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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le mardi 23 novembre 1982 - Vol. 26 N° 204

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes relativement aux modifications à apporter à la Loi sur la conservation de la faune


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, mesdames et messieurs!

La commission parlementaire du loisir, de la chasse et de la pêche reprend donc ses travaux pour remplir son mandat d'entendre les personnes et les organismes en regard de modifications à apporter à la Loi sur la conservation de la faune.

Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont: Mme Bacon (Chomedey); MM. Chevrette (Joliette), Dauphin (Marquette); M. Gauthier (Roberval) sera remplacé par M. Grégoire (Frontenac); MM. Houde (Berthier), Lafrenière (Ungava); M. Laplante (Bourassa) sera remplacé par M. Lachance (Bellechasse); MM. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Paré (Shefford), Perron (Duplessis), Vaillancourt (Orford).

Les intervenants sont: MM. Assad (Papineau), Bisaillon (Sainte-Marie), Desbiens (Dubuc), Mme Juneau (Johnson), MM. Léger (Lafontaine), LeMay (Gaspé), Maciocia (Viger), Pagé (Portneuf), Rocheleau (Hull).

Je vous donne l'ordre du jour pour aujourd'hui, à moins de changements dans le courant de la journée, et l'ordre dans lequel les mémoires devraient être présentés: en premier lieu, la Société pour la perpétuation de la sauvagine, suivie de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, de la Société de gestion du saumon de la rivière Cascapédia, de l'Association provinciale des trappeurs indépendants Inc., du Groupe Espace Inc., du Conseil consultatif des réserves écologiques, de la Société canadienne protectrice des animaux, de Mme Joanne Marchesseault, de M. Louis-Georges Morin, de La Gibecière Inc., de l'Association des industries forestières du Québec Limitée, de la Société québécoise de protection des oiseaux Inc. et finalement, comme treizième mémoire, de M. Guy Vanier, à titre personnel.

Il y a un certain nombre de mémoires qui sont pour dépôt seulement. À moins de commentaires de part et d'autre des membres de la commission, je demanderais immédiatement au premier groupe de se présenter, soit celui de la Société pour la perpétuation de la sauvagine, qui serait représenté par M. Louis Larivière. Si vous voulez prendre place en avant devant un micro, je présume que vous êtes M. Louis Larivière.

M. Larivière (Louis): Oui, je suis Louis Larivière, vice-président de la Société pour la perpétuation de la sauvagine.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Vous pouvez y aller dès maintenant pour la présentation de votre mémoire.

M. Larivière.

Société pour la perpétuation de la sauvagine

M. Larivière: II y a un mémoire qui a été adressé à M. André Archambeault, greffier. C'est un mémoire de la Société pour la perpétuation de la sauvagine. Pour en donner un peu l'historique, la Société pour la perpétuation de la sauvagine, fondée à l'automne 1980, est une corporation à but non lucratif qui vise à protéger et à améliorer les habitats de la sauvagine. Les interventions de la SPS ne se limitent, dans ce mémoire, qu'aux démarches qui favorisent la nidification ainsi qu'une fréquentation plus grande des oiseaux migrateurs au Québec.

Aire de repose: La Société pour la perpétuation de la sauvagine aimerait que soit ajoutée dans la description des titres de territoires désignés, le terme "aire de repos" qui permettrait ainsi de donner plus de souplesse aux gestionnaires de la faune. La description de l'aire de repos: Une zone où la chasse aux oiseaux migrateurs est interdite durant une période donnée. Les aires de repos sont désignées dans les règlements concernant les oiseaux migrateurs. Ces règlements sont établis par le lieutenant-gouverneur en conseil, en vertu des pouvoirs qui lui sont donnés dans la loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Ces règlements sont révisés annuellement et leur adoption relève du Parlement canadien.

Pour des considérations générales, la Société pour la perpétuation de la sauvagine estime extrêmement important que la faune soit dotée de tous les types de protection dont elle a besoin pour réussir à survivre dans l'avenir. L'intérêt de la SPS et son désir de mettre en valeur des habitats des oiseaux aquatiques l'amènent à souligner que les oiseaux migrateurs ont un besoin pressant de sanctuaires, tant pendant la période de reproduction que pendant la période de migration. La SPS est d'avis que les titres de territoires désignés tels que la réserve

faunique, parcs, réserves, aires de repos, sanctuaires, etc. soient inscrits à l'intérieur d'une loi sur la protection des habitats plutôt qu'à l'intérieur de la Loi sur la conservation de la faune.

Alors, c'est le document que vous avez en main, je crois. (10 h 15)

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Je vous remercie, M. Larivière.

Des questions ou commentaires, M. le ministre?

M. Chevrette: Tout d'abord, je retiens également que vous êtes le troisième ou le quatrième groupe qui venez nous demander de légiférer d'une façon différente concernant les habitats. En d'autres termes, vous préféreriez un projet de loi spécifique sur les habitats et amender la Loi sur la conservation de la faune dans un autre projet de loi.

J'aurais deux questions. Vous soulignez un besoin pressant de création de sanctuaires ou d'aires de repos pour les oiseaux migrateurs. Compte tenu du réseau actuel de tels sites et considérant aussi les implications diverses que ceux-ci imposent pour leur création, j'aimerais que vous nous éclairiez en nous indiquant sur quelles études s'appuie votre recommandation.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Larivière.

M. Larivière: Je ne crois pas qu'une étude complète ait été faite, mais nous utilisons les observations d'un groupe de personnes qui sont compétentes en matière d'aménagement, observations faites depuis ces dernières années. C'est un groupe de chasseurs qui se sont réunis, alarmés par la baisse sensible surtout du canard noir, qui diminue de façon régulière. On n'en voit presque plus sur nos lacs. À partir de ce moment-là, on a profité d'une occasion qui se présentait à nous en ce qui concerne le territoire du canal de Beauharnois. On a fait les démarches pour essayer de devenir acquéreur de ces terres qui sont en amont de la centrale hydroélectrique.

On a eu l'appui de plusieurs personnes, entre autres d'anciens ministres, qui faisaient partie du comité de direction de la Société de la chasse et de la pêche, dont celui de l'Environnement. M. Léger était un de nos membres, M. Lessard l'était aussi. Je crois qu'aucune étude n'a été faite, comme vous l'avez mentionné. C'est une observation et je crois qu'elle est très justifiable dans notre cas.

Advenant le cas où notre société pourrait prendre un peu plus d'envergure au niveau des finances, on pourrait peut-être s'offrir le luxe d'avoir des biologistes ou des gens d'une compétence supérieure pour pouvoir répondre à votre question, M. le ministre.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: Vous définissez une aire de repos comme étant une zone où la chasse aux oiseaux migrateurs est interdite durant une période donnée. Est-ce que vous jugez que cette définition nous permet vraiment de protéger adéquatement l'ensemble des habitats?

Le Président (M. Bordeleau): M.

Larivière.

M. Larivière: Oui, dans le sens que cela donne une chance à ce groupe qui, dans le fond, est un groupe de gestionnaires, de pouvoir établir un peu ce qu'on a vu. On a fait des voyages aux États-Unis, entre autres dans la baie de Chesapeake où l'on a vu, d'une façon très intéressante, une concentration d'oiseaux qui nous appartiennent au Québec. Tout le monde connaît très bien les outardes. L'outarde ou la grande bernache pose à peine le pied sur nos territoires. C'est un oiseau qui est si envié qu'il y a à peine d'endroits... Elles sont si nerveuses qu'on les voit passer... Tout le monde est très sensibilisé au passage des outardes à de telles hauteurs. Quand vous arrivez aux États-Unis, on peut quasiment les nourrir dans nos mains. Il y a des chasses contrôlées qui sont bien indiquées. C'est une merveille. Ce sont nos oiseaux. On veut en faire une copie. On a des territoires qui sont disponibles, surtout que le territoire qu'on visait était déjà un territoire qui appartient à Hydro-Québec. Les démarches vont bien. De plus, c'est une zone qui est interdite à la chasse, mais pour toutes sortes de raisons, la chasse se continue dans ces secteurs-là. C'est un peu dans cet ordre qu'on misait pour essayer d'avoir ce changement, uniquement pour la souplesse dans nos activités.

M. Chevrette: Ma question est plus large. Je vais vous expliquer pourquoi. On peut fort bien, dans la conjoncture actuelle, empêcher la chasse pour une période de deux ou trois ans parce qu'une espèce est menacée, mais on n'a pas les pouvoirs dans la loi actuellement, par exemple, de garder intacts les habitats existants, ce qui est aussi - et ce peut l'être encore plus - nocif. Je vous donne un exemple. Vous parlez de la sauvagine. Je suppose - je ne sais pas -qu'un agriculteur a, au bout de sa terre, un endroit très humide et propice, un habitat propice à la sauvagine et qu'il décide de couper tout cela à ras de la terre, qu'il rase toute son histoire, toute sa terre. Il détruit donc l'habitat naturel. Il fait du remplissage.

En vertu des lois actuelles, je n'ai pas le pouvoir, comme ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, d'arrêter ce producteur en question. C'est pour cela que je vous posais la question: Est-ce que vous jugez que, par le simple fait d'interdire la chasse, je sauvegarde les habitats? Vous me répondez oui, mais j'aimerais que vous me donniez votre opinion, puisque vous n'en traitez pas dans votre mémoire. Je suppose que vous avez quand même des idées là-dessus. Est-ce qu'on ne doit pas aller au-delà de l'empêchement de chasser? Doit-on aller aussi vers des pouvoirs précis nous permettant de sauvegarder les habitats à leur état naturel?

Le Président (M. Bordeleau): M.

Larivière.

M. Larivière: Oui, j'aurais tendance à ajouter qu'on doit non seulement sauvegarder les habitats naturels, mais aussi qu'on doit essayer d'améliorer ces habitats tout en conservant l'approbation de tous les ministères touchés, l'Environnement, etc. On ne veut pas nécessairement avoir tous les droits, on veut simplement pouvoir intervenir, s'assurer qu'il y ait une bonne liaison entre les gens qui sont concernés afin d'améliorer les choses. C'est notre but. Notre but n'est pas d'accaparer des terres, c'est d'essayer de sensibiliser les gens, de créer ce lien qui, à mon sens, est absent.

Vous avez des organismes comme Canards Illimités, qui font des travaux qui sont très bien mais, souvent, ils ont tendance, avec leurs exigences, à accrocher à certaines lois québécoises. Qu'on ne laisse pas agir uniquement des organismes qui sont des constructeurs, parce que ces gens sont des constructeurs; on peut essayer de créer un lien, un trait d'union entre tous ces gens de façon à avoir des résultats plus positifs.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.

M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Très brièvement, dans votre mémoire, vous proposez au ministre de prévoir une loi spécifique sur la protection des habitats plutôt que de procéder par amendements à retoucher la Loi actuelle sur la conservation de la faune. Je présume que, dans votre for intérieur, votre motivation est d'avoir plus de dents dans une loi spécifique, dans un cadre peut-être plus particulier. Pourriez-vous expliciter un peu voter pensée là-dessus?

Le Président (M. Bordeleau): M.

Larivière.

M. Larivière: Inévitablement, si cette loi ne porte que sur les habitats, cela va nous donner beaucoup plus de souplesse en ce qui concerne les changements possibles où la gestion possible des habitats comme tels et non nécessairement de la sauvagine. Automatiquement, la sauvagine sera choyée, si on s'intéresse à l'habitat plus qu'à la sauvagine. Si on s'intéresse uniquement à la sauvagine, on fait face à des problèmes avec le gouvernement fédéral; on ne voudrait surtout pas se mettre les pieds dans les plats avec le fédéral dans ce sens. Si on a des droits sur l'habitat, automatiquement le reste va s'ensuivre parce que cela ne fait pas partie de la Loi sur la protection des habitats. Si vous avez tout simplement l'aire de repos qui est incluse, un amendement quelconque où l'aire de repos pourrait faire partie intégrante de cette loi, à partir de ce moment on peut oeuvrer d'une façon plus à l'aise.

M. Dauphin: D'accord, je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Je vous remercie, M. Larivière, de vous être présenté devant notre commission et j'appelle donc maintenant le deuxième groupe qui est l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, représenté par M. Jean-Louis Caron - mais je ne le vois pas - ou M. Bouthillier. De toute façon, si vous voulez vous présenter.

Ordre des ingénieurs forestiers du Québec

M. Barry (René): M. le Président, M. le ministre, messieurs, madame, je remplace ce matin M. Jean-Louis Caron qui, pour des raisons hors de son contrôle, a dû s'absenter de la ville. Mon nom, c'est René Barrry. Je suis accompagné de M. Marc Côté, secrétaire général de l'ordre et de son adjoint, M. Luc Bouthillier. Cette absence de M. Caron me vaut d'être devant vous, ce matin, pour vous présenter certains points de vue de l'Ordre des ingénieurs forestiers, notre mémoire, par la force des circonstances, n'est pas aussi exhaustif que nous l'aurions voulu; l'absence de documents de référence, que tout le monde connaît, nous a obligés à nous en tenir à des généralités. Notre secrétaire général va vous donner lecture du document, M. le Président; après quoi, nous serons à votre entière disposition pour répondre aux questions que vous ou les membres de la commission désirerez nous poser.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Ce sera M. Bouthillier?

M. Barry: M. Côté.

Le Président (M. Bordeleau): Côté, excusez. Allez-y, M. Côté.

M. Côté (Marc): M. le Président, la volonté ministérielle de simplifier et de préciser la Loi sur la conservation de la faune procède d'une intention à laquelle nous souscrivons pleinement. De plus, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec appuie la nécessité d'identifier avec netteté le partage des responsabilités en matière de gestion faunique. En effet, trop de textes législatifs portent à équivoque et leur complexité nuit à une juste compréhension des individus impliqués, ce qui s'oppose à la réalisation des espoirs que l'on y fonde.

Ainsi, l'objectif de définir des modalités aptes à améliorer la gérance du capital faunique québécois est manifestement cohérent avec les visées globales de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec quant au maintien et à l'accroissement d'une qualité de vie québécoise. Nous adhérons volontiers à l'élargissement des préoccupations de l'État au sujet des habitats fauniques.

L'évidence du lien subordonnant l'existence d'une faune abondante et diversifiée à des habitats de la meilleure qualité possible ne saurait être niée. Cependant, dans l'optique d'un développement harmonieux de toutes les ressources du Québec, plusieurs des modifications proposées au sujet de la Loi sur la conservation de la faune nous apparaissent préjudiciables à l'utilisation intégrée de l'environnement québécois.

La notion d'habitat employée dans les documents de consultation nous semble se référer à des définitions particulièrement larges et ouvertes sur la quasi-totalité du territoire forestier, selon des régimes d'affectation exclusivement ou prioritairement axés sur la faune. Bien sûr, nous avons noté les précautions ministérielles à ne pas prétendre entreprendre le gel de l'ensemble du sol québécois par ce projet de loi, mais c'est en vain que nous en avons cherché un écho dans la déclaration ministérielle sur la refonte de la Loi sur la conservation de la faune. Les risques d'un zonage faunique unilatéral en regard d'une vision sectorielle du ministère ne nous semblent pas exclus par les modifications proposées.

En soi, à peu près tous les milieux à caractère forestier, qu'ils soient riverains ou non, comportent des aptitudes à s'avérer essentiels d'une manière permanente ou temporaire à l'accomplissement des fonctions vitales à des populations animales. Les éléments employés pour définir la notion d'habitat nous laissent l'impression d'être confus et plus ou moins réalistes. À la lumière des critères d'essentialité sous-jacents à la qualification au titre d'habitat faunique, nous appuyons la recherche de mécanismes destinés à préserver des appuis biophysiques inhérents à des espèces animales menacées ou en danger d'extinction.

(10 h 30)

Pourtant, il ne s'agit pas de contester l'importance de soutenir l'épanouissement de toutes les constituantes de notre richesse faunique. Nous tenons seulement à insister sur l'irréalisme d'un système d'affectation où l'aspect faunique serait prioritaire sur l'ensemble ou de vastes parties du territoire forestier. À notre avis, une utilisation optimale des ressources du milieu forestier implique dans une majorité de ce milieu que la priorité soit accordée à la production de matières ligneuses, soit à une affectation sylvicole prioritaire. Au demeurant, il est fort utile de souligner la très grande compatibilité des activités sylvicoles ou lignicoles avec l'aménagement de la faune.

Par ailleurs, comme la constitution concrète des habitats fauniques est généralement floristique, cet état de choses confirme souvent la nécessité d'interventions sylvicoles à l'intérieur de leur périmètre. Évidemment, les préjudices induits antérieurement par certaines pratiques d'exploitation de la matière ligneuse ne devraient pas déprécier le recours à des traitements sylvicoles appropriés.

Réciproquement, il faudrait se garder de prêter une vertu miraculeuse à l'encadrement sylvicole des opérations de récolte forestière. Malgré leur rigueur, les programmes d'interventions sylvicoles peuvent entraîner l'altération momentanée de certains facteurs pertinents à l'expansion de la richesse faunique. Pour progresser et s'affirmer, c'est donc un choix appuyé sur une évaluation économique que la population québécoise doit s'imposer, en veillant tout de même à ne pas attaquer les bases de son capital faunique.

Nous croyons constater dans l'emploi du vocable de conservation une approche considérant le milieu forestier comme une entité statique. Pour l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, concevoir la forêt sous un aspect figé constitue une erreur fondamentale dans le sain usage des ressources. Les massifs forestiers de par leurs propriétés biologiques sont soumis à une dynamique considérable qui n'est pas sans similitude avec les règles présidant à l'évolution des populations animales. Dans cette approche, la conservation demeure une fin qui ne peut impliquer le respect du dynamisme, voire de l'amélioration de la productivité des habitats.

L'orientation des modifications à la Loi sur la conservation de la faune semble plutôt indiquer la recherche du simple maintien des potentiels fauniques par une mise en boîte conservationniste. D'après nous, le ministère s'éloignerait ainsi de ses objectifs d'amélioration quantitative et qualitative du capital faunique.

Notre analyse de la problématique relative à la gestion de la faune par le concept d'habitat nous incite à distinguer

trois modes d'affectation du territoire forestier. Tout d'abord, dans le cas critique des espèces animales rares ou menacées de disparition, l'identification et la protection intégrale des sites afférents à leur survie rejoint une préoccupation que nous partageons sans conteste. Cependant, dans un contexte de simplification législative et compte tenu de la nature généralement floristique des habitats fauniques, nous suggérons de confier cette mission de sauvegarde aux responsables des réserves écologiques lorsque ces habitats doivent demeurer ou recouvrer un état climatique permanent. Pour nous, le statut de réserves écologiques est très explicite à cet égard et devrait être appliqué pour chacun de ces habitats concernés.

Deuxièmement, en regard de la productivité faunique du territoire forestier, il nous apparaît indéniable de conférer à certains habitats essentiels les aptitudes productivistes notoires que l'on doit maintenir, sinon stimuler. Assimilables à des refuges fauniques, ces portions de territoire seraient vouées prioritairement au maintien et à l'accroissement du capital animalier. À l'intérieur de ces aires restreintes aux éléments les plus indispensables à la survie et à l'amélioration du capital faunique, les objectifs propres à l'aménagement de la faune guideraient la réalisation d'activités compatibles avec l'exploitation de ce capital. Sur ce plan, nous tenons à réitérer les bénéfices de l'application des techniques sylvicoles dans le cadre d'une perception dynamique des habitats forestiers.

En troisième lieu, nous acquiesçons avec l'identification d'un vaste domaine propice aux activités de chasse, de pêche et de piégeage et qui pourrait même s'étendre à la totalité du territoire forestier. Pour nous, sur toutes les superficies impliquées par cette caractérisation, la vocation sylvicole primerait sur la production faunique, sans l'exclure pour autant. Dans un contexte socio-économique dominé par la satisfaction des besoins humains, il importe de concrétiser optimalement la ressource la plus influente dans la structure économique. Sur ces domaines de chasse et de pêche, les activités cynégétiques et halieutiques s'accommoderaient sans trop de difficultés d'une sylviculture commerciale prioritaire, en plus de pouvoir être largement tributaires des infrastructures mises en place par les opérations de récolte de la matière ligneuse.

Les dernières observations auront-elles suffi à attester de nos convictions envers une utilisation optimale des ressources en milieu forestier qui soit respectueuse du poids économique attaché à celles-ci et fidèle à des impératifs écologiques?

Répétons-le, pour nous, l'environnement forestier comporte un organisme soumis à un dynamisme intrinsèque. En conséquence, la conservation ne peut être qu'un aspect particulier de cette dynamique. Dans cette voie, la protection des habitats fauniques ou l'évolution des besoins des chasseurs et des pêcheurs ne peuvent dicter à elles seules les modes d'affectation prioritaires sur la plus grande partie du territoire forestier. La multiplicité des expectatives inscrites dans ce territoire, conjuguées à une réalité écologique mouvante, imposent la confection d'un zonage d'affectation des ressources qui, selon un développement intégré de celles-ci, demeure inconciliable avec les préjugés sectoriels du présent projet de modification.

Conséquemment, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec recommande que les modifications proposées à Loi sur la conservation de la faune, au sujet de la protection des habitats, soient reconsidérées en fonction des mécanismes légaux existants de préservation du milieu québécois et dans le cadre d'une politique générale d'utilisation optimale et rationnelle des ressources du territoire québécois.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: Tout d'abord, je dois vous remercier de vous être présentés devant nous. C'est la deuxième fois que j'ai la chance d'entendre l'Ordre des ingénieurs forestiers; c'était lors des auditions sur le parc Saguenay, avec votre ami M. Caron et aujourd'hui.

Vous avez pris la précaution de dire -je le reconnais - que le document de travail ne présente que des généralités et que vous allez vous en tenir à cela. C'est ce que vous faites. Je comprends donc l'interprétation donnée qui, à mon point de vue, mérite au moins de vous rassurer. Il n'est pas de l'intention du MLCP de zoner l'ensemble du territoire québécois. Vous semblez appréhender ou vous jugez que le MLCP considère le milieu forestier comme un milieu statique. Là-dessus, nous ne voulons pas protéger tous les habitats, mais nous voulons avoir une réglementation d'ordre général qui nous permette au moins de faire des interventions d'ordre ponctuel.

D'ailleurs, dans votre mémoire, vous semblez craindre énormément le MLCP, qui a la responsabilité unique, en passant, de la protection de la faune. Ce n'est pas dilué. C'est vraiment le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui a cette responsabilité, mais cela n'empêche pas d'avoir une coordination avec certains autres ministères afin de coordonner nos actions en fonction de la sauvegarde de certains habitats. C'est un fait.

Vous soulignez également que la meilleure protection est peut-être par le non-usage. Je suis loin d'être certain de cela, puisque, entre vous et moi, on peut

très bien interdire la chasse, dans certains milieux, mais laisser détruire par des tiers des habitats naturels. Dans votre cas, on peut parler des ravages de cerfs, des concentrations pour les orignaux, des boisés autour des lacs. D'ailleurs, vous n'en parlez pas du tout dans votre mémoire. Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait que le MLCP protège au moins ces endroits spécifiques, ces habitats naturels? J'aimerais vous entendre, dans un premier temps, là-dessus.

Le Président (M. Bordeleau): M. Barry.

M. Barry: M. le ministre, vous avez posé plusieurs questions, dans vos commentaires. Tout d'abord, vous nous affirmez ce matin que le MLCP ne veut pas protéger l'ensemble du territoire. Je crois, au contraire, que vous voulez protéger l'ensemble du territoire. C'est justifié de le faire. Mais il y a différents moyens d'accomplir cette protection. C'est peut-être sur les moyens que nous ne nous entendons pas totalement. Il est vrai que vous avez la responsabilité de la gestion de la faune, tout comme le ministre de l'Énergie et des Ressources a la gestion du territoire. Il s'agit de trouver un modus vivendi entre les deux afin que les deux puissent remplir leur mandat adéquatement.

Vous avez souligné que nous nous en sommes tenus à des généralités. Nous n'avions pas le choix étant donné que les textes législatifs n'étaient disponibles à aucun moment, même si, parfois par des moyens non avoués mais généralement efficaces, l'on peut se procurer les textes officieusement. Encore hier, on nous a affirmé que les textes n'étaient pas disponibles. C'est une excellente raison pour nous en tenir à des généralités.

En ce qui concerne la protection de la faune dans les territoires identifiés sous le nom de ravages ou en bordure des cours d'eau, encore là certaines zones nébuleuses ou certaines zones grises nous rendent la définition assez difficile. On s'est toujours abstenu jusqu'à aujourd'hui, à ma connaissance, de définir ce qu'est une nappe d'eau. Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas défini ce qu'est la bordure d'un cours d'eau ou d'une nappe d'eau, nous pourrons difficilement vous dire si nous sommes pour ou contre. Est-ce qu'un petit ruisseau qui coule à l'occasion de grandes pluies ou à la fonte des neiges est un cours d'eau? Si tel est le cas, certainement que l'ensemble du territoire de la province est de la bordure de cours d'eau.

Pour ce qui est des ravages, M. le ministre, de nombreuses ententes ont existé entre votre ministère et celui qui s'appelait Terres et Forêts, et qui s'appelle maintenant Énergie et Ressources, qui ont délimité certains territoires avec des restrictions très grandes vis-a-vis des exploitations forestières. Par conséquent, nous avons déjà les moyens d'atteindre cet objectif. Mes confrères ont peut-être des choses à ajouter à cela? M. Bouthillier aurait quelque chose à ajouter.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Bouthillier.

M. Bouthillier (Luc): M. le Président, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche semble prétendre qu'on n'a pas parlé dans notre document des considérations qui étaient bel et bien inscrites dans le rapport du groupe de travail sur les habitats fauniques quant aux intentions de zoner en milieu forestier des habitats jugés essentiels, particulièrement pour les grands ruminants. Effectivement, on a bien pris connaissance de la volonté affichée dans le rapport du groupe de travail sur les habitats fauniques de zoner en fonction des grands ruminants. Ce qu'il y a d'intéressant dans le document, c'est qu'on précise que ce zonage d'habitats essentiels pour les grands ruminants pourrait revenir à exclure des assiettes de coupe des portions de forêt mature de l'ordre de 4% du territoire. C'était déjà une première réserve.

Il faut quand même dire aussi que les sites particuliers - la notion entre habitats essentiels et sites particuliers semble passablement confuse - seraient eux aussi extraits des assiettes de coupe; donc, on vient ajouter un peu de territoire à nos prétentions. Ensuite, on dit que les milieux riverains devraient eux aussi en être extraits. Bien sûr, ce qui nous intéresse en matière d'exploitation forestière ou de récolte de matière ligneuse, c'est surtout la zone sèche des milieux riverains qui, à partir de la limite des hautes eaux, irait jusqu'à 90 mètres derrière.

Si on ajoute à cela les habitats critiques... Si on ajoute à cela le fait qu'on semble exclure les parcs... Enfin, il ne semble pas y avoir de recoupement entre la notion d'habitats fauniques et la notion de parcs. Si on ajoute à cela que l'on suggère une réduction de l'aire des assiettes de coupe de façon à favoriser l'aménagement de la faune, cela veut dire qu'à toutes fins utiles le zonage exclusif de la forêt, en regard de la faune, soustrairait entre 15% et 25% du territoire forestier.

Bien sûr, dans votre document, cette proportion n'est pas citée explicitement. Nous ne nous sommes donc pas amusés à la citer explicitement, mais dans le cadre d'un projet de loi il serait intéressant de chiffrer la proportion du territoire forestier qui serait carrément extraite des prétentions de récoltes forestières.

M. Chevrette: On pourra vous le fournir, mais c'est beaucoup moins de 25%. Il y a un autre point sur lequel je

voudrais vous questionner. Vous parlez de l'irréalisme du système d'affectation où l'aspect faunique serait prioritaire sur de vastes parties du territoire forestier. Est-ce que vous maintenez toujours votre point de vue, compte tenu de la mise au point que j'ai faite en disant qu'il n'est pas de notre intention de délimiter un zonage complet? C'est plutôt ce qu'on appelle communément du "spot zoning" pour épargner certains habitats naturels. Est-ce que vous avez quand même les mêmes craintes?

M. Barry: M. le ministre, c'est à demi rassurant quand nous entendons dire ce que vous n'avez pas l'intention de faire. Ce serait doublement rassurant si nous savions exactement ce que vous voulez faire.

M. Chevrette: Ah! bien sûr, c'est vrai. On va vous répondre. (10 h 45)

M. Barry: Alors, si vous pouviez définir encore une fois votre "spot zoning" d'une façon concrète, cela pourrait nous rassurer probablement.

M. Chevrette: Entre vous et moi, est-il normal qu'une compagnie forestière, par exemple, qui effectue une coupe de bois, rase à blanc un des beaux ravages de chevreuil? Est-il normal qu'on laisse faire cela? Est-ce que le ministre responsable de la conservation de la faune doit laisser aller cela allègrement, comme cela vient de se faire dans la ZEC Des Nymphes, pour vous donner un exemple très concret? Je pourrais vous donner d'autres exemples très concrets ailleurs. Actuellement, je n'ai aucun pouvoir en vertu de la loi pour arrêter cette exploitation forestière et dire: Écoutez! pourriez-vous contourner un peu? Pourriez-vous faire un échange? Pourriez-vous déborder vers la gauche au lieu d'aller vers la droite pour préserver ces ravages? C'est cela, en fait, que je vous dis.

