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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le vendredi 2 décembre 1977 - Vol. 19 N° 270

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat — Thèse d'une association économique entre le Québec et le Canada


Journal des débats

 

Question avec débat

(Onze heures huit minutes)

Le Président (M. Richard): A l'ordre, s'il vous plaît!

Je déclare ouverte cette séance de la commission de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales aux fins de la question avec débat qui a été formulée par M. le député de Lotbinière, chef de l'Union Nationale, et qui se lit comme suit: La thèse d'une association entre le Québec et le Canada, et les études en cours sur ce sujet au sein du gouvernement.

Maintenant sont présents: M. Bertrand (Vanier); M. Bisaillon (Sainte-Marie), absent; M. Brochu (Richmond), présent; M. Burns (Maisonneuve), absent; M. Gratton (Gatineau), absent; M. Grenier (Mégantic-Compton), absent; M. Johnson (Anjou), absent; M. Laberge (Jeanne-Mance), présent; M. Lamontagne (Roberval), absent; M. Lavoie (Laval), absent; M. Lévesque (Taillon), absent; M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), présent; M. Martel (Richelieu), absent; M. Morin (Louis-Hébert), présent; M. Morin (Sauvé), absent; M. Paquette (Rosemont), absent; M. Roy (Beauce-Sud), absent; M. Samson (Rouyn-Noranda), absent; M. Vaugeois (Trois-Rivières), présent...

Une Voix: Présent.

Le Président (M. Richard): M. Lavoie (Laval) est remplacé par M. Raynauld (Outremont); M. Gratton (Gatineau) est remplacé par M. Forget (Saint-Laurent).

M. Charbonneau: M. Martel est remplacé par M. Charbonneau (Verchères).

Le Président (M. Richard): M. Martel est remplacé par M. Charbonneau (Verchères).

M. Guay: ... en toute modestie, M. Johnson est remplacé par moi.

Le Président (M. Richard): M. Johnson (Anjou) est remplacé par M. Guay (Taschereau).

M. Biron:... est-ce une commission parlementaire ou...

Le Président (M. Richard): M. Grenier (Mégantic-Compton) est remplacé par M. Biron (Lotbinière). L'Union Nationale, en principe, vous n'avez droit qu'à deux membres, mais je pense qu'on ne se.a pas...

M. Brochu: Pas de problème.

M. Bertrand: Vous pouvez en placer un de notre côté.

Le Président (M. Richard): Avec le consentement de la commission, il n'y aura pas de problème.

M. Brochu: Je pense que, de toute façon, chaque député a un certain droit de parole quand même. Alors, à ce moment-là...

Le Président (M. Richard): Je vous rappelle que le proposeur a 20 minutes au départ et que le ministre a également un droit de réplique de 20 minutes. Par la suite, et le proposeur, et le ministre ont un droit de parole privilégié, sauf que j'ai demandé votre collaboration pour ne pas en abuser, parce que, la semaine dernière, les députés n'ont pas tous pu s'exprimer.

Une Voix: Quelle sera la période disponible?

Le Président (M. Richard): Normalement, ça doit durer jusqu'à 14 heures, au maximum.

M. Biron: M. le Président, en remerciant le ministre de sa présence ce matin, je lui poserais peut-être une première question: Est-ce que M. Trudeau est bien?

M. Morin (Louis-Hébert): II est bien. Il a le rhume, cependant.

M. Biron: La deuxième, est-ce que... M. Charbonneau: II n'est pas le seul.

M. Biron: ... je puis suggérer qu'on termine cette commission à 13 heures, parce que je sais que, cet après-midi, le ministre est pris avec le premier ministre du Canada? Si ça convient à tous les membres de la commission, moi, je serais d'accord.

M. Forget: II y a eu une discussion à l'Assemblée nationale à ce sujet-là, M. le Président. Etant donné que ça peut impliquer que notre formation politique en particulier n'aurait pas beaucoup de possibilité de s'exprimer, on peut réserver notre jugement là-dessus et on pourra voir à 13 heures où on en est rendu.

M. Morin (Louis-Hébert): Moi, personnellement, si je peux parler maintenant — je ne connais pas trop les règlements, quelqu'un m'expliquera ça — j'aimerais qu'on essaie de viser 13 heures. Regardez, il est quand même 11 h 10. Je n'ai pas l'intention de me perdre dans des considérations trop longues. J'ai l'intention d'écouter les questions que vous avez à poser. Comme ce n'est pas la fin du monde aujourd'hui et que c'est possible que ce genre de sujet revienne, disons que j'aimerais peut-être que, vers une heure moins quart, on regarde un peu où on en est rendu. D'accord?

Le Président (M. Richard): M. le député de Lotbinière et chef de l'Union Nationale.

Exposé du sujet M. Rodrigue Biron

M. Biron: Merci, M. le Président.

L'approche qui est la mienne aujourd'hui et la nôtre, dans cette question avec débat, est fort positive, notre parti n'étant pas et ne voulant pas devenir un agent de panique, mais s'affirmant de plus en plus et de mieux en mieux, je crois, comme un agent de changement, un changement raisonnable et raisonné. Le projet collectif de changement du Parti québécois, à savoir celui de la souveraineté-association, nous apparaît encore vague et fort ambigu. D'ailleurs, la firme de sondage scientifique Pagé, Roy et Associés, suite à une étude dans le comté baromètre de Saint-Jean en juillet dernier, concluait ceci: "Le concept de souveraineté-association n'est pas très bien compris de la majorité des gens." L'on sait, en plus, que les maisons du Québec à l'extérieur ou à l'étranger, notamment celle de Toronto, débordent de demandes de renseignements au sujet de votre thèse d'association économique entre le Québec et le Canada.

Oui, la thèse d'association est plutôt ambiguë. Le contenu, la forme et la possibilité de l'association que vous préconisez demeurent incertains. Nous interrogerons donc aujourd'hui le ministre des Affaires intergouvernementales sur les points suivants: premier point, l'état des études en cours au sein de votre ministère ou du gouvernement en général; deuxième point, les perspectives, à ce jour, quant à la liquidation de l'actif et du passif entre Ottawa et Québec dans l'éventualité d'une sécession du Québec; troisième point, votre conception, à ce jour, d'un marché commun ou d'une union douanière; quatrième point, vos idées en matière d'union monétaire; cinquième point, les implications internationales de votre thèse.

Je vais rapidement parce que je veux permettre au ministre d'expliciter beaucoup plus les deuxième, troisième, quatrième et cinquième points que sur le premier point. On trouvera sûrement la réponse au premier point dans les autres réponses.

Premièrement, l'état des études sur le sujet. Existe-t-il, au sein de votre ministère ou au sein d'autres ministères québécois, d'autres groupes de travail que celui de M. Bernard Bonin? A-t-on fait appel, à ce jour, à des experts provenant de l'administration publique ou privée ou du monde universitaire afin qu'ils complètent ou assistent le groupe Bonin? Plus précisément, où se situent, au sein de votre ministère, M. René Durand, de l'Ontario, et une dame Francine Charbonneau-Chevallard, de Bruxelles? Quel est le mandat spécifique qu'ont reçu ces gens? Qu'ont-ils produit à ce jour et auprès de quel ministère? Compte tenu que ces fonctionnaires et experts sont payés par la collectivité et que l'avenir du Québec appartient à tous, pourquoi le ministre se refuserait-il à rendre publiques les études effectuées à ce jour? Le ministre prévoit-il d'autres engagements d'experts ou d'autres mises sur pied de comités? Rencontre-t-il des gens à l'extérieur de la fonction publique ou encore à l'extérieur du Québec, à l'heure actuelle, concernant la thèse d'association Québec-Canada?

Deuxièmement, c'est la liquidation actif-passif ou encore les mesures transitoires. Avant même de parler ici de marché commun ou d'union douanière ou encore d'une union monétaire, j'aimerais obtenir les précisions suivantes. Sur la question de la liquidation actif-passif, quels organismes communs Québec-Ottawa, du moins du côté du Québec, envisagez-vous pour négocier l'association économique? Précisez donc ici comment vous prévoyez l'entente avec le Canada sur la répartition des avoirs et des dettes et sur la propriété des biens publics, plus particulièrement des biens d'ordre culturel qui, en certaines matières, appartiennent à la fois au patrimoine québécois et au patrimoine canadien? Quels sont les effets de votre thèse sur la canalisation du Saint-Laurent et ce, non seulement pour le reste du Canada, mais aussi pour les Etats-Unis, sur le pacte de l'automobile?

Ne croyez-vous pas que la mise en place de l'éventuelle association appellera une bureaucratie très lourde et, incidemment, comment sera composée la structure de liaison Ottawa-Québec? Le Québec y sera-t-il au prorata de sa population, 20%, 25%, comme l'a dit le ministre d'Etat au développement économique en mars dernier au Public Affairs Council? Le cas échéant, réalisez-vous que le Québec sera minoritaire? Prévoyez-vous alors un droit de veto du Québec? Que prévoyez-vous faire des fonctionnaires fédéraux, des agents des compagnies de la couronne, des militaires, des juges et des députés fédéraux qui viennent du Québec et surtout de leurs droits acquis au travail et à leur fonds de pension, à une heure où le Québec, déjà, n'a pas tellement les moyens de grossir sa propre fonction publique? Comment entrevoyez-vous la vie parlementaire commune Ottawa-Québec? Un Parlement confédéral ou quoi? Est-ce que les décisions communes seront appelées, au préalable ou une fois prises, à être approuvées ou ratifiées par les Parlements respectifs de chacune des parties composant l'association ou par les Parlements respectifs de chacune des autres provinces canadiennes qui, elles aussi, comme le Québec, ont droit à leur autonomie? Comment prévoyez-vous régler la question des frontières du Québec, le Labrador, frontières septentrionales, etc.? Avez-vous envisagé ce que deviendra le statut des Indiens, des Esquimaux et des Inuit?

Troisièmement, parlons maintenant du marché commun ou d'union douanière. Quelles sont vos prévisions, à ce stade-ci, de l'effet sur le niveau de vie des Québécois d'une union douanière entre le Canada et un Québec indépendant? Le Québec ne souffrirait-il pas d'une modification de

la protection tarifaire actuelle à cause du caractère peu concurrentiel de son industrie manufacturière dont en particulier celle du textile, comme le soulevait Clarence Barber, de l'Université du Manitoba, dans un colloque tenu à Toronto le 14 octobre dernier? Quelles seraient les implications, du moins à court terme, de la perte, il va de soi, du système de péréquation, du retrait des subsides qu'Ottawa accorde présentement au Québec pour la stabilisation du prix du pétrole importé? Et si jamais vous reteniez la thèse de zone de libre échange, préconisée par l'universitaire Roma Dauphin, de l'Université de Sherbrooke, est-ce que les flux interrégionaux de biens manufacturés au Canada ne joueraient pas, comme l'affirme le professeur Barber, de l'Université du Manitoba, au détriment du Québec? Comment votre parti, quand il parle du coeur de votre thèse de marché commun, à savoir le réaménagement des structures du marché affectant le monde industriel, peut-il affirmer, comme l'a déjà dit en entrevue le ministre d'Etat au développement économique, "que pour autant il se défend de rechercher pour le Québec une forme de protectionnisme, qui pourrait être préjudiciable à la très puissante industrie ontarienne"?

Pensez-vous que, dans une hypothèse de Canada à deux, l'Ontario va se laisser faire et vous croire sur parole? Tout le monde a présente à l'esprit votre politique d'achat chez nous. Si, après la séparation du Québec, nous allions vivre un échec des négociations de votre thèse d'association, aucun marché commun, est-ce que le reste du Canada serait bien tenté d'acheter du Québec des chaussures, du textile, des meubles, des produits finis en plastique, des équipements de sport ou de loisir, des produits pharmaceutiques ou pétrochimiques ou des produits finis de la richesse naturelle qu'est le bois, qu'il peut obtenir à prix égal ou beaucoup moins élevé en Corée, à Taiwan ou encore aux Etats-Unis?

Vous parlez du marché commun canadien. Pensez-vous également, et jusqu'à quel point alors, au commerce Nord-Sud ou encore au commerce avec la Conférence économique européenne, ou encore avec le bloc nordique des pays Scandinaves? Autant d'options, incidemment, qui sont imaginables, sans qu'on veuille d'abord passer par la séparation du Québec.

Advenant la souveraineté-association, est-ce que les deux, le Canada et le Québec, ne seraient pas plus vulnérables vis-à-vis de l'envahissement de nos présents voisins américains du Sud? Si nous croyons comprendre que, dans votre thèse, il n'est pas question de frontières, ni de postes de douane entre le Québec et le reste du Canada, nous voudrions également comprendre ce que vous voyez comme communications entre le Québec et le reste du Canada, le Canada à l'est du Québec et le Canada à l'ouest du Québec. En d'autres termes, parlez-nous donc de votre point de vue sur la négociation de corridors aériens, ferroviaires et terrestres.

Vous vous référez souvent à l'expérience du Marché commun européen. Mais encore faut-il savoir qu'en Europe, comme le soulignait Réal Pelle- tier, dans la presse du 25 janvier dernier, on est "partis de souverainetés économiques à peu près totales pour évoluer vers des supressions successives de frontières alors qu'ici on part d'une situation de marché complètement libre pour en arriver tout au moins à un minimum de barrières."

Le ministre d'Etat au développement économique, toujours dans une entrevue accordée à un journaliste, insiste sur l'importance et la nécessité même d'un tarif extérieur commun en précisant que cela était de première importance pour nos entreprises québécoises. Très bien, mais s'il n'y a pas d'entente? C'est donc dire que la thèse de souveraineté-association est une aventure pour nos petites et moyennes entreprises québécoises et un risque pour nos milliers de Québécois qui y trouvent emploi. Ce qui faisait dire à Marcel Pepin, ex-président de la CSN, qu'il était contre votre thèse parce qu'il y voyait un danger pour les ouvriers du Québec.

Au nom de quel intérêt, si le Canada n'existe plus politiquement, les provinces de l'Ouest voudraient-elles maintenant avec le Québec des échanges privilégiés qui leur coûtent présentement un déficit annuel de près de $1 milliard au seul chapitre des produits manufacturés? C'est le premier ministre de la Saskatchewan, M. Blake-ney, de passage à Montréal en avril dernier, qui déplorait les prix élevés que les provinces de l'Ouest devaient verser pour s'approvisionner, dans les provinces industrielles du centre du pays, en produits manufacturés, alors qu'elles pourraient se les procurer à meilleur compte à l'extérieur du pays.

Quand le gouvernement affirme que l'Ontario a besoin du Québec, je veux bien, mais sait-il que le Québec ne comptait que pour 11% dans le montant total des expéditions de l'Ontario vers l'extérieur? Dans l'optique de sa thèse de marché commun, comment le Québec envisage-t-il le fait qu'il pourrait avoir sa part du fardeau à payer en cas de ralentissement de l'économie dans le reste du Canada, par exemple dans les Maritimes, ou encore dans une lutte commune qu'il voudrait faire à l'inflation? Si le Québec se dit: Le reste du Canada se débrouillera, il lui faut prévoir qu'il lui faudra se débrouiller tout seul si le ralentissement économique ou l'inflation se faisaient sentir surtout au Québec.

Autre aspect: dans le cadre d'un marché commun Québec-Canada, le Québec serait soumis à certaines contraintes qui pourraient affecter sa marge de manoeuvre ou son choix politique en matière sociale. En d'autres termes, le gouvernement actuel est-il bien conscient des implications du social sur l'économique et, vice versa, de l'économique sur le social? Est-ce que sa souveraineté chèrement acquise ne serait pas hypothéquée dans sa politique sociale?

Le ministre actuel des Finances aime bien parler du marché commun comme d'une libre circulation des Diens, des capitaux et des personnes. Mais est-on conscient des difficultés d'application qu'auraient le Québec et le reste du Canada dans le contrôle de l'immigration, peut-être aussi de la migration de main-d'oeuvre? Surtout, est-ce qu'on

est conscient que la souveraineté sur la structure des taux d'intérêt au Québec serait sérieusement hypothéquée par les contraintes propres au marché commun auquel il adhérerait?

Mon quatrième point, c'est l'union monétaire. Je citerai, tout d'abord, ici M. McLaughlin l'ex-président de la Banque royale du Canada. Il disait, le 18 avril dernier, à la Chambre de commerce de Montréal: "La régulation de la masse monétaire en fonction des besoins changeants de l'économie et de son évolution par rapport à d'autres économies est l'un des instruments essentiels d'une nation indépendante. "Aussi, si j'étais un partisan de la souveraineté politique du Québec, il m'apparaîtrait difficile de ne pas parler d'une monnaie séparée, d'une politique monétaire séparée. Imaginer une situation où la politique monétaire serait établie et mise en oeuvre par un gouvernement "étranger", dans une capitale "étrangère", Ottawa, m'apparaîtrait comme une limite inacceptable à l'indépendance et à la souveraineté."

Est-ce que la zone monétaire envisagée entre le Québec et Ottawa serait susceptible de consolider la domination monétaire des Etats-Unis ou de l'effriter quelque peu? Si l'on parle de monnaie séparée, de monnaie québécoise, quelle serait sa valeur? Sur quoi se base-t-on pour pouvoir affirmer qu'il y aurait parité avec le dollar canadien?

Avec une monnaie québécoise, est-ce que les Québécois ne conserveraient pas une grande partie de leurs épargnes en dollars canadiens ou américains?

Si tel était le cas, est-ce que cela ne ferait pas baisser la valeur du dollar québécois? Le cas échéant, comment freiner ce mouvement?

Si on pense au contrôle des changes comme frein possible, est-ce que ce serait efficace? Est-ce que le reste du Canada ne serait pas indifférent et, surtout dans cette optique, quelles seraient les réactions des Québécois si, dans l'intérêt de la conservation des changes, des restrictions leur seraient imposées sur leurs voyages ailleurs au Canada, à Miami ou à Old Orchard?

Au total, comment le gouvernement peut-il parler comme il l'a fait à ce jour, dans des déclarations publiques, de son engagement auprès du commerce, de l'industrie et de la finance à assurer la stabilité monétaire? Est-ce que ce n'est pas là pour l'instant un voeu pieux?

