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Examen du dossier des discussions constitutionnelles
(1)
(Quinze heures seize minutes)
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre,
messieurs!
Mesdames et messieurs, nous allons commencer une première
séance et je veux bien la distinguer de celle qui aura lieu demain parce
que c'est très important hors session pour les membres et les
intervenants d'une commission parlementaire. Il s'agit de la commission de la
présidence du conseil et de la constitution et mon premier devoir, en
tant que président de cette commission, est de vérifier
précisément la liste des membres et intervenants.
M. Bédard (Chicoutimi).
M. Bédard: Présent, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): M. Bisaillon
(Sainte-Marie).
M. Bisaillon: Présent.
Le Président (M. Cardinal): On me dit que M. Charbonneau
(Verchères) est remplacé par M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes).
M. de Bellefeuille: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Clair (Drummond) par M. le
ministre Claude Morin.
M. Morin (Louis-Hébert): Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Forget (Saint-Laurent).
M. Forget: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Grenier
(Mégantic-Compton).
M. Grenier: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Laberge (Jeanne-Mance).
M. Laberge: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Levesque (Bonaventure) sera
remplacé par M. Gratton (Gatineau).
M. Gratton: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Paquette (Rosemont).
M. Paquette: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Roy (Beauce-Sud).
M. Roy: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda).
Ce sont les membres de la commission. Les intervenants: M. Bertrand
(Vanier).
M. Bertrand: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Brochu (Richmond).
M. Fontaine: Remplacé par Fontaine (Nicolet-Yamaska).
Le Président (M. Cardinal): Alors, M. Brochu (Richmond)
remplacé par M. Fontaine (Nicolet-Yamaska).
M. Ciaccia (Mont-Royal) remplacé par M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce).
M. Scowen: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Dussault
(Châteauguay); M. Guay (Taschereau).
M. Guay: Oui.
Le Président (M. Cardinal): M. Lavoie (Laval); M.
Lévesque (Taillon) remplacé par M. Charron (Saint-Jacques).
M. Charron: Présent.
Le Président (M. Cardinal): M. Morin (Louis-Hébert)
remplacé à titre d'intervenant par M. Proulx (Saint-Jean).
M. Proulx: Présent. Prenez votre temps, on n'est pas
pressé.
Le Président (M. Cardinal): Je voudrais, au début
de cette séance c'est la première séance d'une
commission en cette année 1979 offrir à tous, au nom de la
présidence, nos voeux les meilleurs pour une bonne année de
parlementarisme. Oui, M. le député de Pointe-Claire? Remarquez
qu'il me faudra le consentement de la commission pour que vous puissiez vous
exprimer.
M. Shaw: Oui, c'est cela que je demande au début de cette
commission.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que j'ai ce
consentement?
Une voix: Cela dépend de ce qu'il va dire. Des voix:
Consentement.
Le Président (M. Cardinal): Consentement. M. le
député de Pointe-Claire, vous serez considéré comme
intervenant.
M. Shaw: C'est exactement cela que je veux.
Le Président (M. Cardinal): C'est ce que la commission
vous accorde. Je voudrais, deuxièmement, rappeler le mandat de cette
commission et la motion du leader parlementaire en Chambre en cette fin de
décembre 1978. L'avis adressé à tous les membres ou
intervenants de la commission et à celui qui s'y ajoute est à
l'effet que la commission élue permanente de la présidence du
conseil et de la constitution se réunisse les 17 et 18 janvier 1979 au
salon rouge c'est là le mandat pour examen du dossier des
discussions constitutionnelles en cours. La réunion du 17
débutera vers 15 heures et se terminera à 18 heures, et celle de
demain débutera à 10 heures au même endroit, le salon
rouge. C'est pourquoi je rappelle cette motion unanimement adoptée que
l'on retrouve au journal des Débats. M. le député de
Saint-Jacques, leader parlementaire, avait dit textuellement ce qui suit: "La
commission permanente de la présidence du conseil et de la constitution
se réunira le 17 janvier 1979, à compter de 15 heures, et le 18
janvier 1979, à compter de 10 heures." C'est là l'ordre de la
Chambre que nous avons devant nous.
Messieurs, il faudrait de plus désigner un rapporteur pour que
nous puissions faire rapport à l'Assemblée nationale.
M. Charron: M. le Président, je propose que M. Paquette de
Rosemont soit le rapporteur de la commission.
Le Président (M. Cardinal): Adopté? Des voix:
Adopté.
Le Président (M. Cardinal): Le député de
Rosemont sera le rapporteur de la commission devant l'Assemblée
nationale.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: ... puisqu'il est question d'horaire, je prends pour
acquis que nous siégeons ce soir également?
M. Charron: Non.
Le Président (M. Cardinal): Non. Je m'excuse. Vous me
posez la question. Je viens de vous lire le mandat, l'avis de convocation et la
motion adoptée par l'Assemblée nationale qui nous fixe
aujourd'hui une journée de travail de 15 heures à 18 heures.
M. Charron: Je dois vous informer, M. le Président, pour
compléter l'information que vous venez de donner au député
de Saint-Laurent, que la Chambre et ses commissions siègent maintenant
aux heures régulières. Il n'est pas coutume et il n'est pas
permis par le règlement de faire siéger des commissions à
des moments où il est interdit à la Chambre de se réunir,
c'est-à-dire le mercredi en soirée. Nous arrêtons donc
à 18 heures, mais demain soir, il n'est pas exclu que la soirée
soit utilisée par la commission.
Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, à moins
de consentement unanime, je reprends la phrase. Il y a quand même un
règlement qui nous régit et comme je n'aime pas prendre de
questions hypothétiques, nous traverserons ce pont au-dessus de la
rivière quand nous arriverons à la rivière, s'il y a
lieu.
M. Forget: Est-ce qu'on ne peut pas voir la rivière tout
de suite, M. le Président, et demander le consentement unanime pour
siéger ce soir?
Le Président (M. Cardinal): Vous me demanderiez une
directive au tout début de cette commission parlementaire et je
préférerais que nous commencions nos travaux avant de rendre une
directive hypothétique. Oui, M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Président, pour éviter un
débat de procédure d'ailleurs, je ne veux pas en faire un
par mon intervention je voudrais vous demander une directive concernant
le droit de parole et la distribution du temps pour le début des travaux
de notre commission parlementaire. Une fois qu'un premier tour sera fait,
comment entendez-vous appeler les députés ou accorder un droit de
parole aux députés qui composent cette commission?
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je vais rendre la
directive immédiatement. Je ne prendrai pas en
délibéré et je ne suspendrai pas. Un représentant
du gouvernement et ce n'est pas à moi de le désigner
s'exprimera le premier. Vous savez que, d'après notre
règlement, il peut intervenir aussi souvent qu'il le veut, mais il n'y
en a qu'un seul pour le gouvernement. C'est aux membres ministériels de
le choisir et de le désigner. Deuxièmement, je passerai à
l'Opposition officielle, avec une certaine latitude comme on le fait toujours
en commission parlementaire, à moins que la commission elle-même
n'établisse ce que j'appellerais un modus vivendi; ensuite, à
l'autre parti reconnu, celui de l'Union Nationale; ensuite à vous, M. le
député de Beauce-Sud, ensuite à celui que nous avons
accepté d'entendre à cette commission.
Là, vous avez raison, quand nous recommencerons le tour, je m'en
tiendrai, à moins de directives ou d'accords unanimes de cette
commission, au règlement qui veut que le représentant du
gouvernement puisse intervenir aussi souvent qu'il le juge à propos, et
sans limite de temps, et que les autres députés, sur chaque sujet
ce sera déterminé à chaque instant n'aient
que 20 minutes. Est-ce que cela répond à votre question?
M. Roy: Cela répond à ma question. Je vous
remercie.
Le Président (M. Cardinal): Y a-t-il d'autres questions
avant que nous commencions ces travaux?
Dans ce cas, j'invite celui que le gouvernement a désigné
à s'exprimer le premier sur l'examen des problèmes
constitutionnels.
Remarques générales
M. Claude
Morin
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. le Président. La
commission qui se réunit aujourd'hui a un caractère
peut-être un peu particulier. Il ne s'agit pas d'examiner un projet de
loi précis, déjà tout préparé, mais de faire
le tour d'une question dont la complexité n'échappe à
personne, je pense. Elle a aussi pour but je dirais même surtout
pour but cette commission je sais qu'en ce qui me concerne, c'est
une des préoccupations fondamentales que j'ai d'informer, bien
sûr, l'Assemblée nationale, d'informer, bien sûr, les
membres de la tribune de la presse qui sont ici, mais, au-delà de tout
cela, et surtout, d'informer le grand public, parce qu'une des
difficultés auxquelles nous faisons face lorsqu'il s'agit de questions
politiques comme celles d'ordre constitutionnel, c'est qu'on peut facilement se
perdre à l'intérieur de technicités, en oubliant ce qui
est substantiel et fondamental.
Je vais essayer c'est un peu le but de mon intervention cet
après-midi de faire très rapidement, aussi rapidement que
possible en tout cas, le tour de cette question, pour en dégager ce qui,
à mon point de vue, est justement fondamental et essentiel.
Afin de faciliter le travail de tout le monde, nous avons
préparé, avec beaucoup de soin, je pense je le dis en
toute candeur une documentation qui a des caractéristiques qu'on
retrouve pour la première fois. C'est-à-dire que, dans un seul
document, nous avons pour chacun des sujets qui ont été
retenus comme première liste de discussions constitutionnelles, faisant
l'objet de discussions constitutionnelles préparé de
très courts documents, deux ou trois pages, même dans certains cas
une page, dans lesquels on trouve, aussi simplement résumé que
possible, d'une part, de quoi il s'agit, c'est-à-dire au-delà de
toutes les considérations juridiques, quel est, concrètement, le
problème.
Il s'agit, ensuite, de savoir ce que les gouvernements du Québec
successifs ont dit à propos de cette question dans le passé et ce
que mon collègue de la Justice et moi-même avons dit relativement
à ces mêmes sujets au cours des conférences à huis
clos qu'on a eues récemment. C'est donc la première fois, je
pense, que le gouvernement quel qu'il soit, présente ainsi sa position.
Ce n'est pas du tout un blâme pour les autres. Je pense qu'on est rendu
à une période de notre histoire où ce genre de questions,
il faut peut-être non pas les rendre simplistes, mais les simplifier pour
que le public, celui que cela intéresse puisse suivre de quoi nous
parlons avec une meilleure compréhension.
J'ai aussi préparé un petit document dont je prends la
responsabilité, comme d'ailleurs je prends la responsabilité de
l'ensemble parce que cela a été préparé dans mon
ministère. C'est le premier texte que vous avez qui s'appelle
Perspective des discussions constitutionnelles 1978-1979. Je reviendrai
tantôt sur ce texte parce que, pour aujourd'hui, comme première
ronde, je pense qu'il faut justement dégager cette perspective et c'est
surtout de cela que je vais parler. Ces documents, nous les avons
préparés de la façon, je dirais, la plus honnête
possible. C'est toujours dur de parler d'objectivité parce que cela
n'existe peut-être pas l'objectivité parfaite vu qu'aucune
personne n'est une machine. Par conséquent, chacun a
nécessairement sa façon de raisonner et son tempérament,
mais je pense qu'on a essayé de le faire le plus honnêtement
possible. Si on trouve là-dedans des erreurs d'interprétation,
j'imagine qu'on nous le dira, mais on a pris un soin particulier à les
éviter et à n'avancer que des choses dont nous étions
moralement sûrs et à dégager des sentences dont nous
étions profondément convaincus. (15 h 30)
Ce document a été envoyé aux membres de la
commission le plus tôt qu'on pouvait humainement le faire, parce qu'il ne
faut pas oublier qu'on vient de sortir de la période des Fêtes et
que cela veut dire que, pendant deux semaines, il n'y a pratiquement personne
dans le paysage. On s'est quand même astreint à le faire pendant
la période des Fêtes. On l'a transmis aux partis de l'Opposition
et aux membres du gouvernement, aux membres de la commission, vendredi
après-midi dernier, vendredi midi, je pense, de telle sorte que ceux qui
sont ici aujourd'hui puissent l'avoir assez longtemps d'avance pour
éviter ce qui arrive des fois sans mauvaise volonté de qui que ce
soit, qu'on ait ces documents à la dernière minute. Nous avons
aussi préparé une copie identique que nous avons également
transmise aux journalistes ce matin, avec une nuance, que je pense bien les
journalistes vont comprendre, c'est que nous n'avons pas inclus dans le
document que vous avez reçu certains textes originaux que nous n'avions
pas en quantité suffisante, deux, en tout cas, que nous n'avons pas en
quantité suffisante, mais on a envoyé un petit "kit"
supplémentaire aux membres de la commission, pour leur
compréhension. Il y a une copie de la constitution, une copie du projet
de loi fédéral C-60 et une copie d'un document sur lequel je
reviendrai tantôt sur les positions traditionnelles du Québec
quant au partage des pouvoirs. Quant au reste, c'est identique. Nous en aurons,
pas pour le moment, mais d'ici quelques jours, des copies
supplémentaires à mon ministère pour ceux qui seraient
intéressés à en recevoir d'autres exemplaires.
Donc, il y a une nécessité d'informer le public,
de l'informer aussi honnêtement que possible. Pour ma part
je présume que c'est la même chose de la part des membres d'autres
partis qui sont ici je veux le faire en dehors de tout esprit de parti.
Je comprends que ça peut être un peu bizarre d'essayer de
dépolitiser une question qui est aussi éminemment politique que
l'avenir de notre population, mais, si on ne peut pas la dépolitiser
complètement, ce qui est probablement absurde comme objectif, on peut
peut-être la "départisaner", si je peux m'exprimer ainsi. C'est un
néologisme que je n'ai pas soumis à l'Office de la langue
française, mais que je pense utile dans les circonstances.
C'est ce que je vais m'efforcer de faire à l'intérieur de
mon topo, faisant intervenir des considérations qui sont personnelles et
qui tiennent, bien souvent, à mon expérience ou à mes
propres observations, au cours des années où j'ai
été mêlé qu'on le veuille ou non
à ce dossier.
La commission d'aujourd'hui a aussi une autre raison, c'est un peu son
origine immédiate; elle correspond à un voeu souventefois
exprimé par des membres de l'Opposition. Je pense qu'on répond
à ce voeu aujourd'hui. Le député de Beauce-Sud, par
exemple, dès le 5 juillet 1977, demandait c'est moi qui avais
répondu au nom du gouvernement à l'époque une
commission parlementaire sur ce genre de question. Le 5 septembre 1978, on
avait une demande similaire, lors d'une entrevue dans un journal, de la part du
député de Saint-Laurent. Je ne me souviens pas à quelle
époque, mais je pense que l'Union Nationale avait également
formulé un voeu similaire. À cause de ça, donc, besoin
d'information du public, un besoin essentiel; deuxièmement, souci et
réclamations ou positions exprimées par l'Opposition, nous sommes
heureux aujourd'hui, vraiment très heureux, de procéder à
cette commission parlementaire.
Pourquoi arrive-t-elle aujourd'hui? Il y a plusieurs raisons. Elle
aurait pu techniquement arriver au mois de décembre. Je pense que je
n'aurai pas besoin de m'expliquer longuement pour que tout le monde se
souvienne qu'au mois de décembre il y avait pas mal de pain sur la
planche.
Et tout de suite pour qu'on se situe dans la chronologie, vous vous
souvenez qu'il y a eu une conférence fédérale-provinciale
de premiers ministres à la fin d'octobre, au début de novembre,
qui a créé un comité interministériel ou
interprovincial, fédéral-provincial, plus exactement, de
ministres qui s'est réuni déjà deux fois. Nous y
représentons, le ministre de la Justice et moi-même, le
Québec. Il s'est réuni à huis clos deux fois et se
réunira à nouveau la semaine prochaine, à Vancouver,
pendant deux jours et demi ou trois jours, le tout devant conduire à une
nouvelle conférence fédérale-provinciale constitutionnelle
de premiers ministres, au début de février, soit le 5
février. Le 5 février 1979, c'est-à-dire cela m'a
frappé, cette coïncidence onze ans jour pour jour
après la conférence du 5 février 1968 à laquelle le
premier ministre Johnson assistait, et qui était le début d'une
première ronde de discussions constitutionnelles.
Pourquoi cela arrive-t-il aujourd'hui? Pour l'information du public,
parce que cela nous a été demandé par les partis
d'Opposition, parce que nous y croyons nous-mêmes. C'est bien sûr
nous avons toujours dit et moi-même je l'ai dit à plusieurs
reprises, en tant que ministre et à l'époque où je ne
l'étais pas qu'il est essentiel, dans ces questions, que notre
public, au Québec, sache à quoi s'en tenir.
Et un des petits problèmes qu'on a maintenant, qui est un
problème inévitable je me dépêche de dire que
je ne veux pas blâmer qui que ce soit, c'est un peu une règle du
jeu qu'on est obligé de suivre c'est que nous avons
accepté et il n'y a pas moyen de faire autrement, parce
qu'autrement, il n'y a pas moyen de discuter que nos discussions
à huis clos demeurent à huis clos, c'est-à-dire que les
discussions auxquelles M. Bédard et moi participons ne fassent pas
l'objet de déclarations publiques en ce qui concerne les positions des
autres, c'est-à-dire des autres provinces ou du gouvernement du Canada,
de telle sorte que vous ne trouverez pas, dans le papier qu'on vous a
distribué, les avis, les commentaires, les vues d'autres provinces ou du
gouvernement fédéral. Vous trouverez les nôtres, en
résumé, bien sûr, mais exactement tels qu'ils ont
été présentés. Il v a des moments où on
résume en quatre ou cinq lignes une position qui a peut-être pris
une demi-heure à exprimer, soit par mon collègue ou par
moi-même, autrement on a un papier qui est trop long.
Donc, la difficulté qu'on a maintenant, c'est qu'on a
commencé une troisième ronde de réunions
constitutionnelles. Tantôt, je ferai un historique plus étendu que
cela, aussi brièvement que possible. Au moment où on se parle
aujourd'hui, et depuis plus de deux mois maintenant et jusqu'au début de
février, le public québécois ne sait pas de quoi nous
parlons, ne sait pas ce qui se passe dans ces réunions, ne sait pas ce
qui se dit.
On essaie de corriger un petit peu cette lacune, peut-être
nécessaire à cause des circonstances, au moins en donnant
ce qui n'est pas un secret d'État du tout les sujets qui ont
été discutés et aussi notre position.
Encore une fois, je veux le faire sans esprit de parti, parce qu'on est
tous des Québécois ici. J'ai toujours rêvé on
a le droit, chacun, d'avoir ses rêves qu'à un moment on
puisse des fois avoir des consensus. Ce n'est pas, sur tout,
nécessairement avoir des positions convergentes; on verra, d'ailleurs,
que ce n'est pas le but de la commission de créer des fronts communs
artificiels. Il s'agit essentiellement de renseigner le public, et c'est lui
qui jugera. On va dire exactement ce qui en est quant à nos positions:
pourquoi on est là, qu'est-ce qu'on fait là, qu'est-ce qu'on dit
là, etc., comment on concilie notre option politique avec tout cela.
Cela, nous allons en parler très ouvertement et sans aucune
espèce d'arrière-pensée.
On a aujourd'hui et demain pour regarder cela. Il y a beaucoup de
choses. On pourrait prendre des semaines là-dedans. Que voulez-vous, je
pense bien qu'on ne le fera pas; je pense bien qu'on n'aura pas le temps. On va
faire ce qu'on
peut; c'est l'objectif que j'ai. Si on n'a pas le temps de finir, en
tout cas on aura au moins fait le tour de certaines questions qui sont
fondamentales et qui vont renseigner les gens.
Je reviens donc à ce que j'ai dit tantôt pour partir dans
une autre direction; ce qui manque souvent dans ces affaires, dans les
questions constitutionnelles, c'est la perspective. Il n'y a pas de
génération spontanée. Ce qui arrive aujourd'hui arrive
aujourd'hui parce que cela a commencé hier. Ce qui va arriver demain va
arriver demain parce que cela a commencé aujourd'hui. Je ne viens pas de
révéler un grand secret d'État, je viens essentiellement
de m'accrocher à une... Ce n'est pas la question de cela, c'est la
problématique justement. Nous avons été conviés, au
cours de l'année 1978, à des rencontres constitutionnelles. Ce
n'est pas arrivé comme cela. Il y a des choses qui ont
précédé et je voudrais faire le tour avec vous, si vous me
le permettez, parce que c'est justement cela qu'on oublie un peu. J'ai un
avantage, ce n'est même pas parce que je suis plus intelligent ou que
j'ai plus de talent, mais il est arrivé que les circonstances ont voulu
que pendant des années non, ce n'est pas parce que je suis le
plus vieux j'ai été mêlé de près
à cette question constitutionnelle. Il y a des moments où j'en ai
assez parce que ce n'est pas toujours si flamboyant mais, tout de même,
aussi objectivement que possible, je pense que je vais m'en servir dans ce que
je vais vous dire maintenant.
