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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 29 novembre 1983 - Vol. 27 N° 170

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi 43 - Loi concernant les travailleurs au pourboire


Journal des débats

 

(Seize heures quarante-six minutes)

Le Président (M. Blouin): Nous nous excusons de ce contretemps. Nous sommes maintenant prêts à commencer les travaux. La séance est donc ouverte.

Je rappelle le mandat de cette commission. La commission du revenu se réunit dans le but d'étudier, article par article, le projet de loi 43, Loi concernant les travailleurs au pourboire.

Les membres de cette commission sont M. Assad (Papineau), M. Laplante (Bourassa), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Desbiens (Dubuc), M. Sirros (Laurier), M. Lachance (Bellechasse), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet), M. Maciocia (Viger), M. Marcoux (Rimouski) et Mme Juneau (Johnson).

Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. French (Westmount), M. Dubois (Huntingdon), M. Lafrenière (Ungava), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Polak (Sainte-Anne), M. Pagé (Portneuf), M. Perron (Duplessis) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Avant de commencer nos travaux, nous allons nommer un rapporteur qui fera rapport de nos travaux à l'Assemblée nationale. Est-ce que vous avez une suggestion à faire?

Une voix: M. Lachance.

Le Président (M. Blouin): Le nom de M. Lachance est suggéré.

M. Blank: La première fois qu'on a nommé M. Lachance, on a eu un débat de trois jours sur sa nomination.

Le Président (M. Blouin): C'est justement le temps de revenir...

M. Blank: À ce moment-ci, je vais...

Le Président (M. Blouin): ...à de meilleurs sentiments.

M. Blank: Oui, j'ai de meilleurs sentiments. Je vais approuver le choix de M. Lachance et vous montrer que je ne fais pas un "filibuster".

Le Président (M. Blouin): Très bien. C'est moi qui suis le plus heureux d'apprendre cela, M. le député. Sur ce, nous allons désigner M. Lachance, député de

Bellechasse, rapporteur de cette commission.

Avant de commencer l'étude article par article de ce projet de loi, M. le ministre, auriez-vous quelques remarques préliminaires à formuler?

Remarques préliminaires M. Alain Marcoux

M. Marcoux: Très brèves, puisque je pense que l'essentiel concernant les principes de la loi a été indiqué à l'Assemblée nationale de part et d'autre. Je pense que ce dont nous avons convenu à l'Assemblée nationale, c'est qu'il fallait mettre en vigueur une mesure quelconque pour atteindre trois objectifs précis, soit celui de l'équité fiscale par rapport aux travailleurs au pourboire, l'équité sociale, et faire en sorte que l'industrie touristique ou de la restauration puisse assumer la part des bénéfices sociaux qu'elle doit assumer à ce titre sans mettre son existence en danger.

En résumé, je crois que la formule qui est proposée et qui s'inspire de la formule américaine en oeuvre depuis janvier 1983 nous permet d'atteindre ces trois objectifs. Je sais qu'elle n'est pas parfaite. Il n'y a pas de formule idéale ou parfaite en ce domaine, mais je crois qu'elle peut être acceptable pour les travailleurs et les travailleuses au pourboire, qu'elle peut être acceptable pour les employeurs également et pour les consommateurs, de même que pour le ministère du Revenu du Québec.

Pour l'essentiel, cette formule consiste à obliger les travailleurs et les travailleuses au pourboire à révéler à leur employeur, à chaque période de paie, la totalité de leurs revenus en pourboires.

Deuxièmement, elle oblige l'employeur à faire les déductions à la source à la fois sur le salaire de base de l'employé et sur les pourboires déclarés, ainsi qu'à percevoir à la source la part de la Régie des rentes du Québec à la fois sur le salaire et les pourboires déclarés par l'employé. Elle oblige, par contre, l'employeur à assumer les avantages sociaux sur les pourboires exactement comme il les assume sur le salaire de l'employé. Si la totalité des pourboires déclarés dans une entreprise, dans un établissement, est inférieure à 8%, la loi prévoit une formule d'attribution de la différence entre les pourboires déclarés et ce minimum de 8%. Cette attribution peut se

faire sur la base d'une entente ou sur la base du chiffre de vente des employés ou des heures d'affaires des employés.

Comment cette formule permet-elle d'atteindre l'équité fiscale? Elle permet, en somme, aux employés au pourboire, qui doivent actuellement payer la totalité de leur impôt sur leur revenu en pourboires, qui doivent la payer une fois par année au moment où ils font leur rapport d'impôt, ce qui impliquerait pour eux de très hauts montants d'impôt à payer en un seul versement s'ils révélaient la totalité de leur revenu en pourboires, cela permet à ces employés de répartir leurs paiements d'impôt sur l'ensemble de l'année comme pour l'ensemble des salariés du Québec. Cela permet également à ces employés de bénéficier de la totalité des avantages sociaux auxquels ont droit les autres salariés du Québec à la fois sur leur salaire et leur revenu en pourboires. D'autre part, cette formule oblige les employeurs à payer leur part des avantages sociaux comme ils le font pour leurs autres employés sur la totalité de leurs revenus.

En ce qui concerne le consommateur, l'effet global, le coût global pour le consommateur, si la totalité du coût des avantages sociaux était reportée au consommateur... On évalue que, si le total des pourboires révélés est d'environ 10%, c'est environ 1,6% d'augmentation du chiffre de vente ou du coût à l'employeur; si le total des pourboires révélés est de 12% environ, ce serait à ce moment-là environ 1,9% ou 2% d'augmentation du chiffre de vente et du coût, si la totalité de ce coût était reportée sur le consommateur.

Évidemment, il faut tenir compte, de façon supplémentaire, des coûts administratifs pour l'entreprise que peut impliquer cette formule.

Quant à la protection du consommateur, je pense que l'effet peut être marginal sur les prix par rapport à d'autres formules, en tout cas, comme le pourboire obligatoire. Finalement, en ce qui concerne les effets sur l'industrie de la restauration et l'industrie touristique, je suis convaincu que la formule, qui a été adoptée en deuxième lecture, en principe, n'aurait pas d'effet négatif important sur l'industrie de la restauration et l'industrie touristique en général.

Alors, ce que je souhaite, c'est que nous procédions à l'étude de ce projet de loi, article par article, le plus rapidement possible. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.

M. le député de...

M. Blank: De Saint-Louis.

Le Président (M. Blouin): ...Saint-Louis.

M. Harry Blank

M. Blank: M. le ministre, comme vous avez dit que ce projet de loi a été adopté en deuxième lecture, en principe, je pense que nous, du côté de l'Opposition, on était pour la loi. On était pour la question fiscale, pour que le gouvernement puisse collecter ce qui lui est dû et deuxièmement, pour les avantages sociaux pour les travailleurs.

Entre-temps, ce sont les propriétaires des restaurants et des hôtels qui sont pris là-dedans. Mais je pense que presque tous, en principe, étaient prêts à faire des petits sacrifices pour essayer de régler le problème. Cela veut dire qu'en principe, tout le monde était pour - comment on appelle ça, "motherhood"? - la vertu et contre le péché. Mais la façon d'arriver...

Comme vous le savez, M. le ministre, la semaine passée, après que nous ayons adopté le projet de loi en deuxième lecture, vous m'avez demandé qu'on commence la commission parlementaire immédiatement. Je vous ai suggéré de remettre cela d'une semaine, pour donner la chance à des gens du milieu de lire le projet de loi.

Et, comme vous le savez aussi, depuis cette date, il y a eu des pressions de partout. Dans tous les milieux, on est satisfait du principe, mais aucun n'est satisfait du projet de loi. On est devant une situation assez curieuse.

Vous me dites qu'on a déjà eu une commission parlementaire et que l'on a entendu tous ces gens dont quelqu'uns sont ici aujourd'hui pour nous donne leur opinion. Mais ils nous ont donné leur opinion sur les principes comme celui du pourboire obligatoire, le principe du statu quo et les trois ou quatre autres qui étaient dans le livre vert.

Je ne veux pas minimiser cette commission parlementaire parce que le gouvernement a eu l'opinion des gens du milieu et en est arrivé à un principe de loi qui a suivi le consensus de cette commission parlementaire. Si on prend le consensus de cette commission parlementaire, on peut facilement arriver au principe du projet de loi. Mais, entre le principe et ce qu'il y a dans le projet de loi, il y a une telle distance, je trouve un peu injuste pour toutes les personnes impliquées d'adopter ce projet de loi en vitesse. C'est ce que l'on fait. Souvent, le régime parlementaire ne va pas à la vitesse de un, deux trois, mais, en fait, c'est en vitesse parce que chaque jour on reçoit d'autres suggestions et on voit d'autres implications du projet de loi que l'on n'avait pas vues au commencement.

Je sais que le gouvernement veut que cela commence le 1er janvier. Comme je l'ai dit au ministre, j'étais prêt à l'aider, mais maintenant je trouve que c'est presque impossible d'en arriver à une solution qui

satisfasse un peu tout le monde pour le 1er janvier.

Pour les propriétaires de restaurant ou les hôteliers... En passant, le ministre, dans son discours de deuxième lecture, m'a dit qu'il avait reçu l'approbation de l'association des restaurateurs, à la suite de leur congrès des mois de juin et juillet, mais il a oublié de me dire qu'il avait reçu une lettre le 7 novembre contenant toutes les objections au projet de loi. S'il veut que je lise la lettre, je l'ai ici.

M. Marcoux: Si vous vous souvenez de ce que j'ai dit en Chambre sur l'accord, cela portait sur les grandes orientations de la formule, qui était la formule américaine.

M. Blank: Je suis d'accord. C'est ce que j'ai dit: Tout le monde était pour le principe, l'association des restaurateurs aussi. C'est ce que vous avez dit, mais vous avez fait un oubli. Il y a une lettre de trois ou quatre pages d'objections à ce qu'il y a dans le projet de loi. Je ne sais pas, il est plus au courant que moi parce qu'il parle de choses que je ne connaissais pas avant que la loi ne soit déposée. Même là, je ne m'oppose pas parce que je pense qu'avant de déposer une loi, vos fonctionnaires communiquent avec les gens de ce milieu pour savoir ce qu'ils en pensent. Je ne m'oppose pas à la question dont on discute, c'est plutôt sur les modalités.

Pour ces gens, c'est normal une loi semblable. Mais, entre une approbation de principe et ce qu'il y a dans cette lettre et l'autre que vous avez reçue, avant hier, de l'Association des hôteliers de la province de Québec, l'Association des restaurateurs du Québec, l'Association des hôteliers du Grand-Montréal... C'est une lettre d'environ dix pages qui contient des objections particulières à presque toutes les sections de la loi.

J'ai aussi eu une visite de la CSN à mon bureau samedi matin; leurs objections portent presque sur le principe et pas seulement sur les modalités. On a ici un groupement de l'Union des employés d'hôtels, restaurants, commis de bars; ceux-ci ont présenté un rapport de deux pages contenant des suggestions; il y a seize suggestions de changement.

Vis-à-vis de tout cela et... Du côté des propriétaires et des syndicats, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. On doit entendre ces gens. Je ferai des motions dans les formes correctes si c'est nécessaire, mais, à ce moment-ci, d'après les suggestions que je vois, c'est presque impossible d'avoir cette loi pour le 1er janvier. On doit au moins écouter ces gens. (17 heures)

Une autre chose très importante. Quand on parlait des avantages sociaux, dans la loi, la province de Québec donne déjà des avantages sociaux à ces gens. Ils sont maintenant couverts par la CSST, la Régie des rentes, l'assurance automobile. À part ces trois bénéfices qu'on leur donne, il n'y en a pas un qui soit immédiat. On doit attendre un accident du travail, on doit attendre un accident d'automobile avant d'avoir des bénéfices, on doit atteindre 65 ans pour être admissible au Régime de rentes du Québec.

La chose la plus importante dans cette loi, l'avantage social le plus important pour des travailleurs, c'est l'assurance-chômage. Franchement, si on parle le langage de la rue, cette loi ne vaut pas un sou sans l'assurance-chômage. On a des belles promesses du gouvernement fédéral, mais je ne sais pas comment celui-ci peut faire un amendement à la loi, même s'il le veut. Je ne suis pas certain qu'il le veuille. Ce n'est pas M. Roberts qui en a fait la promesse, c'est M. Bussières qui veut faire pression sur M. Roberts et celui-ci doit faire pression auprès du Cabinet. On ne sait pas si on va avoir cette assurance-chômage. C'est impossible de l'avoir avant le 1er janvier car la session est terminée et elle recommence seulement le 7 ou le 8 décembre. On a alors le discours du Trône et tout le reste. Cela veut dire que c'est impossible d'avoir l'assurance-chômage pour le 1er janvier. Comme je le dis, le grand "boss" de ces lois, la pierre angulaire, le "corner stone", c'est l'assurance-chômage, car, sans cela, avec la loi, de l'autre côté, le gouvernement va avoir ses 20 000 $ ou 40 000 $ dont le ministre a parlé. Je suis d'accord sur cela. Mais, pour le travailleur, sans l'assurance-chômage, cela ne marchera pas. La suggestion que j'ai faite au ministre, à une autre commission parlementaire, c'est d'attendre que ces gens nous donnent des modalités, nous disent de quelle façon cela va marcher, de quelle façon cela va fonctionner, en vertu de quels amendements. Il fait des suggestions qui ont du bon sens. Le ministre a parlé d'attribution par l'employeur. Il ne veut pas. Il y a d'autres moyens d'en arriver à cela, des définitions, des gens qui sont... Il y en a d'autres.

Tout cela est nécessaire pour avoir au moins une loi complète. Une de mes recherchistes me donnait une petite expression sur un point. Elle a dit que cette loi est très simpliste pour la complexité de l'industrie. On a une industrie qui est très complexe. On va d'un petit casse-croûte au Château Frontenac avec tous les autres. Cette loi est très complexe. On a une loi d'un paragraphe, car les autres choses sont de simples ajouts à cette loi-là. On a seulement un paragraphe qui couvre la loi, soit 42.2. C'est seulement ce paragraphe qui couvre toute la loi. C'est un peu loin pour un problème assez complexe. J'ai suggéré au ministre d'être très pratique. On ne peut pas

avoir une loi avec l'assurance-chômage le 1er janvier et, sans l'assurance-chômage, ce n'est pas vendable aux travailleurs. À part les autres problèmes, car il y a aussi d'autres modalités.

Aujourd'hui, j'ai reçu, il y a deux minutes, un communiqué de presse d'un organisme gouvernemental - c'est marqué gouvernement du Québec, Conseil du statut de la femme - qui dit: "Un projet de loi inopérant et insatisfaisant pour les travailleurs et travailleuses au pourboire." Il y a toute une liste de choses et on dit pourquoi. Je ne suis pas le seul. Une autre section du gouvernement dit: Cela ne fonctionnera pas comme cela. Je pense qu'on doit éviter toute chicane partisane. Ce n'est pas une question partisane, ici. Comme je vous l'ai dit, j'ai voté pour et j'étais prêt mais, depuis une semaine, à la suite des informations que j'ai reçues et que mes collègues ont reçues, on ne veut pas faire de "filibuster" et on n'en fera pas, on ne veut pas faire d'obstruction au projet de loi, mais on veut être logiques. On veut avoir une loi, mais au moins une loi décente, un loi un peu complexe, parce que cela doit être complexe et que la loi de l'impôt est complexe. Il n'y a pas un profane qui peut la comprendre; moi-même, je suis avocat et je ne la comprends pas.

Je veux mentionner un point sur l'attribution des 8%, que ne paient pas les Américains. Il y avait une personne ayant une maîtrise en administration, qui a étudié le règlement américain et qui a essayé de voir ce qui se passait. Cela a pris plus d'une heure. Qu'est-ce que vous pensez que le petit gars possédant un casse-croûte au coin va faire? On doit trouver une façon de faire quelque chose. C'est une suggestion que j'ai faite au ministre. Si le ministre ne veut pas retarder les choses, il peut commencer les auditions immédiatement; il y a au moins deux groupes ici. C'est ma suggestion au ministre.

Pour être franc, j'étais prêt, j'ai même des amendement à presque chaque article et sous-article, parce qu'il y a tellement de choses compliquées dans cette affaire-là. Je ne sais même pas ce qu'est un pourboire. J'ai regardé dans quatre dictionnaires et j'ai trouvé quatre définitions différentes. J'ai regardé trois ou quatre lois du gouvernement du Québec et elles donnent des définitions différentes. On veut au moins avoir une définition ici... J'aimerais entendre ces gens parler sur cette loi. Pas sur le principe d'avoir une loi, on a fait cela lors de l'autre commission parlementaire; on ne veut pas avoir deux commissions parlementaires avec des audiences publiques pour couvrir le même sujet. Mais ce n'est pas le même sujet du tout. On a parlé du principe du pourboire obligatoire, du pourboire inclus dans la facture, du statu quo mais on est maintenant décidé sur le principe. Je pense que les gens du milieu devraient avoir le droit de s'exprimer devant nous pour définir comment faire fonctionner une loi basée sur ce principe que tout le monde a accepté. Tout le monde l'a accepté, sauf la CSN qui est encore pour l'obligation. J'aimerais savoir ce que pense le ministre.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saint-Louis. M. le ministre.

M. Alain Marcoux (réplique)

M. Marcoux: J'ai un point de désaccord avec le député de Saint-Louis et un point d'accord. Un point de désaccord lorsqu'il dit que la commission parlementaire, l'an dernier, ne nous a pas suffisamment éclairés sur les formules concrètes. Sur ce, je ne peux pas être d'accord avec le député de Saint-Louis, parce que je me souviens très bien des discussions que nous avons eues avec les groupes qui sont venus à la commission parlementaire. Une des options qui étaient présentées, c'était la déclaration périodique des pourboires et les retenues à la source des impôts et même, un des mémoires avait présenté la formule américaine. J'avais demandé à des individus qui craignaient que, par les déclarations périodiques des pourboires des employés, il y ait des pressions des employeurs pour faire en sorte que ces pourboires déclarés soient minimums compte tenu que l'employeur devait payer en conséquence des avantages sociaux: Si on prend, dans la formule américaine, le frein modérateur de 8%, est-ce que vous pensez que cela n'éviterait pas...? Cela assurerait, évidemment, un minimum de rentrées fiscales, ce qui était probablement le souci des Américains mais, en même temps, est-ce que ce n'est pas une façon d'assurer que les quelques employeurs, qui pourraient être tentés de faire des pressions sur leurs employés pour qu'ils révèlent le minimum de pourboires, ne fassent pas ces pressions? C'était l'essence même de cette formule que l'on discutait et on la discutait concrètement, la façon dont elle pourrait fonctionner.

Là où je suis d'accord avec le député de Saint-Louis, c'est que je souhaite que cette formule entre en vigueur de la façon la plus correcte possible, la plus souple possible. Je ne m'étonne pas, je trouve normal que des groupes nous fassent des représentations maintenant sur toutes sortes d'amendements possibles. Parce que, parler des principes quand ils sont loin et quand il peut arriver que le gouvernement ne se décide pas à agir, cela est différent que de parler des principes lorsqu'on les a et qu'on est à la veille de les voir en application. Cela est normal que chacun ait des craintes parce qu'il y a réajustement du rapport entre

le ministère du Revenu, l'employeur, l'employé. En somme, ces craintes qui existent actuellement réapparaissent normales.

Je suis convaincu qu'il y a moyen de mettre en oeuvre cette formule avec toute l'information, toute la souplesse administrative nécessaire pour faire en sorte qu'après quelques semaines, quelques mois, comme cela arrive actuellement aux Etats-Unis, pour l'essentiel, l'ensemble des trois partenaires concernés: employeur, employé et ministère - aux États-Unis c'est 1RS - en soient satisfaits.

Vous connaissez mon attitude de façon générale, on se connaît depuis déjà sept ans; je pense que nous pouvons procéder immédiatement à l'étude article par article. Je suis ouvert aux suggestions de l'Opposition au fur et à mesure de l'étude article par article. Nous avons nous-mêmes des propositions d'amendement.

