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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 17 novembre 1977 - Vol. 19

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du livre blanc sur la consultation populaire au Québec


Journal des débats

 

Etude du livre blanc sur la consultation populaire au Québec

(Dix heures)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Les membres de la commission pour la présente séance sont: M. Bertrand (Vanier), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) remplace M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond), M. Burns (Maisonneuve), M. Gratton (Gatineau), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Johnson (Anjou), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lamontagne (Roberval) remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Lavoie (Laval), M. Lévesque (Taillon) remplacé par M. Fallu (Terrebonne), M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Martel (Richelieu), M. Gosselin (Sherbrooke) remplace M. Morin (Louis-Hébert), M. Gagnon (Champlain) remplace M. Morin (Sauvé), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).

J'inviterais maintenant l'Office des droits des détenus et ses représentants à bien vouloir venir nous présenter leur mémoire, s'il vous plaît. Est-ce que le porte-parole pourrait se présenter et présenter son collègue, s'il vous plaît?

Office des droits des détenus

Mlle Hanigan (Patricia): Je suis Patricia Hani-gan, de l'Office des droits des détenus, et à ma droite il y a Jean-Claude Bernheim, également à l'Office des droits des détenus.

L'objet de notre mémoire renferme aujourd'hui le droit de vote des prisonniers, enfin ce qu'on appelle plutôt les citoyens québécois incarcérés. On a constaté, dans le livre blanc, que le gouvernement entendait permettre aux citoyens incarcérés d'exercer leur droit de vote lors des consultations populaires.

Pour nous, à l'Office des droits des détenus, depuis notre création, soit en 1972, une de nos préoccupations majeures, notre cheval de bataille a été l'extension du droit de vote aux personnes incarcérées. C'est pourquoi on considère qu'un nouveau changement dans la loi est particulièrement important puisqu'il constitue une amorce dans la reconnaissance des droits de ces personnes. Ce qu'on veut vous transmettre aujourd'hui, ce qu'on aimerait voir dans la prochaine loi concerne premièrement le droit de vote de tous les citoyens incarcérés et ce, qu'ils soient prévenus, détenus dans les prisons provinciales ou dans les prisons fédérales. On aimerait également que ce droit de vote soit reconnu à tous les scrutins, non seulement lors de consultations populaires. Egalement, on aimerait qu'il y ait des amendements apportés pour éviter la discrimination fondée sur le casier judiciaire de certaines personnes.

Or, le droit de vote de tous les citoyens incar- cérés, je pense qu'il n'est peut-être pas nécessaire de rappeler que le seul droit qu'enlève une sanction d'emprisonnnent est le droit de circuler librement dans la société. C'est pourquoi il apparaît comme fondamental que les personnes puissent continuer de se prévaloir de leur droit de vote et qu'elles aient les mêmes droits que l'ensemble des citoyens. C'est une position de base que l'Office des droits des détenus a toujours défendue depuis sa création.

En ce moment, la Loi électorale rend inhabiles à voter uniquement les personnes qui sont sous le coup d'une condamnation pour un acte punissable de deux ans d'emprisonnement et plus. C'est donc dire que, jusqu'à maintenant, et encore maintenant, une personne qui est en détention préventive, c'est-à-dire avant son procès, et une personne qui a été condamnée pour une infraction criminelle passible de moins de deux ans d'emprisonnement ont donc toujours le droit de vote.

Or, dans le passé, on s'est rendu compte que, malgré que la loi consacrait ce droit, dans les faits aucun détenu, aucun prévenu du Québec n'a pu l'exercer. Donc, cela peut vous mettre en garde contre le fait que ce n'est pas parce que la loi prévoit un droit que l'exercice du droit en est par conséquent garanti; il faut également penser aux mécanismes qui vont permettre l'exercice de ce droit.

Depuis 1972, on parle du droit de vote des prisonniers; on nous a souvent fait état de problèmes techniques, quant à l'organisation du vote. A quel endroit les détenus auraient-ils droit de vote, où les inscrirait-on? C'est souvent pour cela qu'on nous a dit: Ils n'ont pas droit de vote, ils ne voteront pas. Sauf que, pour nous, on ne peut accepter ce genre d'excuse; des problèmes d'ordre technique ne sauraient être considérés pour empêcher l'exercice d'un droit fondamental.

Les problèmes d'ordre technique qui peuvent se poser pour savoir où on va inscrire les détenus: Va-t-on les inscrire à leur lieu de domicile habituel ou va-t-on les inscrire à la prison où ils résident temporairement? Je pense que, dans un cas comme dans l'autre, cela pose des problèmes. Si on prend le lieu de détention comme lieu de résidence habituelle, compte tenu que, dans les prisons provinciales, 40% des admis ont des sentences inférieures à quatre mois et que le taux de roulement est très grand dans les prisons, si donc on inscrit comme lieu de domicile la prison, il est fort possible qu'au moment du scrutin la personne ne soit plus domiciliée à la prison. D'autre part, si on prend comme critère unique le lieu de résidence habituel ou antérieur à la condamnation, il y a plusieurs personnes, en prison, qui sont des personnes seules, qui n'ont pas de famille, donc, au moment de leur incarcération, n'ont plus de domicile fixe. Cela cause d'autres problèmes à ce niveau.

C'est pourquoi nous recommandons, d'une part, qu'un citoyen ne soit pas privé de son droit de vote du seul fait de son incarcération et que le domicile de la personne puisse être choisi par la

personne en prison elle-même, soit le domicile où elle habitait avant son incarcération ou encore la maison de détention où elle est présentement gardée. De plus, nous recommandons que, dans tout établissement de détention, que ce soit provincial ou fédéral, se tiennent des bureaux de votation avancée, comme c'est le cas pour les militaires, et que les bulletins de vote soient redistribués dans les comtés respectifs, le jour du scrutin.

Si nous sommes heureux de constater que le gouvernement entend permettre aux citoyens incarcérés de voter lors de consultations populaires, nous espérons également que cette volonté va se manifester dans tout autre scrutin, dans tout autre processus décisionnel où l'ensemble des citoyens est concerné. C'est pourquoi nous recommandons que le gouvernement apporte des amendements à la Loi électorale et à toute loi provinciale, par exemple la Loi des cités et villes, le Code municipal, les chartes spéciales, etc., traitant de la tenue du scrutin en vue de les rendre conformes à la future loi de la consultation populaire en ce qui concerne le droit de vote des personnes incarcérées.

Le troisième point que nous voulions vous soumettre ce matin concerne l'élimination de la discrimination fondée sur le casier judiciaire. Comme nous nous réjouissons une fois de plus de constater que le droit de vote des personnes incarcérées serait enfin établi, il est également important de se pencher sur les conséquences qu'entraîne une condamnation. Le droit de vote est enlevé pendant que les personnes sont emprisonnées. Or, lorsque celles-ci sortent de prison avec un casier judiciaire, elles subissent encore des discriminations dans la Loi électorale en ce qui concerne les charges d'officiers d'élection. Même si on peut comprendre que les motivations de telles restrictions aux personnes qui ont un casier judiciaire proviennent d'incidents particuliers, la seule possession d'un casier judiciaire ne peut constituer un élément de non-qualification pour un officier d'élection. C'est pourquoi nous recommandons que la loi ne discrimine pas les individus en raison de leur casier judiciaire, c'est-à-dire que ce ne soit pas le seul motif pour interdire l'accès d'un individu à un poste d'officier d'élection. C'est en substance ce que nous avions à dire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous remercie Mlle Hanigan. Là-dessus, je cède la parole au ministre.

M. Burns: Mlle Eagan? Mlle Hanigan: Hanigan. M. Burns: Hanigan? Mlle Hanigan: Eh oui!

M. Burns: Excusez-moi. Surtout un gars qui s'appelle Burns ne devrait pas se tromper sur ces choses-là. Je vous remercie, Mlle Hanigan, pour la présentation de votre mémoire. Comme vous l'avez signalé, il y a une préoccupation dans le livre blanc qui est très clairement énoncée pour permettre aux détenus, aux personnes incarcérées de prendre leur droit de vote, d'utiliser ce droit de vote et de le faciliter. Je pense que la déchéance civile est une chose du passé.

C'est une vieillerie avec laquelle on n'a plus à travailler, et même le Code civil l'a mise de côté. Alors, je pense qu'on doit faire un pas de plus et je partage entièrement vos vues là-dessus.

Il faut redonner, surtout en période électorale, ce droit aux personnes qui sont détenues, aux personnes qui sont incarcérées, parce que ce sont quand même des citoyens. Ces gens ne deviennent pas quelque chose d'autre parce qu'ils ont commis un crime ou une infraction qui a conduit à leur incarcération. Là-dessus, on partage entièrement vos vues. D'ailleurs, vous avez vu que, dans le livre blanc, on s'apprêtait à redonner le droit de vote aux détenus au moment d'un référendum.

Maintenant, je vais émettre une opinion très personnelle qui ne lie pas nécessairement le gouvernement, non plus. Je pense que votre suggestion relativement au droit de vote lors des élections devrait être retenue également. Je serais personnellement favorable à cela.

Il y a une de vos recommandations que je devrai, avec mes collègues, examiner de très près, c'est celle relative au fait qu'une personne qui a un casier judiciaire puisse être aussi un officier d'élection. Je vous dis, à première vue, qu'il n'y a pas de sérieux problèmes, mais, avant de vous donner un oui clair à cela, j'aimerais mieux être en mesure de me reposer la question et, surtout, d'avoir l'opinion de mes collègues du Conseil des ministres, de mes collègues de l'Opposition et de mes collègues ministériels également. Là-dessus, j'émets simplement un certain nombre de réserves.

Quant au reste, Mlle Hanigan, je n'ai pas d'autres remarques à faire sur votre mémoire parce que, dans l'ensemble, je suis d'accord avec ce que vous nous avez soumis. Alors, je vous remercie infiniment de nous avoir soumis ce document.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Je voudrais aussi remercier Mlle Hanigan qui est venue présenter son mémoire aujourd'hui. Je pense qu'il est important, à ce stade-ci des travaux de la commission parlementaire devant éventuellement déboucher sur un projet de loi concernant les référendums, que nous ayons l'occasion d'avoir ce point de vue que je considère tout à fait important dans le cadre de nos discussions. Vous avez, évidemment, axé votre présentation sur le droit de vote des détenus, spécifiquement sur ce point.

Evidemment, c'était le sujet qui vous intéressait aussi, au point de départ. En ce qui concerne l'Union Nationale, nous considérons aussi que les personnes incarcérées sont également des citoyens à part entière et je pense qu'on ne doit pas, à ce titre, leur enlever certains privilèges, certains

droits qui doivent être reconnus à tout citoyen d'une collectivité normale et normalement articulée. C'est pourquoi, de ce côté-ci de la table comme de l'autre côté, nous reconnaissons le bien-fondé des recommandations que vous faites à cet effet et je pense qu'il sera possible, étant donné qu'il semble y avoir unanimité, de leur donner suite à l'intérieur du projet de loi comme tel. Je pense que cela ne causera pas de problème et votre comparution ici, ce matin, a souligné de façon définitive que seront présentes, je pense, dans le projet de loi, les recommandations que vous faites, du moins en ce qui concerne la question du droit de vote aux détenus.

Je limiterai, moi aussi, mes remarques à ceci en vous remerciant de votre belle présentation et des arguments que vous soulevez à l'intérieur de votre mémoire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.

M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je suis aussi d'accord, Mlle Hanigan, avec vos recommandations. Je voudrais seulement vous interroger un peu sur la dernière pour savoir, dans votre esprit, jusqu'où elle doit aller. Il y a, dans notre société, plusieurs types de crimes. Il y a ceux qu'on appelle parfois les crimes de cols blancs. Je vais vous donner un exemple. Je ne sais pas dans quelle mesure il est pertinent par rapport aux lois, parce que je n'ai pas en mémoire les détails de toutes les lois, mais, par exemple, un dirigeant élu, qu'il s'agisse d'un député ou d'un maire ou d'un conseiller municipal, qui aurait été, après recours aux tribunaux, trouvé coupable et condamné à la suite d'une infraction du genre abus de pouvoir ou conflit d'intérêts ou pot-de-vin ou prébende, enfin, une accusation de cet ordre. Autrement dit, d'avoir fait personnellement de l'argent au détriment du public grâce au fait qu'il détenait le poste dont il s'agit.

Je crois qu'à l'heure actuelle, dans certaines circonstances au moins, ces personnes sont interdites d'accès, peuvent devenir interdites d'accès à cette même catégorie de postes pour un certain temps.

Est-ce que vous voudriez lever aussi ce genre d'interdiction? Je vous pose la question parce que dans l'opinion publique on peut voir là une protection. Quelqu'un qui aurait commis ce genre de crime, cela inquiéterait l'opinion publique, si on le voyait accéder de nouveau à la fonction dont il s'agit. On craindrait qu'il recommence.

Mlle Hanigan: Je comprends très bien votre point de vue. C'est d'ailleurs ce que je mentionnais pendant la présentation en disant: Finalement, on peut comprendre qu'on soit arrivé à mettre certaines restrictions, compte tenu de certains faits. Cependant, s'il peut être dangereux ou peut paraître dangereux à la population de remettre quelqu'un dans un poste où il a déjà commis un délit répréhensible, je pense qu'on ne doit pas empêcher toute une autre catégorie de citoyens qui ont commis des délits qui n'ont absolument rien à voir avec un poste d'officier d'élection, par exemple un vol à l'étalage. Quelqu'un qui a commis un vol à l'étalage doit-il être privé de devenir officier d'élection du seul fait de son vol à l'étalage, surtout s'il a été commis quatre ans auparavant et qu'il n'y a pas eu d'autres infractions après? Je pense qu'il y a peut-être des motifs qui paraîtront valables pour disqualifier quelqu'un en tant qu'officier d'élection. Cependant, la notion de casier judiciaire englobe une grande catégorie de gens et un grand nombre de personnes dont le délit n'a aucun lien avec les "dangers" réels ou apparents qu'elles pourraient causer lors de leur fonction d'officier d'élection. A ce moment, on considère que le critère de casier judiciaire est nettement discriminatoire par rapport à une grande catégorie de citoyens. C'est davantage en ce sens. La recommandation stipule d'ailleurs que c'est du seul fait de leur casier judiciaire.

M. de Bellefeuille: Vous me répondez, je crois, en fonction de votre recommandation no 5 alors que je vous interrogeais plutôt en fonction de votre recommandation no 6. Vous me répondez en somme que vous ne voulez pas que certaines personnes souffrent d'interdiction parce que certaines autres personnes devraient peut-être être frappées d'interdiction. La question que je vous pose c'est à savoir si l'interdiction de ce genre devrait être complètement levée. Sans vouloir vous mettre des mots dans la bouche, l'exemple que j'ai donné, je pourrais moi-même y apporter au moins un élément de réponse. C'est que la responsabilité au fond, revient aux électeurs et que les électeurs eux-mêmes peuvent tenir compte des antécédents d'une personne dans un choix électoral, sans que cette personne soit nécessairement frappée d'interdiction.

Autrement dit, on peut laisser la réponse aux électeurs; ceci dit, je répète que dans l'opinion publique on risque de s'inquiéter beaucoup si on lève tout type d'interdiction. Je me demande si, à votre avis, il est possible de faire certaines distinctions.

Mlle Hanigan: Si vous voulez plus de précisions, si c'est ce que vous voulez, je puis tout de suite vous répondre que nous ne sommes pas habilités à déterminer qui devrait et qui ne devrait pas être officier d'élection. Cependant, notre préoccupation première est la défense des prisonniers qui, une fois sortis, sont des ex-détenus. On veut tout simplement vous souligner le fait que certaines personnes subissent en ce moment de la discrimination tout simplement à cause de leur casier judiciaire, parce que la loi donne comme critère le casier judiciaire pour disqualifier des gens.

Ce n'est pas qu'on ne soit pas d'accord pour dire que ce n'est pas n'importe qui qui peut devenir officier d'élection; ce n'est pas qu'on dise: Ouvrez les postes à n'importe qui. Nous demandons tout simplement que lorsque vous établirez des

critères de qualification pour ces postes et que vous voudrez faire attention aux personnes qui ont des antécédents criminels qui ont un lien direct avec un poste électoral, vous n'utilisiez pas comme critère le casier judiciaire puisqu'il ne signifie pas ce que vous voulez strictement éviter.

M. de Bellefeuille: Je vous remercie. Je voudrais, en terminant, répéter que je suis tout à fait d'accord avec l'esprit de votre mémoire et avec ses recommandations. Je considère qu'il est très important d'affirmer, comme vous le faites, des principes fondamentaux qui sont parfois oubliés, par exemple, le principe selon la privation de la liberté est elle-même une peine suffisante. C'est la peine dont le détenu est frappé et elle est suffisante. Il ne faut pas y adjoindre d'autres peines qui, dans certains cas, ne sont même pas dans les lois et qui, dans d'autres cas, peuvent figurer dans les lois, mais, sont contraires au fondement de notre justice. Il y a aussi le principe selon lequel une personne qui, selon l'expression convenue, a payé sa dette envers la société devrait effectivement avoir quittance et, par conséquent, cette personne ne devrait pas être poursuivie indéfiniment par ce qu'on appelle un casier judiciaire. Je vous remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, vous me permettrez, d'abord, de m'excuser auprès de nos invités pour mon arrivée tardive et pour l'absence de mes collègues qui sont de façon exceptionnelle retenus ailleurs ce matin. Je voudrais simplement dire, au nom de l'Opposition officielle, que nous concourons entièrement aux recommandations de l'office et qu'effectivement, quant à la loi sur la consultation populaire, nous appuierons le gouvernement dans toute proposition qu'il fera dans le sens de vos recommandations.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Laberge: Merci, M. le Président. En lisant votre mémoire, Mlle Hanigan, je suis tout à fait d'accord avec le principe de redonner aux détenus le droit de vote. Cependant, je me suis posé une couple de questions évidemment, comme vous vous les posez probablement, sur le côté pratique. Est-ce qu'on doit faire voter les détenus en prison ou les faire voter dans leur milieu, dans leur résidence habituelle ou antérieure? A la page 3, vous dites, à votre article 3, "que dans tout établissement de détention se tiennent des bureaux de vo-tation avancés, que les bulletins de vote soient redistribués dans les comtés respectifs". Au point de vue théorique, cela peut être intéressant, mais, au point de vue pratique, est-ce que cela veut dire qu'il faudrait identifier sur chaque bulletin de vote dans quel comté ce bulletin va ou mettre cela dans des enveloppes séparées ou que ce soit du courrier recommandé? Cela me semblait très difficile à faire; dans une prison où il y aurait peut-être 1500 ou 2000 détenus, il faudrait prendre chaque bulletin, dire dans quel comté le détenu demeure, le mettre dans une enveloppe et l'envoyer dans sa circonscription électorale. J'ai trouvé que cela semblait très difficile d'application. Est-ce que vous auriez des suggestions plus précises à nous faire là-dessus?

Mlle Hanigan: Je pourrais peut-être vous répondre. La première chose, c'est qu'il n'y a aucune prison au Québec qui contient autant d'individus que 1500 à 2000 personnes. La plus grosse et la plus horrible, soit dit en passant, c'est celle de Parthenais où il y a à peu près 500 personnes quotidiennement et Bordeaux en contient 600 ou 700. C'est exactement cela, la question: Est-ce qu'on les fait voter dans la prison, en établissant comme domicile la prison, ou est-ce qu'on les fait voter dans leur comté respectif? Si on les fait voter dans la prison, à ce moment-là le problème ne se pose pas quant à la redistribution des votes, sauf qu'on constate également que la personne risque de se voir privée de son droit de vote, parce qu'il y a un taux de roulement très grand et qu'il y a des transferts très fréquents à l'intérieur des prisons. L'idée des bureaux de votation avancés, c'est justement pour prévoir des mécanismes où, le jour du scrutin, les bulletins seraient redivisés dans les comtés.

M. Laberge: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce qu'il y aurait d'autres interventions?

M. Burns: Mlle Hanigan, je voudrais vous remercier. Je pense que vous êtes une des deux représentants de gens qui sont intervenus devant la commission qui vraiment, on s'en est aperçu, ont fait une certaine unanimité autour de la table. Je pense que c'est bon signe quant aux recommandations que vous nous avez faites.

Mlle Hanigan: Cela nous réjouit effectivement, mais on espère que ce ne seront pas que des voeux pieux.

M. Burns: Non, ce ne sont pas des voeux pieux. Vous avez bien raison...

Mlle Hanigan: Non, c'est que dans l'exemple particulier de Parthenais, cela fait depuis 1975 et je pense que tous les partis s'entendent pour fermer cette prison, mais...

M. Burns: J'aurais pu vous signaler, lors de mon intervention, une chose qui m'avait vraiment choqué, de façon très sérieuse, lors de la dernière élection, je sais qu'il y a une maison d'accueil, entre autres, sur la rue Saint-Hubert, à Montréal, où vous avez des détenus ou, si vous voulez, des personnes dont la peine n'est pas complètement purgée, mais qui sont...

Mlle Hanigan: Une maison de transition.

M. Burns: Une maison de transition, exactement, je vous remercie de la précision. Ces personnes, même si elles doivent se rapporter à la maison de transition vers 10 heures le soir, qui travaillent, qui, à toutes fins pratiques, sont des citoyens qui exercent un métier, ces personnes, parce qu'elles avaient le stigmate de personnes détenues ou de prisonniers, ne pouvaient pas voter lors de la dernière élection. J'avais, à ce moment, fait des démarches auprès du président général des élections et la loi, dans sa forme actuelle, ne leur permettait pas de voter, chose que nous espérons pouvoir corriger le plus rapidement possible, tout à fait en accord avec vos recommandations.

Mlle Hanigan: C'est exact, d'autant plus qu'il se passait des situations assez paradoxales en ce sens que certains des détenus avaient droit de vote aux dernières élections et n'ont pu l'exercer, malgré les efforts de dernières minutes qu'on a faits. D'autre part, les personnes qui sont en libération conditionnelle et qui habitent chez eux, avec leur femme ou tout seul, n'ont théoriquement pas le droit de vote, et pourtant, je pense bien qu'elles ont voté.

M. Burns: Merci, Mlle Hanigan. Encore une fois, je pense bien que les recommandations que vous nous faites dans votre mémoire ont de très sérieuses chances d'être traduites par des amendements à des lois, à très court terme.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci de votre collaboration à cette commission parlementaire.

J'inviterais maintenant le Conseil du patronat du Québec et ses porte-parole à venir nous présenter son mémoire, s'il vous plaît.

M. Dufour, vous êtes bien connu, mais pourriez-vous nous présenter ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire, je vais commencer par vous présenter ceux qui m'accompagnent. A ma droite, M. Denis De-mers, directeur général de l'Association provinciale des marchands d'automobiles, qui est membre du conseil d'administration du CPQ; M. Claude Dessureault, directeur général des peintures chez CIL Ltée et membre du comité exécutif du CPQ; Mme Bérengère Gaudet, conseiller juridique au Conseil du patronat, M. Jacques Tremblay, directeur de la recherche au Conseil du patronat, et M. Sébastien Allard, vice-président principal de la compagnie d'assurance La Royale du Canada.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Dufour, avant que vous ne commenciez la lecture de votre mémoire, qu'il me soit permis, comme je le fais d'ailleurs devant tous les intervenants, de rappeler aux membres de cette commission et à nos invités que cette commission parlementaire ne doit pas être considérée comme une tribune pour émettre des opinions sur des questions de fond pouvant éventuellement faire l'objet d'une consultation populaire au Québec. Là-dessus, je vous cède la parole.

M. Dufour: M. le Président, vous avez déjà reçu notre mémoire, il fait une vingtaine de pages, il serait trop long de le lire dans les 20 minutes qui nous sont accordées. Nous avons, tantôt, distribué un résumé du mémoire, j'espère que tout le monde en a des copies; il ne change rien quant au fond, c'est purement une question de faire un peu plus vite.

Le débat qui vient de s'ouvrir au sujet de la consultation populaire au Québec est relié de très près à la question de l'avenir politique du Québec et, comme tel, revêt une brûlante actualité, indépendamment de l'intérêt qu'on peut éprouver pour les problèmes d'ordre juridique et constitutionnel qu'il soulève. Comme porte-parole de 125 associations patronales et de plus de 250 entreprises du Québec, on comprendra que le CPQ ne puisse rester indifférent à la question de notre avenir collectif.

Le référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec, que le gouvernement s'est engagé à organiser au cours de son présent mandat, donne au débat sur les référendums une importance majeure. Qu'on le veuille ou non, il est très difficile de dissocier les deux, à tout le moins dans l'esprit du public, même si nous savons pertinemment qu'il s'agit d'une loi-cadre qui déterminerait les conditions d'exercice de tous les référendums à venir. Nous croyons en effet que le Québécois moyen ne fait pas très bien la distinction et que, lorsqu'il entend parler d'une loi sur les référendums, cela évoque tout de suite pour lui le référendum sur l'indépendance.

Cela dit, l'initiative du gouvernement concernant la consultation populaire doit être saluée comme une volonté de renouveau politique. Le Conseil du patronat ne peut certainement pas être contre cette forme de démocratie directe qu'est le référendum, même s'il s'agit d'une institution nouvelle jusqu'à présent étrangère à notre tradition politique.

Tout en étant d'accord avec les grands objectifs contenus dans le livre blanc sur la consultation populaire, nous croyons toutefois qu'au niveau des mécanismes d'organisation les moyens proposés ne sont pas les meilleurs pour atteindre ces objectifs. C'est ce que nous allons exposer aujourd'hui devant cette commission.

La politique générale de la consultation populaire. Dans notre système parlementaire où la constitution ne dit rien au sujet des référendums, il est nécessaire de faire voter une loi prévoyant la tenue d'un référendum ainsi que les mécanismes de son organisation. C'est ce qui s'est fait dans d'autres pays dont on a déjà abondamment parlé. Il s'agissait alors d'un projet de loi spécifique où se trouvait formulée à l'avance la question qui devait faire l'objet de la consultation populaire.

Mais au lieu de proposer l'adoption d'une telle loi spécifique portant sur un référendum en particulier, en l'occurrence le référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec, le gouvernement propose une loi-cadre permettant l'introduction du référendum comme institution permanente de notre vie démocratique. Sans porter de jugement sur la valeur de ce nouveau mécanisme, car son attrait démocratique est indéniable, le CPQ estime que cette démarche est prématurée. Aucun débat public d'importance sur cette question n'a encore permis de dégager un consensus suffisant pour songer à instaurer un mécanisme comme celui-là en permanence. Pourquoi institutionnaliser une formule dont nous n'avons pas encore fait l'essai? Parlons plutôt du premier référendum qui sera tenu, celui sur l'avenir constitutionnel du Québec. Vu son exceptionnelle gravité, ce référendum devrait faire l'objet d'une loi spéciale qui ne traitera que de ce sujet.

Il nous paraît plus opportun d'organiser d'abord ce premier référendum dans le cadre d'une loi spécifique. Si, par la suite, le gouvernement croit utile d'avoir recours à nouveau au référendum, il évaluera la formule déjà expérimentée et pourra l'adapter selon les circonstances. Il est cependant bien possible que le gouvernement se rende compte qu'il y a bien peu de questions pouvant réellement faire l'objet d'un référendum.

