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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 20 septembre 1983 - Vol. 27 N° 137

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 37 - Loi sur l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche


Journal des débats

 

(Dix heures dix-neuf minutes)

Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, mesdames, messieurs.

La commission élue permanente de la présidence du conseil et de la constitution se réunit, ce matin, pour entendre des personnes ou organismes en regard du projet de loi 37, Loi sur l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche.

Les membres de la commission sont M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paré (Shefford), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Gravel (Limoilou), M. Dussault (Châteauguay), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Paquette (Rosemont), M. Ryan (Argenteuil), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau (Verchères), M. Gratton (Gatineau), M. Perron (Duplessis), M. Rivest (Jean-Talon), M. Saintonge (Laprairie) et M. Rodrigue Biron (Lotbinière).

Il conviendrait de désigner un rapporteur pour les travaux de la commission.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je propose notre collègue de Shefford.

Le Président (M. Brouillet): M. Paré, député de Shefford, sera le rapporteur de la commission.

Voici l'ordre du jour. Ce matin, nous entendrons le représentant de l'École Polytechnique qui présentera son mémoire et participera à la discussion.

Cet après-midi, nous entendrons la Conférence des recteurs et des principaux d'universités du Québec; ce soir, à 20 heures, l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec. À l'ordre du jour, on annonçait le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, M. Rodrigue Biron, et on me fait part qu'il participera, ce soir, en tant que membre de la commission, en tant qu'intervenant à la discussion, en non pas en tant que personne venant présenter y un mémoire.

Mme Dougherty: M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Oui, madame.

Mme Dougherty: Est-ce que je pourrais poser quelques questions sur l'ordre du jour? Premièrement, si je comprends bien, l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec ne présente pas de mémoire.

Le Président (M. Brouillet): Non.

Mme Dougherty: Elle a l'intention de faire des commentaires sur le mémoire du CIIM, est-ce que c'est exact?

M. Paquette: En fait, son intention est de faire des commentaires sur le projet de loi dans son ensemble.

Mme Dougherty: Oui.

M. Paquette: Certaines de ses remarques pourraient être reliées à d'autres mémoires. Il n'est peut-être pas courant que l'on reçoive ici, dans une commission parlementaire, des personnes qui n'ont pas déposé de mémoire. Autant d'après ce que j'ai compris de l'intérêt de l'Opposition quant aux vues de l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec que de notre côté, nous trouverions intéressant que, pendant une heure - même s'il n'y a pas de mémoire - il y ait une discussion. Par la suite, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme sera avec nous, à compter de 21 heures, pour une discussion sur l'interrelation entre ce projet et le rôle de deux organismes qui relèvent de sa responsabilité, c'est-à-dire le Centre de recherche industrielle du Québec et la Société de développement industriel.

Mme Dougherty: Alors, cela amène ma deuxième question: Est-ce que le ministre pourrait nous assurer que des représentants du CRIQ et de la SDI seront ici pour que nous puissions avoir des réponses très précises à des questions techniques qui touchent le CRIQ et la SDI?

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, je vais transmettre ce voeu du critique de l'Opposition à mon collègue de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Évidemment, ce n'est pas à moi de lui dire de quels conseillers il doit s'entourer. J'imagine qu'il prendra les dispositions nécessaires pour être

en mesure de fournir toutes les informations utiles à la bonne marche de la commission.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Est-ce qu'on pourrait obtenir un engagement du ministre de la Science et de la Technologie de demander aux représentants du CRIQ et de la SDI d'être présents? Je n'ai pas parlé personnellement au ministre, mais j'étais porté à croire par ma collègue de Jacques-Cartier qu'elle avait discuté ce problème avec vous et que vous vous étiez engagé à ce que des représentants du CRIQ et de la SDI - même s'ils ne présentaient pas de mémoire - seraient présents pour répondre à nos questions. Comme vous le savez, la position qu'on a déjà prise quand vous aviez introduit le projet de loi, c'est qu'il y avait un chevauchement, qu'il pouvait y avoir des duplications. On voulait savoir exactement quel serait le rôle de l'agence que vous voulez créer par le projet de loi vis-à-vis du rôle du CRIQ et de la SDI. Est-ce qu'il y a eu des changements dans les intentions ou les engagements du ministre quant à la présence des représentants du CRIQ et de la SDI à cette commission?

M. Paquette: M. le Président, effectivement il y a eu deux rencontres entre le critique de l'Opposition et moi-même, l'une il y a quelques semaines pour s'entendre sur les organismes qu'il serait particulièrement intéressant d'entendre. En fait, on a envoyé les invitations sans restriction, "at large", à la commission. On a mentionné plus particulièrement un certain nombre d'organismes dont il serait important d'étudier les objectifs et le fonctionnement; le CRIQ et la SDI font partie de ceux-là.

Cependant, j'avais mentionné au critique de l'Opposition, à ce moment-là, que pour ma part j'étais tout à fait disposé à ce qu'on discute à fond de ces questions concernant le CRIQ et la SDI. Je ne pouvais pas prendre d'engagement et je n'en ai pas pris à ce moment-là. Je n'étais pas seul au moment de cette réunion. Je n'ai pas pris l'engagement que le CRIQ et la SDI seraient là pour la bonne raison que ce ne sont pas des organismes qui relèvent de ma responsabilité.

D'autre part, en regardant les choses de plus près, on s'est aperçu que normalement il n'était pas d'usage de demander à un organisme ou à une société d'État, lors d'une commission parlementaire, de venir commenter les activités d'une autre société d'État ou la création d'un autre organisme autrement que par les ministres qui en assument la responsabilité, d'où cette idée d'assurer la présence de mon collègue de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme à cette commission, de façon que nous puissions, par ce canal, atteindre les mêmes objectifs, c'est-à-dire faire la lumière sur les interrelations possibles entre l'agence, le CRIQ et la SDI.

M. Ciaccia: M. le Président, brièvement. Je ne veux pas un long débat sur ce sujet parce que le but de cette commission est d'entendre les invités. Je pense qu'on ne pourra pas atteindre les mêmes objectifs en posant au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme des questions que nous voulions poser directement à la SDI et au CRIQ. On comprend la solidarité ministérielle; on ne s'attend pas à avoir trop d'information contradictoire sur les objectifs et les buts des différents organismes. Le CRIQ et la SDI sont des organismes indépendants et je crois que pour un meilleur fonctionnement et afin de comprendre les objectifs et les buts de l'AQVIR il aurait été bon pour nous d'avoir les représentants du CRIQ et de la SDI. Ce n'est pas dans le but de leur demander leurs commentaires sur la création de l'AQVIR et de voir les contradictions entre les deux mais c'est juste d'essayer d'établir les dossiers, les rôles, les activités du CRIQ et d'essayer de faire la comparaison entre les deux. Je pense qu'il aurait été dans l'intérêt de tous les membres de la commission d'avoir ces informations. Quant à moi, je ne pense pas que le ministre puisse remplacer ceux qui sont vraiment les fonctionnaires responsables de ces deux organismes. Je pensais que cet engagement-là avait été pris. S'il ne l'a pas été, on est un peu déçu de voir qu'on refuse d'avoir ces représentants. S'il n'y avait pas de doute dans l'esprit des deux ministres, je pense bien qu'on aurait bien pu entendre brièvement le représentant.

M. Paquette: M. le Président...

Le Président (M. Brouillet): Dernier commentaire sur cette question, M. le ministre.

M. Paquette: Je tiens à dire au député de Mont-Royal, qui suppose qu'il y aurait des doutes dans notre esprit, qu'il n'y a pas de doute et qu'il y a des interrogations sur la manière de faire en sorte d'assurer le mieux possible le processus de la valorisation industrielle de la recherche. Je ne pense pas que la commission soit brimée dans ses droits à l'information. De toute façon, les activités de la SDI et du CRIQ sont du domaine public, il y a des rapports annuels et il y a possibilité pour les députés d'obtenir toute l'information nécessaire. Il y a d'ailleurs une loi sur l'accès à l'information qui a été adoptée par notre gouvernement récemment. En plus de tout cela, les membres de la commission pourront

discuter précisément de cette question avec le ministre et ses conseillers quant à l'interrelation entre l'agence, le CRIQ et la SDI.

Il me semble que cette disposition garantit le meilleur éclairage possible à la commission.

Le Président (M. Brouillet): Nous allons commencer l'étude des mémoires et je convierais le ministre à nous faire tout d'abord quelques remarques préliminaires. Ensuite, j'inviterais le représentant officiel de l'Opposition à faire de même avant d'entendre nos invités. M. le ministre. (10 h 30)

Remarques préliminaires

M. Gilbert Paquette

M. Paquette: M. le Président, comme vous vous le rappelez sans doute, le projet de loi 37, Loi sur l'agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche, découle directement des travaux que nous avions entrepris au mois de juin et complétés quant à loi 19 qui révisait l'ensemble du mécanisme, des outils et des mécanismes de soutien gouvernementaux au développement de la science et de la technologie.

Évidemment, ce projet de loi, malgré tous les efforts que nous avions faits à partir du mois de janvier, n'avait pu être déposé à l'Assemblée nationale avant le mois de juin - nous aurions préféré le déposer au mois de mai - de sorte qu'à cette commission parlementaire, finalement, nous avons pu étudier tout le projet de loi sauf celui concernant l'agence. Cela aurait été vraiment brusquer les choses et également passer dans l'ombre ce qui, à notre avis, constituait peut-être l'élément le plus novateur du projet de loi 19 que de brusquer son adoption, de forcer son adoption, à la fin d'une session alors qu'il y avait évidemment beaucoup d'activités à l'Assemblée nationale comme à toutes les fins de session. Je pense que, sans ralentir l'implantation des autres mécanismes qui vont nous permettre d'implanter davantage le virage technologique, nous allons y gagner une étude plus approfondie de ce nouveau mécanisme de valorisation industrielle de la recherche que nous proposons.

J'aimerais simplement dire que j'aborde cette commission parlementaire avec le même esprit d'ouverture et de souplesse. Je pense qu'on peut être à la fois avide d'actions - je pense que le Québec a besoin d'actions sur le plan de la recherche, du développement et de la valorisation industrielle de la recherche - mais, en même temps, il faut quand même peser les gestes que l'on pose et s'assurer qu'ils sont acceptés par les intervenants avec lesquels nous travaillerons, principalement les milieux universitaires, les milieux industriels et les milieux de la recherche.

Je pense que le travail que nous avons fait au sujet de la loi 19 en juin nous a permis de bonifier le projet de loi. Souvent on s'aperçoit que, dans un projet de loi, certains articles, à cause de leur formulation légale un peu particulière, peuvent parfois prêter à ambiguïté et souvent, correspondent mal aux intentions des personnes qui ont imaginé le projet. Il est possible que, dans le projet de loi 37, nous nous rendions compte, au cours de l'étude - et je pense que c'est le but de l'audition des mémoires que nous allons faire ici à cette commission - que certains articles mériteraient d'être précisés, mieux formulés, orientés peut-être différemment. Je suis prêt à examiner toute proposition allant dans ce sens. Il est fort probable qu'il y ait, comme dans chaque projet de loi, des amendements au moment du dépôt en deuxième lecture qui devrait se faire à la reprise de la session. Donc, c'est avec un esprit d'ouverture, de souplesse que nous sommes ici et je souhaite que cette commission travaille dans le meilleur esprit de coopération possible.

Pour ouvrir cette commission, j'aimerais simplement rappeler le rôle de l'agence, quelques éléments sur son fonctionnement, pourquoi créer un nouvel organisme - je pense que c'est une question qui se pose également.

Nous avons publié, il y a quelques semaines, ce document-ci qui a été expédié à tous les membres de la commission, a tous les députés de l'Assemblée nationale et aux 400 personnes et organismes du milieu et qui décrit le projet. La raison pour laquelle nous l'avons fait, c'est qu'on se rend compte qu'un projet de loi, c'est nécessairement relativement théorique. Il est souvent difficile de lire entre les lignes d'un projet de loi quelles sont vraiment ses intentions, comment il va fonctionner, à quoi sert un organisme comme celui-là.

Je vais vous lire ce qu'on entend par valorisation de la recherche. Je pense que c'est important, quand on se pose la question de l'interrelation avec divers autres organismes, de savoir ce qu'est la valorisation de la recherche. Il faut distinguer cela de la recherche elle-même et du développement technologique. Je vous lis un extrait de ce document. "La valorisation de la recherche occupe tout le champ du processus entre l'idée née du cerveau du chercheur et l'objet industriel. Valoriser, c'est assurer le support requis sous des formes diverses tout au long du processus d'innovation qui va de l'invention, résultat acquis de la recherche effectuée en laboratoire, jusqu'à la sortie du produit ou du procédé nouveau."

Première caractéristique, l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la

recherche n'est pas un outil de planification. Ce n'est pas un outil pour diriger la recherche. C'est un outil pour soutenir son transfert dans le processus industriel. Donc, le rôle de l'agence, c'est un rôle de soutien: soutien financier, soutien technique et informationnel, soutien logistique ayant pour but de catalyser des collaborations entre les milieux de recherche et les milieux industriels.

D'abord, le soutien financier. On se rend compte que l'effort financier du gouvernement du Québec devient relativement important. En cinq ans, on est passé d'environ 250 000 000 $ de dépenses dans les activités scientifiques et techniques à 660 000 000 $ en 1982-1983. Il y a donc un effort accru qui s'est effectué dans le développement de la recherche. À l'autre bout du processus, des organismes gouvernementaux comme la Société de développement industriel ou la SODICC ont étendu leur programme de financement, donc d'appui financier, au développement industriel; mais entre les deux, entre la recherche et le développement en milieu industriel, même dans ses composantes recherche et développement - en effet, lorsqu'une entreprise est lancée et qu'elle fonctionne depuis plusieurs années, il est important qu'elle continue à se maintenir à la pointe et, donc, qu'un organisme comme la SDI offre des programmes d'aide à la recherche et au développement dans les industries - entre la recherche et le processus industriel, dis-je, on manque terriblement au Québec d'appui financier, de capital de risque.

D'ailleurs, malgré sa création toute récente, le ministère de la Science et de la Technologie reçoit déjà chaque semaine des demandes qui se situent dans cet espace, dans cet intervalle entre l'idée, l'innovation et la production. On nous demande de financer l'élaboration de prototypes, par exemple. On nous demande de financer des études de faisabilité, des études de marché pour tester les possibilités réelles de valoriser une invention ou le résultat d'une recherche.

Je vous avoue que je trouve difficile qu'un ministère assume ce rôle. Je pense que, si on avait au Québec une agence dont le rôle principal serait de fournir un capital de risque et d'appuyer financièrement toutes les étapes du processus d'innovation de la recherche à la commercialisation, nous serions sur la voie de ce qui fait la différence entre une recherche souvent très féconde, mais qui est largement sous-utilisée dans la société et une recherche qui féconde et stimule l'activité économique.

On pourrait parler aussi du grand nombre de brevets qui sont levés chaque année et qui sont inexploités, faute d'appui. Devant le bureau canadien des brevets, pour 100 brevets qui sont déposés, 7% sont utilisés et 1% se rend au niveau d'une commercialisation réussie. Je pense qu'il y a là un besoin à combler. Donc, soutien financier.

Soutien technique et informationnel, en ce sens qu'une équipe de recherche ou un inventeur qui arrive avec un projet intéressant va commencer par le faire évaluer au CRIQ ou au Centre d'innovation industrielle de Montréal dans un premier temps. Une fois que l'évaluation devient positive - cela permet de distinguer les inventions sérieuses des autres - l'inventeur se retrouve relativement démuni. Il connaît mal le processus industriel, les marchés, souvent sous-estime le temps nécessaire à la mise au point d'un processus, les diverses étapes qu'il faudra franchir. Il y a donc pour l'agence un rôle d'appui aux inventions prometteuses en termes de diffusion des connaissances, donc d'appui informationnel et technique, appui également pour lever le brevet, pour la fabrication du prototype, pour financer des études de marché, des études de faisabilité; soutien financier, soutien technique et informationnel et finalement soutien logistique.

La valorisation industrielle d'un résultat de la recherche fait intervenir divers agents. Il y a des agents sur le plan scientifique et technique pour aller plus loin, pour mettre au point l'innovation, des agents financiers privés ou publics qui peuvent être mis à contribution à différentes phases du processus et il y a surtout des entreprises qui doivent prendre en charge, des entreprises existantes ou parfois des entreprises à lancer. L'agence pourra jouer un rôle logistique face à ces projets en favorisant la mise en relation des agents du côté de la recherche avec les agents du côté économique et industriel.

Autrement dit, l'agence sera l'un de ces mécanismes de décloisonnement entre l'université et l'industrie. Ce n'est pas le seul; déjà il y a un mouvement de décloisonnement qui se fait enfin dans notre société. On constate que les industries parlent de plus en plus aux universités, aux cégeps; le CRIQ joue un rôle intéressant de ce côté également en mettant en interrelation les industries et les universités; les programmes d'emploi scientifique de mon ministère contribuent également aux mêmes objectifs. On constate que de plus en plus il y a un souci des deux côtés de ce qui était une clôture de rompre les cloisonnements. L'agence pourra être un autre élément contribuant à rapprocher les milieux universitaires des milieux industriels.

Finalement, lorsqu'on définit l'agence de cette façon, comme un organisme de soutien financier, technique et informationnel et logistique à des projets de valorisation industrielle, on se rend compte qu'il n'y a aucun autre intervenant qui peut jouer ce

rôle. Il n'y a aucun autre intervenant qui dispose de capital de risque pour financer les premières phases du processus d'innovation, il n'y a aucun autre intervenant aussi dont le rôle ne soit pas spécialisé en fonction de certains aspects du processus d'innovation qui peut regarder un projet dans toutes ses dimensions et mobiliser les ressources nécessaires pour le réaliser.

Au niveau du fonctionnement de l'Agence de valorisation industrielle de la recherche j'aimerais simplement mettre en évidence deux ou trois éléments. D'abord l'agence se devra d'avoir une approche volontariste et sélective plutôt qu'une approche normative. Ce n'est pas un organisme qui va faire un appel à tout le monde et dire: Amenez-nous des inventions ou amenez-nous des projets ou qui fera appel à... Ce n'est pas un service offert au grand nombre ou à la multitude et qui aurait par conséquent à se donner des programmes avec des normes très strictes, de la paperasse et de la bureaucratie. C'est un organisme qui fonctionnera projet par projet et qui devra être sélectif après qu'une évaluation aura été faite, généralement par d'autres organismes, sur la valeur du projet. (10 h 45)

Deuxièmement, c'est un organisme qui agira un peu face à ces projets qui devront être valorisés par l'agence, qui agira un peu comme plaque tournante vers les organismes spécialisés, qui demandera au CRIQ, au CIIM ou à d'autres organismes une évaluation et un appui sur le plan de la valeur technologique du projet, qui se retournera vers la 5DI pour demander, dans les dernières phases du processus d'innovation, un soutien financier, qui aura également à travailler avec les organismes dans les diverses universités qui s'occupent d'établir le lien entre la recherche qui est faite dans l'université et ses applications dans le milieu. C'est donc dire que l'agence devra établir des protocoles d'entente avec les autres intervenants spécialisés et qui s'occupent de certaines des dimensions de la valorisation industrielle de la recherche.

La conséquence de ces deux caractéristiques du fonctionnement de l'AQVIR, c'est que l'AQVIR ne peut pas être un gros organisme en termes de personnel puisqu'elle fonctionne projet par projet, puisqu'elle se réfère à des ressources diverses, spécialisées dans certaines dimensions de la valorisation de la recherche. Nous évaluons qu'en rythme de croisière normal, il s'agit d'une vingtaine de personnes, de 1 000 000 $ pour le fonctionnement et peut-être au début une dizaine de millions directement injectés dans les projets eux-mêmes.

En terminant, je voudrais simplement souligner que ces besoins de valorisation industrielle de la recherche existent, qu'on aurait pu, bien sûr, décider qu'une direction du nouveau ministère de la Science et de la Technologie allait assumer cette responsabilité puisque, déjà, nous sommes obligés de l'assumer sur des projets ad hoc. Nous pensons qu'il est hautement préférable qu'une agence, relativement autonome du gouvernement, assume ce rôle. Nous pensons qu'ainsi les relations seront plus faciles avec les entreprises et les universités que si c'était l'action directe du ministère. Au conseil d'administration de l'agence, nous pourrons inviter des personnes expérimentées dans la valorisation industrielle de la recherche, provenant tant des milieux universitaires que des milieux industriels, de sorte qu'il y ait une synergie déjà au niveau du fonctionnement même et des orientations de l'agence entre ces deux milieux. Également, une telle agence peut bénéficier d'une rapidité d'action plus grande qu'un ministère. Je pense qu'il y a beaucoup plus de souplesse au niveau de l'exécution.

En terminant, j'aimerais simplement souligner que le principal défi de l'agence réside sans doute dans la nécessité, pour qu'elle puisse atteindre ses objectifs, de transformer en partenaires les milieux de la recherche et ceux de l'industrie qui, très souvent, ne parlent pas le même langage. Ce sera précisément le rôle de l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche de mobiliser toutes les compétences. Voilà pourquoi il est tellement important que ce projet soit bien compris, accepté, voire modifié de façon qu'il s'insère le plus harmonieusement possible dans le système scientifique et technologique du Québec. Je pense que c'est le rôle de cette commission. Je vais écouter toutes les interventions avec beaucoup d'intérêt.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. J'inviterais maintenant Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: Merci. Nous sommes heureux, M. le Président, de participer, au nom de notre formation politique, à cette commission parlementaire réunie afin d'entendre les groupes ou les personnes qui ont manifesté le désir d'intervenir sur le projet de loi 37, Loi sur l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche.

Le projet de loi 37 est effectivement le chapitre V du projet de loi 19 qui a créé un ministère de la Science et de la Technologie en juin 1983. Compte tenu des réserves graves exprimées par notre formation politique sur l'agence lors de l'étude article par article du projet de loi 19, particulièrement le dédoublement apparent des fonctions de l'agence avec d'autres organismes existants, notamment le

CRIQ et le CIIM. Devant le refus du ministre d'accéder à nos demandes et d'inviter ces organismes à la commission afin de nous éclairer à ce sujet, le chapitre V a été retiré du projet de loi 19 et a été déposé sans changement, en juin, sous la forme du projet de loi 37.

Nous sommes heureux de constater que le CIIM est parmi les groupes qui seront entendus aujourd'hui ou demain. D'autre part, je ne peux m'empêcher de souligner que nous étions profondément déçus d'apprendre, il y a quatre jours, que le CRIQ et la SDI qui sont particulièrement touchés par le projet de loi 37, ne seront pas entendus devant cette commission parlementaire. Nous avions cru comprendre, lors d'une réunion avec le ministre il y a trois semaines, que le CRIQ et la SDI seraient présents afin de répondre à nos questions.

Je souligne, M. le ministre, que nos responsabilités en tant que députés exigent le plus grand éclairage possible, même si on sacrifie un peu de délicatesse en demandant à des fonctionnaires d'un autre ministère de venir répondre à nos questions. Je regrette d'avoir engagé mes remarques de façon négative, M. le Président; néanmoins j'ai cru important d'enregistrer notre déception.

En dépit de ces commentaires, j'aimerais vous assurer que nous abordons cette commission parlementaire dans un esprit ouvert et constructif. Personne ne peut nier que la valorisation industrielle des fruits de la recherche scientifique et technologique est une activité essentielle dans le processus de l'innovation technologique, ce processus qui est au coeur de notre capacité d'être concurrentiel sur le marché mondial. Notre survie économique en dépend.

Concernant le rôle du gouvernement vis-à-vis de ce défi, nous abordons ce projet de loi dans la même optique que celle que nous avons adoptée lors de l'étude du projet de loi 19, à savoir que le principal rôle du gouvernement n'est pas de gérer le développement scientifique et technologique du Québec. J'emploie ici le mot gérer dans le sens de gouverner. Pour moi, c'est une contradiction de termes. Le rôle du gouvernement est de créer un climat fiscal, social, administratif et politique propice à attirer des investissements, à inciter les individus et les entreprises créateurs à prendre des risques et à favoriser la venue au Québec d'ingénieurs et de scientifiques de calibre international.

Chaque jour on lit dans les journaux des témoignages d'hommes d'affaires, de chefs d'entreprises de haute technologie, d'ingénieurs, d'hommes de science et d'investisseurs qui déplorent les conditions fiscales, la surréglementation, les contraintes linguistiques, l'instabilité politique et l'esprit de confrontation qui régnent au Québec, ainsi que la multiplicité des intervenants gouvernementaux, ce qui complique l'accessibilité aux services offerts, toutes des conditions qui découragent l'esprit d'"entrepreneurship" qui est la clé de notre développement, des conditions qui nous rendent incapables de maintenir et d'attirer la main-d'oeuvre spécialisée et les investissements dont nous avons tellement besoin. Un gouvernement qui voudrait sérieusement nourrir l'excellence devrait établir comme première priorité la qualité des ressources humaines et le climat social, politique et linguistique pour favoriser leur épanouissement. Dans la révolution technologique, ce sont les connaissances et non pas une prolifération des structures gouvernementales qui vont nous donner le pouvoir.

Partant de cette prémisse fondamentale, nous croyons que le pouvoir du ministre de la Science et de la Technologie doit se manifester d'une façon horizontale. Son rôle doit être un rôle de leadership et de catalyseur et non un rôle vertical de gérance. Nos efforts afin d'amender la loi 19 étaient inspirés de ce principe.

En ce qui concerne la création d'une agence de valorisation, nous avons de sérieuses questions:

Premièrement, existe-t-il des études qui justifient la création de cette agence?

Deuxièmement, l'efficacité du réseau actuel des intervenants dans le processus de l'innovation a-t-elle été évaluée? Si oui, l'évaluation démontre-t-elle le besoin d'un autre organisme pour faciliter le transfert des résultats de la recherche à des fins industrielles? Quels besoins additionnels ont été démontrés?

Troisièmement, étant donné l'apparent dédoublement des fonctions du CRIQ et du CIIM ainsi que d'autres organismes gouvernementaux, avons-nous besoin d'une autre société d'État qui remplirait des fonctions similaires? Les ressources de l'agence s'ajouteront-elles à ces organismes ou viendront-elles concurrencer leurs activités?

Quatrièmement, comment l'agence se rattachera-t-elle à la Société de développement industriel? Le mandat de la SDI devrait-il être modifié afin de pourvoir plus adéquatement au capital de risque pour la valorisation industrielle des résultats de la recherche?

Cinquièmement, telle que conçue, l'agence sera-t-elle vraiment un catalyseur afin d'accélérer l'exploitation commerciale de nouvelles idées, ou sera-t-elle, en fait, une autre organisation bureaucratique qui ne fera qu'entraver l'innovation créatrice?

Sixièmement, quels sont les critères qui vont guider l'agence dans le choix des technologies à valoriser? Quels sont les domaines jugés prioritaires par le

gouvernement, mentionnés à l'article 17.1? Ces objectifs tiennent-ils compte d'industries-clés spécifiques, du développement régional, de la création d'emplois, des exportations clés dans l'accroissement du dollar, des relations avec les institutions éducatives et autres programmes existants afin d'éviter les chevauchements? Tiennent-ils compte de la coordination avec le secteur privé? Le projet de loi est muet sur ces points importants.

Septièmement, M. Eric Jones, du Centre de recherche Noranda, dans une lettre qu'il m'adressait le 28 juin 1983, dit ceci: "The cost of research and development is approximately 20% of the total cost of getting a new product or process on the market. Commercializing the results of research and development is the biggest and most costly step. Very seldom is the output of a research and development organization suitable for manufacturing and marketing. It must be redesigned and rebuilt for production. Then there are the marketing costs. There is a gap between the laboratory prototype and the manufacturing prototype. Assistance in narrowing this gap would go a long way to encouraging manufacturing and jobs. An organization such as the Centre de recherche industrielle du Québec could play a role in narrowing the gap."

Ma question est celle-ci: Comment l'agence pourra-t-elle remplir cette ouverture, ce trou critique, que ce soit directement ou indirectement?

Huitièmement, est-ce que l'interprétation que le gouvernement donne à l'article 17.5: "d'encourager la prise en charge par la société québécoise de son propre développement en recherche industrielle, de même que la maîtrise de son développement technologique", conduira à l'ingérence du gouvernement dans le milieu industriel et dans le milieu universitaire? (11 heures)

Neuvièmement, qui devrait siéger au conseil de direction, faisant en sorte que l'agence soit libre de l'ingérence excessive du gouvernement et représentative des milieux concernés? Le pouvoir de directive du ministre de la Science et de la Technologie ne devrait-il pas être réduit afin d'intensifier l'autonomie de l'agence?

Dixièmement, comment l'agence s'apparentera-t-elle aux programmes du gouvernement du Canada parrainés par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et le ministre de la Science et de la Technologie?

Onzièmement, comment l'agence se rattachera-t-elle aux activités des ministres québécois des Affaires intergouvernementales et du Commerce extérieur? Ces relations ne devraient-elles pas être mieux définies dans le but d'atténuer les conflits interministériels qui se produiront inévitablement?

Douzièmement, quelles seront les sources de financement disponibles à l'agence? Quels sont les revenus anticipés selon l'article 17.4 qui dit: La fonction de susciter la participation financière des particuliers, des sociétés et des corporations à ses activités de valorisation industrielle de la recherche?

Treizièmement, puisque l'agence est apparemment modelée sur l'ANVAR, l'Agence nationale de valorisation de la recherche en France, et sur la NRDC, The National Research Development Corporation in Britain, quels ont été les exploits de ces agences et que pouvons-nous apprendre de leurs erreurs?

Quatorzièmement, comment pouvons-nous garantir que le personnel de l'agence est composé de spécialistes compétents qui comprennent la complexité du développement technologique et de son application et qui ont fait leurs preuves dans le domaine du commerce et de la recherche, tant domestique qu'international?

M. le Président, ce ne sont là que quelques questions concernant l'Agence de valorisation industrielle de la recherche. Nous souhaitons trouver des réponses à ces questions ainsi qu'à d'autres, à la suite des discussions que nous aurons au cours des prochains jours. Étant donné l'importance de l'innovation pour notre avenir économique, j'aimerais affirmer notre volonté d'aborder ce projet de loi dans un esprit constructif. Cependant, nous devons toujours nous rappeler que toute initiative gouvernementale dans le champ du développement scientifique et technologique doit être conçue prudemment afin de faciliter l'innovation et non pas, malgré toutes les bonnes intentions, lui nuire. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Merci, Mme la députée. J'inviterais M. le ministre qui a probablement quelques remarques à faire.

Réponse du ministre

M. Paquette: M. le Président, très très brièvement, parce que je pense qu'il est important que nous commencions à entendre les intervenants de cette commission. Simplement parce qu'il faut le faire techniquement, je vais déposer officiellement trois lettres que nous avons reçues au sujet de ce projet de loi de façon qu'elles soient portées à l'attention des membres de la commission. L'une provient de Marine Industrie, l'autre, des Entreprises GSD et la troisième, de l'Université Laval.

Le Président (M. Brouillet): Nous recevons ces lettres pour dépôt?

M. Paquette: Oui. J'ajouterais simplement un commentaire, M. le Président. Je comprends que Mme la députée de Jacques-Cartier se pose énormément de

questions sur le projet de loi. Je n'ai jamais vu une avalanche aussi fertile de questions de toutes sortes. Il va sans dire que nous nous sommes posé les mêmes questions. J'ai répondu à certaines d'entre elles dans mon exposé, mais je pense que c'est maintenant aux intervenants de cette commission de répondre à ces questions et à d'autres.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci. Alors, j'invite le porte-parole de l'École polytechnique à nous présenter son mémoire. S'il veut bien tout d'abord s'identifier.

Auditions École polytechnique

M. Doré (Roland): Roland Doré, directeur de l'École polytechnique.

Le Président (M. Brouillet): Bien, merci. Vous avez la parole.

M. Doré: M. le Président, madame, messieurs les membres de la commission, je n'ai pas l'intention de lire en entier le mémoire qu'a préparé l'École polytechnique, parce que je suppose que vous avez eu l'occasion de le parcourir. Ce mémoire a été préparé par le directeur de la recherche de l'École polytechnique en consultation avec des membres de notre milieu. Donc, c'est bien la position de l'École polytechnique et non pas d'une personne.

Permettez-moi, cependant, de souligner les grandes lignes de notre projet. D'abord, peut-être la conclusion la plus importante, c'est que, globalement, l'École polytechnique appuie le projet présenté par le ministre de la Science et de la Technologie visant à créer l'AQVIR. C'est à titre de première faculté d'ingénierie au Québec et de seconde au Canada que l'École polytechnique présente son point de vue. Son caractère d'institution autonome affiliée à l'Université de Montréal et en étroite relation avec l'industrie et les ministères à vocation économique la place dans une situation privilégiée pour faire part de ses propres réactions sur le projet de loi 37.

Avant de passer aux commentaires spécifiques sur le texte de loi, j'aimerais très brièvement présenter l'École polytechnique et faire part à la commission des activités qui, dans le passé, se sont apparentées aux fonctions de l'agence éventuelle. L'École polytechnique a été fondée en 1873; elle a donc 110 ans d'existence. Elle compte actuellement 3500 étudiants à temps plein dont 600 à la maîtrise et au Ph. D. Elle compte un corps professoral de 180 professeurs et aussi 75 professionnels de recherche avec des diplômes qui, normalement, se situent au niveau de la maîtrise et du doctorat. C'est donc, avec son corps professoral, son groupe de professionnels de recherche ainsi que ses quelque 600 étudiants, comme je le disais, à la maîtrise et au doctorat, qui sont tous des professionnels, que l'École polytechnique est peut-être au Québec le plus grand bastion de recherche appliquée.

Son budget est de 37 000 000 $ dont 24 000 000 $ proviennent des frais de scolarité et de la subvention d'équilibre du ministère de l'Éducation. C'est donc qu'il reste 13 000 000 $ qui nous proviennent d'activités autres que les activités propres d'enseignement et la majorité de ces 13 000 000 $ sont associés à des activités de recherche appliquée.

L'École polytechnique a connu, au cours de ces 110 années, quatre phases distinctes dans son évolution. Dès le début, en 1873, elle s'est donné la mission de formation de professionnels de haute qualité pour satisfaire les besoins du Québec. Mais ce n'est qu'en 1965 que l'École polytechnique a pris conscience qu'elle n'était peut-être pas à la hauteur des institutions universitaires comparables dans le monde par le manque d'efforts qu'elle dirigeait vers l'avancement des connaissances. Donc, en 1965, l'École polytechnique s'est donné comme objectif, en plus de celui de la formation, celui de l'avancement des connaissances. En 1970, cet objectif s'est concrétisé par la création de la direction de la recherche à l'École polytechnique et par la création de certaines infrastructures qui lui permettaient de mieux assurer des liaisons avec le milieu industriel. J'en reparlerai tout à l'heure.

La quatrième phase de son évolution est toute récente; elle a débuté en 1980 lorsqu'en plus des activités de recherche, de développement et de transfert des technologies qu'elle avait amorcées au début des années soixante-dix, l'École polytechnique s'est donné la mission d'oeuvrer de plus en plus dans le secteur des innovations industrielles et de l'"entrepreneurship" technologique. Bien sûr, cette quatrième phase s'est concrétisée par l'appui que l'École polytechnique a donné à la création du Centre d'innovation industrielle de Montréal.

Aujourd'hui, en 1983, l'École polytechnique de Montréal fait partie du système productif du pays. On se considère comme un maillon très important de ce système productif, pas seulement parce que nous formons la matière grise qui est peut-être notre matière première la plus importante actuellement - si on regarde les années futures, c'est bien sûr que les connaissances seront à la base du développement économique des pays - mais aussi par sa préoccupation de faire concorder ses activités de recherche et ses activités de réflexion avec les besoins du monde

industriel.

