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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mercredi 17 janvier 1979 - Vol. 20 N° 252

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen du dossier des discussions constitutionnelles


Journal des débats

 

Examen du dossier des discussions constitutionnelles (1)

(Quinze heures seize minutes)

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, messieurs!

Mesdames et messieurs, nous allons commencer une première séance et je veux bien la distinguer de celle qui aura lieu demain parce que c'est très important hors session pour les membres et les intervenants d'une commission parlementaire. Il s'agit de la commission de la présidence du conseil et de la constitution et mon premier devoir, en tant que président de cette commission, est de vérifier précisément la liste des membres et intervenants.

M. Bédard (Chicoutimi).

M. Bédard: Présent, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Bisaillon (Sainte-Marie).

M. Bisaillon: Présent.

Le Président (M. Cardinal): On me dit que M. Charbonneau (Verchères) est remplacé par M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes).

M. de Bellefeuille: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Clair (Drummond) par M. le ministre Claude Morin.

M. Morin (Louis-Hébert): Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Forget (Saint-Laurent).

M. Forget: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton).

M. Grenier: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Laberge (Jeanne-Mance).

M. Laberge: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Levesque (Bonaventure) sera remplacé par M. Gratton (Gatineau).

M. Gratton: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont).

M. Paquette: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud).

M. Roy: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda).

Ce sont les membres de la commission. Les intervenants: M. Bertrand (Vanier).

M. Bertrand: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Brochu (Richmond).

M. Fontaine: Remplacé par Fontaine (Nicolet-Yamaska).

Le Président (M. Cardinal): Alors, M. Brochu (Richmond) remplacé par M. Fontaine (Nicolet-Yamaska).

M. Ciaccia (Mont-Royal) remplacé par M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

M. Scowen: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Dussault (Châteauguay); M. Guay (Taschereau).

M. Guay: Oui.

Le Président (M. Cardinal): M. Lavoie (Laval); M. Lévesque (Taillon) remplacé par M. Charron (Saint-Jacques).

M. Charron: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Morin (Louis-Hébert) remplacé à titre d'intervenant par M. Proulx (Saint-Jean).

M. Proulx: Présent. Prenez votre temps, on n'est pas pressé.

Le Président (M. Cardinal): Je voudrais, au début de cette séance — c'est la première séance d'une commission en cette année 1979 — offrir à tous, au nom de la présidence, nos voeux les meilleurs pour une bonne année de parlementarisme. Oui, M. le député de Pointe-Claire? Remarquez qu'il me faudra le consentement de la commission pour que vous puissiez vous exprimer.

M. Shaw: Oui, c'est cela que je demande au début de cette commission.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que j'ai ce consentement?

Une voix: Cela dépend de ce qu'il va dire. Des voix: Consentement.

Le Président (M. Cardinal): Consentement. M. le député de Pointe-Claire, vous serez considéré comme intervenant.

M. Shaw: C'est exactement cela que je veux.

Le Président (M. Cardinal): C'est ce que la commission vous accorde. Je voudrais, deuxièmement, rappeler le mandat de cette commission et la motion du leader parlementaire en Chambre en cette fin de décembre 1978. L'avis adressé à tous les membres ou intervenants de la commission et à celui qui s'y ajoute est à l'effet que la commission élue permanente de la présidence du conseil et de la constitution se réunisse les 17 et 18 janvier 1979 au salon rouge — c'est là le mandat — pour examen du dossier des discussions constitutionnelles en cours. La réunion du 17 débutera vers 15 heures et se terminera à 18 heures, et celle de demain débutera à 10 heures au même endroit, le salon rouge. C'est pourquoi je rappelle cette motion unanimement adoptée que l'on retrouve au journal des Débats. M. le député de Saint-Jacques, leader parlementaire, avait dit textuellement ce qui suit: "La commission permanente de la présidence du conseil et de la constitution se réunira le 17 janvier 1979, à compter de 15 heures, et le 18 janvier 1979, à compter de 10 heures." C'est là l'ordre de la Chambre que nous avons devant nous.

Messieurs, il faudrait de plus désigner un rapporteur pour que nous puissions faire rapport à l'Assemblée nationale.

M. Charron: M. le Président, je propose que M. Paquette de Rosemont soit le rapporteur de la commission.

Le Président (M. Cardinal): Adopté? Des voix: Adopté.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Rosemont sera le rapporteur de la commission devant l'Assemblée nationale.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... puisqu'il est question d'horaire, je prends pour acquis que nous siégeons ce soir également?

M. Charron: Non.

Le Président (M. Cardinal): Non. Je m'excuse. Vous me posez la question. Je viens de vous lire le mandat, l'avis de convocation et la motion adoptée par l'Assemblée nationale qui nous fixe aujourd'hui une journée de travail de 15 heures à 18 heures.

M. Charron: Je dois vous informer, M. le Président, pour compléter l'information que vous venez de donner au député de Saint-Laurent, que la Chambre et ses commissions siègent maintenant aux heures régulières. Il n'est pas coutume et il n'est pas permis par le règlement de faire siéger des commissions à des moments où il est interdit à la Chambre de se réunir, c'est-à-dire le mercredi en soirée. Nous arrêtons donc à 18 heures, mais demain soir, il n'est pas exclu que la soirée soit utilisée par la commission.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, à moins de consentement unanime, je reprends la phrase. Il y a quand même un règlement qui nous régit et comme je n'aime pas prendre de questions hypothétiques, nous traverserons ce pont au-dessus de la rivière quand nous arriverons à la rivière, s'il y a lieu.

M. Forget: Est-ce qu'on ne peut pas voir la rivière tout de suite, M. le Président, et demander le consentement unanime pour siéger ce soir?

Le Président (M. Cardinal): Vous me demanderiez une directive au tout début de cette commission parlementaire et je préférerais que nous commencions nos travaux avant de rendre une directive hypothétique. Oui, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, pour éviter un débat de procédure — d'ailleurs, je ne veux pas en faire un par mon intervention — je voudrais vous demander une directive concernant le droit de parole et la distribution du temps pour le début des travaux de notre commission parlementaire. Une fois qu'un premier tour sera fait, comment entendez-vous appeler les députés ou accorder un droit de parole aux députés qui composent cette commission?

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je vais rendre la directive immédiatement. Je ne prendrai pas en délibéré et je ne suspendrai pas. Un représentant du gouvernement — et ce n'est pas à moi de le désigner — s'exprimera le premier. Vous savez que, d'après notre règlement, il peut intervenir aussi souvent qu'il le veut, mais il n'y en a qu'un seul pour le gouvernement. C'est aux membres ministériels de le choisir et de le désigner. Deuxièmement, je passerai à l'Opposition officielle, avec une certaine latitude comme on le fait toujours en commission parlementaire, à moins que la commission elle-même n'établisse ce que j'appellerais un modus vivendi; ensuite, à l'autre parti reconnu, celui de l'Union Nationale; ensuite à vous, M. le député de Beauce-Sud, ensuite à celui que nous avons accepté d'entendre à cette commission.

Là, vous avez raison, quand nous recommencerons le tour, je m'en tiendrai, à moins de directives ou d'accords unanimes de cette commission, au règlement qui veut que le représentant du gouvernement puisse intervenir aussi souvent qu'il le juge à propos, et sans limite de temps, et que les autres députés, sur chaque sujet — ce sera déterminé à chaque instant — n'aient que 20 minutes. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Roy: Cela répond à ma question. Je vous remercie.

Le Président (M. Cardinal): Y a-t-il d'autres questions avant que nous commencions ces travaux?

Dans ce cas, j'invite celui que le gouvernement a désigné à s'exprimer le premier sur l'examen des problèmes constitutionnels.

Remarques générales M. Claude Morin

M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. le Président. La commission qui se réunit aujourd'hui a un caractère peut-être un peu particulier. Il ne s'agit pas d'examiner un projet de loi précis, déjà tout préparé, mais de faire le tour d'une question dont la complexité n'échappe à personne, je pense. Elle a aussi pour but — je dirais même surtout pour but — cette commission — je sais qu'en ce qui me concerne, c'est une des préoccupations fondamentales que j'ai — d'informer, bien sûr, l'Assemblée nationale, d'informer, bien sûr, les membres de la tribune de la presse qui sont ici, mais, au-delà de tout cela, et surtout, d'informer le grand public, parce qu'une des difficultés auxquelles nous faisons face lorsqu'il s'agit de questions politiques comme celles d'ordre constitutionnel, c'est qu'on peut facilement se perdre à l'intérieur de technicités, en oubliant ce qui est substantiel et fondamental.

Je vais essayer — c'est un peu le but de mon intervention cet après-midi — de faire très rapidement, aussi rapidement que possible en tout cas, le tour de cette question, pour en dégager ce qui, à mon point de vue, est justement fondamental et essentiel.

Afin de faciliter le travail de tout le monde, nous avons préparé, avec beaucoup de soin, je pense — je le dis en toute candeur — une documentation qui a des caractéristiques qu'on retrouve pour la première fois. C'est-à-dire que, dans un seul document, nous avons — pour chacun des sujets qui ont été retenus comme première liste de discussions constitutionnelles, faisant l'objet de discussions constitutionnelles — préparé de très courts documents, deux ou trois pages, même dans certains cas une page, dans lesquels on trouve, aussi simplement résumé que possible, d'une part, de quoi il s'agit, c'est-à-dire au-delà de toutes les considérations juridiques, quel est, concrètement, le problème.

Il s'agit, ensuite, de savoir ce que les gouvernements du Québec successifs ont dit à propos de cette question dans le passé et ce que mon collègue de la Justice et moi-même avons dit relativement à ces mêmes sujets au cours des conférences à huis clos qu'on a eues récemment. C'est donc la première fois, je pense, que le gouvernement quel qu'il soit, présente ainsi sa position. Ce n'est pas du tout un blâme pour les autres. Je pense qu'on est rendu à une période de notre histoire où ce genre de questions, il faut peut-être non pas les rendre simplistes, mais les simplifier pour que le public, celui que cela intéresse puisse suivre de quoi nous parlons avec une meilleure compréhension.

J'ai aussi préparé un petit document dont je prends la responsabilité, comme d'ailleurs je prends la responsabilité de l'ensemble parce que cela a été préparé dans mon ministère. C'est le premier texte que vous avez qui s'appelle Perspective des discussions constitutionnelles 1978-1979. Je reviendrai tantôt sur ce texte parce que, pour aujourd'hui, comme première ronde, je pense qu'il faut justement dégager cette perspective et c'est surtout de cela que je vais parler. Ces documents, nous les avons préparés de la façon, je dirais, la plus honnête possible. C'est toujours dur de parler d'objectivité parce que cela n'existe peut-être pas l'objectivité parfaite vu qu'aucune personne n'est une machine. Par conséquent, chacun a nécessairement sa façon de raisonner et son tempérament, mais je pense qu'on a essayé de le faire le plus honnêtement possible. Si on trouve là-dedans des erreurs d'interprétation, j'imagine qu'on nous le dira, mais on a pris un soin particulier à les éviter et à n'avancer que des choses dont nous étions moralement sûrs et à dégager des sentences dont nous étions profondément convaincus. (15 h 30)

Ce document a été envoyé aux membres de la commission le plus tôt qu'on pouvait humainement le faire, parce qu'il ne faut pas oublier qu'on vient de sortir de la période des Fêtes et que cela veut dire que, pendant deux semaines, il n'y a pratiquement personne dans le paysage. On s'est quand même astreint à le faire pendant la période des Fêtes. On l'a transmis aux partis de l'Opposition et aux membres du gouvernement, aux membres de la commission, vendredi après-midi dernier, vendredi midi, je pense, de telle sorte que ceux qui sont ici aujourd'hui puissent l'avoir assez longtemps d'avance pour éviter ce qui arrive des fois sans mauvaise volonté de qui que ce soit, qu'on ait ces documents à la dernière minute. Nous avons aussi préparé une copie identique que nous avons également transmise aux journalistes ce matin, avec une nuance, que je pense bien les journalistes vont comprendre, c'est que nous n'avons pas inclus dans le document que vous avez reçu certains textes originaux que nous n'avions pas en quantité suffisante, deux, en tout cas, que nous n'avons pas en quantité suffisante, mais on a envoyé un petit "kit" supplémentaire aux membres de la commission, pour leur compréhension. Il y a une copie de la constitution, une copie du projet de loi fédéral C-60 et une copie d'un document sur lequel je reviendrai tantôt sur les positions traditionnelles du Québec quant au partage des pouvoirs. Quant au reste, c'est identique. Nous en aurons, pas pour le moment, mais d'ici quelques jours, des copies supplémentaires à mon ministère pour ceux qui seraient intéressés à en recevoir d'autres exemplaires.

Donc, il y a une nécessité d'informer le public,

de l'informer aussi honnêtement que possible. Pour ma part — je présume que c'est la même chose de la part des membres d'autres partis qui sont ici — je veux le faire en dehors de tout esprit de parti. Je comprends que ça peut être un peu bizarre d'essayer de dépolitiser une question qui est aussi éminemment politique que l'avenir de notre population, mais, si on ne peut pas la dépolitiser complètement, ce qui est probablement absurde comme objectif, on peut peut-être la "départisaner", si je peux m'exprimer ainsi. C'est un néologisme que je n'ai pas soumis à l'Office de la langue française, mais que je pense utile dans les circonstances.

C'est ce que je vais m'efforcer de faire à l'intérieur de mon topo, faisant intervenir des considérations qui sont personnelles et qui tiennent, bien souvent, à mon expérience ou à mes propres observations, au cours des années où j'ai été mêlé — qu'on le veuille ou non — à ce dossier.

La commission d'aujourd'hui a aussi une autre raison, c'est un peu son origine immédiate; elle correspond à un voeu souventefois exprimé par des membres de l'Opposition. Je pense qu'on répond à ce voeu aujourd'hui. Le député de Beauce-Sud, par exemple, dès le 5 juillet 1977, demandait — c'est moi qui avais répondu au nom du gouvernement à l'époque — une commission parlementaire sur ce genre de question. Le 5 septembre 1978, on avait une demande similaire, lors d'une entrevue dans un journal, de la part du député de Saint-Laurent. Je ne me souviens pas à quelle époque, mais je pense que l'Union Nationale avait également formulé un voeu similaire. À cause de ça, donc, besoin d'information du public, un besoin essentiel; deuxièmement, souci et réclamations ou positions exprimées par l'Opposition, nous sommes heureux aujourd'hui, vraiment très heureux, de procéder à cette commission parlementaire.

Pourquoi arrive-t-elle aujourd'hui? Il y a plusieurs raisons. Elle aurait pu techniquement arriver au mois de décembre. Je pense que je n'aurai pas besoin de m'expliquer longuement pour que tout le monde se souvienne qu'au mois de décembre il y avait pas mal de pain sur la planche.

Et tout de suite pour qu'on se situe dans la chronologie, vous vous souvenez qu'il y a eu une conférence fédérale-provinciale de premiers ministres à la fin d'octobre, au début de novembre, qui a créé un comité interministériel ou interprovincial, fédéral-provincial, plus exactement, de ministres qui s'est réuni déjà deux fois. Nous y représentons, le ministre de la Justice et moi-même, le Québec. Il s'est réuni à huis clos deux fois et se réunira à nouveau la semaine prochaine, à Vancouver, pendant deux jours et demi ou trois jours, le tout devant conduire à une nouvelle conférence fédérale-provinciale constitutionnelle de premiers ministres, au début de février, soit le 5 février. Le 5 février 1979, c'est-à-dire — cela m'a frappé, cette coïncidence — onze ans jour pour jour après la conférence du 5 février 1968 à laquelle le premier ministre Johnson assistait, et qui était le début d'une première ronde de discussions constitutionnelles.

Pourquoi cela arrive-t-il aujourd'hui? Pour l'information du public, parce que cela nous a été demandé par les partis d'Opposition, parce que nous y croyons nous-mêmes. C'est bien sûr nous avons toujours dit — et moi-même je l'ai dit à plusieurs reprises, en tant que ministre et à l'époque où je ne l'étais pas — qu'il est essentiel, dans ces questions, que notre public, au Québec, sache à quoi s'en tenir.

Et un des petits problèmes qu'on a maintenant, qui est un problème inévitable — je me dépêche de dire que je ne veux pas blâmer qui que ce soit, c'est un peu une règle du jeu qu'on est obligé de suivre — c'est que nous avons accepté — et il n'y a pas moyen de faire autrement, parce qu'autrement, il n'y a pas moyen de discuter — que nos discussions à huis clos demeurent à huis clos, c'est-à-dire que les discussions auxquelles M. Bédard et moi participons ne fassent pas l'objet de déclarations publiques en ce qui concerne les positions des autres, c'est-à-dire des autres provinces ou du gouvernement du Canada, de telle sorte que vous ne trouverez pas, dans le papier qu'on vous a distribué, les avis, les commentaires, les vues d'autres provinces ou du gouvernement fédéral. Vous trouverez les nôtres, en résumé, bien sûr, mais exactement tels qu'ils ont été présentés. Il v a des moments où on résume en quatre ou cinq lignes une position qui a peut-être pris une demi-heure à exprimer, soit par mon collègue ou par moi-même, autrement on a un papier qui est trop long.

Donc, la difficulté qu'on a maintenant, c'est qu'on a commencé une troisième ronde de réunions constitutionnelles. Tantôt, je ferai un historique plus étendu que cela, aussi brièvement que possible. Au moment où on se parle aujourd'hui, et depuis plus de deux mois maintenant et jusqu'au début de février, le public québécois ne sait pas de quoi nous parlons, ne sait pas ce qui se passe dans ces réunions, ne sait pas ce qui se dit.

On essaie de corriger un petit peu cette lacune, peut-être nécessaire à cause des circonstances, au moins en donnant — ce qui n'est pas un secret d'État du tout — les sujets qui ont été discutés et aussi notre position.

Encore une fois, je veux le faire sans esprit de parti, parce qu'on est tous des Québécois ici. J'ai toujours rêvé — on a le droit, chacun, d'avoir ses rêves — qu'à un moment on puisse des fois avoir des consensus. Ce n'est pas, sur tout, nécessairement avoir des positions convergentes; on verra, d'ailleurs, que ce n'est pas le but de la commission de créer des fronts communs artificiels. Il s'agit essentiellement de renseigner le public, et c'est lui qui jugera. On va dire exactement ce qui en est quant à nos positions: pourquoi on est là, qu'est-ce qu'on fait là, qu'est-ce qu'on dit là, etc., comment on concilie notre option politique avec tout cela. Cela, nous allons en parler très ouvertement et sans aucune espèce d'arrière-pensée.

On a aujourd'hui et demain pour regarder cela. Il y a beaucoup de choses. On pourrait prendre des semaines là-dedans. Que voulez-vous, je pense bien qu'on ne le fera pas; je pense bien qu'on n'aura pas le temps. On va faire ce qu'on

peut; c'est l'objectif que j'ai. Si on n'a pas le temps de finir, en tout cas on aura au moins fait le tour de certaines questions qui sont fondamentales et qui vont renseigner les gens.

Je reviens donc à ce que j'ai dit tantôt pour partir dans une autre direction; ce qui manque souvent dans ces affaires, dans les questions constitutionnelles, c'est la perspective. Il n'y a pas de génération spontanée. Ce qui arrive aujourd'hui arrive aujourd'hui parce que cela a commencé hier. Ce qui va arriver demain va arriver demain parce que cela a commencé aujourd'hui. Je ne viens pas de révéler un grand secret d'État, je viens essentiellement de m'accrocher à une... Ce n'est pas la question de cela, c'est la problématique justement. Nous avons été conviés, au cours de l'année 1978, à des rencontres constitutionnelles. Ce n'est pas arrivé comme cela. Il y a des choses qui ont précédé et je voudrais faire le tour avec vous, si vous me le permettez, parce que c'est justement cela qu'on oublie un peu. J'ai un avantage, ce n'est même pas parce que je suis plus intelligent ou que j'ai plus de talent, mais il est arrivé que les circonstances ont voulu que pendant des années — non, ce n'est pas parce que je suis le plus vieux — j'ai été mêlé de près à cette question constitutionnelle. Il y a des moments où j'en ai assez parce que ce n'est pas toujours si flamboyant mais, tout de même, aussi objectivement que possible, je pense que je vais m'en servir dans ce que je vais vous dire maintenant.

