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Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le mercredi 20 août 1969 - Vol. 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 23 - Loi du ministère de la Fonction publique


Journal des débats

 

Commission permanente de la Présidence du conseil

Bill 23

Loi du ministère de la Fonction publique

Séance du 20 août 1969

(Dix heures)

M. BERTRAND (président de la commission permanente de la Présidence du conseil): A l'ordre, messieurs!

Nous ouvrons cette séance de la commission de la Présidence du conseil pour l'examen du bill 23: Loi du ministère de la Fonction publique. J'aimerais connaître, au départ, quels sont les organismes présents et qui les représente.

J'ai ici cinq groupes ou cinq noms. Le premier, Me René Letarte, représente qui?

M. LETARTE: Je représente la Corporation des psychologues.

M. LE PRESIDENT: La Corporation...? M. LETARTE: Des psychologues.

M. LE PRESIDENT; Des psychologues. J'ai également le Barreau du Québec, représenté par qui?

M. GAGNON: M. le premier ministre, je représente le Barreau du Québec en compagnie du bâtonnier Vineberg, de Montréal, et je représente en même temps le Conseil interprofessionnel du Québec.

M. LE PRESIDENT: Le Conseil...?

M. GAGNON: Interprofessionnel duQuébec.

M. LE PRESIDENT: La CSN est représentée par qui?

M. DALPE: Par le vice-président, Paul Dalpé, de même que par le président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux, Jean-Paul Breuleux.

M. LE PRESIDENT: La FTQ?

M. DUVAL: Louis Duval, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Duval?

M. DUVAL: Louis Duval.

M. LE PRESIDENT: Louis Duval.

Me Pothier Ferland représente quel groupe? Est-il présent? Son nom a été remis au secrétaire de la commission.

Oui, M. Flynn?

M. FLYNN: M. le premier ministre, je représente l'Association des comptables agréés.

M. LE PRESIDENT: Comptables agréés. Est-ce qu'il y en a d'autres? Oui?

M. KENNY: M. le premier ministre, je représente la Corporation des conseillers d'orientation professionnelle.

M. LE PRESIDENT: Votre nom? M. KENNY: Bernard Kenny.

M. LE PRESIDENT: Bernard Kenny. Oui, madame?

MME CHAMPOUX: M. le premier ministre, Jeannine Champoux. Je représente la Corporation des diététistes du Québec.

M. LE PRESIDENT: D'autres?

M. GAREAU: M. le premier ministre, Claude Gareau, registraire du Collège des optométristes.

M. LE PRESIDENT: Du collège des...? M. GAREAU: Optométristes.

M. LE PRESIDENT: Optométristes. Quel est le nom?

M. CHOQUETTE: Claude Gareau.

M. LE PRESIDENT: M. Gareau. D'autres?

Alors voici comment nous allons procéder.

M. Masse, qui est ministre délégué à la Fonction publique, va prononcer un texte exposant les principes et les objectifs de ce projet de loi que nous considérons comme très important.

Deuxièmement, M. Richard Mineau fera une présentation du mandat de l'étude des structures gouvernementales. Sans aucun doute, cela sera de nature à occuper la matinée.

Cet après-midi, deux autres personnes vont faire des exposés. M. Robert De Coster, Introduction du projet de modernisation de la gestion du personnel. Ensuite, M. Jacques Drouin, Présentation des concepts et de l'organisation du projet de modernisation de la gestion du person-

nel. M. Roch Bolduc fera un résumé de ce travail.

Voici pourquoi. Le gouvernement présente un projet de loi. Je crois qu'il est important pour le public, deuxièmement, pour tous les députés et, troisièmement, pour les représentants des différents organismes qui sont ici que l'on sache exactement le ou les buts poursuivis, les objectifs à atteindre et de quelle façon nous entendons les atteindre. Autrement dit, il faut que la thèse gouvernementale vous soit bien présentée et que vous en ayez une vue d'ensemble, pour orienter d'une manière plus précise vos représentations.

Alors, messieurs les membres de la commission, la parole est à M. Masse.

M. Marcel Masse

M. MASSE: M. le Président, la fonction publique peut être considérée comme l'ensemble des emplois et des fonctions relevant du gouvernement. Cependant, le terme de fonction publique peut également s'appliquer à l'ensemble des hommes et des femmes qui exercent ces emplois au sein du gouvernement, d'où deux sortes de problèmes à considérer: ceux relatifs aux activités mêmes de l'administration et ceux concernant son personnel.

La première partie de cet exposé permettra une analyse de la fonction publique entendue dans le premier sens. Viendra, en second lieu, le problème spécifique de la gestion du personnel. Depuis quelques années, des études et des enquêtes ont été menées sur plusieurs secteurs de l'activité gouvernementale. Il y eut successivement des enquêtes sur les problèmes constitutionnels, sur l'assistance publique, sur l'enseignement technique et professionnel, sur l'éducation des adultes, sur l'enseignement en général et sur la fiscalité. Mentionnons aussi les rapports sur l'urbanisme, celui du BAEQ et, enfin, plusieurs documents importants préparés par le Conseil d'Orientation économique, dont un mémoire sur le chômage saisonnier et un autre sur la régionalisation administrative.

Des commissions d'enquête sont en cours sur la santé et la sécurité sociale, sur l'expropriation, sur l'intégrité du territoire, la justice, l'agriculture, les institutions financières, les eaux et la constitution.

D'autres secteurs ont aussi fait l'objet d'examen en comité, dont les relations de travail, la fonction publique, etc. Enfin, depuis une douzaine d'années, presque tous les champs d'intervention de l'Etat, presque tous les domaines d'activité publique ont fait l'objet d'enquêtes.

A la suite de ces études en profondeur, diver- ses lois ont été adoptées, diverses décisions ont été prises, telles que la création des ministères des Affaires culturelles, des Affaires intergouvernementales, de l'Education, de l'Immigration, des Institutions financières et du Tourisme.

D'autres mesures ont regroupé l'ancien département des mines et celui des ressources hydrauliques, ont scindé celui des Finances pour créer celui du Revenu, ont redéfini les rôles du Secrétariat, du ministère du Conseil exécutif, du ministère de la Famille et de celui de la Voirie. Durant la même période, d'autres organismes ont vu le jour: Régie des eaux, Société d'habitation du Québec, Office d'information. Régie des rentes, Office du crédit industriel, Régie de l'assurance-récolte, Université duQuébec, pour n'en nommer que quelques-uns. L'Hydro-Québec, pour sa part, a pris une nouvelle dimension. Des directions générales ont été créées dans plusieurs ministères non seulement pour regrouper des services, mais pour donner un accent particulier à des questions importantes: diffusion de la culture, relations fédérales-provinciales, enseignement supérieur, Nouveau-Québec, assurance-maladie, main-d'oeuvre, relations de travail, etc.

Des ministères et organismes sont actuellement en voie de transformation: Affaires municipales, Agriculture, Travail, Travaux publics. D'autres sont en train de mettre sur pied leurs structures internes: Office de planification et de développement, l'Immigration, par exemple.

Bref, l'une des caractéristiques fondamentales du gouvernement du Québec depuis ces dernières années est la croissance rapide de ses différents services administratifs. Le Québec compte aujourd'hui cent onze (111) organismes statutaires. Je dis bien cent onze organismes distincts, dont vingt-deux (22) ministères, cinq (5) bureaux, treize (13) comités, vingt-cinq (25) commissions, douze (12) conseils, dix (10) offices, onze (11) régies, quatre (4) sociétés et neuf (9) autres corporations publiques.

Je déposerai la liste de ces organismes que nous avons groupés de diverses façons: une classification par titre, une seconde par ministre responsable, une troisième par nature de rôle, administratif ou consultatif.

Sans vouloir pousser plus loin l'analyse de ces documents, on peut se permettre ici quelques remarques: a) La première, c'est que notre terminologie juridique n'est pas standardisée. Il y ades commissions à caractère consultatif, d'autres à caractère administratif; certains organismes s'appellent régies, mais ont des pouvoirs analogues à d'autres appelés offices. Les appella-

tions utilisées nous laissent donc en pleine confusion sur le rôle des organismes, dont au moins trente-trois (33) ont comme fonction de conseiller, tandis que quarante-deux (42) autres ont fonction de réglementer ou de procéder à des adjudications; b) Tous les ministres, sauf celui des Affaires intergouvernementales, celui du Revenu et celui des Travaux publics, rendent compte de l'activité de certains organismes en plus de leur ministère.

Six ministres sont responsables de plus de six organismes chacun. Le ministre des Affaires culturelles, le ministre des Affaires municipales, le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation, celui de l'Education, celui des Finances et celui du Travail.

Dans ces circonstances, le rôle des autorités administratives ne peut qu'être extrêmement complexe.

Chaque organisme est le résultat d'un geste qu'a dû poser le Parlement pour faire face à une situation donnée, dans le temps, de sorte qu'on chercherait en vain une quelconque standardisation des régimes administratifs. Pourtant, il serait intéressant d'élaborer une loi de l'administration financière comportant des critères quant à la détermination du degré d'autonomie administrative laissée aux divers types d'organismes, soit en matière de gestion financière ou budgétaire, soit en gestion de personnel. Ces normes seraient très importantes, si l'on visait à institutionnaliser d'une façon plus efficace les relations entre le gouvernement et ses organismes.

Plus le nombre d'organismes est considérable, plus complexe est le problème du partage des rôles, et par conséquent, plus est difficile la coordination des activités gouvernementales. En effet, l'organisation administrative du gouvernement est ainsi structurée qu'elle favorise l'autonomie des organismes axés chacun sur un secteur d'intervention.

Un pouvoir administratif aussi diversifié augmente de façon considérable les cadres supérieurs de l'Etat, qui se chiffrent déjà à plus de 450, sans compter les sous-ministres, les présidents et membres de commissions, offices et régies. Or, cette fonction publique est elle-même polarisée dans chaque ministère autour d'une profession dominante avec tout ce que cela implique de spécialisation du personnel, de langage technique et de traditions particulières.

Il faut bien reconnaître qu'à chaque fois que l'on crée un organisme statutaire en dehors des ministères, l'on rétrécit d'autant la sphère de responsabilité ministérielle effective sur les gestes des fonctionnaires.

Force nous est de constater qu'il naît plus d'organismes qu'il en meurt, si bien que le problème administratif va sans cesse croissant et qu'il est de plus en plus difficile de tenir ou de définir des instruments de mesure uniformes d'efficacité administrative applicables à ces organismes qui, par définition, ne sont pas sujets aux lois du marché.

La règle impitoyable des prix/des coûts et des profits ne joue pas ici pour déterminer si une administration peut continuer à fonctionner en même temps qu'un instrument précieux au service d'une collectivité ou si elle doit être supprimée.

A cette prolifération d'organismes qui fait de l'Etat moderne une lourde machine administrative s'ajoutent d'autres problèmes qui rendent la situation encore plus complexe.

Le premier de ces problèmes est celui des structures mêmes de l'administration. L'absence de spécialisation des tâches au niveau du Cabinet, sauf en ce qui concerne le travail de législation et celui de Trésorerie, en constitue un exemple concret.

Il est évident qu'il faudra en venir à travailler en comité. Mais cela n'est possible que si le support administratif est disponible. Une amélioration est cependant prévisible dans ce domaine grâce à l'établissement de secrétariat général du conseil exécutif et à la création de l'Office de planification et de développement du Québec. Au sein de cet office et à la suggestion de la Commission interministérielle de planification, elle-même formée de sous-ministres, le gouvernement a groupé un certain nombre de hauts fonctionnaires appartenant à divers ministères. Les tendances centrifuges d'un ministère qu'explique une longue tradition d'autonomie seront ainsi contrebalancées par la perception des conséquences interministérielles des programmes que préparera l'Office de planification et de développement du Québec.

Autre phénomène d'organisation: la déconcentration régionale de l'administration. Pour être efficace, tout organisme administratif doit non seulement bien connaître la population et en comprendre les besoins, il doit également la rejoindre par l'intermédiaire des bureaux installés dans les divers milieux à desservir. C'est l'effort que tentent présentement une douzaine de ministères dont les politiques ont une incidence particulière sur le territoire: Agriculture, Famille, Travail, Education, etc.

Ce phénomène de régionalisation administrative oblige en même temps à repenser la plupart des structures centrales des ministères et la coordination interministérielle au plan régional.

A ces exigences, s'en ajoutent deux autres

très importantes. Premièrement, il s'agit, d'une part des relations à entretenir avec le reste du monde par l'intermédiaire de bureaux à l'étranger et de la participation aux grandes réunions internationales.

Deuxièmement, d'autre part, de la participation des groupes à l'élaboration des décisions gouvernementales qui les concernent. Cela entraîne la création de quelques douzaines d'organismes consultatifs auprès des divers ministères.

Au plan des structures, on pourrait croire la question vidée, ce n'est pas le cas. Tout le secteur décentralisé de notre régime administratif doit également retenir notre attention: Partage des rôles entre le gouvernement et les administrations locales, municipalités, commissions scolaires; définition des territoires et des clientèles; nature et normes; distribution des services; financement et fiscalité correspondante; regroupement; zone métropolitaine; régionalisation scolaire. Voilà autant de questions d'organisation administrative qui sont à l'étude.

Aux situations énumérées et qui décrivent la complexité de l'appareil administratif s'ajoutent les problèmes de gestion de cette vaste organisation. Les modes et le style de gestion sont en effet trop souvent de type familial ou artisanal, et ici je pense à chacun des secteurs de la gestion administrative: gestion du personnel, gestion budgétaire, gestion de l'équipement, gestion de l'approvisionnement, gestion des documents, processus de décision et mode de délégation des pouvoirs et responsabilités.

L'extension des rôles de l'Etat et la croissance correspondante des activités gouvernementales se traduisent par un certain nombre d'indices très précis. Premièrement, la croissance du budget. En 1945, le budget du Québec était d'environ $100 millions; en 1955, dix ans plus tard, il n'atteignait pas encore $500 millions; en 1960, moins de $l,750,000,000; en l965, moins de $2 milliards; et en 1969, près de $3 milliards.

La croissance des effectifs qui émargent au budget de l'Etat en 1969: Près de 50,000 personnes travaillent dans la Fonction publique, même en excluant l'Hydro-Québec qui compte 18,000 personnes. Environ 100,000 personnes dans le monde de l'Education. Environ 120,000 personnes dans le monde de la Santé et des services sociaux. En pourcentage, plus de 12% de la main-d'oeuvre du Québec oeuvrent dans le secteur public et parapublic. La part des salaires du secteur public, dans le budget: 50% du budget total, soit environ $1,250,000,000.

Devant des données statistiques comme celles-là, chacun se pose le même genre de ques- tions. Se peut-il que 111 organismes coordonnent vraiment leur action? Que dire de leur effet au plan local ou au niveau de chaque citoyen? Quant aux $3 milliards, leur rentabilité est-elle maximale? Et les 275,000 employés, quel est leur rendement? Leur nombre n'est-il pas trop élevé par rapport aux besoins réels de l'Etat? Quand on pense que le gouvernement à lui seul emploie 3,500 professionnels de toute discipline, l'on est tenté de se demander si toute cette science est bien utilisée. Et que dire des cadres, aussi bien dans la Fonction publique que dans le secteur hospitalier et dans celui de l'enseignement? Une telle fresque nous fait vite réaliser, je pense, l'ordre des problèmes.

Premièrement: spécialisation des taches, partage des rôles, coordination des activités.

Deuxièmement: efficacité des secteurs de gestion.

Troisièmement: rentabilité des investissements.

Quatrièmement: productivité du personnel.

Autrement dit, nous avons commencé à prendre la mesure de notre taille et nous nous sommes regardés marcher. Nous y avons découvert des problèmes de planification, des problèmes d'organisation administrative, des problèmes de gestion proprement dite. La conclusion, je pense, s'impose: une réforme administrative est nécessaire dont l'objectif est d'apporter, dans toute la mesure du possible, les solutions appropriées.

Ce besoin, bien sûr, était ressenti depuis quelques années, et effectivement des gestes ont déjà été posées pour améliorer la situation. Il n'est pas question de laisser entendre ici qu'il faille faire table rase de toutes les structures administratives existantes pour reconstruire à neuf. Mais il est impérieux, pour l'avenir du Québec, que nous nous donnions une Fonction publique qui réponde pleinement aux exigences de notre société. L'utilisation maximale des ressources humaines et financières doit devenir une préoccupation de tous les instants.

Maintenant que les droits syndicaux sont acquis aux employés du secteur public et que leurs conditions de travail peuvent se comparer à celles du secteur privé, on est en droit de s'attendre à une efficacité et à une productivité comparables dans les deux secteurs.

Les phénomènes que nous avons décrits jusqu'ici ne sont d'ailleurs pas propres au Québec. D'autres pays ont dû faire face à des situations semblables à celle que nous connaissons au Québec dans la fonction publique. Les rapports Hoover aux Etats-Unis, Glassco au Canada, Plowden et Fulton en Angleterre et, en France, celui du comité central d'enquête sur le coût

et le rendement des services publics en témoignent.

Au Québec, nous nous sommes mis à la tâche il y a plus d'un an. Je dois dire que les organismes et leurs responsables dans l'administration n'ont pas fait obstacle £ nos travaux, bien au contraire. Ils étaient aussi désireux que nous d'améliorer la situation et ils collaborent étroitement à la bonne marche des projets qu'ils ont eux-mêmes d'ailleurs travaillés et suggérés.

En effet, dès l'automne 1966, mon collègue le ministre des Finances et moi-même recevions d'un groupe de hauts fonctionnaires un mémoire concernant une étude des structures et pratiques administratives du gouvernement. Les objectifs et les champs de l'étude suggérée sont exactement ceux qui ont été décrits précédemment. Les négociations qui débutèrent à ce mo-ment-là nous amenèrent à définir d'une façon précise la politique du gouvernement à l'égard des conditions de travail dans la fonction publique.

Faute de procéder à une étude d'ensemble dès 1967, nous retenions les services de firmes de conseillers en gestion pour faire un premier diagnostic précis de la situation dans un secteur spécifique: celui de la gestion du personnel. J'ai fait état des principales constatations qui nous furent soulignées. Disons, en résumé, qu'elles justifiaient pleinement une étude plus poussée du secteur.

A cette fin des mandats furent donnés à deux groupes: Urwick-Currie et SEMA. Le second groupe s'attaqua aux problèmes de la prévision et de l'analyse des besoins de personnel, c'est-à-dire la question très importante des effectifs de la fonction publique, le premier groupe abordant les autres problèmes d'administration du personnel, à l'exception de quelques-uns que se réservaient les services en place. Je vous réfère ici aux mandats approuvés par le Conseil de la trésorerie.

Etant donné, croyons-nous, l'intérêt exceptionnel que revêtent ces études, j'ai demandé aux responsables de se mettre à la disposition des membres de la commission afin qu'ils nous informent eux-mêmes des objectifs visés, des principes mis de l'avant, des équipes de travail à l'oeuvre, des étapes envisagées, des résultats escomptés et des progrès déjà réalisés.

Avant d'entreprendre la partie de l'exposé qui tentera de situer le projet de loi numéro 23 dans le contexte de cette réforme et d'en expliquer les principes, on peut souligner que les études et les améliorations en cours dans le secteur de la gestion du personnel s'ajoutent à celles qui ont déjà été entreprises dans le secteur de l'approvisionnement. Elles vont de pair égale- ment avec celles de la firme SGI sur la mécanisation des services comptables et avec les travaux que dirige M. Richard Mineau sur les structures gouvernementales et la gestion administrative en général. Cette dernière étude, dont M. Dozois avait fait état dans son budget de 1969 et dont le mandat est très vaste, comprend elle aussi plusieurs équipes de travail, dont une qui examine la question de l'informatique au gouvernement et une autre qui fouille à fond le problème de la budgétisation par programme et le contrôle budgétaire.

J'ai demandé aussi à ces messieurs de se tenir à la disposition de la commission pour expliquer leur mandat, les recherches qu'ils mènent et ce qu'ils comptent réaliser en collaboration avec nos fonctionnaires.

Nous tenons à ce que les équipes de travail groupent à la fois des fonctionnaires et des conseillers de l'extérieur, pour plusieurs raisons: la participation externe nous paraît désirable pour assurer aux études en cours un caractère d'impartialité aussi parfait que possible et la participation interne pour permettre la coopération des responsables à la formulation et à la mise en application des recommandations.

En second lieu, cela nous semble nécessaire que ceux qui ont une expérience dans l'administration publique puissent souligner aux experts extérieurs les exigences propres à ce milieu particulier.

Parmi les fonctionnaires qui collaborent à ces travaux certains appartiennent à des organismes centraux et d'autres viennent des ministères, car on sait que les philosophies administratives peuvent diverger selon qu'elles s'inspirent du principe de l'autonomie départementale ou de celui de normes applicables à l'ensemble des organismes gouvernementaux. L'équilibre entre la responsabilité du gestionnaire et l'uniformité administrative demande une attention continue.

Mais quels que soient les perspectives et les champs d'étude, les objectifs de cette réforme administrative sont clairs: planification et contrôle de l'action administrative, coordination interministérielle, réductions des coûts, amélioration du rendement.

Au-delà de tout cela, cependant, la réforme administrative, comme la réforme de toute institution, vise à adapter l'administration au Québec de 1969.

Bien sûr, les carences administratives varient selon les secteurs, et ce qui caractérise aujourd'hui l'administration budgétaire se compare difficilement à la situation qui prévaut au niveau de l'organisation gouvernementale, de la gestion du personnel ou des procédés administratifs. Chaque champ d'étude devra comporter

ses solutions propres, mais toutes les solutions devront avoir comme but de favoriser l'existence d'une administration publique outillée pour voir clair dans la réalité complexe de 1969 et pour y faire face. Pour cela, le gouvernement ne doit pas se contenter d'opérer des services, mais il doit les orienter vers la réalisation des objectifs essentiels que se donne notre collectivité.

Ces objectifs sont aussi nombreux et aussi variés que l'accès des Québéquois à la gestion des entreprises, la reconversion agricole, la qualité de la vie urbaine, l'adaptation de la main-d'oeuvre aux tâches d'aujourd'hui, la revision de la sécurité sociale, l'habitation, la salubrité des eaux, la participation au développement scientifique et technologique.

On a souvent reproché aux Québéquois d'avoir négligé d'exercer et d'employer les pouvoirs de leur Etat. N'a-t-on pas Jadis parlé de l'anti étatisme des Canadiens français? Les temps ont bien changé. Aujourd'hui le citoyen exige de plus en plus de l'Etat. Il appartient en effet à celui-ci de veiller au progrès des sciences et des arts, d'assurer l'équilibre social, d'organiser le territoire, de réglementer, protéger et animer l'économie, en somme de veiller au mieux-être collectif.

C'est dans une optique aussi largement humaniste qu'il faut envisager la réforme administrative : établir et maintenir un heureux compromis, entre, d'une part, l'efficacité économico-administrative des allocations budgétaires, et, d'autre part, les exigences et les responsabilités d'un Etat moderne.

C'est dans ce cadre de réforme que se place le projet de loi numéro 23 portant création du ministère de la Fonction publique. Nous nous situons ici plus particulièrement dans la seconde dimension de la fonction publique que Je mentionnais au début de cette intervention: celle de la gestion même du personnel.

Nous allons ici expliquer pourquoi il faut un ministère, et quels sont les rôles que nous lui proposons. Nous discuterons donc des problèmes d'organisation, c'est-à-dire des structures de la gestion, des problèmes de prévisions des besoins de main-d'oeuvre et d'analyse des effectifs, des problèmes de conditions de travail (politique salariale, etc...) des relations de travail, de formation des cadres (l'Ecole nationale d'administration publique), de procédures et d'utilisation de l'informatique dans la gestion.

Afin d'aider à la compréhension du projet dont le caractère technique peut paraître complexe à bien des esprits, il nous a semblé opportun de rappeler, à larges traits, les principaux événements qui ont marqué la fonction publique au cours des dernières années.

La naissance officielle du syndicalisme dans la fonction publique et la nouvelle loi de la fonction publique se situent en 1965. Les droits et les obligations des fonctionnaires, le régime syndical qui leur était applicable et les structures d'administration des programmes de gestion du personnel furent définis à cette époque.

En 1966, débutèrent les premières négociations dans la fonction publique. C'est également à partir de cette année-là que le recrutement par concours publics des agents de l'Etat fut organisé de façon systématique. 1967 fut marqué par une nouvelle classification des fonctionnaires et par une systématisation des concours d'avancement.

En 1968, une nouvelle ronde de négociations débute tandis que sont entreprises les études dont il était fait mention sur les divers secteurs de gestion.

Durant ces dernières années, dans les secteurs parapublics de l'Education, du Bien-Etre, de la Santé et de l'Hydro, des négociations de grande envergure ont amené le gouvernement à définir une politique salariale qui assure autant de cohérence que possible dans les niveaux de rémunération des agents de l'Etat. J'ai déjà eu l'occasion, à diverses reprises, d'exposer les différents principes qui constituent le fondement de cette politique salariale.

Où allons-nous? Quels objectifs doit-on viser? Quelles améliorations recherche-t-on? Quels résultats escomptons-nous atteindre? En somme, pourquoi un ministère de la Fonction publique?

Premièrement, la fonction publique, chacun le comprend parfaitement, est un secteur important de notre société; d'une part, un capital humain extraordinaire: 45,000 employés dont 4,000 professionnels, constituent une ressource exceptionnelle qui doit être bien gérée; d'autre part, une dépense annuelle de $250 millions en salaires environ pour ceux qui oeuvrent directement dans les ministères du gouvernement.

Deuxièmement, la Fonction publique représente 1/5 du secteur public et sa gestion influence et est influencée par les autres 4/5 qui sont constitués par les corporations comme l'Hydro-Québec, le monde de l'enseignement et celui de la Santé et du Bien-Etre.

Au total, nous avons à faire en effet à plus de 250,000 personnes, dont les salaires s'élèvent à environ $1,250,000,000. J'y reviendrai tout à l'heure plus en détail.

Sans une résieuse coordination des négociations dans tout le secteur public, sous la responsabilité immédiate d'un ministre, une surenchère risque de s'établir entre des groupes qui ont comme caractéristique de tous émarger directement ou indirectement au budget de l'Etat.

Il est donc nécessaire, pour assurer une saine gestion des finances publiques et pour garantir à l'ensemble de la population la qualité des services auxquels elle a droit, de coordonner les échelles de salaires et les conditions de travail dans la fonction publique, les agences du gouvernement et les institutions du service public subventionnées par l'Etat.

Troisièmement, dans un contexte de syndicalisme organisé, il est devenu nécessaire qu'un membre du cabinet se fasse le porte-parole du gouvernement face à des syndicats qui, eux, coordonnent leur action. La présence du syndicalisme dans la fonction publique oblige le gouvernement à se définir comme employeur d'une façon claire. Dans notre système de cabinet responsable, l'employeur doit être identifié dans la personne d'un ministre et ce ministre doit avoir, dans les matières d'administration du personnel, des responsabilités d'initiative, de leadership, de coordination et d'inspection.

Avec le syndicalisme, la gestion du personnel devient une matière politique. Non seulement de politique administrative, mais de politique tout court, car le gouvernement est appelé à rendre compte publiquement de l'action administrative centrale, ministérielle ou régionale.

Par conséquent, la politique de gestion du personnel est l'affaire du ministre et non d'une commission indépendante du gouvernement. Cette dernière devient un service spécialisé dans les examens et elle certifie l'admissibilité des candidats à la fonction publique.

Par politique de gestion du personnel, on entend ici les rôles suivants:

Etude de l'organisation administrative du gouvernement;

Etude des besoins quantitatifs de personnel (effectifs»;

Détermination des besoins qualificatifs en personnel (classification);

Analyse des conditions de travail (recherche);

Définition des conditions de travail (négociations);

Recrutement et déroulement de la carrière;

Perfectionnement du personnel;

Ethique et discipline;

Finalement, inspection de la gestion du personnel.

Bien sûr, notre projet ne va pas aussi loin que cela. Il faut tenir compte du milieu. Nous ne sommes pas en Angleterre. Là-bas, le rapport Fulton a recommandé que tous ces rôles soient désormais exercés sous la direction du ministre de la Fonction publique.

Quatrièmement, dans une perspective d'efficacité administrative, il est devenu nécessaire d'affecter des administrateurs, sous la direction d'un ministre, à la tâche essentielle

de définir une politique de gestion qui assure l'allocation maximale des ressources humaines de l'Etat, étant donné les masses d'employés en cause et le fait qu'une part importante du budget y passe.

Et, il est administrativement sain que ce groupe Isoit distinct du ministère des Finances.

Cinquiêmement, la dispersion actuelle entre dix ou[ onze autorités distinctes ne peut pas rendre possible une politique cohérente de gestion du personnel, laquelle est nécessaire si l'on veut ure fonction publique efficace, compétente et dévouée au service de l'Etat, lui-même au service de toute une population.

En effet, plusieurs organismes se partagent actuellement les rôles de gestion du personnel dans la fonction publique : a) Le Conseil exécutif approuve les règlements de la Commission de la fonction publique, nomme les fonctionnaires permanents, décrête les révocations de nomination ou les destitutions, peut autoriser un ministre à signer une convention collective; b) Le Conseil de la trésorerie agit comme comité du Conseil exécutif en ce qui concerne les estimations budgétaires, les engagements financiers, la nomination et la rémunération des fonctionnaires et employés; c) La Commission de la fonction publique s'occupe du recrutement et de la sélection préliminaire à l'établissement des liste d'éligibilité et, à cette fin, doit réglementer tout ce qui porte sur les examens et les périodes de stages, est responsable de l'établissement de la classification, doit diriger les programmes de perfectionnement, recommander au cabinet des plans dî salaire du personnel de la gérance et tenir dos enquêtes sur les demandes de révocation ou de destitution; d) La Direction générale des relations de travail, rattachée au Conseil exécutif, doit négocier avec les diverses unités syndicales et coordonner l'administration des conventions collectives ; e) La Direction de l'analyse des effectifs, rattachée au Conseil de la trésorerie, examine les demandes d'effectifs contenues dans les propositions budgétaires des ministères et fait rapport de ses constatations au sous-ministre adjoint «Ses Finances, responsable du budget; f) La Direction de l'analyse des conditions de travail fait les recherches et études préliminaires aux négociations ou décisions du gouvernement concernant les conditions de travail dans les services publics émargeant au budget de l'Etat.

L'administration du fonds de pension des fonctionnaires et employés relève d'une division du ministère des Finances. Depuis avril

1966, l'agent du contrôleur de la Trésorerie, dans chaque ministère, vérifie avant engagement la régularité des propositions d'engagement du ministère en matière de personnel.

Dans chaque ministère, il y a un bureau de personnel qui doit conseiller le sous-ministre dans la gestion courante du personnel, c'est-à-dire les prévisions des besoins de personnel, le choix parmi les candidats déclarés éligibles par la Commission de la fonction publique, les affectations des employés, leur classement, les mesures disciplinaires et l'administration des conventions collectives.

Enfin le vérificateur des comptes, comme son nom l'indique, vérifie les dépenses en matière de personnel.

Nous avons donc une dizaine d'unités administratives qui se trouvent à participer actuellement à l'administration du personnel dans la fonction publique. Nous proposons, par conséquent, comme première étape que les rôles majeurs exercés par le Conseil de la trésorerie, ceux exercés par la direction générales des relations de travail, ceux exercés par la direction de l'analyse des effectifs ainsi que de l'analyse des conditions de travail soient intégrés au ministère de la Fonction publique de même que le perfectionnement.

Enfin, nous avons vu, dans la première partie de cet exposé, la complexité de l'organisation gouvernementale. Nous croyons qu'elle est telle qu'il y a lieu de confier à une autorité le soin d'en étudier et d'en reviser constamment les problèmes de structure et de gestion administrative de façon à améliorer le rendement et la productivité. Si on a besoin, depuis longtemps, d'un vérificateur des comptes, on a aujourd'hui autant besoin d'un inspecteur d'administration, d'un « auditeur administratif », si je puis me permettre l'expression.

Maintenant que nous avons exposé les raisons qui ont amené le gouvernement à vouloir créer un ministère de la Fonction publique, je poursuis en expliquant sommairement les rôles qu'il serait appelé à jouer et les principes que nous mettons de l'avant dans le projet qui est soumis pour étude.

Une demi-douzaine de mandats sont précisés dans la loi et au sujet desquels le ministre devra répondre devant la Chambre. Le premier de ces devoirs sera de proposer au gouvernement des mesures visant à accroître l'efficacité du personnel. Une administration publique, c'est d'abord un service et, comme tel, son coût dépend de la productivité des ressources humaines dont dispose ce service. Il appartiendra donc au ministre de la Fonction publique d'être le moteur de l'innovation dans la tech- nologie administrative. De ce point de vue, des études et des recherches devront être entreprises dans toute l'administration de façon que certaines analyses statistiques comparées, par exemple, puissent permettre au gouvernement de déterminer des critères de mesure de l'efficacité de son action. Ces critères serviront à mesurer la performance et le rendement des services là où les lois du marché sont inapplicables. De ce point de vue, des études actuellement entreprises par les conseillers et les fonctionnaires constituent de bons laboratoires d'entraînement des équipes ministérielles et centrales appelées à revoir de façon continue les modes de gestion du gouvernement.

