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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le jeudi 6 juin 1974 - Vol. 15 N° 83

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales


Journal des débats

 

Commission permanente de la présidence du conseil,

de la constitution et des affaires intergouvemementales

Etude des crédits du ministère des Affaires intergouvemementales

Séance du jeudi 6 juin 1974

(Dix heures quinze minutes)

M. PICARD (président de la commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!

La commission parlementaire de la constitution et des affaires intergouvemementales continue ce matin l'étude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales. Pour la séance d'aujourd'hui, M. Houde (Limoilou) remplace M. Lacroix (Iles-de-la-Madeleine); M. Leduc (Taillon) remplace M. Bourassa (Mercier).

M. LEDUC: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Picard): J'aimerais faire remarquer aux membres que nous allons suspendre nos travaux à midi et aussi qu'au moment où je vous parle, cela fait approximativement huit heures que la commission siège. Comme vous le savez, la limite est de dix heures. Ce n'est pas obligatoire qu'elle soit respectée, mais cela fait huit heures que nous siégeons et nous n'en sommes qu'aux remarques préliminaires.

M. MORIN: Je voudrais, M. le Président, si vous me le permettez, vous faire observer que cette limite de dix heures n'a pas été appliquée dans aucune commission et que l'Opposition compte bien sur votre largeur de vue et votre attitude toujours favorable à la plus complète expression d'opinion des deux côtés de la Chambre, telle que vous l'avez constamment assurée jusqu'ici. Nous comptons bien, si c'est nécessaire, dépasser cette période de dix heures. Je ne crois pas que nous puissions compter terminer nos travaux ce matin en deux heures, mais nous avons déjà beaucoup de chemin de fait. Je peux assurer le président, en tout cas, et je pense qu'on s'en sera rendu compte de l'autre côté de cette table, que nous n'entendons pas perdre de temps. Nous voulons simplement aller au fond des dossiers pour autant que faire se peut, étant donné que le ministre se fait souvent évasif.

LE PRESIDENT (M. Picard): Je remercie le chef de l'Opposition de cette preuve de bonne collaboration qu'il veut nous donner, mais je dois lui faire remarquer qu'après la période de dix heures, il dépend du leader parlementaire de décider si oui ou non cette commission continuera à siéger.

M. MORIN: Sa largeur de vue proverbiale, M. le Président, nous donne d'avance l'assurance que nous pourrons continuer autant qu'il sera nécessaire.

LE PRESIDENT (M. Picard): Alors, sans perdre plus de temps, je cède la parole au chef de l'Opposition.

Remarques préliminaires (suite)

M. MORIN: Merci. Je voudrais aborder ce matin, M. le Président, d'autres domaines, toujours en poursuivant notre bilan des relations intergouvernementales.

Je voudrais commencer par celui des meuneries, ce qu'on appelle quelquefois dans certains coins du Québec des moulins à provende. Le ministre ne doutera pas que cela relève de la compétence de son ministère, parce qu'il a été question dans le passé, à plusieurs reprises, des bons offices des Affaires intergouvernementales dans ce domaine.

Bons offices auprès des ministères fédéraux concernés, bons offices en vue de tenter de résoudre le conflit de compétence qui oppose Québec et Ottawa à ce sujet. Je suis sûr qu'il y a de l'autre côté de la table plusieurs députés que ces questions vont intéresser. Cela fait dix ans, peut-être davantage — j'ai vu dans la correspondance des lettres qui remontent à l'année 1964, d'autres à 1966 — qui montrent que des représentations ont été faites par le Québec à plusieurs reprises pour tenter de faire respecter sa compétence dans ce domaine. Des promesses aussi dont je ferai état dans un instant, des promesses selon lesquelles le gouvernement québécois entendait prendre la défense des meuniers québécois devant l'envahissement progressif de la compétence fédérale.

M. le Président, c'est une intervention fédérale typique dans des questions québécoises. Typique, en ce sens que cette fois, nous affrontons ce qu'on appelle "une déclaration voulant que des ouvrages ou des entreprises sont à l'avantage général du Canada? Le ministre sait que je me réfère à un article bien particulier du British North America Act. Il sait que, dans une loi sur les blés, le gouvernement fédéral a déclaré que certains ouvrages ou entreprises étaient à l'avantage général du Canada. Or, à plusieurs reprises, le gouvernement du Québec a encouragé les meuneries québécoises à ne pas se soumettre au code fédéral du travail et à continuer de se soumettre aux lois québécoises. Le problème est le suivant: Ayant déclaré que certaines entreprises qui sont rattachées au commerce du blé sont à l'avantage général du Canada, celles-ci relèvent du pouvoir fédéral et seraient donc sujettes au code du travail fédéral, alors que le Québec a toujours prétendu que c'était là une extension de compétence injustifiée, on avait même promis...

Je pourrais peut-être citer un ou deux documents pour étayer mes dires. Dans une lettre du 12 août 1965, le directeur du service des normes du travail du ministère du même nom, à Ottawa, écrivait au président de l'Association professionnelle des meuniers du Québec ce qui suit: "Je crois comprendre que des renseignements sur le code du travail — il s'agit du code fédéral du travail — vous ont déjà été adressés, mais je vous fais tenir ci-joint, pour votre commodité, un nouvel exemplaire du code, de même qu'un exemplaire d'une brochure explicative.

Vous verrez, d'après l'article 3h), que le code s'applique à tout ouvrage ou entreprise que le Parlement déclare être à l'avantage général du Canada. En vertu du l'article 45 de la Loi sur la Commission canadienne du blé, toutes les meuneries, les moulins à provende, les entrepôts à provende et les établissements de nettoyage des graines sont déclarés être des entreprises à l'avantage général du Canada et, par conséquent, sont assujettis au code".

Voilà, dans une lettre très précise émanant...

M. LEVESQUE: Quelle date?

M. MORIN: Elle est du 12 août 1965 et signée H. S. Johnstone. Je disais à l'instant que, de son côté, le pouvoir québécois, le gouvernement québécois, a toujours encouragé les meuniers à tenir tête à ces directives d'Ottawa et je pourrais citer plusieurs lettres, j'en trouve justement une qui est particulièrement claire sur la question. Il s'agit d'une lettre de M. Réal Mireault, sous-ministre, du 31 octobre 1973, dans laquelle il est dit ceci notamment — il s'agit d'une lettre adressée au secrétaire général de l'Association professionnelle des meuniers du Québec. — "Nous tenons d'abord à vous assurer que le gouvernement du Québec entend bien contester l'intrusion du fédéral —j'aime beaucoup cette expression qui a le mérite d'être claire — l'intrusion du fédéral dans un domaine législatif qui relève des provinces.

M. LEVESQUE: Quelle date?

M. MORIN: Du 31 octobre 1973. Donc, "Bourassa regnante", dans un domaine législatif qui relève traditionnellement de l'autorité provinciale. Et ainsi de suite, le Québec devait inscrire la question des meuneries à l'ordre du jour de la conférence fédérale-provinciale des ministres du Travail qui s'est tenue à Ottawa, etc.

Je reviendrai là-dessus dans un instant.

M. LEVESQUE: La lettre est de M. Mireault.

M. MORIN: Oui, je le crois, mais je vais vérifier. Oui, elle est signée par M. Mireault. Je devrais peut-être citer un autre paragraphe qui est à la page 2 de cette lettre: "Compte tenu de l'entente intervenue lors de la conférence qui devait avoir lieu en mai 1973, entre les deux niveaux de gouvernement, nous sommes d'avis que l'attitude présente du gouvernement fédéral ne vise qu'à tenter de gagner du terrain en vue des négociations futures". Je pense que cela peut peut-être éclairer le débat qui va suivre. "Ce qui est le plus frappant, dans cet échange de correspondance, c'est que le gouvernement québécois avait promis d'aider les meuneries qui résisteraient à l'intervention du fédéral dans un domaine législatif qui relève traditionnellement de l'autorité provinciale". Je tire ce membre de phrase de la lettre du sous-ministre.

Or, certaines meuneries ont suivi les conseils donnés par le gouvernement du Québec, notamment la meunerie Camirand qui était poursuivie par le gouvernement fédéral pour avoir écon-duit un certain nombre d'inspecteurs fédéraux qui se présentaient, se fondant sur le code du travail fédéral. Un juge de la cour des Sessions de la paix, je crois que c'était le juge Bérubé — c'est cela, le juge Jean-Paul Bérubé — dans une affaire intitulée "Sa Majestée la reine, plaignante, contre Lorenzo Camirand, intimé" portant le numéro 12,945 du district de Drummond, jugement daté du 6 mai 1974, c'est-à-dire tout récent, une pièce d'addition récente au dossier, a donné raison au gouvernement fédéral.

Je ne me prononcerai pas sur le contenu du jugement. Personnellement, j'ai des doutes sur certains passages. H y a des problèmes de traduction de la langue anglaise qui prime la langue française dans ce cas, la traduction d'un certain nombre de mots comme "flour-mill", "feed-mill", pour savoir si cela relève vraiment des meuneries, si une "meunerie" c'est la même chose qu'une "minoterie" quand on traduit de l'anglais et ainsi de suite. Il y a un paquet de problèmes linguistiques qui vont être du plus haut intérêt pour le ministre, étant donné la loi que nous nous apprêtons à débattre à l'Assemblée nationale.

La meunerie Camirand est intervenue auprès du gouvernement du Québec dans le but d'obtenir que celui-ci maintienne son attitude ferme du passé, son attitude théoriquement ferme, parce qu'en réalité le gouvernement ne s'est jamais beaucoup mouillé dans cette affaire malgré une correspondance qui, elle, parle d'intrusion fédérale, etc.

La meunerie Camirand aimerait aller en appel, mais elle ne peut pas prendre à son compte les frais de cet appel. D'autre part, dans la correspondance on trouve plusieurs passages tant sous l'empire libéral que sous l'empire unioniste laissant entendre que le gouvernement du Québec soutiendrait les minoteries et les meuneries "au boutte"! Aujourd'hui, il semble bien...

M. BOSSE: "Au boutte"!

M. MORIN: Le député comprend mon langage.

M. BOSSE: II s'en vient!

M. MORIN: Je suis très heureux.

M. BOSSE: Oui, parce que le député est du peuple.

M. MARCHAND: II s'en vient sur la terre des hommes.

M. MORIN: Nous sommes dans les meuneries. Nous sommes effectivement dans des problèmes fort concrets, M. le Président. Or, le gouvernement du Québec laisse entendre qu'il ne veut pas appuyer l'appel, en tout cas, pas les frais que cela entraîne pour la meunerie Cami-rand. La conclusion logique que je serais tenté de tirer de tout cela, c'est que le gouvernement du Québec, peut-être, est en train de laisser tomber, à cause d'un simple jugement d'une cour inférieure, ce qui est en fait une compétence québécoise, ce qu'il a toujours considéré comme étant une compétence québécoise.

Ma première question est celle-ci, M. le Ministre. Quelle est votre attitude dans ce dossier? Je sais que vous en avez été saisi. Je sais que vous êtes au courant, parce que bien que la correspondance n'émane pas de votre ministère, il y est mentionné à quelques reprises. J'aimerais savoir l'état des négociations avec Ottawa, et j'aimerais savoir ce que vous allez faire dans le cas de la meunerie Camirand.

M. LEVESQUE: M. le Président, je dois d'abord dire au chef de l'Opposition qu'il a bien présenté le cas, mais que vers la fin de ses remarques, il a apporté une conclusion qui ne correspond pas aux faits. Les pièces du dossier, telles qu'il les a déposées, à ma connaissance, sont aussi exactes que possible. La correspondance, les pièces d'ordre judiciaire, si l'on veut, ont été présentées dans l'ordre, et je crois que ceci nous donne un éclairage nécessaire pour la discussion.

Tout ce que je regrette, c'est qu'à la fin de ses remarques le chef de l'Opposition a semblé jeter un doute sur les intentions du gouvernement et plus particulièrement sur le ministère dont nous étudions les crédits.

Je devrai faire remarquer à l'honorable chef de l'Opposition que cette question de la juridiction du Québec en matière de relations de travail préoccupe le gouvernement actuel et elle préoccupait également un gouvernement dont je faisais partie de 1960 à 1966.

Il y a, si je peux dire, deux volets dans cette question. Celui qui touche la question politique et celui qui touche la question purement juridique. Les deux ont été évoqués par le chef de l'Opposition.

Du côté purement juridique, nous devons nous rappeler la décision de la cour Suprême de 1966 dans la cause de Bell vs La Commission du salaire minimum. Le jugement stipulait que les relations de travail font partie de la gestion d'une entreprise, lorsque cette entreprise a été déclarée pour l'intérêt général du Canada, c'est le cas, si je me réfère à la lettre de 1965 de M. Johnstone. On se référait à ce moment au pouvoir déclaratoire du gouvernement fédéral en vertu de la section X de l'article 92 de notre constitution, au paragraphe C, là, on rappelle le pouvoir déclaratoire du gouvernement fédéral. C'est en vertu de ce pouvoir déclaratoire que le gouvernement fédéral semble baser sa juridiction en matière de relations de travail par rapport aux meuneries ou aux minoteries.

Là encore, il y a une question d'interprétation et je suis heureux que le chef de l'Opposition l'ait souligné.

Toujours du côté juridique, nous avons toujours appuyé les meuneries. La lettre de M. Mireault de novembre 1973 citée par le chef de l'Opposition indique bien une position constante du Québec et non pas seulement une position théorique, mais un désir et une volonté non équivoque de la part du gouvernement du Québec d'appuyer les meuneries québécoises dans l'interprétation de la loi fédérale.

C'est si vrai que nous avons conseillé aux meuneries de s'opposer à la juridiction fédérale en matière des relations de travail, c'est-à-dire à l'application de la loi fédérale. Nous avons, à ce moment, non pas seulement appuyé d'une façon purement technique, si l'on veut, nous n'avons pas seulement émis des voeux pieux, mais nous avons même fourni et défrayé les honoraires d'un avocat-conseil. Nous avons été présents à cette cause, à l'audition de cette cause que le chef de l'Opposition a citée tout à l'heure, celle de Sa Majesté la reine, dont il est la loyale Opposition, vs...

M. MORIN: Qui était l'avocat-conseil, M. le ministre?

M. LEVESQUE: Me Ross Goodwin. Il était conseil et nous avons défrayé les honoraires par le truchement du ministère de la Justice. Cette cause, dis-je, de la reine vs Camirand, a subi le sort que l'on vient de citer, mais je dois rassurer immédiatement le chef de l'Opposition en lui disant que ce jugement fait l'objet d'une étude très attentive, non pas seulement à notre ministère, mais à notre ministère avec le concours du ministère de la Justice et celui du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Il va de soi que, dans un très bref délai, nous prendrons une décision quant à l'opportunité de porter la cause en appel, de concert, évidemment, avec l'intimée.

M. MORIN: Est-ce que les délais d'appel dans ce cas, ne sont pas d'un mois, autrement dit...

M. LEVESQUE: C'est cela, 30 jours.

M. MORIN: ... c'est aujourd'hui que la décision devrait être prise. La décision est du 6 mai.

M. LEVESQUE: Probablement que le ministère de la Justice... Le ministère de la Justice a peut-être déjà pris position là-dessus. C'est le ministère de la Justice qui a le dossier, autrement dit qui couche avec le dossier.

M. MORIN: Vous faites preuve là d'une certaine "obscénité", mais...

M. LEVESQUE: Nos observations, nos suggestions sont rendues au ministère de la Justice depuis déjà longtemps. Nous attendons que le ministère de la Justice se prononce là-dessus.

M. MORIN: Est-ce que le ministre pourrait se renseigner auprès de son collègue de la justice..

M. LEVESQUE: D'accord.

M. MORIN: ... parce que le 6 juin, c'est aujourd'hui même.

M. LEVESQUE: C'est aujourd'hui. Vous êtes d'actualité, pour une fois.

Lorsque vous parliez de 1965, tout à l'heure, j'avais des doutes, mais maintenant que vous parlez du 6 juin 1974, je dois vous dire que vous êtes bien d'actualité à ce moment-ci.

Cela est la question juridique. L'autre volet, évidemment, c'est la question politique qui marchait parallèlement. Le chef de l'Opposition se référait à la conférence des ministres du Travail des 2 et 3 mai 1973 et l'ordre du jour devait comporter cette question. De fait, cette question apparaissait à l'ordre du jour de la conférence et, afin de régler le contentieux, un comité Québec-Ottawa a été mis sur pied lors de cette conférence. Du côté québécois, un sous-comité du comité interministériel sur les questions de partage de l'autorité en matière de travaux publics, transport interprovincial et meuneries devait soumettre un rapport le 15 janvier 1974 concernant ce problème particulier.

M. MORIN: Vous avez formé ce sous-comité interministériel, d'après la correspondance, en août ou même peut-être avant cela en 1973? C'est bien de ce sous-comité que nous parlons?

M. LEVESQUE: Oui. Présentement, un dossier est en train de se compléter et sera présenté la semaine prochaine au CCRI, le comité des hauts fonctionnaires auquel j'ai fait allusion au cours de ce débat. Cela est du côté politique. J'ai donc essayé de répondre au chef de l'Opposition et me basant sur les pièces auxquelles il s'est référé. Je crois que, du côté juridique et du côté politique, nous n'avons cessé d'avoir une position constante et nous n'avons pas l'intention d'y déroger, ni d'un côté ni de l'autre, pour autant que nous sommes concernés au ministère des Affaires intergouvernementales, parce que, du côté juridique, nous devons nous en remettre au ministère de la Justice, et c'est tout à fait normal. Pour compléter ces remarques, je dirai que, depuis cinq secondes, nous avons fait une communication avec le ministère de la Justice pour être en mesure, peut-être avant la fin de la présente séance, de renseigner si possible la commission sur les intentions du ministère de la Justice.

M. MORIN: M. le Président, hier, le ministre faisait observer que je ne le félicitais pas souvent. Sous réserve de la confirmation de l'appel, cet après-midi, je le féliciterais de la réponse extrêmement claire qu'il vient de me donner sur cette question des meuneries. Je le féliciterais d'autant plus chaleureusement que c'est la première réponse claire qu'il me donne depuis le début de ses crédits.

M. LEVESQUE: Au contraire, je vous ai donné beaucoup de réponses claires. Par exemple, on a parlé longuement des droits miniers sous-marins et c'était d'autant plus clair que j'avais participé moi-même à toutes les étapes des discussions.

M. MORIN: Mais quand vous êtes arrivé dans la baie d'Hudson, les brumes vous ont envahi.

M. LEVESQUE: Plus on s'en va vers le nord et vers le pôle, moins mes connaissances géographiques sont précises. Je ne suis pas allé plus loin que Fort George et...

M. MORIN: Le ministre venait du "frette".

M. LEVESQUE: ... comment est-ce qu'on l'appelle, Rivière-à-la-Baleine? Poste-de-la-Baleine. C'est le plus au nord que je suis allé.

M. BOSSE: Même le député de Saint-Jacques a trouvé cela rafraîchissant.

M.MORIN: Oui. J'aimerais, tout en félicitant le ministre de connaître si bien ce dossier, lui poser encore une ou deux questions, sur la question de principe, sur la question juridique.

Ce pouvoir déclaratoire du gouvernement fédéral qui a joué également dans le cas de la compagnie Bell comme vous le faisiez observer tout à l'heure, est-ce que le Québec a fait étudier, est-ce que votre ministère l'a étudié? Est-ce que vous avez des principes qui guident votre action lorsque vous affrontez ce pouvoir, qui est aussi mal défini que le "spending power" fédéral et tout aussi envahissant, en puissance? Comme le ministre a eu le même professeur de droit constitutionnel que moi, il sait de quoi nous parlons.

M. LEVESQUE: Mais justement, il y a eu une étude assez exhaustive, sinon exhaustive, assez sérieuse faite par Mme Andrée Lajoie, je pense que le chef de l'Opposition connaît l'étude.

M. MORIN: Oui, c'est une de mes collègues à l'Institut de recherche en droit public, excellente recherchiste.

M. LEVESQUE: Cette étude a d'ailleurs été publiée...

M. MORIN: Je n'en doute pas.

M. LEVESQUE: ... aux Presses de l'Université de Montréal.

M. MORIN: Je connais l'ouvrage mais je me demandais quelle est l'attitude de votre ministère.

M. LEVESQUE: Vous avez demandé si on étudiait la question, je vous réponds du côté de l'étude.

M. MORIN: Partagez-vous les conclusions de Mme Lajoie?

M. LEVESQUE: Pour l'essentiel, nous maintenons cette position voulant qu'il est difficile de concevoir aujourd'hui, dans un état moderne, dans les circonstances actuelles, que nous ayons ce pouvoir déclaratoire. Nous croyons que...

M. MORIN: Ce n'est pas vous qui l'avez, c'est Ottawa.

M. LEVESQUE: ... nous l'avons dans la constitution.

M. MORIN: Ah oui! La constitution fédérale.

M. LEVESQUE: Ce pouvoir déclaratoire, sur ce point, nous aimerions bien voir la constitution amendée. C'était un point assez clair dans notre esprit.

M. MORIN: Cela a été votre attitude dans le passé, notamment dans les documents des conférences constitutionnelles dans les années 1967/68, 1968...

M. LEVESQUE: II y a le pouvoir déclaratoire qui nous chatouille, qui nous déplaît, ainsi que le pouvoir de désaveu. Ce sont deux points.

M. MORIN: Mais le pouvoir de désaveu est tombé en désuétude, à toutes fins pratiques, tandis que le pouvoir déclaratoire...

M. LEVESQUE: Oui, mais il existe tout de même dans la lettre de la constitution, même s'il n'est pas mis en application. Mais on s'y réfère quelquefois dans des discussions d'ordre théorique, ou dans certaines appréhensions que l'on apporte vis-à-vis de certaines lois du parlement québécois.

M. MORIN: Je voudrais demander aussi au ministre, il doit se rendre compte que les meuneries pourraient être appelées à réclamer le remboursement des sommes qu'elles ont déjà payées à la Commission du salaire minimum s'il s'avérait qu'elles ne sont pas assujetties à la législation québécoise mais qu'au contraire, elles relèvent essentiellement de la compétence fédérale. Donc, il y a des conséquences pécuniaires pour le gouvernement québécois dans cette affaire.

M. LEVESQUE: C'est peut-être un peu tôt pour se prononcer là-dessus et il y a du sub judice là-dedans et ensuite, il y a tout le volet politique qui nous ouvre encore des possibilités en plus du volet juridique.

M. MORIN: C'est-à-dire que nous saurons cet après-midi si c'est sub judice ou pas. S'il n'y a pas appel, ça ne l'est plus. De toute façon, on pourrait en discuter ici, même si c'était sub judice, il n'y a rien qui nous en empêche.

M. LEVESQUE: Nous évitons toujours dans les débats parlementaires d'en parler

M. MORIN: Sur le fond de la question, oui. D'accord !

M. LEVESQUE: On s'en allait un peu vers le fond de la question, je fais simplement une mise en garde.

M. MORIN: J'ai évité de discuter du jugement lui-même, comme je le disais au ministre tout à l'heure, même si je peux insinuer — on me le permettra — que je crois mal fondé, j'ai évité d'entrer dans le détail. J'ai fait exprès pour éviter ça. Parce que je sais qu'on doit traiter de tout l'aspect fédéral-provincial au niveau politique. Comme dernière question, est-ce que je pourrais demander au ministre quel est l'état du dossier dans ce comité fédéral-provincial qui a été créé à la suite de la conférence de mai 1973?

M. LEVESQUE: Nos positions ne sont pas encore présentées.

Elles le seront à la suite de l'acheminement du dossier, après son étude par la CCRI et éventuellement par la CIDA. Le comité fédéral-provincial attend que les positions québécoises soient déposées et nous suivrons là l'acheminement mentionné dans les autres dossiers au cours de ce débat.

M. MORIN: Est-ce que je pourrais simplement faire observer au ministre en terminant, parce que je n'ai pas l'intention de m'étendre indéfiniment sur ce dossier, que cela fait dix ans maintenant que ce dossier est ouvert, que le Québec brasse les papiers, que le gouvernement étudie et fait étudier et examine, et que pendant ce temps-là, le pouvoir fédéral s'est placé les pieds, là comme dans les autres domaines? Il a attendu qu'un jugement lui soit favorable et il

trouvera toujours un jugement favorable, tôt ou tard, étant donné l'incertitude qui règne dans ces questions constitutionnelles.

M. LEVESQUE: Je ne peux pas manifester de satisfaction vis-à-vis de l'attitude fédérale particulièrement dans cette cause qui a été initiée, alors que du côté politique se poursuivait une négociation fédérale-provinciale. Je ne peux pas manifester une grande satisfaction.

M. MORIN: Est-ce que le ministre irait jusqu'à dire que, dans la partie d'échecs qui se livre dans ce domaine comme dans d'autres entre Québec et Ottawa, peut-être que le gouvernement fédéral s'est servi des tribunaux pour consolider sa position et vous mettre une fois de plus devant une sorte de fait accompli? Il est plus difficile de négocier avec ce jugement dans les jambes que cela ne l'aurait été si on l'avait fait avant que le jugement intervienne.

M. LEVESQUE: J'ai mentionné et je ne me cache pas de dire que je ne peux pas manifester une satisfaction enthousiaste.

M. MORIN: D'accord. On peut peut-être clore ce dossier. On y reviendra, bien sûr, l'année prochaine et j'espère que cela pourrait être la dernière fois.

Peut-on, M. le Président, avec votre permission, passer aux questions intéressant la main-d'oeuvre? Est-ce que le ministre veut ajouter quelque chose?

M. LEVESQUE: Je voudrais simplement ajouter une remarque que l'on me fait. Il est possible que, dans des cas comme ceux-là, même le délai de 30 jours ne soit pas...

M. MORIN: De rigueur.

M. LEVESQUE: ... de rigueur sous l'empire du nouveau code, qu'on puisse accepter de revoir la cause en appel, même au-delà du 30 jours; mais en pratique, me dit-on, on l'accorde maintenant souventefois.

M. MORIN: Le ministre voudra peut-être me rassurer là-dessus cet après-midi.

M. LEVESQUE: Oui, cela se change rien. Cela n'exclut pas la réaction du ministère de la Justice que je transmettrai à la commission si je la reçois au cours de cette séance.

M. MORIN: Bien. M. le Président, comme je le disais il y a un instant, j'aimerais passer maintenant au domaine de la main-d'oeuvre. Le collègue du ministre, M. Cournoyer, il y a un an ou deux, je pense, avait fait des demandes précises au gouvernement fédéral dans le but de rapatrier au Québec, notamment la formation professionnelle des adultes et le placement des travailleurs. Quel est l'état de ces dossiers actuellement, d'après le bilan secret que le ministre a devant lui? Quels sont les gestes qui ont été posés par son ministère depuis un an ou deux pour faire avancer ces revendications québécoises?

M. LEVESQUE: Est-ce que c'est bien sur le programme de formation professionnelle?

M. MORIN: C'est cela. Et sur le programme de placement des travailleurs.

M. LEVESQUE: Le 16 juin 1972, le Québec soumettait une série de propositions au gouvernement fédéral, relatives à un projet d'entente sur la formation en institution, à des amendements législatifs.

M. MORIN: C'est ce dont je vous parlais il y a un instant.

M. LEVESQUE: ... à un projet d'entente sur les allocations et à un projet d'entente sur la formation à l'industrie. Le bilan indique, parce qu'il y a une mise à jour continuelle, mais disons...

M. MORIN: Toujours secrète.

M. LEVESQUE: Le bilan indiquait, lors de sa dernière mise à jour qu'en ce qui concerne les deux premières propositions, c'est-à-dire le projet d'entente sur la formation en institution des amendements législatifs, il n'y avait pas de développement depuis les commentaires formulés par le ministre fédéral de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration dans sa lettre de juillet 1972.

M. MORIN: C'est-à-dire le mois suivant, le mois qui a suivi vos revendications. Que disait cette lettre? Est-ce que c'était une fin de non-recevoir?

M. LEVESQUE: Au contraire, elle comportait une manifestation d'ouverture réelle.

M. MORIN: Oui. Est-ce que l'ouverture s'est maintenue depuis ces deux ans écoulés?

M. LEVESQUE: D'ailleurs, cela a permis d'arriver à une entente qui a été signée entre Québec et Ottawa, en octobre 1972, portant sur la formation en industrie. Il y a là un élément très positif que j'aime à souligner.

M. MORIN: La formation en institution, en industrie?

M. LEVESQUE: En industrie.

M. MORIN: Pour la formation professionnelle des adultes?

M. LEVESQUE: Depuis quelques mois, on discute de la question du financement. La position du Québec est précise sur ce sujet.

Quant à la question des allocations, elles sera examinée dans le cadre de la révision globale des politiques de sécurité du revenu.

M. MORIN: Pour ce qui est du placement des travailleurs? Ce bilan paraît être secret.

M. LEVESQUE: Une nouvelle entente qui a été négociée avec le gouvernement fédéral sera portée à l'attention du CCRI le 17 juin prochain. Cela porte sur la formation professionnelle des adultes.

M. MORIN: Oui, c'est de cela que je voulais surtout vous parler.

M. LEVESQUE: Cela vient devant le CCRI le 17 juin.

M. MORIN: C'est un projet d'entente?

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Sur le financement?

M. LEVESQUE: Sur le financement.

M. MORIN: Est-ce que le ministre peut nous dire les principes qui sous-tendent ce projet d'entente?

M. LEVESQUE: On me dit même qu'il s'agit d'une nouvelle approche qui reprend complètement toute la question; mais elle n'a pas encore été soumise au niveau ministériel, c'est-à-dire au niveu du CIDA, parce qu'ele doit d'abord être étudiée par le CCRI le 17 juin prochain.

M. MORIN: Est-ce que le ministre pourrait, sans nous révéler le contenu détaillé...

M. LEVESQUE: Le chef de l'Opposition sait fort bien que dans la question de formation en institution, les institutions québécoises ont toujours été en cause, elles ont fait les programmes, etc., le rôle du fédéral se limitant au financement. Ce n'est pas nouveau, c'est ce qui a existé et c'est ce qui...