Comment, un peu comme le soulevait M. Sharp, l'ex-ministre des Affaires extérieures au Canada, pourra-t-on parler d'union monétaire Ottawa-Québec quand le tout ne peut pas être viable, puisque les deux parties, le Québec et le Canada, seront, dans l'optique du PQ, des "souverains" au niveau de l'élaboration des lois dont plusieurs affecteront toute politique fiscale et monétaire?

Toujours dans l'optique de cette union monétaire, quelqu'un au PQ a parlé d'un essai de cinq ans. Est-ce que c'est encore envisagé? Est-ce à dire qu'on n'est pas plus sûr que cela de la viabilité de la thèse de l'association?

Quand on parle de "joint venture" entre le Québec et Ottawa, comme se plaît à le faire le ministre des Finances, qu'on nous précise ici comment on prévoit l'administration des réserves ou encore l'administration de la dette, dette nationale ou dette binationale. Comment serait composée cette éventuelle Banque du Canada? Au prorata de la population, comme l'a dit le ministre d'Etat au développement économique? Si oui, c'est dire d'avance que le PQ place le Québec dans une situation minoritaire au sein d'une éventuelle union monétaire.

Enfin, comment et par qui serait administré le commerce interprovincial actuel au niveau de la taxe de vente dont le taux varie d'une partie à l'autre du Canada et d'un budget annuel à l'autre?

Enfin, M. le Président, mon cinquième et dernier volet de questions: les implications internationales de la thèse de l'association. Où en est la réflexion au sein du gouvernement sur les alliances extérieures possibles, en particulier en matière de politique économique et militaire?

En matière d'affaires étrangères, on nous dit qu'il pourrait y avoir des actions, des initiatives en commun, notamment, en matière de commerce et de sécurité. C'est possible.

Mais comment cela peut-il déboucher sur une action internationale efficace quand chacun, par son Parlement respectif, serait libre de réagir à sa façon devant des événements se produisant au Tiers Monde ou encore en Afrique du Sud? Imaginons-nous un instant quelle action commune aurait pu être entreprise au Sud-Est asiatique si un Québec séparé et le Canada avaient eu un point de vue différent sur la guerre au Vietnam.

Est-ce qu'une action commune internationale ne limiterait pas considérablement, en certains dossiers, la souveraineté nouvelle du Québec, comme l'ont laissé entendre les universitaires Gilles Fortin, de Laval, Gilles Paquette, de Carleton et Yves Rabeau de Montréal?

Quels sont les traités du Canada auxquels le Québec souverain désirerait succéder, adhérer ou non, par exemple: les limites du droit de pêche en eaux territoriales?

Ce sont des questions d'importance auxquelles il faut répondre à l'avance comme le suggère le grand juriste, Jacques Brossard.

Finalement, car on aura d'autres occasions de revenir sur le sujet, quelle est la position, au-jourd'hui,du gouvernement face aux traités nous liant à l'OTAN ou au NORAD, ou ne nous liant pas à l'Organisation des Etats américains? On sait que le parti ministériel a une position dans son programme et que le premier ministre en a communiqué une autre sur les tribunes publiques, notamment à New York.

Je suis conscient que c'est une série de questions passablement longue, mais j'espère que le ministre pourra, d'une façon brève, nous donner la réponse du gouvernement du Québec, et nous pourrons requestionner plus avant sur ce sujet.

Le Président (M. Richard): M. le ministre.

Réponse du ministre

M. Claude Morin

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je voudrais, au tout début, dire sincèrement ceci. Je voudrais faire remarquer publiquement que la série de questions que le chef de l'Union Nationale vient de lire est extraordinairement intelligente et aussi fort utile. Je veux vraiment, et cela, au-delà de toute espèce de flagornerie, le féliciter de ce travail qui nous est maintenant remis. Il est très fouillé et correspond, pas avec les mêmes termes, bien sûr, ni avec la même suite dans la présentation, aux questions que nous avons nous-mêmes posées aux experts qui maintenant font des études à l'intérieur du ministère, relativement à la souveraineté-association.

Je pense que c'est une contribution qu'il a raison de qualifier de positive. Là-dessus, je suis pleinement d'accord avec lui. Cela va nous être utile, et c'est peut-être là le point fondamental ce matin, parce que nous sommes, au moment présent — je vais vous donner des détails tantôt — en train de poursuivre une série très considérable d'études de plus en plus développées, parce qu'il y a divers éléments qui nous paraissent maintenant plus clairs, et d'autres que nous voulons fouiller davantage. Les études que nous avons entreprises au ministère ont été commencées au tout début d'avril, plus exactement le 3 avril dernier; en fait, il n'y a que quelques mois, que nous avons mis sur pied toutes sortes de groupes d'experts.

J'ai l'impression que, si dans un premier temps, parce que c'est quand même la première question qui est posée, si dans un premier temps, parce que c'est quand même la première question qui est posée, je vous disais quelle sorte d'étude nous faisons et avec qui et quelle en est la nature, cela pourrait peut-être montrer que dans certains cas il est prématuré de donner des réponses aux questions que vous nous avez posées, parce que les études ne sont pas terminées, et, dans d'autres cas, je pourrai, bien sûr, donner des éléments de solution.

Je compterais sur le chef de l'Union Nationale — je n'ai pas pris la liste des questions, j'ai un document ici — pour, à un moment donné, si j'oublie quelque chose qui lui paraît capital, me le rappeler. Je ne voudrais absolument pas donner l'impression que je fais exprès pour laisser des questions de côté.

Le mieux à faire pour avoir une idée d'ensemble, c'est peut-être que je vous dise un peu quelle sorte d'études on fait avec les têtes de chapitre, et dans certains cas, même les experts qui participent à ces études. Comme je l'ai dit, cela a commencé le 3 avril. Je dirais qu'il y a trois catégories d'études qu'on est en train de faire maintenant. La raison de ces études, je pense qu'au point de départ — je vais la mentionner aussi — nous avons le sentiment que l'option souveraineté-association — et je reviendrai peut-être là-dessus plus tard, dans le cours de la conversation ou peut-être en réponse à des questions complémen- taires — se situe parfaitement dans la continuité politique québécoise et qu'elle est en quelque sorte l'aboutissement d'une maturation chez les Québécois et chez les hommes politiques québécois. Cela fait qu'aujourd'hui, pour la première fois peut-être — ce n'est peut-être pas un mérite particulier qu'on a, parce que d'autres nous ont précédé — on arrive, nous autres, avec une solution dont on connaît, bien sûr, les contours et dont moi-même, personnellement, j'ai certaines notions, c'est évident, mais qui demandent, parce qu'elle est sérieuse, autre chose que de grandes considérations générales.

C'est pour ça que nous avons voulu vraiment fouiller tous les aspects de cette thèse de la souveraineté-association et c'est pour ça que toute précipitation là-dedans — d'ailleurs, le chef de l'Union Nationale est d'accord là-dessus — conduirait seulement à empêcher qu'on arrive vraiment, au Canada et au Québec, à une solution qui soit autre chose, comme disait M. Lé-vesque, qu'une sorte de compromis boiteux supplémentaire.

Nous sommes actuellement en train de faire des études qui se groupent en trois grandes catégories. Je dirais qu'il y a des études, d'abord, qui sont des études de bilans; d'autres qui sont des études, des analyses proprement dites et, troisièmement, des projections. J'explique en gros de quoi il s'agit.

D'abord les bilans: Nous avons, au ministère — cela a commencé avant que nous arrivions, mais cela s'est accéléré et terminé depuis — fait le bilan du fonctionnement du fédéralisme canadien par dossier, et, quand je dis par dossier, je veux dire par ministère, mais aussi par sujet. Vous pouvez avoir le ministère des Transports et le sujet des transports, c'est la même chose. Mais vous pouvez avoir, par exemple, des dossiers qui touchent la politique sociale mais qui, de ce fait, débordent les cadres immédiats du ministère des Affaires sociales pour, dans certains cas, tomber dans la Justice ou autre chose.

Nous avons donc, avec la collaboration — en même temps, je vous dis qui a fait ça, pour qu'on réponde à ces questions tout de suite — dans tous les ministères du gouvernement du Québec, au cours des mois — cette étude des bilans est terminée d'ailleurs, pour les cinq dernières années des fonctionnaires qui sont chargés des relations fédérales-provinciales. Nous avons demandé à ces fonctionnaires de nous dire, pendant ces cinq années, quelle a été l'évolution des dossiers, où on en est, par rapport à là où on en était, ce qui n'est pas encore résolu, ce qui bloque, ce qui est en plan et ce qui traîne?

Ce dossier des bilans est énorme. Il a 700 pages. Bon! Il n'est pas publiable dans la forme qu'il a maintenant, pour une raison que tout le monde doit saisir a priori, c'est qu'il est une succession de références, dans bien des cas, de résumés, dans d'autres cas, de situations. Cela nous est utile, à nous, pour nous retrouver un peu, mais — ça n'a pas été conçu comme ça — malheureusement, cela a le désavantage de ne pas être publiable tel quel. Ceci veut dire que nous som-

mes obligés — et je pense qu'en vertu de la politique que nous voulons suivre de pouvoir expliquer clairement à la population de quoi il s'agit — d'exprimer ça de façon que j'appellerais moins technique. Mais ça, c'est fait. C'est fait et c'est non seulement fait, mais ça se continue. Je veux dire qu'il y a des éléments nouveaux qui arrivent. Exemple, on en a eu un hier. Qu'est-ce que vous voulez? La décision de la Cour suprême sur les communications. A ce moment-là, c'est évident que ça va ajouter au moins un paragraphe à notre dossier. D'accord?

Donc, un bilan par dossier. Un bilan aussi que j'appellerais historique, c'est-à-dire que cela a été quoi, l'évolution du fédéralisme canadien? Qu'est-ce que les Québécois comprenaient du fédéralisme canadien dans la mesure où ils en étaient conscients et qu'on leur avait expliqué en 1867? Qu'est-ce que c'est devenu depuis?

Il y a aussi un dossier démographique. C'est curieux, ça, peut-être qu'on n'avait pas pensé à ça, mais, enfin, je le mentionne. On ne connaît pas encore la réponse, mais dans quelle mesure, surtout pour les autres provinces, le fonctionnement du fédéralisme canadien a-t-il eu des effets démographiques? On aura des réponses à ça qui promettent d'être intéressantes, je pense.

Dossier politique aussi — politique dans le bon sens du terme — c'est-à-dire le fonctionnement et le mécanisme même du fédéralisme canadien conduit-il nécessairement à la centralisation? A cet égard, j'ai déjà mes idées de faites, je veux le dire honnêtement. J'ai écrit un livre là-dessus; je ne veux pas faire de publicité ce matin, mais je l'ai apporté ici.

Une Voix: Quel est le titre?

M. Morin (Louis-Hébert): Le titre, c'est "Le combat québécois". Je l'ai apporté ici ce matin, avec d'autres auteurs. J'aurai peut-être l'occasion de me référer à cela tantôt. Mais là je vais aller plus vite. Je n'ai que vingt minutes pour dire tout cela? Ensuite, on fait des bilans administratifs aussi, parce qu'il y a un tas d'emmerdements entre gouvernements qui coûtent de l'argent aux citoyens. Il faut mesurer cela. On fait des bilans financiers aussi. C'est la fameuse question des comptes nationaux. Cela fait longtemps que je me suis préoccupé des comptes nationaux. On a sorti une étude quand j'étais sous-ministre — je pense que c'était en 1965 — et il y en a d'autres que j'ai sorties — je pense que c'était en 1968 ou 1969 — et M. Bourassa en a sorti une troisième en 1970. Cela se continue. Et il y a aussi un dossier, bilan économique. Cela va?

La première partie de nos études, ce sont des études de bilans. Qui fait cela? Des fonctionnaires du gouvernement du Québec, moi-même un peu, bien sûr, je ne suis pas particulièrement étranger à tout cela, et du personnel de mon cabinet. Mais, pour cela, je ne pense pas qu'on ait engagé de personnel nouveau. Non, je ne le pense pas. Parce que ce sont des choses normales qu'on doit avoir dans n'importe quel gouvernement un peu civilisé. On veut savoir ce qui se passe; alors, on l'étudie.

Ce sont des dossiers qui sont préparés de façon objective et nous avons, en tant que ministres, à prendre des décisions politiques. Je pense que je vais le dire aussi.

La deuxième série d'études, des études d'analyse. Il y en a une grosse qui est en cours. C'est l'impact, par secteur, des politiques fédérales au Québec. Si je commence à citer un document, M. le Président, faut-il que je le dépose? Si oui, je n'en cite pas.

Une Voix: Pas en commission.

M. Morin (Louis-Hébert): Pas en commission, mais j'aime autant connaître les règles du jeu avant. Alors, voilà! On est en train d'expérimenter une nouvelle forme de démocratie parlementaire. J'aime bien expérimenter, mais pas être victime d'expérimentations! Je ne veux pas prendre trop de temps, mais je veux que vous sachiez ce qu'on fait. C'est parce que cela répond à d'autres questions que vous avez posées, M. le chef de l'Union Nationale. Je donne des exemples. En ce qui concerne le secteur des affaires municipales, on a une étude sur les interventions de la Société centrale d'hypothèques et de logement et d'autres politiques urbaines. Sur l'agriculture, une étude sur la politique agricole. Une autre pour consommation, coopératives et institutions financières: contrôle et surveillance d'institutions financières, accumulation et utilisation de l'épargne dans les institutions financières. Communications, il y en a des études de faites là-dessus! Cela a commencé bien avant nous. On les a prises et on les poursuit. En finances, l'effet des politiques de stabilisation — je parle toujours de politiques fédérales et de leur effet sur le Québec — les effets de la fiscalité, la politique énergétique fédérale. Tourisme et parcs — je donne des têtes de chapitre — politique de main-d'oeuvre, politique d'immigration, politique minière, assurance-chômage. Il y en a à peu près une trentaine. C'est fait par des fonctionnaires dans les ministères. Ce ne sont pas des études de 400 pages chacune — je l'espère en tout cas — mais ce sont des mises au point sur les impacts des diverses politiques fédérales sur l'économie du Québec. Vous voyez tout de suite — je pense que tout le monde verra cela — que cela se relie, quand même, à la partie bilan de tantôt, parce que tout cela est interrelié.

Deuxième série d'études d'analyse, celle des doubles emplois administratifs. Celle-ci vient d'être confiée, je pense, la semaine dernière — j'ai peut-être cela quelque part ici — à un groupe. Les doubles emplois administratifs entre Québec et Ottawa. Dans quelle mesure ce système coûte cher, dans quelle mesure il y a deux réseaux de fonctionnaires qui se marchent sur les pieds, qui s'embêtent et rivalisent mutuellement.

Ensuite, une étude qui ne peut pas mieux tomber, sauf qu'elle n'est pas tout à fait finie, ce sont les tendances jurisprudentielles de la Cour suprême. On va peut-être quand même sortir quelques morceaux prochainement, parce que c'est arrivé que c'est devenu subitement actuel.

Ensuite, une étude d'analyse sur les complé-

mentarités économiques Québec et Ontario. Il y a une question là-dessus. On a décidé de fouiller cela parce qu'on découvre qu'au-delà des affirmations qui, moi-même, des fois, m'ont influencé dans ma compréhension des phénomènes, il y a bien d'autres choses qui, parfois, ne sont pas aussi claires que certaines affirmations globales qui sont faites. De toute façon, on a décidé de fouiller derrière cette réalité. C'est la deuxième catégorie d'études des études d'analyse.

La troisième, les études que j'appelle de projection. Cela touche directement la mise en oeuvre et le contenu de l'association économique. D'abord une étude qu'on a confiée à Bernard Bo-nin. C'est le groupe Bonin sur les types d'associations économiques qui peuvent exister entre le Québec et le Canada. On lui a fait faire une étude là-dessus qui est virtuellement terminée, celle-là, et qui a été remise comme projet à quelques ministres. J'attends des commentaires pour aller plus loin si nécessaire. On lui a demandé d'étudier quatre types d'associations économiques. J'avais un papier tantôt. Des études sur, d'abord, une association économique dite de libre échange, ensuite une association économique de type union douanière, une association économique de type marché commun et une association économique de type union monétaire. Alors, là, pour qu'on n'oublie rien, ce sont les quatre grands chapitres. Bien sûr qu'à l'intérieur de cela, il y a toutes les variantes qu'on peut imaginer. On ne lui a pas demandé de faire cela, parce qu'on n'en sortirait pas et lui non plus, mais on a quand même, si vous voulez, la définition de chacun des termes, je l'ai ici. On verra tantôt.

Cette étude est la première qui a été commencée, c'est celle qui a été commencée le 3 avril. Elle est maintenant dans sa phase finale. Elle a été remise à quelques ministres économiques pour qu'ils l'analysent eux-mêmes avec leur monde et j'attends des "rebounds" de cela que je n'ai pas encore eus à l'heure où je vous parle.

Ensuite, dans les études de projection, on examine aussi, et c'est fichument intéressant, des expériences étrangères d'association économique, par exemple, le Marché commun européen. A cet égard, vous avez une question, M. le chef de l'Union Nationale. Vous demandiez, par exemple, qui était Mme Francine Chevallard. C'est elle, justement, qui, à Bruxelles — elle est dans la délégation — étudie des questions reliées au Bénélux, des questions reliées au marché commun. Le Conseil nordique aussi, c'est une autre institution. En somme, on est surpris, je vous le dis bien franchement. Je m'aperçois qu'au Québec on a parlé pendant des années, pas seulement nous autres, tout le monde, d'un tas d'institutions européennes et on ne savait pas de quoi on parlait. Par exemple, on nous a dit: L'Europe s'en va vers un système fédéral. C'est rien que pas vrai. Alors, c'est assez intéressant de découvrir que ce qui servait d'argument contre notre thèse est maintenant au contraire utilisable pour notre thèse parce qu'ils s'en vont vers une association d'Etats qui ressemble pas mal à ce qu'on a en tête. Alors, on fouille cela et on va...

M. Raynauld: Pourquoi?

M. Morin (Louis-Hébert): Pourquoi?

M. Raynauld: Avez-vous une raison de cela?

M. Morin (Louis-Hébert): Une raison de quoi, je ne comprends rien.

M. Raynauld: L'affirmation que vous venez de faire. L'affirmation que l'Europe ne s'en va pas vers un système fédéral, mais vers une association d'Etats. Est-ce qu'il y a une raison pour cela?