Seconde fonction du ministre: Conseiller le gouvernement sur les conditions de travail du personnel du secteur public, tel que décrit dans le tableau statistique que nous déposerons qui, incidemment, indique, au surplus, les structures de négociations.

Nous avons déjà des équipes préposées à l'analyse des traitements et des autres conditions de travail du personnel: heures, vacances, frais de déplacement, primes, pension, assurances, congés, etc...

Le ministre doit avoir juridiction sur ce bureau d'étude des traitements qui est à la fois le fichier central des salaires payés, des conditions de travail et des bénéfices marginaux, en même temps que l'unité de recherches qui compare ce qui est négocié dans le secteur public du Québec avec ce qui est négocié dans d'autres secteurs publics du Québec ou dans d'autres secteurs publics analogues par l'Ontario ou par le gouvernement du Canada, par exemple, de même que par le secteur privé. De la qualité du travail de cet organisme dépendent essentiellement les offres qui sont faites à l'occasion des négociations et l'orientation de la politique salariale dont on sait l'influence sur toute l'économie du Québec.

Troisième responsabilité du ministre: Négocier, au nom du gouvernement, des conventions collectives régissant les conditions de travail des personnes qui occupent des emplois relevant du gouvernement et d'en coordonner l'application. C'est là le rôle de la direction générale des relations de travail qui, loin de disparaître comme on l'a cru en certains milieux, prendra toute la place qui lui revient dans le nouveau ministère.

Autre rôle du ministre: Prévoir les besoins de main-d'oeuvre des organismes gouvernementaux et analyser les effectifs requis ainsi que la répartition et l'utilisation de ces effectifs. Cest là une tâche d'analyse et de planification essentielle à la mise en application d'une

véritable politique de main-d'œuvre. Il est normal que le plus gros employeur du Québec, et dont, au surplus, le personnel émarge aux fonds publics, se soucie en permanence de la façon dont ce personnel est utilisé.

Cela conduit, d'une part à revoir les modes d'organisation du travail dans l'administration, et en second lieu, à évaluer le potentiel du personnel lui-même. Cette logique nous a conduits à dégager la Commission de la fonction publique de certaines responsabilités pour les remettre au ministre qui est appelé à représenter la direction du personnel gouvernemental: c'est ainsi que les programmes de perfectionnement et la gestion des « pools » de personnel excédentaire seront désormais assumés par le ministre. J'aurais aimé ici vous parler de la création de l'Ecole nationale d'administration publique (ENAP) et de nos activités en matière de coopération avec les pays francophones. Nous y reviendrons peut-être au cours de la discussion.

Je m'empresse ici d'apporter une précision en ce qui concerne les rôles de la Commission de la fonction publique qui conservera ses pouvoirs actuels en ce qui a trait à l'admissibilité dans la fonction publique, la classification et la promotion du personnel qui en fait partie.

Dans les pays occidentaux, la formule mise au point depuis 75 ans, pour enrayer le « patronage, » a été de constituer une commission indépendante du pouvoir exécutif pour établir l'admissibilité des candidats à la fonction publique. C'est là l'origine des commissions dites du « service civil. » Peu à peu, l'idéologie dominante a obscurci la distinction pourtant élémentaire entre le « principe, » toujours valable, du mérite et le « système » du mérite institutionnalisé par ces commissions quasi indépendantes.

En Amérique du Nord, on a ajouté à ces commissions d'autres rôles concernant la gestion du personnel, si bien qu'il y a un partage de ces rôles entre les commissions et les ministères. Puis, à mesure de la croissance du nombre des employés dans la fonction publique, les ministères des Finances se sont mis à examiner plus sérieusement les demandes budgétaires d'effectifs si bien que le partage des rôles s'est fait, depuis quelques années, entre ces trois types d'organismes.

De nombreuses commissions d'étude sur l'organisation gouvernementale ont étudié ce problème et toutes sont unanimes pour dire qu'il y a lieu de distinguer entre un travail de coordination (des normes) qui peut être imparti à un organisme central et un travail d'application ou de gestion quotidienne qui doit demeurer dans les mains de la gérance immédiate, c'est-à-dire les ministères.

Essentiellement, ce que nous proposons ici, c'est de faire du ministère de la Fonction publique, l'organisme central. Mais nous ne mettons pas de côté pour autant la Commission de la fonction publique qui conservera donc les rôles perçus dans notre milieu comme nécessaires au maintien du régime de mérite lors de l'entrée et de l'avancement dans le service.

Au chapitre des nominations, nous avons décidé de dégager le conseil des ministres de la routine administrative en ne lui réservant que les nominations aux postes supérieurs. Même principe au niveau des ministères où le ministre pourra déléguer son pouvoir de nomination à ses fonctionnaires.

En ce qui concerne l'éthique et la discipline, il appartiendrait au ministre de recommander au gouvernement des règlements applicables au personnel de la fonction publique. Cela nous paraît tout à fait normal que l'employeur exerce ses droits de gérance, mais il devra le faire par règlement de sorte que les normes seront connues de tous.

Jusqu'ici, les obligations des fonctionnaires étalent limitées à l'accomplissement du service et au respect des serments. Nous introduisons en plus des règles de discrétion et d'impartialité déjà comprises dans ces serments, une interdiction de nature à sauvegarder l'intégrité du personnel: personne ne devra avoir un intérêt personnel entre sa fonction et ses intérêts.

Autre règle: le service exclusif des professionnels au service de l'Etat. Ce principe est déjà inscrit dans la convention collective des professionnels.

Les suspensions et destitutions des employés régis par une convention collective de travail ne seront plus de la juridiction de la Commission de la fonction publique; les conventions pourvoient aux arbitrages. La Commission de la fonction publique garde sa juridiction, toutefois, quant au personnel non syndicable.

Enfin, un nouveau régime administratif est prévu en ce qui concerne le personnel des cabinets de ministres. Désormais, les personnes nommées à l'un de ces postes devront le quitter trente jours après la date à laquelle la personne qui les a nommées a cessé d'occuper la fonction qui l'autorisait à les nommer. Toutefois, si une telle personne est alors fonctionnaire ou avait antérieurement établi qu'elle possédait les qualités requises pour devenir fonctionnaire, elle aura droit, dans l'année qui suivra, d'être nommée à tout emploi dans la fonction publique auquel elle a été déclarée admissible et, dans l'intervalle, elle sera in-

tégrée au ministère de la Fonction publique et y sera rémunérée.

Voilà, M. le Président, ce que je voulais souligner comme introduction à l'étude de ce projet de loi, première et modeste étape d'une vaste réforme administrative dont les objectifs ont été décrits précédemment, objectifs qui, s'ils sont réalisés, devraient faire de notre administration une institution efficace au service de toute la collectivité québécoise.

M. le Président, nous avons, au cours de l'exposé, expliqué que nous avions demandé à certaines personnes de venir à cette commission témoigner du travail qu'ils accomplissent à l'intérieur de l'orientation générale de la réforme de l'administration publique. J'aimerais, avec votre permission, inviter M. Richard Mi-neau à présenter l'étude des structures gouvernementales, mandat qui lui a été confié par le ministère des Finances.

M. LE PRESIDENT: M. Richard Mineau, si mes collègues le veulent, pourra témoigner immédiatement et faire sa présentation. M. Mineau.

M. Richard Mineau

M. MINEAU: M. le Président, MM. les membres de la commission, l'étude des rouages administratifs, que le gouvernement m'a chargé de mener, s'effectue en vertu d'un mandat qui est défini dans un procès-verbal du Conseil de la trésorerie et dans un arrêté ministériel.

Il y a lieu cependant, je crois, de s'arrêter une minute pour voir un peu la description de ce mandat. Voici, sommairement, ce qu'il comporte:

Premièrement, l'analyse et l'évaluation objectives des rouages administratifs du gouvernement et de ses divers ministères, offices et autres organismes.

Deuxièmement, la formulation de recommandations quant aux améliorations à apporter et quant à la façon d'implanter ces recommandations.

Troisièmement, la direction ou la coordination de l'implantation graduelle des recommandations acceptées par le gouvernement.

Quatrièmement, la coordination des autres études et travaux en cours afin d'éviter la dispersion des efforts et un manque de cohésion dans les objectifs visés.

Parmi ces autres études et travaux en cours, je me permets de vous référer brièvement au discours du budget, prononcé le 29 avril 1969, dans lequel le ministre des Finances citait les principaux travaux en cours. Un travail impor- tant est en cours depuis mal 1967 au ministère de la Famille et du Bien-Etre social. C'est un travail qui est sous la direction de la firme Samson, Bélalr, Riddel Stead.

Il y a aussi un travail de première importance confié, par le ministère du Revenu, au bureau d'information et de recherches opérationnelles de la firme BIRO. Ce travail a trait à la mise en place d'un système intégré d'informatique.

M. le ministre a fait allusion, tantôt, au mandat confié à la firme Urwick-Currie et à la firme SEMA en rapport avec la gestion du personnel.

Enfin, un mandat a été confié à la Société générale d'informatique qui a trait à la mécanisation des opérations de contrôle et de comptabilité budgétaire.

Quels sont les objectifs de cette étude des rouages administratifs?

UNE VOIX: Puis-je vous demander à quelle date remonte votre mandat? Votre mandat vous a été donné quand, en quelle année?

M. MINEAU: En janvier 1969; Les travaux ont effectivement commencé en février 1969.

UNE VOIX: Très bien.

M. MINEAU: Les objectifs de cette étude des rouages administratifs sont, évidemment, d'améliorer les rouages administratifs de la province en les rendant plus modernes, plus à jour, mieux coordonnés et systématisés et, partant, plus économiques et efficaces.

Ces objectifs généraux comportent plusieurs sous-objectifs. Encore une fois, je me permets de vous référer brièvement au dernier discours du budget. Voici le sommaire qui en est donné dans ce document:

Améliorer la coordination interministérielle afin de supprimer le dédoublement ou le chevauchement des services et fusionner les activités similaires lorsqu'il y a lieu et supprimer le travail inutile ou non économique; augmenter le rendement et réaliser des réductions de coûts par la centralisation de certaines activités et la décentralisation de certains autres.

Instaurer des pratiques de planification, de gestion et de contrôle financier de nature à favoriser un meilleur rendement et la réalisation d'économies. Déterminer la répartition des responsabilités entre les divers ministères et offices et entre ceux-ci et les organismes centraux de régie la plus apte à assurer une efficacité plus grande et, encore une fois, la réalisation d'économies. Améliorer les pratiques de

gestion des ministères, offices et organismes centraux de régie.

Voyons maintenant quel est le champ de l'étude à effectuer pour remplir ce mandat et atteindre les objectifs visés. Cette étude de l'appareil administratif du gouvernement, pour atteindre les buts qu'on se propose, doit comprendre les secteurs suivants:

Premièrement, les moyens dont dispose le gouvernement en ce qui a trait à la planification et à la prise de décision quant à ses programmes et activités, c'est-à-dire les mécanismes de recherche des besoins, la « conceptualisation » et l'évaluation des différentes solutions envisagées pour répondre à ces besoins. Enfin, l'élaboration d'une solution choisie en termes d'objectifs particuliers, de modalités de réalisation, de critères d'évaluation, de normes de rendement, d'implications financières pour un certain nombre d'années à venir, de tâches à accomplir, de ressources matérielles et humaines requises, etc.

Deuxièmement, dans le champ de l'étude à effectuer, il y a, évidemment, la question de l'organisation et des structures de l'appareil administratif, c'est-à-dire la répartition des responsabilités ou compétences entre les divers organes de l'appareil administratif: d'abord, le Conseil exécutif et le personnel dont il est entouré, le Conseil de la trésorerie, les organismes centraux de planification ou de régie, les ministères, les directions générales, etc. Ensuite, les structures hiérarchiques, le style de gestion, les questions de centralisation, de décentralisation, de déconcentration, de régionalisation; la délégation d'autorité et, enfin, la coordination des activités.

Le troisième grand secteur du champ de l'étude à effectuer vise les procédés administratifs d'application générale, tels que ceux relatifs à la gestion financière, à la gestion du personnel, aux achats, à la gestion immobilière et mobilière, aux communications, à l'informatique, etc.

Quatrièmement, les procédés de contrôle et d'évaluation des programmes du gouvernement.

Cinquièmement, les modes opératoires des divers ministères, offices et autres organismes faisant partie de l'appareil administratif du gouvernement, et sixièmement, les méthodes et le travail de bureau, c'est-à-dire la « paperasserie » gouvernementale.

Cette simple énumération, M. le Président, démontre que ce mandat est très vaste, comme le disait tantôt M. le ministre, et ce, même si l'on tient compte des autres études qui, Dieu merci, sont déjà en cours et auxquelles J'ai référé tantôt.

Parlons maintenant de la façon dont nous procédons pour effectuer cette étude. Je voudrais d'abord mentionner les structures de l'équipe qui est à l'oeuvre ici. Nous avons, d'abord, un comité consultatif que le gouvernement a formé et qui est composé de hauts fonctionnaires. Ce comité, présidé par M. Marcel Cazavan, le sous-ministre des Finances. Il comprend également Me Julien Chouinard, le secrétaire général du Conseil exécutif; MeRoch Bolduc, membre de la Commission de la fonction publique; M. Robert Després, autrefois, sous-ministre du Revenu et maintenant président de la Régie d'assurance-santé, et M. Gilles-D. Bergeron, sous-ministre adjoint pour l'administration au ministère de la Famille et du Bien-Etre social et au ministère de la Santé.

Le secrétaire de ce comité est M. Gérard Grondin,' sous-ministre adjoint au ministère des Finances.

Nous avons aussi un agent de liaison en la personne de M. Gilles Guérin, le contrôleur de la Trésorerie. Les équipes de travail elles-mêmes sont composées de conseillers en administration et de fonctionnaires, comme le mentionnait M. le ministre tantôt. A l'heure actuelle, les conseillers en administration sont plus nombreux que les fonctionnaires. Au fur et à mesure que les travaux avanceront, cependant, le besoin de participation des fonctionnaires augmentera. Nous prévoyons que d'ici la fin de l'année courante, nous aurons quelque 40 fonctionnaires à l'oeuvre dans cette équipe.

J'ai la responsabilité personnelle de la direction de ce travail, responsabilité que Je partage avec un de mes associés, M. Claude Allard. Quant à notre méthode de travail, nous procédons par voie d'entrevues avec les hauts fonctionnaires et les hommes politiques concernés. Nous procédons par voie d'étude de toute documentation interne susceptible de nous éclairer sur les problèmes que nous étudions. Nous tirons, évidemment, grand avantage de ce qui a été fait ailleurs. M. le ministre a mentionné tantôt un certain nombre de commissions royales d'enquête sur l'organisation gouvernementale qui ont fait des travaux ici, au Canada, aux Etats-Unis et ailleurs. Nous tirons donc profit de ce qui est déjà fait dans ce domaine.

En outre, nous avons fait quelques visites: à Toronto, pour voir se qui se passe au niveau du gouvernement de l'Ontario; à Ottawa, pour faire la même chose au niveau du gouvernement fédéral; à Boston où nous avons consulté les gens du Commonwealth du Massachusetts, etc., de façon à constater de visu ce que l'on fait et ce qu'on a fait en pratique avec les recommandations soumises par les différentes commissions d'enquête ou comités d'étude.

J'ai mentionné tantôt que le mandat qui nous

a été confié est très vaste. Des le début, tous ceux qui ont pris part à la « conceptualisation » et à la mise en marche de cette étude ont convenu qu'il faudrait procéder par priorités.

En voulant déterminer quelles seraient les priorités, nous avons d'abord tâché de voir quelles étaient les trois sortes de fonctions dans l'organe exécutif du gouvernement. Nous avons convenu qu'il y avait les fonctions de direction générale — en somme, la responsabilité de la tête de l'organe exécutif— qu'il y avait, deuxièmement, des fonctions dont le rôle est de rendre des services directs à la population et, enfin, troisièmement, des fonctions de soutien ou auxiliaires, dont le rôle est de fournir aux fonctions sus-mentionnées certains services dont elles ont besoin.

En collaboration avec le comité consultatif dont je parlais tantôt, certains secteurs prioritaires ont été identifiés. Ge comité consultatif, M. le Président, a un double rôle: celui de nous aider à identifier les secteurs prioritaires et, ensuite, celui de discuter et de commenter les recommandations que nous formulerons au fur et à mesure que nos études progresseront

En conformité avec ce rôle du comité consultatif, nous avons d'abord discuté avec les membres du comité ce que devraient être les priorités, les secteurs prioritaires et nous avons convenu des priorités suivantes.

Premièrement, les fonctions de direction gér nérale, y compris les problèmes relatifs à la gestion financière, la gestion du personnel, comme vous le savez, ayant déjà été reconnue, il y a près de deux ans maintenant, comme prioritaire pour le gouvernement.

Deuxièmement, en ce qui concerne les fonctions dont le rôle est de rendre des services directs à la population, les priorités que nous avons établies au point de vue du travail ont été établies suivant l'importance relative du budget des ministères concernés.

Suivant cette méthode, nous avons donc convenu qu'il fallait d'abord procéder avec le ministère de l'Education, ensuite avec les ministères de la Santé, de la Famille et du Bien-Etre social et de la Voirie.

En ce qui concerne les fonctions de soutien ou auxiliaires — le troisième groupe de fonctions que je mentionnais tantôt — nous avons convenu que les secteurs prioritaires incluaient l'informatique, ensuite la gestion immobilière et mobilière, la gestion de certains autres services, la question des achats et la question des télécommunications.

Maintenant, voyons où nous en sommes avec ce travail après six ou sept mois. Quelles sont les études en cours?

En ce qui concerne les rouages administratifs du gouvernement au niveau supérieur, au niveau de la direction générale, deux études sont en cours; la première traite des fonctions de direction et de coordination centrales. Cette étude couvre les aspects suivants; le processus de planification, de prise de décisions, de coordination et de contrôle au niveau supérieur de l'organe exécutif du gouvernement; la répartition des responsabilités entre les divers organismes centraux de régies ou de coordination, et entre ceux-ci et les ministères; les structures générales des fonctions de direction centrale et de coordination, et, enfin, le style général de gestion du gouvernement, c'est-à-dire la délégation d'autorité, centralisation, décentralisation, régionalisation, etc. Suivant le cheminement critique que nous avons préparé pour cette étude, nos conclusions devraient être produites d'ici deux ou trois mois, c'est-à-dire d'ici le 15 novembre. La seconde étude en cours, dans ce secteur des responsabilités de direction générale, a trait à la répartition des responsabilités entre les ministères, offices, régies et autres organismes. Elles visent à éliminer, comme je disais tantôt, les dédoublements possibles de responsabilités et les chevauchements, les épar-pillements inutiles, etc., et elles visent à atteindre un regroupement aussi logique, aussi rationnel que possible des activités gouvernementales.

Cette étude se fait à partir d'une analyse détaillée des responsabilités et des activités de chacun des ministères et autres organismes faisant partie de l'appareil administratif. Elle est amorcée et là aussi, d'ici quelques mois, les conclusions préliminaires devraient être disponibles.

En ce qui concerne la gestion financière, nous avons deux grands projets en cours. Une première étude considère le problème de l'organisation de la gestion financière, c'est-à-dire les questions de structures de la gestion financière, les questions relatives à la répartition des responsabilités entre différentes unités administratives qui jouent un rôle actuellement dans la gestion financière, et la question du style de gestion et du style de contrôle.

La deuxième étude en cours dans le secteur de la gestion financière a trait aux processus de budgétisation. Et là notre étude est en rapport avec la budgétisation par programme, ce que nos amis américains ont identifié il y a plusieurs années comme étant le PPBS. Là, nous sommes à considérer deux aspects de la budgétisation par programme. D'abord, l'opportunité pour le gouvernement du Québec de budgétiser de cette

façon et, deuxièmement, la méthose d'application d'une telle formule de budgétisation qui pourrait s'appliquer ici dans les circonstances qui sont les nôtres.

Une équipe est à l'oeuvre dans ce secteur, elle est dirigée par mon associé M. Claude Allard, et est composée d'un fonctionnaire du service du budget dans le ministère des Finances, d'un fonctionnaire du bureau du contrôleur de la Trésorerie, d'un fonctionnaire de l'Office de planification et de développement économique, d'un ancien professeur de l'université Laval, maintenant à l'Ecole d'administration publique du Québec, et d'un conseiller en administration.

Nous avons entouré cette équipe d'un comité consultatif spécial sur le processus de budgétisation. Ce comité est composé de hauts fonctionnaires et de conseillers de l'extérieur. Son rôle est de nous aider à concevoir et formuler des recommandations et des systèmes qui permettront au gouvernement de prendre une décision éclairée sur l'opportunité d'une budgétisation par programme. Ce comité est composé du contrôleur de la Trésorerie, d'un sous-ministre adjoint au ministère des Finances, responsable de la budgétisation à l'heure actuelle, de Me Roch Bolduc, de M. Arthur Tremblay, de M. Michel Bélanger, de M. Roland Parenteau, de M. Jacques Charland, du ministère de la Voirie et de M. Marcel Bélanger.

L'équipe de travail que je mentionnais tantôt et le comité consultatif dont je viens de parler sont à considérer deux projets en ce qui concerne la budgétisation par programme. Un premier projet vise à modifier le processus actuel d'allocation des ressources financières dont dispose le gouvernement entre les grandes divisions de l'activité gouvernementale. Le deuxième projet vise à donner aux ministères un outil pratique de gestion avec lequel ils pourraient, planifier leurs activités en terme de programmes reliés aux objectifs poursuivis par le gouvernement.

En ce qui concerne le secteur des fonctions qui rendent des services directs à la population, comme je l'ai dit tantôt il y a un secteur hautement prioritaire, celui dé l'Education. Comme à la Santé, il y a à l'Education une très large part du budget constituée de subventions, de subsides versés à des organismes autonomes dont l'administration n'est pas intégrée à celle du gouvernement. Pour cette raison, nous avons voulu dès le départ concentrer nos efforts sur: a) le processus de planification et de prise de décisions qui engagent les ressources financières du gouvernement et conduisent sub- séquemment à une dépense qu'on est forcé d'Inclure au budget. b) les contrôles exarcés par le gouvernement sur ces organismes autonomes qui dépensent l'argent que le gouvernement met à leur disposition.

Il nous a semblé qu'il y aurait probablement deux sortes de problèmes dans ces ministères dont la majeure partie du budget est constituée de montants versés en subventions. D'abord, les problèmes immédiats demandant une solution intérimaire mais immédiate et, deuxièmement, les problèmes fondamentaux demandant des solutions à long terme .

Afin de procéder avec ordre et méthode dans ces grands ministères, nous avons voulu faire d'abord un bref examen préliminaire de la situation dans la perspective de ce que je viens d'énoncer. Un tel examen préliminaire a pour but premièrement, l'identification précise des problèmes, de leurs causes et de leur envergure; deuxièmement, la détermination de la portée, de la nature et de l'étendue des travaux à faire en vue de remédier aux problèmes ainsi identifiés; troisièmement, la définition des résultats anticipés en termes concrets; quatrièmement, la détermination de la façon d'aborder les travaux et, cinquièmement, un programme de travail pour s'y attaquer.

Au ministère de l'Education, M. le Président, l'examen préliminaire est terminé. Nos constatations seront discutées le plus tôt possible, d'abord avec le sous-ministre concerné, ensuite avec le ministre, ensuite avec le comité consultatif. Nous serons alors en mesure de former les équipes nécessaires pour entreprendre les études en profondeur jugées prioritaires.

Dans le domaine de la Santé, nous avons suivi le même processus que pour l'Education, et pour les mêmes raisons. Là aussi, nous avons concentré sur le planning et les contrôles exercés par le ministère sur les organimes autonomes.

Et ce, vu la très grande importance, du point de vue budgétaire, de l'assurance-hospitalisation et du secteur des soins psychiatriques.

Là aussi, notre étude préliminaire est terminée. Nous avons commencé à discuter nos constatations avec le sous-ministre concerné, nous le ferons le plus tôt possible avec le ministre et, là encore une fois, avec le comité consultatif.

En ce qui concerne la santé, il y a une distinction importante par rapport à l'éducation. C'est qu'il y a une commission royale d'enquête sur les problèmes de la santé et du bien-être qui travaille depuis une couple d'années et qui

doit terminer ses travaux à l'automne, à ce qu'on me dit. Afin d'éviter de faire double emploi avec les travaux exécutés par ou pour cette commission, je me suis entendu avec son président, M. Castonguay, pour qu'une fois notre étude préliminaire terminée, je puisse passer en revue avec lui ce que serait notre programme de travail si la commission Castonguay n'existait pas, de façon qu'il puisse me souligner les choses dont nous n'avons pas besoin de nous tracasser, parce que son équipe y a vu, et par conséquent, son rapport contiendra des recommandations sur le sujet, et de façon qu'il puisse également identifier les secteurs dans lesquels son équipe n'a pas travaillé.

Dans le domaine des services de soutien ou de support, comme je le mentionnais tout à l'heure, nous avons des études en cours dans le domaine de l'informatique. Nous avons, en fait, deux projets en cours dans ce domaine. Une première étude vise à la détermination d'une politique à long terme en ce qui concerne l'Informatique. Une première étape est amorcée. Il s'agit d'un inventaire des ressources humaines et matérielles dont dispose le gouvernement dans le domaine de l'informatique, un inventaire des applications actuelles, c'est-à-dire des différents travaux actuellement confiés aux ordinateurs du gouvernement, et aussi un inventaire des applications prévisibles pour les prochains cinq ans.

Selon l'acheminement critique pour cette étude particulière, nos conclusions devraient être prêtes le 31 octobre.

La deuxième étude en cours dans le domaine de l'informatique vise à la détermination de l'organisation requise pour mettre cette politique en application une fois qu'elle sera déterminée.

Il s'agit de questions de structures, d'outils de travail, c'est-à-dire qu'il faudra mettre à la disposition des responsables de la coordination des activités mécanographiques du gouvernement des outils de travail tels que lignes de conduite générale, normes, devis, standards, etc., qui leur permettront de s'acquitter de leurs responsabilités.

Ce deuxième aspect de l'étude dans le domaine de l'informatique devrait normalement se terminer le 13 novembre.

Il y a, comme vous le savez, dans le domaine de l'informatique, un comité consultatif de coordination des activités mécanographiques que le gouvernement a constitué l'été dernier et que préside M. Gérard Grondin, sous-ministre adjoint aux Finances. Ce comité est composé, outre M. Grondin, des directeurs des différents centres des traitements des données du gouvernement. Nous travaillons en étroite collaboration avec ce comité et ses membres, et nous sommes très heureux de leur coopération.

Il y a eu, aussi, dans le domaine de l'informatique, des travaux qui ont été faits au niveau de la coordination centrale des activités mécanographiques, travaux qui ont été faits il y a quelques années; nous en prenons plein avantage, et notre travail en somme consiste à mettre à jour ce qui avait été amorcé dans le temps.

L'équipe qui est à l'oeuvre dans le domaine de l'informatique compte déjà un certain nombre de fonctionnaires, d'analystes du gouvernement dans ce domaine.

La sixième étude en cours est celle qui a trait aux responsabilités du ministère des Travaux publics, c'est-à-dire aux responsabilités de la gestion immobilière du gouvernement et de certains services que donne le ministère des Travaux publics aux autres ministères. Notre étude préliminaire dans ce domaine est actuellement en cours et elle devrait normalement, selon notre cheminement critique, se terminer à la fin de ce mois.

M. le Président, voici une vue rapide et à vol d'oiseau de ce qu'on nous a demandé de faire, de la façon dont nous procédons pour remplir notre mandat, de ce que nous avons accompli à ce jour et, enfin, de ce que nous anticipons faire au cours des prochains mois.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Mineau. Est-ce que les collègues ont des questions à poser à M. Mineau?

M. LESAGE: J'aurais voulu, peut-être, demander à M. Mineau de nous donner un peu plus de détails sur le travail déjà effectué et les résultats obtenus, s'il y en a, par l'équipe d'étude dont il nous a parlé en ce qui touche la préparation du budget par programme et l'étude de la rentabilité de chacun des programmes.

M. MINEAU: M. le Président, dans ce domaine, l'équipe que j'ai mentionnée tantôt, composée de fonctionnaires et d'un conseiller en administration a concentré ses efforts, vers la détermination de ce qui pourrait être une formule applicable en pratique pour la budgétisation par programme. Nous avons, je considère, fait des progrès assez substantiels dans ce domaine. Il y a eu, la semaine dernière, une réunion du comité consultatif spécial sur le processus de budgétisation, au cours de laquelle mon collègue, M. Allard, a fait part au comité de la formule qui était mise de l'avant par l'équipe de travail, et le comité est actuellement à y songer, à l'examiner...

M. LESAGE: A la digérer.

M. MINE AU: ... à la digérer. Il y aura sous peu une autre réunion où nous aurons les commentaires, les réactions du comité, et là, nous verrons ce que nous pouvons faire. A ce stade-ci, nous en sommes au niveau des fonctionnaires. Nous travaillons avec les fonctionnaires du ministère des Finances, de la Trésorerie, de l'Office de planification économique et l'Ecole nationale d'administration publique.

M. LESAGE: Comment définissez-vous les programmes? Donnez-moi un exemple ou deux.

M. MINEAU: Ce mot programme est un des mots qui, je crois, portent le plus à confusion.

M. LESAGE: De là ma question!

M. MINE AU: Parce que, si on regarde les différents niveaux de l'activité gouvernementale, on pourrait dire que l'activité gouvernementale se situe dans quatre ou cinq grands domaines.

M. LESAGE: On peut le diviser comme on veut, c'est pour cela que je vous pose la question.

M. MINEAU: On peut commencer par les grandes missions du gouvernement, les domaines; on peut avoir des secteurs importants, ensuite les activités de chacun des ministères. Quant on parle de programmes, on peut avoir un programme d'activité dans un ministère, on peut avoir un programme gouvernemental, c'est-à-dire au niveau supérieur, au niveau des grandes missions, des grands domaines d'activité. C'est pour cela que le programme est un terme qui porte énormément à confusion, et malgré que le système s'appelle « budgétisation par programme », nous essayons, dans la mesure du possible, pour qu'on se comprenne dans le processus, d'éviter d'employer le mot programme comme tel.

M. LESAGE: Bon.

Alors, ce que vous étudiez présentement, ce que l'équipe de travail est en train de digérer, pour me servir de l'expression utilisée tout à l'heure — il faut bien que j'emploie le mot programme, que voulez-vous? — est-ce que l'équipe étudie des programmes qui chevauchent ou qui débordent les cadres d'un ministère, par exemple?

Comment se fait cette étude?

M. MINEAU: Oui.

M. LESAGE: Est-ce que vous avez l'intention de budgéter pour des programmes qui dépassent les cadres d'un ministère, par exemple?

M. MINEAU: Peut-être que M. Lesage devance un peu notre étude dans ce domaine lorsqu'il parle de la budgétisation de notre programme.

M. LESAGE: Vous n'êtes pas rendus là?

M. MINEAU: Non. Nous n'en sommes pas au stade des détails. A l'heure actuelle, nous travaillons à une formule qui permettrait au gouvernement — je parle du gouvernement au niveau supérieur — de faire une allocation des ressources financières dont il dispose en termes des produits qu'il veut que son activité produise.

M. LESAGE: En termes de rentabilité?

M. MINEAU: Oui. En termes de ce qu'il veut accomplir plutôt que, suivant la formule actuelle, en termes de ce qu'il veut dépenser.

M. LESAGE: De besoins des ministères?

M. MINEAU: C'est ça. Alors, nous en sommes là. C'est un projet qui, en somme, regarde l'activité gouvernementale supérieure et voit dans quelle grande mission, dans quel grand domaine d'activité, dans quel secteur elle se situe.

M. CHOQUETTE: Oui, mais M. Mineau, à ce niveau-là, n'êtes vous pas en pleine politique? Le choix des priorités budgétaires, c'est une décision politique; ce n'est pas, à proprement parler, du PPBS.

M. MINEAU: Non, vous avez parfaitement raison. Je vous assure que nous ne sommes pas dans ce domaine du choix politique de ce que doit être l'activité gouvernementale. Actuellement, nous tentons de définir des mécanismes qui permettraient au gouvernement de prendre les décisions politiques qui relèvent de lui.

M. CHOQUETTE: De prendre la décision le plus rationnellement possible et de clarifier, en somme, les domaines dans lesquels il va intervenir. Mais, au fond, pour revenir à ce que disait M. Lesage, n'êtes-vous pas, à l'heure actuelle, en train d'examiner l'opportunité d'appliquer le PPBS plutôt que...

M. MINEAU: Nous sommes en...

M. CHOQUETTE: Vous êtes entrain de l'appliquer?

M. MINEAU: Nous ne sommes pas en train de l'appliquer, non. Mais, c'est assez difficile de faire une ligne de démarcation claire et nette entre l'étude de l'opportunité et, ensuite, l'étude d'une méthode. En effet, si l'on étudie l'opportunité à partir des textes, vous allez trouver nombre de textes qui vont être fortement en faveur de la budgétisation par programme et vous allez en trouver d'autres qui ne le seront pas. Alors, cela ne sert à rien de faire une étude purement académique, à partir de textes. Il faut commencer à travailler le matériel pour voir ce que cela donnerait en pratique et voir comment on pourrait travailler avec un tel outil.

