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Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le jeudi 25 août 2011 - Vol. 41 N° 13

Consultation générale et auditions publiques sur le document de consultation intitulé « La planification de l’immigration au Québec pour la période 2012-2015 »


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de tenir une consultation générale et des auditions publiques sur le document intitulé La planification et l'immigration au Québec pour la période 2012-2015.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Blanchet (Drummond), le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles, remplace M. Cousineau (Bertrand) et Mme Rotiroti (Jeanne-Mance--Viger), l'adjointe parlementaire de la ministre, remplace M. Lehouillier (Lévis).

Le Président (M. Bernier): Alors, un bon matin à tous les parlementaires, bon matin au personnel de l'Assemblée nationale, bon matin aux groupes qui viennent nous voir. Aujourd'hui, nous aurons le plaisir d'entendre les Manufacturiers et exportateurs du Québec, pour débuter, par la suite la Confédération des syndicats nationaux, la ville de Montréal, le Conseil du patronat, développement... SH Intégration et le Congrès maghrébin au Québec.

Auditions (suite)

Nous allons donc débuter notre journée avec les représentants des Manufacturiers et exportateurs du Québec. M. Simon Prévost et Mme Carmen Bourgeois, bienvenue. On est heureux de vous recevoir à la Commission des relations avec les citoyens. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous allons échanger avec les parlementaires. La parole est à vous.

Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)

M. Prévost (Simon): Merci, M. le Président. Alors donc, comme vous l'avez dit, je suis Simon Prévost. Je suis président de l'association. Et je suis accompagné de Mme Bourgeois, qui est vice-présidente, Ressources humaines, chez Groupe Novatech, qui est un membre de l'association.

Alors, pour commencer, nous souhaitons vous remercier, M. le Président ainsi que les membres de la commission, de bien vouloir entendre nos recommandations dans le cadre de ces consultations. Comme plusieurs le savent, les entreprises manufacturières et exportatrices comptent fortement sur l'apport de l'immigration pour palier aux pénuries de main-d'oeuvre et relever les défis de la croissance.

Il est vrai, M. le Président, qu'aucun secteur d'activité n'est épargné par les enjeux relatifs à la pénurie de main-d'oeuvre, mais il se trouve malheureusement qu'une entreprise manufacturière éprouve des difficultés plus marquées à ce chapitre. Cela s'explique par divers facteurs, entre autres la spécificité et le niveau technique des compétences et des qualifications recherchées dans le secteur manufacturier, par la présence de nombreux métiers réglementés, par une activité et des besoins de main-d'oeuvre saisonniers et également par une localisation souvent éloignée des grands centres urbains. Ces particularités doivent être considérées avec attention, car le secteur manufacturier joue un rôle moteur important dans l'économie.

Et à cet égard-là j'ouvre une petite parenthèse pour vous dire que le secteur manufacturier est un secteur sur lequel l'économie du Québec devra compter, notamment pour améliorer la base commerciale du Québec. C'est aussi un secteur où on voit beaucoup de dynamisme, de l'innovation, des activités de R&D -- c'est essentiellement dans le secteur manufacturier que s'effectuent les activités de recherche et développement -- ainsi que la valorisation et la commercialisation de produits à valeur ajoutée. Les ressources naturelles sont aussi fortement soutenues par le secteur manufacturier. Et par ailleurs de très nombreux emplois de qualité, à haut niveau de rémunération, sont tributaires du secteur manufacturier, y compris ceux qui se trouvent dans le secteur des services.

Alors, si je vous fais cette petite promotion du secteur manufacturier, M. le Président, c'est pour vous dire que notre recommandation n° 1, c'est qu'une attention particulière soit portée aux besoins du secteur manufacturier dans le cadre de la planification de l'immigration 2012-2015.

Le document de consultation qui nous a été soumis reconnaît la problématique de la pénurie de main-d'oeuvre et ses implications pour l'avenir économique du Québec. Le document annonce néanmoins la réduction du nombre d'immigrants de 53 000, en 2012, à 50 000, en 2015. M. le Président, je dois dire, nous en sommes un peu étonnés, car, même si nous comprenons l'enjeu de la capacité du Québec à accueillir convenablement les nouveaux immigrants, les perspectives démographiques de l'Institut de la statistique du Québec révèlent que, même dans un scénario de fécondité des plus optimistes, une immigration internationale de 60 000 personnes ne permettra pas de contrer la baisse de la population québécoise, spécialement le poids des 20 à 64 ans dans la population.

L'immigration, bien sûr, ne peut pas tout régler. Nous devons trouver des moyens de faire croître l'économie et de résoudre les enjeux du Québec avec d'autres moyens, des moyens complémentaires, comme l'innovation, par exemple. Mais nous recommandons néanmoins au gouvernement du Québec de prendre garde de proposer un niveau insuffisant de nouveaux arrivants.

**(9 h 40)**

Il faut considérer les 10 prochaines années comme des années cruciales pendant lesquelles il ne faudra pas y aller avec demi-mesure pour construire l'avenir économique du Québec. Selon nous, le niveau moyen d'immigration économique doit être largement augmenté au cours des 10 prochaines années. La commission est probablement informée des perspectives pour l'indice de remplacement, qui chutera à un creux historique d'ici à 2023. Une accélération de l'immigration est, selon nous, beaucoup plus opportune à court, moyen terme qu'à moyen, long terme.

De plus, la réduction proposée du nombre d'admissions de 53 000 à 50 000 d'ici 2015 est principalement portée par la baisse du volume de l'immigration de travailleurs qualifiés, réduisant ainsi le ratio de l'immigration économique sur l'immigration totale à 66 %. Cette baisse, à notre avis, M. le Président, va à contresens de ce que suggère la situation économique et démographique.

Il est proposé dans le document de consultation, par ailleurs, de compenser cette baisse par, je cite, «une optimatisation des caractéristiques de cette immigration». Nous ne nous opposons pas au principe sous-jacent à cet arbitrage, mais nous croyons qu'il faut autant cibler une augmentation des volumes qu'une amélioration de la sélection. En somme, il faut faire plus et mieux.

Il est d'ailleurs important de rappeler que le taux de chômage particulièrement élevé des immigrants au Québec n'est pas dû à un flux trop important de travailleurs issus de l'immigration, mais à une faible adéquation de la main-d'oeuvre immigrante aux besoins des employeurs.

Notons par ailleurs que le Québec peut faire plus sur le plan quantitatif. En effet, le Québec représente environ 23 % de la population canadienne mais seulement 19 % de l'immigration internationale du Canada, 15,5 % des étudiants étrangers et 11,6 % des travailleurs temporaires. Donc, dans toutes ces catégories, le Québec a un poids plus faible que son poids relatif dans l'économie canadienne.

Donc, en seconde recommandation, nous proposons d'évaluer l'opportunité d'accélérer l'immigration au-delà de 50 000 personnes par année au cours des 10 prochaines années et de maintenir, ce faisant, à un niveau supérieur l'immigration des travailleurs qualifiés.

La politique d'immigration est par nature complexe. Elle implique de saisir à la fois les aspirations humaines des candidats avec les diverses réalités sociales, économiques, administratives et culturelles du pays d'accueil. Les immigrants se voient proposer un projet commun auquel leur adhésion est cruciale pour une intégration durable et pleinement bénéfique à tous.

Dans la complexité de cet arrimage, la politique d'immigration doit, à notre avis, en tout premier lieu, se concentrer sur l'intégration économique et la réussite professionnelle des immigrants, qui demeure un puissant vecteur d'intégration sociale. Nous reconnaissons tous les efforts et la détermination du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles pour favoriser l'intégration des nouveaux immigrants sur le marché du travail. Cependant, la justesse des mesures mises en place par le MICC, au cours des dernières années, pour favoriser l'intégration des immigrants et améliorer le processus de sélection ne semble pas encore fournir les résultats escomptés.

La force productive du Québec passe par le développement de sa force de travail. Il nous apparaît important de rappeler que le gouvernement doit résolument répondre, dans le cadre de cette planification, aux besoins spécifiques des employeurs. En amont des processus d'immigration, cela implique de faire une sélection judicieuse pour que les nouveaux arrivants trouvent, à leur arrivée, des emplois effectivement vacants. En aval, évidemment, cela augmente les chances de rétention pour que l'immigration participe à long terme à un Québec prospère.

MEQ soumet à cet égard quatre recommandations. Premièrement, nous demandons à ce que soit officiellement souligné le caractère fondamental de l'intégration économique des immigrants et d'inscrire clairement, dans le cadre de la planification, les objectifs et mesures spécifiques à cet enjeu.

Deuxièmement, nous demandons que soit modifiée la grille de sélection, de manière à franchement privilégier les métiers de la fabrication et réviser à la hausse le pointage pour les immigrants dont les qualifications sont propres au secteur manufacturier et dont l'âge est supérieur à 35 ans. M. le Président, on sait qu'il est très favorable d'accueillir des immigrants qui sont plutôt jeunes, qui vont contribuer longtemps à la société québécoise, mais dans les secteurs de la fabrication il est impératif d'accueillir des immigrants qui sont qualifiés et qui sont déjà productifs car plus âgés.

Troisièmement, travailler de concert avec les entreprises du Québec pour une concertation continue sur leurs besoins en main-d'oeuvre, afin d'affiner la grille de sélection et faciliter l'emploi de travailleurs étrangers.

Et finalement, à ce chapitre, renforcer les moyens du dispositif de Placement en ligne international, qui est une très bonne initiative, soit dit en passant, et en faire la promotion encore davantage, de son utilisation.

L'adéquation au marché du travail doit également répondre à la localisation des emplois. Les immigrants résident largement dans la région métropolitaine, c'est bien connu. Il est absolument indispensable que la politique d'immigration s'enligne sur une meilleure adéquation régionale. Nous savons que des initiatives du MICC sont à l'oeuvre, mais il est encore très difficile d'attirer de nouveaux immigrants en région. Nous pensons que des mesures plus marquées peuvent et doivent faire la différence.

Plus précisément, à cet égard, nous recommandons, M. le Président, d'offrir aux entreprises manufacturières un crédit sur les ponctions fiscales sur la masse salariale pour l'embauche d'immigrants en région, afin d'aider les entreprises à favoriser l'intégration progressive des immigrants, que ce soit sur le plan linguistique ou sur le plan de la formation professionnelle.

Nous recommandons aussi d'accorder un avantage fiscal conséquent sur cinq ans pour les immigrants ou les familles d'immigrants qui opteraient pour une région défavorisée sur le plan économique ou démographique.

Finalement, nous recommandons également d'établir des cibles pour une meilleure répartition des immigrants dans les régions.

Certaines catégories d'immigrants présentent une capacité d'intégration économique facilitée et donc une rétention a priori plus évidente. Il s'agit notamment des étudiants. Le premier ministre a donc annoncé en février 2011 que les étudiants étrangers obtiendront un certificat de sélection avec l'obtention de leurs diplômes. Cette mesure est judicieuse, M. le Président.

Nous recommandons aussi de suivre dans cette même optique avec deux recommandations: d'abord, une augmentation des effectifs des étudiants étrangers, de telle manière à cibler pour le Québec une proportion de 23 % dans le total canadien; et, deuxièmement, de mettre en place des mesures encourageant la venue d'étudiants étrangers pour intégrer un établissement de formation technique ou professionnelle en relation avec les métiers de la fabrication et de leur offrir des facilités similaires à celles offertes aux étudiants étrangers pour l'obtention d'un certificat de sélection du Québec.

M. le Président, il faut également évoquer la question des travailleurs temporaires. En effet, le Québec a beaucoup moins recours que les autres provinces canadiennes au travail temporaire, comme je le mentionnais à l'instant. La question est liée aux objectifs de la planification de l'immigration, même si dans le document de consultation cet élément-là n'est pas particulièrement mis en évidence. Nous pensons que faciliter l'obtention par les travailleurs étrangers de visas temporaires constitue une excellente manière d'aider à l'intégration et à la rétention de potentiels immigrants. À plus court terme, cela réduit les pressions des entreprises face à la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée.

Nous avons donc deux recommandations à cet égard: premièrement, reconnaître le travail étranger temporaire comme élément de le planification de l'immigration et offrir des facilités similaires à celles offertes aux étudiants étrangers pour l'obtention d'un certificat de sélection du Québec; et, deuxièmement, poursuivre, en collaboration avec les entreprises, la réduction des tracas administratifs pour les entreprises ayant recours à des travailleurs étrangers.

Sur cette question en particulier, je vais laisser maintenant la parole à Mme Bourgeois, dont l'expérience va très certainement aider la commission à saisir la réalité concrète et les difficultés des entreprises québécoises en matière de pénurie de main-d'oeuvre et de recours aux travailleurs temporaires. Mme Bourgeois.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Bourgeois.

Mme Bourgeois (Carmen): Merci, Simon. M. le Président, Groupe Novatech est une entreprise québécoise privée, fondée en 1982. En constante croissance, elle compte aujourd'hui 575 employés, répartis dans six sites de fabrication au Québec et deux centres de distribution au pays. Elle est certifiée ISO 9001. Ses axes stratégiques sont l'innovation, l'amélioration continue, le développement durable et la commercialisation à valeur ajoutée.

L'entreprise, intégrée verticalement, se consacre à plusieurs activités de transformation du verre, à la fabrication de fenêtres de portes non standard, de panneaux de porte d'acier, de portes en fibre de verre et de systèmes de portes patio et jardin, de même qu'à l'extrusion de PVC et au cintrage de profilés. Elle dessert des marchés au Canada, aux États-Unis, en Europe, en Amérique du Sud, en Asie, en Afrique et poursuit sa croissance à l'exportation.

Plusieurs prix reçus au cours des dernières années témoignent de l'engagement de l'entreprise envers l'excellence à tous les niveaux. À titre d'exemple, je cite: une Mention en 2005 et une Grande Mention en 2009 des Grands Prix québécois de la qualité; un Prix innovation en santé et sécurité du travail décerné par la CSST en 2010.

Notre démarche de recrutement à l'étranger est devenue nécessaire dû à la rareté de la main-d'oeuvre, le transport en commun non disponible à Sainte-Julie, la difficulté de combler les postes, particulièrement de soir et de nuit, la saisonnalité de nos activités, la faible rétention des nouveaux employés, en grande partie attribuable au peu d'intérêt pour la nature des tâches, ces facteurs ayant pour conséquence l'instabilité des équipes de travail, un impact négatif sur l'efficacité des opérations et la qualité des produits, des retards de livraison et le risque de perdre la confiance des clients.

Avant d'avoir recours à une première demande de travailleurs étrangers en 2009, l'entreprise avait antérieurement rencontré Immigration Québec pour exprimer ses besoins en main-d'oeuvre non qualifiée, n'ayant pas de succès auprès des travailleurs surqualifiés. Nos démarches pour faire modifier les horaires de transport en commun n'ont pas porté fruit, pas plus que nos représentations auprès de la ville de Sainte-Julie pour adresser la problématique des logements, trop dispendieux pour des journaliers. Nous en sommes à notre troisième demande de certificat de travail temporaire pour travailleur non qualifié.

**(9 h 50)**

Nous avons eu à surmonter plusieurs difficultés dans notre processus de demande pour des travailleurs étrangers, tels que:

Il semble exister une perception, chez les agents, que les travailleurs étrangers viennent enlever des emplois des travailleurs d'ici;

Le processus est clair, mais il est sujet à l'interprétation par les agents;

Le salaire exigé présente un écart entre ce qui est imposé par le gouvernement et la réalité sur le terrain;

Le logement a été source de malentendus et de retards dans le traitement du dossier;

Il y a eu mésinterprétation par les agents des deux gouvernements sur les obligations de l'employeur de satisfaire deux gouvernements à la fois. Le besoin de l'employeur doit être approuvé par Service Canada d'abord et ensuite par Immigration Québec. S'il n'y a pas d'entente, le dossier n'avance pas;

La lenteur dans le traitement du dossier. Notre demande a été initiée le 6 janvier 2011, pour être acceptée le 28 avril 2011, presque quatre mois;

Et finalement les délais générés par les agents responsables du dossier, comme par exemple un départ pour vacances sans relève pour le dossier, la lenteur de prise de décision, l'acharnement ressenti pour trouver des failles, des erreurs dans la transmission de documents.

Parmi les points favorables, il y a bien sûr l'existence même du programme et la possibilité de demander une révision de dossier lors d'un refus. Un point défavorable toutefois est qu'Immigration Québec facture l'étude du dossier des candidats pour l'émission de certificats d'acceptation du Québec avant qu'il n'y ait un accord sur le besoin de l'employeur par les deux gouvernements. Donc, si le besoin de l'employeur n'est finalement pas approuvé par les deux instances, ce dernier a encouru des frais pour un processus qui n'a pas lieu.

Les possibilités d'amélioration pourraient être:

D'abord et avant tout, de tenir compte que les délais peuvent avoir des conséquences irrévocables pour l'employeur qui soumet une demande;

Que l'approbation de Service Canada soit reconnue par Immigration Québec;

D'implanter un processus allégé de renouvellement d'une demande, plutôt que de traiter chaque demande sans égard à celle de l'année précédente;

Que les candidats acceptés une première fois puissent revenir sans que leurs dossiers n'aient à être soumis à un processus fastidieux et onéreux pour l'employeur alors qu'ils ont quitté l'entreprise il y a juste un peu plus de deux mois;

D'encourager les agents au dossier à clarifier les informations par courriel ou téléphone, au lieu de procéder par lettre postée;

De donner la possibilité à l'employeur de se référer à un supérieur dans les situations où le dossier n'évolue pas de façon satisfaisante.

En 2011 seulement, Groupe Novatech a embauché 160 employés québécois et 13 travailleurs étrangers temporaires. L'entreprise fait face à une concurrence désormais mondiale. Le recrutement à l'étranger s'est avéré un élément essentiel pour établir une certaine stabilité de la main-d'oeuvre...

Le Président (M. Bernier): Je vous invite à conclure, s'il vous plaît, madame. Il faut procéder aux échanges, malheureusement.

Mme Bourgeois (Carmen): Je passe tout de suite la parole à Simon.

M. Prévost (Simon): M. le Président, est-ce que vous me donnez un petit 30 secondes pour...

Le Président (M. Bernier): Oui, c'est pour ça, je veux vous donner un 30 secondes. Je vous invite à conclure.

M. Prévost (Simon): Alors donc, là, écoutez, de toute façon, je pense que notre message est assez clair, M. le Président. Mais, pour conclure, donc, je réitérerais que nous pensons, chez MEQ, qu'au cours des 10 prochaines années le Québec doit augmenter de manière significative le nombre d'immigrants. Il est également fondamental que la planification de l'immigration soit fondée sur des mesures claires et cohérentes, avec la réussite professionnelle des immigrants sur laquelle dépend leur intégration sociale. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Merci. Merci. Vous comprenez que le temps est assez limité. Il y a plusieurs groupes. Sans plus tarder, Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Weil: Oui. Alors, bienvenue, M. Prévost et Mme Bourgeois. D'entrée de jeu, je veux vous féliciter pour votre mémoire. Et d'ailleurs, moi, je vais partager votre mémoire avec mes collègues, évidemment la ministre de l'Emploi et Solidarité sociale, le ministre du Développement économique, le ministre des Finances, parce que vous avez des suggestions, le ministre des Affaires municipales, parce que vous avez des suggestions intéressantes pour ce qui est de la régionalisation de l'immigration. Je veux vous féliciter, parce que, ce que vous faites, vous amenez vraiment des solutions, vous allez très, très pointu, et on a besoin de ça. On a besoin de savoir qu'est-ce que vous vivez sur le terrain et qu'est-ce qu'on peut faire pour répondre en temps réel à vos besoins. Alors, j'apprécie beaucoup.

Je vais aller avec des questions, donc, qui vont aller un peu dans le détail aussi parce que j'ai besoin de vous entendre. Et je peux vous dire qu'on fera un suivi avec vous. On fera un suivi avec vous très prochainement pour essayer de valider certaines choses.

