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Version finale

31e législature, 5e session
(24 octobre 1980 au 24 octobre 1980)

Le vendredi 15 août 1980 - Vol. 22 N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen d'une possibilité de position commune de l'Assemblée nationale du Québec dans le cadre des négociations constitutionnelles en cours


Journal des débats

 

Examen d'une possibilité de position

commune de l'Assemblée nationale du

Québec dans le cadre des négociations

constitutionnelles en cours

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Puis-je demander aux membres de la commission de prendre place autour de la table, s'il vous plaît? A l'ordre, s'il vous plaît!

Les membres de la commission pour la présente séance, qui se terminera à 13 heures, sont: M. Charron (Saint-Jacques) en remplacement de M. Bertrand (Vanier); M. Charbonneau (Verchères); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) en remplacement de M. Dussault (Châteauguay); M. Bédard (Chicoutimi) en remplacement de M. Laberge (Jeanne-Mance); M. Le Moignan (Gaspé), M. Levesque (Bonaventure), M. Morin (Louis-Hébert), M. Paquette (Rosemont), M. Ryan (Argenteuil) et M. Samson (Rouyn-Noranda). (10 h 15)

Les intervenants: M. Brochu (Richmond); M. Parizeau (L'Assomption) en remplacement de M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes); M. Dussault (Châteauguay) en remplacement de M. Fallu (Terrebonne); M. Forget (Saint-Laurent), M. Godin (Mercier); M. Laberge (Jeanne-Mance) en remplacement de M. Guay (Taschereau); Mme LeBlanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine) et M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

M. Charron: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le leader du gouvernement.

M. Charron: J'aurais une seule modification à faire. Le ministre d'Etat au Développement économique, le député de Fabre, remplacera le député de Rosemont comme membre de la commission, parce que nous allons probablement aborder la question des richesses naturelles au cours de cette séance. M. le ministre d'Etat au Développement économique sera le porte-parole du gouvernement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord, M. Landry (Fabre) en remplacement de M. Paquette (Rosemont).

Je céderai la parole au chef de l'Opposition officielle.

Les pouvoirs économiques (suite) M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, je pense qu'à un certain point de vue il est très heureux que la question des pouvoirs économiques ait été inscri- te à l'ordre du jour des travaux de la révision constitutionnelle. Il est évident, si on s'en reporte aux formulations dont on discutera tantôt, qu'on est encore actuellement au premier stade de la discussion de ce sujet extrêmement important. Mais il serait impossible, absolument impensable, d'envisager une révision de notre système fédéral de gouvernement sans qu'on examine très attentivement la question du partage des pouvoirs en matière économiaue.

La fédération canadienne, vous le savez tous, a pris naissance d'abord à partir de raisons économiques. On a voulu faire une union économique; cela a été le motif déterminant qui a amené le Haut et le Bas-Canada du temps à contracter une alliance avec les provinces atlantiques et qui a amené également les provinces de l'Ouest à se joindre à la fédération. Les motifs économiques qui ont présidé à la naissance de la fédération sont encore plus importants aujourd'hui qu'ils ont pu l'être à cette époque-là.

En entendant hier certaines interventions, j'avais l'impression que, si on laissait continuer la logique qui paraissait les inspirer du côté gouvernemental, il faudrait avant longtemps s'interdire de parler de libre circulation des biens, des capitaux et des services. Je rappelle à nos amis du gouvernement que, dans leur propre programme, lorsqu'il était question d'association économique, ils parlaient pourtant de libre circulation des personnes, des biens et des services avec une abondance verbale qui contraste singulièrement avec les réserves qu'ils retrouvent dès qu'on parle du même sujet sous un régime fédéral. Pourtant, un régime fédéral, par sa nature même, devrait être plus propice à la libre circulation des biens, des capitaux et des services que le régime d'association économique que proposait — on ne sait pas s'il le propose encore — le Parti québécois.

Je voudrais soumettre quelques observations ce matin, M. le Président, groupées autour de quatre ou cinq thèmes principaux. D'abord, je suis frappé de constater le caractère surtout défensif et négatif de la position adoptée par le gouvernement. Mon collègue, le député de Notre-Dame-de-Grâce, fera plus tard, au cours de cette discussion, une critique plus détaillée du texte qui a été déposé à la table de la conférence constitutionnelle par le ministre des Affaires intergouvernementales en réponse aux propositions qui avaient été formulées par le gouvernement fédéral et aux explications qui accompagnaient ces propositions.

Je me contente de souligner que j'ai été frappé de constater le caractère essentiellement défensif de ce document et, si je regarde les deux conclusions qui viennent à la fin de ces quelque 20 pages de raisonnement, je pense pouvoir dire que la montagne a accouché d'une souris. Si ces deux paragraphes qui viennent à la fin du document devaient être là position du gouvernement en matière de partage des pouvoirs économiques, je pense qu'on en serait à un menu très mince.

J'écoutais avec beaucoup d'intérêt, hier soir, l'intervention du ministre des Finances; j'aurai l'occasion d'en parler sous plusieurs aspects au cours de mes remarques. Je voudrais simplement lui rappeler qu'il a l'art des raccourcis brillants, mais parfois partiels. Par exemple, lorsqu'il a fait une comparaison avec les Etats-Unis, je ne suis pas sûr que la présentation qu'il a faite du partage des pouvoirs économiques aux Etats-Unis, en particulier de la manière dont sont réparties les attributions du gouvernement fédéral et des gouvernements étatiques aux Etats-Unis et au Canada, pourrait subir la confrontation avec les faits.

Je rappelle au ministre des Finances que le Barreau canadien, dans son rapport sur la réforme de la constitution, écrivait, entre autres, ceci: "En fin de compte, on constate que la protection constitutionnelle dont jouit expressément le marché commun canadien est plutôt mince. Elle ne va pas à la cheville de celle dont bénéficient d'autres fédérations telles les Etats-Unis, l'Australie et l'Inde." C'est une vérité bien connue que la clause "Interstate Commerce" aux Etats-Unis a connu une extension énorme qui permet au gouvernement fédéral de faire des interventions beaucoup plus abondantes et pénétrantes dans tout ce qui regarde le commerce aux Etats-Unis que ce n'est le cas au Canada.

Le ministre des Finances a cité trois instruments dont aurait disposé le gouvernement fédéral pour intervenir dans des situations comme celle qu'il voudrait corriger à l'aide des amendements déposés à la conférence constitutionnelle, en juillet. Je pense que lui-même s'est rendu compte, en le disant, que le pouvoir de désaveu, ça ne veut pas dire grand-chose aujourd'hui. La dernière fois qu'il a été invoqué, je pense que ça remonte aux années de la guerre. C'est un pouvoir qui, à toutes fins utiles, est devenu désuet. Il n'y a pas un auteur sérieux qui prétendrait résoudre quelque problème canadien que ce soit par le recours à ce pouvoir.

Le pouvoir déclaratoire n'a pratiquement plus été utilisé au cours des dernières décennies. Le dernier recours important à ce pouvoir remonte déjà à une trentaine d'années lorsqu'on a déclaré que l'énergie atomique était une matière d'intérêt général. Il a été utilisé principalement, dans le passé, dans le secteur ferroviaire pour raccrocher des bouts de réseaux à un réseau national.

Quant à la clause "paix, ordre et bon gouvernement", elle comporte différentes dimensions, comme nous le savons tous. Là, si j'oublie mes notes, je peux dire des choses inexactes. Il y a, d'abord, la dimension "pouvoir d'urgence"; ça, nous savons que c'est un concept qui est absolument nécessaire dans une fédération. On ne peut pas l'exclure. Si on ne veut pas de clause d'urgence quelque part, autant dire qu'on ne veut pas de fédération. Il s'agit d'en circonscrire la définition et de préciser les circonstances et les conditions dans lesquelles elle pourra éventuellement être utilisée. Ce qu'on peut dire, c'est qu'elle n'a pas été utilisée très souvent au cours des dernières décennies, en dehors des périodes où il y a eu la guerre, où il y a eu les fameuses lois de contrôle des prix et des salaires en 1974; à part cela, il y a eu la Loi des mesures de guerre, qui est une loi spéciale; mais, à part cela, je ne pense pas qu'on ait eu beaucoup d'exemples de recours à ce pouvoir.

Cela comprend la dimension des pouvoirs ré-siduaires; la seule conséquence historiquement qui a découlé de cela, cela a été le pouvoir qui a été donné au Parlement fédéral d'agir en matière d'incorporation des sociétés. Il n'y a pas eu beaucoup de conséquences de cette disposition non écrite de la constitution ou écrite en termes très généraux. Nous autres, dans notre programme, comme vous le savez, nous voulons que les pouvoirs résiduaires soient attribués aux provinces mais, même dans l'état actuel du droit, cela n'a pas été la source de catastrophes que bien des orateurs, peu informés de ces choses, invoquent souvent dans des discours politiques.

Il y avait la théorie des dimensions nationales qui se greffait à ceci. C'est une chose, évidemment, contre laquelle bien des juristes et hommes politiques québécois sont intervenus à maintes reprises, mais il semble, depuis un certain jugement de la Cour suprême en 1976, que même cette dimension a été très nettement circonscrite pour l'avenir.

Encore ici, ces trois pouvoirs ne peuvent pas être invoqués sérieusement comme des recours efficaces devant le genre de problèmes auxquels on a fait allusion dans la présentation du gouvernement fédéral à la conférence constitutionnelle. On a l'impression parfois, surtout à la lecture des textes écrits, plus qu'en écoutant le ministre des Finances hier soir — j'ai bien aimé le ton en général de l'intervention du ministre des Finances — les textes déposés par le gouvernement jusqu'à maintenant, et même le texte du ministre des Affaires intergouvernementales hier matin, avaient une espèce de connotation dramatisante qui laisse supposer chez les adversaires qu'on est peut-être à la recherche d'un thème électoral avec cela. A notre point de vue, il n'y a pas grand-chose pour une campagne électorale là-dedans. Si c'est là-dessus que le gouvernement entend faire sa prochaine campagne électorale, on va être très heureux de le trouver sur le terrain dès dimanche prochain dans le comté de Johnson, si vous voulez venir.

Deuxième point: l'objet principal des négociations constitutionnelles est double...

M. Bédard: J'irai vous voir quand vous viendrez dans la région. On vous attend.

M. Ryan: Oui, j'y vais bientôt. On va aller rectifier certaines choses.

M. Bédard: je comprends que vous admettez que vous vous êtes trompé.

M. Ryan: Non, je parle du résultat. L'objet principal des négociations constitutionnelles dans cette matière me semble devoir être double.

D'abord, les négociations doivent permettre d'établir les pouvoirs dont le Québec a besoin en matière économique. Mais je vous souligne en passant que, sur ce point précis, les interventions qu'on a eues jusqu'à maintenant de la part des porte-parole gouvernementaux ont été étonnamment laconiques et avares de précisions. Deuxièmement, la négociation doit permettre d'établir des pouvoirs dont le gouvernement fédéral a besoin pour que l'union économique voulue de tous puisse fonctionner efficacement et harmonieusement. Tout ce que le gouvernement actuel du Québec nous a dit à ce sujet à ce jour, c'est qu'on ne veut pas que le Québec perde les pouvoirs qu'il a. On voudrait qu'il en ait plus, mais on n'a pas d'autres précisions pour le moment. Ce n'est pas un programme de gouvernement que cela. C'est une position d'un partenaire craintif qui dit à ses alliés: Ne me touchez pas, ne m'enlevez rien de mon butin, vieux terme qu'on a entendu il y a à peu près une cinquantaine d'années. Là, ce qu'on vous demande en vue des conversations qui auront lieu sur cette question, c'est de présenter des propositions précises qui nous sortent du vague où nous sommes actuellement et surtout des positions négatives et défensives qu'on croyait dépassées depuis une vingtaine d'années.

Maintenant, M. le Président, sur cette question des pouvoirs économiques, on a entendu toutes sortes de choses au sujet de la position de mon parti. Que de fois j'ai entendu des propos complètement déformés à propos de ce que proposait le Parti libéral du Québec en ces matières. Il me semble, comme vous nous avez convoqués pour connaître nos vues sur les questions inscrites à l'ordre du jour, qu'il est tout à fait dans l'ordre ce matin que je vous dise brièvement comment nous voyons le partage des compétences entre les deux ordres de gouvernement en matière économique. Le ministre des Finances a esquissé un très bref résumé de certaines de nos positions, hier soir. Son résumé était très fidèle. Je n'ai qu'à l'en féliciter. Mais je voudrais le présenter de manière un petit peu plus élaborée ce matin, sans cependant vous donner un exposé complet qui prendrait des heures et des heures.

D'abord, pour les provinces. Nous croyons que les provinces canadiennes, premières responsables du développement de leurs ressources humaines et physiques, doivent posséder les compétences pour planifier et réaliser l'aménagement de leur espace économique intérieur en conformité avec leurs préférences et leurs orientations. C'est la dynamique interne du fédéralisme qui permet ainsi aux provinces membres de jouir à la fois d'une large autonomie et d'un degré d'initiative élevé, tout en leur donnant la force, par certaines mises en commun, d'affronter les défis économiques qu'elles ne pourraient envisager étant seules. Nous entendons donc confier aux provinces toutes les fonctions qui ne sont pas incompatibles avec la préservation d'un marché commun canadien et toutes celles qui sont essentielles à la préservation des caractéristiques propres de leur population et de leur territoire. (10 h 30)

En ce qui touche le gouvernement fédéral,. nous définissions, dans le chapitre de notre livre beige consacré à la définition des principes directeurs de la réforme constitutionnelle, les grandes lignes de son rôle en matière économique. Je les résume comme suit: Les tâches majeures du gouvernement fédéral seront de gérer l'espace économique commun, d'assurer la bonne marche de politiques nationales dans le domaine de l'industrie et du commerce — j'y reviendrai tantôt — d'assurer une redistribution raisonnable de la richesse entre les provinces et entre les individus et d'agir au nom de tout le pays dans les affaires reliées à la poursuite de la paix et à la défense du territoire. La poursuite de la paix comprend évidemment toutes les activités reliées au développement du commerce et des échanges internationaux. C'est une des grandes dimensions de l'activité de paix que ces échanges qui ont lieu entre pays en matière économique.

Cela dit, nous insistons aussi énormément sur la nécessaire et indispensable harmonisation des politiques économiques entre les deux ordres de gouvernement. L'accroissement des responsabilités provinciales, de même que la taille relative des gouvernements provinciaux par rapport au gouvernement central — thème auquel j'ai fait allusion, hier, dans mon introduction — font en sorte que des leviers économiques très puissants sont désormais aux mains des provinces. Les problèmes structurels d'adaptation économique et de restructuration industrielle seront au centre des grands débats économiques futurs au Canada, comme ailleurs dans le monde. Ils se posent dans des secteurs où les deux ordres de gouvernement ont le plus d'intérêts partagés et de responsabilités conjointes. Les politiques industrielles, les politiques énergétiques, les politiques de transport, les politiques de soutien du revenu sont autant d'exemples de secteurs où la coordination intergouvernementale — ici, nous entendons évidemment coordination entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral, et non pas seulement coordination interprovinciale dont les effets pratiques seront toujours relativement limités — est la seule voie vers l'élaboration d'approches cohérentes et efficaces.

Sur la base de ces principes, nous proposons dans notre document constitutionnel un partage des compétences entre les deux ordres des gouvernements qui s'établit dans les grandes lignes comme suit: d'abord, aux provinces, nous confions tout ce qui touche l'exploration, le développement et la mise en valeur des ressources naturelles. Cela, nous y reviendrons dans un thème qui fait suite à celui-ci; par conséquent, je ne m'y attarde point. Nous confions aux provinces la priorité, la prépondérance en matière d'agriculture étant sauves les responsabilités du gouvernement fédéral en matière de commercialisation nationale des produits et d'inspection des produits. Nous trouvons que c'est mieux d'avoir un système d'inspection pour l'ensemble du pays que deux; nous ne sachions pas, jusqu'à nouvel ordre, que les poulets et les oeufs aient une nationalité quelconque.

Nous soutenons que la politique de main-d'oeuvre devrait relever de la compétence des provinces et tout ce qui l'entoure. Nous soutenons que les relations de travail, sauf dans le cas des sociétés de la couronne du gouvernement fédéral... Pardon?

M. Landry: Résiduaire et accessoire, ce à quoi vous avez renoncé un peu lus tôt. Je m'excuse de vous interrompre, mais cela me frappe. C'est comme accessoire, M. le Président.

M. Ryan: Savez-vous, je n'ai pas parlé de cela, M. le Président. Si le ministre voulait me laisser continuer, je vais être très heureux de répondre à ses questions après, oui. Je pense qu'ici, dans notre document, ce n'est pas du tout résiduaire, c'est nommé.

M. Landry: Ni ancillaire.

M. Ryan: Les relations de travail, c'est nommé dans notre document. Est-ce que c'est clair? Transport routier, aménagement du territoire, commerce local, incorporation des sociétés, faillites, les coopératives et les institutions financières, les professions et les métiers. Tout cela relève des provinces. Le développement régional, compétence prioritaire des provinces, compétence prépondérante. En plus, il y a d'autres fonctions qui ne sont pas d'abord économiques, mais dont les implications et les incidences économiques sont énormes, que nous confions aux provinces, en particulier tous les régimes d'assurances sociales. Tous les régimes qui sont à base contributoire, qui comportent des prestations fondées sur la participation des individus ou des institutions, sont confiés aux provinces. Evidemment, tous les programmes de santé, les programmes d'éducation, les affaires municipales, etc., il nous semble que cela fait un tout très important.

Au gouvernement fédéral, nous confions essentiellement les responsabilités suivantes: d'abord, responsabilité en matière de commerce interprovincial et international, comprenant, entre autres, les responsabilités des douanes, le contrôle sur les investissements étrangers sous réserve de la compétence des provinces en matière d'aménagement de leur territoire, d'exploitation de leurs ressources naturelles, de développement industriel et de développement régional; en plus, la responsabilité des grandes politiques industrielles nationales.

Si vous prenez un secteur comme celui de l'aéronautique, par exemple, il est évident que nous ne pouvons pas avoir dix politiques juxtaposées de développement en cette matière. Pour développer l'industrie aéronautique au Canada, il faut compter absolument sur des contrats qui sont très généralement de provenance étrangère et dont l'octroi est très souvent fait en tenant compte de considérations reliées à la politique étrangère et à la politique de défense des pays. Je pense qu'il saute aux yeux, si le gouvernement fédéral a la responsabilité du commerce interprovincial et international, qu'il a un rôle à jouer, pas facile à définir, pas facile à concilier avec les responsabilités qui incombent également aux provinces là-dedans, en matière de politiques industrielles nationales.

Deuxièmement, nous confions au gouvernement fédéral un rôle dans l'élimination des disparités régionales. Les modalités de ce rôle peuvent faire l'objet de beaucoup de discussions, mais il est très important que le gouvernement fédéral ait des responsabilités explicites en matière de lutte contre les inégalités régionales. Il ne suffit pas, à cet égard, de vagues intentions de principe, il ne suffit pas, non plus, de s'en tenir strictement à l'objectif de la péréquation; ça va plus loin que cela.

Troisièmement, la responsabilité de la politique monétaire et de tout ce qui l'entoure.

Quatrièmement, la responsabilité en matière de concurrence et de monopole. En matière de concurrence, avec beaucoup de nuances sur lesquelles je n'entends pas m'attarder pour l'instant.

Ceci étant dit, j'aimerais ajouter quelques mots au sujet des propositions qui ont été déposées par le gouvernement fédéral à la table constitutionnelle. En premier lieu, je voudrais signaler, comme le ministre des Finances l'a fait hier soir, l'existence de problèmes réels à cet égard. C'est bien facile de se dire: Continuons comme cela fonctionne actuellement, passons vite sur ces questions, tenons-nous-en au statu quo. Cela me semble être à peu près la position du gouvernement actuel, sauf quelques ouvertures qu'a faites le ministre des Finances et sur lesquelles je reviendrai tout de suite. Mais il y a des problèmes réels en ce qui concerne le bon fonctionnement de la libre circulation des biens, des capitaux et des services au Canada. Je pense que la première responsabilité qui nous est imposée comme législateurs, c'est d'essayer de voir ces problèmes avec un oeil réaliste et en toute objectivité.

Malheureusement, le gouvernement actuel ne nous a pas présenté un bon état de la question en ces matières. S'il fallait se fier uniquement à ce qui a émané jusqu'à maintenant du gouvernement, je pense qu'on serait pratiquement à pied d'oeuvre, mais il y a un status quaestionis, il y a un état de la question à établir de ce côté-là de manière qu'on puisse ensuite aborder les améliorations possibles dans un esprit constructif.