Il y a des causes immédiates, des causes éloignées dans la situation dans laquelle nous sommes, c'est-à-dire la situation suivante: II y a actuellement des discussions constitutionnelles au Canada sur une série de sujets limités, et on va revenir à cela. Pourquoi y en a-t-il? Quelles sont les raisons immédiates et les raisons éloignées? Les raisons immédiates sont que le gouvernement fédéral ressente — et c'est mon hypothèse; non, ce n'est pas une hypothèse parce qu'ils l'ont dit eux-mêmes — le besoin d'arriver coûte que coûte — je l'ai dit hier à la Chambre de commerce de Montréal, je peux le reprendre aujourd'hui — à une sorte de nouvelle constitution au Canada avant le référendum québécois. Je pense qu'on peut reconnaître cela sans attaquer qui que ce soit indûment; c'est un fait. Dans tout ce qui va suivre, d'ailleurs, je parlerai de faits vérifiables; tout ce que j'ai à dire, tout ce que je dirai peut être vérifiable, et c'est un peu une règle de ma présentation de n'avancer que des choses qui sont vérifiables.

Comme raison immédiate, il y a l'élection de novembre 1976. Vous voyez que je ne fais pas de partisanerie. Je ne dis même pas qui a été élu. Cette élection de novembre 1976 a évidemment changé la perspective politique au Canada. Il y a des choses qui se sont accélérées, à partir de ce moment, dont on parlait à peine avant. D'ailleurs, on a créé, à cette époque, la commission d'enquête ou groupe de travail Pépin-Robarts, à la fin de l'été 1977. Cette commission a fait le tour du Canada; elle est venue nous voir à Québec. Je l'ai vue à quelques reprises, je l'ai vue à huis clos, je l'ai vue avec M. Lévesque. Cette commission devait ou doit — je ne sais plus — présenter des propositions sur la réforme, dit-on, du fédéralisme actuel. Or, avant que cette commission ait soumis son rapport, le gouvernement fédéral a décidé de présenter, à toutes fins utiles, des éléments, à sa façon, de nouvelles constitutions. Ceci, c'est le bill C-60, document bilingue qui nous servira, nous autres, peut-être au cours de notre discussion, de cadre de référence, ou, si vous voulez, d'élément du dossier. Ce sont les causes immédiates. Si on se contente de ces causes, je m'excuse, on perd peut-être ce qui est le plus substantiel de la réalité socio-politique québécoise. Il faut aller au-delà de cela.

Je vais reculer dans le passé sans aller jusqu'avant le déluge. Je vais aller un petit peu plus tard qu'après le déluge. Je vais commencer autour de 1960. C'est déjà une couple de milliers d'années d'exemptées, mais tout de même, à partir de cela, il y a des choses qui méritent d'être soulignées pour qu'on dégage la perspective.

Je ne l'ai pas apporté ce matin, parce que je ne l'ai pas trouvé, mais il y a un document qui a été publié par le gouvernement fédéral en 1965, qui s'appelle "Modifications de la constitution au Canada" — à moins qu'on ne l'ait — qui m'avait été donné par M. Pearson, à l'époque, avec son autographe, dans lequel on trouve un historique de ce qu'était pour le Canada anglais sa préoccupation constitutionnelle fondamentale, c'est-à-dire le rapatriement et l'amendement de la constitution. On reviendra sur la substance du problème plus tard. Je fais seulement un énoncé historique.

Pendant longtemps, la question constitutionnelle dans la mesure où cela intéressait le Canada anglais, gravitait autour du rapatriement et de l'amendement constitutionnel, parce que c'est une loi britannique qui s'applique au Canada, ce qui est une solution un petit peu bizarre, tout le monde est d'accord sur cela. Pendant ce temps, au Québec, l'attitude était à peu près la suivante. C'était une attitude de défense des droits du Québec à partir d'une interprétation X de la constitution, mais ce n'était pas du tout une attitude ni agressive, ni même dynamique. On se défendait, on essayait de sauvegarder ce qu'on avait, et puis on faisait des discours à cet égard. Cela a servi pendant plusieurs campagnes électorales. Ce n'est pas un commentaire politique, c'est une constatation de fait que je fais. Puis est arrivé un phénomène que personne ne pouvait prévoir. Les gouvernements au Canada, gouvernements des autres provinces, gouvernement fédéral, gouvernement du Québec, à tort ou à raison — je ne veux pas entreprendre une discussion sur le rôle de l'État — les gouvernements ont pris plus d'ampleur, de telle sorte que c'est un peu comme si vous aviez deux figures géométriques. J'ai une de ces figures géométriques dans un des livres que j'ai ici. C'est un peu comme si, à un moment donné, vous aviez deux espaces qui ne se touchent pas, mais qui commencent à un moment

donné à se chevaucher et à se toucher, c'est-à-dire qu'à mesure que les gouvernements se sont mis à s'intéresser à des choses, sous la pression des citoyens, à mesure qu'ils se sont intéressés à l'éducation, à la culture, aux loisirs, aux communications, au développement régional, à l'économie. (15 h 45)

II est arrivé qu'un gouvernement, le gouvernement fédéral, a pris des initiatives en même temps qu'un autre, celui du Québec, ou celui d'une autre province en prenait. Et le résultat, c'est qu'on s'est rendu compte — et cela ne fait pas 50 générations, cela ne fait même pas une génération, c'est autour de 1960 — que les gouvernements étaient en train de s'empiéter les uns sur les autres mutuellement.

C'est à partir de ce moment-là, dans les années soixante, que ce qui étaient autrefois peut-être des considérations plus nationalistes que substantielles sont devenues des considérations substantielles, peut-être même plus que nationalistes, c'est-à-dire qu'il a fallu savoir, à un moment donné, quel gouvernement pouvait faire quelle chose, quel gouvernement s'engageait dans la formation professionnelle. Est-ce que c'est, par exemple, de l'éducation, la formation professionnelle ou si c'est une mesure pour lutter contre les problèmes économiques? Si c'est une mesure économique, le fédéral dit: Cela m'appartient. Si c'est une mesure d'éducation, le Québec dit que cela lui appartient. Et on découvre, quand on regarde chacun des sujets — et là, il y a une liste assez considérable d'interventions gouvernementales — que tout le temps — et cela, ce n'est pas parce qu'il y avait des méchants à Ottawa et des bons à Québec ou l'inverse selon les interprétations — tranquillement, les gouvernements se sont mis à se marcher mutuellement sur les pieds. C'est une façon non constitutionnelle de s'exprimer, mais plus compréhensible.

Il y a donc un besoin qui est né au Québec d'une clarification des attributions de chacun et qui n'est pas né ailleurs de la même façon. Cela est un autre fait. Il n'est pas né de la même façon ailleurs au Canada. C'est parce qu'au Québec, le gouvernement, l'État ou, si vous voulez — pour utiliser des mots moins chargés émotivement parce que le mot "État" peut être plus compris dans un sens autre que celui que je veux dire ici — l'autorité politique, qui est nous-mêmes, est plus importante pour le citoyen québécois moyen que ce ne l'est peut-être pour un autre citoyen d'une autre province. En d'autres termes, le citoyen du Québec trouve son gouvernement plus important que le citoyen de la province X ne trouve son gouvernement provincial important. Par exemple, pour prendre un cas qui me vient par hasard, mon bon ami, le Procureur général et vice-premier ministre de la province n'aimera pas que je le cite en exemple, mais le citoyen de la Saskatchewan qui considère peut-être que son gouvernement est une institution importante n'attribue pas à ce gouvernement-là la même portée et la même signification sociale, politique et cultu- relle que nous, au Québec, on accorde au gouvernement du Québec, peu importe qui est au pouvoir. C'est une constatation.

D'où cela vient-il? Cela vient du début de la fédération canadienne. Je ne ferai pas l'historique que j'ai fait devant la Chambre de commerce hier, mais j'y fais seulement une allusion. On reviendra peut-être à cela plus tard dans la conversation ou dans la discussion. En 1867, les Québécois ayant accepté, dans la mesure où ils en ont eu connaissance — parce que Dieu sait qu'il n'y avait pas de référendum à cette époque et il n'y avait pas les moyens de communication qu'on a aujourd'hui; donc, à la porte des églises le dimanche, il y avait des hommes politiques qui venaient leur parler, et c'étaient les moyens de communication de l'époque — le nouveau système qu'on leur a présenté parce que pour eux, cela a été présenté comme la garantie de la conservation — c'était plutôt un réflexe conservateur — de ce qui était pour eux important à l'époque, ces questions de langue, de religion et institutions locales. Mais on ferait une erreur de comparer l'autonomie provinciale qu'on avait en tête en 1867 avec ce qu'on avait en tête des années après, parce que ce ne sont pas du tout les mêmes gouvernements. Elle a eu beaucoup plus d'ampleur par la suite.

Mais dans le reste du Canada, ce n'était pas cela. Dans le reste du Canada, on visait une nouvelle nationalité — la nationalité canadienne — et les gouvernements provinciaux étaient beaucoup plus des administrations régionales, encore qu'il ne faut pas négliger le régionalisme et des réactions comme celles-là.

Nous, au Québec, on a eu une réaction de défense contre ce qu'on a considéré des envahissements fédéraux dans des champs de compétence provinciale. Mais, de l'autre côté, à Ottawa, ce n'étaient pas des envahissements fédéraux dans des champs de compétence provinciale. C'était tout simplement le fonctionnement normal du gouvernement fédéral que le Québec mettait en cause, normal pour eux, mais pour nous un envahissement. Il est arrivé des gestes pour tâcher de corriger cela. Il est arrivé — je suis devenu sous-ministre vers cette époque — M. Jean-Jacques Bertrand, qui était à l'époque premier ministre du Québec et qui a proposé ce qu'on a appelé à l'époque la création du comité parlementaire de la constitution, qui a réuni autour de la table, dans la salle 81-A, à plusieurs reprises — cela a duré pendant des années — des députés des deux partis à l'époque. Mon bon ami Jean-Claude Rivest, que je vois ici, était secrétaire conjoint avec moi. Je le dis en passant, parce que je n'aurai peut-être pas l'occasion de parler de lui à d'autres moments. Alors, je le fais. J'ai eu connaissance de cela parce que j'étais secrétaire de ce comité parlementaire. Je vais vous dire bien honnêtement que cela ne m'emballait pas beaucoup, parce que je n'avais pas du tout saisi — ce que j'espère avoir compris depuis — la portée de ces questions constitutionnelles.

Ce comité parlementaire de la constitution — juste un mot là-dessus — a fait venir des citoyens,

a fait présenter des mémoires. Je me souviens que la discussion a été assez formidable entre les parties à l'époque, parce qu'il n'y avait pas vraiment de mésententes sur des objectifs fondamentaux. Tout le monde voulait améliorer le système. Qu'est-ce que vous voulez? Tant qu'on est dans le vague comme cela, il n'y a pas de problème. Chacun avait sa petite amélioration en tête, mais comme on n'en parlait pas et qu'on parlait toujours de la nécessité de l'améliorer, on n'avait pas besoin de se chicaner sur les détails de l'amélioration ou sur ce qui aurait pu être des choses moindres que des détails, mais enfin des questions plus substantielles, il n'y a jamais eu de grands "clash" à l'intérieur de cette commission-là; on écoutait le monde.

Mais on s'est rendu compte — et, je pense, plusieurs personnes — que ce que beaucoup considéraient comme étant des chicanes de politiciens Québec-Ottawa ou encore des chicanes de technocrates ou de bureaucrates, à savoir qui aurait le plus de pouvoir, le plus de responsabilités et le plus grand ministère, au fond, ce n'était pas vrai. Il y a peut-être de cela, il ne faut quand même pas faire de l'angélisme, mais il y a aussi surtout une question de définition de la société et, dans cette commission parlementaire, on a commencé à voir une expression d'opinion de la part de groupes au Québec je ne dis pas qu'ils étaient tous représentatifs mais ceux qui sont venus nous voir — où il y avait une manifestation évidente d'insatisfaction par rapport au régime constitutionnel en cours. C'est aussi beaucoup plus tard — cela ne fait rien, je le mentionne, mais je n'y reviendrai pas — qu'il y a eu les états généraux du Canada français — vous vous en souvenez probablement — qui a fait un peu le même travail, mais dans un tout autre cadre.

Il y a aussi la commission Laurendeau-Dunton qui a été créée parce que, à Ottawa, les gens se sont bien rendu compte, à ce moment-là, qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas et qu'il fallait peut-être faire une commission — c'est cela qu'ils font dans ce temps-là — alors, ils ont créé la commission Laurendeau-Dunton. Je me souviens d'avoir rencontré — je pense à cela — à Cap-Rouge, chez Jean Marchand à l'époque, M. Laurendeau, avec d'autres personnes qui étaient là — c'était en 1963 — un peu pour voir la participation que le gouvernement du Québec pourrait donner à la commission Laurendeau-Dunton qui pouvait nous donner un coup de main à nous, comme Québécois, étant donné qu'un des problèmes que la commission avait en tête était toute la question du bilinguisme. Je reviendrai au bilinguisme tantôt. C'est devenu une politique fédérale parce qu'on a cru, à cette époque-là, que cela réglerait le problème québécois pour toujours. Évidemment, ce n'était qu'un des problèmes.

Cette commission parlementaire — c'est un élément que je voulais mentionner — la commission Laurendeau-Dunton aussi, les États généraux du Canada français plus tard, vers 1967.

Maintenant, j'ai dit qu'il y avait des conflits entre gouvernements qui dépendaient du fait qu'on voulait savoir qui faisait quoi. Je prends un cas, le Régime de rentes du Québec. J'ai eu une révélation, à ce moment-là — je vais vous faire la révélation tantôt, si je retrouve mon texte de la constitution — je ne referai pas l'histoire de cela en détail, mais Québec avait son projet de Régime de rentes et, dans le discours du trône du 16 mai 1963, Ottawa annonce aussi qu'il va avoir un régime pancanadien de retraite, plan de pension du Canada, PPC, par rapport au Régime de rentes du Québec. Pas besoin de vous dire que cela a été tout de suite le branle-bas de combat, le fédéral venait envahir nos champs provinciaux, etc. Parce qu'on avait vu quelque chose qui s'appelait, dans la constitution, l'article 94a. Je vais vous le lire parce que c'est un enseignement; j'étais un petit peu naïf à l'époque, j'ai cru ce que j'ai lu là et vous allez voir. Cela dit ceci: "Le Parlement du Canada peut légiférer sur les pensions de vieillesse et prestations additionnelles" — là, je saute un bout qui n'est pas nécessaire — "mais aucune loi ainsi édictée ne doit porter atteinte à l'application de quelque loi présente ou future d'une législation provinciale en ces matières."

N'importe qui qui lit cela dit: Ah! Dès que le Québec intervient, cela veut dire que le fédéral se tasse. C'est ce que le texte dit. Le fédéral peut agir, mais il n'a pas le droit de porter atteinte à l'application de quelque loi provinciale que ce soit dans le même domaine. Tout fiers de notre découverte — je n'avais jamais trop vu la constitution; j'avais eu un cours d'histoire économique à l'Université Laval où on avait parlé de cela, mais je n'avais pas regardé cela depuis longtemps — avec d'autres avocats qui, eux, avaient vu cela, on est partis à Ottawa défendre les positions québécoises, avec M. Claude Castonguay à l'époque, pour dire: On a le droit de faire notre Régime de rentes. Nous voulions aussi avoir une des choses qui, à mon sens, est une des réalisations les plus remarquables de la Révolution tranquille, la Caisse de dépôt. S'il y avait une chose qui avait été faite au Québec depuis toutes les années dont on parle, mon choix premier serait la Caisse de dépôt du Québec. C'est cela qui est le plus important. Enfin, c'est un autre sujet.

On a regardé cela, mais on s'est fait dire à Ottawa que oui, c'était cela qui était écrit, mais cela ne voulait pas dire ce qu'on pensait. Cela voulait sirnplement dire ceci: Dans la mesure où une loi fédérale n'empêche pas qu'une province agisse, même si elle veut agir gros comme cela, il n'y a pas de problème.

Cela veut dire que, si le fédéral donne $100 par mois de pension et que nous autres on est empêché d'ajouter $1, là il y a des problèmes. Mais, dans la mesure où on peut ajouter seulement $1, cela ne nous dérange pas. Par conséquent, la loi ne donne pas la priorité au Québec ou aux provinces. Pour que cette loi agisse, pour que cela donne priorité... C'est l'explication qu'on a eue d'un M. Thorson qui a été nommé juge. Je ne sais pas où il est rendu aujourd'hui; il était sous-ministre adjoint de la Justice à Ottawa. Où est-il rendu, Thorson? À la Cour d'appel de l'Ontario. Il

nous avait expliqué cela; il nous avait dit que c'était bien. Cela avait été ajouté par M. Duplessis à l'époque, mais cela ne voulait pas dire ce qu'on pensait. Cela permettait, en somme, au fédéral de faire ce qu'il voulait pourvu qu'on ait la possibilité d'agir à peine. Cela a été une première surprise qui a démontré que ce texte, à mes yeux et aux yeux de pas mal de monde, avait pour le moins des lacunes.

On avait toute la question du partage fiscal. Il y avait dans ces années M. Lesage. Cela a été, d'ailleurs, le premier sujet qu'il a abordé en étant élu. À la première conférence fédérale-provinciale — je pense que c'était le 28 juillet 1960 — il est arrivé avec le rapport de la commission Tremblay à Ottawa — je n'étais pas là à l'époque, j'étais simple citoyen comme tout le monde — et il a présenté une position du Québec qui réclamait un partage fiscal plus adéquat. Pourquoi? Parce qu'on s'est rendu compte par des travaux à ce moment et par des calculs que le Québec manquait de ressources par rapport aux besoins prioritaires. Cela a été la thèse des besoins prioritaires des provinces. Régime de rentes, partage fiscal.

On a eu les programmes conjoints, toute la bataille des programmes conjoints en 1963 et 1964. La thèse qui prévaut maintenant dans l'esprit de tout le monde, c'est que le Québec s'en est retiré. J'ai des nouvelles pour vous autres. Il ne s'en est pas autant retiré que cela encore. La raison, c'est la suivante, c'est que le Québec avait demandé que, dans des domaines de sa compétence, le fédéral se retire et lui verse une compensation. Le fédéral a versé une compensation sous forme de points d'impôt, mais il a dit, après discussion avec nous — honnêtement, on a participé à cette discussion — : La loi va s'appliquer le 1er janvier 1965 et on va se donner une période de transition de cinq ans. Après cinq ans, on se retirera définitivement. Vous vous arrangerez, vous autres, avec vos points d'impôt et nous autres, on ne s'occupe plus de cela.

On est en 1979 aujourd'hui. Ce n'est pas fait, cela. Pourquoi? Parce qu'il y a eu des délais. D'abord, en 1969, ce n'était pas tout à fait prêt. Ils ont dit: Voulez-vous retarder à 1971? En 1971, ce n'était pas tout à fait prêt. Voulez-vous retarder à 1972? Au mois de novembre, 1971 ou 1972, l'Ontario a demandé aussi la même chose. Le gouvernement fédéral n'a pas voulu que cela s'applique à trop de monde au Canada; l'option a été fermée. Par conséquent, notre affaire a été reconduite. Au moment où je vous parle, il y a eu quelques modifications dans les programmes conjoints, mais la liberté d'action que le Québec voulait avoir en 1965, il y a quatorze ans, réglée en 1964, il y a quinze ans, dans les domaines de notre compétence, à cause du pouvoir fédéral de dépenser, est encore très peu accentuée. Elle est, en somme loin de l'espoir que nous avions à l'époque.