Jusqu'à maintenant, le Québec ne participait pas à la sélection des stagiaires, enfin, des adultes admis; mais maintenant, nous serions, d'après l'entente envisagée, suggérée, entente qui sera étudiée, comme je le mentionnais au CCRI, il y aura là participation du gouvernement du Québec dans la sélection des candidats.

M. MORIN: M. le ministre, pour être bien précis, vous avez dit "entente suggérée". Je voudrais que ce soit clair. Est-ce que c'est une entente que vous suggérez au gouvernement fédéral ou est-ce un projet d'entente déjà intervenu entre les deux gouvernements?

M. LEVESQUE: Cela résulte de consultations fédérales-provinciales au niveau des fonctionnaires. Autrement dit, eux s'entendraient...

M. MORIN: Si vous étiez d'accord.

M. LEVESQUE: ... si on était d'accord.

M. MORIN: Bon. Dans le domaine du placement des travailleurs, vous vous souvenez que le ministre du Travail avait également soulevé ce point avec beaucoup de force à l'époque.

M. LEVESQUE: Là-dessus, disons qu'on a mis la priorité sur ce que je viens d'expliquer. Cette question fait l'objet de nos préoccupations. Mais ce n'est pas là que nous avons mis l'accent récemment.

M. MORIN : Quelles sont vos intentions dans ce domaine pour l'avenir? Parce que le ministre ne peut pas nier que cela reste un problème extrêmement aigu, toute cette histoire de double système de placement.

M. LEVESQUE: Oui. Il s'agit justement d'une définition de la vocation et du statut des centres de main-d'oeuvre du Québec. Et là, on toucherait un peu, je crois, au contenu si on allait plus loin, parce que je crois qu'il s'agit là d'une responsabilité propre au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. MORIN: Mais quelle est votre attitude de principe, sans entrer dans les détails? Je veux bien que le ministère ait besoin d'une certaine discrétion dans ses négociations, dans l'élaboration de ses politiques, mais quels sont les principes qui vous guident dans cette question de placement du centre...

M. LEVESQUE: Nous sommes un peu empiriques, si vous voulez, dans ce domaine. Nous avons fait certaines expériences pilotes...

M. MORIN: Vous m'avez dit que vous étiez empirique dans tous les domaines.

M. LEVESQUE: Oui, disons particulièrement empirique dans ce domaine, parce que nous avons fait certaines expériences pilotes sur le placement avec le concours du ministère des Affaires sociales, pour le placement des assistés sociaux. A la lumière de ces expériences se dégageront, sans doute, des conclusions qui pourront être utilisées et qui pourront nous être très utiles dans l'élaboration d'une politique, évidemment, dont la maîtrise d'oeuvre est ailleurs.

M. MORIN: Oui, mais cela ne répond pas encore tout à fait à la question de principe que je vous posais. Les attitudes de votre collègue du Travail en 1972 étaient très claires. Il s'agissait de rapatrier — cela n'a pas 36 sens en droit constitutionnel ou dans la langue ordinaire — le placement des travailleurs. Est-ce que votre attitude de principe demeure la même ou est-ce que vous avez changé d'idée en fonction de votre "empirisme pragmatique"?

M. LEVESQUE: Nous n'avons pas formulé d'opinion comme ministère des Affaires intergouvernementales dans les mois récents.Nous croyons qu'il est préférable de laisser les ministères sectoriels préparer leur politique. Nous sommes à la disposition des ministères sectoriels, comme je l'ai déjà mentionné. C'est une question qui dépasse clairement le ministère des Affaires intergouvernementales. C'est une question qui doit être étudiée en profondeur et par le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre et souvent avec le concours du ministère des Affaires sociales. Je crois que le contenu est extrêmement important et doit nous guider.Je ne crois pas qu'il soit de ma responsabilité à ce moment-ci, d'expliciter une politique sociale qui touche deux ministères sectoriels. Nous attendons plutôt les prises de position des ministères sectoriels, et, à ce moment, nous entreprendrons les négociations qui seront nécessaires pour la mise en oeuvre des vues des ministères sectoriels.

M. MORIN: M. le ministre, je vous ferai remarquer ici, avec toute la déférence dont je suis capable, que votre ministère ne joue pas pleinement son rôle. Je disais, au début, dans mes remarques...

M. LEVESQUE: II y a présentement un comité interministériel qui groupe non pas seulement notre ministère, mais les deux ministères concernés, soit le ministère du Travail et celui des Affaires sociales.

M. MORIN : Bon !

M. LEVESQUE: Ainsi que le ministère de l'Education...

M. MORIN: Heureusement que vous m'avez dit cela. Cela nuance déjà un peu vos propos. Parce que j'avais cru comprendre que, dans l'élaboration d'attitudes fondamentales à l'égard du fédéralisme canadien, vous laissiez chaque ministère suivre un peu sa direction propre.

M. LEVESQUE: Non. Je proteste!

M. MORIN: Vous avez dit: On s'en remet aux ministères sectoriels.

M. LEVESQUE: Non, sur le contenu. Mais nous sommes toujours présents à ce comité interministériel, justement pour remplir notre rôle de chien de garde, si vous voulez, vis-à-vis des relations fédérales-provinciales.

M. MORIN: Chien de garde...

M. LEVESQUE: Et on assume même...

M.MORIN: ... c'est bien négatif, M. le ministre.

M. LEVESQUE: Un instant! Laissez-moi finir. Et on assume le secrétariat de ce comité interministériel. Je pense que nous avons là tout ce qu'il faut pour remplir notre rôle adéquatement.

M. MORIN: Comme je l'ai laissé entendre dans mes remarques introductives, je pense que votre ministère, ce n'est pas seulement un chien de garde, cela doit être celui qui définit les grandes orientations, et ce n'est pas à vous de vous inspirer de ce que font les ministères. C'est aux autres ministères de s'inspirer...

M. LEVESQUE: Oui, mais à partir... M. MORIN: ... de vos orientations.

M. LEVESQUE: Oui, d'accord! Mais à partir d'un contenu qui est la responsabilité propre du ministère sectoriel. Il ne faut pas l'oublier.

M. MORIN: Qu'est-ce que...

M. LEVESQUE: Nous n'avons pas l'intention de nous substituer, quant au contenu, au ministère sectoriel.

Mais nous ne négocierons pas ou ne participerons pas à une négociation où nous croyons que ce contenu n'entre pas dans les grandes orientations du Québec et il pourrait arriver, par exemple, que telle ou telle politique vienne en conflit avec les orientations dont parle le chef de l'Opposition. A ce moment, la lumière rouge s'allumerait et nous verrions à ce qu'elle soit allumée.

M. MORIN: Oui, parce que tout dépend de ce qu'on entend par contenu. Si, par exemple...

M. LEVESQUE: Ce n'est pas le ministère des Affaires intergouvernementales qui va faire la politique du ministère de l'Education.

M. MORIN: Ne changeons pas de domaine. Restons dans le domaine du travail.

M. LEVESQUE: II est évident que si on voulait donner une illustration à partir, par exemple, de quelque chose de bien concret, supposons que le ministère des Affaires sociales ne soit pas d'accord sur l'opportunité de créer des garderies; si ce n'était pas dans sa politique, à ce moment, nous n'irions pas négocier cette question avec le gouvernement central.

M. MORIN: J'imagine.

M. LEVESQUE: C'est un peu ce que je veux dire.

M. MORIN: Mais, dans le domaine qui nous

intéresse, supposons que le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre décide qu'au fond, c'est bien pratique qu'Ottawa s'occupe de placer les travailleurs québécois et qu'il n'ait pas à s'en occuper et qu'il vaut mieux démanteler le faible réseau de bureaux de placement québécois. Quelle sera l'attitude de votre ministère? Est-ce que c'est du contenu ou est-ce que cela ne touche pas à des orientations?

M. LEVESQUE: II faut bien s'entendre. Je ne veux pas me prononcer sur le contenu, mais supposons que le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre arriverait à la conclusion qu'en vue de la mobilité de la main-d'oeuvre au Canada et qu'en vue également — mais c'est simplement hypothétique...

M. MORIN: Oh! C'est bien glissant.

M. LEVESQUE: ... oui, mais hypothétique — je dis que, s'il arrivait à cette conclusion, pour les fins de la mobilité de la main-d'oeuvre et afin d'assurer aux travailleurs québécois du travail dans tout le Canada...

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: ... à supposer qu'il ait ces prémisses...

M. MORIN: Ce qu'à Dieu ne plaise!

M. LEVESQUE: Je ne porte pas de jugement et je dis qu'il s'agit simplement d'une hypothèse...

M. MORIN: Oui, mais elle n'est pas heureuse, parce que cela veut dire que c'est l'anglicisation.

M. LEVESQUE: Vous avez probablement raison. Il ne faut pas se lancer dans des questions hypothétiques.

M. MORIN: Dois-je comprendre que le ministre s'arrête court?

M. LEVESQUE: On pourrait évidemment analyser l'hypothèse contraire. Ce serait également hypothétique.

M. MORIN: Quelle est l'hypothèse contraire? Que les travailleurs du reste du pays viennent s'installer au Québec?

M. LEVESQUE: On peut...

M. MORIN: En tout cas, que conclut le ministre de tout cela?

M. LEVESQUE: Je conclus que vous avez abordé des sujets fort importants et fort intéressants, d'une façon intelligente, mais je n'ai pas pu répondre d'une façon plus complète parce que je n'ai fait que dire au chef de l'Opposition l'état du dossier. J'ai parlé, je crois, d'une façon très précise de la question de la formation professionnelle, des ententes intervenues. Quant aux bureaux de placement qui font l'objet de sa deuxième question, j'ai dit au chef de l'Opposition et à la commission où nous en étions et j'ai également dit qu'il s'agissait là du travail poursuivi par un comité interministériel dont nous assumions le secrétariat.

M. MORIN: J'avoue que je suis plus satisfait de la réponse du ministre en ce qui concerne les meuneries que pour ce qui est des bureaux de placement ou encore de la formation des adultes.

Je voudrais peut-être passer maintenant à une autre question qui est celle du transport routier. C'est un problème qui ressemble à ceux dont nous venons de traiter. Le gouvernement fédéral, comme le ministre le sait bien, insiste pour étendre l'application de son code du travail aux entreprises de camionnage qui font ce qu'il appelle du "transport interprpvincial". La toute première question est la suivante. Qu'est-ce que du transport interprovincial? Et c'est là que nous assistons une fois de plus à l'intrusion fédérale, à l'envahissement progressif de la compétence fédérale. Cette définition de transport interprovincial fait intervenir notamment, à l'heure actuelle, la notion d'"interchange".

Je crois qu'il s'agit d'un mot anglais; il s'agit du mot anglais "interchange". Par exemple, une remorque de la compagnie Tramblay va de Québec à Montreal, avec un tracteur de la compagnie Tremblay, puis de Montréal à Toronto, avec un tracteur d'une compagnie onta-rienne. La question qui se pose: Est-ce que Tremblay devient un transporteur interprovincial? D'après Ottawa, oui. J'aimerais connaf-tre la position de votre ministère sur ce problème concret pour commencer.

M. LEVESQUE: Le Québec s'oppose évidemment à ce que le fédéral assujettisse les entreprises de transport interprovincial au code canadien du travail. Lors de la conférence fédérale-provinciale des ministres du Travail, en mai 1973, il fut convenu que la question ferait l'objet d'une étude, tant du côté fédéral que du côté provincial. Là encore, nous arrivons au même comité qui a été mis sur pied, comité fédéral-provincial, dont je faisais écho tout à l'heure, lorsque nous parlions des meuneries. C'est ce qui doit venir au CCRI la semaine prochaine.

M. MORIN: Est-ce que je pourrais signaler au ministre... Je n'aurai pas la prétention de lui signaler, je pense qu'il est déjà au courant de ce que l'Association du camionnage du Québec en pense. Cette association a demandé à maintes reprises...

M. LEVESQUE: M. Archambault, en particulier.

M. MORIN: ... — cette association qui a soumis un mémoire au mois de mars 1973, au ministre des Transports de l'époque, M. Bernard Pinard — que l'industrie du transport ne soit assujettie qu'aux lois provinciales. J'aimerais peut-être vous citer un ou deux passages particulièrement éloquents de ce mémoire. Les passages se trouvent aux pages 13 et 14: "Malgré les différents procès —parce qu'il y a eu des tas de procès dans ce domaine, comme vous le savez — nous n'avons pas encore réussi à savoir quand une entreprise de transport devient extraprovinciale. Il y a des jugements contradictoires à ce sujet. Il y a quelque temps, nous avons accepté la suggestion du gouvernement fédéral de plaider une cause type dans l'intention d'obtenir une clarification de la cour Suprême du Canada. Mais rendue en cour d'Appel, celle-ci a refusé de nous entendre et nous en sommes au même point d'ambiguïté et de confusion — voilà encore des termes qui sont magnifiquement descriptifs de la situation constitutionnelle — lorsque les entreprises ne sont pas carrément et essentiellement de nature interprovinciale ou internationale".

Le mémoire continue: "D'autre part, les autorités fédérales négligent ou refusent de préciser leur juridiction. Nous nous opposons, en principe, à toute nouvelle législation fédérale parallèle aux juridictions provinciales. Nous croyons que le fédéral devrait s'entendre avec les provinces avant de continuer à introduire de nouvelles lois où un contrôle est déjà exercé par une province. C'est sous l'égide des provinces — c'est surtout ce passage qui me paraît important, parce qu'il définit la position de l'association — que le transport routier s'est développé et a évolué. Nous constatons de nouveau, par exemple, dans l'adoption du code fédéral du travail, qu'Ottawa manque de compréhension à l'endroit de notre industrie".

Un dernier passage: "En effet, Ottawa n'est-il pas, pour nous, législateur et compétiteur à la fois, étant propriétaire du plus grand chemin de fer au monde? " Un point concret, M. le ministre, pour terminer les extraits du mémoire de l'Association du camionnage du Québec. J'aimerais demander si votre ministère a pris connaissance de ces points de vue, s'il les partage.

M. LEVESQUE: C'est évident.

M. MORIN: Est-ce que vous les partagez?

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Vous les appuyez dans les négociations actuelles que vous menez?

M. LEVESQUE: Oui, mais je préférerais attendre justement d'avoir le rapport du CCRI qui doit étudier la question, la semaine prochaine, des positions québécoises. Sur le fond, je crois qu'on peut déjà dire que nous sommes d'accord.

M. MORIN: Bon. Je prends note de cette affirmation du ministre, parce que c'est un dossier que nous entendons suivre de très près au cours des mois qui viennent. Nous pouvons peut-être passer maintenant à la justice. Nous avançons. Je vais laisser le temps au ministre de se retrouver dans ses rapports secrets.

La toute première question que j'aimerais poser, M. le Président, est la suivante. Elle porte sur les tribunaux administratifs. Le rapport Dussault a souligné que l'article 96 de la constitution, j'entends du British North America Act, est un empêchement à l'institution d'un véritable système de tribunaux administratifs québécois. Est-ce que votre ministère a été saisi de ce problème, M. le ministre? Est-ce que vous avez entrepris des démarches pour le régler?

M. LEVESQUE: Un instant, s'il vous plail, parce que là j'écoutais deux conversations. Voulez-vous reprendre, s'il vous plail?

M. MORIN: Je vois que le ministre souvent tente d'écouter deux voix en même temps.

M. LEVESQUE: C'est difficile.

M. MORIN : Oui. J'espère que cela ne contribue pas à la confusion dans son esprit.

M. LEVESQUE: J'espère que cela n'a pas trop paru.

M. MORIN: Non. Je dois avouer que le ministre est un excellent "ampliphone".

M. LEVESQUE: Ce n'est pas tant le "fun" que vous pensez.

M. MORIN: Est-ce que le ministre a été saisi de ce problème? Est-ce qu'il a entrepris des démarches pour le régler?

M. LEVESQUE: Je crois que le chef de l'Opposition réfère aux difficultés qui surviennent ou qui pourraient survenir à la suite de l'interprétation de l'article 96 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

M. MORIN: On ne peut rien vous cacher, c'est exactement cela.

M. LEVESQUE: On pourrait rencontrer certaines difficultés du fait que le gouvernement fédéral a la juridiction sur la nomination des juges de la cour Supérieure, des cours supérieures, si l'on veut. Il serait peut-être souhaitable, à un certain moment, que le gouvernement du Québec puisse confier certaines de ses juridictions à des tribunaux créés par la province, mais il pourrait s'élever un doute, à ce moment-là, sur la question de la juridiction, à savoir quel niveau de gouvernement nomme les juges.

M. MORIN: C'est-à-dire sur l'exclusion du

contrôle des actes administratifs par les juges des tribunaux supérieurs.

M. LEVESQUE: Qui est une compétence confiée à la cour Supérieure.

M. MORIN: C'est juste.

M. LEVESQUE: Je consultais mes savants juristes qui ont travaillé sur cette question d'une façon très sérieuse avec les juristes du ministère de la Justice et ceux de l'Institut de droit public, M. Pépin en particulier.

On m'affirme que, dans un avenir pas trop éloigné, on sauterait sur la première occasion, autrement dit, pour essayer d'attirer l'attention des autorités fédérales sur l'opportunité soit de modifier l'article 96 ou de trouver d'autres moyens pour essayer de contourner cette difficulté qui existe à cause de l'interprétation ou des implications de l'article 96.

M. MORIN : Quoique, dans le passé, les divers ministères, le gouvernement québécois a trouvé un certain nombre de moyens pour tenter d'échapper au contrôle des tribunaux supérieurs par l'exclusion de l'article 50 de l'ancien code de procédure civile et tout ça. Mais est-ce qu'on a tenté, à votre ministère ou à celui de la Justice, de définir un cadre d'ensemble pour les tribunaux administratifs? Est-ce que vous vous êtes penchés non pas sur le problème précis qui revient pour chaque ministère d'éviter le contrôle des tribunaux supérieurs ou bien si vous n'avez pas plutôt tenté de définir un système de tribunaux administratifs québécois?

M. LEVESQUE: C'est justement à l'étude au comité de la réforme administrative et cela à partir des conclusions de l'étude de Me Dussault.

M. MORIN: Si le Québec se dotait d'un véritable conseil d'Etat, d'une véritable structure de tribunaux administratifs, est-ce que le ministre ne serait pas porté à croire que ce serait déjà un pas considérable en vue d'éviter le contrôle des tribunaux d'Ottawa sur les actes administratifs québécois?

M. LEVESQUE: C'est une hypothèse, nous pouvons retenir cette suggestion et l'ajouter au dossier, si elle n'y est pas déjà.

M. MORIN: Elle est déjà dans le dossier, et depuis combien de temps !

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN : Je me souviens des écrits de Me LeDain, qui était le doyen jusqu'à récemment à Osgoode Hall et qui a été auparavant professeur à l'université McGill et que peut-être le ministre a connu.

M. LEVESQUE: C'était un confrère de classe, je l'ai rencontré encore la semaine dernière.

M. MORIN: Bien, le ministre saura alors que Me LeDain, dès les années cinquante, je me souviens d'un article de 1952, se faisait l'avocat de la création d'un conseil d'Etat au Québec, Donc, ce n'est pas d'hier, ça va faire plus de 20 ans qu'on en parle, mais rien ne se fait, M. le ministre. Rien ne s'est fait, sauf étudier. Ah! ça, pour étudier, on étudie, c'est formidable.

M. LEVESQUE: Je ne voudrais pas non plus que le chef de l'Opposition oublie la consigne et que nous entrions dans le contenu des responsabilités propres au ministère de la Justice. Il est question, comme le chef de l'Opposition le sait, d'un livre blanc de la Justice.

M.MORIN: Des livres blancs, des études, mais le problèmes global, dans tout ça, vous le voyez bien à travers toutes ces difficultés que nous traversons les unes après les autres, qu'il y a un fil conducteur...

M. LEVESQUE: C'est vous qui créez ce fil conducteur.

M. MORIN: Bien, il faut le faire apparaître. J'espère que le ministre commence à le voir. J'espère que le ministre commence à se rendre compte qu'il y a des problèmes d'ensemble, il n'y a pas que de petits problèmes concrets.

M. LEVESQUE: II y a toujours un contentieux fédéral-provincial. C'est un peu la raison d'être de notre ministère.

M. MORIN: C'est une façon d'envisager les choses en effet que si, tout à coup, par hasard, il n'y avait plus de contentieux, il n'y aurait plus de ministère. Oui, mais vous deviendriez un ministère des Affaires étrangères!

M. LEVESQUE: C'est ça que vous avez dit au début de vos remarques. Vous avez commencé comme ça, il y a deux jours.

M. MORIN: Je suis sûr que le ministre serait très heureux de devenir un ministre des Affaires étrangères.

M. BOSSE: Des promotions.

M. MORIN: Je reviens à nos moutons puisque, semble-t-il, le ministre n'est pas intéressé par les promotions que je lui propose.

M. LEVESQUE: Non, j'ai dit que je les lui retenais.

M. MORIN: Y compris ma dernière proposition.

M. LEVESQUE: Non, j'ai dit ça par exemple. On va mettre ça de côté.

M. MORIN: Vous n'êtes pas intéressé. Le ministre est trop modeste, comme beaucoup de Québécois. Est-ce que, dans vos négociations passées, depuis plusieurs années, je ne veux pas dire seulement les derniers mois, le problème de l'article 96 a été abordé avec les instances fédérales?

M. LEVESQUE: Avant la conférence de Victoria, c'était quelque chose qui revenait assez souvent dans les discussions avec le gouvernement fédéral, mais disons que, depuis Victoria, il en a été moins question.

M. MORIN: Avant Victoria, il en a été question, effectivement, pendant plusieurs années. Quelle était l'atittude générale, avant Victoria, M. le ministre? Quelle était l'attitude générale de votre ministère au sujet de l'article 96, de votre ministère, conjointement avec celui de la Justice?

M. LEVESQUE: II faut bien admettre que le gouvernement fédéral a toujours eu une position telle qu'il voulait conserver le pouvoir de nommer les juges des cours Supérieures.

M. MORIN: Je ne vous demande pas la position fédérale, je la connais, mais la position de votre gouvernement.

M. LEVESQUE: Notre position a été de limiter ou de voir limiter les nominations par le gouvernement fédéral aux cours fédérales et, en relation avec les provinces, à la cour Suprême. Là, on revient à la question de la composition de la cour Suprême.

M. MORIN: Mettons cela de côté pour l'instant. On en reparlera tout à l'heure de la cour Suprême. Mais qu'entendez-vous par "tribunaux fédéraux"?

M. LEVESQUE: Vous aussi, vous mettez des questions de côté, quand cela fait votre affaire.

M. MORIN: Non, non, on va y revenir tout de suite après, c'est parce que là...

M. LEVESQUE: Ah oui!

M. MORIN: ... je vous parlais de la question plus générale, ensuite on reviendra à la cour Suprême.

M. LEVESQUE: II existe présentement des cours fédérales que le chef de l'Opposition connaît, l'ancienne cour de l'Echiquier...

M. MORIN: C'est cela que vous entendez par tribunaux fédéraux, au sens de la nouvelle loi? D'accord! Autrement dit, dans votre esprit, si j'ai bien compris, M. le ministre, les cours Supérieures actuelles ne sont pas des tribunaux fédéraux, ne devraient pas être plutôt des tribunaux fédéraux?

M. LEVESQUE: C'est exact.

M. MORIN: C'est bien votre attitude?

M. LEVESQUE: C'est l'attitude du ministère.

M. MORIN: Et donc l'attitude du ministère avant Victoria, c'était que les juges des tribunaux des cours Supérieures devaient être nommés par Québec?

M. LEVESQUE: L'attitude demeure la même. Nous parlions tout à l'heure de certaines préoccupations ou de certaines priorités ou de certaines modalités d'intervention qui ont pu varier, mais la position n'a pas changé.

M. MORIN: Donc, Québec voudrait pouvoir nommer les juges des cours Supérieures? Et j'imagine aussi de la cour d'Appel?

M. LEVESQUE: Du Québec.

M. MORIN: Du Québec, bien sûr. Cette question est tout de même distincte de la question des tribunaux administratifs parce que, même si demain matin Ottawa changeait d'idée sur l'article 96 — vous faites mieux de vous lever matin parce qu'ils ne sont pas près de changer d'idée là-dessus — il va falloir de bien grands changements d'ordre constitutionnel pour gagner ce point comme la plupart des autres dont on a parlé. Mais passons. Je sais que le ministre n'aime pas être entrafné sur des questions d'ordre trop général. Mais supposons, une simple hypothèse, qu'Ottawa cède sur l'article 96 et que vous pouvez nommer demain les juges des cours Supérieures et de la cour d'Appel, cela ne règle pas, pour autant, nécessairement le problème du contrôle des tribunaux sur les actes administratifs québécois. Quelle est votre attitude sur ce problème en particulier? Est-ce que votre ministère estime qu'il doit y avoir un réseau purement québécois de décisions administratives et de révision des décisions administratives?

M. LEVESQUE: Cela règlerait la question quant au ministère des Affaires intergouvernementales, cela ne les réglerait peut-être pas du côté du ministère de la Justice. C'est du ressort de la Justice, à ce moment.

M. MORIN: Oui, mais...

M. LEVESQUE: II faudrait peut-être essayer d'attendre quelque temps pour voir ce que le libre blanc en pense.

M. MORIN: Oui, je me pose la question tout haut.

Ayant même supprimé les cours Supérieures et la cour d'Appel, du moins les ayant fait passer sous la coupe de votre compétence, n'y

aurait-il pas encore possibilité d'appel aux tribunaux fédéraux?

M. LEVESQUE: C'est une autre question.

M. MORIN: Oui. Est-ce que vous vous êtes interrogé là-dessus?

M. LEVESQUE: On me rappelle que cela a été débattu longuement à Victoria.

M. MORIN: Oui. Quelle était la position du Québec là-dessus?

M. LEVESQUE: La position québécoise était que la cour d'Appel du Québec serait la cour de dernière instance, pour les matières de droit civil...

M. MORIN: Et administratives.

M. LEVESQUE: ... et administratives.

M. MORIN: C'est la position du Québec.

M. LEVESQUE: C'était la position prise à Victoria.

M. MORIN: Même si je n'ai aucune illusion sur le sort de ces propositions québécoises sous l'empire du régime actuel, je peux vous dire qu'on est d'accord, autant que faire se peut, là-dessus l'Opposition appuierait certainement le gouvernement.

Passons maintenant aux tribunaux de la famille, si vous le voulez bien. Tout le monde, au Québec, semble souhaiter, à l'heure actuelle, le rapatriement du droit familial sous la compétence d'un même tribunal de la famille.

M. LEVESQUE: C'est le même problème...

M. MORIN: On peut tout de même examiner, si vous le voulez bien...

M. LEVESQUE: ... plus également la compétence sur le mariage et le divorce, qui est nommément dans l'article 91.

M. MORIN: Mais il semble que, sur ce point en particulier, les procureurs généraux des autres provinces soient d'accord alors que pour les tribunaux administratifs, ils ne le sont pas nécessairement. C'est peut-être un point sur lequel la position du Québec est mieux appuyée.

M. le ministre, vous ne pouvez pas nier qu'on ne s'entend pas du tout sur...

M. LEVESQUE: II y a certaines provinces qui réfèrent la compétence en matière administrative à la juridiction fédérale, à la cour fédérale.

M. MORIN: Oui, je sais. Revenons aux tribunaux de la famille dont je voudrais vous entretenir. Il semble bien que, même si tout le monde souhaite le rapatriement du droit familial, on ne s'entend pas sur les modalités. Est-ce que ce tribunal va faire partie de la cour Supérieure ou est-ce qu'il sera la cour Supérieure dont on disait il y a un instant les...

M. LEVESQUE: Vous entrez dans le contenu; vous en conviendrez, M. le Président, et le chef de l'Opposition en conviendra qu'il s'agit là d'une question purement de contenu. L'organisation des tribunaux appartient au ministère de la Justice.

M. MORIN: Oui, mais, tout de même, cela touche à la compétence de votre ministère, parce que dans la mesure où l'article 96 est encore dans le chemin et empêche le règlement d'une question sur laquelle finalement toutes les provinces sont d'accord, on se trouve une fois de plus dans un cul-de-sac.

M. LEVESQUE: Je croyais que vous aviez formulé l'hypothèse que l'article 96 était réglé et qu'à partir de ce moment-là vous arriviez dans l'application.

M. MORIN: Non, l'hypothèse que j'émettais tout à l'heure était une hypothèse assez peu vraisemblable, comme je l'ai laissé entendre, et elle portait sur les tribunaux administratifs.

M. LEVESQUE: II vous arrive d'émettre des hypothèses très peu vraisemblables.

M. MORIN: Oui, pour me mettre dans la peau du ministre et essayer de l'encourager à continuer son travail.

M. LEVESQUE: C'est peut-être une habitude, un mode de vie du chef de l'Opposition et de son parti d'exprimer des hypothèses très peu vraisemblables.

M. MORIN: M. le ministre, vous ne devriez pas me faire ce reproche au moment où j'essaie de vous encourager à continuer votre travail. Vous fonctionnez dans une hypothèse invraisemblable qui est le fédéralisme canadien. On le voit.

M. LEVESQUE: II faut admettre que toute la discussion, depuis quelques jours, porte justement sur deux philosophies assez opposées, disons pour être gentil, et je ne pense pas que, même à la conclusion de nos travaux, nous nous soyons convertis l'un et l'autre.

M. MORIN: Mais si au moins on pouvait constater, point après point, tous les culs-de-sac dans lesquels nous sommes enfermés, ce serait déjà...

M. LEVESQUE: Je n'ai pas d'objection à ce que le chef de l'Opposition souligne les problè-

mes qui sont les nôtres, mais à la condition qu'il souligne le progrès enregistré de temps à autre.

M. MORIN: Oui. A propos des meuneries, le ministre ne peut plus me faire le reproche, sous réserve de l'appel qui doit être interjeté et qu'il doit me confirmer cet après-midi, que je ne l'ai pas félicité. Je l'ai fait.

M. LEVESQUE: Pourquoi, dans l'agriculture où nous avons au moins cinq dossiers où nous avons fait état des ententes intervenues, le chef de l'Opposition n'a-t-il pas eu la même attitude?

