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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le mercredi 17 novembre 1982 - Vol. 26 N° 199

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes relativement aux modifications à apporter à la Loi sur la conservation de la faune


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente du loisir, de la chasse et de la pêche reprend donc ses travaux pour remplir son mandat qui est aux fins d'entendre les personnes et les organismes en regard des modifications à apporter à la Loi sur la conservation de la faune.

Les membres de notre commission pour aujourd'hui sont: MM. Chevrette (Joliette), Gauthier (Roberval), Lafrenière (Ungava), Laplante (Bourassa), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Paré (Shefford), Perron (Duplessis), Mme Bacon (Chomedey), MM. Dauphin (Marquette), Houde (Berthier), Vaillancourt (Orford).

Les intervenants sont: M. Desbiens (Dubuc), Mme Juneau (Johnson), MM. Lachance (Bellechasse), Léger (Lafontaine), LeMay (Gaspé), Assad (Papineau), Maciocia (Viger), Pagé (Portneuf), Rocheleau (Hull), Bisaillon (Sainte-Marie).

Comme nous avons un horaire très rempli, je vous donne d'abord la liste des intervenants pour que tous puissent savoir un petit peu dans quel ordre ils vont passer.

Je le donne dans l'ordre avec les changements reçus ce matin. En premier lieu, l'Association des biologistes du Québec - une inversion à partir d'une entente entre les parties et les intervenants concernés - en deuxième lieu, le Conseil Attikamègue-Montagnais; en troisième lieu, le Regroupement des organismes nationaux de loisir du Québec; ensuite, un groupe de neuf nations indiennes du Québec; le Conseil de bande réserve indienne (nation huronne); l'Alliance laurentienne des Métis et Indiens sans statut Inc.; la Société Makivik; le Grand conseil des Cris du Québec, et, finalement, la Nation des Naskapis.

Avant de commencer, M. le ministre, avant de vous donner la parole, à partir de l'expérience d'hier, je voudrais prévenir tout le monde que j'ai l'intention aujourd'hui d'être beaucoup plus rigide et beaucoup plus directif sur la limitation du temps. Je pense que c'est pour rendre justice à tout le monde, pour ne faire attendre personne. Vu qu'on a neuf organismes à entendre, j'ai l'intention de les entendre tous. Cela va prendre une certaine rigueur et je vous avertis dès maintenant que la règle de l'heure jouera, c'est-à-dire une heure par mémoire, de sorte qu'après vingt minutes, j'interromprai les intervenants s'ils n'ont pas terminé leur mémoire et on devra procéder aux questions pour terminer l'heure, soit quarante minutes de questions, à tour de rôle. La démocratie veut que l'on tente de rendre justice à tout le monde au maximum.

Je demanderais à ceux qui prévoient déjà, au cours de la journée, avoir de trop gros mémoires de tenter au préalable de les simplifier, de faire en sorte, en tout cas, qu'ils puissent entrer dans les vingt minutes, soit en coupant des pièces, soit en me disant, au micro, ce qui sera le plus important pour le journal des Débats. Pour le reste, je pense que ce qui est important est que les membres de la commission puissent poser des questions pour éclaircir certains points. Dans ce sens, il faut laisser plus de temps aux questions et réponses qu'à la lecture des mémoires. Car je présume que les mémoires ont été déjà lus par les membres de la commission.

Avant d'entendre le premier groupe, M. le ministre.

M. Chevrette: Je voudrais simplement répondre à la question de Mme la député de Chomedey, qui me demandait hier si le document de travail qui lui a été remis hier matin était passé par le comité des priorités. La réponse est non.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Est-ce que vous me permettez une question très rapidement, M. le Président? Est-ce que ce document ou un mémoire concernant ce document avait été présenté au Conseil des ministres?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: Je ne saurais vraiment pas vous dire.

Mme Bacon: Le ministre peut demander à son sous-ministre qui est derrière lui, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Je peux vous dire qu'il y a eu des discussions sur le plan interministériel, à des comités. Vous m'avez

demandé précisément si cela était allé au comité des priorités, c'est non. Je sais que les gens, après discussion en comité interministériel, avaient décidé de ne pas en faire un projet de loi, mais plutôt d'opter -et cela fut la recommandation au Conseil des ministres - pour entendre les gens avant de préparer quoi que ce soit.

Mme Bacon: Donc, cela a été présenté au Conseil des ministres, cela a été discuté au Conseil des ministres.

M. Chevrette: Le Conseil des ministres a donné le mandat au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche d'aller en commission parlementaire.

Mme Bacon: Est-ce qu'il y a longtemps?

M. Chevrette: Je pourrais vous sortir la date; vers le mois d'août, me dit-on.

Mme Bacon: Et c'est après cela qu'on a décidé d'aller en consultation auprès des groupes concernés?

M. Chevrette: Cela avait été annoncé dès le mois de juin qu'on allait en consultation là-dessus.

Mme Bacon: Au moment où existait le projet de loi.

M. Chevrette: C'était à un comité ministériel avant. On avait suggéré d'aller en commission parlementaire. Les dates de commission n'ont été confirmées qu'au mois d'août. Quand je suis arrivé, je n'ai fait que reporter les dates de commission parlementaire, si vous vous rappelez.

Le Président (M. Bordeleau): J'appelle donc dès maintenant l'Association des biologistes du Québec. J'imagine que ce sera le président, M. Gérard Massé. M. Massé, si vous voulez bien vous présenter ainsi que les gens qui vous accompagnent et commencer le résumé ou la lecture de votre mémoire.

Association des biologistes du Québec

M. Massé (Gérard): Merci. Je vous présente les membres de l'association qui m'accompagnent. A ma droite, M. Jacques Prescott, qui est responsable de notre comité sur les espèces menacées au Québec; à gauche, Mme Claudette Journeau, vice-présidente de l'Association des biologistes du Québec.

M. le Président, M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, madame et messieurs de la commission parlementaire.

Je vais sauter les premières pages de notre mémoire pour aller directement aux commentaires de l'Association des biologistes du Québec.

L'Association des biologistes du Québec tient à féliciter le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ainsi que le groupe de travail pour la protection des habitats pour avoir réalisé l'important document intitulé: La protection des habitats fauniques au Québec. Avec ce rapport, nour croyons que le ministre a maintenant en main un outil que ses prédécesseurs n'avaient pas. De fait, ce rapport identifie bien les exigences de la faune et laisse clairement ressortir que, sans des habitats de qualité, cette faune ne saurait se perpétuer. De plus, on identifie les activités d'altération d'habitats, leurs répercussions sur la faune et, finalement, on y fait un bon inventaire des moyens que le gouvernement peut prendre pour les conserver. On y suggère même des moyens qui permettraient de trouver l'argent pour ce faire.

Avant d'aller un peu plus loin, j'aimerais ouvrir une parenthèse et identifier certains moyens afin de trouver l'argent. D'abord, dans le document du groupe, il y a un chapitre spécial sur la question: où trouver l'argent? On est d'accord que les utilisateurs, les chasseurs, les pêcheurs et les trappeurs en paient une partie et que l'État en paie l'autre au nom des autres utilisateurs, peut-être un peu moins évidents ceux-là, comme les observateurs qui sont très nombreux, d'autant plus que, tel que mentionné dans le document, 2 000 000 $ seulement suffiraient annuellement à protéger les habitats, alors que les recettes fiscales provenant de la pratique des activités reliées à l'utilisation de la faune ont été, en 1980, pour le gouvernement provincial, de 58 000 000 $ et, pour le gouvernement fédéral, de 40 000 000 $, ce qui fait un total de 98 000 000 $.

Si on ne parle pas des sommes perçues par le fédéral, on peut quand même dire que la province en retire 58 000 000 $ et, par rapport aux 2 000 000 $ qu'il suffirait d'investir dans la protection des habitats, je pense que c'est très rentable.

Un autre moyen qui est d'ailleurs suggéré par le groupe, c'est qu'une partie du montant des permis aille à la protection des habitats fauniques. Je pense que l'idée est déjà acceptée d'avance. Vous vous souviendrez probablement de tous les tollés de protestation qui ont émané des utilisateurs-pêcheurs lorsque le permis de pêche a été aboli au Québec. Ces gens savaient bien que la totalité de leurs 3 $, le montant du permis à l'époque, allait dans les coffres de la province, mais ils s'imaginaient que, si la province en avait un peu plus, il y aurait des retombées pour la faune.

Alors, je reprends où j'ai quitté dans le texte. Nous désirons faire connaître au

ministre notre accord sur le concept à deux volets pour la protection.

Le premier, une réglementation générale. Une réglementation générale devrait s'appliquer à la protection de divers types d'habitats essentiels tels les ravages, les frayères, le milieu riverain et tout autre lieu de concentration faunique. Nous désirons signaler au ministre l'importance du milieu riverain pour la faune. C'est pourquoi nous recommandons que la partie la plus utilisée du milieu riverain, soit la zone humide - on se réfère à la figure 1 - soit intégralement protégée par le réglementation générale. Pour ce qui est de la zone sèche du milieu riverain, son utilisation est plus variable et des normes quant à l'utilisation du sol devraient être définies.

Le deuxième volet, la protection des sites particuliers. Par cette réglementation, le MLCP devrait pouvoir protéger les ravages et les frayères exceptionnels, les sites rares à l'échelle nationale ou autres lieux essentiels à la faune. Nous n'avons pas l'intention de commenter davantage ce document, mais nous considérerions inconséquent un gouvernement qui, connaissant maintenant parfaitement la situation, n'agirait pas. Il en va de la satisfaction de 800 000 citoyens qui pratiquent les activités reliées à la faune et y dépensent annuellement 750 000 000 $. De plus, il ne faudrait pas faire mentir les nombreux dépliants touristiques sur lesquels abondent orignaux, chevreuils, canards, truites, saumons et dorés.

Nous désirons signaler au ministre que le temps ne joue pas en sa faveur. C'est pourquoi nous aimerions lui rappeler les graves problèmes auxquels sont confrontés certains pays européens, dont la France, suite à un laisser-aller en matière de protection d'habitats. Brièvement, en France particulièrement, on croyait avoir trouvé la solution à la perte graduelle des habitats fauniques en y pratiquant l'élevage d'animaux sauvages dans le but de les libérer dans la nature, non pas essentiellement pour la chasse immédiate, mais aussi pour suppléer à une reproduction naturelle devenue déficiente à cause de la perte d'habitats propices.

Après quelques décennies seulement, cette activité que l'on appelle le "lâcher" a engendré quatre problèmes majeurs. Le premier: les possibilités d'élevage de certains animaux sauvages, dont la perdrix grise et le canard malard, ont fait perdre de l'importance à divers types d'habitats et, conséquemment, leur protection a diminué. On pourrait dire sur ce sujet qu'on a enlevé à la nature la responsabilité de produire la faune sauvage; en perdant cette responsabilité, elle a perdu beaucoup de gains et l'attention des gouvernements; on l'a négligée; on ne l'a pas protégée et elle s'est détériorée davantage.

Le deuxième: les habitats étant altérés, la reproduction naturelle diminua aussi. Pour y remédier, on augmenta l'élevage. Le nombre d'éleveurs, la quantité d'animaux élevés et les superficies recevant "le lâcher" augmentèrent donc. C'est ainsi que l'élevage d'animaux sauvages devint une industrie importante.

Biologiquement, on assista alors à deux modifications importantes, et l'on doit dire que l'on assiste à des modifications biologiques; c'est extrêmement grave, parce que les conditions ont été établies au cours des millénaires et si, en quelques décennies, les comportements animaux sont modifiés, c'est extrêmement grave sur la reproduction des espèces. Premièrement, les animaux d'élevage, une fois libérés dans la nature, se croisent avec les animaux sauvages; des études ont clairement démontré que cela se traduit par un indice de reproduction considérablement diminué. Deuxièmement, les animaux perdent, à des degrés divers, leur méfiance envers l'homme; ce qui rend la chasse, semble-t-il, moins excitante.

Finalement, le gouvernement français, voulant corriger cette situation devenue précaire et évidente aux yeux des chasseurs, n'a pas pu, après plus de dix ans d'efforts, empêcher la situation de se détériorer. Il s'est révélé impossible de renverser la vapeur pour deux raisons majeures. La première: une fois perdus, les habitats fauniques coûtent beaucoup plus cher à récupérer qu'ils n'en coûtaient à protéger. De plus, dans bien des cas, la situation est irréversible. On ne change pas de place un gratte-ciel construit dans ce qui était auparavant un marais.

J'aimerais vous faire part d'une petite anecdote sur ce point. Il y a quelques années, a eu lieu, à Longueuil, le congrès de la Fédération québécoise de la faune, congrès qui avait lieu dans un hôtel de cette ville, et le maire de la place était tout fier de dire aux congressistes qu'à l'emplacement même où le congrès se tenait, il y avait autrefois un grand marais à grenouilles et à canards, et que, aujourd'hui, il peut y recevoir dans un bel hôtel. Tout cela fut dit devant la Fédération québécoise de la faune.

Je poursuis. La troisième raison majeure pour laquelle la France n'a pu renverser la vapeur est celle-ci: Comme "le lâcher" est devenu une industrie faisant vivre des milliers de personnes, le gouvernement français, pour des raisons sociales évidentes, n'a jamais pu interdire, ni même restreindre cette activité.

On peut dire qu'ici, au Québec, ces milliers de personnes qui n'élèvent pas de faune sauvage pour la libérer dans la nature, ce sont nos pourvoyeurs, ce sont nos ZEC et ce sont tous les gens reliés à la faune.

Nous pensons que l'expérience que vit la France est pour nous une sorte de vision sur le futur. Tirons-en profit et évitons de

commettre les mêmes erreurs en protégeant adéquatement nos habitats. Or, ce n'est pas parce qu'on aime particulièrement rapporter des expériences d'outre-mer, mais c'est parce qu'elles peuvent nous faire comprendre ce qui peut se passer ici et ce qui est en train de se produire ici. Parce que nous devons quand même dire que nous avons des exemples vivants de cette situation au Québec. Par exemple, la récupération à des fins agricoles des marais salés du Bas-du-Fleuve peut causer la perte de 35% - je dis bien 35% - des habitats que constituent les marais salés dans tout le Québec pour une récupération de seulement 0,007% de terre agricole. Je pense que ce n'est peut-être pas là que le ministre voudrait voir les vaches du Québec dans le trèfle jusqu'aux genoux.

Alors, on a d'autres exemples un peu plus positifs. Par exemple, si on se réfère à la baie Lavallière, un habitat faunique par excellence au Québec au sud du lac Saint-Pierre, qui a été drainé à des fins agricoles au début de l'année 1930 et qui n'a jamais rapporté les fruits qu'on espérait, il a été remis en eau pour des fins fauniques dernièrement. Je pense qu'on est en train de vivre certaines situations très encourageantes de ce côté.

Concernant les espèces rares, menacées ou en voie de disparition, j'aimerais bien laisser la parole à notre responsable de ce comité, lequel va vous entretenir sur le sujet.

M. Prescott (Jacques): M. le ministre, MM. les députés, mesdames, messieurs et membres de la commission. Nous trouvons extrêmement pertinente la modification à la Loi sur la conservation de la faune qui tient compte de la protection des espèces animales rares, menacées ou en voie de disparition. Pourtant, nous déplorons que l'amendement proposé à la Loi sur la conservation de la faune ne prévoie aucune mesure de protection des plantes rares ou menacées. Il est pourtant impératif que de telles mesures soient également prises concernant les plantes. En effet, de récentes recherches entreprises par une équipe de chercheurs du Jardin botanique et de l'Institut botanique de Montréal mettent en évidence la situation précaire de plusieurs espèces de plantes indigènes.

L'ail des bois, que peut-être la plupart d'entre nous a goûté, qui est une plante qu'on apprécie pour ses qualités gastronomiques, est actuellement une victime reconnue par de nombreux naturalistes de l'absence de législation concernant la protection des espèces végétales. La mise en marché de cette plante dans les épiceries pourrait mettre en péril l'existence même de cette plante au Québec. L'Association des biologistes du Québec a entrepris, à ce sujet, une vaste campagne de sensibilisation auprès du public et, le 20 avril dernier, nous avons remis au ministre de l'Environnement une pétition de plus de Il 000 signataires qui réclamaient l'adoption d'une réglementation interdisant la vente dans les épiceries et les commerces en général de l'ail des bois sauvage.

À ce propos, j'aimerais rappeler à certains d'entre vous que le ginseng, plante reconnue, semble-t-il, pour ses qualités aphrodisiaques, était une plante qu'on retrouvait en assez grande abondance sur le territoire du Québec et, maintenant, elle est quasiment disparue de la carte parce qu'on en a fait une exploitation extrêmement importante au début de la colonisation et les années qui suivirent.

Récemment, l'ABQ a attiré l'attention du public sur une liste de plus de 33 espèces d'animaux sauvages indigènes au Québec pour lesquelles il existe de bonnes raisons de croire qu'elles sont en péril. Je vous ai fait remettre, ce matin, un exemplaire de ce document de couleur orangée dans lequel vous aurez la liste de ces espèces. Certaines d'entre elles, dont le carcajou, le faucon pèlerin, le bar rayé et l'éperlan nain, sont dans une situation extrêmement précaire et plusieurs spécialistes craignent pour leur survie sur notre territoire.

Récemment, en faisant un relevé de la documentation sur le sujet, je me suis aperçu que, effectivement, il y avait 35 espèces d'animaux rares menacées ou en voie de disparition sur le territoire du Québec. Depuis les quelques mois où on a produit la première étude, on s'aperçoit que le dossier a évolué de façon alarmante. C'est pourquoi, devant cette situation, l'ABQ s'évertue, depuis quelques années déjà, à faire comprendre à la population la nécessité de protéger adéquatement les plantes et les animaux rares ou menacés. Il y a quelques mois, le document que vous avez en main, nous l'avons publié avec l'aide financière du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et nous vous remercions de cette collaboration. (10 h 30)

Pour ceux qui sont intéressés à en savoir plus long sur le dossier des espèces menacées, le dernier numéro de la revue Bio, publiée par l'Association des biologistes, donne un aperçu plus en détail de la situation et, surtout, de la déficience de la législation à cet effet.

Nous avons récemment présenté à la commission parlementaire étudiant le projet de loi no 55 qui modifiait la Loi sur la qualité de l'environnement, une ébauche de projet de loi visant à protéger les plantes et animaux menacés. À notre grand regret, le législateur n'a pas modifié la Loi sur la qualité de l'environnement de façon à tenir compte de nos suggestions à ce propos. La question de savoir quel ministère devrait

assumer la protection des espèces animales et végétales rares menacées ou en voie de disparition nous préoccupe peu. Par contre, ce qui nous intéresse au plus haut point, c'est qu'elles soient protégées au plus tôt et le plus adéquatement possible. Pour cette raison, nous avons cru bon d'annexer à notre mémoire une section vous faisant part de notre réflexion sur ce que pourrait contenir la Loi sur la conservation de la faune, concernant cet aspect.

Je ne vous lirai pas l'annexe au complet qui se trouve à partir de la page 13, mais je veux simplement signaler une erreur qu'on a faite inconsciemment, dans la définition de "faune du Québec", où on a oublié d'inclure, dans la définition de faune, mammifère et oiseau, mais on dit dans cette définition que la faune du Québec inclut tout reptile, batracien, invertébré et poisson qui sont des groupes souvent oubliés lorsqu'on fait une législation, en particulier les reptiles, les batraciens et les invertébrés. Je vous demanderais d'ajouter au texte les mots "mammifère" et "oiseau". Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va? Oui.

M. Massé: Oui. Alors, je poursuis?

Le Président (M. Bordeleau): Vous voulez... Cela fait presque vingt minutes. Je pourrais vous donner quelques minutes pour conclure.

M. Massé: D'accord, c'est peut-être suffisant. Il y a quand même le troisième point que nous jugeons très important. Il s'agissait de trois points importants. Le troisième en est un. À la lecture des règlements relatifs à la Loi sur la conservation de la faune, nous constatons que, sous l'appellation de réserve faunique, on avait placé un peu de tout en tentant d'atteindre divers objectifs fort hétérogènes, mais sans protéger l'habitat.

Il est plus que temps que le MLCP se donne, par l'entremise des réserves fauniques, la possibilité de remplir adéquatement son rôle de protection des habitats fauniques qui, croyons-nous, a été considéré trop mollement jusqu'à maintenant. Avec cet outil, le MLCP aura enfin la possibilité de parler d'affectation prioritaire du territoire pour la faune dans une optique d'aménagement intégré et d'utilisation rationnelle.

Si vous me permettez, j'aimerais quand même discuter du point 4 et les autres points, je pense, sont, pour l'Association des biologistes, un peu moins importants.

La responsabilité élargie des agents de conservation. Comme le MLCP est doté d'un réseau de surveillants qui couvre tout le Québec, nous pensons que les agents de conservation de la faune pourraient avec avantage faire appliquer certains articles de la Loi sur la qualité de l'environnement et de la Loi sur les terres et forêts. Toutefois, nous devons faire remarquer au ministre que les agents de la conservation de la faune peuvent très bien actuellement, en vertu de la Loi sur les pêcheries, article 33 notamment, faire des causes concernant les rejets de substances nuisibles ou délétères dans les cours d'eau.

Finalement, nous croyons que, en matière de protection de l'environnement, ce n'est pas tant les textes de loi qui font défaut, mais plutôt une volonté politique de les appliquer. En cette matière, les exemples ne manquent pas. Concernant le petit bout que je viens de lire sur la responsabilité des agents de conservation, M. le ministre, on devrait peut-être avoir un éclaircissement sur un arrêté en conseil qui date de 1973 et qui demande aux agents de la conservation de la faune de ne pas faire appliquer les articles de la Loi sur les pêcheries.

Je pense que, si le ministre voulait que ces agents fassent appliquer la Loi sur les pêcheries, ce serait peut-être bon de regarder si c'est encore en vigueur. Je peux vous en déposer une copie.

M. Chevrette: Est-ce que vous pouvez donner le numéro pour qu'on puisse vérifier immédiatement?

M. Massé: II s'agit du numéro 4589-73. M. Chevrette: Un moment.

Le Président (M. Bordeleau): On essaiera de vous donner une réponse, monsieur.

Est-ce qu'on peut procéder aux questions, aux commentaires, M. le ministre?

M. Chevrette: Tout d'abord, je suis heureux de constater que l'association adhère aux principes, aux concepts même de protection et je vous souligne qu'il n'est pas non plus dans notre intention de mettre une industrie d'élevage d'animaux sauvages afin de sauver les habitats. Je ne pense pas que cela soit l'optique du MLCP.

Cependant, j'ai deux questions à vous poser et qui vont vous obliger à expliquer davantage. À la page 1 de votre mémoire, vous traitez de réglementation générale. J'aimerais que vous m'explicitiez davantage la nature et les composantes de cette réglementation. Vous basez presque toute votre argumentation sur ce principe, c'est une réglementation de portée générale.

Le Président (M. Bordeleau): M. Massé.

M. Massé: II me fait bien plaisir, M. le ministre, que vous me permettiez de préciser ce point. Dans le fond, c'est la substance

même de la protection des habitats fauniques. À l'Association des biologistes, on considère, en ce qui concerne les sites particuliers... Je reviendrai à la réglementation générale, mais je pense que, pour bien saisir l'argumentation, il faut commencer par les sites particuliers que l'on appelle exceptionnels. On pense, à ce moment, à des sites comme le cap Tourmente, des sites à très fort potentiel et reconnus de tout le monde. Ces sites se protègent, à certains égards, d'eux-mêmes, vu leur importance et la reconnaissance qu'ils ont de la part du public et des gouvernements. Ils doivent tout de même être protégés par des statuts particuliers. Cela représente peut-être, grosso modo -c'est une évaluation un peu personnelle -20% des espaces fauniques au Québec. On considère que les 80% qui restent, c'est aussi important, parce que cela représente 80% et ce ne sont pas des sites vraiment exceptionnels. Ce sont des berges de cours d'eau, ce sont des frayères non exceptionnelles, ce sont des ravages non exceptionnels et, si cela représente 80% des habitats, le reste doit être protégé. Je pense qu'on ne peut pas vraiment protéger cet ensemble d'habitats répartis sur tout le territoire en disant: à telle place, il y a un arrondissement à protéger, à une autre place, il y a un arrondissement à protéger. Cela prend une réglementation générale qui va spécifier que, tel type d'habitat, sans en donner les limites et les contours, doit être protégé parce que c'est prioritaire pour la faune, même si ce n'est pas exceptionnel comme le cap Tourmente.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre.

M. Chevrette: Vous dites également dans votre mémoire qu'il est plus que temps que le MLCP se donne, par l'entremise des réserves fauniques, la possibilité de remplir adéquatement son rôle de protection. J'aimerais également que vous m'expliquiez dans quel cas une telle protection devrait être accordée.

M. Massé: On peut penser surtout peut-être à des réserves fauniques sur le territoire privé, là où l'installation d'une réserve faunique devient très difficile parce que les propriétaires peuvent jouir de leur territoire un peu de la façon qu'ils voudraient le voir. L'instauration d'une réserve faunique dans ces lieux, actuellement, ne donne pas vraiment les moyens de compenser ces gens pour une affectation différente de leur territoire. Je pense que cela vient avec des mesures financières qui sont couplées à ces statuts-là dans le territoire privé.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: J'aurais plusieurs commentaires. Je vais laisser mes collègues poser d'autres questions. Je voudrais au moins faire deux brefs commentaires. Sur la venaison, vous êtes d'une prudence extrême. Je peux peut-être vous rassurer en vous disant que nous aussi, nous considérons que c'est un problème extrêmement complexe et qu'il faudrait, à notre avis, faire une consultation très spécifique sur le sujet lui-même.

Quant à la présomption, vous parlez de la maintenir en ce qui a trait à l'infraction. Ne croyez-vous pas que c'est un peu prohibitif par rapport à d'autres types d'infractions, même plus graves, que nous vivons collectivement comme peuple et comme société et où la présomption de culpabilité n'existe pas, mais bien la présomption d'innocence? Je pense, par exemple, à tout voleur ou tout meurtrier arrêté qui bénéficie de la présomption de l'innocence avant même d'être jugé, avant même d'être cité à son procès. Dans le cas de la chasse et de la pêche, quelqu'un est présumé coupable, par exemple, s'il est trouvé en possession d'un fanal ou d'une lampe ou d'une lampe de poche et d'une arme à feu, il est présumé coupable et doit prouver son innocence. Ne croyez-vous pas qu'on doit harmoniser la législation dans ce sens-là?

Le Président (M. Bordeleau): M. Massé.

M. Massé J'ai deux points à relever parce qu'il ne m'a pas laissé la chance de terminer. Après la venaison, j'avais quelque chose à dire. Je reviendrai au deuxième point. Cela doit être considéré avec une extrême prudence. Au fond, ce n'est pas de la prudence, on attend d'avoir le libellé de la loi parce que tout est là-dedans, même la façon dont on va s'y prendre pour le faire. On n'est pas opposé à cela, mais on veut connaître, avant de donner un avis officiel, la manière dont le tout sera libellé.

Concernant le deuxième point sur la présomption, je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin en arrière que les dernières années. Il faut savoir de quelle façon vos agents de la conservation de la faune travaillaient dans le passé; si cette présomption est arrivée dans le décor, ce n'est pas pour rien. Je pense qu'avant d'enlever quelque chose, il faut toujours se demander de quelle façon on en est venu à cela. Si vous interrogez bien des gens, ils vous diront qu'une loi relative à la chasse, dans laquelle il faut démontrer vraiment que le type était en train de chasser pendant la nuit, c'est très difficile. C'est absolument impossible dans la majorité des cas, il faut

le prendre sur le fait en train de tirer la gâchette. À toutes fins utiles, cela ne se fait pas.

Si vous enlevez la présomption de chasser - ce n'est quand même pas un acte criminel comme un meurtre, un vol - je pense que c'est une chose qui doit rester pour l'application pratique de votre loi.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Cela va, M. le ministre. M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci M. le Président. Je voudrais d'abord vous féliciter de votre magnifique mémoire. Vous venez de répondre à la question que je désirais vous poser. Je vais passer la parole à Mme la députée de Chomedey.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: J'aurais peut-être deux petites questions. La première couvre un peu votre texte aux pages 6, 8 et 14. À la page 6, vous déplorez le fait que l'amendement proposé à la Loi sur la conservation de la faune ne prévoit aucune mesure de protection des plantes rares ou menacées. De telles mesures sont impératives pour vous; je pense que vous l'avez expliqué tantôt en faisant la lecture. Par contre, à la page 8, il est évident que le réaménagement des responsabilités ou juridictions des ministères n'est pas votre responsabilité. C'est la responsabilité du gouvernement. Je pense qu'il est très important de bien délimiter les responsabilités de chacun des ministères. Tout cela se tient, au fond, et je pense que vous serez d'accord avec moi là-dessus. Je pense que le ministère de l'Environnement a une grande responsabilité, ce qui fait que, lorsque vous proposez, à la page 14, que nul ne peut détruire, transformer, perturber l'habitat d'une espèce animale ou végétale rare, cela fait partie des responsabilités du ministère de l'Environnement. Je pense que c'est cette articulation des responsabilités entre les ministères qui est importante. Pourriez-vous expliciter davantage votre vision des choses sur ce sujet? Parce qu'il n'y a pas que la faune qui vous préoccupe, il y a aussi toutes ces espèces rares de plantes, de fleurs. Vous allez beaucoup plus loin que la faune.