Il y a eu toute la dispute des relations internationales, la signature d'accords dans le domaine de l'éducation avec la France. Le fédéral disait que c'était de la politique étrangère. Nous, on disait que c'était de l'éducation et, quand même, on fait affaires avec un pays reconnu par le Canada; alors, il n'y a quand même pas de drame. Mais il y en a eu un quand même. Les allocations aux jeunes de 17 et 18 ans. Je parle seulement de la période de M. Lesage. Rassurez-vous, je ne ferai pas la même chose pour toutes les années qui vont suivre parce que ce serait trop long. Mais je donne des cas où il y a eu, si vous voulez, cette confrontation entre gouvernements. Les allocations aux jeunes. Le fédéral a voulu donner les siennes de son côté, alors qu'on avait commencé nous, à Québec. Les prêts aux étudiants, cela a été la même chose.

Je ne sais pas si tout le monde sait cela. Il y a eu, à un moment donné, au fédéral la Compagnie des jeunes Canadiens, mais cela a été inspiré d'une idée québécoise qui est partie au ministère de l'Éducation et dont j'oublie l'appellation dans les années 1964-1965. Il y a eu le développement régional. Je me souviens, le 10 janvier 1966, M. Lesage, à l'ancienne chambre du Conseil des ministres, a fait une déclaration devant la presse disant qu'on avait un programme de développement régional. Il y avait les critères qu'on avait établis. Cela a pris quelques mois, le fédéral est arrivé avec la même chose de son côté et notre plan, pas besoin de vous le dire, a été remplacé par ce que le fédéral avait de son côté imaginé. La culture, il y a eu bien des disputes là-dessus. M. Lapalme en a parlé à l'époque et tout. Tout cela, ce sont des faits.

C'était l'époque aussi où on savait qu'il y avait ce malaise, où on essayait de penser à toutes sortes de renouvellement du fédéralisme. C'est la réaction normale, c'est sûr. Cela a été l'époque du fédéralisme coopératif. Je ne sais pas si vous vous souvenez de cela. Le fédéralisme de concertation, un nouveau genre. Le véritable fédéralisme, là, on était sûr qu'on mettait tout le monde d'accord. Le fédéralisme fonctionnel aussi. C'était Jean-Luc Pépin qui avait dit cela à un moment donné dans une conférence quelque part.

Est arrivée l'Union Nationale en 1966. Il y avait M. Johnson qui avait écrit son livre: Égalité ou indépendance; il donnait là-dedans, en ce qui concerne la nouvelle constitution du Canada, des principes pas mal différents de ceux qui étaient appliqués jusqu'alors, avec cette nuance importante que s'il n'était pas dans le même bateau, si vous voulez, que le Parti libéral qui précédait, il était au moins dans la même rivière, dans la continuité québécoise, et proposait cependant, carrément, une nouvelle constitution. (16 heures)

Cela a conduit, cette insistance de la part de M. Johnson et du gouvernement de l'époque, à ce qu'on appelle la conférence sur le Canada de demain, qui a eu lieu au mois de novembre 1967, à Toronto, où on a surtout parlé de bilinguisme et de questions comme celles-là. Au fond, il y avait quand même un intérêt par rapport à ce que le Québec proposait, mais beaucoup d'inquiétude, parce qu'il y avait les mots "égalité ou indépendance", dans le slogan de M. Johnson, qui

passait pour un dangereux séparatiste. À ce moment-là, il a fallu donner des explications et tout, vous voyez le genre.

Quoi qu'il en soit, cette conférence de Toronto a amené toute une dispute entre M. Robarts, qui était premier ministre de l'Ontario à l'époque, et aussi, le premier ministre fédéral, M. Pearson. Cela s'est résolu de la façon suivante — c'est ce dont on va fêter le 11e anniversaire dans quelque temps — le 5 février 1968 a commencé la première ronde de discussions constitutionnelles de l'époque contemporaine, si je peux m'exprimer ainsi, de ce qui a duré du 5 février 1968 au 17 juin 1971 et qui a fini par l'échec de la conférence de Victoria.

Elle a ceci de particulier, cette ronde constitutionnelle — je pense que c'est plein d'enseignements pour nous — qu'elle a eu lieu sous trois premiers ministres du Québec: M. Johnson, M. Bertrand, M. Bourassa. Les positions du Québec ont dû aller au-delà des slogans et ont dû se préciser. Il y a eu tout un défi à ce moment-là, parce que c'est facile de faire des slogans, mais c'est beaucoup plus difficile d'écrire quelque chose et d'arriver à des textes qui puissent permettre des discussions.

Effectivement, à l'époque, l'Union Nationale a fait un gros travail et il y a eu des propositions présentées. J'en ai ici une série qui s'appelle Le gouvernement du Québec et la constitution. On pourra peut-être y revenir tantôt, il y a quelques citations intéressantes là-dedans, qui sont des textes de M. Johnson qui ont été proposés à la conférence constitutionnelle.

Alors, cette conférence constitutionnelle qui s'est terminée par l'échec de Victoria en 1971, je vais dire un mot en ce qui la concerne, parce que c'est assez important par rapport à la situation qui nous occupe maintenant. Si la révision constitutionnelle a commencé, c'est parce que le Québec, traditionnellement — je vous ai dit pourquoi tantôt — voulait une amélioration de son statut politique et plus exactement — parce que le mot n'était peut-être pas utilisé à l'époque — voulait un nouveau partage de pouvoirs. M. Johnson disait: "La répartition des pouvoirs entre l'État central et les États membres demeure l'élément fondamental de toute constitution fédérale."

À l'époque, ce qui intéressait en priorité le Québec, c'était: Réglons le partage des pouvoirs, discutons-en, c'est notre priorité pour arriver à quelque chose qui va faire qu'on va arrêter de se chicaner entre Québec et Ottawa et que les choses vont marcher mieux au Canada.

Il est arrivé que cette façon de voir les choses n'était peut-être pas celle que le fédéral voulait. Par la suite — je vais sauter des phrases, parce que je n'ai pas besoin d'entrer dans les détails — au cours des années qui ont suivi, les trois années et demie qui ont suivi, le gouvernement fédéral a publié une série de ce qu'on appelait des livres blancs à l'époque, dont le premier en date s'appelle Le fédéralisme et l'avenir, publié par M. Pearson; je donne d'autres titres, Le fédéralisme et l'avenir; les pouvoirs d'imposer de la Constitu- tion canadienne, sujet qui est repris dans la liste qu'on a; Les subventions fédérales-provinciales; Le pouvoir de dépenser du Parlement canadien, aussi repris dans la série que vous avez dans votre cahier; Le fédéralisme et les conférences internationales sur l'éducation (Fédéralisme et relations internationales), et un très gros, Charte canadienne des droits de l'homme.

Alors, ce sont six livres blancs fédéraux publiés à l'occasion des conférences constitutionnelles 1968-1971, au cours desquelles cependant, ce que je répète, le Québec tenait à une nouvelle répartition de pouvoirs. C'était là l'objectif. C'est bien simple à voir. Si cela n'avait pas été ça, cela ne valait pas la peine d'entreprendre une révision constitutionnelle.

Mais le gouvernement fédéral, à ce moment-là, a établi ses propres priorités. Elles sont apparentes et évidentes dans un des textes, le premier de tous, Le fédéralisme et l'avenir, où on dit: on devrait d'abord voir ceci, voir ceci, entre autres choses, le partage des pouvoirs, etc. Mais en pratique, les choses ont ainsi évolué que le Québec a été amené d'abord à étudier les questions de priorité fédérale: charte des droits, réforme du Sénat, réforme de la Cour suprême, pouvoir d'imposer, pouvoir de dépenser et d'autres questions comme celles-là sur lesquelles je pourrai revenir tantôt.

On a été amené à cela jusqu'en 1970. En 1970, cela faisait presque trois ans que l'affaire durait et, après le changement de gouvernement, le gouvernement fédéral a voulu aller un peu plus vite et il a entrepris, entre Québec et Ottawa, une série de pourparlers bilatéraux qui ont conduit à quelque chose qui a été, à mon avis, un tournant et qui a été une des causes évidentes de l'échec de Victoria.

Je vais peut-être parler de choses qui sont moins connues. Après l'élection du mois d'avril 1970, le gouvernement fédéral a envoyé des représentants à Québec pour qu'on règle le problème constitutionnel. Il est venu présenter à des personnes une sorte de "package deal" dans lequel on disait: On va régler la question des droits fondamentaux, la question de la Cour suprême, la question du Sénat, la question des langues officielles, la question des pouvoirs de dépenser, la question des pouvoirs de taxer, la question des pouvoirs des provinces dans les relations internationales, etc. le rapatriement et l'amendement constitutionnel; c'est un autre livre qui a paru là-dessus, celui de M. Pearson dont j'ai parlé avant, la formule Fulton-Favreau. Je ne sais pas si cela rappelle quelque chose à quelques-uns.

Et, à Québec, le gouvernement, ici, a laissé croire qu'il était d'accord avec ce genre de "package deal", avec le résultat que M. Turner, qui était ministre fédéral de la Justice, en toute bonne foi, a fait ceci, qui a créé un malentendu immense dans tout le Canada. Il est parti, dès le mois de janvier 1971,faire le tour des provinces du Canada avec la problématique suivante — cela m'a été confirmé par M. Hatfield, qui est maintenant premier minis-

tre de la province du Nouveau-Brunswick, qui a eu sa visite à l'époque; il en a d'ailleurs peut-être parlé depuis, je ne le sais pas — M. Turner est arrivé dans le reste du Canada, dans chaque province, en disant: Le Québec serait d'accord pour ce paquet constitutionnel qui réglerait le problème du rapatriement, de l'amendement, de la Cour suprême et, de là, les droits fondamentaux, à la condition que vous soyez d'accord, les autres provinces, pour une extension du bilinguisme. C'est le message que M. Turner, en gros — il y a d'autres nuances — a transmis dans l'ensemble du Canada, à divers gouvernements provinciaux.

Ce qui est arrivé, c'est que les autres provinces, qui n'étaient pas emballées particulièrement par l'idée du bilinguisme, se sont quand même dit: Si on est bons pour régler le problème de la constitution qui nous ennuie... Parce que j'ai oublié de vous dire une chose, c'est que cela les ennuyait. Je me souviens de M. Thatcher, premier ministre de la Saskatchewan à l'époque, qui a dit qu'il avait 100 priorités chez lui, dans sa province, et que la 101e c'était la constitution.

Et il y avait ensuite M. Bennett, le père de celui qui est là maintenant, qui ne venait à peu près plus aux conférences fédérales-provinciales. M. Smallwood, lui, ne venait plus jamais aux conférences interprovinciales; il ne trouvait pas cela important, parce qu'Ottawa n'y était pas. Il l'a dit. Ce ne sont pas des secrets d'État que je vous révèle là. Il l'a dit.

Cela ne les intéressait pas. Ils voulaient régler cela vite et ils venaient d'apprendre, par un ministre fédéral important, qui agissait de bonne foi, que le Québec était prêt à régler s'il y avait plus de bilinguisme dans les institutions fédérales, si la loi fédérale officielle du bilinguisme passait.

Et, à partir de cela, a commencé à être rédigée, au mois de février 1971, ce qu'on a appelé par la suite la Charte de Victoria, dont vous avez un exemplaire dans votre cahier. C'est un texte ultime, ce n'est pas le texte initial, parce qu'il y a des morceaux qui sont partis. Mais le premier élément que vous avez dans votre annexe, la Charte de Victoria, c'est ce qui est resté après beaucoup de discussions. C'était beaucoup plus gros que cela. Il y avait un préambule, etc. Et on n'était tellement, à cette époque, pas fixés sur ce qu'était le Canada, qu'il n'y a même pas eu d'entente sur le préambule, parce qu'on mettait le mot "two people", c'est-à-dire deux peuples, même pas deux nations, mais deux peuples. Cela a tombé à cause de cela.

On a commencé, à cette époque, au niveau des fonctionnaires, à rédiger un texte qui devait devenir la Charte de Victoria. Et là, au Québec, on s'est rendu compte, toujours au mois de janvier ou février 1971, que tout le processus de révision constitutionnelle, qui avait été amorcé à cause du fait que le Québec voulait une clarification de ses pouvoirs et des pouvoirs fédéraux et une augmentation des siens, était en train de devenir un exercice correspondant aux priorités fédérales exprimées depuis trois ans dans ce document qui est ici. Et là le Québec a dit: Cela n'a pas de bon sens, il faut obtenir quelque chose sur le partage des pouvoirs; autrement, tout l'exercice ne vaut rien.

Il faut que je dise aussi qu'en septembre 1970, à la conférence constitutionnelle, la première à laquelle il assistait, M. Bourassa, croyant que le sujet n'était peut-être pas terriblement important, avait accepté qu'on entreprenne les discussions du rapatriement et de l'amendement constitutionnel. Ce faisant, il entrait dans une sorte d'engrenage dont vous verrez la suite dans une seconde.

Par conséquent, il y a ce papier qui se prépare, la Charte de Victoria, avec des choses qui ne sont pas nos priorités au Québec. Il y avait un domaine à propos duquel on était particulièrement prêt; il y en avait d'autres mais il y avait celui-là. C'était celui de la politique sociale dont le ministre, à l'époque, était Claude Castonguay. M. Castonguay a proposé, ce qui a été accepté à une séance du Conseil des ministres à la fin de janvier 1971, qu'on introduise, dans l'ordre du jour des conférences constitutionnelles jusqu'à juin, une nouvelle question, c'est-à-dire la politique sociale.

Le gouvernement fédéral, d'abord, n'a pas voulu, à la conférence qui a eu lieu en février, considérer que la politique sociale était un sujet d'ordre constitutionnel. Il a considéré que c'était un sujet parmi les "other subjects", que c'était un de ceux-là. Par la suite, il a envoyé M. Munroe, qui était à l'époque le ministre correspondant à M. Castonguay, de la Santé nationale ou du Bien-être social ou les deux, qui est venu à Québec — je me souviens, il y avait une tempête de neige ce matin-là — avec le mandat de discuter avec nous des arrangements administratifs dans le domaine de la politique sociale et non pas des arrangements constitutionnels, ce que le Québec demandait. Le Québec avait dit: Nous voulons une modification constitutionnelle en ce qui concerne la politique sociale, et M. Munroe venait discuter d'arrangements administratifs. Là, on a été en porte-à-faux pendant les mois de mars, avril et mai, c'est-à-dire qu'Ottawa proposait des arrangements d'ordre administratif tandis que Québec considérait que c'était des modifications substantielles à la constitution qu'il fallait. Cela a traîné tout le printemps. M. Castonguay a envoyé, en prévision de la conférence — je saute des étapes — de Victoria qui avait lieu le 14 juin, par mon entremise, par le télex du ministère, une semaine avant, un document à toutes les provinces du Canada expliquant la position du Québec en matière constitutionnelle quant à une chose qui était la politique sociale. Ce que nous avons su par la suite, c'est que le gouvernement fédéral avait, lui, envoyé un porte-parole, un représentant fédéral dans les autres provinces avec une analyse de notre texte qui montrait pour chaque province le drame effrayant que cela représenterait si, par malheur, les autres provinces étaient d'accord avec le Québec sur la politique sociale; c'est-à-dire qu'il y avait une analyse que je dois dire biaisée, parce que je ne veux quand même pas utiliser des mots exagérés, de notre proposition, de telle sorte qu'il est inutile de vous dire que cela a effrayé tout le monde au Canada.

D'autant plus que tout ce temps-là, il n'avait vraiment pas été question du partage des pouvoirs de la façon dont le Québec l'envisageait. On est arrivé à la fin, comme une cerise sur le gâteau, avec la politique sociale; on avait l'air de déranger un processus alors qu'en fait il avait commencé à cause du Québec.

À la conférence de Victoria, on est arrivé avec un texte, ici, de la Charte de Victoria. Dans ce texte de la Charte de Victoria, il y a un article 94a révisé qui est celui que je vous ai lu tantôt, avec la portée terrible que vous lui connaissez, plus un paragraphe où on dit que le fédéral ne peut pas agir dans le domaine mentionné plus haut, c'est-à-dire la question de la vieillesse, etc., à moins qu'il n'ait consulté les provinces. Cela ne veut pas dire qu'il va suivre la consultation, mais il s'engage à consulter, imaginez-vous!

Quand est arrivée la conférence de Victoria et que c'était cela, le "package deal" dans lequel il y avait l'amendement constitutionnel, le rapatriement de la constitution, la question de la Cour suprême et une série d'autres choses qui n'étaient que des changements institutionnels ou d'ordre formel qui ne touchaient pas le partage des pouvoirs, il a bien fallu, je pense — et tout le monde l'a compris à l'époque — que le Québec dise non, parce que ce n'était pas cela que le Québec voulait. Je ne ferai pas de commentaires et j'arrête là-dessus sur la raison pour laquelle on est arrivé là. Il aurait peut-être pu être évité non pas que le Québec dise non à cette procédure, mais que cela se fasse d'une façon que peut-être le Canada anglais aurait mieux comprise parce qu'on n'a peut-être pas été assez clair par rapport au Canada anglais à l'époque. (16 h 15)

On est en 1971. C'est le "non" de Victoria le 22 juin 1971 — juste à la veille de la Saint-Jean-Baptiste; alors tout le monde a trouvé que c'était une bonne idée. Il y a eu des articles, etc., pour dire que c'était la décision à prendre. Le fait est — je vais en tirer une leçon — qu'il y avait une sorte de développement un petit peu indépendant de notre volonté qui faisait que le poids démographique et politique autour du Québec — pas par mauvaise volonté encore une fois — avait fini par transformer un processus où le Québec espérait une amélioration de son statut et de ses pouvoirs en un processus qui, au fond, faisait une correction au Canada fédéral dans la conception qu'Ottawa et les autres provinces avaient du fédéralisme canadien. C'est important de noter cela.

Par la suite — je vais aller plus vite maintenant — les discussions constitutionnelles, notamment sur et toujours la même priorité soit rapatriement et formule d'amendement, ont repris en 1975-1976. Vous avez une annexe là-dessus dans le cahier. Cela a été regardé par les provinces à l'époque. M. Lougheed à présenté, à la demande des provinces, des commentaires à M. Trudeau — la lettre est là aussi — sur cette approche que M. Trudeau avait. M. Trudeau a répondu — vous vous souvenez peut-être de cette chose assez célèbre — à M. Lougheed: Vous allez en même temps trop loin et pas assez loin. En fait, il disait à M. Lougheed qu'il dépassait, si vous voulez, la préoccupation qui était immédiate, c'est-à-dire celle du rapatriement, pour aborder un tas d'autres sujets.

Ensuite est arrivée l'élection de 1976 qui a changé la perspective, c'est évident — du moins, on pensait qu'elle l'avait changée — de telle sorte que la discussion de 1975-1976, qui a débordé un peu sur 1977, est restée en plan. C'est là — je reviens à ce que j'ai dit tantôt — qu'il y a eu la création de la commission Pepin-Robarts et, de plus, avant le rapport, le projet de loi C-60. Pourquoi n'a-t-on pas attendu le rapport de la commission? Je ne le sais pas, mais toujours est-il qu'aujourd'hui, on est devant cela.

