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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, mesdames et
messieurs!
La commission parlementaire du loisir, de la chasse et de la pêche
reprend donc ses travaux pour remplir son mandat d'entendre les personnes et
les organismes en regard de modifications à apporter à la Loi sur
la conservation de la faune.
Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont:
Mme Bacon (Chomedey); MM. Chevrette (Joliette), Dauphin (Marquette); M.
Gauthier (Roberval) sera remplacé par M. Grégoire (Frontenac);
MM. Houde (Berthier), Lafrenière (Ungava); M. Laplante (Bourassa) sera
remplacé par M. Lachance (Bellechasse); MM. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), Paré (Shefford), Perron (Duplessis),
Vaillancourt (Orford).
Les intervenants sont: MM. Assad (Papineau), Bisaillon (Sainte-Marie),
Desbiens (Dubuc), Mme Juneau (Johnson), MM. Léger (Lafontaine), LeMay
(Gaspé), Maciocia (Viger), Pagé (Portneuf), Rocheleau (Hull).
Je vous donne l'ordre du jour pour aujourd'hui, à moins de
changements dans le courant de la journée, et l'ordre dans lequel les
mémoires devraient être présentés: en premier lieu,
la Société pour la perpétuation de la sauvagine, suivie de
l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, de la
Société de gestion du saumon de la rivière
Cascapédia, de l'Association provinciale des trappeurs
indépendants Inc., du Groupe Espace Inc., du Conseil consultatif des
réserves écologiques, de la Société canadienne
protectrice des animaux, de Mme Joanne Marchesseault, de M. Louis-Georges
Morin, de La Gibecière Inc., de l'Association des industries
forestières du Québec Limitée, de la Société
québécoise de protection des oiseaux Inc. et finalement, comme
treizième mémoire, de M. Guy Vanier, à titre
personnel.
Il y a un certain nombre de mémoires qui sont pour
dépôt seulement. À moins de commentaires de part et d'autre
des membres de la commission, je demanderais immédiatement au premier
groupe de se présenter, soit celui de la Société pour la
perpétuation de la sauvagine, qui serait représenté par M.
Louis Larivière. Si vous voulez prendre place en avant devant un micro,
je présume que vous êtes M. Louis Larivière.
M. Larivière (Louis): Oui, je suis Louis Larivière,
vice-président de la Société pour la perpétuation
de la sauvagine.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Vous pouvez y aller
dès maintenant pour la présentation de votre mémoire.
M. Larivière.
Société pour la perpétuation de
la sauvagine
M. Larivière: II y a un mémoire qui a
été adressé à M. André Archambeault,
greffier. C'est un mémoire de la Société pour la
perpétuation de la sauvagine. Pour en donner un peu l'historique, la
Société pour la perpétuation de la sauvagine,
fondée à l'automne 1980, est une corporation à but non
lucratif qui vise à protéger et à améliorer les
habitats de la sauvagine. Les interventions de la SPS ne se limitent, dans ce
mémoire, qu'aux démarches qui favorisent la nidification ainsi
qu'une fréquentation plus grande des oiseaux migrateurs au
Québec.
Aire de repose: La Société pour la perpétuation de
la sauvagine aimerait que soit ajoutée dans la description des titres de
territoires désignés, le terme "aire de repos" qui permettrait
ainsi de donner plus de souplesse aux gestionnaires de la faune. La description
de l'aire de repos: Une zone où la chasse aux oiseaux migrateurs est
interdite durant une période donnée. Les aires de repos sont
désignées dans les règlements concernant les oiseaux
migrateurs. Ces règlements sont établis par le
lieutenant-gouverneur en conseil, en vertu des pouvoirs qui lui sont
donnés dans la loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs.
Ces règlements sont révisés annuellement et leur adoption
relève du Parlement canadien.
Pour des considérations générales, la
Société pour la perpétuation de la sauvagine estime
extrêmement important que la faune soit dotée de tous les types de
protection dont elle a besoin pour réussir à survivre dans
l'avenir. L'intérêt de la SPS et son désir de mettre en
valeur des habitats des oiseaux aquatiques l'amènent à souligner
que les oiseaux migrateurs ont un besoin pressant de sanctuaires, tant pendant
la période de reproduction que pendant la période de migration.
La SPS est d'avis que les titres de territoires désignés tels que
la réserve
faunique, parcs, réserves, aires de repos, sanctuaires, etc.
soient inscrits à l'intérieur d'une loi sur la protection des
habitats plutôt qu'à l'intérieur de la Loi sur la
conservation de la faune.
Alors, c'est le document que vous avez en main, je crois. (10 h 15)
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Je vous remercie,
M. Larivière.
Des questions ou commentaires, M. le ministre?
M. Chevrette: Tout d'abord, je retiens également que vous
êtes le troisième ou le quatrième groupe qui venez nous
demander de légiférer d'une façon différente
concernant les habitats. En d'autres termes, vous préféreriez un
projet de loi spécifique sur les habitats et amender la Loi sur la
conservation de la faune dans un autre projet de loi.
J'aurais deux questions. Vous soulignez un besoin pressant de
création de sanctuaires ou d'aires de repos pour les oiseaux migrateurs.
Compte tenu du réseau actuel de tels sites et considérant aussi
les implications diverses que ceux-ci imposent pour leur création,
j'aimerais que vous nous éclairiez en nous indiquant sur quelles
études s'appuie votre recommandation.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Larivière.
M. Larivière: Je ne crois pas qu'une étude
complète ait été faite, mais nous utilisons les
observations d'un groupe de personnes qui sont compétentes en
matière d'aménagement, observations faites depuis ces
dernières années. C'est un groupe de chasseurs qui se sont
réunis, alarmés par la baisse sensible surtout du canard noir,
qui diminue de façon régulière. On n'en voit presque plus
sur nos lacs. À partir de ce moment-là, on a profité d'une
occasion qui se présentait à nous en ce qui concerne le
territoire du canal de Beauharnois. On a fait les démarches pour essayer
de devenir acquéreur de ces terres qui sont en amont de la centrale
hydroélectrique.
On a eu l'appui de plusieurs personnes, entre autres d'anciens
ministres, qui faisaient partie du comité de direction de la
Société de la chasse et de la pêche, dont celui de
l'Environnement. M. Léger était un de nos membres, M. Lessard
l'était aussi. Je crois qu'aucune étude n'a été
faite, comme vous l'avez mentionné. C'est une observation et je crois
qu'elle est très justifiable dans notre cas.
Advenant le cas où notre société pourrait prendre
un peu plus d'envergure au niveau des finances, on pourrait peut-être
s'offrir le luxe d'avoir des biologistes ou des gens d'une compétence
supérieure pour pouvoir répondre à votre question, M. le
ministre.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Chevrette: Vous définissez une aire de repos comme
étant une zone où la chasse aux oiseaux migrateurs est interdite
durant une période donnée. Est-ce que vous jugez que cette
définition nous permet vraiment de protéger adéquatement
l'ensemble des habitats?
Le Président (M. Bordeleau): M.
Larivière.
M. Larivière: Oui, dans le sens que cela donne une chance
à ce groupe qui, dans le fond, est un groupe de gestionnaires, de
pouvoir établir un peu ce qu'on a vu. On a fait des voyages aux
États-Unis, entre autres dans la baie de Chesapeake où l'on a vu,
d'une façon très intéressante, une concentration d'oiseaux
qui nous appartiennent au Québec. Tout le monde connaît
très bien les outardes. L'outarde ou la grande bernache pose à
peine le pied sur nos territoires. C'est un oiseau qui est si envié
qu'il y a à peine d'endroits... Elles sont si nerveuses qu'on les voit
passer... Tout le monde est très sensibilisé au passage des
outardes à de telles hauteurs. Quand vous arrivez aux États-Unis,
on peut quasiment les nourrir dans nos mains. Il y a des chasses
contrôlées qui sont bien indiquées. C'est une merveille. Ce
sont nos oiseaux. On veut en faire une copie. On a des territoires qui sont
disponibles, surtout que le territoire qu'on visait était
déjà un territoire qui appartient à Hydro-Québec.
Les démarches vont bien. De plus, c'est une zone qui est interdite
à la chasse, mais pour toutes sortes de raisons, la chasse se continue
dans ces secteurs-là. C'est un peu dans cet ordre qu'on misait pour
essayer d'avoir ce changement, uniquement pour la souplesse dans nos
activités.
M. Chevrette: Ma question est plus large. Je vais vous expliquer
pourquoi. On peut fort bien, dans la conjoncture actuelle, empêcher la
chasse pour une période de deux ou trois ans parce qu'une espèce
est menacée, mais on n'a pas les pouvoirs dans la loi actuellement, par
exemple, de garder intacts les habitats existants, ce qui est aussi - et ce
peut l'être encore plus - nocif. Je vous donne un exemple. Vous parlez de
la sauvagine. Je suppose - je ne sais pas -qu'un agriculteur a, au bout de sa
terre, un endroit très humide et propice, un habitat propice à la
sauvagine et qu'il décide de couper tout cela à ras de la terre,
qu'il rase toute son histoire, toute sa terre. Il détruit donc l'habitat
naturel. Il fait du remplissage.
En vertu des lois actuelles, je n'ai pas le pouvoir, comme ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, d'arrêter ce producteur en
question. C'est pour cela que je vous posais la question: Est-ce que vous jugez
que, par le simple fait d'interdire la chasse, je sauvegarde les habitats? Vous
me répondez oui, mais j'aimerais que vous me donniez votre opinion,
puisque vous n'en traitez pas dans votre mémoire. Je suppose que vous
avez quand même des idées là-dessus. Est-ce qu'on ne doit
pas aller au-delà de l'empêchement de chasser? Doit-on aller aussi
vers des pouvoirs précis nous permettant de sauvegarder les habitats
à leur état naturel?
Le Président (M. Bordeleau): M.
Larivière.
M. Larivière: Oui, j'aurais tendance à ajouter
qu'on doit non seulement sauvegarder les habitats naturels, mais aussi qu'on
doit essayer d'améliorer ces habitats tout en conservant l'approbation
de tous les ministères touchés, l'Environnement, etc. On ne veut
pas nécessairement avoir tous les droits, on veut simplement pouvoir
intervenir, s'assurer qu'il y ait une bonne liaison entre les gens qui sont
concernés afin d'améliorer les choses. C'est notre but. Notre but
n'est pas d'accaparer des terres, c'est d'essayer de sensibiliser les gens, de
créer ce lien qui, à mon sens, est absent.
Vous avez des organismes comme Canards Illimités, qui font des
travaux qui sont très bien mais, souvent, ils ont tendance, avec leurs
exigences, à accrocher à certaines lois
québécoises. Qu'on ne laisse pas agir uniquement des organismes
qui sont des constructeurs, parce que ces gens sont des constructeurs; on peut
essayer de créer un lien, un trait d'union entre tous ces gens de
façon à avoir des résultats plus positifs.
M. Chevrette: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.
M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Très
brièvement, dans votre mémoire, vous proposez au ministre de
prévoir une loi spécifique sur la protection des habitats
plutôt que de procéder par amendements à retoucher la Loi
actuelle sur la conservation de la faune. Je présume que, dans votre for
intérieur, votre motivation est d'avoir plus de dents dans une loi
spécifique, dans un cadre peut-être plus particulier.
Pourriez-vous expliciter un peu voter pensée là-dessus?
Le Président (M. Bordeleau): M.
Larivière.
M. Larivière: Inévitablement, si cette loi ne porte
que sur les habitats, cela va nous donner beaucoup plus de souplesse en ce qui
concerne les changements possibles où la gestion possible des habitats
comme tels et non nécessairement de la sauvagine. Automatiquement, la
sauvagine sera choyée, si on s'intéresse à l'habitat plus
qu'à la sauvagine. Si on s'intéresse uniquement à la
sauvagine, on fait face à des problèmes avec le gouvernement
fédéral; on ne voudrait surtout pas se mettre les pieds dans les
plats avec le fédéral dans ce sens. Si on a des droits sur
l'habitat, automatiquement le reste va s'ensuivre parce que cela ne fait pas
partie de la Loi sur la protection des habitats. Si vous avez tout simplement
l'aire de repos qui est incluse, un amendement quelconque où l'aire de
repos pourrait faire partie intégrante de cette loi, à partir de
ce moment on peut oeuvrer d'une façon plus à l'aise.
M. Dauphin: D'accord, je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Je vous remercie, M.
Larivière, de vous être présenté devant notre
commission et j'appelle donc maintenant le deuxième groupe qui est
l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec,
représenté par M. Jean-Louis Caron - mais je ne le vois pas - ou
M. Bouthillier. De toute façon, si vous voulez vous
présenter.
Ordre des ingénieurs forestiers du
Québec
M. Barry (René): M. le Président, M. le ministre,
messieurs, madame, je remplace ce matin M. Jean-Louis Caron qui, pour des
raisons hors de son contrôle, a dû s'absenter de la ville. Mon nom,
c'est René Barrry. Je suis accompagné de M. Marc
Côté, secrétaire général de l'ordre et de son
adjoint, M. Luc Bouthillier. Cette absence de M. Caron me vaut d'être
devant vous, ce matin, pour vous présenter certains points de vue de
l'Ordre des ingénieurs forestiers, notre mémoire, par la force
des circonstances, n'est pas aussi exhaustif que nous l'aurions voulu;
l'absence de documents de référence, que tout le monde
connaît, nous a obligés à nous en tenir à des
généralités. Notre secrétaire général
va vous donner lecture du document, M. le Président; après quoi,
nous serons à votre entière disposition pour répondre aux
questions que vous ou les membres de la commission désirerez nous
poser.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Ce sera M.
Bouthillier?
M. Barry: M. Côté.
Le Président (M. Bordeleau): Côté, excusez.
Allez-y, M. Côté.
M. Côté (Marc): M. le Président, la
volonté ministérielle de simplifier et de préciser la Loi
sur la conservation de la faune procède d'une intention à
laquelle nous souscrivons pleinement. De plus, l'Ordre des ingénieurs
forestiers du Québec appuie la nécessité d'identifier avec
netteté le partage des responsabilités en matière de
gestion faunique. En effet, trop de textes législatifs portent à
équivoque et leur complexité nuit à une juste
compréhension des individus impliqués, ce qui s'oppose à
la réalisation des espoirs que l'on y fonde.
Ainsi, l'objectif de définir des modalités aptes à
améliorer la gérance du capital faunique québécois
est manifestement cohérent avec les visées globales de l'Ordre
des ingénieurs forestiers du Québec quant au maintien et à
l'accroissement d'une qualité de vie québécoise. Nous
adhérons volontiers à l'élargissement des
préoccupations de l'État au sujet des habitats fauniques.
L'évidence du lien subordonnant l'existence d'une faune abondante
et diversifiée à des habitats de la meilleure qualité
possible ne saurait être niée. Cependant, dans l'optique d'un
développement harmonieux de toutes les ressources du Québec,
plusieurs des modifications proposées au sujet de la Loi sur la
conservation de la faune nous apparaissent préjudiciables à
l'utilisation intégrée de l'environnement
québécois.
La notion d'habitat employée dans les documents de consultation
nous semble se référer à des définitions
particulièrement larges et ouvertes sur la quasi-totalité du
territoire forestier, selon des régimes d'affectation exclusivement ou
prioritairement axés sur la faune. Bien sûr, nous avons
noté les précautions ministérielles à ne pas
prétendre entreprendre le gel de l'ensemble du sol
québécois par ce projet de loi, mais c'est en vain que nous en
avons cherché un écho dans la déclaration
ministérielle sur la refonte de la Loi sur la conservation de la faune.
Les risques d'un zonage faunique unilatéral en regard d'une vision
sectorielle du ministère ne nous semblent pas exclus par les
modifications proposées.
En soi, à peu près tous les milieux à
caractère forestier, qu'ils soient riverains ou non, comportent des
aptitudes à s'avérer essentiels d'une manière permanente
ou temporaire à l'accomplissement des fonctions vitales à des
populations animales. Les éléments employés pour
définir la notion d'habitat nous laissent l'impression d'être
confus et plus ou moins réalistes. À la lumière des
critères d'essentialité sous-jacents à la qualification au
titre d'habitat faunique, nous appuyons la recherche de mécanismes
destinés à préserver des appuis biophysiques
inhérents à des espèces animales menacées ou en
danger d'extinction.
(10 h 30)
Pourtant, il ne s'agit pas de contester l'importance de soutenir
l'épanouissement de toutes les constituantes de notre richesse faunique.
Nous tenons seulement à insister sur l'irréalisme d'un
système d'affectation où l'aspect faunique serait prioritaire sur
l'ensemble ou de vastes parties du territoire forestier. À notre avis,
une utilisation optimale des ressources du milieu forestier implique dans une
majorité de ce milieu que la priorité soit accordée
à la production de matières ligneuses, soit à une
affectation sylvicole prioritaire. Au demeurant, il est fort utile de souligner
la très grande compatibilité des activités sylvicoles ou
lignicoles avec l'aménagement de la faune.
Par ailleurs, comme la constitution concrète des habitats
fauniques est généralement floristique, cet état de choses
confirme souvent la nécessité d'interventions sylvicoles à
l'intérieur de leur périmètre. Évidemment, les
préjudices induits antérieurement par certaines pratiques
d'exploitation de la matière ligneuse ne devraient pas
déprécier le recours à des traitements sylvicoles
appropriés.
Réciproquement, il faudrait se garder de prêter une vertu
miraculeuse à l'encadrement sylvicole des opérations de
récolte forestière. Malgré leur rigueur, les programmes
d'interventions sylvicoles peuvent entraîner l'altération
momentanée de certains facteurs pertinents à l'expansion de la
richesse faunique. Pour progresser et s'affirmer, c'est donc un choix
appuyé sur une évaluation économique que la population
québécoise doit s'imposer, en veillant tout de même
à ne pas attaquer les bases de son capital faunique.
Nous croyons constater dans l'emploi du vocable de conservation une
approche considérant le milieu forestier comme une entité
statique. Pour l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec,
concevoir la forêt sous un aspect figé constitue une erreur
fondamentale dans le sain usage des ressources. Les massifs forestiers de par
leurs propriétés biologiques sont soumis à une dynamique
considérable qui n'est pas sans similitude avec les règles
présidant à l'évolution des populations animales. Dans
cette approche, la conservation demeure une fin qui ne peut impliquer le
respect du dynamisme, voire de l'amélioration de la productivité
des habitats.
L'orientation des modifications à la Loi sur la conservation de
la faune semble plutôt indiquer la recherche du simple maintien des
potentiels fauniques par une mise en boîte conservationniste.
D'après nous, le ministère s'éloignerait ainsi de ses
objectifs d'amélioration quantitative et qualitative du capital
faunique.
Notre analyse de la problématique relative à la gestion de
la faune par le concept d'habitat nous incite à distinguer
trois modes d'affectation du territoire forestier. Tout d'abord, dans le
cas critique des espèces animales rares ou menacées de
disparition, l'identification et la protection intégrale des sites
afférents à leur survie rejoint une préoccupation que nous
partageons sans conteste. Cependant, dans un contexte de simplification
législative et compte tenu de la nature généralement
floristique des habitats fauniques, nous suggérons de confier cette
mission de sauvegarde aux responsables des réserves écologiques
lorsque ces habitats doivent demeurer ou recouvrer un état climatique
permanent. Pour nous, le statut de réserves écologiques est
très explicite à cet égard et devrait être
appliqué pour chacun de ces habitats concernés.
Deuxièmement, en regard de la productivité faunique du
territoire forestier, il nous apparaît indéniable de
conférer à certains habitats essentiels les aptitudes
productivistes notoires que l'on doit maintenir, sinon stimuler. Assimilables
à des refuges fauniques, ces portions de territoire seraient
vouées prioritairement au maintien et à l'accroissement du
capital animalier. À l'intérieur de ces aires restreintes aux
éléments les plus indispensables à la survie et à
l'amélioration du capital faunique, les objectifs propres à
l'aménagement de la faune guideraient la réalisation
d'activités compatibles avec l'exploitation de ce capital. Sur ce plan,
nous tenons à réitérer les bénéfices de
l'application des techniques sylvicoles dans le cadre d'une perception
dynamique des habitats forestiers.
En troisième lieu, nous acquiesçons avec l'identification
d'un vaste domaine propice aux activités de chasse, de pêche et de
piégeage et qui pourrait même s'étendre à la
totalité du territoire forestier. Pour nous, sur toutes les superficies
impliquées par cette caractérisation, la vocation sylvicole
primerait sur la production faunique, sans l'exclure pour autant. Dans un
contexte socio-économique dominé par la satisfaction des besoins
humains, il importe de concrétiser optimalement la ressource la plus
influente dans la structure économique. Sur ces domaines de chasse et de
pêche, les activités cynégétiques et halieutiques
s'accommoderaient sans trop de difficultés d'une sylviculture
commerciale prioritaire, en plus de pouvoir être largement tributaires
des infrastructures mises en place par les opérations de récolte
de la matière ligneuse.
Les dernières observations auront-elles suffi à attester
de nos convictions envers une utilisation optimale des ressources en milieu
forestier qui soit respectueuse du poids économique attaché
à celles-ci et fidèle à des impératifs
écologiques?
Répétons-le, pour nous, l'environnement forestier comporte
un organisme soumis à un dynamisme intrinsèque. En
conséquence, la conservation ne peut être qu'un aspect particulier
de cette dynamique. Dans cette voie, la protection des habitats fauniques ou
l'évolution des besoins des chasseurs et des pêcheurs ne peuvent
dicter à elles seules les modes d'affectation prioritaires sur la plus
grande partie du territoire forestier. La multiplicité des expectatives
inscrites dans ce territoire, conjuguées à une
réalité écologique mouvante, imposent la confection d'un
zonage d'affectation des ressources qui, selon un développement
intégré de celles-ci, demeure inconciliable avec les
préjugés sectoriels du présent projet de modification.
Conséquemment, l'Ordre des ingénieurs forestiers du
Québec recommande que les modifications proposées à Loi
sur la conservation de la faune, au sujet de la protection des habitats, soient
reconsidérées en fonction des mécanismes légaux
existants de préservation du milieu québécois et dans le
cadre d'une politique générale d'utilisation optimale et
rationnelle des ressources du territoire québécois.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Chevrette: Tout d'abord, je dois vous remercier de vous
être présentés devant nous. C'est la deuxième fois
que j'ai la chance d'entendre l'Ordre des ingénieurs forestiers;
c'était lors des auditions sur le parc Saguenay, avec votre ami M. Caron
et aujourd'hui.
Vous avez pris la précaution de dire -je le reconnais - que le
document de travail ne présente que des généralités
et que vous allez vous en tenir à cela. C'est ce que vous faites. Je
comprends donc l'interprétation donnée qui, à mon point de
vue, mérite au moins de vous rassurer. Il n'est pas de l'intention du
MLCP de zoner l'ensemble du territoire québécois. Vous semblez
appréhender ou vous jugez que le MLCP considère le milieu
forestier comme un milieu statique. Là-dessus, nous ne voulons pas
protéger tous les habitats, mais nous voulons avoir une
réglementation d'ordre général qui nous permette au moins
de faire des interventions d'ordre ponctuel.
D'ailleurs, dans votre mémoire, vous semblez craindre
énormément le MLCP, qui a la responsabilité unique, en
passant, de la protection de la faune. Ce n'est pas dilué. C'est
vraiment le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui a cette
responsabilité, mais cela n'empêche pas d'avoir une coordination
avec certains autres ministères afin de coordonner nos actions en
fonction de la sauvegarde de certains habitats. C'est un fait.
Vous soulignez également que la meilleure protection est
peut-être par le non-usage. Je suis loin d'être certain de cela,
puisque, entre vous et moi, on peut
très bien interdire la chasse, dans certains milieux, mais
laisser détruire par des tiers des habitats naturels. Dans votre cas, on
peut parler des ravages de cerfs, des concentrations pour les orignaux, des
boisés autour des lacs. D'ailleurs, vous n'en parlez pas du tout dans
votre mémoire. Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait que le
MLCP protège au moins ces endroits spécifiques, ces habitats
naturels? J'aimerais vous entendre, dans un premier temps,
là-dessus.
Le Président (M. Bordeleau): M. Barry.
M. Barry: M. le ministre, vous avez posé plusieurs
questions, dans vos commentaires. Tout d'abord, vous nous affirmez ce matin que
le MLCP ne veut pas protéger l'ensemble du territoire. Je crois, au
contraire, que vous voulez protéger l'ensemble du territoire. C'est
justifié de le faire. Mais il y a différents moyens d'accomplir
cette protection. C'est peut-être sur les moyens que nous ne nous
entendons pas totalement. Il est vrai que vous avez la responsabilité de
la gestion de la faune, tout comme le ministre de l'Énergie et des
Ressources a la gestion du territoire. Il s'agit de trouver un modus vivendi
entre les deux afin que les deux puissent remplir leur mandat
adéquatement.
Vous avez souligné que nous nous en sommes tenus à des
généralités. Nous n'avions pas le choix étant
donné que les textes législatifs n'étaient disponibles
à aucun moment, même si, parfois par des moyens non avoués
mais généralement efficaces, l'on peut se procurer les textes
officieusement. Encore hier, on nous a affirmé que les textes
n'étaient pas disponibles. C'est une excellente raison pour nous en
tenir à des généralités.
En ce qui concerne la protection de la faune dans les territoires
identifiés sous le nom de ravages ou en bordure des cours d'eau, encore
là certaines zones nébuleuses ou certaines zones grises nous
rendent la définition assez difficile. On s'est toujours abstenu
jusqu'à aujourd'hui, à ma connaissance, de définir ce
qu'est une nappe d'eau. Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas défini
ce qu'est la bordure d'un cours d'eau ou d'une nappe d'eau, nous pourrons
difficilement vous dire si nous sommes pour ou contre. Est-ce qu'un petit
ruisseau qui coule à l'occasion de grandes pluies ou à la fonte
des neiges est un cours d'eau? Si tel est le cas, certainement que l'ensemble
du territoire de la province est de la bordure de cours d'eau.
Pour ce qui est des ravages, M. le ministre, de nombreuses ententes ont
existé entre votre ministère et celui qui s'appelait Terres et
Forêts, et qui s'appelle maintenant Énergie et Ressources, qui ont
délimité certains territoires avec des restrictions très
grandes vis-a-vis des exploitations forestières. Par conséquent,
nous avons déjà les moyens d'atteindre cet objectif. Mes
confrères ont peut-être des choses à ajouter à cela?
M. Bouthillier aurait quelque chose à ajouter.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Bouthillier.
M. Bouthillier (Luc): M. le Président, le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche semble prétendre qu'on n'a pas
parlé dans notre document des considérations qui étaient
bel et bien inscrites dans le rapport du groupe de travail sur les habitats
fauniques quant aux intentions de zoner en milieu forestier des habitats
jugés essentiels, particulièrement pour les grands ruminants.
Effectivement, on a bien pris connaissance de la volonté affichée
dans le rapport du groupe de travail sur les habitats fauniques de zoner en
fonction des grands ruminants. Ce qu'il y a d'intéressant dans le
document, c'est qu'on précise que ce zonage d'habitats essentiels pour
les grands ruminants pourrait revenir à exclure des assiettes de coupe
des portions de forêt mature de l'ordre de 4% du territoire.
C'était déjà une première réserve.
Il faut quand même dire aussi que les sites particuliers - la
notion entre habitats essentiels et sites particuliers semble passablement
confuse - seraient eux aussi extraits des assiettes de coupe; donc, on vient
ajouter un peu de territoire à nos prétentions. Ensuite, on dit
que les milieux riverains devraient eux aussi en être extraits. Bien
sûr, ce qui nous intéresse en matière d'exploitation
forestière ou de récolte de matière ligneuse, c'est
surtout la zone sèche des milieux riverains qui, à partir de la
limite des hautes eaux, irait jusqu'à 90 mètres
derrière.
Si on ajoute à cela les habitats critiques... Si on ajoute
à cela le fait qu'on semble exclure les parcs... Enfin, il ne semble pas
y avoir de recoupement entre la notion d'habitats fauniques et la notion de
parcs. Si on ajoute à cela que l'on suggère une réduction
de l'aire des assiettes de coupe de façon à favoriser
l'aménagement de la faune, cela veut dire qu'à toutes fins utiles
le zonage exclusif de la forêt, en regard de la faune, soustrairait entre
15% et 25% du territoire forestier.
Bien sûr, dans votre document, cette proportion n'est pas
citée explicitement. Nous ne nous sommes donc pas amusés à
la citer explicitement, mais dans le cadre d'un projet de loi il serait
intéressant de chiffrer la proportion du territoire forestier qui serait
carrément extraite des prétentions de récoltes
forestières.
M. Chevrette: On pourra vous le fournir, mais c'est beaucoup
moins de 25%. Il y a un autre point sur lequel je
voudrais vous questionner. Vous parlez de l'irréalisme du
système d'affectation où l'aspect faunique serait prioritaire sur
de vastes parties du territoire forestier. Est-ce que vous maintenez toujours
votre point de vue, compte tenu de la mise au point que j'ai faite en disant
qu'il n'est pas de notre intention de délimiter un zonage complet? C'est
plutôt ce qu'on appelle communément du "spot zoning" pour
épargner certains habitats naturels. Est-ce que vous avez quand
même les mêmes craintes?
M. Barry: M. le ministre, c'est à demi rassurant quand
nous entendons dire ce que vous n'avez pas l'intention de faire. Ce serait
doublement rassurant si nous savions exactement ce que vous voulez faire.
M. Chevrette: Ah! bien sûr, c'est vrai. On va vous
répondre. (10 h 45)
M. Barry: Alors, si vous pouviez définir encore une fois
votre "spot zoning" d'une façon concrète, cela pourrait nous
rassurer probablement.
M. Chevrette: Entre vous et moi, est-il normal qu'une compagnie
forestière, par exemple, qui effectue une coupe de bois, rase à
blanc un des beaux ravages de chevreuil? Est-il normal qu'on laisse faire cela?
Est-ce que le ministre responsable de la conservation de la faune doit laisser
aller cela allègrement, comme cela vient de se faire dans la ZEC Des
Nymphes, pour vous donner un exemple très concret? Je pourrais vous
donner d'autres exemples très concrets ailleurs. Actuellement, je n'ai
aucun pouvoir en vertu de la loi pour arrêter cette exploitation
forestière et dire: Écoutez! pourriez-vous contourner un peu?
Pourriez-vous faire un échange? Pourriez-vous déborder vers la
gauche au lieu d'aller vers la droite pour préserver ces ravages? C'est
cela, en fait, que je vous dis.
Ce que je veux faire, ce n'est pas d'empêcher les coupes
forestières, les coupes de bois, mais il faut au moins préserver
nos habitats naturels et faire en sorte que nos grands ruminants, comme vous
les appeliez tantôt, puissent au moins survivre. Contrairement à
ce que vous avancez dans votre mémoire, il me paraîtrait dangereux
qu'un gouvernement axe son économie exclusivement sur une ressource.