M. Morin (Louis-Hébert): C'est ce qu'on a vu là-bas.

M. Raynauld: Est-ce qu'il y a une justification à cette affirmation?

M. Brochu: M. le Président, je m'excuse, mais il faudrait...

Le Président (M. Richard): A l'ordre!

M. Brochu: ... permettre au ministre de faire son exposé.

M. Morin (Louis-Hébert): Vous poserez cette question...

Une autre étude aussi qu'on fait et qui présente un grand intérêt, qui n'est pas terminée, celle-là, c'est l'étude des organismes communs qui devraient exister entre le Canada et le Québec, advenant ce système confédéral dont j'ai parlé il y a une seconde.

Je vous ai fait cette liste, il y en a une de celles-là qui est en voie d'achèvement, c'est l'étude sur les types d'association économique. Maintenant, je veux vous dire tout de suite, on ne commencera pas à tourner autour du pot, vous avez dans votre texte des questions extraordinairement intéressantes qui sont justement celles qu'on fouille. Je voudrais peut-être en prendre une au hasard, on pourra y revenir tantôt, quand vous me posez une question comme la suivante: Comment va marcher ceci advenant cela? je suis obligé de vous dire que c'est justement ça qu'on regarde.

Je pense que je n'aurais pas le droit, aujourd'hui, de vous donner ma petite thèse à moi, parce que j'ai quand même mes idées sur certaines de ces choses. C'est bien normal; si je n'en avais pas, ce serait plutôt désolant. C'est quand même une tâche collective qu'on entreprend et il fallait, au point de départ, asseoir toute notre affaire sur quelque chose qui soit sérieux, et c'est la première fois que cela se fait dans aucun gouvernement au Canada. Il y a du monde là-dedans, beaucoup de personnes, c'est coordonné par — je vais vous dire comment ça marche, une seconde — un comité directeur dont je suis le président, bien oui! Ensuite, il y a comme membre de ce comité directeur, Robert Normand, sous-ministre aux Affaires intergouvernementales; Bernard Bonin, le "king-pin" de ces études sur l'éco-

nomique; Louis Bernard, maintenant sous-ministre, en tout cas... c'est ça. Ensuite, André Marcil, économiste au bureau du premier ministre; Jean Vézina, économiste aussi au Conseil exécutif; Arthur Tremblay, ancien sous-ministre des Affaires intergouvernementales; René Didier, ancien sous-ministre de l'Immigration, conseiller spécial au ministère pour ce comité; Pierre Lefrançois, sous-ministre adjoint aux relations fédérales-provinciales et interprovinciales chez nous; Mario Polèse, économiste universitaire; Jean-K. Samson, avocat, et Louise Beaudoin, qui est chef de cabinet de mon ministère. J'oublie peut-être une couple de personnes.

Ce comité directeur se rencontre, je dirais, en gros, une fois toutes les trois semaines. Ce n'est pas à fréquence fixe. Il y a plusieurs sous-comités. Vous avez une question à poser, je ne sais pas si c'était la question exacte, mais ça revient à ça: Est-ce que M. Bonin rencontre des gens à l'extérieur? Voici ce qu'on a fait, on a trouvé une technique efficace, parce que le danger, dans ces études, est de s'embarquer dans des travaux que j'appelle académiques. C'est-à-dire demander une étude à un penseur d'université — je connais ça, je l'ai été assez longtemps — c'est "jouissif" pour un penseur d'université de recevoir une commande comme celle-là; seulement il risque de partir du déluge et d'arriver à la fin des temps alors qu'on n'aura pas les réponses. Ce qu'on a fait, à la place, c'est que Bernard Bonin a réuni pendant une journée ou deux des experts dans un domaine précis et il a fait avec eux une sorte de "brain storming", en leur posant des questions, bien sûr. Il a recueilli, de leurs réflexions, des éléments. Je suggère ça au gouvernement en général, c'est bien mieux que de donner des études à ne plus finir; on arrive au même résultat de toute façon, ça coûte moins cher et c'est plus vite.

De cette façon, on a pu faire le tour rapidement des questions qui étaient difficiles, comme celles que vous mentionnez et c'est justement la méthode qu'on veut utiliser de plus en plus, parce qu'elle est rapide. Maintenant, ces gens viennent du milieu académique, je n'ai pas tous leurs noms ici, il y en a plusieurs que je ne connais pas. C'est M. Bonin qui les convoque. Il y en a plusieurs qui viennent du milieu académique, du milieu de l'entreprise privée et du milieu gouvernemental. Mais de façon générale, je devrais dire de façon absolue, tous ces travaux sont faits sur le plan technique et ce ne sont pas ces gens qui prennent la décision politique.

Je veux dire ça pour qu'on s'entende, que je cesse d'avoir des questions; je ne les ai pas encore, mais ça va venir, autant les prévenir, pour dire comment ça se fait que des gens participent à des travaux du Parti québécois. Ils ne participent pas à des travaux du Parti québécois, ils participent à des travaux du gouvernement du Québec; c'est nous qui prendrons les décisions politiques, ils le savent et ça marche bien comme ça. Bon, ça, ce sont les études qu'on a faites.

Je voulais dire quelque chose, devant n'importe quelle nouvelle idée qui circule, je le sais parce que je l'ai fait moi-même, c'est bien plus fa- cile de poser 42 207 questions que de trouver 25 réponses. Je ne dis pas ça à propos du document de M. Biron, mais ça vaut en général, c'est-à-dire que je peux — je me suis amusé à le faire — trouver toutes les objections imaginables à la souveraineté-association. Je vais en chercher, j'imagine, des hypothèses. Advenant que ceci se produit, telle autre affaire n'arrive pas, quelle sorte de drame est-ce qu'il arrive? On a fait ça.

Cependant, je m'aperçois que je peux aussi appliquer cette façon de procéder à n'importe quelle idée nouvelle et même aussi, si vous voulez, à n'importe quelle révision possible du fédéralisme canadien, de telle sorte que ce n'est pas parce qu'il se pose beaucoup de questions que cela présente des problèmes insolubles.

Quand, aux premières découvertes géographiques, des gens ont pensé que la terre était ronde, vous comprenez bien qu'il y avait 25 000 raisons pour prouver qu'elle était carrée ou qu'elle était plate. C'est la même chose quand les automobiles sont arrivées. Je suis sûr qu'il y avait des études profondes et des questions sérieuses qui se posaient, à savoir que c'était impossible que jamais l'automobile remplace le cheval.

On peut toujours, dans le processus de l'évolution humaine, bloquer temporairement une démarche en l'enfargeant, en quelque sorte, par des questions quelquefois hypothétiques. Je dis cela, non seulement pour boycotter des questions que M. Raynauld a posées tantôt, mais c'est simplement pour qu'on sache que, méthodologiquement, c'est simplement pour qu'on sache que, méthodologiquement, c'est très facile de poser... c'est facile d'être défaitiste.

Moi, j'aime mieux — c'est ma démarche à moi — essayer de mesurer par quoi on est plus grand qu'on ne le pense quelquefois, plutôt que par quoi on est aussi petit que certains voudraient qu'on le soit.

Je ne sais pas, je n'ai pas répondu aux questions que vous avez posées, M. Biron. Est-ce qu'il faut vous dire: M. le chef de l'Union Nationale ou si on peut dire: M. le député de Lotbinière?

Le Président (M. Richard): Le chef de l'Union Nationale, ça va.

M. Morin (Louis-Hébert): J'aime autant le savoir.

Une Voix: C'est le même.

M. Morin (Louis-Hébert): Je sais que c'est le même, mais c'est compliqué.

J'ai dit cela. Peut-être que, maintenant, vous aimeriez me poser des questions supplémentaires?

Le Président (M. Richard): M. le chef de l'Union Nationale, je vais vous faire une demande, de même qu'à M. le ministre, car vous avez un droit de parole qui est privilégié, mais je pense qu'il serait souhaitable qu'on en arrive à faire au moins un tour de table, ce qui n'a pas été possible vendredi dernier. Je vais demander votre collabo-

ration là-dessus. Vous avez la parole, M. le chef de l'Union Nationale.

Discussion

M. Biron: Quelques questions additionnelles. Je serai bref. Je veux remercier M. Morin ou est-ce que je dois l'appeler le ministre des Affaires intergouvernementales?

M. Morin (Louis-Hébert): ...

M. Biron: Merci, M. le ministre. Je dois vous dire que votre projet d'analyse, notamment des doubles emplois administratifs au niveau du Québec et du Canada, cela me plaît énormément, parce que, à plusieurs reprises, je me suis plaint de cela moi aussi. C'est ce qu'il faut savoir absolument, combien on a de doubles emplois et ce qu'on peut faire pour corriger beaucoup de choses qui coûtent très cher à administrer.

Vous avez mentionné un peu plus tôt que vous aviez, dans le bilan du fédéralisme, 300 dossiers différents qui sont... pas 300, mais beaucoup de dossiers différents.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, justement.

M. Biron: On a eu les coupures de presse ce matin et il est question de 300 dossiers différents. C'est peut-être une question très courte que je vous pose. Je vais faire ma série de questions et vous pourrez peut-être répondre par la suite.

Les 300 dossiers qu'on mentionne ce matin, d'abord, est-ce que c'est exact? Si c'est cela, quand ces dossiers seront-ils connus du public? Je pense que c'est important. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que c'est le gouvernement du Québec, en tant que gouvernement du Québec, et non en tant que parti politique, qui fait faire ces études. Je suis d'accord avec vous.

Vous avez ajouté: Nous, en tant que ministres et membres d'un parti politique, prendrons des décisions politiques quand cela sera le temps. Mais, étant donné que ces études sont faites par le gouvernement du Québec, je crois qu'à la fois les partis d'Opposition, les media d'information et le public en général doivent être informés de ces études et de l'évolution de ces études et, aussitôt que les dossiers seront complétés, je crois que la population du Québec devrait en être informée.

Ma question est: Quand la population du Québec sera-t-elle informée de ces études? Ou quand la population du Québec pourra-t-elle prendre connaissance de ces études, sans attendre un an, deux ans ou trois ans? Est-ce que ces études que vous faites sont tout simplement, comme l'a rapporté encore ce matin le Droit, ou quelque chose comme cela, pour trouver les inconvénients du fédéralisme canadien pour le Québec, ou si les études sont faites d'une façon honnête? C'est sûr qu'il y a des inconvénients et qu'il y a beaucoup d'avantages. Est-ce que les études sont faites pour démontrer les avantages et les désavantages? C'est une partie de ma question.

Vous avez mentionné rapidement les comptes économiques tout à l'heure. Là-dessus, je suis d'accord avec vous. Je trouve que la première version des comptes économiques a amené une bataille de chiffres et il n'y a personne qui a gagné. Cela a été une grosse bataille de chiffres. J'espère que, de la façon dont vous menez ces comptes économiques, la reprise sera beaucoup plus cohérente, pour qu'on sache véritablement où on va et que cela ne soit pas tout simplement une bataille de chiffres entre deux gouvernements différents.

Trois ou quatre questions que je veux ajouter, M. le ministre. D'abord, est-ce que vous envisagez d'autres études à part celles que vous nous avez mentionnées, ou si cela complète le dossier d'études qui seront faites et qu'après cela la population pourrait être informée?

Une question bien personnelle pour vous qui serez appelé à négocier. Vous nous avez parlé tout à l'heure de renouveler le fédéralisme de quelque façon. Quel type d'interlocuteur le Québec aimerait-il avoir? Je dis cela parce que le ministre d'Etat au développement économique disait, le 25 janvier, qu'il ne voulait pas avoir M. Trudeau, parce qu'il n'est pas négociateur. C'est pour cela que les sondages témoignent de sa perte de popularité. Quel type d'interlocuteur le Québec veut-il avoir? Evaluez-vous toujours, comme votre collègue au développement économique encore, que Toronto, c'est le partenaire déterminant de toute négociation ou encore, comme bon nombre de militants chez vous à l'occasion de vos congrès, pensez-vous que tout dépendra de l'Ouest canadien? Alors qu'on sait que les premiers ministres de l'Ontario et des provinces de l'Ouest opposent une fin de non-recevoir à votre thèse d'association, qui s'associera avec le Québec? Les Maritimes? Comment va-t-on faire pour négocier l'association lorsque le partenaire ne veut pas?

Prévoyez-vous — je pense que c'est un point important dans la discussion de ce matin — des prénégociations ou, en tout cas, des négociations avant le référendum? Une fois que les dossiers seront connus du public, prévoyez-vous de négocier avant le référendum ou va-t-on commencer à négocier seulement lorsque vous aurez le mandat de la part des Québécois? Va-t-on avoir un mandat de grève ou pas? C'est une question et c'est important.

Je suis quand même d'accord avec vous qu'on doive négocier le fédéralisme, renouveler le fédéralisme. Je pense que vous avez parlé de quelque chose comme cela tout à l'heure. Va-t-on négocier pour un renouvellement du fédéralisme actuel ou attendra-t-on tout simplement après le référendum pour négocier l'association économique?

Une autre question. Avez-vous aujourd'hui des appuis de Canadiens anglophones ou de Canadiens des autres provinces à votre thèse d'association économique, soit des universitaires ou des esprits ouverts, en tout cas, qui peuvent dire que c'est viable l'association économique?

Je résume pour le moment ces quelques questions, afin de laisser, comme l'a demandé M. ie Président tout à l'heure, l'avantage à tout le monde et qu'on puisse faire un tour de table.

M. Morin (Louis-Hébert): De mon côté, je vais répondre le plus vite possible pour laisser au Parti libéral le temps de poser aussi des questions. J'essaie de répondre à toutes les questions que vous avez posées.

Pour ce qui concerne la connaissance du public, j'ai vu, moi aussi, ce matin, qu'on présenterait, d'après le Droit, 300 dossiers. J'espère qu'il n'y en a pas 300. Si c'est cela, c'est décourageant. Je n'en ai jamais vu 300. J'ai dit qu'il y avait 700 pages tantôt d'un résumé, mais je n'ai pas la moindre idée du nombre de dossiers. 300, je n'ai jamais entendu parler de cela. Je ne sais pas si cela répond à cette partie de la question.

Deuxièmement, par rapport à la connaissance du public, notre idée est effectivement de rendre publiques le plus de ces études possible, parce qu'on veut que la population soit informée. Qu'est-ce que cela nous donnerait, à nous autres, que les gens disent oui au référendum et que, le lendemain, ils disent: J'ai dit oui parce que je pensais que cela voulait dire ceci et je m'aperçois aujourd'hui que cela veut dire telle autre chose? On se jouerait un tour à soi-même si les gens n'étaient pas informés. La réponse à votre question: C'est évident qu'on va vouloir informer le public.

Le problème qu'on a, c'est que certaines de ces études sont vraiment techniques; non pas que le public ne peut pas les comprendre, il peut les comprendre, mais je ne veux pas non plus avoir I air de livrer des documents à dessein compliqués, de telle sorte que cela ennuie la population. On a un problème de communication de ce côté; on va essayer de le résoudre, que voulez-vous! Vous aviez une question sur les avantages et les désavantages du fédéralisme?

M. Biron: Dans l'étude de vos dossiers, faites-vous l'étude des avantages et des désavantages ou faites-vous simplement l'étude des désavantages pour publier des documents sur les désavantages seulement?

M. Morin (Louis-Hébert): La question, je dirais, est mal posée. Je m'explique. Non, cela ne m'inquiète pas du tout, la réponse. C'est simplement que je ne veux pas faire circuler des illusions. Je ne voudrais pas qu'on pense qu'on va publier des documents avec des tableaux, avec, d'un côté, les avatages et, de l'autre, les désavantages et qu'on va arriver avec un bilan: le fédéralisme, l'indépendance, la souveraineté-association ou la confédération d'Etats ou n'importe quoi. Cela vaut pour la question à laquelle je veux répondre sur les comptes économiques.

A mon avis, ce n'est pas une sorte de feuille sur laquelle vous mettez des points, vous additionnez et que, s'il y en a 31 d'un côté et 27 de l'autre, c'est celui qui a 31 qui gagne. C'est un choix global.

Nous allons faire en sorte que la population puisse: a) comprendre de quoi il s'agit; b) savoir ce qui est en jeu; c) se faire une opinion à elle.

Mais comme gouvernement, nous allons — on serait hypocrites de dire autre chose — faire valoir politiquement, c'est pour cela qu'il y a une distinc- tion entre les dossiers qu'on fait maintenant et la présentation, nous allons, comme vous autres, vous allez faire d'autre chose et c'est bien normal, expliquer pourquoi nous pensons que la souveraineté-association est la solution des problèmes qui ont pu être identifiés.

Pour ce qui est des comptes économiques, vous m'avez parlé de cela, j'ai cherché, hier soir, et je n'ai pas eu grand temps pour trouver tout ce qu'il me fallait, j'ai trouvé les auteurs importants ici, mais j'ai cherché une chose: je voulais me citer. Je vais vous dire pourquoi, c'est important, je n'ai pas changé d'avis là-dessus. En 1965, on a publié — j'étais sous-ministre, à l'époque, je l'ai dit tantôt — une sorte de bilan financier du fédéralisme canadien, c'est-à-dire l'argent qui venait d'Ottawa et l'argent qui retournait à Ottawa. Je me souviens — malheureusement, je n'ai pas la citation — d'avoir dit: C'est très gentil, c'est très intéressant, sauf que ce n'est pas à partir seulement de ce genre de documents qu'on peut porter un jugement global et final sur le fédéralisme canadien. Je le dis encore aujourd'hui. En d'autres termes, on ne change pas un système fédéral parce qu'à un moment donné on reçoit un peu moins d'argent, et on ne le garde pas parce qu'on en reçoit un peu plus. Ce n'est pas cela le problème. Le problème est bien plus général que cela.

C'est pour cela tantôt que je vous ai dit, pour qu'on ne tombe pas dans ce genre de biais qui va mêler tout le monde, et qui est à côté de la coche, à mon avis, qu'on faisait des études sur la démographie, sur l'histoire, sur la centralisation, sur l'administration, sur les finances — c'est celles-là — et sur l'économie, sur les impacts des politiques fédérales. Il faut avoir une vue générale. Les gens décideront après. Seulement, ce serait malhonnête de prendre — c'est toujours le danger que n'importe quel gouvernement court — une année, à un moment donné, où on est en déficit et de dire: Vous voyez bien que le système ne fonctionne pas, il faut le "scraper". Ou, au contraire, que les autres disent: Voyons donc, vous avez une année où vous êtes en surplus. C'est bon pour d'ici la fin de l'éternité.