Alors, le Québec est invité à se présenter à des conférences constitutionnelles où les propositions qui sont faites, quant aux sujets discutés, sont les suivantes — cela apparaît dans votre table des matières. Il y a d'abord eu, dans un premier temps, sept sujets de proposés par M. Trudeau. Il y a eu — je vous le rappelle, cela ne fait pas longtemps, alors vous allez vous en souvenir plus facilement — deux discours, un de M. Lalonde et un de M. Trudeau. Dans celui de M. Lalonde, on mentionnait une série de sujets à propos desquels le gouvernement fédéral aurait beaucoup de choses à dire et on voyait très bien que c'étaient des sujets — on le sait un peu par expérience — à l'intérieur desquels le gouvernement fédéral aurait voulu se faire attribuer certaines compétences.

M. Trudeau a retenu, lui, sept sujets qui sont les suivants, qui sont dans la liste: Le pouvoir de dépenser; la péréquation et les inégalités régionales; le pouvoir déclaratoire; l'imposition indirecte; la propriété des ressources et le commerce interprovincial — c'est le même sujet; le droit de la famille et les communications. Il y avait de plus trois sujets qu'il a mentionnés aussi comme faisant partie de la liste. C'est pour cela qu'on croyait qu'il y avait sept sujets mais, en fait, il y en avait dix: Charte des droits; Cour suprême et, le soir, pendant la réunion que les premiers ministres ont eue, il a insisté sur le rapatriement et l'amendement à la constitution, ce pourquoi, le lendemain, M. Lévesque a dit qu'on n'embarquait pas dans la discussion du rapatriement et de l'amendement constitutionnel.

Les autres provinces, voyant cette liste, en ont ajoutés. L'une d'entre elles, la Colombie-Britannique, a suggéré le Sénat, parce que la Colombie-Britannique a des vues très arrêtées sur le Sénat et elle voulait absolument qu'on en parle. Les pêcheries et ressources au large des côtes, si je me souviens bien, cela a été ajouté à la demande de Terre-Neuve. La monarchie — parce que là, il y a un problème que le fédéral n'avait pas escompté, c'est-à-dire une sorte de ressac assez surprenant qu'on a vu dès Régina l'été dernier, où les autres provinces du Canada ne veulent pas que le gouvernement fédéral — en tout cas, c'est la compréhension qu'on en a maintenant — touche en quoi que ce soit le statut de la monarchie et le rôle de la reine tel qu'il est maintenant.

Devant cette première liste, nous avons décidé, comme d'ailleurs c'était notre engagement politique, de participer à ces discussions. La question peut se poser: Pourquoi participe-t-on à des discussions sur le fédéralisme alors que nous avons une option souverainiste? C'est très facile à comprendre. Dans notre programme de parti, si je peux faire une allusion au programme de parti, il est clairement dit — je l'ai ici — à l'article 4, qu'un des devoirs qu'on a, c'est de "promouvoir le plus possible l'autonomie du Québec au cours de la période restant à passer sous le régime politique actuel. ' Cela veut dire qu'il ne s'agit pas de se boucher les yeux et de dire: Ce n'est pas bon, on ne regarde pas. Il y a des droits des Québécois à défendre. Le devoir élémentaire, comme je le disais à la Chambre de commerce de Montréal hier, de n'importe quel gouvernement, peu importe le parti, c'est d'aller défendre les droits des Québécois. Premièrement, on a dit qu'on irait, il n'y a pas eu de doute là-dessus.

Deuxièmement, qu'est-ce qu'on dit quand on y va? On a réfléchi beaucoup à cela. On s'est dit: Qu'est-ce qu'on dit? Il faut être honnête avec les autres. Il ne faut pas leur faire croire des choses. Il ne faut pas répéter en 1978 les malentendus du passé. Il faut que les gens sachent à quoi s'en tenir.

Je me suis donné le mandat et le Conseil des ministres me l'a aussi donné de parler aux collègues des autres provinces et du fédéral et de leur dire: Voilà! C'est cela, le jeu. Je me souviens particulièrement d'une conférence interprovinciale. Elle a eu lieu à Montréal, le 26 septembre 1978, où — je voudrais en parler tantôt — je suis intervenu pour dire à mes collègues des autres provinces: Voici à quelle enseigne nous logeons. Et cela a été, je pense, très bien compris et positivement compris. Ils ont, je pense, apprécié cette franchise. Qu'est-ce qu'on avait à dire? Ce qu'on avait à dire, à ce moment-là, ce pouvait être deux choses, deux familles, si vous voulez, de positions. L'une qui était facile, c'est celle qui sautait à l'esprit immédiatement; c'est d'en profiter pour arriver avec des positions qui sont celles que le parti a honnêtement dans l'optique de la souveraineté-association et de faire cesdites demandes maintenant. Le résultat évident, c'est que ce n'est pas acceptable puisque ce n'est pas l'optique dans laquelle se situe l'autre. Bon! D'accord.

Il y a une autre façon et c'est celle-là que nous avons prise, en toute connaissance de cause. Nous avons étudié les positions des gouvernements antérieurs sur des sujets qui sont là parce que, dans les sujets qui sont là — je voudrais dire cela tantôt — il y en a un tas qui ne sont pas touchés. Les plus importants ne sont pas touchés. C'est une des choses, d'ailleurs, que je vais tirer comme conclusion dans quelques instants. Nous avons préparé ce document-là que tout le monde a reçu. On en fera distribuer d'autres copies. C'est sans commentaire politique et c'est seulement une liste, même aussi réduite que possible, des prises de position traditionnelles — on les a appelées traditionnelles parce qu'elles avaient été prises par plusieurs gouvernements du Québec — sur le partage des pouvoirs, sur tous les sujets relatifs au partage des pouvoirs. Entendons-nous, pas les autres pouvoirs.

C'est cela que nous avons défendu, parce qu'il fallait prendre, à l'intérieur du système tant qu'il existe, des positions qui valent à l'intérieur du système, de sorte que ce que nous avons essentiellement défendu, avec deux exceptions que je vais vous donner tantôt, ce sont les positions des autres gouvernements avant, peu importe qui; que ce soient les libéraux, l'Union Nationale, si cela avait de l'allure — et cela en avait — on les a prises dans le cadre actuel. C'est pour cela que vous allez trouver indistinctement dans le dossier, pour chacun des cas, à un moment donné, une position prise par l'Union Nationale en 1968; à un autre moment, une position prise par les libéraux — prenez les communications, par exemple — en 1973. C'est exact. Cela ne nous dérange pas. C'est ce que nous avons été défendre dans le cadre du système actuel.

Les raisons sont les suivantes. C'est pour ne pas créer de malentendus, pour que les autres sachent à quelle enseigne on logeait. Je n'ai pas non plus été dire aux autres provinces, en arrivant là: Vous savez, je suis en train de repenser à cela. Peut-être bien qu'il y a moyen de faire quelque chose. On a dit: Ce n'est pas nous qui avons demandé la révision ou, si vous voulez, l'exercice constitutionnel, parce que je ne considère pas tout à fait que c'est une révision. L'exercice constitutionnel actuel, on n'avait pas demandé cela. Ne pensez pas que nous l'avons demandé. Il a lieu? D'accord. Honnêtement, on va y aller. Nous venons. Quelles positions défendons-nous? Celles des autres avant nous. Pourquoi celles des autres avant nous? Pour qu'on ne soit pas accusés d'en arriver avec des nouvelles qui vont venir ébranler toute la procédure et faire que cela va manquer et qu'on va pouvoir dire après: Voyez, cela ne peut pas marcher. Les mêmes qu'avant, celles que Daniel Johnson avait défendues; celles que Jean Lesage avait défendues, celles que Jean-Jacques Bertrand avait défendues, celles que M. Bourassa a défendues. Ce sont celles-là qu'on a prises.

J'ai dit qu'il y avait deux exceptions — je continuerai après sur une autre chose — on ne pouvait pas faire autrement. La première, la monarchie. Il n'y a pas de position antérieure sur la monarchie, parce que le problème tel que posé dans le dossier que vous avez ne se présentait pas avant. C'était difficile d'inventer des positions traditionnelles sur une chose qui n'est pas traditionnelle. L'autre question — elle est technique — ce sont les ressources au large des côtes dans la zone de 200 milles. Cela n'existait pas au moment de la prise de position antérieure. Il a fallu en inventer une qui se tienne et aussi logique qu'on puisse le faire, mais qui n'est pas traditionnelle puisque le problème ne se posait pas. Dans tout le reste, c'est essentiellement ce que d'autres gouvernements avant nous ont pris.

On leur a dit carrément: C'est cela qu'on fait. Je l'ai dit hier et je le dis aujourd'hui, et voici

pourquoi. Je ne veux pas de malentendu là-dessus. J'ai dit hier que nous pensions qu'il y a un type de fédéralisme renouvelé qui ne peut pas être acceptable et un qui peut l'être. Les nuances ne sont pas toujours faites. Je veux juste préciser cela parce que je veux être sûr qu'on se comprend. Le fédéralisme renouvelé qui consiste à modifier un peu les institutions centrales du système, à faire qu'il y ait une déclaration des droits de l'homme, à faire, en somme, un nouveau Sénat et tout, c'est la position fédérale. Elle ne touche pas au partage des pouvoirs; en tout cas, elle est loin d'y toucher aussi substantiellement que le Québec traditionnellement le veut. Par conséquent, c'est acceptable pour Ottawa; c'est cela qui inspire le bill C-60, c'est évident.

L'autre position du fédéralisme renouvelé, c'est celui que des partis politiques au Québec ont essayé dans le passé de mettre de l'avant: l'Union Nationale, en 1967, 1968, dans ces années-là, les libéraux aussi, à cette époque, sous l'impulsion de Paul Gérin-Lajoie. Cela suppose un changement substantiel dans le fédéralisme. Or, c'est cela qui est difficilement acceptable parce que, de toutes ces années-là, j'ai retiré des petites leçons que je voudrais mentionner en terminant.

D'abord, je veux faire des conclusions sur les optiques en cause. Pour le Québec, priorité au partage des pouvoirs et un partage substantiel de nature à modifier le système. Cela demeure du fédéralisme — je parle des positions traditionnelles — mais c'est substantiel. Tout ce qui ne correspond pas à cela, tout ce qui met la charrue devant les boeufs, tout ce qui, en somme, fait que ce sont des priorités qui ne sont pas les nôtres qui sont mises de l'avant, cela ne veut pas dire que c'est mauvais' cela veut dire que cela ne correspond pas à nos priorités. Il faut le savoir. Alors, on risque de perdre cela de vue maintenant parce qu'on n'a pas tout cet entonnoir de tracé. C'est la position du Québec, traditionnellement. On va en parler dans les détails demain, si vous voulez, mais c'est celle qu'on a perçue, c'est celle qui apparaît dans ce livre-là, c'est celle qu'on voit tout le long. C'est un phénomène historique qui tient au fait que le Québec a compris à sa façon le système fédéral dans lequel on est.

Pour le Canada, pour le fédéral, si vous voulez, et pour certaines autres provinces, la priorité, pendant des années, a été le rapatriement et l'amendement constitutionnel. Et aussi, autant que possible, pour le fédéral, chaque fois qu'on doit toucher aux pouvoirs, c'est de se garder une poignée pour qu'il n'y ait pas véritablement de cession d'un nouveau pouvoir entier aux provinces. Il n'y en a pas eu, de cela. D'ailleurs, j'ai une citation absolument succulente que j'ai trouvée dans la Presse du 8 janvier. Je l'ai mentionné hier dans ma conférence. C'est une entrevue de Gérard Pelletier à un journaliste de la Presse qui est à Paris. Le journaliste disait: II y a quand même eu un déblocage en 1964, 1965, avec M. Pearson. Il y a eu des pouvoirs qui ont été donnés aux provinces. Et Gérard Pelletier dit à peu près ceci: Êtes-vous capable de me mentionner un seul pouvoir que Pearson a cédé aux provinces? Il n'en a cédé aucun. Il n'a fait que des arrangements administratifs. C'est ce que j'essayais de montrer dans un livre que j'ai ici, qui s'appelle "Le pouvoir québécois", quand j'ai démissionné de mon poste en 1971. J'ai écrit cela dans l'année après. M. Pelletier vient aujourd'hui me donner raison. C'est la substance de ce que je dis là-dedans.

Donc, dans le passé, il n'y a pas eu de déblocage. Pis que cela, il y a eu, à un moment donné, toute une mise sur pied d'un comité qui s'est appelé le Comité du régime fiscal. C'était Parizeau qui participait à cela à l'époque comme conseiller du gouvernement avec d'autres fonctionnaires d'ici, du ministère des Finances. Il s'agissait de savoir, à partir de bases techniques et sérieuses, comment faire la répartition fiscale. La conclusion du comité — travail à huis clos, encore, pendant deux ans — a été qu'il y avait une courbe des dépenses provinciales qui s'en allait comme cela et une courbe des dépenses fédérales qui s'en allait comme ceci, de telle sorte que les provinces s'en allaient vers des déficits monstrueux et le fédéral, pas trop mal. Conclusion du comité: il faut un partage nouveau des ressources fiscales pour que les provinces soient mieux en mesure de faire face à leurs obligations. Le comité avait à peine remis son rapport que, au mois de juillet 1966, M. Mitchell Sharp, qui était alors ministre des Finances, a déclaré qu'il y avait une nouvelle thèse fédérale qui prévalait maintenant; c'est que chaque province devait se taxer à sa façon pour faire face à ses obligations. En d'autres termes, cela mettait un terme aux transferts, même pas de transferts fiscaux à partir du rapport du Comité du régime fiscal. Ce qui est arrivé dans les années 1964, et 1965, cela a été des ajustements administratifs dans certains cas. Le fédéral s'est rendu à l'évidence dans certains cas. Il y a effectivement eu des transferts fiscaux dans ces années-là pour faire face à des dépenses inouïes de la part des provinces.

Les enseignements que j'ai retirés de cela, personnellement — je pense que c'est ceux qu'à peu près tout le monde peut retirer; en tout cas, cela peut être évidemment discutable — c'est qu'on propose des arrangements administratifs alors que ce sont des modifications constitutionnelles qu'il faudrait faire. Il y a au Canada deux continuités, je l'ai dit hier. On raisonne toujours en termes de bons à Québec et de méchants ailleurs ou à Ottawa. Ils sont bons aussi à Ottawa, mais pas selon les mêmes critères que nous. Il faut le comprendre, sauf que le problème, c'est que les deux sociétés doivent s'ajuster ensemble dans un même cadre, avec les résultats qu'on connaît. Il y en a une des deux qui va évidemment finir — et c'est le cas, d'ailleurs — par dominer l'autre. (16 h 30)

Il y a une affaire que j'ai remarquée, dans les conversations que j'ai eues, et ce matin je me suis amusé à faire un petit calcul, pendant le Conseil des ministres. J'ai découvert une chose. Cela n'a pas été long. Savez-vous qu'au Canada, depuis quinze ans — je vous demande tout de suite

d'avance de me donner une chance quant aux chiffres; il y a peut-être des erreurs, mais je ne pense pas — depuis quinze ans, au Canada, il y a eu, par province, deux ministres à Terre-Neuve; trois à l'Île-du-Prince-Édouard; deux au Nouveau-Brunswick; quatre en Nouvelle-Écosse; cinq au Québec; deux en Ontario; quatre au Manitoba; trois en Saskatchewan; trois en Alberta; trois en Colombie-Britannique; deux au fédéral. 33 premiers ministres au Canada dont 28 à l'extérieur du Québec.

Savez-vous combien il y a de ministres qui sont passés au pouvoir à un moment ou l'autre? Là je peux me tromper. J'ai été très conservateur. Ce n'est pas tout à fait mon style, mais en tout cas j'ai été très conservateur, encore que certains diront que c'est mon style. J'ai mis seulement 20 changements de ministres, par exemple, pour l'Île-du-Prince-Édouard. J'ai supposé qu'il y avait un petit cabinet. Mais il y a à peu près 500 ministres qui ont exercé, à un moment ou l'autre, le pouvoir politique dans un secteur ou un département donné au Canada. Alors il m'est arrivé, comme à d'autres, d'avoir des conversations avec les 33 premiers ministres. Pas 32, 33. Quant aux ministres, là j'avoue que je n'ai pas vu les 500. Peut-être 200.

Mais j'ai remarqué, en parlant de ceux à l'extérieur du Québec, ceci. Il y a une affaire que je n'avais jamais comprise, cela m'a pris du temps à la comprendre et à un moment donné cela m'a frappé en pleine face. On proposait des choses, que ce soit M. Johnson, ou M. Bertrand, ou M. Bourassa, ou, à l'époque, M. Lesage, quoiqu'à l'époque, la révision constitutionnelle, au temps de M. Lesage, n'était pas avancée comme par la suite, c'est venu un petit peu plus tard, comme vous le savez, historiquement. Ce qu'ils nous disaient, c'est ceci: Comment pouvez-vous, à Québec — ce n'est pas à moi qu'ils disaient cela, mais aux hommes politiques — prétendre que vous êtes des hommes politiques fédéralistes, alors que vous proposez des modifications au fonctionnement du Canada qui vont contre le fédéralisme?

J'entendais cela et je me disais: Ce n'est quand même pas possible. On ne parle pas la même langue. Effectivement, non. On ne parlait pas la même langue politique. C'est que, pour eux, le fédéralisme cela suppose un gouvernement central fort, avec certains arrangements administratifs peut-être avec les provinces. Mais pour nous, ce n'est pas cela que ça veut dire. Cela veut dire la défense, je vous l'ai dit tantôt, de l'autonomie provinciale. Il y a peut-être une évolution actuellement dont il ne faut pas exagérer la portée parce qu'autrement on divise le Canada plus qu'il l'est à cause des richesses naturelles notamment. Mais il reste que ce n'est pas notre conception du fédéralisme. Il y a deux continuités. Si on est fédéraliste et si on se dit fédéraliste, comment peut-on prétendre changer un système qu'eux considèrent changé, de telle sorte que ce n'est plus le fédéralisme qu'ils connaissent? Je n'ai pas encore été capable de résoudre ce problème.

Il y a aussi, il faut bien que je le dise parce qu'il faut dire les choses telles qu'elles sont, d'ailleurs, je ne suis pas le seul à l'avoir dit, il y a des citations qu'on peut regarder pour cela, il y a un certain mépris fédéral latent par rapport aux provinces en général. Vous savez, être ministre ou premier ministre provincial, c'est un peu une sorte d'échevinage pour certains de nos amis de la bureaucratie fédérale. Je le mentionne et tout le monde l'a un peu vécu dans tous les partis, ils n'ont pas une énorme confiance dans l'esprit d'invention des gouvernements des provinces. Par conséquent, il faut le grand frère. Qu'est-ce que vous voulez? C'est pour cela qu'ils gardent des poignées partout.

Maintenant, dans le passé aussi, j'ai dit cela en Chambre, l'autre jour, alors je ne reviens pas là-dessus, mais vous savez, il y a les moyens traditionnels. On a fait confiance à la constitution, mais la constitution, cela a été expliqué par bien du monde. Elle a tout ce qu'il faut dedans pour permettre au gouvernement fédéral de faire à peu près ce qu'il veut. Vous avez ensuite de cela nos hommes à Ottawa, nos députés fédéraux du Québec. Qu'est-ce que vous voulez, ils s'en vont à Ottawa, ils sont dans le système fédéral. Ils sont les membres d'une autre équipe de hockey. Ils ne joueront pas pour l'ancienne équipe de hockey. J'ai déjà dit cela aussi.