C'est la diversité des ressources qui fait justement foi d'une
économie assez stable, vous le savez très bien. À partir
de là, je pense que j'ai besoin, comme ministre, d'être
rassuré par un projet de loi et vous êtes
précisément là pour me dire ce que je dois faire. Si je
n'ai pas mis mes intentions dans un projet de loi déterminé,
c'est précisément parce que je veux avoir votre opinion avant de
le faire.
Le Président (M. Bordeleau): M. Barry.
M. Barry: M. le ministre, évidemment, c'est assez
difficile de tirer des conclusions à partir d'un cas particulier. Vous
vous référez à la destruction d'un ravage. S'il y a eu un
tort à un endroit quelconque, il mérite d'être
condamné, mais deux torts ne feront pas une raison. Si vous avez un tort
additionnel et que vous généralisez à partir de ce cas
unique - j'espère, du moins - cela ne sera certainement pas une
solution.
En général, dans les civilisations qui ont peuplé
la terre, il y a toujours eu un certain équilibre entre le pain et les
jeux. Lorsque des populations ont voulu mettre majoritairement l'accent sur les
jeux, cela a été la décadence. Je ne voudrais pas croire
qu'on est en voie de vouloir donner une note dominante aux loisirs et aux jeux
contre le travail, contre les exploitations commerciales.
M. Chevrette: Mais entre les jeux et la sauvegarde, il y a aussi
une différence.
M. Barry: II y a un juste milieu. M. Chevrette: N'est-ce
pas?
M. Barry: II y a exactement un juste milieu qu'il faut
rechercher.
M. Chevrette: C'est celui-là que je recherche.
M. Barry: Oui, M. le ministre. Si nous sommes capables de vous
aider à le trouver, nous en serons heureux.
Maintenant, nous croyons qu'enlever le pouvoir à un ministre qui
aurait été négligent concernant certaines permissions de
couper du bois et le donner à un autre ministre qui agirait de
façon exagérée dans une ligne contraire, cela ne serait
pas trouver le moyen terme que nous recherchons.
Les comités interministériels existent depuis longtemps.
Je pourrais vous donner en référence des territoires dans une
région qu'on va appeler Grand Portage ou dans le Bas-Saint-Laurent,
(région 01), où des aires ont été
réservées à la conservation et à la protection du
chevreuil. La tordeuse du bourgeon de l'épinette a ravagé cela
totalement et elles n'en ont pas été informées, les
pauvres tordeuses, qu'il y avait une zone réservée à cet
endroit. Ce n'est pas à cause de la coupe abusive, c'est à cause
de la destruction d'arbres pour d'autres raisons que le chevreuil a perdu son
habitat.
Alors, que des circonstances regrettables se produisent, c'est
inévitable. Qu'une coupe ait été mal orientée
à un moment donné, c'est regrettable. Mais il faut
toujours que les moyens soient proportionnels aux actions.
Alors, un comité interministériel, je crois, pourrait, aux
endroits critiques, établir une politique d'exploitation
forestière pour prévenir les actions regrettables que vous avez
mentionnées. Mes collègues ont peut-être quelque chose
à ajouter?
M. Chevrette: Pour ce faire, justement, il faut qu'il y ait des
moyens préventifs. Ces moyens préventifs sont actuellement
inexistants en ce qui regarde la Loi sur la conservation de la faune. Qu'on
pense à deux lois: la loi sur la sauvegarde des habitats ou aux
amendements à la Loi sur la conservation de la faune en termes
d'amendes, d'infractions, etc., cela ne me dérange pas. Je pense que je
m'aligne de plus en plus sur cette hypothèse d'ailleurs. Est-ce qu'il
vous paraît normal que dans la conjoncture actuelle on ait au moins des
pouvoirs de prévention pour sauvegarder des habitats naturels?
M. Barry: Pour autant que ces pouvoirs ne sont pas excessifs, M.
le ministre, je crois que c'est raisonnable.
M. Chevrette: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: J'aurais peut-être un commentaire à faire
au début. Il est évident que plusieurs intervenants qui sont
venus à la commission se méfient d'un projet de zonage
unilatéral. Je pense bien que l'Opposition se doit ce matin de dire que,
comme ces intervenants, nous nous méfions aussi de ce zonage
unilatéral.
Si j'ai bien compris le contenu de votre mémoire, vous soulignez
un zonage en regard d'une vision sectorielle. Est-ce qu'un zonage
unilatéral en regard d'une vision globale serait plus acceptable
à vos yeux, par exemple? Je me demande si j'ai bien saisi votre dossier.
J'aimerais rappeler au ministre qu'un tel projet de zonage doit quand
même se faire en concertation avec les agents du milieu. Ma
première question s'adressait au ministre. Il entrevoit la mise en place
d'un zonage ponctuel, c'est revenu plusieurs fois dans ses commentaires.
J'aimerais savoir si, dans ce zonage dit ponctuel, on envisage d'inclure la
vocation sylvicole à laquelle se réfère l'Ordre des
ingénieurs forestiers dans son mémoire.
M. Chevrette: Exactement, oui.
Mme Bacon: Vous envisagez de le faire. J'aimerais savoir aussi
comment l'Ordre des ingénieurs a accueilli le plan de renouvellement
forestier. On sait que ce plan fait appel à la participation des
gouvernements fédéral et provincial de même qu'à
l'entreprise privée; est-ce que vous y faites un accueil favorable ou si
vous avez des réserves quant à ce plan?
M. Barry: M. le Président, M. Bouthillier va
répondre à cette question.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, M. Bouthillier.
M. Bouthillier: Si je comprends bien, madame, le plan de
renouvellement auquel vous faites référence, c'est le document
déposé par le Service canadien des forêts.
Mme Bacon: Oui.
M. Bouthillier: Bon. Nous accueillons effectivement très
favorablement ce document en ce sens qu'actuellement on extrait de la
forêt québécoise autour de 36 000 000 de mètres
cubes alors que la possibilité forestière, la possibilité
naturelle, s'établirait autour de 28 000 000; il y a donc un
déficit qu'on doit combler par des travaux d'aménagement
intensifs.
Effectivement, tous les moyens sont bons pour nous permettre d'entrer
véritablement dans l'ère de l'aménagement intensif de la
forêt. Donc, fatalement, nous y sommes favorables.
Bien sûr, il ne faudrait pas penser que l'Ordre des
ingénieurs forestiers a donné sa bénédiction
à ce projet. On est fort conscient que la forêt
québécoise est de juridiction provinciale et que,
nécessairement, il devra y avoir des ajustements pour qu'on puisse
utiliser les intentions du Service canadien des forêts au meilleur des
intérêts québécois, mais surtout avec une
gérance qui serait assurée par le gouvernement
québécois.
Mme Bacon: D'accord, merci.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le
député de Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais
vous féliciter pour le mémoire que vous nous avez
présenté. Je vois que le président est M. Caron;
tantôt, je croyais que c'était M. Garon. C'est mieux ainsi.
M. Chevrette: Ah! Ah! Ah! Qu'est-ce que cela vient faire avec le
mémoire?
M. Houde: Cela fait rire M. le ministre. J'avais entendu M.
Garon, tantôt; en tout cas, c'est mieux que ce soit M. Caron que M.
Garon.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Berthier, ni l'un ni l'autre n'est là
aujourd'hui.
M. Chevrette: S'il y était, vous fondriez devant lui.
Mme Bacon: Oh! C'est ce que vous faites?
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Berthier...
M. Chevrette: Pas moi.
Le Président (M. Bordeleau): ... vous pouvez y aller.
M. Houde: Sans commentaire! M. Chevrette: C'est aussi
bien.
M. Houde: Avez-vous des raisons de croire que les modes
d'affectation que vous proposez dans votre mémoire, M. Barry, telles les
réserves écologiques, les refuges fauniques et les
activités de chasse où serait privilégiée la
vocation sylvicole, ne cadrent pas avec les énoncés de politique
proposés par le gouvernement?
Le Président (M. Bordeleau): M. Barry.
M. Barry: Comme je l'ai mentionné à quelques
reprises, l'énoncé politique du gouvernement peut s'identifier
sous deux formes différentes: le projet de loi article par article
défini avec la communication préparée par le ministre et
le document intitulé Vers une protection des habitats fauniques. C'est
exclusivement par un texte de loi détaillé article par article,
articulé, que nous pouvons nous faire une idée de façon
absolue. Or, nous avons été privés d'un tel document; par
conséquent, nous avons dû nous en tenir à des
généralités, c'est-à-dire établir trois
niveaux d'importance au point de vue du respect de la faune, soit la
création d'aires ou de zones réservées en toute
priorité et à l'exclusion de toute activité aux
espèces en voie d'extinction ou menacées d'extinction et de zones
où on accorderait une certaine préférence à la
faune, mais qui ne serait pas incompatible avec des activités
commerciales. Enfin, la plus grande partie du territoire serait vouée
à une activité commerciale pour autant qu'elle ne serait pas
totalement destructrice pour la faune. On a trois paliers définis qui
tiennent compte du danger ou de l'exploitation désirable de la faune,
parce que l'exploitation de la faune n'est pas nécessairement son
extinction.
M. Bouthillier voudrait peut-être ajouter quelque chose
là-dessus?
M. Bouthillier: II y a aussi, finalement, la proposition
ministérielle qui peut très bien s'ajuster à notre
perception, mais elle peut aussi énormément s'en éloigner.
Ce qui justifie un peu nos craintes, c'est que finalement la notion de
conservation est utilisée fort aléatoirement à
l'intérieur du document du groupe de travail, puisque c'est le seul
document dont on a pu disposer à part la déclaration
ministérielle. À certains moments, on utilise le terme
conservation en disant: On fera de la conservation de la faune par une
préservation. C'est ce que nous avons appelé de la mise en
boîte conservationniste et, à d'autres moments, on utilise le
terme conservation comme étant l'utilisation rationnelle, l'exploitation
rationnelle de la faune. Évidemment, si on parvenait à s'entendre
sur le terme conservation, j'ai l'impression, et les gens de l'ordre de
même, que les intentions ministérielles pourraient très
bien s'accorder avec les remarques contenues dans notre mémoire.
M. Houde: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Berthier.
M. Houde: ... est-ce que vous auriez aimé avoir la brique
qui nous a été remise mardi passé, l'avant-projet de loi
du ministre? Est-ce cela que vous auriez aimé avoir ou bien est-ce autre
chose?
M. Barry: M. le député, c'est assez difficile pour
nous de dire que nous aurions aimé voir quelque chose que nous n'avons
pas vu. Nous ne pouvons pas l'apprécier.
M. Houde: Vous ne l'avez pas encore vu?
Mme Bacon: Le ministre s'est engagé à vous les
remettre. Il va vous les remettre.
M. Barry: Encore hier, nous avons fait une démarche pour
les obtenir et on nous a dit que c'étaient des documents qui
étaient désuets, périmés, qu'il était
inutile pour nous de les avoir. Ce que nous aurions...
M. Chevrette: C'est pour cela qu'on les laisse uniquement
à l'Opposition.
M. Barry: C'est cela.
Mme Bacon: Ce sont quand même les deniers des
contribuables. Il faut qu'il vous en donne une copie.
M. Barry: De toute façon, nous aurions aimé avoir
le document au moment où, dans la Gazette officielle,
c'est-à-dire vers le 21 du mois de juin dernier, on annonçait la
tenue de cette commission parlementaire. C'est à ce moment que nous
aurions aimé
avoir un document complet.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Berthier.
M. Houde: Le ministre a dit ici devant nous la semaine
dernière qu'il vous le ferait parvenir. Par contre, il a peut-être
dit à ses fonctionnaires: Attendez, je ne sais pas ce qui s'est
passé parce qu'il y avait beaucoup de fonctionnaires la semaine
passée ici devant nous autres; ils étaient tous présents.
Il y en a encore plusieurs qui sont ici aujourd'hui et vous n'avez pas encore
eu la brique?
M. Barry: M. le Président, nous ne sommes pas ici pour
faire un procès d'intention ni d'une part ni de l'autre. Peut-être
que ce serait intéressant de le faire, mais ce n'est ni notre intention
ni notre désir. Nous avons simplement voulu expliquer que le
mémoire que nous avons présenté aurait été
plus complet et plus satisfaisant pour tout le monde si nous avions pu nous
référer à des documents. Nous avons tenté de vous
communiquer des idées d'ordre général qui se veulent aussi
complètes que possible. Nous, ingénieurs forestiers, sommes
évidemment très sensibilisés au mot conservation, mais
conservation avec une consonance de mise en valeur et non pas, comme le disait
M. Bouthillier, de mise en boîte, ce qui est totalement différent.
Nous avons des essences forestières très rares, comme le noyer
noir. Il y a quelques arbres ici qui ont été plantés dans
la province de Québec et qui sont vraiment mis en conserve. Par
ailleurs, nos notions de conservation de la forêt impliquent une
exploitation rationnelle pour la conservation et même l'augmentation du
patrimoine, pas son gel. C'est dans cet esprit que nous présentons nos
remarques.
M. Houde: M. Barry, M. Côté, M. Bouthillier,
merci.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Chevrette: M. le Président, tout d'abord, je dois dire
que c'est vrai que ce sont des documents de travail qui sont passablement
périmés, mais vous les aurez quand même
immédiatement après.
M. Barry: Ce sera post mortem, mais nous apprécierons
beaucoup.
M. Chevrette: Je peux vous dire une chose, c'est que j'ai pris
l'engagement de reconsulter lorsqu'on déposera le projet de loi et vous
serez sans doute appelés à revenir devant nous à partir du
projet de loi lui-même.
M. Barry: Bravo, M. le ministre, nous serons à votre
disposition.
M. Chevrette: Je l'ai fait avant même que l'Opposition ne
me le demande.
M. Barry: Merci.
M. Chevrette: Mais les documents déphasés, je les
lui laisse.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Barry, M.
Bouthillier ainsi que M. Côté.
Avant d'entendre un nouveau mémoire, on me demande - et je pense
avoir le consentement des membres - de suspendre la séance cinq minutes.
M. le ministre est un peu occupé à l'extérieur.
La commission suspend ses travaux cinq minutes.
(Suspension de la séance à Il heures)
(Reprise de la séance à 11 h 11)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, messieurs!
La commission reprend ses travaux pour entendre cette fois la
Société de gestion du saumon de la rivière
Cascapédia.
Je demanderais au représentant de ce groupe de se
présenter. C'est le mémoire no 40.
Avant de procéder à l'audition de ce mémoire, j'ai
reçu une demande tantôt de la Société canadienne
protectrice des animaux pour être entendue immédiatement
après ce mémoire-ci parce qu'elle a un train à prendre
pour Montréal assez tôt cet après-midi. Comme il semble
qu'il y avait consentement chez les membres, on entendra tantôt...
M. Chevrette: Avant qu'on ne commence...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, vous allez me
laisser finir...
M. Chevrette: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): Une personne à la
fois. Nous entendrons donc la Société canadienne protectrice des
animaux, qui n'a pas de mémoire, simplement après celui-ci.
M. le ministre, vous pouvez y aller.
M. Chevrette: Est-ce qu'on a une copie du mémoire de
monsieur?
M. Bujold (Jean-Marie): J'avais fait parvenir la semaine
passée au secrétaire de la commission une copie du mémoire
par courrier.
Le Président (M. Bordeleau): J'en ai un exemplaire. Il
manque peut-être des copies, mais il est arrivé. Si vous voulez
vous présenter, monsieur, ainsi que les personnes qui sont avec vous, et
procéder à la présentation de votre mémoire.
Société de gestion du saumon de la
rivière Cascapédia
M. Bujold: M. le Président, M. le ministre, messieurs, je
suis Jean-Marie Bujold, président de la Société de gestion
du saumon de la rivière Cascapédia; M. Bernard
Jérôme, vice-président, et M. Warren Gilker, directeur,
m'accompagnent.
La Société de gestion du saumon de la rivière
Cascapédia Inc. est heureuse de se présenter devant vous afin
d'apporter quelques suggestions à l'occasion de cette consultation sur
les intentions du ministère en regard de la modification de la Loi sur
la conservation de la faune.
Notre expérience d'une année, à la suite d'une
entente signée avec le ministère pour l'administration et la
gestion de la pêche sur la rivière Grande Cascapédia, nous
amène à vous faire trois recommandations.
Comme la réserve faunique est établie sur tout le parcours
de la Grande Cascapédia y incluant les propriétaires
privés, nous croyons que la loi devrait prévoir que ces derniers
aient la possibilité de jouir de leur droit d'une façon absolue,
tout en ayant des ententes avec le ministère ou la société
qui en a la gestion. Il est important que les propriétaires aient le
droit de pouvoir céder leur propriété, incluant les trois
chaînes, soit à titre gratuit, ou par vente, à des tiers,
sans que le ministère puisse se prévaloir de son droit de
préemption pour acquérir une partie du terrain ou de certains
droits. Nous recommandons également qu'ils puissent les céder
à leurs descendants par testament et sans restriction et, de plus, qu'en
cas de vente, il n'y ait pas de partage de propriété pour exclure
les trois chaînes.
Nous tenons à souligner en deuxième lieu l'importance
d'impliquer dans les ententes les organismes privés et publics du
milieu, ainsi que les individus habitant dans le milieu immédiat et non
seulement les usagers.
Enfin, nous aimerions également que la loi puisse prévoir
une entente entre les associations qui ont des pouvoirs de gestion de la faune
et le ministère, relativement au prêt d'agents occasionnels de la
conservation de la faune.
Voilà, M. le ministre, notre mémoire où se
retrouvent les points que nous voulions souligner à votre
commission.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Bujold.
M. le ministre.
M. Chevrette: Avez-vous l'impression que vous ne pouvez pas
donner aux descendants présentement?
M. Bujold: Lors de la mise en place de notre
société, il y a eu de fortes discussions même entre des
conseillers juridiques, sur les droits et les pouvoirs des
propriétaires. Beaucoup avaient l'impression qu'avec la réserve
faunique, les propriétaires étaient exclus de leurs droits. (11 h
15)
M. Chevrette: Mais la réserve, telle que je l'ai comprise,
vous n'auriez pas le droit de la vendre. Vous seriez obligés de nous
l'offrir d'abord, en priorité...
M. Bujold: C'est cela.
M. Chevrette: ... si j'ai bien compris. Mais pour ce qui est de
léguer à vos fils par testament ou d'une autre façon, vous
en avez le droit en tout temps.
M. Bujold: II y a eu un avis à un moment donné qui
semble contraire à ce que vous exprimez. Ce n'était pas
clair...
M. Chevrette: En tout cas, en ce qui concerne le MLCP, nos
conseillers juridiques nous disent que c'est dans le cas d'une vente que vous
seriez obligés de l'offrir prioritairement. C'est le droit de
préemption, je pense, qui consiste à offrir prioritairement au
ministère vos terrains. En ce qui regarde le reste, je pense que vos
craintes, selon nos conseillers juridiques, ne sont pas fondées.
M. Bujold: D'accord.
M. Chevrette: D'accord? Est-ce votre association qui a une
entente avec un pourvoyeur sur la même rivière?
M. Bujold: C'est que l'entente sur la rivière Grande
Cascapédia est mixte...
M. Chevrette: Avec la réserve de Maria?
M. Bujold: ... avec la réserve indienne de Maria, avec les
anciens membres exploitants et avec les habitants du milieu, soit de
Saint-Jules et de Grande Cascapédia. C'est une nouvelle
expérience.
M. Chevrette: Et une expérience qui va bien?
M. Bujold: Pour la première année
d'opération, réellement, cela a dépassé nos
espérances, parce qu'on faisait face à plusieurs problèmes
avant de commencer. Le résultat de la première
année...
M. Chevrette: II y a un groupe qui est
venu témoigner devant nous, qui nous disait qu'on devrait
autoriser à nouveau la pêche commerciale au saumon, avec un nombre
réduit cependant, et qu'on devrait tenir les gens éloignés
de deux kilomètres, je crois, de l'embouchure des rivières.
Qu'est-ce que vous dites de cela?
M. Bujold: C'est sûr que la pêche commerciale, pour
la première année, a créé certains
problèmes. Mais, à notre avis, ce qu'on appelle les prises
"occasionnelles"...
M. Chevrette: ... accidentelles...
M. Bujold: ... accidentelles, sont plus graves que celles que
font les pêcheurs commerciaux.
M. Chevrette: Quelle recette suggéreriez-vous au ministre
pour régler la question des prises accidentelles?
M. Bujold: Dans notre cas, M. le ministre, nous ferions la
suggestion de nous donner la protection, comme on fait la protection de la
rivière, jusqu'où il y a des possibilités de prises. Qu'on
ait le pouvoir d'aller lever les filets et de renvoyer même les bateaux
qu'on voit facilement.
M. Chevrette: Alors, vous seriez prêts à accepter
une délégation de pouvoirs?
M. Bujold: Certainement.
M. Chevrette: Qu'est-ce que vous pensez de l'étiquetage
qui nous est suggéré par un grand nombre de Gaspésiens, en
particulier?
M. Bujold: Vous savez, M. le ministre, l'expérience
après une première année, et on le mentionne dans le
mémoire, de ne pas impliquer seulement les usagers, parce que lorsque
nous sommes seulement des usagers, notre opinion peut être
influencée par notre intérêt personnel. Comme je l'ai
déclaré maintes fois cet été, dans la
société qu'on a mise en place il y avait beaucoup de gens
intéressés et beaucoup de gens impliqués. Notre
décision a été celle de penser à l'ensemble des
gens. Les pêcheurs commerciaux, plusieurs ont parlé contre.
À votre question, je n'ai pas répondu qu'il fallait les
éliminer...
M. Chevrette: J'ai remarqué cela.
M. Bujold: Je n'ai pas tous les renseignements voulus pour savoir
s'il faudrait les éliminer. Il y a peut-être un facteur. Comme je
vous l'ai dit, on pourrait les éloigner de l'embouchure. Quant à
l'étiquetage, c'est certainement un point très important pour
éliminer le braconnage. C'est sûr, parce que même avec
l'amélioration de la protection, nous savons qu'il y aura encore du
braconnage.
M. Chevrette: Vous savez que j'ai annoncé que je projetais
de rouvrir la pêche commerciale en 1983. Dans un même élan,
je disais qu'il faudrait négocier certains quotas pour la pêche
commerciale. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette orientation?
M. Bujold: Certainement qu'il faut avoir un quota, parce que si
on veut maintenir une pêche de qualité pour les pêcheurs
sportifs, si on veut conserver la pêche au saumon, il faut imposer des
quotas. Je vais vous donner le plus bel exemple. La rivière Grande
Cascapédia est censée être une des meilleures
rivières à saumon au Québec. Qu'on le veuille ou non, il
ne monte pas 10 000 et 20 000 saumons dans cette rivière. Quand il en
monte 2500 à 3000, si on essaie de faire pêcher tous les
Québécois sur la rivière, il n'y aura pas plus de saumon.
C'est la même chose pour les pêcheurs commerciaux. Si on met trop
de filets, il n'y a qu'une certaine quantité de saumons; il faut mettre
des quotas, autrement, on ruinera tout notre saumon.
M. Chevrette: Je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Il n'y
a pas d'autres questions?
Je vous remercie, M. Bujold, ainsi que les personnes qui sont avec vous,
d'avoir présenté votre document à la commission.
M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup. Bonne deuxième
saison.
Le Président (M. Bordeleau): Comme je l'ai indiqué
tantôt, nous procéderons immédiatement à l'audition
du mémoire, qui est verbal, de la Société canadienne
protectrice des animaux. C'était le mémoire no 43, mais il n'y a
pas de document écrit. M. Welly Deshaies est le porte-parole de la
société. C'est à vous, M. Deshaies.
Société canadienne protectrice des
animaux
M. Deshaies (Welly): Merci, M. le Président et M. le
ministre. Mes amitiés à tous les membres de la commission
parlementaire.
D'abord, je ne suis pas le président de la Société
canadienne protectrice des animaux, mais son porte-parole. Ma qualité
première au sein de cette société est celle
d'inspecteur-chef.
Notre société existe depuis 1869. C'est quasiment plus
vieux que tous et chacun d'entre nous, même si on double notre âge.
Nous avons dans la province sept filiales qui
sont directement rattachées à nous, sans compter quatre ou
cinq autres sociétés qui ne sont pas affiliées à la
société mère. Nous comptons à l'intérieur de
la Société canadienne protectrice des animaux plus de 10 000
membres actifs qui ont une carte de membre. On sait ce qu'est la carte de
membre d'un organisme quelconque.
Tout d'abord une petite mise au point dès le début. Notre
société n'a rien contre la chasse, n'a rien contre les chasseurs,
pour autant que cela est fait sans cruauté. Notre but est de
prévenir la cruauté envers les oiseaux et les animaux, qu'ils
soient du petit, du moyen ou du gros gibier sous toutes ses formes.
Comme nous le savons, et les statistiques sont là pour le prouver
ainsi que de nombreux écrits, il y a énormément de
cruauté envers les animaux et elle est inutile. Souvent nous posons la
question: Pourquoi faire souffrir inutilement?
Je pense que notre société, dans le but précis de
prévenir cette cruauté envers les animaux, mis à part des
articles du Code criminel canadien qui sont notre seule arme actuellement,
demande trois choses particulières. Nous réclamons tout d'abord
que les chasseurs, qu'ils se servent d'un arc, d'une arbalète, de
flèches, d'une carabine ou d'un fusil, subissent une épreuve de
compétence, en d'autres mots, qu'ils sachent manier l'arme qu'ils ont
entre leurs mains. J'entends par épreuve de compétence une
épreuve d'efficacité.
Par exemple, dans le cas du tir, même si tout le monde n'a pas
suivi un cours militaire de façon à tuer l'ennemi, il faut
posséder au moins ce que nous appelons les règles de l'art, soit
comment tenir son fusil, comment tenir son arc, comment viser. À ce
sujet, soit dit en passant, il y en a beaucoup à qui on met un
périscope, avec un pouvoir de peut-être 200 ou 300 verges
d'efficacité, sur leur carabine, et qui se sentent totalement à
l'aise de faire feu sur un aimai à 300, 400, 500 ou 600 verges.
Nous demandons aussi qu'on fasse tout en son pouvoir pour mettre
immédiatement fin aux jours de l'animal blessé de façon
qu'il ne souffre pas inutilement.
Nous demandons aussi, et c'est notre dernière demande, que les
personnes qui font du piégeage se servent de méthodes beaucoup
plus modernes que le fameux attrape-jambe. On connaît les souffrances
atroces qu'ont à subir certains animaux lorsqu'ils sont pris par une
jambe et ont à subir le sort d'attendre la mort pendant des jours,
quelquefois une dizaine de jours.
En dernier lieu, la Société canadienne protectrice des
animaux vous offre toute la collaboration que vous désirez pour parvenir
à nos fins. Nous demandons aux chasseurs et pêcheurs d'avoir
beaucoup de respect pour un sport qu'ils veulent bien pratiquer, mais, de
grâce, pas au détriment de la souffrance de l'animal. Merci, M. le
Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Deshaies. Est-ce
qu'il y a des commentaires ou des questions? M. le ministre.
M. Chevrette: Oui. Tout d'abord, vous savez qu'il y a eu un
comité national sur le piégeage humanitaire. Cette année,
nous devrions rendre publiques les conclusions des travaux de ce comité.
Cela vous permettra, en tout cas, de nous faire vos commentaires par la
suite.
Deuxièmement, je remarque que vous insistez beaucoup sur les
cours de maniement d'armes puisque vous parlez d'efficacité. Comment
voyez-vous cela en tant que politique gouvernementale? Est-ce qu'avant
d'émettre un permis de chasse, il faudrait qu'il y ait un cours formel
de suivi, un cours à la fois théorique et pratique?
M. Deshaies: Si...
M. Chevrette: Allez-y!
M. Deshaies: Oui, effectivement, lorsqu'on parle
d'efficacité et de preuve de compétence, il va de soi que,
préalablement à cette épreuve de compétence, il
faudra que quelqu'un ait pris des cours pour savoir comment manier son arme,
son arc ou son arbalète. Ce n'est pas une question d'aller au magasin
une heure avant la chasse, de se procurer un permis et de se dire chasseur.
Nous croyons que c'est nettement insuffisant. Il y a de nombreux organismes qui
sont prêts et qui ont les moyens de fournir ces cours. Il va sans dire
que si quelqu'un sait tirer, il y a 90 chances sur 100 que le premier coup soit
fatal et qu'il ne blesse pas l'animal.
Je comprends les implications. Il y a, je ne sais pas, peut-être
500 000 ou 600 000 chasseurs au Québec. Ce serait peut-être une
façon, encore une fois, d'éliminer de ce grand groupe les gens
qui ne savent pas se servir de leur arme. Je crois que c'est facile à
l'intérieur des possibilités du ministère.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Chevrette: Est-ce que vous êtes au courant du contenu du
cours de la Fédération québécoise de la faune?
M. Deshaies: Oui, nous sommes au courant.
M. Chevrette: Si je vous demandais d'en faire la critique,
qu'est-ce que vous me diriez?
M. Deshaies: Je crois que,
malheureusement, pour autant que cela concerne la société,
ce cours est un cours qui vise à la sécurité individuelle
et non à la sécurité de l'animal. Le cours n'enseigne pas
à l'individu comment tirer et où tirer l'animal. On lui dit,
d'une façon globale, qu'il doit viser une partie vitale. Mais de
là à savoir comment viser cette partie vitale! À la suite
des nombreuses conversations que j'ai eues avec des agents de la faune, la
majorité des chasseurs - je pèse bien mes mots quand je le dis -
ne savent pas qu'il existe deux pressions sur une gâchette. Est-ce que
cela répond à votre question?
M. Chevrette: Oui, cela répond. Je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Charlevoix.
M. Mailloux: M. le Président, je pense que les buts que
poursuit l'association que représente M. Deshaies sont louables. C'est
une question bête que je voulais vous poser. Vous parlez des animaux.
J'imagine que vous ne parlez pas du poisson. Vous parlez simplement des
animaux.
M. Deshaies: Des animaux et des oiseaux. Nous excluons le
poisson.
M. Mailloux: Comme, évidemment, il y a des morts atroces
chez les poissons, je me demandais de quelle façon on pouvait les
empêcher de tant souffrir quand je vois de l'anguille qui est rendue dans
le poêlon et qui grouille encore. Ce n'est pas facile, d'un poisson
à l'autre, de voir de quelle façon il va mourir.
M. Deshaies: Vous savez que dans le terme global du Code criminel
canadien le poisson est un animal.
M. Mailloux: C'est pour cela que je posais la question.
M. Deshaies: II nous est arrivé d'avoir des plaintes
concernant la pêche et nous conseillons aux gens d'assommer le poisson
immédiatement après la prise.