M. Massé: On va au-delà de la faune. On s'occupe de ses habitats et on veut aussi s'occuper de la flore, même si ce ne sont que des espèces végétales et, dans bien des cas, commerciales. On n'aimerait pas les voir commercialisées et on voudrait les voir protégées parce qu'il y a un besoin évident, urgent et criant de le faire. Lorsqu'on a proposé au ministère de l'Environnement, le printemps dernier, lors du dépôt du projet de loi no 55 qui modifiait la Loi sur la qualité de l'environnement, d'inscrire dans son projet de loi - cela aurait été une occasion formidable de le faire, je pense bien - la protection des espèces rares et menacées au Québec, cela n'a pas été fait.

Nous ne nous préoccupons pas de la guerre des clochers. On voudrait le voir au plus tôt et on pense que la révision de la Loi sur la conservation de la faune est une autre occasion qui pourrait être prise par un autre ministre. C'est pour cela qu'on frappe, pour la seconde fois, à la porte du gouvernement du Québec. Et après-coup, si cela est mêlé dans la Loi sur la conservation de la faune et dans la Loi sur l'environnement, on est conscient que c'est plus difficile à comprendre peut-être - nous n'en sommes pas certains - plus difficile à appliquer. Si la volonté y est, ce n'est quand même pas si compliqué que cela. On pourrait, dans un autre temps, refaire un bill omnibus et regrouper tout cela dans une seule loi. On aurait, dans une seule loi, la protection des espèces animales et végétales menacées au Québec. Je pense que, devant l'urgence, il faut bien frapper là où les portes s'ouvrent et la révision de la Loi sur la conservation de la faune en est une et que le ministre devrait s'en servir. (10 h 45)

Mme Bacon: Je comprends que cela ne vous préoccupe pas, mais cela vous cause des problèmes.

M. Massé: À nous, non, mais aux futurs utilisateurs de la faune. Si on veut maintenir notre patrimoine faunique et floristique...

Mme Bacon: II faut mettre un peu d'ordre.

M. Massé: ... il faut mettre un peu d'ordre.

Mme Bacon: D'accord. Ma deuxième question, M. le Président. Vous parlez abondamment, dans votre projet, de l'expérience française et vous nous dites que c'est en quelque sorte une vision sur l'avenir. Est-ce que vous pouvez nous dire comment vous pouvez qualifier cette vision du MLCP, en ce moment, sur la protection de la faune? Est-ce que vous la qualifiez de vision futuriste?

Le Président (M. Bordeleau): M. Massé.

M. Massé: J'aimerais que vous synthétisiez un peu votre question.

Mme Bacon: J'aimerais que vous me disiez si vous voulez y répondre ou non.

M. Massé: Je vais y répondre.

Mme Bacon: C'est parce que vous...

M. Chevrette: Elle aurait voulu que vous répondiez non.

Mme Bacon: Non, non. Je veux au moins savoir ce que les groupes concernés en pensent parce qu'on est là pour cela, pour en discuter.

M. Massé: Oui, c'est parce que j'ai mal saisi votre question, c'est tout simplement ça.

Mme Bacon: Vous nous parlez de l'expérience que la France vit et vous dites que c'est pour vous, en quelque sorte, une vision sur l'avenir. Est-ce que ce qui vous est offert par le MLCP est une vision futuriste qui apporterait un règlement au problème de la protection de la faune? Vous savez ce que je veux dire, M. Massé.

M. Massé: Je sais ce que vous voulez dire. Je pense que les intentions du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, on les connaît. Le ministère a déposé ses intentions de protéger la faune, il a l'intention d'adopter un projet de loi, mais le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche n'a pas nécessairement l'opinion du Conseil des ministres. Il est évident que les exemples de la France que je vous ai donnés pourraient être, pour le Québec, une situation réelle dans quelques décennies, parce que c'est déjà commencé dans les régions urbanisées où on commence à faire un peu d'élevage, on commence à "artificialiser", on commence à perdre et on a perdu beaucoup d'habitats aussi. C'est déjà commencé et je pense que le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche doit, dès maintenant, se donner un outil législatif pour remplir son mandat. C'est le gouvernement du Québec qui va donner à ce ministère l'outil législatif pour protéger les habitats fauniques au Québec et je pense - on va voir les intentions, pour répondre à votre question - qu'avec l'outil qu'il va se donner et son importance, on va voir quelle grandeur le jardin du ministère va avoir. On veut savoir quelle est la grandeur du jardin qu'il va cultiver avec l'outil qu'il va se donner.

Mme Bacon: M. Massé, si on ouvrait immédiatement la législation existante pour assurer une protection immédiate ou une plus grande protection de la faune, votre groupe serait-il satisifait?

M. Massé: Si on ouvrait...

Mme Bacon: Si on ouvrait immédiatement la législation existante, parce que c'est long quand même tout le processus des commissions parlementaires. On a deux projets de loi, deux avant-projets qui ont été déposés devant nous hier. Il y en a d'autres qui peuvent arriver. On a dit qu'on était allé au Conseil de ministres qui les a retournés. Il y a des mémoires. Vous savez comme moi que c'est un processus très lent, ce processus législatif, avant que la loi soit déposée. Est-ce que si, dès maintenant, le ministre demandait une ouverture de sa loi, de revenir devant le Parlement et de se donner les outils nécessaires pour assurer une meilleure protection immédiate... J'essaie d'aider le ministre, M. le Président.

M. Massé: Je suis déçu de vous entendre dire cela parce qu'on pensait qu'il le ferait.

Mme Bacon: Bien, je vous demande votre avis.

M. Massé: On attend cela.

Mme Bacon: Cela veut dire que vous seriez d'accord pour qu'il le fasse immédiatement.

M. Massé: On avait tenu pour acquis que cela se ferait. Nous n'attendons pas une loi dans dix ans, ni même dans deux ans. Pour nous, c'est tout de suite qu'il faut que le débat... Le débat est ouvert et je ne pense pas qu'il soit fermé. Quant à nous, notre participation, ce matin, ce sont les premières pages de notre dossier. On n'est pas ici pour s'en retourner et tout oublier. On est là, on commence à être là et on le sera jusqu'à ce que la protection des habitats soit une chose réelle.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Duplessis. Mais j'avais reconnu M. le député de Hull avant.

M. Perron: Merci, M. le Président. Ma question touche la pourvoirie. Les modifications proposées à la loi s'inspirent du projet de politique ministérielle concernant la pourvoirie qui suggère de restreindre la portée de la définition de pourvoirie aux établissements commerciaux qui offrent au moins le service d'hébergement aux adeptes des activités de chasse, de pêche ou de piégeage. Ceux qui pourvoient aujourd'hui à des services, mais sans hébergement, tels les guides, ceux qui louent des embarcations, de caches, des cabanes pour la pêche sur la glace, pourront continuer à offrir ces services, mais sans devoir détenir un permis de pourvoirie à cet effet.

Ma question est la suivante: Si les services de cette catégorie de commerce demeure disponibles aux adeptes des activités de chasse et de pêche, mais sans détenir de permis de pourvoirie, quelles objections d'ordre faunique voyez-vous à ce que le

gouvernement n'exerce plus un contrôle sur l'offre de cette catégorie de service?

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. Massé.

M. Massé: Ce sont des pourvoyeurs qui, assez souvent, exploitent des territoires publics, à notre connaissance. Alors, je pense que c'est un peu regrettable qu'on ne considère pas ce type de pourvoirie qui donne des services à un très grand nombre d'usagers au Québec. N'étant plus considérés comme des pourvoyeurs, je pense qu'ils ne sont plus enregistrés, catalogués et ne feront peut-être plus partie du répertoire des pourvoyeurs du Québec. Ces gens ne seront peut-être plus répertoriés et retomberont dans l'oubli. Sur la forme, peut-être que l'avenir nous le dira. Je ne sais pas si le ministère aura quand même une orientation à donner sur les services que ces gens développeront, sur l'évolution du nombre de pourvoyeurs de ce type qui n'auront plus besoin de permis, sur l'augmentation de l'utilisation de la faune, à cause de l'augmentation ou de la diminution possible de ces gens. Ce n'est peut-être pas bon pour le ministère d'oublier ces gens. Je pense qu'ils ont un effet sur le prélèvement par les services qu'ils rendent; ils occasionnent une utilisation plus poussée de la faune et je pense que le ministère devrait quand même gérer un peu ce type de pourvoirie.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Duplessis.

M. Perron: Une dernière question. Maintenant, je voudrais revenir à la question qu'a soulevée Mme la députée de Chomedey en rapport avec les espèces menacées, que ce soit dans le domaine floristique ou dans le domaine animal. On sait qu'actuellement il existe aux États-Unis une loi-cadre qui protège certaines espèces dans les deux sens, si ma mémoire est bonne. Est-ce correct de dire que vous seriez d'accord pour qu'au plus vite une loi différente de la loi générale existe et protège ces espèces en question? En d'autres mots, ressortir les espèces rares qui sont en voie d'extinction et les inclure dans une loi spéciale à cet effet.

M. Massé: Je pense qu'on a quand même un peu répondu à cela tantôt, lorsqu'on a dit que dans l'immédiat on aimerait que ces espèces soient protégées au plus tôt. La révision de la Loi sur la conservation de la faune est une occasion et, après coup, le gouvernement pourrait présenter un projet de loi omnibus qui regrouperait le tout. Mais nous pensons qu'on doit se servir de la porte qui est présentement ouverte dans la révision de la Loi sur la protection de la faune, inscrire une protection pour ces espèces et favoriser dans un deuxième temps un regroupement de toutes ces formes de protection qu'on devrait accorder aux espèces animales et végétales rares et menacées au Québec.

M. Perron: Donc, puisque nous avons des amendements prévus dans la loi actuelle, vous aimeriez qu'on inclue ces espèces, mais, dans un deuxième temps, qu'on revienne avec un autre projet de loi qui s'étende à toutes les espèces, y inclus l'espèce floristique.

M. Massé: II répondra peut-être... Je vais ajouter quelque chose...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Prescott.

M. Massé: ... J'aimerais quand même dire avant...

Le Président (M. Bordeleau): Non, M. Massé.

M. Massé: ... ou répéter ce que j'ai dit, c'est que, lorsqu'il y a une volonté d'appliquer ces articles dans la loi, que ce soit dans la Loi sur la protection de la faune ou dans la Loi sur le ministère de l'Environnement du Québec, je pense qu'on peut le faire; c'est peut-être un peu plus compliqué, mais ce n'est pas un obstacle majeur.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. Prescott: C'est bien évident...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Prescott.

M. Prescott: ... qu'il y a plusieurs pays et même plusieurs provinces canadiennes qui ont des lois spécifiques qui protègent les espèces végétales et animales rares ou menacées et en voie de disparition et, quant à moi, en tant que responsable du comité sur les espèces menacées, je me suis souvent demandé pourquoi on ne devrait pas avoir une législation vraiment spécifique nous aussi, étant donné qu'elle est relativement simple à développer et relativement simple à appliquer même, vu que, par exemple, le Canada est membre de la Commission internationale sur le trafic des espèces rares et menacées; puis, il y a déjà, au point de vue des frontières canadiennes, des inspecteurs qui surveillent le trafic de ces espèces. On pourrait également penser aux agents de conservation, qui pourraient avoir un rôle à jouer dans le trafic de ces espèces à l'intérieur de la province.

Je répète à nouveau que nous profitons de la tribune qui nous est offerte aujourd'hui pour signaler la carence de la législation à

cet effet. Je crois malgré tout qu'il y a des points dans la législation ou dans le projet de loi sur la conservation qu'on étudie actuellement qui pourraient être amendés favorablement pour protéger ces espèces. Naturellement, c'est un souhait qu'on exprime d'avoir une législation spécifique.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. J'aurais peut-être une question à poser à M. Massé: Tenant compte du rôle du biologiste et du rôle de l'agent de conservation, on entend dire parfois à travers les branches qu'il semble y avoir manque de concertation ou manque de collaboration. Cela nous arrive parfois et j'aimerais que vous précisiez un peu le rôle que vous jouez concernant la recherche, les études, les données, etc. quant à l'application du règlement comme tel, s'il y un un chevauchement ou une action parallèle quelconque qui se fait.

M. Massé: Est-ce que je peux...

Le Président (M. Bordeleau): M. Massé.

M. Massé: ... vous demander de préciser votre question? Est-ce que vous vous adressez à l'Association des biologistes du Québec?

M. Rocheleau: Je ne sais pas, si vous représentez en même temps ceux qui sont à l'emploi du gouvernement et qui sont attitrés comme fonctionnaires auprès des différents ministères et qui touchent soit à la conservation...

M. Massé: On représente quand même ici les biologistes du Québec et on aimerait faire valoir les points de vue d'aspect faunique et biologique reliés au présent débat.

M. Rocheleau: D'accord. Mais on sait que l'application de la loi actuelle ou de la loi à venir demande une concertation auprès des principaux agents. Je voudrais simplement avoir votre opinion sur le rôle que joue actuellement l'agent de conservation, lorsque vous mentionnez qu'on devrait l'affecter au point de vue de l'environnement, de ceci ou de cela, à savoir s'il y a concertation entre les deux éléments, soit le biologiste, qui s'occupe tout particulièrement de la recherche, de l'analyse, des données, ainsi de suite, et l'agent de conservation qui a à appliquer le règlement.

M. Massé: II y a deux points. Le premier, c'est que les biologistes sont très sensibilisés dans tout le Québec à tous les problèmes environnementaux; les problèmes de pollution, les problèmes de destruction d'habitat, et c'est ce qu'on est venu dire ici aujourd'hui.

Dans le débat d'aujourd'hui, il y a quand même une question qui a été posée concernant le rôle des agents de la conservation de la faune, qui pouvaient, qui pourraient, qui devraient faire appliquer les articles de la Loi sur la protection de l'environnement. On a dit qu'actuellement ces agents pouvaient faire appliquer certains articles de la loi, notamment la Loi sur les pêcheries, et qu'on n'était pas certain qu'ils le faisaient. On a trouvé dans nos recherches le document qu'on est venu me...

M. Rocheleau: Vous êtes en...

M. Massé: ... me prendre. J'en ai d'autres exemplaires. On n'est pas certain que le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, par ses agents de conservation, veut vraiment faire appliquer des articles de loi, peu importe la loi, parce qu'il y a différentes lois pour la protection de l'environnement.

M. Rocheleau: Oui, mais, M. le Président, il faut quand même comprendre que...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Hull.

M. Rocheleau: ... les ordres viennent quand même du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Si les agents de conservation ont une ordonnance pour ne pas appliquer tel ou tel article du règlement, ils ne le font pas. C'était en ce qui a trait aux relations, à savoir si, concernant les relations entre les agents de conservation qui sont sur le terrain...

M. Massé: En ce qui concerne les agents, les biologistes de mon association, on ne nous a jamais référé les problèmes que vous mentionnez.

M. Rocheleau: Parfait;

Le Président (M. Bordeleau): Cela va?

M. Rocheleau: Cela va.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, vous avez quelque chose à ajouter, le petit mot de la fin.

M. Chevrette: Oui. Je voudrais dire à monsieur que je ferai les recherches nécessaires, parce que cela concerne le ministère de l'Environnement. Je verrai à vous répondre précisément. Quant à l'article 33 de la Loi sur les pêcheries, je peux vous

répondre tout de suite que ç'a été déclaré anticonstitutionnel par un jugement de la Cour suprême et que c'est de compétence provinciale. C'était relatif justement à la pollution des cours d'eau; cela relevait des provinces dans la Loi sur les pêcheries. On pourrait vous faire sortir le jugement qui déclare inconstitutionnel l'article 33 de la loi fédérale sur les pêcheries. (11 heures)

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, M. Massé, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, Mme Journeau, M. Prescott et M. Duchesneau.

J'appelle maintenant le deuxième groupe, le Conseil Attikamègue-Montagnais.

M. Chevrette: M. le Président, nous devons prévenir immédiatement les gens que...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre.

M. Chevrette: ... les membres de la commission seront probablement forcés de quitter pendant une demi-heure, puisque nous avons reçu ordre d'être en Chambre à Il h 30 pour l'étude des crédits. Donc, il ne faudrait pas que le groupe soit surpris qu'on interrompe son témoignage.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, on attendra qu'on nous fasse signe qu'on a besoin du ministre en Chambre et on suspendra à ce moment pendant une demi-heure.

C'est M. René Simon, le président, je crois?

Les gens du Conseil Attikamègue-Montagnais sont-ils présents? Si vous voulez bien vous avancer, présenter les personnes qui sont avec vous et procéder à la lecture ou au résumé de votre mémoire.

Conseil Attikamègue-Montagnais

M. Simon (René): Je voudrais vous aviser, contrairement à la prévision qui avait été faite au départ pour la présentation de notre organisme, qu'il a été prévu que quatre chefs seraient avec moi aujourd'hui. Hier, après discussion avec ces chefs, on a décidé de faire la présentation de notre mémoire avec les deux vice-présidents, c'est-à-dire, à ma droite, M. Paul Bellefleur, vice-président des Montagnais et, à ma gauche, M. Ernest Ottawa, vice-président des Attikamègues.

M. le Président, je voudrais aussi par la présente vous aviser que notre organisme est en réunion à Québec, en l'occurrence les chefs des Attikamèques et des Montagnais se trouvent présents ici dans la salle. Je les ai invités pour la présentation de notre mémoire et pour aussi vous démontrer le sérieux de cette commission.

Si vous voulez bien, M. le Président, je peux commencer la présentation de notre texte.

Le Président (M. Bordeleau): Vous pouvez y aller.

M. Simon: II y a quelques semaines, nous avons présenté un texte reflétant assez bien la pensée attikamègue et montagnaise sur tout ce qui touche droits et territoires ancestraux, notre mode de vie, notre culture, de même que la perception quant à l'approche du développement de divers ordres sur ces mêmes territoires et leur impact sur nos populations. Aujourd'hui, nous voudrions être plus concrets en faisant une présentation plus réaliste devant cette commission.

Mon exposé comportera trois volets: dans un premier temps, je définirai ce que sont les droits des Attikamègues et des Montagnais concernant l'exploitation des ressources fauniques. Par la suite, j'analyserai différents types de négation de ces droits par les gouvernements et autres intervenants dans le dossier, tels les associations de pêcheurs et de chasseurs sportifs, les associations de trappeurs, les chroniqueurs de chasse et de pêche et certains biologistes. Finalement, dans le contexte des négociations avec le gouvernement du Québec, j'indiquerai quelques principes fondamentaux sous-jacents à nos positions de base.

La nature des droits des Attikamègues et des Montagnais sur l'exploitation faunique. Nos droits sur l'exploitation des ressources fauniques sont directement issus de nos droits de premiers occupants du sol québécois aux droits aboriginaux et de premiers exploitants connus de ces ressources. Ils découlent aussi de nos droits de nation souveraine, qui n'ont jamais été aliénés ni par cession librement consentie, ni par traité, ni par conquête armée. Ces droits, nous affirmons les détenir toujours même si les représentants politiques affirment le contraire. C'est d'ailleurs la position que nous avons affichée clairement dans notre texte préliminaire des revendications soumises au gouvernement du Canada et du Québec en 1979.

De fait, nous sommes demeurés maîtres de nos territoires ancestraux et de leurs ressources jusqu'à ce que les grands développements forestiers, hydroélectriques, miniers et autres viennent nous en dépouiller progressivement.

La prise de possession par la force est un fait accompli et la façon des non-Indiens d'assurer leur propre souveraineté sur des territoires et des ressources qu'ils convoitent pour leur enrichissement personnel. Nous avons toujours considéré cette démarche comme illégitime, car elle va à l'encontre

des principes de philosophie et de droit indien; ces principes sont fondés sur la propriété collective des terres et de leurs ressources, ainsi que sur leur utilisation selon les besoins de chacun. Les notions collectives et de partage sont le fondement de la pensée indienne en ces domaines. De là notre souci de préserver la nature et d'assurer le renouvellement constant de ses ressources au profit des autres utilisateurs et pour le bien-être des générations futures.

Votre philosophie et votre droit sont fondés sur des principes inverses: sur la notion de propriété privée et de jouissance exclusive par des individus ou des corporations à l'accès aux principales ressources au détriment des autres membres de la société.

Comme on peut facilement le constater, un tel système conduit logiquement à l'abus et au gaspillage des ressources renouvelables et non renouvelables et à une répartition illégale des richesses collectives.

Nous avons toujours refusé jusqu'à maintenant ce modèle de société, c'est pourquoi nous sommes considérés par vous comme des pauvres matériellement, mais nous savons que nos rapports communautaires nous rendent plus riches socialement.

Certains de nos droits aboriginaux, en particulier nos droits de chasse, de pêche et de trappe, ont été reconnus à divers degrés par différents actes législatifs et différentes instances. Je citerai l'Acte de capitulation de 1760, la Proclamation royale de 1763, différents traités, le rapport de la commission Dorion sur l'intégrité du territoire du Québec, le jugement Malouf, l'entente de la Baie James, le rapport du juge Berger, la nouvelle constitution du Canada, etc.

Le texte de la proclamation royale est particulièrement clair en ce qu'il réserve pour l'usage exclusif des Indiens les territoires situés en dehors du territoire du gouvernement du Québec, qui venait alors d'être créé par l'Angleterre pour administrer les établissements français de la vallée du Saint-Laurent. Il est bien évident que cette proclamation ne venait pas créer des droits amérindiens, mais elle ne faisait que les reconnaître. Selon les avis de plusieurs juristes, les effets de cette proclamation demeurent toujours en vigueur, bien que, par la suite, plusieurs législations et pratiques, ainsi que la cession aux provinces du contrôle des ressources naturelles par l'Acte de l'Amérique du Nord, britannique en aient réduit la portée.

Notre position en ce qui concerne nos droits de souveraineté sur nos territoires et sur l'exploitation de la ressource faunique ne se fonde pas sur cette reconnaissance partielle par la législation canadienne, mais bien sur des droits de premiers occupants, tel qu'affirmé précédemment. Si j'ai voulu souligner au passage cette reconnaissance partielle de nos droits, c'est pour démontrer que, contrairement à ce que beaucoup de chasseurs, pêcheurs, trappeurs et chroniqueurs non indiens affirment à tort et à travers, différents textes de loi et prises de position gouvernementales nous reconnaissent des droits spécifiques différents de ceux des non-autochtones, en particulier en ce qui concerne l'exploitation des ressources fauniques.

Exemple de négation de ces droits. Nos droits aboriginaux existent bel et bien, comme l'ont reconnu de nombreux juristes, législateurs et gouvernements, mais ces derniers s'empressent rapidement d'en diminuer la portée en prétextant leur nature imprécise, et de les réduire souvent à des droits résiduels d'usufruit sur les ressources fauniques, comme c'est le cas en particulier au Québec.

Examinons rapidement les attitudes du gouvernement québécois et de quelques autres intervenants sur cette question, les droits des Amérindiens.

Le gouvernement du Québec. Nous savons que le gouvernement du Québec a découvert l'existence des droits aboriginaux des Indiens du Québec à l'occasion du jugement Malouf le 15 novembre 1973. Jusque-là, le Québec avait toujours favorisé le développement des ressources forestières, hydrauliques, minières en territoires indiens comme s'ils étaient inoccupés et inutilisés en raison de la complète ignorance des groupes indiens qui pourtant les exploitaient depuis des temps immémoriaux. Le jugement Malouf, même s'il fut renversé quelques jours plus tard par trois juges de la Cour d'appel totalement voués aux intérêts de la société québécoise, a eu pour effet de forcer le gouvernement du Québec à négocier pour la première fois avec des autochtones l'accès aux territoires et à leurs ressources.

Si les Cris, les Inuits et les Naskapis, qui n'avaient pas connu jusque-là le développement industriel effréné, ont pu bénéficier d'un contexte et d'appuis exceptionnels, il en fut tout autrement pour d'autres groupes indiens touchés plus tôt par la pénétration de la grande industrie sur leur territoire de chasse.

Depuis l'entente de la Baie-James, les grands projets de développement des ressources en territoires non conventionnés ont continué à aller de l'avant sans que l'on tienne compte vraiment de la présence, de l'opinion et des besoins des Indiens. Coupes de bois à blanc, routes forestières, barrages hydroélectriques, zones d'exploitation contrôlée se planifient à peu près comme si de rien n'était.

Dans le domaine plus particulier des ressources fauniques, le Québec s'affirme comme l'unique gestionnaire de la faune par

le biais de son ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Les Indiens pour leur part n'ont jamais accepté cette vision des choses pas plus qu'ils n'ont accepté les coupes à blanc, les inondations de leur territoire, les détournements de rivières, les trous de mines, etc. Ils continuent à se considérer comme les seuls maîtres de leurs territoires ancestraux et les premiers gestionnaires des ressources fauniques qu'ils connaissent mieux que n'importe quel aménagiste ou planificateur du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Par la multiplication des arrestations, des saisies d'armes et de gibier, des poursuites en cour - pour votre information, à l'heure actuelle, nous avons à peu près 200 causes qui attendent de passer au ministère de la Justice et cela, uniquement pour le groupe attikamègue-montagnais - en un mot, par des tracasseries de toutes sortes, nous nous sommes vite rendu compte que le gouvernement du Québec voulait imposer sa loi sur nos territoires. Beaucoup d'entre nous, en conséquence, ont limité leur activité traditionnelle ou l'ont pratiquée plus ou moins en cachette pour échapper à ces tracasseries. Nous avons pensé un moment qu'une entente signée en 1967 entre le ministre Gabriel Loubier et l'Association des Indiens du Québec mettrait fin à cet état de choses. Nous avons continué à être harcelés par les gardes-chasse jusqu'à l'établissement d'un moratoire en 1980, et même ce moratoire n'a pas été respecté par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Le répit fut de courte durée, car le même gouvernement créait en 1979 les ZEC dans le cadre de son opération Gestion faune. Cette démocratisation de l'action ressources fauniques a eu pour effet d'augmenter considérablement la chasse et la pêche en territoire indien, comme en témoignent les données statistiques récentes du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche contenues dans le rapport intitulé Aménagement et utilisation de la faune du Québec, avril 1981.

On estime à 1 361 812 le nombre de pêcheurs sportifs, à 519 648 celui des chasseurs sportifs, à 12 000 le nombre d'orignaux tués, à 830 000 celui des canards et des oies, etc. On viendra nous dire ensuite que ce sont les quelque 30 000 Indiens du Québec qui massacrent la faune du Québec. Pour nous, il est clair que cet accès aux ressources fauniques par un nombre incontrôlé d'exploitants se fait d'abord au détriment de la population indienne qui chasse et pêche pour s'alimenter et non pour le plaisir ou pour collectionner des trophées.

Nous pensons que cette voie est un cul-de-sac et qu'il y aura de moins en moins de gibier pour satisfaire tout le monde. Nous songeons à une solution tout autre, moins rentable sur le plan politique, il est vrai, mais à laquelle nous reviendrons plus loin.

En septembre 1980, le gouvernement du Québec, par la voix de son premier ministre, nous reconnaissait des droits historiques qu'il s'empressait de nier du même souffle en nous refusant tout contrôle sur les ressources de nos territoires. Au début de la même année, SAGMAI nous présentait un document intitulé Les Amérindiens et les activités de chasse et pêche, qui peut être considéré comme un exemple de la négation par le Québec de nos droits ancestraux concernant l'exploitation des ressources fauniques. (11 h 15)

Je profite donc de cette occasion pour vous faire connaître certaines de nos réactions à ce document. En premier lieu, dans ce texte, on glisse très rapidement de la notion de droits imprécis et de droits d'usufruit à celle de privilèges accordés par le gouvernement du Québec aux Indiens. Ainsi, dans la seule partie consacrée à la définition des objectifs et principes de base de la politique proposée s'étendant de la page 56 à la page 62, le mot "privilèges" apparaît huit fois. Par contre, il est question ailleurs dans le texte des "droits des blancs". Nous ne sommes évidemment pas d'accord avec cette conception plutôt réduite de nos droits. Nous ne sommes pas d'accord non plus avec le principe d'accessibilité générale à des ressources fauniques limitées énoncé à la page 56, pas plus qu'avec la notion de partage égal avec l'ensemble des 6 000 000 de Québécois. Que nous resterait-il sur cette base? À peu près rien.

Ce projet est fondé essentiellement sur les réserves à castor créées par les fonctionnaires des gouvernements fédéral et provincial dans les années 1940 et 1950 et qui ont eu pour effet de réduire de façon importante les territoires traditionnels de chasse et de pêche au profit des non-autochtones.