Depuis que la position du gouvernement est connue, depuis deux mois, nous avons poursuivi nos discussions avec des travailleurs au pourboire et certains de leurs représentants...

Une voix: ...

M. Marcoux: À moins que ce ne soit un quorum? Je pourrais peut-être finir ma phrase.

Le Président (M. Blouin): On peut poursuivre nos travaux, mais on va demander tout de suite une vérification. Est-ce qu'on peut vérifier s'il s'agit d'un vote qui réclame la présence des députés? Entre-temps, on va poursuivre nos travaux.

M. Blank: ...Mme Beauchesne, peut-être?

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Marcoux: Je pense qu'on peut procéder immédiatement à l'étude article par article de ce projet de loi et y apporter les amendements nécessaires, soit à notre suggestion ou à la vôtre, à la suite des représentations qui nous ont été faites. Depuis que la formule est connue, nous avons poursuivi nos discussions avec des travailleurs et des travailleuses au pourboire ou leurs représentants, ou avec des représentants d'organismes d'employeurs. Au fur et à mesure, nous verrons jusqu'où nous pouvons aller.

Si, pour tel article en particulier, nous jugeons utile de suspendre la séance durant une demi-journée, une journée ou deux, je n'y ai pas d'objection. Cela se fait, mais je crois que, pour l'essentiel, la nature profonde de ce projet de loi n'est pas à modifier. La pire chose qui pourrait arriver serait l'incertitude dans la mise en oeuvre de la loi. Qu'il y ait le maximum de souplesse dans la mise en oeuvre, j'en suis, et je puis vous assurer que mes collaborateurs partagent aussi ce point de vue. Je pense qu'il faut aller de l'avant.

Il y a un point précis que vous avez abordé, soit l'assurance-chômage. En commission parlementaire, l'an dernier, j'ai toujours soutenu la chose suivante: Depuis cinq, dix ou quinze ans, les travailleurs au pourboire, en stricte équité fiscale, auraient dû révéler la totalité de leurs revenus en pourboires pour payer la totalité des impôts qu'ils avaient à payer, comme tout autre citoyen du Québec qui bénéficie de services hospitaliers, éducatifs, de transport; en somme, l'ensemble des services de l'État sur lesquels nous avons à payer de l'impôt pour la totalité de nos revenus.

Profitant de cette nouvelle façon d'appliquer cette exigence légale, nous voulons maintenant donner les pleins droits à ces travailleurs au pourboire sur l'ensemble des avantages sociaux, à la fois sur le salaire de base et sur le pourboire, puisque, sur le pourboire, le travailleur va bénéficier des avantages sociaux dans la mesure où il contribuera au Régime de rentes du Québec et dans la mesure où l'employeur sera maintenant astreint de contribuer, sur la totalité, à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

En ce qui concerne les autres avantages sociaux, entre autres, la Régie de l'assurance automobile, il n'y a pas de contribution impliquée du tout. C'est simplement dans le calcul des indemnités éventuelles. (17 h 15)

En ce qui a trait à l'assurance-chômage et à l'attitude du gouvernement fédéral, je ne peux aller plus loin que la semaine dernière. Je crois pouvoir dire qu'il y a eu un changement d'attitude de la part de Revenu Canada qui est quand même le ministère clé dans cette perspective. Après une première déclaration où M. Bussières a dit qu'il ne suivrait peut-être pas le gouvernement du Québec, après avoir pris connaissance des grandes lignes de la loi lorsque nous avons communiqué avec les fonctionnaires de Revenu Canada qui ont eu l'occasion d'examiner l'essentiel de ce projet de loi, M. Bussières, au nom du ministère du Revenu national, a indiqué qu'il était d'accord avec ce projet de loi.

En ce qui concerne l'assurance-chômage, quant à moi, je n'ai aucun doute que le gouvernement fédéral va rendre assurable le pourboire quant à l'assurance-chômage. Puisque, dans l'ensemble de la formule proposée, le principal bénéficiaire fiscal, ce n'est pas le gouvernement du Québec, c'est le gouvernement fédéral, et ce, pour des recettes fiscales supplémentaires

d'environ 40 000 000 $. Si on prend les impôts - cela représente environ 33 000 000 $ et 7 000 000 $ du fonds d'assurance-maladie payés par l'employeur, les 3%, sur la base de la masse salariale, pour les 40 000 000 $ en recettes fiscales -à chaque fois que le Québec augmente son assiette fiscale, la péréquation diminue dans une certaine proportion. On évalue que, sur 40 000 000 $ de recettes fiscales supplémentaires, la péréquation va entraîner une diminution de quelque 20 000 000 $. Ce qui constitue, en somme, un bénéfice net pour Revenu Québec d'environ 20 000 000 $, alors que pour le gouvernement fédéral, en plus des impôts que les travailleurs et travailleuses vont payer sur leurs pourboires déclarés, il y a cette diminution de péréquation transférée au Québec. Ce qui fait que le gouvernement qui, au total, bénéficie de façon nette et claire de cette réforme, ce n'est pas d'abord le gouvernement du Québec directement si on peut... Le gouvernement du Québec aussi en bénéficie, mais je veux dire qu'en termes de masse monétaire, c'est d'abord Revenu Canada qui en profite. Je suis convaincu que c'est un argument déterminant pour que le gouvernement fédéral accepte de rendre assurable le pourboire au bénéfice de l'assurance-chômage. Dans cela, je pense que le fait d'aller de l'avant va, en somme, assurer ce bénéfice auquel tiennent les travailleurs et travailleuses au pourboire. Vous l'avez dit vous-même et je partage votre point de vue. Mais je suis convaincu que ce n'est pas en retardant l'étude article par article du projet de loi ni en retardant la mise en oeuvre de la loi que nous atteindrons votre objectif et le mien. Je pense que nous pouvons de bonne foi entreprendre l'étude de ce projet de loi article par article et viser les mêmes objectifs que vous avez définis dans votre mot d'introduction.

Le Président (M. Blouin): Oui, rapidement, M. le député de Saint-Louis.

Discussion générale

M. Blank: Rapidement. J'ai écouté attentivement ce que le ministre a dit et je pense qu'il n'a pas saisi mon point de vue. J'ai dit que nous devons adopter une loi qui soit la meilleure possible pour satisfaire le plus de gens possible. Et je dis encore que la pierre angulaire de cette loi, c'est l'assurance-chômage. Même si je prends la parole du ministre qu'on va l'avoir, je sais qu'il est impossible de l'obtenir pour le 1er janvier. Et sans l'assurance-chômage, je dis qu'on n'a pas besoin d'une loi, sauf pour remplir les poches du fisc.

M. Marcoux: Même sur cet aspect, M. le député de Saint-Louis, il est trop tôt pour affirmer que c'est impossible pour le 1er janvier.

M. Blank: M. le ministre, j'ai un peu plus d'expérience parlementaire et je sais comment les Parlements fonctionnent, particulièrement avant Noël.

M. Marcoux: C'est parce que vous supposez qu'il est nécessaire de modifier la loi de l'assurance-chômage.

M. Blank: Oui. Il pourrait au moins y avoir un arrêté en conseil.

M. Marcoux: C'est que votre hypothèse repose sur l'idée qu'il est nécessaire d'avoir une modification de la loi sur l'assurance-chômage pour arriver à l'assurabilité des pourboires au niveau de l'assurance-chômage. Mais, il y a une chose qui est certaine, c'est que le gouvernement du Québec n'a pas créé - il a continué à le perpétuer initialement le problème. Il a fait une démarche pour arriver à une solution - pas "la" solution mais "une" solution - qui atteint un certain nombre d'objectifs. Il ne peut pas uniquement attendre et dire: Cette loi sera adoptée, si ou quand le gouvernement fédéral aura décidé d'y donner suite. Cette loi nous permet d'atteindre des objectifs que nous souhaitions au Québec.

M. Blank: Le projet de loi n'atteint qu'un objectif: La perception. Les avantages sociaux, vous ne les atteindrez pas, parce que le principal avantage social ici est l'assurance-chômage. Les autres bénéfices sont facultatifs.

La seule chose dont nous sommes certains est qu'on va jusqu'à soixante-cinq ans, mais il nous faudra des années pour en arriver là. Quant aux autres, la CSST et la Régie de l'assurance automobile, c'est facultatif et cela peut arriver, mais les travailleurs qui se feraient imposer cette loi n'auraient pas droit à la partie la plus importante qu'ils recherchent dans une telle loi.

On parle aussi du consensus qui est sorti de la commission parlementaire sur quelques bases, dont l'une était l'assurance-chômage. Premièrement, l'impression de tous les employés que j'avais rencontrés à la commission parlementaire, à partir du dépôt de ce projet de loi jusqu'au moment du discours du ministre était qu'il y avait deux autres choses. D'abord, si on rapporte 8%, on ne sera pas touché. Et ce n'est pas ce que le ministre me dit, il dit que les gens qui gagneront plus seront poursuivis pour le reste. C'est un point auquel la majorité des travailleurs ont pensé: Je vais régler avec le gouvernement en lui donnant 8% pour qu'il ne m'achale pas. Mais ce n'est pas le cas.

De plus, tout le monde a pensé qu'il y aurait une amnistie complète pour les années antérieures. Le ministre a dit: Non, c'est seulement pour les gens qui n'étaient pas déjà cotisés. Les gens qui étaient déjà cotisés seront poursuivis. Le ministre m'a expliqué qu'il ne peut pas, selon la Loi sur les impôts... Mais, on peut toujours amender une loi par une loi. On pourrait ici apporter un amendement pour couvrir cet aspect.

Quand on parle d'un consensus, l'approbation de plusieurs personnes est basée sur certains points à quoi elles ont pensé ou qu'elles ont entendus de la bouche du ministre. Mais il semble qu'elles ont mal compris. Et j'aimerais entendre ces gens-là pour savoir ce qu'ils en pensent maintenant. On a ici quelque chose qui n'a jamais été discuté en public avec ces personnes. Je ne dis pas que vous n'avez pas discuté avec certains groupements. Et même, après vos discussions, ils avaient demandé des changements. Il me semblerait équitable que cela se fasse publiquement parce qu'il n'y a rien à cacher ici. J'aimerais savoir ce que l'Association des restaurateurs et les syndicats auraient à nous dire. Peut-être qu'ils ont fait certains commentaires au ministre ou au sous-ministre? Je ne sais pas. Ce sont des choses qui n'ont pas été dites à l'autre commission parlementaire. Je trouve que le 1er janvier est une date trop hâtive pour mettre la loi en vigueur. On adopterait encore une loi en vitesse. On aura des problèmes dès le début. On aura des modifications dès la prochaine session du 15 mars ou je ne sais trop à quelle date on reviendra. On aura des modifications à apporter parce que la loi serait votée en vitesse.

On me rappelle la question des vins dans les restaurants. On adopte ici des choses de façon trop pressée, des choses qu'on ne comprend pas parce que, franchement, même avec les suggestions qu'on reçoit par écrit des personnes concernées, il y a seulement une ou deux personnes ici dans cette Chambre qui verraient la complexité. Ce seraient peut-être seulement les fonctionnaires du ministre qui comprendraient. Mais je suis certain que les députés ministériels et les députés de l'Opposition ne comprendraient pas. Il faudrait au moins discuter de cela avec des gens qui puissent nous expliquer cela dans des termes que je puis comprendre.

M. Marcoux: Je dois ajouter, en réponse au député de Saint-Louis, un premier point. Sur la question de l'amnistie, j'ai toujours été très clair.

M. Blank: Oui, oui...

M. Marcoux: En commission parlementaire, l'an dernier, c'est revenu peut-être dans la moitié des mémoires, la moitié des mémoires sur environ 25, et, chaque fois, j'ai indiqué qu'il était impossible pour un quelconque ministère du Revenu de faire une amnistie face à des cotisations déjà émises en vertu d'une loi existante, parce que la loi est là actuellement. Les travailleurs au pourboire doivent payer de l'impôt sur leur revenu de pourboire. Bon!

Ce que vous proposez, c'est que la situation se perpétue, situation dont on s'entend pour dire, pour une certaine période, qu'elle est inéquitable pour des individus qui reçoivent actuellement et continuent de recevoir des cotisations pour les années antérieures parce qu'il n'y a pas de solution pour l'avenir de mise en oeuvre. Elle est inéquitable aussi au niveau social parce qu'ils ne bénéficient pas de certains avantages sociaux en fonction des lois et juridictions du gouvernement du Québec dont ils devraient pouvoir bénéficier. Je pense que, à ce titre, nous devons tout faire pour qu'à la fois les exigences d'équité fiscale soient réglées le plus rapidement possible et que, par ailleurs, les avantages sociaux, qui sont de la juridiction du gouvernement du Québec, soient octroyés à ces personnes. Je pense qu'en ce sens-là, à nouveau, on peut procéder à l'étude article par article.

Le Président (M. Blouin): Alors...

M. Blank: Je vais faire une motion préliminaire.

M. Cusano: M. le Président, si vous me permettez, je voudrais seulement une précision du ministre. Vous venez de dire que le ministère du Revenu ne peut pas... C'est juste qu'il ne peut pas revenir sur des cotisations qui ont été émises, mais est-ce que le ministère du Revenu, si je peux employer le mot, s'engage à ne pas faire d'autres poursuites, d'autres vérifications auprès des employés qui n'ont pas été touchés jusqu'à maintenant?

M. Marcoux: La décision du Conseil des ministres, que j'ai publiée en octobre et que j'ai répétée à l'Assemblée nationale, c'est qu'à partir du 1er janvier 1984 le ministère du Revenu, en appliquant la nouvelle formule, ne se servira pas comme éléments de preuve et d'information des déclarations des travailleurs au pourboire, déclarations de pourboires obligatoires, qu'ils feront à partir du 1er janvier 1984 pour revenir sur les années antérieures.

J'ai de plus indiqué que les efforts de la vérification du ministère du Revenu seront axés sur la vérification de la mise en oeuvre de la nouvelle formule et sur l'aide à donner à la fois aux travailleurs et aux employeurs pour la mise en oeuvre de cette formule. Cela n'est pas une décision personnelle, mais

une décision du Conseil des ministres dont les travailleurs au pourboire seront informés...

M. Cusano: Je comprends très bien, mais...

M. Marcoux: ...personnellement.

M. Cusano: ...la question que je posais sera probablement un peu plus explicite dans ce sens-ci: La dernière fois qu'on a eu une commission parlementaire, vous avez dit qu'il y avait encore 100 000 ou 125 000 dossiers de travailleurs au pourboire, à vérifier. Est-ce que ces dossiers-là, qui ne sont pas vérifiés encore, la partie qui n'est pas vérifiée encore, est-ce que cela veut dire que vous allez la laisser tomber ou s'il y aura encore des vérifications qui seront faites sur ces dossiers en suspens?

M. Marcoux: Ce n'est pas comme cela que le ministère du Revenu du Québec fonctionne. Revenu Canada a commencé en 1979 une opération spécifique auprès des travailleurs au pourboire, comme lorsqu'il fait des opérations spécifiques auprès des pêcheurs, par groupes de métiers ou de professionnels. (17 h 30)

Revenu Québec ne procède pas de cette façon. Nous avons cotisé des travailleurs au pourboire depuis 1979, mais c'est lorsque nous avons été appelés, par exemple, à faire des vérifications dans telle institution hôtelière ou telle institution de restauration et lorsque nous avons fait les vérifications concernant soit la taxe de vente, soit les déductions à la source, etc., que nous le faisions. Vous allez me dire que l'effet était le même sur les individus, mais la technique de vérification est quand même différente dans ce sens qu'on n'a pas dit: On va prendre des travailleurs au pourboire comme groupe et on va faire des vérifications auprès d'eux.

Ce que j'ai indiqué - c'est la décision du Conseil des ministres - c'est qu'à partir du 1er janvier 1984, on repart à neuf. Le Conseil des ministres qui a dit que l'on s'engageait à ne pas se servir comme information ou comme élément de preuve pour émettre des cotisations en rapport aux années antérieures pour les travailleurs et les travailleuses au pourboire, à partir de l'application de la formule.

M. Maciocia: Oui, comme élément de preuve...

M. Marcoux: Ou d'information, mais...

M. Maciocia: ...mais cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas retourner en arrière sans avoir ces éléments de preuve.

M. Marcoux: Non, non. Je ne veux pas jouer sur les mots. C'est très clair à ce moment-là et j'ai dit clairement qu'il n'y avait pas d'amnistie quant aux cotisations déjà émises, mais qu'à partir du 1er janvier 1984, la vérification du ministère du Revenu porterait, sur la mise en oeuvre de la nouvelle formule.

M. Maciocia: Cela veut dire qu'il n'y aura aucune imposition...

M. Marcoux: Pardon?

M. Maciocia: II faut être clair. D'après vos propos, voulez-vous dire qu'il n'y aura plus aucune vérification ou poursuite contre des gens au pourboire pour une période antérieure au 1er janvier 1984? Est-ce cela que vous voulez dire?

M. Marcoux: II n'y aura pas de nouvelles cotisations pour les quatre années antérieures: 1983, 1982, 1981 et 1980. À partir de janvier 1984, ce dont on va s'occuper, c'est de la mise en oeuvre de la formule de 1984 et du paiement des impôts à partir du 1er janvier 1984. Pour être très clair, voici ce qui va se passer: si un travailleur au pourboire qui déclare des gains de 5000 $ en pourboires en 1984 et qui nous a déclaré avoir reçu 500 $ l'année précédente ou les trois ou quatre années précédentes, on ne lui dira pas: On te présente une cotisation pour les trois années précédentes sur la base de 5000 $ de revenus...

M. Blank: Mais si ce travailleur essaie, en se servant de cartes de crédit, de prouver qu'il a reçu 1500 $ en 1983 alors que l'employé a déclaré avoir gagné seulement 500 $, est-ce qu'on va le cotiser pour les 1000 $?

M. Marcoux: J'ai dit que...

M. Blank: Non, non, c'est une question très directe. Va-t-il être cotisé pour les 1000 $?

M. Marcoux: Pour les 1000 $ de l'année 1983?

M. Blank: Oui. M. Marcoux: Non.

M. Blank: Non? Vous donnez une amnistie à ces gens-là?

M. Marcoux: J'ai toujours distingué -peut-être que le sous-ministre pourrait compléter - le mot "amnistie". J'ai toujours été très clair et je ne comprends pas que le député de Saint-Louis veuille...

M. Blank: D'accord! Je vais vous poser la question d'une autre façon.

M. Marcoux: J'ai toujours été clair. L'amnistie au niveau fiscal, c'est l'annulation de cotisations émises en vertu de certaines lois.

M. Blank: D'accord! Mais vous avez dit qu'avec l'arrêté en conseil, vous n'utilisez pas l'information que vous allez recevoir en 1984 et que vous faites tous les efforts pour la nouvelle loi en 1984. Mais vous avez aussi dit que vous avez trouvé des travailleurs au pourboire, pas par hasard, mais par accident, lorsque vous faites des vérifications dans des hôtels ou dans des restaurants pour les taxes sur les repas. Vous avez trouvé d'autres affaires. Je parle d'un travailleur qui a gagné 5D00 $ de pourboires en 1984, mais qui a rapporté seulement 500 $ en 1983. Vous faites une vérification auprès de l'établissement où il travaille pour les fins de taxes de vente. En vérifiant la taxe de vente, vous trouvez que ce monsieur a gagné 1500 $ en pourboires. Est-ce que vous allez le cotiser pour les 1000 $? C'est ce que je vous demande.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saint-Louis, M. le ministre, et tous les membres de cette commission, je tiens d'abord à vous rappeler que la nature du mandat de cette commission, est d'étudier article par article le projet de loi 43. Il est de tradition que le ministre parrain d'une loi et que son vis-à-vis de l'Opposition expriment certains commentaires généraux avant d'entamer l'étude article par article d'un projet de loi. Nous pouvons maintenant considérer que chaque partie s'est exprimée de façon générale avant que nous n'entamions ce que nous avons à faire. Ces sujets reviendront sans doute au cours de l'étude article par article, puisque c'est de cela qu'il sera question. Je suggérerais donc que nous commencions les travaux pour lesquels l'Assemblée nous a convoqués. C'est l'ordre de l'Assemblée que nous avons reçu d'étudier article par article ce projet de loi. Je suggère donc que nous entreprenions cette étude article par article, quitte à revenir sur ces sujets au moment où ils seront traités, en fonction des articles qui sont pertinents à ces sujets.