M. MORIN: Dans le domaine de l'agriculture, je n'ai pas été entièrement satisfait des réponses du ministre. J'attends l'année prochaine, soit pour le féliciter.

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: ... soit pour constater qu'une fois de plus, la plupart des dossiers sont dans l'impasse.

Bon! Pour les tribunaux de la famille, donc, les réponses du ministre sont à peu près les mêmes que pour les tribunaux administratifs. Tout dépend du sort de l'article 96. Donc ce n'est pas près d'être réglé.

Nous avons peut-être le temps d'examiner encore un aspect qui relève autant de la justice que des relations fédérales-provinciales, qui est la question des coûts de la Sûreté du Québec.

Au début de 1973, le ministre de la Justice a réclamé $362 millions du gouvernement fédéral pour compenser des sommes dépensées par le gouvernement fédéral pour permettre à la Gendarmerie royale du Canada, que d'aucuns appellent la PJ — cela va faire plaisir au député de Dorion — la PJ: La police "à jouai".

M. BOSSE: Vous êtes contre le jouai? On va en parler à vos partisans.

M. MORIN: Pour permettre, dis-je, à la PJ d'accomplir des tâches de la PP, la police provinciale. Cette réclamation a été appuyée par un volumineux dossier. Il y a même deux dossiers qui exposent l'attitude québécoise et une multitude d'annexes pour justifier ces positions. Ce dossier a été rendu public en janvier dernier. J'aimerais demander au ministre quelle est l'attitude, ou plutôt, quel est le rôle, quel a été le rôle du ministère des Affaires intergouvernementales dans la préparation de ce dossier.

M. LEVESQUE: Disons que, dans la préparation même du dossier, je pense qu'il faut reconnaître que le ministère de la Justice a été très actif. Deuxièmement, on se rappellera que le ministre de la Justice a fait une demande aux autorités fédérales dans le sens mentionné par le chef de l'Opposition. On se rappelle la réponse du Solliciteur général, je crois. C'était M. Allmand qui a répondu à cette demande du ministère de la Justice du Québec.

La réponse était négative, étant donné qu'il n'y avait pas de plans conjoints entre le fédéral et les provinces à ce sujet. Mais depuis lors, nous avons fait du progrès, dans ce sens que nous avons eu des contacts avec les autres provinces canadiennes, et je suis d'avis que les autres provinces, en général, appuient la position québécoise. Nous devrons attendre, cependant, le renouvellement des ententes avec les autres provinces, ce qui doit avoir lieu en 1976, et, à ce moment, nous espérons pouvoir nous insérer dans cette nouvelle entente afin de voir à ce que notre demande soit prise en considération.

M. MORIN : Je voudrais vous souligner l'urgence de ce problème. Je pense, d'ailleurs, que le ministre en est conscient.

Dans une lettre du ministre de la Justice au député de Chicoutimi, M. Marc-André Bédard, lettre du 9 janvier 1974, et dont je me permets d'extraire quelques paragraphes, il est dit ceci: "Devant les charges fiscales accrues, les contribuables québécois ne peuvent que s'insurger" — ce sont des termes très forts dans la bouche du ministre de la Justice — contre le fait qu'ils doivent supporter seuls les frais de la police quand ces frais sont assumés, cette année, à 52 p.c. par le gouvernement fédéral dans toutes les autres provinces à l'exception de l'Ontario. Qui plus est, les contribuables québécois, déjà lourdement taxés pour la police sur leur territoire, sont contraints de payer, par l'intermédiaire de leurs impôts fédéraux, une partie des coûts de la police dans les autres provinces".

Cela devrait être inscrit au bilan qui intéresse votre ministère. Le bilan de l'argent, des impôts qui quittent le Québec et qui n'y reviennent pas. Je vous signale cela en passant, parce que cela me parait être un point sur lequel on pourra peut-être discuter un peu plus loin. "L'équité exigerait, continue la lettre, une réponse favorable à notre demande de compensation financière qui concerne, à notre avis, un secteur qui n'a pas d'équivalent dans tout le domaine des relations fédérales-provinciales.

La présente démarche a donc pour but de vous sensibiliser aux données du problème actuel en ce qui concerne les frais assumés par les Canadiens dans le domaine de la police. "Nous ne voulons pas laisser subsister plus longtemps une situation injuste pour certaines catégories de Canadiens." Décidément, le vocabulaire du ministre de la Justice est très fort. Et il continue: "C'est dès maintenant qu'il faut remédier à la situation. Attendre en 1976, à l'expiration des contrats actuels, pour donner une voix au Québec et à l'Ontario dans le renouvellement des contrats serait perpétuer une situation d'injustice flagrante qu'il serait irresponsable...", M. le ministre, votre réponse à la lumière de ce paragraphe, était irresponsable. "... de ne pas combattre..." encore un vocabulaire d'insurrection, "... qu'il serait irresponsable de ne pas combattre à cause de l'importance des sommes en jeu."

A la lumière de cette prise de position on ne

peut plus nette et de l'échec retentissant du ministre de la Justice auprès de son "monologue" fédéral, pour parler comme le député de Verdun, qu'est-ce que vous entendez faire maintenant, immédiatement, devant l'urgence de la situation?

M. LEVESQUE: Lorsque j'ai parlé de 1976, je parlais d'une échéance.

M. MORIN: La même que celle qui est mentionnée là.

M. LEVESQUE: Oui, parce que c'est à ce moment que nous pourrons nous inscrire dans ces ententes qui doivent être renouvelées à ce moment. Cela ne veut pas dire que nous sommes demeurés inactifs depuis et je dois dire que ce dossier a été acheminé de la même façon que les autres dossiers que j'ai mentionnés tout à l'heure. Il a reçu l'approbation du CCRI, du CIDA, il a été entériné à toutes les instances et le gouvernement fédéral a été approché d'une façon très positive et très vigoureuse de notre part, mais je dis: Tant mieux, si on peut le régler avant 1976. J'en conviens, il y aura des sommes très importantes.

M. MORIN: Autrement, cela serait irresponsable, d'après votre collègue, si...

M. LEVESQUE: Non. Il parle à un autre que moi. La lettre est adressée à un ministre fédéral, j'imagine.

M. MORIN: Non. Elle est adressée à Marc-André Bédard, député de Chicoutimi.

M. LEVESQUE: An bon! C'est une lettre qu'il écrivait à M. Bédard en réponse à une lettre de M. Bédard?

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: De toute façon, il s'exprime ainsi en parlant de l'irresponsabilité du gouvernement fédéral et non pas de l'irresponsabilité du gouvernement québécois, qui ne demande pas mieux qu'on intervienne le plus tôt possible pour régler cette situation. Mais je dis que 1976...

M. MORIN: Je crois qu'il pense à votre situation...

M. LEVESQUE: Non. Le ministre de la Justice...

M. MORIN: Oui, parce qu'il dit: "H serait irresponsable de ne pas combattre cette situation..." Ce n'est pas Ottawa qui va combattre la situation. C'est vous, M. le ministre.

M. LEVESQUE: Lorsque j'ai parlé de 1976, j'ai parlé d'une échéance où, à mon avis, le gouvernement fédéral n'aura pas le choix. Il va falloir qu'il tienne compte de cela, en 1976. D'ici là, je crois qu'il devrait en tenir compte, et on continue le combat jusqu'en 1976, sachant qu'il serait bien préférable que cela soit réglé et insistant pour que cela le soit avant cela, mais, d'un autre côté, nous savons que le gouvernement fédéral ne peut pas se retrancher plus loin que 1976 parce qu'à ce moment il devra reprendre l'ensemble de la question.

M. MORIN: Je suppose que, si je vous dis que le pouvoir fédéral n'a aucunement l'intention de donner suite à vos demandes, vous allez dire que c'est une simple hypothèse et qu'on y verra en temps et lieu, mais j'ai bien l'impression que c'est ce qui va se produire. La réponse initiale a été entièrement négative.

M. LEVESQUE: Non. Ce n'est pas entièrement négatif, lorsque l'on sait le chemin parcouru avec.

M. MORIN: C'est ce que le ministre de la Justice...

M. LEVESQUE: ... les autres provinces depuis ce temps. Nous avons réussi à nous associer les autres provinces du Canada dans la lutte que nous faisons pour faire reconnaître ce droit.

M. MORIN: Quand est prévue la prochaine rencontre avec votre "monologue" fédéral sur la question?

M. LEVESQUE: Une conférence fédérale-provinciale devrait avoir lieu à l'automne 1974.

M. MORIN: Qui vient.

M. BOSSE: C'est une prise de position pour le moins vigoureuse, non confuse.

M. MORIN: Celle du ministre de la Justice l'était. J'avoue que la position du ministre de la Justice avait notre appui, mais quand il s'est cogné au mur de briques de son "monologue" fédéral, cela a été autre chose et c'est cela que je demande au ministre: Qu'est-ce qu'il compte faire pour essayer de combattre, pour employer le vocabulaire, qu'on ne me met pas dans la bouche, un vocabulaire irresponsable? J'emploie les termes mêmes du ministre de la Justice. Qu'est-ce qu'il entend faire pour s'insurger contre ce fait, pour combattre la sourde oreille de son "monologue" fédéral?

C'est cela que je demande au ministre.

M. LEVESQUE: Mais si ma mémoire est fidèle, cette lettre adressée à M. Bédard n'a peut-être pas été adressée à tous les députés.

M. MORIN: Je ne sais pas. En tout cas, elle est bien signée du paraphe de votre collègue. Je vous la montre. Vous pouvez le constater.

M. LEVESQUE: Oui, d'accord. Mais ce que nous avons fait depuis ce temps, c'est très récent, comme le chef de l'Opposition va le reconnaître, nous avons parcouru un chemin important en ce sens que nous avons convaincu les autres provinces. C'est à la suite de cela que les provinces, dans leur ensemble, ont décidé de convoquer le gouvernement fédéral à une réunion envisagée pour l'automne prochain.

M. MORIN: Bien. M. le ministre, peut-être pouvons-nous maintenant discuter de la cour Suprême, puisque tout à l'heure vous l'avez mentionnée dans vos propos. Je vois que le temps passe, mais j'aimerais quand même que vous nous rappeliez rapidement quelle est l'attitude du Québec, de votre ministère sur les questions de la cour Suprême.

M. LEVESQUE: Elle est bien connue, cette attitude.

M. MORIN: Faisons un propos d'étapes, si vous le voulez bien. Elle est bien connue avant Victoria. Depuis lors, j'aimerais bien savoir ce qui s'est dit, ce qu'on pense dans votre ministère.

M. LEVESQUE: La position québécoise n'a pas changé depuis Victoria à ce sujet.

M. MORIN : Décomposons la question. En ce qui concerne la constitution de la cour — je ne parle pas de sa composition pour l'instant, mais de sa constitution — quelle est la position québécoise?

M. LEVESQUE: Ce qui a fait justement l'étoffe de cette proposition québécoise, qui n'a pas été rendue publique d'ailleurs, c'est que nous voudrions que la cour Suprême émane plutôt de la constitution canadienne que d'une loi fédérale. On arrive à la composition du tribunal; mais de ceci évidemment, on pourrait en discuter assez longuement.

M. MORIN: Alors, que la cour de dernière instance, particulièrement en matière constitutionnelle, j'imagine, relève de la constitution, comme cela se fait dans certains Etats fédéraux, et non pas d'une simple loi fédérale, comme c'est le cas au Canada ou en Australie aussi, dans les pays d'inspiration britannique. Bien. Qui nommerait les juges? C'est beau de la mettre dans la constitution plutôt que dans une simple loi, mais qui la constituerait?

M. LEVESQUE: On pourrait concevoir des nominations qui tiendraient compte des régions du pays et que toutes les nominations soient faites par consensus.

M. MORIN: Par consensus.

M. LEVESQUE: Par un consensus fédéral régional.

M. MORIN: C'est-à-dire qu'il y aurait un droit de veto du Québec sur les nominations d'Ottawa et un droit de veto d'Ottawa sur les nominations suggérées par le Québec. C'est un foutoir sensationnel.

M. LEVESQUE: Cela n'a pas été exprimé d'une façon définitive. Présentement, nous en parlons...

M. MORIN: Vous êtes en train d'y réfléchir, si je comprends bien.

M. LEVESQUE: C'est cela.

M. MORIN: J'espère que votre réflexion va porter fruit, mais que ce n'est pas la direction dans laquelle vous allez trouver beaucoup de solutions.

Est-ce que le ministre a fait examiner par son ministère la possibilité d'un système... On m'a dit hier ou avant-hier, c'est le ministre lui-même qui nous a appris qu'il se faisait des études comparatives entre les divers Etats de type fédéral. Est-ce que les études comparatives ont porté en particulier sur ce point? Parce que c'est peut-être l'un de ceux où il y a le plus à apprendre.

M. LEVESQUE: Sur l'organisation judiciaire, comme sur tous les points qui intéressent un Etat fédéral.

M. MORIN: La raison pour laquelle j'insiste, c'est que c'est un des points où il y a quelque chose à apprendre dans les autres constitutions fédérales, alors que sur beaucoup d'autres points il n'y a à peu près rien qui puisse nous servir. C'est souvent même plus centralisateur que ce n'est le cas au Canada.

M. BOSSE: Etes-vous contre cette solution?

M. LEVESQUE: Nous avons fait une étude comparative sur les systèmes judiciaires dans 147 pays.

M. MORIN: Bien. Et alors, quel est celui qui a retenu le plus l'attention des recherchistes de votre ministère? Parce qu'il y en a certains qui sont pleins d'enseignement et il y en a d'autres qui ne contiennent aucun enseignement.

M. LEVESQUE: II y a trois volumes présentement de nature descriptive, mais quant à l'analyse elle-même, elle est en voie de préparation.

M. MORIN: Est-ce que je pourrais suggérer au ministre de jeter un coup d'oeil surtout sur le système de l'Allemagne de l'Ouest?

M. LEVESQUE: Sans doute.

M. MORIN: Vous voyez la gentillesse avec laquelle je me place dans les hypothèses de

travail du ministre. Ce n'est pas que je croie que cela va résoudre le problème. Je ne le pense pas. Mais à l'intérieur du système du ministre et de son gouvernement, je pense que c'était probablement celui où il y a le plus d'enseignement à aller chercher.

M. LEVESQUE: Je retiens la suggestion du chef de l'Opposition, mais je ne peux pas concevoir que, malgré ses vastes connaissances, il ait fait lui-même, personnellement, une étude comparative des 147 pays en question.

M. MORIN: Non, M. le ministre, c'est un fait. Mais de la vingtaine de fédérations, oui, je peux donner les références au ministre si cela l'intéresse. Cela a été publié dans la revue du Barreau canadien.

M. LEVESQUE: Cela a même été lu et analysé au ministère. Cela fait partie de cette compilation qui se fait présentement au ministère.

M. MORIN: Bien. Depuis lors, cependant, je devrai signaler aux recherchistes du ministre que j'ai quelque peu changé d'avis. Est-ce que le ministre serait en désaccord sur un système où le Québec nommerait lui-même directement ses représentants au tribunal constitutionnel?

M. LEVESQUE: Si quoi?

M. MORIN: Si le ministre serait en désaccord sur un système où le Québec nommerait directement ses représentants au tribunal constitutionnel. Est-ce une hypothèse qui a été étudiée sérieusement?

M. LEVESQUE: Oui. Et c'est peut-être une situation idéale. Mais ce qui me frappe, c'est l'aveu du chef de l'Opposition, il y a quelques instants, et cet aveu me fait conclure qu'il est peut-être récupérable, le chef de l'Opposition.

M. MORIN: J'essaie de voir dans quelle mesure le ministre s'est penché sérieusement sur ces questions parce qu'il est dans son intérêt d'essayer de sauver le système, je crois que c'est ce qu'il essaie de faire. J'essaie de voir dans quelle mesure il prend...

M. LEVESQUE: Entre une nomination purement québécoise de certains juges, pas de tous les juges, j'imagine, parce que je pense qu'on ne peut pas passer à l'autre extrême, que la cour Suprême serait entièrement de nomination québécoise. Il faut toujours être réaliste. Entre cette possibilité d'avoir une nomination ou deux, je ne sais pas combien, sur la composition, directement par le Québec, est-ce que ça voudrait dire, dans l'esprit du chef de l'Opposition, que les autres seraient nommés sans veto de la part du Québec?

M. MORIN: La raison pour laquelle je crois que ces propositions doivent être étudiées... Mais, malheureusement, je crains qu'elles soient aussi irréalistes l'une que l'autre. Je ne crois pas que le pouvoir fédéral... Je le dis bien sincèrement au ministre, j'ai cru longtemps que le pouvoir fédéral consentirait des accommodements. Mais j'en ai parlé avec passablement de collègues anglo-canadiens, dont certains sont connus du ministre.

M. LEVESQUE: II y a plusieurs modalités...

M. MORIN: J'ai perdu mes illusions là-dessus, nous n'aurons jamais l'appui des Anglo-Canadiens là-dessus, vous n'aurez jamais l'appui des autres provinces là-dessus, malheureusement.

M. LEVESQUE: Mais, justement, sans vouloir dévoiler ce qui s'est passé et qui n'a pas été publié, je crois que nous sommes venus assez près d'un accord. Mais il y a diverses modalités qui peuvent être imaginées. Le chef de l'Opposition parlait de nomination directe pour certains juges délégués, nommés par le Québec, directement; d'autres ont songé à une liste fournie par chacune des régions et en dehors de laquelle le gouvernement fédéral ne pourrait pas faire de nominations. Enfin, il y a plusieurs modalités à ça.

M. MORIN: A Victoria justement, prenons Victoria comme point de référence. C'est quand même ça qui allait être proposé au pays et entré dans la constitution une fois pour toutes, parce qu'on ne change pas de charte ou de soi-disant charte tous les jours. A Victoria, quel était le système retenu?

M. LEVESQUE: C'était une désignation par les provinces, mais avec veto limité à une liste.

M. MORIN: Désignation par combien de provinces?

M. LEVESQUE: Par cinq régions.

M. MORIN: Par cinq régions. Et le veto était celui du gouvernement fédéral.

M. LEVESQUE: Mais limité à une liste. Pour deux postes, par exemple, on pouvait suggérer cinq noms, mais le gouvernement fédéral ne pouvait pas en sortir. Il fallait qu'ils se mettent d'accord pour deux, mais, encore là, ce sont des modalités envisagées, mais il n'y a rien de décidé, il n'y a pas eu d'entente intervenue.

M. MORIN: Et sur le tribunal suprême, combien de postes le Québec avait-il sur un ensemble de combien de juges?

M. LEVESQUE: II n'y a pas eu d'accord là-dessus.

M. MORIN: II n'y a pas eu d'accord là-

dessus. C'est bien ce qu'il me semblait, mais est-ce que le ministre peut admettre que c'était crucial, cette question-là?

M. LEVESQUE: Oui. S'il y avait eu entente, je pourrais vous en parler, mais il n'y en a pas eu.

M. MORIN: Mais à Victoria, il n'y a pas eu d'entente sur ce point-là. Il y a eu des ententes accessoires, mais pas sur ce point crucial.

M. LEVESQUE: C'est vrai.

M. MORIN: Mais alors, cela n'avançait pas; Victoria, sur ce point-là, ne nous faisait pas tellement avancer.

M. LEVESQUE: Je n'ai jamais prétendu qu'il y avait eu une entente ou qu'on en était arrivé à un accord.

M.MORIN: L'état actuel du dossier, c'est que c'est à l'étude; vous étudiez 147 constitutions différentes et vous vous préparez donc à un réexamen de tout le dossier de la cour Suprême. C'est cela? Quand le ministre pense-t-il que ce grand remue-ménage constitutionnel va se produire?

M. LEVESQUE: On revient à la question du début.

M. MORIN: Je vous pose la question.

M. LEVESQUE: Nous procédons présentement, comme je l'ai mentionné, avec divers gros dossiers, soit les communications, l'immigration, les arts et les lettres et, lorsque la justice viendra, elle prendra préséance.

M. MORIN : Est-ce que le ministre pense que ce problème de la cour Suprême, en particulier, peut être réglé isolément ou si cela ne doit pas faire partie, dans son esprit, d'un réexamen complet de la constitution? Il semble nous indiquer que cela peut se régler pièce par pièce et que sa philosophie, justement, c'est du rapiéçage, pièce par pièce. Je lui suggère que ce problème-là ne peut pas être isolé des autres.

M. LEVESQUE: C'est cela. C'est exact.

M. MORIN: M. le Président, je pense qu'on peut peut-être remettre la suite de cette discussion sur la cour Suprême à l'année prochaine. On verra où cela en est à ce moment-là. J'allais aborder, comme question suivante, le partage fiscal.

M. LEVESQUE: II serait mieux, peut-être, d'attendre à cet après-midi.

M. MORIN: J'y consens volontiers, si le ministre le veut.

M. LEVESQUE: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Picard): La commission suspend ses travaux jusque vers quatre heures cet après-midi, après la période des questions à l'Assemblée nationale.

(Suspension de la séance à 11 h 54)

Reprise de la séance à 16 h 23

M. PICARD (président de la commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!

La commission continuera et, si possible, terminera, cet après-midi, l'étude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales. Après, nous procéderons à l'étude des crédits de la présidence du conseil.

Pour la séance de cet après-midi, M. Shanks (Saint-Henri) remplacera M. Beauregard (Gouin).

M. SHANKS: Je ne suis pas au courant, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Picard): Je vous ai invité tout à l'heure à prendre votre siège, exactement pour cela.

M. LEVESQUE: Très bien, M. le Président. Vous faites bien cela, vous avez un filet.

LE PRESIDENT (M. Picard): M. Quenneville (Joliette-Montcalm) remplace le premier ministre, M. Bourassa (Mercier). Je crois que c'est tout pour cet après-midi.

Je cède la parole au chef de l'Opposition.

M. MORIN: Merci, M. le Président.

Comme j'en avais prévenu le ministre des Affaires intergouvernementales, ce matin, j'aimerais aborder, cet après-midi, la question du partage fiscal entre le pouvoir fédéral et les provinces, naturellement, entre le pouvoir fédéral et, en particulier, le Québec.

Cette question nous paraît essentielle, parce que, dans une très large mesure, elle détermine l'activité du gouvernement dans les domaines qu'il tente de récupérer sur le plan constitutionnel. Non seulement est-ce le partage fiscal qui permettrait d'exercer de nouvelles responsabilités, mais c'est le partage fiscal qui, à l'intérieur du fédéralisme canadien, permet ou ne permet pas aux provinces d'assumer pleinement leurs responsabilités dans les domaines traditionnels comme, par exemple, la santé ou encore l'enseignement, notamment l'enseignement supérieur.

Depuis quelques années, le Québec tente de récupérer des points d'impôt. Je n'ai pas à rappeler au ministre les aspects constitutionnels de cette question du partage des impôts directs; les deux gouvernements ont des prétentions dans' ce domaine. Le pouvoir fédéral en avait, à toutes fins pratiques, expulsé les provinces durant la dernière guerre. A compter de 1954 et grâce aux travaux de la commission Tremblay, la première commission Tremblay...

M. LEVESQUE: Le juge.

M. MORIN: Celle du juge Tremblay effectivement, le Québec avait décidé de revenir dans le champ de l'impôt sur les particuliers. Depuis 1954, nous avons fait des progrès notoires dans ce domaine, surtout à l'époque du gouvernement Lesage qui, il faut bien le reconnaître, avait réalisé des progrès substantiels, et avait réussi à extirper le Québec ou à extriquer le Québec des programmes conjoints, du moins dans une certaine mesure. Cette question de la récupération des impôts, cependant, est toujours à l'ordre du jour. Elle a suscité, au gouvernement, l'appui de nombreux corps intermédiaires, notamment de la Chambre de commerce du Québec, qui a tenu à appuyer fermement le gouvernement l'année dernière, à l'époque où il faisait valoir de nouvelles revendications d'ordre fiscal.

Je fais allusion, en particulier, à la prise de position des hommes d'affaires québécois rapportée dans les journaux vers la mi-février 1973. C'est à cette époque que la Chambre de commerce du Québec appuyait sans restriction la position adoptée par le Québec, et notamment les points suivants —la chambre, du moins, exprimait son accord sur les points suivants—: Que le gouvernement du Canada diminue immédiatement de $1 milliard son impôt sur les revenus des particuliers, sommes qui seraient récupérées par les provinces pour hausser leur propre impôt en conséquence; que le gouvernement canadien adopte une politique bien définie sur l'abstention facultative — il s'agit de "l'opting out"— des programmes à frais partagés, politique qui inclurait une compensation adéquate aux provinces en termes de pourcentage de l'impôt sur le revenu. Enfin, que le transfert aux provinces par le gouvernement canadien d'un pourcentage additionnel de l'impôt sur le revenu des particuliers auquel devront s'ajouter des subventions de péréquation pour égaliser le rendement des impôts provinciaux soit effectué.

Or, M. le Président, le ministre n'ignore pas qu'à la conférence des premiers ministres qui a eu lieu à Ottawa du 23 au 25 mai 1973, le Québec — il faut bien l'avouer — a essuyé un refus qu'on serait tenté d'appeler, à la manière d'un artiste québécois, un refus global. Le Québec a essuyé un échec sur toute la ligne dans ses revendications d'ordre fiscal.

Le Québec — je le rappelle seulement pour mémoire — revendiquait un nouveau partage fiscal et un nouveau mode de financement au moyen d'un transfert fiscal pour les programmes de santé et l'enseignement supérieur.

Concrètement, le Québec revendiquait 28 points d'impôt sur le revenu des particuliers, ce transfert étant assorti de diverses modalités afin que le rendement des 28 points s'établisse pour toutes les provinces au palier de la province où ce rendement serait le plus élevé.

La réponse du pouvoir fédéral a été on ne peut plus catégorique. Pour ce qui est du partage fiscal, Ottawa a répondu que les provinces qui veulent plus d'argent prélèvent leur propre taxe additionnelle. Et en ce qui concer-

ne le financement, l'offre fédérale, a répondu Ottawa, est à prendre ou à laisser. Cette offre — je vous la rappelle, toujours pour mémoire — Ottawa était disposé à octroyer aux provinces six points de l'impôt sur le revenu des particuliers, de même que les taxes fédérales d'accise sur les tabacs, les alcools, etc., les provinces devant défrayer elles-mêmes, de façon autonome, les programmes de financement à frais partagés des services de santé et de l'enseignement supérieur. L'abolition des taxes d'accise fédérales et le remplacement par des taxes d'accise provinciales équivalentes devaient entrer en vigueur, toujours d'après le gouvernement fédéral, le 1er janvier 1975 et devaient rapporter aux provinces, pour l'exercice 1975/76 des revenus d'environ $1.4 milliard.

D'autre part, le transfert de six points d'impôt dont je parlais à l'instant, serait entré en vigueur le 1er janvier 1977 et aurait valu aux provinces pour l'exercice 1977/78, environ $1.3 milliard. Pour le Québec, la formule aurait apporté des recettes fiscales additionnelles qui auraient augmenté de $100 millions à $379 millions entre les années financières 1974/75 et 1978/79.

Je crois qu'il convient, M. le Président, de décrire le résultat de cette conférence comme étant le maintien essentiellement du statu quo sur le plan fiscal par rapport en tout cas à ce que le Québec demandait. Je vois le ministre qui opine. Je crois qu'il a bien raison de n'en pas disconvenir.

M. LEVESQUE: J'aurai l'occasion de préciser ma pensée dans quelques instants.

M. MORIN: J'y compte bien. Ai-je besoin d'ajouter, M. le Président, que ce statu quo fait parfaitement l'affaire du pouvoir fédéral qui peut ainsi continuer à jouir de la part prépondérante de l'impôt sur le revenu et qui peut aussi de la sorte maintenir le concept des programmes conjoints? De tout cela, il résulte un certain nombre de questions. Le Québec a-t-il renoncé à l'idée d'un nouveau partage fiscal? C'est ma première question. Je me réfère, avant que...

M. LEVESQUE: Non.

M. MORIN: ... vous ne répondiez... Je pense que je connais la réponse. Ce sont les modalités qu'il faudrait étudier. Je voudrais rappeler qu'avant la conférence le premier ministre lui-même... ce serait le moment où nous pourrions peut-être utiliser ses services à la commission, plutôt que sur des questions où le ministre des Affaires intergouvernementales s'y entend beaucoup mieux que le premier ministre.

M. LEVESQUE: Le premier ministre s'y entend très bien. Ne vous méprenez pas sur la façon.

M. MORIN: Justement si j'en jugeais sur la façon, ce serait comme le ministre vient de l'admettre, à s'y méprendre.

Le premier ministre lui-même disait, en février 1973, donc avant la dernière conférence fédérale-provinciale: II est de plus en plus évident que si nous voulons un régime authenti-quement fédéral, c'est-à-dire qui tienne compte de la décentralisation des pouvoirs et de la possibilité pour les provinces et pour les municipalités d'assumer leurs responsabilités, — chose dont nous avons parlé amplement depuis deux jours, et cela continue — il faudra qu'il y ait un nouveau partage fiscal.

C'était péremptoire de la part du premier ministre. "Le contenu du budget fédéral du 19 février, concluait M. Bourassa, sera un test très sérieux — on sait ce qu'il en est advenu — peut-être pour la première fois depuis longtemps de la volonté du gouvernement fédéral de véritablement considérer notre régime canadien comme un régime fédéral". Ces propos du premier ministre vont donc au coeur des questions dont nous discutons depuis quelques jours. La première question est la suivante: Est-ce que, depuis ces propos du premier ministre et à la suite de l'échec enregistré à la dernière conférence, le gouvernement, et en particulier le ministère des Affaires intergouvernementales, a changé d'idée?

M. LEVESQUE: Lorsqu'on parle d'échec, je pense bien qu'il faudrait faire attention. Il s'agit peut-être d'un échec du gouvernement fédéral plutôt que d'un échec du gouvernement du Québec.