Il y a des causes immédiates, des causes éloignées
dans la situation dans laquelle nous sommes, c'est-à-dire la situation
suivante: II y a actuellement des discussions constitutionnelles au Canada sur
une série de sujets limités, et on va revenir à cela.
Pourquoi y en a-t-il? Quelles sont les raisons immédiates et les raisons
éloignées? Les raisons immédiates sont que le gouvernement
fédéral ressente et c'est mon hypothèse; non, ce
n'est pas une hypothèse parce qu'ils l'ont dit eux-mêmes le
besoin d'arriver coûte que coûte je l'ai dit hier à
la Chambre de commerce de Montréal, je peux le reprendre aujourd'hui
à une sorte de nouvelle constitution au Canada avant le
référendum québécois. Je pense qu'on peut
reconnaître cela sans attaquer qui que ce soit indûment; c'est un
fait. Dans tout ce qui va suivre, d'ailleurs, je parlerai de faits
vérifiables; tout ce que j'ai à dire, tout ce que je dirai peut
être vérifiable, et c'est un peu une règle de ma
présentation de n'avancer que des choses qui sont
vérifiables.
Comme raison immédiate, il y a l'élection de novembre
1976. Vous voyez que je ne fais pas de partisanerie. Je ne dis même pas
qui a été élu. Cette élection de novembre 1976 a
évidemment changé la perspective politique au Canada. Il y a des
choses qui se sont accélérées, à partir de ce
moment, dont on parlait à peine avant. D'ailleurs, on a
créé, à cette époque, la commission d'enquête
ou groupe de travail Pépin-Robarts, à la fin de
l'été 1977. Cette commission a fait le tour du Canada; elle est
venue nous voir à Québec. Je l'ai vue à quelques reprises,
je l'ai vue à huis clos, je l'ai vue avec M. Lévesque. Cette
commission devait ou doit je ne sais plus présenter des
propositions sur la réforme, dit-on, du fédéralisme
actuel. Or, avant que cette commission ait soumis son rapport, le gouvernement
fédéral a décidé de présenter, à
toutes fins utiles, des éléments, à sa façon, de
nouvelles constitutions. Ceci, c'est le bill C-60, document bilingue qui nous
servira, nous autres, peut-être au cours de notre discussion, de cadre de
référence, ou, si vous voulez, d'élément du
dossier. Ce sont les causes immédiates. Si on se contente de ces causes,
je m'excuse, on perd peut-être ce qui est le plus substantiel de la
réalité socio-politique québécoise. Il faut aller
au-delà de cela.
Je vais reculer dans le passé sans aller jusqu'avant le
déluge. Je vais aller un petit peu plus tard qu'après le
déluge. Je vais commencer autour de 1960. C'est déjà une
couple de milliers d'années d'exemptées, mais tout de même,
à partir de cela, il y a des choses qui méritent d'être
soulignées pour qu'on dégage la perspective.
Je ne l'ai pas apporté ce matin, parce que je ne l'ai pas
trouvé, mais il y a un document qui a été publié
par le gouvernement fédéral en 1965, qui s'appelle "Modifications
de la constitution au Canada" à moins qu'on ne l'ait qui
m'avait été donné par M. Pearson, à
l'époque, avec son autographe, dans lequel on trouve un historique de ce
qu'était pour le Canada anglais sa préoccupation
constitutionnelle fondamentale, c'est-à-dire le rapatriement et
l'amendement de la constitution. On reviendra sur la substance du
problème plus tard. Je fais seulement un énoncé
historique.
Pendant longtemps, la question constitutionnelle dans la mesure
où cela intéressait le Canada anglais, gravitait autour du
rapatriement et de l'amendement constitutionnel, parce que c'est une loi
britannique qui s'applique au Canada, ce qui est une solution un petit peu
bizarre, tout le monde est d'accord sur cela. Pendant ce temps, au
Québec, l'attitude était à peu près la suivante.
C'était une attitude de défense des droits du Québec
à partir d'une interprétation X de la constitution, mais ce
n'était pas du tout une attitude ni agressive, ni même dynamique.
On se défendait, on essayait de sauvegarder ce qu'on avait, et puis on
faisait des discours à cet égard. Cela a servi pendant plusieurs
campagnes électorales. Ce n'est pas un commentaire politique, c'est une
constatation de fait que je fais. Puis est arrivé un
phénomène que personne ne pouvait prévoir. Les
gouvernements au Canada, gouvernements des autres provinces, gouvernement
fédéral, gouvernement du Québec, à tort ou à
raison je ne veux pas entreprendre une discussion sur le rôle de
l'État les gouvernements ont pris plus d'ampleur, de telle sorte
que c'est un peu comme si vous aviez deux figures géométriques.
J'ai une de ces figures géométriques dans un des livres que j'ai
ici. C'est un peu comme si, à un moment donné, vous aviez deux
espaces qui ne se touchent pas, mais qui commencent à un moment
donné à se chevaucher et à se toucher,
c'est-à-dire qu'à mesure que les gouvernements se sont mis
à s'intéresser à des choses, sous la pression des
citoyens, à mesure qu'ils se sont intéressés à
l'éducation, à la culture, aux loisirs, aux communications, au
développement régional, à l'économie. (15 h 45)
II est arrivé qu'un gouvernement, le gouvernement
fédéral, a pris des initiatives en même temps qu'un autre,
celui du Québec, ou celui d'une autre province en prenait. Et le
résultat, c'est qu'on s'est rendu compte et cela ne fait pas 50
générations, cela ne fait même pas une
génération, c'est autour de 1960 que les gouvernements
étaient en train de s'empiéter les uns sur les autres
mutuellement.
C'est à partir de ce moment-là, dans les années
soixante, que ce qui étaient autrefois peut-être des
considérations plus nationalistes que substantielles sont devenues des
considérations substantielles, peut-être même plus que
nationalistes, c'est-à-dire qu'il a fallu savoir, à un moment
donné, quel gouvernement pouvait faire quelle chose, quel gouvernement
s'engageait dans la formation professionnelle. Est-ce que c'est, par exemple,
de l'éducation, la formation professionnelle ou si c'est une mesure pour
lutter contre les problèmes économiques? Si c'est une mesure
économique, le fédéral dit: Cela m'appartient. Si c'est
une mesure d'éducation, le Québec dit que cela lui appartient. Et
on découvre, quand on regarde chacun des sujets et là, il
y a une liste assez considérable d'interventions gouvernementales
que tout le temps et cela, ce n'est pas parce qu'il y avait des
méchants à Ottawa et des bons à Québec ou l'inverse
selon les interprétations tranquillement, les gouvernements se
sont mis à se marcher mutuellement sur les pieds. C'est une façon
non constitutionnelle de s'exprimer, mais plus compréhensible.
Il y a donc un besoin qui est né au Québec d'une
clarification des attributions de chacun et qui n'est pas né ailleurs de
la même façon. Cela est un autre fait. Il n'est pas né de
la même façon ailleurs au Canada. C'est parce qu'au Québec,
le gouvernement, l'État ou, si vous voulez pour utiliser des mots
moins chargés émotivement parce que le mot "État" peut
être plus compris dans un sens autre que celui que je veux dire ici
l'autorité politique, qui est nous-mêmes, est plus
importante pour le citoyen québécois moyen que ce ne l'est
peut-être pour un autre citoyen d'une autre province. En d'autres termes,
le citoyen du Québec trouve son gouvernement plus important que le
citoyen de la province X ne trouve son gouvernement provincial important. Par
exemple, pour prendre un cas qui me vient par hasard, mon bon ami, le Procureur
général et vice-premier ministre de la province n'aimera pas que
je le cite en exemple, mais le citoyen de la Saskatchewan qui considère
peut-être que son gouvernement est une institution importante n'attribue
pas à ce gouvernement-là la même portée et la
même signification sociale, politique et cultu- relle que nous, au
Québec, on accorde au gouvernement du Québec, peu importe qui est
au pouvoir. C'est une constatation.
D'où cela vient-il? Cela vient du début de la
fédération canadienne. Je ne ferai pas l'historique que j'ai fait
devant la Chambre de commerce hier, mais j'y fais seulement une allusion. On
reviendra peut-être à cela plus tard dans la conversation ou dans
la discussion. En 1867, les Québécois ayant accepté, dans
la mesure où ils en ont eu connaissance parce que Dieu sait qu'il
n'y avait pas de référendum à cette époque et il
n'y avait pas les moyens de communication qu'on a aujourd'hui; donc, à
la porte des églises le dimanche, il y avait des hommes politiques qui
venaient leur parler, et c'étaient les moyens de communication de
l'époque le nouveau système qu'on leur a
présenté parce que pour eux, cela a été
présenté comme la garantie de la conservation
c'était plutôt un réflexe conservateur de ce qui
était pour eux important à l'époque, ces questions de
langue, de religion et institutions locales. Mais on ferait une erreur de
comparer l'autonomie provinciale qu'on avait en tête en 1867 avec ce
qu'on avait en tête des années après, parce que ce ne sont
pas du tout les mêmes gouvernements. Elle a eu beaucoup plus d'ampleur
par la suite.
Mais dans le reste du Canada, ce n'était pas cela. Dans le reste
du Canada, on visait une nouvelle nationalité la
nationalité canadienne et les gouvernements provinciaux
étaient beaucoup plus des administrations régionales, encore
qu'il ne faut pas négliger le régionalisme et des
réactions comme celles-là.
Nous, au Québec, on a eu une réaction de défense
contre ce qu'on a considéré des envahissements
fédéraux dans des champs de compétence provinciale. Mais,
de l'autre côté, à Ottawa, ce n'étaient pas des
envahissements fédéraux dans des champs de compétence
provinciale. C'était tout simplement le fonctionnement normal du
gouvernement fédéral que le Québec mettait en cause,
normal pour eux, mais pour nous un envahissement. Il est arrivé des
gestes pour tâcher de corriger cela. Il est arrivé je suis
devenu sous-ministre vers cette époque M. Jean-Jacques Bertrand,
qui était à l'époque premier ministre du Québec et
qui a proposé ce qu'on a appelé à l'époque la
création du comité parlementaire de la constitution, qui a
réuni autour de la table, dans la salle 81-A, à plusieurs
reprises cela a duré pendant des années des
députés des deux partis à l'époque. Mon bon ami
Jean-Claude Rivest, que je vois ici, était secrétaire conjoint
avec moi. Je le dis en passant, parce que je n'aurai peut-être pas
l'occasion de parler de lui à d'autres moments. Alors, je le fais. J'ai
eu connaissance de cela parce que j'étais secrétaire de ce
comité parlementaire. Je vais vous dire bien honnêtement que cela
ne m'emballait pas beaucoup, parce que je n'avais pas du tout saisi ce
que j'espère avoir compris depuis la portée de ces
questions constitutionnelles.
Ce comité parlementaire de la constitution juste un mot
là-dessus a fait venir des citoyens,
a fait présenter des mémoires. Je me souviens que la
discussion a été assez formidable entre les parties à
l'époque, parce qu'il n'y avait pas vraiment de mésententes sur
des objectifs fondamentaux. Tout le monde voulait améliorer le
système. Qu'est-ce que vous voulez? Tant qu'on est dans le vague comme
cela, il n'y a pas de problème. Chacun avait sa petite
amélioration en tête, mais comme on n'en parlait pas et qu'on
parlait toujours de la nécessité de l'améliorer, on
n'avait pas besoin de se chicaner sur les détails de
l'amélioration ou sur ce qui aurait pu être des choses moindres
que des détails, mais enfin des questions plus substantielles, il n'y a
jamais eu de grands "clash" à l'intérieur de cette
commission-là; on écoutait le monde.
Mais on s'est rendu compte et, je pense, plusieurs personnes
que ce que beaucoup considéraient comme étant des chicanes
de politiciens Québec-Ottawa ou encore des chicanes de technocrates ou
de bureaucrates, à savoir qui aurait le plus de pouvoir, le plus de
responsabilités et le plus grand ministère, au fond, ce
n'était pas vrai. Il y a peut-être de cela, il ne faut quand
même pas faire de l'angélisme, mais il y a aussi surtout une
question de définition de la société et, dans cette
commission parlementaire, on a commencé à voir une expression
d'opinion de la part de groupes au Québec je ne dis pas qu'ils
étaient tous représentatifs mais ceux qui sont venus nous voir
où il y avait une manifestation évidente d'insatisfaction
par rapport au régime constitutionnel en cours. C'est aussi beaucoup
plus tard cela ne fait rien, je le mentionne, mais je n'y reviendrai pas
qu'il y a eu les états généraux du Canada
français vous vous en souvenez probablement qui a fait un
peu le même travail, mais dans un tout autre cadre.
Il y a aussi la commission Laurendeau-Dunton qui a été
créée parce que, à Ottawa, les gens se sont bien rendu
compte, à ce moment-là, qu'il y avait quelque chose qui n'allait
pas et qu'il fallait peut-être faire une commission c'est cela
qu'ils font dans ce temps-là alors, ils ont créé la
commission Laurendeau-Dunton. Je me souviens d'avoir rencontré je
pense à cela à Cap-Rouge, chez Jean Marchand à
l'époque, M. Laurendeau, avec d'autres personnes qui étaient
là c'était en 1963 un peu pour voir la
participation que le gouvernement du Québec pourrait donner à la
commission Laurendeau-Dunton qui pouvait nous donner un coup de main à
nous, comme Québécois, étant donné qu'un des
problèmes que la commission avait en tête était toute la
question du bilinguisme. Je reviendrai au bilinguisme tantôt. C'est
devenu une politique fédérale parce qu'on a cru, à cette
époque-là, que cela réglerait le problème
québécois pour toujours. Évidemment, ce n'était
qu'un des problèmes.
Cette commission parlementaire c'est un élément que
je voulais mentionner la commission Laurendeau-Dunton aussi, les
États généraux du Canada français plus tard, vers
1967.
Maintenant, j'ai dit qu'il y avait des conflits entre gouvernements qui
dépendaient du fait qu'on voulait savoir qui faisait quoi. Je prends un
cas, le Régime de rentes du Québec. J'ai eu une
révélation, à ce moment-là je vais vous
faire la révélation tantôt, si je retrouve mon texte de la
constitution je ne referai pas l'histoire de cela en détail, mais
Québec avait son projet de Régime de rentes et, dans le discours
du trône du 16 mai 1963, Ottawa annonce aussi qu'il va avoir un
régime pancanadien de retraite, plan de pension du Canada, PPC, par
rapport au Régime de rentes du Québec. Pas besoin de vous dire
que cela a été tout de suite le branle-bas de combat, le
fédéral venait envahir nos champs provinciaux, etc. Parce qu'on
avait vu quelque chose qui s'appelait, dans la constitution, l'article 94a. Je
vais vous le lire parce que c'est un enseignement; j'étais un petit peu
naïf à l'époque, j'ai cru ce que j'ai lu là et vous
allez voir. Cela dit ceci: "Le Parlement du Canada peut légiférer
sur les pensions de vieillesse et prestations additionnelles" là,
je saute un bout qui n'est pas nécessaire "mais aucune loi ainsi
édictée ne doit porter atteinte à l'application de quelque
loi présente ou future d'une législation provinciale en ces
matières."
N'importe qui qui lit cela dit: Ah! Dès que le Québec
intervient, cela veut dire que le fédéral se tasse. C'est ce que
le texte dit. Le fédéral peut agir, mais il n'a pas le droit de
porter atteinte à l'application de quelque loi provinciale que ce soit
dans le même domaine. Tout fiers de notre découverte je
n'avais jamais trop vu la constitution; j'avais eu un cours d'histoire
économique à l'Université Laval où on avait
parlé de cela, mais je n'avais pas regardé cela depuis longtemps
avec d'autres avocats qui, eux, avaient vu cela, on est partis à
Ottawa défendre les positions québécoises, avec M. Claude
Castonguay à l'époque, pour dire: On a le droit de faire notre
Régime de rentes. Nous voulions aussi avoir une des choses qui, à
mon sens, est une des réalisations les plus remarquables de la
Révolution tranquille, la Caisse de dépôt. S'il y avait une
chose qui avait été faite au Québec depuis toutes les
années dont on parle, mon choix premier serait la Caisse de
dépôt du Québec. C'est cela qui est le plus important.
Enfin, c'est un autre sujet.
On a regardé cela, mais on s'est fait dire à Ottawa que
oui, c'était cela qui était écrit, mais cela ne voulait
pas dire ce qu'on pensait. Cela voulait sirnplement dire ceci: Dans la mesure
où une loi fédérale n'empêche pas qu'une province
agisse, même si elle veut agir gros comme cela, il n'y a pas de
problème.
Cela veut dire que, si le fédéral donne $100 par mois de
pension et que nous autres on est empêché d'ajouter $1, là
il y a des problèmes. Mais, dans la mesure où on peut ajouter
seulement $1, cela ne nous dérange pas. Par conséquent, la loi ne
donne pas la priorité au Québec ou aux provinces. Pour que cette
loi agisse, pour que cela donne priorité... C'est l'explication qu'on a
eue d'un M. Thorson qui a été nommé juge. Je ne sais pas
où il est rendu aujourd'hui; il était sous-ministre adjoint de la
Justice à Ottawa. Où est-il rendu, Thorson? À la Cour
d'appel de l'Ontario. Il
nous avait expliqué cela; il nous avait dit que c'était
bien. Cela avait été ajouté par M. Duplessis à
l'époque, mais cela ne voulait pas dire ce qu'on pensait. Cela
permettait, en somme, au fédéral de faire ce qu'il voulait pourvu
qu'on ait la possibilité d'agir à peine. Cela a été
une première surprise qui a démontré que ce texte,
à mes yeux et aux yeux de pas mal de monde, avait pour le moins des
lacunes.
On avait toute la question du partage fiscal. Il y avait dans ces
années M. Lesage. Cela a été, d'ailleurs, le premier sujet
qu'il a abordé en étant élu. À la première
conférence fédérale-provinciale je pense que
c'était le 28 juillet 1960 il est arrivé avec le rapport
de la commission Tremblay à Ottawa je n'étais pas
là à l'époque, j'étais simple citoyen comme tout le
monde et il a présenté une position du Québec qui
réclamait un partage fiscal plus adéquat. Pourquoi? Parce qu'on
s'est rendu compte par des travaux à ce moment et par des calculs que le
Québec manquait de ressources par rapport aux besoins prioritaires. Cela
a été la thèse des besoins prioritaires des provinces.
Régime de rentes, partage fiscal.
On a eu les programmes conjoints, toute la bataille des programmes
conjoints en 1963 et 1964. La thèse qui prévaut maintenant dans
l'esprit de tout le monde, c'est que le Québec s'en est retiré.
J'ai des nouvelles pour vous autres. Il ne s'en est pas autant retiré
que cela encore. La raison, c'est la suivante, c'est que le Québec avait
demandé que, dans des domaines de sa compétence, le
fédéral se retire et lui verse une compensation. Le
fédéral a versé une compensation sous forme de points
d'impôt, mais il a dit, après discussion avec nous
honnêtement, on a participé à cette discussion : La
loi va s'appliquer le 1er janvier 1965 et on va se donner une période de
transition de cinq ans. Après cinq ans, on se retirera
définitivement. Vous vous arrangerez, vous autres, avec vos points
d'impôt et nous autres, on ne s'occupe plus de cela.
On est en 1979 aujourd'hui. Ce n'est pas fait, cela. Pourquoi? Parce
qu'il y a eu des délais. D'abord, en 1969, ce n'était pas tout
à fait prêt. Ils ont dit: Voulez-vous retarder à 1971? En
1971, ce n'était pas tout à fait prêt. Voulez-vous retarder
à 1972? Au mois de novembre, 1971 ou 1972, l'Ontario a demandé
aussi la même chose. Le gouvernement fédéral n'a pas voulu
que cela s'applique à trop de monde au Canada; l'option a
été fermée. Par conséquent, notre affaire a
été reconduite. Au moment où je vous parle, il y a eu
quelques modifications dans les programmes conjoints, mais la liberté
d'action que le Québec voulait avoir en 1965, il y a quatorze ans,
réglée en 1964, il y a quinze ans, dans les domaines de notre
compétence, à cause du pouvoir fédéral de
dépenser, est encore très peu accentuée. Elle est, en
somme loin de l'espoir que nous avions à l'époque.