Nos activités sur le territoire ne se résument d'ailleurs pas au piégeage mais nous dépendons de la chasse et de la pêche pour notre alimentation. Nous refusons donc que les territoires communautaires de chasse soient limités aux réserves à castor et nous refusons d'être catalogués comme trappeurs. Nous avons d'ailleurs entrepris de faire la cartographie de nos territoires et nous nous en servirons pour étayer nos revendications.

En ce qui concerne la gestion des ressources fauniques en territoire amérindien et le contrôle des activités et de l'exploitation, nous réclamons plus que la formation et la nomination de gardes-chasse amérindiens et nous voulons exercer notre pleine responsabilité en tant que gouvernement local en ce domaine, sans être subordonnés au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Dans son ensemble, le document ne

propose rien de neuf, il propose tout simplement le maintien du statu quo actuel et son officialisation par une législation appropriée.

Les autres intervenants. En raison du temps limité dont je dispose, je passerai rapidement sur les positions anti-indiennes défendues par plusieurs intervenants sur la question des droits d'accès des Indiens aux ressources fauniques: associations de pêcheurs, chasseurs, trappeurs, chroniqueurs de chasse et de pêche, biologistes. Les interventions, qui semblent de plus en plus concertées, tellement elles sont devenues systématiques, concernent trois types de ressources essentielles aux Indiens: le saumon, le caribou et les animaux à fourrure.

Le saumon. Beaucoup a été dit et écrit depuis quelques années sur ce qu'on appelle souvent la guerre du saumon. La plupart d'entre vous, vous connaissez sans doute le rôle qu'ont joué certains chroniqueurs de chasse et de pêche avec leurs écrits à caractère raciste et mal documentés. On retrouve aussi cet état d'esprit au sein de certaines associations de pêcheurs sportifs au saumon qui ont pris récemment des positions violemment anti-amérindiennes. Je fais référence en particulier aux mémoires des associations et regroupements québécois intéressés à la pêche sportive du saumon de l'Atlantique relativement aux revendications des Amérindiens du Québec. Ce texte, qui se veut le résultat d'une recherche approfondie et de la consultation avec plusieurs juristes experts, est truffé, selon nous, d'erreurs ponctuelles, d'affirmations gratuites et révèle une méconnaissance des autochtones, de leur histoire et de leurs droits.

La revue de la situation du saumon dans les différentes rivières de la Gaspésie et de la Côte-Nord est à faire mourir, pour quelqu'un qui connaît un tant soit peu les données locales. Les arguments apportés sont le plus souvent de l'ordre du oui-dire et du qu'en dira-t-on. À titre d'exemple, il faut avoir passablement de culot pour affirmer que le saumon est disparu de la rivière Bersimis au début des années 1960, à cause des Montagnais de cette même réserve, alors que même Hydro-Québec reconnaît aujourd'hui que c'est la construction du barrage qui en est la cause. Ce genre d'affirmation n'a de crédibilité auprès de personne, sauf de ceux qui ont tout intérêt à ce que les Amérindiens soient tenus éloignés des rivières à saumon, en faveur de la pratique de leur loisir préféré, la pêche au saumon à la mouche. À titre d'information, je sais qu'au gouvernement du Québec on entame un processus de négociation. Lorsqu'on parle de revendications autochtones, surtout du côté attikamègue-montagnais, à l'heure actuelle, on revendique cinq rivières sur une possibilité de 110 au

Québec. Encore là, je pense que le gouvernement du Québec a pris l'initiative justement d'envoyer son escouade anti-émeute de la Sûreté du Québec il y a deux ans, ceci à titre d'information personnelle.

Dans le même ordre d'idées, la revue Salmo-salar publiée par l'Association des pêcheurs sportifs au saumon du Québec, a présenté dans son numéro de décembre 1981 un article carrément raciste sous le titre: Des Indiens qui n'en sont pas. C'est dans le but de discréditer les Montagnais des Escoumains qui réclament des droits de pêche au filet à l'embouchure de la rivière du même nom.

Certaines personnes prétendent que les Indiens massacrent le saumon. Elles oublient de mentionner que nous ne prenons en fait que 3% de tout le saumon qui se reproduit dans les rivières québécoises, alors que les pêcheurs sportifs en prennent 10% et les pêcheurs commerciaux 12%. Selon les statistiques du gouvernement du Québec de 1980, citées dans Presse libre en septembre 1981, les plus grands utilisateurs de la ressource saumon québécoise sont en fait les pêcheurs du Groenland et de Terre-Neuve qui en capturent respectivement 25% et 26%. Mais comme ils sont loin et inaccessibles, il est plus facile de s'attaquer aux Indiens et d'en faire les boucs émissaires.

Le caribou. À la suite de comptes rendus de supposés massacres de caribous par des autochtones des Territoires du Nord-Ouest, on a tenu à soulever un fait semblable au Québec, plus précisément sur la Côte-Nord, dans la région de Sept-Îles. Cette fois les avancés du chroniqueur se fondaient sur les déclarations d'un garde-chasse ainsi que sur l'article d'un biologiste publié dans la revue Sentiers en 1981. Par inférence, mais sans preuve directe, l'auteur de l'article attribue la diminution des caribous de la Côte-Nord essentiellement à la surchasse des Montagnais. Nous connaissons maintenant bien certains types de raisonnement. L'augmentation de la population des caribous, comme c'est le cas à la rivière Georges, est attribuable à la vigilance des biologistes, alors que sa diminution est sans doute attribuable aux Indiens. J'inviterais donc certains biologistes à être plus prudents lorsqu'ils font des exposés soi-disant scientifiques en ce qui concerne le déclin des caribous. Nous leur suggérons d'accorder une attention toute spéciale aux causes industrielles de la diminution du caribou et d'autres ressources, par exemple, les coupes de bois, les voies de chemin de fer, les barrages, les réservoirs, la pollution, les pluies acides, etc.

Nous pensons aussi qu'ils devraient douter un peu plus de la validité de leur inventaire aérien et des projections de populations qu'ils en tirent. Nous les invitons aussi à venir nous consulter, car nous

croyons qu'ils pourraient apprendre beaucoup de la bouche de nos vieux chasseurs sur les caribous et autres espèces qu'ils étudient. En tant qu'universitaires, ils semblent avoir du mépris pour nos connaissances empiriques, mais nous leur ouvrons quand même la porte dans le but d'échanger nos connaissances. Nous venons justement de poser des jalons pour qu'une collaboration s'établisse dans le cadre d'un projet sur l'exploitation des ressources fauniques par les Montagnais de la Basse-Côte-Nord que nous devrions réaliser conjointement avec le Centre des études nordiques de l'Université Laval.

Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse. Je vous signale que ça fait 20 minutes que vous parlez. Est-ce que je peux vous demander de conclure? Je peux vous donner quelques minutes pour terminer votre exposé.

M. Simon: Disons, en gros, que je vais parler de la reconnaissance de nos droits d'exploitation des ressources fauniques et des négociations avec le gouvernement du Québec, pour conclure le texte.

Il y a quelques mois, les représentants du conseil attikamèque rencontraient le premier ministre, M. René Lévesque, dans le but de renouer les négociations sur les droits territoriaux, négociations qui avaient été amorcées en septembre 1980 et qui avaient achoppé en cours de route pour différentes raisons, dont les opérations policières sur certaines rivières à saumon et l'imprécision gouvernementale relative à certains principes de base contenus dans nos revendications.

Trois de ces principes concernent d'ailleurs directement nos territoires et leurs ressources fauniques. En voici la teneur:

Principe no 5. Nous nous opposons à tout nouveau projet d'exploitation des ressources de nos territoires par les membres de la société tant et aussi longtemps que nos droits n'auront pas été reconnus.

Principe no 6. Nous voulons contrôler à l'avenir l'exploitation de nos territoires et de leurs ressources.

Principe no 7. Nous voulons favoriser principalement le développement des ressources renouvelables de nos terres par rapport à celui des ressources non renouvelables.

Appliqués plus spécifiquement au domaine de l'exploitation des ressources fauniques sur nos territoires, ces principes peuvent se traduire par les positions suivantes: premièrement, aucun projet de développement des ressources affectant directement ou indirectement les ressources fauniques de nos territoires ne doit se faire sans notre consentement; deuxièmement, sur les territoires ancestraux, les Attikamèques et les Montagnais doivent avoir la priorité et au besoin l'exclusivité de l'exploitation des ressources fauniques. Les exploitants non autochtones ne pourront y avoir accès qu'à la condition qu'un surplus de ressources non exploitées ait été clairement déclaré sans danger pour l'équilibre écologique; troisièmement, que les Attikamègues-Montagnais exercent la pleine responsabilité en tant que gouvernement local indien en ce qui concerne la réglementation et le contrôle des activités de chasse, de pêche, de trappe par des Indiens ou des non-Indiens; quatrièmement, qu'en conséquence, des Attikamègues et des Montagnais soient formés à la connaissance et à la gestion des ressources fauniques de leurs territoires ancestraux en tenant compte des connaissances acquises par les vieux chasseurs; cinquièmement, la mise sur pied d'un programme de soutien des activités traditionnelles.

Voilà, en gros, quelques principes de base sur lesquels s'appuieront nos négociations dans le secteur de l'exploitation des ressources fauniques. Comme par les années passées, une négociation plus limitée est engagée en ce qui concerne les rivières à saumon. Ce sont, en gros, les divers points que nous voulions faire valoir à cette commission parlementaire. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Merci beaucoup, M. Simon, d'avoir résumé un peu la pensée de votre mémoire. M. le ministre.

M. Chevrette: Vous me permettrez d'abord, M. Simon, de vous trouver fort habile, puisque vous profitez de la commission parlementaire qui, en fait, doit s'interroger sur la Loi sur la protection de la faune elle-même pour traiter de vos négociations et passer vos messages. C'est votre droit le plus strict. Malheureusement, je dois vous dire que je n'ai pas le mandat, et surtout que je n'aurai pas l'indélicatesse de me mêler de vos négociations puisque je n'en ai pas le mandat. Au contraire, je dois souhaiter toutes les chances possibles pour que cette négociation aboutisse dans les meilleurs délais.

Que je sache, vous êtes en train de préparer votre mémoire, je pense, avec la collaboration des deux paliers de gouvernement, en termes de subventions, pour tâcher de remettre au coordonnateur vos positions respectives avant de vous réinstaller à la table de négociation. C'est bien le portrait exact qui existe?

M. Simon: À l'heure actuelle, disons que, quand on parle de revendications à notre niveau, c'est-à-dire au niveau du conseil attikamègue, c'est qu'il y a beaucoup de choses qui se sont déroulées dans l'espace de deux ans. Je sais qu'il y a eu des accrochages avec les mandataires, surtout

ceux du gouvernement du Québec, quant au processus à amorcer. Puis, dernièrement, je sais que, de notre côté, nous avons nommé le négociateur qui va représenter les intérêts des Attikamègues et des Montagnais. On pense bien que le processus va s'amorcer dans les plus brefs délais. Mais, la raison pour laquelle nous nous sommes présentés à la commission, c'est qu'il y a bien des choses qui se passent lorsqu'on parle de négociation. Notamment lorsqu'on a fait part de nos principes au gouvernement du Québec, le gouvernement nous a répondu qu'on n'avait aucun droit de veto sur quelque développement que ce soit. Alors nous, en tant qu'Attikamègues et Montagnais, ça nous laisse dans une situation quelque peu délicate. Ce qui arrive, je pense, c'est qu'on fait une présentation devant cette commission. S'il y a des modifications à la Loi sur la conservation de la faune ou s'il y a un réaménagement du territoire sur lequel on veut revendiquer, la même réponse va nous revenir d'ici un an ou deux, on dira: II y a eu une commission parlementaire qui a siégé là-dessus, à ce moment-là, vous auriez peut-être dû émettre votre opinion. C'est le genre de réponse qu'on reçoit à l'heure actuelle des gouvernements.

M. Chevrette: Je ne sais pas si ça peut vous rassurer mais, tel que j'interprète les directives, les normes et les lois qui sont édictées, ce serait l'entente dont vous conviendriez qui prévaudrait. C'est ce qu'on me dit, en tout cas, de vous transmettre comme réponse.

Vous savez fort bien, de toute façon, qu'en 1982, on doit s'interroger sur la faune elle-même. Elle n'est pas aussi abondante qu'elle l'était et la clientèle augmente, vous l'avez souligné vous-même dans votre mémoire. Vous dites que M. Lévesque a, dans un premier temps, affirmé que vous aviez des droits historiques et, dans un deuxième temps, les a niés. Je suppose que ça fera partie de vos propres négociations entre vous et le SAGMAI. Je ne peux que vous souhaiter bonne chance concernant vos négociations comme telles.

En ce qui concerne le MLCP, cependant, je voudrais vous annoncer tout de suite que, quant à nous, nous sommes prêts à amorcer dès maintenant le programme de recherche qui nous permettrait d'évaluer scientifiquement le potentiel biologique de chacune des rivières de la Côte-Nord et nous souhaitons toujours que vous y soyez très impliqués. C'est à vous de nous faire connaître votre position sur le sujet, si vous êtes intéressés ou pas. Également, nous aimerions procéder à la création d'un groupe de travail composé de non-autochtones et de Montagnais, dans le but de déterminer le mode de participation des Montagnais à la gestion des rivières à saumon de la Côte-

Nord. Si cela vous intéresse toujours, j'aimerais que vous nous le fassiez savoir.

Enfin, on pourrait également amorcer des discussions entre le ministère et le CAM en vue d'établir le plan de pêche au saumon de 1983-1984 pour les Montagnais de la Côte-Nord. Dès que vous nous ferez signe, il nous fera plaisir d'amorcer ces discussions avec vous. (11 h 30)

M. Simon: J'aurais un commentaire, M. le ministre, à ce sujet. Peut-être que je n'ai pas été assez explicite tout à l'heure. Quand on parle de revendications autochtones, pour nous, il y a tout le concept des droits aboriginaux à définir. Maintenant, c'est ce point qui a achoppé au cours des discussions que nous avons eues antérieurement avec le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral aussi. Tant et aussi longtemps que la notion de droits aboriginaux et la notion traditionnelle de territoires ancestraux attikamègues et montagnais ne seront pas définies, on ne pourra jamais arriver précisément à des ententes, un peu dans le sens que vous en parliez, par la formation de comités, etc.

Pour nous, la négociation que l'on veut entreprendre a un caractère politique. Ce qui arrive à l'heure actuelle, quand on parle de négociation, c'est qu'on fait face à des fonctionnaires qui, eux, n'ont d'autre choix que d'appliquer la réglementation qui est en place actuellement. C'est un point qui nous touche personnellement et l'on veut aussi amorcer le processus dans le sens que je le dis, c'est-à-dire d'essayer dans la mesure du possible de politiser la négiciotion du conseil attikamègue et de toucher à toute la question des droits et de la définition des territoires indiens.

M. Chevrette: On a déjà conclu des ententes dans certains domaines. Je pense, par exemple, à la signature d'une entente avec les bandes montagnaises de Sept-Îles et de Maliotenam.

Une voix: Maliotenam.

M. Chevrette: Cela a été fait. On peut faire encore des ententes sans préjudice pour vos négociations. Je pense que cela clarifierait des choses à court terme, ne croyez-vous pas? En précisant au départ, M. Simon, que ce serait sans préjudice à la négociation entre le CAM et le SAGMAI.

M. Simon: Je ne veux pas trop critiquer le gouvernement du Québec, mais quand on parle de différents ministères avec lesquels on aurait des points à transiger, c'est toujours la même argumentation qui revient. On est appelé en tant que politiciens, en tant qu'élus des populations attikamègues et montagnaises à transiger avec des

fonctionnaires qui, comme je le disais tout à l'heure, ont des directives précises à respecter. Pour nous, c'est très difficile de créer des précédents dans ce sens. Je sais qu'il y a eu des semblants d'ententes, notamment pour les rivières à saumon concernant la Natashquan. On remarque que, lorsqu'on parle d'ententes sur les rivières à saumon, l'impression que j'ai, c'est qu'on essaie de restreindre justement le champ d'activité que les Attikamèques veulent demander quand on parle de négociation.

À l'heure actuelle, on nous donne des parcelles de rivières, en nous disant: Contentez-vous de ce qu'on vous donne, avec telle réglementation. Vous avez tant de journées à respecter, vous avez tant de filets à poser; c'est la réglementation qu'on vous fixe. Quand on décide de parler de revendications d'une façon générale, les ministères reviennent en nous disant: Cela ne relève pas de notre domaine, cela relève d'un autre palier. Mais quel palier? Quelle sera la forme utilisée par le gouvernement du Québec? Est-ce que ce sera un comité spécial qui sera créé pour justement clarifier la notion de droits? Justement, les ententes dont on parle à l'heure actuelle ne se ramènent pas à des parcelles de rivières à saumon. Il y a certaines bandes qui demandent d'avoir le contrôle total d'une rivière. Ce sont tous des points qui achoppent lorsqu'on parle de revendications avec les gouvernements.

M. Chevrette: N'est-il pas exact qu'au cours des quatre ou cinq dernières années il y a eu respect intégral des secteurs de pêche, par exemple?

M. Simon: Qu'est-ce que vous entendez par respect intégral?

M. Chevrette: On a respecté les ententes qu'on avait conclues. On a conclu des ententes avec vous? On avait conclu des ententes sur certains territoires, sur certains secteurs...

M. Simon: Disons que pour les secteurs, ce sont uniquement ceux qui concernent les rivières à saumon.

M. Chevrette: Oui, d'accord, c'est exact, mais est-ce que cela a été respecté de la part de mon ministère?

M. Simon: Cela a été respecté d'une certaine façon. Je sais qu'il y a eu entente mutuelle entre les parties, c'est-à-dire entre les bandes impliquées et le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Comme je vous le dis, il y a des faits qui accrochent là-dedans. Je vais vous donner un exemple bien précis. Si on parle de la population de la Romaine, qui compte 600 personnes, à côté d'elle, il y a une rivière qui appartient à la Québec North Shore. La corporation comme telle a sept actionnaires et elle a réussi à faire passer au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche le message suivant: Ce que vous allez dire aux Indiens, c'est que le nombre de prises de saumon va être égal au nombre de prises que les sept actionnaires vont avoir. Si, les sept actionnaires prennent 100 saumons, c'est 100 saumons qui vont être autorisés pour une population de 600 personnes. Ce sont toutes des choses qu'il va falloir éclairer dans l'avenir.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va, M. le ministre?

M. Chevrette: Que je sache, on ne serait pas rendu là, mais on serait prêt à discuter avec vous autres là-dessus.

M. Simon: C'est-à-dire que, dans les discussions, qu'on a amorcées depuis deux ans, surtout pour la rivière Romaine, je sais qu'on a soulevé ce point, c'est impensable de faire le partage du saumon entre sept actionnaires, et une population, montagnaise qui veut vivre son mode de vie tradionnel. Elle regroupe 600 personnes, cela fait deux ans, qu'on en parle, et il n'y a jamais eu de solution concrète de proposée.

M. Chevrette: Je réitère, M. Simon, que, sans préjudice, et j'insiste, sans préjudice aux négociations entre le CAM et le SAGMAI, comme ministère, on est prêt à s'asseoir avec vous autres et à discuter, quitte à se rencontrer pour discuter d'un cadre de discussion bien précis, on est ouvert là-dessus, mais, je pense qu'on aurait avantage au moins à court terme à régler certaines situations.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député d'Orford. M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Ah bon! Vous êtes revenu dans mon comté!

Le Président (M. Bordeleau): Non, mais j'avais compris que c'était M. le député d'Orford qui désirait avoir la parole.

M. Rocheleau: Je voudrais profiter de l'occasion pour remercier le conseil et son président, M. Simon.

Il est bien évident qu'on n'a pas traité tellement de l'avant-projet de loi, non plus que des autres recommandations; ce qui vous préoccupe, c'est certainement la protection de la faune. Je crois que le mémoire de SACERF nous a démontré très clairement hier soir que si on se doit modifier les politiques du ministère en ce qui concerne la chasse, la pêche et la protection de la flore,

les grands responsables ne sont certainement pas vous. Par contre, nous sommes particulièrement intéressés à certaines revendications que vous avez faites et que vous faites constamment auprès du gouvernement; malheureusement, pour l'instant, nous ne sommes pas au pouvoir. Quand nous le serons, ce sera peut-être plus facile d'avoir des rapports plus concrets avec vos organismes.

Je tiens à vous remercier. Nous aurons l'occasion d'entendre d'autres groupes représentant aussi d'autres conseils et d'autres membres de réserves indiennes. Cela pourrait nous donner une certaine indication sur vos revendications. Nous vous offrons notre collaboration. Si on n'a pas la même influence que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche auprès du premier ministre, remarquez tout de même que si on peut vous être d'un aide quelconque, nos services vous sont offerts.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, M. Simon, ainsi que les personnes qui vous accompagnent. On me dit qu'en haut, on a besoin du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche pour les crédits; je suspendrai donc la séance pour une demi-heure. On devrait reprendre nos travaux à 12 h 10, avec le Regroupement des organismes nationaux du loisir du Québec, qui, j'espère, sera ici, à ce moment-là.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 12 h 10.

(Suspension de la séance à Il h 39)

(Reprise de la séance à 12 h 57)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, mesdames et messieurs, s'il vous plaît:

La commission reprend donc ses travaux qui ont été suspendus tantôt. Je m'excuse auprès des personnes qui attendent, sauf que ce n'est pas de notre ressort ni de celui du ministre, non plus que des gens de l'Opposition, en tout cas pour ce qui est de la commission.

M. Chevrette: Ils ont posé des questions trop longtemps. C'est leur faute.

M. Houde: Qu'est-ce que vous voulez?

Le Président (M. Bordeleau): De toute façon, on va reprendre immédiatement, parce qu'il ne faut pas non plus accentuer le retard qu'on a déjà pris. Je demanderais aux gens du Regroupement des organismes du loisir du Québec qui, je pense, sont déjà là, de nous présenter leur mémoire immédiatement. On verra dans le temps si on continue ou de quelle façon on suspend nos travaux cet après-midi.

M. le ministre.

M. Chevrette: Je demanderais à l'Opposition de ne pas réclamer l'ajournement à 13 heures, mais qu'on donne notre consentement immédiatement pour que le RONLQ présente son mémoire. Comme ce sont des gens disponibles, on viendrait les interroger après la période des question cet après-midi.

M. Houde: Je suis entièrement d'accord à vous entendre et à dîner après.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: Si c'était toujours comme cela, cela irait bien.

RONLQ

Le Président (M. Bordeleau): Cela va, M. Bélec? C'est cela?

M. Bélec (Pierre): Oui.

Le Président (M. Bordeleau): Si vous voulez nous présenter les personnes qui sont avec vous, et y aller de votre mémoire.

M. Bélec: Je vous présente M. Pierre Trudel, qui est le directeur général de la Fédération québécoise du canot-camping, et M. André Daigle, qui est l'agent de développement de la table du plein air du regroupement. De fait, le mémoire que nous vous présentons, c'est au nom des organismes qui forment le secteur du plein air. Il y en a un assez bon nombre, comme vous le voyez, c'est-à-dire l'Association québécoise pour le tourisme équestre et l'équitation de loisir; l'Association québécoise des groupes d'ornithologues amateurs: la Fédération des sociétés d'horticulture et d'écologie; la Fédération québécoise de camping et de caravaning; la Fédération québécoise de la montagne; la Fédération québécoise de naturisme; la Fédération québécoise des activités subaquatiques; la Fédération québécoise du canot-camping; Sentiers-Québec; la Société québécoise de spéléologie; la Société québécoise du plein-Air; Vélo-Québec; les Scouts et Guides du Québec; l'Organisation pour le tourisme étudiant au Québec et l'Association des camps du Québec. Cela fait pas mal de monde. Toujours est-il qu'ils sont d'accord avec ce qu'on va vous dire.

Premièrement, pour nous, il s'agit d'une fréquentation de la nature qui soit douce et harmonieuse et la moins perturbatrice possible du milieu naturel. Qu'est-ce que nous venons faire à une commission parlementaire s'occupant de la loi de la faune? C'est que, tout d'abord, nous ne

sommes pas contre la chasse et la pêche ni opposés à la chasse et à la pêche et que, d'autre part, dans la conception que nous avons de la fréquentation de la nature, c'est-à-dire du plein air, nous englobons l'observation de la faune et de la flore, ce dont il a été question amplement ce matin, les activités de randonnées extensives en nature, la pêche et la chasse de subsistance lors de ces randonnées et, de plus en plus, nous l'espérons, grâce à des contacts avec les organisations de chasse et de pêche, avec des gens qui sont d'accord sur une façon décloisonnée d'envisager la chasse et la pêche. Nous croyons d'ailleurs que les chasseurs et les pêcheurs ont les mêmes intérêts que les autres amateurs de plein air. Le document sur les habitats fauniques associe heureusement et il a bien raison les écologistes à ces deux groupes de chasseurs et pêcheurs, d'une part, et d'amateurs de plein air d'autre part et je dirais aussi malheureusement, d'autre part, parce que nous les voyons ensemble. (13 heures)

L'essentiel selon nous n'est pas une question de dénomination ou de clocher, c'est de faire comprendre à ces trois groupes qu'ils ont les mêmes intérêts et ceci dans tous les sens de l'expression. Tous, chasseurs, pêcheurs et amateurs de plein air et écologistes s'intéressent à la nature, cette réalité qu'on ne peut pas couper en petits morceaux. De plus, ils ont intérêt à s'associer de plus en plus pour préserver la nature. C'est à ce rapprochement que nous nous sommes employés depuis quelques années en élargissant le concept de plein air pour en venir à lui faire désigner l'ensemble des relations harmonieuses et actives qu'une personne entretient avec la nature à des fins récréatives et éducatives.

En ce sens, nous croyons que le comité sur les habitats fauniques pose un jalon historique important quand il place aussi l'observation de la faune sur le même pied que le prélèvement. Nous croyons que c'est un geste porteur d'avenir qui, à lui seul, a une grande valeur de protection pour la faune elle-même. En effet, si cette attitude devient officielle et s'il devient valorisé, reconnu publiquement et socialement d'entrer dans le milieu naturel autant pour observer que pour pêcher, alors les comportements de milliers de personnes seront progressivement modifiés. Le chasseur revenu bredouille qui aura au moins vu son orignal reviendra moins frustré. Le pêcheur qui se sera intéressé toute la journée aux évolutions des oiseaux aquatiques oubliera qu'il ne rapporte pas son quota de pêche et il aura passé une bonne journée. On verra davantage de femmes et de familles dans nos réserves. En définitive, la faune québécoise sera appréciée plus globalement et par plus de gens. C'est ce que nous pensons que peut produire une approche globale de plein air dans ce cas particulier de la récréation reliée à la faune.

Deuxième chose que nous voudrions dire en plus de notre conception de la relation avec la nature, nous voulons dire oui au rapport du comité sur les habitats fauniques. Selon nous - et je vous cite notre page 1 -"il était temps de remplacer la préoccupation anachronique pour la préservation des seules espèces dites nobles, pour se préoccuper enfin de toutes les espèces sauvages et principalement, non seulement des animaux individuellement ou en groupe mais de leurs habitats." J'ajouterais que nous sommes spontanément en accord avec ce que vous ont dit ce matin les gens de l'Association des biologistes pour inclure dans un projet de protection également la flore, puisque, si l'on parle de l'observation comme étant une activité importante, l'observation de la faune et l'observation de la flore en milieu naturel doivent spontanément se compléter. On ne pourrait pas concevoir une approche un peu écologique sans associer les deux ensemble puisqu'elles constituent des chaînes alimentaires et ont des rapports quotidiens.

La troisième de nos demandes est qu'il nous semble nécessaire d'avoir le plus tôt possible une typologie des territoires naturels et des modes de conservation de ces territoires dans leur intégrité qui soient appropriés. La carte routière du Québec a beaucoup de taches vertes. Nous voulons que ces taches vertes demeurent sur la carte routière du Québec, que cela s'appelle des parcs ou que cela s'appelle des réserves; pour faire image, je pense que c'est cela notre position. La Loi sur les parcs nous fait certainement avancer dans la bonne direction puisqu'elle protège l'intégrité et la qualité des parcs classés. Mais, sur la quarantaine de parcs et réserves actuels et non classés, on peut espérer qu'une vingtaine seront classés parcs de récréation et parcs de conservation. Qu'arrivera-t-il du reste? Pour l'instant, il n'existe rien de tel, à notre avis, dans le cas des réserves de chasse et de pêche. Il nous semble urgent de protéger le territoire des réserves par une loi. Un arrêté en conseil -les législateurs en conviendront - ne constitue pas, pour un territoire, la protection la plus sûre. Il est important d'établir une typologie des réserves, précisant leur vocation, leur choix effectif et la protection de leur territoire. Cela exige, selon nous, une réflexion approfondie et un débat public à tenir le plus tôt possible, car cette commission est comme une entrée en matière dans le vaste domaine de la faune, mais tous les sujets - parce qu'il n'y a pas de proposition concrète à cet effet - comme celui-là ne peuvent être traités ni débattus de façon claire. Je pense qu'il faut absolument y revenir.