Donc, je parlais du début des années soixante-dix comme étant une étape où l'école a réalisé qu'elle devait accentuer ses activités de recherches, de développement -je parle de recherche appliquée, bien sûr, puisque nous sommes une école d'ingénieurs -et de transfert technologique. Nous avons décidé durant ces années de créer des infrastructures de recherche appliquée, des infrastructures de transfert technologique et je parle ici du Centre de développement technologique dont on fait mention dans la brochure décrivant l'AQVIR, et de l'Institut de recherche en exploitation minérale, qui est un institut conjoint avec l'Université McGill, qui a les mêmes fonctions que le Centre de développement technologique mais dans un secteur bien spécifique des activités industrielles, c'est-à-dire celles des ressources minérales. Nous avons créé aussi une autre infrastructure qui nous permet de tels transferts technologiques. C'est le CINEP, c'est-à-dire le Centre d'ingénierie nordique de l'École polytechnique qui a comme fonction, bien sûr, d'oeuvrer dans les applications touchant le Nord, l'utilisation des machines et d'autres systèmes dans le Nord québécois. Je reviendrai sur le rôle du CDT et de l'IRAM très brièvement. En 1980, comme je le disais tout à l'heure, dans la quatrième phase de notre évolution, nous avons aidé à créer le CIIM.

Que sont le CDT et l'IRAM? Ce sont deux organismes qui ont la même fonction. En fait, ce sont des organismes d'administration de la recherche appliquée, de la recherche contractuelle. Ce sont, si vous voulez, des portes ouvertes vers les autres secteurs, ceux-ci étant l'industrie et les ministères qui peuvent vouloir avoir accès aux ressources de l'école. Nous ne sommes pas la seule institution universitaire du Québec qui ait de tels organismes. Je crois que l'Université McGill et l'École polytechnique sont les deux seules institutions universitaires du Québec qui ont des organismes bien identifiés qui doivent répondre aux besoins des secteurs autres que le secteur universitaire.

Le CDT et l'IRAM sont des organismes, comme je le disais, qui oeuvrent en recherche contractuelle. Ce sont des organismes d'administration, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de chercheurs associés à ces centres mais ces organismes vont chercher dans les départements de l'école les ressources soit humaines soit de laboratoire qui permettent de répondre à un certain besoin qui a été identifié, par exemple, par une industrie. Donc, une industrie vient voir le directeur du centre, du CDT par exemple, et lui dit: Voici, j'ai tel problème, je veux soit faire de l'évaluation technique d'un produit, soit faire un développement particulier. Est-ce que vous pouvez nous aider? Le directeur peut dire oui ou non ou je pense ou j'essaierai de voir si on peut former une équipe. Il forme une équipe dans plusieurs ou un département et peut répondre de cette façon-là aux besoins identifiés par l'industrie.

Donc, le CDT permet la recherche et le développement associés à la mise au point de produits et de systèmes. Il a eu, au cours de l'année 1982-1983, 2 300 000 $ de contrats. Ce n'est pas un gros centre de recherche appliquée mais c'est quand même ceci et nous avons oeuvré dans 300 projets différents avec 300 commanditaires différents qui sont, pour la grande majorité, des industries.

Pourquoi j'insiste sur le rôle du CDT? C'est parce que c'est là un organisme qui pourrait très bien s'insérer dans le processus d'innovation industrielle tel que décrit par le projet de loi et par la brochure. Bien sûr cela ne couvre pas toute la gamme de l'innovation mais certainement des besoins qui pourraient être associés à la mise au point ou l'avancement technologique d'un certain produit ou d'un certain procédé.

L'IRAM est un organisme semblable, comme je l'ai dit tout à l'heure, qui a été créé conjointement par l'École polytechnique et par l'Université McGill et qui oeuvre dans le domaine de l'évaluation du potentiel minier. En fait, c'est principalement le domaine d'activité, évaluer le potentiel minier d'un certain secteur ou d'une certaine région en particulier. (11 h 15)

Le CDT oeuvre pour - comme je le disais tout à l'heure - environ 300 partenaires différents par année au Québec principalement, mais aussi au Canada, aux États-Unis et dans quelques autres pays. Pour ce qui est de l'IREM, ses activités se sont situées principalement en dehors... C'est-à-dire qu'il a oeuvré aussi pour des compagnies ayant leurs activités au Québec, mais la majeure partie de ses activités ont été faites pour des compagnies en dehors du Québec, c'est-à-dire au Canada, aux États-Unis, en Australie, au Brésil et dans certains autres pays du monde.

C'est pour vous dire que l'école, par ces organismes, a quand même une certaine expérience d'ouverture sur le milieu qui est le nôtre, mais aussi sur d'autres milieux.

Pour ce qui est du CIIM, je voudrais tout simplement souligner quelques idées, parce que le CIIM doit présenter son mémoire demain, comme on l'a déjà mentionné. Le CIIM est issu de l'École polytechnique, mais c'est un organisme complètement indépendant de l'École polytechnique. Il possède son propre conseil d'administration qui est enregistré suivant la troisième partie de la Loi sur les compagnies, donc un organisme sans but lucratif, qui est dirigé par un conseil

d'administration qui est en très grande majorité formé d'industriels, de financiers, donc d'éléments qui sont en dehors de l'École polytechnique; son président est actuellement le président de la corporation de l'École polytechnique, mais d'ici peu, son président sera fort probablement quelqu'un de l'extérieur de notre milieu. Les employés du centre, à l'exception d'une personne, le directeur, sont des gens qui ne proviennent pas des milieux universitaires.

C'est donc dire que - j'insiste sur ce point - le CIIM n'est pas un organisme universitaire bien qu'il soit issu de notre milieu. Il est actuellement logé dans nos murs, mais d'ici à quelques années, le CIIM sera logé à l'extérieur de l'École polytechnique parce qu'on pense que ce serait peut-être... Je dis: On pense. L'école pense et le CIIM pense aussi - parce que ce sont deux organismes différents - que sa visibilité vis-à-vis des milieux autres que les milieux universitaires pourrait gagner au fait que ce centre soit placé à l'extérieur de l'École polytechnique.

Alors la mission du CIIM - vous allez en entendre parler - très brièvement, c'est la commercialisation des inventions et aussi la participation à la formation des étudiants, formation d'un aspect bien particulier, c'est-à-dire donner le goût d'être innovateur, donner le goût d'être entrepreneur, donner ce goût aux étudiants en génie, aux étudiants en sciences commerciales et aux étudiants en design industriel. Tous ces étudiants sont mêlés actuellement aux activités du CIIM et reçoivent des enseignements de professionnels du CIIM, donc participation à la formation de ces étudiants.

Je voudrais maintenant, M. le Président, si vous le permettez, souligner les réactions particulières de l'École polytechnique vis-à-vis du projet de loi 37. J'ai voulu faire cette longue introduction pour vous montrer que l'école est très bien placée pour réagir au projet de loi et a quand même eu dans le passé des activités qui s'apparentaient à certaines fonctions prévues de l'agence.

Je voudrais lire et peut-être commenter très brièvement les pages 13 à 16 du mémoire. Comme je le disais au tout début, l'école appuie globalement le projet de loi présenté par le ministre à la Science et à la Technologie. L'école considère que les fonctions et les pouvoirs accordés à l'AQVIR sont pertinents. Elle propose cependant quelques amendements et cela, dans un but constructif.

Premièrement, à l'instar de la CREPUQ, qui va faire une présentation semblable, nous proposons que la composition du conseil d'administration de l'agence prévoie explicitement la nomination de membres provenant des milieux de la recherche universitaire appliquée. Nous aurions pu faire des suggestions de représentation provenant d'autres milieux, mais on a pensé qu'on devait prêcher pour notre paroisse et laisser les autres prêcher pour la leur.

Une remarque très importante, en page 14, sur la première fonction prévue pour l'agence. Nous pensons qu'il serait préférable de scinder ce premier alinéa de l'article 17 en deux. Plutôt que d'avoir le texte qui se lit: "de prospecter les milieux de la recherche dans les domaines jugés prioritaires par le gouvernement en vue d'identifier des idées et des technologies nouvelles à valoriser dans des produits et des procédés nouveaux et de mettre au point des mécanismes relatifs à leur transfert et à leur valorisation", nous pensons qu'il serait sage de scinder la partie sur la prospection et recherche d'idées de la partie sur la valorisation. Nous proposons un texte ici qui pourrait être formé de deux alinéas: "de consulter les milieux de la recherche en vue d'identifier des idées et des technologies nouvelles à valoriser dans des produits et des procédés nouveaux". Nous voulons utiliser d'abord le mot "consulter" parce qu'on dit que l'agence devrait être partenaire de groupements, par exemple, partenaire d'industries, partenaire de centres de recherche, et non pas, si vous voulez, s'imposer de force. C'est pour cela que nous proposons le mot "consulter" au lieu du mot "prospecter". Mais remarquez bien que ce n'est pas là l'idée principale de notre intervention. Et, dans un deuxième temps: "de mettre au point, de concert avec les milieux actifs en transfert technologique -et, là encore, nous insistons sur les partenaires qui devraient s'insérer dans ce processus - des mécanismes relatifs au transfert et à l'innovation des idées et des technologies nouvelles dans les secteurs d'activités qu'elle détermine." Nous prenons essentiellement la formulation de cet alinéa 1° de l'article 17, mais nous le séparons.

Une autre remarque par rapport au contenu de l'article 17.5 . L'article 17.5 est trop globalisant et d'application ambiguë. Globalisant, car le problème du développement de la recherche industrielle est très différent selon qu'il s'agisse d'une entreprise multinationale, d'une PME, d'un bureau d'ingénieurs-conseils, d'un centre de recherche ou d'une université. Ambiguë, car la prise en charge par la société québécoise de son propre développement en recherche industrielle peut s'interpréter selon les lectures comme un énoncé de stratégie industrielle, comme un outil de planification (dirigiste ou incitative), soit encore comme une menace de nationalisation. On y est peut-être allé un peu fort là, mais quand même, cela pourrait être interprété de cette façon.

Donc, nous suggérons plutôt la

formulation suivante: "d'encourager les entreprises privées, les universités et les centres de recherche québécois à développer leur potentiel en recherche industrielle -c'est important surtout pour les universités, le mot "industrielle" y étant - conformément aux objectifs du gouvernement et afin que la société québécoise puisse maîtriser son développement." Donc, nous sommes d'accord avec l'idée, mais on pense que cette formulation ou une autre qui s'y apparenterait serait peut-être reçue de façon plus positive par les partenaires.

La remarque que l'école considère peut-être comme la plus importante, c'est de réduire dans le texte - je suis à la page 16 - le nombre de références aux contrôles gouvernementaux. Nous avons dit "réduire dans le texte", mais il est bien sûr que nous sous-entendons réduire aussi dans les faits les contrôles que le gouvernement pourrait vouloir imposer à l'agence. Selon le texte du projet de loi, l'autonomie de l'AQVIR est souvent limitée par des dispositions se référant à des contrôles gouvernementaux. Là, on cite des articles. Ne pourrait-on pas remplacer l'ensemble de ces références par une seule phrase ou, au moins, éliminer certaines d'entre elles? Une fois l'agence créée, le conseil d'administration formé et les directives gouvernementales données, la loi devrait permettre à l'AQVIR de fonctionner avec le minimum de lourdeur administrative. On croit que ces références ou l'obtention de ces permissions alourdirait certainement le travail de l'agence et pourrait même, dans certains cas, l'empêcher de fonctionner de façon efficace.

Nous demandons ensuite à l'article e), et non pas d), de se référer dans le projet de loi explicitement aux organismes oeuvrant dans le domaine de la valorisation industrielle de la recherche, oeuvrant actuellement ou pouvant oeuvrer dans le futur dans ce domaine-là. On aimerait que le projet de loi montre l'intention du gouvernement que l'AQVIR s'associe aux partenaires qui existent déjà. Donc, on mentionne ici le CRIQ et la SDI. Il en existe peut-être d'autres si on considère certains points de vue des activités d'innovation.

Il y a peut-être une remarque qui n'est pas dans notre mémoire mais que je me permets de faire ici en terminant. Je ne suis pas juriste, donc je parle peut-être à travers mon chapeau ici. Dans un projet de loi qui se veut essentiellement positif, qui se veut un projet de loi qui invite jusqu'à un certain point les partenaires autres que le gouvernement à s'intéresser à cette question-là, à s'y intéresser de plus en plus et devenir les partenaires de cette agence, est-il nécessaire d'avoir une section intitulée "Sanctions", qui à mon point de vue et au point de vue de l'école n'apporte rien de positif au projet de loi? Peut-être que c'est nécessaire, je ne sais pas.

M. le Président, voici la position de l'École polytechnique vis-à-vis de ce projet de loi. Nous sommes disposés à répondre aux questions ou interagir avec la commission.

Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. Doré. J'inviterais maintenant les membres de la commission qui auraient des questions à poser. M. le ministre, je crois.

M. Paquette: Oui, M. le Président, j'aimerais remercier le directeur de l'École polytechnique pour son mémoire substantiel et également les recommandations pertinentes qu'il nous propose pour améliorer le projet de loi. J'aimerais également le remercier de l'appui qu'il apporte à ce projet de loi. Je pense que l'École polytechnique, comme vous l'avez souligné, M. le directeur, est au centre des connaissances particulièrement utiles au développement économique du Québec et la création des organismes, au sein de l'École polytechnique, que vous avez mentionnés en témoigne.

J'aimerais vous poser d'abord une question sur le Centre de développement technologique. On lit à la page 7 du mémoire que le Centre de développement technologique est un centre de gestion de recherche industrielle, sans but lucratif, offrant des services de recherche et de développement technologique et d'essais en laboratoire à l'industrie privée et aux agences gouvernementales.

Vous avez mentionné que ce centre était en contact avec environ 300 partenaires différents. Sauf erreur - vous me corrigerez si cela n'est pas le cas - il s'agit surtout de petites et moyennes entreprises. En ce sens, on peut avoir l'impression que le Centre de développement technologique oeuvre dans ce qui constitue le principal secteur d'excellence du Centre de recherche industrielle du Québec.

Est-ce qu'on évalue mal la situation en disant que le Centre de développement technologique est, un peu comme le CRIQ, un service qui permet de mettre l'expertise de l'École polytechnique et d'en faire profiter les entreprises en général mais surtout les petites et moyennes entreprises du Québec? C'est la première question.

La deuxième, le Centre de développement technologique est donc un agent de développement technologique. L'École polytechnique a été à l'origine de la création du Centre d'innovation industrielle de Montréal. Qu'est-ce qui vous a amené à créer deux organismes différents plutôt qu'un seul? Je vous pose cette question-là parce que c'est une question qu'on doit se poser ici face à ce projet de loi.

M. Doré: M. le ministre, pour ce qui

est de votre première question si on considère le nombre de partenaires que nous avons par année dans des projets associés au CDT, c'est sûr que la majorité de ces partenaires - donc de ces 300 partenaires -sont des PME, je dirais 250. Si on parle du chiffre d'affaires, ce n'est plus le cas. Donc avec les PME, si vous le voulez, on fait un peu fonction de conseiller, de grand frère, de dépanneur, de centre de dépannage. Donc, on travaille à perte. Le CDT s'autofinance mais ne s'autofinance pas par notre action auprès des PME. Donc, je dirais que c'est dans la proportion de 250 - 50. Les projets avec les PME sont des projets de 500 $, 1000 $, un petit essai là, un petit conseil ici, tandis que les projets avec la grande industrie, les ministères c'est 50 000 $, 100 000 $ et des fois jusqu'à plusieurs millions de dollars et qui s'échelonnent sur plusieurs années. C'est pour répondre à une partie de votre première question.

Maintenant vous vous êtes aussi questionné sur, si vous le voulez, le chevauchement des missions entre le CRIQ et le CDT. Il est évident que nous avons des expertises et on ne peut pas dire que l'École polytechnique est experte dans tous les domaines, tout comme le CRIQ ne peut pas prétendre être expert dans tous les domaines. Nous avons réalisé ceci, le CRIQ et l'École polytechnique, et nous avons signé il y a trois ans un protocole d'entente qui a comme objectif la mise en commun lorsque ceci est nécessaire des effectifs et des ressources dans les deux institutions de façon à pouvoir répondre à des besoins auxquels chacune des institutions ne pourrait pas satisfaire. Ensuite, pour se faire de bonne grâce des échanges d'information; lorsqu'on ne peut pas remplir un mandat, c'est évident qu'on refile l'information tout de suite au CRIQ, et inversement. Donc, malgré les heurts qu'il y a eu au cours des années soixante-dix entre les deux organismes, heureusement tout ceci a débouché sur une collaboration qui est des plus positives. On s'en trouve bien et le CRIQ aussi. (11 h 30)

Maintenant, pourquoi deux organismes: CDT et CIIM? La raison est simple. Lorsqu'on fait du transfert de technologie ou du développement technologique, on pense qu'on a un bon paquet de ressources pour satisfaire ces besoins. On avait à l'interne, à l'École polytechnique, les ressources pour satisfaire bon nombre des requêtes nous provenant de l'extérieur. On a donc formé le CDT. On n'avait pas pris conscience, au début des années soixante-dix, qu'il serait peut-être bon aussi d'essayer de faire une valorisation industrielle de la recherche. Au début, on a créé le CDT. En 1980, lorsqu'on a pris conscience d'une mission différente, si on voulait faire partie du système productif, on s'est dit qu'il fallait faire autre chose; il faut aider les chercheurs, il faut aider les inventeurs et essayer de les pousser plus loin, mais on n'a pas les ressources à l'interne pour faire cela. On est obligé d'aller à l'externe et d'engager des gens qui ne sont pas des gens avec le profil d'un professeur d'université. Ce n'est pas un professeur d'université qui va faire une valorisation industrielle de la recherche, c'est bien évident. On a donc dit: On peut peut-être être le catalyseur, on peut peut-être être la bougie d'allumage pour ce nouveau type d'activité, tout en réalisant qu'il fallait éventuellement que cela sorte de l'université. On se rend compte que, d'ici à quelques années, il faudra que cela sorte de l'université.

Il y a, bien sûr, pour l'École polytechnique, un avantage précieux à ce que ce soit tout près de nous, mais, si on veut le garder tout près de nous, ce sera quelque chose qui va être tout près de nous, juste pour nous et cela ne servira pas à beaucoup de gens. C'est la raison pour laquelle on a formé deux organismes au départ. Il faut que je vous dise que le CIIM est issu du CDT. On a commencé ce genre d'activité en 1976 et à un moment donné, on s'est dit qu'il s'agissait de deux missions totalement différentes. Il faut que le CIIM soit indépendant de l'école. Il faut que cela soit indépendant. Notre bailleur de fonds - vous savez qu'on est alimenté dans une large proportion actuellement par le ministère fédéral de l'Industrie et du Commerce -exigeait aussi que ce soit... On pense que son exigence était tout à fait motivée.

Une dernière petite remarque. Le CDT n'est pas un organisme indépendant; c'est tout simplement un organisme interne à l'École polytechnique.

M. Paquette: Maintenant, tant dans les activités du CDT que dans les activités du CIIM - on aura l'occasion d'y revenir plus à fond avec les représentants du CIIM demain après-midi - diriez-vous... Je regarde les contrats de recherche obtenus à l'École polytechnique à la page 10 et on a aussi une idée des projets soumis au Centre d'innovation industrielle de Montréal. Lorsqu'on arrive au niveau de la valorisation de la recherche - je ne parle pas du développement technologique que les ressources de l'École polytechnique peuvent assumer face aux entreprises - lorsqu'il s'agit de faire en sorte que des innovations soient prises en charge par des entreprises, j'aimerais que vous me disiez quelle est l'expérience de l'École polytechnique dans ce domaine-là, lorsqu'on essaie de passer de l'idée de l'invention à sa commercialisation. Est-ce qu'il y a des besoins qui ne sont pas satisfaits? Est-ce qu'on couvre tous les besoins? Est-ce que les capitaux de risque sont faciles à dégager? J'aimerais que vous

nous donniez une idée de l'expérience de l'école dans ce domaine.

M. Doré: C'est un processus extrêmement difficile. Je peux vous en parler parce que j'ai personnellement été impliqué dans un projet de valorisation industrielle de la recherche. En tant que chercheur universitaire, on a obtenu un brevet dans une équipe et on a essayé d'intéresser l'industrie. C'est extrêmement difficile. Notre expérience - je me permets de prendre une expérience personnelle, c'est peut-être plus coloré - a débuté en 1979 dans le domaine du génie biomédical où on a développé un produit qui intéressait les médecins; mais c'était d'intéresser les compagnies qui fabriquent ces produits, c'était un produit qui n'était pas nécessairement facile à fabriquer. Donc, cela a été extrêmement difficile et nous avons été sauvés - parce que, finalement, on a pu faire un transfert à l'industrie, mais pas au Québec. On a été obligé de le faire à l'extérieur parce que, au Québec, c'était tellement difficile de le faire et on avait tellement peu de moyens qu'il a fallu aller voir de grosses multinationales qui sont à l'extérieur du Québec. On l'a fait principalement parce que ceci a coïncidé avec la naissance de l'intérêt, à l'intérieur de l'école, d'activités de celles qui s'apparentent au CIIM. Donc c'est l'embryon de personnes qui a mis sur pied le CIIM qui nous a aidé à faire cela. Si on n'avait pas eu cela on n'aurait jamais été capable de faire un transfert. Malheureusement, on ne l'a pas fait au Québec, parce qu'il n'y a pas de compagnies dans le domaine pharmaceutique au Québec dans le domaine orthopédique. Donc, nous l'avons fait avec les maigres ressources qu'on avait et qui sont là encore au CIIM, mais qui peuvent répondre peut-être à une dizaine ou une quinzaine de projets simultanément, mais c'est tout.

Pour répondre spécifiquement à votre question, les ressources sont peu nombreuses et il faut certainement faire un effort pour augmenter ces ressources humaines qui peuvent permettre ce transfert, cette valorisation industrielle.

M. Paquette: Diriez-vous que le plus important c'est l'appui technique que peuvent apporter ces personnes ou si c'est plutôt le financement des premières étapes qui mènent à la valorisation?

M. Doré: L'appui financier est très important, mais ce qui est peut-être plus important c'est de pouvoir, au départ... Là, je parle non comme un expert, mais tout simplement comme quelqu'un qui a eu une expérience. Je vais laisser aux représentants du CIIM le soin de parler comme experts, ils sont mieux placés que moi. L'étape la plus difficile c'est d'identifier une invention -quand je parle d'une invention, je parle d'une idée - qui va trouver débouché sur les marchés. Les gens se trompent, on a parlé tout à l'heure de 7% des projets qui ont un intérêt et il y a seulement un de ces 7% qui finalement débouche sur des activités économiques intéressantes, donc pour les six autres on s'est trompé. C'est peut-être l'étape la plus difficile et qui demande beaucoup d'investissements pour faire des recherches de marché, des recherches d'opportunité, d'évaluation de faisabilité technique, mais de faisabilité aussi de marché, c'est très difficile.

Lorsqu'il est démontré que le produit en laboratoire ou si vous voulez en prototype semi-industriel fonctionne et qu'il y a un marché, c'est relativement facile d'obtenir des capitaux lorsque la démonstration est bien faite.

M. Paquette: J'en arrive aux propositions que vous faites quant à certains articles du projet de loi. À la page 14, vous proposez de scinder l'article 17.1 en deux parties. Effectivement, il y a deux idées dans ce paragraphe, l'une c'est la prospection des milieux de recherche dans les domaines jugés prioritaires par le gouvernement et l'autre c'est la mise au point de mécanismes relatifs à leur transfert et à leur valorisation. C'est une suggestion que nous allons étudier avec intérêt.

Cependant, au bas de la page, vous affirmez que le texte du projet de loi laisse supposer que l'agence ne s'occupera de valoriser que les technologies se trouvant a priori dans les domaines fixés par le gouvernement. Je vous avoue que telle n'est pas notre intention, première chose. Je me demandais qu'est-ce qui, dans le projet de loi, vous permet d'en arriver à cette affirmation? Parce qu'à l'article 17.1 on dit que, bien sûr, la prospection se fait dans des domaines jugés prioritaires par le gouvernement. La raison est relativement simple: on a publié une politique de développement économique qui s'appelle Le virage technologique. On a identifié un certain nombre de secteurs d'avenir et, si le gouvernement veut être conséquent, il va demander à l'agence d'être plus attentive à certains secteurs plutôt qu'à d'autres. Mais, lorsque vient le temps de choisir les projets valorisés - c'est peut-être pour cela qu'il serait utile de scinder les deux articles, je ne sais pas - à l'article 20, on dit: "L'agence peut accorder une aide financière, aux conditions et selon les limites qu'elle croit devoir fixer, pour la réalisation de projets de valorisation de la recherche dans les secteurs d'activités qu'elle détermine."

La question, si je comprends bien, c'est surtout la formulation de l'article 17.1 qui

vous incite à croire qu'on exclurait certains projets de valorisation qui ne seraient pas dans des secteurs déterminés par le gouvernement.

M. Doré: En fait, qu'on favorise certains secteurs lorsqu'on veut valoriser des choses, on n'est pas contre cela. On n'est pas contre l'idée générale du premier paragraphe. Ce qu'on suggère, c'est qu'on devrait prospecter tous les domaines. Si l'on prospecte, que l'on prospecte. Qu'est-ce qui nous dit, qu'est-ce qui nous garantit que -parce que cela peut prendre dix ans pour valoriser quelque chose de façon industrielle les domaines qu'on aura identifiés aujourd'hui seront importants dans dix ans? Il y a peut-être des gens qui ont des idées fantastiques et qui pourraient transmettre leurs lumières à des gens qui regardent cela et qui disent: Oui, cela va peut-être être bon dans cinq ans, mais aujourd'hui, ce n'est pas pertinent du tout. Donc, c'est dans ce sens-là. Ce qu'on suggère, nous, c'est tout simplement de dire: Prospectons dans tous les domaines. Et après, pour tout de suite, si on veut mettre de gros efforts, mettons-les peut-être dans des secteurs qu'on aura identifiés. Mais, si jamais on s'aperçoit qu'il y a autre chose que ces secteurs-là, qu'il y a de bonnes idées dans ces autres secteurs, on devrait peut-être s'interroger. C'est pour cela que l'esprit du premier paragraphe de l'article 20 nous plaît beaucoup plus que la formulation - peut-être que l'intention n'est pas là - telle qu'exprimée dans le premièrement de l'article 17.

M. Paquette: Je pense qu'on est d'accord sur l'esprit et sur la dynamique. Il y a cinq ans, il a fallu qu'il y ait des gens impliqués dans la recherche ou l'industrie qui déterminent, par exemple, que les biotechnologies devenaient...

M. Doré: C'est cela.

M. Paquette: ...un secteur prometteur. Et c'est après que cela s'est retrouvé dans une politique gouvernementale. Il ne faut pas négliger l'effort d'identification qui a été fait jusqu'à maintenant. Par contre, il ne faut pas non plus se dire a priori: On se bouche les yeux et on se concentre uniquement dans...

M. Doré: C'est cela. C'est l'idée qu'on voulait transmettre.

M. Paquette: D'accord. Très bien.

Dernière question concernant le nombre de références au contrôle gouvernemental. C'est toujours un point extrêmement délicat, et ce sont souvent les mêmes personnes qui nous disent: Vous n'avez pas assez de contrôle sur vos sociétés d'État; c'est le public qui est actionnaire; c'est payé avec des fonds publics. Et on nous reproche de ne pas jouer suffisamment notre rôle de mandataire du public. Et quand on arrive dans des projets de loi, on nous dit: Vous prévoyez trop de contrôle du gouvernement sur les organismes parapublics que vous créez. Alors, je pense qu'il faut trouver un équilibre entre ces deux critiques que nous font souvent les mêmes personnes d'ailleurs.

J'aimerais creuser cet aspect avec vous un peu plus. Vous mentionnez particulièrement les articles 20, 21, 22 et 24 du projet de loi. Plus précisément, quels sont les articles où il vous semble que le contrôle du gouvernement ou du ministre soit excessif? Quels sont les articles plus particulièrement qui devraient être modifiés? (11 h 45)

M. Doré: Écoutez! Notre remarque, en fait, touche l'esprit qui se dégage. Que ce soit fait d'une façon ou d'une autre, je ne suis pas très bien placé pour en discuter; il s'agit d'alléger ce qui semble être un contrôle exagéré à notre point de vue. Maintenant, ce qui nous a guidés dans cette remarque générale, c'est le fait qu'on a affaire ici à quelque chose d'innovateur; on veut que ce soit quelque chose d'innovateur et on veut que nos partenaires réalisent qu'on a des moyens innovateurs à notre disposition. Cela veut dire que le moyen que j'ai pris hier, que j'ai imaginé hier comme étant le bon, ce n'est peut-être pas celui qui va être le bon demain dans une autre situation. Donc, si on veut créer une agence qui a comme objectif de valoriser l'innovation, qu'on lui laisse les moyens d'être innovatrice. Qu'on la contrôle, bien sûr, périodiquement - c'est sûr qu'un organisme comme l'agence doit rendre des comptes - et, si elle n'a pas un bon rendement lors de cette évaluation, qu'on s'arrange pour la réorienter. Il y a beaucoup de moyens que vous connaissez et qu'on peut imaginer pour cela. Mais, entre-temps, laissons-la avec ses moyens innovateurs. C'est tout simplement cela, l'idée. Puis, on a souligné des articles. Je ne sais pas comment rendre cette idée-là, mais on a dit que, peut-être, c'est trop quatre fois.

M. Paquette: Je vais être un peu plus précis: il y a l'article 20 en particulier.

M. Doré: Le dernier paragraphe, M. le ministre, dit: "L'agence peut pareillement accorder son aide financière suivant tout autre moyen autorisé par le gouvernement."

M. Paquette: Oui.

M. Doré: II me semble que c'est enlever une latitude à une agence qui devrait en avoir.

M. Paquette: Vous pensez qu'on ne devrait pas limiter a priori les formes d'aide.

M. Doré: Mais non!

M. Paquette: Les autres paragraphes concernent plus le montant de l'aide. Ce qu'on dit, c'est qu'il y aurait un règlement qui dira qu'en bas d'un certain montant il faut passer par l'autorisation du ministre et, si le montant est plus élevé, c'est l'autorisation du gouvernement. Mais en bas d'un certain montant, l'agence peut dépenser librement en fonction des projets qu'elle décide de valoriser. Mais ce n'est pas tellement, si je comprends bien, sur ce mécanisme qui dit qu'au-delà d'un certain montant il doit y avoir approbation gouvernementale. C'est plutôt que vous ne voudriez pas qu'on limite les formes d'aide a priori.

M. Doré: Les formes d'aide. Les autorisations, cela peut aller vite, mais cela peut aller lentement. À ce moment, c'est une entrave à l'action, parce que c'est un organisme d'action. Si les gars commencent à avoir les deux pieds dans la même bottine, ils vont se buter contre un mur. Ce sont des gens qui vont devoir être très dynamiques dans leur pensée et dans leur interaction avec leurs partenaires. Il faut leur laisser le maximum d'autonomie. Bien sûr, il faut des contrôles.

M. Paquette: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: J'aimerais vous remercier, M. le directeur de l'École polytechnique, pour vos remarques, surtout pour votre excellent mémoire. J'aimerais souligner à quel point nous apprécions les amendements importants que vous avez formulés. La justification que vous avez donnée de la nécessité de réduire les contrôles du gouvernement nous semble très importante et aussi, relativement a l'article 17.1 que nous venons de discuter, je crois que l'amendement que vous avez formulé améliore d'une façon importante la première fonction du projet de loi.

Je note que vous avez supprimé - cela rejoint les questions du ministre - les mots "dans les domaines jugés prioritaires par le gouvernement". Croyez-vous que dans la loi on devrait peut-être préciser les objectifs de l'agence, les critères, si vous voulez, comme on l'a fait dans la loi qui a créé la SDI par exemple. Pour le développement régional, est-ce un des critères? Est-ce que c'est pour augmenter les dollars qu'on reçoit du commerce extérieur?

Vous avez parlé de la liberté, de la nécessité d'autonomie de l'agence. Comme c'est un organisme public, est-ce qu'on doit préciser - la loi est tellement vague sur ce point - certaines orientations ou certains objectifs pour donner des priorités, pas nécessairement les priorités du gouvernement dans des domaines mais les priorités comme objectifs, les résultats qu'on essaie d'atteindre?

M. Doré: Mme la députée, il y aurait peut-être intérêt à ce que ces objectifs soient explicités mais il me semble qu'ils sont implicites - vous l'avez dit dans votre présentation tout à l'heure - de pouvoir commercialiser les connaissances. C'est cela qu'on essaie de faire ici, c'est-à-dire prendre des idées et les amener... C'est une question de survie des pays industrialisés. Ce sera peut-être une survie de tous les pays au point de vue économique tout à l'heure.

Je ne sais pas, je ne suis pas expert dans la formulation des lois, mais est-ce que cela peut être nécessaire d'établir ces objectifs dans un projet de loi? Peut-être. Il est évident que ce qu'on essaie de faire c'est de profiter au maximum des idées qui sont produites ici et d'en profiter pour être compétitif au niveau international. Tout à l'heure les pays qui ne seront pas compétitifs au niveau international crèveront tout simplement.

Je suis d'accord avec votre point de vue sur l'importance de l'innovation dans ce sens-là. Est-ce que cela doit faire partie d'un projet de loi? Je ne suis réellement pas expert pour dire ceci. Pour moi c'était évident mais je suis dans un domaine technologique, donc je suis peut-être mauvais juge. Je suppose aussi que les gens qui utiliseront le projet de loi seront intéressés à ce domaine-là. Donc, est-ce nécessaire ou non? Je ne pourrais pas répondre.

Est-ce que, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, il faudrait établir dans le projet de loi des critères qui permettraient d'évaluer le rendement de l'agence? Je ne sais pas. Peut-être. C'est très difficile d'évaluer les retombées d'une telle agence parce qu'il y a des retombées qui se calculent au point de vue pécuniaire et d'autres sont des retombées sociétales qui sont moins palpables, qui sont des créations d'emplois, des ci, des ça ou une valorisation de tout un secteur industriel. Peut-être. Cette agence devrait certainement être évaluée par des critères. Est-ce que ces critères devraient être établis au préalable ou non? Je n'ai pas tellement d'idée sur ce point particulier.

Mme Dougherty: D'accord. Encore sur les fonctions. Vous avez cité un mémoire des ingénieurs du Canada. Leur première recommandation pour renforcer les relations entre les universités et l'industrie portait

directement à l'attention des chercheurs les besoins en recherche de l'industrie. C'est une fonction qui n'est pas précisée dans le projet de loi. Je me demande si c'est une fonction aussi importante que celle de prospecter le milieu de la recherche. Donc, ma question est celle-ci: Est-ce qu'on doit ajouter cette fonction aux fonctions de l'agence et est-ce que c'est compatible? Est-ce qu'on peut faire les deux choses en même temps?

M. Doré: Je ne vois pas que ce soit là une des fonctions spécifiques de l'agence que de faire savoir au milieu universitaire quels sont les besoins de l'industrie. Actuellement, chez les universitaires, en tout cas ceux de l'École polytechnique, je peux vous dire qu'il y a un changement très rapide qui s'effectue et qui rapproche actuellement les chercheurs universitaires de l'École polytechnique des chercheurs de l'industrie et des industriels en général.

Cela se fait donc un peu naturellement par des associations qui ne sont ni des contrats de recherche, ni des subventions de recherche de type normal, mais ce qu'on appelle des conventions de recherche. C'est que, de plus en plus, on fait travailler nos étudiants du grade supérieur à des projets industriels et souvent dans l'industrie. Donc cela se fait de plus en plus. La recommandation provenant du Conseil canadien des ingénieurs était tout simplement pour accélérer ce processus.