Ce que je veux faire, ce n'est pas d'empêcher les coupes forestières, les coupes de bois, mais il faut au moins préserver nos habitats naturels et faire en sorte que nos grands ruminants, comme vous les appeliez tantôt, puissent au moins survivre. Contrairement à ce que vous avancez dans votre mémoire, il me paraîtrait dangereux qu'un gouvernement axe son économie exclusivement sur une ressource. C'est la diversité des ressources qui fait justement foi d'une économie assez stable, vous le savez très bien. À partir de là, je pense que j'ai besoin, comme ministre, d'être rassuré par un projet de loi et vous êtes précisément là pour me dire ce que je dois faire. Si je n'ai pas mis mes intentions dans un projet de loi déterminé, c'est précisément parce que je veux avoir votre opinion avant de le faire.

Le Président (M. Bordeleau): M. Barry.

M. Barry: M. le ministre, évidemment, c'est assez difficile de tirer des conclusions à partir d'un cas particulier. Vous vous référez à la destruction d'un ravage. S'il y a eu un tort à un endroit quelconque, il mérite d'être condamné, mais deux torts ne feront pas une raison. Si vous avez un tort additionnel et que vous généralisez à partir de ce cas unique - j'espère, du moins - cela ne sera certainement pas une solution.

En général, dans les civilisations qui ont peuplé la terre, il y a toujours eu un certain équilibre entre le pain et les jeux. Lorsque des populations ont voulu mettre majoritairement l'accent sur les jeux, cela a été la décadence. Je ne voudrais pas croire qu'on est en voie de vouloir donner une note dominante aux loisirs et aux jeux contre le travail, contre les exploitations commerciales.

M. Chevrette: Mais entre les jeux et la sauvegarde, il y a aussi une différence.

M. Barry: II y a un juste milieu. M. Chevrette: N'est-ce pas?

M. Barry: II y a exactement un juste milieu qu'il faut rechercher.

M. Chevrette: C'est celui-là que je recherche.

M. Barry: Oui, M. le ministre. Si nous sommes capables de vous aider à le trouver, nous en serons heureux.

Maintenant, nous croyons qu'enlever le pouvoir à un ministre qui aurait été négligent concernant certaines permissions de couper du bois et le donner à un autre ministre qui agirait de façon exagérée dans une ligne contraire, cela ne serait pas trouver le moyen terme que nous recherchons.

Les comités interministériels existent depuis longtemps. Je pourrais vous donner en référence des territoires dans une région qu'on va appeler Grand Portage ou dans le Bas-Saint-Laurent, (région 01), où des aires ont été réservées à la conservation et à la protection du chevreuil. La tordeuse du bourgeon de l'épinette a ravagé cela totalement et elles n'en ont pas été informées, les pauvres tordeuses, qu'il y avait une zone réservée à cet endroit. Ce n'est pas à cause de la coupe abusive, c'est à cause de la destruction d'arbres pour d'autres raisons que le chevreuil a perdu son habitat.

Alors, que des circonstances regrettables se produisent, c'est inévitable. Qu'une coupe ait été mal orientée à un moment donné, c'est regrettable. Mais il faut

toujours que les moyens soient proportionnels aux actions.

Alors, un comité interministériel, je crois, pourrait, aux endroits critiques, établir une politique d'exploitation forestière pour prévenir les actions regrettables que vous avez mentionnées. Mes collègues ont peut-être quelque chose à ajouter?

M. Chevrette: Pour ce faire, justement, il faut qu'il y ait des moyens préventifs. Ces moyens préventifs sont actuellement inexistants en ce qui regarde la Loi sur la conservation de la faune. Qu'on pense à deux lois: la loi sur la sauvegarde des habitats ou aux amendements à la Loi sur la conservation de la faune en termes d'amendes, d'infractions, etc., cela ne me dérange pas. Je pense que je m'aligne de plus en plus sur cette hypothèse d'ailleurs. Est-ce qu'il vous paraît normal que dans la conjoncture actuelle on ait au moins des pouvoirs de prévention pour sauvegarder des habitats naturels?

M. Barry: Pour autant que ces pouvoirs ne sont pas excessifs, M. le ministre, je crois que c'est raisonnable.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: J'aurais peut-être un commentaire à faire au début. Il est évident que plusieurs intervenants qui sont venus à la commission se méfient d'un projet de zonage unilatéral. Je pense bien que l'Opposition se doit ce matin de dire que, comme ces intervenants, nous nous méfions aussi de ce zonage unilatéral.

Si j'ai bien compris le contenu de votre mémoire, vous soulignez un zonage en regard d'une vision sectorielle. Est-ce qu'un zonage unilatéral en regard d'une vision globale serait plus acceptable à vos yeux, par exemple? Je me demande si j'ai bien saisi votre dossier. J'aimerais rappeler au ministre qu'un tel projet de zonage doit quand même se faire en concertation avec les agents du milieu. Ma première question s'adressait au ministre. Il entrevoit la mise en place d'un zonage ponctuel, c'est revenu plusieurs fois dans ses commentaires. J'aimerais savoir si, dans ce zonage dit ponctuel, on envisage d'inclure la vocation sylvicole à laquelle se réfère l'Ordre des ingénieurs forestiers dans son mémoire.

M. Chevrette: Exactement, oui.

Mme Bacon: Vous envisagez de le faire. J'aimerais savoir aussi comment l'Ordre des ingénieurs a accueilli le plan de renouvellement forestier. On sait que ce plan fait appel à la participation des gouvernements fédéral et provincial de même qu'à l'entreprise privée; est-ce que vous y faites un accueil favorable ou si vous avez des réserves quant à ce plan?

M. Barry: M. le Président, M. Bouthillier va répondre à cette question.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord, M. Bouthillier.

M. Bouthillier: Si je comprends bien, madame, le plan de renouvellement auquel vous faites référence, c'est le document déposé par le Service canadien des forêts.

Mme Bacon: Oui.

M. Bouthillier: Bon. Nous accueillons effectivement très favorablement ce document en ce sens qu'actuellement on extrait de la forêt québécoise autour de 36 000 000 de mètres cubes alors que la possibilité forestière, la possibilité naturelle, s'établirait autour de 28 000 000; il y a donc un déficit qu'on doit combler par des travaux d'aménagement intensifs.

Effectivement, tous les moyens sont bons pour nous permettre d'entrer véritablement dans l'ère de l'aménagement intensif de la forêt. Donc, fatalement, nous y sommes favorables.

Bien sûr, il ne faudrait pas penser que l'Ordre des ingénieurs forestiers a donné sa bénédiction à ce projet. On est fort conscient que la forêt québécoise est de juridiction provinciale et que, nécessairement, il devra y avoir des ajustements pour qu'on puisse utiliser les intentions du Service canadien des forêts au meilleur des intérêts québécois, mais surtout avec une gérance qui serait assurée par le gouvernement québécois.

Mme Bacon: D'accord, merci.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous féliciter pour le mémoire que vous nous avez présenté. Je vois que le président est M. Caron; tantôt, je croyais que c'était M. Garon. C'est mieux ainsi.

M. Chevrette: Ah! Ah! Ah! Qu'est-ce que cela vient faire avec le mémoire?

M. Houde: Cela fait rire M. le ministre. J'avais entendu M. Garon, tantôt; en tout cas, c'est mieux que ce soit M. Caron que M. Garon.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Berthier, ni l'un ni l'autre n'est là

aujourd'hui.

M. Chevrette: S'il y était, vous fondriez devant lui.

Mme Bacon: Oh! C'est ce que vous faites?

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Berthier...

M. Chevrette: Pas moi.

Le Président (M. Bordeleau): ... vous pouvez y aller.

M. Houde: Sans commentaire! M. Chevrette: C'est aussi bien.

M. Houde: Avez-vous des raisons de croire que les modes d'affectation que vous proposez dans votre mémoire, M. Barry, telles les réserves écologiques, les refuges fauniques et les activités de chasse où serait privilégiée la vocation sylvicole, ne cadrent pas avec les énoncés de politique proposés par le gouvernement?

Le Président (M. Bordeleau): M. Barry.

M. Barry: Comme je l'ai mentionné à quelques reprises, l'énoncé politique du gouvernement peut s'identifier sous deux formes différentes: le projet de loi article par article défini avec la communication préparée par le ministre et le document intitulé Vers une protection des habitats fauniques. C'est exclusivement par un texte de loi détaillé article par article, articulé, que nous pouvons nous faire une idée de façon absolue. Or, nous avons été privés d'un tel document; par conséquent, nous avons dû nous en tenir à des généralités, c'est-à-dire établir trois niveaux d'importance au point de vue du respect de la faune, soit la création d'aires ou de zones réservées en toute priorité et à l'exclusion de toute activité aux espèces en voie d'extinction ou menacées d'extinction et de zones où on accorderait une certaine préférence à la faune, mais qui ne serait pas incompatible avec des activités commerciales. Enfin, la plus grande partie du territoire serait vouée à une activité commerciale pour autant qu'elle ne serait pas totalement destructrice pour la faune. On a trois paliers définis qui tiennent compte du danger ou de l'exploitation désirable de la faune, parce que l'exploitation de la faune n'est pas nécessairement son extinction.

M. Bouthillier voudrait peut-être ajouter quelque chose là-dessus?

M. Bouthillier: II y a aussi, finalement, la proposition ministérielle qui peut très bien s'ajuster à notre perception, mais elle peut aussi énormément s'en éloigner. Ce qui justifie un peu nos craintes, c'est que finalement la notion de conservation est utilisée fort aléatoirement à l'intérieur du document du groupe de travail, puisque c'est le seul document dont on a pu disposer à part la déclaration ministérielle. À certains moments, on utilise le terme conservation en disant: On fera de la conservation de la faune par une préservation. C'est ce que nous avons appelé de la mise en boîte conservationniste et, à d'autres moments, on utilise le terme conservation comme étant l'utilisation rationnelle, l'exploitation rationnelle de la faune. Évidemment, si on parvenait à s'entendre sur le terme conservation, j'ai l'impression, et les gens de l'ordre de même, que les intentions ministérielles pourraient très bien s'accorder avec les remarques contenues dans notre mémoire.

M. Houde: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Berthier.

M. Houde: ... est-ce que vous auriez aimé avoir la brique qui nous a été remise mardi passé, l'avant-projet de loi du ministre? Est-ce cela que vous auriez aimé avoir ou bien est-ce autre chose?

M. Barry: M. le député, c'est assez difficile pour nous de dire que nous aurions aimé voir quelque chose que nous n'avons pas vu. Nous ne pouvons pas l'apprécier.

M. Houde: Vous ne l'avez pas encore vu?

Mme Bacon: Le ministre s'est engagé à vous les remettre. Il va vous les remettre.

M. Barry: Encore hier, nous avons fait une démarche pour les obtenir et on nous a dit que c'étaient des documents qui étaient désuets, périmés, qu'il était inutile pour nous de les avoir. Ce que nous aurions...

M. Chevrette: C'est pour cela qu'on les laisse uniquement à l'Opposition.

M. Barry: C'est cela.

Mme Bacon: Ce sont quand même les deniers des contribuables. Il faut qu'il vous en donne une copie.

M. Barry: De toute façon, nous aurions aimé avoir le document au moment où, dans la Gazette officielle, c'est-à-dire vers le 21 du mois de juin dernier, on annonçait la tenue de cette commission parlementaire. C'est à ce moment que nous aurions aimé

avoir un document complet.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Berthier.

M. Houde: Le ministre a dit ici devant nous la semaine dernière qu'il vous le ferait parvenir. Par contre, il a peut-être dit à ses fonctionnaires: Attendez, je ne sais pas ce qui s'est passé parce qu'il y avait beaucoup de fonctionnaires la semaine passée ici devant nous autres; ils étaient tous présents. Il y en a encore plusieurs qui sont ici aujourd'hui et vous n'avez pas encore eu la brique?

M. Barry: M. le Président, nous ne sommes pas ici pour faire un procès d'intention ni d'une part ni de l'autre. Peut-être que ce serait intéressant de le faire, mais ce n'est ni notre intention ni notre désir. Nous avons simplement voulu expliquer que le mémoire que nous avons présenté aurait été plus complet et plus satisfaisant pour tout le monde si nous avions pu nous référer à des documents. Nous avons tenté de vous communiquer des idées d'ordre général qui se veulent aussi complètes que possible. Nous, ingénieurs forestiers, sommes évidemment très sensibilisés au mot conservation, mais conservation avec une consonance de mise en valeur et non pas, comme le disait M. Bouthillier, de mise en boîte, ce qui est totalement différent. Nous avons des essences forestières très rares, comme le noyer noir. Il y a quelques arbres ici qui ont été plantés dans la province de Québec et qui sont vraiment mis en conserve. Par ailleurs, nos notions de conservation de la forêt impliquent une exploitation rationnelle pour la conservation et même l'augmentation du patrimoine, pas son gel. C'est dans cet esprit que nous présentons nos remarques.

M. Houde: M. Barry, M. Côté, M. Bouthillier, merci.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, tout d'abord, je dois dire que c'est vrai que ce sont des documents de travail qui sont passablement périmés, mais vous les aurez quand même immédiatement après.

M. Barry: Ce sera post mortem, mais nous apprécierons beaucoup.

M. Chevrette: Je peux vous dire une chose, c'est que j'ai pris l'engagement de reconsulter lorsqu'on déposera le projet de loi et vous serez sans doute appelés à revenir devant nous à partir du projet de loi lui-même.

M. Barry: Bravo, M. le ministre, nous serons à votre disposition.

M. Chevrette: Je l'ai fait avant même que l'Opposition ne me le demande.

M. Barry: Merci.

M. Chevrette: Mais les documents déphasés, je les lui laisse.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Barry, M. Bouthillier ainsi que M. Côté.

Avant d'entendre un nouveau mémoire, on me demande - et je pense avoir le consentement des membres - de suspendre la séance cinq minutes. M. le ministre est un peu occupé à l'extérieur.

La commission suspend ses travaux cinq minutes.

(Suspension de la séance à Il heures)

(Reprise de la séance à 11 h 11)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, messieurs! La commission reprend ses travaux pour entendre cette fois la Société de gestion du saumon de la rivière Cascapédia.

Je demanderais au représentant de ce groupe de se présenter. C'est le mémoire no 40.

Avant de procéder à l'audition de ce mémoire, j'ai reçu une demande tantôt de la Société canadienne protectrice des animaux pour être entendue immédiatement après ce mémoire-ci parce qu'elle a un train à prendre pour Montréal assez tôt cet après-midi. Comme il semble qu'il y avait consentement chez les membres, on entendra tantôt...

M. Chevrette: Avant qu'on ne commence...

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, vous allez me laisser finir...

M. Chevrette: Oui.

Le Président (M. Bordeleau): Une personne à la fois. Nous entendrons donc la Société canadienne protectrice des animaux, qui n'a pas de mémoire, simplement après celui-ci.

M. le ministre, vous pouvez y aller.

M. Chevrette: Est-ce qu'on a une copie du mémoire de monsieur?

M. Bujold (Jean-Marie): J'avais fait parvenir la semaine passée au secrétaire de la commission une copie du mémoire par courrier.

Le Président (M. Bordeleau): J'en ai un exemplaire. Il manque peut-être des copies, mais il est arrivé. Si vous voulez vous présenter, monsieur, ainsi que les personnes qui sont avec vous, et procéder à la présentation de votre mémoire.

Société de gestion du saumon de la rivière Cascapédia

M. Bujold: M. le Président, M. le ministre, messieurs, je suis Jean-Marie Bujold, président de la Société de gestion du saumon de la rivière Cascapédia; M. Bernard Jérôme, vice-président, et M. Warren Gilker, directeur, m'accompagnent.

La Société de gestion du saumon de la rivière Cascapédia Inc. est heureuse de se présenter devant vous afin d'apporter quelques suggestions à l'occasion de cette consultation sur les intentions du ministère en regard de la modification de la Loi sur la conservation de la faune.

Notre expérience d'une année, à la suite d'une entente signée avec le ministère pour l'administration et la gestion de la pêche sur la rivière Grande Cascapédia, nous amène à vous faire trois recommandations.

Comme la réserve faunique est établie sur tout le parcours de la Grande Cascapédia y incluant les propriétaires privés, nous croyons que la loi devrait prévoir que ces derniers aient la possibilité de jouir de leur droit d'une façon absolue, tout en ayant des ententes avec le ministère ou la société qui en a la gestion. Il est important que les propriétaires aient le droit de pouvoir céder leur propriété, incluant les trois chaînes, soit à titre gratuit, ou par vente, à des tiers, sans que le ministère puisse se prévaloir de son droit de préemption pour acquérir une partie du terrain ou de certains droits. Nous recommandons également qu'ils puissent les céder à leurs descendants par testament et sans restriction et, de plus, qu'en cas de vente, il n'y ait pas de partage de propriété pour exclure les trois chaînes.

Nous tenons à souligner en deuxième lieu l'importance d'impliquer dans les ententes les organismes privés et publics du milieu, ainsi que les individus habitant dans le milieu immédiat et non seulement les usagers.

Enfin, nous aimerions également que la loi puisse prévoir une entente entre les associations qui ont des pouvoirs de gestion de la faune et le ministère, relativement au prêt d'agents occasionnels de la conservation de la faune.

Voilà, M. le ministre, notre mémoire où se retrouvent les points que nous voulions souligner à votre commission.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Bujold.

M. le ministre.

M. Chevrette: Avez-vous l'impression que vous ne pouvez pas donner aux descendants présentement?

M. Bujold: Lors de la mise en place de notre société, il y a eu de fortes discussions même entre des conseillers juridiques, sur les droits et les pouvoirs des propriétaires. Beaucoup avaient l'impression qu'avec la réserve faunique, les propriétaires étaient exclus de leurs droits. (11 h 15)

M. Chevrette: Mais la réserve, telle que je l'ai comprise, vous n'auriez pas le droit de la vendre. Vous seriez obligés de nous l'offrir d'abord, en priorité...

M. Bujold: C'est cela.

M. Chevrette: ... si j'ai bien compris. Mais pour ce qui est de léguer à vos fils par testament ou d'une autre façon, vous en avez le droit en tout temps.

M. Bujold: II y a eu un avis à un moment donné qui semble contraire à ce que vous exprimez. Ce n'était pas clair...

M. Chevrette: En tout cas, en ce qui concerne le MLCP, nos conseillers juridiques nous disent que c'est dans le cas d'une vente que vous seriez obligés de l'offrir prioritairement. C'est le droit de préemption, je pense, qui consiste à offrir prioritairement au ministère vos terrains. En ce qui regarde le reste, je pense que vos craintes, selon nos conseillers juridiques, ne sont pas fondées.

M. Bujold: D'accord.

M. Chevrette: D'accord? Est-ce votre association qui a une entente avec un pourvoyeur sur la même rivière?

M. Bujold: C'est que l'entente sur la rivière Grande Cascapédia est mixte...

M. Chevrette: Avec la réserve de Maria?

M. Bujold: ... avec la réserve indienne de Maria, avec les anciens membres exploitants et avec les habitants du milieu, soit de Saint-Jules et de Grande Cascapédia. C'est une nouvelle expérience.

M. Chevrette: Et une expérience qui va bien?

M. Bujold: Pour la première année d'opération, réellement, cela a dépassé nos espérances, parce qu'on faisait face à plusieurs problèmes avant de commencer. Le résultat de la première année...

M. Chevrette: II y a un groupe qui est

venu témoigner devant nous, qui nous disait qu'on devrait autoriser à nouveau la pêche commerciale au saumon, avec un nombre réduit cependant, et qu'on devrait tenir les gens éloignés de deux kilomètres, je crois, de l'embouchure des rivières. Qu'est-ce que vous dites de cela?

M. Bujold: C'est sûr que la pêche commerciale, pour la première année, a créé certains problèmes. Mais, à notre avis, ce qu'on appelle les prises "occasionnelles"...

M. Chevrette: ... accidentelles...

M. Bujold: ... accidentelles, sont plus graves que celles que font les pêcheurs commerciaux.

M. Chevrette: Quelle recette suggéreriez-vous au ministre pour régler la question des prises accidentelles?

M. Bujold: Dans notre cas, M. le ministre, nous ferions la suggestion de nous donner la protection, comme on fait la protection de la rivière, jusqu'où il y a des possibilités de prises. Qu'on ait le pouvoir d'aller lever les filets et de renvoyer même les bateaux qu'on voit facilement.

M. Chevrette: Alors, vous seriez prêts à accepter une délégation de pouvoirs?

M. Bujold: Certainement.

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous pensez de l'étiquetage qui nous est suggéré par un grand nombre de Gaspésiens, en particulier?

M. Bujold: Vous savez, M. le ministre, l'expérience après une première année, et on le mentionne dans le mémoire, de ne pas impliquer seulement les usagers, parce que lorsque nous sommes seulement des usagers, notre opinion peut être influencée par notre intérêt personnel. Comme je l'ai déclaré maintes fois cet été, dans la société qu'on a mise en place il y avait beaucoup de gens intéressés et beaucoup de gens impliqués. Notre décision a été celle de penser à l'ensemble des gens. Les pêcheurs commerciaux, plusieurs ont parlé contre. À votre question, je n'ai pas répondu qu'il fallait les éliminer...

M. Chevrette: J'ai remarqué cela.

M. Bujold: Je n'ai pas tous les renseignements voulus pour savoir s'il faudrait les éliminer. Il y a peut-être un facteur. Comme je vous l'ai dit, on pourrait les éloigner de l'embouchure. Quant à l'étiquetage, c'est certainement un point très important pour éliminer le braconnage. C'est sûr, parce que même avec l'amélioration de la protection, nous savons qu'il y aura encore du braconnage.

M. Chevrette: Vous savez que j'ai annoncé que je projetais de rouvrir la pêche commerciale en 1983. Dans un même élan, je disais qu'il faudrait négocier certains quotas pour la pêche commerciale. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette orientation?

M. Bujold: Certainement qu'il faut avoir un quota, parce que si on veut maintenir une pêche de qualité pour les pêcheurs sportifs, si on veut conserver la pêche au saumon, il faut imposer des quotas. Je vais vous donner le plus bel exemple. La rivière Grande Cascapédia est censée être une des meilleures rivières à saumon au Québec. Qu'on le veuille ou non, il ne monte pas 10 000 et 20 000 saumons dans cette rivière. Quand il en monte 2500 à 3000, si on essaie de faire pêcher tous les Québécois sur la rivière, il n'y aura pas plus de saumon. C'est la même chose pour les pêcheurs commerciaux. Si on met trop de filets, il n'y a qu'une certaine quantité de saumons; il faut mettre des quotas, autrement, on ruinera tout notre saumon.

M. Chevrette: Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Il n'y a pas d'autres questions?

Je vous remercie, M. Bujold, ainsi que les personnes qui sont avec vous, d'avoir présenté votre document à la commission.

M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup. Bonne deuxième saison.

Le Président (M. Bordeleau): Comme je l'ai indiqué tantôt, nous procéderons immédiatement à l'audition du mémoire, qui est verbal, de la Société canadienne protectrice des animaux. C'était le mémoire no 43, mais il n'y a pas de document écrit. M. Welly Deshaies est le porte-parole de la société. C'est à vous, M. Deshaies.

Société canadienne protectrice des animaux

M. Deshaies (Welly): Merci, M. le Président et M. le ministre. Mes amitiés à tous les membres de la commission parlementaire.

D'abord, je ne suis pas le président de la Société canadienne protectrice des animaux, mais son porte-parole. Ma qualité première au sein de cette société est celle d'inspecteur-chef.

Notre société existe depuis 1869. C'est quasiment plus vieux que tous et chacun d'entre nous, même si on double notre âge. Nous avons dans la province sept filiales qui

sont directement rattachées à nous, sans compter quatre ou cinq autres sociétés qui ne sont pas affiliées à la société mère. Nous comptons à l'intérieur de la Société canadienne protectrice des animaux plus de 10 000 membres actifs qui ont une carte de membre. On sait ce qu'est la carte de membre d'un organisme quelconque.

Tout d'abord une petite mise au point dès le début. Notre société n'a rien contre la chasse, n'a rien contre les chasseurs, pour autant que cela est fait sans cruauté. Notre but est de prévenir la cruauté envers les oiseaux et les animaux, qu'ils soient du petit, du moyen ou du gros gibier sous toutes ses formes.

Comme nous le savons, et les statistiques sont là pour le prouver ainsi que de nombreux écrits, il y a énormément de cruauté envers les animaux et elle est inutile. Souvent nous posons la question: Pourquoi faire souffrir inutilement?

Je pense que notre société, dans le but précis de prévenir cette cruauté envers les animaux, mis à part des articles du Code criminel canadien qui sont notre seule arme actuellement, demande trois choses particulières. Nous réclamons tout d'abord que les chasseurs, qu'ils se servent d'un arc, d'une arbalète, de flèches, d'une carabine ou d'un fusil, subissent une épreuve de compétence, en d'autres mots, qu'ils sachent manier l'arme qu'ils ont entre leurs mains. J'entends par épreuve de compétence une épreuve d'efficacité.

Par exemple, dans le cas du tir, même si tout le monde n'a pas suivi un cours militaire de façon à tuer l'ennemi, il faut posséder au moins ce que nous appelons les règles de l'art, soit comment tenir son fusil, comment tenir son arc, comment viser. À ce sujet, soit dit en passant, il y en a beaucoup à qui on met un périscope, avec un pouvoir de peut-être 200 ou 300 verges d'efficacité, sur leur carabine, et qui se sentent totalement à l'aise de faire feu sur un aimai à 300, 400, 500 ou 600 verges.

Nous demandons aussi qu'on fasse tout en son pouvoir pour mettre immédiatement fin aux jours de l'animal blessé de façon qu'il ne souffre pas inutilement.

Nous demandons aussi, et c'est notre dernière demande, que les personnes qui font du piégeage se servent de méthodes beaucoup plus modernes que le fameux attrape-jambe. On connaît les souffrances atroces qu'ont à subir certains animaux lorsqu'ils sont pris par une jambe et ont à subir le sort d'attendre la mort pendant des jours, quelquefois une dizaine de jours.

En dernier lieu, la Société canadienne protectrice des animaux vous offre toute la collaboration que vous désirez pour parvenir à nos fins. Nous demandons aux chasseurs et pêcheurs d'avoir beaucoup de respect pour un sport qu'ils veulent bien pratiquer, mais, de grâce, pas au détriment de la souffrance de l'animal. Merci, M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Deshaies. Est-ce qu'il y a des commentaires ou des questions? M. le ministre.

M. Chevrette: Oui. Tout d'abord, vous savez qu'il y a eu un comité national sur le piégeage humanitaire. Cette année, nous devrions rendre publiques les conclusions des travaux de ce comité. Cela vous permettra, en tout cas, de nous faire vos commentaires par la suite.

Deuxièmement, je remarque que vous insistez beaucoup sur les cours de maniement d'armes puisque vous parlez d'efficacité. Comment voyez-vous cela en tant que politique gouvernementale? Est-ce qu'avant d'émettre un permis de chasse, il faudrait qu'il y ait un cours formel de suivi, un cours à la fois théorique et pratique?

M. Deshaies: Si...

M. Chevrette: Allez-y!

M. Deshaies: Oui, effectivement, lorsqu'on parle d'efficacité et de preuve de compétence, il va de soi que, préalablement à cette épreuve de compétence, il faudra que quelqu'un ait pris des cours pour savoir comment manier son arme, son arc ou son arbalète. Ce n'est pas une question d'aller au magasin une heure avant la chasse, de se procurer un permis et de se dire chasseur. Nous croyons que c'est nettement insuffisant. Il y a de nombreux organismes qui sont prêts et qui ont les moyens de fournir ces cours. Il va sans dire que si quelqu'un sait tirer, il y a 90 chances sur 100 que le premier coup soit fatal et qu'il ne blesse pas l'animal.

Je comprends les implications. Il y a, je ne sais pas, peut-être 500 000 ou 600 000 chasseurs au Québec. Ce serait peut-être une façon, encore une fois, d'éliminer de ce grand groupe les gens qui ne savent pas se servir de leur arme. Je crois que c'est facile à l'intérieur des possibilités du ministère.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: Est-ce que vous êtes au courant du contenu du cours de la Fédération québécoise de la faune?

M. Deshaies: Oui, nous sommes au courant.

M. Chevrette: Si je vous demandais d'en faire la critique, qu'est-ce que vous me diriez?

M. Deshaies: Je crois que,

malheureusement, pour autant que cela concerne la société, ce cours est un cours qui vise à la sécurité individuelle et non à la sécurité de l'animal. Le cours n'enseigne pas à l'individu comment tirer et où tirer l'animal. On lui dit, d'une façon globale, qu'il doit viser une partie vitale. Mais de là à savoir comment viser cette partie vitale! À la suite des nombreuses conversations que j'ai eues avec des agents de la faune, la majorité des chasseurs - je pèse bien mes mots quand je le dis - ne savent pas qu'il existe deux pressions sur une gâchette. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Chevrette: Oui, cela répond. Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: M. le Président, je pense que les buts que poursuit l'association que représente M. Deshaies sont louables. C'est une question bête que je voulais vous poser. Vous parlez des animaux. J'imagine que vous ne parlez pas du poisson. Vous parlez simplement des animaux.

M. Deshaies: Des animaux et des oiseaux. Nous excluons le poisson.

M. Mailloux: Comme, évidemment, il y a des morts atroces chez les poissons, je me demandais de quelle façon on pouvait les empêcher de tant souffrir quand je vois de l'anguille qui est rendue dans le poêlon et qui grouille encore. Ce n'est pas facile, d'un poisson à l'autre, de voir de quelle façon il va mourir.

M. Deshaies: Vous savez que dans le terme global du Code criminel canadien le poisson est un animal.

M. Mailloux: C'est pour cela que je posais la question.

M. Deshaies: II nous est arrivé d'avoir des plaintes concernant la pêche et nous conseillons aux gens d'assommer le poisson immédiatement après la prise.