M. LESAGE: Mais, est-ce que cela n'a pas été appliqué aux Etats-Unis, par exemple, est-ce qu'on n'a pas commencé à l'appliquer en France?

M. MINEAU: Le système lui-même, comme vous le savez sans doute, a pris naissance aux Etats-Unis.

M. LESAGE: C'est M. McNamara qui l'avait appliqué au ministère de la Défense, aux Etats-Unis.

M. MINEAU: C'est ça. Depuis l'an dernier, je crois, tous les ministères américains sont forcés par le bureau du budget de présenter un budget par programme. Seulement, le fait qu'ils présentent un budget par programme, cela ne veut pas dire qu'ils contrôlent leurs dépenses administratives suivant cette formule de budget-programme. Cela peut être deux choses bien différentes. Dans certains ministères, on peut exercer un contrôle suivant la budgétisation par programme. Dans d'autres, cela ne peut pas fonctionner. Il faut que le contrôle se fasse suivant les unités administratives, surtout là, où il y a éparpillement d'unités administratives en termes de régionalisation.

M. LESAGE: Mais, est-ce que des gens de l'équipe ont étudié sur place, aux Etats-Unis, le fonctionnement de ce système?

M. MINEAU: Oui, parmi les fonctionnaires, il y en a qui sont allés voir le système au « Budget Bureau » à Washington. Les gens de mon équipe sont allés voir le système qui est en train d'être mis sur pied pour l'Etat du Massachusetts. Le contrôleur de la Trésorerie aussi, je crois, est allé voir ce qui se fait dans Iowa.

Nous avons eu ici quatre ou cinq fonctionnaires du gouvernement fédéral qui sont venus nous parler de l'implantation du budget par programme au gouvernement fédéral, des problèmes que cela a comporté en pratique. Egalement, nous avons rencontré les gens du gouvernement de l'Ontario pour voir où ils en étaient rendus avec leur projet d'implantation du budget par programme. Nous avons fait beaucoup de sondages. Nous sommes sortis des textes et des théories pour aller voir en pratique comment cela peut se réaliser pour éviter, dans la mesure du possible, que nous commettions ici les erreurs qui ont été commises ailleurs, pour prendre avantage des erreurs faites ailleurs et pour essayer de faire plus vite qu'on pourrait le faire autrement.

M. LESAGE: Considérez-vous comme normal la programmation du développement économique d'une région donnée — je ne parle pas du BAEQ, je ne parle pas de la région du Bas-du-Fleuve — comme les Alleghanys ou le Nord-Ouest québécois — pour faire plaisir à M. Cliche — et que le gouvernement décide de mettre sur pied un programme de développement économique, développement des ressources, amélioration ou création de communications, développement des ressources humaines, utilisation la plus pleine possible? Evidemment, un tel programme chevauche les ministères. Est-ce que c'est dans ce sens-là que vous entrevoyez la programmation, est-ce un cas que vous entrevoyez?

M. MINEAU: Dans un cas comme celui-là, le fait qu'un tel programme chevauche plusieurs ministères, au sein de chacun des ministères il y aurait un ou des programmes qui viseraient ce développement régional et particulier. Mais quand la consolidation des budgets de chacun des ministères, préparés par programme, serait faite à partir d'une codification qui permettrait que ça s'imbrique les uns dans les autres, là, le programme au niveau supérieur comportera tout ce que le gouvernement dépense dans ce secteur particulier.

M. LESAGE: Est-ce que le contrôle, à ce moment-là, ne devrait pas être un contrôle d'ensemble du vaste programme dépassant les cadres d'un ministère donné?

M. MINEAU: Je crois qu'il a aussi dans ce domaine le problème du style de gestion du gouvernement Si vous voulez accorder aux ministères une autorité qui corresponde un peu à la responsabilité que vous leur confiez, il faut qu'ils aient une certaine latitude dans la gestion des ressources que vous mettez à leur dis-

position. Avec ce style de gestion-là, il n'est pas possible d'exercer un contrôle administratif de ces budgets à partir d'une autorité centrale qui est en haut et qui tient tous les cordons. Cependant le gouvernement, lui, quand vient le temps de décider à quoi il veut consacrer les ressources financières additionnelles dont il dispose — à quoi il veut les consacrer l'an prochain, dans deux ou trois ans — là le gouvernement, par le système que nous sommes en train d'essayer de concevoir, est en mesure de prendre une décision qui englobe toute l'activité gouvernementale dans un secteur particulier. Il y a deux niveaux dans la budgétisation par programme. Il y a la grande question de l'allocation des ressources financières dont le gouvernement dispose, et cette responsabilité appartient au gouvernement du moment. Il y a, par en bas, dans les ministères, la planification de leurs activités à eux en conformité des objectifs et des grands programmes que le gouvernement a décidé de poursuivre.

M. LESAGE: Cela devient moins de la planification à ce moment-là, au sein des ministères, que de l'administration.

M. MINEAU: Oui, mais...

M. CHOQUETTE: M. Mineau, est-ce que l'originalité du système PPBS n'est pas de donner des critères de références quant à la rentabilité des dépenses gouvernementales?

Je veux dire ce que l'on va dépenser dans tel secteur plutôt que dans tel autre parce que cela a des conséquences, c'est cela, l'originalité réelle du système. Ce n'est pas simplement, au fond, de clarifier l'administration, malgré que je ne méprise pas cet aspect-là des choses, qui est certainement très important, c'est-à-dire de savoir si, par exemple, tel ministère accomplit une fonction qui est connexe ou qui chevauche avec tel autre ministère, et si on ne doit pas, pour des fins budgétaires, grouper les dépenses des deux ministères.

Cela a sans doute son importance, mais la véritable originalité du système, c'est comme système de référence, pour savoir si la dépense est mieux placée dans tel domaine ou dans tel autre. Est-ce exact?

M. MINEAU: Oui, ce à quoi vous faites référence, c'est ce qui s'appelle dans le langage du PPBS l'analyse des coûts bénéfices. Cela, c'est le raffinement ultime de la budgétisation par programme. Mais, croyez-moi, même au fédéral, où on est dans le budget programme depuis cinq ou six ans, on est loin, très loin de l'analyse des coûts bénéfices. En Ontario, où on est dans le budget par programme depuis deux ans, on n'y est pas du tout et même aux Etats-Unis...

M. CHOQUETTE: Aux Etats-Unis, on y est certainement dans certains ministères.

M. MINEAU: Dans certains ministères, comme le ministère de la Défense, où M. McNamara, je crois, en 1958, a commencé ce travail, mais je vous assure que c'est beaucoup plus simple d'en parler que de faire quelque chose.

M. LESAGE: D'ailleurs, cela dépend quel rendement on attend d'un ministère de la Défense. C'est cela.

M. CHOQUETTE: Non, mais on compare, par exemple, le rendement du ministère de la Défense par rapport à celui de la Santé. Il vaut mieux investir dans des canons plutôt que dans la recherche sur le cancer. Enfin, c'est caricatural, ce que je dis là, mais cela se passe passablement à ce niveau-là.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on a d'autres questions à poser à M. Mineau? Sinon, nous pourrions entendre M. Robert de Coster. Merci, M. Mineau.

M. MASSE: M. le Président, dans l'exposé de base, il y avait donc deux secteurs au terme de fonction publique, le secteur de la structure, et nous avons entendu M. Mineau nous exposer le travail qui se fait dans ce domaine. Nous avions le deuxième secteur proprement dit de gestion du personnel.

Le gouvernement a mis sur pied un comité directeur de réformes dans ce secteur et M. Robert de Coster, qui a des responsabilités au régime des rentes, a bien voulu accepter notre demande d'assumer la direction ou la présidence de cette commission. Nous lui avons demandé d'être à votre disposition pour faire un exposé du travail de cette commission, de sa responsabilité et également de répondre S toutes les questions des membres de la commission.

M. LE PRESIDENT: M. de Coster.

M. Robert de Coster

M. DE COSTER: Merci, M. le Président. Come vous l'a souligné, il y a quelques minutes, l'honorable M. Masse, le gouvernement

instituait le 22 juin 1967 une étude préliminaire de la gestion du personnel au gouvernement du Québec. Cette étude cadrait fort bien d'ailleurs avec les recommandations contenues dans un mémoire qu'adressait à l'honorable ministre des Finances et à l'honorable M. Masse un groupe de hauts fonctionnaires qui s'étaient individuellement et collectivement intéressés à la gestion de la machine gouvernementale et qui avaient recommandé entre autres l'institution d'une étude sur les structures et pratiques administratives du gouvernement. L'étude préliminaire de 1967 constituait donc une première étape importante.

La responsabilité du travail fut confiée à la firme Urwick Currie. Le mandat peut être résumé de la façon suivante:

Tout d'abord, inventorier les méthodes et les procédures utilisées dans la gestion du personnel et en identifier les déficiences.

Deuxièmement, examiner les programmes de la gestion du personnel et identifier les déficiences qui résultent de politiques ou de procédures inefficaces.

Troisièmement, déterminer les besoins de renseignements pour fin de direction et de décision dans les activités de gestion de personnel, compte tenu des aspects financiers.

Quatrièmement, préparer à partir des constatations un plan d'amélioration qui tienne compte des exigences immédiates et futures pour fins de négociation et des perspectives à long terme d'efficacité administrative.

Le rapport déposé le 15 décembre 1967 faisait tout d'abord le diagnostic des malaises dont souffre l'administration du personnel et explicitait six constatations et commentaires sur la situation présente.

Ils faisaient ensuite état d'un plan d'amélioration en deux parties pour en arriver à des recommandations spécifiques. Il est intéressant d'examiner chacune des constatations car elles servent de base à l'étude présente.

La première constatation: Il existe une variété de textes régissant la gestion du personnel qui sont mal communiqués, méconnus, incomplets et cause de conflits. A titre d'exemple, les textes régissant la gestion du personnel comprenait, en 1967, cinq lois différentes, des arrêtés ministériels, des procès-verbaux du Conseil de la trésorerie, des règlements et des résolutions de la Commission de la fonction publique, onze conventions collectives, des directives de la DGRT, des mémos du bureau du contrôleur de la Trésorerie, des décisions arbitrales de la Commission de la fonction publique ou autres arbitres et, finalement, des directives propres à chaque ministère.

Ces décrets étaient émis par sept autorités différentes. Aucun organisme administratif n'est chargé de la coordination finale de ces directives non plus que de l'exécution, de l'interprétation et de l'exercice d'une surveillance dans leur application. Il devient, évidemment, ainsi difficile d'acquérir une bonne connaissance des directives. Il se soulève de nombreuses difficultés d'interprétation. Il se crée des lacunes importantes dans le développement de politiques et directives. Il y a de nombreuses disparités et inégalités dans le traitement des individus et finalement des disparités entre ministères.

En conclusion, il existe donc un besoin urgent d'un manuel explicatif englobant toutes les politiques et directives sur la gestion du personnel.

La deuxième constatation: Les procédures d'embauche, de mouvement de personnel et de paie sont lourdes, complexes et ne sont pas appliquées uniformément. A titre d'exemple encore, il y a cinq organismes différents impliqués dans la procédure d'embauche et 33 étapes distinctes. Il en est de même de la procédure de paie. Ceci a pour effet d'alourdir et de compliquer inutilement les procédures et pratiques de la gestion du personnel. Nous ferons état, un peu plus tard, d'exemples des lourdeurs et délais dans l'embauche, de la difficulté de planification et de certaines difficultés qu'occasionnent les délais par rapport à la perte de candidats inscrits aux concours.

En ce qui a trait aux mouvements de personnel, on y note des lourdeurs, des manques d'uniformité, des manques d'intégration avec les autres procédures. Quant à la pale, il y avait une grande diversité de procédures et de systèmes, et des faiblesses, des lourdeurs de délai et d'inflexibilité et des conceptions inadéquates.

En résumé les procédures d'embauche, le mouvement du personnel et de pale ont besoin d'être simplifiés et rendus plus rapides et d'être uniformisés, intégrés et mieux connus de tous les usagers.

La troisième constatation: La multiplicité des organismes compromet l'efficacité administrative. Qu'il nous suffise de noter qu'il y a neuf organismes à l'heure actuelle impliqués dans l'administration de la gestion du personnel. En conclusion, il est nécessaire de développer un moyen plus efficace de planification et de coordination.

La quatrième constatation: Les besoins d'information sur le personnel et sur les activités de gestion de personnel sont nombreux, variés et urgents. Les ministères et organismes ont

besoin d'Informations pour planifier et contrôler les activités dans la gestion du personnel ainsi que pour des fins de direction de leur personnel. Les négociations et l'administration des conventions collectives exigent des informations sur des sujets tels que l'analyse détaillée de la composition de la fonction publique, par âge et par durée de service, le nombre et l'identité des personnes exclues des syndicats, etc. En l'absence d'une approche unifiée pour la production des renseignements requis, les ministères et organismes ont développé des systèmes ad hoc afin de générer une information dont ils croient avoir besoin, ce qui a résulté dans la création d'un nombre de fichiers superposés, ce qui a contribué à rendre difficile l'accès à l'information et qui a rendu quasi inexistante l'information de base dont les ministères et les organismes avaient besoin.

En conclusion, dans ce secteur il est évident qu'il y a un besoin considérable d'informations nombreuses, variées, portant sur des activités de gestion de personnel et sur le personnel lui-même.

La cinquième constatation: Le contrôle avant le fait est une cause d'inefficacité et de perte de contrôle. Les procédures actuelles d'embauche, de mouvement de personnel et de paye comportent des vérifications multiples avant la nomination, la mutation, etc. Plusieurs autres processus, tels que l'avancement et la révocation, comportent également des vérifications avant que les décisions prises ne puissent être exécutées dans les faits. En l'absence de politiques unifiées, claires et bien comprises, et de renseignements précis et fiables concernant l'application des politiques, l'examen des cas individuels par les autorités centrales est devenu le seul mécanisme de surveillance. Ces contrôles avant le fait, en plus de réduire l'autorité et les moyens d'exécution des cadres des ministères, présentent des faiblesses importantes.

En conclusion, il est donc nécessaire de développer des méthodes qui permettront de révéler les déviations et de prendre des mesures correctives dès que celles-là apparaissent et avant qu'elles ne dégénèrent en une situation difficile et parfois insoluble.

La sixième constatation: Les pratiques orientées vers les motivations et l'encouragement des individus ainsi que le développement de l'habileté de gérance sont déficientes. Dans les conditions idéales, le meilleur rendement serait obtenu du personnel, au gouvernement comme ailleurs, lorsque les éléments suivants seraient appliqués: Chaque individu devrait connaître clairement les tâches particulières qu'il a à accom- plir, ainsi que les résultats espérés et les critères d'évaluation qui seront utilisés. Il devrait lui être donné l'opportunité de faire son travail sans restriction. Son rendement de travail devrait être évalué en fonction des résultats espérés et des résultats obtenus qui sont discutés avec lui afin de déterminer l'assistance et la formation dont il a besoin. Chaque individu doit recevoir l'aide et la formation dont il a besoin et chaque individu, enfin, doit être promu et payé selon ses accomplissements et selon ses contributions à l'administration provinciale.

En conclusion, encore ici, il est nécessaire de développer des usages et des méthodes de direction de personnel qui soient propices à la motivation des individus et rencontrent les besoins des organismes ou ministères. La correction de ces déficiences constitue une responsabilité considérable. Il est nécessaire de procéder d'une façon ordonnée et progressive. Ceci exige un programme énergique d'améliorations dont nous donnons ici un bref sommaire. Le rapport suggère donc un plan d'amélioration en deux parties: La première partie constitue la revision des procédures d'embauche, de mouvement de personnel et de paye afin de les incorporer à un seul système pour fins de planification, de coordination et de contrôle de ces activités. Il faut de plus combiner la production des formations dans le personnel de la Fonction publique au système intégré de procédures. Enfin, il faut assembler, coordonner, rédiger et communiquer à tous les membres des cadres les personnels et directives portant sur la gestion du personnel.

Quant à la deuxième partie, le rapport recommande de donner aux cadres des ministères et aux officiers des agences centrales le degré d'autorité requis pour l'exercice de leurs fonctions et d'introduire des pratiques essentiellement orientées vers l'encouragement du personnel à la réalisation des objectifs des ministères et du gouvernement.

Si nous faisons le sommaire des recommandations, nous voyons, dans la première partie, qu'il s'agit d'une revision complète et d'une intégration des procédures de gestion du personnel et des systèmes administratifs qui s'y rattachent.

Deuxièmement, la conception et la mise en marche d'un système d'information et, troisièmement, la coordination, la clarification et la communication des politiques et des pratiques à tous les cadres de gérance. Comme deuxième partie des recommandations, la mise en place d'un organisme central et unique de gestion de personnel et la mise au point du partage des responsabilités et autorités entre les ministères et

l'organisme central. Et, finalement, la mise en vigueur, sous forme de projet pilote, de politiques et de pratiques nécessaires à l'encouragement des individus.

Cette étude préliminaire de 1967 faisait donc ressortir clairement le besoin de changements radicaux dans la gestion du personnel de la fonction publique.

Le rapport, en plus de faire le diagnostic des malaises, a souligné la nécessité de politiques, de pratiques, de systèmes nouveaux, axés, d'une part, sur une détermination précise des besoins en effectifs et sur leur utilisation maximale et, d'autre part, sur la motivation à l'initiative individuelle.

Le rapport proposait enfin des mesures correctives à court et à long terme.

Ce rapport, comme je vous le soulignais, a été déposé en décembre 1967. Dos avril 1968, le gouvernement autorisait le projet de modernisation de la gestion du personnel de la fonction publique. Il mandatait, en même temps, les mêmes consultants pour effectuer le travail et adjoignait à l'honorable ministre délégué à la fonction publique un comité directeur chargé de coordonner le travail. Ce comité, que j'ai l'honneur de présider, est composé en plus de MM. Després, Bol-duc, Dugas, Grondin et Mineau.

Le projet a un double but, soit, tout d'abord, de concevoir, de mettre au point et de formuler des politiques, des concepts de base et des procédés en matière de gestion de personnel, et, comme deuxième étape, d'intégrer les changements dans la pratique quotidienne, par la mise en application de procédés intégrés, d'un manuel de procédés et d'un système d'information.

La première étape, soit celle de la conception, est maintenant complétée. Nous entreprenons la deuxième, soit celle de l'implantation. Nous avons même déjà entrepris des améliorations immédiates dans certains domaines comme la paie, l'information sur les cadres, l'annotation, etc.

Le projet est certes considérable. Il comprend de très nombreux éléments, touche à un très grand nombre de secteurs d'activités et comprend une infinité de détails. L'envergure de l'opération a suscité l'adoption d'une méthode de travail qui procode du général vers le détail. Nous avons tout d'abord défini l'objectif général de la gestion du personnel dans l'administration gouvernementale, soit l'efficacité administrative et la justice.

Nous avons ensuite tenté de dégager une philosophie générale nouvelle de gestion de personnel. Ici, trois concepts nouveaux importants ont été identifiés:

Premièrement, un organisme central doit être chargé de formuler, de coordonner et de communiquer les politiques du gouvernement.

Deuxièmement, l'autorité et la responsabilité de la gestion quotidienne doivent être déléguées au niveau le plus près possible de l'exécution et doivent être supportées par des pratiques de gestion appropriées.

Troisièmement, cette délégation doit être accompagnée de mécanismes de surveillance et de contrôle pour assurer que les plans sont suivis, que les politiques sont appliquées et que l'information nécessaire à la revision des politiques est disponible.

Après avoir constaté la nécessité d'une intervention législative, nous en sommes venus à énoncer plus spécifiquement les objectifs de la gestion du personnel, les concepts de gestion intégrée, les politiques de gestion, les pratiques de gestion, le fonctionnement des systèmes et les modalités de surveillance et de contrôle.

D'une façon générale, nous visons, premièrement, une meilleure utilisation des ressources humaines, compte tenu des priorités du gouvernement.

Deuxièmement, un développement du potentiel humain disponible.

Troisièmement, la création d'une motivation profonde chez le fonctionnaire.

Quatrièmement, la participation active de chaque administrateur à la gérance du personnel dont il a la charge par une délégation d'autorité et un déplacement rationnel du niveau des décisions.

Cinquièmement, la cohésion dans les activités de gestion du personnel et du traitement des employés.

Sixièmement, l'efficacité et la rapidité des processus et le respect des politiques administratives du gouvernement.

Septièmement, la répartition des responsabilités et des autorités.

Huitièmement, la création d'une banque de renseignements.

Neuvièmement, l'utilisation des outils modernes de gestion, et plus particulièrement de l'informatique.

Pour ce faire, il nous faut assembler, examiner et reconcevoir les politiques de gestion de personnel, rédiger ces politiques et en assurer la compréhension par tous les cadres. Examiner et reconcevoir la distribution des responsabilités entre les ministères et les organismes centraux, pour assurer que le personnel des cadres ait le degré d'autorité requis pour la gestion de leur personnel. Fixer le principe que la délégation de l'autorité pour la gestion quotidienne se fasse jusqu'au niveau le plus près possible de celui qui est responsable de la sur-

reillance et de l'exécution du travail. Garantir que cette délégation est accompagnée d'un mécanisme de surveillance adéquat pour assurer une application correcte des politiques et des normes.

Troisièmement, introduire des pratiques essentiellement orientées vers la mise en valeur et une meilleure utilisation du personnel.

Quatrièmement, reviser les procédés d'embauche, de mouvement de personnel et de paie, et les incorporer à un seul système intégré pour améliorer leur efficacité et leur validité..

Cinquièmement, enfin, organiser un système d'information sur le personnel de la Fonction publique pour fins de planification, de gestion et de contrôle des activités de gestion du personnel et intégrer ce système aux procédés de gestion.

Nous prévoyons que ce travail devrait durer trois ans et il met à contribution un bon nombre de fonctionnaires qui nous ont, à ce jour, effectué des travaux dont nous pouvons dire que nous sommes fiers. M. Jacques Drouin vous expliquera plus en détail certains des aspects techniques de l'étude.

M. LE PRESIDENT: M. de Coster, je pense que les membres de la commission auraient des questions à vous poser. Si vous voulez rester à notre disposition.

M. LESAGE: J'en aurais quelques-unes et ce sera assez bref, M. de Coster. Vous nous avez dit que le rapport de 1967 de la maison Urwick Currie mentionnait qu'il y avait trop de vérifications avant le fait dans l'embauche. Je crois que c'était la même chose pour la paie. Pour ne pas chevaucher, je vais prendre le cas de l'embauche. Il faut quand même un certain nombre de vérifications. On peut simplifier, parce que moi-même j'ai toujours trouvé cela très lourd.

Mais une chose est certaine, c'est qu'il faut vérifier qu'un poste est libre, il faut vérifier que le salaire est bien établi, il faut vérifier que le poste est prévu au budget — cela est essentiel — et il faut, avant l'embauche, que la Commission de la fonction publique donne un certificat à l'effet que la personne est qualifiée. Ce sont des vérifications essentielles, avant le fait, qui me semblent bien essentielles. Maintenant, je ne veux pas dire qu'il est nécessaire que ce soit fait comme c'est fait actuellement par le Conseil de la trésorerie. Je trouve que cela alourdit énormément le travail au Conseil de la trésorerie. Cette vérification, avant le fait, au sujet du salaire, du fait que le poste est libre et qu'il est prévu au budget, je pense que cela pourrait se faire au niveau du bureau du contrôleur de la Trésorerie, sans avoir à passer par le Conseil, me semble-t-il. C'est la Commission de la fonction publique qui pourrait vérifier les qualifications. Vous ne trouvez pas que c'est essentiel? Ce sont des choses qui sont essentielles.

M. DE COSTER: Evidemment, il y a un certain nombre d'étapes qu'il faut franchir, mais le nombre des étapes nous paraît excessif. M. Drouin vous en fera état un peu plus tard. Mais, dans le domaine de l'embauche, que vous avez mentionné, il y a 33 centres de responsabilités.

M. LESAGE: C'est trop.

M. DE COSTER: Dans ce cheminement, les mêmes informations se recopient...

M. LESAGE: C'est trop.

M. DE COSTER: ... dixfoisetla même transaction traverse neuf fois le bureau du directeur du personnel.

M. LESAGE: C'est avant d'arriver au bureau du Conseil de la trésorerie.

M. DE COSTER: C'est cela.

M. LESAGE: C'est cela. Mais cela, je n'en ai pas eu connaissance.

M. MASSE: C'est cela qui prend deux ou trois mois.

M. LESAGE: C'est au sein de chaque ministère que c'est si long à faire, ces vérifications avant l'embauche.

M. MASSE: C'est long.

M. DE COSTER: C'est le processus qui le demande. La multiplication des organismes d'abord, et puis la multiplication des contrôles avant que le fait se fasse. Ce que nous voulons tendre à faire, c'est de restreindre le nombre des organismes et créer des normes qui devraient être subséquemment vérifiées de façon que la vérification et la surveillance se fassent dans le processus intégré, en déterminant, par le moyen des critères et des normes, si les politiques gouvernementales sont suivies, si les directives sont suivies, et en faisant sortir uniquement les exceptions plutôt que d'imposer une vérification à chaque cas.

M. LESAGE: Comment se faît-il que le dossier doive aller si souvent chez le directeur du personnel d'un ministère ayant de prendre le chemin du Conseil de la trésorie?

M. DE COSTER: C'est à cause de ces vérifications nombreuses, à cause des vérifications qu'exige le procédé à l'heure actuelle. Pour vous donner une idée des délais que cela peut encourir...

M. LESAGE: Oui.

M. DE COSTER: ... un échantillon qui a été fait, indiquait que le résultat des étapes exigeait, en moyenne, 100 jours entre une demande de personnel et l'entrée en fonction de l'employé lui-même, que le candidat lui-même devait attendre 108 jours entre son inscription au concours et son entrée en fonction, sans compter le délai de 42 jours pour l'obtention finale de son chèque.

Alors, tout cela vient d'une série de lourdeurs qui proviennent en partie de la multiplicité des organismes et en partie des processus de contrôle et de surveillance. C'est cela qu'il faut, à un moment donné, essayer de corriger.

M. LESAGE: Lorsqu'une liste d'éligibilité a été émise par la Commission de la fonction publique, par exemple pour des commis ou pour des sténographes... Le ministère a besoin d'une sténographe; disons qu'il y a une liste d'éligibilité. Alors, le directeur du personnel convoque une personne dont le nom apparaît sur la liste d'éligibilité. Il y a une entrevue mais après, il me semble qu'on n'a pas besoin de multiplier les procédures.

M. DE COSTER: Cela paraît simple, M. Le-sage, mais il y a certaines...

M. LESAGE: Mais, on n'a pas besoin de multiplier les procédures.

M. DE COSTER: C'est ce qu'il me semble aussi. Cest la raison pour laquelle nous essayons de trouver des mécanismes qui nous permettent d'en arriver à ce que vous suggérez. Mais, à l'heure actuelle, le système exige cette multiplicité de procédures.

M. LESAGE: Mais que font-ils en plus, lorsqu'il y a une liste d'éligibilité?

M. DE COSTER: Bien, là, il y a le rôle...

M. MASSE: C'est ce que nous verrons cet après-midi.

M. LESAGE: Mais, une fois que la liste est établie par la Commission de la fonction publique, est-ce qu'on a besoin de tellement de procédures, sauf de faire une entrevue et de vérifier si le poste est libre?

M. DE COSTER: II y a la vérification des effectifs...

M. BOLDUC: II s'agit d'étapes.

M. DE COSTER: ... la vérification de l'auditeur, la vérification du Conseil de la trésorerie...

M. LESAGE: Oui, c'est cela. C'est pour cela que je disais que le Conseil de la trésorerie, on pourrait bien...

M. MASSE: C'est ce que nous allons préconiser.

M. LESAGE: Parce que cela alourdit terriblement.

M. CHOQUETTE: Entre-temps, la fonction est abolie.

M. BERTRAND: C'est cela. C'est envoyé sur le carreau.

M. LESAGE: Ce qu'il y a de pire, d'après l'expérience que j'ai eue, c'est que la lourdeur de la procédure nous a fait perdre d'excellents candidats.

M. BERTRAND: ... L'avenir semble meilleur.

M. PICARD (Dorchester): Une période de 150 jours, c'est...

M. LESAGE: Cela nous fait perdre d'excellents candidats.

M. BERTRAND: Messieurs les membres...

M. CHOQUETTE: M. De Coster, à partir des carences qui ont été constatées dans l'administration gouvernementale, jusqu'à quel point votre comité a-t-il fait des recommandations précises pour remédier à cet état de choses?

M. DE COSTER: Nous avons, à l'heure actuelle, complété la première phase qui est celle de la conception des politiques, des pratiques et des processus. Non seulement nous faisons des recommandations, mais, à compter de maintenant, c'est le procédé de l'implantation qui com-

mence. Il y aura des recommandations spécifiques lorsqu'une décision gouvernementale devra être prise, lorsqu'une mesure législative devra être adoptée, mais nous commençons dès maintenant l'implantation d'une série d'améliorations.

M. CHOQUETTE: De quel ordre sont les recommandations qui seront implantées?

M. DE COSTER: II y a une amélioration immédiate en ce qui concerne la paie, en ce qui a trait à la notation du personnel et à l'information sur les cadres supérieurs. Ce sont des projets immédiats qui peuvent être mis en pratique maintenant, sans préjuger des décisions gouvernementales.

M. CHOQUETTE: Je présume que l'objet de la notation du personnel c'est d'apprécier les qualités du fonctionnaire pour des promotions futures, n'est-ce pas?

M. DE COSTER: Oui, c'est d'évaluer le fonctionnaire lui-même par la comparaison des résultats espérés qui lui auront été communiqués avec les résultats obtenus, discutés avec lui.

La base, c'est l'appréciation — non seulement pour une question de promotion, non seulement pour une question de salaire — d'un individu au cours de sa carrière comme fonctionnaire.

M. CHOQUETTE: Quelle formule spécifique recommandez-vous pour l'appréciation des fonctionnaires au plan individuel?

M. DE COSTER: II y a une formule de notation qui, à l'heure actuelle, est élaborée, qui est passée par un système de consultation et qui doit être mise en vigueur prochainement.

M. CHOQUETTE: Mais, qui va noter les fonctionnaires? Ce sont leurs supérieurs dans chacun des ministères suivant leur...

M. DE COSTER: Son supérieur immédiat.

M. CHOQUETTE: Son supérieur immédiat ou un comité de supérieurs?

M. DE COSTER: Tout d'abord, son supérieur immédiat, après une entrevue avec l'individu lui-même. Cela ne se fait pas en vase clos; cela se fait par le supérieur immédiat avec son subalterne.

M. CHOQUETTE: Mais, est-ce que le systè- me de notation que vous préconisez est un système de notation à période fixe, je veux dire, par exemple, à tous les trois mois, à tous les six mois?

M. DE COSTER: A période fixe.

M. CHOQUETTE: Je crois que, dans ce domaine, il est particulièrement important de faire en sorte qu'il y n'ait aucun arbitraire dans le domaine de la notation.

M. DE COSTER: C'est ce que nous essayons de faire.

M. CHOQUETTE: Quelle précaution prenez-vous dans le système pour éviter justement l'arbitraire?

M. DE COSTER: Les précautions que nous prenons sont les suivantes: d'abord, nous voulons que l'individu connaisse très bien les modalités de sa tâche et les résultats que nous espérons de lui.

En somme, il s'agit de lui communiquer ces objectifs, de lui communiquer les résultats espérés. C'est la première étape.

La deuxième est de comparer avec lui les résultats qui auront été obtenus dans une discussion, une entrevue bilatérale. Cette entrevue est consignée dans un questionnaire ou dans une formule prédéterminée et non seulement l'annotateur, mais l'Individu noté lui-même indique ses réactions à la notation. Si, évidemment, il y a communion d'idées, à ce moment cela n'ira pas plus loin; mais s'il y a divergence d'opinions, cela suivra l'échelle normale du supérieur jusqu'au sous-chef.

M. CHOQUETTE: M. De Coster, je ne comprends pas. Supposons qu'à tous les trois mois, les fonctionnaires du Québec seront notés au point de vue de l'assiduité, de l'efficacité au travail, je ne connais pas les catégories de la notation, vous ne nous les avez pas dites.

M. DE COSTER: Non. M. CHOQUETTE: Enfin...

M. DE COSTER: Pour vous dire franchement, je ne les connais pas par coeur moi-même.

M. CHOQUETTE: Mais nous pouvons dire que ce sera sans doute l'assiduité.

M. BOLDUC: C'est un ensemble de qualités qui sont reliées au rendement.

M. CHOQUETTE: Oui, justement.

M. BOLDUC: Mais il ne faut pas oublier une chose: la notation se produit à un moment donné dans le temps. Nous l'Inscrivons sur une fiche, mais nous notons tout le temps, en fait. Ce sont des jugements de valeur...