Maintenant, pour aller dans le même sens que vous, il se peut que l'agence, à cause de la prospection qu'elle fera de tous les milieux, se rende compte qu'il y a des besoins de recherches dans le milieu qui ne sont pas comblés par nos milieux universitaires. Tout à l'heure, le ministre a parlé d'un soutien informationnel aux différents intervenants du milieu, dont les universités. Je serais très intéressé, si l'AQVIR sent qu'il y a un secteur qui pourrait être intéressant au point de vue de la recherche universitaire, qu'elle nous en fasse part, mais je ne vois pas très bien que ce soit une fonction spécifique de l'agence. J'espère que ceci viendra comme retombées de ses fonctions normales, mais, si l'agence pouvait nous donner ces informations, cela aiderait dans le sens de la recommandation formulée par le Conseil canadien des ingénieurs.

Mme Dougherty: D'accord. La cinquième fonction mentionnée dans le projet de loi. Vous avez soulevé les dangers d'interprétation de cette fonction formulée dans le projet. Je crois que votre amendement constitue une amélioration importante. Néanmoins, croyez-vous que les fonctions seront diminuées si on élimine cet article? Je parle de l'article 17.5.

M. Doré: C'est peut-être l'article qui est le moins pertinent à la mission de l'AQVIR comme je la vois. Bien sûr que c'est un voeu, mais, pour répondre à votre question, c'est peut-être la fonction décrite qui est la moins importante, à mon point de vue. Est-ce que le paragraphe 5 pourrait sauter ou non? Je ne sais pas. Cela ne fait pas de tort qu'il soit là, mais disons que...

Mme Dougherty: C'est plutôt un objectif global...

M. Doré: C'est un objectif, c'est cela.

Mme Dougherty: ...un préambule ou quelque chose. Ce n'est pas vraiment une fonction.

M. Doré: Non, c'est très général. D'ailleurs, c'est ce qu'on note dans le mémoire. Cette fonction est très générale.

Mme Dougherty: D'accord. Une autre question. Aux pages 4 et 5, vous avez cité le mémoire du Conseil canadien des ingénieurs et les ingénieurs ont dit... Vous avez parlé de toutes les ressources nécessaires dans le processus de valorisation. Ils terminent en disant: II suffirait, en grande partie, de faire un bien meilleur usage des ressources que nous avons déjà. Il semble que vous soyez d'accord avec cette déclaration. Est-ce que j'ai raison?

M. Doré: C'est-à-dire que oui, nous sommes d'accord en partie.

Mme Dougherty: Oui. (12 heures)

M. Doré: C'est sûr qu'il faut absolument faire... Maintenant, il faut faire attention. On a sorti un paragraphe d'un contexte qui est plus général. Lorsque le conseil canadien a... Je peux en parler parce que je faisais partie du groupe de quatre personnes qui a conçu ce mémoire. Ce que nous avions en tête à ce moment, c'était qu'en recherche et développement en général, on avait peut-être ici des ressources qui n'étaient pas tout à fait bien utilisées et on pensait aux bureaux d'ingénieurs-conseils entre autres qui sont très bons au niveau international pour développer des choses fantastiques. Les compagnies d'ici font bien peu appel à ces ressources. On prend une compagnie comme Alcan, pour ne pas la nommer, qui, pour le développement d'une de ses usines est allée voir un grand consultant américain, lorsque des grands bureaux d'ingénieurs-conseils conçoivent des usines d'une complexité semblable ailleurs. Donc, c'est dans ce contexte que nous l'avons souligné, c'est tout simplement pour appuyer une remarque que nous faisons plus loin dans les commentaires; si on n'a pas toutes les

ressources ici, mais si on en a quelques-unes, au moins utilisons-les. C'est dans ce sens que le joint est fait entre ce paragraphe et nos recommandations plus loin.

Mme Dougherty: Merci. J'ai posé cette question parce que plus loin, à la page 16, vous soulignez que les fonctions du projet de loi mentionnées aux paragraphes 1, 2, 4 et 5 de l'article 17 sont poursuivies aussi par le CRIQ et le CIIM.

Maintenant, pourriez-vous nous expliquer quelles sont les fonctions essentielles de l'agence envisagées par le projet de loi 37 qui ne pourraient pas être remplies par un meilleur usage des ressources existantes ni par le CRIQ ni par le CIIM en particulier?

M. Doré: Les organismes existants peuvent toucher actuellement les différentes fonctions décrites par l'agence, mais avec des moyens très limités, c'est-à-dire que si on prend l'ensemble des organismes, vous avez le CDT qui peut faire de la recherche et du développement, donc de l'amélioration de produits, le CIIM qui fait de l'évaluation d'inventions, c'est-à-dire qui essaie de voir si cela a du sens, qui fait aussi des études de marché. Donc, si vous prenez l'ensemble des organismes, cela couvre l'ensemble des fonctions. Actuellement, je peux vous dire pour le CIIM parce que je le connais relativement bien, que les ressources financières mises à la disposition du CIIM sont totalement insuffisantes pour, par exemple, donner un soutien financier aux innovations. Alors, les moyens actuellement disponibles sont insuffisants et les organismes se spécialisent. Je ne dis pas que le CIIM ne pourrait pas se développer ou que le CRIQ ne pourrait pas se développer en une agence qui pourrait tout faire. Je suis d'accord, si vous voulez suggérer ceci, que c'est possible.

Maintenant, l'école polytechnique comme c'est dit dans le mémoire n'est pas contre, un organisme qui mette ensemble toutes ces ressources, pourvu que les ressources actuelles soient prises à partie, c'est-à-dire qu'on ait une politique d'impartition. Je ne sais pas si je réponds exactement à votre question madame la députée?

Mme Dougherty: Oui, merci. Il semble qu'il y ait quelque chose qui manque dans la chaîne des services disponibles, c'est le financement, surtout celui des étapes les plus risquées. Est-ce que j'ai raison? Franchement, je cherche la justification de l'agence et je me demande si, par un changement de mandat ou une adaptation de mandat de deux ou trois autres organismes, on peut faire la même chose, possiblement plus efficacement au lieu de créer une autre structure de coalition, de soutien. La flexibilité, la souplesse et la capacité d'agir rapidement sont évidemment très importantes dans tout ce processus. Si on a l'agence, il faut au moins concentrer les efforts et les ressources de l'agence dans une direction utile pour combler les carences dans le reste du système. Dans votre mémoire, j'ai vu ce qui est pour moi une contradiction: d'une part, vous appuyez entièrement - je cite - le projet et d'autre part vous citez le mémoire des ingénieurs qui suggère un meilleur usage des ressources existantes. Vous avez souligné le dédoublement de fonctions du CRIQ et du CIIM. Donc, je cherche la raison pour laquelle vous appuyez entièrement la création de l'agence comme elle est conçue dans le projet de loi. Allez-y, merci.

M. Doré: J'ai dit seulement que globalement l'école appuie le projet de loi. Donc, j'ai changé la formulation. On aurait dû ne pas écrire le "appuyé entièrement" parce que ce n'est pas vrai puisqu'on suggère des changements. J'aimerais retirer les 100 copies que j'ai envoyées et dire que, globalement, l'école appuie le projet de loi.

Maintenant, pourquoi est-ce que, globalement, l'école appuie le projet de loi, lorsqu'on dit dans une partie du mémoire qu'on devrait utiliser les ressources existantes, qu'il y a des dédoublements, etc.? C'est parce qu'il existe si peu actuellement d'organismes et de personnes qui se préoccupent de ces fonctions-là, qu'on juge que c'est de faire un pas en avant que de mettre des ressources qui n'existent pas à la disposition d'une communauté qu'est le Québec. C'est pour cela qu'on ne s'oppose pas. On dit: Pourvu que notre expertise, on puisse la mettre au service de cet organisme qui serait une plaque tournante, comme le mentionnait le ministre. Donc, je ne vois pas de contradiction Mme la députée...

Mme Dougherty: ...d'accord.

M. Doré: ...dans le mémoire de l'École polytechnique. Je vois peut-être dans la formulation écrite certaines imprécisions que je me suis efforcé de corriger dans la présentation verbale.

Mme Dougherty: J'ai d'autres questions, mais je crois que mon collègue, le député de Mont-Royal, a plusieurs questions à poser. S'il reste du temps, je pourrai revenir avec d'autres questions à la fin.

Le Président (M. Brouillet): Oui, très bien. Le député de Deux-Montagnes a demandé la parole et après, nous passerons la parole au député de Mont-Royal.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur deux aspects des propos qu'a tenus M. Doré. Premièrement, M. Doré a relevé une

statistique qui avait été citée par le ministre à propos des brevets. Je crois que la statistique en question dit que 7% des brevets accordés par l'organisme fédéral compétent se rendent à la commercialisation, mais que seulement 1% mène à une réussite économique. À propos du 6% de différence entre 7% et 1%, M. Doré a dit, je crois: On s'est trompé quelque part. Je voudrais demander à M. Doré s'il pourrait préciser sa pensée là-dessus. Qui, pense-t-il, s'est trompé quelque part dans le processus qui va depuis l'idée jusqu'à la commercialisation?

M. Doré: Ce sont en général les promoteurs qui sont souvent les inventeurs. J'ai quelques cas en tête d'expériences où une personne invente quelque chose et veut le forcer sur le marché coûte que coûte. La personne met des énergies énormes, met des efforts, investit son argent, sa maison et tous ses biens dans une aventure qui au départ, peut-être, ne le méritait pas. Au lieu d'avoir le 6% de malchance, peut-être qu'on aurait pu, au départ, éliminer 3% ou 4% de ces projets douteux et ne conserver que 3% ou 4% au lieu du 7% ou 8% qu'on a conservé au départ. Lorsque je dis que les gens se sont trompés, ce sont les promoteurs des projets qui sont souvent les inventeurs.

M. de Bellefeuille: Est-ce qu'on ne peut pas concevoir, M. Doré, que du côté de la commercialisation il peut y avoir une marge d'erreur, par exemple, un certain manque d'audace, un conservatisme excessif qui feraient que des inventions tout à fait intéressantes, même si elles atteignent la phase de la commercialisation, ne reçoivent pas le traitement voulu et, par conséquent, échouent, non pas par la faute de l'inventeur ou des chercheurs qui sont intervenus dans la mise au point du produit, mais plutôt par la faute de ceux qui sont chargés d'en faire la commercialisation?

M. Doré: Je suis d'accord avec vous. C'est bien sûr qu'il y a peut-être une répartition des responsabilités tout au long de cette chaîne-là. Puisque je suis plus familier avec l'amont de la chaîne, ce sont ces cas-là que je vous ai donnés, mais je suis d'accord avec vous.

M. de Bellefeuille: En aval aussi, il peut y avoir des déficiences.

M. Doré: En aval aussi. C'est sûr qu'il y a un manque en aval aussi. C'est, d'ailleurs, pour cela que l'École polytechnique s'est intéressée à cet aspect. On avait tellement peu de moyens. L'agence favorisera certainement, comme je le mentionnais tout à l'heure, qu'il y ait moins d'erreurs qui se produisent, qu'on puisse mieux exploiter les connaissances, les idées afin de les commercialiser. C'est la raison pour laquelle nous favorisons ceci. Un peu plus de ressources dans un néant, cela ne fait jamais de tort.

M. de Bellefeuille: Le deuxième aspect que je voudrais soulever, M. Doré, est à propos de la page 16 de votre mémoire où vous proposez de "réduire, dans le texte, le nombre de références aux contrôles gouvernementaux." C'est, en général, une idée qui me plaît. Je crois constater que le texte des articles 20 et 21 recèle des contradictions internes. J'aimerais bien qu'on en arrive finalement à un texte plus clair, dépouillé de ces contradictions. Au tout début de l'article 20, la loi dit: "L'agence peut accorder une aide financière, aux conditions et selon les limites qu'elle croit devoir fixer, pour la réalisation de projets de valorisation de la recherche dans les secteurs d'activités qu'elle détermine." C'est admirable, cet article-là; quand on le lit isolément, il reconnaît énormément d'autonomie à l'agence. Mais il me semble qu'il y a contradiction quand, dans le même article, à la fin - alors que dans le reste de l'article il n'y a aucune limite indiquée, c'est l'agence qui choisit librement ses moyens -on dit: "L'agence peut pareillement accorder son aide financière suivant tout autre moyen autorisé par le gouvernement." Est-ce que c'est l'agence qui détermine ou si c'est le gouvernement qui détermine? Il me semble qu'il y a là une contradiction, contradiction qui devient plus évidente quand on lit l'article 21 qui dit: "Toutefois, l'agence ne peut, dans les cas, conditions ou circonstances que le gouvernement peut déterminer par règlement - et là, cela devient un règlement drôlement négatif, puisque l'agence ne peut - accorder une aide financière sans avoir obtenu l'autorisation du gouvernement ou du ministre, suivant ce que le règlement détermine." C'est bicéphale. On reconnaît beaucoup d'autonomie à l'agence, mais on confie au gouvernement la responsabilité de lui indiquer clairement les limites de son action. J'aimerais bien qu'on clarifie cette contradiction, mais non pas dans le sens de refuser tout rôle au gouvernement.

Vous mentionnez aussi dans ce même commentaire l'article 24. Dans le cas de l'article 24, je pense que l'intervention du gouvernement peut facilement s'expliquer puisque l'article 24 élargit les possibilités d'action de l'agence en ajoutant une action à l'étranger. Il est évident que, lorsqu'on parle d'action à l'étranger, il faut s'assurer qu'il y a un minimum de coordination. Le gouvernement a des responsabilités particulièrement de coordination en ce qui concerne l'action des nombreux ministères et agences du gouvernement. Quand il s'agit de relations avec l'étranger, la loi confie, par

exemple, au ministère des Affaires intergouvernementales certaines responsabilités de coordination dont il doit pouvoir s'acquitter. L'allusion au gouvernement, dans l'article 24, me paraît bien fondée. Mais je partage votre inquiétude en ce qui concerne les articles 20 et 21 particulièrement. Je ne sais pas si vous voulez commenter la même question à nouveau. (12 h 15)

M. Doré: Je partage votre point de vue et vos commentaires.

M. de Bellefeuille: Merci, M. Doré, merci, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. Doré, je vais ajouter, aux commentaires qui ont été faits par mes collègues, que votre mémoire est très positif. Il soulève des questions très pertinentes et j'ai même l'impression que, tout en appuyant globalement l'idée de l'AQVIR, vous y apportez des changements très significatifs qui peut-être auraient pour effet de changer la façon dont l'AQVIR pourrait agir dans ce domaine; c'est très différent de la façon dont le projet de loi est maintenant conçu. Je pense que vos changements sont majeurs et même l'explication que le ministre a donnée ce matin sur sa perception des étapes et du rôle de l'AQVIR ne semble pas coïncider ou être la même que la façon dont le projet de loi est conçu ou est écrit maintenant. Autrement dit, le projet de loi est pas mal global, donne beaucoup de fonctions à AQVIR et va beaucoup plus loin que vos amendements et vos commentaires. Vos amendements réduiraient le rôle de l'AQVIR dans certains champs d'activité et nous appuyons cette approche.

Je voudrais vous poser des questions plus spécifiques sur les commentaires que vous avez faits. Vous avez mentionné qu'un des éléments les plus importants ou un des facteurs les plus difficiles c'est d'identifier l'invention qui va pouvoir réussir à se vendre sur le marché. D'après vous qui peut le mieux faire l'identification de cette invention? Quel organisme ou quel secteur peut le mieux arriver à une conclusion qu'une telle invention va être commercialement valable?

M. Doré: Actuellement, au Québec, il y a deux organismes qui font ceci en collaboration, c'est le CRIQ et le CIIM. Je ne connais pas d'autres organismes qui le font, sauf les bureaux de brevets bien sûr. Maintenant, les bureaux de brevets ne se préoccuperont pas d'aller jusqu'à la commercialisation sauf certains bureaux de brevets qui effectivement le font. Donc, il y a le CIIM, le CRIQ et le secteur privé qui fait cela aussi actuellement.

M. Ciaccia: Est-ce que c'est plutôt le secteur privé qui prend ces décisions? Si je comprends bien, le CRIQ ou le CIIM vont donner des évaluations, des informations ou des opinions, mais la commercialisation ou la valorisation industrielle - c'est un autre mot pour commercialiser le produit - est-ce que ce n'est pas plutôt l'entreprise privée qui le fait?

M. Doré: Vous m'avez posé une question, vous m'avez demandé: Quels sont les organismes qui peuvent évaluer le potentiel d'une invention? Cela se fait en différentes étapes. Par exemple, un inventeur - comme je le vois - qui arrive quelque part et veut demander à un groupe: Est-ce que mon idée a du sens? Cela va aller par étapes, il va y avoir une première évaluation, il va y en avoir une autre par la suite et ensuite une étude de marché. Cela dépend donc d'où vient l'idée. Si l'idée vient d'une industrie, il est bien sûr que si c'est une grosse industrie elle va avoir ses propres moyens, mais une petite industrie va faire appel à des organismes extérieurs. Je sais pertinemment qu'actuellement au CIIM il y a deux types de groupes qui y viennent, il y a les inventeurs et il y a les petites industries. Les grandes industries ne viennent pas là parce qu'elles ont leurs propres bureaux de recherche et leurs propres bureaux d'étude de marché ou font appel à de grandes firmes. Donc, quels sont les organismes? Cela dépend de qui a besoin de faire faire une évaluation. Si ce sont des petits groupements, des petites compagnies ou des individus, je pense que de tels organismes peuvent donner au moins une indication, à savoir si c'est complètement bleu ou si c'est complètement rouge.

M. Ciaccia: Oui, mais des évaluations, il y en a beaucoup.

Une voix: Cela devient intéressant.

M. Ciaccia: On va voir cela aux prochaines élections. Il y a des évaluations qui sont faites par le CRIQ et des évaluations qui sont faites par le CIIM. Il peut y avoir une vingtaine d'évaluations disant que les chances de ce produit d'être commercialisé sont de 60% ou de 75%. Mais, une fois que cette évaluation est faite, ce n'est pas assez parce qu'il y a beaucoup d'évaluations qui restent sur les tablettes. Il n'y a personne qui prend le produit et le commercialise. Qui fait ce lien-là? Est-ce que ce n'est pas plutôt l'entreprise privée qui doit s'y intéresser et identifier le risque sur la base des évaluations? L'organisme qui va le faire, c'est l'entreprise privée. Ce ne

sera pas l'AQVIR, ce ne sera pas le CRIQ, ce ne sera pas le CIIM.

M. Doré: En fait, c'est sûr qu'à un moment donné, dans tout ce processus, si c'est un individu qui a une idée, il va falloir qu'il se raccroche à une industrie, il va falloir qu'il vende son idée à une industrie ou qu'il en crée une. Donc, sûrement, les gens qui vont prendre la décision - je suis d'accord avec vous - si on marche ou si on ne marche pas, ce sont les gens de l'industrie, c'est le secteur privé, c'est bien sûr.

M. Ciaccia: Alors, un des facteurs essentiels, c'est le capital de risque pour obtenir la valorisation industrielle. C'est le capital de risque qui va venir de l'industrie privée.

M. Doré: Ou d'organismes qui sont dans le domaine. Il y a des organismes bancaires qui sont dans le "business" de fournir du capital de risque.

M. Ciaccia: Qui financent l'entreprise privée?

M. Doré: Qui financent cela. Mais, finalement, celle qui va garantir cela, c'est l'entreprise privée, c'est sûr, jusqu'à un certain point, dans la majorité des cas. Je suis d'accord avec vous.

M. Ciaccia: Oui. C'est pour cela que j'apprécie dans votre mémoire que vous réalisiez que, pour faire le développement des industries de pointe ou de toute industrie, vous avez besoin de technologie, de management, de personnel spécialisé et de climat économique. Je pense que c'est bon de souligner que ce n'est pas strictement la création d'un organisme comme l'AQVIR qui va nous assurer la valorisation industrielle. Il faut tous les autres facteurs qui vont venir vraiment créer les conditions essentielles afin que des organismes comme l'AQVIR, le CIIM ou le CRIQ puissent avoir des résultats bénéfiques, qu'ils puissent avoir des débouchés sur les marchés.

Maintenant, est-il réaliste de confier à d'éventuels agents de l'AQVIR la responsabilité d'identifier des idées et des technologies nouvelles à valoriser dans des produits ou des procédés nouveaux ou bien si leur rôle n'est pas plutôt d'offrir toute assistance aux entrepreneurs et chercheurs experts dans l'acheminement de leurs projets? Autrement, qu'est-ce qui...

M. Doré: Ils pourraient le faire. En fait, on pourrait imaginer un très gros organisme qui aurait la capacité de faire toutes ces choses. Ce que nous verrions plutôt, nous, c'est que, dans certains aspects de ces fonctions - parce que ces fonctions se situent à plusieurs niveaux dans toute cette chaîne d'innovation - ils fassent appel à des organismes existants. On revient sur notre idée: Servez-vous des organismes existants. Mais, cela ne nie pas, dans notre esprit, la création de l'agence. Est-ce que vous comprenez?

M. Ciaccia: Je comprends.

M. Doré: C'est que l'agence pourrait nous aider...

M. Ciaccia: Oui.

M. Doré: ...tous ensemble à faire cette chose.

M. Ciaccia: Mais là, par vos amendements, vous changez sensiblement le rôle de l'agence. C'est ce que j'ai dit au début: le rôle de l'agence tel que vous le concevez dans votre mémoire et tel qu'il est conçu dans le projet de loi. Le projet de loi, si vous lisez l'article 17, sans vos amendements, cela va beaucoup plus loin que ce que vous suggérez. Si je comprends bien, vos amendements feraient de l'AQVIR une agence de coordination, de financement peut-être, mais de coordination avec les autres organismes qui existent. Est-ce que c'est exact?

M. Doré: Cela ne change pas ses fonctions; cela change les moyens pour arriver aux objectifs décrits dans les fonctions. C'est ce que nous suggérons, nous, en disant: Écoutez, n'essayez pas de tout faire vous-mêmes; essayez donc de vous servir de ce qui existe. C'est le message qu'on passait lorsque, à un moment donné, on dit: "Se référer explicitement aux organismes oeuvrant dans le domaine de la valorisation". Donc, je ne vois pas que l'on change les fonctions de l'agence. On ne change pas les fonctions de l'agence, mais on dit au ministre: "Peut-être que vous devriez inclure dans le projet de loi l'obligation pour l'agence de se servir des organismes existants qui oeuvrent dans ces fonctions."

M. Ciaccia: Autrement dit, ce n'est pas l'agence elle-même qui va faire toutes ces fonctions-là, mais elle va coordonner, obtenir le financement et utiliser les agences existantes.

M. Doré: C'est ce qu'on suggère.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, le rôle de l'AQVIR est maintenant inclus dans les fonctions. Le rôle de l'École polytechnique, les organismes comme le CIIM, le CRIQ, toutes ces agences font essentiellement ce que l'AQVIR veut faire,

sauf...

M. Doré: Chacun en partie... M. Ciaccia: Oui.

M. Doré: ...fait des choses dans tout ce processus-là.

M. Ciaccia: Qu'est-ce que l'AQVIR ajouterait?

M. Doré: Je pense qu'actuellement on sent qu'il y a peut-être un besoin de mettre un trait d'union là-dedans. C'est pour cela qu'on appuie le projet.

Une voix: Voilà.

M. de Bellefeuille: ...note cela.

Une voix: Le trait d'union.

M. de Bellefeuille: II faut mettre un trait d'union.

M. Paquette: Un trait d'union. J'espère qu'on va avoir plus de succès avec celui-là.

M. Ciaccia: On apprécie vos commentaires et pour mettre ce trait d'union, je pense qu'il faudrait absolument apporter les amendements que vous suggérez dans votre mémoire.

M. Doré: C'est pour cela qu'on les suggère.

M. Ciaccia: J'ai une autre question. Vous mentionnez que vous avez des moyens limités, que le CIIM, l'École polytechnique et tous les autres organismes que vous avez mentionnés ont des moyens limités. Est-ce que c'est préférable d'augmenter les moyens des organismes existants que d'essayer de créer un autre organisme? D'après vous, est-ce que ce serait plus efficace? Est-ce qu'il y aurait un danger, si on crée un autre organisme comme l'AQVIR et qu'on ne limite pas son rôle, qu'au lieu d'avoir des moyens additionnels, chaque organisme aurait des moyens limités? Autrement dit, si on n'apporte pas, dans le cas de l'AQVIR, les amendements que vous proposez, si on ne réduit pas le rôle de l'AQVIR, au lieu d'ajouter aux moyens qui seront disponibles à tous les organismes, on va effectivement avoir une répétition et des moyens encore limités. Au lieu d'avoir deux organismes, il va y avoir trois organismes qui vont avoir des moyens limités. Est-ce qu'il y a ce danger?

M. Doré: Écoutez, M. le député. Je vais maintenant parler à titre de directeur. Je pourrais spéculer comme citoyen et imaginer d'autres scénarios. Maintenant, je vais parler à titre de directeur de l'École polytechnique, parce que c'est seulement, je pense, à ce titre-là que je devrais m'exprimer ici, bien que je sois allé un peu en marge de cela dans mes commentaires.

L'École polytechnique n'a qu'un objectif en poussant un tel projet de loi. C'est celui de voir, finalement, tomber des idées sur le marché, c'est-à-dire de voir valoriser des idées. C'est le seul objectif qu'on a, parce que nous sommes bien peu - l'École polytechnique en tant qu'institution - dans les plates-bandes de l'agence, sauf peut-être pour seconder l'agence lorsque celle-ci pourra identifier qu'il y a des besoins de poursuivre des recherches appliquées si on en produit. Donc, je me sens très libre d'exprimer que l'École polytechnique n'a pas d'intérêt, si vous voulez, dans l'agence... des intérêts, bien sûr, mais il n'y a pas d'intérêt conflictuel avec l'agence; c'est cela que je veux dire. Donc, quand on exprime notre point de vue, c'est tout simplement de façon qu'au Québec, dans l'ensemble, on puisse, comme société, avoir les moyens qui permettent ce transfert et l'on pense que les moyens n'existent pas complètement, qu'il n'y a pas un organisme qui fait tout cela avec tous les moyens qu'il pourrait avoir pour bien faire son travail. (12 h 30)

Donc, c'est sûr qu'on pourrait imaginer d'autres façons de faire les choses. Si vous le demandez à mon collègue, M. Roger Biais, le directeur du CIIM, qui viendra demain, il vous dira: Bien sûr qu'on pourrait faire cela, mais on aurait besoin des moyens qu'on imaginerait donner à l'agence. C'est sûr qu'il y a des moyens de faire les choses, soit directement par des agences gouvernementales ou par des agences plus éloignées qui sont associées avec des universités ou des agences privées. Je pense que ce serait être aveugle que de nier cela. Il y a là une proposition qui nous semble acceptable avec les amendements qu'on propose et je suis d'accord avec les amendements qu'on propose.

M. Ciaccia: Je crois que les amendements que vous proposez sont assez substantiels au projet de loi. J'espère que le ministre les prendra en considération parce que, d'après nous, ils changent sensiblement le fonctionnement de l'AQVIR. Cela définira le rôle de l'AQVIR plutôt dans une agence de coordination, d'utiliser les ressources existantes et d'utiliser le pouvoir de financement qui sera accordé à l'AQVIR par l'article 17.2 pour valoriser les opérations des organismes déjà existants.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci.

Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Ciaccia: Juste une autre question.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: À l'article 17.5 vous avez apporté un certain commentaire pour en changer la rédaction. Je sais que vous avez aussi mentionné que le râle principal de l'AQVIR n'est pas un aspect très important. Est-ce qu'il n'y a pas un danger? De la façon dont il est rédigé actuellement, cela porte à croire qu'on va fonctionner dans un genre d'isolement. Quand on dit: "d'encourager la prise en charge par la société québécoise de son propre développement en recherche industrielle de même que la maîtrise de son développement technologique", comment peut-on inclure dans un tel texte l'interface avec le reste du monde?

Vous dites dans votre mémoire: Interface université-gouvernement et université-secteur privé. Il y aurait aussi l'interface plutôt globale. Est-ce qu'il n'y aurait pas ce danger dans l'article 5, que c'est pas mal limitatif en plus des points que vous avez soulevés? Est-ce que cela n'encourage pas une mentalité d'isolement et c'est une lecture un peu dirigiste de dire que c'est le gouvernement ou l'agence qui aura ce rôle-là? L'agence peut seulement, dans un certain sens, coordonner les activités de différents organismes et c'est le gouvernement qui pourra créer une ambiance et un climat économique qui encourageront ce développement.

Il y a aussi l'aspect de l'interface avec les autres provinces du Canada et les États-Unis. Y aurait-il moyen de donner effet à cet aspect pour ne pas donner l'impression qu'on essaie de fonctionner seul plutôt qu'en ouverture sur tout le développement?

M. Doré: En fait, notre point de vue est que cet article est très global. C'est d'ailleurs ce qu'on dit dans nos commentaires. Ce n'est pas mauvais, c'est global. Je l'ai dit tout à l'heure c'est un peu comme un voeu pieux.

M. Ciaccia: Un "motherhood statement".

M. Doré: Oui, cela en est un qui ne fait pas de tort. Comme je vous l'ai dit, nous proposons une autre formulation pour introduire la notion des partenaires dans cet objectif. C'est le seul commentaire que j'aurais à formuler. Il est exprimé d'ailleurs dans notre mémoire.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Brouillet): Très bien.

M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, s'il n'y a pas d'autres questions...

Mme Dougherty: J'en ai une ou deux.

M. Paquette: Je vais attendre dans ce cas.

Le Président (M. Brouillet): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: À la page 13, sur l'article 5, vous avez proposé que la composition du conseil d'administration de l'agence prévoie explicitement la nomination d'au moins deux membres provenant des milieux universitaires. Ne croyez-vous pas que ce soit aussi important d'expliciter la nomination de plusieurs membres du milieu industriel, du CRIQ, du CIIM, de la SDI et je ne sais pas de quelle autre agence? Est-ce que vous avez...

M. Doré: Évidemment. Pardon, Mme la députée.

Mme Dougherty: C'est seulement pour avoir vos commentaires là-dessus.

M. Doré: Oui. C'est-à-dire expliciter... J'ai dit tout à l'heure dans ma présentation verbale que je parlais pour ma paroisse. Je considère que cela peut être important puisque le milieu universitaire au Canada -ce n'est pas seulement au Québec - est celui qui est proportionnellement le plus actif en recherche. Ce n'est pas le secteur industriel; c'est le secteur universitaire et le secteur gouvernemental qui sont les plus actifs en recherche. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé ceci. Maintenant, si les autres intervenants veulent être représentés au conseil d'administration, qu'ils le demandent eux-mêmes. Je ne veux pas faire des demandes pour les autres secteurs, mais c'est évident que, si le secteur privé n'était pas représenté à l'AQVIR ce serait une erreur. Il faut que le secteur privé soit représenté. Alors, il faut, bien sûr, équilibrer la provenance des membres du conseil d'administration pour qu'il représente bien tous les secteurs qui peuvent pousser dans cette même direction. Pourquoi n'a-t-on pas mentionné les autres? C'est tout simplement parce qu'on veut que les autres parlent pour eux.

Mme Dougherty: D'accord. Étant donné vos remarques sur le personnel important du CIIM, par exemple, qui vient du monde industriel plutôt que du monde universitaire, ne croyez-vous pas que les compétences du personnel de l'agence doivent être précisées un peu dans la loi? Il me semble qu'il est très important d'avoir un personnel qui comprenne la complexité du développement

technologique, qui, comme je l'ai dit dans mes questions au début, a fait ses preuves dans le domaine du commerce et de la recherche. Est-ce que, à votre sens, c'est une question importante qui doit être précisée dans la loi ou si ce sera une décision du ministère après que la loi sera adoptée?

M. Doré: Madame, j'ai l'impression que les gens qui seront chargés de cette agence, si elle est créée, auront assez de jugement pour engager les bonnes personnes. Je ne sais pas si cela doit faire partie de la loi. Je n'en ai aucune idée. D'ailleurs, je suis très peu connaissant dans ce que doit contenir un projet de loi. Il est évident que le personnel de l'AQVIR devrait avoir cette expérience au maximum de valorisation industrielle de la recherche. Donc, est-ce que cela doit être contenu dans le projet de loi? Je ne pourrais vous le dire, je ne le sais pas. Mais ce que je sais, c'est qu'il faudra que les membres de l'agence aient une certaine expérience dans ce domaine, c'est sûr.

Mme Dougherty: D'accord. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, en terminant, simplement un ou deux commentaires. Le député de Mont-Royal considère que l'École polytechnique propose des amendements substantiels au projet de loi. Je dirais que ce sont des amendements intéressants, mais il faudrait quand même ne pas faire dire au mémoire le contraire de ce qu'il dit, puisqu'à la page 13 on retrouve que "l'école appuie entièrement le projet du gouvernement visant à créer une agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche."

M. Ciaccia: Globalement. M. Doré: Globalement.

M. Ciaccia: Globalement, ce n'est pas la même chose.

M. Paquette: Remplacez "entièrement" par "globalement". Deuxièmement, l'école considère que les fonctions et les pouvoirs accordés à l'AQVIR sont pertinents. Elle propose cependant quelques amendements mineurs afin que les objectifs visés par le projet de loi soient réalisés de façon plus efficace.

M. Ciaccia: Ils sont diplomates.

M. Paquette: Le député de Mont-Royal préfère les qualifier d'amendements substantiels probablement pour que, par la suite, si jamais il y avait des amendements, il puisse dire que c'est grâce à l'action de l'Opposition que nous avons obtenu des amendements substantiels.

M. le Président, je répète ce que j'ai dit...

M. Ciaccia: Ce ne sont pas nos...

M. Paquette: ...ce sont des amendements intéressants que nous allons étudier très sérieusement. La question qui se pose, c'est: Jusqu'où doit-on aller dans la précision d'un projet de loi? Certainement pas jusqu'au point de dire que le personnel engagé devra être compétent. Cela m'apparaît évident.

Deuxièmement, en ce qui concerne les moyens ou la façon dont l'agence fonctionnera, nous avons regardé d'autres lois. Par exemple, on ne dit pas dans la Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec qu'il doit travailler en étroite concertation avec les différents milieux impliqués, avec les universités et avec les industries. Mais, évidemment, pour être efficace dans son action, le Centre de recherche industrielle du Québec a établi de multiples liens et de même pour les organismes créés par l'École polytechnique. Peut-être que, dans la charte, ce n'était pas écrit explicitement. Mais forcément, pour être efficace, ces organismes ont dû travailler avec tous les intervenants du milieu. Nous avons publié un document d'accompagnement de ce projet de loi justement pour donner davantage de précisions et retenir le sens des discussions qui ont eu lieu au gouvernement dans la préparation de ce projet de loi.

Ce document est un document officiel publié par le ministère, donc c'est un engagement de notre part de privilégier tel mode de fonctionnement plutôt que tel autre. C'est un document public qui est déposé. Vous comprendrez que, politiquement, si on ne peut pas tout préciser dans le projet de loi, ce document fait office d'engagement. On dit à la page 16 de ce document exactement ce que nous propose l'École polytechnique. Il s'agit alors de déterminer si, en bonne technique législative, on doit le formuler dans le projet de loi et comment le formuler. Mais, sur les orientations et les intentions, on est exactement sur la même longueur d'onde puisqu'on dit ceci à la page 16: "La nécessité d'un lien étroit et dynamique entre l'AQVIR et les autres partenaires du processus d'innovation a été maintes fois mentionnée - en fait, à presque toutes les pages précédentes - pour cette raison, les ressources humaines de l'AQVIR seraient maintenues au strict minimum pour assurer la gérance des dossiers et la régie de sous-contrats dans le cadre d'une politique de faire-faire."