Maintenant, la question... juste globalement un commentaire général sur les volumes. Bien qu'on sait qu'on est un paradis ici, au Québec, ce n'est pas tout le monde qui sait qu'on est un paradis. Il faut travailler très fort pour susciter l'intérêt. Ce n'est pas évident qu'on peut aller chercher 65 000, comme nous dit... et en même temps pouvoir avoir des personnes qui vont intégrer le marché de l'emploi, qui vont être capables de parler français. Donc, l'immigration, c'est un équilibre entre tous ces facteurs, et les prévisions qu'on fait, c'est des prévisions réalistes. Réalistes mais qui vont combler nos besoins. Mais vous le mentionnez aussi... et je prends très bonne note de votre suggestion de mieux intégrer la facette travailleurs temporaires, parce que c'est vrai que ça fait partie du grand portrait de l'immigration.

Maintenant, il y a des voix... M. Kenney est en consultation au Canada actuellement. Il y a des voix, surtout au Canada anglais mais ici aussi: Attention, gardons l'équilibre entre l'immigration temporaire et l'immigration permanente. Mais, nous, on sait pertinemment que l'immigration temporaire répond aux besoins ponctuels et surtout que le marché de l'emploi, évidemment, c'est le très court terme, c'est le moyen terme mais qu'il évolue rapidement aussi. Donc, en immigration, ce que je retiens, on ne peut pas juste miser sur une stratégie, il faut être un peu sur tous les fronts. Et la langue, je vous dirais, ça revient constamment comme un consensus. On y reviendra, sur cette question de langue. On cherche des gens qui sont jeunes. Alors, c'est l'équilibre dans tout ça.

Peut-être juste corriger une petite chose, et on reviendra sur le PEQ. On a déjà le Programme de l'expérience québécoise pour les travailleurs temporaires comme on l'a pour les étudiants. Donc, on travaille. Mais je vais vouloir vous poser des questions sur d'autres idées pour en faire la promotion. C'est tout nouveau, hein, c'est 2010. Alors, on se donne des objectifs réalistes et on regarde d'autres pays, comme l'Australie, qui l'ont eu. Et il y a des leçons à apprendre aussi sur la façon d'y aller. Il faut y aller prudemment et de façon réaliste. Les étudiants en particulier, c'est quelque chose... Oui, on veut les attirer, mais la façon de les aborder pour savoir s'ils sont intéressés à rester ici... Bon.

J'aimerais aller tout de suite sur ces questions d'incitatifs fiscaux, que je trouve bien intéressants. La question est: Est-ce que vous pouvez développer votre proposition à l'égard des incitatifs fiscaux susceptibles de faire la différence, comme vous dites, pour avantager l'intégration des immigrants? Par exemple, on a un incitatif fiscal pour ce qui est de la francisation en milieu d'entreprise. On nous dit que ce n'est pas tellement... il y a peu de demandes dans ce sens-là, ça ne semble pas susciter beaucoup d'intérêt. Parce que, moi, j'avais pensé peut-être aussi à une mesure d'incitatif fiscal pour l'intégration en emploi, carrément. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce qui ferait qu'on pourrait intéresser les employeurs? Est-ce qu'ils savent que ça existe ou que ça pourrait exister? Est-ce que ça les intéresse?

Le Président (M. Bernier): M. Prévost.

M. Prévost (Simon): Merci, M. le Président. Alors, d'abord, j'aimerais remercier Mme la ministre pour ses bons mots à l'égard de notre effort de précision et d'arriver avec des solutions concrètes. Vous savez qu'à tous les jours on est confrontés à la réalité des entreprises qui doivent trouver des solutions. Évidemment, du côté des parlementaires, vous devez avoir des grandes orientations, des politiques et éventuellement des programmes. Donc, je pense qu'il y a moyen d'arrimer tout ça, et c'est ce qu'on a essayé de faire avec notre mémoire.

Avant de venir plus directement à la question de la ministre, sur la question de la concurrence internationale, bon, évidemment, on n'est pas tout seuls à vouloir avoir des immigrants. Et le déclin démographique se vit ailleurs qu'au Québec. On peut rester ailleurs au Canada, où la situation, sans être aussi sévère, va dans les mêmes tendances. Donc, il va falloir trouver une façon d'améliorer, pourrais-je dire, notre attractivité. Je ne sais pas si c'est un mot dans le nouveau Petit Larousse, mais il reste que...

Je pense qu'avec un certain nombre des solutions qu'on propose, comme par exemple ce crédit, c'est-à-dire, oui, cet allégement fiscal pour l'installation en région, par exemple... Si on travaille fortement sur la question de la formation professionnelle des nouveaux arrivants, si on s'assure que ceux qui ont les qualifications ont les bonnes qualifications et qu'un emploi les attend, ou en tout cas qu'il y a un secteur d'activité qui est plus prometteur, je pense que déjà ça va améliorer le pouvoir d'attraction du Québec pour certains travailleurs qui arrivent d'ailleurs.

Disons que tout ça, évidemment... Et je note la remarque de Mme la ministre à l'effet qu'elle va transmettre nos recommandations à plusieurs de ses collègues. Parce qu'effectivement l'immigration, pour nous, est au coeur de l'économie et donc forcément touche un ensemble de ministères, dans le fond, je dirais, l'ensemble du gouvernement.

Je ferai une petite parenthèse. On ne l'a pas mentionné dans le mémoire, mais je suis personnellement -- et aussi c'est l'avis de nos membres -- convaincu que sur le plan du développement économique l'immigration est, disons, un élément majeur de ce qui va se passer au Québec dans les prochaines années. Donc, ce n'est pas juste accessoirement économique, l'immigration, c'est éminemment économique, et donc d'où, entre autres, notre présence ici mais aussi, je dirais, nos recommandations assez bien senties sur la nécessité d'augmenter l'immigration.

**(10 heures)**

Après ça, évidemment, il s'agit de marquer le coup parce qu'il y a des voix qui s'élèvent pour dire qu'il faut réduire. Donc, nous, on voulait vraiment, M. le Président, marquer le coup et dire que, non, ce n'est pas vrai, ça fait partie de la solution économique. Et j'ai peut-être un biais personnel, étant économiste de formation, mais je pense que, si on veut parler de bien-être des gens, si on veut parler de prospérité économique, si on veut parler de redistribution de la richesse, tout ça passe par le développement économique, d'abord et avant tout, et par l'apport des travailleurs immigrants. Donc, voilà pour les propos liminaires.

Maintenant, si j'en viens plus spécifiquement, M. le Président, à la question de Mme la ministre sur qu'est-ce qu'on pourrait faire exactement en termes d'allégement fiscal, du côté des entreprises, ce qui est certain, c'est que, quand on regarde globalement la situation à laquelle ces entreprises-là sont confrontées, elles sont confrontées, selon la taille, à des taux de taxation qui sont soit en haut de la moyenne canadienne ou autour de la moyenne canadienne. Quand on regarde globalement l'ensemble des ponctions fiscales sur la masse salariale, le Québec est bon dernier ou enfin bon premier, si vous voulez, c'est-à-dire qu'au Québec ça coûte quatre fois plus cher d'engager quelqu'un, que ça soit un travailleur immigrant ou un Québécois d'origine, si on veut, de telle sorte qu'il faut trouver une façon non seulement de favoriser l'emploi, mais de favoriser dans un élément direct qui fait une différence à toutes les deux semaines, dans la comptabilité de l'entreprise.

Donc, on parle ici... c'est pour ça qu'on propose un allégement fiscal sur les ponctions sur la masse salariale. Parce que d'abord c'est directement lié à la capacité d'embauche, et plus on embauche, plus on économise, comme on dit. Donc, il y a une espèce de principe, si on veut, de cercle vertueux qu'on peut essayer de créer de cette manière-là. Et évidemment ça va amener un avantage concurrentiel aux entreprises qui vont décider d'utiliser de la main-d'oeuvre immigrante, parce qu'elles vont directement avoir un allégement qui est beaucoup mieux qu'une baisse d'impôt, par exemple, sur le revenu. Parce qu'il faut avoir d'abord produit un revenu et produit, donc, d'abord un profit, puis ensuite on est imposé.

Alors, pourquoi on propose un allégement fiscal sur les contributions, les taxes sur la masse salariale? C'est qu'on paie ces taxes-là, chaque entreprise paie ces taxes-là avant même d'avoir produit une cent de revenu avec l'employé qui vient d'être engagé. Donc, pour favoriser l'embauche des travailleurs immigrants, je pense qu'il y a un lien à faire là, et je pense que c'est assez original, et le Québec se démarquerait clairement, à cet égard-là, si on allait dans cette direction-là.

Deuxièmement, sur l'autre élément de fiscalité dont on parlait, qui était d'offrir un allégement fiscal aux familles, je pense qu'encore là il faut trouver une façon de vendre les régions du Québec. Et à ce moment-là un crédit d'impôt particulier pourrait être mis en place, qui ferait en sorte que non seulement les travailleurs immigrants qui vont décider d'aller en région vont de facto, avec l'ensemble des mesures qui existent déjà, améliorer leur capacité d'intégration à la société québécoise, mais en plus ils vont y voir un avantage pécuniaire. Donc, je pense qu'il y a là un élément intéressant.

Maintenant, sur la préoccupation, M. le Président, de la ministre, qui disait que, bon, il existe déjà certaines éléments d'allégements fiscaux qui semblent peu utilisés par les entreprises -- on parlait de la francisation, entre autres -- pour avoir parlé à des entreprises qui embauchent des gens issus de plusieurs nationalités, souvent elles me disent que l'intégration se fait assez naturellement. Donc, à partir du moment où il y a une certaine masse critique dans des entreprises quand même, il est vrai, de taille relativement importante, l'intégration semble se faire de manière relativement harmonieuse, et donc peut-être que ces entreprises-là ne sentent pas le besoin d'avoir recours aux incitatifs fiscaux actuels.

Une autre chose, malheureusement, qu'il faut noter -- c'est vrai dans le cas de cette mesure-là comme de plein d'autres mesures qui existent, soit au MICC ou soit ailleurs -- la... comment je dirais, il y a un manque de notoriété assez désolant, dans la population et chez les entreprises, des mesures gouvernementales qui existent. En d'autres termes, il y a souvent des très, très bonnes idées, mais la communication fait défaut. Et là, là-dessus, je dois vous dire que certainement une association comme la nôtre a aussi un rôle à jouer, mais le gouvernement aussi doit trouver des moyens de mieux communiquer l'ensemble des mesures qui existent pour un usage optimal.

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Pour revenir sur le Programme de l'expérience québécoise et les travailleurs temporaires, juste pour vous dire qu'on est en train de travailler justement, le MICC avec Emploi-Québec et nous avec CIC, pour nous adresser aux problèmes que vous avez soulevés dans le traitement de ces dossiers de travailleurs temporaires, autant au niveau de la paperasse, de la lourdeur, de la duplication, des délais. Alors, c'est pour très bientôt. Alors, vous allez avoir des informations, peut-être même une consultation, une mise au point juste avant de finaliser. Juste vous dire ça.

Pour le Programme de l'expérience québécoise, bien autant pour les étudiants mais pour les employeurs, donc juste vous dire qu'on avait des cibles qu'on a atteintes, on a des bons résultats. C'est 3 452 certificats -- et le programme date juste de l'hiver 2010, donc c'est tout récent -- c'est 3 452 certificats de sélection dans le cadre de ce programme, dont 1 256 à des étudiants étrangers et 2 196 à des travailleurs temporaires, donc, qui ont reçu leurs certificats de sélection. Et on se donne des cibles à chaque année. Mais on a un partenariat avec Montréal International. Je ne sais pas si vous le saviez. Vous êtes membres de Montréal International? Oui, je crois bien. Non?

M. Prévost (Simon): Non, effectivement pas, mais évidemment c'est un organisme avec lequel on collabore.

Mme Weil: O.K. Mais vous pourriez aller sur leur site Web, parce que l'idée, c'est qu'eux font des contacts avec les employeurs et les entreprises aussi. Ils ont un site Web. Mais toute information que vous pourriez nous donner pour comment mieux faire connaître ce programme... Mais c'est vraiment Montréal International qui est le partenaire pour faire la promotion de ce programme. Mais, comme vous le dites dans votre mémoire, l'immigration temporaire est quand même une voie intéressante.

Maintenant, vous avez soulevé une question -- d'autres l'ont soulevée, surtout dans le domaine agricole, et ça, c'est vraiment les besoins des régions, et le tourisme -- que des fois les travailleurs dont on a besoin... Évidemment, ceux qui sont sélectionnés pour la résidence permanente, c'est ceux qui sont qualifiés. Mais il y a une catégorie de travailleurs qui n'est pas exactement qualifiée, qui ne rencontre pas la grille, mais qui sont en... on a ce besoin de ces métiers puis ces professions. Il y a une province, l'Alberta, qui a un programme spécial justement pour s'adresser à ces secteurs-là parce qu'on prévoit des pénuries importantes. Moi, je voudrais qu'on regarde cette question plus précisément. Mais est-ce que c'est dans ce sens-là que vous faites... dans votre mémoire, vous évoquez ce problème-là? Donc, c'est des travailleurs qui sont entre le non-qualifié et le qualifié mais qui répondent vraiment... Puis c'est vraiment les employeurs qui sont capables de nous dire la pénurie qui s'en vient. Et je pense que c'est quelque chose qui touche les régions beaucoup.

M. Prévost (Simon): Exactement. Bon, évidemment, ça va être difficile pour moi de commenter spécifiquement sur le secteur de l'agriculture, mais ça s'étend dans d'autres secteurs, ça peut même toucher aussi le secteur manufacturier. Et j'appellerais ça, moi, des... enfin, je les appellerais des travailleurs orphelins un peu, si on veut, c'est-à-dire, en bon québécois, qui tombent entre les craques. Et qu'est-ce qu'on va faire avec eux? Parce qu'évidemment il y a toute une classification des qualifications, là, qui existe et qui est reconnue. Il y a un bon lot de travailleurs qui sont nécessaires, tant dans l'agriculture que dans d'autres secteurs, qui ont des qualifications parfois minimales, parfois même non qualifiés, et, comme Mme Bourgeois l'a mentionné, actuellement, c'est très difficile de pouvoir faire venir ces gens-là, alors que les besoins sont quand même très importants pour des travailleurs qui vont vouloir faire des emplois, un, qui sont nécessaires, deux, pour lesquels on ne trouve pas de main-d'oeuvre québécoise. Pas qu'il n'y a pas de travailleurs semi-qualifiés ou moins qualifiés au Québec, il y en a beaucoup, mais ils ne sont pas nécessairement intéressés à... qui ne sont pas nécessairement intéressés à occuper ces emplois-là.

Alors là, il y a toute une fenêtre ici où on peut voir comment on peut effectivement favoriser l'arrivée de ces travailleurs temporaires. Éventuellement, à partir du moment où ils ont un emploi, ils travaillent, ce sont effectivement, comme vous le constatez, des très bons candidats à l'immigration permanente, et leur intégration est presque assurée, après ça, à la société québécoise. Et donc je pense qu'il y a... Je n'ai pas de solution concrète et précise actuellement, là, comme on dit, à brûle-pourpoint, à vous fournir. Ceci étant dit, je note qu'il y a du travail peut-être pour nous, préciser exactement nos besoins et voir comment on peut travailler avec le gouvernement, avec le MICC, pour faire arriver les choses, à cet égard-là. Et effectivement l'exemple de l'Alberta serait peut-être, en le modulant, un exemple intéressant à suivre.

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Merci, M. le Président. Vous parlez aussi de... pour bien évaluer les besoins du marché du travail, un processus de consultation en continu. Comment cette approche-là se distingue de la façon actuelle de procéder d'Emploi-Québec et du MESS, qui produisent les prévisions de besoin de main-d'oeuvre sur lesquelles le MICC s'appuie? Mais évidemment ils le font en consultation aussi avec les grands partenaires. C'est quoi, exactement, la distinction que vous faites?

**(10 h 10)**

Le Président (M. Bernier): M. Prévost.

M. Prévost (Simon): Disons que la... M. le Président, c'est une excellente remarque de Mme la ministre, parce qu'effectivement on ne voulait pas inférer ici qu'il n'y a absolument... comment je dirais, que ça sort d'une boîte à surprise, là. Il y a quand même, effectivement, des analyses qui sont faites par Emploi-Québec. L'impression qu'ont quand même les entreprises, quand on regarde les listes, c'est qu'il y a... Ce processus de consultation, en réalité, ce qu'on cherche à faire par cette recommandation-là, c'est de s'assurer qu'il soit plus en temps réel, si on veut, plus fluide. Parce qu'en général c'est ce qu'on entend et c'est ce qu'on constate. Puis même je dirais que sous la torture les gens d'Emploi-Québec l'avoueraient sans doute qu'ils sont un petit peu en retard par rapport à la réalité, le temps de colliger les informations, d'arriver... Et donc c'est d'essayer de donner un petit coup d'accélérateur pour s'assurer que ça soit plus... comment je dirais, plus rapide, plus fluide, plus collé sur les besoins en temps réel parce que les besoins d'une entreprise évoluent très, très rapidement. Et dans ce sens-là, souvent, quand on regarde ce qui est produit, on a l'impression que ça correspond en partie, mais pas de manière très précise, aux besoins des employeurs.

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. On va peut-être aller sur la question de la langue. Je vous dirais, ce qui émane beaucoup des consultations, c'est qu'il y a beaucoup d'adhésion à nos orientations, d'avoir une majorité de personnes qui sont capables de parler français puis qu'on puisse évaluer cette capacité, donc un niveau à tout le moins intermédiaire de la langue, qui va permettre aux gens de s'intégrer au marché de l'emploi et de s'intégrer de façon sociale, et ce qui veut dire que, nous, on doit vraiment aller dénicher partout dans le monde des gens qui sont francophones, capables de... Qu'est-ce que vous pensez de ces deux orientations? Et de garder majoritaire...

Le Président (M. Bernier): M. Prévost...

Mme Weil: Ce n'est pas 100 %, mais de garder majoritaire... Le Québec a fait beaucoup de progrès ces dernières années. On est allé, en 20 ans, d'à peu près 40 %, un peu moins de 40 %, 38 % qui parlaient... qui connaissaient le français, et on est rendu à 63 %. Donc, on a vraiment fait des progrès à ce niveau-là. Donc, comment vous voyez cette question de la langue dans nos orientations?

Le Président (M. Bernier): M. Prévost.

M. Prévost (Simon): Merci, M. le Président. Alors, je vais répondre à la question et ensuite peut-être que je passerais la parole à Mme Bourgeois...

Le Président (M. Bernier): ...reste environ, avec le parti gouvernemental, environ une minute pour répondre.

M. Prévost (Simon): Une minute? Bon, bien, je vais vous faire ça plus court, d'abord.

Le Président (M. Bernier): Par la suite, on va aller du côté de l'opposition officielle.

M. Prévost (Simon): Alors, je trouverai bien le moyen de le dire autrement. Donc, je vais y aller sur la minute qu'il me reste avec Mme la ministre. Donc, effectivement, sur la question de la langue, c'est toute la question de joindre les impératifs économiques de l'immigration, et évidemment le contexte culturel et d'intégration des gens qui arrivent ici, et la nécessité évidemment, qu'on partage tous, de parler français au Québec et de protéger la langue. Et évidemment de faire venir les gens qui la parlent déjà, c'est une façon de le faire.