Il y a eu toute la dispute des relations internationales, la signature
d'accords dans le domaine de l'éducation avec la France. Le
fédéral disait que c'était de la politique
étrangère. Nous, on disait que c'était de
l'éducation et, quand même, on fait affaires avec un pays reconnu
par le Canada; alors, il n'y a quand même pas de drame. Mais il y en a eu
un quand même. Les allocations aux jeunes de 17 et 18 ans. Je parle
seulement de la période de M. Lesage. Rassurez-vous, je ne ferai pas la
même chose pour toutes les années qui vont suivre parce que ce
serait trop long. Mais je donne des cas où il y a eu, si vous voulez,
cette confrontation entre gouvernements. Les allocations aux jeunes. Le
fédéral a voulu donner les siennes de son côté,
alors qu'on avait commencé nous, à Québec. Les prêts
aux étudiants, cela a été la même chose.
Je ne sais pas si tout le monde sait cela. Il y a eu, à un moment
donné, au fédéral la Compagnie des jeunes Canadiens, mais
cela a été inspiré d'une idée
québécoise qui est partie au ministère de
l'Éducation et dont j'oublie l'appellation dans les années
1964-1965. Il y a eu le développement régional. Je me souviens,
le 10 janvier 1966, M. Lesage, à l'ancienne chambre du Conseil des
ministres, a fait une déclaration devant la presse disant qu'on avait un
programme de développement régional. Il y avait les
critères qu'on avait établis. Cela a pris quelques mois, le
fédéral est arrivé avec la même chose de son
côté et notre plan, pas besoin de vous le dire, a
été remplacé par ce que le fédéral avait de
son côté imaginé. La culture, il y a eu bien des disputes
là-dessus. M. Lapalme en a parlé à l'époque et
tout. Tout cela, ce sont des faits.
C'était l'époque aussi où on savait qu'il y avait
ce malaise, où on essayait de penser à toutes sortes de
renouvellement du fédéralisme. C'est la réaction normale,
c'est sûr. Cela a été l'époque du
fédéralisme coopératif. Je ne sais pas si vous vous
souvenez de cela. Le fédéralisme de concertation, un nouveau
genre. Le véritable fédéralisme, là, on
était sûr qu'on mettait tout le monde d'accord. Le
fédéralisme fonctionnel aussi. C'était Jean-Luc
Pépin qui avait dit cela à un moment donné dans une
conférence quelque part.
Est arrivée l'Union Nationale en 1966. Il y avait M. Johnson qui
avait écrit son livre: Égalité ou indépendance; il
donnait là-dedans, en ce qui concerne la nouvelle constitution du
Canada, des principes pas mal différents de ceux qui étaient
appliqués jusqu'alors, avec cette nuance importante que s'il
n'était pas dans le même bateau, si vous voulez, que le Parti
libéral qui précédait, il était au moins dans la
même rivière, dans la continuité québécoise,
et proposait cependant, carrément, une nouvelle constitution. (16
heures)
Cela a conduit, cette insistance de la part de M. Johnson et du
gouvernement de l'époque, à ce qu'on appelle la conférence
sur le Canada de demain, qui a eu lieu au mois de novembre 1967, à
Toronto, où on a surtout parlé de bilinguisme et de questions
comme celles-là. Au fond, il y avait quand même un
intérêt par rapport à ce que le Québec proposait,
mais beaucoup d'inquiétude, parce qu'il y avait les mots
"égalité ou indépendance", dans le slogan de M. Johnson,
qui
passait pour un dangereux séparatiste. À ce
moment-là, il a fallu donner des explications et tout, vous voyez le
genre.
Quoi qu'il en soit, cette conférence de Toronto a amené
toute une dispute entre M. Robarts, qui était premier ministre de
l'Ontario à l'époque, et aussi, le premier ministre
fédéral, M. Pearson. Cela s'est résolu de la façon
suivante c'est ce dont on va fêter le 11e anniversaire dans
quelque temps le 5 février 1968 a commencé la
première ronde de discussions constitutionnelles de l'époque
contemporaine, si je peux m'exprimer ainsi, de ce qui a duré du 5
février 1968 au 17 juin 1971 et qui a fini par l'échec de la
conférence de Victoria.
Elle a ceci de particulier, cette ronde constitutionnelle je
pense que c'est plein d'enseignements pour nous qu'elle a eu lieu sous
trois premiers ministres du Québec: M. Johnson, M. Bertrand, M.
Bourassa. Les positions du Québec ont dû aller au-delà des
slogans et ont dû se préciser. Il y a eu tout un défi
à ce moment-là, parce que c'est facile de faire des slogans, mais
c'est beaucoup plus difficile d'écrire quelque chose et d'arriver
à des textes qui puissent permettre des discussions.
Effectivement, à l'époque, l'Union Nationale a fait un
gros travail et il y a eu des propositions présentées. J'en ai
ici une série qui s'appelle Le gouvernement du Québec et la
constitution. On pourra peut-être y revenir tantôt, il y a quelques
citations intéressantes là-dedans, qui sont des textes de M.
Johnson qui ont été proposés à la conférence
constitutionnelle.
Alors, cette conférence constitutionnelle qui s'est
terminée par l'échec de Victoria en 1971, je vais dire un mot en
ce qui la concerne, parce que c'est assez important par rapport à la
situation qui nous occupe maintenant. Si la révision constitutionnelle a
commencé, c'est parce que le Québec, traditionnellement je
vous ai dit pourquoi tantôt voulait une amélioration de son
statut politique et plus exactement parce que le mot n'était
peut-être pas utilisé à l'époque voulait un
nouveau partage de pouvoirs. M. Johnson disait: "La répartition des
pouvoirs entre l'État central et les États membres demeure
l'élément fondamental de toute constitution
fédérale."
À l'époque, ce qui intéressait en priorité
le Québec, c'était: Réglons le partage des pouvoirs,
discutons-en, c'est notre priorité pour arriver à quelque chose
qui va faire qu'on va arrêter de se chicaner entre Québec et
Ottawa et que les choses vont marcher mieux au Canada.
Il est arrivé que cette façon de voir les choses
n'était peut-être pas celle que le fédéral voulait.
Par la suite je vais sauter des phrases, parce que je n'ai pas besoin
d'entrer dans les détails au cours des années qui ont
suivi, les trois années et demie qui ont suivi, le gouvernement
fédéral a publié une série de ce qu'on appelait des
livres blancs à l'époque, dont le premier en date s'appelle Le
fédéralisme et l'avenir, publié par M. Pearson; je donne
d'autres titres, Le fédéralisme et l'avenir; les pouvoirs
d'imposer de la Constitu- tion canadienne, sujet qui est repris dans la liste
qu'on a; Les subventions fédérales-provinciales; Le pouvoir de
dépenser du Parlement canadien, aussi repris dans la série que
vous avez dans votre cahier; Le fédéralisme et les
conférences internationales sur l'éducation
(Fédéralisme et relations internationales), et un très
gros, Charte canadienne des droits de l'homme.
Alors, ce sont six livres blancs fédéraux publiés
à l'occasion des conférences constitutionnelles 1968-1971, au
cours desquelles cependant, ce que je répète, le Québec
tenait à une nouvelle répartition de pouvoirs. C'était
là l'objectif. C'est bien simple à voir. Si cela n'avait pas
été ça, cela ne valait pas la peine d'entreprendre une
révision constitutionnelle.
Mais le gouvernement fédéral, à ce
moment-là, a établi ses propres priorités. Elles sont
apparentes et évidentes dans un des textes, le premier de tous, Le
fédéralisme et l'avenir, où on dit: on devrait d'abord
voir ceci, voir ceci, entre autres choses, le partage des pouvoirs, etc. Mais
en pratique, les choses ont ainsi évolué que le Québec a
été amené d'abord à étudier les questions de
priorité fédérale: charte des droits, réforme du
Sénat, réforme de la Cour suprême, pouvoir d'imposer,
pouvoir de dépenser et d'autres questions comme celles-là sur
lesquelles je pourrai revenir tantôt.
On a été amené à cela jusqu'en 1970. En
1970, cela faisait presque trois ans que l'affaire durait et, après le
changement de gouvernement, le gouvernement fédéral a voulu aller
un peu plus vite et il a entrepris, entre Québec et Ottawa, une
série de pourparlers bilatéraux qui ont conduit à quelque
chose qui a été, à mon avis, un tournant et qui a
été une des causes évidentes de l'échec de
Victoria.
Je vais peut-être parler de choses qui sont moins connues.
Après l'élection du mois d'avril 1970, le gouvernement
fédéral a envoyé des représentants à
Québec pour qu'on règle le problème constitutionnel. Il
est venu présenter à des personnes une sorte de "package deal"
dans lequel on disait: On va régler la question des droits fondamentaux,
la question de la Cour suprême, la question du Sénat, la question
des langues officielles, la question des pouvoirs de dépenser, la
question des pouvoirs de taxer, la question des pouvoirs des provinces dans les
relations internationales, etc. le rapatriement et l'amendement
constitutionnel; c'est un autre livre qui a paru là-dessus, celui de M.
Pearson dont j'ai parlé avant, la formule Fulton-Favreau. Je ne sais pas
si cela rappelle quelque chose à quelques-uns.
Et, à Québec, le gouvernement, ici, a laissé croire
qu'il était d'accord avec ce genre de "package deal", avec le
résultat que M. Turner, qui était ministre fédéral
de la Justice, en toute bonne foi, a fait ceci, qui a créé un
malentendu immense dans tout le Canada. Il est parti, dès le mois de
janvier 1971,faire le tour des provinces du Canada avec la problématique
suivante cela m'a été confirmé par M. Hatfield, qui
est maintenant premier minis-
tre de la province du Nouveau-Brunswick, qui a eu sa visite à
l'époque; il en a d'ailleurs peut-être parlé depuis, je ne
le sais pas M. Turner est arrivé dans le reste du Canada, dans
chaque province, en disant: Le Québec serait d'accord pour ce paquet
constitutionnel qui réglerait le problème du rapatriement, de
l'amendement, de la Cour suprême et, de là, les droits
fondamentaux, à la condition que vous soyez d'accord, les autres
provinces, pour une extension du bilinguisme. C'est le message que M. Turner,
en gros il y a d'autres nuances a transmis dans l'ensemble du
Canada, à divers gouvernements provinciaux.
Ce qui est arrivé, c'est que les autres provinces, qui
n'étaient pas emballées particulièrement par l'idée
du bilinguisme, se sont quand même dit: Si on est bons pour régler
le problème de la constitution qui nous ennuie... Parce que j'ai
oublié de vous dire une chose, c'est que cela les ennuyait. Je me
souviens de M. Thatcher, premier ministre de la Saskatchewan à
l'époque, qui a dit qu'il avait 100 priorités chez lui, dans sa
province, et que la 101e c'était la constitution.
Et il y avait ensuite M. Bennett, le père de celui qui est
là maintenant, qui ne venait à peu près plus aux
conférences fédérales-provinciales. M. Smallwood, lui, ne
venait plus jamais aux conférences interprovinciales; il ne trouvait pas
cela important, parce qu'Ottawa n'y était pas. Il l'a dit. Ce ne sont
pas des secrets d'État que je vous révèle là. Il
l'a dit.
Cela ne les intéressait pas. Ils voulaient régler cela
vite et ils venaient d'apprendre, par un ministre fédéral
important, qui agissait de bonne foi, que le Québec était
prêt à régler s'il y avait plus de bilinguisme dans les
institutions fédérales, si la loi fédérale
officielle du bilinguisme passait.
Et, à partir de cela, a commencé à être
rédigée, au mois de février 1971, ce qu'on a appelé
par la suite la Charte de Victoria, dont vous avez un exemplaire dans votre
cahier. C'est un texte ultime, ce n'est pas le texte initial, parce qu'il y a
des morceaux qui sont partis. Mais le premier élément que vous
avez dans votre annexe, la Charte de Victoria, c'est ce qui est resté
après beaucoup de discussions. C'était beaucoup plus gros que
cela. Il y avait un préambule, etc. Et on n'était tellement,
à cette époque, pas fixés sur ce qu'était le
Canada, qu'il n'y a même pas eu d'entente sur le préambule, parce
qu'on mettait le mot "two people", c'est-à-dire deux peuples, même
pas deux nations, mais deux peuples. Cela a tombé à cause de
cela.
On a commencé, à cette époque, au niveau des
fonctionnaires, à rédiger un texte qui devait devenir la Charte
de Victoria. Et là, au Québec, on s'est rendu compte, toujours au
mois de janvier ou février 1971, que tout le processus de
révision constitutionnelle, qui avait été amorcé
à cause du fait que le Québec voulait une clarification de ses
pouvoirs et des pouvoirs fédéraux et une augmentation des siens,
était en train de devenir un exercice correspondant aux priorités
fédérales exprimées depuis trois ans dans ce document qui
est ici. Et là le Québec a dit: Cela n'a pas de bon sens, il faut
obtenir quelque chose sur le partage des pouvoirs; autrement, tout l'exercice
ne vaut rien.
Il faut que je dise aussi qu'en septembre 1970, à la
conférence constitutionnelle, la première à laquelle il
assistait, M. Bourassa, croyant que le sujet n'était peut-être pas
terriblement important, avait accepté qu'on entreprenne les discussions
du rapatriement et de l'amendement constitutionnel. Ce faisant, il entrait dans
une sorte d'engrenage dont vous verrez la suite dans une seconde.
Par conséquent, il y a ce papier qui se prépare, la Charte
de Victoria, avec des choses qui ne sont pas nos priorités au
Québec. Il y avait un domaine à propos duquel on était
particulièrement prêt; il y en avait d'autres mais il y avait
celui-là. C'était celui de la politique sociale dont le ministre,
à l'époque, était Claude Castonguay. M. Castonguay a
proposé, ce qui a été accepté à une
séance du Conseil des ministres à la fin de janvier 1971, qu'on
introduise, dans l'ordre du jour des conférences constitutionnelles
jusqu'à juin, une nouvelle question, c'est-à-dire la politique
sociale.
Le gouvernement fédéral, d'abord, n'a pas voulu, à
la conférence qui a eu lieu en février, considérer que la
politique sociale était un sujet d'ordre constitutionnel. Il a
considéré que c'était un sujet parmi les "other subjects",
que c'était un de ceux-là. Par la suite, il a envoyé M.
Munroe, qui était à l'époque le ministre correspondant
à M. Castonguay, de la Santé nationale ou du Bien-être
social ou les deux, qui est venu à Québec je me souviens,
il y avait une tempête de neige ce matin-là avec le mandat
de discuter avec nous des arrangements administratifs dans le domaine de la
politique sociale et non pas des arrangements constitutionnels, ce que le
Québec demandait. Le Québec avait dit: Nous voulons une
modification constitutionnelle en ce qui concerne la politique sociale, et M.
Munroe venait discuter d'arrangements administratifs. Là, on a
été en porte-à-faux pendant les mois de mars, avril et
mai, c'est-à-dire qu'Ottawa proposait des arrangements d'ordre
administratif tandis que Québec considérait que c'était
des modifications substantielles à la constitution qu'il fallait. Cela a
traîné tout le printemps. M. Castonguay a envoyé, en
prévision de la conférence je saute des étapes
de Victoria qui avait lieu le 14 juin, par mon entremise, par le
télex du ministère, une semaine avant, un document à
toutes les provinces du Canada expliquant la position du Québec en
matière constitutionnelle quant à une chose qui était la
politique sociale. Ce que nous avons su par la suite, c'est que le gouvernement
fédéral avait, lui, envoyé un porte-parole, un
représentant fédéral dans les autres provinces avec une
analyse de notre texte qui montrait pour chaque province le drame effrayant que
cela représenterait si, par malheur, les autres provinces étaient
d'accord avec le Québec sur la politique sociale; c'est-à-dire
qu'il y avait une analyse que je dois dire biaisée, parce que je ne veux
quand même pas utiliser des mots exagérés, de notre
proposition, de telle sorte qu'il est inutile de vous dire que cela a
effrayé tout le monde au Canada.
D'autant plus que tout ce temps-là, il n'avait vraiment pas
été question du partage des pouvoirs de la façon dont le
Québec l'envisageait. On est arrivé à la fin, comme une
cerise sur le gâteau, avec la politique sociale; on avait l'air de
déranger un processus alors qu'en fait il avait commencé à
cause du Québec.
À la conférence de Victoria, on est arrivé avec un
texte, ici, de la Charte de Victoria. Dans ce texte de la Charte de Victoria,
il y a un article 94a révisé qui est celui que je vous ai lu
tantôt, avec la portée terrible que vous lui connaissez, plus un
paragraphe où on dit que le fédéral ne peut pas agir dans
le domaine mentionné plus haut, c'est-à-dire la question de la
vieillesse, etc., à moins qu'il n'ait consulté les provinces.
Cela ne veut pas dire qu'il va suivre la consultation, mais il s'engage
à consulter, imaginez-vous!
Quand est arrivée la conférence de Victoria et que
c'était cela, le "package deal" dans lequel il y avait l'amendement
constitutionnel, le rapatriement de la constitution, la question de la Cour
suprême et une série d'autres choses qui n'étaient que des
changements institutionnels ou d'ordre formel qui ne touchaient pas le partage
des pouvoirs, il a bien fallu, je pense et tout le monde l'a compris
à l'époque que le Québec dise non, parce que ce
n'était pas cela que le Québec voulait. Je ne ferai pas de
commentaires et j'arrête là-dessus sur la raison pour laquelle on
est arrivé là. Il aurait peut-être pu être
évité non pas que le Québec dise non à cette
procédure, mais que cela se fasse d'une façon que peut-être
le Canada anglais aurait mieux comprise parce qu'on n'a peut-être pas
été assez clair par rapport au Canada anglais à
l'époque. (16 h 15)
On est en 1971. C'est le "non" de Victoria le 22 juin 1971 juste
à la veille de la Saint-Jean-Baptiste; alors tout le monde a
trouvé que c'était une bonne idée. Il y a eu des articles,
etc., pour dire que c'était la décision à prendre. Le fait
est je vais en tirer une leçon qu'il y avait une sorte de
développement un petit peu indépendant de notre volonté
qui faisait que le poids démographique et politique autour du
Québec pas par mauvaise volonté encore une fois
avait fini par transformer un processus où le Québec
espérait une amélioration de son statut et de ses pouvoirs en un
processus qui, au fond, faisait une correction au Canada fédéral
dans la conception qu'Ottawa et les autres provinces avaient du
fédéralisme canadien. C'est important de noter cela.
Par la suite je vais aller plus vite maintenant les
discussions constitutionnelles, notamment sur et toujours la même
priorité soit rapatriement et formule d'amendement, ont repris en
1975-1976. Vous avez une annexe là-dessus dans le cahier. Cela a
été regardé par les provinces à l'époque. M.
Lougheed à présenté, à la demande des provinces,
des commentaires à M. Trudeau la lettre est là aussi
sur cette approche que M. Trudeau avait. M. Trudeau a répondu
vous vous souvenez peut-être de cette chose assez
célèbre à M. Lougheed: Vous allez en même
temps trop loin et pas assez loin. En fait, il disait à M. Lougheed
qu'il dépassait, si vous voulez, la préoccupation qui
était immédiate, c'est-à-dire celle du rapatriement, pour
aborder un tas d'autres sujets.
Ensuite est arrivée l'élection de 1976 qui a changé
la perspective, c'est évident du moins, on pensait qu'elle
l'avait changée de telle sorte que la discussion de 1975-1976,
qui a débordé un peu sur 1977, est restée en plan. C'est
là je reviens à ce que j'ai dit tantôt qu'il
y a eu la création de la commission Pepin-Robarts et, de plus, avant le
rapport, le projet de loi C-60. Pourquoi n'a-t-on pas attendu le rapport de la
commission? Je ne le sais pas, mais toujours est-il qu'aujourd'hui, on est
devant cela.
Alors, le Québec est invité à se présenter
à des conférences constitutionnelles où les propositions
qui sont faites, quant aux sujets discutés, sont les suivantes
cela apparaît dans votre table des matières. Il y a d'abord eu,
dans un premier temps, sept sujets de proposés par M. Trudeau. Il y a eu
je vous le rappelle, cela ne fait pas longtemps, alors vous allez vous
en souvenir plus facilement deux discours, un de M. Lalonde et un de M.