Le caractère consultatif. La loi-cadre ne contiendrait aucune disposition spécifique à l'égard de la majorité requise ou du taux de participation nécessaire à cause, dit-on, du caractère consultatif du référendum. Peut-être de telles dispositions seront-elles incluses dans chaque loi spécifique, mais le gouvernement ne l'établit pas clairement. Il se contente d'affirmer le caractère consultatif du référendum, mais sans en tirer les conséquences. Par ailleurs, si l'on s'en tient à ce caractère consultatif, le gouvernement doit rester neutre dans la campagne référendaire, son rôle étant alors de s'assurer que tous les citoyens aient la possibilité de se prononcer en toute connaissance de cause. Ce qui implique également qu'il doit mettre le plus d'informations possible à la disposition des électeurs et surtout tenter d'assurer l'égalité de chances entre toutes les options en présence.

Ce dernier objectif, l'égalité de chances, est d'ailleurs très explicite à la fois dans le texte du livre blanc et dans les déclarations du ministre responsable. Par contre, l'aspect "information ' n'est à peu près pas traité dans le livre blanc.

Or, nous savons, dès le départ, quelle sera l'attitude du gouvernement durant la campagne du référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec. Etant donné ses engagements passés, et conformément d'ailleurs à toute son idéologie, le gouvernement va s'engager — et il s'est déjà engagé — dans une campagne en faveur d'un oui à la proposition contenant explicitement ou implicitement l'idée de l'indépendance politique du Québec.

En somme, le gouvernement sera lui-même l'une des parties impliquées dans la campagne ré- férendaire. On dira que c'est le Parti québécois, et non le gouvernement comme tel, qui va soutenir l'option de la souveraineté-association, et qu'en ce sens la neutralité de l'Exécutif reste sauve. Mais nous savons très bien que c'est là une disposition de pure forme qui n'est d'ailleurs pas perçue par la population, laquelle, en pratique, confond les deux choses.

Comment le gouvernement peut-il à la fois prendre parti pour l'une des thèses en présence et se donner, dans une loi-cadre, le rôle d'un arbitre qui veillera à assurer l'égalité des chances? C'est la, à notre sens, l'ambiguïté fondamentale du livre blanc. Le gouvernement ne peut être à la fois juge et partie dans le débat. Le fait qu'il se retranche derrière l'ambiguïté d'un référendum consultatif, et aussi derrière la distinction entre parti au pouvoir et gouvernement ne fait qu'entretenir la confusion.

Donc, si on veut que les enjeux soient clairs, le gouvernement devra, dans la loi spéciale autorisant la tenue du référendum sur l'indépendance, préciser à quelles conditions — taux de participation, majorité requise — il sera lié par les résultats de ce référendum. C'est une façon de donner un cadre juridique à l'engagement "moral" inévitable qu'a toujours le gouvernement vis-à-vis de l'opinion publique.

La formulation de la question. La procédure proposée dans le livre blanc, bien que techniquement correcte et conforme aux règles du parlementarisme britannique, ne nous paraît pas satisfaisante, à cause, encore une fois, de la position ambiguë du gouvernement dans le contexte particulier du référendum sur l'indépendance. L'Exécutif, qui sera l'une des parties impliquées et qui, par ailleurs, dispose d'une majorité confortable à l'Assemblée nationale, pourra donc prendre seul une décision capitale pour l'issue du référendum. En saine démocratie, il faut éviter que le gouvernement ne se place dans cette situation où il serait, à toutes fins utiles, à la fois juge et partie.

D'où notre proposition d'un comité de travail ad hoc sous la présidence d'une personne reconnue pour son expérience et son impartialité, auquel serait confié le mandat d'analyser les diverses formulations possibles de la question, d'entendre les opinions des citoyens à ce sujet, et de faire des recommandations dans un rapport qui sera rendu public.

Par ailleurs, le débat privilégié d'une durée maximale de 25 heures à l'Assemblée nationale nous paraît nettement insuffisant pour disposer d'une question aussi complexe et d'une telle importance. Le gouvernement devrait s'entendre avec les partis d'opposition pour proposer un débat plus long, assorti peut-être d'une procédure spéciale.

Le nombre d'options. A la formulation de la question, évidemment, se rattache le problème du nombre d'options. Lors du référendum de 1975 en Grande-Bretagne, il n'y avait que deux options possibles: le oui et le non. Nous croyons que, dans l'idéal, il devrait en être ainsi, si l'on veut vraiment offrir un choix clair.

A cet égard, nous référant à la déclaration faite par M. Burns la semaine dernière, nous comprenons que telle sera effectivement la proposition gouvernementale. Nous n'insistons donc pas davantage sur ce sujet, si ce n'est pour réaffirmer notre point de vue selon lequel, pour être significatif, un référendum doit offrir un choix clair qui donne à la population la possibilité de se prononcer par oui ou par non. Nous ne croyons pas qu'il soit possible d'échapper à la nécessité de formuler la question sous la forme d'une alternative.

L'organisation du référendum. Il est souhaitable que l'organisation du référendum soit comparable à celle d'une élection générale, et, donc, que sa procédure suive le plus possible celle des élections, toutes les fois que les éléments sont les mêmes.

Mais nous estimons que le livre blanc, transporte d'une façon trop rigide la procédure électorale, en particulier en ce qui a trait au contrôle des dépenses pendant la campagne, ce qui équivaut à imposer des contrôles politiques par le biais d'une exigence en apparence purement technique.

Le contrôle des dépenses, par exemple. Les grandes organisations responsables de la campagne, selon le livre blanc, auraient chacune droit à une aide financière égale et seraient soumises aux mêmes restrictions et obligations en ce qui concerne le contrôle de leurs dépenses. Les limites imposées se présentent sous deux formes: d'une part, on fixe un plafond au montant des dépenses effectuées pendant la campagne référendaire et, d'autre part, on limite le nombre de personnes et de groupes autorisés à effectuer des dépenses.

En ce qui concerne le contrôle des dépenses, s'il est acceptable et même souhaitable dans le contexte d'une élection générale, il apparaît trop rigide lorsqu'il est appliqué à la lettre dans le processus référendaire. Vouloir protéger les électeurs contre un abus de la propagande est un objectif tout à fait louable en soi. Mais encore faudrait-il définir ce qu'on entend par abus. Où finit l'information, où commence la propagande? Ce n'est pas uniquement une question d'argent. Le gouvernement craint apparemment qu'un groupe ne dispose de ressources financières beaucoup trop élevées qui lui permettraient d'influencer indûment le résultat du scrutin. Mais c'est là attacher une importance trop exclusive au pouvoir de l'argent. Une campagne référendaire comporte des enjeux autres que financiers et peut être influencée par d'autres facteurs que la publicité et la propagande: pour ne donner qu'un exemple, le fait qu'un homme public passe ou ne passe pas la rampe à la télévision, indépendamment du montant payé pour le même message télévisé.

Le gouvernement britannique a estimé, pour sa part, que toute tentative pour limiter le montant total des dépenses serait irréalisable en pratique. Nous devrions nous inspirer du même souci de réalisme. Concrètement, où commencerait et où finirait le contrôle envisagé? Par exemple, on sait que le Parti québécois est déjà engagé en campa- gne en vue du référendum et qu'il a déjà à cette fin engagé des dépenses. Est-ce que chaque apparition en public d'un ministre ou d'un député doit être considérée comme de la publicité et comptée comme telle? Les contrôles doivent-ils s'appliquer à l'argent dépensé dès maintenant? Sinon, à partir de quelle date? Et pour quel genre de dépenses? Toute ligne de démarcation apparaîtra nécessairement tout à fait arbitraire.

Fixer une limite au montant total des dépenses nous paraît donc irréaliste et ce n'est pas, selon nous, le bon moyen de prévenir l'injustice qui pourrait exister.

Quant aux participants, l'intention exprimée dans le livre blanc est également de limiter le nombre de personnes et de groupes qui pourront participer à la campagne référendaire, en imposant aux citoyens de se regrouper à l'intérieur de grandes organisations qui seront les seules reconnues ou autorisées à recevoir des contributions financières et à procéder à des dépenses relatives au référendum.

Indépendamment du principe en jeu, relié à la liberté d'expression, il faut établir d'abord que l'objectif préconisé par le livre blanc nous paraît irréalisable. Considérons le nombre de personnes, le nombre d'organisations qui se sentiraient vitalement impliquées dans un débat sur le statut constitutionnel du Québec. Considérons, de plus, la multiplicité des formes d'action qui sont à la disposition des personnes et des groupes dans une société comme la nôtre. Six millions de citoyens, des centaines de reporters, des milliers de leaders d'associations de toute taille, des centaines de commentateurs professionnels, tous habitués à exprimer librement leur opinion, pourraient-ils tout à coup être refoulés dans les rangs d'organisations unifiées?

Au plan des principes, nous croyons que les contrôles envisagés représentent une atteinte réelle à la liberté d'expression, dans la mesure où l'on chercherait à réglementer jusque dans le détail des activités légitimes exercées dans un but légitime. Dans notre société, le dialogue politique se déroule principalement à travers les interventions libres de milliers de citoyens et de groupes intéressés à la chose publique. Notre société en est une de pluralisme, où tous les groupes, tous les mouvements d'opinion ont la possibilité de se faire entendre sur la place publique et leurs interventions peuvent prendre quantité de formes. Pourquoi les règles du jeu devraient-elles changer en période de référendum? Il faudrait que le gouvernement explique ce que cette situation revêt d'exceptionnel à ses yeux pour l'amener à prévoir des contraintes auxquelles il ne songerait pas normalement.

Il y a nécessairement toutes sortes d'inégalités entre les citoyens dans un débat politique, inégalités qui tiennent à l'intelligence, au talent, au degré de scolarité, au pouvoir, à l'argent, bien sûr, à la situation sociale. Mais si l'on suivait le livre blanc, on créerait des inégalités aussi grandes que celles qu'on a voulu prévenir ou corriger. C'est pourquoi il nous paraît plus sain de laisser jouer le

rapport de forces entre tous les intervenants possibles au débat, quitte à ce que la population soit obligée de faire le partage entre toutes ces sollicitations. Mieux informée et plus adulte politiquement, elle trouvera bien le moyen d'exprimer finalement un choix clair. Il faut lui faire confiance jusque-là, quand on prétend la consulter.

En conclusion, M. le Président, les objectifs proposés dans le livre blanc sont en eux-mêmes très valables, et le CPQ est d'accord sur de tels objectifs. Si nous n'avons aucune objection au principe d'une plus grande participation des citoyens aux décisions politiques, par contre nous éprouvons de sérieuses réserves quant aux mécanismes d'organisation des référendums. L'ensemble de la procédure prévue pour le déroulement de la campagne et du scrutin nous paraît comporter des éléments coercitifs qui sont inacceptables. Plus précisément, le CPQ s'oppose à la création des organisations unifiées, non pas pour elles-mêmes, mais en raison des contrôles excessifs qui y sont rattachés. Les restrictions qui seraient imposées quant aux participants à la campagne sont susceptibles, à notre avis, de porter atteinte à la liberté d'expression et risquent de fausser les règles du jeu normal en démocratie.

En résumé, l'objectif premier du gouvernement, qui est d'assurer l'égalité des chances entre les diverses options en présence, est en soi excellent, mais nous estimons que la procédure prévue ne représente sans doute pas le meilleur moyen, ni le seul moyen, de l'atteindre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. Dufour. M. le ministre.

M. Burns: M. Dufour, je vous remercie de votre mémoire qui nous donne le point de vue du Conseil du patronat et probablement aussi d'un grand nombre de représentants patronaux qui ont eu à se pencher sur le problème de l'utilisation de la consultation populaire.

Le premier point qui m'accroche, si je peux m'exprimer ainsi, dans votre mémoire, c'est le fait que vous semblez ne pas favoriser une loi-cadre mais plutôt une loi spécifique. Je vous pose le problème de la façon suivante, tel que certains intervenants nous l'ont soumis dans les semaines qui ont précédé. Sans entrer dans le détail, à cause de la directive de la présidence, du référendum spécifique sur la souveraineté du Québec, mais tout en l'utilisant à titre d'exemple, M. le Président, vous semblez, au début de votre mémoire, nous rattacher à cette situation qui est évidemment préoccupante pour beaucoup de gens au Québec, il n'y a pas de doute.

Une des opinions qui nous ont été soumises, relativement à ce problème, pourrait se résumer de la façon suivante: Comme ce problème, le problème de la souveraineté du Québec, va soulever énormément d'émotivité — d'ailleurs on s'en rend compte actuellement, moi je m'en rends compte, toutes les fois que je participe à une ligne ouverte, il y a des gens qui me disent des choses avec des degrés d'émotivité tellement élevés que des fois je me sens même incapable de répondre à la question, parce qu'on me place à un autre niveau d'émotivité que celui que je veux garder dans l'adoption du projet de loi ou de l'éventuel projet de loi qu'on soumettra en décembre probablement — cette opinion, que je croirais valable, dirait ceci: Pourquoi ne mettons-nous pas en place des mécanismes généraux d'application générale pour l'ensemble de la consultation populaire ou l'ensemble des référendums?

Lors d'un problème spécifique soulevant plus d'émotivité que d'autres, en particulier celui de la souveraineté du Québec, on pourrait, à ce moment-là, en oubliant les mécanismes parce qu'ils sont déjà en place, en arriver à avoir une véritable discussion sur ce qui se passe dans tel cas. C'est une question que je vous pose.

Justement, le président me rappelle que c'est le Barreau qui nous soulignait ce problème. D'autres groupes nous ont dit à peu près la même chose, mais je pense que le Barreau a été le plus spécifique là-dessus.

Je vous pose la question, tout simplement: Ne croyez-vous pas que ce serait plus logique, plus intelligent de poser les règles du jeu en général, pour n'importe quel référendum, pour, par la suite, s'attacher à un référendum en particulier, surtout à la question elle-même dans tel référendum? C'est ce que je vous pose comme question par rapport à votre opinion générale quant à votre opposition à une loi-cadre.

M. Dufour: M. le ministre, vous me posez la question en termes de logique; alors, cela devient peut-être assez difficile d'y répondre parce que, pour nous, ce sont des questions de principe.

M. Burns: C'est beaucoup plus facile pour le Conseil du patronat d'y répondre en termes de logique.

M. Dufour: On parle du principe de la loi-cadre en général et cela n'a rien à voir, au départ, avec cette loi particulière. Depuis quatre ou cinq ans, finalement, toutes nos interventions devant le législateur ont posé le problème général de la loi-cadre. Bon. On a dit que depuis quatre ou cinq ans on a légiféré, au Québec, à partir de lois-cadres dont on n'a connu finalement les portées qu'au niveau de la réglementation ou dans l'application concrète. Donc, au plan du principe, au point de départ, c'est le même problème que nous avons ici, mais c'est une loi-cadre qui revêt beaucoup plus d'importance à ce moment-ci. Qu'on le veuille ou non, cette émotivité dont vous parlez, quand vous allez faire des lignes ouvertes, je pense que tout le monde la vit et on ne peut pas dissocier, à ce moment-ci, la loi-cadre de ce référendum éventuel sur la souveraineté-association.

Notre position là-dessus est que vous ne pouvez pas prévoir, dans une loi-cadre, les implications techniques qui se présenteront au moment de l'appréciation comme telle d'un problème donné sur lequel vous allez aller en référendum.

On dit: Avant de concrétiser dans une loi-cadre certains principes, faisons certaines démarches ad hoc. On va même assez loin en disant que probablement on ne fera pas plus qu'une démarche ad hoc, quand on aura fait le référendum sur la souveraineté-association. C'est très rare, les questions assez importantes pour aller en référendum; finalement, on la relaiera peut-être aux oubliettes.

M. Burns: Je suis d'accord avec vous pour dire qu'on n'aura pas recours, toutes les semaines, a un référendum. Je suis entièrement d'accord avec vous et je suis également d'accord avec tous les intervenants qui nous ont dit que le recours au référendum est quelque chose qui doit se faire de façon pratiquement exceptionnelle. C'est pour des choses importantes. Autrement — et cela rejoint également une de vos préoccupations — vous allez avoir un taux de participation à des référendums qui va être absolument ridicule. Si vous faites un référendum pour savoir si le premier ministre doit porter des habits bleus ou des habits noirs, les gens vont dire: Ils sont ridicules et on n'ira pas voter. C'est bien sûr. Mais, sur des choses importantes et essentielles, la loi sera là et la ou les dispositions générales de la loi seront prêtes à être utilisées quitte à ce que, dans chaque cas, il y ait un débat. Le livre blanc le prévoit, il va y avoir un débat — que cela se fasse sous forme de résolution ou de loi spécifique — dans chaque cas, quant à la formulation de la question, comme cela nous a été suggéré. Je ne suis pas fermé à l'une ou l'autre de ces positions, mais il reste qu'on aura les règles générales établies par la loi-cadre.

C'est ce que j'essaie de vous soumettre comme possibilité. Remarquez que j'ai l'impression qu'on se retrouve beaucoup dans vos recommandations et celles du livre blanc, même si vous semblez dire que vous ne partagez pas l'opinion émise dans le livre blanc relativement à la loi-cadre. J'ai l'impression qu'on est très proche dans notre façon d'aborder le problème, c'est-à-dire que vous tenez pour acquis... J'ai remarqué dans votre mémoire, à deux ou trois reprises que vous parlez du premier référendum qui sera celui sur l'indépendance.

Ce n'est pas nécessairement vrai cela.

M. Dufour: Bien...

M. Burns: Non, non, mais il y a...

M. Dufour: Ce n'est pas nécessairement vrai, d'accord, mais...

M. Burns: Je ne sais pas où vous avez pris cela, mais en tout cas je n'ai jamais annoncé que ce serait celui-là. Je vous rappelle, M. Dufour, et je m'excuse de vous interrompre...

M. Dufour: Je pense que c'est...

M. Burns: ... là-dessus, que le Parti québécois, avant de former le gouvernement, avait dans son programme depuis le tout début, c'est-à-dire depuis 1968, une mesure générale d'annoncée qu'il y aurait de la législation qui serait — parce qu'un parti politique prévoit toujours le jour où il prend le pouvoir — qui verrait, dis-je, à mettre en place un système de consultation populaire et de façon générale. Evidemment, on a dramatisé, depuis le 15 novembre surtout et peut-être durant la campagne électorale qui a précédé le 15 novembre 1976, le fait qu'un référendum en particulier aurait lieu, mais cela a toujours figuré dans nos projets de mettre en place un système de consultation populaire. C'est ce que nous proposons actuellement à la population via le livre blanc et ses auditions en commission parlementaire. Ce qui n'empêche pas que l'engagement électoral qui a été pris par le Parti québécois de tenir un référendum avant les prochaines élections sur l'avenir constitutionnel du Québec soit aussi greffé à cela, mais...

M. Dufour: II reste quand même, M. le ministre, indépendamment de ce que vous prévoyez dans le programme du parti politique au niveau de l'établissement d'une loi-cadre sur les référendums, que le seul référendum dont vous nous avez parlé, et comme parti et comme gouvernement, c'est celui sur l'indépendance.

M. Burns: M. Dufour, vous avez eu le ministre délégué à l'énergie qui a parlé, entre autres, de la possibilité de consulter la population sur l'utilisation de l'énergie nucléaire. C'est un problème très sérieux, soyez-en conscient. Je peux vous dire qu'actuellement au Conseil des ministres c'est un problème qui est discuté de façon très sérieuse, non pas quant au recours référendaire dans ce cas, mais quant au fait qu'actuellement c'est une de nos grosses préoccupations. Peut-être que c'est un des cas justement auxquels on peut penser, outre la souveraineté du Québec, où on pourrait demander à la population de nous donner son point de vue. Ce n'est pas une question secondaire, ce n'est pas une question à négliger, puis il y en a peut-être d'autres.

Je vous dis que vous présumez beaucoup lorsque vous nous dites que le premier référendum aura lieu sur l'avenir politique du Québec. Et c'est partant de là, je crois, que vous nous faites la suggestion qu'il devrait y avoir un premier référendum par une loi spécifique. Est-ce que je me trompe en pensant cela?

M. Dufour: Vous nous proposeriez aujourd'hui trois sujets possibles pour un référendum et dans les trois cas on vous demanderait trois lois spécifiques. Si vous référez par exemple au problème de l'énergie...

M. Burns: Pourquoi nous proposez-vous cela?

M. Dufour: Pourquoi? On reviendra à cela. Mais pourquoi, par exemple auriez-vous la même approche vis-à-vis d'un référendum sur la souveraineté-association et sur le problème de

l'énergie? Vous savez très bien au départ que la complexité d'une question comme celle de l'énergie n'appellerait pas, au plan de l'information, simplement sur ce plan-là, exactement les mêmes techniques, ce n'est pas possible.

M. Burns: Je ne suis pas sûr, M. Dufour.

M. Dufour: On ne peut pas faire un référendum actuellement sur l'énergie, ce n'est pas possible.

M. Burns: Pourquoi?

M. Dufour: Parce que c'est une question bien trop complexe. Demandez donc aux citoyens de choisir entre l'énergie nucléaire et..

M. Burns: Imaginez-vous que, dans ce débat entre autres, si on prend le cas de l'énergie, vont s'introduire un tas de notions. Lorsqu'on énonce le problème dans l'immédiat, on dit: L'énergie, c'est beaucoup trop complexe, c'est beaucoup trop technique, etc. Mais il y a un tas de notions qui vont toucher à des gens, par exemple la protection de l'environnement, l'argent dans leurs poches, au point de vue des taxes, au point de vue du coût. Ce sont des choses qui vont être drôlement, si jamais ce débat commençait, verbalisées, de façon que la population les comprenne. Je pense que l'opposition — je ne parle pas de l'Opposition parlementaire, mais je parle de l'opposition à un point de vue ou à l'autre — va se faire fort de faire comprendre les applications pratiques de telle ou telle solution. Le groupe en faveur va se faire fort de vendre le côté valable de telle ou telle position.

Dans un débat référendaire, dans la campagne référendaire ou même préréférendaire, vous avez des gens et des intérêts qui vont y aller gaiement et qui vont dire: Ecoute, il faut que, pour gagner mon point de vue, je fasse comprendre à la population quel est le problème. Là, cela devient très concret, à un point tel qu'en se référant à l'expérience passée, en tout cas dans les endroits où il y a eu des référendums, que ce soit celui de la Grande-Bretagne sur le maintien de l'adhésion de la Grance-Bretagne au Marché commun ou tout autre, on voit qu'il arrivait un stade de saturation au point de vue de l'information dans l'esprit de la population. On m'a dit en tout cas, quand on s'est informé de cela en Grande-Bretagne, qu'il était temps que le référendum ait lieu parce que les gens ne voulaient plus en entendre parler, tellement ils avaient été sursaturés d'information. C'est mon opinion, en tout cas.

M. Dufour: C'est une question qui se débattait mieux, celle du Marché commun, que, quand même, celle de l'énergie.

M. Burns: Attention! Il y avait aussi là, M. Dufour, beaucoup d'émotivité, parce que vous vous souvenez, entre autres, qu'à deux reprises, si je puis m'exprimer ainsi, la France, via son président du temps, le général de Gaulle, avait, à toutes fins pratiques, imposé son veto à l'adhésion de la Grande-Bretagne au Marché commun et cela, c'était très émotif en Grande-Bretagne. On disait: On ne veut pas en faire partie pour une raison bien simple, c'est qu'on s'est fait un peu rabrouer par la France. Cela a joué énormément dans le fait qu'un an avant le référendum la Grande-Bretagne, à deux contre un, selon les sondages, était contre le maintien de son adhésion au Marché commun. Je pense qu'on est obligé de tenir compte de ces expériences.

M. Dufour: Je vais demander à M. Tremblay d'ajouter quelque chose sur la loi-cadre.

M. Tremblay (Jacques): Sans s'étendre indéfiniment là-dessus, il y a peut-être un certain nombre de notions sur lesquelles on finit par faire des confusions. La description que vous venez de faire de votre loi sur les référendums a plutôt le caractère de ce qu'on pourrait appeler une loi générale sur les référendums et non pas nécessairement d'une loi-cadre. Là où notre opposition serait sûrement systématique, comme elle se retrouve dans bien d'autres interventions antérieures, c'est sur une loi-cadre au sens où la loi définit un certain nombre de pouvoirs de réglementation et que, finalement, ces pouvoirs de réglementation retombent ensuite entre les mains du Conseil des ministres, sans revenir devant l'Assemblée nationale.

Dans ce cas, l'opposition à l'idée d'une loi-cadre, pour nous, est systématique. Lorsque vous parlez d'une loi générale comme celle que vous venez de décrire qui serait complétée, dans le cas d'un référendum déterminé, par une intervention de l'Assemblée nationale établissant une loi spécifique sur ce nouveau référendum, je crois qu'à ce moment-là nous n'aurions plus d'opposition de principe. En ce sens-là, on se rejoint probablement.

M. Burns: Excusez-moi, M. Tremblay. Dans le fond, c'est peut-être une question de termes. Peut-être...

M. Tremblay (Jacques): J'ajoute cependant ceci...

M. Burns: ... n'êtes-vous pas contre une loi générale sur la consultation populaire et qu'on appelle actuellement une loi-cadre?

M. Tremblay (Jacques): Vous avez décrit tantôt votre démarche logique d'une loi générale et ensuite de lois spécifiques déterminant également en Assemblée nationale...

M. Burns: Ou de résolution à l'Assemblée.

M. Tremblay (Jacques): ... ne posent pas le problème que pose la loi-cadre qui donne seulement un pouvoir de réglementation. Là-dessus, on n'aurait pas la même objection de principe. Il reste quand même une espèce d'objection de pratique.

On sait, par expérience, et les parlementaires sont mieux placés que nous pour le savoir, que les lois générales, on n'a jamais fini de les corriger, de les refaire et de les refaire de toutes les façons possibles. On pourrait prendre l'expérience du Code du travail qu'on n'a jamais fini de refaire. J'imagine bien que la loi générale qu'on adopterait avant un premier référendum serait probablement recorrigée par une nouvelle intervention législative, avant de rester une loi générale pour un deuxième référendum et ainsi de suite.

Il y a probablement une démarche là-dedans qui ne permet pas d'accélérer le processus qui conduit au référendum vis-à-vis duquel il y a une échéance importante pour le Québec actuellement et, ensuite, elle fait faire une démarche législative qui, finalement, n'a probablement pas beaucoup de signification. Car il est probable que si, dans quatre ou cinq ans, on reprenait cette loi générale, il faudrait la corriger avant de la réutiliser, ce qui veut dire en pratique que, comme loi générale, elle ne serait probablement pas beaucoup utilisée. Pour des raisons pratiques, finalement, ce détour, qui est défendable logiquement, n'a peut-être pas beaucoup de signification et peut peut-être retarder indéfiniment la mise en place du problème fondamental vis-à-vis duquel le gouvernement a actuellement un engagement envers la population, c'est le référendum sur le statut constitutionnel du Québec.

