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Commission permanente de la présidence du
conseil,
de la constitution et des affaires
intergouvemementales
Etude des crédits du ministère des
Affaires intergouvemementales
Séance du jeudi 6 juin 1974
(Dix heures quinze minutes)
M. PICARD (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!
La commission parlementaire de la constitution et des affaires
intergouvemementales continue ce matin l'étude des crédits du
ministère des Affaires intergouvernementales. Pour la séance
d'aujourd'hui, M. Houde (Limoilou) remplace M. Lacroix (Iles-de-la-Madeleine);
M. Leduc (Taillon) remplace M. Bourassa (Mercier).
M. LEDUC: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Picard): J'aimerais faire remarquer aux membres que
nous allons suspendre nos travaux à midi et aussi qu'au moment où
je vous parle, cela fait approximativement huit heures que la commission
siège. Comme vous le savez, la limite est de dix heures. Ce n'est pas
obligatoire qu'elle soit respectée, mais cela fait huit heures que nous
siégeons et nous n'en sommes qu'aux remarques préliminaires.
M. MORIN: Je voudrais, M. le Président, si vous me le permettez,
vous faire observer que cette limite de dix heures n'a pas été
appliquée dans aucune commission et que l'Opposition compte bien sur
votre largeur de vue et votre attitude toujours favorable à la plus
complète expression d'opinion des deux côtés de la Chambre,
telle que vous l'avez constamment assurée jusqu'ici. Nous comptons bien,
si c'est nécessaire, dépasser cette période de dix heures.
Je ne crois pas que nous puissions compter terminer nos travaux ce matin en
deux heures, mais nous avons déjà beaucoup de chemin de fait. Je
peux assurer le président, en tout cas, et je pense qu'on s'en sera
rendu compte de l'autre côté de cette table, que nous n'entendons
pas perdre de temps. Nous voulons simplement aller au fond des dossiers pour
autant que faire se peut, étant donné que le ministre se fait
souvent évasif.
LE PRESIDENT (M. Picard): Je remercie le chef de l'Opposition de cette
preuve de bonne collaboration qu'il veut nous donner, mais je dois lui faire
remarquer qu'après la période de dix heures, il dépend du
leader parlementaire de décider si oui ou non cette commission
continuera à siéger.
M. MORIN: Sa largeur de vue proverbiale, M. le Président, nous
donne d'avance l'assurance que nous pourrons continuer autant qu'il sera
nécessaire.
LE PRESIDENT (M. Picard): Alors, sans perdre plus de temps, je
cède la parole au chef de l'Opposition.
Remarques préliminaires (suite)
M. MORIN: Merci. Je voudrais aborder ce matin, M. le Président,
d'autres domaines, toujours en poursuivant notre bilan des relations
intergouvernementales.
Je voudrais commencer par celui des meuneries, ce qu'on appelle
quelquefois dans certains coins du Québec des moulins à provende.
Le ministre ne doutera pas que cela relève de la compétence de
son ministère, parce qu'il a été question dans le
passé, à plusieurs reprises, des bons offices des Affaires
intergouvernementales dans ce domaine.
Bons offices auprès des ministères fédéraux
concernés, bons offices en vue de tenter de résoudre le conflit
de compétence qui oppose Québec et Ottawa à ce sujet. Je
suis sûr qu'il y a de l'autre côté de la table plusieurs
députés que ces questions vont intéresser. Cela fait dix
ans, peut-être davantage j'ai vu dans la correspondance des
lettres qui remontent à l'année 1964, d'autres à 1966
qui montrent que des représentations ont été faites
par le Québec à plusieurs reprises pour tenter de faire respecter
sa compétence dans ce domaine. Des promesses aussi dont je ferai
état dans un instant, des promesses selon lesquelles le gouvernement
québécois entendait prendre la défense des meuniers
québécois devant l'envahissement progressif de la
compétence fédérale.
M. le Président, c'est une intervention fédérale
typique dans des questions québécoises. Typique, en ce sens que
cette fois, nous affrontons ce qu'on appelle "une déclaration voulant
que des ouvrages ou des entreprises sont à l'avantage
général du Canada? Le ministre sait que je me
réfère à un article bien particulier du British North
America Act. Il sait que, dans une loi sur les blés, le gouvernement
fédéral a déclaré que certains ouvrages ou
entreprises étaient à l'avantage général du Canada.
Or, à plusieurs reprises, le gouvernement du Québec a
encouragé les meuneries québécoises à ne pas se
soumettre au code fédéral du travail et à continuer de se
soumettre aux lois québécoises. Le problème est le
suivant: Ayant déclaré que certaines entreprises qui sont
rattachées au commerce du blé sont à l'avantage
général du Canada, celles-ci relèvent du pouvoir
fédéral et seraient donc sujettes au code du travail
fédéral, alors que le Québec a toujours prétendu
que c'était là une extension de compétence
injustifiée, on avait même promis...
Je pourrais peut-être citer un ou deux documents pour
étayer mes dires. Dans une lettre du 12 août 1965, le directeur du
service des normes du travail du ministère du même nom, à
Ottawa, écrivait au président de l'Association professionnelle
des meuniers du Québec ce qui suit: "Je crois comprendre que des
renseignements sur le code du travail il s'agit du code
fédéral du travail vous ont déjà
été adressés, mais je vous fais tenir ci-joint, pour votre
commodité, un nouvel exemplaire du code, de même qu'un exemplaire
d'une brochure explicative.
Vous verrez, d'après l'article 3h), que le code s'applique
à tout ouvrage ou entreprise que le Parlement déclare être
à l'avantage général du Canada. En vertu du l'article 45
de la Loi sur la Commission canadienne du blé, toutes les meuneries, les
moulins à provende, les entrepôts à provende et les
établissements de nettoyage des graines sont déclarés
être des entreprises à l'avantage général du Canada
et, par conséquent, sont assujettis au code".
Voilà, dans une lettre très précise
émanant...
M. LEVESQUE: Quelle date?
M. MORIN: Elle est du 12 août 1965 et signée H. S.
Johnstone. Je disais à l'instant que, de son côté, le
pouvoir québécois, le gouvernement québécois, a
toujours encouragé les meuniers à tenir tête à ces
directives d'Ottawa et je pourrais citer plusieurs lettres, j'en trouve
justement une qui est particulièrement claire sur la question. Il s'agit
d'une lettre de M. Réal Mireault, sous-ministre, du 31 octobre 1973,
dans laquelle il est dit ceci notamment il s'agit d'une lettre
adressée au secrétaire général de l'Association
professionnelle des meuniers du Québec. "Nous tenons d'abord
à vous assurer que le gouvernement du Québec entend bien
contester l'intrusion du fédéral j'aime beaucoup cette
expression qui a le mérite d'être claire l'intrusion du
fédéral dans un domaine législatif qui relève des
provinces.
M. LEVESQUE: Quelle date?
M. MORIN: Du 31 octobre 1973. Donc, "Bourassa regnante", dans un domaine
législatif qui relève traditionnellement de l'autorité
provinciale. Et ainsi de suite, le Québec devait inscrire la question
des meuneries à l'ordre du jour de la conférence
fédérale-provinciale des ministres du Travail qui s'est tenue
à Ottawa, etc.
Je reviendrai là-dessus dans un instant.
M. LEVESQUE: La lettre est de M. Mireault.
M. MORIN: Oui, je le crois, mais je vais vérifier. Oui, elle est
signée par M. Mireault. Je devrais peut-être citer un autre
paragraphe qui est à la page 2 de cette lettre: "Compte tenu de
l'entente intervenue lors de la conférence qui devait avoir lieu en mai
1973, entre les deux niveaux de gouvernement, nous sommes d'avis que l'attitude
présente du gouvernement fédéral ne vise qu'à
tenter de gagner du terrain en vue des négociations futures". Je pense
que cela peut peut-être éclairer le débat qui va suivre.
"Ce qui est le plus frappant, dans cet échange de correspondance, c'est
que le gouvernement québécois avait promis d'aider les meuneries
qui résisteraient à l'intervention du fédéral dans
un domaine législatif qui relève traditionnellement de
l'autorité provinciale". Je tire ce membre de phrase de la lettre du
sous-ministre.
Or, certaines meuneries ont suivi les conseils donnés par le
gouvernement du Québec, notamment la meunerie Camirand qui était
poursuivie par le gouvernement fédéral pour avoir
écon-duit un certain nombre d'inspecteurs fédéraux qui se
présentaient, se fondant sur le code du travail fédéral.
Un juge de la cour des Sessions de la paix, je crois que c'était le juge
Bérubé c'est cela, le juge Jean-Paul Bérubé
dans une affaire intitulée "Sa Majestée la reine,
plaignante, contre Lorenzo Camirand, intimé" portant le numéro
12,945 du district de Drummond, jugement daté du 6 mai 1974,
c'est-à-dire tout récent, une pièce d'addition
récente au dossier, a donné raison au gouvernement
fédéral.
Je ne me prononcerai pas sur le contenu du jugement. Personnellement,
j'ai des doutes sur certains passages. H y a des problèmes de traduction
de la langue anglaise qui prime la langue française dans ce cas, la
traduction d'un certain nombre de mots comme "flour-mill", "feed-mill", pour
savoir si cela relève vraiment des meuneries, si une "meunerie" c'est la
même chose qu'une "minoterie" quand on traduit de l'anglais et ainsi de
suite. Il y a un paquet de problèmes linguistiques qui vont être
du plus haut intérêt pour le ministre, étant donné
la loi que nous nous apprêtons à débattre à
l'Assemblée nationale.
La meunerie Camirand est intervenue auprès du gouvernement du
Québec dans le but d'obtenir que celui-ci maintienne son attitude ferme
du passé, son attitude théoriquement ferme, parce qu'en
réalité le gouvernement ne s'est jamais beaucoup mouillé
dans cette affaire malgré une correspondance qui, elle, parle
d'intrusion fédérale, etc.
La meunerie Camirand aimerait aller en appel, mais elle ne peut pas
prendre à son compte les frais de cet appel. D'autre part, dans la
correspondance on trouve plusieurs passages tant sous l'empire libéral
que sous l'empire unioniste laissant entendre que le gouvernement du
Québec soutiendrait les minoteries et les meuneries "au boutte"!
Aujourd'hui, il semble bien...
M. BOSSE: "Au boutte"!
M. MORIN: Le député comprend mon langage.
M. BOSSE: II s'en vient!
M. MORIN: Je suis très heureux.
M. BOSSE: Oui, parce que le député est du peuple.
M. MARCHAND: II s'en vient sur la terre des hommes.
M. MORIN: Nous sommes dans les meuneries. Nous sommes effectivement dans
des problèmes fort concrets, M. le Président. Or, le gouvernement
du Québec laisse entendre qu'il ne veut pas appuyer l'appel, en tout
cas, pas les frais que cela entraîne pour la meunerie Cami-rand. La
conclusion logique que je serais tenté de tirer de tout cela, c'est que
le gouvernement du Québec, peut-être, est en train de laisser
tomber, à cause d'un simple jugement d'une cour inférieure, ce
qui est en fait une compétence québécoise, ce qu'il a
toujours considéré comme étant une compétence
québécoise.
Ma première question est celle-ci, M. le Ministre. Quelle est
votre attitude dans ce dossier? Je sais que vous en avez été
saisi. Je sais que vous êtes au courant, parce que bien que la
correspondance n'émane pas de votre ministère, il y est
mentionné à quelques reprises. J'aimerais savoir l'état
des négociations avec Ottawa, et j'aimerais savoir ce que vous allez
faire dans le cas de la meunerie Camirand.
M. LEVESQUE: M. le Président, je dois d'abord dire au chef de
l'Opposition qu'il a bien présenté le cas, mais que vers la fin
de ses remarques, il a apporté une conclusion qui ne correspond pas aux
faits. Les pièces du dossier, telles qu'il les a déposées,
à ma connaissance, sont aussi exactes que possible. La correspondance,
les pièces d'ordre judiciaire, si l'on veut, ont été
présentées dans l'ordre, et je crois que ceci nous donne un
éclairage nécessaire pour la discussion.
Tout ce que je regrette, c'est qu'à la fin de ses remarques le
chef de l'Opposition a semblé jeter un doute sur les intentions du
gouvernement et plus particulièrement sur le ministère dont nous
étudions les crédits.
Je devrai faire remarquer à l'honorable chef de l'Opposition que
cette question de la juridiction du Québec en matière de
relations de travail préoccupe le gouvernement actuel et elle
préoccupait également un gouvernement dont je faisais partie de
1960 à 1966.
Il y a, si je peux dire, deux volets dans cette question. Celui qui
touche la question politique et celui qui touche la question purement
juridique. Les deux ont été évoqués par le chef de
l'Opposition.
Du côté purement juridique, nous devons nous rappeler la
décision de la cour Suprême de 1966 dans la cause de Bell vs La
Commission du salaire minimum. Le jugement stipulait que les relations de
travail font partie de la gestion d'une entreprise, lorsque cette entreprise a
été déclarée pour l'intérêt
général du Canada, c'est le cas, si je me réfère
à la lettre de 1965 de M. Johnstone. On se référait
à ce moment au pouvoir déclaratoire du gouvernement
fédéral en vertu de la section X de l'article 92 de notre
constitution, au paragraphe C, là, on rappelle le pouvoir
déclaratoire du gouvernement fédéral. C'est en vertu de ce
pouvoir déclaratoire que le gouvernement fédéral semble
baser sa juridiction en matière de relations de travail par rapport aux
meuneries ou aux minoteries.
Là encore, il y a une question d'interprétation et je suis
heureux que le chef de l'Opposition l'ait souligné.
Toujours du côté juridique, nous avons toujours
appuyé les meuneries. La lettre de M. Mireault de novembre 1973
citée par le chef de l'Opposition indique bien une position constante du
Québec et non pas seulement une position théorique, mais un
désir et une volonté non équivoque de la part du
gouvernement du Québec d'appuyer les meuneries québécoises
dans l'interprétation de la loi fédérale.
C'est si vrai que nous avons conseillé aux meuneries de s'opposer
à la juridiction fédérale en matière des relations
de travail, c'est-à-dire à l'application de la loi
fédérale. Nous avons, à ce moment, non pas seulement
appuyé d'une façon purement technique, si l'on veut, nous n'avons
pas seulement émis des voeux pieux, mais nous avons même fourni et
défrayé les honoraires d'un avocat-conseil. Nous avons
été présents à cette cause, à l'audition de
cette cause que le chef de l'Opposition a citée tout à l'heure,
celle de Sa Majesté la reine, dont il est la loyale Opposition,
vs...
M. MORIN: Qui était l'avocat-conseil, M. le ministre?
M. LEVESQUE: Me Ross Goodwin. Il était conseil et nous avons
défrayé les honoraires par le truchement du ministère de
la Justice. Cette cause, dis-je, de la reine vs Camirand, a subi le sort que
l'on vient de citer, mais je dois rassurer immédiatement le chef de
l'Opposition en lui disant que ce jugement fait l'objet d'une étude
très attentive, non pas seulement à notre ministère, mais
à notre ministère avec le concours du ministère de la
Justice et celui du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Il va de soi que, dans un
très bref délai, nous prendrons une décision quant
à l'opportunité de porter la cause en appel, de concert,
évidemment, avec l'intimée.
M. MORIN: Est-ce que les délais d'appel dans ce cas, ne sont pas
d'un mois, autrement dit...
M. LEVESQUE: C'est cela, 30 jours.
M. MORIN: ... c'est aujourd'hui que la décision devrait
être prise. La décision est du 6 mai.
M. LEVESQUE: Probablement que le ministère de la Justice... Le
ministère de la Justice a peut-être déjà pris
position là-dessus. C'est le ministère de la Justice qui a le
dossier, autrement dit qui couche avec le dossier.
M. MORIN: Vous faites preuve là d'une certaine
"obscénité", mais...
M. LEVESQUE: Nos observations, nos suggestions sont rendues au
ministère de la Justice depuis déjà longtemps. Nous
attendons que le ministère de la Justice se prononce
là-dessus.
M. MORIN: Est-ce que le ministre pourrait se renseigner auprès de
son collègue de la justice..
M. LEVESQUE: D'accord.
M. MORIN: ... parce que le 6 juin, c'est aujourd'hui même.
M. LEVESQUE: C'est aujourd'hui. Vous êtes d'actualité, pour
une fois.
Lorsque vous parliez de 1965, tout à l'heure, j'avais des doutes,
mais maintenant que vous parlez du 6 juin 1974, je dois vous dire que vous
êtes bien d'actualité à ce moment-ci.
Cela est la question juridique. L'autre volet, évidemment, c'est
la question politique qui marchait parallèlement. Le chef de
l'Opposition se référait à la conférence des
ministres du Travail des 2 et 3 mai 1973 et l'ordre du jour devait comporter
cette question. De fait, cette question apparaissait à l'ordre du jour
de la conférence et, afin de régler le contentieux, un
comité Québec-Ottawa a été mis sur pied lors de
cette conférence. Du côté québécois, un
sous-comité du comité interministériel sur les questions
de partage de l'autorité en matière de travaux publics, transport
interprovincial et meuneries devait soumettre un rapport le 15 janvier 1974
concernant ce problème particulier.
M. MORIN: Vous avez formé ce sous-comité
interministériel, d'après la correspondance, en août ou
même peut-être avant cela en 1973? C'est bien de ce
sous-comité que nous parlons?
M. LEVESQUE: Oui. Présentement, un dossier est en train de se
compléter et sera présenté la semaine prochaine au CCRI,
le comité des hauts fonctionnaires auquel j'ai fait allusion au cours de
ce débat. Cela est du côté politique. J'ai donc
essayé de répondre au chef de l'Opposition et me basant sur les
pièces auxquelles il s'est référé. Je crois que, du
côté juridique et du côté politique, nous n'avons
cessé d'avoir une position constante et nous n'avons pas l'intention d'y
déroger, ni d'un côté ni de l'autre, pour autant que nous
sommes concernés au ministère des Affaires intergouvernementales,
parce que, du côté juridique, nous devons nous en remettre au
ministère de la Justice, et c'est tout à fait normal. Pour
compléter ces remarques, je dirai que, depuis cinq secondes, nous avons
fait une communication avec le ministère de la Justice pour être
en mesure, peut-être avant la fin de la présente séance, de
renseigner si possible la commission sur les intentions du ministère de
la Justice.
M. MORIN: M. le Président, hier, le ministre faisait observer que
je ne le félicitais pas souvent. Sous réserve de la confirmation
de l'appel, cet après-midi, je le féliciterais de la
réponse extrêmement claire qu'il vient de me donner sur cette
question des meuneries. Je le féliciterais d'autant plus chaleureusement
que c'est la première réponse claire qu'il me donne depuis le
début de ses crédits.
M. LEVESQUE: Au contraire, je vous ai donné beaucoup de
réponses claires. Par exemple, on a parlé longuement des droits
miniers sous-marins et c'était d'autant plus clair que j'avais
participé moi-même à toutes les étapes des
discussions.
M. MORIN: Mais quand vous êtes arrivé dans la baie
d'Hudson, les brumes vous ont envahi.
M. LEVESQUE: Plus on s'en va vers le nord et vers le pôle, moins
mes connaissances géographiques sont précises. Je ne suis pas
allé plus loin que Fort George et...
M. MORIN: Le ministre venait du "frette".
M. LEVESQUE: ... comment est-ce qu'on l'appelle,
Rivière-à-la-Baleine? Poste-de-la-Baleine. C'est le plus au nord
que je suis allé.
M. BOSSE: Même le député de Saint-Jacques a
trouvé cela rafraîchissant.
M.MORIN: Oui. J'aimerais, tout en félicitant le ministre de
connaître si bien ce dossier, lui poser encore une ou deux questions, sur
la question de principe, sur la question juridique.
Ce pouvoir déclaratoire du gouvernement fédéral qui
a joué également dans le cas de la compagnie Bell comme vous le
faisiez observer tout à l'heure, est-ce que le Québec a fait
étudier, est-ce que votre ministère l'a étudié?
Est-ce que vous avez des principes qui guident votre action lorsque vous
affrontez ce pouvoir, qui est aussi mal défini que le "spending power"
fédéral et tout aussi envahissant, en puissance? Comme le
ministre a eu le même professeur de droit constitutionnel que moi, il
sait de quoi nous parlons.
M. LEVESQUE: Mais justement, il y a eu une étude assez
exhaustive, sinon exhaustive, assez sérieuse faite par Mme Andrée
Lajoie, je pense que le chef de l'Opposition connaît l'étude.
M. MORIN: Oui, c'est une de mes collègues à l'Institut de
recherche en droit public, excellente recherchiste.
M. LEVESQUE: Cette étude a d'ailleurs été
publiée...
M. MORIN: Je n'en doute pas.
M. LEVESQUE: ... aux Presses de l'Université de
Montréal.
M. MORIN: Je connais l'ouvrage mais je me demandais quelle est
l'attitude de votre ministère.
M. LEVESQUE: Vous avez demandé si on étudiait la question,
je vous réponds du côté de l'étude.
M. MORIN: Partagez-vous les conclusions de Mme Lajoie?
M. LEVESQUE: Pour l'essentiel, nous maintenons cette position voulant
qu'il est difficile de concevoir aujourd'hui, dans un état moderne, dans
les circonstances actuelles, que nous ayons ce pouvoir déclaratoire.
Nous croyons que...
M. MORIN: Ce n'est pas vous qui l'avez, c'est Ottawa.
M. LEVESQUE: ... nous l'avons dans la constitution.
M. MORIN: Ah oui! La constitution fédérale.
M. LEVESQUE: Ce pouvoir déclaratoire, sur ce point, nous
aimerions bien voir la constitution amendée. C'était un point
assez clair dans notre esprit.
M. MORIN: Cela a été votre attitude dans le passé,
notamment dans les documents des conférences constitutionnelles dans les
années 1967/68, 1968...
M. LEVESQUE: II y a le pouvoir déclaratoire qui nous chatouille,
qui nous déplaît, ainsi que le pouvoir de désaveu. Ce sont
deux points.
M. MORIN: Mais le pouvoir de désaveu est tombé en
désuétude, à toutes fins pratiques, tandis que le pouvoir
déclaratoire...
M. LEVESQUE: Oui, mais il existe tout de même dans la lettre de la
constitution, même s'il n'est pas mis en application. Mais on s'y
réfère quelquefois dans des discussions d'ordre théorique,
ou dans certaines appréhensions que l'on apporte vis-à-vis de
certaines lois du parlement québécois.
M. MORIN: Je voudrais demander aussi au ministre, il doit se rendre
compte que les meuneries pourraient être appelées à
réclamer le remboursement des sommes qu'elles ont déjà
payées à la Commission du salaire minimum s'il s'avérait
qu'elles ne sont pas assujetties à la législation
québécoise mais qu'au contraire, elles relèvent
essentiellement de la compétence fédérale. Donc, il y a
des conséquences pécuniaires pour le gouvernement
québécois dans cette affaire.
M. LEVESQUE: C'est peut-être un peu tôt pour se prononcer
là-dessus et il y a du sub judice là-dedans et ensuite, il y a
tout le volet politique qui nous ouvre encore des possibilités en plus
du volet juridique.
M. MORIN: C'est-à-dire que nous saurons cet après-midi si
c'est sub judice ou pas. S'il n'y a pas appel, ça ne l'est plus. De
toute façon, on pourrait en discuter ici, même si c'était
sub judice, il n'y a rien qui nous en empêche.
M. LEVESQUE: Nous évitons toujours dans les débats
parlementaires d'en parler
M. MORIN: Sur le fond de la question, oui. D'accord !
M. LEVESQUE: On s'en allait un peu vers le fond de la question, je fais
simplement une mise en garde.
M. MORIN: J'ai évité de discuter du jugement
lui-même, comme je le disais au ministre tout à l'heure,
même si je peux insinuer on me le permettra que je crois
mal fondé, j'ai évité d'entrer dans le détail. J'ai
fait exprès pour éviter ça. Parce que je sais qu'on doit
traiter de tout l'aspect fédéral-provincial au niveau politique.
Comme dernière question, est-ce que je pourrais demander au ministre
quel est l'état du dossier dans ce comité
fédéral-provincial qui a été créé
à la suite de la conférence de mai 1973?
M. LEVESQUE: Nos positions ne sont pas encore
présentées.
Elles le seront à la suite de l'acheminement du dossier,
après son étude par la CCRI et éventuellement par la CIDA.
Le comité fédéral-provincial attend que les positions
québécoises soient déposées et nous suivrons
là l'acheminement mentionné dans les autres dossiers au cours de
ce débat.
M. MORIN: Est-ce que je pourrais simplement faire observer au ministre
en terminant, parce que je n'ai pas l'intention de m'étendre
indéfiniment sur ce dossier, que cela fait dix ans maintenant que ce
dossier est ouvert, que le Québec brasse les papiers, que le
gouvernement étudie et fait étudier et examine, et que pendant ce
temps-là, le pouvoir fédéral s'est placé les pieds,
là comme dans les autres domaines? Il a attendu qu'un jugement lui soit
favorable et il
trouvera toujours un jugement favorable, tôt ou tard, étant
donné l'incertitude qui règne dans ces questions
constitutionnelles.
M. LEVESQUE: Je ne peux pas manifester de satisfaction vis-à-vis
de l'attitude fédérale particulièrement dans cette cause
qui a été initiée, alors que du côté
politique se poursuivait une négociation
fédérale-provinciale. Je ne peux pas manifester une grande
satisfaction.
M. MORIN: Est-ce que le ministre irait jusqu'à dire que, dans la
partie d'échecs qui se livre dans ce domaine comme dans d'autres entre
Québec et Ottawa, peut-être que le gouvernement
fédéral s'est servi des tribunaux pour consolider sa position et
vous mettre une fois de plus devant une sorte de fait accompli? Il est plus
difficile de négocier avec ce jugement dans les jambes que cela ne
l'aurait été si on l'avait fait avant que le jugement
intervienne.
M. LEVESQUE: J'ai mentionné et je ne me cache pas de dire que je
ne peux pas manifester une satisfaction enthousiaste.
M. MORIN: D'accord. On peut peut-être clore ce dossier. On y
reviendra, bien sûr, l'année prochaine et j'espère que cela
pourrait être la dernière fois.
Peut-on, M. le Président, avec votre permission, passer aux
questions intéressant la main-d'oeuvre? Est-ce que le ministre veut
ajouter quelque chose?
M. LEVESQUE: Je voudrais simplement ajouter une remarque que l'on me
fait. Il est possible que, dans des cas comme ceux-là, même le
délai de 30 jours ne soit pas...
M. MORIN: De rigueur.
M. LEVESQUE: ... de rigueur sous l'empire du nouveau code, qu'on puisse
accepter de revoir la cause en appel, même au-delà du 30 jours;
mais en pratique, me dit-on, on l'accorde maintenant souventefois.
M. MORIN: Le ministre voudra peut-être me rassurer
là-dessus cet après-midi.
M. LEVESQUE: Oui, cela se change rien. Cela n'exclut pas la
réaction du ministère de la Justice que je transmettrai à
la commission si je la reçois au cours de cette séance.
M. MORIN: Bien. M. le Président, comme je le disais il y a un
instant, j'aimerais passer maintenant au domaine de la main-d'oeuvre. Le
collègue du ministre, M. Cournoyer, il y a un an ou deux, je pense,
avait fait des demandes précises au gouvernement fédéral
dans le but de rapatrier au Québec, notamment la formation
professionnelle des adultes et le placement des travailleurs. Quel est
l'état de ces dossiers actuellement, d'après le bilan secret que
le ministre a devant lui? Quels sont les gestes qui ont été
posés par son ministère depuis un an ou deux pour faire avancer
ces revendications québécoises?
M. LEVESQUE: Est-ce que c'est bien sur le programme de formation
professionnelle?
M. MORIN: C'est cela. Et sur le programme de placement des
travailleurs.
M. LEVESQUE: Le 16 juin 1972, le Québec soumettait une
série de propositions au gouvernement fédéral, relatives
à un projet d'entente sur la formation en institution, à des
amendements législatifs.
M. MORIN: C'est ce dont je vous parlais il y a un instant.
M. LEVESQUE: ... à un projet d'entente sur les allocations et
à un projet d'entente sur la formation à l'industrie. Le bilan
indique, parce qu'il y a une mise à jour continuelle, mais disons...
M. MORIN: Toujours secrète.
M. LEVESQUE: Le bilan indiquait, lors de sa dernière mise
à jour qu'en ce qui concerne les deux premières propositions,
c'est-à-dire le projet d'entente sur la formation en institution des
amendements législatifs, il n'y avait pas de développement depuis
les commentaires formulés par le ministre fédéral de la
Main-d'Oeuvre et de l'Immigration dans sa lettre de juillet 1972.
M. MORIN: C'est-à-dire le mois suivant, le mois qui a suivi vos
revendications. Que disait cette lettre? Est-ce que c'était une fin de
non-recevoir?
M. LEVESQUE: Au contraire, elle comportait une manifestation d'ouverture
réelle.
M. MORIN: Oui. Est-ce que l'ouverture s'est maintenue depuis ces deux
ans écoulés?
M. LEVESQUE: D'ailleurs, cela a permis d'arriver à une entente
qui a été signée entre Québec et Ottawa, en octobre
1972, portant sur la formation en industrie. Il y a là un
élément très positif que j'aime à souligner.
M. MORIN: La formation en institution, en industrie?
M. LEVESQUE: En industrie.
M. MORIN: Pour la formation professionnelle des adultes?
M. LEVESQUE: Depuis quelques mois, on discute de la question du
financement. La position du Québec est précise sur ce sujet.
Quant à la question des allocations, elles sera examinée
dans le cadre de la révision globale des politiques de
sécurité du revenu.
M. MORIN: Pour ce qui est du placement des travailleurs? Ce bilan
paraît être secret.
M. LEVESQUE: Une nouvelle entente qui a été
négociée avec le gouvernement fédéral sera
portée à l'attention du CCRI le 17 juin prochain. Cela porte sur
la formation professionnelle des adultes.
M. MORIN: Oui, c'est de cela que je voulais surtout vous parler.
M. LEVESQUE: Cela vient devant le CCRI le 17 juin.
M. MORIN: C'est un projet d'entente?
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Sur le financement?
M. LEVESQUE: Sur le financement.
M. MORIN: Est-ce que le ministre peut nous dire les principes qui
sous-tendent ce projet d'entente?
M. LEVESQUE: On me dit même qu'il s'agit d'une nouvelle approche
qui reprend complètement toute la question; mais elle n'a pas encore
été soumise au niveau ministériel, c'est-à-dire au
niveu du CIDA, parce qu'ele doit d'abord être étudiée par
le CCRI le 17 juin prochain.
M. MORIN: Est-ce que le ministre pourrait, sans nous
révéler le contenu détaillé...
M. LEVESQUE: Le chef de l'Opposition sait fort bien que dans la question
de formation en institution, les institutions québécoises ont
toujours été en cause, elles ont fait les programmes, etc., le
rôle du fédéral se limitant au financement. Ce n'est pas
nouveau, c'est ce qui a existé et c'est ce qui...