Le gouvernement fédéral a déposé trois projets d'amendement constitutionnel, un projet qui introduirait l'article 8 dans la charte des droits dont il a été question hier. Je ne veux pas revenir sur cette proposition particulière parce que nous en avons traité hier. Je pense avoir défini la position de mon parti là-dessus hier.

Il y a une deuxième proposition visant la modification de l'article 91, sous-section II, de lActe de I Amérique du Nord britannique. Cet article, dans sa formulation actuelle... Je n'ai pas le texte devant moi, mais je pense que c'est la clause trade and commerce", comme on I'appelle, qui confère au gouvernement fédéral... Je ne

sais pas quelle est l'expression française, je crois que c'est... En tout cas, ce que le gouvernement fédéral propose, c'est qu'on étende la notion de commerce et d'échange aux biens, aux services et aux capitaux, alors que, dans le texte actuel, ce n'est pas défini.

M. Parizeau: Oui, des produits seulement.

M. Ryan: Ce sont strictement des produits actuellement, c'est ça. Deuxièmement, il propose qu'on confère au gouvernement fédéral la réglementation de la concurrence dans l'ensemble du Canada et la normalisation des produits dans l'ensemble du Canada, dans la mesure nécessaire pour assurer le fonctionnement de l'union économique canadienne.

Je déposerai, pour l'utilité du ministre des Affaires intergouvernementales, une note que m'ont remise, à ce sujet, les conseillers juridiques de notre parti, mais, pour l'instant, je voudrais résumer brièvement notre position comme suit. Il ne nous semble pas qu'il soit nécessaire de procéder à ces amendements. Il nous semble que la clause constitutionnelle actuelle peut se prêter aux ajustements nécessaires, tandis que la formulation proposée par le gouvernement fédéral pourrait nous entraîner fort loin.

Je ne sais pas si j'ai bien compris le ministre des Finances hier. Il a donné un exemple très pertinent quand il a dit: On exerce un contrôle; je ne sais pas quel exemple le ministre des Finances a employé; actuellement, on peut exercer un contrôle sur un secteur très, très limité. D'autre part, il peut se produire des concentrations de pouvoirs dans un domaine comme l'assurance, par exemple, qui échappe à cette clause de la constitution. Je ne pense pas que le ministre des Finances ait voulu suggérer que le contrôle sur les assurances devrait passer sous la juridiction du gouvernement fédéral.

M. Parizeau: Non, je parlais de loi antitrust.

M. Ryan: Très bien. Nous autres, il nous semble qu'introduire toute la notion de commerce, de biens, de services et de capitaux, ça demanderait à être étudié d'une manière extrêmement soigneuse pour éviter qu'on n'ouvre la porte à des élargissements dangereux de compétences. Deuxièmement, la réglementation de la concurrence dans l'ensemble du Canada; comme c'est formulé là, c'est beaucoup trop général. Il faut surtout éviter que la compétence en matière de commerce local et provincial ne soit transposée du côté fédéral par le biais d'un amendement qui ouvre des portes aussi larges.

Ensuite, on parle de la normalisation des produits dans l'ensemble du Canada. A condition qu'on veuille se limiter à la normalisation technique des produits, nous n'avons pas d'objection, je l'ai dit hier à propos d'un autre secteur; en matière de communications, je pense qu'il serait ridicule que nous ayons au Canada dix autorités différentes en matière de normes techniques sur les appareils, par exemple, de réception ou d'émission de programme. Il serait ridicule qu'on soit dans un pays où il y aurait dix systèmes de normes techniques différentes. Nous croyons qu'il y a des avantages évidents et même une nécessité économique incontestable à ce qu'en matière de normalisation proprement technique une compétence peut-être encore plus précise soit donnée au gouvernement fédéral.

En matière de lutte contre les monopoles, je vous dirai que j'ai un petit problème M. le Président, que vous allez me pardonner. J'ai une note devant moi dont j'ai peine à comprendre l'écriture. C'est une note très précise et je vous la donnerai au texte, si ça vous intéresse. Je pense que ça pourra être utile. Mais essentiellement, je n'ose même pas résumer parce que ça m'a été remis juste avant la réunion tantôt et je ne veux pas prendre le risque de fausser la pensée de l'auteur. Peut-être un peu plus tard, si vous me le permettez, quand d'autres parleront, ça me fera plaisir de compléter l'intervention là-dessus. J'aurais une couple de vérifications à faire avec l'auteur.

En ce qui touche maintenant...

M. Morin (Louis-Hébert): Vous n'êtes pas le seul à avoir ce problème-là.

M. Ryan: Non, mais je vous ai quand même donné des choses précises sur l'article 91.2. Je pense que je vous ai donné, quant à l'essentiel, la position de notre parti et cette position est inspirée des notes qu'on m'a remises, mais il y a une couple de points techniques sur lesquels je ne veux pas m'aventurer sans être bien sûr de l'intention de l'auteur. Avec votre permission, un peu plus tard, je ferai une intervention ponctuelle sur cette question.

En ce qui touche l'article no 121, le gouvernement fédéral propose une nouvelle formulation qui aurait pour objet d'élargir sensiblement sa compétence dans tout ce qui touche la libre circulation des biens, des capitaux et des services au Canada. Nous considérons qu'il y a des problèmes. La commission Pepin-Robarts en avait relevé un grand nombre; nous en avons relevé nous-mêmes dans des études que nous avons faites à ce sujet, et les experts que nous avons consultés en cours de route ont presque été unanimes à nous souligner que, dans le fonctionnement de l'union économique canadienne, encore une fois, il y a des redressements importants qui s'imposeraient. Nous ne sommes pas favorables à la formulation proposée par le gouvernement fédéral parce que c'est une formulation qui ouvrirait la porte à un élargissement des compétences fédérales susceptibles d'entraîner logiquement, en conséquence, un amenuisement des compétences provinciales dans des domaines que nous jugeons essentiels en ce qui touche l'autorité des provinces. (10 h 45)

Par conséquent, il faudra travailler, selon nous, à clarifier l'article actuel, qui porte le no 121, dans la constitution, parce qu'il n'est pas satisfaisant. Et prétendre faire une révision constitu-

tionnelle en se disant qu'on ne touche pas du tout à cet article-là, qu'on aime autant ne pas réveiller les morts, nous semblerait une attitude pusillanime et défensive, incompatible avec le type de leadership que le Québec doit offrir en matière de révision constitutionnelle. D'autre part, il faut que les provinces conservent leur compétence en matière de commerce local et provincial, en matière de droit civil, en matière de droit du travail, en matière de réglementation des professions. Nous sommes tout à fait d'accord — et je conclus par ceci — pour considérer que, si nous avons un régime fédéral, il est inévitable, en pratique, que les décisions de chaque gouvernement dans les secteurs économiques qui relèvent de sa compétence entraîneront des différences d'une province à l'autre. C'est évident en matière, par exemple, de zonage agricole, d'aménagement du territoire, de législation en tout ce qui touche le droit des sociétés commerciales et industrielles, en matière de politique de développement régional, même en matière de politique d'achat, jusqu'à un certain point, et aussi longtemps qu'existent des disparités dans le pays.

Si on avait l'égalité parfaite de conditions d'un bout à l'autre du pays, si, par exemple, on avait exactement — ce qui est possible en théorie, mais impossible en pratique — les mêmes niveaux de productivité, de prospérité, de revenus pour toutes les régions, on pourrait peut-être envisager des clauses beaucoup plus sévères. Mais, tant qu'il existe des différences dans le niveau de l'économie de chaque partie du pays, c'est évident qu'il y aura des différences importantes dans les situations concrètes créées par les politiques des gouvernements. Certains gouvernements voudront être plus interventionnistes en matière de propriété d'entreprises, par exemple, en matière d'intervention directe dans l'économie. D'autres voudront être plus réservés. Alors, il y aura toutes sortes de différences et je ne pense pas qu'on pourrait les amenuiser par la rédaction d'une clause générale qui donnerait des pouvoirs très étendus au gouvernement fédéral.

Je peux dire au ministre des Finances que nous sommes d'accord avec lui pour considérer que plusieurs des problèmes qui se posent actuellement seront beaucoup mieux résolus par les voies de la négociation et de la conversation civilisée que par les voies de l'imposition unilatérale.

Cela dit, je rappelle au gouvernement qu'il a son travail à faire en matière de pouvoirs économiques. Ce sujet a maintenant été ouvert avec l'acquiescement du gouvernement actuel du Québec et il incombe au gouvernement actuel de pousser — tant qu'il sera au pouvoir — plus loin le travail et de nous présenter une contrepartie positive en complément des positions presque uniquement défensives ou négatives qu'il a défendues jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le chef de l'Union Nationale.

M. Michel Le Moignan

M. Le Moignan: M. le Président, suite aux remarques du ministre des Finances d'hier et de celles du chef de l'Opposition officielle, après avoir considéré les documents soumis par Ottawa, le Québec et la Saskatchewan, je pense que ces documents illustrent bien le conflit qui oppose les deux ordres de gouvernement, surtout en matière économique.

Comme je l'ai dit hier, nous sommes toujours en face de deux conceptions du fédéralisme canadien, deux conceptions qui se font face et, en même temps aussi, deux façons d'envisager le renouvellement de nos structures fédérales. Je crois que c'est symptomatique du problème qu'on vit, et le conflit en matière de pouvoirs économiques illustre ces deux conceptions qui s'affrontent.

On sent très bien que le gouvernement fédéral veut nous entraîner de plus en plus vers une centralisation de l'économie, tout replacer, en somme, entre les mains du pouvoir central sous prétexte que l'union économique canadienne est présentement en péril et qu'il faudrait la rendre plus efficace. Alors, ce vocabulaire m'étonne quelque peu et surtout cette façon d'aborder le partage des pouvoirs économiques entre les deux ordres de gouvernement. Pour nous, c'est pour le moins surprenant.

Si on se reporte à la campagne référendaire — ici, je veux préciser la lutte que nous avons menée au sein du comité du non, les Québécois pour le non. A moins d'erreur, il me semble que nous étions tous unanimes de ce côté-là, tous les partis politiques représentés et surtout, je crois, les ténors du gouvernement fédéral. Nous avons été explicites pour vanter les mérites de l'union économique canadienne telle qu'elle existait à ce moment-là. Personnellement, je n'ai pas manifesté le moindre soupçon devant la possibilité d'un début de crise quelconque. Voici que quelques mois plus tard on parle maintenant de balkanisation et on veut placer l'accent, on insiste beaucoup sur cette nécessité, sur l'urgence de sauver l'union économique canadienne.

Il y a là, à mon avis, une question de stratégie, c'est bien évident. Je tiens à affirmer qu'autant pendant la campagne référendaire qu'actuellement nous somme prêts à défendre les mêmes affirmations, à savoir que l'union économique canadienne, telle qu'elle existe, a fait la preuve de sa solidité et aussi de son bon fonctionnement. Nous devons, à mon avis, aussi la conserver. Qu'il y ait des choses à améliorer, qu'il y ait des pouvoirs à clarifier, je crois que nous sommes tous d'accord, mais tout chambarder de fond en comble, je crois que c'est un autre problème.

Quand on regarde toujours la position du gouvernement fédéral, on nous dit que le meilleur moyen pour donner plus de pouvoirs au gouvernement fédéral, c'est de canférer un rôle d'arbitre aux différents tribunaux. Le fédéral — on l'a vu hier — manifeste un peu la même attitude quand il

s'agit, par exemple, de la charte des drois, même si le problème se pose ici de façon un peu différente. Il semble qu'on retrouve, encore là, la même conception fédéraliste vis-à-vis de l'économie et vis-à-vis d'autres droits importants qui concernent les deux ordres de gouvernement ici au Canada. Mais, au niveau des provinces, dont le Québec et la Saskatchewan nous semblent à ce moment-ci les porte-parole les plus fiables, les plus visibles, loin de nier la nécessité d'améliorer l'union économique canadienne, on cherche non pas à s'en aller vers une centralisation des pouvoirs en matière économique, mais vers une plus grande décentralisation; sinon vers une augmentation des pouvoirs des provinces, du moins encore vers une meilleure clarification de ces pouvoirs. On ne veut pas diminuer, évidemment, les pouvoirs des provinces quand il s'agit d'économie. Je crois que c'est une des raisons pour lesquelles la constitution actuelle...

L'Union Nationale, qui a publié un document il y a déjà quelques années, n'a pas renoncé à la position et à l'engagement qu'elle soutenait à ce moment-là face aux problèmes économiques, au problème global, aux problèmes qui concernent les relations entre le Québec et le Canada. Je vous lis simplement quelques petits extraits du document économique que nous avons publié, que nous avons rendu public en novembre 1978. Je cite le document: "Le gouvernement canadien a une responsabilité certaine au niveau des politiques commerciales et douanières. Toutefois, le mandat de développement économique d'une région ou d'un Etat constituant, en l'occurrence, une province incombe à cet Etat seulement. Le gouvernement central doit, de par ses devoirs et son mandat, avoir des politiques nationales. Les politiques régionales doivent relever des provinces. Dans la ligne des Duplessis, Sauvé, Johnson et Bertrand, un gouvernement de l'Union Nationale réclamera la priorité législative et administrative en matière de développement régional au Québec et verra à être compensé pour les sommes que les Québécois paient au fédéral pour les dépenses faites par ce dernier dans ses programmes de développement régional, notamment ceux administrés par le ministère de l'Expansion économique régionale. Ayant ainsi récupéré ses droits et ses moyens, le gouvernement du Québec pourra alors rationaliser ses programmes de développement en fonction des besoins économiques de ses citoyens et de leur droit de s'épanouir dans leur milieu, dans leur région."

Tout récemment, je lisais dans le Soleil un éditorial de Marcel Pepin qui rejoint également nos positions. Comme c'est très court, je voudrais également vous le citer: "Malgré le bien-fondé de son objectif, le gouvernement fédéral, s'il veut vraiment harmoniser les rapports entre chacune des régions du pays, devrait éviter de poser de nouvelles exigences aux répercussions difficiles à mesurer. Pour assurer l'unité du Canada, il n'est ni nécessaire, ni souhaitable d'éliminer la spécificité des régions et surtout la spécificité québécoise. Au contraire, on ne peut concevoir d'unité sans le maintien d'un contrepoids provincial assez articulé pour bloquer toute mesure indûment centralisatrice d'Ottawa, surtout en matière économique. A quoi sert de garder un cadre fédéraliste si le pouvoir provincial est amputé de sa capacité législative en matière économique? M. Chrétien devrait modérer ses exigences; autrement, il faudra conclure qu'il vise en réalité à créer un Etat unitaire sans le mot."

Quand on regarde le document de la Saskatchewan, à la page 3, on voit que la Saskatchewan rejoint également les préoccupations du Québec et les préoccupations de ceux qui s'intéressent aux relations fédérales-provinciales. Je cite un petit paragraphe de ce document: "La lacune de la perspective fédérale, selon nous, repose moins dans la présentation des faits que dans le sentiment de crise qui est communiqué, dans le manque de confiance à l'égard du régime politique canadien et dans la prétention que les leaders politiques devraient céder au régime judiciaire la responsabilité qu'ils ont de maintenir l'union économique." Je crois que ceci est très important si on veut réellement en arriver à une entente de principe entre le Québec, les provinces et le gouvernement central.

Nous savons tous que le premier ministre du Canada, quand il ne peut avoir la mainmise, au lieu de négocier avec ses partenaires canadiens, au lieu d'envisager avec eux les problèmes purement politiques, préfère souvent s'adresser aux tribunaux pour régler de tels problèmes. On sait très bien que le tribunal est l'interprète de la loi; il ne fait pas la loi, à moins que la loi ne soit vague au point que les tribunaux en soient réduits à jouer le rôle de législateurs. Je crois que c'est une partie stratégique du gouvernement fédéral et, en appliquant ceci, cela peut amener graduellement l'érosion du pouvoir législatif et, surtout, affaiblir les lois qui seront votées par les provinces.

Nous croyons que la nouvelle constitution devra conférer un rôle essentiel aux provinces en matière économique pour qu'elles s'occupent, sur leur territoire, de toutes les matières qui sont de leur responsabilité. Le contraire, pour les provinces, serait certainement un suicide. (11 heures)

Quand je parle des pouvoirs des tribunaux, je songe, par exemple, à l'attitude du gouvernement quand il s'est agi des ressources au large des côtes de Terre-Neuve. Au lieu de s'asseoir comme l'avait fait le gouvernement Clark, au lieu de traiter politiquement avec la province de Terre-Neuve, M. Trudeau a préféré s'adresser aux tribunaux. Il a demandé aux tribunaux, à ce moment-là, de jouer le rôle de législateurs.

Ici encore, il y a une très bonne mise en garde, dans le document de la Saskatchewan, concernant le rôle du judiciaire face aux lois et aux pouvoirs des différents gouvernements. Je pense qu'il serait bon, ici encore, de rappeler à votre attention quelques-uns de ces courts paragraphes pour mettre le doigt sur le danger qu'il y a quand le gouvernement, qu'il soit fédéral ou provincial, refuse de prendre ses responsabilités et préfère

s'en reporter surtout au judiciaire qui, dans les circonstances, va trancher, malheureusement souvent au détriment de la partie la plus faible ou de celle qui a le moins de pouvoirs.

Voici ce qu'on dit dans le document de la Saskatchewan: "Suivant la proposition fédérale, une large part de la responsabilité de la gestion de l'économie serait cédée au judiciaire. C'est aux tribunaux qu'il reviendrait de décider si une loi ou une pratique établit des distinctions d'une manière qui entrave indûment le fonctionnement de l'union économique canadienne. C'est aussi aux tribunaux qu'il reviendrait de décider si un règlement ou des normes sont raisonnablement nécessaires pour le bon fonctionnement de l'union économique canadienne. Ce sont là des questions qui requièrent un jugement économique des questions où interviennent souvent les politiques de deux gouvernements responsables. Les tribunaux n'ont pas les compétences voulues pour prendre les décisions dans ce domaine. Nous sommes d'avis qu'il serait irresponsable, de la part des gouvernements canadiens, de céder la responsabilité de ces décisions économiques à la fois difficiles, variables et diversifiées. Des gouvernements responsables qui fonctionnent en collaboration doivent prendre sur eux de régler les problèmes que pose l'union économique. Il est inacceptable de s'en remettre au judiciaire pour les résoudre."

Je crois que cette position est passablement claire et bien établie et elle permet au Québec, avant d'aborder la ronde finale des négociations, de s'assurer que, dans ce domaine, la province n'aura absolument à céder sur aucun point précis.

L'Union Nationale favorise donc les positions de la Saskatchewan et aussi du gouvernement du Québec dans la façon dont on envisage le partage des différentes compétences économiques et qui se réfèrent alors de nos deux gouvernements.

Nous croyons beaucoup plus à l'esprit d'une coopération constante et intelligente entre les mains de l'un ou l'autre de ces deux ordres de gouvernement. Ici encore, la Saskatchewan, dans le même document, à la page 6, insiste également sur ce point-là.

Notre façon de voir rejoint, je crois, les propos d'hier soir du ministre des Finances qui, lui aussi, disait qu'il faut viser, en matière économique, à une harmonisation des politiques par la voie des négociations entre des partenaires égaux. Je pense que cette façon de voir est conforme à ce qu'on peut appeler une vision québécoise du renouvellement de la fédération canadienne et il me semble que les différents partis devraient appuyer cette prise de position. Pas parce qu'on veut faire l'unité économique des différentes composantes. Ce n'est pas pour ça qu'il faut en venir à une uniformisation sur tout le territoire. Quand on parle d'unité, on ne parle pas nécessairement d'uniformité et, si nous avons ici unanimité, c'est donc dire que les propositions fédérales sont inacceptables pour le Québec et je crois que les propositions de la Saskatchewan sont un excellent guide pour nous dans les circonstances. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. Samson: M. le Président, j'ai presque envie de commencer mon intervention en taquinant un peu le ministre des Affaires intergouvernementales ou le gouvernement, si on veut. En effet, si on tente de résumer les interventions gouvernementales d'hier, on en arrive presque à croire que le gouvernement serait favorable à un Québec libre et indépendant dans un Canada fort et uni, tellement ce qu'on nous a dit est contradictoire.

D'une part, on tente de nous dire qu'on veut une constitution nouvelle et, d'autre part, on prend toutes les mesures pour ne pas y arriver. Evidemment, le tout devant résulter — selon la publicité qui a été annoncée et dont certains échantillons ont déjà commencé à percer — en une négociation d'égal à égal, laissant supposer que le gouvernement du Québec devrait contrôler 50% des parts et, dans sa grande générosité, laisserait 50% des autres parts aux neuf autres gouvernements ainsi qu'un gouvernement central. Il faudrait peut-être, dans un cas comme celui-là, soumettre cette question à la loi antitrust.