M. Burns: Je vous propose tout simplement ceci comme hypothèse. Quel jugement porteriez-vous à l'endroit d'un gouvernement qui dirait: pour tel référendum, on va utiliser telle règle et telle norme, et pour tel autre on va utiliser telles autres règles et telles autres normes. On se poserait de sérieuses questions, je pense, à l'endroit d'un gouvernement majoritaire à l'Assemblée nationale, pouvant, donc, malgré les difficultés que l'Opposition peut lui donner par les règles parlementaires, et de façon tout à fait normale, qui dirait: Pour cette élection-ci, on va utiliser les règles actuelles de la Loi électorale, mais pour l'autre élection, on va utiliser d'autres règles. Je pense que le gouvernement qui prendrait cette attitude perdrait toute crédibilité, et surtout sur un problème comme celui qui semble vous venir à l'esprit automatiquement — je ne vous blâme pas, vous avez parfaitement raison — et qui vient à l'esprit de tout le monde.

M. Dufour: C'est sûr, M. Burns, que la question...

M. Burns: On pense évidemment que le premier référendum va être le référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec.

M. Dufour: Je vous posais la question, mais même quand vous vous référez, M. le ministre...

M. Bums: Mais imaginez-vous qu'on dise que, dans ce cas-là — excusez-moi, M. Dufour — dans ce cas-là, on va utiliser telle règle, et dans le cas d'autres référendums, on va utiliser d'autres règles. Franchement, je serais gêné d'être le ministre responsable de la présentation d'un projet de loi comme cela.

M. Dufour: Vous avez fait le parallèle avec la Loi électorale, au début de la séance de la commission parlementaire, vous avez soulevé ce problème et vous le rappelez encore: Pourquoi changerait-on les règles du jeu à l'occasion de chaque élection? On sait très bien qu'entre chaque élection vous faites tellement de changements pratiques à cette législation...

M. Burns: Pas à la Loi électorale, M. Dufour.

M. Dufour: Là, non, mais cela a été le financement des partis politiques. Donc, ce sont toujours des lois qui gravitent, finalement, autour...

M. Burns: Oui, mais c'est mineur et très marginal.

M. Dufour: Ce n'est pas ce que j'ai entendu de vous, mineur, le financement des partis politiques.

M. Burns: Non, cela, c'est un ajouté, si vous voulez. Mais c'est d'ailleurs tout à fait dans nos traditions.

M. Dufour: Non, c'est bien évident que vous avez raison lorsque vous dites: On ne peut pas changer les règles du jeu chaque fois qu'on aborde un problème; à ce moment-là, c'est bien sûr que vous pourriez être accusés de favoritisme ou pas. Mais, dans la pratique, nos lois sont toujours repolies avant réutilisation. Qu'on regarde simplement, par exemple, tous les projets de loi qui sont devant l'Assemblée nationale ou en commission parlementaire et qui sont une remise à jour, compte tenu des problèmes qu'on vit et l'évolution de la société, de ces différentes lois. Comme M. Tremblay le mentionnait, il y aurait un laps de temps de deux ou trois ans entre deux référendums, et probablement que la situation aurait tellement évolué que, finalement, tout serait à recommencer.

Alors, vous êtes placés exactement devant la même situation.

M. Burns: Dans notre cas, je comprends votre point de vue, mais vous n'avez pas — en tout cas, jusqu'à maintenant — réussi à me convaincre. Je pense plutôt que votre point de vue est peut-être semblable à cette espèce de réticence qui existe, entre autres, en Grande-Bretagne, d'en arriver avec une loi générale mais qui, dans le fond, ne se justifie pas par les faits.

Je vous signale, entre autres, qu'en Grande-Bretagne, lorsqu'il y a eu un référendum sur l'affaire du Marché commun, on a utilisé un certain nombre de règles que, dans les grandes lignes, nous suggérons dans le livre blanc. Il y a une modification importante, c'est le contrôle des dépenses qui — en tout cas, cela pourrait faire un long

débat — ne se justifie pas nécessairement de la même façon ici parce qu'il y a des règles différentes et des façons différentes d'agir, au moment d'une campagne électorale.

Mais je peux vous dire que les deux projets qui ont été déposés la semaine dernière relativement à l'avenir constitutionnel du pays de Galles et de l'Ecosse utilisent exactement les mêmes règles que le premier référendum. Ce sont deux lois différentes, sauf que je ne vois pas pourquoi on juxtaposerait régulièrement des lois qui répètent les mêmes règles de référendum en référendum, si on s'est fait une idée. On peut se tromper dans la loi générale; cela peut arriver qu'un gouvernement se trompe dans l'établissement d'une loi générale. La meilleure preuve — et je pense que vous connaissez cet exemple, M. Dufour — c'est le gouvernement qui nous a précédé qui a présenté la Loi sur l'évaluation foncière. Six mois après, même avant que la loi ne soit mise en application, il était obligé d'apporter des amendements à cette loi parce qu'il s'est aperçu que cela n'était pas applicable et, un an après, il apportait d'autres amendements. C'est tout à fait normal, ce sont des choses qui arrivent.

Si jamais on s'aperçoit qu'on a des difficultés d'application avec la loi générale à la suite d'un premier référendum, ou, encore, avant même que le premier référendum soit tenu, si on s'aperçoit que cela doive être corrigé, on le corrigera. Je pense que c'est tout à fait normal. C'est l'humilité normale qu'un gouvernement doit démontrer dans la mise en application de ses lois.

M. Dufour: Je pense qu'on s'entend sur le principe d'une loi générale éventuelle, excepté qu'on n'a pas le même processus. Vous la voulez au tout début, quitte à la corriger ensuite et à apporter toute une série d'amendements. Nous, en fait le processus inverse, on dit: Vivons-en quelques-unes, parce que, dans votre hypothèse, il y aurait plus d'un référendum.

M. Burns: Je n'ai pas dit cela, je n'ai pas fait de promesses de ce côté-là, mais je vous dis: C'est possible qu'il y en ait un autre avant.

M. Dufour: Disons qu'il peut y avoir une possibilité d'autres référendums. Vivons-en quelques-uns et, à partir de l'expérience vécue, on se fera une loi générale. Finalement, on ne devrait pas précéder par des lois des choses sur lesquelles on n'a absolument aucune expertise, si ce n'est l'expertise de la Grande-Bretagne.

Cela m'amène à dire, M. le ministre, quand vous dites: On a transposé à peu près intégralement dans le livre blanc ce qu'il y avait dans la législation de la Grande-Bretagne, qu'en tout cas il y a deux points qu'on fait ressortir dans notre mémoire et qu'on ne retrouve pas dans votre livre blanc. C'est, d'une part, l'engagement. Le gouvernement s'était engagé à respecter le résultat du référendum. On ne retrouve pas cela...

M. Burns: Vous savez que sur le plan constitu- tionnel, la Grande-Bretagne peut le faire alors que le gouvernement du Québec ne peut pas le faire.

M. Dufour: Ne peut pas s'engager à respecter le résultat consultatif d'un référendum.

M. Burns: Non, on ne peut pas d'avance s'engager constitutionnellement et ce serait...

M. Dufour: Ce n'est pas constitutionnellement qu'on dit. On parle d'un engagement moral.

M. Burns: Je pense que j'ai dit à de nombreuses reprises que la valeur morale d'une réponse référendaire est évidemment quelque chose qui lie, à toutes fins pratiques, un gouvernement. Le gouvernement qui ne répondrait pas de façon positive à l'opinion clairement exprimée par la population serait un gouvernement qui serait voué à l'échec. Il n'y a pas de gouvernement qui veut se faire hara-kiri, en tout cas, à ma connaissance, de façon délibérée. On peut se dire entre nous que le résultat d'un référendum a une valeur morale et lie moralement le gouvernement. Dans l'état actuel de la législation —je m'excuse si je me répète, mais j'ai cité le cas, par exemple, la semaine dernière — d'après l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui nous tient encore lieu de constitution, nous ne pouvons pas, comme gouvernement québécois, mettre de côté les droits et privilèges du lieutenant-gouverneur.

Entre autres, c'est un des éléments qui nous paraissent comme ne pouvant pas nous autoriser à mettre dans la loi une position qui nous lierait au résultat d'un référendum. Je pense bien que Me Gaudet, qui est ma consoeur à l'université, serait en mesure de vous donner toutes les informations là-dessus. Je ne sais pas si Me Gaudet partage mes vues là-dessus, mais c'est, entre autres, un des points qui nous font dire qu'on ne peut pas mettre dans la loi ce point de vue.

Mlle Gaudet (Bérengère): Ce n'est qu'un malentendu. Cela a été exprimé, d'ailleurs, dans notre mémoire. On a très bien reconnu que l'obstacle constitutionnel existe et qu'on ne peut pas changer ces pouvoirs parce que, comme vous le dites, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique nous tient encore lieu de constitution. C'est pour cela qu'on disait: Très bien, le référendum a un caractère consultatif. Nous sommes d'accord là-dessus. Mais il n'y a rien qui empêche l'engagement moral qu'a le gouvernement vis-à-vis de la population. Vous en avez parlé assez fréquemment. Je suis d'accord là-dessus.

M. Burns: Je pense bien, Me Gaudet et M. Dufour, que le premier ministre a été très clair là-dessus, et moi-même, comme ministre responsable de ce dossier, en particulier. Je pense qu'on a été assez clair qu'on se sentait moralement lié par une décision vraiment clairement exprimée par la population. Maintenant, écoutez, le contraire serait de la folie furieuse au point de vue politique. Soyons bien francs. Un gouvernement qui dit à

une majorité populaire: Je marche sur votre dos, je n'écoute pas votre opinion et je m'en vais même dans le sens contraire de votre opinion, politiquement, c'est quelque chose...

M. Dufour: Répétez-le.

M. Burns: Pardon?

M. Dufour: Répétez-le souvent.

M. Burns: Je le dis presque à tous les jours, M. Dufour. Je suis sûr, d'ailleurs, M. Dufour, que si j'avais tout le temps pour discuter avec vous, on en sortirait avec un accord complet entre votre mémoire et ma position.

M. Dufour: Voici le négociateur qui ressort.

M. Burns: Parce que le président me signale que mon temps achève et que je veux, d'ailleurs, laisser l'occasion aux membres de la commission de vous poser également des questions, je veux simplement souligner, qu'un des points de votre mémoire qui également ne semble pas être en accord avec le point de vue du livre blanc, c'est le phénomène du contrôle des dépenses.

Je voudrais simplement vous souligner, à titre d'exemple — ce n'est pas le seul, soit dit en passant — un pays de tradition parlementaire britannique qui a également une tradition assez importante de recours aux référendums, soit la Nouvelle-Zélande, qui a une loi qui s'appelle "An Act relating to the limitation of electoral expenditures and the public disclosure of the sources of funds made available to political parties and to candidates."

Juste pour fins de réflexion, pour montrer qu'on n'est pas si méchants que cela au Québec, je vous cite le paragraphe e) de l'article 147 de cette loi qui se lit comme suit: "In the case of a referendum, an amount calculated by multiplying one cent — j'insiste bien, je ne me trompe pas, je dis bien one cent — by the number of electors who, at the time of the issue of the writ for the referendum, are enrolled for the several states."

Imaginez-vous que c'est un pays où déjà vous avez une tradition pas mal plus longue et pas mal plus forte que la nôtre, pas mal plus forte, d'ailleurs, que la Grande-Bretagne, sur l'utilisation du référendum, qui a senti le besoin, à un moment donné, de mettre dans sa loi, dans le cas spécifique des référendums, un contrôle par rapport au montant qui doit être dépensé dans une campagne référendaire. Je peux vous dire, M. Dufour, que la chose qui m'a le plus convaincu qu'on devait maintenir justement cette tradition qui existe chez nous de contrôler les dépenses en période électorale et de l'appliquer en période de campagne référendaire, c'est l'exemple de la Grande-Bretagne.

Je m'excuse, je citais cette loi comme étant une loi de la Nouvelle-Zélande; c'est une loi de l'Australie. Mais les deux pays ont une tradition référendaire assez importante. Pour les fins du journal des Débats, j'espère que la correction est faite.

Je vous disais, donc, que la chose qui m'a le plus convaincu qu'il fallait appliquer cela aux dépenses durant une campagne référendaire, c'était qu'en Angleterre, justement, même ceux qui ont perdu, même ceux qui étaient pour le comité du non, donc ceux qui avaient — tout le monde le sait — à peu près 10% d'argent à dépenser, et même ceux qui ont gagné de façon unanime, nous disaient: II y a une seule chose qui manquait à notre référendum, c'était le contrôle des dépenses, à un point tel, M. Dufour, que le comité du oui est resté avec quelque chose comme 100 000 livres de trop, qu'ils n'ont pas réussi à dépenser. Ils ne savent plus quoi faire avec. Ils ont créé un fonds et ils ne savent pas quoi faire avec. Alors, ils le mettent à la disposition, entre autres, d'un certain nombre d'étudiants pour des bourses d'études ou je ne sais pas trop quoi. Imaginez-vous jusqu'à quel point cela pose un problème. Quand vous avez une disproportion de cette nature, moi, je dis: Comme vous êtes d'accord — j'ai perçu dans votre mémoire que vous étiez d'accord sur ce point — sur l'égalité des chances, à ce moment, l'égalité des chances suppose également un certain contrôle des dépenses.

M. Dufour: C'est là qu'on n'est pas tout à fait d'accord. C'est que l'égalité des chances n'est pas une question d'argent; il y a quand même une question d'argumentation, la question de tout ce qui est en cause, finalement, qui intervient. L'argent, cela peut être important, bien sûr, mais la valeur de l'argumentation, pour nous, est bien plus importante que les montants qui sont engagés.

M. Charbonneau: Je suis bien d'accord avec vous, la meilleure idée va l'emporter.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, M. le député de Verchères!

M. Dufour: Ce n'est plus une question d'argent.

M. Burns: Le président m'indique, M. Dufour, que le temps file. C'est bien à regret parce que je suis convaincu, comme je vous le disais tout à l'heure, que si on pouvait continuer ce dialogue, vers midi ou midi et demi, on se retrouverait totalement d'accord, vous et moi et tout votre groupe. Je tiens à vous remercier très sincèrement pour cet effort que vous avez fait en nous présentant ce mémoire. Il y a des recommandations qui vont nous être utiles; il y a surtout des mises en garde que vous nous faites et qui devront être gardées dans notre esprit lorsque nous rédigerons le projet de loi.

Personnellement, j'apprécie le fait que vous ayez présenté ce mémoire. Je tiens à vous dire que même si on n'est pas, du moins à première vue, tout à fait d'accord sur un certain nombre de points de vue, je pense qu'on se rejoint quant à la mise en place de mécanismes qui vont permettre une plus grande participation de la population à l'administration gouvernementale, à l'administra-

tion de l'Etat. Merci bien, M. Dufour, et merci à vos collaborateurs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Merci, M. le Président. Nous aussi désirerions remercier le Conseil du patronat pour le sérieux du mémoire qu'il nous présente ce matin. Contrairement au ministre, dans notre cas, nous partons d'un pied différent puisque nous sommes complètement d'accord avec l'ensemble des recommandations que fait le CPQ à la commission ce matin. D'ailleurs, les recommandations du conseil rejoignent la grande majorité des invités qu'on a entendus à cette commission parlementaire et dont le moindre n'est sûrement pas la Commission des droits de la personne dont on a déposé l'avis hier et qui pose les mêmes interrogations que le Conseil ce matin.

Je ne reprendrai pas l'ensemble des recommandations sur lesquelles nous sommes d'accord, j'aimerais aborder brièvement — parce que vous avez passé tout le temps alloué au ministre pour en parler — le sujet de la loi-cadre vs la loi spécifique. D'abord, nous sommes d'accord, bien entendu, que le référendum, même lorsqu'on veut en parler à titre d'outil de la démocratie pour l'ensemble des Québécois et l'ensemble des Canadiens, est celui sur l'avenir constitutionnel du Québec. Comme vous, nous sommes enclins à croire que tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas disposé de ce référendum spécifique, il est illusoire de penser qu'on pourra faire porter la discussion sur la consultation populaire en général.

Si j'ai bien compris votre mémoire, M. Dufour, vous vous opposez d'abord à l'adoption d'une loi-cadre et vous dites, par contre, que si, par hasard, le gouvernement décidait d'en faire une loi-cadre, vous préféreriez la voir adopter une fois qu'on aura rodé des règles spécifiques, au moment d'un référendum spécifique sur l'avenir constitutionnel. Ai-je bien compris?

M. Dufour: C'est exact.

M. Gratton: On a souligné tantôt, du côté du ministre, la difficulté — je pense qu'il y a une contradiction dans ce qu'a dit le ministre tantôt lorsqu'il a prétendu qu'on devrait avoir une loi-cadre plutôt qu'une loi spécifique — pour le gouvernement de s'engager sur le résultat. Bien entendu, à ce moment-là, le ministre parlait du référendum sur l'avenir constitutionnel.

Je vous demande, M. Dufour, si on tenait un référendum à partir d'une loi-cadre sur le port obligatoire de la ceinture de sécurité, par exemple, si, à votre avis, le gouvernement ne pourrait pas se lier d'avance au résultat de cette consultation.

M. Dufour: Ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est que ce qui nous paraît, dans notre régime constitutionnel, donner une certaine valeur à un référendum, c'est l'engagement, même s'il a un caractère consultatif préalable du gouvernement vis-à-vis des résultats; sans cela, cela n'a aucune valeur comme telle.

Etant donné que notre cadre constitutionnel juridique ne permet pas d'utiliser cet outil, si on le fait, on utilise à ce moment-là un outil qui est purement politique. Si on ne s'engage pas préalablement vis-à-vis des résultats, à ce moment-là, c'est la consultation pour de la consultation. Que ce soit le référendum sur la souveraineté-association ou tout autre, quant à nous, il nous apparaît essentiel qu'un gouvernement, quel qu'il soit, s'engage vis-à-vis des résultats.

Mettons qu'il s'engagerait vis-à-vis des résultats; cela commande quand même à ce moment-là certaines dispositions. C'est pour cela qu'on tombe sur une certaine mécanique, à savoir le taux de participation qui sera requis, la majorité, éventuellement, qui sera requise. Cela nous paraît devoir être déterminé au préalable.

M. Gratton: Et déterminé en étant inscrit dans une loi qui serait nécessairement une loi spécifique pour le sujet sur lequel on veut consulter la population.

M. Dufour: D'accord.

M. Gratton: En fin de compte c'est un argument. Mais, pour revenir à ma première question, est-ce qu'à votre avis il y a un empêchement quelconque, pour le gouvernement du Québec, de s'engager d'avance vis-à-vis du résultat d'une consultation populaire sur l'énergie nucléaire, sur la ceinture de sécurité, sur quelque autre sujet dans le domaine de l'éducation, par exemple, qui est de juridiction exclusivement québécoise?

M. Dufour: C'est-à-dire que le référendum, pour nous, n'est pas un outil législatif. Je pense que cela est clair pour tout le monde, on s'entend la-dessus. L'utilisant comme outil consultatif, politique, il n'y a rien quant à nous qui empêche le gouvernement de s'engager préalablement vis-à-vis des résultats et, on va plus loin, on dit: II doit le faire. Sans cela c'est un outil qui n'a aucune valeur.

M. Gratton: Le point que je voulais faire ressortir c'est qu'effectivement, si on procédait par l'adoption d'un projet de loi spécifique sur chaque sujet qu'on veut soumettre à la consultation populaire, il serait possible, à ce moment-là, au gouvernement, d'inscrire dans ce texte de loi spécifique les conditions quant au taux de participation, quant à l'interprétation des résultats et dire d'avance dans le projet de loi jusqu'à quel point le gouvernement serait engagé par le résultat.

M. Dufour: Là, M. le Président, il faudrait référer cette question à des avocats, sur la question précise à savoir si dans une loi spécifique le gouvernement peut s'engager à respecter les résultats; je ne sais pas. Sûrement que dans la loi spécifique on peut prévoir les mécanismes de participation, mécanismes de majorité requise, mais

vis-à-vis de l'engagement dans la loi spécifique... C'est qu'en Grande-Bretagne, comme le souligne Me Gaudet, l'engagement était pris dans le livre blanc, non pas dans la loi.

M. Gratton: II n'y a rien qui empêcherait de le faire dans une motion.

M. Dufour: Mais en fait c'est que ce qu'il faut penser c'est toujours l'objectif politique. Si c'était dans le livre blanc ici, cela aurait le même effet, mais il n'y est pas. C'est ce qu'on se demande, pourquoi n'y a-t-il pas un engagement préalable?

M. Gratton: Je présume que c'est parce que le gouvernement, en parlant d'une loi-cadre plutôt que d'une loi spécifique, considère que le taux de participation, par exemple, sur un sujet comme l'énergie nucléaire serait bien différent de celui qu'on aura sûrement sur l'avenir constitutionnel du Québec. C'est une autre raison, à mon avis, qui milite en faveur d'une loi spécifique pour chaque référendum plutôt que pour une loi-cadre. D'ailleurs, il y a d'autres éléments qui, selon le livre blanc même, devront être déterminés. Il y a la question, en tout cas, qui elle devra être adoptée de façon différente à chaque référendum.

Le livre blanc fait aussi allusion à la participation financière de l'Etat qui pourrait, selon les termes du livre blanc, être discutée et adoptée à l'Assemblée nationale en même temps. On parle maintenant des critères quant au taux de participation et à l'engagement du gouvernement. L'exemple de l'Australie que nous a cité le ministre, dans une loi-cadre on indique un taux, si j'ai bien compris, est-ce qu'il s'agit de la participation financière du gouvernement, en Australie, ou s'il s'agit de la limite de dépenses à un cent par électeur?

M. Dufour: II s'agit de la limite de dépenses.

M. Gratton: De la limite de dépenses. Alors tous ces éléments sont des éléments qui pourraient faire l'objet d'un projet spécifique, à chaque occasion, et qui, en plus, auraient l'avantage d'être soumis aux mêmes règles de procédure qu'à l'Assemblée nationale lors de l'adoption d'un projet de loi. Ce qui permettrait au gouvernement de ne pas devoir limiter d'avance le débat.

M. le Président, sur la formulation de la question, vous proposez la formation d'un comité, mais vous n'avez pas indiqué très clairement — tout au moins dans le résumé de votre mémoire — qui pourraient être les membres de ce comité de travail. Avez-vous des précisions à apporter de ce côté?

M. Dufour: Dans notre mémoire, M. le Président, on fait une suggestion précise sur cette rédaction de la question. On dit: Ainsi, même s'il n'y est pas obligé juridiquement, il paraîtrait plus sain que le gouvernement institue d'abord un comité ad hoc de travail, le plus impartial possible, auquel il confierait le mandat d'analyser les opinions des citoyens sur le sujet en cause, de faire des re- commandations et de rendre public son rapport. Par définition, quand on parle du plus impartial possible, c'est évident qu'on le situe à l'extérieur des membres de l'Assemblée nationale. Ce pourrait être une personnalité très bien connue, acceptable par les différents partis politiques, qui présiderait un comité composé de certains spécialistes de la question et qui ferait rapport, à ce moment, au gouvernement. Précisons immédiatement que le gouvernement, le Conseil exécutif ne recevrait évidemment ce rapport qu'à titre consultatif, c'est bien sûr.

M. Gratton: Alors, vous voyez le gouvernement les nommer et recevoir le rapport, plutôt que l'Assemblée nationale les nommer et recevoir le rapport?

M. Dufour: Oui, on a opté pour le gouvernement, c'est une prérogative qui nous apparaissait relever du gouvernement.

M. Gratton: Est-ce que, dans l'ensemble du problème que pose la formulation de la question, vous considérez — quelle que soit la formule adoptée par la loi éventuellement, que ce soit le dépôt d'une motion à l'Assemblée nationale ou l'inclusion de la question dans un projet spécifique — qu'il serait avantageux ou souhaitable qu'une commission parlementaire comme celle-ci soit tenue pour entendre les intéressés?

M. Dufour: Au départ, on suggère que le débat de 25 heures qui est prévu au livre blanc soit beaucoup plus long. Je pense bien qu'il appartiendrait aux parlementaires, à ce moment, de décider s'il y a nécessité d'aller en commission parlementaire ou pas, parce qu'il est possible, si on est optimiste, que la question soit tellement claire que finalement il n'y ait pas tellement de débat. Je pense qu'on ne devrait pas, de façon automatique, passer par le processus d'une commission parlementaire, mais, en termes de fonctionnement de l'Assemblée nationale, vous pouvez toujours demander une commission parlementaire, au niveau de l'Opposition. Est-ce qu'il faut la prévoir dans le mécanisme? Je ne le pense pas.

M. Gratton: Je pense qu'on est tous d'accord avec l'objectif de retrouver sur la formulation de la question, tout au moins, le plus grand consensus possible. Cela implique consensus des députés, à l'Assemblée nationale, autant que consensus dans la population en général. Si le gouvernement devait proposer la formulation d'une question tellement claire, tellement limpide que personne ne s'interroge sur sa valeur, à ce moment, j'imagine qu'il n'y a personne qui viendrait en commission parlementaire, pas plus qu'on aurait besoin de 25 heures pour en débattre à l'Assemblée nationale. On pourrait l'adopter sur simple présentation. Par contre, si la proposition du gouvernement n'est pas aussi claire, n'est pas aussi limpide, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de prévoir un mécanisme autre que celui de l'adoption d'une motion en

Chambre pour faire siéger une commission? Parce que c'est encore le gouvernement qui mène à ce moment puisqu'il a la majorité. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, justement, de le prévoir, ce mécanisme? Quitte à ne pas l'utiliser si tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

M. Dufour: Je vais vous répondre à partir de notre conception de base, qui est une loi spécifique et non pas une motion. Si on part du fait que c'est une loi spécifique, je pense qu'à ce moment il faut faire fonctionner l'Assemblée nationale comme elle fonctionne normalement. Je ne pense pas que l'on prévoie, quel que soit le gouvernement, lorsqu'on doit déposer un projet de loi, qu'on annonce — dans certains cas on l'annonce — qu'il y ait, dis-je, nécessairement une référence automatique à une commission parlementaire. C'est après l'adoption en première lecture d'un projet de loi que l'on va souvent s'entendre, sur décision du gouvernement ou à la demande des partis de l'Opposition, pour le déférer en commission parlementaire. Dans un concept d'une loi spécifique, je pense qu'à ce moment-là on doit faire jouer le déroulement normal des procédures de l'Assemblée nationale.

M. Gratton: Par extension, vous verriez la question incluse dans le projet de loi, à ce moment-là?

M. Dufour: Oui.

M. Gratton: C'est ma dernière question sur la formulation de la question. On doit supposer qu'elle ne serait pas incluse dans un projet de loi. Si elle l'était, ce sont les règles normales de procédure et cela, j'en conviens avec vous, même si personnellement je préférerais que le gouvernement s'engage à tenir une commission parlementaire avant l'adoption en deuxième lecture. Mais, en supposant que c'est une motion, est-ce qu'à ce moment-là — vous n'en faites pas mention dans votre résumé, en tout cas — la majorité simple vous apparaît suffisante pour établir le consensus large dont on parle? Quelles sont vos idées sur la proposition que la question soit adoptée par une majorité des deux tiers des députés?