Nous, on pense quand même fondamentalement, et c'est pour ça, nous, qu'on ne l'a pas abordé, nous, directement dans notre mémoire, cette question-là, M. le Président, d'abord qu'il y aura toujours un bassin important de parlant français qui vont vouloir venir au Québec, c'est naturel. Qu'on doive mettre... qu'on doive en faire un objectif particulier, on n'est pas nécessairement convaincus, parce que, pour nous, l'intégration économique et faire venir les gens qui ont les bonnes qualifications, qu'ils soient... qu'ils parlent mandarin, ou serbo-croate, ou français, pour nous, à partir du moment où ils vont trouver à s'employer dans des emplois valorisants, ils vont s'intégrer, et éventuellement les autres mesures du ministère pour la francisation vont pouvoir faire le reste, de telle sorte que le premier vecteur d'intégration, pour nous, à la société et qui va amener les gens à parler français, c'est le contexte économique et la nécessité d'avoir des gens qui vont trouver des emplois en arrivant ici.

Donc, nous, on n'a pas voulu entrer dans le détail, M. le Président, et se positionner sur cette question-là, en voulant mettre l'accent davantage sur la réalité économique, et je pense que l'intégration suit bien par la suite.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Bien le bonjour, messieurs dames. Je prends la balle au bond. Vous souhaitez et vous croyez qu'à terme les immigrants qui ne parlent pas français vont, dans les environnements où ils évoluent, l'apprendre, tant et si bien qu'il n'est pas essentiel que ce soit un critère quantifié quant aux objectifs d'immigration. C'est bien ça?

Le Président (M. Bernier): M. Prévost.

M. Prévost (Simon): Effectivement, M. le Président. C'est qu'on part du principe que de toute façon le pouvoir d'attraction du Québec est plus fort auprès des populations parlant français ou francophiles, à tout le moins, donc déjà il y aura toujours un bon bassin. À partir de ce moment-là, est-ce qu'on doit vraiment le quantifier? Il faut le voir de manière globale, parce qu'effectivement c'est sûr que, si on ne réussit pas la régionalisation de l'immigration, ce postulat-là qu'on fait, que l'intégration économique va amener la francisation, va être beaucoup plus à risque. Alors, effectivement, si les immigrants se cantonnent encore à Montréal de manière marquée, c'est clair que ça va être plus difficile de réaliser cette intégration économique qui va mener à la francisation. Mais, à partir du moment où on a un ensemble de mesures et qu'on met vraiment l'accent sur la régionalisation, je pense qu'on va avoir des succès, de ce côté-là, auprès des clientèles qui au départ ne parlent pas français.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Blanchet: Merci, M. le Président. On se rejoint sur l'idée de régionalisation, parce que je pense que votre raisonnement, il est très vraisemblable, il est très valable si on l'applique dans des communautés... Je représente un secteur très industriel, la région de Drummondville, donc 800 PME. Les gens qui arrivent à Drummondville normalement s'intègrent rapidement et facilement. Mais même là ce n'est pas si facile, parce que, dès qu'ils ne sont pas absorbés dans le tissu économique, ils ont tendance à fonctionner en vase relativement étanche entre eux, et donc tout ce qui s'appelle intégration, dont la langue est un véhicule fondamental, mais il y a d'autres variables qui font partie de ça, c'est assez difficile. Donc, j'ai une inquiétude, parce que le mot «majorité», ça suggère qu'au moins il y en a plus que la moitié qui ont une base, une capacité fonctionnelle d'aller faire le marché en français, mais je lis a contrario qu'il pourrait y avoir 45 % des immigrants au Québec qui ne parlent pas français, puis on considérerait quand même qu'on a fait un bon travail. Dans une société dont la langue officielle est le français, moi, je pense que c'est problématique et donc je m'inquiète.

Ce qui m'amène à la question des ressources. La lecture que vous nous donnez, et je trouve ça, bien, plus que louable, c'est votre fonction, là, donc c'est vraiment la lorgnette par laquelle nous voulons voir ça avec votre présence, c'est l'articulation sur des variables purement économiques de l'immigration. Bien sûr, ce n'est pas que ça. Il y a des fonctions à caractère démographique dont on a évidemment parlé, il y a un enrichissement culturel, il y a un ensemble de points qui viennent avec ça. Est-ce qu'il n'y a pas un risque que, si les ressources, ou si les impératifs, ou si la condition, la condition d'une intégration relativement rapide et harmonieuse n'est pas rencontrée, on doive compromettre les objectifs en nombre? Est-ce que -- je pose la question aussi autrement pour être sûr qu'on se comprenne bien -- est-ce que les coûts pour le Québec ne risquent pas d'être plus élevés si on ne réussit pas à intégrer harmonieusement les immigrants, même si on aura entré une précieuse main-d'oeuvre?

Le Président (M. Bernier): M. Prévost.

M. Prévost (Simon): Merci, M. le Président. Bon, écoutez, on ne veut pas... on ne fait pas de l'angélisme ici, là, c'est-à-dire que ce n'est pas... ou la pensée magique, là. C'est clair que, malgré tous les efforts qu'on fera en sélection, en formation des nouveaux arrivants, il va toujours y avoir des gens qui, une fois arrivés ici, vont avoir de la difficulté à s'intégrer au tissu économique. Donc, effectivement, peut-être que la crainte exprimée par M. le député... je pense qu'on peut l'avoir, effectivement.

Ceci dit, nous, on pense qu'on est ici pour parler de planification et d'orientations. Il faut donner, à notre avis, une impulsion. Et, encore une fois, je parlais qu'il ne faut pas y aller de demi-mesure. C'est sûr que, si on n'a pas une vision globale de ce qu'on doit faire pour intégrer au tissu économique les nouveaux arrivants, que là, à ce moment-là, on court effectivement à la catastrophe. On va avoir plein de gens qui ne... dont l'immigration ne sera pas réussie parce qu'ils vont être en marge de la société, parce que... Évidemment, il y a bien d'autres aspects, hein, comme ça a été mentionné, la question de l'enrichissement culturel, bon, les questions purement démographiques aussi, donc de croissance du Québec. Mais, encore une fois, je ne veux pas m'excuser d'avoir le prisme économique, mais à tous les jours ce qui participe à un fonctionnement en société normal, c'est d'avoir un travail, c'est d'avoir des réseaux sociaux qui se bâtissent souvent autour des entreprises et des fonctions qu'on occupe. Et donc, pour nous, il y aurait un plus grand risque pour le Québec de ne pas être audacieux, et d'avoir une vision globale, et de mettre en place tous les moyens possibles, puis on en énumère quelques-unes, des possibilités qu'on peut mettre en place, puis il y a déjà quand même pas mal de choses qui existent. Donc, le danger est plus grand pour le Québec à terme de ne pas être audacieux à cet égard-là, par rapport à la crainte évoquée par M. le député.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député de Drummond.

**(10 h 20)**

M. Blanchet: Bon, on se rejoint, encore une fois, assez bien. Je pense que le rôle du milieu de travail pour l'accueil, l'intégration, la normalisation d'un mode de vie pour les immigrants au Québec, il est extraordinairement important. Je partagerais même... Je suis très ouvert quant au nombre, pour ma part. Je mets toujours la nuance de ce qu'on est prêt à faire pour ça. Il y a trois catastrophes possibles. Vous parlez de situations catastrophiques potentielles, j'en vois trois. Une, vous êtes en grave pénurie de main-d'oeuvre en général, et l'ensemble de l'économie du Québec en souffre, tout le monde, toutes catégories confondues. Catastrophe n° 1. Catastrophe n° 2, le poids démographique du Québec, dans n'importe quel ensemble politique à l'intérieur duquel on veuille le définir, recule. C'est extrêmement mauvais, sans compter le déséquilibre d'une pyramide des âges qui est déjà tout sauf une pyramide. Troisième catastrophe, nous nous perdons dans l'exercice. Le Québec, sa métropole sont de moins en moins français dans leur expression quotidienne, et nous avons fait une contribution à notre maintien économique et, à la limite, démographique, mais nous l'avons fait au coût de notre identité, nous l'avons fait au prix de ce que nous sommes. Et ça, pour moi, ce n'est pas une plus petite catastrophe que les autres.

La solution est dans le volume et la nature des ressources qu'on affecte. Et là je vois un paradoxe dans votre position. Vous demandez davantage d'immigration. Vous bénéficiez d'avantages fiscaux lorsque vous engagez ces gens, mais vous êtes le demandeur. Bien, «le», les... Est-ce que les ressources fiscales, est-ce que les avantages fiscaux dont vous bénéficiez... ces argents-là ne devraient-ils pas être plutôt mis sur l'intégration des immigrants, puisque vous avez le besoin économique, vous allez en demander de toute façon? Si je suis votre raisonnement, vous allez vouloir davantage d'immigrants. Qu'on vous aide financièrement ou pas pour les embaucher, vous allez les vouloir pareil. Est-ce qu'on ne devrait pas prendre ces ressources-là et les orienter vers une intégration harmonieuse qui au bout de la ligne va nous permettre de mieux gérer les trois catastrophes possibles?

Le Président (M. Bernier): M. Prévost.

M. Prévost (Simon): Merci, M. le Président. Alors, sans commenter sur les niveaux de catastrophe, sur la question plus précise de ce paradoxe apparent -- en fait, moi, évidemment, je laisse au député le soin de qualifier ça de paradoxe -- je pense qu'effectivement il y a peut-être paradoxe apparent. Puis évidemment dans un mémoire on peut rentrer dans un certain degré de détails, et ça me permet de préciser un peu quelle est la situation exactement.

Alors, oui, effectivement, on a des besoins. Et il y aura des besoins pour combler les pénuries de main-d'oeuvre, de travailleurs issus de l'immigration. Le problème qu'on constate à l'heure actuelle, et spécialement quand on sort de Montréal, c'est qu'il y a encore, malheureusement, malgré les besoins de main-d'oeuvre et les pénuries appréhendées, il y a encore des entreprises qui hésitent à embaucher des travailleurs issus de l'immigration, spécialement en région, parce qu'ils ont l'impression que ça va être compliqué, qu'effectivement ils ne vont avoir pas nécessairement l'aide requise pour les intégrer, etc. Alors, évidemment, ça renvoie à ce que je disais tantôt, il y a une méconnaissance de tous les outils qui sont déjà disponibles. Et il y a certaines études que j'ai vues qui montraient que dans les petites et moyennes entreprises en région c'est moins de 20 % des entreprises qui embauchent des travailleurs issus de l'immigration.

Donc, effectivement, il y a un besoin qui va être là et il y a, par exemple, la nécessité de créer des conditions favorables pour rendre l'embauche de travailleurs immigrants encore plus intéressante et plus dynamique. Je ne sais pas... Je laisserais la parole à Mme Bourgeois, là-dessus.

Le Président (M. Bernier): Mme Bourgeois.

Mme Bourgeois (Carmen): Je peux peut-être ajouter un commentaire qui va dans le même sens. Je pense aussi que, quand les gens sont intégrés économiquement, qu'ils ont une vie active au travail, c'est probablement le facteur d'intégration le plus important, je pense, par notre propre expérience. Alors, on a des gens qui n'arrivaient pas nécessairement avec un niveau de français intermédiaire mais qui arrivaient avec un certain niveau de français qui s'améliore d'année en année, évidemment, au contact des collègues de travail. Et je pense qu'au niveau de l'allégement dont on parlait, là, sur les frais de l'employeur, qu'on paie sur la masse salariale, l'employeur pourrait utiliser cette économie-là, justement, pour la vouer à l'intégration des travailleurs qui sont chez lui. Ce ne serait pas nécessairement le gouvernement qui aurait à s'en charger. Je pense que l'employeur, il en fait déjà beaucoup, d'intégration, quand il y a des gens dans son enceinte. Alors, il pourrait utiliser ces moyens-là pour contribuer à l'intégration de ces personnes-là.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Blanchet: Autre paradoxe -- mais je sais que la bonne volonté est là -- votre association sollicite davantage d'immigration pour des raisons louables et évidentes, mais vous dites vous-mêmes qu'un nombre important de vos membres hésitent avant d'engager des travailleurs issus de l'immigration. Est-ce qu'avant d'augmenter les nombres on ne devrait pas aller voir ce bout-là de l'affaire? Est-ce qu'on ne devrait pas aller sensibiliser, informer, outiller, effectivement? Parce que, là, pourquoi les inviter à venir au Québec, ce paradis que Mme la ministre décrivait tout à l'heure -- et je pense qu'effectivement nos échanges prouvent que c'est un bel endroit pour venir -- s'il reste tellement de travail à faire au niveau des gens dont vous demandez et nous demandons tous qu'ils soient un des principaux facteurs d'intégration?

Autre question -- ce sera ma dernière, il y en aurait beaucoup, là, en fait il y en a deux petites -- nonobstant les avantages fiscaux, est-ce que, dans la perspective de favoriser une intégration harmonieuse de ces immigrants qu'on accueille notamment pour des raisons économiques, vos membres seraient disposés à faire une forme de discrimination positive, de dire: Ah! bien, écoutez, puisque maintenant on a sollicité ça, on va choisir? Parce qu'on connaît tous des cas de gens qui, à compétence égale, même à compétence meilleure, n'ont pas été embauchés parce qu'ils étaient issus de l'immigration.

Et, dernière petite question, parmi la minorité qui n'a pas des notions de base en français -- puis on sait très bien qu'il y en a là-dedans qui ont des notions considérables ou au moins équivalentes en anglais et on suppose que, parmi la minorité qui ne maîtrise pas le français, il y en a un sacré nombre qui ont des bases en anglais -- est-ce qu'il n'y a pas un réflexe important et extraordinairement dangereux pour une société française que, lorsque l'immigrant embauché ou embauchable ne parle pas français mais a des notions d'anglais, on passe à l'anglais, comme c'est déjà souvent le cas dans un grand nombre d'entreprises au Québec?

Le Président (M. Bernier): M. Prévost.

M. Prévost (Simon): Sur la question de la discrimination positive, écoutez, moi, je pense que ça dépend qu'est-ce qu'on entend par ça, M. le Président. Parce que, s'il s'agit de... comment je dirais, de mettre en place des mécanismes ou des obligations de discrimination positive pour les entreprises, évidemment on ne peut pas aller dans cette direction-là. Je pense qu'il faut y aller de manière... comment je dirais, de manière à convaincre les entreprises, celles qui sont réticentes. Parce qu'évidemment il faut distinguer, hein? Tantôt, quand je parlais d'entreprises qui n'embauchent pas, on parle de plus petites entreprises, petite précision, soit dit en passant, pas nécessairement les entreprises que, nous, nous représentons directement, qui sont souvent des grands manufacturiers qui sont plus ouverts, généralement. Mais de toute façon on parle pour l'ensemble... pour les besoins économiques, ici, on se fait le porte-parole de l'ensemble des entreprises. Donc, effectivement, je pense qu'il y a un travail de conviction puis il y a des outils qui existent. Je ne pense pas qu'on doive aller à des mesures de discrimination positive directement.

Maintenant, sur la question des dangers d'une immigration qui a des notions d'anglais et pas de notion... très peu de notions de français, de faire venir ces gens-là et qu'à ce moment-là on affaiblisse la position du français, encore une fois je suis obligé de revenir sur notre position de base qui est de dire que, si l'immigration ne se fait qu'à Montréal, effectivement ce danger-là existe. Maintenant, il y a aussi d'autres dangers. Et là je laisse le soin à d'autres organismes peut-être qui s'intéressent à ces questions-là... Mais il y a d'autres dangers, qui sont des dangers de nature plus économique, qui, à mon avis, peuvent aussi... menacent carrément le Québec, qu'on parle français ou d'autres langues. Donc, c'est plus sur ces dangers-là de ne pas avoir une immigration vigoureuse, dynamique et qui s'intègre en emploi que, nous, on a voulu s'attarder. Je laisserai donc le soin à d'autres et aux parlementaires, M. le Président, d'évaluer ces notions de risque par rapport à la place du français au Québec.

Le Président (M. Bernier): Merci.

M. Blanchet: En concluant, vous comprendrez donc qu'en théorie l'État québécois, avant d'accéder à vos demandes, va devoir, lui, prendre en considération les paramètres culturels, les paramètres d'intégration et aussi le fait que malheureusement, aujourd'hui, c'est encore la quasi-totalité de l'immigration qui est à Montréal. Et donc le problème que je soulève, tout en endossant la plupart des éléments que vous revendiquez, le problème que je soulève est très, très, très réel et pourrait présenter des enjeux inquiétants. Cela dit, je vous remercie beaucoup pour vos réponses claires.

M. Prévost (Simon): Merci.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. Prévost, merci, Mme Bourgeois, de votre participation, de vos excellents commentaires, votre document.

Je vais donc suspendre quelques instants afin de permettre à la Confédération des syndicats nationaux de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 30)

 

(Reprise à 10 h 33)

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc reprendre nos travaux. Nous avons le plaisir de recevoir ce matin la Confédération des syndicats nationaux -- alors, bienvenue -- représentée par M. Jean Lortie, Mme Josée Roy et Mme Julie Marquis. Ah! on a un substitué. Pouvez-vous vous identifier?

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Bégin (Claude): Oui. Claude Bégin.

Le Président (M. Bernier): M. Claude Bégin. Alors, bienvenue. Vous avez une période de 15 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous procéderons aux échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

M. Lortie (Jean): Merci, M. le Président, de nous recevoir. La Confédération des syndicats nationaux est heureuse aujourd'hui de participer à l'exercice de planification pour l'immigration au Québec pour la période 2012-2015. Alors, je suis accompagné de Mme Josée Roy, qui est adjointe au comité exécutif de la Confédération des syndicats nationaux, et ainsi que M. Claude Bégin, conseiller au Service des relations de travail. Et je suis le secrétaire général de la CSN. J'aurai l'occasion, dans la période d'échange des députés, de témoigner de mon expérience pratique sur l'intégration des populations immigrantes de par mes fonctions précédentes. En mai 2011, j'étais président de la Fédération du commerce de la CSN, qui... notamment, dans le secteur du tourisme et de l'agroalimentaire, donc une expérience concrète. Je pourrai en témoigner à ce moment-là.

Alors donc, la CSN est heureuse de participer ce matin à cet exercice. Elle témoignera, elle donnera une vision qui est la sienne et qui vise à participer à cet exercice de planification. Dans cette présentation, la CSN abordera certaines orientations qui sont proposées dans le document de consultation, dont notamment le volume des admissions pour la période 2012-2015, l'adéquation entre les candidats à l'immigration et les besoins du marché du travail, ainsi que les deux orientations portant sur la question linguistique. Évidemment, on comprendra bien que, la question des bassins géographiques, nous ne la traiterons pas.

Alors, dans un premier temps, la question de l'orientation relative au volume des admissions. Alors, dans le cadre des dernières consultations publiques en matière de planification de l'immigration, divers scénarios nous étaient proposés relativement à la question de la planification du volume des nouveaux arrivants. Dans la présente invitation, le MICC met de l'avant un seul scénario, qui vise à établir en 2015 une moyenne annuelle de 50 000 nouvelles personnes immigrantes. Sa proposition implique une légère baisse du niveau de l'immigration, puisqu'en 2010 les admissions s'élevaient à 53 985.

Depuis la dernière consultation en 2007, de nouveaux événements et études ont fait surface dans le paysage québécois et que l'on ne peut ignorer dans la présente réflexion. D'abord, on ne peut passer outre la crise économique qui a peine à se résorber, et au contraire... à se réaccélérer, et qui a touché plus durement les personnes immigrantes.

La controverse entourant les accommodements raisonnables a certainement ébranlé la cohésion sociale. De plus, la mise sur pied de la commission Bouchard-Taylor, et le rapport qui en est issu, n'a connu que peu de suites.

Le rapport du Vérificateur général du Québec pour l'année 2010-2011, et nous tenons à le souligner, jette un regard critique sur les méthodes utilisées, dans la sélection des travailleurs qualifiés, par le gouvernement. Celui-ci dénonce notamment les procédés que le MICC utilise pour déterminer le volume d'immigration, lesquels ne tiennent compte d'aucun indicateur socioéconomique pour bien cerner la capacité réelle du Québec à accueillir et intégrer en emploi les nouveaux arrivants.