M. Mailloux: Êtes-vous capable d'assommer une anguille?
M. Deshaies: Nous savons aussi que pour d'autres sortes de
poissons, dès qu'ils manquent d'oxygène, la mort s'ensuit
immédiatement. C'est un court laps de temps comparativement à
celui qui prévaut dans le cas des animaux et des oiseaux autres que les
poissons.
M. Mailloux: À la pêche hauturière, on va
avoir de la misère à les assommer tous.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: J'aurais une question. Est-ce que vous vous opposez
à la chasse? (11 h 30)
M. Deshaies: Non. Je l'ai dit tout à l'heure dans mon
intervention, nous n'avons rien contre les chasseurs, nous n'avons rien contre
la chasse, comme nous n'avons rien contre les abattoirs, pour autant que c'est
fait de façon humaine, si je peux employer cette expression.
Mme Bacon: J'ai toujours eu l'impression que l'information qu'on
recevait de votre groupement démontrait que vous vous opposiez
entièrement à la chasse. Vous n'avez jamais émis de
l'information, vous ou votre société...
M. Deshaies: Comme nous le disons, la meilleure chasse est encore
faite à l'aide d'un appareil photographique.
Mme Bacon: Bon, c'est cela. Vous avez déjà
émis de l'information, chez votre groupement, pour vous opposer à
la chasse.
M. Deshaies: Globalement parlant, oui. Par contre, nous
comprenons que la chasse est là depuis longtemps, bien avant nous, et
elle existera encore demain et bien après nous. C'est pour cela que nous
préconisons que, pour autant qu'elle est faite de façon humaine
et sans cruauté, nous ne pouvons pas nous y opposer d'une façon
catégorique.
Mme Bacon: J'ai une deuxième question, s'il vous
plaît! Vous parlez de méthodes modernes de piégeage.
Avez-vous à l'esprit certaines nouvelles méthodes qui n'auraient
pas été expérimentées jusqu'à maintenant?
Vous parlez toujours de la cruauté envers les animaux qui fait qu'ils
souffrent davantage quand les méthodes sont assez rudimentaires. Quelles
seraient ces méthodes modernes? Est-ce à des nouvelles
méthodes que vous vous référez?
M. Deshaies: Oui, il y a de nouveaux pièges sur le
marché, dont l'expérimentation est maintenant faite, et qui sont
reconnus pour mettre à mort l'animal dans l'espace de trois à
cinq minutes.
Mme Bacon: Immédiatement. M. Deshaies:
Immédiatement. Mme Bacon: C'est sur le marché?
M. Deshaies: C'est sur le marché à l'heure
actuelle. Ils sont beaucoup plus dispendieux, malheureusement, que les fameux
pièges attrape-jambe.
Mme Bacon: Est-ce que vous en informez vos membres ou la
population, toujours dans un but de protection accrue contre la cruauté
envers les animaux? Est-ce que vous faites de l'information à ce
sujet?
M. Deshaies: Oui, nous distribuons de nombreux communiqués
de presse. En plus, notre journal Le Courrier renseigne les gens sur les
nouveaux pièges disponibles.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Je vous remercie, M.
Deshaies, de vous être présenté devant notre
commission.
J'appelle maintenant l'Association provinciale des trappeurs
indépendants Inc., qui devrait être représentée par
M. Roger de Denus. Je présume que vous êtes M. de Denus.
M. de Denus (Roger): Oui, mon nom est Roger de Denus, je suis
président de l'Association provinciale des trappeurs
indépendants.
Le Président (M. Bordeleau): Vous pouvez y aller, M. de
Denus.
Association provinciale des trappeurs
indépendants
M. de Denus: Merci, M. le Président. Depuis quelques
années, de nombreux changements sont survenus dans la vie des trappeurs
au Québec. Un des plus importants est l'attitude du ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche à l'égard du
piégeage des animaux à fourrure. Depuis longtemps
négligée, cette activité était méconnue de
tous ou de nombreux mythes défavorables ou négatifs
étaient entretenus. Les trappeurs déploraient l'attitude de
certains agents de conservation qui semblaient penser que leur rôle
était de protéger les castors contre l'avidité des
trappeurs. À la suite d'une enquête en 1979, nous connaissons
beaucoup mieux le portrait du trappeur et les hauts fonctionnaires du
ministère nous reprochent maintenant de sous-exploiter cette richesse.
On avance le chiffre de 46% comme augmentation globale possible. Les quotas de
capture sur les terrains enregistrés ont été
augmentés et les chiffres maximaux sont devenus des quotas minimaux.
Nous considérons que l'aménagement de la faune est d'abord
l'aménagement des exploitants de la faune. Les lois régissant les
agissements des exploitants des animaux à fourrure doivent donc
être basées sur des faits scientifiques exacts. Malheureusement,
les statistiques au Québec se limitent à des résultats de
capture et nous manquons de données pour évaluer la
qualité de la santé des populations et même d'inventaires
sur la plupart des espèces. Nous souhaitons que se multiplient les
projets de recherche entrepris depuis quelques années, il y a tellement
à savoir.
Nous constatons que les trappeurs blancs produisent 84% de la
récolte annuelle des animaux à fourrure au Québec et que
les Amérindiens n'en produisent que 16%. Ce qui surprend, c'est que les
trappeurs blancs ne peuvent exploiter que 20% du territoire de la province, le
reste étant réservé exclusivement aux Amérindiens.
Nous sommes d'avis qu'il est temps que le ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche révise sa politique de distribution de
droits de piégeage. Plusieurs jugent très injuste que de grands
territoires restent inexploités, surtout quand un grand nombre de
trappeurs doivent entrer en concurrence pour avoir des territoires de trappage.
Nous constatons aussi qu'une grande partie du Québec en matière
de piégeage est intitulée: Zone non organisée. La
majorité des terres privées au Québec sont dans cette zone
et il nous semble que, si le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche aménage les espèces sportives, il se doit
également d'aménager les treize espèces d'animaux à
fourrure qui s'y trouvent. Présentement, le contrôle de la capture
se limite à certaines dates des saisons et s'étale sur six
à huit mois de l'année selon les espèces. Le seul
véritable contrôle est l'esprit de conservation et le bon jugement
des trappeurs. Heureusement, les trappeurs ont démontré leur
objectivité et, depuis 37 ans que le ministère garde des
statistiques de capture, les chiffres démontrent que les trappeurs ont
rarement exagéré même dans les années où la
fourrure rapportait à des prix très alléchants. Il est
réconfortant de constater que, sauf dans les cas où l'habitat a
été modifié ou détruit, il n'y a aucune
espèce d'animal à fourrure en voie ou en danger de disparition au
Québec, malgré les affirmations de certains.
L'association est d'accord d'abolir l'article 37 de la loi qui concerne
la présomption d'illégalité. Les articles 35 et 36
expliquent bien qu'il est illégal de faire le commerce pour un trappeur
de peaux de fourrure brutes en dehors du Québec. Nous ne discuterons pas
ici du bien-fondé de priver les trappeurs du Québec de vendre
leurs fourrures là où ils croient obtenir le meilleur prix. Si le
ministère a vraiment l'intention de nous empêcher
d'expédier nos fourrures aux maisons d'enchères publiques et sur
le marché international en Ontario, on se demande ce que vient faire
l'article 38 dans la loi.
L'article 38 dit: Les dispositions des articles 35 à 37 ne
s'appliquent pas à la vente par un résident du produit de sa
propre chasse. Alors, on a le droit ou non d'expédier nos fourrures en
Ontario, nous, les trappeurs, après avoir payé les redevances
à
la province de Québec. Il est important d'éclaircir cette
ambiguïté.
Il nous apparaît très important de faire la
différence entre la chasse dite sportive et l'activité
économique qu'est le piégeage. Une récente consultation
concernant un avant-projet de loi sur le trappage au Québec nous
démontre clairement que le trappeur ne piège pas pour le loisir
et il est important de différencier ces deux activités. Nous
sommes naturellement d'accord qu'une tierce personne puisse intervenir pour la
protection des biens d'une personne victime des ravages d'animaux sauvages.
Nous savons que la majorité des gens ne sont pas en mesure de se
protéger contre un ours noir qui fait des ravages. Nombreux sont ceux
qui ont eu besoin d'un trappeur pour se débarrasser d'une colonie de
castors qui causent des inondations. Il y a aussi les ratons laveurs qui
causent des dommages considérables aux récoltes sans parler des
petites bêtes noires décorées de deux lignes blanches sur
le dos.
Notre association propose de prendre entente avec les
propriétaires intéressés afin d'établir un plan
d'exploitation des animaux à fourrure sur leur propriété
privée. Ce système aurait l'avantage d'assurer
l'exclusivité des territoires aux exploitants. Nous aimerions même
explorer les conséquences de rendre obligatoire une permission
écrite d'un propriétaire comme condition à l'obtention
d'un permis de piégeage. Comment pouvons-nous accorder un permis de
piégeage à une personne quand elle n'a pas d'endroit où
piéger?
Nous sommes aussi d'accord qu'il soit permis d'utiliser les restes
d'animaux comme appâts pour capturer les animaux à fourrure, mais
toujours sans permettre que la chair comestible soit gaspillée dans
l'intention d'en faire un tel usage. Nous sommes aussi d'accord avec tout
changement dans la loi qui aurait pour objet de rendre l'activité du
piégeage le plus humanitaire possible. Nous recommandons que soit aboli
le piège à pattes conventionnel pour l'ours noir. Notre
association recommande un nouveau collet à puissance mécanique et
le collet mortel pour capturer l'ours noir. Nous sommes aussi d'avis que
l'utilisation de boîtes en treillis métallique fabriquées
de façon à emprisonner les rats musqués sous l'eau
constituent une méthode humanitaire très efficace pour capturer
les rats musqués. Ces boîtes sont utilisées ailleurs avec
succès mais nous sont malheureusement interdites.
Nous utilisons présentement les méthodes les plus
humanitaires possible et sommes toujours à la recherche de meilleurs
systèmes de capture. S'il doit y avoir des changements dans la Loi sur
la conservation de la faune concernant les méthodes de piégeage,
nous vous assurons de notre ferme intention de collaborer de toutes les
façons que nous le pourrons.
Nous vous remercions de l'occasion qui nous a été
donnée de présenter notre point de vue et souhaitons avant tout
que l'exploitation des animaux à fourrure au Québec se fasse de
manière à assurer une récolte continue de cette richesse
naturelle renouvelable que sont les animaux à fourrure.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. de Denus. M. le
ministre.
M. Chevrette: Tout d'abord, je voudrais vous remercier et
remercier votre organisme puisque, si mes renseignements sont exacts, cela fait
au moins deux ans que vous travaillez en étroite collaboration avec nos
fonctionnaires pour tâcher de produire un document de travail qui irait
dans le sens de vos orientations. J'en profite aussi pour vous dire qu'il y a
des suggestions dans votre mémoire qui sont passablement
intéressantes, en particulier sur la protection contre les ravages
d'animaux sauvages. Je pense que c'est intéressant à regarder et
à appliquer.
En regard des treillis métalliques, est-il exact que cela peut
avoir des répercussions sur la prise de canard et de poisson?
M. de Denus: C'est exact, mais d'après les études
effectuées en Ontario, les prises de poisson sont minimes à
l'automne. Il est vrai que si ces boîtes en treillis métallique
sont utilisées lors de la fraie au printemps, il y a des captures de
poisson, mais celles-ci peuvent être évitées par un
emplacement choisi des treillis et aussi, nécessairement, en fonction de
la saison; en les utilisant l'automne plutôt que le printemps, on
élimine ces accidents.
M. Chevrette: Vous parlez également du territoire. Il est
vrai que nous sommes confrontés au fait suivant: sur 80% du territoire,
il se produit environ 15% de l'ensemble de la cueillette, alors que, sur 20% du
territoire, on prend 85% de la cueillette. Vous savez pertinemment que c'est un
problème fort contentieux et litigieux puisque cela relève de la
négociation même avec les Amérindiens. La
négociation ou l'entente prime sur toute loi comme telle. Je suis
sensible à ce que vous dites, sauf qu'il faut bien comprendre que ce
n'est pas au MLCP que cette négociation se fait, même si on est
présent à la table du SAGMAI. On fera sûrement valoir nos
points de vue. C'est d'une évidence totale. Cela saute aux yeux. Les
chiffres ne mentent pas.
Il y a une question que j'aimerais vous poser. Pourriez-vous
préciser ce que vous voulez dire, quand vous écrivez "priver les
trappeurs du Québec de vendre leurs fourrures où ils croient
obtenir le meilleur prix"?
Le Président (M. Bordeleau): M. de Denus.
M. de Denus: Ce qui arrive, c'est que le marché de la
fourrure est un peu complexe. Je n'entrerai pas dans tous les détails,
mais il est présentement défendu à un trappeur
d'expédier ses fourrures hors du Québec. C'est nécessaire
à cause du contrôle des droits régaliens. Malheureusement,
cela nous force à transiger avec un commerçant de fourrures. Le
fait d'avoir à transiger avec un acheteur occasionne automatiquement des
frais pour pouvoir acheminer nos peaux en dehors du Québec. Il y a des
marchés de fourrure locaux qui sont disponibles, mais plusieurs croient
que le marché international est plus favorable et qu'il est avantageux
pour un trappeur d'expédier directement aux encans. Présentement,
ce n'est pas possible de le faire sans passer par un acheteur de fourrures, ce
qui occasionne des frais.
M. Chevrette: Ne pouvez-vous pas obtenir un permis d'exportation
par l'entremise des agents de conservation?
M. de Denus: Non. Il est impossible pour un trappeur de le faire.
Il est possible pour un commerçant de le faire, mais il est impossible
pour un trappeur de le faire, à moins de devenir commerçant. Il
en coûte 200 $ pour une permis de commerçant. Les trappeurs ne
veulent pas tous devenir des commerçants de fourrures.
Présentement, il est impossible pour un trappeur d'expédier ses
fourrures en dehors du Québec.
M. Chevrette: II y aura lieu d'organiser une rencontre, parce que
mes conseillers me disent qu'il est possible d'obtenir un permis
d'exportation...
M. de Denus: Pour un commerçant de fourrures.
M. Chevrette: ... de sorte qu'il faudrait peut-être
susciter une rencontre, non seulement pour le commerçant, mais pour le
trappeur lui-même.
M. de Denus: Bon! Cette position renverse toutes les opinions
populaires. Si c'est le cas, on le fera savoir.
M. Chevrette: Regardez l'article de la loi. Je vous le lis
purement et simplement: "II est interdit à toute personne
d'expédier des peaux de fourrure à l'état brut en dehors
du Québec, sauf si elle détient - et là, vous avez raison
- un permis de commerçant de fourrures et un permis d'exportation
émis par un agent de la conservation ou d'un inspecteur."
M. de Denus: Je pense que c'est clair...
M. Chevrette: Vous prenez le "et" dans le sens des deux. Nous
l'interprétons différemment, de sorte qu'on va se rencontrer et
s'expliquer.
M. de Denus: II y a des commerçants ontariens qui vont
être surpris et peut-être satisfaits.
M. Chevrette: J'espère que les exportateurs
québécois vont l'être aussi.
M. de Denus: J'imagine.
M. Chevrette: Je le suppose.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. Au début de votre
mémoire, vous dites que les quotas de captures sur les terrains
enregistrés ont été augmentés et que les chiffres
maximaux sont devenus des chiffres minimaux. Croyez-vous que le MLCP doive
relever ce plancher pour satisfaire à la demande des trappeurs? (11 h
45)
M. de Denus: Je comprends mal votre question. Vous voulez
réviser les quotas?
M. Houde: Je vais me reprendre plus lentement. Au début de
votre mémoire, on dit que les quotas de captures sur les terrains
enregistrés ont été augmentés et les chiffres
maximaux sont devenus minimaux, c'est-à-dire qu'à un moment
donné ils sont devenus moindres. Croyez-vous que le MLCP doive relever
ce plancher pour satisfaire à la demande des trappeurs?
M. de Denus: Je voudrais vous expliquer que les quotas en
question sont des quotas attribués à des individus.
L'augmentation des quotas affecte les individus mais pas l'ensemble des
trappeurs. Auparavant, on avait l'habitude de dire qu'il fallait
protéger les castors. On gardait les quotas au minimum pour être
certain de conserver ces animaux. À la lumière de recherches, on
s'est aperçu qu'il y avait lieu d'exploiter plus. Ces quotas qui
étaient limités à un point maximal ont été
augmentés. En plus d'avoir été augmentés, on a
ajouté une clause disant qu'un trappeur ne devait pas dépasser
son maximum, mais qu'il devait atteindre 75% de son quota, donc un quota
minimal. Les chiffres sont renversés. Autant on empêchait les
trappeurs de trapper, maintenant, on les force à trapper plus.
M. Houde: D'accord. Ma deuxième question; Lorsque vous
parlez de concurrence entre les trappeurs, à la page 2, au premier
paragraphe, entendez-vous par là un coin particulier du Québec ou
cette concurrence se retrouve-t-elle un peu partout?
M. de Denus: La concurrence se retrouve un peu partout, mais pour
différentes modalités de piégeage. Dans les régions
où il y a des terrains enregistrés, la concurrence se fait pour
les terrains enregistrés. Malheureusement, ce système qu'on juge
le meilleur n'est pas applicable partout. Si on pense que la majorité
des trappeurs se trouvent dans la partie sud du Québec, s'il y a 20 000
trappeurs dans cette région, ce sont toutes des terres privées,
il est impossible de créer des terrains enregistrés. Les
trappeurs se cherchent des places pour trapper. Il y a beaucoup de monde et
moins de places.
M. Houde: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Charlevoix.
M. Mailloux: M. le Président, durant une journée
complète la semaine passée, on a entendu tous les groupes
d'Amérindiens qui sont venus blâmer le ministère et le
gouvernement de voir l'ensemble d'un territoire, dont il disait qu'il leur
appartenait en propre comme peuple fondateur, être soumis à la
pression des blancs. Je fais référence ici à un article
qui a paru dans le Progrès-Dimanche où les trappeurs partent en
guerre. Vous mentionnez que l'ensemble des réserves à castor
créées entre 1930 et 1955 représentent 80% du territoire
du Québec et sont mises à la disposition de 2500
Amérindiens qui récoltent 15%. Vous dites que le reste du
territoire, 20%, est disponible pour 24 000 blancs. La plupart de ces
réserves... Je m'aperçois que ce sont des associations qui
viennent du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Vous êtes bornés d'un
côté par le parc où il n'y a pas de trappage possible, le
parc des Laurentides... Il semblerait que dans le coin de Chibougamau ce sont
également des territoires qui sont concédés aux Indiens.
Plus au nord, c'est quoi? La réserve de Bersimis...
M. de Denus: ... castors...
M. Mailloux: Près de Bersimis ou dans ce coin, dans le
comté de Saguenay?
M. de Denus: Non, je ne crois pas. Les trappeurs du
Lac-Saint-Jean sont entourés au sud par la réserve faunique des
Laurentides et par le parc Chibougamau, les réserves à castor, au
nord.
M. Mailloux: Ailleurs, dans la province, existe-t-il des
réserves à castor? Je ne sais pas si le ministre...
M. de Denus: Oui. Les réserves à castor se situent
généralement dans la partie nord de la province.
M. Mailloux: La partie nord, oui. Mais je pense bien que ce n'est
pas à vous que je devrais poser la question, parce que le ministre et
ses fonctionnaires croient que les doléances traduites par la presse
méritent...
M. Chevrette: J'ai des chiffres précis, M. le
député de Charlevoix. Pour 2800 autochtones, il y a 1 274 000
kilomètres carrés, soit 79,3% du territoire du Québec,
effectivement. Le reste est pour 24 000 trappeurs environ, les 20% environ, et
cela inclut le territoire de la Baie James.
M. Mailloux: Ce qui veut dire, au moment où le
gouvernement ferait accueil à la demande de l'Association des trappeurs,
dans la partie nord de la province, que c'est une autre guerre qu'entreprend le
gouvernement contre les Amérindiens et les droits que ceux-ci
prétendent posséder sur le territoire.
M. Chevrette: C'est pour ça que j'ai dit tout à
l'heure que ce n'était pas au niveau du MLCP que cela se
négociait, mais bien au niveau de l'entente SAGMAI, CAM et tout le
groupe. Mais les chiffres sont éloquents. Monsieur a raison d'affirmer
que c'est disproportionné en termes de territoire par rapport au nombre
de prises. 20% du territoire donnent 85% des prises et 80% du territoire
donnent 15% de prises. Le potentiel, cependant, peut être plus faible. Il
faut faire attention, quand on lance des chiffres, parce que, dans certains
territoires, on peut avoir un très faible potentiel par rapport à
celui qui est plus au sud.
Le Président (M. Bordeleau}: M. le député de
Charlevoix.
M. Mailloux: Quand on parle de réserves de castor, est-ce
que vous faites référence aussi à d'autres sortes
d'animaux à fourrure, à l'intérieur de ces
réserves, qui sont visés également?
M. de Denus: Oui, le terme "réserve à castor" n'est
pas juste. C'est l'exclusivité des animaux à fourrure pour les
Amérindiens.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le
député de Dubuc.
M. Desbiens: Merci, M. le Président. M. de Denus, vous
avez parlé aussi dans votre mémoire, comme dans le
prédécent, du piégeage humanitaire. J'ai eu l'occasion de
discuter déjà un peu avec un inventeur de pièges - si je
puis dire - mais j'aimerais que vous puissiez nous donner de l'information
supplémentaire sur la façon dont la fabrication et la vente des
pièges, au Québec ou au Canada, sont contrôlées ou
dirigées?
Le Président (M. Bordeleau): M. de Denus.
M. de Denus: Présentement, il y a surtout, un
manufacturier, qui est la compagnie Woodstream Corp., qui manufacture la
majorité des pièges utilisés au Canada et même aux
États-Unis. Cette firme a une filiale canadienne à Niagara Falls.
Ses pièges sont connus ou acceptés par tous les trappeurs. Si on
parle de piège moderne, dont il a été fait état
dans le mémoire auparavant, c'est le piège "Conibear" dont on
parle, un piège qui est censé tuer instantanément. Il est
sur le marché depuis 1957. Il y a des modifications qui ont
été faites pour améliorer le piège et, aujourd'hui,
tout le monde reconnaît le piège "Conibear" comme un piège
humanitaire. Il y a d'autres manufacturiers plus petits, qui fabriquent souvent
des imitations.
Présentement, je ne pense pas que la norme soit en vigueur, mais
la Commission des normes générales du Canada, la CSA, la Canadian
Standards Association, a émis des normes pour des pièges
humanitaires et à l'avenir, les pièges seront tous soumis
à des normes de construction.
M. Desbiens: Est-ce que votre association a eu à exercer
une influence quelconque pour l'établissement de ces normes?
M. de Denus: Oui, nous avons participé à
l'établissement des normes avec des sociétés humanitaires,
d'autres associations de trappeurs et tous les intéressés.
M. Desbiens: Pour les pièges à castor ou autres
petits animaux, est-ce que vous connaissez le piège Gagnon?
M. de Denus: Oui, j'ai fait connaissance avec M. Gagnon et son
piège. On a étudié les possibilités, on a
regardé.
Malheureusement, le piège n'est plus sur le marché parce
que les trappeurs ne l'ont pas jugé avantageux. Je peux vous dire qu'il
y a beaucoup d'autres personnes qui ont soumis des idées au
comité fédéral provincial et plusieurs pensaient avoir
trouvé quelque chose de fantastique. Malheureusement, on se sert
toujours des pièges et on les juge toujours propices à rendre
l'animal inconscient le plus vite possible.
M. Desbiens: Je trouve que vous avez une réaction
curieuse. Vous dites: Malheureusement, il est retiré, malheureusement,
il n'existe plus. Est-ce parce qu'il n'est pas bon?
M. de Denus: Oui, on aurait aimé en trouver un qui soit
parfait. Malheureusement, il n'y en a pas. On cherche toujours des
méthodes plus efficaces et plus humanitaires mais ce n'est pas
facile.
M. Desbiens: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Je vous remercie, M.
de Denus. J'appelle maintenant le groupe Espace Inc., qui est
représenté par M. François Ukus, président. Est-ce
qu'il est là?
M. Chevrette: Je le connais et il n'est pas ici. Dieu sait si je
le connais!
Le Président (M. Bordeleau): M. Ukus n'est pas là.
Si le groupe suivant est prêt, on peut procéder
immédiatement, quitte à revenir cet après-midi. Il
s'agirait du Conseil consultatif des réserves écologiques. Je
présume que vous êtes M. Raymond McNeil, président?
M. Bouchard (André): Malheureusement, M. Raymond McNeil
est probablement sur la route 20, il aura été retardé.
Le Président (M. Bordeleau): Ah bon!
Conseil consultatif des réserves
écologiques
M. Bouchard: En son absence, je procéderai à la
présentation du mémoire. J'aimerais vous présenter M.
Gilles Gagnon, qui est secrétaire exécutif du conseil. Je suis
André Bouchard, vice-président du Conseil consultatif des
réserves écologiques et conservateur du Jardin botanique de
Montréal.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les
membres de la commission, nous sommes très heureux de participer
à ces audiences qui nous permettent d'exprimer notre opinion sur des
modifications à apporter à la Loi sur la conservation de la
faune.
Le Conseil consultatif des réserves écologiques a
déjà eu l'occasion de réfléchir sur des sujets qui
font l'objet de discussions à cette commission et nous avons
déjà présenté au ministre de l'Environnement,
ministre de qui nous dépendons, un avis sur la protection des
espèces fauniques et floristiques menacées ou en voie de
disparition.
Nous croyons que ces réflexions peuvent contribuer à
apporter des éléments qui permettront l'élaboration d'un
projet de loi adéquat. Notre mémoire fait référence
à un avant-projet de loi sur la conservation de la faune qui est
intitulé - projet de loi no indéterminé - Loi sur la
conservation de la faune, document - c'était un document de travail,
nous l'avons considéré ainsi - que nous avons
considéré avancé et qui traduisait les intentions du
ministère à un moment
donné. Je procéderai donc à la lecture de ce
mémoire.
Puisque les objectifs de la Loi sur les réserves
écologiques impliquent la protection d'habitats en vue de sauvegarder
les espèces animales et végétales menacées de
disparition ou d'extinction, le Conseil consultatif des réserves
écologiques a jugé pertinent d'examiner l'avant-projet de loi sur
la conservation de la faune du ministère du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche. Notre intervention portera donc sur les articles traitant de la
surveillance des réserves écologiques et de la protection des
espèces rares, menacées ou en danger d'extinction.
La surveillance des réserves écologiques par les agents de
conservation de la faune. L'article 3 de cet avant-projet mentionne que les
agents de la conservation de la faune et les personnes visées à
l'article 10 sont chargés, entre autres, de veiller à
l'application de la Loi sur les réserves écologiques et de ses
règlements. Nous appuyons hautement cette mesure, étant
donné l'omniprésence des agents de conservation de la faune sur
le territoire et leur expertise dans le domaine de la surveillance. Nous
croyons, cependant, que le paragraphe 2 de cet article doit être
précisé en mentionnant que la surveillance s'applique à
certains articles de la Loi sur les réserves écologiques et de
certains articles de ses règlements, dans la mesure prévue par
les règlements du gouvernement. - En fait, il y a des aspects de la Loi
sur les réserves écologiques, par exemple, la recherche
scientifique, qui seraient difficilement surveillables par les agents de la
faune.
Les espèces fauniques rares et menacées. C'est surtout cet
aspect-là qu'on veut présenter aujourd'hui à la commission
parlementaire et cela se fait un peu indépendamment de l'avant-projet
que nous avions eu. Nous vous aurions dit un peu les mêmes choses avec ou
sans avant-projet.
Le Conseil consultatif des réserves écologiques estime que
le gouvernement du Québec doit prendre des mesures législatives
immédiates afin de protéger adéquatement les
espèces de la faune et de la flore rares, menacées ou en danger
d'extinction. (12 heures)
L'avant-projet du MLCP qui modifie la Loi sur la conservation de la
faune est, à toutes fins utiles, une loi qui régit l'exploitation
de la faune. Dans cet avant-projet, on a ajouté quelques articles, dont
les articles sur la protection des habitats et les articles 25 et 26,
permettant de protéger les espèces fauniques menacées,
mais nous croyons que ces mesures sont insuffisantes et incomplètes.
C'est évident que, pour les habitats, cela pourrait
protéger un grand nombre des espèces menacées, mais il
faut comprendre, évidemment, que, surtout dans le cas de la faune, ces
animaux-là peuvent être en migration, peuvent être sur
différents milieux et que peut-être il y a certaines mesures plus
spécifiques que les habitats eux-mêmes qui devront être
envisagées.
Nous constatons, en premier lieu, que ces articles qui traitent des
espèces menacées ne concernent que la faune et,
deuxièmement, font omission des poissons. De fait, à l'article 1,
les définitions d'animal domestique, exotique et indigène ne
mentionnent pas les poissons. Nous sommes d'avis que le mot "poisson" doit
apparaître dans ces définitions afin que les
éléments rares, menacés ou en danger d'extinction de cette
faune aquatique soient protégés, comme ils le sont, d'ailleurs,
en Ontario et au Nouveau-Brunswick.
D'autre part, nous croyons qu'il est urgent que toutes les
espèces fauniques et floristiques rares ou menacées soient
protégées par une même loi ou par des amendements majeurs
à des lois existantes. Nous sommes évidemment très
conscients des différentes ambitions normales des différents
ministères quant à l'exercice de ce pouvoir. Au conseil, ce n'est
pas parce qu'on n'a pas voulu se prononcer, mais on conçoit que cela
peut être assez compliqué de décider si ce doit être
par une loi ou par des amendements majeurs à des lois existantes. Ce
qu'on trouve prioritaire, cependant, c'est que cela se fasse d'une façon
ou d'une autre. Ce qui est important, c'est que cela se fasse assez
rapidement.
À l'article 26, article capital en vue de la protection des
espèces fauniques menacées, le conseil estime que la pêche
et la cueillette des oeufs doivent être ajoutées comme
catégories d'interdiction.
Dans le cadre de cet avant-projet, la loi vis-à-vis des
espèces menacées, même fauniques, n'est pas suffisante et
il nous semble préférable que la protection des espèces
fauniques et floristiques menacées fasse l'objet d'une seule et
même loi ou d'amendements majeurs aux lois existantes permettant
également d'inclure toutes les espèces fauniques et
floristiques.
La protection des espèces fauniques et floristiques rares,
menacées ou en danger d'extinction. Dans le but d'appuyer les
suggestions que nous venons de faire au sujet de cet avant-projet de loi
à l'étude, nous présentons les éléments qui
nous semblent nécessaires dans un éventuel projet de loi ou pour
des amendements majeurs à des lois existantes, afin de protéger
les espèces fauniques et floristiques rares, menacées ou en
danger d'extinction.
Tout d'abord, il est essentiel de donner des définitions
d'espèces, d'espèces rares, menacées et en danger
d'extinction. Ces définitions devraient englober toutes les
catégories d'animaux et de plantes, partout où elles se trouvent
au Québec ou sur une
partie du territoire, et que la protection s'applique aux
espèces, sous-espèces, variétés, formes, races,
etc.