Les autres provinces, dans quelle mesure on peut compter sur elles. Là il y a un nouveau facteur, depuis quelque temps, qu'il faut reconnaître en toute objectivité, c'est qu'elles sont plus conscientes de leurs richesses naturelles, de leur pétrole et tout, mais elles ne sont pas, mais pas du tout aussi, si vous voulez, insistantes que le Québec l'a traditionnellement été quant à leur compétence globale dans le système actuel. Elles ne sont pas aussi autonomistes que le Québec. De ce côté on pourrait en dire longtemps. Ce sont des provinces qui sont très fédéralistes, si je peux m'exprimer ainsi, en ce sens qu'elles tiennent — et c'est compréhensible, le "senior government" c'est Ottawa — elles tiennent à un gouvernement central fort.

Devant cela, évidemment, nous, nous avons une autre optique et honnêtement, c'est sûr, on n'est pas pour se cacher de cela. On ne s'est jamais caché de cela. Ce n'est pas nous qui avons demandé ce qui se passe maintenant, mais on participe en toute honnêteté.

Cependant, il faut bien remarquer que même d'un point de vue fédéraliste, qu'est-ce que vous voulez, dans la liste qui nous est proposée aujourd'hui, tout ce qui est substantiel manque. Les affaires urbaines ne sont pas là, la politique sociale de Claude Castonguay, à l'époque, n'est pas là, les transports ne sont pas là. En fait, il y en a une série; il n'y a pas non plus le pouvoir résiduaire, qui est quelque chose de très important. Il y a une série de grands sujets qui ne sont pas là. Maintenant, ils vont peut-être venir après, il ne faut quand même pas charrier, mais pour le moment, dans ce qui nous est proposé, ça n'est pas là. On va voir pour la suite ce qui va se passer. Mais je dois quand même constater ça, en toute

objectivité. Il ne s'agit pas de chialer, c'est ça. Qu'est-ce que vous voulez?

En gros, voilà. Si je me laissais aller, j'en aurais encore un peu à dire. Mais je vais me garder pour d'autres interventions. Je pense qu'il serait...

Le Président (M. Cardinal): Vous aurez toujours ce droit, M. le représentant du gouvernement.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est ce que j'ai compris tantôt; alors, je vais arrêter là pour le moment. Juste un mot de conclusion finale. Il y a un papier qui est devant vous, on a décrit aussi objectivement que possible ce qui s'était passé depuis quelques mois. J'ai situé, dans son optique, dans une perspective historique et politique, ce que nous vivons maintenant. J'ai dit ce que nous pensions. S'il y a des questions auxquelles je n'ai pas répondu, c'est bien possible, je n'ai pas un texte préparé dans tous ses moindres détails, c'est sûr que j'aimerais y répondre. J'aimerais aussi connaître les avis des autres.

On le fait en toute bonne foi. C'est la procédure qu'on entend suivre pour ces questions. Il faut mettre le public dans le coup. Autrement, si on avait continué comme on était parti, sans même mentionner et revenir sur les sujets, c'est le 5 ou le 6 février que les Québécois auraient appris quels sont les sujets et quelles sont les opinions exprimées par les autres provinces et par le gouvernement fédéral, sur des questions comme celles-là. Cela nous paraissait un peu difficile à accepter. C'est pour ça qu'on essaie de corriger, autant que possible, le problème par cette commission parlementaire.

Je vous remercie, M. le Président. Je m'excuse, je m'aperçois que j'ai pris une heure et dix minutes, à peu près; je ne voulais pas prendre autant de temps que ça.

Le Président (M. Cardinal): C'est moi qui vous remercie, M. le ministre. Je voudrais, avant de donner la parole au député de Saint-Laurent, pour les fins du journal des Débats et les fins de nos travaux, souligner — à moins que je ne me trompe — qu'ont été remis aux membres de la commission et aux journalistes treize documents et cinq annexes. Ces documents ne sont pas déposés au sens de documents sessionnels, ce qui est impossible en commission parlementaire; ils sont purement distribués comme instruments de travail.

J'ajoute cependant, M. le ministre, si vous le permettez, que j'ai reçu, pendant votre discours, des corrections aux pages 13 et 14 sur les communications et qu'elles seront à la disposition — permettez que j'en prenne une copie — de tous les membres de la commission et des journalistes.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est une petite erreur technique; c'est que nous avons reproduit, aux pages 13 et 14 de votre texte, une proposition constitutionnelle qui n'est pas tout à fait celle que nous avons effectivement appuyée. Ce n'est pas urgent, on pourra...

Le Président (M. Cardinal): Je peux le faire distribuer immédiatement...

M. Morin (Louis-Hébert): On l'a tapé, il est simplement de la même dimension que ceux que vous avez? si vous voulez le coller dans vos papiers, c'est une affaire de rien.

Le Président (M. Cardinal): Le secrétariat des commissions s'en charge. C'est tout ce que j'avais à dire. M. le député de Saint-Laurent, je vous donne immédiatement le droit de parole.

M. Claude Forget

M. Forget: Merci, M. le Président. Je suis content que le ministre ait précisé qu'il avait parlé pendant une heure dix minutes. S'il ne l'avait pas fait, je n'aurais pas manqué de le souligner, M. le Président, puisque vous avez indiqué au début de nos travaux que le porte-parole du gouvernement avait un droit de parole illimité. Si on n'avait pas compris à ce moment-là, on a maintenant très bien compris ce que ça voulait dire.

Je ne demanderai pas un droit de parole égal, M. le Président, puisqu'on sait très bien que ce genre d'impartialité nous est inconnu dans nos règlements de l'Assemblée nationale et particulièrement dans le fonctionnement des travaux des commissions parlementaires.

Je m'étonne un peu que le ministre ait pris une heure et dix minutes pour faire son exposé, très objectif, comme il l'a dit, au début, alors qu'il aurait pu, avec une égale objectivité, nous lire, probablement de bout en bout, son volume sur Le pouvoir québécois. Je me demande s'il n'a pas envisagé d'avoir un stand à l'entrée de l'Assemblée nationale pour autographier la vente de ses volumes au moment de l'affluence présumée que suscite cette commission parlementaire.

Il reste que c'est avec un large grain de sel que l'on doit prendre l'affirmation du ministre disant qu'il fait un exposé non partisan, objectif et impartial. Il nous a fait l'aveu qu'il était naïf en 1961, 1962 et 1963. C'est revenu souvent. Je pense que s'il croit vraiment avoir été objectif, il n'a pas perdu la qualité qu'il se reconnaît avoir eue alors. Je pense qu'il est naïf et illusoire de croire que, sur un point au sujet duquel les principales forces politiques se définissent et s'opposent à l'heure actuelle, il soit concevable qu'un ministre du gouvernement prétende, en tout sérieux, faire un exposé objectif. Quant à moi — je pense bien que je ne suis pas le seul — je suis satisfait, amplement satisfait. Son exposé était truffé de choses extrêmement personnelles, telles que ses états d'âme à différents endroits, sur lesquels il est bien le seul à pouvoir donner un témoignage. Je ne sais pas si on appelle cela un témoignage objectif, mais il demeure qu'ils n'ont d'intérêt que pour celui qui les éprouve, M. le Président.

Le Parti libéral du Québec a accueilli avec plaisir, accueille avec plaisir, aujourd'hui, la nouvelle selon laquelle une commission parlementaire serait convoquée au sujet de l'actuelle série de conférences fédérales-provinciales sur la constitution canadienne. Comme vient de l'indiquer le ministre, ces débats en commission parlementaire devraient — mais j'insiste sur le conditionnel devraient — permettre au public de prendre connaissance de la position adoptée à la table de conférence par le gouvernement au nom du Québec.

Les treize questions qui font l'objet des travaux de cette série de conférences sont de première importance. Ainsi, on discute de formules en vertu desquelles serait circonscrit et limité le pouvoir de dépenser, qui est un élément constant des problèmes entre Ottawa et les différentes provinces; le pouvoir déclaratoire du fédéral également. On discute de l'attribution aux provinces d'une compétence complète en matière de mariage et de divorce. On discute des rôles respectifs d'Ottawa et des provinces relativement aux richesses naturelles, y compris, parmi ces richesses naturelles — et cela fait l'objet d'un débat distinct — les pêcheries et les ressources minérales sous-marines. On discute de communication, on discute de péréquation, etc.

À propos de chacun de ces sujets, l'Opposition officielle interrogera donc le gouvernement pour connaître son attitude face aux propositions formulées par le fédéral ou l'une ou l'autre des provinces et pour inviter le gouvernement à dévoiler plus complètement ses propres propositions.

Jusqu'à maintenant, le gouvernement du Québec a prétendu qu'il se bornait à répéter la position traditionnelle du Québec sur chacun de ces sujets. La présente commission parlementaire nous permettra de constater si oui ou non le Parti québécois n'a véritablement aucune contribution nouvelle à suggérer sur aucun de ces sujets. Relativement à certaines questions débattues à ces conférences fédérales-provinciales, la position traditionnelle du Québec remonte à de nombreuses années. On peut constater à ce sujet que les citations de M. Duplessis se comptent en un certain nombre dans le texte. Cela remonte à un bon nombre d'années, évidemment.

Est-il compatible, devant une telle affirmation, de se borner à défendre la position "traditionnelle"? Est-il compatible avec la notion d'un bon gouvernement de refuser d'effectuer la mise à jour qui s'impose probablement dans au moins un certain nombre de ces positions dites traditionnelles?

Si ce gouvernement s'avère aussi stérile face aux questions constitutionnelles qu'il semble l'être, ce n'est probablement pas parce qu'il manque d'imagination pour suggérer des améliorations aux positions traditionnelles ou en développer de nouvelles, mais probablement parce que cette partie essentielle du mandat d'un bon gouvernement, c'est-à-dire adapter aux besoins d'aujourd'hui, des positions qui pourraient être traditionnelles, positions qui ne sont malgré tout pas sacrées au point qu'on ne puisse jamais y retoucher, parce que cette partie essentielle du mandat d'un bon gouvernement qu'il a reçu, dis-je, lui paraît incompatible avec son intention fondamentale de séparer le Québec du Canada. (16 h 45)

Mais ce n'est pas seulement quant au fond que l'attitude du gouvernement actuel semble manquer d'originalité et de force. Le gouvernement du Québec, comme tout gouvernement, jouit d'un très large mandat de négociation pourvu qu'il respecte, dans la forme et le fond, le cadre constitutionnel fédéral, du moins jusqu'au référendum. Or, ce large mandat, le gouvernement péquiste ne veut pas l'utiliser pleinement. D'après ce qui a filtré de ces conférences dont, après tout, une partie s'est déroulée, dans la première tranche au niveau des premiers ministres, devant les caméras de télévision, le gouvernement péquiste s'est comporté jusqu'ici comme s'il ne détenait qu'un mandat d'observateur plutôt qu'un mandat de négociateur. Une telle attitude de réserve n'est pas conforme à la notion de bon gouvernement. La présente commission parlementaire devrait permettre au gouvernement de s'expliquer à ce sujet. S'il s'avérait que l'attitude du gouvernement est bien celle que tous les signes extérieurs permettent de supposer — cette espèce d'attitude de "wait and see" — il faudrait bien conclure que le gouvernement devrait être la première cible de tout le blâme si la négociation actuelle devait échouer et que, par contre, il ne pourra guère se féliciter d'un succès éventuel, même partiel, acquis grâce à l'effort des autres.

L'effort que le gouvernement actuel refuse de faire alors qu'il en a le mandat, il ne doit pas espérer le faire accomplir par l'Assemblée nationale dont ce n'est pas le rôle. Le rôle des parlementaires n'est pas de négocier mais plutôt d'approuver ou de désapprouver les fruits de la négociation conduite au niveau du gouvernement. À ce jour, ces fruits sont évidemment inexistants parce que la négociation n'est pas terminée. Une commission parlementaire pour apprécier ou, éventuellement, ratifier les ententes qui pourraient intervenir s'imposera tôt ou tard. Mais, évidemment, il ne peut pas être question de cela pour l'instant.

Notre réunion d'aujourd'hui et de demain consiste seulement en ceci: Donner au gouvernement l'occasion de faire connaître les positions qu'il prend dans la négociation en cours et dont il conserve l'entière responsabilité jusqu'à la fin, à la fois relativement aux objectifs poursuivis et à la stratégie utilisée. Du côté gouvernemental, on voudrait probablement exploiter la présente commission parlementaire pour des motifs préréférendaires. Nous croyons donc utile de servir l'avertissement suivant aux députés ministériels, membres de cette commission: Dans la présente conjoncture politique, le Parti libéral du Québec ne se joindra à aucun éventuel front commun avec le Parti québécois et il se refuse à l'avance à s'associer à la stratégie politique évidente qui anime le gouvernement péquiste dans la conduite du dossier constitutionnel. Ce serait pure naïveté de notre

part de décharger le gouvernement Lévesque de la responsabilité qui lui appartient en propre, qu'il a recherchée et en vertu de laquelle il sera jugé par le peuple le moment venu.

Dans tout le dossier constitutionnel, les objectifs poursuivis et la stratégie employée sont, en effet, indissociables. En voulant endosser les objectifs, nous endosserions inévitablement le genre de démarche utilisée par le gouvernement actuel du Québec et cela, nous refusons carrément de le faire. En effet, cette démarche dissimule les intentions que nous connaissons très imparfaitement et qui ne sont peut-être pas claires pour le gouvernement lui-même.

Le Parti libéral du Québec est disposé à se réjouir et même à féliciter le gouvernement si ce dernier le mérite. Il méritera nos félicitations si la négociation permet d'apporter à la constitution canadienne des améliorations sensibles sur tel ou tel point. D'ailleurs, plusieurs des propositions traditionnelles du Québec furent élaborées par le gouvernement libéral précédent et nous ne renions certes rien de ce que nous avons dit à l'époque sur des points précis. Cependant, la prétention du gouvernement de refléter ce qu'il appelle la position traditionnelle du Québec ne peut pas être prise à la lettre. Il existe des divergences de substance ou d'interprétation sur de nombreux points précis que le gouvernement actuel fait semblant d'ignorer par une sélection arbitraire de citations de tel ou tel premier ministre du Québec. Il n'est donc pas possible d'évaluer correctement, ni d'endosser en général des propositions dites traditionnelles à moins de connaître de façon précise les discussions actuelles et le contenu des diverses propositions en présence sur chacune des questions.

Le gouvernement est avare de détails sur ses propres propositions et ne peut pas encore dévoiler les positions mises de l'avant par les autres provinces et le gouvernement central comme le ministre l'a dit. Il est donc aussi impossible pour la commission de porter un jugement sur des discussions actuelles qu'il le serait de juger la qualité d'une pièce de théâtre alors que seraient connues les répliques d'un seul personnage.

M. le Président, le ministre des Affaires intergouvernementales a revendiqué pour le gouvernement, au nom de qui il parle, à la fois à cette commission et à la table de conférence, la continuité. Il existe de nombreuses questions que soulève une affirmation comme celle-là. Ce qui est clair dans la position adoptée par le gouvernement actuel dans cette négociation, c'est que, précisément, les positions qu'il a adoptées manquent de clarté. Si l'on consulte les documents qui ont été distribués, on constate, comme l'a lui-même reconnu le ministre, qu'il s'agit de résumés extrêmement courts, d'une page ou deux, sur des questions très complexes.

La commission est donc invitée à baser son information sur la qualité, en quelque sorte, d'un sommaire que l'on demanderait à un étudiant en géographie au niveau du secondaire II, c'est-à-dire de résumer en quelques pages la position consti- tutionnelle du Québec telle qu'elle se dégage de l'histoire des dix ou quinze dernières années. Ce serait évidemment assez naïf de supposer, à partir d'un document, d'un exercice scolaire de cette qualité, de pouvoir prendre des positions face à des négociations sur des sujets complexes qui embrassent environ douze ou treize sujets.

La position du Québec prise isolément de la position d'Ottawa et des autres provinces, les objections qu'il formule, les contre-propositions que les autres font, c'est proprement impossible à analyser et à évaluer à son mérite, à moins qu'on veuille s'en tenir à des généralités, comme le fait le document gouvernemental. C'est un peu comme si une commission parlementaire était invitée à siéger pour étudier un problème de relations de travail et où, après avoir exposé la position patronale et en faisant le silence sur les demandes syndicales, on demandait à la commission d'exprimer une opinion. Cela n'aurait absolument aucun sens. Lorsque nous sommes dans cette position, face à un problème constitutionnel, on doit inclure que cette commission a lieu soit trop tard, si on doit se limiter à l'exposé unilatéral de principes très généraux, comme a choisi de le faire le gouvernement — cela aurait dû intervenir même avant le première réunion, de manière à jeter les bases et à informer le public de ce qu'on allait dire en son nom pour la première fois, pour autant qu'il y ait des éléments nouveaux, mais, comme il n'y a pas beaucoup d'éléments nouveaux ou qu'il n'y en a pas du tout, c'est peut-être une obligation à laquelle le gouvernement ne s'est pas tenu astreint de répondre — ou alors cette commission parlementaire d'aujourd'hui arrive trop tôt, puisque le seul moyen de juger véritablement de la valeur de la position du gouvernement du Québec sera à la lumière des résultats qui en découleront et à la lumière de l'analyse comparative des différentes positions en présence, non pas sur des problèmes généraux ou des principes généraux, mais sur une articulation beaucoup plus précise des points de vue, des solutions et pas seulement du diagnostic posé de façon sommaire.

Il serait donc nécessaire, à mon avis, d'évaluer plus tard, à l'occasion d'une autre commission parlementaire — j'explicite ici ce que je disais tout à l'heure — subséquemment à l'issue de cette série de conférences, de porter un jugement plus circonstanciel sur l'ensemble de ce qui sera acquis ou non acquis à l'aide de ces conférences.

Récemment, dans les jours qui ont précédé, le ministre des Affaires intergouvemementales s'est livré à une activité qui doit être dénoncée, à ce moment, parce qu'elle est proprement odieuse. Le ministre des Affaires intergouvernementales, dans un élan de rhétorique, a menacé les électeurs du Québec d'être en quelque sorte jetés aux oubliettes, condamnés à l'oubli et au mépris pendant une période d'une ou deux générations si jamais les thèses qu'il défendait n'étaient pas retenues au moment du référendum.

Une telle déclaration n'est pas nouvelle, malheureusement, mais elle a toujours suscité le même genre de réaction sceptique de la part du

public qui n'aime pas qu'on le menace des pires calamités s'il n'obtempère pas aux voeux du gouvernement du jour. J'ai été rassuré de constater que les propos du ministre ont suscité chez certains observateurs et commentateurs politiques dans la presse la même réaction. Je cite ici le titre d'un article de M. Daignault sous la rubrique "La démocratie au Québec", intitulé "Encore la stratégie de la peur", où on dénonce ce genre de raisonnement selon lequel, à moins d'en venir aux conclusions qui sont celles recommandées par l'État bienfaisant par la voix de son ministre des Affaires intergouvernementales, les Québécois doivent s'attendre aux pires calamités pour un délai presque indéfini. M. Marcel Adam a fait des commentaires analogues dans un éditorial d'hier qu'il intitule "M. Morin et la crainte du ridicule". Ce genre d'affirmation, M. le Président, n'est pas à l'honneur de celui qui l'a faite et n'est certainement pas à l'honneur du public auquel il s'adresse. Je tenais à en faire le rappel ici pour démontrer que, malgré les cris d'indignation et de protestation qui émanaient des rangs mêmes du parti qui est actuellement au pouvoir lorsqu'on a cru lire dans les propos d'un et même de plusieurs gouvernements antérieurs des allusions à des catastrophes, on se livre aujourd'hui, en oubliant ce qu'on a dit hier, à des menaces qui sont du même goût, du même style et qui, très certainement, auront le même sort.