M. Maciocia: Je comprends très bien. Je suis d'accord avec vous, mais je crois que le sous-ministre voulait nous éclairer sur ce point spécifique.

Le Président (M. Blouin): Non. Je comprends. Écoutez, on peut...

M. Sirros: Est-ce que je peux soulever une question de règlement, M. le Président?

Le Président (M. Blouin): Très bien. Oui, oui. Certainement.

M. Sirros: N'est-il pas vrai que, selon le règlement, les membres de la commission peuvent se prévaloir de leur droit de parole?

Le Président (M. Blouin): Pas avant d'avoir commencé l'étude article par article, M. le député, à moins que la deuxième lecture n'ait été faite sans débat. Or, comme cette fois-ci la deuxième lecture a été faite avec débat, l'ordre de la Chambre est de commencer l'étude article par article dès que nous entamons nos travaux. Cependant, il y a une tradition qui veut que le ministre et son vis-à-vis de l'Opposition puissent exprimer certains commentaires d'ordre général.

M. Sirros: N'y a-t-il pas aussi une tradition qui veut que, par consentement des membres de la commission, les gens puissent émettre leur opinion exactement avant de commencer l'étude article par article, dans le but d'accélérer, peut-être, les travaux et pour une meilleure compréhension?

Le Président (M. Blouin): Écoutez, évidemment, s'il y avait un consentement unanime de l'ensemble des membres de cette commission, nous pourrions le faire.

M. Sirros: On peut le demander.

M. Maciocia: Le ministre est prêt à me répondre; cela peut aider beaucoup l'étude du projet de loi si on a ces éclaircissements.

Le Président (M. Blouin): J'expliquais à M. le ministre que, s'il y avait un consentement unanime, nous pourrions, à la rigueur, permettre ce genre de débat.

M. Marcoux: M. le Président, plutôt que d'entrer dans les motions de report qu'on nous a annoncées, je préfère qu'on poursuive ce dialogue sur les objectifs ou, peut-être aussi, sur des points précis. Souvent, cela accélère l'étude article par article par la suite. Dans cet esprit, je suis prêt à continuer à échanger sur des points précis qui vous préoccupent de façon importante.

M. Blank: II y a encore cinq semaines avant le 1er janvier.

M. Marcoux: Oui, mais vous savez une chose: Comme vous voulez, vous aussi, que cette loi s'applique de la façon la plus correcte possible, plus vite elle est adoptée, plus vite elle peut être mise en vigueur.

M. Blank: On ne peut pas la changer. Le Président (M. Blouin): Je comprends

bien que cette procédure se fait sur consentement unanime et que nous ne faisons pas jurisprudence.

M. Blank: Le sous-ministre va répondre à la question? D'accord.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Marcoux: Ce sera fort simple dans l'application. Comme M. Marcoux l'a dit, à partir de 1984, toute notre vérification sera portée vers l'application et le respect de la nouvelle loi. On ne s'engagera pas dans un programme de vérification des années antérieures pour les employés au pourboire, sauf dans des cas exceptionnels pour lesquels on ne peut à l'avance déclarer un non-lieu, par exemple, si, on découvrait dans une vérification normale qu'un employé au pourboire a fraudé tout simplement le fisc. Alors, s'il y a eu des intentions de fraude, on ne peut absolument pas fermer les yeux. Mais si c'est, dans le cours normal des choses, ce que l'on considérait comme de la négligence flagrante auparavant, nous ne ferons pas de vérification.

M. Blank: D'après ce que vous me dites, rien n'a changé.

M. Marcoux: Non, non.

M. Blank: Laissez-moi finir. Nonobstant l'arrêté en conseil, si vous trouvez une fraude par un employé au pourboire en faisant les vérifications pour une autre affaire, vous le cotiserez.

M. Marcoux: C'est-à-dire que tout est changé dans le sens suivant, vous n'avez pas entendu le dernier bout de phrase du sous-ministre qui a indiqué ceci: Sauf dans les cas de fraude. Or, je me souviens m'être informé, lorsqu'on a discuté de cette question, au ministère et au Conseil des ministres. Dans les cotisations qui ont été faites depuis six ans, depuis 1979, même ceux qui n'ont pas révélé la totalité de leurs revenus de pourboires, ce n'était pas considéré comme des cas de fraude et ils n'ont pas eu la pénalité pour fraude. La notion de fraude au niveau du ministère du Revenu - c'est pour cela que je pense que c'est important que le sous-ministre l'indique - a une définition très précise. Pour les milliers de cotisations qu'on a émises depuis 1979, c'est-à-dire depuis quatre ans, il n'y a jamais eu de pénalité pour fraude. Le sous-ministre a dit que, de façon complète ou générale, le programme de vérification à partir de 1984 va porter sur l'application de la nouvelle formule et ne s'appliquera pas rétroactivement aux années antérieures.

M. Blank: Je suis d'accord, mais, si je prends la réponse du sous-ministre et la vôtre, je n'ai pas avancé d'un pouce.

M. Marcoux: Oui.

M. Blank: On ne parle pas de fraude. Cela veut dire que, si une personne... Une minute.

M. Marcoux: Si on ne parle pas de fraude, on ne revient pas en arrière.

M. Blank: Disons que vous faites une vérification au Château Frontenac.

M. Marcoux: Il n'y a pas eu de fraude jusqu'à maintenant. On ne considérait pas que c'était de la fraude.

M. Blank: Vous faites une vérification au Château Frontenac pour l'année 1983. Un "waiter" a fait une déclaration de 2000 $ de pourboires, mais à la vérification vous trouvez qu'il en a fait 20 000 $. Ce n'est pas en fraude, cela n'est pas rapporté. Est-ce que vous laissez de côté les 18 000 $ de pourboires? C'est cela que je veux savoir.

M. Marcoux: Oui, je veux dire que la seule exception que le sous-ministre fait - je pense que c'est important, en toute honnêteté, de le faire - c'est lorsque le ministère est appelé à constater qu'il y a une fraude. Or, je vous dis que, pour toutes les cotisations émises par le ministère du Revenu du Québec, sur des milliers de cas depuis cinq ans, nous n'avons jamais fixé la pénalité de fraude et nous n'avons pas appliqué de fraude.

M. Blank: C'est une autre affaire. Vous avez cotisé des gens pour des pourboires qu'ils n'ont pas déclarés. Je vous demande ceci: Si vous trouvez une personne, qui n'a pas déclaré de pourboires...

M. Marcoux: On ne cotisera pas. M. Blank: ...pour cette année-là? M. Marcoux: Non.

M. Blank: C'est ce que j'essaie de savoir.

M. Marcoux: D'accord.

M. Blank: La fraude, c'est toujours comme cela, même les quatre ans ne s'appliquent pas à la fraude. On peut aller cent ans en arrière.

M. Marcoux: C'est exactement cela. Je pense que ce que le député de Saint-Louis indique, c'est important qu'on le précise.

M. Blank: Oui, c'est très important, car je n'ai pas compris moi-même.

M. Marcoux: II précise de façon très importante la réponse. Si on considérait qu'il y avait eu fraude dans le cas des travailleurs au pourboire, on n'aurait pas cotisé pour quatre ans en arrière, mais pour cinq, sept, huit ou dix ans. Dans cet esprit, quand on dit qu'on tourne la page le 1er janvier 1984, vous venez exactement de dire dans quel sens on la tourne.

M. Blank: Sauf que c'est dommage, il y en a qui ont été pris et d'autres qui ne l'ont pas été.

M. Marcoux: M. le député de Saint-Louis, c'est justement ce qu'on veut régler le plus vite possible. Comme ministre du Revenu, la dernière chose que je veux, c'est que se perpétue le système actuel. Je trouve qu'il est indéfendable.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Bellechasse, vous aviez demandé la parole.

M. Lachance: Oui, M. le Président, et je vous remercie. Je vais peut-être sortir un peu du sujet - on va, évidemment, parler des pourboires - quitte à ce que les députés de l'Opposition y reviennent. Il y a quelques minutes, avant de commencer nos travaux, nous avons reçu un communiqué de presse qui a été remis à chacun des membres de cette commission. Ce communiqué de presse, comme y a fait référence le député de Saint-Louis, émane du Conseil du statut de la femme, avec la fleur de lis et l'en-tête du gouvernement du Québec. Je peux vous dire que j'ai été étonné, surpris et aussi déçu de voir apparaître ce communiqué de presse. Si ma mémoire est fidèle - je ne voudrais pas être injuste - j'ai participé l'automne dernier aux travaux, lors de la présentation de mémoires. À cette occasion, le Conseil du statut de la femme, pour des raisons que j'ignore, n'avait pas cru bon de se faire entendre ou de nous faire parvenir sa documentation. Cela m'étonne de voir apparaître cela au moment où le gouvernement a décidé de faire son lit en ce qui concerne les employés au pourboire.

Lorsqu'on n'est pas content de quelque chose, on s'attend à ce qu'on propose des solutions alternatives. À la page 2, je vois que ce qui est retenu par le Conseil du statut de la femme, c'est la formule du pourboire obligatoire. Or, après avoir énuméré les inconvénients de la formule mise de l'avant par le gouvernement, je trouve étonnant, encore une fois, qu'on n'ait pas fait allusion aux inconvénients manifestes qu'il y avait à retenir la formule du pourboire obligatoire. En particulier, il faut se rappeler les objectifs de la loi. On parlait d'équité fiscale, d'équité sociale et aussi -c'est très important pour l'économie du Québec - de protéger l'industrie touristique de façon adéquate au Québec.

M. le Président, je déplore la façon dont se comporte le Conseil du statut de la femme. Ce qui m'agace, je vous le dis franchement, c'est le fait de voir le gouvernement contre le gouvernement. Je pense qu'il y a quelqu'un quelque part, qui manque de maturité et il a des cloches qui devraient se faire sonner.

M. Marcoux: Pour faire suite aux propos du député...

M. Lachance: Je ne demande pas au ministre de répondre là-dessus, il répondra s'il le veut. Je constate et je ne trouve pas cela correct de la part d'un organisme comme le Conseil du statut de la femme envers lequel j'ai beaucoup de respect, soit dit en passant.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, M. le député de Bellechasse. M. le député de Papineau.

M. Assad: Est-ce que je peux vous poser une dernière question, M. le ministre? En ce moment, vous avez cotisé beaucoup de serveuses de restaurant; vous avez tous les dossiers en main. Je ne sais pas si vous en avez 10 000 ou 15 000 - cela n'a pas d'importance - mais vous avez plusieurs dossiers. En cas flagrant de fraude, ces gens-là, à partir de 1984, ne pourront pas bénéficier d'une amnistie; je parle des gens dont vous avez déjà les dossiers en main.

M. Marcoux: Ce n'est pas compliqué. À partir du 1er janvier 1984, il n'y aura pas de nouvelles cotisations émises. (17 h 45)

M. Assad: Pas de nouvelles cotisations, mais combien de cotisations avez-vous en ce moment sur votre bureau?

M. Marcoux: Je parle des cotisations émises, c'est-à-dire les cotisations que des travailleurs et travailleuses au pourboire ont reçues.

M. Assad: Qu'ils ont reçues ou qu'ils peuvent recevoir d'ici le 1er janvier 1984.

M. Marcoux: C'est bien sûr. Étant donné qu'il n'y a pas de réforme mise en oeuvre, comme ministre, je n'ai pas donné d'instructions pour arrêter la vérification des déclarations des travailleurs oeuvrant dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie.

M. Blank: C'est le meilleur argument pour adopter la loi.

M. Marcoux: On peut reprendre le débat depuis le début, M. le député de Saint-Louis.

M. Assad: À l'heure actuelle, vous en avez cotisé plusieurs. Est-ce que vous êtes en mesure de nous donner un chiffre? Combien ont été cotisés depuis les quatre ou cinq derniers mois?

M. Marcoux: On pourra le vérifier pour vous le dire parce qu'il n'y a rien de secret dans cela.

M. Assad: Est-ce que c'est assez élevé, le nombre de cotisations?

M. Marcoux: Je sais qu'au total, depuis 1979, c'est quelques milliers. Cela dépend, évidemment, des programmes de vérification dans ce secteur-là, mais c'est quelques milliers depuis 1979. Par rapport à 70 000 travailleurs au pourboire, ce n'est pas la majorité; c'est une minorité qui est pénalisée pour les trois ou quatre années antérieures. Ce n'est pas la majorité qui est pénalisée.

M. Assad: Est-ce qu'on pourrait avoir un chiffre?

M. Marcoux: Oui, il n'y a pas de problème de ce côté-là.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Viger, vous avez la parole.

M. Maciocia: Un éclaircissement de la part du ministre. On a parlé, tout à l'heure, de fraude ou de négligence. Quelle est la différence?

M. Marcoux: Une très grande différence.

M. Maciocia: Si j'ai gagné 10 000 $ en pourboires, c'est clair que, si je ne fais pas ma déclaration de 10 000 $, si je la fais de 5000 $ ou de 4000 $, cela est volontaire. Automatiquement, je n'ai pas déclaré 10 000 $. Ce n'est pas une fraude, d'après ce que vous venez de dire.

M. Marcoux: Simplement pour vous illustrer la différence, je peux vous dire que, depuis quatre ans, on n'a pas imposé de pénalité de fraude aux travailleurs au pourboire qui ne révélaient pas la totalité de leur revenu de pourboire. On les a cotisés sur la base des droits et des intérêts.

M. Maciocia: Je vous comprends très bien. C'est quoi, la différence? À un certain moment...

M. Marcoux: La différence au niveau juridique...

M. Maciocia: ...il faudrait savoir la différence.

M. Marcoux: ...c'est l'intention de frauder.

M. Maciocia: Quand je ne déclare pas mon pourboire, c'est dans l'intention de ne pas le déclarer.

M. Marcoux: Je vais vous donner un exemple précis dans le domaine de la restauration: un employeur qui aurait un double système de comptabilité.

M. Maciocia: Un employeur, mais pas un employé.

M. Marcoux: II y a une intention et cet employeur peut être poursuivi pour fraude. Peut-être que je pourrais demander au sous-ministre responsable de la législation de préciser.

M. Maciocia: J'aimerais cela, parce que c'est un peu confus, l'affaire de fraude et l'affaire de négligence.

M. Marcoux: On n'a pas tous l'avantage d'être des avocats en matière fiscale, mais il y a une chose qui n'est pas confuse pour nous, c'est que, depuis quatre ans qu'il y a des cotisations d'émises, il n'y a pas eu de pénalité pour fraude.

M. Maciocia: Est-ce qu'on pourrait avoir un éclaircissement de la part du sous-ministre?

M. Marcoux: Le seul éclaircissement que je pourrais donner, c'est que peut-être ce sont les circonstances qui vont faire que la non-déclaration ou la non-divulgation d'un montant reçu sera considérée comme une négligence ou une fraude. Or, les circonstances qui entourent l'affaire des pourboires font en sorte que le ministère n'a jamais considéré qu'il s'agissait de matière de fraude étant donné qu'il y avait d'abord une négligence certaine de la part des employés au pourboire à déclarer tous leurs revenus et que, également, il s'était créé une sorte de tradition dans le milieu. C'est propre aux employés au pourboire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Oui, M. le député de Viger.

M. Maciocia: Vous voulez dire par cela que, si la même chose arrive dans un autre domaine, cela pourrait être une...

M. Marcoux: Cela pourrait être considéré comme de la fraude, oui. C'est exact.

M. Maciocia: Est-ce que cela est juste?

M. Blank: Faire des ventes payées "cash" le samedi matin, ce n'est pas de la fraude?

Le Président (M. Blouin): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Oui, M. le Président. J'ai une question concernant ce problème de négligence ou de fraude. Tout devient une question de preuve. La raison pour laquelle vous n'avez pas émis des accusations de fraude tellement souvent, c'est que vous n'aviez pas de preuve. La meilleure preuve, vous pourrez l'obtenir maintenant; à partir du 1er janvier 1984, vous aurez la preuve en main. Je vous donne un exemple. Quelqu'un a déclaré pendant cinq, six ou sept ans un revenu de pourboire de 2000 $, 3000 $ et, soudainement, cela saute à 20 000 $ et, en 1985, encore 20 000 $; c'est la meilleure preuve, c'est une admission. Est-ce que vous allez donner une assurance à ces gens que vous ne vous servirez jamais de ce que vous allez découvrir? C'est bien beau de dire: La fraude, on n'y touche pas; la négligence, on n'y touche pas.

M. Marcoux: M. le député de Sainte-Anne, je suis heureux que vous veniez à notre commission, cela va me permettre de répéter des éléments qu'on a discutés, mais c'est tellement capital et important qu'il vaut mieux s'entendre sur ceci au point de départ. Comme on a dit qu'on voulait régler le problème pour l'avenir, il est important qu'on se convainque tous qu'on ne créera pas des problèmes pour le passé en légiférant de cette façon.

Ce que j'ai indiqué tantôt, c'est que la décision du Conseil des ministres était qu'à partir du 1er janvier 1984 on recommençait à neuf et qu'en ce sens un travailleur au pourboire qui va nous révéler 5000 $ de revenus de pourboire en 1984, même s'il nous a révélé seulement 500 $ de revenus de pourboire en 1983, ne recevra pas d'avis de cotisation pour les années antérieures, basée sur ses revenus de 1984. Tout le travail de la vérification, à partir du 1er janvier 1984, va porter sur l'application de la nouvelle formule et va commencer à partir de cette date; les efforts du ministère vont porter sur l'application de cette formule à partir du 1er janvier 1984.

Je pense qu'on a été suffisamment honnête des deux côtés durant tout le travail de la commission parlementaire l'an dernier pour essayer de trouver une solution pour l'avenir. Ce serait complètement absurde, alors que les travailleurs au pourboire payaient 4 000 000 $ ou 5 000 000 $ d'impôts par année et qu'avec la nouvelle formule ils vont en payer environ 40 000 000 $ au Québec, de dire: Vous payez 40 000 000 $, on va vous cotiser pour 160 000 000 $ pour les quatre années antérieures en plus. Ce n'est pas cela qu'on veut. Quand on dit qu'on veut régler le problème de l'équité fiscale et de l'équité sociale, on ne veut pas en créer un pire rétroactivement. Mais une chose existe, c'est qu'actuellement il y a une loi - qui est là depuis 15, 20 ou 30 ans, je ne sais pas - qui dit que les pourboires doivent être déclarés, mais, sauf une fois par année, cela ne fonctionne pas.

Alors, pour répondre à votre question précise, M. le député de Sainte-Anne, la décision du Conseil des ministres sera transmise à chaque travailleur au pourboire par écrit, sous la signature du sous-ministre du ministère, parce qu'on va leur remettre un registre quotidien de pourboires, l'employeur va être obligé de leur en remettre une copie. Ils pourront l'utiliser ou se servir d'un autre document écrit pour déclarer leurs revenus de pourboire. Dans ce document, sous la signature du sous-ministre, cet engagement sera formel - et on sait qu'un engagement de sous-ministre dans notre système juridique lie le ministère - à savoir qu'on ne se servira pas de ces informations pour revenir sur les années antérieures. Je veux que ce soit très clair pour tous les députés de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Oui, M. le député de Viger.