M. Dufour: Lorsque le Conseil du patronat se présente devant une commission parlementaire, il n'entend jamais jouer le rôle d'un législateur. Il a posé les questions du type de celles dont on parle, à savoir le taux de participation, la majorité requise, mais, quant à l'aspect technique, on a suivi, comme tout le monde, les suggestions qui ont été faites récemment, à savoir qu'il devrait y avoir un pourcentage de participation de la population de 66 et 2/3. Dans certains cas, en Grande-Bretagne, cela a été la majorité simple. Cela ne nous apparaît pas notre rôle. Ce qu'on veut voir, c'est l'importance de ces questions, laissant au législateur — le législateur comprenant les partis d'Opposition — le soin de déterminer de façon précise ces modalités. Ce que nous disons, c'est qu'on ne peut pas échapper à ces modalités. Maintenant, quel type de participation, quelle majorité? Cela ne nous apparaît pas notre rôle de définir cela.

M. Gratton: Nous, de l'Opposition, sommes peut-être plus enclins à y penser que vous, étant placés dans une situation de minorité, d'autant plus que les précédents existent pour la nomination, par exemple, du Protecteur du citoyen et pour bien d'autres gestes que doit poser l'Assemblée nationale en fonction de l'objectivité des nominations, etc. Je n'insisterai pas là-dessus. Une dernière question. J'en aurais beaucoup plus, mais je laisserai à mon collègue de l'Union Nationale le soin de les compléter. Dans votre conclusion, vous dites que "l'objectif du gouvernement d'assurer l'égalité des chances entre les diverses options en présence est en soi excellent. Mais nous estimons que la procédure prévue ne représente sans doute pas le meilleur moyen, ni le seul moyen de l'atteindre". Pouvez-vous nous livrer le fond de votre pensée sur ce que pourraient être les autres moyens, à part celui proposé dans le livre blanc?

M. Dufour: On comprend que c'est une suggestion faite par le gouvernement. On dit que ce n'est sûrement pas le meilleur moyen, non pas notamment quant aux organismes-parapluies; il peut y en avoir trois ou quatre. Ce n'est pas tellement le principe de ces organismes-là qui nous "achale"; ce sont les contraintes à l'intérieur desquelles on les situe, contraintes de contrôle des dépenses et de contrôle de l'information.

Quand on dit que ce n'est sûrement pas le meilleur moyen, on a l'impression que la liberté d'information doit prévaloir à l'occasion d'un référendum comme en tout autre occasion et que le meilleur moyen d'arriver à une plus grande information du public et à une meilleure diffusion de cette information, ce n'est sûrement pas en établissant les contrôles que l'on propose dans le livre blanc. Dans ce sens-là, il y a sûrement d'autres moyens d'assurer une information très honnête de la population, sans brimer ce qui nous paraît être des libertés fondamentales.

M. Gratton: D'ailleurs, dans ses réflexions préliminaires, la Commission des droits de la personne propose en fait, qu'à ce point de vue là on s'inspire de l'exemple britannique et qu'entre autres on étudie, d'abord, la possibilité de publier et de distribuer, sous la responsabilité et avec l'accord des options en présence, une brochure explicative sur chacune des options proposées par le référendum, et ensuite la possibilité d'attribuer des périodes de temps égales à la radio et à la télévision à toutes les parties en présence. Est-ce que ce seraient là, selon vous, des moyens susceptibles d'atteindre l'objectif?

M. Dufour: Sur la question de l'information, nous pensons que le gouvernement devrait faire une distinction entre ce qu'il est, comme gouvernement, et ce qu'il est, comme parti, et que l'information qui est transmise à la population, à par-

tir de l'appareil administratif de l'Etat, devrait être absolument neutre, et que cette information devrait surtout essayer de préciser, vis-à-vis de la population, ce qu'est un référendum. On a beau dire que cela se rapproche de très près de la procédure normale d'élection, c'est en partie vrai, mais, par exemple, on ne rencontrera pas, dans les différents bureaux de scrutin, des représentants des partis politiques comme on l'a dans une situation ordinaire de campagne électorale. Alors, ce sont tous des phénomènes qui seront nouveaux pour la population.

Le rôle du gouvernement devrait se limiter vraiment à une information de base de la population, et on va plus loin, aussi, dans notre mémoire, en soulignant un petit peu ce qui s'est fait en Grande-Bretagne. Même le premier ministre et les ministres se sont abstenus, finalement, d'aller vraiment en campagne d'information pour ne pas mélanger le rôle administratif et le rôle politique, donc, l'information de base.

Quant à la diffusion de l'information pour les tenants d'une option, dans l'hypothèse où il n'y a qu'un oui et qu'un non, donc, deux options, on n'a rien contre ce qui s'est passé en Grande-Bretagne, à savoir, à partir aussi de l'appareil administratif de l'Etat, une diffusion des options auprès de la population. Mais cela n'exige pas de mettre sur pied les organismes parapluie dont on parle dans le livre blanc.

M. Gratton: Quand vous parlez de la nécessité, pour le gouvernement, de demeurer neutre, en parlez-vous surtout au moment où il s'agit strictement d'une consultation populaire à caractère strictement consultatif, ou si, en supposant que le gouvernement se soit engagé de façon formelle sur les critères, quant à l'interprétation et le taux de participation et tout cela, vous insisteriez autant pour que le gouvernement demeure aussi neutre?

M. Dufour: Je ne comprends pas exactement le sens.

M. Gratton: A la lecture du résumé de votre mémoire — c'est peut-être une mauvaise interprétation que j'ai faite — mais vous dites, au tout début...

M. Dufour: A la page 4, quand on parle du caractère consultatif et où on dit que le gouvernement doit s'engager à accepter les résultats, on lui dit que, comme il utilise un outil politique, la seule valeur — et on revient au débat de tantôt — d'un référendum, c'est de s'engager vis-à-vis des résultats, mais cela ne l'engage pas, comme gouvernement.

M. Gratton: D'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Dufour.

M. Dufour: II peut ne pas démissionner, même si, finalement, les résultats lui étaient défavorables. Même s'il s'est engagé à respecter les résultats, il ne donnera pas suite à ce pourquoi on a fait le référendum, mais cela ne l'engage pas nécessairement, politiquement, comme gouvernement.

M. Gratton: D'accord. Nous vous remercions infiniment, M. Dufour, de même que vos collaborateurs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Gatineau. M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Je veux d'abord remercier M. Dufour et son équipe, également, du mémoire qu'ils nous ont présenté aujourd'hui et qui présente assez clairement, je pense, leur point de vue sur la question. Vous établissez que vous ne voulez pas, d'abord, d'une loi-cadre comme telle, que vous préféreriez des lois spécifiques sur des sujets donnés, dans le but, après avoir connu l'expérience de différents référendums, par après, d'établir une loi-cadre qui serait le fruit de cette expérience, d'une part. D'autre part, vous dites que vous êtes d'accord sur les grands objectifs, mais d'une façon très générale, dans le livre blanc qui est présenté sur la consultation populaire, mais en ce qui concerne les mécanismes, que vous avez beaucoup de réserves, et même, vous êtes tout à fait contre certains de ces mécanismes.

Vous établissez également que vous êtes pour ce que nous avons appelé dans les propositions que l'Union Nationale a faites, un conseil du référendum. Il serait chargé, de la façon la plus impartiale possible, de formuler la question et la présenter éventuellement à l'Assemblée nationale. Disons qu'en ce qui me concerne certaines questions que j'avais à ce sujet ont été posées et on a eu une réponse. Seulement, j'aimerais revenir sur certains points de façon peut-être plus particulière.

Vous avez mentionné tout à l'heure qu'on ne peut pas dissocier des discussions actuelles de cette loi-cadre des référendums la question du référendum. Je pense que, lorsque vous soulignez cela, vous faites état d'une réalité qui est véhiculée dans le public et qui pouvait se retrouver même ici au début de la commission; c'est d'ailleurs pour cela que le président avait pris soin de démarquer la ligne des discussions de façon particulière. Il avait indiqué qu'on s'en limitait à discuter strictement la question de la loi-cadre et qu'on n'entrait pas dans une discussion précise de l'un ou l'autre des sujets. Mais je pense que la question est quand même chargée à côté par cet élément.

Cependant, dans cette question, je serais porté peut-être à vous faire remarquer au point de départ que, si dans le public, d'une façon générale, les deux peuvent être actuellement associés, ce n'est peut-être pas le rôle du législateur jusqu'à un certain point d'entrer sur ce terrain et de jouer également peut-être cette carte d'association des deux questions de la loi-cadre et de la loi d'un ré-

férendum spécifique, en l'occurrence celui sur l'éventuel avenir constitutionnel du Québec. Je pense que cela ne ferait qu'accentuer cet élément d'émotivité qui peut risquer peut-être de changer l'orientation des débats.

Je serais porté à vous demander ceci, dans le sens de cette remarque que je vous fais à ce stade-ci. Le Québec n'a pas encore, je dirais, cette tradition référendaire, non pas en termes d'une loi, mais dans l'utilisation de certains mécanismes. Autrement dit, le citoyen n'est déjà pas habitué à dissocier la loi-cadre d'une loi spécifique. Ne croyez-vous pas que cela serait procéder par l'inverse, le fait de vouloir établir d'abord une loi spécifique justement parce que les gens n'y sont pas habitués? Cela n'est-il pas le moment peut-être privilégié, dans le contexte actuel du Québec, de nous donner un grand cadre général, déchargé, autant que faire se peut — du moins ici on l'essaie au maximum — de toute émotivité? N'est-il par le moment d'établir, autrement dit, toute la tuyauterie et ensuite d'arriver près des citoyens et dire: Voici, maintenant que la mécanique est établie, on vous demande, sur tel sujet, de vous prononcer? Au lieu de mener les deux de front.

J'aimerais peut-être que vous me fassiez le point sur votre opinion, sur l'opinion également des organismes que vous représentez, dans l'optique de cette tradition référendaire qui n'est pas établie chez nous. Le législateur, lui, doit peut-être avoir comme première préoccupation de "démotiver", si vous me permettez l'expression, quel que soit le sujet du référendum, qu'il soit nucléaire ou autre, de "démotiver" la question de l'utilisation éventuelle d'un référendum suite a une loi-cadre.

M. Dufour: A ce que je comprends, M. le Président, dans votre intervention, c'est qu'il y a déjà une loi-cadre et après vous arrivez à une loi spécifique?

M. Brochu: C'est-à-dire que le livre blanc va éventuellement déboucher sur une loi-cadre. D'accord? Ensuite elle donnera lieu à un projet de référendum spécifique sur une question. Mais vous nous dites aujourd'hui: Avant d'adopter une loi-cadre, on est d'accord avec les grands objectifs de la consultation populaire, on demande au gouvernement, d'abord, de faire une loi spécifique sur un sujet donné, en particulier celui, par exemple, du référendum.

Je vous dis dans ma remarque qu'il n'y a pas cette tradition référendaire chez les citoyens du Québec, qu'ils sont déjà portés à associer les deux. Mettez-vous un peu dans nos souliers, le rôle du législateur n'est-il pas à ce stade-ci— pour éviter toute ambiguïté et pallier l'absence de cette tradition référendaire — sa responsabilité n'est-elle pas de créer un grand cadre de discussion, d'établir, comme je le disais tantôt, la tuyauterie avant de mettre en application une loi spécifique sur quelque sujet que ce soit?

M. Dufour: M. le Président, si le député n'avait pas, au départ, précisé la position de l'Union Na- tionale, je comprendrais qu'à ce moment il appuie le livre blanc. Mais nous disons, comme on l'a mentionné à M. Burns tantôt, que nous ne voulons rien savoir d'une loi-cadre. On pourrait peut-être s'interroger sur la question de loi générale, mais notre option très nette, et indépendamment de ce qui se passe dans la population actuellement, au niveau des confusions entre les deux, qu'on doit d'abord commencer par la loi spécifique.

C'est une question de principe pour nous. On ne donne pas une loi-cadre tant et aussi longtemps qu'on n'a pas vécu certaines situations. Vous auriez beau, je pense, discuter en termes très généraux de la loi-cadre des référendums, dans la population on aurait toujours l'impression que vous discutez du projet de loi sur la souveraineté-association ou l'indépendance du Québec.

M. Brochu: Mais prenons-le à partir des derniers propos que vous venez de tenir. On dit: Déjà les gens l'associent. C'est une réalité, c'est un fait. Mais imaginons-nous, aujourd'hui, dans le cadre de cette même commission parlementaire, en train de discuter de la loi générale et en même temps d'un référendum particulier, soit celui auquel vous faites allusion immédiatement, où là, la situation serait chargée de beaucoup plus d'émotivité qu'elle ne l'est actuellement, puisqu'elle l'est déjà, et qu'on essaie de la dissocier au point de départ.

Si, par exemple — prenons un cas pratique — au moment où on est en train de discuter du mécanisme de la loi pour le référendum, on discute en même temps de qui sera greffier, des montants qui vont être accordés, de qui va relever chaque comité et ces choses-là, imaginez-vous les difficultés de faire le joint dans cela et d'arriver à une loi qui se tienne et qui nous donne le plus de chances possible de se donner un outil démocratique qui en soit un peu le reflet et qui aboutisse vraiment à ses fins. Autrement dit, il s'agit de ne pas tout mélanger dans le même pot; l'élément d'émotivité, je le considère de façon particulière.

Je vous donne juste un exemple pour le "fun" là-dessus. Au début de la semaine, lundi ou mardi, vous avez vu dans les journaux, qu'on a fait le point sur l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement depuis un an. D'accord? C'était une date commémorative. Pour certains c'était peut-être décaler de quatre jours le jour du souvenir et pour d'autres un anniversaire, mais quoi qu'il en soit, on a fait le point. Je prends le journal et je regarde le point qui était fait par les deux premiers ministres, et celui du Canada et celui du Québec.

Le premier ministre du Québec déclare que la situation économique qui ne va pas très bien — tout le monde l'admet et il l'a dit, à ce moment — servira éventuellement pour prouver le bien-fondé de l'éventuelle séparation ou souveraineté-association, appelez cela comme vous voudrez. D'accord? De l'autre côté, dans la page voisine, vous avez le premier ministre du Canada qui déclare, lui, que la même situation économique désastreuse va lui servir beaucoup pour démontrer que l'avènement du Parti québécois au gouvernement a été une chose néfaste et que le

référendum est mauvais. On voit déjà où cela s'oriente et que cela va être finalement sur le dos des citoyens que ce débat va se dérouler. Déjà, on s'accroche là-dedans. Alors, comment voudriez-vous sortir de cela si déjà, alors qu'on n'a même pas commencé le débat, on utilise à toutes les sauces possibles et imaginables un contexte qui n'est même pas tout à fait créé? Le débat est lancé, ne nous le cachons pas. C'est un fait, c'en sont des exemples. Mais déjà, par le fait qu'il est lancé et par le fait —- passez-moi l'expression — qu'on charrie toutes les situations comme cela à ses fins, de part et d'autre, qu'est-ce que ce serait s'il fallait en même temps qu'on discute des deux questions? C'est dans cette optique.

M. Dufour: M. Tremblay.

M. Tremblay (Jacques): Rappelons seulement là-dessus notre position. Quand vous parlez d'une loi-cadre, c'est-à-dire d'une loi qui définit un secteur d'activité et qui laisse au pouvoir de réglementation le soin de déterminer les mécanismes d'application et, jusqu'à un certain point, le cas particulier d'un référendum, dans cette conception d'une loi-cadre, notre position est rigoureuse: c'est un non en principe.

Quand vous parlez du choix, pour en venir à un référendum sur l'indépendance, entre la voie qui passerait par deux lois, d'abord une loi générale et ensuite une loi spécifique, notre choix est pratique. Il semble beaucoup plus sain, beaucoup plus juste et probablement beaucoup plus utile d'aborder cette question du référendum auquel on pense et de voir quel est le meilleur moyen d'y parvenir.

Cependant, on ne peut pas avoir d'objection de principe à avoir une loi générale sur les référendums, si vous parlez d'une loi générale. Mais si vous parlez d'une loi-cadre, c'est-à-dire une loi qui donne des pouvoirs de réglementation, qui laisse donc ensuite le pouvoir de définir quel sera le vrai contenu de cette loi, quel sera l'usage qu'on en fera, là, notre non est un non de principe.

La technique de définir une loi générale et, ensuite, une loi spécifique nous paraît un détour qui n'est probablement pas nécessaire, ni très pratique dans les circonstances. Là-dessus, vous pouvez avoir une opinion ou une autre. C'est un choix pratique et ce n'est pas facile de régler cela au couteau; cela ne se règle pas au couteau. Votre opinion semble aller dans l'autre sens. On ne peut guère en dire plus.

M. Brochu: J'essaie surtout de faire ressortir différents éléments là-dedans pour vous faire clarifier votre position aussi.

M. Tremblay (Jacques): Précisons bien que la loi-cadre, au sens où elle laisse un pouvoir de réglementation dans le cas du référendum ou, comme on l'a déjà dit, dans d'autres situations, reçoit de notre part un non de principe; mais une loi générale sur les référendums ne reçoit pas de non en principe. On croit simplement que, dans le contexte très clair où nous sommes présentement, où nous attendons et où nous nous préparons tous à un référendum sur le statut constitutionnel du Québec, il y a une manière d'opération de diversion, qui n'est pas utile, à rechercher une loi générale. De toute façon, on sait que dans la pratique la loi générale, qu'on réutilisera dans trois ans, dans quatre ans ou dans cinq ans, sera probablement amendée en cours de route.

M. Brochu: Elle sera modifiée, comme vous le disiez tout à l'heure. Je pense qu'il est important que vous établissiez, dans votre conception, cette nuance que vous faites entre la loi-cadre comme telle et la loi de portée générale.

Pour continuer sur le sujet, dans l'optique du livre blanc tel qu'il est actuellement — oublions la loi générale et la question de la loi-cadre — seriez-vous davantage porté à être en faveur du contenu du livre blanc tel qu'il est actuellement — je parle au niveau de ses mécanismes — si, par exemple, le gouvernement vous garantissait que la première expérience qui sera tentée avec le livre blanc sera sur un sujet autre que celui de l'avenir constitutionnel du Québec? Là-dessus, je sais qu'il y a eu différentes positions de faites. Je sais que M. Biron a demandé en Chambre, la semaine dernière, qu'on fasse l'essai avec le projet de loi no 67, par exemple, sur l'assurance automobile et qu'on mette à l'épreuve cet outil.

Si on mettait cet outil en usage sur un autre sujet que celui de l'avenir constitutionnel du Québec, est-ce que vos positions seraient différentes de celles que vous nous présentez ce matin?

M. Dufour: De façon générale, non. Il ne faut pas oublier les deux points majeurs qu'on fait ressortir quant aux mécanismes, soit le contrôle des dépenses et le contrôle de l'information, cette participation à l'intérieur d'un organisme-parapluie. Si, demain, on avait à appliquer un référendum sur quelque sujet que ce soit, l'assurance automobile, l'énergie ou autre chose, on retrouverait toujours là-dedans toute cette philosophie de la participation des citoyens intégrés à des grands organismes. Or, nous disons: Nous avons un fonctionnement démocratique au Québec qui s'exprime de mille et une façons et ce n'est pas possible de le cadrer comme on semble vouloir le faire ici.

Comme organisme, comme Conseil du patronat, nous nous sentons ici contraints au plan de la liberté d'expression. Il faudra, de façon automatique, s'intégrer à l'organisme X, selon notre option, mais, à ce moment-là, nous devrons partager les aléas de toute cette organisation. Même plus, comment pourra-t-on interpréter quelque réaction qu'on pourrait avoir sur quelque tribune possible et imaginable à l'intérieur d'une proposition comme celle-là? En fait, on va tous être des hors-la-loi dans le temps de le dire, parce qu'on s'exprime tous. Cela fait dix ans ou vingt ans qu'au Québec on nous dit: Exprimez-vous! Allez-y comme population! Là, on arrive et on nous dit l'inverse. On nous fait passer par un canal et tout

le monde de la même façon. Pas plus pour un autre référendum que pour celui auquel on pense.

M. Brochu: Ce point-là de l'expression des libertés individuelles vous paraît comme un point fondamental.

M. Dufour: C'est fondamental.

M. Brochu: II faut s'attabler immédiatement pour corriger la situation et pour éviter que cela n'aille à l'encontre — ce sont des mots qu'on utilise couramment — des droits acquis et des droits fondamentaux des citoyens dans une société libre. C'est dans cette optique-là?

M. Dufour: C'est dans cette optique.

M. Brochu: D'accord. Sur un autre point, en ce qui concerne l'engagement moral du gouvernement face à un éventuel référendum. Simplement une remarque d'ordre général. J'ai été content que vous souligniez cet aspect dans le mémoire, parce que même si, dans certains textes de loi concernant un référendum spécifique, on ne peut pas l'inclure comme tel, je pense que ce serait porter atteinte à la confiance éventuelle que les gens pourraient avoir aussi dans un éventuel référendum que le gouvernement ne se sente pas lié, au point de départ, par cette réponse que les gens lui donneront sur un sujet donné. Lorsqu'on se place dans l'optique de la tradition référendaire dont je parlais tout à l'heure, j'étais content que vous souligniez ce point, si on part de travers là-dedans — autrement dit on demande aux gens: Qu'est-ce que vous pensez de tel sujet? — si le gouvernement peut faire le contraire ou prendre une position différente en disant que c'était tout simplement consultatif, je pense qu'on commence rétablissement de cette tradition de façon fort douteuse. Comment allons-nous demander à nos concitoyens, dans d'autres référendums subséquents, de se déplacer pour se prononcer sur des questions, s'ils ont l'impression nette et claire que leur opinion est plus ou moins importante? Cela reviendrait plutôt à un jeu de scène ou à un coup de théâtre qu'on pourrait faire où on demande aux gens de participer de façon simplement figurative pour que le décor soit complet.

M. Dufour: Vous avez parfaitement raison sur le dernier point. Si, finalement, vis-à-vis du résultat d'un premier référendum, on faisait toute autre chose, il est bien évident que le deuxième ou que le troisième ne donnerait pas grand-chose. Mais sur la question peut-être plus technique que vous abordez à nouveau, à savoir est-ce qu'on peut l'inscrire ou pas dans la loi spécifique, on a dit: il faudrait regarder cela au niveau des contentieux concernés, mais il y a probablement une possibilité dans les préambules. Ce n'est pas dans le texte de loi comme tel ou dans les définitions. Mais si vous regardez, par exemple, la Charte de la langue française, vous avez quand même un préambule qui établit très clairement l'orientation gouvernementale et sa philosophie de base. Et vous l'avez dans d'autres projets de loi ou dans d'autres lois, alors c'est peut-être une façon de l'exprimer en préambule d'une loi.

M. Brochu: S'il n'est pas contenu dans les articles comme tels, je vous rejoins là-dessus qu'il y ait un engagement formel. Vous vous prononcez dans un sens peut-être plus large que ce que les vieux appelaient autrefois la parole donnée, mais écrite, avant le texte de loi quand même, qu'il y ait un engagement formel d'écrit pour que le gouvernement soit, en quelque sorte lié, de ce côté-là. Je pense qu'il y a aussi la question de la perception du gouvernement par les citoyens, dans ce sens. Cela joue des deux côtés.

Maintenant, pour aller plus loin, il y a une question qu'on n'a pas abordée et sur laquelle j'aimerais entendre votre point de vue, c'est concernant les référendums à plusieurs coups ou à un coup, les référendums répétitifs sur un même sujet ou non. Je vous le souligne en passant, c'est un point de vue que j'ai exprimé dès le début de la commission parlementaire qu'un gouvernement ne devrait pas, par exemple, revenir sur une même question, par un référendum, au cours d'un même mandat. Prenez la question nucléaire, prenez la question de l'éventuel statut du Québec dans la Confédération ou non, que le gouvernement ne puisse pas revenir tous les six mois ou tous les ans sur la même question. Est-ce que le Conseil du patronat s'est penché sur cette question, et de quelle façon entrevoyez-vous cette question?

M. Dufour: C'est une question sur laquelle on ne s'est pas penché. C'est déjà assez compliqué de regarder la loi-cadre ou générale versus une loi spécifique et penser que, sur un sujet donné, il pourrait y en avoir deux ou trois, et comme, de toute façon, on pense toujours au même référendum, on n'a pas voulu aller jusque là.

M. Brochu: Très bien. Alors vous n'avez pas d'avis à nous donner à ce sujet-là pour le moment. Est-ce que M. Tremblay a quelque chose à ajouter?

M. Tremblay (Jacques): Sur le point que vous avez soulevé à propos de la possibilité qu'il y ait un référendum d'essai avant le référendum sur l'indépendance, ce n'est pas une question qu'on étudie comme telle. Par ailleurs, nous répétons, depuis un an, qu'il est important d'organiser le référendum sur l'indépendance le plus tôt possible, ce qui exclut l'hypothèse d'un référendum d'essai en cours de route.

On sait que cette question de l'indépendance et l'incertitude qu'elle crée a des conséquences avec lesquelles il faut vivre au jour le jour. Il y a une espèce d'hypothèque à lever et nous souhaitons, nous l'avons répété souvent à d'autres moments et sur d'autres sujets, que cette hypothèque soit levée le plus tôt possible.

Et à ce point de vue, évidemment, un référendum d'essai nous paraîtrait une technique qui

n'aurait probablement d'ailleurs aucun avantage parce que vous auriez probablement un sujet plus ou moins sérieux, simplement pour s'essayer. Tout cela n'aurait probablement pas de sens. Je pense qu'il y a une hypothèque sur la vie politique du Québec et que c'est celle-là qu'il faut affronter franchement, directement et dans les meilleures conditions possible. C'est à cela, d'ailleurs, que l'on revient toujours quand on parle de la clarté de la question, d'attaquer la loi sur ce référendum, etc. Alors une opération d'essai, en cours de route, impliquerait un retard qui ne convient pas aux positions qu'on a prises jusqu'à maintenant.

M. Brochu: Je vous remercie de ces précisions, M. Tremblay.

Maintenant, une autre question à M. Dufour. Je la pose sous réserve parce que c'est peut-être un peu dans l'optique de ma première; vous ne vous êtes peut-être pas penchés sur cette tuyauterie, comme telle, étant donné que vous avez orienté votre mémoire dans un autre sens. Avez-vous regardé la question qu'on touche dans le livre blanc, la question du dépouillement? De quelle façon cela devrait-il être fait? Est-ce que cela devrait être fait par comté, par région, sur le plan national? Je vous pose cette question sous réserve, peut-être que vous ne vous êtes pas penchés sur cette question comme telle.

M. Dufour: On l'a regardée, c'est bien évident, parce que c'est posé, comme question, dans le livre blanc et qu'il y a eu, quand même, un certain nombre de commentaires là-dessus. On n'a pas de proposition ferme à faire sur ce sujet, mais il se dégage quand même un consensus que cela devrait au moins être regroupé, pas nécessairement sur le plan provincial, mais probablement au niveau des zones économiques, dans zones administratives du gouvernement — il y en a déjà une douzaine. On devrait vraiment avoir un système de recoupage, pas nécessairement sur le plan provincial, mais sur les dix ou douze régions administratives. On n'a pas de suggestion ferme, sur cette question, à faire au gouvernement.

