes afin qu'elle devienne une partie du bagage de
formation des jeunes ". 60) "Toute personne qui a raison de croire qu'elle a
été victime de discrimination au sens des articles de la
présente loi peut adresser par écrit..." Cela aussi a
été bien discuté. Au lieu d'être des articles 11
à 17, on aime mieux "au sens des articles de la présente loi". Je
pense que c'est inutile de s'étendre. Tout le monde semblait d'accord
sur cela aussi. "Tout motif de discrimination doit pouvoir faire l'objet de
l'action de la commission".
A 61, on va lire le deuxième paragraphe, mais cela rejoint aussi
une proposition de la Ligue des droits de l'homme, parce que c'est le "group
action" et je me demande si le Barreau ne l'a pas demandé aussi. Enfin,
nous allons lire le texte que nous avons proposé. "Tout groupe de
personnes peut également faire une demande au nom d'un groupe de
personnes contre lequel on a discriminé, mais dont tous les
intéressés ou toutes les intéressées ne peuvent
être rejoint(e)s et dont les intérêts lésés,
trop minimes pour faire l'objet d'une cause individuelle, peuvent
néanmoins être considérables globalement. Les sommes ainsi
récupérées seront versées aux
intéressé(e)s qu'on aura pu rejoindre et ce qui en restera,
à un fonds qui sera affecté au mieux-être collectif de ces
intéressées. Une personne du groupe lésé doit
signer pour les autres la demande d'enquête de la commission".
Ceci intègre le principe du projet de loi préparé
par la Commission des services juridiques sur "l'action représentative"
(class action)", adoptée par plusieurs Etats américains, ainsi
que par des provinces canadiennes. L'avantage est de permettre une forme
collective de recours en justice ou auprès de la commission contre les
compagnies ou autres organismes qui léseraient les droits d'un groupe
donné de personnes.
De l'article 62 à l'article 65, c'est tel quel.
Maintenant, l'article 66, un article très important, un bout de
phrase qu'on a enlevé de l'article qui est extrêmement important.
Nous avons enlevé "ou que le requérant dispose d'un recours
également adéquat", après "la commission doit toutefois
refuser de faire ou de poursuivre une enquête lorsqu'elle constate
qu'elle n'a pas compétence en vertu de la présente loi. Parce
qu'à ce moment, la commission pourrait renvoyer presque toutes les
plaintes, sous prétexte qu'une cour civile pourrait s'occuper du
cas.
Comme le coût de pareilles démarches on l'a
mentionné tout à l'heure est prohibitif pour des gens
à revenus modestes, cela équivaudrait à risquer d'exclure
toute cette classe des personnes protégées par la charte, alors
que l'intention même de la charte est de couvrir "toute personne".
Cela est extrêmement important. Cela jette par terre toute la
charte et tout le rôle de la commission. 67). C'est un peu la même
chose. Je vais lire l'article: "La commission peut refuser de faire ou de
poursuivre une enquête lorsqu'elle estime que le requérant n'a pas
un intérêt suffisant, que la demande est frivole, vexatoire ou
faite de mauvaise foi." On a enlevé ici: "aucune enquête n'est
nécessaire eu égard aux circonstances", car il nous a paru que ce
bout de phrase ouvrait la porte à l'élimination par la commission
de toutes les
causes dont elle ne voudrait pas s'occuper, car n'importe quel
prétexte pourrait être invoqué par elle, les
"circonstances" pouvant s'interpréter à son gré, alors que
la "frivolité, la mauvaise foi" et le reste devraient être
prouvées si on poursuivait la commission en justice.
Le Président (M. Pilote): Le ministre de la Justice.
M. Choquette: Mesdames... Mme Dolment: Madame...
M. Choquette: Excusez-moi, je ne suis pas encore habitué
au nouveau vocabulaire. Mesdames, votre mémoire et sa
présentation, cet après-midi, mettent particulièrement
l'accent sur la condition de la femme dans notre droit en
général. Sans aucun doute, vous avez profité et je
ne vous le reproche pas de la présentation en commission
parlementaire de ce projet de loi pour aborder tous les problèmes
pertinents à la condition de la femme dans notre droit en
général. Je ne vous reproche pas d'avoir saisi cette occasion
pour pousser le gouvernement et l'Assemblée nationale à reviser,
améliorer, corriger et faire progresser les droits de la femme parce que
je crois qu'on doit admettre que notre droit civil en particulier, mais sans
aucun doute la législation québécoise en
général, n'a pas suivi l'évolution qui se manifeste et qui
s'exprime par des mouvements comme ceux de la libération de la femme et
qui cherchent à lui donner une place entière et
complète.
Ceci étant dit, il n'est pas possible, à l'occasion d'un
projet de loi comme celui-ci, de réviser tous les aspects du droit qui
concernent la femme. Je puis vous dire, par exemple, et vous y avez fait
allusion, que l'Office de révision du code civil examine de très
près la situation de la femme, en particulier de la femme mariée,
et ceci dans une optique pour établir que le mariage est plutôt
une association, une société d'égaux, et non pas une
institution dominée par le mari. Je crois qu'on pourra prévoir
des développements législatifs de ce côté qui vont
faire une place de statut égal à la femme à
l'intérieur du mariage.
Vous avez posé énormément de questions à
l'occasion de ce mémoire et je ne pourrais pas, à
l'occasiond'unecommission comme celle-ci, vous signaler mon approbation ou ma
désapprobation d'un certain nombrede suggestionsque vous avez faites.
Elles requièrent évidemment réflexion parce que la
condition juridique de la femme est une matière très complexe, et
tout en reconnaissant l'intérêt qu'il y a de progresser et de
faire en sorte que la femme acquière vraiment un statut égal et
bénéficie d'une liberté aussi entière que l'homme,
à l'intérieur de notre droit, le réaliser
législativement et rapidement n'est pas un défi facile.
C'est la raison pour laquelle je n'ai pas l'intention d'aborder en
particulier tous les aspects des articlesque vous avez soulevés. Je vais
y réfléchir pour savoir jusqu'à quel point ils peuvent
être incorporés au projet de loi présenté.
Il y a cependant une suggestion que vous avez faite et qu'il me
paraît utile de retenir à ce moment-ci, c'est celle
d'éviter la discrimination pour motif d'état civil,
c'est-à-dire que, quand au statut civil des personnes, nous n'avions pas
fait de référence dans l'article 11 à cet aspect, à
l'état civil des personnes. Je serais prêt à envisager un
amendement qui ferait en sorte qu'on éviterait la discrimination pour le
motif de l'état civil.
Au point de vue général, vous avez signalé, par
exemple, le cas Murdock, de Saskatchewan, qui illustre un peu un
résultat inéquitable et injuste des lois traditionnelles quant
à la division de la propriété à l'occasion d'un
divorce ou d'une séparation de biens. Sans aucun doute, il faudra au
code civil envisager des modifications qui sauvegarderont la demeure familiale
et qui assureront à la femme une réserve ou des garanties de
traitement équitable et ne la mettront pas à la merci de la loi
qui veut que... Evidemment, on reconnaît dans notre droit que le produit
du travail de chacun est un propre et demeure sa propriété. On
sait que la femme ne travaillant pas à l'extérieur, le mari
étant celui qui travaille, naturellement, tous les biens, à
l'occasion d'un divorce ou d'une séparation de biens, lui demeurent
parce que la femme n'a jamais eu de prestation pécuniaire pour son
travail pendant la durée du mariage.
Ce sont des orientations qui seront prises à l'avenir. Je ne dis
pas qu'il est possible d'y remédier à l'heure actuelle. Vous
voulez...
Mme Dolment: Oui, M. Choquette, c'est parce que vous parlez
toujours du code civil. Mais je vais bien vous spécifier que je ne suis
pas ici pour vous parler du code civil mais de la charte.
M. Choquette: Oui.
Mme Oolment: C'est entendu que les lois particulières
doivent être l'expression de lois générales et de droits
fondamentaux. Là, j'ai donné des exemples pour mettre le point,
parce que vous n'êtes pas au courant, vous ne vivez pas ces
problèmes. C'était seulement pour vous démontrer que
c'était vrai. Ce qu'on demande aujourd'hui on veut que le code
civil soit refait, il y a une commission qui travaille d'ailleurs pas
officiellement à la révision du code civil, mais on est
ici pour parler de la charte et de droits fondamentaux. Quand vous parlez du
cas Mur-dock, ce ne sont pas les détails de la loi. Ce qu'on veut dire,
c'est qu'on veut que soit inscrit dans la charte le droit au fruit de son
travail ou le droit au travail ou le droit à un travail
rémunéré. Ce sont des droits fondamentaux qu'on demande
aujourd'hui. Vous parlez du code civil, vous dites: Oui, on verra dans le code
civil. Ce n'est pas cela. On vous demande bien précisément
d'inclure des droits généraux qui rentrent normalement dans une
charte bien faite, une vraie charte. Mais la charte a été faite
comme si tous étaient des hommes. Le droit à la libre disposition
de son corps,
vous, vous n'avez peut-être jamais eu ce problème, mais il
y a des femmes qui ont eu ce problème.
M. Choquette: Non, je l'ai...
Mme Dolment: Justement, la femme...
M. Choquette: Voici, madame...
Mme Dolment: C'est quand même 52% des femmes qui sont
sujettes à cela.
M. Choquette: ... vous dites que la charte s'adresse
exclusivement aux hommes.
Mme Dolment: Oui, en effet.
M. Choquette: Vous allez admettre avec moi qu'au chapitre de la
discrimination, nous établis-sonsquand même un principequi devrait
être suivi dans d'autres lois et même un principe qui peut
être sanctionné par la commission des droits de la personne. Vous
admettrez avec moi que nous avons fait un effort dans la terminologie ou le
langage employé dans la charte pour ne faire aucune distinction entre
homme et femme.
Mme Dolment: C'est cela le problème, vous n'avez fait
aucune distinction. La femme n'est pas un homme. Vous avez fait cette charte en
vous disant: Très bien, l'homme, c'est le modèle. Tout ce qui
ressemble à un homme, on lui donne les mêmes droits. Mais la femme
n'est pas un homme.
Justement, elle est susceptible de devenir mère. Elle peut tomber
enceinte. Mais vous n'avez tenu aucun compte de cela. Il y a une drôle de
mentalité qui veut que l'égalité de la femme, ce soit de
la considérer comme un homme, ce qui fait qu'on la prive de droits
fondamentaux, parce que, si elle tombe enceinte ou si elle est menacée
de le devenir, il n'y a rien de prévu pour elle, à ce
moment-là. On ne prend pas le plus petit pour essayer de mettre ensuite
le plus grand; c'est l'inverse: on prend le plus grand, je m'excuse, et on
entre le plus petit dedans. La femme a quelque chosede plusque l'homme; elle
met les enfants au monde. Il aurait fallu établir la charte en prenant
comme norme non pas l'homme, mais la femme, et les hommes seraient normalement
entrés en dessous!
M. Choquette: Cela m'apprendra à interroger une femme! Je
passe la parole à d'autres collègues, mais, avant de le
faire...
Mme Dolment: C'est parce qu'il est tard.
M. Choquette:... je veux vous dire que nous ne sommes pas du tout
opposés à apporter des changements qui pourraient, je ne dis pas
rendre efficace tout ce que vous avez demandé, parce que je ne crois pas
que ce projet de loi puisse le faire sous tous les aspects que vous avez
soulevés...
Mme Dolment: II faut que vous teniez compte du rôle
biologique de la femme. Il faut en tenir compte là-dedans. Il faut que
le droit à la disposition de son corps soit inclus dans cette charte;
sans cela, c'est une charte pour les hommes. Point. Ce n'est pas pour rien que
cela s'appelle la Ligue des droits de l'homme. Ce n'est pas pour rien que tout
le monde dit: C'est la charte des droits de l'homme.
M. Choquette: Où avez-vous vu que c'est écrit la
charte des droits de l'homme?
Mme Dolment: Non, je dis: Tout le monde.
M. Choquette: Oui, mais admettez avec moi que nous avons
perçu ce problème.
Mme Dolment: Sauf quand on a dit tous les hommes sont
égaux.
M. Choquette: C'est peut-être une erreur involontaire, que
voulez-vous.
Mme Dolment: Chassez le naturel, il revient au galop!
M. Choquette: C'est cela. Nous avons tout le poids du
passé, que voulez-vous.
Mme Dolment: Remarquez que nous avons apprécié,
mais admettez comme moi que cette charte est faite pour des gens qui
ressemblent à des hommes ou pour des hommes. Mais, si nous avons le
malheur de ne pas ressembler à un homme, nous sommes foutus! C'est aussi
simple que cela; parce qu'une femme qui a des enfants est privée des
droits les plus élémentaires qui sont reconnus, la
liberté. Nous ne pouvons pas travailler, parce que nous devons garder
les enfants. Nous ne pouvons pas venir ici, parce que nous devons garder les
enfants.
M. Choquette: Mais la condition biologique de la femme, à
laquelle vous faites allusion, et qui fait que c'est elle qui a les enfants et
qui, jusqu'à nouvel ordre, a plutôt la responsabilité de
s'en occuper à la maison, comment voulez-vous que le législateur
remédie à cela?
Mme Dolment: Le législateur doit y remédier
certainement en reconnaissant les droits sociaux qui font que c'est un droit
social pour la femme d'avoir des garde ri es. C'est un droit
élémentaire et fondamental pour elle de décider si oui ou
non elle sera mère. C'est extrêmement grave. Vous pouvez
peut-être le prendre à la légère, mais, pour des
femmes, ce sont des drames. Il y a des fiIles qui se jettent en bas des ponts
pour cela. Il y a des femmes qui se suicident à cause de cela. Il y a
des femmes qui deviennent folles à cause de cela. Peut-être qu'on
l'a mis à la fin de la journée, un peu, parce que tout le monde
était fatigué, mais ce n'est pas drôle. Ce sont des drames
que des fem-
mes vivent tous lesjours. Elles doivent passer par des charlatans et se
faire faire des boucheries pour la vie ou rester infirmes pour la vie. Mais
vous vous en foutez, parce que vous n'aurez jamais ce problème! Et dans
la charte, vous discutez si, oui ou non, c'est selon la constitution, si cela
relève du fédéral ou non et vous refusez les droits vitaux
pour la femme. Vous dites: Oui, oui. Nous avons pensé à la femme,
nous avons mis: pas de discrimination dans le travail ! Cette charte est faite
pour des femmes célibataires qui travaillent. Point, cela vient de
finir! Mais la femme mariée et même la célibataire qui
travaille, qui est susceptible de tomber enceinte, il n'y a rien pour elle
ià-dedans et cela peut causer des drames. Parce que vous n'avez rien
prévu, sa vie peut être complètement ratée.
Si vous voulez vraiment cerner tous les droit s de la personne, vous
êtes obligés, je dis bien obligés, d'inclure dans la charte
tous les droits qui concernent le rôle biologique de la femme; sans cela,
c'est de l'hypocrisie et ce sont des mensonges de dire que c'est une charte
pour les droits des personnes.
Vous allez peut-être trouver que je suis un peu violente, mais,
quand on a entendu raconter des histoires, quand on a vu des drames... Il y
aune loi du silence chez les femmes comme chez la mafia, elles ne racontent pas
tous leurs drames. Elles ne racontent pas tout ce qu'elles vivent. Il y a une
loi du silence chez la femme. Vous ne savez pas les drames que vivent ces
femmes. Ce n'est pas pour rien qu'il y a deux fois plus de femmes que d'hommes
qui font des dépressions nerveuses. Ce n'est pas pour rien qu'il y a
énormément de femmes qui pensent à se suicider. Si ce
n'était des enfants, il y aurait je ne sais combien de femmes qui se
suicideraient, mais pourquoi ne se suicident-elles pas? Tout simplement parce
qu'elles pensent à leurs enfants. Demandez aux travailleurs sociaux qui
abandonne les enfants et qui reste avec? Même les hommes travailleurs
sociaux vont admettre que c'est 98% des femmes qui restent. Regardez dans vos
statistiques, qui sont les assistées sociales.
Assistées sociales qui vivent avec $140 par mois, avec cinq
enfants. Pourquoi? Quel crime ont-elles commis? Elles ont été
paresseuses? Elles ont été incompétentes? Elles n'ont pas
d'instruction? Pourquoi n'ont-elles pas d'instruction? C'est parce qu'elles se
sont mariées trop jeunes ou qu'elles ont dû faire vivre leur
mère ou leur famille. Elles sont assistées sociales. Pourquoi?
Parce qu'elles ont eu des enfants et leur mari les a plantées là!
Mais je pense que si vous donnez l'autonomiefinancière à lafemme,
elle ne sera pas réduite, pour le reste de ses jours, à aller
quémander $140 par mois pour cinq personnes. Quel député
qui vient de se faire monter son salaire à $35,000 serait capable de
vivre avec $140 par mois, avec cinq enfants? Vous venez nous dire que cela
n'entre pas dans la charte des droits? Je vous demande pardon!
M.Choquette:On ne peut pas reprendre tout...
Le Président (M. Pilote): Un instant, s'il vous
plaît! Je ne pense pas que ce soit brimer les droits des femmes que de
les inviter à ne pas manifester. On ne le permet pas aux hommes. On ne
le permet pas aux femmes non plus.
M. Choquette: Non, mais il y a quand même une...
Mme Dolment: C'est un autre droit qui nous est refusé.
Le Président (M. Pilote): Non, non!
Mme Dolment: L'Assemblée nationale fait cela.
Le Président (M. Pilote): Qui que ce soit.
M. Choquette: Mais, madame, je dis ceci. Simplement une
distinction qu'il faut faire. On ne peut pas traduire toute la
législation sociale et refaire toute la législation sociale
à l'occasion de cette charte.
Mme Dolment: Ce n'est pas cela non plus. On vous demande
d'inclure certains droits fond amen-taux qui...
M. Choquette: Oui, je comprends. Mais vous me parlez
d'allocations sociales à $145 pour une femme avec cinq enfants...
Mme Dolment: Non, je vous donne un exemple. J'ai dit des
conditions de vie décentes qu'on demande...
M. Choquette: D'accord! Mais oui... Mme Dolment: ... dans la
charte.
M. Choquette: ... mais le principe est quand même
énoncé ici.
Mme Dolment: Pardon! C'est marqué... M. Choquette: Un
instant, madame! Mme Dolment: Je l'ai lu, cet article.
M. Choquette: Un instant! Doucement! Toute personne dans le
besoin a droit à des mesures d'assistance financière
prévues par la loi susceptible de lui assurer un niveau de vie
décent. Ceci, c'est l'article 41 qui...