Jusqu'à maintenant, le Québec ne participait pas à
la sélection des stagiaires, enfin, des adultes admis; mais maintenant,
nous serions, d'après l'entente envisagée,
suggérée, entente qui sera étudiée, comme je le
mentionnais au CCRI, il y aura là participation du gouvernement du
Québec dans la sélection des candidats.
M. MORIN: M. le ministre, pour être bien précis, vous avez
dit "entente suggérée". Je voudrais que ce soit clair. Est-ce que
c'est une entente que vous suggérez au gouvernement
fédéral ou est-ce un projet d'entente déjà
intervenu entre les deux gouvernements?
M. LEVESQUE: Cela résulte de consultations
fédérales-provinciales au niveau des fonctionnaires. Autrement
dit, eux s'entendraient...
M. MORIN: Si vous étiez d'accord.
M. LEVESQUE: ... si on était d'accord.
M. MORIN: Bon. Dans le domaine du placement des travailleurs, vous vous
souvenez que le ministre du Travail avait également soulevé ce
point avec beaucoup de force à l'époque.
M. LEVESQUE: Là-dessus, disons qu'on a mis la priorité sur
ce que je viens d'expliquer. Cette question fait l'objet de nos
préoccupations. Mais ce n'est pas là que nous avons mis l'accent
récemment.
M. MORIN : Quelles sont vos intentions dans ce domaine pour l'avenir?
Parce que le ministre ne peut pas nier que cela reste un problème
extrêmement aigu, toute cette histoire de double système de
placement.
M. LEVESQUE: Oui. Il s'agit justement d'une définition de la
vocation et du statut des centres de main-d'oeuvre du Québec. Et
là, on toucherait un peu, je crois, au contenu si on allait plus loin,
parce que je crois qu'il s'agit là d'une responsabilité propre au
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
M. MORIN: Mais quelle est votre attitude de principe, sans entrer dans
les détails? Je veux bien que le ministère ait besoin d'une
certaine discrétion dans ses négociations, dans
l'élaboration de ses politiques, mais quels sont les principes qui vous
guident dans cette question de placement du centre...
M. LEVESQUE: Nous sommes un peu empiriques, si vous voulez, dans ce
domaine. Nous avons fait certaines expériences pilotes...
M. MORIN: Vous m'avez dit que vous étiez empirique dans tous les
domaines.
M. LEVESQUE: Oui, disons particulièrement empirique dans ce
domaine, parce que nous avons fait certaines expériences pilotes sur le
placement avec le concours du ministère des Affaires sociales, pour le
placement des assistés sociaux. A la lumière de ces
expériences se dégageront, sans doute, des conclusions qui
pourront être utilisées et qui pourront nous être
très utiles dans l'élaboration d'une politique,
évidemment, dont la maîtrise d'oeuvre est ailleurs.
M. MORIN: Oui, mais cela ne répond pas encore tout à fait
à la question de principe que je vous posais. Les attitudes de votre
collègue du Travail en 1972 étaient très claires. Il
s'agissait de rapatrier cela n'a pas 36 sens en droit constitutionnel ou
dans la langue ordinaire le placement des travailleurs. Est-ce que votre
attitude de principe demeure la même ou est-ce que vous avez
changé d'idée en fonction de votre "empirisme pragmatique"?
M. LEVESQUE: Nous n'avons pas formulé d'opinion comme
ministère des Affaires intergouvernementales dans les mois
récents.Nous croyons qu'il est préférable de laisser les
ministères sectoriels préparer leur politique. Nous sommes
à la disposition des ministères sectoriels, comme je l'ai
déjà mentionné. C'est une question qui dépasse
clairement le ministère des Affaires intergouvernementales. C'est une
question qui doit être étudiée en profondeur et par le
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre et souvent avec le concours
du ministère des Affaires sociales. Je crois que le contenu est
extrêmement important et doit nous guider.Je ne crois pas qu'il soit de
ma responsabilité à ce moment-ci, d'expliciter une politique
sociale qui touche deux ministères sectoriels. Nous attendons
plutôt les prises de position des ministères sectoriels, et,
à ce moment, nous entreprendrons les négociations qui seront
nécessaires pour la mise en oeuvre des vues des ministères
sectoriels.
M. MORIN: M. le ministre, je vous ferai remarquer ici, avec toute la
déférence dont je suis capable, que votre ministère ne
joue pas pleinement son rôle. Je disais, au début, dans mes
remarques...
M. LEVESQUE: II y a présentement un comité
interministériel qui groupe non pas seulement notre ministère,
mais les deux ministères concernés, soit le ministère du
Travail et celui des Affaires sociales.
M. MORIN : Bon !
M. LEVESQUE: Ainsi que le ministère de l'Education...
M. MORIN: Heureusement que vous m'avez dit cela. Cela nuance
déjà un peu vos propos. Parce que j'avais cru comprendre que,
dans l'élaboration d'attitudes fondamentales à l'égard du
fédéralisme canadien, vous laissiez chaque ministère
suivre un peu sa direction propre.
M. LEVESQUE: Non. Je proteste!
M. MORIN: Vous avez dit: On s'en remet aux ministères
sectoriels.
M. LEVESQUE: Non, sur le contenu. Mais nous sommes toujours
présents à ce comité interministériel, justement
pour remplir notre rôle de chien de garde, si vous voulez,
vis-à-vis des relations fédérales-provinciales.
M. MORIN: Chien de garde...
M. LEVESQUE: Et on assume même...
M.MORIN: ... c'est bien négatif, M. le ministre.
M. LEVESQUE: Un instant! Laissez-moi finir. Et on assume le
secrétariat de ce comité interministériel. Je pense que
nous avons là tout ce qu'il faut pour remplir notre rôle
adéquatement.
M. MORIN: Comme je l'ai laissé entendre dans mes remarques
introductives, je pense que votre ministère, ce n'est pas seulement un
chien de garde, cela doit être celui qui définit les grandes
orientations, et ce n'est pas à vous de vous inspirer de ce que font les
ministères. C'est aux autres ministères de s'inspirer...
M. LEVESQUE: Oui, mais à partir... M. MORIN: ... de vos
orientations.
M. LEVESQUE: Oui, d'accord! Mais à partir d'un contenu qui est la
responsabilité propre du ministère sectoriel. Il ne faut pas
l'oublier.
M. MORIN: Qu'est-ce que...
M. LEVESQUE: Nous n'avons pas l'intention de nous substituer, quant au
contenu, au ministère sectoriel.
Mais nous ne négocierons pas ou ne participerons pas à une
négociation où nous croyons que ce contenu n'entre pas dans les
grandes orientations du Québec et il pourrait arriver, par exemple, que
telle ou telle politique vienne en conflit avec les orientations dont parle le
chef de l'Opposition. A ce moment, la lumière rouge s'allumerait et nous
verrions à ce qu'elle soit allumée.
M. MORIN: Oui, parce que tout dépend de ce qu'on entend par
contenu. Si, par exemple...
M. LEVESQUE: Ce n'est pas le ministère des Affaires
intergouvernementales qui va faire la politique du ministère de
l'Education.
M. MORIN: Ne changeons pas de domaine. Restons dans le domaine du
travail.
M. LEVESQUE: II est évident que si on voulait donner une
illustration à partir, par exemple, de quelque chose de bien concret,
supposons que le ministère des Affaires sociales ne soit pas d'accord
sur l'opportunité de créer des garderies; si ce n'était
pas dans sa politique, à ce moment, nous n'irions pas négocier
cette question avec le gouvernement central.
M. MORIN: J'imagine.
M. LEVESQUE: C'est un peu ce que je veux dire.
M. MORIN: Mais, dans le domaine qui nous
intéresse, supposons que le ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre décide qu'au fond, c'est bien pratique qu'Ottawa s'occupe
de placer les travailleurs québécois et qu'il n'ait pas à
s'en occuper et qu'il vaut mieux démanteler le faible réseau de
bureaux de placement québécois. Quelle sera l'attitude de votre
ministère? Est-ce que c'est du contenu ou est-ce que cela ne touche pas
à des orientations?
M. LEVESQUE: II faut bien s'entendre. Je ne veux pas me prononcer sur le
contenu, mais supposons que le ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre arriverait à la conclusion qu'en vue de la mobilité
de la main-d'oeuvre au Canada et qu'en vue également mais c'est
simplement hypothétique...
M. MORIN: Oh! C'est bien glissant.
M. LEVESQUE: ... oui, mais hypothétique je dis que, s'il
arrivait à cette conclusion, pour les fins de la mobilité de la
main-d'oeuvre et afin d'assurer aux travailleurs québécois du
travail dans tout le Canada...
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: ... à supposer qu'il ait ces prémisses...
M. MORIN: Ce qu'à Dieu ne plaise!
M. LEVESQUE: Je ne porte pas de jugement et je dis qu'il s'agit
simplement d'une hypothèse...
M. MORIN: Oui, mais elle n'est pas heureuse, parce que cela veut dire
que c'est l'anglicisation.
M. LEVESQUE: Vous avez probablement raison. Il ne faut pas se lancer
dans des questions hypothétiques.
M. MORIN: Dois-je comprendre que le ministre s'arrête court?
M. LEVESQUE: On pourrait évidemment analyser l'hypothèse
contraire. Ce serait également hypothétique.
M. MORIN: Quelle est l'hypothèse contraire? Que les travailleurs
du reste du pays viennent s'installer au Québec?
M. LEVESQUE: On peut...
M. MORIN: En tout cas, que conclut le ministre de tout cela?
M. LEVESQUE: Je conclus que vous avez abordé des sujets fort
importants et fort intéressants, d'une façon intelligente, mais
je n'ai pas pu répondre d'une façon plus complète parce
que je n'ai fait que dire au chef de l'Opposition l'état du dossier.
J'ai parlé, je crois, d'une façon très précise de
la question de la formation professionnelle, des ententes intervenues. Quant
aux bureaux de placement qui font l'objet de sa deuxième question, j'ai
dit au chef de l'Opposition et à la commission où nous en
étions et j'ai également dit qu'il s'agissait là du
travail poursuivi par un comité interministériel dont nous
assumions le secrétariat.
M. MORIN: J'avoue que je suis plus satisfait de la réponse du
ministre en ce qui concerne les meuneries que pour ce qui est des bureaux de
placement ou encore de la formation des adultes.
Je voudrais peut-être passer maintenant à une autre
question qui est celle du transport routier. C'est un problème qui
ressemble à ceux dont nous venons de traiter. Le gouvernement
fédéral, comme le ministre le sait bien, insiste pour
étendre l'application de son code du travail aux entreprises de
camionnage qui font ce qu'il appelle du "transport interprpvincial". La toute
première question est la suivante. Qu'est-ce que du transport
interprovincial? Et c'est là que nous assistons une fois de plus
à l'intrusion fédérale, à l'envahissement
progressif de la compétence fédérale. Cette
définition de transport interprovincial fait intervenir notamment,
à l'heure actuelle, la notion d'"interchange".
Je crois qu'il s'agit d'un mot anglais; il s'agit du mot anglais
"interchange". Par exemple, une remorque de la compagnie Tramblay va de
Québec à Montreal, avec un tracteur de la compagnie Tremblay,
puis de Montréal à Toronto, avec un tracteur d'une compagnie
onta-rienne. La question qui se pose: Est-ce que Tremblay devient un
transporteur interprovincial? D'après Ottawa, oui. J'aimerais connaf-tre
la position de votre ministère sur ce problème concret pour
commencer.
M. LEVESQUE: Le Québec s'oppose évidemment à ce que
le fédéral assujettisse les entreprises de transport
interprovincial au code canadien du travail. Lors de la conférence
fédérale-provinciale des ministres du Travail, en mai 1973, il
fut convenu que la question ferait l'objet d'une étude, tant du
côté fédéral que du côté provincial.
Là encore, nous arrivons au même comité qui a
été mis sur pied, comité fédéral-provincial,
dont je faisais écho tout à l'heure, lorsque nous parlions des
meuneries. C'est ce qui doit venir au CCRI la semaine prochaine.
M. MORIN: Est-ce que je pourrais signaler au ministre... Je n'aurai pas
la prétention de lui signaler, je pense qu'il est déjà au
courant de ce que l'Association du camionnage du Québec en pense. Cette
association a demandé à maintes reprises...
M. LEVESQUE: M. Archambault, en particulier.
M. MORIN: ... cette association qui a soumis un mémoire au
mois de mars 1973, au ministre des Transports de l'époque, M. Bernard
Pinard que l'industrie du transport ne soit assujettie qu'aux lois
provinciales. J'aimerais peut-être vous citer un ou deux passages
particulièrement éloquents de ce mémoire. Les passages se
trouvent aux pages 13 et 14: "Malgré les différents procès
parce qu'il y a eu des tas de procès dans ce domaine, comme vous
le savez nous n'avons pas encore réussi à savoir quand une
entreprise de transport devient extraprovinciale. Il y a des jugements
contradictoires à ce sujet. Il y a quelque temps, nous avons
accepté la suggestion du gouvernement fédéral de plaider
une cause type dans l'intention d'obtenir une clarification de la cour
Suprême du Canada. Mais rendue en cour d'Appel, celle-ci a refusé
de nous entendre et nous en sommes au même point d'ambiguïté
et de confusion voilà encore des termes qui sont magnifiquement
descriptifs de la situation constitutionnelle lorsque les entreprises ne
sont pas carrément et essentiellement de nature interprovinciale ou
internationale".
Le mémoire continue: "D'autre part, les autorités
fédérales négligent ou refusent de préciser leur
juridiction. Nous nous opposons, en principe, à toute nouvelle
législation fédérale parallèle aux juridictions
provinciales. Nous croyons que le fédéral devrait s'entendre avec
les provinces avant de continuer à introduire de nouvelles lois
où un contrôle est déjà exercé par une
province. C'est sous l'égide des provinces c'est surtout ce
passage qui me paraît important, parce qu'il définit la position
de l'association que le transport routier s'est développé
et a évolué. Nous constatons de nouveau, par exemple, dans
l'adoption du code fédéral du travail, qu'Ottawa manque de
compréhension à l'endroit de notre industrie".
Un dernier passage: "En effet, Ottawa n'est-il pas, pour nous,
législateur et compétiteur à la fois, étant
propriétaire du plus grand chemin de fer au monde? " Un point concret,
M. le ministre, pour terminer les extraits du mémoire de l'Association
du camionnage du Québec. J'aimerais demander si votre ministère a
pris connaissance de ces points de vue, s'il les partage.
M. LEVESQUE: C'est évident.
M. MORIN: Est-ce que vous les partagez?
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Vous les appuyez dans les négociations actuelles que
vous menez?
M. LEVESQUE: Oui, mais je préférerais attendre justement
d'avoir le rapport du CCRI qui doit étudier la question, la semaine
prochaine, des positions québécoises. Sur le fond, je crois qu'on
peut déjà dire que nous sommes d'accord.
M. MORIN: Bon. Je prends note de cette affirmation du ministre, parce
que c'est un dossier que nous entendons suivre de très près au
cours des mois qui viennent. Nous pouvons peut-être passer maintenant
à la justice. Nous avançons. Je vais laisser le temps au ministre
de se retrouver dans ses rapports secrets.
La toute première question que j'aimerais poser, M. le
Président, est la suivante. Elle porte sur les tribunaux administratifs.
Le rapport Dussault a souligné que l'article 96 de la constitution,
j'entends du British North America Act, est un empêchement à
l'institution d'un véritable système de tribunaux administratifs
québécois. Est-ce que votre ministère a été
saisi de ce problème, M. le ministre? Est-ce que vous avez entrepris des
démarches pour le régler?
M. LEVESQUE: Un instant, s'il vous plail, parce que là
j'écoutais deux conversations. Voulez-vous reprendre, s'il vous
plail?
M. MORIN: Je vois que le ministre souvent tente d'écouter deux
voix en même temps.
M. LEVESQUE: C'est difficile.
M. MORIN : Oui. J'espère que cela ne contribue pas à la
confusion dans son esprit.
M. LEVESQUE: J'espère que cela n'a pas trop paru.
M. MORIN: Non. Je dois avouer que le ministre est un excellent
"ampliphone".
M. LEVESQUE: Ce n'est pas tant le "fun" que vous pensez.
M. MORIN: Est-ce que le ministre a été saisi de ce
problème? Est-ce qu'il a entrepris des démarches pour le
régler?
M. LEVESQUE: Je crois que le chef de l'Opposition réfère
aux difficultés qui surviennent ou qui pourraient survenir à la
suite de l'interprétation de l'article 96 de l'Acte de l'Amérique
du Nord britannique.
M. MORIN: On ne peut rien vous cacher, c'est exactement cela.
M. LEVESQUE: On pourrait rencontrer certaines difficultés du fait
que le gouvernement fédéral a la juridiction sur la nomination
des juges de la cour Supérieure, des cours supérieures, si l'on
veut. Il serait peut-être souhaitable, à un certain moment, que le
gouvernement du Québec puisse confier certaines de ses juridictions
à des tribunaux créés par la province, mais il pourrait
s'élever un doute, à ce moment-là, sur la question de la
juridiction, à savoir quel niveau de gouvernement nomme les juges.
M. MORIN: C'est-à-dire sur l'exclusion du
contrôle des actes administratifs par les juges des tribunaux
supérieurs.
M. LEVESQUE: Qui est une compétence confiée à la
cour Supérieure.
M. MORIN: C'est juste.
M. LEVESQUE: Je consultais mes savants juristes qui ont travaillé
sur cette question d'une façon très sérieuse avec les
juristes du ministère de la Justice et ceux de l'Institut de droit
public, M. Pépin en particulier.
On m'affirme que, dans un avenir pas trop éloigné, on
sauterait sur la première occasion, autrement dit, pour essayer
d'attirer l'attention des autorités fédérales sur
l'opportunité soit de modifier l'article 96 ou de trouver d'autres
moyens pour essayer de contourner cette difficulté qui existe à
cause de l'interprétation ou des implications de l'article 96.
M. MORIN : Quoique, dans le passé, les divers ministères,
le gouvernement québécois a trouvé un certain nombre de
moyens pour tenter d'échapper au contrôle des tribunaux
supérieurs par l'exclusion de l'article 50 de l'ancien code de
procédure civile et tout ça. Mais est-ce qu'on a tenté,
à votre ministère ou à celui de la Justice, de
définir un cadre d'ensemble pour les tribunaux administratifs? Est-ce
que vous vous êtes penchés non pas sur le problème
précis qui revient pour chaque ministère d'éviter le
contrôle des tribunaux supérieurs ou bien si vous n'avez pas
plutôt tenté de définir un système de tribunaux
administratifs québécois?
M. LEVESQUE: C'est justement à l'étude au comité de
la réforme administrative et cela à partir des conclusions de
l'étude de Me Dussault.
M. MORIN: Si le Québec se dotait d'un véritable conseil
d'Etat, d'une véritable structure de tribunaux administratifs, est-ce
que le ministre ne serait pas porté à croire que ce serait
déjà un pas considérable en vue d'éviter le
contrôle des tribunaux d'Ottawa sur les actes administratifs
québécois?
M. LEVESQUE: C'est une hypothèse, nous pouvons retenir cette
suggestion et l'ajouter au dossier, si elle n'y est pas déjà.
M. MORIN: Elle est déjà dans le dossier, et depuis combien
de temps !
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN : Je me souviens des écrits de Me LeDain, qui
était le doyen jusqu'à récemment à Osgoode Hall et
qui a été auparavant professeur à l'université
McGill et que peut-être le ministre a connu.
M. LEVESQUE: C'était un confrère de classe, je l'ai
rencontré encore la semaine dernière.
M. MORIN: Bien, le ministre saura alors que Me LeDain, dès les
années cinquante, je me souviens d'un article de 1952, se faisait
l'avocat de la création d'un conseil d'Etat au Québec, Donc, ce
n'est pas d'hier, ça va faire plus de 20 ans qu'on en parle, mais rien
ne se fait, M. le ministre. Rien ne s'est fait, sauf étudier. Ah!
ça, pour étudier, on étudie, c'est formidable.
M. LEVESQUE: Je ne voudrais pas non plus que le chef de l'Opposition
oublie la consigne et que nous entrions dans le contenu des
responsabilités propres au ministère de la Justice. Il est
question, comme le chef de l'Opposition le sait, d'un livre blanc de la
Justice.
M.MORIN: Des livres blancs, des études, mais le problèmes
global, dans tout ça, vous le voyez bien à travers toutes ces
difficultés que nous traversons les unes après les autres, qu'il
y a un fil conducteur...
M. LEVESQUE: C'est vous qui créez ce fil conducteur.
M. MORIN: Bien, il faut le faire apparaître. J'espère que
le ministre commence à le voir. J'espère que le ministre commence
à se rendre compte qu'il y a des problèmes d'ensemble, il n'y a
pas que de petits problèmes concrets.
M. LEVESQUE: II y a toujours un contentieux
fédéral-provincial. C'est un peu la raison d'être de notre
ministère.
M. MORIN: C'est une façon d'envisager les choses en effet que si,
tout à coup, par hasard, il n'y avait plus de contentieux, il n'y aurait
plus de ministère. Oui, mais vous deviendriez un ministère des
Affaires étrangères!
M. LEVESQUE: C'est ça que vous avez dit au début de vos
remarques. Vous avez commencé comme ça, il y a deux jours.
M. MORIN: Je suis sûr que le ministre serait très heureux
de devenir un ministre des Affaires étrangères.
M. BOSSE: Des promotions.
M. MORIN: Je reviens à nos moutons puisque, semble-t-il, le
ministre n'est pas intéressé par les promotions que je lui
propose.
M. LEVESQUE: Non, j'ai dit que je les lui retenais.
M. MORIN: Y compris ma dernière proposition.
M. LEVESQUE: Non, j'ai dit ça par exemple. On va mettre ça
de côté.
M. MORIN: Vous n'êtes pas intéressé. Le ministre est
trop modeste, comme beaucoup de Québécois. Est-ce que, dans vos
négociations passées, depuis plusieurs années, je ne veux
pas dire seulement les derniers mois, le problème de l'article 96 a
été abordé avec les instances fédérales?
M. LEVESQUE: Avant la conférence de Victoria, c'était
quelque chose qui revenait assez souvent dans les discussions avec le
gouvernement fédéral, mais disons que, depuis Victoria, il en a
été moins question.
M. MORIN: Avant Victoria, il en a été question,
effectivement, pendant plusieurs années. Quelle était l'atittude
générale, avant Victoria, M. le ministre? Quelle était
l'attitude générale de votre ministère au sujet de
l'article 96, de votre ministère, conjointement avec celui de la
Justice?
M. LEVESQUE: II faut bien admettre que le gouvernement
fédéral a toujours eu une position telle qu'il voulait conserver
le pouvoir de nommer les juges des cours Supérieures.
M. MORIN: Je ne vous demande pas la position fédérale, je
la connais, mais la position de votre gouvernement.
M. LEVESQUE: Notre position a été de limiter ou de voir
limiter les nominations par le gouvernement fédéral aux cours
fédérales et, en relation avec les provinces, à la cour
Suprême. Là, on revient à la question de la composition de
la cour Suprême.
M. MORIN: Mettons cela de côté pour l'instant. On en
reparlera tout à l'heure de la cour Suprême. Mais qu'entendez-vous
par "tribunaux fédéraux"?
M. LEVESQUE: Vous aussi, vous mettez des questions de côté,
quand cela fait votre affaire.
M. MORIN: Non, non, on va y revenir tout de suite après, c'est
parce que là...
M. LEVESQUE: Ah oui!
M. MORIN: ... je vous parlais de la question plus
générale, ensuite on reviendra à la cour
Suprême.
M. LEVESQUE: II existe présentement des cours
fédérales que le chef de l'Opposition connaît, l'ancienne
cour de l'Echiquier...
M. MORIN: C'est cela que vous entendez par tribunaux
fédéraux, au sens de la nouvelle loi? D'accord! Autrement dit,
dans votre esprit, si j'ai bien compris, M. le ministre, les cours
Supérieures actuelles ne sont pas des tribunaux fédéraux,
ne devraient pas être plutôt des tribunaux
fédéraux?
M. LEVESQUE: C'est exact.
M. MORIN: C'est bien votre attitude?
M. LEVESQUE: C'est l'attitude du ministère.
M. MORIN: Et donc l'attitude du ministère avant Victoria,
c'était que les juges des tribunaux des cours Supérieures
devaient être nommés par Québec?
M. LEVESQUE: L'attitude demeure la même. Nous parlions tout
à l'heure de certaines préoccupations ou de certaines
priorités ou de certaines modalités d'intervention qui ont pu
varier, mais la position n'a pas changé.
M. MORIN: Donc, Québec voudrait pouvoir nommer les juges des
cours Supérieures? Et j'imagine aussi de la cour d'Appel?
M. LEVESQUE: Du Québec.
M. MORIN: Du Québec, bien sûr. Cette question est tout de
même distincte de la question des tribunaux administratifs parce que,
même si demain matin Ottawa changeait d'idée sur l'article 96
vous faites mieux de vous lever matin parce qu'ils ne sont pas
près de changer d'idée là-dessus il va falloir de
bien grands changements d'ordre constitutionnel pour gagner ce point comme la
plupart des autres dont on a parlé. Mais passons. Je sais que le
ministre n'aime pas être entrafné sur des questions d'ordre trop
général. Mais supposons, une simple hypothèse, qu'Ottawa
cède sur l'article 96 et que vous pouvez nommer demain les juges des
cours Supérieures et de la cour d'Appel, cela ne règle pas, pour
autant, nécessairement le problème du contrôle des
tribunaux sur les actes administratifs québécois. Quelle est
votre attitude sur ce problème en particulier? Est-ce que votre
ministère estime qu'il doit y avoir un réseau purement
québécois de décisions administratives et de
révision des décisions administratives?
M. LEVESQUE: Cela règlerait la question quant au ministère
des Affaires intergouvernementales, cela ne les réglerait
peut-être pas du côté du ministère de la Justice.
C'est du ressort de la Justice, à ce moment.
M. MORIN: Oui, mais...
M. LEVESQUE: II faudrait peut-être essayer d'attendre quelque
temps pour voir ce que le libre blanc en pense.
M. MORIN: Oui, je me pose la question tout haut.
Ayant même supprimé les cours Supérieures et la cour
d'Appel, du moins les ayant fait passer sous la coupe de votre
compétence, n'y
aurait-il pas encore possibilité d'appel aux tribunaux
fédéraux?
M. LEVESQUE: C'est une autre question.
M. MORIN: Oui. Est-ce que vous vous êtes interrogé
là-dessus?
M. LEVESQUE: On me rappelle que cela a été débattu
longuement à Victoria.
M. MORIN: Oui. Quelle était la position du Québec
là-dessus?
M. LEVESQUE: La position québécoise était que la
cour d'Appel du Québec serait la cour de dernière instance, pour
les matières de droit civil...
M. MORIN: Et administratives.
M. LEVESQUE: ... et administratives.
M. MORIN: C'est la position du Québec.
M. LEVESQUE: C'était la position prise à Victoria.
M. MORIN: Même si je n'ai aucune illusion sur le sort de ces
propositions québécoises sous l'empire du régime actuel,
je peux vous dire qu'on est d'accord, autant que faire se peut,
là-dessus l'Opposition appuierait certainement le gouvernement.
Passons maintenant aux tribunaux de la famille, si vous le voulez bien.
Tout le monde, au Québec, semble souhaiter, à l'heure actuelle,
le rapatriement du droit familial sous la compétence d'un même
tribunal de la famille.
M. LEVESQUE: C'est le même problème...
M. MORIN: On peut tout de même examiner, si vous le voulez
bien...
M. LEVESQUE: ... plus également la compétence sur le
mariage et le divorce, qui est nommément dans l'article 91.
M. MORIN: Mais il semble que, sur ce point en particulier, les
procureurs généraux des autres provinces soient d'accord alors
que pour les tribunaux administratifs, ils ne le sont pas
nécessairement. C'est peut-être un point sur lequel la position du
Québec est mieux appuyée.
M. le ministre, vous ne pouvez pas nier qu'on ne s'entend pas du tout
sur...
M. LEVESQUE: II y a certaines provinces qui réfèrent la
compétence en matière administrative à la juridiction
fédérale, à la cour fédérale.
M. MORIN: Oui, je sais. Revenons aux tribunaux de la famille dont je
voudrais vous entretenir. Il semble bien que, même si tout le monde
souhaite le rapatriement du droit familial, on ne s'entend pas sur les
modalités. Est-ce que ce tribunal va faire partie de la cour
Supérieure ou est-ce qu'il sera la cour Supérieure dont on disait
il y a un instant les...
M. LEVESQUE: Vous entrez dans le contenu; vous en conviendrez, M. le
Président, et le chef de l'Opposition en conviendra qu'il s'agit
là d'une question purement de contenu. L'organisation des tribunaux
appartient au ministère de la Justice.
M. MORIN: Oui, mais, tout de même, cela touche à la
compétence de votre ministère, parce que dans la mesure où
l'article 96 est encore dans le chemin et empêche le règlement
d'une question sur laquelle finalement toutes les provinces sont d'accord, on
se trouve une fois de plus dans un cul-de-sac.
M. LEVESQUE: Je croyais que vous aviez formulé l'hypothèse
que l'article 96 était réglé et qu'à partir de ce
moment-là vous arriviez dans l'application.
M. MORIN: Non, l'hypothèse que j'émettais tout à
l'heure était une hypothèse assez peu vraisemblable, comme je
l'ai laissé entendre, et elle portait sur les tribunaux
administratifs.
M. LEVESQUE: II vous arrive d'émettre des hypothèses
très peu vraisemblables.
M. MORIN: Oui, pour me mettre dans la peau du ministre et essayer de
l'encourager à continuer son travail.
M. LEVESQUE: C'est peut-être une habitude, un mode de vie du chef
de l'Opposition et de son parti d'exprimer des hypothèses très
peu vraisemblables.
M. MORIN: M. le ministre, vous ne devriez pas me faire ce reproche au
moment où j'essaie de vous encourager à continuer votre travail.
Vous fonctionnez dans une hypothèse invraisemblable qui est le
fédéralisme canadien. On le voit.
M. LEVESQUE: II faut admettre que toute la discussion, depuis quelques
jours, porte justement sur deux philosophies assez opposées, disons pour
être gentil, et je ne pense pas que, même à la conclusion de
nos travaux, nous nous soyons convertis l'un et l'autre.
M. MORIN: Mais si au moins on pouvait constater, point après
point, tous les culs-de-sac dans lesquels nous sommes enfermés, ce
serait déjà...
M. LEVESQUE: Je n'ai pas d'objection à ce que le chef de
l'Opposition souligne les problè-
mes qui sont les nôtres, mais à la condition qu'il souligne
le progrès enregistré de temps à autre.
M. MORIN: Oui. A propos des meuneries, le ministre ne peut plus me faire
le reproche, sous réserve de l'appel qui doit être
interjeté et qu'il doit me confirmer cet après-midi, que je ne
l'ai pas félicité. Je l'ai fait.
M. LEVESQUE: Pourquoi, dans l'agriculture où nous avons au moins
cinq dossiers où nous avons fait état des ententes intervenues,
le chef de l'Opposition n'a-t-il pas eu la même attitude?