La sortie récente du livre Le remède imaginaire, qui relativise l'apport de l'immigration sur les aspects démographiques et économiques, a suscité aussi un important débat. Les auteurs énoncent l'incapacité de l'immigration à contrecarrer le phénomène du vieillissement de la population et à contribuer à l'essor de notre économie en raison de la mauvaise intégration des personnes immigrantes sur le marché du travail.

Dans son document de consultation, le MICC semble avoir modifié son discours antérieur. Il utilise une nouvelle analyse concernant les enjeux démographiques et économiques, principalement en indiquant que l'immigration apporte peu de solutions à la réalité démographique du Québec puisque son impact est marginal. Le MICC met plutôt de l'avant la prémisse qu'il faut miser sur le nombre de personnes qui sont en âge de travailler, ce qui nous renvoie au deuxième enjeu, soit celui de la prospérité économique, d'où l'importance d'une meilleure sélection et d'une meilleure intégration sur le marché du travail.

Par rapport à la détermination de la capacité d'accueil, un document publié en 2009 par l'OCDE identifie bon nombre d'indicateurs importants à prendre en considération afin de déterminer la capacité d'accueil. Je cite: «Des facteurs déterminants doivent être considérés, tels la démographie, la conjoncture économique, les besoins du marché du travail, l'intégration des immigrants en emploi, les délais du processus de sélection et le degré d'acceptation de la population.»

La CSN estime que, pour assurer une cohérence dans les exercices de planification tout en s'assurant que ceux-ci soient plus justes et efficients, le gouvernement doit évaluer un ensemble de facteurs prédéterminés, dont notamment les indicateurs reliés à l'intégration des personnes déjà admises ainsi que la capacité de la société à accueillir et à intégrer d'autres personnes issues de l'immigration.

Il est donc étonnant de constater que, malgré ce qui précède, l'explication du MICC concernant la détermination du volume semble reposer presque exclusivement sur les prédictions de l'Institut de la statistique du Québec, qui démontrent une amélioration de la situation démographique du Québec. En effet, il est mentionné, dans le document de consultation, que le gouvernement peut se permettre une certaine stabilisation de l'immigration en ce qui a trait à la situation démographique, puisque «les perspectives -- et je cite -- liées à l'évolution de la situation démographique du Québec au cours des prochaines décennies se sont nettement améliorées», une vision qui paraît beaucoup trop restrictive.

La CSN, en tant qu'acteur important sur le marché du travail, continue de plaider en faveur de la venue de personnes immigrantes sur le territoire du Québec. L'approche proposée est que la mise en place et le maintien de mesures existantes assurent l'intégration en emploi des personnes issues de l'immigration et que la détermination des volumes d'admission se fasse à partir de l'évaluation des résultats de cette intégration et des autres facteurs reliés à la capacité d'accueil du Québec, et non strictement en fonction d'études démographiques dont les résultats sont souvent appelés à changer.

L'orientation proposée de porter progressivement à 50 % la proportion des requérants principaux de la catégorie des travailleurs qualifiés détenant une formation dans des champs de compétence correspondant à des bassins exprimés sur le marché du travail peut être une mesure intéressante pour favoriser l'intégration en emploi. Par contre, dans un contexte où le marché du travail est en constante évolution, il est difficile de prévoir les besoins de main-d'oeuvre. Cela est sans compter les difficultés de régionalisation des personnes issues de l'immigration, là où se trouvent certains secteurs d'emplois ayant une forte demande. En effet, comme en témoignent certaines données, la régionalisation de l'immigration demeure un problème très préoccupant auquel les pouvoirs publics doivent s'attaquer.

La CSN se questionne sur la faisabilité de porter cette proportion à 50 % sans avoir comme conséquence une diminution du volume de l'immigration. En effet, le rapport du Vérificateur général indiquait qu'entre 2006 et 2008 -- et je cite -- «seulement 9 % des candidats sélectionnés présentaient un profil répondant aux exigences dans le domaine de formation privilégié par le Québec». Aussi, il nous apparaît que, malgré une meilleure adéquation avec l'emploi, les personnes immigrantes choisies vont tout de même faire face aux mêmes défis d'intégration.

**(10 h 40)**

À ce sujet, il est très bien démontré dans les documents de consultation que, malgré le haut taux de scolarisation des personnes immigrantes de la catégorie économique et bien que ces personnes soient relativement jeunes, qualifiées et qu'elles soient prêtes à participer au marché du travail, leur situation est toujours défavorable comparativement à la situation des natifs. Cet écart est encore plus marqué dans certaines communautés dites de minorités visibles et chez les femmes. Depuis la crise de 2008-2009, qui a affecté davantage les immigrants, l'écart du taux de chômage entre les personnes immigrantes et les natifs est plus prononcé qu'en 2007.

Les raisons de ces iniquités sur le marché de l'emploi sont multiples. Elles sont par ailleurs largement documentées et reconnues par le gouvernement. Les personnes immigrantes subissent souvent des situations de racisme ou de discrimination, la plupart du temps causées de façon inconsciente par des méthodes de travail non adaptées à la diversité culturelle. De plus, ces personnes éprouvent encore très souvent des difficultés à faire reconnaître leurs diplômes, leurs expériences professionnelles et leurs acquis à l'extérieur du pays. Une autre barrière, intimement liée à la précédente, est l'absence d'expérience du travail au Canada. Ces deux obstacles interreliés peuvent entraîner le déclassement professionnel, plus communément appelé la déqualification. Finalement, un problème majeur à l'intégration tant sociale qu'économique est la maîtrise inadéquate du français.

Quelques actions ont été réalisées par le gouvernement pour favoriser l'intégration au marché du travail, mais il semble y avoir toujours de grands besoins, puisque la situation économique des personnes immigrantes demeure toujours préoccupante. À cet égard, la CSN se questionne sur l'impact des divers moyens d'action que l'on retrouve dans le plan d'action du gouvernement pour favoriser la participation de tous à l'essor du Québec 2008-2013, intitulé La diversité: une valeur ajoutée. Un bilan de ce plan d'action devrait être fait et rendu public à intervalles réguliers, ce qui permettrait de mesurer le chemin parcouru en rapport aux objectifs fixés.

La maîtrise du français, essentielle pour le maintien du caractère français du Québec, est sans aucun doute un outil d'intégration socioéconomique très important pour les personnes immigrantes. Elle leur permet de mener leurs activités quotidiennes, de prendre part au débat social, de comprendre le système des droits et recours en vigueur et également de se trouver du travail. On rappelle les deux objectifs. De manière générale, la CSN est favorable aux deux orientations qui font du français une priorité. D'ailleurs, nous partageons l'analyse du document de consultation qui met de l'avant le principe qu'une grande maîtrise de la langue française favorise l'intégration en emploi et contribue à contrer les problèmes de déqualification.

Nous partageons aussi l'avis du Vérificateur général qui dénote l'importance d'effectuer des tests afin d'évaluer les connaissances linguistiques des candidats. À cet égard, la réponse du ministère à l'effet de rendre progressivement obligatoire le recours aux tests pour vérifier les connaissances linguistiques nous semble tout à fait appropriée afin de permettre l'égalité des chances lors de la sélection. De plus, l'apport d'un test standardisé de français aidera à départager les personnes ayant un niveau de connaissance débutant, intermédiaire et avancé. Ce tableau permettra d'avoir un réel portrait linguistique des personnes sélectionnées et de mieux évaluer les besoins en francisation.

La CSN considère aussi qu'il est important qu'une majorité de personnes sélectionnées possèdent au moins un niveau intermédiaire à avancé de français, notamment dans leur domaine de travail. Le gouvernement doit alors offrir des cours d'une durée suffisante pour permettre d'accéder à une connaissance avancée du français. La CSN estime que ces cours doivent être offerts non seulement aux candidats de la catégorie des travailleuses et travailleurs qualifiés, mais aussi à leurs conjointes ou conjoints et aux autres catégories d'immigrants.

Le document de consultation met aussi en évidence la particularité des défis de la région de Montréal, où résident plus de 80 % des personnes immigrantes et où l'usage du français ne cesse de subir des reculs dans certains secteurs. On parle de statistiques. Je vous les passe.

En regard des diverses réalités vécues dans la grande région de Montréal et de l'augmentation de la proportion qu'occupent les personnes ayant comme langue maternelle une langue tierce, le marché du travail constitue un facteur important d'intégration sociale. Il peut jouer un rôle essentiel pour assurer un transfert linguistique des personnes issues de l'immigration vers le français.

Dans une étude de l'Office de la langue française sur les exigences d'embauche dans les entreprises de moins de 50 employés, nous constatons qu'en 2008 la connaissance de l'anglais était exigée sur tous les postes dans 40 % des petites entreprises présentes sur l'île de Montréal. Un peu plus du tiers des petites entreprises exigeaient l'anglais pour certains des postes affichés. Il y a donc seulement 25 % des petites entreprises présentes sur l'île de Montréal où il est possible de travailler sans devoir connaître l'anglais. Lorsque nous savons que la population immigrante travaille souvent dans les petites entreprises et qu'elle s'établit à plus de 80 % dans la grande région de Montréal, on voit à quel point la situation du français est fragile.

De toute évidence, il manque de cohérence et d'affirmation politique concernant la langue officielle du Québec, et ce, particulièrement à Montréal. C'est ainsi que plusieurs semblent penser que dans les faits la métropole a un caractère distinct et bilingue. C'est pourquoi la CSN est d'avis qu'il faut octroyer les moyens nécessaires pour renforcer la présence du français comme langue officielle et langue du travail. Elle croit aussi qu'il est important de continuer plus que jamais à promouvoir le caractère français du Québec et de Montréal à travers le monde afin d'attirer des gens des pays francophones chez nous.

Alors, sur la question de la limitation des bassins géographiques, nous avons compris que la ministre avait annoncé de nouvelles orientations à cet effet, alors j'irai directement à la conclusion.

Alors, en conclusion, la CSN aimerait apporter une réflexion par rapport au phénomène de compétition interpays développé pour attirer la main-d'oeuvre qualifiée souvent en provenance de pays en voie de développement. S'il est vrai que ces personnes qui répondent à l'appel veulent améliorer leur sort et celui de leurs familles, il n'en demeure pas moins qu'il y a des effets pervers à dépouiller de leurs cerveaux les pays en voie de développement pour combler nos besoins en main-d'oeuvre. Cette réalité est d'autant plus questionnable quand on constate que bon nombre de ces personnes rencontrent des difficultés à faire valoir leur potentiel en terre d'accueil. Nous pensons qu'il faut faire preuve de prudence afin de ne pas déshumaniser l'immigration en la considérant strictement comme un marché en concurrence.

La CSN veut aussi rappeler que l'immigration ne doit pas être perçue strictement comme un élément de réponse à nos préoccupations économiques. Elle doit surtout s'inscrire dans une vision plus large incluant nos valeurs sociales et humaines comme société.

Alors, dans le cadre de la planification, nous réitérons nos objectifs:

Afin d'assurer la cohérence des exercices de planification du volume d'admission, il est nécessaire d'évaluer un ensemble de facteurs, dont ceux de l'intégration des personnes déjà admises ainsi que la capacité de la société québécoise d'accueillir et à intégrer de nouvelles personnes immigrantes afin qu'elles puissent s'épanouir et jouer un rôle socioéconomique dans notre société;

Que le gouvernement fasse le bilan du plan d'action visant à favoriser la participation de toutes et tous à l'essor du Québec. Qu'à la lumière des résultats il ajuste et intensifie les moyens d'action pour contrer les obstacles à l'intégration socioéconomique des personnes issues de l'immigration et particulièrement celles appartenant aux groupes discriminés;

Que le MICC maintienne majoritairement la proportion des personnes ayant au moins un niveau intermédiaire de français dans l'ensemble des admissions;

Que le MICC offre des cours de français d'une durée suffisante pour permettre d'accéder à une connaissance avancée du français. La CSN croit que ces cours doivent être offerts non seulement aux candidats de la catégorie des travailleurs qualifiés, mais aussi à leurs conjointes et conjoints ou aux autres catégories d'immigrants;

Que le gouvernement défende plus énergiquement le français en tant que langue officielle et langue de travail au Québec et ainsi qu'il mette en place les moyens nécessaires pour ce faire; et

Que le gouvernement du Québec continue à promouvoir le caractère français du Québec et de Montréal à travers le monde afin d'attirer des gens des pays francophiles chez nous. Voilà.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. Lortie. Nous allons donc échanger, procéder aux échanges avec les parlementaires. Donc, Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Alors, merci. Merci pour votre présentation. Et vous avez, dans votre mémoire... vous soulevez des questions importantes au-delà des orientations, puis j'aimerais qu'on y aille là-dessus, parce qu'il y a peut-être des choses, surtout sur la question des valeurs. Il y a des suggestions qui ont été faites par Vision Montréal hier. On pourra peut-être voir comment on pourrait adresser cette question.

Peut-être, d'entrée de jeu, quelques corrections, par exemple, pour voir, donc, avec ces corrections, si vous êtes... comment vous voyez les orientations. Suite au rapport du Vérificateur général, où il ciblait que 9 % avaient les compétences requises, il y a eu des modifications à la grille de sélection. On est rendu à 48 %. Donc, quand on dit d'augmenter à 50 %, la marche n'est pas tellement haute. Donc, on va dans ce sens, en amélioration continue. Et d'ailleurs on avait fait cette correction avec la Fédération des chambres de commerce au mois de mai, et ils ont dit: Bon, à la lumière de cette information, on est d'accord, c'est un objectif réaliste.

Est-ce qu'au-delà... Parce qu'on a eu beaucoup de suggestions, et je vous dis que le travail n'est pas terminé, par rapport à l'arrimage entre les besoins du marché et les compétences qu'on va chercher. On sait qu'il faut continuer à travailler ce dossier-là. On a eu beaucoup de suggestions très, très concrètes, d'ailleurs, du MEQ, qui était juste avant vous, et d'autres intervenants. Donc, ce n'est pas qu'on baisse les bras, on continue à travailler là-dessus. Mais en même temps, donc, est-ce qu'à la lumière de ça le 50 % vous semble positif comme orientation?

Le Président (M. Bernier): M. Lortie? Mme Roy?

**(10 h 50)**

Mme Roy (Josée): Oui. Bien, j'aimerais ça, oui, peut-être dire quelque chose là-dessus. Oui, sûrement que ça semble effectivement atteignable, là. J'étais au courant que vous aviez changé la grille, entre autres pour coter moins fort les diplômes universitaires et plus les formations de type collégial, ou de métier, ou de... Mais il n'en demeure pas moins... Notre inquiétude, puis on verra avec le temps, là, probablement, mais notre inquiétude, c'est que les gens qu'on est allé chercher, qui ont de la difficulté à se trouver de l'emploi ici, pour toutes sortes de raisons de difficulté d'embauche, de difficulté de reconnaissance de leurs qualifications... Il faut être prudent et essayer de garder un équilibre. Faire venir plus de gens qui vont correspondre mieux aux besoins du marché du travail, comme l'exprimait le groupe avant nous, c'est une chose, mais il faut aussi trouver de l'emploi pour ceux qui sont déjà ici, qu'on est allé chercher et qui n'ont pas trouvé de travail à la hauteur de leurs compétences. Puis c'est la même chose pour nos gens natifs qui perdent leurs emplois puis qu'il faut reclasser aussi. On essaie de voir la situation de l'emploi de façon un peu plus globale que... C'est sûr que les employeurs veulent avoir des réponses immédiates à leurs besoins de main-d'oeuvre, mais il y a aussi des gens ici qui sont en chômage et qu'il faudrait s'assurer de...

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme Weil: C'est justement pourquoi c'est 50 % d'immigration. Ça répond aux besoins court, moyen, long terme, on le répète souvent.

Avant de venir sur ces questions d'emploi, juste vous amener à la page... c'est quand même la page 11, 12, 13, par rapport aux prévisions de l'Institut de la statistique du Québec. Il y a une embellie. Les prévisions avant étaient basées sur 2003, mais, à la lumière du fait que la croissance de la population, grâce à l'immigration d'une part, le taux de fécondité et de natalité plus élevé, ils ont des meilleures prévisions démographiques, et nos... On n'a pas changé... Vous dites dans votre mémoire qu'on semble avoir changé nos façons de voir les choses ou de fonctionner. C'est toujours la même façon, avec Emploi-Québec et l'ISQ, pour les prévisions démographiques à long terme.

Sur la question de l'emploi, je voulais savoir si vous êtes au courant des chiffres de 2010 de Statistique Canada, des chiffres qui sont positifs pour le taux d'emploi et le taux de chômage, et que... Donc, je vais vous en donner certains. En 2010, la baisse du taux de chômage est plus importante chez les immigrants. Il y a eu un recul de chômage chez les immigrants, entre 2009 et 2010, de 1,2 point de pourcentage, ce qui est plus que l'amélioration pour l'ensemble de la population. L'écart entre le taux de chômage des immigrants au Québec et celui de ceux du Canada -- parce que souvent on fait la comparaison avec d'autres provinces -- s'est rétréci de 5,8 % en 2006 à 2,7 % en 2010. Donc, c'est quand même beaucoup en peu d'années. Le taux d'activité des immigrants au Québec est supérieur en 2010 à celui enregistré depuis 2006. Et les données préliminaires pour 2010 nous indiquent que le taux d'activité des immigrants au Québec, 64 %, dépasse celui des immigrants au Canada, 62,4 %. Celui de la population générale du Québec est de 65,4 %. En tout cas, il y a une série de données. Je vous invite à aller sur le site du ministère de l'Immigration pour voir cette étude.

Maintenant, on est quand même prudent par rapport à ça, mais il faut reconnaître tout le travail non seulement du gouvernement du Québec et tous les ministères, Emploi-Québec beaucoup, et évidemment on travaille beaucoup... très étroitement ensemble, mais d'autres acteurs. Il y a la CRE, qui est venue hier, avec tout ce qu'ils font pour... Il y a le programme Mentorat, diversité Montréal, une série de mesures et d'autres aussi dans les régions, justement, pour s'adresser... d'avoir des meilleurs résultats en intégration. Alors, on se dit: Il faut continuer dans ce sens, il faut améliorer, oui, continuellement la sélection, il faut travailler en amont, en aval. Mais une des raisons pour laquelle, nous, on cible cette stabilisation de volume, c'est qu'on veut donner un certain temps à ces mesures de vraiment porter fruit.

C'est Secor, qui est sorti, c'est Marcel Côté, qui a été cité dans le journal, c'est au mois de février dernier, finalement c'est les entreprises qui embauchent, hein, ce n'est pas le gouvernement. Nous, on a des mesures incitatives, on a des programmes de sensibilisation, on essaie d'ouvrir les esprits, on a le programme PRIIME, on a le programme IPOP, des résultats vraiment intéressants au niveau des ordres professionnels. Tout ça pour dire que l'idée de stabiliser, c'est de donner un certain temps à toutes ces mesures de porter fruit et de continuer dans ce sens. Alors, c'était l'idée de la stabilisation. C'est quand même un volume important. Je rassure les milieux économiques, parce qu'évidemment, eux, ils veulent plus. Certains. Pas tous. Il y en a qui disent que c'est quand même raisonnable, mais, eux, ils sentent la pression du marché de l'emploi.

Est-ce que vous sentez que, dans la conjoncture actuelle, la conjoncture économique et vraiment les employeurs qui nous disent: Il y a une pénurie qui s'en vient ou une rareté de main-d'oeuvre qui s'en vient, qu'il y a peut-être une conjoncture positive qui, couplée aux mesures que, nous, on est en train de mettre en branle avec des partenaires du milieu... qu'on va aller dans le bon sens, c'est-à-dire que les gens se... et surtout avec l'arrimage entre le marché, et les besoins des employeurs, et la sélection, que les perspectives sont positives?