M. Mailloux: Êtes-vous capable d'assommer une anguille?

M. Deshaies: Nous savons aussi que pour d'autres sortes de poissons, dès qu'ils manquent d'oxygène, la mort s'ensuit immédiatement. C'est un court laps de temps comparativement à celui qui prévaut dans le cas des animaux et des oiseaux autres que les poissons.

M. Mailloux: À la pêche hauturière, on va avoir de la misère à les assommer tous.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: J'aurais une question. Est-ce que vous vous opposez à la chasse? (11 h 30)

M. Deshaies: Non. Je l'ai dit tout à l'heure dans mon intervention, nous n'avons rien contre les chasseurs, nous n'avons rien contre la chasse, comme nous n'avons rien contre les abattoirs, pour autant que c'est fait de façon humaine, si je peux employer cette expression.

Mme Bacon: J'ai toujours eu l'impression que l'information qu'on recevait de votre groupement démontrait que vous vous opposiez entièrement à la chasse. Vous n'avez jamais émis de l'information, vous ou votre société...

M. Deshaies: Comme nous le disons, la meilleure chasse est encore faite à l'aide d'un appareil photographique.

Mme Bacon: Bon, c'est cela. Vous avez déjà émis de l'information, chez votre groupement, pour vous opposer à la chasse.

M. Deshaies: Globalement parlant, oui. Par contre, nous comprenons que la chasse est là depuis longtemps, bien avant nous, et elle existera encore demain et bien après nous. C'est pour cela que nous préconisons que, pour autant qu'elle est faite de façon humaine et sans cruauté, nous ne pouvons pas nous y opposer d'une façon catégorique.

Mme Bacon: J'ai une deuxième question, s'il vous plaît! Vous parlez de méthodes modernes de piégeage. Avez-vous à l'esprit certaines nouvelles méthodes qui n'auraient pas été expérimentées jusqu'à maintenant? Vous parlez toujours de la cruauté envers les animaux qui fait qu'ils souffrent davantage quand les méthodes sont assez rudimentaires. Quelles seraient ces méthodes modernes? Est-ce à des nouvelles méthodes que vous vous référez?

M. Deshaies: Oui, il y a de nouveaux pièges sur le marché, dont l'expérimentation est maintenant faite, et qui sont reconnus pour mettre à mort l'animal dans l'espace de trois à cinq minutes.

Mme Bacon: Immédiatement. M. Deshaies: Immédiatement. Mme Bacon: C'est sur le marché?

M. Deshaies: C'est sur le marché à l'heure actuelle. Ils sont beaucoup plus dispendieux, malheureusement, que les fameux pièges attrape-jambe.

Mme Bacon: Est-ce que vous en informez vos membres ou la population, toujours dans un but de protection accrue contre la cruauté envers les animaux? Est-ce que vous faites de l'information à ce sujet?

M. Deshaies: Oui, nous distribuons de nombreux communiqués de presse. En plus, notre journal Le Courrier renseigne les gens sur les nouveaux pièges disponibles.

Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Je vous remercie, M. Deshaies, de vous être présenté devant notre commission.

J'appelle maintenant l'Association provinciale des trappeurs indépendants Inc., qui devrait être représentée par M. Roger de Denus. Je présume que vous êtes M. de Denus.

M. de Denus (Roger): Oui, mon nom est Roger de Denus, je suis président de l'Association provinciale des trappeurs indépendants.

Le Président (M. Bordeleau): Vous pouvez y aller, M. de Denus.

Association provinciale des trappeurs indépendants

M. de Denus: Merci, M. le Président. Depuis quelques années, de nombreux changements sont survenus dans la vie des trappeurs au Québec. Un des plus importants est l'attitude du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche à l'égard du piégeage des animaux à fourrure. Depuis longtemps négligée, cette activité était méconnue de tous ou de nombreux mythes défavorables ou négatifs étaient entretenus. Les trappeurs déploraient l'attitude de certains agents de conservation qui semblaient penser que leur rôle était de protéger les castors contre l'avidité des trappeurs. À la suite d'une enquête en 1979, nous connaissons beaucoup mieux le portrait du trappeur et les hauts fonctionnaires du ministère nous reprochent maintenant de sous-exploiter cette richesse. On avance le chiffre de 46% comme augmentation globale possible. Les quotas de capture sur les terrains enregistrés ont été augmentés et les chiffres maximaux sont devenus des quotas minimaux.

Nous considérons que l'aménagement de la faune est d'abord l'aménagement des exploitants de la faune. Les lois régissant les agissements des exploitants des animaux à fourrure doivent donc être basées sur des faits scientifiques exacts. Malheureusement, les statistiques au Québec se limitent à des résultats de capture et nous manquons de données pour évaluer la qualité de la santé des populations et même d'inventaires sur la plupart des espèces. Nous souhaitons que se multiplient les projets de recherche entrepris depuis quelques années, il y a tellement à savoir.

Nous constatons que les trappeurs blancs produisent 84% de la récolte annuelle des animaux à fourrure au Québec et que les Amérindiens n'en produisent que 16%. Ce qui surprend, c'est que les trappeurs blancs ne peuvent exploiter que 20% du territoire de la province, le reste étant réservé exclusivement aux Amérindiens. Nous sommes d'avis qu'il est temps que le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche révise sa politique de distribution de droits de piégeage. Plusieurs jugent très injuste que de grands territoires restent inexploités, surtout quand un grand nombre de trappeurs doivent entrer en concurrence pour avoir des territoires de trappage. Nous constatons aussi qu'une grande partie du Québec en matière de piégeage est intitulée: Zone non organisée. La majorité des terres privées au Québec sont dans cette zone et il nous semble que, si le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche aménage les espèces sportives, il se doit également d'aménager les treize espèces d'animaux à fourrure qui s'y trouvent. Présentement, le contrôle de la capture se limite à certaines dates des saisons et s'étale sur six à huit mois de l'année selon les espèces. Le seul véritable contrôle est l'esprit de conservation et le bon jugement des trappeurs. Heureusement, les trappeurs ont démontré leur objectivité et, depuis 37 ans que le ministère garde des statistiques de capture, les chiffres démontrent que les trappeurs ont rarement exagéré même dans les années où la fourrure rapportait à des prix très alléchants. Il est réconfortant de constater que, sauf dans les cas où l'habitat a été modifié ou détruit, il n'y a aucune espèce d'animal à fourrure en voie ou en danger de disparition au Québec, malgré les affirmations de certains.

L'association est d'accord d'abolir l'article 37 de la loi qui concerne la présomption d'illégalité. Les articles 35 et 36 expliquent bien qu'il est illégal de faire le commerce pour un trappeur de peaux de fourrure brutes en dehors du Québec. Nous ne discuterons pas ici du bien-fondé de priver les trappeurs du Québec de vendre leurs fourrures là où ils croient obtenir le meilleur prix. Si le ministère a vraiment l'intention de nous empêcher d'expédier nos fourrures aux maisons d'enchères publiques et sur le marché international en Ontario, on se demande ce que vient faire l'article 38 dans la loi.

L'article 38 dit: Les dispositions des articles 35 à 37 ne s'appliquent pas à la vente par un résident du produit de sa propre chasse. Alors, on a le droit ou non d'expédier nos fourrures en Ontario, nous, les trappeurs, après avoir payé les redevances à

la province de Québec. Il est important d'éclaircir cette ambiguïté.

Il nous apparaît très important de faire la différence entre la chasse dite sportive et l'activité économique qu'est le piégeage. Une récente consultation concernant un avant-projet de loi sur le trappage au Québec nous démontre clairement que le trappeur ne piège pas pour le loisir et il est important de différencier ces deux activités. Nous sommes naturellement d'accord qu'une tierce personne puisse intervenir pour la protection des biens d'une personne victime des ravages d'animaux sauvages. Nous savons que la majorité des gens ne sont pas en mesure de se protéger contre un ours noir qui fait des ravages. Nombreux sont ceux qui ont eu besoin d'un trappeur pour se débarrasser d'une colonie de castors qui causent des inondations. Il y a aussi les ratons laveurs qui causent des dommages considérables aux récoltes sans parler des petites bêtes noires décorées de deux lignes blanches sur le dos.

Notre association propose de prendre entente avec les propriétaires intéressés afin d'établir un plan d'exploitation des animaux à fourrure sur leur propriété privée. Ce système aurait l'avantage d'assurer l'exclusivité des territoires aux exploitants. Nous aimerions même explorer les conséquences de rendre obligatoire une permission écrite d'un propriétaire comme condition à l'obtention d'un permis de piégeage. Comment pouvons-nous accorder un permis de piégeage à une personne quand elle n'a pas d'endroit où piéger?

Nous sommes aussi d'accord qu'il soit permis d'utiliser les restes d'animaux comme appâts pour capturer les animaux à fourrure, mais toujours sans permettre que la chair comestible soit gaspillée dans l'intention d'en faire un tel usage. Nous sommes aussi d'accord avec tout changement dans la loi qui aurait pour objet de rendre l'activité du piégeage le plus humanitaire possible. Nous recommandons que soit aboli le piège à pattes conventionnel pour l'ours noir. Notre association recommande un nouveau collet à puissance mécanique et le collet mortel pour capturer l'ours noir. Nous sommes aussi d'avis que l'utilisation de boîtes en treillis métallique fabriquées de façon à emprisonner les rats musqués sous l'eau constituent une méthode humanitaire très efficace pour capturer les rats musqués. Ces boîtes sont utilisées ailleurs avec succès mais nous sont malheureusement interdites.

Nous utilisons présentement les méthodes les plus humanitaires possible et sommes toujours à la recherche de meilleurs systèmes de capture. S'il doit y avoir des changements dans la Loi sur la conservation de la faune concernant les méthodes de piégeage, nous vous assurons de notre ferme intention de collaborer de toutes les façons que nous le pourrons.

Nous vous remercions de l'occasion qui nous a été donnée de présenter notre point de vue et souhaitons avant tout que l'exploitation des animaux à fourrure au Québec se fasse de manière à assurer une récolte continue de cette richesse naturelle renouvelable que sont les animaux à fourrure.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. de Denus. M. le ministre.

M. Chevrette: Tout d'abord, je voudrais vous remercier et remercier votre organisme puisque, si mes renseignements sont exacts, cela fait au moins deux ans que vous travaillez en étroite collaboration avec nos fonctionnaires pour tâcher de produire un document de travail qui irait dans le sens de vos orientations. J'en profite aussi pour vous dire qu'il y a des suggestions dans votre mémoire qui sont passablement intéressantes, en particulier sur la protection contre les ravages d'animaux sauvages. Je pense que c'est intéressant à regarder et à appliquer.

En regard des treillis métalliques, est-il exact que cela peut avoir des répercussions sur la prise de canard et de poisson?

M. de Denus: C'est exact, mais d'après les études effectuées en Ontario, les prises de poisson sont minimes à l'automne. Il est vrai que si ces boîtes en treillis métallique sont utilisées lors de la fraie au printemps, il y a des captures de poisson, mais celles-ci peuvent être évitées par un emplacement choisi des treillis et aussi, nécessairement, en fonction de la saison; en les utilisant l'automne plutôt que le printemps, on élimine ces accidents.

M. Chevrette: Vous parlez également du territoire. Il est vrai que nous sommes confrontés au fait suivant: sur 80% du territoire, il se produit environ 15% de l'ensemble de la cueillette, alors que, sur 20% du territoire, on prend 85% de la cueillette. Vous savez pertinemment que c'est un problème fort contentieux et litigieux puisque cela relève de la négociation même avec les Amérindiens. La négociation ou l'entente prime sur toute loi comme telle. Je suis sensible à ce que vous dites, sauf qu'il faut bien comprendre que ce n'est pas au MLCP que cette négociation se fait, même si on est présent à la table du SAGMAI. On fera sûrement valoir nos points de vue. C'est d'une évidence totale. Cela saute aux yeux. Les chiffres ne mentent pas.

Il y a une question que j'aimerais vous poser. Pourriez-vous préciser ce que vous voulez dire, quand vous écrivez "priver les trappeurs du Québec de vendre leurs fourrures où ils croient obtenir le meilleur prix"?

Le Président (M. Bordeleau): M. de Denus.

M. de Denus: Ce qui arrive, c'est que le marché de la fourrure est un peu complexe. Je n'entrerai pas dans tous les détails, mais il est présentement défendu à un trappeur d'expédier ses fourrures hors du Québec. C'est nécessaire à cause du contrôle des droits régaliens. Malheureusement, cela nous force à transiger avec un commerçant de fourrures. Le fait d'avoir à transiger avec un acheteur occasionne automatiquement des frais pour pouvoir acheminer nos peaux en dehors du Québec. Il y a des marchés de fourrure locaux qui sont disponibles, mais plusieurs croient que le marché international est plus favorable et qu'il est avantageux pour un trappeur d'expédier directement aux encans. Présentement, ce n'est pas possible de le faire sans passer par un acheteur de fourrures, ce qui occasionne des frais.

M. Chevrette: Ne pouvez-vous pas obtenir un permis d'exportation par l'entremise des agents de conservation?

M. de Denus: Non. Il est impossible pour un trappeur de le faire. Il est possible pour un commerçant de le faire, mais il est impossible pour un trappeur de le faire, à moins de devenir commerçant. Il en coûte 200 $ pour une permis de commerçant. Les trappeurs ne veulent pas tous devenir des commerçants de fourrures. Présentement, il est impossible pour un trappeur d'expédier ses fourrures en dehors du Québec.

M. Chevrette: II y aura lieu d'organiser une rencontre, parce que mes conseillers me disent qu'il est possible d'obtenir un permis d'exportation...

M. de Denus: Pour un commerçant de fourrures.

M. Chevrette: ... de sorte qu'il faudrait peut-être susciter une rencontre, non seulement pour le commerçant, mais pour le trappeur lui-même.

M. de Denus: Bon! Cette position renverse toutes les opinions populaires. Si c'est le cas, on le fera savoir.

M. Chevrette: Regardez l'article de la loi. Je vous le lis purement et simplement: "II est interdit à toute personne d'expédier des peaux de fourrure à l'état brut en dehors du Québec, sauf si elle détient - et là, vous avez raison - un permis de commerçant de fourrures et un permis d'exportation émis par un agent de la conservation ou d'un inspecteur."

M. de Denus: Je pense que c'est clair...

M. Chevrette: Vous prenez le "et" dans le sens des deux. Nous l'interprétons différemment, de sorte qu'on va se rencontrer et s'expliquer.

M. de Denus: II y a des commerçants ontariens qui vont être surpris et peut-être satisfaits.

M. Chevrette: J'espère que les exportateurs québécois vont l'être aussi.

M. de Denus: J'imagine.

M. Chevrette: Je le suppose.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. Au début de votre mémoire, vous dites que les quotas de captures sur les terrains enregistrés ont été augmentés et que les chiffres maximaux sont devenus des chiffres minimaux. Croyez-vous que le MLCP doive relever ce plancher pour satisfaire à la demande des trappeurs? (11 h 45)

M. de Denus: Je comprends mal votre question. Vous voulez réviser les quotas?

M. Houde: Je vais me reprendre plus lentement. Au début de votre mémoire, on dit que les quotas de captures sur les terrains enregistrés ont été augmentés et les chiffres maximaux sont devenus minimaux, c'est-à-dire qu'à un moment donné ils sont devenus moindres. Croyez-vous que le MLCP doive relever ce plancher pour satisfaire à la demande des trappeurs?

M. de Denus: Je voudrais vous expliquer que les quotas en question sont des quotas attribués à des individus. L'augmentation des quotas affecte les individus mais pas l'ensemble des trappeurs. Auparavant, on avait l'habitude de dire qu'il fallait protéger les castors. On gardait les quotas au minimum pour être certain de conserver ces animaux. À la lumière de recherches, on s'est aperçu qu'il y avait lieu d'exploiter plus. Ces quotas qui étaient limités à un point maximal ont été augmentés. En plus d'avoir été augmentés, on a ajouté une clause disant qu'un trappeur ne devait pas dépasser son maximum, mais qu'il devait atteindre 75% de son quota, donc un quota minimal. Les chiffres sont renversés. Autant on empêchait les trappeurs de trapper, maintenant, on les force à trapper plus.

M. Houde: D'accord. Ma deuxième question; Lorsque vous parlez de concurrence entre les trappeurs, à la page 2, au premier paragraphe, entendez-vous par là un coin particulier du Québec ou cette concurrence se retrouve-t-elle un peu partout?

M. de Denus: La concurrence se retrouve un peu partout, mais pour différentes modalités de piégeage. Dans les régions où il y a des terrains enregistrés, la concurrence se fait pour les terrains enregistrés. Malheureusement, ce système qu'on juge le meilleur n'est pas applicable partout. Si on pense que la majorité des trappeurs se trouvent dans la partie sud du Québec, s'il y a 20 000 trappeurs dans cette région, ce sont toutes des terres privées, il est impossible de créer des terrains enregistrés. Les trappeurs se cherchent des places pour trapper. Il y a beaucoup de monde et moins de places.

M. Houde: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: M. le Président, durant une journée complète la semaine passée, on a entendu tous les groupes d'Amérindiens qui sont venus blâmer le ministère et le gouvernement de voir l'ensemble d'un territoire, dont il disait qu'il leur appartenait en propre comme peuple fondateur, être soumis à la pression des blancs. Je fais référence ici à un article qui a paru dans le Progrès-Dimanche où les trappeurs partent en guerre. Vous mentionnez que l'ensemble des réserves à castor créées entre 1930 et 1955 représentent 80% du territoire du Québec et sont mises à la disposition de 2500 Amérindiens qui récoltent 15%. Vous dites que le reste du territoire, 20%, est disponible pour 24 000 blancs. La plupart de ces réserves... Je m'aperçois que ce sont des associations qui viennent du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Vous êtes bornés d'un côté par le parc où il n'y a pas de trappage possible, le parc des Laurentides... Il semblerait que dans le coin de Chibougamau ce sont également des territoires qui sont concédés aux Indiens. Plus au nord, c'est quoi? La réserve de Bersimis...

M. de Denus: ... castors...

M. Mailloux: Près de Bersimis ou dans ce coin, dans le comté de Saguenay?

M. de Denus: Non, je ne crois pas. Les trappeurs du Lac-Saint-Jean sont entourés au sud par la réserve faunique des Laurentides et par le parc Chibougamau, les réserves à castor, au nord.

M. Mailloux: Ailleurs, dans la province, existe-t-il des réserves à castor? Je ne sais pas si le ministre...

M. de Denus: Oui. Les réserves à castor se situent généralement dans la partie nord de la province.

M. Mailloux: La partie nord, oui. Mais je pense bien que ce n'est pas à vous que je devrais poser la question, parce que le ministre et ses fonctionnaires croient que les doléances traduites par la presse méritent...

M. Chevrette: J'ai des chiffres précis, M. le député de Charlevoix. Pour 2800 autochtones, il y a 1 274 000 kilomètres carrés, soit 79,3% du territoire du Québec, effectivement. Le reste est pour 24 000 trappeurs environ, les 20% environ, et cela inclut le territoire de la Baie James.

M. Mailloux: Ce qui veut dire, au moment où le gouvernement ferait accueil à la demande de l'Association des trappeurs, dans la partie nord de la province, que c'est une autre guerre qu'entreprend le gouvernement contre les Amérindiens et les droits que ceux-ci prétendent posséder sur le territoire.

M. Chevrette: C'est pour ça que j'ai dit tout à l'heure que ce n'était pas au niveau du MLCP que cela se négociait, mais bien au niveau de l'entente SAGMAI, CAM et tout le groupe. Mais les chiffres sont éloquents. Monsieur a raison d'affirmer que c'est disproportionné en termes de territoire par rapport au nombre de prises. 20% du territoire donnent 85% des prises et 80% du territoire donnent 15% de prises. Le potentiel, cependant, peut être plus faible. Il faut faire attention, quand on lance des chiffres, parce que, dans certains territoires, on peut avoir un très faible potentiel par rapport à celui qui est plus au sud.

Le Président (M. Bordeleau}: M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: Quand on parle de réserves de castor, est-ce que vous faites référence aussi à d'autres sortes d'animaux à fourrure, à l'intérieur de ces réserves, qui sont visés également?

M. de Denus: Oui, le terme "réserve à castor" n'est pas juste. C'est l'exclusivité des animaux à fourrure pour les Amérindiens.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Merci, M. le Président. M. de Denus, vous avez parlé aussi dans votre mémoire, comme dans le prédécent, du piégeage humanitaire. J'ai eu l'occasion de discuter déjà un peu avec un inventeur de pièges - si je puis dire - mais j'aimerais que vous puissiez nous donner de l'information supplémentaire sur la façon dont la fabrication et la vente des pièges, au Québec ou au Canada, sont contrôlées ou dirigées?

Le Président (M. Bordeleau): M. de Denus.

M. de Denus: Présentement, il y a surtout, un manufacturier, qui est la compagnie Woodstream Corp., qui manufacture la majorité des pièges utilisés au Canada et même aux États-Unis. Cette firme a une filiale canadienne à Niagara Falls. Ses pièges sont connus ou acceptés par tous les trappeurs. Si on parle de piège moderne, dont il a été fait état dans le mémoire auparavant, c'est le piège "Conibear" dont on parle, un piège qui est censé tuer instantanément. Il est sur le marché depuis 1957. Il y a des modifications qui ont été faites pour améliorer le piège et, aujourd'hui, tout le monde reconnaît le piège "Conibear" comme un piège humanitaire. Il y a d'autres manufacturiers plus petits, qui fabriquent souvent des imitations.

Présentement, je ne pense pas que la norme soit en vigueur, mais la Commission des normes générales du Canada, la CSA, la Canadian Standards Association, a émis des normes pour des pièges humanitaires et à l'avenir, les pièges seront tous soumis à des normes de construction.

M. Desbiens: Est-ce que votre association a eu à exercer une influence quelconque pour l'établissement de ces normes?

M. de Denus: Oui, nous avons participé à l'établissement des normes avec des sociétés humanitaires, d'autres associations de trappeurs et tous les intéressés.

M. Desbiens: Pour les pièges à castor ou autres petits animaux, est-ce que vous connaissez le piège Gagnon?

M. de Denus: Oui, j'ai fait connaissance avec M. Gagnon et son piège. On a étudié les possibilités, on a regardé.

Malheureusement, le piège n'est plus sur le marché parce que les trappeurs ne l'ont pas jugé avantageux. Je peux vous dire qu'il y a beaucoup d'autres personnes qui ont soumis des idées au comité fédéral provincial et plusieurs pensaient avoir trouvé quelque chose de fantastique. Malheureusement, on se sert toujours des pièges et on les juge toujours propices à rendre l'animal inconscient le plus vite possible.

M. Desbiens: Je trouve que vous avez une réaction curieuse. Vous dites: Malheureusement, il est retiré, malheureusement, il n'existe plus. Est-ce parce qu'il n'est pas bon?

M. de Denus: Oui, on aurait aimé en trouver un qui soit parfait. Malheureusement, il n'y en a pas. On cherche toujours des méthodes plus efficaces et plus humanitaires mais ce n'est pas facile.

M. Desbiens: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Je vous remercie, M. de Denus. J'appelle maintenant le groupe Espace Inc., qui est représenté par M. François Ukus, président. Est-ce qu'il est là?

M. Chevrette: Je le connais et il n'est pas ici. Dieu sait si je le connais!

Le Président (M. Bordeleau): M. Ukus n'est pas là. Si le groupe suivant est prêt, on peut procéder immédiatement, quitte à revenir cet après-midi. Il s'agirait du Conseil consultatif des réserves écologiques. Je présume que vous êtes M. Raymond McNeil, président?

M. Bouchard (André): Malheureusement, M. Raymond McNeil est probablement sur la route 20, il aura été retardé.

Le Président (M. Bordeleau): Ah bon!

Conseil consultatif des réserves écologiques

M. Bouchard: En son absence, je procéderai à la présentation du mémoire. J'aimerais vous présenter M. Gilles Gagnon, qui est secrétaire exécutif du conseil. Je suis André Bouchard, vice-président du Conseil consultatif des réserves écologiques et conservateur du Jardin botanique de Montréal.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission, nous sommes très heureux de participer à ces audiences qui nous permettent d'exprimer notre opinion sur des modifications à apporter à la Loi sur la conservation de la faune.

Le Conseil consultatif des réserves écologiques a déjà eu l'occasion de réfléchir sur des sujets qui font l'objet de discussions à cette commission et nous avons déjà présenté au ministre de l'Environnement, ministre de qui nous dépendons, un avis sur la protection des espèces fauniques et floristiques menacées ou en voie de disparition.

Nous croyons que ces réflexions peuvent contribuer à apporter des éléments qui permettront l'élaboration d'un projet de loi adéquat. Notre mémoire fait référence à un avant-projet de loi sur la conservation de la faune qui est intitulé - projet de loi no indéterminé - Loi sur la conservation de la faune, document - c'était un document de travail, nous l'avons considéré ainsi - que nous avons considéré avancé et qui traduisait les intentions du ministère à un moment

donné. Je procéderai donc à la lecture de ce mémoire.

Puisque les objectifs de la Loi sur les réserves écologiques impliquent la protection d'habitats en vue de sauvegarder les espèces animales et végétales menacées de disparition ou d'extinction, le Conseil consultatif des réserves écologiques a jugé pertinent d'examiner l'avant-projet de loi sur la conservation de la faune du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Notre intervention portera donc sur les articles traitant de la surveillance des réserves écologiques et de la protection des espèces rares, menacées ou en danger d'extinction.

La surveillance des réserves écologiques par les agents de conservation de la faune. L'article 3 de cet avant-projet mentionne que les agents de la conservation de la faune et les personnes visées à l'article 10 sont chargés, entre autres, de veiller à l'application de la Loi sur les réserves écologiques et de ses règlements. Nous appuyons hautement cette mesure, étant donné l'omniprésence des agents de conservation de la faune sur le territoire et leur expertise dans le domaine de la surveillance. Nous croyons, cependant, que le paragraphe 2 de cet article doit être précisé en mentionnant que la surveillance s'applique à certains articles de la Loi sur les réserves écologiques et de certains articles de ses règlements, dans la mesure prévue par les règlements du gouvernement. - En fait, il y a des aspects de la Loi sur les réserves écologiques, par exemple, la recherche scientifique, qui seraient difficilement surveillables par les agents de la faune.

Les espèces fauniques rares et menacées. C'est surtout cet aspect-là qu'on veut présenter aujourd'hui à la commission parlementaire et cela se fait un peu indépendamment de l'avant-projet que nous avions eu. Nous vous aurions dit un peu les mêmes choses avec ou sans avant-projet.

Le Conseil consultatif des réserves écologiques estime que le gouvernement du Québec doit prendre des mesures législatives immédiates afin de protéger adéquatement les espèces de la faune et de la flore rares, menacées ou en danger d'extinction. (12 heures)

L'avant-projet du MLCP qui modifie la Loi sur la conservation de la faune est, à toutes fins utiles, une loi qui régit l'exploitation de la faune. Dans cet avant-projet, on a ajouté quelques articles, dont les articles sur la protection des habitats et les articles 25 et 26, permettant de protéger les espèces fauniques menacées, mais nous croyons que ces mesures sont insuffisantes et incomplètes.

C'est évident que, pour les habitats, cela pourrait protéger un grand nombre des espèces menacées, mais il faut comprendre, évidemment, que, surtout dans le cas de la faune, ces animaux-là peuvent être en migration, peuvent être sur différents milieux et que peut-être il y a certaines mesures plus spécifiques que les habitats eux-mêmes qui devront être envisagées.

Nous constatons, en premier lieu, que ces articles qui traitent des espèces menacées ne concernent que la faune et, deuxièmement, font omission des poissons. De fait, à l'article 1, les définitions d'animal domestique, exotique et indigène ne mentionnent pas les poissons. Nous sommes d'avis que le mot "poisson" doit apparaître dans ces définitions afin que les éléments rares, menacés ou en danger d'extinction de cette faune aquatique soient protégés, comme ils le sont, d'ailleurs, en Ontario et au Nouveau-Brunswick.

D'autre part, nous croyons qu'il est urgent que toutes les espèces fauniques et floristiques rares ou menacées soient protégées par une même loi ou par des amendements majeurs à des lois existantes. Nous sommes évidemment très conscients des différentes ambitions normales des différents ministères quant à l'exercice de ce pouvoir. Au conseil, ce n'est pas parce qu'on n'a pas voulu se prononcer, mais on conçoit que cela peut être assez compliqué de décider si ce doit être par une loi ou par des amendements majeurs à des lois existantes. Ce qu'on trouve prioritaire, cependant, c'est que cela se fasse d'une façon ou d'une autre. Ce qui est important, c'est que cela se fasse assez rapidement.

À l'article 26, article capital en vue de la protection des espèces fauniques menacées, le conseil estime que la pêche et la cueillette des oeufs doivent être ajoutées comme catégories d'interdiction.

Dans le cadre de cet avant-projet, la loi vis-à-vis des espèces menacées, même fauniques, n'est pas suffisante et il nous semble préférable que la protection des espèces fauniques et floristiques menacées fasse l'objet d'une seule et même loi ou d'amendements majeurs aux lois existantes permettant également d'inclure toutes les espèces fauniques et floristiques.

La protection des espèces fauniques et floristiques rares, menacées ou en danger d'extinction. Dans le but d'appuyer les suggestions que nous venons de faire au sujet de cet avant-projet de loi à l'étude, nous présentons les éléments qui nous semblent nécessaires dans un éventuel projet de loi ou pour des amendements majeurs à des lois existantes, afin de protéger les espèces fauniques et floristiques rares, menacées ou en danger d'extinction.

Tout d'abord, il est essentiel de donner des définitions d'espèces, d'espèces rares, menacées et en danger d'extinction. Ces définitions devraient englober toutes les catégories d'animaux et de plantes, partout où elles se trouvent au Québec ou sur une

partie du territoire, et que la protection s'applique aux espèces, sous-espèces, variétés, formes, races, etc.