M. MORIN: Ah oui!

M. LEVESQUE: II y a certainement dans les attitudes du Québec une préoccupation qui était justement de maintenir des revenus suffisants pour faire face à nos obligations. C'est souvent le gouvernement du Québec qui a refusé d'accepter certaines propositions qui, à première vue, pouvaient se défendre, mais qui, à plus ou moins long terme, pouvaient devenir un peu dangereuses dans l'équilibre du budget québécois. C'est souvent nous qui avons décidé de ne pas marcher dans une telle voie. Peut-être, à un moment donné, lorsqu'on parle d'échecs, est-on souvent porté à généraliser et à parler des échecs du gouvernement du Québec, mais souvent il s'agit d'échecs du gouvernement fédéral, qui a dû se contenter du statu quo plutôt que de voir accepter par les provinces des propositions qui, après étude sérieuse, ne correspondaient pas aux désirs du Québec en particulier.

Ceci étant dit, M. le Président, j'aimerais rappeler à l'honorable chef de l'Opposition que c'est la loi sur les arrangements fiscaux de 1972 qui établit les modes de partage des principales ressources fiscales et financières impliquant les deux ordres de gouvernement. Cette loi, le chef de l'Opposition le mentionnait tout à l'heure, est en vigueur jusqu'en 1977, c'est ce qu'il appelait le statu quo. La négociation sur les

arrangements qui régiront l'ensemble du système à partir de 1977, s'engagera présumément à compter de 1975 ou 1976 au plus tard. Dans cette perspective, le dossier québécois en vue de cette négociation commencera à être colligé dès l'été prochain, c'est-à-dire l'été 1974, autrement dit dans quelques semaines.

Le chef de l'Opposition a touché la question de la péréquation, il a touché la question du financement du postsecondaire, il a touché également au financement des questions d'ordre social des domaines de la santé.

M. MORIN: La santé.

M. LEVESQUE: Dans le domaine de la péréquation, la loi de 1972 n'avait prévu que des modifications techniques à la formule de péréquation. Mais je crois qu'il est important de rappeler que le budget fédéral de 1973 a été l'occasion d'une amélioration sensible du système de péréquation et cela, du fait de l'inclusion de l'impôt foncier scolaire dans les revenus provinciaux sujets à la péréquation. Cette disposition législative nouvelle, on s'en souviendra, a été suggérée à plusieurs reprises par le gouvernement du Québec. Et, il faut bien l'admettre, je pense bien, d'un côté comme de l'autre de cette table autour de laquelle siège cette commission, il en est résulté une augmentation substantielle des paiements de péréquation au profit du Québec. On se rappellera que cela a aidé le Québec à remplir certaines obligations importantes, prioritaires, vis-à-vis d'autres institutions dont il est responsable, jusqu'à un certain point.

Plus récemment, des représentations faites par le Québec ont réussi, chacun le sait, à contrer certaines vélléités du gouvernement central visant à modifier le système de péréquation en raison de la hausse des droits perçus par certaines provinces productrices de pétrole, droits dont on prévoyait, au fédéral, qu'ils seraient si élevés qu'ils bouleverseraient le système en vigueur. On se rappelle les déclarations d'un certain ministre, à un moment donné, du côté fédéral. Des représentations du Québec et de la contribution qu'il a apportée à la solution d'ensemble du problème du prix du pétrole au Canada... Ces craintes fédérales ont été dramatisées, avec le résultat que la formule de péréquation n'a pas été modifiée, ce qui a pour effet d'augmenter substantiellement les paiements de péréquation au Québec, comme je l'ai souligné d'ailleurs dans mon exposé à l'ouverture des discussions sur les crédits du ministère. J'aimerais bien pouvoir, à ce moment-ci, préciser les sommes additionnelles dont pourra disposer le Québec à ce titre, à ce chapitre, mais il m'est difficile de le faire avant que la province la plus intéressée adopte une législation dans laquelle elle indiquera la part de ses revenus additionnels qui ira dans les investissements et la part qui sera utilisée dans ses revenus ordinaires, ce qui sera la base de la détermination des sommes auxquelles le Québec aura droit, en vertu du système de péréquation.

M. MORIN: Est-ce que vous me permettriez une question, M. le ministre? Si ma mémoire est bonne, le pouvoir fédéral s'inquiétait de la péréquation à l'époque où on pensait que peut-être les provinces de l'Ouest réclameraient le plein prix du baril de pétrole, à ce temps-là $10.50. Comme cela a été réduit à $6.50, le danger des répercussions sur la péréquation est beaucoup moindre. Est-ce que le ministre est conscient de cela?

M. LEVESQUE: Le problème est moins grave, mais il n'en ressort pas moins que l'on part d'un prix de $4.00 du baril, à la tête du puits...

M. MORIN: ... à $6.50.

M. LEVESQUE: ... à $6.50. A ce moment-là, il n'y a aucun doute que les revenus des provinces productrices augmentent d'une façon considérable.

M. MORIN: Substantielle.

M. LEVESQUE: Substantielle, oui. Cela représente combien? Au-delà de $1 milliard. Et dans l'autre point soulevé par le chef de l'Opposition, il était question, je crois, du financement du postsecondaire. La loi de 1972 prévoyait la reconduction des arrangements sur le mode de financement du postsecondaire, pour une période additionnelle de deux ans.

M. MORIN: C'est cela.

M. LEVESQUE: Et immédiatement, j'aimerais...

M. MORIN: Le 31 mars 1974...

M. LEVESQUE: ... bien rappeler... mais là, nous sommes portés à entrer un peu dans le contenu, mais j'aimerais souligner au chef de l'Opposition une prise de position du Québec sur la question du postsecondaire, de la négociation de son financement quant à l'attitude du ministère des Affaires intergouvernementales, c'est ce qui intéresse le plus, je crois ici, le chef de l'Opposition.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: La position du Québec qui a été adoptée — j'en ai été témoin à la conférence de Halifax à l'été 1972, si ma mémoire est fidèle — et l'ensemble des premiers ministres des provinces du Canada ont appuyé cette position du Québec, voulant que les ministres de l'Education s'abstiennent de discuter de cette question avec les autorités fédérales. Etant donné qu'elle était une question de financement de l'Education, étant donné que nous voulions souligner les compétences exclusives des provinces en matière d'éducation, les dix premiers ministres des provinces du Canada ont pris la position du Québec, indiquant que

quelles que soient les sommes en jeu, il n'était pas question pour les ministres de l'Education du Canada de négocier avec qui que ce soit au fédéral sur le financement du postsecondaire, mais qu'on pouvait utiliser les services des ministres des Finances des provinces du Canada pour discuter avec leur homologue fédéral de cette question.

Nous avons tenu mordicus à cette position, position d'ailleurs qui a été appuyée par tous les premiers ministres des provinces du Canada.

M. le Président, revenant sur le sujet d'une façon encore plus précise, de nouvelles formules ont été mises au point par les provinces et proposées au gouvernement fédéral pour l'avenir.

M. MORIN: Vous parlez toujours de l'enseignement supérieur, parce que l'arrangement a été prolongé.

M. LEVESQUE: Oui, des finances, du postsecondaire et cela, par les ministres des Finances.

M. MORIN: Depuis mai 1973?

M. LEVESQUE: Un instant, je n'ai pas terminé.

M. MORIN: L'accord a été prolongé.

M. LEVESQUE: Je n'ai pas terminé, s'il vous plaît.

M. MORIN: Continuez.

M. LEVESQUE: Je parlais de 1972 et vous m'avez interrompu avant que j'arrive à 1973.

M. MORIN: Allez-y.

M. LEVESQUE: D'accord. De son côté, le gouvernement fédéral a fait une proposition que les provinces, incluant le Québec, ont refusée en bloc, c'est-à-dire un per capita basé sur la population de 18 à 24 ans, associé au maintien des points d'impôt actuels, 4.537 p.c. Devant cette impasse, car il y avait impasse, il y avait justement un refus des provinces, il a été convenu de prolonger jusqu'à la fin des accords, jusqu'en 1977, autrement dit, tel que je l'ai mentionné tout à l'heure, l'application de la formule actuelle, un partage sur la base de 50-50 des dépenses du postsecondaire, associé au nombre de points d'impôt que je viens de mentionner.

Cela veut donc dire que cela fera partie du "package deal" des arrangements de 1977. Je crois que le chef de l'Opposition a attiré notre attention sur "l'opting out" québécois. Il avait le terme français. Je l'ai noté, je crois, mais c'était quoi?

M. MORIN: Le droit d'option.

M. LEVESQUE: Non, il y avait un autre nom que vous avez employé. C'est la Chambre de commerce qui avait utilisé cela.

M. MORIN: C'est possible, mais je peux le retrouver, si vous le désirez.

M. LEVESQUE: Enfin, puisque nous voulons trouver tous les termes.

M. MORIN: C'était l'abstention facultative.

M. LEVESQUE: Ah bon! c'est cela. C'est bien.

M. MORIN: C'est joli, cela. On pourrait transposer cela sur l'état de plan.

M. LEVESQUE: Comme mon sous-ministre me le fait remarquer, "l'opting out" a un sens beaucoup plus positif qu'une simple abstention facultative. Il y a un élément positif, j'en conviens d'ailleurs.

M. MORIN: Je préfère "droit de retrait", personnellement. Je crois que sur le plan constitutionnel, c'est plus juste, c'est plus près de la réalité.

M. LEVESQUE: Je ne voudrais pas faire de peine à la Chambre de commerce d'avoir fait cet effort de traduction tout de même.

Quant à "l'opting out" québécois des programmes établis, la loi de 1972 a eu effet de maintenir au profit du Québec le statu quo relativement à la faculté de se retirer des programmes fédéraux d'assurance-hospitalisation, d'allocations aux jeunes et de bien-être, moyennant un transfert fiscal de 24 points d'impôt sur le revenu des particuliers.

Il importe de noter, en ce qui concerne l'assurance-hospitalisation, que les négociations sont engagées depuis quelque temps en vue de mettre au point une nouvelle formule de compensation financière, tenant lieu de contribution fédérale, formule assortie d'un nouveau transfert fiscal.

Comme on le sait — et le chef de l'Opposition l'a souligné tout à l'heure — la proposition fédérale à cet égard, qu'on a appelée la formule Lalonde-Turner, a été jugée par l'ensemble des provinces comme insuffisante.

Là encore, des provinces se sont déclarées insatisfaites de cette proposition, proposition insuf issante pour couvrir la hausse prévisible des coûts dans le domaine de la santé. Si je me rappelle bien, nous avons longuement discuté cette question dans le temps, mais il était question de, je crois, six points d'impôt assortis d'impôt sur les alcools et sur le tabac, etc. Nous étions d'accord pour les points d'impôt sur le revenu des particuliers, car ces impôts, jusqu'à maintenant du moins, et dans un avenir prévisible, comportaient une croissance rapide, tandis

que les autres impôts avaient une allure un peu plus stationnaire ou statique, si vous voulez.

M. MORIN: Oui. Le premier ministre avait insisté, d'ailleurs, sur les 28 points justement parce qu'il y a une plus grande élasticité de la croissance dans le domaine de l'impôt sur le revenu des particuliers que dans les autres taxes qu'Ottawa offrait comme une sorte de charité.

M. LEVESQUE: Dans une période comme celle que nous traversions et que nous continuons de traverser, la hausse des coûts dans le domaine de l'hospitalisation, en particulier, est telle que nous ne pouvions pas risquer d'accepter une telle proposition sans mettre en danger l'équilibre budgétaire du Québec, et les autres provinces également ont eu la même réaction.

Aussi, faute de mieux, les provinces préfèrent-elles le régime actuel de partage des coûts, sur une base de parité entre le fédéral et les provinces. D'autre part, j'aime le souligner, je le signale. Je signale que la mise en application du nouveau régime d'allocations familiales n'a pas empêché le Québec de conserver les trois points d'impôt sur le revenu des particuliers. Il a été question, à un moment donné, que c'était en danger, mais elle n'a pas empêché le Québec de conserver les trois points d'impôt sur le revenu des particuliers acquis depuis près de dix ans au titre de programme d'allocations aux jeunes. C'étaient les allocations scolaires, des seize et dix sept ans.

M. MORIN: C'était en vertu de l'"opting out". C'est en vertu du droit...

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: D'accord! Je vous suis.

En passant, M. le ministre, est-ce que c'est tiré du bilan secret ou d'un document qui serait public, et que nous pourrions...

M. LEVESQUE: Je vais vous dire d'où c'est tiré. C'est tiré un petit peu de mon expérience personnelle. C'est tiré un petit peu des réponses que vous avez eues aux questions que vous avez posées lors de l'étude des crédits des Finances. C'est tiré également des bons conseils que je reçois de mes conseillers, tant au ministère des Affaires intergouvernementales qu'au ministère des Finances. Alors, j'ai fait une sorte de consensus de tous ces éléments pour essayer de donner la réponse la plus complète à l'honorable chef de l'Opposition, qui a eu l'amabilité de me prévenir avant l'heure du lunch du sujet qu'il traiterait cet après-midi.

M. MORIN: Cela permet au ministre de ne pas contredire le ministre des Finances.

M. LEVESQUE: A part cela.

M. MORIN: Avez-vous terminé, M. le ministre?

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Est-ce que nous pourrions revenir un instant, à l'enseignement supérieur? L'accord de 1972 a donc...

M. LEVESQUE: Postsecondaire ou supérieur?

M. MORIN: Postsecondaire, pour être plus techniquement précis. Vous avez raison, il s'agit du postsecondaire. L'accord en 1972 a donc été renouvelé jusqu'en 1977, même si tous les premiers ministres estimaient qu'il fallait modifier immédiatement la formule proposée. Ils se sont donc fait tenir la dragée haute par le pouvoir fédéral, d'une manière que, en ce qui nous concerne, nous devons qualifier d'extrêmement cavalière. Dois-je en conclure, comme première question, M. le ministre, que d'ici 1977, on ne peut attendre aucun changement dans ce domaine?

Voulez-vous que je répète ma question...

M. LEVESQUE: Vous seriez bien aimable...

M. MORIN: ... parce que vous avez seulement trois oreilles et...

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Je vous demandais ceci: Si la situation demeure la même jusqu'en 1977, il n'y aura donc aucun changement pour les programmes de l'enseignement postsecondaire?

M. LEVESQUE: En général, la réponse est oui, sauf qu'il peut y avoir des ajustements fragmentaires comme ceux que j'ai mentionnés il y a quelques instants dans le domaine de la reconnaissance de l'impôt scolaire comme facteur d'appréciation, comme élément retenu et qui peut changer les revenus.

M. MORIN: Pourtant, les arguments que faisait valoir le Québec à ce chapitre étaient extrêmement importants, extrêmement persuasifs. Est-ce que votre ministère a une réaction à cette attitude du pouvoir fédéral?

M. LEVESQUE: Je l'ai mentionné il y a quelques instants, au tout début de mes remarques, lorsque je vous disais que le dossier québécois, en vue de cette négociation, commencerait à être colligé dès cet été. Alors, nous aurons certainement des réactions, peut-être dans les semaines qui suivent, mais disons dans les mois qui suivent, et nous allons nous préparer et nous nous préparons incessamment à cette nouvelle ronde de négociations.

M. MORIN: Vous êtes donc persuadé que, dans ce domaine...

M. LEVESQUE: II s'agit là d'un très gros paquet et il ne faut pas oublier — et j'ai pris la

peine de le souligner au début de ma réponse au chef de l'Opposition — qu'il y a là des réponses négatives qui viennent du Québec et que, lorsqu'on parle d'un échec de négociations, il faut bien comprendre que c'est après évaluation des propositions que nous avons pensé que nous étions mieux, avec ce que nous avions maintenant, de prendre le risque. Même si, apparemment, cela pouvait paraître intéressant, il pouvait y avoir des éléments autonomistes mêlés dans la proposition fédérale, dans le sens de nous remettre le paquet, mais, avant de le prendre, nous voulons nous assurer que cela n'est pas un marché...

M. MORIN: ... les alcools, le tabac... M. LEVESQUE: Oui. ... de dupes... M. MORIN: Cela en était un.

M. LEVESQUE: ... parce qu'on pourrait, à ce moment, peut-être, réclamer que nous avions gagné des points du côté autonomiste en récupérant certains pouvoirs fiscaux, en récupérant des ressources, mais en même temps, on récupérait des obligations qui nous ont paru, peut-être pas à court terme, mais à moyen terme, constituer, à ce moment, quelque chose de moins intéressant que ce qu'on nous présentait.

M. MORIN: Diriez-vous cela pour les six points d'impôt?

M. LEVESQUE: Autrement dit, si on nous présente sur un plateau d'argent certaines propositions à allure fortement autonomiste et qui respectent davantage encore l'autonomie québécoise, nous ne sommes pas prêts à les accepter sans avoir considéré toute la question et incluant la question financière et budgétaire.

M. MORIN: Voulez-vous préciser? Quelle a été l'attitude exacte du Québec sur les six points d'impôt que proposait le gouvernement fédéral?

M. LEVESQUE: Quant aux six points, il n'y avait pas de problème. Nous en voulions plus. Là où il y avait des problèmes —je l'ai mentionné tout à l'heure — c'était sur les impôts stationnaires qu'on nous proposait...

M. MORIN: Qui n'ont aucune élasticité...

M. LEVESQUE: ... qui n'avaient justement pas l'élasticité prévue dans l'impôt sur le revenu.

M. MORIN: Bien. Avez-vous terminé là-dessus?

M. LEVESQUE: Je suis à votre disposition. M. MORIN: J'espère.

M. LEVESQUE: Je n'ai pas terminé. Au contraire. Dès que vous allez finir vos questions, nous allons nous mettre au travail. Regardez tout le monde qui attend.

M. MORIN: Qui attend pour travailler... M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: ... qui attend la suite, je pense bien, avec cette négociation de 1977 qui s'en vient. Vous allez avoir fort à faire. Mais je ne suis pas sûr que vous allez avoir tellement plus de succès en 1977 que vous n'en avez eu, cette fois-ci, vous savez. Quand on est dans l'impasse...

M. LEVESQUE: J'espère que le chef de l'Opposition sera heureux si nous avons le succès. J'espère, même si cela doit être un peu démoralisant pour son parti.

M. MORIN: Non, parce que le ministre doit se persuader d'une chose. Tout ce qui avance le Québec sur le plan financier, qui lui permet de prendre ses responsabilités, et de donner un peu plus de fierté aux Québécois; dans la mesure où les Québécois sont un petit peu plus fiers, un petit peu plus sûr d'eux-mêmes, vous savez très bien où ils vont aller.

M. LEVESQUE: D'accord.

M. MORIN: Alors, au contraire...

M. LEVESQUE: Pour aller vers un fédéralisme plus sain qui réponde mieux aux besoins du Québec. A ce moment-ci, je me rappelle, lorsque je me suis adressé à l'Association de la presse diplomatique à Paris, ce que j'ai souligné encore une fois. L'importance pour le Québec dans un fédéralisme sain d'avoir les ressources nécessaires, les ressources financières nécessaires pour s'acquitter de ses obligations constitutionnelles.

M. MORIN: Mais vous ne les avez pas. M. LEVESQUE: Nous tendons vers cela.

M. MORIN: Vous risquez de ne pas les avoir davantage à partir de 1977.

M. LEVESQUE: Nous n'accepterons pas des choses comme celles qu'on nous a présentées qui, à première vue, étaient une récupération d'une partie de notre autonomie, mais qui contenaient peut-être un danger sérieux au point de vue financier.

M. MORIN: Je peux rassurer le ministre. S'il va chercher 28 points d'impôt la prochaine fois ou même davantage, l'Opposition va applaudir. Nous le féliciterons certainement en Chambre. Seulement nous nous permettons d'en douter. Je mets le ministre au défi d'aller les chercher ces 28 points.

M. LEVESQUE: En attendant, le chef de l'Opposition, si je peux lui faire une suggestion, pourrait nous féliciter de ne pas avoir accepté les six points d'impôt avec les impôts sur les alcools et le tabac.

M. MORIN: Sur les alcools et le tabac, oui. Là-dessus, je ne peux pas en disconvenir. C'était un piège élégant.

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Le ministre a dit oui.

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Bon, très bien.

M. LEVESQUE: Je ne suis pas ici pour défendre le gouvernement fédéral, je l'ai dit hier. Je pense que cela s'est impliqué dans les déclarations que j'ai faites avant-hier. Je répète encore aujourd'hui que je ne suis pas ici pour défendre le gouvernement fédéral, mais que je suis fier de défendre le fédéralisme comme l'un des meilleurs régimes au monde.

M. MORIN: Dans l'abstrait.

M. LEVESQUE: Non, mais dans ses conséquences. Un sain fédéralisme. Et nous essayons de l'assainir. Nous voulons de la bonne foi des deux côtés. Nous demandons au gouvernement fédéral de manifester de la bonne foi.

M. MORIN: Comme eût dit le général, je vous souhaite bien du plaisir, M. le ministre.

M. LEVESQUE: Merci.

M. MORIN: Parce que vous n'en êtes pas sorti.

M. LEVESQUE: Nous n'avons pas l'intention d'en sortir, vous savez!

M. MORIN: Pour ce qui est des programmes de santé, certaines provinces, notamment les Maritimes et la Colombie-Britannique, je crois, s'opposent au remplacement des programmes à frais partagés. Le pouvoir fédéral a donc eu beau jeu de s'asseoir sur sa proposition et d'attendre. Que compte faire le Québec à l'égard de ses programmes de santé pour faire avancer les choses? Est-ce que vous allez là aussi attendre 1977?

M. LEVESQUE: Lorsque le chef de l'Opposition parle des programmes de santé, parle-t-il de choses que je viens d'expliquer il y a quelques instants?

M. MORIN: Oui, mais j'ai trouvé que vous n'étiez pas suffisamment précis au sujet des programmes de santé.

M. LEVESQUE: Je l'ai été. J'ai parlé de la proposition fédérale, la formule Lalonde-Turner que nous n'avions pas acceptée.

J'ai dit pourquoi nous ne l'avions pas acceptée.

M. MORIN: D'accord, mais qu'est-ce que vous allez faire à compter de maintenant, à partir de ce refus de votre part?

M. LEVESQUE: Faute de mieux, comme je le mentionnais, les provinces ont préféré le régime actuel de partage des coûts sur une base de parité entre le fédéral et les provinces, et ce que nous allons faire, je l'ai mentionné il y a quelques instants. Dès cet été, le dossier québécois, en vue de la négociation qui commencera bientôt, devrait être colligé, c'est-à-dire dans quelques semaines. Je ne peux pas aller plus rapidement que cela quant au ministère des Affaires intergouvernementales.

M. MORIN: Vous ne pourriez pas nous dire, en quelques mots, quelle est votre stratégie, la stratégie québécoise dans ce domaine?

M. LEVESQUE: Pour la même raison pour laquelle je n'ai pas déposé le bilan. Si je veux être logique, il faut que je vous dise que la question de stratégie, ce n'est pas une question que l'on peut étudier aux crédits. Si notre stratégie n'a pas été la bonne en 1972 ou en 1971, libre à vous aujourd'hui de critiquer notre stratégie. La stratégie que nous avons eue à ce moment est publique maintenant, mais je ne crois pas qu'il soit sage, à ce moment-ci, de discuter d'une stratégie éventuelle.

M. MORIN: Je vous réponds la même chose que je vous ai déjà répondue au sujet du bilan. Si vous mettiez les Québécois dans le coup, si vous les informiez correctement de ce qui se passe, vous auriez peut-être un appui beaucoup plus solide, beaucoup plus massif derrière les propositions...

M. LEVESQUE: D'ailleurs, je ne mets pas de côté une stratégie comme celle que vient de mentionner le chef de l'Opposition. D'ailleurs, nous l'avons fait à diverses reprises. Nous avons mis l'opinion publique au courant parce que nous croyions justement que ceci devenait un élément de stratégie important, la pression de l'opinion publique, mais dans d'autres dossiers ou dans quelques dossiers, il est préférable, à notre avis, qu'il en soit autrement. Mais cela, c'est une question de stratégie et l'opinion du chef de l'Opposition vaut la mienne. Moi, j'agis collégialement avec mes conseillers, collégiale-ment avec les ministres qui font partie du cabinet et sous l'autorité du premier ministre. Je fais ce que je crois devoir faire avec les conseils que je reçois.

M. MORIN: Le danger, si vous ne mettez pas

les citoyens dans le coup, c'est que, lorsqu'il y a un échec comme celui de la conférence de mai 1973, les gens ne comprennent pas pourquoi. Au fond, ce serait plutôt à l'avantage du gouvernement que de tenir les citoyens constamment informés de ce qui se passe dans ce domaine et de dire bien haut pour quelle raison il n'est pas satisfait. Ce qui se passe, c'est que souvent le premier ministre part en triomphateur pour les conférences, revient bredouille, mais fait néanmoins du triomphalisme avec le peu qu'il a obtenu. Les citoyens sont tout mêlés. Ils se disent : Pourquoi demandait-il tant, il ne l'a pas obtenu, pourquoi a-t-il l'air de triompher maintenant? Pourquoi persiste-t-il à dire qu'il a rapporté les dépouilles du fédéral alors qu'en réalité, sa peau et son panache sont suspendus dans le bureau du premier ministre fédéral?

M. LEVESQUE: Le chef de l'Opposition tombe mal, à mon sens, parce que le premier ministre — n'allons pas tellement loin, prenons la dernière conférence fédérale-provinciale — peut-être pour le chef de l'Opposition est revenu bredouille, mais pour l'ensemble des Québécois, il est revenu avec une victoire considérable avec $1 milliard, seulement dans la question du pétrole, au bénéfice...

M. MORIN: Vous êtes sur le pétrole encore...

M. LEVESQUE: Oui, vous parlez des conférences fédérales-provinciales, vous dites qu'il est revenu bredouille. Je prends la dernière. Il est revenu avec $1 milliard pour le bénéfice de tous les Québécois.

M. MORIN: On reprend notre discussion, $1 milliard d'assistance sociale, mais pas de développement.

M. LEVESQUE: Voyons donc!

M. MORIN: Puisque vous voulez ramener le programme de cette histoire sur le tapis, je suis obligé de vous dire que l'industrie pétrochimique québécoise est sur la pente descendante, qu'il n'y a pas eu de développement. Quand j'ai interrogé le premier ministre l'autre jour sur le projet Hercules, il s'est mis à bredouiller parce qu'il sait bien que ce projet est en train d'avorter. J'aurais pu vous parler aussi de la taxation sur le profit des compagnies pétrolières.

M. LEVESQUE: Laissez-moi finir seulement sur la question de l'industrie pétrochimique. Elle était en danger de mort si nous n'étions pas arrivés aux conclusions auxquelles sont arrivés les premiers ministres du Canada et des provinces avec une participation particulièrement déterminante de la part du premier ministre du Québec et là, l'industrie pétrochimique était en danger de mort au Québec.

L'industrie pétrochimique n'a été aucunement affectée au Québec. Vous parlez d'un projet qui a été annoncé et qui est à venir, mais l'industrie pétrochimique existante au Québec — et qui est fort importante — a été sauvée grâce à l'intervention du gouvernement du Québec et des décisions prises par l'ensemble des premiers ministres du Canada.

M. MORIN: Eh bien ça, je me permets de dire que c'était pis-aller. On peut reprendre le débat, si vous le voulez. Je ne parlais pas de la conférence sur le pétrole parce que c'est encore un débat sur lequel on pourrait passer plusieurs heures à analyser ce qui aurait pu se faire, d'autre part, si le Québec avait eu libre accès aux approvisionnements étrangers, comme ce serait le cas dans un Québec souverain. Mais ça, je ne veux pas qu'on retombe là-dedans, ça fait déjà...

M. LEVESQUE: A $12.50 le baril.

M. MORIN: Non, non, on a vu l'autre soir que ce n'est pas ce que paient beaucoup de pays européens à l'heure actuelle.

M. LEVESQUE: Vous avez mentionné la France et on vous a répondu $11.50.

M. MORIN: Et $10.50, c'est ce qui va se payer, d'après le ministre des Richesses naturelles lui-même d'ici quelques mois.

M. LEVESQUE: Attendons, attendons!

M. MORIN: A ce moment-là, on ne sera pas plus avancé.

M. LEVESQUE: On a toujours bien $1 milliard d'acquis.

M. MORIN: C'est ça, c'est ce que j'appelle de l'assistance sociale. Cela ne s'appelle pas du développement. Non seulement est-ce de l'assistance sociale, mais elle va aux sociétés comme vous le savez.

M. LEVESQUE: Ce sont les citoyens du Québec qui n'ont pas à payer $1 ou $1.50 le gallon d'essence et $0.60 et $0.75 le gallon d'huile à chauffage. Voyons donc!

M. MORIN: Voulez-vous qu'on rouvre le dossier?

M. LEVESQUE: Non, c'est d'accord. On l'a assez rouvert. On a passé trois jours dessus.

M. BOSSE: On l'a coulé.

M. MORIN: Sur cette partie nulle, M. le Président, peut-être...

M. LEVESQUE: Vous êtes rendu arbitre.

M. MORIN: Est-ce qu'on peut parler des relations internationales du Québec?

M. LEVESQUE: On change de groupe, on change de module.

M. MORIN: Je ne voudrais pas prendre le ministre par surprise, on peut attendre à ce soir, s'il le veut.

M. LEVESQUE: II est seulement 5 h 5. M. MORIN: Comme vous voudrez. M. LEVESQUE: Non, ça va.

M. MORIN: Si vous voulez avoir le temps de vous entourer.

M. LEVESQUE: On va simplement changer l'équipe.

M. BOSSE: L'équipe internationale.

M. LEVESQUE: L'équipe internationale.

M. MORIN: Voulez-vous retrouver votre bilan secret? C'est ce dont nous allons parler au départ.

M. LEVESQUE: Je l'avais serré.

M. MORIN: Le bilan secret connu par bribe, grâce aux fuites du Soleil, concluait que, dans le domaine des relations internationales, le Québec a constamment fléchi devant l'offensive du gouvernement fédéral. Après une période de très grande activité où le Québec a pris l'initiative, si ma mémoire est bonne, ça remonte à l'année 1963, alors que le Québec a commencé à signer des accords avec les Etats étrangers, avec la France, au premier chef. Je me réfère notamment à l'accord sur l'ASTEF de 1963, l'accord culturel de 1964 signé par le ministre Pierre Laporte. Après une période d'initiatives fort heureuses pour le Québec, qui augurait bien pour l'avenir de nos rapports internationaux, nous avons été témoins, en particulier à compter de 1968/69, d'un raidissement du gouvernement fédéral.