Comme l'a souligné le directeur de l'École polytechnique - j'aime bien son expression - on a besoin au Québec d'un trait d'union. Un trait d'union qui est capable de suivre un certain nombre de projets particulièrement prometteurs et, parfois, de donner un contrat pour développer davantage l'innovation. Comme vous le dites, certaines compétences sont au CRIQ, d'autres sont à l'École polytechnique et d'autres sont possiblement dans d'autres universités qui ne se sont pas nécessairement donné des centres de développement technologique, mais qui aimeraient bien en faire et qui ont surtout l'expertise dans des domaines complémentaires. De même, des contrats également pour des études de marché. Cela peut être dans des entreprises privées; cela peut être dans dans organismes du secteur public.

Je pense qu'il s'agit, sur la base de cette orientation que nous partageons - je crois comprendre qu'elle est partagée largement aussi par les membres de cette commission - de déterminer en bonne technique législative jusqu'à quel degré de précision on doit aller dans un projet de loi.

En terminant, M. le Président, j'aimerais remercier le directeur de l'École polytechnique d'abord de ses propositions extrêmement constructives qu'il nous fait dans son mémoire et, surtout, également de l'offre de collaboration qu'il fait au nom de l'École polytechnique pour assurer le succès de l'agence. Je pense qu'une telle agence, justement parce qu'il s'agit d'un trait d'union, d'un mécanisme qui va fonctionner, mettre en relation les divers intervenants possibles dans la politique de l'innovation, doit pouvoir compter sur les ressources existantes pour son fonctionnement. J'aimerais donc remercier le directeur de l'École polytechnique et de son mémoire et de cette offre de collaboration. (12 h 45)

Le Président (M. Brouillet): Très bien.

M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais ajouter un commentaire à la suite des remarques du ministre, M. le Président?

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Mont-Royal, vos commentaires.

M. Ciaccia: Comme le ministre l'a souligné, ce n'est pas nécessaire de dire que le CRIQ ou la SDI vont oeuvrer en concertation avec les autres agences gouvernementales, les autres agences qui sont dans le même domaine. C'est clair que cela fait partie du fonctionnement. Cependant, il y a une différence assez majeure entre la concertation telle que décrite par le ministre et le rôle de coordination tel qu'il semble être décrit dans le mémoire de l'École polytechnique. C'est vrai que, dans le document que le ministre a publié et qui donne un peu d'explication de l'opération AQVIR, il le conçoit d'une certaine façon. Il faudrait que la loi qui est rédigée ici reflète cette façon de procéder. Si la loi donne plus de pouvoir, donne une autre orientation ou donne le droit à d'autres orientations, je pense qu'il y a une loi législative qui dit qu'un organisme va prendre les pouvoirs qu'il a d'après la loi, malgré les intentions du ministre aujourd'hui. C'est un organisme qui, s'il est créé, va certainement dépasser une, deux ou trois années de fonctionnement. Le document que vous publiez aujourd'hui peut être oublié. La loi va demeurer dans les statuts.

Seulement pour donner un exemple, je comprends que l'École polytechnique a dit que ce sont des amendements mineurs. C'est son opinion. C'est très diplomate de sa part de le dire. Je considère que ce sont des amendements importants, majeurs. Par exemple, si vous vous référez à la page 16 du document de l'École polytechnique où elle suggère de se référer explicitement aux organismes oeuvrant dans le domaine de la valorisation industrielle de la recherche, tout de suite, vous donnez une autre orientation législative à l'AQVIR. Si vous êtes prêt à inclure cette suggestion, à dire qu'aux fins de l'exercice de ses fonctions, l'agence entend se servir des ressources existantes, immédiatement vous freinez le rôle de l'AQVIR, vous lui donnez vraiment le rôle de trait d'union que l'École polytechnique vous suggère. Dans ce cas-là, cela donne une tout autre orientation. Cela va limiter d'une façon assez efficace, croyons-nous, ce que l'AQVIR va pouvoir faire. Cela va donner plus de ressources humaines et de ressources financières aux organismes déjà existants.

Je prétends - je pense que les faits le démontrent - que, si vous avez trois organismes qui ont un budget de 10 000 000 $ chacun, ce n'est pas la même chose qu'un organisme qui va avoir 30 000 000 $. Les 30 000 000 $ dans un organisme pourront être utilisés beaucoup plus efficacement que si vous divisez cela en trois. Le but de ces amendements-là, c'est de dire à l'AQVIR: Vous allez être vraiment le trait d'union, vous allez agir comme un agent de coordination, vous allez obtenir le financement, utiliser les ressources déjà existantes. Par ce fait même, vous limitez substantiellement le rôle de l'AQVIR et ce n'est pas du tout comme cela que c'est conçu, que cela peut être mis en application par le projet de loi.

Je voulais seulement faire ces remarques pour démontrer que, d'après nous, les suggestions qui ont été faites par l'École polytechnique apportent des amendements que nous considérons importants, si vous ne voulez pas les qualifier d'autres adjectifs, et spécialement dans l'article 17, 17.1, 17.5, qui

est peut-être un peu moins important mais nous considérons que les remarques relatives à l'article 17.5 sont assez importantes, spécifiquement et spécialement pour limiter le rôle de l'AQVIR. Cela ne limitera pas les résultats; l'École polytechnique ne veut pas limiter les résultats de la valorisation industrielle. Je pense que les objectifs de l'École polytechnique sont de rendre les dépenses, les sommes dépensées beaucoup plus efficaces et augmenter le rôle et l'efficacité de tout ce domaine.

M. Paquette: M. le Président, j'avais très bien compris le sens du mémoire de l'École polytechnique, d'ailleurs beaucoup mieux au moment où on discutait avec le directeur qu'à la suite des remarques du député de Mont-Royal. Je pense qu'on va très certainement s'en inspirer.

Encore une fois, j'aimerais remercier le directeur de l'École polytechnique de son mémoire.

Le Président (M. Brouillet): Je remercie tout le monde. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 52)

(Reprise de la séance à 15 h 20)

Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de la présidence du conseil et de la constitution reprend ses travaux. Je me permets tout d'abord de mentionner une modification à la liste des membres de la commission: M. French (Westmount) va remplacer M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Nous allons entendre cet après-midi les représentants de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. J'inviterais les représentants à s'identifier, s'il vous plaît.

Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec

M. Hamel (Claude): M. le Président, je m'appelle Claude Hamel, président de la Conférence des recteurs et recteur de l'Université de Sherbrooke. Je suis accompagné, à ma droite, de M. Yves Giroux, de l'Université Laval, président du comité de la recherche de la conférence et, à ma gauche, de M. Philippe Bernard, agent de recherche à la conférence et de M. Réginald Lacroix, également de la conférence.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Vous pouvez exposer votre texte.

M. Hamel: Vous allez nous permettre, M. le Président, de lire d'abord le texte de notre mémoire qui n'est pas très long.

Nous désirons tout d'abord exprimer notre satisfaction à l'égard de la décision qu'a prise le gouvernement de retirer le chapitre V de son projet de loi favorisant le développement scientifique et technologique du Québec, sanctionné le 23 juin dernier, et d'en faire l'objet d'un projet de loi séparé. Cette initiative était d'autant plus heureuse que le report à l'automne de son étude laissait aux universités le temps de procéder aux consultations nécessaires avant de se prononcer sur une question qui, vous le savez, les concerne de près. Et nous nous réjouissons d'avoir aujourd'hui l'occcasion de soumettre à la présente commission parlementaire les réactions des universités sur le projet de loi sur l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche (AQVIR).

Au départ, qu'il nous soit permis de formuler une observation simple pour rappeler que, s'il entend jouer son rôle dans le développement technologique et demeurer concurrentiel, le Québec devra mettre en place les mécanismes propres à favoriser les retombées socio-économiques des activités de recherche qu'il soutient. Or, il faut bien constater que les mécanismes qui existent sont insuffisants et que nous ne disposons pas, en dehors d'initiatives locales d'ailleurs fructueuses, de moyens suffisants pour exploiter pleinement les connaissances nouvelles et mener les résultats de recherche jusqu'à l'étape du prototype préindustriel. Dans ces circonstances, nous sommes heureux que le gouvernement se préoccupe de cette question et poursuive des objectifs visant à favoriser la valorisation industrielle de la recherche.

Ce n'est pas sans réserve, cependant, que les universités ont accueilli le projet de loi sur l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche. Le 10 juin dernier déjà, dans les commentaires qu'elles ont présentés ici même lors des audiences de la commission parlementaire sur le projet de loi 19, les universités ont fait part de leur interrogation sur les rôles respectifs de cette agence et de l'actuel Centre de recherche industrielle du Québec, le CRIQ, et sur l'absence de référence aux mécanismes et structures mis en place conjointement par les universités et les industries. À titre d'exemples, on peut mentionner les ententes signées entre certaines universités et le CRIQ pour la valorisation de la recherche, ainsi que la mise sur pied du Centre d'innovation industrielle de Montréal, le CIIM, dont l'École polytechnique a été l'initiateur et dont les fonctions recoupent en grande partie celles prévues pour une telle agence.

Selon nous, la pertinence et l'efficacité

de l'agence que le projet de loi 37 propose d'instituer ne seront assurées qu'à condition d'apporter à ces questions les clarifications nécessaires sans lesquelles la création d'une structure administrative additionnelle risque de dédoubler les efforts déjà consentis ailleurs. C'est là une conséquence qu'il importe d'éviter, eu égard au niveau des ressources disponibles.

Aussi, nous considérons que, pour atteindre les objectifs que lui assigne le projet de loi, dans l'intérêt de la collectivité, l'agence devra être dotée d'une structure aussi légère que possible et oeuvrer dans une optique de complémentarité avec les établissements, organismes et centres existants.

Ceci dit, nous pouvons témoigner que les universités du Québec sont favorables en principe à la création d'une Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche, compte tenu des remarques précédentes et sous réserve des commentaires qui suivent.

Premièrement, compte tenu du rôle primordial qu'elles jouent dans le développement du potentiel scientifique du Québec, les universités souhaitent que la composition du conseil d'administration de l'agence, définie à l'article 5, prévoie explicitement la nomination d'au moins deux membres provenant des milieux de la recherche universitaire.

Deuxièmement, en ce qui concerne les fonctions de l'agence telles qu'elles lui sont imparties en vertu de l'article 17, nous formulons le voeu qu'elles traduisent davantage la nécessité d'encourager les établissements et entreprises des milieux concernés à coordonner leurs efforts en vue de réaliser le transfert des idées et technologies nouvelles. Nous croyons, en effet, que l'agence doit d'abord jouer un rôle incitatif en matière de valorisation industrielle de la recherche, sachant combien le dirigisme dans ce domaine est peu propice à stimuler les initiatives d'innovation qui sont elles-mêmes tributaires des autres fonctions assumées par les universités, y compris l'enseignement. C'est pourquoi les universités affirment clairement, pour leur part, leur volonté de conserver la possibilité de faire appel à des sources diversifiées, au gré de leurs besoins, et de continuer à développer, conjointement avec certaines entreprises, des ententes de collaboration.

Dans le même ordre d'idées, nous sommes d'avis qu'il conviendrait d'accorder à l'agence une complète liberté d'action pour identifier les domaines ou secteurs d'activités qui mériteraient d'être valorisés. Nous pensons également que ce rôle d'identification, l'agence devrait l'exercer en concertation avec les établissements et organismes de recherche. Aussi, nous demandons que l'alinéa 1 de l'article 17 soit modifié dans ce sens, par ailleurs conforme aux dispositions prévues à l'article 20.

L'identification des idées et technologies nouvelles à valoriser pose enfin la question, cruciale à nos yeux, des mécanismes qui seront éventuellement retenus pour assurer l'évaluation des résultats de recherche susceptibles d'offrir le meilleur potentiel de transfert et d'innovation. La définition de ces mécanismes se situe au coeur même de la problématique de la valorisation industrielle de la recherche. Dans cette perspective, les universités réaffirment la nécessité de préciser la façon d'harmoniser les actions et ressources de l'agence avec celles des organismes qui poursuivent des objectifs complémentaires et d'inclure dans le projet de loi un nouvel article à cette fin qui pourrait se situer entre les articles 17 et 18. Un tel article devrait inciter l'agence à s'appuyer sur les organismes existants, tant du secteur public que du secteur privé, afin d'éviter tout risque de monopole et de récupération.

En marge de l'alinéa 2 de l'article 17, nous ne saurions trop insister sur le fait que la production de nouvelles technologies est une activité coûteuse qui requiert un investissement massif de ressources. S'il entend réaliser des projets de valorisation de la recherche comme il est souhaitable, le gouvernement devra donc y consentir des efforts importants. À ce sujet, cependant, il est essentiel de souligner que ces efforts ne doivent pas compromettre le développement des activités de recherche elles-mêmes sans lesquelles la valorisation en question ne serait qu'un vain mot. C'est pourquoi les universités demandent instamment que les mesures financières destinées à promouvoir l'innovation technologique s'ajoutent aux ressources déjà allouées à la recherche universitaire et permettent l'exploitation des idées les plus prometteuses au plan de la valorisation industrielle.

Pour ce qui est des fonctions de sollicitation que l'article 18 reconnaît à l'agence, les universités s'y opposent fermement. Elles ont déjà d'ailleurs pris position là-dessus à l'occasion des débats sur le projet de loi 19 qui attribuait à la Fondation pour le développement de la science et de la technologie des fonctions analogues, subséquemment révoquées. Nous nous permettons donc de réitérer qu'une telle attribution "entrerait de façon indue en compétition avec les universités qui ont, dans le passé, pris des mesures pour solliciter des ressources financières auprès des milieux d'affaires et des milieux industriels ainsi que des citoyens et qui entendent accentuer ces efforts à l'avenir".

Enfin, les universités ne voient pas la nécessité de soumettre à l'approbation du gouvernement le règlement qu'adoptera l'agence pour sa régie interne ainsi que le

stipule l'article 25. Elles sont cependant d'avis qu'une telle approbation s'impose dans le cas du règlement relatif aux modes d'administration et de disposition des montants reçus par l'agence, tel qu'énoncé à l'alinéa 2 du même article.

En conclusion, nous tenons à souligner que, pour atteindre les objectifs visés par la loi, il importe d'assurer la variété et la complémentarité des mécanismes de valorisation industrielle de la recherche. Il apparaît donc opportun de préciser, dans le projet de loi 37, le rôle de l'agence à l'égard des autres intervenants dans le développement technologique.

Ce sont là les réflexions et commentaires que la Conférence des recteurs, dans un esprit positif de collaboration, désirait soumettre à l'attention des membres de la commission élue permanente au sujet du projet de loi sur l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche.

Le Président (M. Brouillet): Merci. Je vais laisser la parole maintenant à M. le ministre.

M. Paquette: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier le président de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec qui nous fait des suggestions fort intéressantes pour améliorer ce projet de loi.

À la première page de votre mémoire, vous affirmez: "II faut bien constater que les mécanismes qui existent sont insuffisants et que nous ne disposons pas, en dehors d'initiatives locales d'ailleurs fructueuses, de moyens suffisants pour exploiter pleinement les connaissances nouvelles et mener les résultats de recherches jusqu'à l'étape du prototype préindustriel." J'aimerais que vous explicitiez un peu cette affirmation. Quels sont ces moyens insuffisants, qui manquent? De quelle nature sont-ils exactement?

M. Hamel: En fait, je pense que l'affirmation découle d'abord d'une observation en ce qui concerne les résultats de l'innovation industrielle. On doit constater qu'au Québec, l'état d'une évaluation du développement dans le domaine de l'industrie n'est pas aussi avancé qu'il serait souhaitable. Sans porter un jugement sur les organismes existants ou sans identifier les moyens additionnels auxquels il faudrait avoir recours - et, à notre avis, l'agence en est probablement un - on doit constater qu'il y a un besoin de faire plus que ce que l'on a fait jusqu'à maintenant. C'est dans ce sens que l'affirmation est posée.

M. Paquette: On constate qu'il y a un certain nombre d'universités qui se sont donné des organismes permettant de mettre les ressources universitaires au service du développement technologique et de l'innovation dans les entreprises. À notre connaissance, on nous a parlé évidemment ce matin de ceux qui existent à l'École polytechnique. Nous savons qu'il existe un bureau de recherche industrielle à McGill. Est-ce que vous diriez que c'est une préoccupation qui est répandue dans l'ensemble des universités du Québec?

M. Hamel: Oui, je pense qu'on peut affirmer que cette préoccupation est répandue. Je pourrais vous citer quelques autres exemples de centres de recherche dans les universités ou d'organismes qui ont voulu se donner une orientation dans le sens du développement économique. Je vous cite: le Centre de recherche en nutrition de l'Université Laval, INRS-télécommunications de l'Université du Québec, le Centre de recherche en transport de l'Université de Montréal, l'Institut de recherche en exploration minérale de l'École polytechnique et de l'Université McGill, la Société de micro-électronique industrielle de Sherbrooke. Il y en a plusieurs autres qui ne sont pas nécessairement des organismes qui, comme le CIIM de l'École polytechnique que vous avez cité, ont un objectif assez précis de valorisation industrielle, mais ce sont quand même des organismes qui ont comme préoccupation le transfert de la technologie, le transfert de la connaissance dans des applications industrielles.

M. Paquette: Dans les universités, lorsque les équipes de recherche découvrent des procédés possiblement intéressants sur le plan industriel, est-ce que c'est relativement facile de les commercialiser? Est-ce qu'il y a des mécanismes ou des besoins de ce côté-là?

M. Hamel: Je vais demander à M. Giroux de répondre à cette question.

M. Giroux (Yves): Je vais tenter de vous donner quelques éléments de réponse, M. le ministre. Il y a deux aspects, je pense, qu'il vaut la peine de souligner. Le premier est celui de la prospection. Cela nous réfère immédiatement à l'article premier des pouvoirs de l'agence. La question se pose effectivement et continuera à se poser probablement à l'intérieur des universités, à savoir si nous avons les possibilités dans les bureaux d'administration de la recherche d'aller de façon active prospecter dans les laboratoires. En général, c'est assez difficile, parce qu'il y a des centaines, même des milliers de chercheurs, et on ne peut pas les contacter continuellement. Dans la plupart des cas, les chercheurs eux-mêmes sont intéressés et les politiques en place les encouragent à signaler les inventions qui

pourraient être susceptibles d'avoir un développement industriel. D'autant plus que dans la plupart des cas, ce sont des inventions ou des découvertes qui sont réalisées par des gens qui ont une certaine sensibilité aux possibilités de développement industriel aussi.

Deuxième partie, à savoir si la commercialisation est facile. Je pense que la réponse est non. Il est très clair que la commercialisation est difficile. Elle l'est de toute façon, d'abord en fonction des simples problèmes technologiques que pose le développement. C'est-à-dire que le chemin entre l'invention, la découverte et la commercialisation est une chemin très long et très coûteux. Les universités ne sont pas équipées pour le faire et c'est pourquoi la plupart d'entre elles ont choisi de se donner des mécanismes pour faciliter ce transfert. Il est très clair qu'on a besoin d'aide assez importante aussi bien sur le plan logistique que sur le plan financier.

M. Paquette: Maintenant, à la page 2, vous écrivez ceci: "Aussi, nous considérons que pour atteindre les objectifs que lui assigne le projet de loi, dans l'intérêt de la collectivité, l'agence devra être dotée d'une structure aussi légère que possible et oeuvrer dans une optique de complémentarité avec les établissements, organismes et centres existants."

Comme vous l'aurez constaté probablement en lisant le document d'accompagnement que nous avons préparé pour le projet de loi, nous partageons cette orientation. Je pense que l'agence doit se brancher très directement sur les bureaux de valorisation de la recherche industrielle ou les centres qui existent dans les diverses universités à la fois pour prospecter les innovations et pour aider ces organismes universitaires à obtenir tout le support technique et financier nécessaire pour valoriser les innovations. Quant aux ressources de l'agence, je ne sais pas si vous avez une idée là-dessus. Quand vous parlez d'une structure aussi légère que possible, je ne sais pas si vous pourriez expliciter davantage.

M. Hamel: Je dois dire, M. le ministre, que nous n'en avons pas discuté de façon détaillée, nous n'avons pas essayé de chiffrer cette opinion. Nous pensons que l'organisme, par sa nature même, devrait être relativement souple et capable d'agir rapidement. Ce qui découle des quelques affirmations qui sont là, c'est qu'en termes de structures il devrait être léger; en termes de fonds disponibles, il devrait avoir à sa disposition des fonds, à notre avis, relativement importants.

M. Paquette: Le moins de personnel possible et le plus de fonds possible. M. Hamel: Voilà.

M. Paquette: Maintenant, à la page 3, vous mentionnez: "Dans cette perspective, les universités réaffirment la nécessité de préciser la façon d'harmoniser les actions et les ressources de l'agence avec celles des organismes qui poursuivent des objectifs complémentaires." Je ne sais pas si vous avez des suggestions à nous faire sur la façon d'harmoniser ces actions. Est-ce qu'il devrait y avoir, par exemple, des protocoles d'entente avec les universités, les centres de recherche?

M. Hamel: Vous avez noté que nous n'avons pas voulu formuler un projet d'article additionnel qui préciserait cette position. Nous avions bien noté, dans la lettre de transmission que vous avez signée et qui accompagnait le projet de loi, que l'agence devra s'intégrer harmonieusement et compléter les réseaux d'échange existants. Je pense que vous l'avez affirmé clairement, M. le ministre. Ce que nous souhaitons, c'est que ces intentions soient, d'une certaine façon, précisées dans la loi elle-même. Nous ne sommes pas allés dans le détail de la façon de le faire, n'étant pas spécialisés dans la rédaction de textes de loi.

M. Paquette: À la page 4, vous nous dites qu'il est essentiel que cet effort financier additionnel dans la valorisation industrielle, ou que les fonds qui seront mis à la disposition de l'agence viennent s'ajouter au fonds destiné à la recherche. Je tiens à vous dire que jamais il n'a été notre intention de faire un transfert de fonds. On consacre déjà trop peu de fonds à la recherche et au développement. Il est clair que, dans notre esprit, nous sommes sur la même longueur d'onde.

La même chose pour la composition; là, je ne sais pas jusqu'à quel point on devrait le préciser dans la loi. Jusqu'à maintenant, ce qu'on a mis à l'article 5, c'est qu'au niveau du conseil d'administration de l'agence de onze membres, au plus quatre des membres du conseil d'administration peuvent être choisis parmi les membres des organismes des secteurs public et parapublic ou parmi les membres de leur personnel. Dans notre esprit, cela voulait dire qu'il y avait une majorité de membres qui proviennent des milieux industriels et économiques et qu'il y en avait au plus quatre qui provenaient soit des universités, soit des sociétés d'État. Là, vous nous proposez que ce soit spécifié dans la loi qu'il y ait deux membres du milieu universitaire. Sur le principe, je n'ai pas de désaccord avec cela, mais je voulais simplement vous demander si vous trouvez indiqué qu'une telle

agence ait une majorité de membres à son conseil d'administration qui proviennent des milieux économiques et des milieux industriels.

M. Hamel: Sans doute, mais, quand nous lisons un texte comme celui auquel vous référez, nous ne savons jamais si, dans l'esprit du législateur, les universités sont situées dans les secteurs public et parapublic ou dans l'autre secteur, parce que nous prétendons à chaque occasion que nous sommes plutôt dans le secteur péripublic. Ce n'était pas clair dans notre esprit de quel côté nous nous situions par rapport à cette indication. Mais ce qui importe pour nous c'est le résultat. Les universités contribuent à environ le tiers de la recherche qui se fait au Québec et il nous apparaît important qu'à un conseil d'administration de onze membres il y ait deux universitaires oeuvrant dans la recherche et peut-être plus, mais un minimum de deux.

M. Paquette: D'accord. Vous parlez dans le mémoire de la nécessité d'encourager les établissements et entreprises des milieux concertés à coordonner leurs efforts en vue de réaliser le transfert des idées et technologies nouvelles. C'est donc que, malgré tous les efforts qui ont été faits et qui s'accélèrent avec le temps, vous constatez quand même un certain cloisonnement entre les milieux de la recherche, les milieux universitaires et les milieux d'affaires. Vous parlez d'encourager les établissements et les entreprises à coordonner leurs efforts. De quelle façon l'agence pourrait-elle les favoriser, parce que c'est un de nos objectifs évidemment? Je ne sais pas si vous avez des idées un peu plus précises là-dessus.

M. Giroux (Yves): M. le ministre, le sens de la rédaction qui est ici se réfère à la rédaction de l'article 17 où on peut lire des pouvoirs assez pénétrants pour l'agence. C'est surtout dans ce sens qu'a été rédigé ce commentaire pour qu'on rédige bien clairement qu'il y a un devoir pour l'agence d'utiliser les établissements et entreprises des milieux concernés. Sinon, le premier alinéa des pouvoirs de l'agence, à l'article 17, de prospecter les milieux de la recherche, de promouvoir des projets de valorisation sans se référer à d'autres intervenants qui sont dans le monde scientifique, peut être un peu préoccupant. (15 h 45)

M. Paquette: Très bien. Alors, je pense que tous ces commentaires vont nous aider à clarifier davantage le projet de loi et à s'assurer qu'on puisse le rendre conforme à ces orientations. Je pense qu'en consultant la brochure que nous avons publiée, on pourra constater que nous partageons ces orientations et je tiens à vous dire que les recommandations que vous faites m'apparaissent très pertinentes et méritent d'être étudiées plus à fond. Je vous remercie de ce mémoire.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les représentants de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec de leur excellent mémoire.

À la page 3, au premier paragraphe, vous avez dit: "Nous croyons en effet que l'agence doit d'abord jouer un rôle incitatif en matière de valorisation, etc." Pourriez-vous nous préciser un peu le rôle incitatif que vous envisagez et est-ce que les fonctions et les pouvoirs déjà précisés dans le projet de loi répondent aux besoins que vous envisagez quand vous parlez d'un rôle incitatif?

M. Hamel: À une nuance près, Mme la députée, que nous avons signalée dans le deuxième paragraphe de la même page 3 où nous nous référons à l'alinéa premier de l'article 17. À notre avis, dans ce premier paragraphe de l'article 17 qui donne à l'agence comme fonction de prospecter les milieux de la recherche dans les domaines jugés prioritaires par le gouvernement, l'expression "jugés prioritaires par le gouvernement" nous apparaît trop restrictive. D'autres intervenants dans le domaine de la recherche, à notre avis, peuvent aussi avoir des priorités qui peuvent apparaître intéressantes. Je présume que l'industrie a des priorités en termes d'orientation de la recherche, de développement de certains résultats de recherche et qu'il pourrait apparaître intéressant d'investir dans cela, et pas seulement dans les secteurs jugés prioritaires par le gouvernement.

Le gouvernement peut, bien sûr, définir des orientations, favoriser par différentes mesures, soit par le biais de l'agence, soit par d'autres mesures, par exemple, de nature fiscale, des développements dans certains secteurs. Je pense qu'on ne devrait pas limiter l'agence à prospecter en fonction de priorités établies uniquement par le gouvernement, mais donner une liberté d'action plus grande. En fait, on dit quelque part dans le texte: donner une complète liberté d'action à l'agence pour prospecter tout ce qui peut lui apparaître intéressant. Le rôle incitatif est relié aussi à l'aspect de complémentarité que nous avons souligné, c'est-à-dire que l'agence devrait être là et disposer de fonds importants pour favoriser le plus possible le développement des idées qui peuvent permettre de conduire à des innovations intéressantes pour l'industrie.

Mme Dougherty: Si je comprends bien, vous êtes sur la même longueur d'onde que l'École polytechnique? Est-ce que vous avez lu son mémoire ce matin?

M. Hamel: Malheureusement non, madame. Nous n'avions pas pris connaissance du mémoire de l'École polytechnique, non plus que de la brochure dont le ministre a parlé tout à l'heure. Nous avons noté à notre arrivée tout à l'heure l'existence de cette brochure qui, semble-t-il, comporte plus de précisions que le projet de loi lui-même.

Mme Dougherty: D'accord. Il me semble que vous avez beaucoup de réserve en ce qui concerne la création de l'agence. Vous parlez, à la page 2, du risque de dédoublement des efforts, de la nécessité d'éviter la création d'une structure lourde; à la page 3, du risque de dirigisme dans le domaine des innovations et je me demande si vous êtes vraiment d'accord avec la création de l'agence ou si vous cherchez une autre forme d'appui gouvernemental.

M. Giroux (Yves): Je vais tenter de répondre, madame. Effectivement, les réserves que vous venez de résumer d'une façon aussi condensée peuvent apparaître un peu lourdes, mais il faut se rappeler encore qu'elles ont été formulées à la lecture du projet de loi, et du projet de loi uniquement, et comme il se doit. Même si on avait disposé de la brochure, je pense qu'il aurait fallu faire les mêmes commentaires parce que nous discutons du projet de loi, même si le contenu de la brochure et les déclarations sont rassurantes sur ce point. Ce qui est important, c'est que nous sommes d'accord -nous le disons très clairement - avec le principe de la création d'une Agence de valorisation industrielle de la recherche. Notre propre expérience, notre propre lecture de la situation de la recherche au Québec nous indique qu'il est utile et nécessaire de valoriser cette recherche et de donner des mécanismes particuliers, des façons de le faire sur le plan industriel. Il y a un élément de développement économique très net et très clair, et l'exemple a été établi ailleurs.

Donc, les réserves sont surtout sur les moyens plutôt que sur les principes. Étant donné que c'est un projet de loi, si nous avons été inquiétés à prime abord par le manque de références aux autres mécanismes qui existaient... À peu près toutes les universités et même toutes les universités sont actives d'une façon ou de l'autre avec plus ou moins de visibilité publique dans le transfert des technologies et dans la réalisation de contrats de recherche avec des entreprises, avec des ministères. Ce n'est donc pas quelque chose qui est nouveau présentement. Nous serions beaucoup plus rassurés si la loi faisait référence spécifiquement à ce rôle et aux mécanismes que des universités se sont donnés, comme le CIIM, comme les ententes du CRIQ avec différentes universités qui visent exactement à faire le transfert technologique et à réussir à passer des découvertes jusque sur le marché. Il y a un certain nombre d'exemples qu'il est très facile de citer qui le confirment. Donc, les réserves vont surtout sur la façon dont un objectif louable nous est amené dans le projet de loi.

Mme Dougherty: À la page 4, au premier paragraphe, vous avez demandé incidemment que les mesures financières destinées à promouvoir l'innovation s'ajoutent aux ressources déjà allouées à la recherche universitaire et permettent l'exploitation des idées les plus prometteuses. Voudriez-vous préciser pour nous ce que vous souhaitez à cet égard? Est-ce qu'il s'agit d'une fonction de l'agence sur laquelle on doit mettre l'accent, la fonction de subventionner ses activités de transfert entre les universités et le monde industriel, ou si vous parlez ici des subventions du MEQ ou s'il s'agit d'un élargissement peut-être du rôle de la SDI? De quoi s'agit-il?

M. Hamel: II s'agit des fonds dont les universités disposent déjà pour financer leurs activités de recherche; M. le ministre nous a rassurés là-dessus. En ce qui concerne le gouvernement du Québec, ce sont principalement des fonds qui viennent du Fonds FCAC, quelques fonds additionnels d'autres ministères et les subventions générales, bien sûr, du ministère de l'Éducation qui supportent les infrastructures universitaires. Or, puisqu'au niveau universitaire nous connaissons depuis plusieurs années déjà une règle qui s'appelle la règle du prélèvement, c'est-à-dire que chaque fois qu'on veut faire quelque chose de nouveau on prélève sur l'enveloppe et on redistribue - on finance de cette façon les clientèles additionnelles et d'autres projets - nous avons voulu mettre une réserve pour indiquer qu'en ce qui concerne le secteur universitaire, en tout cas, nous ne devrions pas être pénalisés financièrement par ces intentions de création de l'agence.

Mme Dougherty: Vous nous avez parlé des ententes entre certaines universités et le CRIQ. Voudriez-vous décrire le contenu et le but de ces ententes? En même temps, est-ce que vous avez des ententes similaires entre les universités et la SDI qui exploitent la possibilité des fonds de la SDI de la même façon?

M. Giroux (Yvves): Je vais répondre à la première partie de votre question. Concernant la SDI il faudra que je consulte les gens de la délégation. Si vous me

permettez, je vous donnerai l'exemple que je connais le mieux, celui de l'Université Laval dans son entente avec le CRIQ. Des ententes du genre ont été passées avec d'autres universités aussi. Ce que cela fait essentiellement, c'est d'assurer l'interface nécessaire pour le transfert technologique. Les chercheurs à l'université arrivent à certains résultats qu'ils estiment avoir un certain potentiel industriel ou commercialisable. Ils ne sont pas des experts même s'ils peuvent être assez près du marché industriel.

Par contre, le développement et le transfert technologique exigent des efforts logistiques et un travail considérable qui cessent d'être de nature universitaire mais qui ne sont pas encore tout à fait de nature industrielle, surtout pour les petites et moyennes entreprises qui n'ont pas les moyens d'avoir de grandes installations de recherche.

Ce que fait l'entente CRIQ-Université Laval, c'est d'assurer que l'invention et les droits à l'invention, selon les modalités, sont passés au CRIQ et que celui-ci, jugeant qu'il y a un certain potentiel, prend la responsabilité des investissements financiers, cherche un partenaire industriel, prospecte le milieu industriel pour voir si quelqu'un est intéressé à faire le développement, peut même supporter une partie des frais de recherche supplémentaire ou de développement qui sont requis et finalement peut céder des droits à l'entreprise. S'il y a un succès commercial - et cela arrive dans quelques cas, trop peu fréquemment évidemment, mais c'est aussi la règle de la recherche - le CRIQ se rembourse d'abord de ses dépenses quand des redevances sont versées et ensuite il y a une entente qui fait que les redevances supplémentaires reviennent à l'inventeur et à l'université selon des modalités établies au départ. Il a donc un rôle extrêmement actif. Il y a déjà quelques projets à l'Université Laval et aussi dans d'autres universités qui ont connu un certain succès commercial selon cette voie.

Je ne sais pas si cela répond assez clairement, mais il y a vraiment un rôle d'intermédiaire entre l'université et l'entreprise qui est joué dans ce cadre.

Mme Dougherty: Est-ce que vous croyez que l'agence, telle que conçue dans le projet de loi, pourrait jouer un rôle de catalyseur pour faciliter ces ententes ou si l'agence pourrait améliorer la situation? Que voyez-vous comme rôle de l'agence pour encourager ces ententes?

M. Giroux: II y a peut-être deux ou trois éléments très clairs. Ce qui se fait présentement a été le résultat de certaines initiatives au niveau des différentes universités qu'il y aurait possibilité et qu'il y a lieu d'élargir considérablement, d'une part, à toutes les universités et, d'autre part, à des secteurs plus larges à l'intérieur des universités. Pour le faire, il faut avoir certains moyens de prospection interne qui sont considérables. J'y faisais allusion tout à l'heure. Il faut avoir les moyens aussi assez importants pour se mettre en liaison avec les entreprises de façon peut-être plus générale que le CRIQ l'a fait jusqu'à maintenant et il faut avoir les crédits à investir de façon plus importante encore qu'ils l'ont été jusqu'à présent dans le développement même.

Il demeure généralement, après une invention, un travail technique considérable pour amener un produit, un brevet, un mécanisme quelconque jusqu'à une phase commerciale. Donc, il nous semble que la trame est déjà établie. Nos commentaires s'appuient sur l'expérience qui est vécue, que nous avons vue chez nous et ailleurs, et il nous semble y avoir matière à généraliser le processus considérablement. Donc, il y a un ordre de grandeur peut-être supplémentaire qui se pose, comme nous lisons le projet de loi présentement. (16 heures)

Mme Dougherty: Sur la SDI, est-ce qu'il y a des relations entre les universités et la SDI?