On va sortir de ce genre de situation. Quant à moi, je trouve que c'est intéressant. C'est important de savoir quels sont les comptes économiques. Vous pouvez très bien ne donner qu'un aspect de la réalité. Les gens ne sauront pas à quoi s'en tenir. Je les comprendrai de se désintéresser du sujet. Si je prends, par exemple, un chômeur, aujourd'hui, qui a $100 par semaine, pendant six mois, cela lui fait $2600 qu'il reçoit du gouvernement, les allocations familiales chez lui, cela donne $500, il reçoit $3100 de l'Etat, et il n'a rien donné à l'Etat pendant ce temps. Le gars est chanceux dans le système. Je peux très bien présenter, si je veux, un chômeur comme étant un gars qui bénéficie terriblement du système économique, par rapport au gars qui gagne $100 000 à côté, qui en paie $40 000 en impôts et qui n'a rien du gouvernement sous forme d'assurance-chômage. C'est le genre de calcul que je charrie, avec mon exemple, mais c'est pour montrer que,

mutatis mutandis, il faut se méfier tout le temps. Je continue.

Il y a d'autres études, j'ai oublié de vous les mentionner. Je m'excuse, mais c'est parce qu'on était dans la situation économique. Si je voulais être assis à cheval sur les principes, je dirais que ce n'est pas le sujet de ce matin, mais je vais vous le dire quand même par magnanimité, si vous voulez. Effectivement, il y a d'autres études. Il y en a une que nous faisons sur la politique extérieure d'un Québec souverain. C'est M. Vaugeois, qui est derrière moi, qui anime un groupe de travail. Cela n'entre pas dans la série des études économiques, c'est évident. On regarde aussi le problème de la défense du continent. Vous avez posé une question tantôt sur l'OTAN et le NORAD, il y a un article du programme, d'ailleurs, qui a été modifié, au dernier congrès du parti, là-dessus. M. Lévesque a dit à Newsweek, et c'est la politique du gouvernement, que nous ferions partie de ces organismes. Il n'y a pas d'isolement recherché en ce qui concerne le Québec. Il y a des études là-dessus. Je ne sais pas s'il y en a d'autres que j'oublie. En tout cas, s'il y en a que j'oublie, je reviendrai tantôt.

Les types d'interlocuteurs: Vous avez dit que M. Landry avait mentionné qu'il n'aimait pas Trudeau, c'est cela l'idée? Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse? Ce sont des choses qu'on peut comprendre.

M. Guay: Oui.

M. Morin (Louis-Hébert): L'interlocuteur, c'est évidemment le gouvernement fédéral. Il ne faut pas tomber dans un faux interprovincialisme. En tout cas, je ne m'embarquerai pas dans le sujet ce matin, parce que c'est un autre topo, vous aurez l'occasion d'en reparler plus tard, mais l'autre gouvernement pour nous, c'est le gouvernement d'Ottawa.

Est-ce que Toronto est un partenaire déterminant, Toronto ou l'Ontario? Réponse, oui, clairement. C'est évident. C'est pour cela que je vous ai dit tantôt qu'il y avait une étude sur les complémentarités économiques entre le Québec et l'Ontario. Il y a des affirmations. Vous en avez une dans votre papier. 11% seulement pour l'Ontario, mais il faut savoir où. D'abord, il faut savoir si c'est 11%. Il faut savoir dans quel secteur industriel. Il faut connaître la complémentarité. Il n'y a pas tellement d'études là-dessus. On va fouiller cela. Qui s'associera avec le Québec?

Non, ça, c'est la même question. Prénégociations avant le référendum. Prénégociations, ce n'est pas le bon mot, je m'excuse, enfin, négociations avant le référendum, d'accord. Alors, disons que c'est la question. Dans le moment où on est en train de se parler, M. Lévesque et M. Trudeau sont ensemble. Avant le référendum, on fonctionne dans le système actuel. Donc, on se parle et il y a des réunions à tout bout de champ. Donc, il y a des négociations à l'intérieur du système actuel. Des négociations sur la souveraineté-association, là, on va quand même être clair, là. Cela m'étonne que vous me suggériez implicitement qu'on commence des négociations sur la souveraineté- association, parce que, si on le faisait, on se ferait dire: Minute! Vous n'avez pas le mandat. Alors, là, il faut quand même être logique. Nous allons exposer notre thèse. Nous allons la faire savoir au Canada anglais, d'abord aux Québécois, je pense que c'est assez normal. Mais, nous pensons qu'il faudra que la population se prononce sur l'orientation quant à son avenir politique et, à ce moment-là, on saura ce qu'elle pense. Si elle est d'accord avec nous, on va pouvoir procéder d'une façon. Si elle n'est pas d'accord, on le saura, mon Dieu! Seulement, il reste tout de même que nous, on aurait... Je pense que vous seriez les premiers, l'Opposition, à dire qu'on dépasse notre mandat si on s'en allait maintenant... Demain, si je partais avec du monde à Ottawa discuter à fond de... En somme, entreprendre des négociations devant conduire à la souveraineté-association. Cela ne veut pas dire qu'on n'en parle pas. Je n'ai pas besoin de vous dire que ça les fatigue, là-bas, à Ottawa, et c'est sûr que c'est présent, et je lisais hier qu'on me brûlait en effigie tous les matins, je ne sais pas trop où, à Ottawa, mais, en tout cas, je suis heureux d'apprendre ça...

Une Voix: C'est Marc Lalonde qui...

M. Morin (Louis-Hébert): C'est Marc Lalonde qui... Bon! Alors, on va en parler en temps opportun, mais nous, on pense que... Là, il y a une chose qu'on va arrêter au Québec. On n'ira pas négocier des affaires qui importent autant à la population du Québec sans qu'elle le sache et sans qu'elle sache de quoi il s'agit. Moi, j'ai été huit ans et demi sous-ministre. Je ne veux critiquer personne et je ne veux pas toujours revenir à ça, mais qu'est-ce que vous voulez? Le passé, ça prépare l'avenir. Alors, une chose dont je me suis aperçu, c'est que, quand elle était présente, les chances de succès étaient pas mal plus sérieuses: C'est quand la population était informée. Une des choses qui ont nui à M. Bourassa, c'était le secret qui entourait certains dossiers. Je comprends qu'il ne voulait pas en parler, parce qu'il avait peur de donner une chance au Parti québécois, mais il reste tout de même que c'est important que la population soit informée. Alors, on va l'informer. C'est pour ça que je vous disais tantôt que les études, on les rendra publiques quand elles seront présentables.

Maintenant, des appuis des Canadiens anglophones. J'ai cherché une lettre hier que j'ai reçue. Evidemment, là, c'est un cas. Je n'irai pas non plus déduire que tous les millions d'anglophones du Canada sont d'accord. J'ai appris une expression anglaise dans une lettre. C'est l'expression que vous allez voir, là. C'est un homme d'affaires qui m'a écrit à la suite d'un discours que j'avais fait à Toronto, et il m'a dit ceci: Bon! J'ai écouté votre affaire. Je ne suis pas trop sûr que j'ai compris, mais, en tout cas, "corne hell or high water", nous autres, on va continuer à commercer avec le Québec, on est pour ça, quel que soit votre statut politique, qu'on ait des relations étroites. "Come hell or high water". Cela m'a frappé, parce que j'ai appris ça... On apprend toujours à tous les

âges de la vie. Alors j'ai appris ces nouveaux mots en anglais. Je ne connaissais pas l'expression. Je suis allé voir dans le dictionnaire, ça n'y était pas. Je me suis fait expliquer. Cela voulait dire: Quoi qu'il advienne, nous autres, on est d'accord pour fonctionner avec le Québec. Je ne dis pas que tout le monde est de cet avis, bien sûr. Je pense bien qu'il n'y a pas un Canadien anglais dans le reste du Canada, a priori, qui a dû pavoiser quand on a été élus. Je les comprends. Il y avait toutes sortes de malentendus latents, qu'est-ce que vous voulez? On voit bien aujourd'hui que certains sont encore présents, mais il reste tout de même qu'on les a forcés à réfléchir. Ils sont en train de faire leur "homework" et de se donner des comités de toutes sortes pour chercher des troisièmes voies, d'accord.

Là, je vais vous dire une chose. Je vais arrêter de parler après pour laisser les autres poser des questions. Notre thèse, à nous autres, c'est, à mon avis — en tout cas, je peux me tromper, mais il me semble que c'est tellement clair — l'aboutissement logique d'une continuité historique au Québec, qui dure depuis 1867, bon!

Les Québécois, en 1867, ont accepté le fédéralisme canadien de peur, si vous voulez, mais ils l'ont accepté quand même, par la voix de leurs représentants et d'autres politiciens, parce que — cela, j'ai des textes ici, je ne suis pas pour commencer à vous citer ça — ils ont pensé que ça leur garantirait, quasiment pour le reste de l'éternité, si vous voulez, un gouvernement du Québec autonome, bon! Et les Canadiens anglais, eux, ont accepté le fédéralisme canadien parce que, à leurs yeux, cela garantissait la présence, au Canada, d'un gouvernement central fort. Je ne sais pas si vous vous rendez compte qu'on part sur un curieux pied, c'est-à-dire que les Canadiens français acceptent le fédéralisme parce qu'il garantit l'autonomie, et les Canadiens anglais acceptent le fédéralisme parce qu'il garantit un gouvernement central fort.

Pas besoin de vous étonner que, par la suite, vous ayez au cours des conférences fédérales-provinciales — j'ai une petite anecdote ici, je vais vous la conter dans une seconde — des malentendus sur le sens du fédéralisme. Je me souviens, c'était M. Jean-Jacques Bertrand qui était premier ministre. On était à Ottawa, je pense que c'était en 1969, et il était question du programme fédéral d'assurance-maladie. M. Bertrand dit: C'est un programme qui doit relever de la compétence provinciale, et nous ne pouvons pas accepter la façon dont le fédéral procède à cause du fédéralisme canadien, qui interdit ce genre d'action. Or, un autre premier ministre d'une province de l'Ouest a dit: Nous sommes d'accord avec le plan qui est en train d'être élaboré, parce que c'est ce à quoi conduit le fédéralisme. Je vous dis que là j'ai vu les deux thèses, M. Bertrand représentant la continuité des Canadiens français, et l'autre la continuité des Canadiens anglais. Ils ont raison à leur façon et nous avons raison à la nôtre. Cela dure depuis plus de 100 ans. Au cours des années, les hommes politiques du Québec... J'ai retrouvé une citation — c'est dans mon livre, mais elle n'est pas de moi, c'est pour cela que je l'ai apporté ce matin, c'est la seule que je vais lire dans ce livre-là et elle n'est pas de moi — ...

M. Mackasey: Tous les autres sont vendus?

M. Morin (Louis-Hébert): Non, écoute cela, Bryce, M. le député...

M. Mackasey: Come hell or high water, you will not get out of here at one o'clock, if you do not shut up and if we cannot ask our questions.

M. Morin (Louis-Hébert): Je veux vous citer cela: "II est bien permis de dire, d'après ce qui s'est passé depuis quelques années à Ottawa, que nous n'obtiendrons rien de ce côté. Tous les gouvernements qui s'y sont succédé depuis les premiers jours de la Confédération ne se sont guère occupés de notre province. Pourquoi? C'est bien simple. La majorité est anglaise dans la Puissance — c'était le Dominion — et elle est canadienne-française dans la province de Québec. Nous sommes la minorité et il nous faut subir le sort du plus fort. Nous avons fait une union désavantageuse. Nous devons la subir en silence, et tout ce que nous avons à faire, c'est de tâcher de l'améliorer nous-mêmes, car nos propres ressources, avec intelligence et patriotisme et sans compter sur les autres." Honoré Mercier, premier ministre du Québec, 9 juin 1891. C'est Honoré Mercier. J'ai d'autres citations, de Jean Lesage ici. Je ne commencerai pas à sortir tout cela. Daniel Johnson — M. Lévesque va venir tantôt — celle-là, franchement, je vais vous la sortir...

M. Bertrand: C'était le premier ministre de quel gouvernement?

M. Morin (Louis-Hébert): Non, elle est trop longue, elle a deux pages. Je vous donne... C'est aux pages 120 et 121. Il y en a une autre plus courte: "J'estime qu'on ne doit pas, a priori, rejeter la solution séparatiste — évidemment, séparatiste était l'expression à l'époque, on pourra revenir à cela tantôt — car il peut arriver que l'indépendance totale du Québec, pour des raisons qui ne dépendent pas surtout de lui, devienne la seule issue compatible avec la survie et le progrès de la nation canadienne-française. Si d'autres semblent disposés à sacrifier notre culture, au besoin, pour sauver la Confédération, mon attitude est tout à fait différente. Sans animosité, mais sans détours, je tiens à dire clairement que la Confédération n'est pas une fin en soi et que si, après avoir tout tenté pour la rendre également habitable à nos deux communautés culturelles, nous constatons un jour la vanité de nos efforts, elle ne nous paraîtra plus digne d'être sauvée. Il en est qui veulent sauver la Confédération, même au prix de l'autonomie du Québec, moi je suis prêt à sauver l'autonomie du Québec, même au prix de la Confédération." Daniel Johnson, 1965, je pense.

M. Bertrand: Continuité.

M. Morin (Louis-Hébert): Ce que je veux dire, c'est cela. On est dans la continuité, sauf que, phénomène historique nouveau, nous avons fait de cela la pierre angulaire d'un parti. C'est sûr que, maintenant qu'on est là, il faut, à partir de ce que nous avons comme option fondamentale, non pas découvrir la rivière, parce qu'on la connaît, mais savoir quelle sorte de bateau on décidera de prendre sur cette rivière. Il faudrait quand même faire une distinction fondamentale. Ce n'est pas la souveraineté-association qui n'est pas un concept clair, c'est l'application de cette association qui, elle, mérite d'être définie comme du monde parce qu'il y a des discussions sérieuses qui s'en viennent. C'est pour cela qu'on prend le temps et qu'on se donne la peine de faire les études. C'est pour cela qu'on ne se fend pas en quatorze pour donner toutes sortes de réponses rapides depuis qu'on est élu, à toutes sortes de questions qui souvent sont plutôt des enfarges que des aides à faire progresser le débat. Cela ne s'applique pas ce matin à ce que vous avez proposé, M. le chef de l'Union Nationale, car, je le répète encore, ce sont des questions intelligentes et utiles.

Le Président (M. Richard): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Non. André, oui.

Le Président (M. Richard): D'accord. M. le député d'Outremont, après quoi je reconnaîtrai M. le député de Verchères.

Remarques générales M. André Raynauld

M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je pense que, suivant les règles établies, je peux faire une déclaration préliminaire avant d'aller à des questions proprement dites. J'ai lu, il y a quelques années, un livre qui s'appelle "Le pouvoir... en négociation".

M. Morin (Louis-Hébert): Le pouvoir québécois.

M. Raynauld: "Le pouvoir québécois... en négociation".

Je l'ai relu il y a à peu près un an — vous me pardonnerez, je n'avais pas la copie à mon bureau, je n'ai pas pu en tirer des citations pour prouver exactement ce que je veux dire — mais je voudrais quand même vous donner la réaction que j'avais eue.

La première fois — c'était probablement en 1972/73 — j'avais trouvé le livre bien écrit, bien entendu, mais biaisé, trompeur. Quand j'ai entendu, hier, la boutade du premier ministre à propos de la tour de Pise, s'il y en a un qui est penché et qui est toujours du même bord, c'était bien ce livre-là. C'est un livre à thèse. Quand je l'ai lu pour la deuxième fois, il y a quelques mois, là le livre, en toute franchise, m'a effrayé à la pensée qu'un tel auteur disposait désormais de moyens, de ressources fi- nancières pour appuyer ses positions et pour faire avancer les idées qu'il présente dans ce livre-là.

Or, ces idées-là sont fondées sur la notion du "realpolitik" où le pouvoir politique est la seule donnée de toute l'activité, de toute la vie sociale, économique et politique. Dans cette doctrine, les rapports de forces sont les seules considérations utiles, la stratégie, la tactique sont au premier plan de toute action. Une telle dialectique, à mon avis — c'est pour cela que j'étais effrayé — ne peut conduire qu'à la confrontation ou, à défaut de vaincre, à l'humiliation collective. Le ministre des Affaires intergouvernementales a joué à l'apprenti sorcier. Il continue de jouer à l'apprenti sorcier et c'est cela qui me désole à l'heure actuelle. La présentation qu'il a faite ce matin, exprime bien ces vues fondamentales qu'il a.

Comme j'ai aussi, peut-être comme lui, une mauvaise manie, qui est celle probablement des professeurs qui veulent convaincre, à défaut d'autres ambitions qui ne sont pas toujours permises, je voudrais, en premier lieu, me placer un peu sur le même terrain du pouvoir, mais en élargissant un peu la notion pour y inclure aussi un peu de pouvoir économique, et évaluer les intérêts et la vulnérabilité des parties en présence ou des forces des parties en présence, puisque, chez lui, c'est le facteur déterminant du succès ou de l'échec. Or, en dehors du pouvoir politique, il existe des réalités économiques qui viennent souvent non seulement influencer le pouvoir politique, mais déterminer si ce pouvoir politique a des chances de s'exercer, s'il a des chances de réussir dans les entreprises que l'on veut mettre sur pied.

Or, le premier facteur factuel qui nous permet de mesurer un peu ces forces en présence, c'est sans contredit l'échange commercial, le commerce entre les provinces, le commerce d'une province comme le Québec, par exemple, vis-à-vis du reste du monde. Là-dessus, comme il s'est répété tellement d'erreurs et qu'on a fait tellement d'affirmations gratuites et fausses, je ne peux pas m'empêcher, même si j'ai déjà traité en partie de ce sujet ailleurs, d'y revenir, parce que c'est à la base de l'analyse que l'on peut faire par la suite. Aussi longtemps qu'on laissera cette analyse économique de côté, je pense qu'on risque fort d'en arriver à des conclusions politiques non seulement fausses, mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, très dangereuses sur le plan de la collectivité que nous voulons tous servir, la collectivité québécoise, bien sûr.