Devant ce raidissement, je dois constater que les hésitations du gouvernement actuel, du gouvernement de M. Bourassa, ont permis au pouvoir fédéral de reprendre l'initiative, de réaffirmer sa primauté, de réaffirmer qu'en fait de souveraineté, c'est Ottawa qui parle, non seulement pour le Canada, mais pour le Québec, exclusivement sur le plan international, et elles ont, de la sorte, acculé le Québec à la défensive.

Nous avons peine maintenant à maintenir l'acquis du début, nous avons même de la difficulté à maintenir, à développer la coopération France-Québec et nous devons nous contenter d'un rôle subalterne en ce qui concerne les organisations internationales non francophones et le développement international.

En outre, il n'y a eu aucun gain, depuis plusieurs années maintenant, en ce qui concerne la reconnaissance de la personnalité internationale du Québec. Non seulement n'y a-t-il eu aucun gain, mais je pense qu'on peut parler d'un recul par rapport à la période de 1965 à 1967 ou 1968.

Devant ces faits, je pense que le ministre ne pourra pas les nier, qui étaient consignés au bilan, toujours secret, de son ministère, j'aimerais poser comme première question au ministre la question suivante: Est-ce que le ministre est prêt à accepter le caractère négatif, clairement négatif, du bilan, en ce qui concerne les relations internationales du Québec?

M. LEVESQUE: II est évident, il va de soi que je n'accepte pas cette conclusion parce qu'elle est complètement contraire aux faits. Il y a eu une constante dans la reconnaissance ou l'extension des compétences du Québec dans le domaine international...

M. MORIN: Ah oui!

M. LEVESQUE: ... sur la scène internationale.

M. MORIN: Vous m'en direz tant.

M. LEVESQUE: Mais il y a eu une croissance plus rapide depuis 1970 que jamais auparavant. Si on veut simplement retourner en arrière pour quelques instants, ce n'est pas mon habitude de vivre dans le passé, mais on se rappellera qu'en 1961, le Québec ouvrait une délégation générale à Paris. Cela a été suivi par Londres en 1963...

M.MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Et en...

M. MORIN: J'ai même été mêlé à ce...

M. LEVESQUE: ... 1965, comme le mentionnait le chef de l'Opposition, des ententes de coopération ont été signées entre la France et le Québec, dans les domaines de l'Education et de la Culture. En 1968, l'Office franco-québécois pour la jeunesse était créé. Dès 1970, le gouvernement québécois participe à la fondation de l'Agence de coopération culturelle et technique des pays francophones. En 1970, et je me le rappelle très bien, c'était à l'automne, en particulier dans le cas de Los Angeles et Dallas, le Québec ouvrait quatre maisons aux Etats-Unis: Boston, Dallas, Los Angeles et La Fayette. En 1971, et ici j'aime bien à le souligner particulièrement, le gouvernement du Québec devenait officiellement membre de l'Agence de coopération culturelle et technique à titre de gouvernement participant. Il devenait ensuite l'hôte, conjointement avec le gouvernement fédéral, de la deuxième conférence internationale.

En 1972, et j'ai été heureux d'y participer, il y avait l'inauguration d'une délégation générale à Bruxelles. En 1973, il y avait l'ouverture de notre maison à Tokyo. Il y a là, M. le Président, une volonté assez évidente du gouvernement du Québec d'être présent sur la scène internationale et à des points stratégiques.

Depuis 1970, le budget consacré à notre présence à l'étranger a été augmenté sensiblement. En plus de cela, nous avons voulu participer de plus en plus, par notre présence répétée aux activités d'organismes internationaux. Nous sommes de plus en plus présents dans des accords de coopération qui engagent non pas seulement l'Agence de coopération culturelle et technique des pays francophones, mais également l'Agence canadienne de développement international.

De plus en plus, nos fonctionnaires sont présents dans ces activités internationales. De plus en plus de Québécois participent à des missions dans un contexte de coopération de plus en plus vaste et diversifié avec le reste du monde.

Nous avons préconisé et nous continuons dans les...

M. MORIN: Dans les...

M. LEVESQUE: ... faits d'encourager non pas seulement un approfondissement de la coopération, mais un élargissement également, c'est-à-dire que nous allons de plus en plus dans le contenu des éléments de coopération et, de plus en plus, nous essayons d'y inscrire toutes les actions dans les diverses activités du gouvernement du Québec.

De plus en plus de ministères au gouvernement du Québec sont impliqués dans les programmes de coopération. Alors que nous nous contentions dans le passé d'une présence dans le domaine de l'éducation et de la culture, de plus en plus les ministères, comme la Justice, les Affaires sociales, les Richesses naturelles, l'Agriculture, l'Immigration, sont présents dans les activités de coopération.

C'est tellement vrai que nous songeons maintenant — cela a été annoncé dans le discours inaugural— à rendre notre loi organique du ministère conforme à nos actions et à notre présence de plus en plus grande sur la scène internationale.

Je ne comprends pas, franchement, les reproches à peine voilés du chef de l'Opposition quant à nos activités dans le domaine international et à la présence du Québec. Il n'a qu'à sortir d'ici et voyager. Il saura que le Québec est de plus en plus connu et reconnu sur la scène internationale. De plus en plus de nos gens du Québec font partie des délégations et des missions à l'étranger.

Dans le domaine économique en particulier, nous avons de plus en plus de missions à l'étranger. Nous recevons des missions de l'étranger ici, au Québec, et nous favorisons les échanges de plus en plus entre le Québec et l'extérieur.

M. MORIN: Le ministre pourrait-il commencer par énumérer les missions québécoises à l'étranger, depuis deux ans. Je dis bien "missions québécoises", je ne veux pas dire...

M. LEVESQUE: Elles sont nombreuses.

M. MORIN: Oui. Je veux dire: envoyées strictement par le Québec.

M. LEVESQUE: Une multitute de missions. Il y en a à l'intérieur des divers ministères, d'abord. Il y en a qui sont dans le domaine technique, dans le domaine scientifique, dans le domaine culturel. Je songe en particulier à des missions d'ordre économique. Elles sont allées un peu partout dans le monde.

M. MORIN: Je sais qu'il y en a. Le sens de ma question n'est pas la quantité, mais, quelles sont celles d'entre ces missions qui relèvent exclusivement du gouvernement québécois, qui sont envoyées à l'étranger à l'initiative du seul gouvernement québécois...

M. LEVESQUE: Elles son multiples.

M. MORIN: ... et, à la demande, émanant directement des gouvernements étrangers? Je ne parle pas des missions...

M. LEVESQUE: A la demande? M. MORIN: Oui, à la demande.

M. LEVESQUE: C'est toujours de concert avec l'étranger que les missions se font.

M. MORIN: Oui, j'ai bien compris cela, mais quelles sont les demandes de missions qui vous sont venues directement de l'étranger?

M. LEVESQUE: On a ici le nombre de missions.

M. MORIN: Directement de l'étranger? J'espère que le ministre comprend le sens de ma question. Je ne parle pas des demandes venant d'Ottawa, pour le compte de pays étrangers. Je parle de...

M. LEVESQUE: Non, non, non.

LE PRESIDENT (M. Picard): A l'ordre!

M. LEVESQUE: Je pense que le chef de l'Opposition a mentionné l'ACTIM tout à l'heure, dans la coopération économique France-Québec. Il y a là à peu près 200 à 250 invités, pour l'an dernier, de la France sous ce seul chapitre.

M. MORIN: Oui, d'accord! Mais mettons France-Québec de côté une seconde. Les autres pays étrangers?

M. LEVESQUE: Environ quinze missions de

l'Italie cette année et dix à quinze de l'Allemagne.

M. MORIN: Est-ce que ce sont des missions qui vous ont été requises directement par le gouvernement italien et par le gouvernement allemand?

M. LEVESQUE: Ce n'est pas le gouvernement fédéral, si c'est cela qui inquiète le chef de l'Opposition...

M. MORIN: Je veux savoir.

M. LEVESQUE: ... qui est intervenu là-dedans. Il s'agit purement d'initiatives québécoises.

M. MORIN: Et d'initiatives...

M. LEVESQUE: II y a également des échanges avec le Liban, des missions proprement québécoises également, libano-québécoises.

M. MORIN: Quand le ministre dit strictement québécoises, il veut dire par là que ces missions ont été requises directement par le pays étranger intéressé.

M. LEVESQUE: Par le pays ou par la maison du Québec qui est présente dans le pays en question...

M. MORIN: Bon! Et dans le cadre...

M. LEVESQUE: ... qui organise, par exemple, des séminaires, des colloques avec des hommes d'affaires, si c'est une mission économique. Il résulte ordinairement de cela un intérêt à la suite duquel nous sommes avisés de faire suivre une mission de Québécois.

M. MORIN: Bon!

M. LEVESQUE: Cela n'exclut pas évidemment — je pense bien que cela va rassurer le chef de l'Opposition — que le ministère des Affaires extérieures à Ottawa est souvent prévenu de la présence de ces missions dans le pays en question. Je dois dire que le ministère des Affaires extérieures et les fonctionnaires fédéraux ont toujours coopéré, à ma connaissance, lorsque leurs services étaient requis.

M. MORIN: Comme cette fois où un fonctionnaire québécois est arrivé dans un pays étranger pour découvrir que tous ses rendez-vous avaient été annulés par l'ambassade du Canada.

M. LEVESQUE: C'est dommage, mais ce n'est pas arrivé au chef de l'Opposition. Je suis sûr que, dans tous ses voyages, le chef de l'Opposition a reçu la meilleure collaboration du ministère des Affaires extérieures.

M. MORIN: Non. De la maison du Québec, oui.

M. LEVESQUE: Ah oui? J'en suis fort aise.

M. MORIN: Je crois que le ministère des Affaires extérieures a ses listes noires. Le ministre verra ce que c'est lorsqu'il deviendra indépendantiste.

Bien! Si nous passions aux conférences internationales, M. le Président. Selon les auteurs du bilan, je cite: "Le Québec n'aurait jamais dû accepter de présider une délégation canadienne".

M. LEVESQUE: Qui dit cela?

M. MORIN: C'est le bilan.

M. LEVESQUE: Encore nous autres.

UNE VOIX: C'est le Soleil.

M. MORIN: Qui cite le bilan.

M. LEVESQUE: Je me demande quel bilan, parce que, justement, ces choses ne se retrouvent pas dans le bilan.

M. MORIN: Vous l'avez...

M. LEVESQUE: J'ai demandé tout à l'heure à mes conseillers d'apporter le bilan. Ils m'ont dit: Ce n'est pas dans le bilan.

M. MORIN: Laissez-moi vous citer peut-être quelques extraits qui sont mis entre guillemets dans le Soleil. "A toutes fins pratiques, le Québec ne pourra plus intervenir dans le développement international que dans le cadre défini par le gouvernement central, ses propres opérations de coopération n'apparaissant que très marginales par rapport au demi-milliard de dollars qu'y consacre Ottawa". Voulez-vous me dire que ce n'était pas dans votre bilan, cela?

M. LEVESQUE: Non, parce que, justement, je suis en train de vérifier pour être sûr.

M. MORIN: C'était dans quoi?

M. LEVESQUE: C'étaient quelques notes d'un fonctionnaire qui...

M. BOSSE: Un tuyau.

M. LEVESQUE: Je ne le sais pas. Vous savez, les fuites, on ne les contrôle pas toutes.

M. MORIN: Est-ce que vous voulez dire contrairement à ce que vous avez dit pour d'autres aspects des fuites, que tous les documents publiés dans le Soleil ne faisaient pas partie du bilan en question?

M. LEVESQUE: II pouvait y avoir quelque

chose. Je n'ai pas fait d'études comparatives, mais souventefois, je me suis retourné vers mes conseillers pour demander de m'apporter cette page du bilan que vous citiez et on me disait toujours: Non, ce n'est pas dans le bilan. Peut-être que c'est dans votre bilan.

M. MORIN: C'était dans les documents préparatoires.

M. LEVESQUE: C'est ce que j'ai dit il y a trois jours.

M. MORIN: Oui. C'est déjà intéressant...

M. LEVESQUE: Ce que vous dites là, apparemment, n'apparaît nulle part. Je ne sais pas où vous l'avez pêché, celui-là.

M. MORIN: Dans le Soleil du 3 mai 1973. M. LEVESQUE: Dans le Soleil.

M. MORIN: Comme je l'ai dit hier au ministre, s'il veut bien nous fournir son bilan, on partira du bilan au lieu de partir d'extraits publiés dans les journaux. C'est évident que, tant que vous nous refuserez le bilan, tant qu'on sera dans l'ignorance de ce qui se passe...

M. LEVESQUE: Vous pourriez demander le bilan de tous les ministères quant à cela. Il y a un bilan partout, vous savez.

M. MORIN: Non. C'est le vôtre qui nous intéresse aujourd'hui.

M. LEVESQUE: Cela intéresse les séparatistes, mais pourquoi n'êtes-vous pas intéressé au bilan de la Justice, au bilan des Richesses naturelles? Il y a un bilan dans tous les ministères bien organisés. Il y en a partout, des bilans.

M. MORIN: Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer...

M. LEVESQUE: C'est un instrument de travail qui existe partout, le bilan.

M. M.ORIN: Oui, mais je suis curieux de savoir pourquoi le ministre a dit que son bilan intéresserait seulement les séparatistes.

M. LEVESQUE: Non. Je dis que, parce que vous êtes séparatiste, vous vous intéressez au bilan des Affaires intergouvernementales parce que tout ce qui vous intéresse, apparemment, ce sont les Affaires extérieures — vous appelez cela les Affaires étrangères — et les relations fédérales-provinciales.

M. MORIN: C'est l'ensemble.

M. LEVESQUE: C'est cela qui vous intéresse...

M. MORIN: C'est l'ensemble, comme tous les Québécois.

M. LEVESQUE: ... parce que c'est cela qui fait la différence de votre parti, particulièrement, avec le parti NPD. Autrement, vous seriez dans la lutte pour le NPD présentement. C'est un parti centralisateur.

M. MORIN: Cela n'a rien à voir.

M. BOSSE: Vous l'avez eu, votre bilan, durant la campagne.

M. MORIN: Blague à part, nous sommes de retour au problème que je soulevais au tout début de ces séances. Si nous n'avons pas le bilan, nous ne pouvons pas vraiment jouer pleinement notre rôle d'Opposition qui est un rôle essentiel, vous le savez. Je pense que vous le reconnaissez même.

M. LEVESQUE: On peut avoir quelques minutes de répit, puis...

M. MORIN: Pourquoi? Voulez-vous suspendre la séance?

M. LEVESQUE: Je dis: Lorsque je vous dis cela, il ne faut pas que vous preniez cela trop...

M. MORIN: Non. Je comprends, mais...

M. LEVESQUE: II ne faut pas que vous soyez découragé à la première attaque.

M. MORIN: Non. J'explique au ministre pour la nième fois qu'en l'absence de son bilan officiel...

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: ... nous partons des matériaux qui sont à notre disposition et que nous n'avons pas...

M. LEVESQUE: Sauf que je dois dire que ces matériaux de base que vous utilisez présentement font que vous partez de prémisses fausses, parce que nous ne sommes pas d'accord sur ce qui est écrit là.

M. MORIN: En attendant votre bilan officiel, je ne suis pas prêt...

M. LEVESQUE: Reposez la question.

M. MORIN: ... à mettre la bonne foi du Soleil en cause et, si j'y trouve des extraits qui sont entre guillemets, je présume qu'ils viennent de documents qui émanent de votre ministère. C'est à vous de le nier, si vous le voulez.

M. LEVESQUE: C'est une conclusion téméraire de votre part.

M. MORIN: C'est tout de même là-dessus

qu'il faut nous fonder pour faire avancer un peu la discussion. Alors, selon ce bilan — j'en reviens où j'en étais— le Québec n'aurait jamais dû accepter de présider une délégation canadienne et les auteurs du bilan publié dans le Soleil...

M. LEVESQUE: Est-ce qu'on précise quelle délégation canadienne?

M. MORIN: Non. Cet extrait, si ma mémoire est bonne, ne précise pas de quelle conférence il s'agissait. C'était peut-être dans le cadre de l'agence... Je ne sais trop. Les auteurs du bilan précisent que cette pratique contredit la position prise dans certains cas où le Québec a refusé des présidences ou des vice-présidences de façon à ne représenter que lui-même. Est-ce que le ministre pourrait nous dire si, effectivement, le Québec a refusé des présidences ou des vice-présidences au sein des délégations fédérales?

M. LEVESQUE : Nous n'acceptons pas systématiquement de présider des délégations canadiennes. Il y a des fois — et c'est une décision que j'ai déjà prise — où j'ai refusé la présidence d'une délégation canadienne, particulièrement lorsque nous avions un point important à faire valoir et qui était un point qui n'était pas partagé par les autres Etats de la fédération canadienne et, à ce moment, j'ai insisté pour que nous soyons présents, mais que nous ayons le droit de nous exprimer. Mais nous ne voulions pas être â la présidence de la délégation, probablement pour les raisons... Je n'ai pas tout écouté ce que le chef de l'Opposition a cité. Je ne sais pas s'il a cité cela, mais...

M. MORIN: Non. On ne donne pas les raisons. Vous êtes en train de les donner. Je suis très heureux de les avoir.

M. LEVESQUE: Nous n'avons pas objection à présider une délégation canadienne, mais pas nécessairement chacune des délégations canadiennes. Il peut y avoir, comme il y en a déjà eu, des circonstances où nous n'avons pas voulu précisément présider une délégation canadienne lorsque les vues du Québec ne coïncidaient pas avec les vues de l'ensemble.

M. MORIN: Lorsque vous n'acceptez pas de présider...

M. LEVESQUE: Si nous avions à souligner quelque chose, nous aimons mieux le souligner comme membre de la délégation, plutôt qu'à la présidence de la délégation où nous n'avions pas les mêmes...

M. MORIN: Autrement dit, aux conférences internationales, vous y êtes allé, soit comme président de la délégation canadienne, soit comme membre de la délégation canadienne?

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Alors, la question...

M. LEVESQUE: Pas à toutes. Il y a à l'Agence de coopération culturelle et technique où nous y allons "on our own".

M. MORIN: Oui, en tant que gouvernement participant. Oui, d'accord. Mais on reviendra sur l'Agence culturelle et technique tout à l'heure. C'est un cas spécial. Là, je parle des conférences internationales en général. Je voudrais demander au ministre, compte tenu de cela, quelle est la position officielle de son ministère pour ce qui concerne la personnalité internationale du Québec?

M. LEVESQUE: Pardon? Je m'excuse.

M. MORIN: Quelle est la position officielle du ministère pour ce qui est de la personnalité internationale du Québec?

M. LEVESQUE: Nous croyons que le gouvernement du Québec a une responsabilité d'avoir un prolongement, sur la scène internationale, de compétences qui lui sont reconnues par la constitution.

M. MORIN: Cela veut dire que le Québec, si j'ai bien compris, doit avoir une capacité internationale correspondant à sa capacité interne, pour ainsi dire?

M. LEVESQUE: Nous insistons sur deux choses: l'identification, l'identité du Québec, également son droit de s'exprimer dans les matières qui sont de sa compétence, non pas à travers un prisme de différends.

M. MORIN: Les conférences internationales auxquelles vous avez participé, autres que celles de l'agence, portaient sur quelle compétence en particulier, relevaient de quelle compétence québécoise?

M. LEVESQUE: Conférence des ministres de l'Education...

M. MORIN: Education?

M. LEVESQUE: ... loisirs, jeunesse et sports, travail, santé. Il y a même eu une conférence sur l'artisanat.

M. MORIN: Et à ces conférences, M. le ministre...

M. LEVESQUE: Les droits de la mer. M. MORIN: Comment?

M. LEVESQUE: On ne va pas intéresser le chef de l'Opposition. Il va me poser encore des questions. On ne parlera pas des droits de la mer.

M. MORIN: De quelle mer? M. BOSSE: L'amertume.

M. MORIN: M. le ministre, à ces conférences auxquelles vous avez participé, auxquelles a participé le gouvernement du Québec, si j'ai bien compris, chaque fois, c'était comme membre de la délégation canadienne?

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Je vous demande maintenant...

M. LEVESQUE: Sauf les exceptions que j'ai mentionnées.

M.MORIN: Sauf le cas de l'agence. D'accord, on en parlera plus tard. Je me demande bien quelle personnalité internationale le Québec peut avoir dans les domaines que vous venez de mentionner en participant à des conférences où il n'est même pas représenté en tant que tel, mais comme membre d'une délégation étrangère.

M. LEVESQUE: C'est évident que c'est l'organisation qui nous reçoit, qui nous admet, qui nous reconnaît comme entité.

M. MORIN: En fait, il n'y a pas de délégation québécoise?

M. LEVESQUE: Non, sauf à l'Agence de coopération culturelle et technique des pays francophones.

M. MORIN: D'accord. Donc, on ne saurait parler, techniquement parlant...

M. LEVESQUE: II y a cependant, il ne faut pas l'oublier, certaines reconnaissances particulières du côté de la France, par exemple. Il y a là certaines conditions particulières qui nous sont faites en vertu de liens directs et privilégiés qui existent avec la France.

M. MORIN: Je sais, cela a été le point de départ. Ce que je cherche à voir, c'est dans quelle mesure vous avez bâti sur ce point de départ.

M. LEVESQUE: A l'intérieur des accords qui existent, des accords bilatéraux entre la France et le Québec, il y a là une reconnaissance différente et je dirais même officielle.

M. MORIN: Mais dans les matières que vous avez énumérées et en dehors de l'agence, qui est un cas particulier, le Québec ne participait pas à part entière, le Québec n'avait pas de délégation à ces conférences.

M. LEVESQUE: Dans les organisations internationales, il faut dire que la charte de chacune de ces institutions est telle, sauf exception, qu'on ne peut pas reconnaître le Québec comme tel, comme...

M. MORIN: Continuez, l'explication est très intéressante.

M. LEVESQUE: On le fait exceptionnellement à l'UNESCO, on le fait à l'UIT et on le fait également à l'agence.

M. MORIN: On ne l'a pas fait pour le Québec, que je sache, à l'UNESCO. Pourquoi?

M. LEVESQUE: Non. Mais la chose est à l'étude présentement et nous faisons certaines démarches présentement dans ce sens.

M. MORIN: Auprès de qui?

M. LEVESQUE: Auprès de l'UNESCO.

M. MORIN: Auprès du gouvernement d'Ottawa, aussi. M. le ministre, pourquoi ne dites-vous pas qu'Ottawa s'y est opposé carrément?

M. LEVESQUE: Est-ce qu'on peut corriger quelque chose, parce que j'aime bien préciser.

M. MORIN: Oui, toujours. Je suis là pour me renseigner.

M. LEVESQUE: Pas directement encore à l'UNESCO, mais c'est démarré, au plan interne.

M. MORIN: Qu'est-ce que cela veut dire?

M. LEVESQUE: Cela veut dire ce que cela veut dire. Nous avons fait certaines démarches vis-à-vis du gouvernement fédéral quant à la charte de l'UIT pour qu'elle ne s'oppose pas, dans la révision de cette charte, à conserver cette possibilité que la charte prévoit présentement d'un membre associé.

M. MORIN: Oui, parce qu'effectivement le gouvernement fédéral a réussi, depuis quelques années, à faire rayer d'un certain nombre de conventions internationales ou de projets de convention internationale toute possibilité pour les Etats membres d'un Etat fédéral de participer à ces conférences et à ces conventions. Le ministre sait cela. C'est un gouvernement particulièrement bien disposé à votre endroit.

M. LEVESQUE: II faut bien comprendre que nous sommes dans un Etat fédéral.

M. MORIN: Oui, centralisateur.

M. LEVESQUE: On ne peut pas partir d'un autre...

M. MORIN: Je vous dis cela depuis le début des crédits que nous sommes poignés dans cet Etat fédéral, M. le ministre.

M. LEVES QUE: Nous en avons les avantages et nombreux sont les avantages, je l'ai souligné. Mais également, je vous ai dit et je le répète, je ne suis pas ici pour défendre le gouvernement fédéral, mais je crois au système fédéral mais assaini.

M. MORIN: Alors, toujours sur la pente de l'assainissement, en ce qui concerne l'UNESCO, si j'ai bien compris, vous avez maintenant fait des démarches auprès du pouvoir fédéral pour obtenir qu'une place vous soit faite...

M. LEVESQUE: A l'UNESCO, je n'ai pas dit cela.

M. MORIN: Non. L'OIT, je m'excuse. Vous avez raison. On parlait de l'OIT.

M. LEVESQUE: L'UIT.

M. MORIN: Bon, c'est autre chose encore.

M. LEVESQUE: L'Union internationale des télécommunications.

M. MORIN: C'est cela. Avez-vous terminé sur ce point? Dans le cas de l'OIT, avez-vous fait des démarches auprès du gouvernement fédéral?

M. LEVESQUE: Des démarches ont été faites pour que nous participions, mais comme unité, comme Québec, à la délégation de la prochaine conférence de l'OIT.

M. MORIN: Ce qui veut dire: Signer la convention.

M. LEVESQUE: Dans le cadre de la délégation canadienne, mais identifié et avec le droit de s'exprimer. Deux volets que j'ai mentionnés tout à l'heure, l'identification du Québec et, deuxièmement, le droit de s'exprimer comme tel.

M. MORIN: Vous allez m'expliquer, M. le ministre, comment c'est possible dans la délégation canadienne, parce que la délégation canadienne est composée de la manière suivante, comme toutes les délégations d'ailleurs: deux personnes nommées par le gouvernement fédéral, deux personnes nommées par les syndicats et deux personnes nommées par les patrons, les associations patronales. Comment le Québec veut-il s'insérer là-dedans?

M. LEVESQUE: Ce que le chef de l'Opposition oublie, c'est qu'il y a des conseillers techniques.

M. MORIN: C'est à ça qu'on en est rendu. Vous voulez des conseillers techniques autour de la délégation fédérale. C'est bien ça? Vous étiez parti en lion mais vous finissez en mouton.

M. LEVESQUE: Les conseillers techniques peuvent s'exprimer lorsque la délégation le permet et, en même temps, nous avons demandé que les provinces désignent l'un des deux délégués de la délégation canadienne.

M. MORIN: Les provinces ou le Québec? M. LEVESQUE: Les provinces.

M. MORIN: Les provinces. C'est plus ou moins ce qui s'est fait dans le passé. Vous n'avez pas beaucoup avancé là-dessus.

M. LEVESQUE: Mais que, dans toutes les commissions techniques, nous puissions nous exprimer nous-mêmes.

M. MORIN: Dans les commissions techniques et pas en commission plénière?

M. LEVESQUE: En commission plénière, lorsque nous sommes concernés.

M. MORIN: Et lorsque la délégation canadienne y consent.

M. LEVESQUE: Evidemment.

M. MORIN: Oui, M. le ministre, je suis obligé de vous dire que ça ne fait pas grand-chose pour la personnalité internationale du Québec.

Passons maintenant à l'OIT, quel est l'état...

M. LEVESQUE: C'est là que nous étions.

M. MORIN: Je m'excuse, à l'UNESCO maintenant. Quel est l'état des négociations... Je m'excuse, M. le ministre, pour compléter ce que vous venez de me décrire, c'est ce que le Québec a demandé dans le cas de l'OIT et est-ce que le pouvoir fédéral a consenti à ce que vous demandiez?

M. LEVESQUE: Pas encore.

M. MORIN: Pas encore, malgré que ce soit si peu. Eh bien! les bras m'en tombent.

M. LEVESQUE: C'est vous qui dites que c'est si peu. Pour nous, nous croyons que nous sommes dans l'évolution.

M. MORIN: Eh bien! vous n'êtes pas exigeant, M. le ministre.

M. LEVESQUE: La question doit être reprise en septembre.

M. MORIN: Je l'espère, parce que, jusqu'ici, je dois vous avouer que la personnalité internationale du Québec n'émane pas clairement de vos tractations ou même de vos revendications. Passons maintenant à l'UNESCO. Quel est l'état de la question à l'UNESCO?

M. LEVESQUE: Notre participation à l'UNESCO se fait par le truchement du Conseil canadien des ministres de l'Education.

M. MORIN : Qui est un conseil consultatif?

M. LEVESQUE: Qui est présidé par le ministre de l'Education du Québec.

M. MORIN: Et qui est un conseil consultatif. M. LEVESQUE: Oui, par lui-même. M.MORIN: Quelles sont ses compétences?

M. LEVESQUE: Qui est intervenu justement récemment, et nous en avons été saisis encore récemment au CIDA, pour établir un certain protocole qui déterminera le genre de participation aux travaux de l'UNESCO.

M. MORIN: Bon.

M. LEVESQUE: Les deux principes mentionnés tout à l'heure, celui de l'identification de la province et celui du droit de s'exprimer au nom du gouvernement de cette province, ces deux principes ont été entérinés par l'ensemble des ministres de l'Education formant le CME, le Conseil des ministres de l'Education.

M. MORIN: Est-ce que les délégués du conseil...

M. LEVESQUE: Cela a été soumis d'ailleurs au ministre des Affaires extérieures du Canada et les négociations sont en cours.

M. MORIN: Est-ce que le Conseil des ministres de l'Education nomme un délégué à la conférence de l'UNESCO?

M. LEVESQUE: II le désigne, oui; mais la désignation est entérinée automatiquement par le gouvernement fédéral.

M. MORIN: Oui, parce que c'est le seul gouvernement qui peut nommer des délégués.

M. LEVESQUE: Oui, c'est cela. Mais c'est automatique.

M. MORIN: Bon. Et le CME, quand il nomme une personne, quand il suggère, qu'il recommande une personne au gouvernement fédéral, au ministère des Affaires extérieures, cette personne vient de quelle province?

M. LEVESQUE: Les choses sont telles que le Québec est toujours désigné, à toutes fins pratiques; ce n'est pas formalité, mais, enfin, c'est ce qui arrive.

