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Version finale

30e législature, 4e session
(16 mars 1976 au 18 octobre 1976)

Le mardi 18 mai 1976 - Vol. 17 N° 52

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales


Journal des débats

 

Commission permanente de la présidence

du conseil, de la constitution et des

affaires intergouvernementales

Etude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales

Séance du mardi 18 mai 1976 (Seize heures trente minutes)

M. Gratton (président de la commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!

La commission de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales continue cet après-midi l'étude des crédits du ministère des Affaires intergouvemementales.

Je pense qu'il y a déjà un rapporteur désigné, soit le député d'Iberville.

M. Morin: Est-il compétent, M. le Président?

Le Président (M. Gratton): II lest tout à fait, quoiqu'il soit absent cet après-midi, mais je suis sûr qu'il reviendra ce soir.

J'aimerais également informer la commission de certains changements dans sa composition: M. Déom a l'heureuse tâche de remplacer M. Gratton; M. Verreault remplace M. Perreault; M. Marchand remplace M. Bourassa; M. Dufour remplace M. Brown et c'est tout comme changement.

J'inviterais le ministre des Affaires intergouvernementales à nous livrer ses remarques préliminaires.

M. Morin: M. le Président, avant que le ministre n'entame ses notes, pourrais-je lui demander de me communiquer un exemplaire du texte qu'il s'apprête à lire? Je pourrais le suivre plus facilement.

Exposé préliminaire du ministre, M. François Cloutier

M. Cloutier: M. le Président, il n'y a pas de texte. J'ai quelques notes que je vais arranger au cours de mes explications. Il est possible que je lise certaines parties, mais il est très possible aussi qu'il y en ait d'autres que je ne lise pas. Alors, cela me paraîtrait difficile et un élément de confusion si j'accédais au désir du chef de l'Opposition.

Mes remarques seront relativement brèves. Cependant, je crois que c'est là une tradition utile chaque fois que l'on commence une discussion des crédits d'un ministère.

Je me suis fait accompagner d'un certain nombre de fonctionnaires qui seront avec moi pendant toute la durée de cette discussion, en particulier du sous-ministre titulaire, M. Arthur Tremblay, du sous-ministre associé, M. Jules Brière; le sous-ministre adjoint, M. Dufour, est actuellement en France où il assiste à la commission mixte franco-québécoise — il est donc absent — et les quatre directeurs généraux sont ici, soit M. Lebrun qui est le directeur général des relations fédérales-provinciales; M. Michailides, des relations internationales; M. L'Heureux, de la gestion, et M. Lefrançois, qui est discrètement à l'extrémité de ce fauteuil, de la coopération.

Avant d'aller plus loin, M. le Président, je voudrais rendre hommage à mon prédécesseur, l'actuel ministre de la Justice. Le député de Bonaventure a présidé aux destinées du ministère des Affaires intergouvernementales pendant un certain temps. Il est à l'origine de la nouvelle loi qui régit actuellement le ministère et il en a amorcé l'application. Comme cette nouvelle loi a donné au ministère des Affaires intergouvemementales un rôle accru sur le plan de la coordination interministérielle, je crois qu'il est important de souligner l'apport de l'actuel ministre de la Justice.

M. le Président, je voudrais, dans un premier temps, vous présenter un certain nombre de commentaires sur les crédits que je demande pour l'année à venir et, dans un deuxième temps, peut-être identifier un certain nombre de questions qui pourraient faire l'objet de nos discussions. La première partie sera peut-être un peu aride, mais elle m'apparaît importante, parce qu'elle se situe dans l'optique de l'application de la nouvelle loi du ministère.

Nous demandons, pour l'année qui vient, des crédits de $22 758, pardon, $22 758 500.

M. Morin: Je vous trouvais modeste.

M. Cloutier: Oui, mais vous verrez que, parfois, je fais l'erreur inverse et je mets des millions alors qu'il s'agit de milliers de dollars. C'est ma déformation du ministère de l'Education.

M. Morin: II s'agissait de milliards à ce moment-là.

M. Cloutier: Les crédits de $22 758 500, dont l'application est sollicitée de cette commission, comportent, par rapport au montant des dépenses autorisées qui apparaît pour l'année 1975/76 dans le livre des crédits, une augmentation de $3 669 600, ce qui représente une hausse d'environ 19,2%. Il importe de noter cependant que les chiffres comparatifs présentés dans le document budgétaire ont été établis de manière à tenir compte des modifications intervenues au cours du dernier exercice financier. C'est ainsi que, si l'on se reporte au livre des crédits 1975/76, on constate que le montant total des crédits inscrits était de $17 813 800 et que, dans le livre présenté cette année, l'inscription à titre comparatif pour la même année financière est de $19 088 900. Cette inscription tient compte d'augmentations de dépenses de plus de $2 millions autorisées au cours de la dernière année financière.

Ces hausses s'expliquent principalement par: Premièrement, le transfert de juridiction du Service de la coopération avec l'extérieur du ministère de l'Education et de la Direction des relations

culturelles du ministère des Affaires culturelles, dont le personnel a été muté au ministère des Affaires intergouvernementales à l'automne 1975.

Deuxièmement, l'attribution d'un budget supplémentaire destiné à favoriser la réalisation des accords Bourassa-Chirac et la mise en oeuvre de certains projets de coopération avec l'ACDI.

Troisièmement, des transferts de crédits du budget du ministère des Finances pour le règlement des nouvelles conventions collectives de travail.

Il me semble utile de donner ces explications parce que j'ai l'impression que nous pourrons à ce moment-là consacrer plus de temps à des commentaires de substance. J'ajoute que tenant compte de ces transferts, si l'on compare les crédits sollicités cette année avec ceux qui furent l'objet d'études par la commission en mai 1975, l'augmentation des dépenses représente un taux d'accroissement de 35,3%. Seulement 19,2% de cette hausse consiste en des dépenses nouvelles pour le gouvernement, car les transferts de crédits et les crédits supplémentaires déjà votés en 1975/76 représentent le solde de l'accroissement.

On ne peut s'en étonner car ceci tient à la nature même du mandat du ministère des Affaires intergouvernementales. 56,5% des crédits nouveaux demandés serviront à couvrir les hausses de traitement du personnel en poste et à pourvoir à la rémunération de 20 hommes-année de plus que l'an dernier, dont 19 employés permanents et 1 à temps partiel. Cet accroissement d'ailleurs modeste de notre effectif doit être examiné à la lumière des transferts de juridiction intervenus au cours de la dernière année, qui ont fait passer de 393 à 455 l'effectif autorisé. Si l'on ajoute trois autres postes transférés après le 1er janvier 1976, cela porte à 65 le nombre d'employés qui ont été intégrés à l'effectif du ministère.

L'augmentation réelle de l'effectif se chiffre à 85 hommes-année depuis l'étude des crédits de mai 1975. En passant le cap des 475 employés, on peut dire que le ministère atteint la taille requise pour l'exercice efficace des fonctions qui lui sont attribuées. Cette dernière étape en est une de mise en oeuvre des principes énoncés dans la nouvelle loi du ministère des Affaires intergouvernementales à laquelle je faisais allusion. Je voudrais vous donner une idée de ce que nous avons fait pour la mettre en application et doter le gouvernement d'un instrument de coordination en matière de relations intergouvernementales.

Ainsi que le révèle l'expérience, la qualité d'un instrument de ce genre repose essentiellement sur un certain nombre de facteurs: la compétence du personnel, la valeur des mécanismes de coordination mis en place et les mesures d'application du mandat législatif.

En ce qui concerne la qualité du personnel, je crois que le chef de l'Opposition avait convenu, lors de l'étude de l'année dernière, que le ministère avait réussi à regrouper un personnel d'une qualité remarquable. Nous attachons en effet au recrutement, au perfectionnement, à l'affectation des membres de nos directions générales, un soin très particulier.

Il ne s'agit pas de recruter ni de former des experts dans tous les secteurs de l'activité gouvernementale où notre activité de coordination doit s'exercer. Ce serait faire double emploi avec les ministères sectoriels. Il faut surtout avoir des généralistes qui sont suffisamment initiés aux différentes disciplines des autres secteurs de l'activité gouvernementale pour assurer cette coordination.

C'est dans cette perspective que nous avons instauré depuis quelques mois, une politique de mobilité au sein du ministère et que nous nous sommes engagés dans l'articulation d'un véritable plan de carrière destiné à comprendre, non seulement les postes du ministère, mais également ceux des autres ministères qui ont des activités à l'extérieur du Québec. Il y avait là un problème. Il s'agissait de trouver une façon pour que les fonctionnaires qui travaillent à l'étranger puissent continuer de progresser sur le plan de leur carrière comme s'ils n'étaient pas partis.

Nous comptons, de cette manière, favoriser le développement des ressources humaines et nous espérons également en arriver à la définition d'un ensemble cohérent qui permettrait la mobilité nécessaire d'agents compétents, qu'ils soient à l'extérieur ou qu'ils restent ici même, au Québec.

Certaines affectations qui ont été annoncées tout récemment, Dûsseldorf et Milan, par exemple, illustrent cette nouvelle politique. La direction des ressources humaines a reçu, à cet égard, le mandat de mettre au point l'infrastructure nécessaire, et il s'agit là d'une tâche prioritaire pour l'année à venir.

J'ajoute qu'une banque centrale de postes a été instituée au sein d'effectifs du ministère, pour faciliter les mouvements de personnel.

Je désire également préciser que des groupes de travail ont été constitués en collaboration avec certains ministères, comme le ministère de l'Industrie et du Commerce, le ministère de l'Immigration, le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, qui sont chargés d'assurer les liaisons interministérielles nécessaires.

Quant aux mécanismes de coordination, ils découlent de la nécessité d'assurer une concertation pour l'action d'un organisme comme le nôtre qui est un ministère à vocation horizontale. Nous avons donc tenté de faire accepter, par nos interlocuteurs, c'est-à-dire les autres ministères, des modalités précises de collaboration, ceci dans l'optique de certains réaménagements administratifs que j'ai cités tout à l'heure, en particulier, le transfert de personnel du ministère de l'Education et du ministère des Affaires culturelles.

Je dois dire d'ailleurs que tout ceci s'intègre bien avec le renouveau administratif qui a amené, au sein du Conseil exécutif, la création de quatre comités permanents du cabinet. Le ministre des Affaires intergouvernementales siège dans tous ces comités, ex-efficio, ce qui lui permet de suivre tous les dossiers qui font l'objet d'examens au Conseil des ministres.

On se souvient peut-être qu'un comité interministériel des affaires intergouvernementales existait et était d'ailleurs présidé par le ministre

des Affaires intergouvernementales. Ce comité avait, jusqu'ici, la responsabilité d'élaborer les orientations de travail et d'assurer la coordination interministérielle en matière de relations intergouvernementales, tant avec le gouvernement central qu'avec les gouvernements des autres provinces.

L'avis de ce comité était sollicité chaque fois qu'une question imposante se posait, notamment à l'occasion de la préparation des nombreuses conférences intergouvernementales où, par exemple, un ministre québécois avait à prendre position. C'était une formule commode, mais c'est une formule que nous avons dû modifier, à cause de la constitution des quatres comités auxquels je viens de faire allusion.

M. Morin: C'était la CIDA.

M. Cloutier: C'était la CIDA, le comité interministériel des Affaires intergouvernementales.

M. Morin: Qui n'existe plus.

M. Cloutier: Qui n'existe plus maintenant, mais qui est remplacé par deux modes administratifs, d'abord, par le fait que le ministre des Affaires intergouvernementales participe au processus décisionnel des quatre comités rattachés au Conseil exécutif, ce qui lui permet, comme je l'indiquais tout à l'heure, d'être impliqué dans tous les dossiers considérés par le Conseil des ministres et également par le fait qu'un autre comité, qui s'appelle, celui-ci, le comité de coordination des relations intergouvemementales, le CCRI, qui a été, lui, maintenu et a vu son mandat élargi. Le mandat a d'ailleurs été précisé par arrêté en conseil.

Ce comité donne au gouvernement, par l'intermédiaire du ministre intergouvernemental envers lequel il joue une espèce de rôle de conseil, des avis sur un certain nombre de questions en rapport avec les relations intergouvernementales, comme la constitution, les arrangements fiscaux, les relations fédérales-provinciales en matière d'affaires sociales. Ce sont là des exemples parmi d'autres. Le comité est présidé par le sous-ministre des Affaires intergouvernementales et comprend des représentants du ministère des Affaires intergouvernementales, du secrétaire général du Conseil exécutif, du secrétaire du Conseil du trésor, du président et directeur général de I' OPDQ, du sous-ministre des Finances et du sous-ministre de la Justice. Le comité se réunit de façon régulière toutes les semaines et présente son rapport au ministre des Affaires intergouvernementales. Nous avons donc là un mode administratif beaucoup plus souple que le CIDA original qui a d'ailleurs joué un rôle extrêmement important, rôle qui se devait d'être précisé avec la réorganisation du Conseil exécutif.

Nous avons, dans ce nouveau contexte, mis au point deux types de collaboration avec les ministères. D'abord, des procédures de mises en application de notre loi en rapport avec la participation aux conférences ministérielles, à la négociation des ententes intergouvernementales, de sorte que nous avons maintenant l'habitude de donner à chaque ministre qui se présente à une conférence interministérielle un mandat précis qui est signé par le ministre des Affaires intergouvernementales et qui découle des travaux qui ont été faits tant au conseil des ministres que préparés par le CCRI.

Nous avons également mis au point des protocoles interministériels avec certains ministères, en particulier l'Immigration, l'Industrie et le Commerce. Nous sommes en train d'en préparer un avec le Tourisme, Chasse et Pêche.

Je voudrais maintenant vous donner une idée des mesures d'application de notre nouvelle loi; même si ces explications sont arides, je crois qu'elles contribueront à nous permettre d'économiser du temps tout à l'heure. De toute façon, elles s'imposent puisqu'il fallait bien manifester comment nous avions mis en marche la loi votée l'année dernière. Je rappelle simplement que cette loi ne vise pas à tout contrôler, mais cherche à en arriver à une concertation des actions sur le plan intergouvernemental. Nous avons donc mis au point un certain nombre d'instruments dans cette perspective, par exemple un greffe des ententes, ces ententes sont extrêmement nombreuses; un tableau des causes pendantes en droit constitutionnel, parce que là, également, nous sommes constamment impliqués; un tableau des lois fédérales et également, un calendrier des rencontres intergouvernementales.

Ceci nous permet d'analyser toutes les décisions judiciaires, les lois fédérales également, de manière que nous puissions déterminer si nous devons intervenir et à quel moment.

Voilà, M. le Président, les principales explications que je souhaitais vous apporter sur le plan administratif.

Nous allons maintenant discuter les programmes du ministère. J'ai l'impression que ce serait peut-être au moment où nous aborderons chacun des programmes que je pourrais souligner l'importance d'un certain nombre de questions de substance.

Sur le plan pratique, une discussion a déjà été assez longue, semble-t-il, à laquelle a participé le ministre d'Etat aux Affaires intergouvernementales, qui est actuellement ministre de la Fonction publique, le député de Hull, et qui a permis de traiter un aspect du programme 1, Affaires fédérales-provinciales et intergouvernementales.

Nous allons peut-être — c'est la suggestion que je ferais — commencer par ce programme, pour ensuite passer aux affaires internationales où l'on trouve deux éléments de programme: les relations internationales et la coopération internationale, lesquelles correspondent, dans la structure actuelle, à deux directions générales.

Nous avons enfin le programme 3, l'Office franco-québécois pour la jeunesse. Je demanderai au chef de l'Opposition de m'indiquer à quel moment cette discussion pourrait avoir lieu, parce que je ferai alors appel au ministre des Affaires culturelles, qui se trouve président québécois du comité et qui aurait un certain nombre d'explications à apporter. Enfin, le programme 4: Gestion interne et soutien.

Pour faciliter notre discussion, j'ai pensé dé-

poser quelques documents, et, en cours de route, j'en déposerai d'autres, le cas échéant. D'abord, l'organigramme du ministère, ensuite le tableau des effectifs, enfin les arrêtés en conseil et les protocoles découlant de l'application de la loi. Cela, je crois, est particulièrement intéressant, puisque ce sont les protocoles d'entente avec les ministères que j'ai cités, soit Industrie et Commerce et Immigration. Il n'était pas nécessaire de faire de protocole avec le ministère de l'Education, puisqu'il y a eu transfert d'effectifs, et il en était de même pour les Affaires culturelles.

Je vais également déposer la liste des ententes qui ont été signées en 1975/76.

J'ai pensé que le chef de l'Opposition apprécierait d'avoir la liste des subventions accordées au cours de l'exercice financier 1975/76 ainsi que des éléments qui se rapportent à la catégorie 4 de nos quatre programmes, c'est-à-dire les services, ce qui comprend les contrats de production qui ont été accordés par le ministère.

Voilà, pour l'instant, M. le Président et je vous remercie de m'avoir donné la parole.

Le Président (M. Gratton): Le chef de l'Opposition officielle.

Remarques du chef de l'Opposition M. Jacques-Yvan Morin

M. Morin: M. le Président, le ministre a indiqué, il y a quelques instants, qu'il aborderait peut-être quelques-unes des questions qui ont fait l'objet de démarches et de discussions au sein du ministère qu'il dirige, au cours de l'année écoulée. Peut-être voudra-t-il y revenir plus tard puisqu'il n'a pas jugé opportun de le faire avant d'entamer l'étude des crédits.

Pour ma part, avant d'y procéder, je voudrais, selon la coutume, vous faire part de quelques observations préliminaires, portant en particulier sur les relations fédérales-provinciales, conservant pour plus tard mes remarques sur les rapports internationaux du Québec.

Tout d'abord, puisque c'est la première fois que j'ai l'honneur d'étudier les crédits du ministère avec le nouveau ministre, je voudrais redire ce que j'ai affirmé à son prédécesseur, à plusieurs reprises, que, dans notre esprit, le ministère des Affaires intergouvernementales, les AFFINTER comme on l'appelle quelquefois affectueusement, est l'un des ministères les plus importants du gouvernement québécois en raison de son rôle d'orientation générale et de coordination.

Si je tiens à le redire au moment d'entamer l'étude de ces crédits, c'est que j'estime que, nous nous situant dans une perspective d'avenir, dans la perspective d'un Québec qui développe ses rapports avec l'étranger et défend avec acharnement ses compétences, qui tente de récupérer celles qu'il estime être utiles à son développement, le ministère détient sûrement la clé de la situation, c'est le ministère clé, en tout cas, cela devrait l'être, en tant qu'organisme de synthèse, selon la loi même d'ailleurs.

L'article 10 nous apprend en effet que c'est l'une des tâches essentielles du ministère d'élaborer les politiques du Québec en matière de rapports avec l'extérieur, tant les autres gouvernements canadiens que les gouvernements étrangers. L'article 13 nous dit également que c'est la responsabilité de ce ministère de faire respecter les compétences constitutionnelles du Québec.