Mme Dolment: Oui, je le connais par coeur.
M. Choquette: Oui, je comprends que vous le connaissiez par
coeur. /Mme Dolment: Mais ce n'est pas cela...
M. Choquette: Vous avez l'air de connaître beaucoup de
choses par coeur. Mais je vous dis
que ceci fonde tout le principe de la sécurité sociale. Je
ne peux pas, à la suite de cet article, y incorporer toute la
législation sociale, toute la tarification du ministère des
Affaires sociales en matière d'aide aux assistés sociaux et des
femmes en particulier.
Mme Dolment: Ce n'est pas cela qu'on demande.
M. Choquette: C'est cela que vous n'avez pas l'air de saisir.
Mme Dolment: Mais non! c'est parce que vous ne saisissez pas ce
que, moi, je veux dire. Je ne vous demande pas de mettre des détails de
montants, je vous demande de reconnaître des droits fondamentaux qui vont
faire que les femmes ne seront pas des assistées sociales, le droit aux
garderies.
M. Choquette: Mais...
Mme Dolment: Cela va vous éviter d'avoir des
assistées sociales, et vous n'en aurez peut-être même pas
besoin, de cet article. Le droit à l'autonomie financière. Que la
femme, quand elle est mariée, quand elle a de jeunes enfants, ait un
revenu, comme dans bien des pays du monde. En Suède, on donne un an de
salaire à la femme qui a de jeunes enfants. En Hongrie, on lui donne
trois ans, et, danstous les pays évolués, on commence à
avoir cela de plus en plus. Si on permet à la femme d'avoir des
garderies étatiques, elle pourra aller étudier, vous n'aurez pas
des assistées. Ce sera même économique pour l'Etat. Vous
n'aurez peut-être pas besoin de ces articles. On ne vous demande pas
d'avoir plus d'articles d'assistance sociale. Au contraire, c'est ce qu'on ne
veut pas. On n'en veut plus d'assistées sociales à la tonne. On
vous demande de nous donner des droits fon-damentauxqui vontfaireque, sansque
les enfants en souffrent parce qu'il faut penser aux enfants aussi
la femme ait une autonomie telle qu'elle ne sera plus l'éternelle
quêteuse, parce que qui est-ce qui demande, qui a besoin tout le temps?
Ce sont les femmes, parce qu'elles ont charge d'enfants. On vous demande, par
des droits fondamentaux, de décider si elle deviendra mère ou
non. Une femme qui ne peut pas être mere, pensez-vous que c'est normal de
l'obliger à être mère? Qu'allez-vous faire avec cela? Vous
allez faire des femmes qui vont aboutir à des dépressions
nerveuses, vous allez faire des enfants délinquants, ou vous allez
aboutir avec quoi? des enfants en foyers nourriciers, des femmes
assistées sociales, des femmes dans les hôpitaux. Cela va
coûter une fortune. Si vous avez donné le droit fondamental de la
femme à la femme de décider si elle devient mère ou non,
vous ne les auriez pas, tous ces problèmes.
C'est ce que nous avons dit dans le préambule, que votre charte,
elle est pathologique au lieu d'être préventive. Ce qu'on vous
demande, c'est de mettre des articles de droits fondamentaux qui vont faire que
ce ne sera plus pathologi- que, qu'on n'aura plus ces maladies de la
société. Mais vous, vous vivez un peu coupés des
problèmes, vous ne les vivez pas ces problèmes. Ce n'est pas vous
qui vous vous occupez des enfants, c'est votre femme. Mais vous ne savez pas ce
que sont les problèmes des femmes. Ce sont seulement des hommes qui vont
décider si oui ou non ils vont daigner intégrer les articles
qu'on a suggérés. C'est pour cela qu'on dit que c'est grave,
c'est un cercle vicieux. Si on n'a pas de garderies, on ne peut pas devenir
député. S'il n'y a pas de députés femmes, ils ne
peuvent pas comprendre nos problèmes. Ce n'est pas compliqué
à comprendre.
M. Choquette: Très bien!
Mme Dolment: On ne vous demande pas des lois
particulières, on vous demande des droits fondamentaux.
Le Président (M. Pilote): Ledéputéde
Maisonneuve.
M. Burns: Mads. Dolment, soit dit en passant, une question, je ne
veux pas blaguer, est-ce qu'on dit: Mesmads quand on s'adresse à...
Mme Dolment: Mads au pluriel; mettez un "s", c'est tout.
M. Burns: D'accord!
Je veux tout simplement vous dire que j'ai été très
impressionné par votre mémoire. Je le trouve très
substantiel. Je ne le dis pas à la blague. Je pense que c'est, à
toutes fins pratiques, une charte des droits de la femme au Québec qu'on
n'a jamais eu la possibilité d'examiner. Je ne me sens pas, je vous
l'avoue bien honnêtement, en mesure de commenter tous et chacun des
points que vous soulevez, sauf qu'au fur et à mesure que j'en prenais
connaissance je vous le dis bien humblement; j'en prenais connaissance
pendant que vous nous les livriez je trouvais qu'il y a
énormément d'endroits à l'intérieur soit de cette
loi-ci ou d'autres lois au Québec, où on pourrait trouver une
application très concrète aux suggestions que vous faites.
Entre autres, dans le cas de la législation actuelle, j'ai
trouvé vos remarques très pertinentes sur la présence des
femmes à la commission des droits de la personne qui sera
éventuellement formée. Je les trouve très justes, non
seulement à cause du fait qu'il y a au-delà de 50% des citoyens
du Québec qui sont des femmes, mais aussi à cause du fait que je
suis convaincu, de ce que vous disiez, que la majorité des cas de
discrimination au Québec s'exerce à l'endroit des femmes.
En ce qui me concerne, je peux vous assurer d'avance que l'Opposition
et j'espère que, depuis votre mémoire, le gouvernement le
fera également retiendra cette suggestion. Lorsqu'il sera temps
de nommer les personnes qui formeront la commission, on devra tenir compte
juste-
ment d'une présence importante des femmes à
l'intérieur de la commission des droits et des libertés de la
personne.
Je pense aussi que nous allons explorer votre suggestion qui est
très intéressante, par exemple, au droit à la
santé. Je ne suis pas en mesure de vous dire tout de suite, aujourd'hui,
comment je réagirais vis-à-vis de l'inclusion de cette suggestion
dans une charte des droits de la personne, mais je trouve que c'est un des
éléments corrolai-res au droit à la vie justement qui est
énoncé à un des articles.
Je me limite à ces quelques remarques. Je vous dis très
sincèrement et très honnêtement que je vais, avec mes
collègues de l'Opposition, réfléchir très
sérieusement à chacune des suggestions que vous faites. A
certains endroits, je vous dis tout de suite que je crois que vos suggestions
devraient, à mon avis, à première vue, faire partie d'une
autre loi que celle-ci. Là-dessus, je pense qu'il n'y a pas de querelle
entre le ministre de la Justice et moi. Je pense que ce sont les grands
principes qu'on doit énoncer dans une charte. Par contre, il y a
certains cas où vos suggestions entrent dans le détail, ce qui
n'est pas mauvais.
Mme Dolment: Pour les enfants.
M. Burns: Je vous félicite d'avoir saisi l'occasion et
d'avoir assailli cette assemblée d'hommes. Vous nous le reprochez, mais
ce n'est pas à nous qu'il faut reprocher le fait qu'il n'y ait pas plus
de femmes à l'Assemblée nationale. Je pense bien qu'il y avait
des femmes qui se sont présentées à l'élection pour
quelque parti que ce soit et qui n'ont pas été élues. Ce
n'est pas à nous d'en décider; c'est l'électorat qui en a
décidé ainsi. Mais je pense que, très sérieusement,
nous devrons réfléchir à chacune de vos suggestions. Je
n'en ai pas trouvé dans votre mémoire que je pourrais qualifier
d'hurluberlues; il n'y en avait pas, moi, en tout cas, je n'en vois pas. Je
pense que chacune de vos suggestions mérite qu'on s'y arrête,
qu'on les examine dans le cadre de cette loi-ci ou encore dans le cadre d'une
autre loi.
Particulièrement, sur le plan des garderies, je vous signale que
c'est une femme qui est chargée de cet aspect, actuellement. Vous
pourriez peut-être lui véhiculer vos idées
là-dessus. Elle est peut-être plus apte que nous à
comprendre cela.
Mme Dolment: Elle est toute seule, quand même, pour essayer
de faire passer cela, si elle est d'accord sur ce qu'on demande; c'est
difficile, elle est toute seule.
M. Burns: Elle est toute seule, elle a été quand
même appuyée par l'Opposition, soyez-en assurée.
Mme Dolment: Oui, oui.
M. Burns: Quand je dis l'Opposition, je parle de mon
collègue de Rouyn-Noranda, également, qui n'est pas de mon
parti.
Mme Dolment: Quand je parle du conseil des ministres, elle est
toute seule de femme pour faire passer une idée.
M. Burns: Oui, d'accord.
Mme Dolment: Je parle du conseil des ministres, où les
décision s se prennent quand même. Je ne sais pas si M. Choquette
est d'accord sur les garderies, est-ce qu'on peut savoir aujourd'hui?
M. Choquette: Je ne connais pas assez le problème.
M. Burns: Je veux simplement vous poser une question bien simple,
qui peut m'attirer vos foudres mais j'espère que cela ne le fera pas;
j'ai remarqué qu'au point de vue de la rédaction vous
suggérez à chaque fois qu'on parle de citoyens
qu'on dise aussi citoyennes; quand on parle d'homme, qu'on dise femme; quand on
parle de président, qu'on dise présidente, etc.
Mme Dolment: Oui, c'est important.
M. Burns: Est-ce que c'est parce que c'est une habitude
peut-être que c'est une habitude qu'on devra changer, remarquez
que nous avons dans la rédaction des lois c'est peut-être
le diagnostic que vous posiez qui cause cela c'est-à-dire que ce
sont des hommes surtout qui rédigent les lois? Mais est-ce que vous vous
opposez même au principe qui, de tout temps, a été reconnu
chez nous et sans aucune attitude vexatoire à l'endroit des
femmes que le masculin l'emporte sur le féminin, comprend le
féminin et, àtoutes fins pratiques, c'est un masculin qui est
neutre?
Mme Dolment: C'est justement, c'est parce que cela reflète
une société...
M. Burns: Oui...
Mme Dolment: ...et je pense que je ne suis pas la seule. Mme
Laurette Robillard...
M. Burns: Excusez-moi de vous interrompre, vous pourrez me
répondre après, je veux juste compléter ma remarque
là-dessus. Je pense, en tous cas avec la recherche qu'il y a
derrière votre mémoire et la compréhension surtout de
notre système qu'il y a derrière votre mémoire, que vous
devriez aussi être à même de vous rendre compte de certaines
difficultés purement et simplement juridiques, à ce stade-ci, que
cela pourrait comporter que d'amener cette nouvelle technique de
législation. En ce sens, il faudrait, sans aucun doute, réviser
l'ensemblede nos lois et surtout l'interprétation qu'on puisse en faire
à l'avenir, si, à chaque fois qu'on prononce un masculin, on
doive, lorsqu'on veut comprendre le neutre masculin qu'on avait avant, inclure
le féminin. Je me pose cela
comme question, uniquement au point de vue de la technique
législative.
Mme Dolment: C'est une complication qui vaut la peine, je
pense.
M. Burns: Oui, remarquez...
Mme Dolment: C'est sûr que c'est plus compliqué.
J'admets, c'est comme n'importe quoi qu'on change; passer du système
qu'on avait au système métrique, ne vous imaginez pas que ce
n'est pas compliqué.
M. Burns: Ah! oui, cela va être compliqué.
Mme Dolment: Parce que c'est plus simple, parce qu'on sait que
c'est l'avenir, c'est plus moderne, on prend le système métrique.
La même chose, si on veut obtenir l'égalité de l'homme et
de la femme, vous savez, les mots ont une force incantatoire et c'est
extrêmement important. Même la présidente du Conseil du
statut de la femme dit: II y a des hommes qui pensent que cette chose, ce sont
des chinoiseries; mais quand on voit affiché: On recherche disons, je ne
sais pas, un président de ceci ou un président de cela ou un
commissaire cela ne peut se dire que de telle façon c'est
évident que la femme ne pense pas à se présenter,
même si, dans l'esprit, c'est censé être un neutre qui
comprend le masculin et le féminin. Cela nous paraît important. Ce
sont des détails, si vous voulez, mais des détails qui, dans la
vie de tous les jours, conditionnent les comportements. Le langage, c'est
l'expression d'une culture et je pense qu'en changeant le langage on peut aider
à changer une culture.
M. Burns: Bon, en tous cas, je...
Mme Dolment: Maintenant, il y a peut-être une chose
à laquelle je pourrais répondre. Vous dites qu'il y a des
détails très particuliers dans ce qu'on suggère qui
iraient plus dans des lois particulières. On a été
conscients de cela, surtout en ce qui concerne les enfants. On avait des
détails, on sait qu'ils entrent plutôt dans une loi
particulière. Mais c'est peut-être par le biais, surtout pour
cela, qu'on fait des suggestions pour les lois particulières.
Quant aux autres articles qu'on a modifiés, M. Choquette, je
pense que c'est dans l'esprit d'une charte, la terminologie employée et
l'esprit d'ailleurs de chaque article qu'on a amené; c'est dans l'esprit
d'une charte. Avoir laissé de côté le droit à la
santé, je pense que la plupart des chartes du monde le reconnaissent. Le
droit au travail, c'est la même chose et même le droit à un
mariage égalitaire, elles le reconnaissent; dans la charte universelle
aussi, on le reconnaît. Je pense que cela entre dans une charte.
Alors, tout à l'heure, c'est parce qu'on s'est mal entendus; je
me suis peut-être emportée mais c'est que nous, nous voyons
vraiment des problèmes terribles. Alors, quand on voit que les hommes ne
comprennent pas, bien, vraiment, à ce moment-là, c'est
normal.
M. Choquette: Voici, madame, si mon collègue a
terminé...
M. Burns: Oui.
M. Choquette: Oui. Je voulais vous dire ceci: II faut faire la
distinction entre les principes qu'on peut énoncer dans une loi de ce
genre, qui se veut à portée générale, et des
principes qui n'ont pas leur place dans une telle loi, mais qui sont, par
ailleurs, valables. C'est pour cela que je vous ai dit que vous avez
soulevé tout le problème de la condition de la femme et je pense
que vous le faites à juste titre. Je ne mets pas en cause du tout
l'idée de soulever tout ce qui entoure la femme d'une certaine servitude
à l'heure actuelle. Je vous dis que j'admets avec vous facilement que
notre législation est en retard sur l'évolution sociale, en
particulier au sujet du statut de la femme. Il y a certaines choses
énoncées dans votre mémoire que nous pourrons retenir et
d'autres qui ne me paraissent pas avoir leur place. Cela ne veut pas dire que
je suis hostile à certaines de ces représentations ou de ces
principes que nous ne pourrions pas retenir pour cette loi. Je crois qu'au
contraire, dans le code civil et dans d'autres lois, il sera possible de
réviser le statut juridique actuel de lafemme pouréviterqu'elle
ne soit soumise un peu à cette condition de servitude que vous
dégagez un peu comme la trame actuelle de tout notre système.
D'ailleurs, je crois que cela transparaît quand vous dites que la charte
ne fait pas de place suffisante à proscrire la servitude. Cela n'est pas
parce que vous pensez qu'il y a un régime d'esclavage
littéralement compris, mais je crois que...
Mme Dolment: Pour certaines femmes, oui.
M. Choquette: Oui. c'est cela, sous une certaine forme. Cela
traduit votre...
Mme Dolment: Vraiment.
M. Choquette: ...pensée à ce niveau. Je
conçois très bien qu'on puisse requérirdu
législateur qu'il y ait un réexamen de l'ensemble de cette
question, d'autant plus que j'admets facilement que notre droit civil est
très en retard.
Mme Dolment: Plus que cela, M. Choquette. On veut enseigner cette
charte dans les écoles.
M. Choquette: Oui.
Mme Dolment: Si vous l'enseigneztellequelle, elle va
perpétuer une culture sexiste, en fait. La femme est non existante dans
votre charte. Je comprends que cela vous fasse peur qu'on ait soumis tant
d'articles. Par contre, la Ligue des droits de l'homme en avait autant à
modifier. Seulement, si vous voulez vraiment faire une charte où tous
les êtres sont égaux, vous serez obligés de prendre la
plupart des recommandations qu'on a faites. Justement, est-ce que je peux
savoir combien il y a de femmes qui ont participé à
l'élaboration de la charte dans vos services?
M. Choquette: I! y a eu...
Mme Dolment: Je veux dire les grands. Ne parlez pas des
secrétaires ou des aides ou des assistantes. Mais, parmi ceux qui
avaient la direction de la charte, combien aviez-vous de femmes?
M. Choquette: Enfin, je n'ai pas fait...
Mme Dolment: Y avait-il réellement des femmes qui ont
participé? Avez-vous vraiment consulté des organismes, pas
après qu'elle a été faite, avant?
M. Choquette: Oui.
Mme Dolment: Parce que je ne pense pas que le Conseil du statut
de la femme ait été consulté avant. Il a été
consulté après.
M. Choquette: Non, je les ai rencontrées. Mme Dolment:
Après.
M. Choquette: Non, avant. Il y a des femmes qui ont
participé à l'élaboration du projet de loi, mais non pas
en tant que femmes. Elles ont participé parce qu'elles ont
été consultées, dans certaines phases de la
préparation. Mais cela ne veut pas dire qu'elles avaient saisi,
peut-être, toute l'amplitude du problème que vous avez
soulevé.
Mme Dolment: Justement. C'est pour cela que nous disons que c'est
extrêmement important. En effet, si la charte est enseignée telle
quelle, cela sera la même chose que les manuels scolaires ou ce qu'on
voit dans les manuels. Pourquoi n'y a-t-il pas plus de femmes qui se
présentent ou qui sont portées à voter pour des femmes?