M. MORIN: Dans le domaine de l'agriculture, je n'ai pas
été entièrement satisfait des réponses du ministre.
J'attends l'année prochaine, soit pour le féliciter.
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: ... soit pour constater qu'une fois de plus, la plupart des
dossiers sont dans l'impasse.
Bon! Pour les tribunaux de la famille, donc, les réponses du
ministre sont à peu près les mêmes que pour les tribunaux
administratifs. Tout dépend du sort de l'article 96. Donc ce n'est pas
près d'être réglé.
Nous avons peut-être le temps d'examiner encore un aspect qui
relève autant de la justice que des relations
fédérales-provinciales, qui est la question des coûts de la
Sûreté du Québec.
Au début de 1973, le ministre de la Justice a
réclamé $362 millions du gouvernement fédéral pour
compenser des sommes dépensées par le gouvernement
fédéral pour permettre à la Gendarmerie royale du Canada,
que d'aucuns appellent la PJ cela va faire plaisir au
député de Dorion la PJ: La police "à jouai".
M. BOSSE: Vous êtes contre le jouai? On va en parler à vos
partisans.
M. MORIN: Pour permettre, dis-je, à la PJ d'accomplir des
tâches de la PP, la police provinciale. Cette réclamation a
été appuyée par un volumineux dossier. Il y a même
deux dossiers qui exposent l'attitude québécoise et une multitude
d'annexes pour justifier ces positions. Ce dossier a été rendu
public en janvier dernier. J'aimerais demander au ministre quelle est
l'attitude, ou plutôt, quel est le rôle, quel a été
le rôle du ministère des Affaires intergouvernementales dans la
préparation de ce dossier.
M. LEVESQUE: Disons que, dans la préparation même du
dossier, je pense qu'il faut reconnaître que le ministère de la
Justice a été très actif. Deuxièmement, on se
rappellera que le ministre de la Justice a fait une demande aux
autorités fédérales dans le sens mentionné par le
chef de l'Opposition. On se rappelle la réponse du Solliciteur
général, je crois. C'était M. Allmand qui a répondu
à cette demande du ministère de la Justice du Québec.
La réponse était négative, étant
donné qu'il n'y avait pas de plans conjoints entre le
fédéral et les provinces à ce sujet. Mais depuis lors,
nous avons fait du progrès, dans ce sens que nous avons eu des contacts
avec les autres provinces canadiennes, et je suis d'avis que les autres
provinces, en général, appuient la position
québécoise. Nous devrons attendre, cependant, le renouvellement
des ententes avec les autres provinces, ce qui doit avoir lieu en 1976, et,
à ce moment, nous espérons pouvoir nous insérer dans cette
nouvelle entente afin de voir à ce que notre demande soit prise en
considération.
M. MORIN : Je voudrais vous souligner l'urgence de ce problème.
Je pense, d'ailleurs, que le ministre en est conscient.
Dans une lettre du ministre de la Justice au député de
Chicoutimi, M. Marc-André Bédard, lettre du 9 janvier 1974, et
dont je me permets d'extraire quelques paragraphes, il est dit ceci: "Devant
les charges fiscales accrues, les contribuables québécois ne
peuvent que s'insurger" ce sont des termes très forts dans la
bouche du ministre de la Justice contre le fait qu'ils doivent supporter
seuls les frais de la police quand ces frais sont assumés, cette
année, à 52 p.c. par le gouvernement fédéral dans
toutes les autres provinces à l'exception de l'Ontario. Qui plus est,
les contribuables québécois, déjà lourdement
taxés pour la police sur leur territoire, sont contraints de payer, par
l'intermédiaire de leurs impôts fédéraux, une partie
des coûts de la police dans les autres provinces".
Cela devrait être inscrit au bilan qui intéresse votre
ministère. Le bilan de l'argent, des impôts qui quittent le
Québec et qui n'y reviennent pas. Je vous signale cela en passant, parce
que cela me parait être un point sur lequel on pourra peut-être
discuter un peu plus loin. "L'équité exigerait, continue la
lettre, une réponse favorable à notre demande de compensation
financière qui concerne, à notre avis, un secteur qui n'a pas
d'équivalent dans tout le domaine des relations
fédérales-provinciales.
La présente démarche a donc pour but de vous sensibiliser
aux données du problème actuel en ce qui concerne les frais
assumés par les Canadiens dans le domaine de la police. "Nous ne voulons
pas laisser subsister plus longtemps une situation injuste pour certaines
catégories de Canadiens." Décidément, le vocabulaire du
ministre de la Justice est très fort. Et il continue: "C'est dès
maintenant qu'il faut remédier à la situation. Attendre en 1976,
à l'expiration des contrats actuels, pour donner une voix au
Québec et à l'Ontario dans le renouvellement des contrats serait
perpétuer une situation d'injustice flagrante qu'il serait
irresponsable...", M. le ministre, votre réponse à la
lumière de ce paragraphe, était irresponsable. "... de ne pas
combattre..." encore un vocabulaire d'insurrection, "... qu'il serait
irresponsable de ne pas combattre à cause de l'importance des sommes en
jeu."
A la lumière de cette prise de position on ne
peut plus nette et de l'échec retentissant du ministre de la
Justice auprès de son "monologue" fédéral, pour parler
comme le député de Verdun, qu'est-ce que vous entendez faire
maintenant, immédiatement, devant l'urgence de la situation?
M. LEVESQUE: Lorsque j'ai parlé de 1976, je parlais d'une
échéance.
M. MORIN: La même que celle qui est mentionnée
là.
M. LEVESQUE: Oui, parce que c'est à ce moment que nous pourrons
nous inscrire dans ces ententes qui doivent être renouvelées
à ce moment. Cela ne veut pas dire que nous sommes demeurés
inactifs depuis et je dois dire que ce dossier a été
acheminé de la même façon que les autres dossiers que j'ai
mentionnés tout à l'heure. Il a reçu l'approbation du
CCRI, du CIDA, il a été entériné à toutes
les instances et le gouvernement fédéral a été
approché d'une façon très positive et très
vigoureuse de notre part, mais je dis: Tant mieux, si on peut le régler
avant 1976. J'en conviens, il y aura des sommes très importantes.
M. MORIN: Autrement, cela serait irresponsable, d'après votre
collègue, si...
M. LEVESQUE: Non. Il parle à un autre que moi. La lettre est
adressée à un ministre fédéral, j'imagine.
M. MORIN: Non. Elle est adressée à Marc-André
Bédard, député de Chicoutimi.
M. LEVESQUE: An bon! C'est une lettre qu'il écrivait à M.
Bédard en réponse à une lettre de M. Bédard?
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: De toute façon, il s'exprime ainsi en parlant de
l'irresponsabilité du gouvernement fédéral et non pas de
l'irresponsabilité du gouvernement québécois, qui ne
demande pas mieux qu'on intervienne le plus tôt possible pour
régler cette situation. Mais je dis que 1976...
M. MORIN: Je crois qu'il pense à votre situation...
M. LEVESQUE: Non. Le ministre de la Justice...
M. MORIN: Oui, parce qu'il dit: "H serait irresponsable de ne pas
combattre cette situation..." Ce n'est pas Ottawa qui va combattre la
situation. C'est vous, M. le ministre.
M. LEVESQUE: Lorsque j'ai parlé de 1976, j'ai parlé d'une
échéance où, à mon avis, le gouvernement
fédéral n'aura pas le choix. Il va falloir qu'il tienne compte de
cela, en 1976. D'ici là, je crois qu'il devrait en tenir compte, et on
continue le combat jusqu'en 1976, sachant qu'il serait bien
préférable que cela soit réglé et insistant pour
que cela le soit avant cela, mais, d'un autre côté, nous savons
que le gouvernement fédéral ne peut pas se retrancher plus loin
que 1976 parce qu'à ce moment il devra reprendre l'ensemble de la
question.
M. MORIN: Je suppose que, si je vous dis que le pouvoir
fédéral n'a aucunement l'intention de donner suite à vos
demandes, vous allez dire que c'est une simple hypothèse et qu'on y
verra en temps et lieu, mais j'ai bien l'impression que c'est ce qui va se
produire. La réponse initiale a été entièrement
négative.
M. LEVESQUE: Non. Ce n'est pas entièrement négatif,
lorsque l'on sait le chemin parcouru avec.
M. MORIN: C'est ce que le ministre de la Justice...
M. LEVESQUE: ... les autres provinces depuis ce temps. Nous avons
réussi à nous associer les autres provinces du Canada dans la
lutte que nous faisons pour faire reconnaître ce droit.
M. MORIN: Quand est prévue la prochaine rencontre avec votre
"monologue" fédéral sur la question?
M. LEVESQUE: Une conférence fédérale-provinciale
devrait avoir lieu à l'automne 1974.
M. MORIN: Qui vient.
M. BOSSE: C'est une prise de position pour le moins vigoureuse, non
confuse.
M. MORIN: Celle du ministre de la Justice l'était. J'avoue que la
position du ministre de la Justice avait notre appui, mais quand il s'est
cogné au mur de briques de son "monologue" fédéral, cela a
été autre chose et c'est cela que je demande au ministre:
Qu'est-ce qu'il compte faire pour essayer de combattre, pour employer le
vocabulaire, qu'on ne me met pas dans la bouche, un vocabulaire irresponsable?
J'emploie les termes mêmes du ministre de la Justice. Qu'est-ce qu'il
entend faire pour s'insurger contre ce fait, pour combattre la sourde oreille
de son "monologue" fédéral?
C'est cela que je demande au ministre.
M. LEVESQUE: Mais si ma mémoire est fidèle, cette lettre
adressée à M. Bédard n'a peut-être pas
été adressée à tous les députés.
M. MORIN: Je ne sais pas. En tout cas, elle est bien signée du
paraphe de votre collègue. Je vous la montre. Vous pouvez le
constater.
M. LEVESQUE: Oui, d'accord. Mais ce que nous avons fait depuis ce temps,
c'est très récent, comme le chef de l'Opposition va le
reconnaître, nous avons parcouru un chemin important en ce sens que nous
avons convaincu les autres provinces. C'est à la suite de cela que les
provinces, dans leur ensemble, ont décidé de convoquer le
gouvernement fédéral à une réunion envisagée
pour l'automne prochain.
M. MORIN: Bien. M. le ministre, peut-être pouvons-nous maintenant
discuter de la cour Suprême, puisque tout à l'heure vous l'avez
mentionnée dans vos propos. Je vois que le temps passe, mais j'aimerais
quand même que vous nous rappeliez rapidement quelle est l'attitude du
Québec, de votre ministère sur les questions de la cour
Suprême.
M. LEVESQUE: Elle est bien connue, cette attitude.
M. MORIN: Faisons un propos d'étapes, si vous le voulez bien.
Elle est bien connue avant Victoria. Depuis lors, j'aimerais bien savoir ce qui
s'est dit, ce qu'on pense dans votre ministère.
M. LEVESQUE: La position québécoise n'a pas changé
depuis Victoria à ce sujet.
M. MORIN : Décomposons la question. En ce qui concerne la
constitution de la cour je ne parle pas de sa composition pour
l'instant, mais de sa constitution quelle est la position
québécoise?
M. LEVESQUE: Ce qui a fait justement l'étoffe de cette
proposition québécoise, qui n'a pas été rendue
publique d'ailleurs, c'est que nous voudrions que la cour Suprême
émane plutôt de la constitution canadienne que d'une loi
fédérale. On arrive à la composition du tribunal; mais de
ceci évidemment, on pourrait en discuter assez longuement.
M. MORIN: Alors, que la cour de dernière instance,
particulièrement en matière constitutionnelle, j'imagine,
relève de la constitution, comme cela se fait dans certains Etats
fédéraux, et non pas d'une simple loi fédérale,
comme c'est le cas au Canada ou en Australie aussi, dans les pays d'inspiration
britannique. Bien. Qui nommerait les juges? C'est beau de la mettre dans la
constitution plutôt que dans une simple loi, mais qui la
constituerait?
M. LEVESQUE: On pourrait concevoir des nominations qui tiendraient
compte des régions du pays et que toutes les nominations soient faites
par consensus.
M. MORIN: Par consensus.
M. LEVESQUE: Par un consensus fédéral régional.
M. MORIN: C'est-à-dire qu'il y aurait un droit de veto du
Québec sur les nominations d'Ottawa et un droit de veto d'Ottawa sur les
nominations suggérées par le Québec. C'est un foutoir
sensationnel.
M. LEVESQUE: Cela n'a pas été exprimé d'une
façon définitive. Présentement, nous en parlons...
M. MORIN: Vous êtes en train d'y réfléchir, si je
comprends bien.
M. LEVESQUE: C'est cela.
M. MORIN: J'espère que votre réflexion va porter fruit,
mais que ce n'est pas la direction dans laquelle vous allez trouver beaucoup de
solutions.
Est-ce que le ministre a fait examiner par son ministère la
possibilité d'un système... On m'a dit hier ou avant-hier, c'est
le ministre lui-même qui nous a appris qu'il se faisait des études
comparatives entre les divers Etats de type fédéral. Est-ce que
les études comparatives ont porté en particulier sur ce point?
Parce que c'est peut-être l'un de ceux où il y a le plus à
apprendre.
M. LEVESQUE: Sur l'organisation judiciaire, comme sur tous les points
qui intéressent un Etat fédéral.
M. MORIN: La raison pour laquelle j'insiste, c'est que c'est un des
points où il y a quelque chose à apprendre dans les autres
constitutions fédérales, alors que sur beaucoup d'autres points
il n'y a à peu près rien qui puisse nous servir. C'est souvent
même plus centralisateur que ce n'est le cas au Canada.
M. BOSSE: Etes-vous contre cette solution?
M. LEVESQUE: Nous avons fait une étude comparative sur les
systèmes judiciaires dans 147 pays.
M. MORIN: Bien. Et alors, quel est celui qui a retenu le plus
l'attention des recherchistes de votre ministère? Parce qu'il y en a
certains qui sont pleins d'enseignement et il y en a d'autres qui ne
contiennent aucun enseignement.
M. LEVESQUE: II y a trois volumes présentement de nature
descriptive, mais quant à l'analyse elle-même, elle est en voie de
préparation.
M. MORIN: Est-ce que je pourrais suggérer au ministre de jeter un
coup d'oeil surtout sur le système de l'Allemagne de l'Ouest?
M. LEVESQUE: Sans doute.
M. MORIN: Vous voyez la gentillesse avec laquelle je me place dans les
hypothèses de
travail du ministre. Ce n'est pas que je croie que cela va
résoudre le problème. Je ne le pense pas. Mais à
l'intérieur du système du ministre et de son gouvernement, je
pense que c'était probablement celui où il y a le plus
d'enseignement à aller chercher.
M. LEVESQUE: Je retiens la suggestion du chef de l'Opposition, mais je
ne peux pas concevoir que, malgré ses vastes connaissances, il ait fait
lui-même, personnellement, une étude comparative des 147 pays en
question.
M. MORIN: Non, M. le ministre, c'est un fait. Mais de la vingtaine de
fédérations, oui, je peux donner les références au
ministre si cela l'intéresse. Cela a été publié
dans la revue du Barreau canadien.
M. LEVESQUE: Cela a même été lu et analysé au
ministère. Cela fait partie de cette compilation qui se fait
présentement au ministère.
M. MORIN: Bien. Depuis lors, cependant, je devrai signaler aux
recherchistes du ministre que j'ai quelque peu changé d'avis. Est-ce que
le ministre serait en désaccord sur un système où le
Québec nommerait lui-même directement ses représentants au
tribunal constitutionnel?
M. LEVESQUE: Si quoi?
M. MORIN: Si le ministre serait en désaccord sur un
système où le Québec nommerait directement ses
représentants au tribunal constitutionnel. Est-ce une hypothèse
qui a été étudiée sérieusement?
M. LEVESQUE: Oui. Et c'est peut-être une situation idéale.
Mais ce qui me frappe, c'est l'aveu du chef de l'Opposition, il y a quelques
instants, et cet aveu me fait conclure qu'il est peut-être
récupérable, le chef de l'Opposition.
M. MORIN: J'essaie de voir dans quelle mesure le ministre s'est
penché sérieusement sur ces questions parce qu'il est dans son
intérêt d'essayer de sauver le système, je crois que c'est
ce qu'il essaie de faire. J'essaie de voir dans quelle mesure il prend...
M. LEVESQUE: Entre une nomination purement québécoise de
certains juges, pas de tous les juges, j'imagine, parce que je pense qu'on ne
peut pas passer à l'autre extrême, que la cour Suprême
serait entièrement de nomination québécoise. Il faut
toujours être réaliste. Entre cette possibilité d'avoir une
nomination ou deux, je ne sais pas combien, sur la composition, directement par
le Québec, est-ce que ça voudrait dire, dans l'esprit du chef de
l'Opposition, que les autres seraient nommés sans veto de la part du
Québec?
M. MORIN: La raison pour laquelle je crois que ces propositions doivent
être étudiées... Mais, malheureusement, je crains qu'elles
soient aussi irréalistes l'une que l'autre. Je ne crois pas que le
pouvoir fédéral... Je le dis bien sincèrement au ministre,
j'ai cru longtemps que le pouvoir fédéral consentirait des
accommodements. Mais j'en ai parlé avec passablement de collègues
anglo-canadiens, dont certains sont connus du ministre.
M. LEVESQUE: II y a plusieurs modalités...
M. MORIN: J'ai perdu mes illusions là-dessus, nous n'aurons
jamais l'appui des Anglo-Canadiens là-dessus, vous n'aurez jamais
l'appui des autres provinces là-dessus, malheureusement.
M. LEVESQUE: Mais, justement, sans vouloir dévoiler ce qui s'est
passé et qui n'a pas été publié, je crois que nous
sommes venus assez près d'un accord. Mais il y a diverses
modalités qui peuvent être imaginées. Le chef de
l'Opposition parlait de nomination directe pour certains juges
délégués, nommés par le Québec, directement;
d'autres ont songé à une liste fournie par chacune des
régions et en dehors de laquelle le gouvernement fédéral
ne pourrait pas faire de nominations. Enfin, il y a plusieurs modalités
à ça.
M. MORIN: A Victoria justement, prenons Victoria comme point de
référence. C'est quand même ça qui allait être
proposé au pays et entré dans la constitution une fois pour
toutes, parce qu'on ne change pas de charte ou de soi-disant charte tous les
jours. A Victoria, quel était le système retenu?
M. LEVESQUE: C'était une désignation par les provinces,
mais avec veto limité à une liste.
M. MORIN: Désignation par combien de provinces?
M. LEVESQUE: Par cinq régions.
M. MORIN: Par cinq régions. Et le veto était celui du
gouvernement fédéral.
M. LEVESQUE: Mais limité à une liste. Pour deux postes,
par exemple, on pouvait suggérer cinq noms, mais le gouvernement
fédéral ne pouvait pas en sortir. Il fallait qu'ils se mettent
d'accord pour deux, mais, encore là, ce sont des modalités
envisagées, mais il n'y a rien de décidé, il n'y a pas eu
d'entente intervenue.
M. MORIN: Et sur le tribunal suprême, combien de postes le
Québec avait-il sur un ensemble de combien de juges?
M. LEVESQUE: II n'y a pas eu d'accord là-dessus.
M. MORIN: II n'y a pas eu d'accord là-
dessus. C'est bien ce qu'il me semblait, mais est-ce que le ministre
peut admettre que c'était crucial, cette question-là?
M. LEVESQUE: Oui. S'il y avait eu entente, je pourrais vous en parler,
mais il n'y en a pas eu.
M. MORIN: Mais à Victoria, il n'y a pas eu d'entente sur ce
point-là. Il y a eu des ententes accessoires, mais pas sur ce point
crucial.
M. LEVESQUE: C'est vrai.
M. MORIN: Mais alors, cela n'avançait pas; Victoria, sur ce
point-là, ne nous faisait pas tellement avancer.
M. LEVESQUE: Je n'ai jamais prétendu qu'il y avait eu une entente
ou qu'on en était arrivé à un accord.
M.MORIN: L'état actuel du dossier, c'est que c'est à
l'étude; vous étudiez 147 constitutions différentes et
vous vous préparez donc à un réexamen de tout le dossier
de la cour Suprême. C'est cela? Quand le ministre pense-t-il que ce grand
remue-ménage constitutionnel va se produire?
M. LEVESQUE: On revient à la question du début.
M. MORIN: Je vous pose la question.
M. LEVESQUE: Nous procédons présentement, comme je l'ai
mentionné, avec divers gros dossiers, soit les communications,
l'immigration, les arts et les lettres et, lorsque la justice viendra, elle
prendra préséance.
M. MORIN : Est-ce que le ministre pense que ce problème de la
cour Suprême, en particulier, peut être réglé
isolément ou si cela ne doit pas faire partie, dans son esprit, d'un
réexamen complet de la constitution? Il semble nous indiquer que cela
peut se régler pièce par pièce et que sa philosophie,
justement, c'est du rapiéçage, pièce par pièce. Je
lui suggère que ce problème-là ne peut pas être
isolé des autres.
M. LEVESQUE: C'est cela. C'est exact.
M. MORIN: M. le Président, je pense qu'on peut peut-être
remettre la suite de cette discussion sur la cour Suprême à
l'année prochaine. On verra où cela en est à ce
moment-là. J'allais aborder, comme question suivante, le partage
fiscal.
M. LEVESQUE: II serait mieux, peut-être, d'attendre à cet
après-midi.
M. MORIN: J'y consens volontiers, si le ministre le veut.
M. LEVESQUE: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Picard): La commission suspend ses travaux jusque vers
quatre heures cet après-midi, après la période des
questions à l'Assemblée nationale.
(Suspension de la séance à 11 h 54)
Reprise de la séance à 16 h 23
M. PICARD (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!
La commission continuera et, si possible, terminera, cet
après-midi, l'étude des crédits du ministère des
Affaires intergouvernementales. Après, nous procéderons à
l'étude des crédits de la présidence du conseil.
Pour la séance de cet après-midi, M. Shanks (Saint-Henri)
remplacera M. Beauregard (Gouin).
M. SHANKS: Je ne suis pas au courant, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Picard): Je vous ai invité tout à l'heure
à prendre votre siège, exactement pour cela.
M. LEVESQUE: Très bien, M. le Président. Vous faites bien
cela, vous avez un filet.
LE PRESIDENT (M. Picard): M. Quenneville (Joliette-Montcalm) remplace le
premier ministre, M. Bourassa (Mercier). Je crois que c'est tout pour cet
après-midi.
Je cède la parole au chef de l'Opposition.
M. MORIN: Merci, M. le Président.
Comme j'en avais prévenu le ministre des Affaires
intergouvernementales, ce matin, j'aimerais aborder, cet après-midi, la
question du partage fiscal entre le pouvoir fédéral et les
provinces, naturellement, entre le pouvoir fédéral et, en
particulier, le Québec.
Cette question nous paraît essentielle, parce que, dans une
très large mesure, elle détermine l'activité du
gouvernement dans les domaines qu'il tente de récupérer sur le
plan constitutionnel. Non seulement est-ce le partage fiscal qui permettrait
d'exercer de nouvelles responsabilités, mais c'est le partage fiscal
qui, à l'intérieur du fédéralisme canadien, permet
ou ne permet pas aux provinces d'assumer pleinement leurs
responsabilités dans les domaines traditionnels comme, par exemple, la
santé ou encore l'enseignement, notamment l'enseignement
supérieur.
Depuis quelques années, le Québec tente de
récupérer des points d'impôt. Je n'ai pas à rappeler
au ministre les aspects constitutionnels de cette question du partage des
impôts directs; les deux gouvernements ont des prétentions dans'
ce domaine. Le pouvoir fédéral en avait, à toutes fins
pratiques, expulsé les provinces durant la dernière guerre. A
compter de 1954 et grâce aux travaux de la commission Tremblay, la
première commission Tremblay...
M. LEVESQUE: Le juge.
M. MORIN: Celle du juge Tremblay effectivement, le Québec avait
décidé de revenir dans le champ de l'impôt sur les
particuliers. Depuis 1954, nous avons fait des progrès notoires dans ce
domaine, surtout à l'époque du gouvernement Lesage qui, il faut
bien le reconnaître, avait réalisé des progrès
substantiels, et avait réussi à extirper le Québec ou
à extriquer le Québec des programmes conjoints, du moins dans une
certaine mesure. Cette question de la récupération des
impôts, cependant, est toujours à l'ordre du jour. Elle a
suscité, au gouvernement, l'appui de nombreux corps
intermédiaires, notamment de la Chambre de commerce du Québec,
qui a tenu à appuyer fermement le gouvernement l'année
dernière, à l'époque où il faisait valoir de
nouvelles revendications d'ordre fiscal.
Je fais allusion, en particulier, à la prise de position des
hommes d'affaires québécois rapportée dans les journaux
vers la mi-février 1973. C'est à cette époque que la
Chambre de commerce du Québec appuyait sans restriction la position
adoptée par le Québec, et notamment les points suivants la
chambre, du moins, exprimait son accord sur les points suivants: Que le
gouvernement du Canada diminue immédiatement de $1 milliard son
impôt sur les revenus des particuliers, sommes qui seraient
récupérées par les provinces pour hausser leur propre
impôt en conséquence; que le gouvernement canadien adopte une
politique bien définie sur l'abstention facultative il s'agit de
"l'opting out" des programmes à frais partagés, politique
qui inclurait une compensation adéquate aux provinces en termes de
pourcentage de l'impôt sur le revenu. Enfin, que le transfert aux
provinces par le gouvernement canadien d'un pourcentage additionnel de
l'impôt sur le revenu des particuliers auquel devront s'ajouter des
subventions de péréquation pour égaliser le rendement des
impôts provinciaux soit effectué.
Or, M. le Président, le ministre n'ignore pas qu'à la
conférence des premiers ministres qui a eu lieu à Ottawa du 23 au
25 mai 1973, le Québec il faut bien l'avouer a
essuyé un refus qu'on serait tenté d'appeler, à la
manière d'un artiste québécois, un refus global. Le
Québec a essuyé un échec sur toute la ligne dans ses
revendications d'ordre fiscal.
Le Québec je le rappelle seulement pour mémoire
revendiquait un nouveau partage fiscal et un nouveau mode de financement
au moyen d'un transfert fiscal pour les programmes de santé et
l'enseignement supérieur.
Concrètement, le Québec revendiquait 28 points
d'impôt sur le revenu des particuliers, ce transfert étant assorti
de diverses modalités afin que le rendement des 28 points
s'établisse pour toutes les provinces au palier de la province où
ce rendement serait le plus élevé.
La réponse du pouvoir fédéral a été
on ne peut plus catégorique. Pour ce qui est du partage fiscal, Ottawa a
répondu que les provinces qui veulent plus d'argent
prélèvent leur propre taxe additionnelle. Et en ce qui
concer-
ne le financement, l'offre fédérale, a répondu
Ottawa, est à prendre ou à laisser. Cette offre je vous la
rappelle, toujours pour mémoire Ottawa était
disposé à octroyer aux provinces six points de l'impôt sur
le revenu des particuliers, de même que les taxes fédérales
d'accise sur les tabacs, les alcools, etc., les provinces devant
défrayer elles-mêmes, de façon autonome, les programmes de
financement à frais partagés des services de santé et de
l'enseignement supérieur. L'abolition des taxes d'accise
fédérales et le remplacement par des taxes d'accise provinciales
équivalentes devaient entrer en vigueur, toujours d'après le
gouvernement fédéral, le 1er janvier 1975 et devaient rapporter
aux provinces, pour l'exercice 1975/76 des revenus d'environ $1.4 milliard.
D'autre part, le transfert de six points d'impôt dont je parlais
à l'instant, serait entré en vigueur le 1er janvier 1977 et
aurait valu aux provinces pour l'exercice 1977/78, environ $1.3 milliard. Pour
le Québec, la formule aurait apporté des recettes fiscales
additionnelles qui auraient augmenté de $100 millions à $379
millions entre les années financières 1974/75 et 1978/79.
Je crois qu'il convient, M. le Président, de décrire le
résultat de cette conférence comme étant le maintien
essentiellement du statu quo sur le plan fiscal par rapport en tout cas
à ce que le Québec demandait. Je vois le ministre qui opine. Je
crois qu'il a bien raison de n'en pas disconvenir.
M. LEVESQUE: J'aurai l'occasion de préciser ma pensée dans
quelques instants.
M. MORIN: J'y compte bien. Ai-je besoin d'ajouter, M. le
Président, que ce statu quo fait parfaitement l'affaire du pouvoir
fédéral qui peut ainsi continuer à jouir de la part
prépondérante de l'impôt sur le revenu et qui peut aussi de
la sorte maintenir le concept des programmes conjoints? De tout cela, il
résulte un certain nombre de questions. Le Québec a-t-il
renoncé à l'idée d'un nouveau partage fiscal? C'est ma
première question. Je me réfère, avant que...
M. LEVESQUE: Non.
M. MORIN: ... vous ne répondiez... Je pense que je connais la
réponse. Ce sont les modalités qu'il faudrait étudier. Je
voudrais rappeler qu'avant la conférence le premier ministre
lui-même... ce serait le moment où nous pourrions peut-être
utiliser ses services à la commission, plutôt que sur des
questions où le ministre des Affaires intergouvernementales s'y entend
beaucoup mieux que le premier ministre.
M. LEVESQUE: Le premier ministre s'y entend très bien. Ne vous
méprenez pas sur la façon.
M. MORIN: Justement si j'en jugeais sur la façon, ce serait comme
le ministre vient de l'admettre, à s'y méprendre.
Le premier ministre lui-même disait, en février 1973, donc
avant la dernière conférence fédérale-provinciale:
II est de plus en plus évident que si nous voulons un régime
authenti-quement fédéral, c'est-à-dire qui tienne compte
de la décentralisation des pouvoirs et de la possibilité pour les
provinces et pour les municipalités d'assumer leurs
responsabilités, chose dont nous avons parlé amplement
depuis deux jours, et cela continue il faudra qu'il y ait un nouveau
partage fiscal.
C'était péremptoire de la part du premier ministre. "Le
contenu du budget fédéral du 19 février, concluait M.
Bourassa, sera un test très sérieux on sait ce qu'il en
est advenu peut-être pour la première fois depuis longtemps
de la volonté du gouvernement fédéral de
véritablement considérer notre régime canadien comme un
régime fédéral". Ces propos du premier ministre vont donc
au coeur des questions dont nous discutons depuis quelques jours. La
première question est la suivante: Est-ce que, depuis ces propos du
premier ministre et à la suite de l'échec enregistré
à la dernière conférence, le gouvernement, et en
particulier le ministère des Affaires intergouvernementales, a
changé d'idée?
M. LEVESQUE: Lorsqu'on parle d'échec, je pense bien qu'il
faudrait faire attention. Il s'agit peut-être d'un échec du
gouvernement fédéral plutôt que d'un échec du
gouvernement du Québec.