A la lumière de certains événements que nous avons vécus depuis quelques semaines, on peut comprendre l'importance capitale de ce ministère. Je dirai donc au ministre que nous ne sous-estimons pas le rôle essentiel de l'organisme qu'il dirige. Ce doit être et ce peut être un ministère important à condition évidemment qu'on lui donne cette importance, qu'il ait cette importance dans l'esprit du gouvernement. Ce peut être également un ministère tout à fait insignifiant si l'on réduit son rôle, si on lui fait prendre la couleur des murailles qui l'entourent, comme ce me semble trop souvent être le cas.

Pour remplir cette tâche énorme, cruciale pour l'avenir du Québec, le ministère doit avoir, à notre avis, une perspective à long terme, un plan d'ensemble, une idée claire de l'avenir du Québec. C'est le ministère qui doit guider le gouvernement dans le dédale et à travers les guet-apens des rapports fédéraux-provinciaux. C'est le ministère qui doit préparer l'avènement du Québec sur la scène internationale.

Pour élaborer, définir cette conception d'ensemble qui est essentielle, il faut, de toute évidence, que le gouvernement soit en mesure, constamment, de faire son bilan. Je crois savoir — j'en ai discuté avec le prédécesseur du ministre actuel — que ce bilan a été établi au cours des deux ou trois années passées, mais je dois dire au ministre la déception, que j'ai éprouvée l'année dernière et que je voudrais bien ne pas ressentier à nouveau cette année, de constater que ce bilan ne semble pas avoir été poussé jusqu'à l'évaluation et que, de surcroit, il soit demeuré secret.

Je me souviens, l'année dernière, lorsque j'interrogeais l'actuel ministre de la Justice, qui présidait, à ce moment, aux Affaires intergouvernementales. Il me semble encore le voir soulever discrètement, pour être bien sûr que personne d'autre ne pourrait lire par dessus son épaule, les pages du bilan en question, chaque fois que je lui posais une question. Ce bilan n'a pas été rendu public et, s'il y a une conception globale au ministère, personne n'en a saisi l'opinion publique, de sorte que, dans les faits, nous nous trouvons devant un ministère muet.

Je sais bien que le ministre me dira tout à l'heure qu'il n'est pas nécessaire d'être bavard pour être efficace et autres excuses du même genre. Il n'en reste pas moins que ce ministère a le plus souvent la couleur de la grisaille, que nous ne connaissons pas son évaluation de la situation actuelle du Québec au sein du Canada ou entre les nations. Et sans ce bilan, sans cette conception globale, sans ce grand dessein, ce ministère, à mon avis, ne peut être que marginalement utile.

Tout au plus peut-il devenir une officine pour ministre ayant eu sans doute des fonctions plus importantes auparavant, fonctions qui, peut-être, l'ont épuisé.

En second lieu, M. le Président, si ce minitère doit être efficace, il doit avoir un mandat général pour l'ensemble des relations intergouvernementales. Malheureusement, il me paraît de plus en plus clair que la dimension financière et fiscale — dimension essentielle s'il en est une — des rapports fédéraux-provinciaux échappe aux Affaires intergouvernementales; elle est devenue la responsabilité quasi exclusive du ministère des Finances.

On constate — si je fais erreur, j'ose espérer que le ministre m'éclairera — que le ministère des Affaires intergouvernementales a perdu l'initiative dans le domaine financier. Qu'arrive-t-il lorsque le ministre des Finances est également silencieux sur ces questions? Qu'arrive-t-il lorsqu'il est incapable de régler certains problèmes d'ordre financier? Si j'en parle, M. le Prédident, c'est parce que, lors du discours du budget mardi dernier, cet aspect très important des rapports fédéraux-provinciaux a fait l'objet d'un silence complet de la part du ministre des Finances. Nous n'avons reçu aucun rapport sur les négociations présentement en cours pour le renouvellement des ententes fiscales qui entreront en vigueur, on le sait, en avril 1977.

Depuis 1960, c'est la première fois, je pense, qu'un discours du budget est aussi peu loquace sur un sujet aussi essentiel. Je regretterais que le ministre des Affaires intergouvernementales, à son tour, choisisse la consigne du silence. Il me semble que, devant la carence du ministre des Finances, il serait utile que le ministre des Affaires intergouvernementales prenne ses responsabilités et nous mette au fait des tractations financières en cours avec Ottawa. Si je ne m'abuse, cela relève également de sa compétence.

Il faut bien voir l'importance de ces arrangements sur les finances du Québec. L'an dernier, le montant des transferts en provenance du gouvernement fédéral était légèrement supérieur au tiers des revenus autonomes du Québec. Ce qui veut dire que ces transferts finançaient, grosso modo, le quart du budget. Cette année, par contre, le montant des transferts fédéraux n'est égal qu'à 30% des revenus autonomes et ne compte plus que pour 23% du budget. Ces pourcentages peuvent paraître abstraits, mais, lorsqu'on les exprime en chiffres absolus, ils prennent une dimension fort importante.

Que s'est-il passé — en particulier au cours de l'année écoulée — dans le domaine financier, que nous n'entendions ne le ministre des Finances, ni le ministre des Affaires intergouvernementales renseigner l'opinion publique sur le déroulement de ces négociations? M. le Président, je vais vous le dire. Par une série de décisions unilatérales d'Ottawa, les transferts n'ont augmenté que de 5% par rapport à ceux de l'an dernier. Si ces tranferts avaient connu une hausse normale, s'ils avaient augmenté au même rythme que les revenus auto- nomes du Québec — et cela, sans tenir compte du produit des hausses de taxes décrétées par le ministre des Finances — le Québec aurait pu compter sur $350 millions de plus en provenance d'Ottawa. Cela aurait permis au ministre des Finances d'éviter, par exemple, l'augmentation des cotisations de l'assurance-maladie pour les fins d'accroître ses revenus généraux

On voit donc toute l'importance, pour un Etat autonome ou souverain, peu importe, de contrôler ses propres revenus et de ne point dépendre des autres. On voit aussi l'importance, quand on accepte qu'une part aussi importante de ces revenus dépende d'autrui, que les arrangements fiscaux soient tels qu'ils correspondent aux besoins des Québécois.

M. le Président, je trouve donc anormal, troublant, le silence, du ministère des Finances, mais encore davantage celui du ministère des Affaires intergouvernementales sur une question aussi essentielle. Informer la population, même lorsqu'il s'agit de questions aussi complexes constitue une dimension essentielle des rapports fédéraux-provinciaux. Si la population n'est pas au courant de ce qui se passe, elle ne peut ni appuyer ni infirmer les efforts du gouvernement vers son objectif qui est de tenir tête à certaines entreprises ou-taouaises.

Informer la population, cela prend du temps, des efforts. Il faut vouloir le faire. Si on ne le fait dès maintenant, si le ministère des Affaires intergouvernementales attend le ministère des Finances et si celui-ci attend le ministère des Affaires intergouvernementales pour mettre les Québécois au courant de ce qui se passe dans ces négociations, je crais bien qu'il sera trop tard, le jour où Ottawa choisira, toujours de façon unilatérale, d'imposer les solutions qu'il estime conformes à ses intérêts. Le Québec se retrouvera, pour une autre période de cinq ans, avec une grave pénurie de ressources financières.

M. le Président, cette trame financière, c'est elle qui orientera l'évolution du Québec au cours des prochaines années. De la manière dont les choses sont parties, cette évolution continuera de se faire dans le sens de la centralisation. Or, je le répète, selon l'article 13 de la loi, il appartient à ce ministère des Affaires intergouvernementales, de faire respecter les compétences constitutionnelles du Québec, non seulement les compétences elles-mêmes, mais le substratum financier qui fait que l'on peut mettre ces compétences en oeuvre ou qu'on est dans l'impossibilité de le faire.

En troisième lieu, un ministère des Affaires intergouvernementales qui se respecte doit exercer une autorité morale sur les autres ministères. Il est, comme on l'a dit, un organisme de coordination. Or, je ne puis m'empêcher de remarquer que ce ministère fait de moins en moins parler de lui. Dans un pays qui se respecte, ces questions de rapports avec l'extérieur font l'objet de débats quotidiens. Au Québec, on n'en parle guère. C'est le brouillard, c'est le mystère.

Au début, c'était le premier ministre qui était responsable de ce ministère. Ensuite, cela a été le

vice-premier ministre. Aujourd.hui, c'est l'ancien ministre de l'Education. Ce n'est pas si mal, mais j'aurais souhaité que cela n'entraîne pas une sorte d'évanescence du ministère. Le rôle essentiel du ministère des Affaires intergouvernementales, c'est de faire prévaloir les objectifs à long terme du Québec sur les avantages immédiats qu'on peut lui faire miroiter, à l'occasion, de façon à contrer la stratégie fédérale qui, au contraire, systématiquement met l'accent sur les concessions immédiates, pour conserver, toujours, l'initiative à long terme. Le ministre comprendra que je fais allusion, en particulier, au dossier constitutionnel.

Le 8 avril 1975, le prédécesseur du ministre actuel nous avait déclaré qu'il craignait une nouvelle aventure du type de celle que nous avons vécue à Victoria, encore que cette aventure n'ait même pas porté sur le partage des compétences, mais simplement sur le mode de rapatriement, sur les langues et la Cour suprême.

Eh bien! c'est exactement ce qui s'est produit ce printemps. Depuis des mois, le ministère, en dépit des craintes du prédécesseur du ministre actuel, s'est laissé entraîner par Ottawa dans une pseudo-négociation qui est bien dans sa manière. Ce n'est que in extremis, alors que les choses prenaient une tournure tragique que le ministre s'est décidé à laisser sortir le chat du sac. Je ne contesterai sûrement pas le fait que ces indiscrétions aient été utiles, mais pourquoi avoir attendu si longtemps, alors que, dès l'année dernière, en réponse à mes questions, le ministre avait exprimé des craintes au sujet de la possibilité d'une nouvelle aventure à la Victoria? Pourquoi avoir attendu d'être coincé? Cela a failli tourner mal, cette histoire. Pourquoi? Parce que l'opinion publique, une fois de plus, a été tenue dans l'obscurité la plus totale. Tout se passait derrière les portes closes, les portes bien capitonnées qu'on connaît.

Or, M. le Président, le secret dans ce domaine ne peut servir qu'Ottawa. Comme l'araignée qui tisse patiemment sa toile autour du Québec, le pouvoir fédéral a besoin d'ombre. Il a besoin de discrétion, de complicité propice, s'il s'en présente. Les complots du genre de ceux qui ont été dénoncés au cours des dernières semaines et qui menacent peut-être encore le Québec— nous ne savons pas si nous en sommes vraiment sortis—requiert la pénombre et le secret. Alors, pourquoi avoir attendu d'avoir complètement le dos au mur pour mettre les Québécois au courant de ce qui se passait? C'est une question à laquelle je désire obtenir une réponse du ministre. J'espère que, plus jamais, il ne se laissera coincer de la sorte, que sa politique, à compter de maintenant, va être de dire tout haut ce qui doit l'être.

Nous l'avons échappé belle cette fois! Aujourd'hui, l'ultimatum de M. Trudeau est tombé dans le vide, puisqu'il ne nous avait donné que quatre semaines et que voici bientôt deux mois que le fameux discours a été proféré. Toutefois, M. le Président, je tiens à souligner que nous n'échapperons pas toujours aussi facilement à l'araignée. Si l'on persiste à maintenir l'opinion publique dans le noir, dans l'ignorance, un de ces jours nous serons coincés et il sera trop tard pour retraiter.

Il y a plusieurs fois que cela se produit. J'attire l'attention du ministre là-dessus. Puisqu'il est nouveau, peut-être voudra-t-il apporter une attitude nouvelle dans ses rapports avec l'opinion publique. Sans doute les indiscrétions, calculées ou non, dont il a gratifié l'opinion publique il y a quelque temps, annoncent-elles une nouvelle attitude, un nouveau départ. Je lui ferai remarquer que lorsque nous avons failli y passer avec la formule Fulton-Favreau, en 1964 et aussi bien, lors-qu'en 1970, M. Bourassa s'est laissé, lui aussi, coincer à Victoria, pour ensuite faire retraite, au dernier moment, in extremis toujours, sous la pression de l'opinion publique, pour aboutir au "non" qu'il a dû donner au gouvernement fédéral, et lorsque, à l'occasion des derniers événements que nous venons de vivre, c'est le secret qui a été le tendon d'achille du Québec.

C'est quand les choses ont été révélées au grand jour qu'Ottawa a dû retraiter. J'espère que ce genre de politique du silence va connaître un terme.

Bien sûr, si je m'amusais à pratiquer la politique du pire, je dirais: Laissons aller tout cela à vau-l'eau, laissons la situation, le statut constitutionnel du Québec se dégrader. L'indépendance n'en viendra que plus vite, étant donné que l'opinion, tôt ou tard, finira par avoir un haut-le-corp. Cependant, je ne veux pas pratiquer cette politique du pire...

M. Cloutier: Est-ce que je peux poser une question?

M. Morin: Je n'en suis pas là. Je tiens à dire au ministre que chaque fois qu'il défendra effectivement les compétences du Québec, comme le mandat lui en est donné par l'article 13 de la loi, il aura l'Opposition derrière lui. Chaque fois qu'il aura recours à la pénombre, qu'il prendra la couleur de la pièce où il se trouve, selon qu'il est à Ottawa ou à Québec, que le ministère se fera caméléon, alors nous devrons dire tout haut, comme nous l'avons fait dans le passé, ce que les Québécois pensent tout bas.

M. le Président, tout ceci par manière d'introduction générale. Je voudrais conclure en disant que le ministère doit informer l'opinion publique sur l'état des dossiers fédéraux-provinciaux, sur les impasses dans lesquelles il se trouve, le cas échéant. Votre rôle ne consiste pas seulement à explorer les culs-de-sac, mais à les éclairer, à saisir l'opinion publique québécoise quand vous êtes coincé, et avant de l'être totalement, comme cela a toujours été le cas jusqu'ici. Autrement dit, c'est la responsabilité du ministre — peut voir à quel niveau je situe l'importance de son ministère — c'est la responsabilité du ministre dis-je, d'informer les Québécois, de faire la lumière, de ne pas attendre d'être dans une situation inextricable.

Chaque fois qu'on l'a fait, on a d'ailleurs obtenu les réactions qu'on connaît de la part d'Ottawa. La preuve que le ministre est intervenu trop

tard dans le dossier constitutionnel, c'est que, par la suite, cela a valu au premier ministre du Québec l'affront qu'on sait de la part du premier ministre du Canada. Si on avait, dès le départ, mis les Québécois dans le coup, si on avait fait la lumière — je sais bien que certains aspects de la négociation doivent être négociés entre experts — mais si l'opinion publique avait été saisie constamment de rapports d'étapes, il n'y aurait pas eu de surprise, il n'y aurait plus de possibilité de guet-apens. L'opinion publique est toujours derrière le gouvernement du Québec lorsque celui-ci se tient debout. Si vous aviez, dès le départ, fait la lumière, informé l'opinion, fait confiance à l'intelligence des Québécois, vous nous auriez épargné l'affront que le premier ministre a dû subir.

Malheureusement, alors que, dans tout Etat normal, la politique intergouvemementale fait l'objet de déclarations fréquentes, de débats quotidiens, et, si possible, d'un consensus entre les partis, ici, c'est encore la politique du silence qui caractérise nos rapports avec l'extérieur. C'est le brouillard, savamment entretenu. J'ai même l'impression par moment que le ministre est fier d'avoir adopté cette espèce d'attitude qu'on appelle le "low profile".

Ce ministère devrait être l'un des premiers, l'un des plus importants, mais il est devenu un accessoire, presque superfétatoire.

M. le Président, j'achève en disant que le ministre ne doit pas faire en sorte de s'envelopper dans le silence, de prendre la couleur de la muraille qui se trouve derrière lui, constamment, parce qu'il efface, avec lui-même, la préoccupation que devraient avoir les citoyens et qu'il faut nourrir et entretenir, celle de savoir où va le Québec.

C'était, M. le Président, mes remarques préliminaires. J'ai plusieurs autres commentaires à faire sur divers aspects du ministère, mais, avant de poser des questions, je voudrais donner au ministre l'occasion de me répondre.

Réponse du ministre

M. Cloutier: M. le Président, j'ai écouté le chef de l'Opposition avec intérêt et avec un certain amusement. Il a réussi à s'échauffer suffisamment pour se donner l'air d'être convaincant.

Au fond, il ne semble pas très bien connaître la façon dont un gouvernement fonctionne. Il semble croire que ce sont les ministères qui font les politiques. Il essaie de mettre en contradiction le ministère des Affaires intergouvemementales et le ministère des Finances, ne tenant pas compte de mes remarques préliminaires dans lesquelles j'expliquais de quelle façon le rôle de coordination du ministère des Affaires intergouvernementales devait s'exercer. Il parle même de ce qu'il appelle une idée claire de l'avenir du Québec et s'imagine que cette idée claire de l'avenir du Québec doit être définie au sein du ministère des Affaires intergouvemementales.

Vous me permettrez, M. le Président, de tenter de faire comprendre au chef de l'Opposition, qui est juriste, qui n'est pas totalement étranger au problème constitutionnel et qui doit quand même savoir de quelle façon fonctionne un gouvernement, que les politiques doivent être définies par un conseil de ministres, tenant compte, souvent, des programmes des partis, qu'un ministère est, en quelque sorte, un instrument d'une politique, même s'il est utilisé à la définir et à l'élaborer, et que, par conséquent, ce que le chef de l'Opposition tente d'amorcer actuellement, c'est un faux débat.

Il parle de l'idée claire de l'avenir du Québec. S'il y a un gouvernement qui a une idée claire de l'avenir du Québec, c'est bien le gouvernement actuel. C'est bien le Parti libéral qui forme ce gouvernement. Je vais y revenir, si vous le souhaitez, mais avant, je voudrais dire que le PQ, lui, ne semble pas avoir une idée claire de l'avenir du Québec.

M. Morin: Oh oui...

M. Cloutier: Est-ce qu'il n'a pas été question d'indépendance pendant des années? Est-ce que la campagne de 1970 et de 1973 ne s'est pas faite à partir de cette plate-forme? Et voici que, maintenant, l'indépendance, on n'en parle plus. Même les remarques préliminaires du chef de l'Opposition ont été faites de telle façon qu'il s'est bien gardé d'évoquer ce qui paraît être un véritable épouvantail dans les calculs électoraux, bassement électoraux, du Parti québécois.

Il ne semble pas y avoir actuellement d'idée très claire de l'avenir du Québec du côté de ce parti. Puisque ce n'est pas l'indépendance, qu'est-ce que c'est? C'est la prise brutale du pouvoir, et c'est ensuite un vague référendum sur lequel, d'ailleurs, on est loin d'être d'accord.

Nous sommes ici pour discuter les crédits du ministère, mais nous sommes aussi ici pour faire de la politique et, comme le chef de l'Opposition, c'est son droit, a choisi de placer la discussion sur ce plan, croyez-moi, j'ai bien l'intention d'y répondre et j'ai bien l'intention de faire part, également, de la façon que j'entrevois les choses.