Trudeau. Dans celui de M. Lalonde, on mentionnait une série de sujets
à propos desquels le gouvernement fédéral aurait beaucoup
de choses à dire et on voyait très bien que c'étaient des
sujets on le sait un peu par expérience à
l'intérieur desquels le gouvernement fédéral aurait voulu
se faire attribuer certaines compétences.
M. Trudeau a retenu, lui, sept sujets qui sont les suivants, qui sont
dans la liste: Le pouvoir de dépenser; la péréquation et
les inégalités régionales; le pouvoir déclaratoire;
l'imposition indirecte; la propriété des ressources et le
commerce interprovincial c'est le même sujet; le droit de la
famille et les communications. Il y avait de plus trois sujets qu'il a
mentionnés aussi comme faisant partie de la liste. C'est pour cela qu'on
croyait qu'il y avait sept sujets mais, en fait, il y en avait dix: Charte des
droits; Cour suprême et, le soir, pendant la réunion que les
premiers ministres ont eue, il a insisté sur le rapatriement et
l'amendement à la constitution, ce pourquoi, le lendemain, M.
Lévesque a dit qu'on n'embarquait pas dans la discussion du rapatriement
et de l'amendement constitutionnel.
Les autres provinces, voyant cette liste, en ont ajoutés. L'une
d'entre elles, la Colombie-Britannique, a suggéré le
Sénat, parce que la Colombie-Britannique a des vues très
arrêtées sur le Sénat et elle voulait absolument qu'on en
parle. Les pêcheries et ressources au large des côtes, si je me
souviens bien, cela a été ajouté à la demande de
Terre-Neuve. La monarchie parce que là, il y a un problème
que le fédéral n'avait pas escompté, c'est-à-dire
une sorte de ressac assez surprenant qu'on a vu dès Régina
l'été dernier, où les autres provinces du Canada ne
veulent pas que le gouvernement fédéral en tout cas, c'est
la compréhension qu'on en a maintenant touche en quoi que ce soit
le statut de la monarchie et le rôle de la reine tel qu'il est
maintenant.
Devant cette première liste, nous avons décidé,
comme d'ailleurs c'était notre engagement politique, de participer
à ces discussions. La question peut se poser: Pourquoi participe-t-on
à des discussions sur le fédéralisme alors que nous avons
une option souverainiste? C'est très facile à comprendre. Dans
notre programme de parti, si je peux faire une allusion au programme de parti,
il est clairement dit je l'ai ici à l'article 4, qu'un des
devoirs qu'on a, c'est de "promouvoir le plus possible l'autonomie du
Québec au cours de la période restant à passer sous le
régime politique actuel. ' Cela veut dire qu'il ne s'agit pas de se
boucher les yeux et de dire: Ce n'est pas bon, on ne regarde pas. Il y a des
droits des Québécois à défendre. Le devoir
élémentaire, comme je le disais à la Chambre de commerce
de Montréal hier, de n'importe quel gouvernement, peu importe le parti,
c'est d'aller défendre les droits des Québécois.
Premièrement, on a dit qu'on irait, il n'y a pas eu de doute
là-dessus.
Deuxièmement, qu'est-ce qu'on dit quand on y va? On a
réfléchi beaucoup à cela. On s'est dit: Qu'est-ce qu'on
dit? Il faut être honnête avec les autres. Il ne faut pas leur
faire croire des choses. Il ne faut pas répéter en 1978 les
malentendus du passé. Il faut que les gens sachent à quoi s'en
tenir.
Je me suis donné le mandat et le Conseil des ministres me l'a
aussi donné de parler aux collègues des autres provinces et du
fédéral et de leur dire: Voilà! C'est cela, le jeu. Je me
souviens particulièrement d'une conférence interprovinciale. Elle
a eu lieu à Montréal, le 26 septembre 1978, où je
voudrais en parler tantôt je suis intervenu pour dire à mes
collègues des autres provinces: Voici à quelle enseigne nous
logeons. Et cela a été, je pense, très bien compris et
positivement compris. Ils ont, je pense, apprécié cette
franchise. Qu'est-ce qu'on avait à dire? Ce qu'on avait à dire,
à ce moment-là, ce pouvait être deux choses, deux familles,
si vous voulez, de positions. L'une qui était facile, c'est celle qui
sautait à l'esprit immédiatement; c'est d'en profiter pour
arriver avec des positions qui sont celles que le parti a honnêtement
dans l'optique de la souveraineté-association et de faire cesdites
demandes maintenant. Le résultat évident, c'est que ce n'est pas
acceptable puisque ce n'est pas l'optique dans laquelle se situe l'autre. Bon!
D'accord.
Il y a une autre façon et c'est celle-là que nous avons
prise, en toute connaissance de cause. Nous avons étudié les
positions des gouvernements antérieurs sur des sujets qui sont là
parce que, dans les sujets qui sont là je voudrais dire cela
tantôt il y en a un tas qui ne sont pas touchés. Les plus
importants ne sont pas touchés. C'est une des choses, d'ailleurs, que je
vais tirer comme conclusion dans quelques instants. Nous avons
préparé ce document-là que tout le monde a reçu. On
en fera distribuer d'autres copies. C'est sans commentaire politique et c'est
seulement une liste, même aussi réduite que possible, des prises
de position traditionnelles on les a appelées traditionnelles
parce qu'elles avaient été prises par plusieurs gouvernements du
Québec sur le partage des pouvoirs, sur tous les sujets relatifs
au partage des pouvoirs. Entendons-nous, pas les autres pouvoirs.
C'est cela que nous avons défendu, parce qu'il fallait prendre,
à l'intérieur du système tant qu'il existe, des positions
qui valent à l'intérieur du système, de sorte que ce que
nous avons essentiellement défendu, avec deux exceptions que je vais
vous donner tantôt, ce sont les positions des autres gouvernements avant,
peu importe qui; que ce soient les libéraux, l'Union Nationale, si cela
avait de l'allure et cela en avait on les a prises dans le cadre
actuel. C'est pour cela que vous allez trouver indistinctement dans le dossier,
pour chacun des cas, à un moment donné, une position prise par
l'Union Nationale en 1968; à un autre moment, une position prise par les
libéraux prenez les communications, par exemple en 1973.
C'est exact. Cela ne nous dérange pas. C'est ce que nous avons
été défendre dans le cadre du système actuel.
Les raisons sont les suivantes. C'est pour ne pas créer de
malentendus, pour que les autres sachent à quelle enseigne on logeait.
Je n'ai pas non plus été dire aux autres provinces, en arrivant
là: Vous savez, je suis en train de repenser à cela.
Peut-être bien qu'il y a moyen de faire quelque chose. On a dit: Ce n'est
pas nous qui avons demandé la révision ou, si vous voulez,
l'exercice constitutionnel, parce que je ne considère pas tout à
fait que c'est une révision. L'exercice constitutionnel actuel, on
n'avait pas demandé cela. Ne pensez pas que nous l'avons demandé.
Il a lieu? D'accord. Honnêtement, on va y aller. Nous venons. Quelles
positions défendons-nous? Celles des autres avant nous. Pourquoi celles
des autres avant nous? Pour qu'on ne soit pas accusés d'en arriver avec
des nouvelles qui vont venir ébranler toute la procédure et faire
que cela va manquer et qu'on va pouvoir dire après: Voyez, cela ne peut
pas marcher. Les mêmes qu'avant, celles que Daniel Johnson avait
défendues; celles que Jean Lesage avait défendues, celles que
Jean-Jacques Bertrand avait défendues, celles que M. Bourassa a
défendues. Ce sont celles-là qu'on a prises.
J'ai dit qu'il y avait deux exceptions je continuerai
après sur une autre chose on ne pouvait pas faire autrement. La
première, la monarchie. Il n'y a pas de position antérieure sur
la monarchie, parce que le problème tel que posé dans le dossier
que vous avez ne se présentait pas avant. C'était difficile
d'inventer des positions traditionnelles sur une chose qui n'est pas
traditionnelle. L'autre question elle est technique ce sont les
ressources au large des côtes dans la zone de 200 milles. Cela n'existait
pas au moment de la prise de position antérieure. Il a fallu en inventer
une qui se tienne et aussi logique qu'on puisse le faire, mais qui n'est pas
traditionnelle puisque le problème ne se posait pas. Dans tout le reste,
c'est essentiellement ce que d'autres gouvernements avant nous ont pris.
On leur a dit carrément: C'est cela qu'on fait. Je l'ai dit hier
et je le dis aujourd'hui, et voici
pourquoi. Je ne veux pas de malentendu là-dessus. J'ai dit hier
que nous pensions qu'il y a un type de fédéralisme
renouvelé qui ne peut pas être acceptable et un qui peut
l'être. Les nuances ne sont pas toujours faites. Je veux juste
préciser cela parce que je veux être sûr qu'on se comprend.
Le fédéralisme renouvelé qui consiste à modifier un
peu les institutions centrales du système, à faire qu'il y ait
une déclaration des droits de l'homme, à faire, en somme, un
nouveau Sénat et tout, c'est la position fédérale. Elle ne
touche pas au partage des pouvoirs; en tout cas, elle est loin d'y toucher
aussi substantiellement que le Québec traditionnellement le veut. Par
conséquent, c'est acceptable pour Ottawa; c'est cela qui inspire le bill
C-60, c'est évident.
L'autre position du fédéralisme renouvelé, c'est
celui que des partis politiques au Québec ont essayé dans le
passé de mettre de l'avant: l'Union Nationale, en 1967, 1968, dans ces
années-là, les libéraux aussi, à cette
époque, sous l'impulsion de Paul Gérin-Lajoie. Cela suppose un
changement substantiel dans le fédéralisme. Or, c'est cela qui
est difficilement acceptable parce que, de toutes ces années-là,
j'ai retiré des petites leçons que je voudrais mentionner en
terminant.
D'abord, je veux faire des conclusions sur les optiques en cause. Pour
le Québec, priorité au partage des pouvoirs et un partage
substantiel de nature à modifier le système. Cela demeure du
fédéralisme je parle des positions traditionnelles
mais c'est substantiel. Tout ce qui ne correspond pas à cela, tout ce
qui met la charrue devant les boeufs, tout ce qui, en somme, fait que ce sont
des priorités qui ne sont pas les nôtres qui sont mises de
l'avant, cela ne veut pas dire que c'est mauvais' cela veut dire que cela ne
correspond pas à nos priorités. Il faut le savoir. Alors, on
risque de perdre cela de vue maintenant parce qu'on n'a pas tout cet entonnoir
de tracé. C'est la position du Québec, traditionnellement. On va
en parler dans les détails demain, si vous voulez, mais c'est celle
qu'on a perçue, c'est celle qui apparaît dans ce livre-là,
c'est celle qu'on voit tout le long. C'est un phénomène
historique qui tient au fait que le Québec a compris à sa
façon le système fédéral dans lequel on est.
Pour le Canada, pour le fédéral, si vous voulez, et pour
certaines autres provinces, la priorité, pendant des années, a
été le rapatriement et l'amendement constitutionnel. Et aussi,
autant que possible, pour le fédéral, chaque fois qu'on doit
toucher aux pouvoirs, c'est de se garder une poignée pour qu'il n'y ait
pas véritablement de cession d'un nouveau pouvoir entier aux provinces.
Il n'y en a pas eu, de cela. D'ailleurs, j'ai une citation absolument
succulente que j'ai trouvée dans la Presse du 8 janvier. Je l'ai
mentionné hier dans ma conférence. C'est une entrevue de
Gérard Pelletier à un journaliste de la Presse qui est à
Paris. Le journaliste disait: II y a quand même eu un déblocage en
1964, 1965, avec M. Pearson. Il y a eu des pouvoirs qui ont été
donnés aux provinces. Et Gérard Pelletier dit à peu
près ceci: Êtes-vous capable de me mentionner un seul pouvoir que
Pearson a cédé aux provinces? Il n'en a cédé aucun.
Il n'a fait que des arrangements administratifs. C'est ce que j'essayais de
montrer dans un livre que j'ai ici, qui s'appelle "Le pouvoir
québécois", quand j'ai démissionné de mon poste en
1971. J'ai écrit cela dans l'année après. M. Pelletier
vient aujourd'hui me donner raison. C'est la substance de ce que je dis
là-dedans.
Donc, dans le passé, il n'y a pas eu de déblocage. Pis que
cela, il y a eu, à un moment donné, toute une mise sur pied d'un
comité qui s'est appelé le Comité du régime fiscal.
C'était Parizeau qui participait à cela à l'époque
comme conseiller du gouvernement avec d'autres fonctionnaires d'ici, du
ministère des Finances. Il s'agissait de savoir, à partir de
bases techniques et sérieuses, comment faire la répartition
fiscale. La conclusion du comité travail à huis clos,
encore, pendant deux ans a été qu'il y avait une courbe
des dépenses provinciales qui s'en allait comme cela et une courbe des
dépenses fédérales qui s'en allait comme ceci, de telle
sorte que les provinces s'en allaient vers des déficits monstrueux et le
fédéral, pas trop mal. Conclusion du comité: il faut un
partage nouveau des ressources fiscales pour que les provinces soient mieux en
mesure de faire face à leurs obligations. Le comité avait
à peine remis son rapport que, au mois de juillet 1966, M. Mitchell
Sharp, qui était alors ministre des Finances, a déclaré
qu'il y avait une nouvelle thèse fédérale qui
prévalait maintenant; c'est que chaque province devait se taxer à
sa façon pour faire face à ses obligations. En d'autres termes,
cela mettait un terme aux transferts, même pas de transferts fiscaux
à partir du rapport du Comité du régime fiscal. Ce qui est
arrivé dans les années 1964, et 1965, cela a été
des ajustements administratifs dans certains cas. Le fédéral
s'est rendu à l'évidence dans certains cas. Il y a effectivement
eu des transferts fiscaux dans ces années-là pour faire face
à des dépenses inouïes de la part des provinces.
Les enseignements que j'ai retirés de cela, personnellement
je pense que c'est ceux qu'à peu près tout le monde peut
retirer; en tout cas, cela peut être évidemment discutable
c'est qu'on propose des arrangements administratifs alors que ce sont des
modifications constitutionnelles qu'il faudrait faire. Il y a au Canada deux
continuités, je l'ai dit hier. On raisonne toujours en termes de bons
à Québec et de méchants ailleurs ou à Ottawa. Ils
sont bons aussi à Ottawa, mais pas selon les mêmes critères
que nous. Il faut le comprendre, sauf que le problème, c'est que les
deux sociétés doivent s'ajuster ensemble dans un même
cadre, avec les résultats qu'on connaît. Il y en a une des deux
qui va évidemment finir et c'est le cas, d'ailleurs par
dominer l'autre. (16 h 30)
Il y a une affaire que j'ai remarquée, dans les conversations que
j'ai eues, et ce matin je me suis amusé à faire un petit calcul,
pendant le Conseil des ministres. J'ai découvert une chose. Cela n'a pas
été long. Savez-vous qu'au Canada, depuis quinze ans je
vous demande tout de suite
d'avance de me donner une chance quant aux chiffres; il y a
peut-être des erreurs, mais je ne pense pas depuis quinze ans, au
Canada, il y a eu, par province, deux ministres à Terre-Neuve; trois
à l'Île-du-Prince-Édouard; deux au Nouveau-Brunswick;
quatre en Nouvelle-Écosse; cinq au Québec; deux en Ontario;
quatre au Manitoba; trois en Saskatchewan; trois en Alberta; trois en
Colombie-Britannique; deux au fédéral. 33 premiers ministres au
Canada dont 28 à l'extérieur du Québec.
Savez-vous combien il y a de ministres qui sont passés au pouvoir
à un moment ou l'autre? Là je peux me tromper. J'ai
été très conservateur. Ce n'est pas tout à fait mon
style, mais en tout cas j'ai été très conservateur, encore
que certains diront que c'est mon style. J'ai mis seulement 20 changements de
ministres, par exemple, pour l'Île-du-Prince-Édouard. J'ai
supposé qu'il y avait un petit cabinet. Mais il y a à peu
près 500 ministres qui ont exercé, à un moment ou l'autre,
le pouvoir politique dans un secteur ou un département donné au
Canada. Alors il m'est arrivé, comme à d'autres, d'avoir des
conversations avec les 33 premiers ministres. Pas 32, 33. Quant aux ministres,
là j'avoue que je n'ai pas vu les 500. Peut-être 200.
Mais j'ai remarqué, en parlant de ceux à
l'extérieur du Québec, ceci. Il y a une affaire que je n'avais
jamais comprise, cela m'a pris du temps à la comprendre et à un
moment donné cela m'a frappé en pleine face. On proposait des
choses, que ce soit M. Johnson, ou M. Bertrand, ou M. Bourassa, ou, à
l'époque, M. Lesage, quoiqu'à l'époque, la révision
constitutionnelle, au temps de M. Lesage, n'était pas avancée
comme par la suite, c'est venu un petit peu plus tard, comme vous le savez,
historiquement. Ce qu'ils nous disaient, c'est ceci: Comment pouvez-vous,
à Québec ce n'est pas à moi qu'ils disaient cela,
mais aux hommes politiques prétendre que vous êtes des
hommes politiques fédéralistes, alors que vous proposez des
modifications au fonctionnement du Canada qui vont contre le
fédéralisme?
J'entendais cela et je me disais: Ce n'est quand même pas
possible. On ne parle pas la même langue. Effectivement, non. On ne
parlait pas la même langue politique. C'est que, pour eux, le
fédéralisme cela suppose un gouvernement central fort, avec
certains arrangements administratifs peut-être avec les provinces. Mais
pour nous, ce n'est pas cela que ça veut dire. Cela veut dire la
défense, je vous l'ai dit tantôt, de l'autonomie provinciale. Il y
a peut-être une évolution actuellement dont il ne faut pas
exagérer la portée parce qu'autrement on divise le Canada plus
qu'il l'est à cause des richesses naturelles notamment. Mais il reste
que ce n'est pas notre conception du fédéralisme. Il y a deux
continuités. Si on est fédéraliste et si on se dit
fédéraliste, comment peut-on prétendre changer un
système qu'eux considèrent changé, de telle sorte que ce
n'est plus le fédéralisme qu'ils connaissent? Je n'ai pas encore
été capable de résoudre ce problème.
Il y a aussi, il faut bien que je le dise parce qu'il faut dire les
choses telles qu'elles sont, d'ailleurs, je ne suis pas le seul à
l'avoir dit, il y a des citations qu'on peut regarder pour cela, il y a un
certain mépris fédéral latent par rapport aux provinces en
général. Vous savez, être ministre ou premier ministre
provincial, c'est un peu une sorte d'échevinage pour certains de nos
amis de la bureaucratie fédérale. Je le mentionne et tout le
monde l'a un peu vécu dans tous les partis, ils n'ont pas une
énorme confiance dans l'esprit d'invention des gouvernements des
provinces. Par conséquent, il faut le grand frère. Qu'est-ce que
vous voulez? C'est pour cela qu'ils gardent des poignées partout.
Maintenant, dans le passé aussi, j'ai dit cela en Chambre,
l'autre jour, alors je ne reviens pas là-dessus, mais vous savez, il y a
les moyens traditionnels. On a fait confiance à la constitution, mais la
constitution, cela a été expliqué par bien du monde. Elle
a tout ce qu'il faut dedans pour permettre au gouvernement
fédéral de faire à peu près ce qu'il veut. Vous
avez ensuite de cela nos hommes à Ottawa, nos députés
fédéraux du Québec. Qu'est-ce que vous voulez, ils s'en
vont à Ottawa, ils sont dans le système fédéral.
Ils sont les membres d'une autre équipe de hockey. Ils ne joueront pas
pour l'ancienne équipe de hockey. J'ai déjà dit cela
aussi.
Les autres provinces, dans quelle mesure on peut compter sur elles.
Là il y a un nouveau facteur, depuis quelque temps, qu'il faut
reconnaître en toute objectivité, c'est qu'elles sont plus
conscientes de leurs richesses naturelles, de leur pétrole et tout, mais
elles ne sont pas, mais pas du tout aussi, si vous voulez, insistantes que le
Québec l'a traditionnellement été quant à leur
compétence globale dans le système actuel. Elles ne sont pas
aussi autonomistes que le Québec. De ce côté on pourrait en
dire longtemps. Ce sont des provinces qui sont très
fédéralistes, si je peux m'exprimer ainsi, en ce sens qu'elles
tiennent et c'est compréhensible, le "senior government" c'est
Ottawa elles tiennent à un gouvernement central fort.