Le Président (M. Bernier): M. Lortie.

M. Lortie (Jean): Oui. Alors, Mme la ministre, curieusement, depuis quelques années, on assiste, soit dans les comités sectoriels de main-d'oeuvre, les CSMO... à des demandes répétées soit d'analyse sectorielle pour des pénuries de main-d'oeuvre... Je vais donner deux exemples, vous allez voir, ça va très bien illustrer toute la question de l'intégration des personnes immigrantes.

Dans le secteur de l'hôtellerie, d'où je proviens et d'où j'assumais la négociation, aux trois ans, des conventions collectives, les préposés aux chambres, qui est un emploi très pénible, et les hôteliers criaient littéralement sur la place publique, notamment dans les comités sectoriels: Il faut avoir des programmes temporaires d'immigrants pour permettre de compenser la pénurie de main-d'oeuvre, de préposés aux chambres. Et pourtant c'est des salaires maintenant qui frisent le 18 $, 20 $ de l'heure dans les grands hôtels de Montréal ou de Québec, donc de bonnes conditions de travail. Et le comité sectoriel a pris l'initiative d'une analyse pour bien mesurer de quoi il s'agissait. Et le constat, au grand désarroi des hôteliers, ça a été: c'est l'organisation du travail qui est problématique et non pas la pénurie. Il n'y a pas de pénurie dans ce secteur-là. Dans l'hôtellerie, on travaille à l'envers du monde ordinaire. On travaille le soir, la fin de semaine, l'été, pendant la relâche scolaire, à Noël. Donc, le problème, c'est l'emploi comme tel, ce n'est pas le fait qu'il n'y a personne qui veut le faire. C'est qu'il n'y a pas de garderie après cinq heures le soir, il n'y a pas de transport en commun, souvent, les fins de semaine, adéquat, pas de garderie les fins de semaine. Donc, on a découvert qu'il n'y avait pas nécessairement une pénurie. Donc, ça a un peu calmé le jeu.

Dans un autre secteur, par contre, je vais vous parler des abattoirs, on est au comité sectoriel de main-d'oeuvre, comme CSN, et le comité sectoriel dépose, à chaque fois qu'un employeur fait une demande, un avis favorable ou défavorable à l'arrivée de travailleurs temporaires. Et ce qu'on constate, c'est que des industries sont en train de s'organiser systématiquement, en termes de planification de la main-d'oeuvre, avec des programmes d'immigrants pour les emplois dits pénibles: l'abattage, la découpe des viandes, l'équarrissage des carcasses. Et c'est souvent dans les régions, le Bas-Saint-Laurent, région de Rivière-du-Loup, ici dans la Beauce, beaucoup d'entreprises d'abattage de porcs qu'on retrouve, ou dans le coeur du Québec. Et systématiquement, les entreprises, ce qu'elles disent, c'est: On a des pénuries de main-d'oeuvre, oui, parce que les emplois sont tellement pénibles que personne ne veut les faire ou peu de temps. Un jeune de 18 ans, pas intéressé à accrocher 14 000 volailles à l'heure, hein, ce n'est pas nécessairement un emploi très valorisant.

Donc, les employeurs sont en train systématiquement d'organiser leurs industries en fonction d'avoir une main-d'oeuvre qui va exercer ces emplois très pénibles là. Et ça, là, il y a un risque important de l'intégration. Si on fait venir des volumes importants d'immigrantes, immigrants, ils ne peuvent pas se qualifier, pour des questions de reconnaissance d'expérience et de diplôme, et se déclassent dans des emplois dits pénibles, bien on va avoir des ghettos d'emploi au Québec. Et ça, il est un risque, pour nous, la CSN, important à cet égard-là, et je ne parle pas encore de la question de la langue, parce qu'on le vit aussi dans les milieux de travail, c'est les gens qui se ghettoïsent dans les régions et, bien, évidemment, ça pose un problème.

Le Président (M. Bernier): Permettez. Mme la ministre.

Mme Weil: ...tellement de questions que je veux vous poser, je veux m'assurer d'avoir le temps. Donc, si je comprends bien, vous dites: Mise en garde, faites attention, dans le secteur des travailleurs de l'immigration temporaire, parce que c'est là qu'on a beaucoup de pression, de garder cet équilibre, parce qu'évidemment nos prévisions pour l'immigration permanente, c'est basé sur les départs à la retraite. Donc, c'est une mesure beaucoup plus large. Et c'est tout ce débat, et vous faites bien de le souligner, c'est tout ce débat entre immigration temporaire et immigration permanente. Alors, j'en prends bonne note. On va s'assurer, lorsqu'on va regarder ces questions... Mais en même temps il semble aussi y avoir, dans certains créneaux peut-être très spécifiques... et je pense qu'il faut que tout le monde travaille ensemble pour qu'on fasse un travail convenable pour répondre justement à ces besoins du marché.

Je voudrais vous amener... Bon, je pense que sur le français... Oui, l'orientation diversité, bon. Vous avez vu que je veux reformuler, l'idée étant qu'on ait une orientation qui va... Et c'est une orientation qui va beaucoup sur les actions du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles pour aller chercher des francophones, on va dire ça généralement comme ça, mais des gens qui sont capables de parler français, mais un peu partout dans le monde, comme on le fait actuellement. Mais c'est de maintenir ça comme une orientation, au lieu d'avoir cette notion de bassin de provenance avec un chiffre, parce que... Et je veux vous dire que l'intention derrière cette orientation, c'était de s'assurer qu'on ait toujours une diversité dans notre immigration. Mais c'est mal perçu, et donc, moi, j'ai décidé de mettre ça derrière moi.

Et donc que pensez-vous d'une orientation, je n'ai pas la formulation devant moi, là, mais qui irait plus dans le sens de s'assurer qu'on continue, dans nos ressources, franchement dans les ressources que, nous, on alloue, on continue d'aller chercher un peu partout dans le monde... Parce qu'il y a des francophones un peu partout dans le monde aussi. Et des employeurs disent que c'est... Il y a des études, tant au niveau de l'intégration sociale, en milieu scolaire ou autre, et aussi au niveau des entreprises, qui veulent cette diversité. Ils disent que ça enrichit les équipes de travail, c'est des têtes de pont dans un monde globalisé. Donc, que pensez-vous d'une orientation qui irait dans ce sens-là?

Le Président (M. Bernier): M. Lortie...

**(11 heures)**

M. Lortie (Jean): Sur la question du français, je vous dirais qu'il faut véritablement qu'on puisse mesurer le niveau de français. Et je vous dirais qu'au début des années quatre-vingt-dix, sous le gouvernement Bourassa II, M. Ryan, qui était ministre de l'Éducation, avait mis sur pied, avec la CSN, un projet pilote, dans les hôtels de Montréal, sur les programmes d'apprentissage du français en milieu de travail. Ça avait été un succès colossal dans tous les grands hôtels, où on s'adressait à des populations immigrantes, pour maîtriser le français, une collaboration avec les hôteliers, les syndicats locaux, les employés et évidemment le ministère de l'Éducation, projet absolument fabuleux.

Je vous dirais qu'il faut retrouver une forme d'intégration à la langue française par le milieu de travail. On en parle beaucoup, le milieu de travail est un des facteurs clés de l'intégration réussie. Si on peut s'assurer que le français, dans les milieux de travail, puisse être offert aux gens, moi, je pense qu'on va avoir une immigration francophone du monde entier, avec un niveau de français réellement bien maîtrisé, et non pas la blague, là: «My tailor is rich» ou: La plume de mon oncle est sur le bureau de ma tante, mais vraiment un français bien maîtrisé, la caricature. Parce que ces gens-là vont rapidement se faire sortir du milieu de travail parce qu'ils ne parleront pas le français, et les gens vont dire: Vous nous avez prétendu parler français et vous ne le maîtrisez pas. On les ghettoïse rapidement.

Moi, je pense, Mme la ministre, si on avait quelque chose à travailler là-dessus, sur le français, l'apprentissage en milieu de travail, non seulement pour l'emploi comme tel, mais sur aussi l'intégration socioéconomique, comment ouvrir un compte de banque, comment acheter sa carte d'autobus par mois, parce qu'on parle, là, de grands centres urbains... Ce qu'on constate, nous, dans nos milieux de travail, dans tous les secteurs confondus, la CSN, c'est le désarroi. Ces gens-là sont laissés littéralement à eux-mêmes et, bien, évidemment, ils se retrouvent en communauté, et c'est la communauté qui les prend en charge. Et donc c'est les communautés ethnolinguistiques qui parrainent les gens, et on n'est plus capable de contacter ces gens-là. Ils se débrouillent.

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Merci, M. le Président. Puis ensuite je veux venir sur cette question de valeurs, là, parce que c'est important de vous entendre là-dessus, mais, sur cette question de la langue, c'est un peu... ce n'est certainement pas au niveau du MICC que le message n'est pas transmis que la société québécoise est francophone, parce que la plainte qu'on a, puis il y a beaucoup de gens qui l'ont dit, c'est qu'ils pensaient que c'était juste le français, quand ils arrivent. On a eu ce témoignage hier. Mais, quand ils arrivent, ils se rendent compte qu'ils doivent connaître l'anglais aussi où les employeurs exigent le français. Et on a des données qui nous montrent que ceux qui parlent exclusivement français ont un meilleur taux d'emploi que ceux qui parlent exclusivement l'anglais. Donc, quand même, ils réussissent mieux.

Mais je pense que vous êtes sur une piste. Il y a peut-être plus à faire pour s'assurer, à l'international, et surtout les étudiants qu'on va chercher, les étudiants qu'on attire ici, qu'ils sachent: Si vous êtes intéressés éventuellement... Puis je suis en train de voir avec les universités comment on pourrait livrer ce message à l'international, ceux qui seraient intéressés éventuellement par le PEC. Mais faites attention aux mises en garde, quand vous allez choisir vos cours. Sachez que vous devriez passer un test de français, parce que, pour intégrer le marché de l'emploi, il faut parler français.

Donc, il y a peut-être des choses, des mesures qu'on pourrait prendre pour déjà alerter les gens. Parce que, c'est vrai, Montréal, peut-être qu'ils s'imaginent: Bon, on peut fonctionner dans une langue ou dans l'autre. Mais certainement les immigrants qui arrivent, eux, ils sont surpris. Parce qu'on nous dit: Ils sont surpris, ils pensaient que c'était français. Donc, ce n'est pas à notre niveau, mais il y a peut-être quelque chose à faire pour transmettre ce message plus largement.

Je vais venir sur cette question des valeurs. Et je veux vous remercier de nous rappeler aussi autre chose, que l'immigration, c'est plus que l'immigration économique. Oui, l'immigration économique est importante, et on le veut, mais vous nous rappelez que c'est aussi une histoire éminemment humaine, et c'est des gens qui ont beaucoup de courage et qui décident de s'implanter ici, créer une nouvelle vie. On sait qu'il y a le regroupement familial qui est très important. Il y a les réfugiés aussi. Donc, vous nous fournissez comme un équilibre dans tout ça, et c'est important, je pense, de rappeler à tout le monde que c'est ça.

Maintenant, les acteurs économiques le savent aussi, et il y en a beaucoup qui s'engagent dans toute cette question de gestion de diversité pour être plus sensibles aux besoins des employés. Il y a des organismes communautaires qui travaillent là-dedans. Mais je pense que c'est important, dans le discours, qu'on se souvienne. Mais vous dites, bon: «La CSN veut aussi rappeler que l'immigration ne doit pas être perçue strictement comme un élément de réponse à nos préoccupations économiques. Elle doit surtout s'inscrire dans une vision plus large incluant nos valeurs sociales et humaines.»

Hier, Vision Montréal a proposé peut-être un cours obligatoire de citoyenneté ou de valeurs. Bon, je ne me rappelle plus comment on l'avait appelé. D'autres organismes l'ont soulevé. Il y a cette question de valeurs, certainement les chartes de droits et libertés, l'égalité hommes-femmes, des choses qui sont récurrentes. Que pensez-vous... ou comment faire pour s'assurer qu'on est toujours sur la même page, les gens qui viennent se joindre... Le fait français, ça, c'est... le message, ils le reçoivent, quand même. Je vous dirais que... Mais il faut le rappeler. Mais c'est quand même un message qui ressort fort. Mais pour le reste avez-vous des idées là-dessus? Avez-vous réfléchi?

Le Président (M. Bernier): M. Lortie.

M. Lortie (Jean): Bien, la formation, d'abord, sur la société québécoise, de quoi elle est constituée, cette société-là. Ce n'est pas que Montréal, hein, d'abord. Parce que souvent, aussi, les gens arrivent par les réseaux. Ils savent qu'ils sont installés à Montréal, dans des quartiers très particulièrement. Alors, c'est: J'arrive à Montréal, je m'en vais m'installer dans Rosemont--Petite-Patrie, c'est connu, parce que je peux avoir accès à des mosquées, on connaît la rue Bélanger. Alors, les gens, c'est très, très, très pointu, leur souhait de s'intégrer. Les Latino-Américains dans un autre secteur de Montréal ou ici, à Québec. Bref, moi, je pense qu'il faut donner des cours sur quelle est la société québécoise, ses valeurs démocratiques, le parlementarisme, l'histoire, la complexité de cette société-là, qui est une société immigrante, où tous sont immigrants, à des siècles différents, et relativiser aussi la place des uns et des autres.

Moi, je pense que, si on avait, comme facteurs d'intégration, la langue française... Bon, je pense que la CSN l'a bien martelé, l'enjeu de la langue française, notamment à Montréal. Mais la question des valeurs de la société québécoise -- c'est une société pluraliste, ouverte, c'est une société qui intègre -- la question de la laïcité -- on a vu le débat -- l'égalité des hommes et des femmes, qui est un débat important au Québec, qui a été mené depuis les 40 dernières années notamment, la place du religieux et la place du séculier, tout ça doit être intégré dans les programmes, lorsqu'on accueille ces gens-là, pour qu'ils comprennent bien qu'ils arrivent dans une société multiple, où les opinions des uns et des autres sont entendues, et qu'ils ont le droit aussi à leurs opinions.

Puis je vous donnerais... je vous illustrerais, par exemple, dans plusieurs assemblées générales où, quand je... notamment dans les grands hôtels du centre-ville, il y a 40 communautés ethniques différentes, les syndicats ont dû développer des moyens -- des fois ce n'était pas simple, des fois c'était très difficile -- pour comment les gens se tolèrent, au micro, comment s'adresser à un et à l'autre. C'est simple pour nous, parce qu'on va aller au micro, on peut interpeller assez rudement... On voit les joutes parlementaires, on peut s'interpeller assez rudement dans la vie publique, mais pour des communautés ça ne se peut pas.

Alors, il a fallu inventer des codes d'éthique entre nous, comment se comporter en microsociété. Mais je pense que ça s'applique également pour la société québécoise. D'autant plus qu'un volume de 50 000 par année pour 2015 va poser ce défi-là pour les futurs mais ceux qui sont déjà là depuis quelques années. D'autant plus que les régions, les bassins géographiques d'où proviennent les immigrants des dernières années font en sorte qu'il y a des chocs culturels importants, qu'on est confrontés dans nos milieux de travail, des accommodements sur le facteur religieux, sur le facteur laïque, le port de l'uniforme de travail en contradiction avec les valeurs religieuses. Alors, tout ça fait en sorte qu'il faut, je pense, bien intégrer, avoir un bon socle de formation: Quel est le Québec contemporain où vous venez vous installer?

Et rappelez-vous le film Mambo italiano: Je pensais arriver en Amérique, je suis arrivé au Canada. Puis je pensais arriver au Canada, je suis arrivé au Québec. Alors, les gens souvent ne savent même pas... Et là on leur dit: Vous vous en allez dans la Beauce. Vous allez vous installer à Saint-Georges de Beauce ou à Vallée-Jonction. Le choc est tellement fort que les gens, dès qu'ils peuvent partir de la région, ils vont se trouver de la communauté. Exemple, on a eu des Équatoriens à Vallée-Jonction, dans un abattoir, et rapidement ils n'étaient plus capables de supporter ça parce que c'est trop isolé. Ils sont à Vallée-Jonction au mois de janvier. C'est un choc, quand vous arrivez de l'Équateur. Alors, rapidement ils cherchaient où était leur communauté d'origine pour pouvoir s'aimanter sur leur communauté, pour pouvoir s'intégrer au Québec.

Alors, moi, je pense qu'on a un défi important à cet égard-là, de ceux qui sont déjà là et ceux qui s'en viennent dans les prochaines années. Et je pense que la responsabilité collective qu'on a, c'est de s'assurer qu'et la langue et les valeurs de la société québécoise soient bien comprises. Et je pense qu'au niveau de l'intégration l'acceptabilité sociale va être grandement facilitée.

Le Président (M. Bernier): Merci. Nous allons donc passer du côté de l'opposition officielle. M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Monsieur dames, bonjour. Je suis un peu choqué que vous disiez que les débats parlementaires sont rudes et crus.

M. Lortie (Jean): ...que j'ai mentionné, monsieur.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bernier): ...bien les arbitrer, M. le député de Drummond.

**(11 h 10)**

M. Blanchet: Ah! Non, cela dit, on peut avoir des différends significatifs. J'en prends un, par exemple, et je le prends aimablement. Mme la ministre disait que les gens arrivent ici et s'imaginent qu'ils peuvent avoir un emploi sans parler français, alors que, pour travailler au Québec, il faut parler français. J'ai l'impression qu'à bien des égards il faut inverser la proposition, qu'il y a des gens qui arrivent à Montréal puis qui pensent qu'il faut parler français puis qui réalisent que ce n'est pas du tout nécessaire et qu'effectivement on peut faire... on peut s'intégrer. À la limite, comme un groupe nous le disait hier, c'est presque un handicap. C'est presque un handicap.

Il n'est pas exact, je pense, dans les faits... Je suis sous l'impression qu'on part de postulats qui ne sont pas exacts, lorsqu'on refuse de constater qu'il est tout à fait possible de s'intégrer et parfois même plus facile de s'intégrer, à Montréal, si on n'est pas d'emblée francophone, que l'outil de la langue française n'est pas essentiel, qu'on peut être servi en anglais -- pour peut-être d'excellentes raisons, à bien des égards, Montréal est quand même une ville touristique, une ville très internationale -- on peut être servi en anglais pratiquement n'importe où, qu'on peut avoir un emploi où ça va fonctionner en anglais, à bien des égards, presque tout le temps. Mais on postule toujours le contraire. Et j'ai l'impression qu'il y a un élément de pensée magique dans ça, qu'on fait souvent tous, d'ailleurs, là, ce n'est pas le propre des politiciens, là. Peut-être qu'il faut reculer un peu puis dire: O.K., de quoi on part vraiment, comme situation?

Dans cet esprit-là, vous avez une recommandation qui dit: «Que le MICC maintienne majoritaire la proportion des personnes ayant au moins un niveau intermédiaire de français...» Est-ce que c'est suffisant? La question, c'est carrément ça. On accueille des gens, au Québec, qui se veut officiellement... qui n'agit pas du tout dans ce sens-là ou pas assez dans ce sens-là, mais qui se veut une société française -- c'est la langue officielle, le français -- et on se dit: S'il y a une majorité des gens qui, dans le contexte linguistique d'essentiellement Montréal, une majorité qui sont capables de fonctionner un peu en français, on va considérer qu'on a réalisé quelque chose d'extraordinaire. Est-ce que c'est suffisant, la majorité? Est-ce que c'est suffisant? Est-ce qu'on n'est pas en train d'endosser un recul systémique du français en se contentant de la majorité?

Le Président (M. Bernier): M. Lortie? Mme Roy? Mme Roy, Oui.