Une idée claire de l'avenir du Québec? C'est le Québec au sein de la fédération canadienne. C'est ce que souhaite le Parti libéral. C'est ce que souhaite le gouvernement actuel, Mais ceci n'exclut pas une affirmation de plus en plus grande du Québec. Ceci n'exclut pas l adéfense des droits traditionnels du Québec; bien au contraire. Ceci n'exclut pas une évolution qui ferait non seulement du Québec, mais également des autres Etats constituant lafédé-ration, des gouvernements ayant plus de pouvoirs, ce qui laisse supposer un nouveau partage, le cas échéant. Ceci n'exclut pas, bien au contraire, un nouvel équilibre au sein de cet ensemble.

On peut même aller très loin et envisager une évolution vers une forme de marché commun intégré. En somme, que tente actuellement l'Europe? L'Europe tente de réaliser l'union politique après avoir tenté de réaliser l'union économique, de se donner, par conséquent, des structures qui pourraient être, dans certains secteurs, des structures décisionnelles.

Nous avons, nous, un point de départ inverse et nous avons la chance d'avoir déjà un marché commun intégré, c'est-à-dire une union économique et également, une union politique. Je ne dis pas que cette union politique est satisfaisante à tous les points de vue, étant donné les aspirations des Québécois, mais je dis qu'il est possible de la faire évoluer par l'intérieur, et ceci n'est pas que mon opinion personnelle. C'est très certainement ce que le Parti libéral a toujours tenté de faire, une idée claire du Québec. Jamais un parti n'est arrivé avec une idée aussi claire et je dirais même que s'il a été élu en 1970 et en 1973, c'est précisément parce qu'il avait une idée claire, parce qu'il se disait fédéraliste, mais, en même temps, voulait affirmer le Québec sous tous ses aspects, tant sur le plan culturel que sur les autres aspects.

Alors, voici ce qu'est une idée claire de l'avenir du Québec et je prétends que le PQ, lui, est loin d'en avoir une; après avoir, au départ, proposé un objectif, il le met, actuellement, en sourdine, sème la confusion et tente de se faire élire sous de faux prétextes. Je n'hésite pas à le dire.

Ces quelques précisions apportées, je voudrais bien que le chef de l'Opposition constate que le ministre épuisé dont il parlait, tout à l'heure, sera certainement capable des éclats nécessaires pour faire connaître ce point de vue et également réfuter les sophismes dont le chef de l'Opposition a l'habitude.

Ceci dit, je voudrais invoquer les deux points dont a parlé le chef de l'Opposition, lesquels, d'ailleurs, pourraient faire l'objet de discussions pour toute la durée des crédits, c'est-à-dire la fiscalité et la constitution.

En ce qui concerne la fiscalité, et c'est là que le chef de l'Opposition a tenté de faire croire que le ministère des Affaires intergouvernementales était étranger aux politiques qui se prenaient, dois-je rappeler, encore une fois, que les politiques sont des politiques gouvernementales? Le ministère des Finances joue son rôle. Le ministère des Affaires intergouvernementales joue son rôle, et c'est le gouvernement comme tel qui présente une politique. Or, jamais le ministère des Affaires intergouvernementales n'a été plus présent dans la définition des politiques gouvernementales que maintenant. Il l'est par les quatre comités du Conseil exécutif dont j'ai parlé, tout à l'heure, et il l'est par le CCRI, qui groupe tous les hauts fonctionnaires de la fonction publique. Et précisément, parce qu'il l'est, il est appelé à jouer, non pas un rôle exclusif de définition de politiques, mais un rôle conseil vis-à-vis des ministères sectoriels, et c'est au sein du Conseil exécutif que les décisions se prennent finalement, et c'est exactement ce qui s'est passé pour le problème de la fiscalité qu'invoquait le chef de l'Opposition.

Lorsque le ministre des Finances est allé à la conférence fédérale-provinciale, il avait un mandat précis du ministre des Affaires intergouvernementales et ce mandat correspondait à une politique gouvernementale élaborée par l'ensemble des mécanismes gouvernementaux.

Il ne s'agissait pas d'une politique compartimentée du ministère des Finances. Il ne s'agissait pas d'une politique compartimentée du ministère des Affaires intergouvernementales, mais d'une politique concertée, et ce que je dis, c'est que le ministère n'a jamais été aussi présent et il continuera de l'être et, précisément, grâce à l'application de cette loi, il joue son rôle et il le joue entièrement.

Le chef de l'Opposition parle de silence, mais, Grand Dieu, où puise-t-il ses informations? Qui lui sert de conseiller? Quel journal lit-il?

Une Voix: Le Jour.

M. Cloutier: Ah! Bien sûr, si c'est le Jour, à ce moment, on peut avoir des doutes sur l'objectivité de l'information. Le chef de l'Opposition est-il au courant qu'à la conférence des ministres des Finances, celle à laquelle je faisais allusion, il y a quelques instants, la conférence des 1er et 2 avril 1976, le ministre des Finances a fait une déclaration qui représente la position du Québec? Cette position, je le répète, parce que je crois qu'il est utile de le faire, n'est pas la position du ministre des Finances lui-même, mais est la position d'un gouvernement où chaque ministère a joué son rôle, et particulièrement, le ministère des Affaires intergouvernementales. Serait-ce utile que je dépose le texte de cette déclaration qui a été rendue publique et qui explique le point de vue du Québec et qui a d'ailleurs suscité beaucoup d'intérêt chez certaines provinces, en particulier les provinces de l'Ouest.

Le ministre des Finances n'avait pas, au cours du discours sur le budget, à revenir là-dessus et je suis très étonné que le chef de l'Opposition refasse un peu sa réplique au discours sur le budget. C'est sans doute parce qu'il manquait un peu d'information et se demandait ce qu'il devait dire dans ces remarques préliminaires, mais il n'y avait strictement aucune raison pour que le ministre des Finances aborde ce problème en rapport avec les mesures qu'il avait l'intention d'annoncer. Par conséquent, là on m'a posé une question précise, nous sommes là pour cela. Je vais y répondre. La question précise était de savoir justement ce qui se passait en rapport avec ces discussions sur les garanties fiscales, la péréquation, etc. Le point de départ, c'est la position gouvernementale, celle du 1er et du 2 avril 1976 et je réitère mon invitation d'en déposer le texte si ceci peut être utile.

Il n'y a rien d'autre à dire pour l'instant. Il ne s'agit pas de secret. Tout cela, ce sont des amusements dialectiques. Il n'y a aucun secret là-dedans, mais il y a un cheminement, par exemple, et un cheminement rigoureux qui est celui d'une administration qui sait travailler. Ce cheminement est le suivant: Début avril, dépôt des positions des différents gouvernements, c'est justement ce qui s'est fait le 1er et le 2 avril; mi-juin, ce sera le 14 ou le 15, il y a une rencontre des premiers ministres à Ottawa et le point le plus important à l'ordre du jour sera la question de la garantie des revenus

ainsi que des programmes à frais partagés. Il n'est pas question de dire autre chose pour l'instant que la prise de position du ministre des Finances, lequel — je le répète encore une fois — représente un point de vue gouvernemental et un point de vue étudié par différentes instances, les comités du Conseil exécutif, le CCRI et, bien sûr, tous les processus administratifs du ministère sectoriel lui-même. Il est probable qu'après cette réunion du 14, 15 ou 16 juin, il y ait une nouvelle rencontre du comité permanent des questions économiques et fiscales, une nouvelle rencontre des ministres des Finances peut-être en septembre, probablement en octobre, une rencontre des premiers ministres et ce n'est qu'à la fin de l'année, que la Chambre des communes, c'est-à-dire le Parlement fédéral, envisagerait le dépôt d'un projet de loi qui tiendrait compte des différents points de vue qui auront été exprimés au cours de ces différentes conférences.

Je prétends, M. le Président, que le gouvernement est absolument inattaquable de ce point de vue et je voudrais bien prouver qu'il puisse en être autrement. Non seulement a-t-il suivi le processus normal, mais il a également fait connaître sa position là où elle devait être connue. Je soutiens également, M. le Président, que le ministère des Affaires intergouvernementales a joué, grâce à sa nouvelle loi, et grâce aux structures qu'il a su mettre en place, un rôle et un rôle extrêmement important, qui est d'ailleurs le rôle défini de par la loi.

M. le Président, le deuxième point qu'a soulevé le chef de l'Opposition, concerne la constitution. Je ne sais pas si c'est le moment d'aborder ce sujet, s'il souhaite y revenir, parce qu'en fait, je vous ferais remarquer, M. le Président, que nous sommes actuellement en plein dans le coeur du programme no 1, Affaires fédérales-provinciales et interprovinciales. Mais peu importe qu'on discute avant ou après, il suffira que nous adoptions le programme lorsque le moment viendra.

M. Morin: C'est cela.

M. Cloutier: Merci. Après la fiscalité, je n'ai aucune objection à ce que nous abordions la question de la constitution si nous voulons le faire maintenant et que nous y consacrions tout le temps nécessaire, M. le Président, puisque le chef de l'Opposition m'a tout de même posé une question précise...

M. Morin: C'est comme vous voudrez. M. le Président, je n'ai pas d'objection. Nous pouvons procéder de plusieurs façons. Ou bien le ministre peut nous faire part immédiatement des positions constitutionnelles du gouvernement, ou bien nous pouvons nous attarder quelques instants sur les problèmes de relations financières et fiscales. C'est à son choix, cela m'est égal. De toute façon nous y viendrons d'une manière ou d'une autre. Voulez-vous qu'on aborde ce soir les questions financières?

M. Cloutier: Cela m'est vraiment indifférent.

C'est vous qui posez les questions. Je suis tout à fait d'accord, si vous croyez que c'est plus utile de continuer dans cette lancée des questions financières, je n'ai aucune objection. C'est pour cela d'ailleurs que je me suis permis, vos remarques préliminaires étant faites, de dire que nous aurions tout intérêt à suivre quand même l'ordre habituel et si nous parlons des questions de fiscalité, nous nous trouvons, à ce moment-là, en plein dans le coeur du programme 1 de l'élément 1.

M. Morin: M. le Président, c'est la coutume dans cette commission parlementaire, comme dans les autres d'ailleurs, lors de l'étude des crédits, que nous ayons un débat général au début, ce après quoi l'adoption des divers programmes est une chose beaucoup plus facile, presque automatique.

M. Cloutier: Je n'ai aucune objection et, dans cette perspective, puisque la bonne entente règne — d'ailleurs, elle n'a jamais cessé de régner au sein de cette commission — je me demande s'il ne serait pas plus simple de continuer si vous avez des questions précises sur la fiscalité et plus particulièrement sur les accords fiscaux...

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: ...pour ensuite aborder, à partir des remarques que vous avez faites, la question de la constitution.

Accords fiscaux

M. Morin: Oui. Je crois que nous n'aurons pas trop des quelque vingt minutes qui restent, M. le Président, pour aborder les questions financières et, demain matin, nous nous... ce soir, nous pourrions aborder les questions constitutionnelles après que nous aurons épuisé cette question de rapports entre Ottawa et Québec sur le plan fiscal.

M. le Président, que les politiques fédérales-provinciales doivent être définies par le Conseil des ministres, c'est clair. Cela n'a jamais fait, dans mon esprit, l'ombre d'un doute et je m'étonne d'entendre le ministre faire état d'un argument comme celui-là pour expliquer que son ministère n'a pas de position à prendre dans ce domaine. C'est à son ministère, selon l'article 10 de la loi, d'élaborer les politiques du Québec en matière de rapports avec l'extérieur. C'est donc à son ministère de coordonner, de présenter même les politiques au Conseil des ministres pour que celui-ci prenne les décisions.

M. Cloutier: M. le Président, nous sommes en discussion, alors, je peux répondre à ça. C'est exactement cela et c'est cela que j'ai tenté d'expliquer, mais vous avez reproché au ministère des Affaires intergouvernementales de ne pas s'exprimer suffisamment sur la place publique. J'ai tenté de vous faire comprendre, non sans mal, qu'il s'exprimait dans le processus administratif et il va de soi que le ministère des Affaires intergouvernementales, de concert avec les ministères secto-

riels, est présent au cours de ce processus, élabore des politiques, présente des recommandations au conseil des ministres.

Ceci va de soi. Mais il n'appartient pas au ministère des Affaires intergouvernementales ou au ministre de donner, par exemple, une conférence de presse sur les accords fiscaux alors qu'une politique est en train d'être définie, qu'il y a eu une position claire et nette du ministre des Finances, laquelle était une position gouvernementale, les 1er et 2 avril, et qu'il y a tout un cheminement prévu.

M. Morin: C'est ce que nous allons voir parce que ce document est évidemment infiniment plus intéressant par ce qu'il ne dit pas que par ce qu'il dit...

M. Cloutier: Cela, c'est une autre chose. Faites porter le débat sur le fond, je trouverais ça parfaitement normal, mais ce que je trouve peut-être moins acceptable, c'est que vous critiquiez un ministère qui fait son travail avec une efficacité et une correction que je n'hésite pas à qualifier de remarquables. J'y suis depuis suffisamment peu de temps pour pouvoir porter ce genre de jugement de valeur.

M. Morin: M. le Président, le fait que ce ministère élabore les politiques, les présente au Conseil des ministres, les défend, lui fait également une responsabilité de tenir l'opinion publique au courant de ces problèmes. Dans tout pays qui se respecte, c'est la tâche de chaque ministre. On voit bien dans les divers pays auxquels on peut songer que le ministre des affaires intergouvernementales ou des affaires extérieures est l'un des ministres qui est appelé le plus souvent à faire état devant l'opinion publique des problèmes affrontés par son pays. Ce que je reproche au ministère, et je maintiens ce reproche jusqu'à nouvel ordre, c'est d'être silencieux, c'est de ne pas faire état des problèmes, des tensions qui règnent. Que le ministre me laisse terminer; il a eu l'occasion de me répondre et il aura encore l'occasion de le faire et de préciser les positions de son ministère s'il en est capable.

Ce que je reproché au ministère des Affaires intergouvernementales, c'est justement d'avoir une conception un peu trop bureaucratique de son rôle, de ne pas comprendre. Mais je n'en fais pas un reproche aux fonctionnaires, que le ministre me comprenne bien. Je sais bien que c'est une consigne gouvernementale, je sais bien que c'est le Conseil des ministres qui vous bâillonne, mais je crois que ce serait la responsabilité du ministre, tout de même, étant donné ce que la loi lui confie comme mandat, d'éclairer l'opinion publique.

M. le Président, le ministre disait que la politique, que le dessein du gouvernement est clair, que c'est le Québec, au sein de la fédération canadienne. Je veux bien, tout le monde sait cela.

M. Cloutier: Alors, vous êtes d'accord avec nous, enfin. Bravo!

M. Morin: Mais à quel prix? Oh! Ne faisons pas d'enfantillages. A quel prix? De quelle façon? Dans quelle sorte d'équilibre? Ce sont les vraies questions, tant que nous serons au sein de la fédération canadienne. Ce sont les vraies questions. C'est là-dessus que j'ai l'intention de vous interroger.

M. Cloutier: Ce sont les questions auxquelles nous répondrons.

M. Morin: J'espère bien que vous y répondrez complètement, parce que c'est l'occasion, l'étude de ces crédits, enfin, de sortir du secret qui a entouré tout cela depuis des mois et des mois? Quel est le nouvel équilibre entre Ottawa et Québec? Et qu'en est-il dans le domaine financier? Qu'en est-il du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral? Qu'en est-il dans le domaine de l'immigration? Je ne veux pas repasser tous les ministères en revue, les uns après les autres, quoiqu'on aura peut-être l'occasion d'étudier chaque dossier en détail par la suite.

Dans le domaine fiscal, vous nous dites que le ministre des Finances nous a donné les réponses dans son communiqué du 1er avril 1976. M. le Président, je regrette, ce communiqué ne nous apprend à peu près rien de précis. J'aimerais, peut-être, au cours des minutes qui viennent, justement, me pencher là-dessus. Les arrangements fiscaux actuels, on le sait, se terminent le 31 mars 1977. Ils doivent donc être renouvelés. Toujours, dans le passé, ils ont fait l'objet de négociations pendant les trois ou les deux années qui précédaient, à tout le moins.

Les discussions sont déjà commencées, bien sûr. Il y a eu réunion des ministres des Finances, justement le 1er avril 1976, comme le ministre vient de le dire.

M. Cloutier: II y avait eu des réunions antérieures.

M. Morin: J'imagine bien. A ces discussions sur le renouvellement des arrangements fiscaux se greffe le réexamen de l'ensemble des programmes conjoints, n'est-ce pas?

M. Cloutier: C'est bien cela.

M. Morin: Notamment dans le domaine de la santé et du bien-être social, où cela pose de très grosses difficultés.

M. Cloutier: C'est d'ailleurs largement le Québec qui souhaite que cet examen se fasse de façon globale. Le texte du ministre des Finances, la prise de position gouvernementale le dit très clairement.

M. Morin: Nous allons avoir l'occasion, maintenant, de prendre chaque point à tour de rôle. L'an dernier, le ministre avait dit qu'un comité interministériel avait été formé pour mettre au point la position du Québec et que cette position serait

prête pour l'automne 1975. Je me réfère aux Débats, à la page B-3926. M. Levesque, à ce moment-là, m'avait appris que son ministère était actif dans ce dossier.

Alors, me tournant maintenant vers la péréquation, je voudrais poser les questions suivantes. A l'heure actuelle, le Québec reçoit un peu plus de $1 milliard en péréquation, c'est-à-dire un peu plus que 10% de son budget. Or, le gouvernement fédéral veut réviser complètement la formule de la péréquation dans le but d'en limiter la croissance dans le temps. Je me réfère au discours de M. MacDonald, que le ministre a probablement dans ses dossiers, aux pages 3 et 5.

Le Québec a-t-il, dans ce domaine de la péréquation, une position précise à faire valoir? Insistera-t-il pour conserver la formule actuelle? C'est ma première question.

M. Cloutier: M. le Président, je pense qu'il ne faut pas qu'il y ait de malentendu. Il est clair que le chef de l'Opposition va tenter de me faire dire un certain nombre de choses, je vous dis tout de suite qu'il n'y réussira pas. La position du Québec, en ce qui concerne cette négociation, a été donnée le 1er et le 2 avril. Pour l'instant, il n'y en a pas d'autre. Une réunion des premiers ministres aura lieu le 14 et le 15 juin. Je n'ai pas l'intention de tomber dans ces pièges, parce que ce ne serait pas dans l'intérêt public et ceci risquerait de nuire à la négociation en cours. Seuls les naïfs peuvent s'imaginer que des problèmes de cette complexité peuvent se discuter sur la place publique. Je ne blâme pas le chef de l'Opposition de faire son travail; il est là pour cela. Mais je crois qu'il faut bien qu'il soit compris, ne serait-ce que pour le bénéfice du journal des Débats, que je n'ai pas l'intention de me prêter à ce jeu.