Or, même si aujourd'hui, cela commence à être connu, je pense qu'il vaut la peine de répéter que l'économie du Québec est fortement intégrée au reste du Canada. C'est la suite d'une centaine d'années de régime fédéral.

C'est la suite d'à peu près deux siècles de vie en commun sous d'autres régimes qui ont amené ce degré très élevé d'intégration. Ce degré très élevé d'intégration représente une contrainte fondamentale pour toute l'action future. On ne peut pas partir de zéro. Comme on le dit, on veut bien parler de continuité historique, dans la position politique des Québécois, il faudrait aussi tenir

compte de cette continuité historique sur le plan économique. On ne peut pas partir de zéro, on ne peut pas, non plus, décider demain matin qu'on va se situer en Amérique du Sud ou qu'on va se situer en Europe, nous sommes sur un continent bien défini.

Ces échanges avec le reste du Canada sont très élevés. Ici, j'ai quelques chiffres où on peut montrer, en ce qui concerne le Québec, qu'il exporte au reste du pays 32% de sa production manufacturière. Il exporte, vers le reste du monde, à l'extérieur du Canada, à peu près 14.7%, en 1974, des expéditions manufacturières, ce qui donne, comme importance du marché local québécois, à peu près 53%, donc un peu plus de la moitié.

Donc, les deux tiers des exportations de produits manufacturiers québécois sont destinés aux autres provinces du Canada, les deux tiers. Cela veut dire combien? A Québec, en 1974, ça voulait dire, aux autres provinces, $6,5 milliards et, comme je l'ai dit, ça représente 32% des expéditions. Comme ces expéditions de produits manufacturés ne sont pas neuves sur le plan de la structure, il arrive que les exportations vers les autres provinces du Canada sont des produits manufacturés à haute intensité de main-d'oeuvre, de sorte que la main-d'oeuvre manufacturière impliquée dans ces exportations représente 37% plutôt que 32% de la main-d'oeuvre dans le secteur manufacturier et 220 000 emplois directs qui sont en jeu.

Si on veut passer du côté de l'Ontario et essayer de voir ce qu'il en est du côté de l'Ontario et de ses intérêts éventuels à se joindre au Québec ou à rester uni au Québec, à l'intérêt que l'Ontario pourrait avoir de prendre le risque de perdre ses marchés extérieurs, il faut alors noter que l'Ontario exporte au Québec $4,6 milliards, exporte 12% de sa production manufacturière au Québec; nous exportons au reste du Canada 32%, comme je l'ai dit tout à l'heure.

Du côté de l'emploi, je compare la seule chose pertinente dans les circonstances. Puisque nous parlons de souveraineté-association, il n'est pas question, à ce que je sache, que l'Ontario se sépare des provinces de l'Ouest ou se sépare des provinces Maritimes. Il n'en est pas question à l'heure actuelle. Il est question que le Québec se sépare du reste du pays, par conséquent, c'est la seule comparaison pertinente dans les circonstances.

Le reste du marché canadien pour l'Ontario n'est pas en jeu. Par conséquent, il ne faut pas comparer les exportations de l'Ontario vers le Québec seulement, puisque ce qui est en jeu, c'est la perte possible des marchés canadiens pour le Québec. Ce que l'Ontario risque de perdre, c'est seulement le marché du Québec, elle ne risque pas de perdre les marchés des provinces de l'Ouest, que je sache. Le Québec, oui. C'est pour ça que je prends les exportations vers l'Ontario, à l'exclusion des exportations du Québec vers les autres provinces. Mais quand je fais cette comparaison, je prends l'Ontario par rapport au Québec seulement.

Donc, si l'Ontario perdait le marché du Québec — c'est le seul marché dont il peut être ques- tion — elle perdrait 12% de ses expéditions manufacturières; si nous perdons le marché du reste du Canada, nous perdons 32% des expéditions. Du côté de l'emploi manufacturier, en ce qui concerne l'Ontario, perdre le marché du Québec veut dire 13,3% de l'emploi manufacturier, 121 000 emplois. J'ai parlé tout à l'heure de 220 000 emplois pour le Québec. Donc, je tire la conclusion que dans cette négociation qui intéresse, j'espère, le ministre des Affaires intergouvernementales, le Québec est trois fois plus vulnérable que l'Ontario, advenant une rupture des négociations et advenant une rupture des échances commerciaux.

Je ne veux pas dire quand je dis cela que tous ces marchés seraient perdus. Je dis qu'il y a le risque de rupture des échanges et, dans cette mesure, le Québec est trois fois plus vulnérable que l'Ontario.

Je tire donc comme conclusion de cette très brève analyse que, lorsque le Québec va entreprendre des négociations pour savoir si une association économique pourrait être maintenue, le Québec commencera ses négociations avec un poids à peu près du tiers de celui de l'Ontario. Je pense que c'est une question évidente, mais je n'ai jamais entendu personne du Parti québécois vouloir reconnaître cette réalité économique. Non seulement les gens ne reconnaissent pas cette réalité économique, mais l'autre jour, à l'Assemblée nationale, j'ai tiré des citations du petit livre rouge du premier ministre où il y avait deux affirmations qui étaient absolument fausses et qui étaient contraires à cette très brève analyse que je viens de faire sur le plan de la vulnérabilité des partis en présence.

On nous répond à cela souvent que cette vulnérabilité dépend des secteurs. Même ce matin, le ministre a dit: Cela dépend de quels produits il s'agit, et de quoi cela retourne. Il ne faut pas prendre cela seulement sur un plan global.

Or, j'ai ici des chiffres que je vais citer, même si c'est un peu long. Je pense qu'il vaut la peine qu'ils soient enregistrés. J'appelle cela la vulnérabilité par industrie à une rupture éventuelle des échanges, basée sur les données de 1974, et je compare la perte éventuelle du Québec, donc du marché de l'Ontario, et je compare la perte de l'Ontario si le marché du Québec n'était plus accessible.

Les aliments et boissons: la perte du Québec serait de 19%; la perte de l'Ontario, 10%.

Le tabac: 64% de perte pour le Québec; 34% de perte pour l'Ontario.

Caoutchouc et produits plastiques: 40,7%...

M. Charbonneau: Où prenez-vous ces chiffres?

M. Raynauld: Vous vous informerez.

M. Charbonneau: N'importe qui peut citer n'importe quoi.

M. Raynauld: ... la perte de l'Ontario, 17,5%... Vous demanderez au ministre, il le sait. Ils sont très connus, ces chiffres.

Perte du Québec: 40,7% dans le caoutchouc et plastiques; 17,5% pour l'Ontario.

Le cuir: le Québec perdrait 47,5%; l'Ontario, 21%.

Les textiles: le Québec perdrait 38%; l'Ontario perdrait 25%.

La bonneterie: le Québec perdrait 39%; l'Ontario perdrait 26%.

L'habillement: le Québec perdrait 41%; l'Ontario perdrait 14%.

Le bois: le Québec perdrait 19%; l'Ontario perdrait 6%.

Le meuble: le Québec perdrait 40%; l'Ontario perdrait 9%.

Le papier: le Québec perdrait 22%; l'Ontario perdrait 12%.

Les métaux non ferreux: le Québec perdrait 32%; la perte de l'Ontario, 11%.

Les produits métalliques: 29% pour le Québec; 9% pour l'Ontario.

La machinerie: 30% pour le Québec; 10% pour l'Ontario.

Le transport et l'équipement de transport: le Québec perdrait 20%; l'Ontario perdrait 6%.

Produits électriques: le Québec perdrait 69% de son marché; l'Ontario perdrait 16% de son marché.

Minéraux non métalliques: 15% que le Québec perdrait; l'Ontario perdrait 9%.

Pétrole et charbon: le Québec perdrait 17%; l'Ontario perdrait 1,4%.

Produits chimiques: le Québec perdrait 43,8%; l'Ontario perdrait 17,8%.

Les industries diverses: le Québec perdrait 55,8%; l'Ontario perdrait 15,6%.

M. Vaugeois: J'aimerais vous poser une question sur vos chiffres. Est-ce que vous comprenez toujours le marché canadien moins le Québec, et peut-être moins l'Ontario, j'imagine, puisque vous parlez d'exportation de l'Ontario, par rapport au marché québécois? C'est cela vos chiffres?

M. Raynauld: La perte du Québec, advenant une rupture...

M. Vaugeois: Vous comparez deux marchés très différents.

M. Raynauld: Je compare deux marchés bien différents.

M. Vaugeois: Cela suffit, je ne veux pas en savoir plus.

M. Raynauld: Vous devriez en savoir plus. J'ai essayé de vous expliquer tout à l'heure que l'Ontario ne risque pas de perdre le marché du Manitoba.

M. Vaugeois: On est d'accord là-dessus.

M. Raynauld: Vous êtes d'accord là-dessus. Donc, la seule question pertinente...

M. Roy: J'aurais une question à poser au député d'Outremont.

Le Président (M. Bertrand): M. le député d'Outremont, acceptez-vous de répondre à une question du député de Beauce-Sud?

M. Raynauld: C'est parce que je n'ai pas beaucoup de temps.

Le Président (M. Bertrand): Vous êtes libre d'accepter ou de refuser.

M. Raynauld: C'est parce que je n'ai pas beaucoup de temps.

M. Roy: D'ailleurs, je n'ai pas l'intention d'intervenir très longuement ce matin. Je vais vous laisser plus de temps en vous laissant mon temps.

J'aimerais bien savoir comment il se fait que, si nous avons tant d'avantages économiques à l'heure actuelle, nous ayons le record du chômage. J'aimerais qu'on me l'explique.

M. Vaugeois: Ce sont des chiffres qui donnent l'état de dépendance du Québec.

M. Raynauld: La question n'est pas là; on essaie de mesurer la force relative du Québec advenant une négociation avec le reste du Canada et dans quelle situation économique le Québec se trouve au point de départ.

Comme il dépend beaucoup des marchés du reste du Canada et trois fois plus que l'Ontario, je dis que le Québec serait plus vulnérable, advenant une rupture de ses échanges. Ce n'est pas la mer à boire, mais je dis que c'est la seule comparaison pertinente.

Si vous me le permettez, j'aimerais pouvoir continuer.

M. Guay: Je ne veux pas vous empêcher de continuer, je veux simplement... Vous comparez, à l'heure actuelle, si j'ai bien compris, les exportations du Québec vers les neuf autres provinces du Canada, d'une part.

M. Raynauld: C'est cela.

M. Guay: Vous ne comparez pas, d'autre part, les exportations des neuf autres provinces vers le Québec, mais d'une seule — la plus importante, j'en conviens — de ces provinces vers le Québec.

M. Raynauld: Je n'analyse pas cela du tout. Je n'ai pas donné les importations du Québec en provenance des autres provinces du Canada.

M. Guay: Uniquement de l'Ontario.

M. Raynauld: Non, j'ai pris seulement les exportations vers le reste du pays.

M. Guay: Pour ce qui est du Québec.

M. Raynauld: Pour ce qui est du Québec. Je compare avec les exportations de l'Ontario vers le Québec seulement, parce que c'est la seule possibilité que l'Ontario perde un marché.

M. Guay: Dans le reste du Canada, les huit autres provinces exportent aussi vers le Québec, puisque vous comparez les exportations du Québec.

M. Raynauld: Je ne regarde pas les importations du Québec, je regarde seulement les exportations. Par conséquent, cette question n'est pas importante.

M. Guay: Des choux et des carottes.

M. Raynauld: Tout ce que je veux mesurer et tout ce que j'essaie de donner, c'est le degré de vulnérabilité du Québec face aux autres provinces du Canada sur le plan économique, sur le plan des échanges des produits manufacturés.

Le second élément, c'est le degré de protection dont jouissent ces industries. Ici, je rappellerai simplement que les industries du Québec, quand on les pondère par la production, sont plus protégées que les industries de l'Ontario par un pourcentage de deux points. C'est-à-dire que, si je prends l'ensemble des industries du Québec et que je les pondère correctement, la protection tarifaire dont elles jouissent est d'à peu près 11%, en moyenne. Celles de l'Ontario, pondérées de la même façon sont protégées à peu près à 9%. C'est donc un écart de 2%.

Ce qui est plus important, c'est que, lorsque nous envisageons les industries qui exportent vers l'Ontario et vers le reste du Canada, on s'aperçoit que ce sont surtout les industries les plus protégées. De sorte que, si on perdait ce marché des autres provinces du Canada, on perdrait probablement encore plus que ce que j'ai donné ici parce que ce sont des industries qui ne sont pas compétitives sur le plan international, en général. Ce sont des industries qui risqueraient encore plus de disparaître du Québec.

En ce qui concerne maintenant la question des positions respectives et de la convergence ou de la divergence des intérêts des diverses provinces, bien sûr, il faut examiner les options économiques qui sont envisagées et que le ministre a mentionnées ce matin. Ce que je regrette quand on examine des options comme l'Union économique, le Marché commun, l'Union douanière ou une zone de libres échanges, c'est que souvent on envisage ces diverses options en faisant abstraction des coûts de transition d'un régime à un autre. S'il fallait le changer, les coûts de transition seraient très élevés.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, mais je veux parler de cela.

M. Raynauld: Me permettez-vous de répondre?

M. Charbonneau: Vous pouvez bien déblatérer pendant une demi-heure, mais si vous ne laissez pas le ministre parler... Je ne connais pas la signification de ce genre de chose.

M. Mackasey: On peut parler de 14 heures à 17 ou à 18 heures, si on le veut.

M. Raynauld: Si une déclaration comme celle-là ne suscite pas de débat, je n'ai rien compris.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, s'il vous plaît! Il reste trois minutes au député d'Outremont.

M. Forget: Cela va compléter vos informations.

M. Raynauld: Je voulais donc dire que ce que je regrette, c'est qu'on ne tient pas compte des coûts de changement d'un régime à un autre, des coûts de transition d'un régime à un autre. J'ai entendu souvent le ministre des Affaires intergouvernementales, depuis plusieurs années, parler de ces options, parler, par exemple, parmi ces options, de supprimer un gouvernement fédéral comme celui que nous avons à l'heure actuelle sans parler des conséquences qu'il pourrait y avoir, pour l'administration publique, pour les coûts de l'administration publique, sur le plan de la péréquation des revenus, sans parler des conséquences qu'il pourrait y avoir quand on pense au genre d'arbitrage qu'il sera nécessaire de faire quand on changera de régime, lorsque le gouvernement fédéral ne sera plus celui qui va décider, mais que ce sera la province de Québec qui va décider.

Il nous a dit tout à l'heure, avec une bien grande condescendance, que les avantages fiscaux et tout cela, ce n'était pas important, mais je voudrais lui dire que ce n'est pas encore la bonne question qu'il pose. La vraie question, c'est de savoir non pas si on perd, à l'heure actuelle, en étant dans la confédération — il pourrait arriver qu'on perde — c'est de savoir si on gagnerait si on changeait de régime. C'est cela, la vraie question. Le ministre, dans toutes les études qu'il nous a présentées ce matin, ne nous a pas parlé de ce bilan de la souveraineté en tant que telle. Qu'est-ce qu'elle coûterait, cette souveraineté politique? On n'en parle pas. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que le gouvernement a déjà décidé, de toute façon, qu'il y aurait un régime de souveraineté-association et, là, il examine les modalités d'une association éventuelle.

Le bilan doit nous dire s'il est avantageux de sortir du régime fédéral pour avoir un régime de souveraineté-association, quel que soit le régime d'association. On pourra prendre des exemples pour faire la comparaison. A ce moment, on ne le sait pas. Même si on perdait $3 milliards par année à l'heure actuelle, si on est pour perdre $10 milliards dans un régime de souveraineté-association, on n'est pas plus avancé. Par conséquent, c'est cela, la vraie question. Ce n'est pas, bien entendu, seulement les avantages financiers qu'on peut voir et qu'on peut mesurer à l'heure actuelle.

Enfin, je dirai une seule chose. Dans ce débat, je trouve qu'il y a beaucoup d'affirmations gratui-

tes. J'ai essayé tout à l'heure d'interrompre le ministre, parce que je trouve que c'est une maladie vraiment de faire des affirmations...

M. Morin (Louis-Hébert): C'est permis d'interrompre le monde ici?

M. Raynauld: J'ai encore une minute, M. le ministre.

Le Président (M. Bertrand): Une minute, M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: ... absolument gratuites sans qu'on donne des réponses aux questions qui sont posées. Le ministre est un homme sérieux. Il veut faire des études. Là, il nous parle comme s'il donnait des réponses quand il nous dit: Voyez, j'ai une étude sur le sujet. Ce n'est pas une réponse. Ce matin, ce que je retiens, c'est qu'on n'a pas eu une seule réponse, parce que les vraies questions qu'on essaie de soulever sont toutes actuellement l'objet d'études. Par conséquent, on n'est pas capable vraiment d'engager ce dialogue, parce que toutes les réponses qu'on a c'est: Vous l'apprendrez lorsque l'étude sera terminée. Je pense que c'est là la difficulté du débat.

Enfin, pour terminer, je vais poser une question au ministre: Quelle est la séquence qu'il a à l'esprit? Est-ce la souveraineté politique qui vient en premier lieu ou si c'est l'association? C'est un débat fondamental. Je pense qu'il y a même eu des changements d'orientation politique seulement sur ce point, de la part d'un certain nombre d'hommes politiques. Je pense avoir entendu le ministre dire, un jour, que cela pourrait peut-être se faire en même temps, simultanément. C'est une belle réponse. A ce moment, c'est ni l'un, ni l'autre. Je pense que la réponse à cette question est fondamentale, parce que, si on ne fait pas la souveraineté, à ce moment, cela veut dire que vous réclamez simplement un néo-fédéralisme, ce que, d'ailleurs, beaucoup de gens dans votre parti vous reprochent, M. le ministre. On vous dit simplement: C'est un néo-fédéralisme, il n'y a pas d'indépendance politique là-dedans du tout. C'est vraiment de la fausse représentation. Ou bien, vous dites: On va faire la souveraineté politique d'abord, on va faire la rupture et ensuite, on va recommencer à faire une association économique avec le reste du Canada. A ce moment, on encourt tous les coûts dont j'ai essayé de décrire un peu la portée tout à l'heure.

