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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le vendredi 6 avril 1979 - Vol. 21 N° 37

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat : Les méthodes d'enquête du service de renseignements de la Sûreté du Québec, y compris l'infiltration et la surveillance, mises à jour récemment et dénoncées par divers groupes et individus


Journal des débats

 

Question avec débat

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Richard): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de la justice se réunit aujourd'hui, le vendredi 6 avril, aux fins de discuter la question avec débat du député de Marguerite-Bourgeoys au ministre de la Justice sur le sujet suivant: Les méthodes d'enquête du service de renseignements de la Sûreté du Québec, y compris l'infiltration et la surveillance, mises à jour récemment et dénoncées par divers groupes et individus.

M. le ministre de la Justice, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, M. le député de Nicolet-Yamaska, bonjour. Je n'ai pas à vous rappeler les règles en la matière, il y a un droit de parole privilégié qui vous est accordé par le règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, mais je voudrais vous signaler que ce droit de parole privilégié — comme à vous M. le ministre de la Justice — ne constitue pas un droit de parole exclusif. J'imagine que, ce matin, puisqu'il n'y a que six députés, ce ne devrait pas être trop difficile.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole.

M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je voudrais, au départ, parce que le ministre m'avait indiqué qu'il avait un engagement officiel à l'heure du lunch, réitérer que, quant à moi et compte tenu des interventions et de l'intérêt, s'il est possible de terminer avant 13 heures, peut-être à 12 heures ou à 12 h 15, nous allons faire notre possible pour libérer le ministre; libération surveillée.

M. Bédard: Nous sommes à votre entière disposition.

M. Fontaine: M. le Président.

Le Président (M. Richard): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Si on me laisse le droit de parole avant midi, je donnerai également mon consentement.

Exposé du sujet M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, la question que je pose au ministre, je dois en démontrer quand même les motifs, et j'ai l'intention de vous en donner l'objectif ou les objectifs, de vous décrire la problématique dans laquelle cette question est soulevée, quelques catégories de faits qui ont donné ouverture à cette question et, enfin, les questions — mais j'en ai plusieurs — qui vont soulever le débat auquel on participe actuellement.

Les motifs tout d'abord. Les motifs qui m'ont amené à poser cette question aujourd'hui, c'est le caractère sérieux et le nombre des révélations successives concernant les méthodes d'information policière de la Sûreté du Québec et aussi, comme autre motif, c'est que l'attitude du ministre de la Justice de ne pas vouloir faire toute la lumière, d'une façon totalement transparente, sur cette question affecte grandement l'efficacité du travail ou peut affecter grandement l'efficacité du travail des policiers eux-mêmes qui sont dans le champ, leur moral.

Le gouvernement n'a pas le droit d'imposer aux policiers de la Sûreté du Québec, du chef jusqu'à la recrue, tout le fardeau de l'inquiétude actuelle. Les policiers travaillent au meilleur de leurs moyens, mais l'inaction du gouvernement, les hésitations et tergiversations du ministre de la Justice, son refus de faire toute la lumière sur cette question afin de rassurer la population et, en fait, soulager la Sûreté du Québec de cette inquiétude malsaine que le silence du ministre entretient, tout ce climat dépend justement du ministre actuellement. C'est l'occasion que je veux lui donner le plus tôt possible. Je ne peux pas le faire par des questions en Chambre, on a eu les réponses qu'on a eues en Chambre, vous le savez, M. le Président, on nous a même promis des directives qu'on n'a pas encore reçues.

Je donne l'occasion au ministre devant toute la population de tirer au clair cette question et c'est la raison pour laquelle j'ai décidé d'utiliser cette nouvelle institution qu'est la question avec débat afin de forcer, s'il le faut, le ministre de la Justice à nous dire enfin ce qu'il en est de ces directives qu'il a promises à l'Assemblée nationale, mais que nous n'avons pas encore vues. L'objectif de ma question, c'est que la population apprenne la vérité réclamée par les syndicats, par la Ligue des droits et libertés de l'homme, par les éditorialistes et par l'Opposition officielle.

Deuxièmement, c'est que les policiers de la Sûreté du Québec soient enfin rassurés quant aux méthodes de travail qu'ils doivent employer dans leur service de renseignements. Le ministre de la Justice qui aime se cacher derrière quoi que ce soit pour distraire la galerie, M. le Président, sera tenté de s'excuser en disant que cela se passait ainsi sous l'ancienne administration. C'est peut-être de bonne guerre, mais la population ne sera pas satisfaite par de tels prétextes.

Il ne s'agit pas d'un cas isolé ici qui peut être réglé par une enquête maison. On en a une série, le ministre est au courant, ses coupures de presse sont probablement aussi nombreuses que les miennes. Plusieurs ont réclamé une enquête et, quant à moi, j'appuie cette demande, je l'ai moi-même faite.

Voilà les réponses que nous voulons recevoir du ministre. La problématique est la suivante: Pour être efficace dans sa charge de maintenir la paix, l'ordre public et la sécurité publique, de prévenir le crime et d'en rechercher les auteurs — je me réfère à l'article 29 de la Loi de police qui décrit le mandat, la mission générale de la Sûreté du Québec — la Sûreté du Québec doit être informée le mieux possible. A titre de citoyen d'un régime démocratique,

j'accueillerai avec satisfaction toute mesure apte à rendre nos policiers plus efficaces. Je pense qu'il ne s'agit pas de jouer à l'autruche, et je n'ai pas l'intention, M. le Président, de faire comme les députés péquistes de l'ancienne Opposition officielle, qui allaient dans la rue attiser les manifestants contre le gouvernement. Je n'ai pas l'intention de me rendre complice de ceux qui se servent des syndicats pour attiser la violence. On le sait, il y a eu de la violence dans les syndicats, le ministre pourrait nous donner des dossiers de six pouces d'épaiseur pour décrire ou enfin qui contiendraient les informations concernant les grèves, les relations de travail difficiles qui ont amené la violence dans le passé, c'est exact mais il reste qu'il y a aussi un autre paramètre.

Que la police soit informée, c'est parfait. Nous demandons que le ministre indique à la population, par exemple, que les droits et libertés individuels ne soient pas brimés inutilement, ne soient pas menacés, parce que, toujours à titre de citoyen du même pays démocratique, je serai jaloux de la protection des droits individuels et du fonctionnement des organismes légitimes, en toute liberté. (10 h 15)

Quel est l'équilibre entre le besoin d'efficacité des services policiers d'une part et le respect des libertés individuelles? Le ministre doit déterminer cet équilibre. Je me réfère au journal des Débats du 20 avril 1978 à la page B/1406 où le ministre, répondait à une question du député de Verchères justement. C'était à la commission permanente, probablement à l'étude des crédits, j'imagine. Le ministre disait ceci: "D'ailleurs, si vous me le permettez, les actions policières, à mon humble opinion, ont aussi une relation directe avec la protection des droits et libertés individuels." Cela, il faut le rappeler, le ministre en est conscient. J'espère qu'il est aussi conscient qu'il y a certaines actions, qu'il y a certaines méthodes qui semblent, au moins, être une menace à cet exercice libre d'association, d'expression, de réunion.

Le premier ministre a dit que le ministre doit annoncer la décision bientôt, en réponse à des questions que j'ai posées la semaine dernière. Est-ce que le ministre de la Justice est en mesure de le faire aujourd'hui? Nous le souhaitons. Le ministre nous avait promis des directives. Je cite le journal des Débats du 13 mars 1979, je cite le ministre en réponse à une question que je lui posais. "M. le Président, les directives ont été données à la Sûreté du Québec selon lesquelles l'opération publique dont j'ai fait état au mois de novembre dernier devait se faire simplement sous l'angle de l'information, aux fins de prévenir des situations qui pourraient être potentiellement des situations de violence. Ils ont eu toutes ces directives d'une façon très précise". Toutefois, invité à déposer ces directives, le ministre nous dit: "Ah, ce ne sont pas ces directives. Je vais communiquer, dit-il, avec le directeur parce que ces directives ne viennent pas du ministre de la Justice". "Ce n'est pas le ministre de la Justice qui rédige les directives qui doivent être suivies par les policiers", encore à la page 101. Le ministre devait communiquer avec la Sûreté du Québec pour déposer ces directives. Où sont-elles? Est-ce qu'il y en a? Est-ce qu'elles vont être rendues publiques? C'est la problématique.

Les faits. Quels sont les faits révélés? En grande catégorie, ils font état d'infiltrations de la Sûreté du Québec dans les syndicats. Est-ce vrai? Cela a été nié par le ministre. Toutefois, il semble y avoir au moins un doute, quant à des cas rapportés par un M. Haché, je pense, selon lesquels la Sûreté rencontrait d'autres corps policiers à l'intérieur des syndicats. Là, ils s'entendaient ensemble pour savoir lequel continuait la surveillance. Cela n'a pas été dénié. Est-ce que cela a été autorisé par le ministre? Quelles sont les directives du ministre à l'égard de l'infiltration?

Une plainte à la Commission de police du Québec a été la dernière réponse du ministre à la série de questions que nous avons posées de ce côté-ci de la Chambre. Mais comment cette plainte à la Commission de police peut n'être autrement qu'illusoire et ridicule, car si l'infiltration a réussi, les seuls qui sont au courant sont les agents de la Sûreté du Québec et le ministre. Est-ce que l'un ou l'autre a fait une plainte à la Commission de police? Doit-on, comme population, s'attendre que la plainte vienne du ministre ou de la Sûreté du Québec, quand l'infiltration — si infiltration il y a — est faite? Ce que je veux dire, c'est que dans les cas d'opérations qui ne sont pas connues, une enquête seulement peut les révéler. On a vu que ce qui se passe à Keable et McDonald, c'est seulement une enquête qui a permis de faire connaître un tas de situations intolérables.

Les autres faits. Quant à la présence policière dans les négociations syndicales, le ministre a dit: II vaut mieux le faire ouvertement. C'est une attitude qui est prise, que l'on voit dans les brochures de la Sûreté du Québec, aussi. Il vaut mieux le faire ouvertement que de le faire de façon cachée. Cela sort d'un bon naturel, j'en suis convaincu. Dans une bonne mesure, cela s'explique, mais il faudrait être naïf pour ne pas confondre que la marge est mince entre la simple observation policière et l'implication du policier dans le contenu des négociations. Plusieurs ici, autour de la table, ont des expériences de négociation dans le monde syndical. Aussi, il ne faut pas oublier le caractère intimidant de se savoir surveillé pardessus l'épaule pendant qu'on fait sa stratégie. Il ne faut pas l'oublier. Dire que l'on fait cela ouvertement, cela peut réellement — comme je disais tantôt — sortir d'un bon naturel, en voulant laisser entendre qu'on n'a rien à cacher, mais il y a aussi tout le caractère intimidant de savoir qu'il y a un policier à la porte ou qui, peut-être, surveille, ou est au courant du contenu de nos offres, jusqu'où on veut aller, etc. C'est absolument capital. Cela a été soulevé par plusieurs éditorialistes, plusieurs chefs syndicaux, dans le cas qui nous occupe.

Autre cas. L'interrogatoire d'individus, comme les gens de Val-Martin, qui n'ont eu pour crime que de manifester leur désaccord avec le gouvernement. C'est une forme d'intimidation, oui, c'est une forme d'intimidation et si le ministre a bien lu les affidavits que j'ai déposés de personnes qui

avaient manifesté tout à fait pacifiquement et légalement et qui ont reçu la visite de policiers leur demandant ce qu'ils faisaient là, s'ils avaient l'intention de recommencer, ce qu'ils pensaient des ministres Landry et Tardif, on ne peut pas blâmer, on ne peut pas reprocher à ces personnes de se sentir intimidées. Si c'était pour être érigé en système, ce serait sûrement de nature à brimer l'exercice des libertés individuelles dans cette province. Cette façon de procéder est inadmissible.

D'ailleurs, il y a la question des trois étudiants qui écrivent au ministre leur désaccord avec la façon de plaider une cause. Ils reçoivent la visite de policiers. Ils croyaient que c'était la Sûreté du Québec. Le ministre vérifie auprès de la Sûreté du Québec. Apparemment, ce n'est pas la Sûreté du Québec, mais est-ce que comme ministre de la Justice, pas seulement comme responsable à l'Assemblée nationnale au point de vue administratif et politique de la Sûreté du Québec, mais comme ministre de la Justice responsable des affaires policières en général, le ministre s'est inquiété de savoir et de faire les gestes nécessaires pour savoir quels policiers sont allés voir les étudiants? Y a-t-il eu un rapport là-dessus? Pas que je sache.

Ce sont trois catégories de situations qui peuvent, si on ne prend pas soin de nos droits, amener un véritable système de surveillance de ceux qui ne sont pas d'accord avec le gouvernement. Au risque de passer pour ces personnes décrites au début de l'article du directeur Jacques Beaudoin, et je cite: " ... qui se sont donné pour mission de sauvegarder les droits des citoyens et les libertés humaines dans nos démocraties". C'est un article qui apparaît à la page 1 du numéro 2 du volume 9 de février 1979 de la revue de la Sûreté du Québec. Au risque de passer pour ces gens, je dis qu'il est temps que le ministre de la Justice, responsable à l'Assemblée nationale du comportement des policiers, pas seulement de la Sûreté du Québec — il en est responsable directement parce qu'il s'agit d'un organisme paragou-vernemental qui est financé directement par les fonds publics du Québec — fasse preuve de transparence et que les citoyens sachent où se terminent leurs droits et où commence la surveillance spéciale.

Les policiers eux-mêmes le réclament, à la page 2 ou plutôt à la page 4 de ce même volume. Le DGA, le directeur général adjoint, Yvan Aubin, dit ici, vers la fin de la deuxième colonne: "Sans aucunement vouloir présumer des décisions qui seront prises par les commissions d'enquête, il apparaît évident que l'absence de directives précises et de politiques de contrôle rigide auront sûrement contribué à cette situation — il se référait à la situation de la GRC dans la sécurité nationale — tout à fait désastreuse pour les corps policiers". Il répète un peu plus loin, à la fin de son article, à la page 7: "La police, dans son ensemble souhaite que le législateur se prononce à ce sujet". Ce n'est donc pas une lubie de l'Opposition officielle; c'est tout le monde qui le demande. Les éditorialistes demandent qu'on précise le plus tôt possible le mandat de la Sûreté du Québec en particulier et des corps policiers en général dans le cas qui nous occupe. Jean-Claude Leclerc le dit, dans un éditorial du Devoir du 10 mars 1979, sous le titre: "Le mandat de la SQ doit être précisé".

Cela ne dépend pas de la SQ; cela dépend du ministre. Il est temps que cesse ce climat malsain créé par des pages entières de cas de surveillance particulière de syndicats, d'individus. L'entêtement du ministre à tout excuser, à tout mettre sur le compte de l'erreur de jugement est inadmissible et condamnable. Je crois savoir qu'au Conseil des ministres, plusieurs de ses collègues ont semonce vertement le ministre pour son attitude actuelle.

M. Pagé: II le sait.

M. Lalonde: Les citoyens libres méritent mieux que l'entêtement du ministre et des excuses en disant: Ce sont des erreurs de jugement. Nous n'avons plus affaire à des cas isolés. Dans le passé, il y en a eu, mais jamais on n'a eu une agglomération de cas comme on en a actuellement. Les citoyens ont besoin maintenant de connaître les règles précises de comportement des policiers dans le travail de renseignement.

J'aurais d'autres questions sur la nouvelle incroyable qu'on a apprise récemment voulant que la Sûreté du Québec surveille la GRC. J'entends le député de Verchères qui s'esclaffe de rire, M. le Président. J'espère que sa bonne humeur équivaut à une dénégation générale de ces cas-là, quoique le premier ministre l'ait confirmé à l'intérieur et à l'extérieur de la Chambre.

Alors, sur ces quelques agissements, qui seraient sous la surveillance de la Sûreté du Québec, ces agissements de la GRC, nous aimerions savoir combien de polices surveillent l'autre police et s'il y a une autre police aussi qui surveille la Sûreté du Québec. Vous allez nous dire comment vous avez organisé votre surveillance, votre intelligence, comme on dit. D'ailleurs, est-ce que ça peut ne pas être la Sûreté du Québec qui fasse ça, M. le Président? On sait que le gouvernement a mis sur pied — on pourra peut-être en parler, mais peut-être déborde-t-on le cadre de cette question; on pourra en parler aux crédits la semaine prochaine — depuis le tout début de ses fonctions, un groupe de travail auquel participait le ministre de la Justice, pour la question de renseignements. On n'a jamais eu de nouvelles là-dessus. On sait que pour le CAD, tout ce qu'on a fait a été de le passer du J au bureau du ministre de la Justice, mais on veut savoir exactement de quoi il s'agit, sur les renseignements.

M. le Président, il est important — et je termine là-dessus — qu'on définisse le cadre d'action policière. Si on l'avait fait dans le passé, dans le cas de la sécurité nationale, on ne serait peut-être pas actuellement avec deux commissions d'enquêtes pour examiner le comportement de nos corps policiers et, en particulier, de la GRC. Il faut définir le cadre et, quand on parle d'ordre social qu'on veut maintenir, de paix socia-

le, ça ressemble grandement, dans les critères d'action, dans l'objectif, à la sécurité nationale, même si les problèmes, dans le champ, ne se présentent pas de la même façon. (10 h 30)

II faut donc que ce soit défini pour que, d'une part, nous puissions donner aux policiers du Québec — en particulier à la Sûreté du Québec — un cadre d'action bien défini, à l'intérieur duquel ils sauront qu'ils ne seront pas inquiétés, qu'ils pourront faire leur travail honnêtement et avec toute la vigueur possible et, d'autre part, que les droits individuels, les droits d'association — les syndicats en particulier, les organismes légaux — puissent être protégés. Ce qu'on demande au ministre est de nous définir ce cadre d'action. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le ministre de la Justice.

Réponse du ministre M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys joue la carte de la confusion, comme c'est son habitude, en mêlant indifféremment une série de situations. Le député vise très clairement, aujourd'hui comme dans le passé, à certaines occasions, à semer le doute sur l'action policière, notamment dans le cadre des relations de travail. Le député a parlé de certains cas particuliers, nous y reviendrons.

Personnellement, je me suis déjà exprimé dans le sens qu'il n'y avait aucune infiltration de membres de la Sûreté du Québec dans les syndicats, aucune écoute électronique sur les activités syndicales et je puis ajouter que, même si aucune illégalité ne m'a été signalée dans les cas qui ont été soulevés, ma préoccupation demeure quand même entière — je pense que c'est le terme qu'il faut employer — de relever le défi de concilier, d'une part, le respect du caractère démocratique des syndicats avec le devoir des policiers d'accomplir le mandat qui leur est imparti par la loi. Ce n'est pas facile — j'en suis conscient — à concilier, mais je pense que c'est fondamental pour une société, que c'est un débat sain pour une société adulte.