D'abord, deux précisions que j'apporte immédiatement, pour corriger les affirmations qui ont été faites: Le chef de l'Opposition citait mon prédécesseur et parlait d'un comité qui avait été formé. C'est bel et bien au sein de ce comité que la politique s'est élaborée. Ensuite, en ce qui concerne les transferts inconditionnels, c'est en effet un peu plus de $1 milliard, c'est $1,348 milliard, en 1975/76.

NI. Morin: Oui, d'accord sur 1975/76. Maintenant, M. le Président, le ministre n'a pas terminé?

M. Cloutier: Je voudrais savoir ce que vous avez comme notes, lorsque vous parlez de la position québécoise. C'est le communiqué...

M. Morin: J'ai le communiqué, daté du 1er ou du 2 avril, dans lequel...

M. Cloutier: Je vais vous donner, par exemple, cette position, parce que je n'ai pas l'intention de déroger — ce serait de l'irresponsabilité — de la position officielle du Québec. Compte tenu du fait qu'elle a été conçue de la façon la plus rigoureuse qui soit, je cite le discours du ministre des Finances, la déclaration officielle du ministre des Finances. Cela répond à votre question. Là, je comprends mieux, parce que j'ai l'impression que vous n'avez sans doute pas ce texte. "Compte tenu de l'évolution observée au cours des cinq dernières années, je propose de repenser la formule de péréquation dans trois de ses composantes principales. "En premier lieu, nous proposons de remplacer les divers indicateurs de richesse, utilisés actuellement par un indice global de richesse et de capacité fiscale. A titre d'hypothèse de travail, nous avons simulé une formule de péréquation qui s'appuierait sur un seul indicateur de richesse, composé à 85% du revenu personnel et à 15% du revenu des sociétés de chaque province. "En deuxième lieu, la formule de péréquation cesserait d'être fondée sur un choix arbitraire de sources de revenus et serait plutôt basée sur 75% de la totalité des revenus provinciaux, municipaux et scolaires. Cette proposition de 75% représente, grosso modo, la part des budgets des provinces affectée à des services normalisés à travers le Canada: hospitalisation, santé, éducation. "En troisième lieu, le niveau de la péréquation serait calculé en fonction de la moyenne des deux provinces les plus riches plutôt qu'au niveau actuel de la moyenne nationale. — C'est un point particulièrement important — Afin cependant de ne pas accroître substantiellement, dès la première année, les coûts impliqués par de tels changements, nous pourrions adopter une formule de transition selon laquelle le niveau d'égalisation commencerait à 96% de la moyenne des deux provinces les plus riches, pour atteindre progressivement 100%. "Une telle formule de péréquation aurait l'avantage de rendre possible un retrait définitif des programmes conjoints. En effet, si on se rapporte en 1973, on se souviendra que la formule de transferts fiscaux proposée par M. Turner n'était pas acceptable à la majorité des provinces qui ne pouvaient obtenir un véritable "opting out", en raison de la formule de péréquation qui y était associée. "Comment, en effet, des provinces qui supportent des coûts de santé et d'enseignement postsecondaire fondés sur la qualité des services offerts par les provinces les plus riches pourraient-elles se retirer contre un transfert fiscal, égalisé à la moyenne nationale?

La péréquation proposée au niveau des deux provinces les plus riches permettrait à toutes les provinces, y compris les moins favorisées de bénéficier d'un véritable "opting out". Voilà pourquoi, je n'ai rien à ajouter à une déclaration qui est claire et qui est une prise de position lumineuse. Je ne peux que déplorer que l'information du chef de l'Opposition soit aussi incomplète, car il s'agit là d'une déclaration qui a été officiellement présentée par le gouvernement québécois lors d'une conférence fédérale-provinciale où étaient associées toutes les provinces, qui a fait l'objet de commentaires dans la presse et qui normalement, devrait être connue.

M. Morin: M. le Président, cette position m'est connue, mais, si le ministre avait suivi ma question, j'ai attiré son attention sur les prises de posi-

tion du gouvernement fédéral qui constituent un grave problème pour le Québec. Je lui ai souligné, en particulier, que celui-ci veut réviser complètement la formule de péréquation dans le but d'en limiter la croissance. Je me suis référé même textuellement au discours de M. MacDonald aux pages 3 et 5. S'il est besoin, je m'en vais citer au ministre deux ou trois passages dans l'espoir qu'il voudra bien clarifier l'attitude du Québec là-dessus. En ce qui concerne la péréquation, en particulier, M. MacDonald nous disait, dans cet exposé, qu'il avait l'intention de limiter la contribution fédérale, parce que, disait-il, le coût des programmes a augmenté plus rapidement que ce qu'il avait estimé au départ. Bon. Pour en arriver à cette limitation de la croissance de la contribution fédérale, le ministre ajoutait: II faut que les paiements de péréquation augmentent à un rythme qui ne dépasse pas la capacité contributive des contribuables. Cela a l'air, évidemment, d'un objectif tout à fait valable à première vue, mais, quand on en voit les conséquences concrètes pour le Québec, cela crée un problème, cela crée une situation qui ne peut qu'entraîner une diminution de la péraquation à laquelle le Québec a eu droit dans le passé. Le ministre ajoutait: Aucune province ne devrait pouvoir d'elle-même influencer de façon importante son admissibilité à la péréquation. Enfin, disait-il, nous espérons que le programme puisse être beaucoup simplifié afin qu'il soit plus facile à comprendre et à administrer. L'adoption de mesures plus globales rend les formules plus simples. Voilà une raison de plus pour que nous les recherchions. Tous, nous avons déjà expliqué la présente formule au législateur et au public et réalisons les problèmes que cela entraîne. J'aimerais demander au ministre s'il peut nous dire clairement quelle est la réponse du Québec à la volonté du gouvernement fédéral de diminuer sa contribution sous forme de péréquation aux finances du Québec.

M. Cloutier: M. le Président, d'abord, je voudrais souligner que j'ai l'impression que le chef de l'Opposition vient de faire un petit rétablissement de dialectique, parce qu'il ne m'avait pas l'air d'être très au courant de la position québécoise. D'ailleurs, je me demande si on est ici pour discuter de la position québécoise ou de la position fédérale

Négocier, qu'est-ce que c'est? C'est partir de deux points de départ. Nous avons là la position québécoise. Le ministre fédéral des Finances présente sa position. Les négociations sont en cours; à mon tour, moi, je pose une question au chef de l'Opposition. Que pense-t-il de la position québécoise? Il est d'accord ou il n'est pas d'accord?

M. Morin: M. le Président...

M. Cloutier: C'est ça qui est intéressant.

M. Morin: ... je le veux bien. J'avais d'ailleurs passablement de matière sur la question. Je ne vais certainement pas, en deux minutes, aborder chacun des trois points, soit le remplacement des indicateurs de richesse ou l'absence de choix arbitraire ou...

M. Cloutier: On peut continuer. Nous ne sommes pas pressés.

M. Morin: ... le critère des deux provinces les plus riches.

Je vous propose que nous nous retrouvions, je ne sais pas, à 8 heures.

M. Cloutier: D'accord! Et vous pourrez consulter dans l'intervalle.

M. Morin: Nous aurons une discussion à fond sur chacun des critères qui a été proposé par le ministre.

M. Cloutier: Je serais très heureux d'avoir votre opinion.

M. Morin: J'espère que, dans l'intervalle, le ministre pourra, lui aussi, consulter ses gens pour nous faire part de la réaction du Québec aux intentions fédérales en matière de péréquation.

M. Cloutier: Mais à ce sujet, ce sera très court, M. le Président. Il n'y aura pas de réaction pour l'instant, parce que c'est l'essence même de la négociation. Il y a eu une prise de position de la part du gouvernement du Québec. Elle est claire. Elle est précise. Elle est même excellente, et je serais très étonné que le chef de l'Opposition ose la démolir. Je serais très curieux de l'entendre là-dessus. C'est lui maintenant qui est sur la sellette.

M. Morin: II n'est pas question...

M. Cloutier: Ensuite, il y a la position fédérale...

M. Morin: ... M. le Président, de démolir les positions québécoises. Il est question, au contraire, de les clarifier.

M. Cloutier: Et bien, si tant est que cette expérience soit possible, j'en serais très heureux. Pour ce qui est de la position fédérale, c'est le point de départ d'une négociation. Je n'ai pas d'autre chose à dire là-dessus. Nous négocions suivant un cheminement dont j'ai fait état. Je crois que les choses sont claires.

Le Président (M. Pilote): La commission ajourne ses travaux à ce soir, 8 h 15.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

Reprise de la séance à 20 h 32

M. Pilote (président de la commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales): A l'ordre, messieurs! Un instant, s'il vous plaît, j'ai un changement à faire.

M. Morin: En cours de séance...

Le Président (M. Pilote): C'est dans...

M. Morin: ...faire un changement?

Le Président (M. Pilote): ...les habitudes, autant pour l'Opposition que pour... Assez régulièrement.

M. Morin: Je sais. J'ai connaissance de circonstances où cela a été refusé à l'Opposition. C'est pour cela que je me posais la question, mais pour ce soir, je n'ai pas d'objection.

M. Cloutier: A cause de la qualité des députés présents.

M. Morin: Sans doute.

Le Président (M. Pilote): M. Carpentier (Laviolette) remplace M. Pagé (Portneuf); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) remplace M. Tardif (Anjou).

La parole est au...

M. Cloutier: Je pense que j'avais une précision à apporter à la fin.

M. Morin: Moi aussi, j'en ai une à demander au ministre. Peut-être pourra-t-il répondre à ma demande de précision, en même temps.

Je pense, effectivement, que nous avons à régler un problème préliminaire. J'ai tenté, au cours de la première séance, tout à l'heure, de connaître les positions québécoises en matière financière et fiscale en me fondant sur un certain nombre de comptes rendus des journaux qui n'en disaient pas long sur les attitudes du ministre.

Le ministre a fait état d'un exposé écrit du ministre des Finances daté du 2 avril. Or, j'ai fait procéder à des vérifications et, à notre connaissance, aucun texte du ministre n'a été distribué. En tout cas, je puis affirmer qu'il n'est pas parvenu à l'Opposition alors que le texte fédéral nous est parvenu dans des délais tout à fait raisonnables.

Je m'étonne de la chose et je m'étonne davantage que le ministre, tout à l'heure, nous ait reproché de ne pas avoir pris connaissance d'un document qu'il n'avait pas pris la peine de nous faire parvenir.

Je lui demanderai donc, s'il en avait l'obligeance, de déposer le document officiellement, de façon que nous puissions en prendre connaissance.

M. Cloutier: C'est une demande superflue, puisque j'ai offert, cet après-midi, de déposer le document. Alors, c'est avec grand plaisir que je vais le faire, ce soir, si nous en avons suffisamment, ou demain.

Je voudrais, à mon tour, apporter une précision. Si j'ai réagi comme je l'ai fait, c'est parce que le chef de l'Opposition accusait le ministère de ne pas donner de renseignements, de ne pas faire connaître les points de vue gouvernementaux...

M. Morin: C'est le cas, en ce moment.

M. Cloutier: ...et je prétends que ce n'est pas le cas. Cette information n'est peut-être pas apportée instantanément, et ne peut pas toujours l'être, mais elle l'est. J'attire l'attention du chef de l'Opposition sur un certain nombre de publications du ministère des Affaires intergouvemementales et, en particulier, sur deux publications, Québec-Canada et Québec-International et ces publications apportent au public et à tous ceux qui s'y intéressent toute l'information pertinente...

Est-ce que je peux continuer, M. le Président, parce que si je suis interrompu — ceia ne me gêne en rien — je vois mal comment je pourrai répondre aux questions?

Je disais donc que ces deux publications apportent toute l'information pertinente sur les ententes, les grandes conférences, et les textes sont publiés in extenso. C'est ainsi, par exemple, que le dernier numéro de Québec-Canada, puisque nous parlons, en ce moment, du secteur des affaires fédérales-provinciales, porte sur un tas de sujets, et, en particulier, parle abondamment de la conférence fédérale-provinciale des ministres du Bien-être. Il est exact que le texte dont je parlais cet après-midi, n'a pas encore été publié. Il l'est dans le prochain numéro, qui doit sortir incessamment. La conférence a eu lieu au début d'avril et le numéro doit paraître normalement dans le courant du mois de mai. Le texte en question n'a pas été envoyé, semble-t-il, à l'Opposition, c'est exact, mais il a été distribué à la presse lors de la conférence de presse du ministre des Finances. Malheureusement, je pense que notre presse s'intéresse davantage à des problèmes mineurs et qu'il est extrêmement difficile d'avoir une information de fond dans la plupart de nos journaux. C'est une chose que je déplore pour ma part. Combien de fois m'est-il arrivé de faire des discours à l'Assemblée nationale sur des sujets qui m'apparaissaient relativement importants pour la société québécoise, et je ne retrouvais le lendemain qu'un simple entrefilet, alors qu'une simple blague à l'Assemblée fait pratiquement les manchettes. Il y a un problème de l'information au Québec et un problème grave, mais ce n'est pas le moment d'en parler. Je me suis contenté d'apporter les précisions qui précèdent.

M. Morin: II y a effectivement, M. le Président, un problème de l'information grave en particulier pour ce qui est du ministère, puisque ce document fait l'objet d'un exposé oral du ministre à la conférence le 2 avril et qu'un document de cette importance devait être envoyé à l'Opposition, de même

qu'il aurait dû être sans doute déposé en Chambre. Cela aurait été la manière la plus...

M. Cloutier: Vous auriez pu...

M. Morin: ... courte de donner toute l'information dont l'Opposition et la population ont besoin. Si le ministre veut ajouter quelque chose, je le veux bien, mais le résultat, c'est que nous n'avions pas les renseignements complets, nous n'avions que des coupures de journaux, lesquelles, comme le ministre vient de le dire, n'étaient pas complètes. Si nous voulons avoir une discussion intelligente ce soir, il va évidemment falloir que nous prenions connaissance du texte complet.

M. Cloutier: Je souhaiterais effectivement, M. le Président, que nous ayons une discussion intelligente, parce que j'ai eu i'impression que les accusations non fondées du chef de l'Opposition, cet après-midi, accusations qui visaient uniquement à tenter de démontrer que le ministère des Affaires intergouvernementales était presque superflu ou peu efficace, ne brillaient pas par l'intelligence. Je suis ravi de ce retournement de la situation et je ne demande qu'à en voir la preuve ce soir.

M. Morin: M. le Président, nous sommes devant un bel exemple de cette inefficacité dont je parlais cet après-midi. Comment se fait-il qu'un document de cette importance ne nous soit pas parvenu?

M. Cloutier: Comment se fait-il que l'Opposition soit si mal renseignée, que l'Opposition perde son temps à poser des questions oiseuses à l'Assemblée nationale...

M. Morin: Allons, allons, allons!

M. Cloutier: ... au lieu... Certainement, je pose la question, l'Opposition est particulièrement faible actuellement et, en tant que Québécois, je le déplore. Il est parfaitement loisible à l'Opposition d'être informée. Voilà un document qui a fait l'objet d'une conférence de presse. Il n'est pas nécessaire que le gouvernement dépose tous ses documents de travail constamment. Comment voulez-vous administrer si vous administrez sur la place publique? Qu'une information adéquate soit apportée, d'accord. Qu'est-ce qui empêchait le chef de l'Opposition de demander le dépôt, puisqu'il prétend que le gouvernement était inefficace? Je prétends que l'Opposition l'était aussi. Qu'est-ce qui empêchait le chef de l'Opposition de demander le dépôt de la déclaration du ministre? Quelles questions le chef de l'Opposition a-t-il posées...

M. Morin: J'en ai posé. M. Cloutier: ... au retour...

M. Morin: J'en ai posé. Le ministre n'était peut-être pas en Chambre, justement, à ce moment.

M. Cloutier: Bon, bravo!

M. Morin: Pour votre gouverne.

M. Cloutier: Qu'est-ce qui vous empêchait à ce moment-là de poser les questions, que vous posez ce soir, au ministre des Finances?

M. Morin: Si vous aviez également suivi mon discours à la Chambre, vous auriez vu que j'ai fait allusion au fait que nous avions reçu les documents fédéraux, mais pas les documents du Québec.

M. le Président: ...

M. Cloutier: Pourquoi ne les avez-vous pas réclamés?

M. Morin: Le plus simple, c'est que le ministre dépose le document...

M. Cloutier: Je l'ai offert cet après-midi.

M. Morin: Voulez-vous le déposer maintenant?

M. Cloutier: Avec grand plaisir; je vous l'ai offert, vous ne l'avez pas accepté

M. Morin: M. le Président, est-ce qu'il est possible — je ne l'ai pas refusé non plus, le ministre aurait dû le déposer, cela aurait été plus simple...

M. Cloutier: C'est exact. Ecoutez, par politesse, je préférais vous l'offrir.

M. Morin: Est-ce qu'il est possible d'en faire des copies rapidement, M. le Président?

M. Cloutier: En attendant, je n'ai pas objection...

M. Morin: J'espère que le ministre...

M. Cloutier: Je dépose un document, mais je ne dépose pas mes notes personnelles. Ecoutez, à quoi vous attendez-vous, Grand Dieu! Je sais bien que c'est le rôle de l'Opposition d'essayer de tout obtenir, mais il est normal, dans une négociation, que les négociateurs conservent, je ne dis pas un secret absolu, mais au moins une certaine réserve sur leur stratégie. Là, il s'agit d'un texte officiel. Je n'ai aucune objection à ce que vous l'ayez...

M. Morin: Le texte que vous m'avez remis comprend tout ce qui a été déclaré par le ministre au moment de la conférence des ministres des Finances, les 1er et 2 avril.

M. Cloutier: Si vous me le permettez, je vais m'en assurer. C'est exact.

M. Morin: Bien.

M. Cloutier: Est-ce que vous avez dit toutes

les discussions? Ou est-ce qu'il s'agit de la déclaration initiale, le point de vue québécois?

M. Morin: Non. Je voulais le point de vue québécois, vous l'avez très bien compris.

M. Cloutier: C'est cela, vous l'avez, le point de vue québécois, celui qui a été repris dans les communiqués, qui, probablement, le présentaient d'une façon plus succincte.

M. Morin: Oui. M. le Président, je pense que si nous devons avoir un entretien constructif, il serait bon que je puisse lire ce document avec attention. Je m'apprêtais à poser toute une série de questions au ministre sur les attitudes québécoises. Peut-être qu'une partie des réponses se trouve dans le document. Peut-être qu'une autre partie ne s'y trouve pas.

Je propose, pour épargner du temps, que nous remettions cette discussion sur les relations financières et fiscales à demain matin ou à un autre moment, alors que j'aurai pu en prendre connaissance.

M. Cloutier: Je suis entièrement d'accord.

M. Morin: Bien. Il faudrait ajourner un peu plus que cinq minutes, c'est un texte de dix pages, et hautement technique. Pour vraiment pouvoir m'entretenir de façon satisfaisante avec le ministre, je pense qu'il faudrait plus de temps que cela.