Le Président (M. Bertrand): Avant que le ministre des Affaires intergouvernementales réponde, je voudrais simplement rappeler au député le mandat de la commission ce matin, qui est formulé de la façon suivante: Avis est donné que le député de Lotbinière aurait une question avec débat sur le sujet suivant: "La thèse d'une association entre le Québec et le Canada et les études en cours sur ce sujet au sein du gouvernement."

M. Morin (Louis-Hébert): A cause de cela, il est un petit peu normal que je donne la liste des études. Je suis parfaitement conscient — je pense que je l'ai dit tantôt — qu'il y a des questions auxquelles je ne pouvais pas répondre maintenant, pour la bonne raison que ce sont des questions que nous nous posons et que nous étudions. Je pense que c'est clair. C'est un peu le désavantage d'arriver ce matin avec ce débat. On aurait pu, s'il avait eu lieu dans six mois, avoir plus de réponses, mais je pense que c'est excellent de l'avoir eu maintenant, malgré mes hésitations au point de départ, parce que cela nous donne justement une occasion de réfléchir ensemble.

Je vais dire rapidement des choses, parce que je veux pas prendre trop de temps et je veux que les autres parlent aussi. Il y a deux choses dont je veux parler: l'exposé économique qui a été fait et la question du pouvoir politique quand on a parlé de ma thèse dans mon premier livre. En ce qui concerne la comparaison économique qui vient d'être faite tantôt, elle part d'un postulat qu'il y a rupture entre l'économie du Québec et de l'Ontario, si vous voulez, l'économie du Québec et du reste du Canada. Or, le Parti québécois propose la thèse de la souveraineté-association et non pas la thèse de la souveraineté, association.

Je veux dire par là qu'il s'agit d'un processus simultané, et non pas d'un processus consécutif, je l'ai dit plusieurs fois et je le dis encore ce matin. La rupture que craint beaucoup notre illustre collègue ici, qui se spécialise dans les craintes et autres aventures du même genre, n'a pas quand même cette présence dont il parle. C'est justement pour éviter cette situation que la souveraineté et l'association peuvent se réaliser en même temps, d'une part. D'autre part, retenons une chose, on est quand même clair là-dessus: Le Québec sera un Etat souverain, qu'est-ce que c'est, la souveraineté-association? Cela existe lorsqu'un Etat, disposant de la plénitude des pouvoirs politiques, s'associe librement avec d'autres Etats pour la poursuite d'objectifs communs, notamment dans le domaine économique, bon!

M. Forget: Est-ce que le ministre me permet une question?

M. Morin (Louis-Hébert): Le ministre vous permet une question, mais il a encore d'autres réponses à donner.

M. Forget: Vous avez défini la souveraineté par l'association, ce qui est une façon de tourner... C'est le chat qui court après sa queue.

M. Morin (Louis-Hébert): Non.

M. Forget: Essentiellement, ce que mon collègue d'Outremont posait comme question, c'est de savoir où sont vos priorités là-dedans. La souveraineté, ça peut dépendre du Québec seul, à la limite, mais l'association, c'est assez difficile de vouloir s'associer tout seul. Si ça ne va pas, l'association, s'il y a des difficultés, est-ce que vous la faites quand même, la souveraineté? Mais si vous la définissez par l'association, ce que je peux comprendre, c'est que vous ne la ferez pas.

M. Morin (Louis-Hébert): Je ne voudrais pas entrer ici dans des discussions sémantiques. Moi, ce que je vous dis, c'est que ce qui est envisagé, c'est la souveraineté politique et l'association économique au même moment, en même temps, à la suite d'une discussion globale consécutive à un référendum au cours duquel la population se sera prononcée. C'est une négociation d'ensemble, qui doit éviter des ruptures inutiles.

L'autre chose qu'il ne faut jamais oublier, c'est que nous partons d'une situation où existent quand même des relations économiques. Il s'agit de définir ces relations économiques autrement, et non pas de les faire disparaître et de les recommencer ensuite. Je pense que ça, il faut que ce soit clair. Ce que vous aimeriez mieux, vous autres, c'est...

M. Forget: ... s'ils n'en veulent pas, de cette association, vous ne pourrez pas faire, la souveraineté-association.

M. Morin (Louis-Hébert): Mais comment les autres pourraient-ils ne pas vouloir une association...

M. Forget: Bien...

M. Morin (Louis-Hébert): ... économique dont ils veulent...

M. Forget: Ne parlons pas en leur nom, si vous voulez, ni d'un côté, ni de l'autre.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. Alors, ne parlons pas en leur nom.

M. Forget: Ce que vous affirmez, c'est que s'ils n'en veulent pas, effectivement, vous êtes dans un cul-de-sac.

M. Morin (Louis-Hébert): S'ils n'en veulent pas, ça veut dire que ce sont eux-mêmes qui décident de se dissocier du Québec sur le plan économique et de se créer à eux des problèmes qu'ils n'ont pas besoin d'avoir autrement, puisque ce n'est pas ce que nous proposons. Je ne vois pas pourquoi ils feraient exprès, parce qu'ils n'aiment pas notre approche, de dire: On va leur jouer un tour. Ils s'en jouent un à eux-mêmes, à ce moment-là. Cela, d'ailleurs...

M. Raynauld: ... est-ce que vous admettez que quand ils poseraient le problème comme ça, qu'ils perdraient quelque chose, ils savent, eux, que le Québec perdrait trois fois plus qu'eux-mêmes?

M. Charbonneau: Ils ne sont pas intéressés à perdre ce qu'ils ont.

M. Morin (Louis-Hébert): Ecoutez!

M. Raynauld: Ils ne voudront rien perdre.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, ils ne voudront rien perdre, justement. Je vais vous dire une chose que je ne devrais pas dire. J'ai déjà discuté avec des gens du gouvernement fédéral et du gouvernement de l'Ontario. Il y a deux choses, eux, qui font que ce sont des considérations majeures chez eux. Premièrement, la seule façon d'en arriver à résoudre le problème constitutionnel au Canada, c'est de procéder par la voix de l'opinion publique. Ils m'ont même donné l'idée, à un moment donné, de proposer un référendum. Deuxièmement, l'Ontario et le Canada fédéral, c'est-à-dire dans le gouvernement fédéral, la chose à laquelle ils tiennent, c'est justement de conserver l'association économique. Alors, ne venez pas me dire qu'ils vont être les premiers à nous proposer de la couper, alors que ce n'est justement pas ça qu'on leur propose de faire.

M. Raynauld: ... ils ont déclaré pour l'instant? M. Guay: Bien sûr! C'est bien évident!

M. Morin (Louis-Hébert): Pardon? Qu'est-ce que...

M. Guay: C'est à croire que le premier ministre de l'Ontario va aller dire tout de suite qu'il est en faveur de I association!

M. Morin (Louis-Hébert): Bien, voyons donc! Il est plus fin que ça.

M. Guay: II est meilleur politicien que vous.

M. Raynauld: Etes-vous plus fins, vous autres, quand vous dites que quelles que soient les circonstances, ils vont être intéressés, quelles que soient les politiques que le Parti québécois va faire, ils vont encore être intéressés à ce que le Québec reste dans le Canada, qu'indépendamment de la politique tarifaire que vous allez faire contre l'Ontario, ils vont être encore intéressés? Vous croyez la lettre que vous avez citée tout à l'heure, qu'un homme d'affaires va dire: Quelles que soient les circonstances, on va toujours faire affaires avec le Québec? Vous croyez ça? Et vous dites que vous ne croirez pas la déclaration d'un ministre qui vous dit: On n'est pas intéressé par l'association?

M. Charbonneau: Savez-vous ce que c'est, l'association encore, et comment ils pourraient être intéressés? Voyons donc!

M. Morin (Louis-Hébert): Arrête-le donc! Un instant!

M. Raynauld: Mais quand même! Quand même!

M. Morin (Louis-Hébert): Voici là!

Le Président (M. Bertrand): C'est contre le règlement, ça, monsieur...

M. Morin (Louis-Hébert): II vient de s'arrêter?

Le Président (M. Bertrand): Le président peut le faire.

M. Morin (Louis-Hébert): ... si je te le dis de le faire...

Le Président (M. Bertrand): Ah bon!

M. Morin (Louis-Hébert): Ce que je veux dire ici, c'est qu'il y a quand même une chose fondamentale. Trouvez-moi un exemple, au monde, où, systématiquement, des fournisseurs refusent des marchés et des vendeurs refusent des acheteurs et des acheteurs refusent des vendeurs. Partons de là. Maintenant, je ne veux pas, moi, me spécialiser, comme on le fait, dans des obstacles a quelque chose qui me paraît quand même une idée fondamentale.

Je pense que ce que nous voulons faire justement, et ce que nous devons faire, c'est de leur en parler une fois qu'on saura ce que la population du Québec en pense. Cela se peut bien qu'on se trompe! Je n'ai pas la prétention d'avoir la vérité éternelle qui m'a été donnée à la naissance. Je pense qu'on a raison, d'un autre côté.

M. Raynauld: Ce serait tragique, M. le Président, de dire une chose comme cela. On a lancé le peuple québécois sur une voie...

M. Charbonneau: M. le Président, il y a d'autres députés qui veulent intervenir.

M. Morin (Louis-Hébert): On n'a pas lancé le peuple dans quoi que ce soit.

M. Charbonneau: ... vingt minutes!

M. Morin (Louis-Hébert): J'ai dit tantôt — j'ai fait exprès de le mentionner — que la thèse de souveraineté-association est à peu près ce qu'il y a de plus logique dans la continuité historique québécoise. Cela fait longtemps qu'on est lancé là-dedans. On est lancé là-dedans depuis qu'on existe comme Québécois francophones. Que voulez-vous que j'y fasse?

M. Forget: Je ne veux pas insister trop longtemps, mais il reste que c'est important pour la crédibilité de la proposition que vous présentez.

M. Charbonneau: Question de règlement.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, je pense que...

M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ai pas fini de répondre.

Le Président (M. Bertrand): Un instant, c'est une question de règlement, M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord.

M. Charbonneau: Je pense que la présidence — quelle que soit la personne qui l'occupe — a indiqué tantôt qu'elle favoriserait la participation du plus grand nombre de députés possible. Je pense qu'on avait déjà indiqué que le député de Verchères serait le prochain intervenant après le député d'Outremont. Cela ne me fait rien de permettre à d'autres députés de poser des questions, mais on va toujours jouer, le vendredi, sur quelques personnes qui vont prendre la "plate-forme", et même des gens qui vont prendre la parole alors que ce n'est même pas leur tour de la prendre.

M. Forget: Si vous parlez du député d'Outremont, il a été interrompu quatre fois.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, s'il vous plaîtl

M. Charbonneau: Pendant ses 20 minutes... Il a donné la permission!

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Verchères, vous allongez le temps inutilement.

M. Roy: Sur un point de règlement, quinze secondes.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: J'aimerais bien qu'on m'accorde au moins deux minutes.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est pour cela que je voulais me dépêcher de répondre pour que vous ayez, M. Roy, la possibilité de...

Le Président (M. Bertrand): Très bien. Je vous dis, de toute façon, les gens qui sont inscrits sur la liste en ce moment: II y a le député de Verchères, le député de Notre-Dame-de-Grâce, le député de Bellechasse, le député de Richmond, le député de Beauce-Sud.

M. Roy: A quelle heure que cela finit?

Le Président (M. Bertrand): L'entente est, pour l'instant, que nous terminons nos travaux à une heure.

M. Morin (Louis-Hébert): Je prends deux minutes et je vous dis cela. Deuxième affaire que je veux relever. D'abord, il n'y a jamais un peuple au monde qui a voulu devenir souverain pour s'isoler. D'accord? Je pense que, a priori, si c'était cela, je ne serais pas dans ce parti. Personne ici. Cela n'existerait pas, c'est trop niaiseux.

M. Vaugeois: ... vous avez compris cela...

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais être obligé de me citer, à cause de ce que vient de dire M. Raynauld. Tantôt il a commenté mon premier livre, et il a dit que cela l'avait effrayé de lire cela.

II aurait été mieux de ne pas le lire. Cela me fait de la peine de l'inquiéter! Mais il a dit que j'avais une attitude où tout ce qui comptait, c'était le pouvoir politique. Or, s'il avait lu l'autre livre —je l'ai ici — je vais vous en lire un passage: "Nous avons jusqu'ici raisonné — parce qu'il fallait présenter quelque chose avant — un peu comme si le fait, pour les Québécois, de posséder un véritable gouvernement les rendrait automatiquement puissants et susceptibles d'impressionner leurs partenaires dans les négociations à venir. Doit-on conclure que la force politique est à elle seule prépondérante, qu'elle est supérieure à toutes les influences éventuellement présentes au moment d'une négociation? Nullement. Il existe bien des peuples qui possèdent un gouvernement autonome et qui ne sont pas, pour autant, des peuples forts. Certains de ces pays souverains sont totalement incapables ou presque de défendre leurs intérêts comme ils le souhaiteraient. Dans quelques cas, surtout celui des pays les plus petits, on a même assisté, au cours de la dernière génération, à la naissance de colonies politiquement souveraines. L'autonomie politique complète ne garantit donc pas pour autant qu'un peuple souverain puisse promouvoir ses intérêts sans se préoccuper des autres ou encore leur imposer ses vues. En d'autres termes, il n'y a pas de relations de cause à effet entre l'indépendance politique et la puissance lorsqu'il s'agit de nations moyennes ou petites. C'est là un fait établi que peu de gens sérieux contestent. — Je suis parmi ceux-là, voyez-vous? — Toutefois si l'autonomie politique ne crée pas nécessairement la puissance, il est par ailleurs certain qu'une dépendance incontrôlée entretient l'impuissance. Ainsi, pour utiliser une comparaison, l'instruction ne permet pas à tous les individus instruits de réussir dans la vie, mais, de nos jours, l'ignorance est de plus en plus une cause d'insuccès." Je voulais quand même rétablir les faits. Je ne suis pas, comme cela, un partisan ni de l'Etat ni de la puissance politique en tant que telle. C'est un des éléments. Si vous êtes instruit, vous ne réussissez pas nécessairement, mais, si vous êtes ignorant, vous avez pas mal plus de chances de ne pas réussir. C'est cela. Si vous êtes politiquement souverain, vous n'êtes pas sûr de réussir, mais, si vous êtes dépendant, vous êtes sûr de ne pas réussir.

Une Voix: Bravo.

Le Président (M. Richard): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, ce serait...

M. Bertrand: Si vous n'êtes pas indépendant, c'est parce que vous êtes resté là-bas, encore.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: II y a des colonisés qui sont riches.

M. le Président, je voudrais répondre à une argumentation du député de Lotbinière qui est revenue dans le débat, notamment avec le député d'Outremont. On a parlé de l'attitude du refus de négociation, d'association, des autres provinces, des partenaires canadiens et on a parlé d'un rapport de forces et d'une question qui ne doit pas être uniquement politique mais qui doit aussi être économique, etc.

Je pense qu'on doit avoir continuellement à l'esprit qu'il s'agit finalement, tout compte fait, d'un combat politique dans une démocratie. La différence d'avec un combat où il y aurait de la violence, c'est qu'on a un affrontement pacifique d'adversaires qui ont des façons différentes de concevoir la société. Dans cet affrontement pacifique, démocratique, politique, il y a des règles du jeu. Il y a également des attitudes qui sont l'essence même de ce qu'est un combat.

Il serait étonnant, compte tenu des gens qui ne partagent pas notre option ou la façon dont on conçoit le Québec et l'avenir du Québec et du Canada, qu'on nous dise dès maintenant qu'on est d'accord avec notre option, advenant qu'on réussisse à la faire triompher. Je pense qu'on ne pourra jamais, à part quelques-uns qui ont peut-être une grandeur d'âme ou la possibilité de s'élever au-delà des débats et des combats politiques comme, peut-être, le premier ministre Hatfield... La majorité des adversaires politiques, qu'ils soient du Québec ou de l'extérieur du Québec, ne nous donneront pas cette chance — on ne doit pas l'attendre non plus — ne nous diront pas avant qu'on ait un mandat fort: Oui, on est prêt à s'associer. Je pense que cela ne sert à rien de revenir continuellement avec cet exemple pour essayer de prouver que finalement il n'y aura pas possibilité d'association. De toute façon, dans leur optique, dans leur stratégie d'action et de combat politique, ils ne peuvent pas se permettre de dire cela.

Ils ne peuvent pas non plus se permettre de dire cela pour une autre raison qui tient finalement au fait qu'ils ne connaissent pas, pas plus que nous d'ailleurs, les détails d'une proposition à venir. Toute personne qui, dans une attitude de combat, a déjà refusé d'envisager une position adverse, n'ira pas dire qu'elle l'accepte au départ, surtout si en plus elle ne connaît pas les détails de cette proposition.

Le débat aujourd'hui — je pense que dans ce sens-là il était pertinent — a permis d'établir encore plus clairement qu'effectivement le processus que le gouvernement actuel a amorcé est un processus de réflexion et de précision sur les propositions d'association. Finalement, souveraineté-association, encore que le premier ministre, en France, a commencé à utiliser le mot confédération, veut dire association d'Etats souverains. Vous trouverez la définition de confédération dans n'importe quel dictionnaire.

Il s'agit maintenant de savoir quel type d'association on veut avoir. Je pense qu'on doit continuellement avoir à l'esprit qu'il y a une réalité qui, avant d'être économique, avant d'être politique, avant d'être sociale, est humaine et géographique. Il y a environ 20 millions d'habitants qui vivent sur

un bout de continent entre deux océans, qui, de toute façon, sont poignés pour rester voisins. Il s'agit de savoir maintenant comment des gens qui, de toute façon, sont pris pour rester voisins entre deux mers vont organiser autrement le voisinage pour faire en sorte qu'une des deux nations, un des deux peuples, en utilisant le terme peuple ou nation d'une façon synonyme, ne soit pas toujours perdant dans ce "partnership", dans ce voisinage. En ce sens, notre réflexion est de savoir maintenant comment on va organiser ce voisinage.