Mme Roy (Josée): Oui. Plusieurs choses là-dessus. La majorité, nous, on est d'accord avec ça. Il faut, je pense, que les gens qui arrivent... Il y a une compétition, on en parle, il y a une compétition interpays pour l'immigration. Je pense qu'il serait extrêmement difficile d'avoir 100 % des gens qui proviennent d'autres pays qui parlent le français. Dans d'autres pays, tout le monde qui arrive ne parle pas nécessairement la langue du pays en arrivant. Les efforts qu'il y a à faire, pour ceux qui ne connaissent pas le français en arrivant, c'est de les franciser quand ils arrivent ici. Et là-dessus, dans la région de Montréal, le problème ne relève pas seulement du MICC, il relève aussi du fait que la loi sur la langue française n'est pas bien respectée par les employeurs.

Depuis deux ans, à la CSN, on a fait un énorme effort de reprise en charge du dossier du français au travail et on a réuni nos gens des syndicats de la région de Montréal dans les entreprises pour s'apercevoir que, dans la plupart des entreprises, les gens... l'entreprise avait remis au ministère le certificat de francisation, avait donné les noms des gens qui étaient sur le comité de francisation, et nos gens s'apercevaient qu'ils étaient supposés être là-dessus mais que le comité n'avait jamais siégé et que finalement l'entreprise avait remis des papiers pour la forme mais les efforts de garder le milieu de travail français ne se faisaient pas. Alors, il y a le respect de la loi sur la langue française dans les entreprises et il y a la francisation des immigrants.

Nous, on a décidé de jumeler nos efforts là-dessus. On a sensibilisé nos gens aux efforts qu'il y a à faire pour que la loi sur la langue française soit respectée, d'aller voir leurs employeurs, de dire qu'ils tiennent à ce que les comités de francisation siègent. Et du même coup, comme dans beaucoup d'entreprises il y a des immigrants, bien on les a renseignés sur les programmes accessibles pour des cours de français aux immigrants. Depuis deux ans, là, on est en... Puis on est en contact avec le MICC, d'ailleurs, là-dessus, et les organisations gouvernementales concernées. Alors, le problème ne vient pas seulement que du MICC.

Et, pour continuer à répondre à votre question, il y a aussi le phénomène de la régionalisation. Il faut que des efforts soient mis pour accueillir mieux les immigrants et les réfugiés, parce que c'est les réfugiés qui vont d'abord en région, parce qu'eux on peut leur indiquer l'endroit où ils vont. Et, dans l'un des exemples dont Jean parlait tout à l'heure, à Vallée-Jonction, l'abattoir, ils ont accueilli deux groupes de plus de 20 Colombiens, réfugiés colombiens. L'employeur n'a pas voulu mettre en place de cours de francisation. C'est ça, ils s'intègrent tranquillement, ça va bien, mais pendant ce temps-là ils n'apprennent pas un bon français. Ils apprennent le français de tous les jours au milieu de travail, mais on pourrait aller plus loin dans leur enseignement du français. Le syndicat pousse auprès de l'employeur, mais l'employeur à date n'a pas fait appel au programme. C'est beaucoup notre syndicat qui a eu les bons réflexes et qui a mis en place des mécanismes d'accueil, mais il n'y a pas eu vraiment de mécanisme d'accueil. Ça pressait, la main-d'oeuvre devait arriver, il y a eu ces gens qui sont arrivés, mais il n'y a pas eu une mobilisation.

Moi, je me souviens, quand les boat people sont arrivés, dans les années soixante-dix, on mettait des comités en place dans les villages, dans les villes où ces gens-là arrivaient, on les aidait, on les soutenait, ils avaient des parrains. C'est ce genre de mesure là qui pourrait être intéressante pour soutenir les gens qui arrivent en région, pour ne pas qu'ils aient le goût tout de suite de revenir à Montréal rejoindre leur communauté, qui est plus nombreuse ici.

Alors, le français, on y tient beaucoup, je pense que ça paraît dans notre mémoire. Mais il y a différentes mesures. Il y a la francisation des gens qui arrivent, qui ne parlent pas français, sur lesquels il faut mettre plus d'efforts. Il faut pousser pour que les entreprises de la région de Montréal se préoccupent plus du français qu'elles le font. Et il faut soutenir les gens pour qu'ils aillent travailler en région, où il y a des pénuries de main-d'oeuvre plus importantes, dans certains endroits.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Roy. Merci. M. le député.

M. Blanchet: Je reviens très brièvement sur la notion de majorité. On dit: La majorité, ça devrait suffire dans un contexte, d'ailleurs, de concurrence entre les pays d'accueil, carrément pour des raisons économiques. Mais le Québec, et Montréal, vit dans un contexte spécifique qui lui est propre et qui ne s'apparente pas à ce qui existe dans la plupart des autres pays d'accueil, ce qui devrait suggérer ou au moins permettre des mesures plus significatives.

Vous avez parlé, donc, de la formation, des cours. Est-ce que ces cours-là ne devraient pas en effet, la francisation et même en effet, peut-être dans l'esprit de ce que Mme Harel suggérait hier, une connaissance -- et que vous suggérez aussi -- une connaissance des institutions, de l'histoire, des valeurs fondamentales d'égalité, laïcité des institutions, et tout, est-ce que ça ne devrait pas être obligatoire, ça? Est-ce que le résultat, pas juste l'incitation ou le cours, est-ce que le résultat d'une relative francisation pour chaque immigrant ne devrait pas être un impératif?

Le Président (M. Bernier): Mme Roy? M. Lortie? M. Lortie.

M. Lortie (Jean): Écoutez, sur la question de la formation, moi, je pense que, si on maintient un caractère... on dit «majoritairement», que les populations immigrantes qui vont... acceptées soient majoritairement... une maîtrise du français acceptable, moi, je pense que la deuxième étape, c'est la formation, soit en milieu de travail, parce qu'on souhaite avoir une main-d'oeuvre accessible et rapidement prête... Alors, il faut absolument qu'on ait des mesures. L'exemple qu'on donnait des Colombiens à Vallée-Jonction, c'en est un bon, où c'est finalement l'église, la communauté religieuse de la place qui a pris en charge l'aide à ouvrir un compte dans une caisse populaire, parce que ces gens-là n'avaient aucun moyen de le faire, et le syndicat local. Moi, je pense que, si on faisait ça, on consoliderait la majorité.

C'est-à-dire que, le bassin de population qu'on va chercher dans le monde entier, on leur dit: Bien, voici, vous allez avoir une feuille de route. Comme personnes immigrantes au Québec, il y aura des obligations pour vous d'avoir une maîtrise adéquate du français. On le fera à l'accueil. Et, quand vous aurez un emploi, on va s'assurer avec l'employeur d'avoir des moyens pour que vous puissiez continuer à maîtriser ce français-là. De toute façon, ça va être à votre avantage, vous allez être plus polyvalents, vous allez pouvoir quitter la région, aller dans une autre région, quitter Montréal pour aller vers les régions. Encore là, le facteur... Quand on est pratiquement unilingue de sa tierce langue, on a plus intérêt de rester collé proche de sa communauté, sur l'île de Montréal et même dans le centre-ville de Montréal. Donc, ça, je pense qu'on pourrait travailler assez fort là-dessus et que ça soit un canal qui soit assez étroit.

Il faut de la formation. Les entreprises ont une responsabilité de former leur main-d'oeuvre. La loi du 1 % existe, mais le français est aussi important, de former... Parce qu'il y a des enjeux de santé et sécurité, hein? Quand on ne maîtrise pas l'outil de travail parce qu'on ne maîtrise pas la langue de travail, bien il y a des dangers d'accident de travail qu'on a documentés chez nous. On a eu des expériences où les travailleurs sont beaucoup plus vulnérables parce qu'ils ne maîtrisent pas les processus. C'est trop complexe. Le niveau de langue demandé est tellement sophistiqué que leur niveau était très «basic», alors, finalement, ils sont plus en difficulté. Alors, moi, je pense que, si on maintient une majorité de proportion de personnes, soit un français intéressant, on a notre deuxième effort à faire quand ils arrivent au Québec. Et ça, c'est notre responsabilité collective, comme société, avec les moyens qu'on a, soit par le ministère de l'Éducation, soit par les comités sectoriels ou le MICC, vraiment une véritable feuille de route pour leur montrer qu'il faut que ça se fasse.

L'attrait de l'anglais est tellement fort à Montréal. On le voit dans nos entreprises, par les outils technologiques, hein, les logiciels, par l'ensemble de la clientèle, on sert en anglais en premier. Bref, moi, je pense qu'on a des efforts à faire à ce niveau-là.

**(11 h 20)**

Le Président (M. Bernier): Merci, M. Lortie. M. le député.

M. Blanchet: Je n'aurais pas parlé évidemment de la totalité, là, comme vous référiez, ça me semble impossible, là, je n'y rêverais même pas. Et je partage votre point de vue que c'est le résultat qui compte. Si c'est une immigration majoritairement avec une maîtrise du français, plus formation avec une obligation de résultat en francisation, on a le même résultat, c'est correct. Et là on est d'accord, on n'a pas le problème.

Et vous référiez aux Colombiens à Vallée-Jonction. J'ai chez moi une situation tout à fait similaire, mais avec un résultat différent. Effectivement, même principe, un nombre important de Colombiens qui sont à Drummondville et qui travaillent aussi dans un abattoir. La différence est qu'ils sont nombreux, et donc ils ont une communauté suffisante, ils ont une masse critique suffisante, de telle sorte que, pour le meilleur et pour le pire, évidemment, ça peut poser d'autres types de difficultés, ils s'intègrent quand même bien dans le tissu drummondvillois, ce qui est assez caractéristique et qui démontre la faiblesse de notre raisonnement précédent. C'est que, la première fois que je les ai rencontrés, ils me demandaient des mesures de francisation. Ils disaient: Nous, on veut apprendre le français.

On n'a pas des mesures... Nous avons des immigrants d'origine africaine qui ont déjà une base en français, qui par contre, eux, doivent faire le cours de français avant d'aller sur le marché du travail. Mais ils sont déjà en partie francisés, mais ils n'ont pas encore le cours. Donc, ces gens-là sont enfermés chez eux, ne peuvent pas prendre les emplois que des employeurs leur offrent parce qu'il y a une modalité administrative qu'ils n'ont pas passée. Tu sais, il y a, dans la gestion et l'organisation des ressources offertes, des lacunes significatives. Et, comme quelqu'un disait hier, il y a la question de ce que ça coûte, mais il y a la question de mieux l'organiser, qui pourrait sûrement beaucoup aider aussi.

L'autre variable que vous avez soulevée, l'acceptation de la population, donc l'acceptabilité sociale de ça, ça me semble un enjeu majeur. L'intégration doit certainement passer beaucoup par le sentiment d'être accueilli positivement par la communauté. Ça se passe en général fort bien, je pense, mais il peut y avoir des frictions, surtout si on laisse se propager un certain nombre de préjugés sur des communautés ou sur la base de certains traits visibles, qu'ils soient physiques, ou comportementaux, ou vestimentaires. Avez-vous imaginé des mesures dans ce sens-là? A-t-on imaginé comment on pourrait favoriser, tu sais, à part les campagnes contre le racisme, là, des mesures positives et proactives qui permettraient de faire en sorte qu'il y ait des interactions favorables entre les communautés d'accueil et les communautés immigrantes?

Le Président (M. Bernier): Mme Roy? Oui.

Mme Roy (Josée): Bien, on avait présenté un mémoire, quand il y a eu le plan d'action, là, pour l'intégration en 2007, et là-dedans on avait ciblé trois champs, si on veut. Bon, évidemment, on avait ciblé les médias, en termes de campagne de sensibilisation mais aussi en termes de présence dans les médias des gens qui viennent d'ailleurs, mais on avait aussi ciblé l'école. L'école pas juste à Montréal. Parce qu'à Montréal il y a quand même des choses qui se font dans les commissions scolaires de Montréal, parce que la présence immigrante est tellement grande. Mais, nous, on allait jusqu'à étendre des cours de sensibilisation. Bon, on n'a pas donné de détail sur la forme que ça pourrait prendre, mais on parlait de sensibilisation de l'école partout à travers le Québec sur l'immigration, les différences culturelles, parce que de plus en plus on souhaite que les gens aillent en région. Il y en a de plus en plus en région aussi, là, il faut quand même prendre note de ça, là, c'est mieux que c'était. Et l'autre volet, c'était... Mon Dieu! je perds le fil...

Une voix: ...

Mme Roy (Josée): Le travail, oui, évidemment. Le travail, c'est notre champ d'intervention. Alors, le troisième volet, c'était la sensibilisation au travail. Nous, on a fait un guide pour nos syndicats et on les invite à faire des activités multiculturelles, à aller chercher de la formation auprès des organismes communautaires qui sont présents dans leurs régions. On leur en donne même un répertoire, des organismes auxquels ils peuvent s'adresser pour faire de la sensibilisation en milieu de travail sur les différences culturelles. On leur donne une démarche pour mieux accueillir les gens dans le milieu de travail, pour prévenir d'éventuels problèmes, quoique généralement les choses se passent bien.

Et, comme vous l'avez noté tout à l'heure, évidemment, plus la masse de gens qui arrivent est importante, mieux l'intégration se fait. Ça, c'est un fait qu'on a constaté, nous aussi, dans les milieux de travail. Si la personne n'est pas toute seule, ne fait pas office de pionnière dans les milieux de travail dans la région, c'est beaucoup plus facile si les gens arrivent à plusieurs dans un milieu de travail ou dans une région, et leur intégration se fait mieux, ils peuvent se soutenir les uns les autres, ils peuvent aller chercher plus facilement de l'aide. Dans le syndicat dont on parlait, à Vallée-Jonction, il y a une personne qui parlait déjà français, alors elle a servi de pont auprès des autres, elle est embarquée rapidement sur l'exécutif syndical. L'intégration s'est bien faite. Ils étaient plusieurs aussi. C'est dans la région, là, qu'il a fallu aller chercher un peu d'aide, là. Mais à plusieurs ça fonctionne mieux.

Alors, les trois champs qu'on avait ciblés dans ce mémoire-là, c'étaient les médias, l'école et le travail pour atteindre ces objectifs-là.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Roy. M. le député.

M. Blanchet: Bien, je conclurai en mentionnant que j'avais fait une proposition, lorsque j'étais à la culture, qui suggérait de faire circuler les expressions artistiques des communautés, parce que, quelles que soient les doctrines d'intégration auxquelles on s'attarde ou qu'on privilégie, multiculturalisme, interculturalisme, quelle qu'en soit la définition, il reste que je crois que la frontière est définitivement quand on arrive aux expressions artistiques, où il n'existe pas de contrainte. C'est un champ de liberté, par nature, parce que, si on enlève cette liberté-là, on brise la création telle qu'elle doit être. Et c'était de faire circuler à travers le Québec des manifestations purement artistiques, théâtrales, arts visuels, chant, de telle sorte qu'on avait des interactions qui par nature étaient positives. Mais je reçois que c'est une façon, parce que la communauté d'accueil a un rôle fondamental, comme la communauté économique, comme le milieu de travail.

Je vous remercie infiniment pour les nuances, d'ailleurs, je le mentionne, pour les nuances dans le fait qu'il y a toujours une variable économique, il y a toujours un poids économique, il y a toujours des enjeux économiques à l'immigration. Mais, comme vous l'avez dit, il n'y a pas que ça, et on ne peut pas faire fi des considérations humanitaires, qui d'ailleurs sont à l'origine du fait que, lorsque c'est des réfugiés, qui sont le type d'immigration le plus complexe à gérer dans les communautés, ce sont ceux qui sont envoyés en région en petit nombre et donc qui sont confrontés à un isolement très difficile à briser. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Bernier): Merci. Je remercie les représentants de la CSN, M. Lortie, Mme Roy, M. Bégin. Votre mémoire et votre contribution à ces échanges sont très importants pour cette commission parlementaire. Merci également de la qualité de votre travail.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre aux représentants de la ville de Montréal de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 28)

 

(Reprise à 11 h 32)

Le Président (M. Bernier): ...s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Donc, pour terminer cet avant-midi, nous avons le plaisir de recevoir les représentants de la ville de Montréal, représentée par Mme Mary Deros, M. Michel Bissonnet -- comme vous aviez l'habitude de dire, M. Bissonnet, bienvenue chez vous -- et M. Aref Salem, M. Louis Roquet et Mme Rachel Lapierre.

Donc, vous avez une période de 15 minutes pour votre présentation. Par la suite, les échanges suivront avec les parlementaires. La parole est à vous, M. Bissonnet.

Ville de Montréal

M. Bissonnet (Michel): Alors, M. le président de la commission, M. Bernier, ça fait plaisir de vous revoir, vous saluer. Mme la ministre, Mme Kathleen Weil, alors, que je n'ai pas, malheureusement, siégé avec elle, mais je sais qu'elle est à la hauteur, M. Michel Pigeon, ancien recteur de l'Université Laval et député de Charlesbourg, M. Yves-François Blanchet, député de Drummond, nos salutations. Alors, je voudrais saluer tous mes collègues qui sont avec moi.

Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour répondre à l'invitation de la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, qui a lancé, au printemps dernier, une consultation sur la planification de l'immigration au Québec 2012-2015. La perspective de cette consultation est hautement stratégique pour l'ensemble du Québec, mais elle l'est d'autant plus pour Montréal, puisque l'on sait que plus de 70 % des nouveaux arrivants choisissent la métropole du Québec pour s'y établir. Les enjeux reliés à l'immigration, la contribution des immigrants au dynamisme social et économique de nos sociétés étant bien reconnus, le gouvernement propose des orientations permettant de prendre des décisions quant au niveau et à la composition de nos collectivités pour les quatre prochaines années.

À la ville de Montréal, nous nous sommes sérieusement penchés sur la question depuis l'annonce de cette consultation. Je vous dirais qu'on y pense tout le temps. L'administration municipale a donc déposé un mémoire à cette commission, et nous sommes ici aujourd'hui pour vous en expliquer la teneur.

Je vous présente mes collègues ainsi que les employés municipaux qui nous accompagnent aujourd'hui: Mme Mary Deros, qui est dédiée, qui est dévouée aux communautés culturelles à Montréal, qui est membre du comité exécutif qui est responsable des communautés d'origines diverses et de la jeunesse; M. Aref Salem, conseiller associé aux communautés d'origines diverses, qui est de l'arrondissement Saint-Laurent; M. Louis Roquet, directeur général de la ville de Montréal, qui n'a pas besoin de présentation ici; Mme Rachel Laperrière, qui est très exécutive, qui est très touchée par toutes ces causes, directrice générale associée au développement des opérations, à la Direction générale; Mme Véronique Aubry, conseillère politique aux affaires intergouvernementales; Mme Fadima Diallo, conseillère politique en relations interculturelles; M. Gilles Rioux, directeur de la Direction de la diversité sociale. Et nous avons le chef des opérations, Direction des opérations à la police, M. Pierre Brochet.

Alors, les élus municipaux qui sont ici aujourd'hui représentent trois des quatre arrondissements les plus diversifiés dans Montréal dans leur composition. Il s'agit notamment de Villeray--Saint-Michel--Parc-Extension, Saint-Laurent et Saint-Léonard, dont j'ai l'honneur d'être leur maire.

Je souhaite que nous ayons aujourd'hui des échanges fructueux, car nous sommes ici ensemble pour mieux cerner et expliquer les différents enjeux qui sont sur la table. Et je sais que nous avons un objectif commun: bien accueillir, favoriser une meilleure intégration mais surtout offrir aux nouveaux arrivants toutes les chances de réussite. Vous et moi, nous comprenons qu'il s'agit là d'un enjeu majeur pour l'avenir du Québec.

Je cède maintenant la parole à ma collègue Mary Deros, qui va vous présenter la position de Montréal sur les orientations gouvernementales en matière d'immigration pour la période 2012-2015. Je vous remercie. Je reviendrai tantôt. Mary.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Deros.