M. MORIN: Ah oui!
M. LEVESQUE: II y a certainement dans les attitudes du Québec une
préoccupation qui était justement de maintenir des revenus
suffisants pour faire face à nos obligations. C'est souvent le
gouvernement du Québec qui a refusé d'accepter certaines
propositions qui, à première vue, pouvaient se défendre,
mais qui, à plus ou moins long terme, pouvaient devenir un peu
dangereuses dans l'équilibre du budget québécois. C'est
souvent nous qui avons décidé de ne pas marcher dans une telle
voie. Peut-être, à un moment donné, lorsqu'on parle
d'échecs, est-on souvent porté à généraliser
et à parler des échecs du gouvernement du Québec, mais
souvent il s'agit d'échecs du gouvernement fédéral, qui a
dû se contenter du statu quo plutôt que de voir accepter par les
provinces des propositions qui, après étude sérieuse, ne
correspondaient pas aux désirs du Québec en particulier.
Ceci étant dit, M. le Président, j'aimerais rappeler
à l'honorable chef de l'Opposition que c'est la loi sur les arrangements
fiscaux de 1972 qui établit les modes de partage des principales
ressources fiscales et financières impliquant les deux ordres de
gouvernement. Cette loi, le chef de l'Opposition le mentionnait tout à
l'heure, est en vigueur jusqu'en 1977, c'est ce qu'il appelait le statu quo. La
négociation sur les
arrangements qui régiront l'ensemble du système à
partir de 1977, s'engagera présumément à compter de 1975
ou 1976 au plus tard. Dans cette perspective, le dossier
québécois en vue de cette négociation commencera à
être colligé dès l'été prochain,
c'est-à-dire l'été 1974, autrement dit dans quelques
semaines.
Le chef de l'Opposition a touché la question de la
péréquation, il a touché la question du financement du
postsecondaire, il a touché également au financement des
questions d'ordre social des domaines de la santé.
M. MORIN: La santé.
M. LEVESQUE: Dans le domaine de la péréquation, la loi de
1972 n'avait prévu que des modifications techniques à la formule
de péréquation. Mais je crois qu'il est important de rappeler que
le budget fédéral de 1973 a été l'occasion d'une
amélioration sensible du système de péréquation et
cela, du fait de l'inclusion de l'impôt foncier scolaire dans les revenus
provinciaux sujets à la péréquation. Cette disposition
législative nouvelle, on s'en souviendra, a été
suggérée à plusieurs reprises par le gouvernement du
Québec. Et, il faut bien l'admettre, je pense bien, d'un
côté comme de l'autre de cette table autour de laquelle
siège cette commission, il en est résulté une augmentation
substantielle des paiements de péréquation au profit du
Québec. On se rappellera que cela a aidé le Québec
à remplir certaines obligations importantes, prioritaires,
vis-à-vis d'autres institutions dont il est responsable, jusqu'à
un certain point.
Plus récemment, des représentations faites par le
Québec ont réussi, chacun le sait, à contrer certaines
vélléités du gouvernement central visant à modifier
le système de péréquation en raison de la hausse des
droits perçus par certaines provinces productrices de pétrole,
droits dont on prévoyait, au fédéral, qu'ils seraient si
élevés qu'ils bouleverseraient le système en vigueur. On
se rappelle les déclarations d'un certain ministre, à un moment
donné, du côté fédéral. Des
représentations du Québec et de la contribution qu'il a
apportée à la solution d'ensemble du problème du prix du
pétrole au Canada... Ces craintes fédérales ont
été dramatisées, avec le résultat que la formule de
péréquation n'a pas été modifiée, ce qui a
pour effet d'augmenter substantiellement les paiements de
péréquation au Québec, comme je l'ai souligné
d'ailleurs dans mon exposé à l'ouverture des discussions sur les
crédits du ministère. J'aimerais bien pouvoir, à ce
moment-ci, préciser les sommes additionnelles dont pourra disposer le
Québec à ce titre, à ce chapitre, mais il m'est difficile
de le faire avant que la province la plus intéressée adopte une
législation dans laquelle elle indiquera la part de ses revenus
additionnels qui ira dans les investissements et la part qui sera
utilisée dans ses revenus ordinaires, ce qui sera la base de la
détermination des sommes auxquelles le Québec aura droit, en
vertu du système de péréquation.
M. MORIN: Est-ce que vous me permettriez une question, M. le ministre?
Si ma mémoire est bonne, le pouvoir fédéral
s'inquiétait de la péréquation à l'époque
où on pensait que peut-être les provinces de l'Ouest
réclameraient le plein prix du baril de pétrole, à ce
temps-là $10.50. Comme cela a été réduit à
$6.50, le danger des répercussions sur la péréquation est
beaucoup moindre. Est-ce que le ministre est conscient de cela?
M. LEVESQUE: Le problème est moins grave, mais il n'en ressort
pas moins que l'on part d'un prix de $4.00 du baril, à la tête du
puits...
M. MORIN: ... à $6.50.
M. LEVESQUE: ... à $6.50. A ce moment-là, il n'y a aucun
doute que les revenus des provinces productrices augmentent d'une façon
considérable.
M. MORIN: Substantielle.
M. LEVESQUE: Substantielle, oui. Cela représente combien?
Au-delà de $1 milliard. Et dans l'autre point soulevé par le chef
de l'Opposition, il était question, je crois, du financement du
postsecondaire. La loi de 1972 prévoyait la reconduction des
arrangements sur le mode de financement du postsecondaire, pour une
période additionnelle de deux ans.
M. MORIN: C'est cela.
M. LEVESQUE: Et immédiatement, j'aimerais...
M. MORIN: Le 31 mars 1974...
M. LEVESQUE: ... bien rappeler... mais là, nous sommes
portés à entrer un peu dans le contenu, mais j'aimerais souligner
au chef de l'Opposition une prise de position du Québec sur la question
du postsecondaire, de la négociation de son financement quant à
l'attitude du ministère des Affaires intergouvernementales, c'est ce qui
intéresse le plus, je crois ici, le chef de l'Opposition.
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: La position du Québec qui a été
adoptée j'en ai été témoin à la
conférence de Halifax à l'été 1972, si ma
mémoire est fidèle et l'ensemble des premiers ministres
des provinces du Canada ont appuyé cette position du Québec,
voulant que les ministres de l'Education s'abstiennent de discuter de cette
question avec les autorités fédérales. Etant donné
qu'elle était une question de financement de l'Education, étant
donné que nous voulions souligner les compétences exclusives des
provinces en matière d'éducation, les dix premiers ministres des
provinces du Canada ont pris la position du Québec, indiquant que
quelles que soient les sommes en jeu, il n'était pas question
pour les ministres de l'Education du Canada de négocier avec qui que ce
soit au fédéral sur le financement du postsecondaire, mais qu'on
pouvait utiliser les services des ministres des Finances des provinces du
Canada pour discuter avec leur homologue fédéral de cette
question.
Nous avons tenu mordicus à cette position, position d'ailleurs
qui a été appuyée par tous les premiers ministres des
provinces du Canada.
M. le Président, revenant sur le sujet d'une façon encore
plus précise, de nouvelles formules ont été mises au point
par les provinces et proposées au gouvernement fédéral
pour l'avenir.
M. MORIN: Vous parlez toujours de l'enseignement supérieur, parce
que l'arrangement a été prolongé.
M. LEVESQUE: Oui, des finances, du postsecondaire et cela, par les
ministres des Finances.
M. MORIN: Depuis mai 1973?
M. LEVESQUE: Un instant, je n'ai pas terminé.
M. MORIN: L'accord a été prolongé.
M. LEVESQUE: Je n'ai pas terminé, s'il vous plaît.
M. MORIN: Continuez.
M. LEVESQUE: Je parlais de 1972 et vous m'avez interrompu avant que
j'arrive à 1973.
M. MORIN: Allez-y.
M. LEVESQUE: D'accord. De son côté, le gouvernement
fédéral a fait une proposition que les provinces, incluant le
Québec, ont refusée en bloc, c'est-à-dire un per capita
basé sur la population de 18 à 24 ans, associé au maintien
des points d'impôt actuels, 4.537 p.c. Devant cette impasse, car il y
avait impasse, il y avait justement un refus des provinces, il a
été convenu de prolonger jusqu'à la fin des accords,
jusqu'en 1977, autrement dit, tel que je l'ai mentionné tout à
l'heure, l'application de la formule actuelle, un partage sur la base de 50-50
des dépenses du postsecondaire, associé au nombre de points
d'impôt que je viens de mentionner.
Cela veut donc dire que cela fera partie du "package deal" des
arrangements de 1977. Je crois que le chef de l'Opposition a attiré
notre attention sur "l'opting out" québécois. Il avait le terme
français. Je l'ai noté, je crois, mais c'était quoi?
M. MORIN: Le droit d'option.
M. LEVESQUE: Non, il y avait un autre nom que vous avez employé.
C'est la Chambre de commerce qui avait utilisé cela.
M. MORIN: C'est possible, mais je peux le retrouver, si vous le
désirez.
M. LEVESQUE: Enfin, puisque nous voulons trouver tous les termes.
M. MORIN: C'était l'abstention facultative.
M. LEVESQUE: Ah bon! c'est cela. C'est bien.
M. MORIN: C'est joli, cela. On pourrait transposer cela sur
l'état de plan.
M. LEVESQUE: Comme mon sous-ministre me le fait remarquer, "l'opting
out" a un sens beaucoup plus positif qu'une simple abstention facultative. Il y
a un élément positif, j'en conviens d'ailleurs.
M. MORIN: Je préfère "droit de retrait", personnellement.
Je crois que sur le plan constitutionnel, c'est plus juste, c'est plus
près de la réalité.
M. LEVESQUE: Je ne voudrais pas faire de peine à la Chambre de
commerce d'avoir fait cet effort de traduction tout de même.
Quant à "l'opting out" québécois des programmes
établis, la loi de 1972 a eu effet de maintenir au profit du
Québec le statu quo relativement à la faculté de se
retirer des programmes fédéraux d'assurance-hospitalisation,
d'allocations aux jeunes et de bien-être, moyennant un transfert fiscal
de 24 points d'impôt sur le revenu des particuliers.
Il importe de noter, en ce qui concerne l'assurance-hospitalisation, que
les négociations sont engagées depuis quelque temps en vue de
mettre au point une nouvelle formule de compensation financière, tenant
lieu de contribution fédérale, formule assortie d'un nouveau
transfert fiscal.
Comme on le sait et le chef de l'Opposition l'a souligné
tout à l'heure la proposition fédérale à cet
égard, qu'on a appelée la formule Lalonde-Turner, a
été jugée par l'ensemble des provinces comme
insuffisante.
Là encore, des provinces se sont déclarées
insatisfaites de cette proposition, proposition insuf issante pour couvrir la
hausse prévisible des coûts dans le domaine de la santé. Si
je me rappelle bien, nous avons longuement discuté cette question dans
le temps, mais il était question de, je crois, six points d'impôt
assortis d'impôt sur les alcools et sur le tabac, etc. Nous étions
d'accord pour les points d'impôt sur le revenu des particuliers, car ces
impôts, jusqu'à maintenant du moins, et dans un avenir
prévisible, comportaient une croissance rapide, tandis
que les autres impôts avaient une allure un peu plus stationnaire
ou statique, si vous voulez.
M. MORIN: Oui. Le premier ministre avait insisté, d'ailleurs, sur
les 28 points justement parce qu'il y a une plus grande
élasticité de la croissance dans le domaine de l'impôt sur
le revenu des particuliers que dans les autres taxes qu'Ottawa offrait comme
une sorte de charité.
M. LEVESQUE: Dans une période comme celle que nous traversions et
que nous continuons de traverser, la hausse des coûts dans le domaine de
l'hospitalisation, en particulier, est telle que nous ne pouvions pas risquer
d'accepter une telle proposition sans mettre en danger l'équilibre
budgétaire du Québec, et les autres provinces également
ont eu la même réaction.
Aussi, faute de mieux, les provinces préfèrent-elles le
régime actuel de partage des coûts, sur une base de parité
entre le fédéral et les provinces. D'autre part, j'aime le
souligner, je le signale. Je signale que la mise en application du nouveau
régime d'allocations familiales n'a pas empêché le
Québec de conserver les trois points d'impôt sur le revenu des
particuliers. Il a été question, à un moment donné,
que c'était en danger, mais elle n'a pas empêché le
Québec de conserver les trois points d'impôt sur le revenu des
particuliers acquis depuis près de dix ans au titre de programme
d'allocations aux jeunes. C'étaient les allocations scolaires, des seize
et dix sept ans.
M. MORIN: C'était en vertu de l'"opting out". C'est en vertu du
droit...
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: D'accord! Je vous suis.
En passant, M. le ministre, est-ce que c'est tiré du bilan secret
ou d'un document qui serait public, et que nous pourrions...
M. LEVESQUE: Je vais vous dire d'où c'est tiré. C'est
tiré un petit peu de mon expérience personnelle. C'est
tiré un petit peu des réponses que vous avez eues aux questions
que vous avez posées lors de l'étude des crédits des
Finances. C'est tiré également des bons conseils que je
reçois de mes conseillers, tant au ministère des Affaires
intergouvernementales qu'au ministère des Finances. Alors, j'ai fait une
sorte de consensus de tous ces éléments pour essayer de donner la
réponse la plus complète à l'honorable chef de
l'Opposition, qui a eu l'amabilité de me prévenir avant l'heure
du lunch du sujet qu'il traiterait cet après-midi.
M. MORIN: Cela permet au ministre de ne pas contredire le ministre des
Finances.
M. LEVESQUE: A part cela.
M. MORIN: Avez-vous terminé, M. le ministre?
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Est-ce que nous pourrions revenir un instant, à
l'enseignement supérieur? L'accord de 1972 a donc...
M. LEVESQUE: Postsecondaire ou supérieur?
M. MORIN: Postsecondaire, pour être plus techniquement
précis. Vous avez raison, il s'agit du postsecondaire. L'accord en 1972
a donc été renouvelé jusqu'en 1977, même si tous les
premiers ministres estimaient qu'il fallait modifier immédiatement la
formule proposée. Ils se sont donc fait tenir la dragée haute par
le pouvoir fédéral, d'une manière que, en ce qui nous
concerne, nous devons qualifier d'extrêmement cavalière. Dois-je
en conclure, comme première question, M. le ministre, que d'ici 1977, on
ne peut attendre aucun changement dans ce domaine?
Voulez-vous que je répète ma question...
M. LEVESQUE: Vous seriez bien aimable...
M. MORIN: ... parce que vous avez seulement trois oreilles et...
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Je vous demandais ceci: Si la situation demeure la même
jusqu'en 1977, il n'y aura donc aucun changement pour les programmes de
l'enseignement postsecondaire?
M. LEVESQUE: En général, la réponse est oui, sauf
qu'il peut y avoir des ajustements fragmentaires comme ceux que j'ai
mentionnés il y a quelques instants dans le domaine de la reconnaissance
de l'impôt scolaire comme facteur d'appréciation, comme
élément retenu et qui peut changer les revenus.
M. MORIN: Pourtant, les arguments que faisait valoir le Québec
à ce chapitre étaient extrêmement importants,
extrêmement persuasifs. Est-ce que votre ministère a une
réaction à cette attitude du pouvoir fédéral?
M. LEVESQUE: Je l'ai mentionné il y a quelques instants, au tout
début de mes remarques, lorsque je vous disais que le dossier
québécois, en vue de cette négociation, commencerait
à être colligé dès cet été. Alors,
nous aurons certainement des réactions, peut-être dans les
semaines qui suivent, mais disons dans les mois qui suivent, et nous allons
nous préparer et nous nous préparons incessamment à cette
nouvelle ronde de négociations.
M. MORIN: Vous êtes donc persuadé que, dans ce
domaine...
M. LEVESQUE: II s'agit là d'un très gros paquet et il ne
faut pas oublier et j'ai pris la
peine de le souligner au début de ma réponse au chef de
l'Opposition qu'il y a là des réponses négatives
qui viennent du Québec et que, lorsqu'on parle d'un échec de
négociations, il faut bien comprendre que c'est après
évaluation des propositions que nous avons pensé que nous
étions mieux, avec ce que nous avions maintenant, de prendre le risque.
Même si, apparemment, cela pouvait paraître intéressant, il
pouvait y avoir des éléments autonomistes mêlés dans
la proposition fédérale, dans le sens de nous remettre le paquet,
mais, avant de le prendre, nous voulons nous assurer que cela n'est pas un
marché...
M. MORIN: ... les alcools, le tabac... M. LEVESQUE: Oui. ... de dupes...
M. MORIN: Cela en était un.
M. LEVESQUE: ... parce qu'on pourrait, à ce moment,
peut-être, réclamer que nous avions gagné des points du
côté autonomiste en récupérant certains pouvoirs
fiscaux, en récupérant des ressources, mais en même temps,
on récupérait des obligations qui nous ont paru, peut-être
pas à court terme, mais à moyen terme, constituer, à ce
moment, quelque chose de moins intéressant que ce qu'on nous
présentait.
M. MORIN: Diriez-vous cela pour les six points d'impôt?
M. LEVESQUE: Autrement dit, si on nous présente sur un plateau
d'argent certaines propositions à allure fortement autonomiste et qui
respectent davantage encore l'autonomie québécoise, nous ne
sommes pas prêts à les accepter sans avoir considéré
toute la question et incluant la question financière et
budgétaire.
M. MORIN: Voulez-vous préciser? Quelle a été
l'attitude exacte du Québec sur les six points d'impôt que
proposait le gouvernement fédéral?
M. LEVESQUE: Quant aux six points, il n'y avait pas de problème.
Nous en voulions plus. Là où il y avait des problèmes
je l'ai mentionné tout à l'heure c'était sur
les impôts stationnaires qu'on nous proposait...
M. MORIN: Qui n'ont aucune élasticité...
M. LEVESQUE: ... qui n'avaient justement pas l'élasticité
prévue dans l'impôt sur le revenu.
M. MORIN: Bien. Avez-vous terminé là-dessus?
M. LEVESQUE: Je suis à votre disposition. M. MORIN:
J'espère.
M. LEVESQUE: Je n'ai pas terminé. Au contraire. Dès que
vous allez finir vos questions, nous allons nous mettre au travail. Regardez
tout le monde qui attend.
M. MORIN: Qui attend pour travailler... M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: ... qui attend la suite, je pense bien, avec cette
négociation de 1977 qui s'en vient. Vous allez avoir fort à
faire. Mais je ne suis pas sûr que vous allez avoir tellement plus de
succès en 1977 que vous n'en avez eu, cette fois-ci, vous savez. Quand
on est dans l'impasse...
M. LEVESQUE: J'espère que le chef de l'Opposition sera heureux si
nous avons le succès. J'espère, même si cela doit
être un peu démoralisant pour son parti.
M. MORIN: Non, parce que le ministre doit se persuader d'une chose. Tout
ce qui avance le Québec sur le plan financier, qui lui permet de prendre
ses responsabilités, et de donner un peu plus de fierté aux
Québécois; dans la mesure où les Québécois
sont un petit peu plus fiers, un petit peu plus sûr d'eux-mêmes,
vous savez très bien où ils vont aller.
M. LEVESQUE: D'accord.
M. MORIN: Alors, au contraire...
M. LEVESQUE: Pour aller vers un fédéralisme plus sain qui
réponde mieux aux besoins du Québec. A ce moment-ci, je me
rappelle, lorsque je me suis adressé à l'Association de la presse
diplomatique à Paris, ce que j'ai souligné encore une fois.
L'importance pour le Québec dans un fédéralisme sain
d'avoir les ressources nécessaires, les ressources financières
nécessaires pour s'acquitter de ses obligations constitutionnelles.
M. MORIN: Mais vous ne les avez pas. M. LEVESQUE: Nous tendons vers
cela.
M. MORIN: Vous risquez de ne pas les avoir davantage à partir de
1977.
M. LEVESQUE: Nous n'accepterons pas des choses comme celles qu'on nous a
présentées qui, à première vue, étaient une
récupération d'une partie de notre autonomie, mais qui
contenaient peut-être un danger sérieux au point de vue
financier.
M. MORIN: Je peux rassurer le ministre. S'il va chercher 28 points
d'impôt la prochaine fois ou même davantage, l'Opposition va
applaudir. Nous le féliciterons certainement en Chambre. Seulement nous
nous permettons d'en douter. Je mets le ministre au défi d'aller les
chercher ces 28 points.
M. LEVESQUE: En attendant, le chef de l'Opposition, si je peux lui faire
une suggestion, pourrait nous féliciter de ne pas avoir accepté
les six points d'impôt avec les impôts sur les alcools et le
tabac.
M. MORIN: Sur les alcools et le tabac, oui. Là-dessus, je ne peux
pas en disconvenir. C'était un piège élégant.
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Le ministre a dit oui.
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Bon, très bien.
M. LEVESQUE: Je ne suis pas ici pour défendre le gouvernement
fédéral, je l'ai dit hier. Je pense que cela s'est
impliqué dans les déclarations que j'ai faites avant-hier. Je
répète encore aujourd'hui que je ne suis pas ici pour
défendre le gouvernement fédéral, mais que je suis fier de
défendre le fédéralisme comme l'un des meilleurs
régimes au monde.
M. MORIN: Dans l'abstrait.
M. LEVESQUE: Non, mais dans ses conséquences. Un sain
fédéralisme. Et nous essayons de l'assainir. Nous voulons de la
bonne foi des deux côtés. Nous demandons au gouvernement
fédéral de manifester de la bonne foi.
M. MORIN: Comme eût dit le général, je vous souhaite
bien du plaisir, M. le ministre.
M. LEVESQUE: Merci.
M. MORIN: Parce que vous n'en êtes pas sorti.
M. LEVESQUE: Nous n'avons pas l'intention d'en sortir, vous savez!
M. MORIN: Pour ce qui est des programmes de santé, certaines
provinces, notamment les Maritimes et la Colombie-Britannique, je crois,
s'opposent au remplacement des programmes à frais partagés. Le
pouvoir fédéral a donc eu beau jeu de s'asseoir sur sa
proposition et d'attendre. Que compte faire le Québec à
l'égard de ses programmes de santé pour faire avancer les choses?
Est-ce que vous allez là aussi attendre 1977?
M. LEVESQUE: Lorsque le chef de l'Opposition parle des programmes de
santé, parle-t-il de choses que je viens d'expliquer il y a quelques
instants?
M. MORIN: Oui, mais j'ai trouvé que vous n'étiez pas
suffisamment précis au sujet des programmes de santé.
M. LEVESQUE: Je l'ai été. J'ai parlé de la
proposition fédérale, la formule Lalonde-Turner que nous n'avions
pas acceptée.
J'ai dit pourquoi nous ne l'avions pas acceptée.
M. MORIN: D'accord, mais qu'est-ce que vous allez faire à compter
de maintenant, à partir de ce refus de votre part?
M. LEVESQUE: Faute de mieux, comme je le mentionnais, les provinces ont
préféré le régime actuel de partage des coûts
sur une base de parité entre le fédéral et les provinces,
et ce que nous allons faire, je l'ai mentionné il y a quelques instants.
Dès cet été, le dossier québécois, en vue de
la négociation qui commencera bientôt, devrait être
colligé, c'est-à-dire dans quelques semaines. Je ne peux pas
aller plus rapidement que cela quant au ministère des Affaires
intergouvernementales.
M. MORIN: Vous ne pourriez pas nous dire, en quelques mots, quelle est
votre stratégie, la stratégie québécoise dans ce
domaine?
M. LEVESQUE: Pour la même raison pour laquelle je n'ai pas
déposé le bilan. Si je veux être logique, il faut que je
vous dise que la question de stratégie, ce n'est pas une question que
l'on peut étudier aux crédits. Si notre stratégie n'a pas
été la bonne en 1972 ou en 1971, libre à vous aujourd'hui
de critiquer notre stratégie. La stratégie que nous avons eue
à ce moment est publique maintenant, mais je ne crois pas qu'il soit
sage, à ce moment-ci, de discuter d'une stratégie
éventuelle.
M. MORIN: Je vous réponds la même chose que je vous ai
déjà répondue au sujet du bilan. Si vous mettiez les
Québécois dans le coup, si vous les informiez correctement de ce
qui se passe, vous auriez peut-être un appui beaucoup plus solide,
beaucoup plus massif derrière les propositions...
M. LEVESQUE: D'ailleurs, je ne mets pas de côté une
stratégie comme celle que vient de mentionner le chef de l'Opposition.
D'ailleurs, nous l'avons fait à diverses reprises. Nous avons mis
l'opinion publique au courant parce que nous croyions justement que ceci
devenait un élément de stratégie important, la pression de
l'opinion publique, mais dans d'autres dossiers ou dans quelques dossiers, il
est préférable, à notre avis, qu'il en soit autrement.
Mais cela, c'est une question de stratégie et l'opinion du chef de
l'Opposition vaut la mienne. Moi, j'agis collégialement avec mes
conseillers, collégiale-ment avec les ministres qui font partie du
cabinet et sous l'autorité du premier ministre. Je fais ce que je crois
devoir faire avec les conseils que je reçois.
M. MORIN: Le danger, si vous ne mettez pas
les citoyens dans le coup, c'est que, lorsqu'il y a un échec
comme celui de la conférence de mai 1973, les gens ne comprennent pas
pourquoi. Au fond, ce serait plutôt à l'avantage du gouvernement
que de tenir les citoyens constamment informés de ce qui se passe dans
ce domaine et de dire bien haut pour quelle raison il n'est pas satisfait. Ce
qui se passe, c'est que souvent le premier ministre part en triomphateur pour
les conférences, revient bredouille, mais fait néanmoins du
triomphalisme avec le peu qu'il a obtenu. Les citoyens sont tout
mêlés. Ils se disent : Pourquoi demandait-il tant, il ne l'a pas
obtenu, pourquoi a-t-il l'air de triompher maintenant? Pourquoi persiste-t-il
à dire qu'il a rapporté les dépouilles du
fédéral alors qu'en réalité, sa peau et son panache
sont suspendus dans le bureau du premier ministre fédéral?
M. LEVESQUE: Le chef de l'Opposition tombe mal, à mon sens, parce
que le premier ministre n'allons pas tellement loin, prenons la
dernière conférence fédérale-provinciale
peut-être pour le chef de l'Opposition est revenu bredouille, mais pour
l'ensemble des Québécois, il est revenu avec une victoire
considérable avec $1 milliard, seulement dans la question du
pétrole, au bénéfice...
M. MORIN: Vous êtes sur le pétrole encore...
M. LEVESQUE: Oui, vous parlez des conférences
fédérales-provinciales, vous dites qu'il est revenu bredouille.
Je prends la dernière. Il est revenu avec $1 milliard pour le
bénéfice de tous les Québécois.
M. MORIN: On reprend notre discussion, $1 milliard d'assistance sociale,
mais pas de développement.
M. LEVESQUE: Voyons donc!
M. MORIN: Puisque vous voulez ramener le programme de cette histoire sur
le tapis, je suis obligé de vous dire que l'industrie
pétrochimique québécoise est sur la pente descendante,
qu'il n'y a pas eu de développement. Quand j'ai interrogé le
premier ministre l'autre jour sur le projet Hercules, il s'est mis à
bredouiller parce qu'il sait bien que ce projet est en train d'avorter.
J'aurais pu vous parler aussi de la taxation sur le profit des compagnies
pétrolières.
M. LEVESQUE: Laissez-moi finir seulement sur la question de l'industrie
pétrochimique. Elle était en danger de mort si nous
n'étions pas arrivés aux conclusions auxquelles sont
arrivés les premiers ministres du Canada et des provinces avec une
participation particulièrement déterminante de la part du premier
ministre du Québec et là, l'industrie pétrochimique
était en danger de mort au Québec.
L'industrie pétrochimique n'a été aucunement
affectée au Québec. Vous parlez d'un projet qui a
été annoncé et qui est à venir, mais l'industrie
pétrochimique existante au Québec et qui est fort
importante a été sauvée grâce à
l'intervention du gouvernement du Québec et des décisions prises
par l'ensemble des premiers ministres du Canada.
M. MORIN: Eh bien ça, je me permets de dire que c'était
pis-aller. On peut reprendre le débat, si vous le voulez. Je ne parlais
pas de la conférence sur le pétrole parce que c'est encore un
débat sur lequel on pourrait passer plusieurs heures à analyser
ce qui aurait pu se faire, d'autre part, si le Québec avait eu libre
accès aux approvisionnements étrangers, comme ce serait le cas
dans un Québec souverain. Mais ça, je ne veux pas qu'on retombe
là-dedans, ça fait déjà...
M. LEVESQUE: A $12.50 le baril.
M. MORIN: Non, non, on a vu l'autre soir que ce n'est pas ce que paient
beaucoup de pays européens à l'heure actuelle.
M. LEVESQUE: Vous avez mentionné la France et on vous a
répondu $11.50.
M. MORIN: Et $10.50, c'est ce qui va se payer, d'après le
ministre des Richesses naturelles lui-même d'ici quelques mois.
M. LEVESQUE: Attendons, attendons!
M. MORIN: A ce moment-là, on ne sera pas plus avancé.
M. LEVESQUE: On a toujours bien $1 milliard d'acquis.
M. MORIN: C'est ça, c'est ce que j'appelle de l'assistance
sociale. Cela ne s'appelle pas du développement. Non seulement est-ce de
l'assistance sociale, mais elle va aux sociétés comme vous le
savez.
M. LEVESQUE: Ce sont les citoyens du Québec qui n'ont pas
à payer $1 ou $1.50 le gallon d'essence et $0.60 et $0.75 le gallon
d'huile à chauffage. Voyons donc!
M. MORIN: Voulez-vous qu'on rouvre le dossier?
M. LEVESQUE: Non, c'est d'accord. On l'a assez rouvert. On a
passé trois jours dessus.
M. BOSSE: On l'a coulé.
M. MORIN: Sur cette partie nulle, M. le Président,
peut-être...
M. LEVESQUE: Vous êtes rendu arbitre.
M. MORIN: Est-ce qu'on peut parler des relations internationales du
Québec?
M. LEVESQUE: On change de groupe, on change de module.
M. MORIN: Je ne voudrais pas prendre le ministre par surprise, on peut
attendre à ce soir, s'il le veut.
M. LEVESQUE: II est seulement 5 h 5. M. MORIN: Comme vous voudrez. M.
LEVESQUE: Non, ça va.
M. MORIN: Si vous voulez avoir le temps de vous entourer.
M. LEVESQUE: On va simplement changer l'équipe.
M. BOSSE: L'équipe internationale.
M. LEVESQUE: L'équipe internationale.
M. MORIN: Voulez-vous retrouver votre bilan secret? C'est ce dont nous
allons parler au départ.
M. LEVESQUE: Je l'avais serré.
M. MORIN: Le bilan secret connu par bribe, grâce aux fuites du
Soleil, concluait que, dans le domaine des relations internationales, le
Québec a constamment fléchi devant l'offensive du gouvernement
fédéral. Après une période de très grande
activité où le Québec a pris l'initiative, si ma
mémoire est bonne, ça remonte à l'année 1963, alors
que le Québec a commencé à signer des accords avec les
Etats étrangers, avec la France, au premier chef. Je me
réfère notamment à l'accord sur l'ASTEF de 1963, l'accord
culturel de 1964 signé par le ministre Pierre Laporte. Après une
période d'initiatives fort heureuses pour le Québec, qui augurait
bien pour l'avenir de nos rapports internationaux, nous avons été
témoins, en particulier à compter de 1968/69, d'un raidissement
du gouvernement fédéral.