M. MORIN: Ce sont des arrangements ad hoc.

M. LEVESQUE: Internes. M. MORIN: Aléatoires.

M. LEVESQUE: Enfin, c'est ce qui existe. Aléatoires, mais constants.

M. MORIN: II n'y a que l'aléatoire qui soit constant dans votre cas, M. le ministre. A part l'UNESCO et l'OIT, on a mentionné l'UIT, l'Union internationale des télécommunications. Quel est l'arrangement qui prévaut pour cette organisation?

M. LEVESQUE: Nous en sommes au stade des démarches vis-à-vis du gouvernement fédéral, en vue d'une participation...

M. MORIN: Eventuelle.

M. LEVESQUE: ... éventuelle.

M. MORIN: Tout aussi aléatoire. C'est bien cela?

M. LEVESQUE: II faut bien dire que, jusqu'à maintenant, c'est un peu tout du nouveau. Il faut bien comprendre que le Québec n'avait pas de telles velléités il y a peu de temps. Nous commençons seulement à vouloir et à faire des démarches et à poser certains gestes en vue de la participation...

M. MORIN: II y a bien dix ans, tout de même...

M. LEVESQUE: ... du Québec à ces conférences.

M. MORIN: ... qu'il en a des velléités, comme vous dites. J'aime beaucoup le mot de velléités, en l'occurrence, M. le ministre. Je ne sais pas si c'est un lapsus, mais c'est admirable de votre part.

M. LEVESQUE: Quoi?

M. MORIN: De parler de "velléités".

M. LEVESQUE: Autrefois. J'ai dit autrefois, mais aujourd'hui, c'est notre volonté qui s'affirme. C'est bien?

M. MORIN: Excusez-moi de sourire, mais...

M. LEVESQUE: Vous avez le droit de sourire, cela vous fait du bien.

M. MORIN: Oui. Passons maintenant, après ce tour d'horizon un peu désolant et qui, j'espère, ne vous fera pas conclure qu'il s'agit là de la personnalité internationale du Québec, parce que...

M. LEVESQUE: C'est une percée vis-à-vis de la personnalité internationale du Québec.

M. MORIN: Oui. C'est ce qu'on appelle une tentative d'essayer de participer aux délégations canadiennes, ce n'est pas la même chose.

M. le ministre, pour ce qui est des accords internationaux, maintenant...

M. LEVESQUE: II faut être connu avant d'être reconnu.

M. MORIN : Vous voulez dire que le Québec n'est pas connu?

M. LEVESQUE: De plus en plus, il est connu à cause des actions que nous posons et que j'ai mentionnées très brièvement il y a quelque temps.

M. MORIN: II est surtout connu depuis 1967, mais ce n'est pas grâce à vous.

M. LEVESQUE: Qu'est-ce qui s'est passé en 1967, d'après vous?

M. MORIN: Le ministre n'est pas au courant des événements de 1967?

M. LEVESQUE: Est-ce que c'est à Expo 67 que vous vous référez?

M. MORIN: Et les événements qui ont entouré Expo 67, qui ont fait connaître le Québec à l'étranger. Ce n'est certainement pas à la suite de vos efforts, en tout cas.

M. le ministre, revenons-en maintenant aux accords internationaux. Pouvez-vous me signaler...

M. LEVESQUE: Est-ce que le chef de l'Opposition est gaulliste?

M. MORIN : Je devrais peut-être vous retourner la question, ce serait fort révélateur.

M. le ministre, pourriez-vous nous dire s'il y a eu de nouveaux accords internationaux conclus par le Québec, depuis un an?

M. LEVESQUE: Non.

M. MORIN: Aucun?

M. LEVESQUE: Non.

M. MORIN : Dans aucun domaine?

M. LEVESQUE: II y a eu cependant la participation du Québec dans les accords internationaux. Il y a eu une participation du Québec à des accords conclus entre le Canada et les pays étrangers.

M. MORIN: En 1972, pourriez-vous me dire combien il y a eu d'accords signés par le Québec?

M. LEVESQUE: Qu'est-ce qu'on entend par accord?

M. MORIN: Accord, entente.

M. LEVESQUE: Est-ce que c'est une expression mutuelle de volonté ou est-ce que c'est un accord formel international?

M. MORIN: Un accord signé par le Québec et un pays étranger, en bonne et due forme, noir sur blanc, sur papier.

M. LEVESQUE: Non, pas signé.

M. MORIN: II n'y en a pas eu en 1972. Il n'y en a pas eu en 1973.

En 1971, est-ce qu'il y en a eu?

M. LEVESQUE: Vous pouvez aller jusqu'en 1965, je pense bien, avant d'en trouver.

M. MORIN: Donc, il faut retourner à l'accord culturel?

M. LEVESQUE: Sauf l'agence, en 1971.

M. MORIN: Bon, c'est ce que j'allais vous demander.

Quelle a été, techniquement, la façon dont le Québec a signé et ratifié l'accord portant sur la création de l'agence?

M. LEVESQUE: La signature a eu lieu à Niamey II, en 1970.

M. MORIN: A la seconde conférence de Niamey II?

M. LEVESQUE: A la seconde.

M. MORIN: Bien. Sous quelle forme le Québec a-t-il signé cet accord?

M. LEVESQUE: Tout le monde a signé.

M. MORIN: Expliquez-moi ce que vous voulez dire par tout le monde? Parce que cela fait beaucoup de monde.

M. LEVESQUE: Je n'ai pas le document ici. Est-ce qu'on peut avoir une copie du document?

M. MORIN: Non, j'en ai une copie, mais je ne l'ai pas ici.

M. LEVESQUE: Ne posez donc pas des questions quand vous savez les réponses!

M. MORIN: Non, mais je pose les questions pour les fins des débats et pour qu'on puisse aller plus loin.

M. LEVESQUE: Je vous offre mieux que cela, je vous offre de déposer la copie.

M. MORIN: Je l'ai dans un dossier quelque part, mais c'est pour les fins du débat, M. le

ministre. Il y a des tas de questions au sujet desquelles je vous pose la question et je connais déjà la réponse. C'est bien entendu, cela.

M. LEVESQUE: C'est une admission. C'est une perte de temps. Si vous savez les réponses, donnez les réponses.

M. MORIN: Non, je regrette, il s'agit de le dire publiquement et il s'agit de vous amener à en débattre publiquement, ce n'est pas la même chose.

Bon! Alors, je vous demandais comment a été signé l'accord portant création de l'agence.

M. LEVESQUE: II faut bien se rappeler que Niamey II, c'était un gouvernement antérieur dont je ne faisais pas partie, il faut toujours bien le reconnaître, en mars 1970, alors que nous avons pris le pouvoir, à la suite de l'élection du 29 avril 1970. Je me demande quel intérêt peut avoir le chef de l'Opposition à vouloir critiquer les gestes posés par un gouvernement antérieur...

M. MORIN: Oui, oui.

M. LEVESQUE: ... s'il a à le critiquer. Mais la...

M. MORIN: L'offensive fédérale avait commencé avant que vous n'arriviez au pouvoir...

M. LEVESQUE: ... signature en question, me dit-on, parce que je n'ai pas le document devant moi, n'a pas été faite par un gouvernement dont je faisais partie, mais la signature était celle du Canada, suivie de celle du Québec.

M. MORIN: Et d'autres provinces? M. LEVESQUE: Et d'autres provinces. M. MORIN: combien d'autres provinces? M. LEVESQUE: Trois autres.

M. MORIN: Est-ce que, mis à part cet accord portant création de l'agence...

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: ... et que le Québec a signé comme partie intégrante du Canada, il y a d'autres accords avant 1965, en remontant dans le passé?

M. LEVESQUE: II faudrait que j'ajoute ici, si on veut rendre publics tous les éléments du dossiers, que c'est notre gouvernement cependant qui, en 1971, a réussi à obtenir que le Québec soit gouvernement participant. C'est le seul que l'on ait reconnu comme tel.

M. MORIN: Un genre de statut particulier. Est-ce que le ministre pourrait...

M. LEVESQUE: La charte spécifie que ce n'est pas exclusif.

M. MORIN: Non, non. Il peut y avoir d'autres gouvernements participants.

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Quoique cela a été taillé sur mesure pour le Québec. Est-ce que le ministre peut nous expliquer en quoi consiste exactement ce statut de gouvernement participant? Je m'excuse de poser ces questions au ministre, mais il n'en a jamais été discuté, à ma connaissance, dans l'étude des crédits de son ministère. Peut-être qu'on n'aura pas à y revenir l'année prochaine. Mais, cette année, ce serait utile de mettre cela au dossier.

M. LEVESQUE: C'est un statut de membre à part entière. Il n'y a qu'une nuance.

S'il y a divergence entre la délégation canadienne et la délégation québécoise, on a convenu de s'abstenir de voter, l'une et l'autre.

M. MORIN: Est-ce que cela veut dire que...

M. LEVESQUE: On participe d'ailleurs aux institutions, aux activités, et la meilleure preuve de cela est que nous avons ce festival de la jeunesse qui est prévu pour le mois d'août prochain, alors que le Québec avec le Canada sont les hôtes de ces festivités. Le Québec a son budget et c'est justement quelque chose qu'on trouve dans les crédits que l'on demande présentement de voter.

M. MORIN: Est-ce que je pourrais demander au ministre, à cet égard, quelle est la contribution du Québec cette année aux activités de l'agence par rapport à la contribution de l'année dernière?

M. LEVESQUE: Je pense que c'est...

UNE VOIX: $140,000. M. MORIN: $140,000!

M. LEVESQUE: Un instant. Je n'ai pas répondu. Je pose la question ici.

M. MORIN: II me semblait aussi que c'était plutôt ridicule.

M. LEVESQUE: Je ne parle pas du festival. Je parle des 3 p.c. du budget. C'est un montant de $72,000.

M. MORIN: Et l'année dernière?

M. LEVESQUE: Aux frais généraux. C'est la question des 3 p.c. aux frais généraux.

M. MORIN: Oui. C'est à cela que je pensais. M. LEVESQUE: Oui, parce que la contribu-

tion du Québec au festival de la jeunesse est beaucoup plus considérable.

M. MORIN: Et en plus de cela, il y a des contributions, si je ne m'abuse, à des projets particuliers.

M. LEVESQUE: Oui, en plus de cela.

M. MORIN: Alors, pour l'année qui vient, d'après votre budget, la contribution globale à l'agence est de combien?

M. LEVESQUE: Incluant les 3 p.c, incluant le festival de la jeunesse et incluant les projets spéciaux...

M. MORIN: Les projets divers. Je ne devrais pas dire les projets divers, cela rappelle les projets fédéraux. Je voulais dire les projets différents. Surtout en Afrique, les projets divers, cela sonne drôle.

M. LEVESQUE: Je dirais que c'est aux environs de $750,000.

M. MORIN: $750,000?

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Et l'année dernière, c'était?

M. LEVESQUE: II n'y avait pas de festival l'an dernier. C'était peut-être $200,000.

M. MORIN: Et le festival, cette année, représente combien?

M. LEVESQUE: Indépendamment du festival, notre contribution, cette année, s'accroîtrait d'environ $200,000.

M. MORIN: Elle doublerait donc? M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Elle double le budget de la contribution à l'agence. Bien. Là-dessus, je pense...

M. LEVESQUE: Enfin, ce sont les chiffres qu'on me fournit. C'est en gros, c'est un ordre de grandeur.

M. MORIN: Bien. M. le Président, avant d'aborder une autre question, je constate qu'il est, à toutes fins pratiques, 6 heures. Si le ministre veut, nous pourrons aborder d'autres aspects des relations internationales du Québec ce soir, à 8 h 15, peut-être.

M. LEVESQUE: Oui, d'accord. M. MORIN: Merci.

LE PRESIDENT (M. Picard): La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 h 15, ce soir, même salle.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

Reprise de la séance à 20 h 25

M. PICARD (président de la commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!

La commission parlementaire va continuer ce soir l'étude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales. Pour la séance de ce soir, M. Lachance (Mille-Iles) remplace M. Beauregard (Gouin) et M. Déziel (Saint-François) remplace M. Harvey (Charlesbourg). Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: Merci, M. le Président. Au sujet du développement international, la partie qui a été publiée du bilan toujours secret du ministre souligne que le Québec semble avoir renoncé à jouer un rôle autonome en matière de développement international. On y dit: Après une longue période de flottement au cours de laquelle le gouvernement du Québec tenta de définir son rôle d'agent de développement international par rapport à celui du gouvernement d'Ottawa et selon ses compétences, le jeu des relations intergouvemementales ne laisse plus au Québec qu'une marge de manoeuvre très restreinte. Suit une citation: "A toutes fins pratiques, le Québec ne pourra plus intervenir dans le développement international que dans le cadre défini par le gouvernement central, ses propres opérations de coopération n'apparaissant que très marginales par rapport aux $500 millions qu'y consacre Ottawa".

M. le ministre, si je compare ce rôle qui est devenu plus ou moins un rôle d'exécutant ou disons, pour ne pas être méchant, de collaborateur du pouvoir fédéral, de collaborateur dans le cadre des programmes fédéraux de l'ACDI, quand je compare cette situation, ou ce rôle actuel du Québec avec celui qu'il avait semblé vouloir se donner dans les années 1963 à 1968 à peu près ou même jusqu'à 1970, je me dis qu'il y a eu un changement majeur d'attitude de la part du gouvernement du Québec et du ministère des Affaires intergouvernementales dans l'intervalle. Quelles sont les raisons qui ont amené ce changement de politique, ce changement de rôle de la part du Québec?

M. LEVESQUE: Si j'ai bien compris le chef de l'Opposition, est-ce qu'il dit qu'il y a eu un changement quant à la politique du gouvernement actuel en matière de développement international et...

M. MORIN: Et dans le rôle du Québec, qui était au début un rôle résolument autonome et qui est maintenant devenu un rôle subsidiaire par rapport à l'ACDI?

M. LEVESQUE: Par rapport à l'ACDI, il ne faut pas exagérer. Je ne pense pas qu'on doive sauter aux conclusions parce que nous avons jugé qu'il était opportun pour nous, parmi d'autres actions que nous avons à mener, parmi une multitude de gestes que nous avons à poser dans le développement international, et je ne crois pas que ce soit juste de dire que, parce que nous ayons choisi de nous inscrire dans l'action de l'ACDI, à ce moment-là, nous renoncions aux actions, comme vous dites "purement autonomes" que nous pouvions avoir. Ceci s'y ajoute plutôt. Nous savions et nous savons fort bien qu'il y a à l'ACDI des sommes assez importantes qui sont destinées au développement international. Nous savions par contre qu'il y avait des Québécois qui étaient présents à l'intérieur ou dans le cadre de l'action de l'ACDI. Nous avons donc voulu y être présents afin de pouvoir canaliser, utiliser des sommes ainsi disponibles et les mettre au service des Québécois, et cela sans mettre du tout de côté les autres actions que nous pouvions avoir dans le développement international. Nous nous rendons compte de l'importance des sommes qui sont à l'ACDI. Pour les fins du journal des Débats, il s'agit de l'Agence...

M. MORIN: ... canadienne de développement international.

M. LEVESQUE: ... canadienne de développement international. Une bonne partie du budget de l'ACDI est utilisée particulièrement en Afrique. Je crois même que l'influence ou l'intérêt du Québec ont porté même sur la destination des sommes de l'ACDI quant à leur affectation, particulièrement dans le monde francophone. C'est une première chose.

Deuxièmement, nous avons des programmes bien identifiés au Québec, à l'intérieur de l'action de l'ACDI, autrement dit, nous sommes inscrits, nous sommes insérés dans l'ACDI, mais non pas dans l'ACDI sans condition. Nous avons utilisé, de concert avec l'ACDI, nous avons pris la maîtrise d'oeuvre de certains programmes avec... C'est cela.

M. MORIN: C'est que je disais, vous vous êtes inscrit dans le cadre de l'ACDI...

M. LEVESQUE: Autrement dit, cela ne remplace pas ce que nous faisions, cela s'ajoute à notre participation, à nos activités dans le développement international et, pour donner peut-être au chef de l'Opposition une idée de l'affectation de nos crédits dans le domaine de la coopération internationale, puis-je lui signaler qu'il y a, du côté de la coopération franco-québécoise, une période de stabilisation? J'ai mentionné, au cours de mes remarques antérieures, et je signalais qu'il y avait, relativement, une diminution, si on prend le pourcentage du budget de la coopération affecté à la coopération franco-québécoise. Mais, en chiffres absolus, il y a là une stabilisation de la coopération franco-québécoise; en effet, il s'agit d'une somme de $2,500,000 qui est affectée à cette coopération.

M. MORIN: C'est autre chose. Je vous parlais de l'ACDI. Je ne parlais pas...

M. LEVESQUE: Oui, mais je reviens. C'est parce que je veux arriver à cela. J'aime mieux parler très ouvertement de la question en indiquant, chiffres à l'appui, ce qui se passe. Alors, je dis: Dans le domaine de la coopération internationale, voici ce qui se passe.

Une période de stabilisation de la coopération franco-québécoise; en termes budgétaires, environ $2,500,000. Une diminution des programmes bilatéraux avec l'Afrique, qui passent d'un ordre de grandeur de $500,000 à $300,000. Par contre, une augmentation de la coopération en collaboration avec l'ACDI, de $469,000 à $833,000.

M. MORIN: Vous confirmez exactement ce que je viens de dire. Tous les programmes des...

M. LEVESQUE: Un instant, je n'ai pas terminé, parce que je ne voudrais pas prendre cela pièce par pièce. Je voudrais donner le portrait général.

M. MORIN: Je voulais savoir...

M. LEVESQUE: Lorsque je dis $833,600, je dois en même temps signaler que ceci est sur un budget de coopération internationale, le programme, je ne parle pas du budget total du ministère, mais simplement de ce programme de coopération internationale de $4,567,300.

Ceci, évidemment, ne comprend pas les effectifs et les salaires de l'administration, etc., mais je parle simplement de l'élément coopération internationale, des programmes de coopération.

L'augmentation, ensuite la coopération — je l'ai mentionné— avec l'ACDI, $469,000 à $833,000. Il y a un développement de l'aide multilatérale, c'est-à-dire de l'Agence de coopération culturelle et technique qui était, l'an dernier, de $10,000 et qui passe, cette année, à $177,500.

M. MORIN: Vous avez déjà mentionné ce montant. Est-ce tout?

M. LEVESQUE: II y a une diversification, comme je l'ai mentionné, de la coopération en dehors de la France, de l'Afrique et des agences de coopération. L'an dernier, cela se situait à $298,100. Cette année, nous passons à $769,900. Ce montant de $769,900 se subdivise comme suit: l'Allemagne, $73,000; la Belgique, $102,000 et l'Angleterre, $122,700.

M. MORIN: Pour vos maisons.

M. LEVESQUE: Non, cela n'a rien à voir avec les maisons. Ce sont les programmes de coopération.

M. MORIN: Très bien.

M. LEVESQUE: Je continue: le Liban, $141,000; l'Italie, $45,000; les Etats-Unis d'Amérique, $151,200; l'Espagne, $25,000 et les autres pays $115,000 pour un total de $769,900. Une grande partie de ces sommes affectées à la coopération internationale ont pour but de rentabiliser davantage les maisons du Québec à l'étranger. Il y a, de plus, un accroissement de la coopération économique comme telle qui passe de $520,000 à $732,600. Cette somme de $732,600 étant affectée comme suit: la France, $533,100; l'Allemagne, $27,000; l'Angleterre, $28,000; l'Italie, $24,800; la Belgique, $32,200; la Scandinavie, $44,500; les Etats-Unis, $36,500 et les autres $6,500.

Je crois que nous avons là, en termes budgétaires, une situation qui indique qu'il y a un accent nouveau de mis sur la coopération internationale, une plus grande diversification de la coopération, et lorsque je parlais d'élargissement de la coopération, c'est ce que je voulais dire. Cela se traduit en termes budgétaires. Ce ne sont pas seulement des mots. J'ai mentionné également que nous allions profité de la présence de l'ACDI et du budget de l'ACDI pour nous inscrire dans les actions de l'ACDI, mais chaque fois que nous le faisons, nous le faisons après une entente avec l'ACDI. Nous prenons, autant que possible, la maîtrise d'oeuvre de certains programmes, et autrement dit, les sommes que nous utilisons à ce moment s'ajoutent présentement aux sommes que je viens de mentionner, parce qu'il y a là un effet multiplicateur assez extraordinaire. C'est qu'à même des sommes relativement modestes, nous réussissons et nous croyons réussir à avoir davantage une présence dans le développement international. D'ailleurs, les projets qui font l'objet d'ententes avec l'ACDI présentement sont des projets dont nous avons eu nous-mêmes l'initiative et que nous avons négociés avec l'ACDI. Nous utilisons là-dedans, en plus de ceci, des sommes de l'ACDI qui sont à notre disposition.

M. MORIN: Dans le cas de l'ACDI donc, M. le ministre, quand vous parlez d'une augmentation de $469,000 à $833,000, ce sont des sommes...

M. LEVESQUE: Québécoises.

M. MORIN: Que vous consacrez à ces programmes — comment dire — conjoints avec l'ACDI.

M. LEVESQUE: Malgré qu'il y ait un remboursement, à ce moment, du côté du fédéral de l'ordre de — je vais faire des mathématiques 115 p.c.

M. MORIN: Ce sont les 15 p.c. de frais d'administration.

M. LEVESQUE: C'est parce que nous gérons le programme, c'est l'administration.

M. MORIN: Cela existe dans les universités.

M. LEVESQUE: Cela existe dans les commandites. Le chef de l'Opposition est bien au courant de cela. D'accord!

M. MORIN: M. le ministre, dois-je comprendre que cet argent que vous dépensez dans le cadre de l'ACDI vous est remboursé? C'est bien cela que cela veut dire? Intégralement en quelque sorte? Autrement dit, en réalité, c'est une contribution fédérale.

M. LEVESQUE: C'est public. C'est dans les crédits.

C'est ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de l'utilisation de fonds fédéraux. Nous définissons le programme et nous avons une récupération.

M. MORIN: Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer comment ces programmes sont élaborés? Est-ce que l'initiative vient directement du pays étranger, vient-elle de l'ACDI ou vient-elle des cerveaux féconds de votre ministère?

M. LEVESQUE: Merci. En général, il s'agit de missions québécoises qui vont sur place, qui font l'exploration d'une situation donnée, qui reviennent ici et qui participent à l'élaboration d'un programme. Lorsqu'on sent que cela correspond à un besoin réel dans le pays et que cela correspond aux objectifs du Québec et si, à un certain moment, il nous manque des ressources, il est possible pour nous de nous retourner vers l'ACDI et de lui proposer ce programme et, lorsqu'il est accepté par l'ACDI, il ne nous reste qu'à l'exécuter et à réclamer le remboursement.

M. MORIN: Cela doit entrer dans le cadre des politiques générales de l'ACDI. Pour être approuvé par l'ACDI, il faut que cela corresponde à sa politique, n'est-ce pas?

M. LEVESQUE: Evidemment, il serait assez difficile pour nous de faire accepter un projet dans un pays qui est persona non grata, ou qui n'est pas admissible aux fonds de l'ACDI.

M. MORIN: Y a-t-il eu des projets québécois qui n'aient pas été considérés comme admissibles par l'ACDI?

M. LEVESQUE: Non, parce que je pense bien que nos gens savent passablement lesquels le seront et lesquels ne le seront pas, de sorte que nous n'avons pas eu de refus.

M. MORIN: C'est comme les programmes d'Initiatives locales.

M. LEVESQUE: Pardon?

M. MORIN: Rien.

M. LEVESQUE: Non, mais c'est que je ne voudrais pas que quelque chose soit enregistré au journal des Débats...

LE PRESIDENT (M. Picard): De toute façon, c'est antiréglementaire.

M. LEVESQUE: M. le Président, je respecte votre autorité.

M. MORIN: C'est la première fois que vous me dites cela, M. le Président. Je pense que vous allez me donner des complexes. En ce qui concerne toujours l'ACDI, en dehors des montants qui vous sont remboursés, au Québec, est-ce que l'ACDI ajoute aussi une contribution de sa propre part, en sus de ce qui vous est remboursé, ou si on se contente de vous rembourser vos dépenses, le côut du programme?

M. LEVESQUE: La seule remarque que je pourrais ajouter, après avoir répondu dans la négative, c'est que ces actions peuvent déclencher quelque chose qui puisse amener l'ACDI à faire des dépenses additionnelles. A strictement parler, la réponse serait non. Il n'y a pas d'autres sommes dont nous disposons.

M. MORIN: Quand vous proposez un programme, est-ce que l'ACDI le scrute ou bien si vous avez carte blanche?

M. LEVESQUE: J'imagine qu'on l'examine sérieusement, conjointement d'ailleurs.

M. MORIN: Votre bureau ne fait pas appeler dans les comtés pour savoir quelle est l'allégeance?

M. LEVESQUE: Je n'avais pas cela du tout à l'esprit.

M. MORIN: Moi non plus. D'ailleurs, je suis hors du sujet, M. le Président.

M. LEVESQUE: Je veux que le chef de l'Opposition soit bien à l'aise, parce que ces programmes sont à 99.9 p.c. préparés par nos services, par les fonctionnaires du ministère. Je n'ai pas l'habitude... Vous m'inspirez, vous!

M. MORIN: Vous avez du travail. M. le Président, est-ce que je pourrais demander au ministre si l'ACDI prend l'initiative quelquefois de vous inviter à remplir tel programme?

M. LEVESQUE: Oui, parce qu'il y a des rapports constants, d'ailleurs fort cordiaux, entre les fonctionnaires, d'une part comme de l'autre.

M. MORIN: Oui. Cordiaux, vous ne charriez pas un peu, M. le ministre? Vous voulez dire, comment dire, harmonieux.

M. LEVESQUE: On me donne des mauvais

conseils quelquefois, vous savez! Ce n'est pas toujours le "fun"! Pour revenir à ce qu'on avait dit précédemment...

M. MORIN: Quand l'ACDI prend l'initiative d'un programme, cela peut représenter quel pourcentage des $833,000? Quel pourcentage est d'initiatives québécoises et quel pourcentage est d'initiatives fédérales?

M. LEVESQUE: Ce sont pratiquement toutes des initiatives québécoises?

Il y a le programme Derro-Tetouan et on ne se rappelle pas au juste comment il avait commencé en 1969. Personne de nous n'y était à ce moment-là. Depuis ce temps, c'est généralement de l'initiative québécoise.

M. MORIN: Quand vous dites que le Québec a la maîtrise d'oeuvre, vous entendez cela dans le sens technique, c'est-à-dire que, sur place, ce sont des Québécois qui sont maîtres des chantiers s'il s'agit de coopération technique, comme dans le projet du Niger, par exemple.

M. LEVESQUE: Vous voulez parler de celui du Maroc?

M. MORIN: Non. Du Niger. C'est un petit peu plus au sud.

M. LEVESQUE: Est-ce que vous voulez parler de la route de l'amitié.

M. MORIN: Non. Le fleuve Niger. L'aménagement...

M. BOSSE: La voie maritime. Une voie d'eau.

M. LEVESQUE: On me dit que l'exemple n'est pas bon. Cela me fait de la peine de vous dire cela parce que je n'aime pas vous contredire. Mais là, je suis en train de vérifier jusqu'à quel point vous pouvez avoir raison.

M. MORIN: Faites-le. Prenez tout le temps.

M. LEVESQUE: On va travailler avec vous. C'est l'ACDI. .Même s'il y a des Québécois à l'intérieur, c'est l'ACDI qui fait ce travail au Niger. Il n'y a pas d'entente avec le Québec. Alors ce n'est pas un exemple de ce que nous retrouvons dans le budget actuel, mais il peut y avoir des Québécois dans des programmes de l'ACDI et ce ne sont pas des fonctionnaires.

M. MORIN: Je m'attendais à la réponse.

M. LEVESQUE: Tant mieux. Je ne voulais pas vous contredire.

M. MORIN: C'est qu'effectivement, il y a passablement de programmes de l'ACDI qui ne sont pas québécois, où des Québécois font le travail, mais qui ne sont pas québécois. Ce sont des programmes strictement fédéraux.

M. LEVESQUE: D'accord!

M. MORIN : II y en a même plusieurs.

M. LEVESQUE: Justement, la nouvelle approche nous permet... C'est pour cela qu'il y avait des Québécois, il y a encore des Québécois dans les programmes de l'ACDI, mais nous croyons avantageux de prendre la maîtrise d'oeuvre de certains de ces projets. Cela ne veut pas dire qu'avant cela il n'y avait pas de Québécois dans ces projets, mais au moins nous utilisons des projets que nous concevons, nous pouvons les mettre en oeuvre et cela avec des fonds qui sont de l'ACDI.

M. MORIN: Est-ce qu'il ne serait pas souhaitable que votre ministère ait la responsabilité de tous les projets où des Québécois assument la maîtrise d'oeuvre comme, par exemple, le cas du Niger.

M. LEVESQUE: Cela ne veut pas dire qu'il y a seulement des Québécois dans un projet. Vous avez des...

M. MORIN: II y en a où il n'y a que des Québécois.

M. LEVESQUE: Oui. C'est là que s'inscrit notre action. On me dit qu'on essaie d'insister dans la présentation des programmes pour ceux qui impliquent des Québécois dans des institutions québécoises. Mais lorsqu'il s'agit du secteur privé, cela entre moins dans nos priorités, le projet que nous présentons et que nous voulons utiliser à même les fonds de l'ACDI.

M. MORIN: Finalement, il n'y a pas tellement de projets de l'ACDI qui ne sont pas exécutés, lorsqu'il s'agit de Québécois, sans l'aide des universités ou des institutions techniques du Québec et ça relève du ministère de l'Education et donc de la compétence québécoise. Il se produit assez fréquemment que l'ACDI vienne piger littéralement dans vos ressources humaines au niveau des institutions d'enseignement ou dans les institutions techniques pour des programmes strictement fédéraux. C'est de ceux-là que je parle. Est-ce que ce ne serait pas souhaitable...

M. LEVESQUE: Ceci nous permet justement, cette nouvelle action que nous avons prise, d'essayer un peu de rationaliser tout ça et de tenir compte des remarques que le chef de l'Opposition vient de faire.

M. MORIN: Si je comprends bien...

M. LEVESQUE: Ce sont toujours des firmes,

même québécoises, qui auront certains contrats à même l'ACDI.