Je ne prendrai pas beaucoup plus de temps pour indiquer également qu'à partir de cela, à partir du moment où on accepte, contrairement a ce que le député d'Outremont disait, que, dans ce combat, tout est une question de rapport de forces... On ne va pas négocier avec quelqu'un quand on n'a rien à négocier et quand on n'a pas de rapport de forces à établir. Ce que le député d'Outremont a essayé d'établir, c'est qu'on était en position de faiblesse dans un rapport de forces. Je pense que le rapport de forces ne se situe pas uniquement au niveau d'une attitude, d'une démarche comptable ou économique qui voudrait nous faire croire qu'on perdrait environ 40% de marché alors que notre plus gros partenaire, qui se situe en Ontario, ne perdrait pas grand-chose.

Il s'agit également de savoir que finalement le rapport de forces se situe à bien d'autres niveaux et que tout est aussi une question de volonté dans un rapport de forces et dans un combat. — Oui, démographique. — Ce dont on s'est rendu compte depuis 1867, c'est que, quand on est entré dans cette affaire, on était quatre partenaires. Il existait quatre provinces, dans ce système fédéral.

On ne nous a pas demandé la permission, à nous, pour grossir cette fédération et pour, finalement, faire en sorte qu'on minorise les Québécois, qu'on passe de 33% à 25% ou peut-être moins et qu'on passe de quatre partenaires à dix partenaires. Ce qu'on dit et ce que les Québécois ont toujours compris, c'est que c'était finalement une association de deux nations. C'est peut-être ça qu'ils veulent redécouvrir et retrouver. Dans cette optique, je pense que les récentes déclarations de l'Union Nationale nous permettent d'espérer un débat passablement intéressant et sain dans cette recherche d'organisation du voisinage au Canada.

Quand on parlait de rapport de forces et de volonté, il faut se rappeler une chose qui est fondamentale; lorsqu'on va se donner un mandat, à un moment donné, de négocier, il va être important que le gouvernement des Québécois, le seul gouvernement où les députés de notre nationalité sont majoritaires — parce que, dans un système fédéral, une des caractéristiques, c'est que les députés de l'une des deux nations au Canada seront toujours minoritaires lorsqu'il y aura un gouvernement central, c'est fondamental — le Parlement où les députés de notre nationalité sont majoritaires ou contrôlent vraiment quelque chose, ait un "bargaining power". Un mandat de négocier, notamment dans le contexte actuel où le résultat d'un référendum est un résultat consultatif, va permettre finalement à des gens, qui ont le pouvoir politique d'entreprendre ces négociations, d'avoir de quoi négocier, d'avoir des assises qui vont faire en sorte qu'effectivement, avec des voisins, on va pouvoir négocier autre chose que ce qu'on a eu depuis 100 ans ou 110 ans, que ce qu'on a eu avant même que l'Acte fédératif soit signé. C'est ça qui est important.

Dans ce sens, j'espère que le député de Lotbinière... Je lui pose la question parce que je reviens à ça: Est-ce qu'il croit vraiment, sincèrement, honnêtement que les gens peuvent actuellement, dans un contexte de rapport de forces, de combat politique pacifique, nous donner autre chose comme réponse que ce qu'ils nous donnent actuellement? Moi, je lui pose sincèrement la question: Est-ce qu'il croit sincèrement que des gens de l'Ontario, de la Colombie-Britannique, des autres provinces et même des Québécois qui ne sont pas d'accord avec cette position, vont vous dire autre chose que ce qu'ils vous disent actuellement, tant que vous n'aurez pas le mandat de négocier, tant que vous n'aurez pas établi un rapport de forces qui soit encore plus en faveur des Québécois?

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Verchères. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je sais que vous aviez été reconnu pour parler immédiatement après, mais, pour respecter la tradition parlementaire et pour permettre de faire un tour de table parce que je n'avais pas noté en temps utile que M. le député de Beauce-Sud voulait intervenir, je demanderais votre collaboration pour donner la parole à M. le député de Beauce-Sud.

M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Je sais, M. le député de Beauce-Sud, que vous êtes bref généralement.

M. Fabien Roy

M. Roy: Je vais tenter du moins de l'être, M. le Président, et je vous remercie. C'est plutôt en tant qu'observateur que participant, même si je suis membre de la commission, que j'ai assisté aux travaux de cette commission ce matin.

Je voudrais, pour débuter, féliciter le chef de l'Union Nationale de l'initiative qu'il a prise de présenter cette motion à l'Assemblée nationale, pour l'excellence de son document et la pertinence des questions qu'il a posées. Je pense que tout le monde se les pose, ces questions, les parlementaires se les posent aussi et j'avais hâte d'entendre le ministre des Affaires intergouvernementales nous donner les réponses.

Cependant, je pense qu'on admettra que ce sera assez difficile de commenter les réponses. Je remarque dans le document que les questions ont une tendance à vouloir faire ressortir plutôt les difficultés, les appréhensions. J'aurais aimé, en ce

qui me concerne — je ne veux pas que ce soit interprété comme un reproche, parce que je pourrais préparer un document moi-même — qu'on essaie de faire la part des choses de façon à pouvoir avoir un débat assez objectif.

Je n'ignore pas le sérieux de la situation; il ne faut pas s'engager à la légère dans des projets de réforme constitutionnelle et de changement de statut politique. Je pense qu'à vouloir trop bien faire on risque de ne rien faire. J'ai entendu le ministre ce matin nous parler des études, encore des études, toujours des études. J'avais entendu parler de 300 dossiers à la suite d'une question qui a été posée, pas à l'Assemblée nationale, mais en dehors de l'Assemblée nationale, dans une réponse qui aurait été donnée par le premier ministre à un journaliste. Je pense que ça fait lourd.

M. Morin: Ce sont 300 ententes qui existent entre Québec et Ottawa.

M. Roy: 300 ententes; il doit y avoir un dossier pour chaque entente.

M. Morin (Louis-Hébert): A ce compte-là, oui. D'accord.

M. Roy: On a parlé aussi des tendances juris-prudentielles de la Cour suprême. On serait peut-être tenté de parler du comportement des bons pères de la Confédération, que j'appelle les juges de la Cour suprême. J'ai bien l'impression, en ce qui me concerne, que lorsque les études seront terminées, il y aura bien des problèmes qui seront déjà déplacés. La date des prochaines élections risque d'être arrivée. Je le dis en toute objectivité. Je pense qu'il y a peut-être une...

M. Morin (Louis-Hébert): Excusez...

M. Roy: Le ministre pourra me répondre tout à l'heure. Le Parti québécois aurait peut-être besoin de deux mandats pour compléter toutes ses études, ses considérations.

Je suis un peu surpris, parce que depuis dix ans que le Parti québécois est fondé, depuis dix ans qu'on prêche la souveraineté-association, le Mouvement souveraineté-association existait au moins deux ans auparavant, si ma mémoire est bonne, ce qui fait, en quelque sorte, une douzaine d'années. Le Parti québécois a été fondé en 1968, mais le Mouvement souveraineté-association a été fondé au début de 1967.

Quand on regarde tout ce que j'ai entendu autour de la table ici, ce matin, et le comportement des différents partis politiques, je me demande comment le gouvernement, quel qu'il soit, et je le dis de façon très sérieuse, a pu envisager une discussion. Comme le disait le député de Verchères, dans toute négociation, c'est un rapport de force. Si, au Québec, on tire la couverture chacun de son côté, je pense que s'il n'y a pas d'unité québécoise, du moins, un certain consensus québécois, il est impensable de pouvoir aller discuter à l'autre niveau de gouvernement. C'est absolument impensable.

Et je pense que l'approche du dossier constitutionnel, à l'heure actuelle, est mal orientée. Je ne suis pas un spécialiste de la question, je ne veux pas poser en spécialiste. Mais elle est mal orientée. Je pense que si on s'assoyait autour d'une table pour commencer à discuter à partir des besoins du Québec, ce serait beaucoup plus facile d'en venir à un consensus qu'à partir des études très compliquées, très sophistiquées dans certains cas. La population du Québec ne nous suivra pas, et la population ne suivra pas le gouvernement non plus.

On a parlé d'informer la population du Québec. Faisons des sondages à la grandeur du Québec et, à partir de ces dossiers constitutionnels, de toutes ces implications qu'il peut y avoir au niveau des différents ministères, je pense qu'on ne s'en sortira jamais.

C'est la raison pour laquelle j'avais proposé très positivement et très objectivement une commission parlementaire spéciale pour qu'on s'assoie autour d'une table et qu'on commence à discuter et qu'on commence à s'interroger sur les besoins prioritaires du Québec. Je pense qu'à partir de ce moment-là — et je connais des gens actuellement qui sont de farouches adversaires concernant la stratégie qui est employée, concernant le contenant, c'est assez curieux que lorsqu'on commence à faire la discussion concernant le contenu, on puisse trouver des gens qui soient passablement d'accord.

Je pense quand même, M. le Président, qu'il ne faudrait pas planer trop haut, qu'il ne faudrait pas se maintenir à des altitudes — des altitudes, je ne parle pas d'attitudes — trop élevées. Dans le débat actuel, je pense qu'on est tous perdus. J'ai assisté hier soir, à titre d'observateur, à des réunions de certains groupes de la population, certains mouvements qui se font dans le cadre du Conseil de l'unité canadienne, au Château Frontenac. Je vois que, de l'autre côté de la barrière, si je peux m'exprimer ainsi, c'est à peu près la même chose. On n'y arrivera pas si on continue dans cette orientation.

C'est la raison pour laquelle je dis qu'il va falloir que le gouvernement change d'attitude, qu'on commence à discuter des priorités et qu'on commence à s'asseoir autour de la table pour examiner au-delà des formations politiques, au-delà de toute partisanerie politique, si c'est possible — je sais que cela va demander des efforts considérables pour certains — mais, en autant que faire se peut, au-delà des barrières politiques partisanes, je ne dirai peut-être pas au-delà des partis, mais au-delà de la partisanerie comme telle, de la stricte partisanerie politique, qu'on regarde quelles sont les priorités, quels sont les pouvoirs dont le Québec a besoin pour être capable d'assumer ses responsabilités envers la population, et quels sont les besoins que la population réclame et quelles sont les attitudes, les décisions qu'elle réclame de ses gouvernements, de ses élus.

M. le Président, je terminerai mes observations là-dessus. J'avais dit trois minutes. Je regrette, j'ai utilisé six minutes. Mais c'est un sujet qui est passionnant, qui passionne beaucoup de

personnes. On m'excusera d'être un peu passionné moi aussi.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Beauce-Sud. M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Seulement un petit mot. Je suis passablement content de l'intervention qui vient d'être faite. Cela me permet de préciser une chose que j'ai négligé de dire tantôt et je le regrette.

Je suis d'accord avec lui pour ce qui concerne le fait qu'on risque de s'isoler de la population. C'est peut-être la plus grande préoccupation que j'ai dans tout ce qu'on est en train de faire. Je suis d'accord avec lui à 100%.

Deuxièmement, j'ai négligé de dire tantôt que les études, qui ont l'air très abondantes et qui le sont effectivement, vont quand même être terminées, au plus tard, au mois d'avril, de mai ou de juin prochain. En d'autres termes, il est impensable, autrement cela n'a pas d'allure, que cela continue pendant des années. C'est justement pour les accélérer qu'on n'a pas confié des travaux en profondeur à des gens qui vont nous remettre cela Dieu sait quand.

Je viens de regarder l'échéancier que j'ai ici, c'est au mois de mai que ce sera terminé. Après cela, on prendra les décisions politiques, ce qui veut dire qu'au cours de l'année on va savoir à quoi s'en tenir. Il n'y a pas de problème de ce côté-là. On va clarifier cela pour que les gens le sachent.

M. Roy: J'aimerais ajouter un point. Je le ferai sous forme de question. Pourquoi le gouvernement semble-t-il vouloir avoir comme interlocuteur le gouvernement fédéral plutôt que les gouvernements des provinces? Les partenaires sont les provinces. Il m'arrive parfois d'avoir des lectures de chevet pieuses. Je lisais récemment l'évangile selon saint Ottawa. C'est dans le livre Le combat québécois. Si je me réfère à la pensée de l'auteur, j'ai bien l'impression qu'il connaît déjà les réponses de son interlocuteur fédéral. C'est pour cela que je vous pose la question.

M. Morin (Louis-Hébert): J'ai une impression de ce que cela pourrait être. C'est pour cela que le référendum, à cet égard, va être un instrument absolument essentiel. Je dois dire aussi — je veux quand même être honnête avec les gens — que j'ai passablement mes idées sur un certain nombre de choses qu'on est en train d'étudier, mais je n'ai pas le droit, à partir de ces idées, quand on a la possibilité de les fouiller davantage, de conclure tout de suite. J'ai quand même une certaine orientation et des choses dont je suis à peu près sûr, mais vous pouvez attendre quelques mois pour qu'on nous donne tous les papiers qu'il faut.

Il est certain qu'on va parler aux gens; il est certain qu'on ne voudra pas se couper de la population; il est certain que ces études, ne vous inquiétez pas à cet égard, vont finir dans les mois qui viennent; autrement cela n'a pas d'allure. Je suis d'accord avec vous là-dessus.

Le Président (M. Richard): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Bryce Mackasey

M. Mackasey: M. le Président, je serai très bref. Je sais que le ministre a un autre engagement, moi aussi. Je pensais qu'on commençait à 10 heures pour terminer à 13 heures, M. le ministre, vous avez parlé longtemps du Marché commun, en Europe, avec raison. Mais ce marché est composé de pays, d'Etats indépendants.

Plus tard dans votre exposé, en réponse à M. Raynauld, vous nous laissez croire que vous voulez le mandat du peuple de créer un Etat souverain, indépendant, la séparation, si vous voulez, pour entrer dans les négociations pour une association avec le reste du Canada. Est-ce que je me trompe? Voulez-vous demander au reste du Canada d'accepter une association qui dépendrait, naturellement, d'un Québec indépendant? Voulez-vous l'indépendance avant les négociations ou après les négociations?

M. Morin (Louis-Hébert): Je réponds à cela, cela revient un peu à ce que j'ai dit tantôt. Nous n'avons pas le mandat maintenant de faire la souveraineté-association, puisque nous avons dit qu'il y aurait un référendum à cet égard. Cela veut dire qu'en toute logique, formellement, les négociations sur cette question doivent suivre un référendum où les gens se sont prononcés, d'une part.

Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas parler avant, mais ce ne sera pas formel. C'est évident. Je ne pense pas qu'on ait le droit de conclure, de part et d'autre, sans mettre les gens dans le coup, première réponse.

Deuxième réponse, le processus d'association et d'accession à la souveraineté dans mon esprit et dans notre esprit, est simultané. Il n'y a pas besoin d'avoir cette rupture que certains craignent. Il y a moyen d'aménager sur le plan économique une relation nouvelle. C'est pour cela que toutes les craintes qu'un tas de gens ont quant à une rupture sont, à mon avis, mal fondées et font partie de cette création un peu artificielle de fantômes pour faire peur au monde.

Troisièmement, nous pensons que la solution que nous proposons est non seulement dans la continuité historique du Québec, mais que, quand elle sera mieux comprise par le reste du Canada — là-dessus, j'admets qu'on a une côte à remonter — elle ne paraîtra pas aussi effrayante que d'aucuns la voient maintenant, d'autant plus que ceux que cela va surtout déranger — là-dessus, je serai clair — ce sont les politiciens et les fonctionnaires fédéraux, d'abord et avant tout. C'est pour cela que ce sont eux et ceux qui se rapprochent d'eux qui sont actuellement les plus ardents défenseurs du statu quo.

M. Mackasey: M. le ministre, cela veut dire que c'est le reste du Canada qui décidera si le Québec sera indépendant ou non?

M. Morin (Louis-Hébert): Non.

M. Mackasey: Si le reste du Canada ne veut pas l'association avec le Québec. Mettons que vous avez un mandat de négocier, comme le député de Verchères l'a souligné, le type d'association — c'est cela, la question — avec le reste du Canada...

M. Charbonneau: Excusez, M. le Président, seulement pour préciser.

M. Mackasey: Exusez, je parlais au ministre.

M. Charbonneau: Ce n'est pas cela que j'ai dit.

M. Mackasey: Je m'excuse, ce n'est pas cela que vous avez dit.

M. Charbonneau: Je précise quel genre...

M. Mackasey: C'est fini. D'accord? M. le ministre, si après que vous aurez posé la question par le référendum, après que vous aurez un mandat de la population du Québec de négocier un type d'association avec le reste du Canada, le reste du Canada dit: Non, malheureusement, ce n'est pas acceptable pour la population, à ce moment qu'est-ce qui arriverait au Québec? Est-ce qu'on resterait dans le Canada, selon vous, ou non?

M. Morin (Louis-Hébert): Le raisonnement que vous faites est fondé sur une idée qui n'existe pas, je m'excuse. C'est comme s'il n'y avait pas actuellement de relations économiques entre le Québec et le Canada. Il y en a déjà. On veut les reformuler. On veut les organiser autrement. On veut des structures nouvelles entre le Québec et le Canada, mais on part d'une situation où existe déjà une relation économique et non pas d'une situation où il faut la créer. C'est capital.

M. Mackasey: II faut qu'on administre tous les mois comme partenaires dans la confédération, on le sait bien. La question que je vous pose: Si vous n'avez pas réussi à avoir l'association que vous prétendez nécessaire pour l'avenir du Québec, à ce moment, est-ce que le gouvernement prendrait une décision de se séparer, d'opter pour l'indépendance ou d'être un pays souverain? Est-ce que cela dépend de la volonté, si vous voulez, de la coopération du reste du Canada? Est-ce que vous voulez dire que le reste du Canada va décider de l'avenir du Québec, si le Québec deviendra indépendant ou non?

M. Morin (Louis-Hébert): Non, le reste du Canada ne décidera pas de l'avenir du Québec, premièrement. Deuxièmement, votre question est malheureusement hypothétique, c'est-à-dire que je pourrais très bien aussi — je ne voudrais pas que vous preniez en mauvaise part ce que je vais dire — imaginer qu'il y a un tremblement de terre et dire: Qu'est-ce qu'on fait s'il y en a un? En d'autres termes, je pense que nous avons une proposition globale à faire. Nous allons la proposer aux citoyens. On va voir ce qu'ils vont dire. Après cela, on en discute. On va voir ce qui arrive, à ce mo- ment. Le fait est qu'il faut d'abord et avant tout, comme priorité, que les Québécois se fassent une idée et qu'eux-mêmes se prononcent sur leur avenir.