M. CHOQUETTE: Non...

M. BOLDUC: ... qui sont portés à un moment donné dans le temps sur les personnes.

M. CHOQUETTE: Je suis d'accord, mais...

M. BOLDUC: C'est le résultat d'un jugement continu.

M. CHOQUETTE: Non, non. Je suis d'accord qu'évidemment un supérieur volt son subalterne S la tâche tous les jours. lise forme un jugement sur lui, soit sur son assiduité, soit sur son rendement, etc. sur ses qualités de collaboration avec ses supérieurs, par exemple...

M. BOLDUC: Ses qualités de chef.

M. CHOQUETTE: ... ou avec ceux qui travaillent avec lui. Mais à un moment donné il s'agit de faire la notation, précisément, et là Je veux savoir quels sont les mécanismes que vous prévoyez pour éviter l'arbitraire dans la notation des fonctionnaires.

M. BOLDUC: Qu'entendez-vous par l'arbitraire?

M. CHOQUETTE: Je veux dire: Est-ce que ce sera M. Untel qui notera M. Untel, exclusivement? Ou est-ce qu'un consensus d'opinion se formera quant à la notation du fonctionnaire X par ses supérieurs, et non seulement par un supérieur?

M. BOLDUC: Le système prévoit que c'est, en principe, le supérieur de l'individu qui le note et qu'il y a révision par le second supérieur.

M. DE COSTER: Il y a révision s'il y a divergence d'opinions.

M. BOLDUC: Une sorte de pondération se fait. Mais cela reste tout de même des jugements de valeur, en partie.

M. CHOQUETTE: Oui, mais il ne faut pas oublier que de cette notation dépendra tout l'avenir du fonctionnaire en question parce que pour des promotions éventuelles, on tiendra compte de toutes ces notations périodiques. Il est donc particulièrement important de faire en sorte que le système soit le plus juste possible.

M. BOLDUC: C'est pour cela que nous lui avons apporté tant d'attention avec un comité qui étudie spécialement ce problème.

M. LE PRESIDENT: Si je comprends bien, M. Masse m'indique que cet après-midi M. Drouin pourra entrer dans ces détails...

M. MASSE: Les détails de chacun des points.

M. LE PRESIDENT: Cet après-midi, nous pourrons donc entendre...

M. LESAGE: Est-ce que j'ai bien compris tout à l'heure, M. De Coster, lorsque vous avez dit que celui qui est l'objet de la notation collabore à sa préparation immédiate?

M. DE COSTER: Non seulement cela, M. Lesage, mais il collabore d'abord dans la détermination des modalités de sa fonction et ensuite au moment de sa notation, celle-ci se fait sur une base d'entrevue. Le fonctionnaire noté doit lui-même indiquer ses réactions s'il y a la moindre divergence d'opinions. Evidemment, cette notation est une notation... S'il y a divergence d'opinions, cela suivra le processus du supérieur jusqu'au sous-chef.

M. LESAGE: La notation ne se fait pas dans le dos de celui qui en fait l'objet.

M. DE COSTER: Non, non. C'est la première chose que nous voulons éviter, et je crois que c'est là la meilleure sauvegarde contre l'arbitraire. Subséquemment, lors d'un concours ou lors de promotions, quand le Jury examine l'individu, les jurés ont le dossier.

M. CHOQUETTE: Ils ont le dossier du fonctionnaire.

M. DE COSTER: II y a aussi l'individu qui est là pour le commenter.

M. LESAGE: Est-ce que l'individu a accès à son dossier?

M. DE COSTER: L'individu a accès à sa notation au moment où la notation se fait. L'annotateur doit lui indiquer tous les éléments de sa notation.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on a d'autres questions? Sinon, nous pourrions ajourner à cet après-midi, deux heures trente, et entendre M. Jacques Drouin. Je regrette, avec la permission des membres de la commission, cet après-midi M. Masse pourrait présider car je présiderai une séance du conseil des ministres.

(Fin de la séance: 12 h 5)

Reprise de la séance à 14 h 37

M. MASSE (président de la commission permanente de la Présidence du conseil): A l'ordre, messieurs!

Nous avons voulu analyser, ce matin, l'ensemble de la situation afin de situer un instrument nécessaire de cette réforme envisagée, soit le ministère de la Fonction publique. M. de Coster, en fin de matinée, a présenté le système du projet de modernisation de la gestion du personnel. M. Jacques Drouin, maintenant, nous exposera la nature du travail, partant, tout d'abord, à l'aide d'exemples, de la constatation de la situation actuelle, puis tentera d'analyser d'où viennent ces faiblesses du système actuel pour enfin nous faire voir les concepts qui régiront cette réforme de la gestion du personnel.

Nous entendrons ensuite les différentes personnes ou les différents groupements qui ont demandé à être entendus à cette commission. M. Drouin.

M. Jacques Drouin

M. DROUIN: Pour faire suite aux propos de M. de Coster sur les origines du projet de modernisation de la gestion du personnel, et pour situer la nature des travaux qui ont été entrepris au sein de ce projet, j'aimerais revenir au point de départ et illustrer une des constatations qui a été discutée ce matin en choisissant un rouage administratif typique dans le contexte actuel.

Prenons, comme nous en avons discuté ce matin, le rouage du processus d'embauche, comme exemple type des différents processus qui sont en oeuvre dans le contexte actuel de l'administration.

On a illustré le processus d'embauche à l'aide d'une espèce de labyrinthe dans lequel un individu s'engage pour être embauché au gouvernement.

Evidemment, on a fe.it état des faiblesses de rouages semblables en discutant ce matin de la multitude des organismes impliqués, de la lourdeur des 33 étapes à franchir, des 108 jours d'attente pour le candidat, des 100 jours d'attente pour son patron, des 42 jours d'attente pour obtenir le premier chèque de paie.

Je n'ai pas l'intention de revenir plus en détail sur ces différents aspects puisqu'ils ont été discutés ce matin, mais je voulais quand même ramener cet exemple comme un rappel de la situation actuelle puisque ce processus illustre bien l'ensemble des méthodes qui ont actuellement cours dans la fonction publique.

Ce processus fait bien ressortir l'origine ou

les causes des faiblesses qui existent et qui tiennent, à notre sens, au concept actuel de gestion qui prévaut dans la fonction publique.

Ce concept actuel de gestion peut être illustré à l'aide du schéma suivant où on observe dans différents casiers plus ou moins bien cloisonnés, les politiques générales du gouvernement, les conventions collectives, l'organisation, la formation et le perfectionnement, le budget, le contrôle, la paie, la retraite, la planification des effectifs, les mouvements de per-sonnel. Ces cloisonnements sont dus au fait que ces secteurs d'activité relèvent de différentes autorités ou encore qu'on ait confié à différentes autorités le contrôle de certaines portions de ces activités. C'est cette dernière raison qui fait que bien souvent, on accorde une importance indue au contrôle, cas par cas, du déroulement dans chacun de ces secteurs, faute d'une compréhension du processus global.

Dans un contexte comme celui-là, il est également impossible, par exemple si on parle en termes de planification d'effectifs, de concevoir une planification qui réunirait dans un tout le budget d'effectifs, l'embauche, les mouvements et la formation du personnel. Or, un processus de planification rationnel devrait d'abord partir des besoins de l'administration en terme d'effectifs et, à partir de cette analyse des besoins, développer les meilleurs moyens de combler ces besoins. Or, les alternatives sont diverses. On peut ou bien développer le personnel en place, on peut le réaffecter, ou on peut recruter de l'extérieur. Il est évident qu'un processus de planification qui n'incluerait pas ces trois aspects serait déficient.

Pour remédier à cet état de choses, nous avons proposé un nouveau concept que nous avons appelé un concept de gestion intégrée du personnel. Ce concept, illustré dans notre schéma, indique tout au haut les politiques générales du gouvernement, ses programmes, ses priorités, ses objectifs, les conventions, la réglementation, les structures, la classification, comme l'ensemble des politiques ou des intentions gouvernementales qui gouvernent les activités de gestion de personnel.

A gauche, on observe ce que nous avons appelé les pratiques de gestion de personnel et que nous avons regroupé sous cinq têtes de chapitres principaux: la planification des effectifs d'abord; l'embauche; l'évaluation du rendement ou la notation; les mouvements de personnel; la formation et le perfectionnement. Ce sont les pratiques de gestion de personnel.

Au centre, nous avons voulu montrer les outils ou les systèmes de gestion de personnel. Nous avons montré ici le système de surveil- lance et d'information, le système de paie, le système de mise à la retraite.

Dans un cadre tel qu'il est exposé, un organisme unique devrait planifier et établir la politique dans chacun des secteurs des pratiques de gestion, à savoir la planification, l'embauche, la notation, les mouvements, la formation. Le même organisme devrait utiliser le système de surveillance qui est un outil de travail pour surveiller l'application de ces politiques dans différents secteurs, application qui serait faite par les ministères, évidemment.

Dans un tel cadre, les décisions quotidiennes à l'intérieur des politiques définies par l'organisme central reviennent au gestionnaire, à l'administrateur en place. L'organisme central devrait obtenir une rétroaction sur les décisions quotidiennes qui ont été prises, une analyse à partir du système d'information qui devrait revenir à l'organisme central et aux agences de contrôle financier pour fins de surveillance de l'application, de la refonte, de la revision des politiques existantes ou des corrections des situations normales.

Il est à remarquer qu'au niveau des outils de gestion, ou des systèmes, une administration de la dimension de celle qui nous intéresse justifie l'utilisation de l'informatique et d'ordinateurs pour mécaniser les contrôles et fournir l'information tant à l'organisme central qu'aux ministères respectifs.

Maintenant, l'implantation d'un tel schéma devra requérir trois choses:

Premièrement, que la philosophie de gestion qui prévaut actuellement soit revisée, d'abord en remplaçant la multitude des organismes par un seul, et en donnant à celui-ci un rôle de planification et de surveillance au lieu d'un rôle d'opération ou de contrôle au jour le jour.

Deuxièmement, en augmentant le pouvoir de décision de l'administrateur dans le cadre des politiques centrales établies.

En deuxième lieu, il faudrait que de nouvelles pratiques de gestion du personnel soient établies pour répondre à cette philosophie-là. Donc, de nouvelles pratiques dans les cinq secteurs que nous avons mentionnés. Troisièmement, il faut que des systèmes modernes qui répondent aux besoins soient conçus et mis en oeuvre pour améliorer l'efficacité du processus.

Pour faire référence aux propos de M. de Coster qui parlait, ce matin, du projet de modernisation, c'est précisément pour en arriver à la conception de nouvelles pratiques en accord avec cette philosophie et à de nouveaux systèmes pour répondre aux besoins que le projet de modernisation de la gestion du personnel a été mis sur pied. Le comité directeur a été formé

et un certain nombre d'équipes de professionnels de la fonction publique ont été mises au travail pour concevoir les nouvelles pratiques et les nouveaux systèmes. Ces équipes comptent, à l'heure actuelle, quelque 40 professionnels à plein temps, qui oeuvrent sous la surveillance du comité directeur que nous avons mentionné. Ces différentes équipes ont entrepris les actions suivantes, dans les différents secteurs que nous venons de mentionner.

D'abord, au niveau de la planification des effectifs, il a été admis que les effectifs requis par l'administration tant en quantité qu'en qualité ne peuvent être établis sans une planification rationnelle des activités gouvernementales. Une méthode basée sur l'établissement d'objectifs gouvernementaux a été proposée comme solution aux problèmes de planification. Ces modalités particulières sont présentement développées pour combler les besoins spécifiques de l'administration en matière d'effectifs.

Essentiellement, la méthode repose sur l'établissement d'objectifs et de priorités pour les programmes gouvernementaux, sur la détermination de normes d'évaluation des besoins de personnel pour les différents types d'activités et sur l'évaluation des volumes d'activités prévues, à partir desquelles les besoins de personnel et leur organisation peuvent être établis. Cette méthode aura pour avantage de rationaliser les décisions gouvernementales dans l'allocation des ressources aux divers programmes, d'affecter à leur exécution les ressources requises en quantité et qualité et d'assurer que ces décisions seront respectées. Le tout se soldant par des économies substantielles, par une meilleure utilisation de ces ressources et par une réalisation plus efficace des programmes.

Ces propos recoupent ceux tenus par M. Mi-neau quant à la budgétisation par programme. Dans le domaine des effectifs, il est évident que la méthode idéale serait de relier les effectifs et leur organisation à un budget par programme.

Maintenant, nous avons cru bon de définir tout le processus à partir de l'établissement des programmes jusqu'au plan de recrutement et de mouvement de personnel. Cependant, il ne serait pas nécessaire d'attendre que tout ce processus soit mis en branle pour en implanter dès maintenant certaines portions, notamment, quant à l'évaluation des effectifs, quant à l'équation qu'on peut faire entre les volumes et les types d'activités, la quantité et la qualité d'effectifs dont on a besoin.

C'est précisément dans ce but-là que le groupe SEMA, qui est un autre groupe de travail ayant une interrelation avec nous, a été mis sur pied, a fait un premier travail d'analyse des effectifs dans les différents ministères et il travaille parallèlement à l'établissement de méthodes d'évaluation des effectifs pour accomplir les différents types d'activités.

Alors, c'est le premier secteur où du travail a été accompli. Nous en sommes maintenant à avoir une méthode complètement documentée à partir des programmes jusqu'aux plans spécifiques annuels de personnel. Nous en sommes, cette année, à choisir un certain nombre de ministères pilotes pour implanter certaines portions de ce processus-là.

Au niveau de la décentralisation de l'autorité, toutes les activités de la gestion du personnel sont en voie d'être restructurées en vue de traduire, dans les faits, la nouvelle philosophie de gestion adoptée. Les politiques pour les différents secteurs de la gestion du personnel sont établies de façon à permettre graduellement de donner aux gestionnaires l'autorité sur les décisions au jour le jour. Ceci pourra se faire au fur et à mesure que les nouvelles normes seront appliquées et que les nouveaux mécanismes de surveillance seront utilisés et rodés. Le nouvel organisme central pourra éventuellement jouer pleinement son rôle normatif et de surveillance dans les diverses procédures telles que l'embauche, les mouvements de personnel, etc.

Au niveau de la motivation et du rendement, la planification des opérations, en apportant des objectifs de rendement, la décentralisation d'autorité, en donnant l'autorité au gestionnaire de prendre des décisions sur ses subalternes, vont constituer les deux pivots de l'amélioration de la motivation et du rendement.

Ces deux conditions vont être complétées par la mise en place d'un nouveau processus d'évaluation du rendement, basé sur les résultats anticipés et sur l'autorité du gestionnaire de prendre action. Ces mesures seront complétées par des nouvelles politiques d'affectation, de rémunération et de formation.

Des actions ont également été entreprises au niveau de la simplification des procédures: le remplacement des autorités multiples ayant présentement affaire aux procédés de gestion du personnel par une seule autorité, la décentralisation de l'autorité quotidienne le plus près possible du niveau de l'exécution et la mise en place de systèmes informatiques modernes pour traiter les transactions vont permettre de simplifier grandement les procédures actuelles, d'éliminer la paperasse et les délais tout en favorisant un traitement rapide, efficace et uniforme de tous les individus.

Par exemple, le procédé d'embauche va être réduit de 100 à 14 jours; celui de la rémunéra-

tion, de 42 à 7 jours; l'évaluation durendement et la promotion seront contrôlées rigoureusement pour avoir lieu régulièrement à la date anniversaire de l'entrée en fonction. Tous les secteurs d'activités seront contrôlés pour être conformes aux plans d'effectifs.

Finalement, au niveau de la mise en place d'outils modernes de gestion, la gestion des quelque 50,000 employés de l'Etat implique des volumes d'activité considérables et une grande complexité. La planification, la gestion et la surveillance de toutes ces activités, tant au niveau de l'organisme central qu'au niveau des ministères individuels, vont être facilitées par la mise en place de systèmes informatiques de grande envergure et qui feront usage des dernières techniques du traitement de l'information.

Sera mis sur pied le système d'information de la direction sur toutes les activités de gestion qui sera destiné X combler les besoins de l'organisme central et des ministères. Ce système reposera sur la constitution de dossiers sans trop de personnel et sur l'automatisation des contrôles d'activités, tels que les contrôles des respects du budget, des effectifs, etc.

Il sera complété par un système d'extraction sélective d'informations contenues dans la banque centrale. Ce système sera intégré à des systèmes automatisés, destinés à mettre à jour les dossiers du personnel, 2 rémunérer les individus et à préparer la mise à la retraite.

Pour situer ce travail dans le temps, mentionnons que les équipes sont à l'oeuvre depuis un an à peu près. La phase d'élaboration des concepts fondamentaux est complétée; de ces concepts est ressortie la nécessité d'implanter quelque 52 mesures distinctes. De ce nombre, cinq sont en voie de mise en oeuvre, dix autres le seront pour le 1er avril prochain et les autres le seront d'ici un an et demi à deux ans.

Ce bref exposé complète la présentation que Je voulais faire de la nature du travail entrepris au sein du projet de modernisation de la gestion du personnel, projet qui vise, quelles que soient les structures, àaméliorer l'efficacité et l'équité dans l'administration du personnel de l'Etat.

M. MASSE: Y a-t-il des membres de la commission qui auraient des questions à poser à M. Drouin?

Au nom des membres de la commission, je remercie M. Drouin des explications concernant ce projet de modernisation de la gestion du personnel.

Je demanderais maintenant à Me René Le-tarte, qui est le premier sur la liste des gens qui ont demandé la parole, de venir exposer son point de vue. Celui qui va demander la parole devra identifier clairement le groupe au nom duquel il prend la parole.

M. LETARTE: M. le Président, messieurs les membres de la commission, je représente la Corporation des psychologues qui est incorporée en vertu du chapitre 110 des Statuts du Québec. Les observations que nous avons à faire au nom de l'Association des psychologues concernent en particulier l'article 56-B relatif au travail que peuvent faire les fonctionnaires ou certains diplômés sur le temps qui leur appartient, c'est-à-dire en dehors des heures normales de travail.

Les représentations qui seront faites éventuellement par le comité interprofessionnel du Québec — qui groupe l'ensemble des chambres professionnelles du Québec — sur l'article 56-C, c'est-à-dire sur l'appartenance nécessaire à un code d'éthique de chaque chambre professionnelle, sont endossées à 100% par l'Association des psychologues que je représente. C'est à partir de ces représentations, que d'avance nous faisons nôtres, que nous voulons en faire nous-mêmes sur l'article 56-B.

Tel qu'il est conçu, l'article 56-B, qui a pour effet de limiter la pratique professionnelle à un seul employeur, dans l'optique des psychologues va à la fois un peu trop loin peut-être, parce qu'il brime la liberté des individus, et pas assez loin de par son texte.

Si l'on examine d'ailleurs les dispositions de 56-B, l'on y voit que seule l'activité professionnelle des individus est susceptible d'une certaine prohibition. Et si j'ai bien compris les exposés que nous avons eus ce matin, et plus particulièrement celui de monsieur le président, le but recherché est un but d'efficacité et de justice, c'est-à-dire que l'employé fonctionnaire puisse faire bénéficier entièrement la société qui l'emploie, donc le gouvernement, de ses talents et de son initiative.

Or, si l'on veut réellement rejoindre une certaine efficacité, disons que ce n'est pas uniquement en fonction de la dualité d'intérêts ou de conflit possible d'intérêts qu'il faille envisager la situation, mais aussi en fonction de la disponibilité de l'individu. En somme, que ce soit comme psychologue, médecin, avocat, notaire, ingénieur ou à quelque raison que ce soit, que je fasse un travail professionnel ou un autre, si ce travail a pour effet de me rendre moins disponible pour la société qui m'emploie, je considère qu'à ce moment-là, je ne suis pas employé à temps complet du gouvernement ou de la fonction publique. C'est dans ce sens-là d'ailleurs que je soumets respectueusement que l'article ne va probablement pas assez loin, qu'il ne fait que

s'objecter à une catégorie bien particulière d'activité.

Si, étant psychologue, je fais du travail de recherche le soir en psychologie, soit pour l'université ou un autre organisme qui n'est pas gouvernemental, ou si je suis barman, chauffeur de taxi ou quoi que ce soit, le résultat le lendemain pourra être le même au point de vue de la rentabilité de mon travail, de l'efficacité de mes fonctions.

Par contre, je dis que cet article va beaucoup trop loin et cela précisément dans l'optique des psychologues, parce qu'il a principalement pour effet d'empêcher la liberté de l'individu d'occuper ses loisirs. Evidemment il n'est pas question, et là-dessus, nous sommes tous d'accord, je pense, d'accepter qu'un individu fasse du travail personnel sur ses heures de travail, évidemment non. Pas question non plus de le placer dans une situation qui pourrait amener un conflit d'intérêts. Personnellement je ne croirais pas acceptable ou admissible qu'un comptable affecté à la perception des impôts rédige, durant ses loisirs, des déclarations d'impôt pour des particuliers. Il y a là une dualité d'occupations qui n'est pas admissible en administration normale.

Mais d'un autre côté, et parlant encore davantage pour les psychologues, compte tenu de la situation qui existe actuellement au Québec, compte tenu du fait que, sur un effectif d'environ 500 membres, un pourcentage de peut-être 20% est affecté directement à la fonction publique et indirectement par les autres secteurs (et par autres secteurs j'entends médecine, enfin santé, éducation, bien-être) cela veut dire que le secteur privé se trouve jusqu'à un certain point presque entièrement démuni. Si l'on accepte l'article 56-B tel qu'il est rédigé, on se trouve, dans le secteur privé, presque complètement démuni des services des psychologues durant des heures que je crois leur appartenir.

Je pense que ce serait une erreur que de limiter le travail des psychologues ou des autres professionnels à un travail pour un seul employeur, pour autant qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre le travail qu'ils effectuent le soir ou enfin dans leurs heures de loisirs et celui qu'ils effectuent aux heures qui appartiennent à l'Etat. Dans cet esprit, nous avons cru devoir suggérer un texte un peu différent à l'article 56-B qui tienne compte de deux origines différentes de cette prohibition du travail à l'extérieur. D'abord, parce que cela existe dans le cas de certaines chambres professionnelles, il faut tenir compte de la réglementation interne, réglementation qui, de par la loi, est le voeu et la décision du lieutenant-gouverneur en conseil.

Alors, il faut tenir compte, en premier lieu, de cette réglementation qui existe, qu'il s'agisse du Barreau ou de la Coorporation des psychologues ou d'autres. Deuxièmement, il faut tenir compte d'abord et avant tout — et presque uniquement, si vous voulez — de l'incompatibilité des fonctions.

Sans doute, me direz-vous, il s'agit là d'une question de fait, susceptible d'engendrer un certain nombre de conflits. Je suis, évidemment, d'accord, mais je pense que, par la même occasion, il serait tris facile de prévoir un mécanisme d'arbitrage exécutoire, obligatoire — je ne croirais certainement pas, personnellement, aux grèves dans ce genre de décisions-là — ou bien un simple recours aux tribunaux afin de déterminer si, dans telle situation, il existe, oui ou non, une incompatibilité quelconque.

Nous suggérerions donc que l'article 56-B se lise plutôt comme suit, en ajoutant, au début du paragraphe, les mots suivants: « En sus des règlements pertinents de la corporation professionnelle intéressée. » Cela afin de tenir compte des réalités qui existent à l'intérieur de chacune des chambres professionnelles. Qu'on continue le texte tel qu'il est, mais qu'on dise à la fin: « D'assumer une activité professionnelle ou autre.»D'après les exposés que nous avons entendus ce matin et cet après-midi, c'est l'efficacité que l'on recherche.Cependant, d'autres activités que les activités professionnelles peuvent nuire énormément à l'activité du fonctionnaire à ses heures de travail. On parle donc d'une activité professionnelle ou autre qui est incompatible avec les fonctions exercées pour le compte du gouvernement ou de l'organisme dont il est sous-chef ou fonctionnaire.

Le dernier paragraphe de l'exposé de M. le Président, ce matin, nous parle d'une première étape vers un plus vaste projet. On peut, jusqu'à un certain point, sans, évidemment, préjuger des intentions des législateurs, prévoir le moment où cette loi ou des dispositions analogues pourront s'appliquer à ce que j'appellerais le secteur secondaire de l'administration publique, si vous voulez. Ce secteur recouvre les régimes hospitaliers, le régime d'éducation ou de bien-être. Je crois qu'il n'est pas illogique de s'imaginer que, dans un avenir plus ou moins rapproché, ces dispositions s'appliqueront aussi aux autres employeurs paragouvernementaux dont nous avons parlé ce matin.

Alors, dans cette optique, la Corporation des psychologues est d'avis qu'il serait utile, pour les fins de la société en général, de permettre l'exercice de l'initiative, même professionnelle, d'un individu pour autant qu'il n'existe pas de conflit.

Un autre argument, d'ailleurs, sans ouvrir des plaies, je pense qu'il est juste d'admettre que, dans certains cas, on se plaint du fait que certains professionnels, à partir du moment qu'ils accèdent à la fonction publique, cessent précisément d'être en relation avec la pratique quotidienne, avec la pratique privée qui, jusqu'à un certain point, peut donner beaucoup. Nous voyons des médecins, par exemple, qui ont été médecins toute leur vie jusqu'au moment où ils deviennent fonctionnaires, donc administrateurs, et qui cessent d'envisager les problèmes médicaux en fonction de la médecine ou en fonction du patient, inondés qu'ils sont par les problèmes de l'administration.

Or, dans le cas des psychologues, cette affirmation-là est encore plus vraie. C'est que si presque tous les psychologues sont engagés dans le secteur public et que, par une décision du législateur, ils sont complètement enlevés du secteur privé, en fait, de ce contact quotidien ou hebdomadaire, si vous voulez, avec une science, qui, tout de même, évolue rapidement en 1969, à ce moment-là, on établit une caste ou un groupe de ce que j'appellerais peut-être des demi-professionnels, c'est-à-dire des professionnels, des psychologues qui sont complètement coupés de la réalité, de la science qui est la leur.

Je pense, d'ailleurs, à cette déclaration que nous entendions ce matin où, dans l'étude des problèmes qui ont amené des rapports comme ceux que nous avons entendus, nous avons vu le souci du gouvernement de s'associer non seulement des gens de l'Intérieur, mais aussi des gens de l'extérieur. C'est une des choses, disons, qui m'avaient frappé ce matin, et j'y ai vu à ce moment-là le souci du gouvernement de voir des experts des milieux tant pratiques que théoriques ou des milieux de la pratique tant privée que publique se réunir ensemble, dans le but d'essayer de résoudre un certain nombre de problèmes d'actualité. Et reportant cette décision qui a été prise à ce moment-là par le gouvernement dans le contexte actuel, je me dis que si l'on prend des psychologues, des professionnels, et qu'on les sort complètement du milieu dans lequel ils doivent garder et conserver leur même discipline, leur discipline intellectuelle, à ce moment-là, on en fait des professionnels à part, des professionnels complètement sevrés des sources d'alimentation et des sources de perfectionnement qui sont nécessaires.

Je pense, d'ailleurs, à celui des psychologues qui serait engagé dans le secteur de la santé, par exemple, et qui se verrait couper de la même façon la possibilité d'éducation. Pourquoi? Parce que l'article, tel que libellé, l'em- pêche de faire toute autre chose que son travail pour le gouvernement. Et je crois que, surtout dans le domaine des psychologues, cela serait se priver réellement des avantages que peuvent amener le perfectionnement, l'initiative et un contact quotidien avec des réalités pratiques. Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Me Letarte, je vous remercie. Je crois maintenant qu'un porte-parole du Barreau du Québec a demandé à être entendu.

M. GAGNON: M. le Président, mon nom est Claude Gagnon. Je représente cet après-midi le Conseil interprofessionnel du Québec. Je suis aussi bâtonnier du Québec, mais je tiens à faire remarquer que les représentations que nous désirons vous faire sont faites collectivement au nom du Conseil interprofessionnel du Québec.

Je désire souligner ici la présence à mes côtés de plusieurs représentants des corporations membres de ce conseil. Je ne voudrais pas les nommer, de peur d'en oublier. Je voudrais simplement dire que nous présentons ce mémoire après étude au niveau interprofessionnel, au nom des corporations qui sont membres du conseil. On vous remet à l'instant une feuille séparée qui donne la liste des vingt chambres professionnelles membres du conseil ainsi qu'un mémoire. Et vous pourrez constater à la lecture de cette première page, sans qu'il me soit nécessaire de les énumérer, quelles sont les chambres professionnelles qui font partie de ce conseil.

Qu'il me suffise de rappeler que le conseil représente 20 chambres professionnelles groupant pris de 30,000 professionnels. On mot, simplement, sur ce qu'est le conseil interprofessionnel. Eh bien, c'est une corporation qui a été constituée en 1965 et dont le but est d'assurer d'abord la liaison entre ses membres, et aussi d'assurer la représentation commune sur des problèmes d'intérêt public ou qui concernent le bien du monde professionnel. Le but de notre intervention, M. le Président, c'est de vous faire des représentations, de vous faire des suggestions relatives à l'article 31 du bill 23, et particulièrement à cette partie de l'article 31 qui a pour but d'inclure dans la loi de la Fonction publique un nouvel article, le 56-C. C'est l'article auquel Me Letarte référait il y a un instant et qui a pour objet de soustraire les professionnels fonctionnaires à la juridiction disciplinaire des chambres professionnelles. Vous me permettrez d'abord de faire très rapidement un exposé de la situation actuelle.

D'abord, les chambres professionnelles sont assez nombreuses. On en retrouve les lois constitutives aux statuts refondus de 1964 et particulièrement aux chapitres 246 à 270. Le conseil que je représente ne compte pas parmi ces membres toutes ces corporations mais, tout de même, je crois qu'il faut examiner le problème dans son ensemble. J'ai fait la revision de ces statuts et j'ai constaté que la très grande majorité des chambres professionnelles ont le pouvoir d'adopter des règlements pour le maintien de l'honneur et de la dignité de la profession et de ses membres. Certaines lois sont plus précises et, en plus de ces pouvoirs d'ordre général, les lois accordent de façon spécifique le pouvoir d'établir un code d'éthique ou des règles d'éthique professionnelle.

Une particularité qu'il est sans doute utile de noter, c'est que, dans un grand nombre de cas, et particulièrement quand cela regarde les professions dont le nombre des membres est le plus considérable, ces règles ou ces codes d'éthique sont soumis à l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil. En d'autres mots, la valeur législative de ces règles émane du lieutenant-gouverneur en conseil. Dans un cas particulier — c'est le cas de l'Institut des comptables agréés — eh bien, le législateur a adopté une formule différente. Au lieu d'exiger l'approbation des règles d'éthique, le législateur a réservé au lieutenant-gouverneur en conseil un droit de désaveu. Dans la plupart de ces cas — les cas dont je viens de mentionner — il y a, comme formalité additionnelle à la validité des règles d'éthique, la publication dans la Gazette officielle. Les lois constitutives dont j'ai parlé donnent, dans la majorité des cas, juridiction soit au conseil de la profession, soit à un organisme disciplinaire qui est spécialement constitué à ces fins.

Dans certains cas, comme, par exemple, dans le cas des dentistes, dans le cas des optométristes et dans le cas du notariat, la loi prévoit que l'organisme dirigeant pourra nommer des inspecteurs dont la fonction sera d'assurer, de vérifier l'observance non seulement des règlements de la corporation professionnelle, mais aussi l'observance du code d'éthique en question.

En plus, dans d'autres professions, la loi crée la fonction de syndic. C'est le cas, par exemple, des arpenteurs, des notaires et du Barreau. C'est là, dans les grandes lignes et résumée de façon générale, la situation actuelle dans l'ordre de l'éthique professionnelle et de l'administration de la discipline au sein des corporations professionnelles.

Maintenant, il faut peut-être noter, au début — et ce serait là notre première observation — que, nécessairement, par la nature même des fonctions qui appartiennent à l'une ou l'autre des professions, les codes d'éthique varient. Nous croyons qu'il n'est pas possible d'écrire ou de rédiger un seul code qui pourrait convenir à toutes et chacune des professions.

Les codes d'éthique sont basés, dans le cas des corporations professionnelles, non seulement sur l'expérience accumulée des professionnels dans leur domaine particulier, mais aussi sur la nécessité et sur le désir d'établir des règles de comportement qui sont plus sévères que les lois générales et qui correspondent aux besoins du milieu dans lequel les professionnels exercent et de l'acte professionnel qu'ils sont appelés à poser.

Je crois que l'on se méprendrait fortement si, dans ce domaine de la discipline, on parlait de privilèges. Au contraire, je soumets, M. le Président, que les règles d'éthique des professions s'ajoutent aux principes généraux de la loi et qu'elles sont imposées afin d'assurer, dans l'exercice d'une profession, le meilleur standard d'intégrité possible.

Je dirais aussi, dans le même ordre d'idées, qu'à notre humble avis, l'existence de ces codes d'éthique est dans une large mesure la raison d'être ou l'une des raisons d'être les plus importantes des professions. En fin de compte, s'il n'y avait pas de codes d'éthique auxquels nos membres étaient assujettis, nous croyons que nous nous exposerions à une détérioration de la valeur du professionnel.

Maintenant, en tenant pour acquis que les fonctionnaires professionnels étaient soustraits à la juridiction de leur chambre professionnelle, nous nous posons bien des questions, M. le Président. Nous nous demandons d'abord: Par quoi faudrait-il remplacer les codes d'éthique qui existent, de façon que tel code d'éthique — au singulier ou au pluriel — puisse se conformer aux règles qui existent actuellement?