On peut passer, si vous le voulez — je vous le propose — à la question constitutionnelle, comme nous en avions fait le projet plus tôt, cet après-midi. Je pourrai revenir sur les relations fiscales demain matin. Si le ministre est d'accord?

M. Cloutier: Je suis entièrement d'accord. Négociations constitutionnelles

M. Morin: M. le Président, abordons, si vous le voulez bien, les négociations constitutionnelles. Je voudrais tout d'abord dire au ministre à quel point ses indiscrétions du 4 février 1976 ont été appréciées.

M. Cloutier: M. le Président, un petit point de règlement...

M. Morin: Est-ce que j'ai la parole?

Le Président (M. Gratton): Question de règlement. L'honorable ministre.

M. Cloutier: Puisqu'il n'y a pas de question de privilège, cela fait deux ou trois fois que le chef de l'Opposition parle d'indiscrétions. Je proteste contre cette expression, parce qu'elle ne correspond pas à la réalité.

M. Morin: Ce n'est pas un point de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Je pense que le ministre peut rétablir un...

M. Morin: Ce n'est pas un point de règlement.

M. Cloutier: Ce n'est pas un point de règlement. Dans ce cas-là, je m'incline.

M. Morin: M. le Président, je voudrais lui dire, de toute façon, que nous avons apprécié disons ses fuites, s'il ne veut pas que j'utilise l'expression "indiscrétions" par lesquelles l'opinion publique a été alertée et mise au courant des manoeuvres du pouvoir fédéral.

J'ai insisté, cet après-midi, dans mon exposé liminaire, sur la nécessité d associer la population à la discussion de ce dossier, mais on ne peut associer la population que si on l'informe, que si on la tient au courant. Il faut donc que le ministre pratique une politique d'information, de porte ouverte, s'il veut avoir l'appui de la population dans les moments critiques comme ceux que nous avons traversés depuis quelque temps.

J'étais enclin à féliciter le ministre des fuites du 4 février, mais je crois que nous sommes en droit de lui reprocher d'avoir tenu secret trop longtemps le contenu de ce dossier, de sorte que le Parti québécois a été obligé de prendre sur lui de rendre publique l'information qu'il avait obtenue.

Le ministre en disait à la fois trop et trop peu, dans ses propos du 4 février. Il saisissait la population d'un problème, mais il ne donnait pas les textes. Il ne nous donnait pas toute l'information qui aurait pu nous permettre et permettre à l'opinion publique de saisir toute la gravité de la situation. Je crains bien que c'est ce secret excessif qui se trouve parfois à l'origine, qui explique certaines fuites. Je les déplore comme lui, mais il arrive que le ministre nous avait laissé soupçonner la gravité de la situation sans nous avoir donné les éléments qui nous permettent vraiment de juger.

Il semble qu'en matière de révision constitutionnelle, le ministre ait des idées bien arrêtées sur la nature de cette révision. Il a déclaré, par exemple, dans certaines de ses entrevues, qu'il accorde peu d'importance aux dossiers sectoriels, réaménagement des pouvoirs dans des secteurs particuliers, comme les communications, les affaires culturelles, les affaires sociales, etc.

Le ministre aime mettre l'accent sur les institutions fédératives, le Sénat, la Cour suprême qui ont fait l'objet effectivement d'un certain nombre de négociations, récemment. Il nous a entretenu également du pouvoir fédéral de dépenser. Mais, pour le reste, si j'ai bien compris sa pensée, il s'en remet, il fait confiance aux mécanismes de coordination, aux arrangements administratifs.

Je pense, en particulier, à l'entrevue qu'il accordait au Soleil le 1er décembre 1975, dans lequel il déclarait qu'on peut aller très loin avec des arrangements administratifs dans divers domaines, qu'il s'agisse des communications, des affaires culturelles et des affaires sociales.

M. le Président, ce qui me frappe dans cette attitude, c'est qu'elle me paraît très proche de la position traditionnellement tenue par le pouvoir fédéral lui-même. En effet, le pouvoir fédéral a toujours préféré des arrangements ad hoc, des compromis qui, souvent, dans les faits, s'éloignent

fort des principes. Le pouvoir fédéral a toujours préféré les mécanismes et qu'on ne tranche pas les questions au niveau des principes. L'attitude du ministre également me paraît tout à fait être constituée d'une rupture par rapport aux attitudes historiques du Québec. Je pense que, bien que nous ayons à nous féliciter du fait que le ministre ait rendu publique, le 4 février 1976, l'existence de négociations avec le pouvoir fédéral, il nous faut déplorer le fait que le gouvernement québécois, par la voix du ministre, ait encouragé les dossiers fédéraux en se montrant beaucoup trop conciliant et en attendant beaucoup trop tard avant de dénoncer les manoeuvres fédérales.

Je voudrais, pour établir cette affirmation, me référer aux cinq conditions de Saint-Félicien, qui sont censées, si j'ai bien compris, résumer la position du Québec devant la réouverture du dossier constitutionnel par les fédéraux. Il serait peut-être bon que nous commencions par jeter un coup d'oeil sur chacune de ces conditions afin de bien comprendre, de bien expliciter les positions du Québec.

Premièrement, a-t-on dit à Saint-Félicien: Nous accepterions de rouvrir les négociations constitutionnelles pourvu qu'elles comportent un engagement de la part du gouvernement fédéral et des gouvernements des autres provinces, à poursuivre, après le rapatriement de la constitution, des discussions sur la révision constitutionnelle?

J'aimerais que le ministre nous explique la portée exacte de cette première condition. Si le gouvernement fédéral avait pris l'engagement sans plus, l'engagement simplement de poursuivre, après le rapatriement de la constitution, des discussions sur la révision constitutionnelle, dois-je comprendre et en conclure que si cette condition avait été réalisée, vous auriez accepté le rapatriement de la constitution?

M. Cloutier: M. le Président, je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu. Je sais que le chef de l'Opposition va tenter par tous les moyens possibles — et son habilité est grande — de me faire faire certaines déclarations. C'est son travail...

M. Morin: Je veux savoir ce qui se passe.

M. Cloutier: ... et je n'ai pas l'intention de tomber dans les pièges qu'il me tendra. J'expose clairement, une fois pour toutes, quelle est la position québécoise en matière de négociation constitutionnelle, et je verrai, par la suite, s'il m'est possible de répondre à certaines questions. Mais il va de soi que je n'ai pas l'intention de révéler une position qui n'est pas encore complètement établie, qui fait actuellement l'objet d'un processus, lequel processus a commencé en août 1975, lors de la conférence des premiers ministres provinciaux à Terre-Neuve. Le chef de l'Opposition se souviendra alors que le premier ministre de Terre-Neuve a été chargé par ses collègues de faire un certain nombre de consultations et que la discussion a été remise à la réunion suivante des premiers ministres, prévue pour août 1976. Nous ne sommes pas en août 1976, que je sache. C'est à ce moment-là qu'il y aura des positions claires, nettes et précises de prises.

Le premier ministre du Québec l'a d'ailleurs dit à plusieurs reprises. Dans ce processus, il y a eu tout récemment une réunion des ministres chargés du dossier constitutionnel. Dans certains cas, il s'agit des ministres des Affaires intergouvernementales. Dans d'autres cas, il s'agit des solliciteurs généraux des provinces. Cette réunion a eu lieu à Toronto, la semaine dernière. Il s'est agi d'une réunion qui n'a pas reçu beaucoup de publicité, parce qu'il n'était pas nécessaire de le faire. C'était une simple réunion de travail. Il ne s'agissait pas du tout d'une réunion secrète. La télévision torontoise a pris un petit bout de film avant le début de la réunion. Je n'ai pas l'intention de révéler ce dont nous avons parlé, parce que c'est la seule façon de travailler.

Il s'agissait, à ce moment, de commencer le processus de consultation de manière que les premiers ministres puissent déjà commencer à envisager le problème lors de la réunion des 14 et 15 juin, bien que le point principal de l'ordre du jour porte sur les arrangements fiscaux et qu'ensuite, à la réunion du mois d'août, ils puissent consacrer pratiquement tout leur temps au problème constitutionnel.

Voilà, par conséquent, quel est le processus qui est engagé depuis longtemps et qui se déroule le plus naturellement possible.

Je protestais contre l'expression indiscrétion, tout à l'heure. C'est parce que le chef de l'Opposition faisait allusion à une entrevue du journal Le Soleil où j'avais repris un certain nombre de déclarations du premier ministre du Québec et où je ne parlais pas de négociation entre Québec et Ottawa en matière constitutionnelle. Je parlais simplement de conservations qui avaient eu lieu, à plusieurs reprises, souvent de façon non formelle, et qui, effectivement, permettaient de vérifier un peu quel était le sentiment de chacune des parties dans cet important dossier.

Et ceci a donné lieu à un certain nombre de commentaires, mais je crois qu'il n'y avait rien de particulièrement nouveau dans mes propos.

Alors, voilà, je crois, une mise au point qui est claire et qui devrait peut-être aider le chef de l'Opposition, s'il désire recevoir des réponses, à poser des questions auxquelles je peux répondre.

Je n'ai certainement pas l'intention de donner, aujourd'hui, dans ce cadre-ci, une position ferme du Québec. Celle-ci, comme l'a dit le premier ministre, ne sera donnée qu'au mois d'août 1976 lors de cette réunion.

M. Morin: Je ne peux faire autrement que de m'étonner de l'attitude du ministre qui voit dans des questions toutes simples, qui ne visent qu'à obtenir de l'information, d'ores et déjà, des pièges et des traquenards.

Faut-il croire que de donner l'information aux Québécois constitue automatiquement un traquenard pour le gouvernement?

M. Cloutier: Est-ce une question?

M. Morin: Franchement, je ne m'explique pas cette attitude. Nous sommes ici, à l'étude des crédits, pour faire sortir l'information, pour que les Québécois sachent ce qui se passe dans un dossier aussi crucial que celui de la négociation constitutionnelle.

Si on me dit constamment, chaque fois que je pose une question: Vous verrez au mois d'août, cela sera un peu comme le coût de la baie James. On l'annonce pour le mois d'août.

M. Cloutier: C'est cela. Le mois d'août, oui. Le chef de l'Opposition s'amuse actuellement. Je le comprends. Je ne lui en veux pas, mais j'ai bel et bien démontré ce soir que le ministère des Affaires intergouvernementales, par ses publications, apportait une information adéquate sur tous les grands problèmes faisant l'objet de prises de position du gouvernement.

J'ai cité dans le domaine des affaires fédérales-provinciales Québec-Canada. Il y a également Québec-International dans le domaine international. J'ai sous les yeux, d'ailleurs, une collection de ces publications et vous verrez que tous les problèmes qui nous concernent y apparaissent, mais ils n'y apparaissent pas n'importe quand. Ils y apparaissent au moment où il y a une position d'établie. Ce n'est pas le cas, actuellement.

Il serait, par conséquent, irresponsable, de donner des renseignements au compte-gouttes alors qu'une position n'a pas encore été établie. Je crois que c'est clair et, lorsqu'une position sera établie, qu'il y aura une conférence à ce sujet, rien n'interdira que cette prise de position fasse l'objet d'un document clair et précis.

M. Morin: Quand cela fait l'affaire du ministre de donner de l'information au compte-gouttes, comme c'était le cas lors de l'entrevue donnée au Soleil, il le fait, mais, malheureusement, ce n'est pas complet. Et ce soir, mon but est de tenter d'obtenir une information la plus complète possible.

M. Cloutier: Tentez et je vous répondrai dans les limites que je vous ai fixées...

M. Morin: Non, le ministre...

M. Cloutier: ... parce que ces limites sont des limites inhérentes au processus de négociation.

Il ne peut pas y avoir de négociation dans quelque domaine s'il n'y a pas une certaine stratégie d'une part et, d'autre part, une certaine cohérence dans les prises de position. J'ai, dans une entrevue, donné les opinions dont plusieurs sont des opinions personnelles. C'est mon droit le plus strict. Je n'ai pas énoncé, à ce moment-là, le point de vue du gouvernement québécois. Si je parlais dans ce cadre-ci, ce serait tout de suite une déclaration qui prendrait une importance différente. J'ai, bien sûr, des idées dans le domaine constitutionnel. D'ailleurs, puisque j'ai la chance d'avoir avec moi un constitutionnaliste, j'aimerais savoir ce qu'en pense le chef de l'Opposition. J'aimerais savoir quels sont les gains que le chef de l'Opposition aimerait que le gouvernement québécois, dans le cadre confédéral qu'il semble maintenant accepter, étant donné le revirement du PQ, pourrait obtenir.

M. Morin: Vous aurez mon sentiment là-dessus. Nous allons prendre tout le temps, mais si vous voulez de l'information de moi, j'en attends de vous. Moi, je suis l'Opposition, vous êtes en ce moment le pouvoir. Je ne sais pour combien de temps, mais vous l'êtes et c'est à vous d'informer la population. C'est nous qui l'avons fait dans notre conférence de presse. C'est nous qui avons été obligés de révéler ce qu'il y avait dans les propositions fédérales. Ce n'était pas vous qui l'aviez rendu public ce document. C'est même nous qui avons dû rendre publiques les conditions de Saint-Félicien.

M. le ministre, franchement, vous me permettrez de mettre en doute votre volonté d'informer la population, c'est l'Opposition qui l'a fait.

M. Cloutier: Ou vous êtes d'une naïveté absolument effarante, ou vous êtes carrément malhonnête.

M. Morin: Expliquez-moi cela.

M. Cloutier: J'opine pour la naïveté, parce que j'ai trop de respect pour vous...

M. Morin: Oui, expliquez-moi cela.

M. Cloutier: ...et je sais que la deuxième hypothèse ne doit pas être retenue. La naïveté est la suivante. Bien sûr, cela vous arrange de rendre publics certains documents ou de profiter de certaines fuites par des voies parfois détournées sur lesquelles je préfère ne pas me prononcer. Cela vous arrange parce que vous êtes l'Opposition; je ne vous demande pas d'admettre mon point de vue, mais je l'exprime clairement. Un processus de négociation doit faire l'objet de certaines étapes. Il serait de la dernière irresponsabilité de révéler au départ ses stratégies et de révéler au départ le contenu des dossiers. Le gouvernement informe la population, il l'a toujours informée et continuera de l'informer.

M. Morin: Ah, oui!

M. Cloutier: Dans le domaine des négociations fédérales-provinciales, ou dans le domaine des contacts internationaux, c'est par ses bulletins officiels, en quelque sorte, qu'il le fait le moment venu. Il n'y a strictement aucun secret dans tout cela, mais il y a une espèce de responsabilité collective. Vous souvenez-vous que je vous ai dit tout à l'heure que le processus avait été engagé lors de la conférence des premiers ministres à Terre-Neuve en août 1975 et qu'un rapport doit être fait par le premier ministre de Terre-Neuve en août 1976? La conférence aura lieu, si je ne me trompe, à Edmonton.

Vis-à-vis des autres provinces, nous avons

également une certaine responsabilité. Les choses doivent se faire dans l'ordre. L'Opposition peut s'accommoder de la confusion, mais le pouvoir ne peut pas le faire. Bien sûr, je vous demande votre opinion parce que je sais qu'elle est pertinente et, en tant que Québécois, si vous voulez contribuer à ce que nous tentons de faire, tant mieux, mais ne vous attendez pas à ce que je révèle...

M. Morin: ...ce que vous tentez de faire...

M. Cloutier: ...plus que ce que nous avons révélé jusqu'ici.

M. Morin: Si le ministre veut l'appui de l'Opposition, il faudra qu'il informe l'Opposition.

M. Cloutier: En temps et lieu.

M. Morin: Autrement, nous ne serons pas en mesure de...

M. Cloutier: Le premier ministre a même évoqué la possibilité d'une commission parlementaire à l'Assemblée nationale.

M. Morin: Quand?

M. Cloutier: II me semble qu'il en a été question. Il suffirait de relever le journal des Débats.

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: Une possibilité. Alors, nous verrons par quel moyen. On ne peut pas l'éliminer. Nous verrons par quel moyen l'information devra se faire.

M. Morin: Vous êtes d'avis, si j'ai bien compris — j'ouvre une parenthèse dans la discussion...

M. Cloutier: Tout heureux de croire...

M. Morin: ...qu'une commission parlementaire doit avoir lieu.

M. Cloutier: Je n'ai absolument pas dit qu'une commission parlementaire devait avoir lieu, voyons. Le procédé est un peu trop gros.

M. Morin: Qu'est-ce que vous avez dit exactement?

M. Cloutier: J'ai dit que le premier ministre avait évoqué la possibilité d'une commission parlementaire.

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: Moi aussi, je vais l'évoquer, la possibilité d'une commission parlementaire. Mais je n'en dirai pas plus, parce qu'il serait de la dernière maladresse de se iier à des modalités au moment où nous sommes en train de discuter les dossiers et nous les discutons même avec les au- tres provinces. J'étais avec une dizaine de mes collègues des autres provinces à Toronto la semaine dernière et nous avons évoqué un certain nombre d'hypothèses. La différence entre l'Opposition et le gouvernement, c'est que l'Opposition se situe...

M. Morin: Elle est énorme.

M. Cloutier: ... dans un contexte totalement différent, bien que je me demande justement quel est ce contexte. Lorsque vous prôniez l'indépendance, au moins, on s'y retrouvait, on savait qui on avait en face de nous. Mais maintenant que vous êtes mi-indépendance, mi-dépendance, maintenant que vous parlez de référendum, on ne sait plus vraiment quoi penser. C'est très inquiétant.

M. Morin: Est-ce que le ministre pense qu'en déformant les positions de ses adversaires, il va clarifier les siennes?

M. Cloutier: Si tant est que je les déforme, croyez-moi, vous déformez les nôtres davantage encore. J'en ai eu une belle démonstration cet après-midi.

M. Morin: Je veux savoir ce qu'il en est et je constate que chaque fois que nous approchons d'un débat véritable et que je pose une question précise au ministre, il se défile.

M. Cloutier: M. le chef de l'Opposition, ie débat constitutionnel n'aura pas lieu ici à la commission parlementaire des affaires intergouvernementales, que vous le vouliez ou non. Est-ce clair? Ce n'est pas ici qu'il doit avoir lieu et j'irais même plus loin...

M. Morin: Je crains justement...

M. Cloutier: ... même si ceci vous peine, le débat constitutionnel n'aura pas lieu entre vous et moi.

M. Morin: M. le Président...

M. Cloutier: L'auditoire sera beaucoup plus large.

M. Morin: ... ce que je craignais justement, c'est exactement cela.

M. Cloutier: Vous êtes content.

M. Morin: C'est exactement cette attitude du ministre qui consiste à refuser d'examiner des choses aussi importantes, qui refuse de donner l'information et qui, bien sûr, se dirige vers une situation où tout ça va être traité en catimini comme cela l'a toujours été dans le passé, comme cela l'a été à Victoria, comme cela l'a été lors de la Fulton-Favreau, toujours cette attitude qui consiste à débattre de questions fondamentales entre quatre murs, derrière des portes capitonnées, de sorte que l'opinion québécoise ne sait

pas ce qui se passe. C'est cela que vous voulez nous proposer encore comme processus de discussion constitutionnelle? Ai-je bien compris?