Puisque le député de Marguerite-Bourgeoys a mis beaucoup d'insistance sur cet aspect de ta question de l'action policière, concernant les conflits de travail, quelle est cette action policière et pourquoi existe-t-elle? Elle a évidemment plusieurs facettes. Je voudrais mentionner que la question des conflits ouvriers est fort loin d'occuper la Sûreté du Québec au point où d'aucuns voudraient le laisser entendre. Puisqu'on a tellement dramatisé cet aspect, c'est là-dessus que je crois de mon devoir d'éclairer mes collègues et l'opinion publique. Depuis deux ans, la violence dans les conflits de travail a sensiblement diminué, mais elle demeure encore trop présente. Un relevé sommaire indique qu'il y a eu de la violence ou d'autres illégalités dans une centaine de conflits de travail.

La liste des illégalités comprend toute la gamme possible, à partir de vitres brisées en passant par les véhicules endommagés, la menace, l'intimidation, les blessures, les coups de feu et certains incendies criminels.

M. le Président, je ne compte pas le nombre de piquetages et de manifestations où le respect du libre accès aux édifices n'est pas respecté, ce qui est contraire à la loi et, de plus, provoque souvent de la violence nécessitant des interventions policières pour assurer le respect des droits des uns et des autres. Cette violence et ces actes criminels ne sont pas imaginaires et ils sont plus nombreux qu'on ne le croit généralement. Certains diront peut-être que la violence est presque normale dans les conflits de travail à cause des intérêts qui sont en jeu et du rapport de force parfois inégal, du moins souvent perçu comme tel. Je comprends que la tentation de la violence et de l'illégalité existe et je dois dire que parfois elle est provoquée par certaines attitudes de l'employeur. Mais, comme procureur général, je ne peux accepter ni tolérer que la violence ou l'illégalité se matérialisent.

Il appartient aux policiers de prévenir ces situations de violence par tous les moyens légaux. Je pense bien que les députés de l'Opposition seront d'accord sur ce point. Le jour où il n'y aura plus de violence dans les conflits de travail, il n'y aura plus de policiers qui auront à s'occuper des conflits de travail. L'opération publique à laquelle on a fait état, qui est une opération de prévention, s'applique surtout aux actes criminels dont j'ai parlé tantôt. Mais elle est aussi de mise en diverses circonstances, par exemple, reliées à la sécurité et à la santé des personnes et des citoyens. Ainsi, si un groupe désire organiser une manifestation d'une certaine ampleur, j'estime que les forces policières doivent en être avisées et connaître les principales mesures de sécurité que le groupe lui-même assurera de sorte que la force policière responsable d'assurer en même temps la liberté de manifester et la protection des citoyens, prenne les mesures appropriées en temps utile.

Faut-il un policier ou faut-il 100 policiers dans un cas précis de manifestation qui a beaucoup d'ampleur? La réponse à cette question, comme à de nombreuses autres, nécessite un lot d'informations. De même, on peut se poser d'autres questions. Combien y a-t-il de conflits ouvriers où les forces policières n'ont pas à intervenir et dont elles n'ont finalement pas à s'occuper, en définitive. A partir de quoi un corps policier déterminera-t-il s'il doit s'occuper ou non d'un conflit ouvrier? Doit-il attendre que la violence ait éclaté? Je pense que poser la question, c'est y répondre.

La prévention commence par les informations utiles pour déterminer s'il y a ou non un risque de violence et à quel degré elle pourrait se situer. Là aussi, pour faire cette évaluation, cela suppose un certain travail préparatoire d'information et une analyse. Le problème ne me paraît donc pas être

de savoir si les policiers doivent faire un travail de prévention de la violence et s'ils peuvent recueillir les informations pertinentes pour le faire, car il me paraît clair que toute société responsable et moderne doit répondre oui à ces deux questions.

Donc, la question est plutôt de savoir comment un corps policier, en l'occurrence la Sûreté du Québec, doit recueillir ses informations. Quelle méthode d'enquête la Sûreté doit-elle employer?

Le député de Marguerite-Bourgeoys a parlé de la nécessité d'indiquer un cadre d'action. Je puis lui dire qu'il existe une ligne de conduite en cette matière. L'activité syndicale au Québec a permis la promotion des intérêts de nombreux travailleurs. Actuellement, le syndicalisme, on le sait, fonctionne sur une très grande échelle au Québec et les syndicats constituent un des corps intermédiaires les mieux organisés et les plus représentatifs, et également un corps intermédiaire pour lequel la grève légale est un des recours essentiels et parfaitement légitimes dans son action.

Aussi, le fait d'obtenir de façon générale des informations sur leurs activités serait complètement déplacé, car seule une minime partie des événements qui se produisent sont susceptibles d'entraîner des conflits violents et de donner lieu à la commission possible d'actes criminels. Dans bien des secteurs de relations de travail, la situation est calme et rien ne laisse présager de changement. Il s'agit donc d'une minorité de cas où la Sûreté doit effectuer son travail d'enquête et être en mesure de prendre les dispositions requises, car c'est essentiellement dans certaines situations particulièrement tendues que les risques de confrontation existent, se présentent et peuvent se matérialiser.

Je crois que de la même façon qu'il paraîtrait injuste et injustifié que l'ensemble des hommes d'affaires et de leurs organisations fassent l'objet de travail policier parce qu'il y a de nombreuses fraudes, il paraîtrait tout aussi injuste et inacceptable que l'ensemble des syndiqués et de leurs organisations fassent l'objet de l'attention policière parce qu'il y a de nombreux cas de violence. Dans un cas comme dans l'autre, personne n'est au-dessus des lois, mais dans les deux cas également, le travail policier doit être motivé et justifié par les circonstances et les faits.

C'est en ce sens, quand le député de Marguerite-Bourgeoys nous parle de directives, de lignes de fond et de cadre d'action, que sont établies les politiques de la Sûreté du Québec et c'est dans ce sens qu'elles doivent être appliquées. J'ai demandé aux autorités de la Sûreté du Québec de s'assurer que c'est bien ainsi qu'elles sont comprises également par ses membres. Vous pourrez, à la lecture de la revue que vous avez soulignée tout à l'heure, remarquer que ce n'est pas depuis qu'il y a des questions en Chambre que ces lignes de fond ont été énoncées à la Sûreté du Québec, mais bien avant. On en fait d'ailleurs état dans la revue qui a été publiée en février 1979.

La première règle, la règle absolue, est la légalité. S'il y a des illégalités, elles ne découlent pas des politiques de la Sûreté, il s'agirait de cas individuels qui seraient traités selon la loi. S'il y avait des cas qui nécessitent une enquête de la Commission de police, l'enquête aurait lieu. S'il y avait des cas qui impliquent des accusations au criminel, les accusations seraient portées. S'il y avait des cas qui nécessitent des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu'au congédiement, il y en aurait. Ni le gouvernement du Québec, ni le Procureur général, ni les autorités de la Sûreté du Québec n'acceptent et ne tolèrent l'illégalité de la part de policiers. Les autorités de la Sûreté du Québec partagent cette opinion et cette préoccupation autant que chaque citoyen et elles agissent en conséquence.

Sur cet aspect essentiel du cadre d'action, une des premières règles est le respect de la légalité. Sur cet aspect, comme Procureur général, je n'ai jamais laissé et ne permettrai pas qu'on laisse subsister quelque doute à ce sujet. Dès le 11 janvier 1977, m'adressant à tous les policiers des corps policiers réunis à l'occasion des journées d'étude de la Commission de police, je déclarais et je cite: "Je crois fermement que vous pouvez maintenant réaliser vos objectifs dans le cadre du respect des droits et des règles du jeu démocratique sans avoir recours à la violence ou à l'illégalité. Autant les policiers peuvent compter sur mon appui dans leurs revendications légitimes, autant ils peuvent être assurés que des comportements illégaux de leur part ne sauraient être tolérés". Ce n'est pas aujourd'hui que je le dis, je l'ai fait dès que j'ai assumé les responsabilités de ministre de la Justice.

Je poursuivais en ce sens: "Et cela, je le dis non seulement en vertu du droit des citoyens d'exiger des policiers le respect de la loi, mais également dans l'intérêt des policiers eux-mêmes qui doivent se mériter la confiance, le respect et l'estime des citoyens". C'est dans cette ligne de pensée que, quelques mois plus tard, la commission Keable était formée aux fins de faire la lumière sur certaines pratiques policières illégales qui avaient eu cours dans les années antérieures. De la même façon, toute illégalité qui serait découverte ferait l'objet des actions appropriées, ainsi que je l'ai indiqué. Au niveau du cadre d'action, au niveau des lignes de fond, des lignes directrices, la seconde règle est celle de la neutralité du policier. Le contenu des négociations entre employeur et employé n'intéresse pas la police et le policier n'a pas à favoriser l'une ou l'autre des parties à cet égard. L'information qu'il recueille ne doit servir qu'à maintenir l'ordre et prévenir les situations de violence.

S'il est utile parfois au policier de connaître les principaux points en litige, comme facteur majeur d'appréciation permettant d'évaluer, tant du côté de l'employeur que du côté des employés, le potentiel de violence et le degré d'accroissement de ce potentiel il ne doit cependant absolument pas permettre que cette information bénéficie à l'une des parties au détriment de l'autre partie. De plus, dans le cadre de leur travail, les policiers n'ont aucun mandat de se préoccuper des opinions politiques ou des allégeances politi-

ques des citoyens et celles-ci ne doivent pas influencer, de quelque manière que ce soit, les opérations policières. Ce qui doit uniquement faire l'objet de préoccupations, ce sont ceux qui préconisent l'usage de l'illégalité ou de la violence. (70 h 45)

C'est ainsi que les policiers doivent comprendre et concevoir leur rôle qui doit tenir compte de la liberté d'opinion et de la liberté d'expression. C'est dans ce contexte que les membres de la Sûreté, dans les cas où un conflit de travail est en cours ou encore est prévu sur son territoire, c'est dans ce contexte que les membres de la Sûreté du Québec ne doivent recueillir que les renseignements pertinents relatifs au conflit et susceptibles d'aider à évaluer les risques de violence et également, de ce fait, à prendre les moyens de la prévenir.

Le policier doit donc rencontrer — je pense que cela s'insère; c'est une opération publique, pour des motifs précis que je viens d'indiquer, dans le cadre d'action précis — les deux parties: la partie patronale et la partie syndicale. Toutes deux, bien sûr, sont libres de lui fournir les informations utiles pour son travail; de la même façon, lorsque le conflit est sur le point d'éclater, les policiers chargés de maintenir l'ordre tenteront de rencontrer les deux parties, pour expliquer quel sera le rôle des policiers pour maintenir la paix.

Dans le passé, ces rencontres ont donné d'excellents résultats en permettant de clarifier les règles du jeu pour toutes les parties. J'estime qu'il s'agit d'un travail intelligent et nécessaire de la part des policiers et qui porte des fruits pour les parties en cause. Rien d'étonnant, donc, que les centrales syndicales et que le député de Marguerite-Bourgeoys puissent énumérer des cas d'exécutifs locaux ou encore de présidents de syndicats qui ont été rencontrés. C'est une démarche ouverte, publique et qui se fait aussi bien du côté patronal que du côté syndical.

Dans un autre ordre d'idées — puisqu'on a parlé de méthodes d'enquête, de moyens de mener à bien ces enquêtes — la Sûreté reçoit ou sollicite, dans le cadre de son travail, l'aide des citoyens. Cette collaboration au maintien de l'ordre et au respect des lois est essentielle. Dans tous les cas, cette collaboration doit être libre et volontaire. Si cette condition est remplie, je vois mal de quel droit on empêcherait des citoyens d'aider la police à prévenir la violence, et je m'expliquerais assez mal qu'on veuille empêcher le policier de recevoir, par exemple, l'information émanant d'un citoyen, relativement à un projet d'acte criminel ou encore de nature illégale. Les citoyens sont absolument libres d'aider les policiers dans leur travail et les policiers ont besoin de cette collaboration. C'est là un des outils nécessaires, un des moyens d'enquête nécessaires à toute force policière dans le monde et je vois mal pourquoi on s'en scandaliserait. Il est vrai, cependant, qu'il s'agit d'un domaine délicat où chaque cas en est un d'espèce qui doit être apprécié par le policier et ses supérieurs, en pleine connaissance de cause, avec tous les éléments en main et avec le risque d'erreur inhérent à toute décision.

Dans ce domaine comme dans d'autres, il faut aussi savoir réprimer les abus et le principal critère demeure la légalité, car c'est le moins arbitraire de tous; cela n'est pas le seul, mais je crois que c'est le plus important. Inutile d'ajouter que le rôle des informateurs est singulièrement réduit en ce qui concerne les conflits de travail et, dans le même ordre de préoccupations, j'ai déjà indiqué, et je le répète, que la Sûreté du Québec n'a aucun membre infiltré dans les syndicats et qu'aucune écoute électronique n'est faite par elle dans le but de connaftre les préoccupations syndicales.

L'utilisation de l'écoute électronique est strictement réglementée par le Code criminel et la loi fédérale sur les secrets officiels. Dans le premier cas, elle est réservée à certains actes criminels et dans des circonstances précises, après autorisation judiciaire; dans le second cas, elle relève uniquement de l'autorisation du Solliciteur général du Canada et elle est utilisée par la GRC, mais non la Sûreté du Québec. Je crois qu'en définitive, la discussion — et je remercie d'une certaine façon le député de Marguerite-Bourgeoys d'avoir demandé ce débat — de tels sujets est saine, à condition que la réflexion n'en soit pas absente.

Je crois que cette réflexion devrait aussi être faite par les dirigeants syndicaux. Le maintien de l'ordre et le respect de la loi de même que la prévention de la violence, ce n'est pas seulement la responsabilité des policiers. C'est aussi celle des citoyens et notamment, des syndiqués et de leurs dirigeants. Ceux-ci ne doivent pas faire comme si la violence n'existait pas dans les conflits de travail. Ils ne doivent pas hésiter à observer et à faire observer la légalité et également, à prendre eux-mêmes, quand c'est nécessaire, les moyens appropriés pour éviter la violence.

Je songe également à leur rôle dans le contrôle effectif, et par eux-mêmes, des manifestations qu'ils organisent. Je pense aussi qu'ils devront vraiment prendre leurs responsabilités quant aux droits d'accès aux édifices publics ou privés lors de conflit ou de grève. Ce sont des domaines, je crois, où ils font déjà beaucoup, mais ils devront faire encore davantage. Je dirais même que dans la mesure où ils prendront eux-mêmes les mesures pour que les lois soient respectées et la violence évitée, le travail policier pourra être éliminé progressivement.

Les syndicats sont des organismes légitimes et légaux, des organismes nécessaires en démocratie et essentiels pour une société. D'autre part, la police aussi est un organisme légal, légitime et essentiel pour une société. Elle est quand même, dans une démocratie, l'instrument qui doit faire respecter les lois. La police et le syndicat n'ont pas à se surveiller l'un l'autre. Ils doivent travailler franchement et, j'irais même jusqu'à dire, pourquoi pas ensemble, afin d'écarter et éviter cet ennemi dangereux de la société, à savoir éviter la violence là où elle peut se présenter.

Ainsi que je l'ai déjà dit, je suis ouvert à la discussion avec les dirigeants syndicaux et je suis disposé à préciser avec eux notre façon de voir les

responsabilités qui leur incombent quant au maintien de l'ordre et du respect des lois et à rechercher avec eux de quelle façon et par quelles mesures ils pourraient, avec leur organisme, faire en sorte que le besoin de travail policier puisse être réduit dans les conflits syndicaux. J'ai déjà des rencontres programmées avec certains d'entre eux aux fins d'évaluer correctement et valablement l'ensemble de la situation.

Je suis également — et je terminerai là-dessus, M. le Président — conscient que cette réflexion doit également s'étendre au milieu patronal. Les dirigeants d'entreprises doivent aussi contribuer au maintien d'un climat serein. Sans généraliser non plus, il arrive que des gestes de leur part dans certains cas constituent une provocation injustifiable des travailleurs. Ainsi, lorsque cela se produit, l'absence de bonne foi, l'abus des injonctions, l'embauche de certaines compagnies de sécurité peu responsables, la provocation sur les lignes de piquetage et certaines manoeuvres anti-syndicales constituent autant de facteurs provoquant la violence. Le patronat non plus ne doit pas tergiverser avec le respect non seulement de la lettre, mais aussi de l'esprit de la loi.

M. le Président, en terminant, je l'ai dit à plusieurs reprises, les politiques de la Sûreté du Québec m'apparaissent nécessaires et légales, mais — je l'ai dit aussi — il peut toujours y avoir des erreurs ou des abus individuels. C'est pour améliorer les mécanismes de contrôle de ces erreurs aussi bien dans ce secteur d'activité policière que dans les autres qu'un certain nombre de mesures seront proposées dans le projet de loi modifiant la Loi de police. Je profite de l'occasion pour les annoncer. Le projet de loi en question prévoira un code d'éthique et de discipline minimum pour tous les policiers du Québec, de même qu'un nouveau code d'éthique et de discipline pour les membres de la Sûreté du Québec. La Commission de police verra également s'accroître ses pouvoirs dans ce domaine de l'éthique, de la discipline et des qualités nécessaires pour agir comme agent de la paix.

M. le Président, comme nous avons un débat de trois heures, j'ai tenu à ce que mes premiers propos concernant l'action policière se situent au niveau des conflits ouvriers parce que c'est un point extrêmement important en démocratie que de trouver le moyen de relever le défi, de concilier le respect du caractère démocratique des syndicats et le devoir des policiers de faire leur travail selon le mandat qui leur est imparti par la loi. Alors, je croyais nécessaire d'insister, dans cette première intervention, sur ce point particulier, étant donné qu'on avait dramatisé la situation. Concernant les cas particuliers auxquels le député de Marguerite-Bourgeoys a fait état, nous aurons l'occasion d'y revenir. S'il le désire également, je suis disposé à lui donner l'essentiel des instructions de la Sûreté du Québec, qui sont adressées à ses membres aux fins de recueillir certaines informations dans les conflits ouvriers. Je suis très disposé à donner l'essentiel de ces informations qui sont recueillies par les membres de la Sûreté du Québec.

Le Président (M. Richard): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais laisser...

M. Fontaine: M. le Président, est-ce que je vais avoir mon droit de parole tout à l'heure?

Le Président (M. Richard): M. le député de Nicolet-Yamaska, vous aurez le droit de parole en temps opportun. Je vous rappelle que cette question avec débat a pour effet de privilégier deux intervenants: celui qui a formulé la question, en l'occurrence M. le député de Marguerite-Bourgeoys, et le ministre de la Justice lui-même. Comme le ministre de la Justice vient de répliquer, j'ai l'intention de redonner tout de suite le droit de parole au député de Marguerite-Bourgeoys, quitte à vous rejoindre immédiatement après, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président.