M. Bernard: M. le Président, je dirais à Mme la députée qu'à ma conaissance, il n'y a pas de relation directe entre la SDI et les universités. Les universités participent aux projets de la SDI soit par des ententes avec l'entreprise qui profite d'une subvention de la SDI, le projet piloté par l'entreprise pouvant faire appel à des chercheurs universitaires, et de façon un peu plus formelle dans le cadre du CHM, le Centre d'innovation industrielle de Montréal, qui est l'organisme accrédité par la SDI pour évaluer les projets d'innovation industrielle.

Comme les universités sont partie liante au CHM de plusieurs façons, elles ont des liens indirects avec la SDI, mais les liens ne seront jamais directs, les universités n'étant pas à ma connaissance assujetties ou susceptibles de recevoir une aide directe de la SDI.

Mme Dougherty: D'accord. C'est tout.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Premièrement, vous avez mentionné que vous n'avez pas pris connaissance de la brochure du gouvernement qui expliquait un peu l'intention du fonctionnement du projet de loi. Je pense que vous avez bien fait de ne pas la prendre en considération parce qu'une brochure, c'est exactement ce que cela dit: c'est une brochure. Il faut que vous vous en teniez au

projet de loi parce que la brochure d'aujourd'hui peut devenir une autre brochure demain, mais le projet de loi demeure la loi du Québec et c'est ce qui va rédiger ou gouverner les relations des universités, des organismes qui font la recherche. C'est la loi à laquelle ils doivent se plier. Le gouvernement peut avoir certaines intentions aujourd'hui, mais cela peut prendre différentes tournures, selon le texte du projet de loi. C'est important, tel que vous l'avez fait, de souligner les changements qui sont nécessaires au projet de loi pour se conformer à la réalité de vos activités et à ce que vous espérez du gouvernement. Première réaction.

Deuxième réaction, votre mémoire est le deuxième mémoire que nous étudions aujourd'hui et c'est intéressant de savoir, M. le Président, que M. Hamel n'a pas eu l'occasion de prendre connaissance du mémoire de l'École polytechnique. Mais, essentiellement, ce sont les mêmes préoccupations que vous apportez à l'attention de la commission parlementaire et j'ai l'impression - je ne veux pas vous prêter d'intention - de la façon que je lis les deux mémoires, qu'on a des réserves très sérieuses quant au projet de loi. La réalité des choses étant ce qu'elle est, on ne peut pas vraiment ouvertement s'opposer au projet de loi. Qui est contre le principe de la valorisation industrielle? Ce seraient des voeux pieux, vous ne pouvez pas être contre cela.

Les changements que vous suggérez sont assez substantiels et on peut faire un parallèle avec les mêmes changements que l'École polytechnique a demandés. Autrement dit, j'ai l'impression qu'on ne veut pas s'opposer au principe de la valorisation industrielle de la recherche, nous non plus, mais que le projet de loi tel qu'il est rédigé va plutôt à l'encontre de l'efficacité de ce principe et que l'École polytechnique et la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec en sont venues presque aux mêmes recommandations, ce qui nous laisse croire qu'il y a des difficultés sérieuses avec le projet de loi tel qu'il est rédigé.

On pourrait presque en tirer deux conclusions d'après vos commentaires et ceux de l'École polytechnique. Premièrement, il faut des changements substantiels et, deuxièmement - corrigez-moi si je me trompe - il faut des politiques du gouvernement qui vont assurer les conditions qui vont permettre vraiment la valorisation de la recherche industrielle. Ce n'est pas assez de dire: On va faire de la recherche. Si on n'a pas les mécanismes, si on n'a pas les politiques du gouvernement, si on n'a pas tout ce qui s'ensuit, qui n'est pas contenu dans le projet de loi, on ne pourra pas atteindre ces objectifs. Avez-vous des commentaires sur ce que je viens de vous dire?

M. Hamel: Quelques-uns, oui, M. le député. En ce qui concerne le mémoire de l'École polytechnique et le mémoire de la Conférence des recteurs, je vous dirai d'abord que la Conférence des recteurs représente l'École polytechnique; donc, l'École polytechnique connaît bien notre mémoire, elle y a participé. Nous parlons actuellement au nom de l'École polytechnique comme au nom des autres établissements universitaires, l'École polytechnique étant une institution affiliée à l'Université de Montréal qui dispose d'une certaine autonomie.

L'École polytechnique, par ailleurs, a voulu aller plus loin, dans ses commentaires devant la commission, que l'ensemble des université parce que, vous le savez bien, c'est l'École polytechnique qui a donné naissance au Centre d'innovation industrielle de Montréal, le CIIM, dont nous parlons.

Maintenant, en ce qui concerne votre question voulant que nos réticences sur le projet de loi soient suffisamment importantes pour remettre en cause même l'opportunité de l'agence, je pense que c'est aller trop loin dans l'interprétation de nos remarques. M. Giroux a dit quelques mots là-dessus tout à l'heure. Une phrase qui résume assez bien la position de la conférence et qui n'est pas dans la conclusion mais au bas de la page 3, c'est lorsqu'on dit en proposant qu'un article additionnel soit formulé: "Un tel article devrait inciter l'agence à s'appuyer sur les organismes existants, tant du secteur public que du secteur privé, afin d'éviter tout risque de monopole et de récupération".

Ce que nous pensons, c'est qu'il y a quelque chose à faire. Ce qu'on a fait jusqu'à maintenant, je le signalais au début, est, à notre avis, insuffisant, les résultats le montrent. Il y a quelque chose de plus à faire, mais il n'est pas nécessaire pour cela de mettre de côté ce qui existe déjà, ce qui fonctionne déjà; qu'on ajoute et qu'on s'assure qu'on travaille en complémentarité, qu'on mette des moyens additionnels pour atteindre des objectifs sur lesquels tout le monde sera d'accord, nous nous n'avons pas d'objection à cela. C'est la raison pour laquelle nous affirmons au début que nous sommes entièrement d'accord en principe avec l'opportunité de la création d'une agence semblable à celle qui est proposée dans le projet de loi.

M. Ciaccia: Pourvu qu'il y ait les changements que vous suggérez dans votre mémoire. Si on enlevait l'alinéa 2 de l'article 17 - l'article 17 décrit les fonctions de l'agence - qui parle d'une contribution financière à la réalisation des projets de valorisation, qu'est-ce que l'AQVIR ajouterait aux structures existantes, c'est-à-dire aux universités, à l'École polytechnique, au CIIM,

au CRIQ, à la SDI? Qu'est-ce que l'AQVIR ajouterait à la situation actuelle par ce projet de loi?

M. Giroux (Yves): C'est une question hypothétique, comme on dit en cour, mais je vais quand même tenter d'y répondre, en me référant au texte de la loi simplement. L'alinéa 1 demeure valable à notre avis, toujours avec les réserves que cela doit être fait en complémentarité avec ce qui se fait déjà. Dans les universités en général, il se fait déjà une certaine prospection, chacun dans son milieu de recherche, mais ce n'est pas forcément une prospection qui est entièrement systématique et ce n'est pas une prospection qui se sent appuyée par des moyens, par un contexte qui la favorisent beaucoup. De ce côté, on pourrait dire théoriquement qu'il demeure un rôle utile pour l'agence, celui de créer un climat, un contexte dans lequel la prospection se fait et dans lequel il y aura des appuis.

Si l'agence n'a aucune ressource financière, c'est inutile de la créer; c'est clair. Je pense qu'il faut que l'agence ait des ressources financières, d'une part, pour son rôle logistique et, d'autre part, surtout pour le rôle d'appui pour réaliser le développement, le transfert. C'est ce qui est le plus cher à réaliser, le transfert.

M. Ciaccia: Alors, si je vous comprends bien, le rôle que vous voyez à l'AQVIR est un rôâle d'appui financier. Même à l'alinéa 1 dans votre mémoire vous proposez des amendements. La question des domaines jugés prioritaires par le gouvernement, sur cela vous vous posez de sérieuses questions. Est-ce que je comprends bien que le rôle que vous voyez de l'AQVIR ce serait de fournir une contribution financière, de coordonner les activités, utiliser les ressources de toutes les autres agences comme le CRIQ, le CIIM, les universités? Est-ce que c'est essentiellement cela?

M. Giroux (Yves): Disons pour être très précis - c'est important de l'être - si le rôle de l'agence était situé en complémentarité des mécanismes et des systèmes qui existent déjà, on pourrait concevoir que l'agence aurait peut-être deux fonctions majeures. Une serait d'investir des fonds dans les mécanismes qui existent déjà et qui ont besoin de fonds pour pouvoir fonctionner à plein, qui fonctionnent présentement mais avec les moyens du bord si on peut dire. D'autre part, il nous semble qu'il reste pour l'agence un rôle important de réfléchir de façon systématique et générale à tous les mécanismes de valorisation industrielle.

Nous le faisons, chacune des universités à son niveau, chacune des agences existantes à son niveau. Pour l'instant, ceci n'est pas organisé de façon systématique dans toute la province. Dans ce cas-là c'est comme cela qu'on pourrait le concevoir.

M. Ciaccia: Est-ce que vous pourriez expliciter un peu plus le deuxième rôle que vous venez de décrire?

M. Giroux (Yves): Disons que je me réfère aux alinéas 1 et 2 de l'article 17.

M. Ciaccia: L'alinéa 2, c'est la question financière.

M. Giroux (Yves): De prospecter ou de promouvoir des projets de valorisation aussi. C'est à cette première ligne que je réfléchissais. Comme nous l'avons compris dans les universités, les responsables de l'agence se préoccuperaient de mettre sur pied des projets, des programmes de valorisation.

M. Ciaccia: Mais, est-ce que...

M. Giroux (Yves): Ils feraient une certaine publicité, certains programmes qui seraient annoncés peut-être dans les milieux de la recherche qui aideraient à inciter les chercheurs à se prévaloir des possibilités. C'est très hypothétique comme réponse. J'essaie de répondre à votre question un peu hypothétique aussi, vous le réalisez bien.

M. Ciaccia: II n'y a aucune autre agence qui fait cela, promouvoir des projets de valorisation? Le CRIQ et le CIIM ne le font pas, les universités ne le font pas, l'École polytechnique ne le fait pas?

M. Giroux (Yves): Comme je vous le mentionnais, chacune des universités a certains mécanismes qui sont plus ou moins développés en fonction des ressources disponibles. On ne voit pas d'agence ou d'organisme ou de mécanisme qui ait spécifiquement cela comme mandat au niveau du Québec, de promouvoir cette valorisation industrielle de la recherche universitaire.

Si j'essaie de me référer à l'expérience des quelques années récentes, je ne me souviens pas d'avoir vu, sauf les documents gouvernementaux sur la politique scientifique...

M. Ciaccia: Aujourd'hui cela n'existe pas des structures qui font exactement cela, qui essaient de valoriser la recherche pour fins industrielles? Est-ce que le CRIQ n'a pas ce mandat-là? Est-ce que cela n'est pas son rôle? Je ne dis pas que c'est assez. Je ne dis pas que c'est complet. Mais est-ce que ce n'est pas un des rôles du CRIQ de valoriser la recherche industrielle? Ce n'est pas un des mandats, des rôles que le CIIM a? Ce ne serait pas un des rôles que différentes agences de l'École polytechnique

ont?

M. Giroux (Yves): Effectivement, une fois le mandat bien défini - je ne peux pas vous répondre précisément pour le CRIQ, n'ayant pas lu récemment son mandat - il serait possible pour différents organismes d'assumer cette responsabilité. Ce rôle, présentement, ne semble pas rempli par quelque organisme que ce soit de façon aussi globale et complète.

M. Ciaccia: Quelles relations voyez-vous entre ce râle-là et le secteur privé? (16 h 15)

M. Giroux (Yves): Nous, répondant pour les universités, nous sommes la source et nous nous voyons comme la source des innovations. Il nous semble utile d'avoir une possibilité de multiplier les contacts avec les industries. Comme je le mentionnais tout à l'heure, nous en avons déjà directement et, dans certains cas, nous ne passons pas, pour l'Université Laval, par le CRIQ car il y a des ententes directes dans le cadre de contrats de recherche et nous n'avons besoin de personne, ni d'agence pour les faire dans ces cas-là. Il y a d'autres circonstances où cela semble utile.

M. Ciaccia: Dans ce que vous mentionnez à la première page, au bas de la première page et au haut de la page 2, vous semblez mettre en doute le râle respectif de cette agence, de l'actuel Centre de recherche industrielle du Québec et l'absence de référence aux mécanismes et structures mises en place conjointement par les universités et les industries. Est-ce que cela veut dire que de la façon dont le projet de loi est présentement rédigé, il donne l'impression d'avoir été rédigé dans un "vacuum" sans référence aux autres organismes. Si je lis le projet de loi et que je ne suis pas au courant de l'existence de quelques autres organismes, c'est comme s'ils n'existaient pas. Je prends un projet de loi et c'est ce projet de loi qui va valoriser la recherche industrielle au Québec. Est-ce que c'est cela que vous nous dites?

M. Hamel: Je pense que c'est l'essence même de notre intervention, que de suggérer que dans le projet de loi même on confirme les intentions affirmées par M. le ministre selon lesquelles cette agence travaillera en complémentarité avec les organismes existants et ne vise pas à se donner un monopole ou à récupérer et centraliser tout ce qui existe actuellement mais que c'est un élément nouveau qui va venir ajouter, aux intervenants en place, de nouvelles possibilités.

Comment peut-on faire cela dans un projet de loi? Je l'ai indiqué tout à l'heure, il vous appartient d'en décider mais, à notre avis, il apparaît important que ce soit dans le projet de loi.

M. Ciaccia: Est-ce que vous voyez une relation entre la recherche, les fonds qui sont alloués pour la recherche, pour l'innovation, les nouveaux produits et les politiques du gouvernement qui vont permettre la commercialisation de ces produits?

M. Giroux (Yves): Est-ce que je comprends bien votre question en vous référant aux politiques du gouvernement qui vont permettre la commercialisation? On parle de l'agence proposée ici.

M. Ciaccia: Non, pas seulement de l'agence parce que tout ce que l'agence va faire c'est de contribuer financièrement et d'une façon technique en faisant des études de marché, et d'aider à découvrir un nouveau produit, un nouveau système. De cet aspect un peu théorique et qui n'est pas encore mis en application, il faut toujours prendre ces innovations et les commercialiser, il faut en faire la mise en marché. Voyez-vous un lien entre les politiques qui créeront cette agence... Même si on prend les changements que vous proposez pour coordonner et prendre en considération tous les autres organismes, cela est un côté du bilan, un côté de la médaille. L'autre aspect, c'est le côté pratique. Comment allons-nous procéder à la suite de la découverte de ce nouveau produit sur papier, après les recherches que vous avez faites, les encouragements à la recherche, les subventions, les études, à la mise en marché? Ce n'est pas l'université qui va le faire; ce n'est pas l'agence qui va le faire. Est-ce que vous voyez un lien entre les politiques qui vont créer cette agence -il semble que ce soit la politique du gouvernement de vouloir créer - et les politiques qui vont permettre au capital de risque de financer l'innovation et qui vont permettre, que ce soit à une PME ou autre, de faire le marketing et de prendre le risque pour produire et vendre ce produit.

M. Giroux (Yves): Vous comprendrez, je pense, M. le député, que c'est un peu difficile pour nous de répondre à cette partie de la question jusqu'au niveau des politiques commerciales dans lesquelles nous ne sommes pas des experts et que nous n'avons pas étudiées en fonction de notre présentation ici. Mais peut-être puis-je vous mentionner deux éléments. La recherche que nous faisons dans les universités est une recherche fondamentale et une recherche appliquée, mais le but premier de la recherche universitaire n'est pas de développer de nouveaux produits pour la commercialisation. Parfois, c'est un peu un sous-produit de la recherche universitaire que d'avoir des

produits ou des découvertes qui sont immédiatement commercialisables.

D'autre part, et pour répondre plus directement à votre question, à notre sens, la valorisation industrielle de la recherche universitaire - je choisis celle-là seulement -veut dire qu'il y a un pont qui s'établit entre les découvertes et les produits ici ou les projets de recherche produits dans les universités et l'industrie dans son contexte et dans sa forme, sur laquelle nous n'avons aucun contrôle. Mais pour nous, la valorisation industrielle veut dire qu'il y a un mécanisme qui nous assure que ce qui peut être utile commercialement - donc au développement économique - sera amené jusqu'à l'industrie, en supposant qu'il y ait une industrie qui fonctionne, qui sache faire sa mise en marché et qui sache faire même son développement final.

M. Ciaccia: Quand vous parlez des mécanismes propres à favoriser les retombées socio-économiques des activités de recherche qu'il soutient, qu'avez-vous exactement à l'esprit?

M. Giroux (Yves): Ce que nous avons à l'esprit, c'est de nous assurer autant que possible - c'est un peu une perception de leur rôle qu'ont les universités dans la société - que là où il y a des découvertes ou des inventions susceptibles de donner lieu à des succès commerciaux, donc à un développement économique et éventuellement à une commercialisation, à une exportation de produits et à des créations d'emplois, nous ne voudrions pas que ces inventions demeurent tout simplement l'objet de rapports techniques ou de publications dans des revues scientifiques, mais nous souhaitons qu'elles soient mises sur le marché, qu'elles soient rendues jusque dans les industries et qu'elles soient ensuite exploitées.

M. Ciaccia: Pour les mettre sur le marché, qui va le faire? Ce n'est pas l'agence qui va le faire, ce n'est pas l'industrie privée?

M. Giroux (Yves): C'est l'industrie. M. Ciaccia: Alors...

M. Hamel: Là-dessus, si vous le permettez, M. le Président, nous pensons que le projet de loi vise dans la bonne direction. Nous ne pensons pas que ce soit au niveau de la commercialisation que les problèmes se posent. C'est aux premières étapes du processus d'innovation qu'il y a actuellement une difficulté. Là où des résultats de la recherche ne permettent pas de déterminer clairement le degré de probabilité de succès de telle ou telle idée. Comme on l'indiquait tout à l'heure, les universités sont profondément engagées en recherche et de plus en plus en recherche appliquée. Je pense que vous êtes conscients que les universités sont surtout un lieu de recherche fondamentale, mais les universités font de plus en plus de recherche appliquée, de recherche contractuelle. Il y a sûrement dans ces résultats de recherche un bon nombre d'idées qui mériteraient d'être explorées davantage en vue d'une commercialisation éventuelle. Mais, à cette étape du processus d'innovation, le risque est tellement élevé et il y a des dépenses importantes à encourir pour développer des brevets et créer le prototype, etc., et il n'y a personne qui est là pour financer, ce n'est pas l'industrie qui va accepter facilement de financer cela ni même des institutions financières. Là, il y a un rôle particulièrement important à jouer pour le gouvernement afin de prendre ce risque. À l'étape ultérieure - vous parliez des politiques de commercialisation - je pense que le rôle du gouvernement est beaucoup moins grand et l'industrie peut prendre en charge les coûts de la commercialisation. C'est aux premières étapes du processus de valorisation de la recherche pour vérifier que telle idée, tel projet, a des possibilités de succès, peut présenter une certaine rentabilité sur le marché qu'il peut intervenir.

M. Ciaccia: Je vais vous donner un exemple et je vais vous demander votre opinion. Je pense que le CRIQ ou le CHM font des études. Supposons que quelqu'un a un nouveau produit, une nouvelle invention. Il présente son idée au CRIQ ou au CUM. Une étude est faite et la conclusion est que cette invention, ce produit, aurait tel pourcentage de chance sur le marché. Supposons que ce soit très élevé, de l'ordre de 75%. C'est encore au niveau de l'étude, c'est encore au niveau de la recherche. Comment allez-vous procéder de cette étape, où toutes les études sont faites, où le produit est recommandé comme étant quelque chose qui pourrait être mis sur le marché, à la commercialisation? Comment faites-vous ce lien?

M. Giroux (Yves): Je pense que vous posez la question pour aller jusqu'à la commercialisation.

M. Ciaccia: Pour la production. M. Giroux (Yves): Oui.

M. Ciaccia: Si vous voulez utiliser un autre terme, si vous dites commercialisation, pour l'ensemble de tout le Québec ou de tout le Canada, la production de ce nouveau produit ou de cette invention.

M. Giroux (Yves): Je pense qu'il y a

une étape qui précède cela et qui est celle du développement. Après que le produit a été conçu, il n'est pas nécessairement rentable. L'invention peut avoir été faite, le brevet peut avoir été obtenu, mais il n'y a pas possibilité de le produire de façon économique ou rentable, même si on pense qu'il y a un marché ou qu'il n'y en a pas; c'est encore une autre condition. Ce qui est important, je pense, c'est que le rôle de l'agence - pour répondre à cette question-là serait partiellement, selon notre compréhension, d'évaluer si cela vaut la peine de prendre le risque d'investir encore plus dans le produit en question. Et je vous donnerai l'exemple...

M. Ciaccia: Est-ce que le CRIQ ne fait pas cela maintenant?

M. Giroux (Yves): Dans le cadre de l'entente qui existe présentement avec certaines universités, c'est l'un des jugements que le CRIQ va poser évidemment et l'université aussi, jusqu'à un certain point. Mais c'est ce qui se produit présentement au sein d'une grande entreprise, par exemple, qui a son propre service de recherche. Il y a des chercheurs qui travaillent dans les laboratoires et il y a des projets, des idées, qui viennent continuellement; ils sont payés pour cela. Là, il y a des gérants, des gestionnaires, qui évaluent les possibilités, le potentiel et qui vont décider que, oui, on investit dans celui-ci et non, on n'investit pas dans un autre. Évidemment, l'université n'est pas équipée pour le faire et nous comprenons que l'agence, avec son conseil d'administration et ses mécanismes d'évaluation, poserait ces jugements-là, poserait des jugements sur les probabilités de succès.

M. Ciaccia: J'essaie de faire le lien entre cette évaluation. Je comprends que Alcan ou Colgate fassent des études et en viennent à la conclusion que ce nouveau produit doit être mis sur le marché. Elles prennent leurs propres fonds parce qu'elles ont fait les études; elles prennent le risque et mettent sur le marché le produit qu'elles ont étudié. Si ce n'est pas Alcan ou Colgate, si c'est un individu qui vient vous voir, ou qui va voir le CRIQ, ou qui va voir l'AQVIR, il va se faire dire: Oui, les chances sont excellentes, l'étude est bien faite. Il va y avoir une étude de rentabilité. Si vous vendez le produit, le marché peut soutenir un nombre X d'unités par année. Si vous le produisez à 2 $ l'unité et que vous pouvez le vendre à 3 $, vous allez faire 1 $ de profit, etc. Toutes ces études sont faites. Comment aller de cela à la production et à la mise en marché de ce produit?

M. Hamel: Je pense que c'est là qu'intervient la SDI dont on parlait tout à l'heure. C'est la responsabilité de l'entreprise, de la SDI. Il y a d'autres programmes, j'imagine, qui doivent se rendre jusque-là. (16 h 30)

M. Ciaccia: Alors, qu'est-ce que va faire l'AQVIR dans ce processus? L'AQVIR va faire la même chose que le CRIQ ou le CIIM? Ce n'est pas l'AQVIR qui va aller faire la production de cela. Le projet de loi ne prévoit pas cela. Dans votre esprit, ce n'est pas l'AQVIR qui va faire la production. Qu'est-ce que l'AQVIR va ajouter?

M. Giroux (Yves): En me référant à ce qui existe déjà, il existe un marché de l'invention. Quand un produit est jugé - c'est simplement un jugement - intéressant commercialement, on peut en faire le développement et, ensuite, l'offrir à différentes entreprises ou industries qui, elles, sont susceptibles de prendre le risque d'en faire la production. Je me référerai simplement au Salon international des transferts de technologies qui s'est tenu à Montréal, la semaine dernière, qui avait justement cela comme but. Des inventeurs, des gens qui ont des découvertes à offrir, à vendre, les offrent à des acheteurs. Évidemment, c'est difficile de lire la pensée du législateur jusqu'à ce point-là, mais je vais plutôt me référer à l'entente avec laquelle nous avons vécu; je pense que le CIIM fait cela aussi. Une invention étant intéressante, le CRIQ dans ce cas-là ou l'agence peut communiquer avec différentes entreprises du secteur et leur demander si elles sont intéressées, voir quels sont les preneurs.

M. Ciaccia: Elles vont agir comme "brokers".

M. Giroux (Yves): Sur cette partie-là. Oui, c'est cela qu'est le lien de...

M. Ciaccia: Elles vont aller voir la compagnie À, B, C, D et E et elles vont dire: Nous avons une invention; voulez-vous la produire? Est-ce que c'est cela qu'elles vont faire?

M. Giroux (Yves): Ce serait peut-être plus nuancé que cela, mais essentiellement c'est d'établir le contact.

M. Ciaccia: Le CRIQ peut faire la même chose, le CIIM peut faire la même chose. Si le CRIQ a une étude de rentabilité, 80% de chances d'être rentable, selon toutes les études, pour aller en production, il va aller vers l'entreprise privée et il va dire: Voici, nous avons un produit que nous croyons formidable; il y a un marché, etc. Il va essayer d'intéresser les compagnies dans

l'industrie privée à le produire, n'est-ce pas?

M. Giroux (Yves): C'est pour cela que nous souhaitons que la loi tienne compte des mécanismes qui existent déjà.

M. Ciaccia: Alors, l'AQVIR va faire la même chose.

M. Giroux (Yves): En partie, probablement oui, plus d'autres fonctions qu'on a mentionnées tantôt.

M. Ciaccïa: Alors, ils ne feront pas plus. Ils ne mettront pas en production l'invention de M. X qui a eu une brillante idée, qui l'a soumise à l'AQVIR et que cette dernière a financée avec les études, etc.. Après, il va falloir l'entreprise privée pour la produire, n'est-ce pas?

M. Giroux (Yves): Oui.

M. Ciaccia: Dans ce sens-là, j'ai l'impression qu'on fait trop de divisions ici. On essaie de créer toutes les conditions pour la valorisation de la recherche industrielle et on oublie, d'autre part, qu'il faut que quelqu'un de l'entreprise privée soit intéressé. Il faut que les conditions de l'entreprise privée soient valables. Il faut que le climat social et économique soit quelque chose afin que quelqu'un puisse dire: Je vais prendre cet argent-là, je vais risquer 1 000 000 $, 2 000 000 $, 3 000 000 $ ou 4 000 000 $; cela va me rapporter; je vais avoir des retombées économiques; je vais réaliser des profits, etc. C'est dans ce sens-là que je demande si tout cela n'est pas relié. Si vous avez la meilleure recherche au monde et que vous avez des politiques qui découragent les investissements, qu'est-ce que cela va faire pour la recherche?

M. Hamel: Je pense que cette question-là, M. le député, devrait être adressée aux représentants de l'industrie qui viendront vous dire des choses...

M. Ciaccia: Très bien.

M. Hamel: ...sur le projet de loi, parce que, de notre point de vue d'universitaires, nous pensons qu'il y a encore des choses à faire pour valoriser les résultats de la recherche qui se fait dans le milieu universitaire.

M. Ciaccia: Très bien. J'accepte votre réponse. Je veux revenir au début. L'AQVIR va essentiellement ajouter aux fonctions qui existent présentement du CRIQ et du CIIM, plus un financement peut-être, plus une coordination peut-être si les changements que vous suggérez sont apportés au projet de loi. Est-ce exact, grosso modo? Je voudrais que vous le disiez, parce que le journal des Débats ne peut pas, ne vous voit pas...

M. Paquette: M. le Président, je voudrais suggérer au député de Mont-Royal de passer à la barre des témoins et de le dire lui-même.

M. Ciaccia: Non.

M. Hamel: Je préfère ne pas faire de commentaires à votre résumé.

M. Ciaccia: Très bien. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, j'ai beaucoup apprécié la performance du député de Mont-Royal. On peut imaginer, lorsqu'il siégeait devant la cour comme avocat, à quel point il pouvait torturer un témoin pour essayer de lui faire dire ce qu'il pensait plutôt que ce que le témoin pensait.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais vous faire un aveu. Je n'ai jamais plaidé devant les tribunaux, contrairement à ce qu'on semble dire à la commission parlementaire...

M. Paquette: Ah bon! C'est à l'Assemblée nationale que vous avez acquis ce talent.

M. Ciaccia: Oui, j'ai pris toute mon expérience auprès du Parti québécois.

M. Paquette: Je pense qu'on aura l'occasion, ce soir, lors de la discussion sur les responsabilités et le rôle exact que joue le Centre de recherche industrielle du Québec dans le processus de valorisation, de corriger certaines affirmations du député de Mont-Royal; lorsque nous rencontrerons les gens du CIIM également. Je note dans le mémoire que la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec constate qu'il y a une lacune à combler au niveau de toutes les étapes qui mènent d'une innovation jugée intéressante à un produit commercia-lisable.

J'aimerais simplement souligner à l'attention des membres de la commission deux articles où on constate que l'agence a ce rôle de soutien dans toutes les phases du processus, jusqu'au point où l'innovation peut être prise en charge par les entreprises. On lit au quatrième paragraphe de l'article 17: "de susciter la participation financière des particuliers, des sociétés et des corporations à ses activités de valorisation industrielle de la recherche;". Un peu plus loin, à l'article 20, au deuxième paragraphe, lorsqu'on parle

des formes d'aide financière de l'agence, on dit notamment que "L'aide financière de l'agence peut consister, de façon privilégiée, en une participation à des sociétés en commandite." Autrement dit, dans certains cas, on trouvera relativement facilement une entreprise pour assurer la commercialisation. Dans d'autres cas, ce sera plus difficile et il faudra mettre ensemble un certain nombre d'intervenants.

On a eu des projets comme cela au gouvernement. Jusqu'à maintenant, on les a traités ad hoc, sans mécanisme particulier. L'expérience du fonctionnement concret, surtout ces derniers mois alors qu'il y a un éveil sur le plan de la nécessité de prendre le virage technologique au Québec, démontre qu'il est faux de dire que l'agence jouera exactement le même rôle que le CIIM ou le CRIQ. Elle pourra faire appel à ces organismes pour évaluer, pour faire certaines études. Quand vient le temps de faire ce va-et-vient entre les études de marché et poursuivre la recherche-développement et aller plus loin dans le prototype, il n'y a aucun mécanisme qui existe actuellement.

Je pense que les universités constatent de leur côté qu'il y a un besoin en aval d'elles, c'est-à-dire qu'il n'y a peut-être pas suffisamment d'appuis financiers, techniques, logistiques au transfert des résultats de la recherche. Lorsqu'on rencontrera les gens du CIIM et les gens de l'industrie, on pourra mettre en évidence les autres aspects du processus d'innovation.

J'aimerais remercier M. le recteur de l'Université de Sherbrooke d'avoir éclairé cette commission face aux préoccupations des universités. Je note également un souci de collaboration. Lorsqu'ils nous indiquent très clairement qu'il faut assurer un fonctionnement de l'agence qui repose sur les mécanismes existants, j'en conclus que ces gens veulent participer encore plus que par le passé au processus de valorisation industrielle de la recherche et à leur rôle social et économique dans la communauté québécoise.

Je pense qu'on peut s'en réjouir. Je remercie nos invités encore une fois de leur attitude et de leur offre de collaboration.

Le Président (M. Desbiens): Je remercie les représentants de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec de leur participation.

J'inviterais maintenant, puisqu'il semble qu'il y ait une entente, l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec à s'approcher à l'avant s'il vous plaît.

M. Roger Giroux. Il n'y a pas de mémoire de soumis comme tel. Je vous demanderais de présenter votre exposé, s'il vous plaît.

Association des directeurs de recherche industrielle

M. Giroux (Roger): D'accord M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs. Je me présente. Je m'appelle Roger Giroux. Par profession je suis agronome et microbiologiste. Je suis directeur du Centre de contrôle et de recherche d'Agropur à Granby et je suis vice-président de l'ADRIQ, c'est-à-dire l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec.

Ma présentation sera relativement brève. Elle consistera en quatre points que je vous indique immédiatement. D'abord je ferai mention des contraintes dans lesquelles on a été placés quant à la préparation d'un mémoire. Je vous ferai une présentation de ce qu'est l'ADRIQ; je ferai quelques commentaires relatifs aux mémoires des autres organismes, mémoires qu'on a pu voir, et je ferai des commentaires sur le projet de loi lui-même.

Je veux d'abord vous remercier d'avoir accepté de nous recevoir malgré que nous n'ayons pas présenté un mémoire. En particulier je veux remercier M. Christian Comeau qui a fait les arrangements de façon que je puisse faire ma présentation aujourd'hui puisqu'il avait été prévu que ce serait demain. II m'était totalement impossible de le faire à cette date.

La présentation du mémoire nous a été rendue pratiquement impossible puisque la lettre d'invitation qui était datée du 1er septembre n'a été reçue que le 6 et il fallait produire le mémoire avant le 14. Pour nous, à l'ADRIQ, c'était impossible. Nous avons reçu le document qui décrit l'AQVIR hier matin, et effectivement d'autres personnes, des directeurs de recherche, m'ont dit avoir reçu également ce document seulement hier matin.

Nous avons eu la possibilité, dans le passé, d'exprimer nos vues quant à la politique scientifique. D'abord l'ADRIQ avait présenté un mémoire concernant la loi 101; puis il y a eu le mémoire concernant la politique scientifique qui avait été présenté par le ministre Laurin dans le temps et il y a eu le mémoire qu'on a soumis quant au virage technologique, mémoire qui a été présenté en janvier 1983. De plus, le 22 avril notre association, dont le président, le conseil exécutif avait pu rencontrer M. le ministre pour discuter de ces choses. Nous avons été grandement surpris de voir cette invitation nous donnant un aussi bref délai pour présenter un mémoire. Nous aurions voulu le faire mais cela a été - comme je l'ai indiqué tout à l'heure - totalement impossible.

Qu'est-ce que l'ADRIQ? L'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec a été fondée en 1978. C'est une

association qui regroupe plus de 100 membres, c'est-à-dire les directeurs de recherche de la plupart des entreprises industrielles au Québec. J'ai la liste ici de tous ces membres; habituellement il y a un directeur de recherche par entreprise. Donc cela voudrait dire qu'il y a plus de 100 entreprises dont le directeur de recherche fait partie de notre association.

Selon l'ordre alphabétique, vous verrez qu'il y a des industries de toutes catégories. Ce ne sont pas uniquement des multinationales. Ce sont des entreprises de diverses catégories du Québec. Par ordre alphabétique cela commence par Agropur, mon entreprise; on a Bombardier, Lallemand et on finit par Vachon. Ce ne sont pas des petites et moyennes entreprises puisque pour être membre de l'association il faut qu'une entreprise ait au moins quatre professionnels dans son équipe de recherche. Cela sous-entend que c'est tout de même une entreprise de bon calibre.

On a fait une certaine enquête et on a pu évaluer qu'environ 95% de la recherche industrielle au Québec est faite dans les entreprises dont les directeurs de recherche sont membres de notre association. Cela peut représenter un chiffre de l'ordre de grandeur de 400 000 000 $ en recherche, développement, innovation, fait au Québec. On parle de RDI, cela peut signifier recherche, développement, innovation ou encore recherche, développement industriel. (16 h 45)

Cet argent ou ces budgets sont répartis de la façon suivante quant à la nature des recherches qui sont faites. On peut dire qu'environ 25% de ces budgets vont à la recherche du secteur primaire, 50% du secteur secondaire et 25% du secteur tertiaire moteur.