Nous nous demandons aussi, en toute déférence, si c'est le gouvernement ou l'administration en général qui est le mieux placé pour s'acquitter de cette tâche qui est extrêmement difficile. De plus, est-il dans l'intérêt public que le gouvernement, dans le désir tout à fait louable et tout à fait légitime d'exercer ses droits de gérance en toute plénitude, en vienne, par le truchement de ces règles d'éthique, à un contrôle de l'acte professionnel?

Nous nous demandons aussi, dans l'éventualité d'un code d'éthique établi pour la fonction publique, de quelle façon on pourrait en assurer l'observance tout à fait objective. Nous ne dou-

tons pas, encore une fois, de la bonne foi et du désir de l'administrateur public de remplir, dans ce domaine comme dans les autres, tout son devoir. Mais nous croyons qu'il pourrait arriver des cas où, par exemple, on rencontrerait des conflits d'intérêts sérieux.

Devant le projet qui nous est soumis, nous ne pouvons pas nous empêcher, M. le Président, de nous demander quelles sont les raisons qui ont motivé l'inclusion de cet article dans le projet de loi. Si l'expérience passée a démontré des problèmes particuliers, des problèmes précis qui, dans l'opinion du gouvernement, n'ont pas été réglés dans le meilleur intérêt public, eh bien, nous disons au nom du Conseil interprofessionnel que nous sommes prêts à les examiner et à étudier avec le gouvernement la possibilité, par une discussion ouverte, d'une solution qui pourrait être moins draconienne et, nous le croyons, plus conforme à l'intérêt public.

Comme je le disais tantôt, il n'est pas question pour nous de contester les droits du gouvernement comme employeur. Nous reconnaissons qu'un administrateur responsable doit exercer ses pouvoirs de gérance et nous tenons pour acquis que le professionnel fonctionnaire, comme d'ailleurs tous les autres fonctionnaires, sera assujetti, de toute façon, à une procédure relative à ses griefs qui sera compatible avec le plein exercice de ses droits. Mais nous soumettons que c'est faire une erreur que de réduire la question de l'éthique professionnelle uniquement à une considération ou à la relation patron-employé.

Nous soumettons que cette question dépasse largement les cadres de la simple gérance du personnel ou de la gestion du personnel. Vous me permettrez peut-être, M. le Président, d'illustrer ma pensée sur ce point par quelques exemples. Si le professionnel de la fonction publique, à un moment donné, posait un acte qui serait dérogatoire, selon l'expression consacrée, et si cet acte causait préjudice à son employeur, il est tout à fait légitime et tout à fait raisonnable que le gouvernement, en l'occurrence, puisse prendre contre son employé les mesures disciplinaires qu'il croit nécessaires. Ceci n'est aucunement contesté. D'ailleurs, je serais fort surpris si l'on pouvait citer des cas, porter à notre attention des cas où l'une ou l'autre chambre professionnelle se serait immiscée dans un problème d'éthique qui concernait exclusivement le gouvernement et l'employé professionnel.

Mais il peut y avoir d'autres cas. Comme, par exemple, le médecin qui exerce dans une unité sanitaire, qui traite un patient — c'est- à-dire un tiers — et qui pourrait, à l'occasion de l'acte professionnel médical, poser un acte contraire à l'éthique à l'égard du patient. On pourrait aussi considérer le cas du procureur de la Couronne qui violerait le code d'éthique relativement à sa conduite à l'égard de l'accusé ou à l'égard du tribunal. Nous soumettons que ce n'est plus strictement un problème gouvernement-employé. A ce moment-là, l'intérêt d'un tiers est en jeu et dans d'autres cas, l'intérêt public peut aussi être en jeu.

Nous soumettons respectueusement, et en toute déférence, qu'avec la meilleure volonté du monde, la personne responsable de l'administration d'un code d'éthique au sein de la fonction publique pourrait fort bien se trouver placée dans un conflit d'Intérêts. Ainsi le médecin qui, dans une unité sanitaire, commet un acte dérogatoire à l'égard d'un patient peut exposer le gouvernement, par exemple, à une réclamation en dommages. Dans d'autres cas, il peut y avoir des problèmes où la personne contre qui la plainte est portée a agi sur l'ordre d'un supérieur. Nous soumettons que dans ces cas, le gouvernement pourrait ne pas être libre d'agir en toute objectivité. Nous croyons que non seulement la profession — ce qui est bien secondaire parce que la profession ne peut avoir sa raison d'être qu'en autant qu'elle sert le public — mais aussi le gouvernement pourrait avoir intérêt dans des cas de ce genre à ce que la question soit départagée, à ce que le problème soit jugé par quelqu'un qui n'est pas directement impliqué dans le problème.

C'est pour ces raisons principales, M. le Président, que nous désirons enregistrer notre opposition à l'article 56 du bill qui est devant nous. Nous croyons qu'en définitive cette disposition législative n'est pas de nature à servir les meilleurs intérêts du gouvernement de la province.

Elle est de nature à créer nécessairement une détérioration de la qualité du professionnel et de créer, par exemple, comme disait, il y a un instant, Me Letarte, deux catégories de professionnels, une qui est liée par un code d'éthique, et une autre qui n'est pas liée par le même code d'éthique. Nous croyons que, dans tel cas, l'intérêt public serait mal desservi.

Je voudrais, avant de terminer, ajouter peut-être deux considérations à ce problème. Il y a aussi un problème additionnel. L'article 56c a pour effet de soustraire le fonctionnaire professionnel à toute juridiction disciplinaire de sa chambre. Cela veut dire, par voie d'implication, qu'à un moment donné, le gouvernement pourrait destituer un de ses fonctionnaires pour un acte grave dans l'exécution de ses fonctions

et qu'à ce moment-là, la chambre professionnelle, n'ayant aucune juridiction en la matière, serait absolument incapable d'agir à son endroit. Ce qui veut dire que, de la façon dont la loi est actuellement rédigée, la personne en question serait révoquée de la fonction publique et que, malgré cela, la chambre professionnelle serait obligée de la garder dans ses rangs et elle ne serait pas capable de sévir contre cette personne, en aucune façon.

Il y a peut-être aussi un problème additionnel. Je ne sais pas si, dans quelque mesure, ceci a pu jouer ou affecter, disons, les considérations du gouvernement sur la question mais peut-être le gouvernement, par exemple, s'inquiète-t-il de la confidentialité de certains documents. Peut-être pourrait-on être porté à s'inquiéter du fait que lors d'enquêtes disciplinaires concernant les membres de la fonction publique, un comité d'enquête ou un comité de discipline pourrait tenter, pour examiner pleinement la question, de forcer un témoin, représentant de l'Etat, à dévoiler certains écrits, certains documents que, dans l'opinion du ministre, il n'est pas d'intérêt public de divulguer.

Je soumets que, sur cette question, si réellement on s'interroge ou on s'inquiète sur ce point, le code de procédure civile et l'article 308, qui s'appliquent nécessairement en l'occurrence, couvrent entièrement la question. Nous citons cet article dans notre mémoire: Dans les cas où un fonctionnaire est appelé à dévoiler certains faits, ou à déposer certains documents, telle production peut être empêchée par 1'affidavit du ministre à l'effet qu'il n'est pas de l'intérêt public de divulguer tel document ou tel fait.

Nous croyons donc que, même si les chambres professionnelles gardent le contrôle qu'elles ont sur la discipline de leurs membres, le gouvernement peut quand même, dans cette occurrence, protéger ce qu'il croit être d'intérêt public.

Nous suggérons respectueusement que si l'article proposé était amendé, le gouvernement serait le premier perdant et qu'en fin de compte, les fonctions disciplinaires qu'exercent les chambres professionnelles sont très onéreuses et très difficiles, onéreuses à tout point de vue, non seulement au point de vue financier. Les chambres professionnelles exercent leur discipline, non pas par plaisir, mais parce qu'elles considèrent que c'est un devoir.

Nous soumettons respectueusement que, dans le contexte d'aujourd'hui, c'est encore elles qui sont les mieux préparées et les mieux placées pour agir objectivement dans ce domaine.

Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je vous remercie, Me Gagnon. Maintenant, à moins que la CSN et la FTQ aient des objections, Je ferais la suggestion d'entendre tous les organismes ou tous les porte-parole qui ont des revendications à présenter concernant le même sujet, c'est-à-dire les articles 56b et 56c et nous reviendrons pour d'autres points.

Est-ce que tout le monde est d'accord?

M. DALPE: M. le Président, nous avons des commentaires à faire au sujet de l'article 56.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Pour la CSN? Pour cet article spécifique? Alors nous allons nous entendre immédiatement là-dessus.

M. DALPE: Sur ce sujet précis nous allons demander au confrère...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Est-ce que vous pourriez vous nommer?

M. DALPE: Paul Dalpé, vice-président de la CSN.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Merci.

M. DALPE: Pour les besoins de notre représentation, nous allons demander à notre confrère Jean-Guy Rodrigue, qui est président de la Fédération des ingénieurs des cadres, de s'en charger.

M. RODRIGUE: M. le Président, je tiens à souligner d'abord que la fédération que je représente, la Fédération des ingénieurs des cadres du Québec, affiliée à la CSN, regroupe 19 syndicats qui représentent, en tout, environ 25 corps professionnels.

Nous avons examiné le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui et nous avons les remarques suivantes à faire.

Au sujet de l'article 56 b) qui, en fin de compte, exige l'exclusivité du service des professionnels pour le gouvernement, nous suggérons, dans un mémoire qui a été présenté au premier ministre, d'ajouter, au début de l'article, une phrase qui, à notre sens, lui donnerait plus de souplesse. L'article tel que rédigé actuellement nous apparaît beaucoup trop rigide. Nous sommes d'avis que le ministre concerné devrait pouvoir autoriser un professionnel à exercer ses fonctions à l'extérieur s'il juge que les raisons ou les motifs invoqués sont suffisants.

Je vous donne un exemple: il y a un certain nombre de professionnels, employés du gouver-

nement, qui donnent soit des cours du soir ou des cours de jour à l'université, et cela avec l'accord des autorités concernées.

Avec l'article tel qu'il est rédigé dans le bill 23, il nous apparaît que même un ministre ou les autorités supérieures du gouvernement ne seraient pas en mesure d'autoriser une personne, à donner des cours, ou à exécuter d'autres travaux qui peuvent être dans l'intérêt du gouvernement, même s'ils ne sont pas exécutés pour lui d'une façon directe.

Dans notre mémoire, nous suggérons d'ajouter les mots: Sauf autorisation contraire de la part du ministre concerné, il est interdit à tout sous-chef, fonctionnaire, etc., d'exercer ses fonctions à l'extérieur. » Nous croyons que cela rendrait l'article un peu plus souple et permettrait au gouvernement de tenir compte des cas particuliers.

M. CLICHE: Avez-vous d'autres exemples à nous donner que le cas de l'enseignement?

M. RODRIGUE: Non, je n'en ai pas à l'esprit.

M. CLICHE: Alors ça s'appliquerait aux enseignants?

M. RODRIGUE: Ce sont des professionnels qui travaillent pour le gouvernement et qui donnent des cours soit à l'université ou des cours du soir ailleurs.

M. CLICHE: Oui mais l'article dit: « Exercer sa profession ». Alors il faut qu'il ait la profession d'enseignant pour qu'on puisse lui défendre, lui interdire d'enseigner.

M. RODRIGUE: Disons que c'est une nuance. Disons qu'à notre sens, un ingénieur forestier qui donnerait des cours en génie forestier exerce sa profession.

M. LESAGE: Non, je ne crois pas que l'on puisse dire ça. Je ne crois pas que l'avocat qui donne un cours à l'université exerce sa profession.

M. RODRIGUE : Mais en fin de compte l'exercise d'une profession, c'est assez vaste, c'est polyvalent pas mal. Par exemple, un ingénieur civil peut avoir diverses spécialités. Vous en trouvez un peu partout. Alors c'est la même chose pour une foule de professionnels. Ce sont des gens qui ont une formation et qui, après ça, prennent leur expérience dans la pratique quotidienne.

Je vous cite un cas que je connais assez bien: des ingénieurs à l'Hydro-Québec qui ont travaillé sur des lignes de transport à 735KV ont été appelés par l'Ecole polytechnique, entre autres, à donner des cours spécifiquement sur ce point-là. C'étaient des spécialistes mondiaux, il y a quelques années, dans ce domaine. Il pourrait se trouver que des professionnels au gouvernement, qui ont eu à faire des recherches dans un domaine bien précis, soient appelés par l'université à aller faire part des connaissances acquises à d'autres professionnels. Dans ce sens-là il m'apparaît qu'ils exercent leur profession.

M. LESAGE: II est clair que ce que j'appellerai la sauvegarde que vous suggérez d'ajouter éviterait bien des ambiguïtés...

M. RODRIGUE: Y a-t-il d'autres questions?

M. LESAGE: ... comme celles qui se créent. La question est de savoir si un avocat qui donne un cours à l'université aux étudiants en droit exerce sa profession à ce moment-là? J'ai vu le sénateur Flynn sourire, d'un sourire interrogatif, lorsque j'ai affirmé que je ne croyais pas qu'il exerçait sa profession à ce moment-là. Un hochement de tête significatif,

M. FLYNN : Disons que la tradition était que cela faisait partie de l'exercice de la profession, puisque, régulièrement, les professeurs sont des professeurs de carrière.

M. LESAGE: Oui, maintenant, ce sont des professeurs de carrière.

M. FLYNN: Oui.

M. RODRIGUE: En fin de compte, de toute façon, le gouvernement conserve toujours le contrôle, si on donne le pouvoir au ministre d'exercer sa discrétion, et il nous apparaît que c'est plus souple et plus réaliste de l'inscrire comme cela.

J'aimerais poursuivre sur l'article 56 c et vous dire que nous sommes d'accord avec l'article tel qu'il est proposé par le projet de loi. On a posé la question, tout à l'heure, à savoir par quoi allons nous remplacer les codes d'éthique pour les professionnels fonctionnaires. Ma réponse est par la Loi de la fonction publique et par les conventions collectives.

Les corporations professionnelles, à mon sens, peuvent et doivent exister pour les professionnels qui exercent leur profession en pratique privée. Mais lorsque vous avez affaire à des professionnels salariés, qui travaillent pour

un employeur qui, lui, a la responsabilité publique, à ce moment-là, les codes d'éthique, d'après moi, ne s'appliquent plus et n'ont aucun sens, parce que c'est l'employeur lui-même qui, vis-à-vis du public, est responsable des produits qu'il met sur le marché ou des services qu'il rend. Cela va également pour le gouvernement et pour les services qu'il rend. L'individu n'est pas responsable personnellement. Alors, les codes d'éthique pour les professionnels salariés, à mon sens, sont absolument inapplicables. C'est pour cela que nous sommes d'accord avec l'article de loi tel qu'il est proposé.

M. CHOQUETTE: M. Rodrigue, pourrais-je vous poser une question? Vous dites que la Loi de la fonction publique et les dispositions de la convention collective remplaceraient les règles d'éthique de chaque profession dans le cas des fonctionnaires employés du gouvernement. Par conséquent, vous semblez admettre implicitement qu'on devrait incorporer aux règlements gouvernementaux ou aux conventions collectives ces règles d'éthique-là.

Croyez-vous que c'est réaliste de penser dans ces termes-là?

M. RODRIGUE: Non, je ne pense pas qu'on doive incorporer les codes d'éthique à la loi, sauf que, dans une administration comme le gouvernement, vous n'avez pas, d'une part, un professionnel qui rend un service et, en face de lui, un client qui n'est pas en mesure d'évaluer d'une façon précise la valeur du service qui lui est rendu, sinon par l'effet qu'il en subit. Mais, il n'est pas en mesure, d'une façon concrète, de savoir si le service qui lui est rendu lui coûte trop cher, s'il n'y aurait pas eu des solutions plus commodes, par exemple, des solutions moins coûteuses. C'est pour cela que les codes d'éthique existent, c'est pour protéger les personnes qui ne sont pas en mesure d'évaluer la valeur du service qui leur est rendu, des clients privés.

Mais au niveau du gouvernement ou d'une administration publique ou d'une compagnie, vous avez toute une hiérarchie, et un ingénieur ou un professionnel qui propose une solution à un proglème voit immédiatement cette solution-là examinée, discutée et critiquée par d'autres professionnels de son entourage. Finalement, ce qui ressort de tout cela n'est pas un acte personnel, mais un acte collectif. C'est pour cela que je dis que les codes d'éthique ne s'appliquent pas dans les grandes entreprises.

M. CHOQUETTE: Que pensez-vous de l'argument qui a été soulevé par Me Gagnon, que l'employeur est en mesure d'exercer une sanction immédiate contre son employé professionnel qui a fait un acte répréhensible, mais que, d'un autre côté, il ne peut pas le suivre? L'employeur pourrait renvoyer un professionnel qui aurait posé un acte répréhensible, mais ce professionnel-là, automatiquement, retourne à la vie privée. Par conséquent, la sanction de l'employeur ne suit pas l'employé comme professionnel même vis-à-vis du public, même si l'acte est très contraire aux règles de l'éthique. Comment disposez-vous de cet article-là?

M. RODRIGUE: Je ne pense pas en cela que les professionnels devraient être traités différemment des autres employés du gouvernement.

Si un employé commet un acte répréhensible et est démis de ses fonctions, congédié, il me semble que la sentence est suffisamment sévère et que ça ne doit pas le suivre toute sa vie.

M. LESAGE: Si c'était un acte dérogatoire par un médecin, par exemple, un acte grave par un médecin ou par un avocat, évidemment, c'est la suspension qui serait l'arme effective. Mais elle n'est plus possible.

M. RODRIGUE: Je vous avoue que, dans le cas des médecins, il m'apparaît qu'ils rendent un service qui est très personnel à des clients ou à des individus. J'accepterais peut-être, dans mon optique à moi, de faire une distinction. Evidemment, les cas que j'ai à l'esprit sont surtout des cas où vous avez une équipe d'ingénieurs, d'arpenteurs-géomètres, d'ingénieurs forestiers, etc., qui ne rendent pas un service à une personne donnée, mais plutôt à une collectivité ou qui le rendent en groupe. L'acte du médecin est plutôt un acte personnel. Disons que j'accepterais de faire une distinction assez facilement dans ce cas-là.

M. LESAGE: Les notaires?

M. RODRIGUE: Peut-être. Médecins, notaires, avocats posent des gestes à l'égard d'une personne, d'un individu.

M. LESAGE: Parfois. Pas toujours.

M. RODRIGUE: S'il n'y a rien d'autre sur l'article 56c, j'aimerais poursuivre. Nous recommandons, dans le mémoire que nous avons soumis, d'ajouter un article que nous pourrions nommer 56 d et qui, à mon sens, serait la conséquence logique de ce qui est inscrit à l'article 56 c. Il aurait pour effet de soustraire les professionnels à l'emploi du gouvernement de l'obli-

gation d'appartenir aux corporations professionnelles pour exercer leur profession au sein du gouvernement. Je m'explique. Les professionnels, au Québec, sont des diplômés d'universités ou possèdent des diplômes, parfois d'universités de l'extérieur, mais dans la plupart des cas des diplômes d'universités québécoises qui sont sous l'autorité du gouvernement, les corporations professionnelles ne leur apportent rien de plus au plan des connaissances. Pourtant, pour exercer sa profession, il faut appartenir à la corporation professionnelle, quel que soit le service que celle-ci peut rendre. Ceci nous paraît être un peu abusif comme pouvoirs des corporations vis-à-vis des professionnels qui sont des salariés travaillant pour une entreprise ou pour le gouvernement. A ce moment-là...

M. LESAGE: Vous ne concevez pas la corporation professionnelle comme ayant un très grand rôle à jouer pour la protection du public, à ce moment-là.

M. RODRIGUE: Pour les professionnels qui exercent leur profession dans la pratique privée, oui. Pour ceux qui exercent leur profession en tant que salariés d'une corporation publique ou privée, non.

M. LESAGE: Je vous avoue que l'article 56 d que vous suggérez me fait craindre certains abus. Il va encore plus loin que ce que vous disiez tantôt, parce que même si un fonctionnaire est renvoyé parce qu'il a commis un acte dérogatoire, un acte qui serait dérogatoire à la profession de toute façon, non seulement n'est-il pas susceptible de recevoir des sanctions, comme la suspension, de la part de son corps professionnel, mais son corps professionnel est obligé de le réintégrer. Sa récompense, c'est de forcer le corps professionnel à le réintégrer dans ses rangs.

M. CLICHE: L'admission automatique. M. RODRIGUE: Disons qu'à mon sens... M. LESAGE: C'est ce que ça veut dire.

M. RODRIGUE: ... si les actes sont graves au point que l'admission à la pratique de la profession ou au corps professionnel pourrait poser des problèmes, nous ne verrions certainement pas d'objection à ce que ça demeure sous le coup des codes d'éthique lors de la réintégration.

M. LESAGE: Parce qu'il peut y avoir des actes dérogatoires graves qui ne sont pas des actes criminels.

M. CHOQUETTE: Pour poursuivre votre raisonnement, M. Rodrigue, ne devrions-nous pas dire que le principe que vous énoncez, vous l'appliqueriez dans tous les cas où il y a une relation de maître à employé professionnel? Je veux dire que le principe que vous énoncez s'appliquerait au niveau du gouvernement, au niveau de tous les corps publics et même au niveau où un professionnel est à l'emploi permanent d'un individu ou d'une corporation. Vous comprenez ce que je veux dire; je veux dire que vous subordonnez entièrement le rôle professionnel à la relation d'employeur à employé.

Cela me semble aller assez loin.

M. RODRIGUE: En réalité, cela ne fait que répondre à une situation de fait qui existe dans l'entreprise privée, entre autres, sur une grande échelle- concernant les professionnels, les professions à caractère technique, entre autres. Une foule de personnes exercent des fonctions qui peuvent certainement être assimilées à l'ingénierie ou à la pratique d'autres professions à caractère technique dans les entreprises, et qui ne sont pas tenues d'être membres des corporations professionnelles parce que, justement, les corporations professionnelles ne sont pas en mesure de prouver que ces gens-là font du travail qui leur est réservé par la loi. C'est extrêmement difficile, dans le domaine technique, de prouver qu'un travail donné est réservé par la loi.

D'ailleurs, vous vous souvenez sans doute des représentations de la Canadian Manufacturers Association en 1964, je crois, lorsqu'on a étudié le bill 98, la Loi des ingénieurs. C'était dans ce sens-là. Là-dessus, nous étions d'accord. Ce n'est pas possible. En fin de compte, l'entreprise a la responsabilité publique, ce n'est pas l'individu.

M. CHOQUETTE: Oui, mais je vais vous donner un autre exemple. Supposons qu'un employeur voudrait inciter un professionnel à son emploi, soit un médecin, un avocat ou un ingénieur comme vous, par exemple, à poser un acte répréhensible d'après le code d'éthique de la profession. Je pense que cet employé-là, à ce moment-là, aurait parfaitement le droit et même le devoir de refuser de poser l'acte en question. Si vous me dites que la seule règle de conduite de l'employé est de dire: Je suis les ordres qui me sont donnés par mon employeur, là vous tombez dans une espèce de système où il n'y a presque plus

d'éthique parce que, là, l'employeur peut dicter sa volonté à son employé.

Mais à partir du moment où vous êtes dans le domaine professionnel, ce qui fait un professionnel, n'est-ce pas le fait qu'il peut se refuser à poser cet acte-là même si on cherche à le lui imposer, justement au nom de l'éthique de sa profession qui l'empêche de poser cet acte répréhensible qu'on lui demande?

M. RODRIGUE: L'expérience que j'ai de ces choses-là, pour en avoir discuté avec de nombreux ingénieurs, autant au gouvernement que dans les entreprises privées, est que c'est l'individu qui fait que le code d'éthique s'applique ou non. S'il décide de refuser de poser des gestes, c'est une décision qui, en fin de compte, est personnelle et il aura beau avoir recours à sa corporation professionnelle, il n'y a rien qui empêche la compagnie, le lendemain matin, de le congédier. Cela devient une décision tout à fait personnelle, et cela relève de la conscience professionnelle de l'individu, comme de tout autre employé qui ne serait pas professionnel.

M. CHOQUETTE: Je suis tout à fait de votre avis, mais c'est pour cela qu'on a des règles d'éthique.

M. RODRIGUE: En fin de compte, dans les conventions collectives que nous avons signées, nous avons justement inclus des clauses qui permettent aux individus de se défendre sur ce plan-là. Mais je vous dis que, là où il n'y a pas de convention collective qui permette aux individus de se défendre sur ce plan-là, les codes d'éthique ne sont d'aucun effet dans la grande entreprise manufacturière, entre autres, pour en avoir discuté avec de nombreux ingénieurs qui m'en ont fait part. II y a une distinction très nette à iaire entre le secteur privé et le secteur public

M. CHOQUETTE: Nous pourrions donner un exemple dans votre domaine, celui du génie. On dit, par exemple, qu'il ya beaucoup d'espionnage industriel, n'est-ce pas? On dit que c'est très répandu. Je présume que c'est défendu par le code d'éthique et qu'on ne peut pas faire cela. Mais supposons qu'un employeur veuille inciter un ingénieur à le faire, c'est bien beau de dire: On va laisser l'employeur disposer de l'ingénieur professionnel, le laisser lui dicter sa conduite, mais cela ne règle pas le problème sur le plan de l'éthique.

M. RODRIGUE: Mais l'existence du code de l'éthique, non plus, ne règle pas le problème, parce que, si l'ingénieur refuse, la première chose qui peut lui arriver c'est de se retrouver sur le carreau le lendemain, code d'éthique ou pas.

M. CHOQUETTE: Non, je suis d'accord. Cela ne règle peut-être pas le problème dans les faits, tout le temps, mais ce n'est pas une raison suffisante pour dire qu'on n'aura pas de code d'éthique.

M. RODRIGUE: D'après ce que j'en sais des réactions des gens dans l'industrie, la présence du code d'éthique n'apporte rien de plus pour l'exercice de la profession pour ceux qui sont des employés d'entreprise.

M. LE PRESIDENT: M. Goldbloom.

M. GOLDBLOOM: M. Rodrigue, vous venez de faire une distinction entre le secteur public et le secteur privé. Il me semble qu'à l'avenir, en ce qui concerne la plupart de nos professions, le secteur public sera appelé à connaître un élargissement et le secteur privé peut-être un certain rétrécissement.

Je cherche à comprendre ce que vous essayez de nous dire. Est-ce que vous cherchez à nous dire que le professionnel qui est à l'emploi du gouvernement peut être gêné dans l'accomplissement de son travail par le code d'éthique qui existe dans sa profession ou par des règles qui existent dans le fonctionnement de la corporation professionnelle à laquelle il devrait normalement appartenir? Ou est-ce que vous allez plus loin que cela, et est-ce que vous cherchez a nous dire que, vraiment, il y a des choses à accomplir dans le secteur public qui ne seraient pas « permissibles » dans le secteur privé, mais vu que la relation entre employeur et employé dans le secteur public, ces choses-là devraient être « permisibles »?

M. RODRIGUE: Je m'excuse de vous avoir lancés sur une fausse piste, je me suis mal exprimé tout à l'heure, Je voulais plutôt dire la pratique privée de la profession et la pratique en tant que salarié. La pratique privée, c'est le fait d'avoir un bureau d'étude par exemple, d'être ingénieur-conseil ou médecin, d'avoir un bureau, etc., et de recevoir des clients, de leur rendre un service personnel par opposition aux services que rendent les professionnels qui travaillent pour une compagnie, pour le gouvernement ou pour une autre entreprise.

M. GOLDBLOOM: Mais ce que vous nous proposez s'appliquerait & toutes les professions

sans distinction. Donc, il faut que ça s'applique au médecin, à l'avocat, au notaire, à celui qui rend des services personnels, et cela dans le cadre du secteur public autant que dans le cadre du secteur privé.

M. RODRIGUE: Enfin, comme Je l'ai mentionné 3 M. Lesage tout à l'heure, il y a certainement quelques cas qu'il a soulevés qui mériteraient peut-être de nuancer notre proposition, qui exigeraient qu'on la nuance. Je dis que lorsque le service est rendu à un individu qui n'est pas en mesure d'évaluer la valeur du service rendu, 3 ce moment-là, je crois que les codes d'éthique doivent s'appliquer, que les corporations professionnelles ont un rôle important à jouer.

Par contre, lorsque l'individu travaille pour une entreprise qui, elle, est responsable publiquement, 3 ce moment-là, les codes d'éthique n'ont plus leur raison d'être.

M. GOLDBLOOM: Je vous soumets que le professionnel Jouit d'une formation qu'il a acquise pendant de nombreuses années et qui comprend une formation en matière d'éthique professionnelle, et que si ce professionnel s'en va travailler dans le secteur public, pour le gouvernement il n'est pas possible pour lui de nier — ni pour le secteur public de lui nier — toute la formation qu'il a acquise au cours de ces années précédentes.

M. RODRIGUE: Je crois qu'il y a des individus qui ne sont pas des professionnels et qui ont une conscience professionnelle, et qu'il y a des professionnels qui ne l'ont pas et...

M. GOLDBLOOM: D'accord.

M. RODRIGUE: ... et c'est une question de conscience personnelle, ce n'est pas une question d'éducation ou de connaissances acquises à l'université. A l'université, on acquiert des connaissances, on acquiert une certaine formation qui nous permet de régler les problèmes. En fin de compte, c'est toujours une question de conscience personnelle, pour ce genre de choses, ce n'est pas la formation universitaire qui fait qu'un individu sort de 13. avec...

M. CLICHE: Cela ne nuit pas. Cela ne doit pas nuire.

M. RODRIGUE: ... Je pense que ça n'ajoute rien.

M. GOLDBLOOM: Et la formation n'est pas uniquement universitaire.

M. RODRIGUE: Non. La famille a beaucoup plus 3 voir que l'université.

M. GOLDBLOOM: II y a la formation postdiplômée qui est très importante.

M. RODRIGUE: Oui, je crois que la formation, l'éducation reçue à tout point de vue, ce n'est pas seulement le fait d'aller à l'université qui fait qu'un individu va être au-dessus de la masse et va avoir une conscience professionnelle hors d'atteinte.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Dalpé. Maintenant, est-ce que la FTQ a des représentations concernant cet article 56?

M. DUVAL: M. le Président, il s'agit évidemment d'un mémoire conjoint et nous faisons nôtres les représentations qui ont été faites.

M. LE PRESIDENT: D'accord. Je crois maintenant que Me Pothier Ferland... Si vous voulez vous rendre au bout, là.

ME FERLAND: M. le Président, mon mandat est celui de la Corporation des ingénieurs du Québec. Cela représente 13,440 membres en ce moment.

Je tiens à le souligner parce que Je pense que, dans cette ère industrielle et postindustrielle que nous vivons, c'est sûrement un secteur professionnel à considérer.

Il y a déjà plusieus centaines d'ingénieurs à l'emploi de l'Etat. Probablement qu'il en faudrait encore plus. Tout en faisant nôtres les représentations contenues au mémoire du comité interprofessionnel, nous voudrions ajouter une intervention au sujet de l'article 30 qui amende l'article 54a, en vertu duquel le lieutenant-gouverneur en conseil, sur la recommandation du ministre, peut faire un ou des codes d'éthique en ce qui a trait aux fonctionnaires.

A mon sens, cela permet d'avoir un code d'éthique pour le groupe de professionnels travaillant au ministère de la Santé, un code d'éthique pour le groupe travaillant au ministère de la Justice et ainsi de suite. Il y a déjà les codes d'éthique de la corporation. Je crains que cela entraîne une certaine pagaille. L'individu, en tout cas, qui est ou qui sera soumis aux deux, où est-ce qu'il va donner de la tête tout à l'heure? Cela, on ne le sait pas du tout. Il va être soumis, sur le plan de sa conscience et de sa compétence professionnelle, à deux maîtres. Il va être en état de conflit continuel.

Il faut bien se rendre compte que, sur le plan des professions — Je n'aime pas beaucoup

ce mot-là, mais c'est celui-là qu'il faut employer — c'est l'Etat qui a tous les pouvoirs. Ici, au Québec, contrairement à ce qui se fait dans beaucoup d'autres Etats, l'Etat délègue ses pouvoirs à des corporations professionnelles.

De prime abord, cela peut avoir l'air vieux jeu, parce que le mot date du Moyen Age, mais je dis, en même temps, que c'est une des meilleures formules de participation qui soit. Ce rôle, qu'a l'Etat, de voir à l'éthique professionnelle, ce sont des individus qui y participent, qui de leurs poches et de leur temps remplissent cette fonction. Je pense qu'on devrait être content d'avoir une participation, puisque c'est un phénomène à la mode et qu'on ne devrait pas s'en priver.

Je voudrais dire, tout de suite, que de l'éthique professionnelle, cela ne se négocie pas. Je ne comprends pas, moi, qu'une convention collective puisse établir que tel geste est bon cette année et qu'il ne sera pas bon à la prochaine convention. Ce n'est pas en négociation que l'on va établir ce qui est bon et ce qui n'est pas bon, ce qui est moral et ce qui ne l'est pas. C'est par l'étude des experts en la matière que vous allez établir ces règles-là; c'est ce que vous avez fait. Par ailleurs, si l'éthique est établie par le lieutenant-gouverneur en conseil, avec tout le respect que j'ai pour lui, il va être obligé d'avoir recours, s'il s'agit d'avocats à des avocats, s'il s'agit d'ingénieurs, à des ingénieurs. Cela va revenir finalement au même, mais avec le risque qu'il y ait des différences entre les deux codes.