M. Lalonde: M. le Président, avec votre permission, est-ce que je pourrais laisser mon collègue de Portneuf exprimer quelques points en réaction avec...

M. Pagé: C'est une substitution, M. le Président.

M. Lalonde: Oui. De cette façon, personne ne sera brimé. Je reviendrai après.

Le Président (M. Richard): Oui, mais je vous signale qu'après je vais donner...

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Lalonde: Oui, je reviendrai après.

Le Président (M. Richard): M. le député de Portneuf.

Autres interventions M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vais tenter d'être assez bref afin que mon collègue de Nicolet-Yamaska puisse intervenir lui aussi. Je n'aurai que quelques questions à poser au ministre. Ce matin, le ministre de la Justice nous fait une déclaration qui est tout à fait vertueuse. Le ministre de la Justice et Procureur général nous dit que les forces policières ont l'obligation de prévenir des situations de violence au Québec, doivent maintenir l'ordre, doivent veiller au respect de la loi, que les informations recueillies dans le cadre des démarches de la Sûreté du Québec ne peuvent bénéficier aux partis, qu'il n'y a aucun mandat pour intervenir au niveau des activités politiques des membres de syndicats ou quoi que ce soit.

M. le Président, le motif sur lequel semble s'appuyer le ministre de la Justice pour justifier

toute démarche, dans ce sens-là, de la Sûreté du Québec semble être les cas de violence appréhendée. D'ailleurs, le ministre a fait référence à quelque 100 cas de violence depuis deux ans dans le cadre de négociations ou de renouvellement de...

M. Bédard: ... cas de violence. Une centaine de conflits...

M. Pagé: Une centaine de conflits où il y a eu...

M. Bédard: ... où il y a eu des actes de violence dans certains cas.

M. Pagé: ... de la violence.

M. Bédard: II y a eu au-delà de 100 plaintes, dans certains cas...

M. Pagé: C'est cela.

M. Lalonde: C'est pire qu'on pensait.

M. Bédard: ... qui ont pu être portées...

M. Pagé: C'est cela. Plus d'une centaine de plaintes.

M. Lalonde: C'est pire qu'on pensait. M. Bédard: Une centaine de conflits.

M. Pagé: Cela veut dire que cela évolue à un rythme de un par semaine et...

M. Bédard: Moins de conflits que dans votre temps.

M. Pagé: ... tout cela dans un contexte où on aurait la paix sociale.

M. Bédard: Beaucoup moins. M. Lalonde: Moins de cas. M. Bédard: Oui, le climat...

M. Pagé: On y reviendra sur les conflits de 1973 à 1976...

M. Bédard:... est beaucoup plus serein maintenant.

M. Pagé: ... par rapport à votre période. Le Président (M. Richard): M. le ministre.

M. Pagé: On y reviendra et on videra la question avant longtemps. Ne soyez pas inquiet là-dessus. Je pense que vous serez le premier à être surpris de la statistique.

M. le Président, la première question au ministre. C'est vertueux, c'est très bien, c'est beau et cela paraît bien; c'est bien enveloppé et c'est bien enrubanné. Le président de la CEQ, dans un communiqué de presse et une missive qu'il faisait parvenir au ministre au début du mois de mars dernier, portait à l'attention du ministre certains faits. Entre autres, le président de la CEQ soutenait qu'à la réunion de leur conseil général de la fin d'octobre 1978, un policier de la Sûreté du Québec était venu prendre des documents de cette instance au Centre municipal des congrès à Québec. Même chose à la conférence de presse de la Fédération des enseignants de CEGEP, un groupe affilié, le 22 février 1979 à l'Auberge des gouverneurs au centre-ville de Québec, un policier de la Sûreté du Québec, encore une fois était venu faire une apparition discrète pour s'emparer de documents. Au CLSC des frontières, dans le comté de Témiscouata, encore une fois, des agents de la Sûreté du Québec se sont présentés auprès de la direction pour avoir des renseignements sur le syndicat, ses membres, etc. (11 heures)

M. le Président, on a eu des faits analogues qui ont été invoqués par d'autres dirigeants syndicaux, dans le cadre des négociations du secteur public et parapublic, des CEGEP, des hôpitaux, des CLSC, des collèges et même de polyvalentes.

Je conviens que le ministre de la Justice puisse se fonder et justifier la position de la Sûreté du Québec dans les cas de violence appréhendée. Le ministre de la Justice, le Procureur général, à la fin de son exposé, a déploré certains faits ou a fait certains constats à l'égard de certains employeurs qui, lors du renouvellement d'une convention collective, par exemple, peuvent... il a fait allusion à l'engagement de services de sécurité ou d'agences de sécurité, etc. Je conviens que le ministre puisse justifier, jusque dans une certaine mesure, les actions de la Sûreté du Québec dans les cas de violence appréhendée. Mais, dans ces cas, y avait-il de la violence appréhendée? Est-ce qu'il y a de la violence appréhendée dans la négociation dans le secteur public et parapublic? Est-ce que cette violence appréhendée, de la part du procureur général, des autorités et des services de renseignements de la Sûreté du Québec, justifie de telles démarches au sein des CLSC, des hôpitaux, des collèges d'enseignement, des CEGEP, etc.? C'est le premier élément de ma question, M. le Président.

M. Bédard: D'abord, on ne parle pas de violence appréhendée, l'essentiel de l'action de la Sûreté du Québec, c'est un travail de prévention de situations de violence possible.

Les informations de prévention essentielle qu'il est important de recueillir, je peux les faire connaître au député. Disons que, dans le contexte des conflits de travail, qu'ils soient en cours ou encore qu'ils soient prévus sur un territoire donné, le membre de la Sûreté du Québec ne doit recueillir que les renseignements pertinents et relatifs aux conflits susceptibles d'aider à évaluer les risques de violence et à prendre des moyens pour prévenir celle-ci, je l'ai dit tout à l'heure.

Je pourrais vous donner quelques exemples, non seulement quelques exemples, mais je suis disposé à vous faire connaître l'essentiel des informations préventives que les agents ont instruction, de leurs supérieurs, de recueillir dans ces cas. Par exemple, la date et l'heure réelles ou probables du conflit, la nature du conflit, la raison sociale, le genre d'affaires et l'adresse des entreprises, l'adresse des filiales ou succursales pouvant être touchées par un conflit, les nom, adresse, numéro de téléphone des propriétaires ou dirigeants, le nombre d'employés impliqués, le nombre de cadres et d'employés non syndiqués, le nom de la personne ou agence responsable de la sécurité de l'entreprise, comment la propriété est protégée au niveau de bornes, barrières, points d'accès. Ce sont quelques-unes des informations que doivent recueillir les policiers de la Sûreté du Québec au niveau de cette opération publique et...

M. Pagé: M. le Président,, je ne sais pas si le ministre m'a bien compris.

M. Bédard: Je vais revenir à votre question. Il y a également d'autres éléments d'information que le policier doit recueillir au niveau de l'ensemble de cette opération publique, par exemple, les nom et adresse du syndicat, l'union ou l'association en cause, nom et adresse des dirigeants ou représentants ouvriers, le nombre de piqueteurs et les heures de piquetage, l'endroit de réunion des employés en grève ou en lock-out, les manifestations qui sont prévues, que ce soit au niveau des assemblées, marches, piquetages massifs, etc., si, par exemple, l'employeur entend continuer à opérer, les structures et disponibilités du corps policier responsable du territoire où se déroule le conflit. Il doit obtenir, si c'est possible, une photographie des lieux, l'identification des véhicules d'intérêt en rapport avec des activités criminelles et des personnes d'intérêt, qui sont en fuite, sous interdiction de port d'armes ou d'usage d'armes, de conduite ou en liberté conditionnelle, qui sont reliées à des activités criminelles ou violentes.

C'est l'essentiel des informations que doivent recueillir les policiers de la Sûreté du Québec. C'est une opération publique. Quand je vois le député s'étonner du fait que des policiers se sont rendus quérir — pas s'en emparer — certains documents, ouvertement, documents qui étaient publics, je ne vois pas comment le député peut se scandaliser de cette démarche de la part de policiers. C'est une démarche ouverte et publique.

M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Richard): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Ma question au ministre est relative, spécifique aux négociations dans le secteur public et parapublic. Le ministre de la Justice me répond par la politique adoptée par la Sûreté du Québec à l'égard de conflits possibles ou de situations potentiellement dangereuses ou de violence dans des entreprises privées. A ma question, le ministre me répond par des contrôles, des barrières, des véhicules, des cadres, de la production ou non pendant une période de grève, de l'heure de la grève, etc. Tout cela, c'est bien, à l'égard des conflits dans l'entreprise privée, de conflits possibles à la suite d'une première convention collective ou d'un renouvellement de convention collective. Ma question est bien spécifique: On a des négociations dans le secteur public et parapublic actuellement. On a des syndicats qui se réunissent, comme c'est légitime et comme c'est normal, pour discuter de ces négociations et de la façon que cela peut avancer et tout cela. Il y a des documents qui se distribuent, etc.

Qu'est-ce que les policiers de la Sûreté du Québec vont faire là? Le syndicat est connu. Ils ont l'adresse du syndicat. Le syndicat n'est pas encore en grève, il est en pleine négociation. Le ministre dit: Ce n'est pas grave. Ils vont chercher des documents publics. A ce moment, cela met de côté toute votre argumentation du début, à savoir que l'action policière n'était justifiée que pour prévenir les situations de violence et dans le cas de violence appréhendée, pour maintenir l'ordre et respecter la loi. En quoi la Sûreté du Québec prévient-elle des situations de violence lorsqu'elle se rend dans des CLSC comme elle l'a fait, dans des CEGEP, dans des réunions pour la négociation de conventions collectives en milieu hospitalier, en milieu scolaire ou autrement? Qu'est-ce que vous prévenez en termes de violence?

Le Président (M. Richard): M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Le député semble surpris de voir que l'opération publique, très ouverte...

M. Pagé: Très ouverte, très ouverte, écoutez...

M. Bédard: ... se poursuit ou encore a lieu concernant le secteur parapublic. Je ne vois pas pourquoi vous vous étonnez de cela puisque, dès le mois de novembre ou de décembre 1978, j'ai indiqué que cette politique de prévention, cette opération s'appliquait tant dans le secteur privé que dans le secteur public ou parapublic. Ce sont les mêmes règles...

M. Pagé: C'est donc dire... M. Bédard: ... du jeu.

M. Pagé: Mêmes règles du jeu dans le secteur public et les négociations dans le secteur privé. Je conviens que la Sûreté du Québec est soumise aux mêmes obligations, qu'elle a des devoirs à remplir; c'est donc dire que vous présumez de la violence dans les négociations, à la suite des négociations publiques et parapubliques.

M. Bédard: Vous charriez.

M. Pagé: Je n'essaie pas de charrier et vous interviendrez sur le débat là-dessus.

M. Vaillancourt (Jonquière): II charrie.

Le Président (M. Richard): M. le ministre de la Justice.

M. Pagé: M. le Président, essentiellement, et le ministre de la Justice pourra me contredire, le ministre de la Justice dit ceci: II y a des négociations de conventions collectives, il y a des négociations qui sont parfois difficiles, il y a des conflits ouvriers qui entraînent la violence et la Sûreté du Québec a une responsabilité à cet égard. Le ministre de la Justice nous a donné la nomenclature d'informations qui sont recueillies par la Sûreté du Québec dans le cas de conflits privés, c'est-à-dire la nature de l'industrie, le nombre d'employés, le nombre de cadres, la date d'échéance de la convention collective, la date du droit de grève comme tel, etc. Le ministre se fonde essentiellement, appuie cette démarche sur une question de prévenir les situations de violence. Donc, s'il y a une action des policiers de la Sûreté du Québec, dans quelque cas que ce soit, public ou privé, c'est parce qu'on présume ou on appréhende la violence à la suite de ces négociations. Ce que je demande au ministre de la Justice, les démarches des policiers de la Sûreté du Québec dans certains CLSC et cela... Je vous ai fait référence seulement à ceux qui sont connus, on n'a pas ceux où ce n'est pas connu encore, les hôpitaux, les collèges d'enseignement, les polyvalentes, tout le secteur public et parapublic, qui sont actuellement en négociation. S'il y a des interventions de la Sûreté du Québec, pour que cette intervention soit justifiée, c'est donc qu'il y a de la violence appréhendée. C'est quoi, si ce n'est pas cela?

A ce moment, cela pourrait devenir, M. le Président, la recherche de renseignements purement et simplement. Si le ministre de la Justice nous répond ce matin, M. le Président, qu'il n'y a pas de violence appréhendée dans le cas où la Sûreté du Québec intervient dans la négociation dans le secteur public et parapublic, c'est encore plus inquiétant parce que cela pourrait — ce n'est pas ce que je soutiens ce matin — je vous dis que cela pourrait être davantage inquiétant parce que la démarche de la Sûreté du Québec, à ce moment, pourrait être interprétée comme étant une démarche strictement d'information, en termes de contenu.

Le Président (M. Richard): M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je l'ai dit à deux reprises au député, cette cueillette des informations, j'ai indiqué les principaux points tout à l'heure, se situe à l'intérieur d'un travail de prévention de la part de la Sûreté du Québec, en fonction de conflits qui peuvent se matérialiser. Je pense bien qu'on ne devrait pas faire de reproche à la Sûreté du Québec ou encore au gouvernement de faire ce travail de prévention, étant donné l'ampleur de la négociation que peut représenter celle dans les domaines public et parapublic. Il s'agit de négociation, comme vous le savez, où au-delà de 200 000 personnes sont concernées et où il y a des services publics qui doivent être assurés s'il devait y avoir une grève, il y a des édifices qui doivent être protégés. C'est un travail de prévention normal. Si la Sûreté du Québec ne le faisait pas, le premier reproche qu'on nous ferait, s'il y avait des difficultés qui se présentaient en cas de grève ou autrement, ce serait de ne pas avoir prévenu ces situations, de ne pas avoir fait le travail de prévention normal dans les circonstances.

Le Président (M. Richard): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: M. le Président, le ministre de la Justice, tout à l'heure, dans son allocution, a fait le tour de la grande question policière au Québec. Il nous a dressé le tableau de la société idéale où tout le monde respecterait les lois, les syndicats d'un côté, la police de l'autre côté, le patronat de l'autre côté...

M. Bédard: II va y en avoir...

M. Fontaine: II dit: Progressivement la police va se retirer du domaine de l'information policière, et tout le monde va s'autodiscipliner, cela va bien aller partout. Je pense, Mme la Présidente, que la situation n'est peut-être pas telle qu'elle a été décrite par le ministre.

Je suis d'accord avec le ministre qu'il faut prévenir les situations de violence dans les conflits de travail, assurer la protection des citoyens lors de manifestations, mais de là à dire que tout se déroule dans le meilleur des mondes, on en a eu la preuve dernièrement lors des discussions qui ont été tenues à l'Assemblée nationale.

Les journaux ont largement mis en relief les faits. Les discussions qui se sont déroulées en cette Assemblée ont été suffisamment claires, pour démontrer à la population du Québec que les méthodes d'enquêtes du service de renseignements de la Sûreté du Québec peuvent inspirer certaines craintes dans la population. Mais au-delà de ces méthodes d'enquête, il faudra aussi s'interroger, dans un avenir rapproché, sur le rôle de la police au Québec et impérativement le gouvernement se doit de légiférer en ce sens.

Je voudrais ouvrir une parenthèse et mentionner un passage du volume de M. Guy Tardif, qui est actuellement ministre des Affaires municipales. Ce volume porte le titre: Police et politique au Québec. M. Tardif écrit à la page 470: "S'appuyant sur les lois organiques existantes qui définissent la police en termes de prévention du crime, de détection des auteurs et de la poursuite en justice, on attend des policiers qu'ils soient au service de l'ordre et de la paix publics et non au service de quelques factions, qu'ils protègent la vie et la propriété et qu'ils respectent et fassent respecter les droits des individus et des groupes."

Je pense que c'est ce à quoi on doit s'attendre d'un corps policier. Ce sont des millions de dollars des Québécois qui sont investis pour faire fonctionner notre police et, de ce fait, la population a le droit de savoir si ces derniers, ces sommes d'argent, ces millions de dollars sont dépensés à bon escient ou non. (11 h 15)

Je ne voudrais pas passer sous silence un point extrêmement important qui s'est dégagé de toutes ces discussions, au cours des dernières semaines. Nous avons appris de la bouche même du premier ministre que la Sûreté du Québec surveillait la GRC. Il disait ceci: "A l'occasion, il peut arriver que les agissements arrivant assez près des choses qui concernent le gouvernement du Québec aient besoin d'être quelque peu surveillés. C'est un fait." Le premier ministre avait d'ailleurs admis à des journalistes du club de presse Europe-1 que le travail de renseignement permettait à la Sûreté du Québec de suivre à la trace certains agissements de la police fédérale. Encore une fois, une telle affirmation sème des doutes dans notre esprit. Pourquoi la Sûreté du Québec suivrait-elle à la trace certains agissements de la GRC? Quelle est la nature de ces agissements? Craint-on un coup de force de la part du fédéral lors du référendum?

Des Voix: Ah, ah!

M. Fontaine: C'est une question importante. Si on décide de dépenser des millions de dollars de l'argent des Québécois pour faire ce travail, je pense qu'on doit poser la question.

M. Vaillancourt (Jonquière): Avec tout ce qu'ils ont fait dans le passé, c'est possible. Il faut s'attendre à tout d'eux autres.

M. Fontaine: Pourquoi tout ce travail auprès de la police fédérale? Depuis combien de temps cette surveillance existe-t-elle? Bref, je pense que la Sûreté du Québec a elle aussi besoin d'être surveillée de près, d'être suivie de près et c'est à l'autorité politique constituée par le ministre de la Justice qu'il incombe de surveiller son fonctionnement afin qu'elle ne brime pas les droits et les libertés des individus. L'argent des contribuables a-t-il besoin d'être dépensé dans la surveillance d'un autre corps policier? Je pense que c'est une question que nous avons le droit de poser aujourd'hui.

Vous me permettrez également d'exprimer le voeu suivant: Que la commission permanente de la Justice se réunisse à nouveau, et dans les plus brefs délais, aux fins d'entendre les principaux dirigeants de la Sûreté du Québec, des centrales syndicales (CSN, FTQ, CEQ) en rapport avec cette gigantesque opération policière qui a été dénoncée depuis quelques mois.