M. Brochu: Est-ce que je dois comprendre, dans cette opinion d'ordre général que vous me donnez, que vous incluriez le fait que l'on ne doive pas organiser le mode de dépouillement du scrutin de sorte qu'on puisse identifier — par exemple en se servant de petits secteurs restreints — telle tendance de vote ou telle autre tendance de vote, sur un sujet donné, dans un référendum?

M. Dufour: C'est exact, c'est un peu notre conception de base, c'est qu'il faudra vivre la vie québécoise, au lendemain du référendum. Il faut éviter de se placer dans des situations qui rendraient peut-être certaines situations conflictuelles, il faut éviter cela. Où qu'on soit, qu'on gagne ou qu'on perde, il faut quand même vivre le lendemain. A ce moment, ce qu'on peut éviter au maximum, évitons-le; c'est dans ce sens qu'on pense au recoupage.

M. Brochu: Le dernier aspect que vous venez de souligner: Quels que soient les référendums, quels que soient les sujets sur lesquels ils portent, je pense qu'il ne faudra jamais perdre de vue cette optique que, le lendemain, quels que soient les antagonismes où se retrouvent les opposants, il faudra continuer à vivre le lendemain. Sinon cela peut nous apporter des problèmes beaucoup plus graves, quel que soit le sujet du référendum. Je pense qu'il faut garder cela comme grand principe.

M. Dufour et votre équipe, cela résume les grandes questions que je voulais vous poser. Comme je l'ai dit tantôt, d'autres ont été posées et éclaircies. J'ai voulu faire ressortir, par mes questions, certains éléments de votre dossier. Je vous remercie du document important qui a été présenté, au nom de l'Union Nationale. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Richmond. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Merci, M. le Président. Je tiens à remercier le Conseil du patronat de son mémoire, qui touche les points essentiels des questions qu'on se pose dans cette étude. J'ai des réactions mixtes; je pense que vous avez certaines appréhensions, face au livre blanc, que je partage, et d'autres que je ne partage pas pour un certain nombre de raisons.

Je voudrais revenir sur la question de la loi-cadre. Je pense qu'on s'est peut-être mal compris là-dessus; le terme loi-cadre est tout à fait inapproprié ici; d'ailleurs le livre blanc parle de la future loi de la consultation populaire. Je pense qu'il s'agit effectivement d'une loi générale et non pas d'une loi-cadre. D'autre part, le programme du parti, qui avait été adopté en 1968, dit textuellement ceci, qu'on retrouvera, dans l'édition de 1975, à la page 6: "Faire adopter une loi organique — on parlait d'une loi organique, donc une loi générale — sur les référendums garantissant que les options offertes seront claires et distinctes, de formulation non ambiguë, permettant l'expression de choix véritables." Cela avait été voté par le congrès, au tout début, et cela a été reconfirmé à chaque congrès subséquent du Parti québécois.

Je pense que c'est dans cette optique qu'on se situe, c'est-à-dire que la loi ne laissera pas ouverts des champs à combler par règlement sur simple action du Conseil des ministres. Je pense que c'est clair pour tout le monde. On ne peut pas, pour une chose de cette importance, se permettre des ajustements de cet ordre. Les modalités laissées libres par la loi organique ou par la future loi sur la consultation populaire devront être précisées soit dans une motion devant l'Assemblée nationale, comme le propose le livre blanc, soit, comme le propose le Barreau, par une loi spécifique à chaque référendum qui permettra de s'attarder aux questions spécifiques à ce référendum. Je me demande, dans ce contexte, avec ces précisions que je viens d'apporter, si la démarche ne vous apparaît pas plus acceptable, c'est-à-dire

qu'elle permet en plus — et c'est un point qui n'a pas été soulevé jusqu'à maintenant — de faire en sorte qu'une fois terminé ce débat sur la loi organique ou sur la loi sur la consultation populaire, une fois terminé ce débat qui va établir la tuyauterie, la plomberie, les mécanismes généraux, comme ceux que nous avons dans la Loi électorale et en s'inspirant également de la Loi électorale, une fois terminé ce débat dis-je, nous pourrons à très brève échéance en entreprendre un autre, mais là, en se limitant aux questions centrales: Quelle est la question? Est-ce que le gouvernement doit tenir compte de telle ou telle majorité ou tel pourcentage des votes ou tout autre mécanisme? Est-ce que cette démarche vous apparaît plus acceptable maintenant qu'on l'a précisée un peu plus?

M. Dufour: C'est sûr qu'il y a peut-être de la confusion entre loi-cadre, loi générale, loi organique. Comme on l'a dit tantôt, supposons que ce n'est pas un projet de loi-cadre, que c'est un projet de loi organique — parce qu'on rejette la loi-cadre, en principe — le projet de loi organique, on ne le rejette pas en principe, on fait l'inverse. On dit: Ayons deux ou trois lois spécifiques et après on se donnera la loi organique dont vous parlez. Je pense qu'on ne s'entend pas plus, même dans la façon dont vous structurez votre argumentation. Ceci pour une raison très simple. Supposez que vous commettez des erreurs de fond dans votre loi organique, au niveau, par exemple, des organismes parapluie; au niveau des structures de l'information, au niveau même de l'application de la procédure électorale aux fins d'un référendum, au niveau, purement et simplement, peut-être, du problème du recoupage des votes dont on parlait tantôt, peu importe la question, si vous commettez trois, quatre ou cinq erreurs dans une hypothèse, à ce moment-là, vous êtes pris pour vivre avec! Et vous revenez exactement à ce qu'on vous dit, vous allez être obligés de l'amender constamment et, finalement, votre loi générale organique valable ne sera découverte qu'après la tenue de deux ou trois référendums. On ne s'oppose pas en principe. Je pense qu'on doit se comprendre là-dessus. Si ce n'est pas une loi-cadre, c'est une loi organique, mais on dit quand même: Essayons-la à deux ou trois occasions. C'est un principe nouveau de consultation dans la population. Si, pour l'amener vraiment à participer à la première démarche référendaire on est obligé déjà de lui fournir toute une information, de la structurer — et on sait que c'est difficile de changer de processus — si on l'amène un peu à comprendre le régime et le système qu'on lui propose, pour finalement l'amender dans des éléments majeurs à la deuxième consultation populaire, à ce moment-là, on a des problèmes.

M. Paquette: Vous dites vous-même qu'on devrait attendre deux ou trois référendums pour établir une loi-cadre. De la même façon, je dis qu'on devrait attendre deux ou trois référendums pour amender une loi-cadre. Une fois qu'une loi organique est établie, je pense que cela a un certain caractère de permanence. C'est comme les lois électorales du Québec. C'est après plusieurs élections qu'on se rend compte des failles dans les mécanismes. Il ne s'agit pas là de questions de principe, mais de questions de tuyauterie ou de mécanisme. Je peux très facilement prévoir des référendums dans un avenir prochain. M. Jacques Tremblay disait tantôt que cela avait un certain caractère d'urgence pour lever l'incertitude. Je suis d'accord, sauf que je situe l'incertitude à Ottawa, et j'ai hâte qu'on soit libéré de cette incertitude.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pas sur le fond.

M. Paquette: Oui, M. le Président. C'était trop tentant. Mais, je pense qu'on peut sûrement prévoir à court terme un certain nombre de référendums.

Je pense qu'il y aura d'autres questions constitutionnelles qui devront être réglées par référendum. Que ce soit dans le cadre de la souveraineté-association ou dans un autre cadre, il va falloir que le Québec se donne une constitution. Je trouverais embêtant qu'on soit obligé, de rediscuter chaque fois, toute la plomberie, de la même façon qu'on soit obligé, à chaque élection, de discuter tous les mécanismes de la Loi électorale.

Ce que je veux dire, c'est qu'on est dans une période de changements importante au Québec et qu'on peut prévoir que les référendums, sans être à tous les jours, risquent d'être un peu plus fréquents. Cela vaut la peine de franchir cette étape, de se donner une loi organique qui permettra, à chaque occasion où cela se présentera, de préciser et de s'attacher aux questions essentielles. Or, je pense qu'on n'est pas d'accord là-dessus et je ne pense pas que je vais réussir à vous convaincre. Je vais donc passer à une autre question.

M. Dufour: Si vous le permettez, M. le Président, juste sur ce point, il nous apparaît actuellement que l'on semble vouloir privilégier le référendum comme étant "l'outil" de consultation populaire. On perçoit, dans le livre blanc, qu'il pourrait y avoir quand même bon nombre d'autres mécanismes et qu'il ne faudrait pas tendre à privilégier celui-là. Les conseils consultatifs, cela existe déjà. On a déjà demandé une politique gouvernementale là-dessus et ce serait peut-être aussi valable, en termes de consultation populaire, que, finalement, ce que l'on dessine.

M. Paquette: Je relève, dans votre mémoire, un énoncé qui me dérange un peu. Vous dites que "tout référendum consultatif implique, de la part du gouvernement, le choix entre deux attitudes — je ne me rappelle pas la page exacte, mais c'est dans un résumé que j'ai — soit qu'il demeure neutre et n'intervienne pas dans la campagne référendaire — ce qui est évidemment tout à fait exclu, je pense, dans le cas du référendum auquel tout le monde pense — et, alors, il n'est pas lié par les résultats. Je pense que cette option est mise de

côté, actuellement, puisque, contrairement aux demandes qu'on continue de nous répéter, à plusieurs reprises, en Chambre et ailleurs, je pense que le premier ministre s'est engagé à respecter les résultats du référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec.

Nous avons le choix entre cette attitude qui, je pense, est exclue et une autre que vous nous suggérez très fortement, en disant: "Soit qu'il s'engage — et je pense que c'est le cas — et, alors, les résultats le lient et il doit démissionner si les résultats lui sont défavorables". Ne craignez-vous pas qu'en enfermant un gouvernement, quel qu'il soit d'ailleurs, dans un tel carcan vous vous ramenez à toutes fins pratiques, à des élections-référendums? C'est-à-dire que chaque référendum sera, en fait, une élection sur la valeur du gouvernement. C'est justement ce qu'on veut éviter avec une loi sur la consultation populaire. On ne veut pas répéter l'expérience de l'élection de 1962 sur la nationalisation de l'électricité où des gens, tout à fait favorables à la mesure, étaient, par contre, opposés au gouvernement et étaient pris dans une situation extrêmement difficile au moment du vote. Si vous nous mettez dans un tel carcan, on va avoir exactement le même résultat.

M. Dufour: Oui. On dit bien, par exemple, dans notre mémoire, que cette appréciation est au plan politique et non pas au plan législatif comme tel. C'est bien sûr que, si un gouvernement a vraiment bagarré pour défendre une option pleinement et que, finalement, il se ramasse avec un résultat qui ne lui est pas favorable politiquement, il y a un problème.

La solution que l'on trouve — parce qu'on en trouve une solution — c'est de faire une distinction très nette entre le parti et le gouvernement. On dit, à ce moment-là: Le gouvernement ne devrait avoir qu'un rôle d'information par l'intermédiaire de son appareil administratif, mais le parti, lui, jouera, évidemment, son option comme les autres joueront la leur. Evidemment, dans la population, cela va être très difficile de faire cette distinction. On est d'accord avec cela.

Par ailleurs, on suggère qu'il doit demeurer, comme gouvernement, le plus neutre possible, et, surtout durant la campagne référendaire, il ne devrait pas être question d'utiliser les hommes politiques comme tels pour fins de promotion de l'option d'un parti — nous aussi, nous avons un problème — parce que, finalement, politiquement, il a un drôle de problème au lendemain de la campagne, quand les résultats sont connus si, à ce moment-là, cela ne lui est pas favorable.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Rosemont, s'il vous plaît, avant de poursuivre, j'aimerais demander s'il y a des représentants, ici, de la Chambre de commerce de la province de Québec.

Or, je pense qu'à la suite d'une certaine consultation — et M. le député de Richmond, je demanderais, s'il vous plaît, votre attention toute spéciale — entre le parti ministériel et du moins l'Opposition officielle, compte tenu du fait qu'il y a un caucus du parti ministériel à 13 heures, il y avait une sorte d'entente pour qu'on puisse libérer la salle vers 12 h 50 et qu'en conséquence on remette le mémoire de la Chambre de commerce, compte tenu de l'heure avancée, après la période des questions cet après-midi. Est-ce que vous consentez, M. le député de Richmond, à cette entente tacite qui est intervenue entre les deux autres partis?

M. Brochu: Oui, je n'avais pas été informé. Vous m'en informez.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous en informe et je vous demande votre consentement d'ailleurs.

M. Brochu: Je vous l'accorde, avec plaisir, M. le Président. Je pense que ce serait amocher un mémoire que de commencer...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Messieurs les représentants de la Chambre de commerce, étant donné qu'on ne voudrait pas entrecouper votre mémoire, et compte tenu de l'heure avancée, il y a encore le député de Deux-Montagnes qui a demandé la parole ainsi que le député de L'Acadie...

M. Morin (Pierre): M. le Président, j'avais cru comprendre que c'était ce soir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ou ce soir.

M. Morin (Pierre): Excusez-moi, M. le Président, j'avais cru comprendre...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A 20 heures, ce soir, c'est parce que ce n'était pas sûr encore.

M. Morin (Pierre): A 20 heures.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A 20 heures. D'accord, à 20 heures ce soir. S'il vous plaît, à l'ordre. A 20 heures, ce soir, nous vous entendrons. Vous pouvez y aller, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Sur le fait que le gouvernement doive demeurer neutre quant aux mécanismes d'information, je pense qu'on est tout à fait d'accord. D'ailleurs, dans le livre blanc, on dit que ce sont les députés qui se répartissent dans les comités parapluie. On en parlera tantôt, j'ai aussi des réserves sur ce principe, soit dit en passant. Je pense qu'on reconnaît le principe qu'au moment de la campagne référendaire, ce n'est pas le gouvernement qui est en campagne. Ce sont des groupes, des associations, des députés, des hommes politiques, des partis qui se regroupent ou pourraient ne pas se regrouper, dans une autre hypothèse, mais qui sont en campagne.

Je pense qu'on est d'accord là-dessus. D'autre part, je vous donne l'opinion de M. Gérald

Beaudoin, dans un récent article, qui est membre de la commission Pépin-Robarts. J'aime cela le citer parce qu'il n'est sûrement pas de notre bord. Il dit ceci: "Battu sur le référendum, le Parti québécois peut choisir de demeurer au pouvoir et se comporter comme un gouvernement provincial. — Ce qu'on fait, d'ailleurs, depuis les élections du 15 novembre. — Le gouvernement, dans notre système, est responsable à la Chambre. Il peut perdre son référendum et rester au pouvoir le reste de son terme. La vie du gouvernement n'est pas en jeu, lors d'un référendum, à moins qu'il ne perde également la confiance de la Chambre, auquel cas il doit démissionner et provoquer des élections générales."

M. Dufour: On n'a pas remis en cause, finalement, ce principe d'aucune façon. Si on lit bien, je pense que le résumé est un peu succinct, la page du mémoire qui est consacrée à cela, c'est toute la question de la neutralité du gouvernement comme tel. Si le gouvernement n'est pas neutre politiquement, il ne peut pas ne pas démissionner.

M. Paquette: Maintenant, concernant la formulation de la question, vous suggérez un comité ad hoc, présidé par une personne reconnue pour son expérience et son impartialité, ayant pour mandat d'entendre les opinions, de formuler des recommandations, de remettre son rapport au Conseil des ministres. Le Barreau nous a suggéré une autre modalité que celle qui est prévue dans le livre blanc et que je trouve, pour ma part, très intéressante. C'est qu'au lieu de procéder par motion, une fois la loi organique adoptée, concernant, par exemple, la formulation de la question, le gouvernement présente une loi spéciale à chaque référendum dans laquelle on retrouvera la formulation de la question et qui suivra le processus normal, c'est-à-dire commission parlementaire.

Dans un tel processus, étant donné qu'une commission parlementaire peut entendre tous les experts qu'elle voudra et qu'en plus, elle peut entendre tous les citoyens, est-ce que vous ne trouvez pas cette suggestion un peu plus conforme que la formation d'un comité ad hoc à nos coutumes parlementaires et, également, plus utile et plus démocratique, en termes de mécanismes parce qu'on pourra entendre à la fois des experts et tout le monde qui voudra donner son opinion?

M. Dufour: Mais, un mécanisme n'exclut pas l'autre, je pense, dans ce cas-ci.

M. Paquette: D'accord.

M. Dufour: II est bien évident qu'on pourrait aller en commission parlementaire dans l'hypothèse du Barreau parce que c'est une loi spécifique. Finalement, nous pensons que, compte tenu de l'engagement bien connu du gouvernement actuel vis-à-vis de cette question politique dont on parle, que le choix de la question ne sera sûrement pas au départ à son désavantage.

Je pense qu'on ne peut même pas nous demander de nous enlever cela de la tête. C'est très honnête de le dire. Je pense qu'on a l'impression très nette qu'on ne soumettra pas à l'attention de la population une question qu'on sait à peu près battue au départ. C'est normal quand on a un engagement vis-à-vis d'une question aussi importante que celle-là.

Pour éviter cela, éviter le résultat éventuel mais aussi peut-être éviter que le gouvernement se place dans une situation où il pourrait être critiqué de ce faire, on suggère ce "task force ' ou ce comité, tout en précisant bien qu'il n'est que consultatif de toute façon au Conseil exécutif, au Conseil des ministres. On ne voit pas pourquoi ne pas le faire finalement, étant donné que le gouvernement est d'accord pour accepter des conseils; que les conseils viennent avant ou viennent après, finalement, c'est du pareil au même. D'après ce que vous mentionnez, en analysant la proposition du Barreau, vous seriez prêts à faire examiner votre question par des spécialistes de l'extérieur, une fois soumise à l'Assemblée nationale. Pourquoi ne pas le faire avant? A ce moment, en termes de crédibilité, à l'intérieur de la population et dans un organisme comme le nôtre, il y aurait sûrement de l'acquis pour le gouvernement.

M. Paquette: Oui, mais il y a quand même le point que ce mécanisme met en jeu le principe de l'initiative du gouvernement qui est dans le livre blanc et qui me semble être une chose bien acquise dans tous les pays qui ont des lois organiques sur le référendum. Soit dit en passant, il y en a une quinzaine qui ont des lois organiques sur les référendums. Le gouvernement, ayant le droit d'initiative, interroge la population sur son option, pas sur une option quelconque, sur la sienne, sur celle qu'il partage depuis le début; il demande l'avis de la population là-dessus. Moi, il me semble que l'important c'est de s'assurer que cela ne se fasse pas en cachette, qu'il y ait une intervention de la population, qu'il y ait un débat public autour de cela, de sorte que la pression sera grande sur le gouvernement pour qu'il ne soit pas tenté de piper les dés à l'avance en sa faveur.

Je pense qu'une fois ce débat public fait il serait tout à fait suicidaire pour un gouvernement de ne pas tenir compte de l'opinion majoritaire qui s'en dégage. Il me semble que l'important est là Par contre, le mécanisme que j'ai suggéré d'une loi spéciale avec commission parlementaire, ou même une motion débattue en Chambre, me paraît préférable à votre suggestion, parce que vous mettez en cause le droit du gouvernement de consulter la population sur son option.

Prenons un exemple précis. Supposons que le comité ad hoc impartial dise que la question sera: Est-ce que vous êtes pour ou contre l'indépendance du Québec, oui ou non? Il serait possible que ce soit cela. Le gouvernement pourrait dire, à juste titre: Notre option, ce n'est pas l'indépendance du Québec, c'est la souveraineté-association; il faut consulter les gens là-dessus. Il

serait très mal placé pour le faire, parce qu'il aurait été précédé par une prise de position d'un comité qui, en quelque sorte, lui impose autre chose. C'est dans ce sens que je trouve que le droit d'initiative du gouvernement est mis en cause.

M. Dufour: Je pense qu'à ce moment vous ne donnez pas tout le crédit au comité qu'on vous propose.

Il est évident que dans une simplification comme celle que vous venez de faire, le gouvernement pourrait avoir des problèmes, mais quand on parle d'un comité spécialisé, d'un comité entouré d'experts, présidé par une personnalité reconnue, on pense que finalement cette personne ou ce comité irait plus loin dans son approche que la description qu'on convient de faire d'un exemple. Cela n'enlève pas, d'aucune façon, le droit d'initiative au gouvernement. En fait, il décide de tenir un référendum sur une question donnée, les gens connaissent son idéologie ou sa position sur la question donnée. Il demande simplement, n'ayant pas toujours la vérité absolue, à d'autres de le conseiller! Il n'est absolument pas lié par le rapport de ce comité.

C'est sûr que si on devait opposer votre question éventuelle à celle que vous venez de décrire, le gouvernement serait peut-être mal placé pour la changer. Nous faisons confiance à un comité, à ce moment-là.

Le Président (M. Clair): M. le député de Ro-semont, j'ai remplacé le député de Jonquière au pied levé et j'ai cru saisir qu'on devait terminer nos travaux à 12 h 50. Comme il reste deux autres intervenants, je voudrais donner la chance aux deux autres intervenants qui sont déjà sur la liste de poser des questions. Une toute petite question, M. le député de Rosemont, et, pour M. Dufour, une toute petite réponse, s'il vous plaît.

M. Paquette: D'accord. Cela concerne les comités parapluie pour les limites de dépenses. D'abord, je pense qu'il faut limiter les dépenses en vertu de la liberté d'expression, que j'accepte comme principe, comme tout le monde d'ailleurs. La liberté d'expression, il me semble que cela ne dépend pas de la capacité financière des individus. C'est très facile, pour le Conseil du patronat ou la CSN, de s'exprimer sur une question. Ils ont des fonds, ils ont un personnel technique; pour d'autres citoyens, c'est moins facile.

Mme Lavoie-Roux: Une question courte!

M. Paquette: Etes-vous d'accord avec ce principe qu'il faut donner des chances égales, autant que possible, quitte à trouver un autre mécanisme que celui que vous contestez?

Le Président (M. Clair): J'avais demandé une courte question; M. Dufour, je suis convaincu que vous allez nous donner une réponse courte.

M. Dufour: Je ne suis pas d'accord. Pour nous, la question des dépenses est fondamentale. C'est un éditorialiste, récemment, qui posait le problème de la façon suivante: Ce n'est plus l'égalité des chances si, finalement, au niveau des deux organismes parapluie vous avez des gens qui défendent une option à 15% ou 20% et que, de l'autre côté, vous avez des gens qui la défendent à 80%, et que vous avez exactement les mêmes sommes d'argent qui leur sont allouées. Vous n'avez donc pas, dans votre propre proposition, l'égalité des chances.

Le Président (M. Clair): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président, je serai forcément bref. Je voudrais, avec votre permission, revenir sur une observation que le député de Gatineau a faite tout à l'heure. Je regrette qu'il nous ait quittés. Je vais prier Mme le député de L'Acadie de lui faire part de cette observation pour que M. le député de Gatineau ne pense pas que j'ai attendu son départ pour commenter ses observations.

C'était à propos du mémoire ou des remarques préliminaires qui ont été présentées à la commission parlementaire par la Commission des droits de la personne.

A ce sujet, M. le député de Gatineau a établi un parallèle, donnant à entendre que les recommandations du Conseil du patronat sont semblables à celles de la Commission des droits de la personne. Je voulais juste ajouter modestement un correctif. Il y a peut-être certaines recommandations qui présentent une certaine concordance, mais, parmi les sept recommandations du Conseil du patronat, j'en relève quatre qui n'ont pas leur équivalent dans les observations de la Commission des droits de la personne, soit les recommandations 1, 3, 4 et 6. Je voulais juste clarifier ce point. Pour m'adresser maintenant aux représentants du Conseil du patronat, je voudrais de nouveau, en toute modestie, les engager à réfléchir peut-être plus longuement sur le respect que nous devons avoir de nos institutions parlementaires et les engager peut-être aussi à les étudier d'assez près pour mieux voir comment elles fonctionnent.

Votre recommandation no 4 qui propose un comité ad hoc qui analyserait d'abord la formulation de la question, à mon avis, ne procède pas d'une connaissance suffisante, ni d'un respect suffisant de nos institutions parlementaires. Par ailleurs, votre observation, à la page 7 du premier texte de votre mémoire, sur le fait que le débat de 25 heures à l'Assemblée nationale vous paraît insuffisant, observation qui nous a été faite par plusieurs groupes, procède d'une connaissance peut-être pas très précise de ce qu'est l'Assemblée nationale. En réalité, pour quiconque en a l'expérience, un débat de 25 heures à l'Assemblée nationale, c'est extrêmement long.

En tout cas, avec le peu d'expérience parlementaire que j'ai, je ne peux pas concevoir qu'en prolongeant ce débat on fasse autre chose que vraiment l'éterniser. 25 heures, c'est déjà à l'Assemblée nationale, un débat très très long.

Merci, M. le Président. Je ne sais pas si M. Du-four veut commenter rapidement.

Le Président (M. Clair): M. Dufour.

M. Dufour: Je suis d'accord, M. le Président, avec le député pour dire que 25 heures de débat à l'Assemblée nationale sur certaines questions, c'est très long et souvent très pénible. J'ai eu l'occasion moi-même d'assister à ce genre de débat.

Mme Lavoie-Roux: II faut que je vous demande votre consentement.

M. Dufour: II ne faut pas oublier ici que vous avez quand même une question fondamentale qui engage l'avenir du Québec et que probablement les 25 heures pourraient être insuffisantes. Nettement, on a une préoccupation à ce sujet. C'est bien sûr qu'il y a certains projets de loi qui ne devraient pas faire l'objet d'un débat de 25 heures, mais ici, finalement, c'est l'avenir du Québec.

Le Président (M. Clair): J'ai en lice Mme le député de L'Acadie. Malheureusement, elle n'est pas membre de la commission, mais je suis convaincu que, la protégeant de ma magnanimité présidentielle, les membres consentiront à lui permettre quelques questions.

Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je serai très brève, je vous remercie M. le Président ainsi que les membres de la commission.

Je voudrais simplement dire que 25 heures permettront à peine aux députés de s'exprimer 20 minutes, M. le député de Deux-Montagnes, mais tel n'était pas l'objet de mon intervention.

Vous dites, à la page 5, au deuxième paragraphe: "Comment le gouvernement peut-il, à la fois, prendre parti pour l'une des thèses en présence et se donner, dans une loi-cadre, le rôle d'un arbitre qui veillerait à assurer l'égalité des chances? C'est là, à notre sens, l'ambiguïté fondamentale du livre blanc". C'est d'ailleurs une préoccupation que la population a et elle est certainement fondée.