Devant ce raidissement, je dois constater que les hésitations du
gouvernement actuel, du gouvernement de M. Bourassa, ont permis au pouvoir
fédéral de reprendre l'initiative, de réaffirmer sa
primauté, de réaffirmer qu'en fait de souveraineté, c'est
Ottawa qui parle, non seulement pour le Canada, mais pour le Québec,
exclusivement sur le plan international, et elles ont, de la sorte,
acculé le Québec à la défensive.
Nous avons peine maintenant à maintenir l'acquis du début,
nous avons même de la difficulté à maintenir, à
développer la coopération France-Québec et nous devons
nous contenter d'un rôle subalterne en ce qui concerne les organisations
internationales non francophones et le développement international.
En outre, il n'y a eu aucun gain, depuis plusieurs années
maintenant, en ce qui concerne la reconnaissance de la personnalité
internationale du Québec. Non seulement n'y a-t-il eu aucun gain, mais
je pense qu'on peut parler d'un recul par rapport à la période de
1965 à 1967 ou 1968.
Devant ces faits, je pense que le ministre ne pourra pas les nier, qui
étaient consignés au bilan, toujours secret, de son
ministère, j'aimerais poser comme première question au ministre
la question suivante: Est-ce que le ministre est prêt à accepter
le caractère négatif, clairement négatif, du bilan, en ce
qui concerne les relations internationales du Québec?
M. LEVESQUE: II est évident, il va de soi que je n'accepte pas
cette conclusion parce qu'elle est complètement contraire aux faits. Il
y a eu une constante dans la reconnaissance ou l'extension des
compétences du Québec dans le domaine international...
M. MORIN: Ah oui!
M. LEVESQUE: ... sur la scène internationale.
M. MORIN: Vous m'en direz tant.
M. LEVESQUE: Mais il y a eu une croissance plus rapide depuis 1970 que
jamais auparavant. Si on veut simplement retourner en arrière pour
quelques instants, ce n'est pas mon habitude de vivre dans le passé,
mais on se rappellera qu'en 1961, le Québec ouvrait une
délégation générale à Paris. Cela a
été suivi par Londres en 1963...
M.MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: Et en...
M. MORIN: J'ai même été mêlé à
ce...
M. LEVESQUE: ... 1965, comme le mentionnait le chef de l'Opposition, des
ententes de coopération ont été signées entre la
France et le Québec, dans les domaines de l'Education et de la Culture.
En 1968, l'Office franco-québécois pour la jeunesse était
créé. Dès 1970, le gouvernement québécois
participe à la fondation de l'Agence de coopération culturelle et
technique des pays francophones. En 1970, et je me le rappelle très
bien, c'était à l'automne, en particulier dans le cas de Los
Angeles et Dallas, le Québec ouvrait quatre maisons aux Etats-Unis:
Boston, Dallas, Los Angeles et La Fayette. En 1971, et ici j'aime bien à
le souligner particulièrement, le gouvernement du Québec devenait
officiellement membre de l'Agence de coopération culturelle et technique
à titre de gouvernement participant. Il devenait ensuite l'hôte,
conjointement avec le gouvernement fédéral, de la deuxième
conférence internationale.
En 1972, et j'ai été heureux d'y participer, il y avait
l'inauguration d'une délégation générale à
Bruxelles. En 1973, il y avait l'ouverture de notre maison à Tokyo. Il y
a là, M. le Président, une volonté assez évidente
du gouvernement du Québec d'être présent sur la
scène internationale et à des points stratégiques.
Depuis 1970, le budget consacré à notre présence
à l'étranger a été augmenté sensiblement. En
plus de cela, nous avons voulu participer de plus en plus, par notre
présence répétée aux activités d'organismes
internationaux. Nous sommes de plus en plus présents dans des accords de
coopération qui engagent non pas seulement l'Agence de
coopération culturelle et technique des pays francophones, mais
également l'Agence canadienne de développement international.
De plus en plus, nos fonctionnaires sont présents dans ces
activités internationales. De plus en plus de Québécois
participent à des missions dans un contexte de coopération de
plus en plus vaste et diversifié avec le reste du monde.
Nous avons préconisé et nous continuons dans les...
M. MORIN: Dans les...
M. LEVESQUE: ... faits d'encourager non pas seulement un
approfondissement de la coopération, mais un élargissement
également, c'est-à-dire que nous allons de plus en plus dans le
contenu des éléments de coopération et, de plus en plus,
nous essayons d'y inscrire toutes les actions dans les diverses
activités du gouvernement du Québec.
De plus en plus de ministères au gouvernement du Québec
sont impliqués dans les programmes de coopération. Alors que nous
nous contentions dans le passé d'une présence dans le domaine de
l'éducation et de la culture, de plus en plus les ministères,
comme la Justice, les Affaires sociales, les Richesses naturelles,
l'Agriculture, l'Immigration, sont présents dans les activités de
coopération.
C'est tellement vrai que nous songeons maintenant cela a
été annoncé dans le discours inaugural à
rendre notre loi organique du ministère conforme à nos actions et
à notre présence de plus en plus grande sur la scène
internationale.
Je ne comprends pas, franchement, les reproches à peine
voilés du chef de l'Opposition quant à nos activités dans
le domaine international et à la présence du Québec. Il
n'a qu'à sortir d'ici et voyager. Il saura que le Québec est de
plus en plus connu et reconnu sur la scène internationale. De plus en
plus de nos gens du Québec font partie des délégations et
des missions à l'étranger.
Dans le domaine économique en particulier, nous avons de plus en
plus de missions à l'étranger. Nous recevons des missions de
l'étranger ici, au Québec, et nous favorisons les échanges
de plus en plus entre le Québec et l'extérieur.
M. MORIN: Le ministre pourrait-il commencer par énumérer
les missions québécoises à l'étranger, depuis deux
ans. Je dis bien "missions québécoises", je ne veux pas
dire...
M. LEVESQUE: Elles sont nombreuses.
M. MORIN: Oui. Je veux dire: envoyées strictement par le
Québec.
M. LEVESQUE: Une multitute de missions. Il y en a à
l'intérieur des divers ministères, d'abord. Il y en a qui sont
dans le domaine technique, dans le domaine scientifique, dans le domaine
culturel. Je songe en particulier à des missions d'ordre
économique. Elles sont allées un peu partout dans le monde.
M. MORIN: Je sais qu'il y en a. Le sens de ma question n'est pas la
quantité, mais, quelles sont celles d'entre ces missions qui
relèvent exclusivement du gouvernement québécois, qui sont
envoyées à l'étranger à l'initiative du seul
gouvernement québécois...
M. LEVESQUE: Elles son multiples.
M. MORIN: ... et, à la demande, émanant directement des
gouvernements étrangers? Je ne parle pas des missions...
M. LEVESQUE: A la demande? M. MORIN: Oui, à la demande.
M. LEVESQUE: C'est toujours de concert avec l'étranger que les
missions se font.
M. MORIN: Oui, j'ai bien compris cela, mais quelles sont les demandes de
missions qui vous sont venues directement de l'étranger?
M. LEVESQUE: On a ici le nombre de missions.
M. MORIN: Directement de l'étranger? J'espère que le
ministre comprend le sens de ma question. Je ne parle pas des demandes venant
d'Ottawa, pour le compte de pays étrangers. Je parle de...
M. LEVESQUE: Non, non, non.
LE PRESIDENT (M. Picard): A l'ordre!
M. LEVESQUE: Je pense que le chef de l'Opposition a mentionné
l'ACTIM tout à l'heure, dans la coopération économique
France-Québec. Il y a là à peu près 200 à
250 invités, pour l'an dernier, de la France sous ce seul chapitre.
M. MORIN: Oui, d'accord! Mais mettons France-Québec de
côté une seconde. Les autres pays étrangers?
M. LEVESQUE: Environ quinze missions de
l'Italie cette année et dix à quinze de l'Allemagne.
M. MORIN: Est-ce que ce sont des missions qui vous ont été
requises directement par le gouvernement italien et par le gouvernement
allemand?
M. LEVESQUE: Ce n'est pas le gouvernement fédéral, si
c'est cela qui inquiète le chef de l'Opposition...
M. MORIN: Je veux savoir.
M. LEVESQUE: ... qui est intervenu là-dedans. Il s'agit purement
d'initiatives québécoises.
M. MORIN: Et d'initiatives...
M. LEVESQUE: II y a également des échanges avec le Liban,
des missions proprement québécoises également,
libano-québécoises.
M. MORIN: Quand le ministre dit strictement québécoises,
il veut dire par là que ces missions ont été requises
directement par le pays étranger intéressé.
M. LEVESQUE: Par le pays ou par la maison du Québec qui est
présente dans le pays en question...
M. MORIN: Bon! Et dans le cadre...
M. LEVESQUE: ... qui organise, par exemple, des séminaires, des
colloques avec des hommes d'affaires, si c'est une mission économique.
Il résulte ordinairement de cela un intérêt à la
suite duquel nous sommes avisés de faire suivre une mission de
Québécois.
M. MORIN: Bon!
M. LEVESQUE: Cela n'exclut pas évidemment je pense bien
que cela va rassurer le chef de l'Opposition que le ministère des
Affaires extérieures à Ottawa est souvent prévenu de la
présence de ces missions dans le pays en question. Je dois dire que le
ministère des Affaires extérieures et les fonctionnaires
fédéraux ont toujours coopéré, à ma
connaissance, lorsque leurs services étaient requis.
M. MORIN: Comme cette fois où un fonctionnaire
québécois est arrivé dans un pays étranger pour
découvrir que tous ses rendez-vous avaient été
annulés par l'ambassade du Canada.
M. LEVESQUE: C'est dommage, mais ce n'est pas arrivé au chef de
l'Opposition. Je suis sûr que, dans tous ses voyages, le chef de
l'Opposition a reçu la meilleure collaboration du ministère des
Affaires extérieures.
M. MORIN: Non. De la maison du Québec, oui.
M. LEVESQUE: Ah oui? J'en suis fort aise.
M. MORIN: Je crois que le ministère des Affaires
extérieures a ses listes noires. Le ministre verra ce que c'est
lorsqu'il deviendra indépendantiste.
Bien! Si nous passions aux conférences internationales, M. le
Président. Selon les auteurs du bilan, je cite: "Le Québec
n'aurait jamais dû accepter de présider une
délégation canadienne".
M. LEVESQUE: Qui dit cela?
M. MORIN: C'est le bilan.
M. LEVESQUE: Encore nous autres.
UNE VOIX: C'est le Soleil.
M. MORIN: Qui cite le bilan.
M. LEVESQUE: Je me demande quel bilan, parce que, justement, ces choses
ne se retrouvent pas dans le bilan.
M. MORIN: Vous l'avez...
M. LEVESQUE: J'ai demandé tout à l'heure à mes
conseillers d'apporter le bilan. Ils m'ont dit: Ce n'est pas dans le bilan.
M. MORIN: Laissez-moi vous citer peut-être quelques extraits qui
sont mis entre guillemets dans le Soleil. "A toutes fins pratiques, le
Québec ne pourra plus intervenir dans le développement
international que dans le cadre défini par le gouvernement central, ses
propres opérations de coopération n'apparaissant que très
marginales par rapport au demi-milliard de dollars qu'y consacre Ottawa".
Voulez-vous me dire que ce n'était pas dans votre bilan, cela?
M. LEVESQUE: Non, parce que, justement, je suis en train de
vérifier pour être sûr.
M. MORIN: C'était dans quoi?
M. LEVESQUE: C'étaient quelques notes d'un fonctionnaire
qui...
M. BOSSE: Un tuyau.
M. LEVESQUE: Je ne le sais pas. Vous savez, les fuites, on ne les
contrôle pas toutes.
M. MORIN: Est-ce que vous voulez dire contrairement à ce que vous
avez dit pour d'autres aspects des fuites, que tous les documents
publiés dans le Soleil ne faisaient pas partie du bilan en question?
M. LEVESQUE: II pouvait y avoir quelque
chose. Je n'ai pas fait d'études comparatives, mais souventefois,
je me suis retourné vers mes conseillers pour demander de m'apporter
cette page du bilan que vous citiez et on me disait toujours: Non, ce n'est pas
dans le bilan. Peut-être que c'est dans votre bilan.
M. MORIN: C'était dans les documents préparatoires.
M. LEVESQUE: C'est ce que j'ai dit il y a trois jours.
M. MORIN: Oui. C'est déjà intéressant...
M. LEVESQUE: Ce que vous dites là, apparemment, n'apparaît
nulle part. Je ne sais pas où vous l'avez pêché,
celui-là.
M. MORIN: Dans le Soleil du 3 mai 1973. M. LEVESQUE: Dans le Soleil.
M. MORIN: Comme je l'ai dit hier au ministre, s'il veut bien nous
fournir son bilan, on partira du bilan au lieu de partir d'extraits
publiés dans les journaux. C'est évident que, tant que vous nous
refuserez le bilan, tant qu'on sera dans l'ignorance de ce qui se passe...
M. LEVESQUE: Vous pourriez demander le bilan de tous les
ministères quant à cela. Il y a un bilan partout, vous savez.
M. MORIN: Non. C'est le vôtre qui nous intéresse
aujourd'hui.
M. LEVESQUE: Cela intéresse les séparatistes, mais
pourquoi n'êtes-vous pas intéressé au bilan de la Justice,
au bilan des Richesses naturelles? Il y a un bilan dans tous les
ministères bien organisés. Il y en a partout, des bilans.
M. MORIN: Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer...
M. LEVESQUE: C'est un instrument de travail qui existe partout, le
bilan.
M. M.ORIN: Oui, mais je suis curieux de savoir pourquoi le ministre a
dit que son bilan intéresserait seulement les séparatistes.
M. LEVESQUE: Non. Je dis que, parce que vous êtes
séparatiste, vous vous intéressez au bilan des Affaires
intergouvernementales parce que tout ce qui vous intéresse, apparemment,
ce sont les Affaires extérieures vous appelez cela les Affaires
étrangères et les relations
fédérales-provinciales.
M. MORIN: C'est l'ensemble.
M. LEVESQUE: C'est cela qui vous intéresse...
M. MORIN: C'est l'ensemble, comme tous les Québécois.
M. LEVESQUE: ... parce que c'est cela qui fait la différence de
votre parti, particulièrement, avec le parti NPD. Autrement, vous seriez
dans la lutte pour le NPD présentement. C'est un parti
centralisateur.
M. MORIN: Cela n'a rien à voir.
M. BOSSE: Vous l'avez eu, votre bilan, durant la campagne.
M. MORIN: Blague à part, nous sommes de retour au problème
que je soulevais au tout début de ces séances. Si nous n'avons
pas le bilan, nous ne pouvons pas vraiment jouer pleinement notre rôle
d'Opposition qui est un rôle essentiel, vous le savez. Je pense que vous
le reconnaissez même.
M. LEVESQUE: On peut avoir quelques minutes de répit, puis...
M. MORIN: Pourquoi? Voulez-vous suspendre la séance?
M. LEVESQUE: Je dis: Lorsque je vous dis cela, il ne faut pas que vous
preniez cela trop...
M. MORIN: Non. Je comprends, mais...
M. LEVESQUE: II ne faut pas que vous soyez découragé
à la première attaque.
M. MORIN: Non. J'explique au ministre pour la nième fois qu'en
l'absence de son bilan officiel...
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: ... nous partons des matériaux qui sont à notre
disposition et que nous n'avons pas...
M. LEVESQUE: Sauf que je dois dire que ces matériaux de base que
vous utilisez présentement font que vous partez de prémisses
fausses, parce que nous ne sommes pas d'accord sur ce qui est écrit
là.
M. MORIN: En attendant votre bilan officiel, je ne suis pas
prêt...
M. LEVESQUE: Reposez la question.
M. MORIN: ... à mettre la bonne foi du Soleil en cause et, si j'y
trouve des extraits qui sont entre guillemets, je présume qu'ils
viennent de documents qui émanent de votre ministère. C'est
à vous de le nier, si vous le voulez.
M. LEVESQUE: C'est une conclusion téméraire de votre
part.
M. MORIN: C'est tout de même là-dessus
qu'il faut nous fonder pour faire avancer un peu la discussion. Alors,
selon ce bilan j'en reviens où j'en étais le
Québec n'aurait jamais dû accepter de présider une
délégation canadienne et les auteurs du bilan publié dans
le Soleil...
M. LEVESQUE: Est-ce qu'on précise quelle délégation
canadienne?
M. MORIN: Non. Cet extrait, si ma mémoire est bonne, ne
précise pas de quelle conférence il s'agissait. C'était
peut-être dans le cadre de l'agence... Je ne sais trop. Les auteurs du
bilan précisent que cette pratique contredit la position prise dans
certains cas où le Québec a refusé des présidences
ou des vice-présidences de façon à ne représenter
que lui-même. Est-ce que le ministre pourrait nous dire si,
effectivement, le Québec a refusé des présidences ou des
vice-présidences au sein des délégations
fédérales?
M. LEVESQUE : Nous n'acceptons pas systématiquement de
présider des délégations canadiennes. Il y a des fois
et c'est une décision que j'ai déjà prise
où j'ai refusé la présidence d'une
délégation canadienne, particulièrement lorsque nous
avions un point important à faire valoir et qui était un point
qui n'était pas partagé par les autres Etats de la
fédération canadienne et, à ce moment, j'ai insisté
pour que nous soyons présents, mais que nous ayons le droit de nous
exprimer. Mais nous ne voulions pas être â la présidence de
la délégation, probablement pour les raisons... Je n'ai pas tout
écouté ce que le chef de l'Opposition a cité. Je ne sais
pas s'il a cité cela, mais...
M. MORIN: Non. On ne donne pas les raisons. Vous êtes en train de
les donner. Je suis très heureux de les avoir.
M. LEVESQUE: Nous n'avons pas objection à présider une
délégation canadienne, mais pas nécessairement chacune des
délégations canadiennes. Il peut y avoir, comme il y en a
déjà eu, des circonstances où nous n'avons pas voulu
précisément présider une délégation
canadienne lorsque les vues du Québec ne coïncidaient pas avec les
vues de l'ensemble.
M. MORIN: Lorsque vous n'acceptez pas de présider...
M. LEVESQUE: Si nous avions à souligner quelque chose, nous
aimons mieux le souligner comme membre de la délégation,
plutôt qu'à la présidence de la délégation
où nous n'avions pas les mêmes...
M. MORIN: Autrement dit, aux conférences internationales, vous y
êtes allé, soit comme président de la
délégation canadienne, soit comme membre de la
délégation canadienne?
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Alors, la question...
M. LEVESQUE: Pas à toutes. Il y a à l'Agence de
coopération culturelle et technique où nous y allons "on our
own".
M. MORIN: Oui, en tant que gouvernement participant. Oui, d'accord. Mais
on reviendra sur l'Agence culturelle et technique tout à l'heure. C'est
un cas spécial. Là, je parle des conférences
internationales en général. Je voudrais demander au ministre,
compte tenu de cela, quelle est la position officielle de son ministère
pour ce qui concerne la personnalité internationale du
Québec?
M. LEVESQUE: Pardon? Je m'excuse.
M. MORIN: Quelle est la position officielle du ministère pour ce
qui est de la personnalité internationale du Québec?
M. LEVESQUE: Nous croyons que le gouvernement du Québec a une
responsabilité d'avoir un prolongement, sur la scène
internationale, de compétences qui lui sont reconnues par la
constitution.
M. MORIN: Cela veut dire que le Québec, si j'ai bien compris,
doit avoir une capacité internationale correspondant à sa
capacité interne, pour ainsi dire?
M. LEVESQUE: Nous insistons sur deux choses: l'identification,
l'identité du Québec, également son droit de s'exprimer
dans les matières qui sont de sa compétence, non pas à
travers un prisme de différends.
M. MORIN: Les conférences internationales auxquelles vous avez
participé, autres que celles de l'agence, portaient sur quelle
compétence en particulier, relevaient de quelle compétence
québécoise?
M. LEVESQUE: Conférence des ministres de l'Education...
M. MORIN: Education?
M. LEVESQUE: ... loisirs, jeunesse et sports, travail, santé. Il
y a même eu une conférence sur l'artisanat.
M. MORIN: Et à ces conférences, M. le ministre...
M. LEVESQUE: Les droits de la mer. M. MORIN: Comment?
M. LEVESQUE: On ne va pas intéresser le chef de l'Opposition. Il
va me poser encore des questions. On ne parlera pas des droits de la mer.
M. MORIN: De quelle mer? M. BOSSE: L'amertume.
M. MORIN: M. le ministre, à ces conférences auxquelles
vous avez participé, auxquelles a participé le gouvernement du
Québec, si j'ai bien compris, chaque fois, c'était comme membre
de la délégation canadienne?
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Je vous demande maintenant...
M. LEVESQUE: Sauf les exceptions que j'ai mentionnées.
M.MORIN: Sauf le cas de l'agence. D'accord, on en parlera plus tard. Je
me demande bien quelle personnalité internationale le Québec peut
avoir dans les domaines que vous venez de mentionner en participant à
des conférences où il n'est même pas
représenté en tant que tel, mais comme membre d'une
délégation étrangère.
M. LEVESQUE: C'est évident que c'est l'organisation qui nous
reçoit, qui nous admet, qui nous reconnaît comme
entité.
M. MORIN: En fait, il n'y a pas de délégation
québécoise?
M. LEVESQUE: Non, sauf à l'Agence de coopération
culturelle et technique des pays francophones.
M. MORIN: D'accord. Donc, on ne saurait parler, techniquement
parlant...
M. LEVESQUE: II y a cependant, il ne faut pas l'oublier, certaines
reconnaissances particulières du côté de la France, par
exemple. Il y a là certaines conditions particulières qui nous
sont faites en vertu de liens directs et privilégiés qui existent
avec la France.
M. MORIN: Je sais, cela a été le point de départ.
Ce que je cherche à voir, c'est dans quelle mesure vous avez bâti
sur ce point de départ.
M. LEVESQUE: A l'intérieur des accords qui existent, des accords
bilatéraux entre la France et le Québec, il y a là une
reconnaissance différente et je dirais même officielle.
M. MORIN: Mais dans les matières que vous avez
énumérées et en dehors de l'agence, qui est un cas
particulier, le Québec ne participait pas à part entière,
le Québec n'avait pas de délégation à ces
conférences.
M. LEVESQUE: Dans les organisations internationales, il faut dire que la
charte de chacune de ces institutions est telle, sauf exception, qu'on ne peut
pas reconnaître le Québec comme tel, comme...
M. MORIN: Continuez, l'explication est très
intéressante.
M. LEVESQUE: On le fait exceptionnellement à l'UNESCO, on le fait
à l'UIT et on le fait également à l'agence.
M. MORIN: On ne l'a pas fait pour le Québec, que je sache,
à l'UNESCO. Pourquoi?
M. LEVESQUE: Non. Mais la chose est à l'étude
présentement et nous faisons certaines démarches
présentement dans ce sens.
M. MORIN: Auprès de qui?
M. LEVESQUE: Auprès de l'UNESCO.
M. MORIN: Auprès du gouvernement d'Ottawa, aussi. M. le ministre,
pourquoi ne dites-vous pas qu'Ottawa s'y est opposé
carrément?
M. LEVESQUE: Est-ce qu'on peut corriger quelque chose, parce que j'aime
bien préciser.
M. MORIN: Oui, toujours. Je suis là pour me renseigner.
M. LEVESQUE: Pas directement encore à l'UNESCO, mais c'est
démarré, au plan interne.
M. MORIN: Qu'est-ce que cela veut dire?
M. LEVESQUE: Cela veut dire ce que cela veut dire. Nous avons fait
certaines démarches vis-à-vis du gouvernement
fédéral quant à la charte de l'UIT pour qu'elle ne
s'oppose pas, dans la révision de cette charte, à conserver cette
possibilité que la charte prévoit présentement d'un membre
associé.
M. MORIN: Oui, parce qu'effectivement le gouvernement
fédéral a réussi, depuis quelques années, à
faire rayer d'un certain nombre de conventions internationales ou de projets de
convention internationale toute possibilité pour les Etats membres d'un
Etat fédéral de participer à ces conférences et
à ces conventions. Le ministre sait cela. C'est un gouvernement
particulièrement bien disposé à votre endroit.
M. LEVESQUE: II faut bien comprendre que nous sommes dans un Etat
fédéral.
M. MORIN: Oui, centralisateur.
M. LEVESQUE: On ne peut pas partir d'un autre...
M. MORIN: Je vous dis cela depuis le début des crédits que
nous sommes poignés dans cet Etat fédéral, M. le
ministre.
M. LEVES QUE: Nous en avons les avantages et nombreux sont les
avantages, je l'ai souligné. Mais également, je vous ai dit et je
le répète, je ne suis pas ici pour défendre le
gouvernement fédéral, mais je crois au système
fédéral mais assaini.
M. MORIN: Alors, toujours sur la pente de l'assainissement, en ce qui
concerne l'UNESCO, si j'ai bien compris, vous avez maintenant fait des
démarches auprès du pouvoir fédéral pour obtenir
qu'une place vous soit faite...
M. LEVESQUE: A l'UNESCO, je n'ai pas dit cela.
M. MORIN: Non. L'OIT, je m'excuse. Vous avez raison. On parlait de
l'OIT.
M. LEVESQUE: L'UIT.
M. MORIN: Bon, c'est autre chose encore.
M. LEVESQUE: L'Union internationale des
télécommunications.
M. MORIN: C'est cela. Avez-vous terminé sur ce point? Dans le cas
de l'OIT, avez-vous fait des démarches auprès du gouvernement
fédéral?
M. LEVESQUE: Des démarches ont été faites pour que
nous participions, mais comme unité, comme Québec, à la
délégation de la prochaine conférence de l'OIT.
M. MORIN: Ce qui veut dire: Signer la convention.
M. LEVESQUE: Dans le cadre de la délégation canadienne,
mais identifié et avec le droit de s'exprimer. Deux volets que j'ai
mentionnés tout à l'heure, l'identification du Québec et,
deuxièmement, le droit de s'exprimer comme tel.
M. MORIN: Vous allez m'expliquer, M. le ministre, comment c'est possible
dans la délégation canadienne, parce que la
délégation canadienne est composée de la manière
suivante, comme toutes les délégations d'ailleurs: deux personnes
nommées par le gouvernement fédéral, deux personnes
nommées par les syndicats et deux personnes nommées par les
patrons, les associations patronales. Comment le Québec veut-il
s'insérer là-dedans?
M. LEVESQUE: Ce que le chef de l'Opposition oublie, c'est qu'il y a des
conseillers techniques.
M. MORIN: C'est à ça qu'on en est rendu. Vous voulez des
conseillers techniques autour de la délégation
fédérale. C'est bien ça? Vous étiez parti en lion
mais vous finissez en mouton.
M. LEVESQUE: Les conseillers techniques peuvent s'exprimer lorsque la
délégation le permet et, en même temps, nous avons
demandé que les provinces désignent l'un des deux
délégués de la délégation canadienne.
M. MORIN: Les provinces ou le Québec? M. LEVESQUE: Les
provinces.
M. MORIN: Les provinces. C'est plus ou moins ce qui s'est fait dans le
passé. Vous n'avez pas beaucoup avancé là-dessus.
M. LEVESQUE: Mais que, dans toutes les commissions techniques, nous
puissions nous exprimer nous-mêmes.
M. MORIN: Dans les commissions techniques et pas en commission
plénière?
M. LEVESQUE: En commission plénière, lorsque nous sommes
concernés.
M. MORIN: Et lorsque la délégation canadienne y
consent.
M. LEVESQUE: Evidemment.
M. MORIN: Oui, M. le ministre, je suis obligé de vous dire que
ça ne fait pas grand-chose pour la personnalité internationale du
Québec.
Passons maintenant à l'OIT, quel est l'état...
M. LEVESQUE: C'est là que nous étions.
M. MORIN: Je m'excuse, à l'UNESCO maintenant. Quel est
l'état des négociations... Je m'excuse, M. le ministre, pour
compléter ce que vous venez de me décrire, c'est ce que le
Québec a demandé dans le cas de l'OIT et est-ce que le pouvoir
fédéral a consenti à ce que vous demandiez?
M. LEVESQUE: Pas encore.
M. MORIN: Pas encore, malgré que ce soit si peu. Eh bien! les
bras m'en tombent.
M. LEVESQUE: C'est vous qui dites que c'est si peu. Pour nous, nous
croyons que nous sommes dans l'évolution.
M. MORIN: Eh bien! vous n'êtes pas exigeant, M. le ministre.
M. LEVESQUE: La question doit être reprise en septembre.
M. MORIN: Je l'espère, parce que, jusqu'ici, je dois vous avouer
que la personnalité internationale du Québec n'émane pas
clairement de vos tractations ou même de vos revendications. Passons
maintenant à l'UNESCO. Quel est l'état de la question à
l'UNESCO?
M. LEVESQUE: Notre participation à l'UNESCO se fait par le
truchement du Conseil canadien des ministres de l'Education.
M. MORIN : Qui est un conseil consultatif?
M. LEVESQUE: Qui est présidé par le ministre de
l'Education du Québec.
M. MORIN: Et qui est un conseil consultatif. M. LEVESQUE: Oui, par
lui-même. M.MORIN: Quelles sont ses compétences?
M. LEVESQUE: Qui est intervenu justement récemment, et nous en
avons été saisis encore récemment au CIDA, pour
établir un certain protocole qui déterminera le genre de
participation aux travaux de l'UNESCO.
M. MORIN: Bon.
M. LEVESQUE: Les deux principes mentionnés tout à l'heure,
celui de l'identification de la province et celui du droit de s'exprimer au nom
du gouvernement de cette province, ces deux principes ont été
entérinés par l'ensemble des ministres de l'Education formant le
CME, le Conseil des ministres de l'Education.
M. MORIN: Est-ce que les délégués du conseil...
M. LEVESQUE: Cela a été soumis d'ailleurs au ministre des
Affaires extérieures du Canada et les négociations sont en
cours.
M. MORIN: Est-ce que le Conseil des ministres de l'Education nomme un
délégué à la conférence de l'UNESCO?
M. LEVESQUE: II le désigne, oui; mais la désignation est
entérinée automatiquement par le gouvernement
fédéral.
M. MORIN: Oui, parce que c'est le seul gouvernement qui peut nommer des
délégués.
M. LEVESQUE: Oui, c'est cela. Mais c'est automatique.
M. MORIN: Bon. Et le CME, quand il nomme une personne, quand il
suggère, qu'il recommande une personne au gouvernement
fédéral, au ministère des Affaires extérieures,
cette personne vient de quelle province?
M. LEVESQUE: Les choses sont telles que le Québec est toujours
désigné, à toutes fins pratiques; ce n'est pas
formalité, mais, enfin, c'est ce qui arrive.
M. MORIN: Ce sont des arrangements ad hoc.
M. LEVESQUE: Internes. M. MORIN: Aléatoires.
M. LEVESQUE: Enfin, c'est ce qui existe. Aléatoires, mais
constants.