M. Maciocia: J'aimerais revenir, M. le Président, parce que je n'avais pas terminé. Si on revient sur le principe que vous avez énoncé tantôt, vous dites que c'est une espèce de tradition qui fait que les travailleurs au pourboire ne déclarent pas leurs pourboires et qu'automatiquement on les traite à l'amiable. On ne considère pas cela comme une fraude, mais comme une négligence en sachant que cela fait partie d'une tradition. Un autre travailleur prenons un agent immobilier, par exemple -qui a une commission de 5000 $ sur une maison qu'il a vendue et qui ne déclare pas ces 5000 $, cela pourrait être de la fraude, ou c'est de la fraude. Est-ce que cela n'est pas deux poids, deux mesures?

M. Marcoux: Non, parce que, dans la fraude, il y a deux éléments: le fait et l'intention. Pour juger de l'intention de l'individu, il faut se reporter aux circonstances. Or, en matière de pourboire, le gouvernement du Canada comme le gouvernement du Québec n'ont jamais lancé d'opération vérification. Quelques personnes, peut-être de bonne foi, ont pu croire que le fait d'en déclarer moins ne constituait pas une fraude eu égard aux circonstances, alors que, dans d'autres domaines, tout le monde

sait qu'il faut déclarer tous ses revenus. Si vous touchez une commission, il faut la déclarer. Jamais il n'y a eu de tolérance de la part des ministères du Revenu, tant à Ottawa qu'à Québec. C'est une question de circonstances particulières au pourboire dans le cas présent pour juger de l'intention de frauder.

M. Blank: Disons que les travailleurs au pourboire seraient satisfaits s'ils n'étaient pas cotisés dans l'avenir pour le passé par le Québec. Est-ce qu'il y a eu des pourparlers, à ce jour, avec le fédéral selon lesquels ils feraient la même chose pour les gens du Québec?

M. Marcoux: II y a eu des pourparlers avec Revenu Canada dans ce sens et je peux vous dire que j'ai la même confiance à ce niveau. Ce sont des pourparlers au niveau des sous-ministres. J'ai eu l'occasion de discuter au téléphone avec le ministre du Revenu national, une fois, au sujet de l'ensemble de la formule. Nous devions nous rencontrer il y a dix jours. Normalement, la prochaine rencontre devrait avoir lieu la semaine prochaine. En toute logique, la réaction - je parle des hauts fonctionnaires, du sous-ministre en titre du ministère - va dans le sens de respecter la décision du Conseil des ministres de ne pas revenir en arrière.

M. Blank: Disons que le fédéral voudrait faire la même chose pour le Québec. Voyant qu'il n'existe pas de telle loi partout au Canada, est-ce qu'il va accorder l'amnistie à tous les travailleurs au pourboire au Canada? Pourquoi ferait-il cela pour le Québec et pas pour les autres?

M. Marcoux: Non. Tout ce que nous demandons au gouvernement fédéral, c'est d'appliquer au Québec l'esprit et la lettre de la Loi concernant les travailleurs au pourboire. En somme, il s'agit de s'harmoniser. Je pense que c'est le mot juste qui décrit notre intention. Combien de fois le gouvernement du Québec harmonise ses lois fiscales avec celles du gouvernement fédéral? Là, on demande que l'harmonisation de cette politique soit dans le sens inverse. Or, comme Revenu Canada a commencé à cotiser les travailleurs au pourboire au Québec d'abord, il serait tout à fait normal qu'il respecte l'application de cette formule au Québec en priorité.

M. Blank: Mais s'il respecte cela au Québec, ne pensez-vous pas que les autres employeurs au pourboire dans le reste du Canada vont faire la même demande? Ils vont dire: Ne nous touchez pas parce que vous ne touchez pas les gens du Québec. Alors, pourquoi nous touchez-vous en

Colombie britannique ou en Alberta, etc? Je serais très surpris que le gouvernement fédéral fasse ce que vous avez suggéré de faire ici, parce que, pour lui, cela implique beaucoup d'argent et politiquement il ne peut pas donner de cadeaux à des Québécois et ne pas donner les mêmes cadeaux aux neuf autres provinces.

M. Marcoux: Ce ne serait pas un cadeau.

M. Blank: Oui, c'est un cadeau.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saint-Louis.

M. Marcoux: Pour le gouvernement fédéral, c'est un revenu, si ma mémoire est bonne, d'environ 60 000 000 $ supplémentaires, l'application de cette réforme.

M. Blank: Je ne parle pas de cela, je parle des quatre années passées pour lesquelles vous ne toucherez pas certaines gens. Le gouvernement fédéral ne touchera-t-il pas ces gens-là?

M. Marcoux: Je suis heureux de vous entendre dire que c'est un cadeau. Je ne pensais pas que vous le présentiez comme cela.

M. Blank: Oui, oui, c'est un cadeau qu'on donne à certains groupes de Québécois et qu'on ne donne pas aux autres. Mais vous pensez que le gouvernement fédéral va donner ce cadeau au Québec et pas aux autres? S'il le donne aux autres, il sera dans le trou.

Il est 18 heures, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Je tiens à préciser aux membres de la commission que, selon les avis qui ont été donnés à la Chambre par le leader du gouvernement, si nos travaux ne sont pas terminés ce soir à 22 heures, nous poursuivrons demain de 10 heures à 13 heures. Sur ce, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise de la séance à 20 h 15)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du revenu se réunit aux fins d'étudier article par article le projet de loi 43, Loi concernant les travailleurs au pourboire. Avant de commencer nos travaux, je voudrais...

M. Blank: Je veux changer un nom. M. Pagé, intervenant, remplacé par M.

Rocheleau (Hull).

Le Président (M. Gagnon): Ce serait bon de demander la parole d'abord parce que j'étais précisément en train de vous suggérer un changement qui m'avait été demandé.

M. Blank: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata) à la place de M. Boucher (Rivière-du-Loup). Vous acceptez...

M. Blank: Oui.

Le Président (M. Gagnon): ...et vous dites M. Pagé.

M. Blank: M. Pagé, en bas, je pense, comme intervenant.

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Blank: Remplacé par M. Rocheleau (Hull).

Le Président (M. Gagnon): Remplacé par M. Rocheleau (Hull). Cela va?

M. Blank: Avant la...

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Avant la suspension, on a parlé en général. Je ne sais pas s'il y en a d'autres qui ont des questions particulières à poser au ministre, ou avez-vous d'autres nouvelles à nous donner avant... Avez-vous eu des changements de pensée sur la question de savoir si on fait des audiences publiques?

M. Marcoux: Je pense que...

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Marcoux: Je ne sais pas si cela va répondre à votre question, mais c'est sûr que, si on étudie la loi article par article, c'est évident que c'est dans l'intention d'y apporter des amendements, soit sur votre proposition ou sur la nôtre, s'il y a lieu. Je pense qu'on peut faire un travail utile en procédant immédiatement à l'étude article par article sur la base des projets d'amendement que vous pouvez avoir comme de ceux que nous pouvons avoir de notre côté, pour essayer d'aboutir à avoir la meilleure loi possible immédiatement.

Motion proposant de convoquer

le syndicat des employés d'hôtels

et de restaurants

M. Blank: De ce côté-ci, on est d'opinion qu'on n'est pas tellement renseigné sur cette loi. On était renseigné sur le principe, d'accord. Je suis d'accord avec cela. Mais on a des revendications sur les deux côtés de la médaille, comme je l'ai déjà dit, depuis le dépôt de la loi. Cela monte en flèche. Vous voyez qu'il y a une assemblée ce soir; il y a d'autres assemblées et des marches prévues. Je pense qu'on doit au moins entendre ces gens. Si le ministre ne veut pas accepter cela amicalement, je vais faire une motion préliminaire. "Que cette commission invite les représentants de l'Union internationale des employés d'hôtels, restaurants et commis de bars, local 31, à se faire entendre mercredi le 30 novembre 1983 à 10 heures devant cette commission, afin de renseigner les membres et intervenants de cette commission."

Je vous en donne des copies. C'est votre droit de changer les dates parce qu'on a pensé qu'on...

M. Marcoux: Voulez-vous la relire?

M. Blank: "Que cette commission invite les représentants de l'Union internationale des employés d'hôtels, restaurants et commis de bar, local 31 - qui est à Québec - à se faire entendre le mercredi 30 novembre 1983 à 10 heures devant cette commission, afin de renseigner les membres et intervenants de cette commission." C'est suivant l'article... Je dois faire des changements...

Le Président (M. Gagnon): Pouvez-vous me donner copie de votre motion?

M. Blank: Oui.

M. Marcoux: Je voudrais entendre le député de Saint-Louis pour...

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, avant qu'on ne commence à parler de la motion, cet après-midi - nous en sommes encore aux préliminaires - le ministre a parlé de la fameuse lettre qui va être envoyée à chaque travailleur au pourboire et portant la signature du sous-ministre. Je n'ai pas encore reçu pleine satisfaction. En fait, entre 18 heures et 20 heures, j'ai parlé avec des gens à Montréal qui attendaient la réponse et qui m'ont dit: Écoute, on n'a pas confiance dans une telle lettre. Est-ce qu'on ne peut pas inscrire cela dans la loi même que toute réclamation antérieure est prescrite ou quelque chose comme cela? On recevra peut-être une lettre signée par le sous-ministre et, trois semaines plus tard, il y aura peut-être un autre ministre - parce que vous avez des démissions de temps à autre - qui sera plus dur que vous, qui changera la politique

et une autre lettre suivra qui révoquera cela. Les gens ont très peur.

Dans mon comté de Sainte-Anne, les gens veulent que, s'il est vrai que vous ne voulez rien faire, vous inscriviez cela dans le texte même de la loi, parce qu'ils n'ont pas vraiment confiance en la lettre. Il y a peut-être une opinion juridique qui dit qu'une lettre suffit, mais j'ai beaucoup moins confiance en une lettre qu'en un texte de loi.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Marcoux: J'ai indiqué cet après-midi que cet engagement serait pris à la suite de la décision du Conseil des ministres, que le sous-ministre en informerait les travailleurs au pourboire, dans le cadre du registre quotidien des pourboires que l'employeur devra remettre à chaque travailleur au pourboire, et qu'un engagement du sous-ministre - c'est écrit dans la Loi sur le ministère du Revenu comme dans d'autres lois - lie le ministère. Ce n'est pas une lettre d'intention, c'est une lettre qui lie l'action du ministère.

M. Polak: Vous dites que vous aller envoyer une lettre, mais quelles garanties avons-nous que vous allez envoyer une telle lettre? Qu'est-ce qui arrive si, dans une semaine, ou deux semaines ou trois semaines...

M. Marcoux: M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: ...vous décidez de ne pas envoyer la lettre?

Le Président (M. Gagnon): Un à la fois, s'il vous plaît!

M. Marcoux: M. le député de Sainte-Anne, je dis que la loi obligeait l'employeur à remettre gratuitement à chacun des employés au pourboire de son institution un registre quotidien des pourboires...

M. Polak: Le carnet.

M. Marcoux: ...qui lui est fourni par le ministère du Revenu. Alors, la loi oblige à remettre ce registre quotidien. Et dans ce registre quotidien, sous la signature du sous-ministre, ce qui lie le ministère, le sous-ministre indique que, conformément à la décision du Conseil des ministres, les informations, les données, tout le débat qu'on a eu cet après-midi concernant les impôts qui seraient payés à partir de 1984 par ces travailleurs au pourboire ne pourraient servir ni de preuve ni d'information pour faire des cotisations pour les années antérieures.

M. Polak: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre va continuer sa réponse et je vous donnerai la parole après.

M. Marcoux: La réponse ne peut pas être plus longue. Je dis que ce n'est pas simplement une lettre d'intention, c'est une décision du Conseil des ministres, dont le sous-ministre va informer de façon officielle, non pas officieuse, chacun des travailleurs, des travailleuses au pourboire et qui lie le ministère, puisque tout le monde sait que, selon la loi, le sous-chef lie le ministère.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, le point concernant le carnet qu'on envoie, la loi en parle. Je ne veux pas parler de l'article en question parce qu'on n'est même pas encore rendu à l'article 1. Ce que je voulais dire, c'est un engagement. C'est que vous disiez, comme gentilhomme: Je suis prêt à dire telle et telle chose, et même vous avez parlé au nom du Conseil des ministres, parce que cela est lié à la politique. Disons que je ne crois pas cela.

Il y a des gens dans mon comté qui disent: Ce n'est pas vrai, on ne croit plus en eux. On ne croit plus en leurs paroles, on veut voir cela inscrit dans la loi. Le mot "carnet" est inscrit, mais le mot "lettre", le sous-ministre, ce n'est pas inscrit. Quelle garantie existe-t-il, sauf votre parole, mais vous allez nier cela peut-être dans deux ou trois semaines? Il y a des gens qui ont dit: M. Marcoux va démissionner parce qu'il "shake". On ne sait pas.

Il y a des gens qui disent: Peut-être qu'il ne sera plus là, on n'a aucune garantie. Au moins, qu'on inscrive cela dans le texte de la loi. Si vous n'avez pas l'intention de vous prévaloir de cela, insérez donc un article qui va dire: Tout recours est prescrit. Cela est clair, on sait de quoi on parle. On parle d'un article avec un numéro. C'est un énoncé de principe, qu'on ne retrouve nulle part dans le texte de la loi.

M. le Président, nous en sommes encore aux remarques préliminaires. Je ne voudrais prendre le temps du député de Saint-Louis.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Hull, vous m'avez demandé la parole. Est-ce que vous avez...

M. Blank: Sur le même sujet! M. Rocheleau: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Sur le même sujet.

M. Rocheleau: C'est le même sujet, M. le Président et je comprends le pourquoi de la question du député de Sainte-Anne. C'est que, actuellement, au Québec, la population a perdu confiance dans ce gouvernement. Je m'explique: C'est que, depuis un an et demi, deux ans, le ministère du Revenu tente de récupérer des centaines de millions de dollars auprès de travailleurs et de travailleuses et retourne en arrière pour des périodes de dix ou douze ans, et même, pour des périodes beaucoup plus anciennes.

D'un autre côté, on vient nous dire qu'on va donner l'absolution à tout le monde dans la restauration, à ceux qui n'auront pas fait de déclaration d'impôt antérieurement à l'adoption de la loi. Il est bien évident que, d'un côté, on ne peut pas continuer à intenter des poursuites contre l'ensemble des travailleurs et des travailleuses du Québec qui, pour une raison ou pour une autre, au cours des dix ou quinze dernières années, auraient omis volontairement ou involontairement de payer, n'auraient pas reçu d'avis de cotisation et n'auraient pas payé par le fait même les impôts réclamés que le ministère du Revenu aujourd'hui tente de récupérer avec des taux d'intérêt totalement inacceptables, qui tiennent compte de la crise économique et de l'inflation qu'on a vécues et des taux d'intérêt qui se sont élevés jusqu'à 18% sur les impôts non perçus. Cela a touché des veufs, des veuves, des personnes qui sont aujourd'hui dans des hôpitaux, des personnes âgées. Il y a une personne de 85 ans qui m'a téléphoné la semaine dernière, à qui on réclame des impôts pour les quatre années précécentes. Voyons donc! Cela fait 20 ans qu'elle n'est plus sur le marché du travail. La machine du gouvernement est complètement déboussolée. Là, on dit qu'une lettre du sous-ministre va rétablir la confiance chez les travailleurs au pourboire dans la restauration.

M. le Président, premièrement, je n'accepte pas cette formule parce que, nous de l'Opposition, avions demandé l'an passé, précisément concernant les impôts et les avis de cotisation qui dépassaient cinq ans et pour lesquels il n'y avait pas eu de fraude, pour lesquels il n'y avait pas eu de mauvaise volonté de la part de l'employé ou de la part de la personne cotisée, d'éliminer ces montants parce que c'était une mauvaise gestion du gouvernement que de ne pas avoir récupéré en bonne et due forme et en temps opportun les montants que ces personnes devaient. Le ministre du Revenu n'a jamais accepté de faire cette recommandation ou cette proposition.

À la suite du dernier message inaugural, on nous offre de créer une espèce de système d'arbitrage où la personne pourrait faire opposition ou se défendre. Aujourd'hui, M. le Président, l'individu qui est cotisé par le ministère du Revenu ne peut pas se défendre, c'est impossible. S'il se défend, cela lui coûte plus cher en frais d'avocat ou de comptable pour faire les recherches. Cela fait qu'il paie et se la ferme. S'il ne paie pas, il se fait saisir son compte de banque, s'il en a un, à la banque ou à la caisse. S'il n'a pas d'argent à la banque ou à la caisse et qu'il possède une propriété, il se fait flanquer une hypothèque sur cette propriété. Et qu'on me dise le contraire aujourd'hui! Et le même ministre, qui est dans une autre chaise, va dire aux travailleurs de la restauration: Bien, à compter de l'adoption de la loi, on vous donne l'absolution pour tous les revenus que vous avez gagnés antérieurement à aujourd'hui et on n'en tient plus compte.

Voyons, M. le Président! Je comprends très bien les gens du Québec dont à peine 19% appuient encore ce gouvernement, mais les 81% qui n'appuient plus ce gouvernement n'y croient plus. Ils n'ont plus confiance dans le gouvernement. On voudrait, par une lettre signée par un sous-ministre, que cela tienne d'engagement, quand on a vu, dans mon comté, des lettres de sous-ministres et même des lettres de ministres qui engageaient le gouvernement dans une participation financière à une usine de filtration dans le comté de mon collègue de Papineau qui n'ont jamais été reconnues après 1976 par ce gouvernement? Et vous demandez à la population d'avoir confiance? Non, non, c'est fini cela, M. le Président. C'est la pertinence du sujet. C'est exactement cela. Il n'y a pas d'autre pertinence plus réelle que celle-là. Et tout ce projet de loi 43 n'a qu'un but. Il n'y a personnne qui est contre la vertu, tout le monde doit payer des impôts, c'est vrai. Personne n'est contre cela. Mais ce projet de loi n'a qu'un but: récupérer 40 000 000 $ dans les poches du petit travailleur et de la petite travailleuse qui, de peine et de misère, se font un salaire convenable. Bien souvent, ces gens-là pourraient souhaiter recevoir de l'aide sociale plutôt que de travailler de minuit à 8 heures le matin ou de 4 heures à minuit le soir et d'avoir parfois les insultes de clients qui ne sont pas toujours dans des conditions acceptables. (20 h 30)

Et je parle par expérience, M. le Président, parce que j'exploite un commerce dans la restauration. Chez nous, dans ma région, dans l'Outaouais, on commence à avoir des démissions d'employés qui s'en vont travailler au Canada parce qu'au Canada, de l'autre bord du pont, on n'a pas de régime semblable. On n'a pas de gestapo semblable et l'employeur n'a pas l'obligation d'aller voir dans la poche de son employé pour savoir ce qu'il a gagné. On n'en a pas encore au Canada, de l'autre côté de la rivière, de ces choses-là, M. le Président, mais on s'en vient avec des régimes

semblables au Québec; c'est à cela qu'on en vient. Lorsqu'on arrivera à l'étude article par article, il y aura de nombreuses questions à poser parce que ni l'employeur, ni l'employé... On sait, M. le ministre, que, dans le domaine de la restauration, 75% de ces travailleurs et travailleuses de la restauration ne sont pas du tout politisés. Ils ne veulent rien savoir des grandes nouvelles ni des grands titres. Ce qui les concerne, c'est leur petit train de vie. Ils vont travailler chaque jour et vont chercher leur petit gagne-pain pour nourrir leur petite famille, s'ils en ont une, et ils ne veulent rien savoir d'autre.

Et voilà qu'ils se font maintenant "débouler" un projet de loi sur la table de façon radicale et rapide, alors que de nombreuses personnes dans la restauration, chez les employeurs et chez les employés, demandent au gouvernement des explications additionnelles pour savoir ce qui va leur tomber sur la tête. On ne semble pas accepter d'entendre de nouveau des organismes, des associations, des restaurateurs et des propriétaires. Il y en a une douzaine de milliers au Québec, c'est une industrie importante.