Je peux vous dire une chose: Quand on saura, dans le reste du Canada, que les Québécois se sont majoritairement prononcés vers telle ou telle orientation, cela va être politiquement déterminant pour le reste, de la même façon, mutatis mutandis, que l'élection même du Parti québécois est le phénomène politique le plus important au Canada et au Québec depuis la dernière génération et même depuis toujours.

Notre seule élection, sans même que la question de souveraineté-association ait été encore posée, a déterminé, dans le reste du Canada, une prise de conscience qui n'a jamais eu lieu jusqu'à maintenant et a changé le Canada. Quoi qu'il arrive maintenant, dans un sens ou dans l'autre, jamais plus le Canada, jamais plus le Québec ne seront les mêmes et jamais plus la relation entre les deux ne sera la même. Cela, je pense que c'est déjà un acquis. Maintenant, il faut aller plus loin.

Moi, je pense qu'il y a une dynamique politique qui fait qu'on a quand même, malgré tout, progressé. On n'aurait fait rien que ça que ce serait déjà énorme, mais on continue. C'est pour ça qu'il faut raisonner selon une dynamique politique et c'est pour ça que je ne peux pas dire: S'ils ne veulent pas, qu'est-ce qu'on va faire, etc.? Cela ne se présentera pas comme ça. Moi, il y a une chose dont je suis sûr dans la vie, c'est que les choses ne sont jamais aussi bonnes qu'on l'espère, ni jamais aussi mauvaises qu'on le craint; c'est un vieux proverbe chinois. Deuxièmement, ça n'arrive jamais comme on pense, de toute façon, exactement. Alors, c'est pour ça que je...

M. Mackasey: Mr Minister, I must be rude. I am not interested in your philosophy or in Chinese proverbs. The question I want to ask, because I am pragmatic, if I may, why don't you just ask the people: So if they feel there should be a new association with Quebec or that you are missing some powers at the province in establishing your economic relations with the other provinces and with the central government. The question is you should not link association with sovereignty or independence, which is the same word. The word does not frighten me. If Quebec wants to be a sovereign country or an independent country or a separate country, and it feels that it must, in order to protect its language and its culture, it is not the end of the world for me. The point I am making at is that you must not pretend to the people of the province of Quebec that you can negociate automatically with the rest of Canada a particular type of association, because they are afraid that Quebec might opt out of Confederation. Politicians maybe, but the people are not, they would consider that blackmail. And a point that you have to make very clear to some of your own members is that when you are asking for souveraineté-association, selon les autres Canadiens, ce ne sont pas tous des Québécois, c'est un autre genre d'indépendance ou de

séparation et la population ne l'acceptera pas du tout...

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, mais regardez là...

M. Mackasey: ... à travers le Canada.

M. Morin (Louis-Hébert): Je sais très bien, et je m'excuse. Moi aussi, je vais être un peu rude. Cela ferait bien mieux l'affaire du Parti libéral si on arrivait avec une position extrémiste et séparatiste dans le sens où on utilisait ce terme il y a quelques années. Alors, comme on est quand même axé sur la réalité, comme on sait qu'il n'y a pas un peuple au monde qui veut vivre isolé, pas plus l'URSS que les Etats-Unis, on s'adapte à ça. On tient compte de la réalité. Il ne faut quand même pas nous blâmer aujourd'hui de vouloir être économiquement associé avec le Canada. Si on avait une position de séparatisme total, à ce moment-là, on nous blâmerait de ne pas vouloir nous associer avec le Canada. Qu'est-ce que vous voulez? Je sais que ce serait plus simple pour vous autres. Je regrette de ne pas vous faciliter la tâche, mais, qu'est-ce que vous voulez, c'est ainsi que notre option politique est constituée et ça fait dix ans. On ne peut pas l'improviser aujourd'hui pour la rendre dramatique de telle sorte que ce soit plus simple pour vous autres.

Le Président (M. Richard): M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Merci, M. le Président. Ce sera très court. Ne vous en faites pas, je ne m'embarquerai pas dans une guerre de chiffres, seulement sur certains principes.

Le ministre a dit, M. le Président, peut-être sauf les virgules, que toute précipitation empêcherait qu'on arrive à quelque chose de valable et on ne peut rien offrir de boîteux. Cela, j'en conviens.

Mais, M. le Président, on a commandé des études à partir du mois d'avril. Cela fait dix ans qu'on propose une chose, et je suis un peu surpris de voir que ces études n'étaient pas rendues plus loin et qu'on n'avait pas d'études ou à peu près pas. D'accord, nous avions peut-être un livre du ministre actuel, mais on n'avait pas d'études. Cela fait dix ans qu'on propose quelque chose. On proposait quoi? On se basait sur quoi?

M. le Président, le ministre est certainement conscient que la série de questions posées par l'Union Nationale — il l'a avoué auparavant — devra trouver réponse afin que, lors d'un référendum éventuel, les Québécois puissent se prononcer ou être renseignés objectivement. Or, je lui demande si ces études seront disponibles au mois de mai, ou à peu près au mois de mai, et est-ce que les partis d'Opposition pourront avoir droit à ces études, étant donné que cela a été commandé par le gouvernement, donc par les deniers publics?

C'est une première question: Est-ce que les partis d'Opposition et la population en général au- ront une période de temps assez prolongée entre la présentation de ces études et le fait que la population puisse se prononcer sur une question éventuelle?

Toujours dans l'optique de bien vouloir renseigner la population, cesser de faire peur à tout le monde, est-ce qu'on veut faire preuve d'inconscience, comme certains partis politiques le font? Je me pose la question. Mais je pense qu'on veut faire peur au monde pour rien. Ce que j'aimerais, en tant que député, c'est avoir accès aux résultats de ces études, et qu'il y ait une bonne période de temps entre un référendum et... Il y a peut-être des choses qui sont valables dans ces études, et on ne les connaît pas aujourd'hui. Si le Parti québécois a proposé quelque chose pendant dix ans et qu'il a daigné commander des études depuis le mois d'avril, j'imagine que c'est parce qu'à lui aussi il manquait certains éléments de réponses. C'est une petite question.

Deuxièmement, le ministre a dit quelque chose tantôt — il me corrigera si je fais erreur — comme souveraineté-association. Ce qu'on propose, on peut appliquer cela quasiment, à un fort pourcentage, à un fédéralisme renouvelé. Quelque chose comme cela.

M. Morin (Louis-Hébert): Non.

M. Goulet: Ah bon! Vous n'avez pas dit cela. J'aimerais relire le journal des Débats. Ce qui était proposé ou ce qu'on pourrait proposer pour une souveraineté-association, cela pourrait s'appliquer à certains éléments de fédéralisme renouvelé. On parle d'indépendance, on parle de souveraineté-association, souveraineté avec une virgule et souveraineté avec un trait d'union, association au bout, fédéralisme renouvelé. Pour moi, il y a une très grande différence entre une souveraineté-indépendance, une souveraineté-association et un fédéralisme renouvelé. Est-ce que, en ayant un fédéralisme renouvelé, nous avons une certaine indépendance, une certaine souveraineté-association? Je me dis que tout le monde se bat pour la même chose. Le député de Verchères a parlé d'un mandat de négocier l'association de deux nations. L'association de deux nations, nous l'avons actuellement. Ce qui reste, c'est au moins d'avoir l'égalité. C'est ce que l'Union Nationale demande. On n'a pas besoin d'un mandat pour négocier...

M. Bertrand: Les deux nations...

M. Goulet: Ce n'est pas l'association de deux nations. Il faut s'entendre.

M. Bertrand: C'est l'association de dix provinces.

M. Goulet: Lorsque nous parlons d'égalité, je pense que le Parti québécois n'a pas besoin de mandat plus clair pour négocier au moins l'égalité. C'est ce que l'Union Nationale propose.

M. Charbonneau: Est-ce que vous me permettez une question?

M. Goulet: Juste une dernière question au ministre, et ensuite je n'y reviendrai pas, j'avais promis d'être très bref. Une question plus précise au ministre. Quelles seraient les implications, du moins à court terme, de la perte, il va de soi, du système de péréquation, également du retrait des subsides qu'Ottawa accorde au Québec pour la stabilisation des prix du pétrole importé? C'est une question assez importante. Peut-être que le système fédéraliste actuel a certains désavantages pour le Québec, mais il y a des questions précises où le système fédéraliste a pour lui de gros avantages. J'aimerais avoir une réponse du ministre sur cette question précise.

M. Charbonneau: Est-ce que le député de Bellechasse va me permettre une question avant qu'il termine? Quand il parle d'égalité, est-ce qu'il convient que, dans un régime fédéral qui se caractérise par un Parlement central qui a des pouvoirs, quels que soient les pouvoirs, qu'il en ait plus ou moins, est-ce qu'il convient avec nous que, dans le contexte canadien d'un fédéralisme quel qu'il soit, il est impossible d'avoir l'égalité parce que les députés de notre nationalité ne pourront jamais être égaux au Parlement central? Convient-il de cela?

M. Goulet: Je réponds que dans l'association de deux nations, il y en a une qui est minoritaire et de beaucoup, vous convenez cela également?

M. Charbonneau: Vous pouvez être plus gros que moi et moi plus petit et on peut être associés et partenaires avec les mêmes avantages et inconvénients.

M. Goulet: Oui, mais souvent le petit... Le Président (M. Richard): A l'ordre!

M. Morin (Louis-Hébert): Je pense que je vais finir par cela. Si M. Biron veut ajouter autre chose après. Très rapidement, première question, les études vont être disponibles pour le grand public...

M. Goulet: Je m'excuse d'interrompre le ministre, mais je voudrais que ce soit enregistré au journal des Débats. Je trouve inconcevable, pour ne pas employer de mots plus disgracieux, que nos amis qui étaient ici à ma gauche tantôt, de deux autres partis politiques, une fois qu'ils ont eu posé les questions, n'ont pas daigné recevoir... Si véritablement ces gens-là veulent se renseigner, je me demande comment il se fait qu'ils soient partis immédiatement après avoir fait valoir leur opinion, qu'ils n'aient pas daigné écouter celle des autres, le Parti libéral et le PNP.

Le Président (M. Richard): M. le député de Bellechasse, je vous rappelle qu'il n'y a même pas de quorum à cette commission. M. le ministre...

M. Goulet: ... discuter objectivement, je me pose de sérieuses questions, M. le Président.

Le Président (M. Richard): A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît! Je vous rappelle, M. le ministre, que j'aimerais mieux, pour respecter la tradition, donner la parole immédiatement au chef de l'Union Nationale, quitte à ce que vous puissiez tirer les conclusions après. M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: Merci, M. le Président. Simplement dans quelques minutes, je voudrais d'abord remercier le ministre des débuts de réponses qu'il a pu nous donner, surtout de son ouverture d'esprit vis-à-vis de plusieurs des 50 questions, environ, que je lui ai posées ce matin. J'ai réalisé aussi, aux réponses du ministre, qu'il était beaucoup plus facile de poser des questions que d'apporter des réponses à ces questions. Surtout sur la thèse souveraineté-association, le volet de l'association, il semble que ce n'est pas encore articulé comme on voudrait l'avoir. Il faudrait peut-être que certains membres du cabinet soient plus prudents. Pour donner un exemple, le ministre de l'Agriculture devrait être très prudent lorsqu'il dit que l'indépendance ou la souveraineté-association va apporter des remèdes à tous les problèmes politiques du Québec.

Si le ministre nous a dit qu'il n'avait pas de réponse aussi facile que cela, il faudrait peut-être aviser les ministres d'au moins être prudents dans leurs déclarations là-dessus et ne pas faire croire au monde qu'on va tout régler en ayant l'indépendance ou la souveraineté-association. Aussi, j'ai réalisé, M. le ministre, qu'on avait tous, les partis politiques de bonne foi, en tout cas, et les Québécois de bonne foi, quelque chose en commun, c'est qu'on veut se battre véritablement pour que les Québécois puissent être respectés et voir leurs droits respectés. Pour moi, ce n'est pas seulement une question de chiffres. On a voulu, pendant quelques instants, tout à l'heure, je pense bien, nous apporter cela surtout sous forme de chiffres, mais être Canadiens ou être Québécois, c'est beaucoup plus qu'une question de chiffres, pour moi.

Si j'ai dit oui au Canada, j'ai dit oui au Québec, c'est une question beaucoup plus fondamentale. C'est plus une question d'état d'âme qu'une simple question de plus ou moins d'actif ou de passif.

Comme vous, moi aussi je dis non au statu quo, et ça presse; ça presse de chercher une solution honnête au problème des Québécois et des Canadiens, et pas seulement des Québécois. Heureusement, il y a le même problème dans toutes les provinces canadiennes à l'heure actuelle. Cela presse de chercher une solution.

La thèse de la souveraineté-association de par les réponses que vous m'avez données aujourd'hui, en conclusion, ça veut dire que c'est très loin d'être défini clairement. Il ne faudrait pas que ce soit une excuse pour ne rien faire du côté économique. Beaucoup de Québécois attendent quelque chose, attendent qu'on s'occupe de leurs problèmes. Il ne faudrait pas que, pour le gouvernement, cette thèse soit une excuse à ne rien faire

en disant: Le jour où on sera indépendant, on va tout régler.

Etant donné que ce n'est véritablement pas défini à l'heure actuelle, on dit non au statu quo, mais on dit oui à l'égalité des deux peuples fondateurs. Vous avez cité Johnson tantôt qui disait: Après avoir tout tenté. A l'heure actuelle, je prétends qu'on n'a pas tout tenté et je suis tenté de tout tenter.

M. Bertrand: C'est parce que vous arrivez.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le chef de l'Union Nationale.

M. Morin (Louis-Hébert): On n'en sortira plus.

Le Président (M. Richard): M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Très rapidement, je réponds aux questions qui m'ont été posées tantôt et je conclus vite. Pour ce qui est des études, elles vont être disponibles. Elles seront disponibles... Je ne peux pas les promettre pour le moment. Elles vont être terminées pour une raison bien simple: il va falloir prendre des décisions politiques à partir de ça, surtout voir à ce qu'elles soient utilisables par la population. Des séries de chiffres, ce n'est pas bien intéressant. Il faut vraiment, objectivement, les préparer pour qu'elles soient utilisables, alors on va travailler là-dessus. Elles vont être disponibles pour l'Opposition, c'est bien évident, et pour tout le monde, ça va de soi.

Pour ce qui est du fédéralisme renouvelé et...

M. Goulet: Le délai entre...

M. Morin (Louis-Hébert): Le délai des études?

M. Goulet: Non, d'après vous, le délai qui serait raisonnable.

M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ose pas le dire, je ne le sais pas. Je sais qu'elles vont être disponibles pour nous au mois de mai, comme première version non préparée pour publication. Dans bien des cas, ce seront des documents énormes, ce qui ne présente pas tellement d'intérêt pour la diffusion. C'est pour cette année, normalement. C'est ce que j'envisage. Cela m'amène à la deuxième question, puisque M. le chef de l'Union Nationale a mentionné...

M. Brochu: Chef de l'Opposition.

M. Morin (Louis-Hébert): Chef de l'Opposition, si vous voulez. Je ne voudrais pas qu'on fasse une erreur ici. La thèse de la souveraineté-association est quand même précise et elle est très ancrée, nous en sommes sûrs.

Ce que nous voulons, cependant — parce que nous avons maintenant les moyens de le faire, ce qu'un parti d'Opposition n'avait pas, tout le monde le sait, parce qu'on ne dispose pas de spécialistes comme on en a quand on est au pouvoir — c'est préciser, à l'intérieur d'un des volets, c'est-à-dire celui de l'association, des applications de cette thèse.

Comme je le disais tantôt, la rivière, on l'a. C'est le bateau... C'est un peu comme si je décide de me construire une maison. Ma décision est prise; je sais que j'en ai besoin et tout. J'ai les plans de l'architecte, mais je n'ai pas encore déterminé exactement où vont les meubles, quelle chambre je vais occuper et des choses comme cela. C'est cela que nous avons maintenant besoin de savoir davantage. Je pense que, si on se dépêchait trop, ce serait prématuré.

Fédéralisme renouvelé et souveraineté, deux mots pour expliquer la différence. Le fédéralisme renouvelé, c'est la modification du système actuel en acceptant le système actuel. La souveraineté, c'est l'octroi à un Etat, à ce moment-là le Québec, de tous les pouvoirs d'un Etat souverain, lequel Etat accepte d'exercer en commun x ou y pour cent de ces pouvoirs avec un Etat voisin qui est le Canada.

Mais il y a une différence de nature: dans un cas, vous êtes un Etat fédéré et, dans l'autre, un Etat souverain. Une confédération, c'est une association d'Etats souverains. Je voulais quand même faire cette nuance; parce que c'est assez important.

Quant à la péréquation et aux subsides, cela fait l'objet de nos études. Il faut faire attention à une distinction. La péréquation est payée par les taxes de tous les Canadiens. Nous en payons une partie. En d'autres termes, sur, disons, $1 milliard que nous recevons en péréquation, il y a déjà une partie de cela qui est payée par les Québécois et qui leur revient. Ce n'est pas $1 milliard net dans ce cas-là.

Quant aux subsides, ils sont aussi payés par nos taxes. De toute façon, en supposant la souveraineté, cela suppose les taxes à Québec. Les sommes d'argent dont le fédéral se sert maintenant, nous nous en servirions, par la suite, nous-mêmes.

Je veux terminer en disant, une fois encore, que j'ai bien apprécié les questions, j'ai trouvé l'expérience stimulante. Je vous remercie. C'est ce que j'appelle une participation positive à un débat important pour les Québécois, à l'heure actuelle, et j'espère que cela continuera dans cet état d'esprit. Il y a quelques questions ce matin qui nous ont été soumises et dont nous avons déjà commencé à parler; d'autres que nous n'avons peut-être pas encore abordées, pour la bonne raison qu'on n'est quand même pas omniscient. Le fait que vous en avez fait la liste comme cela va nous permettre de fouiller davantage des points qu'on aurait peut-être, autrement, eu tendance, non par mauvaise volonté, mais à cause du reste du travail, à négliger. Je vous en remercie sincèrement.

Le Président (M. Richard): Je vous remercie, messieurs, de votre collaboration, et je déclare close cette séance de la commission de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales.

(Fin de la séance à 13 h 30)

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