La déclaration ministérielle de juin de M. Lessard parle globalement de trois types

de territoires qui sont actuellement classés réserves de chasse et de pêche: ceux qui présentent une richesse faunique indéniable et où la récréation intensive, quant à nous, pourrait se pratiquer, tout comme dans les parcs de récréation et de conservation on pratique la pêche; également, les territoires à vocation plus nettement récréative entendue de façon globale et d'un moindre potentiel faunique. Alors, ces territoires, quant à nous, doivent être protégés et sont également importants, d'autant qu'on les trouve assez souvent près des villes. Qu'on pense à des choses classées réserves de chasse et de pêche, comme le parc de la Côte-Sainte-Catherine, par exemple. Enfin, il y a certainement des zones de protection absolue.

Déjà là, on a un zonage ou une typologie initiale et je pense qu'il faudrait qu'elle soit développée. On pourrait aussi relier à cette opération de réflexion sur la protection des espaces récréatifs d'autres types de zonage, comme, par exemple, un plan de préservation des rivières à caractère patrimonial, des types de zonage récréatifs pouvant s'appliquer, sans léser les droits des propriétaires, à des terres privées, mais qui ont un intérêt récréatif. Dans ce sens, il nous faut, à notre avis, de nouveaux instruments d'intervention. Après un bon début, qui est celui de la politique des parcs du Québec, un autre bon début, qui est cette politique des habitats fauniques, je pense qu'on devrait se mettre à l'invention d'instruments pour diversifier notre typologie des espaces récréatifs et les protéger d'une façon légale.

D'ailleurs, je voudrais rappeler au ministre que le programme du parti gouvernemental, à ce chapitre précisément des réserves de chasse et de pêche, dans sa nouvelle formulation, demande qu'il y ait conservation dans leur limite actuelle des réserves de chasse et de pêche et, deuxièmement, pousse tout à fait spontanément dans le sens de la gestion déléguée de ces territoires, puisque - en tout cas, nous le comprenons de la même façon -les ressources du ministère ne sont pas indéfinies et il se peut fort bien que la gestion déléguée soit la forme souhaitable ou la seule possible pour maintenir quelque opération d'accueil et d'activité sur ces territoires. Il nous semble important que, qui que ce soit qui les gère, ils soient protégés le plus possible dans leur limite actuelle.

J'en viens au quatrième point qui est celui de la gestion déléguée. À l'heure actuelle, une certaine variété d'organismes gèrent les territoires publics à des fins récréatives. On connaît les ZEC, on connaît les pourvoiries. De notre côté aussi, nos membres, nos clubs, nos organismes, comme les bases de plein air, proposent au grand public une fréquentation selon l'approche globale dont je vous ai parlé tout à l'heure. Les résultats économiques de cette approche globale n'ont pas été calculés aussi bien que, par exemple, pour le phénomène de la motoneige, des armes à feu ou des grosses embarcations. Les modèles économétriques qui ont été développés dans le passé pour juger de l'efficacité économique de tel ou tel genre d'activité, nous semble-t-il, ont tous été développés à partir des gros achats que les gens faisaient pour pratiquer leur activité. Quand il s'agit d'une récréation massive mais n'utilisant pas de véhicules coûteux ou de moyens coûteux, on n'a pas vraiment calculé ce que cela signifiait. On commence à le faire; d'ailleurs, l'observation de la faune dans le cadre de ce document de travail sur les habitats fauniques pose des jalons dans ce sens. C'est une direction dans laquelle nous croyons qu'il faut aller. Mais nous pensons qu'il faut davantage regarder de près toute cette fréquentation de la nature selon une approche globale et mesurer l'ensemble des petits impacts économiques, qui sont très nombreux et qui sont ceux d'une fréquentation familiale, d'une fréquentation toute simple et douce de la nature qui, à notre avis, mais sans qu'on puisse l'affirmer, représentent des retombées économiques au moins aussi grandes, sinon davantage, que celles d'activités spécifiques calculées à partir des gros achats que font les gens pour les pratiquer.

Dans ce sens, par exemple, la gestion déléguée de certains territoires actuellement classés réserves de chasse et de pêche intéresserait grandement un certain nombre d'organismes que nous représentons. Que ce soit directement une fédération, que ce soit une association régionale ou un club local, que ce soit une base ou un centre de plein air ou un service plein air, il y a un certain nombre d'organismes qui sont intéressés par ça. Je prends comme exemple la réserve La Vérendrye. Dans la réserve La Vérendrye, l'activité dominante, si je ne me trompe, d'après les statistiques que j'ai pu consulter au cours des dernières années, c'est le canoë-camping. Or, il y a des associations, il y a une fédération qui serait prête à gérer cette réserve. Je vous donne un autre exemple: le parc Kénogami au Saguenay. Il y a une base de plein air, qui s'appelle la base de plein air CEPAL et qui est un intervenant touristique majeur dans la région, qui attend la réponse à l'effet de gérer le parc Kénogami et ces organismes seraient tout à fait désireux de les gérer en respectant les limites de ces territoires et en faisant en sorte qu'ils demeurent vraiment sous l'empire de l'État et d'une loi qui en préserve absolument les limites. Dans le fond, c'est une offre de services que nous vous faisons ce matin.

Nous pensons également qu'à l'égard des autres types de gestionnaires délégués

que sont les ZEC et les pourvoiries, il y aurait lieu, dans la nouvelle rédaction de la loi, d'élargir les mandats et d'élargir les conceptions à autre chose que le service de chasse et de pêche. Nous pensons que la loi devrait indiquer à cet effet des voies de développement et des mandats possibles que ces organismes pourraient assumer dans le sens du plein air. À notre avis, tout milite en ce sens. Je vais vous donner un certain nombre de raisons.

Premièrement, il y aurait une meilleure éducation du public à voir plus grand et à retirer de la fréquentation de la nature des expériences récréatives plus satisfaisantes. On aurait dans ces territoires une fréquentation plus grande des femmes et des familles. On assurerait une protection accrue de l'environnement et de la faune parce que les gens qui iraient là ne chercheraient pas qu'à tuer ou qu'à prendre des poissons. Nous n'avons rien contre cela, mais on peut aussi, tout en allant chasser, chercher autre chose et, comme je le disais tout à l'heure, quand on n'a pas tué son chevreuil ou quand on n'aura pas rapporté son quota, on en revient quand même satisfait. À notre avis, il y aurait une diminution de la pression de prélèvement.

Le développement économique des organismes qui font de la gestion déléguée nous semblerait plus prospère dans la mesure où ils seraient mandatés, autorisés, incités à élargir l'éventail des activités qu'ils proposent au public qui viendrait sur les territoires. En ce sens, la modification du permis de pourvoirie allant vers l'hébergement nous paraît une clarification heureuse.

Pour terminer sur une anecdote, ça éviterait des situations parfois quelque peu ridicules comme celle d'un pourvoyeur voulant empêcher le passage sur son territoire d'un sentier de randonnée pédestre et, évidemment, de gens voulant y marcher. Alors, grâce à la collaboration intelligente, je pense, des fonctionnaires impliqués, il y a eu ou il y aura bientôt une entente à ce sujet, mais, malheureusement, il semble que la seule entente possible avec ce pourvoyeur en particulier - c'est tout près de votre comté, M. le ministre; il s'agit du service de plein air de la Mattawinie et d'un pourvoyeur de la région - il faudra que le territoire du pourvoyeur soit restreint parce qu'il ne peut pas comprendre.

En tout cas, nous pensons qu'il y a des intérêts communs entre tous ces gens. Nous nous employons à les rapprocher plutôt qu'à les dénoncer. À notre avis, la loi et la politique devraient faire quelque chose pour que tous ces gens sentent qu'ils ont les mêmes intérêts et qu'ils travaillent davantage ensemble dans le sens de la protection et de la récréation globale en nature. C'est la contribution que nous avons voulue faire à la commission.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Bélec. Je me demande s'il ne serait pas plus intelligent de continuer quelques minutes en posant les questions immédiatement plutôt que de vous faire revenir à 16 heures. Je fais la suggestion, bien sûr, et les membres de la commission sont toujours...

M. Houde: Je pourrais poser une question?

Le Président (M. Bordeleau): Oui; directement ou après, M. le ministre?

M. Houde: Non, non. À lui...

Le Président (M. Bordeleau): Oui? M. le député de Berthier.

M. Houde: Est-ce que vous êtes ici pour l'après-midi? Est-ce que vous êtes prêt à dîner ici sans trop vous en imposer?

M. Bélec: ...

M. Houde: Pourquoi? C'est parce que j'ai un caucus à 14 heures et que je n'ai pas dîné. Mais, si vous êtes pour repartir après, on va vous passer tout de suite.

M. Bélec: Nous repartirions vers Montréal pour y travailler.

Une voix: Vous n'avez qu'à répondre qu'il faut que vous partiez tout de suite après.

M. Houde: Je veux être honnête, mais je voudrais qu'il soit honnête aussi.

M. Bélec: De fait, si vous terminez de poser des questions, on va partir après.

M. Houde: D'accord, allez-y. (13 h 15)

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: Je remercie l'Opposition de sa grande compréhension. Je voudrais d'abord me déclarer heureux du fait que vous adhérez aux principes, aux concepts en tout cas qui se dégagent des documents de travail auxquels vous avez eu accès, j'en suis sûr. Je trouve intéressant en particulier ce que vous dites de la gestion déléguée. J'aimerais vous en entendre parler un peu davantage, même si vous nous avez donné un exemple à partir d'une réserve faunique. Est-ce que vous verriez cette administration déléguée à l'intérieur de certains parcs, par exemple, pour gérer un poste d'observation ou d'interprétation de la nature? Est-ce que vous voyez cela comme règle générale ou si

vous reliez cela exclusivement à la conservation des habitats?

M. Bélec: Je pense que je l'entends d'une façon générale. Évidemment, quand vous me dites parc, dans un parc classé de récréation ou de conservation, j'imagine bien que le ministère voudra y déposer son image, être présent dans un service de première ligne le plus possible et qu'alors la gestion déléguée se fera davantage pour des services spécialisés. Mais, s'il s'agit des réserves de chasse et de pêche qui ne seraient pas classables comme parcs de récréation ou de conservation, nous l'entendons plus comme de l'ensemble des fonctions de gérance d'un territoire qui seraient assumées par le même gestionnaire auquel serait délégué ce mandat.

M. Chevrette: Vous parlez aussi dans votre mémoire, à quelques endroits, vous soulevez la question du partage des responsabilités entre mon ministère, celui de l'Énergie et des Ressources, et celui de l'Environnement. Avez-vous des suggestions ou des commentaires sur la nature et l'étendue d'un tel partage?

Le Président (M. Bordeleau): M. Bélec.

M. Bélec: Je dois vous dire que ma connaissance des mandats et des réglementations spécifiques n'est tout de même pas assez exhaustive pour me permettre des affirmations péremptoires. Mais il m'a toujours semblé, premièrement, que l'élargissement du mandat des agents de conservation, c'est une chose excellente. J'inclinerais toutefois à dire que le Québec aurait probablement avantage à avoir une seule et unique police de l'environnement, gérée par un seul et même ministère, et qu'à cet effet, le ministère de l'Environnement me paraîtrait plus désigné pour exercer la fonction de police; les fonctions biologiques, les fonctions de recherche, de regénération ou de préservation de la faune, devraient rester au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Je sais que c'est une affirmation un peu grosse, mais personnellement je l'ai toujours vue comme cela. Bien sûr, cela supposerait également - puisqu'on parle de partage de responsabilités - que le ministère de l'Environnement cesse de réclamer d'être le maître d'oeuvre de la politique des espaces verts en milieu urbain, par exemple, chose que j'ai toujours trouvée, personnellement, ridicule. Je vous dis le fond de ma pensée. Je ne sais pas s'il y a de mes collègues qui pourraient discuter sur cela aussi.

M. Trudel (Pierre): Je pense que cela résume passablement notre pensée également.

M. Chevrette: Vous étendez la notion de chasse et de pêche à celle de plein air. Je trouve cela amusant comme idée, mais ne craignez-vous pas des conflits entre les utilisateurs?

M. Bélec: II y a toujours des conflits possibles entre tous les types d'utilisation de la nature et on peut les multiplier d'une façon très large.

M. Chevrette: Je vous dis cela, parce que, hier soir il y en a un qui a témoigné ici, il était très tard; il nous décrivait un gars avec un appareil photo, et je vous dis que cela n'avait pas l'air à faire son affaire. Vous, vous nous arrivez ce matin en nous disant: II faudrait peut-être étendre la notion de chasse et de pêche à la notion de plein air également.

M. Bélec: Pour continuer dans la ligne de ce que je viens de vous dire tout à l'heure avec beaucoup de franchise, je trouve que la presse spécialisée de chasse et de pêche, malheureusement, insiste beaucoup trop sur les différences et à l'encontre des intérêts mêmes de la conservation de la nature, comme je l'ai expliqué, je pense, tout à l'heure. L'intérêt des chasseurs et pêcheurs et l'intérêt des autres amateurs de la nature, c'est que la nature soit protégée. Par la suite, on verra comment on peut arbitrer la présence en nature, et la façon d'y aller. Je pense qu'il est de l'intérêt de la qualité de l'expérience récréative des chasseurs et des pêcheurs d'avoir une vue plus large et de se faire répéter qu'ils sont plus que des gens qui vont en nature pour chercher cela. Finalement, ce qu'on dit des gens, c'est cela qui conditionne autant leur comportement que ce qu'ils ont en dedans d'eux. Si vous vous mettez à dire à quelqu'un: Mais quand tu vas là, tu penses à d'autres choses, tu regardes, tu éprouves, c'est plaisant. Cette personne va dire: Oui. C'est tout cela qu'on veut servir quand on te sert. Je pense que c'est une approche de psychologie sociale qu'il faut développer à cet égard.

Pour ce qui est des conflits d'usage, il y en a autant entre les gens qui veulent se promener en bateau à moteur ou en canot, les gens qui veulent aller à ski, dans la forêt, et ceux qui veulent y aller à raquette. Il ne faut pas s'arranger pour qu'ils se cognent les uns sur les autres. Alors, il est certain qu'en exacerbant les différences on arrive à des conflits; il y en a des conflits dans le paysage, mais notre contribution a toujours voulu être et voudra toujours être celle du rapprochement, parce qu'on est convaincu qu'ils ont les mêmes intérêts. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question pleinement, par exemple.

M. Chevrette: Oui. Je désirerais faire

clarifier un point. Vous dites que vous voulez utiliser un territoire, telle une ZEC ou une pourvoirie, mais que vous ne voulez pas vous obliger à recourir aux services d'hébergement et de guide. Par contre, vous déclarez même que les pourvoiries ne sont pas des organismes d'hébergement; en plus de cela, vous affirmez cela. À ce moment-là, je vous demanderais si vous croyez qu'un amateur de la nature devrait payer quelque chose à un pourvoyeur qui entretient, par exemple, les sentiers, les chemins, etc.

M. Bélec: Une de vos affirmations me chicote un peu. Il se peut qu'il y ait quelques différences dans le texte, parce que c'est un texte qu'on a fait très rapidement et qui a été...

M. Chevrette: ... compris, moi.

M. Bélec: ... amplement retouché, mais... Si vous me permettez de le dire verbalement, comme je l'ai dit tout à l'heure, on était content de voir la modification du sens du permis de pourvoirie aller vers l'hébergement, parce que cela levait l'ambiguïté, à savoir que le pourvoyeur gérait le fonds de terrain, alors que ce n'est pas cela.

M. Chevrette: C'est exact.

M. Bélec: Le reste de la question...

M. Chevrette: D'ailleurs, ils l'ont affirmé hier soir; c'est pour cela que j'ai peut-être mal interprété votre texte. Hier, cela a été très clair, de la part des pourvoyeurs eux-mêmes. Ils ne demandent pas la gérance du fonds de terre, ils demandent l'exclusivité du droit de chasse, de pêche et d'hébergement sur le territoire.

M. Bélec: Pour ce qui est du principe de l'utilisateur payeur, on est d'accord avec cela à condition qu'il y ait certains services analogues, par exemple... Je ne sais pas, Pierre, peut-être que tu pourrais ajouter quelque chose.

M. Trudel: II est bien évident...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Trudel.

M. Trudel: ... que les amateurs, entre autres, de canoë-camping sont bien prêts à utiliser un parcours, l'accès au parcours, payer pour y avoir accès. On ne voudrait pas faire revivre des exemples de la guerre des autoroutes, mais cela ne nous tente pas d'avoir des postes à péage sur les rivières. Ce qu'on est intéressé à faire, en collaboration avec les ZEC, c'est d'y avoir accès aux points de départ. S'il y a des terrains de camping "sauvage" auxquels on peut avoir accès, qui auront été aménagés par la ZEC, on est bien prêt à participer à ces coûts, c'est la même chose dans le cas d'un portage entretenu. Ce qu'on ne veut pas, c'est de se faire facturer des frais pour des services qui ne sont pas rendus. Je crois que c'est assez normal.

M. Bélec: L'affirmation...

Le Président (M. Bordeleau): M. Bélec.

M. Bélec: ... du bas de la page 9: L'obligation d'avoir recours aux services d'hébergement, d'une part, et aux services de guide, on entendait par là l'hébergement en chalet, en auberge, alors que beaucoup voudront camper. Mais il y en a beaucoup, sans doute, qui désireraient utiliser ces services. Il faut que chacun, à la fois celui qui fournit le service et celui qui peut l'acheter, ait dans la tête qu'il est possible d'aller loger chez un pourvoyeur, même s'il n'est pas d'une excursion de chasse. Cela fait faire de l'argent aux pourvoyeurs, dans le fond.

Par contre, le principe d'utilisation du guide, je crois, de toute manière, que c'est quelque chose de tout à fait facultatif pour tout le monde.

M. Chevrette: Vous avancez qu'il serait intéressant de bâtir un code de déontologie. Est-ce que vous avez déjà des idées là-dessus? Est-ce tout simplement une offre de collaboration que vous nous faites?

M. Bélec: En général, chacune des fédérations s'est bâti quelque chose qui ressemble à cela, d'une façon plus ou moins globale. Il y a déjà du travail de fait et cela me fera plaisir de vous faire parvenir l'ensemble des instruments qui ont été créés à cet effet; cela pourrait, d'ailleurs, devenir assez englobant et intéressant pour tout le monde.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. M. Bélec, est-ce que vous êtes plus favorable à l'extension des ZEC plutôt que des pourvoiries? Si on regarde un peu votre texte, je n'ai pas la page, parce que cela est un résumé.

Le Président (M. Bordeleau): M. Bélec.

M. Bélec: C'est entre les deux yeux. Je vous avoue que je ne me sens pas la compétence pour répondre réellement à cette question. C'est une question de réalisme économique, à mon sens; ce n'est même pas tout à fait - je parle vraiment en profane -

une question d'accessibilité. Il me semble qu'il y a beaucoup d'institutions, il y a beaucoup d'organisations; l'important, surtout dans le contexte actuel, c'est qu'elles vivent bien les unes comme les autres.

M. Houde: D'accord. Ma deuxième question. Dans le cas des territoires à vocation récréative globale, la gérance devrait être confiée à un organisme à but non lucratif. Est-ce que vous avez plus confiance à des bénévoles, finalement, qu'à quelqu'un qui est payé par Pierre, Jean, Jacques, par le gouvernement, si vous voulez?

M. Bélec: Je m'adonne à être payé par je ne sais qui, Pierre, Jean, Jacques, cela dépend ce que cela veut dire.

M. Houde: Non, cela veut dire que ce soient des bénévoles ou que vous soyez payés par quelqu'un. Ce sont des bénévoles ou bien vous êtes payés, c'est ce que je veux dire.

M. Bélec: Oui, il y aurait, de toute façon, des gens qui seraient payés là-dedans. Souvent, l'image qu'on a, quand on évoque un organisme sans but lucratif, c'est une affaire qui fait pitié et qui est vraiment mal organisée. C'est malheureux. Moi, j'en connais qui sont très bien organisées et qui ne font pas pitié du tout...

M. Houde: Et qui sont à but non lucratif?

M. Bélec: ... qui sont efficaces et qui sont à but non lucratif. L'intérêt que je vois dans un organisme sans but lucratif, c'est qu'il y a aussi autour toute une - pour employer une expression anglaise atmosphère de "goodwill", c'est-à-dire que beaucoup d'agents politiques, administratifs, sociaux gravitent autour, dans le milieu où cet organisme est enraciné, parce qu'il est fatalement enraciné dans le milieu, cet organisme sans but lucratif, enfin le genre de ceux dont on parle ici. Cela amène beaucoup plus de collaboration, d'action que ce qui est effectivement payé en salaire.

A notre point de vue, c'est un intérêt, c'est un moteur de développement. Cela assure aussi une certaine orientation idéologique. C'est un peu une réaction qu'il y a là à l'égard d'une façon un peu cartésienne en tout cas qu'on n'accepte pas globalement - qui est présente dans un volet de la nouvelle politique des parcs. Elle dit: On va donner aux organismes sans but lucratif les affaires qui ne rapportent pas tellement et qui fonctionnent plus ou moins, par exemple, organiser l'interprétation de la nature et amener le monde dans le bois. Mais s'il s'agit d'héberger les gens, de leur donner à manger et de leur louer des canots, alors là, on va confier cela à des gens qui sont "business minded" et leur permettre de faire de l'argent avec cela...

M. Houde: Des "money-makers"...

M. Bélec: II me semble qu'il y a moyen de mettre la soupe et le dessert devant les mêmes personnes.

M. Houde: Bon, ma dernière question, vous y répondrez si vous voulez. Peut-être que vous ne serez pas capable, non pas parce que vous ne le savez pas, mais en tout cas... Lorsque vous parliez tantôt de la pourvoirie dans mon comté - c'est mon comté, ce n'est pas celui du ministre, mais bien le mien - si j'ai bien compris, est-ce que vous voulez diminuer son territoire?

M. Bélec: Ah non! Non.

M. Houde: J'aimerais que vous précisiez, parce que cela a passé vite tout à l'heure.

M. Bélec: Non, cela n'a jamais été l'intention... Il s'agit du Pavillon Basilières. Cela n'a jamais été l'intention du service de plein air de la Mattawinie de réclamer que le territoire du pourvoyeur soit restreint. Sauf que le pourvoyeur s'est entêté, apparemment, à concevoir son droit comme un droit territorial et il a fait tout ce qu'il devait faire - c'est relativement facile d'effaroucher le monde - pour que le monde ne vienne pas sur ce terrain. Il disait: Quand j'amène des gens chasser ou pêcher sur mon territoire et qu'ils voient des "gorlots" se promener - c'est ma citation - sur des sentiers, ils se disent: Qu'est-ce qu'ils font là eux autres? Nous sommes venus ici et nous avions des droits exclusifs, comment cela se fait-il qu'ils y soient? Je comprends un peu son raisonnement, sauf que c'est toute la façon de concevoir pourquoi quelqu'un va dans la nature. Si un chasseur est incapable de penser que quelqu'un puisse aller dans la nature seulement pour se promener, eh bien, on a un problème. C'est ce qu'il faut faire comprendre à la population, qu'on puisse vouloir aller se promener dans la nature pour toutes sortes de bonnes raisons.

M. Houde: Oui. C'est un peu ce que l'intervenant du Lac-Saint-Jean disait hier soir. C'est qu'ils se sont installés dans un endroit donné pour aller à la chasse et il y en a d'autres qui les - excusez le mot -"écoeurent", si vous voulez, qui les talonnent pour les expulser ou encore pour aller chercher le gibier qui est déjà là. Les gars se pensent chez eux, mais en fin de compte tout le monde est chez lui dans le Québec, que ce soit dans un territoire ou un autre. Lui, il pense que c'est à lui et que personne

d'autre n'a le droit d'aller sur son territoire.

M. Bélec: C'est le problème. Cela lui a peut-être été mal expliqué, dans le temps. Cela demande des pédagogues.

M. Chevrette: De toute façon, il reste une chose qui est très claire, c'est que les baux à droits exclusifs ne rendent personne propriétaire foncier, qui que ce soit. Donc, c'est seulement l'exclusivité du droit de pêche, de chasse, de piégeage et de trappage.

M. Houde: M. Bélec, ainsi que votre équipe, je vous félicite et je vous remercie beaucoup. C'était très bien.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci beaucoup. Je voudrais ajouter à ce que vous avez dit, tout à l'heure, au sujet des organismes à but non lucratif, une chose qu'il est important de considérer aussi. C'est qu'il y a un maudit paquet d'organismes à but non lucratif, au Québec, actuellement, qui emploient du personnel payé. On rencontre cela dans les ZEC, on rencontre cela à peu près partout. Alors, il faudrait considérer cela aussi. C'est un peu pour répondre à la question que soulevait le député de Berthier. (13 h 30)

M. Bélec: Mais, si vous me permettez, M. le député...

Le Président (M. Bordeleau): Faites... Oui.

M. Bélec: J'aimerais ajouter qu'il y a deux domaines, en particulier, où l'Etat intervient et où cela se produit. Cela se produit dans le domaine des affaires sociales où vous avez les corporations sans but lucratif qui emploient beaucoup de monde et qui donnent des services. Aussi, cela se produit massivement dans le domaine du loisir, mais cela n'est jamais mesuré. Encore là, personne ne semble s'être donné la peine de mesurer l'impact économique des corporations à but non lucratif qui engageaient du monde et qui créaient des services pour la population du Québec.

En loisir, c'est extrêmement important, parce qu'on n'a pas fait une révolution sociale comme celle qu'on a faite dans le domaine de l'éducation et des affaires sociales, où on vous garantit des services par employés de l'État interposés. En loisir, il faut que l'on travaille avec le dynamisme des bénévoles et les gens engagés par le milieu pour créer des services. Nous avons donc une dynamique très spéciale d'entreprise privée à but non lucratif qu'il faudrait reconnaître économiquement dans le domaine du loisir.

M. Perron: Justement, sur ce que vous venez de mentionner, je suis parfaitement d'accord avec vous pour qu'on se fasse une nouvelle mentalité afin de faire en sorte que les organismes à but non lucratif soient considérés comme ayant un apport économique dans le milieu et qu'on ne leur donne pas seulement des peccadilles, enfin ce que personne ne veut avoir. En fait, c'est ce que j'ai compris de votre intervention.

M. Bélec: On s'est bien compris.

M. Perron: J'ai une autre question à vous poser. Dans votre mémoire, vous parlez d'un débat public sur les réserves fauniques. Est-ce que vous pourriez dire aux membres de la commission de quelle façon vous verriez ce fameux débat public? Est-ce que cela devrait se faire dans les milieux de l'éducation? Est-ce que cela devrait se faire dans les écoles primaires, secondaires? On peut aussi ajouter un paquet d'organismes. Est-ce que cela devrait se faire au plan régionnal, local ou national?

M. Bélec: D'abord, il y a la proposition de base sur laquelle cela devrait se faire, si vous me permettez de commencer à répondre sur ce point. On a une politique des parcs qui amène des consultations dans chaque région chaque fois où il est question de reconnaître ou de classer un parc. Cela a beaucoup de mérite d'avoir commencé à faire cela ainsi et cela permet de procéder méthodiquement. Mais, chaque fois qu'il y a de ces consultations, le problème se pose partout, on dit - et le ministre se le fait dire, je pense, chaque fois où il va en consultation - Oui, mais les parcs urbains; oui, mais les autres espaces privés à vocation récréative; oui, mais... oui, mais ça... Il faudrait en arriver, le plus tôt possible, à une proposition un peu plus globale. Mais sans la faire très globale, simplement dans le cas de ces terres publiques identifiées à vocation récréative faunique, parce que vous avez des réserves de chasse et de pêche où il n'y a pas beaucoup de chasse à faire là ou peut-être seulement un peu de pêche.

Mais, dans ce cas, le prendre globalement et avoir une consultation élargie là-dessus, laquelle pourrait se tenir dans un certain nombre de centres du Québec, en sollicitant, comme le font les agents d'information du ministère, au sujet des audiences sur les parcs, les différents groupes du milieu.

M. Chevrette: Vous avez entièrement raison...

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: ... parce que les gens butent sur les mots. On a seulement à décréter que c'est un parc de récréation, les gens n'étudient même plus le concept de l'aménagement qu'on leur présente à l'intérieur du parc, et vice versa. On leur présente un parc dit de "conservation": même s'il y a des aires de récréation, personne ne les voit, parce que le mot "conservation" a obnubilé tout le monde, a fait buter tout le monde et on ne discute même plus du schéma d'aménagement lui-même. Cette notion est à revoir. Il faudrait peut-être parler de parcs québécois, enlever les qualificatifs, pour permettre aux gens, peut-être, de s'ouvrir les yeux sur les concepts d'aménagement et de nous donner le fond de leur pensée sur la proposition qu'on leur présente.

Je vous remercie infiniment. Je considère que c'est une belle expérience de concertation que vous venez de faire et l'expérience s'avère heureuse au RONLQ. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie également, M. Bélec, ainsi que les deux autres personnes avec vous.