Les objectifs de l'ADRIQ sont d'abord de promouvoir la RDI au Québec; susciter la concertation entre ce que d'aucuns appellent les trois solitudes, c'est-à-dire l'université, l'industrie et le gouvernement; stimuler la recherche industrielle; faire toute représentation qui pourrait être appropriée, tout particulièrement au gouvernement. Nous considérons être l'interlocuteur privilégié en cette matière de recherche et de développement industriel.

Je peux signaler que les membres de l'ADRIQ sont là à titre bénévole. Ils sont tous de l'industrie, excepté quelques représentants de sociétés d'État comme Hydro-Québec ou autres. Il y a évidemment des représentants des universités.

Nous avons lu les mémoires du Conseil du patronat. Nos membres en ont eu des copies; ils ont participé à leur rédaction. Nous avons lu les mémoires de l'Association des manufacturiers, du CIIM, du CREPUQ, qui vient tout juste de se présenter, et de l'École polytechnique. On peut dire que, d'une façon générale, nous partageons les vues exprimées dans ces mémoires.

Voici nos commentaires quant à l'AQVIR, l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche. Nous sommes d'abord très heureux du choix du nom: le mot "agent" signifie agir; il y aura de l'activité, on l'espère. Je pense que le nom lui-même et le sigle sont bien choisis.

On a examiné le projet de loi. Je voudrais faire quelques commentaires à l'article 17 - je pense que tout le monde y est venu - à fonctions et pouvoirs, la première partie: "De prospecter les milieux de la recherche dans les domaines jugés prioritaires par le gouvernement en vue d'identifier des idées et des technologies nouvelles à valoriser...". "Prospecter les milieux", qu'est-ce que cela voudrait dire? Certains de nos membres craignent qu'il pourrait résulter qu'une certaine confidentialité des entreprises s'envole. Après, il y a "à valoriser", pourquoi l'agence voudrait-elle valoriser ces domaines jugés prioritaires puisque déjà c'est le rôle des entreprises de valoriser ces possibilités d'innovation? Les entreprises ne voudraient pas que le gouvernement se substitue à elles pour faire le développement industriel et pousser jusqu'à l'exploitation des brevets et de tout monopoliser. Nous sommes en pays démocratique et non pas en pays totalitaire. Il faudrait que les entreprises industrielles conservent ce privilège qu'elles ont dans une société libérale comme la nôtre, de pouvoir poursuivre leurs activités industrielles et commerciales.

Le quatrième paragraphe: "de susciter la participation financière des particuliers, des sociétés et des corporations à ces activités de valorisation industrielle de la recherche." C'est déjà leur responsabilité et leur rôle. Je pense que les entreprises soient jalouses de ce privilège de vouloir valoriser leur propre développement.

J'essaie de me placer dans la peau de tout directeur de recherche dont on a la liste ici et d'essayer de percevoir ou de voir comment ces gens voient le projet gouvernemental. Si le gouvernement dit que, vraiment, il veut apporter son aide, qu'il veut aider, nous sommes totalement d'accord.

À l'article 20, on dit: L'agence peut accorder une aide financière, aux conditions et selon les limites qu'elle croit devoir fixer. L'aide financière peut consister en une participation à des sociétés en commandite. Oui, les petites et moyennes entreprises peuvent désirer cela. Évidemment, les sociétés d'État sont déjà totalement impliquées dans cela. Beaucoup d'entreprises ne souhaitent pas du tout participer avec le gouvernement à l'administration et à la gérance de leur entreprise.

Le deuxième élément, l'agence peut également accorder son aide financière au

moyen de subventions, de prêts ou d'avances avec ou sans intérêts. D'accord pour l'aide financière. On parle de subventions, oui. On parle de prêts avec ou sans intérêts; si c'est avec intérêts, on peut s'adresser aux institutions financières, à moins que ce ne soit à des taux bien préférentiels. Des prêts sans intérêts, totalement d'accord.

Ce que les entreprises industrielles souhaitent, c'est que l'aide soit sous forme de subvention selon l'expression anglaise "no string attached" et que le processus d'attribution soit le plus simple et le plus objectif possible. C'est un peu notre perception de ce projet de loi et de l'AQVIR. Les entreprises d'une certaine importance ne voient pas qu'on ait prévu quoi que ce soit pour elles. Les PME pourraient en tirer de grands avantages. On ne s'y oppose pas. Effectivement, toutes nos entreprises ont été petites ou moyennes avant de devenir grandes.

Ce qui nous préoccupe, ce n'est pas tant ce qu'il y a dans cela que ce qu'il n'y a pas. En particulier, ce serait tout ce qui concerne les individus eux-mêmes. On peut parler d'entreprises, on peut parler de sociétés, on peut parler de beaucoup de choses. Effectivement, le succès de l'innovation industrielle devra passer par les voies des individus. Si on pense au succès qu'a pu obtenir en particulier le Japon, c'est sûrement par le fait que beaucoup d'organismes et le gouvernement lui-même ont dû s'y mêler pour motiver les individus.

Toute activité humaine, même si elle peut prendre parfois un caractère collectif, doit d'abord passer dans l'esprit des individus. Une équipe sportive en est de même. Il faut que ce soient des individus d'abord qui émettent des idées, qui fassent des efforts d'imagination créatrice. On pourra par la suite concerter, coordonner, regrouper, préparer un document ou quoi que ce soit. Il faut d'abord que ce soient les individus qui soient à l'origine de toute conception nouvelle. C'est là qu'il me semble que le document ne fait aucune allusion à ce qu'on pourrait faire en vue de motiver les individus pour qu'ils apportent vraiment leur contribution importante et significative pour permettre vraiment le succès de toute réalisation qu'on pourrait entreprendre.

Comment motiver les individus? Des psychologues et bien des gens pourraient être beaucoup plus qualifiés que moi pour trouver ces moyens. Ils sont de nature, on pourrait dire, quant au prestige, à la rémunération... C'est évident que, si une entreprise a du succès, veut vraiment entreprendre des efforts d'innovation, il faudra que les agents, les personnes qui réalisent ces choses puissent entrevoir la possibilité de tirer certains avantages de cela, de tirer certaines gratifications.

Je pense qu'il est essentiel, dans tout projet ou toute conception de cette nature, qu'on ait prévu des moyens de vraiment motiver chacun des individus à tous les échelons du procédé et qu'on ait trouvé les moyens de les gratifier. Bien sûr, on pourra inviter les entreprises à le faire, cela devrait être leur rôle. Il faudra cependant prévoir plus que cela. Je peux vous donner un exemple; quand on pense à Loto-Québec, les gens achètent des billets mais ce sont surtout les agents vendeurs qui ont la motivation et qui en retirent un aspect financier extrêmement motivant. On a pu trouver les voies pour appliquer cela à la vente de billets de Loto-Québec; je me demande s'il ne serait pas très important de tenter de trouver des voies semblables pour motiver les individus en ce qui concerne l'innovation, la recherche, le développement industriel.

Cela conclut ce que je voulais vous dire sur ce projet de loi. Je suis à votre disposition si vous avez quelques questions.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais remercier le vice-président de l'ADRIQ de son exposé qui fait état des préoccupations des directeurs de recherche industrielle du Québec. Comme il l'a lui-même souligné, l'association regroupe des membres qui sont directeurs de recherche dans des entreprises et dans de grandes entreprises puisqu'il y a très peu de petites et moyennes entreprises qui peuvent se donner des moyens de recherche.

Je pense que M. Giroux a raison de dire que ce n'est pas un projet qui s'adresse à la grande entreprise. On est évidemment parfaitement conscients que les grandes entreprises ont leur propre direction de recherche, qu'elles tiennent jalousement au secret industriel. Il ne s'agit pas pour l'agence - c'est d'ailleurs une entreprise vouée à l'échec - de faire perdre du temps à du personnel de l'agence en l'envoyant prospecter dans des laboratoires de recherche industrielle de grandes entreprises quand on sait très bien que l'entreprise a généralement tout ce qu'il faut pour développer et commercialiser.

Cependant, que ce soit au sein des services du ministère ou à l'occasion via l'agence, il pourrait arriver que même une grande entreprise nous dise: On aimerait accélérer un certain programme de recherche; on aimerait aller plus vite parce qu'il y a une question de compétitivité et, si on injectait des fonds additionnels importants dans la recherche pour arriver à de nouveaux procédés ou de nouveaux produits, on risquerait de mettre en péril la santé financière de l'entreprise sous un autre aspect parce qu'on a d'autres types de

développement à faire. On a rencontré plusieurs entreprises industrielles de ce genre qui nous ont fait des remarques de cette nature. Dans ces cas-là, il y a, bien sûr, des programmes de la SDI qui peuvent aider; la tendance que nous allons avoir face à des projets de ce type-là sera de leur dire d'essayer de passer par d'autres mécanismes qui permettent de stimuler la recherche. Il y a des mesures d'incitation fiscale qu'on a augmentées lors du dernier budget. Il arrive que certains projets nécessitent une intervention spéciale. Je vais vous en mentionner un auquel nous avons eu à faire face récemment; c'est le cas de Vidacom avec la société Vidéotron. C'est quand même une grande entreprise qui a monté ad hoc une équipe de recherche; le ministère lui a donné une subvention pendant une certaine période. Il a fallu à un moment s'activer pour mettre ensemble des intervenants, mobiliser des fonds de la SDI, des fonds privés, des fonds fédéraux, des fonds de diverses sources qui finalement se sont regroupés. Il a fallu tellement de temps pour le faire que le projet était sur le point de n'être plus compétitif avec ce qui se passe ailleurs dans le monde. Il a fallu un an pour faire cela; il aurait fallu le faire en un mois ou deux. Il y a donc un besoin d'accélération de ce côté-là.

Il va de soi, en ce qui concerne les grandes entreprises, que le rôle de l'agence va être relativement mineur et c'est beaucoup plus un financement ou une aide gouvernementale - comme vous l'avez mentionné ,- sous forme de subventions, de prêts, de mises en contact des intervenants.

M. Giroux (Roger): Évidemment, toutes ces entreprises dont on parle paient des taxes; au même titre que les petites et moyennes entreprises, elles ont droit de retirer des avantages que les lois accordent. Ce n'est pas parce qu'une entreprise est importante ou qu'elle fait beaucoup de profits ou de revenus qu'elle devrait être écartée et qu'elle ne pourrait pas tirer avantage de ces politiques. (17 heures)

On a mentionné qu'effectivement on peut faire la recherche, le développement, mais quand il s'agit de l'appliquer à l'industrie, pour le moment il n'y a pas d'aide gouvernementale. Dans le passé, au niveau fédéral, il y avait le programme PAIT qui le permettait. Comme entreprise, nous avons pu bénéficier de ce programme pour 250 000 $ lorsque nous avons fait fonctionner une usine. Mais ce programme a été discontinué et cela n'existe plus.

Nous avons pu faire cette remarque au président du Conseil national des recherches du Canada et nous avons pu présenter les mêmes doléances au sous-ministre de l'Agriculture à Ottawa. Alors, il y a un vide, c'est évident, et lorsqu'une entreprise doit passer - on parle souvent de "scaling up" en anglais - et faire une augmentation d'échelle, il faut que l'entreprise se débrouille par ses propres moyens. À la fin, bien sûr, c'est le consommateur qui paie la note. C'est là qu'on doit faire le partage. Est-ce que le gouvernement s'implique? D'autant plus que, si une entreprise fait l'application d'une telle innovation, cela ne restera pas inconnu et c'est toute la société qui va en bénéficier par le fait que d'autres entreprises pourront, partant de là, faire mieux. Ou encore on pourra augmenter la productivité et réduire les coûts pour offrir des biens aux consommateurs.

À notre point de vue, un projet de loi comme celui-ci a une grande valeur, mais il faut vraiment réfléchir sur le fait que cela demandera énormément de moyens financiers, de ressources monétaires et il ne faudrait pas créer de grands appétits si on n'a pas les moyens et l'appui en arrière pour alimenter ces appétits.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Paquette: Là, on déborde un peu sur l'ensemble des politiques de recherche et de développement technologique, mais je voudrais simplement souligner que, d'une part, règle générale, les mesures fiscales adoptées par le gouvernement, tant au Québec que dans l'ensemble du Canada, sont en tête de liste de tous les pays en termes d'aide à la recherche industrielle. Par contre, beaucoup remettent en question l'efficacité de ces mesures. Par exemple, on a établi -on espère que cela va donner d'excellents résultats - un crédit d'impôt de 10% remboursable sur la masse salariale affectée à la recherche-développement. Il va de soi que les grandes entreprises en bénéficient proportionellement au nombre d'employés dont elles disposent. Mais, enfin, c'est un avantage offert uniformément à toutes les entreprises et qui est de nature à les inciter à accroître leurs activités de recherche-développement.

Pour ce qui est des projets spécifiques où il s'agit d'accélérer un programme de recherche-développement pour en arriver à une innovation, j'ai compris de votre intervention - c'est une vue que je partage aussi - que le comportement de l'agence va être très différent quand il s'agit d'une entreprise qui a ses propres facilités de recherche que par rapport à des inventeurs individuels, des universités qui ont des inventions à valoriser et les brevets qui sont dans les ministères. Toutes ces situations sont différentes et il va falloir que l'agence établisse des comportements différenciés.

Est-ce que je vous ai bien compris lorsque vous avez affirmé que les petites et

moyennes entreprises peuvent en tirer plus grand avantage peut-être que les grandes entreprises? J'ai compris que, pour les grandes entreprises, vous voyez plutôt le rôle d'une telle agence sous la forme de subventions ou de prêts permettant d'accélérer un programme de recherche-développement, alors que dans le cas des petites et moyennes entreprises, là le support devra peut-être être plus grand? J'aimerais que vous insistiez un peu sur les comportements que vous souhaiteriez de l'agence, dépendant s'il s'agit de grandes ou de petites et moyennes entreprises, d'inventeurs individuels ou d'équipes universitaires.

M. Giroux (Roger): Pour les grandes entreprises cela se résumerait à ce que, si le gouvernement offrait des moyens financiers, on les rende disponibles sans complication. Pour les petites et moyennes entreprises, il est évident qu'il leur manque des moyens de toutes sortes. Il faut pratiquement les aider, leur tenir la main, leur faire franchir une foule d'étapes. Cela pourrait même aller jusqu'à leur suggérer, leur recommander fortement d'engager des spécialistes, des experts, soit à plein temps ou en consultation. Alors, je pense que les associations sectorielles peuvent jouer un grand rôle pour leurs membres dans chacune de ces sections, surtout pour les petites et moyennes entreprises. L'agence pourrait peut-être s'impliquer au niveau de ces associations sectorielles et offrir de l'information, offrir des moyens.

M. Paquette: Quand vous parlez de moyens uniformément accessibles à toutes les entreprises qui sont aussi des contribuables, nous, on a, face à l'agence, une approche qui veut que l'agence se fasse d'abord sélective et fonctionne projet par projet plutôt que d'avoir une approche normalisée. J'aimerais savoir. Quand vous parlez de ressources réparties uniformément, est-ce que vous souhaitez que l'agence se donne des programmes où on fait appel à toutes les entreprises et qu'on dise: Venez nous présenter vos projets et on va... Le rôle particulier de cette agence, contrairement à celui de la SDI, c'est plus que le capital de risque, c'est les premières phases d'innovation, c'est l'accélération d'un programme de recherche et de développement. La SDI, c'est beaucoup plus au moment où on est un peu plus proche de la commercialisation. Est-ce que vous souhaitez qu'on ait cette attitude un peu normée qui existe dans les programmes comme ceux de la SDI, par exemple? Ou si notre manière de fonctionner, projet par projet, de façon sélective, vous apparaît bien adaptée?

M. Giroux (Roger): Cela peut être un choix du gouvernement d'établir des priorités, même d'établir un plan quinquennal et de dire: On veut donner plus d'importance pour permettre le développement de certains secteurs déterminés. Évidemment, les entreprises souhaiteront être dans ce secteur qui a été choisi en priorité, qui sera privilégié. Mais, pour les autres, évidemment, ce sera bien déprimant. Je n'aimerais pas avoir à faire le choix et à établir les priorités. Mais, je pense que c'est la responsabilité du gouvernement, dans une certaine mesure, de le faire.

M. Paquette: Vous avez fait également, dans votre exposé, une remarque qui m'apparaît très juste. Vous avez dit: II faut d'abord motiver les individus. Il va de soi que l'innovation ou le résultat de la recherche, ce sont des individus qui le font et ce sont des individus qui peuvent ensuite le commercialiser. Vous n'avez pas l'impression qu'au Québec, actuellement, on démotive? Dans le système actuel, tel qu'il est au moment où on se parle, il y a une grande démotivation chez les quelques individus qui osent vouloir commercialiser un résultat de recherche qui semble prometteur. Vous n'avez pas cette impression un peu?

M. Giroux (Roger): Les risques sont grands. Selon les relations que j'ai ou les expériences personnelles, c'est un fait que, lorsqu'on voit nos équipes de travail dans nos centres de recherche - pas seulement chez moi - on peut se demander comment il se fait que ces gens continuent à oeuvrer parfois avec autant d'enthousiasme. Est-ce qu'ils le font seulement parce que j'ai de beaux yeux? Qu'est-ce qu'ils en espèrent? Bien sûr qu'ils ont une rémunération qui est quand même convenable, des avantages sociaux, une foule de choses mais, quand même, on peut se demander si c'est vraiment suffisant. Est-ce que les pays qui, dit-on, réussissent beaucoup mieux que nous, ne font pas beaucoup plus que cela?

Si on transpose dans d'autres secteurs, comme dans les grandes équipes de joueurs que ce soit le baseball, le hockey ou n'importe quel autre sport, ces gens-là vont chercher des revenus assez extraordinaires. Évidemment, leur activité se passe en quelques années. Ils sont des as pour pas très longtemps; alors, ils peuvent essayer par la surenchère d'accumuler un certain revenu pour compenser pour ces années où ils seront tombés dans la désuétude. Mais, dans nos équipes de travailleurs, habituellement, c'est l'activité d'une vie et il faudrait, à mon point de vue, qu'on ait des moyens, des méthodes de motivation. Je pense à certains concours qui pourraient se faire. Le gouvernement pourrait poser un problème et demander à toute personne ou équipe qui est

en mesure d'apporter une solution à ce problème technique ou à cette possibilité d'innovation de le faire et offrirait un prix. Déjà, il y a le prix de la province de Québec pour les sciences, mais cela se limite à une personne. Peut-être qu'on pourrait multiplier ces choses et vraiment proposer des projets de recherche dans ce sens-là. Cela se fait en France. Quand on regarde ce scientifique d'une renommée absolument extraordinaire que fut Pasteur et ce qui l'a motivé toute sa vie, on se rend compte que c'était le soutien de ses pairs et c'était la renommée, le prestige, toutes ces choses qui en découlaient. Il se rendait compte que les choses qu'il faisait rendaient un service extraordinaire à la population.

Je participais en fin de semaine, à Québec, à l'assemblée annuelle de l'Association des microbiologistes du Québec. En après-midi, on a eu deux présentations par des scientifiques de l'Université McGill et de l'Université Laval et c'était symptomatique de voir que chacun s'est présenté en disant: Je fais oeuvre de missionnaire. Ces scientifiques parlaient de la microbiologie buccale et de tout ce qui peut entraîner des caries et des périodontites. Effectivement, beaucoup de gens qui poursuivent leurs travaux en ce sens ont l'impression qu'ils le font comme un missionnaire le ferait et qu'ils le font pour leur propre satisfaction; mais ce ne sont pas les choses de l'extérieur, la rémunération ou autres qui peuvent vraiment les motiver.

M. Paquette: Je pense que vous soulevez le problème non pas de la valorisation de la recherche, mais de la valorisation des chercheurs dans notre société. Je vais vous dire que, effectivement, si notre société peut dégager des mécanismes et une attitude encore plus positive face aux chercheurs, on va certainement obtenir au bout un impact, on va être certainement plus productif. Dans d'autres politiques du ministère, on est en train de regarder des pistes de ce genre.

Pour revenir à la valorisation de la recherche, ce à quoi je faisais référence, ce n'est pas tellement à ces chercheurs qui sont déjà salariés d'une entreprise ou salariés d'une université, mais à ceux qui décident de s'aventurer dans le "no man's land" qui existe entre les deux et qui se disent: Voilà, j'ai trouvé quelque chose d'intéressant; je suis allé au CRIQ ou au CIIM; on a évalué mon invention; on m'a dit que c'était bon; j'ai investi 20 000 $ et c'est tout ce que je pouvais investir pour évaluer mon étude de marché; cela a l'air bon, mais il faudrait que je fasse un prototype, je n'ai plus d'argent et il y a encore beaucoup d'étapes à franchir. Tout cela est un problème énorme.

Je voudrais avoir votre opinion. J'ai l'impression que notre société n'accorde pas assez de motivation aux chercheurs universitaires et aux chercheurs industriels, mais démotivent ceux qui s'aventurent dans cette espèce de "no man's land" qu'il y a entre les deux.

M. Giroux (Roger): Là-dessus, à moins que ce soient des cas absolument exceptionnels et extraordinaires qui pourront tout prévoir, de la matière première jusqu'à la mise en marché, à ces individus - que cela ait été le CRIQ auquel on aurait donné plus de pouvoirs, plus de moyens et autres, peu importe - je recommanderais fortement de s'adresser à une agence comme l'AQVIR. J'ai connu des individus qui ont essayé par leurs propres moyens de développer certaines inventions ou autres et, dans leur cas, cela a été, comme on dit, une totale déconfiture. Personnellement, j'ai une invention à mon crédit, mais jamais je n'aurais songé à vouloir l'exploiter par mes seuls moyens.

M. Paquette: Vous avez exprimé un certain nombre de préoccupations. J'aimerais savoir si vous pensez - c'est la question qu'on se pose à ce moment-ci, à l'étape de la commission parlementaire, avant la deuxième lecture, avant l'adoption du principe du projet de loi - que le gouvernement devrait aller de l'avant avec ce projet de loi et, si oui, à quelles conditions. Est-ce que vous souhaitez certaines améliorations à l'un ou l'autre des aspects du projet de loi? (17 h 15)

M. Giroux (Roger): Je pense que le gouvernement doit procéder. C'est un bon début, mais il faudra ajouter autre chose en ce qui concerne autant les entreprises importantes que les individus, comme je l'ai exprimé. Effectivement, j'ai fait quelques remarques quant à certains des articles, mais nous ne voyons pas de problème ou d'objection majeure dans la forme telle quelle.

On pourrait craindre que, au-delà des mots, une interprétation accorde plus de pouvoirs, mais, de même que le gouvernement ou l'AQVIR peut se baser sur la réputation d'une entreprise quant à l'aide à lui accorder sans complication, je pense que les entreprises peuvent aussi accorder une certaine confiance au gouvernement.

M. Paquette: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. J'aimerais vous remercier, M. Giroux, pour vos commentaires. Vous avez dit que c'est le rôle des entreprises de valoriser la recherche. Vous parlez surtout des grandes entreprises. Est-ce qu'il y a des cas où les

petites et moyennes entreprises n'ont pas les ressources nécessaires pour valoriser la recherche? Elles ne font pas la recherche, en effet. Si elles ont des besoins spécifiques pour des améliorations technologiques, est-ce qu'il y a des cas où des petites et moyennes entreprises ont fait appel aux grandes entreprises afin de valoriser leurs idées? Est-ce que vous travaillez ensemble dans ce sens-là de temps en temps?

M. Giroux (Roger): Oui, sûrement. Par les associations sectorielles, il y a justement un soutien et une entraide entre des entreprises d'un secteur particulier. Dans des secteurs assez déterminés, par exemple, puisque nous sommes une coopérative agricole, entre les coopératives, il y a ce qu'on appelle de l'intercoopération et on peut échanger ou même tout simplement donner le savoir-faire et les informations à d'autres entreprises de notre regroupement, ce qui se fait couramment chez nous puisque, au Québec, toutes les coopératives agricoles laitières font partie de la Coopérative fédérée.

Peut-être que, dans les grandes corporations multinationales, les échanges ne se font pas aussi librement, mais quand même on peut obtenir beaucoup d'informations dans ce qu'on appelle des contrats de sous-traitance où, d'une part, l'entreprise qui est prédominante, qui possède le savoir, aidera vraiment le sous-traitant à produire selon les normes qu'elle peut avoir déjà déterminées. Donc, des échanges de tout ordre et de toute nature se font entre les entreprises pour valoriser l'innovation industrielle.

Mme Dougherty: D'accord. Vous avez parlé de motivation et le ministre a parlé de mesures, de l'introduction dans le dernier budget de la réduction de taxes de 10% de la masse salariale consacrée à la recherche. Que pensez-vous de cette mesure? Est-ce une mesure utile? Est-ce qu'elle aura un effet positif sur la recherche?

M. Giroux (Roger): Oui, je le crois. C'est la responsabilité de nos comptables de s'informer d'abord. Il faut que les entreprises connaissent ces possibilités afin d'en tirer avantage. Chez nous, je sais qu'on tire avantage de cela. Si, à la fin, cela signifie des montants substantiels, personne ne refusera cela. Si c'est vraiment bien perçu que ces gains ou ces impôts qu'on n'a pas à payer sont appliqués ou découlent du fait d'activités de recherche, de développement et d'innovation, ce sera apprécié. Cela permettra vraiment de motiver davantage les entreprises à faire des travaux dans ce domaine.

M. Paquette: II serait intéressant que les services de recherche industrielle demandent plus d'argent à la compagnie en disant...

M. Giroux (Roger): Oui.

M. Paquette: ...vous avez eu 10% de crédits d'impôt.

M. Giroux (Roger): Vous avez eu ce bénéfice, mais on veut, puisque cela découle de nos activités, pouvoir en profiter. Faites des investissements ou donnez-nous du personnel ou d'autres moyens. D'accord.

Mme Dougherty: Oui. Je vous ai posé cette question parce que, lors de l'annonce de cette mesure, j'ai entendu quelques réactions négatives ou neutres, parce qu'il semble que cette mesure ne réponde vraiment pas aux vrais besoins des grosses compagnies; elles parlent naturellement de leurs difficultés d'attirer l'expertise nécessaire d'ailleurs, de tout le problème linguistique et tout cela, de l'accès à l'éducation. Vous avez une réaction assez positive, mais c'est pourquoi j'ai posé la question, parce que tout ce que j'ai entendu est que cette mesure sera à peu près nulle, compte tenu des autres problèmes que nous avons.

M. Giroux (Roger): Oui, je peux répéter que des entreprises industrielles de notre grandeur ne croient pas qu'elles pourront tirer vraiment des subventions ou des prêts sans intérêt importants. Il ne nous semble pas que les budgets prévus puissent permettre cela puisqu'il faudra parler de centaines de milliers de dollars, sinon de millions de dollars. Les fonds qui sont prévus vont servir à d'autres, à organiser l'AQVIR elle-même et à engager des personnes ressources. On a parlé d'avocats, d'experts de différentes catégories qui pourront être disponibles pour donner des avis juridiques à l'AQVIR, mais aussi éclairer les entreprises qui pourraient participer à cela.

Il ne nous semble donc pas qu'il y aura vraiment suffisamment d'argent qui sera disponible à la fin pour accorder des subventions substantielles.

M. Paquette: M. le Président, je ne sais pas s'il y a confusion. Je pense que la question de la députée de Jacques-Cartier était à propos de la mesure fiscale concernant les crédits d'impôt. Si je comprends bien...

M. Giroux (Roger): Non.

M. Paquette: Ah! M. Giroux, vous craignez que l'agence...

M. Giroux (Roger): Comme telle, dans

son budget.

M. Paquette: ...n'ait trop de fonds pour son propre fonctionnement et pas assez à mettre dans les projets à valoriser. Je voudrais simplement vous donner l'information suivante: Dans le projet que nous avons, c'est à peu près 10% de frais de fonctionnement, salaires, c'est-à-dire à peu près, au maximum, en rythme de croisière normal, le temps d'établir l'agence, de la mettre sur pied, peut-être 1 000 000 $ de salaires et de fonctionnement et à peu près 10 000 000 $, au départ, d'argent disponible pour valoriser les projets.

Maintenant, si les projets sont plus nombreux, plus importants, il n'est pas interdit de penser qu'on corrige le tir, mais l'objectif est vraiment de mettre au moins 90% des fonds de l'agence dans des projets. Donc, c'est un fonds de transfert vers des projets.

M. Giroux (Roger): Mais si on pense à une liste d'une centaine d'entreprises évidemment, elles ne sont pas toutes membres de notre association 10 000 000 $ divisés par 100, cela ne ferait pas beaucoup pour chacune.

Mme Dougherty: En ce qui concerne encore les incitatifs fiscaux qui existent au Québec et au Canada, est-ce que vous en êtes satisfaits dans l'ensemble? Est-ce que vous avez autre chose à suggérer comme incitatifs sur le plan fiscal? Je n'ai pas complété la lecture du mémoire de l'Association des manufacturiers canadiens, mais j'ai été un peu surprise de voir ses commentaires sur cette question.

Apparemment, ces gens ne sont pas du tout satisfaits de l'ensemble des mesures incitatrices qui existent au Canada sur le plan fiscal. C'est la première fois que j'entends cela. À mon avis, après avoir parlé à plusieurs représentants du monde pharmaceutique, ils m'ont dit qu'ici au Canada, c'était l'un des meilleurs milieux pour faire la recherche. Je ne sais pas si le milieu...

M. Paquette: ...sauf pour la loi sur les brevets....

Mme Dougherty: Oui, sauf pour la loi sur les brevets, mais en général, nous avons plus d'incitatifs ici. Je ne parle pas des taxes personnelles et tout cela, mais des incitatifs pour les industries. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Giroux (Roger): D'abord, je dirai que les entreprises peuvent toujours espérer davantage. Peut-être qu'elles font comparaison avec ce qui se passe dans d'autres pays. Mais je pense que d'une façon générale - c'est mentionné dans vos documents - les agences fédérales, comme le Conseil national de recherche Canada ou le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie, ont des programmes assez généreux. J'avais déjà demandé au ministre Laurin lors d'une audience, en parlant d'une politique scientifique au Québec, s'il entendait pouvoir faire des transferts de fonds du fédéral au provincial pour que, dorénavant, on s'adresse au gouvernement provincial plutôt qu'au gouvernement fédéral pour obtenir ces aides ou ces subventions. Je pense qu'on fait toujours partie du Canada et qu'on peut se tourner du côté du gouvernement fédéral, puisqu'on y paie des taxes également, pour obtenir les subventions qui sont relativement satisfaisantes et généreuses pour la recherche et le développement.

Mme Dougherty: Quant à la nécessité de renforcer les relations entre les universités et l'industrie, je sais que c'est une question qui préoccupe le monde universitaire, j'aimerais vous demander d'abord si c'est une question qui vous préoccupe. Est-ce qu'il y a un rôle pour le gouvernement dans ce renforcement?

M. Giroux (Roger): C'est une question très importante. La plupart des entreprises que je représente ici entretiennent beaucoup d'échanges avec les universités. Notre entreprise, en particulier, a de nombreux projets faits en collaboration avec les universitaires. Habituellement, on compte sur des subventions gouvernementales et, effectivement, on utilise grandement les programmes du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie quant à l'emploi d'été pour les étudiants et quant aux projets eux-mêmes. Beaucoup de projets aussi se font par les subventions qui proviennent du ministère fédéral des Approvisionnements et Services.

Effectivement, je pense que toutes les entreprises dont on parle ici ont déjà beaucoup d'échanges avec les universités. Cela pourrait être augmenté bien sûr, mais dans l'ensemble, la plupart de ces entreprises travaillent de concert avec les universitaires.

Mme Dougherty: Donc, le rôle du gouvernement est plutôt un rôle financier.

M. Giroux (Roger): Oui. (17 h 30)

Mme Dougherty: D'accord. Ma dernière question intéresse mon collègue de Mont-Royal, il pourra poursuivre un peu sur ce sujet. Je crois que nous avons un problème à comprendre exactement toutes les étapes du processus de valorisation. Pouvez-vous nous le décrire étape par étape? Commençons avec une idée, une invention, un nouveau

produit potentiel ou un changement valable d'un processus, jusqu'à et y compris la commercialisation de cette idée et l'inverse. Quelquefois on commence avec un besoin technologique, la nécessité d'améliorer un produit, un processus et on cherche, peut-être hors des PME ou du milieu, à trouver une idée qui répond aux besoins. Est-ce que vous pourriez éclairer un peu les étapes du processus? Qui fait quoi à chaque étape et qui finance quoi?

M. Giroux (Roger): Je pense avoir bien compris votre question. Qu'il s'agisse d'une idée, disons d'un brevet.

Mme Dougherty: Est-ce que vous pourriez prendre un exemple concret pour nous. Une hypothèse peut-être mais un exemple concret.

M. Giroux (Roger): Oui, au préalable je veux dire qu'un procédé total c'est un ensemble de beaucoup de choses. Une idée ne sera qu'un des éléments parmi un procédé, dans un procédé. Un brevet lui-même ne touchera qu'un élément, peut-être un élément important, d'une fabrication ou d'un produit.

Je pourrais vous donner des exemples dans le secteur agro-alimentaire, mais je voudrais plutôt dire que beaucoup d'idées innovatrices ne se matérialisent pas nécessairement en un produit qui atteindra le consommateur. Je dirais que souvent, peut-être 80% de l'activité a plutôt pour but de trouver des moyens de réduire les coûts de production, d'augmenter la productivité. En premier lieu, évidemment, on évalue une chaîne de production et s'il y a des produits de mauvaise qualité c'est du gaspillage et il faut réduire cela. Après qu'on a atteint un certain calibre de qualité soutenue, régulière, on pourra penser à augmenter la cadence ou la capacité de production de la machine. Si, en modifiant certaines étapes qu'on pourrait appeler des goulots d'étranglement, on peut parvenir à doubler la capacité d'une ligne de production, d'une chaîne de production, tant mieux, c'est qu'à la fin on aura réduit d'autant le coût.

Vous voyez que ce n'est pas une chose simple. Ce sont toujours des cas d'espèce. Il peut parfois arriver qu'une innovation ne coûte rien ou ne représente que très peu de chose et avoir une importance considérable. Alors qu'en d'autres cas il faut vraiment faire des investissements ou encore des recherches afin de trouver l'outil, l'instrument ou l'appareil qui nous permettra de donner les résultats qu'on attend.

Évidemment dans certaines circonstances une chaîne de production, parce qu'elle a été installée depuis longtemps, est vraiment devenue désuète dans tous ses éléments. Il s'agit vraiment de dire qu'il faut repartir à neuf. C'est là que les gens vont faire des grandes investigations à travers le monde pour trouver la chaîne de production qui sera la plus appropriée pour produire ce produit qu'ils ont en vue. Évidemment si cela n'existe pas sur les marchés étrangers, ou encore s'ils ne peuvent pas modifier pour adapter à leurs besoins, il faudra qu'ils fassent les efforts pour développer eux-mêmes ces chaînes de production.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Giroux, j'ai trouvé très intéressant vos commentaires sur deux points. Premièrement, sur le fait que le gouvernement ne doit pas se substituter au rôle de l'entreprise privée. Je pense que c'est un point capital. Je pense qu'on commence à le réaliser de plus en plus. Le fait que le gouvernement entreprenne certaines fonctions, ce n'est pas une garantie de succès si on va contre les lois du marché et si on ne respecte pas les règles de l'entreprise privée.