C'est parce qu'on leur a toujours dit que celui qui connaissait tout,
c'était l'homme. C'est pour cela. Si les femmes ne remportent pas, ce
n'est pas parce qu'elles ont moins de valeur que les candidats masculins qui se
présentent. C'est parce qu'on leur a toujours laissé croire,
depuis qu'elles sont hautes comme cela, que la femme, son rôle, c'est
à la maison. Même des femmes qui vont voir une femme se
présenter vont dire:Ce n'est pas une vraie femme, elle se
présente comme député. Parce que, depuis qu'elles sont
hautes comme cela, elles ont vu, dans les manuels scolaires, que la femme fait
la cuisine, prend soin des enfants et le mari dit bonjour. On voit le papa qui
part dans sa voiture et s'en va, lui, régler le sort du monde. La femme,
elle règle le sort de la vaisselle. Comment voulez-vous qu'ayant
été élevées avec des manuels scolaires comme
ceux-là, plus tard, les filles soient portées à voter pour
des femmes ou à avoir confiance en des femmes?
Si vous enseignez votre charte comme cela, vous allez perpétuer
la même discrimination. Si vous n'incluez pas les articles où on
parle spécifiquement des femmes justement par rapport à leur
rôle biologique, parce qu'on sait très bien que cela les prive de
liberté, je pense que votre charte en sera une pour hommes où,
encore une fois, je vous le dis, dans la province de Québec, les
Québécois sont libres, mais les Québécoises,
laissez-moi vous dire qu'elles ne sont pas plus libres que les communistes dans
d'autres pays.
M. Choquette: D'accord, madame. Merci beaucoup.
Le Président (M. Pilote): Est-ce qu'il y en a d'autres qui
veulent intervenir?
M. Burns: Merci, madame.
Le Président (M. Pilote): Merci, mesdames, et soyez
assurées que les membres de la commission et le Parlement vont prendre
bonne note de vos recommandations.
M. Burns: II est six heures moins cinq.
Le Président (M. Pilote): II est six heures moins cinq.
Est-ce qu'on pourrait suspendre les travaux de la commission jusqu'à
huit heures ce soir?
Il nous reste trois organismes, c'est-à-dire une personne
à titre individuel, quelques organismes regroupés et la
Fédération des femmes du Québec. Je crois que nous n'avons
pas suffisamment de temps pour le faire d'ici six heures trente.
La commission suspend ses travaux jusqu'à vingt heures, ce
soir.
(Suspension de la séance: 17 h 51)
Reprise de la séance à 20 h 20
M. Pilote (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs!
Nous allons entendre à présent M. Jean-Guy Rivest qui se
présente à titre personnel. M. Rivest.
M. Jean-Guy Rivest, à titre personnel
M. Rivest (Jean-Guy): M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés, j'aurais d'abor dune question à vous poser.
Je sais par expérience que vous jouissez de l'immunité
parlementaire; est-ce que la même chose nous est accordée?
M. Burns: Oui.
M. Rivest: Merci.
M. Marchand: Vous êtes inquiet?
M. Rivest: Je nesuis pas inquiet du tout; je suis le gars le plus
relaxé au monde.
M. Burns: Dans son cas, c'est important; c'est un
fonctionnaire.
M. Rivest: On n'est pas dans un Etat policier, il n'y a pas
à en sortir.
M. Marchand: Etes-vous un homme libéré?
M. Rivest: Oui, autant que ma femme.
M. Marchand: Alors, je pourrai être bloqué.
M. Rivest: D'abord, je suis bien heureux d'avoir
été convoqué ici à dix heures ce matin,
malgré que je passe à huit heures et demie. Cela m'a donné
l'occasion d'entendre le Barreau qui m'a ouvert bien des portes. Il a fait des
preuves que j'aurais eu de la difficulté à faire moi-même,
parce que je n'ai pas eu la chance, après mon classique, d'aller me
faire déformer pendant quatre ans par la faculté de droit. J'ai
choisi plutôt le vol, le vol aérien naturellement, comme
carrière.
C'en est assez pour les farces plates, je commence avec mon affaire.
Vous êtes en train d'étudier actuellement un projet de loi
sur les droits de l'individu, contre lequel je n'ai qu'une critique à
faire, c'est qu'il n'a pas la transcendance qu'il doit avoir. Par ce fait
même, il laisse la porte ouverte à l'arbitraire et à des
décisions gouvernementales qui sont laissées à des
fonctionnaires. Cela amène toujours certains sévices aux gens qui
font affaires avec ces gens-là.
Le Barreau nous a bien dit ce matin que cette loi ressemblerait beaucoup
à la Loi du Protecteur du citoyen. J'ai ici un joli paquet de lettres du
Protecteur du citoyen où, partout, il m'a donné raison. Or,
chaque fois qu'il m'a donné raison, il y a eu, soit une
"démotion" ou des sévices quelconques à subir. Je pense q
ue vous êtes pas mal au courant de toutes ces affaires-là.
La première fois où je suis allé chez le Protecteur
du citoyen et où j'ai reçu cette fameuse lettre en date du 21
février 1972, j'ai été quelques jours sans dormir parce
que je me suis dit: S'il fallait que par malheur, une bonne journée,
à titre de citoyen, je sois convoqué comme juré, comme
membre d'un jury, je me demande si, dans une cause criminelle, je ne me
retrouverais pas comme l'accusé criminel.
A la page deux de sa lettre, M. l'Ombudsman me dit: "Malheureusement, le
jury a porté son choix sur un autre candidat que vous
malgré que j'aie gagné le concours II arrive cependant, et
le fait ne manque pas à première vue d'étonner, que ce
candidat heureux était l'un des membres du jury." C'est la
première fois que je vois cela, un membre du jury qui gagne le
concours.
Cela m'est arrivé, mes chers messieurs. C'est un premier exemple
d'une loi qui est mal faite, d'une loi qui a des trous. Elle a le même
trou que celle que vous êtes en train d'étudier, c'est qu'elle ne
passe pas par-dessus les autres lois.
L'Ombudsman, cela fait au moins onze lettres qu'il m'écrit pour
m'avouer son impuissance. Il n'y a rien qui me fasse plus mal au coeur qu'un
homme qui écrit q u'il est impuissant. Je ne sais pas, mais cela me fait
mal au coeur. Je suis excessivement viril et je n'admettrai jamais que je suis
impuissant. Jamais, jamais, jamais. Je m'excuse, mais c'est cela, la
situation.
Pour revenir au sérieux encore une fois...
Le Président (M. Pilote): Avis aux
intéressés.
M. Rivest: Avis aux intéressés; à qui de
droit. Comme le disait l'autre il y a une autre lettre
recommandée que j'ai reçue cette semaine sans
préjudice.
Il y a eu un autre cas qui est un peu plus pathétique et qui est
beaucoup plus récent, c'est cel ui de ma femme. J'en profite pendant
qu'il y a bien des femmes et je vais essayer de défendre leurs droits
à elles aussi, un peu.
Ma femme, c'est un drôle de zigue. Elle est allée à
l'émission Appelez-moi Lise et cela n'a pas plu à certaines gens.
Elle est allée expliquer son cas. Cela fait trois ans que ma femme a
décidé de prendre comme carrière l'agriculture. C'est
rare; ce n'est pas commun. Elle est devenue cultivatrice, parce que son mari
n'était plus bon. Qu'est-ceque vous voulez y faire? J'ai
été opéré et je ne suis plus bon à rien;
donc, elle a décidé de gagner la vie de ma famille.
Elle s'est servie des lois et est allée voir un organisme
prêteur qui s'appelle l'Office du crédit agricole. Je ne sais pas
si vous connaissez cela. D'abord, cela a pris deux ans àfaire ouvrir le
dossier. Ce n'est pas long, c'est normal dans les délais
gouvernementaux. Cela a pris deux ans et il a fallu avoir recours au
député pour obtenir un accusé de réception. Le
dossier s'est ouvert puisqu'on a eu une lettre.
On lui disait toujours, verbalement: Vous n'êtes pas acceptable,
parce que vous êtes une femme mariée. Quand elle a reçu son
premier reçu, ce n'était plus à cause de cela.
C'était par écrit et ils ne pouvaient pas dire cela par
écrit.
On lui a dit que c'était parce qu'elle avait des lapins et que
des lapins ce n'étaient pas des animaux.
Je ne sais pas ce que c'est, mais ce n 'étaient pas des animaux.
Cela n'a pas de cornes. On a essayé d'en croiser un avec un boeuf pour
qu'ils aient des cornes, cela n'a pas marché. Qu'est-ce que vous voulez
que j'y fasse? Ce n'est pas ma faute.
Finalement, elle a fait une autre demande, cela a encore
coûté $5 et là elle a reçu une réponse
écrite disant que, premièrement, elle n'était pas bonne
administratrice ce qui est pas mal "libelleux" d'après moi
. Deuxièmement, on lui a cité le règlement qu'on a
essayé d'avoir, parce qu'on a essayé pendant deux ans et demi
d'avoir ce règlement et on n'était pas capable. On lui a
cité le règlement qui dit textuellement: Dans le cas où
l'emprunteur est une femme, il faut considérer que c'est le mari qui est
l'emprunteurtout comme si celui-ci était propriétaire de la
ferme, malgré que ma femme soit mariée en séparation de
biens et malgré que le contrat d'achat de la ferme soit à son nom
et malgré qu'on lui ait transféré un prêt agricole
à son nom parce qu'il y avait déjà un prêt agricole
sur la ferme qu'on a achetée.
A partir de cela, nous sommes allés à un conseil que le
gouvernement du Québec a formé, qui s'appelle le Conseil du
statut de la femme. Pendant trois mois, le Conseil du statut de la femme est
allé à l'Office du crédit agricole pour avoir ledit
règlement j'ai bien dit ledit règlement, je n'ai pas dit
le maudit, j'ai dit ledit on refusait toujours de le lui donner
jusqu'à ce que ma femme lui écrive le texte et lui dise à
quelle page on pouvait trouver cela. Là, on l'a trouvé. C'est
curieux, on l'a alors trouvé. J'ai ici une lettre du Conseil du statut
de la femme qui dit': "Ainsi, la politique de régie interne de l'Office
du crédit agricole est nettement discriminatoire pour la femme qui
exploite une ferme, cependant, le conseiller juridique m'informe qu'il est
impossible actuellement d'aller à l'encontre d'un tel règlement
puisqu'il constitue une annexe de la loi." J'ai une lettre de M. le ministre de
l'Agriculture, qui dit bien que ce n'est pas une annexe de la loi, mais bien
une ligne de conduite quant à l'interprétation de la loi, du
règlement, à l'intention des conseillers en crédit. "Il ne
faut donc pas vous surprendre que les officiers de l'office ne vous aient pas
transmis l'appendice en question si, de votre côté, vous demandiez
le règlement, d'autant plus que ledit appendice, comme je vous le
soulignais, est destiné aux conseillers en crédit, donc peut
être changé du jour au lendemain par l'Office du crédit
agricole." On a pris quatre ans pour dire: On va changer la loi et on ne l'a
jamais changée. Là, on vient de faire un changement et il n'en
est même pas question dans le changement. Je l'ai achetée à
coup de $0.50. Je veux vous dire que, tantôt, vous nous avez dit, M. le
ministre, que l'information était un droit sacré et que
l'information était disponible. Elle est disponible pour ceux qui ont de
l'argent pour payer. Parce que, chaque fois qu'on demande copie d'une loi, cela
coûte $0.50, $0.75 et des fois $2, et quand on veut toutes les avoir,
cela finit par coûter drôlement cher. Vu que tous les cultivateurs,
par définition, sont quasiment des assistés sociaux, ils n'ont
pas les moyensde se procurer cela.
On en était rendu là et on a pensé que
c'était pas mal fini et, une bonne journée, il y a un journaliste
qui était un peu plus curieux que les autres. Il aentendu parler de
cette affaire une journaliste du Soleil, pour ne pas la nommer
elle est arrivée chez nous et a fait un article, une pleine page
là-dessus. Cela a choqué les messieurs de l'Office du
crédit agricole. Ils n'étaient pas très contents. Ils
n'ont pas aimé cela du tout. Ils m'ont téléphoné
pour me dire que c'était un petit peu charrié, cette affaire.
Radio-Canada a ramassé cela. Radio-Canada a fait une interview d'une
demi-heure avec ma femme à la radio de Québec. Là,
naturellement, ma femme est aussi sarcastique que moi. Vous avez pu constater
qu'on aime cela faire desfarces. Chez nous on rit tout le temps. On est des
gens bien de bonne humeur, bien joyeux, aimant la vie. Alors, le
président de l'Office du crédit agricole a exigé du
directeur général de Radio-Canada à Québec que la
journaliste lui donne temps égal à la condition que ma femme lui
donne par écrit l'autorisation de sortir son dossier.
Moi je considère que l'Office du crédit agricole est un
organisme prêteur, comme toutes les compagnies, Household Finance,
n'importe quelle autre, pour ne pas en nommer d'autres, pour ne pas faire de
publicité gratuite. Naturellement, on lui a donné, comme
réponse, à Radio-Canada, qu'on lui permettrait
d'allersedéfendre à Radio-Canada à une condition, c'estque
ma femme soit présente lorsqu'il irait se défendre et qu'elle
puisse rétablir les faits s'ils étaient erronés.
Naturellement, vu que je suis un gars de relations publiques, j'ai
déjà été directeur des relations publiques, avant
de faire appel à l'Ombudsman, on m'a enlevé le poste comme
ça, quand je me suis plaint à l'Ombudsman, parce qu'on a dit que
c'était incompatible avec mes fonctions, à cause du code
d'éthique professionnelle des fonctionnaires qui vient de sortir. J'ai
été très prudent, j'ai écrit à mon patron
immédiat, M. Charles-Henri Dubé, lui disant que Radio-Canada
voulait m'interviewer pour défendre les intérêts de ma
femme. M. Dubé, lui, a été encore plus prudent que moi, il
est allé voir le sous-ministre, qui lui a fait répondre: "Pour
faire suite à votre note d'il y a deux jours, concernant votre
éventuelle participation à des interviews et tables rondes sur
l'agriculture, il m'apparaît opportun, après consultation avec le
sous-ministre, de vous recommander de vous abstenir de répondre aux
sollicitations des media. L'autorisation demandée ne vous est donc pas
accordée. "Charles-Henri Dubé, Directeur général de
l'édition".
J'ai donné cette réponse à Radio-Canada qui l'a
fait interpréter par le vice-doyen de la faculté de droit de
l'université Laval, qui a dit que mon sous-ministre avait erré en
droit, parce que le code d'éthique dit bien que le fonctionnaire ne peut
pas aller parler contre l'administration pour laquelle il travaille,
étant donné que j'étais aux Communications et non à
l'Agriculture, j'avais plein droit d'y aller.
Cela n'a apparemment pas plu à mon sous-ministre et, quinze jours
après, je me retrouvais dans les autobus scolaires au ministère
des Transports.
Cela résume un peu le dossier. Je trouve que ces lois-là,
avec des trous, font que lescitoyens, quand ils viennent pour s'en servir,
mangent une claque vous
savez où, chaque fois, ou encore un coup de pied à l'autre
bout. Cela finit toujours par faire mal, tellement que j'ai reçu une
belle lettre cette semaine qui, d'après moi, est une incitation à
contrevenir aux lois. Je la cherche. Cette lettreaété
envoyée par le conseiller juridique de l'Office du crédit
agricole, qui menace mon épouse je ne la trouve pas de lui
envoyer une lettre l'autorisant sans restriction pas en sa
présence à publier tout le dossier de ma femmedont ses
états financiers, naturellement, il y a trois et quatre ans, ce
qu'aucune compagnie prêteuse ne peut se permettre de faire par la
loi.
Je trouve qu'il y a des gens, au gouvernement, qui outrepassent leurs
droits, qui se servent de ces trous dans la loi pour opprimer les
contribuables. C'est ce que je ne voudrais pas qui arrive avec la loi actuelle,
la loi sur la protection du citoyen, qu'il soit citoyen ou citoyenne, comme on
l'a dit avec tellement d'éloquence cet après-midi.
J'espère qu'un jour nous aurons des lois qui ne permettront pas aux
fonctionnaires de botter les contribuables où ils n'aiment pas
être bottés. Est-ce possible?
Autrement, nous finirons parfaire même si les
Québécois, par nature, sont des gens bien patients et paisible
s un peuple de blasés. Or, réveiller de l'eau trouble,
ça fait de l'eau bien plus sale que de réveiller une chute. Une
chute, c'est clair, net, il n'y a pas de danger. Mais de l'eau calme comme les
Québécois, il y a toujours un peu de vase là-dedans et
quand on la brouille, ce n'est pas joli à voir et ça finit par
faire des révolutions. Quand les citoyens, à force de voir que
les lois n'ont pas de dents et que chaque fois qu'ils viennent pour s'en
servir, ça se retourne contre eux, ils prennent les armes et c'est
dangereux.
J'ai peur que la loi que vous étudiez fasse, comme la Loi du
Protecteur du citoyen, la Loi du Conseil du statut de la femme et les autres.
On a toujours des réponses comme: Je m'excuse, vous avez parfaitement
raison, mais nous sommes impuissants. Quand les citoyens vont voir qu'ils
paient à coupde je ne sais pas combien de millions pour payer nos
fonctionnaires, cela fait un joli paquet de millions, et que ce sont tous des
gars qui disent par écrit qu'ils sont impuissants, ils vont dire que
ça coûte cher pour l'impuissance. Mettons-en des puissants
à la place.
C'est à peu près, en résumé le message que
j'avais à vous transmettre. Je me suis dérangé de
Sainte-Croix pour venir vous dire cela parce que je suis en vacances.
Le Président (M. Pilote): Le ministre de la Justice.
M. Choquette: M. Rivest, je vous félicite de votre sens
civique, si je peux employer ce mot, qui vous motive au point de vous amener
à exposer les tribulations que vous avez vécues avec certains
partis de l'administration du gouvernement.
Je pense que vous l'avez fait d'une façon très
légitime et je suis sûr qu'aucun des élus du peuple ici
présents ne trouverait une espèce de motif raisonnable de
critiquer votre conduite, même si vous êtes fonctionnaire. Parce
qu'un fonctionnaire garde quand même son droit de parole et, pour ma
part, je suis content que vous ayez choisi d'apporter votre contribution
à l'étude de ce projet de loi.
D'autre part, je pense que vous allez admettre avec moi qu'il faut aussi
donner l'envers de la médaille, et là, je ne parle pas de votre
cas particulier, je parle plutôt de la fonction du Protecteur du citoyen.
Je puis vous dire que le Protecteur du citoyen est appelé à faire
des recommandations qui n'ont pas force contraignante à l'égard
des différents ministères du gouvernement; mais mon
expérience est que, généralement, une recommandation, une
suggestion, une constatation du Protecteur du citoyen sont suivies par les
différents ministères ou au moins par le ministère de la
Justice.