C'est le service qui a donné au Québec un cachet hospitalier tout à fait particulier. On veut tuer le service dans la restauration au Québec. On veut tuer la qualité du service en imposant un impôt sur quelque chose qui est donné comme appréciation de service. C'est cela, en fait. On veut aller chercher 40 000 000 $ et on donne quoi pour les 40 000 000 $? On ne lui garantit même pas, M. le Président, qu'ils auront droit à l'assurance-chômage sur le montant total de leurs revenus déclarés. On ne garantit même pas cela, parce que c'est un autre palier du gouvernement qui a à prendre la décision. On vient discuter là-dessus, M. le Président, on vient amorcer cela et nous dire que tout va être beau et bon quand on enlève, d'un seul coup, 40 000 000 $ de la poche du petit travailleur, pour lui donner quoi en échange? Lui donner la sécurité de vieillesse à l'âge de 65 ans, avec le régime de rentes du Québec? Lui donner l'assurance-chômage dont il ne veut pas parce que l'employé de restaurant n'est pas en chômage? Il travaille et veut continuer à travailler.

C'est cela, M. le Président, qu'on tente de faire. Le ministre va venir nous dire que son sous-ministre va envoyer une lettre à tous les employés de la restauration comme il l'a fait, dernièrement, à tous les employés du taxi, M. le Président, pour leur dire comment beau, fin et gentil est ce gouvernement envers la population du Québec? Jamais, M. le Président.

J'ai hâte qu'on s'y attaque, si on vient à bout de s'attaquer à cela tranquillement. J'espère qu'on fera venir des gens qui s'y connaissent dans ce milieu-là. Je n'en ai pas trop parlé jusqu'à présent. Je me suis assis, j'ai attendu et entendu. J'ai regardé cela et je suis cela. Je parle à ces gens-là tous les jours. Ces gens-là sont en furie. Personnellement, M. le Président, je peux vous dire que, si le gouvernement adopte des lois stupides comme cela à tour de bras, il va encore faire décroître sa popularité. On peut en souhaiter, nous de l'Opposition, des projets de loi comme celui-là. Cela fait haïr un gouvernement. Nous, notre rôle, c'est de vous faire haïr, le gouvernement. C'est bien évident.

Ne nous donnez plus de munitions, M. le Président, on en a assez! On a trop de munitions, arrêtez cela pour un bout de temps! Laissez les gens, au Québec, souffler un peu. On vient de traverser une crise économique très importante, très importante. On a appris la semaine dernière qu'on en était rendu à subventionner des brasseries pour créer des emplois, dans le comté de Saguenay. C'est un genre de relance, est-ce qu'on veut la détruire, cette entreprise, par des lois comme le projet de loi 43 qui est présenté ce soir?

Je termine là-dessus, et je vais y revenir tantôt; j'espère qu'on pourra entendre toutes les personnes, pas simplement les syndicats. Parce que la syndicalisation dans la restauration, au Québec, c'est quand même très minime, cela ne représente peut-être pas 20% du total des employés masculins et féminins dans la restauration. Il y a tous les autres, M. le Président, qui aimeraient être entendus aussi, avec des formules plus ou moins différentes les unes des autres.

Il y a un paquet de questions qui se posent parce que les établissements de restauration ne sont pas tous pareils, ne servent pas tous de la haute cuisine française avec le drapeau, la serviette et tout le "kit". Il y a toutes sortes de restauration, il y a tous les genres de restauration au Québec. Il y a des casse-croûte, il y a des "bineries", il y a des places où tu vas te servir toi-même et tu ne paies pas de pourboire à qui que ce soit, il y a des brasseries. Il y en a combien d'autres!

Alors, là-dessus, M. le Président, je vais revenir tantôt, mais j'ose souhaiter qu'en attendant le ministre commencera à penser un peu et qu'il arrêtera de se faire diriger par ses fonctionnaires.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Johnson.

M. Blank: Ce n'est pas moi, là?

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Johnson et, après, ce sera vous.

M. Blank: D'accord, d'accord.

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Je ne prendrai pas 20 minutes pour dire ce que j'ai à dire; je vais dire simplement ceci au député de Hull. Quand on l'a rappelé, tout à l'heure, à la pertinence du débat, il a mentionné qu'il y avait une femme de 85 ans qui avait été cotisée. Si c'est cela, la pertinence du débat, je ne pense pas que votre dame de 85 ans vivait de revenus de pourboire, était une employée au pourboire. Je ne pense pas qu'à 85 ans, c'était cela, premièrement.

Deuxièmement, quand vous dites qu'ils n'avaient pas été cotisés dans tout le Canada, je vous dirais, M. le député, que c'est à partir des avis de cotisation du fédéral que nous, ici au Québec, nous avons décidé d'essayer de prendre la part de nos gens et de trouver un moyen pour qu'ils ne soient pas organisés comme ils l'ont été par le gouvernement fédéral. On a essayé de trouver avec eux un moyen, en discutant avec eux en commission parlementaire, de fabriquer un livre vert. On a étudié avec eux la question. Je vous fais remarquer que c'était en premier lieu des avis de cotisation du fédéral. Ne venez pas nous dire ici en commission parlementaire que tout va bien ailleurs au Canada. Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. M. le député de Mont-Royal.

M. Blank: De Saint-Louis.

Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi. M. le député de Saint-Louis, effectivement.

M. Blank: Je vais commencer par les derniers mots de Mme la députée de Johnson qui disait que cette affaire commençait par les avis de cotisation de Revenu Canada. D'accord, mais je ne veux pas que cela finisse avec les cotisations de Revenu Canada.

On a cette fameuse lettre faisant état de l'assurance que Québec ne cotise pas ces gens - je reviendrai à cette fameuse lettre dans un moment - mais quelle assurance a-ton que Revenu Canada ne fera pas de cotisations? Le ministre a fait savoir avant l'ajournement qu'il a l'information que le fédéral ne fera pas cela au Québec. J'en doute parce que, comme politiciens - les fédéraux sont des politiciens aussi - ils ne donneront pas un cadeau seulement au Québec pour se mettre à dos les neuf autres provinces et les deux territoires où ils appliqueront la loi, qu'ils n'appliqueront pas au Québec. Je trouve cela très curieux. Si cela a la même valeur que cette fameuse lettre, cela ne vaut pas grand-chose.

Sur la question de la lettre, M. le ministre, je vais vous citer un cas dans lequel j'ai été impliqué. Il y a un jugement de la Cour suprême, dans le cas de Lignos contre le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, qui traitait d'un problème semblable. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, dans ses bureaux au Canada, quand une personne a terminé son séjour de visiteur, doit avoir un autre rendez-vous et que la date d'expiration est, disons, aujourd'hui, il ne peut le voir aujourd'hui et lui donne un rendez-vous pour la semaine prochaine. Remarquez que ce serait un renouvellement tacite de son visa. C'est le bureau du ministre de l'Immigration qui a fait cela. Cette cause de Lignos que j'avais plaidée était basée complètement sur une autre affaire. Mais cette personne était au Canada durant cette période de renouvellement tacite par le bureau de l'immigration. La Cour suprême a saisi ce point et a rejeté le cas en disant que le ministre de l'Emploi et de l'Immigration ne peut changer la loi lui-même. La loi dit qu'on ne peut faire de renouvellement de visa de cette manière. Cela doit être fait en complétant une formule et, nonobstant le fait que le ministre a accordé ce renouvellement tacite, c'est illégal et cela ne vaut pas un sou. Si le ministre veut procéder de cette façon, il doit changer la loi. Cela veut dire que la même chose s'applique à cette fameuse lettre.

N'importe quel temps, il y a une cour qui peut dire que le ministre n'avait pas le droit de faire cela, et le ministre, s'il veut à un moment donné se cacher derrière la loi, va aller en cour. C'est dommage, mais la lettre n'est pas légale et la cour va lui donner tort.

Je suis d'accord avec le député de Sainte-Anne pour dire que, si c'est cela qu'on veut faire, on le mette dans la loi pour être protégé du côté québécois. Je suis certain qu'on ne sera pas protégé du côté canadien parce que les autres ne donneront pas cela. S'il donne cela au Québec, il doit le donner à tout le Canada et les montants d'argent en jeu sont un peu trop élevés pour faire des cadeaux comme cela.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Viger.

M. Maciocia: Une question pour le ministre quand il répondra tout à l'heure. Vous avez dit que vous ne revenez pas.. J'aimerais que le ministre... Vous avez dit tantôt qu'il est clair que vous ne reviendrez pas contre les gens antérieurement au 1er janvier 1984. Admettons que le gouvernement fédéral ne suive pas ce que vous voulez faire avec ce projet de loi et qu'il fasse des vérifications et des cotisations pour les années 1981, 1982, 1983 et qu'il cotise ces travailleurs au pourboire à 12% ou à 13%. Tout le monde sait qu'entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, on fait le transfert des dossiers, qu'arrivera-t-il

à ce moment-là? Si le gouvernement fédéral impose 12% à l'employé au pourboire, est-ce que, à cause de cette loi, le gouvernement du Québec lui imposera 8% ou s'il percevra lui aussi 12% de ces employés au pourboire?

M. Marcoux: Voulez-vous répéter votre dernière phrase?

M. Maciocia: Admettons que la loi sur les 8% est adoptée; on vous croit, on prend votre parole qu'à partir du 1er janvier 1984, vous ne retournerez pas en arrière pour imposer les employés au pourboire qui n'auront pas été cotisés avant cette date. Admettons que le gouvernement fédéral ne suive pas votre loi - parce qu'il peut très bien la refuser - fasse des vérifications auprès des employés au pourboire et que, pour les années 1981, 1982, 1983, il impose certains employés au pourboire à 12%, 13% ou 14%. Ensuite, il vous envoie le dossier -parce que, apparemment, entre le ministère du Revenu fédéral et le ministère du Revenu provincial il y a des transferts de dossiers -et il a cotisé à 14% ou à 13%. Qu'allez-vous faire? Appliquerez-vous le même montant que Revenu Canada ou si vous appliquerez votre loi sur les 8%?

M. Marcoux: M. le député de Saint-Louis a invoqué des décisions des tribunaux. J'aimerais que le sous-ministre adjoint à la législation explique, à partir d'exemples qui se sont passés au Québec, les décisions de la Cour d'appel relatives à l'engagement du sous-ministre qui lie le ministère.

M. Blank: Avant qu'il nous cite la Cour d'appel, c'est dommage, mais cela c'est la Cour suprême.

M. Marcoux: Mais c'est une cause différente.

M. Blank: Mais, pour moi, il s'agit du même principe.

M. Marcoux: Évidemment, le député de Saint-Louis prend un exemple qui est bien différent du nôtre parce qu'il prend un exemple qui imposait un acte administratif positif, celui de renouveler un permis de séjour. Il- y a dans la loi des conditions que le ministre n'avait pas suivies. Il ne s'agit pas de cela. Le ministre du Revenu, et son sous-ministre qui partage les mêmes pouvoirs, a le pouvoir de cotiser et même de ne pas cotiser par abstention, cela va de soi, parce qu'il n'est pas obligé de cotiser tout ce qui est cotisable. Il fait des choix. Si le ministre ou le sous-ministre s'engage à ne pas cotiser dans telles circonstances, un tribunal ne peut pas lui ordonner de cotiser. C'est lui qui, à sa discrétion ministérielle, décide de cotiser ou de ne pas cotiser.

Or si, au surplus, le sous-ministre s'engage à ne pas cotiser, il y a des précédents judiciaires au Québec et nous devons respecter les écrits du ministre et du sous-ministre, ou d'un fonctionnaire autorisé, par règlement, à signer de tels écrits. La cause de Cibâ-Geigy, un jugement de la Cour d'appel, et d'autres causes également confirment que le ministère du Revenu doit respecter les écrits de son ministre, de son sous-ministre ou d'un fonctionnaire autorisé par règlement.

M. Blank: Est-ce que tout le ministère sera lié par cela, même si le sous-ministre est parti depuis 20 ans?

M. Marcoux: Oui.

M. Blank: Je ne pense pas.

M. Marcoux: Oui.

M. Blank: Je ne pense pas que le... Parce que...

M. Marcoux: Je vais vous donner l'exemple...

M. Blank: ...le ministre a le droit... (20 h 45)

Le Président (M. Gagnon): Ne parlez pas tous les deux en même temps.

M. Blank: ...de diriger son ministère comme il veut. Ce ministre donne sa parole, d'accord. Mais demain, ce sera le député de Bellechasse qui est là qui changera d'idée.

M. Marcoux: Un exemple précis: la cause de Ciba-Geigy.

M. Blank: Oui.

M. Marcoux: II s'agissait d'une lettre écrite en 1960...

M. Blank: Oui.

M. Marcoux: ...par un haut fonctionnaire du ministère du Revenu qui n'était pas sous-ministre. Le procès a eu lieu en 1974, quatorze ans après, et la Cour d'appel a forcé le ministère à respecter la lettre...

M. Blank: Oui.

M. Marcoux: ...et à annuler les cotisations afférentes.

M. Blank: D'accord. Disons que c'est peut-être vrai quand on écrit les lettres une à une. Cela lie le ministre avec chacun des travailleurs au pourboire qui reçoit cette lettre. Mais, pour le travailleur qui n'a pas

reçu cette lettre, qu'arrive-t-il?

M. Marcoux: Évidemment, il n'a pas reçu la lettre.

M. Blank: Oui, c'est cela. Mais, l'année prochaine, ce ne seront pas les mêmes personnes qui travailleront dans ce domaine que cette année.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Marcoux: II y a une réponse à cette question: la loi indique qu'il va la recevoir puisque la loi prévoit que le ministère du Revenu doit remettre à tous les employeurs un registre quotidien des pourboires qu'ils sont obligés de remettre à l'employé. À ce moment-là, chaque employé a reçu ou est préjugé avoir reçu la lettre et le ministère agit comme si tous les employés l'avaient eue puisque c'est lui qui a décidé de cette attitude.

M. Blank: Mais, si cela est vrai, si plus fort ne casse pas, pourquoi ne le met-on pas dans la loi?

M. Marcoux: Parce que ce n'est pas nécessaire.

M. Blank: Si ce n'est pas nécessaire, pourquoi ne pas donner un peu de réconfort à ces gens-là?

M. Marcoux: Si je comprends bien, vous êtes prêts à passer à l'étude article par article. Nous, nous sommes prêts. M. le Président, je proposerais d'appeler l'article 1 et de...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blank: Vous pouvez être certain que je proposerai un amendement semblable.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, M. le député de Laurier m'avait demandé la parole.

M. Maciocia: Non, mais vous n'avez pas répondu à ma question de toute façon.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Viger.

M. Maciocia: Ni vous, ni le sous-ministre. C'est pour cela que je l'ai répétée deux fois. Je vous ai dit que vous ne m'écoutiez pas. Vous m'avez dit: Continuez.

M. Marcoux: Vous parlez pour le passé ou pour l'avenir?

M. Maciocia: Disons que le projet de loi est accepté demain matin et que Revenu Canada qui ne participe pas à votre programme - il peut bien décider de ne pas participer - arrive, fait des vérifications auprès des travailleurs au pourboire pour les années 1980, 1981, 1982 et 1983 et qu'il cotise un certain nombre d'employés au pourboire à 13% ou 14%; automatiquement -vous le savez très bien - Revenu Canada transfère son dossier à Québec. Qu'est-ce que vous allez faire à ce moment-là? Est-ce que vous allez cotiser le même employé pour le même pourcentage de 13% ou 14%...

M. Marcoux: On a répondu à cette question-là.

M. Maciocia: ...ou est-ce que vous allez appliquer les 8%?

M. Marcoux: J'ai répondu à cette question. J'ai dit qu'on n'émettrait plus de nouvelles cotisations pour les années antérieures. Cela répond à la question que vous soulevez.

M. Maciocia: Cela veut dire que, même si le dossier vous est référé, vous ne cotiserez pas?

M. Marcoux: C'est la conséquence même.

Le Président (M. Gagnon): Alors, nous en sommes maintenant rendus à l'article 1. Non? M. le député de Laurier? M. le député de Laurier, vous avez la parole.

M. Sirros: Je suis un peu dans la même situation que mon collègue de Hull, dans le sens que j'ai beaucoup écouté les débats autour du projet de loi et énormément de représentations m'ont été faites à Montréal, entre autres, par beaucoup de personnes travaillant dans la restauration. Et j'ai essayé de comprendre, en tenant compte aussi de ce que le ministre a dit, surtout au début de cette commission, par rapport aux objectifs visés par le projet de loi qui étaient l'équité sociale, l'équité fiscale et de ne pas imposer des charges trop lourdes à une industrie qui, selon ses propres paroles dans l'un de ses communiqués, était une industrie fragile qui connaît des problèmes particuliers. Par la suite, j'ai entendu mon collègue de Saint-Louis répéter plusieurs fois que le gros morceau de cette affaire qui pourrait peut-être faire en sorte que ce soit acceptable aux travailleurs et travailleuses de la restauration relevait de l'aspect de l'assurance-chômage. Et c'est là que je commence à me poser des questions par rapport au fonctionnement de ces choses-là.

La difficulté que j'ai, M. le Président, c'est de comprendre effectivement comment

ce gouvernement procède dans des choses qui ont à voir avec les négociations avec un autre palier de gouvernement. Je me dis que si, pour une raison ou pour une autre, on décide ici au Québec qu'on veut faire quelque chose, mais si une partie de cette chose - et on l'a vu récemment aussi dans un autre domaine, le dossier de la main-d'oeuvre - relève d'un autre palier de gouvernement, il me semble que la chose responsable et sérieuse à faire serait d'abord de préparer le terrain avec le partenaire -étant donné que nous sommes des partenaires - de s'assurer de savoir où on s'en va et d'arriver, finalement, devant le Parlement et devant le peuple, avec quelque chose de concret, alors qu'on a déjà déblayé le terrain de négociation avec l'autre partenaire pour être en mesure de dire: Au moins, par rapport à l'équité sociale, le projet de loi va permettre aux travailleurs d'avoir accès à l'assurance-chômage, se basant sur le salaire minimum plus le pourboire, etc. C'est une chose qu'on n'est pas en mesure de dire aujourd'hui. Comme on n'est pas en mesure de dire cela aujourd'hui, il me semble que le premier objectif, celui de l'équité sociale, ne tient plus.

Reste l'aspect des coûts qui seront ajoutés aux entreprises. Selon les représentations que j'ai eues, je n'ai pas à ce jour rencontré une personne de la restauration - croyez-moi, il y a beaucoup de personnes d'origine grecque dans la restauration, comme je suis certain que vous le savez... Ils ont tous pris la peine de me téléphoner pour me dire comment ils vivent cela. Pour plusieurs, surtout les gens qui travaillent dans des petits ou moyens restaurants - je ne parle pas des gens avec tout le "kit", comme disait mon collègue de Hull, en termes de grosses affaires effectivement, cela représente une augmentation des contributions de l'employeur. Cela va représenter pour plusieurs une comptabilité additionnelle et des frais additionnels.

Je vous rappelle que la plupart de ces gens ont acheté un commerce pour la première fois dans leur vie depuis qu'ils sont ici; ils n'ont pas nécessairement toutes les capacités d'un administrateur raffiné. Donc, ils emploient des personnes pour les aider à tenir la comptabilité. Cela aussi va augmenter. Le ministre lui-même, je pense, parle - je n'ai pas les chiffres devant moi -d'une augmentation de 1,6% des coûts. Pour plusieurs, c'est dans une industrie, selon les paroles du ministre, qui est fragile et je pense qu'on a eu des constatations de faillite à un taux assez élevé. Il y a un roulement presque continuel dans cette industrie. Je pense qu'on ne peut pas dire que cela n'ajoute pas au fardeau fiscal de l'entreprise.