Deuxièmement, j'ai trouvé intéressante la question que vous avez soulevée sur la motivation des gens dans "research and development", dans la recherche, le développement et la mise en marché de ces produits. Pour faire suite à votre premier point sur le rôle de l'entreprise privée et le rôle du gouvernement, je pense que vous avez soulevé l'article 20. De toute façon, il me semble que c'est un aspect du projet de loi qui mérite d'être soulevé, c'est-à-dire le rôle que jouera le gouvernement. Même si on veut admettre que le gouvernement a un rôle à jouer dans la question de la valorisation ou de l'encouragement, je suis d'accord avec vous que la valorisation industrielle sera faite par l'entreprise privée. Le gouvernement peut financer la recherche mais la valorisation - on utilise du verbiage dans des projets de loi - c'est la mise en marché. Si on a une étude et qu'on a la recherche, pour la valoriser il faut que quelqu'un produise cet article-là et c'est l'entreprise privée qui le fera et personne d'autre. Malgré les meilleures intentions du ministre et de ceux qui croient que le gouvernement peut résoudre tous nos problèmes, il ne les résoudra pas.

Je pense que vous avez soulevé un point assez important. À l'article 20, on accorde à l'agence certains pouvoirs. Un de ces pouvoirs est de fournir l'aide financière qui peut consister en une participation à des sociétés en commandite. Est-ce que vous ne voyez pas un certain danger dans ce pouvoir? Si le gouvernement veut encourager la recherche et encourager l'innovation, quelle est la nécessité de participer à la société qui mettra en oeuvre ce produit? N'y a-t-il

pas danger qu'un gouvernement se fasse embarquer? Cela arrive; cela est arrivé dans le passé. Si on regarde les sociétés d'État -sauf à l'exception de quelques-unes - elles fonctionnent à déficit. Est-ce que cela ne soulève pas de dangers vis-à-vis du consommateur, vis-à-vis de celui qui fait affaires avec cette société? Il se dit: C'est le gouvernement qui est impliqué, il n'y aura pas de problème, le gouvernement ne permettra pas la faillite d'une telle société. Il est arrivé que des sociétés dans lesquelles le gouvernement avait une participation aient fait faillite. Cela a induit en erreur les gens qui faisaient affaires avec elles.

Je voudrais avoir vos commentaires sur les dangers, si vous en voyez, de la participation du gouvernement dans les sociétés comme il est stipulé à l'article 20. Voyez-vous un danger de prêts, avec ou sans intérêt? Je sais que vous semblez accepter l'idée des prêts sans intérêt mais est-ce que cela peut soulever des questions de concurrence déloyale? Si la compagnie À reçoit un prêt sans intérêt et qu'elle peut faire concurrence à une autre compagnie, il peut y avoir un certain conflit d'intérêts; cela peut créer des situations où la concurrence ne se fera pas de la même façon. Est-ce que ce sont des exemples selon vous où le gouvernement se substitue, veut prendre la part ou le rôle de l'entreprise privée?

M. Giroux (Roger): Vous m'entraînez dans un domaine qui est plutôt difficile, pour ne pas dire compromettant. On semble indiquer que l'AQVIR pourrait être tentée de faire ses frais ou d'être autosuffisante, dans le sens qu'elle pourrait en tirer des revenus et que cela pourrait compenser pour une grande partie des dépenses. Est-ce que cette agence serait une corporation qu'on dit sans but lucratif ou est-ce que vraiment ce serait une corporation au sens qu'on l'entend, soit une corporation commerciale? Il y aurait alors le danger qu'il y ait une compétition avec les industries qui fonctionnent en parallèle et qui ne bénéficieraient pas d'une foule d'informations ou d'avantages qui découlent du fait que c'est le gouvernement qui administre une entreprise. C'est là que les entreprises industrielles sont réticentes.

On peut craindre que parfois aussi, dans toute tendance à la socialisation, le gouvernement ne se joigne aux syndicats pour faire des activités et remplacer, se substituer ou vraiment concurrencer des entreprises qu'on dit des libres entreprises du type corporatif. La conception qu'on a d'une entreprise ou d'une corporation évolue énormément. Même les multinationales américaines ne sont plus dans le sens pur de la corporation qu'on avait autrefois et pratiquement toutes les entreprises ont vraiment des relations avec les agences gouvernementales, si ce n'est que pour les contrats de sous-traitance.

Alors, on ne peut pas vraiment délimiter les activités de l'une et de l'autre. Je pense qu'on s'en va - c'est une tendance générale - vers des associations où gouvernement et industries fonctionnent ensemble, mais il faudrait quand même essayer de sauvegarder cet aspect qu'une entreprise privée a été mise sur pied, a été fondée par des individus et qu'ils l'ont créée en espérant que ce soit à leur propre avantage, sans vouloir partager tous les revenus à en tirer d'une façon collective avec tous les individus.

M. Ciaccia: Je pense que l'expérience démontre que c'est un faux espoir quand le gouvernement s'engage dans certaines sociétés avec l'idée d'avoir des profits. Il y a toujours la tendance, pour ceux qui administrent la compagnie pour le gouvernement, c'est toujours facile de dire, à la fin de l'année: Même si on fonctionne à déficit cette année, on peut le combler l'année prochaine. Il y a toujours ce danger, on l'a vu dans plusieurs sociétés. Y aurait-il d'autres moyens par lesquels le gouvernement pourrait participer à l'entreprise sans être propriétaire des actions de l'entreprise? Il doit sûrement y avoir d'autres moyens qui sont plus efficaces et qui sont moins compromettants pour le gouvernement et pour les fonds publics. Si on dit: On veut s'assurer qu'on va avoir un retour sur les avances qui sont faites, je pense que les revenus, les taxes additionnelles que l'entreprise pourrait payer... Supposons que le ministre donne une subvention de 1 000 000 $ pour la mise en marché, la production d'une invention. Si c'est un succès, cette entreprise va payer des impôts. Mais, il va y avoir aussi l'incitation de l'entreprise privée de s'assurer que, tous les ans, ils vont fonctionner avec un profit plutôt qu'avec une perte. Il doit y avoir sûrement d'autres formules de participation que de devenir propriétaire des actions d'une société. (17 h 45)

M. Giroux (Roger): II y a sûrement d'autres possibilités. Je crois qu'il faut prendre une certaine perspective de toute cette histoire. Si on regarde en arrière, évidemment, il avait été constaté que l'industrie, les entreprises manufacturières et autres, étaient souvent contrôlées par des entreprises multinationales ou par des étrangers. Il y a eu un effort de reprendre en charge un peu la société québécoise. Mais, là, on a franchi plusieurs étapes. Il faudra savoir où vraiment s'arrêter et ne pas dépasser certaines bornes. Il y a des entreprises au Québec qui réussissent bien, qu'on pourrait qualifier d'entreprises du milieu, d'entreprises autochtones. Il ne

faudrait pas, comme on dit, passer le rouleau à vapeur et tout entraîner dans ce mouvement qui irait vraiment vers la socialisation totale. C'est là qu'il faut faire le partage et la part des choses.

M. Ciaccia: L'exemple que vous avez donné, à savoir que le Québec ou le Canada, dans certains cas, reprend la propriété de compagnies multinationales, je ne pense pas que l'article 20 vise cela. Le projet de loi, en soi, je pense, vise plutôt l'encouragement de la recherche dans les petites et moyennes entreprises. Le danger serait plutôt que le gouvernement reprenne la propriété de petites entreprises. Je ne pense pas que cela puisse être utilisé pour reprendre la propriété de multinationales parce que je ne pense pas que, dans le cas actuel, cela s'appliquerait.

L'autre point que vous avez soulevé, c'est comment motiver les chercheurs et les entrepreneurs ou la mise en marché des inventions? Et même, je pense que le ministre l'a soulevé lui-même: Comment motiver ce domaine? Est-ce que vous ne croyez pas qu'une des façons de motiver, ce n'est pas seulement d'avoir des subventions à la recherche? Faire la recherche, c'est une chose, mais la mise en marché c'en est une autre. Est-ce que le régime fiscal, les incitations... Je ne parle pas seulement des 10%, mais je parle du régime fiscal en général. S'il existe à un certain endroit des impôts beaucoup plus élevés qu'à un autre endroit, si vous avez, par exemple, des droits successoraux dans une juridiction que vous n'avez pas ailleurs, autrement dit, si la lourdeur du régime fiscal est beaucoup plus accentuée au Québec qu'ailleurs, est-ce que ce n'est pas une démotivation pour mettre en application, pour commercialiser les produits qui seront recherchés ou innovés par l'AQVIR, le CRIQ ou le CHM? Est-ce que ce n'est pas une démotivation?

M. Giroux (Roger): Si on doit payer plus d'impôt, évidemment cela implique que les produits qui seront fabriqués et vendus seront plus chers. Mais il y a un choix gouvernemental à offrir des services à la population qui doivent être payés par les impôts. Là,- c'est toute une orientation que le gouvernement a choisie que je ne veux pas vraiment discuter.

M. Ciaccia: Je ne veux pas vous placer dans une situation politique difficile, mais c'est bien beau de dire que Louis Pasteur a été motivé par un sens de mission, le missionnaire. Il y a certainement des gens qui font des découvertes de cette envergure qui ne regardent pas au profit, mais on est en Amérique du Nord et le modèle de l'Amérique du Nord, comme on disait aux États-Unis, "the nation of this business is business". Si on n'a pas des politiques qui encouragent des gens à faire des profits, pourquoi une personne viendrait-elle au Québec, même si elle a un brevet pour un produit, prendre le risque d'investir ici si le retour de cet investissement n'est pas le même qu'ailleurs? Elle ferait mieux d'investir ailleurs. Je n'ai pas besoin de demander vos commentaires là-dessus. Je pense que c'est évident. Je croirais que la meilleure façon de motiver un chercheur, c'est de voir à ce que le produit de son innovation soit mis sur le marché. C'est une motivation. Ce n'est pas l'AQVIR qui va pouvoir le mettre sur le marché. C'est l'entreprise privée. Vous ne pouvez pas échapper à cela. Je pense que tout en présentant un projet de loi, comme ce que fait le ministre, avec les amendements qui vont s'imposer à la suite des recommandations des différents intervenants, le ministre devrait faire des représentations auprès du Conseil des ministres pour motiver les gens à produire au Québec, pour qu'il y ait des profits pour ceux qui vont investir, pour que ce soit attrayant d'investir, pour qu'il y ait des incitations...

M. Paquette: On a créé autant d'emplois que le reste du Canada.

M. Ciaccia: ...pour ne pas que les taxes soient plus élevées ici, pour ne pas que le Québec soit le seul endroit où il y a des droits successoraux, pour ne pas démotiver les gens qui peuvent mettre en marché ou commercialiser les produits que vous voulez encourager, les innovations et la recherche que vous voulez encourager par ce projet de loi.

Est-ce que vous avez des commentaires?

M. Giroux (Roger): Non.

M. Ciaccia: Non. On va attendre ce que les représentants du Conseil du patronat auront à dire. J'ai hâte.

M. Paquette: Je vois que vous avez hâte de prendre de l'avance. M. le Président, le député de Mont-Royal prend de l'avance sur le mémoire du Conseil du patronat en répétant à chaque intervenant, en des termes plus ou moins variés, où on revoit tout un exposé idéologique fort intéressant. Je reconnais que les gestes politiques et les décisions doivent tenir compte des idéologies. Nous avons une idéologie face à ce projet de loi. Il y a trop d'innovations et de recherches qui se perdent, qui restent sur les tablettes. La société québécoise est une société extrêmement innovatrice mais ses innovations passent mal dans le processus de production pour un certain nombre de raisons, notamment le fait qu'il y a trop peu de départements de recherche industrielle au

Québec parce que beaucoup de sociétés étrangères qui ont des filiales au Québec -je ne parle pas des membres de l'ADFUQ, ce n'est pas à cela que je réfère - font, comme c'est normal, leurs recherches près du siège social.

On a aussi une structure industrielle où il y a beaucoup de petites et moyennes entreprises qui n'ont pas souvent le moyen de commercialiser. Je reconnais qu'au stade de la production ce sont les entreprises qui le font, c'est bien évident. C'est une évidence, on n'a pas besoin de le répéter, au stade de la production ce sont les entreprises qui le font.

Avant cela, je pense qu'on a constaté tout au long de la journée, et en particulier en écoutant le vice-président de l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec, qu'il y a beaucoup de démotivation face à ceux qui, parce qu'ils oeuvrent dans un département de recherche industrielle, décideraient de commercialiser eux-mêmes ou d'aller voir d'autres entreprises pour commercialiser elles-mêmes leurs innovations. Dans la région de Boston et en Californie, il y a beaucoup de développement qui se fait dans la haute technologie par ce qu'on appelle des "spin-off", qui sont des ingénieurs, des scientifiques qui, à un moment donné justement parce que c'est motivant, décident de s'aventurer dans le "no man's land" dont je parlais tantôt. Parfois c'est l'inverse. Ce sont des chercheurs universitaires qui, de leur bout du spectre, décident et arrivent dans un contexte extrêmement difficile où ils ont besoin d'appui et d'aide.

Je voudrais ajouter la remarque suivante à l'intention du député de Mont-Royal. L'article 20, deuxième paragraphe, n'a rien à voir... Je pense que le député de Mont-Royal ne sait pas ce qu'est une société en commandite. On dit: "L'aide financière de l'agence peut consister, de façon privilégiée, en une participation à des sociétés en commandite." Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'à un moment donné, une fois qu'on a une innovation prometteuse qui a été évaluée, mettons, par le CRIQ sur le plan de sa valeur technique, qu'il y a eu des études de marché, qu'on sait que cela pourrait être commercialisé, qu'on sait que des entreprises pourraient être intéressées à embarquer, mais n'ont peut-être pas les moyens de mettre en péril leur entreprise pour investir dans le développement complet du produit avant d'en arriver au stade où on est vraiment sûr qu'on peut y aller sur le plan de la production, ce que pourrait faire l'agence, c'est inviter ceux qui détiennent l'invention... L'entreprise privée ou les entreprises privées pourraient peut-être se mettre ensemble pour la commercialiser, peut-être qu'une institution financière pourrait ajouter des fonds. Pendant tout le processus où on en arrive au stade de la production, quand c'est prêt à produire, la société en commandite a permis de bénéficier d'incitatifs fiscaux, elle est à ce moment dissoute et la production est assumée par une entreprise. C'est une des stratégies que l'agence pourrait utiliser. C'est bien évident que l'agence n'a pas intérêt à être partenaire majoritaire dans ces sociétés en commandite parce que après cela, elle se retrouvera un peu seule à commercialiser, avec peut-être des entreprises qui seraient minoritaires là-dedans et qui n'y verront pas leur intérêt financier, parce qu'elles ne pourront pas s'assurer du contrôle de l'innovation une fois rendue à maturité, une fois rendue au moment où on doit faire la production.

Il faut vraiment avoir l'esprit mal tourné pour voir en dessous de cet article des menaces de socialisation, des menaces envers l'entreprise privée. M. le Président, j'en suis, à l'occasion, pour la nationalisation. Je pense que, si on n'avait pas nationalisé les compagnies d'électricité il y a quelques années, on serait bien mal pris au Québec actuellement. Dans certains cas, cela s'impose, mais il est bien clair que l'agence n'a pas pour but de prendre des contrôles majoritaires dans les entreprises. Elle a pour but d'assurer que, sans qu'on place au passif des petites et moyennes entreprises qui seraient intéressées à commercialiser éventuellement tout le processus de recherche, on peut se créer une société en commandite. On investit des sommes, on sait que cette société ne fera pas de profits, mais, si elle réussit à rendre l'innovation à maturité, une entreprise pourra la reprendre et faire des profits avec et l'agence pourra peut-être tirer dans ces cas une certaine gratification.

C'est mieux que de donner tout le montant en impôts à l'entreprise parce que cela permet de réinjecter à nouveau ces sommes dans la recherche et le développement. Je pense que c'est un peu ce rôle dynamique, catalyseur. C'est comme cela qu'il faut voir l'agence et c'est comme cela qu'il faut voir l'article 20.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Non, je n'ai pas dit que l'article 20 était une menace de nationalisation et de socialisation. C'est seulement le principe. Je pense que, comme principe, une agence du gouvernement participe en société avec l'entreprise privée, cela ouvre la porte à trop d'abus. On l'a vu dans le passé. Je suis d'accord avec le ministre que, dans certains cas - prenez Hydro-Québec - cela s'imposait. C'était un service public en 1962 et cela s'imposait sûrement. De 1960 à 1970, il y avait une

certaine nécessité pour rétablir certaines normes au Québec pour que le gouvernement prenne certaines mesures dans certaines sociétés. Je crois que, depuis 1970, 1976, la situation a changé. Quand on voit les exemples des dernières années, quand on voit la SGF qui a pris une société québécoise... On avait auparavant de bonnes raisons de dire: Écoutez, on veut s'assurer qu'il y a une présence québécoise dans certaines industries. Alors, on achetait, on faisait des "joint venture", on prenait des participations dans certaines compagnies. C'était totalement valable, mais quand on voit une société québécoise, comme Bio-Endo que tout à coup le gouvernement décide d'acheter. Je ne vois pas sur quels critères...

M. Paquette: N'oubliez pas, M. Johnson qui a dit, à la course à la direction de votre parti, qu'il fallait bannir l'intervention de l'État partout, sauf en biotechnologie.

M. Ciaccia: Écoutez, Bio-Endo, ce n'est même pas de la technologie, c'est de la biochimie, pour votre information.

M. Paquette: Ah! Bien...

M. Ciaccia: Mais même dans la biotechnologie, l'idée est de ne pas acheter une compagnie québécoise qui existe déjà. En tout cas, on pourrait faire ce débat ailleurs. Le point que je voulais faire sur l'article 20, c'est que ce gouvernement, votre gouvernement, est allé un peu trop loin et il continue dans ce sens. C'est votre idéologie, mais les exemples sont trop patents où il y a trop de déficits. Il y a une limite à engager les deniers publics. On ne peut plus se permettre de dépenser sans retirer des revenus. Quand vous donnez ce pouvoir, l'agence va l'utiliser. Ce n'est pas une question majoritaire, mais quelquefois c'est pire quand le gouvernement est minoritaire parce qu'il est obligé de fournir les fonds et il s'embarque dans des situations dans lesquelles il n'a pas le contrôle. (18 heures)

Le deuxième point: Je suis heureux que vous ayez donné Boston comme exemple, parce que les exemples que vous aviez donnés au mois de juin, c'étaient plutôt des exemples européens: ANVAR. Vous avez fait le parallèle entre AQVIR avec la société française ANVAR et...

M. Paquette: Ici et en Grande-Bretagne.

M. Ciaccia: ...je suis heureux de voir qu'aujourd'hui vous essayez de prendre des modèles américains plutôt que des modèles européens. Nous sommes dans un contexte...

M. Paquette: Quand on regarde le taux de chômage, on est peut-être mieux de regarder un peu du côté européen aussi.

M. Ciaccia: Non, quand on est dans le contexte américain, si vous voulez faire les mêmes conditions au Québec ou à Montréal, parce que l'on prend l'exemple de villes comme Boston, je suggère d'adopter les mêmes politiques, spécialement le régime fiscal, les taxes, les impôts, l'ouverture de notre société. Quand vous allez pouvoir appliquer ces politiques peut-être que vous pourriez faire la même chose qu'à Boston. Aussi longtemps que vous voulez nous déposer des projets de loi qui font que d'un côté de la médaille, on va promouvoir la recherche, on va faire ci et ça... C'est global, si vous n'attaquez pas l'autre côté, le régime fiscal, les incitations, capital de risque, je pense que vous allez mettre des contraintes très sérieuses à votre très bonne intention de promouvoir et de valoriser la recherche industrielle.

M. Paquette: M. le Président, j'en conclus que le député de Mont-Royal a une opinion négative du gouvernement. Je m'en excuse. J'en suis renversé.

M. Ciaccia: Je suis, moi aussi, renversé que vous en veniez à cette conclusion. Pourtant j'essaie d'être aussi positif que possible.

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais remercier, au nom des membres de cette commission, M. Giroux qui nous a donné un éclairage différent qui complète ceux qu'on a eus jusqu'à maintenant à cette commission. Je le remercie d'avoir, dans un délai aussi court, accepté de venir nous exposer son point de vue. Merci.

Le Président (M. Brouillet): En espérant la création d'une médaille d'or, d'argent et de bronze pour les chercheurs industriels. En attendant, je vous remercie également au nom des membres de la commission.

Il y a une entente pour reprendre les travaux à 21 heures en présence de M. Biron.

M. Paquette: Oui, à 21 heures.

Le Président (M. Brouillet): La commission élue permanente de la présidence du conseil et de la constitution suspend ses travaux jusqu'à 21 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 03)

(Reprise de la séance à 20 h 40)

Le Président (M. Brouillet): La commission de la présidence du conseil et de la constitution reprend ses travaux. Ce soir, nous discuterons en présence du ministre

responsable de la SDI et du CRIQ du projet de loi 37, Loi créant l'agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche. Je vais laisser la parole au ministre.

M. Paquette: M. le Président, simplement sur le déroulement des travaux, je pense qu'on avait convenu de consacrer cette séance à approfondir un peu le champ d'action du CRIQ et de la SDI, d'en évaluer les interrelations avec le projet d'agence de valorisation industrielle qui est l'objet de ce projet de loi. On avait convenu de consacrer à peu près une heure, une heure et demie à cela, mais là je vois qu'on commence un peu en retard et je sais que mon collègue a d'autres engagements.

M. Ciaccia: Je n'ai pas compris, je pensais qu'on devait commencer à 21 heures.

M. Paquette: Le message vous a été transmis à 20 heures.

M. Ciaccia: Lorsque je suis parti à 18 heures, l'ordre était de revenir à 21 heures. On va essayer d'accommoder le ministre. On devait avoir les représentants du CRIQ et de la SDI. Est-ce qu'on a le ministre comme prix de consolation? On n'a pas le CRIQ, ni la SDI et on vous a comme prix de consolation, ce soir.

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, vous avez le ministre responsable du CRIQ et de la SDI.

Le Président (M. Brouillet): C'est un boni.

Le champ d'action du CRIQ et de la SDI

M. Biron: Je voudrais d'abord m'excuser si j'ai un peu changé l'horaire de ce soir. À la dernière minute, cet après-midi, j'avais un rendez-vous qui me semblait un peu trop long pour l'heure du souper; j'ai donc retardé ce rendez-vous là à, officiellement, 21 heures - même si je suis en retard un peu -afin de pouvoir être ici à 20 heures. Je vais essayer quand même de répondre le plus clairement possible aux questions du député de Jacques-Cartier et à celles du député de Mont-Royal. Je vais juste faire une petite mise au point sur la façon dont nous entendons travailler à partir d'organismes comme le CRIQ, la SDI et l'AQVIR.

Pour bien clarifier notre action, le CRIQ, de même que la SDI sont en relation constante avec les entreprises québécoises, les entreprises industrielles ou tertiaires moteurs. Le CRIQ et la SDI, à l'image de ces entreprises, doivent gérer dans les limites de certains risques...

M. Ciaccia: M. le Président, je ne voudrais pas interrompre le ministre, mais je voudrais savoir pourquoi le député de Deux-Montagnes quitte la commission. Je pense que...

M. de Bellefeuille: C'est que le député a compris. Il y a une personne qui ne comprend pas, cela ne sert à rien d'essayer de le lui expliquer.

M. Ciaccia: C'est malheureux. Je pense qu'il a été offusqué de vos remarques. Il n'a pas apprécié du tout vos remarques. Aux fins du journal des Débats, c'est le député de Deux-Montagnes qui a laissé...

Le Président (M. Brouillet): Je crois que c'est de coutume que les députés se lèvent et reviennent; alors, on n'a pas à s'interroger à savoir pourquoi un député se lève ou revient. S'il fallait faire cela chaque fois, le journal des Débats s'épaissirait considérablement parce qu'il y a un mouvement de va-et-vient.

M. Ciaccia: Espérons que le député de Deux-Montagnes va revenir.

M. Paquette: M. le Président, le député de Mont-Royal donne l'impression que nous sommes en récréation ce soir, il devrait attendre le mémoire du Conseil du patronat demain matin.

M. Ciaccia: La récréation a été créée par les remarques du ministre de l'Industrie et du Commerce et les remarques du ministre de la Science et de la Technologie.

M. Biron: Est-ce que je peux maintenant me permettre de répondre à vos questions, M. le député de Mont-Royal?

Je disais tout simplement qu'à l'instar des entreprises que nous essayons de servir le mieux possible, nous devons prendre certains risques, mais nous ne pouvons aller au-delà de certains risques. Dans ce sens, la venue sur la scène québécoise de l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche va nous permettre de promouvoir davantage de projets et de possibilités, cela va nous permettre de faire des demandes à l'AQVIR pour son intervention précise dans des cas où ni le CRIQ, ni la SDI, ni les entreprises n'ont le droit de risquer plus avant. Lorsqu'on parle de développement technologique, c'est toujours risqué jusqu'à un certain point, ou un peu plus qu'à un certain point souvent, et si nous ne prenons pas de risque, il n'y aura jamais de développement technologique. (20 h 45)

Dans ce sens, la SDI et le CRIQ prennent certains risques, mais leur fonction, leur responsabilité est habituellement de cheminer avec les entreprises lorsque les

entreprises veulent prendre aussi une partie du risque.

Ma vision là-dessus, c'est qu'avec des protocoles d'entente entre le ministère de la Science et de la Technologie et le ministère de l'Industrie et du Commerce, nous pourrons très facilement, et avec beaucoup plus de valeur pour le développement technologique maintenant, demander à la société québécoise, par l'agence de valorisation, de s'impliquer dans le développement de certains produits, de certains projets, de certaines possibilités qui pourront être identifiés.

Le deuxième point que je veux soulever là-dessus, c'est que notre mandat n'est pas de promouvoir des projets. Notre mandat, au CRIQ en particulier, c'est d'attendre que des chefs d'entreprises viennent nous voir avec des projets précis et nous demandent de les aider à développer ces projets. Or, à l'heure actuelle, au Québec, il n'y a pas d'organismes publics qui font la promotion de projets, qui essaient de susciter davantage de projets québécois et on devrait probablement le faire pour prendre le virage technologique encore plus rapidement. Je veux dire qu'avec un bon protocole d'entente entre le CRIQ et la SDI d'une part, et le ministère de la Science et de la Technologie ou l'AQVIR d'autre part, nous pourrons, je pense bien, toucher à peu près toutes les zones qui ne sont pas touchées présentement. De là à dire qu'il ne restera jamais de zones grises, vous avez assez d'expérience pratique de la vie pour savoir qu'il y aura toujours quelques zones grises qui devront s'ajuster au fur et à mesure, selon la bonne volonté des gens. Mais, à l'heure actuelle, je peux vous garantir qu'à la fois au CRIQ et à la SDI, de même qu'au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, pour notre part -et je sais que c'est la même chose pour le ministre de la Science et de la Technologie -il y a toute la volonté pour bien identifier chacun des secteurs d'intervention et faire en sorte qu'il reste le moins possible de zones grises.

Mme Dougherty: M. le ministre, M. Biron, d'abord, j'aimerais vous remercier d'avoir consenti à venir ici ce soir. Nous avons voulu la présence directe du CRIQ et de la SDI; c'est cela que nous avons demandé en juin et c'est l'une des raisons pour lesquelles on a retiré le chapitre V, parce que tous les renseignements que nous avons eus nous ont dit qu'il y a, apparemment, dédoublement de fonctions. La question qui a été soulevée, c'est: Est-ce qu'on a vraiment besoin de l'agence? Selon les mémoires que nous avons reçus jusqu'à maintenant et ceux que nous allons entendre demain, cette question est soulevée par pratiquement tous les intervenants. Vous avez parlé tout à l'heure de la question du capital de risque. Est-ce que c'est là la fonction unique de l'agence? Si on examine l'article 17 qui définit les fonctions et les pouvoirs de l'agence, le seul besoin qui est soulevé par pratiquement tout le monde est le besoin d'augmenter les ressources financières. Est-ce la contribution possible, potentielle, financière? Est-ce là la fonction de l'agence qui la distingue du CRIQ? On parle aussi, naturellement, de la SDI. Voudriez-vous préciser ce point? Naturellement, tout le monde ici et nous, de notre formation politique, ne sommes pas contre, nous sommes pour une meilleure valorisation de la recherche industrielle. Il n'y a pas de doute là-dessus.

Avons-nous vraiment besoin de cette agence? S'il y a vraiment des carences dans le réseau des services qui existent à l'heure actuelle, est-ce l'agence qui pourra combler les carences ou si on doit concevoir l'agence d'une façon différente, peut-être en mettant l'accent sur sa capacité financière?

M. Biron: La réponse est oui, nous avons besoin de l'agence, non pas simplement pour des capitaux de risque, mais d'abord, comme je l'ai dit tout à l'heure, pour promouvoir les projets et les possibilités différentes. À l'heure actuelle, ce n'est ni le CRIQ, ni la SDI, ni le ministère de l'Industrie et du Commerce qui a cette responsabilité. Si nous sommes un peu plus passifs dans ce sens, c'est que nous attendons que des gens, des industriels viennent nous voir avec des projets, avec des inventaires.

La première étape pour faire la promotion, pour encourager les gens à en faire plus, jusqu'à présent, nous n'y avons pas touché. Je ne crois pas que ce soit de notre responsabilité maintenant que le ministère de la Science et de la Technologie existe; avec l'agence, c'est une première responsabilité. Une fois que les projets arrivent en grand nombre pour une analyse technique sommaire et un peu plus élaborée, nous allons étudier les dossiers et essayer de sélectionner les projets dans lesquels les entreprises vont s'impliquer financièrement pour une partie. Le CRIQ va s'impliquer pour une autre partie. À mesure que le projet va évoluer dans son analyse, la SDI pourrait s'impliquer aussi pour l'autre partie, mais toujours lorsque l'entreprise ou l'individu va s'impliquer lui aussi financièrement.

Prenons l'exemple d'un projet qui a été développé par un individu ou par une entreprise, qui a été déclaré comme étant un excellent projet par le CRIQ alors que l'individu ou l'entreprise n'a pas les moyens financiers de payer sa part du développement du projet. Le CRIQ n'a pas le mandat d'y aller à 100%. C'est là qu'on va demander à l'agence d'intervenir parce qu'il y a un risque financier plus grand que le risque normal qui doit être pris par le CRIQ et la

SDI.

Je disais tout à l'heure: Nous sommes un peu à l'image des entreprises. Il faut prendre certains risques, mais on n'a pas le droit d'aller au-delà d'une certaine limite. À ce point de vue, lorsque le risque sera plus grand - capital de risque mais aussi ressources financières pour une subvention à l'entreprise - je pense que ce sera le rôle de l'agence de porter un jugement sur la qualité du projet ou du produit et sur la capacité de l'entreprise, et éventuellement de la développer. Alors l'agence pourra dire: Je comble cette place qui n'est remplie par personne à l'heure actuelle et je prends le risque au nom de la collectivité. Nous n'avons pas le droit de risquer jusqu'à... Jusqu'à un certain point, oui mais pas au-delà et dans ce sens, lorsque l'entreprise ne met jamais rien, le CRIQ n'a pas le droit d'aller plus loin ni la SDI d'ailleurs.

Mme Dougherty: II y a peut-être une autre façon de résoudre le problème et c'est d'élargir, d'adapter le mandat du CRIQ. Ce n'est pas une suggestion personnelle, c'est une suggestion qui a été faite par plusieurs autres organismes.

M. Biron: Non. Je trouve qu'il faut s'arrêter à la suggestion que vous faites. En tout cas je me suis arrêté à cette suggestion en disant: Est-ce possible qu'on élargisse le mandat du CRIQ et de la SDI là-dessus? Je pense que cela valait la peine de regarder cette suggestion possible. Finalement je suis revenu au principe de base du CRIQ et de la SDI qui est d'être au service de l'entreprise et d'accompagner l'entreprise.

Si on disait à la SDI et au CRIQ: Dorénavant vous allez prendre plus de risques, je crois que ces deux organismes ne seraient pas à l'image de l'entreprise qui doit prendre certains risques mais pas au-delà. Cela ferait que dans à peu près tous les domaines on prendrait certains risques parce que lorsqu'on trace une ligne donnée on la trace pour tous les domaines. Je l'ai tracée jusqu'à une certaine limite pour tous les domaines; au-delà de cela vous n'avez pas le droit d'aller là. Il y a certains domaines où il faut aller beaucoup plus loin, certains projets pour lesquels il faut faire un jugement de valeur et aller plus loin, d'autres projet pour lesquels il ne faut pas aller plus loin.

Je crois que dans ce domaine en particulier ce sera à l'agence de porter un jugement de valeur et de dire à l'entreprise: Cela coûte 50 000 $ pour développer ce produit; le CRIQ est prêt à aller jusqu'à 25 000 $. Vous n'avez pas les moyens financiers d'aller plus loin et personne ne veut vous subventionner. Nous jugeons que c'est bon. Ce projet, avec le jugement de valeur de l'agence, nous allons vous aider à le développer.

C'est sûr que ce seront des jugements de valeur tout le long, mais je crois que, dans ce sens-là, j'aime mieux confier cela à un organisme tel que l'agence qui sera spécialisée à porter des jugements de valeur sur certains produits, sur certains projets, de le faire et de porter ledit jugement en laissant le CRIQ et la SDI développer normalement leurs relations avec l'entreprise. Nous faisons affaires avec plusieurs entreprises. Il serait difficile pour nous de dire à une entreprise ou à un projet donné: On te bloque, quand l'autre à côté, qui est semblable, dit: Non, celui-là, on le continue. Dans ce sens-là, ce sera à l'agence à porter le jugement de valeur et le jugement régulier sera porté par le CRIQ et la SDI.

Mme Dougherty: D'accord. Je pose la même question dans une autre optique, l'expérience de l'ANVAR. Le ministre de la Science et de la Technologie a parlé de l'ANVAR en France et de l'autre agence en Grande-Bretagne qui s'appelle The National Research...

M. Paquette: NRDC, National Research and Development Corporation.

Mme Dougherty: D'accord. En France, l'ANVAR est sous la tutelle du ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Paquette: ...

Mme Dougherty: Oui, je le sais parce que j'ai tous les documents ici.

M. Paquette: M. le Président, comme c'est une question de fait simplement, je voudrais répondre qu'il y a à peu près deux ans, le gouvernement français a d'abord créé un ministère de la Recherche qui était responsable de l'ANVAR et, par la suite, le ministère de la Recherche, l'équivalent du ministère de la Science et de la Technologie ici, a fusionné avec le ministère de l'Industrie. Le ministère s'appelle maintenant le ministère de la Recherche et de l'Industrie. C'est peut-être l'inverse, le ministère de l'Industrie et de la Recherche. À ce moment-là, l'ANVAR était initialement sous la responsabilité du ministère de la Recherche là-bas, mais, depuis la fusion des deux ministères, cela relève du ministère de l'Industrie et de la Recherche.

Mme Dougherty: C'est sous la tutelle du ministre de l'Industrie selon mes documents.

M. Biron: Si vous me posez une question...

Mme Dougherty: Ce n'est pas une

grosse question.

M. Biron: ...là-dessus, selon mon choix, je crois que l'AQVIR doit relever du ministre de la Science et de la Technologie.

Mme Dougherty: Non, ce n'est pas important.

M. Biron: À moins que vous ne vouliez absolument me charger de beaucoup d'autres responsabilités, mais je crois que j'ai assez de responsabilités dans le moment.

M. Ciaccia: Vous en avez de moins en moins après ce que le gouvernement vous fait. Entre le ministre de la Science et de la Technologie, entre le ministre du Commerce extérieur, entre le ministre des Affaires intergouvernementales, il ne vous restera plus rien à faire. Faites attention, là! On veut ici protéger vos intérêts, M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Biron: Vous devriez essayer de protéger ma santé et me faire travailler à des heures un peu plus régulières.