Je reçois, à intervalles réguliers, l'état
des demandes d'intervention du Protecteur du citoyen auprès du
ministère de la Justice, parce que différents citoyens se
plaignent de ne pas avoir reçu un traitement équitable de nos
fonctionnaires, ou enfin de l'administration publique, et je puis vous dire
que, dans l'immense majorité des cas et au moment où je vous
parle, je neconnais pas d'exception, je veux être quand même assez
réservé, c'est pour cela que je dis, dans l'immense
majorité des cas, au cas où il y aurait des exceptions, nous
donnons suite aux recommandations du Protecteur du citoyen.
C'est vousdire, M. Rivest, qu'en plaidant pour les citoyens, face
à l'administration publique, ce qui est tout à fait
légitime, il ne faudrait quand même pas dénaturer la
réalité et la valeur des interventions du Protecteur du citoyen.
Je vous dis ceci, en règle générale.
Maintenant, je ne sais pas si vous avez eu d'autres expériences
avec...
M. Rivest: Onze.
M. Choquette: Avec le Protecteur du citoyen, mais onze lettres au
sujet du même problème.
M. Rivest: Non, non, onze cas différents. M. Choquette:
Onze cas différents.
M. Rivest: Dans dix cas, on m'a donné raison sans jamais
porter action ni faire quoi que ce soit. Dans le onzième cas, on m'a dit
que j'avais erré.
M. Choquette: Un instant, M. Rivest. Me dites-vous que vous ou
votre épouse auriez eu onze cas où...
M. Rivest: Personnellement, j'ai eu onze cas avec l'Ombudsman et
ma femme en a eu un. Nous sommes ses gros, gros clients.
M. Choquette: II y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans
cette situation.
M. Rivest: Là, je suis bien d'accord avec vous. C'est
d'ailleurs la raison pour laquelle...
M. Choquette: Mais, ces onze cas, M. Rivest, font-ils partie du
même dossier...
M. Rivest: Absolument pas.
M. Choquette: ...de la même trame de... Ce sont tous des
cas distincts.
M. Rivest: A la suite de toutes sortes de pressions que j'ai
reçues de la part de mon employeur. Il y a même un cas qui est
assez cocasse, où j'ai dû participer au concours pour le poste que
j'occupais. Est-ce assez clai r pour vous? On a affiché, sans que je le
sache, dans les journaux, que le poste de di recteur des relations publiques
était ouvert au public, tous ceux qui voulaient se présenter
devaient avoir le minimum d'un cours universitaire et de dix ans de pratique en
relations publiques. Je suis un ancien professeur en relations publiques
à McGill.
J'ai pratiqué à Montréal en relations publiques
bien des années avant de venir au gouvernement du Québec.
Naturellement, je me suis senti attaqué un peu et j'ai
demandé pourquoi. La semaine avant que le concours ait lieu, je savais
la composition du jury. Il n'y avait pas un seul relationniste qui
siégeait au jury. Il y avait le directeur de l'administration de mon
ministère qui était du jury, qui venait justement d'écrire
à mon directeur général qui, lui, était
président du jury, pour lui dire que j'étais un con, ce qui fait
que, naturellement... Je suis un gars qui a bien le sens de...
M. Choquette: Si vous êtes un con, vous avez le sens de
l'humour.
M. Rivest: J'ai bien le sensde l'humour, maisj'ai écrit au
Protecteur du citoyen, avec une copie à la Commission de la fonction
publique, pour demander que le gars qui m'avait traité de con devant le
président de mon jury soit disqualifié, parce qu'il n'avait pas
les qualités pour être membre du jury. On l'a remplacé par
le gars qui m'avait avisé que la journée que j'avais
présenté ma première demande au Protecteur du citoyen,
parce que j'avais perdu un poste aux mains d'un membre du jury j'en
subirais les conséquences. Or, c'étaient les conséquences,
que je perdais mon poste de directeur des relations publiques.On l'a mis
à sa place. Vous avez vu à peu près quelle sortedejuryj'ai
eu. Je l'ai ici, la réponse de la Commission de la fonction publique,
qui me dit que je n'étais pas parmi les trois membres les plus aptes
à remplir le poste, alors que j'étais le seul des 18 candidats
qui était membre de la Société canadienne des relations
publiques, notre corporation professionnelle et celui qui a remporté le
poste n'était même pas admissible, puisque les exigences de base
demandaient un cours universitaire en relations publiques, ce qui fait 23 ans
d'âge, plus dix ans d'expérience, qui font 33 ans. Le malheureux
candidat qui a remporté le poste avait 28 ans. Est-ce assez pour vous?
Ce n'est qu'un exemple.
M. Choquette: M. Rivest, est-ce que c'est avec le
ministère des Communications que vous avez eu...
M. Rivest: Oui, monsieur.
M. Choquette: ...ces occasions de collision?
M. Burns: Et de la Fonction publique?
M. Rivest: Et de la Fonction publique. J'ai même eu bien
plus que cela. J'ai même eu un huissier chez nous pour un compte de $49
dans l'exercice de mes fonctions, pour une facture que je n'avais même
pas signée.
M. Choquette: M. Rivest, permettez que je vous pose quelques
questions. Etes-vous déjà allé voir votre ministre avec
ces problèmes?
M. Rivest: Je lui ai demandé quatre rendez-vous, ils m'ont
été refusés tous les quatre.
M. Choquette: Est-ce que le Protecteur du citoyen...
M. Rivest: J'aurais aimé qu'il soit là, parce qu'il
était ici ce matin, et cela aurait été le "fun".
M. Choquette: ...a refusé d'intervenir ou, enfin, n'est
pas intervenu dans les...
M. Rivest: II est intervenu à peu près dans tous
les cas.
M. Choquette: A-t-il fait des recommandations précises
à l'administration?
M. Rivest: Non, même dans une lettre, il a
été très clair, il a dit... Je ne pense pas que je l'aie
ici celle-là. ll a dit, dans un paragraphe: "II est évident,
après enquête, que l'administration de votre ministère
j'ai une maudite mémoire se sert de son pouvoir
discrétionnaire systématiquement en votre défaveur". Cela
a fini là. Il n'y a pas eu de recommandation à l'effet que cela
change. Cela n'a pas changé non plus, de sorte que...
M. Choquette: Dans cette lettre précise, à ce
sujet, est-ce qu'il a dit: J'ai fait des recommandations à votre
ministère...
M. Rivest: Non.
M. Choquette: ...ou est-ce qu'il a dit: Je ne peux pas en
faire...
M. Rivest: II m'a dit qu'il était impuissant, puisqu'il
n'avait aucune autorité sur les relations entre patrons et
employés.
M. Choquette: Est-ce que vous êtes protégé
par une...
M. Burns: Non, c'est un cadre.
M. Rivest: Non, je suis un cadre. "I got framed", comme ils
disent en anglais. Je suis un cadre.
M. Choquette: Est-ce que la Commission de la fonction publique
n'aurait pas une compétence à...
M. Rivest: C'est à vous à répondre. Moi, je
la
trouve incompétente, mais c'est à vous à
répondre, si elle a la compétence.
M. Choquette: Blague à part... M. Rivest: Je la garde, ma
blague. Une Voix: II a un bon caractère.
M. Choquette: Avez-vous exercé des recours à la
Commission de la fonction publique?
M. Rivest: Oui, j'y suis allé souvent. Même la
recommandation qu'ils m'ont faite a été de démissionner
comme cadre, de perdre toutes mes prérogatives et de redevenir un
fonctionnaire, protégé par le syndicat. Je perdais seulement
quelques mille dollars de salaire et tous les avantages sociaux, ce que j'ai
refusé assez allègrement, remarquez bien. J'ai continué
à être cadre, mais sans employés.
M. Choquette: Maintenant, vous avez été muté
au ministère de l'Education?
M. Rivest: Non, au ministère des Transports. Je m'occupe
des autobus jaunes.
M. Choquette: Aimez-vous cela, là?
M. Rivest: J'adore cela. Pour un ancien pilote, des autobus
jaunes, il n'y a rien de mieux que cela.
Une Voix: Cela vole bas.
M. Rivest: Cela vole bas, un peu, mais cela ne fait rien. C'est
moins dangereux. Mes premiers cours, quand ma mère m'a vu partir comme
pilote, elle m'a dit: Vole bas, puis tranquillement.
M. Choquette: Vous n'avez pas suivi son conseil?
M. Rivest: Non, parce que je tenais à vivre.
M. Choquette: Ecoutez, M. Rivest, j'aimerais bien prend re
connaissance de votre dossier personnel. Je me sens quand même une
responsabilité de voir qu'il existe un minimum de justice à
l'intérieurdu gouvernement, même si je n'ai pas toujours le
pouvoir légal.
M. Rivest: Remarquez bien que je l'apprécierais bien
gros.
M. Choquette: Mais j'aimerais cela, si vous vouliez m'envoyer
votre dossier, même venir me le porter personnellement, pour me
l'expliquer avec un peu plus de détails et voir enfin ce qu'il y a
là-dedans.
M. Rivest: Remarquez bien que je ne m'attends pas d'avoir une
promotion, à la suite de mon intervention.
M. Choquette: Non, non! Je ne fais pas de promesse, mais sans
avoir un pouvoir légal, j'aimerais examiner le fond du problème
qui vous concerne. Maintenant, pour la loi, vous nous faites des suggestions
que je vais prendre en considération. Il y avait aussi le cas de votre
épouse relativement à l'Office du crédit agricole.
M. Rivest: A ses lapins, qui ne sont pas des humains.
M. Choquette: Je tiens à vous dire ceci. Que la loi soit
transcendante ou non à l'égard d'autres lois, il est
évident que les dispositions antidiscriminatoires du projet de loi no 50
s'appliqueraient à l'administration publique, dans ce sens que, si cette
loi était en vigueur à l'heure actuelle, il serait interdit
à l'Office du crédit agricole d'exercer une discrimination pour
la raison que votre épouse est une femme mariée. Je pense que
vous saisissez la portée du projet de loi.
M. Rivest: Pour votre information plus complète, j'ai ici
une lettre signée par un ministre de votre cabinet.
M. Choquette: Un ministre?
M. Rivest: Oui, un ministre. Elle a huit pages, elle a
coûté $0.64 de timbres, imaginez-vous, un nommé Toupin, qui
me dit qu'il a consulté l'Office du crédit agricole. Il
m'écrit huit pages de menteries. C'est pour cela que je vous ai
demandé si on avait la protection de l'Ombudsman. Je n'en ai
relevé que 18 dans huit pages, ce n'est pas gros. Elles sont toutes
là. Les dossiers qui sont là, ils sont là pour le
supporter, je suis prêt à le faire n'importe quand, d'ailleurs. Je
l'ai demandé, parce que la lettre que j'ai reçue du conseiller
juridique de l'Office du crédit agricole me donne dix jours, dans son
chantage, pour l'autoriser à faire ce qu'il n'a pas le droit de faire,
de publier dans les journaux l'état financier de ma femme. J'ai
écrit une lettre recommandée, parce que cela m'était
envoyé à moi et non pas à ma femme, la lettre du ministre,
mais il faut que je vous dise pourquoi, par exemple, le ministre m'a
écrit.
C'est que, moi aussi, je suis un peu effronté, à la suite
de tout cela, les refus qu'on a faits à ma femme, les refus de lui
remettre de l'information. Je me suis basé sur une déclaration de
mon cher ministre des Communications, Jean-Paul L'Allier, pour qui j'ai
travaillé quatre ans travailler dans la fonction publique, c'est
un mot qu'on devrait éviter d'utiliser, d'ailleurs j'ai
été à la Fonction publiquequatre ans avec lui et il a fait
des déclarations, à plusieurs reprises, dont une à
l'Université Laval aux étudiants en journalisme, je pense que
vous l'avez couvert, vous autres, où il disait que le droit à
l'information c'était sacré pour les citoyens. Je suis parti de
cela je l'ai ici en quelque part dans ce patatras, je disais donc: Etant
donné que l'Office du crédit agricole a refusé et à
ma femme et au Conseil du statut de la femme et à l'Ombudsman de leur
remettre ledit article dont je donnais la pagination, 100-3 du livre des
agronomes inspecteurs, M. le ministre dit ici textuellement: "II ne faut pas
vous surprendre que les officiers de l'Office ne vous ait pas transmis
l'appendice en question, si, de votre coté, vous avez demandé le
règlement, d'au-
tant plus que led it appendice que je vous souligne est destiné
aux conseillers en crédit". C'est exactement ce que j'avais dit. J'ai
demandé la démission de ces chers di recteurs de l'Office du
crédit agricole et cela a l'air que ça ne leur a pas plu, je ne
sais pas pourquoi. Je ne comprends pas, mais cela ne leur a pas plu. De sorte
qu'on m'a envoyé cette lettre recommandée que j'ai reçue,
hier. Naturellement, il a fallu que je demande une injonction, et là je
parle vite, parceque, probablement, dans quelques heures, probablement huit ou
neuf heures, Me Shoofey, à Montréal, aura émis une
injonction contre l'Office du crédit agricole, pour l'empêcher de
mettre sa menace à exécution. Parce que moi, je ne veux pas voir
le budget de ma femme dans les journaux, même s'il est bien beau, son
budget. Parce que l'impôt me poignerait.
M. Choquette: Je ne le dirai pas au ministre du Revenu.
M. Rivest: Vous m'avez dit tantôt: Vous ne pouvez pas vous
servir de cela. D'accord?
M. Choquette: On peut s'en servir, mais...
M. Rivest: Farce à part, je vaisfaire mon rapport
d'impôt, mais je ne veux pas voir l'état financier de ma femme
parce que je ne veux pas voir le vôtre sur les journaux.
M. Choquette: Bon, écoutez, M. Rivest, sur l'affaire de
l'Office du crédit agricole, il s'agit d'un autre problème. Si le
ministre de l'Agriculture me consultait, en tant que ministre de la Justice et
conseiller juridique du gouvernement, je lui donnerais mon avis juridique.
M. Rivest: Oup! Attendez un peu! A la huitième page de sa
docte lettre, M. Toupin dit: Copie au ministre de la Justice.
M. Choquette: Alors...
M. Rivest: II a envoyé d'autres copies aussi, il en a
envoyé une au député de Lotbinière et une au
président de l'Office du crédit agricole.
M. Burns: II n'en a pas envoyé aux députés
de l'Opposition?
M. Rivest: Non, mais cela n'est pas important pour lui.
Maintenant, avant de...
M. Burns: M. Rivest... M. Rivest: Oui...
M. Burns: ...me basant sur l'affirmation faite à deux
reprises par le ministre de la Justice depuis nos travaux d'hier, que
l'Opposition est sûrement très vaillante et sûrement ne
permettra pas que le gouvernement abuse de ses droits, etc., me basant sur
cette affirmation du ministre de la Justice qui semble être d'accord sur
la vaillance avec laquelle nous surveillons le gouvernement, est-ce que vous
accepteriez, avec le même courage que vous avez eu de venir nous exposer
votre problème, d'envoyer une copie de toute cette documentation
à l'Opposition, soit à la personne qui vous parle ou un autre
député de l'Opposition, en qui vous auriez plus confiance?
M. Rivest: Pensez-vous que l'Office du crédit agricole me
permettrait de me servir de la machine à photocopier?
M. Burns: Je peux vous offrir ouvertement et publiquement que, si
vous passez par mon bureau, on s'occupera de faire faire les photocopies
nécessaires, si vous avez des difficultés à les faire.
M. Rivest: Cela me fera plaisir et cela me fera plaisir de rendre
la pareille au ministre de la Justice et à tous les autres ministres qui
en voudront. Même que ma première tentative avait
été un petit peu fantasque je suis toujours fantasque, de
toute façon, il ne faut pas s'en faire quand le Protecteur du
citoyen m'a dit que j'avais été l'heureux gagnant et que
c'était un membre du jury qui avait eu le job, mon réflexe a
été le suivant: J'ai répondu au Protecteur du citoyen
d'abord pour le féliciter et rétablir certains faits; puis, j'ai
pris cela et j'ai marqué en bas que j'envoyais une copie aux chefs des
quatre partis. Ce qui fait que M. Bourassa en a reçu une; dans le temps,
Jean-Jacques Bertrand était vivant; mon confrère, le...
M. Burns: Laurin.
M. Rivest: ...psychiatre Camille Laurin était le
président du PQ et, chez les créditistes, c'était...
M. Burns: Camille Samson.
M. Rivest: Je ne sais pas s'il n'y avait pas un intérim
dans le temps, en tous cas, il y avait quelqu'un là. J'ai envoyé
cela aux quatre partis et il n'y en a rien qu'un qui l'a sorti, je pense que
c'est M. Burns qui a sorti cette affaire-là aux crédits de...
M. Burns: Oui, je me rappelle...
M. Rivest:...la Commission de la fonction publique.
M. Burns: ...simplement pour replacer les choses, c'est...
M. Rivest: Maintenant, c'est encore un acte...
M. Burns: ...Camille Laurin m'avait remis une copie de votre
correspondance; je n'avais pas...
M. Rivest: C'est un acte assez courageux, je pense, que j'avais
posé dans ce temps-là aussi, pour ne pas dire fantasque. Parce
que, dans le temps, le ministre de la Fonction publique était
également le ministre des Communications, mon patron, à qui
j'avais demandé un rendez-vous dans le train. Je l'avais
rencontré dans le train de Montréal-Québec; il
m'a dit: Certainement, je te rencontrerai, on va en parler. Puis, on n'a
été rien que trois heures dans le train, il n'a pas eu le temps
de me parler; deux, trois verres de scotch, et on n'a pas eu le temps de se
parler. Cela fait qu'on est sorti du train et on ne s'est pas revu. En sortant,
je lui ai dit: Bon, vu qu'on ne s'est pas rencontré, pourrait-on se
rencontrer dans votre bureau? Il dit: Je t'appellerai. On est rendu au 22,
quasiment le 23, de janvier 1975 cela, c'était en 1972 et
je n'ai pas encore été appelé.
M. Choquette: Alors, écoutez, M. Rivest, je pense que, de
part et d'autre, nous allons prendre connaissance de...
M. Rivest: J'aurais une suggestion à vous faire. M.
Choquette: Oui?
M. Rivest: Mes prédécesseurs, les dames, ont fait
une suggestion assez intelligente quant à la composition du futur
comité, de la future commission. J'en aurais une autre à vous
faire. A cause de mes expériences passées, et parce que j'ai
réalisé que le Protecteur du citoyen et la présidente du
Conseil du statut de la femme sont deux doctes diplômés de la
faculté de droit, je réalise que 90%, pour ne pas dire plus, des
diplômés de la faculté de droit ont un but dans la vie,
c'est de monter sur le banc, surtout s'ils sont polis avec le gouvernement,
cela fait que je vous demanderais, pour la protection du citoyen, d'en mettre
le moins possible, des avocats, là-dedans. Est-ce possible?