La commission ajourne ses travaux sine die. Ce que cela veut dire, en pratique, c'est qu'il y a la période des questions, en Chambre, à 15 heures, et que l'on reprendra ici vers 16 heures; bien sûr, cela dépendra surtout de l'Opposition, mais nous ne pouvons pas reprendre vraiment avant 16 heures.

Alors la commission ajourne ses travaux sine die.

(Suspension de la séance à 13 h 34)

(Reprise de la séance à 16 h 13)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire du loisir, de la chasse et de la pêche reprend donc ses travaux qui avaient été suspendus pour l'heure du dîner. Nous commencerons cet après-midi par le mémoire no 32, des neuf nations indiennes du Québec: Abénakis, Algonquins, Attikamèques, Cris, Hurons, Micmacs, Mohawks, Montagnais et Naskapis.

Je pense que M. Max Gros-Louis est ici. Si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent et procéder à la présentation de votre mémoire. Je vous rappelle, comme à d'autres ce matin, que le temps est limité. Afin de rendre justice à tout le monde, veuillez vous en tenir à environ vingt minutes pour la présentation du mémoire pour permettre des questions ensuite. M. Gros-Louis.

Neuf nations indiennes du Québec

M. Gros-Louis (Max): Merci, M. le Président. M. Gerry Pelletier à ma gauche, un Mohawk d'Oka. Il y a une chose à déplorer, c'est qu'il ne parle que l'anglais. C'est dommage que nous n'ayons pas eu la traduction, parce qu'il y a beaucoup d'Indiens qui parlent seulement l'anglais, comme seconde langue, bien entendu. On avait pensé présenter nos mémoires en indien, mais on s'est dit qu'il n'y aurait pas beaucoup de monde qui comprendrait. Alors, je vais présenter le mémoire en français et, si on a des questions à poser en anglais, M. Pelletier pourra y répondre.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, je voudrais prendre cette occasion pour remercier les membres de la commission parlementaire de nous permettre de présenter notre mémoire au nom des neuf nations du Québec. Quand je parle des neuf nations du Québec, je parle des Abénakis, Algonquins, Attikamègues, Cris, Hurons, Micmacs, Mohawks, Montagnais et Naskapis qui regroupent environ 37 000 Indiens du Québec.

C'est pour moi un grand honneur et privilège de parler au nom de mes frères et soeurs autochtones et de vous présenter nos problèmes en ce qui concerne les droits de chasse, de pêche et de trappage. Une de nos préoccupations majeures est l'empiétement sur nos droits aborigènes de votre Loi sur la conservation de la faune. La reconnaissance et l'acceptation auprès de tous les gouvernements non autochtones pour nos droits de chasse, de pêche et de trappage sont attendues depuis longtemps. Nous avions espéré qu'une préoccupation d'une telle importance aurait du être abordée avec des résultats positifs.

Dans le passé, nous avons présenté divers mémoires et déclarations aux différents comités des gouvernements provincial et fédéral. Ces mémoires traitaient des questions de chasse...

M. Chevrette: M. Gros-Louis, nous allons permettre immédiatement à Mme Louise Mercier d'être interprète auprès de M. Pelletier. D'accord? Donc, il pourra vous entendre dans sa propre langue.

M. Gros-Louis: Si vous le permettez, on a quand même présenté notre mémoire en français et en anglais. Je crois qu'on va le lire au complet. On posera les questions après. Durant qu'on le lit, il pourra certainement suivre en anglais sur sa copie. Merci beaucoup.

Ces mémoires traitaient des questions de chasse, de pêche, de trappage, ainsi que

d'autres mémoires qui ont produit peu sinon aucun résultat positif. Pour la grande majorité des nations indiennes du Québec, la chasse, la pêche et le trappage sont essentiels à leur survie. La chasse, la pêche et le trappage sont un style de vie et, en tant que tels, sont pratiqués à l'année longue dans tous les territoires et les eaux du Québec. Nos activités traditionnelles sont fondées sur nos droits aborigènes d'utiliser et d'habiter les territoires de nos ancêtres. Ces droits nous procurent un moyen de continuer notre pratique traditionnelle et sont une expression concrète de notre héritage indien.

Par conséquent, si le gouvernement du Québec impose des restrictions sur les droits de chasse, de pêche et de trappage des nations indiennes du Québec, c'est un refus catégorique de nous accorder nos droits à un style de vie important. Depuis toujours, nous, les neuf nations indiennes, avons utilisé et habité ce territoire. Notre culture est parmi les plus anciennes et les plus nobles du monde. Nous adhérons depuis toujours aux directives originales du Créateur dans cet endroit que nous appelons notre terre. Nous sommes les fidèles gardiens spirituels de notre territoire. Un de nos principes de base est l'utilisation et la protection du travail du Créateur, c'est-à-dire la chasse, la pêche et le trappage.

La Loi sur la conservation de la faune prévoit l'interdiction de la chasse et de la pêche pendant certaines saisons. Elle impose des restrictions et des limites sur la possession du poisson et du gibier. En plus, ladite loi établit des conditions restrictives pour la chasse et la pêche à l'intérieur de certaines catégories de territoires au Québec.

Les Indiens du Québe", en tant que nations souveraines, ont indiscutablement un statut privilégié quant à leurs droits de chasse, de pêche et de trappage. Ces droits des nations indiennes du Québec doivent inclure mais ne sont pas limités aux principes suivants: 1) le droit de chasser, pêcher et piéger en tout temps de l'année; 2) le droit de chasser, pêcher et piéger dans tous les territoires du Canada; 3) le droit d'exploiter du poisson et du gibier par des moyens traditionnels; 4) le droit de transporter, posséder et utiliser du poisson et du gibier; 5) le droit d'exploiter toutes les espèces de la faune; 6) le droit d'utiliser personnellement et communautairement du poisson et du gibier; 7) le droit de faire des échanges de cadeaux ou des échanges de poisson et de gibier entre les nations indiennes.

Depuis l'arrivée des Européens et leur régime d'oppression, la Loi sur les Indiens et, par la suite, des conventions et traités illégaux ont été imposés sur les premières nations indiennes. Nous avons été témoins d'un processus graduel de négation et de dérogation de nos droits d'une façon délibérée, processus qui cherche à abolir nos droits aborigènes, nos privilèges et notre héritage tels que légués par le Créateur. Ceci est une tentative de génocide. L'histoire a démontré que ce processus insidieux n'a pas détruit l'Indien et que des crimes aussi atroces se sont avérés dommageables, mais n'ont pas réussi à nous détruire. Nous sommes des nations qui ont la souveraineté et des droits et nous avons, de plus, le droit de faire des représentations particulières dans le domaine de la chasse, de la pêche et du trappage, lequel est un de nos droits inhérents.

Je voudrais affirmer que les droits aborigènes des Indiens de chasser et de pêcher ont été reconnus et confirmés par la couronne britannique par proclamation royale en 1763. Elle est annexée à l'endos du document. En tant que tels, ces droits aborigènes sont des droits réels reconnus par la loi britannique et ils existent encore en faveur des Indiens parce que la proclamation royale de 1763 a la valeur juridique d'un statut parlementaire et n'a jamais été révoquée. Enfin, le Conseil privé a décidé que la préoccupation des Indiens dans les territoires prévus par la proclamation de 1763 est "une préoccupation autre que celle de la province", selon la signification du chapitre 109 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Donc, il est nécessaire de conclure que la nature juridique de cette loi aborigène est celle d'un droit "in re" accordant aux Indiens un titre légal partageant ainsi le droit à la propriété du territoire et conférant un droit aux Indiens de récolter de cette terre les produits de la chasse et de la pêche et d'en disposer à leur gré. Ce droit indien, étrangement semblable à la servitude perpétuelle du droit commun, "accable" toujours l'ensemble du territoire actuel du Québec.

Malgré ce qui précède, le gouvernement du Québec, par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et la Loi sur la conservation de la faune, a souvent et continue toujours de poursuivre les Indiens pour des supposées infractions à la loi provinciale relative à la chasse et à la pêche. Des procédures juridiques ont été intentées contre les Indiens sans tenir compte de l'endroit où ces supposées infractions ont été commises, qu'elles soient sur le territoire ou non. De plus, cette dernière observation nous permet de constater l'urgence du problème parce qu'il y a des bandes qui ne possèdent ni réserve ni propriété privée. Ces bandes sont considérées par les autorités provinciales comme étant complètement assujetties à la loi provinciale, tout comme n'importe quel citoyen du Québec.

Ce mémoire espère atteindre plusieurs objectifs, telle la reconnaissance du statut

particulier des Indiens de cette province, qu'ils aient une réserve ou non, et qui sera ratifié par la loi; un arrêt des procédures juridiques pour des supposées infractions aux lois et règlements provinciaux sur la chasse et la pêche; le retrait des procédures juridiques déjà intentées contre les Indiens à cet égard et, particulièrement, un traité entre le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, d'une part, et les nations indiennes du Québec, d'autre part, lequel traité reconnaîtra le droit des Indiens à chasser et à pêcher dans la province de Québec.

Conclusion. Les nations indiennes du Québec ont indiscutablement un statut privilégié relativement à la chasse et à la pêche, leur mode de vie traditionnel. La loi française, la couronne britannique et les tribunaux l'ont reconnu. D'ailleurs, la province de Québec a même légiféré en rapport avec ce statut et presque tous les traités négociés avec les nations indiennes du Canada l'ont formellement confirmé. Toutefois, la présente est aussi déterminante pour les Indiens que par le passé et on peut se demander pourquoi il y a un traitement différent lorsque ce qui est recherché est un droit que les nations indiennes veulent et désirent exercer.

Quoi qu'il en soit, les nations indiennes du Québec sont d'avis que l'occasion leur est offerte d'affirmer leurs droits. À cette fin, ce mémoire est une démarche importante pour l'établissement du statut précis des nations indiennes du Québec à l'égard de leurs droits et l'adoption des moyens nécessaires pour que leurs droits leur soient reconnus.

En terminant, nous voulons faire les recommandations suivantes. Premièrement, que les droits et titres aborigènes soient reconnus et acceptés, incluant la chasse, la pêche, le trappage et les droits d'exploitation. Deuxièmement, que les règlements de la pêche au Québec, la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi sur la conservation de la faune du Québec ne s'appliquent pas aux nations indiennes du Québec. Troisièmement, que l'expression "excluant les Indiens" soit insérée dans les lois ci-dessus.

Quatrièmement, que toutes procédures légales contre ces Indiens qui ont été arrêtés en rapport avec les lois mentionnées ci-dessus soient retirées. Cinquièmement, que cesse le harcèlement par les agents de la loi à l'égard des Indiens qui sont supposés avoir violé les lois et règlements de la chasse et de la pêche. Enfin, que le gouvernement du Québec honore et respecte les ententes satisfaisantes relatives aux droits de chasse, de pêche et de trappage des nations indiennes du Québec. Merci. Les neufs nations indiennes du Québec.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Gros-Louis. Alors, M. le ministre, vos commentaires et vos questions.

M. Chevrette: Ce sont un peu les mêmes commentaires que j'ai faits à votre ami Simon ce matin que je vais réitérer. Je comprends que vous représentez neuf nations mais, parmi celles-ci, il y en a un bon nombre qui n'ont pas, à ma connaissance, encore exprimé le désir de tenir des discussions aussi globales et fondamentales avec le gouvernement que celles qui ont eu lieu, par exemple, avec les Montagnais et les Attikamègues.

M. Gros-Louis: On doit vous dire ici qu'on a été mandatés par les neuf nations, après avoir eu des réunions, et ce document a été rédigé par les neuf nations.

M. Chevrette: D'accord. Ce que je veux dire, M. Gros-Louis, c'est: Est-ce que vous avez demandé au gouvernement, comme tel, d'avoir des ententes particulières, par exemple, pour vous faire reconnaître des droits historiques, comme le premier ministre l'avait affirmé aux Attikamègues-Montagnais? Est-ce que vous avez fait cette demande précise et formelle au gouvernement du Québec?

M. Gros-Louis: Non. Le gouvernement du Québec n'a pas encore fait de demande aux Indiens. On croit que, présentement, il appartiendrait au gouvernement du Québec de faire des demandes et c'est urgent. Si vous voulez que vos gens aient des droits de chasse et de pêche sur nos territoires, je crois qu'il serait urgent que le gouvernement du Québec entre en communication avec les neuf nations indiennes pour faire cette demande afin qu'on puisse commencer à discuter des endroits où on vous donnera le droit de chasse et de pêche, des endroits où vous pourrez prendre du saumon. On n'a pas encore touché au territoire indien, mais on croit que nous avons encore des droits innés sur le territoire et que présentement le gouvernement du Québec n'a aucun droit de légiférer sur nos territoires et sur les Indiens du Québec. Alors, je suggérerais à M. le ministre - et ce serait urgent - que le gouvernement du Québec demande aux Indiens de venir le rencontrer pour discuter de ces choses.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: Je pense bien que vous allez admettre, cependant, que ce n'est pas au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche d'entreprendre avec les neuf nations des discussions précises. Si ma mémoire est fidèle, cela relève de l'Exécutif même du

gouvernement, de M. Lévesque, lui-même.

M. Gros-Louis: M. le ministre, je suis heureux d'entendre que cela relève directement de l'Exécutif, car on nous a toujours - pour employer un terme anglais -"switchés" à des fonctionnaires qui ont un mandat précis - d'ailleurs, cela a été dit dans le premier mémoire par les Montagnais - et qui, souvent, ne nous reçoivent pas; ne veulent pas nous recevoir et ne peuvent jamais nous donner de réponse. Nous serions sûrement prêts à discuter avec l'Exécutif du gouvernement du Québec.

(16 h 30)

M. Chevrette: De toute façon, je peux vous dire qu'en ce qui regarde mon ministère - je vais vous réitérer ce que je disais à M. Simon ce matin - si jamais vous étiez intéressés à entreprendre des discussions, sans préjudice à des ententes plus globales ou plus précises qui viseraient à vous reconnaître des droits historiques, personnellement, je serais prêt à vous rencontrer pour en définir les cadres de discussion. Je peux vous dire cela. Naturellement, je n'ai pas le mandat d'entreprendre la négociation d'une convention parce que cela ne relève pas de mes pouvoirs comme tels, mais je peux vous dire que je reçois vos doléances et que je les acheminerai à qui de droit, à M. Lévesque lui-même. Je l'ai même avisé durant la période des questions cet après-midi que je lui préparerais un mémoire complet à la suite de l'audition de tous les mémoires des Inuits, Indiens, Cris, Montagnais, etc., de l'ensemble des groupes d'Amérindiens qui se présenteraient devant nous. On lui acheminera un mémoire précis avec les recommandations précises de chacun des groupes.

Je voudrais vous remercier d'avoir témoigné. Je voudrais vous souhaiter entre amateurs de hockey, une excellente saison. Je vous regarde chaque fois et c'est amusant.

M. Gros-Louis: Merci beaucoup. J'espère que les ministres du gouvernement du Québec ne joueront pas aussi mal que les Nordiques ont joué hier.

M. Chevrette: Je m'aperçois que si on pouvait vous compter comme joueur de défense...

M. Gros-Louis: M. le ministre, bien entendu, vous avez remarqué que dans notre mémoire on fait ici mention de lois; on parle de la Convention sur les oiseaux migrateurs, qui est une loi du gouvernement fédéral. Bien entendu, dans les pourparlers, lorsqu'on se rencontrera, on aimerait que ce soit tout de suite un "three part", un comité tripartite...

M. Chevrette: Un triangle.

M. Gros-Louis: ... un comité de trois parties et qu'on ne soit pas obligés de prendre une petite entente ici, de signer un traité ici, qui sera, après cela, ramené à Ottawa. On voudrait discuter avec tous les gens qui sont concernés tout de suite.

M. Chevrette: Avez-vous des démarches de faites déjà avec le fédéral?

M. Gros-Louis: On a commencé un peu, mais, comme je le dis dans le mémoire, cela fait vingt ans que je suis le grand chef de la nation huronne et cela fait vingt ans qu'on fait des démarches; et jamais personne ne prend au sérieux ce qu'on a dit et ce qu'on a demandé. Je dois vous dire que les neuf nations indiennes du Québec sont sérieuses. On a des droits et, pour faire reconnaître ces droits, nous allons les exercer envers et contre tous.

M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bordeleau): Merci.

M. Gros-Louis: Excuse me. Mr Pelletier would like to say something.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. Pelletier.

M. Pelletier (Gerry): Just one more thing I wanted to add to what Chief Gros-Louis has just finished saying. The longer we wait, more and more of our people are being arrested, and the cases are being built up and it creates hardships for our people to keep postponing these cases from time and time again. If nothing does happen, we will start issuing warrants to non Indian people hunting and fishing in our lands. Thank you.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Thank you, Mr Pelletier. M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: M. le Président, en remerciant M. Gros-Louis et ceux qui l'accompagnent du mémoire qui est présenté à la commission, l'Opposition comprend que le mémoire s'adresse aux autorités gouvernementales qui ont actuellement les décisions entre les mains.

M. le Président, je ne voudrais pas que les nations aborigènes s'imaginent qu'en posant moins de questions ou qu'en ne posant pas de questions on méprise ces mémoires; nous constatons très bien la valeur des arguments que vous avancez. Cependant, vu l'exclusion que vous demandez pour l'ensemble du peuple fondateur qui comprend l'ensemble des nations aborigènes, notre

formation politique avait décidé de faire l'étude des mémoires qui, aujourd'hui, seront présentés. Étant donné que c'est une section très spéciale, dont certaines demandes peuvent être incluses dans la loi, mais que cela ne touche pas de la même façon les nations indiennes, que cela les touche peut-être plus profondément, on voudrait que certains spécialistes en la matière, à la suite des informations supplémentaires que vous donnerez à cette commission, en fassent l'étude pour nous permettre de porter un meilleur jugement et de donner au ministre les informations que l'Opposition voudra bien lui fournir à ce moment.

La seule chose sur laquelle je pourrais insister à ce moment-ci, étant donné l'intervention supplémentaire qui vient d'être faite par M. Pelletier, est la suivante. Si le ministre, qui n'est pas le ministre de la Justice, peut quand même, pour adoucir les négociations qui s'en viennent avec l'ensemble des nations aborigènes, faire en sorte que son collègue soit invité à regarder ce dossier attentivement et satisfaire une partie de la réclamation qui est transmise par M. Pelletier, nous l'invitons à regarder cette question de plus près. Mais, je ne voudrais pas que vous pensiez que, si nous ne posons pas de questions supplémentaires, comme nous l'avons fait à différents groupes d'intervenants au sujet de la conservation de la faune, s'est par dérision à l'endroit des mémoires. C'est parce que c'est un problème très particulier qui concerne toutes les nations aborigènes: des droits que vous revendiquez comme peuple fondateur, que vous mentionnez et que décrivez très bien. Nous allons les soumettre aux spécialistes de notre caucus afin que le parti ministériel soit pressenti de la position que nous voudrions adopter.

M. Chevrette: De mon côté, je peux...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre.

M. Chevrette: ... confirmer que j'ai pris l'engagement, moi aussi, d'acheminer à chacun des ministres concernés un mémoire particulier qui tiendra compte de l'ensemble des mémoires. Soyez assurés de cela.

M. Gros-Louis: Je tiens à vous remercier...

Le Président (M. Bordeleau): M. Gros-Louis.

M. Gros-Louis: ... M. le député, de la mention que vous avez faite. Ce n'est pas souvent qu'on se fait dire qu'on est un peuple fondateur. On a toujours entendu dire que les peuples fondateurs, c'étaient les deux peuples immigrants: les Français et les

Anglais. Alors, merci beaucoup.

M. Mailloux: C'est parce que ma famille est arrivée ici très tôt, vers l'année 1700. Elle a eu la chance de connaître, dans le temps, le peuple fondateur.

M. Gros-Louis: Si vous le permettez, vous étiez là dans le temps de Champlain, celui qui a fait le premier "trading post".

M. Mailloux: Des ancêtres.

M. Gros-Louis: Oui. Vous voyez qu'on était déjà reconnu comme une nation. Si on n'avait pas échangé ces poissons, ces fourrures et ces viandes sauvages, vous ne seriez peut-être pas là parce qu'ils seraient tous morts.

M. Mailloux: Nos ancêtres seraient disparus.

M. Gros-Louis: Alors, ce qu'on vous demande, c'est encore la reconnaissance de ces droits qu'on avait comme nation. Bien entendu, vous allez voir, dans d'autres mémoires qui vont suivre, qu'on veut se gouverner nous-mêmes et qu'on est aussi capables de faire des lois sur la conservation de la faune qui seront appliquées rigoureusement.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Max Gros-Louis.

M. Gros-Louis: Merci beaucoup de nous avoir entendus.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous invite donc à demeurer assis pour le prochain mémoire qui est celui du Conseil de bande de la réserve indienne de la nation huronne. Comme il y a de nouvelles personnes avec vous, vous pourriez peut-être nous les présenter, M. Gros-Louis?

Conseil de bande de la réserve indienne de la nation huronne

M. Gros-Louis: Certainement. Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais vous présenter celui qui va lire le mémoire, qui est l'assistant du Grand chef des Hurons, M. Denis Picard, et le président du comité de chasse, de pêche et de trappage des Hurons, M. Pierre Gros-Louis.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. Picard.

M. Picard (Denis): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, c'est pour moi un grand honneur et privilège de parler au nom de mes frères et soeurs Hurons et de vous

présenter nos problèmes en ce qui concerne les droits de chasse, de pêche et de trappage. Une de nos préoccupations majeures est l'empiétement sur nos droits aborigènes de votre Loi sur la conservation de la faune. Le respect et la non ingérence sur tous les gouvernements non-autochtones de nos droits de chasse, de pêche et de trappage sont attendus depuis longtemps. Nous avions espéré qu'une attitude d'une telle importance aurait dû être primordiale pour tout gouvernement.

Dans le passé, des organismes indiens ont présenté divers mémoires et fait des déclarations aux différents paliers des gouvernements provincial et fédéral. Ces mémoires traitaient de chasse, de pêche et de trappage, ainsi que d'autres mémoires qui ont produit peu, sinon aucun résultat positif.

Les Hurons, conscients des torts causés à la nation, réclament que le gouvernement québécois respecte le statut précis de la nation huronne. Pour nous, Hurons, notre vie sociale, culturelle et économique est basée sur la chasse, la pêche et le trappage. C'est aussi un style de vie qui, en tant que tel, est pratiqué à l'année longue dans tous les territoires et les eaux du Québec. Nos activités traditionnelles sont fondées sur nos droits aborigènes d'utiliser et d'habiter les territoires de nos ancêtres. Ces droits nous procurent un moyen de continuer notre pratique traditionnelle et sont une expression concrète de notre héritage indien.

Par conséquent, quand le gouvernement du Québec impose des restrictions sur les droits de chasse, de pêche et de trappage de la nation huronne, c'est un refus catégorique de nous accorder nos droits à un style de vie important et à notre survivance sociale, culturelle et économique. Depuis toujours, les Hurons ont utilisé et habité le territoire. Notre culture est parmi les plus anciennes et les plus notables du monde. Nous adhérons, depuis toujours, aux directives originales du Créateur dans cet endroit que nous appelons notre terre. Nous sommes les fidèles gardiens spirituels de notre territoire. Un de nos principes de base est l'utilisation et la protection du travail du Créateur, c'est-à-dire la chasse, la pêche, le trappage et les activités qui y sont reliées.

Les autochtones indiens vivant à l'intérieur de l'actuelle province de Québec ne peuvent et ne doivent en aucun cas être perçus comme formant une ou plusieurs minorités, au même titre que celles dont les membres sont arrivés plus récemment sur ce territoire. Ce sont, en effet, les descendants des hommes et des femmes qui, il y a au-delà de 7000 ans et même plus, dès que la fonte des glaciers et l'assèchement des sols le permirent, ouvrirent le Québec à l'occupation humaine et en assurèrent durant au-delà de 7 millénaires et même plus l'exploitation et la conservation. Plutôt que de promouvoir la protection et le développement des cultures autochtones, le gouvernement québécois devra s'engager à régler le très lourd contentieux politique autochtone dans l'honneur, la justice, la dignité et le respect des droits collectifs.

Voici un bref historique de la bande des Hurons de Lorette. Période précédant l'arrivée des Européens. Les explorateurs, les congrégations religieuses, les notaires, les historiens et les archéologues sont loin d'avoir tout dit au sujet des tribus amérindiennes. Ce qu'ils en savent très précisément date de la période où ils sont arrivés en Amérique. Les Indiens hurons Wendat en langue huronne occupaient originalement avant l'arrivée des premiers Européens en Amérique un vaste territoire. Le mode de vie pratiqué par les Indiens d'alors consistait en une vie nomade. Les Indiens d'alors jouissaient de la liberté fondamentale de parcourir, à leur gré, de vastes territoires pour s'installer, de temps à autre, aux endroits les mieux adaptés pour le développement de la bande individuelle.

Période de 1534 à 1650. Aux environs de 1534, la population huronne était d'environ 200 000 membres. Plusieurs épidémies successives apportées par les Européens abaissent la population des Indiens hurons à quelques milliers. Vers 1650, durant ce temps, l'occupation du territoire par les Indiens hurons s'avérait de moins en moins dense, à mesure que la population des Indiens décroissait.

La dispersion de 1650. Un groupe de 300 Hurons, se voyant confronté à ces problèmes majeurs, décida de quitter la baie Géorgienne pour venir s'installer à la limite nord-est de son territoire ancestral. Les Indiens occupant actuellement la réserve de Lorette proviennent directement de ces 300 Hurons. Après 1650, ces Hurons n'ont occupé qu'une partie du vaste territoire qui était jadis occupé par la grande nation huronne. (16 h 45)

Période de 1651 à 1667. En 1651, l'arrivant européen était en pleine campagne de lotissement. Les concessions et les seigneuries étaient alors distribuées par les Français sans même qu'ils aient eu le respect de demander aux premiers occupants du pays l'autorisation de s'y implanter. C'est en 1651 qu'apparut pour la première fois l'idée de parquer dans les réserves, territoires confinés, les Indiens vivant aux alentours de la région de Québec. En cette année 1651, la Compagnie de la Nouvelle-France, dans le désir de parquer les peuples errants, soit la nation huronne, iroquoise et toutes les autres nations, de la Nouvelle-France octroyait aux Hurons la seigneurie de Sillery. L'année 1667 marqua de nouveaux déboires pour les Hurons de Lorette. A la suite de plusieurs actes illégitimes et illégaux, les Hurons furent dépouillés une

autre fois de leurs possessions.

Période de 1667 à 1699. L'année 1669 marqua la fin de la possession de la concession de Sillery par les Indiens hurons. Les Jésuites, sous prétexte que les Hurons n'occupaient plus cette concession, passèrent un acte qui permit de reprendre la concession qui avait été octroyée aux Indiens huit ans auparavant. Comment peut-on à la fois donner et enlever à un groupe ce qui lui appartient de droit comme premier occupant? Le vrai prétexte de cette transaction, selon Léon Gérin, (référence: Royal Society of Canada, Proceedings and Transactions, Second Série, Vol. VI) était que les colons français requéraient ces terres pour des fins agricoles.

En comparant les conditions de vie des Hurons avant l'arrivée des Français en Amérique avec les conditions qui ont existé pour les années 1534 à 1669, du statut de possesseurs et propriétaires du territoire essentiel à leur survie, à la chasse, à la pêche, à la trappe et à l'exploitation, en l'espace de 150 années le statut de l'Indien a été ramené à celui d'un individu ne pouvant occuper que les terres incultes ou celles qui ne sont pas occupées par le citoyen français.

Période de 1699 à 1742. Les Hurons se virent confinés à résider sur des terres incultes aux alentours de la réserve actuelle de Lorette.

Période de 1742 à 1897. Durant cette époque, les Indiens de Lorette durent abandonner une partie importante de ce qui était leurs habitudes ancestrales. La culture, qui était une des bases fondamentales de la société huronne, dut être oubliée car les terres avoisinant la région de Lorette étaient très pauvres. Afin de pallier ce manque entre les années 1742 et 1900, les Hurons de Lorette intensifièrent leurs activités de chasse, de pêche et de trappage.

Le statut d'alors des Hurons vis-à-vis du gouvernement canadien était celui d'un habitant qui pouvait utiliser les terres de la couronne pour ses besoins, sans qu'aucune loi québécoise ne définisse exactement le droit de ces occupants. Il appert, du consensus qui se dégage de ces lois, qu'on permettait aux Hurons d'occuper les terres de la couronne, sans en être, toutefois, propriétaires parce qu'ils en avaient été dépouillés. 1897 marqua le début de l'existence de la réserve faunique du parc des Laurentides. Parce que les lois québécoises refusaient systématiquement de respecter les droits ancestraux des Indiens, le gouvernement du Québec n'a pas cessé de harceler les Hurons de Lorette et de les empêcher d'utiliser leurs territoires ancestraux de chasse et de pêche. Ces harcèlements ont pris la forme de poursuites judiciaires, d'intimidations et de menaces, de destruction des caches à nourriture et abris des Indiens. Le moins que l'on puisse dire est que le genre de traitement infligé par les représentants (gardes-chasse, fonctionnaires provinciaux, politiciens) d'une société dite civilisée à l'endroit des Indiens manqua à cette période totalement de respect, et il en est ainsi au moment où je vous présente ce mémoire. Ce n'est pas inclus dans le texte, mais on peut se demander parfois de quel côté sont les sauvages.