Je pense qu'il y a des questions importantes auxquelles le ministre n'a pas encore répondu. Ce sont là des questions fondamentales si on veut véritablement savoir si la Sûreté du Québec fait le travail qui doit être accompli par un corps policier. Il faudrait que le ministre établisse clairement, qu'il nous dise si oui ou non les services de renseignement de la sécurité font porter leurs efforts surtout dans le secteur public et parapublic actuellement. Qui leur a donné ce mandat de faire porter les efforts là-dessus? Il y a eu des déclarations de certains policiers de la Sûreté du Québec à cet effet. Quelle est la teneur de ce mandat précis? Dans ce cas-là, il faut bien comprendre que c'est le gouvernement du Québec qui est l'employeur. Si le gouvernement du Québec ordonne à sa police d'effectuer un mandat spécial concernant des négociations, ce n'est pas la même chose que lorsqu'on surveille l'entreprise privée.

On peut également poser des questions quant à la neutralité des policiers de la Sûreté du Québec lorsqu'ils obtiennent des renseignements. On a eu des preuves, dans le domaine privé, de déclarations qui ont été faites à savoir que des policiers se sont servis des renseignements obtenus pour s'impliquer dans les négociations. On a vu également qu'un responsable de CLSC, dans un article du Soleil du 16 mars 1979, disait que les policiers de la Sûreté du Québec voulaient se servir de renseignements obtenus pour s'impliquer dans les négociations des secteurs public et parapublic.

M. Clair: Est-ce écrit dans l'article?

M. Vaillancourt (Jonquière): Voulez-vous lire l'article?

M. Clair: Voulez-vous le lire?

M. Fontaine: Oui, je vais le lire. Un instant. "Nouveau rebondissement dans le dossier des activités policières en milieu syndical. En plus d'enquêter systématiquement sur les organisations syndicales des secteurs public et privé, les services de sécurité de la Sûreté du Québec vont parfois jusqu'à offrir de mettre les renseignements ainsi obtenus à la disposition de la partie patronale. "

M. Vaillancourt (Jonquière): Qui a dit cela?

M. Fontaine: C'est M. Pierre Boulet qui a écrit cela dans le journal Le Soleil du 16 mars.

M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce un journaliste?

M. Clair: C'est le journaliste ou c'est le directeur du CLSC, comme vous le disiez?

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est ce qu'on veut savoir, nous.

M. Clair: Vous nous disiez que c'était un directeur de CLSC.

M. Fontaine: Je dis que c'est rapporté...

M. Vaillancourt (Jonquière): Vous êtes un avocat, le ouï-dire, connaissez-vous cela?

M. Fontaine: ... dans le journal Le Soleil. M. Vaillancourt (Jonquière): Bon!

M. Fontaine: Je ne dis pas que c'est exact ou que ce n'est pas exact.

M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'est pas drôle de se servir de la police à des fins électorales. C'est terrible!

M. Fontaine: Un instant!

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est terrible, de la part d'un avocat surtout! C'est terrible!

M. Fontaine: Mme la Présidente!

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, s'il vous plaît!

M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je dis tout simplement que ces faits sont portés à la connaissance du public. Je pense que c'est du devoir du ministre de la Justice de nous dire aujourd'hui, si, oui ou non, ces faits sont exacts; est-ce qu'il y a un mandat en ce sens à la Sûreté du Québec? C'est là la question importante à laquelle le ministre de la Justice doit répondre ce matin et il n'y a personne qui lui a posé la question directement jusqu'à maintenant, et il n'a pas répondu non plus. C'est son devoir de renseigner le public. S'il y a des gens qui renseignent mal la population, c'est le devoir du ministre de la Justice de contredire ces informations et de donner la vérité au public du Québec, parce que c'est lui qui paie les taxes et c'est également lui qui a à souffrir de ces agissements, s'ils sont exacts.

Egalement, Mme la Présidente, je voudrais aussi attirer l'attention du ministre sur le fait que... Par exemple, dans la revue de la Sûreté du Québec de février 1979, il y a un article qui porte sur le domaine de la sécurité d'Etat. Un passage de l'article nous dit: "La psychose de l'espionnage ou des activités subversives peut amener à une restriction des libertés individuelles et, de là à l'Etat policier, il n'y a qu'un pas". Je pense que le ministre de la Justice est conscient de cela et devrait nous dire quelles dispositions il prend ou il a prises ou qu'il entend prendre pour que cette situation ne se produise pas.

Je voudrais inviter le ministre de la Justice à penser s'il ne serait pas favorable à présenter une loi spéciale qui viendrait légitimer les activités de renseignements par voie législative, les activités de la Sûreté du Québec. Je sais que cela n'est pas de tradition britannique de procéder ainsi, mais je pense qu'on aurait avantage à penser à cette solution. Je pense que cela pourrait être un moyen, de façon que les parlementaires, que le ministre de la Justice aient véritablement un contrôle sur les agissements d'un corps policier, quant au mandat qui lui est confié, et pour légitimer vraiment les activités qui peuvent être accomplies par ce corps policier.

Alors, Mme la Présidente, le ministre de la Justice doit répondre aux questions que je lui ai posées et j'aimerais également qu'il me donne son opinion quant à une loi spéciale dans ce domaine et également quant à la convocation de la commission parlementaire que je lui ai demandée.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre. M. Lalonde: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que vous avez l'intention de répondre à la question, M. le ministre?

M. Bédard: C'est parce que le député de Verchères avait demandé la parole.

M. Charbonneau: Question de règlement, vous allez au moins me laisser faire ma question de règlement. Il y a deux députés qui ont un droit de parole privilégié, le député de Marguerite-Bourgeoys et le ministre de la Justice. Le député de Marguerite-Bourgeoys, tantôt, a cédé son droit privilégié au député de Portneuf; c'est exactement ce que vient de faire le ministre de la Justice à mon endroit...

M. Pagé: Mme la Présidente...

M. Charbonneau: Je pense, Mme la Présidente, que, si le député de Marguerite-Bourgeoys pouvait céder son droit privilégié au député de Portneuf, le député de Chicoutimi peut très bien faire la même chose et c'est exactement ce qui vient d'être fait.

M. Pagé: Mme la Présidente...

M. Lalonde: Sur la question de règlement.

La Présidente (Mme Cuerrier): Une minute, s'il vous plaît! Il y a déjà le député de Portneuf qui m'a dit qu'il voulait poser une question de règlement.

M. Pagé: Mme la Présidente, très brièvement sur la question de règlement. Vous savez que la question avec débat est une procédure par laquelle les représentants de l'Opposition peuvent questionner un ministre, non pas en tant que député, mais en tant que membre de l'Exécutif et responsable au sein du gouvernement. C'est ce que nous avons fait ce matin. Le député de Marguerite-Bourgeoys était tout à fait justifié de céder son droit de parole sur un aspect de la question que lui-même a soulevé au nom de l'Opposition officielle. Le député de Nicolet-Yamaska était tout à fait justifié d'intervenir et je ne crois pas que le ministre de la Justice puisse, comme membre du gouvernement, céder son droit de parole,

comme ministre, puisse attribuer la responsabilité qu'il a de répondre aujourd'hui à l'Opposition au député de Verchères. Entre autres, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): Un instant, s'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous m'aviez dit que vous vouliez faire une question de règlement; allez-y, s'il vous plaît, sur la question de règlement.

M. Lalonde: Sur la question de règlement, tout simplement, il semble que le député de Verchères veuille emprunter le droit de parole du ministre pour répondre aux questions, peut-être — je l'espère — plus précisément aux questions du député de Nicolet-Yamaska. Comment le député de Verchères peut-il dire, au nom du ministre, qu'il va y avoir une commission parlementaire, qu'il va adopter une loi? C'est une question de ministre et non pas de député.

La Présidente (Mme Cuerrier): D'accord; sur cette question de règlement...

M. Vaillancourt (Jonquière): Sur la question de règlement...

La Présidente (Mme Cuerrier): Ce sera la dernière intervention sur la question de règlement.

M. Vaillancourt (Jonquière): Merci, Mme la Présidente.

M. Fontaine: Mme la Présidente, je pense qu'en tant que parti reconnu à l'Assemblée nationale, j'aurais également droit à mon opinion sur la question de règlement. C'est une question fort importante pour l'avenir, selon votre décision.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, vous ne m'aviez pas fait savoir que vous alliez poser une question de règlement. Brièvement, j'entendrai les deux. Ce seront les dernières.

M. Vaillancourt (Jonquière): Mme la Présidente, il est vrai qu'en vertu de notre règlement qui régit la question avec débat, il y a deux personnes en cette Assemblée qui ont des droits privilégiés. C'est le député de Marguerite-Bourgeoys, critique officiel du parti en cette matière, et le ministre de la Justice, député de Chicoutimi. Par contre, Mme la Présidente, il y a quand même des membres de l'Assemblée nationale qui sont membres intégrants de la commission permanente élue de la justice. Ce sont les députés de Portneuf, de Nicolet-Yamaska, de Drummond, de Verchères et de Jonquière, qui sont ici présentement. Je pense qu'à titre de membres de cette commission parlementaire, nous avons quand même le droit d'intervenir et que le droit privilégié n'est pas un droit exclusif. D'autre part, j'aimerais vous dire que M. le Président — on sait que la présidence est indivisible — avant votre arrivée à ce digne fauteuil, avait déjà manifesté le désir et l'intention de donner par la suite la parole au député de Verchères.

La Présidente (Mme Cuerrier): Sur votre question de règlement, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Mme la Présidente, je n'ai pas à commenter ce que le député de Jonquière vient de dire. Je pense que là n'est pas le point essentiel de la question de règlement. Le point essentiel de la question de règlement est de savoir si celui qui a un droit privilégié en vertu de notre règlement, article 162a, peut céder son droit privilégié à un autre député. Mme la Présidente, je vous soumets bien humblement que le règlement est très clair et très précis. Il n'y a que deux députés qui ont un droit privilégié, celui qui pose la question et le ministre qui doit y répondre. Tout à l'heure, un consentement a été demandé pour céder un droit privilégié et ce consentement a été accordé.

M. Charbonneau: Non.

M. Fontaine: Or, je prétends que si le député de Verchères veut exercer un droit privilégié qui lui serait cédé par le ministre de la Justice, il faut qu'il demande le consentement de la commission et ce consentement, Mme la Présidente, il ne l'aura pas de ma part.

M. Charbonneau: II n'y a pas eu consentement. Ce n'est pas exact. Il n'y a pas eu consentement.

M. Fontaine: Je pense que c'est...

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît! C'est M. le député de Nicolet-Yamaska qui a la parole.

M. Fontaine: ... une question fort importante qui peut déterminer l'avenir des travaux de cette commission. Si vous décidez aujourd'hui qu'un député qui a un droit privilégié peut céder son droit à un autre, je pense qu'à ce moment-là, on vient tout à fait à l'encontre de l'esprit prévu dans ce règlement.

M. Charbonneau: J'ai été reconnu, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je suis très heureuse de constater que vous reconnaissez tous un droit privilégié au ministre et à celui qui a fait l'interpellation. Quant à la cession du droit de parole, je vous ferai quand même remarquer que le ministre peut céder son droit de parole à l'un de ses fonctionnaires, qui pourrait parler en son nom personnel au moment de la question avec débat. A ce moment-ci, vous savez tous que le député de Verchères s'était vu reconnaître tacitement par le président. Je reconnais tout de même qu'il y a des droits de parole privilégiés. Si M. le ministre, à ce moment-ci, me dit qu'il cède — comme cela a

d'ailleurs été fait tantôt — son droit de parole au député de Verchères, je lui reconnaîtrais ce drois de parole.

M. Fontaine: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre...

M. Fontaine: ... sur la question de règlement. M. Charbonneau: Non, non. C'est fini.

La Présidente (Mme Cuerrier): ... va intervenir. Je vous entendrai, si c'est nécessaire, ensuite.

M. Fontaine: Mme la Présidente, question de règlement.

Je suis d'accord que vous donniez la parole au député de Verchères en tant que membre de la commission, mais je voudrais qu'il soit bien clair que votre décision ne va pas dans le sens que le ministre peut céder son droit de parole privilégié à un autre député. C'est une question fort importante pour l'avenir de cette commission. Il peut le faire seulement avec le consentement des membres de la commission. Je ne pense pas que le règlement lui permette de le faire.

M. Lalonde: Mme la Présidente, pourrais-je faire une suggestion pour vous aider?

La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît, M. le député de Marguerite-Bourgeoys!

M. Lalonde: J'aimerais beaucoup entendre le député de Verchères, pour qu'il nous éclaire, pour qu'il ait plus de réponses que le ministre — je l'espère — et au cas où le résultat de cet imbroglio arriverait à des situations où le ministre doive céder son doit de parole au député de Verchères, je voudrais lui éviter ce péril, Mme la Présidente. Je vais consentir à ce qu'il parle avant moi. (11 h 30)

M. Charbonneau: Mme la Présidente...

M. Bédard: Et je...

M. Pagé: Mais pas au nom du ministre.

M. Lalonde: Pas au nom du ministre, par exemple.

M. Pagé: Cela n'aurait pas de bon sens.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je vous reconnais bien là, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Bédard: Et j'aurai l'occasion, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, vous vouliez faire une intervention.

Une Voix: Pauvre ministre.

M. Bédard: ... de répondre aux questions posées par le député de l'Union Nationale.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je demande...

Une Voix: Merci.

La Présidente (Mme Cuerrier): ... au député de Verchères...

M. Lalonde: Oui.

La Présidente (Mme Cuerrier): ... d'intervenir brièvement.

M. Lalonde: Nous allons être éblouis. M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Je n'en doute pas, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Mme la Présidente, je voudrais revenir sur certains éléments qui ont été soulevés par les députés de l'Opposition. Un des premiers éléments, c'est l'affirmation par le député de Marguerite-Bourgeoys — je pense que c'est important — que la notion de renseignements, que la fonction de renseignements, en termes de sécurité publique, est indispensable dans notre société. Je trouve cela important que le député de Marguerite-Bourgeoys ait reconnu cela.

A partir du moment où on reconnaît que le renseignement...

M. Lalonde: C'est essentiel.

M. Charbonneau:... est nécessaire, il y a deux façons de faire du renseignement: la façon illégale et la façon légale. Or, le ministre de la Justice a dit tantôt que, pour nous, il y avait une façon, c'était la façon légale de faire du renseignement. A partir du moment où on fait du renseignement légal, on peut faire du renseignement légalement clandestinement et légalement ouvertement. Le député de Marguerite-Bourgeoys a parlé tantôt du caractère intimidant de la présence des policiers de la Sûreté du Québec à différentes occasions. Il a cité le cas, notamment, de Val-Martin. Pour montrer que ce serait menaçant pour les droits et libertés individuels dans notre société que des policiers remplissant leur mandat, le faisant légalement, se présentent ouvertement à des gens et demandent des informations... Ce faisant, les policiers seraient amenés, par le simple fait de leurs démarches, à intimider les citoyens. Je ne sais pas si le député de Marguerite-Bourgeoys est conscient, mais il suggère d'une certaine façon que la Sûreté du Québec, qui a changé sa méthode de travail au cours des dernières années, qui a décidé de procéder plus ouvertement... on a comme témoins de cette attitude de la Sûreté du Québec deux publi-

cations: une en novembre 1977 et une en février 1979 alors que la direction de la Sûreté du Québec ainsi que sa direction des renseignements ont publié en détail le fonctionnement de cette direction, ses objectifs et ses méthodes comme aucun autre policier en Amérique du Nord et peut-être même dans le monde ne l'a jamais fait.

En faisant son intervention, le député de Marguerite-Bourgeoys suggère à la Sûreté du Québec de revenir à la méthode traditionnelle, c'est-à-dire à la méthode clandestine. Bien sûr, dans le cadre de la légalité. Mais on ne peut pas faire du renseignement, on ne peut pas éviter le problème d'une certaine intimidation qui est inévitable à partir du moment où quelqu'un voit un policier en uniforme arriver ou encore un policier en civil qui lui présente son identification, et la nécessité de faire du renseignement ouvertement. La seule option, c'est de se cacher pour obtenir des informations dans le cadre de la légalité. Nous pensons, dans la mesure du possible — c'est aussi dans l'intérêt de la paix sociale au Québec — que la fonction de renseignement dans notre société doit être accomplie ouvertement. Il reste à savoir qui l'accomplit. Il est beaucoup question — les cas cités tantôt en faisaient état — de l'opération publique. Or, il faut savoir que l'opération publique, ce sont des policiers relevant de la direction des opérations qui ont accompli cette cueillette de renseignements normale et pas bien compromettante, mais importante au niveau tactique et stratégique pour un corps policier qui a à prendre des décisions.

Ce ne sont pas des gens qui relèvent de la direction des renseignements. On peut convenir que ces gens-là n'ont pas la même formation que les enquêteurs et les membres de la direction des renseignements des différentes escouades et services qui relèvent de la direction des renseignements. On peut également constater qu'ils n'ont pas cette formation que les gens de la direction des renseignements ont depuis, par exemple, 1978. On lit — si le député de Marguerite-Bourgeoys s'était donné la peine de le lire — dans la revue de février 1979 — cela ne fait pas longtemps — toute une page dans laquelle on indique tout le programme de formation.

M. Lalonde: Je l'ai.

M. Charbonneau: Je sais que vous l'avez, mais vous ne l'avez peut-être pas lu, par exemple.

M. Lalonde: Oui, je l'ai lu. Regarde cela, partout.

M. Charbonneau: II y a toute une page qui indique tout le travail de formation qui a été fait auprès des policiers de la direction des renseignements, je suis convaincu — des gens de la Sûreté du Québec sont en arrière — que les gens qui ont participé à l'opération publique, les gens dans les postes qui sont en uniforme — à Montréal on appelle ça les petits bonshommes en bleu, à la Sûreté du Québec on appelle ça les bonshommes en vert — n'ont pas ta même formation. Néan- moins, quand on analyse les événements et les cueillettes d'information, la façon dont ça s'est fait, on se rend compte que ces gens avaient eu, dans la majorité des cas, la pleine collaboration des organismes visités, des personnes visitées. Si, parce que certains individus ou certains stratèges dans certaines organisations syndicales en particulier ont trouvé rentable de donner la directive à certains de leurs membres ou exécutifs locaux qu'il fallait créer un problème autour de ça et que des gens sont revenus pas nécessairement sur leur parole, mais sur une attitude de collaboration qu'ils avaient présentée antérieurement, on ne doit pas imputer maintenant la faute à des policiers qui font honnêtement leur travail et surtout qui le font ouvertement. C'est un des premiers points que je voulais préciser, je pense que c'est important, on a à choisir entre un corps de police qui travaille ouvertement ou clandestinement. On a choisi qu'il travaille dans la légalité, mais il peut choisir de travailler clandestinement dans la légalité. C'est beaucoup plus difficile pour n'importe quel groupe social, n'importe quel corps intermédiaire, n'importe quel syndicat, n'importe quelle centrale syndicale d'exercer un contrôle normal, dans une société démocratique, sur l'activité policière qui se fait clandestinement.