Le deuxième critère ou objectif de cette loi n'est pas tout a fait solide non plus, selon plusieurs personnes; je pense que c'est une majorité assez importante. Reste le troisième, ou le premier, si vous voulez, qui était l'équité fiscale. Dans les faits, le projet de loi est pas mal boiteux, dans le sens que la partie qui relève de l'autre partenaire n'a pas été préparée à l'avance pour qu'on soit en mesure de présenter quelque chose de précis et de fonctionnel.

Tout ce qui reste, c'est le désir du ministère du Revenu d'augmenter ses revenus. Le seul but de la loi actuelle, dans la situation présente, c'est celui-là. Il me semble que le moins qu'on puisse faire, c'est appeler les choses par leur nom et dire: On présente un projet de loi pour aller chercher 40 000 000 $, point. De la façon dont les choses évoluent aujourd'hui, c'est à peu près le seul objectif que je puisse voir dans la loi actuelle.

C'est la raison pour laquelle je crois qu'il serait extrêmement utile et nécessaire d'entendre certaines gens. Lors de la dernière commission, comme le soulignait mon collègue de Saint-Louis, à la suite du dépôt du projet de loi, il y a eu de plus en plus de questions, de plus en plus de personnes qui réagissaient de façon très négative. Je me dis ceci: Si le législateur veut faire adopter un projet de loi qui repose presque en totalité, dans son application, une industrie qui le rejette, je crois que c'est un mauvais départ pour que ce soit applicable et fonctionnel. Il me semble que le principe fondamental est le suivant: Si on veut que quelqu'un fasse quelque chose pour nous, au moins, qu'on ait son consentement, son accord, qu'il "embarque" dans cette affaire.

Ce n'est pas parce qu'on se trouve dans un régime parlementaire, où le ministre dit que l'Opposition s'oppose et que lui va procéder de toute façon, qu'il va réussir plus tard à faire appliquer cette loi par des gens qu'il désigne, ni plus ni moins, par son pouvoir de législateur, comme des agents travaillant sans rémunération pour le ministère du Revenu, qui sont les établissements, quand ce sont ces mêmes gens qui rejettent, à ce moment-ci en tout cas, la loi telle qu'elle est, telle qu'ils la connaissent, celle dont ils ont suivi le cheminement. Je me dis qu'on est en train d'adopter quelque chose qu'on va demander à quelqu'un d'autre d'appliquer et qui, au départ, est négatif.

Le minimum qu'on puisse faire est au moins de faire venir ces gens, de les faire asseoir ici avec nous et de demander au ministre d'expliquer pourquoi il serait avantageux pour eux d'accepter cette affaire, et pour nous d'avoir l'occasion de les écouter et de poser des questions, etc. À la suite de cela, il y aurait au moins la possibilité d'une acceptation plus globale de l'affaire et le ministre serait plus en mesure de faire

appliquer sa loi. Sincèrement, je trouve qu'il manque deux ou trois éléments, comme on le disait précédemment, en particulier en ce qui concerne l'assurance-ch&mage. Il reste l'objectif qui est d'aller chercher 40 000 000 $. On va chercher des gens à qui on va demander de faire le travail du ministère du Revenu et qui vont finalement agir comme des policiers. C'est l'expression que plusieurs personnes utilisent. C'est ainsi qu'ils se voient. Et on va espérer que cela va fonctionner!

Je ne crois que nous soyons sur la bonne voie. Comme le mentionnait mon collègue de Hull, ce n'est certainement pas nous qui devrons essayer de corriger les choses pour le gouvernement, mais, quand même, face à une situation où la quasi-totalité des gens dans l'industrie réagissent de façon extrêmement négative, je pense que le minimum que nous puissions faire est de les inviter et de les écouter.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Laurier. M. le ministre.

M. Marcoux: Je voudrais ajouter quelques commentaires aux propos du député de Laurier. Il affirme que, si l'assurance-chômage n'est pas incluse dans le projet de loi - je veux bien, mais ce n'est pas de notre juridiction - la notion d'équité sociale défendue dans ce projet de loi perd toute sa signification. Si tel était le cas, le gouvernement fédéral percevant, à la suite de l'application de la loi, des augmentations d'impôt appréciables et ayant moins de péréquation à payer au Québec, s'il ne rendait pas assurables les gains de pourboire aux fins de l'assurance-ch&mage, ce qui continuerait d'exister, c'est la situation actuelle, où le travailleur au pourboire paie 2,20 $ les 100 $ de salaire. Sur les 100 $ de salaire, au lieu de payer 2,20 $ sur les 100 $ de salaire et les 100 $ de pourboire, comme il serait cotisé à un moindre coût, l'assurance-chômage dont il bénéficierait par la suite serait moindre. Mais cela n'évacue pas la question d'équité sociale au complet puisque, si nous adoptons cette loi, un accidenté bénéficiaire de la Régie de l'assurance automobile, sans payer un cent de plus en impôt ni en bénéfices sociaux, pourrait recevoir les mêmes bénéfices à la fois basés sur ses pourboires et sur son salaire s'il subissait un accident d'automobile.

La même chose pour un accidenté de travail. On sait que l'employeur paie 100% de la cotisation des accidents du travail. Un travailleur au pourboire, puisqu'on parle d'équité sociale, après l'adoption de cette loi, à partir du 1er janvier 1984, qui aurait un accident de travail, recevrait une pleine indemnité basée sur ses pourboires et son salaire de base - son salaire horaire - même s'il ne payait personnellement aucun cent à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) puisqu'elle est assumée actuellement à environ - si ma mémoire est bonne - 0,78 $ les 100 $ de salaire versé, la part de l'employeur à la CSST.

En ce qui concerne la Régie des rentes du Québec, l'employé paie une part, 1,8%, l'employeur paie l'autre, 1,8%. Ce ne sont pas des bénéfices immédiats, mais, pour des employés au pourboire qui travaillent un certain nombre d'heures, ou jusqu'à un certain âge, etc., à améliorer leur participation à la Régie des rentes du Québec, ce placement peut favoriser je pense, nettement une plus grande équité sociale. (21 heures)

Par l'adoption de ce projet de loi également, en ce qui touche les vacances et d'autres conditions du genre qui sont incluses dans la loi des conditions minimales de travail, là aussi, pour la plupart, ce sont des avantages qui sont payés par l'employeur, sinon tous, si ma mémoire est bonne, en ce qui concerne les conditions minimales de travail dont bénéficieraient les employés au pourboire à partir du 1er janvier 1984 et pour lesquels ils n'ont pas de contribution particulière à faire.

Votre théorie était la suivante: Puisque nous n'avons pas l'assurance du gouvernement fédéral que l'assurance-chômage va s'appliquer sur la totalité des gains à partir du 1er janvier 1984, l'équité sociale - je m'excuse, je ne vous ai pas interrompu -dont nous avons parlé ensemble, ne tient plus. Je vous ai donné quatre cas précis où je pense qu'on peut dire qu'il y a amélioration de l'équité sociale. Vous allez dire: Des personnes vont payer pour, des groupes, des corporations. Bon.

J'en viens à votre deuxième aspect qui touche à un autre objectif du projet de loi et au moyen de l'atteindre. Ce n'est pas compliqué, il y avait cinq possibilités, en gros. Qu'on le veuille ou non, il y avait cinq possibilités. Le statu quo: Personnellement, comme ministre du Revenu, c'était, pourrais-je dire, le seul engagement que j'avais pris ou, en tout cas, c'était une opinion très ferme de ma part que la seule solution qui était inacceptable pour l'avenir, c'était le statu quo, qui était inéquitable au niveau fiscal et au niveau social et qui conduisait à des situations humaines dramatiques pour quelques milliers de travailleurs au pourboire cotisés pour les années antérieures.

À ce moment-là, il y avait quatre autres solutions qu'on a explicitées dans le livre vert. Le pourboire inscrit sur la facture: je n'ai pas besoin de dire que ce n'est pas la formule la plus emballante et la plus pratique. Le pourboire considéré comme revenu de travailleur autonome; cela a été défendu par certains, mais à ce moment-là c'est le travailleur au pourboire qui, sur ses

revenus du pourboire, n'aurait pas eu accès à plusieurs avantages sociaux; certains auraient pu y avoir accès mais en les payant en totalité. Certains, en fait, auraient pu avoir accès aux avantages de la Régie des rentes du Québec, mais ils n'auraient pas pu avoir accès aux autres avantages sociaux en général.

L'autre hypothèse, c'était le pourboire obligatoire qui aurait entraîné des hausses de coût minimales. Si le pourboire obligatoire avait été à 10%, si on ajoute les avantages sociaux, cela aurait entraîné des hausses de coût de 12% environ. Des employés au pourboire nous ont dit l'an dernier que le pourboire obligatoire à 10% entraînerait une diminution des revenus pour une large partie de leurs membres. Il faut que ce pourboire obligatoire soit à 15% pour maintenir le niveau de revenu de leurs membres. Un pourboire obligatoire à 15%, avec les avantages sociaux sur ces 15% plutôt que 10% ou 12%, aurait entraîné une hausse des prix obligatoire de 17,5% ou 18%.

Je suis persuadé qu'avec une hausse des prix de 17% ou 18%, il y aurait une baisse de l'emploi dans ce secteur. Notre compétitivité touristique en aurait été affectée parce qu'on aurait été le seul État, la seule province en Amérique du Nord à appliquer un tel régime. Je n'ai pas retenu cette formule parce que j'étais convaincu que le problème touchait 70 000 travailleurs au pourboire et environ 20 000 restaurateurs et hôteliers pour une question d'équité fiscale et d'équité sociale en ce qui concerne ce secteur.

Pourquoi modifier la relation existant entre 4 000 000 de clients, 20 000 restaurateurs et 70 000 travailleurs au pourboire en instaurant un pourboire obligatoire où se développerait, de façon automatique, un pourboire parallèle qui grossirait avec les années? Le problème de l'évasion fiscale se reposerait dans quelques années de la même façon qu'il se pose actuellement.

Quelle solution restait-il? Elle était présente dans le livre vert, c'était la déclaration périodique des pourboires. Et, durant la commission, il y a eu un cheminement de fait à ce titre-là, basé en partie sur la loi américaine - elle n'était pas en vigueur - mais la loi américaine qui allait entrer en vigueur en janvier 1983. Cet été, j'ai pris la peine, avant que le sujet ne soit discuté au Conseil des ministres, d'envoyer une équipe composée du sous-ministre en titre, de l'adjoint administratif du sous-ministre et de quelqu'un de mon cabinet aux États-Unis rencontrer des gens de l'IRS, des associations d'employeurs et des associations d'employés afin de voir la façon dont s'est appliquée, après sept mois, sept mois et quart, la formule américaine. Le rapport qu'on m'en a fait sur l'application de cette formule est positif.

À ce moment, j'ai fait venir le mémoire au conseil des ministres, on en a discuté et on a retenu cette formule. Je pense que cette formule permet d'atteindre, contrairement à l'opinion que vous avez défendue... Je n'ai pas dit "en totalité", j'ai même dit l'inverse en Chambre. Ce n'est pas une solution parfaite et ce n'est donc pas une solution idéale, n'est-ce pas? Mais je pense que c'est une solution acceptable. En ce sens, vous prêchez à un converti en me disant que ce n'est pas la solution parfaite ou idéale.

Une chose est certaine, c'est qu'en tout cas, il y a une volonté ferme de ma part que le gouvernement partage: la situation que nous vivons, que le ministère du Revenu vit, que les travailleurs et travailleuses au pourboire vivent depuis quatre ans doit cesser à partir de janvier 1984. Que ces travailleurs soient égaux a l'ensemble des autres citoyens du Québec au niveau fiscal, c'est-à-dire qu'ils paient la totalité de leurs impôts sur leur revenu et que, par ailleurs, ils puissent bénéficier des nombreux avantages sociaux de notre juridiction, ce qui n'est pas tout à fait le cas actuellement.

J'ai voulu refaire ce portrait. Je m'en excuse, car je ne pensais pas que c'était l'objet de la commission parlementaire, mais, puisque vous avez tenu des propos d'ordre général sur ces trois questions, je pense qu'il était de ma responsabilité de resituer ce débat.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Laurier, pour terminer, votre intervention parce que le député de Papineau m'a demandé la parole.

M. Sirros: Seulement pour enchaîner. D'abord, il y a deux aspects que vous n'avez pas touchés. Un qui a trait à l'"opérationa-lisation" de la loi par rapport à la résistance qui s'exerce sur le terrain. Je réitère que c'est très mauvais de miser sur une armée de non-volontaires pour faire le travail qui pourrait se faire si les gens se portaient volontaires.

Deuxièmement, vous n'avez pas beaucoup parlé de l'effet de l'augmentation des coûts pour l'industrie. On sait déjà que ce n'est pas sorcier. Le ministre des Finances lui-même a déjà décrié, il y a un an et demi ou deux ans - et c'est une constatation de fait - que, déjà, le Québec entraîne des charges sur l'emploi; la province est plus taxée qu'ailleurs et le ministre des Finances se pose des questions, ayant même pris l'engagement - je n'ai pas la référence dans le journal des Débats -d'examiner cette question afin de ramener à un niveau plus concurrentiel cet aspect de la fiscalité. Ici, il me semble qu'on s'oriente vers l'opposé; c'est peut-être pour régler ce

problème comme vous dites d'une façon que vous trouveriez acceptable, mais que plusieurs autres ne trouvent pas acceptables.

Il reste que le gouvernement est en contradiction en ce moment, car le ministre des Finances est en train de dire qu'il nous faut prendre des actions pour baisser les taxes sur l'emploi. Il y a eu des études récentes selon lesquelles les taxes et les charges sociales sur l'entreprise peuvent avoir un effet sur l'emploi, tandis qu'ici on est en train d'augmenter assez rapidement les coûts pour une industrie fragile qui, j'en suis convaincu, seront importants par rapport à chaque entreprise. Aux États-Unis, n'est-il pas également vrai que tout cela a été implanté dans une période beaucoup plus longue que quatre semaines comme ce qu'on nous propose ici?

M. Marcoux: Je veux revenir sur ces questions. C'est parce que je n'ai pas voulu être trop long dans ma réponse, mais vous avez repris l'ensemble des questions du débat.

Sur la question des coûts à l'entreprise et de l"'opérationalisation", il faut voir actuellement que notre système fiscal est bâti essentiellement sur le fait que ce sont les corporations, les mandataires qui perçoivent à la source, au nom du gouvernement, les différentes taxes et les impôts. Les déductions à la source se font actuellement par les corporations et les compagnies. La perception de la taxe sur la vente, évidemment, se fait par les mandataires. C'est, en somme, dans les traditions fiscales, probablement occidentales - je ne voudrais pas dire mondiales - de faire percevoir les impôts ou les taxes par des intermédiaires. Cela entre, je dirais, dans leurs charges sociales globales.

Il est évident, à ce moment-là, que, lorsque vous proposez la solution du volontariat, il y avait une hypothèse qui était soumise...

M. Sirros: Je ne propose pas la solution du volontariat. Ce que je dis, c'est que vous voulez faire appliquer une loi par un autre groupe qui s'oppose assez...

M. Marcoux: Oui.

M. Sirros: ...largement à cela. C'est comme si vous demandiez à l'armée de faire la guerre, tandis que tous veulent déserter.

M. Marcoux: Oui...

Le Président (M. Gagnon): Cela va, M. le ministre.

M. Marcoux: Oui, mais si on regarde l'aspect administratif - je ne l'ai pas nié, je l'ai affirmé en Chambre et je suis prêt à le répéter - il y a un poids administratif à cette réforme, mais il faut voir que le principe de base est le suivant: quelle est la différence fondamentale entre faire des retenues à la source sur 100 $ de salaire versés à titre de salaire de base, et faire la retenue à la source sur 200 $: 100 $ de salaire et 100 $ de pourboire?

M. Sirros: Mais...

M. Marcoux: Je ne veux pas nier les conséquences administratives, l'aspect administratif de cette réforme. Je sais qu'elles sont présentes. Vous avez parlé de volontariat, je ne voudrais par être très long, mais il y avait une méthode pour cela qui était proposée dans le livre vert; c'était de considérer le pourboire comme revenu de travailleur autonome. Pour les raisons que j'ai mentionnées tantôt, je pense qu'il aurait été injuste, par rapport à cette catégorie de travailleurs, de considérer le revenu de pourboire comme étant un revenu de travailleur autonome.

Quant au coût global de la réforme, si le pourboire déclaré est de 12% en moyenne, c'est 1,9% pour les bénéfices sociaux - je prends les bénéfices sociaux, c'est tout. On s'entend bien, cela inclut l'assurance-chômage, la CSST, les vacances, tout. Vous allez me demander si cela met en danger l'industrie ou pas. Je pense que cela ne met pas en danger l'industrie de la restauration et de l'hôtellerie. La hausse des coûts qui pourrait intervenir serait peut-être de 1,5%, 2% ou 2,5%, si la totalité du coût des bénéfices sociaux et des coûts administratifs est reportée sur le client.

Je sais une chose. La situation de la restauration et de l'hôtellerie est fragile. Lorsqu'on a étudié la commission parlementaire, c'est en 1982, elle l'était aussi au moment de la crise économique. On sait aussi qu'au Québec, il y a un restaurant par 500 habitants, alors qu'en Ontario, il y en a un par 1000 et, aux États-Unis, un par 1200.

M. Sirros: On mange mieux pourtant ici.

M. Marcoux: Je suis heureux de vous l'entendre dire. Donc on est au moins d'accord sur ce point-là. On mange mieux au Québec qu'aux États-Unis. J'y suis allé quelques fois; en Ontario, j'y vais peu souvent.

Je sais la situation de l'ensemble de cette industrie. Bien sûr, lorsqu'on a deux fois plus de restaurants par tête d'habitant, et même 2,25 ou 2,5 fois plus de restaurants et d'hôtels, la gestion de ces hôtels et de ces restaurants doit être impeccable. Je crois qu'une hausse des coûts, compte tenu que la seule façon de ne pas hausser les coûts, c'est de rester au statu quo ou que le

pourboire soit considéré comme revenu de travailleur autonome, ce que je ne peux pas accepter. En ce sens-là, je pense que la réforme proposée est une réforme raisonnable, du point de vue des coûts impliqués, et je crois que l'argument de la conjoncture économique - avoir appliqué cette réforme-là au début de la crise économique - même avec 1,6%, aurait peut-être justifié des critiques davantage élevées.

Je pense que cette réforme-là, au moment où tout le monde constate qu'il y a une reprise, une certaine reprise ou une reprise certaine, selon les points de vue, peut être mise en oeuvre sans faire dommage à l'industrie. De toute façon, on le voit aux États-Unis; depuis huit mois, elle a été mise en oeuvre et cette industrie-là n'a pas subi de conséquences négatives.

M. Sirros: Combien de temps ont-ils pris pour l'appliquer, la préparer? Est-ce vrai que c'est cinq ans?

M. Marcoux: On bénéficie de leur expérience aussi.

M. Sirros: Est-ce vrai que c'est cinq ans?

Le Président (M. Gagnon): S'il vous plaît! On ne parlera pas tous ensemble. C'est maintenant le député de Papineau qui a la parole. (21 h 15)

M. Lachance: M. le Président, question de directive.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: Si je comprends bien, le mandat de la commission était d'étudier le projet de loi article par article. J'aimerais savoir ce que notre règlement indique, compte tenu du mandat donné. Je veux bien qu'on refasse le débat, mais il me semble que le député de Saint-Louis avait dit qu'il ne s'agissait pas d'un "filibuster"; cela commence à ressembler à un zigonnage qui s'étire en longueur.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Bellechasse, sur votre question de directive, il y avait eu une sorte d'entente pour discuter assez largement de la loi avant de commencer l'étude article par article. Dans notre règlement, je pense que chaque député peut parler - il faudrait que je vérifie l'article 154 - avant d'entreprendre l'étude de la loi, article par article, pour une période de 20 minutes. Je vérifie le temps actuellement et je peux vous dire qu'il y a seulement un député qui a dépassé son temps. C'est le député de Saint-Louis qui est rendu à 27 minutes et les autres députés ne sont pas rendus à 20 minutes. Le député de Laurier a parlé 13 minutes sur ses 20 minutes.