De plus, ces mesures législatives devraient permettre de
réglementer, contrôler, interdire la chasse, la pêche, la
destruction et la cueillette des oeufs et prendre les mesures
nécessaires afin d'éviter le harcèlement, la poursuite et
les blessures aux animaux; réglementer, contrôler et interdire la
récolte, l'abattage ou la cueillette des plantes et prendre les mesures
nécessaires afin que ces plantes ne soient pas mutilées,
amputées ou endommagées; de cueillir ou capturer, avec
l'autorisation du ministre, des plantes et animaux pour fins de contrôle
sanitaire, de reproduction ou de repeuplement; de contrôler ou interdire
le commerce des animaux et des plantes sauvages de même que la cueillette
des fruits et des graines. En fait, vous êtes sûrement conscients
de l'énorme publicité, par exemple, qui entoure le
problème de l'ail des bois, qui n'est pas, entre parenthèses, une
plante rare. C'est une plante assez commune, mais qui peut devenir assez
rapidement une plante menacée. Dans ce cas-là, nous croyons que
ce qui est important, c'est de pouvoir contrôler son commerce
plutôt que d'interdire sa cueillette. Ces mesures devraient aussi
permettre de protéger un habitat faunique et floristique et en interdire
la destruction, la transformation ou la modification; prévoir la
possibilité d'aménager l'habitat pour conserver les
espèces et prévoir aussi la possibilité de
réintroduire des espèces fauniques et floristiques dans un
habitat; prévoir la création d'un comité
d'experts-conseils au ministre en vue d'identifier les espèces de faune
et de flore rares, menacées ou en danger d'extinction et en vue
également d'identifier les causes de cet état et de
déterminer les mécanismes nécessaires à utiliser
pour la protection de ces espèces.
Il faut concevoir - je parle peut-être plus des plantes rares -
que sur les 409 plantes rares qu'il y a au Québec, il n'y a pas, en
réalité, une seule recette pour les protéger. Il s'agit
là d'un cas unique et il faudrait, pour les 409 plantes, évaluer
dans quelle catégorie elles se placent. Est-ce que c'est leur habitat
qui est menacé? Est-ce que c'est la façon dont on les ramasse?
Est-ce que c'est la commercialisation? Il faut quelque chose d'un peu flexible
comme programme pour protéger à la fois les espèces
fauniques et floristiques. Ces mesures devraient enfin permettre d'introduire
dans la loi le pouvoir réglementaire du gouvernement afin de
désigner les espèces de plantes et d'animaux rares,
menacées ou en danger d'extinction à protéger et que les
décisions prises fassent l'objet d'une publication dans la Gazette
officielle du Québec.
La législation sur la protection des espèces fauniques et
floristiques pourrait être administrée par l'un ou plusieurs des
ministères concernés dans la conservation et la protection du
patrimoine naturel. Il serait cependant important que les lois, qui ont comme
objectif la conservation et la protection du territoire et de notre patrimoine
biologique, soient bien articulées afin qu'elles se complètent et
qu'elles ne laissent pas certains territoires ou certaines espèces
animales ou végétales sans protection.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Bouchard. M. le
ministre.
M. Chevrette: Merci. Tout d'abord, dans les espèces rares
et menacées, les poissons ne sont pas inclus purement et simplement
parce que c'est de compétence et de juridiction
fédérale.
M. Bouchard: Oui.
M. Chevrette: On n'en a qu'un droit d'exploitation.
M. Bouchard: Oui, mais on s'étonne - je ne suis pas du
tout un spécialiste de cette catégorie d'animaux, même si
cela m'intéresse beaucoup - que l'Ontario et le Nouveau-Brunswick aient
pu le faire. On se demande pour quelle raison deux provinces, qui sont de
chaque côté de nous, réussissent à protéger
cette catégorie. Est-ce qu'ils ont fait une négociation
là-dessus ou s'ils ont obtenu une délégation? Je ne suis
pas assez au courant pour vous répondre, mais je pense qu'il y a quelque
chose à faire là-dedans. On pourrait vérifier. Si deux
provinces limitrophes, vraisemblablement avec des ressources semblables,
réussissent à obtenir cette délégation,
peut-être que le Québec peut l'obtenir aussi.
M. Chevrette: Je crois que c'est en vertu d'une ordonnance de
1922 qu'on en a l'exploitation, mais non pas la juridiction comme telle. De
toute façon, on va fouiller cela à partir de ce qui existe en
Ontario et au Nouveau-Brunswick.
M. Bouchard: C'est cela.
M. Chevrette: Si on doit faire des négociations, il me
fera plaisir de les entamer. Je voudrais aussi vous préciser que le
groupe de travail, par son mandat, a restreint ses recommandations aux seules
espèces fauniques menacées, mais je reconnais, comme vous le
soulignez, qu'il y aurait un net intérêt à concilier la
flore et la faune. Il faudra cependant, si c'est cette approche qui est
retenue, bien définir les juridictions de chacun des deux
ministères
impliqués, à savoir celui de l'Environnement et le MLCP
pour ne pas qu'on assiste à des chicanes perpétuelles au
détriment de la conservation de la flore et de la faune
elle-même.
Vous soulignez également, à juste titre, des lacunes dans
la définition des espèces menacées. Ces lacunes
s'expliquent sans doute, pour une bonne part, du fait que toutes les
espèces fauniques ne sont pas couvertes par la Loi sur la conservation
de la faune. Sans doute qu'il en aurait été autrement si nous
avions proposé une loi spécifique sur les espèces
menacées. Si on avait présenté une loi exclusivement
là-dessus, cela aurait probablement été beaucoup plus
précis. J'aurais quelques questions à vous poser. Tout d'abord,
une question m'est venue tout de suite à l'idée sur vos fameux
contrôles pour fins sanitaires. J'aimerais savoir ce que vous entendez
par cela.
M. Bouchard: Je pense que ce que les membres de notre
comité, qui sont plutôt intéressés par la zoologie,
devaient penser, c'est s'il y a des espèces rares fauniques à un
endroit, il faut prendre certains individus pour analyser une maladie possible
à cet endroit. Je crois que c'est dans ce sens. Ce n'est qu'un
contrôle. Imaginons une seule colonie d'oiseaux connue à tel
endroit; il faut quand même intervenir pour connaître la
santé de cette colonie. Il faut évidemment, même si la loi
défend d'intervenir dans cette colonie, quand même prévoir
prélever périodiquement certains spécimens. Je pense que
c'est dans ce sens que les membres zoologistes de notre comité ont
pensé à cet aspect.
M. Chevrette: Dans votre réflexion sur la loi des
espèces menacées, quel ministère, à votre avis,
devrait en assurer l'administration?
M. Bouchard: Évidemment, c'est fort complexe de
répondre à cela. Vous comprendrez qu'on est un conseil.
Même si notre conseil est composé de fonctionnaires et de
non-fonctionnaires - j'ai parfois l'avantage et le désavantage
d'être un membre non fonctionnaire - je m'aperçois que, dans le
fond le clivage des opinions sur notre conseil se fait un peu d'après
l'appartenance de nos membres. Là-dessus, je peux vous dire que vos
fonctionnaires défendent fortement que ce devrait être votre
ministère. Nos fonctionnaires défendent fortement que ce devrait
être notre ministère. Là-dessus, je ne veux pas dire qu'on
est neutre et qu'on peut trancher, mais ce qui me semble important, c'est que
ce soit le ministère qui va mieux le faire et qui sera le mieux
outillé pour le faire, qui aura la meilleure infrastructure de
spécialistes pour le faire aussi. Ce devrait être des balises,
pour prendre cette décision.
Je m'inquiéterais - c'est une opinion vraiment personnelle qui
n'est pas l'opinion du conseil - de certains problèmes si c'est le MLCP,
du fait que c'est un ministère qui est à la fois un
ministère d'exploitation des ressources et de contrôle des
ressources. Je peux imaginer que cela va causer certains problèmes.
Est-ce que la loi pourrait être assez précise et forte pour
éliminer ce problème? Si oui, tant mieux. Vous savez, votre
ministère est quand même responsable des parcs de conservation qui
sont aussi un outil important pour la protection non seulement de la faune,
mais de la flore aussi. C'est un malaise qu'on sent au conseil depuis
longtemps, mais il y a un éparpillement des juridictions, que ce soient
les arrondissements naturels aux affaires culturelles, que ce soient les parcs
de conservation au ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche et que ce soient les réserves écologiques au
ministère de l'Environnement. Il y a un éparpillement. Moi, ce
qui me semble important, c'est qu'il y a une coordination, comme le souhaitait
le conseil consultatif de l'environnement, qui n'est pas notre conseil, mais un
conseil homologue, lui, à un moment, suggérait de regrouper cela
dans un ministère. C'est une avenue. Est-ce que vous ne pourriez pas
avoir une meilleure coordination entre ministères, c'est une autre
avenue. Notre propre conseil est partagé là-dessus, très
franchement.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va, M. le
ministre?
M. Chevrette: Oui. Cependant, vous comprendrez que si je suis
responsable de la gestion et de l'utilisation rationnelle des ressources,
l'habitat est une des conditions essentielles à la rationalisation.
J'aurai beau mettre les règlements que je voudrai, si on laisse
détruire les habitats à la va comme je te pousse par le
ministère de l'Énergie et des Ressources, par le ministère
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ou par d'autres
ministères, vous savez comme moi, je suis freiné dans ma propre
détermination d'en arriver à sauvegarder l'habitat naturel. C'est
une des conditions essentielles pour la sauvegarde des espèces
menacées. À partir de là, je veux bien m'entendre, je veux
bien me coordonner, je pense qu'il va falloir au moins reconnaître une
autorité précise qui peut être ponctuelle seulement, qui
peut être non pas permanente pour certains types d'habitats, qui peut
être ponctuelle, mais il va falloir définir qui est responsable
parce que actuellement on n'a aucun pouvoir. Le pouvoir de conserver la faune,
mais dans un même temps, je n'ai pas le pouvoir de sauver l'habitat de
cette même
faune.
M. Bouchard: II faudrait dissocier peut-être étant
donné que notre mémoire a surtout parlé des espèces
rares et menacées. Il ne faudrait pas percevoir que c'est la seule chose
qui nous intéresse, c'est-à-dire que c'était un aspect
qu'on jugeait important étant donné notre propre mandat comme
conseil. Sur la question des habitats fauniques dans son ensemble, je crois que
le conseil serait très favorable au fait que vous ayez une loi
protégeant les habitats fauniques. Ce sont deux problèmes
très différents finalement. Dans certains cas, il est
évident que par une loi qui vous permettrait d'agir sur les habitats
fauniques vous pourriez faire d'une pierre deux coups, protéger aussi
les espèces rares. Plus souvent il est possible que ce soit pour
protéger quand même des populations qui sont importantes,
relativement communes et qui n'entrent pas dans les catégories
d'espèces rares ou menacées. En ce qui concerne les habitats
fauniques, nous sommes certainement très favorables à ce que vous
ayez ce pouvoir. Nous croyons que naturellement c'est un pouvoir qui doit
revenir au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui a
toute l'expertise pour agir dans ce domaine. J'espère qu'on ne
mélange pas les choses avec l'aspect espèces rares.
M. Chevrette: D'accord, je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Hull.
M. Rocheleau: M. le Président, je voudrais remercier les
responsables du conseil consultatif. Je me rends compte qu'on a trouvé
effectivement, par le titre de votre mémoire, et cela concerne
l'avant-projet de loi sur la conservation de la faune, c'est titré comme
cela. Le ministre accepte sûrement le fait que c'était
effectivement un avant-projet qu'on nous avait soumis. Je suis content que
quelqu'un puisse au moins le confirmer dans l'approche que l'on semble vouloir
donner à l'intérieur du mémoire que vous présentez.
Maintenant, à la page 5, vous faites la suggestion de prévoir la
création d'un comité d'experts conseils auprès du
ministre. Je tente de me retrouver à l'intérieur de
différents organismes comme le Conseil de la faune du Québec qui,
à toutes fins utiles, l'an dernier... On a mentionné que les
autorités politiques ont accepté récemment que cet
organisme consultatif du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche tienne des audiences publiques sur les problèmes entourant
la gestion, l'aménagement et l'exploitation. On sait aussi que la
Fédération de la faune du Québec se devait de donner des
indications au ministre, tenant compte de certaines modalités dans la
préservation de la faune. Vous suggérez de prévoir la
création d'un comité d'experts conseils. Est-ce en sus des autres
organismes de consultation auprès du ministre ou est-ce pour en
remplacer un ou d'autres?
M. Bouchard: En fait, il faut peut-être replacer la
problématique des espèces rares. Pour vous donner un exemple,
nous venons de terminer ce mois-ci un mandat que les musées nationaux
nous avaient donné afin de définir quelles sont les plantes rares
au Québec. Cela a pris trois ans à une personne à temps
plein et à quatre autres personnes à demi-temps pour faire le
tour de la question et finalement déterminer qu'il y avait 409 plantes
rares. Ce genre de travail dépasse probablement les mandats qui sont
normalement donnés à un conseil consultatif. (12 h 15)
Le problème est le suivant. Si on se sert un peu de
l'expérience de l'Ontario et encore plus, si vous vous souvenez des
petits poissons qui avaient bloqué un barrage aux États-Unis,
dans l'État du Tennessee, et qui avaient causé
énormément de problèmes, quand on arrive à
déterminer si le gouvernement accepte de publier dans la Gazette
officielle - et avec toutes les implications que cela aura - que telle
espèce de flore ou de faune est rare, les répercussions sont
énormes; la loi s'applique et cet habitat ne peut pas être
perturbé pour telle et telle raison. Il y a un ensemble très
lourd de réactions à la chaîne.
Déterminer ce qui est rare, à la fois dans la faune et la
flore, c'est quelque chose de fort complexe. C'est ce qu'on voulait dire au
ministre en parlant d'un comité d'experts conseils. Il s'agit de faire
une grille d'analyse. De se mettre d'accord sur le fait que lorsqu'une
population représente seulement tel groupe, il y en a seulement tant
dans toute la province. C'est un processus qui est très long et qui
demanderait beaucoup d'analyse. J'aurais tendance à penser que c'est un
comité qui devrait comprendre des experts qui viennent à la fois
du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et du
ministère de l'Environnement, mais encore là, je réponds
un peu à titre personnel là-dessus. Je ne crois pas que notre
comité avait poussé une réflexion très grande
là-dessus, mais ce que je veux surtout faire ressortir, c'est qu'il ne
faut pas se leurrer. À partir du moment où vous allez avoir
à définir des espèces de faune et de flore, c'est quelque
chose de bien compliqué. Il faut seulement prendre l'exemple de
l'Ontario ou des États-Unis. Quand on décide qu'il y a quelque
chose de rare, après cela, les réactions à la chaîne
sont énormes. Mais il ne faut pas se tromper. Il ne faut pas, au hasard
d'un
goût... Je viens de terminer la recherche sur les 409 plantes
rares du Québec. J'ai à peu près tout le monde contre moi,
parce que tout le monde me dit: Je connais bien la Gaspésie et vous
auriez dû mettre ceci en plus, et en Abitibi, il y a cela. Il faut avoir
une grille générale d'analyse. C'est fort compliqué. Les
dangers de se tromper sur la détermination des espèces peuvent
être assez complexes. C'est pour cette raison qu'il faudrait, je pense,
un comité qui dépasse peut-être les mandats qu'ont les
conseils dans le moment. Ce sont des éléments de réflexion
que je vous donne là-dessus. C'est seulement pour... Le point important,
c'est qu'il est assez difficile de déterminer ce qui est rare, mais une
fois qu'on arrive là, il faut, après, s'en tenir à cela.
Si on prend le Wild and Endangered Species Act des États-Unis qui est
une loi fédérale, qui défend tout projet aux
États-Unis, le moindrement qu'une espèce est menacée de
disparition sur le territoire américain... Évidemment, le
moindrement qu'une espèce est déclarée rare, non seulement
elle apparaît sur des timbres pour la faire connaître, mais elle a
ensuite des implications énormes dans ce qui ne peut pas se faire dans
ce territoire. Vous comprendrez qu'on peut avoir toutes sortes
d'hésitations à en déclarer une rare ou d'autres. Il faut
être bien informé là-dessus.
M. Rocheleau: M. le Président, je retiens ce qu'on vient
de me faire savoir, mais d'un autre côté, je me pose la question
à savoir si à un moment donné il n'y a pas tellement
d'organismes consultatifs que cela ne tient plus compte d'une certaine
concertation. Je pense au Conseil de la faune du Québec. Je ne sais pas
s'il avait des mandats très spécifiques de faire des recherches
dans certains domaines qui seraient faits par des experts et qu'il y aurait par
la suite concertation et que le ministre pourrait prendre connaissance des
différents rapports, qu'à un moment donné, cela se
tiendrait. On a un paquet de rapports, un paquet de mémoires qui nous
ont été soumis. Il semble manquer de concertation parce que
chacun semble débattre son point de vue à l'intérieur de
son comité ou de son organisme. J'ai l'impression que le ministre va
trouver compliqué tantôt de rapiécer tout cela pour nous
soumettre un deuxième avant-projet, étant donné qu'on
parle de multiplier ou qu'on semble dans plusieurs cas nous suggérer la
formation d'un comité additionnel ou d'un autre comité qui
tiendrait compte d'un aspect particulier.
M. Bouchard: J'aimerais préciser un peu là-dessus.
Sur la création du comité d'experts-conseils au ministre, je
crois qu'à l'intérieur même de la fonction publique
québécoise dans le moment, il y a les experts nécessaires
pour déterminer les espèces rares sans former un comité ou
un conseil consultatif ou autre. Je ne veux nommer personne, mais je sais, pour
avoir suivi la documentation là-dessus, qu'il y a à la fois pour
la faune et la flore, les spécialistes nécessaires, pourvu qu'on
choisisse les bons et qu'on les mette ensemble. Ce serait une
possibilité. De par sa composition actuelle le Conseil consultatif des
réserves écologiques représente aussi un ensemble de
spécialistes qui pourraient s'occuper de cette question, mais là,
on entre dans un problème énorme de juridiction. C'est autre
chose. Je suis d'accord avec vous que... L'idée qu'on avait
derrière cela n'était pas la création d'un nouveau conseil
consultatif.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Chevrette: C'est parce qu'il y avait le conseil consultatif en
soi. En plus, il y avait un conseiller juridique directement rattaché au
ministre pour des points précis et non pas un office de recherche,
à toutes fins utiles. Ce que j'ai compris que vous suggériez,
c'est plutôt un comité interministériel formé
à la fois des spécialistes de la flore qui émanent de
l'Environnement et les spécialistes de la faune qui émanent de
mon ministère et les mettre ensemble pour essayer de me conseiller pour
la sauvegarde des espèces rares...
M. Bouchard: II y a certaines espèces...
M. Chevrette: ... mais qui contient à la fois les habitats
des espèces rares.
M. Bouchard: Oui, il y a cet aspect, M. le ministre, mais je
voudrais faire un parallèle avec la Commission des biens culturels
à ce moment. À partir du moment où on a à choisir -
autrement dit, je ne veux pas qu'on s'embarque dans quelque chose sans savoir
ce que c'est - c'est assez compliqué à déterminer ce qui
est rare dans la faune et la flore. À partir du moment où votre
conseil va vous dire: C'est celle-là qui est rare, vous aurez peu de
marge de manoeuvre par la suite pour accepter leurs recommandations. Il y a
deux avenues. Un comité d'experts-conseils fait de fonctionnaires des
différents ministères du gouvernement, mais qui ont des
expertises qui se chevauchent, cela pourrait remplir en partie cela, et de
recevoir après cela des avis concurrents, soit de votre Conseil de la
faune ou du Conseil consultatif des réserves écologiques,
à savoir si ces deux conseils pensent réellement si ce sont des
espèces menacées, cela pourrait aussi être une
procédure intéressante de demander à deux
conseils différents: Êtes-vous d'accord que telle
espèce de faune est réellement rare ou menacée sans
créer un nouveau conseil?
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Hull.
M. Rocheleau: N'est-ce pas un peu comme engager deux avocats pour
défendre la même cause?
M. Bouchard: Vous savez qu'on n'a pas beaucoup d'avocats pour
défendre nos causes. Cela pourrait nous aider.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Chevrette: Mais cela peut être complémentaire
aussi. Le fait qu'il y ait des gens qui aient le souci de sauvegarder certaines
espèces rares, qui ont besoin d'habitats naturels, je pense,
effectivement, qu'il peut y avoir les deux types de spécialistes: un
versé surtout vers la flore et l'autre vers la faune; ceux-ci peuvent
arriver à un consensus. Les deux sont étroitement et intimement
liés, qu'on le veuille ou non. Si on a un habitat naturel, avec une
flore pour recevoir l'espèce, c'est parce que les deux vont de pair.
Elles ont une affinité. Donc, je pense que l'on pourrait - en tout cas,
c'est à examiner - je trouve cela intéressant comme idée
et cela ne crée pas de structures juridiques accessoires. Cela pourrait
permettre même à certains comités interministériels
de s'entendre, vu qu'il y aurait un consensus, d'abord chez les
fonctionnaires.
M. Rocheleau: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau); M. le député de
Hull.
M. Rocheleau: M. le Président, j'ai simplement une
réflexion, en terminant. Je suis relativement heureux parce que le
ministre semble dire oui à tout le monde. J'ai hâte de voir...
M. Chevrette: Je n'ai pas dit oui à tout le monde.
M. Rocheleau: Non?
M. Chevrette: Ah! bien non. Jamais!
M. Rocheleau: II faut faire une distinction, M. le ministre.
M. Chevrette: Jamais à vous autres. De temps en temps,
à eux autres...
M. Houde: C'est ça. Il dit, jamais à nous autres,
de temps en temps à eux autres.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, MM.
Bouchard et Gagnon. Comme il est près de midi et demi, je pense bien que
tout le monde sera d'accord pour qu'on ajourne nos travaux sine die. En
pratique, cela signifie - pour les personnes qui s'attendent d'être
entendues cet après-midi -que l'Assemblée nationale reprend
à 14 heures, cela veut donc dire vers 15 heures environ, nous devrions
reprendre ici.
La commission suspend ses travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 24)
(Reprise de la séance à 15 h 30)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames et messieurs, la commission du loisir, de la chasse et de la
pêche reprend donc l'audition des mémoires.
Les membres de la commission, pour cet après-midi, seront donc
les mêmes que ce matin. Cela va éviter de répéter
les noms.
Dans la suite de notre ordre du jour, j'appellerai donc maintenant Mme
Joanne Marchesseault, qui a un mémoire, à titre personnel,
à présenter à la commission. Il s'agit du no 36. Alors, si
vous voulez prendre place près d'un microphone.
Mme Joanne Marchesseault Mme Marchesseault (Joanne): Bonjour!
Le Président (M. Bordeleau): Bonjour!
Mme Marchesseault: Vous êtes tous prêts à
m'entendre...
M. Houde: Religieusement!
Mme Marchesseault: Oui. Aujourd'hui, je viens vous parler du
braconnage et de la conservation de la faune plus spécifiquement dans la
région du Témiscouata. Disons tout de suite que je voudrais
ouvrir une parenthèse, en commençant. Je pense que le
présent mémoire s'inscrit à la suite d'une étude
faite au Témiscouata, mais il est peut-être important de retenir
que le braconnage s'effectue dans plusieurs régions du Québec et
que, souvent, le problème est le même.
Parmi les recommandations suggérées, il est fort possible
que certaines d'entre elles, du moins, puissent s'appliquer
éventuellement au problème du braconnage au Québec.
Vous devez être conscients, comme moi, que le braconnage est un
sujet tabou au Québec. C'est cependant une chose qui fait partie de nos
us et coutumes. Cela se fait à
l'échelle commerciale, dans plusieurs régions.
Avant de commencer, j'aimerais vous expliquer dans quel cadre j'en suis
arrivée à vous présenter un mémoire aujourd'hui. Je
demeure au Témiscouata et je suis biologiste. L'hiver dernier,
après m'être rendu compte que le Témiscouata était
une des régions du Québec où il y avait le plus de
braconnage et que les méthodes utilisées pour diminuer le
braconnage étaient plus ou moins efficaces, j'ai tenté de
m'impliquer moi-même dans un projet. J'ai préparé un
programme d'éducation populaire sur le braconnage et la conservation de
la faune au Témiscouata. J'ai donc "monté" le programme. Je me
suis trouvé un organisme pour me parrainer et j'ai
présenté cela dans le cadre des programmes
Chantier-Québec, subventionnés par le gouvernement
provincial.
Le projet a été un vif succès. Cela a duré
vingt semaines et, au cours de ces vingt semaines, j'ai visité les vingt
municipalités du Témiscouata ainsi que les quatre polyvalentes,
au plan scolaire.
Au cours de ces conférences, le but était de sensibiliser
la population au problème réel du braconnage et à la
situation présente de la faune sauvage au Témiscouata. Alors, il
s'agissait d'expliquer aux gens un peu la situation actuelle.
Je tiens à préciser qu'aujourd'hui je présente le
mémoire en mon nom personnel, mais les recommandations qui y sont faites
l'ont été à la suite des rencontres que j'ai eues au cours
de conférences avec les gens que j'ai rencontrés: au total 321
adultes et 700 étudiants. En plus de cela il y a eu toutes les
émissions de télévision, les émissions de radio et
les journaux. J'ai rencontré beaucoup de personnes et à chacune
des conférences, aux endroits où j'allais, je demandais aux gens
quelles étaient les solutions qui devraient être apportées
pour corriger le problème du braconnage. Les recommandations qui sont
formulées dans le rapport ne sont pas le fruit seulement de mon
imagination, de mon travail, mais ce sont plutôt les recommandations
formulées par les gens du Témiscouata.
Disons tout de suite que je vais faire un bref tour d'horizon. Je ne
veux pas vous alourdir d'histoires du braconnage. Je voudrais peut-être
vous situer, vous expliquer un peu le problème du braconnage pour vous
montrer qu'il peut être aigu. Dans la région de Témiscouata
- et cela peut s'appliquer à toutes les régions du Québec
- il est important de savoir que nous, les Québécois, sommes un
peuple - il ne faudrait pas se le cacher - de braconniers et ceci fait partie
de la mentalité des gens. Lorsque vous sortez des grands centres et que
vous allez dans les petites municipalités, vous vous rendez compte que
cela fait partie des habitudes de vie des gens. Autrefois il y avait beaucoup
de gibier. Le Témiscouata par exemple était un paradis de chasse
et de pêche. Longtemps les gens ont tué des animaux pour se
nourrir. Aujourd'hui les habitudes sont restées. Si vous habitiez comme
moi dans le Témiscouata, à l'automne on peut dire que c'est un
festival de sons et lumières parce que tous les rangs sont
inondés de braconniers qui font du "jack" jour et nuit - pas le jour,
mais je veux dire qui braconnent la nuit avec des lampes. C'est pour vous dire
que le problème est aigu.
Une des principales causes de braconnage est la mentalité des
gens et c'est sur ceci qu'on devrait insister le plus pour réduire le
braconnage. En ce qui concerne le Témiscouata, les espèces
animales les plus braconnées sont par ordre d'importance le chevreuil -
je ne nommerai pas les noms scientifiques - la truite grise ou la touladi, la
truite mouchetée, l'orignal, le corégone de lac, le petit gibier
et quelques animaux à fourrure. J'aimerais cependant aujourd'hui attirer
votre attention principalement sur les deux espèces les plus
braconnées et qui sont les plus menacées, soit le chevreuil et la
truite grise. Si on prend le cas du chevreuil et qu'on regarde les statistiques
enregistrées au niveau du gouvernement pour la région du
Témiscouata, l'an dernier on a enregistré seulement 41
infractions pour le braconnage du chevreuil. Cependant, à la suite des
études que j'ai effectuées auprès du ministère et
auprès des braconniers et de la population du Témiscouata, ce
chiffre ne reflète pas la réalité. Vous avez au moins 20
gros braconniers professionnels dans le Témiscouata qui vivent pour le
chevreuil, c'est-à-dire que ces gens tuent entre 20 et 40 chevreuils par
année. À ceci il faut ajouter tous les foetus, parce que les
braconniers professionnels tuent hiver comme été. À
l'automne et pendant l'hiver, vous avez les femelles avec les petits.
De plus, on se rend compte que ce type de braconniers se fait rarement
prendre par les agents de conservation. Les braconniers professionnels ont des
réseaux, ce sont des coureurs des bois et, en général, ce
gens-là ne figurent pas dans les statistiques enregistrées
d'infractions.
À part des braconniers professionnels, vous avez aussi les
braconniers amateurs. Ceux-là, on les retrouve à la tonne. Je
pense que c'est quasiment tout le monde qui l'est un peu. Tout le monde,
pendant le temps de la chasse, devient un peu fou et sort de chez lui pour
aller faire du "jack", alors on retrouve énormément de
braconniers amateurs qui tuent seulement un ou deux chevreuils par année
pour leur consommation personnelle.
C'est là en gros le problème du braconnage pour le
chevreuil. Cependant, j'aimerais attirer votre attention - je pense que c'est
la situation un peu partout pour le
chevreuil au Québec - sur le fait qu'en ce qui concerne le
Témiscouata, on est peut-être dans une période difficile
pour le chevreuil. Longtemps le Témiscouata a été reconnu
comme étant un paradis de chasse et de pêche. Je me demande si
aujourd'hui on pourrait encore le qualifier de paradis. Ce serait plutôt
un purgatoire. Il faudrait peut-être dire qu'au Témiscouata les
populations, aujourd'hui, selon les inventaires du ministère, sont
évaluées à moins de 3000 pour l'ensemble du territoire.
Présentement, ces populations sont fortement menacées à
cause, principalement, de l'épidémie de tordeuse qui a
détruit énormément les habitats d'hiver,
c'est-à-dire les ravages.
Vous avez aussi, comme facteur limitant, l'hiver. On se rend compte que
si on a deux hivers successifs difficiles, on perdra jusqu'à 40% de nos
populations. Maintenant, depuis deux ans, le braconnage semble beaucoup
augmenter dans le Témiscouata. C'est dû à la situation
économique, étant donné que beaucoup de gens perdent leur
emploi et que c'est une région où le développement
économique est assez faible présentement. Alors, vous avez
beaucoup de gens qui y braconnent depuis deux ans. Cela a toujours
été, mais disons que cela a tendance à augmenter.
Je pense qu'en ce qui concerne le chevreuil, sa situation est
peut-être difficile, et mon but, aujourd'hui, c'est d'essayer de vous
sensibiliser. Je pense que vous êtes probablement tous
sensibilisés à ça, mais en ce qui concerne le
Témiscouata, on se rend compte que c'est une région où, au
point de vue économique et au point de vue de la survie, les bases de la
population reposent sur une économie très faible. Parmi les
principales choses qui font vivre les gens, vous avez la forêt,
l'agriculture et le tourisme. Lorsqu'on regarde la façon dont les gens
vivent, ils sont très durement affectés présentement. Je
pense qu'on devrait de plus en plus essayer de sauvegarder la faune du
Témiscouata afin de posséder encore une richesse.