M. le Président, ceci dit, je considère quand même que, en matière économique, il doit y avoir des pouvoirs de définis et ces pouvoirs ne doivent pas entraver la bonne marche des provinces. Nous devons considérer que, dans un Etat fédéral, cependant, il doit y avoir un certain ordre susceptible de permettre que l'Etat fédéré vive normalement, que les dispositions que l'on retrouvera dans la constitution à cet effet ne soient pas des dispositions susceptibles d'entraver la bonne marche de la vie de cet Etat fédéré à tout moment. Donc, il est important que, dans cette constitution, nous retrouvions des pouvoirs définis et définis clairement, laissant le moins possible de possibilités d'interprétation et, par le fait même, le moins possible de possibilités d'aller vers les tribunaux pour se faire dire qui es; responsable de quoi. C'est donc pourquoi je considère qu'il nous faut favoriser une formule selon laquelle les pouvoirs seraient clairement définis.

Je considère que, dans le document fédéral, il y a, bien sûr — et là-dessus, on se rejoint un peu, peut-être pas aux mêmes paragraphes, mais, en tout cas, à certains endroits — une philosophie qui se dégage, qui, tout en voulant protéger le marché canadien, tout en voulant protéger le commerce, tout en voulant protéger les pouvoirs économiques, tout en voulant protéger, par extension, les citoyens évidemment, semble vouloir centraliser davantage, dans certains cas, alors que la décentralisation est plus à la mode et plus acceptable.

Evidemment, quand le gouvernement fédéral me parle de garanties constitutionnelles, du droit de tout citoyen de s'établir, de gagner sa vie et d'acquérir des propriétés dans toute province, quel que soit le lieu de sa résidence, je vous avoue que je suis sympathique à cette idée, car, il faut bien faire son lit, on accepte de vivre dans un Etat

canadien ou on n'accepte pas. Si on n'accepte pas, ce genre de choses nous semble inacceptable, mais si on accepte de vivre dans un Etat canadien, il faut permettre à tous les Canadiens de se retrouver d'un bout à l'autre du pays et de se sentir chez eux dans ce pays.

Quant à l'autre question, la révision de l'article 121, je pense qu'il faut être plus prudent. Il faut peut-être rattacher, cependant, une partie des interrogations gouvernementales québécoises à la charte des droits fondamentaux de la personne, ce qui fait qu'on pourrait disséquer les pouvoirs économiques comme tels en matière de financement, en matière de commerce, etc., parce que je considère que les pouvoirs économiques doivent être là pour permettre au citoyen vivant dans une société de gagner sa vie, de faire vivre sa famille. En fait, les institutions doivent exister en fonction des besoins des personnes et non les personnes en fonction des besons des institutions. J'accorde beaucoup plus d'importance, à ce moment, aux droits de la personne de circuler librement, de pouvoir gagner sa vie, d'acquérir des propriétés, quel que soit le lieu de sa résidence au Canada, en tenant compte des particularismes de chaque province en matière d'économie.

Cela dit, cela nous amène à penser en fonction d'une définition générale des pouvoirs devant relever du gouvernement central et devant relever des provinces. Les pouvoirs économiques peuvent être étendus, parce que presque toutes les activités ont des connotations économiques. Le gouvernement fédéral pourrait, à titre d'exemple — c'est un document de travail que je cite également — conserver ses pouvoirs en matière de défense nationale. Vous allez me dire que la défense nationale, ce n'est pas de l'économie directe, mais c'est quand même un moteur économique. En tout cas, quand on donne des contrats, c'est important pour les travailleurs qui doivent exécuter ces contrats.

Les postes et les douanes, c'est la même chose, doivent relever du gouvernement fédéral; les transports ferroviaires aussi devraient continuer à relever du gouvernement fédéral; les transports aériens interprovinciaux et internationaux; la radio-télévision devrait continuer à relever du gouvernement fédéral, à l'exception, toutefois, de celle du type éducatif et culturel, plus particulière à certaines provinces; la monnaie nationale, bien sûr; toutes les affaires extérieures — si j'inclus cela dans le document économique, c'est qu'elles ont aussi des connotations économiques — sauf celles relevant exclusivement des juridictions provinciales où il pourrait y avoir des ententes pour que la province ait des droits prépondérants en ces matières.

On pourrait aussi laisser au gouvernement central le pouvoir de prélever des taxes indirectes, les institutions bancaires, les travaux publics fédéraux, le développement économique national, mais dans le respect des priorités des provinces; les sports et les loisirs nationaux, vous allez me dire que ce n'est peut-être pas tellement économique, mais aujourd'hui, les sports et les loisirs se sont tellement développés qu'il y a là aussi connotation économique, au moins pour ceux qui y gagnent leur vie; le tourisme à dimension nationale et internationale. (11 h 15)

Quant aux juridictions provinciales, je pense qu'on devrait laisser aux provinces le commerce, la fiscalité directe, les droits successoraux, les richesses naturelles, la santé et les affaires sociales — cela a une drôle de connotation économique. Quand on regarde les budgets de la santé et des affaires sociales, il y a un pouvoir économique là-dedans qui est distribué à la population soit en services de santé ou en aide sociale. Je pense que cela doit relever des provinces. L'éducation, les sports et les loisirs doivent aussi relever des provinces. Le transport routier doit relever des provinces.

Maintenant, il y a une chose qui n'a pas été mentionnée souvent, mais notre réflexion nous a amené à croire que ce serait valable, en tout cas, d'envisager cette voie: le transport aérien provincial devrait relever de la juridiction des provinces. La radio-télévision éducative et culturelle, la câ-blodistribution, les institutions financières, l'agriculture, le travail. Là, j'ouvre une parenthèse quand je dis le travail parce que j'ai fait une intervention hier pour souligner dans quelle proportion certains travailleurs étaient victimes d'injustice. Comme le gouvernement de la province ne corrige pas ces injustices et comme nous pensons à une constitution en fonction de l'avenir et non pas seulement en fonction du passé, je présume que les injustices pourraient aussi apparaître dans l'avenir.

Donc, il serait très important que nous retrouvions des garanties dans la constitution — cela se trouverait au chapitre de la charte des droits de la personne — qui diraient que chaque citoyen a le droit de gagner sa vie, que le droit au travail est un droit reconnu et qu'en conséquence, on n'empêche aucun citoyen canadien de pouvoir gagner sa vie; évidemment, tout en tenant compte des compétences, des professions ou des métiers. Mais il reste qu'il n'y a pas que des professions et des métiers; il y a aussi des gens qui ont le droit de gagner leur vie et qui n'ont pas de profession et pas de métier. Ces gens-là ont aussi des droits et il faut les reconnaître.

Malheureusement, dans le cas présent, il y a trop d'exemples qui démontrent que, presque tous les jours, dans nos bureaux de comté, des gens se plaignent de frustrations, des gens qui veulent travailler et à qui on refuse le droit au travail par des mesures de contingentement, par des mesures de réglementation gouvernementale, en même temps que l'on annonce ou que l'on a annoncé dernièrement que toute personne qui refuserait du travail se verrait couper son aide sociale. Quand il y a tant de chômage, que, d'une part, le gouvernement se permet de dire que, s'il y a quelqu'un qui refuse du travail ou encore qui quitte son travail, il se verra pénalisé et que, d'autre part, celui qui veut travailler, on l'empêche de travailler, il y a là quelque chose de contradictoire et il y a quelque chose qu'il faut corriger absolument.

Les affaires culturelles, évidemment, deviennent aussi des matières économiques. Les affaires municipales et l'urbanisme doivent relever des provinces, quant à notre réflexion, ainsi que le tourisme, la chasse, la pêche et les travaux publics.

Maintenant, j'en profite pour dire que, selon nous, tous les accords internationaux concernant les matières qui sont de juridiction provinciale exclusive doivent être des sujets qui relèvent des juridictions provinciales. Mais il y a — et on n'en a pas souvent parlé au cours de la journée d'hier, je pense — des juridictions partagées à prévoir. Sur des choses, même si on se tire les cheveux entre le fédéral et les provinces, on va se les tirer longtemps et on ne trouvera pas la vraie solution parce que ce n'est pas facile de laisser à l'un ou à l'autre l'entière responsabilité ou juridiction. Par exemple l'immigration. Qu'on le veuille ou non, même s'il peut paraître souhaitable à certaines provinces — et au Québec, en particulier, dans ce domaine — d'avoir pleine et entière juridiction sur l'immigration, il faut quand même admettre que pleine et entière juridiction sur l'immigration, ça voudrait dire un Québec indépendant. Aussi longtemps qu'on n'accepte pas un Québec indépendant et qu'on veut demeurer dans une confédération, on doit admettre que la libre circulation des personnes fait que, si nous avions pleine et entière juridiction sur l'immigration, cela voudrait dire que les immigrants reçus par nous pourraient, le lendemain, se diriger vers l'Ontario et y être reçus parce qu'ils sont dans le même pays et, finalement, notre juridiction en cette matière ne serait que folklorique.

C'est pourquoi je pense qu'il y a là un sujet de juridiction partagée avec, évidemment, un pouvoir de décision finale aux mains du gouvernement central. Parce que c'est quand même dans ce pays que les immigrants viennent; ils ne viennent pas dans une province en particulier.

La recherche scientifique doit être, je pense, un ouvoir partagé. La mobilité de la main-d'oeuvre et la formation professionnelle doivent aussi être un pouvoir partagé, pour les raisons que j'ai mentionnées tantôt et aussi pour reconnaître le fait qu'un Canadien est un Canadien d'un bout à l'autre du pays, de l'est à l'ouest, et qu'un Canadien devrait pouvoir, selon les besoins et ses capacités, gagner sa vie où bon lui semble ou, encore, là où il y a de l'emploi disponible pour lui dans le Canada.

L'environnement pourrait aussi être une juridiction partagée. La protection des consommateurs aussi. Il y a double emploi dans ces domaines. Plutôt que d'avoir double emploi, je pense qu'il vaut mieux aller vers des juridictions partagées et en collaboration.

Le transport par eau intérieure, la même chose. L'industrie et le commerce extérieurs pourraient aussi faire l'objet d'ententes. Je considère que le commerce extérieur relève du gouvernement fédéral normalement, mais cela pourrait faire l'objet d'ententes pour que le commerce extérieur ne pénalise pas une province au profit d'une autre province, mais que les réglementations du commerce extérieur tiennent compte de la réalité économique, de la capacité des provinces, des richesses des provinces. Il y a des provinces riches, des provinces moins riches et des provinces pauvres. Le commerce extérieur devrait tenir compte, dans ses réglementations et ses contingentements, de ces choses.

Maintenant, cela ne relève pas nécessairement du domaine économique, mais il y a une chose que j'ai oublié de mentionner hier. Elle a été mentionnée par d'autres, mais, là-dessus, je n'ai pas tout à fait le même point de vue que le gouvernement. En matière de partage des pouvoirs — quand on parle d'économie, on parle de partage des pouvoirs; alors, cela peut s'inscrire dans cette discussion — tous les pouvoirs non prévus dans la constitution à venir, jusqu'à ce qu'ils soient précisés par entente entre les parties constituantes ou par amendement à la constitution, suivant une formule d'amendement incluse dans la constitution, je dis que tous les pouvoirs non prévus ou résiduaires, si on veut, aussi longtemps qu'ils ne font pas l'objet d'ententes ou qu'ils n'ont pas été adoptés par voie d'amendement, devraient être des pouvoirs partagés, en attendant.

Ceci dit, je crois que le gouvernement du Québec se doit, si on veut montrer du sérieux, de préparer quelque chose qui se tienne, quelque chose qui aille dans le sens du maintien de la fédération canadienne et qui change un peu sa philosophie. Hier, on a assisté à une espèce de jeu parlementaire qui fait que, finalement, tout ce que le gouvernement a eu à nous dire, cela a été ses doléances contre les documents fédéraux. Lorsque j'ai interrogé le ministre des Affaires intergouvernementales pour savoir quelle était sa position, par exemple dans le domaine du rapatriement et de la formule d'amendement à la constitution, il n'y avait rien de prêt. Il n'y avait rien de prêt et il ne nous promet pas d'en préparer non plus. Moi, M. le Président, c'est bien beau, je suis bien prêt à les écouter longtemps, mais il reste une chose; ce que j'ai entendu hier, ils ont critiqué constamment les documents des autres et ils n'ont pas préparé de documents étoffés et valables pour qu'on puisse critiquer leurs propres documents.

En attendant qu'ils trouvent le moyen de faire leur nid, on se trouve un peu entre deux eaux. Le ministre des Affaires intergouvernementales arrive. Quand on lui pose des questions, il patine à reculons comme les meilleurs joueurs de défense de hockey le font. J'aimerais bien le voir jouer comme un joueur d'avant. Ce serait probablement mieux que de le voir jouer comme un joueur de défense, à ce moment-ci.

M. Morin (Louis-Hébert): Je ne suis pas assez payé pour cela!

M. Bédard: ... par rapport aux joueurs de hockey!

M. Samson: Du pouvoir économique, d'abord. M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, j'aimerais en quelques minutes replacer dans son contexte la discussion que nous avons sur les pouvoirs économiques. Je pense qu'il faut revenir sur ce fait que les propositions fédérales d'amendement ont été déposées le 8 juillet, sauf erreur, sans préavis, sans indication, même que c'était, dans l'esprit du gouvernement fédéral, un morceau essentiel des négociations constitutionnelles qui, jusqu'alors, non pas seulement dans la phase que nous connaissons, mais dans la phase de la dernière année et demie, n'était jamais apparu dans le portrait. Encore une fois, j'ai utilisé hier soir l'image d'un pavé dans la mare; sans aucun préavis, deux amendements, ou des amendements à deux articles essentiels de la constitution sont simplement déposés sur la table dans la troisième semaine de cette espèce de marathon qui avait lieu entre les délégations. Forcément, le ministre des Affaires intergouvernementales, comme le disait le député de Rouyn-Noranda, s'est immédiatement porté comme joueur de défense, ce qui était très rigoureusement son rôle. Quand le "puck" arrive, on trouve toujours utile d'avoir un joueur de défense devant les buts. Le problème ne consiste pas...

M. Morin (Louis-Hébert): Est-ce que ça répond à votre question?

M. Samson: Ce qui est arrivé, vous allez peut-être trouver tantôt que c'est vous qui allez avoir les "pucks".

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, parce que l'arbitre va décerner des punitions!

M. Parizeau: II est donc évident que, dans le cadre d'une discussion portant essentiellement sur le 91 et le 121, il était parfaitement inutile, dans les trois semaines qui ont suivi, de commencer à rouvrir tous les autres articles pertinents à l'économie dans la constitution. Ce n'est pas de cela que le fédéral voulait parler. Dans le rapport que nous faisons à la commission parlementaire, on fait rapport de quoi? Evidemment, on fait rapport de la façon que le "puck" est arrivé, de la façon qu'on réagit et de la façon que tous les partis politiques réagissent à ce sujet. Je dois noter à cet égard, M. le Président, je pense, avec beaucoup de satisfaction, que tous les partis ici autour de cette table semblent avoir les mêmes objections fondamentales, si l'on veut, que nous aux libellés de 91 et de 121 qui ont été déposés. Je pense que c'est quand même important de le souligner parce que, effectivement, comme j'ai essayé de le dire hier soir, si ces amendements à 91 et à 121 étaient acceptés tels qu'ils sont rédigés à l'heure actuelle, cela aurait des conséquences majeures sur les pouvoirs réels des provinces, en particulier dans le domaine du développement régional, mais dans d'autres domaines aussi comme, par exemple, le contrôle des investissements des sociétés. (11 h 30)

Cela étant dit, je voudrais revenir sur certaines des choses qu'a dites le chef de l'Opposition officielle. Evidemment, je vais être obligé d'apporter un certain nombre de nuances, je m'en excuse mais ce sont des choses qui sont relativement très complexes et on ne peut pas, en trois coups de cuillère à pot, régler certaines de ces choses-là.

J'établissais un parallèle, hier soir, entre la façon dont fonctionne le marché commun au Canada et le marché commun aux Etats-Unis et je cherchais à indiquer qu'aux Etats-Unis, sans doute, il y a un marché commun qui fonctionne, mais qui est soumis à beaucoup d'imperfections. Dans ce sens-là, il faut éviter de contraster une sorte de marché commun au Canada qui serait très imparfait avec un marché commun américain qui serait beaucoup plus parfait. Sur ce plan, ce n'est pas exact. Le marché commun américain est soumis à toutes espèces d'imperfections que nous connaissons au Canada. Quand je parle d'imperfections ici, je ne veux pas nécessairement utiliser ce terme comme péjoratif; il est évident qu'il y a des contrôles d'Etat aux Etats-Unis sur un certain nombre de considérations locales qui les intéressent, et c'est utile, c'est même nécessaire que certaines de ces imperfections paraissent. A certains égards, cela va même beaucoup plus loin que chez nous.

Je vous signale, par exemple, qu'au Canada, il n'y a pas de législation antitrust de province alors qu'il y en a beaucoup aux Etats-Unis. La réglementation sur le commerce se trouve à être extraordinairement plus complexe par le fait que c'est à la fois sous la juridiction du gouvernement fédéral et sous les juridictions d'Etat. Donc, certains gestes commerciaux, tant que les tribunaux n'ont pas tranché, peuvent être tolérés par certains Etats, interdits par la législation fédérale, et cela entraîne devant les tribunaux des cas qui dureront des années. Cela crée un climat d'incertitude au niveau des affaires qui va beaucoup plus loin que certains climats d'incertitude qu'on a eu l'occasion de dénoncer ici à certains moments depuis quelques années.

Cela étant dit, il n'en reste pas moins — et je suis d'accord avec le chef de l'Opposition officielle là-dessus — que le pouvoir du gouvernement américain, du gouvernement central sur l'économie est beaucoup plus grand qu'au Canada pour des raisons qui ne tiennent absolument pas — enfin, j'exagère en disant cela — pour des raisons qui ne tiennent pas fondamentalement à la constitution, qui tiennent essentiellement au fait que le gouvernement fédéral américain est en face d'un très grand nombre d'Etats donc aucun n'a la taille relative, par exemple, du Québec ou de l'Ontario par rapport au gouvernement fédéral. Si vous voulez avoir une analogie quelconque aux Etats-Unis, il faudrait supposer que l'Etat de New York a 60 000 000 d'habitants et que la Californie en a

80 000 000. Le gouvernement fédéral américain ne serait pas le même, inévitablement.

D'autre part, le gouvernement américain a utilisé une technique de financement des Etats complètement différente de celle qui a été utilisée au Canada. Il n'y a pas de péréquation aux Etats-Unis, il n'y a pas de transfert inconditionnel, ça n'existe pas. Le gouvernement fédéral ne donne pas d'argent aux Etats en disant: Faites ce que vous voulez avec. Aux Etats-Unis, le gouvernement fédéral américain va dire, par exemple: Si vous voulez construire des routes selon mes normes, vous, l'Etat du Mississipi, êtes un Etat pauvre, vous aurez 70% de subvention. Vous, l'Etat de New York, êtes un Etat riche, vous aurez 30%. En somme, les ajustements pour aider les régions aux Etats-Unis se font par des programmes conditionnels.

Le résultat est qu'une partie croissante des finances propres des Etats servent simplement à faire le "matching", si vous me passez l'expression, des subventions fédérales. Le résultat est qu'il y a certains Etats américains qui ramassent des taxes, à toutes fins utiles, pour faire la contrepartie de ce que le fédéral leur donne. Evidemment, parler de l'autonomie des Etats dans des circonstances pareilles devient extraordinairement douteux et c'est par ce canal-là que le pouvoir de l'Etat américain s'est établi, pas du tout par le canal de la constitution ou très secondairement par le canal de la constitution. Or, au Canada, nous sommes exactement en face de problèmes très sérieux d'une tout autre nature et qu'on peut difficilement régler en se concentrant sur la constitution seulement. Le fait que l'Ontario ait plus du tiers de la population du Canada fait de l'Ontario quelque chose d'énorme dans le Canada, qu'on le veuille ou non. Le fait que le Québec ait 25% de la population du Canada fait du Québec quelque chose d'énorme dans la Confédération canadienne, qu'on le veuille ou non.

D'autre part, le fait que les provinces aient passablement de ressources propres, autonomes entre les mains crée pour le gouvernement fédéral des problèmes de management de l'économie, d'administration de l'économie qui sont considérables, parce qu'il arrive assez fréquemment que les priorités des provinces et les priorités du gouvernement fédéral ne coïncident pas et que certaines des grosses provinces ont les moyens voulus pour faire en sorte que leurs priorités se réalisent, le fédéral cherchant aussi à réaliser les siennes. Quand c'est contradictoire, ça provoque un état de chaos qu'au fond, tout le monde connaît très bien.

A ça vient s'ajouter le fait que l'enrichissement de l'Alberta est en train de provoquer un déséquilibre financier majeur au Canada, le surplus de l'Alberta est largement supérieur à la totalité de tous les déficits des provinces à l'Est du Manitoba, et ce déficit budgétaire est croissant.