De plus, ces mesures législatives devraient permettre de réglementer, contrôler, interdire la chasse, la pêche, la destruction et la cueillette des oeufs et prendre les mesures nécessaires afin d'éviter le harcèlement, la poursuite et les blessures aux animaux; réglementer, contrôler et interdire la récolte, l'abattage ou la cueillette des plantes et prendre les mesures nécessaires afin que ces plantes ne soient pas mutilées, amputées ou endommagées; de cueillir ou capturer, avec l'autorisation du ministre, des plantes et animaux pour fins de contrôle sanitaire, de reproduction ou de repeuplement; de contrôler ou interdire le commerce des animaux et des plantes sauvages de même que la cueillette des fruits et des graines. En fait, vous êtes sûrement conscients de l'énorme publicité, par exemple, qui entoure le problème de l'ail des bois, qui n'est pas, entre parenthèses, une plante rare. C'est une plante assez commune, mais qui peut devenir assez rapidement une plante menacée. Dans ce cas-là, nous croyons que ce qui est important, c'est de pouvoir contrôler son commerce plutôt que d'interdire sa cueillette. Ces mesures devraient aussi permettre de protéger un habitat faunique et floristique et en interdire la destruction, la transformation ou la modification; prévoir la possibilité d'aménager l'habitat pour conserver les espèces et prévoir aussi la possibilité de réintroduire des espèces fauniques et floristiques dans un habitat; prévoir la création d'un comité d'experts-conseils au ministre en vue d'identifier les espèces de faune et de flore rares, menacées ou en danger d'extinction et en vue également d'identifier les causes de cet état et de déterminer les mécanismes nécessaires à utiliser pour la protection de ces espèces.

Il faut concevoir - je parle peut-être plus des plantes rares - que sur les 409 plantes rares qu'il y a au Québec, il n'y a pas, en réalité, une seule recette pour les protéger. Il s'agit là d'un cas unique et il faudrait, pour les 409 plantes, évaluer dans quelle catégorie elles se placent. Est-ce que c'est leur habitat qui est menacé? Est-ce que c'est la façon dont on les ramasse? Est-ce que c'est la commercialisation? Il faut quelque chose d'un peu flexible comme programme pour protéger à la fois les espèces fauniques et floristiques. Ces mesures devraient enfin permettre d'introduire dans la loi le pouvoir réglementaire du gouvernement afin de désigner les espèces de plantes et d'animaux rares, menacées ou en danger d'extinction à protéger et que les décisions prises fassent l'objet d'une publication dans la Gazette officielle du Québec.

La législation sur la protection des espèces fauniques et floristiques pourrait être administrée par l'un ou plusieurs des ministères concernés dans la conservation et la protection du patrimoine naturel. Il serait cependant important que les lois, qui ont comme objectif la conservation et la protection du territoire et de notre patrimoine biologique, soient bien articulées afin qu'elles se complètent et qu'elles ne laissent pas certains territoires ou certaines espèces animales ou végétales sans protection.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Bouchard. M. le ministre.

M. Chevrette: Merci. Tout d'abord, dans les espèces rares et menacées, les poissons ne sont pas inclus purement et simplement parce que c'est de compétence et de juridiction fédérale.

M. Bouchard: Oui.

M. Chevrette: On n'en a qu'un droit d'exploitation.

M. Bouchard: Oui, mais on s'étonne - je ne suis pas du tout un spécialiste de cette catégorie d'animaux, même si cela m'intéresse beaucoup - que l'Ontario et le Nouveau-Brunswick aient pu le faire. On se demande pour quelle raison deux provinces, qui sont de chaque côté de nous, réussissent à protéger cette catégorie. Est-ce qu'ils ont fait une négociation là-dessus ou s'ils ont obtenu une délégation? Je ne suis pas assez au courant pour vous répondre, mais je pense qu'il y a quelque chose à faire là-dedans. On pourrait vérifier. Si deux provinces limitrophes, vraisemblablement avec des ressources semblables, réussissent à obtenir cette délégation, peut-être que le Québec peut l'obtenir aussi.

M. Chevrette: Je crois que c'est en vertu d'une ordonnance de 1922 qu'on en a l'exploitation, mais non pas la juridiction comme telle. De toute façon, on va fouiller cela à partir de ce qui existe en Ontario et au Nouveau-Brunswick.

M. Bouchard: C'est cela.

M. Chevrette: Si on doit faire des négociations, il me fera plaisir de les entamer. Je voudrais aussi vous préciser que le groupe de travail, par son mandat, a restreint ses recommandations aux seules espèces fauniques menacées, mais je reconnais, comme vous le soulignez, qu'il y aurait un net intérêt à concilier la flore et la faune. Il faudra cependant, si c'est cette approche qui est retenue, bien définir les juridictions de chacun des deux ministères

impliqués, à savoir celui de l'Environnement et le MLCP pour ne pas qu'on assiste à des chicanes perpétuelles au détriment de la conservation de la flore et de la faune elle-même.

Vous soulignez également, à juste titre, des lacunes dans la définition des espèces menacées. Ces lacunes s'expliquent sans doute, pour une bonne part, du fait que toutes les espèces fauniques ne sont pas couvertes par la Loi sur la conservation de la faune. Sans doute qu'il en aurait été autrement si nous avions proposé une loi spécifique sur les espèces menacées. Si on avait présenté une loi exclusivement là-dessus, cela aurait probablement été beaucoup plus précis. J'aurais quelques questions à vous poser. Tout d'abord, une question m'est venue tout de suite à l'idée sur vos fameux contrôles pour fins sanitaires. J'aimerais savoir ce que vous entendez par cela.

M. Bouchard: Je pense que ce que les membres de notre comité, qui sont plutôt intéressés par la zoologie, devaient penser, c'est s'il y a des espèces rares fauniques à un endroit, il faut prendre certains individus pour analyser une maladie possible à cet endroit. Je crois que c'est dans ce sens. Ce n'est qu'un contrôle. Imaginons une seule colonie d'oiseaux connue à tel endroit; il faut quand même intervenir pour connaître la santé de cette colonie. Il faut évidemment, même si la loi défend d'intervenir dans cette colonie, quand même prévoir prélever périodiquement certains spécimens. Je pense que c'est dans ce sens que les membres zoologistes de notre comité ont pensé à cet aspect.

M. Chevrette: Dans votre réflexion sur la loi des espèces menacées, quel ministère, à votre avis, devrait en assurer l'administration?

M. Bouchard: Évidemment, c'est fort complexe de répondre à cela. Vous comprendrez qu'on est un conseil. Même si notre conseil est composé de fonctionnaires et de non-fonctionnaires - j'ai parfois l'avantage et le désavantage d'être un membre non fonctionnaire - je m'aperçois que, dans le fond le clivage des opinions sur notre conseil se fait un peu d'après l'appartenance de nos membres. Là-dessus, je peux vous dire que vos fonctionnaires défendent fortement que ce devrait être votre ministère. Nos fonctionnaires défendent fortement que ce devrait être notre ministère. Là-dessus, je ne veux pas dire qu'on est neutre et qu'on peut trancher, mais ce qui me semble important, c'est que ce soit le ministère qui va mieux le faire et qui sera le mieux outillé pour le faire, qui aura la meilleure infrastructure de spécialistes pour le faire aussi. Ce devrait être des balises, pour prendre cette décision.

Je m'inquiéterais - c'est une opinion vraiment personnelle qui n'est pas l'opinion du conseil - de certains problèmes si c'est le MLCP, du fait que c'est un ministère qui est à la fois un ministère d'exploitation des ressources et de contrôle des ressources. Je peux imaginer que cela va causer certains problèmes. Est-ce que la loi pourrait être assez précise et forte pour éliminer ce problème? Si oui, tant mieux. Vous savez, votre ministère est quand même responsable des parcs de conservation qui sont aussi un outil important pour la protection non seulement de la faune, mais de la flore aussi. C'est un malaise qu'on sent au conseil depuis longtemps, mais il y a un éparpillement des juridictions, que ce soient les arrondissements naturels aux affaires culturelles, que ce soient les parcs de conservation au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et que ce soient les réserves écologiques au ministère de l'Environnement. Il y a un éparpillement. Moi, ce qui me semble important, c'est qu'il y a une coordination, comme le souhaitait le conseil consultatif de l'environnement, qui n'est pas notre conseil, mais un conseil homologue, lui, à un moment, suggérait de regrouper cela dans un ministère. C'est une avenue. Est-ce que vous ne pourriez pas avoir une meilleure coordination entre ministères, c'est une autre avenue. Notre propre conseil est partagé là-dessus, très franchement.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va, M. le ministre?

M. Chevrette: Oui. Cependant, vous comprendrez que si je suis responsable de la gestion et de l'utilisation rationnelle des ressources, l'habitat est une des conditions essentielles à la rationalisation. J'aurai beau mettre les règlements que je voudrai, si on laisse détruire les habitats à la va comme je te pousse par le ministère de l'Énergie et des Ressources, par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ou par d'autres ministères, vous savez comme moi, je suis freiné dans ma propre détermination d'en arriver à sauvegarder l'habitat naturel. C'est une des conditions essentielles pour la sauvegarde des espèces menacées. À partir de là, je veux bien m'entendre, je veux bien me coordonner, je pense qu'il va falloir au moins reconnaître une autorité précise qui peut être ponctuelle seulement, qui peut être non pas permanente pour certains types d'habitats, qui peut être ponctuelle, mais il va falloir définir qui est responsable parce que actuellement on n'a aucun pouvoir. Le pouvoir de conserver la faune, mais dans un même temps, je n'ai pas le pouvoir de sauver l'habitat de cette même

faune.

M. Bouchard: II faudrait dissocier peut-être étant donné que notre mémoire a surtout parlé des espèces rares et menacées. Il ne faudrait pas percevoir que c'est la seule chose qui nous intéresse, c'est-à-dire que c'était un aspect qu'on jugeait important étant donné notre propre mandat comme conseil. Sur la question des habitats fauniques dans son ensemble, je crois que le conseil serait très favorable au fait que vous ayez une loi protégeant les habitats fauniques. Ce sont deux problèmes très différents finalement. Dans certains cas, il est évident que par une loi qui vous permettrait d'agir sur les habitats fauniques vous pourriez faire d'une pierre deux coups, protéger aussi les espèces rares. Plus souvent il est possible que ce soit pour protéger quand même des populations qui sont importantes, relativement communes et qui n'entrent pas dans les catégories d'espèces rares ou menacées. En ce qui concerne les habitats fauniques, nous sommes certainement très favorables à ce que vous ayez ce pouvoir. Nous croyons que naturellement c'est un pouvoir qui doit revenir au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui a toute l'expertise pour agir dans ce domaine. J'espère qu'on ne mélange pas les choses avec l'aspect espèces rares.

M. Chevrette: D'accord, je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Hull.

M. Rocheleau: M. le Président, je voudrais remercier les responsables du conseil consultatif. Je me rends compte qu'on a trouvé effectivement, par le titre de votre mémoire, et cela concerne l'avant-projet de loi sur la conservation de la faune, c'est titré comme cela. Le ministre accepte sûrement le fait que c'était effectivement un avant-projet qu'on nous avait soumis. Je suis content que quelqu'un puisse au moins le confirmer dans l'approche que l'on semble vouloir donner à l'intérieur du mémoire que vous présentez. Maintenant, à la page 5, vous faites la suggestion de prévoir la création d'un comité d'experts conseils auprès du ministre. Je tente de me retrouver à l'intérieur de différents organismes comme le Conseil de la faune du Québec qui, à toutes fins utiles, l'an dernier... On a mentionné que les autorités politiques ont accepté récemment que cet organisme consultatif du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche tienne des audiences publiques sur les problèmes entourant la gestion, l'aménagement et l'exploitation. On sait aussi que la Fédération de la faune du Québec se devait de donner des indications au ministre, tenant compte de certaines modalités dans la préservation de la faune. Vous suggérez de prévoir la création d'un comité d'experts conseils. Est-ce en sus des autres organismes de consultation auprès du ministre ou est-ce pour en remplacer un ou d'autres?

M. Bouchard: En fait, il faut peut-être replacer la problématique des espèces rares. Pour vous donner un exemple, nous venons de terminer ce mois-ci un mandat que les musées nationaux nous avaient donné afin de définir quelles sont les plantes rares au Québec. Cela a pris trois ans à une personne à temps plein et à quatre autres personnes à demi-temps pour faire le tour de la question et finalement déterminer qu'il y avait 409 plantes rares. Ce genre de travail dépasse probablement les mandats qui sont normalement donnés à un conseil consultatif. (12 h 15)

Le problème est le suivant. Si on se sert un peu de l'expérience de l'Ontario et encore plus, si vous vous souvenez des petits poissons qui avaient bloqué un barrage aux États-Unis, dans l'État du Tennessee, et qui avaient causé énormément de problèmes, quand on arrive à déterminer si le gouvernement accepte de publier dans la Gazette officielle - et avec toutes les implications que cela aura - que telle espèce de flore ou de faune est rare, les répercussions sont énormes; la loi s'applique et cet habitat ne peut pas être perturbé pour telle et telle raison. Il y a un ensemble très lourd de réactions à la chaîne.

Déterminer ce qui est rare, à la fois dans la faune et la flore, c'est quelque chose de fort complexe. C'est ce qu'on voulait dire au ministre en parlant d'un comité d'experts conseils. Il s'agit de faire une grille d'analyse. De se mettre d'accord sur le fait que lorsqu'une population représente seulement tel groupe, il y en a seulement tant dans toute la province. C'est un processus qui est très long et qui demanderait beaucoup d'analyse. J'aurais tendance à penser que c'est un comité qui devrait comprendre des experts qui viennent à la fois du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et du ministère de l'Environnement, mais encore là, je réponds un peu à titre personnel là-dessus. Je ne crois pas que notre comité avait poussé une réflexion très grande là-dessus, mais ce que je veux surtout faire ressortir, c'est qu'il ne faut pas se leurrer. À partir du moment où vous allez avoir à définir des espèces de faune et de flore, c'est quelque chose de bien compliqué. Il faut seulement prendre l'exemple de l'Ontario ou des États-Unis. Quand on décide qu'il y a quelque chose de rare, après cela, les réactions à la chaîne sont énormes. Mais il ne faut pas se tromper. Il ne faut pas, au hasard d'un

goût... Je viens de terminer la recherche sur les 409 plantes rares du Québec. J'ai à peu près tout le monde contre moi, parce que tout le monde me dit: Je connais bien la Gaspésie et vous auriez dû mettre ceci en plus, et en Abitibi, il y a cela. Il faut avoir une grille générale d'analyse. C'est fort compliqué. Les dangers de se tromper sur la détermination des espèces peuvent être assez complexes. C'est pour cette raison qu'il faudrait, je pense, un comité qui dépasse peut-être les mandats qu'ont les conseils dans le moment. Ce sont des éléments de réflexion que je vous donne là-dessus. C'est seulement pour... Le point important, c'est qu'il est assez difficile de déterminer ce qui est rare, mais une fois qu'on arrive là, il faut, après, s'en tenir à cela. Si on prend le Wild and Endangered Species Act des États-Unis qui est une loi fédérale, qui défend tout projet aux États-Unis, le moindrement qu'une espèce est menacée de disparition sur le territoire américain... Évidemment, le moindrement qu'une espèce est déclarée rare, non seulement elle apparaît sur des timbres pour la faire connaître, mais elle a ensuite des implications énormes dans ce qui ne peut pas se faire dans ce territoire. Vous comprendrez qu'on peut avoir toutes sortes d'hésitations à en déclarer une rare ou d'autres. Il faut être bien informé là-dessus.

M. Rocheleau: M. le Président, je retiens ce qu'on vient de me faire savoir, mais d'un autre côté, je me pose la question à savoir si à un moment donné il n'y a pas tellement d'organismes consultatifs que cela ne tient plus compte d'une certaine concertation. Je pense au Conseil de la faune du Québec. Je ne sais pas s'il avait des mandats très spécifiques de faire des recherches dans certains domaines qui seraient faits par des experts et qu'il y aurait par la suite concertation et que le ministre pourrait prendre connaissance des différents rapports, qu'à un moment donné, cela se tiendrait. On a un paquet de rapports, un paquet de mémoires qui nous ont été soumis. Il semble manquer de concertation parce que chacun semble débattre son point de vue à l'intérieur de son comité ou de son organisme. J'ai l'impression que le ministre va trouver compliqué tantôt de rapiécer tout cela pour nous soumettre un deuxième avant-projet, étant donné qu'on parle de multiplier ou qu'on semble dans plusieurs cas nous suggérer la formation d'un comité additionnel ou d'un autre comité qui tiendrait compte d'un aspect particulier.

M. Bouchard: J'aimerais préciser un peu là-dessus. Sur la création du comité d'experts-conseils au ministre, je crois qu'à l'intérieur même de la fonction publique québécoise dans le moment, il y a les experts nécessaires pour déterminer les espèces rares sans former un comité ou un conseil consultatif ou autre. Je ne veux nommer personne, mais je sais, pour avoir suivi la documentation là-dessus, qu'il y a à la fois pour la faune et la flore, les spécialistes nécessaires, pourvu qu'on choisisse les bons et qu'on les mette ensemble. Ce serait une possibilité. De par sa composition actuelle le Conseil consultatif des réserves écologiques représente aussi un ensemble de spécialistes qui pourraient s'occuper de cette question, mais là, on entre dans un problème énorme de juridiction. C'est autre chose. Je suis d'accord avec vous que... L'idée qu'on avait derrière cela n'était pas la création d'un nouveau conseil consultatif.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: C'est parce qu'il y avait le conseil consultatif en soi. En plus, il y avait un conseiller juridique directement rattaché au ministre pour des points précis et non pas un office de recherche, à toutes fins utiles. Ce que j'ai compris que vous suggériez, c'est plutôt un comité interministériel formé à la fois des spécialistes de la flore qui émanent de l'Environnement et les spécialistes de la faune qui émanent de mon ministère et les mettre ensemble pour essayer de me conseiller pour la sauvegarde des espèces rares...

M. Bouchard: II y a certaines espèces...

M. Chevrette: ... mais qui contient à la fois les habitats des espèces rares.

M. Bouchard: Oui, il y a cet aspect, M. le ministre, mais je voudrais faire un parallèle avec la Commission des biens culturels à ce moment. À partir du moment où on a à choisir - autrement dit, je ne veux pas qu'on s'embarque dans quelque chose sans savoir ce que c'est - c'est assez compliqué à déterminer ce qui est rare dans la faune et la flore. À partir du moment où votre conseil va vous dire: C'est celle-là qui est rare, vous aurez peu de marge de manoeuvre par la suite pour accepter leurs recommandations. Il y a deux avenues. Un comité d'experts-conseils fait de fonctionnaires des différents ministères du gouvernement, mais qui ont des expertises qui se chevauchent, cela pourrait remplir en partie cela, et de recevoir après cela des avis concurrents, soit de votre Conseil de la faune ou du Conseil consultatif des réserves écologiques, à savoir si ces deux conseils pensent réellement si ce sont des espèces menacées, cela pourrait aussi être une procédure intéressante de demander à deux

conseils différents: Êtes-vous d'accord que telle espèce de faune est réellement rare ou menacée sans créer un nouveau conseil?

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Hull.

M. Rocheleau: N'est-ce pas un peu comme engager deux avocats pour défendre la même cause?

M. Bouchard: Vous savez qu'on n'a pas beaucoup d'avocats pour défendre nos causes. Cela pourrait nous aider.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: Mais cela peut être complémentaire aussi. Le fait qu'il y ait des gens qui aient le souci de sauvegarder certaines espèces rares, qui ont besoin d'habitats naturels, je pense, effectivement, qu'il peut y avoir les deux types de spécialistes: un versé surtout vers la flore et l'autre vers la faune; ceux-ci peuvent arriver à un consensus. Les deux sont étroitement et intimement liés, qu'on le veuille ou non. Si on a un habitat naturel, avec une flore pour recevoir l'espèce, c'est parce que les deux vont de pair. Elles ont une affinité. Donc, je pense que l'on pourrait - en tout cas, c'est à examiner - je trouve cela intéressant comme idée et cela ne crée pas de structures juridiques accessoires. Cela pourrait permettre même à certains comités interministériels de s'entendre, vu qu'il y aurait un consensus, d'abord chez les fonctionnaires.

M. Rocheleau: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau); M. le député de Hull.

M. Rocheleau: M. le Président, j'ai simplement une réflexion, en terminant. Je suis relativement heureux parce que le ministre semble dire oui à tout le monde. J'ai hâte de voir...

M. Chevrette: Je n'ai pas dit oui à tout le monde.

M. Rocheleau: Non?

M. Chevrette: Ah! bien non. Jamais!

M. Rocheleau: II faut faire une distinction, M. le ministre.

M. Chevrette: Jamais à vous autres. De temps en temps, à eux autres...

M. Houde: C'est ça. Il dit, jamais à nous autres, de temps en temps à eux autres.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, MM. Bouchard et Gagnon. Comme il est près de midi et demi, je pense bien que tout le monde sera d'accord pour qu'on ajourne nos travaux sine die. En pratique, cela signifie - pour les personnes qui s'attendent d'être entendues cet après-midi -que l'Assemblée nationale reprend à 14 heures, cela veut donc dire vers 15 heures environ, nous devrions reprendre ici.

La commission suspend ses travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 24)

(Reprise de la séance à 15 h 30)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames et messieurs, la commission du loisir, de la chasse et de la pêche reprend donc l'audition des mémoires.

Les membres de la commission, pour cet après-midi, seront donc les mêmes que ce matin. Cela va éviter de répéter les noms.

Dans la suite de notre ordre du jour, j'appellerai donc maintenant Mme Joanne Marchesseault, qui a un mémoire, à titre personnel, à présenter à la commission. Il s'agit du no 36. Alors, si vous voulez prendre place près d'un microphone.

Mme Joanne Marchesseault Mme Marchesseault (Joanne): Bonjour! Le Président (M. Bordeleau): Bonjour!

Mme Marchesseault: Vous êtes tous prêts à m'entendre...

M. Houde: Religieusement!

Mme Marchesseault: Oui. Aujourd'hui, je viens vous parler du braconnage et de la conservation de la faune plus spécifiquement dans la région du Témiscouata. Disons tout de suite que je voudrais ouvrir une parenthèse, en commençant. Je pense que le présent mémoire s'inscrit à la suite d'une étude faite au Témiscouata, mais il est peut-être important de retenir que le braconnage s'effectue dans plusieurs régions du Québec et que, souvent, le problème est le même.

Parmi les recommandations suggérées, il est fort possible que certaines d'entre elles, du moins, puissent s'appliquer éventuellement au problème du braconnage au Québec.

Vous devez être conscients, comme moi, que le braconnage est un sujet tabou au Québec. C'est cependant une chose qui fait partie de nos us et coutumes. Cela se fait à

l'échelle commerciale, dans plusieurs régions.

Avant de commencer, j'aimerais vous expliquer dans quel cadre j'en suis arrivée à vous présenter un mémoire aujourd'hui. Je demeure au Témiscouata et je suis biologiste. L'hiver dernier, après m'être rendu compte que le Témiscouata était une des régions du Québec où il y avait le plus de braconnage et que les méthodes utilisées pour diminuer le braconnage étaient plus ou moins efficaces, j'ai tenté de m'impliquer moi-même dans un projet. J'ai préparé un programme d'éducation populaire sur le braconnage et la conservation de la faune au Témiscouata. J'ai donc "monté" le programme. Je me suis trouvé un organisme pour me parrainer et j'ai présenté cela dans le cadre des programmes Chantier-Québec, subventionnés par le gouvernement provincial.

Le projet a été un vif succès. Cela a duré vingt semaines et, au cours de ces vingt semaines, j'ai visité les vingt municipalités du Témiscouata ainsi que les quatre polyvalentes, au plan scolaire.

Au cours de ces conférences, le but était de sensibiliser la population au problème réel du braconnage et à la situation présente de la faune sauvage au Témiscouata. Alors, il s'agissait d'expliquer aux gens un peu la situation actuelle.

Je tiens à préciser qu'aujourd'hui je présente le mémoire en mon nom personnel, mais les recommandations qui y sont faites l'ont été à la suite des rencontres que j'ai eues au cours de conférences avec les gens que j'ai rencontrés: au total 321 adultes et 700 étudiants. En plus de cela il y a eu toutes les émissions de télévision, les émissions de radio et les journaux. J'ai rencontré beaucoup de personnes et à chacune des conférences, aux endroits où j'allais, je demandais aux gens quelles étaient les solutions qui devraient être apportées pour corriger le problème du braconnage. Les recommandations qui sont formulées dans le rapport ne sont pas le fruit seulement de mon imagination, de mon travail, mais ce sont plutôt les recommandations formulées par les gens du Témiscouata.

Disons tout de suite que je vais faire un bref tour d'horizon. Je ne veux pas vous alourdir d'histoires du braconnage. Je voudrais peut-être vous situer, vous expliquer un peu le problème du braconnage pour vous montrer qu'il peut être aigu. Dans la région de Témiscouata - et cela peut s'appliquer à toutes les régions du Québec - il est important de savoir que nous, les Québécois, sommes un peuple - il ne faudrait pas se le cacher - de braconniers et ceci fait partie de la mentalité des gens. Lorsque vous sortez des grands centres et que vous allez dans les petites municipalités, vous vous rendez compte que cela fait partie des habitudes de vie des gens. Autrefois il y avait beaucoup de gibier. Le Témiscouata par exemple était un paradis de chasse et de pêche. Longtemps les gens ont tué des animaux pour se nourrir. Aujourd'hui les habitudes sont restées. Si vous habitiez comme moi dans le Témiscouata, à l'automne on peut dire que c'est un festival de sons et lumières parce que tous les rangs sont inondés de braconniers qui font du "jack" jour et nuit - pas le jour, mais je veux dire qui braconnent la nuit avec des lampes. C'est pour vous dire que le problème est aigu.

Une des principales causes de braconnage est la mentalité des gens et c'est sur ceci qu'on devrait insister le plus pour réduire le braconnage. En ce qui concerne le Témiscouata, les espèces animales les plus braconnées sont par ordre d'importance le chevreuil - je ne nommerai pas les noms scientifiques - la truite grise ou la touladi, la truite mouchetée, l'orignal, le corégone de lac, le petit gibier et quelques animaux à fourrure. J'aimerais cependant aujourd'hui attirer votre attention principalement sur les deux espèces les plus braconnées et qui sont les plus menacées, soit le chevreuil et la truite grise. Si on prend le cas du chevreuil et qu'on regarde les statistiques enregistrées au niveau du gouvernement pour la région du Témiscouata, l'an dernier on a enregistré seulement 41 infractions pour le braconnage du chevreuil. Cependant, à la suite des études que j'ai effectuées auprès du ministère et auprès des braconniers et de la population du Témiscouata, ce chiffre ne reflète pas la réalité. Vous avez au moins 20 gros braconniers professionnels dans le Témiscouata qui vivent pour le chevreuil, c'est-à-dire que ces gens tuent entre 20 et 40 chevreuils par année. À ceci il faut ajouter tous les foetus, parce que les braconniers professionnels tuent hiver comme été. À l'automne et pendant l'hiver, vous avez les femelles avec les petits.

De plus, on se rend compte que ce type de braconniers se fait rarement prendre par les agents de conservation. Les braconniers professionnels ont des réseaux, ce sont des coureurs des bois et, en général, ce gens-là ne figurent pas dans les statistiques enregistrées d'infractions.

À part des braconniers professionnels, vous avez aussi les braconniers amateurs. Ceux-là, on les retrouve à la tonne. Je pense que c'est quasiment tout le monde qui l'est un peu. Tout le monde, pendant le temps de la chasse, devient un peu fou et sort de chez lui pour aller faire du "jack", alors on retrouve énormément de braconniers amateurs qui tuent seulement un ou deux chevreuils par année pour leur consommation personnelle.

C'est là en gros le problème du braconnage pour le chevreuil. Cependant, j'aimerais attirer votre attention - je pense que c'est la situation un peu partout pour le

chevreuil au Québec - sur le fait qu'en ce qui concerne le Témiscouata, on est peut-être dans une période difficile pour le chevreuil. Longtemps le Témiscouata a été reconnu comme étant un paradis de chasse et de pêche. Je me demande si aujourd'hui on pourrait encore le qualifier de paradis. Ce serait plutôt un purgatoire. Il faudrait peut-être dire qu'au Témiscouata les populations, aujourd'hui, selon les inventaires du ministère, sont évaluées à moins de 3000 pour l'ensemble du territoire. Présentement, ces populations sont fortement menacées à cause, principalement, de l'épidémie de tordeuse qui a détruit énormément les habitats d'hiver, c'est-à-dire les ravages.

Vous avez aussi, comme facteur limitant, l'hiver. On se rend compte que si on a deux hivers successifs difficiles, on perdra jusqu'à 40% de nos populations. Maintenant, depuis deux ans, le braconnage semble beaucoup augmenter dans le Témiscouata. C'est dû à la situation économique, étant donné que beaucoup de gens perdent leur emploi et que c'est une région où le développement économique est assez faible présentement. Alors, vous avez beaucoup de gens qui y braconnent depuis deux ans. Cela a toujours été, mais disons que cela a tendance à augmenter.

Je pense qu'en ce qui concerne le chevreuil, sa situation est peut-être difficile, et mon but, aujourd'hui, c'est d'essayer de vous sensibiliser. Je pense que vous êtes probablement tous sensibilisés à ça, mais en ce qui concerne le Témiscouata, on se rend compte que c'est une région où, au point de vue économique et au point de vue de la survie, les bases de la population reposent sur une économie très faible. Parmi les principales choses qui font vivre les gens, vous avez la forêt, l'agriculture et le tourisme. Lorsqu'on regarde la façon dont les gens vivent, ils sont très durement affectés présentement. Je pense qu'on devrait de plus en plus essayer de sauvegarder la faune du Témiscouata afin de posséder encore une richesse.