Maintenant en ce qui concerne la truite grise, disons tout de suite que
c'est une espèce de poisson dont le Témiscoutata peut être
un très bon producteur, notamment au lac Témiscouata, qui a 40
kilomètres de long, et au grand lac Squatteck. Alors, ce sont deux lacs
où il y a énormément de truites grises et où les
conditions de reproduction sont excellentes. Cependant, à chaque
année, à l'automne, à la période de la frai, vous
avez énormément de braconniers qui installent des filets au
niveau des frayères. On se rend compte qu'encore il y a très peu
de braconniers qui sont capturés à faire leurs forfaits.
C'est donc dire que le problème est aigu puisque, de plus en
plus, les populations de truites grises sont menacées, parce qu'il se
fait énormément de braconnage; au point que, depuis l'an dernier,
le ministère a commencé à faire des ensemencements de
truite grise dans ces lacs. C'est pour vous dire qu'aujourd'hui je crois que,
si on n'avait pas autant de braconnage on n'aurait pas besoin de faire de
l'ensemencement, parce que le milieu est favorable, contrairement au chevreuil
qui est affecté par la tordeuse, par un lots de facteurs. La truite
grise, si ce n'était pas du braconnier, ce serait vraiment un paradis
pour elle, parce qu'elle n'est pas menacée.
Concernant les frayères, il y a des problèmes: il y a peu
de gens qui se font prendre; par contre, il y en a beaucoup qui braconnent.
Leur but encore, concernant la truite grise, c'est les ventes commerciales.
Seulement pour ouvrir une parenthèse, c'est pour dire qu'au cours des
conférences que j'ai données, j'ai rencontré beaucoup de
gens. Le problème est très aigu en ce qui concerne le braconnage,
et je crois que ce problème est un peu le même partout au
Québec. Il y a un gros problème de commercialisation du gibier,
notamment le chevreuil et la truite grise. Dans le Témiscouata, il
existe même une municipalité où il y a un camion qui vient
de Québec ou de Montréal - je ne puis pas vous dire l'endroit
exact - mais il y a des camions qui viennent une fois par mois de
l'extérieur pour chercher de la viande de chevreuil et de truite grise.
C'est pour vous dire qu'on n'est pas à l'abri de ces choses. Il faudrait
être conscient du problème.
Je n'insisterai pas plus sur les autres espèces, telles que la
truite mouchetée, le corégone, l'orignal et d'autres formes de
braconnage. Vous avez le mémoire en main, je pense que cela va vous
faire une bonne lecture avant de vous coucher ce soir.
Je désirerais tout de suite passer aux recommandations, qui
visent principalement le chevreuil et la truite grise. Les gens du
Témiscouata que j'ai rencontrés demandent en
général une augmentation du nombre d'agents de conservation,
principalement durant la période débutant à la fin du mois
août, pour se terminer en décembre; parce qu'on se rend compte
qu'au Témiscouata, c'est un peu partout, vous avez une succession de
chasses: à la fin du mois d'août, vous avez le début de la
chasse à l'ours; ensuite, vous avez le petit gibier; ensuite, vous avez
la chasse à l'arc au chevreuil; après cela, vous avez la chasse
à l'orignal; après cela, vous avez le chevreuil. Alors, il y a
une succession de périodes de chasse qui demandent qu'on ait droit
à une arme à feu. Les gars se promènent dans les bois en
tout temps de l'année; du moins durant une grande période de
temps. C'est très difficile de contrôler le braconnage, parce que
les gars se promènent avec des armes à feu pour chasser l'ours;
ils rencontrent un chevreuil, ils le tirent, cela
passe mieux. Il se produit un phénomène, c'est que les
gens ont des carabines pendant une grande période de temps.
Alors, on demande d'augmenter le nombre d'agents de conservation. Ils
sont généralement sept; cette année, ils étaient
seulement quatre durant toute la période. Ces gars travaillaient jour et
nuit. Je pense que pour couvrir tout le territoire de 4500 kilomètres
carrés, c'est vraiment peu. Cependant, je sais que vous allez dire,
comme moi, que c'est la crise, qu'on ne peut pas mettre plus d'argent. C'est ce
qu'on me dit chaque fois que j'en parle à des fonctionnaires du
gouvernement, mais je veux le souligner aujourd'hui parce que ce sont les gens
qui le demandent.
On demande d'ouvrir une seule période de chasse de quinze jours
pour tous les gibiers. Vous allez trouver qu'on est sévère, mais
ce sont les gens qui l'ont demandé parce que pour ces gens, ouvrir pour
une période de quinze jours, cela inclurait tous les gibiers. Alors,
durant cette période, on pourrait chasser l'ours, le petit gibier,
l'orignal et le chevreuil. Cela ferait seulement une période de quinze
jours; cela pourrait être aléatoire, mais cela réduirait
énormément le temps permis à avoir des armes à feu.
Cela permettrait beaucoup plus un contrôle du braconnage parce qu'en
dehors de cette période les gens n'auraient pas le droit d'avoir des
armes à feu. On se rend compte que pour les braconniers, et la
majorité des gens, je pense, aussitôt que tu as un permis, tu es
beaucoup plus tenté de faire du braconnage.
On demande de hausser les amendes et les peines. Je ne pense pas
être la première à le demander. Je sais qu'il y a un
nouveau projet de loi qui va être déposé pour hausser les
amendes à environ 3000 $. Par contre, c'est une demande qui est faite.
Pour contrer le braconnage professionnel, parce qu'on se rend compte que les
braconniers professionnels sont rarement capturés par les agents de
conservation, on demande d'accentuer les programmes d'infiltration dans les
réseaux de braconniers. Vous allez dire que j'en demande beaucoup parce
que c'est de l'argent, ces affaires-là, mais je pense que c'est une
solution, d'augmenter l'infiltration. Lorsque j'ai rencontré la
population du Témiscouata, souvent, les braconniers amateurs me
disaient: "Écoute! la petite mère - c'est comme ça qu'ils
m'appelaient souvent - on tape souvent sur la tête des petits braconniers
et les gros braconniers, on ne les poigne jamais." C'est vrai! Les gros
braconniers ne sont jamais capturés. Je pense que si on les prenait,
cela donnerait peut-être l'exemple aux petits braconniers parce qu'ils
ont souvent tendance à être harcelés parce que cela
coûte moins cher de les capturer; par contre, les gros sont plus
difficiles à prendre. C'est souvent ce que les gens disent. C'est ce
qu'on reproche. Peut-être qu'on devrait accentuer les infiltrations pour
démanteler les réseaux de braconniers professionnels.
On demande aussi de limiter le nombre de permis pour le cerf de
Virginie, c'est-à-dire d'établir des quotas au
Témiscouata. On se rend compte que le nombre de permis est
illimité et que vous avez à chaque année des milliers de
chasseurs qui se promènent et des milliers de braconniers. Le
problème est que présentement, ce serait peut-être bon de
faire des quotas et de limiter un certain nombre de permis pour cette
région. (15 h 45)
D'un autre côté, on a demandé de déterminer
des zones exclusivement désignées pour la chasse à l'arc,
parce que la chasse à l'arc au chevreuil est du 13 au 26 octobre et elle
entrecoupe la période de chasse à l'orignal au gros calibre.
Alors, souvent les chasseurs que j'ai rencontrés me disaient: Cela n'a
pas d'allure, je me promène dans le bois avec mon arc pour tirer un
chevreuil, j'entends "bang bang" à côté de moi, on veut
tuer un orignal. Cela n'a pas d'allure. Le gars se promène et il a
beaucoup de problèmes. Peut-être que cela serait
intéressant qu'on détermine des zones exclusivement pour l'arc et
que cela soit plus surveillé. Alors, vous auriez peut-être un peu
moins de braconnage, en tout cas cela serait plus facile à
contrôler.
On pense qu'aussi longtemps que la tordeuse détruira le sapin et
l'épinette, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche devra adopter des règlements assez sévères
pour assurer une protection accrue des cèdrières pouvant
être utilisées comme habitat d'hiver pour le chevreuil. On se rend
compte que les habitats d'hiver du chevreuil sont dans un état alarmant
au Témiscouata et que les cèdrières, c'est peut-être
la perspective la plus sécurisante pour permettre à nos
chevreuils de s'en sortir dans les prochaines années.
Présentement, il se fait beaucoup de coupes de bois dans les
cèdrières et cela serait peut-être important que les
cèdrières soient préservées par une
réglementation assez sévère. De ce côté, je
peux vous dire que j'ai demandé audience à la MRC du
Témiscouata et je vais faire mon possible de ce côté pour
que les municipalités adoptent des règlements dans le cadre de
leur schéma d'aménagement qu'elles sont en train de
préparer. C'est un problème. Les municipalités n'ont pas
l'air d'être tellement conscientes de leur rôle sur le plan de la
conservation de la faune.
Maintenant, en ce qui concerne la truite grise, je demande qu'on assure
une surveillance constante dans les frayières, seulement pendant la
période de la frai, c'est-à-dire qu'à l'automne, il y a
énormément de braconniers qui installent leurs filets et les
quatre agents de
conservation ne peuvent suffire à surveiller les frayières
du lac Témiscouata et du lac Squatteck. Je pense que c'est un
problème. Peut-être que par l'engagement d'agents de conservation
auxiliaires durant cette période, on pourrait assurer une surveillance
un peu plus constante près des frayières. D'un autre
côté, j'ai peut-être pris un peu d'avance sur cet aspect,
parce que, au cours des conférences que j'ai données, j'ai
essayé d'inciter les citoyens à présenter des projets.
J'en ai eu de toutes les couleurs, des "pif paf pouf", des projets pour faire
travailler les chômeurs et les bénéficiaires de l'aide
sociale; j'ai incité beaucoup les municipalités à
présenter des projets pour qu'elles-mêmes, souvent, engagent des
personnes pour surveiller leurs frayières. Alors, c'est une chose qu'on
peut essayer de faire, mais je pense que l'engagement d'agents de conservation
auxiliaires durant le temps de la période de frai pourrait diminuer
beaucoup le braconnage aux frayières.
Il y a le fameux programme de sensibilisation et d'éducation sur
le braconnage. Je voudrais vous dire tout de suite que je ne trouve pas cela
malheureux, mais je trouve cela un peu dommage que ce programme n'ait pas
été mis sur pied, au départ, par le ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, parce qu'à mon sens,
l'éducation et la sensibilisation du public sur le problème du
braconnage, c'est quelque chose qui est peut-être des plus efficaces. Je
sais qu'il existe présentement au ministère, à la
conservation de la faune, une section éducation. Ils sont en train
présentement de mettre sur pied des programmes d'éducation. C'est
seulement à l'état d'ébauche et le programme ne s'est pas
étendu à toutes les régions du Québec. Je crois que
c'est fait seulement sur demande, c'est-à-dire que lorsque les gens font
la demande, un agent va sur place et va faire des conférences.
Dans le cas du Témiscouata, je pense que le gouvernement devrait
appuyer, offrir son soutien au programme d'éducation populaire sur le
braconnage qui vient d'être effectué, parce qu'on s'est rendu
compte qu'au cours des 20 semaines qu'a eu lieu le programme, il a eu un effet
très positif sur la population. Je vous avoue que le programme que j'ai
fait pendant 20 semaines a fait parler beaucoup de gens. Tout le monde en a
entendu parler et cela semble être une bonne voie pour diminuer le
braconnage. Par contre, je vous avoue que je ne pense pas avoir contré
le braconnage chez les vieux braconniers. Les braconniers, on ne changera pas
leur mentalité. Mais là où c'est important que vous
assuriez votre soutien, c'est en permettant que le programme se continue,
surtout au niveau des écoles. Je suis allée dans les
écoles polyvalentes, au secondaire, et c'est très
intéressant de voir comment les jeunes enfants sont
réceptifs.
Je pense que ce à quoi il faudrait s'attaquer beaucoup, c'est
changer la mentalité chez les jeunes qui sont la nouvelle
génération.
J'ai fait des approches auprès des écoles primaires et
elles seraient prêtes à contribuer l'an prochain à
établir un programme et à recevoir des conférences dans
leurs écoles. C'est en gros ce qu'on demande. J'espère que vous
allez en tenir compte au cours de vos délibérations.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme Marchesseault. M.
le ministre.
M. Chevrette: J'avais oublié de demander au
député de Kamouraska-Témiscouata s'il s'était fait
braconner son lac. Il pourra nous le dire tantôt.
Je voudrais vous féliciter, Madame. Vous semblez avoir beaucoup
de dynamisme. Je suis surpris, cependant, que dans votre mémoire, vous
ne commenciez pas en recommandant ce avec quoi vous avez terminé votre
exposé. Dans votre mémoire, vous me dites tout d'abord:
Arrangez-vous pour que les agents de la faune travaillent comme du monde,
travaillent mieux, soient plus nombreux; il faudrait que les gens
dénoncent des situations alarmantes. Cela semble épouvantable
dans votre milieu. J'ai regardé les statistiques, c'est comparable.
C'est probablement les statistiques cachées ou celles qui ne sont pas
connues que vous trouvez affreuses. Et vous finissez par l'éducation
populaire. Dans tout votre exposé, vous semblez attacher beaucoup
d'importance... Il me semble qu'il faudrait peut-être commencer par
l'éducation populaire. Ensuite...
Mme Marchesseault: D'accord.
M. Chevrette: D'accord. Donc, on se comprend déjà.
Voyez-vous si cela va bien.
Mme Marchesseault: Par contre, je voudrais vous expliquer le
contexte. Je me suis peut-être mal expliquée. C'est que je ne suis
pas venue ici en mon nom personnel, nécessairement, et les principales
recommandations qui sont là, ce sont celles des gens que j'ai
rencontrés. Alors, les gens ne m'ont pas nécessairement
demandé de leur faire un programme d'éducation populaire mais ils
m'ont demandé... J'ai passé en premier les recommandations de la
population et, en dernier, j'ai demandé que le gouvernement soutienne un
programme d'éducation populaire. Je suis d'accord avec vous, le plus
efficace est peut-être l'éducation. Par contre, il y a d'autres
moyens, je pense, parce que l'éducation comme telle cela peut changer
quelque chose, mais dans l'immédiat l'urgent est-ce que c'est cela qui
va résoudre le problème?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Chevrette: Mais dans votre milieu vous parlez beaucoup du
secteur Cabano comme tel. Mais il y a quand même des bureaux avoisinants
et il y a de l'interrelation entre les bureaux. Je regardais dans le
Bas-Saint-Laurent, il y a 85 agents de la faune réguliers à temps
plein; il y a 65 agents occasionnels; il y a 120 auxiliaires. Cela commence
déjà à faire un joyeux nombre de gens qui s'occupent de la
conservation. D'autant plus que l'orientation qu'on veut donner à nos
agents est non seulement une dimension d'aspect policier, mais d'aspect
éducateur aussi; on veut développer cela de plus en plus chez nos
propres agents de la conservation. Je suis peut-être d'accord avec vous
qu'en certains temps de l'année on pourrait au moins engager certains
occasionnels pour surveiller des coins bien précis, parce que cela
représente une vulnérabilité évidente.
Je ne crois pas, d'autre part, qu'on puisse se rendre à toutes
vos demandes et je veux en commenter quelques-unes. Vous me dites, par exemple,
qu'une seule période de chasse de quinze jours c'est radical. Je me
demande si vous avez évalué l'impact économique pour la
région. Si on se rendait à vos désirs, de combien
priverait-on la région elle-même. On n'a pas le choix comme
ministre ou comme gouvernement, on doit évaluer cette dimension. Je ne
suis pas certain qu'on rendrait service à la population régionale
de Kamouraska-Témiscouata.
Deuxièmement, l'accessibilité à la ressource
elle-même serait réduite épouvantablement. Je ne sais pas
si cela serait une solution, parce qu'il me semble que si l'on
améliorait la qualité de la conservation par le nombre d'agents
ou bien encore par un resserrement ou en responsabilisant par exemple certains
groupes du milieu, on pourrait peut-être améliorer la protection
sans avoir à limiter l'accessibilité à la ressource et
sans pénaliser économiquement votre région comme
telle.
Deuxièmement, vous dites: l'augmentation des amendes. Cela c'est
déjà prévu dans le document de travail qui a
circulé; déjà il y a des amendes de prévues et vous
verrez dans le projet de loi qui sera déposé incessamment, on
veut pénaliser davantage les vraies infractions, et non pas les
infractions techniques qui servent plutôt de harcèlement que de
véritables infractions comme telles.
Vous dites aussi: accentuer l'infiltration des réseaux. Vous
êtes très habile, vous avez pris la peine de dire: Oui, je sais
qu'économiquement on n'est pas placé, cela prend des montants.
C'est vrai que cela prend beaucoup d'argent. En plus de cela ce n'est pas
nécessairement des techniques à préconiser. Je
préfère comme ministre mettre 100 000 $ dans l'éducation
populaire que dans un réseau d'infiltration; je vous donne mon opinion,
c'est une question de valeur, c'est très personnel; mais si j'avais
à en discuter, je soutiendrais beaucoup plus un programme de
sensibilisation et un programme d'éducation qu'un réseau
d'infiltration, même s'il en faut. Je vous donne tout de même un
aperçu de...
Mme Marchesseault: Mais ce dont on se rend compte - je suis bien
d'accord avec vous - c'est que le gros problème... Enfin, ce à
quoi je pense, au plus profond de moi-même, c'est à la faune
régionale. Vous m'avez dit que si on diminuait la période
à quinze jours, et je suis d'accord, au point de vue économique,
il y aurait de très grosses retombées. Mais, avant tout, il faut
peut-être se pencher sur le problème de la faune régionale.
Est-ce que cela va affecter les populations de chevreuils? J'ai
rencontré les biologistes du ministère et il semble que la
situation, pour le chevreuil, soit difficile. Quand on parle des braconniers
professionnels, on se rend compte que beaucoup d'animaux sont tués dans
une année. On n'arrête pas ces gars-là.
M. Chevrette: Mais comment expliquez-vous que vous soyez au
courant de cela et qu'il n'y ait pas plus de prises ou de captures? Vous avez
utilisé le terme "capturer" les braconniers professionnels. Comment
expliquer que cela se sache, aussi bien que vous l'énoncez, dans votre
milieu et que ce ne soit pas connu de nos agents? Est-ce qu'il y a une
raison?
Mme Marchesseault: Je peux vous dire une chose. En ce qui
concerne les chiffres que je vous donne, à savoir qu'il y a au moins un
gros braconnier professionnel par municipalité, je ne les ai pas
inventés. Les agents eux-mêmes les connaissent. Je suis
allée voir les agents de conservation de Cabano et j'ai parlé
avec eux. Eux-mêmes les connaissent, les braconniers professionnels. Mais
le problème est de les prendre. Ces gars-là les font courir. Ils
sont seuls et, quand il y a un réseau de CB, dans un petit village,
installé entre eux et c'est un petit gars qui fait un appel à
l'autre, lorsque tu arrives, il n'est plus là, le gars. Tu trouves le
camp...
M. Chevrette: Vous avez identifié des camions même
qui venaient chercher la chair. Si vous savez tout cela, c'est que cela doit
être visible, à un moment donné? Nos agents
manqueraient-ils d'imagination ou de quelque chose?
Mme Marchesseault: Je vous avoue que même les agents de
conservation sont au
courant de ces choses-là, mais le problème est de les
prendre, ces gros braconniers.
M. Chevrette: Vous faites allusion à la délation,
dans votre mémoire, dénonciation ou délation, appelez cela
comme vous voudrez. Les gens n'osent pas parler dans votre région?
Mme Marchesseault: Je vous avoue que la mentalité est
très faible. Nous avons des plaintes. Il s'enregistre plusieurs
plaintes, mais le nombre de plaintes est vraiment faible. Il y a une
mentalité dite de "clocher". C'est de mal appliquer la mentalité
de "clocher", mais c'est-à-dire que ce sont des villages où tout
le monde se connaît. Souvent, le type qui braconne est ton voisin, ton
beau-frère ou ton cousin. Les gens ont souvent peur de dénoncer
le gars en question. C'est fréquent. On rencontre cela un peu
partout.
Il y a aussi la question - je m'en étais informée
auprès des gens et même les agents me l'ont confirmé, parce
que dans le cadre de mon programme je n'ai pas travaillé toute seule,
j'ai consulté le ministère et j'ai travaillé en
étroite collaboration avec eux. Les chiffres que je donne ne sont pas le
fruit de mon imagination, mais ils sont plutôt sortis des livres du
ministère. On se rend compte que, souvent, les gens appellent, mais les
agents sont très craintifs. Quand ils sont seulement cinq pour couvrir
une région et qu'une personne appelle pour dire: Ça "jack"
à Saint-Jean-de-la-Lande, les agents n'y vont pas tout de suite en
courant. Souvent, l'agent va aller à Saint-Jean-de-la-Lande et l'appel a
été fait, mais c'est à Rivière-Bleue que
l'infraction se passe.
Moi-même, j'ai déjà fait un appel, une fois, pour
faire un test. On a dû appeler quatre fois d'affilée les agents.
La cinquième fois, ils y sont allés. C'est pour vous dire que je
les comprends. J'en ai parlé avec les agents. Souvent, ils attendent
d'avoir eu plusieurs plaintes pour y aller, parce qu'ils ne sont pas sûrs
si la première plainte est véridique.
Aujourd'hui, on demande aussi aux gens de se nommer lorsqu'ils
appellent. Cela fait peur énormément aux gens. Ils se disent: Ils
me demandent mon nom, ça y est, je vais être obligé de
dénoncer mon voisin. Souvent, les gens ne veulent pas parler. On se rend
compte que les plaintes ne fonctionnent pas tellement. Même que, cette
année, j'ai été obligée de mentionner aux gens, au
cours de mes conférences, de ne plus faire appel au petit zénith,
parce que les agents de conservation m'ont mentionné que le petit
zénith ne fonctionnait plus. Il y avait un petit téléphone
où on appelait pour faire une plainte, mais maintenant, au
Témiscouata, on fait appel à la Sûreté du
Québec lorsqu'on veut faire une plainte. C'est pour vous dire que cela
ne marche pas tellement du côté des plaintes des citoyens.
M. Chevrette: Comment voyez-vous le rôle de l'agent?
Mme Marchesseault: Moi, je les trouve très courageux.
M. Chevrette: Oui, je comprends que vous puissiez les trouver
courageux, mais j'aimerais que vous nous expliquiez davantage votre conception
du rôle de l'agent de conservation?
Mme Marchesseault: Je vous avoue, personnellement, que tout
citoyen devrait être un agent de conservation. C'est là où
je vous demande d'avoir plus d'agents. Ce n'est pas moi qui vous le demande, ce
sont les citoyens qui le demandent. Personnellement, je sais que, même si
vous en ajoutiez cinq ou six, cela permettrait d'en arrêter plus, mais ce
n'est pas ce qui va changer la mentalité. Je suis d'accord avec vous que
ce sur quoi il faut insister, c'est l'éducation. Je peux vous dire que
les vingt conférences que j'ai données - je n'avais pas beaucoup
d'argent - je me suis assez fait aller la "gueule", en bon français,
pour réussir à stimuler les gens. Les gens ont
réfléchi beaucoup à cela et ils y ont été
sensibilisés. Aujourd'hui, je peux vous dire que les gens du
Témiscouata... (16 heures)
Il faut démystifier l'image du héros, parce qu'un
braconnier, je pense, un peu partout au Québec, c'est une espèce
de Goldorak, un Superman. Quand tu racontes que tu as "jacké" trois ou
quatre chevreuils, tu l'as, l'affaire. Je pense que c'est cela qu'il faut
démystifier. Dans le cadre de mon programme d'éducation
populaire, c'est sur cela que j'ai insisté. Aujourd'hui, les braconniers
sont peut-être un peu plus mal vus et je pense que c'est en continuant ce
programme durant deux ou trois ans qu'on changera peut-être la
mentalité des gens. C'est la chose qui coûte le moins cher et qui
peut peut-être avoir un résultat. Je suis d'accord avec vous. Je
pense qu'il était de mon devoir de vous livrer les recommandations que
je vous donne aujourd'hui, même si je n'étais pas toujours
d'accord. C'est le reflet de ce que pense la population, et c'est important que
la population mentionne ce qu'elle veut. Je pense que je serais passée
à côté de la voie si j'étais arrivée ici avec
seulement mes recommandations personnelles.
M. Chevrette: En tant que biologiste, que pensez-vous de la
protection des habitats fauniques telle que proposée dans le document de
travail?
Mme Marchesseault: Je vous avoue que je n'ai pas lu tout le
document. Je suis un peu au courant et je trouve qu'en général
c'est très bien fait. Remarquez que je ne l'ai pas tout lu en
détail; j'en ai seulement discuté avec les biologistes du
ministère. Je pense que le gros problème est surtout au niveau de
la protection des ravages de chevreuils. Je pense que c'est le gros bobo, du
moins en ce qui concerne notre région. On se rend compte qu'il y a
beaucoup de problèmes entre les compagnies forestières qui
souvent vont empiéter dans un ravage. Quand on parle de préserver
le cèdre, il semblerait, selon moi, que c'est la perspective la plus
sécurisante pour aider à sauver notre chevreuil dans le
Témiscouata. Il se fait du reboisement d'épinettes de
Norvège, d'épinettes noires, mais avant que cela repousse, il va
falloir que le chevreuil aille ailleurs pour survivre. Je vous avoue que je ne
veux pas trop débattre la question parce que je n'ai pas lu le document
au complet. Je le lirai attentivement et je vous en donnerai des nouvelles.
M. Chevrette: Je vous félicite. Si on avait plus de gens
comme vous qui faisaient de l'éducation populaire, on n'aurait
sûrement pas à augmenter les amendes.
Mme Marchesseault: Je pense que ce qui est bon dans cela, c'est
que les citoyens s'impliquent. J'ai essayé de mettre cela dans la
tête des gens. Les gens souvent me disent qu'il faut que le gouvernement
fasse quelque chose. Je pense qu'il faut essayer de changer la mentalité
des gens. Si on attend après le gouvernement, ce n'est pas
nécessairement là qu'on aura la solution. Il faut que les gens se
prennent en main. Souvent, ce sont les ressources qui manquent. Je pense que
c'est important. J'avais pensé pour l'an prochain monter un programme,
dans le cadre du programme d'éducation populaire, pour inciter les
comités de citoyens à présenter des projets pour leurs
municipalités pour contrer le braconnage. Je vous avoue que ça a
grouillé. Les gens ont réfléchi. Ce genre de programme
d'éducation populaire vient de se terminer et, dans trois ou quatre
mois, cela va rebaisser. Les gens vont l'oublier. Il faudrait revenir chaque
année pendant la période qui commence au début du mois
d'août et qui s'échelonne jusqu'au mois de novembre. C'est la
grosse période du braconnage. Si on intensifiait notre action chaque
année, il viendrait un temps où cela ferait partie de la
mentalité des gens.
M. Chevrette: Félicitations et merci.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Berthier.
M. Houde: Mes premières paroles seraient pour vous
féliciter de la façon dont vous êtes convaincue de ce que
vous avancez, de la façon dont vous l'écrivez dans le
mémoire. Quand on regarde la dernière page de votre
mémoire et qu'on voit tous les chiffres que vous avez donnés,
c'est quelque chose d'impressionnant. Je pense bien que vous ne les avez pas
inventés. Vous les avez comptés pour les mettre dans le
mémoire. Félicitations pour cela Mme Marchesseault.
Je voudrais faire quelques commentaires. D'abord, en nous donnant ce
triste portrait de la chasse chez vous, nous espérons que le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche sera
sensibilisé au fait qu'il vaudrait peut-être mieux penser au
renforcement actuel plutôt que de se lancer dans quelque grande
réforme. En effet, quel que soit le régime instauré en
cette matière, on souligne pertinemment dans ce mémoire que la
ruse des braconniers vient, hélas, à bout de la bonne
volonté démontrée par n'importe quel gouvernement en
matière de chasse et de pêche. Il n'est pas question pour nous
d'accuser le présent gouvernement, pas plus que son ministre,
d'être responsables de l'ampleur du braconnage. Il s'est toujours
pratiqué malgré le resserrement des lois et, comme le disait un
intervenant la semaine dernière, parfois on a l'impression qu'il
faudrait un agent de conservation par chasseur et pêcheur - pas autant
que dans les hôpitaux, mais un pour un.
Néanmoins, notre parti appuie votre travail d'éducation et
incitera d'autres régions à vous imiter. Nous considérons
avec le plus grand sérieux le triste bilan que vous nous exposez
aujourd'hui, lequel nous indique que les législateurs devront penser
à une forme de surveillance accrue de nos forêts et de nos lacs au
Québec.
Ceci m'amène à poser une question, Mme Marchesseault.
Où avez-vous pris l'information en ce qui concerne les 3000 $ que vous
avez mentionnés tantôt, pas dans votre mémoire comme tel
parce que ça n'y était pas écrit, mais dans ce que vous
avez dit? Vous avez dit: Possiblement une amende de 3000 $. Où avez-vous
pris ça?
Mme Marchesseault: C'est auprès des agents de
conservation. Lorsque j'ai monté mon programme d'éducation
populaire, j'ai consulté les agents de conservation du poste de Cabano.
Les amendes, présentement, sont de 300 $ à 1000 $, je crois, pour
une infraction majeure. Il faudrait spécifier ce qu'est l'infraction
majeure. Lorsqu'on parle d'infraction majeure, il s'agit de chasse de nuit, de
possession de gros gibier, d'installer des filets sur les frayères. Les
agents de conservation qui ont travaillé sur ça, m'ont dit: II y
a un nouveau projet de loi qui va être déposé et qui va
demander que les amendes passent de 1000 $ à 3000 $. Je ne veux pas non
plus trop m'avancer. J'ai
l'impression que je me mêle de politique là, mais
enfin...