L'Alberta pourrait supprimer tous ses impôts applicables aux particuliers et toutes ses taxes, demain matin, elle ne tomberait pas en déficit, son surplus baisserait. Le problème du recyclage des pétrodollars ne se pose pas seulement en Arabie, il se pose en plein Canada, à l'heure actuelle; le Heritage Funds ne sait pas où placer son fric, alors que le déficit fédéral en est rendu à une situation où, à $12 000 000 000 ou $14 000 000 000, on se trouve à avoir une espèce de gigantesque déséquilibre financier qui apparaît au Canada depuis quelques années.

Ces problèmes majeurs que je viens d'esquisser, c'est évident que ce n'est pas par des ajustements un peu ici et un peu là, dans la constitution, qu'on va les régler. Il y a des formes — je suis tout à fait d'accord avec le chef de l'Opposition officielle, là-dessus et jusqu'à un certain point, j'en avais parlé hier — de coordination intergouvernementale au Canada qui n'ont jamais existé et qui doivent trouver leur place quelque part, qu'on ne réglera pas par des questions constitutionnelles.

Dieu sait si, en période de récession, par exemple, ou d'inflation forte, le contrôle des investissements est nécessaire, Or, sur le plan du contrôle des investissements, qui est-ce qui fait des investissements publics au Canada? A Ottawa, c'est quoi? Le ministère des Transports, le Canadien National, le ministère des Travaux publics. Ajoutez à ça, comme investisseurs importans, deux ou trois ministères à Québec, deux ou trois ministères en Ontario, peut-être un en Colombie-Britannique, les villes de Montréal, de Toronto, de Winnipeg et de Vancouver, quelques sociétés d'Etat, les compagnies d'hydro, mettez-en trois ou quatre et, avec ça, vous faites 80% de tous les investissements publics au Canada.

Or, la caractéristique du système canadien, c'est que ces gens-là ne se sont jamais rencontrés, jamais. On ne peut pas mettre dans la constitution: II est ordonné qu'à partir de demain matin, les municipalités, trois ou quatre ministères et les compagnies d'hydro se réunissent une fois par année pour agencer leurs programmes d'investissements. On ne mettra pas ça dans une constitution.

Il est évident que le management des investissements publics au Canada, tant que ces gens ne se réuniront pas, n'existera pas. Je ne veux pas dire par là que les considérations constitutionnelles n'ont pas d'importance. Non, on le voit bien, quand, tous ensemble, autour de la table, à l'égard des articles 91 et 121, on exprime tous nos objections. La constitution peut faire un dommage important au fonctionnement de l'économie; au contraire, ça peut faciliter le fonctionnement de l'économie. Mais il ne faut pas s'imaginer qu'on peut tout faire avec.

Cela dit, l'accent, je pense que nous le mettons tous dans des termes différents, reste fondamental sur le plan des discussions constitutionnelles et l'a toujours été, au Québec, quant aux pouvoirs que le Québec et les provinces, en général, doivent avoir sur le développement régional et sur l'aménagement du territoire. Beaucoup des listes de pouvoirs dont nous parlions tout à l'heure — ce qu'on a écouté autour de la table — sont simplement des précisions à apporter à ce principe fondamental que les provinces doivent

avoir, être en mesure d'exercer une orientation prioritaire sur le développement régional.

Quand, par exemple, le chef de l'Opposition disait qu'il faut donner aux provinces la prépondérance dans le domaine de l'agriculture, je ne cite que quelques exemples, les politiques de main-d'oeuvre, le développement régional proprement dit, le transport routier, il donne une nomenclature de pouvoirs qui sont essentiels au développement régional et à l'aménagement du territoire. C'est logique et c'est normal.

Là-dessus, on peut dresser, tout autour de la table, des listes sur lesquelles on serait probablement capable de s'entendre assez rapidement, parce que ça correspond à quelque chose qui a toujours été exprimé entre nous au Québec, j'allais dire, quels que soient les partis politiques. Evidemment, il peut y avoir des divergences. Le chef de l'Opposition officielle, par exemple, disait: Les pouvoirs d'incorporation sur les compagnies devraient être au Québec.

Dans la liste du député de Rouyn-Noranda — comment dire — ça n'existait pas, mais ça ne serait pas très difficile pour nous de nous entendre sur des choses comme celles-là.

Fondamentalement, il faut s'entendre pour une négociation qui ne porterait pas seulement sur les articles 91 et 121, comme c'est le cas à l'heure actuelle, mais une négociation élargie sur les pouvoirs constitutionnels à l'égard de l'économie. Je ne pense pas qu'on ait tellement de difficulté à s'entendre parce que, encore une fois, tout le monde a à peu près toujours, dans le cadre fédéral, au Québec, on a à peu près toujours pensé les mêmes choses quant aux pouvoirs que les provinces doivent avoir à l'égard du développement régional et de l'aménagement du territoire. On peut remonter quinze ou vingt ans en arrière, on trouve toujours les mêmes choses.

Fondamentalement, vous trouverez, par exemple, dans le rapport de la Commission royale d'enquête sur les problèmes constitutionnels, la commis-sion Tremblay — il y a quoi, 25 ans maintenant — un certain nombre de choses qui ont marqué profondément la pensée d'à peu près tous les Québécois là-dessus et qu'on traduit maintenant dans des termes différents, mais qui représentent le même genre d'orientation.

Ce que le gouvernement du Québec doit faire maintenant, si on peut amener le fédéral à nous enlever des jambes les articles 91 et 121 sujets aux ajustements qu'il faut dans ces secteurs et dont je parlais hier... Je reconnais que le gouvernement fédéral peut vouloir des ajustements raisonnables dans des secteurs comme ça, mais, s'il nous enlève l'espèce de pavé, s'il retire le pavé de la mare, on va pouvoir commencer, sur le plan constitutionnel, au plan-fédéral-provincial, un certain nombre de discussions, je pense, passablement plus larges.

Mon collègue des Affaires intergouvernementales aura peut-être à préciser dans quel genre d'échéancier il voit ça. Mon impression, c'est qu'évidemment, ce n'est pas pour demain. Le gouvernement fédéral, à l'heure actuelle, a des priorités qui ne sont pas celles-là. Cela ne veut pas dire qu'on n'aura pas à discuter de nos listes sur le plan des pouvoirs économiques ici à l'Assemblée nationale. Cela veut simplement dire qu'aujourd'hui, chercher à s'entendre sur une liste détaillée, c'est probablement tout à fait prématuré parce que les priorités du fédéral ne sont pas là pour le moment et qu'effectivement, dans les semaines qui viennent, mettons jusqu'au 12 septembre, on ne va pas, j'imagine, discuter très longuement aux tables fédérales-provinciales de l'incorporation des compagnies. Mais ça va venir. Il est évident que, parce que ça va venir, il faut qu'on ait eu le temps de brasser ça entre nous pour être à peu près certains que les listes que nous présentons correspondent aux désirs du plus grand nombre de citoyens possible et de leurs représentants élus. Mais, encore une fois, je ne pense pas qu'on ait tellement de difficulté à faire ça.

Voilà, M. le Président, ce que je voulais dire en réponse aux interventions qui ont été faites jusqu'ici. Encore une fois, je termine en notant avec plaisir que, sur quelque chose d'aussi fondamental que les amendements proposés par le fédéral aux articles 91 et 121, je pense que nous sommes à peu près sur la même longueur d'onde.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Merci, M. le Président. J'ai apprécié les commentaires du ministre des Finances ce matin et cela m'amène à poser la question: Pourquoi a-t-il fait le discours d'hier soir? Finalement, il a dit, ce matin, je pense, en grande partie, tout ce qu'il y a à dire sur le sujet en ce moment. Hier soir, c'était une autre affaire et il faut que j'admette que, depuis onze heures hier soir, j'ai un peu réfléchi sur le contenu de cette déclaration, j'ai cherché quelques lignes conductrices et je ne les ai pas trouvées.

Ce matin, si je comprends bien, l'essence de la déclaration du ministre des Finances, c'est que, premièrement, cette queston de libre circulation est très importante. C'est même quelque chose qui doit être dans une constitution. Deuxièmement, c'est que la proposition du fédéral n'est pas acceptable et que, troisièmement, c'est un sujet qui doit être abordé en conjonction avec la question de partage des pouvoirs économiques et dans un détail beaucoup plus approfondi que jusqu'à maintenant. Sur ces trois points, je pense que nous sommes tout à fait d'accord. (11 h 45)

Par exemple, nous trouvons aussi — le chef de notre parti l'a dit déjà — que la proposition du fédéral n'est pas acceptable. Je veux signaler un aspect, en particulier, de cette proposition que moi, je trouve fondamental. Dans le document et dans les ébauches des autres documents qui circulent actuellement pour les prochaines réunions, il existe le principe que le gouvernement fédéral doit avoir le droit de faire, si vous voulez, des

discriminations économiques entre les provinces et que les provinces peuvent garder le droit de faire une certaine discrimination économique à l'intérieur de leur territoire.

Quant à moi, je trouve que ce principe est totalement inacceptable. C'est écrit dans les documents qui circulent dans le moment que c'est l'essentiel de l'idée du gouvernement actuel à Ottawa. Quant à moi, ça ne marcherait jamais. Il faut absolument, et ça va de soi, que si nous avons des droits souverains pour quelques aspects de l'économie dans la constitution, il faut que nous ayons le droit de créer des lois et des pratiques qui diffèrent, qui sont, par définition, discriminatoires à l'égard des lois et des pratiques des autres provinces. Je pense que c'est même un piège pour le gouvernement fédéral, parce que, si vous acceptez le principe que toute la discrimination à l'intérieur doit se faire par les provinces, en ce cas, vous êtes assez proche de l'idée que tout le développement régional, provincial doit se faire par le biais de la péréquation; en effet, tous les fonds fédéraux pour le développement régional du Québec doivent être versés au gouvernement du Québec et le Québec doit avoir le droit absolu de décider si c'est la Gaspésie ou les Cantons de l'Est qui doivent être favorisés. Alors, je signale, quant à moi, que c'est un piège pour le fédéral s'il continue de poursuivre cette ligne de pensée. En effet, je suis complètement d'accord que, pour le moment, ce n'est pas une solution qui est valable.

Par contre, j'ai de la misère à discerner la ligne de pensée générale du ministre des Finances. Je pense que c'est parce qu'au fond, de nouveau, nous sommes devant le fait que vous autres, vous ne vous intéressez vraiment pas à améliorer la fédération canadienne. Quand ce n'est pas un intérêt réel et fondamental, c'est très difficile de s'asseoir à la table et d'essayer de trouver les moyens détaillés de le faire.

Hier soir, le ministre des Finances a fait un spectacle, une espèce de vaudeville. Son dernier spectacle à 10 h 30, c'était fort agréable, mais après je me demandais: Qu'est-ce qui est sorti de cette affaire-là? Il disait, au début, que le Canada, par rapport aux autres pays du monde, est moins fort qu'auparavant. On le savait. C'est un argument qui pourrait être appliqué pour les deux côtés. Il parlait un peu de la situation de discrimination qui existe aux Etats-Unis. M. le ministre des Finances, croyez-moi, on était déjà conscient de ça. Je pense que tout le monde connaît un peu les autres systèmes fédéraux. Il nous a donné un résumé de l'histoire du développement des politiques d'achat préférentiel au Canada. C'est aussi monnaie courante pour ceux qui s'intéressent un peu à cette affaire-là. Il nous a cité Ricardo. Je dis entre parenthèses que le ministre, qui n'a pas hésité à critiquer le fédéral et à résumer la constitution économique des Etats-Unis dans une page, n'a pas hésité à résumer toutes les oeuvres de Ricardo dans une seule phrase. C'était simplifié à mort.

Mais le principe qu'il a exprimé, c'était l'idée que, d'après Ricardo, il y a des avantages à avoir des grands territoires économiques. C'est une idée dépassée depuis le XIXe siècle. Très bien. Je pense que le ministre, lui-même, sait très bien que ce n'est pas Ricardo qui est au fond de l'idée que les plus grands territoires économiques peuvent apporter des avantages à tout le monde. Il a parlé des entraves aux Etats-Unis; il n'a pas parlé de la création du Marché commun et des raisons qui ont motivé la création de cette organisation. Il n'a pas parlé, non plus, de sa propre argumentation pendant le référendum, quand il a promis à toute la population du Québec un marché libre avec la libre circulation des personnes, des capitaux et des biens. Partout dans la province, d'innombrables discours. Les péquistes ont promis ce libre marché. Maintenant, la population est en mesure de voir la réalité. C'est une liberté très nuancée que vous proposez, même à l'intérieur de la fédération. On peut imaginer que, si on était en face de la souveraineté-association, ce serait limité encore davantage.

Ce matin, il a dit que l'Alberta est très riche. Il a dit qu'il y avait des problèmes économiques qui ne pouvaient pas être résolus par une constitution. Ce sont toutes des choses avec lesquelles on est parfaitement d'accord, mais cela n'avance pas la discussion. Bien sûr, il y a des choses qu'on ne peut pas régler dans une constitution, mais, à moins que je ne me trompe, M. le Président, le sujet, aujourd'hui, c'est la constitution. Si on accepte le fait qu'on doit avoir un marché commun, une union économique aussi forte que possible, il faut accepter — je pense que le ministre des Finances l'a accepté ce matin — qu'il y ait de la place dans la constitution pour quelques mots qui touchent le sujet de cette liberté, de ce marché commun. Il en existe déjà. La question n'est pas de décider si, oui ou non, ce doit être là. Il s'agit de décider quels mots, d'établir jusqu'à quel point, et ce sera un long travail.

Hier soir, j'ai été frappé en écoutant le ministre des Finances quand il a dit: En effet, faites des propositions concrètes. Par exemple, au sujet de l'article 91.2, il disait qu'il était d'accord pour que les services soient ajoutés d'une façon beaucoup plus explicite et que la question de la concurrence soit aussi insérée pour permettre au gouvernement fédéral d'agir d'une façon plus claire dans ce domaine. Mais, s'il connaît un peu la difficulté de rédiger une loi sur la concurrence et s'il connaît un peu le fait que cette loi sur la concurrence peut causer des entraves dans beaucoup de domaines qui sont aujourd'hui de compétence provinciale, je pense que, même sur ce point-là, il est prêt à accorder, dans une seule phrase, au fédéral... C'est quelque chose qui doit être nuancé ou, du moins, être étudié en profondeur avant qu'il le donne comme il l'a donné hier soir.

Je ne sais pas si le ministre des Finances est celui qui a rédigé le texte qui a été soumis lors d'une conférence à Vancouver. Le style est moins élégant, mais les idées de base sont à peu près les mêmes. Il y a deux éléments qui reviennent continuellement. Est-ce que c'était vous?

M. Parizeau: Non.

M. Scowen: Non? Mais quand même, l'inspiration est semblable.

M. Parizeau: Heureusement!

M. Scowen: Oui, heureusement.

M. Parizeau: La cohérence du gouvernement.

M. Scowen: Les deux aspects cohérents de ce document sont, premièrement, une série d'insultes, de procès d'intention à l'endroit du fédéral. Finalement, il y a un projet, des propositions qui n'avancent nulle part. Je peux résumer dans une phrase, parce que c'est résumé ici dans une phrase. "La position du gouvernement du Québec envers les questions économiques". Et je cite. "Le principe général auquel le Québec adhère est qu'il doit absolument conserver et même accroître ses moyens d'action sur son propre territoire. Toute autre attitude s'inspirerait d'une inacceptable naïveté". Voilà! C'est la politique constitutionnelle économique du gouvernement actuel qui est: on veut garder ce que nous avons et on va accroître davantage nos pouvoirs. C'est clairement exprimé ici. Cela a été clairement exprimé, hier soir, par le ministre. Cela revient dans chacun des documents déposés ici sur les autres sujets.

Pour nous, M. le Président, ce n'est pas une idée de fond sur laquelle on peut bâtir un vrai fédéralisme canadien renouvelé. Je vais simplement, pour illustrer ce que je veux dire, retourner à la page 6 de ce document où, quant à moi, vous avez fait quelque chose d'inutile. Vous avez préparé une liste de questions, d'entraves, de limites à la liberté d'action du gouvernement du Québec qui pourraient survenir advenant l'acceptation du fédéral. J'en cite simplement deux pour vous exprimer quelles sont les questions que vous ne vous posez pas et que, à mon avis, vous devez vous poser si vous voulez sérieusement renouveler le fédéralisme canadien d'une façon acceptable pour le Québec, quoique les Québécois sont actuellement aussi des Canadiens.

Premièrement, vous dites: "Si l'article 121 est accepté, les architectes et ingénieurs québécois ne pourraient plus bénéficier de la priorité que leur accorde actuellement le gouvernement dans les projets qu'il finance". Je vous demande de contourner la question: Est-ce que c'est votre conception du Canada que les architectes québécois soient victimes de discrimination de la part des autres provinces quand ils veulent essayer d'exercer leur profession dans les autres régions du Canada? Est-ce que c'est votre conception du Canada, oui ou non? Je ne dis pas qu'il n'est pas possible d'avoir une telle conception du Canada et de répondre oui à cette question, mais, quand même, ce n'est pas clair quand vous posez la question de cette façon parce que ce qui est bon pour une province l'est aussi pour une autre.

Une deuxième critique que vous faites concernant l'article 121: "Le minerai provenant de mines québécoises pourrait être indifféremment traité à l'intérieur ou à l'extérieur du Québec sans que le gouvernement puisse intervenir pour sauvegarder les emplois en cause", ainsi de suite. Vous savez aussi bien que moi que le Québec est un transformateur des richesses naturelles des autres provinces. Vous avez déjà, récemment, décidé de donner une priorité importante à l'agrandissement d'une industrie pétrochimique dans l'est de Montréal. Vous avez créé une société d'Etat et, jusqu'à nouvel ordre, on ne transformera pas des produits pétrochimiques provenant des gisements québécois. Ce sont des choses auxquelles il faut penser à long terme. Le ministre d'Etat au Développement économique a dit: Ce ne seront pas des produits pétroliers du Canada. Mais ce n'est pas du tout ce qui a été dit par les personnes qui sont venues devant nous alors qu'elles voulaient vendre ce projet à l'Assemblée nationale. Oui, c'est possible qu'on puisse obtenir des "feed stocks" de l'extérieur, mais en grande probabilité, l'avenir de ce projet est lié à long terme à l'accès au gaz naturel de l'Ouest du Canada. Vous le savez aussi bien que moi, c'est écrit dans les documents.

Selon cette politique de transformation, est-ce que c'est votre conception du Canada que toutes les provinces doivent avoir le droit d'empêcher que leur produit brut soit transformé à l'extérieur de leur province? Vous savez aussi, M. le ministre, que la production minérale de l'Ontario — dont vous parlez ici — est à peu près cinq fois plus grande que celle du Québec. Je peux vous donner une liste de compagnies au Québec, actuellement, qui créent de l'emploi en transformant les produits miniers provenant de l'extérieur de la province.

Les questions ne sont pas bien posées, parce que vous ne vous intéressez pas vraiment à poser la question: Quelle est notre conception du Canada? Parce que vous n'avez pas de conception du Canada. Ce serait très difficile pour vous, à la fin, d'obtenir une réponse valable. Quant à moi, on n'a pas de solutions, bien sûr. (12 heures)

J'ai commencé, ce matin, en disant que les cinq minutes que le ministre des Finances nous a accordées aujourd'hui, en résumé, étaient beaucoup plus saines que le show d'hier soir, et beaucoup plus positives. Il est clair dans notre esprit que nous devons préciser davantage ces deux articles et peut-être en ajouter d'autres.

Il faut absolument que cette précision soit élaborée après une étude approfondie de tous les aspects en cause. Je pense que le fédéral nous a rendu un grand service en sortant le document. Nous avons donné une liste des exemples qui peuvent servir comme base intéressante pour nous permettre de faire les études.

Deuxièmement, il faut que cette étude soit basée sur le principe qu'on veut autant que possible améliorer l'appartenance économique au Canada. Finalement, il faut que cela se fasse sans qu'on nie complètement ou même partiellement les droits souverains dans le domaine économique pour le gouvernement du Québec.

Je suis persuadé que si nous pouvons changer un peu l'esprit du fédéral avec le raisonnement et non pas avec le charriage, comme c'est fait

dans ce document, mais avec le raisonnement clair et précis par un groupe de personnes qui s'intéressent et au Canada et au Québec, ce serait possible d'arriver à des mots qu'on peut mettre dans ces clauses, qui seraient acceptables par tous. Mais je doute fortement, M. le Président, après tout ce que j'ai entendu, hier soir et ce matin, que le gouvernement soit capable de le faire. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Juste un mot. Comme je ne peux pas soulever une question de privilège en commission, j'ai attendu que le député ait terminé.