M. MORIN: II n'y a que l'aléatoire qui soit constant dans votre
cas, M. le ministre. A part l'UNESCO et l'OIT, on a mentionné l'UIT,
l'Union internationale des télécommunications. Quel est
l'arrangement qui prévaut pour cette organisation?
M. LEVESQUE: Nous en sommes au stade des démarches
vis-à-vis du gouvernement fédéral, en vue d'une
participation...
M. MORIN: Eventuelle.
M. LEVESQUE: ... éventuelle.
M. MORIN: Tout aussi aléatoire. C'est bien cela?
M. LEVESQUE: II faut bien dire que, jusqu'à maintenant, c'est un
peu tout du nouveau. Il faut bien comprendre que le Québec n'avait pas
de telles velléités il y a peu de temps. Nous commençons
seulement à vouloir et à faire des démarches et à
poser certains gestes en vue de la participation...
M. MORIN: II y a bien dix ans, tout de même...
M. LEVESQUE: ... du Québec à ces conférences.
M. MORIN: ... qu'il en a des velléités, comme vous dites.
J'aime beaucoup le mot de velléités, en l'occurrence, M. le
ministre. Je ne sais pas si c'est un lapsus, mais c'est admirable de votre
part.
M. LEVESQUE: Quoi?
M. MORIN: De parler de "velléités".
M. LEVESQUE: Autrefois. J'ai dit autrefois, mais aujourd'hui, c'est
notre volonté qui s'affirme. C'est bien?
M. MORIN: Excusez-moi de sourire, mais...
M. LEVESQUE: Vous avez le droit de sourire, cela vous fait du bien.
M. MORIN: Oui. Passons maintenant, après ce tour d'horizon un peu
désolant et qui, j'espère, ne vous fera pas conclure qu'il s'agit
là de la personnalité internationale du Québec, parce
que...
M. LEVESQUE: C'est une percée vis-à-vis de la
personnalité internationale du Québec.
M. MORIN: Oui. C'est ce qu'on appelle une tentative d'essayer de
participer aux délégations canadiennes, ce n'est pas la
même chose.
M. le ministre, pour ce qui est des accords internationaux,
maintenant...
M. LEVESQUE: II faut être connu avant d'être reconnu.
M. MORIN : Vous voulez dire que le Québec n'est pas connu?
M. LEVESQUE: De plus en plus, il est connu à cause des actions
que nous posons et que j'ai mentionnées très brièvement il
y a quelque temps.
M. MORIN: II est surtout connu depuis 1967, mais ce n'est pas
grâce à vous.
M. LEVESQUE: Qu'est-ce qui s'est passé en 1967, d'après
vous?
M. MORIN: Le ministre n'est pas au courant des événements
de 1967?
M. LEVESQUE: Est-ce que c'est à Expo 67 que vous vous
référez?
M. MORIN: Et les événements qui ont entouré Expo
67, qui ont fait connaître le Québec à l'étranger.
Ce n'est certainement pas à la suite de vos efforts, en tout cas.
M. le ministre, revenons-en maintenant aux accords internationaux.
Pouvez-vous me signaler...
M. LEVESQUE: Est-ce que le chef de l'Opposition est gaulliste?
M. MORIN : Je devrais peut-être vous retourner la question, ce
serait fort révélateur.
M. le ministre, pourriez-vous nous dire s'il y a eu de nouveaux accords
internationaux conclus par le Québec, depuis un an?
M. LEVESQUE: Non.
M. MORIN: Aucun?
M. LEVESQUE: Non.
M. MORIN : Dans aucun domaine?
M. LEVESQUE: II y a eu cependant la participation du Québec dans
les accords internationaux. Il y a eu une participation du Québec
à des accords conclus entre le Canada et les pays étrangers.
M. MORIN: En 1972, pourriez-vous me dire combien il y a eu d'accords
signés par le Québec?
M. LEVESQUE: Qu'est-ce qu'on entend par accord?
M. MORIN: Accord, entente.
M. LEVESQUE: Est-ce que c'est une expression mutuelle de volonté
ou est-ce que c'est un accord formel international?
M. MORIN: Un accord signé par le Québec et un pays
étranger, en bonne et due forme, noir sur blanc, sur papier.
M. LEVESQUE: Non, pas signé.
M. MORIN: II n'y en a pas eu en 1972. Il n'y en a pas eu en 1973.
En 1971, est-ce qu'il y en a eu?
M. LEVESQUE: Vous pouvez aller jusqu'en 1965, je pense bien, avant d'en
trouver.
M. MORIN: Donc, il faut retourner à l'accord culturel?
M. LEVESQUE: Sauf l'agence, en 1971.
M. MORIN: Bon, c'est ce que j'allais vous demander.
Quelle a été, techniquement, la façon dont le
Québec a signé et ratifié l'accord portant sur la
création de l'agence?
M. LEVESQUE: La signature a eu lieu à Niamey II, en 1970.
M. MORIN: A la seconde conférence de Niamey II?
M. LEVESQUE: A la seconde.
M. MORIN: Bien. Sous quelle forme le Québec a-t-il signé
cet accord?
M. LEVESQUE: Tout le monde a signé.
M. MORIN: Expliquez-moi ce que vous voulez dire par tout le monde? Parce
que cela fait beaucoup de monde.
M. LEVESQUE: Je n'ai pas le document ici. Est-ce qu'on peut avoir une
copie du document?
M. MORIN: Non, j'en ai une copie, mais je ne l'ai pas ici.
M. LEVESQUE: Ne posez donc pas des questions quand vous savez les
réponses!
M. MORIN: Non, mais je pose les questions pour les fins des
débats et pour qu'on puisse aller plus loin.
M. LEVESQUE: Je vous offre mieux que cela, je vous offre de
déposer la copie.
M. MORIN: Je l'ai dans un dossier quelque part, mais c'est pour les fins
du débat, M. le
ministre. Il y a des tas de questions au sujet desquelles je vous pose
la question et je connais déjà la réponse. C'est bien
entendu, cela.
M. LEVESQUE: C'est une admission. C'est une perte de temps. Si vous
savez les réponses, donnez les réponses.
M. MORIN: Non, je regrette, il s'agit de le dire publiquement et il
s'agit de vous amener à en débattre publiquement, ce n'est pas la
même chose.
Bon! Alors, je vous demandais comment a été signé
l'accord portant création de l'agence.
M. LEVESQUE: II faut bien se rappeler que Niamey II, c'était un
gouvernement antérieur dont je ne faisais pas partie, il faut toujours
bien le reconnaître, en mars 1970, alors que nous avons pris le pouvoir,
à la suite de l'élection du 29 avril 1970. Je me demande quel
intérêt peut avoir le chef de l'Opposition à vouloir
critiquer les gestes posés par un gouvernement antérieur...
M. MORIN: Oui, oui.
M. LEVESQUE: ... s'il a à le critiquer. Mais la...
M. MORIN: L'offensive fédérale avait commencé avant
que vous n'arriviez au pouvoir...
M. LEVESQUE: ... signature en question, me dit-on, parce que je n'ai pas
le document devant moi, n'a pas été faite par un gouvernement
dont je faisais partie, mais la signature était celle du Canada, suivie
de celle du Québec.
M. MORIN: Et d'autres provinces? M. LEVESQUE: Et d'autres provinces. M.
MORIN: combien d'autres provinces? M. LEVESQUE: Trois autres.
M. MORIN: Est-ce que, mis à part cet accord portant
création de l'agence...
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: ... et que le Québec a signé comme partie
intégrante du Canada, il y a d'autres accords avant 1965, en remontant
dans le passé?
M. LEVESQUE: II faudrait que j'ajoute ici, si on veut rendre publics
tous les éléments du dossiers, que c'est notre gouvernement
cependant qui, en 1971, a réussi à obtenir que le Québec
soit gouvernement participant. C'est le seul que l'on ait reconnu comme
tel.
M. MORIN: Un genre de statut particulier. Est-ce que le ministre
pourrait...
M. LEVESQUE: La charte spécifie que ce n'est pas exclusif.
M. MORIN: Non, non. Il peut y avoir d'autres gouvernements
participants.
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Quoique cela a été taillé sur mesure pour
le Québec. Est-ce que le ministre peut nous expliquer en quoi consiste
exactement ce statut de gouvernement participant? Je m'excuse de poser ces
questions au ministre, mais il n'en a jamais été discuté,
à ma connaissance, dans l'étude des crédits de son
ministère. Peut-être qu'on n'aura pas à y revenir
l'année prochaine. Mais, cette année, ce serait utile de mettre
cela au dossier.
M. LEVESQUE: C'est un statut de membre à part entière. Il
n'y a qu'une nuance.
S'il y a divergence entre la délégation canadienne et la
délégation québécoise, on a convenu de s'abstenir
de voter, l'une et l'autre.
M. MORIN: Est-ce que cela veut dire que...
M. LEVESQUE: On participe d'ailleurs aux institutions, aux
activités, et la meilleure preuve de cela est que nous avons ce festival
de la jeunesse qui est prévu pour le mois d'août prochain, alors
que le Québec avec le Canada sont les hôtes de ces
festivités. Le Québec a son budget et c'est justement quelque
chose qu'on trouve dans les crédits que l'on demande présentement
de voter.
M. MORIN: Est-ce que je pourrais demander au ministre, à cet
égard, quelle est la contribution du Québec cette année
aux activités de l'agence par rapport à la contribution de
l'année dernière?
M. LEVESQUE: Je pense que c'est...
UNE VOIX: $140,000. M. MORIN: $140,000!
M. LEVESQUE: Un instant. Je n'ai pas répondu. Je pose la question
ici.
M. MORIN: II me semblait aussi que c'était plutôt
ridicule.
M. LEVESQUE: Je ne parle pas du festival. Je parle des 3 p.c. du budget.
C'est un montant de $72,000.
M. MORIN: Et l'année dernière?
M. LEVESQUE: Aux frais généraux. C'est la question des 3
p.c. aux frais généraux.
M. MORIN: Oui. C'est à cela que je pensais. M. LEVESQUE: Oui,
parce que la contribu-
tion du Québec au festival de la jeunesse est beaucoup plus
considérable.
M. MORIN: Et en plus de cela, il y a des contributions, si je ne
m'abuse, à des projets particuliers.
M. LEVESQUE: Oui, en plus de cela.
M. MORIN: Alors, pour l'année qui vient, d'après votre
budget, la contribution globale à l'agence est de combien?
M. LEVESQUE: Incluant les 3 p.c, incluant le festival de la jeunesse et
incluant les projets spéciaux...
M. MORIN: Les projets divers. Je ne devrais pas dire les projets divers,
cela rappelle les projets fédéraux. Je voulais dire les projets
différents. Surtout en Afrique, les projets divers, cela sonne
drôle.
M. LEVESQUE: Je dirais que c'est aux environs de $750,000.
M. MORIN: $750,000?
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Et l'année dernière, c'était?
M. LEVESQUE: II n'y avait pas de festival l'an dernier. C'était
peut-être $200,000.
M. MORIN: Et le festival, cette année, représente
combien?
M. LEVESQUE: Indépendamment du festival, notre contribution,
cette année, s'accroîtrait d'environ $200,000.
M. MORIN: Elle doublerait donc? M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Elle double le budget de la contribution à l'agence.
Bien. Là-dessus, je pense...
M. LEVESQUE: Enfin, ce sont les chiffres qu'on me fournit. C'est en
gros, c'est un ordre de grandeur.
M. MORIN: Bien. M. le Président, avant d'aborder une autre
question, je constate qu'il est, à toutes fins pratiques, 6 heures. Si
le ministre veut, nous pourrons aborder d'autres aspects des relations
internationales du Québec ce soir, à 8 h 15, peut-être.
M. LEVESQUE: Oui, d'accord. M. MORIN: Merci.
LE PRESIDENT (M. Picard): La commission suspend ses travaux
jusqu'à 20 h 15, ce soir, même salle.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
Reprise de la séance à 20 h 25
M. PICARD (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!
La commission parlementaire va continuer ce soir l'étude des
crédits du ministère des Affaires intergouvernementales. Pour la
séance de ce soir, M. Lachance (Mille-Iles) remplace M. Beauregard
(Gouin) et M. Déziel (Saint-François) remplace M. Harvey
(Charlesbourg). Le chef de l'Opposition.
M. MORIN: Merci, M. le Président. Au sujet du
développement international, la partie qui a été
publiée du bilan toujours secret du ministre souligne que le
Québec semble avoir renoncé à jouer un rôle autonome
en matière de développement international. On y dit: Après
une longue période de flottement au cours de laquelle le gouvernement du
Québec tenta de définir son rôle d'agent de
développement international par rapport à celui du gouvernement
d'Ottawa et selon ses compétences, le jeu des relations
intergouvemementales ne laisse plus au Québec qu'une marge de manoeuvre
très restreinte. Suit une citation: "A toutes fins pratiques, le
Québec ne pourra plus intervenir dans le développement
international que dans le cadre défini par le gouvernement central, ses
propres opérations de coopération n'apparaissant que très
marginales par rapport aux $500 millions qu'y consacre Ottawa".
M. le ministre, si je compare ce rôle qui est devenu plus ou moins
un rôle d'exécutant ou disons, pour ne pas être
méchant, de collaborateur du pouvoir fédéral, de
collaborateur dans le cadre des programmes fédéraux de l'ACDI,
quand je compare cette situation, ou ce rôle actuel du Québec avec
celui qu'il avait semblé vouloir se donner dans les années 1963
à 1968 à peu près ou même jusqu'à 1970, je me
dis qu'il y a eu un changement majeur d'attitude de la part du gouvernement du
Québec et du ministère des Affaires intergouvernementales dans
l'intervalle. Quelles sont les raisons qui ont amené ce changement de
politique, ce changement de rôle de la part du Québec?
M. LEVESQUE: Si j'ai bien compris le chef de l'Opposition, est-ce qu'il
dit qu'il y a eu un changement quant à la politique du gouvernement
actuel en matière de développement international et...
M. MORIN: Et dans le rôle du Québec, qui était au
début un rôle résolument autonome et qui est maintenant
devenu un rôle subsidiaire par rapport à l'ACDI?
M. LEVESQUE: Par rapport à l'ACDI, il ne faut pas
exagérer. Je ne pense pas qu'on doive sauter aux conclusions parce que
nous avons jugé qu'il était opportun pour nous, parmi d'autres
actions que nous avons à mener, parmi une multitude de gestes que nous
avons à poser dans le développement international, et je ne crois
pas que ce soit juste de dire que, parce que nous ayons choisi de nous inscrire
dans l'action de l'ACDI, à ce moment-là, nous renoncions aux
actions, comme vous dites "purement autonomes" que nous pouvions avoir. Ceci
s'y ajoute plutôt. Nous savions et nous savons fort bien qu'il y a
à l'ACDI des sommes assez importantes qui sont destinées au
développement international. Nous savions par contre qu'il y avait des
Québécois qui étaient présents à
l'intérieur ou dans le cadre de l'action de l'ACDI. Nous avons donc
voulu y être présents afin de pouvoir canaliser, utiliser des
sommes ainsi disponibles et les mettre au service des Québécois,
et cela sans mettre du tout de côté les autres actions que nous
pouvions avoir dans le développement international. Nous nous rendons
compte de l'importance des sommes qui sont à l'ACDI. Pour les fins du
journal des Débats, il s'agit de l'Agence...
M. MORIN: ... canadienne de développement international.
M. LEVESQUE: ... canadienne de développement international. Une
bonne partie du budget de l'ACDI est utilisée particulièrement en
Afrique. Je crois même que l'influence ou l'intérêt du
Québec ont porté même sur la destination des sommes de
l'ACDI quant à leur affectation, particulièrement dans le monde
francophone. C'est une première chose.
Deuxièmement, nous avons des programmes bien identifiés au
Québec, à l'intérieur de l'action de l'ACDI, autrement
dit, nous sommes inscrits, nous sommes insérés dans l'ACDI, mais
non pas dans l'ACDI sans condition. Nous avons utilisé, de concert avec
l'ACDI, nous avons pris la maîtrise d'oeuvre de certains programmes
avec... C'est cela.
M. MORIN: C'est que je disais, vous vous êtes inscrit dans le
cadre de l'ACDI...
M. LEVESQUE: Autrement dit, cela ne remplace pas ce que nous faisions,
cela s'ajoute à notre participation, à nos activités dans
le développement international et, pour donner peut-être au chef
de l'Opposition une idée de l'affectation de nos crédits dans le
domaine de la coopération internationale, puis-je lui signaler qu'il y
a, du côté de la coopération
franco-québécoise, une période de stabilisation? J'ai
mentionné, au cours de mes remarques antérieures, et je signalais
qu'il y avait, relativement, une diminution, si on prend le pourcentage du
budget de la coopération affecté à la coopération
franco-québécoise. Mais, en chiffres absolus, il y a là
une stabilisation de la coopération franco-québécoise; en
effet, il s'agit d'une somme de $2,500,000 qui est affectée à
cette coopération.
M. MORIN: C'est autre chose. Je vous parlais de l'ACDI. Je ne parlais
pas...
M. LEVESQUE: Oui, mais je reviens. C'est parce que je veux arriver
à cela. J'aime mieux parler très ouvertement de la question en
indiquant, chiffres à l'appui, ce qui se passe. Alors, je dis: Dans le
domaine de la coopération internationale, voici ce qui se passe.
Une période de stabilisation de la coopération
franco-québécoise; en termes budgétaires, environ
$2,500,000. Une diminution des programmes bilatéraux avec l'Afrique, qui
passent d'un ordre de grandeur de $500,000 à $300,000. Par contre, une
augmentation de la coopération en collaboration avec l'ACDI, de $469,000
à $833,000.
M. MORIN: Vous confirmez exactement ce que je viens de dire. Tous les
programmes des...
M. LEVESQUE: Un instant, je n'ai pas terminé, parce que je ne
voudrais pas prendre cela pièce par pièce. Je voudrais donner le
portrait général.
M. MORIN: Je voulais savoir...
M. LEVESQUE: Lorsque je dis $833,600, je dois en même temps
signaler que ceci est sur un budget de coopération internationale, le
programme, je ne parle pas du budget total du ministère, mais simplement
de ce programme de coopération internationale de $4,567,300.
Ceci, évidemment, ne comprend pas les effectifs et les salaires
de l'administration, etc., mais je parle simplement de l'élément
coopération internationale, des programmes de coopération.
L'augmentation, ensuite la coopération je l'ai
mentionné avec l'ACDI, $469,000 à $833,000. Il y a un
développement de l'aide multilatérale, c'est-à-dire de
l'Agence de coopération culturelle et technique qui était, l'an
dernier, de $10,000 et qui passe, cette année, à $177,500.
M. MORIN: Vous avez déjà mentionné ce montant.
Est-ce tout?
M. LEVESQUE: II y a une diversification, comme je l'ai mentionné,
de la coopération en dehors de la France, de l'Afrique et des agences de
coopération. L'an dernier, cela se situait à $298,100. Cette
année, nous passons à $769,900. Ce montant de $769,900 se
subdivise comme suit: l'Allemagne, $73,000; la Belgique, $102,000 et
l'Angleterre, $122,700.
M. MORIN: Pour vos maisons.
M. LEVESQUE: Non, cela n'a rien à voir avec les maisons. Ce sont
les programmes de coopération.
M. MORIN: Très bien.
M. LEVESQUE: Je continue: le Liban, $141,000; l'Italie, $45,000; les
Etats-Unis d'Amérique, $151,200; l'Espagne, $25,000 et les autres pays
$115,000 pour un total de $769,900. Une grande partie de ces sommes
affectées à la coopération internationale ont pour but de
rentabiliser davantage les maisons du Québec à l'étranger.
Il y a, de plus, un accroissement de la coopération économique
comme telle qui passe de $520,000 à $732,600. Cette somme de $732,600
étant affectée comme suit: la France, $533,100; l'Allemagne,
$27,000; l'Angleterre, $28,000; l'Italie, $24,800; la Belgique, $32,200; la
Scandinavie, $44,500; les Etats-Unis, $36,500 et les autres $6,500.
Je crois que nous avons là, en termes budgétaires, une
situation qui indique qu'il y a un accent nouveau de mis sur la
coopération internationale, une plus grande diversification de la
coopération, et lorsque je parlais d'élargissement de la
coopération, c'est ce que je voulais dire. Cela se traduit en termes
budgétaires. Ce ne sont pas seulement des mots. J'ai mentionné
également que nous allions profité de la présence de
l'ACDI et du budget de l'ACDI pour nous inscrire dans les actions de l'ACDI,
mais chaque fois que nous le faisons, nous le faisons après une entente
avec l'ACDI. Nous prenons, autant que possible, la maîtrise d'oeuvre de
certains programmes, et autrement dit, les sommes que nous utilisons à
ce moment s'ajoutent présentement aux sommes que je viens de mentionner,
parce qu'il y a là un effet multiplicateur assez extraordinaire. C'est
qu'à même des sommes relativement modestes, nous
réussissons et nous croyons réussir à avoir davantage une
présence dans le développement international. D'ailleurs, les
projets qui font l'objet d'ententes avec l'ACDI présentement sont des
projets dont nous avons eu nous-mêmes l'initiative et que nous avons
négociés avec l'ACDI. Nous utilisons là-dedans, en plus de
ceci, des sommes de l'ACDI qui sont à notre disposition.
M. MORIN: Dans le cas de l'ACDI donc, M. le ministre, quand vous parlez
d'une augmentation de $469,000 à $833,000, ce sont des sommes...
M. LEVESQUE: Québécoises.
M. MORIN: Que vous consacrez à ces programmes comment dire
conjoints avec l'ACDI.
M. LEVESQUE: Malgré qu'il y ait un remboursement, à ce
moment, du côté du fédéral de l'ordre de je
vais faire des mathématiques 115 p.c.
M. MORIN: Ce sont les 15 p.c. de frais d'administration.
M. LEVESQUE: C'est parce que nous gérons le programme, c'est
l'administration.
M. MORIN: Cela existe dans les universités.
M. LEVESQUE: Cela existe dans les commandites. Le chef de l'Opposition
est bien au courant de cela. D'accord!
M. MORIN: M. le ministre, dois-je comprendre que cet argent que vous
dépensez dans le cadre de l'ACDI vous est remboursé? C'est bien
cela que cela veut dire? Intégralement en quelque sorte? Autrement dit,
en réalité, c'est une contribution fédérale.
M. LEVESQUE: C'est public. C'est dans les crédits.
C'est ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de l'utilisation de
fonds fédéraux. Nous définissons le programme et nous
avons une récupération.
M. MORIN: Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer comment ces
programmes sont élaborés? Est-ce que l'initiative vient
directement du pays étranger, vient-elle de l'ACDI ou vient-elle des
cerveaux féconds de votre ministère?
M. LEVESQUE: Merci. En général, il s'agit de missions
québécoises qui vont sur place, qui font l'exploration d'une
situation donnée, qui reviennent ici et qui participent à
l'élaboration d'un programme. Lorsqu'on sent que cela correspond
à un besoin réel dans le pays et que cela correspond aux
objectifs du Québec et si, à un certain moment, il nous manque
des ressources, il est possible pour nous de nous retourner vers l'ACDI et de
lui proposer ce programme et, lorsqu'il est accepté par l'ACDI, il ne
nous reste qu'à l'exécuter et à réclamer le
remboursement.
M. MORIN: Cela doit entrer dans le cadre des politiques
générales de l'ACDI. Pour être approuvé par l'ACDI,
il faut que cela corresponde à sa politique, n'est-ce pas?
M. LEVESQUE: Evidemment, il serait assez difficile pour nous de faire
accepter un projet dans un pays qui est persona non grata, ou qui n'est pas
admissible aux fonds de l'ACDI.
M. MORIN: Y a-t-il eu des projets québécois qui n'aient
pas été considérés comme admissibles par
l'ACDI?
M. LEVESQUE: Non, parce que je pense bien que nos gens savent
passablement lesquels le seront et lesquels ne le seront pas, de sorte que nous
n'avons pas eu de refus.
M. MORIN: C'est comme les programmes d'Initiatives locales.
M. LEVESQUE: Pardon?
M. MORIN: Rien.
M. LEVESQUE: Non, mais c'est que je ne voudrais pas que quelque chose
soit enregistré au journal des Débats...
LE PRESIDENT (M. Picard): De toute façon, c'est
antiréglementaire.
M. LEVESQUE: M. le Président, je respecte votre
autorité.
M. MORIN: C'est la première fois que vous me dites cela, M. le
Président. Je pense que vous allez me donner des complexes. En ce qui
concerne toujours l'ACDI, en dehors des montants qui vous sont
remboursés, au Québec, est-ce que l'ACDI ajoute aussi une
contribution de sa propre part, en sus de ce qui vous est remboursé, ou
si on se contente de vous rembourser vos dépenses, le côut du
programme?
M. LEVESQUE: La seule remarque que je pourrais ajouter, après
avoir répondu dans la négative, c'est que ces actions peuvent
déclencher quelque chose qui puisse amener l'ACDI à faire des
dépenses additionnelles. A strictement parler, la réponse serait
non. Il n'y a pas d'autres sommes dont nous disposons.
M. MORIN: Quand vous proposez un programme, est-ce que l'ACDI le scrute
ou bien si vous avez carte blanche?
M. LEVESQUE: J'imagine qu'on l'examine sérieusement,
conjointement d'ailleurs.
M. MORIN: Votre bureau ne fait pas appeler dans les comtés pour
savoir quelle est l'allégeance?
M. LEVESQUE: Je n'avais pas cela du tout à l'esprit.
M. MORIN: Moi non plus. D'ailleurs, je suis hors du sujet, M. le
Président.
M. LEVESQUE: Je veux que le chef de l'Opposition soit bien à
l'aise, parce que ces programmes sont à 99.9 p.c. préparés
par nos services, par les fonctionnaires du ministère. Je n'ai pas
l'habitude... Vous m'inspirez, vous!
M. MORIN: Vous avez du travail. M. le Président, est-ce que je
pourrais demander au ministre si l'ACDI prend l'initiative quelquefois de vous
inviter à remplir tel programme?
M. LEVESQUE: Oui, parce qu'il y a des rapports constants, d'ailleurs
fort cordiaux, entre les fonctionnaires, d'une part comme de l'autre.
M. MORIN: Oui. Cordiaux, vous ne charriez pas un peu, M. le ministre?
Vous voulez dire, comment dire, harmonieux.
M. LEVESQUE: On me donne des mauvais
conseils quelquefois, vous savez! Ce n'est pas toujours le "fun"! Pour
revenir à ce qu'on avait dit précédemment...
M. MORIN: Quand l'ACDI prend l'initiative d'un programme, cela peut
représenter quel pourcentage des $833,000? Quel pourcentage est
d'initiatives québécoises et quel pourcentage est d'initiatives
fédérales?
M. LEVESQUE: Ce sont pratiquement toutes des initiatives
québécoises?
Il y a le programme Derro-Tetouan et on ne se rappelle pas au juste
comment il avait commencé en 1969. Personne de nous n'y était
à ce moment-là. Depuis ce temps, c'est généralement
de l'initiative québécoise.
M. MORIN: Quand vous dites que le Québec a la maîtrise
d'oeuvre, vous entendez cela dans le sens technique, c'est-à-dire que,
sur place, ce sont des Québécois qui sont maîtres des
chantiers s'il s'agit de coopération technique, comme dans le projet du
Niger, par exemple.
M. LEVESQUE: Vous voulez parler de celui du Maroc?
M. MORIN: Non. Du Niger. C'est un petit peu plus au sud.
M. LEVESQUE: Est-ce que vous voulez parler de la route de
l'amitié.
M. MORIN: Non. Le fleuve Niger. L'aménagement...
M. BOSSE: La voie maritime. Une voie d'eau.
M. LEVESQUE: On me dit que l'exemple n'est pas bon. Cela me fait de la
peine de vous dire cela parce que je n'aime pas vous contredire. Mais
là, je suis en train de vérifier jusqu'à quel point vous
pouvez avoir raison.
M. MORIN: Faites-le. Prenez tout le temps.
M. LEVESQUE: On va travailler avec vous. C'est l'ACDI. .Même s'il
y a des Québécois à l'intérieur, c'est l'ACDI qui
fait ce travail au Niger. Il n'y a pas d'entente avec le Québec. Alors
ce n'est pas un exemple de ce que nous retrouvons dans le budget actuel, mais
il peut y avoir des Québécois dans des programmes de l'ACDI et ce
ne sont pas des fonctionnaires.
M. MORIN: Je m'attendais à la réponse.
M. LEVESQUE: Tant mieux. Je ne voulais pas vous contredire.
M. MORIN: C'est qu'effectivement, il y a passablement de programmes de
l'ACDI qui ne sont pas québécois, où des
Québécois font le travail, mais qui ne sont pas
québécois. Ce sont des programmes strictement
fédéraux.
M. LEVESQUE: D'accord!
M. MORIN : II y en a même plusieurs.
M. LEVESQUE: Justement, la nouvelle approche nous permet... C'est pour
cela qu'il y avait des Québécois, il y a encore des
Québécois dans les programmes de l'ACDI, mais nous croyons
avantageux de prendre la maîtrise d'oeuvre de certains de ces projets.
Cela ne veut pas dire qu'avant cela il n'y avait pas de Québécois
dans ces projets, mais au moins nous utilisons des projets que nous concevons,
nous pouvons les mettre en oeuvre et cela avec des fonds qui sont de
l'ACDI.
M. MORIN: Est-ce qu'il ne serait pas souhaitable que votre
ministère ait la responsabilité de tous les projets où des
Québécois assument la maîtrise d'oeuvre comme, par exemple,
le cas du Niger.
M. LEVESQUE: Cela ne veut pas dire qu'il y a seulement des
Québécois dans un projet. Vous avez des...
M. MORIN: II y en a où il n'y a que des
Québécois.
M. LEVESQUE: Oui. C'est là que s'inscrit notre action. On me dit
qu'on essaie d'insister dans la présentation des programmes pour ceux
qui impliquent des Québécois dans des institutions
québécoises. Mais lorsqu'il s'agit du secteur privé, cela
entre moins dans nos priorités, le projet que nous présentons et
que nous voulons utiliser à même les fonds de l'ACDI.
M. MORIN: Finalement, il n'y a pas tellement de projets de l'ACDI qui ne
sont pas exécutés, lorsqu'il s'agit de Québécois,
sans l'aide des universités ou des institutions techniques du
Québec et ça relève du ministère de l'Education et
donc de la compétence québécoise. Il se produit assez
fréquemment que l'ACDI vienne piger littéralement dans vos
ressources humaines au niveau des institutions d'enseignement ou dans les
institutions techniques pour des programmes strictement fédéraux.
C'est de ceux-là que je parle. Est-ce que ce ne serait pas
souhaitable...
M. LEVESQUE: Ceci nous permet justement, cette nouvelle action que nous
avons prise, d'essayer un peu de rationaliser tout ça et de tenir compte
des remarques que le chef de l'Opposition vient de faire.
M. MORIN: Si je comprends bien...
M. LEVESQUE: Ce sont toujours des firmes,
même québécoises, qui auront certains contrats
à même l'ACDI.