M. le Président, le gouvernement, quand il prétend agir dans ces discussions comme un bon gouvernement, quand il prétend se faire le porte-parole des préoccupations traditionnelles du Québec, se rend coupable d'un mensonge puisqu'il n'est pas en mesure sur un certain nombre des points qui sont abordés dans l'exercice constitutionnel, sur le fond des problèmes, de fournir quoi que ce soit comme contribution positive sans se renier lui-même comme gouvernement et comme parti. Ainsi, dans la classification qui nous a été remise, le ministre — d'ailleurs, il dit bien clairement que cette classification des sujets à l'ordre du jour de la conférence est de son propre cru — classifie en trois groupes les sujets qui sont l'objet de discussions à l'heure actuelle. Il y a un premier groupe, intitulé "Dispositions concernant la pratique du fédéralisme, qui traite successivement du pouvoir de dépenser, du pouvoir déclaratoire, de la péréquation et des inégalités régionales. Il y a un deuxième groupe qui traite des dispositions concernant le partage de certaines compétences où cinq sujets sont énumérés: l'imposition indirecte, le droit de la famille, les communications, la propriété des ressources et le commerce interprovincial, les pêcheries et les ressources au large des côtes et un troisième groupe intitulé "Dispositions concernant les institutions et questions connexes" où il est question, entre autres, de la charte des droits, de la Cour suprême et du Sénat. Dans cette classification qu'il adopte pour ses propres fins, le gouvernement montre clairement que sa priorité va aux questions relatives au partage des pouvoirs, c'est-à-dire la deuxième catégorie. (17 heures)

Mais, avant d'en venir là, un mot sur la première et la troisième catégories, c'est-à-dire la pratique du fédéralisme et les institutions du fédéralisme. Le gouvernement peut-il sérieusement croire ou faire croire qu'il peut, relativement à ces questions qui sont, malgré tout, d'une importance capitale, même si elles ne sont pas les seules, mêmes si elles ne sont pas prioritaires, je pense au pouvoir de dépenser, entre autres, le gouvernement peut-il sérieusement prétendre que, sur ces sujets-là, il peut à la fois n'avoir rien à dire, ne faire aucune contribution, et à la fois, donc, se présenter comme un bon gouvernement qui veille à l'intérêt des Québécois, qui veille à les défendre dans le cadre constitutionnel actuel? Si le ministre maintient cette prétention, qu'il nous donne une raison de croire qu'il a agi, qu'il est intervenu, que son gouvernement a pris une position quelque peu explicite et développée sur l'un quelconque de ces sujets lors des discussions, soit au niveau des fonctionnaires ou au niveau des ministres. Qu'il produise un document, qui a été soumis à ses collègues ministres ou au niveau des fonctionnaires, qui représente, dans ces domaines, une contribution qui lui permettrait de prétendre qu'il ne fait pas simplement se référer à des citations anciennes, mais qui prétend véritablement qu'il est capable de relever ce défi de parler au nom du Québec dans le cadre actuel et, bien sûr, en attendant le référendum.

Pour ce qui est des autres questions, M. le Président, la question du partage des pouvoirs ou les différentes questions qui relèvent du partage des pouvoirs, nous avons une série de questions, nous voudrons certainement aller plus loin dans les détails, mais je dois dire que, a priori, nous ne sommes pas surpris de la timidité dont fait montre le gouvernement actuel relativement à la question de la pratique et des institutions du fédéralisme. Il est bien clair que la position du gouvernement actuel, du Parti québécois, rend la défense des véritables intérêts du Québec sur ces questions pratiquement impossible sans se renier lui-même. Il est assez peu imaginable que le gouvernement soit capable de faire l'effort intellectuel nécessaire et ait le courage de se prononcer avec force et avec clarté sur autre chose que des principes généraux et, encore une fois, des citations tirées de déclarations d'anciens premiers ministres.

Mais lorsque l'on touche la question du partage des pouvoirs, il y a un certain nombre de sujets qu'il ne pourra pas éviter. La citation de déclarations anciennes est, je pense, une issue, une alternative qu'il ne lui est pas possible de choisir. En effet, dans ce domaine-là en particulier, il y a eu, dans un passé récent, des événements nouveaux, depuis même la ronde constitutionnelle de 1968 à 1971. Il y a eu, d'une part, du côté des richesses naturelles, une perception complètement nouvelle de tous les intéressés de l'importance des richesses naturelles, non seulement de celles que l'on a soi-même, mais de celles que les autres possèdent, et d'une urgence accrue de s'assurer l'accessibilité aux ressources naturelles que les autres possèdent en particulier. Quel que soit le cadre dans lequel on veuille aborder le

problème, il y a là, sur le plan de l'énergie, sur le plan des ressources alimentaires, des déclarations nombreuses des ministres du gouvernement actuel qui démontrent qu'il y a un fait nouveau, un événement nouveau sur lequel les positions traditionnelles, strictement interprétées, nous amèneraient à renier ou à abandonner la défense des véritables intérêts du Québec. Il y a donc une mise à jour qui s'impose et nous serons intéressés de savoir jusqu'où le gouvernement a été pour procéder à cette mise à jour.

L'autre secteur que le ministre a cité et qu'il a considéré comme étant une des exceptions à la liste des positions traditionnelles, puisqu'il a explicitement reconnu qu'il s'agissait d'un fait nouveau, il s'agit de la zone économique de 200 milles au large des côtes, et il n'y a pas là de position traditionnelle du Québec. Il s'agit pourtant d'une question d'une importance vitale pour les pêcheurs, en particulier de la région soit de la Basse-Côte-Nord ou Moyenne-Côte-Nord, soit de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. C'est la question de l'avenir économique de ces régions et toute une population de pêcheurs. Des possibilités nouvelles se dessinent de ce côté. Là encore, la position traditionnelle du Québec, strictement interprétée, amène nécessairement le gouvernement du Québec à renier ou à renoncer d'avance à défendre des intérêts très concrets et très réels du Québec. Il y a donc des ajustements qui sont nécessaires et c'est un deuxième secteur où nous allons certainement être intéressés à connaître beaucoup plus en détail la position du gouvernement.

Avant de terminer, M. le Président, il y a une question d'éthique professionnelle que j'aimerais soulever. L'exposé du ministre, son exposé, entre guillemets, "objectif et impartial", reposait, pour une part, sur des événements publics et connus et, pour une autre part, sur une connaissance personnelle et une interprétation de faits qui ne sont pas nécessairement publics et connus, mais qui sont venus à la connaissance du ministre actuel des Affaires intergouvernementales à titre de fonctionnaire. La question qui se soulève est à savoir quelles sont les circonstances dans lesquelles un homme politique qui a déjà été un fonctionnaire peut utiliser des faits qui sont venus à sa connaissance en vertu de son serment d'office et qu'il n'a donné l'occasion à personne dans une arène publique, avec d'autres qui étaient également présents et au courant des mêmes faits, de débattre à la fois quant à leur nature, quant à leur existence et quant à leur interprétation.

Il s'agit d'une question d'éthique, M. le Président, et je tiens à la soulever parce que le ministre a voulu enrober le début de ses remarques dans un manteau d'impartialité, de raison, de détachement. Je crois qu'il s'agit d'une question qui est extrêmement sérieuse.

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, M. le député de Saint-Laurent, je m'excuse de vous interrompre, vous soulevez une question qui est importante. Vous savez qu'en commission parlementaire il n'y a pas de question de privilège. Vous ne le faites pas sous cette forme, mais vous la soulevez d'une autre façon. Je ne sais pas si je ne rendrai pas de directive sur un sujet semblable. Je ne sais pas si le ministre désirerait y répondre ou si la question devrait venir devant l'Assemblée nationale, mais je souligne que je ne voudrais pas que cela devienne, par le biais, une question de privilège en commission parlementaire.

M. Forget: M. le Président, je ne vois pas en fonction de quelle partie du règlement il serait interdit de soulever un sujet d'intérêt public, en commission parlementaire, qui est directement pertinent aux travaux de cette commission.

Le Président (M. Cardinal): Je ne l'empêche pas.

M. Forget: Le ministre a le pouvoir d'intervenir en vertu de l'article 96, je crois, après la fin de mes remarques, mais j'insiste encore une fois pour souligner qu'il y a là un problème d'éthique professionnelle. On pourrait le placer à un autre niveau, mais il demeure que, si des faits qui ne sont pas de connaissance publique sont utilisés dans une argumentation, il y a probablement d'autres conditions qui doivent se trouver réunies pour que cet exercice soit réputé un exercice impartial, juste et correct sur le plan de l'éthique. Je pourrais élaborer là-dessus. M. le Président, mais je pense qu'à ce moment nous tomberions sur le terrain...

M. Paquette: Vous portez des accusations et vous vous arrêtez là. C'est un peu frustrant.

M. Forget: Je pense que, si l'imagination vous fait défaut, on pourra vous en fournir des exemples plus tard.

Le Président (M. Cardinal): Tous s'est bien déroulé jusqu'à présent. J'ai souligné au député de Saint-Laurent qu'il ne fallait pas en arriver à une question de privilège. Il a exprimé des faits. Le ministre a le droit à sa réplique en tout temps, et je donne la parole à M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je termine sur une demande que nous pourrions, selon l'issue que voudra y donner le ministre, transformer en motion formelle. Pour assurer le sérieux de nos travaux, pour s'assurer, encore une fois — pour reprendre l'analogie que j'ai utilisée tout à l'heure — que les débats des parlementaires soient à un niveau un peu plus concret et précis que ne le seraient les travaux de secondaire II d'un cours de géographie ou d'initiation à la vie politique ou à l'histoire du Canada, je souhaiterais, au nom de l'Opposition officielle, que le ministre, sans rien dévoiler — ce qu'il ne peut faire — des positions prises par ses partenaires à cet exercice constitutionnel, comme il insiste pour l'appeler, accepte de rendre public, en en faisant la distribution aux membres de la commission parlementaire... Il

s'agit d'un voeu, M. le Président, puisque je préviens tout de suite les objections à savoir que, formellement, il n'est pas possible d'exiger ou de demander des dépôts ou la présentation de documents. Mais j'inviterais le ministre à accepter de considérer la possibilité de déposer ici, ou de distribuer aux membres et de rendre publics les documents de travail qui ont été distribués aux réunions de fonctionnaires ou de ministres sur les différents aspects mentionnés à la table des matières, c'est-à-dire les treize sujets qui font l'objet de négociations.

C'est seulement en voyant des documents qu'il nous sera possible d'évaluer le contenu, la forme, la qualité des positions officielles du Québec à la table de conférence, et non pas par le biais d'allusions. Ce ne sont guère que des allusions, des raccourcis historiques ou des citations choisies d'hommes politiques antérieurs qui ne sont pas des hommes politiques actuellement au pouvoir. C'est seulement à l'aide de ces documents qu'il nous sera possible de faire un travail sérieux. Autrement, nous ne discuterons que des contextes généraux, des états d'âme du ministre. Pour intéressants qu'ils soient, M le Président, je pense que c'est là un sujet pour la petite histoire et non pas pour le travail d'une commission parlementaire.

Donc, j'attirerais l'attention du ministre là-dessus. Je pense que c'est une chose qui n'est pas impossible. Ce sont des documents qui, malgré tout, sont en possession de fonctionnaires d'autres provinces, évidemment des gouvernements des autres provinces et d'Ottawa. Il me semble que les parlementaires du Québec pourraient avoir accès aux mêmes documents, qui n'ont plus le sceau du secret de documents du cabinet, puisqu'ils ont déjà été distribués à d'autres. Sur cette base, il nous serait possible de faire un travail sérieux.

Encore une fois, ce n'est qu'un voeu exprimé à ce moment-ci. Nous pourrons peut-être, s'il y a quelque hésitation, envisager une motion plus formelle. Je souhaiterais que cela se fasse simplement, sans autre formalité.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Laurent, je vous remercie. Je me permets deux commentaires. Un voeu est toujours acceptable en commission parlementaire. On le sait, c'est une vieille tradition. Ce sera au ministre ou au gouvernement de l'exaucer ou non. Nous verrons ce qui arrivera.

Deuxièmement, vous remarquerez, je désire le souligner quand même, que je n'ai pas appliqué strictement le règlement. J'ai présumé que tous étaient suffisamment intéressés à vous entendre pour que vous puissiez dépasser votre temps.

M. Forget: Je vous en suis reconnaissant, M. le Président, et aux membres de la commission.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Fernand Grenier

M. Grenier: M. le Président, je serai très bref et je m'en tiendrai aux commentaires que j'ai préparés ici. Je crois que c'est une bonne idée et que c'est dans l'intérêt des Québécois, que la commission parlementaire de la présidence du conseil de la constitution et des affaires intergouvernementales se réunisse aujourd'hui pour discuter de l'évolution du dossier sur les discussions constitutionnelles, alors que, dans quelques semaines seulement, se tiendra à Ottawa la deuxième de ce qui deviendra, nous l'espérons, une série de conférences constitutionnelles regroupant tous les premiers ministres provinciaux et le premier ministre du Canada.

Il s'agit de la première occasion qui nous est fournie, à l'Assemblée nationale, en notre qualité de parlementaires, de discuter, dans un climat de détente, de l'avenir constitutionnel du Québec et du Canada dans le cadre d'un fédéralisme renouvelé, car il faut bien se rendre compte que les discussions actuelles portent sur le réaménagement du lien fédératif qui unit les différentes régions du Canada. (17 h 15)

Tel que nous l'avons dit en novembre dernier, à la fin de la première conférence constitutionnelle des premiers ministres, l'Union Nationale aurait préféré que nous entamions ces discussions constitutionnelles en abordant franchement et globalement l'épineuse question du partage des pouvoirs. Les premiers ministres ayant décidé autrement, sur l'invitation du premier ministre Trudeau, cette première conférence constitutionnelle s'est terminée sur un accord voulant qu'entre la période du mois de novembre 1978 et du mois de février 1979, des fonctionnaires des divers gouvernements se réuniraient pour discuter d'un programme de réforme constitutionnelle portant sur sept points qui, par la suite, ont été augmentés, dans un premier temps, à dix et, dans un deuxième temps, à treize points.

Il y a déjà eu deux réunions dans le but d'en arriver à un consensus sur ces treize points et une troisième est cédulée à Vancouver la semaine prochaine, comme vous le savez. Sauf pour le document qui nous a été remis vers la fin de la semaine dernière par le ministre des Affaires intergouvernementales établissant, il faut le dire, assez clairement, la position du gouvernement québécois sur chacun de ces treize points, très peu de nouvelles données ont été rendues publiques jusqu'à ce jour.

Je voudrais émettre le voeu, à ce stade-ci, que le document explicatif que nous a remis le ministre des Affaires intergouvernementales serve d'ordre du jour pour la durée de cette commission parlementaire. Au-delà des généralités qui pourront être dites par chacune des formations politiques autour de cette table, il m'apparaît important que nous ayons le temps et l'opportunité de nous prononcer clairement sur chacun de ces treize points et de poser des questions au ministre, que

nous jugerons opportunes, dans les circonstances actuelles.

L'adoption d'une telle procédure m'apparaît d'autant plus importante, suite aux déclarations très récentes du ministre des Affaires intergouvernementales sur le dossier de la réforme constitutionnelle, déclarations que je considère inquiétantes pour la bonne marche de ces discussions constitutionnelles, à l'avenir, de la part d'un gouvernement qui se veut un bon gouvernement provincial, agissant dans la continuité historique des gouvernements québécois précédents.

Lorsque nous lisons le document que le gouvernement a cru bon de nous transmettre avant cette commission parlementaire, il se dégage une nette impression qu'effectivement les prises de position du gouvernement actuel s'inscrivent dans la ligne autonomiste et nationaliste des gouvernements antérieurs qui ont présidé aux destinées du Québec.

En effet, sur au moins une dizaine de points — et je les cite — le pouvoir de dépenser du fédéral, le pouvoir déclaratoire du fédéral, la péréquation et les inégalités régionales, le droit de la famille, les communications, la propriété des ressources et le commerce interprovincial, les pêcheries, la Cour suprême, la monarchie, le rapatriement et l'amendement de la constitution, nous retrouvons presque textuellement les positions défendues, tant hier qu'aujourd'hui, par l'Union Nationale.

Sur les autres points, tel que l'impôt indirect et tout le problème de la taxation, ainsi que les ressources au large des côtes, l'institution fédérale du Sénat et, finalement, la Charte des droits, nous aurions plusieurs questions à poser au ministre, dans le but de connaître plus précisément la position que le gouvernement entend adopter vis-à-vis le gouvernement central et ses partenaires des autres provinces.

Mais, malheureusement, il semble qu'entre les prises de position du gouvernement québécois agissant à l'intérieur du cadre fédéral actuel, sur certains points précis du dossier constitutionnel et les déclarations ministérielles portant sur l'ensemble du dossier constitutionnel, nous soyons en présence de deux réalités distinctes.

Lorsque le gouvernement est appelé à se prononcer sur des points précis du dossier constitutionnel, dans le cadre actuel, il adopte une attitude autonomiste et fait preuve de rigueur dans sa volonté de suivre la continuité historique des gouvernements antérieurs.

Lorsque le gouvernement est appelé à se prononcer sur l'ensemble du dossier constitutionnel, il adopte alors une attitude nettement partisane et souverainiste, qui vise à démontrer que le fédéralisme, comme concept, est inapplicable pour le Québec d'aujourd'hui et qu'il constituera toujours une camisole de force qui empêche l'épanouissement normal et rationnel du Québec et de ses citoyens.

Une telle attitude, de la part d'un gouvernement qui se veut et qui se dit un bon gouvernement provincial, est carrément inacceptable. Pré- tendre, comme il l'a fait hier — et on l'a lu abondamment dans les journaux — le ministre des Affaires intergouvemementales, que toute forme de renouvellement du fédéralisme est vouée à l'échec et que, même si le gouvernement participe à des discussions et qu'il pourrait en tirer quelque avantage dans le cadre du régime actuel, il demeure que le Québec ne pourra se satisfaire du résultat quel qu'il soit, démontre, de la part du gouvernement du Parti québécois, un état d'esprit défaitiste qui n'a qu'un seul but, celui de faire ressortir aux yeux des Québécois que seule la solution magique de la souveraineté-association pourra, en définitive, régler ce problème de l'avenir constitutionnel du Québec.

L'Union Nationale croit que, si le gouvernement accepte de jouer le jeu d'un gouvernement provincial négociant une nouvelle constitution canadienne avec ses partenaires — et on sait que plusieurs provinces sont d'accord sur plusieurs points qu'énumère ici ce document, pour des raisons parfois différentes, comme on le voit aux Maritimes avec la péréquation, comme on le voit dans l'Ouest à cause des richesses naturelles, comme on le voit dans d'autres pour le partage des pouvoirs, comme c'est notre cas, ou l'aspect culturel je pense qu'à partir de là, le ministre se doit de faire honnêtement, avec la plus grande rigueur intellectuelle possible, sans aucune partisanerie... Il ne peut, alors que les discussions sont à peine amorcées, prétendre que le tout est nécessairement voué à l'échec.

Je cite un extrait paru dans un journal de ce matin: "II est impossible d'envisager une démarche qui conduirait à un véritable renouvellement du fédéralisme canadien. Si le gouvernement est soucieux, s'il entend jouer son rôle du seul gouvernement provincial représentant une majorité francophone au Canada, il doit, dans l'intérêt des Québécois, et ceci, indépendamment de la tenue et du résultat du prochain référendum, accepter la suggestion que nous lui faisons aujourd'hui, à savoir rechercher et obtenir, sur le plus grand nombre de points possible, un consensus de tous les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale. "Face à une volonté commune de tous les partis politiques du Québec sur certains points précis de la discussion constitutionnelle en cours, nous croyons que le gouvernement fédéral ainsi que tous les autres gouvernements provinciaux reconnaîtront alors, dans les prises de position du gouvernement québécois faisant l'objet d'un consensus, un minimum vital du peuple québécois pour toute réforme constitutionnelle à l'avenir".