Devant cela, évidemment, nous, nous avons une autre optique et
honnêtement, c'est sûr, on n'est pas pour se cacher de cela. On ne
s'est jamais caché de cela. Ce n'est pas nous qui avons demandé
ce qui se passe maintenant, mais on participe en toute
honnêteté.
Cependant, il faut bien remarquer que même d'un point de vue
fédéraliste, qu'est-ce que vous voulez, dans la liste qui nous
est proposée aujourd'hui, tout ce qui est substantiel manque. Les
affaires urbaines ne sont pas là, la politique sociale de Claude
Castonguay, à l'époque, n'est pas là, les transports ne
sont pas là. En fait, il y en a une série; il n'y a pas non plus
le pouvoir résiduaire, qui est quelque chose de très important.
Il y a une série de grands sujets qui ne sont pas là. Maintenant,
ils vont peut-être venir après, il ne faut quand même pas
charrier, mais pour le moment, dans ce qui nous est proposé, ça
n'est pas là. On va voir pour la suite ce qui va se passer. Mais je dois
quand même constater ça, en toute
objectivité. Il ne s'agit pas de chialer, c'est ça.
Qu'est-ce que vous voulez?
En gros, voilà. Si je me laissais aller, j'en aurais encore un
peu à dire. Mais je vais me garder pour d'autres interventions. Je pense
qu'il serait...
Le Président (M. Cardinal): Vous aurez toujours ce droit,
M. le représentant du gouvernement.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est ce que j'ai compris
tantôt; alors, je vais arrêter là pour le moment. Juste un
mot de conclusion finale. Il y a un papier qui est devant vous, on a
décrit aussi objectivement que possible ce qui s'était
passé depuis quelques mois. J'ai situé, dans son optique, dans
une perspective historique et politique, ce que nous vivons maintenant. J'ai
dit ce que nous pensions. S'il y a des questions auxquelles je n'ai pas
répondu, c'est bien possible, je n'ai pas un texte préparé
dans tous ses moindres détails, c'est sûr que j'aimerais y
répondre. J'aimerais aussi connaître les avis des autres.
On le fait en toute bonne foi. C'est la procédure qu'on entend
suivre pour ces questions. Il faut mettre le public dans le coup. Autrement, si
on avait continué comme on était parti, sans même
mentionner et revenir sur les sujets, c'est le 5 ou le 6 février que les
Québécois auraient appris quels sont les sujets et quelles sont
les opinions exprimées par les autres provinces et par le gouvernement
fédéral, sur des questions comme celles-là. Cela nous
paraissait un peu difficile à accepter. C'est pour ça qu'on
essaie de corriger, autant que possible, le problème par cette
commission parlementaire.
Je vous remercie, M. le Président. Je m'excuse, je
m'aperçois que j'ai pris une heure et dix minutes, à peu
près; je ne voulais pas prendre autant de temps que ça.
Le Président (M. Cardinal): C'est moi qui vous remercie,
M. le ministre. Je voudrais, avant de donner la parole au député
de Saint-Laurent, pour les fins du journal des Débats et les fins de nos
travaux, souligner à moins que je ne me trompe qu'ont
été remis aux membres de la commission et aux journalistes treize
documents et cinq annexes. Ces documents ne sont pas déposés au
sens de documents sessionnels, ce qui est impossible en commission
parlementaire; ils sont purement distribués comme instruments de
travail.
J'ajoute cependant, M. le ministre, si vous le permettez, que j'ai
reçu, pendant votre discours, des corrections aux pages 13 et 14 sur les
communications et qu'elles seront à la disposition permettez que
j'en prenne une copie de tous les membres de la commission et des
journalistes.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est une petite erreur
technique; c'est que nous avons reproduit, aux pages 13 et 14 de votre texte,
une proposition constitutionnelle qui n'est pas tout à fait celle que
nous avons effectivement appuyée. Ce n'est pas urgent, on pourra...
Le Président (M. Cardinal): Je peux le faire distribuer
immédiatement...
M. Morin (Louis-Hébert): On l'a tapé, il est
simplement de la même dimension que ceux que vous avez? si vous voulez le
coller dans vos papiers, c'est une affaire de rien.
Le Président (M. Cardinal): Le secrétariat des
commissions s'en charge. C'est tout ce que j'avais à dire. M. le
député de Saint-Laurent, je vous donne immédiatement le
droit de parole.
M. Claude Forget
M. Forget: Merci, M. le Président. Je suis content que le
ministre ait précisé qu'il avait parlé pendant une heure
dix minutes. S'il ne l'avait pas fait, je n'aurais pas manqué de le
souligner, M. le Président, puisque vous avez indiqué au
début de nos travaux que le porte-parole du gouvernement avait un droit
de parole illimité. Si on n'avait pas compris à ce
moment-là, on a maintenant très bien compris ce que ça
voulait dire.
Je ne demanderai pas un droit de parole égal, M. le
Président, puisqu'on sait très bien que ce genre
d'impartialité nous est inconnu dans nos règlements de
l'Assemblée nationale et particulièrement dans le fonctionnement
des travaux des commissions parlementaires.
Je m'étonne un peu que le ministre ait pris une heure et dix
minutes pour faire son exposé, très objectif, comme il l'a dit,
au début, alors qu'il aurait pu, avec une égale
objectivité, nous lire, probablement de bout en bout, son volume sur Le
pouvoir québécois. Je me demande s'il n'a pas envisagé
d'avoir un stand à l'entrée de l'Assemblée nationale pour
autographier la vente de ses volumes au moment de l'affluence
présumée que suscite cette commission parlementaire.
Il reste que c'est avec un large grain de sel que l'on doit prendre
l'affirmation du ministre disant qu'il fait un exposé non partisan,
objectif et impartial. Il nous a fait l'aveu qu'il était naïf en
1961, 1962 et 1963. C'est revenu souvent. Je pense que s'il croit vraiment
avoir été objectif, il n'a pas perdu la qualité qu'il se
reconnaît avoir eue alors. Je pense qu'il est naïf et illusoire de
croire que, sur un point au sujet duquel les principales forces politiques se
définissent et s'opposent à l'heure actuelle, il soit concevable
qu'un ministre du gouvernement prétende, en tout sérieux, faire
un exposé objectif. Quant à moi je pense bien que je ne
suis pas le seul je suis satisfait, amplement satisfait. Son
exposé était truffé de choses extrêmement
personnelles, telles que ses états d'âme à
différents endroits, sur lesquels il est bien le seul à pouvoir
donner un témoignage. Je ne sais pas si on appelle cela un
témoignage objectif, mais il demeure qu'ils n'ont d'intérêt
que pour celui qui les éprouve, M. le Président.
Le Parti libéral du Québec a accueilli avec plaisir,
accueille avec plaisir, aujourd'hui, la nouvelle selon laquelle une commission
parlementaire serait convoquée au sujet de l'actuelle série de
conférences fédérales-provinciales sur la constitution
canadienne. Comme vient de l'indiquer le ministre, ces débats en
commission parlementaire devraient mais j'insiste sur le conditionnel
devraient permettre au public de prendre connaissance de la position
adoptée à la table de conférence par le gouvernement au
nom du Québec.
Les treize questions qui font l'objet des travaux de cette série
de conférences sont de première importance. Ainsi, on discute de
formules en vertu desquelles serait circonscrit et limité le pouvoir de
dépenser, qui est un élément constant des problèmes
entre Ottawa et les différentes provinces; le pouvoir
déclaratoire du fédéral également. On discute de
l'attribution aux provinces d'une compétence complète en
matière de mariage et de divorce. On discute des rôles respectifs
d'Ottawa et des provinces relativement aux richesses naturelles, y compris,
parmi ces richesses naturelles et cela fait l'objet d'un débat
distinct les pêcheries et les ressources minérales
sous-marines. On discute de communication, on discute de
péréquation, etc.
À propos de chacun de ces sujets, l'Opposition officielle
interrogera donc le gouvernement pour connaître son attitude face aux
propositions formulées par le fédéral ou l'une ou l'autre
des provinces et pour inviter le gouvernement à dévoiler plus
complètement ses propres propositions.
Jusqu'à maintenant, le gouvernement du Québec a
prétendu qu'il se bornait à répéter la position
traditionnelle du Québec sur chacun de ces sujets. La présente
commission parlementaire nous permettra de constater si oui ou non le Parti
québécois n'a véritablement aucune contribution nouvelle
à suggérer sur aucun de ces sujets. Relativement à
certaines questions débattues à ces conférences
fédérales-provinciales, la position traditionnelle du
Québec remonte à de nombreuses années. On peut constater
à ce sujet que les citations de M. Duplessis se comptent en un certain
nombre dans le texte. Cela remonte à un bon nombre d'années,
évidemment.
Est-il compatible, devant une telle affirmation, de se borner à
défendre la position "traditionnelle"? Est-il compatible avec la notion
d'un bon gouvernement de refuser d'effectuer la mise à jour qui s'impose
probablement dans au moins un certain nombre de ces positions dites
traditionnelles?
Si ce gouvernement s'avère aussi stérile face aux
questions constitutionnelles qu'il semble l'être, ce n'est probablement
pas parce qu'il manque d'imagination pour suggérer des
améliorations aux positions traditionnelles ou en développer de
nouvelles, mais probablement parce que cette partie essentielle du mandat d'un
bon gouvernement, c'est-à-dire adapter aux besoins d'aujourd'hui, des
positions qui pourraient être traditionnelles, positions qui ne sont
malgré tout pas sacrées au point qu'on ne puisse jamais y
retoucher, parce que cette partie essentielle du mandat d'un bon gouvernement
qu'il a reçu, dis-je, lui paraît incompatible avec son intention
fondamentale de séparer le Québec du Canada. (16 h 45)
Mais ce n'est pas seulement quant au fond que l'attitude du gouvernement
actuel semble manquer d'originalité et de force. Le gouvernement du
Québec, comme tout gouvernement, jouit d'un très large mandat de
négociation pourvu qu'il respecte, dans la forme et le fond, le cadre
constitutionnel fédéral, du moins jusqu'au
référendum. Or, ce large mandat, le gouvernement péquiste
ne veut pas l'utiliser pleinement. D'après ce qui a filtré de ces
conférences dont, après tout, une partie s'est
déroulée, dans la première tranche au niveau des premiers
ministres, devant les caméras de télévision, le
gouvernement péquiste s'est comporté jusqu'ici comme s'il ne
détenait qu'un mandat d'observateur plutôt qu'un mandat de
négociateur. Une telle attitude de réserve n'est pas conforme
à la notion de bon gouvernement. La présente commission
parlementaire devrait permettre au gouvernement de s'expliquer à ce
sujet. S'il s'avérait que l'attitude du gouvernement est bien celle que
tous les signes extérieurs permettent de supposer cette
espèce d'attitude de "wait and see" il faudrait bien conclure que
le gouvernement devrait être la première cible de tout le
blâme si la négociation actuelle devait échouer et que, par
contre, il ne pourra guère se féliciter d'un succès
éventuel, même partiel, acquis grâce à l'effort des
autres.
L'effort que le gouvernement actuel refuse de faire alors qu'il en a le
mandat, il ne doit pas espérer le faire accomplir par l'Assemblée
nationale dont ce n'est pas le rôle. Le rôle des parlementaires
n'est pas de négocier mais plutôt d'approuver ou de
désapprouver les fruits de la négociation conduite au niveau du
gouvernement. À ce jour, ces fruits sont évidemment inexistants
parce que la négociation n'est pas terminée. Une commission
parlementaire pour apprécier ou, éventuellement, ratifier les
ententes qui pourraient intervenir s'imposera tôt ou tard. Mais,
évidemment, il ne peut pas être question de cela pour
l'instant.
Notre réunion d'aujourd'hui et de demain consiste seulement en
ceci: Donner au gouvernement l'occasion de faire connaître les positions
qu'il prend dans la négociation en cours et dont il conserve
l'entière responsabilité jusqu'à la fin, à la fois
relativement aux objectifs poursuivis et à la stratégie
utilisée. Du côté gouvernemental, on voudrait probablement
exploiter la présente commission parlementaire pour des motifs
préréférendaires. Nous croyons donc utile de servir
l'avertissement suivant aux députés ministériels, membres
de cette commission: Dans la présente conjoncture politique, le Parti
libéral du Québec ne se joindra à aucun éventuel
front commun avec le Parti québécois et il se refuse à
l'avance à s'associer à la stratégie politique
évidente qui anime le gouvernement péquiste dans la conduite du
dossier constitutionnel. Ce serait pure naïveté de notre
part de décharger le gouvernement Lévesque de la
responsabilité qui lui appartient en propre, qu'il a recherchée
et en vertu de laquelle il sera jugé par le peuple le moment venu.
Dans tout le dossier constitutionnel, les objectifs poursuivis et la
stratégie employée sont, en effet, indissociables. En voulant
endosser les objectifs, nous endosserions inévitablement le genre de
démarche utilisée par le gouvernement actuel du Québec et
cela, nous refusons carrément de le faire. En effet, cette
démarche dissimule les intentions que nous connaissons très
imparfaitement et qui ne sont peut-être pas claires pour le gouvernement
lui-même.
Le Parti libéral du Québec est disposé à se
réjouir et même à féliciter le gouvernement si ce
dernier le mérite. Il méritera nos félicitations si la
négociation permet d'apporter à la constitution canadienne des
améliorations sensibles sur tel ou tel point. D'ailleurs, plusieurs des
propositions traditionnelles du Québec furent élaborées
par le gouvernement libéral précédent et nous ne renions
certes rien de ce que nous avons dit à l'époque sur des points
précis. Cependant, la prétention du gouvernement de
refléter ce qu'il appelle la position traditionnelle du Québec ne
peut pas être prise à la lettre. Il existe des divergences de
substance ou d'interprétation sur de nombreux points précis que
le gouvernement actuel fait semblant d'ignorer par une sélection
arbitraire de citations de tel ou tel premier ministre du Québec. Il
n'est donc pas possible d'évaluer correctement, ni d'endosser en
général des propositions dites traditionnelles à moins de
connaître de façon précise les discussions actuelles et le
contenu des diverses propositions en présence sur chacune des
questions.
Le gouvernement est avare de détails sur ses propres propositions
et ne peut pas encore dévoiler les positions mises de l'avant par les
autres provinces et le gouvernement central comme le ministre l'a dit. Il est
donc aussi impossible pour la commission de porter un jugement sur des
discussions actuelles qu'il le serait de juger la qualité d'une
pièce de théâtre alors que seraient connues les
répliques d'un seul personnage.
M. le Président, le ministre des Affaires intergouvernementales a
revendiqué pour le gouvernement, au nom de qui il parle, à la
fois à cette commission et à la table de conférence, la
continuité. Il existe de nombreuses questions que soulève une
affirmation comme celle-là. Ce qui est clair dans la position
adoptée par le gouvernement actuel dans cette négociation, c'est
que, précisément, les positions qu'il a adoptées manquent
de clarté. Si l'on consulte les documents qui ont été
distribués, on constate, comme l'a lui-même reconnu le ministre,
qu'il s'agit de résumés extrêmement courts, d'une page ou
deux, sur des questions très complexes.
La commission est donc invitée à baser son information sur
la qualité, en quelque sorte, d'un sommaire que l'on demanderait
à un étudiant en géographie au niveau du secondaire II,
c'est-à-dire de résumer en quelques pages la position consti-
tutionnelle du Québec telle qu'elle se dégage de l'histoire des
dix ou quinze dernières années. Ce serait évidemment assez
naïf de supposer, à partir d'un document, d'un exercice scolaire de
cette qualité, de pouvoir prendre des positions face à des
négociations sur des sujets complexes qui embrassent environ douze ou
treize sujets.
La position du Québec prise isolément de la position
d'Ottawa et des autres provinces, les objections qu'il formule, les
contre-propositions que les autres font, c'est proprement impossible à
analyser et à évaluer à son mérite, à moins
qu'on veuille s'en tenir à des généralités, comme
le fait le document gouvernemental. C'est un peu comme si une commission
parlementaire était invitée à siéger pour
étudier un problème de relations de travail et où,
après avoir exposé la position patronale et en faisant le silence
sur les demandes syndicales, on demandait à la commission d'exprimer une
opinion. Cela n'aurait absolument aucun sens. Lorsque nous sommes dans cette
position, face à un problème constitutionnel, on doit inclure que
cette commission a lieu soit trop tard, si on doit se limiter à
l'exposé unilatéral de principes très
généraux, comme a choisi de le faire le gouvernement cela
aurait dû intervenir même avant le première réunion,
de manière à jeter les bases et à informer le public de ce
qu'on allait dire en son nom pour la première fois, pour autant qu'il y
ait des éléments nouveaux, mais, comme il n'y a pas beaucoup
d'éléments nouveaux ou qu'il n'y en a pas du tout, c'est
peut-être une obligation à laquelle le gouvernement ne s'est pas
tenu astreint de répondre ou alors cette commission parlementaire
d'aujourd'hui arrive trop tôt, puisque le seul moyen de juger
véritablement de la valeur de la position du gouvernement du
Québec sera à la lumière des résultats qui en
découleront et à la lumière de l'analyse comparative des
différentes positions en présence, non pas sur des
problèmes généraux ou des principes
généraux, mais sur une articulation beaucoup plus précise
des points de vue, des solutions et pas seulement du diagnostic posé de
façon sommaire.
Il serait donc nécessaire, à mon avis, d'évaluer
plus tard, à l'occasion d'une autre commission parlementaire
j'explicite ici ce que je disais tout à l'heure
subséquemment à l'issue de cette série de
conférences, de porter un jugement plus circonstanciel sur l'ensemble de
ce qui sera acquis ou non acquis à l'aide de ces conférences.
Récemment, dans les jours qui ont précédé,
le ministre des Affaires intergouvemementales s'est livré à une
activité qui doit être dénoncée, à ce moment,
parce qu'elle est proprement odieuse. Le ministre des Affaires
intergouvernementales, dans un élan de rhétorique, a
menacé les électeurs du Québec d'être en quelque
sorte jetés aux oubliettes, condamnés à l'oubli et au
mépris pendant une période d'une ou deux
générations si jamais les thèses qu'il défendait
n'étaient pas retenues au moment du référendum.
Une telle déclaration n'est pas nouvelle, malheureusement, mais
elle a toujours suscité le même genre de réaction sceptique
de la part du
public qui n'aime pas qu'on le menace des pires calamités s'il
n'obtempère pas aux voeux du gouvernement du jour. J'ai
été rassuré de constater que les propos du ministre ont
suscité chez certains observateurs et commentateurs politiques dans la
presse la même réaction. Je cite ici le titre d'un article de M.
Daignault sous la rubrique "La démocratie au Québec",
intitulé "Encore la stratégie de la peur", où on
dénonce ce genre de raisonnement selon lequel, à moins d'en venir
aux conclusions qui sont celles recommandées par l'État
bienfaisant par la voix de son ministre des Affaires intergouvernementales, les
Québécois doivent s'attendre aux pires calamités pour un
délai presque indéfini. M. Marcel Adam a fait des commentaires
analogues dans un éditorial d'hier qu'il intitule "M. Morin et la
crainte du ridicule". Ce genre d'affirmation, M. le Président, n'est pas
à l'honneur de celui qui l'a faite et n'est certainement pas à
l'honneur du public auquel il s'adresse. Je tenais à en faire le rappel
ici pour démontrer que, malgré les cris d'indignation et de
protestation qui émanaient des rangs mêmes du parti qui est
actuellement au pouvoir lorsqu'on a cru lire dans les propos d'un et même
de plusieurs gouvernements antérieurs des allusions à des
catastrophes, on se livre aujourd'hui, en oubliant ce qu'on a dit hier,
à des menaces qui sont du même goût, du même style et
qui, très certainement, auront le même sort.