Mme Dougherty: Mais le problème, ce n'est pas essentiel à ma question, d'accord? Sous la tutelle de qui... Cela n'a rien à voir avec ma question. Comme vous avez soulevé la question de l'ANVAR - ma question pourrait même toucher l'expérience en Grande-Bretagne - en France, si je comprends bien, il n'y avait pas de CRIQ. Depuis que l'ANVAR a été créée, même avec toutes ses transformations récentes, il y a une agence qui, apparemment, agit maintenant comme agence de financement surtout, si je comprends bien, d'une façon raisonnable avec un succès raisonnable, d'accord. Si l'agence dont nous parlons ici dans le projet de loi est modelée sur l'ANVAR, en France, où il n'y a pas deux agences, deux organismes, pourquoi ici, au Québec, deux organismes? Est-ce que ma question est claire? Apparemment, on a réussi avec un organisme, en France.

M. Biron: Je vous dis exactement ce que je ressens comme besoin, une fois qu'on a défini le rôle du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, particulièrement de l'industrie vis-à-vis le développement de nouveaux produits, de nouveaux projets, de nouvelles possibilités: le financement et l'aide au financement des entrepises. Une fois qu'on a défini exactement le rôle, je dis: Oui, on a besoin d'une autre structure; on a besoin d'une agence de valorisation. Cette agence, en définissant le rôle du ministre de la Science et de la Technologie - dans le fond, ce n'est pas la même chose au Québec qu'en Ontario ou au Nouveau-Brunswick ou au Canada, en

France ou ailleurs, je pense que chaque gouvernement définit lui-même ses propres besoins. Une fois que les besoins du gouvernement ou de la collectivité qu'il représente sont définis, c'est au premier ministre à nommer les différents ministres et à définir leurs responsabilités. (21 heures)

Je trouve qu'au Québec, c'est assez bien divisé et surtout à un moment précis de l'histoire où il faut faire beaucoup de développement économique et technologique. Dans ce sens, on a besoin de toutes les forces vives du milieu et du gouvernement. La présence d'un ministre responsable consacré à temps plein au développement technologique peut aider les entreprises québécoises, la collectivité québécoise à aller dans ce sens et à aller dans le bon sens. C'est juste et normal dans ce sens, dans cette théorie que l'AQVIR relève du ministre responsable de la Science et de la Technologie.

M. Paquette: Si vous permettez, simplement une question de fond. En fait, il est faux de dire qu'en France il n'existe pas d'organisme analogue au CRIQ. Il y en a plusieurs qui ont le mandat de faire de la recherche appliquée au service des entreprises, de faire du développement technologique, voire d'assurer des services de transferts technologiques dans les entreprises. Il y a CNRS, INSA, CNEXO, dans le domaine de l'exploration spatiale et CNET, dans le domaine de la télécommunication. CNRS est peut-être celui qui pourrait ressembler le plus au rôle du CRIQ face aux entreprises. Ils se sont donné une agence de valorisation industrielle, depuis 30 ans. Question de fait, également, la Colombie britannique étudie un projet analogue actuellement. En Ontario aussi. Ce n'est pas quelque chose de particulier. Comme dit mon collègue de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, il faut regarder à l'intérieur du Québec les besoins et ne pas trop copier sur les structures étrangères tout en se disant: Cette idée de la valorisation industrielle de la recherche, on n'est pas les premiers à l'avoir non plus. Il y a d'autres pays qui se sont engagés là-dedans bien avant nous.

Mme Dougherty: Une autre question et je vais laisser à mon collègue de Mont-Royal poursuivre cette question de dédoublement de fonctions. Pouvez-vous nous dire quel est le taux de succès des projets sur lesquels le CRIQ travaille? J'ai vu les chiffres. J'ai quelques chiffres ici. Est-ce que vous avez des renseignements précis sur tous les projets acceptés par le CRIQ? Quel est le taux de succès? Quel pourcentage arrive au point où ils sont "commercialized" par l'industrie privée?

M. Biron: Je ne pourrais pas répondre à cette question. Je n'ai malheureusement pas avec moi les chiffres précis là-dessus, mais des demandes d'analyses sommaires de projets, il y en a à peu près 1000 par année. Il y en a quelques dizaines de retenues à la fin pour toutes sortes de raisons. La moitié, d'abord, est éliminée au départ, parce que déjà cela a été trouvé ailleurs ou ce n'est pas réalisable. Après cela, c'est un manque de financement souvent de l'inventeur ou de l'entreprise ou tout simplement les gens décident de mettre le projet de côté temporairement. Cela se termine à quelques dizaines au bout de la piste. C'est tout à fait normal. C'est normal qu'il y ait un tamis tout le long qui fait en sorte qu'on retienne les meilleurs. Notre tamis est assez serré compte tenu de nos préoccupations de développement industriel alors que le tamis employé par l'AQVIR sera peut-être un petit peu plus ouvert dans certains secteurs d'activité jugés prioritaires par le gouvernement.

Mme Dougherty: Est-ce que vous avez l'impression qu'il y a beaucoup de projets prometteurs qui n'arrivent pas aux portes du CRIQ, d'une façon ou de l'autre?

M. Biron: Oui, il y a beaucoup de projets prometteurs qui n'arrivent pas au CRIQ, qui peuvent être développés ailleurs dans d'autres institutions ou directement par l'entreprise. À travers les projets prometteurs...

Mme Dougherty: Les projets qui restent sur les tablettes à cause d'un manque d'information, d'un manque de je ne sais quoi, d'un manque de motivation de l'inventeur...

M. Biron: II y en a beaucoup... Mme Dougherty: ...du recherchiste.

M. Biron: J'ai l'impression qu'il y en a beaucoup. Je pense à certains projets qu'on a fait avancer au CRIQ jusqu'à une limite de dépense d'argent et qu'on n'a pas pu poursuivre, on a tout simplement arrêté. Nous sommes persuadés que ce sont de bons projets mais l'entreprise n'a pas d'argent pour aller plus loin et on ne peut pas mettre 100% de la part du CRIQ. On est moralement ou techniquement persuadés que cela va plus loin mais on n'a pas encore l'assurance nécessaire. Si on pouvait bénéficier de budgets additionnels par un organisme qui serait habilité à prendre de plus grands risques, possiblement qu'on pourrait développer de nombreux autres projets.

Mme Dougherty: Ce n'est pas la fonction du CRIQ d'aller chercher l'argent, le capital de risque pour compléter le...

M. Biron: Ce n'est pas la fonction du CRIQ d'investir des capitaux de risque pour compléter...

Mme Dougherty: Non, non, mais d'aller chercher ailleurs dans les sociétés d'État ou...

M. Biron: Non, ce n'est pas la fonction du CRIQ. Bien sûr que le CRIQ doit faire certaines recommandations aux entreprises. On a un nouveau programme avec la SDI, recherche et développement. La SDI peut aller jusqu'à un certain point aussi, mais la plupart du temps l'entreprise n'a plus de moyens financiers du tout. Il faut porter un jugement sur le produit ou sur le projet avant d'aller plus loin parce que là, c'est la participation de l'État à 100%.

Mme Dougherty: Qu'est-ce qui vous amène à penser que l'agence aura plus de succès à cet égard?

M. Biron: Ce sera son rôle, dans le fond, de porter un jugement de valeur, comme je le disais tout à l'heure, sur certains produits ou sur certaines priorités. Si on dit qu'on veut plus développer les projets dans le domaine de l'électronique, pour une période donnée...

Mme Dougherty: Mais, je parle de cette étape critique; une fois qu'un projet est reconnu prometteur, avec des possibilités de commercialisation, pourquoi l'agence aura-t-elle le pouvoir d'attirer ou de trouver le capital pour financer la dernière étape? Qu'est-ce qui vous amène à penser que l'agence aura plus de succès dans cette étape critique?

M. Biron: À l'agence, il y aura des gens spécialisés dans des projets vraiment très risqués qui pourront porter un jugement là-dessus et aider les entreprises ou les inventeurs à développer ce projet et cela, avec des sommes d'argent importantes. Si nous avions ces sommes d'argent, il faudrait les mettre tout le long de l'échelle et finalement cela en ferait très peu dans de bons projets de risque. Il faut quand même normer nos interventions. Dans ce sens-là, il y aura beaucoup moins de normes à l'agence mais ce seront des gens spécialisés dans ce domaine-là. Si on veut faire du développement et reprendre le temps perdu -si on dit qu'on a perdu du temps au cours des siècles - je pense qu'il faut mettre les bouchées doubles et, dans ce sens-là, il faut avoir des gens spécialisés qui prendront certains risques.

Mme Dougherty: Dernière question et je vais laisser la parole à mon collègue. S'il y a plusieurs projets déjà évalués au CRIQ, est-ce que l'agence aura le pouvoir de "lift them from the table and do something useful with them"? À votre point de vue, l'agence, selon les fonctions définies dans le projet de loi, aura-t-elle la capacité d'acheminer ces projets?

M. Biron: Je crois que oui. Bien sûr, l'agence ne sera pas indépendante et toute seule dans son coin; elle devra parler au CRIQ, à la SDI, au ministère de l'Industrie et du Commerce et au ministère de la Science et de la Technologie. Alors, c'est tout ce monde qui souvent va référer certains projets à l'agence, des projets sur lesquels on ne peut pas prendre des risques plus loin; on est allé au maximum de nos capacités normées et on croit qu'il faudrait mettre encore un peu plus d'argent pour les développer. Souvent, on va recommander des projets à l'agence qui devra rendre un jugement et dire: Est-ce qu'on continue plus loin? C'est sûr que c'est pour cela qu'on parle de protocole d'entente entre les différents organismes.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci. M. le ministre, vous avez fait une affirmation tantôt selon laquelle le but ou un des objectifs, les cas où l'AQVIR va agir sont des cas où ni le CRIQ, ni la SDI ne peuvent risquer ou n'auront pas le droit de risquer. Pourriez-vous m'expliquer où l'AQVIR va avoir certains droits dans le projet de loi qui sont au-delà des droits du CRIQ ou de la SDI? Pourriez-vous me donner des exemples?

M. Biron: Le CRIQ et la SDI se sont disciplinés jusqu'à un certain point et notre règle de conduite est de prendre des risques lorsque l'entreprise veut prendre le risque ou est capable de prendre le risque avec nous. Je donnais l'exemple d'une entreprise qu'on a aidée, avec le CRIQ, pour faire de l'analyse biochimique dans les hôpitaux, des analyses de sang. Cette entreprise a été aidée, pour développer un produit, par le Conseil national de la recherche à Ottawa et par le CRIQ, mais on ne peut pas aller plus loin parce que l'entreprise aussi a investi de son argent et elle dit: Je ne peux pas aller plus loin, j'ai dépensé assez de mon argent. Nous, nous sommes tous persuadés, le fédéral est persuadé que cela a du bon sens, le CRIQ est persuadé que cela a du bon sens, l'entreprise aussi, mais, étant donné que l'entreprise ne peut pas mettre plus d'argent, nous disons: Nous sommes allés jusqu'à notre maximum, 500 000 $, je pense... M. Paquette: ...le maximum.

M. Biron: Alors, tout le monde est persuadé que c'est bon, mais cela prend d'autre argent.

M. Ciaccia: Mais, à part les 500 000 $, est-ce qu'il y a des différences? Vous avez un maximum de 500 000 $.

M. Biron: Je vous donne un exemple bien précis: 500 000 $ sur ce projet; cela peut être moins ailleurs sur d'autres projets, parce que l'entreprise aussi a mis de l'argent. Le CRIQ dit à l'entreprise: Si vous mettez plus d'argent, on va y aller, mais mettez-en. Et l'entreprise ne peut pas en mettre. Qu'est-ce qu'on fait? On laisse tomber le projet? Ou, tout simplement, on se retourne vers l'agence et on dit: Voudriez-vous étudier ce projet? Nous, tous ensemble, à la fois le Conseil national de la recherche à Ottawa, le CRIQ, sommes persuadés que c'est bon. Est-ce que vous voulez prendre le risque? C'est un exemple bien précis où l'agence va pouvoir intervenir et où le CRIQ, à cause des normes données au CRIQ au point de vue du risque, avec l'entreprise, ne peut pas aller plus loin.

M. Ciaccia: Dans les deux projets de loi, j'essaie de trouver les différences que vous venez de me soulever et j'ai de la difficulté à trouver ces restrictions. Par exemple, quand je lis la Loi sur la Société de développement industriel du Québec, quand je regarde les objectifs de la société, à l'article 2, elle a pour objet d'administrer des programmes d'aide financière pour accélérer le développement économique du Québec, notamment en favorisant le développement des entreprises, la technologie moderne et dynamique, la croissance des exportations et les activités de recherche et d'innovation. (21 h 15)

Si on continue plus loin, à l'article 7, il y a toute une gamme d'aide qui peut être accordée. Je n'arrive pas à trouver dans le projet de loi les normes de la société par directive du gouvernement. Cela, c'est une autre affaire. Dans le mandat ou les droits que la SDI a, il y a certaines restrictions, mais il ne semble pas y avoir les restrictions que vous avez mentionnées ou que vous essayez de distinguer. Vous essayez de trouver une distinction entre l'AQVIR, la SDI et le CRIQ. En lisant les projets de loi, je ne retrouve pas ces restrictions. Même dans le projet de loi de la SDI, cette aide peut être - je cite le projet de loi, à l'article e) - une forme d'aide définie par le règlement. Autrement dit, vous vous donnez toutes les ouvertures possibles. Et, vous avez mentionné

tantôt que l'AQVIR va promouvoir, mais je ne vois pas l'exclusion de promouvoir des activités de recherche et d'innovation, soit dans le projet de loi de la SDI, soit dans les amendements du CRIQ. Alors, où sont ces distinctions?

M. Biron: La SDI et le CRIQ, à cause des budgets qui leur sont impartis, à cause des normes qu'on leur donne aussi pour dépenser ces budgets, doivent intervenir, peuvent intervenir, lorsque l'entreprise ou un individu, dans le cas d'un développement par le CRIQ, est prêt lui aussi ou elle aussi à y aller de ses deniers. Jamais...

M. Ciaccia: Ce sont les normes que vous, que le gouvernement...

M. Biron: Donne à la SDI...

M. Ciaccia: ...donne. Ce ne sont pas des...

M. Biron: ...parce que jamais...

M. Ciaccia: ...critères dans le projet de loi.

M. Biron: Jamais la SDI n'ira toute seule dans le développement d'un projet, jamais. Or, dans ce sens-là, l'AQVIR et le ministère de la Science et de la Technologie, leur responsabilité c'est de promouvoir des choses qui sont plus risquées dans lesquelles c'est fort possible que l'entreprise ne puisse plus y aller.

M. Ciaccia: Ce que vous nous dites et que peut-être le ministre pourrait confirmer: Est-ce que l'AQVIR va aller toute seule dans ces entreprises-là? Le ministre vient de nous dire que la SDI n'ira pas seule, mais que l'AQVIR va y aller toute seule. Est-ce que le ministre peut nous confirmer cela?

M. Paquette: M. le Président, je pense que c'est important de dire - mon collègue a été très clair là-dessus - que vous ne pouvez pas demander à un organisme comme la SDI qui attend que les entreprises viennent frapper à sa porte pour avoir de l'aide, parfois pour l'exportation, parfois pour la recherche-développement, dans une optique intégrée aussi, parce que la SDI peut se donner une vision d'ensemble de toutes les fonctions de l'entreprise, doit nécessairement se donner des normes. Il y a une question d'équité. Si toutes les entreprises - et la SDI est définie comme cela en vertu de son mandat - peuvent frapper à la porte de la SDI pour avoir de l'aide, il faut que la SDI se donne des programmes normés. Vous regardez chacun des programmes de la SDI, c'est public, les normes et critères de programmes. Alors, il arrive un projet qui n'entre pas dans les normes. La SDI ne peut pas agir de façon discriminatoire face à ce projet-là par rapport à ceux qu'elle a peut-être reçus de d'autres entreprises, d'une part. Voilà un projet qui va pouvoir être assumé par l'AQVIR, s'il est intéressant, s'il est prometteur, s'il a été évalué comme offrant des chances de succès sur le plan de la commercialisation. Il y a aussi le cas de tous les projets qui n'iront pas à la SDI. Un inventeur, une équipe universitaire, un ministère qui a un brevet sur la tablette, n'iront pas à la SDI parce que la SDI travaille avec des entreprises. Je pense qu'il y a un champ d'intervention très différent, sauf qu'on a un protocole d'entente entre le ministère et la SDI. Quand la SDI peut financer, elle finance en priorité, elle a priorité de financement.

M. Ciaccia: ...

M. Paquette: Ces cas-là, lorsqu'il s'agit de projets de haute technologie, se présentent assez rarement parce que ce sont toujours des secteurs innovateurs; ce sont toujours des secteurs risqués. Ce sont souvent des secteurs où le ou les promoteurs viennent de quitter une entreprise dans le but de fonder la leur ou encore ce sont des équipes universitaires. Ce n'est pas du tout la même dynamique. On ne peut pas demander à la SDI d'être à la fois une espèce de banquier universel qui appuie des projets que les entreprises lui soumettent et, en même temps, être une espèce d'agence qui catalyserait du capital de risque sur certains projets plutôt que d'autres. On ne peut pas lui demander de faire les deux; cela va être de la schizophrénie à l'intérieur de cette boîte-là.

M. Ciaccia: M. le ministre, je ne parle pas strictement de la SDI.

M. Paquette: II faut les prendre une par une.

M. Ciaccia: La SDI plus le CRIQ. Vous oubliez le CRIQ.

M. Paquette: C'est un par un. Je veux dire...

M. Ciaccia: Un instantl II faut parler de ces deux organismes ensemble. On ne peut pas les séparer. L'un est le complément de l'autre. Le CRIQ peut recevoir...

M. Paquette: Le CRIQ n'est pas un organisme de financement; c'est bien évident de par sa loi.

M. Ciaccia: Laissez-moi finir. Le CRIQ, d'après sa loi, peut placer ses fonds de toute manière jugée appropriée, soit en son nom ou

au nom de fiduciaires. Je suis d'accord pour dire que ce n'est pas un organisme de financement. Si on prend le CRIQ et la SDI, les deux ensemble semblent contenir tous les éléments nécessaires, premièrement, pour promouvoir l'innovation, pour la mise en application, pour la commercialisation, pour tout.

J'essaie de comprendre les distinctions que le ministre de l'Industrie et du Commerce essaie de faire entre l'AQVIR et une combinaison du CRIQ et de la SDI et je ne peux pas trouver de distinctions. Il aurait même été bon que le ministre soit présent aujourd'hui durant la présentation des différents intervenants. Même eux, ceux de l'École polytechnique, les intervenants, n'ont pas trouvé...

M. Paquette: M. le Président, trois mémoires sont favorables au projet de loi.

M. Ciaccia: Un instant, laissez-moi finir.

M. Paquette: Le député essaie de leur faire dire ce qu'il veut.

M. Ciaccia: Laissez-moi finir. Ils sont favorables au projet de loi...

M. Paquette: C'est ce qu'il a fait tout au long de la journée.

M. Ciaccia: ...avec les amendements et les changements nécessaires à un genre de coordination pour utiliser le CRIQ, pour utiliser la SDI, pour utiliser l'École polytechnique. Ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce vient de nous dire, c'est complètement le contraire de ce que les intervenants nous ont dit aujourd'hui.

M. Biron: M. le Président, ce n'est pas vrai!

M. Ciaccia: II veut essayer de nous dire que l'AQVIR va faire quelque chose...

M. Biron: Question de règlement, M. le Président.

M. Ciaccia: Laissez-moi finir.

Le Président (M. Brouillet): Question de règlement.

M. Biron: Je ne veux pas que le député de Mont-Royal me fasse dire le contraire de ce que j'ai dit.

M. Ciaccia: Non, pas du tout.

M. Biron: J'ai dit qu'il y aurait un protocole d'entente entre l'AQVIR, le CRIQ et la SDI, exactement dans le même sens qu'on l'a entendu aujourd'hui de la part des différents intervenants. Alors, ne me faites pas dire le contraire.

M. Ciaccia: Vous avez dit que l'AQVIR va pouvoir agir dans des cas où ni le CRIQ ni la SDI ne peuvent agir. Vous semblez faire une distinction entre les pouvoirs, les mandats, la loi qui a créé le CRIQ et la SDI et le projet de loi actuel. Je vous dis très respectueusement qu'il n'y a pas de distinction. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas une nécessité d'avoir des fonds additionnels, d'avoir des structures additionnelles qui vont alimenter le CRIQ et la SDI.

Par exemple, vous essayez de faire la distinction entre le CRIQ et l'AQVIR. Dans le rapport annuel du CRIQ, de 1981-1982, on lit, à la page 8: "Le Centre de recherche industrielle du Québec, le CRIQ, est une société d'État dont la principale mission est de favoriser l'essor économique du Québec en soutenant et en stimulant le développement technologie de ses entreprises manufacturières, principalement celles de petite et de moyenne envergure".

Dans la brochure qui a été préparée par le ministre de la Science et de la Technologie, on retrouve presque ces mêmes mots, textuellement. Par exemple, parlant de l'AQVIR, on lit: "Elle sera un outil de stimulation et d'appui au développement technologique et scientifique dans la structure industrielle québécoise." Quand on parle des deux missions, l'élément clé d'une politique d'innovation et la mission du CRIQ, d'après l'aveu même du ministre de la Science et de la Technologie...

M. Paquette: II y a 16 autres pages dans la brochure.

M. Ciaccia: ... un instant! D'après les commentaires du président-directeur général, c'est la même chose.

M. Biron: M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: Montrez-moi où il y a une différence.

M. Biron: ...vous ne pouvez pas empêcher le gouvernement du Québec d'agir lorsqu'il décide de faire plus pour le développement technologique. Ce que je dis depuis le début - mon collègue l'a dit aussi -c'est que le CRIQ et la SDI feront un petit bout de chemin lorsque les entreprises voudront faire un bout de chemin avec nous. On est quand même limité dans les risques à prendre. Ce n'est pas notre responsabilité de pousser plus loin ou de faire la promotion du développement technologique des projets, ce sera la responsabilité de l'AQVIR. À l'époque, lorsque le président du CRIQ a

écrit cet article il n'y avait pas de ministère de la Science et de la Technologie; il y avait des zones grises quelque part qui étaient couvertes du mieux possible, mais maintenant on a un ministère et on aura un organisme voué en totalité au développement technologique. La totalité de son temps va passer là-dessus. Je pense qu'on a une chance de développer davantage le Québec. Vous ne pouvez pas nous reprocher de vouloir développer davantage le Québec?

M. Ciaccia: Écoutez, ne faites pas de la démagogie. On essaie de voir la distinction entre vos projets de loi. Je ne veux pas empêcher le développement. C'est pour cela que j'essaie de faire cette distinction parce que je vois une contradiction flagrante et peut-être des conflits d'intérêts entre les deux ministères. On en avait entre vous et le ministre du Commerce extérieur et Dieu sait que ces conflits d'intérêts ne sont pas encore résolus.

M. Biron: M. le Président, question de règlement. Question de règlement.

M. Ciaccia: Et on voudrait éviter les mêmes conflits d'intérêts...

M. Biron: Question de règlement, M. le Président. M. le Président.

M. Ciaccia: ...entre le ministre de la Science et de la Technologie et vous-même.

M. Biron: M. le Président, question de règlement.

M. Paquette: Vous ne détestez pas voir des choses comme cela. Dites-le.

M. Biron: Je pense que...

M. Ciaccia: On veut essayer d'éviter cela.

M. Biron: Je pense qu'il n'y a pas et qu'il n'y a jamais eu de conflits d'intérêts. On s'est très bien entendu avec le ministre du Commerce extérieur et, chaque fois que vous entendez le ministre du Commerce extérieur parler de ses relations avec le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, on comprend que les relations ont été excellentes. On a signé ensemble un protocole d'entente qui permet au ministre du Commerce extérieur de faire le développement des exportations du Québec à temps plein. Je trouve cela extraordinaire. On est ensemble et c'est la même chose, avec le ministre de la Science et de la Technologie - à développer des protocoles d'entente.

M. Ciaccia: Vous allez signer des protocoles d'entente entre vous-mêmes. C'est intéressant. Qui sera le grand responsable de l'élaboration et de l'application de la stratégie de développement technologique du Québec? On voudrait savoir. Est-ce que ce sera le ministre de l'Industrie et du Commerce? Quand vous dites que l'AQVIR va promouvoir et que le CRIQ et la SDI n'ont pas ce mandat, est-ce que ce n'est pas le mandat général du ministre de l'Industrie et du Commerce de promouvoir l'industrie au Québec? Cela ne tombe pas dans...

M. Biron: C'est de promouvoir l'industrie au Québec. Vous nous parlez de développement technologique; on a une orientation globale qui a été donnée au développement au Québec avec le virage technologique, et c'est la responsabilité du ministre de la Science et de la Technologie de suivre les implications de cette orientation globale, de suivre les actions à poser par le gouvernement ou les différents ministères. Je crois que c'est tout à fait normal qu'on accepte la présence d'un ministre qui veut se dévouer complètement en tout temps au développement scientifique et technologique.

M. Ciaccia: On a approuvé le projet de loi 19 créant le ministère de la Science et de la Technologie. Ce n'est pas là le problème. Le problème c'est dans le rôle, le mandat, d'après le projet de loi, qu'on veut accorder à l'AQVIR et le rôle, le mandat, les pouvoirs qui existent déjà dans le CRIQ et dans la SDI. On veut bien prendre votre parole et dire: II y a des différences dans les rôles. Mais, à la lecture des trois projets de loi, ceux de l'AQVIR, de la SDI et du CRIQ, cette différence que vous nous démontrez n'est pas si apparente que cela. Le fait demeure qu'il y a plusieurs amendements qui ont été suggérés par les intervenants aujourd'hui, justement parce que le projet de loi semble aller au-delà même des représentations que le ministre a faites dans sa brochure. C'est la seule chose qu'on vous dit et peut-être que cela aurait été beaucoup plus efficace et que cela aurait évité le genre de discussion que nous avons maintenant si on avait pu poser des questions aux dirigeants du CRIQ et de la SDI. Si ce n'est pas le ministre de l'Industrie et du Commerce qui vous avait fait ces représentations... J'ai parlé hier à ma collègue la députée de Jacques-Cartier qui m'a assuré que c'était entendu, il y a une semaine ou plus, que les représentants du CRIQ et de la SDI seraient ici et cela a été changé à la dernière minute, dans les derniers ...

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, vous avez le ministre responsable du CRIQ et de la SDI qui peut répondre à vos

questions là-dessus.

M. Ciaccia: Oui, avec...

M. Biron: Quant aux ouvertures possibles vis-à-vis des amendements à apporter, mon collègue, à l'image du gouvernement du Québec, a fait part de beaucoup de flexibilité pour recevoir tous les amendements qui auraient du bon sens. (21 h 30)

M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas éterniser le débat sur les propos du ministre mais il est clair dans mon esprit, à la lecture du projet de loi, que les distinctions que le ministre de l'Industrie et du Commerce semble vouloir faire entre l'AQVIR, le CFUQ et la 5DI n'existent pas. Je comprends que la solidarité ministérielle existe. Vous n'êtes pas pour venir ici et commencer à critiquer un projet de loi de votre collègue. Je ne sais même pas pourquoi on vous a accepté. C'est parce qu'on est très poli et qu'on veut vous poser des questions, mais on ne s'attendait vraiment pas à recevoir plus d'informations que celles qu'on a reçues. C'est pour cela qu'on avait demandé d'avoir des représentants du CRIQ et de la SDI qui sont des organismes qui pourraient mieux nous éclairer sur leurs fonctions, sur les dossiers qu'ils ont et qui pourraient même nous expliquer le rapport annuel qu'ils nous ont présenté, pour voir exactement s'il y a chevauchement et s'il y a dédoublement de fonctions. Ce ne sera pas plus efficace pour la recherche et pour la supposée valorisation industrielle de la recherche s'il y a des conflits entre les organismes de votre ministère et celui qu'on essaie de créer aujourd'hui. Cela n'avancera pas l'économie du Québec.

M. Biron: M. le Président, je note que le député de Mont-Royal me donne congé par ses propos. Deuxièmement, je peux l'assurer qu'il n'y aura pas de conflit entre les organismes relevant du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et ceux relevant de mon collègue, le ministre de la Science et de la Technologie.

M. Ciaccia: II peut y avoir des chevauchements, des déboublements de fonctions et, comme certains intervenants l'ont souligné, s'il y a des dédoublements de fonctions, cela n'aide pas le type qui cherche l'aide gouvernementale soit dans la recherche scientifique ou dans la recherche technologique, qui a besoin de l'aide gouvernementale, parce qu'il ne saura pas où se tourner. C'est pour cela que le projet de loi doit être rédigé de façon claire et sans ambiguïté parce que autrement les conflits existent.

Je regarde la brochure du ministre. Le projet de loi a été déposé, je ne sais pas s'il y a un conflit dans la date du dépôt de votre brochure. C'est le premier trimestre de 1983. On est au mois de septembre et on vient d'en avoir une copie.

M. Paquette: II a été déposé en juin à l'Assemblée nationale.

M. Ciaccia: Ce n'est pas le premier trimestre. Est-ce que vous aviez écrit votre brochure avant d'avoir rédigé le projet de loi?

M. Paquette: Non, on l'a écrite cet été, au cours des belles journées du mois d'août.

M. Ciaccia: Est-ce une erreur de dire que le dépôt légal de ce projet a été le premier trimestre?

M. Paquette: Oui. Vous avez le sens de l'observation.

Mme Dougherty: Je ne sais pas si vous êtes au courant, M. le ministre, des activités du CIIM.

M. Biron: Oui.

Mme Dougherty: L'Université de Montréal, c'est rattaché d'une façon un peu indirecte. Ce que nous essayons de faire, c'est d'évaluer l'efficacité de l'ensemble du réseau. Je ne parle pas uniquement du réseau public. Il ne faut pas avoir toutes les ressources nécessaires dans le réseau de l'État. Si j'accepte qu'il y a peut-être une carence dans les fonctions du CRIQ que vous avez décrites, qui pourraient être comblées par l'agence, on doit examiner les fonctions du CIIM parce que je crois que ses fonctions sont plus larges. J'ai ici un document du CIIM qui décrit ses fonctions. On parle ici de développement d'entreprises technologiques, d'étude de marketing, de préparation et de négociation des licences d'exploitation ou de distribution au niveau national ou international, de préparation du plan de financement, de la recherche de capitaux de risque, de la préparation de plans d'affaires, de la préparation d'une stratégie d'entreprises, du transfert de technologies. Donc, si ces services n'existent pas au CRIQ, ils existent au CIIM, d'accord? C'est là le problème. Entre tous ces organismes, il nous semble que les services existent. Donc, notre question est: pourquoi l'agence et la question de promotion - je n'ai pas encore lu cela ce soir - mais même dans les fonctions de CIIM, on s'occupe aussi...

Une voix: ...de formation et tout cela. Mme Dougherty: ...Oui aussi. Mais on

parle de la promotion et on dit: "cherche les inventions et les idées à promouvoir." Donc, entre le CRIQ, la SDI et le CIIM, il y a peut-être d'autres organismes dont nous n'avons pas parlé encore.... Notre question de fond, c'est: est-ce qu'on a ici, parmi tous ces organismes, un réseau assez complet pour faire cette valorisation et combler tout le processus de valorisation entre l'idée et la commercialisation. Même si les ressources sont inadéquates, l'ensemble de leurs mandats, théoriquement peut-être, sont là. On doit peut-être considérer l'élargissement et une meilleure concertation entre toutes ces ressources qui existent déjà au lieu de créer une autre agence qui coûte cher et qui aura un budget de subventions. Vous avez parlé de 10 000 000 $. Est-ce qu'il vaut mieux consacrer ces 10 000 000 $ pour améliorer l'efficacité des agences et des organismes qui existent au lieu de créer un autre organisme? C'est là notre question.

M. Paquette: II y a juste une petite chose avant que la députée aille plus loin. Ce n'est pas 10 000 000 $ de budget de fonctionnement...

Mme Dougherty: ...un budget d'investissement...

M. Paquette: Oui, qui sera injecté dans des projets.

Mme Dougherty: C'est cela.

M. Paquette: C'est très différent.

Mme Dougherty: 1 000 000 $ de fonctionnement et 10 000 000 $ de subventions.

M. Paquette: Environ.

Mme Dougherty: D'accord. C'est là notre question.

M. Biron: Excusez-moi, Mme la députée. Je suis prêt à répondre en ce qui concerne les relations entre l'AQVIR, la SDI et le CRIQ parce que la SDI et le CRIQ relèvent de ma juridiction. Quant à votre question précise concernant les relations entre l'AQVIR et le CIIM, je crois que mon collègue, responsable de l'AQVIR, pourra mieux répondre.

M. Ciaccia: Vous semblez faire une distinction entre la stimulation, la promotion et ce que le CRIQ fait. Comment expliquez-vous que dans le rapport annuel de CRIQ, on parle de stimuler - stimuler c'est promouvoir - et on parle aussi, comme le ministre de la Science et de la Technologie, d'un rôle de catalyseur. Le CRIQ se voit comme catalyseur, lui aussi. Si vous prenez les fonctions du CRIQ, je ne vois pas tellement la différence avec les fonctions de l'AQVIR.

M. Biron: Je répète que le CRIQ ne peut pas tout faire. Le CRIQ agit lorsque nos clients, les entreprises veulent agir avec nous. Dans ce sens, il y a certains risques additonnels à prendre que le CRIQ n'est pas autorisé à prendre.

M. Ciaccia: Selon vos normes, mais pas selon la loi.

M. Biron: Selon nos normes. M. Ciaccia: D'accord.

M. Paquette: M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M. Brouillet): ...de conclure peut-être, oui.

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais remercier mon collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, d'avoir pris une partie de son temps pour dialoguer avec les membres de la commission. J'aimerais aussi suggérer au député de Mont-Royal plutôt que de se baser sur un rapport du CRIQ qui date d'au moins deux ans d'examiner le plan quinquennal du CRIQ, je l'ai devant moi, d'examiner très précisément les champs d'expertise du CRIQ. Comme mon collègue le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme l'a souligné tout à l'heure, le CRIQ est un organisme au service du développement, principalement des petites et moyennes entreprises québécoises, il est un agent de développement technologique important. Il a pour but de développer ces points forts qui sont l'appui au développement technologique des petites et moyennes entreprises. Il y a tout un champ qui n'est pas couvert. Le CRIQ n'a pas de capital de risque. Toutes les innovations ne transigent pas pour le CRIQ. Il y en a beaucoup qui ne sont jamais soumises.

Le député de Mont-Royal parlait de dédoublement de programmes et tout cela. L'AQVIR n'ira pas s'offrir comme un nouveau guichet où il y a des programmes nommés. Ce n'est pas son rôle. L'AQVIR va partir d'innovations identifiées par le CRIQ, d'innovations identifiées au CIIM, d'autres identifiés dans les universités aux brevets des ministères. Elle va déterminer un certain nombre de projets de façon très sélective dont elle va suivre les différentes étapes par des mécanismes variés en faisant appel à l'expertise parfois du CRIQ, parfois à certains programmes de financement de la SDI pour certaines étapes du processus d'innovation. Elle va suivre les projets dans toutes les phases du processus d'innovation

faisant appel aux divers intervenants. Il n'y a pas de dédoublement. Quand vous disiez: II faudrait coordonner cela davantage. Nous disions: Oui, mais pas de façon abstraite. Il faut coordonner cela sur des projets prometteurs. C'est le rôle de l'AQVIR.

M. Ciaccia: Si ce que vous dites est exact, et je n'ai aucune raison d'en douter, cela va prendre des amendements substantiels à votre projet de loi.

M. Raquette: Pensez-vous?

M. Ciaccia: Oui. Non seulement moi, mais les intervenants d'aujourd'hui pensent la même chose.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 42)

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