M. Burns: Ahl oui, il a raison.
M. Rivest: Je suis sûr que lorsque vous allez former cette
commission, il va y avoir un bon contentieux. Vous voulez la preuve? A l'Office
du crédit agricole, il y a un contentieux qui est fantastique. Le
directeur du contentieux nous fait chanter et essaie de nous faire violer la
loi.
Il va y avoir un très bon contentieux et même si c'est un
cultivateur qui est président ou une femme, il ou elle va être
beaucoup plus porté à aller voir le contentieux qu'un docte
diplômé de la faculté de droit qui n'a pas pratiqué
depuis quinze ans. Lui, il sait tout, il connaît toute la loi et il
l'interprète. Vous savez comment c'est, hein? Lui, il ne va pas voir le
contentieux, il dit: Moi, je connais cela, je l'ai. La science infuse, on
l'a.
Je vous conseillerais, en toute humilité je ne veux pas
vous donner des ordres mais je vous conseillerais d'en mettre le moins
possible. Il y en a déjà assez au Parlement, hein?
M. Choquette: II y en a de moins en moins.
M. Burns: II y en a plus que dans l'autre Parlement.
M. Choquette: Non, il y en a moins.
M. Burns: Oui, il y en a plus. La maladie nous revient...
M. Choquette: Non, non. La proportion d'avocats, au gouvernement,
a tendance a baisser.
M. Rivest: Je n'ai rien contre les avocats.
M. Burns: II yen avait 18 dans l'ancien Parlement et il y en a
plus maintenant.
M. Rivest: Je ne veux pas vous critiquer, mais en
général, ceux qui montent sur le banc et je ne voudrais
pas que le banc m'accuse c'est parce qu'ils ont eu le moins de jugement.
Je m'excuse, mais...
On a eu des cas récents, des membres d u cabinet qui sont
montés sur le banc et cela n'a pas toujours été...
M. Choquette: C'est une affirmation à
l'emporte-pièce.
M. Rivest: Elle est gratuite.
M. Choquette: Merci beaucoup, pour ma part.
Le Président (M. Pilote): Merci, M. Rivest...
M. Burns: Elle est gratuite, mais elle est défendable.
Le Président (M. Pilote): Soyez assuré qu'on va
prendre note de vos revendications.
M. Burns: Quand il parle entre autres, de ceux qui étaient
dans le cabinet avant, je partage cette dernière opinion.
M. Choquette: Oui? Eh bien, pas moi.
Le Président (M. Pilote): Merci, M. Rivest. J'inviterais
à présent...
M. Burns: M. Rivest, vous n'oubliez pas de nous faire parvenir
une copie de la correspondance.
M. Rivest: Scrupuleusement.
M. Burns: J'aimerais bien l'avoir en tout cas.
M. Rivest: Scrupuleusement.
Le Président (M. Pilote): C'est le Président qui
vous parle, votre dernière suggestion, voulez-vous l'envoyer à Me
Choquette et à Me Burns, concernant la hausse des avocats dans le
gouvernement?
M. Rivest: Vous voulez qu'ils l'aient par écrit?
Le Président (M. Pilote): Oui.
M. Rivest: D'accord.
Le Président (M. Pilote): J'inviterais à
présent Mme Raymonde Lasalle, de la fédération es femmes
du Québec, à bien vouloir s'avancer et présenter, s'il y a
lieu, celles qui l'accompagnent.
Fédération des femmes du
Québec
Mme Lasalle (Raymonde): M. le Président, M. le ministre,
MM. les députés, je vais vous lire le mémoire, parce que
je présume que vous ne l'avez pas tous lu. C'est peut-être une
déformation professionnelle d'avocat vis-à-vis des juges, quant
aux procédures, mais en tout cas.
Le Président (M. Pilote): Vous allez identifier celles qui
vous accompagnent, à la demande du député de Laurier.
Mme Lasalle: Avec plaisir. Ghislaine Patry-Buisson, qui est la
présidente de la Fédération des femmes du Québec,
à ma gauche. A ma droite, Mme Huguette Roy.
Le Président (M. Pilote): Merci.
Mme Lasalle: Donc, je commence. La Fédération des
femmes du Québec, corporation sans but lucratif, qui regroupe 23
associations féminines et 500 membres individuels représentant
130,000 personnes, vous soumet respectueusement:
Inutile de vous rappeler que la société n'a pas
intégré encore à part entière près de la
moitié de ses citoyens, les femmes. Nous n'avons qu'à constater
leur absence dans les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire
de l'Etat pour nous en convaincre. Nous n'entendons pas donner des
explications, ni blâmer qui que ce soit, il s'agit tout simplement d'une
question de fait.
Le seul but de notre intervention est de participer à
l'amélioration du système pour donner à chacun, sans
distinction, l'occasion de vivre libre dans le respect des valeurs
humaines.
Malheureusement, la fédération n'entend suggérer
généralement que des amendements visant l'intérêt
des femmes. Ce n'est pas qu'elle ferme les yeux sur les autres maux de la
société concernant entre autres les vieillards, etc.
mais le temps nous manquait pour étudier et présenter un
mémoire sur tout autre sujet, d'ailleurs intéressant.
Ceci étant dit, vous trouverez ci-après les amendements
suggérés. Nous avons présenté notre mémoire
pratiquement sous forme de plan pour que ce soit plus clair pour tout le monde
et nous avons aussi certaines modifications à vous suggérer au
fur et à mesure de la lecture du mémoire.
Dans le préambule de la loi qui fait toujours partie d'une loi
comme disait M. le ministre de la Justice le préambule de
la loi fait toujours partie de la loi. Il sert tout au moins à donner
des indications sur la portée et le sens de la loi, ce qui peut
évidemment, influencer énormément l'interprétation
que nos tribunaux, nos juges vont donner à la loi.
Dans les considérants, nous avons donc trouvé important de
proposer certaines modifications. Dans le second considérant, un terme
est utilisé. Considérant que tous les hommes sont égaux en
valeur et en dignité, nous suggérons de remplacer "homme" par
"être humain". Ce n'est pas une lutte épique à faire
jusqu'en cour Suprême, remarquez bien, mais c'est assez significatif,
comme vous le soulignait d'ailleurs Mme Dolment, qui est venue parler tout
à l'heure. Ce n'est pas que nous entérinons tout ce qu'elle dit,
remarquez bien, mais ce n'est pas non plus que l'on n'appuie pas ce qu'elle
dit, mais c'est tout de même assez significatif de la terminologie et des
façons de penser de la société. Alors, au lieu d'utiliser
le terme "homme", on vous suggère d'utiliser le terme "être
humain". Pourquoi "être humain" plutôt que personne? C'est que,
dans la loi d'interprétation, le mot "personne", qui est d'ailleurs
utilisé grandement dans la loi, semble vouloir comprendre les individus
et les corporations. Remarquez que je vous dis cela pour ce que cela vaut,
puisque vous avez toujours utilisé le terme "personne", mais c'est pour
cela qu'on a choisi tout simplement "être humain". Alors, vous pourriez
très bien indiquer le mot "personne". On y tient jusqu'à un
certain point. Donc, remplacer quand même le terme "homme" par "personne"
ou "être humain ".
Il s'agirait maintenant d'ajouter un considérant additionnel
après le deuxième considérant. Ce troisième
considérant devrait se lire comme suit: Je vais le prononcer
assez lentement pour que vous puissiez en prendre note, car il est très
important. Considérant que les femmes et les hommes sont
également responsables d'eux-mêmes, de la famille et de la
société, ils sont titulaires de droits égaux.
Nous avons tenu à l'inscrire dans les considérants, parce
que ce considérant énonce un principe qui n'est pas reconnu dans
les faits, dans la société actuelle. Vous allez me dire qu'il n'y
a personne qui va nier que les femmes ont certaines valeurs. Il n'y a pas de
doute, mais ce n'est pas reconnu dans les faits. Les femmes ne participent pas
comme citoyennes à part entière à la
société. Alors, nous voulions que ce soit inscrit
expressément que ce considérant qui se lit encore comme suit:
Considérant que les femmes et les hommes sont également
responsables d'eux-mêmes, de la famille et de la société,
ils sont titulaires de droits égaux. Autrement dit, presque, les hommes
et les femmes sont égaux. C'est pour assurer que les lois
postérieures et la charte soient interprétées sans aucune
exception possible dans ce sens.
Dans le statut, nous sautons immédiatement à l'article 11.
Je ne vous relis pas l'article 11, vous vous êtes fait lire cet article
sûrement à plusieurs reprises et vous le connaissez sans doute par
coeur. Il y aurait lieu d'ajouter, après le premier paragraphe, "statut
civil". Je pense qu'en écoutant M. le ministre Cho-quette, cela semble
presque chose acquise. J'aimerais bien me le faire confirmer, remarquez bien.
C'est acquis?
M. Choquette: Presque.
Mme Lasalle: Presque. Cela dépend évidemment. Il
faut que cela soit voté, mais, tout de même, ce sera
suggéré avec insistance.
M. Choquette: Oui, en effet. Je crois qu'il y a beaucoup de
mérite dans cette suggestion.
Mme Lasalle: Cela répond, évidemment, à un
besoin. Il n'y a pas de doute. Nous n'avons pas
indiqué "âge". Nous aimerions ajouter également
"âge", que nous n'avons pas indiqué dans le mémoire parce
qu'également, tous les jours, il y a de la discrimination qui est
exercée, pas seulement contre les femmes, dans ce cas-là.
Par exemple, dans certains cas, on refuse l'accès aux
études supérieures à cause d'un certain âge de
l'individu.
Dans le cas d'accès aux fonctions, aux "jobs", on refuse
d'engager une personne à cause de son âge. Remarquez bien qu'on
peut refuser une fonction à une personne, parce qu'elle n'est pas en
pleine santé, mais, à cause de son âge, cela ne me semble
pas justifié. Alors, nous suggérons évidemment de
l'ajouter.
Il y aurait lieu également d'ajouter c'est une mention qui
n'a pas été indiquéedans letextequ'on vous a soumis
dansl'article11:"Toute personne a droit à la reconnaissance et à
l'exercice en pleine égalité des droits et libertés de la
personne, sans distinction, exclusion, préférence, fondé,
notamment ou entre autres" parce que les fameux exemples de discrimination que
vous avez donnés sont connus, sont presque reconnus maintenant
unanimement, mais on peut supposer qu'il y a d'autres cas de discrimination qui
ne sont pas ici indiqués, qui pourraient se présenter
sûrement dans l'avenir, auxquels on n'a peut-être pas
réfléchi et qui ont pour conséquence, vraiment, de priver
une personne dans l'exercice de ses droits.
J'ajouterais le terme "notamment" pour couvrir des choses qu'on ne
prévoit pas immédiatement. Ce sera toujours au juge à
l'interpréter, évidemment, mais c'est interprétable. De la
discrimination, c'est de la discrimination.
L'article 14: "Nul ne peut, par discrimination, refuser de conclure un
bail ou autre acte juridique". On vous suggère d'amender, pour ajouter:
"Nul ne peut, par discrimination, refuser directement ou indirectement de
conclure un bail ou un autre acte juridique". Cet amendement a pour but de
couvrir les cas de refus déguisés par une acceptation de conclure
un acte juridique, mais à des conditions exorbitantes. On peut
très bien dire: Madame, très bien, on va vous louer le logement,
mais au lieu de vous le louer $150, on vous le loue à $325 par mois.
C'est un exemple forcé et un peu maladroit, mais c'est pour vous montrer
qu'il y a bien des façons de déguiser un refus de conclure tout
acte juridique, parce que tout acte juridique couvre tous les actes juridiques
au sens de la loi. Il y a bien des façons de refuser subtilement un
acte, de conclure un acte juridique, par discrimination.
L'article 16. Nul ne peut exercer de discrimination dans l'embauche,
l'apprentissage, etc. Nous suggérons d'ajouter "recrutement" avant
"embauche". Malgré ce que semble avoir dit la ligue parce que
j'ai lu rapidement le mémoire, je ne l'ai pas entendue présenter
son mémoire ce matin nous avons trouvé que le texte de loi
nous apparaissait assez fréquemment une mauvaise traduction
peut-être que le terme mauvais est un peu fort mais une traduction
littérale du texte anglais. Il semble après en avoir
discuté avec une personne d'expression anglaise que le terme an-
glais "hiring" pouvait comprendre "recrutement" alors que le terme
français "embauche" ne le comprend pas. Avant d'embaucher quelqu'un, il
faut recruter la personne. Cela peut couvrir un tas de facteurs. Cela peut
couvrir autant une annonce sur un babillard, que cela peut couvrir
également la publicité, également les questionnaires qui
seront présentés aux personnes.
Le terme "recrutement" semble couvrir l'étape avant l'embauche,
si vous voulez.
L'article 43: "Tous doivent recevoir un traitement ou un salaire
égal pour un travail égal". Nous suggérons que cet article
soit amendé comme ceci: "Tous doivent recevoir des rétributions
et avantages équivalents pour un travail équivalent et
exécuté dans des conditions équivalentes".
Cet amendement a pour but de couvrir les avantages sociaux et les
conditions de travail qui pourraient ne pas être équivalents pour
des individus occupant sensiblement les mêmes fonctions.
On a fouillé dans le dictionnaire Robert pour essayer d'avoir le
terme le plus large possible pour couvrir les salaires et toutes formes de
rétribution d'un emploi. Rétribution semblerait le terme assez
général pour couvrir tant salaire que rémunération,
que toute forme de paiement, toute forme de paiement en contrepartie d'un
service fourni.
Nous vous suggérons "rétribution et avantages", parce
qu'on pourrait supposertrès bien le cas où la personne aurait le
même salaire, mais n'aurait pas les mêmes bénéfices
marginaux. C'est pour cela qu'on vous indique "avantages équivalents"
pour un travail équivalent évidemment, parce qu'on pourrait
très bien, pour desfonctions à peu près
équivalentes ou des responsabilités à peu près
équivalentes, coiffer la fonction de termes différents. C'est
pour cela qu'on vous indique "fonction équivalente"
exécutée dans des conditions équivalentes, parce qu'on
pourrait également... Deux personnes qui ont les mêmes
responsabilités pourraient, par exemple, avoir des conditions
matérielles tout à fait différentes. Une pourrait
travailler au sous-sol, par exemple, l'autre, occupant les mêmes
fonctions, pourrait travailler au troisième étage avec des
grandes vitres. C'est un détail, mais cela a quand même son
importance.
C'est pour couvrir tous les cas possibles de discrimination qui
entourent le travail.
L'article 45. Oui, l'article 45, je me répète, je
répète ce que beaucoup de gens, d'organisations sont venus
débattre ici. Le premier paragraphe de l'article 45 nous apparaît
très satisfaisant, parce qu'il ne restreint pas l'interprétation
de la charte aux droits énoncés, mais plutôt même
d'autres droits qui ne sont pas prévus dans la charte.
Au paragraphe 2, nous suggérons une modification qui serait
celle-ci: "Elle ne doit pas non plus s'interpréter de
manièreàaugmenter, restreindreou modifier la portée de
toute disposition des lois actuellement en vigueur". C'est ce que nous
suggérons, au lieu de "toute disposition de la loi". Autrement dit,
c'est presque une demi-mesure entre le fait de rendre pratiquement cette charte
rétroactive aux lois actuellement en vigueur. Nous suggérons,
nous, que les lois actuellement en vigueur demeurent telles quelles, à
moins d'être amendées, conformément
aux droits accordés dans cette charte par la suite. Pour les lois
qui seront adoptées dans l'avenir, c'est-à-dire
postérieurement à l'adoption de cette loi, de la charte, nous
suggérons d'ajouter le paragraphe 3 qui se lit comme suit: "Toute loi du
Québec postérieure à la présente loi doit
s'interpréter..." Je ne vous le lis pas. Vous connaissez ce paragraphe
qui se trouve, d'ailleurs, sensiblement dans la Déclaration canadienne
des droits de l'homme.
Evidemment, les modifications que nous suggérons visent à
rendre cette loi fondamentale, d'ordre public et quasi constitutionnelle que
toutes les lois futures devraient respecter. Nous trouvons cela,
évidemment, essentiel pour que les droits et libertés des
citoyens soient vraiment sauvegardés.
L'article 49: Nous suggérons que la commission soit
composée d'au moins cinq membres et non de trois membres, parce que cinq
membres seraient sûrement plus représentatifs des
différentes tendances sociales, quant au sexe, groupe ethnique, etc. Ils
sont nommés par l'Assemblée nationale sur la proposition du
premier ministre pour un mandat et n'excédant pas cinq ans. Nous
suggérons que le mandat des commissaires n'excède pas cinq ans
à l'instar de la Loi du conseil du statut de la femme, dont la
présidente est nommée pour cinq ans, je crois, et la Loi du
Protecteur du citoyen; parce que nous croyons qu'un terme de dix ans est trop
long. Une personne nommée pour un terme de cinq ans a amplement le temps
de faire valoir ses qualités.
Nous ajoutons également un paragraphe à cet article: Au
moins un des membres de la commission doit être du sexe féminin.
Nous disons bien: Au moins un. Pourquoi au moins un des membres? Parce que, les
femmes constituent le groupe, actuellement, dans la société, qui
subit le plus de discrimination. Ce sont vraiment les personnes les plus
représentatives du problème de la discrimination. Donc, au moins
une femme doit être nommée à la commission, doit être
nommée commissaire pour faire valoir au moins ses connaissances et
être représentative pour tout ce qui regarde les problèmes
de discrimination.
L'article 58: La commission doit notamment faire enquête dans tous
les cas de discrimination qui relèvent de sa compétence. C'est
l'article 58 a) que nous retrouvons actuellement. Nous suggérons que "la
commission doit notamment faire enquête dans tous les cas de non-respect
de la présente loi". Un instant! Je vois une petite erreur, je pense. Ah
oui! L'article 58a) semble restrictif, puisqu'il accorde des pouvoirs à
la commission de faire enquête seulement dans les cas de
discrimination.