M. le Président, le gouvernement, quand il prétend agir
dans ces discussions comme un bon gouvernement, quand il prétend se
faire le porte-parole des préoccupations traditionnelles du
Québec, se rend coupable d'un mensonge puisqu'il n'est pas en mesure sur
un certain nombre des points qui sont abordés dans l'exercice
constitutionnel, sur le fond des problèmes, de fournir quoi que ce soit
comme contribution positive sans se renier lui-même comme gouvernement et
comme parti. Ainsi, dans la classification qui nous a été remise,
le ministre d'ailleurs, il dit bien clairement que cette classification
des sujets à l'ordre du jour de la conférence est de son propre
cru classifie en trois groupes les sujets qui sont l'objet de
discussions à l'heure actuelle. Il y a un premier groupe,
intitulé "Dispositions concernant la pratique du
fédéralisme, qui traite successivement du pouvoir de
dépenser, du pouvoir déclaratoire, de la
péréquation et des inégalités régionales. Il
y a un deuxième groupe qui traite des dispositions concernant le partage
de certaines compétences où cinq sujets sont
énumérés: l'imposition indirecte, le droit de la famille,
les communications, la propriété des ressources et le commerce
interprovincial, les pêcheries et les ressources au large des côtes
et un troisième groupe intitulé "Dispositions concernant les
institutions et questions connexes" où il est question, entre autres, de
la charte des droits, de la Cour suprême et du Sénat. Dans cette
classification qu'il adopte pour ses propres fins, le gouvernement montre
clairement que sa priorité va aux questions relatives au partage des
pouvoirs, c'est-à-dire la deuxième catégorie. (17
heures)
Mais, avant d'en venir là, un mot sur la première et la
troisième catégories, c'est-à-dire la pratique du
fédéralisme et les institutions du fédéralisme. Le
gouvernement peut-il sérieusement croire ou faire croire qu'il peut,
relativement à ces questions qui sont, malgré tout, d'une
importance capitale, même si elles ne sont pas les seules, mêmes si
elles ne sont pas prioritaires, je pense au pouvoir de dépenser, entre
autres, le gouvernement peut-il sérieusement prétendre que, sur
ces sujets-là, il peut à la fois n'avoir rien à dire, ne
faire aucune contribution, et à la fois, donc, se présenter comme
un bon gouvernement qui veille à l'intérêt des
Québécois, qui veille à les défendre dans le cadre
constitutionnel actuel? Si le ministre maintient cette prétention, qu'il
nous donne une raison de croire qu'il a agi, qu'il est intervenu, que son
gouvernement a pris une position quelque peu explicite et
développée sur l'un quelconque de ces sujets lors des
discussions, soit au niveau des fonctionnaires ou au niveau des ministres.
Qu'il produise un document, qui a été soumis à ses
collègues ministres ou au niveau des fonctionnaires, qui
représente, dans ces domaines, une contribution qui lui permettrait de
prétendre qu'il ne fait pas simplement se référer à
des citations anciennes, mais qui prétend véritablement qu'il est
capable de relever ce défi de parler au nom du Québec dans le
cadre actuel et, bien sûr, en attendant le référendum.
Pour ce qui est des autres questions, M. le Président, la
question du partage des pouvoirs ou les différentes questions qui
relèvent du partage des pouvoirs, nous avons une série de
questions, nous voudrons certainement aller plus loin dans les détails,
mais je dois dire que, a priori, nous ne sommes pas surpris de la
timidité dont fait montre le gouvernement actuel relativement à
la question de la pratique et des institutions du fédéralisme. Il
est bien clair que la position du gouvernement actuel, du Parti
québécois, rend la défense des véritables
intérêts du Québec sur ces questions pratiquement
impossible sans se renier lui-même. Il est assez peu imaginable que le
gouvernement soit capable de faire l'effort intellectuel nécessaire et
ait le courage de se prononcer avec force et avec clarté sur autre chose
que des principes généraux et, encore une fois, des citations
tirées de déclarations d'anciens premiers ministres.
Mais lorsque l'on touche la question du partage des pouvoirs, il y a un
certain nombre de sujets qu'il ne pourra pas éviter. La citation de
déclarations anciennes est, je pense, une issue, une alternative qu'il
ne lui est pas possible de choisir. En effet, dans ce domaine-là en
particulier, il y a eu, dans un passé récent, des
événements nouveaux, depuis même la ronde constitutionnelle
de 1968 à 1971. Il y a eu, d'une part, du côté des
richesses naturelles, une perception complètement nouvelle de tous les
intéressés de l'importance des richesses naturelles, non
seulement de celles que l'on a soi-même, mais de celles que les autres
possèdent, et d'une urgence accrue de s'assurer l'accessibilité
aux ressources naturelles que les autres possèdent en particulier. Quel
que soit le cadre dans lequel on veuille aborder le
problème, il y a là, sur le plan de l'énergie, sur
le plan des ressources alimentaires, des déclarations nombreuses des
ministres du gouvernement actuel qui démontrent qu'il y a un fait
nouveau, un événement nouveau sur lequel les positions
traditionnelles, strictement interprétées, nous
amèneraient à renier ou à abandonner la défense des
véritables intérêts du Québec. Il y a donc une mise
à jour qui s'impose et nous serons intéressés de savoir
jusqu'où le gouvernement a été pour procéder
à cette mise à jour.
L'autre secteur que le ministre a cité et qu'il a
considéré comme étant une des exceptions à la liste
des positions traditionnelles, puisqu'il a explicitement reconnu qu'il
s'agissait d'un fait nouveau, il s'agit de la zone économique de 200
milles au large des côtes, et il n'y a pas là de position
traditionnelle du Québec. Il s'agit pourtant d'une question d'une
importance vitale pour les pêcheurs, en particulier de la région
soit de la Basse-Côte-Nord ou Moyenne-Côte-Nord, soit de la
Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. C'est la question de
l'avenir économique de ces régions et toute une population de
pêcheurs. Des possibilités nouvelles se dessinent de ce
côté. Là encore, la position traditionnelle du
Québec, strictement interprétée, amène
nécessairement le gouvernement du Québec à renier ou
à renoncer d'avance à défendre des intérêts
très concrets et très réels du Québec. Il y a donc
des ajustements qui sont nécessaires et c'est un deuxième secteur
où nous allons certainement être intéressés à
connaître beaucoup plus en détail la position du gouvernement.
Avant de terminer, M. le Président, il y a une question
d'éthique professionnelle que j'aimerais soulever. L'exposé du
ministre, son exposé, entre guillemets, "objectif et impartial",
reposait, pour une part, sur des événements publics et connus et,
pour une autre part, sur une connaissance personnelle et une
interprétation de faits qui ne sont pas nécessairement publics et
connus, mais qui sont venus à la connaissance du ministre actuel des
Affaires intergouvernementales à titre de fonctionnaire. La question qui
se soulève est à savoir quelles sont les circonstances dans
lesquelles un homme politique qui a déjà été un
fonctionnaire peut utiliser des faits qui sont venus à sa connaissance
en vertu de son serment d'office et qu'il n'a donné l'occasion à
personne dans une arène publique, avec d'autres qui étaient
également présents et au courant des mêmes faits, de
débattre à la fois quant à leur nature, quant à
leur existence et quant à leur interprétation.
Il s'agit d'une question d'éthique, M. le Président, et je
tiens à la soulever parce que le ministre a voulu enrober le
début de ses remarques dans un manteau d'impartialité, de raison,
de détachement. Je crois qu'il s'agit d'une question qui est
extrêmement sérieuse.
Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, M. le
député de Saint-Laurent, je m'excuse de vous interrompre, vous
soulevez une question qui est importante. Vous savez qu'en commission
parlementaire il n'y a pas de question de privilège. Vous ne le faites
pas sous cette forme, mais vous la soulevez d'une autre façon. Je ne
sais pas si je ne rendrai pas de directive sur un sujet semblable. Je ne sais
pas si le ministre désirerait y répondre ou si la question
devrait venir devant l'Assemblée nationale, mais je souligne que je ne
voudrais pas que cela devienne, par le biais, une question de privilège
en commission parlementaire.
M. Forget: M. le Président, je ne vois pas en fonction de
quelle partie du règlement il serait interdit de soulever un sujet
d'intérêt public, en commission parlementaire, qui est directement
pertinent aux travaux de cette commission.
Le Président (M. Cardinal): Je ne l'empêche pas.
M. Forget: Le ministre a le pouvoir d'intervenir en vertu de
l'article 96, je crois, après la fin de mes remarques, mais j'insiste
encore une fois pour souligner qu'il y a là un problème
d'éthique professionnelle. On pourrait le placer à un autre
niveau, mais il demeure que, si des faits qui ne sont pas de connaissance
publique sont utilisés dans une argumentation, il y a probablement
d'autres conditions qui doivent se trouver réunies pour que cet exercice
soit réputé un exercice impartial, juste et correct sur le plan
de l'éthique. Je pourrais élaborer là-dessus. M. le
Président, mais je pense qu'à ce moment nous tomberions sur le
terrain...
M. Paquette: Vous portez des accusations et vous vous
arrêtez là. C'est un peu frustrant.
M. Forget: Je pense que, si l'imagination vous fait
défaut, on pourra vous en fournir des exemples plus tard.
Le Président (M. Cardinal): Tous s'est bien
déroulé jusqu'à présent. J'ai souligné au
député de Saint-Laurent qu'il ne fallait pas en arriver à
une question de privilège. Il a exprimé des faits. Le ministre a
le droit à sa réplique en tout temps, et je donne la parole
à M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je termine sur une demande que
nous pourrions, selon l'issue que voudra y donner le ministre, transformer en
motion formelle. Pour assurer le sérieux de nos travaux, pour s'assurer,
encore une fois pour reprendre l'analogie que j'ai utilisée tout
à l'heure que les débats des parlementaires soient
à un niveau un peu plus concret et précis que ne le seraient les
travaux de secondaire II d'un cours de géographie ou d'initiation
à la vie politique ou à l'histoire du Canada, je souhaiterais, au
nom de l'Opposition officielle, que le ministre, sans rien dévoiler
ce qu'il ne peut faire des positions prises par ses partenaires
à cet exercice constitutionnel, comme il insiste pour l'appeler, accepte
de rendre public, en en faisant la distribution aux membres de la commission
parlementaire... Il
s'agit d'un voeu, M. le Président, puisque je préviens
tout de suite les objections à savoir que, formellement, il n'est pas
possible d'exiger ou de demander des dépôts ou la
présentation de documents. Mais j'inviterais le ministre à
accepter de considérer la possibilité de déposer ici, ou
de distribuer aux membres et de rendre publics les documents de travail qui ont
été distribués aux réunions de fonctionnaires ou de
ministres sur les différents aspects mentionnés à la table
des matières, c'est-à-dire les treize sujets qui font l'objet de
négociations.
C'est seulement en voyant des documents qu'il nous sera possible
d'évaluer le contenu, la forme, la qualité des positions
officielles du Québec à la table de conférence, et non pas
par le biais d'allusions. Ce ne sont guère que des allusions, des
raccourcis historiques ou des citations choisies d'hommes politiques
antérieurs qui ne sont pas des hommes politiques actuellement au
pouvoir. C'est seulement à l'aide de ces documents qu'il nous sera
possible de faire un travail sérieux. Autrement, nous ne discuterons que
des contextes généraux, des états d'âme du ministre.
Pour intéressants qu'ils soient, M le Président, je pense que
c'est là un sujet pour la petite histoire et non pas pour le travail
d'une commission parlementaire.
Donc, j'attirerais l'attention du ministre là-dessus. Je pense
que c'est une chose qui n'est pas impossible. Ce sont des documents qui,
malgré tout, sont en possession de fonctionnaires d'autres provinces,
évidemment des gouvernements des autres provinces et d'Ottawa. Il me
semble que les parlementaires du Québec pourraient avoir accès
aux mêmes documents, qui n'ont plus le sceau du secret de documents du
cabinet, puisqu'ils ont déjà été distribués
à d'autres. Sur cette base, il nous serait possible de faire un travail
sérieux.
Encore une fois, ce n'est qu'un voeu exprimé à ce
moment-ci. Nous pourrons peut-être, s'il y a quelque hésitation,
envisager une motion plus formelle. Je souhaiterais que cela se fasse
simplement, sans autre formalité.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Saint-Laurent, je vous remercie. Je me permets deux commentaires. Un voeu est
toujours acceptable en commission parlementaire. On le sait, c'est une vieille
tradition. Ce sera au ministre ou au gouvernement de l'exaucer ou non. Nous
verrons ce qui arrivera.
Deuxièmement, vous remarquerez, je désire le souligner
quand même, que je n'ai pas appliqué strictement le
règlement. J'ai présumé que tous étaient
suffisamment intéressés à vous entendre pour que vous
puissiez dépasser votre temps.
M. Forget: Je vous en suis reconnaissant, M. le Président,
et aux membres de la commission.
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Fernand Grenier
M. Grenier: M. le Président, je serai très bref et
je m'en tiendrai aux commentaires que j'ai préparés ici. Je crois
que c'est une bonne idée et que c'est dans l'intérêt des
Québécois, que la commission parlementaire de la
présidence du conseil de la constitution et des affaires
intergouvernementales se réunisse aujourd'hui pour discuter de
l'évolution du dossier sur les discussions constitutionnelles, alors
que, dans quelques semaines seulement, se tiendra à Ottawa la
deuxième de ce qui deviendra, nous l'espérons, une série
de conférences constitutionnelles regroupant tous les premiers ministres
provinciaux et le premier ministre du Canada.
Il s'agit de la première occasion qui nous est fournie, à
l'Assemblée nationale, en notre qualité de parlementaires, de
discuter, dans un climat de détente, de l'avenir constitutionnel du
Québec et du Canada dans le cadre d'un fédéralisme
renouvelé, car il faut bien se rendre compte que les discussions
actuelles portent sur le réaménagement du lien
fédératif qui unit les différentes régions du
Canada. (17 h 15)
Tel que nous l'avons dit en novembre dernier, à la fin de la
première conférence constitutionnelle des premiers ministres,
l'Union Nationale aurait préféré que nous entamions ces
discussions constitutionnelles en abordant franchement et globalement
l'épineuse question du partage des pouvoirs. Les premiers ministres
ayant décidé autrement, sur l'invitation du premier ministre
Trudeau, cette première conférence constitutionnelle s'est
terminée sur un accord voulant qu'entre la période du mois de
novembre 1978 et du mois de février 1979, des fonctionnaires des divers
gouvernements se réuniraient pour discuter d'un programme de
réforme constitutionnelle portant sur sept points qui, par la suite, ont
été augmentés, dans un premier temps, à dix et,
dans un deuxième temps, à treize points.
Il y a déjà eu deux réunions dans le but d'en
arriver à un consensus sur ces treize points et une troisième est
cédulée à Vancouver la semaine prochaine, comme vous le
savez. Sauf pour le document qui nous a été remis vers la fin de
la semaine dernière par le ministre des Affaires intergouvernementales
établissant, il faut le dire, assez clairement, la position du
gouvernement québécois sur chacun de ces treize points,
très peu de nouvelles données ont été rendues
publiques jusqu'à ce jour.
Je voudrais émettre le voeu, à ce stade-ci, que le
document explicatif que nous a remis le ministre des Affaires
intergouvernementales serve d'ordre du jour pour la durée de cette
commission parlementaire. Au-delà des généralités
qui pourront être dites par chacune des formations politiques autour de
cette table, il m'apparaît important que nous ayons le temps et
l'opportunité de nous prononcer clairement sur chacun de ces treize
points et de poser des questions au ministre, que
nous jugerons opportunes, dans les circonstances actuelles.
L'adoption d'une telle procédure m'apparaît d'autant plus
importante, suite aux déclarations très récentes du
ministre des Affaires intergouvernementales sur le dossier de la réforme
constitutionnelle, déclarations que je considère
inquiétantes pour la bonne marche de ces discussions constitutionnelles,
à l'avenir, de la part d'un gouvernement qui se veut un bon gouvernement
provincial, agissant dans la continuité historique des gouvernements
québécois précédents.
Lorsque nous lisons le document que le gouvernement a cru bon de nous
transmettre avant cette commission parlementaire, il se dégage une nette
impression qu'effectivement les prises de position du gouvernement actuel
s'inscrivent dans la ligne autonomiste et nationaliste des gouvernements
antérieurs qui ont présidé aux destinées du
Québec.
En effet, sur au moins une dizaine de points et je les cite
le pouvoir de dépenser du fédéral, le pouvoir
déclaratoire du fédéral, la péréquation et
les inégalités régionales, le droit de la famille, les
communications, la propriété des ressources et le commerce
interprovincial, les pêcheries, la Cour suprême, la monarchie, le
rapatriement et l'amendement de la constitution, nous retrouvons presque
textuellement les positions défendues, tant hier qu'aujourd'hui, par
l'Union Nationale.
Sur les autres points, tel que l'impôt indirect et tout le
problème de la taxation, ainsi que les ressources au large des
côtes, l'institution fédérale du Sénat et,
finalement, la Charte des droits, nous aurions plusieurs questions à
poser au ministre, dans le but de connaître plus
précisément la position que le gouvernement entend adopter
vis-à-vis le gouvernement central et ses partenaires des autres
provinces.
Mais, malheureusement, il semble qu'entre les prises de position du
gouvernement québécois agissant à l'intérieur du
cadre fédéral actuel, sur certains points précis du
dossier constitutionnel et les déclarations ministérielles
portant sur l'ensemble du dossier constitutionnel, nous soyons en
présence de deux réalités distinctes.
Lorsque le gouvernement est appelé à se prononcer sur des
points précis du dossier constitutionnel, dans le cadre actuel, il
adopte une attitude autonomiste et fait preuve de rigueur dans sa
volonté de suivre la continuité historique des gouvernements
antérieurs.
Lorsque le gouvernement est appelé à se prononcer sur
l'ensemble du dossier constitutionnel, il adopte alors une attitude nettement
partisane et souverainiste, qui vise à démontrer que le
fédéralisme, comme concept, est inapplicable pour le
Québec d'aujourd'hui et qu'il constituera toujours une camisole de force
qui empêche l'épanouissement normal et rationnel du Québec
et de ses citoyens.
Une telle attitude, de la part d'un gouvernement qui se veut et qui se
dit un bon gouvernement provincial, est carrément inacceptable.
Pré- tendre, comme il l'a fait hier et on l'a lu abondamment dans
les journaux le ministre des Affaires intergouvemementales, que toute
forme de renouvellement du fédéralisme est vouée à
l'échec et que, même si le gouvernement participe à des
discussions et qu'il pourrait en tirer quelque avantage dans le cadre du
régime actuel, il demeure que le Québec ne pourra se satisfaire
du résultat quel qu'il soit, démontre, de la part du gouvernement
du Parti québécois, un état d'esprit défaitiste qui
n'a qu'un seul but, celui de faire ressortir aux yeux des
Québécois que seule la solution magique de la
souveraineté-association pourra, en définitive, régler ce
problème de l'avenir constitutionnel du Québec.
L'Union Nationale croit que, si le gouvernement accepte de jouer le jeu
d'un gouvernement provincial négociant une nouvelle constitution
canadienne avec ses partenaires et on sait que plusieurs provinces sont
d'accord sur plusieurs points qu'énumère ici ce document, pour
des raisons parfois différentes, comme on le voit aux Maritimes avec la
péréquation, comme on le voit dans l'Ouest à cause des
richesses naturelles, comme on le voit dans d'autres pour le partage des
pouvoirs, comme c'est notre cas, ou l'aspect culturel je pense qu'à
partir de là, le ministre se doit de faire honnêtement, avec la
plus grande rigueur intellectuelle possible, sans aucune partisanerie... Il ne
peut, alors que les discussions sont à peine amorcées,
prétendre que le tout est nécessairement voué à
l'échec.
Je cite un extrait paru dans un journal de ce matin: "II est impossible
d'envisager une démarche qui conduirait à un véritable
renouvellement du fédéralisme canadien. Si le gouvernement est
soucieux, s'il entend jouer son rôle du seul gouvernement provincial
représentant une majorité francophone au Canada, il doit, dans
l'intérêt des Québécois, et ceci,
indépendamment de la tenue et du résultat du prochain
référendum, accepter la suggestion que nous lui faisons
aujourd'hui, à savoir rechercher et obtenir, sur le plus grand nombre de
points possible, un consensus de tous les partis politiques
représentés à l'Assemblée nationale. "Face à
une volonté commune de tous les partis politiques du Québec sur
certains points précis de la discussion constitutionnelle en cours, nous
croyons que le gouvernement fédéral ainsi que tous les autres
gouvernements provinciaux reconnaîtront alors, dans les prises de
position du gouvernement québécois faisant l'objet d'un
consensus, un minimum vital du peuple québécois pour toute
réforme constitutionnelle à l'avenir".