Maintenant en ce qui concerne la truite grise, disons tout de suite que c'est une espèce de poisson dont le Témiscoutata peut être un très bon producteur, notamment au lac Témiscouata, qui a 40 kilomètres de long, et au grand lac Squatteck. Alors, ce sont deux lacs où il y a énormément de truites grises et où les conditions de reproduction sont excellentes. Cependant, à chaque année, à l'automne, à la période de la frai, vous avez énormément de braconniers qui installent des filets au niveau des frayères. On se rend compte qu'encore il y a très peu de braconniers qui sont capturés à faire leurs forfaits.

C'est donc dire que le problème est aigu puisque, de plus en plus, les populations de truites grises sont menacées, parce qu'il se fait énormément de braconnage; au point que, depuis l'an dernier, le ministère a commencé à faire des ensemencements de truite grise dans ces lacs. C'est pour vous dire qu'aujourd'hui je crois que, si on n'avait pas autant de braconnage on n'aurait pas besoin de faire de l'ensemencement, parce que le milieu est favorable, contrairement au chevreuil qui est affecté par la tordeuse, par un lots de facteurs. La truite grise, si ce n'était pas du braconnier, ce serait vraiment un paradis pour elle, parce qu'elle n'est pas menacée.

Concernant les frayères, il y a des problèmes: il y a peu de gens qui se font prendre; par contre, il y en a beaucoup qui braconnent. Leur but encore, concernant la truite grise, c'est les ventes commerciales. Seulement pour ouvrir une parenthèse, c'est pour dire qu'au cours des conférences que j'ai données, j'ai rencontré beaucoup de gens. Le problème est très aigu en ce qui concerne le braconnage, et je crois que ce problème est un peu le même partout au Québec. Il y a un gros problème de commercialisation du gibier, notamment le chevreuil et la truite grise. Dans le Témiscouata, il existe même une municipalité où il y a un camion qui vient de Québec ou de Montréal - je ne puis pas vous dire l'endroit exact - mais il y a des camions qui viennent une fois par mois de l'extérieur pour chercher de la viande de chevreuil et de truite grise. C'est pour vous dire qu'on n'est pas à l'abri de ces choses. Il faudrait être conscient du problème.

Je n'insisterai pas plus sur les autres espèces, telles que la truite mouchetée, le corégone, l'orignal et d'autres formes de braconnage. Vous avez le mémoire en main, je pense que cela va vous faire une bonne lecture avant de vous coucher ce soir.

Je désirerais tout de suite passer aux recommandations, qui visent principalement le chevreuil et la truite grise. Les gens du Témiscouata que j'ai rencontrés demandent en général une augmentation du nombre d'agents de conservation, principalement durant la période débutant à la fin du mois août, pour se terminer en décembre; parce qu'on se rend compte qu'au Témiscouata, c'est un peu partout, vous avez une succession de chasses: à la fin du mois d'août, vous avez le début de la chasse à l'ours; ensuite, vous avez le petit gibier; ensuite, vous avez la chasse à l'arc au chevreuil; après cela, vous avez la chasse à l'orignal; après cela, vous avez le chevreuil. Alors, il y a une succession de périodes de chasse qui demandent qu'on ait droit à une arme à feu. Les gars se promènent dans les bois en tout temps de l'année; du moins durant une grande période de temps. C'est très difficile de contrôler le braconnage, parce que les gars se promènent avec des armes à feu pour chasser l'ours; ils rencontrent un chevreuil, ils le tirent, cela

passe mieux. Il se produit un phénomène, c'est que les gens ont des carabines pendant une grande période de temps.

Alors, on demande d'augmenter le nombre d'agents de conservation. Ils sont généralement sept; cette année, ils étaient seulement quatre durant toute la période. Ces gars travaillaient jour et nuit. Je pense que pour couvrir tout le territoire de 4500 kilomètres carrés, c'est vraiment peu. Cependant, je sais que vous allez dire, comme moi, que c'est la crise, qu'on ne peut pas mettre plus d'argent. C'est ce qu'on me dit chaque fois que j'en parle à des fonctionnaires du gouvernement, mais je veux le souligner aujourd'hui parce que ce sont les gens qui le demandent.

On demande d'ouvrir une seule période de chasse de quinze jours pour tous les gibiers. Vous allez trouver qu'on est sévère, mais ce sont les gens qui l'ont demandé parce que pour ces gens, ouvrir pour une période de quinze jours, cela inclurait tous les gibiers. Alors, durant cette période, on pourrait chasser l'ours, le petit gibier, l'orignal et le chevreuil. Cela ferait seulement une période de quinze jours; cela pourrait être aléatoire, mais cela réduirait énormément le temps permis à avoir des armes à feu. Cela permettrait beaucoup plus un contrôle du braconnage parce qu'en dehors de cette période les gens n'auraient pas le droit d'avoir des armes à feu. On se rend compte que pour les braconniers, et la majorité des gens, je pense, aussitôt que tu as un permis, tu es beaucoup plus tenté de faire du braconnage.

On demande de hausser les amendes et les peines. Je ne pense pas être la première à le demander. Je sais qu'il y a un nouveau projet de loi qui va être déposé pour hausser les amendes à environ 3000 $. Par contre, c'est une demande qui est faite. Pour contrer le braconnage professionnel, parce qu'on se rend compte que les braconniers professionnels sont rarement capturés par les agents de conservation, on demande d'accentuer les programmes d'infiltration dans les réseaux de braconniers. Vous allez dire que j'en demande beaucoup parce que c'est de l'argent, ces affaires-là, mais je pense que c'est une solution, d'augmenter l'infiltration. Lorsque j'ai rencontré la population du Témiscouata, souvent, les braconniers amateurs me disaient: "Écoute! la petite mère - c'est comme ça qu'ils m'appelaient souvent - on tape souvent sur la tête des petits braconniers et les gros braconniers, on ne les poigne jamais." C'est vrai! Les gros braconniers ne sont jamais capturés. Je pense que si on les prenait, cela donnerait peut-être l'exemple aux petits braconniers parce qu'ils ont souvent tendance à être harcelés parce que cela coûte moins cher de les capturer; par contre, les gros sont plus difficiles à prendre. C'est souvent ce que les gens disent. C'est ce qu'on reproche. Peut-être qu'on devrait accentuer les infiltrations pour démanteler les réseaux de braconniers professionnels.

On demande aussi de limiter le nombre de permis pour le cerf de Virginie, c'est-à-dire d'établir des quotas au Témiscouata. On se rend compte que le nombre de permis est illimité et que vous avez à chaque année des milliers de chasseurs qui se promènent et des milliers de braconniers. Le problème est que présentement, ce serait peut-être bon de faire des quotas et de limiter un certain nombre de permis pour cette région. (15 h 45)

D'un autre côté, on a demandé de déterminer des zones exclusivement désignées pour la chasse à l'arc, parce que la chasse à l'arc au chevreuil est du 13 au 26 octobre et elle entrecoupe la période de chasse à l'orignal au gros calibre. Alors, souvent les chasseurs que j'ai rencontrés me disaient: Cela n'a pas d'allure, je me promène dans le bois avec mon arc pour tirer un chevreuil, j'entends "bang bang" à côté de moi, on veut tuer un orignal. Cela n'a pas d'allure. Le gars se promène et il a beaucoup de problèmes. Peut-être que cela serait intéressant qu'on détermine des zones exclusivement pour l'arc et que cela soit plus surveillé. Alors, vous auriez peut-être un peu moins de braconnage, en tout cas cela serait plus facile à contrôler.

On pense qu'aussi longtemps que la tordeuse détruira le sapin et l'épinette, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche devra adopter des règlements assez sévères pour assurer une protection accrue des cèdrières pouvant être utilisées comme habitat d'hiver pour le chevreuil. On se rend compte que les habitats d'hiver du chevreuil sont dans un état alarmant au Témiscouata et que les cèdrières, c'est peut-être la perspective la plus sécurisante pour permettre à nos chevreuils de s'en sortir dans les prochaines années. Présentement, il se fait beaucoup de coupes de bois dans les cèdrières et cela serait peut-être important que les cèdrières soient préservées par une réglementation assez sévère. De ce côté, je peux vous dire que j'ai demandé audience à la MRC du Témiscouata et je vais faire mon possible de ce côté pour que les municipalités adoptent des règlements dans le cadre de leur schéma d'aménagement qu'elles sont en train de préparer. C'est un problème. Les municipalités n'ont pas l'air d'être tellement conscientes de leur rôle sur le plan de la conservation de la faune.

Maintenant, en ce qui concerne la truite grise, je demande qu'on assure une surveillance constante dans les frayières, seulement pendant la période de la frai, c'est-à-dire qu'à l'automne, il y a énormément de braconniers qui installent leurs filets et les quatre agents de

conservation ne peuvent suffire à surveiller les frayières du lac Témiscouata et du lac Squatteck. Je pense que c'est un problème. Peut-être que par l'engagement d'agents de conservation auxiliaires durant cette période, on pourrait assurer une surveillance un peu plus constante près des frayières. D'un autre côté, j'ai peut-être pris un peu d'avance sur cet aspect, parce que, au cours des conférences que j'ai données, j'ai essayé d'inciter les citoyens à présenter des projets. J'en ai eu de toutes les couleurs, des "pif paf pouf", des projets pour faire travailler les chômeurs et les bénéficiaires de l'aide sociale; j'ai incité beaucoup les municipalités à présenter des projets pour qu'elles-mêmes, souvent, engagent des personnes pour surveiller leurs frayières. Alors, c'est une chose qu'on peut essayer de faire, mais je pense que l'engagement d'agents de conservation auxiliaires durant le temps de la période de frai pourrait diminuer beaucoup le braconnage aux frayières.

Il y a le fameux programme de sensibilisation et d'éducation sur le braconnage. Je voudrais vous dire tout de suite que je ne trouve pas cela malheureux, mais je trouve cela un peu dommage que ce programme n'ait pas été mis sur pied, au départ, par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, parce qu'à mon sens, l'éducation et la sensibilisation du public sur le problème du braconnage, c'est quelque chose qui est peut-être des plus efficaces. Je sais qu'il existe présentement au ministère, à la conservation de la faune, une section éducation. Ils sont en train présentement de mettre sur pied des programmes d'éducation. C'est seulement à l'état d'ébauche et le programme ne s'est pas étendu à toutes les régions du Québec. Je crois que c'est fait seulement sur demande, c'est-à-dire que lorsque les gens font la demande, un agent va sur place et va faire des conférences.

Dans le cas du Témiscouata, je pense que le gouvernement devrait appuyer, offrir son soutien au programme d'éducation populaire sur le braconnage qui vient d'être effectué, parce qu'on s'est rendu compte qu'au cours des 20 semaines qu'a eu lieu le programme, il a eu un effet très positif sur la population. Je vous avoue que le programme que j'ai fait pendant 20 semaines a fait parler beaucoup de gens. Tout le monde en a entendu parler et cela semble être une bonne voie pour diminuer le braconnage. Par contre, je vous avoue que je ne pense pas avoir contré le braconnage chez les vieux braconniers. Les braconniers, on ne changera pas leur mentalité. Mais là où c'est important que vous assuriez votre soutien, c'est en permettant que le programme se continue, surtout au niveau des écoles. Je suis allée dans les écoles polyvalentes, au secondaire, et c'est très intéressant de voir comment les jeunes enfants sont réceptifs.

Je pense que ce à quoi il faudrait s'attaquer beaucoup, c'est changer la mentalité chez les jeunes qui sont la nouvelle génération.

J'ai fait des approches auprès des écoles primaires et elles seraient prêtes à contribuer l'an prochain à établir un programme et à recevoir des conférences dans leurs écoles. C'est en gros ce qu'on demande. J'espère que vous allez en tenir compte au cours de vos délibérations.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme Marchesseault. M. le ministre.

M. Chevrette: J'avais oublié de demander au député de Kamouraska-Témiscouata s'il s'était fait braconner son lac. Il pourra nous le dire tantôt.

Je voudrais vous féliciter, Madame. Vous semblez avoir beaucoup de dynamisme. Je suis surpris, cependant, que dans votre mémoire, vous ne commenciez pas en recommandant ce avec quoi vous avez terminé votre exposé. Dans votre mémoire, vous me dites tout d'abord: Arrangez-vous pour que les agents de la faune travaillent comme du monde, travaillent mieux, soient plus nombreux; il faudrait que les gens dénoncent des situations alarmantes. Cela semble épouvantable dans votre milieu. J'ai regardé les statistiques, c'est comparable. C'est probablement les statistiques cachées ou celles qui ne sont pas connues que vous trouvez affreuses. Et vous finissez par l'éducation populaire. Dans tout votre exposé, vous semblez attacher beaucoup d'importance... Il me semble qu'il faudrait peut-être commencer par l'éducation populaire. Ensuite...

Mme Marchesseault: D'accord.

M. Chevrette: D'accord. Donc, on se comprend déjà. Voyez-vous si cela va bien.

Mme Marchesseault: Par contre, je voudrais vous expliquer le contexte. Je me suis peut-être mal expliquée. C'est que je ne suis pas venue ici en mon nom personnel, nécessairement, et les principales recommandations qui sont là, ce sont celles des gens que j'ai rencontrés. Alors, les gens ne m'ont pas nécessairement demandé de leur faire un programme d'éducation populaire mais ils m'ont demandé... J'ai passé en premier les recommandations de la population et, en dernier, j'ai demandé que le gouvernement soutienne un programme d'éducation populaire. Je suis d'accord avec vous, le plus efficace est peut-être l'éducation. Par contre, il y a d'autres moyens, je pense, parce que l'éducation comme telle cela peut changer quelque chose, mais dans l'immédiat l'urgent est-ce que c'est cela qui va résoudre le problème?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: Mais dans votre milieu vous parlez beaucoup du secteur Cabano comme tel. Mais il y a quand même des bureaux avoisinants et il y a de l'interrelation entre les bureaux. Je regardais dans le Bas-Saint-Laurent, il y a 85 agents de la faune réguliers à temps plein; il y a 65 agents occasionnels; il y a 120 auxiliaires. Cela commence déjà à faire un joyeux nombre de gens qui s'occupent de la conservation. D'autant plus que l'orientation qu'on veut donner à nos agents est non seulement une dimension d'aspect policier, mais d'aspect éducateur aussi; on veut développer cela de plus en plus chez nos propres agents de la conservation. Je suis peut-être d'accord avec vous qu'en certains temps de l'année on pourrait au moins engager certains occasionnels pour surveiller des coins bien précis, parce que cela représente une vulnérabilité évidente.

Je ne crois pas, d'autre part, qu'on puisse se rendre à toutes vos demandes et je veux en commenter quelques-unes. Vous me dites, par exemple, qu'une seule période de chasse de quinze jours c'est radical. Je me demande si vous avez évalué l'impact économique pour la région. Si on se rendait à vos désirs, de combien priverait-on la région elle-même. On n'a pas le choix comme ministre ou comme gouvernement, on doit évaluer cette dimension. Je ne suis pas certain qu'on rendrait service à la population régionale de Kamouraska-Témiscouata.

Deuxièmement, l'accessibilité à la ressource elle-même serait réduite épouvantablement. Je ne sais pas si cela serait une solution, parce qu'il me semble que si l'on améliorait la qualité de la conservation par le nombre d'agents ou bien encore par un resserrement ou en responsabilisant par exemple certains groupes du milieu, on pourrait peut-être améliorer la protection sans avoir à limiter l'accessibilité à la ressource et sans pénaliser économiquement votre région comme telle.

Deuxièmement, vous dites: l'augmentation des amendes. Cela c'est déjà prévu dans le document de travail qui a circulé; déjà il y a des amendes de prévues et vous verrez dans le projet de loi qui sera déposé incessamment, on veut pénaliser davantage les vraies infractions, et non pas les infractions techniques qui servent plutôt de harcèlement que de véritables infractions comme telles.

Vous dites aussi: accentuer l'infiltration des réseaux. Vous êtes très habile, vous avez pris la peine de dire: Oui, je sais qu'économiquement on n'est pas placé, cela prend des montants. C'est vrai que cela prend beaucoup d'argent. En plus de cela ce n'est pas nécessairement des techniques à préconiser. Je préfère comme ministre mettre 100 000 $ dans l'éducation populaire que dans un réseau d'infiltration; je vous donne mon opinion, c'est une question de valeur, c'est très personnel; mais si j'avais à en discuter, je soutiendrais beaucoup plus un programme de sensibilisation et un programme d'éducation qu'un réseau d'infiltration, même s'il en faut. Je vous donne tout de même un aperçu de...

Mme Marchesseault: Mais ce dont on se rend compte - je suis bien d'accord avec vous - c'est que le gros problème... Enfin, ce à quoi je pense, au plus profond de moi-même, c'est à la faune régionale. Vous m'avez dit que si on diminuait la période à quinze jours, et je suis d'accord, au point de vue économique, il y aurait de très grosses retombées. Mais, avant tout, il faut peut-être se pencher sur le problème de la faune régionale. Est-ce que cela va affecter les populations de chevreuils? J'ai rencontré les biologistes du ministère et il semble que la situation, pour le chevreuil, soit difficile. Quand on parle des braconniers professionnels, on se rend compte que beaucoup d'animaux sont tués dans une année. On n'arrête pas ces gars-là.

M. Chevrette: Mais comment expliquez-vous que vous soyez au courant de cela et qu'il n'y ait pas plus de prises ou de captures? Vous avez utilisé le terme "capturer" les braconniers professionnels. Comment expliquer que cela se sache, aussi bien que vous l'énoncez, dans votre milieu et que ce ne soit pas connu de nos agents? Est-ce qu'il y a une raison?

Mme Marchesseault: Je peux vous dire une chose. En ce qui concerne les chiffres que je vous donne, à savoir qu'il y a au moins un gros braconnier professionnel par municipalité, je ne les ai pas inventés. Les agents eux-mêmes les connaissent. Je suis allée voir les agents de conservation de Cabano et j'ai parlé avec eux. Eux-mêmes les connaissent, les braconniers professionnels. Mais le problème est de les prendre. Ces gars-là les font courir. Ils sont seuls et, quand il y a un réseau de CB, dans un petit village, installé entre eux et c'est un petit gars qui fait un appel à l'autre, lorsque tu arrives, il n'est plus là, le gars. Tu trouves le camp...

M. Chevrette: Vous avez identifié des camions même qui venaient chercher la chair. Si vous savez tout cela, c'est que cela doit être visible, à un moment donné? Nos agents manqueraient-ils d'imagination ou de quelque chose?

Mme Marchesseault: Je vous avoue que même les agents de conservation sont au

courant de ces choses-là, mais le problème est de les prendre, ces gros braconniers.

M. Chevrette: Vous faites allusion à la délation, dans votre mémoire, dénonciation ou délation, appelez cela comme vous voudrez. Les gens n'osent pas parler dans votre région?

Mme Marchesseault: Je vous avoue que la mentalité est très faible. Nous avons des plaintes. Il s'enregistre plusieurs plaintes, mais le nombre de plaintes est vraiment faible. Il y a une mentalité dite de "clocher". C'est de mal appliquer la mentalité de "clocher", mais c'est-à-dire que ce sont des villages où tout le monde se connaît. Souvent, le type qui braconne est ton voisin, ton beau-frère ou ton cousin. Les gens ont souvent peur de dénoncer le gars en question. C'est fréquent. On rencontre cela un peu partout.

Il y a aussi la question - je m'en étais informée auprès des gens et même les agents me l'ont confirmé, parce que dans le cadre de mon programme je n'ai pas travaillé toute seule, j'ai consulté le ministère et j'ai travaillé en étroite collaboration avec eux. Les chiffres que je donne ne sont pas le fruit de mon imagination, mais ils sont plutôt sortis des livres du ministère. On se rend compte que, souvent, les gens appellent, mais les agents sont très craintifs. Quand ils sont seulement cinq pour couvrir une région et qu'une personne appelle pour dire: Ça "jack" à Saint-Jean-de-la-Lande, les agents n'y vont pas tout de suite en courant. Souvent, l'agent va aller à Saint-Jean-de-la-Lande et l'appel a été fait, mais c'est à Rivière-Bleue que l'infraction se passe.

Moi-même, j'ai déjà fait un appel, une fois, pour faire un test. On a dû appeler quatre fois d'affilée les agents. La cinquième fois, ils y sont allés. C'est pour vous dire que je les comprends. J'en ai parlé avec les agents. Souvent, ils attendent d'avoir eu plusieurs plaintes pour y aller, parce qu'ils ne sont pas sûrs si la première plainte est véridique.

Aujourd'hui, on demande aussi aux gens de se nommer lorsqu'ils appellent. Cela fait peur énormément aux gens. Ils se disent: Ils me demandent mon nom, ça y est, je vais être obligé de dénoncer mon voisin. Souvent, les gens ne veulent pas parler. On se rend compte que les plaintes ne fonctionnent pas tellement. Même que, cette année, j'ai été obligée de mentionner aux gens, au cours de mes conférences, de ne plus faire appel au petit zénith, parce que les agents de conservation m'ont mentionné que le petit zénith ne fonctionnait plus. Il y avait un petit téléphone où on appelait pour faire une plainte, mais maintenant, au Témiscouata, on fait appel à la Sûreté du Québec lorsqu'on veut faire une plainte. C'est pour vous dire que cela ne marche pas tellement du côté des plaintes des citoyens.

M. Chevrette: Comment voyez-vous le rôle de l'agent?

Mme Marchesseault: Moi, je les trouve très courageux.

M. Chevrette: Oui, je comprends que vous puissiez les trouver courageux, mais j'aimerais que vous nous expliquiez davantage votre conception du rôle de l'agent de conservation?

Mme Marchesseault: Je vous avoue, personnellement, que tout citoyen devrait être un agent de conservation. C'est là où je vous demande d'avoir plus d'agents. Ce n'est pas moi qui vous le demande, ce sont les citoyens qui le demandent. Personnellement, je sais que, même si vous en ajoutiez cinq ou six, cela permettrait d'en arrêter plus, mais ce n'est pas ce qui va changer la mentalité. Je suis d'accord avec vous que ce sur quoi il faut insister, c'est l'éducation. Je peux vous dire que les vingt conférences que j'ai données - je n'avais pas beaucoup d'argent - je me suis assez fait aller la "gueule", en bon français, pour réussir à stimuler les gens. Les gens ont réfléchi beaucoup à cela et ils y ont été sensibilisés. Aujourd'hui, je peux vous dire que les gens du Témiscouata... (16 heures)

Il faut démystifier l'image du héros, parce qu'un braconnier, je pense, un peu partout au Québec, c'est une espèce de Goldorak, un Superman. Quand tu racontes que tu as "jacké" trois ou quatre chevreuils, tu l'as, l'affaire. Je pense que c'est cela qu'il faut démystifier. Dans le cadre de mon programme d'éducation populaire, c'est sur cela que j'ai insisté. Aujourd'hui, les braconniers sont peut-être un peu plus mal vus et je pense que c'est en continuant ce programme durant deux ou trois ans qu'on changera peut-être la mentalité des gens. C'est la chose qui coûte le moins cher et qui peut peut-être avoir un résultat. Je suis d'accord avec vous. Je pense qu'il était de mon devoir de vous livrer les recommandations que je vous donne aujourd'hui, même si je n'étais pas toujours d'accord. C'est le reflet de ce que pense la population, et c'est important que la population mentionne ce qu'elle veut. Je pense que je serais passée à côté de la voie si j'étais arrivée ici avec seulement mes recommandations personnelles.

M. Chevrette: En tant que biologiste, que pensez-vous de la protection des habitats fauniques telle que proposée dans le document de travail?

Mme Marchesseault: Je vous avoue que je n'ai pas lu tout le document. Je suis un peu au courant et je trouve qu'en général c'est très bien fait. Remarquez que je ne l'ai pas tout lu en détail; j'en ai seulement discuté avec les biologistes du ministère. Je pense que le gros problème est surtout au niveau de la protection des ravages de chevreuils. Je pense que c'est le gros bobo, du moins en ce qui concerne notre région. On se rend compte qu'il y a beaucoup de problèmes entre les compagnies forestières qui souvent vont empiéter dans un ravage. Quand on parle de préserver le cèdre, il semblerait, selon moi, que c'est la perspective la plus sécurisante pour aider à sauver notre chevreuil dans le Témiscouata. Il se fait du reboisement d'épinettes de Norvège, d'épinettes noires, mais avant que cela repousse, il va falloir que le chevreuil aille ailleurs pour survivre. Je vous avoue que je ne veux pas trop débattre la question parce que je n'ai pas lu le document au complet. Je le lirai attentivement et je vous en donnerai des nouvelles.

M. Chevrette: Je vous félicite. Si on avait plus de gens comme vous qui faisaient de l'éducation populaire, on n'aurait sûrement pas à augmenter les amendes.

Mme Marchesseault: Je pense que ce qui est bon dans cela, c'est que les citoyens s'impliquent. J'ai essayé de mettre cela dans la tête des gens. Les gens souvent me disent qu'il faut que le gouvernement fasse quelque chose. Je pense qu'il faut essayer de changer la mentalité des gens. Si on attend après le gouvernement, ce n'est pas nécessairement là qu'on aura la solution. Il faut que les gens se prennent en main. Souvent, ce sont les ressources qui manquent. Je pense que c'est important. J'avais pensé pour l'an prochain monter un programme, dans le cadre du programme d'éducation populaire, pour inciter les comités de citoyens à présenter des projets pour leurs municipalités pour contrer le braconnage. Je vous avoue que ça a grouillé. Les gens ont réfléchi. Ce genre de programme d'éducation populaire vient de se terminer et, dans trois ou quatre mois, cela va rebaisser. Les gens vont l'oublier. Il faudrait revenir chaque année pendant la période qui commence au début du mois d'août et qui s'échelonne jusqu'au mois de novembre. C'est la grosse période du braconnage. Si on intensifiait notre action chaque année, il viendrait un temps où cela ferait partie de la mentalité des gens.

M. Chevrette: Félicitations et merci.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Berthier.

M. Houde: Mes premières paroles seraient pour vous féliciter de la façon dont vous êtes convaincue de ce que vous avancez, de la façon dont vous l'écrivez dans le mémoire. Quand on regarde la dernière page de votre mémoire et qu'on voit tous les chiffres que vous avez donnés, c'est quelque chose d'impressionnant. Je pense bien que vous ne les avez pas inventés. Vous les avez comptés pour les mettre dans le mémoire. Félicitations pour cela Mme Marchesseault.

Je voudrais faire quelques commentaires. D'abord, en nous donnant ce triste portrait de la chasse chez vous, nous espérons que le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche sera sensibilisé au fait qu'il vaudrait peut-être mieux penser au renforcement actuel plutôt que de se lancer dans quelque grande réforme. En effet, quel que soit le régime instauré en cette matière, on souligne pertinemment dans ce mémoire que la ruse des braconniers vient, hélas, à bout de la bonne volonté démontrée par n'importe quel gouvernement en matière de chasse et de pêche. Il n'est pas question pour nous d'accuser le présent gouvernement, pas plus que son ministre, d'être responsables de l'ampleur du braconnage. Il s'est toujours pratiqué malgré le resserrement des lois et, comme le disait un intervenant la semaine dernière, parfois on a l'impression qu'il faudrait un agent de conservation par chasseur et pêcheur - pas autant que dans les hôpitaux, mais un pour un.

Néanmoins, notre parti appuie votre travail d'éducation et incitera d'autres régions à vous imiter. Nous considérons avec le plus grand sérieux le triste bilan que vous nous exposez aujourd'hui, lequel nous indique que les législateurs devront penser à une forme de surveillance accrue de nos forêts et de nos lacs au Québec.

Ceci m'amène à poser une question, Mme Marchesseault. Où avez-vous pris l'information en ce qui concerne les 3000 $ que vous avez mentionnés tantôt, pas dans votre mémoire comme tel parce que ça n'y était pas écrit, mais dans ce que vous avez dit? Vous avez dit: Possiblement une amende de 3000 $. Où avez-vous pris ça?

Mme Marchesseault: C'est auprès des agents de conservation. Lorsque j'ai monté mon programme d'éducation populaire, j'ai consulté les agents de conservation du poste de Cabano. Les amendes, présentement, sont de 300 $ à 1000 $, je crois, pour une infraction majeure. Il faudrait spécifier ce qu'est l'infraction majeure. Lorsqu'on parle d'infraction majeure, il s'agit de chasse de nuit, de possession de gros gibier, d'installer des filets sur les frayères. Les agents de conservation qui ont travaillé sur ça, m'ont dit: II y a un nouveau projet de loi qui va être déposé et qui va demander que les amendes passent de 1000 $ à 3000 $. Je ne veux pas non plus trop m'avancer. J'ai

l'impression que je me mêle de politique là, mais enfin...