M. Marcoux: Est-ce que j'ai dépassé mon temps?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, je pense que vous devez répondre aux questions; le temps n'est donc pas calculé. M. le député de Laurier, vous voulez revenir.

M. Sirros: Juste un commentaire, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela répond à votre question, M. le député de Bellechasse?

M. Lachance: Oui, M. le Président, mais j'ai hâte qu'on embarque dans le sujet vraiment.

Le Président (M. Gagnon): Je partage... Moi aussi, j'ai hâte. M. le député de Laurier.

M. Sirros: Ce n'était qu'un commentaire...

M. Blank: M. le député de Bellechasse a participé...

Le Président (M. Gagnon): Vous avez dépassé votre temps, M. le député de Saint-Louis. M. le député de Laurier.

M. Blank: Je vous demande pardon.

M. Sirros: Je voulais simplement dire qu'on a vu que le député de Bellechasse était intolérant face au Conseil du statut de la femme. Je m'attendais qu'il soit intolérant également pour les députés qui veulent parler.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Papineau, vous avez la parole.

M. Assad: M. le ministre, si on pouvait convoquer les gens des restaurants, il y a une chose dont ils pourraient vous convaincre - je parle en connaissance de cause...

Le Président (M. Gagnon): Puis-je vous suggérer quelque chose? On aura une motion tout à l'heure - je l'ai ici - qui sera discutable et à ce moment-là - au début de votre discours, vous parliez d'inviter des gens - je pense que vous pourrez le faire, au moment où on discutera de la motion. J'aimerais que maintenant...

M. Cusano: J'aurais encore une question au ministre. Vous avez dit tantôt que la quote-part des employeurs était de 1,9%...

M. Marcoux: Si les pourboires déclarés dans un établissement sont d'environ 12% du chiffre de vente, le coût total des avantages sociaux, incluant la Régie des rentes du Québec, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, l'assurance-chômage, les 4% pour les vacances, les conditions minimales de travail, équivaut à 1,9% du chiffre de vente. Si l'employeur veut faire payer par la clientèle la totalité de ces avantages sociaux, il faudrait qu'il hausse ses coûts de 1,9%. On peut évidemment ajouter un certain pourcentage pour les coûts administratifs.

Si les pourboires déclarés sont de 10%, les coûts totaux à ajouter au chiffre de vente sont de 1,6%. Si les pourboires déclarés sont de 8%, c'est de 1,3% qu'il faut hausser la facture du client, si on veut faire payer la totalité du coût au client et non en prendre une partie sur sa marge bénéficiaire ou sur ses profits.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Papineau.

M. Assad: M. le ministre, quand les officiers de votre ministère sont allés au États-Unis, est-ce qu'il y avait là des coûts fixes comme vous avez dans la loi, c'est-à-dire 1,6%, 1,3% et 1,9%? Est-ce qu'il y avait des coûts fixes?

M. Marcoux: Le système américain sur le plan des avantages sociaux est différent mais il y a une partie des avantages sociaux qui sont assumés par les entreprises et elle est moindre. Aux États-Unis, on n'a pas le même régime social que nous; on n'a pas, par exemple, le fonds... Quand j'ai parlé tout à l'heure... Je peux vous les énumérer parce qu'il est bon que nous en ayons le portrait avant de commencer la commission. Quand j'ai parlé du coût complet des avantages sociaux, cela inclut: le régime de rentes du Québec, l'assurance-chômage, la CSST, les vacances, les conditions minimales de travail et le fonds d'assurance-maladie de 3% sur la masse salariale. Cela inclut tout cela. Ces coûts représentent 1,3%, 1,6%, ou 1,9% du chiffre de ventes de l'entreprise.

M. Assad: Mais ne trouvez-vous pas, M. le ministre, que les avantages sociaux, surtout l'assurance-chômage qui est le plus important pour quiconque travaille dans la restauration et qui est plutôt intéressé à cet aspect-là... Est-ce qu'on n'aurait pas pu, en attendant qu'il soit possible d'accorder cet avantage à ces gens-là, arriver à cela graduellement?

M. Marcoux: Votre question est importante, parce qu'en attendant que... Admettons que le gouvernement fédéral n'ajuste pas sa loi ou sa réglementation pour rendre assurables les pourboires au 1er janvier, dans l'intervalle, le coût des avantages sociaux ne sera pas de 1,9%, 1,6% ou 1,3% à l'entreprise, ni à l'employé. L'employé va payer 2,20% de son salaire de base; il ne paiera pas d'assurance-chômage sur ses pourboires. Bon. Et l'employeur ne paiera pas d'assurance-chômage. La part de l'employeur qui est de 3,25 $, si ma mémoire est bonne; l'employeur ne paiera pas 3,25 $ du 100 $ de pourboires déclarés puisque, dans l'hypothèse où le gouvernement fédéral ne reconnaîtrait pas, au début, pour le 1er janvier, l'assurabilité du pourboire, à ce moment-là, le coût des avantages sociaux ne sera pas de 1,9%; il peut être de 1,7% ou de 1,6%. Quand je parle du coût global de cette réforme, incluant l'ensemble des avantages sociaux, c'est dans le cas où l'assurance-chômage s'applique aux pourboires, à la fois pour l'employé et pour l'employeur. D'accord?

Pour résumer en une phrase: si le 1er janvier, les pourboires ne sont pas assurables du point de vue de l'assurance-chômage, le coût des bénéfices sociaux à l'entreprise, tant que l'assurance-chômage ne s'appliquera pas, est diminué de 3,20 $ pour chaque 100 $ de pourboires déclarés. Pour l'employé, il est diminué de 2,20 $ pour chaque 100 $ de pourboires déclarés.

M. Blank: Seulement une petite question...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Papineau, oui? M. le député de Saint-Louis.

M. Marcoux: Est-ce que cela répond à votre question, parce qu'il faut que cela soit clair?

M. Blank: Pour... j'ai lu le projet de loi. Le ministre parle de tous les avantages sociaux et les énumère. J'ai de la difficulté à trouver où on fait référence à la CSST.

M. Marcoux: C'est le premier amendement que je vais vous proposer.

M. Blank: Ah, il y a déjà un oubli dans la loi.

M. Marcoux: Non, c'est que... Ce n'était pas un oubli. C'est que, pour plus de sécurité juridique, les deux premiers articles de la loi vont concerner la CSST.

M. Blank: Oui, parce que le ministre a parlé...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! Ne parlez pas tous les deux en même temps.

M. Marcoux: J'ai de beaux amendements à vous proposer, M. le député de Saint-Louis qui vont, je pense, concilier nos points de vue.

M. Blank: Le ministre a dit que l'un des avantages sociaux que les gens vont avoir ce n'est pas en passant cette loi. Cela veut dire que ce n'est pas une question d'interprétation juridique. C'est lui-même qui a dit que déjà il n'y a rien dans la loi qui donne les avantages de la CSST à ces gens-là parce qu'il dit que ce sont de nouveaux avantages.

M. Marcoux: Non, non, non.

M. Blank: Si ce sont de nouveaux bénéfices, ce doit être dans la loi. Ce n'est pas dans la loi.

M. Marcoux: M. le député de Saint-Louis...

Le Président (M. Gagnon): Je vous avais dit que vous aviez dépassé votre temps de parole. M. le ministre.

M. Assad: Une dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Alors, le ministre va répondre et...

M. Marcoux: Est-ce que je peux répondre à cela parce qu'il ne faut pas le laisser...

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Marcoux: C'est que, dans la première rédaction qui avait été faite, à partir du moment où le pourboire était considéré comme salaire et que l'employeur avait à payer la cotisation de santé et de sécurité du travail à la fois sur le salaire et le pourboire, la première interprétation juridique qu'on avait eue c'est qu'automatiquement, l'indemnité tiendrait compte des deux. Or, dans un deuxième avis, pour plus de sécurité juridique, le premier amendement que j'ai à vous proposer à l'article 1... Avant l'article 1, je vais vous proposer deux articles, les articles 1 et 2 qui portent sur cela pour donner une sécurité juridique plus forte.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Papineau.

M. Assad: M. le ministre, je trouve que les calculs de 40 000 000 $ ne sont pas réalistes. J'aimerais savoir...

M. Marcoux: D'accord. Le chiffre d'affaires actuel de la restauration et de l'hôtellerie est de 2 700 000 000 $. Il faut soustraire de ce chiffre d'affaires 400 000 000 $ où il n'y a pas de pourboire: dans les cafétérias, etc. Or, il nous reste un chiffre d'affaires de 2 300 000 000 $. Si vous indiquez un pourboire moyen de 10%, cela signifie des revenus de pourboires à déclarer de 230 000 000 $ au niveau moyen d'imposition au Québec qui est actuellement de 18%. Dans l'échelle de 13% à 33%, le niveau moyen est à 18%, ce qui vous donne l'ordre de grandeur: 230 000 000 $ de revenu de pourboire à déclarer en moyenne, à une possibilité de 18 000 000 $. Et de donner un autre chiffre qui vous donne...

M. Assad: Sauf que le chiffre 18, c'est le fonds minimal possible...

M. Marcoux: Non, non. Actuellement, c'est sur le premier 1000 $ sur lequel vous avez à payer de l'impôt; vous payez 13% de ce montant de 1000 $. Sur le deuxième 1000 $ imposable, vous payez 14%. Quelqu'un qui gagne 10 000 $ a des déductions de 5000 $, il paie donc des impôts sur 5000 $. Sur le premier 1000 $, il paie 130 $; sur le deuxième 1000 $, il paie 140 $; sur le troisième 1000 $, il paie 150 $; sur le quatrième, il paie 160 $ et cela jusqu'à 33%: 330 $. En somme, quelqu'un qui a un revenu de 20 000 $ imposable, sur le 20e 1000 $ il paie 33%: 330 $.

M. Assad: D'accord. Je comprends. C'est la moyenne cela.

M. Marcoux: Ce qu'on dit, c'est que les 230 000 000 $ en pourboires qui devraient être déclarés à chaque année, cette année le montant de revenu de pourboire déclaré était de 33 000 000 $. Alors, vous voyez, à peine 15%. Au lieu de 33 000 000 $ de revenu de pourboire déclaré cette année, pour l'année d'imposition 1982, nous évaluons que c'est normalement un montant d'environ 230 000 000 $ en revenus de pourboire qui auraient dû être déclarés, ce qui vous donne l'écart, la perte fiscale...

M. Assad: Je comprends.

M. Marcoux: ...à quoi il faut ajouter, en termes de revenu pour le ministère du Revenu du Québec, 3% sur la masse salariale qui doivent être payés par l'employeur et que j'incluais plus tôt dans les avantages sociaux.

Le Président (M. Gagnon>. M. le député de Papineau.

M. Assad: Je comprends comment vous êtes arrivé à la moyenne de 18% mais quelqu'un qui déclarait, par exemple, 9000 $...

M. Marcoux: ...

Le Président (M. Gagnon): Attention, M. le ministre. Nous allons laisser terminer la question du député de Papineau.

M. Assad: La moyenne de 18%, je la comprends. Quelqu'un qui, dans le passé, déclarait un salaire de 9 215 $ et un montant de 500 $ en pourboires, l'année suivante, en vertu de la loi qui sera en vigueur, il décide de déclarer tous ses pourboires. On trouve que son salaire, incluant les pourboires, s'élève, disons, à 14 000 $. Il est donc dans une autre catégorie. Les 18% ne s'applique plus là. La moyenne sera de 22% ou de 23%?

M. Marcoux: Non, c'est justement. C'est que même à 18% comme moyenne, on trouve que l'évaluation est trop élevée, tenant compte que parmi les travailleurs au pourboire, il y a beaucoup de travailleurs à temps partiel dont la moyenne d'heures travaillées est en moyenne de 26 heures pour les travailleurs au pourboire. Et il y a des travailleurs au pourboire qui se font des revenus de pourboire de 9% ou 10%, d'autres de 13% ou 14%, ou 15% ou 16%. Or, la "bracket" d'imposition - c'est l'expression populaire pour parler du 13% et du 14% jusqu'à 33% - on trouve même qu'à 18%, elle est un peu élevée et on prévoit avoir un peu moins de 40 000 000 $ de revenu sur la base de ces 230 000 000 $ à déclarer dont je parlais plus tôt. Alors, au contraire, au lieu de 22% ou 21%, etc, on pense que ce sera peut-être même un peu inférieur à 18% parce que dans le domaine des travailleurs au pourboire, je vous le dis, sur les 70 000, la moyenne d'heures travaillées est de 26 heures. Donc, il y a beaucoup de travailleurs à temps partiel. S'ils ont des revenus uniquement de pourboire pour un montant de 5000 $ dans une année ou disons 7000 $ de revenu de pourboire, que leur déduction personnelle est de 4600 $, ils ont des impôts à payer sur 3000 $. Sur le montant de 3000 $, cela fait 130 $ plus 140 $ plus 150 $ donc 520 $ d'impôt à payer.

M. Assad: Vous avez mentionné tout à l'heure qu'il y avait deux fois plus de restaurants ici au Québec.

M. Marcoux: En Ontario, c'est un restaurant par 1000 citoyens et aux États-Unis 1 par 1200.

M. Assad: D'accord. Mais combien de ces entreprises au Québec ou de ces restaurants font un chiffre d'affaires de 125 000 $ et moins? Cela, c'est peu dans le domaine de la restauration.

M. Marcoux: Bon. Vous l'avez en moyenne. Si l'on divise les 2 700 000 000 $ de chiffre d'affaires par environ 20 000 entreprises dans ce secteur, cela revient à environ 150 000 $ en moyenne.

M. Assad: 150 000 $?

M. Marcoux: Vous avez 2 700 000 000 $ de chiffre d'affaires divisé par 20 000 restaurateurs et hôteliers, ce qui fait 150 000 $ en moyenne si... (21 h 30)

Une voix: 135 000 $.

M. Marcoux: 135 000 $ même. Un peu moins. Mais 2 700 000 000 $ c'est le chiffre qu'on me donnait l'an dernier. En 1984 évidemment il y aura une légère indexation.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Viger.

M. Maciocia: J'ai encore une question pour le ministre. Est-ce que vous avez dit tantôt: 2 700 000 000 $? On enlève 400 000 000 $ pour les cafétérias et d'autres...

M. Marcoux: Là où il n'y a pas de pourboire.

M. Maciocia: C'est cela. Et on tombe à 2 300 000 000 $. Vous parlez d'un pourboire de 10%.

M. Marcoux: J'ai parlé... Si le pourboire déclaré...

M. Maciocia: Non. La question qui me vient tout de suite à l'esprit est: Est-ce que vous êtes déjà prêt à poursuivre les gens qui vont déclarer 8%? Parce que ce sont là les moyens.

M. Marcoux: Je veux bien discuter honnêtement.

M. Maciocia: Non, non, mais... Mais pour arriver à un chiffre de 40 000 000 $.

M. Marcoux: C'est parce qu'on me demandait d'où venaient les 40 000 000 $ environ.

M. Maciocia: Oui.

M. Marcoux: J'ai voulu donner des ordres de grandeur de chiffres. Qu'est-ce que les chiffres étaient? 2 700 000 000 $ de chiffre d'affaires global.

M. Maciocia: Oui.

M. Marcoux: Environ 2 300 000 000 $ dans des établissements où il y a des

pourboires. J'ai dit: Si le pourboire déclaré en moyenne est 10%, cela signifie que normalement il aurait dû y avoir des pourboires déclarés de 230 000 000 $.

M. Maciocia: Oui, je comprends que cela aurait été plus facile de dire 8% parce qu'au moins la loi parle de 8%.

M. Marcoux: Bien 8%... C'est parce que c'est plus facile à comprendre 230 000 000 $ à 10% que multipliés par 8% ou tout cela.

M. Maciocia: Je comprends. Je comprends très bien l'explication, mais cela donne tout de suite l'impression qu'on prévoit avoir un pourboire de 10% au lieu des 8% déclarés. Est-ce que vous comprenez?

M. Marcoux: Ah! Disons que les prévisions de ce que les gens vont déclarer... parce que cela va être une déclaration des pourboires qu'ils auront réellement eus. Sauf que, si je me base sur les témoignages des travailleurs au pourboire qui sont venus l'an dernier, qui s'opposaient à un pourboire obligatoire de 10% parce que cela constituerait une diminution des pourboires réellement reçus, j'en déduis que les vérifications du ministère du Revenu qui, en moyenne, établissent à 11% ou 12% les cotisations émises dans le passé... Cela dépend évidemment des secteurs de la restauration. Les niveaux de pourboire à déclarer ne sont pas si loin que cela de la réalité.

M. Maciocia: Très bien. Ma deuxième question, M. le Président, est la suivante. Est-ce que cela veut dire qu'un employé au pourboire qui va déclarer 8% à la fin de l'année 1984, 1985, 1986, 1987 - il déclare les 8% qui sont dans la loi - est susceptible de vérification de la part du ministère du Revenu?

M. Marcoux: Le député de Saint-Louis m'a posé la question lors du débat de deuxième lecture. Je lui ai répondu dans le discours de réplique. Je vais reprendre rapidement, c'est normal parce que je sais que vous avez dû vous absenter pour aller à une autre commission. Ce que j'ai dit à ce moment-là, c'est que l'esprit de la loi est que les employés au pourboire doivent révéler leurs revenus réels de pourboires. Ils ne doivent pas révéler 8% s'ils reçoivent 12% ou 15%. Ils doivent révéler leurs revenus réels de pourboires à chaque période de paie. Et le ministère dispose de ses moyens habituels de vérification comme il les a depuis quatre mois, c'est-à-dire en comparant avec les pourboires déclarés sur cartes de crédit pour telle ou telle personne, dans telle ou telle institution. Pour ce qui est des moyens de vérification que nous avions jusqu'à maintenant et sur lesquels nous fondions des preuves pour justifier les avis de cotisation que nous émettions, j'ai répondu très clairement à cela. Ce n'est pas un pourboire obligatoire à 8% qu'on a instauré, ce n'est pas un pourboire minimum à 8%. Le pourcentage de 8% est simplement pour déterminer le niveau à partir duquel il y a attribution. Mais l'esprit fondamental de la loi c'est que chaque travailleur au pourboire déclare ses revenus réels de pourboire.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? Maintenant, j'ai une motion qui a été présentée par M. le député de Saint-Louis. Est-ce que vous la présentez toujours, votre motion, M. le député de Saint-Louis?

M. Blank: Oh oui! Oui, oui. Oh oui! Certainement.

Le Président (M. Gagnon): Alors j'ai...

M. Blank: Parce que déjà le représentant de ce syndicat est arrivé. Je pense que c'est M. Dumoulin ou M. Gagné -je ne sais pas - qui est arrivé d'une...

Le Président (M. Gagnon): Je vais lire la motion et je vais la déclarer recevable.

M. Blank: D'accord.

Débat sur la motion

Le Président (M. Gagnon): Par la suite, vous pourrez parler sur votre motion ou M. le ministre pourra parler sur la motion. La motion se lit comme suit: Que cette commission invite les représentants de l'Union internationale des employés d'hôtels, restaurants et commis de bar, local 31, à se faire entendre mercredi le 30 novembre 1983 à 10 heures devant cette commission afin de renseigner les membres et intervenants de cette commission.

M. Blank: Je veux faire une petite correction. Après le mot union, ce n'est pas international. C'est l'Union des employés d'hôtels, restaurants et commis de bar, local 31.

Le Président (M. Gagnon): On retire le mot international. L'union des employés d'hôtels, restaurants et commis de bar. Cette motion est recevable. Je donne la parole à M. le ministre.

M. Marcoux: Excusez. En ce qui me concerne, nous ne pourrons appuyer cette motion.

M. Blank: Est-ce qu'il dit oui pour la

motion?