C'est pourquoi, en guise de conclusion, j'invite mes collègues de
la commission parlementaire à accepter de bon gré
d'étudier chacun des points contenus dans le document que nous a remis
le ministre des Affaires intergouvemementales, pour que nous puissions examiner
ensemble la possibilité d'arriver à des prises de position
communes dans certains domaines, pour le plus grand bien du Québec et
des Québécois. L'Union Nationale dit oui aux démarches du
gouvernement du Qué-
bec qui s'inscrivent dans la continuité historique des
gouvernements précédents du Québec, mais non à des
démarches strictement partisanes qui visent à faire accepter la
souveraineté-association comme la panacée miracle aux
problèmes du Québec.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Mégantic-Compton. Un instant, M. le
député de Beauce-Sud. J'ai retenu un second voeu qui a
été exprimé; je le transmets, au nom de la
présidence, à M. le ministre qui pourra aussi en décider.
Je cède immédiatement la parole à M. le
député de Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: Merci, M. le Président.
À mon tour, je veux apporter quelques commentaires aux travaux de
cette première commission parlementaire qui constitue, je pense bien,
une première au Québec, du moins depuis 1976, et qui nous permet
d'aborder à fond la question constitutionnelle. J'ai été
heureux, M. le Président, au mois de décembre dernier, lorsque
j'ai appris la décision gouvernementale, son intention de faire en sorte
qu'une commission parlementaire puisse siéger dès le début
de l'année. J'écoutais le ministre tout à l'heure; il a
fait le point sur la route parcourue. Je ne veux pas abuser de mon droit de
parole, M. le Président, je veux être bref, mais je dois dire
à notre ministre que ce n'est pas suffisant. Nous avons une route
à parcourir et nous y sommes déjà engagés. Je dois
dire que nous ne savons pas tellement où nous allons à ce
moment-ci et j'ose espérer que la deuxième séance de notre
commission parlementaire va nous permettre d'apporter beaucoup plus
d'éclairage, puisque nous allons aborder les sept points dont on a fait
mention et à propos desquels le gouvernement nous a fait parvenir un
document. Je vais attendre à demain, lorsqu'on abordera ces questions
point par point, pour faire connaître mon point de vue. J'aimerais dire
tout simplement que le défi n'est pas dans le passé; le
défi est dans l'avenir.
M. le Président, M. le ministre a fait un peu l'historique du
désir des différentes formations politiques, des
différents députés à l'Assemblée nationale,
il s'est référé à une motion que j'avais
présentée le 11 mars dernier. Elle fut inscrite au feuilleton de
l'Assemblée nationale le 11 mars 1977 et elle a été
débattue le 6 juillet. Cette motion se lisait comme suit: "Que cette
Assemblée recommande au gouvernement la formation d'une commission
parlementaire (spéciale) de la constitution dès cette
année, avec mandat de consulter le public québécois et de
proposer une véritable réforme constitutionnelle en
définissant clairement les pouvoirs que le Québec doit
posséder pour accomplir son destin." C'était la teneur de cette
motion à l'Assemblée nationale qui, d'ailleurs, avait
été appuyée, à ce moment, par tous les
députés de l'Opposition, mais qui a été
rejetée par le gouvernement.
J'en avais profité pour attirer l'attention du gouvernement sur
l'urgence de créer une commission parlementaire spéciale pour
expliquer ce que veut le Québec en matière constitutionnelle. Je
disais que c'était "un premier point sur lequel tout le monde va
être d'accord. Urgence à cause de toute la structure que le
gouvernement fédéral est en train de mettre en place et qui
risque d'être mieux organisée que celle dont dispose ou disposera
le Québec." Je me réfère à des propos que j'ai
tenus le 6 juillet 1977. "Urgence à cause de l'initiative
fédérale qui risque d'annihiler toute prétention
québécoise. Urgence à cause des dangers du maintien du
statu quo et d'une plus forte centralisation sous le "couvercle" de la "bonne
volonté" fédérale. Urgence et importance de créer
une commission parlementaire qui aurait l'avantage de regrouper tous les
parlementaires ou, du moins, les représentants de toutes les formations
politiques ici présentes à cette Assemblée, qui aurait
pour effet d'être plus démocratique et plus représentative
que tous les groupes techniques formés et imposés par le
gouvernement central." J'avais ajouté aussi qu'il y avait "urgence de
s'adjoindre toute la population à ces débats; sinon, toute
réforme constitutionnelle ne serait que foutaise. Urgence aussi, car
actuellement le gouvernement fédéral est en train de faire
étudier le cas du Québec par le Canada anglais, et ce, sans se
préoccuper" plus qu'il ne le faut "des interlocuteurs en place à
Québec". Je pense que les événements l'ont
démontré. "La seule conclusion de cette technique
fédérale pourrait se résumer ainsi: mettre le
Québec à sa place sans que les Québécois aient un
mot à dire dans ce débat." J'ai ajouté: "II est donc plus
urgent que le Québec établisse clairement ce qu'il veut. Il doit
prendre l'initiative, il doit, par ses parlementaires, faire participer toute
la population, et ce, dans l'intérêt du Québec." J'ajoutais
une autre raison: "la nécessité de déterminer
nous-mêmes nos priorités, nos choix, nos conditions d'appartenance
et d'association" avec les autres. Deuxièmement, je disais que cette
commission parlementaire devait pouvoir former des groupes de travail
responsables à la commission parlementaire elle-même.
Je pense quand même que jusqu'à maintenant, même si
on a donné suite au voeu exprimé qu'une commission parlementaire
ait lieu, on n'atteint pas tellement les objectifs que j'avais formulés
à l'époque et on ne tient pas tellement compte, non plus, de
l'urgence. Je considère encore comme fondamental de procéder le
plus rapidement possible. Or, le 7 juin de la même année 1977,
soit exactement 14 ans jour pour jour après la formation d'un
comité constitutionnel par le premier ministre Lesage à
l'époque, dont ont fait partie trois membres de l'Assemblée
nationale d'alors, soit M. Bertrand, M. Johnson et M. René
Lévesque c'était en 1963 et les circonstances ont voulu
que trois de ces membres occupent le poste de premier ministre de la province
dans les années qui ont suivi j'avais demandé s'il
était effectivement l'intention du gouvernement de procéder plus
rapidement, s'il était justement dans
son intention de faire connaître aussi ses intentions à lui
concernant ce débat constitutionnel.
Je me réfère aussi à la réponse qu'avait
donnée le ministre des Affaires intergouvernementales. "En ce qui
concerne la question qui est posée relativement à une commission
parlementaire, je dirai que c'est le genre de procédure à
laquelle nous allons justement songer au cours de l'été. Je ne
crois pas que nous allons procéder dans cette direction avant les
vacances d'été on était en 1977 mais cela
n'est pas exclu pour plus tard et c'est une chose à laquelle nous
songeons maintenant. " Le ministre, pour répondre à une question
additionnelle que je lui avais Dosée, nous avait dit qu'il était
en train actuellement avec du personnel du ministère "de préparer
et de préciser certaines dispositions que nous allons
éventuellement proposer à l'ensemble du Canada. Donc, ce n'est
pas terminé. Je dois aussi ajouter que, conformément aussi
à notre désir, ces positions seront amplement connues,
discutées et examinées par la population du Québec et
d'abord, évidemment, par les députés de l'Assemblée
nationale." (17 h 30)
M. le Président, la séance d'aujourd'hui n'a pas pour
objet d'étudier les propositions du Québec, mais bien
plutôt d'examiner les propositions du gouvernement fédéral,
ce qui, à mon avis, est bien différent. Le moins que l'on puisse
dire, à mon grand regret, c'est que nous n'avons pas tellement
avancé. Pourtant, le débat est amorcé. On est en train de
structurer la campagne du oui dans le Québec. On est en train de
structurer la campagne du non d'un autre côté. Les gens prennent
position pour le oui ou pour le non, alors que la question n'est pas
connue.
Ma proposition est plus d'actualité que jamais, non pas pour
étudier les propositions des autres, mais pour en faire, nous. Si on
parle du partage des pouvoirs, il va falloir justement que cette question fasse
un consensus unanime de la commission parlementaire. Cela m'apparaît
absolument fondamental que ce ne soit pas une position qui est seulement
soutenue par le gouvernement, dans les circonstances. Cela doit faire l'objet
d'un voeu unanime de tous les représentants à cette commission
parlementaire que la priorité, c'est justement le partage des pouvoirs,
qu'on examine cette question. Et je m'explique mal, pour ne pas dire qu'il est
inexplicable, que le gouvernement n'ait pas utilisé, jusqu'à
maintenant, quelques propositions bien à lui de façon qu'on
précise les positions du Québec. Je tiendrais bien à
ajouter que préciser les positions du Québec à la
lumière des rencontres et des propositions du fédéral,
à mon avis, ne réglera rien, parce que l'histoire est là
pour prouver que cela n'a rien réglé dans le passé.
Il y a une question à se poser le ministre y a
répondu partiellement que ce ne doit pas être une oeuvre
gouvernementale partisane. Là-dessus, je l'en félicite. Cette
question doit être une oeuvre vraiment nationale. Et si on semble
rechercher un consensus avec les autres provinces, il m'apparaît
prioritaire qu'on fasse les démarches nécessaires.
J'espère que la commission parlementaire sera l'outil ou du moins, c'est
le voeu que j'avais exprimé dès le début, qu'on en vienne
à un certain consensus ici même au Québec, de façon
qu'on puisse éviter le plus possible les hésitations et les
lenteurs décisionnelles qui provoquent un
désintéressement, voire même un dégoût
auprès de la population du Québec. Je me demande si,
effectivement, on peut l'en blâmer.
Maintenant, la question que les Québécois se posent: Quand
le référendum? Je pense, M. le Président, qu'on peut dire
aujourd'hui que le référendum n'aura pas lieu en 1979. D'abord,
il est sûr et certain que la loi ne sera pas déposée devant
l'Assemblée nationale avant les élections
fédérales. Comme les élections fédérales
risquent d'avoir lieu fin mai, début juin, je ne pense pas que la Loi
sur les référendums soit déposée devant
l'Assemblée nationale, étudiée avant la fin de nos travaux
d'été, à moins de faire des séances parlementaires,
à moins d'en faire une session spéciale en dehors des
règlements de la Chambre. Si la loi est étudiée à
l'automne, avant que la loi soit adoptée, il est évident qu'on ne
fera pas la campagne référendaire dans le mois de
décembre, du moins, je ne le pense pas.
M. le Président, il y a des préliminaires qui sont
fondamentalement très importants, à mon avis. Je formule le voeu
à mon tour que ce soit étudié au niveau de la commission
parlementaire. Est-ce que, d'abord, au niveau de l'Assemblée nationale
du Québec, on est d'accord ou on n'est pas d'accord sur le rapatriement
de la constitution? Le gouvernement fera connaître ses positions
là-dessus. J'ai toujours dit non au rapatriement de la constitution. Je
le maintiens aujourd'hui. Je formule le voeu que là-dessus, au moins,
lorsque la commission parlementaire terminera ses travaux, il y ait un
consensus clairement établi au Québec. On ne veut pas de
replâtrage. On veut quelque chose de clairement défini, quelque
chose de construit selon les besoins des années quatre-vingt, quelque
chose de moderne qui pourra donner satisfaction aux gens.
Deuxième préliminaire, ne pas avoir peur de
répéter les gestes des Duplessis et des Lesage. Et quand je parle
de Duplessis, je parle du moment où le gouvernement a
décidé d'aller percevoir lui-même les deniers dont il avait
besoin et, par la force des choses, faire reculer le fédéral.
Quand je parle des Lesage, je parle de la création de la Caisse de
dépôt et placement, je pense à la création de la
Régie des rentes du Québec, et je pense aussi à notre
propre régime d'assurance-hospitalisation. Je pourrais donner d'autres
exemples sous d'autres gouvernements. Je dis ceci: On ne doit pas avoir peur de
répéter les gestes des Duplessis et des Lesage. Ce qui est
très important, c'est que les parties en cause clarifient le plus vite
possible c'est même urgent leur option et que le
gouvernement en place se présente aux prochaines négociations
avec un esprit positif plutôt que défensif. Je ne dis pas
négatif plutôt que défensif.
Tant et aussi longtemps que nous irons aux conférences
constitutionnelles et qu'on attendra des propositions qui viennent d'ailleurs,
la seule attitude qu'on peut adopter est une attitude défensive, et je
ne pense pas qu'on puisse avancer uniquement en utilisant des moyens de
défense. Il va falloir passer à l'action et je dis qu'il est
important qu'on en vienne à faire nos propres propositions.
M. le Président, en terminant je dirai ceci en ce qui a trait au
pouvoir de négociation. Le pouvoir de négociation du
Québec réside surtout dans son économie, dans son
indépendance économique, dans la force de son économie et
il réside aussi dans sa fermeté de décider.
Là-dessus j'espère que le gouvernement sera ferme parce qu'il est
temps de prendre des décisions, dans le meilleur intérêt du
Québec.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Beauce-Sud. Juste un instant! Comme je l'ai fait dans
les autres cas, je prends acte de vos voeux, qui sont d'ailleurs
enregistrés au journal des Débats. Le député de
Pointe-Claire serait normalement l'intervenant suivant. Soulevez-vous une
question de règlement?
M. Forget: Oui, M. le Président, en vertu du
règlement j'aimerais vous demander une directive. Notre
compréhension du règlement est que, à 18 heures, les
travaux de cette commission seront suspendus pour reprendre à 20 heures.
Étant donné que cette question a fait l'objet de quelques
interventions j'aimerais, que vous clarifiiez la situation de notre
règlement. Il me semble qu'en vertu de l'article 150, paragraphe 1), qui
se lit comme suit: "Les commissions élues peuvent siéger en tout
temps lorsque l'Assemblée n'est pas en session ou lorsqu'elle a
ajourné ses travaux pour plus de cinq jours," les règles normales
de fonctionnement doivent s'appliquer à ce moment-ci. Si on ne souhaite
pas du côté gouvernemental que l'on siège ce soir, il
faudra probablement la présentation d'une motion du ministre ou d'un
ministériel.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. Sur la question de
règlement.
M. Charron: Attention. Je pense que vous interprétez un
peu trop loin.
Le Président (M. Cardinal): Je me fais informer
présentement.
M. Charron: La commission, en vertu du règlement, lorsque
la Chambre n'est pas en session, pourrait siéger le mercredi soir, alors
qu'elle ne le peut pas en temps de session. On se comprend bien! S'il fallait
faire une motion ce serait, pour proposer non pas qu'elle soit exemptée
de siéger ce soir, mais pour proposer qu'elle le fasse. Notre intention
actuellement, c'est de respecter la règle habituelle du mercredi soir et
de ne pas siéger.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce qu'il y a d'autres...
Écoutez, il faudrait que j'aie la permission. Mais non, vous êtes
intervenant. M. le député de Laval.
M. Lavoie: Brièvement, c'est suite à la demande de
directive du député de Saint-Laurent, qu'est-ce qui doit arriver
à 18 heures? Très brièvement et sans faire de chinoiserie
sur la question de règlement, voici ma prétention. Suite à
l'ordre du leader du gouvernement afin que la commission siège
aujourd'hui à partir de 15 heures, sans déterminer dans cet ordre
à quel montant elle doit arrêter ses travaux, ma prétention
est que l'article 150 des règlements sessionnels s'applique, et il se
lit comme suit: "Les commissions élues peuvent siéger en tout
temps lorsque l'Assemblée n'est pas en session ou lorsqu'elle a
ajourné ses travaux pour plus de cinq jours." Ce qui est notre cas.
Deuxième paragraphe: "Lorsque l'Assemblée est en session,
à moins qu'elle ait ajourné ses travaux pour plus de cinq jours,
les commissions peuvent siéger aux mêmes heures que celles
prévues pour l'Assemblée." C'est la prétention du
député de Saint-Jacques, leader du gouvernement; il est vrai que
si nous étions en session nous devrions respecter les heures
d'Assemblée selon lesquelles les commissions ne peuvent pas
siéger le mercredi soir. Mais, à cause de cette disposition,
cette exception renforce notre argumentation que, d'après moi, à
18 heures, la commission doit suspendre ses travaux, à moins que vous
fassiez une motion. Si le gouvernement veut prendre la décision de faire
une motion avant 18 heures, d'ajourner à demain, la commission en
décidera. C'est la raison pour laquelle nous faisons cette demande de
directive. Notre prétention est qu'il y a automatiquement suspension
à 18 heures et que les travaux doivent continuer à 20 heures,
jusqu'à 22 heures.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce qu'il y a quelqu'un
d'autre qui veut plaider sur la question de règlement?
M. Roy: Tout dépend, M. le Président, de la motion
qui sera présentée à la fin de la séance. Je
comprends que c'est hypothétique, mais il faudra que ce soit clairement
indiqué. Je partage un peu l'opinion du leader parlementaire de
l'Opposition officielle. Il faudra que la motion l'indique clairement, sinon
nous risquons justement de nous retrouver avec une question de
procédure.
Le Président (M. Cardinal): Ce qui est déjà
fait. Je vais tenter d'être bref dans les circonstances. Oui, M. le
député de Pointe-Claire.
M. Shaw: Le leader a suggéré qu'à 18 heures
il va faire une autre motion pour que nous puissions continuer demain. Est-ce
que nous avons une entente pour que cela soit fait?
M. Charron: M. le Président, si vous le permettez...
Le Président (M. Cardinal): Oui, je vous permets
certainement.
M. Charron: Si votre interprétation est à savoir
qu'automatiquement, puisque la Chambre a été suspendue pour plus
longtemps que cinq jours, on devrait reprendre à 20 heures, je vais vous
présenter tout de suite la motion d'ajournement pour permettre qu'elle
soit débattable et que, plutôt que de se réunir à 20
heures ce soir, on se réunisse à 10 heures demain matin. Si c'est
le choix qu'on fait, j'ai donc besoin de votre directive assez tôt, parce
que nos collègues ont un droit de réplique et ont le droit de
participer à ce débat également. Je voudrais le faire tout
de suite si t'était votre directive.
Le Président (M. Cardinal): Écoutez, c'est pour
cela que je veux être bref parce que je sais le temps qui est devant nous
et il faudrait qu'une motion dans un sens ou dans l'autre soit
présentée avant 18 heures, sans quoi nous serions dans une
situation que nous avons connue dans d'autres circonstances. Je ne veux pas
rappeler certains faits concernant certains projets de loi. Il commence
à être, je ne dirais pas de tradition, mais on a beaucoup
l'habitude, en commission parlementaire maintenant, de demander des directives
au président. C'est un fait relativement nouveau. Ces demandes doivent
être présentées sur des faits concrets et non pas
hypothétiques. C'est pourquoi j'admets beaucoup des plaidoyers qui ont
été présentés dans les instants
précédents, devant moi. À l'heure où nous en
sommes, ce n'est plus une hypothèse qu'à 18 heures il faut savoir
si nous allons suspendre ou ajourner.
Je prends les textes que j'ai devant moi. J'ai pris la précaution
au début de la séance aujourd'hui de lire deux choses. D'une
part, la motion qui apparaît à la page 888 du procès-verbal
du 21 décembre, qui se lit comme suit: "M. Charron donne l'avis suivant:
La commission permanente de la présidence du conseil et de la
constitution se réunira le 17 janvier 1979 à compter de 15 heures
et le 18 janvier 1979 à compter de 10 heures." C'est au texte. J'ai un
deuxième texte qui est l'avis envoyé par le secrétariat
des commissions: "Veuillez prendre avis que la commission élue
permanente de la présidence du conseil et de la constitution se
réunira les 17 et 18 janvier 1979 au salon rouge pour examen du dossier
des discussions constitutionnelles en cours." À la ligne: "La
réunion du 17 débutera à 15 heures et celle du 18 à
10 heures." C'est ce que j'ai comme texte officiel devant moi. Si je lis
l'article 150 du règlement permanent, il dit... Un instant...
M. Lavoie: Très bien.
Le Président (M. Cardinal): Un instant, les commissions
élues peuvent siéger en tout temps. Toutefois, une seule
commission élue peut siéger durant les séances de
l'Assemblée sur une motion qui n'est pas annoncée, qui peut
être faite en tout temps et qui ne peut soulever de débat, mais
elle ne peut siéger durant la période des affaires courantes.
J'ajoute, le règlement que vous avez cité vous-même, M. le
député de Laval, l'article 150-1 du règlement sessionnel
qui dit que "les commissions élues peuvent siéger en tout temps
lorsque l'Assemblée n'est pas en session ou lorsqu'elle a ajourné
ses travaux pour plus de cinq jours."
Si je me rappelle bien, le 22 décembre, vers 1 h 45, il y a eu
une motion d'ajournement qui a été adoptée unanimement,
sans la moindre division. Je suis obligé, dans les circonstances et sans
"taponnement", d'appliquer le règlement. J'espère qu'il n'y aura
pas trop de directives à savoir si nous sommes sur un règlement
sessionnel ou pas, nous sommes en cours de session, mais pendant que la Chambre
ne siège pas.