Il m'accusait de résumer en quelques phrases la totalité de l'oeuvre de Ricardo. Mais non! Mais non! J'ai spécifiquement indiqué, hier, que je me référais à un chapitre de ses "principals" et encore, à la première partie. On me permettra de résumer une douzaine de pages dans cinq minutes. Ce n'est pas abusif.

Une dernière chose. Je pense que le député n'a pas raison de dire que nous nous conduisons comme si le fonctionnement correct du Canada sur le plan économique ne nous intéressait pas. Au contraire, je pense que tout ce qui a été dit, hier soir, ce que j'ai eu l'occasion de dire ce matin, indique non seulement que le fonctionnement du Canada bien sûr nous intéresse d'une façon vitale, mais que même le fonctionnement d'autres provinces nous intéresse tout autant.

J'ai eu l'occasion de parler longuement des intérêts de la Saskatchewan ou de ceux de la Nouvelle-Ecosse. Et ce dont je discutais, ce matin, quant à la coordination des investissements publics, j'ai essayé de ne pas l'aborder dans un point de vue étroitement québécois, parce que je suis parfaitement conscient, et j'espérais que c'était clair, que, par exemple, la coordination des investissements publics ne peut pas s'envisager autrement que par la coordination de 15 à 20 organismes ou ministères majeurs un peu partout au Canada. Dans ce sens-là, je regrette un peu que le député de Notre-Dame-de-Grâce cherche à nous enserrer dans une espèce de vision étriquée ou exclusivement défensive dans le cadre des négociations constitutionnelles actuelles. J'avais cru que l'esprit de mes interventions était tout autre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Opposition. Par la suite nous aborderons les richesses naturelles.

Campagnes de publicité

M. Ryan: Avant que nous ne laissions ce sujet, je voudrais relever une chose qui a été dite par le ministre des Finances, hier soir, qui n'avait pas trait au sujet qui était en discussion, mais il l'a dite quand même et je voudrais la relever pour donner un avertissement au gouvernement.

Vous avez dit que le fédéral avait mal agi en instituant un programme de publicité pour faire de la propagande autour de ses thèses constitutionnelles à l'occasion des réunions qui auront lieu à Ottawa en septembre. Vous avez dit: Nous allons faire la même chose, nous allons nous engager dans la même voie.

Or, je n'ai jamais compris que lorsqu'un autre agissait d'une manière erronée ou répréhensible, on devait se consoler ou se réconforter en disant: Je vais faire la même chose que lui. Je le déplore profondément. J'ai toujours soutenu, depuis que je suis à l'Assemblée nationale, que des programmes d'information des gouvernements devraient avoir un but d'information honnête, objective, impartiale et utile dans certaines matières comme la santé publique, par exemple, la sécurité routière ou la protection de telle ou telle catégorie de citoyens pour des fins très précises et définies dans les lois.

J'ai eu l'occasion de m'ouvrir de cette philosophie à l'Assemblée nationale, à l'occasion d'abus qui avaient été commis par le présent gouvernement, que nous avons dénoncés avec vigueur dans le temps. J'ai professé la même philosophie en réponse à des journalistes qui m'interrogeaient, ces jours derniers, sur l'opportunité du programme fédéral de publicité. Je veux, ce matin, demander au gouvernement, avec beaucoup d'insistance, de ne pas s'engager dans cette voie qui est la voie de l'utilisation des fonds publics à des fins de propagande. Je pense que nous sommes capables de mieux que ça; nous avons fait la preuve, depuis deux jours, qu'il y a moyen de discuter de sujets fondamentaux, autour desquels nous nous sommes disputés de manière très vive au cours des derniers mois, dans un esprit civilisé, dans un esprit de respect mutuel, de courtoisie, de respect des objets qui sont en discussion surtout.

Alors, je veux m'ériger, avec beaucoup de fermeté, contre cette partie du discours qui nous a été tenu hier soir.

M. Charron: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Est-ce qu'on me permettrait de répondre ou, en tout cas, d'ajouter mes commentaires à ceux que vient de faire le chef de l'Opposition sur ce que le ministre des Finances a énoncé devant toute la commission, hier, au cours de la séance de travail?

Je vais d'abord dire que, au départ, j'abonde dans le même sens que le chef de l'Opposition, en principe. Il ne nous était jamais venu à l'idée d'établir une campagne d'information sur les discussions constitutionnelles, même au plus fort du marathon du mois de juillet, au moment où mon collègue des Affaires intergouvernementales et moi y participions. C'est presque par inadvertance d'ailleurs, comme un secret bien gardé, que nous avons appris, dans les tout derniers jours — je pense que c'était le 23 juillet — à Vancouver, par des indiscrétions de couloir, à travers toute l'industrie constitutionnelle qui était rassemblée là-

bas, que le fédéral était non seulement prêt à agir, allait commencer, à peine les séances terminées, mais qu'il se préparait depuis des mois. Interrogé, le ministre que connaît bien le chef de l'Opposition, qui était responsable de ça, du côté fédéral, a dit oui. Il a même révélé, un peu plus tard, que c'était une campagne de $6 000 000, mais il a dit que $2 000 000 allaient être déversés dans la seule province qui est aujourd'hui en réunion.

La réaction n'est même pas venue de nous en tout premier lieu. Le chef de l'Opposition pourra lire, à la première page du journal The Province, à Vancouver, le 24 juillet dernier, que le premier ministre Bennett, de cette province, s'est érigé contre ça, et non seulement érigé en principe en disant qu'il faisait mal, mais il a dit: C'est donc mon devoir, à moi aussi, devant mes concitoyens — dans une négociation, les deux parties font connaître leur opinion — de demander à la Fonction publique de Colombie-Britannique de préparer une campagne d'information sur les positions de la Colombie-Britannique.

C'est donc en apprenant ces choses que mon collègue et moi sommes revenus au Québec par la suite et, dans le rapport que nous avons fait à nos collègues du Conseil des ministres, les avons informés de cette nouvelle dimension qui était absolument étrangère à nos idées et à nos intentions au départ.

La réaction du Conseil des ministres — c'est peut-être là que commence à s'établir la distinction entre le chef de l'Opposition et moi sur ce principe — a été de dire: Même si nous émettions un communiqué pour dire que c'est tout à fait déplorable et que probablement, comme M. Romanow l'a dit au nom de tout le monde, ça n'aide en rien la négociation constitutionnelle, nous savons pertinemment qu'ils n'arrêteront pas. Cela a d'ailleurs été confirmé cette semaine, mais je pense que l'intuition pouvait se baser sur des faits pour avoir une chance raisonnable d'être réaliste.

En conséquence, on a payé, selon les procédures qui seront expliquées en temps et lieu à la commission des engagements financiers. A cet égard, tout a été complètement correct, je crois, ce qui va même expliquer les délais; les procédures régulières ont été suivies. On a demandé au ministre responsable de cet aspect de voir si, de notre côté, il n'était pas possible aussi, sans doute pas avec les mêmes moyens que l'autre partie dans la négociation, d'établir un projet de publicité et d'information sur les positions que nous allons prendre. En ce sens, mercredi, le collègue a fait rapport qu'il était possible effectivement d'avoir une modeste campagne d'information, et le Conseil des ministres a accepté, sachant que d'autres le faisaient et que, de toute façon, l'autre n'arrêterait pas.

J'ajoute deux détails, mais deux détails importants. Si le gouvernement canadien décidait demain de se rendre à la demande de toutes les provinces qui a été formulée par le "co-chairman" de la négociation, je crois bien que, de notre côté — je ne dis pas d'emblée — on va réévaluer de bonne foi notre propre décision de procéder à une campagne qui devrait conduire quelque part jusqu'à la fin des négociations à Ottawa au mois de septembre. Sans prendre une position catégorique, j'ai un préjugé très favorable à arrêter instantanément la nôtre aussi. Ce serait ma position lors de la discussion, je peux le dire.

D'autre part, je veux bien informer et avertir aussi le chef de l'Opposition d'attendre, avant de porter le blâme total qu'il veut porter, de connaître le contenu même de cette campagne d'information parce que cela aussi est important. Le mandat qu'avait reçu le ministre des Communications et la décision du Conseil des ministres visent à rendre publics à l'intention de nos concitoyens, dans un budget qui équivaut à peu près au quart de ce que l'autre partie va déverser à travers les media québécois, les objets de consensus ou, je dirais, de plus grande assise populaire au-dessus des lignes de parti, du plus grand commun dénominateur sur des sujets qui sont en discussion à Ottawa. Le ton, le vocabulaire, et, je dirais, l'allure générale de cette campagne d'information ont non seulement porté cet objectif, mais portaient cette obligation. Ce qui nous a été présenté par des professionnels nous a semblé rejoindre cet objectif et ce souhait que nous avions émis à quelques retouches près, ce qui a fait que nous avons pu effectivement, comme gouvernement, donner le feu vert à cette campagne au cours de la réunion du Conseil des ministres de mercredi dernier.

Les objets de consensus, il y en a qui se sont révélés au cours du travail de cette commission, mais, évidemment, un certain travail préparatoire pouvait être fait, ce qui a permis à des professionnels de se mettre à l'oeuvre avant même la tenue de cette commission, parce que, sur certains sujets, effectivement, soit par des écrits des différentes formations politiques ou soit par des déclarations, nous savions, sans extrapoler à l'infini, que les bases de ce consensus existaient. Ceci a donc pu permettre, au cours des quinze derniers jours, aux professionnels du ministère des Communications, de travailler dans ce sens. C'est vrai que la publicité va débuter bientôt; nous n'avons pas le choix dans le calendrier serré qui est le nôtre. Il s'agit de trois semaines ou d'un mois. Il est donc possible que dès lundi, à travers les différents media, journaux, radio et télévision, mais dans l'enveloppe et selon les critères que je viens de définir, une campagne d'information à l'intention de nos concitoyens québécois soit mise en branle.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Là-dessus, deux choses. D'abord, est-ce que j'ai bien compris quand vous avez dit tantôt: Toute cette campagne de publicité du gouvernement fédéral, nous avons la conviction que cela ne changera pas grand-chose? Est-ce que vous avez dit cela?

M. Charron: Non.

M. Ryan: D'accord. Je ne continue pas dans cette voie. Deux choses que je voudrais dire à ce moment: Premièrement, les gouvernements, de par la nature même des fonctions qu'ils exercent et surtout des fonctions qu'exercent ceux qui les dirigent au sommet, ont un accès au grand public. Le premier ministre a seulement à se montrer — on ne l'a même pas vu depuis deux jours, malgré l'importance du sujet qu'on discute — et à donner ses opinions, tout de suite, cela va faire la manchette des journaux, des émissions de radio et de télévision partout. (12 h 15)

Vous n'avez qu'à nous donner des positions claires et ce sera communiqué avec une surabondance de détails et de précisions qui font que, fonctionnellement, ce n'est pas du tout nécessaire de recourir à de la publicité payée pour diffuser des messages à caractère politique pour un gouvernement. Pour un parti politique, à certaines périodes, en particulier en période électorale, je comprends que ce soit nécessaire, à peu près indispensable. Mais il me semble que... Je ne sais pas.

J'observe la vie publique depuis 35 ans et je n'ai jamais été capable de me pénétrer de l'idée qu'un gouvernement qui a des bonnes idées, des bonnes politiques, n'est pas capable de les faire connaître par les voies régulières du contact fonctionnel avec l'opinion publique, indépendamment de toute considération commerciale. Quand j'étais chef d'un journal, il m'est arrivé, à quelques reprises... Cela a commencé, je crois, au temps où il y a eu des grèves et où des gouvernements ont commencé à donner leur message dans les journaux; je prenais ces pages-là. Comme chef d'un journal qui avait besoin de revenus, j'étais bien content et j'aimerais être directeur d'un journal aujourd'hui, je ferais la moitié de mes revenus de publicité avec vous autres. Toutes les agences... C'est effrayant tout ce qu'il y a de messages payés par les gouvernements aujourd'hui. Franchement, on pourrait même discuter des contrats collectifs avec un esprit plus dégagé qu'autrefois.

M. Morin (Louis-Hébert): Un instant! Cela peut s'arranger.

M. Ryan: Je ferme la parenthèse. Oui, cela va loin.

M. Bédard: Fermons la parenthèse.

M. Ryan: En tout cas, j'émets cela comme principe. Je trouve qu'un gouvernement devrait avoir assez confiance en ceux qui en sont les porte-parole et aux idées qu'ils véhiculent, aux politiques qu'ils définissent. Il faut croire qu'elles vont faire leur chemin par le truchement normal et régulier du fonctionnement des véhicules d'information.

Deuxièmement, je crois que, dans une matière comme celle que l'on discute aujourd'hui, un doigté infini s'impose. Je ne sais pas quelle mesure vous allez prendre là-dessus, mais je crois que c'est tellement délicat qu'il sera pratiquement impossible d'arriver avec un produit qui sera satisfaisant ou vraiment acceptable aux yeux de l'Opposition. Encore une fois, j'inscris ma dissidence profonde, radicale et très ferme sur toute cette opération.

M. Charron: M. le Président, un dernier commentaire sur ce point.

M. Ryan: Je pense que votre gouvernement — je termine — se met dans une position de vulnérabilité extrême pour critiquer éventuellement les actions d'autres gouvernements parce qu'on pourrait toujours dire: Vous avez fait la même chose, vous êtes de la même farine.

M. Charron: Oui.

M. Ryan: Vous ne pourrez pas dire cela de nous autres.

M. Charron: Je reviens encore à la question de principe par laquelle a débuté l'intervention du chef de l'Opposition, à savoir que ce moyen ne devrait pas être nécessairement utilisé par les gouvernements qui disposent, par la seule force qu'ils sont les élus et que leurs propos sont rapportés, de suffisamment d'occasions de rejoindre les citoyens du Québec, les citoyens qui les ont élus, où que ce soit. Je veux simplement dire que c'est exactement — je crois, presque mot à mot — ce que M. Romanow a dit en notre nom à tous à M. Chrétien, cette semaine, se déplaçant même jusqu'à Ottawa, pour lui faire part de notre assentiment après avoir fait une brève consultation de toutes les autres provinces. Le gouvernement canadien n'a qu'à faire le bilan de presse de la négociation en cours et, de tous les gouvernements, trouver celui qui a reçu le meilleur traitement. En conséquence, le montant de $6 000 000, qui est utilisé surtout à faire voler des canards ou à démontrer des maisons dans la prairie, aurait pu fort bien être utilisé à autre chose que le subliminal auquel il se prête actuellement. C'était aussi notre opinion.

Mais là où se fait la distinction, c'est quand on reçoit une réponse catégorique, à savoir que nos experts, disent-ils, du côté fédéral, sont d'avis que cette campagne a renforcé nos positions dans l'esprit de la population. Quand vous recevez un avis professionnel aussi sérieux, que font les gouvernements dans les circonstances, sans penser aux excès qui peuvent être commis dans ce genre? Ils s'arrangent, à tout le moins, comme on dit, pour être dans le portrait, être dans le décor et avoir l'occasion de témoigner d'un certain nombre de faits.

Encore une fois, je fais appel au chef de l'Opposition pour attendre la tenue de la publicité, sa sortie publique. Il pourra fort bien, à ce moment-là — il vient de le dire lui-même... Les media écouteront et transporteront son opinion sans qu'il y ait besoin de faire de campagne de publicité de son côté, c'est vrai. Mais nous avons

tenu mordicus à ce que les quelque $500 000 à $600 000 qui devraient être utilisés si la campagne fait tout son cheminement prévu — elle peut être arrêtée n'importe quand, que ce soit une campagne d'énoncés de fait qui, je crois même avoir entendu attentivement les députés le dire ici, ne sont pas contestés — ne le soient pas pour faire voler des canards devant tout le monde ou pour faire une poésie un peu fleur bleue et dépassée. Il s'agit de rappeler des événements de fait; les tableaux sont des événements de fait marqués dans l'histoire du Québec et, en conséquence, ont un certain côté, je dirais, incontestable et, par le fait même, indiscutable. Donc, la nature même de la campagne de publicité devrait être reçue avant que d'autres commentaires s'ajoutent sur la décision gouvernementale, je crois.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais ajouter une dernière remarque là-dessus. Nous avons été échaudés dans le passé par le type d'information biaisée que le gouvernement actuel du Québec était capable de diffuser. Je me souviens moi-même un jour avoir attiré l'attention du gouvernement à l'Assemblée nationale sur un feuillet pourri, au point de vue intellectuel, intitulé "Le Québec à l'heure du choix", rempli de faussetés et de faits biaisés.

J'ai demandé au gouvernement, qui avait dépensé, je pense, une somme d'au moins $50 000 pour insérer ce texte dans l'Almanach du peuple, de faire quelque chose. Tout ce que j'ai eu comme réaction, je me suis fait rire au nez, à ce moment-là. On m'a dit qu'on entendait continuer comme on procédait, qu'on n'avait pas de leçon à recevoir de personne.

Mais là, je vous avertis formellement que si vous tentez des résumés de ce qui a été dit par d'autres partis, ne nous arrivez pas avec des bouts de textes et des citations tronquées comme vous avez trop souvent montré que vous étiez capables de le faire. J'espère que...

M. Charron: II n'y en a aucun... Une Voix: Voyons donc!

M. Ryan: Très bien, très bien! Si vous parlez de consensus, en particulier, j'espère que vous situerez les consensus réels qui peuvent exister sur tel ou tel point, dans le contexte véritable où ils se présentent. Il peut très bien arriver ce matin que nous soyons d'accord pour considérer que le projet d'amendement 91.2, mis de l'avant par le gouvernement fédéral, est inacceptable, mais que les raisons pour lesquelles nous considérons qu'il est inacceptable et le contexte dans lequel s'inscrivent nos objections soient profondément différents d'un groupe à l'autre. Si on veut prendre un bout de position, je demanderais, au nom de l'éthique la plus élémentaire, qu'on évite de procéder comme on l'a fait dans le passé à maintes reprises, sans jamais qu'on obtienne de garanties que les redressements nécessaires seraient effectuées ou même tentés.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Union nationale.

M. Le Moignan: Dans le même ordre d'idées, j'ai entendu une rumeur ou une nouvelle ce matin, suivant laquelle l'Alberta s'apprête à faire une campagne de publicité "coast to coast"; apparemment cela engloberait un peu tout le Canada. Je n'ai pas les détails précis, j'ai vu un titre seulement.

M. Charron: Je n'en suis pas informé. Tout ce que je sais, c'est qu'ils ont sans doute les moyens de le faire.

M. Le Moignan: Mais, je dis cela sous toute réserve. Maintenant, est-ce que le ministre, suite à la déclaration de Vancouver, peut nous dire si plusieurs provinces ont l'intention d'axer aussi une campagne? Lors de la réunion des premiers ministres à Winnipeg, la semaine prochaine, pensez-vous que c'est un sujet qui peut être abordé pour voir dans quelle mesure les provinces s'entendent au moins sur des thèmes communs, avant la réponse du Québec?

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais répondre, M. le Président. Pour autant que je sois informé, quand cela a été su — je pense que c'est la troisième semaine, comme cela vient d'être mentionné — à Vancouver, c'est la Colombie-Britannique qui a d'abord réagi. Il faudrait retrouver le journal, on ne l'a pas ici. Ensuite, d'autres provinces, et l'Alberta, effectivement, dit: Bien, moi, j'ai quand même une position qu'il faut faire connaître à l'ensemble du Canada parce qu'on peut être interprété injustement. Je ne sais pas où elles en sont. La Saskatchewan, pour autant que je me souvienne, a voulu surtout protester en disant: Ils vont peut-être arrêter si on proteste. Mais personne n'avait encore vu la publicité fédérale à ce moment-là, je dois dire. D'autres provinces n'ont pas encore réagi. Voilà pour la première partie de ma réponse.

La deuxième partie. Il y a une conférence de premiers ministres, comme vous l'avez dit. Cela ne m'étonnerait pas, et j'en suis sûr, qu'il va en être question, comme il va être question de la révision constitutionnelle. Quant à la suggestion que vous faisiez hier, que n'a pas rappelé tout à l'heure le leader du gouvernement mais dont je me souviens et dont tout le monde se souvient, de coordonner, si on doit faire une telle campagne d'information, les messages des provinces, il y a une difficulté, je dirais, a la fois géographique, culturelle et politique.

Je vais vous donner un exemple. Je sais qu'en Colombie-Britannique, ce sur quoi les intéressés voudraient mettre l'accent, c'est sur leur proposition de transformer la Colombie-Britannique en une des cinq régions. Cela fait longtemps qu'ils en parlent. Il n'en est pas beaucoup tenu compte dans les positions fédérales, alors, je sais qu'ils veulent insister là-dessus. Cela serait un peu bizarre que nous fassions ce genre de publicité

au Québec. Je ne suis pas sûr qu'on va être en mesure de s'entendre si on doit en faire une publicité commune à cause des divergences. La Nouvelle-Ecosse — et peut-être Terre-Neuve — si elle s'embarque là-dedans, c'est sûr qu'on va parler des droits miniers sous-marins. On va regarder cela. Je ne sais pas où cela va aboutir, mais le fait est que cela a été une préoccupation. Cela n'a pas aidé non plus à une compréhension et à une meilleure négociation.