Vous y revenez, indirectement, quand vous discutez du contrôle des dépenses et des modes de participation ou le droit d'association des gens à participer au grand débat de la campagne référendaire. D'une part, vous dites: On reconnaît le bien-fondé de contrôler les dépenses pour qu'il n'y ait pas d'abus de faits. Par contre, vous arrivez à soulever un grand nombre de difficultés qui sont réelles quant à savoir la façon dont on va contrôler les dépenses, pour, finalement, arriver à la conclusion:— et je voudrais être sûre de bien vous interpréter — "Que décider de fixer une limite au montant total des dépenses nous apparaît donc irréaliste et ce n'est pas, selon nous, le bon moyen de prévenir l'injustice qui pourrait exister". Je pense que la population aussi partage cette préoccupation que les dépenses ne soient pas illimitées, mais, par contre, elle veut être sûre que cela se fasse d'une façon objective, juste et honnête. Est- ce que vous auriez des suggestions à faire là-dessus parce qu'on devra se pencher, tant le gouvernement que nous, sur des suggestion concrètes sur ce point?

M. Dufour: Quand on dit que c'est irréaliste, c'est que cela nous apparaît impossible de contrôler vraiment les dépenses. On dit finalement qu'en dehors des activités bien identifiées dans les organismes parapluie, il y aura quand même toute une série d'activité. Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, il y en aura. Comment va-t-on contrôler ces dépenses? C'est impossible. Cela peut quand même être une part importante des dépenses de la campagne référendaire. Donc, quand on dit que c'est un bon objectif, il est bien évident qu'on ne peut pas accepter des dépenses folles vis-à-vis d'une situation comme celle-là, mais l'irréalisme de la proposition, c'est que ce n'est pas contrôlable.

Nous disons qu'il n'y a pas de possibilité réelle de faire une démarcation entre de l'information et de la propagande, mais dans notre tête, tant et aussi longtemps que cela demeure de l'information véritablement honnête, il ne doit pas y avoir de contrôle des dépenses. Par quel mécanisme? Il y en a déjà qui existent au niveau des campagnes électorales; les émissions de radio et de télé sont déjà quand même réparties entre les différents partis politiques, souvent ce sont des périodes gratuites. C'est un genre de contrôle que l'on peut se donner. Mais, donner une structure ferme de contrôle des dépenses, c'est impossible. A ce moment-là, le législateur confirme tout simplement l'illégalité possible.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que vous avez raison, mais le problème demeure quand même entier, et je ne sais vraiment pas quelles sont les solutions qu'on pourra y apporter. Toute cette égalité des chances reste difficile à établir. Pensons simplement à l'action de Radio-Québec. On me rapportait — et je n'ai pas de raisons de douter que cela n'est pas exact — que Radio-Québec, dans le temps, avait refusé de diffuser ou téléviser le voyage de l'ancien premier ministre, M. Bou-rassa, en Iran, pour aller chercher des investissements économiques, etc. Par contre, cette fois, je pense que Radio-Québec ne semble pas avoir eu de scrupule à faire un grand tapage publicitaire autour du voyage du premier ministre en France, qui y allait pour des fins également politiques et peut-être aussi à caractère économique. Je pense qu'il y a eu aussi des... On peut se demander de quelle manière tout ceci pourrait être partagé d'une façon équitable, et c'est dans ce sens que je vous posais ma question. A mon point de vue, le problème demeure entier quant aux outils qui seront entre les mains du gouvernement et quant à s'assurer que ces outils soient distribués d'une façon vraiment équitable entre tous ceux qui participeront au débat. Je vous remercie de la présentation de votre mémoire.

Le Président (M. Clair): Si vous avez un dernier commentaire à apporter, M. Dufour.

M. Dufour: Le dernier commentaire est simplement pour remercier les membres de la commission parlementaire de nous avoir écoutés. Nous sommes satisfaits du dialogue, cela a été un excellent dialogue. En ce qui nous concerne, s'il y a de nouveaux dialogues qui s'annoncent, on est prêt à y aller d'échanges additionnels. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Au nom de tous les membres de la commission, permettez-moi également de remercier tous les représentants du Conseil du patronat d'avoir accepté de se faire entendre et d'avoir préparé un mémoire qui, j'en suis certain, a intéressé au plus haut point tous les membres de cette commission, qui ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 57)

Reprise 'de la séance à 21 h 35

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, messieurs!

Les membres de la commission pour la présente séance sont M, Bertrand (Vanier), M. Char-bonneau (Verchères) en remplacement de M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Borchu (Richmond), M. Burns (Maisonneuve), M. Gratton (Gatineau), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Johnson (Anjou), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lamontagne (Ro-berval) est remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Lavoie (Laval), M. Lévesque (Taillon) est remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Martel (Richelieu), M. Morin (Louis-Hébert), M. Morin (Sauvé) remplacé par M. Boucher (Rivière-du-Loup); M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Je demanderais au porte-parole de la Chambre de commerce de bien vouloir s'approcher et de présenter celui qui l'accompagne. Avant de quitter pour Jonquière et de me faire remplacer par le député de Rivière-du-Loup, que je remercie d'ailleurs, ce qui va me permettre d'arriver chez moi une heure et demie plus tôt, pour vous rejoindre mardi à 10 h 30...

M. Burns: M. le Président, j'insiste, je crois que la motion devrait être faite.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... je voudrais vous dire que cette commission parlementaire ne doit pas être considérée comme une tribune pour émettre des opinions de fond sur des questions pouvant éventuellement faire l'objet d'une consultation populaire au Québec. Là-dessus, je vous cède la parole.

Chambre de commerce de la province de Québec

M. Boudreau (Louis): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je voudrais également, au nom de tous les membres de la commission, vous prier de nous excuser du retard causé par des circonstances absolument incontrôlables, je le dis au nom de tous les partis...

M. Charbonneau: Incontrôlables, qui auraient pu être contrôlées.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce sont des événements qui avaient lieu en Chambre, à l'Assemblée nationale. Je pense que vous pardonnerez aux membres de la commission, ce retard. Surtout que nous savons que vous êtes ici depuis tôt ce matin.

M. Boudreau: Merci, M. le Président. Vous êtes sans doute excusés, messieurs. Ce n'est pas la première fois que nous sommes entendus à une commission parlementaire. Déjà, nous avons appris que très souvent, les impératifs de la vie

parlementaire dérangent les horaires des commissions parlementaires.

Je me présente, je m'appelle Louis Boudreau. Je suis membre du bureau exécutif de la Chambre de commerce de la province de Québec. Je suis accompagné de M. Pierre Morin, qui est le directeur général des affaires publiques de la Chambre de commerce de la province de Québec.

Je ne vous servirai pas le cliché à savoir que la qualité va suppléer à la quantité, je vous laisserai le soin de le juger.

M. Charbonneau: Cela dit en toute humilité.

M. Boudreau: En toute humilité, parce que mon idée est faite, de toute façon, je voudrais vous dire tout d'abord que la substance du mémoire que nous avons déposé a été soumise à l'assemblée générale, en fin de semaine dernière, lors du congrès qui a été tenu à Québec. Par conséquent, il y a eu consultation et approbation unanime de tous les délégués présents à l'assemblée générale de la chambre de la province de Québec.

M. Morin étant le responsable de la coordination des recherches qui ont abouti à la préparation de notre mémoire, je lui demanderai de le lire et de le commenter par la suite. M. Morin.

M. Morin (Pierre): Merci. M. le Président, M. le ministre d'Etat à la réforme parlementaire, MM. les membres de la commission parlementaire. La lecture du livre blanc, énonçant les propositions gouvernementales sur la consultation populaire, a suscité plusieurs réflexions à la Chambre de commerce du Québec et elle apprécie l'occasion ici fournie de vous entretenir de quelques-unes d'entre elles.

Notre intérêt à participer à ce débat se situe dans notre qualité de principal porte-parole de la communauté québécoise des affaires, qualité conférée à la Chambre par l'ampleur de son "membership", composé de près de 200 chambres et "boards of trade" locaux, groupant ainsi plus de 31 000 adhérents, et de plus de 2500 entreprises de toutes tailles et oeuvrant dans tous les secteurs de l'économie.

Le présent débat comporte, certes, des conséquences pour le monde des affaires et les résultats de la consultation populaire sur le devenir du Québec nous intéressent au plus haut point. Nous sommes cependant conscients que la façon dont sera conduite cette consultation et ses règles du jeu est aussi importante, sinon plus importante encore. Car il faudra que toutes les parties au débat en viennent à accepter comme définitifs les résultats exprimés par les électeurs. Sinon, le référendum donnera lieu à un autre référendum, puis un autre, jusqu'à ce que la fibre de notre tissu social, dont la force nous permet aujourd'hui encore une attitude sereine, soit à jamais détruite.

Cela tient non seulement pour le référendum sur le statut constitutionnel du Québec, mais aussi pour tout autre référendum.

Les implications de ce qui précède vont au-delà de la nécessité d'une seule question claire. dont la compréhension est facilement accessible à tous les citoyens du Québec et prévoyant un choix de réponse simple, tel oui ou non. Ces implications commandent non seulement une apparence d'impartialité dans le processus référendaire, mais une impartialité réelle.

C'est là que se situent les réflexions dont nous voulons vous entretenir car, à ce stade, le processus proposé apparaît teinté de méfiance à l'endroit du sens commun anticipé chez la partie défendant la thèse adverse à celle du présent gouvernement et il semble présumer d'une naïveté considérable chez ceux qui seront appelés à se prononcer.

Ces deux affirmations découlent, entre autres, de la proposition d'imposer un plafond aux dépenses pouvant être effectuées au cours de la période référendaire.

Il importe de noter qu'aucun des pays disposant actuellement d'un mécanisme de consultation populaire, soit la Norvège, le Danemark, l'Irlande, la Suisse, la Grande-Bretagne et la France, n'a cru bon d'imposer un tel plafond. Pourtant, tous ces pays ont de profondes traditions démocratiques. Se pourrait-il que l'expérience californienne en ce domaine soit une indication de ce que la sagesse commande ailleurs?

Avant le référendum de 1976 sur l'énergie nucléaire, le gouvernement de l'Etat de la Californie avait imposé un plafond de $1,2 million au chapitre des dépenses pouvant être engagées par les parties en cause-Ce plafond fut levé par la Cour suprême des Etats-Unis dans son jugement sur la cause de Buckley versus Valeo. Ce jugement mérite un examen substantiel, car la cour reconnaît d'abord que, dans une société moderne, toute communication politique requiert des débours financiers. Cette constatation amène la cour à conclure que toute limite imposée aux dépenses de cette nature constitue une restriction à la quantité d'expression politique garantie par le premier amendement de la constitution américaine et que l'on retrouve en substance au Québec dans la Charte des droits et libertés de la personne.

En effet, ce que la Cour suprême établit est que la législature californienne avait usurpé le droit de décider quand un candidat ou un parti aurait eu "trop de communications avec l'électeur".

Avant de croire, à partir de l'argument précédent, qu'il faut envisager faire face à un déluge de dépenses électorales, mentionnons que, dans cette même cause, la cour accepte le plafonnement des contributions tout en rejetant le plafond sur l'ensemble des dépenses.

La Chambre serait d'accord pour retrouver dans le processus référendaire québécois l'essence du jugement de la Cour suprême des Etats-Unis.

L'alternative actuellement retenue dans le livre blanc pose un autre problème. Au plafonnement des dépenses autorisées, l'on associe, pour en démontrer l'impartialité, des contributions égales de l'Etat à chacune des parties pour promouvoir leur thèse. L'apparence d'impartialité et de justice demeure toujours une apparence, car elle

présume, avant même l'ouverture du débat, que les opinions sont également partagées. Or, cette présomption n'est ni fondée et ne pourrait l'être avant les résultats du scrutin. Et alors apparaîtra la réalité, celle que les défenseurs de la thèse minoritaire disposaient, proportionnellement, de plus de droits que les défenseurs de la thèse majoritaire. Un tel processus n'a que peu de liens avec la démocratie. La démocratie veut plutôt que chacun puisse s'exprimer jusqu'à la limite de ses convictions et de ses moyens.

Qu'arrive-t-il maintenant du citoyen soumis à cette avalanche de dépenses électorales, ce citoyen que le livre blanc veut bien protéger, un peu malgré lui, et que notre premier ministre compare au poulailler qu'il veut protéger du renard? L'expérience californienne ici encore est utile: la proposition antinucléaire de 1976 fut battue au scrutin par une marge de 2 à 1. La partie gagnante avait dépensé plus que l'autre partie par une marge de 3 à 1. Cependant, avant de tirer une conclusion hâtive, notons que ces mêmes parties s'étaient affrontées l'année précédente sur le contrôle par l'Etat du développement de ses côtes maritimes. Cette fois, les forces pronucléaires, puisqu'elles étaient sensiblement les mêmes que dans le référendum de 1976, furent décisivement battues, bien qu'elles aient dépensé cinq fois plus que les gagnants.

Essentiellement, nous croyons en la sagesse et en la capacité de discernement du citoyen québécois. N'a-t-il pas cru opportun de porter le présent gouvernement au pouvoir sans toutes ces contraintes à sa liberté?

A cet effet, nous sommes intrigués par la contradiction que véhicule le livre blanc entre la perception qu'il entretient du citoyen ordinaire actuellement et la vision de ce même citoyen dans un état souverain, qui serait alors adulte et libre.

Nous sommes aussi conscients que la disparition du plafond imposé aux dépenses référendaires implique un autre changement au mécanisme prévu par le livre blanc, soit l'éclatement de la formule d'embrigadement obligatoire dans l'une ou l'autre des parties. Ces organismes pourraient alors s'adresser à un rôle plus légitime, soit celui de développer et d'approfondir, avec l'appui des fonds publics, les principales questions inhérentes au débat, sans pour autant que les individus et groupes autres que les partis officiels ne soient limités dans leur action par autre chose que l'appui qu'ils peuvent obtenir.

En définitive, pour la chambre, les modifications proposées au mécanisme référendaire visent le même objectif que les propositions gouvernementales, pour faire en sorte que le processus soit tout aussi légitime que les résultats anticipés.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, messieurs. M. le ministre.

M. Burns: M. le Président, je remercie la Chambre de commerce de la province de Québec et je remercie en particulier M. Boudreau et M. Morin de nous avoir livré, au nom de la Chambre de commerce, le fruit de leurs travaux. Je tiens, au départ, à m'excuser et peut-être à excuser la commission en général, mais je pense que vous avez très bien compris, étant très familiers avec les travaux de la Chambre — j'ai compris que M. Boudreau l'avait noté tout à l'heure — que même si on dit qu'on va adopter quelques motions en quelques minutes, souvent ces quelques minutes s'étendent sur une période plus longue que celle que nous avions prévue et je vous remercie d'avoir attendu si patiemment.

Votre mémoire ne manque pas d'intérêt, mais je vais essayer de rétablir un certain nombre de faits en diminuant mes interventions qui, souvent, me dit-on, sont beaucoup plus longues que celles que je prévoie. En tout cas, c'est une vieille habitude que j'ai acquise au cours des sept dernières années.

M. Brochu: Des mythes parlementaires.

M. Burns: Pardon?

M. Brochu: Des mythes parlementaires.

M. Burns: C'est ça. On ne se rend pas compte... D'ailleurs, en bonne compagnie, le temps passe toujours trop vite. Alors, qu'est-ce que vous voulez?

Je veux simplement m'attacher à quelques-uns des points de vue que vous avez soulevés dans votre mémoire. Je pense bien ne pas me tromper en disant que c'est surtout l'aspect financement qui vous intéresse beaucoup dans votre mémoire, en plus de celui des comités parapluie ou, des comités ad hoc. Si je pouvais résumer votre mémoire, il se retrouverait peut-être dans deux énoncés très précis. L'un, que les limites sur les dépenses référendaires, à toutes fins pratiques, à votre avis, doivent être abolies. L'autre, que l'embrigadement obligatoire dans les comités également soit aboli.

Je vais tout simplement m'attacher à ces deux aspects de votre mémoire, quitte à permettre peut-être... M. Morin, vous avez une précision?

M. Morin (Pierre): On peut peut-être immédiatement disposer de ces deux points, parce qu'on a l'impression peut-être qu'on n'a pas été tout à fait bien compris.

Les comités ad hoc ou les comités parapluie ne justifient leur présence que par le contrôle du plafonnement, c'est-à-dire par le contrôle des dépenses. C'est là leur principale raison d'être.

M. Burns: C'est interrelié; il n'y a pas de doute.

M. Morin (Pierre): Bon! Or, nous nous adressons surtout à cette notion, à cette volonté de vouloir imposer un plafond aux dépenses. On n'en a pas comme telles aux organisations parapluie. Nous prévoyons même un rôle particulier pour ces deux organismes ou plusieurs organismes, puisqu'il pourrait peut-être y avoir d'autres op-

tions, mais, essentiellement, c'est au plafonnement des dépenses et non pas aux contributions.

M. Burns: A ce moment-là, on se restreint, dans notre discussion, à un seul point de vue. D'accord?

Je voudrais vous dire qu'évidemment je ne partage pas votre point de vue, je pense bien que le livre blanc est très éloquent là-dessus, je pense que c'est d'ailleurs pour cela que vous venez nous le dire. Je pense que je suis en bonne compagnie aussi lorsque je peux vous citer ce que je citais ce matin, et je vais d'ailleurs le faire très brièvement. La loi australienne, là-dessus, nous dit-on, limite les dépenses en matière référendaire. Il y a déjà en Australie une expérience qui est beaucoup plus grande que la nôtre — la nôtre est inexistante — il n'y a aucune espèce de doute là-dessus, mais cette loi limite de façon très sérieuse les dépenses.

Je me trouve également, je pense, en bonne compagnie avec la Commission des droits de la personne qui, cette semaine, nous a déposé un rapport préliminaire relativement au livre blanc; bien qu'elle ne veuille pas intervenir, comme je l'ai mentionné à d'autres occasions, au niveau d'un livre blanc, bien qu'elle nous mette en garde contre un certain nombre d'excès qu'une éventuelle loi pourrait mettre en place, je vous citerais quand même, à la page 6 d'un document qui est maintenant rendu public, puisqu'il a été déposé à la commission, des recommandations de la commission, qui nous dit: "La commission se réjouit de retrouver dans le livre blanc sur la consultation populaire le principe fondamental de l'égalité entre les individus, tel que reconnu par la Charte des droits et libertés de la personne, l'autre principe, non moins important, affirmé dans la Loi sur le financement des partis politiques, celui d'une meilleure réglementation des revenus et des dépenses politiques".

Je comprends, sans vouloir prêter des intentions à la Commission des droits de la personne, que nous avons, je pense, un appui de ce côté et, encore une fois, je suis convaincu que la Commission des droits de la personne, connaissant les gens qui en font partie, n'a pas l'intention de prendre une position politique. Evidemment, on pourrait s'en servir bassement, mais ce n'est pas du tout mon intention de me servir de cette opinion pour des fins partisanes, loin de là.

Je pense au contraire que la Commission des droits de la personne a justement besoin d'être protégée par qui que ce soit qui oeuvre dans le domaine politique ou qui travaille dans le domaine politique, soit du côté de l'Opposition ou du côté ministériel. Mais il m'apparaît que votre point de vue là-dessus devrait être précisé lorsque des gens qui, d'une part, sont habitués à tenir des référendums comme on le fait en Australie, et d'autre part des personnes qui, sans vouloir s'immiscer dans l'aspect partisan de quelque référendum que ce soit, comme la Commission des droits de la personne, nous disent: Cela a du sens de faire cela. Je vous ajoute comme argument, M. Morin ou M. Boudreau, le fait que je pense bien qu'en

Angleterre, le regret le plus généralement exprimé, tant d'un côté que de l'autre — quand ce matin je disais tant d'un côté que de l'autre, je parlais des gens du oui ou du non — j'ajouterais même du comité neutre, des personnes qui ont montré littéralement de la façon la plus neutre et la plus impartiale possible le système qu'on a connu en 1975, lequel nous a un peu inspiré, tout ce monde-là dit: Peu importe qu'on ait gagné, peu importe qu'on ait perdu, peu importe qu'on ait été de ceux qui ont préparé l'avènement de ce référendum. Je pense entre autres aux fonctionnaires, aux hauts fonctionnaires comme M. Jamieson, qui est le sous-ministre à l'Education et qui avait été prêté temporairement à l'organisation du référendum. Donc c'est quelqu'un qui est complètement en-dehors de la chicane, si on peut dire. Tout ce monde-là est absolument unanime pour dire: II y a une seule chose qui a fait défaut dans notre référendum, c'est qu'on n'avait pas de contrôle des dépenses.

C'est ce que je voulais simplement vous livrer en vous disant que je me sens en très bonne compagnie et le livre blanc, en particulier, se sent en très bonne compagnie, parce que c'est le livre blanc du gouvernement.

Quant à l'introduction de cette notion du contrôle des dépenses. J'ajoute à ça, M. Morin et M. Boudreau, que nous avons, je pense, une tradition qui remonte maintenant aux années 1963-1964, de contrôle de dépenses en matière électorale et que probablement, on serait placé dans une situation un peu bizarre, si on ne contrôlait pas les dépenses lors d'une campagne référendaire. C'est ce que j'aimerais vous voir élaborer devant nous.

Le Président (M. Boucher): M. Morin.

M. Morin (Pierre): Essentiellement, M. le Président, on tourne autour des mêmes mots, mais ça charrie souvent des concepts différents. La chambre ne s'oppose pas à des contrôles sur les dépenses, elle ne s'oppose pas non plus à des contrôles sur les rentrées, d'accord? sur les contributions. Là où elle manifeste son opposition, c'est au plafonnement obligatoire des dépenses par l'une ou l'autre des parties ou des tenants de la thèse pour ou contre.

Nous avions lu nous aussi l'avis de la Commission des droits de la personne, vous savez quoi; nous sommes aussi d'accord, en parlant de la réglementation des revenus et des dépenses politiques, au sens propre des mots. Nous sommes aussi d'accord. Là où intervient une nouvelle notion, nous sommes aussi d'accord sur le fait qu'historiquement, au Québec, entre autres depuis 1963, nous avons des contrôles sur les dépenses électorales et il existe même là un plafond.

Or, il est intervenu un certain nombre de changements et, de là, on peut se référer aussi à l'expérience australienne et aussi à l'expérience britannique dans ce sens que ni l'un, ni l'autre — à ma connaissance — de ces pays, n'a de charte des droits. Il y a, en Angleterre, et qui tient lieu de charte des droits en Australie, la Magna carta, qui

remonte maintenant à près de 800 ans. Mais au Canada, au Québec, on est aussi largement influencé par l'aspect nord-américain, c'est-à-dire que l'on pouvait fort bien invoquer, ici, jusqu'à tout récemment, que nous n'avions pas besoin de charte non plus.

Or, la charte que l'on a reprend sensiblement la même chose que les amendements contenus ou apportés à la constitution américaine. On vit dans ce contexte aussi. C'est tout aussi valable que l'expérience australienne ou britannique, c'est notre monde parlementaire, c'est notre vie politique, que l'on a adaptés à notre milieu. En 1963, lorsqu'on a apporté des plafonds aux dépenses électorales, on n'avait pas cette charte. On avait la notion du droit d'expression, cela n'était défini nulle part.

On a introduit cette notion en 1975 par la charte. Là, on continue, en fait, à mener deux traditions de pair, mais, à un moment donné, il arrive qu'elles peuvent être incompatibles.

M. Burns: Les deux notions pourraient, selon vous, être incompatibles.

M. Morin (Pierre): Incompatibles. C'est précisément là le sens du jugement de la Cour suprême des Etats-Unis.

M. Burns: C'est ça, vous vous inspirez largement, je pense, dans votre mémoire, je m'excuse, M. Morin, je ne veux pas vous empêcher de terminer votre soumission, votre présentation; c'est un anglicisme dont je devrai me départir; quand je parle de soumission, c'est "submission".

Je ne veux pas vous empêcher de terminer votre présentation, mais je peux vous dire que c'est vraiment, dans le cas de l'expérience... Je m'excuse, c'était un petit échange sur une base réglementaire.

Justement, s'il y a un Etat aux Etats-Unis qui est malheureux, quant à ceux qui administrent des lois de contrôle des finances politiques, c'est bien celui de la Californie, où on nous a dit, directement, qu'on se soumettait à la décision de la Cour suprême des Etats-Unis. Je pense que le député de Laval est en mesure de l'affirmer, parce qu'il faisait partie de cette mission ministérielle que nous avons tenue, en Californie, entre autres, où on nous disait qu'on souhaitait qu'à un moment donné, la constitution américaine puisse permettre un contrôle strict des dépenses. C'est du moins l'impression que j'ai eue des personnes que nous avons rencontrées à Sacramento, au mois de février dernier.

M. Morin (Pierre): M. le Président, j'aimerais poser une question.

M. Burns: Est-ce que j'ai tort de l'apprécier comme cela? Je pense bien que le député de Laval pourra me reprendre si ce n'est pas le cas, si c'est inexact.

M. Morin (Pierre): J'aimerais poser une question au leader parlementaire.

Le Président (M. Boucher): M. Morin.

M. Morin (Pierre): J'aimerais poser une question au leader parlementaire.

M. Burns: Au ministre d'Etat à la réforme électorale. Ce n'est pas le même gars qui est ici, dans le moment.

M. Morin (Pierre): Au ministre d'Etat à la réforme parlementaire.

M. Burns: Electorale.

M. Morin (Pierre): Electorale.

M. Burns: Et parlementaire.

M. Morin (Pierre): Et parlementaire.

M. Lavoie: Et député de Maisonneuve.

M. Morin (Pierre): Si, par exemple, les dix premiers articles de la charte étaient couverts par l'article 56, c'est-à-dire cette obligation de donner avis à l'Assemblée nationale du fait que l'on déroge à la Charte des droits de l'homme, à la Charte des droits et libertés de la personne, lors de la présentation du projet de loi sur la consultation populaire, ne se sentirait-il pas obligé de donner cet avis à l'Assemblée nationale?

M. Burns: Non, je ne pense pas. Je ne pense pas. Je vous avoue qu'avant de déposer le livre blanc, on a examiné cela très sérieusement et je ne veux pas...

M. Morin (Pierre): Mais vous n'avez pas actuellement à donner avis.

M. Burns: ... je ne veux pas péter mes bretelles plus qu'il ne le faut, mais il y a un certain nombre de constitutionnalistes qui m'entourent actuellement, qui me conseillent également relativement à ces choses-là. Je pense qu'eux aussi se sentent très sérieusement rassurés par l'opinion de la Commission des droits de la personne. Remarquez que la Commission des droits de la personne n'est pas, non plus, je l'ai déjà dit à l'occasion de l'adoption du projet de loi no 2 sur le financement des partis politiques, celle qui doit se substituer aux activités normales de l'Assemblée nationale. Je pense qu'on va être bien clair là-dessus.

Je pense que, M. Hurtubise, le président de la commission, et tous ses collaborateurs ne pensent pas cela, mais quand on voit qu'on souscrit dans les conclusions de cette opinion aux objectifs du livre blanc décrits comme étant... Là-dessus, je ne peux que partager leur avis, ce sont les objectifs qui ont été très clairement énoncés par le livre blanc à la démocratisation de nos institutions politiques, à l'association directe des électeurs à la gouverne de l'Etat et à l'élargissement progressif de la participation populaire.