Mme Deros (Mary): Merci, M. Bissonnet. Mme la ministre Kathleen Weil, M. le président de la commission, Raymond Bernier, membres de la commission, bonjour. Je suis fière de représenter devant cette commission l'administration municipale de Montréal et de témoigner, au nom de tous nos partenaires, de l'importance que nous accordons à nos communautés d'origines diverses qui enrichissent la vie de notre ville, ouverte et inclusive.

Dans un premier temps, j'aimerais rappeler la signature, en mars dernier, d'une entente triennale 2011-2014 entre la ville de Montréal et le ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles. L'enveloppe budgétaire qui nous a été accordée, dans le cadre de l'entente triennale intervenue entre le ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles et la ville de Montréal, ne permet toutefois pas de compenser pleinement les efforts consentis par la ville ni de relever les défis municipaux en matière d'intégration des immigrants.

Dans son mémoire déposé en 2007, la ville de Montréal déplorait déjà l'engagement insuffisant du gouvernement du Québec pour assurer une intégration adéquate des immigrants sur son territoire. Aujourd'hui, la métropole se tourne à nouveau vers le gouvernement du Québec, qui a la responsabilité globale de l'immigration au Québec, pour réitérer une question qu'elle jugeait déjà fondamentale en 2007: Le gouvernement du Québec entend-il majorer les ressources allouées à l'accueil et à l'intégration des immigrants et immigrantes à Montréal?

Les acteurs chargés de l'intégration des nouveaux arrivants sur le territoire montréalais ne sont en effet plus suffisamment soutenus par le gouvernement du Québec pour accomplir leur mission, et ce, quel que soit leur statut, communautaire ou institutionnel. Pourtant, en 2011, il est prévu que le gouvernement du Québec reçoive 258 millions de dollars du gouvernement fédéral, enveloppe dédiée à l'intégration pour intégrer en français les immigrants.

De son côté, la ville de Montréal a déboursé 6,5 millions de dollars en 2009 pour payer les services additionnels qu'elle a dû déployer pour répondre à la demande, qui s'est accrue au cours des dernières décennies. En contrepartie, le gouvernement du Québec ne lui a consenti qu'un montant de base de 1,5 million. Il apparaît donc essentiel que le gouvernement revoie sans plus tarder son rôle et celui de ses partenaires.

L'immigration internationale constitue le principal moteur de la croissance démographique sur l'île de Montréal. 67 % des immigrants admis au Québec entre 2003 et 2007 résidaient sur l'île de Montréal au cours de l'année 2009.

De plus, la majorité des immigrants sélectionnés aujourd'hui sont membres des minorités visibles. Déjà, en 2006, le territoire montréalais comptait 453 615 personnes appartenant au groupe des minorités visibles, ce qui représente 25 % de la population totale. Ces personnes vivent un déficit d'intégration plus accentué, malgré leurs compétences, notamment en matière d'emploi. L'immigration a changé de visage, mais les moyens n'ont malheureusement pas suivi.

Précisons également que, malgré des taux de scolarité souvent plus élevés que la moyenne québécoise, la situation sur le marché du travail des immigrants demeure défavorable par rapport à la population totale. En 2009, leur taux de chômage représentait presque le double de celui des natifs.

**(11 h 40)**

Puisque l'immigration représente un facteur clé de la croissance économique de Montréal, le gouvernement du Québec doit déployer les efforts nécessaires pour réduire les freins à l'emploi en favorisant notamment l'accueil d'immigrants détenant une formation qui répond aux besoins du marché du travail et en facilitant la reconnaissance des diplômes obtenus à l'étranger.

Il est aussi nécessaire que le gouvernement renforce les mesures visant à répondre aux besoins spécifiques des femmes immigrantes, qui éprouvent, entre autres, plus de difficultés à trouver un travail que les hommes. À l'heure actuelle, la ville de Montréal ne bénéficie que d'une enveloppe de 200 000 $ par année, provenant du ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, pour la promotion des valeur d'égalité auprès des femmes et des jeunes filles de communautés culturelles, 200 000 $ pour toute la ville de Montréal.

La connaissance du français est également primordiale à l'intégration socioéconomique des nouveaux arrivants sur l'île de Montréal et constitue un facteur de rétention important. Le gouvernement du Québec doit donc accorder plus de ressources et offrir davantage de services pour accroître la francisation des immigrants.

J'aimerais aussi rappeler à votre attention que 17 000 familles, en majorité d'origine immigrante, sont actuellement inscrites sur la liste d'attente de l'Office municipal d'habitation de Montréal, un chiffre qui illustre bien l'insuffisance des grands logements familiaux à prix abordable sur le territoire montréalais. Répondre adéquatement à cette demande est une autre condition de succès pour l'accueil des immigrants à Montréal.

Par ailleurs, accentuer la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale à Montréal s'avère également impératif. Près de la moitié des adultes qui recevaient en janvier 2011 des prestations d'aide sociale sur l'île de Montréal sont des personnes immigrantes, ce qui représente au Québec près de 80 % de tous les prestataires d'aide sociale nés hors Canada.

À la lumière de tout ce qui précède, afin que la ville de Montréal parvient à relever les défis actuels de l'intégration des immigrantes, elle recommande que le gouvernement du Québec la reconnaisse comme un acteur incontournable pour l'intégration des immigrants sur son territoire; que le gouvernement du Québec reconnaisse de manière pérenne son rôle dans l'intégration en français des immigrants en remettant à niveau, et ce, de façon nettement significative, les investissements nécessaires à leur intégration; que le gouvernement du Québec accorde un montant correspondant à 10 % des transferts fédéraux, liés à l'accord Canada-Québec, aux grandes villes du Québec et le partage au prorata des immigrants reçus; poursuivre au-delà de 2011 ses investissements dans les programmes d'habitation à frais partagés nécessaires à la ville de Montréal pour loger adéquatement le nombre élevé de nouveaux arrivants qui s'installent sur son territoire; et finalement que le gouvernement du Québec dégage des budgets récurrents, à la Société d'habitation et dans les ministères concernés, afin d'assurer le financement des initiatives qui se déploient dans les HLM pour favoriser l'intégration des ménages issus de l'immigration.

Fait indéniable, les défis de l'intégration des nouveaux arrivants se jouant d'abord et avant tout sur le territoire montréalais, le gouvernement doit consentir à la ville de Montréal les ressources nécessaires à l'intégration de ces immigrants, à défaut de quoi il devrait réduire significativement le nombre de nouveaux arrivants accueillis annuellement jusqu'à ce que l'intégration des immigrants déjà sur place ait été mieux assurée.

Montréal tient à établir un partenariat solide avec Québec. Cependant, ses ressources, constituées à plus de 80 % des taxes foncières, ne suffisent pas pour intervenir adéquatement auprès de la population immigrante.

La ville souhaite voir son rôle d'acteur privilégié mieux reconnu, et ses efforts, davantage considérés dans le domaine de l'accueil et de l'intégration des immigrants et immigrantes au Québec. Le gouvernement du Québec doit reconnaître les spécificités de la métropole et la particularité de ses besoins, ce qui permettra aux immigrants d'assurer leur pleine contribution à la société québécoise et de bénéficier ainsi d'une citoyenneté complète.

Je vous remercie et je passe la parole maintenant à mon collègue Michel Bissonnet.

Le Président (M. Bernier): M. Bissonnet.

M. Bissonnet (Michel): Alors, très bien. Alors, je voudrais vous rajouter, à titre d'exemple, au niveau de l'arrondissement Saint-Léonard, cette année l'école Lambert-Closse, école francophone, passe de 550 à 750 étudiants, construction d'un ajout de huit classes. 80 % des familles sont arabophones. L'école La Dauversière, 2011, 550 à 750, 200 étudiants de plus, 80 %... 18 classes ajoutées, familles arabophones. L'année prochaine, l'école Alphonse-Pesant, où il y a des ratios de 18-20, cette année ils ont 100 enfants de plus, beaucoup de nouveaux arrivants qui sont désorganisés, qui ont très peu de ressources, qui ne connaissent presque pas personne, qui n'ont pas de réseau, qui sont désorganisés. Vous avez également l'école Wilfrid-Bastien, l'année prochaine, qui, eux, vont... cette année, qui passe de 500 à 650, où là aussi il faudra rajouter de nouveaux locaux et de construire de nouveaux locaux. Familles arabophones. Tous ces gens-là, d'ici deux ans, se dirigent à l'école secondaire Saint-Exupéry. Cette année, ils passent de 1 800 à 2 100. Alors, il faudrait, d'ici deux ans, construire 20 nouveaux locaux à l'école Saint-Alphonse... Exupéry. Et cette année -- ces informations-là, je vous les donne de la commission scolaire de la Pointe-de-l'île -- il y a beaucoup d'étudiants qui sont obligés d'aller à Montréal-Nord ou dans d'autres secteurs.

Et j'ajouterai que plusieurs villes en croissance au Québec sont confrontées, ou le seront sous peu, aux mêmes défis. À cet effet, je dépose une lettre d'appui à notre mémoire de la ville de Laval et de la ville de Trois-Rivières. Et je voudrais rajouter la finalité de la lettre du maire Vaillancourt, qui se lit comme suit: «C'est donc dans ce cadre que nous sommes d'accord avec votre objectif de sensibiliser le gouvernement aux besoins de ressources, surtout pour nos deux villes, qui comptent parmi les plus hauts taux de population issue de l'immigration au Québec.»

Et je tiens à vous aviser également que nous avons reçu l'appui de la ville de Terrebonne et la ville de Sherbrooke. Et j'en profiterai, sur ce, pour saluer ma députée, Mme Filomena Rotiroti, députée de Jeanne-Mance--Viger.

Donc, nous avons besoin de ressources additionnelles. Et, comme vous le savez tous, comme Mme Deros l'a dit, il y a 70 % des nouveaux arrivants qui s'installent à Montréal, il y a 31 %, selon les statistiques, d'immigrants qui sont d'une centaine de communautés diverses qui habitent la ville de Montréal. Nous avons besoin de ressources additionnelles pour donner le service d'intégration à tous les immigrants qui sont à Montréal. Et je vous remercie. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. Bissonnet. Je reçois vos documents. Cette charmante page va les recevoir, et je vais les regarder. Donc, nous allons procéder immédiatement aux échanges avec les parlementaires. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Weil: Bonjour. Alors, bienvenue à la ville de Montréal. Très contente de vous recevoir aujourd'hui. Évidemment, j'ai grandi à Montréal, j'ai suivi... au coeur de Montréal, centre-ville de Montréal. L'immigration a toujours été au centre de ma vie. Je suis sur le terrain. Je représente un comté qui est très multiethnique, Notre-Dame-de-Grâce. Je vois l'évolution de l'immigration.

Par ailleurs... Et Vision Montréal l'a bien souligné hier, et c'était un moment assez fort des présentations, à quel point Montréal vit bien sa diversité. Et c'était une belle image de Montréal. Ils parlaient du festival -- je voulais juste le dire d'entrée de jeu -- le Festival de Jazz de Montréal, que d'autres villes l'avaient regardé pour voir s'ils pourraient avoir un festival comme ça. Et la conclusion, c'est que, non, il n'y a pas une ville qui pourrait le faire de façon aussi paisible, avec tant de monde de différentes cultures, sans violence, sans conflit. Et je pense qu'il faut célébrer cette capacité, depuis toujours, de Montréal de vivre sa diversité en temps continu. Je sais qu'il y a des défis, on y viendra, mais je pense que, pour tous ceux qui sont d'autres régions, qui nous écoutent, qui connaissent peut-être un peu moins Montréal, pour les gens qui nous écoutent d'ailleurs, Montréal a quand même une image extrêmement positive au niveau de sa façon de gérer la diversité. Il y a toujours eu beaucoup d'ouverture, et ça fait partie de notre ADN.

**(11 h 50)**

Je tenais à le dire en tant que Montréalaise, parce que je suis fière Québécoise, mais je suis fière Montréalaise grâce à cette capacité qu'on a, d'une part, d'attirer aussi, d'attirer des gens d'un peu partout qui veulent... Et, dès qu'ils atterrissent à Montréal, ils tombent en amour avec Montréal. Donc, on a une capacité d'attraction qui est importante et on a aussi une immigration intéressante qui arrive à Montréal. 70 % de notre immigration, puis on est vraiment là pour parler de ça, elle est économique, et c'est des gens, c'est des cerveaux qui viennent de partout dans le monde, qui viennent enrichir notre capital humain. Et la question, évidemment, c'est, oui, la question de l'intégration, mais, nous, on est beaucoup sur la sélection.

Donc, je pense qu'en deux temps je vais vous amener quand même sur les orientations, parce que c'est des orientations pour planifier l'avenir de façon stratégique. Évidemment, il y a les questions d'intégration. On pourra y revenir par la suite. Il y a beaucoup d'organismes qui sont venus parler de ces questions d'intégration avec des suggestions concrètes. Mais peut-être, dans un premier temps, juste vous poser certaines questions sur les orientations. On va commencer avec les volumes. Si je comprends bien, pour les volumes, vous attachez ça à l'intégration. Mon intention, c'était de le faire aussi, mais c'est basé sur des prévisions de l'ISQ et d'Emploi-Québec, qui dressent le portrait des départs à la retraite. Donc, 15 %... On parle de 740 000 emplois qu'on devra combler d'ici 2014. 15 % de ces emplois seront comblés par l'immigration. Et donc c'est vraiment ces départs à la retraite. Mais il y a une embellie au niveau du taux de natalité, taux de fécondité, qui nous permet -- et j'utilise le mot -- de stabiliser à 50 000, et en partie parce que depuis deux ans il y a tellement d'initiatives intéressantes -- mais il faut continuer -- pour cibler l'intégration en emploi.

La CRE est venue hier avec... Ils ont tellement de projets intéressants qui ciblent l'intégration en emploi. C'est des partenaires vraiment intéressants. D'ailleurs, c'est 6 millions sur trois ans qu'ils vont dédier à toute cette question. On salue vraiment les initiatives. Ils sont allés très finement hier sur des mesures. Il y a les organismes communautaires qui sont sur le terrain, qui ont aussi des mesures stratégiques. Donc, on veut donner... Il y a des embellies au niveau de 2010. Je ne sais pas si vous connaissez les chiffres de 2010, qui montrent une remontée de l'emploi chez les immigrants, un peu plus chez les immigrants que chez les natifs, des statistiques intéressantes. Moi, je suis prudente avant de dire que c'est une tendance. C'est une année. On verra, mais je pense que l'idée... Bien, l'idée que, moi, je projette dans cette stabilisation, c'est de faire en sorte qu'on puisse donner le temps à toutes ces mesures de porter fruit, de continuer à porter fruit.

Alors, je voudrais vous entendre. À la lumière de cette vision de la chose, que pensez-vous de cette orientation de stabiliser?

Documents déposés

Le Président (M. Bernier): Avant de vous donner la parole, M. Bissonnet, j'accepte le dépôt de vos documents. Ils seront disponibles sur le site de la Commission des relations avec les citoyens. Ils seront donc publics. Je vous donne la parole.

Mme Deros (Mary): Déjà, on fait... Notre partenariat nous permet de répondre à plusieurs volets, puis deux des projets que nous avons ensemble travaillés étaient le Place à la relève ainsi que... Il y avait aussi le programme que vous avez en 2010 contribué pour les agents de liaison pour la communauté haïtienne, qui a aidé énormément. Mais ce montant-là, c'est pour 2010-2011. Après, on fait quoi? Puis les citoyens sont encore sur le territoire de Montréal.

Valorisation jeunesse -- Place à la relève, c'est un excellent programme, mais ça touche un pourcentage des jeunes qui proviennent des minorités visibles. Mais, quand nous avons le grand pourcentage des immigrants qui arrivent à Montréal et ces jeunes-là ont une difficulté déjà à chercher un emploi, il faut faire plus. 600 jeunes, ce n'est suffisamment.

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme Weil: Je tiens à dire, il y a beaucoup, beaucoup de programmes, actuellement, du ministère. Vous savez qu'il y a le ministère de l'Emploi, il y a le Pacte pour l'emploi. Il y a des millions et des millions qui sont investis et qui... Donc, juste PRIIME, le programme IPOP, donc, c'est des programmes d'Emploi-Québec. Évidemment, puisque 80 % des besoins sont à Montréal, Emploi-Québec investit de façon importante. J'ai des chiffres importants. On parle de 7 milliards en tout, si on regarde logement social, Soutien aux enfants, indexation des prestations, gratuité des médicaments. Et la ville gère l'enveloppe selon ses priorités.

Donc, je ne veux pas rentrer dans les questions de chiffres, parce que c'est compliqué, et je pense qu'il faut regarder tous ces chiffres. Ce n'est pas juste ces... Oui, ça, c'est des mesures très ponctuelles, les mesures que vous soulevez, mais toutes les mesures d'intégration en emploi... il faut tenir compte de tout ce que fait les autres ministères aussi, les argents qui sont investis par le ministère de l'Éducation, le MAMROT pour logement social... Moi, je veux plus vous amener sur ce concept par des mesures structurantes. Évidemment, on sait très bien, le programme PRIIME, par exemple, qui donne des résultats vraiment intéressants, c'est une salariale aux entreprises. Il y a un taux de rétention élevé de 83 %. Et dans ce programme on a vraiment ciblé en particulier les communautés qui ont plus de difficultés. On parle de nouveaux arrivants, hein, parce que, nous, on est le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, mais ces mesures s'adressent beaucoup aux stratégies par rapport à la sélection et l'accueil. Et puis ensuite il y a les communautés culturelles, mais ça, c'est l'affaire évidemment de toute la société. Les communautés culturelles, c'est des Québécois.

Donc, je vous amène plus sur cette notion de stabiliser pour porter fruit. Bon, si je comprends bien, c'est tellement attaché à la question d'intégration que peut-être, sur la question de volume... Je ne sais pas si vous avez un commentaire sur le 50 000.

Le Président (M. Bernier): Mme Deros.

Mme Deros (Mary): Notre point spécial ici, aujourd'hui, c'est que déjà à Montréal, en 2009, nous avons dépensé 6,5 millions de plus, en plus des programmes que nous recevons du gouvernement. Puis nous sommes reconnaissants de votre collaboration et partenariat. Le problème, c'est qu'à cause de certains arrondissements, comme à Saint-Laurent. Saint-Léonard, Villeray--Saint-Michel--Parc-Extension, Côtes-des-Neiges--NDG, où il y a une forte concentration de nouveaux arrivants, ça taxe nos ressources. Ces arrondissements, avec la ville-centre, ont dépensé 6,5 millions de dollars additionnels dans le réseau bibliothèques, dans le réseau sports et loisirs, dans le réseau d'habitations pour aider les gens à mieux s'intégrer. Quand on fait des activités additionnelles, parce que pas tous les jeunes peuvent rentrer dans les programmes de camps d'été en été, on a des animations additionnelles dans les parcs, on investit additionnel parce qu'on ne veut pas que ces jeunes se traînent dans les rues. Pour aider les gens à comprendre l'environnement et mieux respecter l'environnement, les éco-quartiers partout à Montréal reçoivent à peu près 65 000 $ à 75 000 $ par année. Mais, dans les quartiers où il y a une forte concentration des personnes d'origines diverses, ça prend plus de ressources qu'on n'a pas. Les arrondissements coupent ici et là pour essayer de répondre à ces besoins, mais ce n'est pas suffisant.

Le Président (M. Bernier): M. Salem, vous vouliez ajouter.

M. Salem (Aref): Merci, M. le Président. J'aimerais juste... L'immigration à Montréal, elle a changé. Elle a changé de visage, puis, je pense, déjà actuellement à la ville nous avons un déficit au niveau de l'intégration. Je vais vous donner quelques chiffres juste à titre d'exemple. 47 % des gens qui sont -- ça, c'est les statistiques du MESS -- qui sont sur le bien-être social sont des familles immigrantes. Le tiers des familles, ils sont dans des logements inadéquats sur l'île de Montréal. 50 000 familles, à peu près. C'est le tiers des familles immigrantes qui sont dans des logements inadéquats. C'est beaucoup d'enfants dans des pièces qui sont très petites. Il y a un taux de chômage qui est accablant sur certaines communautés. Je peux donner la communauté maghrébine. Je pense, vous êtes déjà au courant que le taux de chômage, il frise les 25 %, à peu près.