Je pense que c'est Romanow qui disait que cela peut produire un "backfire" — comme on dit à l'Office de la langue française — sur l'allure des négociations, mais malheureusement, pour les raisons qui viennent d'être exposées très clairement, nous sommes devant une situation de fait; les faits, cela compte.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'appelle donc le sujet des richesses naturelles.

Les richesses naturelles

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais simplement dire un mot de présentation. Je vais laisser la parole après, si vous permettez, à mon collègue, le ministre d'Etat au Développement économique.

Il y a deux points sur lesquels je veux insister. Le premier, c'est que le sujet des richesses naturelles est à peu près un des plus contentieux actuellement à cause de la conjoncture actuelle et précise dans laquelle nous sommes. Je serais étonné qu'on en arrivât, au mois de septembre, encore qu'on essaie, à une entente entre les gouvernements en cause. Cela a été un des sujets abondamment discuté, moins et beaucoup moins que les pouvoirs sur l'économie, mais on les a à maintes reprises mis ensemble parce qu'ils se touchent. D'ailleurs, on fait la même chose, ce matin, parce qu'ils se suivent. Donc, le progrès, je l'ai résumé dans le document que vous avez reçu, n'est pas très marqué. La discussion a été caractérisée par un recul du gouvernement fédéral sur une position antérieure dont je ne peux pas dire honnêtement qu'Ottawa l'avait faite sienne mais qui était considérée, par l'ensemble des gouvernements, comme ce qu'on appelait dans notre jargon "best effort", c'est-à-dire, le meilleur texte qui existait.

La position du Québec s'inspire de ce texte, mais elle tient compte d'un fait majeur, c'est qu'a été retranché de la liste des sujets, le pouvoir déclaratoire. Le pouvoir déclaratoire a été enlevé de la liste, parce qu'il est possible que le gouvernement fédéral veuille le garder en réserve pour l'utiliser peut-être contre l'Alberta et peut-être aussi contre d'autres provinces. Du fait que le pouvoir déclaratoire n'est nulle part dans l'ordre du jour, les provinces ont ensemble, même si le ministre fédéral a refusé d'introduire ce sujet à l'ordre du jour, décidé d'en parler à l'occasion des richesses naturelles. C'est pourquoi nous avons fait de même.

Alors, je vais céder la parole, M. le Président, à mon collègue, le ministre d'Etat au Développement économique.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, je pense que je dois savoir gré à l'Opposition d'avoir reconnu en pratique l'importance de ce sujet, nous permettant de l'aborder et de l'évoquer à cette commission, en dépit du fait que les minutes qui y seront consacrées sont relativement brèves eu égard surtout à l'importance économique de la question.

Pour cette raison, je n'insisterai pas particulièrement longtemps sur une chose qui est indiscutée dans la connaissance qu'ont les divers gouvernements du Québec du potentiel richesses naturelles de l'espace économique québécois. Non seulement à peu près tous les gouvernements contemporains ont été d'accord sur l'évaluation à faire du potentiel richesses naturelles, mais ont également été d'accord pour en faire le fer de lance de la plupart de leurs politiques de développement économique. Ces richesses ont la caractéristique au Québec non seulement d'être abondantes pour la plupart d'entre elles, mais de comporter un important volet de richesses inépuisables et renouvelables.

Ce qui rend encore plus dramatique toute décision engageant l'avenir vis-à-vis des richesses naturelles, parce qu'on peut dire virtuellement qu'en matière d'hydroélectricité, par exemple, l'avenir est éternel, c'est que c'est une richesse inépuisable. Une erreur de rédaction de texte constitutionnel qui confierait à la mauvaise juridiction l'administration d'une richesse qui sera épuisée dans cinq ans ou dans dix ans, cela aura des conséquences pour cinq ans ou dix ans. Pour l'électricité, pour la forêt, on parle d'horizon illimité. (12 h 30)

Jusqu'à ce jour, et ce jour, c'est l'ère de la crise de l'énergie en particulier. Si les richesses naturelles ont été importantes en volume, on peut dire qu'elles n'ont pas donné lieu, avant que le prix du pétrole soit dramatiquement à la hausse, à des affrontements très virulents et très spectaculaires entre les deux niveaux de gouvernement, pour une raison bien simple; on était dans un contexte d'abondance qui s'appliquait non seulement au Canada, mais à l'ensemble de la planète.

Quand M. Duplessis a discuté du développement de la Côte-Nord et des richesses de minerai de fer avec Cyrus Eaton, en particulier, et d'autres industriels américains et qu'ils ont mis en place ce prodigieux développement de la Côte-Nord, le gouvernement du Canada est peu ou pas intervenu. Le minerai de fer est une denrée abondante; c'est une question de concentration, mais il y en a à peu près dans tous les pays du monde et avec des réserves extraordinaires. Donc, l'enjeu, par pur phénomène de marché, n'était pas très grand. De même, pour ce qui est devenu aujourd'hui la précieuse énergie hydraulique, il n'y a jamais eu d'affrontement très marqué dans l'histoire des relations fédérales-provinciales sur la façon dont le Québec déciderait de faire Bersimis ou de ne

pas faire Bersimis, de nationaliser onze compagnies d'électricité ou de ne pas le faire. C'était à l'époque de l'abondance.

A l'abri d'à peu près toute ingérence du niveau du gouvernement fédéral, le Québec, comme un certain nombre d'autres provinces qui disposent de richesses analogues... On peut dire que pour la forêt et l'hydroélectricité, richesses durables, la Colombie-Britannique est à peu près dans la même situation que nous nous trouvons nous-mêmes; l'Alberta, pour d'autres raisons et avec d'autres genres de richesses, peut compter aussi sur une certaine pérennité. Avant que ce que j'appellerais les convoitises fédérales, parfois justifiées dans une certaine optique politique, ne se manifestent, le Québec et ses divers gouvernements, à l'abri de toute ingérence, ont fait un assez bon travail en matière d'aménagement, d'exploitation et de transformation des richesses naturelles. Des intuitions simples, par exemple, comme la nécessité de transformer sur le territoire la ressource brute avant de l'exporter, ont été comprises par des gouvernements aussi peu interventionnistes que celui, par exemple, de M. Louis-Alexandre Taschereau. Le fait de ne pouvoir exporter de la matière ligneuse à l'état brut du territoire québécois sans l'autorisation de l'exécutif est une disposition législative qui remonte aux années trente. De cette façon, nous avons pu, par approvisionnements privilégiés, faire naître, prospérer et se développer la plus puissante industrie de papier journal du monde. Le Québec est le premier producteur mondial, est le premier fournisseur du marché américain au Sud.

De même dans le secteur de l'hydroélectricité, à l'abri de toute ingérence, par ses seules forces de gestion, ses seules forces économiques, le Québec a réussi à faire naître dans son territoire ce qui est probablement la plus puissante compagnie de l'Occident en matière de production, de transport et de distribution de courant électrique. C'est la plus grande compagnie du Canada et vous savez que le Québec n'en compte guère, parmi les 500 plus grandes... Je pense qu'il y a 15 ou 17 compagnies québécoises qui ont leur siège social contrôlé au Québec parmi les 500 plus grandes au Canada et Hydro-Québec est l'une de celles-là.

Le gouvernement du Québec s'est aussi donné divers moyens d'intervention par voie de sociétés publiques, qu'elles s'appellent REXFOR ou SGF, qui est lourdement impliquée dans le domaine des pâtes et papiers par sa filiale Dono-hue qui a développé Donohue-Saint-Félicien et qui s'apprête à une autre aventure commune avec des capitaux privés en Abitibi. De même la société SOQUEM, née au cours des années soixante, après une période de maturation et certains tâtonnements absolument nécessaires, mais pouvant agir à sa guise et en toute liberté, sans ingérence indue du pouvoir fédéral, est devenue une des compagnies minières les plus puissantes du Québec, du moins au stade de l'exploration et de la tenure des propriétés minières. Depuis quelques années en particulier, SOQUEM, en retours sur l'investissement, peut nous permettre d'espérer, en quelques années, la récupération de tous les capitaux investis depuis la mise en route de l'entreprise.

La Société nationale de l'amiante, plus contemporaine, a déjà des réalisations non négligeables à son actif. Sauf que — on le sent bien et on l'a vu à l'occasion de l'amiante, comme on ne l'avait pas vu dans le fer ou l'électricité — le phénomène mondial de rareté des richesses naturelles fait que les appétits s'aiguisent. Les prix sont dramatiquement révisés à la hausse et on peut maintenant tirer un pouvoir non négligeable en termes de développement économique de la présence de richesses naturelles sur son territoire.

Pour cette raison, ce qui laissait tout le monde dans la parfaite indifférence il y a quarante ans est devenu la foire d'empoigne la plus spectaculaire de toutes les discussions qui se font à l'intérieur de la fédération canadienne depuis cinq ans. Cela a permis en particulier à des provinces qui avaient une importance économique négligeable dans les années trente de devenir des géants économiques et de développer une influence sur la fédération canadienne que jamais elles n'auraient pu espérer même si le gouvernement du Canada avait eu les politiques de développement régional les plus efficaces.

Je me souviens qu'un premier ministre d'une province de l'Est relatait, en conférence fédérale-provinciale — donc, un homme d'un certain âge — que la première fois qu'il avait entendu dans sa vie le mot Alberta, c'est lorsqu'il était allé porter dans le sous-sol de l'église de son village natal des couvertures et des vivres pour être expédiés aux malheureux Albertains frappés par la disette et par la famine. Il ne manquait pas de tirer des conclusions de cette aventure de jeunesse dans sa position vis-à-vis de la fixation du prix du pétrole et de la répartition des richesses du nouvel Etat albertain riche.

Donc, pour résumer toute la période, on peut dire que mollement, sans trop nuire, sauf — je dirai pourquoi — en nuisant un peu aux contribuables, le gouvernement du Canada ne s'était guère intéressé à la gestion des richesses naturelles. A telle enseigne que, lorsque j'étais secrétaire du Conseil canadien des ministres des Richesses naturelles au cours des années soixante, la blague à la mode autour de la table, c'est quand le représentant fédéral prenait la parole et s'intitulait ministre des Mines; il y avait toujours une province ou deux qui disaient: Correction, vous êtes le ministre des Mines des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon et vous n'avez aucune espèce d'influence sur toutes les autres exploitations minières du territoire.

Les choses ont bien changé, mais les textes constitutionnels n'ont pas changé. Si le jour est venu de les changer, il faut considérer que ce ne sont pas les références historiques et l'attitude passée du gouvernement fédéral qui peuvent nous être d'un grand secours dans l'analyse de ce qui doit être fait dans les années à venir. Si on veut voir quels sont les pouvoirs présents et la situation juridique, l'analyse est relativement simple. Dans

les textes, la propriété des richesses naturelles par les provinces est confirmée d'une façon assez claire et assez formelle. On peut dire que c'est même une séquelle de la situation de droit existant avant 1867. Là-dessus, autour de cette table, j'en suis sûr, et autour d'à peu près toutes les tables analogues au Canada, il y a une espèce d'unanimité et de consentement formel, du moins, à la propriété incontestée des richesses naturelles par les juridictions provinciales.

Pour mémoire, je rappelle à des gens qui n'ont peut-être pas besoin de se le faire rappeler que le livre beige est assez explicite là-dessus dans sa recommandation no 21, sous-paragraphe no 2. On dit que la constitution affirmera le droit de propriété des provinces sur les ressources naturelles sises sur leur territoire et leur conservera la compétence exclusive pour gérer et réglementer les ressources naturelles, notamment les ressources minières, pétrolières, gazières, ressources hydrauliques, terres et forêts, sauf l'exception fondée au paragraphe suivant. Et, dans le paragraphe suivant, je vous rappelle que c'est de l'énergie nucléaire qu'on parle.

Dans le rapport de la commission Pepin-Robarts, on a également des éclairages assez précis. Je lis, par exemple, à la recommandation no 32: "Les principaux rôles et responsabilités des gouvernements des provinces devraient consister à assurer le développement économique des provinces, y compris l'exploitation de leurs richesses naturelles." On complète à la recommandation no 37 en disant qu'une nouvelle constitution devrait continuer à prévoir une liste de compétences exclusives du Parlement et une liste de compétences exclusives des Assemblées législatives des provinces et que les pouvoirs concurrents devraient être évités, chaque fois que cela est possible, grâce à une définition plus précise des pouvoirs exclusifs.

Si je lis les deux articles l'un en rapport avec l'autre, je comprends que les richesses naturelles sont de la juridiction exclusive des provinces, sauf la petite réserve qu'on a mentionnée, et que, si elles sont de la compétence exclusive des provinces, on doit clarifier, dans la pratique des choses législatives et administratives, la non-possibilité d'ingérence par un autre niveau de gouvernement que celui des provinces dans la gestion et le développement des richesses naturelles.

Donc, sur cette question formelle, pour l'avenir comme pour le passé, il y a un certain accord et une certaine unanimité. Alors, si c'est aussi clair sur le plan formel, qu'est-ce qui peut séparer le gouvernement du Canada des interlocuteurs provinciaux et certains interlocuteurs provinciaux entre eux? D'abord, je fais un cas spécial qui est celui de la province d'Ontario. La province d'Ontario — il faut avoir une approche pragmatique à cet effet et interpréter toutes ses déclarations, toutes ses attitudes et ses prises de position en regard d'un fait brutal — c'est la province importante du Canada qui est le moins bien pourvue au titre des richesses naturelles. Les revenus par tête d'habitant tirés des richesses naturelles en Ontario sont beaucoup plus bas que ceux qui sont tirés par le Québec et incommensurablement plus bas, par tête, que ceux tirés par les citoyens de l'Alberta. Alors, il n'est pas surprenant que cette grande province industrialisée, moins bien pourvue que les autres en richesses naturelles, ait une position, en général, discordante. Mais, pour toutes les autres, il y a, encore une fois, cette espèce d'unanimité formelle pour le passé comme pour l'avenir.

Cependant, même si j'ai dit qu'à une époque de ressources abondantes, le passé était peu éclairant, on peut quand même tirer certaines leçons du passé, parce que le gouvernement du Canada, en dépit de la situation moins brûlante de l'époque antérieure, par la voie classique des pouvoirs généraux — les uns plus que les autres, évidemment — a quand même tenté, au cours des 25 dernières années en particulier, pour une raison ou pour une autre, de s'introduire dans la gestion, le développement et la planification du domaine des richesses naturelles.

Ce n'est pas tellement par le pouvoir rési-duaire ni, évidemment, celui de désaveu et de réserve, mais c'est souvent par la capacité illimitée de dépenser, par les pouvoirs d'urgence, par les pouvoirs sur le commerce et la taxation que le gouvernement du Canada, au cours des années, même s'il n'était pas le gestionnaire des richesses naturelles du pays, s'est donné des ministères à vocation de richesses naturelles. Il y a, au gouvernement fédéral, un secteur important de l'administration qui s'occupe de mines. Quelles mines, si les mines sont propriété des provinces? Il y a, évidemment, un secteur important qui s'occupe de forêts, de foresterie, de terres et forêts. Quelles forêts, quelles terres, si les terres sont la propriété et la juridiction exclusive des provinces? Cela n'a pas eu des conséquences absolument catastrophiques. Je ne vous dis pas qu'un institut de recherche qui travaille sur les questions forestières, même sous la juridiction du gouvernement du Canada, n'a pas rendu quelques services pour combattre tel et tel problèmes dans la forêt québécoise ou la forêt de la Colombie-Britannique, sauf qu'il y a eu là des dédoublements qui, pour l'avenir — je pense que tout le monde sera d'accord avec ça — doivent être limités formellement et dans des textes, dans la logique du livre beige et dans la logique du rapport Pepin-Robarts. (12 h 45)

Je ne vois pas de quelle manière le gouvernement du Canada pourrait justifier qu'avec l'argent des taxes des contribuables du Québec ou de la Colombie-Britannique, il va payer des fonctionnaires d'un ministère des Terres et Forêts ou, sous des noms différents, un ministère analogue. Je ne vois pas pourquoi le ministère des Mines du gouvernement fédéral a des bureaux à Québec. Il me semble que c'est là un exemple de dédoublement de juridiction, avec les coûts économiques que cela représente, qui est néfaste à l'efficacité économique de l'ensemble canadien et qui est au détriment, évidemment, des contribuables par la dépense publique inutile ou dédoublée que cela entraîne.

Cela, c'est pour l'aspect dédoublement qui, encore une fois, à part de pénaliser le contribuable, n'a pas toujours des conséquences dramatiques plus graves, par ailleurs, lorsque les dédoublements conduisent à des antagonismes de politiques et de décisions. Par son pouvoir de dépenser, depuis un certain nombre d'années, le gouvernement du Canada nous a servi un certain nombre d'exemples, et l'usage juridique formel que l'on peut faire de la constitution du Canada nous a fourni un certain nombre d'autres exemples.

L'exemple le plus contemporain, parce que c'est une question de mois, c'est ce qui s'est passé autour des exploitations des mines de sel des Iles-de-la-Madeleine. Par le biais du ministère de l'Expansion économique régionale sur lequel on pourrait faire de longs développements, le gouvernement du Canada a considéré, pendant un certain nombre de mois, et avec des discussions de plus en plus précises, de collaborer avec une société québécoise, SOQUEM, à la mise en valeur de ces gisements. Il a décidé ultimement, après nous avoir fait perdre un certain nombre de mois, 12, 15, 20 mois, de ne pas contribuer au projet, mais d'aller plutôt dans des projets alternatifs non reliés à la question minière, mais comme une espèce de pendant d'une chicane inutile, d'une chicane absolument inutile. Si les juridictions avaient été claires et le pouvoir de dépenser limité et si le Québec avait eu les ressources, la question du sel des îles serait réglée déjà depuis deux ans. Il n'y aurait pas eu cet affrontement disgracieux entre les gouvernements et cette dépense alternative qu'a promise le gouvernement du Canada et qu'il n'a pas faite et qui n'a rien à voir avec une politique cohérente de développement régional. Il s'agissait seulement de damer le pion à SOQUEM, qui dépense dans le sel des îles. SOQUEM dépense là. Nous sommes aussi bons que SOQUEM. Nous allons dépenser ailleurs. Ce n'est pas une façon de concevoir le développement régional ni la politique minière.

Une autre interface contemporaine, ce sont — tout contribuable et tout citoyen doit s'adresser aux tribunaux et invoquer la constitution du Canada, donc sans entrer dans aucune contestation de ce droit fondamental — les difficultés d'ordre constitutionnel que le gouvernement du Québec a affrontées dans la mise en place de sa politique de l'amiante. D'abord ab initio, avant quelque contentieux que ce soit, le présent gouvernement a été en bute à ces difficultés, mais l'administration précédente aussi, qui limitait le pouvoir du Québec en matière de taux préférentiels d'approvisionnement en amiante de ses producteurs locaux. Cela aurait pu être une formule. Dans les dossiers de l'ancien gouvernement, on a retrouvé cette formule qui avait été étudiée sérieusement et qui a été rejetée pour la simple raison que cette façon de procéder était anticonstitutionnelle et aurait pu être cassée par les tribunaux. La présente politique de l'amiante qui, elle, est bien connue et qui n'est pas restée dans les dossiers à titre de projet, mais est de- venue une loi et même des lois de l'Assemblée nationale, également, encore une fois en tout bien, tout honneur, dans le présent contexte constitutionnel, est retardée, est entravée. Des décisions de l'Assemblée nationale du Québec en matière de développement minier ne peuvent pas être rendues opérationnelles à cause des implications de . ces zones grises découlant des textes et confirmées par les tribunaux entre la propriété formelle des richesses naturelles et le pouvoir effectif de faire ce que l'on veut avec ces richesses naturelles.

Le passé, en certains cas, est garant de l'avenir et, comme l'avenir, aujourd'hui, se présente d'une façon beaucoup plus dramatique à cause de ce contexte de rareté des richesses qui vont avoir et ont eu, dans certains cas clairs, des effets de marché absolument incroyable, tous ceux que la question intéresse et qui veulent sauvegarder un véritable pouvoir aux gouvernements provinciaux dans le domaine du développement économique doivent être d'une prudence extrême avant de coucher sur papier quelque texte qui engagerait l'avenir à long terme dans ce domaine. Tous ceux que la question intéresse sont maintenant rendus à ce tournant où ils doivent dégager du consensus formel sur la propriété des ressources les conséquences pratiques en matière de gestion et d'administration exclusives.

L'Opposition aura sans doute la possibilité — cela va de soi — de s'exprimer sur cette question. Sans bousculer ses représentants, je voudrais savoir de leur part s'ils sont d'accord sur ce principe, d'abord, de la propriété pleine et entière des juridictions provinciales sur l'ensemble de leurs richesses naturelles. C'est une question à laquelle, je crois, on pourrait avoir une réponse claire.