Si l'on compare le statut des Indiens de notre époque à celle la précédant, on se rend compte que, du statut d'occupant toléré sur les terres de la couronne, l'Indien est devenu un hors-la-loi. Cependant, dans toutes les causes présentement devant les tribunaux, aucun Huron n'est accusé d'avoir enfreint les règles de conservation de la nature, selon les us et coutumes huronnes. Il est, par exemple, accusé de ne pas être détenteur du permis de chasse ou de pêche de la majorité "ingérente". Quelque vingt causes ont été entendues et les Hurons ont eu à se déplacer dans les districts de Mont-Laurier, La Malbaie, l'Estrie etc. Ces causes ont occasionné du stress pour ces individus, des dépenses et des déplacements inutiles parce que, finalement, tous les Hurons qui ont été accusés ont été acquittés. D'ailleurs, ces jugements ont été mal interprétés ou mal compris aussi par nos journalistes.

L'Indien huron tient à faire remarquer que, durant toutes ces années, il n'a pas cessé d'aider les Européens en leur apportant ses connaissances géographiques du territoire, en guidant l'homme blanc où il devait se rendre et en risquant sa vie pour combattre à côté des Français. Pour tous ces bénéfices, le gouvernement du Québec, depuis des décennies, n'a pu exprimer sa reconnaissance envers l'Indien huron qu'en refoulant l'Indien dans sa réserve et en ignorant tous les droits ancestraux des Hurons de Lorette. De plus, le Huron n'est reconnu par le gouvernement québécois que lorsqu'il sert de guide et d'esclave pour les sportifs. Aussitôt qu'il s'affranchit, il est restreint dans ses propres droits et même il devient un hors-la-loi.

Vous trouverez donc, ci-après, des propositions sous forme de recommandations de la Nation huronne concernant la chasse, la pêche, le trappage, ainsi que les activités qui y sont reliées. Afin que ses membres puissent pratiquer leurs activités ancestrales de chasse, de pêche, de trappe ou de cueillette et qu'ils puissent graduellement reprendre contact intimement avec leurs origines, la Nation huronne recommande: 1) Qu'un territoire permettant à la Nation huronne de pratiquer ses activités ancestrales, soit la chasse, la pêche, la trappe et la cueillette, soit défini et reconnu mutuellement par traité comme étant la propriété des Hurons et que seuls les membres de cette nation bénéficient de l'usage de ce territoire. 2) Que le gouvernement du Québec respecte les

règlements relatifs à la conservation de la faune élaborés par les Hurons. 3) Que le gouvernement du Québec respecte le droit des Hurons de chasser, pêcher et trapper partout au Québec et en tout temps. 4) Que toutes les procédures judiciaires instituées et intentées contre les Hurons et se rapportant à la chasse, la pêche et la trappe soient retirées.

Motifs qui incitent les Hurons à faire respecter leurs droits de chasse, de pêche et de trappe. Les raisons qui justifient les Hurons de faire respecter leurs droits s'inspirent autant des notions d'équité qu'au point de vue plus strict, de la justice.

Raisons faisant appel à l'équité. L'étude des rapports entre Européens et Hurons depuis l'arrivée des premiers Français en Amérique démontre clairement que les Hurons ont été dépossédés graduellement de leurs territoires sans aucune compensation. De plus, l'étude de ces rapports, Européens versus Hurons, démontre que la collaboration et les services ont été rendus presque à sens unique. L'Indien a apporté ses expériences de vie en forêt, (la survie des premiers Blancs) et ses connaissances de la géographie du pays (les Hurons ont servi de guides aux explorateurs). Le Huron a même risqué sa vie en combattant aux côtés des Français. En retour, les Français n'ont pas respecté le droit aux terres que nous occupons depuis toujours et nous ont fait chasser de tous les lieux qui nous permettaient de garder contact avec nos origines et nos coutumes.

En ce qui concerne les considérations d'ordre social, il faut remarquer que l'entrave érigée par le gouvernement québécois concernant la chasse, la pêche et la trappe a modifié considérablement le mode de vie ancestral des Indiens, qui consistait à mener une vie nomade en parcourant, à leur gré, de vastes territoires pour s'installer de temps à autre aux endroits convenant le mieux au développement individuel de chaque groupe d'individus. Ceci a brimé la liberté fondamentale des Indiens de circuler dans toutes les forêts du Québec, peu importe la période de l'année.

En ce qui concerne les considérations qui s'inspirent de la justice et du droit, le contentieux autochtone est d'une transparence indiscutable. Il renvoie à des prétentions territoriales fondées sur l'ancienneté de l'occupation, de l'utilisation et de l'exercice d'une souveraineté certaine. De tels droits furent confirmés par une clause que la France avait inscrite dans l'acte de capitulation de Montréal, clause reprise en 1763 dans la proclamation royale émise par la couronne britannique. Les couronnes française et anglaise n'étaient pas strictement tenues d'inclure de telles clauses garantissant des droits aux autochtones. Si elles l'ont fait, c'est que l'existence de ces droits ne devait soulever aucun doute pour personne.

Dans ce dossier, la majorité francophone ne doit pas se limiter ou limiter sa perception à des erreurs historiques à redresser, encore moins à une reconnaissance de droits en vue de les mieux éteindre. Si le contentieux politique se doit d'être réglé de façon positive, c'est parce qu'un tel règlement demeure la condition fondamentale à la conservation de la culture et au développement de la Nation huronne. Le gouvernement du Québec ne peut envisager de légiférer sur la culture et le développement d'un autre peuple, mais doit s'engager dans la mise en place d'un protocole d'assistance technique, économique et culturelle établi entre deux partenaires égaux et souverains.

Par l'obtention du respect de leurs droits, les Hurons n'entendent pas céder, renoncer, abandonner et transporter par les présentes toutes leurs revendications, leurs droits, leurs titres et intérêts autochtones, quels qu'ils soient.

Mesdames et messieurs du gouvernement, cessez de tourner autour du pot. Avant d'imaginer quelque mesure que ce soit pour, prétendument, protéger et développer la langue et la culture autochtones, il faut s'attaquer de plein fouet au contentieux politique, sinon, toutes vos générosités seront suspectes, coûteuses, inefficaces et inutiles. Nous refuserons toute convention fondée sur l'extinction de nos droits. Cela ne signifie pas qu'on veuille refouler la présence de l'influence blanche et qu'on soit contre le progrès. Bien au contraire, nous voulons nous faire un avenir valable. Mesdames et messieurs, tant que vous ne réglerez pas le contentieux avec les autochtones sur la base de l'égalité réciproque, aucun de nous ne pourra se définir parfaitement comme peuple. Merci.

Le Président (M. Perron): Merci, M. Gros-Louis. M. le ministre.

M. Chevrette: Tout d'abord, je disais tantôt que, pour fins de négociations, de reconnaissance de droits historiques, c'était au premier ministre lui-même qu'il fallait adresser la demande de négociation. Il a un organisme mis sur pied qu'on appelle le SAGMAI, à qui il confie des mandats, bien sûr. Mais, c'est le premier ministre, en tant que tel, qui en est responsable.

En ce qui regarde le rôle du MLCP, du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, on peut négocier des ententes ad hoc, sans préjudice aux négociations d'ententes particulières qui relèvent du premier ministre lui-même. En ce sens, il est loisible à mon ministère, pour des cas particuliers, d'en venir à des ententes particulières, mais pour la reconnaissance de droits historiques ou

ancestraux, comme vous le mentionnez, cela relève non pas de la compétence du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, mais de l'Exécutif qui est représenté par M. Lévesque.

J'aimerais bien discuter avec vous. Ce serait peut-être très intéressant qu'on puisse faire une demi-heure de discussion uniquement sur la notion de droits. Vous savez combien ça fait de temps qu'on discute de ces droits et, si quelqu'un le sait, vous le savez encore bien mieux que moi. Vous pourriez me sensibiliser sans doute longuement à tout ça, mais je pense que j'ai pris l'engagement, comme je l'ai dit tantôt au groupe qui vous précédait, d'acheminer vos revendications au premier ministre lui-même. J'ai pris l'engagement de lui préparer un mémoire spécifique présentant les commentaires que vous avez émis aujourd'hui et, si jamais vous jugez que des ententes particulières ad hoc, sans préjudice à une entente sur la reconnaissance des droits historiques, pourrient être conclues entre mon ministère et votre groupe, il me fera plaisir de vous rencontrer et d'établir un cadre de discussion. Mais, comme je le dis, la reconnaissance de droits historiques relève directement du cabinet du premier ministre.

Je vous remercie d'avoir témoigné, de nous avoir sensibilisés et soyez assurés que vos demandes seront acheminées vers la bonne filière, bien précise, que vous connaissez.

M. Picard: Est-ce que je pourrais vous poser une question, M. le ministre, s'il vous plaît?

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Picard.

M. Chevrette: Oui.

M. Picard: Nous sommes en commission parlementaire pour l'étude d'un avant-projet de loi qui affectera les chasseurs et les pêcheurs. Je voudrais savoir si vous avez l'intention, à partir de la loi, de venir en contradiction avec l'émission des permis faite par les gouvernements indiens? C'est-à-dire que, dans votre avant-projet de loi, pour chasser et pêcher, l'individu ou le citoyen québécois devra se procurer un permis. Les gouvernements indiens émettent présentement des permis. Je voudrais savoir si votre projet de loi obligera les Indiens à se conformer à votre loi? (17 heures)

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: Je ne peux pas présumer ce qu'il y aura dans le projet de loi parce que c'est l'Opposition qui me ramassera. Au moment où l'on se parle, il y a une loi qui existe, d'accord? Si je fais des audiences publiques, c'est précisément en fonction d'élaborer un projet de loi qui sera déposé sans doute après les fêtes, à la reprise de la nouvelle session. Mais au moment où l'on discute, il y a eu des documents de travail qui ont circulé à gauche et à droite, c'est vrai. L'Opposition a appelé cela un avant-avant-projet de loi; elle a le droit d'appeler cela comme elle voudra. Moi, je considère que ce sont des documents de travail qui ont circulé; je ne peux pas présumer ce qu'il y aura dans le projet de loi. Il est évident qu'en ce qui me concerne, je suis lié par la "Loi de la magistrature", en ce sens que je devrai édicter les règles de fonctionnement pour l'ensemble des citoyens du Québec, oui, je pense bien. Est-ce que ce que vous me demandez spécifiquement... Par exemple, je suppose qu'il y ait un permis signé de la main de M. Max Gros-Louis. Si la loi était édictée, stipulant que chaque citoyen du Québec, de quelque nationalité qu'il soit, doit détenir un permis - et je suppose que la loi dise cela - effectivement, vous contreviendriez à la loi, c'est vrai, je suis obligé d'être franc avec vous, cela ne me sert à rien d'être menteur. Je suppose que c'est dans ce sens que vous me posiez la question.

M. Picard: C'est cela.

M. Chevrette: Mais comme je vous le dis, le projet de loi sera déposé aux alentours de mars, avril, quelque chose du genre. Probablement qu'il y aura... J'ai pris un engagement aussi hier matin parce que ces messieurs et dames m'ont reposé des questions régulièrement. Ils m'ont demandé si je m'engageais à reconsulter les gens lorsque le projet de loi serait rédigé. J'ai dit qu'il y aurait sans doute une consultation qui pourrait ne pas être aussi élargie, qui serait sélective, mais qu'il y aurait une deuxième consultation.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va? M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: M. le Président, les remarques que je faisais précédemment quant au mémoire qui a précédé s'appliquent également à celui-là. Je voudrais par contre poser une couple de courtes questions. Il a été question d'une multitude de plaintes qui ont été portées à l'endroit des nations aborigènes. On a parlé d'une multitude. Est-ce qu'on me dirait, d'abord, dans un premier temps, le nombre de plaintes, le nombre de celles qui sont réglées et le nombre de celles qui sont en suspens? Approximativement.

M. Gros-Louis: Est-ce que vous parlez des Hurons seulement?

M. Mailloux: Les nations aborigènes.

M. Gros-Louis: À travers le Québec, il a été fait mention d'au moins 200 plaintes tout à l'heure, avec le Montagnais. Vous en retrouverez tout à l'heure probablement dans le mémoire des Cris. Ici, on en avait une trentaine et pas seulement des... On a déclaré les infractions, on intente des poursuites et on a été obligé d'aller en cour. Il était censé y avoir un moratoire, mais on ne l'a jamais appliqué aux Hurons. C'est une question qu'on aurait aimé poser, mais on n'est pas pour aller dans tous les petits détails; on l'a appliqué pour certaines bandes indiennes, mais on a oublié de l'appliquer pour les Hurons qu'on poursuivait en cour.

M. Mailloux: Est-ce que vous diriez qu'il y a eu plusieurs centaines de plaintes qui ont été portées contre l'ensemble des aborigènes?

M. Gros-Louis: Oui, oui, plusieurs centaines de plaintes.

M. Mailloux: Est-ce que la nature de plaintes portées vise des infractions dont se rendent coupables mes concitoyens blancs, dont on a eu une démonstration assez particulière hier soir par les SACERF, ou si ce sont des plaintes qui sont portées parce qu'un aborigène n'aurait pas de permis de pêche suivant la loi actuelle, pas de permis de piégeage ou autre, émis pour l'alimentation des Indiens?

M. Gros-Louis: Pour les Hurons, on doit vous dire qu'aucune plainte n'a été portée pour des gens qui auraient fait du braconnage, comme vous l'appelez, qui auraient tué beaucoup de gibier, qui en auraient laissé perdre ou qui en auraient vendu, aucune! Les seules plaintes portées, les seules causes qui ont été amenées en cour, c'est tout simplement parce qu'on ne respectait pas le permis émis par la nation huronne...

M. Mailloux: Que vous contestez d'ailleurs.

M. Gros-Louis: Exactement.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose, M. Picard?

M. Picard: Oui, c'est une question.

Le Président (M. Bordeleau): C'est une question, vous pouvez y aller; est-elle adressée au député de Charlevoix? Non?

M. Picard: Non.

Le Président (M. Bordeleau): Non. C'est lui qui avait la parole, mais je peux la changer.

M. Picard: Non. C'est à M. le ministre.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Picard, allez-y.

M. Picard: Je ne veux pas accuser le gouvernement actuel d'avoir pris des décisions qu'il n'a pas prises, parce que dans le temps c'étaient des libéraux qui étaient au pouvoir. On siège à une commission parlementaire, qui a pour objectif de protéger l'habitat. Je trouve qu'elle aurait dû arriver avant le développement des travaux de la Baie-James. On aurait alors pu épargner beaucoup de territoires et beaucoup d'habitats. Ma question est la suivante: Sur les territoires indiens, existent-ils des habitats pour les animaux? Je souhaite que la loi ne vienne pas, encore une fois, empiéter sur nos territoires, comme le fait la loi no 101, par exemple.

M. Chevrette: Je vais vous retourner une question, M. Picard. Est-ce à dire que vous n'aimeriez pas qu'une loi vienne renforcer la protection de vos propres habitats?

M. Picard: Je crois que nos gouvernements sont capables de protéger les habitats des animaux.

M. Chevrette: D'accord, si c'est dans ce sens; c'est que je comprenais mal que vous ne soyez pas en faveur de la protection des habitats, c'est pour cela.

M. Picard: Absolument.

M. Chevrette: Je saisis mieux maintenant.

M. Gros-Louis: II y aurait un point que j'aimerais vous rappeler. Il s'agit de l'historique et les gens l'oublient. Vous trouvez peut-être que nos mémoires sont directs. On doit vous dire une chose, vous vous rappelez que vous n'avez jamais voulu notre participation. Vous n'avez jamais voulu qu'on soit citoyens canadiens, qu'on soit citoyens québécois. N'oubliez pas que tout ce que les Hurons possèdent, comme pays, c'est un quart de mille par un demi-mille pour 1200 personnes. Je ne sais pas si on restreignait les... C'est vrai que la province de Québec est toute petite et qu'elle est toute peuplée dans son ensemble, il y a des villes partout, il n'y a plus de place pour les Indiens, cela doit être pour cela, que l'on nous accorde seulement un quart de mille par un demi-mille.

On doit aussi vous dire que vous n'avez

jamais voulu qu'on fasse partie de votre gouvernement. Vous nous avez défendu de voter; on a le droit de vote au Québec depuis douze ans seulement, droit, d'ailleurs, qu'on n'a pas accepté, et qu'on n'utilise pas, parce que vous nous l'avez donné peut-être un peu tard. Maintenant on est content que vous nous ne l'ayez pas donné, parce qu'on aurait été assimilés, probablement. C'est pour cela qu'on veut revenir dix ans en arrière, vous nous considériez alors comme une nation, et on veut que cela recommence. On est une nation, et on veut traiter avec vous comme nation. Il y a aussi, une autre chose, qui nous a été défendue partout au Canada; on n'a pas eu plus le droit de vote au Canada, bien entendu, peut-être il y a quelques années, avant qu'on accorde le droit de vote aux femmes. N'oubliez pas, que les Indiens n'avaient pas le droit de s'inscrire à l'université jusqu'en 1954.

Si on n'a pas voulu qu'on soit citoyens canadiens, si on n'a pas voulu qu'on participe au développement du grand pays qui est le Canada, qu'on participe au profit, qu'on nous laisse au moins la base de notre culture, la chasse, la pêche et le piégeage. On est capable de faire des lois qui vont protéger ce gibier. Ainsi nos gens pourront pouvoir vivre aussi de toutes ces choses. On pourra probablement avoir des pourvoyeurs, qui seront capables d'être de bons pourvoyeurs connaissant très bien la chasse et la pêche.

C'est seulement pour vous rappeler ces trois étapes: On n'a pas eu le droit de participer au gouvernement du Québec, pour défendre les droits des Indiens; on n'a pas eu le droit de participer au gouvernement du Canada et on n'a même pas le droit de s'instruire. Si tout cela nous a été défendu dans un pays libre, un pays civilisé, comme disait, M. Picard, tout à l'heure, de quel côté sont les sauvages? Ce qu'on vous demande, messieurs, mesdames, aujourd'hui c'est de respecter les droits originaux des Hurons. Quand on discutera avec vous, on discutera définitivement comme une nation avec une autre. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bordeleau): Merci M. Gros-Louis.

J'appellerai le prochain groupe. Il s'agit de l'Alliance laurentienne des Métis et Indiens sans statut Inc., soit M. Fernand Chalifoux, président et M. Claude Riel-Lachapelle. Je leur demanderais de s'approcher. Avant de vous donner la parole, comme je constate que votre mémoire est assez volumineux, et comme on avait raison d'en parler il y a quelques minutes aussi, je souhaiterais que vous puissiez le résumer ou peut-être ne pas le lire au complet, vous en tenir à l'essentiel, à cause du temps, bien sûr, et à cause du vingt minutes que j'entends respecter autant que possible. M. Riel-Lachapelle.

Alliance laurentienne des Métis et Indiens sans statut

M. Riel-Lachapelle (Claude): M. le Président, M. Chalifoux, président, s'est absenté cet après-midi. Je vous présente, à ma droite, M. Réal Leblanc et, à ma gauche, M. Pierre-Paul Charland.

Comme vous l'avez dit, avant de commencer l'étude du mémoire, M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, nous allons mettre de côté les droits historiques et les droits de propriété, car l'histoire a démontré que l'Indien était toujours défavorisé lorsqu'il se présentait devant des tribunaux de la société dominante. Si vous le permettez, nous allons commencer le mémoire.

Le mémoire a été préparé par l'Alliance laurentienne des Métis et Indiens sans statut du Québec. Il se divise de la façon suivante. D'abord, une section consacrée aux droits historiques et aux droits de propriété des autochtones; ensuite, des informations quantitatives sur les prises de chasse et de pêche au Québec, tant par les Blancs que par les autochtones; troisièmement, la violation des territoires de chasse et de pêche par les non-autochtones et enfin, les conclusions. Par la suite, vont venir s'ajouter les annexes que je vous invite à lire.

À la page 14, la récolte faunique terrestre et ailée au Québec. Regardons de plus près les diverses activités de chasse et de pêche se pratiquant au Québec. Ici, nous allons exclure les activités traditionnelles.

Premièrement, la chasse. Il existe deux types de chasse au Québec, soit la chasse commerciale et la chasse récréative. La chasse commerciale. Il y a deux espèces animales qui sont chassées à cette fin, soit le lièvre et le phoque. L'un pour sa chair, l'autre pour son pelage et sa chair. La capture et la récolte du lièvre sont régies par le gouvernement provincial par la Loi sur la conservation de la faune. La mise en marché de cet animal est bien limitée à des périodes précises au cours de l'année, selon les régions de la province. Malheureusement, pour le moment, nous n'avons aucune donnée permettant de mesurer adéquatement la proportion de la récolte de ce gibier annuellement.

Le phoque: contrairement à la récolte du lièvre, l'activité de chasse au phoque est de juridiction fédérale. Pour ce qui est des données concernant cette activité, mentionnons qu'en 1980, il y a eu une estimation de 32 258 spécimens capturés qui sont attribués à la récolte québécoise. Près de 20 000 spéciments furent récoltés par deux phoquiers le long du golfe Saint-Laurent; le reste, 13 258 spécimens de la récolte, est prélevé par divers chasseurs non autochtones le long du littoral du golfe

Saint-Laurent, soit la Côte-Nord et les Îles-de-la-Madeleine.

D'après l'Organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest, l'organisme international qui est responsable des données scientifiques sur les populations actuelles des phoques, la population des phoques a été évaluée à 180 000 spécimens. On a estimé à seulement 10 000 les spécimens capturés par les autochtones pour tout le nord du Canada.

La chasse récréative. La chasse récréative regroupe des chasseurs québécois (non autochtones) dont le nombre a été estimé à 520 000 individus en 1980. Ils consacrent à cette activité 3 800 000 jours, dont 1 800 000 jours à la poursuite du gros gibier.

L'orignal est sans contredit le plus gros gibier recherché par cette population de chasseurs. Il y a eu au-delà de 100 000 adeptes qui se sont procuré annuellement leur permis de chasse pour une récolte totale de 12 000 orignaux.

Le second animal recherché par ce groupe de chasseurs est l'ours noir. L'intérêt sportif tend à augmenter, mais sa récolte demeure relativement faible, soit environ un millier de spécimens.

Pour ce qui a trait à la chasse de la faune ailée, elle est clairement récréative et le nombre d'adeptes s'élève à 65 000. Ils consacrent environ 600 000 jours à la pratique de ce sport. La récolte annuelle de la chasse aux oiseaux migrateurs est estimée à 123 000 spécimens tués, dont 43% se composent de canards barboteurs, 26% de canards plongeurs et 7% en ce qui concerne les bernaches et les oies blanches.

Pour ce qui est de la pratique de la chasse au petit gibier ailé terrestre, il est démontré que les chasseurs québécois pratiquent cette activité pendant un total de 2 500 000 jours de récréation. Cet effort de chasse a une récolte annuelle de 2 200 000 lièvres et de 1 200 000 perdrix. (17 h 15)

La pêche. Tout comme l'activité de chasse, l'activité de pêche existe sous deux types - nous excluons toujours la pêche de subsistance, qu'on verra dans un chapitre plus loin - soit la pêche commerciale et la pêche récréative ou sportive.

Le prélèvement annuel de la ressource ichtyologique dans les eaux québécoises se chiffre à plus de 77 000 tonnes métriques. La répartition se lit comme suit: 80% est pour la pêche commerciale, 18% pour la pêche récréative et seulement 2% pour la pêche de subsistance.

La pêche commerciale. L'activité de la pêche commerciale relève autant de la juridiction fédérale que de la juridiction provinciale.

Il y a plusieurs espèces de poissons récoltés qui n'ont pas une haute cote de popularité auprès des populations autochtones du Québec. Ceci s'explique par divers facteurs autant culturels que socio-économiques, surtout en ce qui a trait à la pêche provenant d'activités côtières et hauturières.

La pêche récréative. Pour ce qui est de la pêche commerciale intérieure, cette activité se pratique à l'intérieur des terres et la récolte annuelle est d'environ 647 500 tonnes métriques de poissons composées, entre autres, de spécimens comme la barbotte, l'anguille et la perchaude.

La pêche récréative a, pour sa part, un prélèvement de 13 134 tonnes métriques de poissons. Les espèces les plus récoltées sont le brochet, les salmonidés et le doré.

Un chapitre important de la pêche récréative est la pêche au saumon. Sans trop s'étendre sur ce sujet, nous croyons qu'il est intéressant de donner ici quelques chiffres. Ces données ont été confirmées par le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche de l'époque, M. Lessard, et regroupent celles du rapport Carter sur le saumon en 1968. On voit très bien dans ce schéma qu'à peine 3% des prises du saumon de l'Atlantique sont attribuables à la pêche amérindienne.

Revenons maintenant aux activités de subsistance. Par définition, les activités de subsistance sont des activités pour vivre et pourvoir à ses besoins afin de combler certains besoins autant alimentaires que vestimentaires.

Présentement, au Québec, la chasse de subsistance fait l'objet d'ententes spéciales entre le gouvernement et la population autochtone. Ces ententes sont souvent appliquées à des communautés locales et elles ne sont pas vraiment précises; elles sont sujettes à mettre le doute sur de telles pratiques, car elles ne sont jamais définitives, mais provisoires et temporaires.

La caractéristique de la chasse dite de subsistance est la grande variété d'espèces animales convoitées. Citons l'orignal, le caribou, la perdrix, le lièvre, le castor, etc.

Pour ce qui est de la pêche, elle est estimée à seulement 1808 tonnes métriques de poissons. Différentes espèces de poissons sont ainsi récoltées.

Nous savons que par le passé beaucoup d'associations sportives, de regroupements pour la protection de la faune ont été créés; tous sont des organismes non autochtones qui ont eu et ont encore un mépris de l'autochtone et qui ne reconnaissent en aucun cas les besoins du peuple autochtone à une récolte faunique de subsistance.

Ces organismes ne connaissent rien de la culture indienne et métisse. Ils se basent sur des préjugés et véhiculent une image fausse et malhonnête de l'autochtone à l'ensemble de la population québécoise.

Il est donc important, dans ce présent mémoire, d'écarter leurs prises de position et

leurs études, qui sont des préjudices, si nous voulons regarder objectivement la récolte faunique des autochtones.

Voici les faits. Il y a environ 50 000 Métis et Indiens sans statut vivant au Québec. Cela regroupe en fait plusieurs nations et communautés métisses réparties sur l'ensemble du territoire québécois. Il est bien évident que ces individus ne pratiquent pas en tout temps une activité de chasse, de pêche et de trappe.

D'après les chiffres officiels qui sont fournis par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, il y a une population de 520 000 individus non autochtones actifs qui, en 1980, jouissaient du privilège de la chasse. Ils consacrent au-delà de 2 millions de jours à cette activité. La quantité de viande de gibier ainsi récoltée est incroyable: 12 000 animaux tués en 1980, 123 000 spécimens de la faune ailée migratrice, 2 200 000 lièvres et 1 200 000 perdrix. Pour la chasse commerciale, la majorité des phoques tués le sont par des chasseurs non autochtones.

L'activité de pêche est similaire. La quasi totalité des prises est effectuée par des Blancs. Il y a des milliers de tonnes métriques de poissons qui sont recueillies sans qu'un seul autochtone n'intervienne. Mentionnons qu'à peine 3% des prises de saumon de l'Atlantique sont attribuables aux autochtones.

Nous pourrions ainsi continuer à étaler plusieurs chiffres et statistiques sur le sujet.

Le comble, les Québécois et Canadiens ont l'affront de s'affirmer propriétaires de ces richesses fauniques en dérobant ainsi la faune à la population autochtone.

Le patrimoine faunique est autochtone et non québécois ou canadien.

De plus, ils poussent même l'arrogance jusqu'à affirmer que la pêche, la chasse et la trappe de subsistance sont dérisoires. Il n'en demeure pas moins évident que les autochtones ont, en pratiquant librement la chasse, la pêche et la trappe, le droit d'assurer pleinement leur santé physique et leur identité propre et cela, aux dépens du plaisir des chasseurs et pêcheurs sportifs.

Il serait très périlleux d'accepter certaines affirmations qui laisseraient l'impression que plus personne au Québec ne devrait recourir à la chasse, à la pêche et à la trappe pour se nourrir. Nul ne peut privilégier l'industrie sportive de la chasse et de la pêche au détriment du bien-être d'un peuple. L'accès aux ressources fauniques devrait être accordé aux autochtones en premier lieu.