M. Houde: Non, non, ce n'est pas de la politique.
Mme Marchesseault: Je vous donne la source de mon information. Je
pense qu'il n'y a rien de mal à savoir que les amendes vont augmenter et
que c'est ce qui est proposé. Et même, lorsque j'ai dit aux gens
qu'on parlait de 3000 $, on m'a dit que ce n'était pas assez. C'est
peut-être vrai que ce n'est pas assez, mais je pense qu'en augmentant les
amendes, on fait peur un peu aux agents de conservation parce que ça va
être encore plus dangereux. Les braconniers vont peut-être
être plus dangereux à capturer parce qu'ils vont risquer des
peines plus sévères. Enfin, je voudrais vous mentionner aussi
que, lorsque vous dites qu'il y a beaucoup de braconniers, ce qui ressort de
tout ça, c'est que celui qui est puni, c'est le chasseur sportif. Je
demeure dans le JAL, à Auclair, et cette année, c'est effrayant
le nombre de "jack" qu'il y a eu, de chasse de nuit et de chevreuils que j'ai
vu sortir un peu partout dans les rangs. À la fin de la période
de chasse, je suis allée consulter les statistiques des enregistrements
de chevreuils à Cabano et, sur les 130 et quelques chevreuils qui
étaient enregistrés -il y avait 101 chevreuils à la fin de
la journée précédente - il n'y en avait aucun
d'enregistré dans ma municipalité et il y avait plein de gens que
je connaissais qui avaient du chevreuil. Alors, c'est pour vous dire que les
chasseurs sportifs n'en avaient pas pris, il n'y en avait aucun
d'enregistré; par contre, il y avait beaucoup de braconniers qui en
avaient tué. Alors, souvent c'est le chasseur sportif qui est puni et
c'est ce qui est regrettable.
M. Houde: C'est pour ça qu'on dit toujours que le bon paie
pour le méchant. Mme Marchesseault, je voudrais savoir ceci.
Tantôt vous disiez qu'il y avait un avant-projet de loi, est-ce que vous
pouvez me dire quand vous l'avez eu dans vos mains?
Mme Marchesseault: Quoi?
M. Houde: L'avant-projet de loi.
Mme Marchesseault: Je n'ai pas eu le projet de loi dans mes
mains. Ah non! J'en ai discuté avec un biologiste de Rimouski.
M. Houde: Qui vous l'a passé?
Mme Marchesseault: Non, il ne me l'a pas passé. J'en ai
discuté tout simplement.
M. Houde: Ah! Discuté.
Mme Marchesseault: Oui, oui. Je n'ai eu aucun rapport dans les
mains.
M. Chevrette: Est-ce que vous me le permettez?
M. Houde: Non, attendez tout à l'heure. Vous ferez votre
questionnaire tout à l'heure. On va vous laisser le temps, M. le
ministre.
Mme Marchesseault: Je ne veux défendre aucun parti, je
n'ai eu aucun rapport dans les mains. La seule chose, c'est que, lorsque j'ai
monté le programme d'éducation populaire, je voulais quand
même avoir l'appui du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche. Je n'ai pas été subventionnée par eux.
Même que cela a été un problème. Quand j'ai
demandé une subvention à Chantier-Québec, ils m'ont dit:
Tu n'auras pas un cent, parce que le braconnage dépend du
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Cela a
été toute une lutte que d'aller voir le ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche et de lui demander d'appuyer mon
projet parce que je voulais présenter quelque chose. À ce
moment-là, l'éducation sur le braconnage ne se faisait pas de
façon intensive. Alors, j'ai rencontré des biologistes un peu
partout et c'est au cours de ma rencontre avec des biologistes à
Rimouski qu'on a parlé du projet de loi en question. Mais je n'ai eu
aucun projet de loi dans les mains. J'aurais aimé l'avoir, par
contre.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Berthier.
M. Houde: Comme ça, donc, les biologistes de Rimouski
auraient vu et auraient eu en leur possession le fameux avant-projet de
loi.
Mme Marchesseault: Je ne le sais pas du tout.
M. Houde: Peut-être que le ministre pourra...
Mme Marchesseault: Peut-être que vous essayez de vous
servir de moi pour vous donner des renseignements.
M. Houde: C'est bien, ça.
M. Chevrette: Vous êtes pas mal brillante, madame. Ce l'est
beaucoup moins de vous faire ça à vous, par exemple.
Mme Marchesseault: Non, non, je sais me défendre, ne vous
en faites pas. J'en ai déjà eu des plus chaudes que
ça.
M. Houde: Ce n'était pas mon intention de vous mettre en
boîte.
Mme Marchesseault: Sincèrement, quand j'ai parlé
avec le biologiste en question, il n'avait pas de projet de loi devant lui,
mais je pense que c'était un type très impliqué dans le
ministère et qu'il travaillait là-dessus. Je pense qu'il a
dû être consulté par le ministère et il m'en a
parlé. On n'avait pas le projet devant nous.
M. Houde: Est-ce que ça fait longtemps ça? Est-ce
que ça fait plusieurs semaines que vous avez discuté de
ça?
Mme Marchesseault: C'est au cours de l'été.
M. Houde: Au cours de l'été.
Mme Marchesseault: Oui. Peut-être que nous pourrions
savoir, de la part du ministre quand les biologistes ont eu une copie de cela
entre leurs mains. Est-ce que vous pouvez me le dire? C'est vrai que vous
n'étiez pas ministre à ce moment-là, je crois.
M. Chevrette: Ça ne dérange pas cela. Il y a des
choses qu'on peut savoir.
M. Houde: Non. Vous le savez...
M. Chevrette: II y a des choses qu'on peut savoir.
Mme Marchesseault: Je ne sais pas si je peux vous poser une
question.
M. Chevrette: Je vais répondre à la sienne
avant.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre va
répondre.
M. Houde: J'ai une autre question à lui poser
après.
M. Chevrette: Tout d'abord, il y a eu des documents de travail,
madame, et cela est normal, tout à fait normal. Les gens travaillent au
sein de mon ministère pour améliorer la loi elle-même.
C'est annuellement, à partir des résultats d'infractions qu'on
regarde s'il y a des correctifs à apporter.
Le Parti libéral a un document qui date du mois de mars, qui est
périmé depuis longtemps. Il y en a eu des documents de sortis au
mois de juin. Celui-là, il ne l'avait pas. Il est tout à fait
normal que nos biologistes, nos agents de conservation aient été
consultés, qu'ils aient des idées là-dessus. Pour
certains, cela peut-être 3000 $; pour d'autres, cela peut être 4000
$; il y en a d'autres qui peuvent nous conseiller de garder les amendes telles
quelles, mais d'enlever les technicalités. Il y a une foule
d'idées, comme vous en avez vous-même et comme d'autres groupes en
ont eues. On a eu 45 mémoires. Donc, c'est tout à fait normal
qu'il y ait des expressions d'opinions. C'est à partir de ces
expressions d'opinions qu'on va bâtir notre projet de loi, qu'on va
déposer à l'Assemblée nationale, cette fois-ci, un projet
de loi définitif qui tiendra compte des suggestions qui nous seront
faites. Au lieu de demander: Quelle est la couleur, à quelle heure, puis
quel document de travail, ce serait bien mieux de nous faire une suggestion. Ce
serait bien plus positif.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Vous avez
terminé, M. le député de Berthier.
M. Houde: Non, M. le Président. J'aimerais savoir ceci de
la part du ministre: D'abord, tout à l'heure lorsqu'il disait qu'un
projet de loi serait déposé incessamment, cela veut dire dans
combien de temps? Tantôt, pas à cette intervention, mais à
l'autre d'avant, lorsque vous nous avez dit qu'un projet de loi serait
déposé incessamment, c'est dans combien de temps environ,
cela?
M. Chevrette: Incessamment, c'est clair que cela ne peut pas
être d'ici à Noël. C'est clair que ce sera pour la prochaine
session. J'ai dit ce matin que j'entends le fouiller un peu plus à fond,
mais que je suis fortement tenté à ce moment-ci - pour vous
montrer que je n'ai rien à cacher - de scinder en deux le projet de loi.
Un projet de loi pourrait être sur les habitats fauniques; un projet de
loi amenderait la loi de conservation actuelle. En tout cas, cela me sourit
comme approche. Il y a plusieurs groupes qui m'ont fait la suggestion, et
j'aurai à prendre une décision d'ici peu là-dessus. Mais
cela m'intéresse au premier coup d'oeil d'y aller de cette
manière-là, de sorte que je pourrais mener une consultation
peut-être encore plus approfondie sur les habitats auprès de
certains groupes spécifiques, parce qu'on sait que c'est contentieux et
cela met en contradiction ou, en tout cas, en conflit de juridictions certains
ministères. Il faut régler cela également et cela ne
retarderait pas, d'autre part, les amendements possibles à la Loi sur la
conservation de la faune actuellement. C'est pour cela que cela me sourit
davantage. Donc, j'aurai à prendre une décision très
bientôt; mais, au premier coup d'oeil, cela me sourit. Cela ne peut pas
être avant Noël, c'est clair.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va, M. le
député de Berthier?
M. Houde: Oui, je vous remercie beaucoup, encore une fois.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le
député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Oui, M. le Président. Moi également, je désire
remercier madame pour son mémoire. Je crois que cela reflète
très bien la pensée de la population de Témiscouata. Je
pense que c'est, comme elle l'a dit dans son mémoire, une
mentalité; et ce ne sera pas facile de l'enlever demain matin aux gens
de Témiscouata.
Vous parliez de raccourcir les périodes de chasse. Si je pense
aux braconniers professionnels, je crois que cela va leur donner encore plus de
gibier pour braconner. Je ne pense pas que ce soit la solution. Je crois aussi
qu'il pourrait y avoir un peu plus d'agents de conservation. M. le ministre
disait tout à l'heure que l'Est du Québec, c'est une grande
région, c'est presque une province. La partie du Témiscouata,
avec 21 ou 22 municipalités, cela fait beaucoup de territoire, 4500
kilomètres carrés; puis, si vous regardez tous les petits
villages, surtout de 400 à 500 de population, vous sortez de la maison
et la forêt, c'est tout près, parce que l'industrie
première de Témiscouata, c'est la foresterie. (16 h 15)
Également, vous signalez le fait de préserver les
cèdrières. Vous savez que plusieurs industries dans le
comté qui possèdent des moulins à bardeau, ainsi de suite,
vivent avec ce produit. Conserver les cèdrières, fermer des
usines; il faudrait s'entendre là-dessus, pour savoir si on devrait
conserver des cèdrières pour garder la faune ou si on devrait
laisser fonctionner nos usines. Mais cela pourrait se faire en concertations
avec le ministère de l'Énergie et des Ressources pour en garder
le plus possible. (16 h 15)
Je suis d'accord, j'en ai entendu parler cet été: le
braconnage, ce n'est pas d'aujourd'hui au Témiscouata. Je pense qu'on
avait un peu la même chose dans Kamouraska, mais c'est sûr que le
braconnage ne se fait pas sur le bord du fleuve; le gibier n'est pas là.
Alors, c'est surtout dans l'arrière-pays qu'on braconne, mais depuis
quelques années, avec des agents de conservation assez agiles,
même avec le nombre limité, on a pu réduire un peu le
braconnage surtout dans la partie de Kamouraska. Dans la partie de
Témiscouata, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est
tellement vaste - il y a des grands plans d'eau, beaucoup de forêts - que
le nombre d'agents de conservation pourrait être augmenté. J'ai
aimé la suggestion que vous avez faite tout à l'heure, lorsque
vous avez dit que les MRC, au point de vue de leur plan d'aménagement,
devraient s'impliquer pour donner de l'information à la jeunesse qui
pousse parce que c'est une mentalité. Autrefois, du gibier dans le
Témiscouata, il y en avait; il n'y avait pas de problèmes, on
pouvait en braconner. Ce n'est pas là qu'était le
problème, mais aujourd'hui cela va le devenir.
Il y a aussi le problème de la tordeuse des bourgeons de
l'épinette que vous avez soulevé. J'espère que cela ne
dépend pas du Parti libéral qui était là avant
nous, mais c'est peut-être du fédéral. Par contre, la
tordeuse des bourgeons de l'épinette...
Mme Bacon: Reagan.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... a fait
des ravages, c'est sûr, qui vont nuire énormément aux
habitats fauniques de notre chevreuil, de l'orignal et ainsi de suite. Encore
là, il y a des coupes de bois qui doivent se faire parce que le bois ne
sera plus récupérable. Il y a des coupes qu'on appelle
sélectives et hâtives pour récupérer le bois pendant
qu'il est encore bon. Il faut que cela se fasse, mais on peut protéger
des bandes le long des lacs et des rivières qui peuvent encore
être conservées pour garder l'habitat faunique.
Pour les cèdrières dont je vous ai parlé tout
à l'heure, je ne sais pas ce que vous en pensez. Je sais qu'il y a
beaucoup de petites usines qui demandent du bardeau; vous les connaissez
très bien; et elles en demandent de plus en plus. Il faudrait
sûrement aller dans des parties qu'on devrait garder pour les habitats
fauniques.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, Mme Marchesseault. Vous
pouvez parler.
Mme Marchesseault: II y a une chose qui est ressortie lorsque
j'ai discuté avec les biologistes du ministère. On se rend compte
depuis quelques années que les ravages de chevreuils au
Témiscouata, au lieu d'être dispersés, sont très
localisés, comme autrefois, par grandes parties. On se rend compte de
plus en plus qu'il y a des petites poches de ravages ici et là,
c'est-à-dire qu'au lieu d'être concentrés dans des ravages,
les animaux sont obligés de passer l'hiver ici et là. Lorsqu'on
parle des cèdrières, je suis bien d'accord avec vous qu'il faut
faire un consensus peut-être entre le ministère de
l'Énergie et des Ressources et le ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche, mais il y aurait peut-être moyen de
préserver les cèdrières là où
présentement existent des ravages ou, du moins, après avoir
déterminé les ravages existants, essayer d'avoir une
législation pour préserver les cèdrières autour. Il
faut choisir: Est-ce qu'il faut conserver le bois ou le gibier? C'est tout le
problème. Le gibier ne rapporte pas de l'argent automatiquement, mais
enfin, je pense...
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Mais vous pensez qu'avec une augmentation des agents de conservation,
avec l'éducation populaire au point de vue des MRC, du ministère
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, avec une certaine restriction des
coupes dans les cèdrières et partout en forêt, au
Témiscouata, et aussi avec une meilleure surveillance... Vous avez
parlé des frayères du lac Témiscouata, c'est...
Mme Marchesseault: C'est très important.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ...
effrayant! Il y a des gens qui me l'ont raconté. J'ai dit: Cela ne se
peut pas. Faire des prises de poissons et on ne pouvait pas les prendre, ces
gens-là. Moi, je pense que c'est un non-sens. C'est la reproduction du
poisson pour des...
Mme Marchesseault: C'est exactement cela.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ...
années et des années à venir. Je pense qu'on devrait faire
un spécial quand on connaît les frayères du lac
Témiscouata, vous les connaissez plus que moi, on ne devrait pas laisser
des braconniers aller chercher du poisson surtout avec des filets, c'est toute
une "réguine". Je ne comprends pas que, si peu nombreux soient-ils, les
agents de conservation ne soient pas capables de pincer ces gens. On n'a pas
beaucoup de cas de prises sur les frayères.
Mme Marchesseault: Ce dont on se rend compte, c'est que le
braconnage au Témiscouata arrive comme une bourrée, une
tempête. Cela arrive tout en même temps. Vous avez la chasse au
chevreuil qui commence et, en même temps, vous avez les frayères,
le "pointu", vous avez tout. Alors il y a quatre à cinq agents. Ils
courent partout jour et nuit, mais les gars sont sur les frayères la
nuit; il y en a un autre qui "jack" dans le fond du rang. Le problème
est là. Mais une chose dont je me demande si elle ne pourrait pas
être une solution pour le ministère - je vous avoue que je ne sais
pas s'ils vont avoir confiance en cette solution -ce serait peut-être de
débloquer des subventions ou des programmes spéciaux qui
permettraient aux citoyens désireux de s'impliquer de faire des choses
comme celles-là. Par exemple, je prends le cas du lac
Témiscouata. Il y a eu autrefois des petites cabanes construites
auprès de chacune des frayères et on envoyait les agents
surveiller - dans les années cinquante -durant la période du
frai. Mais aujourd'hui, étant donné qu'il y a un manque d'argent,
c'est un peu difficile d'envoyer un gardien à chacune des
frayères à l'époque du frai de la truite. Ce que je
proposais, c'est que, par exemple, on ait des subventions quelconques qui
permettraient, dans le temps du frai, d'engager des gars qui font partie
d'associations de chasse et de pêche. Ces gars étant
bénéficiaires de l'aide sociale ou en chômage, cela leur
permettrait - il faudrait quand même que cela soit des gens
considérés comme étant sérieux - d'aller faire la
surveillance. Il y en aurait des gens qui seraient prêts à faire
cela. Vous allez me dire que ces gens ne seraient pas armés, qu'ils ne
seraient pas de vrais agents. On pourrait leur faire suivre de petits cours
d'agent auxiliaire. Par contre, le fait qu'il y ait quelqu'un au niveau des
frayères, je pense que cela inciterait beaucoup moins les braconniers.
Parce que présentement, cela se fait de façon ouverte. Je suis
même allée vérifier, un matin, sur le lac Squatec et j'en
ai vu quatre ou cinq qui ont levé des filets. C'est pour vous dire que
cela se fait ouvertement.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Je ne vous ai pas entendu parler de - vous savez, près du lac
Témiscouata - la ZEC Owen qui est installée là depuis
1978. Je vois ici, par les arrestations et tout cela qu'il y en a bien peu qui
ont été faites dans la ZEC. Dans les ZEC, il y a un
enregistrement. Est-ce que vous pensez que cela a aidé la ZEC, ou bien
si c'est pire qu'avant? Si vous avez fait le tour de tout cela, vous savez que
la ZEC a des terrains assez grands, des territoires assez grands et beaucoup de
lacs. Est-ce que vous pensez qu'on pourrait peut-être améliorer la
ZEC Owen? Dans mon comté, heureusement ou malheureusement, j'ai deux
ZEC, la ZEC Chapais et la ZEC Owen.
Mme Marchesseault: II y a un gros problème qui a
été soulevé souvent. Lorsque j'ai donné des
conférences, j'ai rencontré des citoyens des ZEC, qui disaient
souvent: La maudite ZEC, depuis qu'elle est là, cela coûte cher de
prendre un permis. Je n'ai pas les moyens, je suis bénéficiaire
de l'aide sociale, alors je vais aller braconner. Cela a souvent
été la réaction des gens. Ils disaient que cela
coûtait trop cher d'aller à la ZEC. Personnellement, je ne sais
pas si je peux me permettre de faire une critique face à cela, je n'ai
pas assez étudié le dossier des ZEC, je pense que je ne devrais
pas m'embarquer dans cela. Mais on se rend compte que cela fait des heureux,
dans certains cas, et, dans d'autres cas, cela fait des malheureux. Quelle
tranche faut-il faire dans cela? J'ai rencontré beaucoup de gens qui
m'ont dit que, lorsque la chasse arrive dans la ZEC, cela fait peur. La
première journée de la chasse au chevreuil dans la ZEC, on tire
de partout. Il faut quasiment se cacher derrière les arbres. Cela siffle
de
partout. Il y a beaucoup de gens de l'extérieur qui vont dans les
ZEC.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
C'est signe qu'il y a des gens...
Mme Marchesseault: Mais cela protège le gibier, dans un
certain sens.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
C'est signe que...
Mme Marchesseault: Cela tente beaucoup les braconniers, parce que
ces gens connaissent les coins comme leur main. J'en ai rencontré, des
braconniers, je vous avoue qu'ils ont tous des petits trucs assez
spéciaux pour aller dans la ZEC.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Avant la ZEC Owen, c'étaient des clubs privés. En partie,
dans ce territoire, c'étaient des clubs privés. Les gens n'y
allaient pas plus chasser. Ils allaient braconner, ils n'allaient pas plus
chasser. Je ne sais pas si c'est parce que cela coûte trop cher ou moins
cher, parce que dans les clubs privés, autrefois, il y avait aussi une
certaine part à payer, tandis que dans une ZEC, il y a une carte de
membre annuelle.
Mme Marchesseault: Ce que l'on reprochait beaucoup aux ZEC, ce
qui était peut-être un problème, c'est que souvent dans la
ZEC, dans le cas de la ZEC Owen -il y a aussi, Beazely, qui est un petit
territoire - les entrées sont très mal surveillées. Il y a
beaucoup d'entrées et les gens peuvent pénétrer par
plusieurs endroits dans ces coins. Par exemple, dans ma municipalité, il
y a un endroit, un fond de rang qui, autrefois, était
déblayé et beaucoup de braconniers entraient par là durant
le temps de la chasse. Cela serait peut-être important qu'il y ait des
barrières de mises. Je ne sais pas si c'est le gouvernement qui doit
intervenir là. J'essaie plutôt d'inciter les MRC à informer
leurs municipalités pour que ce soit aux municipalités,
étant donné que ce sont leurs territoires, d'agir en mettant des
barrières où il faudrait en mettre ou des choses du genre.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
D'accord.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le
député de Kamouraska-Témiscouata. Mme la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: J'aurais seulement un commentaire à faire. Je
regrette, malheureusement, de ne pas avoir entendu Mme Marchesseault au
début; j'étais absente. Mais on doit reconnaître votre
grande compétence et votre dévouement, surtout, à cette
cause de la protection de la faune. Je regrette presque, au nom du principe
d'accès à l'information, que vous n'ayez pas eu le droit d'avoir
une copie de l'avant-projet. C'est tout ce que je voulais dire.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie beaucoup,
Mme Marchesseault, au nom des membres de la commission de vous être
donné la peine de nous présenter un document
intéressant.
Mme Marchesseault: Je vous remercie beaucoup, moi aussi, de
m'avoir écouté.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Chevrette: Madame, je vais vous remettre un document de
travail et vous pourrez peut-être aller l'expliquer à
l'Opposition.
Une voix: On n'a pas besoin de cela.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme Marchesseault.
J'appelle maintenant la prochaine personne qui est M. Louis-Georges Morin.
MM. Louis-Georges et Serge Morin
M. Morin (Louis-Georges): Bonjour, M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui. C'est bien M. Morin?
M. Morin (Louis-Georges): Je suis Louis-Georges Morin, de Parent,
comté de Laviolette. J'ai ici mon fils Serge qui va nous lire le
mémoire que je vous ai envoyé.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Alors, M. Morin,
vous pouvez y aller.
M. Morin (Serge): Revendications des droits à la
pêche commerciale sur le réservoir Gouin. Introduction: Depuis le
début de 1982, la presse fait état d'une possible
réouverture de la pêche commerciale sur le réservoir Gouin.
En tant qu'ancien pêcheur commercial, je ne peux passer l'occasion de
revendiquer mes droits et de vous exposer mon point de vue sur le sujet. Je me
ferai aussi clair que possible dans ce court mémoire.
Tout d'abord, situons-nous géogra-phiquement. Le réservoir
Gouin constitue un des plus grands réseaux d'eau naturelle au monde.
Situé à quelque 120 milles au nord de La Tuque, il se
déverse principalement dans la rivière Saint-Maurice et dans la
Bazin. On le considère comme un des principaux attraits touristiques de
La Mauricie, grâce à la pêche sportive qui s'y
pratique. Sa popularité vient de la qualité de ses
espèces, soit le doré et le brochet, favoris des pêcheurs
sportifs ainsi que le poisson blanc, la carpe et la loche moins connus depuis
la fermeture de la pêche commerciale en 1971.
Regardons du côté des antécédents
chronologiques. Dans les années soixante, le gouvernement avait compris
qu'il s'avérait important de faire connaître nos poissons d'eau
douce afin que chacun bénéficie de sa fine chair. Dès
lors, le doré du réservoir Gouin devint populaire sur le
marché, trop populaire, peut-être, puisque le 18 juin 1971 on
enlevait le gagne-pain de sept pêcheurs en boudant la pêche
commerciale au profit de la pêche sportive.
Depuis 1971, des permis de pourvoirie ont été
octroyés un peu partout pour favoriser l'essor touristique.
Hélas! souvent donnés à des gens incompétents et
plus soucieux de satisfaire leur portefeuille que de promouvoir un sport avec
des règles nécessaires, on assiste à une
détérioration graduelle du réservoir Gouin et de la
qualité de ses espèces.
Le mercure, raison évoquée par les autorités pour
fermer la pêche commerciale, devenait alors inoffensif au bout de la
perche d'un pêcheur même abusif. Pourtant, c'est par un
télégramme, c'était une urgence que les pêcheurs
furent informés du danger que couraient les consommateurs. La
pêche commerciale dut cesser subitement et tandis que les pêcheurs
entraient tristement et non sans regret leurs filets, les sportifs montaient
joyeusement leur ligne sans pour autant que la tragique présence du
mercure modère leur enthousiasme.
C'est avec beaucoup de détermination que j'ai, en tant que
pêcheur commercial, insisté auprès des autorités
pour revendiquer mes droits. En 1971, 1972, 1973 et même après,
les réponses étaient toujours négatives. On
évoquait toujours la traditionnelle histoire du mercure qui
écartait le Québec d'un marché international de poissons
d'eau douce. Quant à moi, pêcheur, je ne comprends toujours pas
pourquoi la teneur en mercure permise pour la consommation ne soit pas uniforme
dans tous les pays. Y aurait-il des peuples avec de meilleures constitutions
physiques que nous?
Si on regarde du côté de l'industrie touristique,
malgré les démarches faites auprès du gouvernement, on n'a
jamais voulu admettre le pêcheur commercial comme étant l'ami du
pêcheur sportif. Pourtant, n'était-ce pas lui qui, plus de 50 ans
durant, avait conservé cette mer d'eau douce poissonneuse? Le sportif
laissé libre à lui le débalançait
complètement en dix ans. (16 h 30)
Je suis loin de vouloir démolir l'industrie touristique, je
cherche au contraire à la promouvoir tout en permettant à chacun
de tirer bénéfice de cette richesse naturelle. Je veux surtout
éviter que, dans dix ans, l'industrie touristique du réservoir
Gouin soit à sa phase terminale. Encore une fois, celui qui aura voulu
préserver la nature paiera la note, car il verra de nouveau son commerce
s'effronder.
Il faut se le dire et s'en parler surtout. Quand les poissons ne seront
plus aussi abondants dans les coins aussi isolés que le réservoir
Gouin, les pêcheurs seront moins encouragés à venir nous
visiter. Les moustiques, le froid et la distance seront mes plus sérieux
compétiteurs au coeur d'une région qui ne se dit pas un coin de
villégiature. Quand le réservoir Gouin ne sera plus productif,
les gens ne se déplaceront pas pour venir se baigner dans les eaux
froides ou tout simplement camper avec les maringouins sous prétexte de
faire une balade de 150 milles sur une route de gravier. Les pêcheurs
sportifs s'en iront alors vers un domaine plus poissonneux.
Tout bien étudié, considérons une famille de quatre
personnes qui se rend à la pêche au réservoir Gouin. Chaque
membre de cette famille a droit à dix dorés, six brochets pour
une moyenne de 3 livres par unité - ce qui est très raisonnable -
nous trouvons un total de 200 livres de poisson. Si la famille vient deux,
trois, quatre ou cinq fois par été, croyez-vous
sincèrement qu'elle mange au-delà de 800 livres de poisson.
On trouve quatre possibilités: premièrement, vu le trop
grand nombre de poissons, la famille donne le surplus à un ami, ce qui
m'apparaît très peu rentable pour la province en elle-même
puisqu'elle ne favorise pas la vente de permis et d'équipement en plus
de dévaluer les lacs du réservoir Gouin, donc défavoriser
les pourvoyeurs conscients du danger.
La deuxième possibilité, la famille plus conservatrice
qui, pour ne pas en manquer, en jettera les deux tiers, lesquels auront perdu
leur bon goût. Bien sûr, le sportif aura vite fait de le remplacer
par du plus frais, à l'ouverture de la saison de pêche, je parle
du gaspillage.
La troisième possibilité - c'est le plus destructeur des
quatre - c'est celui qui en vend discrètement et bien sûr, sans
preuve, jusqu'à ce qu'un agent intercepte sa cargaison. Certains
pourvoyeurs sont directement responsables. Ainsi, dans sa hâte de garnir
son porte-monnaie, celui-ci ne voit pas qu'en récoltant 15 $ pour la
location d'une embarcation, il vient de perdre 2000 $ en nature. C'est ce qui
se produit quand un groupe de six personnes apporte plus de 1000 livres de
poisson et que, par conséquent, le poisson se vend 3,50 $ la livre sur
le marché.
La dernière possibilité, la quatrième, c'est bien
sûr le pêcheur qui mange toutes ses prises. Il est, en fin de
compte, le plus à
plaindre puisqu'il respecte la nature, mais par la faute du mercure, sa
santé en prend même un dur coup.
Puisque j'en suis à considérer les problèmes
majeurs en vue de réforme, il nous serait en même temps
très profitable de regarder dans le ciel et de compter le nombre
d'avions qui passent au-dessus de nos têtes chaque jour bourrés de
poissons. Encore ce petit marché noir ne donne rien à la province
et le sort touristique en ressort sérieusement
ébranlé.
Tout bien réfléchi, la pêche commerciale existe
encore sur le réservoir Gouin, quoique beaucoup moins productrice pour
le peuple et pour l'économie du Québec.
L'industrie de la pêche commerciale. En enlevant la pêche
commerciale au réservoir Gouin sur le marché de Montréal
on venait, sans s'en rendre compte, faire dégringoler la qualité
du poisson vendu. Nous étions une industrie laquelle avait une
réputation très enviable. Aujourd'hui, combien d'acheteurs
peuvent se vanter de goûter un poisson frais qui goûte vraiment le
poisson? Très peu, probablement. Prenez les personnes qui sont dans la
possibilité de venir elles-mêmes capturer leurs prises, qui
pourraient en acheter au marché. Prenez les anciens pêcheurs
sportifs, qui, devenus vieux, ne peuvent plus se rendre en voyage de
pêche. Quelle déception pour eux qui ont goûté le
poisson frais et qui sont condamnés à manger du gibier de
deuxième classe.
Étant nouveau pêcheur commercial, je serais capable de
fournir au moins le marché québécois, je pourrais aussi
fournir plusieurs restaurateurs qui, au lieu de servir le traditionnel "fish
and chips" prépareraient un bon plat de doré bien de chez nous.
La seule partie de pays capable de fournir une clientèle nombreuse est
le réservoir Gouin, car on ne fait pas la pêche commerciale dans
un étang. Le poisson doit avoir une chance de se reproduire, il doit
pouvoir se déplacer. L'homme, par ses lois et pratiques, doit permettre
aux poissons de croître le plus naturellement possible. La carpe et le
poisson blanc sont quand même des espèces très en demande.
Pourtant, en grand nombre sur le réservoir Gouin, on les laisse se
reproduire sans profiter de leur valeur marchande.
Nous pouvons fournir des usines de transformation de poissons sans nuire
à la pêche sportive. La pêche commerciale aura
rapporté à l'industrie touristique, les ventes auront
été bonnes pour l'industrie de la pêche, les gourmets
seront satisfaits et le gouvernement aussi.
Je viens, aujourd'hui, revendiquer mes droits qu'on m'a
dérobés il y a déjà plus de dix ans, grâce
à un prétexte insensé et selon une manière
très peu orthodoxe, pour ne pas dire sauvage.