Comme accessoire non négligeable de la question, je voudrais savoir si les oppositions croient que l'on doit tirer de ce principe ces conséquences normales et logiques qui sont le droit pour les provinces de profiter des rentes découlant de leur droit de propriété. Celui qui possède la maison possède également le droit d'en percevoir le loyer, cela paraît assez élémentaire, et il possède également le droit de décider quand les réparations seront faites, de quelle manière l'entretien sera fait et par qui. En d'autres termes, une série de conséquences extrêmement logiques découlent de l'acceptation du principe du droit de propriété formelle de la juridiction du Québec et des autres provinces sur leurs richesses naturelles. C'est le premier point que je voudrais soumettre à la réflexion de nos collègues de l'Opposition.

Le second point sur lequel rien, probablement, ne devrait nous diviser, c'est l'accès prioritaire aux habitants de l'espace économique canadien aux richesses naturelles de ce territoire. Si on décide — je pense qu'il n'y a rien qui nous sépare là-dessus, il n'y avait rien qui nous séparait là-dessus même il y a six mois — qu'il doit y avoir un marché commun canadien, qu'il est dans l'intérêt de toutes les juridictions et de tous les habitants de ce territoire d'Halifax à Vancouver que

s'établisse un marché commun, et on pourrait même aller plus loin dans les consensus, la tendance de ce continent est à l'abaissement des barrières entre les diverses juridictions, et on peut penser que sur un quart de siècle, et en particulier depuis le 1er janvier 1980, les barrières tarifaires comme conséquence de la dernière ronde de négociations de Genève, la dernière ronde, "the Tokyo Round", sont en train de fondre comme neige au soleil. Au Canada, comme au Québec, comme aux Etats-Unis, se développent des écoles de pensée économique qui ont même dépassé le stade des écoles en vue de l'établissement éventuel d'un grand marché commun nord-américain, du Rio Grande à la rivière La Grande, et même au sud du Rio Grande, dans un avenir qui peut être prévisible à horizon de vie humaine. Si on est d'accord sur ces principes, si on est d'accord pour une collaboration étroite avec nos concitoyens et ceux qui habitent l'espace économique canadien comme nous, nous serions mal venus de dénier à l'ensemble de ces citoyens un accès prioritaire aux richesses naturelles de ces territoires — que ce soit celles de l'Alberta, de la Colombie-Britannique ou du Québec — à ceux qui, pour l'instant, habitent l'espace économique canadien.

Cependant, je fais une réserve qui est basée non seulement sur l'intérêt bien fondé du Québec et des provinces, mais également sur la rationalité économique: que cet accès prioritaire dont j'ai parlé se fasse au prix du marché et que les prix et les conditions de circulation des richesses naturelles ne soient pas basés sur des mécanismes juridiques de fixation au-delà des pouvoirs des provinces.

Si logiquement on admet la propriété, logiquement on doit admettre la rente et on ajoute à cela que, de Halifax à Vancouver, on doit avoir un accès prioritaire à toutes les richesses naturelles pourvu que ces richesses naturelles soient attribuées suivant des mécanismes économiques cohérents et ces mécanismes économiques cohérents sont le prix du marché.

Dans un marché, il y a des vendeurs et il y a des acheteurs et le vendeur ne peut être que celui qui est le propriétaire du bien ou de la chose. C'est un principe élémentaire et, dans le cas des richesses naturelles, ce sont les provinces ou les entités juridiques qui sont dans la juridiction de ces provinces. Les transactions en matière de pâtes et papiers ne se font pas directement du gouvernement du Québec à celui de l'Ontario ou du gouvernement du Québec à celui des Etats-Unis. Ce sont des agents économiques souvent privés et parfois publics qui, à l'intérieur de ces territoires, vendent leurs ressources. Mais ces vendeurs et ces acheteurs ont entre eux une relation de marché.

Je fais maintenant une qualification, qui peut découler de circonstances historiques, à ce que je viens de dire sur le prix du marché. On ne peut pas revivre l'histoire à l'envers. L'attribution des prix de l'énergie au Canada en particulier s'est écartée des mécanismes de marché. Les marchés mondiaux ont fait passer le baril de pétrole brut du

Moyen-Orient de $2 à $35 sur une période extrêmement courte, ce qui a eu des effets traumatisants sur toutes les économies du monde. Les administrations canadiennes de l'époque ont choisi de décrocher les mécanismes fondamentaux du marché. Je pense que c'était une erreur. Je ne suis pas le seul à penser ainsi; tout le monde reconnaît maintenant cette erreur. Tout le monde reconnaît qu'il n'était pas convenable de décrocher brutalement le prix d'une ressource épuisable comme le pétrole des impératifs du marché.

Tout le monde veut maintenant y revenir. Je ne pense pas que la brutalité, en matière économique, soit un facteur de développement, soit un facteur utile ou soit un facteur d'harmonie. Il s'agit donc de réparer l'erreur du passé et de cheminer, dans des délais acceptables et justes pour la province d'Alberta... Parce que son pétrole bon marché, duquel elle tire une rente, est en voie d'épuisement à grande vitesse. Je pense que c'est la semaine dernière qu'on a encore révisé à la baisse les prévisions de réserves de pétrole conventionnel en Alberta. Donc, d'une manière juste pour l'Alberta, qui est encore une fois le propriétaire et le vendeur, et qui n'a pas le droit de persécuter les autres membres de l'espace économique, à cause d'une erreur historique, l'Alberta est quand même en droit d'exiger, comme le Québec le serait, pour quelque denrée rare de son territoire...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre, excusez-moi, s'il vous plaît! En vertu du mandat qui nous est confié par la commission, normalement, les travaux devraient être terminés, mais je pense que...

M. Charron: M. le Président, je voudrais faire une proposition qui pourrait peut-être rallier du monde, pour permettre au ministre d'Etat au Développement économique de terminer, et à un représentant de chacun des partis ainsi qu'au député de Rouyn-Noranda d'ajouter leur opinion préliminaire sur ce sujet, quitte à dépasser l'heure. Par la suite, nous pourrions ajourner les travaux sine die, puisqu'il m'apparaît que nous aurons besoin d'une autre séance pour faire le tour d'autres points en discussion. Je le ferais sine die puisqu'il est impossible, pour le moment, de rejoindre une date qui ferait l'affaire de tout le monde à cause du calendrier serré de Winnipeg, la semaine prochaine, etc.

J'entrerais donc en discussion téléphonique à un autre moment avec mon vis-à-vis de l'Opposition officielle et celui de l'Union Nationale, pour qu'on s'entende sur une autre date. (13 heures)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce qu'il y a consentement unanime pour que, jusqu'à la fin de l'intervention... Est-ce que vous voulez mettre une heure limite?

M. Le Moignan: Oui, à quelle heure pourrions-nous terminer, parce que j'ai d'autres obligations et des voyages cet après-midi?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre, en avez-vous encore pour longtemps? Excusez-moi de vous poser cette question, mais...

M. Landry: Non, je voudrais encore évoquer deux principes, pendant quelques minutes, et ce sera la fin de mon intervention.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que 14 heures ou 13 h 45 ferait l'affaire des députés?

M. Forget: Quant à nous, puisque nous sommes les prochains à prendre la parole, il y a moins de difficulté, mais, selon la longueur de l'intervention du ministre, il se pourrait que, si on fixe une heure limite, certains de nos collègues soient privés de leur droit de parole; alors, moi, je suis très large là-dessus, mais je ne suis pas principalement visé.

M. Le Moignan: 13 h 45 ou 14 heures. M. Charron: 14 heures ou 13 h 45?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, 13 h 45, d'accord?

M. Landry: L'autre thème que je voudrais soumettre rapidement, M. le Président, à votre réflexion et à celle des oppositions, c'est une des applications pratiques du principe du droit de propriété sur les ressources naturelles qui est l'exclusivité de percevoir le loyer et la rente de ses richesses d'une manière directe ou indirecte. Je veux en venir à ce projet de taxation de l'exportation de richesses naturelles, dont l'électricité du Québec, par le gouvernement du Canada. Je relie ce principe à ceux que j'ai énoncés précédemment. Nous sommes d'accord pour l'accès prioritaire de tous les Canadiens aux richesses naturelles du Québec, moyennant réciprocité au prix du marché. Cependant, ce principe devient totalement inopérant si le gouvernement du Canada a le droit d'imposer une taxe.

Je m'explique en termes concrets. Si l'Etat de New York, par exemple, est décidé à payer 70 mills le kilowatt électrique, départ, disons, Rouses Point vers New York, alors que, dans ces conditions de marché, l'Ontario ou le Nouveau-Brunswick ne seraient nullement intéressés ou offriraient 30 mills, quel est le prix du marché? C'est 70 mills, il y a un acheteur. Si le gouvernement du Canada, par une taxe, comble la différence entre 30 et 70, cela revient exactement à l'interdiction formelle pour le Québec d'exporter son électricité aux Etats-Unis, rend le projet non économique, rend le projet impossible et confisque un avantage de situation que le Québec avait à cause de la présence de courant électrique sur son territoire. Ce que je voudrais, c'est une illustration; ce que je voudrais, c'est demander à l'Opposition de nous communiquer ses réflexions sur les conséquences du principe auquel elle souscrit dans son livre beige sur la propriété exclusive du Québec de ses richesses naturelles.

J'ajoute enfin deux autres corollaires directs de ce qui a été dit précédemment. Que soit réitérée, précisée et balisée l'exclusivité de législation et d'administration du Québec et de toutes les provinces sur leurs richesses naturelles, avec la conséquence, pour être très concret, qu'il deviendrait illégal et inconstitutionnel pour le gouvernement du Canada de décider d'avoir un ministère de l'électricité qui aurait juridiction au Québec ou au Manitoba ou en Colombie-Britannique. Que le gouvernement du Canada ne pourrait pas, par limitation découlant de son pouvoir de dépenser, consacrer vos taxes et les miennes à des activités dans le domaine des pâtes et papiers, dans le domaine de la forêt, et que ces moyens disponibles soient laissés aux juridictions responsables ou rendus aux juridictions responsables lorsqu'ils auront été enlevés précédemment.

Enfin, un dernier principe qui est revenu souvent dans nos discussions, le gouvernement croit que les meilleurs intérêts du Québec ont été, dans la plus grande puissance possible de celui-ci sur ses richesses naturelles dans tous les aspects de leur gestion et de leur exploitation, et il croit que ces pouvoirs, d'aucune manière, au cours du processus de révision constitutionnelle, ne devraient être diminués, d'une part. Il croit, par ailleurs, en raison de certains exemples que j'ai donnés, que ces pouvoirs devraient être augmentés, d'autre part.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Claude Forget

M. Forget: Merci, M. le Président. Jusqu'à maintenant, au cours des travaux de cette commission, nous avons entendu les positions du gouvernement et, dans tous les cas, jusqu'à maintenant du moins, les positions qui ont été formulées par le gouvernement, aussi loin qu'elles vont et, dans certains cas, ce n'est pas très loin, ne sont pas incompatibles avec, dans le fond, la souveraineté-association.

Nous avons eu, par exemple, sur la déclaration de principes, la notion qu'ils devraient contenir l'affirmation du droit à l'autodétermination et de la dualité, mais aucune autre contribution véritablement positive. Nous avons eu, du côté de la charte des droits, l'affirmation qu'on n'en voyait pas vraiment l'utilité, quoiqu'on serait peut-être prêt à s'y rallier, mais sur un contenu qui n'a pas été précisé.

Dans le domaine de l'économie, je crois que mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, ce matin, a bien illustré qu'au-delà des querelles d'intention, des critiques et des réactions face à un document d'un autre gouvernement, il n'y avait aucune suggestion, aucun contenu concret permettant d'envisager la solution des problèmes que, par ailleurs, verbalement au moins, le gouvernement reconnaît comme des problèmes réels.

Lorsque nous abordons les richesses naturelles, on franchit un cran de plus dans cette

forme ou dans cette approche aux problèmes constitutionnels. Sauf erreur, le gouvernement du Québec semble adopter une position qui n'est pas, par omission, conforme à la souveraineté-association, mais qui l'est, par commission, de façon explicite, à moins qu'on n'ait pas compris le sens des recommandations qui sont contenues dans les documents qui nous ont été remis.

En écoutant le ministre d'Etat responsable au Développement économique, j'en viens à la conclusion — il me corrigera, je ne sais si nos travaux permettent désormais qu'il me corrige — que le gouvernement du Québec, face à la question des richesses naturelles, adopte une position plus intransigeante que le gouvernement de l'Alberta lui-même, dans ses négociations, voudrait se voir affirmer des pouvoirs exclusifs non seulement dans des domaines qui, évidemment — et je m'empresse de l'ajouter — ne font aucune espèce de difficulté pour tous ceux qui se sont exprimés là-dessus, mais sur des sujets extrêmement difficiles, extrêmement délicats, tels que ceux relatifs à l'exportation en dehors de la province d'origine des richesses naturelles.

Sur la question également de la fiscalité relative aux richesses naturelles, on réclame des pouvoirs beaucoup plus largement définis non seulement que ceux qui existent à l'heure actuelle, mais même que ceux que réclame le gouvernement de l'Alberta. On doit donc s'arrêter et se demander si c'est vraiment là la position qu'envisage sérieusement de maintenir le gouvernement du Québec dans la question des richesses naturelles et s'il n'est pas incroyable que le gouvernement du Québec soit plus intraitable à cet égard que le gouvernement de l'Alberta.

J'aimerais, M. le Président, pour être plus spécifique, distinguer cinq questions qui doivent être traitées de manière séparée pour bien se comprendre dans le domaine des richesses naturelles, pour voir où sont les ententes, les accords et où sont au moins les questions et peut-être les divergences d'opinions fondamentales. La première question que l'on peut se poser relativement aux richesses naturelles a trait à la propriété des ressources. Là-dessus, il faut constater qu'il ne semble pas y avoir des difficultés, aucune difficulté. J'hésite un peu ici parce que les dernières remarques qu'a faites le ministre d'Etat tout à l'heure, relativement à la façon de calculer la rente économique ou de calculer la possibilité ou le pouvoir exclusif des provinces de percevoir des royautés, soulèvent bien sûr une question à cet égard. J'y reviendrai plus loin au moment où nous parlerons des questions de commerce extraprovincial des richesses naturelles. Mais il demeure que je pense qu'on peut affirmer que tous ceux qui se sont prononcés sur le sujet sont prêts à reconnaître la propriété exclusive des richesses naturelles, y compris bien sûr le pouvoir des provinces de percevoir exclusivement les droits et les royautés qui accompagnent leur extraction ou leur exploitation.

Entre parenthèses, je pense ici qu'il peut être utile de souligner que les affirmations que je fais sont basées sur une analyse comparative des positions qui me semblent devoir être pertinentes à notre débat, c'est-à-dire la position telle qu'on la comprend, au moins, du gouvernement du Québec dans les documents qui nous ont été remis, d'une part; d'autre part, le texte conjoint des gouvernements, qui est désigné sous le nom du meilleur projet ou du "best effort draft", qui date de février 1979, avec une modification dans le cas de l'Alberta, puisque la position de l'Alberta était réservée sur au moins un de ces éléments et, en troisième lieu, les dispositions de notre livre beige.

Donc, relativement à ce premier point, si l'on regarde ces trois textes, on constate que, quant à la propriété ou aux royautés, la juridiction provinciale est reconnue de façon absolue, sans partage. Le deuxième aspect, recherche, prospection, mise en valeur, exploitation et conservation, c'est-à-dire la gestion de la ressource, la détermination de la rapidité avec laquelle, par exemple, une richesse non renouvelable est extraite du sous-sol, tout cela constitue un ensemble de décisions extrêmement importantes et, là aussi, on constate dans tous les textes un accord, c'est-à-dire une compétence provinciale exclusive. Ceci vise donc les permis d'exploration, les permis de prospection, de mise en valeur, de développement, la vente des baux d'exploration et de développement, les politiques de conservation qui doivent, bien sûr, aussi inspirer les gouvernements dans l'attribution des permis d'exploitation et autres.

Le troisième aspect — c'est là que la question commence à revêtir son intérêt — concerne l'exportation en dehors de la province d'origine d'une ressource naturelle. Il est bien sûr que, si tout le produit de l'exploitation d'une ressource naturelle est consommé à l'intérieur d'une province, ce n'est pas un problème constitutionnel; c'est de compétence provinciale exclusive. Je pense qu'il n'est même pas besoin de le mentionner. C'est donc lorsque des produits qui trouvent leur origine dans une mine, une forêt ou un puits d'huile ou de gaz franchissent les frontières d'une province qu'un problème commence à se poser. Là-dessus, on doit remarquer que, dans la position du Québec, on voit une attitude qui est exclusivement, nous semble-t-il, provincialiste, c'est-à-dire que le gouvernement du Québec suggère que la décision et la réglementation, la compétence législative sur le commerce interprovincial en matière de ressources naturelles soient exclusivement provinciales.

Cette position diffère de celle adoptée par l'avant-projet, le meilleur avant-projet de février 1979, en ce que, même si, dans ce projet, on reconnaissait une compétence prééminente des provinces sur le commerce interprovincial, on assortissait malgré tout ce droit exclusif des provinces, ou cette suprématie législative des provinces, à l'obligation de non-discrimination quant aux prix dans les ventes faites à d'autres provinces. Autrement dit, on disait — dans ce cas-là, tout le monde avait à l'esprit l'Alberta — : Vous pouvez réglementer, à l'exclusion même du gouvernement fédéral, le commerce

interprovincial en matière de pétrole et de gaz naturel, mais vous n'avez pas le droit de vendre aux grossistes, en quelque sorte, ou aux revendeurs que sont les compagnies de distribution dans différentes provinces, etc., plus cher que vous ne revendez à des distributeurs albertàins pour consommation en Alberta, mais, sous cette réserve, vous avez la liberté totale.

Ce que le gouvernement du Québec nous propose, c'est une juridiction provinciale exclusive, mais on ne retrouve pas dans son texte, ni dans le projet qui l'accompagne en annexe, une restriction de ce genre. (13 h 15)

Deuxième différence entre le meilleur texte de 1979 et la position du Québec. Ce texte, ce meilleur texte envisageait une suprématie fédérale sur le commerce interprovincial dans les cas de ce que ce texte appelait une nécessité d'envergure nationale. Dans le texte du Québec, dans la proposition du Québec, on ne retrouve rien d'équivalent, si ce n'est, de façon assez sibylline, un engagement qu'à la page 4, le gouvernement du Québec propose que les provinces fassent les unes vis-à-vis des autres, mais dans une forme qui n'est pas précisée et qui ne semble pas incluse dans la constitution, une espèce de promesse morale de ne pas se maltraiter les unes les autres dans les situations d'urgence ou de crise.

Il est bien évident, M. le Président, que cette allusion à la nécessité d'envergure nationale que l'on retrouve dans le meilleur effort des gouvernements de 1979 est une expression qui se prête à interprétation et que, pour cette raison-là, elle n'était pas absolument à la satisfaction de la province d'Alberta, ni d'ailleurs, je pense, à la satisfaction de provinces qui, comme l'Alberta, se voient comme des provinces productrices de ressources naturelles importantes. Cela pourrait très bien être le cas du Québec, comme l'a souligné le ministre d'Etat.

C'est à la lumière de cette préoccupation que, dans le livre beige, le Parti libéral du Québec suggère que ce pouvoir d'intervention fédéral ne puisse être invoqué que dans des situations de crise ou d'urgence. Essentiellement, ce qui est visé, c'est une crise ou une urgence provoquée par une interruption des approvisionnements et que, à ce moment, un pouvoir d'urgence de caractère temporaire puisse permettre de résoudre, par rationnement, allocation des ressources, etc., la situation de pénurie absolue dans laquelle cette urgence plonge le pays et les provinces consommatrices.

Il est d'ailleurs intéressant de noter que ce genre de libellé, par référence à une situation d'urgence nationale et une urgence comprise par tous comme étant essentiellement une interruption des approvisionnements, constitue également un libellé acceptable à la province d'Alberta. Donc, l'Alberta, selon notre compréhension à nous, accepte une possibilité d'intervention fédérale dans des cas d'interruption d'approvisionnement, interruption limitée à l'envergure de la crise ainsi provoquée à la fois dans le temps et quant à ses répercussions.