Je ne porte pas de jugement sur le système que nous connaissons au Québec par rapport à celui qui existe ailleurs. Je le répète, ailleurs, nous savons que l'Etat exerce lui-même son pouvoir, quitte à confier — à New York, on appelle cela « The Board of Regents » ou l'autorité du ministre de l'Education — à un groupe de gens qu'il nomme lui-même le soin de décider quelle est la formation nécessaire à l'admission à une profession et, ensuite, de surveiller continuellement l'acte professionnel. Que l'acte professionnel soit rendu pour le bénéfice d'un individu ou pour le bénéfice d'un Etat ou d'une société à but lucratif ou à but non lucratif, anonyme ou connue, je pense que cela n'a pas d'importance. L'acte professionnel doit toujours être posé avec la plus grande compétence et la plus grande conscience possible. Or, le seul but poursuivi par les codes d'éthique, c'est d'assurer la compétence et la conscience professionnelles constamment, d'abord, au profit du public, deuxièmement, ici de l'Etat, mais indirectement du public. C'est ça le but poursuivi.

Si, comme ailleurs, cela est sous la juridiction directe de l'Etat, par l'entremise d'une personne nommée, je pense que c'est moins démocratique et que l'influence politique ou l'amitié personnelle peut jouer plus dans les nominations etc. C'est moins démocratique que lorsque ce pouvoir est exercé, de façon déléguée, cependant, par un groupe d'individus qui ont été élus — je représente 13,400 membres — et qui assurent une participation dont vous ne bénéficierez pas autrement.

J'ai voulu faire la distinction entre les deux systèmes pour dire, en même temps, que je ne crois pas qu'un mélange des deux soit bon. J'ai un peu peur que cela tende vers un mélange des deux. Il me semble que cela serait malsain. En tout cas, nous avons déjà commencé à connaître les inconvénients qui, à l'occasion, peuvent résulter d'un tel système. Par exemple, le gouvernement, par une loi professionnelle décrête que telle organisation va avoir juridiction en la matière. Après cela, il lui dit: Vous faites des règlements professionnels; nous, lieutenant-gouverneur en conseil, nous allons les approuver. Même après que ces règlements ont été votés par l'ensemble des membres, comme dans toute association, d'ailleurs, il est déjà arrivé des cas où ces règlements-là ont été modifiés sans le consentement de tous, c'est-à-dire sans avoir été étudiés par tous. Ils n'ont été étudiés que par deux ou trois personnes et c'est cela qui nous fait peur.

Le ministre, ce matin, a parlé en termes d'efficacité. Tous les travaux que j'ai entendus et qui m'ont fort intéressé, m'indiquent qu'on a un souci d'efficacité. C'est très, très louable. Nous sommes entièrement d'accord. Mais cela ne peut pas se discuter en termes d'efficacité seulement; il faut garder toujours présents à l'esprit les termes d'intégrité professionnelle et ne pas sacrifier l'un à l'autre. Cependant, les deux peuvent se combiner continuellement. On peut travailler au maintien de l'intégrité professionnelle, sans du tout diminuer l'efficacité. J'admets qu'un ministre ne peut pas passer sous silence, à l'occasion, des agissements posés par un de ses fonctionnaires professionnels, qui ne seraient pas dans la ligne ou dans la politique de son ministère, alors même qu'ils conviendraient au code d'éthique de sa profession. Cela peut arriver et cela va faire choc, bien sûr.

Il nous semble qu'il y a moyen d'obvier à une telle situation par différents moyens dont l'un serait le suivant: Pourquoi le ministre ou son délégué ne serait-il pas présent au comité de discipline de la profession? Il n'y a absolument rien qui s'oppose à ce que, chaque fois qu'un professionnel fonctionnaire a commis un acte de dé-

rogatoire, il soit jugé en même temps par ses confrères de la profession et son patron. A ce moment-là, nous avons beaucoup plus de chance de trouver entre ces deux pôles qui sont la profession et l'Etat un commun dénominateur. On va travailler ensemble plutôt que par le système que vous préconisez, qui ne marcherait que sur des points de divergence et qui, à l'occasion, mêlerait tout le monde.

C'est cela, notre proposition principale mais, toujours en ne perdant pas de vue que Me Gagnon a dit tout à l'heure qu'il y avait à peu près 30,000 professionnels faisant partie des 20 chambres au nom desquelles il a parlé, notre chambre à nous compte 13,440 professionnels. Cela fait 43,000 individus qui en ce moment participent directement et indirectement, pas parfaitement. Mais ce n'est pas en leur disant: « Ne vous occupez plus de cela », qu'ils vont participer mieux. Sûrement pas. Voilà les représentations des ingénieurs.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Me Ferland, je vous remercie. Je crois qu'il y aurait un porte-parole de l'Institut des comptables agrées. Oui, vous avez des questions? Excusez, oui, allez, M. Goldbloom.

M. GOLDBLOOM: Me Ferland, M. FERLAND: Oui.

M. GOLDBLOOM: N'est-il pas vrai que, dans le cas de la majorité, sinon la totalité des corporations professionnelles membres du Conseil interprofessionnels du Québec, le code d'éthique ne devient exécutoire, n'acquiert force de loi qu'avec l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil?

M. FERLAND: Exactement, bien sûr.

M. GOLDBLOOM: Donc, n'est-il pas possible — Je ne parle pas de la phraséologie de l'article en question — qu'un professionnel qui se trouve à l'emploi du gouvernement, soit soumis non seulement au code d'éthique de sa profession, mais également à certaines exigences de la fonction publique qui découleraient peut-être de l'expérience du Protecteur du citoyen, de l'Ombudsman? Il s'agirait peut-être de refaire cet article, mais n'est-il pas possible qu'il y ait des exigences de la part de la fonction publique à l'endroit d'un professionnel qui ne touchent point à l'éthique professionnelle qu'il doit respecter de toute façon?

M. FERLAND: Tout à fait d'accord. Je pen- se l'avoir dit, tout à l'heure, pas bien comme vous venez de le faire, docteur, mais, lorsque j'ai dit que, forcément, un ministre avait le droit d'exiger de son employé des choses qui viendraient peut-être à l'encontre de son code d'éthique. Dans ces cas-là, il y aurait peut-être une autre suggestion à faire pour couvrir tout ceci, un organisme consultatif, une espèce de conseil d'Etat qui pourrait juger d'avance ou après coup ou les deux, n'est-ce pas, tous les cas où ces fonctionnaires professionnels vont avoir le doigt entre l'écorce et l'arbre. Parce qu'ils ont le maître et la profession. Il ne faut pas les faire sortir de la profession, parce que vous n'aurez plus le droit, vous, le gouvernement, de dire: « J'ai engagé un ingénieur et j'ai engagé un avocat », s'il n'est pas membre de la profession. C'est vous, qui, pour avoir leurs services, dites à la corporation: « Désigne-moi qui aura le droit d'être ingénieur ou qui aura le droit d'être médecin. » Alors, pour qu'il continue par la suite à être médecin ou à être ingénieur, c'est le conseil de la profession qui le suit dans ses agissements. Alors, si c'est un tiers, vous, qui a le droit de dire; « Bon, bien, tu as maintenant le droit de sortir de ton code d'éthique », la profession va lui dire; « Tu n'es plus médecin, tu n'es plus ingénieur. »

Vous n'avez plus le droit, vous, de l'appeler médecin ou ingénieur. Il faut travailler ensemble et non chacun de son côté. C'est la suggestion de la corporation.

M. GOLDBLOOM: Et quand il devient ministre?

M. FERLAND: Quand il devient ministre, ce n'est plus un fonctionnaire. Je me permets de ne pas répondre pour cette raison.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Bien, est-ce qu'il y a un porte-parole de l'Institut des comptables agréés de Québec?

M. FLYNN: Jacques Flynn. Je représente l'Institut des comptables agréés. Je serai bref parce que l'institut que je représente partage, d'une façon générale, les vues exprimées par Me Claude Gagnon au nom du Conseil interprofessionnel du Québec en ce qui regarde l'article 56c

Je dois, cependant, ajouter une note toute spéciale qui concerne l'institut. C'est que son opposition au principe que pose cet article 56c, il la fait nonobstant l'existence dans sa loi constitutive de l'article 24 qui réglemente la pratique de la comptabilité et de la vérification. Le

deuxième paragraphe de cet article 24 se lit comme suit: « Les comptables et les vérificateurs à l'emploi du gouvernement de la province dans l'exercice de leurs fonctions ne seront pas assujettis aux prescriptions de la présente loi. »

Alors, je ne voudrais pas qu'on nous reprochât d'avoir déjà accepté le principe, premièrement, parce que je considère que ce qu'on avait dans l'idée au moment où on a édicté cette prescription n'était pas exactement la même chose que ce que l'on prévoit à l'article 56c.

Je pense que l'on avait surtout en vue de ne pas exiger que les vérificateurs et les comptables à l'emploi du gouvernement soient membres de l'institut. De toute façon, je crois que l'article 56c va beaucoup plus loin, parce que, décidément, il soustrait les comptables aux prescriptions du code d'éthique de l'institut. Comme l'a souligné Me Gagnon, si un employé du gouvernement, un fonctionnaire membre de l'institut, est destitué, cet article 56c empêche que cette décision soit sanctionnée par l'institut qui, comme nous l'avons souligné, serait dans une telle circonstance obligé de le réintégrer dans ses rangs.

Je crois que le noeud de la question a été bien noté à plusieurs reprises, c'est que le problème de l'éthique professionnelle, pour autant que le gouvernement est concerné, est quelque chose qui dépasse la relation d'employeur et d'employé. Si l'article 56c ne concernait que la relation entre le gouvernement et son employé, dans le domaine privé, si vous voulez, de ces relations, il n'y aurait aucune objection. Si nous pouvions dire: Vous êtes soustraits aux règlements de l'éthique de votre profession quand le problème qui vous oppose à votre employeur n'affecte pas un tiers et n'affecte pas l'intérêt public, je dirais: Nous sommes d'accord.

M. Rodrigue a justement renforcé, tout à l'heure, ce qu'avait dit Me Claude Gagnon à l'effet qu'il y a là un conflit d'intérêts possible. Le gouvernement, comme employeur, peut être placé dans un conflit d'intérêts, et nous l'avons bien noté. L'employeur privé peut être également placé dans cette même situation. M. Rodrigue a justement cité le cas d'un ingénieur à qui son patron donnerait l'instruction, par exemple, de faire de l'espionnage, ce qui est contraire à l'éthique professionnelle. M. Rodrigue dit: Cela ne regarde que le patron et l'ingénieur à son emploi. Pas du tout. Cela regarde un tiers et le tiers, dans la situation que préconise M. Rodrigue, ne serait pas en mesure de se plaindre de ce fait. Le gouvernement pourrait être dans des situations analogues où il n'aurait pas intérêt à permettre à un tiers de porter plainte ou à permettre à la corporation professionnelle, qui a des responsabilités vis-à-vis du public, d'intervenir.

En d'autres termes, si nous pouvions restreindre l'article 56c à ce qui concerne les relations privées du gouvernement et de ses fonctionnaires, il n'y aurait pas d'objection. Mais dès que le tiers, dès que l'intérêt public, dès que la responsabilité de la chambre professionnelle est en jeu, nous considérons que le gouvernement ne doit pas soustraire son fonctionnaire membre d'une chambre professionnelle aux sanctions du code d'éthique de cette profession.

En somme, tout est là. Est-ce que l'on peut trouver cette formule? Je crois qu'on doit certainement la rechercher parce qu'autrement les conséquences qui ont été envisagées par M. Gagnon et qui ont été illustrées, je dirais, par M. Rodrigue qui, pourtant, prêchait de l'autre côté de la clôture, sont des conséquences très graves qu'il faut à tout prix éviter.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je vous remercie, Me Flynn. A moins que la commission ait objection, je crois que nous pourrions accepter que M. Pierre Roy remplace M. Mario Beau-lieu comme membre de la commission. D'accord?

Maintenant, la Corporation des conseillers d'orientation professionnelle.

M. KENNY: Bernard Kenny, pour la Corporation des conseillers d'orientation professionnelle. M. le Président, la Corporation des conseillers d'orientation professionnelle n'est pas d'accord avec l'article 56c et 56b tel qu'il est rédigé. La Corporation des conseillers d'orientation professionnelle endosse la position du Conseil interprofessionnel du Québec concernant l'article 56c telle que l'a présentée Me Gagnon, bâtonnier du Québec. En ce qui concerne l'article 56b, la Corporation des conseillers d'orientation professionnelle endosse la recommandation faite par Me Letarte, représentant de la Corporation des psychologues.

J'ai assez peu de choses à ajouter. Nous croyons que cette interdiction est trop générale; elle peut priver des organismes et un nombreux public des services professionnels de personnes compétentes en orientation professionnelle, personnes qui, tout en respectant leur contrat de travail, pourraient, dans leur temps libre ou après entente avec leur chef immédiat, rendre service à la communauté. Ce que l'on souligne ici, c'est le manque de professionnels et tout un secteur de population qui n'est pas desservi. Par exemple, en ce qui concerne les conseillers

d'orientation professionnelle, ceux-ci se regroupent surtout dans les centres de main-d'oeuvre du Québec ou du Canada, dans les institutions publiques d'enseignement et dans quelques bureaux privés.

Notre but, en demandant l'amendement de cet article 56b, est de mieux desservir la société et de répondre au public, dans les institutions indépendantes, aux nombreux adultes ou encore pour palier l'insuffisance de certains services publics d'orientation dont les budgets sont, il va de soi, limités.

Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je vous remercie. Le porte-parole de la Corporation des diététistes.

MME CHAMPOUX: Je suis Jeannine Champoux, présidente de la Corporation des diététistes du Québec. Je suis ici pour appuyer ce qu'a si bien dit Me Gagnon et soutenu Me Flynn. Nous sommes tout à fait d'accord.

Nos revendications ou nos représentations auprès du gouvernement sont sensiblement les mêmes.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je vous remercie, Mme Champoux. Maintenant, le porte-parole des registraires, je crois.

M. GAREAU: Vous me permettrez, M. le Président, de préciser que je ne suis pas le porte-parole des registraires, mais le regis-traire du Collège des optométristes du Québec.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Bon, d'accord!

M. GAREAU: Souscrivant entièrement aux remarques qui ont été faites par Me Claude Gagnon, au nom du conseil interprofessionnel, remarques — j'aimerais l'ajouter — qui font suite à des consultations poursuivies auprès des vingt corporations du Québec, je n'ai aucune observation particulière à ajouter. Merci.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Très bien. Maintenant, il y a, je crois, le Collège des médecins et chirurgiens.

M. ROY: Le Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec. Comme à peu près tout a été dit sur le sujet, je serai très bref. Le Collège des médecins endosse entièrement la position du Conseil interprofessionnel du Québec qui a été énoncée par Me Claude Gagnon, bâtonnier du Québec.

En ce qui concerne l'article 56c qui a pour but de soustraire les professionnels à l'autorité de leur corporation, le Collège comprend mal l'action proposée par le législateur, alors qu'il tente justement d'exercer une discipline accrue chez ses membres, dans le but de protéger le public et de l'assurer d'une bonne qualité de soins.

Dans le cas d'un médecin fonctionnaire, nous croyons qu'il est important que les règles de discipline de la corporation s'appliquent intégralement, car si un tel employé faisait un accroc grave à ces règlements et était démis de ses fonctions par le gouvernement ou s'il quittait volontairement, le Collège serait, ensuite, obligé de l'accepter dans ses rangs sans avoir aucun mot à dire. Nous ne croyons pas que c'est bien protéger le public que d'agir ainsi.

Notre Collège n'a jamais abusé des pouvoirs qui lui ont été confiés en matière de discipline. Si jamais, hypothétiquement, une corporation abusait de ces pouvoirs, nous croyons qu'il appartiendrait alors aux législateurs de s'en occuper par une action énergique vis-à-vis de cette corporation, mais non pas en généralisant vis-à-vis de toutes les corporations.

En résumé, nous estimons que les corporations qui sont, en définitive, le prolongement du gouvernement et qui lui sont très utiles, le gouvernement devrait donc non pas les affaiblir mais renforcer lours pouvoirs.

Un mot de l'article 56b. Nous ne contestons pas les droits de l'employeur. Mais nous croyons que cet article est trop rigoureux et qu'on devrait laisser à un employé le soin ou la possibilité de négocier son emploi du temps durant ses périodes de loisir. Bien plus, il nous apparaît qu'il pourrait être essentiel pour un médecin travaillant pour une unité sanitaire dans une région défavorisée, d'exercer la médecine durant son temps libre, le soir ou les fins de semaine. Je pense ici aux Iles-de-la-Madeleine que M. le Président a visitées récemment. Je pense que si les Iles-de-la-Madeleine pouvaient dénicher un médecin hygiéniste, ce médecin devrait pouvoir rendre service à la population en exerçant sa profession en-dehors de son temps de travail pour le gouvernement.

Un mot très rapide sur l'article 54a. Nous croyons qu'il ne serait pas logique que divers codes d'éthique s'appliquent à des professionnels fonctionnaires, ce qui pourrait donner lieu à des différences très difficiles à interpréter et qui pourraient nuire au public, en définitive.

Ce sont là les remarques du Collège des médecins du Québec, qui endosse totalement

celles du CEQ et des autres corporations qui se sont prononcées avant nous. Merci.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je vous remercie, Dr Roy. Nous pourrions maintenant revenir à des commentaires sur d'autres points. Vous en avez d'autres?

M. VINEBERG: M. le Président, est-ce que vous me permettez de dire quelques mots à l'égard de l'article 56c? Mon nom est Philippe Vineberg, le bâtonnier de Montréal...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): D'accord.

M. VINEBERG: ... et le vice-président du Conseil exécutif du barreau de Québec. Le barreau est associé au Conseil interprofessionnel et nous endossons complètement les opinions exprimées par le bâtonnier, Me Gagnon, ce matin et cet après-midi.

Si vous me permettez quelques mots additionnels. Etant donné la relation entre le gouvernement et le professionnel qui travaille pour lui, on aura besoin d'exigences particulières qui ne sont pas couvertes par le code d'éthique professionnelle. Nous ne voyons pas d'objection à ce que, dans l'avenir, à cause de cette situation particulière, vous ayez certaines règles qui s'appliquent seulement au fonctionnaire à l'emploi du gouvernement. Mais nous sommes loin de soustraire le professionnel au code d'éthique appliqué par sa propre profession. Ce n'est pas du tout la même chose, loin de là. Après tout, dans quelles occasions peut-on référer au code d'éthique? Il s'agit de questions de moralité, d'intégrité, d'honnêteté, de loyauté et de compétence.

Est-ce qu'on peut dire que quelque chose qui est malhonnête pour un professionnel est honnête pour un fonctionnaire? Y a-t-il un standard d'intégrité moins élevé pour un fonctionnaire que pour un professionnel? Le gouvernement ac-ceptera-t-il, dans l'avenir, que des fonctionnaires professionnels n'atteignent pas les mêmes normes de compétence et de moralité que leurs confrères? Poser la question, c'est vous donner la réponse, parce que je suis certain que le gouvernement insistera sur un code d'éthique au moins semblable à celui qui existe aujourd'hui.

Alors, vous avez un choix entre trois choses: d'abord, un code qui est exactement la même chose. Pourquoi en avez-vous besoin d'un autre? Pourquoi dédoubler le travail et tout recommencer dès le début? Vous avez de longues traditions que vous voulez oublier pour recom- mencer. Autrement, vous auriez un code d'éthique inférieur et je ne crois pas que le gouvernement soit prêt à accepter quelque chose qui soit inférieur. Ce ne serait pas juste ni envers le gouvernement, ni envers le public.

Troisièmement, il y a la possibilité d'avoir un code d'éthique supérieur. Rien n'empêche que vous gardiez le code d'éthique tel qu'il est aujourd'hui et que vous lui ajoutiez ce qui est nécessaire pour l'améliorer. Après tout, il y a un code d'éthique et il y a la relation entre l'employeur et l'employé, entre le client et l'avocat, entre le patient et le médecin. Chaque personne peut exiger de son conseiller professionnel un standard supérieur. Par exemple, le patron peut insister pour que son employé travaille dès huit heures du matin, au lieu de commencer à neuf heures; pour qu'il s'occupe d'une seule cause ou d'une seule affaire pour deux semaines ou pour toute l'année, peu importe. Ce qui relève des relations contractuelles échappe au code d'éthique professionnelle. Je crois que vous pouvez facilement sauvegarder ce qui existe aujourd'hui et chercher des améliorations, s'il y a lieu en ajoutant ce qui est nécessaire en raison des relations particulières.

Il y a une autre question de principe. J'avoue Immédiatement que j'exagère, mais, parfois, la caricature est une méthode pour faire un portrait.

Supposons que le gouvernement fédéral, demain, adopte une loi disant qu'un fonctionnaire public fédéral ne sera pas sujet, à l'avenir, au code criminel, quelle serait notre réaction? Je crois que c'est fondamental qu'on sauvegarde la position que tout le monde, y compris les fonctionnaires, est sujet à la loi générale. Alors, la loi générale est imposée par le code d'éthique dans le cas d'un non-professionnel, parce qu'il y a des questions de subjectivité envers la responsabilité professionnelle.

Un homme de profession a beaucoup plus de responsabilités, d'obligations envers le client, le gouvernement, qu'une autre personne. Imaginez-vous un médecin qui n'est pas responsable comme les autres médecins; un ingénieur qui n'a pas le même degré de responsabilité qu'un autre parce qu'il n'est pas sujet au code d'éthique qui s'applique à tout le monde.

Je crois que nous ne sommes pas prêts à accepter, je l'espère du moins, ni pour le gouvernement ni pour les fonctionnaires, un standard de conduite ou de moralité de seconde classe.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je vous remercie. Nous allons revenir aux autres mémoires pour des points autres que l'article 56. Nous pourrions donner la parole au représentant de la CSN.

M. DALPE: M. le Président, je serai bref, me contentant de remarques générales puisque le président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux, le confrère Breuleux, est chargé de faire au comité les représentations de la CSN sur les différents articles que comporte le bill 23.

La mise en scène à laquelle nous assistons et qui est assortie d'appels par le gouvernement à des experts pour faire la démonstration de la nécessité de refaire, Jusqu'à un certain point, certains rouages administratifs, est pour nous une certaine satisfaction puisque déjà depuis de nombreuses années nous avons demandé la création d'un ministère de la Fonction publique.

Toutefois, en écoutant ce matin 1'énumération des comités consultatifs qui ont été mis sur pied, nous avons été quand même un peu choqués de constater que les principaux intéressés, ceux qui devront subir cette réglementation de la gestion du personnel, n'avaient même pas été invités à participer de façon directe ou indirecte à ces consultations.

Dans l'exposé du ministre délégué, on a fait allusion à un moment donné au droit qu'avaient acquis les gens de la fonction publique à la syn-dicalisation. Cet aspect nouveau comporte pour les chargés de l'administration des responsabilités et des complications dans l'exercice de leur mandat. C'est à partir d'une constatation générale comme celle-là qu'on en vient à convenir qu'il y a nécessité de centraliser quelque part, dans les mains d'un représentant du gouvernement, d'un ministre, certains pouvoirs, certaines fonctions, certains mandats. Mais vous comprendrez qu'à ce moment-ci nous devons avoir certaines inquiétudes puisque cette reconnaissance du droit qu'ont les gens de la fonction publique de se syndiquer pourrait en fait n'avoir aucune signification si la loi instituant un ministère de la Fonction publique devait perpétuer le sentiment de frustration que connaissent actuellement les fonctionnaires provinciaux dans l'application de leur convention collective de travail.

Nous avons également été un peu frappés ce matin par cette admission qu'on a faite que pour arriver à l'embauchage d'un employé au gouvernement il fallait 108 jours et qu'on pouvait le congédier en deça de deux secondes.

Les revendications que nous voulons vous faire entendre ont trait principalement aux droits que doivent avoir ceux qui, actuellement, ne sont pas syndicables. Nous voulons également, par notre insistance, donner au ministre de la Fonction publique des pouvoirs réels, tout en étant conscients qu'il ne doit pas devenir un superministre, qui ne doit pas non plus concentrer à lui seul une somme de pouvoir exorbitant, mais qu'il doit être, jusqu'à un certain point, le terminus auquel nous pouvons atteindre pour enfin connaître, de façon passablement claire et suffisamment précise, quelle est la conception ou l'interprétation du gouvernement sur certaines dispositions contractuelles avec lesquelles nous avons à vivre quotidiennement.

Sans plus, M. le Président, avec votre permission, nous allons demander au confrère Jean-Paul Breuleux de vous faire les représentations que j'ai mentionnées.

M. BREULEUX: Je m'appelle Jean-Paul Breuleux. Je représente 28,985 fonctionnaires qui vont habiter une maison dont ils n'ont pas choisi l'architecte, mais ce qui est pire, c'est que l'architecte ne les a jamais consultés. Je me souviens que lors d'une entrevue que nous accordait l'honorable Johnson, alors premier ministre, il nous avait annoncé pour l'automne la venue au monde d'un bébé qui s'appellerait le ministère de la Fonction publique. Il nous avait dit, à ce moment-là, qu'il nous consulterait, parce que nous vivions justement ces conditions de travail que le ministère était appelé à modifier ou à changer.

Ces promesses, ainsi que d'autres promesses d'autres hommes politiques, n'ont jamais été tenues. Ce qui est contenu et ce qui a été dit par les divers représentants, les divers comités, les nombreux comités, devrais-je ajouter, ce qui a été dit ce matin a été dit d'une façon beaucoup plus précise, d'une façon beaucoup plus intensive et extensive lors des négociations que nous avons eues avec l'Etat-employeur.

Cela aurait certainement coûté meilleur marché au gouvernement d'en faire état que de recourir à d'autres services pour trouver les mêmes faits, les mêmes disparités, le même fouillis administratif. L'honorable ministre délégué à la Fonction publique, M. Masse, a brossé un tableau diplomatiquement détaillé de ce fouillis, d'autres l'ont explicité. Nous vivons cela et nous souffrons de cela. Nous réclamons depuis très longtemps, comme l'a dit M. Dalpé, la formation d'un ministère qui ait certains pouvoirs et non pas de combler certains désirs ou certaines ambitions qui se concrétiseraient par la formation d'un ministère de plus. On a créé énormément de ministères. A-t-on créé des services, a-t-on fait quelque chose pour la population? Je me le demande dans nombre de cas. C'est pour ça qu'à la suite de la première lecture du bill, nous avons réuni les représentants des différents syndicats, non seulement de notre centrale, la CSN, mais aussi les représentants de

la CEQ, les représentants de la FTQ et d'autres personnes encore. Nous avons ensemble examiné soigneusement ce bill, cette loi, et nous avons tâché de faire de ce bébé qui n'avait pas beaucoup de dents et qui avait dans ses veines un sang qui était un peu mêlé, quelque chose de plus viable. C'est pour ça que vous avez devant vous ce mémoire. Il n'est peut-être pas aussi fort que nous le voudrions, mais comme nous visons avant tout l'efficacité, nous avons pensé politiquement à des choses qui passeraient politiquement.

Il est évident que si vous faites un amalgame de ce qui existe actuellement et que vous en faites un ministère sans lui donner des pouvoirs particuliers, cela ne nous sert à rien. Nous recherchons depuis toujours un interlocuteur. Vous nous le donnez. Dans l'article 2 de la loi, vous explicitez les fonctions du ministre de la Fonction publique. Au début et à la fin de cet article, vous dites qu'il négocie et qu'il coordonne l'application des différentes conventions collectives ainsi négociées.

Comment est-ce qu'on coordonne quelqu'un? Je me le demande et d'autres, avec moi, se le sont demandé. On a consulté différents dictionnaires et nulle part on n'a trouvé de pouvoirs dans le mot « coordonner ». C'est pour cela que nous avons ajouté, à l'article 2, premièrement le pouvoir pour le ministère d'interpréter, ce qui est un pouvoir normal. Etant donné qu'il négocie, c'est lui qui doit interpréter.

Nous ne contestons pas le pouvoir suprême qu'est le cabinet des ministres et nous ne contestons pas le fait que le ministère de la Fonction publique soit redevable de ses actions envers le cabinet des ministres. Mais une fois qu' il y a concensus général au sein du cabinet des ministres, il nous semble que la délégation de pouvoirs doit se faire et que le ministère de la Fonction publique doit avoir le pouvoir de faire en sorte que tous les ministères se plient à cette délégation de pouvoirs ou à ces pouvoirs. C'est pour cela que nous avons ajouté ceci. Plus loin, nous ajoutons, après le paragraphe f, un paragraphe g qui n'existait pas et qui se lit de la façon suivante: « g) Que le ministre peut émettre, au nom du gouvernement, des directives concernant l'interprétation et l'application des différentes conventions collectives régissant les conditions de travail des personnes qui occupent des emplois relevant du gouvernement et en imposer l'exécution à des ministres ou organismes. »

II est bien entendu qu'il ne s'agit pas de créer un superministère. Encore une fois, je voudrais calmer cette grande peur que je perçois parmi certains d'entre vous. Il est bien entendu que le pouvoir d'imposer sera délégué par le pouvoir suprême qu'est le cabinet des ministres. Mais nous sommes très impatients de savoir à qui nous adresser pour faire en sorte que quelqu'un qui ne veut pas se plier au concensus général doive le faire. C'est pour cela que nous avons ajouté le paragraphe g à l'article 2 de votre loi.

Maintenant, nous ajoutons aussi un paragraphe h. Nous disons: « Seul le ministre peut, à titre de représentant de l'employeur, établir les conditions de travail des employés de la fonction publique qui ne sont pas soumis à des conventions collectives. » Pourquoi cela? Je pense que c'est tout un problème de juridiction, d'uniformisation et d'efficacité qui est en jeu à ce moment-ci. Si vous donnez une juridiction particulière aux syndiqués et aux non-syndiqués, comment pourra se continuer ou se parfaire le plan de carrière que tous nous prônons, premièrement? Comment les codes d'éthique pourront-ils s'appliquer à l'un et à l'autre et de quelle façon? Nous pensons que le ministre, ou le ministère par l'intermédiaire de certains de ses membres, ayant négocié et ayant une connaissance pleine et entière des différentes conventions collectives sera à même d'établir les conditions de travail de tous les employés du service public, qu'ils soient syndiqués ou non.

On ne pouvait pas imaginer qu'il y ait des conditions de travail qui soient différentes pour l'un ou l'autre de ces groupes. S'ils sont syndicables ou non-syndicables que ce soit parce qu'ils appartiennent actuellement — et nous espérons que ça cessera — au personnel des cadres supérieurs ou que ce soient des personnes confidentielles.

Maintenant, à l'article 4, nous biffons: « ... et exerce les autres pouvoirs qui lui sont assignés par le lieutenant-gouverneur en conseil ». Ecoutez, pourquoi mettre ça dans la loi? Pourquoi mettre ça dans la loi? On se le demande. On se le demande encore.

Je pense qu'il n'est pas nécessaire de faire d'un ministère un dépotoir pour faire en sorte que le ministère puisse faire toutes sortes d'affaires que les autres ministères ne doivent pas, ne peuvent ou ne veulent pas faire. Nous avons décidé de vous soumettre cette guillotine. Comme vous le voyez, nous acceptons pas mal d'articles, ce qui est assez surprenant de notre part.

Le paragraphe 11, je le laisserai au confrère Kenny qui m'a demandé de le défendre lui-même parce que ça l'intéresse particulièrement, étant donné que c'est son domaine, la question des cadres. La syndicalisation des cadres est une chose très importante, surtout pour les professionnels qui sont, de par la nature même

de leur profession, des cadres. Je passerai donc la parole au confrère Kenny, ou je continue et je la lui passerai ensuite.

Ensuite, vous voyez, c'est épouvantable! On arrive au paragraphe 15. Maintenant, évidemment, il faut faire la relation avec la loi, avec les pouvoirs que nous donne le code du travail et le code civil. Je ne l'ai pas dans la mémoire, mais Je peux vous citer en exemple. Quand un fonctionnaire agit d'une façon qui est répréhensible, que ça soit pour le public, que ça soit envers les fonctionnaires, que ça soit envers n'importe qui, nous n'avons pas de recours. En enlevant tous les recours prévus de 834 à 850, vous nous ôtez les derniers recours que le code civil nous donnait pour les hauts fonctionnaires. C'est-à-dire qu'on ne peut plus se défendre contre les abus de pouvoir de certains hauts fonctionnaires et ceci, à mon sens, est un déni de justice pour le fonctionnaire qui est en cause.

Evidemment, nous sommes à votre disposition plus tard pour vous fournir toutes les explications supplémentaires, mais je ne voudrais pas m'étendre sur la relation qu'il y a entre le code civil et les différents articles que nous voudrions voir maintenus dans la loi. C'est simplement des recours contre les agissements de certains hauts fonctionnaires.