Alors, devant tout ça, pour être juste envers tous, je
demanderai... je ne demanderai pas, j'inviterai simplement, comme il l'a fait,
M. le leader parlementaire du gouvernement, qui est avec nous à cette
table, à présenter une motion, s'il le juge à propos. (17
h 45)
M. Charron: Si je dois présenter la motion...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Possiblement, étant donné qu'on a
seulement un député à entendre, en supposant qu'il ait
terminé dans une dizaine de minutes, en l'occurrence le
député de Pointe-Claire...
Une voix: II y a un droit de réplique.
M. Gratton: II n'y a pas de droit de réplique pour le
moment, jusqu'à...
M. Morin (Louis-Hébert): Je peux le prendre tout de
suite.
Le Président (M. Cardinal): Ah non! Un instant! Quand
même, écoutez, je suis obligé...
M. Gratton: Vous ne pouvez pas exercer votre droit de
réplique avant que je vous dise à quoi répliquer.
M. Morin (Louis-Hébert): Ce n'est pas à vous que je
vais répliquer, cher collègue.
M. Gratton: Je vous donne matière à
répliquer.
Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, ne faites
pas exprès, il reste peu de temps. M. le député de
Saint-Laurent a invoqué l'article 96; avec tout le respect que je lui
dois, M. le ministre n'en a pas besoin. Il peut, en tout temps, après
que nous aurons fait un tour de table, répliquer et employer tout le
temps qui lui est prévu par les articles 163 et autres du
règlement.
M. Gratton: II pourrait le faire ce soir à compter de 20
heures.
Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas à moi de
décider des travaux de la commission à moins qu'il n'y ait un
consentement unanime, je voudrais qu'on ne dépasse pas 18 heures pour en
arriver à une situation impossible.
M. Charron: M. le Président, si je comprends votre
décision, vous interprétez le règlement d'une façon
qui m'oblige, aujourd'hui, tout de suite, si nous ne voulons pas siéger
ce soir. Je pensais me rendre à la tradition de l'Assemblée et ne
pas soulever de débat, c'est le contraire. Quand on fait le contraire,
c'est le contraire qui est demandé. Si j'avais proposé qu'on
siège mercredi soir, on aurait crié au scandale; je ne le fais
pas, ils le réclament. C'est un jeu de fou auquel il faut se
confronter.
Je n'ai pas l'intention, parce que mes collègues ont pris des
engagements pour ce soir, de faire siéger la commission. Donc, je
propose que la commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures,
comme le dit l'ordre de la Chambre, dès 18 heures ce soir.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Forget: Non, M. le Président. Très
brièvement...
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Saint-Laurent...
M. Forget: ... M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): ... finissez avant 18 heures
moins deux, s'il vous plaît.
M. Forget: Je n'ai droit qu'à dix minutes et je n'ai pas
l'intention de les occuper.
Le Président (M. Cardinal): Justement, je ne parle pas
nécessairement de vous.
M. Forget: Je ne peux pas parler pour d'autres.
M. Lavoie: Vous n'avez pas le droit de donner ces ordres. Si le
débat sur la motion n'est pas terminé, la commission doit se
réunir automatiquement à 20 heures. Je ne pense pas que ça
arrive, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): J'ai dit tantôt que les
hypothèses, je les prends quand j'y fais face. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, si j'ai soulevé ce
problème, c'est que nous avons devant nous une table de matières
où apparaissent treize sujets, de l'aveu de tous, des sujets complexes.
Le député de Beauce-Sud vient de dire que c'est la
première occasion, depuis 1976, qu'on a d'examiner le fond de certaines
de ces questions et, en général, le dossier constitutionnel tel
qu'il est mené par le gouvernement actuel.
Il m'apparaît qu'une journée et demie, compte tenu que la
première journée, la première séance est
consacrée à des exposés préliminaires, ce qui ne
nous permet pas, si nécessaires qu'ils soient, d'entrer dans le
détail et la substance de chacune des propositions et des questions
énumérées à la table des matières, c'est
bien peu de temps pour permettre un travail sérieux et soi-disant
informer la population.
Je remarque, M. le Président, que cette commission parlementaire
d'aujourd'hui aurait pu être convoquée à dix heures le
matin. Elle aurait pu également être convoquée de
manière que, sans l'ombre d'un doute, on siège également
ce soir. Je m'étonne que le gouvernement cherche, en quelque sorte,
à confiner à une période de quelques, très
brèves heures la discussion d'un sujet qui, soi-disant détermine
et est déterminant pour l'avenir du Québec, sur lequel on va
épiloguer pendant des heures à l'Assemblée nationale,
selon l'issue que souhaite probablement secrètement le ministre des
Affaires intergouvernementales. Il me semble que deux heures de plus, c'est
bien modeste pour s'acquitter, à moitié décemment, d'une
partie seulement des sujets qui sont à l'ordre du jour.
Si véritablement le gouvernement ne souhaite pas qu'on
siège, comme il semble bien que ce soit le cas, on pourra un peu partout
s'interroger sur la motivation et la sincérité avec laquelle le
ministre a dit: J'accueille cela avec plaisir. Nous croyons à la notion
que le public soit informé. Après avoir distribué des
documents aussi sommaires, aussi simplistes sur la position du Québec,
en plus, il demande à son collègue, le leader du gouvernement, de
limiter à quelques heures demain l'examen des propositions
détaillées sur treize questions. Cela ne me semble pas
très sérieux, M. le Président, et cela me semble mettre
largement en doute la sincérité du gouvernement lorsqu'il
prétend vouloir vraiment placer devant les yeux du public le dossier
constitutionnel. Ce n'est pas vrai. Même avec le délai additionnel
de deux heures, c'est une discussion très superficielle à
laquelle nous nous livrerons, mais, au moins, peut-être un peu moins,
avec peut-être un peu plus de temps, pour regarder deux ou trois des
sujets qui sont devant nous. Ce n'est pas une exagération et je pense
que le leader du gouvernement, qui insiste pour remettre le débat
à demain, par ailleurs, semble fort empressé de faire
siéger des commissions parlementaires, à deux ou trois par jour,
quand les mêmes individus sont impliqués. Je pense qu'il sait
très bien de quoi je parle. Je pense que, s'il y a un tel empressement
à faire étudier longuement certains sujets qui intéressent
le gouvernement, il y aurait également un zèle égal qui
devrait être mis pour étudier cette question. Si le gouvernement
pense le contraire, je suis très heureux qu'il se sente obligé
d'en faire une motion. On va voir de quel bois il se chauffe, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le
député de Saint-Laurent. M. le ministre, je ne sais pas si...
Est-ce que c'est sur la motion?
M. Morin (Louis-Hébert): C'est sur ce qu'il vient de dire.
Vous allez voir.
Le Président (M. Cardinal): Bien, attendez un peu. Ce
serait une question de règlement?
M. Morin (Louis-Hébert): Une question de règlement,
je ne sais pas; n'importe quelle question.
Le Président (M. Cardinal): Oui, mais quand
même.
M. Morin (Louis-Hébert): II y a toujours bien des limites.
Tantôt, j'ai écouté un certain nombre de choses et je suis
intervenu...
M. Lavoie: M. le Président, est-ce que je peux vous
demander une directive sur une question de règlement?
M. Morin (Louis-Hébert): Je suis en train de parler.
Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, je suis
obligé de vous interrompre, M. le ministre.
M. Lavoie: Est-ce qu'en vertu de l'article 157, deuxième
alinéa, le ministre a le droit d'intervenir sur cette motion?
Le Président (M. Cardinal): Non, M. le
député de Laval.
M. Lavoie: II doit solliciter le consentement de la
commission.
Le Président (M. Cardinal): C'est cela exactement. Est-ce
qu'il y a consentement?
M. Lavoie: Je pense que le leader du gouvernement aurait un droit
de réplique.
Le Président (M. Cardinal): Certainement.
M. Lavoie: II pourrait nous transmettre très habilement
les propos que voudrait nous tenir le ministre des Affaires
intergouvemementales, lors de sa réplique.
Le Président (M. Cardinal): II a proposé la
motion.
M. Gratton: M. le Président, quant à nous... Le
Président (M. Cardinal): Attention!
M. Charron: On a posé une question. On a demandé
s'il y a consentement à ce que le ministre des Affaires
intergouvernementales...
Le Président (M. Cardinal): J'ai demandé s'il y
avait consentement.
M. Gratton: Je vais répondre à cela.
Le Président (M. Cardinal): C'est oui ou non?
M. Gratton: Quant à nous, M. le Président, il y
aurait consentement à condition qu'on s'entende que si, à 18
heures, on n'a pas disposé de la motion d'ajournement, on reviendra
automatiquement ici à 20 heures.
M. Morin (Louis-Hébert): Vous reviendrez tout seul.
Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous
plaît.
M. Gratton: II faudrait le savoir.
Le Président (M. Cardinal): Cet incident s'est
déjà produit et si, à 18 heures, on n'a pas disposé
de la motion, je vais tout simplement suspendre parce que je n'aurai pas de
motion votée.
M. Gratton: C'est cela.
Le Président (M. Cardinal): Est-ce qu'il y a
consentement?
M. Gratton: II faut que le ministre sache cela.
M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ai pas écouté.
C'est quoi?
Le Président (M. Cardinal): Si à 18 heures, ce
n'est pas fini...
M. Charron: Non, non, écoutez, M. le Président.
M. Morin (Louis-Hébert): On a un horaire qui est entendu
depuis un bout de temps; vous l'avez lu tantôt. Qu'est-ce que c'est, ces
affaires qui arrivent aujourd'hui?
M. Gratton: II n'y a pas eu d'horaire tel quel. Question de
règlement, M. le Président, il n'y a jamais eu d'horaire tel
quel.
M. Morin (Louis-Hébert): II vient d'en lire un
tantôt.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! Je ne
permettrai pas...
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: J'aimerais rappeler au ministre des Affaires
intergouvernementales qu'il n'y a eu aucune directive; l'avis en Chambre, la
motion pour faire siéger la commission ne spécifiait pas d'heure
d'ajournement ou de suspension. Ce que le président a lu, il l'a
probablement lu à la suggestion du ministre lui-même qui ne veut
pas
siéger ce soir, mais cela ne nous lie d'aucune façon.
Le Président (M. Cardinal): D'accord. À l'ordre! Je
vais justement m'en tenir à mon rôle. Si personne ne veut
intervenir pour qu'on empêche un député de s'exprimer, je
demanderais si nous en sommes rendus à la réplique.
M. Charron: M. le Président...
Le Président (M. Cardinal): M. le leader
parlementaire.
M. Charron:... la réplique va être brève. Je
me suis fait poser la question par des collègues de mon propre parti, il
y a quelque temps, à savoir si la soirée de mercredi serait
occupée ou pas. Comme je l'ai dit dans la présentation même
de la réplique: Non, c'est la tradition, on ne siège pas le
mercredi. Aussitôt qu'on touche à une petite tradition grosse
comme cela, ils peuvent faire une chamaille pendant des...
M. Gratton: C'est le règlement.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Charron: C'est le règlement, mais, même si le
règlement permet de le faire dans l'intersession, je pense que tout le
monde aurait dit: C'est la tradition. J'ai dit: Pour ne pas faire de chicane
pour rien, on va leur donner leur mercredi soir. Je suis le premier surpris de
voir que c'est eux qui le réclament maintenant, M. le Président.
En tout cas, j'ai donné ma parole. Quand je donne ma parole, je la
respecte. J'ai donné ma parole à mes collègues...
M. Forget: C'est plus que certains de vos collègues
font.
M. Charron: ... de mon parti qu'ils pouvaient s'occuper ce soir,
que je ne ferais pas siéger. Je tiens ma parole, dans ces circonstances.
Quant au fiel qu'a essayé de verser le député de
Saint-Laurent sur cette motion, je lui rappellerai...
M. Forget: Une interprétation objective.
M. Charron: ... qu'il est vrai que le député de
Saint-Laurent sera, j'imagine, de retour parmi nous à cette commission
demain. Il est vrai aussi qu'il y a d'autres commissions qui vont
siéger. C'est vrai aussi qu'il va souvent y avoir trois commissions qui
vont siéger, parce que la session n'est pas terminée. Nous
aurions bien voulu la terminer, mais elle n'est pas terminée. En ce
sens, je sais aussi que les grandes lumières du député de
Saint-Laurent seraient sans doute très utiles à chacune des
moindres commissions que je vais invoquer, mais je pense que nous pouvons en
même temps nous en passer très largement. Une once de vinaigre,
une commission de vinaigre par jour suffira au député de
Saint-Laurent, j'ai l'impression; on fera travailler les deux autres de bonne
foi.
M. Lavoie: Ma foi, il ne s'est pas reposé encore.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît! Est-ce qu'on peut quand même finir cela de bonne humeur?
M. Gratton: Est-ce que la planification est toujours aussi
bonne?
Le Président (M. Cardinal): Alors, je mets au voix la
motion...
M. Morin (Louis-Hébert): J'aurais une blague à vous
raconter.
Le Président (M. Cardinal): Un instant! Vote à main
levée ou vote enregistré?
M. Charron: À main levée.
Le Président (M. Cardinal): Vote à main
levée. Pour la motion? Contre la motion? À 18 heures,
j'ajournerai les travaux à demain, 10 heures, au salon rouge. C'est bien
la décision de cette commission.
M. Bédard: II peut parler cinq minutes?
M. Morin (Louis-Hébert): Je peux parler cinq minutes?
Le Président (M. Cardinal): Non, parce que j'ai
donné la parole à M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Merci, M. le Président...
M. Gratton: Question de règlement. Je m'excuse
auprès de mon collègue.
Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Shaw: Je crois que...
Le Président (M. Cardinal): Un à la fois J'avais
indiqué au début de cette commission que, de consentement unanime
des membres de la commission, nous ferions le tour de table avant que la
réplique du ministre ne commence. Tous s'en souviennent,
j'espère?
M. Forget: Oui.
M. Shaw: J'ai la parole?
Le Président (M. Cardinal): Un instant! Question de
règlement et brièvement, s'il vous plaît!
M. Gratton: Simplement, j'avais l'impression qu'on venait
d'adopter une motion d'ajournement
à demain, 10 heures. Je ne vois pas comment on peut maintenant
dire: On laisse...
M. Morin (Louis-Hébert): À partir de 18 heures.
M. Charron: Non, la motion c'est qu'à 18 heures, elle
s'ajourne jusqu'à 10 heures.
Le Président (M. Cardinal): C'était la motion.
M. Gratton: En tout cas, c'est un peu irrégulier,
d'accord.
Le Président (M. Cardinal): Pardon? M. Gratton:
C'est un peu irrégulier.
Le Président (M. Cardinal): Non. On a décidé
tantôt ensemble...
M. Gratton: Cela va, M. le Président, que le
député...
Le Président (M. Cardinal): M. le député de
Pointe-Claire, à moins que vous ne décidiez d'attendre à
demain.
M. William F. Shaw
M. Shaw: M. le Président, j'ai quelques remarques à
faire aujourd'hui. Nous avons aussi une autre commission qui va siéger
demain sur la loi 84 et j'aimerais bien prendre la parole aujourd'hui pour
faire quelques remarques au sujet de cette commission parlementaire qui essaie
ou prétend essayer d'étudier la position qui sera prise par le
gouvernement lors de la conférence sur la constitution au mois de
février. Je crois aussi que tout le Canada est prêt à faire
quelque chose pour améliorer la situation dans laquelle nous vivons
maintenant au Canada. On fait une réforme de la constitution qui est
acceptable pour tout le monde. On fait le rapatriement de la constitution
canadienne, avec une formule qui est acceptable pour tout le monde pour des
amendements qui doivent être gardés pour cette constitution. Mais
je crois qu'une grosse vérité demeure. La vérité
est celle-ci. Les conditions de cette conférence ne peuvent être
pires.
Premièrement, on sait fort bien que l'actuel gouvernement du
Québec n'est pas prêt à faire une négociation de
bonne foi. Deuxièmement, parce que nous sommes avant une élection
fédérale, cette charade parce que c'est
véritablement une charade que nous allons voir est d'abord
à l'avantage du gouvernement fédéral pour ses
élections qui viendront bientôt. C'est la tristesse. La tristesse,
c'est que nous n'avons jamais eu au Canada une situation dans laquelle la
population est plus près de négocier. On n'a jamais vu une
situation telle que le reste du Canada est aussi tanné d'entendre parler
de la question de la constitution canadienne, mais on sait fort bien qu'ils
sont aussi attrapés dans cette charade. Pensez-vous que les premiers
ministres des autres provinces peuvent se désister et ne pas venir
à une telle conférence? C'est impossible. Ils veulent
démontrer qu'ils sont prêts à négocier. Pensez-vous
qu'ils sont prêts à donner une position qui peut être
donnée dans une situation qui serait meilleure? Je ne le crois pas. On
voit une situation qui est très valable pour le Canada, pour le
Québec, pour tout le monde, pour valoriser notre constitution pour que
cela puisse fonctionner, car on sait fort bien que pour le moment, cela ne
fonctionne pas. (18 heures)
On voit maintenant que nous avons des règlements qui
empêchent le mouvement des ouvriers au Canada; on voit aussi que nous
avons certains problèmes avec l'échange des biens. On n'a
même pas une politique énergétique rentable. Il y a
beaucoup de problèmes au Canada. Mais parce que nous avons une
confrontation entre deux niveaux de gouvernement qui est véritablement
seulement politique, on perd un avantage incroyable.
M. le Président, j'espère que la population est
prête à entendre les points de vue du ministre responsable pour
représenter le Québec à cette conférence, pour
savoir si elle est positive, si elle ne se présente pas seulement comme
un moyen de faire la preuve que c'est impossible de négocier de bonne
foi avec le gouvernement fédéral. Est-ce que l'objet de sa
participation est seulement de faire valoir une position de confrontation qu'on
peut employer dans un référendum qui, peut-être, ne sera
même pas demandé à la population? Est-ce une autre chicane
politique à l'avantage du gouvernement du Québec actuel,
même si on voit que le gouvernement fédéral est aussi
coupable d'utiliser une situation véritablement très importante
à son avantage politique? J'espère qu'en étudiant les
propos du gouvernement, de petits pas en avant pourront être faits afin
que les représentants de mon gouvernement puissent aller à une
conférence qui est très importante avec une attitude
changée, ouverte, pour peut-être voler l'avantage au gouvernement
fédéral, pour démontrer qu'il est prêt à
négocier de bonne foi avec les autres premiers ministres qui vont y
aller de bonne foi pour que, peut-être, on fasse une surprise à
tout le monde, à savoir que quelque chose de bien peut en être le
résultat. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cardinal): Merci. M. le ministre, il vous
reste 90 minutes, si vous voulez ajouter un mot.
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais en ajouter un seul et je
continuerai demain matin.
Le Président (M. Cardinal): Oui, on va se revoir.
M. Claude Morin
M. Morin (Louis-Hébert): II est parti? Eh bien! Je lui
répéterai demain matin ce que je vais dire maintenant. J'ai
beaucoup d'autres choses à ajouter parce qu'il y a eu des interventions
qui ont été faites. J'ai été déçu,
surpris, mais pas étonné de l'attitude manifestée par le
député de Saint-
Laurent. Je pense bien que, je ne dirais pas qu'on peut lui accorder un
diplôme de mauvaise foi, mais je ne pense pas qu'il soit le champion de
la bonne foi dans un certain nombre de choses qui ont été dites,
que j'ai laissé passer tantôt en ce qui concerne l'éthique.
Je reviendrai là-dessus demain matin.
En ce qui concerne aussi l'attitude que nous avons prise, nous
présentons des documents les plus complets possible à
l'intérieur des limites qui nous sont imposées par les
règles du jeu que nous avons accepté de suivre. On
présente ces textes et on se fait critiquer parce qu'on les
présente. Je vais finir ma phrase. Si on n'en présentait pas, on
se ferait critiquer aussi. Alors, j'ai l'impression que dans ces conditions,
quoi qu'on fasse, on ne réussira pas, on ne réussira pas. On se
fait critiquer parce qu'on va à la conférence alors que ceux qui
nous critiquent parce qu'on y va sont ceux qui nous demandaient d'y aller.
Le Président (M. Cardinal): D'accord, je m'excuse, M. le
ministre, mais conformément à la motion votée à
main levée, nous ajournons nos travaux à demain 10 heures, dans
cette même ' salle.
(Fin de la séance à 18 h 6)