A rencontre d'une position comme celle-là, qui semble ménager les intérêts à la fois des provinces productrices et des provinces consommatrices, la position qu'on retrouve dans les documents qui nous ont été remis, qui est un simple engagement moral des gouvernements de ne pas se maltraiter, nous apparaît insatisfaisante; insatisfaisante dans l'intérêt même des Québécois, qui sont des Canadiens et qui, dans le cas des ressources énergétiques, doivent pouvoir compter sur une garantie beaucoup plus solide que si jamais, par exemple, se produisait, en Arabie Saoudite ou Dieu sait où, les événements qui se sont produits en Iran. Si l'Est du pays était, pour cette raison, plongé dans une situation de pénurie absolue, que l'on ne soit pas à la merci d'un engagement moral et seulement d'un engagement moral d'une province productrice, mais qu'il y ait là un engagement réel et une obligation réelle de la province productrice d'accepter, pour le temps que dure cette crise — et ce ne sera pas à jamais, puisqu'on trouvera, bien sûr, des moyens de s'ajuster — qu'au moins sur le plan des approvisionnements, certaines affectations autoritaires soient faites de manière que les gens du Québec ne meurent pas dans l'obscurité et le froid pendant le temps que dure la crise. C'est un engagement qui nous semble essentiel.

Un troisième domaine qui touche encore l'exportation hors de la province — c'est le dernier — c'est la question des importations et des exportations. Le meilleur effort des gouvernements prévoyait une suprématie législative fédérale quant aux exportations et aux importations. Cela inclut évidemment le pouvoir de décréter des tarifs douaniers ou des contingentements à l'importation, des permis à l'importation ou à l'exportation, enfin tous les instruments qui sont normalement à la disposition d'un gouvernement qui contrôle le commerce extérieur. Dans ce cas, la position du gouvernement du Québec semble être de confier exclusivement aux provinces toute la commercialisation des richesses naturelles et des produits qui en découlent au premier stade de transformation.

Cela nous semble être une position qui n'est pas du tout compatible avec le maintien d'un régime fédéral où la conduite, la gestion des relations économiques internationales ne peut pas être le fait de dix gouvernements qui, isolément, adoptent chacun leur politique commerciale. On voit mal comment cela peut se concilier. Bien sûr, nous comprenons le problème qu'a soulevé le ministre d'Etat lorsqu'il dit: Si, par un tarif à l'exportation — par exemple, dans le cas du pétrole ou du gaz naturel, peut-être, ce sont des choses qui sont familières — le gouvernement modifie le niveau du prix intérieur au fabricant, du prix effectivement reçu par le producteur sur le marché canadien de cette ressource naturelle, il exproprie en quelque sorte une partie de la rente économique dont on lui reconnaît par ailleurs la propriété par le premier principe. Là-dessus, il n'y a pas quatre chemins que l'on puisse adopter, il n'y en a qu'un; la rente économique, donc le droit exclusif aux royautés peut difficilement se calculer par

référence au prix dans un autre pays; il doit bien se calculer par référence au prix domestique. Je ne vois pas comment, autrement, on puisse faire un sens de la nécessité que l'on doit reconnaître, par ailleurs, de l'existence d'un seul gouvernement, le gouvernement central, pour gérer une politique économique internationale, pour gérer les relations économiques internationales.

Ce problème, d'ailleurs, de concurrence entre les pouvoirs de taxation ne se pose pas seulement à l'occasion de l'imposition de droits de douane et de contingentement; il se pose également dans le cas de la taxation directe. Comme on le sait très bien, même si le concept de rente économique est très clair en théorie, en pratique, il est extrêmement difficile de faire la part des choses entre, d'une part, un bénéfice commercial normal et la rente économique dans le profit d'une société qui exploite les richesses naturelles. Les deux sont indissociables, mêlés par la nature même des choses et par la façon dont la comptabilité d'affaires se fait. Le concept de rente économique n'a pas d'équivalent du côté de la comptabilité fiscale des entreprises.

Il faut bien aussi, de ce côté, par des négociations ou autrement, trouver un modus vivendi dans l'exercice simultané de deux pouvoirs de taxation. Les concepts économiques de ce côté, même s'ils sont clairs en théorie, encore une fois, ne nous apportent pas automatiquement de solution. Donc, ce n'est pas différent dans le cas des droits de douane et on ne peut pas interpréter la notion de propriété des richesses naturelles, y compris la rente qui en découle, comme devant exclure nécessairement la présence du gouvernement fédéral dans le domaine des droits de douane, des contingentements d'importations et d'exportations. Ce n'est pas conséquent.

De ce côté, M. le Président, nous avons une position actuelle du gouvernement du Québec, telle qu'on peut la comprendre, qui est une position, dans le fond, d'indépendance absolue des provinces non seulement dans la propriété de leurs ressources, non seulement dans la recherche, la prospection, la mise en valeur, la conservation des ressources, mais également dans leur mise en marché en dehors de leurs frontières et même en dehors du pays.

C'est une position qui n'est pas compatible avec un régime fédéral et il va falloir que le gouvernement examine avec beaucoup plus de rigueur sa position là-dessus, d'autant plus, encore une fois, qu'il adopte une position en flèche beaucoup plus exigeante, beaucoup plus intraitable que celle même de l'Alberta avec laquelle tout le monde se débat depuis longtemps. Je veux bien croire qu'il y a des intérêts de toutes sortes là-dedans, mais il y a aussi un problème d'une province qui a des ressources et qui y tient, qui a adopté une position que tout le monde juge probablement une position de négociation. Est-ce qu'il s'agit, là aussi, d'une position de négociation, est-ce qu'il y aura une position de repli? Il sera bon que le gouvernement s'en prépare une, parce que celle-là, elle est difficilement soutenable à l'intérieur d'un régime fédéral.

Pour ce qui est de la taxation, qui était mon quatrième point — j'y ai déjà touché, je pense — on semble proposer ici, non seulement on semble, mais je pense qu'on le fait en toutes lettres, un régime de fiscalité exclusive par les provinces. Mais, quand on applique cela en général, cela veut dire non seulement les droits et les royautés — nous sommes d'accord là-dessus; nous le proclamons d'ailleurs dans le livre beige — mais cela veut dire aussi exclusivité de la fiscalité même directe, même des impôts sur les revenus des sociétés exploitant les richesses naturelles. Si on ne veut pas le dire, on ne prend pas le langage pour éviter cette interprétation puisque dans le projet, à l'annexe, à 92.1.4, pour lever des impôts par tout mode ou régime de taxation, on dit exclusivement: "Le corps législatif de chaque province peut exclusivement légiférer... Entre parenthèses, le "corps législatif", M. le ministre, c'est une expression que vous utilisez aussi.

M. Morin (Louis-Hébert): Je m'excuse, une question de privilège ou d'information. J'ai écrit dans ce document que nous avions utilisé le document de 1979 qui venait, lui, de l'ensemble des provinces, c'est différent.

M. Forget: Vous l'avez utilisé en le modifiant. Je pense qu'on s'entendra là-dessus. Vous n'avez pas modifié la "translation" qu'on y trouve, au début, de "corps législatif".

M. Morin (Louis-Hébert): Non, absolument pas et c'est absolument ridicule que cela s'appelle "corps législatif". Voilà.

M. Forget: A tout événement, c'est un point de vocabulaire. Pour ce qui est de l'essentiel à 92.1.4, vous avez un pouvoir exclusif de légiférer pour lever des impôts par tout mode ou régime de taxation et, après, pour être bien sûr que vous n'oubliez rien, dans le paragraphe 2, vous dites que "les lois adoptées en vertu du premier paragraphe y compris les droits fiscaux, l'emportent sur les lois du Parlement du Canada." Donc, il n'y a absolument pas moyen de se tromper là-dessus. En matière de taxation des richesses naturelles...

M. Landry: On n'est pas en désaccord, mais on ne s'est pas compris.

M. Forget: Enfin, on en reparlera sans aucun doute. Si le gouvernement apporte des explications et des clarifications, nous serons heureux de les enregistrer, mais nous ne pouvions aller que sur la base du texte tel qu'il nous était soumis et le texte est très très ambitieux.

Maintenant, un cinquième et dernier point, M. le Président — je me hâte pour laisser la chance à nos collègues de participer aussi — la question des pouvoirs unilatéraux. Il est bien clair que la question des richesses naturelles n'aurait même pas l'acuité qu'elle a actuellement si ce n'était de l'existence des pouvoirs unilatéraux qui constituent une épée de Damoclès sur la tête des provinces et en particulier sur la tête de l'Alberta,

le pouvoir déclaratoire en particulier étant ce que cette province redoute le plus.

Dans le livre beige, au lieu de retenir la formule du meilleur effort, formule que le gouvernement du Québec semble préférer lui aussi et qui consiste à dire: Le pouvoir déclaratoire est maintenu, mais il ne peut s'appliquer que dans la mesure où la province qui est visée a préalablement donné son accord, ce qui est une espèce de non-sens, parce que, dans ces conditions-là, on n'a pas besoin du pouvoir déclaratoire, le Parti libéral du Québec propose que le pouvoir déclaratoire soit plus carrément et franchement aboli et qu'il soit remplacé, dans le cas des richesses naturelles, par un pouvoir d'urgence très circonscrit justement à ce que je décrivais plus tôt, c'est-à-dire un pouvoir temporaire d'intervention pour parer à une crise d'approvisionnement ou à une crise précipitée par une interruption des approvisionnements. Etant donné que c'est la seule chose qui a véritablement un caractère d'urgence en soi, nous proposons que le fédéral puisse, à ce moment-là, par rationnement ou autrement, intervenir pour solutionner temporairement cette urgence et que même cet usage d'un pouvoir d'urgence par le gouvernement fédéral dans un tel cas soit assujetti à l'accord du conseil fédéral, c'est-à-dire que les deux tiers des provinces soient également d'avis qu'il s'agit bien là d'une urgence provoquée par une interruption des approvisionnements, etc.

Donc, notre formule nous semble plus pratique, en ce sens qu'elle peut vraiment s'appliquer, contrairement à un pouvoir déclaratoire qui ne peut pas s'appliquer. Puisqu'il faut demander l'opinion de la victime avant de la frapper, on n'aura certainement pas beaucoup d'occasions de l'appliquer. Un pouvoir qui peut s'appliquer, mais qui peut s'appliquer de façon beaucoup mieux adaptée aux problèmes véritables que l'or, veut régler et avec le sentiment que ce n'est plus un pouvoir unilatéral du gouvernement fédéral, mais un pouvoir conjoint de l'ensemble des gouvernements de ce pays qui, face à une urgence bien circonscrite, disent: Pour l'instant, il n'y a pas d'autre moyen que de déplacer un peu le centre de pouvoir temporairement et dans la mesure nécessitée par cette urgence. (13 h 30)

M. le Président, je pense que nous avons là, pour terminer, une indication que, dans ce dossier des richesses naturelles, le gouvernement du Québec a, cette fois-ci, cédé à la tentation de sortir du cadre fédéral pour sa discussion et d'adopter une optique de souveraineté-association. Si le oui avait gagné le 20 mai, M. le Président, on n'aurait pas suggéré autre chose, j'imagine, pour les richesses naturelles, que tous les pouvoirs pour le gouvernement du Québec sur les richesses naturelles. On ne se serait évidemment pas soucié de le formuler en termes de toute province ou quelque chose du genre. On aurait dit: Le Québec a tous les pouvoirs et c'est effectivement le résultat qui serait obtenu si ces recommandations-là passaient dans la réalité.

Le gouvernement fédéral, qui a une partie de la responsabilité pour la gestion de l'économie, serait dépossédé de toute espèce de contrôle, de pouvoir ou même d'influence réelle sur la question énergétique qui est une question majeure sur le plan des pouvoirs économiques. Surtout après 1973, personne ne peut ignorer l'importance des questions énergétiques sur l'économie, et on nous produit aujourd'hui une position qui met complètement de côté le pouvoir central dans une question comme celle-là. Nous ne sommes pas d'accord pour donner un pouvoir central des pouvoirs plus grands qu'il n'a à l'heure actuelle. Au contraire, nous les circonscrivons par l'abolition d'un pouvoir déclaratoire, qui existe encore jusqu'à nouvel ordre, et son remplacement par un pouvoir beaucoup plus circonscrit qui ne pourrait être exercé que par l'assentiment des deux tiers des provinces. Nous sommes, par ailleurs, absolument convaincus que les autres questions telles que la propriété des richesses naturelles et leur gestion ne font pas de problème et qu'elles peuvent très facilement non seulement être conservées aux provinces, mais que la constitution — ce qu'elle ne fait pas à l'heure actuelle — leur donnerait une juridiction très claire et explicite dans un domaine dont elles sont actuellement les dépositaires, mais un peu par accident puisque la constitution de 1867 ne traite pas explicitement de cette question.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Union Nationale.

M. Michel Le Moignan

M. Le Moignan: Oui, M. le Président. Cela va être très bref, peut-être deux ou trois idées.

En parlant des richesses naturelles, en ce qui a trait aux pouvoirs des provinces, leur juridiction, toute leur capacité de gérer, d'administrer, de transformer, je pense qu'on est tous d'accord sur cela, quoiqu'on puisse peut-être se poser une question à l'intérieur d'un pays fédéral. Si on veut coordonner davantage nos politiques pour l'ensemble des citoyens et une meilleure administration du pays, c'est là que je me pose certains points d'interrogation. Quels pouvoirs va-t-on donner au gouvernement fédéral et quelles seront les limites des pouvoirs à donner au gouvernement fédéral dans une juridiction où ce dernier gouvernement semble vouloir s'implanter de plus en plus? Nous prétendons aussi que le gouvernement a toute la juridiction. Mais la question que je me pose, quand il s'agit de conservation, de gestion, de transformation, de relation entre les autres provinces, de relation avec le commerce international, c'est jusqu'à quel point nous avons besoin de tenir compte aussi du rôle que le gouvernement du Canada devrait jouer à ce moment-là. Je crois que c'est très important.

Nous sommes intéressés, évidemment, aux propositions de février 1979 et nous comprenons un peu mal le recul du fédéral dans ce domaine.

On se demande pourquoi le gouvernement fédéral ne considère pas les formules qui auraient pu rallier peut-être la majorité des gouvernements. Le gouvernement semble s'éloigner de ces formules. Finalement, j'approuve peut-être l'intervention de l'Opposition officielle pour que tous ces changements soient approuvés par les deux tiers des provinces. C'est tout ce que je voulais dire, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. Samson: M. le Président, évidemment, il y a eu beaucoup de choses d'énoncées autour de la table au sujet des richesses naturelles. J'ai écouté avec attention les propos du ministre d'Etat au Développement économique; j'ai également écouté avec beaucoup d'attention les propos du député de Saint-Laurent.

Je dois dire, en tout premier lieu, que mes opinions vont beaucoup plus dans le sens des propos tenus par ie député de Saint-Laurent que de ceux tenus par le ministre d'Etat au Développement économique. En effet, M. le Président, il m'apparaît difficile de vouloir démontrer sa volonté d'élaborer une constitution nouvelle, de vouloir démontrer sa volonté de vivre dans un Canada, dans un Etat fédéral, en même temps que l'on tente de démontrer que la province doit posséder presque tous les pouvoirs. Ou bien on fait son lit en disant: On est dans une fédération, et ça comporte la vie en société, ça comporte des arrangements... Le fédéralisme est un contrat, est un arrangement en quelque sorte d'une société, de la vision d'une société; c'est un arrangement convenable et qui doit convenir non seulement à une partie, mais à tous. C'est la mise en commun, quand on parle d'un Etat fédéral, des capacités d'un pays, des ressources d'un pays, des ressources naturelles autant que physiques et humaines et, en fin de compte, c'est, selon moi, un contrat de société qui doit permettre un meilleur niveau de vie à tous les sociétaires ou encore, si on veut s'exprimer autrement, à tous les citoyens composant ce pays.

Donc, on parle du Canada dans le cas présent. Bien sûr, les richesses naturelles doivent être la propriété des provinces. Personne ne conteste — du moins, je n'ai pas entendu contester cela aujourd'hui — que les richesses naturelles doivent être la propriété des provinces. Les provinces doivent être capables d'en faire l'exploration, d'en faire l'extraction, même d'en faire la transformation et également d'en tirer profit par la vente ou encore par des formules dites de redevances ou de royautés.

Maintenant, nous sommes dans un contexte où nous discutons d'une constitution d'un Etat fédéral. Donc, le commerce interprovincial ou extraprovincial — appelons-le comme on le voudra — ne doit pas, à mon sens, être soumis exclusivement à la volonté de telle ou telle autre province compte tenu du fait que nous sommes obligés de reconnaître que, de part et d'autre au pays, il y a des richesses naturelles importantes, nécessaires, mais qui, d'une partie à l'autre du pays, peuvent varier. Or, nous avons des possibilités d'augmenter notre potentiel électrique au Québec. Par contre, les possibilités d'augmenter notre potentiel en pétrole ne sont pas encore connues. A moins que je ne me trompe, on ne fait pas qu'utiliser de l'électricité en matière d'énergie; on utilise aussi du pétrole au Québec. On peut utiliser d'autres formes de ressources naturelles qui proviennent de sols qui se trouvent situés ailleurs qu'au Québec. Quand on parle de la potasse de la Saskatchewan, par exemple, c'est très utile qu'on puisse l'utiliser au Québec. Evidemment, en ce qui concerne le marché domestique, le marché intérieur d'une province, cela ne me semble pas poser de problème. La province devrait pouvoir légiférer en toute liberté sur ce commerce intraprovincial. Mais quand il s'agit d'en arriver au commerce exraprovincial, on déborde la limite d'une province et, en débordant la limite d'une province, si l'on est sincère quand on veut parler d'un fédéralisme vivant, il faut tenir compte qu'il y a d'autres provinces, qu'il y a d'autres citoyens qui ont besoin de notre produit et dont nous avons aussi besoin de produits.

Bien sûr, M. le Président, je vois un peu mal que le Québec réclame l'exclusivité entière de toute juridiction non pas sur la propriété... Je suis d'accord sur la question de la propriété, je suis d'accord sur la question de l'exploitation, de l'extraction, de la transformation, mais, quand arrive le tour du marché ou du commerce, à ce moment-là, je vois très mal comment on pourrait donner l'exclusivité à cette province ou à une autre de son commerce extraprovincial, compte tenu du fait que, si on vit en société, si on accepte d'être des Canadiens, il serait très mal vu, dans une société, que des Canadiens situés à l'est soient pénalisés par rapport à des Canadiens situés à l'ouest pour un même produit, compte tenu du fait que le niveau de vie — je pense que c'est un principe social que nous défendons depuis longtemps — doit être comparable. Le partage des richesses doit permettre que le niveau de vie soit comparable de l'est à l'ouest au pays.

Là où je suis moins d'accord avec les propositions du Parti québécois, c'est que, quand il parle d'exportation à l'étranger, il voudrait avoir aussi une exclusivité de juridiction dans ce domaine. Cela regroupe ou rejoint des préoccupations qu'on retrouve ailleurs dans les matières constitutionnelles. A mon sens — je l'ai mentionné tantôt quand on a parlé du domaine économique — les importations et les exportations doivent être de juridiction fédérale ou encore, au plus, des juridictions partagées dans certains cas spécifiques.

Cela dit, je suis moins inquiet que le ministre d'Etat au Développement économique qui semble voir tout en noir ou encore tout en rouge, selon les circonstances, et il semble avoir une peur bleue, pour compléter le tableau. J'ai moins peur que lui.

Si notre produit est valable et que quelqu'un d'autre en a besoin à l'extérieur du pays, ces gens trouveront bien les moyens de payer le prix qu'il faut parce qu'ils n'achètent pas à l'extérieur du pays des produits pour nos beaux yeux. Ils les achètent quand ils en ont besoin. Il y a une seule chose que j'aimerais, cependant, entre parenthèses, voir préciser, sous une forme ou une autre, afin que cela ne se reproduise pas. Il y a quelques années, par un document déposé au Parlement fédéral, nous avons pris connaissance du fait que le Québec, à ce moment, vendait de l'électricité à l'Ontario, c'est avant les années soixante-cinq. Cette électricité ou l'équivalent de cette électricité était revendue par l'Ontario aux Etats-Unis à un prix, évidemment, meilleur, donc, l'Ontario faisait des profits sur notre produit. Il devrait y avoir moyen de trouver une formule qui permette que, même si les exportations relèvent du fédéral, l'exportation se fasse de la province productrice directement au pays qui veut acheter, sans nous obliger à passer par une autre province.

Malheureusement, M. le Président, je vois que, par vos beaux yeux, vous me faites un signe désespéré que mon temps est écoulé. J'aimerais pouvoir continuer plus longtemps, mais vous me permettrez en deux mots de terminer en disant que je suis d'accord avec la propriété exclusive des richesses naturelles aux provinces, mais que, quant au reste et surtout en matière d'exportation, nous devrons retourner à l'article des partages de juridiction et, en ce domaine, je considère que l'import-export, cela doit relever de la juridiction fédérale.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. Le consentement avait été accordé jusqu'à 13 h 45. Je me dois donc de remercier les membres de la commission pour la collaboration qu'ils ont démontrée au cours des deux dernières journées. Là-dessus, les travaux de la commission sont ajournés sine die.

Fin de la séance à 13 h 46

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