M. Houde: Non, non, ce n'est pas de la politique.

Mme Marchesseault: Je vous donne la source de mon information. Je pense qu'il n'y a rien de mal à savoir que les amendes vont augmenter et que c'est ce qui est proposé. Et même, lorsque j'ai dit aux gens qu'on parlait de 3000 $, on m'a dit que ce n'était pas assez. C'est peut-être vrai que ce n'est pas assez, mais je pense qu'en augmentant les amendes, on fait peur un peu aux agents de conservation parce que ça va être encore plus dangereux. Les braconniers vont peut-être être plus dangereux à capturer parce qu'ils vont risquer des peines plus sévères. Enfin, je voudrais vous mentionner aussi que, lorsque vous dites qu'il y a beaucoup de braconniers, ce qui ressort de tout ça, c'est que celui qui est puni, c'est le chasseur sportif. Je demeure dans le JAL, à Auclair, et cette année, c'est effrayant le nombre de "jack" qu'il y a eu, de chasse de nuit et de chevreuils que j'ai vu sortir un peu partout dans les rangs. À la fin de la période de chasse, je suis allée consulter les statistiques des enregistrements de chevreuils à Cabano et, sur les 130 et quelques chevreuils qui étaient enregistrés -il y avait 101 chevreuils à la fin de la journée précédente - il n'y en avait aucun d'enregistré dans ma municipalité et il y avait plein de gens que je connaissais qui avaient du chevreuil. Alors, c'est pour vous dire que les chasseurs sportifs n'en avaient pas pris, il n'y en avait aucun d'enregistré; par contre, il y avait beaucoup de braconniers qui en avaient tué. Alors, souvent c'est le chasseur sportif qui est puni et c'est ce qui est regrettable.

M. Houde: C'est pour ça qu'on dit toujours que le bon paie pour le méchant. Mme Marchesseault, je voudrais savoir ceci. Tantôt vous disiez qu'il y avait un avant-projet de loi, est-ce que vous pouvez me dire quand vous l'avez eu dans vos mains?

Mme Marchesseault: Quoi?

M. Houde: L'avant-projet de loi.

Mme Marchesseault: Je n'ai pas eu le projet de loi dans mes mains. Ah non! J'en ai discuté avec un biologiste de Rimouski.

M. Houde: Qui vous l'a passé?

Mme Marchesseault: Non, il ne me l'a pas passé. J'en ai discuté tout simplement.

M. Houde: Ah! Discuté.

Mme Marchesseault: Oui, oui. Je n'ai eu aucun rapport dans les mains.

M. Chevrette: Est-ce que vous me le permettez?

M. Houde: Non, attendez tout à l'heure. Vous ferez votre questionnaire tout à l'heure. On va vous laisser le temps, M. le ministre.

Mme Marchesseault: Je ne veux défendre aucun parti, je n'ai eu aucun rapport dans les mains. La seule chose, c'est que, lorsque j'ai monté le programme d'éducation populaire, je voulais quand même avoir l'appui du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Je n'ai pas été subventionnée par eux. Même que cela a été un problème. Quand j'ai demandé une subvention à Chantier-Québec, ils m'ont dit: Tu n'auras pas un cent, parce que le braconnage dépend du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Cela a été toute une lutte que d'aller voir le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et de lui demander d'appuyer mon projet parce que je voulais présenter quelque chose. À ce moment-là, l'éducation sur le braconnage ne se faisait pas de façon intensive. Alors, j'ai rencontré des biologistes un peu partout et c'est au cours de ma rencontre avec des biologistes à Rimouski qu'on a parlé du projet de loi en question. Mais je n'ai eu aucun projet de loi dans les mains. J'aurais aimé l'avoir, par contre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Berthier.

M. Houde: Comme ça, donc, les biologistes de Rimouski auraient vu et auraient eu en leur possession le fameux avant-projet de loi.

Mme Marchesseault: Je ne le sais pas du tout.

M. Houde: Peut-être que le ministre pourra...

Mme Marchesseault: Peut-être que vous essayez de vous servir de moi pour vous donner des renseignements.

M. Houde: C'est bien, ça.

M. Chevrette: Vous êtes pas mal brillante, madame. Ce l'est beaucoup moins de vous faire ça à vous, par exemple.

Mme Marchesseault: Non, non, je sais me défendre, ne vous en faites pas. J'en ai déjà eu des plus chaudes que ça.

M. Houde: Ce n'était pas mon intention de vous mettre en boîte.

Mme Marchesseault: Sincèrement, quand j'ai parlé avec le biologiste en question, il n'avait pas de projet de loi devant lui, mais je pense que c'était un type très impliqué dans le ministère et qu'il travaillait là-dessus. Je pense qu'il a dû être consulté par le ministère et il m'en a parlé. On n'avait pas le projet devant nous.

M. Houde: Est-ce que ça fait longtemps ça? Est-ce que ça fait plusieurs semaines que vous avez discuté de ça?

Mme Marchesseault: C'est au cours de l'été.

M. Houde: Au cours de l'été.

Mme Marchesseault: Oui. Peut-être que nous pourrions savoir, de la part du ministre quand les biologistes ont eu une copie de cela entre leurs mains. Est-ce que vous pouvez me le dire? C'est vrai que vous n'étiez pas ministre à ce moment-là, je crois.

M. Chevrette: Ça ne dérange pas cela. Il y a des choses qu'on peut savoir.

M. Houde: Non. Vous le savez...

M. Chevrette: II y a des choses qu'on peut savoir.

Mme Marchesseault: Je ne sais pas si je peux vous poser une question.

M. Chevrette: Je vais répondre à la sienne avant.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre va répondre.

M. Houde: J'ai une autre question à lui poser après.

M. Chevrette: Tout d'abord, il y a eu des documents de travail, madame, et cela est normal, tout à fait normal. Les gens travaillent au sein de mon ministère pour améliorer la loi elle-même. C'est annuellement, à partir des résultats d'infractions qu'on regarde s'il y a des correctifs à apporter.

Le Parti libéral a un document qui date du mois de mars, qui est périmé depuis longtemps. Il y en a eu des documents de sortis au mois de juin. Celui-là, il ne l'avait pas. Il est tout à fait normal que nos biologistes, nos agents de conservation aient été consultés, qu'ils aient des idées là-dessus. Pour certains, cela peut-être 3000 $; pour d'autres, cela peut être 4000 $; il y en a d'autres qui peuvent nous conseiller de garder les amendes telles quelles, mais d'enlever les technicalités. Il y a une foule d'idées, comme vous en avez vous-même et comme d'autres groupes en ont eues. On a eu 45 mémoires. Donc, c'est tout à fait normal qu'il y ait des expressions d'opinions. C'est à partir de ces expressions d'opinions qu'on va bâtir notre projet de loi, qu'on va déposer à l'Assemblée nationale, cette fois-ci, un projet de loi définitif qui tiendra compte des suggestions qui nous seront faites. Au lieu de demander: Quelle est la couleur, à quelle heure, puis quel document de travail, ce serait bien mieux de nous faire une suggestion. Ce serait bien plus positif.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Vous avez terminé, M. le député de Berthier.

M. Houde: Non, M. le Président. J'aimerais savoir ceci de la part du ministre: D'abord, tout à l'heure lorsqu'il disait qu'un projet de loi serait déposé incessamment, cela veut dire dans combien de temps? Tantôt, pas à cette intervention, mais à l'autre d'avant, lorsque vous nous avez dit qu'un projet de loi serait déposé incessamment, c'est dans combien de temps environ, cela?

M. Chevrette: Incessamment, c'est clair que cela ne peut pas être d'ici à Noël. C'est clair que ce sera pour la prochaine session. J'ai dit ce matin que j'entends le fouiller un peu plus à fond, mais que je suis fortement tenté à ce moment-ci - pour vous montrer que je n'ai rien à cacher - de scinder en deux le projet de loi. Un projet de loi pourrait être sur les habitats fauniques; un projet de loi amenderait la loi de conservation actuelle. En tout cas, cela me sourit comme approche. Il y a plusieurs groupes qui m'ont fait la suggestion, et j'aurai à prendre une décision d'ici peu là-dessus. Mais cela m'intéresse au premier coup d'oeil d'y aller de cette manière-là, de sorte que je pourrais mener une consultation peut-être encore plus approfondie sur les habitats auprès de certains groupes spécifiques, parce qu'on sait que c'est contentieux et cela met en contradiction ou, en tout cas, en conflit de juridictions certains ministères. Il faut régler cela également et cela ne retarderait pas, d'autre part, les amendements possibles à la Loi sur la conservation de la faune actuellement. C'est pour cela que cela me sourit davantage. Donc, j'aurai à prendre une décision très bientôt; mais, au premier coup d'oeil, cela me sourit. Cela ne peut pas être avant Noël, c'est clair.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va, M. le député de Berthier?

M. Houde: Oui, je vous remercie beaucoup, encore une fois.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Oui, M. le Président. Moi également, je désire remercier madame pour son mémoire. Je crois que cela reflète très bien la pensée de la population de Témiscouata. Je pense que c'est, comme elle l'a dit dans son mémoire, une mentalité; et ce ne sera pas facile de l'enlever demain matin aux gens de Témiscouata.

Vous parliez de raccourcir les périodes de chasse. Si je pense aux braconniers professionnels, je crois que cela va leur donner encore plus de gibier pour braconner. Je ne pense pas que ce soit la solution. Je crois aussi qu'il pourrait y avoir un peu plus d'agents de conservation. M. le ministre disait tout à l'heure que l'Est du Québec, c'est une grande région, c'est presque une province. La partie du Témiscouata, avec 21 ou 22 municipalités, cela fait beaucoup de territoire, 4500 kilomètres carrés; puis, si vous regardez tous les petits villages, surtout de 400 à 500 de population, vous sortez de la maison et la forêt, c'est tout près, parce que l'industrie première de Témiscouata, c'est la foresterie. (16 h 15)

Également, vous signalez le fait de préserver les cèdrières. Vous savez que plusieurs industries dans le comté qui possèdent des moulins à bardeau, ainsi de suite, vivent avec ce produit. Conserver les cèdrières, fermer des usines; il faudrait s'entendre là-dessus, pour savoir si on devrait conserver des cèdrières pour garder la faune ou si on devrait laisser fonctionner nos usines. Mais cela pourrait se faire en concertations avec le ministère de l'Énergie et des Ressources pour en garder le plus possible. (16 h 15)

Je suis d'accord, j'en ai entendu parler cet été: le braconnage, ce n'est pas d'aujourd'hui au Témiscouata. Je pense qu'on avait un peu la même chose dans Kamouraska, mais c'est sûr que le braconnage ne se fait pas sur le bord du fleuve; le gibier n'est pas là. Alors, c'est surtout dans l'arrière-pays qu'on braconne, mais depuis quelques années, avec des agents de conservation assez agiles, même avec le nombre limité, on a pu réduire un peu le braconnage surtout dans la partie de Kamouraska. Dans la partie de Témiscouata, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est tellement vaste - il y a des grands plans d'eau, beaucoup de forêts - que le nombre d'agents de conservation pourrait être augmenté. J'ai aimé la suggestion que vous avez faite tout à l'heure, lorsque vous avez dit que les MRC, au point de vue de leur plan d'aménagement, devraient s'impliquer pour donner de l'information à la jeunesse qui pousse parce que c'est une mentalité. Autrefois, du gibier dans le Témiscouata, il y en avait; il n'y avait pas de problèmes, on pouvait en braconner. Ce n'est pas là qu'était le problème, mais aujourd'hui cela va le devenir.

Il y a aussi le problème de la tordeuse des bourgeons de l'épinette que vous avez soulevé. J'espère que cela ne dépend pas du Parti libéral qui était là avant nous, mais c'est peut-être du fédéral. Par contre, la tordeuse des bourgeons de l'épinette...

Mme Bacon: Reagan.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... a fait des ravages, c'est sûr, qui vont nuire énormément aux habitats fauniques de notre chevreuil, de l'orignal et ainsi de suite. Encore là, il y a des coupes de bois qui doivent se faire parce que le bois ne sera plus récupérable. Il y a des coupes qu'on appelle sélectives et hâtives pour récupérer le bois pendant qu'il est encore bon. Il faut que cela se fasse, mais on peut protéger des bandes le long des lacs et des rivières qui peuvent encore être conservées pour garder l'habitat faunique.

Pour les cèdrières dont je vous ai parlé tout à l'heure, je ne sais pas ce que vous en pensez. Je sais qu'il y a beaucoup de petites usines qui demandent du bardeau; vous les connaissez très bien; et elles en demandent de plus en plus. Il faudrait sûrement aller dans des parties qu'on devrait garder pour les habitats fauniques.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, Mme Marchesseault. Vous pouvez parler.

Mme Marchesseault: II y a une chose qui est ressortie lorsque j'ai discuté avec les biologistes du ministère. On se rend compte depuis quelques années que les ravages de chevreuils au Témiscouata, au lieu d'être dispersés, sont très localisés, comme autrefois, par grandes parties. On se rend compte de plus en plus qu'il y a des petites poches de ravages ici et là, c'est-à-dire qu'au lieu d'être concentrés dans des ravages, les animaux sont obligés de passer l'hiver ici et là. Lorsqu'on parle des cèdrières, je suis bien d'accord avec vous qu'il faut faire un consensus peut-être entre le ministère de l'Énergie et des Ressources et le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, mais il y aurait peut-être moyen de préserver les cèdrières là où présentement existent des ravages ou, du moins, après avoir déterminé les ravages existants, essayer d'avoir une législation pour préserver les cèdrières autour. Il faut choisir: Est-ce qu'il faut conserver le bois ou le gibier? C'est tout le problème. Le gibier ne rapporte pas de l'argent automatiquement, mais enfin, je pense...

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Mais vous pensez qu'avec une augmentation des agents de conservation, avec l'éducation populaire au point de vue des MRC, du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, avec une certaine restriction des coupes dans les cèdrières et partout en forêt, au Témiscouata, et aussi avec une meilleure surveillance... Vous avez parlé des frayères du lac Témiscouata, c'est...

Mme Marchesseault: C'est très important.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... effrayant! Il y a des gens qui me l'ont raconté. J'ai dit: Cela ne se peut pas. Faire des prises de poissons et on ne pouvait pas les prendre, ces gens-là. Moi, je pense que c'est un non-sens. C'est la reproduction du poisson pour des...

Mme Marchesseault: C'est exactement cela.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... années et des années à venir. Je pense qu'on devrait faire un spécial quand on connaît les frayères du lac Témiscouata, vous les connaissez plus que moi, on ne devrait pas laisser des braconniers aller chercher du poisson surtout avec des filets, c'est toute une "réguine". Je ne comprends pas que, si peu nombreux soient-ils, les agents de conservation ne soient pas capables de pincer ces gens. On n'a pas beaucoup de cas de prises sur les frayères.

Mme Marchesseault: Ce dont on se rend compte, c'est que le braconnage au Témiscouata arrive comme une bourrée, une tempête. Cela arrive tout en même temps. Vous avez la chasse au chevreuil qui commence et, en même temps, vous avez les frayères, le "pointu", vous avez tout. Alors il y a quatre à cinq agents. Ils courent partout jour et nuit, mais les gars sont sur les frayères la nuit; il y en a un autre qui "jack" dans le fond du rang. Le problème est là. Mais une chose dont je me demande si elle ne pourrait pas être une solution pour le ministère - je vous avoue que je ne sais pas s'ils vont avoir confiance en cette solution -ce serait peut-être de débloquer des subventions ou des programmes spéciaux qui permettraient aux citoyens désireux de s'impliquer de faire des choses comme celles-là. Par exemple, je prends le cas du lac Témiscouata. Il y a eu autrefois des petites cabanes construites auprès de chacune des frayères et on envoyait les agents surveiller - dans les années cinquante -durant la période du frai. Mais aujourd'hui, étant donné qu'il y a un manque d'argent, c'est un peu difficile d'envoyer un gardien à chacune des frayères à l'époque du frai de la truite. Ce que je proposais, c'est que, par exemple, on ait des subventions quelconques qui permettraient, dans le temps du frai, d'engager des gars qui font partie d'associations de chasse et de pêche. Ces gars étant bénéficiaires de l'aide sociale ou en chômage, cela leur permettrait - il faudrait quand même que cela soit des gens considérés comme étant sérieux - d'aller faire la surveillance. Il y en aurait des gens qui seraient prêts à faire cela. Vous allez me dire que ces gens ne seraient pas armés, qu'ils ne seraient pas de vrais agents. On pourrait leur faire suivre de petits cours d'agent auxiliaire. Par contre, le fait qu'il y ait quelqu'un au niveau des frayères, je pense que cela inciterait beaucoup moins les braconniers. Parce que présentement, cela se fait de façon ouverte. Je suis même allée vérifier, un matin, sur le lac Squatec et j'en ai vu quatre ou cinq qui ont levé des filets. C'est pour vous dire que cela se fait ouvertement.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Je ne vous ai pas entendu parler de - vous savez, près du lac Témiscouata - la ZEC Owen qui est installée là depuis 1978. Je vois ici, par les arrestations et tout cela qu'il y en a bien peu qui ont été faites dans la ZEC. Dans les ZEC, il y a un enregistrement. Est-ce que vous pensez que cela a aidé la ZEC, ou bien si c'est pire qu'avant? Si vous avez fait le tour de tout cela, vous savez que la ZEC a des terrains assez grands, des territoires assez grands et beaucoup de lacs. Est-ce que vous pensez qu'on pourrait peut-être améliorer la ZEC Owen? Dans mon comté, heureusement ou malheureusement, j'ai deux ZEC, la ZEC Chapais et la ZEC Owen.

Mme Marchesseault: II y a un gros problème qui a été soulevé souvent. Lorsque j'ai donné des conférences, j'ai rencontré des citoyens des ZEC, qui disaient souvent: La maudite ZEC, depuis qu'elle est là, cela coûte cher de prendre un permis. Je n'ai pas les moyens, je suis bénéficiaire de l'aide sociale, alors je vais aller braconner. Cela a souvent été la réaction des gens. Ils disaient que cela coûtait trop cher d'aller à la ZEC. Personnellement, je ne sais pas si je peux me permettre de faire une critique face à cela, je n'ai pas assez étudié le dossier des ZEC, je pense que je ne devrais pas m'embarquer dans cela. Mais on se rend compte que cela fait des heureux, dans certains cas, et, dans d'autres cas, cela fait des malheureux. Quelle tranche faut-il faire dans cela? J'ai rencontré beaucoup de gens qui m'ont dit que, lorsque la chasse arrive dans la ZEC, cela fait peur. La première journée de la chasse au chevreuil dans la ZEC, on tire de partout. Il faut quasiment se cacher derrière les arbres. Cela siffle de

partout. Il y a beaucoup de gens de l'extérieur qui vont dans les ZEC.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

C'est signe qu'il y a des gens...

Mme Marchesseault: Mais cela protège le gibier, dans un certain sens.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

C'est signe que...

Mme Marchesseault: Cela tente beaucoup les braconniers, parce que ces gens connaissent les coins comme leur main. J'en ai rencontré, des braconniers, je vous avoue qu'ils ont tous des petits trucs assez spéciaux pour aller dans la ZEC.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Avant la ZEC Owen, c'étaient des clubs privés. En partie, dans ce territoire, c'étaient des clubs privés. Les gens n'y allaient pas plus chasser. Ils allaient braconner, ils n'allaient pas plus chasser. Je ne sais pas si c'est parce que cela coûte trop cher ou moins cher, parce que dans les clubs privés, autrefois, il y avait aussi une certaine part à payer, tandis que dans une ZEC, il y a une carte de membre annuelle.

Mme Marchesseault: Ce que l'on reprochait beaucoup aux ZEC, ce qui était peut-être un problème, c'est que souvent dans la ZEC, dans le cas de la ZEC Owen -il y a aussi, Beazely, qui est un petit territoire - les entrées sont très mal surveillées. Il y a beaucoup d'entrées et les gens peuvent pénétrer par plusieurs endroits dans ces coins. Par exemple, dans ma municipalité, il y a un endroit, un fond de rang qui, autrefois, était déblayé et beaucoup de braconniers entraient par là durant le temps de la chasse. Cela serait peut-être important qu'il y ait des barrières de mises. Je ne sais pas si c'est le gouvernement qui doit intervenir là. J'essaie plutôt d'inciter les MRC à informer leurs municipalités pour que ce soit aux municipalités, étant donné que ce sont leurs territoires, d'agir en mettant des barrières où il faudrait en mettre ou des choses du genre.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

D'accord.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: J'aurais seulement un commentaire à faire. Je regrette, malheureusement, de ne pas avoir entendu Mme Marchesseault au début; j'étais absente. Mais on doit reconnaître votre grande compétence et votre dévouement, surtout, à cette cause de la protection de la faune. Je regrette presque, au nom du principe d'accès à l'information, que vous n'ayez pas eu le droit d'avoir une copie de l'avant-projet. C'est tout ce que je voulais dire.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie beaucoup, Mme Marchesseault, au nom des membres de la commission de vous être donné la peine de nous présenter un document intéressant.

Mme Marchesseault: Je vous remercie beaucoup, moi aussi, de m'avoir écouté.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: Madame, je vais vous remettre un document de travail et vous pourrez peut-être aller l'expliquer à l'Opposition.

Une voix: On n'a pas besoin de cela.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme Marchesseault. J'appelle maintenant la prochaine personne qui est M. Louis-Georges Morin.

MM. Louis-Georges et Serge Morin

M. Morin (Louis-Georges): Bonjour, M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Oui. C'est bien M. Morin?

M. Morin (Louis-Georges): Je suis Louis-Georges Morin, de Parent, comté de Laviolette. J'ai ici mon fils Serge qui va nous lire le mémoire que je vous ai envoyé.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Alors, M. Morin, vous pouvez y aller.

M. Morin (Serge): Revendications des droits à la pêche commerciale sur le réservoir Gouin. Introduction: Depuis le début de 1982, la presse fait état d'une possible réouverture de la pêche commerciale sur le réservoir Gouin. En tant qu'ancien pêcheur commercial, je ne peux passer l'occasion de revendiquer mes droits et de vous exposer mon point de vue sur le sujet. Je me ferai aussi clair que possible dans ce court mémoire.

Tout d'abord, situons-nous géogra-phiquement. Le réservoir Gouin constitue un des plus grands réseaux d'eau naturelle au monde. Situé à quelque 120 milles au nord de La Tuque, il se déverse principalement dans la rivière Saint-Maurice et dans la Bazin. On le considère comme un des principaux attraits touristiques de La Mauricie, grâce à la pêche sportive qui s'y

pratique. Sa popularité vient de la qualité de ses espèces, soit le doré et le brochet, favoris des pêcheurs sportifs ainsi que le poisson blanc, la carpe et la loche moins connus depuis la fermeture de la pêche commerciale en 1971.

Regardons du côté des antécédents chronologiques. Dans les années soixante, le gouvernement avait compris qu'il s'avérait important de faire connaître nos poissons d'eau douce afin que chacun bénéficie de sa fine chair. Dès lors, le doré du réservoir Gouin devint populaire sur le marché, trop populaire, peut-être, puisque le 18 juin 1971 on enlevait le gagne-pain de sept pêcheurs en boudant la pêche commerciale au profit de la pêche sportive.

Depuis 1971, des permis de pourvoirie ont été octroyés un peu partout pour favoriser l'essor touristique. Hélas! souvent donnés à des gens incompétents et plus soucieux de satisfaire leur portefeuille que de promouvoir un sport avec des règles nécessaires, on assiste à une détérioration graduelle du réservoir Gouin et de la qualité de ses espèces.

Le mercure, raison évoquée par les autorités pour fermer la pêche commerciale, devenait alors inoffensif au bout de la perche d'un pêcheur même abusif. Pourtant, c'est par un télégramme, c'était une urgence que les pêcheurs furent informés du danger que couraient les consommateurs. La pêche commerciale dut cesser subitement et tandis que les pêcheurs entraient tristement et non sans regret leurs filets, les sportifs montaient joyeusement leur ligne sans pour autant que la tragique présence du mercure modère leur enthousiasme.

C'est avec beaucoup de détermination que j'ai, en tant que pêcheur commercial, insisté auprès des autorités pour revendiquer mes droits. En 1971, 1972, 1973 et même après, les réponses étaient toujours négatives. On évoquait toujours la traditionnelle histoire du mercure qui écartait le Québec d'un marché international de poissons d'eau douce. Quant à moi, pêcheur, je ne comprends toujours pas pourquoi la teneur en mercure permise pour la consommation ne soit pas uniforme dans tous les pays. Y aurait-il des peuples avec de meilleures constitutions physiques que nous?

Si on regarde du côté de l'industrie touristique, malgré les démarches faites auprès du gouvernement, on n'a jamais voulu admettre le pêcheur commercial comme étant l'ami du pêcheur sportif. Pourtant, n'était-ce pas lui qui, plus de 50 ans durant, avait conservé cette mer d'eau douce poissonneuse? Le sportif laissé libre à lui le débalançait complètement en dix ans. (16 h 30)

Je suis loin de vouloir démolir l'industrie touristique, je cherche au contraire à la promouvoir tout en permettant à chacun de tirer bénéfice de cette richesse naturelle. Je veux surtout éviter que, dans dix ans, l'industrie touristique du réservoir Gouin soit à sa phase terminale. Encore une fois, celui qui aura voulu préserver la nature paiera la note, car il verra de nouveau son commerce s'effronder.

Il faut se le dire et s'en parler surtout. Quand les poissons ne seront plus aussi abondants dans les coins aussi isolés que le réservoir Gouin, les pêcheurs seront moins encouragés à venir nous visiter. Les moustiques, le froid et la distance seront mes plus sérieux compétiteurs au coeur d'une région qui ne se dit pas un coin de villégiature. Quand le réservoir Gouin ne sera plus productif, les gens ne se déplaceront pas pour venir se baigner dans les eaux froides ou tout simplement camper avec les maringouins sous prétexte de faire une balade de 150 milles sur une route de gravier. Les pêcheurs sportifs s'en iront alors vers un domaine plus poissonneux.

Tout bien étudié, considérons une famille de quatre personnes qui se rend à la pêche au réservoir Gouin. Chaque membre de cette famille a droit à dix dorés, six brochets pour une moyenne de 3 livres par unité - ce qui est très raisonnable - nous trouvons un total de 200 livres de poisson. Si la famille vient deux, trois, quatre ou cinq fois par été, croyez-vous sincèrement qu'elle mange au-delà de 800 livres de poisson.

On trouve quatre possibilités: premièrement, vu le trop grand nombre de poissons, la famille donne le surplus à un ami, ce qui m'apparaît très peu rentable pour la province en elle-même puisqu'elle ne favorise pas la vente de permis et d'équipement en plus de dévaluer les lacs du réservoir Gouin, donc défavoriser les pourvoyeurs conscients du danger.

La deuxième possibilité, la famille plus conservatrice qui, pour ne pas en manquer, en jettera les deux tiers, lesquels auront perdu leur bon goût. Bien sûr, le sportif aura vite fait de le remplacer par du plus frais, à l'ouverture de la saison de pêche, je parle du gaspillage.

La troisième possibilité - c'est le plus destructeur des quatre - c'est celui qui en vend discrètement et bien sûr, sans preuve, jusqu'à ce qu'un agent intercepte sa cargaison. Certains pourvoyeurs sont directement responsables. Ainsi, dans sa hâte de garnir son porte-monnaie, celui-ci ne voit pas qu'en récoltant 15 $ pour la location d'une embarcation, il vient de perdre 2000 $ en nature. C'est ce qui se produit quand un groupe de six personnes apporte plus de 1000 livres de poisson et que, par conséquent, le poisson se vend 3,50 $ la livre sur le marché.

La dernière possibilité, la quatrième, c'est bien sûr le pêcheur qui mange toutes ses prises. Il est, en fin de compte, le plus à

plaindre puisqu'il respecte la nature, mais par la faute du mercure, sa santé en prend même un dur coup.

Puisque j'en suis à considérer les problèmes majeurs en vue de réforme, il nous serait en même temps très profitable de regarder dans le ciel et de compter le nombre d'avions qui passent au-dessus de nos têtes chaque jour bourrés de poissons. Encore ce petit marché noir ne donne rien à la province et le sort touristique en ressort sérieusement ébranlé.

Tout bien réfléchi, la pêche commerciale existe encore sur le réservoir Gouin, quoique beaucoup moins productrice pour le peuple et pour l'économie du Québec.

L'industrie de la pêche commerciale. En enlevant la pêche commerciale au réservoir Gouin sur le marché de Montréal on venait, sans s'en rendre compte, faire dégringoler la qualité du poisson vendu. Nous étions une industrie laquelle avait une réputation très enviable. Aujourd'hui, combien d'acheteurs peuvent se vanter de goûter un poisson frais qui goûte vraiment le poisson? Très peu, probablement. Prenez les personnes qui sont dans la possibilité de venir elles-mêmes capturer leurs prises, qui pourraient en acheter au marché. Prenez les anciens pêcheurs sportifs, qui, devenus vieux, ne peuvent plus se rendre en voyage de pêche. Quelle déception pour eux qui ont goûté le poisson frais et qui sont condamnés à manger du gibier de deuxième classe.

Étant nouveau pêcheur commercial, je serais capable de fournir au moins le marché québécois, je pourrais aussi fournir plusieurs restaurateurs qui, au lieu de servir le traditionnel "fish and chips" prépareraient un bon plat de doré bien de chez nous. La seule partie de pays capable de fournir une clientèle nombreuse est le réservoir Gouin, car on ne fait pas la pêche commerciale dans un étang. Le poisson doit avoir une chance de se reproduire, il doit pouvoir se déplacer. L'homme, par ses lois et pratiques, doit permettre aux poissons de croître le plus naturellement possible. La carpe et le poisson blanc sont quand même des espèces très en demande. Pourtant, en grand nombre sur le réservoir Gouin, on les laisse se reproduire sans profiter de leur valeur marchande.

Nous pouvons fournir des usines de transformation de poissons sans nuire à la pêche sportive. La pêche commerciale aura rapporté à l'industrie touristique, les ventes auront été bonnes pour l'industrie de la pêche, les gourmets seront satisfaits et le gouvernement aussi.

Je viens, aujourd'hui, revendiquer mes droits qu'on m'a dérobés il y a déjà plus de dix ans, grâce à un prétexte insensé et selon une manière très peu orthodoxe, pour ne pas dire sauvage.