Or, il y a lieu de protéger les droits et libertés des
individus, non seulement dans les cas de discrimination, mais dans tous les cas
où la personne est lésée dans ses droits et
libertés fondamentales inscrites dans la présente loi. Il n'y a
pas que le problème de discrimination qu'on retrouve dans cette loi. On
énonce les droits et libertés des individus. Egalement, dans
l'exercice de ces droits et libertés, il y a le problème de
discrimination qui s'applique à tous les cas d'exercice de droits et
libertés de l'individu.
Nous trouvons que c'est donner un pouvoir restrictif à la
commission que de faire enquête seulement dans les cas de
discrimination.
L'article 58 b) se lit comme ceci: "établir un programme
d'information et d'éducation, destiné à faire comprendre
et accepter l'objet et les disposi-tionsde la présente loi." Il n'y a
pasde problème pour cet article, il est exactement le même.
L'article 60, tel que libellé: "Toute personne qui a raison de
croire qu'elle a été victime de discrimination au sens des
articles 11 à 17 de la présente loi peut adresser par
écrit une demande d'enquête à la commission."
Nous suggérons que toute personne qui a raison de croire que ses
droits et libertés ont été lésés, au sens de
la présente loi, peut adresser, par écrit, une demande
d'enquête à la commission. Evidemment, à l'instar de
l'article 58, sous-alinéa a), tel qu'inscrit dans le projet de loi,
l'article 60 ne permet qu'à une personne qui est victime de
discrimination d'adresser une demande d'enquête à la commission.
Toujours dans la même lignede pensée, nous suggérons que
toute personne qui a raison de croire qu'elle est lésée dans tous
ses droits, inscrite dans la loi, puisse avoir le pouvoir de demander une
enquête à la commission. C'est toujours dans le même
esprit.
L'article 61 est pratiquement au même effet. On donne le droit au
groupe de personnes voué à la défense des droits et
libertés de la personne ou au bien-être d'un groupe de personnes,
qui a raison de croire que s'est commise une discrimination visée
à l'article précédent, de demander, également, par
écrit, de faire une demande d'enquête au nom d'au-trui, etc. Nous
suggérons que tout groupe de personnes ainsi voué à la
défense des droits et libertés de la personne, etc., peut
également, par écrit, faire une demande d'enquête au nom
d'autrui dans tous les cas où les droits et libertés d'une
personne n'ont pas été respectés au sens de la
présente loi et non seulement dans les cas de discrimination.
C'est toujours la même ligne de pensée. C'est donner
davantage de pouvoirs à la commission, non seulement des pouvoirs
d'enquête dans les cas de discrimination, mais dans tous les cas
où les droits et libertés de la personne sont
lésés, en vertu de la présente loi.
Ce sont là principalement nos remarques. Le projet de loi nous
paraît acceptable dans son ensemble et nous nous devons de
féliciter le gouvernement de l'avoir présenté. Cependant,
nous ne pouvons nous empêcher de déplorer le texte
français, qui est, en général, une mauvaise traduction
littérale du texte anglais. C'est ce que j'ai trouvé. Je ne suis
pas une linguiste, je suis avocate. A un moment donné, cela ne m'a pas
paru très clair.
M. Burns: Me Lasalle, vous êtes la première à
le dire, mais je pense qu'il y avait beaucoup de gens qui se posaient la
même question que vous.
Mme Lasalle: J'en suis bien heureuse. A titre d'exemple, à
l'article 1 : Tout être humain a droit à la vie ainsi qu'à
la sûreté et à la liberté de sa personne. En
anglais, on dit: "Every human being has a right to life, and to personal
security and freedom." Je me demande si la traduction est vraiment juste. Je
vous répète que je ne suis pas une linguiste, mais je serais
portée a vous suggérer peut-être de dire: Tout être
humain a droit à la vie, à la liberté et à la
sûreté de sa
personne. Cela me paraît plus clairet plus conforme au
génie de la langue française. Je pourrais vous donner d'autres
exemples. J'ai vu cela rapidement, c'était vraiment dans mes
conclusions, parce que nous n'avons pas eu l'intention de refondre la loi, cela
ne fait pas de doute, vous le comprenez bien, mais je vous le soumets pour ce
que cela vaut.
L'article 18: Toute personne a droit d'adresser des pétitions
à l'Assemblée nationale pour le redressement de griefs. En
anglais: "Every person has a right of petition to the National Assembly for the
redress of grievances." A droit d'adresser des pétitions je ne
sais pas si "pétition" est tout à fait français
à l'Assemblée nationale pour le redressement de griefs, je
trouve, encore là, que c'est une construction qui est un peu boiteuse.
Malheureusement, je n'ai pas de suggestion de rechange quant à cet
article, mais cela me paraît une traduction assez littérale du
texte anglais.
Le même dans l'article 45. J'ai compris l'article 45 de deux
façons, c'est bizarre. Quand on lit votre article 45, 2e paragraphe, en
français et en anglais: "elle ne doit pas, non plus,
s'interpréter de manière à augmenter, restreindre ou
modifier la portée de la disposition de la loi". En français,
c'est "de la loi". En anglais, on dit "provision of law". Moi, j'ai
regardé la loi et je me suis demandé si ça ne voulait pas
simplement se rapporter à la première lecture. Je sais que c'est
non, mais ça ne voulait pas simplement se rapporter à cette
loi-ci alors qu'en anglais c'est clair, c'est "provision of law". C'est
beaucoup plus large que de la loi.
M. Choquette: En langage législatif, la loi désigne
toutes les lois et cette loi veut dire la loi actuelle.
Mme Lasalle: Très bien. Je vous remercie. Je continue.
Nous ne pouvons également passer sous silence la structure de la loi,
qui ne semble pas toujours ordonnée pour satisfaire à bon ou
à mauvais droit notre esprit cartésien. Et je vous donne un
exemple. Je vous soumets que je me demandais comment il se faisait que vos
dispositions particulières concernant la discrimination se trouvent
à la section 2. Moi, je vous suggère ça encore pour ce que
ça vaut, j'aurais plutôt inscrit ça à la fin de tous
vos droits, parce que votre discrimination ne s'applique pas à la
section 1, elle s'applique à toutes vos sections de la première
partie qui énoncent les droits.
Moi, je vous dis, je vous soumets que j'aurais inscrit ce chapitre
après les droits économiques et sociaux qui énoncent les
droits, voyez-vous, parce qu'il semble que vos dispositions
particulières concernant la discrimination s'appliquent à tous
les droits et libertés qui sont inclus dans cette charte-là,
n'est-ce pas? N'est-ce pas?
M. Choquette: Oui, oui, oui.
Mme Lasalle:Oui,etalors, pourquoi lavez-vous mis après la
section 1? Cela aurait dû plutôt venir après avoir
énoncé tous les droits et libertés. Enfin, je vous soumets
ça pour ce que ça vaut.
M. Choquette: Madame...
Le Président (M. Pilote): Je vous ferais remarquer,
madame, que les membres de la commission ont droit de vous poser des questions,
mais vous, vous n'avez pas le droit de poser des questions.
M. Choquette: Non, mais cela ne me fait rien, cette question.
Normalement, vous avez peut-être un point intéressant, quoique
évidemment la partie qui concerne la discrimination se rattache à
l'exercice plutôt des libertés et droits fondamentaux, sans
exclusion cependant, et on pourrait peut-être le situer à la fin,
c'est une suggestion intéressante.
Mme Lasalle: Nous n'insisterons pas davantage. Nous ne nous
sommes pas attardées à refond re toute la loi suivant ces
remarques. L'essentiel des modifications à apporter concerne
particulièrement l'article 45. Veut-on la loi simplement
supplétive ou fondamentale et d'ordre public, quasi constitutionnelle,
si vous voulez?
Le projet de loi tel que présenté n'est que
supplétif. Il énonce de beaux principes dont la portée est
grandement mitigée. Il ne faut pas oublier que l'un des piliers de notre
système constitue le respect des droits et libertés de l'individu
dans le respect des autres. Plus l'Etat devient puissant, plus les institutions
et corporations deviennent puissantes, plus il faut être vigilant quant
à la reconnaissance et l'exercice des droits des libertés de la
personne. Le tout respectueusement soumis.
Le Président (M. Pilote): Le ministre de la Justice.
M. Choquette: M. le Président, je remercie la
Fédération des femmes du Québec et celle qui la
représente ce soir, en particulier Me Lasalle, pour un texte
particulièrement clair et bien circonscrit quant aux amendements que
suggère cet organisme. Les explications également qu'on nous a
données sont concises et vraiment intéressantes et, je crois,
plaident d'une façon convaincante en faveur d'un certain nombre de
modifications. Alors, je félicite la fédération pour son
travail, qui nous sera d'une très grande utilité.
Vous avez soulevé, parmi les considérants au projet de
loi, la question d'un considérant qui serait relatif aux droits des
femmes et des hommes et je trouve qu'il est intéressant. Je vais
l'étudier et voir jusqu'à quel point il peut s'insérer
dans le contexte de la charte. Vous avez mentionné le cas du statut
civil et je vous ai répondu sur ce point-là. Finalement, vous
soulevez la question de la non-discrimination pour motifs d'âge.
Je serais en principe d'accord, sauf qu'évidemment, il y a le cas
des mineurs, qui ne bénéficient pas de la plénitude de
leurs droits et qui sont quand même limités. Il faudrait
peut-être suggérer que l'âge puisse être un facteur de
non-discrimination, mais à la condition qu'on soit devant des personnes
majeures. Je pense que ceci ne modifie peut-être pas sensiblement...
Mme Lasalle: Ce serait probablement une indication à y
inclure. Remarquez bien que les mi-
neurs je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous quant
à l'interprétation des droits des mineurs peuvent exercer
tous les droits du citoyen. Le mineur jouit d'une protection
particulière à cause de l'institution de la minorité et de
la tutelle. Le privilège du mineur, c'est de pouvoir annuler, invoquer
lésion dans le cas où il est lésé. Il peut donc
exercer théoriquement tous les droits du citoyen ordinaire.
Donc, on ne peut pas dire réellement que le mineur subit de la
discrimination. Comme question de fait, il bénéficie d'un
privilège que les autres membres de la société n'ont pas,
c'est-à-dire le pouvoir d'invoquer lésion si l'acte
contracté ou le geste posé lui nuit.
M. Choquette: C'est exact, au point de vue du droit civil, vous
avez raison. En droit contractuel, le droit du mineur, c'est de faire
résilier le contrat, s'il a subi lésion.
Mme Lasalle: C'est cela.
M. Choquette: Cela ne l'empêche pas de contracter.
Mme Lasalle: Absolument.
M. Choquette: Cela n'empêche pas une personne de contracter
avec lui. Mais il peut se faire que la portée des articles 11 à
17 ne soit pas exclusivement contractuelle. On peut facilement imaginer,
admettons, un enfant de 15 ou 16 ans qui voudrait aller louer un logement d'un
propriétaire. Le propriétaire pourrait peut-être dire:
Ecoutez, je ne vous loue pas, parce que vous n'avez pas l'âge de la
majorité, et je ne suis pas sûr qu'en contractant avec vous, vous
ne pourrez pas faire annuler le contrat pour le motif de votre minorité
et que vous allez en souffrir lésion.
C'est donc que je crois qu'il faudrait quand même faire une
distinction dans le cas de la minorité. Il y a peut-être d'autres
cas, aussi, au point de vue d'accès aux lieux publics. Vous savez, par
exemple que nul ne peut, par discrimination, empêcher autrui d'avoir
accès aux moyens de transport ou lieux publics, tels
qu'établissements commerciaux, hôtels, etc. On connaît des
articles de la Loi de la Commission de contrôle des permis d'alcool qui
interdisent aux mineurs 'allerd ans des bars, par exemple. Voilà une
disposition légale qui interdit l'accès à des mineurs dans
un bar. Je pense que c'est une disposition que le législateur voudrait
quand même conserver.
Je crois qu'on pourrait peut-être étudier votre suggestion
sur la question de l'âge, mais en prenant en considération la
minorité.
Mme Lasalle: Absolument. Remarquez que nous sommes d'accord avec
vous.
M. Choquette: D'autre part, vous suggérez d'introduire le
mot "notamment" devant toutes les causes de discrimination. J'ai un peu
d'hésitation à abonder dans ce sens-là. En effet, à
quoi allons-nous nous exposer, en introduisant le mot "notamment"? Cela veut
dire que la liste des facteurs de discrimination n'est pas exhaustive.
Il pourrait très bien se produire qu'à un moment
donné, des personnes refusent de contracter ou refusent de poser un
certain nombre des actes qui sont prévus aux articles 1 à 17, en
prenant d'autres facteurs en considération qui sont pertinents à
l'exercice de leurs propres droits, parce qu'il y a quand même celui qui
contracte avec une des personnes présumément victimes de
discrimination dont il faut considérer la situation.
Est-ce qu'il est possible d'introduire la notion de discrimination sans
la définir précisément par une énumération
comme celle que nous avons et à la-quel le vous voulez que nous
ajoutions le statut civil et l'âge?
J'ai des réserves à exprimer sur cela parce que je crois
qu'on légiférerait peut-être un peu à l'aveuglette
en introduisant la notion de discrimination purement et simplement, sans
qu'elle soit qualifiée par un facteur de discrimination.
Mme Lasalle: C'est certain qu'on ne peut pas prévoir,
à l'heure actuelle, ce que cela pourrait couvrir. Ce serait
évidemment décidé par interprétation judiciaire,
par l'interprétation des tribunaux. Mais c'est certain aussi,
qu'à l'heure actuelle, je ne crois pas qu'on ait touché a tous
les cas de discrimination.
M. Choquette: On a essayé de toucher aux principaux.
Mme Lasalle: Aux principaux.
M. Choquette: On a examiné les législations
étrangères et on a essayé de ramasser, en somme,
l'ensemble des facteurs discriminatoires qui peuvent jouer et qu'on peut
circonscrire. En introduisant le mot "notamment", je crains un peu qu'on ne
voie pas exactement quelle serait la portée de l'article et que cela
puisse introduire d'autres facteurs discriminatoires qu'on ne puisse même
pas soupçonner à l'heure actuelle.
Mme Lasalle: Absolument. C'est malheureusement exact. On ne peut
pas saisir exactement toute la portée quand on indique "notamment".
M. Choquette: Oui.
Mme Lasalle : Cela serait laissé à
l'interprétation d'un tribunal, suivant les faits bien pertinents
présentés.
M. Choquette: II s'agit de savoir s'il faut que la loi soit
claire et précise, comme vous nous y avez incités tout à
l'heure. Je cherche de la clarté aussi dans un texte de loi et non de
l'incertitude. De toute façon, on va y réfléchir.
Pour le recrutement, je crois que vous avez des observations
intéressantes. A l'article 45, c'est tout le débatsurlaquestion
de la force transcendante de la loi sur d'autres lois. Je pense qu'on en a
discuté amplement. Vous avez peut-être assisté à la
séance de la commission hier. Il en aété question à
pi usieurs reprises au cours de la discussion durant la journée. Il y a
différents facteurs qu'il faut prendre en considération. Je vous
répète ce que j'ai déjà dit. J'avais pris
une option dans ce projet de loi. Je n'ai pas fermé la porte au
réexamen ou à une autre option, mais je suis content d'avoir des
observations dans le sens de celles que vous exprimez. Je vais peser le tout
pour prendre une décision qui me paraîtra conforme à
l'intérêt législatif.
Mme LasaIle: Pensez du moins...
M. Choquette: Comme je vous dis, je n'ai pas classé la
question. La question n'est pas réglée d'une manière
absolue et je prends en considération votre proposition.
Vous suggérez, à l'article 49, que la commission soit
composée d'au moins cinq membres et vous avez mentionné
l'intérêt qu'il y a d'avoir un groupe qui soit
représentatif de tous les éléments de la
société. Je suis parfaitement d'accord avec vous. Peut-être
y aurait-il lieu de l'augmenter à cinq membres comme vous le
suggérez. En principe, je n'ai aucune espèce d'objection à
inscrire au projet de loi qu'il devra y avoir une femme parmi les cinq. De
toute façon, vous pouvez être assurée qu'il y en aura au
moins une en fait...
Le Président (M. Pilote): Avocat.
M. Choquette: Pas nécessairement avocat, elle pourrait
être avocat ou non. Là, il faut peser...
Mme Lasalle: Une personne vigilante.
M. Choquette: II faut prendre en considération ce que vous
nous dites et peut-être ce que votre précédesseur à
la barre nous a dit, M. Rivest, qui lui veut voir le moins d'avocats
possible.
Mme Lasalle: C'est une question de point de vue.
M. Choquette: Oui.
M. Burns: II a bien raison pareil. C'est un avocat qui vous le
dit.
M. Choquette: De toute façon, il est sûr et certain
qu'une femme devra faire partie de la commission. Est-ce que nous l'inscrirons
dans le texte de loi? C'est ce que vous aimeriez.
Mme Lasalle: Ce n'est pas ce que nous aimerions, c'est ce que
nous voulons voir. Nous ne voulons pas laisser cela à la
discrétion évidemment, c'est l'Assemblée nationale
qui nomme les membres des commissions, si j'ai bien compris le texte, avec le
"s" à nommés mais nous voulons que ce soit inscrit dans la
charte. Vous êtes bien disposés, semble-t-il, à nommer un
membre de sexe féminin à la commission, peut-être que des
gouvernements à venirneseraientpasautantdisposés. Nous insistons
pour que cette inscription y soit, qu'il y ait au moins une femme nommée
à la commission.
M. Choquette: Je me rends. Mme Lasalle: Merci.
M. Choquette: Si nous ne l'avons pas fait au point de
départ, c'est parce qu'il fallait prendre en considération les
autres groupes. Mais je pense que, vu l'importance du groupe féminin, il
va falloir amender le projet de loi dans ce sens.
Mme Lasalle: Vous ne vous en étiez pas rendu compte
avant?
M. Choquette: Nous nous en rendions compte, mais nous
considérions qu'il fallait que la commission comporte quand même
des membres masculins peut-on dire .
On pourrait considéreraussi qu'il fallait qu'il y ait des
représentants des groupes minoritaires ou ethniques. Je n'ai aucune
objection même à m'engager ce soir à ce qu'il y ait une
disposition qui prévoie qu'il y aura au moins une femme parmi les
membres de la commission.
Mme Buisson (Ghislaine Patry): Comprenez-nous bien, d'ailleurs,
que M. le ministre a déjà reçu un télégramme
à cet effet que nous voulions des femmes, mais une femme au moins, une
femme, cela devrait être inscrit dans la loi. C'est bien sûr que ce
que l'on souhaite, c'est qu'on vise toujours dans les commissions à des
proportions égales. On a parlé du pourcentage, si vous voulez
être réalistes, là...