M. Marcoux: J'ai dit: Nous ne pourrons pas appuyer cette motion. D'abord parce que je pense qu'elle serait discriminatoire par rapport à d'autres groupes qui...

M. Blank: J'ai d'autres motions pour les autres groupes aussi.

M. Marcoux: On s'en doutait. ...pourraient être intéressés ou qui seraient invités à nous rencontrer. Je pense que la meilleure chose que la commission puisse faire, c'est de procéder immédiatement à l'étude article par article pour améliorer la loi. Pour donner un exemple: Vous parlez de ce groupe qui nous a écrit, qui nous a fait différentes propositions ou qui veut des clarifications sur différents sujets. Pour vous montrer qu'on les a examinées, on est prêt à continuer de le faire avec vous. On nous propose de changer le titre de la loi pour la préciser. Je peux vous assurer...

Le Président (M. Gagnon): On entend beaucoup de murmures, il semble y avoir de petits "caucus" de chaque côté et en arrière. Cela doit être assez fatigant pour ceux qui enregistrent vos propos. Maintenant que l'ordre est revenu, vous pouvez continuer, M. le ministre.

M. Marcoux: J'ai reçu comme vous le message de l'Union des employés d'hôtels, restaurants et commis de bar. On est d'accord pour modifier le titre de la loi, pour clarifier. C'est une clarification qui va de soi.

D'autres amendements peuvent nous être proposés de cette façon. Nous sommes prêts à les examiner - je l'ai dit - pour bonifier cette loi et faciliter sa mise en oeuvre. La pire chose qui puisse arriver, c'est qu'il y ait des retards à la mise en oeuvre de cette loi et qu'on soit dans l'incertitude sur la façon dont elle sera mise en oeuvre.

Nous, du côté ministériel, sommes disposés à procéder à l'étude article par article, à vous présenter les projets d'amendement et à étudier ceux qui pourraient être soumis par l'Opposition dans la meilleure bonne foi possible. Notre objectif, c'est qu'on règle ces problèmes de la façon la plus rapide possible.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Une des raisons que le ministre invoque pour ne pas convoquer ce groupe en particulier et d'autres groupes en général... Si le ministre veut que j'amende ma motion pour attirer tous les groupes, s'il me dit à l'avance qu'il accepterait d'entendre tous les groupes, j'amenderais ma motion et on pourrait gagner du temps. Sinon, on peut discuter plus longuement.

Quand le ministre dit qu'il ne veut pas entendre les gens parce que cela va empêcher la loi d'être acceptée rapidement, c'est là la pire raison qu'on peut imaginer. Le ministre a dit que cette loi est urgente, il veut qu'elle entre en vigueur le 1er janvier. C'est pourquoi il ne veut pas - pour prévoir ses mots - gaspiller son temps à entendre des gens parce qu'on doit étudier la loi article par article. Il a donné comme exemple que l'Union des employés d'hôtels, restaurants et commis de bar du local 31 enfin, veut changer de titre. Cette suggestion, je lui ai faite en deuxième lecture. Le ministre n'a pas lu le reste de la lettre que les gens lui ont envoyée.

L'Union des employés d'hôtels, restaurants et commis de bar a envoyé une lettre au ministre le 29 novembre 1983 qui se lit comme suit: M. Alain Marcoux, ministre du Revenu, objet: le projet de loi 43. M. le ministre, nous venons, par la présente, vous demander des informations car nous constatons que ce projet de loi 43 est imprécis. Vous trouverez ci-joint, quelques arguments qui pourront aider à l'étude de ce projet de loi article par article, à la séance qui se tiendra le mardi 29 novembre 1983. Ce sont nos commentaires. Si vous désirez d'autres explications, veuillez noter que nous serons présents à cette réunion le 29 novembre." Cela veut dire qu'aujourd'hui même ils sont ici pour nous donner des explications. Si le ministre n'en a pas besoin, moi j'en ai besoin.

Dans la liste des revendications de ces gens-là, ils parlent de changer le nom. D'accord, il n'y a pas grand-chose. Mais au paragraphe deux, ils font une suggestion: définir quels travailleurs sont visés par cette loi-là. Ils donnent par exemple: barman, barmaid, barboy, serveur, serveuse, hôtesse, sommelier, livreur, commis-débarrasseur, préposé au vestiaire, maître d'hôtel, caissier aux commandes, placier, chasseur, service aux chambres, "houseman banquet", portier, chauffeur de garage, etc.

Moi, je ne suis pas dans ce domaine-là. J'ai besoin de l'avis de ces gens-là parce que je suis pour la définition de ces gens-là. Qui est couvert par cette loi? Vous parlez dans le projet de loi d'un particulier qui travaille dans un local d'un établissement couvert par la loi. C'est quoi cela? Pour moi, comme avocat, cela ne me dit rien. Cela dit que le ministre va passer toutes sortes de règlements sans l'approbation de l'Assemblée nationale et sans que personne ne sache si cela suit la loi ou non. On va s'engager dans une bataille de juridiction dans les cours parce qu'on n'a pas de définition. Moi-même, personnellement, je ne peux pas vous donner

ces définitions-là. Si je regarde dans le dictionnaire, il y a trois, quatre ou cinq définitions. Mais des gens du milieu peuvent nous donner des idées sur ce qu'est un barman. Est-ce que c'est celui qui sert des boissons dans des verres à des clients ou celui qui prépare les "drinks" pour les "waiter" et "waitress"? C'est quoi le barman? Je ne suis pas certain. L'un peut être couvert par la loi, l'autre peut ne pas l'être. Et j'ai besoin de renseignements de ce genre-là et je n'accepterai pas les définitions des fonctionnaires parce que les fonctionnaires ne sont pas dans le milieu. Si c'était tellement facile de les définir, je suis certain que ce serait dans le projet de loi. C'est parce qu'on ne sait pas les définitions encore, qui ce projet de loi doit couvrir.

Hier, j'ai demandé au ministre si les règlements étaient prêts. Il a fait allusion au fait que peut-être il me donnerait une version à la commission parlementaire. Je ne les vois pas encore. Si c'est par règlements qu'il va faire marcher cette loi-là, au moins qu'il nous le dise. Pourquoi une loi? On va dire: Voilà, on donne la permission au ministre de légiférer par règlements si c'est ça qu'il veut, parce que dans ce projet de loi, tout est dans un paragraphe: 42.2. C'est tout le projet de loi. Cinq ou six lignes, c'est tout le projet de loi. Mais le reste, à part toutes ces définitions dans la lettre de l'Union des employés d'hôtels, restaurants et commis de bar, local 31, FAT, CIO, CTC... Voilà, ce n'est pas un petit syndicat de boutique, c'est quelque chose qui a l'air important.

Ils demandent aussi de définir le local à l'intérieur d'un établissement. Dans ce fameux petit paragraphe, on ne dit que cela: les gens qui travaillent dans un local. Mais toutes sortes de gens travaillent, cela retourne à ces gens-là qu'on mentionnait avant: la barmaid, le barman, le barboy, le serveur, la serveuse, l'hôtesse, le sommelier, le livreur, le commis-débarrasseur, le préposé au vestiaire, le maître d'hôtel, le caissier aux commandes, le placier, le chasseur, le service aux chambres, "houseman banquet", portier, chauffeur, etc., qui travaillent dans un local à l'intérieur d'un établissement. Qui sont ces gens-là? Est-ce que tous ces gens-là qui travaillent dans un local...? Quel local? Est-ce que le local est seulement le restaurant? Est-ce que la cuisine est incluse? Est-ce que c'est la cuisine pour le service aux chambres? Est-ce que le service aux chambres est inclus ici? Je ne le sais pas. À mon avis, le service aux chambres est souvent un service au pourboire plus important que celui des serveurs dans les restaurants parce que les gens qui livrent à la chambre ont, normalement, plus de pourboire que les serveurs et serveuses dans l'établissement.

On parle aussi des livraisons. Il y a une coutume, pour ce qui est de la livraison, soit qu'on ne donne jamais un pourboire basé sur le montant de la facture. On donne 0,50 $ ou 1 $ au livreur à la porte, pas plus. On n'examine pas la facture en disant: C'est 15 $ pour le barbecue que j'ai commandé et je vais lui donner 15% ou 10% de 15 $. Jamais cela n'arrive. On a des coutumes; 2 $, peut-être 3 $, mais jamais on ne donne cela. On fait livrer une pizza et on donne 0,50 $ au jeune homme qui vient. Il y en a beaucoup qui ne donnent rien. Comment cela fonctionne-t-il dans le métier? Les gens de l'Union des employés d'hôtels, restaurants et commis de bar, local 31, FAT, CIO, CTC, est l'un des meilleurs groupes qui puisse nous donner des explications, au moins dans le domaine. Ce ne sont pas seulement ces deux définitions qu'ils demandent. Ils demandent aussi de définir la restauration rapide, le "fast food", le buffet, le brunch. Qu'est-ce qu'une cafétéria? Où cela est-il défini dans la loi?

Je vous donne un exemple. Le Beaver Club au Reine Elizabeth, un des meilleurs restaurants au Canada. C'est un restaurant, ce n'est pas une cafétéria, ce n'est pas un "fast food" mais le dimanche matin il y a un brunch, un buffet. Qu'est-ce que c'est? Il n'y a pas de pourboire comme avant parce que les gens se servent eux-mêmes. Au Château Frontenac, au Champlain, il y a un buffet le dimanche. Qu'est-ce que c'est? Est-ce que les gens sont taxés comme s'ils recevaient des pourboires? Je n'ai jamais vu une loi semblable, sans définition. On ne définit pas ce qu'est un buffet, un brunch, un "fast food" ou une cafétéria. Les gens qui travaillent là, la barmaid, le barman, qui travaillent le dimanche au brunch, est-ce qu'ils sont couverts? Est-ce que le "busboy" est couvert? Je ne le sais pas.

Cela ne finit pas là. Ces gens-là ont fait une liste; ils ne nous disent pas ce qu'ils veulent ou ce qu'ils comprennent par cela. Exemple 5, livraison, définir l'exclusion. Par exemple, une journée de livraison par semaine. Qu'est-ce que cela veut dire? Peut-être que vous comprenez mais je ne comprends pas. Je veux questionner M. Dumoulin... c'est Dumoulin ou Gagné? Je veux le questionner. Je veux voir l'opportunité... On a déjà discuté en commission parlementaire avant mais on n'a pas discuté des détails comme cela. Ce sont les détails qui font la loi. Ce n'est pas une loi facile à comprendre. Ma recherchiste a dit: C'est une loi simpliste pour une industrie complexe. On ne peut pas fonctionner comme cela. Pour les fins du journal des Débats, elle s'appelle Brigitte Bourque.

M. Marcoux: C'est sûrement une future candidate.

M. Blank: Oui, peut-être une future

candidate, peut-être un futur ministre du Revenu, je ne le sais pas. Tout est possible. Chez nous, les femmes ne sont pas des symboles. Elles font partie de notre équipe.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Louis, ne vous laissez distraire par personne si vous voulez convaincre les gens, parce que je remarque qu'on termine nos travaux à 10 heures, il reste 10 minutes et dans la motion, vous les invitez pour demain matin, à 10 heures.

M. Blank: Oui, oui, mais je vais finir avant. Je peux toujours, demain matin, si elle n'est pas adoptée, cette motion, l'amender pour changer l'heure. Ce n'est pas la fin du monde. Cela me donne 20 minutes de plus pour parler.

Ce n'est pas cela. Franchement, je ne vois pas comment ce projet de loi pourrait être adopté et entrer en vigueur le 1er janvier sans qu'on sache ce que l'on veut adopter. On ne le saura pas sans les explications des gens du milieu de la restauration et de l'hôtellerie. On veut savoir de quoi il s'agit ici. On est d'accord sur le principe. On a voté pour le principe. Nous ne sommes pas contre le principe des cinq buts que le ministre a énumérés. On est pour les mêmes buts, mais on veut y arriver d'une façon logique et qui fasse le moins de tort possible aux gens dans ce métier.

Aujourd'hui, ici, on ne sait pas où l'on s'en va. Les gens sont tous dérangés par cette affaire-là. Le ministre a dit qu'on avait eu un consensus et que tous les gens, des deux côtés, étaient d'accord avec cette affaire. Oui, mais il s'est passé quelque chose depuis que le ministre a fait ces déclarations. L'exemple parfait, c'est que l'Association des restaurateurs, à son congrès du mois de juin, a dit qu'elle était pour la loi, mais aujourd'hui, elle a écrit une lettre de dix pages au ministre lui disant qu'elle n'est pas d'accord avec cela.

Sur les principes, c'est facile d'être d'accord. Tout le monde est d'accord. C'est cela qu'on a discuté à la dernière commission parlementaire, le principe. Maintenant, on arrive aux modalités et même là...

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Marcoux: Je peux vous donner un exemple. Vous interprétez comme étant une opposition la lettre de l'Association des restaurateurs. Ils ont manifesté le désir de me rencontrer. Alors, je les ai rencontrés, à la suite de la rédaction de cette lettre. Ils proposent des changements. Ce n'est pas dans le sens de retarder la mise en oeuvre de l'application de la loi; c'est afin de trouver des modalités d'application qui permettent de la mettre en oeuvre harmonieusement. Je suis convaincu qu'il y a moyen de trouver des solutions qui permettent de la mettre en oeuvre dans l'harmonie dès le 1er janvier 1984. Ils m'ont fait part de suggestions et je suis prêt à retenir certaines de ces suggestions. Mais, quand vous indiquez que l'esprit de la lettre que j'ai lue est de retarder la mise en oeuvre de la loi ou de ne pas l'appliquer, je peux vous assurer que je suis prêt à procéder à l'étude article par article et à rejoindre totalement l'esprit de cette lettre de l'Association des restaurateurs.

M. Blank: Oui, mais le ministre a eu l'avantage d'étudier ce projet de loi avec ses fonctionnaires pour en arriver à quelque chose. Nous, du côté de l'Opposition, et même les députés ministériels n'avons pas eu cette chance et on nous demande d'adopter un article. On ne sait pas de quoi il s'agit. On veut poser des questions à ces gens-là.

Aujourd'hui même, quelqu'un de ce même groupement m'a parlé au téléphone et m'a dit qu'il voulait se faire entendre ici. J'ai aussi reçu un télégramme aujourd'hui -je pense que le ministre l'a reçu aussi -adressé à Harry Blank, député de Saint-Louis, Assemblée nationale, Hôtel du gouvernement, Québec: "Certaines dispositions du projet de loi 43 risquent d'avoir un impact important sur les coûts de l'industrie hôtelière et de la restauration. Exprimons profonde inquiétude des hôteliers et des restaurateurs. Souhaiterions vivement que les hôteliers et les restaurateurs soient entendus par le ministre du Revenu avant de procéder à l'adoption du projet de loi actuel. Signé: Yvon Dolbec, président, Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain."

Voilà, ce sont des gens qui représentent presque tous les hôteliers et restaurateurs de la région métropolitaine de Québec. Et le groupe de M. Dumoulin, l'Union des employés d'hôtels, restaurants et commis de bar, tombe dans ce groupe-là. Ils demandent - ce sont tous les membres de l'Association des restaurateurs - au ministre, daté d'hier, le 28, d'être entendus ici. Il y a beaucoup de groupements qui veulent se faire entendre ici pour nous donner leur approbation à certaines dispositions de cette loi-là, mais, aussi nous dire la façon d'arriver aux buts que le ministre veut atteindre.

Il y a des gens des deux côtés à qui on a parlé de certaines choses. Les propriétaires n'ont jamais pensé que toutes sortes de choses vont être incluses dans les avantages sociaux au lieu que ce soient seulement les déductions à la source. Ils n'ont jamais pensé à la question des jours fériés, des vacances, des congés de maternité. Il y a un grand hôtel ici à Québec. De par la convention, les employés ont cinq semaines de vacances par

année; cinq semaines de vacances, selon la convention collective. Les employeurs sont forcés de payer cinq semaines de salaire minimum, plus les pourboires moyens que les gens auraient pu recevoir pour cinq semaines. Ce ne sont pas les 4% dont vous parlez, deux semaines; ce sont cinq semaines. Et presque toutes les conventions collectives sont semblables. Cela couvre seulement, peut-être, 20% du groupe, mais c'est un groupe qui touche les grands établissements au Québec, ceux qui attirent les touristes et c'est là qu'on va créer le plus de problèmes. Aussi, sur les 4%: 4%, ce n'est peut-être pas beaucoup, mais pour un petit restaurateur du coin, c'est quelque chose. Ils n'ont jamais pensé à ça quand on a discuté cela en commission parlementaire. Maintenant, on veut entendre ces gens, on veut avoir leur opinion. Peut-être qu'ils n'ont pas raison, mais au moins, on est un pays démocratique - qu'on les entende sur cela.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Cela ne fait pas vingt minutes.

Le Président (M. Gagnon): Oui, vous avez effectivement fait vingt minutes. Oui, M. le ministre.

M. Blank: Je n'ai même pas commencé mon discours.

Le Président (M. Gagnon): Nous sommes deux à vérifier le temps et...

M. Blank: Je suis d'accord. Je constate que j'ai fait...

Le Président (M. Gagnon): ...vous avez commencé à 21 h 37.

M. Marcoux: Quand le député de Saint-Louis dit: On veut avoir des réponses à nos questions, la meilleure façon est justement d'aborder l'étude du projet de loi article par article. Aux différents articles, on pourra répondre aux questions que vous soulevez.

M. Blank: Je veux que ce soient ces gens qui me répondent. Vous n'êtes pas encore dans le métier.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre a la parole.

M. Marcoux: Le dernier point... Vous m'avez interrompu, alors j'ai perdu...

M. Blank: Les avantages sociaux.

M. Marcoux: La question des avantages sociaux. M. le député de Saint-Louis, vous avez participé à tous les travaux de la commission parlementaire l'an dernier, à tous les débats à l'Assemblée nationale, à tous les travaux de la commission parlementaire avec tous les groupes. Dans toutes les questions que vous avez posées, il a toujours été question de l'ensemble des avantages sociaux. On a indiqué - on a eu des discussions avec l'Association des hôteliers, l'Association des restaurateurs, les travailleurs au pourboire -que sur chaque montant de 100 $ de pourboires déclarés, la totalité des avantages sociaux équivalait à 13 $; ceux-ci, évidemment, sur la masse salariale, représentent 1,6%, 1,9% ou 1,3% du total du chiffre d'affaires.

Les avantages sociaux, nous en avons toujours parlé comme incluant la totalité: l'assurance-chômage, la Régie des rentes du Québec, la CSST, la loi des conditions minimales de travail. Cela a toujours été clair lorsque nous parlions des avantages sociaux et des données chiffrées dont nous avons discuté.

Je me souviens très bien que l'Association des restaurateurs du Québec disait: Si on applique la formule américaine, cela va être une hausse des prix de peut-être 10%, 15% ou 20%. Il va falloir augmenter nos prix de 15% ou 20%. On a discuté ensemble et on est arrivé à la conclusion, durant même la commission parlementaire, que, pour un chiffre d'affaires de 300 000 $, si on comptait le salaire des employés au pourboire, s'ils révélaient leurs pourboires et qu'on ajoutait 13 $ pour 100 $ de pourboires révélés, on arrivait à une augmentation du coût d'environ 1,3% ou 2%, et cela incluait toujours la totalité des avantages sociaux. Il n'a jamais été question d'une partie ou d'aucun avantage social, simplement de percevoir les impôts à la source, M. le député de Saint-Louis. Ce débat, nous l'avons eu avec les participants en commission parlementaire et il n'est pas nouveau par rapport à la question des avantages sociaux.

Le Président (M. Gagnon): Sur ce, il est 22 heures; donc, nous allons ajourner nos travaux à demain, mercredi, 10 heures, exactement au même endroit.

(Fin de la séance à 21 h 59)

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