Qu'on nous dise, dans un deuxième temps, comme je vous le mentionnais tout à l'heure,

qu'on se réjouit que le livre blanc consacre le principe fondamental de l'égalité entre les individus et l'autre principe non moins important affirmé dans la Loi sur le financement des partis politiques, c'est-à-dire celui d'une meilleure réglementation des revenus et des dépenses politiques, à ce moment-là, je me dis...

M. Morin (Pierre): Même commission.

M. Burns: ... c'est normal que je me pose des questions. Je reconnais votre droit à...

M. Morin (Pierre): Cette même commission, à la page 4, de son avis...

M. Burns: Oui et cette même commission... M. Morin (Pierre): ... dit quand même...

M. Burns: Pour être bien honnête, je vais continuer également sa conclusion, pour ne pas qu'on en fasse un plat. Je vous dis que la commission nous met en garde, lorsqu'elle dit: "Elle met en garde cependant le législateur sur les atteintes possibles aux libertés fondamentales qui pourraient finalement avoir des effets contraires aux objectifs poursuivis".

C'est bien important de voir qu'on a réussi à trouver une phraséologie qui, d'une part, nous met en garde et qui, préalablement, nous dit: On est d'accord avec vos objectifs. Je pense que cela va être bien important tout au cours de ce débat.

Je le répète, parce que je trouve cela très important, pour ne pas qu'on interprète à gauche et à droite cette opinion de la commission. "Elle met en garde cependant le législateur sur les atteintes possibles aux libertés fondamentales qui pourraient finalement avoir des effets contraires aux objectifs poursuivis". Objectifs sur lesquels on s'est déjà déclaré d'accord, notamment, au niveau de la participation des citoyens au débat et au niveau de la démocratisation de nos institutions politiques. On pourrait continuer, si on voulait être tout à fait exact, pour que le journal des Débats en fasse mention. "Ces libertés — je continue à citer le mémoire du 11 novembre de la commission sont, comme on l'a vu, les libertés d'opinion d'expression et d'association. C'est maintenant au gouvernement, en tant que législateur, qu'appartient le fardeau de prouver que la législation sur la consultation populaire, au Québec, ne portera pas atteinte à ces libertés".

Je vous dis d'avance, M. Morin, que le gouvernement n'a pas du tout, mais vraiment pas du tout l'intention, dans sa législation, d'amener des accrocs ou de mettre de côté des libertés fondamentales; un peu comme on nous l'indique, je pense à bon droit à une espèce de précaution qu'on nous demande de prendre.

M. Morin (Pierre): Devrions-nous comprendre qu'il n'y aurait pas de plafonnement aux dépenses électorales?

M. Burns: Non. Je pense que, justement, ce n'est pas incompatible. Le fait qu'on mette un plafond à des dépenses, c'est justement pour assurer le phénomène que tout le monde... Remarquez qu'une bonne fois, vous allez peut-être être bien heureux de cela.

Vous, vous pensez à un référendum en particulier, mais une bonne fois, vous allez peut-être être bien heureux d'avoir des chances égales, si vous vous placez d'un côté plus que de l'autre. Dans le cas du référendum auquel vous pensez, probablement sur la souveraineté du Québec, je ne pense pas que vous ayez des difficultés de ce côté.

M. Morin (Pierre): On pense tout autant à la question d'énergie, M. le ministre, ou encore à l'aménagement du territoire...

M. Burns: Oui. Ou à la protection de l'environnement, par exemple.

M. Morin (Pierre): ... à la protection de l'environnement, à l'aménagement du territoire. Il y a quand même un point; c'est qu'en imposant le plafonnement de la façon que vous le proposez, vous vous limitez nécessairement à deux options, le pour et le contre. Or, la question pourrait être posée... D'accord... Je rappelais que la proposition du livre blanc qui découle du plafonnement impose...

M. Burns: Je m'excuse, M. Morin... M. Morin (Pierre): II n'y a pas de quoi.

M. Burns: ... c'est parce que j'avais un rapport de ce qui se passait à l'Assemblée nationale.

M. Morin (Pierre): Le livre blanc impose une formule où on retrouve le pour et le contre qui découle de chacun des deux organismes découlant eux-mêmes du plafonnement des dépenses. Or, il se pourrait fort bien qu'il y ait une troisième option, par exemple, l'abstention enregistrée qui serait tout aussi légitime. Le livre blanc ne prévoit aucun mécanisme et cela pourrait dépendre de la formule.

M. Burns: Est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer qu'il y ait, disons dans le cas d'une question claire à laquelle on répondrait par un oui ou par un non, la possibilité d'enregistrer, à toutes fins pratiques, son abstention. Est-ce que vous iriez jusque là?

M. Morin (Pierre): Non seulement cela, mais que cette option dispose des mêmes moyens que les deux autres. Il peut aussi y avoir...

M. Burns: C'est-à-dire qu'il pourrait y avoir, par exemple, un troisième groupe d'organisation qui favoriserait l'abstention totale?

M. Morin (Pierre): Oui.

M. Burns: Avec les mêmes...

M. Morin (Pierre): Moyens.

M. Burns: ... avantages que l'une ou l'autre, dans le cas d'une question à double volet; les mêmes moyens, c'est-à-dire subventionné par l'Etat, etc.

M. Morin (Pierre): Vous pouvez même avoir d'autres options.

M. Burns: Non, je n'écarte pas cette position. Je la trouve spéciale. C'est d'ailleurs la première fois qu'on se fait clairement soumettre cette suggestion.

M. Morin (Pierre): Vous pouvez aussi retrouver une autre situation où, par exemple, pour des raisons quelconques, on pourrait vouloir prendre parti pour l'une ou l'autre des trois options, mais ne vouloir s'associer à aucun des organismes-parapluie et le faire tout aussi honnêtement. Or, c'est là où, essentiellement, le droit d'expression est remis en cause, à notre avis.

M. Burns: Je tiens à vous dire, en tout cas, M. Morin, que c'est quelque chose qu'on va surveiller de très près dans la préparation du projet de loi qui sera soumis, je l'espère, dans le courant du mois de décembre à l'Assemblée nationale. Je retiens votre suggestion, j'en prends bonne note.

Je tiens cependant à vous dire que vos recommandations, je pense bien, les plus claires sont celles qui veulent que le référendum soit quelque chose qui soit imbu d'impartialité, quelque référendum que ce soit, dont la clarté soit évidente et que l'approche soit une approche d'honnêteté, etc. Je peux vous dire — et je m'excuse, je le dis très brièvement, parce que j'ai eu l'occasion de le dire à de nombreuses reprises depuis le début de nos travaux — que c'est également une préoccupation que nous entretenons en ce qui nous concerne et le gouvernement n'a pas du tout l'intention de passer outre à ces grands principes que vous soumettez là-dessus; là-dessus, je partage entièrement vos inquiétudes. Je pense qu'on va essayer d'y trouver une réponse par le biais d'une loi-cadre.

Maintenant, vous n'avez pas explicité beaucoup dans votre mémoire le fait que nous devrions avoir, oui ou non, une loi-cadre ou une loi générale. Est-ce que vous pensez avoir une opinion à nous livrer là-dessus ou si cela vous a échappé?

M. Morin (Pierre): Oui, M. le Président, il y a peut-être deux points... Entre autres, je voulais apporter celui-là. C'est que, fondamentalement, le processus référendaire doit non seulement être légal, mais il doit aussi apparaître comme étant légitime...

M. Burns: Oui.

M. Morin (Pierre): ... et c'est peut-être à cette légitimité qu'on doit attacher beaucoup plus d'importance, parce que je ne crois pas qu'une des deux parties veuille s'attacher à faire un débat sur la légitimité de la question ou des mécanismes plutôt que sur le fond lui-même. Or, à ce moment-là, on peut, à notre avis, tout aussi bien faire, ou tout aussi mal faire, que ce soit à travers une loi-cadre, une loi organique, une loi spécifique. Là, pour nous, il ne se pose pas tellement de problèmes. Le problème fondamental, c'est que le mécanisme soit non seulement légal, mais qu'il soit aussi et qu'il apparaisse légitime.

M. Burns: Non seulement qu'il soit impartial, mais qu'il apparaisse comme étant impartial.

M. Morin (Pierre): Non seulement, oui.

M. Burns: Je partage vos vues, M. Morin, là-dessus.

M. Morin (Pierre): Comme la femme de César, d'ailleurs...

M. Burns: C'est ça, exactement, au-dessus de tout soupçon.

M. Morin (Pierre): Au-dessus de tout soupçon. Il y a un autre point, M. le Président, si vous me permettez...

M. Burns: Elle n'est pas morte, elle?

M. Morin (Pierre): Depuis quelque temps... Voici un dernier point qui fait aussi partie de nos politiques d'action et sur lequel nous avons une position très claire. Il est peut-être opportun de l'apporter à ce moment-ci. C'est de proscrire la publication de sondages durant la période référendaire.

M. Burns: Ah bon! Cela, ça m'intéresse beaucoup.

M. Morin (Pierre): Cela, c'est un point sur lequel notre assemblée générale s'est aussi prononcée et que nous retenons parmi les choses que nous devons vous faire connaître.

M. Burns: Ah bon! Cela m'intéresse beaucoup. Est-ce que cette suggestion, de votre part, vaudrait pour...

M. Morin (Pierre): Les campagnes électorales, tout comme les périodes...

M.Burns: ... l'ensemble des campagnes électorales?

M. Morin (Pierre): ...les périodes référendaires.

M.Burns: Oui, proscrire la publication. Si je comprends bien, vous suggérez de proscrire la publication des sondages.

M. Morin (Pierre): Les sondages durant cette période référendaire.

M. Burns: Très intéressant. Remarquez que je n'ai pas d'idée définie, comme ministre d'Etat à la réforme électorale, mais je vous avoue que c'est une des questions que nous nous posons actuellement, à savoir ce qu'on fait avec cela? Est-ce...

M. Lavoie: C'est suite au dernier sondage, qui ne vous est pas favorable?

M. Burns: Non, pas du tout, ça fait exactement un an que je me pose cette question et c'est quelque chose que vous allez retrouver en blanc et noir dans le programme du Parti québécois, mais je vous avoue qu'on se demande comment, en pratique, on pourrait le faire. Remarquez que, peut-être à l'occasion d'une discussion à fond sur ce sujet, je présume que vous reviendrez devant nous, M. Morin, pour nous donner, de façon très précise, votre point de vue...

M. Morin (Pierre): On espère que ce sera avant la deuxième lecture du projet de loi.

M. Burns: On verra.

Je vous remercie, M. Morin. Vous avez été bien gentil d'attendre toute la journée pour vous faire entendre, mais je pense que ça valait la peine que vous nous fassiez votre présentation. Merci bien.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Comme l'a souligné le leader parlementaire du gouvernement, vous vous attachez, d'une manière particulière, à la formation et à la participation des individus et des groupes au comité ad hoc. Je vais commencer par une première question sur ce sujet.

Vous êtes au courant qu'en vertu de la loi 2, adoptée récemment, les personnes morales, des groupes — comme le vôtre d'ailleurs — ne sont pas admissibles à la contribution, lors d'élections? Qu'est-ce que vous pensez de la participation et de la contribution, en argent, en services, etc., qu'un groupe comme le vôtre pourrait faire? Est-ce que ce serait souhaitable que ce soit permis d'accorder ce droit aux personnes morales dans une campagne référendaire?

M. Morin (Pierre): J'avoue, M. le Président, que nous avons accepté la sanction de l'Assemblée nationale en ce qui concerne le projet de loi 2. Nous nous sommes opposés à cette restriction au droit d'expression des personnes morales, à l'occasion de la présentation des mémoires sur le projet de loi 2. Nous n'avons pas changé d'avis sur le fond de la question que nous avions soulevée à ce moment. Loin de là, nous considérons toujours qu'il s'agit, si on empêche la participation des personnes morales, d'une atteinte au droit d'expression. Par contre, si la campagne référendaire doit être menée à partir des règles déjà prévues par la loi 2, la Loi portant sur le financement des partis politiques, nous sommes conscients que nous de- vrions nous y soumettre. Mais, en termes de dépenses, s'il y a une voie possible pour accueillir la contribution des personnes morales, qui, elles aussi, ont un droit d'expression et devraient pouvoir s'en prévaloir, nous serions en faveur qu'elles puissent le faire.

M. Lavoie: Je me pose une question et je l'adresse au ministre. Vous savez, ce sont des voeux pieux qu'on fait ou ce sont des désirs, qu'on prétend louables, comme le point que vous soulignez particulièrement celui du plafonnement des dépenses. Advenant le cas, je poserais la question au ministre immédiatement sur la première que je viens de vous poser: Est-ce votre intention de défendre, de ne pas permettre la participation, les contributions en argent ou en services par les personnes morales, comme dans la loi no 2 à l'occasion de la Loi sur les référendums.

M. Burns: Oui.

M. Lavoie: Vous ne voulez pas permettre la participation.

M. Burns: Je pense que le livre blanc est très clair là-dessus. On dit que les règles applicables au projet de loi régissant le financement des partis politiques devra, s'appliquer mutatis mutandis, à la loi éventuelle de la consultation populaire.

M. Lavoie: Je serais prêt à faire une distinction. Nous avons acquiescé à ce que les personnes morales ne puissent pas participer financièrement ou par la contribution de services lors d'une élection pour des candidats. Nous n'étions pas d'accord, mais nous n'avons pas fait une bataille de fond à l'occasion de la loi 2 qui couvre l'élection d'élus de la population. Ne trouvez-vous pas que vous allez vraiment trop loin si vous voulez appliquer les mêmes règles sur l'avenir d'une province ou d'un Etat, l'avenir du Québec — je parle surtout du référendum au point de vue constitutionnel—lorsque des individus se sont regroupés, soit dans une association, dans une société ou dans une compagnie et qui ont une tradition ici, au Québec, depuis 50 ans, 100 ans, qui ont des actifs énormes, qu'ils n'ont pas volés à personne, qu'ils ont honorablement et légitimement gagnés, et que vous leur refusez toute participation, contribution, lors d'une décision aussi capitale que la séparation ou la division d'un pays?

M. Burns: Votre question est assez longue, afin que je lui donne une réponse précise, voulez-vous recommencer seulement le début de votre membre de phrase? Je vais vous répondre brièvement.

M. Lavoie: Ne trouvez-vous pas que vous allez trop loin...

M. Burns: Ma réponse est non.

M. Lavoie:... en ne faisant pas une distinction entre l'élection d'élus de la population et l'avenir, quand même collectif, non seulement d'individus, mais de sociétés qui ont légitimement un droit d'existence et d'opération, qui sont une contribution également à la société.

M. Burns: Vous recommencez, parce que plus votre question est longue, moins elle est claire. Vous avez commencé en me disant: Ne trouvez-vous pas...

M. Lavoie: Que vous allez trop loin.

M. Burns: ... que je vais trop loin. Je vous dis non.

M. Lavoie: Si chaque fois que vous avez des interventions qui sont archilongues, j'intervenais, essayez donc de comprendre et soyez donc un peu plus transparent.

M. Burns: Je suis au contraire très...

M. Paquette: Une question de règlement. Je m'excuse.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Je me demande si on n'est pas en train de commencer un débat alors qu'on devrait surtout discuter avec nos invités. Je ne veux pas être désagréable avec qui que ce soit, mais... C'est parce qu'on n'est pas à la deuxième...

M. Lavoie: On est quand même à un stade exploratoire sur le livre blanc. Il s'agit de couvrir tous les aspects le plus possible et si ce n'est pas l'endroit pour le faire, quand même.

M. Paquette: D'accord.

M. Lavoie: Avant que le gouvernement ne fasse son lit, c'est peut-être le temps d'allumer ses lumières également.

Le Président (M. Boucher): M. Morin.

M. Morin (Pierre): Si on peut tenir pour acquis les opinions énoncées par M. le ministre indiquant qu'il ne semble pas, à son avis, aller trop loin, pourrait-on lui demander une législation de concordance, au niveau du Code civil et de la Loi des compagnies, afin de relever les administrateurs d'une entreprise d'un fardeau qui leur est imposé, actuellement, par la loi, de voir aux meilleurs intérêts des biens qu'ils administrent, dans le cas de décisions politiques?

M. Lavoie: Vous allez être obligé de répéter votre question. Comment voulez-vous qu'il y réponde s'il n'entend pas la question?

Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous adressez votre question au ministre?

M. Morin (Pierre): Directement.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre? A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Burns: Je m'excuse, M. le Président, je conçois... j'avais pris mon chapeau du leader du gouvernement; je remets mon chapeau de ministre et je me ferme la boîte.

M. Morin (Pierre): J'espère quand même que vous allez répondre à ma question, M. le ministre?

Le Président (M. Boucher): M. Morin désire vous poser une question.

M. Morin (Pierre): A partir de l'affirmation faite tantôt, vous disiez ne pas croire aller trop loin en restreignant le droit des entreprises, des corporations, des personnes morales à contribuer à un tel débat, que ce soit le référendum, sur l'énergie, enfin quelle que soit la question qui touche intimement l'entreprise, l'énergie peut toucher intimement l'entreprise...

M. Burns: Vous savez, M. Morin...

M. Morin (Pierre): Excusez-moi, je vais terminer ma question.

M. Burns: D'accord, excusez-moi, allez-y.

M. Morin ( Pierre): Ne croyez-vous pas qu'il y aurait lieu d'adopter une législation de concordance relevant les administrateurs d'une entreprise à l'intérieur du Code civil et de la Loi des compagnies qui doivent actuellement voir aux meilleurs intérêts des biens qui leur sont confiés, et, de là, de se comporter en bons pères de famille. Je comprends que la formule est archaïque, mais la question se pose néanmoins, peut-être avec beaucoup plus d'acuité sur des questions référendaires que sur des campagnes électorales.

M. Burns: M. Morin, les entreprises incorporées ne viennent pas de la fesse gauche de Jupiter, c'est quelque chose qui vient du monde, d'habitude. Je ne connais pas, en tout cas, de corporations qui nous sont envoyées directement du ciel, je n'en connais pas. De sorte que je pense qu'il est important, c'est une question de...

M. Lavoie: Oui, il y en a une, la Sainte Trinité.

M. Burns: Oui, peut-être, mais ce n'est pas une corporation, la Sainte Trinité, surtout que c'est à but non lucratif...

M. Lavoie: C'est indivisible.

M. Burns: ... comme dit mon collègue de Ter-rebonne. Je vous le dis très sérieusement, M. Morin, évidemment, c'est une question d'approche politique, de philosophie politique, il n'y a pas de doute, mais nous croyons qu'il est important

qu'on revalorise dans la société le rôle du citoyen électeur. C'est tout ça qui sous-tend la loi 2, c'est tout ça qui sous-tend notre utilisation, par voie de référence, dans le cas de la consultation populaire, de la loi 2.

C'est pour ça que, moi, il n'y a jamais personne qui va me faire brailler sur le fait qu'il y a des compagnies qui seraient donc maganées, si elles n'avaient pas le droit de vote.

M. Lavoie: II n'est pas question de droit de vote.

M. Burns: Je vous le dis au départ... bien oui, mais c'est ça...

M. Lavoie: Participation.

M. Burns: Je vous dis au départ qu'elles n'ont pas droit de vote au niveau québécois, que, sans aucun doute, si le gouvernement actuel poursuit son cheminement, il n'aura peut-être pas, c'est-à-dire qu'elle n'aura pas — la compagnie, l'entreprise — au niveau municipal, en tout cas je le souhaite personnellement, le droit de vote non plus. Actuellement, elle a droit de vote. Il faudra fort probablement, éventuellement, unifier le cens électoral à tous les niveaux...

M. Lavoie: On ne parle pas de ça. Voyons! C'est sur mon temps en plus de ça.

M. Burns: Vous ne voulez pas que je vous réponde?

M. Lavoie: Parlez du sujet. On ne parlera pas du cens électoral dans les municipalités, dans les compagnies, on parle de la participation lors d'une campagne référendaire et des personnes morales; c'est ce dont on parle.

M. Burns: Je vous dis que tout cela relève d'une seule et même philosophie qui n'est peut-être pas en accord avec ce que pense la Chambre de commerce ou le Parti libéral. Mais je pense cependant qu'un gouvernement qui croit en cela doit le traduire par l'entremise de ses projets législatifs. C'est ce qu'on traduit actuellement.

M. Morin (Pierre): M. le Président, je ne voudrais pas commencer un débat, surtout pas sur le temps du député de Laval. Tout ce que je voudrais souligner, c'est que si le ministre persiste dans cette philosophie avec laquelle on peut être en désaccord, et il a le droit de persister dans cette philosophie, tout ce qu'on lui demande, c'est de s'assurer qu'il y a une législation de concordance pour relever les administrateurs d'une entreprise d'un fardeau que lui imposent d'autres lois. Là, il y a un véritable problème.

Souvent, en discutant avec M. le ministre, on s'est aperçu qu'il y avait une notion qui semblait lui échapper, avec laquelle, nous, on vit quotidiennement. L'administrateur de l'entreprise, souvent, doit trancher entre les intérêts des actionnaires, des propriétaires de l'entreprise, qui eux, peu- vent bien s'exprimer, peuvent être aux-mêmes en conflit avec les intérêts de l'entreprise, de la corporation elle-même, mais le fardeau est placé sur les épaules de l'administrateur, et non pas des actionnaires. C'est lui, l'administrateur, qui doit voir, qui doit veiller aux meilleurs intérêts de la corporation. C'est un fardeau qui lui est imposé par la loi.

M. Burns: Comme le disent les Anglais, "you cannot have your cake and eat it". C'est un avantage de former une corporation, il ne faut pas se le cacher.

M. Morin (Pierre): Fiscal, surtout.

M. Burns: Vous le savez, M. Morin, vous limitez votre responsabilité publique...

M. Morin (Pierre): ... Ce sont les actionnaires.

M. Burns: ... votre responsabilité civile également. C'est pourquoi la Loi des compagnies impose un certain nombre d'obligations à ceux qui ont à administrer cette espèce de boutique à l'épreuve de toute responsabilité civile.

Je m'excuse, mais on m'a posé des questions, M. le Président.

M. Lavoie: Je vous laisse conclure.

M. Burns: II n'est pas question de conclure, il est question de répondre à des questions. Ce n'est pas moi qui ai posé des questions.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval semble vouloir reprendre son temps.

M. Burns: II veut reprendre son temps, mais c'est lui qui a commencé la série de questions.

M. Lavoie: J'ai fait perdre le temps de la commission, hein?

M. Burns: Non, pas du tout, au contraire. M. Lavoie: On l'a, votre idée. Bon.

M. Burns: Si vous n'êtes pas content de la façon que je réponds. Je réponds de la façon la plus honnête possible à M. Morin et à vous aussi, M. le député de Laval.

M. Lavoie: Voici mon autre question.

M. Burns: Si on ne veut pas que je réponde, je ne répondrai pas. Mais je peux vous dire, en tout cas, qu'il va falloir se poser la question à nouveau, à savoir d'où vient cette non-responsabilité civile des corporations et il va falloir aussi se demander si ce n'est pas normal et justifié de transférer cela au niveau électoral. C'est seulement cela que je vous dis.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Vous êtes dans le droit nouveau par-dessus la tête avec cela. Je pense qu'à peu près dans tous les pays, la Nouvelle-Zélande, la France, l'Italie, l'Angleterre; même en Angleterre, qui a des systèmes législatifs autant, sinon plus éprouvés que nous, où on n'a pas jugé à propos, même avec les comités ad hoc... J'ai pris la peine de répéter que ceux qui n'entraient pas, ce n'était pas obligatoire d'entrer dans des comités ad hoc, les autres étaient libres de participer, il n'y avait pas de limite ou quoi que ce soit.

Je vous pose une question bien pratique. Comment allez-vous l'appliquer?

M. Burns: Vous recommencez!

M. Lavoie: Je vous pose une question; certainement.

M. Burns: Cela ne me fait rien.

M. Lavoie: Vous êtes responsable, vous prendrez le temps que vous voudrez, à part cela.

M. Burns: C'est d'accord. Ne m'interrompez pas après, par exemple.

M. Lavoie: Comment, au point de vue pratique, allez-vous appliquer le respect d'une telle loi si vous avez des contraintes qu'on trouve et que beaucoup d'individus et beaucoup de citoyens trouvent exagérées? Je vous donne un simple exemple.

Pour une raison ou pour une autre, Radio-Canada, qui est une société de la couronne canadienne qui a son siège social, j'imagine — je ne sais pas où — à Ottawa, je ne sais pas...

M. Burns: A Montréal.

M. Lavoie: ... à Montréal ou quoi que ce soit. Prenons comme hypothèse que ce serait à Ottawa ou en dehors du Québec. Elle a un mandat, je crois, dans sa constitution, de l'unité canadienne ou autre et elle ne suivrait pas vos directives. Cette société ou cet individu qui ne respecterait pas votre loi ne serait pas sous votre juridiction. Comment allez-vous appliquer votre loi?

M. Burns: Je ne suis pas capable. M. Lavoie: Vous n'êtes pas capable? M. Burns: Non.

M. Lavoie: Primo, défaut d'application de la loi.

M. Burns: C'est cela. Vous êtes en train de me prouver qu'il est temps, très sérieusement...

M. Lavoie: De se séparer.

M. Burns: ... qu'on prenne en main tous les pouvoirs normaux qu'un gouvernement québécois devrait avoir.

M. Lavoie: D'accord. Ma femme m'a privé un peu de mes libertés, dois-je divorcer demain matin?

M. Burns: Non.

M. Lavoie: Non. D'accord.

M. Burns: Parce que c'est votre libre choix à vous.

M. Paquette: C'est drôle, il y en a qui le font!

M. Burns: Si vous êtes tanné, c'est votre problème à vous.

M. Lavoie: Je n'ai pas encore eu ce problème.

M. Burns: Je ne pense pas. D'ailleurs, connaissant votre femme, je trouve que vous avez parfaitement raison de ne pas être tanné.

M. Lavoie: Ne craignez-vous pas également que, s'il y a un défaut d'application qui peut être... Disons, pour une raison ou pour une autre, qu'il y a un grand nombre de citoyens ou d'individus qui trouvent vos contraintes vraiment exagérées, trop fortes, qu'elles ne sont pas acceptées — j'ai posé la question à une certaine séance — surtout sur une question aussi capitale, aussi importante que l'avenir d'un peuple, ne craignez-vous pas que cela donnerait un peu ouverture au non-respect de la loi?

M. Burns: Je ne crois pas. C'est une question, encore une fois, d'approche. Je pense que le député de Laval partage mes vues là-dessus en grande partie. Je pense que la plupart des citoyens ont tendance à suivre une loi plutôt qu'à tenter d'y contrevenir. Evidemment, il y a toujours une minorité dans une société qui cherche à mettre de côté les dispositions générales d'une loi, mais je pense qu'il faut accorder la bonne foi — je ne sais pas si la chambre de commerce partage mes vues là-dessus et si d'autres membres de la commission ont des avis contraires — qu'en général, les gens, dans une très forte proportion, ont tendance à dire: C'est la loi. Elle est légitime. Elle a passé par les canaux normaux. Elle a été adoptée. La tendance naturelle, c'est de la suivre.

Evidemment, vous avez l'exception. Qu'est-ce que vous voulez! il y a des bandits dans toutes les sociétés, mais j'ai plutôt tendance à ne pas juger les gens comme étant majoritairement des bandits dans notre société actuelle.