Il faudrait peut-être aussi que certains groupes dans notre société nous disent clairement — y compris les députés de l'Opposition, le député de Marguerite-Bourgeoys, qui est un ex-Solliciteur général — s'ils privilégient la formule clandestine ou la formule ouverte. Par ailleurs, le député de Marguerite-Bourgeoys, tantôt... Le ministre me fait remarquer — c'était d'ailleurs l'objet d'une autre remarque que je voulais faire — que dans cette approche d'ouverture, que j'ai signalée tantôt en indiquant que c'était probablement une première en Amérique du Nord, sinon dans le monde occidental et peut-être dans le monde entier, la Sûreté du Québec a été jusqu'à expliquer l'origine de son service de renseignements, son historique. On se rend compte — c'est ce qui est intéressant de souligner — que depuis qu'on est là, nous, comme gouvernement — on n'a pas la prétention de croire que les gens de la Sûreté du Québec n'y avaient pas pensé avant, il y a eu un mouvement qui s'est accéléré à partir de novembre 1976, il y a eu un changement déjà en octobre 1976 et, par la suite, il y a eu une redéfinition complète du mandat et une mise en oeuvre des différents programmes de spécialisation du personnel au niveau de la direction du renseignement, ce qui a amené un travail plus ouvert des services de renseignement de la Sûreté du Québec, qui est une police de l'Etat et qui fait son travail de protection ou de sécurité d'Etat.

Je pense qu'à cette dimension on devrait également ajouter une autre dimension qui fait suite à une intervention, une remarque du député de Marguerite-Bourgeoys quand il disait: Les policiers réclament, dans leur revue — il citait le directeur général adjoint, M. Aubin, qui est en charge des renseignements — une précision de mandat et ça fait longtemps. Le député de Mar-

guerite-Bourgeoys a lu le dernier paragraphe de ce passage du texte de M. Aubin. S'il avait lu les deux paragraphes précédents qui se lisent comme suit: "Malheureusement, les incidents des dernières années, ceux qui sont présentement et qui ont été rapportés par la presse écrite et parlée, sans oublier les dépositions de nombreux témoins durant deux enquêtes présentement en cours, soit les Commissions Keable et McDonald, ont tendance à indiquer que certains policiers ont présumément outrepassé leur mandat respectif à titre d'agents de la paix, qu'ils se sont donc substitués aux lois du pays. Dans certains cas, les policiers croyaient avoir la permission de faire ce qu'ils ont fait, alors que, dans d'autres cas, on a semblé croire que ce qui avait été fait était tout simplement nécessaire". Bien sûr, le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas cité ces deux passages, parce que ça le mettait lui-même directement en cause, alors qu'il était Solliciteur général, parce que, à l'époque, il n'avait pas donné de directives, il n'avait pas précisé le mandat que les policiers réclament et, maintenant, que lui-même endosse, cette réclamation qu'il voudrait voir préciser, ce mandat qu'il veut voir préciser.

Si le député de Marguerite-Bourgeoys, à l'époque où il était Solliciteur général, avait fait son travail, peut-être que les policiers n'auraient pas besoin, aujourd'hui, de demander une précision de mandat. C'est facile de renvoyer la balle au gouvernement qui prend la succession, mais il faudrait peut-être savoir — les gens sont intéressés — qui parle au nom de l'Opposition. Ce n'est pas un député qui ne connaissait rien des questions policières et des questions de justice, c'est l'ex-Solliciteur général du Québec, Mme la Présidente.

Le député de Marguerite-Bourgeoys, aujourd'hui et à plusieurs reprises depuis deux ans et demi, est revenu sur la question du CAD, ce centre de documentation et d'analyse, en disant que cela est passé du bureau du premier ministre au bureau du ministre de la Justice. Le député de Marguerite-Bourgeoys sait très bien que c'est faux. A plusieurs reprises il y a eu des mises au point effectuées à l'Assemblée nationale. Comme c'est son habitude, il ne tient jamais compte des mises au point. Il préfère cette petite politique mesquine de revenir sur des faits qu'il sait faux et, malgré tout, il continue de les charrier. La différence entre le CAD et ce qui se fait actuellement au niveau de la Sûreté du Québec, c'est que le CAD c'était une espèce de service d'analyse, ce n'était même pas un service d'espionnage, mais c'était un service d'analyse qui puisait à même les dossiers de police entre autres et qui relevait directement du bureau du premier ministre, de l'appareil politique.

Ce CAD n'existe plus. Ce qui existe aujourd'hui, c'est non pas un service d'analyse au niveau d j bureau du ministre de la Justice, ce qui serait peut-être normal, parce que cela se fait de la même façon à Ottawa et vous n'avez jamais trouvé à redire, ce qui se fait actuellement, c'est un service d'analyse au sein de la direction des ren- seignements. Encore là, c'est un service qui est nouveau, un service d'analyse des informations et cela ne relève pas d'abord du ministre de la Justice, cela relève des gens qui sont ici, en arrière de nous, le directeur de la Sûreté du Québec, le directeur adjoint, M. Aubin, qui est en charge des renseignements. Ce sont eux, d'abord, qui ont la responsabilité de voir à ce que les informations recueillies soient bien analysées et qu'on en tire les conclusions qui s'imposent. Ce n'est pas le bureau du premier ministre, ce ne sont pas des secrétaires particuliers, ce n'est pas Paul Desrochers, ce n'est personne de ces gens actuellement, ou de leurs vis-à-vis ou de leurs correspondants au bureau du premier ministre actuel ou au bureau du ministre de la Justice, qui font ce travail, ce sont des policiers en exercice avec un mandat et qui ont prêté serment, Mme la Présidente.

On a parlé aussi beaucoup du problème des conflits de travail en précisant que la Sûreté du Québec avait un rôle dans ce domaine. Il faudrait peut-être rappeler les interventions du député de Portneuf. Il se demandait pourquoi le travail de renseignement, pour le travail de cueillette de renseignements auprès des employés de la fonction publique. Est-ce qu'on craint de la violence, disait-il? Il ne se rappelle peut-être pas, le député de Portneuf, je pense qu'il se le rappelle très bien, mais il n'a pas voulu le signaler, que c'étaient ces députés qui sont en face de nous aujourd'hui, Mme la Présidente, M. le Président, parce qu'on vient de changer de personnalité au niveau du fauteuil de la présidence, ce sont ces mêmes députés qu'il y a quelques mois à peine, blâmaient le gouv-vernement de ne pas avoir eu suffisamment d'information lorsque le parlement a été bloqué. L'institution suprême dans notre société démocratique au Québec, le parlement québécois, a été bloqué, et ce sont ces députés, le député de Marguerite-Bourgeoys, le député de Portneuf, qui s'inquiètent aujourd'hui de la cueillette normale d'informations, alors que ces gens nous blâmaient il y a quelques mois de ne pas avoir eu suffisamment d'informations pour prévenir ce geste antidémocratique, d'employés de l'Etat, malheureusement, minorité d'ailleurs, qui ont bloqué l'institution suprême de notre démocratie, c'est-à-dire le parlement.

Par ailleurs, si vous aviez vu, MM. les députés de l'Opposition, la revue de la Sûreté du Québec de novembre 1977...

Le Président (M. Richard): M. le député de Verchères, je m'excuse.

M. Lalonde: Simplement une information, parce que j'ai gracieusement dénoué un débat tantôt en laissant parler le député de Verchères avant moi, mais je voudrais que vous lui disiez que je ne lui ai pas donné mon droit de parole privilégié. Je pense qu'il est restreint par l'article 160.

M. Pagé: Cela va faire l'affaire du ministre, qui commence à être inquiet des propos de son collègue.

M. Charbonneau: J'ai les mêmes droits que tous les députés normaux y compris le député de Portneuf.

Le Président (M. Richard): A l'ordre. M. le député de Verchères, puis-je vous suggérer d'être à votre tour gracieux et de tirer vos conclusions, parce que vous avez déjà commencé à 11 h 30.

M. Charbonneau: Je n'abuserai pas de mon droit de parole. J'ai l'impression d'avoir, selon le règlement, 20 minutes au minimum pour donner mon point de vue.

Le Président (M. Richard): Au maximum. M. Charbonneau: Au maximum. Oui.

Le Président (M. Richard): Cela vous interdirait de revenir, de rappliquer par après. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Une dernière chose que je voudrais signaler, je ne me fais pas trop d'illusions sur ma possibilité de revenir, avec la mise en garde du député de Marguerite-Bourgeoys, je voudrais vous signaler, M. le Président, que la Sûreté du Québec, en novembre 1977 — ah oui, on est désillusionné.

M. Lalonde: Quel manque de gratitude!

M. Charbonneau: Ce n'est pas la première fois d'ailleurs que je siège avec le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Quel manque de gratitude! Je vous ai laissé parler avant moi.

M. Charbonneau: Non. C'est simplement l'expérience qui entre, c'est le métier...

Le Président (M. Richard): M. le député de Verchères, la pertinence du débat, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Rappelez le député de Marguerite-Bourgeoys à l'ordre, M. le Président.

Donc, en novembre 1977, la Sûreté du Québec précisait clairement son travail de renseignement à propos des conflits ouvriers. C'est à la page 10 de cette revue et, à aucun endroit, il n'était fait mention d'enquêter sur les syndicats. Le titre de deux paragraphes qui se suivent, d'ailleurs, c'est "les conflits ouvriers", au pluriel, et "conflit ouvrier", au singulier. (11 h 45)

On disait, à la rubrique des conflits ouvriers: "Une bonne part des préoccupations de l'unité des renseignements porte sur les conflits de travail; son objectif majeur consiste à recueillir des éléments pouvant identifier toute menace ou toute situation susceptible d'amener une intervention de la direction des opérations, de façon à permettre à cette dernière d'orienter son personnel, de planifier ses interventions et surtout de prévenir qu'un conflit quelconque ne dégénère en violence ou en contravention des lois. Dans le cadre de cet objectif, son rôle principal en est donc un de soutien en renseignements tactiques à la direction des opérations."

Un peu plus loin, on précise également le travail. En fait, dans la revue de février 1979, on précise très bien le mandat de la direction des renseignements. Ce mandat est précisé à la page 24 et on dit: "Le service de renseignements en sécurité en est un de conseil et possède un rôle bien défini, soit la cueillette, le traitement et la diffusion de renseignements. Il doit tendre plus particulièrement à recueillir et à rassembler de l'information afin de prévenir le crime et de maintenir l'ordre." Et maintenir l'ordre ne veut pas dire nécessairement qu'on pense qu'il peut y avoir de la violence dans un conflit avec les employés de la fonction publique, mais il y a une notion d'ordre qui n'est pas une notion de droite, mais qui est une notion qui est reliée à la démocratie.

Pour ce faire, ce service produit des renseignements stratégiques et tactiques sur des personnes, des événements, des activités et des situations qui contribuent ou menacent de contribuer à toute forme de subversion. Egalement, ce service doit fournir des renseignements en vue d'assurer la sécurité des hommes d'Etat en général et de veiller à la sécurité du territoire.

On signale que l'un des obstacles majeurs au travail du service de renseignements et de sécurité vient de gens incrédules, ne croyant pas à l'existence de subversion dans le milieu qui les entoure. On parle de conflits ouvriers; il faudrait peut-être rappeler une série d'articles qui ont été publiés dans la Presse et qui s'intitulent: "L'extrême gauche au Québec". Ils ont le droit d'exister au Québec, ils ont le droit de faire valoir leur opinion, mais on se rend compte en lisant: "Un travail de renseignements et d'informations effectué par des journalistes, qui ont aussi des informateurs et des indicateurs... " J'en étais un journaliste, j'ai bénéficié de renseignements de sources d'information privilégiées, notamment à l'intérieur même de la Sûreté du Québec.

Une Voix: ...

M. Charbonneau: Oui, j'ai eu des problèmes à cause du travail de renseignements que je faisais. Ce n'est pas un travail négatif, le renseignement. Les journalistes font cela quotidiennement, du renseignement. On lit, dans un travail de renseignement qui a été fait par un organe d'information, la Presse, une des raisons fondamentales pour lesquelles, au Québec, actuellement, il faut que le travail de renseignements se fasse d'une façon vigilante, non pas sur les syndicats, mais sur des individus qui utilisent les syndicats. Ce n'est pas le gouvernement du PQ qui dit cela, ce n'est pas la Sûreté du Québec, une police de droite qui dit cela; c'est un journaliste que je connais bien pour avoir travaillé avec lui à la Presse, et qui n'est pas particulièrement un gars de droite et qui n'a pas la réputation, dans le milieu journalistique,

d'être un gars de droite. Au contraire, ce journaliste en était amené à conclure et à analyser une série d'événements impliquant le monde syndical et des travailleurs syndiqués qui avaient été manipulés par des gens pour qui l'objectif, c'était de faire en sorte qu'il y ait de la violence dans les chantiers, qu'il y ait de la violence sur les lignes de piquetage, qu'il y ait de la violence dans des conflits de travail au Québec, surtout depuis le 15 novembre, parce que ce gouvernement est encore plus préoccupé, à cause de son préjugé favorable aux travailleurs, de la paix sociale, et c'est encore plus important pour ces groupes de prouver, actuellement, que le PQ, c'est comme tout le monde. Dans ce sens, il faut qu'il y en ait de la violence à certaines occasions pour prouver que c'est un gouvernement comme les autres.

Je pense que le travail de la Sûreté du Québec, c'est un travail qui va permettre aux syndicats d'exercer leur rôle social important dans un régime démocratique comme le nôtre, sans non plus être naïfs. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): La filière étant fermée, je vous cède la parole, M. le député de Mar-guerite-Bourgeoys.

Discussion générale

M. Lalonde: M. le Président, justement, en parlant de filière, on sait que le député de Verchères était bien informé, il a même écrit un livre avec la collaboration, la contribution de la GRC.

M. Charbonneau: Certainement, il y a au moins 50 électeurs dans mon comté qui sont des membres de la GRC. Ils ont voté pour moi d'ailleurs.

M. Lalonde: Alors, le secret du vote n'existe plus.

M. Charbonneau: J'en suis convaincu, ce sont des amis, au même titre que d'autres.

Le Président (M. Richard): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: C'est tellement vrai, M. le Président, qu'ils vivaient littéralement ensemble dans les dossiers, les enquêtes; il suivait cela, le journaliste limier d'autrefois. Il était tellement au courant que tous les cas d'illégalité qui se sont passés pendant ce temps, il n'en a jamais entendu parler, pas même du commencement du bout de l'oreille d'un seul cas.

M. Charbonneau: Ce n'est pas exact, cela.

M. Lalonde: Un instantl C'est moi qui ai le droit de parole.

Le Président (M. Richard): A l'ordre! A l'ordre!

M. Charbonneau: Vous savez que ce n'est pas exact. C'est moi qui ai dit que la Sûreté du Québec enquêtait sur la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, vous le savez très bien.

M. Lalonde: Connaissant le sens civique...

Le Président (M. Richard): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verchères, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Oui, mais il y a toujours des limites, M. le Président.

Le Président (M. Richard): M. le député de Verchères, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Je n'ai pas interrompu le député de Verchères, M. le Président.

Le Président (M. Richard): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Connaissant le sens civique et le sens de la justice du député de Verchères, s'il avait entendu parler du commencement d'un soupçon d'illégalité par la GRC ou la Sûreté, il se serait littéralement "garroché" au bureau du ministre de la Justice d'alors pour dénoncer ces cas. Or, il ne l'a jamais fait. Il était très bien informé, M. le Président.

M. Charbonneau: ... sur la pègre et sur ses liens avec le gouvernement.

Le Président (M. Richard): M. le député de Verchères, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Le député de Verchères dit... Je ne regrette pas de lui avoir donné le droit de parole avant moi, mais cela va prendre quelques minutes pour rétablir les faits. Il a dit que l'Opposition avait reproché au gouvernement de ne pas être suffisamment informé, de ne pas avoir eu suffisamment d'informations pour éviter la fermeture du parlement. Petite erreur. On a reproché au gouvernement non pas de ne pas être informé, car tout le monde le savait...

Une Voix: ... nouvelle la veille.

M. Lalonde: Le président avait été assez vigilant pour coucher ici, il me semble, pour être ici le matin.

M. Pagé: Vous ne vous rappelez pas cela?

M. Lalonde: Tous les postes de radio l'annonçaient. Ce n'est pas ce qu'on a reproché au gouvernement, c'est de ne pas avoir pris ses responsabilités, d'être en pleine contradiction avec son fameux préjugé favorable et de payer pour les pots cassés. C'est ce qu'on a reproché au gouvernement et d'avoir mis, à ce moment-là, la démocratie en danger.

Le Président (M. Richard): Puisque le député de Marguerite-Bourgeoys m'a mis en cause...

M. Lalonde: Oui.

Le Président (M. Richard):... vous permettrez que je dise que c'est parce que le président est un vieux syndicaliste.

M. Lalonde: Bon, en tout cas.

M. Pagé: Vous le saviez quand même.

M. Lalonde: Vieux syndicaliste ou non, le président était informé et tout le monde savait qu'il était pour y avoir des problèmes.

Le Président (M. Richard): Je ne le savais pas, je l'avais deviné.

M. Lalonde: L'analyse est au sein du service de renseignements de la Sûreté du Québec maintenant. Je ne sais pas si le ministre va nous confirmer cela, parce qu'il me semble qu'en réponse à des questions... Cela, c'est sous toute réserve, il faut que je vérifie au journal des Débats. Il m'avait dit qu'il y avait quelques personnes à son ministère qui analysaient les rapports faits par les policiers sur des situations. On verra lequel des deux est le véritable ministre de la Justice.

M. Bédard: Je peux vous donner la réponse tout de suite, il n'y a pas de centre d'analyse au niveau du ministère de la Justice. Ce que je vous ai dit, c'est que les documents, qui pouvaient provenir de la Sûreté du Québec, étaient regardés...

M. Lalonde: Ah, bon! Ils sont regardés, mais ils ne sont pas analysés.

M. Pagé: Ils sont regardés, mais pas analysés.

M. Bédard: Ils sont analysés d'une certaine façon, comme vous pouvez...

M. Lalonde: Ah, oui, c'est ça! M. Bédard: ... vous en douter.

M. Lalonde: On a un CAD, d'une certaine façon.

M. Pagé: C'est la révélation de la journée, M. le Président. C'est la révélation de la journée, ils sont regardés, mais pas analysés.

M. Bédard: Ces documents sont acheminés aux hauts fonctionnaires du ministère de la Justice.

M. Lalonde: Ai-je le droit de parole, M. le Président?

Le Président (M. Richard): A l'ordre, s'il vous plaît, M. le ministre de la Justice! Je vous redonnerai la parole tout à l'heure pour répliquer.