M. MORIN: Oui, les firmes privées, c'est encore autre chose. Si
on demande à une firme privée d'aller faire le cadastre au Maroc,
comme c'est le cas, il n'y a pas que des Québécois
nécessairement, mais lorsqu'on fait appel aux institutions
québécoises, subventionnées par le gouvernement, je pense
que ce ne serait pas mauvais que ce soit votre ministère qui
contrôle tout ça.
M. LEVESQUE: Mes fonctionnaires m'indiquent que c'est exactement dans le
sens que vous venez d'indiquer qu'on procède.
M. MORIN: C'est un de vos objectifs, autrement dit.
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: On peut peut-être passer à la coopération
économique, celle à laquelle vous allez consacrer $732,000 cette
année. Est-ce que vous pourriez donner quelques exemples de cette
coopération économique, disons un ou deux projets majeurs? Est-ce
qu'il existe une liste de ces projets, M. le ministre? Evidemment, vous n'avez
pas déposé le rapport de votre ministère depuis deux
ans.
M. LEVESQUE: J'ai répondu à cette objection d'une
façon très positive. Au contraire, nous allons déposer
deux rapports en même temps afin d'être en avant de tout le monde.
Au moins, j'espère qu'on va m'appuyer là-dessus parce que je ne
le rédigerai pas moi-même. Mais je les dis pendant que les hauts
fonctionnaires du ministère des Affaires intergouvernementales sont ici,
j'espère que qui a des oreilles pour entendre entende et que nous
puissions déposer les deux rapports, celui de 1972/73 et celui de
1973/74, dès novembre 1974.
M. MORIN: Vous avez bien compris, tout le monde, là?
M. LEVESQUE: Je l'espère bien.
LE PRESIDENT (M. Picard): C'est enregistré aussi.
M. LEVESQUE: C'est enregistré aussi. M. MORIN: L'Opposition y
compte aussi.
M. LEVESQUE: Je n'aime pas faire de promesse pour les autres. Mais je
compte sur la collaboration de tous pour pouvoir avoir cela. Ensuite, ce sera
beaucoup plus facile, lorsque nous aurons un rapport dans les six mois de la
fin de l'exercice financier. Je pense que ça aidera le gouvernement,
l'Opposition et tous ceux qui sont intéressés à suivre les
activités du ministère.
M. MORIN: Je suis sûr que plusieurs des questions que j'avais
à vous poser ce soir trouveront leur réponse dans ce rapport.
C'est pour ça que c'est peut-être un peu plus long sans le
rapport. Est-ce que vous avez publié une liste de vos programmes de
coopération économique? Est-ce que ça existe quelque
part?
M. LEVESQUE: Nous publions dans Québec International la plupart
de ces échanges.
M.MORIN: J'en vois passer quelques-uns de temps à autre, de
même que dans Québec en Bref, on en voit qui passent de ci de
là, mais une liste complète, est-ce que ça existe?
M. LEVESQUE: Nous l'avons à la direction du ministère.
Mais nous ne l'avons pas ici ce soir. Si le chef de l'Opposition veut en
prendre connaissance, je n'y ai aucune objection.
M. MORIN: Cela m'intéresserait. Du même coup, puisqu'on y
est...
M. LEVESQUE: On me dit, par exemple, que si c'est le titre des missions,
ça va, mais si c'est la liste des personnes qui y participent, ce sont
des milliers et des milliers de personnes. Le genre des missions.
M. MORIN: Le genre de missions.
M. LEVESQUE: Les secteurs d'intervention.
M. MORIN: Les objectifs, les secteurs.
M. LEVESQUE: Nous sommes prêts assez rapidement à fournir
cela à la commission.
M. MORIN: Tandis que vous y serez et que vous avez tant de
coopération autour de vous, pourriez-vous également faire
déposer les programmes africains, la liste, seulement les têtes de
liste?
M. LEVESQUE: D'accord.
M. MORIN: Pendant que vous y êtes aussi, l'aide que vous
fournissez...
M. LEVESQUE: Vous voulez aussi une "shopping list"?
M. MORIN: Si j'avais un rapport ou encore... M. LEVESQUE:
J'écoute ce que vous dites.
M. MORIN: ... votre bilan, on aurait pu couper le temps de
moitié, j'en suis sûr.
M. LEVESQUE: Ce n'est pas dans le bilan des affaires
fédérales-provinciales.
M. MORIN: Je sais, on pourrait dire la même chose pour les
affaires fédérales-provinciales. Je suis sûr que cela
aurait été plus court.
Je sais que le ministre a bien d'autres chats à fouetter. Je suis
navré de la garder sur le gril si longtemps. Pendant que vous y
êtes...
M. LEVESQUE: II faudrait que le chef de l'Opposition se console en
pensant que ce n'est pas simplement négatif l'expérience que je
vis depuis trois jours avec lui; au contraire, je trouve qu'il y a beaucoup de
choses qui m'ont forcé à m'intéresser à tel et tel
point. Au contraire, j'apprécie cette expérience d'une
façon particulière.
M. MORIN: Tant mieux, cela veut dire que, l'année prochaine, cela
sera une expérience plus intéressante encore, puisque vous
connaîtrez les dossiers cette fois. Cela sera très bien.
M. LEVESQUE: Mais il ne faut pas être injuste pour ceux qui sont
ici pour la première fois et ceux qui n'ouvrent qu'une page du journal
des Débats, parce que je me rappelle que le chef de l'Opposition, au
cours de ces débats, a soulevé, au contraire, plusieurs questions
en s'étonnant de voir comment je connaissais le dossier.
M. MORIN: Oui, il y a eu un ou deux dossiers.
M. LEVESQUE: Alors, ceci est seulement pour le journal des
Débats.
M. MORIN: Pour le journal des Débats, M. le Président, et
pour faire plaisir au ministre, je suis prêt à m'étonner
publiquement des connaissances qu'il a de quelques dossiers.
M. LEVESQUE: Je ne peux pas tous les connaître, parce que, vous
savez, vous ayez fait le tour de presque toutes les activités du
gouvernement québécois.
M. MORIN: Non, pas encore. Je n'ai pas tout à fait
terminé. M. le ministre, je voudrais vous poser une question et
peut-être pourriez-vous très rapidement, en deux phrases, me
donner une idée des missions de type économique pour lesquelles
vous allez dépenser plus de $700,000 cette année.
M. LEVESQUE: Nous allons vous remettre la liste.
M. MORIN: La liste tout simplement. Pour les fins du journal des
Débats, en deux mots. Un résumé.
M. LEVESQUE: Disons, en général, deux principaux types
d'intervention. La première avec la France, qui touche plutôt les
petites et moyennes entreprises, et, deuxièmement, les besoins
manifestés par les ministères, particulièrement à
vocation économique, avec les autres pays. On parlait, par exemple,
d'une mission des fonctionnaires du ministère de l'Agriculture en
Italie...
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: ... relativement à l'élevage.
M. MORIN: Oui. Est-ce qu'il y a aussi quelques missions qui sont
consacrées à la recherche de marchés ou bien...
M. LEVESQUE: Du tout.
M. MORIN: ... si cela ne relève pas plutôt de l'Industrie
et du Commerce?
M. LEVESQUE: C'est en effet le ministère de l'Industrie et du
Commerce, par son service international, qui est sous la direction de M.
Chatel, qui s'occupe particulièrement de ce domaine.
M. MORIN: Alors, vos $700,000, ce n'est pas de l'argent consacré
à la prospection des marchés?
M. LEVESQUE: J'étais distrait. M. MORIN: Non, non, je...
M. LEVESQUE: Parce que le sous-ministre a, comme illustration de la
coopération économique, et il s'en sert quelquefois, la
poule-vedette. Apparemment, la poule-vedette, qui nous vient de France,
consomme neuf kilos de moins de grain par année, mais pond combien
d'oeufs?
M. MORIN: Je croyais que c'était une vedette de
cinéma.
M. LEVESQUE: Mais qui pond trois semaines de plus par année.
C'est une importation apparemment, c'est une activité dans la
coopération économique qui a été favorable et
apparemment, nous avons importé des cargaisons de coqs et de poules de
ce genre.
M. MORIN: Je suis heureux de féliciter le ministre, une fois de
plus.
M. LEVESQUE: Je me permets de m'excuser auprès du chef de
l'Opposition de lui avoir donné, peut-être, d'autres idées
et de ne pas avoir livré la marchandise.
M. MORIN: M. le ministre, si nous revenions maintenant à nos
moutons, après cet intervalle "poulaillesque". Est-ce que je pourrais
commencer à discuter des rapports entre la France et le Québec?
C'est un autre chapitre des relations internationales dont votre
ministère a l'initiative. La grande caractéristique de ces
échanges, c'est d'être institutionnalisés et dans
le fatras des relations internationales que nous avons examinées
depuis cet après-midi, ce n'est pas peu de chose que d'avoir enfin un
secteur qui soit institutionnalisé.
Elles peuvent donc survivre aux changements de gouvernement, aux
changements de tempérament au sein d'un même gouvernement et au
climat politique.
A l'heure actuelle, même si je ne peux pas cacher au ministre que
j'ai l'impression que le coeur semble y être peut-être un peu moins
à ces échanges franco-québécois, ils ont au moins
le mérite de perdurer, de continuer. Au cours des années,
l'orientation générale des échanges a varié. Au
début, on s'intéressait surtout â l'éducation, puis
à la culture. Je parle des années héroïques 1963,1964
et 1965.
Sous l'Union Nationale, on a multiplié les domaines. On s'est
intéressé à la jeunesse, aux loisirs. On a étendu
quelque peu la sphère d'intérêt de ces échanges.
Ensuite, pendant quelque temps, au début du régime
Bourassa, on a semblé vouloir s'intéresser aux aspects
économiques. Il semble qu'à l'heure actuelle, on soit en retrait
sur le plan économique et on revient aux matières culturelles.
Depuis quelques mois en tout cas, c'est une impression d'honnête
homme qui lit les journaux et qui cherche à savoir un peu ce qui se
passe on a l'impression qu'on revient aux questions culturelles dans le
cadre de ce que vous appelez pompeusement la souveraineté
culturelle.
La première question que j'aurais à poser au ministre est
la suivante: Est-ce que vous pourriez nous dire, dans l'état actuel des
choses, quelles sont les grandes orientations de la coopération du
Québec avec la France? Sur quoi mettez-vous l'accent?
M. LEVESQUE: D'abord, vous avez semblé, en posant votre question,
y répondre en même temps. Vous voulez que je confirme ou que
j'infirme votre impression?
M. MORIN : Oui. Ce sont des impressions générales, des
impressions photographiques, si vous voulez.
M. LEVESQUE: Comme toujours, le secteur de l'éducation demeure
quantitativement le plus important, le deuxième étant la
coopération technique et le troisième, la coopération
culturelle au sens strict. Mais il me semble que j'avais mentionné, dans
mes notes d'ouverture...
M. MORIN: Vous y avez fait allusion.
M. LEVESQUE: ... ce que je croyais être une réponse,
justement, à la question du chef de l'Opposition. Je parlais des accords
franco-québécois et, par la suite... C'est ainsi que, cette
année, des domaines comme ceux des affaires sociales, des richesses
naturelles, de l'agriculture, de la justice et des terres et forêts
feront l'objet d'échanges plus nombreux et mieux articulés.
D'autre part, nous comptons et c'est là-dessus que je
voulais insister...
M. MORIN: C'est la coopération technique.
M. LEVESQUE: ... bien préparer, en vue de la commission
permanente décisionnelle de novembre, une programmation qui tiendra
compte, d'abord et avant tout, de la préoccupation du gouvernement en
matière linguistique. C'est peut-être à cause de cette
phrase que le chef de l'Opposition, et peut-être pour d'autres indices
qu'il a mentionnés...
M. MORIN: Aussi, pour d'autres indices.
M. LEVESQUE: ... qu'il vient de nous dire ce qu'il a dit.
C'est vrai que, dans le contexte actuel, il faut attacher de
l'importance particulièrement à cette préoccupation du
gouvernement en matière linguistique, mais il n'en demeure pas moins
que, sur la coopération économique comme telle, nous avons
mentionné, il y a quelques instants, que nous avons augmenté nos
crédits.
Les chiffres sont pour la coopération internationale, un total de
$4,567,300.
M. MORIN: Vous l'avez dit, cela.
M. LEVESQUE: ... à l'intérieur de cela, dans le domaine de
l'éducation, $1,876,100, dont $1,358,700 pour la France; du
côté culturel, $330,500, dont $181,500 en France; du
côté social, $209,900, dont $159,900 avec la France, et les
autres: économique, technique, scientifique, $2,150,800, dont
$470,200.
M. MORIN: Bon! Est-ce que je peux vous poser une question plus
précise. La coopération strictement scientifique, c'est
combien?
M. LEVESQUE: Avec la France, nous avons ici, dans la recherche
scientifique, $100,000.
M. MORIN: C'est tout?
M. LEVESQUE: C'est tout. Avec la France.
M. MORIN: Oui, avec la France, Un montant de $100,000?
M. LEVESQUE: Oui, $100,000 pour les activités de
coopération.
M. MORIN: Vous ne devez pas avoir un bien grand nombre de projets de
recherche avec un montant comme celui-là.
M. LEVESQUE: Evidemment, la France fournit $100,000 également.
Cela fait $200,000.
M. MORIN : Est-ce que le ministre peut nous dire, en gros, à quoi
ressemble la coopération scientifique en ce moment?
M. LEVESQUE: On me fait remarquer que le gros du budget est dans
l'éducation, parce que ceci ne concerne, au niveau universitaire, que
les frais de programmation, tandis que les activités proprement dites
sont prises à même le budget des universités.
M. MORIN : Ah oui ! Je vois. De même qu'il y aurait au budget
d'Hydro-Québec un montant qui serait destiné à la
coopération scientifique.
M. LEVESQUE: C'est cela.
M. MORIN: Vous ne pouvez pas nous donner une vue d'ensemble. Quand vous
dites la programmation, vous voulez dire l'organisation. Vous voulez dire
l'administration en quelque sorte.
M. LEVESQUE: Le montant de $100,000 qui est doublé par la
contribution de la France par un autre $100,000, est ce qui n'est pas
échange universitaire. Il faudrait peut-être essayer de trouver,
du côté de l'éducation... Nous n'avons pas ici la
réponse, mais on peut l'avoir assez facilement.
M. MORIN: Voulez-vous ajouter cela aux détails pour demain matin,
les programmes de coopération strictement scientifique, parce ce que je
soupçonne que la liste va être courte.
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Très courte. M. le ministre, si je peux me permettre
une observation. Ce n'est pas normal...
M. LEVESQUE: On me souligne que c'est assez difficile à
identifier. Si on envoie, par exemple, des professeurs de science ou si on
échange des professeurs de science, ce n'est pas nécessairement
sous le titre de recherche scientifique que nous allons les retrouver dans le
budget. C'est cela qui est difficile à identifier à même le
budget global.
M. MORIN: Les programmes d'Hydro-Québec, les programmes de
recherche sur la transmission de l'électricité à haute
tension et tout cela mis à part, est-ce que vous pourriez nous
décrire un ou deux programmes de recherche scientifique
franco-québécoise en laboratoire?
M. LEVESQUE: II y en a un entre l'Université de Montréal
et l'Université de Strasbourg, sur les générateurs
nucléaires.
M. MORIN: Oui. C'est un nommé René Lévesque, je
crois, qui en est le responsable.
M. LEVESQUE: Ne me dites pas! Ce n'est pas le même.
M. MORIN: II y en a plusieurs. M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Tous de grande valeur. Mais c'est tout?
M. LEVESQUE: Vous m'avez demandé un exemple. Je peux aller en
chercher un autre.
M. MORIN: Est-ce que vous pourriez peut-être essayer de dresser
une liste? Ce serait utile pour vos propres dossiers d'avoir une idée de
ce qui se fait.
M. LEVESQUE: Nous les avons dans nos propres dossiers.
M. MORIN: Vous les avez? Bon! J'ai nettement l'impression, en tout cas,
que du côté de la coopération scientifique, il ne se fait
pas ce qui pourrait se faire. J'ai l'impression que les Français
eux-mêmes souhaiteraient que cette coopération soit plus
poussée. Ils ont énormément de choses qu'ils pourraient
apporter, et il y a aussi des choses qu'ils pourraient trouver ici sur le plan
scientifique. J'ai l'impression que cela n'a pas été assez
exploré, M. le ministre, pas suffisamment exploré encore.
M. LEVESQUE: Je le souligne pour y référer et me
documenter sur le sujet. Je sais qu'ici, au Québec, nous sommes
particulièrement préoccupés par la question de la
recherche scientifique et il y a un comité sur pied, comme le chef de
l'Opposition le sait, et il y a plus d'activités et de
préoccupations que jamais dans ce domaine quant au gouvernement du
Québec.
M. MORIN: Je vous signale, sur la question, un très bon article
paru dans le Soleil, qui n'est pas une fuite celui-là, le 23 avril 1974,
et qui est signé de Gilbert Athot sur les relations
France-Québec, sur l'aspect scientifique. Vous allez trouver
passablement de renseignements qui vont vous être utiles.
Je vous signalais un article, comme point de départ, à vos
réflexions et à vos recherches. Il y a une petite synthèse
excellente de Gilbert Athot dans le Soleil du 23 avril 1974.
M. LEVESQUE: Ah bon! Vous êtes abonné au Soleil.
M. MORIN: Comme les services le sont. Les vôtres ne le sont pas,
M. le ministre?
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Vous n'avez pas un bon système de coupures...
M. LEVESQUE: Ah oui! très bien, mais je n'ai pas apporté
tout le ministère. J'ai emmené la matière grise, mais pas
toute la matière.
M. MORIN: En juin 1973, le Québec a proposé à la
France de nouveaux programmes portant sur la langue française. C'est
à cela, je pense, que vous faisiez allusion il y a un instant. Un
réseau, par exemple, d'études de néologistes. On a aussi
proposé à la France des échanges culturels, notamment...
Je sais que le ministre n'a que trois oreilles et je ne voudrais pas parler
pendant que d'autres lui parlent.
M. LEVESQUE: Allez-y!
M. MORIN: Non, mais si le ministre veut consulter ses adjoints, je peux
attendre.
M. LEVESQUE: Nous allons entendre ce que vous avez à dire.
M. MORIN: Bien.
M. LEVESQUE: Nous avions cru deviner.
M. MORIN: En juin 1973...
M. LEVESQUE: Au cas où nous nous serions trompés, nous
allons attendre.
M. MORIN: ... le Québec a proposé à la France une
série de programmes d'ordre linguistique, culturel, notamment un
rapprochement des centres culturels. Il a proposé également des
programmes dans le domaine de l'artisanat, des métiers d'art. On a
parlé aussi d'un banc d'essai pour jeunes auteurs dramatiques. On a
parlé de programmes dans le domaine de l'audio-visuel et puis, depuis
lors, on n'a plus entendu un mot de tout cela. On n'a plus entendu parler de
tout cela. Cela va faire un an. Qu'est-il advenu de ces propositions? Je peux
dire au ministre qu'après avoir pris connaissance des décisions
prises en mars 1974, lors de la réunion qui a eu lieu à ce
moment, on ne retrouve pas trace de ces propositions québécoises.
Qu'en est-il advenu?
M. LEVESQUE: Vous dites mars 1974? M. MORIN: Oui, mars 1974.
M. LEVESQUE: De quelle réunion s'agissait-il à ce
moment?
M. MORIN: C'était une réunion dans le cadre de la
coopération France-Québec, il me semble.
M. LEVESQUE: C'est soit novembre ou mai ou juin.
M. MORIN: Je vais essayer de retrouver le compte rendu, mais qu'est-il
advenu... Est-ce que j'ai raison de dire que le Québec a proposé
ces programmes à la France?
M. LEVESQUE: C'était en novembre 1973 parce qu'il...
M. MORIN: Nos dates ne coincident pas encore. J'avais juin
là-dessus. Peu importe. Allons-y pour novembre.
M. LEVESQUE: Je vais essayer de vous donner raison. Cela a
été évoqué en juin 1973, mais
précisément et actuellement, cela a été
proposé comme programmes en novembre 1973, lors de la réunion de
la commission permanente, cela a...
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: ... pris une forme décisionnelle à ce moment.
C'était un programme qui comportait un échange de linguistes.
Le programme a démarré, mais il a démarré
lentement, effectivement.
M. MORIN: Très lentement.
M. LEVESQUE: Sur une quinzaine de missions envisagées, nous en
avons environ cinq qui se réalisent.
M. MORIN: Les centres culturels? M. LEVESQUE: Les centres culturels.
M. MORIN: Oui, le Québec avait proposé. M. Brière
va vous dire cela.
M. LEVESQUE: M. Brière est justement à ces réunions
de la commission permanente, depuis peu à part cela. Une mission est
partie, il y a deux semaines, et le programme s'exécute
présentement de façon normale.
M. MORIN: Je suis heureux de féliciter le ministre. Maintenant,
l'artisanat et les métiers d'art, où en est-ce cela?
M. LEVESQUE: Pour des raisons techniques, c'est l'ACDI qui a pris en
main ce programme.
M. MORIN: Bon. Autrement dit...
M. LEVESQUE: Cela devrait se dérouler normalement, mais pas dans
les cadres prévus.
M. MORIN: Autrement dit, les propositions du Québec de juin 1973
ont pris forme et la France les a acceptées. Il semble que les
programmes...
M. LEVESQUE: L'acceptation date de novembre 1973.
M. MORIN: Très bien. Si nous disions quelques mots des
échanges d'enseignants maintenant. J'ai vu quelque part qu'on a
mentionné le chiffre de 500 pour l'année qui vient, 250 dans les
deux sens. Est-ce que cette prévision est exacte?
M. LEVESQUE: C'est exact. Un peu moins, mais c'est dans l'ordre de
grandeur mentionné par le chef de l'Opposition.
M. MORIN: II semble, d'après un compte rendu qui a
été fait dans un journal montréalais, en avril de cette
année, que le principal problème des enseignants
québécois en France semble être...
M. LEVESQUE: C'est Mlle Lysiane Gagnon qui a écrit cela?
M. MORIN: Oui. Il semble être relié au problème
linguistique. Il arrive, semble-t-il, que les élèves en France
maîtrisent mieux la langue que les enseignants que nous envoyons, dans
certains cas du moins. Est-ce que votre ministère s'est penché
sur ce petit problème et est-ce qu'il a l'intention de trouver des
solutions?
M. LEVESQUE: C'est un problème de sélection de jeunes
maîtres qui relève uniquement du ministère de l'Education.
Je pense que nous sommes devant le contenu à ce moment-ci.
M. MORIN: Votre ministère n'a pas eu à se mêler de
cette question, autrement dit?
M. LEVESQUE: Non.
M. MORIN: Est-ce qu'il y a eu d'autres problèmes avec ces
échanges au cours de l'année écoulée?
M. LEVESQUE: Je n'en suis pas informé. Après consultation
avec ceux qui sont autour de moi, je... Un instant, on va peut-être
trouver un problème. Si vous cherchez des problèmes, on va
peut-être en trouver. Peut-être une question d'allocations, c'est
quelque chose qui n'a rien à voir avec le programme, mais certaines
conditions de travail, comme n'importe qui, comme tout le monde, comme tous les
citoyens du Québec. Tous les citoyens du monde aiment à
améliorer ses conditions ou les allocations de voyage, de séjour,
etc.
M. MORIN: Est-ce que votre ministère a été
amené à discuter de ces questions?
M. LEVESQUE: Le ministère de l'Education, oui.
M. MORIN: Le ministère de l'Education? M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Bon. Je n'insisterai pas sur cette question. Un autre sujet
qui a fait couler passablement d'encre, ce sont les expositions. La mode est
aux expositions québécoises en France depuis quelque temps. Je
pense à l'exposition "Le Québec en bref" qui est une exposition
itinérante et qui, semble-t-il, a rapporté passablement de
succès.
Cependant, on remarque une chose dont j'ai été
témoin d'ailleurs moi-même, M. le ministre. Au fur et à
mesure que les expositions québécoises ont du succès, cela
semble susciter un regain d'intérêt de la part d'Ottawa qui se met
à entrer en concurrence avec vous et à essayer de faire plus
d'expositions que vous et de plus grosses expositions que les vôtres.
Est-ce une simple impression que j'ai pu avoir en passant...
M. LEVESQUE: J'ai répondu à cela encore devant
l'Association de la presse diplomatique en France en parlant du
fédéralisme comme étant un système qui crée
de la stimulation entre les gouvernements participants, une saine
émulation.
M. MORIN: Une saine émulation en sorte que le gouvernement
fédéral qui n'avait jamais rien fait du côté
français se découvre tout à coup une mission
d'éclairer les Français sur le Canada et le Québec en
particulier. Vous ne pouvez plus être nulle part en France sans qu'il y
ait un kiosque canadien trois fois plus gros à côté du
vôtre.
M. LEVESQUE: Est-ce qu'on pourrait conclure que le fédéral
est à la remorque du Québec?
M. MORIN: Je suis heureux de vous l'entendre dire. Mais est-ce que votre
ministère a discuté de cette concurrence qui par moment est
gênante pour les Québécois à l'étranger? J'ai
moi-même recueilli, M. le ministre, des impressions de
Québécois que vous aviez envoyés ou que les
ministères québécois avaient envoyés en France pour
organiser tel salon du livre ou en tout cas pour participer à tel selon
du livre, telle exposition et qui s'arrachaient les cheveux parce qu'à
30 mètres de là il y avait une exposition canadienne quatre fois
plus grosse qui tentait d'absorber toute l'attention. Est-ce que vous en avez
discuté avec vos "monologues" fédéraux?
M. LEVESQUE: Ce n'est pas la première fois que cela arrive. Si on
s'en rapporte même aux grandes expositions internationales, comme Osaka,
c'est évident que nous étions présents...
M. MORIN: Je ne parle pas de cela.
M. LEVESQUE: Je veux dire un peu partout. Vous parlez des expositions.
Je parle des grandes expositions internationales où le Canada est
présent, mais également le Québec et même d'autres
provinces canadiennes étaient présentes. J'ai participé
à certaines expositions même lorsque j'étais ministre de
l'Industrie et du Commerce et il y avait la présence du Canada, mais il
y avait la présence également du Québec et quelques fois
d'autres provinces canadiennes. Quelquefois, malgré nos moyens, ou
malgré les budgets que nous avions, qui étaient peut-être
moindres que ceux du Canada,
nous avons réussi à attirer plus l'attention que les
exposants canadiens par l'originalité ou la qualité etc. C'est un
stimulant. Je ne nie pas qu'il y a des avantages et des désavantages
dans cette situation, mais je crois que les avantages sont justement que cela
crée un stimulant même pour nos gens et même pour ceux du
gouvernement canadien.
M. MORIN: Je pense que vous devriez parler à vos gens qui sont de
retour de ces expositions. Ce n'est pas l'impression qu'ils donnent lorsqu'ils
sont à l'étranger.
M. LEVESQUE: II y a plusieurs expositions, il y en a...
M. MORIN: Je ne parle pas d'Osaka, je parle en France.
M. LEVESQUE: Non, je sais.
M. MORIN: Je cite Christopher Malone, jeudi le 7 mars 1974: "Les
responsables des services québécois de l'information ont à
compter avec les services fédéraux, notamment Information-Canada,
qui disposent de fonds pratiquement inépuisables et qui cherchent par
tous les moyens à imposer leur exposition Présence du Canada avec
beaucoup de succès d'ailleurs. Des municipalités qui
envisageaient d'organiser des semaines québécoises se retrouvent
le plus souvent avec des semaines canadiennes tant les offres des Canadiens
sont alléchantes, ajouté au fait que les municipalités ne
désirent souvent pas prendre parti dans les conflits canadiens".
Je ne suis pas sûr que ce soit toujours aussi positif que vous
l'indiquez.
M. LEVESQUE: Pensez-vous que j'ai le moyen d'arrêter le Canada
d'exposer à l'étranger? Premièrement.
M. MORIN: Est-ce que vous avez parlé de ce problème avec
les fédéraux?
M. LEVESQUE: Non.
M. MORIN: Pourquoi pas? Vous avez toujours dans...
M. LEVESQUE: Je n'ai pas jugé à propos d'en parler. Si
vous me dites que je dois aller à Ottawa et dire au gouvernement
canadien: N'exposez plus en France, vous allez exposer en Chine. On ne veut
plus vous voir en France. C'est cela que vous voulez que je dise?
M. MORIN: Non, ce n'est pas ça. Mais pour parler franc, M. le
ministre, parlez aux gens qui reviennent de ces missions et de ces expositions,
ils vont vous dire qu'ils ont les Canadiens dans les jambes partout. Il suffit
qu'il y ait un drapeau québécois qui se mette à flotter
quelque part dans une petite ville de France, le lendemain les
fédéraux arrivent avec leur drapeau et il faut qu'il flotte
aussi. Au salon de Nice, cela en était ridicule, ils ont
décidé de descendre tous les drapeaux parce que ni le
Québec, ni le Canada ne voulaient céder.
M. LEVESQUE: Vous voyez que le fédéral, encore une fois,
est à la remorque du Québec.
M. MORIN: Je ne suis pas sûr que ce soit une remorque plus grosse
que votre petit camion, et qu'elle finit par littéralement broyer...
M. LEVESQUE: Nous créons une stimulation pour tout le Canada.
Nous sommes à l'avant-garde.
M. MORIN: M. le ministre.
M. LEVESQUE: Tout le monde s'inquiète de ce qu'on fait.
M. MORIN: Blague à part, je vous le dis, ce n'est pas une
question abstraite dont je vous parle, je l'ai vécu en France. Les
Québécois s'en plaignent constamment, ils ne peuvent pas bouger
sans avoir les Canadiens dans les pattes. Vous ne pourriez pas dire à
votre "monologue" fédéral: Ecoutez, est-ce qu'on ne pourrait pas
se mettre d'accord que quand on va à Caën vous irez je ne
sais pas moi au Havre; quand le Québec sera à
Angoulême, vous irez peut-être à Saumur, mais ne pas venir
vous braquer tout de suite partout où on va. C'est ça qui se
passe en réalité.
M. LEVESQUE: Ce qui va arriver l'an prochain, si on réussit
ça, vous allez revenir et vous allez dire: Le Canada est à tel
endroit, tel endroit, tel endroit et vous n'y étiez pas. Vous allez
faire ça, c'est évident.
M. MORIN: M. le ministre...
M. LEVESQUE: C'est ça que vous allez faire.
M. MORIN: M. le ministre, ce serait mieux que de voir le Canada
constamment venir essayer d'étouffer votre présence et de la
prendre à son compte et de vous mettre sous son aile, parce que c'est ce
qui se passe en réalité. C'est une "guéguerre" d'ailleurs
dont il a été question dans les journaux français, la
"guéguerre" des drapeaux.
M. LEVESQUE: Ne pensez pas réussir, si vous ne réussissez
pas le séparatisme au Canada, le séparatisme en France.
M. MORIN: Mais il n'est pas question de ça.
M. LEVESQUE: Vous voulez séparer complètement le Canada du
Québec en France, dans les expositions.