M. MORIN: Oui, les firmes privées, c'est encore autre chose. Si on demande à une firme privée d'aller faire le cadastre au Maroc, comme c'est le cas, il n'y a pas que des Québécois nécessairement, mais lorsqu'on fait appel aux institutions québécoises, subventionnées par le gouvernement, je pense que ce ne serait pas mauvais que ce soit votre ministère qui contrôle tout ça.

M. LEVESQUE: Mes fonctionnaires m'indiquent que c'est exactement dans le sens que vous venez d'indiquer qu'on procède.

M. MORIN: C'est un de vos objectifs, autrement dit.

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: On peut peut-être passer à la coopération économique, celle à laquelle vous allez consacrer $732,000 cette année. Est-ce que vous pourriez donner quelques exemples de cette coopération économique, disons un ou deux projets majeurs? Est-ce qu'il existe une liste de ces projets, M. le ministre? Evidemment, vous n'avez pas déposé le rapport de votre ministère depuis deux ans.

M. LEVESQUE: J'ai répondu à cette objection d'une façon très positive. Au contraire, nous allons déposer deux rapports en même temps afin d'être en avant de tout le monde. Au moins, j'espère qu'on va m'appuyer là-dessus parce que je ne le rédigerai pas moi-même. Mais je les dis pendant que les hauts fonctionnaires du ministère des Affaires intergouvernementales sont ici, j'espère que qui a des oreilles pour entendre entende et que nous puissions déposer les deux rapports, celui de 1972/73 et celui de 1973/74, dès novembre 1974.

M. MORIN: Vous avez bien compris, tout le monde, là?

M. LEVESQUE: Je l'espère bien.

LE PRESIDENT (M. Picard): C'est enregistré aussi.

M. LEVESQUE: C'est enregistré aussi. M. MORIN: L'Opposition y compte aussi.

M. LEVESQUE: Je n'aime pas faire de promesse pour les autres. Mais je compte sur la collaboration de tous pour pouvoir avoir cela. Ensuite, ce sera beaucoup plus facile, lorsque nous aurons un rapport dans les six mois de la fin de l'exercice financier. Je pense que ça aidera le gouvernement, l'Opposition et tous ceux qui sont intéressés à suivre les activités du ministère.

M. MORIN: Je suis sûr que plusieurs des questions que j'avais à vous poser ce soir trouveront leur réponse dans ce rapport. C'est pour ça que c'est peut-être un peu plus long sans le rapport. Est-ce que vous avez publié une liste de vos programmes de coopération économique? Est-ce que ça existe quelque part?

M. LEVESQUE: Nous publions dans Québec International la plupart de ces échanges.

M.MORIN: J'en vois passer quelques-uns de temps à autre, de même que dans Québec en Bref, on en voit qui passent de ci de là, mais une liste complète, est-ce que ça existe?

M. LEVESQUE: Nous l'avons à la direction du ministère. Mais nous ne l'avons pas ici ce soir. Si le chef de l'Opposition veut en prendre connaissance, je n'y ai aucune objection.

M. MORIN: Cela m'intéresserait. Du même coup, puisqu'on y est...

M. LEVESQUE: On me dit, par exemple, que si c'est le titre des missions, ça va, mais si c'est la liste des personnes qui y participent, ce sont des milliers et des milliers de personnes. Le genre des missions.

M. MORIN: Le genre de missions.

M. LEVESQUE: Les secteurs d'intervention.

M. MORIN: Les objectifs, les secteurs.

M. LEVESQUE: Nous sommes prêts assez rapidement à fournir cela à la commission.

M. MORIN: Tandis que vous y serez et que vous avez tant de coopération autour de vous, pourriez-vous également faire déposer les programmes africains, la liste, seulement les têtes de liste?

M. LEVESQUE: D'accord.

M. MORIN: Pendant que vous y êtes aussi, l'aide que vous fournissez...

M. LEVESQUE: Vous voulez aussi une "shopping list"?

M. MORIN: Si j'avais un rapport ou encore... M. LEVESQUE: J'écoute ce que vous dites.

M. MORIN: ... votre bilan, on aurait pu couper le temps de moitié, j'en suis sûr.

M. LEVESQUE: Ce n'est pas dans le bilan des affaires fédérales-provinciales.

M. MORIN: Je sais, on pourrait dire la même chose pour les affaires fédérales-provinciales. Je suis sûr que cela aurait été plus court.

Je sais que le ministre a bien d'autres chats à fouetter. Je suis navré de la garder sur le gril si longtemps. Pendant que vous y êtes...

M. LEVESQUE: II faudrait que le chef de l'Opposition se console en pensant que ce n'est pas simplement négatif l'expérience que je vis depuis trois jours avec lui; au contraire, je trouve qu'il y a beaucoup de choses qui m'ont forcé à m'intéresser à tel et tel point. Au contraire, j'apprécie cette expérience d'une façon particulière.

M. MORIN: Tant mieux, cela veut dire que, l'année prochaine, cela sera une expérience plus intéressante encore, puisque vous connaîtrez les dossiers cette fois. Cela sera très bien.

M. LEVESQUE: Mais il ne faut pas être injuste pour ceux qui sont ici pour la première fois et ceux qui n'ouvrent qu'une page du journal des Débats, parce que je me rappelle que le chef de l'Opposition, au cours de ces débats, a soulevé, au contraire, plusieurs questions en s'étonnant de voir comment je connaissais le dossier.

M. MORIN: Oui, il y a eu un ou deux dossiers.

M. LEVESQUE: Alors, ceci est seulement pour le journal des Débats.

M. MORIN: Pour le journal des Débats, M. le Président, et pour faire plaisir au ministre, je suis prêt à m'étonner publiquement des connaissances qu'il a de quelques dossiers.

M. LEVESQUE: Je ne peux pas tous les connaître, parce que, vous savez, vous ayez fait le tour de presque toutes les activités du gouvernement québécois.

M. MORIN: Non, pas encore. Je n'ai pas tout à fait terminé. M. le ministre, je voudrais vous poser une question et peut-être pourriez-vous très rapidement, en deux phrases, me donner une idée des missions de type économique pour lesquelles vous allez dépenser plus de $700,000 cette année.

M. LEVESQUE: Nous allons vous remettre la liste.

M. MORIN: La liste tout simplement. Pour les fins du journal des Débats, en deux mots. Un résumé.

M. LEVESQUE: Disons, en général, deux principaux types d'intervention. La première avec la France, qui touche plutôt les petites et moyennes entreprises, et, deuxièmement, les besoins manifestés par les ministères, particulièrement à vocation économique, avec les autres pays. On parlait, par exemple, d'une mission des fonctionnaires du ministère de l'Agriculture en Italie...

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: ... relativement à l'élevage.

M. MORIN: Oui. Est-ce qu'il y a aussi quelques missions qui sont consacrées à la recherche de marchés ou bien...

M. LEVESQUE: Du tout.

M. MORIN: ... si cela ne relève pas plutôt de l'Industrie et du Commerce?

M. LEVESQUE: C'est en effet le ministère de l'Industrie et du Commerce, par son service international, qui est sous la direction de M. Chatel, qui s'occupe particulièrement de ce domaine.

M. MORIN: Alors, vos $700,000, ce n'est pas de l'argent consacré à la prospection des marchés?

M. LEVESQUE: J'étais distrait. M. MORIN: Non, non, je...

M. LEVESQUE: Parce que le sous-ministre a, comme illustration de la coopération économique, et il s'en sert quelquefois, la poule-vedette. Apparemment, la poule-vedette, qui nous vient de France, consomme neuf kilos de moins de grain par année, mais pond combien d'oeufs?

M. MORIN: Je croyais que c'était une vedette de cinéma.

M. LEVESQUE: Mais qui pond trois semaines de plus par année. C'est une importation apparemment, c'est une activité dans la coopération économique qui a été favorable et apparemment, nous avons importé des cargaisons de coqs et de poules de ce genre.

M. MORIN: Je suis heureux de féliciter le ministre, une fois de plus.

M. LEVESQUE: Je me permets de m'excuser auprès du chef de l'Opposition de lui avoir donné, peut-être, d'autres idées et de ne pas avoir livré la marchandise.

M. MORIN: M. le ministre, si nous revenions maintenant à nos moutons, après cet intervalle "poulaillesque". Est-ce que je pourrais commencer à discuter des rapports entre la France et le Québec? C'est un autre chapitre des relations internationales dont votre ministère a l'initiative. La grande caractéristique de ces échanges, c'est d'être institutionnalisés et dans

le fatras des relations internationales que nous avons examinées depuis cet après-midi, ce n'est pas peu de chose que d'avoir enfin un secteur qui soit institutionnalisé.

Elles peuvent donc survivre aux changements de gouvernement, aux changements de tempérament au sein d'un même gouvernement et au climat politique.

A l'heure actuelle, même si je ne peux pas cacher au ministre que j'ai l'impression que le coeur semble y être peut-être un peu moins à ces échanges franco-québécois, ils ont au moins le mérite de perdurer, de continuer. Au cours des années, l'orientation générale des échanges a varié. Au début, on s'intéressait surtout â l'éducation, puis à la culture. Je parle des années héroïques 1963,1964 et 1965.

Sous l'Union Nationale, on a multiplié les domaines. On s'est intéressé à la jeunesse, aux loisirs. On a étendu quelque peu la sphère d'intérêt de ces échanges.

Ensuite, pendant quelque temps, au début du régime Bourassa, on a semblé vouloir s'intéresser aux aspects économiques. Il semble qu'à l'heure actuelle, on soit en retrait sur le plan économique et on revient aux matières culturelles. Depuis quelques mois — en tout cas, c'est une impression d'honnête homme qui lit les journaux et qui cherche à savoir un peu ce qui se passe — on a l'impression qu'on revient aux questions culturelles dans le cadre de ce que vous appelez pompeusement la souveraineté culturelle.

La première question que j'aurais à poser au ministre est la suivante: Est-ce que vous pourriez nous dire, dans l'état actuel des choses, quelles sont les grandes orientations de la coopération du Québec avec la France? Sur quoi mettez-vous l'accent?

M. LEVESQUE: D'abord, vous avez semblé, en posant votre question, y répondre en même temps. Vous voulez que je confirme ou que j'infirme votre impression?

M. MORIN : Oui. Ce sont des impressions générales, des impressions photographiques, si vous voulez.

M. LEVESQUE: Comme toujours, le secteur de l'éducation demeure quantitativement le plus important, le deuxième étant la coopération technique et le troisième, la coopération culturelle au sens strict. Mais il me semble que j'avais mentionné, dans mes notes d'ouverture...

M. MORIN: Vous y avez fait allusion.

M. LEVESQUE: ... ce que je croyais être une réponse, justement, à la question du chef de l'Opposition. Je parlais des accords franco-québécois et, par la suite... C'est ainsi que, cette année, des domaines comme ceux des affaires sociales, des richesses naturelles, de l'agriculture, de la justice et des terres et forêts feront l'objet d'échanges plus nombreux et mieux articulés.

D'autre part, nous comptons — et c'est là-dessus que je voulais insister...

M. MORIN: C'est la coopération technique.

M. LEVESQUE: ... bien préparer, en vue de la commission permanente décisionnelle de novembre, une programmation qui tiendra compte, d'abord et avant tout, de la préoccupation du gouvernement en matière linguistique. C'est peut-être à cause de cette phrase que le chef de l'Opposition, et peut-être pour d'autres indices qu'il a mentionnés...

M. MORIN: Aussi, pour d'autres indices.

M. LEVESQUE: ... qu'il vient de nous dire ce qu'il a dit.

C'est vrai que, dans le contexte actuel, il faut attacher de l'importance particulièrement à cette préoccupation du gouvernement en matière linguistique, mais il n'en demeure pas moins que, sur la coopération économique comme telle, nous avons mentionné, il y a quelques instants, que nous avons augmenté nos crédits.

Les chiffres sont pour la coopération internationale, un total de $4,567,300.

M. MORIN: Vous l'avez dit, cela.

M. LEVESQUE: ... à l'intérieur de cela, dans le domaine de l'éducation, $1,876,100, dont $1,358,700 pour la France; du côté culturel, $330,500, dont $181,500 en France; du côté social, $209,900, dont $159,900 avec la France, et les autres: économique, technique, scientifique, $2,150,800, dont $470,200.

M. MORIN: Bon! Est-ce que je peux vous poser une question plus précise. La coopération strictement scientifique, c'est combien?

M. LEVESQUE: Avec la France, nous avons ici, dans la recherche scientifique, $100,000.

M. MORIN: C'est tout?

M. LEVESQUE: C'est tout. Avec la France.

M. MORIN: Oui, avec la France, Un montant de $100,000?

M. LEVESQUE: Oui, $100,000 pour les activités de coopération.

M. MORIN: Vous ne devez pas avoir un bien grand nombre de projets de recherche avec un montant comme celui-là.

M. LEVESQUE: Evidemment, la France fournit $100,000 également. Cela fait $200,000.

M. MORIN : Est-ce que le ministre peut nous dire, en gros, à quoi ressemble la coopération scientifique en ce moment?

M. LEVESQUE: On me fait remarquer que le gros du budget est dans l'éducation, parce que ceci ne concerne, au niveau universitaire, que les frais de programmation, tandis que les activités proprement dites sont prises à même le budget des universités.

M. MORIN : Ah oui ! Je vois. De même qu'il y aurait au budget d'Hydro-Québec un montant qui serait destiné à la coopération scientifique.

M. LEVESQUE: C'est cela.

M. MORIN: Vous ne pouvez pas nous donner une vue d'ensemble. Quand vous dites la programmation, vous voulez dire l'organisation. Vous voulez dire l'administration en quelque sorte.

M. LEVESQUE: Le montant de $100,000 qui est doublé par la contribution de la France par un autre $100,000, est ce qui n'est pas échange universitaire. Il faudrait peut-être essayer de trouver, du côté de l'éducation... Nous n'avons pas ici la réponse, mais on peut l'avoir assez facilement.

M. MORIN: Voulez-vous ajouter cela aux détails pour demain matin, les programmes de coopération strictement scientifique, parce ce que je soupçonne que la liste va être courte.

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Très courte. M. le ministre, si je peux me permettre une observation. Ce n'est pas normal...

M. LEVESQUE: On me souligne que c'est assez difficile à identifier. Si on envoie, par exemple, des professeurs de science ou si on échange des professeurs de science, ce n'est pas nécessairement sous le titre de recherche scientifique que nous allons les retrouver dans le budget. C'est cela qui est difficile à identifier à même le budget global.

M. MORIN: Les programmes d'Hydro-Québec, les programmes de recherche sur la transmission de l'électricité à haute tension et tout cela mis à part, est-ce que vous pourriez nous décrire un ou deux programmes de recherche scientifique franco-québécoise en laboratoire?

M. LEVESQUE: II y en a un entre l'Université de Montréal et l'Université de Strasbourg, sur les générateurs nucléaires.

M. MORIN: Oui. C'est un nommé René Lévesque, je crois, qui en est le responsable.

M. LEVESQUE: Ne me dites pas! Ce n'est pas le même.

M. MORIN: II y en a plusieurs. M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Tous de grande valeur. Mais c'est tout?

M. LEVESQUE: Vous m'avez demandé un exemple. Je peux aller en chercher un autre.

M. MORIN: Est-ce que vous pourriez peut-être essayer de dresser une liste? Ce serait utile pour vos propres dossiers d'avoir une idée de ce qui se fait.

M. LEVESQUE: Nous les avons dans nos propres dossiers.

M. MORIN: Vous les avez? Bon! J'ai nettement l'impression, en tout cas, que du côté de la coopération scientifique, il ne se fait pas ce qui pourrait se faire. J'ai l'impression que les Français eux-mêmes souhaiteraient que cette coopération soit plus poussée. Ils ont énormément de choses qu'ils pourraient apporter, et il y a aussi des choses qu'ils pourraient trouver ici sur le plan scientifique. J'ai l'impression que cela n'a pas été assez exploré, M. le ministre, pas suffisamment exploré encore.

M. LEVESQUE: Je le souligne pour y référer et me documenter sur le sujet. Je sais qu'ici, au Québec, nous sommes particulièrement préoccupés par la question de la recherche scientifique et il y a un comité sur pied, comme le chef de l'Opposition le sait, et il y a plus d'activités et de préoccupations que jamais dans ce domaine quant au gouvernement du Québec.

M. MORIN: Je vous signale, sur la question, un très bon article paru dans le Soleil, qui n'est pas une fuite celui-là, le 23 avril 1974, et qui est signé de Gilbert Athot sur les relations France-Québec, sur l'aspect scientifique. Vous allez trouver passablement de renseignements qui vont vous être utiles.

Je vous signalais un article, comme point de départ, à vos réflexions et à vos recherches. Il y a une petite synthèse excellente de Gilbert Athot dans le Soleil du 23 avril 1974.

M. LEVESQUE: Ah bon! Vous êtes abonné au Soleil.

M. MORIN: Comme les services le sont. Les vôtres ne le sont pas, M. le ministre?

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Vous n'avez pas un bon système de coupures...

M. LEVESQUE: Ah oui! très bien, mais je n'ai pas apporté tout le ministère. J'ai emmené la matière grise, mais pas toute la matière.

M. MORIN: En juin 1973, le Québec a proposé à la France de nouveaux programmes portant sur la langue française. C'est à cela, je pense, que vous faisiez allusion il y a un instant. Un réseau, par exemple, d'études de néologistes. On a aussi proposé à la France des échanges culturels, notamment... Je sais que le ministre n'a que trois oreilles et je ne voudrais pas parler pendant que d'autres lui parlent.

M. LEVESQUE: Allez-y!

M. MORIN: Non, mais si le ministre veut consulter ses adjoints, je peux attendre.

M. LEVESQUE: Nous allons entendre ce que vous avez à dire.

M. MORIN: Bien.

M. LEVESQUE: Nous avions cru deviner.

M. MORIN: En juin 1973...

M. LEVESQUE: Au cas où nous nous serions trompés, nous allons attendre.

M. MORIN: ... le Québec a proposé à la France une série de programmes d'ordre linguistique, culturel, notamment un rapprochement des centres culturels. Il a proposé également des programmes dans le domaine de l'artisanat, des métiers d'art. On a parlé aussi d'un banc d'essai pour jeunes auteurs dramatiques. On a parlé de programmes dans le domaine de l'audio-visuel et puis, depuis lors, on n'a plus entendu un mot de tout cela. On n'a plus entendu parler de tout cela. Cela va faire un an. Qu'est-il advenu de ces propositions? Je peux dire au ministre qu'après avoir pris connaissance des décisions prises en mars 1974, lors de la réunion qui a eu lieu à ce moment, on ne retrouve pas trace de ces propositions québécoises. Qu'en est-il advenu?

M. LEVESQUE: Vous dites mars 1974? M. MORIN: Oui, mars 1974.

M. LEVESQUE: De quelle réunion s'agissait-il à ce moment?

M. MORIN: C'était une réunion dans le cadre de la coopération France-Québec, il me semble.

M. LEVESQUE: C'est soit novembre ou mai ou juin.

M. MORIN: Je vais essayer de retrouver le compte rendu, mais qu'est-il advenu... Est-ce que j'ai raison de dire que le Québec a proposé ces programmes à la France?

M. LEVESQUE: C'était en novembre 1973 parce qu'il...

M. MORIN: Nos dates ne coincident pas encore. J'avais juin là-dessus. Peu importe. Allons-y pour novembre.

M. LEVESQUE: Je vais essayer de vous donner raison. Cela a été évoqué en juin 1973, mais précisément et actuellement, cela a été proposé comme programmes en novembre 1973, lors de la réunion de la commission permanente, cela a...

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: ... pris une forme décisionnelle à ce moment. C'était un programme qui comportait un échange de linguistes.

Le programme a démarré, mais il a démarré lentement, effectivement.

M. MORIN: Très lentement.

M. LEVESQUE: Sur une quinzaine de missions envisagées, nous en avons environ cinq qui se réalisent.

M. MORIN: Les centres culturels? M. LEVESQUE: Les centres culturels.

M. MORIN: Oui, le Québec avait proposé. M. Brière va vous dire cela.

M. LEVESQUE: M. Brière est justement à ces réunions de la commission permanente, depuis peu à part cela. Une mission est partie, il y a deux semaines, et le programme s'exécute présentement de façon normale.

M. MORIN: Je suis heureux de féliciter le ministre. Maintenant, l'artisanat et les métiers d'art, où en est-ce cela?

M. LEVESQUE: Pour des raisons techniques, c'est l'ACDI qui a pris en main ce programme.

M. MORIN: Bon. Autrement dit...

M. LEVESQUE: Cela devrait se dérouler normalement, mais pas dans les cadres prévus.

M. MORIN: Autrement dit, les propositions du Québec de juin 1973 ont pris forme et la France les a acceptées. Il semble que les programmes...

M. LEVESQUE: L'acceptation date de novembre 1973.

M. MORIN: Très bien. Si nous disions quelques mots des échanges d'enseignants maintenant. J'ai vu quelque part qu'on a mentionné le chiffre de 500 pour l'année qui vient, 250 dans les deux sens. Est-ce que cette prévision est exacte?

M. LEVESQUE: C'est exact. Un peu moins, mais c'est dans l'ordre de grandeur mentionné par le chef de l'Opposition.

M. MORIN: II semble, d'après un compte rendu qui a été fait dans un journal montréalais, en avril de cette année, que le principal problème des enseignants québécois en France semble être...

M. LEVESQUE: C'est Mlle Lysiane Gagnon qui a écrit cela?

M. MORIN: Oui. Il semble être relié au problème linguistique. Il arrive, semble-t-il, que les élèves en France maîtrisent mieux la langue que les enseignants que nous envoyons, dans certains cas du moins. Est-ce que votre ministère s'est penché sur ce petit problème et est-ce qu'il a l'intention de trouver des solutions?

M. LEVESQUE: C'est un problème de sélection de jeunes maîtres qui relève uniquement du ministère de l'Education. Je pense que nous sommes devant le contenu à ce moment-ci.

M. MORIN: Votre ministère n'a pas eu à se mêler de cette question, autrement dit?

M. LEVESQUE: Non.

M. MORIN: Est-ce qu'il y a eu d'autres problèmes avec ces échanges au cours de l'année écoulée?

M. LEVESQUE: Je n'en suis pas informé. Après consultation avec ceux qui sont autour de moi, je... Un instant, on va peut-être trouver un problème. Si vous cherchez des problèmes, on va peut-être en trouver. Peut-être une question d'allocations, c'est quelque chose qui n'a rien à voir avec le programme, mais certaines conditions de travail, comme n'importe qui, comme tout le monde, comme tous les citoyens du Québec. Tous les citoyens du monde aiment à améliorer ses conditions ou les allocations de voyage, de séjour, etc.

M. MORIN: Est-ce que votre ministère a été amené à discuter de ces questions?

M. LEVESQUE: Le ministère de l'Education, oui.

M. MORIN: Le ministère de l'Education? M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Bon. Je n'insisterai pas sur cette question. Un autre sujet qui a fait couler passablement d'encre, ce sont les expositions. La mode est aux expositions québécoises en France depuis quelque temps. Je pense à l'exposition "Le Québec en bref" qui est une exposition itinérante et qui, semble-t-il, a rapporté passablement de succès.

Cependant, on remarque une chose dont j'ai été témoin d'ailleurs moi-même, M. le ministre. Au fur et à mesure que les expositions québécoises ont du succès, cela semble susciter un regain d'intérêt de la part d'Ottawa qui se met à entrer en concurrence avec vous et à essayer de faire plus d'expositions que vous et de plus grosses expositions que les vôtres. Est-ce une simple impression que j'ai pu avoir en passant...

M. LEVESQUE: J'ai répondu à cela encore devant l'Association de la presse diplomatique en France en parlant du fédéralisme comme étant un système qui crée de la stimulation entre les gouvernements participants, une saine émulation.

M. MORIN: Une saine émulation en sorte que le gouvernement fédéral qui n'avait jamais rien fait du côté français se découvre tout à coup une mission d'éclairer les Français sur le Canada et le Québec en particulier. Vous ne pouvez plus être nulle part en France sans qu'il y ait un kiosque canadien trois fois plus gros à côté du vôtre.

M. LEVESQUE: Est-ce qu'on pourrait conclure que le fédéral est à la remorque du Québec?

M. MORIN: Je suis heureux de vous l'entendre dire. Mais est-ce que votre ministère a discuté de cette concurrence qui par moment est gênante pour les Québécois à l'étranger? J'ai moi-même recueilli, M. le ministre, des impressions de Québécois que vous aviez envoyés ou que les ministères québécois avaient envoyés en France pour organiser tel salon du livre ou en tout cas pour participer à tel selon du livre, telle exposition et qui s'arrachaient les cheveux parce qu'à 30 mètres de là il y avait une exposition canadienne quatre fois plus grosse qui tentait d'absorber toute l'attention. Est-ce que vous en avez discuté avec vos "monologues" fédéraux?

M. LEVESQUE: Ce n'est pas la première fois que cela arrive. Si on s'en rapporte même aux grandes expositions internationales, comme Osaka, c'est évident que nous étions présents...

M. MORIN: Je ne parle pas de cela.

M. LEVESQUE: Je veux dire un peu partout. Vous parlez des expositions. Je parle des grandes expositions internationales où le Canada est présent, mais également le Québec et même d'autres provinces canadiennes étaient présentes. J'ai participé à certaines expositions même lorsque j'étais ministre de l'Industrie et du Commerce et il y avait la présence du Canada, mais il y avait la présence également du Québec et quelques fois d'autres provinces canadiennes. Quelquefois, malgré nos moyens, ou malgré les budgets que nous avions, qui étaient peut-être moindres que ceux du Canada,

nous avons réussi à attirer plus l'attention que les exposants canadiens par l'originalité ou la qualité etc. C'est un stimulant. Je ne nie pas qu'il y a des avantages et des désavantages dans cette situation, mais je crois que les avantages sont justement que cela crée un stimulant même pour nos gens et même pour ceux du gouvernement canadien.

M. MORIN: Je pense que vous devriez parler à vos gens qui sont de retour de ces expositions. Ce n'est pas l'impression qu'ils donnent lorsqu'ils sont à l'étranger.

M. LEVESQUE: II y a plusieurs expositions, il y en a...

M. MORIN: Je ne parle pas d'Osaka, je parle en France.

M. LEVESQUE: Non, je sais.

M. MORIN: Je cite Christopher Malone, jeudi le 7 mars 1974: "Les responsables des services québécois de l'information ont à compter avec les services fédéraux, notamment Information-Canada, qui disposent de fonds pratiquement inépuisables et qui cherchent par tous les moyens à imposer leur exposition Présence du Canada avec beaucoup de succès d'ailleurs. Des municipalités qui envisageaient d'organiser des semaines québécoises se retrouvent le plus souvent avec des semaines canadiennes tant les offres des Canadiens sont alléchantes, ajouté au fait que les municipalités ne désirent souvent pas prendre parti dans les conflits canadiens".

Je ne suis pas sûr que ce soit toujours aussi positif que vous l'indiquez.

M. LEVESQUE: Pensez-vous que j'ai le moyen d'arrêter le Canada d'exposer à l'étranger? Premièrement.

M. MORIN: Est-ce que vous avez parlé de ce problème avec les fédéraux?

M. LEVESQUE: Non.

M. MORIN: Pourquoi pas? Vous avez toujours dans...

M. LEVESQUE: Je n'ai pas jugé à propos d'en parler. Si vous me dites que je dois aller à Ottawa et dire au gouvernement canadien: N'exposez plus en France, vous allez exposer en Chine. On ne veut plus vous voir en France. C'est cela que vous voulez que je dise?

M. MORIN: Non, ce n'est pas ça. Mais pour parler franc, M. le ministre, parlez aux gens qui reviennent de ces missions et de ces expositions, ils vont vous dire qu'ils ont les Canadiens dans les jambes partout. Il suffit qu'il y ait un drapeau québécois qui se mette à flotter quelque part dans une petite ville de France, le lendemain les fédéraux arrivent avec leur drapeau et il faut qu'il flotte aussi. Au salon de Nice, cela en était ridicule, ils ont décidé de descendre tous les drapeaux parce que ni le Québec, ni le Canada ne voulaient céder.

M. LEVESQUE: Vous voyez que le fédéral, encore une fois, est à la remorque du Québec.

M. MORIN: Je ne suis pas sûr que ce soit une remorque plus grosse que votre petit camion, et qu'elle finit par littéralement broyer...

M. LEVESQUE: Nous créons une stimulation pour tout le Canada. Nous sommes à l'avant-garde.

M. MORIN: M. le ministre.

M. LEVESQUE: Tout le monde s'inquiète de ce qu'on fait.

M. MORIN: Blague à part, je vous le dis, ce n'est pas une question abstraite dont je vous parle, je l'ai vécu en France. Les Québécois s'en plaignent constamment, ils ne peuvent pas bouger sans avoir les Canadiens dans les pattes. Vous ne pourriez pas dire à votre "monologue" fédéral: Ecoutez, est-ce qu'on ne pourrait pas se mettre d'accord que quand on va à Caën vous irez — je ne sais pas moi — au Havre; quand le Québec sera à Angoulême, vous irez peut-être à Saumur, mais ne pas venir vous braquer tout de suite partout où on va. C'est ça qui se passe en réalité.

M. LEVESQUE: Ce qui va arriver l'an prochain, si on réussit ça, vous allez revenir et vous allez dire: Le Canada est à tel endroit, tel endroit, tel endroit et vous n'y étiez pas. Vous allez faire ça, c'est évident.

M. MORIN: M. le ministre...

M. LEVESQUE: C'est ça que vous allez faire.

M. MORIN: M. le ministre, ce serait mieux que de voir le Canada constamment venir essayer d'étouffer votre présence et de la prendre à son compte et de vous mettre sous son aile, parce que c'est ce qui se passe en réalité. C'est une "guéguerre" d'ailleurs dont il a été question dans les journaux français, la "guéguerre" des drapeaux.