M. Lalonde: Bon, j'ai le droit de parole, M. le Président.

Le Président (M. Richard): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Cela n'ajoute réellement pas grand-chose, sauf de la confusion. Maintenant, ce n'est pas seulement analysé au service de renseignements de la Sûreté du Québec, c'est un peu analysé. C'est regardé, en fait. Est-ce qu'ils savent lire, au moins? Oui, ils les regardent, ils les lisent?

M. Bédard: Bien!

M. Lalonde: Bon, c'est déjà cela. Là, on va peut-être arriver à arracher du ministre de la Justice une petite admission voulant que non seulement ils les lisent, mais ils les comprennent. Après cela, peut-être qu'en plus de les comprendre, ils peuvent en parler.

M. Pagé: Et les regarder du coin de l'oeil.

M. Lalonde: Autrement dit, vous avez un CAD, vous avez un centre d'analyse. Admettez-le donc! Appelez-le comme vous le voulez, vous l'avez. La seule différence est qu'au lieu d'être au bureau du premier ministre, il est au bureau du ministre de la Justice. Admettez-le donc au lieu de jouer à l'autruche!

On revient en arrière, on dit: L'ancien Solliciteur général n'a pas fait son devoir. Je n'ai jamais eu, dans le temps...

M. Bédard: Voulez-vous le protocole d'entente de votre CAD avec la Sûreté du Québec?

Le Président (M. Richard): M. le ministre de la Justice, s'il vous plaît!

M. Lalonde: ... où j'étais Solliciteur général, l'appui de dénonciations publiques sur les cas de surveillance et d'infiltrations possibles de la Sûreté du Québec. Dans mon temps, non. J'aurais été un peu plus ferme que le ministre qui ne fait que mettre cela sur le compte d'une erreur de jugement.

M. Bédard: Ce n'est pas ce que nous dit la commission Keable.

M. Charbonneau: Ce n'est pas ce que nous dit la commission Keable.

M. Lalonde: Pardon?

M. Charbonneau: Ce n'est pas ce que nous dit la commission Keable.

M. Lalonde: Ce n'est pas ce que j'ai dit à la commission Keable?

M. Charbonneau: Non. Ce n'est pas ce que nous dit la commission Keable. Ce que vous dites vous, ce n'est pas pareil.

M. Lalonde: Si vous avez des révélations à faire à la commission Keable, allez-y donc!

Le Président (M. Richard): Bon! M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Charbonneau: Oui, oui, lisez les témoignages.

Le Président (M. Richard): M. le député de Verchères, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Vous, l'ancien journaliste si renseigné que vous ne saviez absolument rien de ce qui se passait. Si vous le saviez, vous ne l'avez pas dit.

Le Président (M. Richard): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Oui, si on arrête de m'interrompre, M. le Président — tout ce que je fais, c'est rétablir les faits — je vais pouvoir continuer. On revient en arrière. On n'a pas eu, nous, cette avalanche de nouveaux cas qui sont portés à la connaissance du public. Si on l'avait eue à ce moment-là, on aurait pris nos responsabilités, on n'aurait pas fait des tergiversations et la valse hésitation du ministre.

Je veux revenir à la déclaration du ministre. C'est très décevant, on lui donne l'occasion en or, après avoir été annoncé par le premier ministre qui nous disait, il y a quelques jours, que le ministre de la Justice... le premier ministre a dit le 28 mars — nous sommes le 6 avril — à la page 490 du Journal des Débats: "Le ministre de la Justice, d'ici bientôt, je ne peux pas fixer de jour, ni cette semaine, ni la semaine prochaine, nécessairement, en tout cas d'ici l'ajournement de Pâques — l'ajournement de Pâques, M. le Président, c'est bientôt, il ne reste plus beaucoup de jours avant qu'on s'en aille chez nous pour Pâques, trois jours, alors j'ai pensé donner l'occasion au ministre de le faire aujourd'hui — aura probablement des choses les plus précises possible à dire sur cet ensemble de questions." Qu'a-t-on eu? On a eu, naturellement, les petits saluts vers les syndicats, il a bien fallu les récupérer. Qu'est-ce que vous voulez, c'est un gouvernement qui dit avoir un préjugé favorable et qui reçoit des demandes d'enquête, la CEQ, la CSN, la FTQ, de tous les syndicats qui se soulèvent contre la surveillance dont ils sont l'objet, peut-être à tort, mais on ne sait pas exactement ce qui se passe. Le ministre est supposé nous dire, d'ici Pâques, les choses les plus précises possible.

Ma première question au ministre, c'est s'il a d'autre chose, le plus précis possible, à nous dire d'ici la semaine prochaine, c'est ma première question.

La deuxième, il nous annonce un code d'éthique et de discipline, lorsque la loi sera changée, qui serait — d'après ce que j'ai pu comprendre, c'est un peu enrubanné à la fin de son intervention — fait en vertu d'une loi qui va être adoptée, peut-être par la Commission de police, si je comprends bien. C'est tout ce qu'on a réussi à avoir du ministre, M. le Président. Il nous offre aussi l'es- sentiel des instructions que j'ai ici, c'est cela les directives que vous nous avez promises des instructions essentielles? Deuxième question.

Troisième question: Est-ce que, dans l'essentiel de vos instructions, dans votre conception de la légalité, l'infiltration est permise? La question est posée, est-ce que l'infiltration est permise? On nous dit qu'on a choisi de ne pas faire de la légalité clandestine, comme dit le ministre journaliste de la Justice.

M. Charbonneau: Arrêtez donc de ridiculiser les autres, si vous n'êtes pas capable de parler...

M. Lalonde: On nous dit que... Et là où le ministre nous a laissé sur notre appétit c'est qu'il nous dit ceci: On va faire cela dans la légalité. Certainement, il n'y a rien de nouveau — je l'espère — là-dedans, que tout se fait dans la légalité. C'est la seule chose que le ministre avait à nous dire, aujourd'hui. Il n'y a rien là, il n'y a rien de nouveau. Lui-même a fait une enquête pour surveiller les corps policiers qui ont peut-être fait des actes illégaux.

M. Bédard: Cela aurait été bon que vous leur disiez, dans le temps par exemple!

M. Lalonde: Ecoutez, l'affaire de l'APLQ, c'est avant que je sois là; soyez honnête quand même.

M. Bédard: Non, non. Les gouvernements précédents.

M. Lalonde: Et je n'ai pas à rougir de ce que j'ai fait dans l'APLQ, je suis allé témoigné à Keable, je leur ai dit ce que j'avais fait et vous n'auriez pas pu mieux faire. D'accord? Quand cela a été...

M. Bédard: On verra cela...

M. Lalonde: II nous dit seulement que c'est dans la légalité. La règle est: Soyez, messieurs les policiers, légaux. On n'a pas besoin du ministre pour nous le dire. La loi, qui est au-dessus du ministre, l'a dit aux policiers. La deuxième règle: La neutralité des policiers. Là c'est un peu plus difficile. Question: Quelles sont les mesures de contrôle de cette neutralité? Comment le ministre va-t-il pouvoir assurer la population que dans cette opération difficile, délicate de renseignement, j'en conviens — et tout le monde sait, même le député de Verchères le reconnaissait, que je suis fort conscient que le renseignement est absolument essentiel dans l'opération efficace d'un corps policier en démocratie. Dans tous les autres régimes, on ne serait pas d'accord avec leurs méthodes. C'est justement cela qu'on examine: les méthodes, qu'on ne nous fasse pas passer d'un régime à l'autre. (12 heures)

La neutralité des policiers, comment va-t-on la contrôler? Qui va dire au ministre, dans le cas de la cueillette d'informations auprès d'un syndi-

cat — on n'a pas un peu de contenu sinon sur ce qu'on est prêt à accepter, du moins sur ce qu'on va faire, la stratégie — jusqu'où on est prêt à aller dans les moyens de pression? On sait très bien que les relations de travail, c'est un système contradictoire. Si le patron sait d'avance que le syndicat ne fera jamais la grève, cela changera son attitude. C'est très délicat et la police — j'en suis sûr — est fort consciente de cela. Il faudrait qu'il y ait des directives, plus que l'essentiel des instructions.

Le député de Portneuf — je veux passer quelques secondes là-dessus — a soulevé un point important. Le ministre dit: On fait de la prévention dans les cas où il y a une violence appréhendée. Je suis d'accord sur ce principe...

M. Bédard: Oui, prévention de la violence.

M. Lalonde: ... de prévention, mais c'est pour éviter une violence qu'on prévoit, non pas pour éviter simplement des situations qu'on ne prévoit pas, j'espère. Là est le problème. Fait-on une prévention générale? Fait-on de la prévention dans le sens d'aller faire de l'information dans toute situation où il y a un syndicat, où il y a une convention collective? La Sûreté du Québec va-t-elle prendre ces informations auprès de toutes les compagnies qui ont des syndicats et des conventions collectives?

A ce moment-là, cela peut être un système très dangereux. A ce moment-là, on peut ériger un système qui va brimer le fonctionnement libre des syndicats dans leurs activités quotidiennes. Va-ton voir seulement les cas où on s'attend, à la suite d'une analyse quelconque du ministère de la Justice ou de la Sûreté, que cela peut être chaud? C'est une autre question que j'aimerais que le ministre précise.

Est-ce que ce sont tous les syndicats, toutes les sociétés qui sont en négociation ou dont la convention collective approche de sa fin ou est-ce que ce sont seulement des cas particuliers où on s'attend à de la violence ou à des conflits, des affrontements? Là, la question du député de Portneuf trouve sa pertinence importante. Si on le fait dans le cas des négociations dans le secteur public et parapublic, il faudrait à ce moment-là — si on ne choisit que les cas chauds, les cas de conflits possibles — que le ministre de la Justice, comme responsable de la Sûreté du Québec à l'Assemblée nationale, nous dise comment ce choix est fait, sous quel contrôle et fasse régulièrement rapport à l'Assemblée nationale de ses décisions d'enquêter sur un cas particulier plutôt qu'un autre. Je pense que toute cette opération de renseignements, si elle doit continuer et je pense que les renseignements doivent continuer, que ces méthodes doivent être autorisées par le ministre, et cela doit être fait sous le contrôle de quelqu'un et de l'Assemblée nationale, en particulier. Ce sont les questions précises que je pose au ministre.

M. Bédard: Je pourrais répondre tout de suite.

Le Président (M. Richard): M. le ministre de la Justice.

M. Fontaine: Allez-vous également répondre à mes questions? J'en ai plusieurs.

M. Bédard: II y a plusieurs questions. D'abord, la première. La Sûreté du Québec ne fait pas cette enquête, ne va pas recueillir l'essentiel des informations dont je vous ai fait part tout à l'heure dans une énumération dans tous les cas où il peut y avoir une convention échue. Ce n'est pas cela. C'est seulement lorsqu'il y a des informations préliminaires qu'il pourrait y avoir une "potentialité" de violence ou encore, dans des endroits où des grèves ont déjà eu lieu et qui ont été très difficiles, que la Sûreté du Québec, à partir d'informations préliminaires, en arrive à aller approfondir la cueillette des informations dont j'ai fait état tout à l'heure. Je l'ai d'ailleurs dit dans ma déclaration.

Je comprends le député de Marguerite-Bourgeoys qui dit: Le ministre ne nous a rien appris. Je dirais que le député de Marguerite-Bourgeoys n'a rien entendu, parce qu'il retrouvera la plupart des réponses à ces questions dans la déclaration que j'ai faite tout à l'heure. Entre autres, cette question qu'il pose: Est-ce que ce sont tous les conflits qui sont concernés? Non. Je l'ai dit dans ma déclaration. Ce sont ceux où les situations sont particulièrement tendues ou encore ceux où les informations préliminaires sont qu'il peut y avoir une potentialité de violence plus grande. Il faudrait, lorsqu'on parle du secteur public et du secteur parapublic, que le député de Marguerite-Bourgeoys et le député de Portneuf soient logiques. Tout à l'heure, ils me demandaient s'il y avait de la violence possible dans le secteur parapublic. Comment voulez-vous que je réponde à cette question si la Sûreté du Québec ne fait pas son travail préliminaire d'information à ce sujet? C'est à elle d'évaluer ce potentiel de violence ou d'illégalité dans ce secteur comme dans le secteur privé. Il n'y a pas de règles particulières. Soyez logiques! Vous posez des questions qui me demandent...

M. Pagé: Vous ne le savez pas.

M. Bédard: ... d'avoir des informations pour pouvoir vous répondre. Si je ne vous réponds pas, vous dites: Allez chercher les informations ou renseignez-vous! Si je vous réponds, vous m'accusez d'avoir des informations pour pouvoir essayer de faire la lumière. Alors, il faudrait que vous vous branchiez à un moment donné ou, au moins, que vous ayez une certaine logique.

Concernant d'autres questions qui ont été posées, le député de Marguerite-Bourgeoys dit: On n'a rien appris aujourd'hui avec la déclaration du ministre. Encore une fois, il ne l'a peut-être pas écoutée avec suffisamment d'attention. Nous avons fait le point sur les lignes directrices de l'action policière dans le secteur, d'une façon tout à fait particulière, des conflits ouvriers. Nous avons

fait le point sur les lignes de fond. Le député de Marguerite-Bourgeoys réclamait un cadre d'action dans la déclaration que j'ai faite. Nous avons justement situé très bien quel était le cadre d'action dans lequel on voulait que les opérations normales qui doivent être faites par la Sûreté du Québec le soient, mais dans un cadre d'action précis.

Le député de Marguerite-Bourgeoys nous demande s'il y a de l'infiltration. Cela fait au moins trois semaines — si ce n'est pas plus — que je lui dis, je l'ai redit dans ma déclaration, qu'il n'y avait pas d'infiltration. Mais le député de Marguerite-Bourgeoys, pour semer le doute, entretenir la confusion, etc., continue de poser cette question, sachant très bien qu'on y a répondu et que...

M. Lalonde: Je voulais la poser encore ce matin.

M. Bédard: ... je n'ai pas à changer de réponse puisque la réalité — je l'ai dit tout à l'heure — c'est qu'il n'y a pas d'infiltration de membres de la Sûreté du Québec dans les syndicats. Il n'y a pas d'écoute électronique sur les activités syndicales. Il n'y a aucun cas d'illégalité qui m'a été signalé dans les cas qui ont été cités par les journaux. J'ai dit que, dans certains cas, il y avait eu des erreurs de jugement. C'est tout. Mais aucune illégalité n'a été portée à mon attention dans les cas auxquels vous vous êtes référés. A un moment donné, je pense qu'il faut arrêter de dramatiser. Puisque vous vous référez toujours aux cas, prenez-les! Il y a une liste de quinze cas récents. Je me permets d'en citer quelques-uns, M. le Président. On voit jusqu'où est l'importance de ces cas-là. Je cite le cas de Rimouski: Pendant la grève chez Dumont Transport, l'agent Normand Doré de la SQ approche plusieurs grévistes pour glaner des renseignements. Il prend le café avec eux, il leur laisse sa carte et son numéro de téléphone. Qu'y a-t-il de grave là-dedans? Pourtant, c'est un des cas qu'on peut monter en épingle, à propos duquel le député de Marguerite-Bourgeoys parle des droits et libertés de la personne en danger et des droits individuels en danger. Il faut quand même avoir une certaine mesure.

Une Voix: C'est le "side track".

M. Bédard: C'est dans ce sens-là que je dis que le député de Marguerite-Bourgeoys, conforme à son habitude...

M. Lalonde: Ne noyez pas le poisson.

M. Bédard: ... emploie toujours un langage abusif...

M. Lalonde: Ne noyez pas le poisson.

M. Bédard: ... et essaie de dramatiser et de jeter de la confusion chez les gens plutôt que...

M. Lalonde: Ne noyez pas le poisson.

M. Bédard: ... d'essayer de voir les choses selon leur réalité. Prenez à Pierreville. Je cite, M. le Président: "Pendant la grève aux camions à incendie de Pierreville, deux agents de la Sûreté rencontrent André Lafond...

Une Voix: Qui n'est pas terminée d'ailleurs.

M. Bédard: ... alors président du conseil central CSN de Sorel et André Gill, vice-président du syndicat. Ils veulent des renseignements sur les raisons de la grève.

M. le Président, nous avons vérifié; les policiers sont justement allés rencontrer M. Gill, à la suite d'un télégramme que ce dernier avait envoyé au ministre de la Justice et dont nous avions fait tenir copie au ministère de la Justice demandant aux policiers de se rendre sur place et de rencontrer ces personnes.

Il y en a bien d'autres, M. le Président; à Saint-Jérôme, la grève aux roulottes Unik, l'agent Michel Leduc, de la SQ, demande au président du syndicat de le rencontrer pour obtenir des renseignements. Le président refuse.

Dans la plupart des cas, c'est ça; il est évident qu'il y a eu des rencontres entre les policiers et... d'une façon très ouverte, en s'identifiant, c'est beaucoup mieux que la manière dont ça se faisait dans le passé, d'une façon cachée, insidieuse, etc. Il pourrait peut-être y avoir des dizaines et des dizaines de cas où les policiers sont allés voir très ouvertement, en s'identifiant, des directeurs de syndicat ou des directeurs de compagnie. C'est ça l'opération publique, c'est d'y aller ouvertement, cesser de travailler en cachette.

Je trouve que c'est beaucoup plus sécurisant de voir des policiers travailler aussi ouvertement que de les voir travailler sans qu'on sache exactement ce qu'ils font. Je pense que cela a des inconvénients, ça risque de mettre en exergue peut-être de petites erreurs de jugement qui peuvent être faites, mais au moins c'est sécurisant parce qu'on voit l'opération, les citoyens la voient, les syndicats, les personnes concernées, les députés de l'Assemblée nationale, on est à même, s'il y a des erreurs, de les dire et aussi s'il y a des erreurs, d'essayer d'apporter des correctifs au niveau de l'ensemble de l'action policière. Dans ce sens, j'aime beaucoup mieux cette manière de procéder que celle qui se faisait auparavant.

Le député de Nicolet-Yamaska a apporté le cas où il semblait y avoir un principe en cause, à savoir la neutralité des policiers, l'obligation de ne communiquer à aucune des parties des renseignements qu'ils pourraient avoir obtenus. Je pense que c'est un cas spécifique. Au niveau de l'enquête qui a été faite et du rapport — sur ce cas précis — qui m'a été présenté par la Sûreté du Québec, le rapport explique que les faits sont les suivants: "En l'absence du directeur du personnel, ils ont rencontré le directeur du CLSC, M. Chartier ou Charnier. Ils furent ouvertement reçus, le directeur leur a même donné les noms de l'exécutif syndical et le directeur aurait même souligné qu'il

était content que la police s'intéresse aux possibilités de problèmes dans le monde syndical, compte tenu qu'il avait entendu dire que, dans les grands centres métropolitains, il y avait des individus qui étaient reconnus comme fauteurs de désordres. Les policiers l'ont donc invité à communiquer à la police tout renseignement ayant trait à des individus que lui, le directeur, pourrait soupçonner de conduite répréhensible".