La violation de nos territoires de chasse et de trappe. Ici au Québec, des Blancs et des groupes de chasseurs ont acquis des privilèges particuliers sur les terrains de chasse et de pêche. Ils se sont emparés de nos terrains ancestraux et ont formé des clubs privés. La plupart de ces invididus étaient des étrangers à la province. Au moment où ces droits ont été acquis par ces invididus, les chasseurs autochtones dont les territoires étaient ainsi absorbés se sont plaints, mais il n'y avait personne pour recevoir leurs plaintes. Les propriétaires et les membres du gouvernement qui avaient fait les ententes vivaient au loin et ne pouvaient être rejoints. De plus, les gardes-chasse qui avaient la tâche d'assumer la protection de ces territoires, nos territoires ancestraux, ont agi avec arrogance envers notre peuple. Ignorants du système et sans pouvoir d'aucune sorte, le trappeur autochtone ne pouvait qu'accepter les déclarations du genre "c'est la loi" ou "c'est le gouvernement qui loue des terres", etc.

Les autochtones ne reçurent absolument rien en échange des territoires ainsi réquisitionnés. Depuis toujours, le gouvernement s'est, pour sa part, montré indifférent quand les droits de notre peuple étaient en cause. Par la suite, en 1978, quand le gouvernement du Québec a aboli les droits exclusifs de chasse et de pêche dans la province, il a agi de la manière habituelle. Il a établi un système où l'énoncé de politique déclarait que de nouveaux règlements en ce domaine visaient à donner aux citoyens du Québec la plus grande priorité, la plus grande responsabilité dans la gestion, la conservation et l'utilisation des ressources de la province en matière de chasse et de pêche.

Intrusion des zones d'aménagement et de conservation et des zones d'exploitation, de conservation, soit les ZAC et les ZEC, sur nos territoires ancestraux. À l'avènement du nouveau système, le gouvernement décidait que les territoires québécois seraient divisés en 50 ZAC. Chaque ZAC avait comme superficie environ 3000 milles carrés. Ces zones étaient, par la suite, subdivisées en territoires plus petits appelés ZEC. Elles varient en superficie de 500 à 2000 milles carrés. La gestion de la conservation de la faune a été placée sous la juridiction de groupes et d'organismes locaux, par exemple les groupes affiliés à la Fédération québécoise de la faune, dont les pourvoiries.

Quand le nouveau système a été annoncé, le gouvernement du Québec s'est donné pleins pouvoirs en rejetant les droits des autochtones et leurs biens. Le gouvernement s'est emparé des terres et dans son mouvement d'expansion, il a donné pouvoir à des membres et à des conseils d'administration de toutes sortes d'organisations sportives qui étaient, elles, composées uniquement de Blancs.

Par oubli ou par décision, les Métis et les Indiens sans statut du Québec ne furent jamais considérés, soit avant soit après l'implantation du nouveau système. Nous considérons cette attitude comme un mépris

et un vol de notre patrimoine faunique. Les divers peuples autochtones du Québec n'ont pas été consultés et cette pratique, en Afrique du Sud, s'appelle apartheid. En ayant cité antérieurement des chiffres sur la récolte faunique effectuée au Québec, le lecteur jugera qu'un braconnage systématique de la part des non-autochtones s'est installé sur nos terres et nos territoires de trappe.

Qu'en ont retiré les Métis et les Indiens sans statut? Rien. Où sont les retombées économiques? Sûrement pas du côté des autochtones. Le pillage systématique dans notre territoire nous a laissés démunis et nous n'avons aucun autre recours que de percevoir des allocations d'aide sociale. Un immense sentiment de frustration, face à l'impossibilité dans laquelle nous nous trouvons de faire valoir nos droits règne dans notre peuple. On nous a tout retiré et nous ne pouvons même pas partager ce "privilège" que la société dominante avait accaparé. Nos territoires de trappe ont été envahis par des non-autochtones qui en retirent notre gibier, nos animaux à fourrure. Les Métis et les Indiens sans statut se sont vu nier le droit particulier en tant qu'autochtones et n'ont pas accès aux réserves de castors. Nous sommes contraints de participer au système des terrains de trappe enregistrés des Blancs.

Pour nous, ce régime nous a continuellement défavorisés collectivement. Nous ne voulons pas de ce régime. Nous voulons la pratique de nos droits de trappe sur nos territoires et non sur les territoires qui nous ont été assignés par le gouvernement. Et présentement, pour y arriver, nous devons vivre dans l'illégalité. Nous avons le droit, par notre culture, à la libre circulation sur nos terres. Pour nous, l'accès à nos terres est peut être plus qu'une activité de trappe. C'est avant tout notre mode de vie, nous en avons retiré notre propre identité, notre propre conscience en tant que peuple. Nous refuser cette identité, c'est accepter de nous faire vivre dans des conditions inacceptables.

La majorité de notre peuple vit au-dessous du seuil de la pauvreté; au-delà de 80% des gens de notre communauté sont sans emploi. Beaucoup de nos gens vivent dans des maisons non isolées, n'ayant ni eau courante, ni électricité. Nous avons un réel besoin de la chasse, de la pêche et de la trappe. C'est une question de survie pour un peuple.

Lorsque les Blancs sont entrés dans la foret, ils ont pillé sans merci les ressources sans tenir compte des temps à venir. Ce ne sont pas les populations autochtones mais les autres qui devraient être contraintes de limiter leur chasse et être repliées sur des territoires étroitement surveillés.

Car les autochtones savent veiller au repeuplement faunique et à ne pas épuiser les ressources parce qu'ils en ont besoin pour subsister. Peut-être bien qu'ils pourraient diriger les Blancs dans leurs expéditions et leur enseigner l'écologie.

En conclusion, en tant que peuple autochtone, nous nous reconnaissons comme un peuple distinct de la société blanche du Québec, et ayant le droit de disposer de nous-mêmes.

Nous profitons de ce présent mémoire pour indiquer au gouvernement du Québec ce qui suit: Premièrement, que nous ne lui reconnaissons pas la compétence de légiférer et de nous dicter ses lois. Deuxièmement, qu'il est urgent de mettre en place les dispositions permettant la reconnaissance de notre souveraineté sur nos terres ancestrales, cela en tant que première nation et ayant des droits historiques de chasse, de pêche et de trappe. Troisièmement, qu'à l'avenir nous traiterons et discuterons avec le gouvernement du Québec d'égal à égal. Quatrièmement, qu'il doit ériger des structures qui permettront à nous, Métis et Indiens sans statut, de contrôler l'exploitation de nos terres et d'assumer le développement de leurs ressources. Nous espérons que le gouvernement du Québec saura comprendre notre position, et que le temps est venu pour la nation métisse et indienne sans statut de se prendre en main.

La société blanche a depuis toujours ignoré les droits, les traditions et les valeurs qui nous ont été léguées par nos parents, les parents de nos grands-parents, etc. La société blanche a toujours profité au maximum du Métis et de l'Indien sans statut, sans jamais exprimer en retour une certaine forme de gratitude. C'est pourquoi, dorénavant, nous avons l'intention de prendre en main notre développement en tant que peuple autochtone, en réaffirmant notre souveraineté sur nos terres pour le bien-être futur de nos enfants. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie M. Riel-Lachapelle.

M. le ministre, pour questions et commentaires.

M. Chevrette: M. le Président, vous me voyez, je ne dirai pas dans l'embarras mais presque, puisque votre statut est nettement différent de celui des groupes qui ont témoigné jusqu'à maintenant. Comme groupement, je me demande exactement quelle serait la procédure la plus adéquate à vous suggérer pour revendiquer vos droits très précis. Je suis loin de nier le droit de revendiquer des droits, loin de là; sauf qu'il n'y a pas une juridiction dans les lois actuelles à laquelle je peux vous greffer, à toutes fins utiles. Compte tenu du fait que vous prétendez, dès le départ, que vous avez des droits établis ancestraux mais que vous n'avez pas de statut reconnu, je suis vraiment perplexe pour commenter votre

mémoire, purement et simplement.

M. Riel-Lachapelle: M. le ministre, pour répondre à votre question, je dois vous informer que depuis la nouvelle Constitution du Canada les peuples autochtones regroupent les Indiens, les Inuits, et les Métis.

M. Chevrette: C'est en vertu de l'article 35, si j'ai bien compris. Vous le rattachez à l'article 35 de la nouvelle Constitution. Cependant, est-ce que cela a été défini concrètement ou si cela le sera dans un avenir rapproché?

M. Riel-Lachapelle: Cela a été défini concrètement.

M. Chevrette: C'est-à-dire que c'est inclus.

M. Riel-Lachapelle: C'est inclus. M. Chevrette: Comme définition. M. Riel-Lachapelle: Comme définition.

M. Chevrette: Est-ce que la définition des droits comme tels a été explicitée ou si cela ne fera pas l'objet de discussions ultérieures?

M. Riel-Lachapelle: Cela fera une discussion dans les prochains mois, le printemps prochain avec tous les groupes autochtones, incluant les Métis, les Indiens et les Inuits. (17 h 30)

M. Chevrette: Dans le contexte actuel, j'aurais pu vous dire: Au même titre que les autres groupes qui ont un statut reconnu, suivez la procédure normale qui est prévue pour le Québec.

M. Riel-Lachapelle: M. le ministre, je voudrais préciser que votre gouvernement, il y a deux ans, a reconnu par décret toute descendance indienne sur le territoire québécois en ne reconnaissant pas la loi fédérale sur les Indiens.

M. Chevrette: Voulez-vous répéter votre question?

M. Riel-Lachapelle: J'ai voulu vous informer du fait que votre gouvernement ne reconnaît pas la loi fédérale, le "Indian Act", et a reconnu comme étant autochtone toute personne de descendance indienne au Québec.

Le Président (M. Bordeleau): II faudrait que vous demandiez la parole, M. le député de Berthier. Je peux vous la donner, sauf pour le fonctionnement des micros. M. le député de Berthier.

M. Houde: Est-ce que c'est la convention qui a été signée pour la Baie-James, l'article 3?

M. Riel-Lachapelle: Cela n'a aucun rapport avec la convention de la Baie-James. C'est le gouvernement du Québec qui, il y a environ deux ans, a fait un décret ministériel ne reconnaissant pas la loi fédérale, appelée communément "loi sur les Indiens", et a reconnu comme étant autochtone toute personne de descendance indienne. D'ailleurs, pour de plus amples informations, vous n'avez qu'à consulter le SAGMAI. Vous y trouverez les réponses dans ce domaine.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: Quand vous parlez du décret, M. Lachapelle, vous parlez de quel décret?

M. Riel-Lachapelle: II y a à peu près deux ans de cela...

M. Chevrette: Je vais vous expliquer pourquoi. Vous dites qu'on a passé un décret; si vous me l'identifiiez, je pourrais y faire référence et vérifier.

M. Riel-Lachapelle: Je peux vous donner... Oui, allez-y.

M. Chevrette: Parce que j'ai l'impression qu'on est loin de nier la loi sur les Indiens. On se base précisément sur l'article 88 pour conclure des ententes. C'est pour cela que je suis surpris...

M. Riel-Lachapelle: Je ne pourrais pas vous donner...

Le Président (M. Bordeleau): Pour être sûr que vous ne parliez pas tous en même temps parce que l'enregistrement est impossible, je voudrais laisser terminer le ministre et je vous redonnerai la parole immédiatement après, M. Lachapelle. Vous pouvez y aller.

M. Riel-Lachapelle: Pour de plus amples informations, allez consulter le ministère du Revenu parce que cela fait plus de deux ou trois ans que les Métis ne paient plus de taxes et cela a créé bien des problèmes au niveau du gouvernement du Québec. C'est justement à cause de ce décret.

M. Chevrette: C'est donc le décret sur les revenus.

M. Riel-Lachapelle: Oui. Automatiquement, quand le gouvernement a reconnu les Métis comme faisant partie du peuple autochtone, nous n'étions plus

assujettis à la loi sur le revenu.

M. Chevrette: Je peux vous répondre avec certitude sur un point, quitte à vérifier le reste. L'article 88 de la loi sur les Indiens nous permet précisément d'appliquer notre Loi sur la conservation de la faune. On ne peut pas du même souffle dire qu'on nie la loi sur les Indiens.

M. Riel-Lachapelle: M. le ministre, dernièrement, il y a la cause de M. Walter Moosehunter de la Saskatchewan. Il avait été condamné par la province pour avoir tué un orignal, violant ainsi leur loi sur la conservation de la faune. C'est allé jusqu'à la Cour suprême et celle-ci a très clairement démontré que l'article 88 ne s'appliquait pas aux nations autochtones.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: Un instant, je vais vérifier. Vous comprendrez que c'est assez complexe. Je pourrais continuer à vous poser des questions sauf que cela deviendrait très technique. Est-ce que vous savez si, en Saskatchewan, il existait un traité...

M. Riel-Lachapelle: La cause en question...

M. Chevrette: ... entre la nation autochtone de la Saskatchewan et le gouvernement de la Saskatchewan?

M. Riel-Lachapelle: C'est un Indien reconnu par le gouvernement fédéral, donc c'est un Indien...

M. Chevrette; Ce n'est pas cela que je vous demande, ce n'est pas cela que je vous pose comme question.

M. Riel-Lachapelle: ... enregistré, probablement un Indien sous traité.

M. Chevrette: Est-ce qu'il y avait un traité existant entre la nation autochtone de la Saskatchewan et son gouvernement?

M. Riel-Lachapelle: Probablement que oui.

M. Chevrette: Si vous me répondez oui, cela change complètement l'approche par rapport à ici où il n'y a pas de traité. C'est ça qui est la différence fondamentale. Quand vous me donnez l'exemple... Je veux bien vous croire sur parole, mais dès que vous m'affirmez qu'il y a un traité, dès qu'on accepte de signer un traité, on se soustrait à la législation. Ici, il n'y a pas de traité, donc on ne peut pas se soustraire à la législation. C'est la différence fondamentale dans l'exemple que vous me donnez. Donc, je comprends bien que vous pouvez me donner l'exemple de la Saskatchewan; vous pourriez m'en apporter de plusieurs endroits aussi. C'est vrai qu'on a le droit de faire des traités. On peut avoir un traité spécifique avec la nation huronne, ce qui aurait pour effet de vous soustraire à toutes sortes de lois québécoises. C'est un fait, mais du moment qu'il n'y a pas de traité, c'est la loi de portée générale qui prévaut.

M. Riel-Lachapelle: Mais de toute façon, M. le ministre...

Le Président (M. Bordeleau): M.

Lachapelle.

M. Chevrette: Et vous m'avez donné un exemple d'un cas précis où un traité existait.

M. Riel-Lachapelle: De toute façon, M. le ministre...

Le Président (M. Bordeleau): M.

Lachapelle.

M. Riel-Lachapelle: ... les traités, c'est bien typiquement pour l'ouest du Canada. Au Québec, en excluant la Convention de la Baie-James, il n'y a jamais eu de traité. Qu'on soit Métis ou Indien reconnu, on aura toujours le même problème avec vos permis de chasse. Quand nous, en tant que peuple, nous allons dans la forêt, nous sommes toujours en contradiction avec vos gardes-chasse. Mais nous, c'est notre culture que d'aller dans le bois. Nous n'allons pas dans le bois comme sport ni comme loisir ni comme récréation. Nous allons dans le bois pour nourrir nos familles. Je pense que c'est un manque. Que ce soit un Indien sous traité ou un Indien sans traité, que ce soit un Indien reconnu par le "Indian Act" ou non, le problème est qu'au Québec, on n'a pas la paix dans notre bois. C'est la seule chose.

M. Chevrette: Vous avez fait dévier complètement la conversation. Là où on discutait, vous avez dit qu'on niait la loi sur les Indiens. Je vous ai dit que non. Vous m'avez donné un exemple montrant que c'était possible; vous m'avez donné l'exemple d'un type qui avait tué un orignal, mais vous m'avez donné l'exemple d'un type, cependant, qui appartient à une nation qui a signé un traité avec son propre gouvernement. Je vous ai dit que ce n'est pas la même chose ici, car il n'y a pas de traité. Malheureusement, c'est ça la situation. À ce moment-là, les citoyens sont couverts par la loi de portée générale, c'est un fait. Je ne discute pas du bien-fondé de vos arguments, je discute purement et simplement à partir de l'exemple que vous m'avez donné.

M. Riel-Lachapelle: M. le ministre.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Lachapelle.

M. Riel-Lachapelle: On va laisser la Saskatchewan et on va revenir ici au Québec. J'ai lu en fin de semaine que dans le district de Mistassini, justement, un Métis s'était fait confisquer ses pièges par les agents de conservation. Il trappait. C'est allé en cour. Je peux vous donner le numéro de la cause. Le juge a acquitté le Métis, qui a prouvé qu'il était Métis.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: M. le Président, je pense que le mémoire dont la commission vient de prendre connaissance est assez révélateur de la situation. On sursaute un peu quand on regarde le document très élaboré que vous soumettez pour étude à cette commission et qui fait la part des choses entre ce qui vous a été réservé, qui est très peu, et ce que mes concitoyens québécois ont pris sur l'ensemble de la ressource dans tout le Québec. Je pense bien que votre mémoire, de même que ceux qui l'ont précédé, donne quand même une dure leçon à tous ceux qu'on accuse de mal utiliser les ressources et de s'en servir à des fins pour lesquelles on pourrait éviter de détruire l'ensemble des ressources fauniques du Québec.

Il y a une question qui me vient à l'esprit. Je sais que les gouvernements précédents, dont j'ai fait partie, comme celui d'aujourd'hui, étaient pris avec un problème très particulier. Comme peuple fondateur qui revendique un statut particulier dans les lois de chasse et de pêche, au fur et à mesure que la province de Québec a évolué, des lois vous ont été enlevées successivement. Vous mentionnez dans votre mémoire qu'antérieurement, durant l'existence des clubs privés, on vous a tassés tranquillement, on vous a repoussés et que vous aviez même de la difficulté à trouver les responsables de tels agissements. Quand la libération de l'ensemble des clubs privés est arrivée, la formation des ZEC, est-ce que cette opération a davantage reculé et repoussé les territoires sur lesquels vous pouviez auparavant oeuvrer pour les fins que vous mentionnez, comme l'alimentation etc.

M. Riel-Lachapelle: Oui. Pour vous répondre sur la situation des dernières années. Les Indiens non statués, qui n'étaient pas reconnus comme tels par le gouvernement fédéral, et les Métis vivaient en, ce qu'on appelle squatters, en ce sens, qu'ils avaient pris des terres de la couronne et, de génération en génération, ces familles s'étaient installées sur ces parcelles de territoire de la couronne. Il n'y avait aucun acte notarié, aucun titre de propriété comme tel; disons que c'était légué, comme j'ai dit, comme squatters. Quand il y a eu le lancement de l'opération Gestion, il y a des familles qui se sont vues prises par l'encadrement, soit des ZAC et des ZEC, et qui n'ont pas pu subvenir à leurs besoins parce qu'elles ont été exclues du territoire, elles ont été - comment dire? Je cherche le mot - rejetées du territoire. Quand même, ces familles vivaient depuis des générations sur ces lopins de terre. Mais elles n'avaient aucun acte notarié. Ces familles ne pouvaient pas vivre, selon la loi fédérale, sur les réserves indiennes. Elles vivaient donc à l'extérieur des réserves indiennes qui, bien souvent, au nord du Québec sont les terres de la couronne. Donc, cela a affecté énormément de familles métisses et indiennes nons statuées, quand est venu le temps de faire les ZEC et les ZAC. Ces mêmes familles se sont retirées du territoire lorsqu'elles ont voulu aller sur leurs territoires ancestraux: elles se sont vues devant une barrière; c'était le même club. Cela a affecté énormément les activités traditionnelles de trappe. Les familles ne pouvaient plus circuler en forêt.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: II y aurait peut-être une quantité de questions à poser, mais j'ai l'impression que devant l'abondance des matières qui sont soulevées dans les rapports, je pense que, autant de la part du gouvernement que de celle de l'Opposition, il sera nécessaire d'aller plus en profondeur dans les études ultérieures, avant que le projet de loi ne soit avancé.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: D'autant plus que cela déborde carrément le mandat de la commission... On est toujours à cheval entre la négociation suprapolitique par rapport au mandat qui est clairement dévolu à la commission qui est relatif à l'encadrement pour la conservation de la faune et la sauvegarde des habitats.

M. Mailloux: La seule interrogation que j'aurais à l'esprit devant l'ensemble des mémoires qui sont soumis par les autochtones est la suivante: Est-ce que, dans la législation qu'aura à apporter le gouvernement, lors d'une modification à la loi, il ne devra pas être nécessaire d'aller plus en profondeur qu'on y a été comme gouvernement et que vous avez pu y aller aujourd'hui et voir de quelle façon certains correctifs pourraient être apportés visant les

autochtones, qui ont quand même des droits assez spécifiques ici à l'intérieur du pays?

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci. Je vous remercie M. Riel-Lachapelle ainsi que M. Leblanc et M. Charland.

J'appelle donc maintenant la Société Makivik, le mémoire no 25, représentée par M. Johnny Peters et Siméonie Walukturuk. Oh! Je m'excuse, il y a eu une inversion. Alors, il s'agirait plutôt de... De l'accord des deux prochains, on a inversé le septième avec le huitième. On entendrait donc immédiatement le grand conseil des Cris; le mémoire no 15. Alors, M. Diamond, M. O'Reilly et les personnes qui les accompagnent.

Mr. Diamond, you can present the people who are with you and go on to the "mémoire" but, right now, I just want to say to you that I would appreciate that you summarize some parts of your paper, because, I think, it is so long. Is it O.K., Mr. Diamond?

Grand conseil des Cris du Québec

M. Diamond: Thank you, Mr. President. I am Billy Diamond, the Grand Chief and the chairman of the Cree Regional Authority for the Grand Council of the Cree of Québec. We have the president of the Cree Trappers Association, Thomas Coon, the director of traditional pursuits for the Cree Regional Authority, Henry Mianscum and two legal counsels, Peter Hutchins, on my right, and Mr. James O'Reilly, on my left. (17 h 45)

Mr. Chairman, I just want to highlight the brief. However, I want to point out that we would like to enter the brief into the record. Will that be done?

Le Président (M. Bordeleau): Yes, it could be done.

M. Diamond: There is also an additional comment to the brief on which we have copies here, that can be made available to you, Mr. Chairman, and to the members of the commission. Mr. O'Reilly will give those to you.

Le Président (M. Bordeleau): All right.

M. Diamond: The Grand Council of the Crees and the Cree Regional Authority brief to this parliamentary commission is very long. I will just make some comments to it, so that we can be available for questions.

First, the James Bay Northern Québec Agreement creates a special legal regime for hunting, fishing and trapping in chapter 24 of the James Bay Northern Québec Agreement.

The agreement also provided there would be special legislation to reflect this special legal regime for hunting, fishing and trapping. This legislation was passed in 1978. It is an Act respecting hunting and fishing rights in the James Bay and New Québec Territories. This legislation is good and basically respects chapter 24 of the James Bay Northern Québec Agreement. The act respecting hunting, fishing rights in the James Bay and New Québec Territories takes precedence over the Wild Life Conservation Act, section 3.

Therefore, the Wild Life Conservation Act only applies to the James Bay and New Québec Territories, the territory covered by the James Bay and Northern Québec Agreement to the extent that it is not incompatible with special legislation or the agreement.

However, amendments to the Wild Life Conservation Act are very important to us. We are supposed to be specially consulted about them and we have not been consulted. Attempts could be made through the amendments to reduce our rights even though this contravenes both the James Bay and Northern Québec Agreement and the special legislation.

Even if there is no deliberate attempt to reduce our rights and even though our rights take precedence over the Wild Life Conservation Act, much confusion could be caused in the territory through amendments to the Wild Life Conservation Act if great care is not taken to live up to the letter and spirit of the commitments in the James Bay and Northern Québec Agreement and the special legislation.

Furthermore, we are quite satisfied with the hunting, fishing and trapping rights which we have under the James Bay Agreement and the special legislation. Much of the implementation in these areas is also satisfactory.

However, there have been some very serious problems of implementation that we have outlined in our brief. These must be resolved immediately. We are especially unhappy that the coordinating committee of the Hunting, Fishing and Trapping is not being properly consulted in regard to the proposed amendments. Some of the implementation problems are as follows:

Although, the Crees, the Inuits, the Naskapis won a Superior Court judgment confirming our interpretation of the right of first refusal on outfitting, Québec has broken its word to us and appealed that judgment. That judgment was a declaratory judgment. It was not an injunction, it was a declaratory judgment, and we had agreed that we would stand by that judgment, but the Government of Québec has taken that case and gone to appeal. Worse, we are still being deprived of effective exercise of this important right. This right is good for thirty years and seven years have gone by without

any development in respect to this right.

Recently, Propair has applied to establish outfitting facilities in category three (3) lands. The Québec Government is supporting this application which, in our view, should be subject to our right of first refusal. We cannot accept that our right of first refusal can be circumvented by a corporate reorganization.

Québec has removed the authority of Cree tallymen as auxiliary conservation officers after they had been sworn in through the adoption of the 1978 amendments to the Wild Life Conservation Act.

Québec is not financing or adequately supporting native people as conservation officers despite a commitment in the James Bay and Northern Québec Agreement.

Québec is not respecting its promise during the agreement negotiations to recognize Cree hunting, fishing and trapping rights outside the territory, particularly in the Mistassini area. There are Cree trap lines there. Non native hunting and fishing controls are not as strong as they should be. With regard to the amendments proposed, our comments are in our brief. We are quite concerned about some of these as to their effect on our rights, but we really cannot properly comment on these until we have studied the text of the proposed amendments. We insist strongly though that the Government and the Legislature of Québec respect the letter and spirit of their commitments to us in the James Bay and Northern Québec Agreement, in this special legislation and in the other legislation relating to the agreement, especially the Act approving the James Bay and Northern Québec Agreement. As we mentioned in our brief, we support some of the objectives of the proposed amendments such as the protection of habitats, the increasing wild life sanctuaries, but these must not be used as an excuse to lessen our rights.

Finally, we think our hunting, fishing and trapping rights, as well as those of the other Indians of Québec, are now recognized and guaranteed by the new Constitution of Canada. This must be taken into account by the Québec Government and Legislature.

We conclude by asking you to make sure that any amendments to the Wild-Life Conservation Act do not prejudice our rights or special hunting, fishing and trapping regime. We also ask you to resolve immediatly the serious problems we have raised in our brief and amend any statutes and regulations which are inconsistent or incompatible with the James Bay Northern Québec Agreement and the special legislation. Thank you, Mr. Chairman.

Le Président (M. Bordeleau): Thank you, Mr. Diamond. M. le ministre ou M. le député de... M. le ministre.

M. Chevrette: Je tiens à vous remercier de votre exposé et je tiens tout d'abord à vous assurer qu'on a lu le mémoire, qu'on l'a analysé et que mon ministère n'a jamais eu l'intention d'éroder ou de diminuer les droits des Cris en matière de chasse, de pêche et de piégeage, droits qui ont été acquis lors de la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, quand on a proposé d'apporter certaines modifications à l'actuelle Loi sur la conservation de la faune. Le régime spécial qui est prévu dans la Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie-James et du Nouveau-Québec continuera de s'appliquer, sauf s'il est modifié selon la procédure prévue dans la convention même de la Baie-James. Il ne faut pas s'inquiéter et considérer que les propositions de modification à la Loi sur la conservation de la faune représentent un amendement à la convention. Je vous rappelle cependant que le régime spécial de chasse, de pêche et de piégeage dont jouissent les bénéficiaires cris s'applique dans le territoire bien déterminé que l'on désigne sous le nom de territoire dans la loi.

Il est évident que la Loi sur la conservation de la faune a des liens étroits avec la loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie-James et du Nouveau-Québec. Et il est bon que les bénéficiaires, tout comme le comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage, se préoccupent de ce dossier afin que leur régime de chasse et de pêche ne soit pas modifié sans leur consentement. La présente consultation est ouverte à l'ensemble des Québécois et les bénéficiaires le sont à part entière. Vous rappelez souvent dans votre exposé que tout règlement et toute modification à des règlements existants qui pourraient affecter le régime doivent être soumis à l'examen du comité conjoint. Nous en sommes très conscients et nous respecterons cette obligation. Dans la partie 2, les pages 13 à 23 de votre exposé concernent des problèmes que les Cris rencontrent dans l'application du régime de chasse, de pêche et de piégeage en vertu de la loi sur les droits de chasse, de pêche et de piégeage dans les territoires de la Baie-James et du Nouveau-Québec. Je note tous ces commentaires, mais je considère que ce n'est pas l'endroit pour discuter de ces problèmes. Nous pourrions en discuter à une autre occasion. En ce qui concerne également l'annexe additionnelle que vous avez déposée aujourd'hui, elle relève carrément de l'application même de l'entente de la Baie-James et c'est vraiment au niveau du comité conjoint auquel à la fois le gouvernement du Québec et vous-mêmes êtes représentés tout comme le gouvernement

fédéral, qu'il faudra discuter de ces problèmes précis et particuliers.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Me demande-t-on la parole? M. Diamond want to... M. Diamond.