M. Cloutier: Vous ne vous attendez quand même pas à ce que je dise oui. J'ai expliqué, et je reviendrai là-dessus inlassablement, ma patience est grande, que vous tenteriez de transformer cette discussion des crédits en une discussion constitutionnelle et il n'est pas question que je m'y prête.

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: La prise de position québécoise sera connue au mois d'août, au moment où elle doit l'être.

M. Morin: Ce qui vous permettait, il n'y a pas si longtemps et bien gratuitement, en Chambre, lorsque je vous posais des questions, de faire le fanfaron et de dire: J'en discuterai, je n'ai pas peur du chef de l'Opposition, nous en discuterons en temps et lieu. Le moment, le voilà; le temps et lieu, c'est maintenant.

M. Cloutier: Oh, ce n'est pas mon ton, ce n'est pas mon ton, vous m'étonnez beaucoup.

M. Morin: C'est dans les Débats.

M. Cloutier: D'ailleurs, vous ne m'avez pas fait l'honneur de me poser beaucoup de questions...

M. Morin: C'est dans les Débats.

M. Cloutier: ... depuis que je suis au ministère des Affaires intergouvernementales; ça m'a beaucoup peiné, je dois dire, et je me suis demandé si vous aviez encore un certain intérêt dans ce secteur d'activité.

M. Morin: Je sais que le ministre aime à se faire valoir, mais...

M. Cloutier: Oh, pardon, je crois que tout le monde est témoin qu'au contraire, je suis d'une très grande modestie, au moins depuis quelques mois.

M. Morin: La commission, effectivement, est au fait de la modestie et du silence du ministre, encore qu'il ne faille pas confondre modestie et silence.

M. le Président, le ministre m'a déçu tout à l'heure; je croyais que, dans son entrevue du 4 février, il avait, à dessein, mis les Québécois en garde contre certains dangers qui les menaçaient. Je m'aperçois que ce n'était pas son dessein, mais que c'étaient simplement bavardage et même indiscrétion, si j'ai bien bompris

M. Cloutier: Quels dangers? Est-ce que le chef de l'Opposition voudrait préciser?

M. Morin: Le danger que comportait la réou- verture des discussions constitutionnelles. Ce n'est pas cela? Ce n'est pas contre cela que vous avez voulu mettre les...

M. Cloutier: A mon avis, il n'y a pas de danger à la discussion constitutionnelle.

M. Morin: Contre le rapatriement, puisque le titre, si ma mémoire...

M. Cloutier: Ecoutez, le titre, ce n'est pas moi qui le fais. Croyez-moi, si je faisais les titres, ils ne ressembleraient pas à ceux que nous avons depuis quelques années. Je considère qu'ils sont, dans 50% des cas, carrément malhonnêtes. C'est clair? Je n'hésite pas à le dire.

M. Morin: Le ministre Cloutier ne voit pas d'urgence au rapatriement de la constitution.

M. Cloutier: Ce n'était même pas l'opinion d'un journaliste. C'est l'opinion d'un titreur, ce qui n'est pas la même chose. Le journaliste a fait un compte rendu, dans l'ensemble, qui me paraissait bon, qui me paraissait exact. Mais le titre ne rend absolument pas justice à l'entrevue. C'est ce titre, justement, qui a suscité un certain nombre de réactions.

M. Morin: Dois-je comprendre...

M. Cloutier: Je suis très heureux que vous lisiez avec autant d'intérêt mes entrevues.

M. Morin: Effectivement, j'avais jusqu'ici, accordé une certaine importance à cette entrevue, parce que j'avais l'impression qu'elle avait été donnée à dessein, qu'elle visait un but politique.

M. Cloutier: Elle a été donnée à dessein. M. Morin: C'est ce que je pensais.

M. Cloutier: Et elle vise un but politique, mais je n'ai pas l'impression que vous l'ayez tout à fait compris encore. Continuons, cela viendra peut-être.

M. Morin: Expliquez-nous donc cela.

M. Cioutier: Ah non! Pour l'expliquer, il faudrait d'abord que vous lui disiez ce que vous souhaitez. Quels dangers voyez-vous dans ce fameux rapatriement?

M. Morin: Est-ce à moi à vous décrire les dangers d'un rapatriement unilatéral? M. le Président, cela ressemble de plus en plus à Alice au pays des merveilles. Je suis ici pour interroger le ministre, il me refuse l'information et il voudrait que ce soit l'Opposition... Mais est-ce que nous n'avons pas déjà fait notre contribution à ce dossier en rendant publics les documents que le ministre cachait?

M. Cioutier: Vous appelez cela une contribution au dossier? Vous devriez avoir honte des pro-

cédés que vous utilisez, à la suite de je ne sais quelle complicité.

M. Morin: J'ose croire qu'en l'absence d'interventions du ministre, il était utile que l'Opposition fasse connaître le dossier. D'ailleurs, cela a été la conclusion unanime de l'opinion, si le ministre a pris connaissance de la presse. Heureusement que l'Opposition était là. Heureusement.

M. Cloutier: Les fuites ne constituent jamais des dossiers complets. Et les dossiers ne peuvent être rendus publics qu'à un moment précis d'un processus de négociation. Cela me semble tellement évident que la discussion tourne en rond.

M. Morin: Oui. Je m'en rends compte depuis tout à l'heure, et même depuis le début de cette séance. Mais j'estime quand même, M. le Président, que je dois tenter d'obtenir certains renseignements du ministre; s'il ne veut pas les donner, que ce soit clair.

A Saint-Félicien, cinq conditions ont été définies par le gouvernement. J'aimerais vous demander, puisque vous me dites que les documents sont rarement complets, s'il y avait d'autres conditions que celles-là?

M. Cloutier: Est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous me demandez? La réunion de Saint-Félicien était une réunion du Conseil des ministres, une réunion, par conséquent, sur laquelle, le voudrais-je, que je ne pourrais rien révéler. Je suis lié par un serment d'office. Vous avez bénéficié d'une fuite, semble-t-il. Que voulez-vous? C'est votre problème de morale à vous, mais ce n'est pas le mien. Je n'ai certainement pas l'intention de révéler quoi que ce soit des discussions qui ont eu lieu à Saint-Félicien.

M. Morin: Alors, qu'est-ce que vous pouvez nous dire ce soir?

M. Cloutier: Exactement ce que je vous ai dit. Je vous ai dit que la discussion constitutionnelle ne se ferait pas ici. Ce n'est pas ici qu'elle doit se faire. Je vous ai expliqué que le premier ministre avait bel et bien dit que la position définitive du Québec serait connue en août, lors de la conférence des premiers ministres. Je vous ai également expliqué — j'y reviendrai à satiété, si nécessaire — qu'un processus a été mis en marche l'année dernière, impliquant les autres provinces, qu'une réunion des ministres chargés du dossier a eu lieu la semaine dernière à Toronto, convoquée par Terre-Neuve, qui avait reçu ce mandat précis. Il est possible d'ailleurs qu'il y ait une deuxième réunion.

M. Morin: Cela ne nous apprend rien sur la négociation.

M. Cloutier: Bien sûr, et il n'est pas question que je vous apprenne quoi que ce soit. Je me contente de vous expliquer quelle est la dynami- que de la situation. Je trouve tout à fait légitime que vous tentiez votre chance.

M. Morin: M. le Président, nous allons nous tourner, étant donné qu'il ne sert à rien de poursuivre plus avant sur les conditions que pose le gouvernement à un rapatriement, vers la nouvelle proposition fédérale, j'entends celle de novembre 1975.

Le ministre se souviendra du non du Québec au retour de Victoria.

Après avoir laissé entendre, à la conférence de Victoria, qu'il soumettrait des propositions fédérales à son conseil, le premier ministre Bourassa, par la suite, a dû, s'inclinant devant l'opinion publique, dire "non" à la fameuse charte.

J'aimerais examiner la charte de Victoria et la comparer avec la nouvelle proposition fédérale; mais, avant d'aller plus loin, je devrais peut-être demander au ministre si c'est le genre d'information qu'il se sent libre de donner, parce que, là aussi, s'il refuse le moindrement de traiter des aspects techniques des propositions fédérales, je perds mon temps.

M. Cloutier: C'est tout à fait mon avis. Je refuse de traiter des aspects techniques, parce que je considère que ce n'est pas le lieu. Je vous ai expliqué quel était le processus de négociation qui avait été entamé. Je peux avoir des opinions personnelles sur le contenu, mais ce ne sont pas mes opinions personnelles qui prévalent actuellement. Le discours inaugural expliquait d'ailleurs, de façon suffisante, à ce stade-ci, quelle était la position québécoise.

Egalement, si vous vous référez aux Débats de l'Assemblée nationale, au discours inaugural... Est-ce que vous souhaiteriez que je vous en lise certains extraits? Il y aurait peut-être intérêt à le faire, parce que vous tentez...

M. Morin: Je vous en prie.

M. Cloutier: ... de faire croire à la population que le gouvernement ne se prononce pas. Le gouvernement s'est prononcé clairement sur le plan des principes, mais il n'a pas du tout l'intention de commencer à discuter des détails. Le discours inaugural disait ceci: "Le rapatriement unilatéral serait un rapatriement sans l'accord des provinces et sans formule d'amendement garantissant une réelle participation des gouvernements provinciaux à la modification de la constitution. "Le rapatriement unilatéral serait encore un rapatriement sans mécanisme de révision constitutionnelle, laissant au seul gouvernement fédéral l'initiative et la mise en oeuvre de l'adaptation de la constitution à l'évolution de la réalité politique, économique, sociale et culturelle du Canada. "Au surplus, un rapatriement unilatéral serait, à toutes fins utiles, une fin de non-recevoir aux demandes répétées de tous les gouvernements québécois pour obtenir préalablement les garanties dont le Québec a besoin pour assurer le maintien de son identité culturelle.

"Cette Assemblée comprendra facilement que le gouvernement du Québec ne peut accepter le procédé du rapatriement unilatéral, ni un rapatriement sans formule d'amendement, sans mécanisme de révision et sans garantie. Aussi, le gouvernement entend-il poursuivre, suivant l'échéance qui convient et dans le resserrement des liens et rapports avec les autres gouvernements provinciaux, la définition des exigences qu'il est de son devoir de poser pour rapatrier la constitution." Cela continue.

Qu'on ne vienne pas me dire que, sur le plan des principes, nous ne nous sommes pas prononcés clairement. Mais, le discours inaugural fait état de deux facteurs que j'ai évoqués au cours de la discussion, à savoir que nous avions partie liée jusqu'à un certain point avec d'autres gouvernements provinciaux, puisque nous avons accepté le processus dont je vous parlais tout à l'heure, des deux conférences de premiers ministres et également le fait qu'il y a, en plus des problèmes de principe, des problèmes d'ordre technique.

Voilà la prise de position officielle à ce stade-ci.

M. Morin: Dans sa lettre du 31 mars 1976, M. Trudeau affirme clairement — je citerai les passages tout à l'heure — que les dispositions sur la langue française, les arrangements administratifs portant sur la langue également, provenaient, dans leur formulation même, du Québec.

Je me permets de vous citer un extrait de la lettre de M. Trudeau qui dit ceci: Je ne m'étendrai pas ici sur toutes les difficultés nombreuses et complexes que cette question des garanties constitutionnelles nous a posées. Les discussions avec les représentants de M. Bourassa ont conduit, finalement, à une formulation qui a été incluse dans un document adressé au premier ministre du Québec, en novembre 1975. Vous en trouverez un exemplaire sous ce pli.

La question que je veux vous poser est celle-ci; M. le ministre, pour bien comprendre la position du Québec. Est-ce que les passages qui se trouvent dans les propositions fédérales — si ma mémoire est bonne, c'est aux articles 40 et 42, sur les garanties qui définissent les garanties constitutionnelles et les arrangements administratifs — ont, comme M. Trudeau le laisse entendre, été proposées par le Québec?

Est-ce que leur formulation définitive était celle de fonctionnaires québécois, comme le laisse entendre M. Trudeau?

M. Cloutier: II s'agit de documents qui ont été déposés, n'est-ce pas, à la Chambre des communes? C'est bien ce à quoi vous faites allusion?

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: C'est-à-dire une lettre du premier ministre Trudeau...

M. Morin: C'est cela.

M. Cloutier: ... ainsi qu'un texte de proclamation.

M. Morin: Exactement.

M. Cloutier: C'est bien cela. Il s'agit d'un simple projet qui est un projet fédéral. Il n'y a pas eu de discussion d'ordre politique ou, si vous préférez, de discussions au niveau politique, mais il est possible qu'il y ait eu des discussions au niveau de certains fonctionnaires et ceci ne s'est certainement pas fait depuis que je suis ministre des Affaires intergouvernementales, du moins à ma connaissance. Alors, je ne crois pas que l'on puisse affirmer qu'il s'agit là d'une position définitive du Québec.

M. Morin: Non, ce n'est pas ce que je vous demande. Je me rends compte que la position a pu évoluer depuis lors. Ce que je vous demande, c'est si les articles 38 et 40, paragraphe premier, de la soi-disant proclamation, si ces articles avaient leur origine, comme le laisse entendre M. Trudeau, dans des projets québécois.

M. Cloutier: Très franchement, je suis obligé de vous répondre que je l'ignore. Si tel est le cas...

M. Morin: Est-ce que vos fonctionnaires, vos adjoints pourraient vous éclairer? Je crois qu'eux savent...

M. Cloutier: Je ne pense pas parce que la réponse est la suivante; et je suis obligé de revenir à ce que je disais et à ce que je vous répondais à ce moment. Il n'y a pas eu de discussion politique sur ce texte, il n'y a pas eu de discussion au niveau ministériel, si vous préférez. Il y a eu, semble-t-il, et là, je fais allusion à une période avant que je sois ministre des Affaires intergouvernementales, certaines conversations au niveau des fonctionnaires. Je ne saurais vous dire si on a repris dans le texte fédéral des phrases qui provenaient des fonctionnaires québécois. En fait, mon interprétation, c'est que M. Trudeau peut peut-être le penser de bonne foi, mais le texte, tel que rédigé, ne constitue pas une prise de position québécoise. Il s'agit bel et bien d'un texte fédéral.

M. Morin: Oui, je n'en disconviens pas. Il est bien certain que le projet que vous avez rendu public est un texte fédéral. Seulement, je pense qu'il est intéressant de savoir d'où viennent certaines formules qu'on trouve aux articles 38 et 40 de cette proposition fédérale. Je vous relis le passage de la lettre de M. Trudeau parce qu'il est, comme toute, assez clair: Les discussions avec les représentants de M. Bourassa ont conduit finalement, j'imagine qu'il veut dire en fin de compte, à une formulation qui a été incluse dans un document adressé au premier ministre du Québec en novembre 1975. Vous en trouverez un exemplaire sous ce pli.

M. Cloutier: Je comprends mal votre question. J'ai l'impression que vous cherchez à me faire dire quelque chose et cela reste imprécis. Il n'y a rien de nouveau.

M. Morin: Figurez-vous que toutes mes ques-

tions ont pour but de vous faire dire quelque chose.

M. Cloutier: Oui, mais quelque chose qui vous ferait plaisir à vous. Je vous dis toujours quelque chose, mais je vous dis quelque chose qui correspond à la réalité. Pour vous, la réalité, c'est un miroir aux alouettes. La réalité, c'est votre certaine conception des problèmes.

M. Morin: Arrêtez ces enfantillages.

M. Cloutier: Je m'excuse. C'est très amusant pour vous de tenter de vous faire du capital politique en posant des questions. Quand je vous ai bien expliqué quelle était la nature d'une négociation, quelle était la nature d'un cheminement, que voulez-vous? Cela limite forcément. Ce n'est pas ici que nous discuterons de la constitution. Je vous ai lu l'extrait du discours inaugural qui donne la position québécoise à ce stade. Je peux également vous donner d'autres éléments. Je cherche la référence actuellement. Il s'agit de l'allocution du premier ministre à la clôture du colloque tenu au Mont-Gabriel en août 1975. Il s'agissait là encore du rapatriement de la constitution canadienne. Vous verrez que cela répond à votre question...

M. Morin: Très bien, je vous écoute.

M. Cloutier: ...parce qu'il s'agit là de déclarations publiques. Le rapatriement de la constitution canadienne et l'adoption d'une formule d'amendement à la constitution pourraient être l'occasion d'une reconnaissance des droits culturels des Québécois.

Evidemment, dans le domaine de la révision constitutionnelle, le Québec partage avec d'autres provinces — c'est encore une notion qui revient — un certain nombre d'objectifs visant à réaliser un meilleur équilibre entre le pouvoir fédéral et le pouvoir provincial.

Nous avons eu d'ailleurs l'occasion d'en discuter, il y a quelques jours, à la conférence des premiers ministres provinciaux à Saint-Jean, dans la province de Terre-Neuve. C'est la conférence à laquelle je faisais allusion et qui nous a permis de démarrer ce processus. Cependant, le gouvernement du Québec, pour des raisons évidentes, se doit d'exiger des garanties constitutionnelles très claires dans des secteurs naturellement liés à la sécurité culturelle parmi lesquelles les communications et l'immigration ont une signification particulière. En tant que chef du gouvernement du Québec, je suis convaincu que les Québécois n'accepteront le repatriement de la constitution, objectif désirable en soi, que si cette constitution leur donne des garanties pour l'avenir de la culture française. La voilà, votre phrase. Il est très possible que M. Trudeau ou ses fonctionnaires aient pris, je ne dis pas de cette déclaration, mais de cette prise de position, leur recommandation.

Il me semble, en effet — nous continuons — tout à fait normal que le Québec se voit reconnaître le pouvoir et les moyens de décider finalement des questions majeures qui concernent la protection et le développement de sa langue et de sa culture, etc., etc.

M. Morin: Oui. Mais je vais vous expliquer... Vous n'avez pas répondu à ma question. Je regrette. Sauf qu'on retrouve...

M. Cloutier: Je n'ai pas répondu à votre question de façon...

M. Morin: ... dans ce texte les expressions comme "garanties constitutionnelles claires". Bien sûr, c'est un énoncé de politique. Mais ça ne répond pas à ma question, et vous allez comprendre la portée de cette question.

Si, en effet, ce sont des fonctionnaires québécois qui ont proposé les textes ou même la première formulation des textes qui se trouvent dans le projet de proclamation, et si, par la suite, le premier ministre s'est décommandé, en quelque sorte, à la suite de vos commentaires au Soleil, à la suite de la levée de boucliers qui a eu lieu dans l'Opposition par la suite, si donc, M. Bourrassa a commencé par proposer des textes pour les rejeter ensuite, je comprends très bien la colère du premier ministre fédéral, et tout s'explique. La sortie récente de M. Trudeau s'explique. C'est pour ça que je vous pose ces questions.