Ces personnes ont droit à leur version, je pense également que les membres de la Sûreté du Québec ont droit à leur action. Quand on regarde l'ensemble des rencontres, des très nombreuses rencontres qui ont été faites au niveau de cette opération publique durant deux ans, qu'il y ait eu quelques rares erreurs de jugement qui aient été commises, je pense que c'est tout à l'acquit, d'une certaine façon, de la manière assez professionnelle et de plus en plus professionnelle avec laquelle la Sûreté du Québec doit agir.

Egalement, M. le Président, il y a d'autres cas dans la liste des quinze dont on pourrait parler qui, effectivement, relatent des rencontres entre policiers et syndiqués et c'était cela le but de l'opération. Il y en a où ce ne sont pas des policiers de la SQ.

Le Président (M. Richard): M. le ministre...

M. Bédard: Seulement un autre point, M. le Président.

Le Président (M. Richard): ... sans vouloir vous bousculer, puis-je vous demander d'abréger parce que je voudrais refaire un tour de table avec tous les intervenants. (12 h 15)

M. Bédard: Je répondrai simplement à une autre question qui a été soulevée par le député de Nicolet-Yamaska concernant la surveillance de la Sûreté du Québec à l'endroit de la Gendarmerie Royale, la GRC. Je dirais que c'est en quelque sorte le résultat d'un problème de chevauchement dans le cadre du fédéralisme. La réalité, je vais vous l'expliquer. La réalité, c'est que les activités des agents de la GRC ne sont pas toutes connues par la Sûreté du Québec et que même les agents de la GRC ne sont pas tous connus de la Sûreté du Québec. Je pense que l'enquête McDonald est assez éloquente sur certaines activités inconnues de la GRC. Dans les circonstances, si la Sûreté du Québec évalue qu'il s'agit d'informations qu'elle doit avoir en fonction du rôle qui lui est confié par la loi, il est de son devoir de faire le nécessaire pour les obtenir. Je pense que pour éviter... On a parlé beaucoup de perte d'énergie, de dépenses d'énergie, de dépenses d'argent concernant la surveillance qu'il pourrait y avoir à propos de la GRC, entre vous et moi c'est très minime.

On peut parler de quelques cas qui m'ont été indiqués et où c'était justifié de le faire. Ce ne sont pas les opérations de la Sûreté du Québec dans leur ensemble, loin de là. Ce n'est pas une des principales préoccupations. Mais si on parle de dépenses d'argent, de dépenses d'énergie, je pense que pour éviter ces chevauchements dans l'action policière — souvent on rencontre la Sûreté du Québec et la GRC sur les mêmes enquêtes, cela représente en fin de compte une dépense d'énergie, cela représente une dépense de deniers publics — il m'apparaît clair que la solution serait que le gouvernement fédéral retire ses agents du Québec et qu'il nous transfère purement et simplement les nombreux millions de dollars qu'il consacre à la GRC au Québec. Je pense que les citoyens du Québec sont capables d'assurer leur sécurité. Ils n'ont pas besoin d'une police fédérale comme la GRC pour le faire.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre de la Justice. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, peut-être une dizaine de minutes?

M. Lalonde: M. le Président, le ministre répète ce qu'il nous a dit qu'il n'y a pas de cas d'infiltration. Ce n'est pas la question que je lui ai posée. Est-ce qu'il autorise l'infiltration?

M. Bédard: Non. M. Lalonde: Bon.

M. Bédard: Je l'ai dit à maintes et maintes reprises.

M. Lalonde: Vous avez simplement dit qu'il n'y avait pas de cas d'infiltration. Je prends la parole du ministre à savoir...

M. Bédard: C'est vraiment l'image de votre confusion.

M. Lalonde: ... qu'il n'y en a pas. Mais est-ce que, dans ses directives, puisqu'il ne nous donne pas ses directives, puisqu'on n'en a pas...

M. Bédard: Je vous ai donné l'essentiel, vous n'avez pas écouté encore une fois.

M. Lalonde: Non, je veux des documents. Les discours du ministre, on en a soupé ici.

M. Charbonneau: C'est cela, les directives.

M. Lalonde: Les questions, les réponses tout emberlificotées, on en a assez, on veut des directives écrites, pour la protection.

M. Bédard: Vous seriez mieux d'entendre les réponses.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Et là, une autre partie de la dernière intervention du ministre de la Justice démontre qu'il n'a pas saisi, et c'est inquiétant, la véritable signification de la question qui préoccupe les citoyens actuellement. Il nous parle d'un cas en quelque part où un policier est allé prendre

le café avec quelques grévistes, il n'y a rien là. Certainement qu'il n'y a rien là.

M. Bédard: C'est consigné dans les journaux.

M. Lalonde: Ce dont il ne se rend pas compte, c'est le système, c'est l'accumulation des cas. Je voudrais vous donner un témoignage qui ne vient pas du Parti libéral, il ne vient pas d'un membre du Parti libéral. Il vient de M. Marc Laurendeau, un journaliste informé aussi, le ministre le sait. Dans le cas de la crise d'octobre, il a écrit des articles qui semblaient bien documentés. J'espère qu'il a lu la Presse du 8 mars 1979. Les titres, les journalistes et les anciens journalistes le savent, ne veulent trop rien dire, parfois cela dépasse, mais il est quand même assez éloquent. "Un espionnage qui relève de la psychose." Je n'en fais pas le mien.

M. Charbonneau: C'est quoi, l'espionnage, pour vous?

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verchères.

M. Lalonde: Je suis en train de le lire. Je cite Marc Laurendeau: "Imaginons un instant la scène...

M. Charbonneau: Aller prendre un café, c'est de l'espionnage.

M. Lalonde: ... le Québec se trouve dans la période la plus brûlante des négociations entre le gouvernement et les 200 000 syndiqués des secteurs public et parapublic. Dans le bureau du "bunker", le ministre de la Justice et le premier ministre rencontrent l'état-major de la Sûreté du Québec pour s'informer des risques que le conflit tourne à la violence. Automatiquement, au fur et à mesure que progresse la conversation, l'Etat employeur est renseigné en détail sur le degré de fermeté et de détermination avec lequel les syndiqués sont engagés dans la lutte. Ainsi informé, grâce à son rôle de gardien de l'ordre social, l'Etat employeur n'a plus qu'à ajuster et à présenter ses prochaines offres en conséquence."

Un peu plus loin: "Tout cela illustre la nécessité d'un encadrement légal pour le travail de sécurité effectué par un corps policier." C'est ce que je demande, autre chose que simplement des discours. Le Code criminel, c'est très bien.

M. Bédard: Lisez donc les revues avant de parler.

M. Lalonde: "Un autre aspect du problème vient de la dimension impressionnante de l'opération... " c'est cela que le ministre n'a pas saisi, en disant: II y a un policier qui est allé prendre le café. Ce n'est pas cela, c'est la dimension. "Les conséquences d'un tel quadrillage de notre société sont assez inquiétantes pour les libertés individuelles." Ce n'est pas un fauteur de troubles qui dit cela, c'est un journaliste qui est très respecté dans son milieu.

J'inviterais le ministre à prendre conscience du fait qu'il est aussi responsable de l'application de la Charte des droits et libertés de la personne, que les amendements à la charte, si la nomination relève de l'Assemblée nationale, l'application en relève du ministre de la Justice. Il a un rôle à jouer, au moins une inquiétude à avoir là-dessus. Qu'il défende le travail policier, parfaitement, je pense que c'est aussi son rôle, mais qu'il donne aux policiers quand même le cadre nécessaire dans lequel ils vont pouvoir travailler sans se faire faire des reproches comme actuellement. On le voit actuellement, lorsqu'on n'a pas de cadre officiel dans lequel les policiers pourront réellement fonctionner. On apporte des cas de grévistes qui prennent le café avec un policier.

M. Charbonneau: Ces cas ont été mentionnés dans les journaux.

M. Lalonde: C'est justement cela; parce qu'il n'y a pas de cadre légal, les gens se surprennent. Si on avait un cadre légal, à ce moment-là, on pourrait au moins se rendre compte...

M. Bédard: Allons donc!

M. Lalonde: ... que telle chose...

M. Charbonneau: Un cadre légal pour aller demander le nom et le numéro de téléphone à quelqu'un.

M. Lalonde: ... est admissible et que telle autre ne l'est pas.

Le Président (M. Richard): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Le policier, lui, serait beaucoup plus apte à faire son devoir sans être assujetti à des blâmes, à des reproches qui, souvent, ne sont pas fondés, mais qui viennent du fait, justement...

M. Bédard: II y en a un cadre.

M. Lalonde: ... que le ministre de la Justice ne veut pas donner le cadre autre que... Il faut que ce soit dans la légalité, naturellement. Le Code criminel existe pour tout le monde, sûrement.

M. Bédard: Dans la neutralité. Lisez donc.

M. Lalonde: Et aussi la neutralité, mais qui n'est pas contrôlée; qui n'est pas contrôlée, surtout dans le cas des syndicats. Cela me surpend et je reproche au ministre de la Justice, en terminant...

M. Clair: II y en a qui appellent cela de la neutralité contrôlée.

M. Lalonde: ... cette question avec débat...

M. Bédard: Vous accusez les policiers de ne pas respecter cette règle-là.

M. Lalonde: ... de n'avoir rien ajouté aujourd'hui.

Le Président (M. Richard): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Je reproche au ministre de la Justice de n'avoir rien ajouté aujourd'hui — on lui donnait l'occasion — malgré la promesse du ministre, du premier ministre selon laquelle le ministre de la Justice avait des choses les plus précises possible à nous dire. Tout ce qu'il nous a dit, c'est qu'il faut que cela se fasse dans la légalité. Il n'y a rien de nouveau, j'espère que cela se faisait aussi dans la légalité auparavant. Deuxièmement, la neutralité. Il ne nous annonce absolument rien pour contrôler, pour que la population soit satisfaite et sache que ce n'est pas un système qui puisse mettre en péril les droits individuels.

J'en profite pour corriger une autre déclaration du député de Verchères, que j'ai oubliée tantôt, quand il me blâmait de reprocher aux policiers de faire leur travail auprès des gens de Val-Martin, d'aller leur poser des questions. Il n'a rien compris, le député de Verchères, M. le Président.

M. Charbonneau: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Maudit que vous êtes menteur! Ce n'est même pas ce que j'ai dit.

M. Lalonde: Voulez-vous retirer ce que vous venez de dire, vous?

M. Charbonneau: Non, je ne le retirerai pas parce que ce n'est même pas ce que j'ai dit.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement. J'ai entendu un mot antiparlementaire, M. le Président.

M. Charbonneau: II n'y a pas de question de règlement dans le débat.

Le Président (M. Richard): M. le député de Verchères...

M. Charbonneau: Franchement, M. le Président!

Le Président (M. Richard):... vous ne m'imposerez tout de même pas d'avoir recours à des policiers pour présider cette commission.

M. Charbonneau: II y a des agents provocateurs, par exemple.

Le Président (M. Richard): Je vous invite, en gentilhomme que vous êtes, à retirer le propos que vous avez tenu.

M. Charbonneau: M. le Président, dans ce cas, quel est le droit d'un député de rectifier les faits dans une commission parlementaire comme celle-ci?

Le Président (M. Richard): M. le député de Verchères, je vais vous donner le droit de réplique tout à l'heure.

M. Charbonneau: Merci, dans ce cas-là.

Le Président (M. Richard): Je vous invite, en gentilhomme, à retirer le propos que vous avez tenu.

M. Charbonneau: Dans ce cas, c'est avec plaisir, M. le Président, que je vais retirer ce propos, étant donné que je pourrai rectifier les faits.

Le Président (M. Richard): Je vous remercie, M. le député de Verchères.

M. Lalonde: Ce que j'ai reproché, dans le cas de Val-Martin — et je ne l'ai pas fait à la légère, je l'ai fait sur le fondement d'affidavits dont j'ai les copies ici, que j'ai déposés en Chambre — c'est que les policiers s'informent des allégeances politiques, de l'opinion des gens sur des ministres...

M. Bédard: On l'a dit très bien en Chambre...

M. Lalonde: Voulez-vous ne pas m'interrompre, s'il vous plaît...

M. Bédard: Vous ne vous rappelez pas des menaces qui étaient faites contre les ministres...

M. Lalonde: ... c'est à mon tour, d'accord? Vous répondrez des choses à un moment, mais dites-en des affaires, pas seulement des défenses.

Le Président (M. Richard): M. le ministre de la Justice, j'essaie d'arranger le temps pour que vous puissiez donner votre réplique, avant la fin, c'est-à-dire avant treize heures. Je vous demande, si cela est possible, de continuer dans la sérénité qu'on avait connue depuis le début. Je ne voudrais pas être obligé d'emprunter l'un de vos policiers, M. le ministre, pour présider. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Ma sérénité du début venait de l'espoir que nous aurions quelque chose de nouveau aujourd'hui. Malheureusement, on ne peut pas être autrement que déçus. Quand on m'accuse de blâmer les policiers d'être allés voir les gens de Val-Martin, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit à combien de reprises depuis un an et demi, sous forme de question en Chambre, que je trouve inadmissible que des policiers aillent s'informer à des gens qui ont seulement manifesté paisiblement sur leurs opinions, leurs sentiments à l'égard de M. le ministre Landry et de M. le ministre Tardif... C'est dans l'affidavit, et si le ministre de la Justice ne croit pas ce qui est marqué dans les affidavits, qu'il prenne les dispositions nécessaires qui lui sont permises par la loi, pour amener ces

gens à la légalité s'ils ont menti. Qu'il s'inquiète au moins, je ne vois pas un ministre de la Justice qui voit trois affidavits qui sont déposés en Chambre, de simples citoyens qui affirment qu'on leur a posé ces questions et qui ne fait rien. Il n'a absolument rien fait depuis que j'ai déposé ces affidavits, que je sache. J'espère qu'il a fait enquête.

M. Bédard: J'y ai répondu en Chambre.

M. Lalonde: Ce serait le temps de le faire, il n'y a pas un an que j'ai soulevé l'histoire.

Le Président (M. Richard): Je vais solliciter votre collaboration pour abréger un peu.

M. Lalonde: Oui, M. le Président. Alors, je termine cette malheureuse question avec débat qui n'avance absolument à rien, qui nous fait nous apercevoir, toutefois, que le ministre de la Justice n'est pas du tout conscient de l'ampleur de cette question, de l'importance de cette question dans l'esprit des citoyens.

Je la termine en lui posant une question précise, sur le cas de la surveillance de la GRC par la SQ. Il dit qu'on lui a rapporté quelques cas où c'était justifié de le faire. Je l'ai pris mot à mot. Quels sont ces cas, s'il peut le dire, et quels sont les paramètres — s'il ne peut pas dire les cas précis, au cas où la sécurité nationale serait en jeu — qui autorisent la Sûreté du Québec à suivre à la trace certains agissements de la police fédérale? Je cite le premier ministre, à ce moment-ci.

M. Clair: Des agissements criminels.

M. Lalonde: Si ce sont des agissements criminels, parfaitement! Ce sont de simples citoyens qui sont assujettis à nos lois, mais est-ce autre chose — parce que le premier ministre a parlé de certains agissements de la police fédérale — que cela? Quels sont les paramètres de la justification dont le ministre nous a parlé tantôt? Qu'est-ce qui justifie la Sûreté du Québec de suivre à la trace certains agissements de la police fédérale? Ma question est précise. Je n'ai pas beaucoup insisté actuellement là-dessus, quoique je trouve cela absolument incroyable. J'ai besoin de cette réponse. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le député de Nicolet-Yamaska, quelques minutes.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. J'essaierai d'être le plus bref possible. D'abord, je voudrais revenir sur la question de la Gendarmerie royale. Le ministre de la Justice nous a dit tout à l'heure qu'on faisait enquête sur quelques cas isolés, alors que le premier ministre lui-même, lors d'une entrevue qu'il a accordée, disait que cela se faisait de façon beaucoup plus globale, qu'on suivait à la trace la Gendarmerie royale du Québec. Lequel des deux nous donne la situation exacte, telle qu'on la vit chaque jour au Québec? Et encore une fois — comme M. Marc Laurendeau qui se posait également la question — on peut se demander, particulièrement à l'égard de la seconde partie du travail de sécurité, l'énorme opération publique, si les taxes payées par les citoyens sont vraiment dépensées à bon escient en cette période d'austérité. C'est une question très importante à laquelle le ministre de la Justice devrait répondre.

Encore une fois, je reviens sur la question des négociations dans les secteurs public et parapublic. Que la Sûreté du Québec prenne des informations auprès des syndicats sur le déroulement d'activités syndicales, encore là, je pense que c'est tout à fait normal, mais dans le cas des secteurs public et parapublic, c'est le gouvernement qui est l'employeur et c'est le gouvernement qui négocie avec ces syndicats. A ce moment-là, le travail de la Sûreté du Québec est beaucoup plus compliqué. (12 h 30)

Encore une fois, il faudrait que le ministre nous dise quel est le mandat précis de la Sûreté du Québec face à ces négociations, parce qu'il y a une difficulté d'application particulière dans ces négociations du fait que le gouvernement est l'employeur et que la Sûreté du Québec travaille à obtenir des renseignements sur la façon dont se déroulent les négociations. Là-dessus, j'aimerais que le ministre de la Justice nous donne plus de précisions parce que, encore une fois, je ne pense pas qu'il ait répondu véritablement à cette question.

La troisième chose, une loi qui encadrerait toute cette question de l'information. Dans la revue de la Sûreté du Québec, on nous disait ceci: "Deux écoles de pensée se confrontent à ce sujet. La première des conceptions américaines consiste à créer un service de sécurité au moyen d'une loi. Ce service, considéré comme entité distincte, sera rattaché au pouvoir exécutif. La seconde, de type britannique, est celle qui a cours au Canada. Ainsi, le service de renseignements de la Sûreté du Québec est né de l'interprétation de l'article 29 de la Loi de police. Globalement, certains gouvernements autorisent et légitiment les activités par voie législative". C'est ce qu'on demande au gouvernement du Québec, de légitimer par voie législative les activités de renseignements de la Sûreté du Québec.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Nicolet-Yamaska. M. le député de Portneuf, souhaiteriez-vous intervenir une dernière fois?

M. Pagé: Pas tout de suite, M. le Président. M. Lalonde: ... c'est la dernière fois.

Le Président (M. Richard): Alors... M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Richard): Oui.

M. Pagé: ... seulement quelques mots pour...

Le Président (M. Richard): Oui, parce que ce que je voudrais...

M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Richard):... c'est, avec votre consentement, vous indiquer de faire un tour de table en donnant la parole au député de Portneuf, ensuite au député de Verchères, et je donnerai le droit de réplique final au ministre de la Justice.