Je suis apte à reprendre mes anciennes fonctions de pêcheur sur le réservoir Gouin. J'ai encore l'équipement approprié, mais j'ai encore plus le souci de conserver la nature et surtout, aujourd'hui, quand je vois des comportements peu relatifs aux pêcheurs sportifs. Bien sûr, j'ai la conviction que l'industrie de la pêche peut très bien s'entendre avec l'industrie touristique, seulement faut-il que les règlements et lois soient faits en fonction d'une bonne entente?

Je suis apte à tendre de nouveau mes filets pour le marché en général, pour ne pas dire à tous ceux qui sont prêts à payer un prix raisonnable pour le poisson. Je suis disponible pour discuter des réformes à effectuer et puisque nous sommes à l'heure des confidences, j'ai cru important d'informer les hauts dirigeants du réel impact que peuvent avoir les lois mal constituées.

La réforme touristique. Par ce texte, mon but n'est pas de vous offenser, mais je considère que prévenir est mieux que guérir, et comme la maladie est déjà à un stade avancé, il est grand temps de sortir un remède miracle. Puisque j'ai la possibilité de m'entretenir avec les amis du peuple, j'aimerais vous signaler, en tant que pourvoyeur en chasse et pêche, quelques maillons fragiles de cette chaîne qui retiennent délicatement, depuis quelques années, l'industrie de la pêche et de la chasse.

Premièrement, quand les autorités ont passé de six à dix, le nombre de dorés permis sur le réservoir Gouin, on s'est bien gardé de demander l'avis des pourvoyeurs. Eux, qui, néanmoins, connaissaient l'impact de cette décision. On a tout bonnement servi les touristes qui en demandaient plus. Plus tard, ce sont sans doute eux qui regretteront les résultats de leur poissonneuse incursion sur le réservoir Gouin. On vous demandera alors des explications sur les raisons qui ont pu vous faire agir ainsi. Il sera, désormais, trop tard pour réagir. Il ne vous restera qu'à étudier les effets de cette hausse de limite.

J'aimerais intervenir pour que les personnes autorisées à prendre de telles décisions demandent, en premier lieu, l'avis des personnes compétentes avant de le faire. Que l'on tienne compte des connaissances de ceux qui savent vraiment, qui vivent intensément sur le réservoir Gouin.

Deuxièmement, bon nombre d'Américains profitent de cette grande étendue d'eau pour venir passer leurs vacances. Or n'est-il pas démoralisant, pour les touristes québécois qui encouragent un pourvoyeur de voir qu'un cousin américain, campé à deux milles de chez lui, aille chercher l'orignal qu'il a si longtemps convoité? Pourquoi laissez dépouiller nos lacs et forêts de gibier, sans pour cela qu'il rapporte un sou à l'industrie touristique.

Il est aussi très déplorable de constater jusqu'à quel point le système de prévention

peut être inadéquat. À la télévision, on alloue très peu de place à ce domaine. Pour ma part, étant directement touché par l'annonce "La modération a bien meilleur goût", je verrais sans doute un poisson au milieu de l'écran. Il devient très capital de changer l'optique, en ce qui concerne la méthode de prévention. Si la vue d'un agent de conservation peut provoquer un sentiment de frustration, ce n'est pas par mépris pour l'autorité, mais plutôt parce que ces derniers ne sont pas entraînés pour prévenir les abus. Nous n'avons pas besoin de routiers, ni de policiers pour ce genre de travail, mais tout simplement d'hommes capables d'expliquer aux fautifs les conséquences de ces abus.

À mon avis, l'intervention serait beaucoup plus efficace et le système s'en porterait beaucoup mieux.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Morin. M. le ministre, des commentaires ou questions?

M. Chevrette: Oui. Tout d'abord, vous vous interrogez beaucoup sur le fait que le gouvernement ait, en 1971, arrêté la pêche commerciale et ait laissé faire la pêche sportive. C'est une responsabilité de l'État comme tel de veiller à la santé des citoyens en général et de fixer des normes précises. Dès qu'on parle de commercialisation ou de mise en marché ou de mise en vente d'un produit, il faut qu'il réponde à une qualité de base minimale. On s'est rendu compte -selon les analyses qui ont été produites et je regarde dans les documents les types d'analyse qui ont été faits et en particulier sur le doré - que l'indice de mercure de 0,5% était largement dépassé. Il y avait de 0,69% jusqu'à 1,98% de mercure dans le doré lui-même. Il est évident que la responsabilité du gouvernement à l'époque a été de faire cesser toute pêche commerciale.

En ce qui a trait à la pêche sportive, la responsabilité de l'État demeure au niveau de l'incitation. Il y a des petites brochures qui ont été publiées par le ministère de l'Environnement - à l'époque et encore aujourd'hui - qui indiquent aux citoyens qui vont faire de la pêche sportive les dangers de la consommation. Ils peuvent aller à la pêche, mais pas nécessairement pour consommer le poisson. Ils peuvent y aller purement et simplement pour le "thrill", comme on dit en bon québécois, de prendre du poisson et ils le donnent bien souvent pour la consommation animale.

D'autre part, vous parlez du marché noir. Remarquez que nous sommes de plus en plus sévères. Le MAPA, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est de plus en plus sévère sur le contrôle des aliments. S'en fait-il encore? Possiblement. On n'a pas le droit de voler et il y a encore des voleurs, on n'a pas le droit de tuer et il y a encore des tueurs, on n'a pas le droit de vendre du poisson sur le marché noir et il doit sans doute y avoir quelques vendeurs de poisson sur le marché noir. Mais cette permissivité a été beaucoup réduite. On contrôle de plus en plus les magasins d'alimentation à succursales, l'hôtellerie en général. Il se fait de plus en plus de surveillance et le marché noir a été beaucoup diminué.

Pour ce qui est des quotas, il faudra s'interroger sérieusement. Je ne dis pas que vous avez tort ou raison. Je pense qu'au niveau des quotas, on le regardera comme tel pour voir si cela n'est pas prohibitif, dix dorés. On pourrait peut-être le réduire à six dorés. On l'analysera avec nos spécialistes. Vous avez probablement raison quand vous dites que la pêche à certains types de poissons pourrait être rouverte à la pêche commerciale. Vous parlez de carpe - si j'ai bien compris...

M. Morin (Louis-Georges): La carpe, le poisson blanc et la loche.

M. Chevrette: ... la loche. Je pense qu'effectivement, selon ce qu'on sait présentement, au niveau de certaines espèces il y a moins de mercure; cela présente moins de danger chez certaines espèces que dans d'autres. Nous réanalysons la situation et il est possible qu'on rouvre prochainement la pêche à certaines espèces précises. Mais tant et aussi longtemps que le taux de mercure va demeurer aussi élevé chez le doré, il n'est pas question que la pêche au doré soit rouverte. Cela dépasse nettement la norme minimale. Mais, pour certaines espèces, on vous fera connaître, en temps et lieu, nos décisions là-dessus.

J'aurais deux questions à vous poser. La première: Vous croyez que la pêche commerciale peut coexister avec l'industrie touristique, de quelle façon la réglementation pourrait-elle être réaménagée pour permettre aux deux groupes de prospérer d'une façon valable?

M. Morin (Louis-Georges): Moi-même étant pourvoyeur, je me dois de protéger mes gens. À la fin de septembre, on ne voit plus personne, on n'a plus de gagne-pain. Je crois que la pêche commerciale pourrait être permise au moment où vous pourriez défendre la pêche sportive, à la fête du travail. Dans le réservoir Gouin, la pêche commerciale est permise jusqu'au mois de mars, moment auquel vous la défendez.

M. Chevrette: Pourquoi vouloir obliger le non-résident - dans votre mémoire vous dites que le non-résident devrait nécessairement le faire - à utiliser les services d'un pourvoyeur? Ne trouvez-vous pas cela trop contraignant?

M. Morin (Louis-Georges): Ecoutez - je parle pour moi-même là - si à deux milles de moi ou même à 200 pieds, il y a un Américain qui vient chercher pour environ 200 $ de poisson et qu'il ne me donne pas cinq sous en passant, un jour j'en souffrirai parce qu'il n'y a pas seulement les Américains qui font la même chose. Tout ce qu'ils laissent au Québec, c'est probablement l'achat de la bière qui est meilleure que la leur. Il doit y en avoir environ 350 qui font cela chez moi. Je crois sincèrement que ces gens-là devraient être dirigés vers des pourvoyeurs ou des gens qui sont au moins capables de les contrôler plus sérieusement, parce que je crois qu'un pourvoyeur demeure une industrie. C'est plus sérieux qu'on le pense. (16 h 45)

M. Chevrette: II y a autre chose qui m'a frappé tantôt à la lecture du mémoire. Vous dites qu'une famille peut aller chercher à cinq ou six reprises des quantités de doré, par exemple, assez prohibitives, de 200 livres à la fois et vous vous demandiez si elles pouvaient consommer jusqu'à 800 livres de poisson. Eh bien, je suis allé au barrage Gouin et ça coûte quelques piastres pour aller là! Je ne sais pas si une famille peut aller là cinq fois? Cela prend une famille en moyens en Hérodel Ou bien ils n'ont pas beaucoup d'enfants! J'y suis allé au mois de juin et cela a coûté cher en fusil!

M. Morin (Louis-Georges): Cela dépend à qui vous vous êtes adressé, premièrement, et, deuxièmement, si les gens, comme je vous le dis, ramènent assez de produits pour défrayer leurs dépenses, ce n'est pas tellement dispendieux. À 3,50 $ la livre, qu'ils l'achètent ici ou qu'ils aillent le chercher gratuitement dans le réservoir Gouin, je trouve que... C'est parce que, lorsqu'on dit qu'on permet dix poissons, ça veut dire qu'on en prend au moins vingt. La première journée, il va aller à la pêche et va prendre une dizaine de dorés - sa limite permise - et le soir, en revenant, il va en manger quelques-uns parmi les plus petits. Le lendemain, il faut qu'il retourne à la pêche pour compléter sa limite. S'il en a de trop, il va s'en débarrasser en en donnant quelques-uns à un ami. Le surlendemain, il faut qu'il aille prendre du brochet pour abaisser sa limite. C'est à ce moment-là que ça devient... Assurément, il revient toujours avec sa limite et ce n'est plus dix poissons qu'il prend, c'est parfois vingt et parfois trente. C'est permis de le faire et c'est pourquoi je vous dis qu'il est temps qu'on fasse quelque chose à ce sujet. Je veux bien coopérer autant que possible mais, de mon propre chef, je ne puis rien faire.

M. Chevrette: Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre? Alors, M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. Je voudrais faire un commentaire. D'abord, à l'instar de plusieurs intervenants, vous recommandez que soient renforcées les mesures visant à la prévention plutôt qu'à la réglementation. L'Opposition partage aussi cet avis tout en ajoutant qu'à la suite des interventions entendues depuis trois jours à cette commission sur le problème du braconnage, par exemple, on étudiera sérieusement toute proposition venant du gouvernement qui porterait sur des moyens de prévenir la détérioration de notre faune.

Voici ma première question. D'après vous, l'énoncé de politique en matière d'habitat faunique, avec ce qu'il peut contenir comme projet de réglementation, répond-il aux voeux exprimés dans votre mémoire, entre parenthèses la préservation?

Le Président (M. Boucher): M. Morin.

M. Morin (Louis-Georges): Si on veut apprécier le degré de préservation faite par les agents de conservation, et si on doute de la population, je pense bien qu'on peut aussi douter des agents de conservation. Nous sommes tous des Québécois et des Canadiens français et je suis convaincu que si on engage un agent de conservation, on engage aussi un braconnier. Alors pour...

M. Chevrette: Vous devez être populaire auprès des agents, vous.

M. Morin (Louis-Georges): Je ne voudrais pas commencer à accuser l'un et l'autre, mais je crois qu'il doit exister une méthode plus efficace. Même les agents de conservation pourraient diriger une autre forme de conservation, expliquer une autre manière qui serait beaucoup plus efficace que ce que nous avons présentement. D'ailleurs, ça fait déjà une centaine d'années et peut-être plus que cette méthode existe et je crois qu'il y a lieu d'avoir de nouvelles méthodes plus efficaces.

M. Chevrette: Seriez-vous d'accord qu'on accrédite les pourvoyeurs comme des agents auxiliaires?

M. Morin (Louis-Georges): Des agents auxiliaires?

M. Chevrette: Seriez-vous d'accord qu'on considère les pourvoyeurs comme des agents auxiliaires et qu'on ait un processus d'accréditation, qu'on vous reconnaisse comme des agents auxiliaires pour faire respecter les limites par exemple? Êtes-vous d'accord avec cela?

M. Morin (Louis-Georges): On s'efforce, parce que c'est notre gagne-pain... Chaque jour, on s'efforce de limiter les prises, mais lorsque la loi le permet, on ne peut pas intervenir; que ce soit un agent ou un agent auxiliaire, on ne peut pas intervenir.

M. Chevrette: Si on rendait cela légal? M. Morin (Louis-Georges): Je crois...

M. Chevrette: Je vous pose la question suivante: Si, demain matin, on s'entendait avec le gouvernement central pour donner à des agents auxiliaires les mêmes privilèges qu'un agent de la conservation de la faune, est-ce que vous seriez d'accord, vous, comme pourvoyeur, pour être accrédité comme agent auxiliaire?

M. Morin (Louis-Georges): Je crois que c'est une méthode à envisager, parce que le pourvoyeur, s'il veut réellement gagner sa vie comme pourvoyeur, il se doit de faire respecter les limites permises. Alors, je pense que c'est lui qui est le mieux placé pour avoir une conservation adéquate.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Berthier, oui.

M. Houde: Je voudrais vous poser une autre question, mais je ne sais pas si vous êtes capable d'y répondre. En ce qui concerne le barrage Gouin, le fait qu'on se sert, d'abord, de l'eau à l'Hydro-Québec, est-ce que cela dérange à certaines périodes de l'année, lorsqu'on fait varier le niveau d'eau pour la peine? Je crois que cela arrive parfois à Hydro-Québec?

M. Morin (Louis-Georges): La seule chose que cela peut déranger, c'est le moment où les poissons vont frayer. Ils ne fraieront pas à la même place qu'ils auraient frayé, s'il y avait eu huit pieds d'eau. Comme les rapides, ils vont frayer quand même dans un rapide, mais s'ils frayent dans un banc de sable, naturellement, ils ne fraieront pas à la même place, parce qu'il n'y a pas assez épais d'eau à ce moment-là. C'est dans ce genre que je vois la différence. À part cela, je ne vois pas tellement de différence, parce que lorsque le niveau d'eau diminue, la pêche est sujette à être meilleure, parce que le poisson n'est plus dans un tas.

M. Houde: ... ministre; mais la grandeur du barrage Gouin, qu'est-ce que c'est à peu près?

M. Morin (Louis-Georges): Je suis un peu... C'est une bonne étendue d'eau, il y a 120 milles d'un bout à l'autre; mais la superficie...

M. Houde: Combien?

M. Morin (Louis-Georges): II y a 120 milles du barrage à la tête du réservoir, mais je ne peux pas vous dire la superficie du réservoir Gouin.

M. Houde: Merci, c'est à peu près tout. Merci beaucoup.

M. Morin (Louis-Georges): Je voudrais ajouter: Si la pêche commerciale... Beaucoup de sportifs croient que la pêche commerciale est destructrice de la production. Au contraire, la pêche commerciale aux filets favorise la reproduction des espèces.

M. Chevrette: En quoi?

M. Morin (Louis-Georges): En quoi? Parce que les petits, vous ne les prenez pas, ils passent droit, et, au bout de six mois vous avez encore une production.

M. Chevrette: D'accord.

M. Morin (Louis-Georges): Elle est favorable à la reproduction des espèces dans les lacs. La pêche sportive est destructrice de la reproduction, parce qu'elle déséquilibre complètement les espèces qu'il y a dans le lac. La pêche sportive prend seulement les poissons qui détruisent les autres et le mauvais poisson reprend le dessus.

M. Houde: Je vous remercie de votre mémoire, les deux messieurs.

M. Chevrette: Merci, messieurs.

M. Morin (Louis-Georges): Je vous remercie de m'avoir entendu.

Le Président (M. Bordeleau): Je remercie les deux messieurs Morin. J'appelle maintenant le groupe La Gibecière Inc., représentée par Jean-Dominique Plourde. C'est bien cela?

M. Plourde (Jean-Dominique): Bonjour!

Le Président (M. Bordeleau): Bonjour, M. Plourde. Alors, vous pouvez y aller avec votre mémoire.

La Gibecière

M. Plourde: La Gibecière Inc., c'est en premier lieu une ferme qui veut se spécialiser dans l'élevage d'animaux de chasse. Dans cette optique, j'ai eu le mémoire du ministre, mais je n'ai pas eu beaucoup de papier concernant toutes les procédures de lois qui pourraient s'appliquer dans les circonstances. J'ai joué avec les papiers et avec les buts entretenus par La

Gibecière. J'ai lu attentivement la déclaration ministérielle de juin 1982 sur la conservation de la faune. Plusieurs points s'adressent à l'ensemble des exploitations prévues par la firme La Gibecière Inc. C'est dans ce but que je m'adresse à vous.

Dans la déclaration ministérielle, le ministre disait vouloir s'assurer, par son ministère et quelques autres, du plein développement des ressources et de leur conservation. Mais actuellement, l'exploitation forestière, la chasse et la concentration des élevages accélérant la pollution ont rendu nécessaires la protection et l'ensemencement de milieux naturels par la partie privée. C'est dans ce but que La Gibecière fait une proposition pour l'élevage de certaines espèces, comme le cerf de Virginie. L'ensemencement est un des buts de La Gibecière.

De plus, l'exploitation forestière intensive, en plus des maladies dans nos forêts (comme la tordeuse) autant privées que publiques, nous démontre économiquement que notre façon d'exploiter le milieu naturel demande de la diversification et un bon encadrement.

Il est temps de donner un relax à la faune par des élevages cynégétiques, d'établir une diversification des exploitations forestières par ces fermes.

Les résultats. Les rapports que l'on pourrait obtenir seront d'atténuer l'augmentation du nombre de chasseurs dans les milieux fauniques ayant une surexploitation grandissante, aux environs des centres - je parle des exploitations qui sont proches des centres - des coupes sélectives vraiment adéquates à sauvegarder nos milieux naturels et une meilleure rentabilité de nos milieux naturels par la diversification de nos exploitations.

Nous serons donc plus aptes à garder une économie saine et à trouver des fonds nécessaires pour la sauvegarde, autant que pour l'exploitation. Mais dans l'optique des lois actuelles, peut-on dire que le droit universel de propriété soit respecté? Quand avons-nous vu des éleveurs d'un quelconque animal domestique payer un permis pour chaque bête qu'il possède? Parce que dans l'optique des lois actuelles, quelqu'un qui élève du cerf paie pour chaque bête. À ce moment-là, je crois que c'est un peu abuser des circonstances. Quand l'avons-nous vu perdre le droit de sa mise en marché?

Il est temps que l'on considère qu'une loi peut encadrer la marche d'une exploitation, mais qu'elle ne peut s'arroger un droit de propriété ou en altérer le sens. Je comprends qu'il y ait des objections, mais je ne crois pas que, d'aucune façon, une ferme cynégétique puisse nuire au milieu naturel, tout au contraire. Cela permettrait aux pourvoyeurs d'ensemencer leur territoire de temps en temps et de remettre à la nature un peu d'espoir de survie.

Nous devons apprendre à dépressuriser la nature. J'espère que le ministère qui dit vouloir s'associer au secteur privé sera respectueux du droit de propriété car cette disposition doit être la première pour une bonne acceptation de la nouvelle législation projetée. Mais, il est nécessaire que tous les secteurs intéressés soient d'un commun accord et que les structures projetées ne deviennent des barrières à ce type d'exploitation et soient une partie personnelle des nouvelles lois de protection de la faune et de la flore. La garde en captivité doit être séparée des lois s'appliquant au secteur public.

Dans la deuxième partie, j'explique un peu ce qui devrait être changé dans la loi pour l'exploitation de ces fermes.

Le genre de permis. Par exemple, donner un permis global aux producteurs qui peuvent avoir, au moins, payé un permis; je suis bien d'accord pour payer un permis, mais un permis pour chaque bête que tu possèdes, cela devient harassant à la longue.

Permis donnant droit à différentes espèces, incluant l'élan d'Amérique. L'activité de ces fermes: le plein air, le loisir, l'éducation. Par exemple, les autres intervenants ont parlé souvent d'éduquer le monde. Par ces fermes, on peut facilement éduquer le monde. Dans ces fermes, on parle aussi du permis de chasseur, qui se donne dans les salles d'école ou les gymnases ou n'importe où; cela pourrait facilement être adapté à ces fermes. Les personnes pourraient réellement voir dans leur milieu naturel, dans un cadre déterminé, si elles sont aptes à avoir un permis ou non de posséder une arme. Il arriverait peut-être moins d'accidents à la chasse aussi, parce que les personnes pourraient voir, avant d'aller à la chasse, du gibier dans un milieu quasi naturel et en esprit, elles le repéreraient plus facilement dans le bois. Elles ne repéreraient peut-être pas un homme au lieu d'un animal.

L'étude faunique pourrait aussi faire partie de ces fermes, la chasse. Et en premier lieu, j'aimerais que cela soit aussi considéré comme des pourvoyeurs privés. (17 heures)

Les obligations de ces fermes. On pourrait donner des obligations au point de vue des catégories d'animaux, du nombre sur un territoire donné et du milieu exigé pour telle ou telle espèce selon ce que l'espèce demande comme milieu.

Les permis que doivent posséder les chasseurs, pourraient être exactement les mêmes que ceux pour la chasse normale.

Les demandes pour que ces fermes écoulent leur production. Cela prendrait une saison prolongée de chasse pour éviter que ce soit un abus vis-à-vis de l'animal dans ces territoires, parce que sept jours pour faire

cinq ans de chasse, cela devient quasiment un abus, parce que c'est quand même un territoire limité et, à ce moment-là, cela deviendrait très difficile au point de vue des espèces fauniques.

Le droit de vendre des viandes. On en a parlé un peu dans la déclaration ministérielle. Là-dessus, pour la viande de cerf et autre chose, je ne connais pas l'impact. Je n'ai pas de chiffres concernant les impacts à savoir si cela pourrait occasionner du braconnage ou autres. Mais je ne vois pas, par exemple, le Château Frontenac ou une place du genre - l'exemple n'est pas réel - aller à l'encontre d'une loi s'il a la possibilité d'aller s'approvisionner dans un endroit légal. À ce moment-là, il encouragera peut-être moins le braconnage parce que, actuellement, beaucoup d'hôteliers achètent de la viande de gibier et l'achètent de braconniers. S'ils pouvaient l'acheter légalement, ils ne l'achèteraitent plus des braconniers. Le braconnier perdrait certainement des marchés.

M. Mailloux: Vous dites cela à M. Bellemarre.

M. Plourde: Pardon?

M. Mailloux: Vous dites cela à M. Bellemarre.

M. Plourde: Je le lui ai dit. On en a discuté un peu tout à l'heure.

Quant à la façon de commercialiser ces bêtes, c'est normal que, s'il y avait un droit de vente des viandes comme celles-là, cela ne pourrait peut-être pas passer dans les abattoirs normaux parce que ce sont des bêtes extrêmement nerveuses. À ce moment-là, il faudrait prévoir d'autres lois pour pouvoir entrer ces bêtes en commercialisation parce que ce sont des bêtes qui ne peuvent pas passer dans un abattoir normal. En fait, c'est en gros. Je n'ai pas eu le temps de préparer beaucoup de choses pour la commission. Je n'avais pas un gros rapport. Le temps, aussi, m'a surpris. J'ai su seulement quelques jours d'avance que la commission parlementaire était pour cette date; je ne savais pas quand elle devait se tenir. J'y suis allé selon mes moyens, en fait. En résumé, l'ensemble des choses que je préconise, c'est de faire de ces fermes une attraction, c'est de diversifier le produit de ces fermes, autant dans l'éducation que dans la chasse ou autre chose, mais d'en arriver à avoir une bonne diversité.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Chevrette: Si je comprends bien, vous êtes intéressé à l'élevage d'espèces indigènes et d'espèces exotiques?

M. Plourde: Oui, c'est cela.

M. Chevrette: Pour fins de chasse en enclos.

M. Plourde: Pour fins de chasse en enclos.

M. Chevrette: Et ensuite, pour fins de vente.

M. Plourde: Pour fins de vente, cela dépend. Je vais être franc; premièrement, quand je l'ai établi, je l'ai établi pour la chasse et non pour la vente, pour ensemencer certains territoires, aussi, dans le but...

M. Chevrette: Vous seriez d'accord pour qu'on lâche dans le décor des animaux exotiques comme ceux-là, qu'ils s'en aillent...

M. Plourde: Non, non, je ne parle pas d'animaux exotiques, je parle d'animaux de la faune québécoise, quand je parle d'ensemencement.

M. Chevrette: Ah! Cette partie de votre mémoire n'est pas claire. Vous savez très bien qu'on ne pourrait pas le faire, de toute façon, il faudrait vérifier s'ils peuvent être des transporteurs de parasites qui vont purement et simplement semer...

M. Plourde: Je parle d'animaux de la faune québécoise, quand je parle d'ensemencement.

M. Chevrette: Donc, vous faites la distinction. Quand vous parlez d'espèces exotiques, je suppose que vous parlez exclusivement de la chasse en enclos.

M. Plourde: Exclusivement de la chasse en enclos.

M. Chevrette: D'accord, c'est déjà plus clair.

M. Plourde: Comme elle se fait, actuellement, par exemple, dans le cas du faisan ou du sanglier.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez l'impression qu'il y aurait une clientèle suffisante pour rentabiliser l'entreprise?

M. Plourde: J'ai passé une annonce dans la revue Chasse et pêche, au mois de septembre, du 1er septembre au 30 septembre, j'ai eu 2600 demandes.

M. Chevrette: Donc, il y a de la place pour cela.

M. Plourde: Oui, il y a de la place.

M. Chevrette: C'est tout.

Le Président (M. Desbiens): M. le député.

M. Houde: Je ferai seulement un commentaire. D'abord, le Parti libéral du Québec souscrit entièrement à l'idée de rationaliser les coupes forestières au Québec. Il considère d'ailleurs comme innovateur le programme mis en place par le gouvernement fédéral auquel les provinces participent, pour une grande part, avec les entreprises privées dans le cadre d'activités visant au renouvellement forestier.

En ce qui a trait au droit de propriété, nous avons tout lieu de croire que vous êtes mal tombés en vous adressant au présent gouvernement pour faire valoir ces points pourtant légitimes à notre sens. Nous vous disons simplement qu'il faudra attendre la venue au pouvoir d'un gouvernement dont les préjugés favorables à l'initiative privée se traduiront dans des volontés et gestes concrets. En ce sens, le Parti libéral du Québec répondra à vos attentes.

Je vous remercie de votre mémoire.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Je remercie M. Plourde de son intervention. Je demanderais maintenant... Je ferai d'abord mention que l'Association des industries forestières du Québec Limitée a présenté un mémoire pour dépôt seulement, que la Société québécoise de protection des eaux Inc. a fait de même - le mémoire se retrouvera comme dépôt -et que M. Guy Vanier, qui présentait un mémoire à titre personnel, l'a fait pour dépôt seulement également.

Ceci nous amène à demander au "groupe Espace Inc." de s'approcher, s'il vous plaît. C'est le dernier groupe. M. François Ukus.

M. Ukus (François): Oui.

Le Président (M. Desbiens): Alors, Monsieur, si vous voulez commencer.

Groupe Espace

M. Ukus: Merci, M. le Président. Je m'excuse pour ce matin, de n'avoir pas pu être au point. Le Groupe Espace Inc. est une entreprise de recherche et, en même temps, de pratique. On met au point des techniques de production, comme le reboisement, tant à des points de vue théoriques que pratiques.

Ce que nous avons à notre compte, c'est une introduction de méthode de sylviculture intensive chez monsieur K.C. Irving, au Nouveau-Brunswick et, en même temps, un aménagement polyvalent de ses terres. C'est à peu près la seule compagnie a notre connaissance qui, au lieu de parler de conservation, le fait concrètement. K.C. Irving, il y a vingt ans, a été ridiculisé parce qu'il plantait des arbres; aujourd'hui, tout le monde va chez lui comme dans une église.

Deuxièmement, ce que nous avons à notre compte, c'est une expérience au ministère de l'Énergie et des Ressources que cette technique faisable au Nouveau-Brunswick est aussi faisable au Québec. Cependant, pour réaliser la technique préconisée chez Irving, cela prend des sociétés privées qui sont orientées par les marchés. Nos résultats de l'automne prouvent déjà que, par exemple, l'efficacité d'un produit donné est cinq fois supérieur à une entreprise qui est à but non lucratif. Cela, c'est pour le Groupe Espace Inc.

La situation et même la discussion, ici, dans notre commission, je pense que c'est le temps d'aborder la problématique d'un autre côté. On parle d'éducation, de conservation, on parle des biologistes, mais pour savoir vraiment ce qu'est la conservation ou quel est le problème technique, ce problème n'est pas développé. Les problèmes identifiés ici, sont seulement des symptômes des problèmes. Le braconnage, l'éducation et la conservation. Il y a un problème plus profond qui est technique; donc, on devrait le résoudre d'une façon techno-économique.

À la page Y - parce que je ne veux pas vous déranger avec des mots de 50 000 $ - vous avez la mise au point de quelques éléments. La gestion de la faune et de la forêt ensemble a été, d'une façon, déjà développée en 1970 par la commission d'étude sur les problèmes juridiques de l'eau au Québec. Le concept était clair, parfaitement développé. D'autre part, cela a été précisé en 1977 par un professeur de l'ENAP mais, depuis ce temps, le problème n'a pas été abordé dans les ministères; au contraire, ç'a été escamoté. On parle toujours des symptômes, mais pas des problèmes concrets.