M. Cloutier: Je reviens sur ce que je disais, avec une précision supplémentaire, peut-être. On m'informe qu'il n'y a pas eu de textes québécois qui ont été présentés au gouvernement fédéral. Il y a eu des conversations, comme je vous disais, antérieurement, et tout cela se situe avant que je sois au ministère. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas pu vous répondre d'emblée et que j'ai dû aller aux renseignements. Je crois que c'est assez clair.

M. Morin: S'il n'y a pas eu de textes proposés par les fonctionnaires québécois, dois-je comprendre que la lettre de M. Trudeau signifie-que les fonctionnaires qui négociaient, et je conviens qu'il ne s'agissait là en aucune façon de textes définitifs, parce que les fonctionnaires n'ont pas le pouvoir d'engager le gouvernement. Dois-je comprendre tout de même que des fonctionnaires avaient donné leur assentiment à ces textes ou laissé entendre qu'ils pourraient être acceptables? Je vous répète la phrase de M. Trudeau: Les discussions avec les représentants de M. Bourrassa ont conduit, finalement, à une formulation qui a été incluse dans un document adressé au premier ministre du Québec. C'est la proclamation, le projet de proclamation.

M. Cloutier: On m'affirme qu'il n'y a jamais eu d'assentiment de donné par qui que ce soit au niveau des fonctionnaires, encore moins au niveau politique, puisque je vous ai expliqué qu'il n'y avait même pas eu de discussion autrement que des conversations informelles, probablement, entre les premiers ministres.

Maintenant, il est possible que, du côté fédéral, on ait interprété les conversations qui ont eu lieu au niveau des fonctionnaires comme un assentiment, ce qui justifierait la façon dont la chose est présentée dans la lettre de M. Trudeau. C'est une hypothèse que je formule. Mais, en ce qui concerne le gouvernement, les choses sont claires. Il n'y a pas eu de textes. Il n'y a pas eu d'assentiment, mais il y a très certainement eu des conversations.

M. Morin: Oui, ça, tout le monde le sait.

M. Cloutier: N'oubliez pas que nous nous situons actuellement dans un contexte de négociation, et il y a une position québécoise, qui est une position de principe. Je vous concède qu'elle ne va pas dans les détails, et je vous ai expliqué qu'elle n'avait pas à aller dans les détails à ce stade-ci des discussions. Mais il est normal qu'il y ait également une position fédérale, et vous avez là la position fédérale. Il n'y a pas à s'en étonner. Il n'y a d'ailleurs pas à s'étonner si les deux positions s'éloignent l'une de l'autre.

C'est le cas des arrangements fiscaux dont on parlait tout à l'heure. Je vous ai cité la position québécoise. Vous m'avez cité la proposition fédérale. Bien sûr, elles ne coïncident pas, mais c'est à partir de ces deux points de départ qu'une négociation va se déployer. *

M. Morin: Admettez-vous que si le gouvernement fédéral a pu avoir l'impression qu'il avait une forme ou une autre d'assentiment de la part des fonctionnaires du Québec, cela pourrait justifier la colère du premier ministre fédéral lors de sa visite à Québec, le 5 mars?

M. Cloutier: Je n'ai pas à faire de commentaires sur les réactions dont vous parlez. Si vous voulez poser la question, pourquoi ne la poseriez-vous pas à lui? J'ai vraiment l'impression que cela n'est pas pertinent à la discussion actuelle.

J'avais cette lettre et que voulez-vous? Peut-être s'agit-il d'une stratégie fédérale aussi? Quant à moi, j'en prends acte tout simplement, mais je prends aussi acte du fait que le texte en question est un texte qui pourrait servir de départ à une discussion ultérieure, mais, pour autant que je le sache, il ne constitue pas la position québécoise.

M. Morin: Donc, ce texte pourrait...

M. Cloutier: Mais c'est probablement l'opposition fédérale qui tient compte d'un certain nombre d'aspirations québécoises telles qu'elles ont été exprimées dans certaines déclarations que je vous ai données, en particulier, dans le domaine des garanties culturelles et les garanties de la langue française.

M. Morin: Tournons-nous vers l'article 38 du projet fédéral, au titre IV, intitulé: Protection de la langue et de la culture française. On nous y apprend que le Parlement du Canada...

M. Cloutier: Puis-je me permettre de vous interrompre pour vous apporter une précision qui vient de me parvenir...

M. Morin: Volontiers! Volontiers!

M. Cloutier: ... parce que je vois que vous voulez aller au fond du problème et moi également? Je crois que nous n'en sommes pas loin.

Lorsque le gouvernement québécois a déposé ces documents à l'Assemblée nationale, la contrepartie du dépôt du gouvernement fédéral, il y a eu une lettre du premier ministre Bourassa, datée du 7 avril, que vous devez avoir, et il y a un paragraphe qui répond, sans doute, à votre question.

Je lis uniquement ce paragraphe, c'est le deuxième: "Quant au fond du problème, vous le notez vous-même dans votre lettre du 31 mars aux autres premiers ministres, la position du Québec va manifestement plus loin que ce que vous-même, quant à vous, envisagez comme possible dans l'immédiat."

J'interprète ce paragraphe comme étant une admission que le document fédéral ne correspond pas d'emblée aux vues québécoises.

M. Morin: Oui. Je crois que cela est devenu rapidement le cas après que les textes ont été rendus publics. Je crois que, effectivement, la réaction publique a été suffisamment vive pour que le gouvernement soit sur ses gardes et n'accepte pas d'emblée les textes fédéraux.

M. Cloutier: C'est une interprétation... M. Morin: Je me permets de vous l'offrir.

M. Cloutier: Vous avez tout à fait le droit de le faire, mais ce que je peux vous dire, c'est que le gouvernement québécois a montré beaucoup de rigueur dans ce dossier. Il est évident que les opinions peuvent évoluer, les interprétations peuvent évoluer, mais il n'a pas été question de reculer parce que l'opinion publique aurait réagi d'une certaine façon.

C'est une manière, M. le chef de l'Opposition, de vous attribuer un certain mérite, de capitaliser sur les fuites que vous provoquez je ne sais pas par quel détour.

M. Morin: Oh! Je serais très heureux que le ministre reconnaisse que nous soyons, à l'occasion, les porte-parole de l'opinion publique. J'en serais trop heureux.

M. Cloutier: Malheureusement, vous ne l'êtes pas.

M. Morin: Bon!

M. Cioutier: Je souhaiterais que vous le soyez davantage.

M. Morin: Mais, ces enfantillages mis à part, venons donc à l'article 38. Le Parlement du Ca-

nada, nous dit-on, et le gouvernement du Canada sont tenus de prendre en considération, outre notamment le bien-être et l'intérêt du peuple canadien, le fait que l'un des buts essentiels de la fédération canadienne est de garantir la sauvegarde et l'épanouissement de la langue française et de la culture dont elle constitue l'assise.

Si j'ai bien compris ce que vous venez de me dire et le contenu de la lettre du 7 avril, signée par le premier ministre Bourassa, ce texte, en particulier, est insuffisant, parce qu'il ne va pas aussi loin que l'eût souhaité le Québec. Est-ce bien cela?

M. Cloutier: II n'est pas possible de procéder de cette façon et d'acquiescer à vos questions. Je suis obligé de vous resituer dans le contexte. Vous avez la mauvaise habitude de vous en éloigner.

Ce n'est pas le lieu de donner la position québécoise sur ce projet de proclamation, lequel projet n'a pas été accepté par le Québec ou, en autant que je le sache, par aucune province. Le processus est engagé. Lors de la réunion de Toronto, à laquelle je faisais allusion, les provinces, les ministres présents ont commencé à étudier ce texte, ont demandé un certain nombre de précisions, ont l'intention de faire faire certaines études; le processus, par conséquent, est engagé. Vous conviendrez avec moi qu'il ne m'est pas possible de négocier avant même que la négociation se fasse. Ce n'est pas le lieu. Je me suis contenté, le plus clairement possible, d'énoncer les prises de position de principe et j'ai tenu à le faire par la voix du porte-parole le plus autorisé, c'est-à-dire le premier ministre et également le discours inaugural. Ce sont là les positions québécoises à ce stade-ci. Vous pouvez considérer ce projet de proclamation exactement comme il a été considéré lors du dépôt comme un projet qui pourrait peut-être fonder des discussions.

M. Morin: Dois-je comprendre que vous refusez de nous donner l'opinion, la position du gouvernement québécois sur les textes qui sont maintenant publics.

M. Cloutier: Vous avez très bien compris. Je vous en félicite. Mais j'ajoute que cette position sera connue à la fin du processus engagé, c'est-à-dire à la conférence d'août.

M. Morin: Et en prenant bien garde que l'opinion publique sache ce qui se passe dans l'intervalle. C'est bien cela?

M. Cloutier: L'opinion publique saura tout, mais une négociation suppose, bien sûr, qu'il y ait de part et d'autre une prise de position et qu'il y ait une espèce d'accord qui, souvent, se présente sous la forme d'un compromis. N'oubliez pas qu'il y a au Canada — je sais que vous l'oubliez facilement — dix provinces, lesquelles ont des intérêts divergents.

M. Morin: En effet.

M. Cloutier: Bien sûr. C'est cela notre pays et c'est cela le fédéralisme. Cela me paraît absolument normal, moi. Or comment voulez-vous qu'une province qui a certainement plus d'intérêts que d'autres dans un dossier comme le dossier constitutionnel, puisse se prononcer au mépris d'ailleurs de son engagement d'août 1975, avant même que la discussion ait pu se faire entre les partenaires. C'est la négation du bon sens.

M. Morin: Oui, seulement le ministre va commencer, peut-être, à comprendre ce contre quoi je tente de le mettre en garde. En 1964, le premier ministre Lesage et son principal conseiller aux affaires constitutionnelles, M. Gérin-Lajoie, avait de la sorte négocié en catimini ce qu'on a appelé la formule Fulton-Favreau. Bien sûr, ils ont informé l'opinion publique, mais ils l'ont fait après la négociation. Le résultat a été qu'ils ont dû faire marche arrière.

M. Cloutier: Qu'est-ce que vous appelez l'opinion publique, M. le chef de l'Opposition, ceux qui disent comme vous?

M. Morin: Toute l'opinion publique, toute l'opinion publique québécoise.

M. Cloutier: Je vous pose la question. Vous croyez que l'opinion publique est vraiment très impliquée actuellement dans les problèmes constitutionnels? Vous pensez qu'il n'y a pas d'autres problèmes?

M. Morin: Attendez-vous qu'elle n'intervienne qu'après et qu'elle vous serve une correction comme celle de la charte de Victoria?

M. Cloutier: L'opinion publique, ce n'est pas seulement la Société Saint-Jean-Baptiste, M. le chef de l'Opposition.

M. Morin: Mais je n'ai jamais soutenu cela. Il n'empêche...

M. Cloutier: II fut un temps.

M. Morin:... le ministre en conviendra, que s'il n'y avait pas eu ces interventions, peut-être aujourd'hui serions-nous aux prises avec la charte de Victoria.

M. Cloutier: C'est de l'histoire hypothétique. Cette position n'intéresse pas...

M. Morin: Oui, chaque fois que la question commence à être un peu plus précise...

M. Cloutier: Pas du tout. Ce n'est pas une question précise. Vous me dites que si les choses avaient été différentes elles auraient été différentes. Vous n'observez pas l'exemple de Victoria.

M. Morin: M. le Président, si je puis avoir la parole deux minutes, le ministre va comprendre ce à quoi je veux en venir. Au fond, c'est pour son bien que je le dis, parce que... Laissez-moi finir vous aurez tout le loisir de répondre par la suite.

M. Cloutier: Mais je tiens à vous remercier tout de suite de votre...

M. Morin: Oui. J'aurais bien voulu, à l'époque, que le premier ministre Lesage y réfléchisse avant et rende les textes publics avant d'aller s'engager. J'aurais bien voulu qu'à Victoria le premier ministre également y pense avant de se rendre à Victoria et informe l'opinion publique avant d'y aller comme en 1964 et je crains qu'au rythme et de la façon dont vont les choses, nous nous acheminions vers un fiasco semblable, c'est-à-dire qu'à la suite du document qui sera rendu public en août 1976, peut-être, ou à la suite de toute autre entente survenant entre le Québec et les autres provinces et le gouvernement fédéral, vous ne deviez à nouveau faire marche arrière et vous faire dire non par l'opinion publique québécoise.

Est-ce que vous ne croyez pas que c'est suffisamment sérieux comme situation pour tenter d'éviter cela?

M. Cloutier: Qu'est-ce que vous appelez un fiasco? Je peux vous poser cette question.

M. Morin: Est-ce que la charte de Victoria à votre avis était un succès?

M. Cloutier: Voici. Ce que je voudrais vous dire, c'est ceci: vous ne poursuivez pas du tout les mêmes objectifs que le gouvernement québécois et pour cause, à moins que vous ayez changé tellement, encore plus que je le pensais. Le Québec fait partie de la fédération canadienne. C'est la politique...

M. Morin: C'est indéniable.

M. Cloutier: C'est indéniable, encore heureux.

M. Morin: A l'heure actuelle, c'est indéniable.

M. Cloutier: Encore heureux. La politique qu'il défend, par conséquent, tient compte de ses partenaires dans cet ensemble.

M. Morin: Oui.

M. Cloutier: L'objectif du rapatriement est très certainement souhaitable, mais pas à n'importe quel prix. Tous les textes que je vous ai lus en conviennent clairement. Par conséquent, tout le problème consiste à trouver une formule qui tient compte de la réalité canadienne, puisqu'elle est assumée, puisqu'elle est acceptée et, en même temps, qui tient compte des aspirations québécoises. Dans votre optique, je ne vois aucun arrangement constitutionnel qui pourrait vous satisfaire puisque vous souhaitez l'indépendance. Il y a une espèce de contradiction dans votre raisonnement actuel et c'est pour ça — je sais bien que c'est vous qui me questionnez et je réponds — que j'ai très envie de vous demander qu'est-ce qui vous paraîtrait un arrangement souhaitable. Y en a-t-il un seulement qui puisse être souhaitable?

Comment pourrait-il y en avoir un de souhaitable à vos yeux puisque, au départ, vous refusez l'ensemble canadien? Il y a une espèce de contradiction dans les termes que je ne m'explique pas.

M. Morin: Le ministre fait semblant de ne pas comprendre que nous tentons d'obtenir pour le Québec, tant et aussi longtemps qu'il se trouve à l'intérieur du Canada, le statut qui soit le moins lourd possible à porter. Si le gouvernement nous dit qu'il désire obtenir des garanties claires et réelles, des garanties culturelles, c'est notre tâche, en tant qu'Opposition, et tant que le Québec fait partie de la confédération, de nous assurer qu'il ne s'agit pas là d'un leurre. Or, vous savez comme moi que, dans l'article 38, c'est un leurre.

M. Cloutier: Pourquoi est-ce un leurre?

M. Morin: Ah bien, justement, voulez-vous que nous entrions dans l'article 38?

M. Cloutier: J'aimerais bien que vous m'en parliez, vous.

M. Morin: C'est ce que je vous proposais.

M. Cloutier: Non, mais moi, j'ai donné mon point de vue; c'est vous qui dites que c'est un leurre.

M. Morin: Non, vous avez refusé d'en discuter.

M. Cloutier: Je vous pose la question. Mais pas du tout, je vous ai expliqué quel était le contexte de la négociation.

M. Morin: Bon.

M. Cloutier: Mais puisque vous l'abordez. Cela ne me gêne pas de vous entendre.

M. Morin: Bon.

M. Cloutier: Tant mieux. Peut-être allez-vous contribuer à nous éclairer.

M. Morin: Nous entrons dans l'article 38. M. Cloutier: Mais moi, je n'en discute pas. M. Morin: II n'y a que moi qui vais en discuter.

M. Cloutier: Pour moi, le problème est réglé, je vous ai expliqué ce qui en était, j'ai donné des réponses. Si cela vous intéresse de donner votre position, vous avez une tribune, allez-y.

M. Morin: M. le Président, je regrette ce dialogue de sourds. J'aurais cru l'autre jour, après les affirmations du ministre en Chambre, qu'il serait un peu plus disposé à discuter du fond des choses ce soir. C'est lui qui, l'autre jour... Ah, il se sentait peut-être un peu talonné en Chambre, je ne sais trop. Ah, vous verrez, nous en reparlerons. Nous

venons pour en parler et il voudrait que je parle tout seul.

M. Cloutier: Nous avons parlé des principes, est-ce clair? Mais nous n'allons pas parler d'un projet de texte qui doit être discuté dans certaines réunions, qui fait déjà l'objet d'un processus de négociation et qui peut servir de point de départ.

M. Morin: Projet public, désormais.

M. Cloutier: Bien sûr.

M. Morin: N'est-ce pas?

M. Cloutier: Oui.

M. Morin: Et vous refusez d'en discuter?

M. Cloutier: Je refuse d'en discuter parce que nous avons mis en place un processus de négociation qui est engagé et que nous avons une responsabilité vis-à-vis non seulement de la cohérence administrative, mais également vis-à-vis de nos partenaires.

M. Morin: Je vais vous poser une question très simple, parce que je vois que ça ne sert à rien de discuter du texte mot à mot. Pourtant, il faudrait le faire.

M. Cloutier: Cela ne sert absolument à rien. M. Morin: Oui, j'ai bien compris, là.

M. Cloutier: Merci, ça m'a pris du temps, mais j'y suis arrivé.

M. Morin: L'article 38... Vous vous trouverez un jour exactement dans la position où se trouvait M. Bourassa en 1971 et M. Lesage en 1964. Ils n'avaient pas l'air particulièrement intelligents, n'est-ce pas?

M. Cloutier: Vous ne me demandez pas mon avis, vous donnez le vôtre.

M. Morin: Je vous le donne et je ne souhaite pas que ça se produise dans le cas du ministre.

M. Cloutier: De toute façon, ce n'est pas moi...

M. Morin: Nous sommes partis pour ça, de la façon dont vont les choses, c'est vers ça qu'on se dirige à nouveau, vers un fiasco de ce genre. Si vous voulez des exemples de fiasco, je vais vous en donner.

M. Cloutier: Vous devriez vous en réjouir.

M. Morin: Voilà ce que...

M. Cloutier: Si vous étiez...

M. Morin: ...je vous ai expliqué tout à l'heure déjà que je me refuse à la politique du pire. Je sais que vous aimeriez que nous nous en réjouissions...

M. Cloutier: Alors, pourquoi vous êtes-vous opposé à la loi 22, la plus grande affirmation de notre collectivité en matière linguistique?

M. Morin: II y a longtemps que I opinion publique vous a dit ce qu'elle en pensait.

M. Cloutier: Oh! pardon. Doucement. Vous manquez de recul historique, mais enfin.

Le Président (M. Gratton): Allons! Allons!