M. Choquette: Voyez-vous comme je suis facile à
convaincre. Si, par exemple, on avait toujours des suggestions comme celles que
vous présentez, je les accepterais constamment.
M. Burns: C'est parce que c'est trop facile, dans ce cas.
M. Choquette: Pardon?
M. Burns: C'est trop facile. D'ailleurs, tout en étant
d'accord sur votre mémoire, Me Lasalle, dans son ensemble, je
suisd'accord sur vos recommandations, j'ai un reproche à vous faire et
c'est justement à ce niveau que je vous le fais. Je trouve que vous
quémandez un poste. Ou s'il y a un geste, à mon avis,
discriminatoire à l'endroit des femmes, c'est de quémander un
poste. Vous n'avez pas à quémander un poste. Vous avez à
exiger la moitié de la commission. Si les femmes représentent la
moitié au Québec, je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas la
moitié des membres de la commission qui seraient des femmes. Si on me
dit comme objection, éventuellement, qu'il faut trouver des gens qui
représentent tel et tel secteur, si on me dit, par exemple: Le mouvement
ouvrier doit être représenté, il y en a des femmes dans le
mouvement ouvrier. ll y en a des femmes dans les milieux professionnels. Vous
êtes un bel exemple, ce matin, Me Audette-Filion est venue parler au nom
du Barreau. Il y a des femmes dans toutes les disciplines. Il me semble que si
on doit, à un moment donné, poser le problème
carrément de la participation de la femme à cette charte des
droits de la personne, on ne doit pas, surtout pas un groupe de femmes, venir
demander je ne ledis pas méchamment mais je vous
dis...
Mme Lasalle: Je ne suis pas insultée.
M. Burns: Non, mais c'est parce que je vous voyais froncer les
sourcils. Je suis toujours sensible quand une femme fronce les sourcils
à ce que je dis. C'est blague à part que je dis cela.
Sérieusement, c'est le reproche que je fais. Je ne pense pas que vous
devez quémander un poste. Je m'excuse de déborder un peu, j'ai
été dans le mouvement ouvrier pendant une période de temps
avant d'être en politique, il y a une chose contre laquelle je me suis
toujours battu, dans le mouvement ouvrier dans lequel j'étais, c'est
qu'on réservait des postes à des femmes. Je trouvais vraiment que
c'était une forme de discrimination à l'endroit des femmes. On
semblait vouloir dire, nous, les hommes, que les femmes, par leur simple
compétence, ne pouvaient pas accéder à ces postes, donc on
leur en réservait quelques-uns. Je pense que c'est une mauvaise
approche, je le pense carrément et ouvertement. Je sais que madame la
présidente a atténué cette chose qui rend mon reproche un
peu moins dur, par les remarques que vous venez de faire, mais il me semble que
c'est une exigence de base que vous devriez avoir. Il n'y a pas de ni ci, ni
ça, comme on dit, il y a 50% ou à peu près puis un peu
plus de femmes au Québec, elles devraient y avoir 50% de
représentation au sein de la commission et sans aucune espèce de
discussion. Le ministre de la Justice ne devrait pas avoir l'air d'être
en train de vousfaire un cadeau, comme il vient de le dire.
M. Choquette: Je n'ai pas dit cela.
M. Burns: Je me rends, dit-il. Je me rends à cette demande
qui est très raisonnable. Bien oui, elle est très raisonnable, un
sur trois, un sur cinq, ou un sur sept, bien oui. Je me rends. Il est
bienveillant à l'endroit des femmes, il vient de se rendre compte qu'il
y a des femmes au Québec.
Bon! Il me semble qu'il ne devrait pas y avoir de "lésinage"
là-dessus, il me semble que c'est clair. Il me semble que même le
ministre de la Justice, dès ce soir, devraitvousdire: II me semble que
c'est normal que, comme représentation proportionnelle de notre
population, il devrait y avoir au moins la moitié. Ce n'est pas ce qu'il
a dit, il a dit: Au moins une femme, je suisd'accord là-dessus. Cela, ce
n'est pas s'engager à grand-chose. Je pense que vous ne l'auriez pas
demandé qu'il l'aurait apporté, imaginez-vous!
Mais que, ce soir, il vienne nous dire qu'il s'engage d'avance à
ce qu'il y ait 50% des femmes à la commission...
M. Choquette: Au plus...
M. Burns:...à ce moment-là, je vais dire:
Là, il ne se rend pas à quelque chose, il reconnaît quelque
chose; il reconnaît une situation de fait, tout simplement.
Mme Buisson: M. Burns, c'est sûr qu'on tient à ce
qu'il y ait des femmes, mais il y a une affaire aussi, c'est que, parfois, pour
siéger à des commissions, on ne demande pas d'avoir des femmes
parce qu'elles sont des femmes, on demande d'avoir des femmes parce qu'elles
sont des individus. Je ne vois pas pourquoi, c'est pour sa compétence
qu'elle doit être là, c'est pour ce qu'elle représente,
c'est un individu. C'est pour cela qu'à un moment donné, dire: On
va mettre des femmes. Je me souviens que je l'ai déjà
demandé, pour le bill 22, à cette commission. M. Lalonde a dit:
II y aura des représentants des groupes ethniques, des
représentants des femmes, et ci, et ça. On dit: Non, il faut que
ce soient des individus. C'est pour cela qu'on dit qu'il faut qu'il y ait au
moins une femme, parce que là, elle est représentante d'une
partie des gens qui subissent beaucoup de discrimination. Les autres personnes,
ce sont des individus aussi. Elle aussi est un individu mais qu'on ne dise pas:
Là, il faut des femmes; il n'y a peut-être pas la personne qui a
la compétence, mais il faut mettre une femme. C'est très
important. Avant, on mettait des hommes, parce que c'étaient des hommes
et on se foutait de la compétence; des fois, il y avait des femmes plus
compétentes et on ne les mettait pas là. Alors, ce ne sont pas
des privilèges qu'on demande. Il y a des femmes qui sont
compétentes dans différents domaines; avant, je pense qu'on n'en
tenait pas compte. Dorénavant, il faudra en tenir compte.
M. Burns: Bien oui, mais écoutez, je vous avoue que je ne
poserais pas le même problème si on parlait d'un conseil
consultatif de l'industrie de la construction. Que voulez-vous, dans
l'industrie de la construction, qu'on le veuille ou non, sinon comme
consommatrices, il y a très peu de femmes qui sont, si on parle de
relations de travail dans le domaine de la construction, immédiatement
concernées, sinon comme épouses. Bon.
Mme Buisson: On ne peut pas demander cela, parce qu'on serait
drôlement embêtées d'en suggérer.
M. Burns: Non, non, mais là, on parle d'autre chose que
cela; on parle de droits de la personne et toute votre argumentation, sur
laquelle je suis entièrement d'accord sous cet angle, et l'argumentation
du Réseau d'information des femmes du Québec est basée sur
le fait que vous êtes aussi intéressées, sinon plus,
à cause du plus grand nombre de cas de discrimination qui se dirigent
vers les femmes. Je ne pense pas me tromper en disant que vous êtes au
moins aussi intéressées que les hommes à voir à ce
que non seulement il n'y ait pas de discrimination mais que les droits, les
libertés fondamentales soient respectés au Québec.
A ce titre,je dis qu'il me semble que, peu importe le nombre de gens
qu'on décidera en définitive qui devront former la commission,
que ce soit trois, que ce soit cinq, que ce soit sept, que ce soit huit, que ce
soit six, on devrait être capable de trouver, comme vous venezde le dire,
autant de femmes compétentes que d'hommes dans ce domaine pour y aller
siéger. C'est ce que je dis.
Mme Lasalle: Nous sommes évidemment d'accord pour qu'il y
ait le plus de femmes possible, je ne dis pas...
M. Burns: Je ne vous demande pas...
Mme Lasalle: ...de monopoliser cette commission par les
femmes.
M. Burns: Je m'excuse, je n'ai pas à vous dire ce que vous
avez à nous dire ici, mais je ne veux même pas vous entendre dire
que vous voulez en avoir le plus possible. Il me semble que ce ne serait que
normal que vous disiez...
Mme Lasalle: Vous savez, comme moi...
M. Burns: ...qu'il faut qu'il y en ait au moins autant que les
hommes.
Mme Lasalle: Mais oui, mais vous savez que ce n'est pas une
participation...
Mme Buisson: On n'est pas contre cela.
Mme Lasalle: ...qui est respectée dans le système
actuel, c'est pour cela qu'on le mentionne.
M. Burns: Vous êtes ici pour le changer, le système,
il me semble.
Mme Lasalle: Absolument.
M. Burns: Bravo! Vous voulez le changer comme il le faut,
là?
Mme Lasalle: Tel qu'on vous l'a suggéré. M. Burns:
C'est la place pour le dire, là.
Mme Lasalle: Tel qu'on vous l'a suggéré.
Evidemment, on a exigé, nous, une femme, parce qu'on a tenu pour acquis
que le devoir de la commission étant de faire enquête non
seulement dans les cas de discrimination mais dans tous les cas où les
droits et libertés de la personne seraient lésés, la femme
nommée est particulièrement représentative de la gent
féminine concernant la discrimination sur ce point donné.
Evidemment, dans les autres domaines, s'il y a des femmes qui sont
compétentes pour représenter d'autres problèmes de droits
et libertés des individus, nous sommes tout à fait d'accord qu'il
y ait une personne de nommée mais pour les problèmes de la femme,
spécifiquement, que ce soit au moins une femme.
M. Burns: Je trouve, entre autres, qu'heureusement
à moins que le ministre change son projet de loi on aura
l'occasion de discuter ces nominations à l'Assemblée nationale.
Je tiens à vous dire qu'au nom de l'Opposition officielle, nous aurons
à nous battre pour cette égalité, quand les nominations
viendront, au point de vue du nombre. Je vous dis tout de suite que je vais me
battre à mort pourque ce soit comme cela.
Mme Buisson: Bravo!
M. Burns: Je prétends qu'on devrait, pour une fois,
reconnaître un fait, qu'on ne nommera pas des femmes parce que ce sont
des femmes, mais reconnaître des femmes parce qu'elles ont aussi des
compétences dans certains domaines. Pourquoi, par exemple, le
représentant au sens neutre du mot des corporations
professionnelles ne serait-il pas une femme, dans ce cas-là? Pourquoi le
représentant du milieu du travail ne serait-il pas une femme, dans ce
domaine? Ce sont des choses tout à fait compréhensibles.
Mme Lasalle: Nous sommes tout à fait d'accord.
M. Burns: Vous avez des compétences dans ce domaine et ce
serait peut-être la meilleure occasion de le démontrer, M. le
ministre, de dire qu'il y a du monde compétent dans ce domaine qui est
autre chose qu'un gars qui porte des pantalons, il me semble.
M. Choquette: II n'est pas question de faire une part
limitée inutilement aux femmes, pas du tout. Il me semble que
l'intention du projet de loi est assez claire. Si on prend, par exemple,
l'article 43, sur lequel vous avez fait quelques suggestions, où on
adopte le principe de l'égalité de traitement, il me semble que
ce sont les femmes qui vont principalement retirer les avantages de cette
partie de la loi.
Il est certain que c'est l'intention du gouvernement de faire une part
importante aux femmes. Je crois que le gouvernement l'a prouvé, il a
créé le Conseil du statut de la femme et il n'est en aucune
façon insensible aux revendications qui se manifestent de ce
côté. Pour le moment, j'ai dit que nous étions prêts
à accepter la suggestion que vous avez formulée dans votre
mémoire. Cela ne veut pas dire que ce serait seulement une femme, ce
n'est pas ce que cela veut dire, mais, comme vous l'avez dit vous-même et
comme le député de Maisonneuve, je crois, l'a relevé
lui-même par la suite, il s'agit d'avoir des femmes compétentes et
de ne pas les nommer exclusivement parce qu'elles sont femmes. A ce
moment-là, je pense que c'est humiliant pour les femmes et pour le
groupe que vous représentez.
Mme Lasalle: Certainement.
M. Choquette: Quant aux autres suggestions...
M. Burns: Là-dessus, on est d'accord, remarquez.
M. Choquette: ...là, c'est sur le pouvoir d'enquête
de la commission, vous voulez que la commission soit habilitée à
enquêter non seulement sur les cas de discrimination mais sur toute
infraction à la loi. Vous n'étiez peut-être pas ici ce
matin, lorsque nous en avons discuté.
J'ai signalé au Barreau que donner à la commission le
pouvoir et le devoir d'enquêter sur toutes les infractions qui pourraient
être commises contre cette loi et pas seulement sur les articles
pertinents à la discrimination ferait qu'on créerait une
énorme commission, une énorme bureaucratie nouvelle à
côté du système judiciaire alors que, dans l'article 44,
nous avons fait en sorte qu'il y ait des recours pour les violations à
la loi et non seulement pour les violations
des dispositions pertinentes à la discrimination mais toutes les
violations de la loi.
Vous savez avec moi quels sont les problèmes du système
judiciaire actuel de s'occuper du volume des causesque nous avons. Si on est
pour envisager d'envoyer un volume d'affaires énorme à cette
future commission, je crains qu'on entraîne un peu sa paralysie. C'est
pour cela que nous n'avions pas prévu de pouvoirs d'enquête pour
les violations autres que celles qui sont pertinentes à la
discrimination.
Mme Lasalle: Remarquez, M. le ministre, que le droit
accordé à l'individu lésé prévu par
l'article 44 est également donné à l'individu qui est
lésé à cause de discrimination.
M. Choquette: Vous avez raison.
Mme Lasalle: Alors, cela ne se contredit pas.
M. Choquette: Non. L'article 44 ne contredit pas le pouvoir
d'enquête.
Mme Lasalle: Absolument pas.
M. Choquette: L'article 44 offre un recours pour faire valoir un
droit, quel qu'il soit, devant les tribunaux mais, dans le cas de
discrimination, il y a des dispositions au sujet de l'enquête.
Mme Lasalle: Absolument. C'est un droit additionnel
accordé dans le cas de discrimination.
M. Choquette: Oui. Mais si nous devions donner suite à
votre suggestion, je craindrais qu'on envoie un volume énorme d'affaires
à la commission et qu'on la surcharge tellement que la commission
devienne inefficace.
Mme Lasalle: II me semble que lorsque c'est dans le but de
protéger les droits et libertés des citoyens, s'il y a tant de
problèmesde sauvegarde des droits et libertés des citoyens, il
faut prendre les moyens pour corriger ces problèmes. Ce n'est pas parce
que cela va peut-être demander une somme de travail énorme qu'on
doit enlever les pouvoirs d'agir à un organisme quelconque. D'autant
plus que qu'est-ce que l'individu va faire, seul, quand il est
lésé dans ses droits autrement que par discrimination? La
commission est une aide importante. Elle fait enquête et elle s'adresse
elle-même pour l'individu, si j'ai bien compris la loi, au tribunal.
C'est très important. L'individu, àce moment-là,
est appuyé par la commission, ce qui lui accorde une aide gigantesque.
Seul, l'individu aurait de la misère à faire valoir cela.
M. Choquette: Evidemment, cela lui apporte une aide. C'est
incontestable.
Mme Lasalle: Enorme.
M. Choquette: Non, mais c'est incontestable. Mais, d'un autre
côté, on ne peut pas faire en sorte que la commission s'engage
à prendre et à assumer toutes les causes des individus. On l'a
fait dans le cas de la discrimination parce que, là, dans le cas de la
discrimination, il s'agit souvent de cas où la vérification de
l'infraction est assez délicate et est assez difficile.
Mme Lasalle: Sûrement. C'est très subtil.
M. Choquette: On sait que la discrimination est difficile
à prouver. Celui qui discrimine va employer des faux-fuyants pour donner
d'autres motifs pour lesquels il a pris certaines décisions que de dire
la vérité, dire: J'ai discriminé.
C'est la raison pour laquelle le pouvoir d'enquête de la
commission, dans ces cas, non seulement est utile pour vérifier les
faits et faire des recommandations à la personne discriminée et
à la personne qui a causé la discrimination. Tandis que, dans les
autres cas, il s'agit de droits qui sont nettement plus clairs, nettement plus
établis et où la difficulté de la preuve n'est pas la
même, sans compter l'aspect du volume énorme de travail.
Mme Lasalle: Oui mais, M. le ministre, vous avez vous-même
prévu un article dans la loi, l'article 66. qui dit: "La commission doit
toutefois refuser de faire ou de poursuivre une enquête lorsqu'elle
constate qu'elle n'a pas compétence en vertu de la présente loi
ou que le requérant dispose d'un recours également
adéquat."
Donc, la lourdeur de la commission est allégée par cet
article puisque que dès qu'il y a un autre recours adéquat, elle
doit refuser. Donc elle-même, la commission, s'est prémunie contre
un volume énorme alors que les problèmes pourraient être
déférés ou réglés autrement.
Je ne vois pas de problème. La commission agit en vertu de la
loi, quand elle ne peut pas faire autrement qu'agir, puisqu'elle ne doit pas
s'occuper d'enquêtes, dans le cas où le requérant dispose
d'un recours également adéquat.
M. Choquette: Oui, mais écoutez. A l'article 66, je ne
suis pas parfaitement satisfait, même moi, de la rédaction de cet
article. Je ne voudrais en aucune façon donner à la commission un
pouvoir de se défiler devant certaines enquêtes. Il ne s'agit pas
de cela du tout.
Si on a introduit des dispositions de ce genre, aux articles 66 et 67,
qui permettent à la commission de refuser de faire ou de poursuivre une
enquête lorsqu'elle estime que le requérant n'a pas un
intérêt suffisant, que la demande est frivole, vexatoire, etc., ou
faite de mauvaise foi, c'est parce qu'on veut éviter que si quelqu'un
arrive avec des circonstances qui sont évidemment frivoles et qu'il n'y
a rien là-dedans, cela ne force pas la commission à faire une
enquête dans une matière qui ne le mérite pas. C'est aussi
simple que cela. Ce n'est pas pour donner une porte de sortie à la
commission pour agir d'une façon arbitraire.
Vous savez comme moi qu'un organisme comme une commission telle que
celle-là doit agir judiciairement. Même s'il a une certaine
discrétion, il doit agir en exerçant cette discrétion
d'une façon judiciaire.
Mme Lasalle: Judiciaire.
M. Choquette: La portée des articles 66 et 67 ne donne pas
à mon sens un droit à la commission de se refuser arbitrairement
à procéder à des enquêtes.