M. LEVESQUE: Ne pensez pas réussir, si vous ne réussissez pas le séparatisme au Canada, le séparatisme en France.

M. MORIN: Mais il n'est pas question de ça.

M. LEVESQUE: Vous voulez séparer complètement le Canada du Québec en France, dans les expositions.

M. MORIN: Est-ce que votre délégation du Québec à Paris n'est pas distincte de l'ambassade du Canada, M. le ministre?

M. LEVESQUE: C'est vrai.

M. MORIN: Alors, pourquoi n'auriez-vous pas une présence autonome?

M. LEVESQUE: On peut l'avoir autonome, mais on ne peut pas empêcher le gouvernement fédéral de participer à des expositions auxquelles nous participons. Mais, tout de même, peut-être que je vais envoyer une copie du journal des Débats à mon "monologue", comme vous dites, pour voir si cette suggestion ne l'impressionnera pas.

M. MORIN: J'en doute. Il vaudrait mieux que le ministre prenne ses responsabilités et lui en parle lui-même. S'ils voient ça dans le journal des Débats, ils vont dire: Ce n'est rien que le chef de l'Opposition qui a soulevé ça, tandis que si c'était le ministre qui prenait ses responsabilités, on ne sait jamais, ils pourraient peut-être être impressionnés.

M. LEVESQUE: Le gouvernement fédéral a beaucoup de respect pour la restitution du chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Oui, le leur. En somme, vous êtes satisfait de la "guéguerre", M. le ministre, vous n'y voyez pas d'inconvénient majeur?

M. LEVESQUE: C'est entendu que, lorsque nous sommes devant une comparaison comme celle qui est dans l'esprit du chef de l'Opposition, qui peut se créer par la proximité de deux kiosques qui font justement telle ou telle comparaison, si on peut limiter, tant mieux.

M. MORIN: Vous aurez peut-être l'occasion d'en parler à qui de droit. Il y aurait encore des choses à dire et je vois que le temps passe, peut-être convient-il que nous terminions ce soir.

Je voudrais passer aux maisons du Québec. Vous en avez déjà parlé à quelques reprises. Mais il serait peut-être bon que nous entrions un peu dans les détails et je promets au ministre que ce sont les dernières questions que j'ai à lui poser. Après ça, on pourra passer à l'OPDQ. Dans une série d'articles qui ont été publiés sur les délégations du Québec en Europe, Claude Beauchamp a fait ressortir ce qu'on pourrait appeler le bilan positif du travail qui a été accompli par ces délégations. Là-dessus, l'Opposition n'a certes pas de querelle avec le ministère des Affaires intergouvernementales, mais il souligne également que ces délégations se heurtent à des obstacles dans leur travail. J'en mentionne quelques-uns que j'ai pu constater d'ailleurs, à l'occasion, moi-même. Le manque d'autonomie budgétaire, le manque de commu- nications avec Québec et les autres délégations, le manque de statut diplomatique, dans certains cas.

Je ne parle pas de Paris, je ne parle pas de Londres, mais de Bruxelles, par exemple. Il existe également, d'après le bilan de 19...

M. LEVESQUE: Voulez-vous répéter les trois points que vous avez soulignés?

M. MORIN: Manque d'autonomie budgétaire, manque de communications avec Québec et avec les autres délégations, et manque ou absence, si vous préférez, de statut diplomatique. Et là, je pense à la maison de Bruxelles qui n'a pas les mêmes avantages que celle de Paris ou que celle de Londres.

De même, dans le bilan dont vous ne reconnaissez pas la paternité, mais qui est le seul que nous ayons à notre disposition, le bilan paru dans le Soleil, on soulignait une certaine lacune dans la coordination des différents secteurs des maisons à caractère multisectoriel. J'entends, par exemple, les maisons qui ne s'occupent pas que de commerce.

M. LEVESQUE: Polyvalentes.

M. MORIN: Si vous voulez. Et ce flottement serait lié à la définition des pouvoirs du chef de mission. Dans les maisons à caractère unisecto-riel, ajoute-t-on, les liens avec le ministère des Affaires intergouvernementales sont demeurés très flous, sont toujours demeurés très flous, si je m'en tiens au texte du bilan.

Alors, j'ai toute une série de questions qui me sont suggérées par ce bilan, qui a fait l'objet d'une fuite. La première est celle-ci: Pourquoi ne donne-t-on pas au délégué général le pouvoir d'administrer son budget lui-même, à l'intérieur d'une enveloppe globale, à l'intérieur de limites, si vous préférez?

M. LEVESQUE: II y a une ventilation cette année, par maison, dans notre budget et, deuxièmement, il y a une tendance, justement, vers une plus grande autonomie de gestion.

M. MORIN: En faveur de...

M. LEVESQUE: Du délégué général.

M. MORIN: Du délégué général.

M. LEVESQUE: Ou du chef de poste.

M. MORIN: Ou du chef de poste. Et est-ce que cette tendance est marquée? Est-ce que vous comptez donner une véritable latitude au chef de poste?

M. LEVESQUE: Evidemment, avec la réserve des...

M. MORIN: Pas des trois chaînes, j'espère.

M. LEVESQUE: Avec cette réserve-ci: des règles de l'administration financière du gouvernement.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Mais, pour autant que notre ministère est capable de le faire, nous essayons de déléguer davantage. D'ailleurs, à une réunion récente des délégués généraux, ces choses ont été précisées et cela ne fait que deux ou trois semaines de cela.

M. MORIN: Les délégués eux-mêmes vous en ont parlé?

M. LEVESQUE: Nous avons même pris les devants. Probablement que l'article en question avait été lu...

M. MORIN: C'est possible.

M. LEVESQUE: ... par d'autres.

M. MORIN: C'est possible aussi que l'article ait été tiré de conversations avec...

M. LEVESQUE: Peut-être aussi.

M. MORIN: C'est possible, quoique je n'en aie aucune certitude. Pour ce qui est du manque de communications...

M. LEVESQUE: L'article est de quelle date? L'article de M. Beauchamp?

M. MORIN: L'article de M. Beauchamp, c'est une série. C'était en août 1973, en août dernier. Le dernier est du 30 août.

M. LEVESQUE: Le deuxième article, c'était quelle date? Vous avez parlé d'une deuxième source.

M. MORIN: J'ai parlé du bilan, de la fuite.

M. LEVESQUE: D'accord.

M. MORIN: Cela, vous le connaissez.

M. LEVESQUE: C'est mon sous-ministre qui m'a fait poser cette question.

M. MORIN: C'était le 3 mai.

M. LEVESQUE: Je ne le reconnaissais pas, parce que ce n'est pas dans le bilan, apparemment. Enfin!

M. MORIN: II va falloir que vous finissiez par le publier, M. le ministre, pour qu'on puisse comparer et voir qui des deux dit la vérité.

M. LEVESQUE: C'est-à-dire que j'essaie de dire la vérité. Je m'arrange toujours... Cela fera bientôt 19 ans que je suis ici et j'ai été assez chanceux avec la vérité. On peut s'en tirer peut-être...

M. MORIN: Vous voulez dire qu'elle ne vous a jamais trahi ou que vous ne l'avez jamais trahie?

M. LEVESQUE: J'ai toujours essayé d'être fidèle à la vérité. Quand on essaie d'être fidèle à la vérité, on n'a pas des soubresauts plus tard ou des inquiétudes continuelles.

M. MORIN: Je félicite le ministre de cette moralité qui l'honore. J'espère qu'en comparant ce qu'il a dit cette année et ce que nous dirons l'année prochaine, nous pourrons vérifier une fois de plus sa haute moralité.

Le manque de communication entre le Québec et les autres délégations... Je m'excuse. Le manque de communication avec Québec, d'abord, comment allez-vous y remédier?

M. LEVESQUE: Je dois dire que — et je le confesse bien ouvertement — c'est vrai qu'il y a eu dans le passé des manques de communication dont se plaignaient les gens à l'étranger. Nous avons essayé et nous essayons encore cette année de corriger cette lacune. Les gens à l'étranger, souvent, se sentent très éloignés — d'ailleurs, ils le sont souvent — et ils ont besoin d'avoir des communications avec la maison mère, avec le ministère mais également avec les autres ministères sectoriels.

M. MORIN: Quand on pense que les gens de Rouyn et de la Gaspésie ont quelquefois l'impression d'habiter un pays étranger, on peut imaginer ce que c'est quand on est rendu à Paris.

M. LEVESQUE: C'est cela. A faire le tour des maisons, comme j'ai eu l'occasion de le faire depuis quelques années, j'ai toujours reçu un peu cette impression qu'il manquait de communication assez rapide avec la maison mère. Mais nous essayons de corriger cela. D'ailleurs, nous avons institué une réunion annuelle instution-nalisée où il y a cette réunion de tous les délégués généraux et des chefs de missions, ensuite, des conseillers sectoriels.

De plus, nous avons essayé de mieux équiper le ministère lui-même et d'encourager les ministères sectoriels à également être en mesure de répondre aux demandes qui arrivent de nos maisons à l'étranger.

M. MORIN: Est-ce que vous êtes en mesure...

M. LEVESQUE: D'ailleurs, le nouveau sous-ministre à l'administration commence à faire une tournée des maisons dans ce but, dès cette semaine, en fin de semaine.

M. MORIN: MM. les députés, vous pourriez venir vous asseoir et faire le quorum. Nous ne l'avons pas en ce moment.

M. MORIN: M. le Président, puis-je vous inviter à les inviter à venir se joindre à nous.

LE PRESIDENT (M. Picard): Nous avons le quorum.

M. MORIN: Nous l'avons, parce que... Le député de Rosemont, venez donc vous joindre à nous. On manque votre personnalité rafraîchissante.

M. BELLEMARE: Je n'ai pas d'ordre à recevoir du chef de l'Opposition.

M. MORIN: Non, je l'invite.

M. LEVESQUE: II s'ennuie. Il essaie.

M. BOSSE: M. le Président, on avait quorum avant la remarque.

M. MORIN: Oui, tant mieux. D'un seul coup, le député de Rosemont le double.

M. LEVESQUE: Le député d'Anjou... Un voisin.

M. BELLEMARE: Aussi stupide que cela puisse paraître, je n'ai pas le droit de parole. Le député de Sauvé devrait le savoir.

M. MORIN: Vous l'avez. M. le Président, je consens à ce que le député de Rosemont participe au débat.

M. BELLEMARE: Vous êtes très gentil, je vous remercie.

M. MORIN: Bien. M. le ministre, est-ce que vous avez organisé, à votre ministère, une rotation des fonctionnaires entre les délégations à l'étranger et le ministère?

M. LEVESQUE: Oui, nous attachons beaucoup d'importance à cela, justement, pour le moral des gens du ministère, parce que je crois que, de plus en plus, nous voudrions que les gens fassent carrière au ministère, que le ministère comporte une présence à l'étranger. Nous avons encore des exemples plus récents où nous avons délégué des gens du ministère à l'extérieur pour les ramener également.

M. MORIN: Pour les ramener aussi à se "ressourcer".

M. LEVESQUE: C'est cela. Ils ne peuvent passer tout leur temps à l'étranger pour se "déquébécoitiser ".

Le journal des Débats va arranger cela.

M. MORIN: M. le ministre, c'est une politique plutôt récente, celle-là, parce que jusqu'ici, il semble bien qu'on tendait à s'incruster dans les délégations à l'étranger. Est-ce que j'ai raison de dire cela?

M. LEVESQUE: Disons que, très récemment, nous avons commencé à songer à des plans de carrière, et nous ne voulons pas que ce qu'appréhende le chef de l'Opposition se produise. J'attache beaucoup d'importance à ce mouvement, cette rotation qu'a invoquée le chef de l'Opposition.

M. MORIN: Evidemment, le nombre de maisons à l'étranger, au fur et à mesure qu'il va croissant, s'il croît...

M. LEVESQUE: II est évident que le nombre de maisons, tel qu'il était il y a quelques années, ne nous permettait pas tellement de rotation.

M. MORIN: C'est cela.

M. LEVESQUE: II ne nous permettait pas d'avoir suffisamment d'effectifs qui pouvaient devenir mobiles, mais ces décisions assez récentes quant à ces plans de carrière, doublées d'une législation envisagée, ceci nous permet de croire que la situation va s'améliorer dans le sens des remarques du chef de l'Opposition.

M. MORIN: Bien! Passons maintenant au dernier obstacle qui a été mentionné, ou à l'un des derniers obstacles qui aient été mentionnés: Le manque de statut diplomatique, à Bruxelles, notamment. Est-ce que vous avez pu reprendre cette discussion avec les autorités belges? Est-ce que vous pensez pouvoir obtenir, pour la Maison de Bruxelles, les mêmes avantages d'ordre immunitaire — j'entends les immunités para-diplomatiques ou paraconsulaires — que celles que vous avez obtenues à Paris et à Londres?

M. LEVESQUE: Disons que, sur la base d'accommodements, nous avons, à Bruxelles, tous les avantages comparatifs et tous les avantages ordinairement conférés au statut diplomatique. C'est sur une base d'accommodements. Ce n'est pas comme à Paris sur une base plus formelle.

M. MORIN: Je reviens là-dessus. Autrement dit, vous ne cherchez pas à obtenir un statut officiel? Ce ne sont que des accommodements. Pas davantage.

M. LEVESQUE: Nous croyons opportun, pour le moment, de nous en tenir là. Nous sommes très heureux, pour le moment, du progrès enregistré depuis octobre 1972. Nous sommes très heureux de la compréhension des Belges à ce sujet.

M. MORIN: N'est-il pas vrai que là encore, les pourparlers auraient débouché depuis longtemps si le gouvernement fédéral n'était pas intervenu?

M. LEVESQUE: Non, au contraire. Nous avons eu une coopération admirable du côté de l'ambassade du Canada, et...

M. MORIN: Même sur les immunités?

M. LEVESQUE: Oui. Parce qu'on aurait pu s'opposer.

M. MORIN: Et sur le statut officiel?

M. LEVESQUE: Est-ce que par statut officiel on parle du terme "délégation générale"?

M. MORIN: L'ensemble de ce qui forme le statut, c'est-à-dire le nom, aussi le rang protocolaire, les immunités...

M. LEVESQUE: J'ai moi-même eu à discuter de cela avec l'ambassadeur du Canada et avec les autorités fédérales et, dans ce domaine, je dois dire que nous avons eu une excellente collaboration. Je ne dis pas que nous avons toujours la collaboration désirée. Il y a des fois qu'on est chatouilleux. Dans le cas de Bruxelles, je dois dire que nous avons connu une excellente collaboration. Il s'agit, quelquefois, plus des hommes que des institutions. Je ne suis pas pour entrer dans les détails, mais peut-être que le chef de l'Opposition comprendra...

M. MORIN: J'ai parfaitement compris. Je n'insiste pas non plus. Je n'insiste pas, mais il n'en reste pas moins que vous n'avez pas toujours eu toute la coopération.

M. LEVESQUE: Personnellement, oui. Je dois dire que, dans toutes mes activités, dans ce domaine en particulier, mon expérience est positive. Nous ne parlons pas des relations fédérales-provinciales présentement parce que, dans le domaine des relations fédérales-provinciales, il y a sûrement des points de litige, des points de conflit, mais dans le domaine de la présence du Québec à l'étranger, quant à moi, mon expérience est positive.

M. MORIN: Bien. Existe-t-il une étude faite par votre ministère sur la rentabilité de l'ensemble des maisons et sur chacune d'entre elles naturellement?

M. LEVESQUE: Non.

M. MORIN: La question que j'ai à l'idée, la question suivante et qui découle de celle-là, est celle-ci: Comment fait-on pour juger de l'utilité, des résultats du travail de ces maisons?

M. LEVESQUE: J'ai eu l'occasion, dans le passé, comme ministre de l'Industrie et du Commerce, avant la loi établissant le ministère des Affaires intergouvernementales, alors que les maisons du Québec étaient dirigées par le ministère de l'Industrie et du Commerce, de recevoir des questions de ce genre. Ce sont des questions, à un certain moment, auxquelles il est très difficile de répondre parce que dire la rentabilité exacte de chacune des maisons, c'est assez difficile de le faire quantitativement.

M. MORIN: Oui, d'accord.

M. LEVESQUE: Nous pouvons dire, par exemple, que, dans telle maison, il y a eu tant et tant de dossiers. Tel dossier est positif, mais est-ce que c'est réellement notre présence à tel endroit qui a provoqué tel investissement? Cela n'est pas toujours aussi clair qu'on voudrait le dire. Mais je crois que nous pouvons dire que pour les sommes que cela implique, c'est une fraction infinitésimale du budget de la province et c'est presque rien.

M. MORIN: Là-dessus, je suis tout à fait d'accord avec vous.

M. LEVESQUE: Alors je crois qu'il ne s'agit pas de faire une étude parce que nous avons tellement de faits qui nous sont rapportés de l'importance du Québec à l'étranger que je crois que nous ne faisons pas fausse route.

M. MORIN: D'accord. Là-dessus, je n'en doute pas. Au contraire, je serais plutôt de ceux qui vous pousseraient dans le dos pour en ouvrir d'autres et pour étendre leurs activités. Mais je me demandais simplement si, pour des fins de gestion interne, vous avez une étude de rentabilité systématique.

M. LEVESQUE: Non, mais nous avons régulièrement des contacts et les ministères sectoriels ont des contacts avec leurs fonctionnaires à ce sujet et nous demandons un rapport mensuel de chacun des fonctionnaires sur leurs activités. Tout ce que je peux dire, en conclusion, c'est que nous croyons que notre présence à l'étranger se justifie et ceci d'après les rapports que nous recevons et de nos fonctionnaires à l'étranger et de nos fonctionnaires ici même à Québec...

M. MORIN: Je n'en doute pas.

M. LEVESQUE: ... et même du public souvent. Je reçois plusieurs lettres, par exemple, de citoyens québécois qui sont très heureux d'avoir eu les services de nos maisons à l'étranger.

M. MORIN: Je n'en doute pas. Au contraire. Je serais de ceux qui diraient que vos maisons à l'étranger, avec le peu de moyens qu'elles ont, font des merveilles. C'est bien certain. Il faut que cela soit dit et l'Opposition le reconnaît. Ce qu'on voudrait, c'est que vous fassiez même davantage, mais le sens de ma question n'était pas d'essayer de mettre en doute la valeur du travail accompli. Loin de là. Je me demandais simplement si, pour vos fins internes, pour les fins de vos rapports annuels, vous cherchez quand même à évaluer le travail.

M. LEVESQUE: Pour donner une réponse honnête à la question posée, nous essayons de

mettre en place une méthode valable, mais cela n'est pas facile.

M. MORIN: Je sais. Je m'en doute. Mais enfin, vous essayez de le faire, et d'ici quelques années, on pourrait s'attendre normalement à ce que vous ayez des études de rentabilité. C'est bien cela?

M. LEVESQUE: C'est l'objectif clairement visé.

M. MORIN: Bien. Passons maintenant à l'autre problème auquel j'ai fait allusion, c'est-à-dire le rôle du chef de mission à l'étranger. Il semble qu'il y ait eu des difficultés dans certaines maisons, polyvalentes, comme vous les avez appelées, où l'autorité du chef de mission sur les divers services qui constituent sa maison est quelquefois peu respectée ou pas aussi établie que vous pourriez le souhaiter comme ministre parce que chaque service prétend qu'il relève de tel ministère à Québec.

M. LEVESQUE: Cela a peut-être existé, mais de moins en moins ai-je eu de rapports de ce genre. Même cette année, je n'ai eu aucun problème porté à ma connaissance de ce côté. Au contraire, on a souligné l'homogénéité qu'il y avait entre le directeur général et les conseillers sectoriels. J'ai eu l'exemple encore récemment à Bruxelles. Je l'ai eu à Londres, à Milan.

M. MORIN: Certaines de ces maisons que vous mentionnez sont univoques, je veux dire qu'elles ont eu...

M. LEVESQUE: Non, pas à Bruxelles. M. MORIN: Pas à Londres. M. LEVESQUE: Pas à Paris. M.MORIN: A Milan?

M. LEVESQUE: Pas à Milan, ni à New York. Les autres maisons sont des bureaux économiques...

M. MORIN : Quelles sont les fonctions?

M. LEVESQUE: ... comme par exemple, à Boston, Chicago, Los Angeles, etc.

M. MORIN: Bon.

M. LEVESQUE: II y a quelqu'un qui est du ministère de l'Industrie et du Commerce, un conseiller économique, mais qui occupe ce qu'on appelle la fonction maison. Il n'y a pas de conflit, il n'y a pas tellement d'autres ministères représentés à ce moment-là.

M. MORIN: C'est cela. Je suis tout à fait d'accord. Mais je parle des maisons où il y a plusieurs ministères qui sont représentés. Laissez-moi vous poser une question peut-être encore plus précise. Est-ce que le délégué général à Paris jouit d'une autorité directe sur l'attaché culturel nommé par le ministère des Affaires culturelles, sur l'attaché commercial nommé par le ministère de l'Industrie et du Commerce?

M. LEVESQUE Pour toutes les fins de la fonction maison, c'est le délégué général à Paris qui a cette autorité. Je me surprends même de la question, peut-être qu'il y a des choses que je ne sais pas. Quant à moi, on ne m'a rapporté aucun conflit.

M. MORIN: Non, je tiens à rassurer le ministre. C'est seulement pour en avoir le coeur net et comprendre la façon dont fonctionne le système...

M. LEVESQUE: Ah bon!

M. MORIN: ... quoiqu'il y a trois ans, il y avait un problème.

M. LEVESQUE: II y a déjà eu des problèmes. Je ne dis pas où il y a eu des problèmes, mais il y en a déjà eu.

M. MORIN: Je ne faisais pas allusion, pour rassurer le ministre, à des problèmes récents.

M. LEVESQUE: Non.

M. MORIN: De mémoire, cela remonte à quand?

M. LEVESQUE: Présentement, il n'y a pas de cas qui soit venu à ma connaissance, disons, depuis un an ou deux, depuis un an toujours.

M. MORIN: Bon. Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. LEVESQUE: Non.

M. MORIN: Vous avez mentionné les maisons de style ou d'ordre commercial, comme par exemple aux Etats-Unis, certaines en Europe, et une autre au Japon, celle que vous venez d'ouvrir à Tokyo.

M. LEVESQUE: A Dusseldorf, par exemple?

M. MORIN: Oui. Quel est le rôle exact de votre ministère par rapport à ces maisons qui s'occupent surtout de questions commerciales? Est-ce qu'elles tombent sous votre autorité?

M. LEVESQUE: Nous confions d'abord au chef de mission ce rôle maison, si on veut. Nous ne payons pas les traitements du conseiller en poste, du conseiller économique qui relève, lui,

du ministère sectoriel, mais nous assumons les dépenses, les allocations, par exemple, et autres dépenses inhérentes à la fonction. Nous assumons également les dépenses du personnel de soutien. Le ministère des Travaux publics assume les dépenses de loyer, etc., ce genre de dépenses.

M. MORIN: Donc, il y a un lien d'autorité directe entre chacun de ces bureaux et votre ministère?

M. LEVESQUE: Oui, parce qu'il assume la fonction maison, celui qui est le chef de mission.

M. MORIN : Celui qui est le chef de mission relève de vous?

M. LEVESQUE: Ceci est défini dans un arrêté en conseil de juillet 1972.

M. MORIN: Bon. Est-ce que la situation est la même à l'égard du bureau d'immigration à Beyrouth?

M. LEVESQUE: C'est à la suite de l'entente fédérale-provinciale Lang-Cloutier. L'agent d'immigration, si je ne m'abuse, se trouve à l'intérieur de l'ambassade du Canada.

Quant à nos relations avec l'immigration à l'intérieur de l'ambassade, nos relations sont les mêmes qu'avec un conseiller sectoriel dans d'autres maisons.

M. MORIN: Alors, ce n'est pas vraiment un bureau d'immigration québécois, c'est un cadre québécois à l'intérieur des services fédéraux.

M. LEVESQUE: C'est cela.

M. MORIN: Je vois. Alors, je n'ai pas l'intention de pousser l'interrogatoire là-dessus, parce qu'en fait cela relève plutôt de l'immigration.

M. LEVESQUE: C'est l'immigration.

M. MORIN: M. le Président. Si le ministre veut bien,, maintenant, m'apporter la réponse à ce que j'attendais au sujet des meuneries, il paraît qu'il a cette réponse, on pourra considérer la discussion comme étant close.

M. LEVESQUE: Je vais vous lire ce que je reçois d'une façon bien candide. Je ne l'ai pas lu encore. Nous allons la lire ensemble.

M. MORIN: Volontiers, à moins que ce ne soit pas essentiel pour le journal des Débats, mais c'est peut-être mieux que vous l'y versiez.

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: II est bon de lire au moins une fois ce qu'on va lire.

M. LEVESQUE: Je ne sais pas ce que vous avez dit, mais cela doit être bon.

M. MORIN: Je dis que c'est toujours bon de lire au moins une fois ce que l'on s'apprête à lire.

M. LEVESQUE: Relativement à la décision de la cour Supérieure dans l'affaire Camirando, comme je l'ai dit cet après-midi, cette question comporte deux volets, l'un juridique, l'autre politique. D'abord, au plan juridique, le ministère de la Justice estime que l'attitude du gouvernement au moment de l'appel doit être la même que celle qu'il a eu en première instance, c'est-à-dire fournir au défendeur, s'il décide d'en appeler, les services d'un conseil...

M.MORIN: Bravo!

M. LEVESQUE: Comme le procureur général n'est pas partie et n'est pas intervenu en première instance, il ne peut décider au lieu et place du défendeur d'en appeler. Plan politique, les démarches se poursuivront avec fermeté et intensité pour obtenir du gouvernement fédéral qu'il propose à la Chambre des communes une modification à la loi nationale des grains de manière à exclure, de son aire d'application, les meuneries québécoises. Peu importe l'issue de la cause judiciaire, cette action de négociation se poursuivra car c'est là au fond la seule action vraiment significative en la matière. Voilà.

M. MORIN: L'action politique, vous voulez dire. Est-ce que la maison Camirand a été averti de cette décision parce que c'était aujourd'hui qu'expiraient les délais d'appel.

M. LEVESQUE: Le ministère de la Justice, me dit-on, a prévenu le défendeur. Là ce serait peut-être oui-dire que de dire ce que je viens d'entendre, parce que je n'ai pas suffisamment d'indication pour aller plus loin.

M. MORIN: S'il fallait appliquer la règle du oui:dire, la règle qu'appliquent les tribunaux au oui-dire à nos commissions, M. le ministre, je pense qu'on n'irait pas loin.

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Est-ce que le ministre peut me dire si le ministère de la Justice a communiqué très récemment avec la meunerie? Parce que les renseignements que j'avais il y a quelques jours, c'était qu'elle était sans nouvelle et qu'elle s'apprêtait à abandonner la partie parce qu'elle avait l'impression que Québec ne s'intéressait pas à son dossier.

M. LEVESQUE: Je ne fais que transmettre ce que j'ai reçu du ministère de la Justice, mais je ne suis pas en mesure d'aller plus loin. On m'a assuré que le ministère de la Justice avait prévenu le défendeur, mais pour les détails

additionnels... J'ai livré entièrement l'information reçue sans aucune réticence.

M. MORIN: Demain matin, vous pourrez nous fournir la réponse au sujet des fonds mutuels.

M. LEVESQUE: Si je l'ai, je vais vous la fournir.

Adoption en bloc des crédits

M. MORIN: Dans ce cas, M. le Président, nous sommes prêts à adopter les crédits du ministère.

LE PRESIDENT (M. Picard): Messieurs, je comprends que le rapport secret est aussi adopté?

M. MORIN: Le rapport?

LE PRESIDENT (M. Picard): Le bilan secret.

M. MORIN: Le bilan, tant qu'il ne sera pas rendu public et que nous ne l'aurons pas lu, nous ne l'approuvons pas, non. Comme disent les Français: Sous toutes réserves.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le ministère des Affaires intergouvernementales, programme 1. Adopté?

M. MORIN: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Picard): Programme 2. Adopté?

M. MORIN: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Picard): Programme 3. Adopté?

M. MORIN: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Picard): Merci, messieurs.

M. LEVESQUE: Je remercie tout les membres de la commission qui ont participé à cette discussion, je remercie en particulier le chef de l'Opposition qui a fait beaucoup de travail de recherche et qui a pratiquement fait tout le tour des dossiers du bilan, sans avoir le bilan, qui a fait réellement un travail très approfondi dans les diverses activités du ministère. Je vous remercie, M. le Président, de la façon dont vous avez dirigé nos travaux et j'espère que, l'an prochain, lorsque nous nous retrouverons, nous nous retrouverons tous en excellente santé et, en même temps, nous pourrons continuer de la même façon positive l'étude des activités du ministère des Affaires intergouvernementales. Je veux remercier mes collaborateurs qui ont suivi avec grand intérêt ces discussions. Je suis sûr qu'ils retournent au ministère avec, peut-être, une autre dimension, une dimension additionnelle, peut-être la dimension politique qui est toujours intéressante, très humaine, et qui leur permettra de continuer à travailler activement dans le meilleur intérêt du Québec.

M. MORIN: M. le Président, je remercie le ministre de sa patience, de s'être prêté à toutes les questions de l'Opposition. Je remercie aussi son personnel qui, j'ai eu l'occasion de le constater à plusieurs reprises, est tout à fait remarquable. Je tiens à répéter, en terminant, la conviction que j'exprimais au tout début de l'étude de ces crédits: Ce ministère est le plus important de tous les ministères québécois parce que c'est l'organisme-synthèse. J'espère que le ministre en est désormais convaincu. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Picard): Merci, messieurs. La même commission ajourne ses travaux à demain matin...

M. LEVESQUE: Dix heures.

LE PRESIDENT (M. Picard): ... dix heures, même salle.

M.MORIN: Non, onze heures, après l'Assemblée.

M. LEVESQUE: Non, il faut faire attention, c'est vendredi, demain.

LE PRESIDENT (M. Picard): Après la période des questions.

M. LEVESQUE: Après la période des questions.

LE PRESIDENT (M. Picard): Pour étudier les crédits du Conseil exécutif.

M. LEVESQUE: Particulièrement l'OPDQ et, en priorité, l'ODEQ, tel que convenu cet après-midi.

M. MORIN: C'est juste.

LE PRESIDENT (M. Picard): La commission est ajournée.

(Fin de la séance à 22 h 5)

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