M. Morin: M. le Président, à moins que le ministre veuille que nous discutions à nouveau, article par article, du bill 22, je n'ai pas l'intention d'entrer là-dedans.

M. Cloutier: Vous n'avez pas eu le courage de dépasser l'article 1.

M. Morin: Oh! C'est vous qui avez imposé... M. le Président, je pense que c'est vous qui présidiez, par-dessus le marché.

Le Président (M. Gratton): Oui.

M. Cloutier: C'est pour cela d'ailleurs que...

M. Morin: Ils nous ont imposé le bâillon et...

M. Cloutier: Comment, le bâillon?

Le Président (M. Gratton): A l'ordre!

M. Cloutier: Vous vous êtes débrouillés pour faire parler tout le monde.

M. Morin: Oui, je vous le jure.

Le Président (M. Gratton): A l'ordre!

M. Cloutier: J'entends encore le député de Lafontaine.

Le Président (M. Gratton): A l'ordre! C'est justement parce que j'ai présidé pendant deux mois que je n'ai pas l'intention qu'on recommence ce soir. Revenons au dossier constitutionnel.

M. Morin: M. le Président, je ne voudrais pas non plus vous affliger de la sorte. Une question simple. Est-ce que l'article 38, dans sa rédaction actuelle, et sans entrer dans les détails, est acceptable au gouvernement?

M. Cloutier: Même réponse. Comment voulez-vous que je réponde à cela, puisque je vous ai expliqué qu'il n'était pas question d'éplucher ce projet. Ce n'est pas le lieu. La négociation est engagée ailleurs. Je vous félicite de votre persistance.

M. Morin: Je vous avoue que... J'essaie d'obtenir l'information en dépit de la façon dont le ministre entend discuter de ces questions qui sont pourtant bien importantes.

M. Cloutier: C'est parce qu'elles sont importantes que nous en discutons comme il faut en discuter. Comment voulez-vous que nous venions court-circuiter tous les mécanismes d'une négociation?

M. Morin: Mais voyez-vous, M. le ministre, ce qui risque de se produire, c'est qu'en 1964 et en 1971, c'est cela qui s'était produit, c'est-à-dire un refus d'étaler le dossier devant l'opinion publique, avant d'aller négocier en secret, soit à Ottawa, soit à Victoria.

Et je vous mets en garde contre cette tentation qu'ont beaucoup d'hommes d'Etat et de technocrates, de régler ces problèmes que le vulgaire ne comprendrait pas, entre gens qui comprennent cela, pour ensuite découvrir que l'opinion publique ne marche pas, pour se trouver devant une levée de boucliers et être obligés in extremis, de dire non à Ottawa, à deux reprises déjà, alors qu'on avait commencé par dire oui. C'est cela le danger. Ce que je crains, à l'heure actuelle, c'est qu'on ne se dirige vers une nouvelle situation comme celle-là. Seulement, plus on avance dans cette histoire, plus cela devient dangereux.

M. Cloutier: A ma connaissance, le PQ n'a jamais présenté de projet en ce sens. Ce serait assez intéressant. Pourquoi ne nous feriez-vous pas le même coup que vous nous avez fait avec la loi 22, lorsque vous êtes arrivés avec votre contre-projet, lequel ressemblait singulièrement, d'ailleurs, au projet gouvernemental?

M. Morin: Nous avons fait des propositions.

M. Cloutier: Faites donc le même exercice pour la constitution et nous verrons ce que cela donnera.

M. Morin: Nous l'avons fait. Je m'étonne que le ministre ne connaisse pas les textes que nous avons rendus publics à plusieurs reprises.

M. Cloutier: Je parle de quelque chose de plus étoffé.

M. Morin: Non, non.

M. Malouin: Le budget de l'an 1.

M. Cloutier: Oui, le budget de l'an 1 pourrait également faire l'objet de...

M. Morin: M. le Président, je m'étonne que le ministre n'ait pas vu le texte de nos conférences de presse. Nous avons, par exemple...

M. Cloutier: Cela m'a paru d'une faiblesse insigne.

M. Morin: Je vous donne un exemple. Il me paraît que toute formule d'amendement qui serait respectueuse des droits du Québec, devrait contenir la reconnaissance du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Vous vous souviendrez que cela a fait l'objet d'une discussion déjà, à laquelle le Dr Laurin a d'ailleurs été mêlé.

Quelle est l'opinion du ministre là-dessus? Il m'a demandé ce que nous mettrions dans cette formule d'amendement. Je lui donne un exemple. Quelle est l'opinion du ministre là-dessus?

M. Cloutier: Je ne parle pas seulement de la formule d'amendement. Je parle d'un contre-projet complet. Je voudrais que vous nous refassiez un peu ce que vous nous avez fait pour la loi 22. Cela a alimenté nos discussions pendant un certain temps.

M. Morin: Qu'est-ce que vous répondez à ce que je viens de vous dire? C'est précis, quand même, comme suggestion.

M. Cloutier: Si je réponds à cela, vous allez triturer ma déclaration de toutes les façons possibles.

M. Morin: Mais non, pas du tout.

M. Cloutier: Je m'en tiens à ma ligne de conduite. Elle est, je pense, fondée tant sur le plan administratif quesur le plan de la cohérence des négociations entreprises.

M. Morin: Je vois, M. le Président, que le ministre a l'air tout à fait déterminé à continuer dans les traditions de secret, mais qu'il prenne bien garde de se trouver dans la situation de M. Lesage en 1964, ou dans celle de M. Bourassa, en 1971, J'aurais pourtant cru que la leçon qu'a eue M. Bourassa, en juin 1971, lui aurait suffi. Je ne souhaite pas au ministre qu'il connaisse le même sort.

Mais passons à autre chose, puisque nous ne pourrons vraisemblablement pas discuter sérieusement des articles 38 et 40. Dans son entrevue du 1er décembre 1975, le ministre a déclaré que son ministère avait convoqué récemment, disait-il à cette époque-là, une réunion de tous les grands avocats constitutionnels du Québec, afin de recevoir leurs conseils sur le dossier constitutionnel.

Cela a piqué un peu ma curiosité, parce que je...

M. Cloutier: Comme vous n'étiez pas invité, cela a peut-être piqué autre chose.

M. Morin: Je ne m'attendais pas certainement à être convoqué à une telle réunion. Je sais bien que le pouvoir se méfie suffisamment des hommes d'opposition pour ne pas les convoquer, mais il y en a bien d'autres, au Québec, des experts constitutionnels qui ne sont pas dans l'Opposition. Cela m'a un peu étonné, parce que j'avoue que j'en connais quelques-uns, pour ne pas dire tous, ces constitutionnalistes, ces experts constitutionnels

et je n'en ai pas rencontré beaucoup qui aient favorisé le moindrement les propositions qui ont été rendues publiques par le gouvernement.

Puis-je vous demander quelques détails sur cette consultation? Encore, cela participe de ce climat de secret. On ne consulte pas la population.

M. Cloutier: II n'y a rien de secret là-dedans.

M. Morin: Laissez-moi terminer. On ne consulte pas la population, mais on consulte tous les grands avocats constitutionnels du Québec. J'aimerais bien vous demander qui cela pouvait être et sur quoi a porté cette consultation.

M. Cloutier: Nous n'avons certainement pas consulté tous les grands avocats du Québec. Je ne sais pas d'où vous tirez cette citation, mais je suis sûr de ne pas avoir dit "tous". Vous avez trouvé cela où, dans quel journal?

M. Morin: Le Soleil.

M. Cloutier: C'est écrit "tous les grands avocats"?

M. Morin: Le 1er décembre. Je vais vous trouver la citation.

M. Cloutier: Ce n'est certainement pas mon style, c'est une interprétation du journaliste. J'ai parlé, effectivement, d'une réunion...

M. Morin: Je l'ai.

M. Cloutier: Allez-y.

M. Morin: "Pour appuyer ses affirmations, M. Cloutier a même tenu à annoncer que son ministère a convoqué récemment une réunion de tous les grands avocats constitutionnalistes au Québec...

M. Cloutier: Ce n'est pas une citation de moi, cela.

M. Morin: ... sous la présidence d'un sous-ministre associé, afin d'explorer certaines avenues.

M. Cloutier: Ce n'est pas une citation, M. le chef de l'Opposition; c'est un paragraphe; c'est une interprétation du journaliste. Ce n'est pas une citation.

M. Morin: Donc, vous n'avez pas...

M. Cioutier: Certainement, j'ai convoqué une réunion de constitutionnalistes, mais il ne s'agissait pas d'une réunion de tous les constitutionnalistes.

M. Morin: Est-ce que...

M. Cloutier: II y a eu une réunion avec, je ne sais pas combien, cinq ou six spécialistes en cette matière. Il y en a eu d'ailleurs plus qu'une. Je crois que nous en avons eu à peu près deux. Je n'ai pas du tout l'intention de vous révéler leurs noms. Je n'ai pas du tout l'intention de vous dire ce qu'ils nous ont conseillé. Ce sont des processus administratifs courants. Je passe mon temps à demander des consultations juridiques.

D'ailleurs, pour la loi 22, vous vous souvenez...

M. Morin: Est-ce que vous avez choisi ces conseillers sur la liste des avocats libéraux?

M. Cloutier: C'est encore la jalousie, hein! qui vous fait parler. Lors de la loi 22, je m'étais, comme vous le savez, entouré de toutes les précautions. La preuve, c'est que la Cour d'appel m'a donné raison, n'est-ce pas? Vous vous souvenez fort bien des belles discussions juridiques que nous avons eues.

M. Morin: Est-ce que le député de Louis-Hébert était sur...

M. Cloutier: Le député de Louis-Hébert a contribué à ces discussions d'une façon tout à fait valable.

M. Morin: II me semblait aussi que vous n'étiez pas pour aller les chercher dans l'Opposition.

M. Cloutier: Non, le député de Louis-Hébert n'a pas participé à ... D'ailleurs, j'ignorais qu'il était constitutionnaliste.

M. Desjardins: Je n'ai pas été convoqué. M. Morin: A ses heures. M. Cloutier: Ah oui!

M. Desjardins: Je n'ai pas été convoqué à cette réunion; vous auriez dû me convoquer.

M. Cloutier: Absolument pas.

M. Morin: Mais, est-ce que je puis vous demander...

M. Cloutier: J'avoue que je n'y ai pas pensé. M. Desjardins: La prochaine fois, je l'espère.

M. Morin: ... du moins si on a discuté du fond de la substance de ce qu'on a appelé la nouvelle proposition fédérale?

M. Cloutier: Constamment, j'ai besoin d'opinions juridiques. C'est un ministère qui s'y prête. A l'instar de la loi 22, je tiens à m'entourer de toutes les précautions, de toutes les opinions possibles. Cette réunion, qui a été effectivement présidée par le sous-ministre associé, avait uniquement pour

but d'entendre les constitutionnalistes, de connaître leurs opinions. Je crois que c'est tellement banal dans une administration que je ne vois vraiment pas quelles révélations vous imaginez entendre.

M. Morin: Que le ministre se rassure, je ne m'attendais pas à ce qu'il me révèle même les noms de ceux qui étaient là. Mais, je veux le mettre en garde.

M. Cloutier: Contre mes collègues?

M. Morin: Non, contre la consultation trop unilatérale de soi-disant experts constitutionnels qui sont déjà de l'avis du gouvernement.

Souvenez-vous qu'en 1964 et en 1971, le gouvernement avait également consulté des "experts constitutionnels". C'étaient en général, parce que je sais qui c'étaient à cette époque, du moins dans un cas, c'étaient en général des "bens-oui-oui", des gens qui disaient ce que le gouvernement voulait bien entendre, de sorte qu'on a eu ensuite les surprises de Victoria et d'Ottawa.

M. Cloutier: Ce n'est pas très gentil pour vos collègues, M. le chef de l'Opposition. Vous prétendez que les constitutionnalistes sont malhonnêtes...

M. Morin: Est-ce que j'avais vraiment des collègues à ces réunions?

M. Cloutier: Ecoutez, vous êtes avocat.

M. Morin: Vous me dites que je ne suis pas gentil pour mes collègues... Mes confrères, pas mes collègues, oui, je comprends.

M. Cloutier: Des confrères, oui. Il y avait peut-être aussi un ou deux collègues.

M. Morin: Oui. Je mets en garde le ministre contre la tendance à n'entendre qu'un son de cloche. S'il veut vraiment avoir des conseils, il devrait prendre soin de consulter des gens de toutes les opinions...

M. Cloutier: C'est exact.

M. Morin: ... de s'informer de toute la gamme des opinions.

M. Cloutier: La seule personne que nous n'avons pas consultée, c'est vous. Cela ne nous paraissait pas pertinent.

M. Morin: Non, vous n'aviez pas à consulter l'Opposition pour un débat de cette nature. C'est entendu. Vous devrez, cependant, un jour, consulter l'Opposition avant d'aller à la négociation. D'ailleurs, vous avez ouvert...

M. Cloutier: C'est une autre histoire...

M. Morin: ... la possibilité, si je vous ai bien compris, d'une commission parlementaire avant d'aller vous engager de façon définitive. J'espère que c'était sincère de votre part...

M. Cloutier: Attendez et vous me citerez correctement.

M. Morin: Vous avez évoqué...

M. Cloutier: Evoqué.

M. Morin: ... tout à l'heure...

M. Cloutier: II y a bien des nuances dans tout ça.

M. Morin: ... oui, la possibilité d'une commission parlementaire, ce qui est une façon politique de nous dire: Si cela fait votre affaire, nous l'aurons cette commission parlementaire; si cela ne fait pas votre affaire, nous ne l'aurons pas.

M. Cloutier: C'est évident. Ecoutez, nous sommes vraiment... Cela va de soi. Le gouvernement a la responsabilité de gouverner.

M. Morin: C'est cela. Seulement, si je puis mettre le ministre en garde, c'est ce que prétendait faire M. Lesage en 1964, gouverner, et c'est ce que prétendait faire M. Bourassa en 1971. Cela leur a joué des tours. Si le ministre veut se faire jouer des tours comme ses prédécesseurs, c'est son affaire.

M. Cloutier: Mais vous parlez d'autres sons de cloche. Où sont-ils ces autres sons de cloche? De votre côté?

M. Morin: Je pense qu'il y a, même chez les constitutionnalistes qui sont d'obédience fédéraliste, des experts constitutionnels qui sont en profond désaccord avec les textes que vous avez rendus publics. Est-ce que vous ne le savez pas?

M. Cloutier: Ce que je peux vous dire, c'est que je n'ai choisi aucun de ces consultants volontairement. La recommandation m'a été faite par le sous-ministre. J'ai chargé le sous-ministre et le sous-ministre associé de choisir les consultants qu'ils souhaitaient, parce qu'il s'agissait à ce moment de vérifier certaines hypothèses ou de s'assurer de la constitutionnalité de certains points. Est-ce clair? Je l'ai fait volontairement. Je le déclare solennellement.

M. Morin: Que vous avez...

M. Cloutier: Ce que je viens de dire.

M. Morin: ... consulté des experts constitutionnalistes choisis, non pas par vous, mais par un de vos fonctionnaires?

M. Cloutier: Je suis convaincu que ce sous-ministre a choisi ceux, non pas qui lui paraissaient en rapport avec une opinion donnée, mais qui

étaient susceptibles de lui apporter l'information dont il avait besoin. Je suis parfaitement satisfait...

M. Morin: Dois-je comprendre que le ministre ne s'est pas assuré lui-même qu'il avait devant lui un éventail d'opinions?

M. Cloutier: Je n'ai pas voulu le faire. J'ai suffisamment confiance aux hauts fonctionnaires qui m'entourent, dans un travail de cette nature, qui est un travail technique, pour les laisser consulter de manière qu'ils m'arrivent avec une synthèse d'opinions. Je n'ai jamais eu qu'à me réjouir de cette façon de procéder.

M. Morin: De sorte que le ministre se dispense de répondre à ma question.

M. Cloutier: Je n'ai pas l'impression de m'en dispenser.

M. Morin: Oui, c'est une technique comme une autre. Il y en a plusieurs. On ne répondra pas, parce que...

M. Cloutier: S'il est nécessaire d'avoir d'autres consultations qui seraient peut-être d'une nature plus politique, ce qui a été le cas de la loi 22, où j'avais toute une série de consultations, en particulier dans le domaine scolaire, qui remontait à sept ou huit ans, mais j'ai eu moi-même des consultations avec certains experts... D'ailleurs, vous savez que ce n'est pas à vous que je vais apprendre qu'il y a une certaine marge d'interprétation, surtout en droit constitutionnel. Alors, j'ai voulu, dans le domaine linguistique, avoir des consultations, mais qui, à ce moment, étaient peut-être d'une nature un peu plus politique. Ce n'est pas le cas actuellement. Nous sommes à l'étape technique. Je vois arriver le député de Saint-Jacques, cela me rappelle les beaux jours de... On s'ennuie un peu maintenant.

Le Président (M. Gratton): Alors, messieurs, il est 22 heures. Est-ce que la commission... On remercie le député de Saint-Jacques des bonnes nouvelles qu'il nous apporte. Est-ce que la commission serait prête à ajourner maintenant ses travaux à demain matin?

M. Cloutier: Moi, j'aimerais autant continuer jusqu'à 23 heures, mais ça dépend du chef de l'Opposition.

M. Morin: Si la Chambre est ajournée, je serais d'avis que nous reprenions demain matin tout simplement.

M. Desjardins: On pourrait continuer une heure.

M. Cloutier: Est-ce que le chef de l'Opposition pourrait nous donner une idée du temps qu'il entend consacrer... Je ne pose pas la question pour moi, mais je devrai prier mon collègue, le ministre des Affaires culturelles, d'être présent à un moment donné pour discuter du dossier de l'Office franco-québécois.

M. Morin: Ecoutez, je pense bien que nous en avons pour quelques heures.

M. Cloutier: C'est pour ça que je suggérais qu'on aille jusqu'à 23 heures, mais...

M. Morin: De toute façon, ce que nous pourrions faire, puisque je ne peux savoir combien de temps nous devrons disposer pour terminer ce dossier... Cela dépend des réponses du ministre. Jusqu'ici, je dois avouer que la discussion est un peu plus courte que ce à quoi je m'attendais, parce que les refus de répondre, en définitive...

M. Cloutier: J'ai toujours répondu. M. Morin: Ah oui! M. Cloutier: Toujours.

M. Morin: Oui. Vraiment? Ce dont nous pourrions convenir, c'est que, de toute façon, où que nous en soyons dans le dossier, nous pourrions entendre jeudi matin ou jeudi après-midi, au choix du ministre, le collègue des Affaires culturelles.

M. Cloutier: Pour un tas de raisons, je préférerais que ça vienne à la fin, parce qu'il y a certaines informations qui pourront être pertinentes au dossier.

M. Morin: Bon! A ce moment, si vous le voulez, nous allons avancer davantage dans le dossier...

M. Cloutier: Avançons et nous nous reposerons la question.

M. Morin: ...et nous verrons où nous en sommes.

Le Président (M. Gratton): Messieurs, la commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 57)

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