M. Diamond: Well, I appreciate the fact, Mr. Chairman, that the Minister mentioned some comments to the brief. It is for reasons of apprehension that we are here and we know that the Crees have special rights in the James Bay Territory and we know that there are special legislations applying to the Crees, but what we are saying is that we must implement those rights properly and let us quit bickering in respect to the application of that implementation of the agreement. We know that there is a joint committee and, for the information of everybody, that committee has not met since November 1977 and we refused to meet with that committee because we wanted someone senior that can make decisions to represent Québec on that joint committee. You know, we are having very serious difficulties in respect to the implementation of the agreement. If it was not brought up to this committee, it would hide in your bureaucratic cells. For seven years now, we have been trying to get certain decisions and for seven years we have lost our rights to exercise our right of first refusal. Are we going to wait another seven years? You know, if the problems are not solved, it is going to cause deterioration of relations between the Crees and the Government of Québec. Relations are bad as they are right now, but we cannot go on another seven years here.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre. (18 heures)

M. Chevrette: Je crois qu'affirmer qu'il n'y a pas eu de rencontre depuis 1977, c'est fort. Il me semble que statutairement, dans la loi sur la Baie-James, en vertu de l'entente vous êtes obligés de tenir des réunions trois ou quatre fois par année. Si mes renseignements sont bons, la semaine dernière même, il y a eu une rencontre tout à fait spéciale pour discuter du problème que vous nous soulignez aujourd'hui concernant Propair Inc. La commission parlementaire comme telle ne peut pas discuter de sujets spécifiques qui ne sont pas de son ressort. C'est pour cela que je vous conseille fortement d'acheminer vos revendications là où elles doivent l'être.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Diamond.

M. Diamond: Mr. Chairman, pardon me, Mr. Minister, but we are not talking about the same thing. I am talking about the joint committee where Canada, Québec and the Crees are represented, the native people, in section 28 of the James Bay and Northern Québec Agreement. That joint committee was supposed to facilitate any problems related to the implementation of the agreement. The committee that you are talking about is the Coordinating Committee under section 24 of the James Bay Agreement. That coordinating committee on hunting, fishing and trapping is meeting regularly and they are voting on issues, there is a question whether some of the votes are legal, but they are meeting regularly. It is the other committee that I am talking about which has not met. So, just for...

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Oui, M. le député de Duplessis.

M. Perron: Mr. Diamond, you are talking about the Senior Committee...

M. Diamond: Yes.

M. Perron: ... inside the agreement.

M. Diamond: Yes, the Joint Economic and Social Development Committee. The Minister is talking about the Coordinating Committee on Hunting, Fishing and Trapping. I understand what the Minister is saying.

Le President (M. Bordeleau): M. le député de Duplessis.

M. Perron: He was talking about the one under his jurisdiction, he was not talking about the other one, because the Senior Committee is depending on another Minister.

M. Diamond: That is correct.

M. Perron: When you were talking about some senior Members of the Government of Québec on the committee, were your talking about the Senior Committee or the other one, the one concerning hunting?

M. Diamond: The joint committee, the Social and Development Committee.

M. Perron: Okay. Thank you.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: M. le Président, I wish to thank Mr. Diamond for I would say the complete brief that he has presented us today. As a Member of the Opposition, I am sure that what the Minister has just said would be of reassurance to you for the

implementation of the agreement. I guess we are more aware after reading your brief and I think it is a good occasion for you to make people from the Government and from the Opposition more aware of your needs and also your preoccupations.

As far as we are concerned, we want to make our Members of the Opposition know more about your needs and your aspirations. Since we were also part of the former Government, we wish to reassure you also that we will see with the Minister - at least on this Committee - that implementation of the agreement is put forward as soon as possible, that meetings are made or in the near future. I think you are right to ask for meetings and that is the only way that an agreement can come to a conclusion.

As far as we are concerned, I think the briefs of today are very important both for the Government people and also the Members of the Opposition.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Diamond.

M. Diamond: Mr. Chairman, I would like to thank the Member for her comments, I am reassured but I just want to make sure that everybody...

Mme Bacon: ... is reassured?

M. Diamond: I am reassured, but I want to have the right to exercise those rights and that is what causing our concern. The Crees have certain rights. For example, the Crees have rights outside the James Bay territory. Those have to be discussed. I know that I will bring it again in negotiations and there are other withnesses that alluded to the same question, but something has to be done and it is not being done. So, with all respect to the Minister, we would like to see some action.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Could I ask one question to Chief Diamond? Have you already discussed this matter, I mean previously, with the Members of the Government over the last few years?

M. Diamond: Mr. Hutchins can make comments to that.

M. Hutchins (Peter): Yes, Mr. President. If I can answer to my recollection, there has been one meeting on the subject of Cree rights outside of the territory that was held, I believe, in 1976-1977, shortly after the signing of the agreement. What we would like to emphasize is that this matter of

Cree harvesting rights and activities outside of the territory was identified prior to the signing of the agreement. It was clearly stated at that time that there were Crees harvesting outside of the territory as defined, that it was a problem that had to be dealt with and there was an undertaking by Québec to deal with it after the signing of the agreement as a matter which was perhaps too complicated to deal with legally at the time of the agreement, but it was to be dealt with immediately after the signing and has not been dealt with.

M. Diamond: Mr. Chairman, just another point on the question of the rights outside of the territory. There are Court cases pending which were started by the Department of Justice against Crees. The Montagnais that trap around there do not get arrested. But Crees, when they trap around there, get arrested and Thomas Coon, the president of the Trappers Association, was charged himself and brought to Court, and he is before the Court. So, you know, do you follow one thing with the Montagnais and another with the Crees? We did not settle those rights outside of the territory, so, we would like to get down to rediscuss that.

Le President (M. Bordeleau): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Could I ask one question? The problems that you have with the Minister of Justice would be from the people being caught outside of the territory, not inside?

Une voix: That is correct.

Mme Bacon: They would be outside?

M. Diamond: That is correct, Mr. Chairman.

Le Président (M. Bordeleau): Avant d'aller plus loin, je voudrais quand même souligner qu'il est passé 18 heures et, à partir de notre mandat, j'ai besoin du consentement des membres pour pouvoir continuer. Alors, je vous le signifie. Cela va? M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. I have just one question, Mr. Diamond. If you have legal rights, what prevents you from exercising those rights, I mean, if there is an agreement that was signed between parties, how come you cannot exercise your rights today? I mean, if there is an agreement, an agreement is an agreement.

M. Diamond: You really want to open that floor?

M. Rocheleau: I do not want too long of an answer, but...

M. Diamond: Mr. O'Reilly.

Le Président (M. Bordeleau): M.

O'Reilly, si vous voulez répondre.

M. O'Reilly (James): I would say that the Crees are exercising those rights and they are fighting with all the recourses that are available to them. The problem is that, as he was saying, there are court cases. There is a difference in interpretation. There is enforcement the conservation officers of Québec interpret it one way; the Crees interpret it perhaps another way, and there are a lot of disputes which could have been avoided and which should still be avoided. We have enough disputes with Québec as well as with Canada in many areas. We do not need more in these areas where we thought it was quite clear.

But one comment that I will make on that entire issue is that if the parties could come to an understanding as to what is practical in relation to enforcement and there could be a forum, some kind of place where the parties could meet - and it is not always a conflictual situation - maybe quite a few of these problems could be resolved. There are certain questions of principle where it is before the Courts and they will keep going before the Courts. But there are others which should not be questions of principle, which really are questions of good common sense. Those problems should have been solved before now.

We are thinking in terms of some of the difficulties of interpretation with the Coordinating Committee. There is a question of letter and there is also a question of spirit. Some provisions of the agreement are somewhat ambiguous. They could go either way. Now, it depends if you want to take a very very literal interpretation and go one way or you want to take an intentional interpretation and say: This is what the parties meant; we should get on with that. We find that in some of the problems that have been mentioned in the brief, there is an extremely literal and adversarial interpretation which is taken by the Government of Québec. It is not in all of the problems, as chief Diamond says, it is really a remarkable contrast that in certain Departments there is a very wide interpretation given to reach the spirit and, in other Departments, it is extremely narrow. I would not call it legalistic because I do not agree that it is a legal interpretation.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. Rocheleau: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Thank you, Mr. Diamond, and to the people who are with you to have presented your paper to the commission.

M. Diamond: Thank you very much.

Le Président (M. Bordeleau):

J'appellerais maintenant les représentants de la Société Makivik (mémoire no 25) représentée par Mlle Lorraine Brooke et Me John Lemieux. Je voudrais vous indiquer aussi, comme je l'ai fait pour d'autres, que j'apprécierais que vous puissiez résumer le mémoire, comme il est assez volumineux, pour tenter d'entrer dans les vingt minutes accordées pour la présentation du mémoire. C'est à vous de décider ce qui serait le plus important de dire; ce sera inscrit au journal des Débats.

Si vous voulez bien vous identifier et présenter les personnes qui vous accompagnent au cas où je n'aurais pas les bons noms.

Société Makivik

M. Walukturuk (Siméonie): I am

Siméonie Walukturuk, member of the execu-tive committee of Makivik. With me, our legal adviser, John Lemieux, and the head of our research department, Lorraine Brooke.

Mme Mercier (Louise): Une simple question de procédure, s'il vous plaît, M. le Président. M. Walukturuk va lire le document en anglais. Voulez-vous une traduction en français? On me dit que c'est la même chose, sauf qu'on va sauter quelques paragraphes.

Le Président (M. Bordeleau): Non, le mémoire peut être lu en anglais directement. Il sera transcrit en anglais au journal des Débats. Vous pouvez y aller.

M. Walukturuk: I will read only parts of this brief, but I want the whole brief recorded. We are pleased, on behalf of Northern Québec Inuit, to submit a brief to the Parliamentary Commission on Recreation, Fish and Game. We also welcome this opportunity to discuss with the members of the Commission our recommendations and concerns with respect to the Government's proposal.

Makivik Corporation is an Inuit association whose membership comprises all of the Inuit beneficiaries of the James Bay and the Northern Québec Agreement. Makivik was created by a special Québec Statute in 1978 pursuant to that agreement. We are the representative Inuit Native Party for purposes of that agreement, including matters pertaining to the special hunting, fishing and travelling regime established for

Northern Québec Inuit and James Bay Crees under that agreement. There are approximately 5500 Inuit in Northern Québec, which forms part of the territory covered by the James Bay and Northern Québec Agreement. The part of the territory we use and occupy and in which we have the predominant population is about one third of the total area of Québec. We live in 14 coastal communities located, with the exception of Chisasibi, north of the 55th parallel. (18 h 15)

We appear before you, therefore, as an Association which represents people with perhaps the largest regional territorial interests in the province. Of equal significance, the three native groups with primary rights and interests in the territory, namely Northern Québec Inuit, James Bay Crees and the Naskapis of Schefferville, represent a population of approximately 16 000 who rely heavily on hunting, fishing and trapping for their subsistence.

Furthermore, our interests in appearing before you goes beyond that of an interested person or bodies who were the subject of the Government's invitation. It is in fact both of legal and contractual nature based on the premises both of the James Bay and Northern Québec Agreement and related legislation. A specific object of Makivik's Charter is the exercise of functions vested in it by the agreement and the legislation implementing it. One of such functions is the participation in the supervision and management of the hunting, fishing and trapping regime established in our territory through the appointment of Inuit members to the Hunting, Fishing and Trapping Coordinating Committee established for that purpose. To the extent that the proposed amendments affect that regime, we consider it the mutual obligation of Makivik and the Government to consult each other through whatever form available.

The purposes of this brief, I will explain briefly. Through the James Bay and Northern Québec Agreement, the Québec Government has recognized and confirmed the special rights of the Inuit and aboriginal peoples with respect to the pursuit of our past and present hunting, fishing, trapping and related activities. The Wild-Life Conservation Act has established one regime for the conservation of wildlife. As previously mentioned, however, the James Bay and Northern Québec Agreement has given rise to the establishment of a special hunting, fishing and trapping regime for the territory covered by the agreement which comprises an area covering approximately three fifths of the Province of Québec.

Our regime governs among other things the hunting, fishing, trapping and outfitting rates for both natives and non-natives in this territory. One purpose of this brief is to comment on the minutes of the proposed amendments to the Wild Life Conservation Act. Equally, however, our purpose is to examine the effect that such an amendment would likely have on our hunting, fishing and trapping regime. We are concerned that the adoption of legislation of general application, whether in statute or regulation form, will have the effect of amending, derogating from or otherwise changing our hunting, fishing and trapping regime. Since the coming into force of the James Bay and Northern Québec Agreement on October 31, 1977, we have had on many occasions to point out to the Department of Recreation, Fish and Game the conflicts which proposed regulations would create if adopted. We take this occasion to bring this continued problem to the attention of the Commission.

Before giving the summary of our specific comments, we would make two general observations with respect to the document released by the Government following the Minister's statement of June 21st 1982.

First, we agree with the general thrust of the amendments. If the legislation which is eventually tabled and adopted follows the proposals, the existing province wide regime will be realigned in favour of the protection of wildlife habitats. We agree with that goal.

Secondly, we would observe that, while an outline of the amending legislation is given, the absence of the draft text or precise proposals makes it difficult to give precise comments or recommendations in some areas. While this exercise may not be premature, it leads to the observation that a second stage of consultation is necessary and will likely be more meaningful.

I will now summarize our comments and recommendations. If you need more details and full discussion, you are referred to pages 13 to 31 of our brief.

In recognition of the priority status of the hunting, fishing and trapping regime established by the James Bay and Northern Québec Agreement and implemented by an Act respecting hunting and fishing rights in the James Bay and New Québec Territories, any amendments to the Wild-Life Conservation Act which conflict with our regime shall expressly not apply in the James Bay and New Québec Territories.

If conservation officers and auxiliary conservation officers are to have more responsibilities, the Government must clearly indicate, both in their training and in the laws which they apply, those provisions of the Wild-Life Conservation Act.

The Environment Quality Act and the Lands and Forests Act do not apply in the James Bay and New Québec Territories. In recognition of the obligations under the James Bay and Northern Québec Agreement

and the legislation implementing it, the Government must formally advise and consult with the native parties to that agreement in connection with legislative proposals like the ones presently under review which can affect our rights under that agreement.

The Government must submit the present proposals and similar future proposals to the Hunting, Fishing and Trapping Coordinating Committee for its advice and furthermore must formally consult the Coordinating Committee before tabling draft legislation on such proposals.

Now, I have some specific comments. The definition of the term "hunt" should not be nailed but should instead be clarified to state that activities such as pursuing or following an animal, if hunting, if carried out for the purpose of taking an animal, if necessary, certain outdoor activities, for example, wildlife photography, can be specifically excluded from the definition. The Government must avoid any redefinition of hunting having the effect of authorizing, in our territory activities involving wildlife which would lead to conflicts with the exercise by the native people of their harvesting rights.

We agree with the abolition of the present sense found in articles 31 and 37 of the Wild Life Conservation Act, but the Act should retain the general provisions against such activities. Any exceptions permitted by regulations should be limited in number. We generally agree with the proposed amendments to division 14 concerning penalties and fines, but, in the case of confiscation of personal property of someone who does not have enough money to pay the fine, the amendments should allow some discretion to the courts, particularly where subsistence hunters is involved. They must have their hunting equipment for their livelihood.

The interministerial working group on wildlife habitat protection should formally consult the native parties of the James Bay and Northen Québec Agreement, both directly and through the Hunting, Fishing and Trapping Coordinating Committee, so as to allow any new habitat protection measures that would apply in the James Bay and New Québec Territories. In recognition of its obligations under the James Bay and Northern Québec Agreement and under the Act respecting the hunting and fishing rights in the James Bay and New Québec Ter-ritories, the Government must allocate the funds required to continue the training of native conservation officers and to provide the jobs and infrastructures required to insure adequate enforcement of conservation laws in the James Bay and New Québec Territories.

With respect to the redefinition of the term "wildlife sanctuary" in the proposed Gov-ernment regulations establishing the terms and conditions attaching to the future use of such sanctuaries; they should be tabled at the same time as the proposed amendments to the Wild-Life Conservation Act in this regard. With respect to the amendments concerning outfitting activities, the Government must insure that with respect to their application in the James Bay and New Québec Territories such amendments are compatible with the exercise by the native peoples of their exclusive outfitting rights and of the right of first refusal with respect to outfitting activities.

In recognition of the Inuit economic development objectives, Northern Québec Inuit and the Government of Québec should pursue discussions concerning the possibility of our commercial sale of the products of our harvesting activities to non-native purchasers. Specific proposals are now being developed and we look forward to presenting these to the Department of Recreation, Fish and Game. The Government of Québec must recognize that amendments to the Wild-Life Conservation Act or the adoption of regulations authorizing non-native hunting activities for the purpose of commercial exploitation would be without effect in the James Bay and New Québec Territories. Such amendments must state that they do not apply in those territories.

We agree with the principle of protection of rare and endangered species. Amendments to the Wild-Life Conservation Act in this regard should contemplate both partial and total hunting restrictions. If applied in the James Bay and New Québec Territories, they should first be applied to persons hunting commercially or for sport and only secondarily to native persons harvesting for personal or community use. Any decision declaring a species rare or endangered or in need of special protection in the James Bay and New Québec Territories must involve the participation of native peoples through the Hunting, Fishing and Trapping Coordinating Committee.

Lastly, with respect to the proposed prohibition against the possession or introduction of wildlife from other provinces or countries, amendments to the Wild-Life Conservation Act should envisage regulations allowing the introduction of new species or specific terms and conditions established by the government.

L'intervenant s'exprime dans sa langue. (18 h 30)

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: Vous me dites que vous présentez ce mémoire au nom de 5500 Inuits du Québec qui bénéficient d'un régime

spécial de chasse, de pêche et de piégeage qui vous a été accordé à la suite de la signature de la convention de la Baie-James et du Nouveau-Québec ainsi qu'aux autres bénéficiaires Cris et Naskapis, ce qui représente, selon votre estimation, environ 16 000 citoyens québécois.

Je dois vous dire que si j'ai convoqué cette commission parlementaire, ce n'est pas pour vous soumettre des textes précis et définitifs à inclure dans une loi, mais plutôt dans un objectif de discussion générale concernant certains thèmes majeurs qui pourront aboutir à la présentation de modifications précises. Je n'ai jamais songé, par ce procédé, à remettre en question le régime de chasse, de pêche et de piégeage dont vous bénéficiez actuellement en vertu de la Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie-James et du Nouveau-Québec. Je sais fort bien que tout règlement qui pourrait affecter ce régime doit être soumis à l'attention du comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage où se retrouvent des représentants de votre société.

Vous mentionnez que l'information se rapportant à cette commission ne vous a pas été envoyée. Nos dossiers indiquent que toute la documentation se rapportant à cette commission a été envoyée au bureau de votre société à Montréal, au 4898 ouest, rue Maisonneuve, Westmount, Québec. Je sais fort bien que la Loi sur la conservation de la faune et la Loi sur les droits de chasse dans les territoires de la Baie-James et du Nouveau-Québec sont interreliées et que la première ne peut être modifiée sans consulter le comité conjoint, si elle affecte le régime de chasse, de pêche et de piégeage du territoire. Les terres de catégorie 3 sont des terres publiques et tous les Québécois peuvent y avoir accès pour exercer des activités de chasse et de pêche. Il importe que la législation protège la faune qui s'y retrouve.

Vous faites beaucoup de commentaires quant à l'application de la Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie-James et du Nouveau-Québec. Je prends note de ces commentaires, mais je considère que ce n'est pas le but de la présente commission de discuter de ces problèmes. Vous faites aussi des commentaires précis quant aux divers points se rapportant à la modification éventuelle de la Loi sur la conservation de la faune. Je vous en remercie, en vous assurant qu'ils seront examinés attentivement par les spécialistes de mon ministère.

Je suis particulièrement heureux de constater que vous vous ralliez à notre intention de nous impliquer davantage dans la protection des habitats fauniques. Tout comme vous, nous admettons que souvent l'exploitation des ressources ne s'est pas faite en harmonie avec les besoins de la faune et c'est justement la situation que nous désirons modifier. Je prends bonne note de votre désir d'être consultés sur le mode d'application de nouvelles mesures de protection des habitants dans les territoires de la Baie-James et du Nouveau-Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Des commentaires? Non? Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Mr. President, I would have only maybe one question coming from your brief. Concerning the conflit between the hunting and fishing rights in the James Bay and the Wild-Life Conservation Act, I think there is a mention of article 3 of the Conservation Act of the James Bay. I just want to know if you have, in case of conflict, any statistics concerning any recourses that you have had in the past on article 3 of the Wild-Life Conservation Act.

M. Walukturuk: I will let my legal adviser answer that question.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'il faut revenir?

Mme Bacon: Is there any large number of recourses coming out of the conflict?

Le Président (M. Bordeleau): M.

Lemieux.

M. Lemieux (John): Mr. President. There are no statistics as to the number of conflicts that have arisen. The incompatibility provision that is found in section 3 is a fall back provision. We hope not to have to rely and the Inuits and the Crees hope not to have to rely on the incompatibility provision. This exercise is aimed at that, at drawing to the attention of the members of the Commission the existence of this other statute, the fact that it has priority status in the James Bay and New Québec Territories and the fact that any amendments which are proposed to the Wild-Life Conservation Act should take that into account, should in fact clearly state that they do not apply in that territory but as to your question and to if there are any statistics and so far as conflicts are concerned, the answer is we have not had to keep them. Each time that they have arisen or that there has been a possibility of a conflict, we have drawn it to the attention of the Department.

Le President (M. Bordeleau): Thank you. D'autres questions ou commentaires? Cela va? M. le ministre cela va aussi?

Thank you, Mr. Walukturuk and the

people who are with you.

M. Walukturuk: Thank you.

Le Président (M. Bordeleau): J'appelerai maintenant le dernier groupe...

M. Chevrette: On vous reverra au mois de décembre, Me Lemieux.

M. Lemieux: C'est trop tard.

M. Chevrette: Sur le projet de loi no 83.

Le Président (M. Bordeleau): ... qui représente la nation des Naskapis. Je pense que c'est M. Guanish.

Nation des Naskapis

M. Mameameskum (John): M. Mameameskum.

Le Président (M. Bordeleau): M. John Mameameskum.

M. Mameameskum (John): I will be presenting this brief on behalf of the Naskapis Band Council. First of all, I would like to introduce Chief Joe Guanish on my right, Paul Wilkinson, our advisor on the Coordinating Committee, and I would like to make a correction. I am not the Chef adjoint", I am the Chief's side-kick.

I would like to start now. The brief submitted to this Parliamentary Commission by the Grand Council of the Crees of Québec and the Cree Regional Authority summarizes the history of the James Bay and Northern Québec Agreement and an Act respecting hunting, fishing rights in the James Bay and New Québec Territories.

We wish to draw this Commission's attention to the following additional facts: 1. The Naskapi Indians are some 400 persons who today reside in Schefferville and hunt throughout an intensive area in Northern Québec. 2. The Naskapi Indians were not signatories to the James Bay and Northern Québec Agreement, but, on January 31, 1978, certain parts of section 24 of the James Bay and Northern Québec agreement were amended to provide for the inclusion of the Naskapis in the so-called hunting, fishing and trapping regime 3. Also on January 31, 1978, the Naskapis, the Government of Québec and the Government of Canada, the James Bay Crees, the Inuit of Québec and certain other parties signed the North-Eastern Québec Agreement. Chapter 15 which dealt with certain of the harvesting rights of Naskapis beneficiaries. 4. The Government of Québec approved, gave effect to and declared valid the North-Eastern Québec Agreement by an Act approving the North-Eastern Québec

Agreement. 5. An Act respecting the hunting and fishing rights in the James Bay and New Québec Territories was amended by an Act which respected the legislation provided for in the North-Eastern Québec Agreement and other amending legislation to give specific legislative effect to the said amendments to the section 24 of the James Bay and Northern Québec Agreement and to section 15 on the North-Eastern Québec Agreement.

The position of the Naskapis is that we do not object to any of the proposed amendments provided that they in no way conflict with, detract from, modify or in any other way affect our harvesting rights or the so-called principal of conservation as established by the above cited agreements and legislations. We reserve our position until we have studied the text of any actual amendments that may be proposed to the Wild-Life Conservation Act. Paragraphs 24.4 and 24.36 and 24.37 of the James Bay and Northern Québec Agreement and sections 82 and 83 of an Act respecting hunting and fishing rights in the James Bay and New Québec Territories which provide for a special twofold consultation with the Hunting, Fishing and Trapping Coordinating Committee prior to action by the Government of Québec. We are grateful to have been able to present our views to this Commission. We look forward as one member of the Coordinating Committee, to be consulted again. Thank you.

Le Président (M. Bordeleau): Thank you, Mr. Mianscum. M. le ministre.

M. Mameameskum: Mameameskum.

Le Président (M. Bordeleau): I am sorry, excuse-me.

M. Chevrette: Je pense bien, M. le Président, que les commentaires que j'ai faits pour les deux groupes précédents, les groupes touchés par l'entente de la Baie-James, ont été très bien compris par les intervenants puisque eux-mêmes, dans leur texte, sont bien conscients qu'on ne peut amender quelque loi qui aurait une incidence sur eux. La loi de la Baie-James prime l'entente de la Baie-James, prime toute modification qu'on pourrait éventuellement en porter. Donc, c'est bien sûr que cela peut avoir des influences au niveau de la négociation, mais il n'en demeure pas moins qu'on doit les consulter en recourant au comité conjoint. Je vous remercie cependant d'avoir accepté de donner votre point de vue devant les membres de cette commission et j'ose espérer que vous suivrez de près le dépôt de la législation qui devrait venir après les fêtes et qui touchera, je l'espère, non seulement des modifications à la Loi sur la conservation de la faune dans sa forme

actuelle, mais qui ajoutera une dimension spécifique pour la sauvegarde des habitats fauniques.

Nous avons des espèces en danger d'extinction et nous devons, comme gouvernement, je pense, légiférer, sauvegarder ces espèces en danger. Je vous remercie beaucoup de votre participation.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Je voudrais vous remercier. I would like to thank you for your brief. I am reading in your page no 2 - it must be the same thing in English - that you are approving all of the modifications, but with the reserve that it does not have to be in conflict with the rights that you have right now, your territorial rights. So, do you have any presumption that, within the modifications they want to put on, some of them would be against your rights?

M. Mameameskum: It does not say we approve. We said: We do not object. Approve and object are two different words, Mister, and we have the same concerns as the Crees and Inuit.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord? Une autre question, M. le député de Duplessis?

M. Perron: Yes. I would like to say hello to Chief Guanish from Schefferville at the same time. I would also like to thank you for the presentation of your brief. I hope you did understand what the Minister said about the James Bay Agreement concerning the fact that the Bill which is going to be presented in 1983 will not touch the James Bay Agreement.

M. Mameameskum: The Naskapi Agreement. I mean, they are both...

M. Perron: Yes, I now, the James Bay Agreement and the New-Québec Agreement concerning your part, anyway, because you are part of the agreement.

M. Mameameskum: There are two separate agreements. You must understand it.

M. Perron: Yes, that is right, but it will not touch that either, either one of them.

M. Mameameskum: I hope that I have your word on that.

M. Perron: Yes. That is what the Minister said, anyway.

M. Mameameskum: O.K. Thank you. M. Perron: O.K. Thanks a lot.

Le President (M. Bordeleau): D'accord. D'autres questions? Non?

M. Houde: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Attendez un peu.

Le Président (M. Bordeleau): Mr.

Mameaskum...

M. Mameameskum: Mameameskum.

Le Président (M. Bordeleau): Anyway... Maybe next time, I will pronounce it better. Right now, I would like to thank you for the presentation of your brief at our Commission.

Je pense que nous allons maintenant terminer nos travaux, à moins que quelqu'un ne veuille les prolonger.

M. Houde: Je voudrais prolonger. M. Chevrette: M. le député...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Berthier, vos commentaires

M. Houde: J'aimerais les prolonger de 30 secondes, M. le Président. J'aimerais bien connaître le programme pour demain. Étant donné qu'il y a onze mémoires, allons-nous les écouter tous? Va-t-on les écouter tous demain?

M. Chevrette: C'est le programme pour demain.

Le Président (M. Bordeleau): C'est le programme pour demain.

M. Chevrette: Vous venez d'affirmer vous-même qu'il y a onze mémoires.

M. Houde: Ces organismes sont-ils tous convoqués pour demain?

Le Président (M. Bordeleau): On va lui permettre de terminer sa question.

M. Chevrette: Ils sont tous convoqués pour demain.

M. Houde: Ils sont tous convoqués pour demain?

M. Chevrette: Oui.

M. Houde: Merci.

M. Chevrette: Vous pouvez cependant

juger qu'il y a cinq mémoires qui sont relativement brefs, mais vous vous rappellerez qu'au départ, on pensait terminer en trois jours. On est obligé d'ajouter une quatrième journée et, d'après ce qu'on peut voir, on en aurait eu besoin de cinq.

M. Houde: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. J'espère que j'aurai la collaboration des membres de la commission comme je l'ai eue aujourd'hui. La commission ajourne ses travaux sine die.

M. Houde: À 10 heures, demain matin.

Le Président (M. Bordeleau): Non, non excusez-moi. On ajourne jusqu'à 10 heures demain matin.

(Fin de la séance à 18 h 48)

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