En 1978, M. Yves Bérubé a fait une brèche, si vous voulez, dans l'administration, où les fonctionnaires ont été obligés de donner ou confier la partie économique à l'entreprise privée. Malheureusement, cette tâche de confier l'exécution du travail comme telle, cela s'est encore terminé dans des sociétés à but non lucratif ou dans celles qui n'ont pas de vocation de produire quelque chose. Depuis, la situation a peu évolué même si, dans certains services, les professionnels sont conscients de ces problèmes.

Nous espérons que le nouveau titulaire du MLCP élargira la brèche de ce système bureaucratique organisé et qu'on arrivera à des choses concrètes.

Dans une approche technique, je pense que dans l'action on peut indentifier d'une façon très claire et précise où sont les

problèmes. Il n'y en a pas cinquante, il y en a seulement trois. Régler les problèmes d'agents économiques: Est-ce que vous êtes chasseurs, pourvoyeurs ou dans les ZEC? Quels sont vos rapports avec les milieux? C'est la première chose.

La deuxième chose, il faut que cet agent économique ait la possibilité ou la capacité, avec de l'argent sonnant, de corriger son action. S'il n'est pas capable, on n'a pas besoin de parler de conservation.

Troisièmement, pour que l'agent économique ait la possibilité d'agir en s'adaptant à la situation, il faut qu'il soit débarrassé de toutes sortes de règlements, à court terme, sans considérer les choses à long terme. C'est au point de vue de l'action, parce que cette chose - cela se spécialise quelque part - est localisée et je pense que les professionnels des ministères n'ont pas approndi les concepts de l'habitat. Supposons une superficie 1000 kilomètres carrés. À ces 1000 kilomètres carrés correspondent autant le support biophysique, c'est-à-dire la végétation, que les ressources fauniques. Toutes ces choses constituent en tout un ensemble, ce qui veut dire que, si vous réussissez à faire de l'argent avec les touristes ou la récréation, vous contribuez à reconstituer votre système et si vous êtes séparés, vous n'avez pas résolu votre problématique.

Pour ne pas rentrer dans la technicité en détail, j'aimerais qu'on regarde la page 2. Que propose-t-on? La nature technique et juridique des problèmes de conservation, je pense qu'il faut partir de cela. Les mécanismes de relation entre les phénomènes techno-économiques et juridiques ne sont pas réglés. Je ne sais pas ce que les juristes fabriquent. Pourquoi donne-t-on, par exemple, des baux de location pour neuf ans qu'un impératif économique et technique impose à long terme? Il serait bon que les juristes et les économistes se mettent ensemble, au moins pour quelque temps.

Deuxièmement, pour les aptitudes des instruments économiques qu'on a actuellement dans des compagnies, dans des coopératives et toutes ces choses, est-ce qu'on a les moyens financiers? Parce qu'il s'agit de cela et de savoir comment corriger nos problèmes.

Aujourd'hui, il y a seulement l'État qui dispose des moyens, si vous voulez. Le ministère des Travaux publics peut corriger la différence de ce qu'on prélève et de ce qu'on récolte. Il n'y a pas d'autres entreprises encore, mais on peut le faire. Il s'agit simplement que dans une compagnie, il y ait deux fonctions, que la fonction de production soit élargie de deux autres fonctions, la fonction de développement et la fonction de régulation. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil, cela a déjà existé. (17 h 15)

Si vous analysez la structure des compagnies Irving, il y a déjà les deux fonctions en place. Ce qu'elles prélèvent, elles le reconstituent. Il y en a d'autres. Il y a les Japonais. Donc, ce sont des entreprises qu'on appelle de troisième génération, si vous voulez. Comme vous avez des ordinateurs de troisième génération, vous avez des compagnies privées de troisième génération.

Quant à la situation socio-économique, je pense qu'il ne vaut pas la peine de s'attarder là-dessus. Les gens dans les régions méritent de trouver de l'emploi et de vivre, de satisfaire à leurs besoins à partir des ressources de leur territoire. De là, on propose au MLCP de créer des unités homogènes d'une superficie de 2000 à 2500 kilomètres dans les zones ou dans les terres où il a déjà juridiction. Superposer cette unité d'aménagement par des sociétés qui sont aptes à faire deux choses à la fois, produire les produits de la chasse et de la pêche et en même temps reconstituer le support biophysique. Donc, il faut la conservation.

Chaque société de 2000 à 2500 kilomètres devrait produire annuellement, avec ses propres moyens, par l'argent qui lui vient de l'État, sa capacité de production, soit 10 000 000 d'arbres, ce qui représente environ 500 jobs: 300 emplois dans l'habitat ou le secteur récréo-forestier, comme vous voulez, et d'autres dans les services. Les municipalités qui sont autour de ce pôle d'attraction bénéficieront automatiquement de l'impact sans contribuer au développement. Tout ce qui précède cette proposition impose au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche de se transformer en administrateur principal d'un territoire dont les... l'administration.

Qu'il se donne une loi-cadre qui porte sur la relation de l'homme avec son milieu, mais pas sur la technicité à court terme. La technicité de la production change très souvent. Vous avez, à la première page du document, une mise en ambiance de plusieurs personnes - c'est depuis dix ou cinquante ans que cette patente existe - où l'administrateur est complètement dépassé. On ne sait même pas ce qui nous arrive. Donc, cela vaut la peine de faire une analyse plus profonde pour saisir la situation. Il s'agit, en gros, que le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, ou d'autres ministères, évidemment, qui sont impliqués dans la gestion des ressources, libère cette patente et s'occupe de ses choses. Qu'il laisse à l'entreprise privée le soin d'agir mais qu'il la contrôle d'une façon efficace.

Évidemment, tout cela suppose l'élargissement du concept d'habitat faunique. Comme on l'a déjà dit, on doit considérer la faune comme partie intégrante des supports biophysiques, élargir le concept de l'action de la récolte, c'est-à-dire qu'on aurait le

droit de développer et de vendre ou de maximiser des activités sur une superficie donnée.

Toute notre discussion, c'est de savoir ce qu'on va vendre, ce qu'on va produire, et ce, sans objet. Le rôle de l'agent économique est de maximiser ses activités économiques sur une surface donnée. Qu'est-ce qu'il va produire ou comment il va produire, cela relève de sa compétence. Est-ce que cela est fait conformément à la valeur et aux comportements sociaux? C'est le rôle de l'État.

Le quatrième point représente à peu près le troisième. Ce sont plutôt des usagers qui déterminent par l'entremise des marchés ce qu'ils consommeront et en conséquence ce que l'agent économique produira. Cela est extrêmement triste et on arrive à une économie désastreuse où tout est distributif. C'est comme par exemple dans le plan de gestion du ministère de l'Énergie et des Ressources, où les trois composantes, l'appui biophysique, les agents économiques et la société perdent leur autonomie. Je pense qu'on peut faire mieux que de répéter le vieux concept datant de 30 ans, qui se répète chaque année en Europe et qu'on applique jusqu'à un degré systémique dans notre plan d'aménagement.

D'autre part, pour consolider son rôle d'administrateur principal, une série des mesures d'urgence s'impose. Il s'agit - je ne sais pas par quels mécanismes - d'intervenir auprès des MRC pour qu'elles arrêtent le zonage fonctionnel des territoires, qui est en contradiction directe avec le concept des habitats fauniques. Même s'il est limité, il est déjà en vigueur. C'est en complète contradiction. Vous avez des fonctions qui vident le territoire de son potentiel mais il n'y a personne qui introduit de l'argent là-dedans. C'est ce que fait le fameux plan de gestion des municipalités régionales de comté.

Cela me fait vraiment mal d'être obligé d'énoncer une formule d'éducation à la conservation. Tout le monde parle de conservation mais on ne sait même pas ce que c'est. On fabrique des inadaptés sociaux à partir des écoles jusqu'au public et jusqu'aux hommes politiques. La conservation, c'est l'obligation de reconstituer ce qu'on a prélevé. Pour cela, il y a une technique. Les territoires qui sont aujourd'hui occupés par des organismes qui ne sont pas aptes à produire de cette façon, je pense qu'il est de l'autorité de l'État ou de les transformer ou bien d'en confier la gestion à d'autres entreprises.

Quatrièmement, je pense qu'il serait temps d'arrêter de parler de conservation mais au moins d'essayer quelque part d'en faire concrètement.

Cinquièmement, que le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et les autres ministères impliqués par l'aménagement des ressources rendent compte de leur gestion devant l'instance législative. Je pense que cela accélérerait grandement les changements.

Dans les grandes lignes, c'est à peu près tout ce en quoi consiste l'identification de la problématique, de l'analyse des solutions proposées et des changements qu'on propose au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Le Président (M. Bordeleau): Merci beaucoup, M. Ukus. M. le ministre.

M. Chevrette: M. Ukus, il y a une phrase que j'ai retenue dans votre mémoire, c'est d'arrêter de parler de conservation et d'en faire. Vous allez répondre à mes questions pour que je puisse la faire. Vous suggérez des découpages de 2000 à 2500 kilomètres carrés. Cela fait un joli morceau. Vous allez m'expliquer comment on peut faire de la conservation dans cela.

M. Ukus: Le chiffre de 2000 ou 2500 kilomètres n'est pas gratuit.

M. Chevrette: Pardon?

M. Ukus: Le chiffre de 2000 ou 2500 kilomètres n'est pas gratuit.

M. Chevrette: Non, non, je ne dis pas que c'est gratuit.

M. Ukus: Non...

M. Chevrette: Je dis que vous proposez cela et c'est loin d'être gratuit, c'est écrit dans votre mémoire. Ce que je veux savoir, c'est comment vous voyez la protection des habitats à partir du concept que vous avez avancé tout au cours de votre mémoire.

M. Ukus: C'est extrêmement simple. Il s'agit de mettre en premier lieu en valeur potentielle récréo-touristique, par l'entremise du marché, cette affinité-là et vous générez alors la possibilité de reconstituer concrètement l'habitat. C'est le reboisement ou vous pouvez appeler cela comme vous voulez. Mais, finalement et physiquement, c'est cela. Quand je vous parle de Irving, il ne fait pas autre chose. Malheureusement, au Québec, actuellement il n'y en a pas à part l'État, il n'y a personne qui a... c'est vraiment un mécanisme techno-économique qui permet de trouver l'argent et de l'investir à long terme. Il n'y en a pas. Il s'agit de mettre en forme cette société-là. C'est très simple, il n'y a que deux fonctions à matérialiser.

M. Chevrette: Vous semblez être passablement au courant des plans de gestion

du ministère de l'Énergie et des Ressources. Comment conciliez-vous votre proposition avec les plans de gestion de ce ministère?

M. Ukus: À la page 16, vous avez un schéma d'articulation des agents économiques avec les principaux ministères. Disons que votre ministère est concerné. Tous les ministères sectoriels - Terres et Forêts et d'autres - confient un mandat à un agent économique et cet agent économique est contrôlé, si vous êtes le gestionnaire responsable, exclusivement par vous. Il n'y a pas une dizaine de ministères qui s'en mêlent, il n'y en a qu'un, par le mécanisme des mandats. Pour contrôler cet agent économique, qu'est-ce qu'on propose? On le nomme de deux interfaces qui se composent de trois ou quatre paramètres mesurables qui ne prêtent pas à confusion. Le public peut le comprendre et l'accepter. Si ce n'est pas réalisé, le contrat comme tel est aboli, ou le mandat de mise en valeur est aboli.

M. Chevrette: Vous avancez que le potentiel des ressources naturelles sur les terres publiques au Québec est littéralement confisqué au profit d'activités non économiques.

M. Ukus: Exactement.

M. Chevrette: J'aimerais comprendre ce que vous voulez dire.

M. Ukus: Je vais faire mon possible pour l'articuler clairement. Il faut que je souligne que de multiples démarches auprès de votre spécialiste ont permis de mettre en relief ou d'articuler la chose.

Pragmatiquement, c'est fait, mais pour qu'on puisse se faire comprendre, ce n'est pas facile. Il y en a d'autres qui taponnent avec ça depuis 20 ans.

Donc, pourquoi les ressources publiques ne sont-elles pas des biens collectifs, juridiquement parlant? Ce sont des ressources collectives. Pour trouver des critères de démarcation, si vous voulez, à la page 19, s'il faut des juristes, je ne sais pas ce qu'ils fabriquent. Ces ressources sont divisibles, c'est-à-dire qu'on peut les diviser et les commercialiser, ce ne sont pas des autoroutes que tout le monde peut utiliser à sa guise. Ces ressources font l'objet de rivalités entre les personnes et pour cette ressource, la collectivité, ou la culture québécoise, devrait avoir la possibilité d'exprimer sa préférence. Ce sont les trois critères qui suffisent pour délimiter si c'est un bien collectif ou si c'est une ressource collective.

Partant de ressource collective, cette ressource est susceptible d'être mise en valeur. Pour la mettre en valeur - à la page 14, s'il vous plaît - il y a le schéma de la métamorphose de la ressource naturelle brute à l'objet-produit. Ce n'est pas aussi simple que ça et c'est vraiment dommage. Avant que le capital n'intervienne ou qu'on ait la possibilité d'investir, ça prend plusieurs choses et on est défavorisés au Québec par le climat, les distances, les conditions physiques, donc, l'opportunité d'employer des capitaux est défavorisée comparativement aux États-Unis pour la production du bois ou la production du gibier. Deuxièmement, avant que les caisses populaires vous prêtent de l'argent, tabarnouche!, il faut des conditions compétitives, c'est-à-dire l'aménagement des infrastructures et le reste qui sont traditionnellement faites par l'État, tout le temps et les faire autrement. (17 h 30)

Troisième phase, vous pouvez contacter les banques ou leurs gérants afin qu'ils vous prêtent de l'argent pour employer les capitaux, pas avant.

M. Chevrette: Je m'excuse, je dois me retirer pour un communication téléphonique. C'est certain que l'on se reverra. Continuez les questions.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, on peut continuer les questions.

M. le député de Berthier.

M. Houde: Moi, je n'ai aucune question à poser.

M. Mailloux: II a un long mémoire, mais il s'adresse au ministre et pas...

Le Président (M. Bordeleau): On peut suspendre pour deux minutes; le ministre est parti pour deux ou trois minutes.

La commission suspend ses travaux pour deux ou trois minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 31)

(Reprise de la séance à 17 h 38)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît!

Un instant, M. le Ministre.

Comme les travaux étaient suspendus, la commission reprend donc ses travaux. Je m'excuse auprès de notre invité d'avoir tardé un peu, mais on reprend maintenant.

M. le ministre.

M. Chevrette: J'aurais une dernière question. Au milieu de la page 3, vous dites: "Intervention afin d'arrêter la désinformation des hommes politiques, de la population scolaire et du public en général concernant le phénomène de la conservation." Qu'entendez-vous pas désinformation? Il me semblait qu'avec le programme de

sensibilisation, on commençait à pénétrer le monde scolaire, il y a eu des campagnes publicitaires à la télévision et à la radio, pour la conservation de la faune et, là, vous m'arrivez en disant: Arrêtez la désinformation. Je ne comprends plus rien.

Le Président (M. Bordeleau): M. Ukus.

M. Ukus: C'est vraiment terrible, mais je pense qu'il faut... Pour passer une métaphore si vous voulez - vous m'excuserez - Fernand Dumont, dans un article daté du 3 septembre 1982, disait qu'il faut aller au fond des choses. Donc, dans la pratique de la conservation, depuis dix ans, on a essayé de dialoguer avec le ministère de l'Éducation et avec le ministère des Terres et Forêts pour une approche technique ou physique pour savoir quelle était la réalité dans la conservation. On se meut dans des concepts qui n'ont aucun rapport avec la réalité. Dès lors, en définissant cela d'une façon fonctionnelle ou concrète de la conservation, vous verrez que conservation n'existe pas et que la conservation demande des efforts et des choses concrètes. Donc, je pense que c'est le temps de voir les choses en face. Il ne s'agit pas de chambarder cette loi, mais d'entreprendre, de faire des changements radicaux, mais limités. C'est cela le problème.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Il n'y a pas d'autres questions?

Je vous remercie, M. Ukus, de vous être présenté devant notre commission.

Ceci termine donc l'audition des mémoires.

M. Mailloux: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Oui. Sur le général ou à M. Ukus directement? M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: M. le Président, j'avais prévenu le ministre que, à la suite de la commission parlementaire, j'avais des interrogations à l'esprit qui ne sont sûrement pas un mémoire, mais pour lesquelles je voudrais, malgré que le ministre soit en poste depuis peu, qu'on essaie de m'éclairer un peu.

M. le Président, durant cette commission, des écoles de pensée sont clairement ressorties. On a vu d'abord celle qui réclame la protection de la ressource sous toutes ses formes, que ce soient l'espèce, la flore, son habitat, etc. Ensuite, une seconde perception qui, acceptant, au départ, la protection de la ressource, avance du même souffle que la commercialisation de certaines espèces, au lieu d'augmenter le braconnage, y mettrait fin si l'utilisateur et le fournisseur étaient soumis à une loi de commercialisation très rigide.

Mon interrogation ne vise pas des espèces dont on vient d'entendre parler, telles le cerf de Virginie ou autre, qui ont été mentionnés comme élevage possible en vase clos ou autrement et souhaité par différents intervenants.

Durant cette commission, entre autres intervenants, les propriétaires des piscicultures qui font l'élevage de la truite mouchetée ont invité le ministère à permettre la commercialisation, alors qu'on sait que la plupart sont au bord de problèmes financiers importants. Si, par l'intermédiaire des pisciculteurs et de l'UPA, entre autres, demande fut faite de transférer la responsabilité au ministère de l'Agriculture, responsable de l'agro-alimentaire, j'imagine qu'à ce ministère ils ont trouvé une oreille attentive, et c'est compréhensible.

Sans vouloir préjuger de la décision quant à la commercialisation possible de la truite mouchetée, ce à quoi s'opposent différents milieux, j'aimerais connaître l'opinion du ministre sur le sujet suivant: On semble penser dans certains milieux que, s'il y a des réserves quant à la truite mouchetée, quant à la commercialisation, il y aurait une possibilité assez grande d'élevage de saumons en pisciculture. Je comprends qu'il y a tout un monde entre élever de la truite et élever du saumon, mais le ministre voudrait-il me dire si son ministère a fait des études dans ce sens soit à Tadoussac, soit au Lac-Saint-Jean ou ailleurs? Est-il au courant que son prédécesseur s'y serait intéressé? Je demanderais aussi s'il est au courant que certaines déclarations du ministre de l'Agriculture auraient été faites - je pense que c'est à Baie-Saint-Paul, dans mon patelin - devant les doléances de pisciculteurs, selon lesquelles une ouverture dans ce sens pouvait être possible.

Je sais qu'on est à la toute fin de la commission, mais je voudrais que le ministre, à l'aide de ce qu'on peut lui fournir comme information, sans vouloir préjuger de la décision qu'il aura à rendre dans le problème des piscicultures et de la truite mouchetée vers la commercialisation, me dise s'il y a un vaste marché dans le domaine du saumon qui est ouvert et qui pourrait être comblé. Est-ce que les études qui ont été faites jusqu'à maintenant pourraient permettre à ces gens de se diriger dans une action... On accepterait même d'aller partiellement, si tu veux, vers la commercialisation de la truite mouchetée pour certains pisciculteurs pour un volume donné, si c'était là l'intention du ministère, mais je ne veux pas préjuger de sa décision.

Est-ce que le ministre me dirait en quelques mots s'il pense qu'il y a une

ouverture là-dedans? J'ajoute simplement ceci: II semblerait, selon des milieux journalistiques, comme d'autres milieux concernés, que la réserve soit beaucoup moins profonde dans ce sens que dans le sens de la truite mouchetée. (17 h 45)

M. Chevrette: En ce qui concerne le saumon...

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Chevrette: Je pense que l'élevage en pisciculture est déjà autorisé, est déjà permis. Les expériences qui ont été faites et les études qui ont été menées ont été plutôt des expériences d'élevage du saumon en captivité mais dans les estuaires mêmes. Il y a des expériences où on nourrit le saumon. On tente de l'habituer, dit-on, à demeurer et dans les estuaires mêmes et à s'y nourrir. On peut, à ce moment, penser à des quantités assez magistrales. C'est le reconditionnement des géniteurs qu'on vise par cela. Est-ce que c'est concluant à ce stade? C'est difficile. On ne peut pas conclure à quelque chose de très valable ou de très rentable à ce stade.

D'autre part, pour ce qui est du saumon en pisciculture même, je pense qu'il n'y a rien qui empêche les pisciculteurs de se lancer dans cela. Ils le pourraient immédiatement et ils pourraient le vendre également, parce que la commercialisation comme telle du saumon est acceptée. Je pense qu'ils le peuvent. Pour ce qui est de la mouchetée, j'ai un peu le réflexe que vous avez. Je comprends les réticences de certains. D'autre part, il y a une argumentation qui est beaucoup plus de l'ordre des craintes subjectives qu'objectives. Il faudra que j'analyse cela très sérieusement. Moi non plus, je ne suis pas en mesure de vous dire aujourd'hui qu'on autorisera l'élevage pour la vente ou la commercialisation de la mouchetée. Il y a une affaire qui est certaine, c'est qu'il faudrait être rationnel dans notre approche parce que je sais que le MAPA, lui, est carrément vendu à la commercialisation. Il n'y a pas de cachette. Les réticences au niveau des organismes de la protection de la faune, c'est vis-à-vis du braconnage, vis-à-vis du marché noir. Est-ce qu'on peut, par législation et par réglementation, encadrer suffisamment la formule pour éviter ces dangers? C'est ce qu'on a à trouver ou à prouver comme législateur.

Si jamais on devait s'aligner vers la permission de la commercialisation de la mouchetée, il faudrait au préalable s'assurer également de sa qualité parce qu'il y a des divergences profondes même chez les pisciculteurs. Ils vont vous dire que la mouchetée n'a pas cette capacité qu'a l'arc- en-ciel de demeurer ferme à longueur d'année et en particulier dans les périodes de gestation, on me dit que la mouchetée a une tendance très forte à ramollir et à ne pas être propice à la commercialisation.

Il faudra que je fasse vérifier l'ensemble de ces données, avant de proposer quelque chose de tangible et si jamais j'y allais, il faudrait donner l'assurance aux organismes qu'on a une réglementation et des pouvoirs législatifs nous permettant d'éviter les dangers qui nous ont été soulevés tout au cours des audiences là-dessus.

Mais personnellement, n'ayant pas de parti pris pour ou contre, je vais exiger beaucoup de rationnel. On peut y aller au niveau des tripes et je pense que les groupes qui viennent devant nous peuvent se permettre d'y aller au niveau de leurs tripes, au niveau de leurs convictions et comme législateur, je vais regarder les deux côtés de la médaille et analyser cela très sérieusement. Moi, je suis très influencé par un point, par exemple: Quand il rentre de la truite japonaise à la tonne au Québec, qu'est-ce que j'ai à répondre au fait qu'il y en a qui sont prêts à commercialiser des choses et à vendre ici même un produit québécois? Cela m'ébranle. D'un autre côté, je me dis: Si on n'a pas les moyens législatifs ou les règlements nécessaires ou les contrôles, en tout cas, jugés aptes à éviter les abus, je ne suis pas pour me lancer dans une aventure périlleuse.

Je n'ai pas d'idées de faites, mais il y a des arguments des deux côtés qui me poussent à réfléchir davantage et à exiger des rapports encore plus précis de la part de nos spécialistes là-dessus. Je ne sais pas si cela répond à votre question. Je ne peux pas malheureusement vous en dire plus aujourd'hui.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Un petit mot de la fin, M. le député de Berthier.

M. Houde: Je vais être bref. Merci, M. le Président.

D'abord, en terminant, je voudrais remercier tous les groupes et les personnes qui sont venus à la commission, ainsi que mes collègues qui m'ont assisté durant cette commission parlementaire du loisir, de la chasse et de la pêche. Je vous donne l'assurance que l'Opposition étudiera avec tout le sérieux qui s'impose les recommandations qui nous ont été faites au cours de ces quatre jours d'auditions.

Enfin, nous assurons tous les intervenants que le Parti libéral verra à ce que tout projet de loi déposé par le gouvernement comporte les éléments essentiels à la protection à la faune et se méfiera de tout projet d'envergure non conforme aux réalités du milieu.

Merci encore une fois pour cette première. C'est une bonne expérience. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Berthier.

M. le ministre, le mot de la fin.

M. Chevrette: Je voudrais moi aussi remercier l'ensemble des groupes. J'ai été vraiment sensibilisé par les mémoires entendus ou produits pour dépôt et je suis très heureux de voir comment les gens, dans l'ensemble en tout cas, sont désireux de sauvegarder les habitats fauniques.

Je pense qu'il n'y a pas un groupe qui se soit opposé d'une façon spécifique à la notion de la conservation des habitats comme tels. Au contraire, si vous l'avez remarqué tout comme moi, il y a même plusieurs groupes qui ont parlé de l'urgence d'intervenir et même d'y aller au niveau d'amendements pour donner des pouvoirs à très court terme. Cela peut aider à régler de petits problèmes urgents, mais je pense que la chose mérite une étude beaucoup plus sérieuse que cela. On connaît tous les inconvénients que peut comporter une telle loi et on connaît également l'ensemble des conflits éventuels de juridiction, cela exige donc une très grande concertation entre mes collègues de plusieurs ministères et moi-même; qu'on pense à celui de l'Énergie et des Ressources, à celui de l'Environnement, à celui de l'Aménagement. Je crois que c'est avec beaucoup de concertation qu'on réussira à produire un projet de loi valable sur la conservation des habitats fauniques.

J'ai été également frappé par le fait que, dans une dizaine de mémoires, on nous a demandé de protéger à la fois la flore et la faune. Cela est une dimension, par rapport au document de travail, qui était peut-être ignorée, j'ai bien dit par rapport au document de travail, Mme la députée de Chomedey...

Mme Bacon: On va avoir une bonne loi.

M. Chevrette: En tout cas, on m'a ébranlé suffisamment pour que je sois conscient qu'il ne faut pas ignorer cette dimension lors de la rédaction d'un projet de loi qui sera déposé à l'Assemblée nationale, un véritable projet de loi sur lequel d'ailleurs je me suis engagé à consulter à nouveau. Sans doute qu'avec l'aide de l'Opposition on pourra définir quel type de consultation ce sera, combien de groupes on veut recevoir ou si on y va d'une façon aussi large qu'on y est allé cette fois.

Ce qui me réjouit aussi, c'est que la majorité des intervenants, dans leur mémoire, ont adhéré à l'idée de la création d'un fonds spécial et que ce ne soient pas exclusivement les deniers de l'État. Les gens ont réclamé également une participation à la gestion. Donc, cette dimension est encourageante. Je pense que l'on pourra rédiger un projet de loi qui ira dans ce sens, surtout dans le sens des premiers mémoires.

Quant aux amendes, vous aurez tous remarqué que l'on s'entendait facilement pour dire qu'on voulait les voir hausser. Quant à la venaison, malheureusement, je ne crois pas qu'il se dégage de consensus très clair. C'est très controversé. Il y a des écoles de pensée nettement différentes. Le député de Charlevoix l'a souligné et il partage cette perception.

Quant à moi, je pense que je pourrai quand même, avec l'aide de cette commission, des commentaires et des opinions que nous avons reçus, me mettre à la tâche immédiatement. Probablement que je pourrai, dans un avenir très proche, annoncer ma décision ferme de scinder le projet de loi, ce qui me permettrait, à très court terme, de déposer, au tout début de la reprise de la session, des amendements à la Loi sur la conservation de la faune et de présenter un projet de loi sur la protection des habitats fauniques dans un deuxième temps.

J'y pense très sérieusement. J'ai été fortement ébranlé. Le fait qu'on en ait parlé avec autant d'insistance au cours de toutes les audiences de la commission me préoccupe au point de dire que c'est trop sérieux pour se lancer dans une rédaction rapide et facile, d'autant plus que cela exige tellement de concertation entre les différents ministères qu'il faudra probablement penser à scinder le projet de loi. Par contre, je me réserve encore quelques jours pour prendre cette décision.

Je remercie l'Opposition également. C'était ma première commission parlementaire comme nouveau ministre. Je pense que l'Opposition, mis à part le fameux document qui l'a amusée pendant une bonne partie du temps... Dans l'ensemble cela a été cordial et je l'en remercie. J'ose espérer que l'on pourra travailler ainsi sur l'ensemble des projets de loi qui seront soumis par le nouveau ministre. Je vous remercie de votre collaboration.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.

M. Chevrette: Je veux remercier également mes collaborateurs qui ont assidûment écouté l'ensemble des mémoires et qui ont noté les questions et réponses. Vous aurez remarqué que ces gens sont tenaces, ils n'ont pas lâché. C'est grâce à leur détermination au travail qu'ils vont me préparer un excellent projet de loi, lequel ne sera pas déposé ailleurs qu'à l'Assemblée nationale, puisque ce sera vraiment une décision des élus cette fois. Vous vous

réjouirez alors d'être les premiers avisés. Si vous apprenez qu'un biologiste dans un certain coin ou qu'un agent de la conservation de la faune dans un autre coin a osé donner une opinion sur un document de travail, ne craignez point, cela ne sera pas un projet de loi. Le projet de loi sera celui qui sera déposé à l'Assemblée nationale, à la reprise. Je vous remercie et je remercie mes collègues.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Je voudrais également remercier tous les membres de la commission de leur collaboration et mentionner que la commission a rempli le mandat qui lui avait été confié par l'Assemblée. Je demanderais au député de l'Ungava de faire rapport à l'Assemblée nationale dans les meilleurs délais possible. La commission ajourne donc ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 57)

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