C'est pourquoi, en guise de conclusion, j'invite mes collègues de la commission parlementaire à accepter de bon gré d'étudier chacun des points contenus dans le document que nous a remis le ministre des Affaires intergouvemementales, pour que nous puissions examiner ensemble la possibilité d'arriver à des prises de position communes dans certains domaines, pour le plus grand bien du Québec et des Québécois. L'Union Nationale dit oui aux démarches du gouvernement du Qué-

bec qui s'inscrivent dans la continuité historique des gouvernements précédents du Québec, mais non à des démarches strictement partisanes qui visent à faire accepter la souveraineté-association comme la panacée miracle aux problèmes du Québec.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mégantic-Compton. Un instant, M. le député de Beauce-Sud. J'ai retenu un second voeu qui a été exprimé; je le transmets, au nom de la présidence, à M. le ministre qui pourra aussi en décider. Je cède immédiatement la parole à M. le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: Merci, M. le Président.

À mon tour, je veux apporter quelques commentaires aux travaux de cette première commission parlementaire qui constitue, je pense bien, une première au Québec, du moins depuis 1976, et qui nous permet d'aborder à fond la question constitutionnelle. J'ai été heureux, M. le Président, au mois de décembre dernier, lorsque j'ai appris la décision gouvernementale, son intention de faire en sorte qu'une commission parlementaire puisse siéger dès le début de l'année. J'écoutais le ministre tout à l'heure; il a fait le point sur la route parcourue. Je ne veux pas abuser de mon droit de parole, M. le Président, je veux être bref, mais je dois dire à notre ministre que ce n'est pas suffisant. Nous avons une route à parcourir et nous y sommes déjà engagés. Je dois dire que nous ne savons pas tellement où nous allons à ce moment-ci et j'ose espérer que la deuxième séance de notre commission parlementaire va nous permettre d'apporter beaucoup plus d'éclairage, puisque nous allons aborder les sept points dont on a fait mention et à propos desquels le gouvernement nous a fait parvenir un document. Je vais attendre à demain, lorsqu'on abordera ces questions point par point, pour faire connaître mon point de vue. J'aimerais dire tout simplement que le défi n'est pas dans le passé; le défi est dans l'avenir.

M. le Président, M. le ministre a fait un peu l'historique du désir des différentes formations politiques, des différents députés à l'Assemblée nationale, il s'est référé à une motion que j'avais présentée le 11 mars dernier. Elle fut inscrite au feuilleton de l'Assemblée nationale le 11 mars 1977 et elle a été débattue le 6 juillet. Cette motion se lisait comme suit: "Que cette Assemblée recommande au gouvernement la formation d'une commission parlementaire (spéciale) de la constitution dès cette année, avec mandat de consulter le public québécois et de proposer une véritable réforme constitutionnelle en définissant clairement les pouvoirs que le Québec doit posséder pour accomplir son destin." C'était la teneur de cette motion à l'Assemblée nationale qui, d'ailleurs, avait été appuyée, à ce moment, par tous les députés de l'Opposition, mais qui a été rejetée par le gouvernement.

J'en avais profité pour attirer l'attention du gouvernement sur l'urgence de créer une commission parlementaire spéciale pour expliquer ce que veut le Québec en matière constitutionnelle. Je disais que c'était "un premier point sur lequel tout le monde va être d'accord. Urgence à cause de toute la structure que le gouvernement fédéral est en train de mettre en place et qui risque d'être mieux organisée que celle dont dispose ou disposera le Québec." Je me réfère à des propos que j'ai tenus le 6 juillet 1977. "Urgence à cause de l'initiative fédérale qui risque d'annihiler toute prétention québécoise. Urgence à cause des dangers du maintien du statu quo et d'une plus forte centralisation sous le "couvercle" de la "bonne volonté" fédérale. Urgence et importance de créer une commission parlementaire qui aurait l'avantage de regrouper tous les parlementaires ou, du moins, les représentants de toutes les formations politiques ici présentes à cette Assemblée, qui aurait pour effet d'être plus démocratique et plus représentative que tous les groupes techniques formés et imposés par le gouvernement central." J'avais ajouté aussi qu'il y avait "urgence de s'adjoindre toute la population à ces débats; sinon, toute réforme constitutionnelle ne serait que foutaise. Urgence aussi, car actuellement le gouvernement fédéral est en train de faire étudier le cas du Québec par le Canada anglais, et ce, sans se préoccuper" plus qu'il ne le faut "des interlocuteurs en place à Québec". Je pense que les événements l'ont démontré. "La seule conclusion de cette technique fédérale pourrait se résumer ainsi: mettre le Québec à sa place sans que les Québécois aient un mot à dire dans ce débat." J'ai ajouté: "II est donc plus urgent que le Québec établisse clairement ce qu'il veut. Il doit prendre l'initiative, il doit, par ses parlementaires, faire participer toute la population, et ce, dans l'intérêt du Québec." J'ajoutais une autre raison: "la nécessité de déterminer nous-mêmes nos priorités, nos choix, nos conditions d'appartenance et d'association" avec les autres. Deuxièmement, je disais que cette commission parlementaire devait pouvoir former des groupes de travail responsables à la commission parlementaire elle-même.

Je pense quand même que jusqu'à maintenant, même si on a donné suite au voeu exprimé qu'une commission parlementaire ait lieu, on n'atteint pas tellement les objectifs que j'avais formulés à l'époque et on ne tient pas tellement compte, non plus, de l'urgence. Je considère encore comme fondamental de procéder le plus rapidement possible. Or, le 7 juin de la même année 1977, soit exactement 14 ans jour pour jour après la formation d'un comité constitutionnel par le premier ministre Lesage à l'époque, dont ont fait partie trois membres de l'Assemblée nationale d'alors, soit M. Bertrand, M. Johnson et M. René Lévesque — c'était en 1963 et les circonstances ont voulu que trois de ces membres occupent le poste de premier ministre de la province dans les années qui ont suivi — j'avais demandé s'il était effectivement l'intention du gouvernement de procéder plus rapidement, s'il était justement dans

son intention de faire connaître aussi ses intentions à lui concernant ce débat constitutionnel.

Je me réfère aussi à la réponse qu'avait donnée le ministre des Affaires intergouvernementales. "En ce qui concerne la question qui est posée relativement à une commission parlementaire, je dirai que c'est le genre de procédure à laquelle nous allons justement songer au cours de l'été. Je ne crois pas que nous allons procéder dans cette direction avant les vacances d'été — on était en 1977 — mais cela n'est pas exclu pour plus tard et c'est une chose à laquelle nous songeons maintenant. " Le ministre, pour répondre à une question additionnelle que je lui avais Dosée, nous avait dit qu'il était en train actuellement avec du personnel du ministère "de préparer et de préciser certaines dispositions que nous allons éventuellement proposer à l'ensemble du Canada. Donc, ce n'est pas terminé. Je dois aussi ajouter que, conformément aussi à notre désir, ces positions seront amplement connues, discutées et examinées par la population du Québec et d'abord, évidemment, par les députés de l'Assemblée nationale." (17 h 30)

M. le Président, la séance d'aujourd'hui n'a pas pour objet d'étudier les propositions du Québec, mais bien plutôt d'examiner les propositions du gouvernement fédéral, ce qui, à mon avis, est bien différent. Le moins que l'on puisse dire, à mon grand regret, c'est que nous n'avons pas tellement avancé. Pourtant, le débat est amorcé. On est en train de structurer la campagne du oui dans le Québec. On est en train de structurer la campagne du non d'un autre côté. Les gens prennent position pour le oui ou pour le non, alors que la question n'est pas connue.

Ma proposition est plus d'actualité que jamais, non pas pour étudier les propositions des autres, mais pour en faire, nous. Si on parle du partage des pouvoirs, il va falloir justement que cette question fasse un consensus unanime de la commission parlementaire. Cela m'apparaît absolument fondamental que ce ne soit pas une position qui est seulement soutenue par le gouvernement, dans les circonstances. Cela doit faire l'objet d'un voeu unanime de tous les représentants à cette commission parlementaire que la priorité, c'est justement le partage des pouvoirs, qu'on examine cette question. Et je m'explique mal, pour ne pas dire qu'il est inexplicable, que le gouvernement n'ait pas utilisé, jusqu'à maintenant, quelques propositions bien à lui de façon qu'on précise les positions du Québec. Je tiendrais bien à ajouter que préciser les positions du Québec à la lumière des rencontres et des propositions du fédéral, à mon avis, ne réglera rien, parce que l'histoire est là pour prouver que cela n'a rien réglé dans le passé.

Il y a une question à se poser — le ministre y a répondu partiellement — que ce ne doit pas être une oeuvre gouvernementale partisane. Là-dessus, je l'en félicite. Cette question doit être une oeuvre vraiment nationale. Et si on semble rechercher un consensus avec les autres provinces, il m'apparaît prioritaire qu'on fasse les démarches nécessaires. J'espère que la commission parlementaire sera l'outil ou du moins, c'est le voeu que j'avais exprimé dès le début, qu'on en vienne à un certain consensus ici même au Québec, de façon qu'on puisse éviter le plus possible les hésitations et les lenteurs décisionnelles qui provoquent un désintéressement, voire même un dégoût auprès de la population du Québec. Je me demande si, effectivement, on peut l'en blâmer.

Maintenant, la question que les Québécois se posent: Quand le référendum? Je pense, M. le Président, qu'on peut dire aujourd'hui que le référendum n'aura pas lieu en 1979. D'abord, il est sûr et certain que la loi ne sera pas déposée devant l'Assemblée nationale avant les élections fédérales. Comme les élections fédérales risquent d'avoir lieu fin mai, début juin, je ne pense pas que la Loi sur les référendums soit déposée devant l'Assemblée nationale, étudiée avant la fin de nos travaux d'été, à moins de faire des séances parlementaires, à moins d'en faire une session spéciale en dehors des règlements de la Chambre. Si la loi est étudiée à l'automne, avant que la loi soit adoptée, il est évident qu'on ne fera pas la campagne référendaire dans le mois de décembre, du moins, je ne le pense pas.

M. le Président, il y a des préliminaires qui sont fondamentalement très importants, à mon avis. Je formule le voeu à mon tour que ce soit étudié au niveau de la commission parlementaire. Est-ce que, d'abord, au niveau de l'Assemblée nationale du Québec, on est d'accord ou on n'est pas d'accord sur le rapatriement de la constitution? Le gouvernement fera connaître ses positions là-dessus. J'ai toujours dit non au rapatriement de la constitution. Je le maintiens aujourd'hui. Je formule le voeu que là-dessus, au moins, lorsque la commission parlementaire terminera ses travaux, il y ait un consensus clairement établi au Québec. On ne veut pas de replâtrage. On veut quelque chose de clairement défini, quelque chose de construit selon les besoins des années quatre-vingt, quelque chose de moderne qui pourra donner satisfaction aux gens.

Deuxième préliminaire, ne pas avoir peur de répéter les gestes des Duplessis et des Lesage. Et quand je parle de Duplessis, je parle du moment où le gouvernement a décidé d'aller percevoir lui-même les deniers dont il avait besoin et, par la force des choses, faire reculer le fédéral. Quand je parle des Lesage, je parle de la création de la Caisse de dépôt et placement, je pense à la création de la Régie des rentes du Québec, et je pense aussi à notre propre régime d'assurance-hospitalisation. Je pourrais donner d'autres exemples sous d'autres gouvernements. Je dis ceci: On ne doit pas avoir peur de répéter les gestes des Duplessis et des Lesage. Ce qui est très important, c'est que les parties en cause clarifient le plus vite possible — c'est même urgent — leur option et que le gouvernement en place se présente aux prochaines négociations avec un esprit positif plutôt que défensif. Je ne dis pas négatif plutôt que défensif.

Tant et aussi longtemps que nous irons aux conférences constitutionnelles et qu'on attendra des propositions qui viennent d'ailleurs, la seule attitude qu'on peut adopter est une attitude défensive, et je ne pense pas qu'on puisse avancer uniquement en utilisant des moyens de défense. Il va falloir passer à l'action et je dis qu'il est important qu'on en vienne à faire nos propres propositions.

M. le Président, en terminant je dirai ceci en ce qui a trait au pouvoir de négociation. Le pouvoir de négociation du Québec réside surtout dans son économie, dans son indépendance économique, dans la force de son économie et il réside aussi dans sa fermeté de décider. Là-dessus j'espère que le gouvernement sera ferme parce qu'il est temps de prendre des décisions, dans le meilleur intérêt du Québec.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Beauce-Sud. Juste un instant! Comme je l'ai fait dans les autres cas, je prends acte de vos voeux, qui sont d'ailleurs enregistrés au journal des Débats. Le député de Pointe-Claire serait normalement l'intervenant suivant. Soulevez-vous une question de règlement?

M. Forget: Oui, M. le Président, en vertu du règlement j'aimerais vous demander une directive. Notre compréhension du règlement est que, à 18 heures, les travaux de cette commission seront suspendus pour reprendre à 20 heures. Étant donné que cette question a fait l'objet de quelques interventions j'aimerais, que vous clarifiiez la situation de notre règlement. Il me semble qu'en vertu de l'article 150, paragraphe 1), qui se lit comme suit: "Les commissions élues peuvent siéger en tout temps lorsque l'Assemblée n'est pas en session ou lorsqu'elle a ajourné ses travaux pour plus de cinq jours," les règles normales de fonctionnement doivent s'appliquer à ce moment-ci. Si on ne souhaite pas du côté gouvernemental que l'on siège ce soir, il faudra probablement la présentation d'une motion du ministre ou d'un ministériel.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Sur la question de règlement.

M. Charron: Attention. Je pense que vous interprétez un peu trop loin.

Le Président (M. Cardinal): Je me fais informer présentement.

M. Charron: La commission, en vertu du règlement, lorsque la Chambre n'est pas en session, pourrait siéger le mercredi soir, alors qu'elle ne le peut pas en temps de session. On se comprend bien! S'il fallait faire une motion ce serait, pour proposer non pas qu'elle soit exemptée de siéger ce soir, mais pour proposer qu'elle le fasse. Notre intention actuellement, c'est de respecter la règle habituelle du mercredi soir et de ne pas siéger.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce qu'il y a d'autres... Écoutez, il faudrait que j'aie la permission. Mais non, vous êtes intervenant. M. le député de Laval.

M. Lavoie: Brièvement, c'est suite à la demande de directive du député de Saint-Laurent, qu'est-ce qui doit arriver à 18 heures? Très brièvement et sans faire de chinoiserie sur la question de règlement, voici ma prétention. Suite à l'ordre du leader du gouvernement afin que la commission siège aujourd'hui à partir de 15 heures, sans déterminer dans cet ordre à quel montant elle doit arrêter ses travaux, ma prétention est que l'article 150 des règlements sessionnels s'applique, et il se lit comme suit: "Les commissions élues peuvent siéger en tout temps lorsque l'Assemblée n'est pas en session ou lorsqu'elle a ajourné ses travaux pour plus de cinq jours." Ce qui est notre cas.

Deuxième paragraphe: "Lorsque l'Assemblée est en session, à moins qu'elle ait ajourné ses travaux pour plus de cinq jours, les commissions peuvent siéger aux mêmes heures que celles prévues pour l'Assemblée." C'est la prétention du député de Saint-Jacques, leader du gouvernement; il est vrai que si nous étions en session nous devrions respecter les heures d'Assemblée selon lesquelles les commissions ne peuvent pas siéger le mercredi soir. Mais, à cause de cette disposition, cette exception renforce notre argumentation que, d'après moi, à 18 heures, la commission doit suspendre ses travaux, à moins que vous fassiez une motion. Si le gouvernement veut prendre la décision de faire une motion avant 18 heures, d'ajourner à demain, la commission en décidera. C'est la raison pour laquelle nous faisons cette demande de directive. Notre prétention est qu'il y a automatiquement suspension à 18 heures et que les travaux doivent continuer à 20 heures, jusqu'à 22 heures.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui veut plaider sur la question de règlement?

M. Roy: Tout dépend, M. le Président, de la motion qui sera présentée à la fin de la séance. Je comprends que c'est hypothétique, mais il faudra que ce soit clairement indiqué. Je partage un peu l'opinion du leader parlementaire de l'Opposition officielle. Il faudra que la motion l'indique clairement, sinon nous risquons justement de nous retrouver avec une question de procédure.

Le Président (M. Cardinal): Ce qui est déjà fait. Je vais tenter d'être bref dans les circonstances. Oui, M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Le leader a suggéré qu'à 18 heures il va faire une autre motion pour que nous puissions continuer demain. Est-ce que nous avons une entente pour que cela soit fait?

M. Charron: M. le Président, si vous le permettez...

Le Président (M. Cardinal): Oui, je vous permets certainement.

M. Charron: Si votre interprétation est à savoir qu'automatiquement, puisque la Chambre a été suspendue pour plus longtemps que cinq jours, on devrait reprendre à 20 heures, je vais vous présenter tout de suite la motion d'ajournement pour permettre qu'elle soit débattable et que, plutôt que de se réunir à 20 heures ce soir, on se réunisse à 10 heures demain matin. Si c'est le choix qu'on fait, j'ai donc besoin de votre directive assez tôt, parce que nos collègues ont un droit de réplique et ont le droit de participer à ce débat également. Je voudrais le faire tout de suite si t'était votre directive.

Le Président (M. Cardinal): Écoutez, c'est pour cela que je veux être bref parce que je sais le temps qui est devant nous et il faudrait qu'une motion dans un sens ou dans l'autre soit présentée avant 18 heures, sans quoi nous serions dans une situation que nous avons connue dans d'autres circonstances. Je ne veux pas rappeler certains faits concernant certains projets de loi. Il commence à être, je ne dirais pas de tradition, mais on a beaucoup l'habitude, en commission parlementaire maintenant, de demander des directives au président. C'est un fait relativement nouveau. Ces demandes doivent être présentées sur des faits concrets et non pas hypothétiques. C'est pourquoi j'admets beaucoup des plaidoyers qui ont été présentés dans les instants précédents, devant moi. À l'heure où nous en sommes, ce n'est plus une hypothèse qu'à 18 heures il faut savoir si nous allons suspendre ou ajourner.

Je prends les textes que j'ai devant moi. J'ai pris la précaution au début de la séance aujourd'hui de lire deux choses. D'une part, la motion qui apparaît à la page 888 du procès-verbal du 21 décembre, qui se lit comme suit: "M. Charron donne l'avis suivant: La commission permanente de la présidence du conseil et de la constitution se réunira le 17 janvier 1979 à compter de 15 heures et le 18 janvier 1979 à compter de 10 heures." C'est au texte. J'ai un deuxième texte qui est l'avis envoyé par le secrétariat des commissions: "Veuillez prendre avis que la commission élue permanente de la présidence du conseil et de la constitution se réunira les 17 et 18 janvier 1979 au salon rouge pour examen du dossier des discussions constitutionnelles en cours." À la ligne: "La réunion du 17 débutera à 15 heures et celle du 18 à 10 heures." C'est ce que j'ai comme texte officiel devant moi. Si je lis l'article 150 du règlement permanent, il dit... Un instant...

M. Lavoie: Très bien.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, les commissions élues peuvent siéger en tout temps. Toutefois, une seule commission élue peut siéger durant les séances de l'Assemblée sur une motion qui n'est pas annoncée, qui peut être faite en tout temps et qui ne peut soulever de débat, mais elle ne peut siéger durant la période des affaires courantes. J'ajoute, le règlement que vous avez cité vous-même, M. le député de Laval, l'article 150-1 du règlement sessionnel qui dit que "les commissions élues peuvent siéger en tout temps lorsque l'Assemblée n'est pas en session ou lorsqu'elle a ajourné ses travaux pour plus de cinq jours."