M. MORIN: Est-ce que votre délégation du Québec
à Paris n'est pas distincte de l'ambassade du Canada, M. le
ministre?
M. LEVESQUE: C'est vrai.
M. MORIN: Alors, pourquoi n'auriez-vous pas une présence
autonome?
M. LEVESQUE: On peut l'avoir autonome, mais on ne peut pas
empêcher le gouvernement fédéral de participer à des
expositions auxquelles nous participons. Mais, tout de même,
peut-être que je vais envoyer une copie du journal des Débats
à mon "monologue", comme vous dites, pour voir si cette suggestion ne
l'impressionnera pas.
M. MORIN: J'en doute. Il vaudrait mieux que le ministre prenne ses
responsabilités et lui en parle lui-même. S'ils voient ça
dans le journal des Débats, ils vont dire: Ce n'est rien que le chef de
l'Opposition qui a soulevé ça, tandis que si c'était le
ministre qui prenait ses responsabilités, on ne sait jamais, ils
pourraient peut-être être impressionnés.
M. LEVESQUE: Le gouvernement fédéral a beaucoup de respect
pour la restitution du chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: Oui, le leur. En somme, vous êtes satisfait de la
"guéguerre", M. le ministre, vous n'y voyez pas d'inconvénient
majeur?
M. LEVESQUE: C'est entendu que, lorsque nous sommes devant une
comparaison comme celle qui est dans l'esprit du chef de l'Opposition, qui peut
se créer par la proximité de deux kiosques qui font justement
telle ou telle comparaison, si on peut limiter, tant mieux.
M. MORIN: Vous aurez peut-être l'occasion d'en parler à qui
de droit. Il y aurait encore des choses à dire et je vois que le temps
passe, peut-être convient-il que nous terminions ce soir.
Je voudrais passer aux maisons du Québec. Vous en avez
déjà parlé à quelques reprises. Mais il serait
peut-être bon que nous entrions un peu dans les détails et je
promets au ministre que ce sont les dernières questions que j'ai
à lui poser. Après ça, on pourra passer à l'OPDQ.
Dans une série d'articles qui ont été publiés sur
les délégations du Québec en Europe, Claude Beauchamp a
fait ressortir ce qu'on pourrait appeler le bilan positif du travail qui a
été accompli par ces délégations. Là-dessus,
l'Opposition n'a certes pas de querelle avec le ministère des Affaires
intergouvernementales, mais il souligne également que ces
délégations se heurtent à des obstacles dans leur travail.
J'en mentionne quelques-uns que j'ai pu constater d'ailleurs, à
l'occasion, moi-même. Le manque d'autonomie budgétaire, le manque
de commu- nications avec Québec et les autres délégations,
le manque de statut diplomatique, dans certains cas.
Je ne parle pas de Paris, je ne parle pas de Londres, mais de Bruxelles,
par exemple. Il existe également, d'après le bilan de 19...
M. LEVESQUE: Voulez-vous répéter les trois points que vous
avez soulignés?
M. MORIN: Manque d'autonomie budgétaire, manque de communications
avec Québec et avec les autres délégations, et manque ou
absence, si vous préférez, de statut diplomatique. Et là,
je pense à la maison de Bruxelles qui n'a pas les mêmes avantages
que celle de Paris ou que celle de Londres.
De même, dans le bilan dont vous ne reconnaissez pas la
paternité, mais qui est le seul que nous ayons à notre
disposition, le bilan paru dans le Soleil, on soulignait une certaine lacune
dans la coordination des différents secteurs des maisons à
caractère multisectoriel. J'entends, par exemple, les maisons qui ne
s'occupent pas que de commerce.
M. LEVESQUE: Polyvalentes.
M. MORIN: Si vous voulez. Et ce flottement serait lié à la
définition des pouvoirs du chef de mission. Dans les maisons à
caractère unisecto-riel, ajoute-t-on, les liens avec le ministère
des Affaires intergouvernementales sont demeurés très flous, sont
toujours demeurés très flous, si je m'en tiens au texte du
bilan.
Alors, j'ai toute une série de questions qui me sont
suggérées par ce bilan, qui a fait l'objet d'une fuite. La
première est celle-ci: Pourquoi ne donne-t-on pas au
délégué général le pouvoir d'administrer son
budget lui-même, à l'intérieur d'une enveloppe globale,
à l'intérieur de limites, si vous préférez?
M. LEVESQUE: II y a une ventilation cette année, par maison, dans
notre budget et, deuxièmement, il y a une tendance, justement, vers une
plus grande autonomie de gestion.
M. MORIN: En faveur de...
M. LEVESQUE: Du délégué général.
M. MORIN: Du délégué général.
M. LEVESQUE: Ou du chef de poste.
M. MORIN: Ou du chef de poste. Et est-ce que cette tendance est
marquée? Est-ce que vous comptez donner une véritable latitude au
chef de poste?
M. LEVESQUE: Evidemment, avec la réserve des...
M. MORIN: Pas des trois chaînes, j'espère.
M. LEVESQUE: Avec cette réserve-ci: des règles de
l'administration financière du gouvernement.
M. MORIN: Oui.
M. LEVESQUE: Mais, pour autant que notre ministère est capable de
le faire, nous essayons de déléguer davantage. D'ailleurs,
à une réunion récente des délégués
généraux, ces choses ont été
précisées et cela ne fait que deux ou trois semaines de cela.
M. MORIN: Les délégués eux-mêmes vous en ont
parlé?
M. LEVESQUE: Nous avons même pris les devants. Probablement que
l'article en question avait été lu...
M. MORIN: C'est possible.
M. LEVESQUE: ... par d'autres.
M. MORIN: C'est possible aussi que l'article ait été
tiré de conversations avec...
M. LEVESQUE: Peut-être aussi.
M. MORIN: C'est possible, quoique je n'en aie aucune certitude. Pour ce
qui est du manque de communications...
M. LEVESQUE: L'article est de quelle date? L'article de M.
Beauchamp?
M. MORIN: L'article de M. Beauchamp, c'est une série.
C'était en août 1973, en août dernier. Le dernier est du 30
août.
M. LEVESQUE: Le deuxième article, c'était quelle date?
Vous avez parlé d'une deuxième source.
M. MORIN: J'ai parlé du bilan, de la fuite.
M. LEVESQUE: D'accord.
M. MORIN: Cela, vous le connaissez.
M. LEVESQUE: C'est mon sous-ministre qui m'a fait poser cette
question.
M. MORIN: C'était le 3 mai.
M. LEVESQUE: Je ne le reconnaissais pas, parce que ce n'est pas dans le
bilan, apparemment. Enfin!
M. MORIN: II va falloir que vous finissiez par le publier, M. le
ministre, pour qu'on puisse comparer et voir qui des deux dit la
vérité.
M. LEVESQUE: C'est-à-dire que j'essaie de dire la
vérité. Je m'arrange toujours... Cela fera bientôt 19 ans
que je suis ici et j'ai été assez chanceux avec la
vérité. On peut s'en tirer peut-être...
M. MORIN: Vous voulez dire qu'elle ne vous a jamais trahi ou que vous ne
l'avez jamais trahie?
M. LEVESQUE: J'ai toujours essayé d'être fidèle
à la vérité. Quand on essaie d'être fidèle
à la vérité, on n'a pas des soubresauts plus tard ou des
inquiétudes continuelles.
M. MORIN: Je félicite le ministre de cette moralité qui
l'honore. J'espère qu'en comparant ce qu'il a dit cette année et
ce que nous dirons l'année prochaine, nous pourrons vérifier une
fois de plus sa haute moralité.
Le manque de communication entre le Québec et les autres
délégations... Je m'excuse. Le manque de communication avec
Québec, d'abord, comment allez-vous y remédier?
M. LEVESQUE: Je dois dire que et je le confesse bien ouvertement
c'est vrai qu'il y a eu dans le passé des manques de
communication dont se plaignaient les gens à l'étranger. Nous
avons essayé et nous essayons encore cette année de corriger
cette lacune. Les gens à l'étranger, souvent, se sentent
très éloignés d'ailleurs, ils le sont souvent
et ils ont besoin d'avoir des communications avec la maison mère,
avec le ministère mais également avec les autres
ministères sectoriels.
M. MORIN: Quand on pense que les gens de Rouyn et de la Gaspésie
ont quelquefois l'impression d'habiter un pays étranger, on peut
imaginer ce que c'est quand on est rendu à Paris.
M. LEVESQUE: C'est cela. A faire le tour des maisons, comme j'ai eu
l'occasion de le faire depuis quelques années, j'ai toujours reçu
un peu cette impression qu'il manquait de communication assez rapide avec la
maison mère. Mais nous essayons de corriger cela. D'ailleurs, nous avons
institué une réunion annuelle instution-nalisée où
il y a cette réunion de tous les délégués
généraux et des chefs de missions, ensuite, des conseillers
sectoriels.
De plus, nous avons essayé de mieux équiper le
ministère lui-même et d'encourager les ministères
sectoriels à également être en mesure de répondre
aux demandes qui arrivent de nos maisons à l'étranger.
M. MORIN: Est-ce que vous êtes en mesure...
M. LEVESQUE: D'ailleurs, le nouveau sous-ministre à
l'administration commence à faire une tournée des maisons dans ce
but, dès cette semaine, en fin de semaine.
M. MORIN: MM. les députés, vous pourriez venir vous
asseoir et faire le quorum. Nous ne l'avons pas en ce moment.
M. MORIN: M. le Président, puis-je vous inviter à les
inviter à venir se joindre à nous.
LE PRESIDENT (M. Picard): Nous avons le quorum.
M. MORIN: Nous l'avons, parce que... Le député de
Rosemont, venez donc vous joindre à nous. On manque votre
personnalité rafraîchissante.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas d'ordre à recevoir du chef de
l'Opposition.
M. MORIN: Non, je l'invite.
M. LEVESQUE: II s'ennuie. Il essaie.
M. BOSSE: M. le Président, on avait quorum avant la remarque.
M. MORIN: Oui, tant mieux. D'un seul coup, le député de
Rosemont le double.
M. LEVESQUE: Le député d'Anjou... Un voisin.
M. BELLEMARE: Aussi stupide que cela puisse paraître, je n'ai pas
le droit de parole. Le député de Sauvé devrait le
savoir.
M. MORIN: Vous l'avez. M. le Président, je consens à ce
que le député de Rosemont participe au débat.
M. BELLEMARE: Vous êtes très gentil, je vous remercie.
M. MORIN: Bien. M. le ministre, est-ce que vous avez organisé,
à votre ministère, une rotation des fonctionnaires entre les
délégations à l'étranger et le
ministère?
M. LEVESQUE: Oui, nous attachons beaucoup d'importance à cela,
justement, pour le moral des gens du ministère, parce que je crois que,
de plus en plus, nous voudrions que les gens fassent carrière au
ministère, que le ministère comporte une présence à
l'étranger. Nous avons encore des exemples plus récents où
nous avons délégué des gens du ministère à
l'extérieur pour les ramener également.
M. MORIN: Pour les ramener aussi à se "ressourcer".
M. LEVESQUE: C'est cela. Ils ne peuvent passer tout leur temps à
l'étranger pour se "déquébécoitiser ".
Le journal des Débats va arranger cela.
M. MORIN: M. le ministre, c'est une politique plutôt
récente, celle-là, parce que jusqu'ici, il semble bien qu'on
tendait à s'incruster dans les délégations à
l'étranger. Est-ce que j'ai raison de dire cela?
M. LEVESQUE: Disons que, très récemment, nous avons
commencé à songer à des plans de carrière, et nous
ne voulons pas que ce qu'appréhende le chef de l'Opposition se produise.
J'attache beaucoup d'importance à ce mouvement, cette rotation qu'a
invoquée le chef de l'Opposition.
M. MORIN: Evidemment, le nombre de maisons à l'étranger,
au fur et à mesure qu'il va croissant, s'il croît...
M. LEVESQUE: II est évident que le nombre de maisons, tel qu'il
était il y a quelques années, ne nous permettait pas tellement de
rotation.
M. MORIN: C'est cela.
M. LEVESQUE: II ne nous permettait pas d'avoir suffisamment d'effectifs
qui pouvaient devenir mobiles, mais ces décisions assez récentes
quant à ces plans de carrière, doublées d'une
législation envisagée, ceci nous permet de croire que la
situation va s'améliorer dans le sens des remarques du chef de
l'Opposition.
M. MORIN: Bien! Passons maintenant au dernier obstacle qui a
été mentionné, ou à l'un des derniers obstacles qui
aient été mentionnés: Le manque de statut diplomatique,
à Bruxelles, notamment. Est-ce que vous avez pu reprendre cette
discussion avec les autorités belges? Est-ce que vous pensez pouvoir
obtenir, pour la Maison de Bruxelles, les mêmes avantages d'ordre
immunitaire j'entends les immunités para-diplomatiques ou
paraconsulaires que celles que vous avez obtenues à Paris et
à Londres?
M. LEVESQUE: Disons que, sur la base d'accommodements, nous avons,
à Bruxelles, tous les avantages comparatifs et tous les avantages
ordinairement conférés au statut diplomatique. C'est sur une base
d'accommodements. Ce n'est pas comme à Paris sur une base plus
formelle.
M. MORIN: Je reviens là-dessus. Autrement dit, vous ne cherchez
pas à obtenir un statut officiel? Ce ne sont que des accommodements. Pas
davantage.
M. LEVESQUE: Nous croyons opportun, pour le moment, de nous en tenir
là. Nous sommes très heureux, pour le moment, du progrès
enregistré depuis octobre 1972. Nous sommes très heureux de la
compréhension des Belges à ce sujet.
M. MORIN: N'est-il pas vrai que là encore, les pourparlers
auraient débouché depuis longtemps si le gouvernement
fédéral n'était pas intervenu?
M. LEVESQUE: Non, au contraire. Nous avons eu une coopération
admirable du côté de l'ambassade du Canada, et...
M. MORIN: Même sur les immunités?
M. LEVESQUE: Oui. Parce qu'on aurait pu s'opposer.
M. MORIN: Et sur le statut officiel?
M. LEVESQUE: Est-ce que par statut officiel on parle du terme
"délégation générale"?
M. MORIN: L'ensemble de ce qui forme le statut, c'est-à-dire le
nom, aussi le rang protocolaire, les immunités...
M. LEVESQUE: J'ai moi-même eu à discuter de cela avec
l'ambassadeur du Canada et avec les autorités fédérales
et, dans ce domaine, je dois dire que nous avons eu une excellente
collaboration. Je ne dis pas que nous avons toujours la collaboration
désirée. Il y a des fois qu'on est chatouilleux. Dans le cas de
Bruxelles, je dois dire que nous avons connu une excellente collaboration. Il
s'agit, quelquefois, plus des hommes que des institutions. Je ne suis pas pour
entrer dans les détails, mais peut-être que le chef de
l'Opposition comprendra...
M. MORIN: J'ai parfaitement compris. Je n'insiste pas non plus. Je
n'insiste pas, mais il n'en reste pas moins que vous n'avez pas toujours eu
toute la coopération.
M. LEVESQUE: Personnellement, oui. Je dois dire que, dans toutes mes
activités, dans ce domaine en particulier, mon expérience est
positive. Nous ne parlons pas des relations
fédérales-provinciales présentement parce que, dans le
domaine des relations fédérales-provinciales, il y a
sûrement des points de litige, des points de conflit, mais dans le
domaine de la présence du Québec à l'étranger,
quant à moi, mon expérience est positive.
M. MORIN: Bien. Existe-t-il une étude faite par votre
ministère sur la rentabilité de l'ensemble des maisons et sur
chacune d'entre elles naturellement?
M. LEVESQUE: Non.
M. MORIN: La question que j'ai à l'idée, la question
suivante et qui découle de celle-là, est celle-ci: Comment
fait-on pour juger de l'utilité, des résultats du travail de ces
maisons?
M. LEVESQUE: J'ai eu l'occasion, dans le passé, comme ministre de
l'Industrie et du Commerce, avant la loi établissant le ministère
des Affaires intergouvernementales, alors que les maisons du Québec
étaient dirigées par le ministère de l'Industrie et du
Commerce, de recevoir des questions de ce genre. Ce sont des questions,
à un certain moment, auxquelles il est très difficile de
répondre parce que dire la rentabilité exacte de chacune des
maisons, c'est assez difficile de le faire quantitativement.
M. MORIN: Oui, d'accord.
M. LEVESQUE: Nous pouvons dire, par exemple, que, dans telle maison, il
y a eu tant et tant de dossiers. Tel dossier est positif, mais est-ce que c'est
réellement notre présence à tel endroit qui a
provoqué tel investissement? Cela n'est pas toujours aussi clair qu'on
voudrait le dire. Mais je crois que nous pouvons dire que pour les sommes que
cela implique, c'est une fraction infinitésimale du budget de la
province et c'est presque rien.
M. MORIN: Là-dessus, je suis tout à fait d'accord avec
vous.
M. LEVESQUE: Alors je crois qu'il ne s'agit pas de faire une
étude parce que nous avons tellement de faits qui nous sont
rapportés de l'importance du Québec à l'étranger
que je crois que nous ne faisons pas fausse route.
M. MORIN: D'accord. Là-dessus, je n'en doute pas. Au contraire,
je serais plutôt de ceux qui vous pousseraient dans le dos pour en ouvrir
d'autres et pour étendre leurs activités. Mais je me demandais
simplement si, pour des fins de gestion interne, vous avez une étude de
rentabilité systématique.
M. LEVESQUE: Non, mais nous avons régulièrement des
contacts et les ministères sectoriels ont des contacts avec leurs
fonctionnaires à ce sujet et nous demandons un rapport mensuel de chacun
des fonctionnaires sur leurs activités. Tout ce que je peux dire, en
conclusion, c'est que nous croyons que notre présence à
l'étranger se justifie et ceci d'après les rapports que nous
recevons et de nos fonctionnaires à l'étranger et de nos
fonctionnaires ici même à Québec...
M. MORIN: Je n'en doute pas.
M. LEVESQUE: ... et même du public souvent. Je reçois
plusieurs lettres, par exemple, de citoyens québécois qui sont
très heureux d'avoir eu les services de nos maisons à
l'étranger.
M. MORIN: Je n'en doute pas. Au contraire. Je serais de ceux qui
diraient que vos maisons à l'étranger, avec le peu de moyens
qu'elles ont, font des merveilles. C'est bien certain. Il faut que cela soit
dit et l'Opposition le reconnaît. Ce qu'on voudrait, c'est que vous
fassiez même davantage, mais le sens de ma question n'était pas
d'essayer de mettre en doute la valeur du travail accompli. Loin de là.
Je me demandais simplement si, pour vos fins internes, pour les fins de vos
rapports annuels, vous cherchez quand même à évaluer le
travail.
M. LEVESQUE: Pour donner une réponse honnête à la
question posée, nous essayons de
mettre en place une méthode valable, mais cela n'est pas
facile.
M. MORIN: Je sais. Je m'en doute. Mais enfin, vous essayez de le faire,
et d'ici quelques années, on pourrait s'attendre normalement à ce
que vous ayez des études de rentabilité. C'est bien cela?
M. LEVESQUE: C'est l'objectif clairement visé.
M. MORIN: Bien. Passons maintenant à l'autre problème
auquel j'ai fait allusion, c'est-à-dire le rôle du chef de mission
à l'étranger. Il semble qu'il y ait eu des difficultés
dans certaines maisons, polyvalentes, comme vous les avez appelées,
où l'autorité du chef de mission sur les divers services qui
constituent sa maison est quelquefois peu respectée ou pas aussi
établie que vous pourriez le souhaiter comme ministre parce que chaque
service prétend qu'il relève de tel ministère à
Québec.
M. LEVESQUE: Cela a peut-être existé, mais de moins en
moins ai-je eu de rapports de ce genre. Même cette année, je n'ai
eu aucun problème porté à ma connaissance de ce
côté. Au contraire, on a souligné
l'homogénéité qu'il y avait entre le directeur
général et les conseillers sectoriels. J'ai eu l'exemple encore
récemment à Bruxelles. Je l'ai eu à Londres, à
Milan.
M. MORIN: Certaines de ces maisons que vous mentionnez sont univoques,
je veux dire qu'elles ont eu...
M. LEVESQUE: Non, pas à Bruxelles. M. MORIN: Pas à
Londres. M. LEVESQUE: Pas à Paris. M.MORIN: A Milan?
M. LEVESQUE: Pas à Milan, ni à New York. Les autres
maisons sont des bureaux économiques...
M. MORIN : Quelles sont les fonctions?
M. LEVESQUE: ... comme par exemple, à Boston, Chicago, Los
Angeles, etc.
M. MORIN: Bon.
M. LEVESQUE: II y a quelqu'un qui est du ministère de l'Industrie
et du Commerce, un conseiller économique, mais qui occupe ce qu'on
appelle la fonction maison. Il n'y a pas de conflit, il n'y a pas tellement
d'autres ministères représentés à ce
moment-là.
M. MORIN: C'est cela. Je suis tout à fait d'accord. Mais je parle
des maisons où il y a plusieurs ministères qui sont
représentés. Laissez-moi vous poser une question peut-être
encore plus précise. Est-ce que le délégué
général à Paris jouit d'une autorité directe sur
l'attaché culturel nommé par le ministère des Affaires
culturelles, sur l'attaché commercial nommé par le
ministère de l'Industrie et du Commerce?
M. LEVESQUE Pour toutes les fins de la fonction maison, c'est le
délégué général à Paris qui a cette
autorité. Je me surprends même de la question, peut-être
qu'il y a des choses que je ne sais pas. Quant à moi, on ne m'a
rapporté aucun conflit.
M. MORIN: Non, je tiens à rassurer le ministre. C'est seulement
pour en avoir le coeur net et comprendre la façon dont fonctionne le
système...
M. LEVESQUE: Ah bon!
M. MORIN: ... quoiqu'il y a trois ans, il y avait un
problème.
M. LEVESQUE: II y a déjà eu des problèmes. Je ne
dis pas où il y a eu des problèmes, mais il y en a
déjà eu.
M. MORIN: Je ne faisais pas allusion, pour rassurer le ministre,
à des problèmes récents.
M. LEVESQUE: Non.
M. MORIN: De mémoire, cela remonte à quand?
M. LEVESQUE: Présentement, il n'y a pas de cas qui soit venu
à ma connaissance, disons, depuis un an ou deux, depuis un an
toujours.
M. MORIN: Bon. Avez-vous quelque chose à ajouter?
M. LEVESQUE: Non.
M. MORIN: Vous avez mentionné les maisons de style ou d'ordre
commercial, comme par exemple aux Etats-Unis, certaines en Europe, et une autre
au Japon, celle que vous venez d'ouvrir à Tokyo.
M. LEVESQUE: A Dusseldorf, par exemple?
M. MORIN: Oui. Quel est le rôle exact de votre ministère
par rapport à ces maisons qui s'occupent surtout de questions
commerciales? Est-ce qu'elles tombent sous votre autorité?
M. LEVESQUE: Nous confions d'abord au chef de mission ce rôle
maison, si on veut. Nous ne payons pas les traitements du conseiller en poste,
du conseiller économique qui relève, lui,
du ministère sectoriel, mais nous assumons les dépenses,
les allocations, par exemple, et autres dépenses inhérentes
à la fonction. Nous assumons également les dépenses du
personnel de soutien. Le ministère des Travaux publics assume les
dépenses de loyer, etc., ce genre de dépenses.
M. MORIN: Donc, il y a un lien d'autorité directe entre chacun de
ces bureaux et votre ministère?
M. LEVESQUE: Oui, parce qu'il assume la fonction maison, celui qui est
le chef de mission.
M. MORIN : Celui qui est le chef de mission relève de vous?
M. LEVESQUE: Ceci est défini dans un arrêté en
conseil de juillet 1972.
M. MORIN: Bon. Est-ce que la situation est la même à
l'égard du bureau d'immigration à Beyrouth?
M. LEVESQUE: C'est à la suite de l'entente
fédérale-provinciale Lang-Cloutier. L'agent d'immigration, si je
ne m'abuse, se trouve à l'intérieur de l'ambassade du Canada.
Quant à nos relations avec l'immigration à
l'intérieur de l'ambassade, nos relations sont les mêmes qu'avec
un conseiller sectoriel dans d'autres maisons.
M. MORIN: Alors, ce n'est pas vraiment un bureau d'immigration
québécois, c'est un cadre québécois à
l'intérieur des services fédéraux.
M. LEVESQUE: C'est cela.
M. MORIN: Je vois. Alors, je n'ai pas l'intention de pousser
l'interrogatoire là-dessus, parce qu'en fait cela relève
plutôt de l'immigration.
M. LEVESQUE: C'est l'immigration.
M. MORIN: M. le Président. Si le ministre veut bien,, maintenant,
m'apporter la réponse à ce que j'attendais au sujet des
meuneries, il paraît qu'il a cette réponse, on pourra
considérer la discussion comme étant close.
M. LEVESQUE: Je vais vous lire ce que je reçois d'une
façon bien candide. Je ne l'ai pas lu encore. Nous allons la lire
ensemble.
M. MORIN: Volontiers, à moins que ce ne soit pas essentiel pour
le journal des Débats, mais c'est peut-être mieux que vous l'y
versiez.
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: II est bon de lire au moins une fois ce qu'on va lire.
M. LEVESQUE: Je ne sais pas ce que vous avez dit, mais cela doit
être bon.
M. MORIN: Je dis que c'est toujours bon de lire au moins une fois ce que
l'on s'apprête à lire.
M. LEVESQUE: Relativement à la décision de la cour
Supérieure dans l'affaire Camirando, comme je l'ai dit cet
après-midi, cette question comporte deux volets, l'un juridique, l'autre
politique. D'abord, au plan juridique, le ministère de la Justice estime
que l'attitude du gouvernement au moment de l'appel doit être la
même que celle qu'il a eu en première instance,
c'est-à-dire fournir au défendeur, s'il décide d'en
appeler, les services d'un conseil...
M.MORIN: Bravo!
M. LEVESQUE: Comme le procureur général n'est pas partie
et n'est pas intervenu en première instance, il ne peut décider
au lieu et place du défendeur d'en appeler. Plan politique, les
démarches se poursuivront avec fermeté et intensité pour
obtenir du gouvernement fédéral qu'il propose à la Chambre
des communes une modification à la loi nationale des grains de
manière à exclure, de son aire d'application, les meuneries
québécoises. Peu importe l'issue de la cause judiciaire, cette
action de négociation se poursuivra car c'est là au fond la seule
action vraiment significative en la matière. Voilà.
M. MORIN: L'action politique, vous voulez dire. Est-ce que la maison
Camirand a été averti de cette décision parce que
c'était aujourd'hui qu'expiraient les délais d'appel.
M. LEVESQUE: Le ministère de la Justice, me dit-on, a
prévenu le défendeur. Là ce serait peut-être
oui-dire que de dire ce que je viens d'entendre, parce que je n'ai pas
suffisamment d'indication pour aller plus loin.
M. MORIN: S'il fallait appliquer la règle du oui:dire,
la règle qu'appliquent les tribunaux au oui-dire à nos
commissions, M. le ministre, je pense qu'on n'irait pas loin.
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: Est-ce que le ministre peut me dire si le ministère de
la Justice a communiqué très récemment avec la meunerie?
Parce que les renseignements que j'avais il y a quelques jours, c'était
qu'elle était sans nouvelle et qu'elle s'apprêtait à
abandonner la partie parce qu'elle avait l'impression que Québec ne
s'intéressait pas à son dossier.
M. LEVESQUE: Je ne fais que transmettre ce que j'ai reçu du
ministère de la Justice, mais je ne suis pas en mesure d'aller plus
loin. On m'a assuré que le ministère de la Justice avait
prévenu le défendeur, mais pour les détails
additionnels... J'ai livré entièrement l'information
reçue sans aucune réticence.
M. MORIN: Demain matin, vous pourrez nous fournir la réponse au
sujet des fonds mutuels.
M. LEVESQUE: Si je l'ai, je vais vous la fournir.
Adoption en bloc des crédits
M. MORIN: Dans ce cas, M. le Président, nous sommes prêts
à adopter les crédits du ministère.
LE PRESIDENT (M. Picard): Messieurs, je comprends que le rapport secret
est aussi adopté?
M. MORIN: Le rapport?
LE PRESIDENT (M. Picard): Le bilan secret.
M. MORIN: Le bilan, tant qu'il ne sera pas rendu public et que nous ne
l'aurons pas lu, nous ne l'approuvons pas, non. Comme disent les
Français: Sous toutes réserves.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le ministère des Affaires
intergouvernementales, programme 1. Adopté?
M. MORIN: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Picard): Programme 2. Adopté?
M. MORIN: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Picard): Programme 3. Adopté?
M. MORIN: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Picard): Merci, messieurs.
M. LEVESQUE: Je remercie tout les membres de la commission qui ont
participé à cette discussion, je remercie en particulier le chef
de l'Opposition qui a fait beaucoup de travail de recherche et qui a
pratiquement fait tout le tour des dossiers du bilan, sans avoir le bilan, qui
a fait réellement un travail très approfondi dans les diverses
activités du ministère. Je vous remercie, M. le Président,
de la façon dont vous avez dirigé nos travaux et j'espère
que, l'an prochain, lorsque nous nous retrouverons, nous nous retrouverons tous
en excellente santé et, en même temps, nous pourrons continuer de
la même façon positive l'étude des activités du
ministère des Affaires intergouvernementales. Je veux remercier mes
collaborateurs qui ont suivi avec grand intérêt ces discussions.
Je suis sûr qu'ils retournent au ministère avec, peut-être,
une autre dimension, une dimension additionnelle, peut-être la dimension
politique qui est toujours intéressante, très humaine, et qui
leur permettra de continuer à travailler activement dans le meilleur
intérêt du Québec.
M. MORIN: M. le Président, je remercie le ministre de sa
patience, de s'être prêté à toutes les questions de
l'Opposition. Je remercie aussi son personnel qui, j'ai eu l'occasion de le
constater à plusieurs reprises, est tout à fait remarquable. Je
tiens à répéter, en terminant, la conviction que
j'exprimais au tout début de l'étude de ces crédits: Ce
ministère est le plus important de tous les ministères
québécois parce que c'est l'organisme-synthèse.
J'espère que le ministre en est désormais convaincu. Merci, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Picard): Merci, messieurs. La même commission
ajourne ses travaux à demain matin...
M. LEVESQUE: Dix heures.
LE PRESIDENT (M. Picard): ... dix heures, même salle.
M.MORIN: Non, onze heures, après l'Assemblée.
M. LEVESQUE: Non, il faut faire attention, c'est vendredi, demain.
LE PRESIDENT (M. Picard): Après la période des
questions.
M. LEVESQUE: Après la période des questions.
LE PRESIDENT (M. Picard): Pour étudier les crédits du
Conseil exécutif.
M. LEVESQUE: Particulièrement l'OPDQ et, en priorité,
l'ODEQ, tel que convenu cet après-midi.
M. MORIN: C'est juste.
LE PRESIDENT (M. Picard): La commission est ajournée.
(Fin de la séance à 22 h 5)