Ensuite, nous passons à l'article 33. Lâ-dessus, presque tout l'article est semblable à celui de la loi. Il se termine ainsi: « ... fonctionnaires et ouvriers sont nommés par un écrit du chef du ministère dont ils relèvent, lequel peut, par écrit, déléguer ce pouvoir au sous-chef... » Dans votre article vous dites que la délégation peut aller n'importe où à n'importe quel fonctionnaire. Or, nous vivons perpétuellement et journellement un problème qu'il ne faut pas se cacher, le problème du patronage.

Je pense que si l'on délègue le pouvoir d'embauchage à n'importe qui, en n'Importe quelle occasion, eh bien, on ouvre une porte qu'on tente, avec très peu de succès, de refermer depuis longtemps.

C'est pour cela que nous voudrions tout de même que cela monte aux sous-chefs ou tout au moins aux cadres supérieurs de l'administration. Cela assurera une certaine objectivité ou impartialité dans l'embauchage ou dans le recrutement du personnel. Quand je pense au personnel, je ne pense pas seulement au personnel normal, mais aussi à ce que, dans les conventions collectives, nous appelons les surnuméraires.

Maintenant, il y a une chose qui nous apparaît comme essentielle et peut-être que dans notre article — il n'est pas tout à fait complet encore. C'est ce que nous avons... — Premiè- rement, il y a un article que nous ne voulons pas voir dans le bill et qui n'a aucune raison d'y être, parce qu'en fait, il nie et il peut nier, par voie d'incidence, tout un paquet de choses qui sont acquises par les différentes conventions hors du service public, pourquoi mettre dans une loi « La nomination ou la promotion ne peut dépendre de l'ancienneté, sauf que pour les ouvriers, etc. ». Cela, c'est de la copie exacte d'une disposition de la première convention collective signée par les fonctionnaires en 1966. Vous mettez cela dans une loi! Cela nous paraît aberrant. C'est pour cela que l'on vous demande tout simplement de l'ignorer. Cela peut se régler par voie de convention collective, par voie de négociation ordinaire. Mais cela ne doit pas être dans une loi, parce qu'à ce moment-là, cela nous empêcherait de négocier des choses.

Quand on dit que la nomination ou la promotion ne peut dépendre de l'ancienneté et que, d'autre part, l'on introduit la notion d'ancienneté pour l'ouvrier, pourquoi est-ce que l'on ne la mettrait pas dans le cas d'un professionnel, d'un cadre, d'un fonctionnaire ordinaire? Pourquoi? S'il a la même compétence qu'un autre, pourquoi est-ce que cette récompense ne s'appliquerait pas à lui? Ceci, ce sont des questions qu'on aurait aimé pouvoir vous poser et que, malheureusement, faute de dialogue, nous n'avons pas pu faire. C'est pour cela que nous demandons de bien vouloir le biffer.

Ce que nous voulons rajouter, par ailleurs, et vous comprendrez facilement les raisons qui nous poussent à faire introduire dans la loi ce paragraphe, je n'ai pas mis le numéro dessus, mais ce serait 35: « Un bureau d'enregistrement au ministère de la Fonction publique détiendra, pour tout le personnel de la fonction publique, les avis de nomination, de promotion, de permanence et les listes d'éligibilité émises par la Commission de la fonction publique. Il détiendra également les listes complètes et à jour des fonctionnaires et ouvriers déclarés surnuméraires en vertu de l'article 38. » Là-dessus, je pense que tout le monde serait d'accord pour dire que ce sont tous les ouvriers et fonctionnaires ainsi que les surnuméraires, en vertu de l'article 28, parce que les surnuméraires, en vertu de l'article 28, en fait, ne sont pas des surnuméraires au sens de la convention. Alors, là, il y a une ambiguïté. Les surnuméraires, au sens de la convention, ce sont des gens que l'on engage occasionnellement pour des travaux de caractère occasionnel. Or, les surnuméraires, en vertu de l'article 28, sont des gens qui, en raison de la sécurité d'emploi, ne peuvent pas être placés à leur ouvrage coutumier et sont mis dans le

réservoir, c'est-à-dire dans le dépotoir, pardon, enfin au ministère de la Fonction publique.

C'est normal que tout le monde puisse consulter ces documents.

Je pense que le gouvernement n'a rien à cacher, du moins, je l'espère. Et je pense que, quand il s'agit...

M. MASSE: Si vous le permettez, au point de vue des effectifs, il faudrait que je vous dise qu'il est fortement question de transférer tous ceux qui sont en congé pour fins syndicales au ministère de la Fonction publique également.

M. BREULEUX: Je ne pourrais pas perdre grand-chose, parce que vous connaissez tous le ministère auquel j'appartiens: c'est le ministère de la Voirie. Sans vouloir offenser personne, évidemment, et exceptant les personnes ici présentes.

Nous pensons que ces listes et tous les mouvements de personnel qui se font à l'intérieur du gouvernement pourraient être accessibles non seulement à nous-mêmes, mais à tout le public. Nous savons qu'en période préélectorale — que cela soit pour l'un ou pour l'autre — il y a des milliers et des dizaines de milliers d'emplois qui se créent. L'honorable Johnson lui-même — je me souviens très bien de son image — avait dit un jour dans cette même salle et devant à peu près la même assistance que, lors des élections de 1962, des gens étaient obligés de peindre un pont d'une façon verticale parce qu'ils n'avaient pas de place pour le faire horizontalement. C'est M. Johnson qui l'a dit.

M. LESAGE: Ce n'est pas une parole d'Evangile.

M. ROY: Est-ce que c'est cette année-là que vous êtes entré au ministère de la Voirie?

M. BREULEUX: Exactement.

M. LESAGE: M. Breuleux, croyez-vous qu'il faisait allusion, à ce moment-là, à ce qui se passait dans le comté de Missisquoi?

M. BREULEUX: Je ne pense pas, parce que je dois dire, en l'honneur de M. Bertrand, que c'est un des comtés où il y a le moins de « patronage ». C'est peut-être pour cela que je suis rentré à ce moment-là.

M. ROY: Mais, ce n'est pas loin de Drummond?

M. BREULEUX: C'est assez loin; vous ne connaissez pas votre carte géographique. Drummondville et Missisquoi, c'est fort éloigné.

M. SIMARD: Pas tellement.

M. ROY: Tenant compte de l'étendue du Québec, c'est relativement près.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Si vous voulez, nous allons revenir 3 la fonction publique.

M. LESAGE: Nous allons retourner faire un petit voyage 3 Joliette.

M. ROY: Oui.

M. BREULEUX: Je pense que, si l'on veut embarquer sur ce terrain-là, on n'en finirapas. Nous avons beaucoup de faits; je peux sortir des dossiers, mais cela serait de nature à faire dégénérer le débat et je ne pense pas que ce soit utile de se lancer, de part et d'autre, des accusations précises.

Il n'en reste pas moins que tout le monde sait ces choses-là. Ce n'est pas une accusation; ce sont des constatations. Tout le monde sait — vous-mêmes, vous le déclarez dans votre bill — qu'il faut uniformiser, qu'il faut adopter des critères d'efficacité, qu'il faut coordonner, qu'il faut utiliser au maximum les garçons pu les filles. Il faut absolument que l'appareil gouvernemental devienne efficace. On comprend immédiatement qu'il est actuellement inefficace, puisqu'on le dit. Ce n'est pas mol qui le dis: c'est vous, puisque vous prenez des méthodes pour le rendre efficace.

Maintenant, à 45a, si vous voulez l'appeler comme cela, nous ajoutons une chose qui va de soi, je pense, et sur laquelle vous n'aurez probablement aucune objection: « Les surnuméraires ne peuvent être transférés dans une autre partie de la fonction publique que par nomination de la part du lieutenant-gouverneur en conseil ».

Nous pensons réellement que le mouvement du personnel doit être contrôlé, et qu'il doit être contrôlé d'une façon efficace, parce qu'il y a devant nous — et cela encore, je pourrais le justifier par de longs dossiers, ce serait peut-être ennuyeux — mais nous avons encore beaucoup d'arbitraire dans le mouvement du personnel. Alors, nonobstant l'article 1-m, paragraphe 3, du code du travail, les employés surnuméraires ainsi mutés au ministère de la Fonction publique sont syndicables et soumis à la juridiction du syndicat qui leur est pertinent.

Cela serait facile, évidemment, si l'on n'adop-

tait pas cet article-là, cela serait relativement facile pour le ministère de la Fonction publique de ramener, de déclarer tous les fonctionnaires du gouvernement comme surnuméraires et, par conséquent, d'appliquer l'article du code et de les déclarer non syndicables. Non, je ne pense pas que ce soit l'esprit de l'article. Je ne pense pas que la loi veuille être antisyndicale à ce point-là.

Nous passons à l'article 50-a. Dans le texte de la loi, il est dit: « Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, sur la recommandation du ministre de la Fonction publique, établir par règlement des normes d'éthique et de discipline applicables aux personnes qui font partie de la Fonction publique. Je pense,...

M. LESAGE: M. Breuleux, si le ministre Masse donnait suite à ce qu'il vous a laissé entendre tantôt à l'effet que les fonctionnaires en congé pour fins syndicales vont être transférés au ministère de la Fonction publique, à ce moment-là, avec le bill tel qu'il est, sans votre amendement, vous ne seriez plus syndicables?

M. BREULEUX: Justement.

M. LESAGE: Il vous jouerait un joli tour.

M. BREULEUX: C'est peut-être quelque chose que l'honorable ministre délégué à la Fonction publique avait derrière la tête. C'est simplement une présomption, mais je ne pense pas, parce que...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je pense qu'il faudrait apporter une distinction entre le poste et l'homme qui occupe le poste. C'est le poste budgétaire qui serait transféré à la Fonction publique pour permettre au ministère d'engager quelqu'un pour occuper la fonction.

M. BREULEUX: Alors, vous ne voyez aucune objection à ce qu'on adopte ce qui est ajouté là, parce que cela enlève l'ambiguïté qu'il pourrait y avoir quand même. Parce qu'à ce moment-là, il pourrait y avoir d'autres personnes que vous qui profiteraient de cet article, et vous savez que les avocats sont très forts en interprétation.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): On fera une étude sur les distinctions entre les postes et les hommes.

M. LESAGE: Vous savez, nous les avocats, ce sont des choses que nous aimons bien nous dire entre nous, mais que nous n'aimons pas entendre des autres.

M. BREULEUX: Je m'excuse, M. Lesage.

M. LESAGE: Cela va bien, mais voyez le ton sur lequel je vous dis cela.

M. BREULEUX: Je ne visais pas les avocats ici présents, je sais qu'ils sont fort peu nombreux.

M. LESAGE: Vous voyez le ton que j'emploie. Nous sommes habitués, nous, les avocats à ce...

M. BREULEUX: Evidemment, c'est une profession qui est souvent attaquée.

M. LESAGE: D'accord.

M. BREULEUX: Mais, à 56 le débat a été fait, alors, je n'entrerai pas plus loin dans ces considérations. A 62: « Toute nomination... ça, c'est la raison de l'ajouté, enfin, je vais vous lire l'ajouté: « Toute nomination faite à titre temporaire peut cependant être révoquée dans la période prescrite par les articles 35 et 36 de la loi. » C'est-î-dire qu'il faut un écrit du lieutenant-gouverneur en conseil pour pouvoir révoquer un employé après cette période de six mois. Je pense que l'article 62, tel qu'il est dans la loi, actuellement, permettrait l'institutionnalisation du régime du permanent temporaire, c'est long, hein?

Ce que je veux dire, c'est que si on adopte l'article ainsi qu'il est écrit dans la loi, eh bien, au bout de six mois, trois semaines et quatre jours, on révoque le gars et on le rengage le cinquième jour.

Il peut rester éternellement temporaire. C'est une situation que nous avons vécue pendant bien longtemps. Alors, je pense que nous ne devons pas reculer sur ce que nous avons obtenu, sur ce qui existe actuellement dans la loi de la fonction publique et il faut conserver ce que nous avions. C'est par conséquent ce que nous voulons faire dans notre ajouté.

M. CHOQUETTE: M. Breuleux, est-ce que vous pourriez nous parler de l'état de choses actuel sous ce rapport? On m'a dit qu'il y avait actuellement, au service du gouvernement, 3,000 ou 3,500 ouvriers qui sont considérés comme temporaires, mais qui sont au service du gouvernement depuis de nombreuses années, et par conséquent dont le statut légal demeure toujours Incertain. Evidemment, cela cause des problèmes considérables à ces personnes.

M. BREULEUX: Nous avons essayé de résoudre ce problème par voie de négociations.

Nous n'avons pas été capables de le faire en raison d'objections qui venaient particulièrement du ministère de la Voirie. Et c'est particulièrement dans ce ministère que se trouvent les cas que vous mentionnez, M. Choquette.

Il est certain que nous pouvions, en les qualifiant de surnuméraires, encore engager des hommes pendant une période de deux, trois mois, surtout maintenant, et dire que c'est pour du travail occasionnel, les réengager ensuite et en faire des permanents qui ne sont pas des permanents, etc. Cela existe actuellement pour les ouvriers.

M. CHOQUETTE: Est-ce que justement la technique employée, avant qu'on arrive à la période de six mois, est de les renvoyer et de les embaucher de nouveau?

M. BREULEUX: Pour les ouvriers, vous savez que la période de six mois n'existe pas d'après la convention collective. Il existait autrefois, dans la première convention collective deux statuts pour l'ouvrier, celui de saisonnier et celui d'employé régulier; on l'a appelé permanent, mais en fait il était simplement régulier. Et dans la nouvelle convention collective, nous avons une autre notion qui est celle du temporaire, c'est-à-dire celui qui occupe un emploi qui a un caractère permanent et qui est dans une période d'essai qui correspond à la période de six mois des fonctionnaires mais qui, pour les ouvriers, est d'un an. Nous n'avons pas pu obtenir que cette période soit de six mois, malgré toutes les représentations que nous avons faites à ce sujet, parce qu'il paraît qu'il faut plus de temps pour juger un journalier que pour juger un fonctionnaire.

M. LESAGE: Est-ce que ce sont ceux que nous appelons les occasionnels?

M. BREULEUX: Ceux que nous appelions les occasionnels, dans la précédente...

M. LESAGE: Que nous appelions.

M. BREULEUX: ... sont devenus des surnuméraires dans la nouvelle convention collective.

M. LESAGE: Ah bon!

M. BREULEUX: Alors, c'est pour cela qu'il y a une ambiguïté en ce qui concerne l'article 28 de la loi qui nomme surnuméraires des gens qui sont réellement des permanents.

M. CHOQUETTE: Mais à quelpoint...

M. LESAGE: Cela répond à une question que je me posais tout à l'heure parce que j'interprétais le mot « surnuméraire » comme voulant dire au-delà des effectifs.

M. BREULEUX: Oui.

M. LESAGE: Mais en vertu de la convention collective des ouvriers, ceux qu'on désignait comme occasionnels sont maintenant désignés comme surnuméraires.

M. BREULEUX: C'est exact. M. LESAGE: Ah bon!

M. CHOQUETTE: M. Breuleux, à quel point en êtes-vous au point de vue de la négociation pour régler le cas de ces ouvriers? Est-ce que des négociations ont lieu actuellement entre le syndicat et le gouvernement pour tenter de régler le cas de ces...

M. BREULEUX: Nous avons tenté par tous les moyens de faire en sorte que soit respectée la loi, et nous n'avons jamais réussi. Normalement, lorsque l'ouvrier est nommé temporaire, lorsqu'il est engagé à titre temporaire, il devrait avoir sa nomination par écrit du ministre, etc. comme quoi il est engagé à titre temporaire. Et quand il est nommé régulier, il devrait avoir un écrit du ministre.

Or, cela n'a jamais été fait. Cela ne se fait pas. Et nous l'avons demandé à plusieurs reprises. Nous le demandons d'une façon continue.

Cela devient lassant, peut-être, pour ceux qui nous entendent, mais c'est aussi lassant pour ceux qui posent les mêmes questions d'une façon aussi soutenue.

En fait, le respect de la loi n'est pas là. Les ouvriers sont encore irrégulièrement nommés quoique, dans notre convention, cela devienne presque automatique, la nomination. Dans certains ministères, dans un ministère en particulier, la nomination ou l'avis de nomination ne se fait pas, même si c'est automatique. On ne dit pas à l'employé: Tu es temporaire. Au fond, on le considère comme un occasionnel, même s'il est temporaire.

Le temporaire est un gars qui occupe une position de caractère permanent, comme un mécanicien, par exemple, un menuisier ou un plombier. Il y a un poste vacant et, par conséquent, pendant toute la période d'un an, il est considéré comme temporaire, comme à l'essai. Mais

il est couvert par la convention collective en vertu de la négociation que nous avons eue. Et dans le ministère de la Voirie en particulier, dans certaines divisions, on lui nie cette qualité d'assujetti à la convention collective et on le traite d'occasionnel jusqu'au moment où il aura son année de service. A ce moment-là, on lui dit: Tu auras, rétroactivement, les bénéfices auxquels tu aurais eu droit si tu avais été nommé.

M. CHOQUETTE: Et comment acquiert-il le statut d'employé régulier?

M. BREULEUX: Après un an de travail continu.

M. LES AGE: Après un maximum d'un an?

M. BREULEUX: Non, après un an au minimum.

M. LESAGE: Minimum?

M. BREULEUX: Minimum. Maximum! Ecoutez, dès qu'il a atteint son année de service continu, il doit être nommé régulier.

M. LESAGE: Mais il ne peut pas être nommé régulier, si...

M. BREULEUX: Ah oui, si c'est une fonction permanente.

M. LESAGE: S'il occupe temporairement une fonction permanente, il peut être nommé régulier avant l'expiration d'un an?

M. BREULEUX: Non, pas d'après notre convention collective.

M. LESAGE: Pas d'après la convention collective?

M. BREULEUX: On n'a pas réussi à obtenir cela.

M. LESAGE: Ah bon!

M. BREULEUX: Il faut absolument qu'il occupe...

M. LESAGE: Pour les fonctionnaires, la période de six mois est-elle maintenant une période maximum?

M. BREULEUX: Non, c'est une période minimum...

M. LESAGE: Minimum?

M. BREULEUX: Oui parce que, dans certains cas, elle peut aller jusqu'à un an.

M. LESAGE: Mais on ne peut pas nommer permanent un fonctionnaire temporaire avant six mois...

M. BREULEUX: Avant qu'il ait six mois.

M. LESAGE: ... même s'il occupe une fonction de caractère permanent prévue...

M. BREULEUX: Même s'il est sur une liste d'éligibilité et qu'il a passé toutes les formalités requises, les 33 formalités requises, il ne peut pas être considéré comme permanent avant la période d'essai de six mois. Nous estimons du reste que c'est normal qu'il y ait une période d'essai, parce que même si le gars... Là-des-sus, nous ne ferons pas de bataille nous-mêmes, parce que nous estimons qu'il est normal qu'une période soit allouée à l'employeur pour voir si le gars est capable de travailler avec ses compagnons de travail, est assimilable ou est compétent. Peut-être quant à la durée, quant au quantum de la durée, oui. Mais quant à la période d'essai, nous estimons nous-mêmes qu'il est normal que l'employé soit mis à l'essai pendant une certaine période de temps.

M. MICHAUD: Mais est-ce que la coutume générale veut qu'on fasse exception? Est-ce que la coutume générale veut qu'à l'expiration du délai de six mois, le gouvernement renvoie les ouvriers et qu'il les rengage par la suite?

M. BREULEUX: C'est-à-dire que ce n'est pas la coutume.

M. MICHAUD: Ce n'est pas une coutume générale.

M. BREULEUX: Non, ce n'est pas une coutume générale, pour être honnête. Mais cela arrive et cela ne devrait pas arriver. Mais ce n'est pas une coutume générale.

Alors là, nous passons au serment, 3 l'affirmation de discrétion. Nous ne sommes pas contre le serment.

Je me souviens que M. Gaston Cholette nous disait qu'il y avait de bons serments et de mauvais serments. Il y avait le serment d'allégeance ordinaire qui n'était pas bon et il y en a un nouveau qui serait bon. Alors là, on est en face du bon serment.

Mais tout de même, je pense qu'il faut, pour dissiper toute ambiguïté et toute crainte dans l'esprit des fonctionnaires — même si je pense que le texte même de la loi prévoit que le devoir

du citoyen prime le devoir du fonctionnaire dans certains cas — je pense, dis-je, qu'il faut l'écrire afin d'empêcher que, par crainte de ses supérieurs, un employé ne divulgue des fautes, des dérogations, des infractions graves qu'il a pu voir dans l'exercice de ses fonctions.

Je pense qu'il est essentiel, pour le bien du public et pour le bien de la nation québécoise, que nous puissions dénoncer les abus quand nous les voyons. Si on se réfère au serment d'allégeance proposé par votre loi, vous dites: « Je juge ou j'affirme solennellement — je pense que c'est pour les athées — de plus que je ne révélerai et ne ferai connaître, sans y être dûment autorisé, quoi que ce soit dont f aurai eu connaissance dans l'exercice de ma charge. »

Je peux constater de mes propres yeux un de mes supérieurs qui vole, qui tue, qui viole et je serai obligé d'aller lui demander la permission d'aller divulguer ce fait. Vous admettrez avec moi que c'est une position difficilement défendable. C'est pour cela que nous disons; « sauf en cas de présomption de fraude, injustice grave ou toute autre situation contraire à l'ordre public. » Quand nous parlons de présomption, il est évident que vous allez me répondre: Présomption, on pourra dire n'importe quoi sous le couvert de la présomption! Mais à ce moment-là, la présomption peut devenir drôlement diffamatoire et sujette aux mesures disciplinaires.

Si je présume et que f affirme que tel ou tel a commis un meurtre ou un viol et que je dis que c'est une présomption, je pense que les tribunaux sauront me juger à ce moment-là. Mais je pense que l'on doit tout de même laisser au fonctionnaire qui est témoin d'abus ou d'infractions graves le loisir de le divulguer de la façon dont il voudra bien le faire. Parce que si un fonctionnaire, quel qu'il soit, quel que soit son grade, commet ces abus, il est normal que le public en soit informé. Il est normal aussi que le gouvernement en soit informé afin qu'il puisse prendre les mesures voulues.

Je pense donc que c'est un additif qui s'impose de lui-même.

M. LESAGE: La disposition existe actuellement dans la loi. Le serment est le même, n'est-ce pas?

M. BREULEUX: Oui, c'est le même.

M. LESAGE: Et, en pratique, cela n'a pas empêché...

M. BREULEUX: Non, cela n'a pas empêché... M. LESAGE: ... les employés de répondre aux questions d'enquêteurs comme, par exemple, dans les cas de fraude à l'Assistance sociale.

M. BREULEUX: Non, mais il est certain, M. Lesage, qu'il arrive souvent que du fait de ce serment d'allégeance, des gens ne divulguent pas des choses qu'il serait d'intérêt public de divulguer. Et même si cela existe actuellement, ce n'est pas une raison pour ne pas...

M. LESAGE: Non, non. Mais je voulais vous rappeler que cela existe maintenant...

M. BREULEUX: Oui.

M. LESAGE: ... et que, cependant, des fonctionnaires ont eu à répondre à des questions des enquêteurs. Si je parle des cas d'assistance sociale, c'est parce que ces cas ne sont plus devant les tribunaux. Il y a eu condamnation. C'est pour ça que je ne veux pas parler d'autre chose.

M. BREULEUX: Je suis d'accord avec vous, M. Lesage, mais il y a nombre de choses que les fonctionnaires ne divulgent pas parce qu'ils prennent à la lettre le serment. Il y a nombre de choses que le public aurait intérêt à connaître... - M. LESAGE: Evidemment.

M. BREULEUX: ... et que le gouvernement aurait intérêt à connaître également.

M. LESAGE: Cela, vous le savez mieux que nous à cause des contacts avec vos collègues, vos confrères.

M. BREULEUX: C'est évident. On a conscience de cette peur, de cette crainte beaucoup plus que vous, puisqu'ils ne viennent pas le dire!

M. LESAGE: Ils ne viendront pas nous le dire, mais ils iront vous le dire, cependant.

M. BREULEUX: Par conséquent, c'est nous qui sommes chargés du fardeau de le dire. Nous voudrions que les gens qui sont témoins de fraude ou d'injustice ou de dérogation quelconque aux différents codes d'éthique des professionnels, avocats, médecins ou notaires, puissent le dire, parce que le public a un droit essentiel à être informé de la conduite de ceux qui le gouvernent. Je pense que ceux qui nous gouvernent ont des responsabilités beaucoup plus grandes que ceux qui sont gouvernés. C'est dans cette opti-que-là que nous voudrions que ce soit appliqué.

M. MICHAUD: M. le Président, je voudrais

poser une question aux auteurs du comité rédactionnel. Quelle est la philosophie qui a inspiré la rédaction de l'affirmation solennelle? Je veux dire par là: Pourquoi créer deux ordres de principes moraux? Je ne sache pas que nous vivions dans un Etat théiste. Le fonctionnaire qui préférera faire l'affirmation solennelle au lieu du serment, pourra éventuellement être accusé d'être un incroyant, alors qu'il ne voulait pas engager sa foi, mais simplement sa conscience de citoyen. Je me demande pourquoi il y a deux serments: un serment sur la foi chrétienne, protestante ou autre et une affirmation solennelle. N'y a-t-il pas là un risque d'interprétation et un risque de discrimination dans un Etat, quand même, qui postule la séparation de l'Eglise et de l'Etat? Quels sont les principes moraux qui ont inspiré la rédaction de cet article qui pourrait éventuellement prêter à des interprétations abusives de la part de celui qui choisira de préférence l'affirmation solennelle à la prestation du serment? Peut-on m'éclairer là-dessus?

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Nous pourrions prendre en note la question et l'étudier, mais, au départ, certaines réponses peuvent être données. Premièrement, on peut difficilement parler de discrimination, parce qu'il y a un choix et liberté de choix.

M. MICHAUD: Mais, en effectuant ce choix, n'y a-t-il pas risque de discrimination?

M. MASSE: Je pense que certains de vos collègues aimeraient me voir poser la question: Laquelle des deux formules choisiriez-vous?

M. MICHAUD: Ne faites pas de... Je choisirais l'affirmation solennelle, parce que je considère que les affaires que nous traitons ici sont de notre monde et non pas d'un autre.

M. MASSE: C'est pour vous permettre de faire ce choix-là que nous amendons la loi actuelle avec une formule nouvelle.

M. MICHAUD: Mais, pourquoi laisser les deux? Cest une question pertinente, puisqu'elle regarde la liberté civile.

M. MASSE: Pour laisser le choix à celui qui veut choisir l'une ou l'autre des formules.

M. MICHAUD: Mais, les auteurs du rapport, parlent-ils du postulat et de l'a priori que nous vivons dans un Etat théiste?

M. MASSE: Jusqu'à il y a quelques années, la formule employée était celle qui apparaît au chapitre 14 de la Loi de la fonction publique, en annexe B.

C'est la formule qui revenait pour l'ensemble des organismes du gouvernement, lorsqu'il y avait prestation de serment dans ce domaine-là. Depuis quelques années — je crois que la première loi est une loi qui relevait du ministère de la Justice — a été greffée à cela une formule où l'on affirme solennellement la chose. Nous continuons dans cette tradition de deux formules pour permettre à l'individu d'opter pour l'une ou l'autre formule sans pour autant être discrétionnaire en l'obligeant à ce geste.

M. MICHAUD: Oui, mais je soulève le cas, cela me semble à bon escient, parce qu'il m'a été dit que dans des tribunaux, dans des cours de justice régulières que le fait, pour l'accusé, de choisir l'affirmation solennelle de préférence au serment pouvait porter, dans certains cas, préjudice à sa cause.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Alors, nous prenons bonne note de vos commentaires. M. Breuleux, à vous la parole.

M. BREULEUX: J'ai dit: D'accord avec les deux serments.

M. MICHAUD: De rien.

M. BREULEUX: Je pense que le gars qui est athée et qui jure sur la Bible commet un faux serment, parce que, pour lui, cela n'en est pas un.

Alors, nous passons à l'article 18. Le texte de la loi se lit de la façon suivante: « Le sous-chef de chaque ministère ou organisme surveille et dirige les employés de son ministère ou organisme. » Là, nous reprenons les mêmes termes et nous disons: « Sauf dans le cas du sous-chef du ministère de la Fonction publique, selon nos modifications à l'article 4 du bill 23. » Je demanderais à quelqu'un de plus compétent que moi, parce que je ne comprends pas très bien l'article moi-même. Je n'étais pas présent lors de la... Est-ce que le président de la CEQ ou...

Alors, je pense que je vais l'oublier complètement, parce que je ne vois pas très bien moi-même la justification de cet ajouté-là.

Ah oui, c'est juste. C'est relié à l'article 4 qui dit que seul le ministre peut... c'est notre amendement à nous.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): A l'article 4 du projet de loi actuel?

M. BREULEUX: Non, de notre amendement. L'article 2 qui dit que seul le ministre... Ce n'est pas l'article 4, c'est pour cela que j'étais un peu mélangé dans mes affaires. C'est à h qui dit que seul le ministre peut, à titre de représentant de l'employeur, établir les conditions de travail des employés de la fonction publique. A-lors, en concordance avec cet ajouté-là, on a ajouté la fin de l'article 18 parce qu'autrement, cela n'aurait pas de sens évidemment.

Maintenant, nous passons à l'article 52...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Excusez-moi, je suis un peu comme vous tout à l'heure, je ne comprends pas exactement.

M. BREULEUX: Moi, je ne retrouvais pas l'article 4, c'est pour cela que j'étais...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Mais avez-vous retrouvé l'explication?

M. BREULEUX: Alors, vous avez l'article h du paragraphe 2...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est cela.

M. BREULEUX:... page 23-3, qui dit que seul le ministre de la Fonction publique peut, à titre de représentant de l'employeur, établir les conditions de travail des employés de la fonction publique qui ne sont pas soumis à des conventions collectives. Alors, nous, nous disons... nous reprenons vos textes en disant: Le sous-chef de chaque ministère, mais nous exceptons le ministère de la Fonction publique de cela.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Vous, vous voudriez que le sous-chef du ministère de la Fonction publique ait le pouvoir de surveiller et de diriger les employés d'autres organismes et ministères?

M. BREULEUX: Les non-syndicables.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Les non-syndicables, cela veut dire que le sous-ministre de la Fonction publique aurait un droit...

M. BREULEUX: Parce que l'article h dit: « Les gens qui ne sont pas soumis à des conventions collectives. »

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Le sous-ministre de la Fonction publique aura le droit de surveiller et de diriger les employés non syndicables dans les autres ministères que le sien?

M. BREULEUX: Non, dans son ministère, mais non syndicables.

Les conditions de travail des employés.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est l'article 18 de la loi actuelle. Il lui donne ce pouvoir dans son ministère.

M. BREULEUX: Dans l'article h, seul le ministre peut, à titre de représentant, établir les conditions de travail des employés de la Fonction publique qui ne sont pas soumis à des conventions collectives.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est ça. Expliquez nous donc ça.

M. BREULEUX: A ce moment on dit que, pour les employés non syndicables, c'est le sous-ministre du ministère de la Fonction publique qui doit établir les conditions de travail de tous les autres ministères.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est ça, le ministre.

M. BREULEUX: Enfin, le sous-ministre par délégation de pouvoirs, probablement.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Ah! non parce que l'article h dit: seul le ministre. Il ne dit pas seuls le ministre et le sous-ministre.

M. BREULEUX: Bon, c'est le ministre.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Nous pourrions peut-être poser la question à un expert en la matière.

M. RODRIGUE: C'est parce qu'il y aurait contradiction entre deux articles de la loi. A l'article 4, dans votre première phrase, vous dites: « ... que sous la direction du ministre, le sous-ministre a la surveillance des fonctionnaires et employés du ministère et il en administre les affaires courantes. » Alors, c'est le sous-ministre.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est ça. Alors, c'est l'article 18 de la loi actuelle qui est employée sous une certaine forme.

M. RODRIGUE: A l'article 18, là vous transférez ça au sous-chef, en fait. Vous venez de dire que c'est le sous-ministre qui a le pouvoir, et par contre, à l'article 18, vous dites que le sous-chef de chaque ministère ou- organisme surveille et dirige les employés.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est la même personne, le sous-chef et le sous-mi-nistre, c'est la même chose. Sauf que dans certains organismes du gouvernement, il n'y a pas de sous-ministre mais il y a un sous-chef. Alors, c'est pour ça que dans certains articles de la loi, le mot sous-chef apparaît et désigne en plus des sous-ministres, des sous-chefs dans certaines régies ou certaines commissions.

M. RODRIGUE: Bon, je pense que l'éclaircissement...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Alors, nous laisserions tomber. Nous annulerions ça.

M.RODRIGUE: Oui.

M. BREULEUX: Alors, à l'article 52 on demande que soit biffé le préalable a et b où sont fixées par règlement de la commission ou par conventions collectives les heures de travail, la durée des congés, etc. Nous avons dit ailleurs que c'est le ministère de la Fonction publique qui déterminait les conditions de travail. Alors, nous estimons que ceci appartient aux conditions de travail, ça se négocie par conséquent, et que c'est le ministère de la Fonction publique qui a la compétence requise pour le faire. Nous ne voyons pas pourquoi, pour les non-syndicables, ce serait la commission, par exemple, qui le ferait.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est quand même objet de négociations, je pense, actuellement.