M. Lavoie: Vous avez cité tout à l'heure une partie de l'opinion de la commission...

M. Burns: C'est toute la conclusion, M. le député de Laval.

M. Lavoie: Vous avez cité, à la page 6, et je voudrais vous citer également pour les fins du journal des Débats et pour les abonnés du journal des Débats, parce que la vérité a ses droits.

M. Burns: Elle est imprimée, d'ailleurs. M. Lavoie: La vérité a ses droits.

M. Burns: Oui. C'est imprimé au journal des Débats.

M. Lavoie: A la page 5, je porte à votre attention une autre partie que vous auriez dû citer également, et je le fais aux fins...

M. Burns: Pour gagner du temps, j'ai cité la conclusion.

M. Lavoie: Ce qui a fait votre affaire. Je veux citer cette page 5 où il est dit que "la Commission des droits de la personne est bien consciente de la difficulté de concilier la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances entre toutes les options avec le respect intégral des libertés fondamentales. Elle se demande cependant s'il n'y aurait pas lieu, sans restreindre les contrôles financiers, d'assouplir le mécanisme des organisations ad hoc, de façon que: a) A l'intérieur des organisations-parapluie soient mieux garanties les libertés d'opinion, d'expression, d'association des différents membres, individus ou groupes face notamment au comité provisoire et plus tard au comité national qui dirige l'organisation pendant la campagne référendaire; b) Les représentants de toute autre option politique que celles représentées dans la question et dans les organisations ad hoc aient tout de même la liberté — ceux qui ne sont pas dans les groupes — de s'exprimer, de s'associer, bref, de participer à la campagne référendaire."

M. Burns: Cela va vous surprendre, M. le député de Laval, mais je suis entièrement d'accord avec cette présentation. D'ailleurs, c'est peut-être au cinquième ou au sixième groupe d'affilée à qui je pourrais demander cela. Je n'ai pas d'objection, mais je souscris à ces objectifs, c'est-à-dire le contrôle des dépenses et la liberté d'opinion qui peuvent être ajustés...

M. Charbonneau: Question de règlement.

M. Burns: Je m'excuse. ... sans aucun doute. Je me dis, et c'est d'ailleurs pour cette raison qu'on est ici, si on a des suggestions positives qui vont assurer ces deux choses, je suis bien prêt à les considérer. Est-ce que vous avez des suggestions, M. le député de Laval là-dessus?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Verchères, question de règlement.

M. Burns: Qui vont respecter ces...

M. Charbonneau: M. le Président, je comprends la discussion fort intéressante et peut-être importante, je n'en doute pas, mais on a des gens ici qui sont venus nous présenter un mémoire et on est en train de discuter d'autres mémoires. Je pense qu'on doit avoir au moins la décence et la délicatesse pour des gens qui ont attendu toute une journée pour discuter de leur mémoire... Après, on restera ici ensemble et on discutera des autres.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval.

M. Lavoie: M. le Président, je ne voudrais même pas traiter de cette question de règlement, étant donné que le mémoire de la chambre de commerce traite d'une manière tout à fait particulière de la formation des comités ad hoc. Je mentionne ici les remarques de la Commission des droits et libertés de la personne justement sur ces restrictions pour la formation et la participation des comités ad hoc. Je crois que c'est tout à fait dans le sujet.

Le Président (M. Boucher): Je suis d'accord avec vous, M. le député de Laval, mais je ne voudrais pas que le débat se fasse entre le ministre et vous pendant que nos invités ont peut-être des questions ou des réponses...

NI. Lavoie: Ecoutez, les membres de l'Opposition ou du parti ministériel ou les invités doivent s'adresser au ministre. C'est lui qui est responsable du dossier, c'est lui qui va préparer la loi et c'est lui qui va soumettre la loi. Je ne suis pas pour m'adresser au ministre responsable de la loi 101. Il n'écoutait pas du tout les suggestions. On tente une chance avec le...

M. Burns: Peut-être voulez-vous entreprendre un débat qui, dans le fond, est un peu prématuré, parce que la loi n'est pas prête actuellement, je vous le dis bien honnêtement.

M. Lavoie: Maintenant, j'ai remarqué que vous souhaitez, une fois qu'on aura terminé l'étude du livre blanc, où il y a beaucoup de zones grises, lors de l'étude de la loi-cadre sur la consultation populaire qui, normalement, d'après ce que le ministre a dit, sera déposée dans le courant du mois de décembre, qu'après la première lecture, alors que plusieurs zones grises seront disparues, parce qu'on aura le texte noir sur blanc, il y ait de nouveau une commission parlementaire pour que vous puissiez vous exprimer sur le projet de loi définitif.

M. Morin (Pierre): Oui, M. le Président.

M. Lavoie: J'aurais une dernière question. Est-ce que, d'après vous...

M. Burns: Est-ce que vous me permettriez une question, juste pour ajouter... C'est une question accessoire...

M. Lavoie: Certainement.

Le Président (M. Boucher): ... sur le temps de M. le député de Laval?

M. Burns: Non, écoutez! Je ne veux pas que ce soit pris sur le temps du député de Laval.

M. Lavoie: Allez-y!

M. Burns: Si le...

M. Brochu: Pas sur le mien, non plus.

M. Burns: Non, surtout pas sur le vôtre, vous n'avez pas dit un mot jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Boucher): Je vous ferais remarquer qu'il ne reste que 20 minutes avant l'ajournement.

M. Burns: Non, je pense bien qu'on va réussir à s'entendre.

Je vous pose une autre question hypothétique, parce que celle du député de Laval l'était. Si le livre blanc, sur lequel vous avez présenté un mémoire, est à peu près, dans les grandes lignes, un reflet de ce que va être la loi, est-ce que votre opinion est la même? C'est-à-dire est-ce que vous voulez revenir ici relativement au projet de loi qui pourrait être éventuellement calqué sur le livre blanc?

M. Morin (Pierre): M. le Président, ça fait plusieurs années que nous venons en commission parlementaire et que nous participons au processus législatif, dans une certaine mesure. Trop souvent avons-nous vu la traduction en termes juridiques d'énoncés de principe perdre beaucoup dans la traduction, soit au niveau de la rédaction juridique. Je crois que notre contribution s'est souvent faite là aussi, à ce niveau-là, sur des points simplement de ce qu'on pourrait appeler une législation qui traduit bien ce que voulait dire...

M. Burns: D'accord, je comprends votre opinion.

M. Morin (Pierre): Déjà, ne serait-ce simplement et pas nécessairement pour reprendre le fond, c'est-à-dire reprendre nécessairement le débat sur le plafonnement des dépenses, mais sur d'autres aspects, oui.

M. Burns: Cela va. D'accord.

M. Lavoie: Une dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Oui, M. le député de Laval.

M. Lavoie: Je pense que tous les groupes qui sont venus se faire entendre, et également le vôtre — vous l'avez souligné tout à l'heure — souhaitent, et même le ministre acquiesce à ce souhait, que cette opération référendaire soit légitime, en somme, qu'il y ait une crédibilité, qu'il y ait toute l'assurance voulue, je ne sais pas, un effort collectif de concertation pour que cette opération ait la plus grande légitimité possible.

Le débat est lancé, depuis quelques mois au Québec, sur l'opération référendaire ou sur la loi-cadre des consultations populaires, sur le scénario référendaire. Etes-vous d'opinion, comme témoins devant cette commission, que le gouvernement a pris toutes les mesures et toutes les garanties nécessaires pour que cette garantie de crédibilité existe? Autant pour la formulation de la question que sur le déroulement de l'opération référendaire elle-même, sur la formation des groupes ad hoc, sur la formulation de la question qu'on ne connaît pas encore, sur la date du référendum particulier qu'on ne connaît pas encore, croyez-vous que le gouvernement — je ferai une analogie avec l'Angleterre, où on a pris un M. Jamieson, qui était un politicien, un grand commis de l'Etat, en dehors de toute allégeance politique pour préparer l'opération référendaire — croyez-vous que le gouvernement a pris, actuellement, toutes ces garanties pour que la population, non pas 41% de la population, non pas 30% de la population, mais que la population dans son ensemble considère cette activité comme tout à fait légitime, crédible, honnête et tout.

M. Morin (Pierre): M. le Président, c'est une question...

M. Lavoie: D'appréciation.

M. Morin (Pierre): ... non seulement d'appréciation, mais fort complexe. En ouvrant le débat, en s'engageant à tenir un référendum sur une question précise... Parce qu'il faut quand même faire la distinction entre le référendum et le processus référendaire. Dans le processus référendaire, le débat est ouvert et, déjà, amène la participation de la population. Dans ce sens, on ne voudrait et on ne pourrait prêter au gouvernement aucune intention autre que celle qu'il a manifestée lui-même, par ses actes et par ses gestes.

Le Président (M. Boucher): Compte tenu de la question, vous vous en êtes bien tiré; compte tenu de l'avis du président qui m'a précédé au début.

M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Le mémoire qui nous a été présenté est fort intéressant. Il y a plusieurs points qui ont été touchés; cela a soulevé des questions qui ont dépassé le contenu même de votre mémoire, mais qui nous ont donné des sujets de réflexion importants; en ce qui concerne, par'exemple, la question des sondages; en ce qui concerne la question du comité d'abstention qu'on retient avec beaucoup d'intérêt. Maintenant, à cause de l'heure et pour permettre à certains autres collègues de poser aussi des questions, je vais tenter de limiter mes questions.

Vous avez indiqué que vous êtes d'accord avec la présentation d'une loi-cadre plutôt que de lois spécifiques visant des référendums sur des sujets donnés...

M. Morin (Pierre): Non.

Le Président (M. Boucher): Le témoin désire répondre.

M. Brochu: J'avais cru comprendre...

M. Morin (Pierre): Non, ce que nous avons dit, tout simplement, c'est qu'il est aussi possible de bien faire, que ce soit avec une loi-cadre, une loi organique ou une loi spécifique, qu'il est possible de mal faire avec les trois. Essentiellement, ce qui nous préoccupe, c'est tout simplement que le processus soit légitime, quel que soit le moyen.

M. Brochu: Je suis heureux de la précision parce que j'avais l'impression que vous visiez d'abord une loi-cadre. Autrement dit, vous acceptez la loi-cadre, pour autant qu'elle donne des garanties en ce qui concerne les mécanismes d'application, qu'ils soient crédibles et qu'ils donnent les résultats qu'on veut atteindre.

M. Morin (Pierre): C'est exact.

M. Brochu: D'accord. Maintenant, vous êtes contre la répétition, en ce qui concerne un référendum sur un sujet donné. Vous avez souligné cet aspect dans votre mémoire. J'aimerais que vous nous donniez peut-être quelques indications supplémentaires. Iriez-vous jusqu'à dire, sans tenir compte d'un sujet... Je donne comme exemple la question sur l'avenir constitutionnel puisque c'est celui-là que plusieurs ont en tête actuellement. Iriez-vous jusqu'à dire que le gouvernement ne devrait pas tenir de référendum, sur le même sujet, au cours d'un même mandat? Ou avez-vous, dans votre esprit, analysé cette question dans cette optique?

M. Morin (Pierre): M. le Président, le monde des affaires, s'il y a une chose qu'il craint, c'est l'incertitude et vivre dans l'incertitude, bien que l'incertitude soit actuellement le prix de notre démocratie, cette incertitude ne peut pas demeurer de façon permanente.

Il y aura déjà des incertitudes qui demeurent elles-mêmes de façon permanente. Mais dans le domaine politique, à un moment donné, il faut y mettre un terme, il faut effectivement se brancher d'un côté ou de l'autre. Quel que soit le sujet sur lequel portera un référendum, il arrive un moment où il faut disposer de la question. Vous avez vous-mêmes, à l'Assemblée nationale, des règles, et si ma mémoire est bonne, le Code Lavoie y fait non seulement allusion, mais il établit essentiellement les questions sur lesquelles on peut revenir et sur lequelles on ne peut pas revenir une fois qu'on en a disposé. Essentiellement, que ce soit à l'intérieur d'un même mandat... On n'a pas posé la question en ces termes-là, la question est elle-même hypothétique, mais à un moment donné il faut mettre un terme à une question, il faut la régler, surtout parce que le référendum est principalement utilisé pour mettre un terme à une question. Soit qu'on accepte le processus, ou bien vous remettez en cause ou on remet en cause carrément le processus référendaire lui-même. Le processus référendaire, c'est précisément pour mettre un terme à une question dans la mesure où le gouvernement et la population s'engagent à suivre et à agir en fonction de l'expression d'une majorité d'opinion. A ce moment-là, la question doit être considérée comme quoi on en a disposé.

M. Brochu: Est-ce que je devrais comprendre, avec l'exposé que vous nous faites maintenant, que si une question donnée, d'importance suffisante pour justifier un référendum, se pose — parce qu'un référendum vient d'un besoin — est-ce qu'à votre avis, on devrait, dans les plus brefs délais, poser les questions à l'intérieur d'un cadre de référendum, et par la suite, que le gouvernement soit lié dans ce processus par les réponses qu'il reçoit de la population, et qu'après cela, on ne revienne plus sur la question? Est-ce que c'est le portrait, si on trace un portrait robot du cheminement d'un référendum. Est-ce qu'à travers vos propos on doit conclure que ce sont là les principales étapes que vous voyez à l'utilisation des référendums à venir?

M. Morin (Pierre): Grosso modo, c'est le fondement même de l'utilisation du mécanisme, oui. Qu'on ne revienne plus, une fois la question posée. Il y a une question de délai. Vous parlez d'un mandat. Cela peut être un mandat comme règle générale, cela peut être dix ans aussi. Effectivement, une fois qu'on a disposé d'une question d'une façon claire et nette, si la question a été posée d'une façon claire et nette, à moins qu'il n'y ait un courant d'opinion qui veuille la ramener comme problème dans une période donnée, car vous le dites vous-même, le référendum ou la question posée doit répondre à un besoin; à moins que ce besoin ne se manifeste de nouveau d'une façon claire et nette, il n'y a pas lieu de la ramener, et avant qu'elle ne soit ramenée, il devrait s'écouler un laps de temps assez considérable.

M. Brochu: Merci de ces précisions. En ce qui concerne la formulation de la question, je pense que le mémoire que vous présentez ne touche pas à un aspect qu'on a soulevé, dont on a discuté à différentes occasions et sur lequel on a interrogé nos témoins aussi. C'est la question de la formation possible d'un conseil du référendum qui serait chargé, étant formé des personnes les plus impartiales possible, si cela peut se trouver, de formuler les questions à présenter à l'Assemblée nationale.

Est-ce que la chambre, de ce côté, a une opinion en ce qui concerne cette formation éventuelle d'un conseil du référendum?

M. Morin (Pierre): Non, M. le Président.

M. Brochu: Est-ce que je dois comprendre que la chambre serait satisfaite, si la question, telle que prévue dans le livre blanc, était formulée simplement à l'Assemblée nationale et discutée au cours du débat? Est-ce que la chambre serait satisfaite à ce moment.

M. Morin (Pierre): M. le Président, la chambre serait satisfaite, de n'importe quel mécanisme en

soi qui assure la légitimité du processus. C'est ça l'important. Le mécanisme en somme, vient purement appuyer la légitimité du processus. Nous voyons très mal la période référendaire se dérouler alors que tout le monde remet en cause ou qu'une des parties doit défendre la légitimité même du processus. Vous pouvez fort bien comprendre quelles pourraient être nos prévisions sur le résultat d'un tel référendum, à ce moment, où on remettrait en cause la légitimité même du processus ou de la formulation de la question.

Le mécanisme lui-même est fort secondaire par rapport à la nécessité d'avoir un processus qui soit et qui apparaisse légitime.

M. Brochu: D'accord. Cela rejoint une préoccupation soulignée ce matin, je pense, lorsque M. Dufour, qui était devant nous, disait: "Au lendemain d'un référendum, quel qu'il soit, il faudra continuer à vivre, quel que soit le sujet".

M. Morin (Pierre): Exactement.

M. Brochu: Je pense que lorsqu'on parle de légitimité et de confiance, de la population ou du gouvernement, on touche cette question, il faut que le législateur ait cette préoccupation, en établissant son texte de loi, de donner ces garanties dans les mécanismes qu'il va mettre en place.

M. Morin (Pierre): Effectivement, et c'est alors l'opinion publique qui jugera de la disposition de la question.

M. Brochu: Messieurs, en ce qui concerne l'Union Nationale, je vous remercie beaucoup de votre participation. Si d'autres ont des questions, j'aimerais leur laisser la parole avant qu'on termine la soirée.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: Très brièvement, M. le Président. Vous avez choisi de vous exprimer devant la commission sur un sujet très précis. Par ailleurs, au cours de la conversation, il s'est avéré évident que vous aviez également des idées arrêtées, au bon sens du terme. Je veux dire que vous aviez réfléchi sur l'ensemble du livre blanc. Vous avez même apporté des précisions très intéressantes.

Si vous permettez, dans cette veine, mais très rapidement, j'aimerais vous poser une question d'ordre général.

Vous avez remarqué qu'à travers le livre blanc, on propose d'adopter, à l'intérieur du processus référendaire, l'ensemble du processus habituel, connu, depuis les derniers remaniements, parce que la loi est toujours en transformation, du scrutin, de la Loi électorale.

Est-ce que vous donnez également votre accord ou s'il faudrait, pour un référendum, avoir d'autres modes de scrutin, de décompte?

M. Morin (Pierre): Encore là, la réponse est fondamentalement une question de mécanique. Si je comprends bien le sens de votre question: Est-ce qu'on devrait pouvoir faire le décompte, l'exprimer purement sur une base nationale, ou québécoise, ou sur une base régionale ou autre?

Sur ce point, on est parfaitement d'accord avec les témoins de ce matin qui vous ont répondu qu'essentiellement, le lendemain matin du référendum, il va falloir que les Québécois, quelle que soit la question, soient capables de continuer à vivre ensemble.

Or, si le processus électoral actuel que l'on veut appliquer, mutatis mutandis, au processus référendaire, soulève des points — à ce stade-ci il ne semble pas en soulever outre mesure — s'il devait s'avérer que dans le processus référendaire, des points comme celui-là apparaissent extrêmement importants pour le lendemain, précisément, il faudrait peut-être trouver un autre mécanisme d'expression du vote, ou de la tabulation, ou de la compilation des résultats.

M. Fallu: De fait, si on parle du processus électoral connu et qu'on part de l'hypothèse qu'actuellement, ce processus n'est pas remis en cause d'élection en élection, il est connu, il est familier, etc., est-ce qu'il assure justement cette sorte de légitimité de la mécanique?

M. Morin (Pierre): Mais il se pose quand même des problèmes. Si on transpose le processus électoral actuel qui se fait d'abord et avant tout sur une base de quartier par quartier, où les stratèges, à l'intérieur d'une circonscription, vont vous faire un décompte préalable des positions, pour un processus électoral, on comprend que cela aille très bien.

Mais il faut se poser la question: Est-ce qu'un référendum se déroule dans des conditions semblables? A ce moment-là, un référendum pose une question véritablement à l'opinion publique. Est-il opportun de le descendre, puisqu'il va être polarisé, au niveau du quartier encore?

Là se pose une question que nous avons examinée, sur laquelle nous avons réfléchi et sur laquelle nous n'avons pas encore complété notre réflexion, mais la question se pose, parce que, précisément, elle se pose aussi le lendemain du référendum.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Je vais être obligé de limiter ma liberté d'expression, M. le Président?

Le Président (M. Boucher): II ne reste qu'une minute.

M. Burns: C'est un homme réaliste, le député de Rosemont.

M. Paquette: Je n'ai pas le choix. Une seule question, sur le principe que vous émettez à la page 3 de votre mémoire quant au fait que l'Etat va contribuer également à chacune des options. Je pense que c'est lié, votre objection, au fait qu'il

y a une limitation des dépenses. Est-ce que, suite à la discussion, vous maintenez cette opinion? J'ai l'impression que, même si une opinion était minoritaire, l'idée d'égalité des chances exigerait qu'on présuppose qu'on va donner des sommes égales pour fonctionner à toutes les options. Par exemple, si on avait tenu un référendum sur la loi 101 et que l'opinion minoritaire, en plus, corresponde aux intérêts d'une minorité — et c'était le cas — j'aurais trouvé fondamentalement injuste qu'on accorde une somme inférieure, qu'on présuppose que l'une des options devrait recevoir une somme inférieure à l'autre.

M. Morin (Pierre): Je crois, M. le Président, que le député de Rosemont va trouver réponse à sa question dans l'avant-dernier paragraphe de la page 4 de notre mémoire où, essentiellement, ce que l'on dit, c'est qu'il y a place pour les organismes parapluie qui recevraient des sommes égales pour chacune des options qu'ils défendent, des sommes de l'Etat, pour essentiellement étayer et étoffer, chacun leur point de vue, sauf qu'autour de ces organismes devrait exister la liberté d'association, c'est-à-dire que des groupes pourraient, selon les options qui se prennent, venir s'y associer. C'est un mouvement de la base. Pour nous, c'est le sens de la démocratie, c'est-à-dire que cela part d'un mouvement de la base.

L'hypothèse qui est retenue actuellement dans le livre blanc nous apparaît partir, non pas de la base, mais d'en haut, c'est-à-dire qu'on délimite qu'il y a deux options, qu'il y a deux organismes chapeaux et là, tout le monde doit venir se joindre à l'une ou à l'autre. C'est là qu'il y a une différence d'appréciation.

M. Paquette: Je pense qu'on se comprend et je tiens à dire que je suis assez d'accord avec la remarque que vous venez de faire.

Cependant, je me pose une question. Par exemple, à la Chambre de commerce, et cela va vraiment être ma dernière question, vous êtes conscients que rien ne vous empêche, en tout cas, dans le livre blanc, comme dans une campagne électorale, d'afficher vos couleurs, de prendre position ou de faire des déclarations dans les journaux pour quelque option que ce soit, dans la mesure où cela n'implique pas de dépenses.

M. Morin (Pierre): M. le Président, lors d'une campagne électorale, la loi ne nous le permet pas, et même l'ancienne loi électorale ne nous le permettait pas.

M. Paquette: C'est une chose qui serait essentielle, de laisser cette liberté aux organismes durant la campagne référendaire.

M. Morin (Pierre): Actuellement, la loi ne nous le permet pas. Il y a eu des dérogations qui n'ont pas entraîné de sanction lors des dernières élections. Il y a des organismes populaires ou syndicaux qui ont pris des positions publiquement d'appui et qui se sont effectivement prononcés dans un contexte d'illégalité.

M. Paquette: Je me demande s'il n'y a pas une confusion ici. Je pense que les associations, les corps intermédiaires, par exemple, n'ont pas le droit de faire des dépenses pour un parti ou l'autre durant une élection, mais ils ont le droit de s'exprimer dans les journaux, de faire connaître leur position, tant que cela n'implique pas de dépenses.

M. Lavoie: De payer une annonce dans un journal, ils n'auraient pas le droit.

M. Paquette: D'accord.

M. Lavoie: Ou de faire un envoi postal à leurs membres, ils n'auraient pas le droit.

M. Paquette: C'est cela.

M. Morin (Pierre): Cela devient une dépense.

M. Lavoie: L'Opposition...

M. Paquette: Vous pouvez faire une conférence de presse pour annoncer vos positions dans une campagne électorale, comme dans une campagne référendaire.

Une Voix: A condition de ne pas louer de salle.

M. Morin (Pierre): Si elle n'implique aucun frais. L'opinion que nous avait livrée le ministre d'Etat à la réforme parlementaire et électorale, lors de notre comparution sur le projet de loi 2, était que la FTQ, lorsqu'elle s'est prononcée en faveur d'un parti lors des dernières élections, l'avait fait dans un contexte qui approchait l'illégalité.

Le Président (M. Boucher): Alors, au nom de tous les membres...

Une Voix: Vous avez été élus illégalement.

Le Président (M. Boucher): ... de la commission, je remercie MM. Morin et Boudreau qui ont présenté le mémoire de la Chambre de commerce, de leur participation à la commission parlementaire. J'inviterais le ministre à dire un dernier mot.

M. Burns: M. le Président, évidemment, je vais ajouter à vos remerciements mes remerciements, cela me dirait de m'adresser beaucoup plus longuement à la Chambre de commerce. Merci, je pense que votre mémoire va nous faire réfléchir sur un certain nombre de choses. Je pense que c'était exactement dans ce sens que vous vouliez venir nous impressionner, si je puis dire.

Maintenant, je dirais, à l'endroit de la commission, que mardi, nous aurons, m'informe-t-on, deux groupes et, toute la semaine prochaine, en principe, on ne devrait siéger que le matin, du moins, c'est à espérer, à cause, évidemment, des travaux de la Chambre; mais mardi prochain, le 22, nous aurions, en principe, la visite du North American Labour Party, le mémoire 22M et Avant-garde française du Québec, mémoire 13M.

II nous resterait le mercredi 23, la Confédération des syndicats nationaux, mémoire 26M...

M. Gratton: ... le matin, à ce moment-là?

M. Burns: Le matin seulement, en principe, oui.

M. Gratton: Pendant que l'Assemblée nationale siège?

M. Burns: Oui. Et jeudi, le 24, ce serait le dernier mémoire — il nous en reste quatre à entendre — qui serait la Fédération des travailleurs du Québec, mémoire 11 M. Cela compléterait les travaux de la commission, ce qui me permettrait de respecter l'échéancier que je promets à tout le monde pour pouvoir, je pense, vers la mi-décembre, déposer le projet de loi. En tout cas, c'est ce qu'on me dit, à part les personnes qui nous ont dit qu'elles ne voulaient pas être entendues, qui voulaient déposer leur mémoire, etc., il nous en reste quatre actuellement, ceux que je viens de mentionner.

M. Brochu: Et on siégerait de quelle heure à quelle heure le matin, la semaine prochaine?

M. Burns: Dès mardi, 10 h 30, comme... M. Brochu: Jusqu'à...

M. Burns: ... le vice-président de la Chambre l'a annoncé tout à l'heure, à cause de l'entente temporaire que j'ai été obligé de prendre d'ici à ce que le problème puisse être réglé avec nos nouvel- les heures, entre l'administration de l'Assemblée nationale et le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, j'ai accepté que nous ajournions nos travaux en commission à 12 h 30 pour éviter que nous outrepassions aux droits qui sont consacrés dans la convention collective du SFPQ. Mardi, il faudrait prévoir que l'on ajourne à 12 h 30.

M. Brochu: Parfait!

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.

M. Lavoie: On vous remercie, messieurs, au nom de l'Opposition officielle.

M. Morin (Pierre): Peut-on dire: A très bientôt?

M. Brochu: C'est une bonne question. M. Gratton: Autour du 20 décembre.

M. Burns: Vous connaissant, M. Morin et M. Boudreau, je suis sûr que ça va être à bientôt. Je ne sais pas à quel sujet, mais je sais que ça va être à bientôt.

Le Président (M. Boucher): La commission de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales ajourne donc ses travaux à mardi, le 22 novembre, à 10 h 30, au local 81-A.

(Fin de la séance à 23 h 7)

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