M. Lalonde: La réplique ne vient-elle pas de celui qui pose la question?

M. Pagé: Oui. La réplique vient de celui qui soulève la question, M. le Président.

M. Lalonde: II me semble que ce n'est pas une réplique, si c'est celui qui répond.

Une Voix: Vous voulez avoir des réponses?

Le Président (M. Richard): Alors, je pourrai vous donner un droit de parole à la toute fin, après le ministre de la Justice.

M. Lalonde: Merci.

M. Clair: M. le Président...

M. Pagé: M. le Président...

M. Clair: ... sur une question de privilège.

Le Président (M. Richard): Oui, M. le député de Drummond.

M. Clair: J'ai suivi attentivement les débats et j'apprécierais que vous me trouviez deux minutes quelque part, peut-être, avant que le...

Le Président (M. Richard): Je n'ai aucune objection, et c'est pour cela que j'arrêtais là, M. le député de Portneuf, brièvement, s'il vous plaît!

M. Clair: Je vous remercie.

M. Pagé: Très brièvement, M. le Président. De toute façon, je dois joindre ma parole à celle de mon collègue de Marguerite-Bourgeoys pour vous exprimer, en espérant que ce sera bien saisi par le ministre de la Justice, toute notre déception ce matin à l'égard des informations que nous avons pu recevoir du ministre de la Justice. Elles sont encore une fois évasives, encore une fois très générales, très vagues. On doit conclure que cette stratégie de réponses, c'est probablement voulu, c'est probablement une intervention bien arrêtée du ministre de la Justice de ne pas répondre bien spécifiquement et bien concrètement, comme il devrait le faire, selon nous, aux questions que nous avons soulevées ce matin.

M. le Président, je devrai aussi conclure en vous disant que, si j'étais un travailleur québécois à l'égard de qui un gouvernement était censé avoir un préjugé favorable, membre par surcroît du secteur public et du secteur parapublic dans la présente ronde de négociations, je serais particulièrement inquiet, car, M. le Président, si je me réfère aux déclarations du ministre de la Justice de ce matin, à la suite des questions que je lui ai posées, à la suite des questions que mon collègue de Marguerite-Bourgeoys lui a posées, il n'y a pas de système, ce n'est pas une démarche universelle et générale que la Sûreté du Québec entreprend d'acquérir des renseignements au sein de chacune des unités de négociation qui ont à négocier leur convention collective respective; ce n'est pas une approche générale. Ces cas sont fondés seulement lorsqu'il y a de la violence qui peut être appréhendée.

Ce qui permet quand même, M. le Président, à ma grande surprise, au ministre de la Justice de nous dire, ce matin, de confirmer le fait que la Sûreté du Québec, actuellement, se rend à certaines réunions de syndicats, comme j'ai eu l'occasion d'en faire état tout à l'heure. Cela ne se limite pas à de la prise de café et à donner des cartes. J'ai clairement indiqué et soutenu — le ministre de la Justice n'a pas voulu le réfuter — que certains policiers de la Sûreté du Québec se sont rendus chercher des documents dans certaines réunions, ici à Québec notamment.

M. Bédard: Des documents publics, soyez donc honnête.

M. Pagé: M. le Président, je peux conclure — que le ministre me contredise, parce qu'il n'a pas voulu aborder cette question ce matin — que, dans ces cas de négociation, il y avait de la violence appréhendée. J'hésite à croire qu'il ait pu y en avoir, entre autres dans le cas de la réunion de la CEQ, ici, au mois de janvier, les CLSC, les hôpitaux. Vous savez, on n'est pas dans des cas de violence appréhendée partout, dans les négociations. Je suis fort surpris que le ministre nous donne cette réponse ce matin. Alors, qu'est-ce que la Sûreté du Québec...

M. Bédard: M. le Président, il n'y a pas de question de privilège, je n'ai jamais dit ça.

M. Pagé: Qu'est-ce que la Sûreté du Québec fait avec ces renseignements? Je peux terminer en me posant une question. Je me demande si les informations ainsi recueillies — j'espère que ce n'est pas le cas, et ce sera au ministre de la Justice à nous dire que ce n'est pas le cas, de son siège, ici, comme parlementaire et comme membre de l'Exécutif — ne servent pas ultimement au gouvernement employeur dans le cadre de la présente négociation de la convention collective. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Portneuf. M. le député de Drummond.

M. Clair: M. le Président, après avoir suivi attentivement les travaux de cette commission, ce

matin, j'aimerais vous dire ma satisfaction à l'égard de l'existence d'un corps policier autonome au Québec, qui s'appelle la Sûreté du Québec, quand le ministre de la Justice précise la première règle absolue de l'intervention de la Sûreté du Québec, qui est le respect de la légalité, et la deuxième règle, qui est celle de la neutralité du policier.

M. le Président, je le dis parce qu'alors qu'on vit des moments, des années où, au niveau d'un autre gouvernement, qui s'appelle le gouvernement fédéral, on envisage, du côté du parti au pouvoir, en quelque sorte, des lois qui visent à mettre la police au-dessus de la loi, pour le gouvernement, et alors même que le chef de l'Opposition de ce même Parlement, là-bas, veut rendre un ministre simplement responsable, un ministre qui autoriserait les actes criminels commis par la police, moi, ça me rassure beaucoup, M. le Président, de voir qu'au Québec, il existe une Sûreté du Québec qui a un mandat de respecter la légalité comme règle absolue et de respecter également la règle de la neutralité.

Quand le député de Marguerite-Bourgeoys nous parle de neutralité contrôlée, parce que c'est drôle, il me semble que cela ressemble à de la liberté surveillée. La Sûreté du Québec a un mandat de respecter la légalité et a également comme instruction d'opérer dans la neutralité. Je pense que si on cherche à intervenir de toutes sortes de façons au niveau de l'appareil de l'Etat pour contrôler cette neutralité, cela risque d'être une neutralité biaisée rapidement.

Je vous ai promis d'être bref, je le serai. Un dernier point, l'opération publique. Le député de Marguerite-Bourgeoys a fait beaucoup état de cette opération publique et il me semble qu'il lui manque deux sens dans les propos qu'il tenait. Le premier sens, c'est celui de la proportion et de la mesure, quand il dit que la Sûreté du Québec ne devrait pas dès à présent se préoccuper de bien cerner l'ensemble du phénomène. Il me semble qu'on ne traite pas le renouvellement d'une convention collective dans une entreprise qui compte dix employés de la même façon que la Sûreté du Québec doit s'apprêter à regarder à bien connaître le phénomène quand il s'agit d'un renouvellement de convention collective qui concerne des centaines de milliers de personnes.

Il lui manque surtout le sens de l'histoire, M. le Président. Parce que j'ai vécu dans mon comté, j'ai rencontré des gens qui, après avoir été victimes de provocation pendant des années par l'ancien gouvernement, aujourd'hui, ont de la difficulté à faire confiance tant au gouvernement qu'à la Sûreté du Québec, simplement à cause de l'histoire des négociations collectives au cours des dernières années, au cours de leur mandat. Je pense que si, aujourd'hui, la Sûreté du Québec est forcée d'avoir un peu plus de précautions qu'on pourrait l'espérer nécessaire par la population, c'est en grande partie à cause de l'histoire des négociations collectives dans le domaine public, parce que la politique du gouvernement précédent a été de la provocation pendant des années et qu'en conséquence on doive être encore un peu plus prudent à cause de cette provocation passée.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Drummond. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je voudrais enchaîner en disant qu'on a eu abondamment aujourd'hui des exemples de type, d'attitude de provocateur vis-à-vis des députés de l'Opposition. Je ne m'étendrai pas sur le sujet, mais je vais profiter du début de mon intervention rapide pour faire une mise au point, celle que je vous avais promise d'ailleurs. Le député de Marguerite-Bourgeoys a dit que je l'avais accusé d'avoir blâmé les policiers d'aller voir les gens de Val-Martin. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit: II a cité le cas de Val-Martin. Il n'avait d'ailleurs pas parlé des allégeances politiques à ce moment. On pourrait citer le journal des Débats.

Je serais curieux, et les gens qui écouteront cela à la télévision se rappelleront les interventions d'il y a quelques minutes. Il n'avait pas, quand il a cité le cas de Val-Martin, parlé du problème des allégeances politiques, il avait simplement mentionné le cas de Val-Martin pour indiquer que ce cas soulève le problème de la pression qui est exercée sur des citoyens quand des policiers vont les voir. Il avait soulevé le problème du caractère intimidant de la présence policière auprès de ces individus. Moi, j'avais répliqué que le problème c'est que, bien sûr, cela intimide les gens de voir des policiers arriver chez eux, mais on a à déterminer si on veut qu'ils le fassent ouvertement, ou encore qu'ils ne le sachent pas, mais qu'ils le fassent clandestinement.

Par ailleurs, on parle de violence appréhendée et on se fait les gorges chaudes; le député de Portneuf n'a pas écouté le ministre de la Justice et est revenu là-dessus constamment. On a des exemples dans le document qui a été publié par la Sûreté du Québec; le travail de renseignement, notamment en matière de conflits de travail, n'est pas uniquement relié à de la violence appréhendée, mais également au mandat de maintien de l'ordre. On pourrait prendre l'exemple qui est donné d'ailleurs ici à la page 11 du conflit qui a opposé le ministère du Travail aux camionneurs au Québec, il y a quelques années, en fait au mois de juin 1977. On voit tout le travail de sécurité et de renseignement qui a été nécessaire, non pas parce qu'on appréhendait de la violence, quoiqu'il y en a eu à ce moment-là d'une façon limitée, mais au départ, la raison pour laquelle on est intervenu à titre de renseignements, c'est parce qu'il y avait une question d'ordre. Quand 1500 camions envahissent une ville comme Québec, il y a des questions d'ordre et de sécurité: comment les ambulances vont circuler dans les rues de Québec, comment la sécurité publique va être assurée à partir du moment où il y a un blocage systématique. Il n'y avait pas de violence appréhendée nécessairement, mais il y avait un problème d'ordre public appréhendé.

Je voudrais également signaler, en réplique à l'intervention du député de Portneuf qui mettait en

garde les syndiqués québécois et en particulier les syndiqués de la fonction publique, M. le Président, que je préfère l'attitude actuelle de la Sûreté du Québec et que, tout compte fait, si j'étais syndiqué — j'ai déjà été syndiqué de la CSN en plus de cela - je considérerais que le travail actuel est finalement beaucoup plus un travail de protection des syndiqués et des syndicats eux-mêmes, parce qu'un des problèmes actuels du syndicalisme, on n'a qu'à regarder les sondages actuels pour voir comment, malheureusement — je le dis bien honnêtement à titre d'ancien vice-président d'un syndicat de journalistes — les syndicats dans notre société sont souvent des boucs émissaires des principaux maux.

Quand vous demandez quels sont les principaux responsables de la détérioration du climat social ou économique dans les sondages, malheureusement, ce sont des syndicats qui viennent en premier lieu. Une des raisons pour lesquelles l'opinion publique a cette impression, c'est que des conflits ouvriers, publics ou privés, ont été utilisés par des agents qui n'étaient pas du tout des syndiqués. On n'a qu'à penser au cas de Commonwealth Plywood où, quand il y a eu souvent des manifestations violentes, ce n'étaient pas les travailleurs de Commonwealth Plywood, ce n'étaient pas les gars de la CSN qui étaient impliqués, c'étaient des gens de certains groupes extrémistes qui, eux, avaient une autre approche et un autre objectif que de régler les conflits de travail.

Je pense, en terminant, qu'une approche comme celle qui est faite par la Sûreté du Québec... Quand on dit: C'est épouvantable, il y a tellement d'enquêtes! Il faudrait peut-être regarder combien il y a des conflits à l'intérieur de notre société. Est-ce qu'on est une société qui peut se targuer de ne pas avoir une grève dans une année? S'il y a des centaines de grèves, même légales et, dans la plupart des cas, sans violence mais qui, dans certains cas, ne posent pas de problème au niveau de la violence appréhendée, mais de l'ordre public, il est normal qu'on fasse un travail de renseignement. Cela va peut-être éviter que les gens associent chaque fois le monde syndical et les travailleurs syndiqués à certains événements dramatiques, à certains éléments pertu-bateurs qui, malheureusement, existent. Cela, les journalistes le savent très bien eux-mêmes, puisqu'ils ont publié plusieurs enquêtes à ce sujet-là.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci. M. le ministre de la Justice, sept minutes.

M. Bédard: M. le Président, je sais très bien... M. Lalonde: Oui...

M. Bédard: Je pourrais peut-être terminer, M. le Président. Vous pouvez laisser la parole au député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Richard): M. le ministre de la Justice. (12 h 45)

M. Bédard: Je sais très bien que l'Opposition n'admettra pas que nous avons répondu à ses principales questions. Le député de Marguerite-Bourgeoys s'ingénie plutôt à ne pas entendre les réponses. La meilleure preuve ou le meilleur exemple de cet acharnement du député de Marguerite-Bourgeoys à ne pas entendre les réponses vient du fait qu'à la toute fin de notre discussion il s'étonne de la dimension — je l'ai bien noté — de l'opération. Il me demande, comme ministre de la Justice, si cette cueillette d'informations s'adresse à tous les conflits syndicaux. Il s'interroge encore alors que j'ai répondu de façon très explicite à cette question dans l'exposé que j'ai fait au début.

Je le cite à nouveau, à la page 5. "Dans bien des secteurs de relations de travail, la situation est calme et rien ne laisse présager de changement. Il s'agit donc d'une minorité de cas où la Sûreté doit effectuer son travail d'enquête et être en mesure de prendre les dispositions requises, car c'est essentiellement dans certaines situations particulièrement tendues que les risques de confrontation se présentent. De la même façon qu'il apparaîtrait injuste et injustifié que l'ensemble des hommes d'affaires et de leurs organisations fassent l'objet de travail policier, parce qu'il y a de nombreuses fraudes, il apparaîtrait tout aussi injuste et inacceptable que l'ensemble des syndiqués et leurs organisations fassent l'objet de l'attention policière, parce qu'il y a de nombreux cas de violence. Dans un cas comme dans l'autre, personne n'est au-dessus des lois, mais, dans les deux cas également, le travail du policier doit être motivé et justifié par les circonstances et les faits.

M. le Président, dès le début de ce débat, à une des principales questions du député de Marguerite-Bourgeoys, qui s'interrogeait sur l'ampleur et sur la dimension de l'opération, nous avons répondu. Mais le député de Marguerite-Bourgeoys comme le député de Portneuf s'ingénient à ne pas vouloir entendre les réponses, à ne pas vouloir les noter. Je ne verrais pas pourquoi je reviendrais sur ces sujets, que je crois avoir couverts.

Nous avons fait, je crois, au cours de ce débat, le point sur des choses importantes, à savoir les principales lignes directrices de l'action policière au Québec, les lignes de fond et également nous avons discuté et explicité le plus possible l'ensemble du cadre d'action qui régit les actions policières dans différents domaines, mais d'une façon tout à fait particulière dans le domaine des conflits ouvriers.

Le député de Portneuf me posait encore la question à laquelle j'ai répondu dès le commencement du débat, à savoir si je pouvais donner l'assurance que des renseignements qui auraient été cueillis par les membres de la Sûreté du Québec ne serviraient pas, éventuellement, à informer le gouvernement dans le cas des négociations des seceurs public et parapublic. Je lui ai répondu qu'il n'est pas question que des renseignements concernant le contenu des négociations soient acheminés par les membres de la Sûreté du Québec aux autorités gouvernementales, à l'Etat employeur. Je lui ai dit très carrément, et ceci est exprimé par une des règles, une des lignes de

fond dont j'ai parlé, à savoir l'obligation de la neutralité au niveau du travail des policiers. Cela répond à cette... En tout cas, je tiens à donner cette assurance non pas au député de Portneuf parce qu'il va encore continuer à poser la même question et feindre qu'il n'a pas eu de réponse, mais je tiens à donner cette assurance à l'ensemble des syndiqués dans le secteur public et parapublic.

M. le Président, c'est l'essentiel des propos — puisque mon temps est compté — c'est ce que je voulais dire à la fin de ce débat.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre de la Justice. Quelques mots, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, en terminant, je ne prendrai pas tout le temps qui reste. On m'a accusé d'être un provocateur — cela vient d'un ancien journaliste — parce que j'ai posé la question, ce qui est pourtant admissible en vertu du règlement. J'ai posé la question. J'ai donné les motifs. J'ai donné l'objectif de ma question. J'ai donné la problématique. Je l'ai fait, je pense, dans les règles les plus rigoureuses. Je n'accepte pas cette accusation. Je vais continuer à poser des questions pour que le ministre de la Justice prenne ses responsabilités. Plusieurs questions restent sans réponse, et parmi les plus importantes. On nous dit: Les règles sont la légalité et la neutralité. La légalité, je vais demander au ministre de la Justice de la préciser, et pas seulement moi. Des personnes qui ne sont pas ici ont demandé au ministre de la Justice de préciser, parce que cette légalité demande des précisions dans des cas frontières qui mettent en question les droits individuels et le fonctionnement d'organismes légaux comme les syndicats. Le neutralité a quand même besoin de certains contrôles. Le député de Drummond s'étonnait, neutralité contrôlée. J'imagine qu'il sait que la Commission de police existe justement pour... Il faudrait peut-être...

M. Clair: C'est la Commission de police qui contrôle. Vous demandiez que le ministre... C'est le contrôle politique que vous demandiez.

M. Lalonde: ... articuler cette neutralité dans un texte, une directive, qu'on demande au ministre de la Justice... Je trouve qu'il est absolument injuste à l'égard de la Sûreté du Québec, des policiers en particulier qui sont appelés à travailler dans le champ, que le ministre de la Justice ne précise pas le cadre légal de fonctionnement parce que ce sont ces derniers qui auront le blâme.

M. Charbonneau: Essayez de vous racheter.

Le Président (M. Richard): M. le député de Verchères!

M. Lalonde: En fait, ce sont ces derniers. Les en-têtes qu'on voit, c'est la Sûreté du Québec. C'est injuste parce que c'est le ministre de la Justice qui ne prend pas ses responsabilités, qui ne fait pas son devoir. S'il y avait un cadre tel que réclamé par tout le monde, un cadre légal d'opération, de fonctionnement du renseignement, absolument nécessaire, ce serait alors le ministre de la Justice qui prendrait ses responsabilités et qui ne les laisserait pas simplement sur le dos de la Sûreté du Québec, qui mérite beaucoup plus que cela, de même que les citoyens, qui méritent beaucoup plus d'être rassurés, qui méritent d'être rassurés sur cette opération.

C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci. Je mets un terme à cette séance de la commission permanente de la justice en vous remerciant, messieurs, pour une attitude et un comportement, somme toute, fort policés. Merci.

Fin de la séance à 12 h 53

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