M. BREULEUX: Non, pour les non-syndi-cables ce n'est pas objet de négociation. Alors, pour établir toujours la concordance avec les pouvoirs...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): En pratique, si nous avons à négocier les heures d'été, décider si on termine à quatre heures trente plutôt qu'à cinq heures, J'ai l'impression que les autres partent en même temps.

M. BREULEUX: Oui, alors c'est pour ça que nous voulons le voir inscrit dans la loi pour permettre justement que l'état de fait soit vraiment fixé et que le droit obtenu pour les uns le soit aussi pour les autres. Même s'ils ne sont pas soumis aux conventions collectives, nous désirerions que même les ministres puissent jouir, par exemple...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Dans l'état de fait, on négocie ça avec le premier ministre et je vous dit que c'est dur.L'état de fait, ce n'est pas suffisant, ça prendrait l'état de droit.

M. BREULEUX: C'est un état de droit puisqu'on crée une loi; il faudrait tout de même introduire cette notion dans la loi.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Vous négocieriez pour les ministres aussi?

M. BREULEUX: Si vous me chargez du mandat, je ne demanderai pas mieux...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je n'ai pas d'objection.

M. BREULEUX: Je vous assure que l'échelle des salaires serait peut-être diminuée, mais je négocierais pareil.

M. LE PRESIDENT (M. Masse); A la condition qu'on ait d'autres avantages.

M. BREULEUX: Bien, on vous mettrait dans le ministère de la Fonction publique.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Onpourrait discuter de cela à la prochaine rencontre. La sécurité d'emploi et toute chose qu'on pourrait négocier.

M. BREULEUX: A ce moment-là, je me mettrais dans votre unité de négociation, mol aussi.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Une diminution de traitement contre la sécurité d'emploi.

M. BREULEUX: Alors, nous conservons l'article 52 tel quel. Seuls les dimanches et les jours de fête fixés par la loi sont les jours fériés observés dans la Fonction publique. Vous vous rendez compte à quel point cela peut diminuer ou léser les droits que nous obtenons par convention collective. Je pense que c'est impensable pour les syndicats de conserver cela. Par ailleurs, il y a d'autres choses aussi. Il y a des transferts de jours fériés qui se font, mais c'est plutôt accidentel.

De toute façon, si, de par la loi, on décide de supprimer les jours fériés que nous avons obtenus par la convention, qu'adviendra-t-il de tout cela? Nous avons obtenu certains jours fériés par la voie de la convention collective; si nous adoptons cet article de loi tel qu'il est écrit là, en fait cela en vient à nous les supprimer. « Advenant qu'un fonctionnaire ou un ouvrier s'absente du service sans permission, il doit être fait une déduction proportionnelle sur son salaire pour chaque jour d'absence sans préjudice de toute autre sanction. » Cela vous appa-

raît-il relever des prérogatives normales du supérieur immédiat d'imposer la mesure disciplinaire adéquate? Parce qu'ici, cela laisse la discrétion totale au supérieur d'une façon officielle dans une loi. Cela dépend strictement des conditions de travail des employés.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Alors, cette fois-ci l'état de fait suffirait?

M. BREULEUX: Bien, quand c'est logique, c'est logique.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): D'accord.

M. BREULEUX: Bon! « Le droit d'affiliation sera reconnu à toute association de salariés de la Fonction publique à la condition que sa constitution lui interdise de faire de la politique partisane ou de participer au financement d'un parti politique et qu'elle ne puisse s'affilier à une association qui ne respecte pas ces interdictions ». Cela va au-delà... ce n'est pas parce que Je veux quitter la CSN que je dis cela...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est parce que vous voulez cotiser à l'Union Nationale.

M. BREULEUX: Bien, il y a peut-être de nos membres qui cotisent à l'Union Nationale, je ne sais pas combien et je ne sais pas combien de temps cela durera, mais de toute façon...

M. PICARD (Dorchester): Vous voulez...

M. BREULEUX: Nous avons cotisé au congres, nous avons acheté notre carte contrairement à un de nos gars qui s'est fait $40 en passant de comité en comité. Enfin, en passant! Nous avons tout de même cotisé à l'Union Nationale $10 chacun, trois personnes, dans l'Exécutif.

Nous pensons que c'est vraiment une chose qui ne devrait pas exister dans la loi. « II doit être fait une déduction proportionnelle sur son salaire pour chaque jour d'absence sans préjudice de toute autre sanction. » Là vous intervenez dans le jeu normal de la convention collective. Si, par exemple, le gars a des journées d'absence pour lesquelles il peut fournir des explications; si vous prenez la loi, on doit lui retenir son salaire, n'est-ce pas? même s'il peut fournir des explications, soit que sa femme soit tombée malade ou enfin d'autres choses. Il devrait avoir le droit de s'expliquer et d'invoquer des raisons. Evidemment, l'employeur évoque ces raisons pour lui infliger telle mesure disciplinaire qui pourrait comprendre évi- demment, et qui comprend toujours, la déduction du salaire normalement gagné pendant un jour d'absence. Pourquoi l'inscrire d'une façon aussi radicale dans la loi, nous ne le comprenons pas.

Le droit d'affiliation: Je pense que j'ai dit pourquoi.

Les articles 74 et 75 concernent évidemment les agents de la paix pour lesquels le droit d'association est interdit. Je pense que si l'on est réaliste, on se doit de biffer cette chose-là, parce que cet état de fait de l'affiliation des agents de la paix, que ce soit à la CSN ou que ce soit à quelque autre centrale, bien, elle est là. Là, je parle encore de l'état de fait, n'essayez pas de me remettre...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): On va prendre M. Lacoste, il va nous expliquer cela.

M. BREULEUX: Alors, je laisserai les agents de la paix, tout à l'heure, s'expliquer là-dessus. Pour le moment, j'ai fini. Il est évident que ces explications sont très superficielles. Le temps me manque pour en faire une étude plus approfondie, mais nous avons des dossiers qui pourraient peut-être éclairer la commission sur les raisons qui nous ont poussés, en tant que comité conjoint, à faire ces représentations-là. Il est bien évident que des personnes nommées ou désignées seront à votre disposition pour tous les renseignements qui pourraient vous être utiles. Nous pensons que cela s'appelle de la consultation et que la consultation ne se limite pas simplement à un exposé d'une longueur qui est mesurée très exactement. Alors, nous pensons qu'il est nécessaire que, pour une loi qui nous intéresse, qui intéresse à toutes fins utiles plusieurs centaines de milliers de personnes, directement ou indirectement, l'on procède à des consultations et à des revisions très sérieuses et très approfondies. C'est dans cet espoir-là que je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): M. Breuleux, je vous remercie. Je crois que maintenant, le représentant de la FTQ, Me Duval...

M. DUVAL: Mes représentations seront très courtes, M. le Président, parce qu'il s'agit d'une représentation conjointe. Je veux simplement appuyer la représentation du confrère Breuleux concernant l'article 73, puisqu'il s'agit d'une question de principe qui a été souvent exposée par la FTQ, c'est-à-dire une restriction qui serait mentionnée dans la loi concernant le droit de l'affiliation et qui découle du droit d'associa-

tion. J'ai l'impression qu'il faudrait que ce soit indiqué que la FTQ s'oppose à la restriction des droits d'affiliation. De toute façon, pour l'avenir, on verra ce que ça réserve.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Merci. Vous voulez parler au nom de la CSN?

M. RODRIGUE: Oui, sur l'article 11, parce qu'on a passé par-dessus. L'article 11...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): L'article 11.

M. RODRIGUE: ... de la loi. C'est dans notre mémoire, à la troisième ou quatrième page. Le texte actuel proposé dit tout simplement: « Le lieutenant-gouverneur en conseil peut autoriser le ministre à signer, suivant le code du travail, des conventions collectives avec toute association accréditée de salariés de la fonction publique. » Ce que nous proposons, c'est évidemment d'autoriser le lieutenant-gouverneur en conseil à signer une convention collective avec les associations mentionnées dans l'article actuel, mais également avec toute association représentant majoritairement le personnel des cadres supérieurs, avec toute association représentant majoritairement le personnel des cadres intermédiaires — ici on dit non-professionnels, enfin là-dessus, il n'y a pas de problème majeur— et également avec toute association représentant majoritairement le personnel de maîtrise des ouvriers et fonctionnaires, mais, par contre, chacune de ces associations formant une unité distincte, pour les fins de la négociation et de l'application de la convention collective.

Actuellement, il y a une situation pour les professionnels. La Commission de la fonction publique dit dans son rapport annuel de 1967, ou elle définit ce que sont les cadres supérieurs, intermédiaires et la maîtrise, et je vous cite ici le rapport: « Le niveau intermédiaire de gestion a posé à la Commission un problème assez complexe puisque, par définition, c'est là le rôle de la majorité de nos professionnels. Nous avions prévu dans la classification des 26 corps de professionnels, etc. » Alors, il est évident que les 2,650 professionnels actuellement syndiqués au gouvernement du Québec forment les cadres intermédiaires. Dans les cadres intermédiaires, il reste environ 250 à 300 employés non professionnels parce que n'ayant pas seize années ou plus de scolarité.

Et, par contre, en dessous de ces personnes syndiquées ayant une convention collective de- puis 1966, vous avez tout le groupe des agents de maîtrise qui, eux, n'ont pas accès à la syn-dicalisation. Ce qui nous apparaît absolument normal. Alors, ce que nous vous proposons, c'est en fait de permettre l'accès à la syndica-lisation aux agents de mafirise, aux corps intermédiaires des 250 qui restent et également aux cadres supérieurs, s'ils le jugent à propos, tout en formant des unités distinctes, de façon à éviter qu'à l'intérieur d'une même unité il y ait des conflits d'intérêts. Par exemple, il est sûr qu'un ingénieur divisionnaire ne pourrait pas être dans la même unité que les contremaîtres de la voirie, etc. Alors, il faut que ce soit dans des unités distinctes.

Cette façon de définir les unités de négociation, en fait, nous a été inspirée par la Loi fédérale des relations publiques, justement, dont le mécanisme d'accréditation découpe les groupes en tranches comme cela. Egalement, je vous signale que le rapport Woods sur les relations de travail pour les entreprises relevant du gouvernement fédéral recommande justement l'ouverture à la syndicalisatlon des cadres intermédiaires et de la mafirise. Alors, nous pensons que le gouvernement du Québec irait dans le sens indiqué par les universitaires qui ont travaillé sur ce mémoire et leurs recommandations.

Je vous signale également que, parmi les agents de maîtrise, actuellement, il y a une association qui regroupe la majorité d'entre eux et qui, éventuellement, va certainement demander au gouvernement de signer avec elle une convention collective de travail. Cela serait se placer dans une situation assez cocasse de ne pas prévoir cette chose-là dans le bill 23. C'était ce que j'avais à dire là-dessus.

M. CHOQUETTE: Est-ce que je pourrais vous poser une question? Vous dites qu'actuellement la syndicalisation n'est pas permise aux agents de maftrise.

M. RODRIGUE: C'est exact.

M. CHOQUETTE: C'est en vertu de quoi?

M. RODRIGUE: En vertu du projet de loi, le bill 23.

M. CHOQUETTE: En vertu de la loi actuelle de la fonction publique?

M. RODRIGUE: Ce n'est pas permis non plus. Actuellement, seuls des salariés au sens du code du travail, en vertu de la Loi de la fonction publique, ont accès à la syndicalisation.

M. CHOQUETTE: Mais, est-ce que la syndicalisation est Interdite spécifiquement aux cadres intermédiaires ou aux agents de maîtrise comme vous l'avez dit? Dans quel article de la Loi de la fonction publique?

M. RODRIGUE: C'est-à-dire que ces personnes-là n'étant pas des salariés au sens du code du travail, le gouvernement ne peut pas les accréditer en vertu de la loi, et ne peut pas signer de convention collective avec eux. Evidemment, il arrive parfois que nous faisons du droit nouveau par la porte d'à-côté, mais nous tentons ici de régulariser une situation...

M. CHOQUETTE: Vous pourriez citer le précédent aussi, ce qui se passe en France, je veux dire les cadres qui sont syndiqués dans leur propre syndicat en France.

M. RODRIGUE: Le syndicalisme de cadres existe en France, en Angleterre, en Suède et partout dans le monde, dans les pays européens en particulier. C'est une chose acquise depuis longtemps. Ce n'est qu'ici en Amérique du Nord, je pense, où la syndicalisation des cadres est défendue par les lois, autant les codes du travail que la Loi de la fonction publique.

Il nous apparaît que c'est un non-sens. Je pense que le droit d'association est un droit fondamental et qui devrait être reconnu à tous.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Voilà, très bien, merci. J'inviterais maintenant le porte-parole du syndicat des agents de la paix.

M. LAcASSE: Noël Lacasse, syndicat des agents de la paix de la fonction publique. J'ai été fortement intéressé ce matin par l'élaboration d'un gros programme d'action. J'espère que le ministre est un jeune plein de santé, susceptible de vivre jusqu'à 100 ans, parce qu'il va y avoir bien des obstacles sur sa route et cela ne viendra pas nécessairement des syndicats. Tout à l'heure, il y a eu une question de posée concernant les occasionnels. Chez nous, les agents de la paix, nous avons 32 saisonniers qui sont au service du gouvernement depuis trois ou quatre ans consécutivement, qui ne sont pas encore réguliers et qui ne seront probablement jamais nommés permanents, et probablement que dans dix ans, la situation sera encore la même.

En ce qui concerne le droit d'affiliation, actuellement la loi prévoit que nous n'avons pas le droit d'être affiliés à une centrale syndicale. Nous disons que le droit d'appartenir à un syndicat devrait aussi sous-entendre le droit d'être affilié à une centrale syndicale. Il y a eu plusieurs conventions du Bureau International du travail dans ce sens-là et je ne pense pas que l'Etat du Québec soit exempté d'appliquer certaines conventions du Bureau International du travail.

Actuellement, la loi — le bill 55, loi de la fonction publique — ne prévoit pas le droit de grève en ce qui concerne les agents de la paix. Nous ne demandons pas non plus le droit de grève, mais, en retour, actuellement, dans la loi, il n'y a absolument rien qui nous garantisse un minimum d'efficacité au moment de la négociation de la convention collective de travail. Aussi, nous avons fait au gouvernement, à l'occasion d'un dernier congrès où l'honorable Masse était présent, une suggestion à l'effet que nous soyons assujettis à la section 2 du code du travail, qui nous placerait sur le même pied que les policiers dans les cadres des cités et villes où l'arbitrage est exécutoire. Il y a un danger qui s'élève ici, et nécessairement, nous ne sommes pas sans le savoir. Cest que si on ne s'entend pas sur le choix du président du tribunal d'arbitrage, le ministre du Travail ou le ministre de la Fonction publique le nommera et on sera nécessairement en face du même dilemme. Une suggestion peut-être ironique pourrait être faite. On pourrait peut-être faire nommer le président d'un tribunal d'arbitrage par le parti de l'Opposition. A ce moment-là, peut-être aurait-on certaines garanties au moment de la négociation.

Il y a la question de la période temporaire. Chez nous, la période temporaire est de 12 mois. Nous sommes assujettis à l'article 36 de la Loi de la fonction publique et en ce qui concerne les agents de la paix de la Fonction publique, cette période est de douze mois, ce qui laisse sous-entendre que l'on est beaucoup plus exigeant pour les agents de la paix que l'on peut l'être pour les autres emplois dans la fonction publique.

Nous aimerions aussi qu'il soit ajouté à cette loi que seuls les agents de la paix qui auraient été nommés par la fonction publique puissent effectivement faire des travaux qui relèvent des agents de la paix, conformément aux classifications. Je pense que je n'ai point besoin de faire de dessin ici, pour vous dire que nous voulons éliminer ce que l'honorable Loubier a amené comme gardes-chasse auxiliaires surnuméraires sans paye nommés par les clubs de chasse et pêche. Deuxièmement, nous voudrions aussi éliminer toutes les agences privées en ce qui concerne le travail d'agent de la paix. Actuellement, il y a une tendance qui est en train de se dessiner au gouvernement dans ce

sens, et nous voulons que toutes les fonctions qui sont prévues dans la classification des agents de la paix soient effectivement remplies par des agents de la paix nommés par la Commission de la fonction publique. J'ai été bref, c'est ce que f avais à dire.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je vous remercie. Est-ce qu'il y a des questions des membres de la commission? Nous ajournons à 8 h 15 ce soir pour entendre les parties dans le secteur de l'enseignement.

M. CHOQUETTE: M. le Président, avant d'ajourner est-ce que cette commission a terminé ses travaux, est-ce que, la semaine prochaine, nous continuerons d'étudier...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Nous avons entendu aujourd'hui tous ceux qui avalent signalé qu'ils désiraient se faire entendre par cette commission. Je crois que nous devrions terminer l'étude de ce projet de loi en commission aujourd'hui. De toute façon, nous siégerons de nouveau à 8 h 15. Cette commission siège pour l'autre question, et il y aura lieu d'en discuter. Mais à première vue, je ne crois pas que ce soit nécessaire. Tous ceux qui ont manifesté le désir de se faire entendre étaient présents aujourd'hui.

M. CHOQUETTE: Nous pourrons donc prendre ce soir la décision quant à savoir s'il y aura lieu de tenir une autre séance sur l'étude de ce projet de loi.

M. BREULEUX: M. le Président, est-ce que cela veut dire que la demande que j'ai formulée, ou que l'offre que j'avais formulée tout à l'heure de justifier plus amplement nos allégations...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Oui, j'ai compris.

M. BREULEUX: ... est refusée?

M. LE PRESIDENT (M. Masse): J'ai compris de votre offre que ce n'était pas nécessairement à cette commission.

M. BREULEUX: Non, non, pas nécessairement. Mais cela veut dire qu'il est possible que, d'une façon ou d'une autre, nous soyons entendus par les personnes qui sont chargées...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): II est, en droit, possible...

M. BREULEUX: En droit, possible. M. LE PRESIDENT (M. Masse): Oui.

M. CHOQUETTE: Il y a une chose que je dois dire au nom de l'Opposition, c'est qu'il ne faudrait tout de même pas que ces consultations aient lieu exclusivement entre M. Breuleux, ceux qu'il représente et le gouvernement. L'Opposition voudrait bien être...

M. BREULEUX: Nous sommes en présence d'une commission parlementaire formée par les membres de l'Opposition et du pouvoir, et je pense qu'il est normal que nous fassions ces représentations devant les parties. Personnellement, je pense qu'il est normal que tout le monde soit au courant. C'est une loi qui intéresse tout le monde.

M. CHOQUETTE: En somme, M. Breuleux, vous demandez une autre séance où vous pourriez apporter des arguments ou faire un exposé additionnel?

M. BREULEUX: Il est évident que si la commission décide de prendre tout ce qu'il y a dans nos représentations et de les adopter telles quelles, je ne demanderai pas d'autre réunion. Mais si sur certains points, vous avez besoin d'éclaircissements, vous avez besoin d'autres arguments, il est entendu que je serai à votre disposition, ou que d'autres personnes seront à votre disposition, comme vous le désirerez, pour répondre à vos questions, aux questions de l'Opposition, aux questions du gouvernement. Mais nous désirerions tout de même que les choses soient vraiment approfondies, parce que, dans l'espace de temps qui m'a été réservé, il est sûr que je n'ai pas pu expliquer les choses à fond.

M. CHOQUETTE: M. Breuleux, pour autant que l'Opposition est concernée, je pense que nous sommes à votre disposition pour une séance ultérieure si vous jugez que vous n'avez pas pu faire les représentations complètes que vous auriez aimé faire sur ce projet de loi. Je pense bien que le gouvernement aura la même position.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Nous sommes prêts à les entendre immédiatement.

M. BREULEUX: D'accord, mais je pense qu'à la suite du document que je vous ai donné, vous aurez vous-même des études à faire, vous aurez peut-être des questions à poser. C'est à ce moment que Je voudrais — non seu-

lement moi, il y a des représentants d'autres centrales, d'autres syndicats qui seraient intéressés à le faire — venir vous rencontrer, au moment où vous mettrez la touche finale au projet de loi. C'est cela que je voudrais; ce n'est pas fixer immédiatement une date déterminée pour une nouvelle rencontre de la commission.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Disons que si, à l'étude de votre document, le gouvernement comme tel, qui a la responsabilité de la préparation et du dépôt de ce projet de loi, a besoin d'explications supplémentaires, il s'informera auprès des corporations que nous avons entendues ou du syndicat que vous représentez, pour des détails supplémentaires. D'autre part, les membres de cette commission ont toujours la possibilité de se concerter, de la convoquer pour entendre des parties.

Il est également vrai que le syndicat que vous représentez a le droit de demander à se faire entendre par les responsables du gouvernement. D'ailleurs, vous le faites régulièrement. Vous avez aussi le droit de rencontrer l'Opposition et l'Opposition a le droit de vous rencontrer pour discuter plus en profondeur ce projet de loi.

M. BREULEUX: Entre le droit et la réalité, M. Masse, il y a beaucoup d'espace. J'ai le droit de vous demander une rencontre. Je vous l'ai demandée, mais je ne l'ai pas eue.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Moi, j'ai le plaisir de vous recevoir.

M. BREULEUX: Alors quand, M. Masse?

M. CHOQUETTE: Une chose est certaine, je ne pense pas que nous aimerions, nous, de l'Opposition, être obligés de faire une bataille de procédure pour obtenir que la commission se réunisse de nouveau pour entendre M. Breuleux. Je pense que le ministre comprendra et que, si nous considérons qu'il y a des questions additionnelles à poser au Syndicat des fonctionnaires, il convoquera de nouveau la commission pour que nous ayons le loisir de l'entendre et d'entendre les autres parties qui pourraient avoir d'autres représentations à faire.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Voilà pourquoi la commission siège de nouveau ce soir et, s'il y a lieu d'ajourner à une date X pour entendre des parties concernant le projet de loi portant sur la création du ministère de la Fonction publique, nous n'avons aucune espèce d'objection.

M. BREULEUX: La réponse...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Nous sommes même prêts à le faire immédiatement. Il reste 15 minutes avant 6 heures.

M. BREULEUX: Immédiatement, je ne sais pas. Je pense que vous avez une étude superficielle du projet. Vous avez besoin, tout de même, vous-mêmes, de trouver des arguments contre. Ce n'est pas immédiatement après ce que je vous ai dit qu'on pourra approfondir la question. Je pense que votre commission est une commission sérieuse qui examinera nos demandes et qui détruira ou acceptera nos arguments. C'est à ce moment-là que je voudrais être présent ou que d'autres personnes voudraient être présentes. Ce n'est pas immédiatement, parce qu'immédiatement on ne fera rien de plus que de se répéter.

On voudrait que vous étudiiez nos demandes, si c'était normal et si c'était possible de le faire, et que vous nous donniez vos conclusions. Après ces conclusions, on pourrait ajouter...

M. CHOQUETTE: M. Breuleux, j'ai très bien compris votre exposé. Je crois que vous avez raison de revendiquer le droit d'être entendu par cette commission, si vous jugez que vous n'avez pas eu aujourd'hui le loisir d'exposer complètement votre position. Je dois prendre acte de la bonne volonté exprimée par le ministre, il y a quelques instants, qui a dit que, si les membres de la commission exprimaient...

M. LE PRESIDENT (M. Masse): S'il y a lieu, la commission...

M. CHOQUETTE: ... le désir de se réunir de nouveau, la commission pourrait être convoquée dans le courant du mois de septembre. Pour le moment, j'aimerais vous poser une question que j'avais dans la tête et qui m'est venue au cours de votre exposé. Vous êtes peut-être en mesure d'y répondre.

J'ai eu l'impression, dans votre exposé et dans le texte écrit que vous nous avez soumis que l'un des principaux motifs de reproches que vous adressez au texte de loi, c'est le fait que vous trouvez que le ministère de la Fonction publique, tel qu'il sera constitué par le projet de loi, n'a pas de pouvoirs exécutifs suffisants pour imposer des décisions au niveau de la gestion du personnel, dans tous les ministères du gouvernement. Je veux dire que votre principale critique me paraît être que vous trouvez que le rôle quelque peu flou qu'on lui attribue dans le projet de loi fait que le ministère est,

en quelque sorte, démuni de pouvoirs réels de même que le ministre pour imposer une politique de gestion du personnel dans tous les secteurs du gouvernement. Par conséquent, ceci peut vous causer des problèmes, comme représentant des employés de l'Etat, dans la discussion avec le ministre et ses représentants au ministère, dans la conclusion d'accords ou la négociation des points en litige qui peuvent survenir soit à l'occasion de la convention collective, soit durant la vie de la convention collective. C'est-à-dire que vous n'auriez pas en somme, avec le bill 23, un interlocuteur valable dans la personne du ministre de la Fonction publique ou de ses fonctionnaires. Vous seriez encore, en quelque sorte, devant un employeur dispersé dans tous les ministères quoiqu'on veuille créer un ministère de la Fonction publique qui, en apparence, aurait les pouvoirs d'un ministère mais qui, en somme, ne serait qu'un groupe d'étude ou un groupe de coordination. Est-ce que c'est le principal grief que vous avez à formuler à l'égard de ce projet de loi?

M. BREULEUX: Vous avez parfaitement compris et vous l'avez parfaitement bien exprimé. Mais je pourrais utiliser une image, c'est un gars qui n'en a pas!!! Je ne sais pas si vous pensez la même chose que moi... C'est un homme qui n'en a pas!...

UNE VOIX: Je ne comprends pas...

M. BREULEUX: Bien, il n'a pas de « gosses »!!! Excusez-moi, mesdames. Je veux dire qu'il n'y a pas de dents, il n'y a pas de force, il n'y a rien là-dedans. C'est un agglomérat de pouvoirs qui existaient autrefois et qui sont rassemblés — je l'ai dit et je le pense — dans un but plus politique que d'efficacité. Maintenant, au niveau de l'intention, de la bonne volonté, je suis tout à fait d'accord qu'il y en a. Mais si ce ministère n'a pas des pouvoirs réels d'exécution, bien, à ce moment-là, on se retrouvera dans la même situation de fait dans laquelle on surnage depuis trois ans.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Il ne faut pas oublier, M. Breuleux, qu'il n'y a rien dans la loi qui interdit que le ministre soit une femme...

M. BREULEUX: Vous savez très bien qu'une femme qui n'en a pas, ce n'est pas une femme non plus!

M. CHOQUETTE: Alors, cette critique, M. Breuleux, vous la formulez à la lumière de l'expérience passée et vécue avec les représentants de votre employeur, n'est-ce pas?

M. BREULEUX: C'est évident C'est à l'examen, c'est après avoir vécu des difficultés sans nombre au cours des trois années que nous vivons sous le régime conventionnel que nous avons formulé ces revendications. Cela n'abolit absolument pas le ministère, ça le renforce, ça n'en fait pas un superministère, nous n'en voulons pas de superministère. Nous voulons simplement que quand le cabinet des ministres, quel qu'il soit, prend une décision, qu'il délègue son pouvoir à ce ministère-là, qu'il puisse imposer la décision inscrite, qu'il ait le droit d'imposer à tous les ministères une décision qui concerne strictement l'interprétation ou les directives qui originent de l'interprétation de la convention collective et, évidemment, de la négociation collective proprement dite.

M. CHOQUETTE: Auriez-vous des cas spécifiques à signaler où, disons donc, vous auriez conclu des accords avec la direction générale des relations de travail et que, malgré ces accords conclus avec cet organisme, la directive, une fois passée dans le ministère, n'aurait pas été observée à cause de la politique autonome de gestion du personnel à l'intérieur de chaque ministère?

M. BREULEUX: Oui, j'ai de nombreux exemples. Malheureusement, ils sont toujours dirigés — ça devient un leitmotiv chez moi et je n'aime pas beaucoup en parler — Je vais prendre quelque chose d'autre pour me ménager moi-même et ménager d'autres personnes.

Prenez, par exemple, l'arrêté ministériel 1002, qui concerne les frais de voyage. Tous les ministères ont une interprétation commune là-dessus à l'effet que la fourniture du véhicule automobile par les itinérants n'est pas un pré-requis d'emploi, n'est pas une condition d'emploi. Par conséquent, les itinérants qui ont refusé de fournir leurs véhicules aux différents ministères ne se sont pas vu menacer, ni poursuivre, ni suspendre ou quoique ce soit Les ministères ont pris des mesures pour leur fournir des véhicules. Ils leur ont dit: Allez à pied, prenez l'autobus ou des taxis. Mais il y a un ministère qui, lui, a dit: C'est une condition d'emploi et, par conséquent, il a suspendu des gars pour commencer et, ensuite, il a menacé de les congédier simplement parce que ces employés-là ont dit: Nous ne pouvons pas fournir nos véhicules à ces conditions-là. Ce ministère a établi, de sa propre responsabilité, une chose qui était dédaignée par l'ensemble des mi-

nistères. C'est cette situation qui, pour nous, est intolérable.

M. CHOQUETTE: En somme, vous craignez que cette situation-là ne soit simplement que perpétuée par le bill 25?

M. BREULEUX: Elle n'apporte pas d'amélioration notable à cet état de fait. Au niveau de la bonne intention, au niveau des personnes, des individus, je ne critique absolument rien mais je sais ce que ça donne, l'imprécision des pouvoirs, je sais ce que ça donne. Je sais ce que ça donne d'avoir devant nous un employeur insaississable.

UNE VOIX: Prouvez-le.

M. BREULEUX: Des demandes de rencontre, des demandes de dialogue, des demandes qui restent à l'état de demandes tout le temps, cela équivaut pour nous à une négation parfaite de la syndicalisation de la fonction publique. Cela équivaut à dire: Nous n'existons pas. Par conséquent, cela nous pousse, nous autres syndiqués, à poser des gestes qui nous répugnent parfois. Je pense qu'il est nécessaire qu'il y ait un ministère de la Fonction publique qui dispose de pouvoirs assez étendus pour pouvoir réprimer des gens qui ne veulent pas se soumettre. C'est cela que je pense.

Je pense aussi que c'est dans l'intérêt public et non seulement dans notre intérêt à nous parce que les directives émises par ce ministère de la Fonction publique peuvent nous être contraires, mais nous voulons qu'elles soient imposées à tous les ministères et à tout le monde. Si on trouve qu'elles ne sont pas conformes à nos conventions collectives, nous recourrons à ce moment-là à l'arbitre. Si le ministère trouve qu'elles sont abusives pour eux, ils peuvent toujours recourir au cabinet des ministres ou au lieutenant-gouverneur en conseil qui est l'autorité suprême.

En attendant, on voudrait pouvoir dialoguer avec une personne qui soit dûment mandatée pour prendre des décisions. C'est cela qu'on voudrait et c'est cela qu'on ne retrouve pas dans le bill.

M. CHOQUETTE: M. Breuleux, sur cette question qui est très fondamentale, à l'occasion de ce projet de loi, est-ce qu'il serait possible pour votre groupe de préparer un mémoire pour la commission, appuyé sur la pratique dans d'autres pays ou sous d'autres gouvernements?

M. BREULEUX: C'est évident qu'on peut vous produire cela.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): ... préparer un discours pour le député?

M. CHOQUETTE: Non, je n'ai pas besoin de M. Breuleux pour préparer mes discours.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Pourquoi rejeter le dialogue comme cela? Pourquoi? Pourquoi rejeter des ordres?

M. CHOQUETTE: Non, mais j'ai fait cette demande-là pour tous les membres de la commission et surtout pour le ministre d'Etat à la Fonction publique parce qu'au fond, je pense que ce que vous demandez, M. Breuleux, n'enlève rien au ministre d'Etat, au ministre de la Fonction publique en vertu de ce projet de loi.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je ne sais pas si ce sera l'honorable...

M. CHOQUETTE: Je ne sais pas si M. Masse a compris exactement.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): J'ai compris. Personnellement, je ne peux pas critiquer, j'écoute.

M. BREULEUX: Bien, j'aimerais que vous écoutassiez, bien entendu. J'aimerais aussi que cela se traduise par des faits. Je voudrais aussi que cela se traduise par des connaissances, parce que tout de même il y a des choses que nous connaissons et que vous ne connaissez pas. Il y a des choses, bien entendu, que vous connaissez et que nous ne connaissons pas non plus.

M. CHOQUETTE: M. Breuleux, si je peux continuer la suggestion que je vous faisais, si vous prépariez un document de ce genre-là pour l'usage des membres de la commission, tous les membres de cette commission seraient éclairés sur votre position.

Si, à ce moment-là, nous considérons qu'il y a des questions ultérieures à vous poser, il est sûr que nous, de l'Opposition, serions parfaitement d'accord pour demander au président de convoquer la commission de nouveau et vous entendre pour avoir des éclaircissements.

M. BREULEUX: Vous pouvez être assurés que nous, nous communiquerons avec vous sous la forme d'un mémoire. Nous ferons le mémoire dans le plus bref délai possible et nous le ferons parvenir à tous les membres de la commission, au pouvoir et à l'Opposition.

M. LE PRESIDENT (M. Masse): Ajourne à huit heures quinze ce soir.

(Fin de la séance: 12 h 57)

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