Si je me rappelle bien, le 22 décembre, vers 1 h 45, il y a eu une motion d'ajournement qui a été adoptée unanimement, sans la moindre division. Je suis obligé, dans les circonstances et sans "taponnement", d'appliquer le règlement. J'espère qu'il n'y aura pas trop de directives à savoir si nous sommes sur un règlement sessionnel ou pas, nous sommes en cours de session, mais pendant que la Chambre ne siège pas.

Alors, devant tout ça, pour être juste envers tous, je demanderai... je ne demanderai pas, j'inviterai simplement, comme il l'a fait, M. le leader parlementaire du gouvernement, qui est avec nous à cette table, à présenter une motion, s'il le juge à propos. (17 h 45)

M. Charron: Si je dois présenter la motion...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Possiblement, étant donné qu'on a seulement un député à entendre, en supposant qu'il ait terminé dans une dizaine de minutes, en l'occurrence le député de Pointe-Claire...

Une voix: II y a un droit de réplique.

M. Gratton: II n'y a pas de droit de réplique pour le moment, jusqu'à...

M. Morin (Louis-Hébert): Je peux le prendre tout de suite.

Le Président (M. Cardinal): Ah non! Un instant! Quand même, écoutez, je suis obligé...

M. Gratton: Vous ne pouvez pas exercer votre droit de réplique avant que je vous dise à quoi répliquer.

M. Morin (Louis-Hébert): Ce n'est pas à vous que je vais répliquer, cher collègue.

M. Gratton: Je vous donne matière à répliquer.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, ne faites pas exprès, il reste peu de temps. M. le député de Saint-Laurent a invoqué l'article 96; avec tout le respect que je lui dois, M. le ministre n'en a pas besoin. Il peut, en tout temps, après que nous aurons fait un tour de table, répliquer et employer tout le temps qui lui est prévu par les articles 163 et autres du règlement.

M. Gratton: II pourrait le faire ce soir à compter de 20 heures.

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas à moi de décider des travaux de la commission à moins qu'il n'y ait un consentement unanime, je voudrais qu'on ne dépasse pas 18 heures pour en arriver à une situation impossible.

M. Charron: M. le Président, si je comprends votre décision, vous interprétez le règlement d'une façon qui m'oblige, aujourd'hui, tout de suite, si nous ne voulons pas siéger ce soir. Je pensais me rendre à la tradition de l'Assemblée et ne pas soulever de débat, c'est le contraire. Quand on fait le contraire, c'est le contraire qui est demandé. Si j'avais proposé qu'on siège mercredi soir, on aurait crié au scandale; je ne le fais pas, ils le réclament. C'est un jeu de fou auquel il faut se confronter.

Je n'ai pas l'intention, parce que mes collègues ont pris des engagements pour ce soir, de faire siéger la commission. Donc, je propose que la commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures, comme le dit l'ordre de la Chambre, dès 18 heures ce soir.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Forget: Non, M. le Président. Très brièvement...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Saint-Laurent...

M. Forget: ... M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): ... finissez avant 18 heures moins deux, s'il vous plaît.

M. Forget: Je n'ai droit qu'à dix minutes et je n'ai pas l'intention de les occuper.

Le Président (M. Cardinal): Justement, je ne parle pas nécessairement de vous.

M. Forget: Je ne peux pas parler pour d'autres.

M. Lavoie: Vous n'avez pas le droit de donner ces ordres. Si le débat sur la motion n'est pas terminé, la commission doit se réunir automatiquement à 20 heures. Je ne pense pas que ça arrive, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): J'ai dit tantôt que les hypothèses, je les prends quand j'y fais face. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, si j'ai soulevé ce problème, c'est que nous avons devant nous une table de matières où apparaissent treize sujets, de l'aveu de tous, des sujets complexes. Le député de Beauce-Sud vient de dire que c'est la première occasion, depuis 1976, qu'on a d'examiner le fond de certaines de ces questions et, en général, le dossier constitutionnel tel qu'il est mené par le gouvernement actuel.

Il m'apparaît qu'une journée et demie, compte tenu que la première journée, la première séance est consacrée à des exposés préliminaires, ce qui ne nous permet pas, si nécessaires qu'ils soient, d'entrer dans le détail et la substance de chacune des propositions et des questions énumérées à la table des matières, c'est bien peu de temps pour permettre un travail sérieux et soi-disant informer la population.

Je remarque, M. le Président, que cette commission parlementaire d'aujourd'hui aurait pu être convoquée à dix heures le matin. Elle aurait pu également être convoquée de manière que, sans l'ombre d'un doute, on siège également ce soir. Je m'étonne que le gouvernement cherche, en quelque sorte, à confiner à une période de quelques, très brèves heures la discussion d'un sujet qui, soi-disant détermine et est déterminant pour l'avenir du Québec, sur lequel on va épiloguer pendant des heures à l'Assemblée nationale, selon l'issue que souhaite probablement secrètement le ministre des Affaires intergouvernementales. Il me semble que deux heures de plus, c'est bien modeste pour s'acquitter, à moitié décemment, d'une partie seulement des sujets qui sont à l'ordre du jour.

Si véritablement le gouvernement ne souhaite pas qu'on siège, comme il semble bien que ce soit le cas, on pourra un peu partout s'interroger sur la motivation et la sincérité avec laquelle le ministre a dit: J'accueille cela avec plaisir. Nous croyons à la notion que le public soit informé. Après avoir distribué des documents aussi sommaires, aussi simplistes sur la position du Québec, en plus, il demande à son collègue, le leader du gouvernement, de limiter à quelques heures demain l'examen des propositions détaillées sur treize questions. Cela ne me semble pas très sérieux, M. le Président, et cela me semble mettre largement en doute la sincérité du gouvernement lorsqu'il prétend vouloir vraiment placer devant les yeux du public le dossier constitutionnel. Ce n'est pas vrai. Même avec le délai additionnel de deux heures, c'est une discussion très superficielle à laquelle nous nous livrerons, mais, au moins, peut-être un peu moins, avec peut-être un peu plus de temps, pour regarder deux ou trois des sujets qui sont devant nous. Ce n'est pas une exagération et je pense que le leader du gouvernement, qui insiste pour remettre le débat à demain, par ailleurs, semble fort empressé de faire siéger des commissions parlementaires, à deux ou trois par jour, quand les mêmes individus sont impliqués. Je pense qu'il sait très bien de quoi je parle. Je pense que, s'il y a un tel empressement à faire étudier longuement certains sujets qui intéressent le gouvernement, il y aurait également un zèle égal qui devrait être mis pour étudier cette question. Si le gouvernement pense le contraire, je suis très heureux qu'il se sente obligé d'en faire une motion. On va voir de quel bois il se chauffe, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Saint-Laurent. M. le ministre, je ne sais pas si... Est-ce que c'est sur la motion?

M. Morin (Louis-Hébert): C'est sur ce qu'il vient de dire. Vous allez voir.

Le Président (M. Cardinal): Bien, attendez un peu. Ce serait une question de règlement?

M. Morin (Louis-Hébert): Une question de règlement, je ne sais pas; n'importe quelle question.

Le Président (M. Cardinal): Oui, mais quand même.

M. Morin (Louis-Hébert): II y a toujours bien des limites. Tantôt, j'ai écouté un certain nombre de choses et je suis intervenu...

M. Lavoie: M. le Président, est-ce que je peux vous demander une directive sur une question de règlement?

M. Morin (Louis-Hébert): Je suis en train de parler.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, je suis obligé de vous interrompre, M. le ministre.

M. Lavoie: Est-ce qu'en vertu de l'article 157, deuxième alinéa, le ministre a le droit d'intervenir sur cette motion?

Le Président (M. Cardinal): Non, M. le député de Laval.

M. Lavoie: II doit solliciter le consentement de la commission.

Le Président (M. Cardinal): C'est cela exactement. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Lavoie: Je pense que le leader du gouvernement aurait un droit de réplique.

Le Président (M. Cardinal): Certainement.

M. Lavoie: II pourrait nous transmettre très habilement les propos que voudrait nous tenir le ministre des Affaires intergouvemementales, lors de sa réplique.

Le Président (M. Cardinal): II a proposé la motion.

M. Gratton: M. le Président, quant à nous... Le Président (M. Cardinal): Attention!

M. Charron: On a posé une question. On a demandé s'il y a consentement à ce que le ministre des Affaires intergouvernementales...

Le Président (M. Cardinal): J'ai demandé s'il y avait consentement.

M. Gratton: Je vais répondre à cela.

Le Président (M. Cardinal): C'est oui ou non?

M. Gratton: Quant à nous, M. le Président, il y aurait consentement à condition qu'on s'entende que si, à 18 heures, on n'a pas disposé de la motion d'ajournement, on reviendra automatiquement ici à 20 heures.

M. Morin (Louis-Hébert): Vous reviendrez tout seul.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît.

M. Gratton: II faudrait le savoir.

Le Président (M. Cardinal): Cet incident s'est déjà produit et si, à 18 heures, on n'a pas disposé de la motion, je vais tout simplement suspendre parce que je n'aurai pas de motion votée.

M. Gratton: C'est cela.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce qu'il y a consentement?

M. Gratton: II faut que le ministre sache cela.

M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ai pas écouté. C'est quoi?

Le Président (M. Cardinal): Si à 18 heures, ce n'est pas fini...

M. Charron: Non, non, écoutez, M. le Président.

M. Morin (Louis-Hébert): On a un horaire qui est entendu depuis un bout de temps; vous l'avez lu tantôt. Qu'est-ce que c'est, ces affaires qui arrivent aujourd'hui?

M. Gratton: II n'y a pas eu d'horaire tel quel. Question de règlement, M. le Président, il n'y a jamais eu d'horaire tel quel.

M. Morin (Louis-Hébert): II vient d'en lire un tantôt.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! Je ne permettrai pas...

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: J'aimerais rappeler au ministre des Affaires intergouvernementales qu'il n'y a eu aucune directive; l'avis en Chambre, la motion pour faire siéger la commission ne spécifiait pas d'heure d'ajournement ou de suspension. Ce que le président a lu, il l'a probablement lu à la suggestion du ministre lui-même qui ne veut pas

siéger ce soir, mais cela ne nous lie d'aucune façon.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. À l'ordre! Je vais justement m'en tenir à mon rôle. Si personne ne veut intervenir pour qu'on empêche un député de s'exprimer, je demanderais si nous en sommes rendus à la réplique.

M. Charron: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): M. le leader parlementaire.

M. Charron:... la réplique va être brève. Je me suis fait poser la question par des collègues de mon propre parti, il y a quelque temps, à savoir si la soirée de mercredi serait occupée ou pas. Comme je l'ai dit dans la présentation même de la réplique: Non, c'est la tradition, on ne siège pas le mercredi. Aussitôt qu'on touche à une petite tradition grosse comme cela, ils peuvent faire une chamaille pendant des...

M. Gratton: C'est le règlement.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: C'est le règlement, mais, même si le règlement permet de le faire dans l'intersession, je pense que tout le monde aurait dit: C'est la tradition. J'ai dit: Pour ne pas faire de chicane pour rien, on va leur donner leur mercredi soir. Je suis le premier surpris de voir que c'est eux qui le réclament maintenant, M. le Président. En tout cas, j'ai donné ma parole. Quand je donne ma parole, je la respecte. J'ai donné ma parole à mes collègues...

M. Forget: C'est plus que certains de vos collègues font.

M. Charron: ... de mon parti qu'ils pouvaient s'occuper ce soir, que je ne ferais pas siéger. Je tiens ma parole, dans ces circonstances. Quant au fiel qu'a essayé de verser le député de Saint-Laurent sur cette motion, je lui rappellerai...

M. Forget: Une interprétation objective.

M. Charron: ... qu'il est vrai que le député de Saint-Laurent sera, j'imagine, de retour parmi nous à cette commission demain. Il est vrai aussi qu'il y a d'autres commissions qui vont siéger. C'est vrai aussi qu'il va souvent y avoir trois commissions qui vont siéger, parce que la session n'est pas terminée. Nous aurions bien voulu la terminer, mais elle n'est pas terminée. En ce sens, je sais aussi que les grandes lumières du député de Saint-Laurent seraient sans doute très utiles à chacune des moindres commissions que je vais invoquer, mais je pense que nous pouvons en même temps nous en passer très largement. Une once de vinaigre, une commission de vinaigre par jour suffira au député de Saint-Laurent, j'ai l'impression; on fera travailler les deux autres de bonne foi.

M. Lavoie: Ma foi, il ne s'est pas reposé encore.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce qu'on peut quand même finir cela de bonne humeur?

M. Gratton: Est-ce que la planification est toujours aussi bonne?

Le Président (M. Cardinal): Alors, je mets au voix la motion...

M. Morin (Louis-Hébert): J'aurais une blague à vous raconter.

Le Président (M. Cardinal): Un instant! Vote à main levée ou vote enregistré?

M. Charron: À main levée.

Le Président (M. Cardinal): Vote à main levée. Pour la motion? Contre la motion? À 18 heures, j'ajournerai les travaux à demain, 10 heures, au salon rouge. C'est bien la décision de cette commission.

M. Bédard: II peut parler cinq minutes?

M. Morin (Louis-Hébert): Je peux parler cinq minutes?

Le Président (M. Cardinal): Non, parce que j'ai donné la parole à M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président...

M. Gratton: Question de règlement. Je m'excuse auprès de mon collègue.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Shaw: Je crois que...

Le Président (M. Cardinal): Un à la fois J'avais indiqué au début de cette commission que, de consentement unanime des membres de la commission, nous ferions le tour de table avant que la réplique du ministre ne commence. Tous s'en souviennent, j'espère?

M. Forget: Oui.

M. Shaw: J'ai la parole?

Le Président (M. Cardinal): Un instant! Question de règlement et brièvement, s'il vous plaît!

M. Gratton: Simplement, j'avais l'impression qu'on venait d'adopter une motion d'ajournement

à demain, 10 heures. Je ne vois pas comment on peut maintenant dire: On laisse...

M. Morin (Louis-Hébert): À partir de 18 heures.

M. Charron: Non, la motion c'est qu'à 18 heures, elle s'ajourne jusqu'à 10 heures.

Le Président (M. Cardinal): C'était la motion.

M. Gratton: En tout cas, c'est un peu irrégulier, d'accord.

Le Président (M. Cardinal): Pardon? M. Gratton: C'est un peu irrégulier.

Le Président (M. Cardinal): Non. On a décidé tantôt ensemble...

M. Gratton: Cela va, M. le Président, que le député...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Pointe-Claire, à moins que vous ne décidiez d'attendre à demain.

M. William F. Shaw

M. Shaw: M. le Président, j'ai quelques remarques à faire aujourd'hui. Nous avons aussi une autre commission qui va siéger demain sur la loi 84 et j'aimerais bien prendre la parole aujourd'hui pour faire quelques remarques au sujet de cette commission parlementaire qui essaie ou prétend essayer d'étudier la position qui sera prise par le gouvernement lors de la conférence sur la constitution au mois de février. Je crois aussi que tout le Canada est prêt à faire quelque chose pour améliorer la situation dans laquelle nous vivons maintenant au Canada. On fait une réforme de la constitution qui est acceptable pour tout le monde. On fait le rapatriement de la constitution canadienne, avec une formule qui est acceptable pour tout le monde pour des amendements qui doivent être gardés pour cette constitution. Mais je crois qu'une grosse vérité demeure. La vérité est celle-ci. Les conditions de cette conférence ne peuvent être pires.

Premièrement, on sait fort bien que l'actuel gouvernement du Québec n'est pas prêt à faire une négociation de bonne foi. Deuxièmement, parce que nous sommes avant une élection fédérale, cette charade — parce que c'est véritablement une charade que nous allons voir — est d'abord à l'avantage du gouvernement fédéral pour ses élections qui viendront bientôt. C'est la tristesse. La tristesse, c'est que nous n'avons jamais eu au Canada une situation dans laquelle la population est plus près de négocier. On n'a jamais vu une situation telle que le reste du Canada est aussi tanné d'entendre parler de la question de la constitution canadienne, mais on sait fort bien qu'ils sont aussi attrapés dans cette charade. Pensez-vous que les premiers ministres des autres provinces peuvent se désister et ne pas venir à une telle conférence? C'est impossible. Ils veulent démontrer qu'ils sont prêts à négocier. Pensez-vous qu'ils sont prêts à donner une position qui peut être donnée dans une situation qui serait meilleure? Je ne le crois pas. On voit une situation qui est très valable pour le Canada, pour le Québec, pour tout le monde, pour valoriser notre constitution pour que cela puisse fonctionner, car on sait fort bien que pour le moment, cela ne fonctionne pas. (18 heures)

On voit maintenant que nous avons des règlements qui empêchent le mouvement des ouvriers au Canada; on voit aussi que nous avons certains problèmes avec l'échange des biens. On n'a même pas une politique énergétique rentable. Il y a beaucoup de problèmes au Canada. Mais parce que nous avons une confrontation entre deux niveaux de gouvernement qui est véritablement seulement politique, on perd un avantage incroyable.

M. le Président, j'espère que la population est prête à entendre les points de vue du ministre responsable pour représenter le Québec à cette conférence, pour savoir si elle est positive, si elle ne se présente pas seulement comme un moyen de faire la preuve que c'est impossible de négocier de bonne foi avec le gouvernement fédéral. Est-ce que l'objet de sa participation est seulement de faire valoir une position de confrontation qu'on peut employer dans un référendum qui, peut-être, ne sera même pas demandé à la population? Est-ce une autre chicane politique à l'avantage du gouvernement du Québec actuel, même si on voit que le gouvernement fédéral est aussi coupable d'utiliser une situation véritablement très importante à son avantage politique? J'espère qu'en étudiant les propos du gouvernement, de petits pas en avant pourront être faits afin que les représentants de mon gouvernement puissent aller à une conférence qui est très importante avec une attitude changée, ouverte, pour peut-être voler l'avantage au gouvernement fédéral, pour démontrer qu'il est prêt à négocier de bonne foi avec les autres premiers ministres qui vont y aller de bonne foi pour que, peut-être, on fasse une surprise à tout le monde, à savoir que quelque chose de bien peut en être le résultat. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Merci. M. le ministre, il vous reste 90 minutes, si vous voulez ajouter un mot.

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais en ajouter un seul et je continuerai demain matin.

Le Président (M. Cardinal): Oui, on va se revoir.

M. Claude Morin

M. Morin (Louis-Hébert): II est parti? Eh bien! Je lui répéterai demain matin ce que je vais dire maintenant. J'ai beaucoup d'autres choses à ajouter parce qu'il y a eu des interventions qui ont été faites. J'ai été déçu, surpris, mais pas étonné de l'attitude manifestée par le député de Saint-

Laurent. Je pense bien que, je ne dirais pas qu'on peut lui accorder un diplôme de mauvaise foi, mais je ne pense pas qu'il soit le champion de la bonne foi dans un certain nombre de choses qui ont été dites, que j'ai laissé passer tantôt en ce qui concerne l'éthique. Je reviendrai là-dessus demain matin.

En ce qui concerne aussi l'attitude que nous avons prise, nous présentons des documents les plus complets possible à l'intérieur des limites qui nous sont imposées par les règles du jeu que nous avons accepté de suivre. On présente ces textes et on se fait critiquer parce qu'on les présente. Je vais finir ma phrase. Si on n'en présentait pas, on se ferait critiquer aussi. Alors, j'ai l'impression que dans ces conditions, quoi qu'on fasse, on ne réussira pas, on ne réussira pas. On se fait critiquer parce qu'on va à la conférence alors que ceux qui nous critiquent parce qu'on y va sont ceux qui nous demandaient d'y aller.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, je m'excuse, M. le ministre, mais conformément à la motion votée à main levée, nous ajournons nos travaux à demain 10 heures, dans cette même ' salle.

(Fin de la séance à 18 h 6)

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