Je suis apte à reprendre mes anciennes fonctions de pêcheur
sur le réservoir Gouin. J'ai encore l'équipement
approprié, mais j'ai encore plus le souci de conserver la nature et
surtout, aujourd'hui, quand je vois des comportements peu relatifs aux
pêcheurs sportifs. Bien sûr, j'ai la conviction que l'industrie de
la pêche peut très bien s'entendre avec l'industrie touristique,
seulement faut-il que les règlements et lois soient faits en fonction
d'une bonne entente?
Je suis apte à tendre de nouveau mes filets pour le marché
en général, pour ne pas dire à tous ceux qui sont
prêts à payer un prix raisonnable pour le poisson. Je suis
disponible pour discuter des réformes à effectuer et puisque nous
sommes à l'heure des confidences, j'ai cru important d'informer les
hauts dirigeants du réel impact que peuvent avoir les lois mal
constituées.
La réforme touristique. Par ce texte, mon but n'est pas de vous
offenser, mais je considère que prévenir est mieux que
guérir, et comme la maladie est déjà à un stade
avancé, il est grand temps de sortir un remède miracle. Puisque
j'ai la possibilité de m'entretenir avec les amis du peuple, j'aimerais
vous signaler, en tant que pourvoyeur en chasse et pêche, quelques
maillons fragiles de cette chaîne qui retiennent délicatement,
depuis quelques années, l'industrie de la pêche et de la
chasse.
Premièrement, quand les autorités ont passé de six
à dix, le nombre de dorés permis sur le réservoir Gouin,
on s'est bien gardé de demander l'avis des pourvoyeurs. Eux, qui,
néanmoins, connaissaient l'impact de cette décision. On a tout
bonnement servi les touristes qui en demandaient plus. Plus tard, ce sont sans
doute eux qui regretteront les résultats de leur poissonneuse incursion
sur le réservoir Gouin. On vous demandera alors des explications sur les
raisons qui ont pu vous faire agir ainsi. Il sera, désormais, trop tard
pour réagir. Il ne vous restera qu'à étudier les effets de
cette hausse de limite.
J'aimerais intervenir pour que les personnes autorisées à
prendre de telles décisions demandent, en premier lieu, l'avis des
personnes compétentes avant de le faire. Que l'on tienne compte des
connaissances de ceux qui savent vraiment, qui vivent intensément sur le
réservoir Gouin.
Deuxièmement, bon nombre d'Américains profitent de cette
grande étendue d'eau pour venir passer leurs vacances. Or n'est-il pas
démoralisant, pour les touristes québécois qui encouragent
un pourvoyeur de voir qu'un cousin américain, campé à deux
milles de chez lui, aille chercher l'orignal qu'il a si longtemps
convoité? Pourquoi laissez dépouiller nos lacs et forêts de
gibier, sans pour cela qu'il rapporte un sou à l'industrie
touristique.
Il est aussi très déplorable de constater jusqu'à
quel point le système de prévention
peut être inadéquat. À la télévision,
on alloue très peu de place à ce domaine. Pour ma part,
étant directement touché par l'annonce "La modération a
bien meilleur goût", je verrais sans doute un poisson au milieu de
l'écran. Il devient très capital de changer l'optique, en ce qui
concerne la méthode de prévention. Si la vue d'un agent de
conservation peut provoquer un sentiment de frustration, ce n'est pas par
mépris pour l'autorité, mais plutôt parce que ces derniers
ne sont pas entraînés pour prévenir les abus. Nous n'avons
pas besoin de routiers, ni de policiers pour ce genre de travail, mais tout
simplement d'hommes capables d'expliquer aux fautifs les conséquences de
ces abus.
À mon avis, l'intervention serait beaucoup plus efficace et le
système s'en porterait beaucoup mieux.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Morin. M. le
ministre, des commentaires ou questions?
M. Chevrette: Oui. Tout d'abord, vous vous interrogez beaucoup
sur le fait que le gouvernement ait, en 1971, arrêté la
pêche commerciale et ait laissé faire la pêche sportive.
C'est une responsabilité de l'État comme tel de veiller à
la santé des citoyens en général et de fixer des normes
précises. Dès qu'on parle de commercialisation ou de mise en
marché ou de mise en vente d'un produit, il faut qu'il réponde
à une qualité de base minimale. On s'est rendu compte -selon les
analyses qui ont été produites et je regarde dans les documents
les types d'analyse qui ont été faits et en particulier sur le
doré - que l'indice de mercure de 0,5% était largement
dépassé. Il y avait de 0,69% jusqu'à 1,98% de mercure dans
le doré lui-même. Il est évident que la
responsabilité du gouvernement à l'époque a
été de faire cesser toute pêche commerciale.
En ce qui a trait à la pêche sportive, la
responsabilité de l'État demeure au niveau de l'incitation. Il y
a des petites brochures qui ont été publiées par le
ministère de l'Environnement - à l'époque et encore
aujourd'hui - qui indiquent aux citoyens qui vont faire de la pêche
sportive les dangers de la consommation. Ils peuvent aller à la
pêche, mais pas nécessairement pour consommer le poisson. Ils
peuvent y aller purement et simplement pour le "thrill", comme on dit en bon
québécois, de prendre du poisson et ils le donnent bien souvent
pour la consommation animale.
D'autre part, vous parlez du marché noir. Remarquez que nous
sommes de plus en plus sévères. Le MAPA, le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est de plus en plus
sévère sur le contrôle des aliments. S'en fait-il encore?
Possiblement. On n'a pas le droit de voler et il y a encore des voleurs, on n'a
pas le droit de tuer et il y a encore des tueurs, on n'a pas le droit de vendre
du poisson sur le marché noir et il doit sans doute y avoir quelques
vendeurs de poisson sur le marché noir. Mais cette permissivité a
été beaucoup réduite. On contrôle de plus en plus
les magasins d'alimentation à succursales, l'hôtellerie en
général. Il se fait de plus en plus de surveillance et le
marché noir a été beaucoup diminué.
Pour ce qui est des quotas, il faudra s'interroger sérieusement.
Je ne dis pas que vous avez tort ou raison. Je pense qu'au niveau des quotas,
on le regardera comme tel pour voir si cela n'est pas prohibitif, dix
dorés. On pourrait peut-être le réduire à six
dorés. On l'analysera avec nos spécialistes. Vous avez
probablement raison quand vous dites que la pêche à certains types
de poissons pourrait être rouverte à la pêche commerciale.
Vous parlez de carpe - si j'ai bien compris...
M. Morin (Louis-Georges): La carpe, le poisson blanc et la
loche.
M. Chevrette: ... la loche. Je pense qu'effectivement, selon ce
qu'on sait présentement, au niveau de certaines espèces il y a
moins de mercure; cela présente moins de danger chez certaines
espèces que dans d'autres. Nous réanalysons la situation et il
est possible qu'on rouvre prochainement la pêche à certaines
espèces précises. Mais tant et aussi longtemps que le taux de
mercure va demeurer aussi élevé chez le doré, il n'est pas
question que la pêche au doré soit rouverte. Cela dépasse
nettement la norme minimale. Mais, pour certaines espèces, on vous fera
connaître, en temps et lieu, nos décisions là-dessus.
J'aurais deux questions à vous poser. La première: Vous
croyez que la pêche commerciale peut coexister avec l'industrie
touristique, de quelle façon la réglementation pourrait-elle
être réaménagée pour permettre aux deux groupes de
prospérer d'une façon valable?
M. Morin (Louis-Georges): Moi-même étant pourvoyeur,
je me dois de protéger mes gens. À la fin de septembre, on ne
voit plus personne, on n'a plus de gagne-pain. Je crois que la pêche
commerciale pourrait être permise au moment où vous pourriez
défendre la pêche sportive, à la fête du travail.
Dans le réservoir Gouin, la pêche commerciale est permise jusqu'au
mois de mars, moment auquel vous la défendez.
M. Chevrette: Pourquoi vouloir obliger le non-résident -
dans votre mémoire vous dites que le non-résident devrait
nécessairement le faire - à utiliser les services d'un
pourvoyeur? Ne trouvez-vous pas cela trop contraignant?
M. Morin (Louis-Georges): Ecoutez - je parle pour moi-même
là - si à deux milles de moi ou même à 200 pieds, il
y a un Américain qui vient chercher pour environ 200 $ de poisson et
qu'il ne me donne pas cinq sous en passant, un jour j'en souffrirai parce qu'il
n'y a pas seulement les Américains qui font la même chose. Tout ce
qu'ils laissent au Québec, c'est probablement l'achat de la bière
qui est meilleure que la leur. Il doit y en avoir environ 350 qui font cela
chez moi. Je crois sincèrement que ces gens-là devraient
être dirigés vers des pourvoyeurs ou des gens qui sont au moins
capables de les contrôler plus sérieusement, parce que je crois
qu'un pourvoyeur demeure une industrie. C'est plus sérieux qu'on le
pense. (16 h 45)
M. Chevrette: II y a autre chose qui m'a frappé
tantôt à la lecture du mémoire. Vous dites qu'une famille
peut aller chercher à cinq ou six reprises des quantités de
doré, par exemple, assez prohibitives, de 200 livres à la fois et
vous vous demandiez si elles pouvaient consommer jusqu'à 800 livres de
poisson. Eh bien, je suis allé au barrage Gouin et ça coûte
quelques piastres pour aller là! Je ne sais pas si une famille peut
aller là cinq fois? Cela prend une famille en moyens en Hérodel
Ou bien ils n'ont pas beaucoup d'enfants! J'y suis allé au mois de juin
et cela a coûté cher en fusil!
M. Morin (Louis-Georges): Cela dépend à qui vous
vous êtes adressé, premièrement, et, deuxièmement,
si les gens, comme je vous le dis, ramènent assez de produits pour
défrayer leurs dépenses, ce n'est pas tellement dispendieux.
À 3,50 $ la livre, qu'ils l'achètent ici ou qu'ils aillent le
chercher gratuitement dans le réservoir Gouin, je trouve que... C'est
parce que, lorsqu'on dit qu'on permet dix poissons, ça veut dire qu'on
en prend au moins vingt. La première journée, il va aller
à la pêche et va prendre une dizaine de dorés - sa limite
permise - et le soir, en revenant, il va en manger quelques-uns parmi les plus
petits. Le lendemain, il faut qu'il retourne à la pêche pour
compléter sa limite. S'il en a de trop, il va s'en débarrasser en
en donnant quelques-uns à un ami. Le surlendemain, il faut qu'il aille
prendre du brochet pour abaisser sa limite. C'est à ce moment-là
que ça devient... Assurément, il revient toujours avec sa limite
et ce n'est plus dix poissons qu'il prend, c'est parfois vingt et parfois
trente. C'est permis de le faire et c'est pourquoi je vous dis qu'il est temps
qu'on fasse quelque chose à ce sujet. Je veux bien coopérer
autant que possible mais, de mon propre chef, je ne puis rien faire.
M. Chevrette: Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre? Alors, M. le
député de Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. Je voudrais faire un
commentaire. D'abord, à l'instar de plusieurs intervenants, vous
recommandez que soient renforcées les mesures visant à la
prévention plutôt qu'à la réglementation.
L'Opposition partage aussi cet avis tout en ajoutant qu'à la suite des
interventions entendues depuis trois jours à cette commission sur le
problème du braconnage, par exemple, on étudiera
sérieusement toute proposition venant du gouvernement qui porterait sur
des moyens de prévenir la détérioration de notre
faune.
Voici ma première question. D'après vous,
l'énoncé de politique en matière d'habitat faunique, avec
ce qu'il peut contenir comme projet de réglementation, répond-il
aux voeux exprimés dans votre mémoire, entre parenthèses
la préservation?
Le Président (M. Boucher): M. Morin.
M. Morin (Louis-Georges): Si on veut apprécier le
degré de préservation faite par les agents de conservation, et si
on doute de la population, je pense bien qu'on peut aussi douter des agents de
conservation. Nous sommes tous des Québécois et des Canadiens
français et je suis convaincu que si on engage un agent de conservation,
on engage aussi un braconnier. Alors pour...
M. Chevrette: Vous devez être populaire auprès des
agents, vous.
M. Morin (Louis-Georges): Je ne voudrais pas commencer à
accuser l'un et l'autre, mais je crois qu'il doit exister une méthode
plus efficace. Même les agents de conservation pourraient diriger une
autre forme de conservation, expliquer une autre manière qui serait
beaucoup plus efficace que ce que nous avons présentement. D'ailleurs,
ça fait déjà une centaine d'années et
peut-être plus que cette méthode existe et je crois qu'il y a lieu
d'avoir de nouvelles méthodes plus efficaces.
M. Chevrette: Seriez-vous d'accord qu'on accrédite les
pourvoyeurs comme des agents auxiliaires?
M. Morin (Louis-Georges): Des agents auxiliaires?
M. Chevrette: Seriez-vous d'accord qu'on considère les
pourvoyeurs comme des agents auxiliaires et qu'on ait un processus
d'accréditation, qu'on vous reconnaisse comme des agents auxiliaires
pour faire respecter les limites par exemple? Êtes-vous d'accord avec
cela?
M. Morin (Louis-Georges): On s'efforce, parce que c'est notre
gagne-pain... Chaque jour, on s'efforce de limiter les prises, mais lorsque la
loi le permet, on ne peut pas intervenir; que ce soit un agent ou un agent
auxiliaire, on ne peut pas intervenir.
M. Chevrette: Si on rendait cela légal? M. Morin
(Louis-Georges): Je crois...
M. Chevrette: Je vous pose la question suivante: Si, demain
matin, on s'entendait avec le gouvernement central pour donner à des
agents auxiliaires les mêmes privilèges qu'un agent de la
conservation de la faune, est-ce que vous seriez d'accord, vous, comme
pourvoyeur, pour être accrédité comme agent auxiliaire?
M. Morin (Louis-Georges): Je crois que c'est une méthode
à envisager, parce que le pourvoyeur, s'il veut réellement gagner
sa vie comme pourvoyeur, il se doit de faire respecter les limites permises.
Alors, je pense que c'est lui qui est le mieux placé pour avoir une
conservation adéquate.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Berthier, oui.
M. Houde: Je voudrais vous poser une autre question, mais je ne
sais pas si vous êtes capable d'y répondre. En ce qui concerne le
barrage Gouin, le fait qu'on se sert, d'abord, de l'eau à
l'Hydro-Québec, est-ce que cela dérange à certaines
périodes de l'année, lorsqu'on fait varier le niveau d'eau pour
la peine? Je crois que cela arrive parfois à Hydro-Québec?
M. Morin (Louis-Georges): La seule chose que cela peut
déranger, c'est le moment où les poissons vont frayer. Ils ne
fraieront pas à la même place qu'ils auraient frayé, s'il y
avait eu huit pieds d'eau. Comme les rapides, ils vont frayer quand même
dans un rapide, mais s'ils frayent dans un banc de sable, naturellement, ils ne
fraieront pas à la même place, parce qu'il n'y a pas assez
épais d'eau à ce moment-là. C'est dans ce genre que je
vois la différence. À part cela, je ne vois pas tellement de
différence, parce que lorsque le niveau d'eau diminue, la pêche
est sujette à être meilleure, parce que le poisson n'est plus dans
un tas.
M. Houde: ... ministre; mais la grandeur du barrage Gouin,
qu'est-ce que c'est à peu près?
M. Morin (Louis-Georges): Je suis un peu... C'est une bonne
étendue d'eau, il y a 120 milles d'un bout à l'autre; mais la
superficie...
M. Houde: Combien?
M. Morin (Louis-Georges): II y a 120 milles du barrage à
la tête du réservoir, mais je ne peux pas vous dire la superficie
du réservoir Gouin.
M. Houde: Merci, c'est à peu près tout. Merci
beaucoup.
M. Morin (Louis-Georges): Je voudrais ajouter: Si la pêche
commerciale... Beaucoup de sportifs croient que la pêche commerciale est
destructrice de la production. Au contraire, la pêche commerciale aux
filets favorise la reproduction des espèces.
M. Chevrette: En quoi?
M. Morin (Louis-Georges): En quoi? Parce que les petits, vous ne
les prenez pas, ils passent droit, et, au bout de six mois vous avez encore une
production.
M. Chevrette: D'accord.
M. Morin (Louis-Georges): Elle est favorable à la
reproduction des espèces dans les lacs. La pêche sportive est
destructrice de la reproduction, parce qu'elle déséquilibre
complètement les espèces qu'il y a dans le lac. La pêche
sportive prend seulement les poissons qui détruisent les autres et le
mauvais poisson reprend le dessus.
M. Houde: Je vous remercie de votre mémoire, les deux
messieurs.
M. Chevrette: Merci, messieurs.
M. Morin (Louis-Georges): Je vous remercie de m'avoir
entendu.
Le Président (M. Bordeleau): Je remercie les deux
messieurs Morin. J'appelle maintenant le groupe La Gibecière Inc.,
représentée par Jean-Dominique Plourde. C'est bien cela?
M. Plourde (Jean-Dominique): Bonjour!
Le Président (M. Bordeleau): Bonjour, M. Plourde. Alors,
vous pouvez y aller avec votre mémoire.
La Gibecière
M. Plourde: La Gibecière Inc., c'est en premier lieu une
ferme qui veut se spécialiser dans l'élevage d'animaux de chasse.
Dans cette optique, j'ai eu le mémoire du ministre, mais je n'ai pas eu
beaucoup de papier concernant toutes les procédures de lois qui
pourraient s'appliquer dans les circonstances. J'ai joué avec les
papiers et avec les buts entretenus par La
Gibecière. J'ai lu attentivement la déclaration
ministérielle de juin 1982 sur la conservation de la faune. Plusieurs
points s'adressent à l'ensemble des exploitations prévues par la
firme La Gibecière Inc. C'est dans ce but que je m'adresse à
vous.
Dans la déclaration ministérielle, le ministre disait
vouloir s'assurer, par son ministère et quelques autres, du plein
développement des ressources et de leur conservation. Mais actuellement,
l'exploitation forestière, la chasse et la concentration des
élevages accélérant la pollution ont rendu
nécessaires la protection et l'ensemencement de milieux naturels par la
partie privée. C'est dans ce but que La Gibecière fait une
proposition pour l'élevage de certaines espèces, comme le cerf de
Virginie. L'ensemencement est un des buts de La Gibecière.
De plus, l'exploitation forestière intensive, en plus des
maladies dans nos forêts (comme la tordeuse) autant privées que
publiques, nous démontre économiquement que notre façon
d'exploiter le milieu naturel demande de la diversification et un bon
encadrement.
Il est temps de donner un relax à la faune par des
élevages cynégétiques, d'établir une
diversification des exploitations forestières par ces fermes.
Les résultats. Les rapports que l'on pourrait obtenir seront
d'atténuer l'augmentation du nombre de chasseurs dans les milieux
fauniques ayant une surexploitation grandissante, aux environs des centres - je
parle des exploitations qui sont proches des centres - des coupes
sélectives vraiment adéquates à sauvegarder nos milieux
naturels et une meilleure rentabilité de nos milieux naturels par la
diversification de nos exploitations.
Nous serons donc plus aptes à garder une économie saine et
à trouver des fonds nécessaires pour la sauvegarde, autant que
pour l'exploitation. Mais dans l'optique des lois actuelles, peut-on dire que
le droit universel de propriété soit respecté? Quand
avons-nous vu des éleveurs d'un quelconque animal domestique payer un
permis pour chaque bête qu'il possède? Parce que dans l'optique
des lois actuelles, quelqu'un qui élève du cerf paie pour chaque
bête. À ce moment-là, je crois que c'est un peu abuser des
circonstances. Quand l'avons-nous vu perdre le droit de sa mise en
marché?
Il est temps que l'on considère qu'une loi peut encadrer la
marche d'une exploitation, mais qu'elle ne peut s'arroger un droit de
propriété ou en altérer le sens. Je comprends qu'il y ait
des objections, mais je ne crois pas que, d'aucune façon, une ferme
cynégétique puisse nuire au milieu naturel, tout au contraire.
Cela permettrait aux pourvoyeurs d'ensemencer leur territoire de temps en temps
et de remettre à la nature un peu d'espoir de survie.
Nous devons apprendre à dépressuriser la nature.
J'espère que le ministère qui dit vouloir s'associer au secteur
privé sera respectueux du droit de propriété car cette
disposition doit être la première pour une bonne acceptation de la
nouvelle législation projetée. Mais, il est nécessaire que
tous les secteurs intéressés soient d'un commun accord et que les
structures projetées ne deviennent des barrières à ce type
d'exploitation et soient une partie personnelle des nouvelles lois de
protection de la faune et de la flore. La garde en captivité doit
être séparée des lois s'appliquant au secteur public.
Dans la deuxième partie, j'explique un peu ce qui devrait
être changé dans la loi pour l'exploitation de ces fermes.
Le genre de permis. Par exemple, donner un permis global aux producteurs
qui peuvent avoir, au moins, payé un permis; je suis bien d'accord pour
payer un permis, mais un permis pour chaque bête que tu possèdes,
cela devient harassant à la longue.
Permis donnant droit à différentes espèces,
incluant l'élan d'Amérique. L'activité de ces fermes: le
plein air, le loisir, l'éducation. Par exemple, les autres intervenants
ont parlé souvent d'éduquer le monde. Par ces fermes, on peut
facilement éduquer le monde. Dans ces fermes, on parle aussi du permis
de chasseur, qui se donne dans les salles d'école ou les gymnases ou
n'importe où; cela pourrait facilement être adapté à
ces fermes. Les personnes pourraient réellement voir dans leur milieu
naturel, dans un cadre déterminé, si elles sont aptes à
avoir un permis ou non de posséder une arme. Il arriverait
peut-être moins d'accidents à la chasse aussi, parce que les
personnes pourraient voir, avant d'aller à la chasse, du gibier dans un
milieu quasi naturel et en esprit, elles le repéreraient plus facilement
dans le bois. Elles ne repéreraient peut-être pas un homme au lieu
d'un animal.
L'étude faunique pourrait aussi faire partie de ces fermes, la
chasse. Et en premier lieu, j'aimerais que cela soit aussi
considéré comme des pourvoyeurs privés. (17 heures)
Les obligations de ces fermes. On pourrait donner des obligations au
point de vue des catégories d'animaux, du nombre sur un territoire
donné et du milieu exigé pour telle ou telle espèce selon
ce que l'espèce demande comme milieu.
Les permis que doivent posséder les chasseurs, pourraient
être exactement les mêmes que ceux pour la chasse normale.
Les demandes pour que ces fermes écoulent leur production. Cela
prendrait une saison prolongée de chasse pour éviter que ce soit
un abus vis-à-vis de l'animal dans ces territoires, parce que sept jours
pour faire
cinq ans de chasse, cela devient quasiment un abus, parce que c'est
quand même un territoire limité et, à ce moment-là,
cela deviendrait très difficile au point de vue des espèces
fauniques.
Le droit de vendre des viandes. On en a parlé un peu dans la
déclaration ministérielle. Là-dessus, pour la viande de
cerf et autre chose, je ne connais pas l'impact. Je n'ai pas de chiffres
concernant les impacts à savoir si cela pourrait occasionner du
braconnage ou autres. Mais je ne vois pas, par exemple, le Château
Frontenac ou une place du genre - l'exemple n'est pas réel - aller
à l'encontre d'une loi s'il a la possibilité d'aller
s'approvisionner dans un endroit légal. À ce moment-là, il
encouragera peut-être moins le braconnage parce que, actuellement,
beaucoup d'hôteliers achètent de la viande de gibier et
l'achètent de braconniers. S'ils pouvaient l'acheter légalement,
ils ne l'achèteraitent plus des braconniers. Le braconnier perdrait
certainement des marchés.
M. Mailloux: Vous dites cela à M. Bellemarre.
M. Plourde: Pardon?
M. Mailloux: Vous dites cela à M. Bellemarre.
M. Plourde: Je le lui ai dit. On en a discuté un peu tout
à l'heure.
Quant à la façon de commercialiser ces bêtes, c'est
normal que, s'il y avait un droit de vente des viandes comme celles-là,
cela ne pourrait peut-être pas passer dans les abattoirs normaux parce
que ce sont des bêtes extrêmement nerveuses. À ce
moment-là, il faudrait prévoir d'autres lois pour pouvoir entrer
ces bêtes en commercialisation parce que ce sont des bêtes qui ne
peuvent pas passer dans un abattoir normal. En fait, c'est en gros. Je n'ai pas
eu le temps de préparer beaucoup de choses pour la commission. Je
n'avais pas un gros rapport. Le temps, aussi, m'a surpris. J'ai su seulement
quelques jours d'avance que la commission parlementaire était pour cette
date; je ne savais pas quand elle devait se tenir. J'y suis allé selon
mes moyens, en fait. En résumé, l'ensemble des choses que je
préconise, c'est de faire de ces fermes une attraction, c'est de
diversifier le produit de ces fermes, autant dans l'éducation que dans
la chasse ou autre chose, mais d'en arriver à avoir une bonne
diversité.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Chevrette: Si je comprends bien, vous êtes
intéressé à l'élevage d'espèces
indigènes et d'espèces exotiques?
M. Plourde: Oui, c'est cela.
M. Chevrette: Pour fins de chasse en enclos.
M. Plourde: Pour fins de chasse en enclos.
M. Chevrette: Et ensuite, pour fins de vente.
M. Plourde: Pour fins de vente, cela dépend. Je vais
être franc; premièrement, quand je l'ai établi, je l'ai
établi pour la chasse et non pour la vente, pour ensemencer certains
territoires, aussi, dans le but...
M. Chevrette: Vous seriez d'accord pour qu'on lâche dans le
décor des animaux exotiques comme ceux-là, qu'ils s'en
aillent...
M. Plourde: Non, non, je ne parle pas d'animaux exotiques, je
parle d'animaux de la faune québécoise, quand je parle
d'ensemencement.
M. Chevrette: Ah! Cette partie de votre mémoire n'est pas
claire. Vous savez très bien qu'on ne pourrait pas le faire, de toute
façon, il faudrait vérifier s'ils peuvent être des
transporteurs de parasites qui vont purement et simplement semer...
M. Plourde: Je parle d'animaux de la faune
québécoise, quand je parle d'ensemencement.
M. Chevrette: Donc, vous faites la distinction. Quand vous parlez
d'espèces exotiques, je suppose que vous parlez exclusivement de la
chasse en enclos.
M. Plourde: Exclusivement de la chasse en enclos.
M. Chevrette: D'accord, c'est déjà plus clair.
M. Plourde: Comme elle se fait, actuellement, par exemple, dans
le cas du faisan ou du sanglier.
M. Chevrette: Est-ce que vous avez l'impression qu'il y aurait
une clientèle suffisante pour rentabiliser l'entreprise?
M. Plourde: J'ai passé une annonce dans la revue Chasse et
pêche, au mois de septembre, du 1er septembre au 30 septembre, j'ai eu
2600 demandes.
M. Chevrette: Donc, il y a de la place pour cela.
M. Plourde: Oui, il y a de la place.
M. Chevrette: C'est tout.
Le Président (M. Desbiens): M. le
député.
M. Houde: Je ferai seulement un commentaire. D'abord, le Parti
libéral du Québec souscrit entièrement à
l'idée de rationaliser les coupes forestières au Québec.
Il considère d'ailleurs comme innovateur le programme mis en place par
le gouvernement fédéral auquel les provinces participent, pour
une grande part, avec les entreprises privées dans le cadre
d'activités visant au renouvellement forestier.
En ce qui a trait au droit de propriété, nous avons tout
lieu de croire que vous êtes mal tombés en vous adressant au
présent gouvernement pour faire valoir ces points pourtant
légitimes à notre sens. Nous vous disons simplement qu'il faudra
attendre la venue au pouvoir d'un gouvernement dont les préjugés
favorables à l'initiative privée se traduiront dans des
volontés et gestes concrets. En ce sens, le Parti libéral du
Québec répondra à vos attentes.
Je vous remercie de votre mémoire.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'il y a d'autres
questions? Je remercie M. Plourde de son intervention. Je demanderais
maintenant... Je ferai d'abord mention que l'Association des industries
forestières du Québec Limitée a présenté un
mémoire pour dépôt seulement, que la Société
québécoise de protection des eaux Inc. a fait de même - le
mémoire se retrouvera comme dépôt -et que M. Guy Vanier,
qui présentait un mémoire à titre personnel, l'a fait pour
dépôt seulement également.
Ceci nous amène à demander au "groupe Espace Inc." de
s'approcher, s'il vous plaît. C'est le dernier groupe. M. François
Ukus.
M. Ukus (François): Oui.
Le Président (M. Desbiens): Alors, Monsieur, si vous
voulez commencer.
Groupe Espace
M. Ukus: Merci, M. le Président. Je m'excuse pour ce
matin, de n'avoir pas pu être au point. Le Groupe Espace Inc. est une
entreprise de recherche et, en même temps, de pratique. On met au point
des techniques de production, comme le reboisement, tant à des points de
vue théoriques que pratiques.
Ce que nous avons à notre compte, c'est une introduction de
méthode de sylviculture intensive chez monsieur K.C. Irving, au
Nouveau-Brunswick et, en même temps, un aménagement polyvalent de
ses terres. C'est à peu près la seule compagnie a notre
connaissance qui, au lieu de parler de conservation, le fait
concrètement. K.C. Irving, il y a vingt ans, a été
ridiculisé parce qu'il plantait des arbres; aujourd'hui, tout le monde
va chez lui comme dans une église.
Deuxièmement, ce que nous avons à notre compte, c'est une
expérience au ministère de l'Énergie et des Ressources que
cette technique faisable au Nouveau-Brunswick est aussi faisable au
Québec. Cependant, pour réaliser la technique
préconisée chez Irving, cela prend des sociétés
privées qui sont orientées par les marchés. Nos
résultats de l'automne prouvent déjà que, par exemple,
l'efficacité d'un produit donné est cinq fois supérieur
à une entreprise qui est à but non lucratif. Cela, c'est pour le
Groupe Espace Inc.
La situation et même la discussion, ici, dans notre commission, je
pense que c'est le temps d'aborder la problématique d'un autre
côté. On parle d'éducation, de conservation, on parle des
biologistes, mais pour savoir vraiment ce qu'est la conservation ou quel est le
problème technique, ce problème n'est pas
développé. Les problèmes identifiés ici, sont
seulement des symptômes des problèmes. Le braconnage,
l'éducation et la conservation. Il y a un problème plus profond
qui est technique; donc, on devrait le résoudre d'une façon
techno-économique.
À la page Y - parce que je ne veux pas vous déranger avec
des mots de 50 000 $ - vous avez la mise au point de quelques
éléments. La gestion de la faune et de la forêt ensemble a
été, d'une façon, déjà
développée en 1970 par la commission d'étude sur les
problèmes juridiques de l'eau au Québec. Le concept était
clair, parfaitement développé. D'autre part, cela a
été précisé en 1977 par un professeur de l'ENAP
mais, depuis ce temps, le problème n'a pas été
abordé dans les ministères; au contraire, ç'a
été escamoté. On parle toujours des symptômes, mais
pas des problèmes concrets.