Sur la portée précise des mots "d'un recours
également adéquat", je ne peux pas dire que je suis très
satisfait de cette rédaction, parce qu'il me semble qu'aussitôt
qu'on est devant un cas de discrimination et qu'il y a matière à
enquête, la commission doit enquêter; elle doit enquêter dans
ces circonstances. Elle ne peut pas dire: Ecoutez, vous avez un recours
suffisant devant les tribunaux et on refuse de faire une enquête. Il me
semble que...
Mme Lasalle: Fort possible.
M. Choquette: Ce n'était pas l'objectif que je visais en
tout cas.
Mme Lasalle: Mais c'est bel et bien inscrit dans la loi...
M. Choquette: C'est ce qui est écrit...
Mme Lasalle: ...et cela vous préserve d'ailleurs contre un
monstre de commission, alors qu'il y aurait d'autres recours appropriés
à côté.
M. Choquette: Comme quoi? Comme lesquels?
Mme Lasalle: Je ne sais pas. Vous nous avez dit que la commission
ne doit pas finalement être un monstre pour s'occuper dans les faits de
tous les droits des citoyens.
M. Choquette: II faut se reporter, je crois, à la
jurisprudence qui a été créée par le Protecteur du
citoyen. Cette disposition, sur les recours également adéquats,
existe dans la Loi du Protecteur du citoyen. L'interprétation du
Protecteurdu citoyen aété que, lorsque le recours devant les
tribunaux offrait des difficultés, etc., ou n'était pas
absolument fondé en droit, mais était fondé en
équité, acceptait quand même d'examiner le cas.
Par exemple, un justiciable a une réclamation à
l'égard du gouvernement. Si, même en dehors du droit écrit
et des règles de droit, le justiciable a un recours équitable,
purement et simplement équitable, qui n'a pas de fondement juridique, le
Protecteur du citoyen va quand même prendre ces causes et va faire des
suggestions à l'administration en disant: II n'y a peut-être pas
de raison en droit, parce que vous avez exercé, par exemple, une
discrétion administrative, mais je considère
qu'équitablement, vous devriez donner raison à ce citoyen qui se
plaint de l'administration. Il va accepter le cas.
Cela vient de la Loi du Protecteur du citoyen qui a été
interprétée largement par le Protecteur du citoyen,
c'est-à-dire qu'il accepte beaucoup plus de recours qu'on aurait pu
penser, en vertu du texte de la loi, s'il avait été
interprété littéralement.
Mme Lasalle: Je pense d'ailleurs que c'est excellent
d'interpréter largement, parce qu'on ne peut pas prévoir à
l'heure actuelle tous les cas qui vont se présenter.
M. Choquette: Non. Par contre, il faut être pratique. Aller
donner un volurne énorme d'affaires à une commission qui
commence...
Mme Lasalle: On ne le sait pas. On ne sait rien. Il faut
être pratique, mais on n'a pas de commission. On ne le sait pas.
M. Choquette: Mais, écoutez, c'est la loi la plus
étendue au Canada, à ma connaissance à l'heure actuelle,
au point de vue des droits qu'elle confère.
Je ne voudrais pas tellement surcharger la commission qu'au fond, son
travail devienne inefficace.
Mme Lasalle: Si vous la dotez de subsides. M. Choquette: II va y
avoir des subsides. Mme Lasalle: II n'y a pas de problème.
M. Choquette: Ecoutez, c'est tout ce que j'avais à dire.
Je vous remercie de votre mémoire, et vous pouvez être sûre
que nous allons considérer tous les aspects des questions que vous avez
soulevées.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Maisonneuve.
M. Burns: J'ai simplement une dernière question qui va
peut-être vous paraître un peu bizarreet peut-être un peu
délicate, puisque cela ne concerne pas comme telle votre
fédération. Mais vous êtes un groupe de femmes, et
d'ailleurs, je m'en veux un peu de ne pas l'avoir demandé au
réseau qui est venu en fin d'après-midi également, en
consultant la liste des gens qui viendront témoigner demain, je me rends
compte qu'il y a au moins trois groupements qui défendent les
intérêts d'homosexuels. Ils vont venir je présume, ayant
jeté un coup d'oeil sur leur mémoire, plaider en faveur de
l'introduction, entre autres, dans l'article 11, de l'aspect de
l'homosexualité comme étant une forme de discrimination contre
laquelle la loi doit les protéger.
Comme groupement de femmes, je vous pose carrément la question:
Que pensez-vous du fait... Quand je parle d'homosexualité, je pense que
les groupes qui viendront demain représentent des groupes d'homosexuels
hommes et d'homosexuels femmes aussi. Je vous pose simplement la question:
Quelle est votre réaction vis-à-vis de cela, comme groupe de
femmes? Je vous dis d'avance que je comprendrais très bien si vous me
dites que vous aimez autant ne pas répondre à cette question,
mais...
Mme Buisson: Non, on va vous répondre, parce qu'on l'a
étudiée.
M. Burns: ...comme vous êtes là, je saisis
l'occasion pour vous la poser.
Mme Buisson: C'est-à-dire qu'on l'a
étudiée... On s'est posé la question, parce que
l'Association des homosexuels nous a abordées et nous a de-
mandé Ge qu'on en pensait. D'une part... Bien sûr que, dans
notre mémoire, on voulait surtout défendre les droits de la
femme. Les homosexuels, ce ne sont pas seulement les femmes. Ce sont les deux.
On a considéré qu'il fallait d'abord, avec le peu de temps qu'on
avait, se limiter à...
M. Burns: Remarquez, madame, que je ne vous blâme pas de ne
pas en avoir parlé, mais j'ai dit: Etant donné que je vois que
cela vient demain, étant donné que vous êtes probablement
un des derniers groupes carrément féminins à qui on peut
s'adresser...
Mme Buisson: II y a une deuxième chose aussi.
M. Burns: ...tout en regrettant de ne pas l'avoir posée au
réseau avant vous...
Mme Buisson: N'oubliez que nous sommes une
fédération.
M. Burns: Oui.
Mme Buisson: Dans le court temps que nous avions pour
rédiger ce mémoire, il faut dire que c'est sûr qu'il y a eu
quand même quelques mois, mais à l'époque où cela a
été présenté, toute la période des
Fêtes, il y a un arrêt, après, il faut reprendre, c'est
sûr que pour se prononcer sur une chose comme celle-là, il fallait
aller devant une assemblée beaucoup plus importante que le conseil
d'administration. Avec 23 associations avec des opinions différentes, on
ne pouvait pas, à ce moment-ci, en tout cas, donner tout le temps qu'il
fallait pour se prononcer sur une question comme celle-là.
Mme Lasalle: On n'a pas pris position, quoiqu'on soit bien
conscient qu'il y a de la discrimination contre les homosexuels, simplement
dans l'emploi, à titre d'exemple, ce qu'on déplore. Mais comme on
n'a pas pris position et qu'on n'a pas étudié le problème
in extenso, on ne s'est pas carrément prononcé. On vous souligne
qu'on est bien conscient qu'il y a de la discrimination, par exemple dans
l'emploi.
M. Burns: D'accord!
Le Président (M. Pilote): On vous remercie, Me
Lasalle...
Mme Lasalle: Cela nous fait plaisir.
Le Président (M. Pilote): ...ainsi que celles qui vous
accompagnent. Soyez assurées que la commission va prendre vos
recommandations en considération.
J'inviterais, à présent, Mme Monique Deslauriers, qui
représente l'Association pour l'avancement des sciences et des
techniques de la documentation, l'Association des bibliothécaires du
Québec, la Corporation des bibliothécaires professionnels du
Québec.
Mme Deslauriers, si vous voulez vous avancer. Allez!
Association pour l'avancement des sciences et des
techniques de la documentation
Mme Deslauriers (Monique): M. le Président de la
commission parlementaire, messieurs les membres, permettez-moi de vous
présenter M. Réal Messier.
Les recommandations des membres du comité touchent
uniquement...
Le Président (M.Pilote):Voulez-vous approcher le micro,
s'il vous plaît? Nous avons de la difficulté à vous
entendre. Voulez-vous vous approcher?
Mme Deslauriers: Les recommandations des membres du comité
touchent uniquement le domaine des libertés de l'esprit. Les droits
judiciaires, politiques, les droits économiques et sociaux, les
problèmes de la discrimination intéressent également les
bibliothécaires. Nous espérons que les membres de
l'Assemblée nationale, par l'intermédiaire de la commission
permanente de la justice, auront la possibilité de discuter avec
d'autres groupes spécialisés de ces problèmes et de ces
droits qui sont loin de nous laisser indifférents. Mais notre domaine
d'activité nous familiarise davantage avec les libertés
intellectuelles. A titre de bibliothécaires, nous nous sentons
particulièrement concernés par toutes les questions relatives aux
libertés intellectuelles. Les bibliothécaires ont, depuis
toujours, la responsabilité de fournir des documents d'appui sur tous
les points de vue, de mettre à la disposition des lecteurs les oeuvres
les plus diverses et les plus opposées. De plus, les
bibliothécaires ne tiennent compte que des besoins du lecteur. Sa
religion, son origine ethnique et même ses options politiques leur
importent peu. Agissant ainsi, les bibliothécaires croient servir la
liberté intellectuelle.
La première préoccupation des bibliothécaires du
Québec est de voir ajouter aux libertés fondamentales
énumérées à l'article 3 le droit à
l'information. Les auteurs du projet de loi reconnaissent plusieurs
libertés intellectuelles: la liberté de conscience, la
libertéde religion, la libertéd'opinion, la
libertéd'ex-pression et la liberté de l'instruction. Mais, sans
la liberté d'information, le respect de ces mêmes droits restera
très hypothétique pour deux raisons surtout.
D'abord, parce que, sans liberté d'information, il est loin
d'être sûr que les violations des droits
énumérés dans l'article 3 pourront être
dénoncés. Ensuite, parce que la liberté d'information est
la condition nécessaire à la prise de conscience de l'existence
des autres libertés. La personne ne peut pas jouir d'une liberté
qu'elle ignore comme elle ne pourra pas dénoncer l'injustice dont elle
est la victime inconsciente. Voilà pourquoi nous croyons que la
liberté d'information est la première des libertés
intellectuelles.
La liberté d'exprimer ses croyances profondes et ses idées
par la parole, par l'écrit ou partout autre mode de communication perd
son sens si, dans le même temps, on nie à d'autres personnes le
droit d'accéder à ces divers modes d'expression.
Nous avons été les témoins impuissants de quelques
cas de censure dans les bibliothèques du
Québec au cours des dernières années. En octobre
1970, la Sûreté du Québec se rendait à la
Bibliothèque nationale pour confisquer les oeuvres de Pierre
Vallières. Plus tard, le conseil d'administration de la
bibliothèque publique de Cowansville exigeait le retrait de certains
périodiques de la collection de la bibliothèque.
Récemment, la Church of Scientology menaça la direction de la Sir
George Williams University de poursuite judiciaire si la direction de la
bibliothèque ne retirait pas de sa collection un livre très
critique à son égard, et on pourrait vous citer beaucoup d'autres
exemples.
Pour aider les bibliothécaires à lutter efficacement
contre les censeurs et parce que la liberté d'information est condition
nécessaire au maintien des autres libertés intellectuelles, nous
proposons aux membres de l'Assemblée nationale d'inclure, à
l'article 3, la liberté d'information, et qu'il se lise comme suit:
Tout être humain est titulaire des libertés fondamentales,
telles la liberté d'information, la liberté de conscience, la
liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté
d'expression, la liberté de réunion pacifique et la
liberté d'association.
Les membres du comité mixte et ceux des associations
représentées recommandent également aux
législateurs québécois d'introd uire dans le projet de loi
un article dont le sens devrait être le suivant: Toute information
recueillie, rassemblée et conservée par un organisme
gouvernemental ou paragou-vernemental est disponible pour toute personne en
faisant la demande, sauf dans les cas d'exception prévus dans la loi ou
les règlements.
Une telle proposition est assez nouvelle dans notre milieu. Il ne
faudrait pas en conclure qu'elle est sans objet et sans fondement, car, en
dépit du g rand nombre de publications éditées et
distribuées par les organismes gouvernementaux, les
bibliothécaires doivent régulièrement faire face à
des situations insolubles. Les statistiques publiées sont trop globales
et ne répondent pas toujours aux besoins des chercheurs qui veulent des
statistiques pour un territoire restreint. Parfois, les publications d'un
ministère ne constituent qu'une introduction générale pour
un étudiant qui prépare une thèse. Par contre, les
dossiers conservés dans les ministères seraient d'une grande
utilité, mais leur consultation est souvent impossible, la plupart du
temps aléatoire.
Nous sommes conscients du fait que les dossiers gouvernementaux
administratifs ne pourraient pas tous être consultés. Nous
acceptons les justes restrictions et les exceptions. Nous souhaiterions que la
commission des droits de la personne soit habilitée à entendre
les arguments des parties, à juger de leur bien-fondé et à
rendre un jugement. Cette solution s'inspire largement de la pratique
américaine et de la loi du Public Information Act dont nous pouvons vous
faire distribuer les copies. Cette loi reconnaît le droit à
l'information gouvernementale et énumère neuf exceptions. Dans
l'ensemble, toute personne peut obtenir un dossier ou un renseignement de
l'administration fédérale, à la condition de bien
préciser sa question. Le refus du fonctionnaire de fournir l'information
désirée peut être porté devant la cour
Fédérale et le poids de la preuve en revient au gouvernement.
En plus de favoriser l'accès au dossier de l'administration,
notre recommandation implique également que le gouvernement ne retienne
pas inutilement des rapports lui ayant été soumis et qui
devraient normalement être rendus publics. Le bibliothécaire
regrette, entre autres choses, que certaines tranches du rapport Dorion sur
l'intégrité du territoire soient encore sous clef, que le rapport
Fantus, préparé à la demande du ministre de l'Industrie et
du Commerce, n'ait pas été publié, et que l'étude
portant sur les conséquences pour l'économie
québécoise de l'entrée de la Grande-Bretagne dans la
Communauté économique européenne soit restée
cachée.
Nous pourrions multiplier les cas. Qu'on nous permette simplement de
souligner en plus la disparition des études réalisées pour
le compte de la commission Rioux sur l'enseignement des arts, disparition dont
la responsabilité reviendrait à un certain membre du gouvernement
du Québec.
De même, nous souhaitons, par cette résolution, que le
gouvernement publie davantage d'arrêtés en conseil dans la Gazette
officielle. Nous croyons que la proportion des règlements et
arrêtés en conseil inédits reste trop importante.
L'utilité de la Gazette officielle en est réduite, alors qu'elle
devrait tend re à l'exhaustivité.
Voilà, messieurs de la commission parlementaire, les deux
recommandations que nous voulions vous soumettre.
Le Président (M. Pilote): M. le ministre de la
Justice.
M. Choquette: Je remercie le comité d'avoir apporté
sa contribution à l'étude de ce projet de loi et d'avoir
signalé à l'appui de ses propositions une loi américaine
intitulée: The Public Information Act. Vous nous avez dit, je crois, que
vous avez des exemplaires de cette loi qui pourraient être mis à
la disposition des membres de la commission.
Mme Deslauriers: J'en ai six.
M. Choquette: Si nous pouvions distribuer ce texte
immédiatement, nous pourrions prendre connaissance des neuf exceptions
qui y sont mentionnées. Peut-être, madame ou mademoiselle
pourrait-elle nous dire quelles sont ces exceptions.
Mme Deslauriers: A la dernière page, entre autres choses,
il y a les dossiers confidentiels, comme, par exemple, la défense ou les
affaires intérieures, il y a les règlements internes, il y a des
cas prévus par la loi, il y a des informations obtenues sous le sceau de
la confidentialité, il y a des notes de service interagences, il y a les
dossiers personnels et médicaux des employés, il y a les dossiers
d'enquêtes policières, en fin du compte, il y a...
M. Choquette: Alors, je note avec intérêt cette loi
et ses exceptions. Je voudrais simplement, en terminant, vous signaler que le
gouvernement a mis sur pied un système de classification et de
publication des règlements des arrêtés en conseil qui a
été publié pour la première fois, je crois, il y a
deux ans et qui
co m prend en tout une dizaine de vol urnes. Ceci était justement
pour faciliter l'information du public en général. Nous nous
sommes, en partie, je pense bien, rendus à la suggestion qui est
à la fin de votre mémoire. C'est additionnel à la Gazette
officielle. Il s'agit d'une collection de toute la réglementation
gouvernementale, je ne sais pas si vous la connaissez.
Mme Deslauriers: En 1972 entre autres, ilyavait seulement un tout
petit peu plus que 15% des arrêtés en conseil qui ont
été publiés.
M. Choquette: Oui, mais ce ne sont pas tous les
arrêtés en conseil qui sont publiés. Ce sont les
arrêtés en conseil qui permettent d'adopter des règlements
qui sont publiés dans cette collection. Il y a beaucoup
d'arrêtés en conseil qui portent sur des cas d'individus, de
personnes, des nominations, enfin toute sorte de choses qui concernent des
individus en particulier. Alors, il est évident que, dans ces cas
d'arrêtés en conseil, il n'y a pas de publication, mais
aussitôt que le gouvernement adopte un règlement ou une
réglementation qui a une portée publique ou enfin une
portée générale, c'est publié dans cette collection
des règlements du Québec.
Le Président (M. Pilote): Est-ce qu'il y a d'autres
questions? Le député de Maisonneuve.
M. Burns: Je veux tout simplement remercier madame pour le
mémoire qu'elle nous livre au nom du comité mixte et je la prie
de me croire qu'on va en tenir compte, lorsqu'on étudiera le projet de
loi, article par article. Merci.
Le Président (M. Pilote): D'autres questions?
M. Samson: Egalement, M. le Président, je voudrais
remercier Mme Deslauriers et souligner que je suis particulièrement
intéressé par la suggestion que vous faites d'introduire dans le
texte de la loi le droit à l'information.
Mme Deslauriers: Je pense qu'on n'était pas les
premiers.
M. Samson: Nous l'avons dit ce matin, je pense que c'est surtout
pour cela que je n'élaborerai pas davantage mes propos, parce qu'on se
répète passablement. Beaucoup de gens l'ont demandé et
avec raison, d'ailleurs. Mon impression, c'est que le ministre devrait la
retenir. Merci infiniment.
Le Président (M. Pilote): Pour retenir une suggestion
d'aujourd'hui, je remercie Mad. Monique Deslauriers, ainsi que ceux qui
l'accompagnent. Soyez assurés que la commission va prendre en
considération vos recommandations. La commission ajourne ses travaux
à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 20)