En 1978, M. Yves Bérubé a fait une brèche, si vous
voulez, dans l'administration, où les fonctionnaires ont
été obligés de donner ou confier la partie
économique à l'entreprise privée. Malheureusement, cette
tâche de confier l'exécution du travail comme telle, cela s'est
encore terminé dans des sociétés à but non lucratif
ou dans celles qui n'ont pas de vocation de produire quelque chose. Depuis, la
situation a peu évolué même si, dans certains services, les
professionnels sont conscients de ces problèmes.
Nous espérons que le nouveau titulaire du MLCP élargira la
brèche de ce système bureaucratique organisé et qu'on
arrivera à des choses concrètes.
Dans une approche technique, je pense que dans l'action on peut
indentifier d'une façon très claire et précise où
sont les
problèmes. Il n'y en a pas cinquante, il y en a seulement trois.
Régler les problèmes d'agents économiques: Est-ce que vous
êtes chasseurs, pourvoyeurs ou dans les ZEC? Quels sont vos rapports avec
les milieux? C'est la première chose.
La deuxième chose, il faut que cet agent économique ait la
possibilité ou la capacité, avec de l'argent sonnant, de corriger
son action. S'il n'est pas capable, on n'a pas besoin de parler de
conservation.
Troisièmement, pour que l'agent économique ait la
possibilité d'agir en s'adaptant à la situation, il faut qu'il
soit débarrassé de toutes sortes de règlements, à
court terme, sans considérer les choses à long terme. C'est au
point de vue de l'action, parce que cette chose - cela se spécialise
quelque part - est localisée et je pense que les professionnels des
ministères n'ont pas approndi les concepts de l'habitat. Supposons une
superficie 1000 kilomètres carrés. À ces 1000
kilomètres carrés correspondent autant le support biophysique,
c'est-à-dire la végétation, que les ressources fauniques.
Toutes ces choses constituent en tout un ensemble, ce qui veut dire que, si
vous réussissez à faire de l'argent avec les touristes ou la
récréation, vous contribuez à reconstituer votre
système et si vous êtes séparés, vous n'avez pas
résolu votre problématique.
Pour ne pas rentrer dans la technicité en détail,
j'aimerais qu'on regarde la page 2. Que propose-t-on? La nature technique et
juridique des problèmes de conservation, je pense qu'il faut partir de
cela. Les mécanismes de relation entre les phénomènes
techno-économiques et juridiques ne sont pas réglés. Je ne
sais pas ce que les juristes fabriquent. Pourquoi donne-t-on, par exemple, des
baux de location pour neuf ans qu'un impératif économique et
technique impose à long terme? Il serait bon que les juristes et les
économistes se mettent ensemble, au moins pour quelque temps.
Deuxièmement, pour les aptitudes des instruments
économiques qu'on a actuellement dans des compagnies, dans des
coopératives et toutes ces choses, est-ce qu'on a les moyens financiers?
Parce qu'il s'agit de cela et de savoir comment corriger nos
problèmes.
Aujourd'hui, il y a seulement l'État qui dispose des moyens, si
vous voulez. Le ministère des Travaux publics peut corriger la
différence de ce qu'on prélève et de ce qu'on
récolte. Il n'y a pas d'autres entreprises encore, mais on peut le
faire. Il s'agit simplement que dans une compagnie, il y ait deux fonctions,
que la fonction de production soit élargie de deux autres fonctions, la
fonction de développement et la fonction de régulation. Il n'y a
rien de nouveau sous le soleil, cela a déjà existé. (17 h
15)
Si vous analysez la structure des compagnies Irving, il y a
déjà les deux fonctions en place. Ce qu'elles
prélèvent, elles le reconstituent. Il y en a d'autres. Il y a les
Japonais. Donc, ce sont des entreprises qu'on appelle de troisième
génération, si vous voulez. Comme vous avez des ordinateurs de
troisième génération, vous avez des compagnies
privées de troisième génération.
Quant à la situation socio-économique, je pense qu'il ne
vaut pas la peine de s'attarder là-dessus. Les gens dans les
régions méritent de trouver de l'emploi et de vivre, de
satisfaire à leurs besoins à partir des ressources de leur
territoire. De là, on propose au MLCP de créer des unités
homogènes d'une superficie de 2000 à 2500 kilomètres dans
les zones ou dans les terres où il a déjà juridiction.
Superposer cette unité d'aménagement par des
sociétés qui sont aptes à faire deux choses à la
fois, produire les produits de la chasse et de la pêche et en même
temps reconstituer le support biophysique. Donc, il faut la conservation.
Chaque société de 2000 à 2500 kilomètres
devrait produire annuellement, avec ses propres moyens, par l'argent qui lui
vient de l'État, sa capacité de production, soit 10 000 000
d'arbres, ce qui représente environ 500 jobs: 300 emplois dans l'habitat
ou le secteur récréo-forestier, comme vous voulez, et d'autres
dans les services. Les municipalités qui sont autour de ce pôle
d'attraction bénéficieront automatiquement de l'impact sans
contribuer au développement. Tout ce qui précède cette
proposition impose au ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche de se transformer en administrateur principal d'un territoire dont
les... l'administration.
Qu'il se donne une loi-cadre qui porte sur la relation de l'homme avec
son milieu, mais pas sur la technicité à court terme. La
technicité de la production change très souvent. Vous avez,
à la première page du document, une mise en ambiance de plusieurs
personnes - c'est depuis dix ou cinquante ans que cette patente existe -
où l'administrateur est complètement dépassé. On ne
sait même pas ce qui nous arrive. Donc, cela vaut la peine de faire une
analyse plus profonde pour saisir la situation. Il s'agit, en gros, que le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, ou d'autres
ministères, évidemment, qui sont impliqués dans la gestion
des ressources, libère cette patente et s'occupe de ses choses. Qu'il
laisse à l'entreprise privée le soin d'agir mais qu'il la
contrôle d'une façon efficace.
Évidemment, tout cela suppose l'élargissement du concept
d'habitat faunique. Comme on l'a déjà dit, on doit
considérer la faune comme partie intégrante des supports
biophysiques, élargir le concept de l'action de la récolte,
c'est-à-dire qu'on aurait le
droit de développer et de vendre ou de maximiser des
activités sur une superficie donnée.
Toute notre discussion, c'est de savoir ce qu'on va vendre, ce qu'on va
produire, et ce, sans objet. Le rôle de l'agent économique est de
maximiser ses activités économiques sur une surface
donnée. Qu'est-ce qu'il va produire ou comment il va produire, cela
relève de sa compétence. Est-ce que cela est fait
conformément à la valeur et aux comportements sociaux? C'est le
rôle de l'État.
Le quatrième point représente à peu près le
troisième. Ce sont plutôt des usagers qui déterminent par
l'entremise des marchés ce qu'ils consommeront et en conséquence
ce que l'agent économique produira. Cela est extrêmement triste et
on arrive à une économie désastreuse où tout est
distributif. C'est comme par exemple dans le plan de gestion du
ministère de l'Énergie et des Ressources, où les trois
composantes, l'appui biophysique, les agents économiques et la
société perdent leur autonomie. Je pense qu'on peut faire mieux
que de répéter le vieux concept datant de 30 ans, qui se
répète chaque année en Europe et qu'on applique
jusqu'à un degré systémique dans notre plan
d'aménagement.
D'autre part, pour consolider son rôle d'administrateur principal,
une série des mesures d'urgence s'impose. Il s'agit - je ne sais pas par
quels mécanismes - d'intervenir auprès des MRC pour qu'elles
arrêtent le zonage fonctionnel des territoires, qui est en contradiction
directe avec le concept des habitats fauniques. Même s'il est
limité, il est déjà en vigueur. C'est en complète
contradiction. Vous avez des fonctions qui vident le territoire de son
potentiel mais il n'y a personne qui introduit de l'argent là-dedans.
C'est ce que fait le fameux plan de gestion des municipalités
régionales de comté.
Cela me fait vraiment mal d'être obligé d'énoncer
une formule d'éducation à la conservation. Tout le monde parle de
conservation mais on ne sait même pas ce que c'est. On fabrique des
inadaptés sociaux à partir des écoles jusqu'au public et
jusqu'aux hommes politiques. La conservation, c'est l'obligation de
reconstituer ce qu'on a prélevé. Pour cela, il y a une technique.
Les territoires qui sont aujourd'hui occupés par des organismes qui ne
sont pas aptes à produire de cette façon, je pense qu'il est de
l'autorité de l'État ou de les transformer ou bien d'en confier
la gestion à d'autres entreprises.
Quatrièmement, je pense qu'il serait temps d'arrêter de
parler de conservation mais au moins d'essayer quelque part d'en faire
concrètement.
Cinquièmement, que le ministère du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche et les autres ministères impliqués par
l'aménagement des ressources rendent compte de leur gestion devant
l'instance législative. Je pense que cela accélérerait
grandement les changements.
Dans les grandes lignes, c'est à peu près tout ce en quoi
consiste l'identification de la problématique, de l'analyse des
solutions proposées et des changements qu'on propose au ministère
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
Le Président (M. Bordeleau): Merci beaucoup, M. Ukus. M.
le ministre.
M. Chevrette: M. Ukus, il y a une phrase que j'ai retenue dans
votre mémoire, c'est d'arrêter de parler de conservation et d'en
faire. Vous allez répondre à mes questions pour que je puisse la
faire. Vous suggérez des découpages de 2000 à 2500
kilomètres carrés. Cela fait un joli morceau. Vous allez
m'expliquer comment on peut faire de la conservation dans cela.
M. Ukus: Le chiffre de 2000 ou 2500 kilomètres n'est pas
gratuit.
M. Chevrette: Pardon?
M. Ukus: Le chiffre de 2000 ou 2500 kilomètres n'est pas
gratuit.
M. Chevrette: Non, non, je ne dis pas que c'est gratuit.
M. Ukus: Non...
M. Chevrette: Je dis que vous proposez cela et c'est loin
d'être gratuit, c'est écrit dans votre mémoire. Ce que je
veux savoir, c'est comment vous voyez la protection des habitats à
partir du concept que vous avez avancé tout au cours de votre
mémoire.
M. Ukus: C'est extrêmement simple. Il s'agit de mettre en
premier lieu en valeur potentielle récréo-touristique, par
l'entremise du marché, cette affinité-là et vous
générez alors la possibilité de reconstituer
concrètement l'habitat. C'est le reboisement ou vous pouvez appeler cela
comme vous voulez. Mais, finalement et physiquement, c'est cela. Quand je vous
parle de Irving, il ne fait pas autre chose. Malheureusement, au Québec,
actuellement il n'y en a pas à part l'État, il n'y a personne qui
a... c'est vraiment un mécanisme techno-économique qui permet de
trouver l'argent et de l'investir à long terme. Il n'y en a pas. Il
s'agit de mettre en forme cette société-là. C'est
très simple, il n'y a que deux fonctions à
matérialiser.
M. Chevrette: Vous semblez être passablement au courant des
plans de gestion
du ministère de l'Énergie et des Ressources. Comment
conciliez-vous votre proposition avec les plans de gestion de ce
ministère?
M. Ukus: À la page 16, vous avez un schéma
d'articulation des agents économiques avec les principaux
ministères. Disons que votre ministère est concerné. Tous
les ministères sectoriels - Terres et Forêts et d'autres -
confient un mandat à un agent économique et cet agent
économique est contrôlé, si vous êtes le gestionnaire
responsable, exclusivement par vous. Il n'y a pas une dizaine de
ministères qui s'en mêlent, il n'y en a qu'un, par le
mécanisme des mandats. Pour contrôler cet agent économique,
qu'est-ce qu'on propose? On le nomme de deux interfaces qui se composent de
trois ou quatre paramètres mesurables qui ne prêtent pas à
confusion. Le public peut le comprendre et l'accepter. Si ce n'est pas
réalisé, le contrat comme tel est aboli, ou le mandat de mise en
valeur est aboli.
M. Chevrette: Vous avancez que le potentiel des ressources
naturelles sur les terres publiques au Québec est littéralement
confisqué au profit d'activités non économiques.
M. Ukus: Exactement.
M. Chevrette: J'aimerais comprendre ce que vous voulez dire.
M. Ukus: Je vais faire mon possible pour l'articuler clairement.
Il faut que je souligne que de multiples démarches auprès de
votre spécialiste ont permis de mettre en relief ou d'articuler la
chose.
Pragmatiquement, c'est fait, mais pour qu'on puisse se faire comprendre,
ce n'est pas facile. Il y en a d'autres qui taponnent avec ça depuis 20
ans.
Donc, pourquoi les ressources publiques ne sont-elles pas des biens
collectifs, juridiquement parlant? Ce sont des ressources collectives. Pour
trouver des critères de démarcation, si vous voulez, à la
page 19, s'il faut des juristes, je ne sais pas ce qu'ils fabriquent. Ces
ressources sont divisibles, c'est-à-dire qu'on peut les diviser et les
commercialiser, ce ne sont pas des autoroutes que tout le monde peut utiliser
à sa guise. Ces ressources font l'objet de rivalités entre les
personnes et pour cette ressource, la collectivité, ou la culture
québécoise, devrait avoir la possibilité d'exprimer sa
préférence. Ce sont les trois critères qui suffisent pour
délimiter si c'est un bien collectif ou si c'est une ressource
collective.
Partant de ressource collective, cette ressource est susceptible
d'être mise en valeur. Pour la mettre en valeur - à la page 14,
s'il vous plaît - il y a le schéma de la métamorphose de la
ressource naturelle brute à l'objet-produit. Ce n'est pas aussi simple
que ça et c'est vraiment dommage. Avant que le capital n'intervienne ou
qu'on ait la possibilité d'investir, ça prend plusieurs choses et
on est défavorisés au Québec par le climat, les distances,
les conditions physiques, donc, l'opportunité d'employer des capitaux
est défavorisée comparativement aux États-Unis pour la
production du bois ou la production du gibier. Deuxièmement, avant que
les caisses populaires vous prêtent de l'argent, tabarnouche!, il faut
des conditions compétitives, c'est-à-dire l'aménagement
des infrastructures et le reste qui sont traditionnellement faites par
l'État, tout le temps et les faire autrement. (17 h 30)
Troisième phase, vous pouvez contacter les banques ou leurs
gérants afin qu'ils vous prêtent de l'argent pour employer les
capitaux, pas avant.
M. Chevrette: Je m'excuse, je dois me retirer pour un
communication téléphonique. C'est certain que l'on se reverra.
Continuez les questions.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, on peut continuer les
questions.
M. le député de Berthier.
M. Houde: Moi, je n'ai aucune question à poser.
M. Mailloux: II a un long mémoire, mais il s'adresse au
ministre et pas...
Le Président (M. Bordeleau): On peut suspendre pour deux
minutes; le ministre est parti pour deux ou trois minutes.
La commission suspend ses travaux pour deux ou trois minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 31)
(Reprise de la séance à 17 h 38)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Un instant, M. le Ministre.
Comme les travaux étaient suspendus, la commission reprend donc
ses travaux. Je m'excuse auprès de notre invité d'avoir
tardé un peu, mais on reprend maintenant.
M. le ministre.
M. Chevrette: J'aurais une dernière question. Au milieu de
la page 3, vous dites: "Intervention afin d'arrêter la
désinformation des hommes politiques, de la population scolaire et du
public en général concernant le phénomène de la
conservation." Qu'entendez-vous pas désinformation? Il me semblait
qu'avec le programme de
sensibilisation, on commençait à pénétrer le
monde scolaire, il y a eu des campagnes publicitaires à la
télévision et à la radio, pour la conservation de la faune
et, là, vous m'arrivez en disant: Arrêtez la
désinformation. Je ne comprends plus rien.
Le Président (M. Bordeleau): M. Ukus.
M. Ukus: C'est vraiment terrible, mais je pense qu'il faut...
Pour passer une métaphore si vous voulez - vous m'excuserez - Fernand
Dumont, dans un article daté du 3 septembre 1982, disait qu'il faut
aller au fond des choses. Donc, dans la pratique de la conservation, depuis dix
ans, on a essayé de dialoguer avec le ministère de
l'Éducation et avec le ministère des Terres et Forêts pour
une approche technique ou physique pour savoir quelle était la
réalité dans la conservation. On se meut dans des concepts qui
n'ont aucun rapport avec la réalité. Dès lors, en
définissant cela d'une façon fonctionnelle ou concrète de
la conservation, vous verrez que conservation n'existe pas et que la
conservation demande des efforts et des choses concrètes. Donc, je pense
que c'est le temps de voir les choses en face. Il ne s'agit pas de chambarder
cette loi, mais d'entreprendre, de faire des changements radicaux, mais
limités. C'est cela le problème.
M. Chevrette: Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Il n'y a pas
d'autres questions?
Je vous remercie, M. Ukus, de vous être présenté
devant notre commission.
Ceci termine donc l'audition des mémoires.
M. Mailloux: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui. Sur le
général ou à M. Ukus directement? M. le
député de Charlevoix.
M. Mailloux: M. le Président, j'avais prévenu le
ministre que, à la suite de la commission parlementaire, j'avais des
interrogations à l'esprit qui ne sont sûrement pas un
mémoire, mais pour lesquelles je voudrais, malgré que le ministre
soit en poste depuis peu, qu'on essaie de m'éclairer un peu.
M. le Président, durant cette commission, des écoles de
pensée sont clairement ressorties. On a vu d'abord celle qui
réclame la protection de la ressource sous toutes ses formes, que ce
soient l'espèce, la flore, son habitat, etc. Ensuite, une seconde
perception qui, acceptant, au départ, la protection de la ressource,
avance du même souffle que la commercialisation de certaines
espèces, au lieu d'augmenter le braconnage, y mettrait fin si
l'utilisateur et le fournisseur étaient soumis à une loi de
commercialisation très rigide.
Mon interrogation ne vise pas des espèces dont on vient
d'entendre parler, telles le cerf de Virginie ou autre, qui ont
été mentionnés comme élevage possible en vase clos
ou autrement et souhaité par différents intervenants.
Durant cette commission, entre autres intervenants, les
propriétaires des piscicultures qui font l'élevage de la truite
mouchetée ont invité le ministère à permettre la
commercialisation, alors qu'on sait que la plupart sont au bord de
problèmes financiers importants. Si, par l'intermédiaire des
pisciculteurs et de l'UPA, entre autres, demande fut faite de transférer
la responsabilité au ministère de l'Agriculture, responsable de
l'agro-alimentaire, j'imagine qu'à ce ministère ils ont
trouvé une oreille attentive, et c'est compréhensible.
Sans vouloir préjuger de la décision quant à la
commercialisation possible de la truite mouchetée, ce à quoi
s'opposent différents milieux, j'aimerais connaître l'opinion du
ministre sur le sujet suivant: On semble penser dans certains milieux que, s'il
y a des réserves quant à la truite mouchetée, quant
à la commercialisation, il y aurait une possibilité assez grande
d'élevage de saumons en pisciculture. Je comprends qu'il y a tout un
monde entre élever de la truite et élever du saumon, mais le
ministre voudrait-il me dire si son ministère a fait des études
dans ce sens soit à Tadoussac, soit au Lac-Saint-Jean ou ailleurs?
Est-il au courant que son prédécesseur s'y serait
intéressé? Je demanderais aussi s'il est au courant que certaines
déclarations du ministre de l'Agriculture auraient été
faites - je pense que c'est à Baie-Saint-Paul, dans mon patelin - devant
les doléances de pisciculteurs, selon lesquelles une ouverture dans ce
sens pouvait être possible.
Je sais qu'on est à la toute fin de la commission, mais je
voudrais que le ministre, à l'aide de ce qu'on peut lui fournir comme
information, sans vouloir préjuger de la décision qu'il aura
à rendre dans le problème des piscicultures et de la truite
mouchetée vers la commercialisation, me dise s'il y a un vaste
marché dans le domaine du saumon qui est ouvert et qui pourrait
être comblé. Est-ce que les études qui ont
été faites jusqu'à maintenant pourraient permettre
à ces gens de se diriger dans une action... On accepterait même
d'aller partiellement, si tu veux, vers la commercialisation de la truite
mouchetée pour certains pisciculteurs pour un volume donné, si
c'était là l'intention du ministère, mais je ne veux pas
préjuger de sa décision.
Est-ce que le ministre me dirait en quelques mots s'il pense qu'il y a
une
ouverture là-dedans? J'ajoute simplement ceci: II semblerait,
selon des milieux journalistiques, comme d'autres milieux concernés, que
la réserve soit beaucoup moins profonde dans ce sens que dans le sens de
la truite mouchetée. (17 h 45)
M. Chevrette: En ce qui concerne le saumon...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Chevrette: Je pense que l'élevage en pisciculture est
déjà autorisé, est déjà permis. Les
expériences qui ont été faites et les études qui
ont été menées ont été plutôt des
expériences d'élevage du saumon en captivité mais dans les
estuaires mêmes. Il y a des expériences où on nourrit le
saumon. On tente de l'habituer, dit-on, à demeurer et dans les estuaires
mêmes et à s'y nourrir. On peut, à ce moment, penser
à des quantités assez magistrales. C'est le reconditionnement des
géniteurs qu'on vise par cela. Est-ce que c'est concluant à ce
stade? C'est difficile. On ne peut pas conclure à quelque chose de
très valable ou de très rentable à ce stade.
D'autre part, pour ce qui est du saumon en pisciculture même, je
pense qu'il n'y a rien qui empêche les pisciculteurs de se lancer dans
cela. Ils le pourraient immédiatement et ils pourraient le vendre
également, parce que la commercialisation comme telle du saumon est
acceptée. Je pense qu'ils le peuvent. Pour ce qui est de la
mouchetée, j'ai un peu le réflexe que vous avez. Je comprends les
réticences de certains. D'autre part, il y a une argumentation qui est
beaucoup plus de l'ordre des craintes subjectives qu'objectives. Il faudra que
j'analyse cela très sérieusement. Moi non plus, je ne suis pas en
mesure de vous dire aujourd'hui qu'on autorisera l'élevage pour la vente
ou la commercialisation de la mouchetée. Il y a une affaire qui est
certaine, c'est qu'il faudrait être rationnel dans notre approche parce
que je sais que le MAPA, lui, est carrément vendu à la
commercialisation. Il n'y a pas de cachette. Les réticences au niveau
des organismes de la protection de la faune, c'est vis-à-vis du
braconnage, vis-à-vis du marché noir. Est-ce qu'on peut, par
législation et par réglementation, encadrer suffisamment la
formule pour éviter ces dangers? C'est ce qu'on a à trouver ou
à prouver comme législateur.
Si jamais on devait s'aligner vers la permission de la commercialisation
de la mouchetée, il faudrait au préalable s'assurer
également de sa qualité parce qu'il y a des divergences profondes
même chez les pisciculteurs. Ils vont vous dire que la mouchetée
n'a pas cette capacité qu'a l'arc- en-ciel de demeurer ferme à
longueur d'année et en particulier dans les périodes de
gestation, on me dit que la mouchetée a une tendance très forte
à ramollir et à ne pas être propice à la
commercialisation.
Il faudra que je fasse vérifier l'ensemble de ces données,
avant de proposer quelque chose de tangible et si jamais j'y allais, il
faudrait donner l'assurance aux organismes qu'on a une réglementation et
des pouvoirs législatifs nous permettant d'éviter les dangers qui
nous ont été soulevés tout au cours des audiences
là-dessus.
Mais personnellement, n'ayant pas de parti pris pour ou contre, je vais
exiger beaucoup de rationnel. On peut y aller au niveau des tripes et je pense
que les groupes qui viennent devant nous peuvent se permettre d'y aller au
niveau de leurs tripes, au niveau de leurs convictions et comme
législateur, je vais regarder les deux côtés de la
médaille et analyser cela très sérieusement. Moi, je suis
très influencé par un point, par exemple: Quand il rentre de la
truite japonaise à la tonne au Québec, qu'est-ce que j'ai
à répondre au fait qu'il y en a qui sont prêts à
commercialiser des choses et à vendre ici même un produit
québécois? Cela m'ébranle. D'un autre côté,
je me dis: Si on n'a pas les moyens législatifs ou les règlements
nécessaires ou les contrôles, en tout cas, jugés aptes
à éviter les abus, je ne suis pas pour me lancer dans une
aventure périlleuse.
Je n'ai pas d'idées de faites, mais il y a des arguments des deux
côtés qui me poussent à réfléchir davantage
et à exiger des rapports encore plus précis de la part de nos
spécialistes là-dessus. Je ne sais pas si cela répond
à votre question. Je ne peux pas malheureusement vous en dire plus
aujourd'hui.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Un petit mot de la
fin, M. le député de Berthier.
M. Houde: Je vais être bref. Merci, M. le
Président.
D'abord, en terminant, je voudrais remercier tous les groupes et les
personnes qui sont venus à la commission, ainsi que mes collègues
qui m'ont assisté durant cette commission parlementaire du loisir, de la
chasse et de la pêche. Je vous donne l'assurance que l'Opposition
étudiera avec tout le sérieux qui s'impose les recommandations
qui nous ont été faites au cours de ces quatre jours
d'auditions.
Enfin, nous assurons tous les intervenants que le Parti libéral
verra à ce que tout projet de loi déposé par le
gouvernement comporte les éléments essentiels à la
protection à la faune et se méfiera de tout projet d'envergure
non conforme aux réalités du milieu.
Merci encore une fois pour cette première. C'est une bonne
expérience. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le
député de Berthier.
M. le ministre, le mot de la fin.
M. Chevrette: Je voudrais moi aussi remercier l'ensemble des
groupes. J'ai été vraiment sensibilisé par les
mémoires entendus ou produits pour dépôt et je suis
très heureux de voir comment les gens, dans l'ensemble en tout cas, sont
désireux de sauvegarder les habitats fauniques.
Je pense qu'il n'y a pas un groupe qui se soit opposé d'une
façon spécifique à la notion de la conservation des
habitats comme tels. Au contraire, si vous l'avez remarqué tout comme
moi, il y a même plusieurs groupes qui ont parlé de l'urgence
d'intervenir et même d'y aller au niveau d'amendements pour donner des
pouvoirs à très court terme. Cela peut aider à
régler de petits problèmes urgents, mais je pense que la chose
mérite une étude beaucoup plus sérieuse que cela. On
connaît tous les inconvénients que peut comporter une telle loi et
on connaît également l'ensemble des conflits éventuels de
juridiction, cela exige donc une très grande concertation entre mes
collègues de plusieurs ministères et moi-même; qu'on pense
à celui de l'Énergie et des Ressources, à celui de
l'Environnement, à celui de l'Aménagement. Je crois que c'est
avec beaucoup de concertation qu'on réussira à produire un projet
de loi valable sur la conservation des habitats fauniques.
J'ai été également frappé par le fait que,
dans une dizaine de mémoires, on nous a demandé de
protéger à la fois la flore et la faune. Cela est une dimension,
par rapport au document de travail, qui était peut-être
ignorée, j'ai bien dit par rapport au document de travail, Mme la
députée de Chomedey...
Mme Bacon: On va avoir une bonne loi.
M. Chevrette: En tout cas, on m'a ébranlé
suffisamment pour que je sois conscient qu'il ne faut pas ignorer cette
dimension lors de la rédaction d'un projet de loi qui sera
déposé à l'Assemblée nationale, un véritable
projet de loi sur lequel d'ailleurs je me suis engagé à consulter
à nouveau. Sans doute qu'avec l'aide de l'Opposition on pourra
définir quel type de consultation ce sera, combien de groupes on veut
recevoir ou si on y va d'une façon aussi large qu'on y est allé
cette fois.
Ce qui me réjouit aussi, c'est que la majorité des
intervenants, dans leur mémoire, ont adhéré à
l'idée de la création d'un fonds spécial et que ce ne
soient pas exclusivement les deniers de l'État. Les gens ont
réclamé également une participation à la gestion.
Donc, cette dimension est encourageante. Je pense que l'on pourra
rédiger un projet de loi qui ira dans ce sens, surtout dans le sens des
premiers mémoires.
Quant aux amendes, vous aurez tous remarqué que l'on s'entendait
facilement pour dire qu'on voulait les voir hausser. Quant à la
venaison, malheureusement, je ne crois pas qu'il se dégage de consensus
très clair. C'est très controversé. Il y a des
écoles de pensée nettement différentes. Le
député de Charlevoix l'a souligné et il partage cette
perception.
Quant à moi, je pense que je pourrai quand même, avec
l'aide de cette commission, des commentaires et des opinions que nous avons
reçus, me mettre à la tâche immédiatement.
Probablement que je pourrai, dans un avenir très proche, annoncer ma
décision ferme de scinder le projet de loi, ce qui me permettrait,
à très court terme, de déposer, au tout début de la
reprise de la session, des amendements à la Loi sur la conservation de
la faune et de présenter un projet de loi sur la protection des habitats
fauniques dans un deuxième temps.
J'y pense très sérieusement. J'ai été
fortement ébranlé. Le fait qu'on en ait parlé avec autant
d'insistance au cours de toutes les audiences de la commission me
préoccupe au point de dire que c'est trop sérieux pour se lancer
dans une rédaction rapide et facile, d'autant plus que cela exige
tellement de concertation entre les différents ministères qu'il
faudra probablement penser à scinder le projet de loi. Par contre, je me
réserve encore quelques jours pour prendre cette décision.
Je remercie l'Opposition également. C'était ma
première commission parlementaire comme nouveau ministre. Je pense que
l'Opposition, mis à part le fameux document qui l'a amusée
pendant une bonne partie du temps... Dans l'ensemble cela a été
cordial et je l'en remercie. J'ose espérer que l'on pourra travailler
ainsi sur l'ensemble des projets de loi qui seront soumis par le nouveau
ministre. Je vous remercie de votre collaboration.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.
M. Chevrette: Je veux remercier également mes
collaborateurs qui ont assidûment écouté l'ensemble des
mémoires et qui ont noté les questions et réponses. Vous
aurez remarqué que ces gens sont tenaces, ils n'ont pas
lâché. C'est grâce à leur détermination au
travail qu'ils vont me préparer un excellent projet de loi, lequel ne
sera pas déposé ailleurs qu'à l'Assemblée
nationale, puisque ce sera vraiment une décision des élus cette
fois. Vous vous
réjouirez alors d'être les premiers avisés. Si vous
apprenez qu'un biologiste dans un certain coin ou qu'un agent de la
conservation de la faune dans un autre coin a osé donner une opinion sur
un document de travail, ne craignez point, cela ne sera pas un projet de loi.
Le projet de loi sera celui qui sera déposé à
l'Assemblée nationale, à la reprise. Je vous remercie et je
remercie mes collègues.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Je
voudrais également remercier tous les membres de la commission de leur
collaboration et mentionner que la commission a rempli le mandat qui lui avait
été confié par l'Assemblée. Je demanderais au
député de l'Ungava de faire rapport à l'Assemblée
nationale dans les meilleurs délais possible. La commission ajourne donc
ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 57)