Donc, il y a déjà un déficit d'intégration actuellement avec le nombre qu'on reçoit. Donc, si le ministère, il va décider d'augmenter le nombre, il va falloir juste augmenter aussi les ressources d'intégration. Avec le nombre actuel, nous sommes en déficit, donc on est là pour essayer d'aller chercher ce plus qu'on peut donner aux gens pour s'intégrer mieux.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

**(12 heures)**

Mme Weil: Bien, c'est pour ça que j'aimerais aller vraiment sur les questions stratégiques de sélection, parce qu'évidemment, moi, j'ai des chiffres sur tout ce que le MESS... la lutte à la pauvreté. Évidemment, toutes ces questions-là, c'est des enveloppes qui sont dans d'autres ministères et évidemment, comment ça se décline sur le territoire, à Montréal, le logement social, on pourrait passer la journée ici à regarder ces chiffres. Alors, l'important, maintenant, c'est, pour l'avenir, de regarder si au niveau de la sélection... Donc, il y a une orientation, donc, d'amener à 50 % -- vous l'évoquez aussi -- d'amener à 50 % «la proportion de requérants principaux de la catégorie des travailleurs qualifiés détenant une formation dans des champs de compétence».

Il faut que j'amène une correction à votre mémoire. J'ai dû le corriger pour d'autres aussi. Vous parlez d'un chiffre de 9 %, mais il y a eu des modifications suite aux recommandations du Vérificateur général. Actuellement, on est rendu à 48 %. Suite à ces modifications, on a une grille de sélection qui priorise ceux qui ont les compétences, les métiers, les emplois qui ont été ciblés par Emploi-Québec, les métiers et les professions. Donc, on est rendu à 48 %. Donc, d'augmenter à 50 %, ce n'est pas la mer à boire, là. Je vous dirais que, suite à cette correction, la grosse majorité des intervenants, surtout économiques... mais tous sont en accord avec cette orientation, parce que ça semble réaliste. Et beaucoup d'intervenants vont sur cette question de meilleur arrimage entre les besoins du marché du travail, pour justement nous adresser à la question que vous soulevez. On va parler de la question du français par ailleurs parce que c'est un portrait global. Et donc comment on fait pour travailler étroitement avec les employeurs pour cibler, donc, les emplois? On a parlé de dialogue continu ou d'échange continu, mais évidemment Emploi-Québec, avec le MICC, avec les partenaires aussi sur le terrain...

Et beaucoup se joue à Montréal. Tout ce travail-là d'arrimage se fait à Montréal. Je voulais savoir, bon, si vous êtes en accord avec cette orientation, si vous le voyez de façon positive et si vous avez des idées par vos échanges avec les employeurs. Parce que, vous savez, c'est les employeurs qui engagent. Nous, on a beaucoup de programmes pour sensibiliser la société civile et les employeurs aux compétences qu'on est allés chercher, et il y a beaucoup d'initiatives actuellement sur le terrain. On a produit un document en gestion de la diversité, on a notre Placement en ligne international. Les employeurs peuvent aller directement sur ces outils-là pour aller chercher les compétences qu'ils veulent. Il y a des missions à l'étranger, des employeurs qui participent. Il y a Montréal International, qui nous aide beaucoup aussi, comme partenaire pour le Programme de l'expérience québécoise, pour aller recruter les étudiants, et que les étudiants restent ici, à Montréal, et les travailleurs temporaires qui sont déjà intégrés dans le marché de l'emploi, pour qu'eux aussi puissent être intégrés dans l'immigration permanente. Ça, c'est des stratégies quand même assez récentes, puis j'aimerais savoir si vous avez des commentaires sur ces nouvelles stratégies, là, qui datent vraiment des deux, trois dernières années, et si, par vos échanges avec le milieu économique beaucoup, vous avez d'autres idées ou d'autres stratégies -- la CRE est venue hier avec certaines stratégies -- ou si vous êtes d'accord puis qu'on est dans la bonne voie avec ces types d'orientations.

Le Président (M. Bernier): M. Salem.

M. Salem (Aref): Pour ce qui est des orientations, c'est sûr, ils sont bons... les orientations sont bonnes. Il faut juste comprendre que, nous, au niveau de la ville, on subit un peu... on subit, on n'a pas un mot à dire. On reçoit les gens, on investit dans ces gens-là pour les intégrer, puis ces gens-là, à un moment donné, ils se retournent vers Laval ou vers la Rive-Sud. Puis on a quand même des ressources limitées. Avec tout ce que le gouvernement est en train de faire aujourd'hui même, on a toujours un certain déficit.

On parlait de l'emploi, le marché de l'emploi. C'est sûr qu'il faut aller de l'avant avec... On a déjà un programme qui existe en partenariat entre le gouvernement du Québec et la ville de Montréal, et ce programme, pour nous, ce n'est pas assez, ce n'est pas suffisant. Il faut mettre plus de ressources pour aller de l'avant avec plus de gens, pour les intégrer au niveau du marché du travail. Nous savons que la ville de Montréal, c'est un des plus gros employeurs de Montréal. Et on fait notre travail. On essaie le plus qu'on peut, à travers des programmes de partenariat, avec des stages, d'intégrer ces gens-là sur le marché du travail. Rien que pour mettre, par exemple, un stage fait à la ville de Montréal, ça a aidé peut-être un employé à trouver un emploi chez un employeur.

Nous savons aussi qu'il y a une certaine... La francisation, je vais parler peut-être un peu plus... Mon collègue M. le maire, il a parlé un peu de la communauté arabophone, qui est francisée, qui est quand même... les Marocains, les Algériens, qui sont très éduqués, qu'ils ont des niveaux de scolarisation qui est vraiment un peu plus haute aussi que la moyenne québécoise, et qui n'arrivent pas à trouver un travail. Donc, il faut mettre des ressources, il faut aller de l'avant avec un peu plus d'argent pour arriver à ça. Nous, au niveau de la ville, c'est sûr qu'on est là pour demander plus, pour que ces gens... On le vit, le déficit, on le vit. On a à peu près... Si je retourne un peu plus aux chiffres, que ce soit au niveau du taux de chômage, ou au niveau de l'habitation sociale, ou le bien-être social, c'est des immigrants qui vivent ça, c'est des immigrants, des nouveaux immigrants qui ne trouvent pas le moyen de s'épanouir.

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme Weil: Bien, je vais aller peut-être, bon, vous poser des questions précisément sur ces enveloppes, là, qui vous sont versées par d'autres ministères que nous. Parce que, nous, on reçoit l'argent du fédéral, mais c'est à peu près un 40 millions de plus que les ministères... que le gouvernement investit, parce qu'on rajoute... le gouvernement rajoute ses propres ressources dans tout ce qui touche l'accueil, l'intégration et la francisation. Mais, pour aller peut-être sur d'autres enveloppes, juste sur l'enveloppe de la pauvreté à Montréal... Parce que vous parlez beaucoup de cette question-là. Je pense que vous parlez des... Peut-être, dans un certain cas, c'est des immigrants récents, mais dans d'autres cas c'est des personnes... c'est peut-être des communautés culturelles aussi. Donc, il y a 1,3 milliard sur six ans uniquement sur l'île de Montréal pour s'attaquer à la pauvreté. Donc, il y a le logement social... Je ne vais pas donner tous les chiffres, mais il y a aussi une somme de 24 millions sur trois ans qui est versée directement à la ville pour le développement de projets de lutte contre la pauvreté, et la ville gère cette enveloppe selon ses priorités. La question, c'est: Est-ce que dans cette enveloppe, vous aussi, vous avez une stratégie de cibler... Est-ce que l'immigration fait partie de vos priorités lorsque vous priorisez ces projets?

Mme Deros (Mary): Bien, en fait, si vous me permettez...

Le Président (M. Bernier): Mme Deros, oui, je vous laisse répondre. Il reste environ deux minutes.

M. Bissonnet (Michel): Mme Laperrière va dire un mot.

Le Président (M. Bernier): Mme Laperrière.

Mme Laperrière (Rachel): Certains programmes peuvent, oui, toucher les populations qui sont immigrantes récentes, mais l'objectif premier est de rejoindre les personnes exclues et les personnes pauvres. Donc, les programmes sont généraux, sont affectés à toute cette population. Et, bien entendu, certains gestes que la ville pose pour appuyer la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale peuvent, par exemple, soutenir des efforts auprès de communautés qui sont particulièrement éprouvées dans des quartiers donnés, oui, mais ça se fait dans une perspective d'équité pour l'ensemble des citoyens montréalais.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup. Nous allons donc passer du côté de l'opposition officielle. M. le député de Drummond, la parole est à vous.

M. Blanchet: Messieurs dames, bonjour. Vous avez mentionné, Mme Deros, très clairement, d'entrée de jeu, la nécessité d'avoir davantage de ressources. Dans les derniers jours, j'ai abordé la question sous cet angle-là, disant que peut-être on prend le problème ou l'enjeu un peu à l'envers, lorsqu'on établit un nombre sans avoir la certitude d'avoir les ressources pour accueillir et intégrer harmonieusement ce nombre d'immigrants, et qu'en conséquence on peut accentuer un certain nombre de difficultés dans le but d'en amenuiser d'autres, et qu'il faudrait peut-être procéder en disant: Voici les ressources que nous sommes prêts à déployer. Combien de gens est-ce que ça nous permet d'accueillir? Je comprends que ce n'est pas conventionnel, mais à quelque part, par l'a contrario, il y a peut-être une démonstration.

J'aimerais avoir plus de détails, parce qu'on appelle plus de ressources, j'aimerais avoir des cas. Puis je reviendrai parce que M. Bissonnet en a soulevés qui sont extrêmement précis et qui interpellent beaucoup, surtout dans notre actualité locale et internationale. Dans quelle mesure est-ce que la volonté et la capacité d'intégration sur l'île de Montréal est un succès ou ne l'est pas? Et à quoi précisément... puis ça va amener une autre question plus tard, mais à quoi précisément affecteriez-vous un surplus de ressources? Ça prendrait quelle forme puis ça s'en irait où sur le terrain, chez les usagers? Où est-ce que ça fait le plus mal, pour avoir le maximum de résultats?

Le Président (M. Bernier): M. Salem.

**(12 h 10)**

M. Salem (Aref): Moi, je peux juste répondre: La ville, elle a pris trois orientations pour essayer... pour un peu harmoniser notre intégration. On a pris trois axes, en fait. Le premier axe, c'est la relation interculturelle. Vous savez, Montréal, il y a à peu près 166 ou 180 communautés d'origines diverses qui sont là, puis on travaille beaucoup sur l'ouverture des communautés l'une sur l'autre. Parce qu'on ne veut pas créer des ghettos. Puis, en créant des ghettos, on crée plus la pauvreté puis on a des gens qui s'enclavent sur eux-mêmes. Donc, on essaie le plus possible de promouvoir l'interculturalisme et le multiculturalisme, bien, en fait, l'interculturalisme.

Le deuxième axe qu'on a travaillé, c'était l'amélioration des milieux de vie, des milieux des quartiers, d'essayer d'augmenter un peu, par des petits gestes, l'intégration des jeunes, par exemple sport, loisirs, de mettre en place des mesures qui peuvent aider peut-être les jeunes, si on n'a pas réussi, les moins jeunes, à s'intégrer d'une meilleure façon.

Puis la troisième chose, c'est la lutte à la discrimination et au racisme, puis ça, ça va un peu sur le marché du travail. Le visage de Montréal... l'immigration à Montréal, elle a changé. Il y a à peu près 450 000 personnes qui sont de minorités visibles, et le taux de chômage aussi c'est ces gens-là. Que ce soient nouveaux ou anciens immigrants, il est déjà, je pense, trois fois plus que la moyenne québécoise, mais la moyenne de Montréal, même. Donc, il y a des programmes qu'on peut mettre de l'avant pour essayer d'intégrer ces gens-là sur le marché du travail, créer la richesse puis les intégrer. Moi, j'ai toujours dit: L'intégration, c'est sûr que, quand on choisit nos immigrants, il faut qu'ils parlent français, ou il faut qu'on les aide à ce qu'ils parlent français, mais la deuxième chose la plus importante, c'est l'emploi. L'intégration se passe en... L'enjeu le plus important pour l'intégration, c'est l'emploi. Donc, à ce niveau-là, il y a des programmes qui sont déjà faits. Peut-être il faut bonifier ces programmes-là.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Laperrière, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Laperrière (Rachel): La ville de Montréal a 1 000 points de service à ses citoyens de toutes origines sur son territoire. C'est donc une interface extrêmement importante avec les citoyens. Les services ne peuvent pas... ce réseau de services là ne peut pas être géré d'une façon standard, parce que les citoyens ne sont pas tous de la même origine et n'ont pas tous la même capacité de s'intégrer pour pouvoir tirer leur parti de ces services-là. Nous avons donc une offre de service bonifiée. Nous avons donc une offre de service qui permet aux citoyens de toutes origines d'être capables d'en bénéficier. C'est des efforts considérables qui sont faits au quotidien par le service de police, le service des incendies, l'OMHM, les arrondissements, la ville centre.

On souhaite aussi, à la ville de Montréal, maintenir, et c'est un grand défi, une cohabitation harmonieuse. On le dit, il y a de plus en plus de minorités visibles à Montréal. Leur proportion est de plus en plus grande. Les défis que cela représente nécessitent des efforts du service de police, du service des incendies, des arrondissements, de tous les services de première ligne, à tous les jours. La ville de Montréal, elle, finance la compensation pour une offre de service bonifiée, pour maintenir cette cohabitation harmonieuse sur son territoire et pour offrir des services qui soient adaptés à l'ensemble de ses citoyens, compense pour l'argent qu'elle n'obtient pas pour offrir ces services de cette qualité. Elle compense à partir des taxes, donc elle compense à partir du foncier.

Le gouvernement du Québec est sollicité pour nous offrir plus de ressources, autant dans la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale à laquelle faisait référence la ministre tantôt... Nous avons une entente avec le MESS. Cette entente-là n'est pas suffisante non plus. L'entente avec le MICC n'est pas suffisante. Nous devons compenser au quotidien, à même nos budgets de service, à même nos budgets d'arrondissement, pour les efforts additionnels, que cette diversité de population dans laquelle nous voulons maintenir une cohabitation harmonieuse puisse être offerte.

Alors donc, il faut déployer plus d'efforts. Nous en déployons, des efforts, et nous réussissons dans bien des domaines. On a fait référence tantôt, par exemple, Mme Deros, aux programmes des agents de liaison qui ont été déployés. Il faudrait déployer trois fois plus d'efforts, peut-être quatre fois plus d'efforts pour faire en sorte que se fasse l'intégration de cette nouvelle belle manière qui a été concertée avec le gouvernement du Québec. Les citoyens sont intégrés... ces agents de liaison permettent d'intégrer, auprès du gouvernement du Québec et auprès de la ville de Montréal, les citoyens pour les services de première ligne, un travail formidable qui est accompli sur le terrain avec des miettes, et il faudrait être capable de le déployer dans plus d'arrondissements et sur plus de périodes ouvrables. Et ça, ce n'est qu'un exemple. Place à la relève, on devrait pouvoir le déployer beaucoup plus, les stages dont bénéficient des citoyens montréalais, des stages professionnels dans notre organisation. Il faut savoir qu'il y a 40 % d'entre eux qui finissent par trouver un travail à Montréal à travers ces stages-là. Si on était capable de recevoir plus que 58 personnes par année, on pourrait donc, la ville de Montréal, avoir une relève encore plus diversifiée.

C'est donc de beaux efforts qui sont faits. On a des beaux programmes qui réussissent. On a besoin de plus d'argent pour les déployer avec toute l'ampleur qu'ils nécessitent, pour faire en sorte qu'on maintienne cette cohabitation harmonieuse à Montréal, dont on est si fier mais qui est si fragile. On le sait, on n'a qu'à penser à un passé qui n'est pas si loin de nous, c'est si fragile, la cohabitation harmonieuse, à Montréal.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Laperrière. M. le député.

M. Blanchet: Je crois que Mme Deros voulait intervenir aussi sur cette question-là.

Le Président (M. Bernier): Oui, Mme Deros, allez-y.

Mme Deros (Mary): Merci. C'était sur le Programme de parrainage professionnel, que Mme Laperrière a touché. C'est un programme qui favorise 50 jeunes qui reçoivent un stage de six mois avec la ville de Montréal payé, et on a eu une grande réussite où un bon pourcentage...

M. Roquet (Louis): 64 %.

Mme Deros (Mary): Combien?

M. Roquet (Louis): 64 % sont intégrés chez nous ou ailleurs.

Mme Deros (Mary): 64 % de ces jeunes-là ont trouvé un emploi soit à la ville de Montréal ou aux places où ils ont eu leurs stages. Malheureusement, malheureusement, c'est un bon programme, c'est bon, ça, par contre, avec toutes les contraintes qu'on a et avec toutes les responsabilités de la ville, il faut comprendre qu'on ne peut plus soutenir ce programme avec les taxes foncières. On a besoin d'avoir cet appui du gouvernement du Québec, ce partenariat qui va bonifier, qui va ajouter plus pour que nous pouvons continuer ce programme qui fonctionne. De donner cette occasion à ces jeunes-là, soit par le programme Parrainage professionnel ou avec le Place à la relève, qui aident ces jeunes qui proviennent des minorités visibles, ça va les donner une fierté et de les encourager, ces familles, de continuer à vivre à Montréal. Il faut comprendre qu'on ne peut plus soutenir ces programmes d'immigration par les taxes foncières. Ce n'est pas dans les responsabilités de la ville pour donner ce type de soutien aux immigrants, et on vous demande de continuer cette collaboration mais un peu plus réaliste avec les chiffres, quand la plupart de l'immigration qui vient à Québec vient s'installer à Montréal.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député de Drummond.

M. Blanchet: La réponse est au-delà de mes espérances en termes de clarté. Donc, je retiens la multiplication des points de contact dans une perspective, d'ailleurs, comme vous disiez bel et bien, d'interculturalisme, bien qu'il n'existe pas de définition consensuelle là-dessus. On comprend que c'est la maximisation des interactions entre les groupes et la société d'accueil, par opposition au cloisonnement entre les uns et les autres, cette fameuse mosaïque qui à terme pose un certain nombre de problèmes d'intégration. Donc, multiplication des points de contact et aussi le fameux programme. Ça me semble extrêmement intéressant, parce que j'imagine le jeune qui, dans une communauté peu favorisée, pour des raisons notamment d'immigration et d'intégration, qui a un emploi soudainement intéressant, valorisant, avec un mentor, avec un pilote pour l'aider à fonctionner, à s'intégrer là, et qui retourne dans sa communauté en disant: Regardez ce que j'ai. Le message, au-delà du coût direct que ça aura coûté pour le soutenir, le rayonnement du message avec lequel il revient chez lui, ça me semble extraordinaire. Je comprends par contre que ça implique une dépense qui peut s'avérer significative, parce qu'il faudrait dire... 65 % de réussite, c'est énorme, c'est extraordinaire, mais chacun de ces cas-là a un coût moyen qui est 100 % mis en ratio sur le 65 %. Et vous avez dit, en conclusion de ça, qu'il fallait continuer la collaboration.

Moi, j'ai une question relative aux pouvoirs, aux juridictions. Puis je n'ai pas de réponse, là, je ne suggère pas une réponse, je pose vraiment la question. Puisqu'au quotidien c'est vous et c'est vos points de contact qui font et qui permettent, avec d'ailleurs le milieu économique, mais c'est quand même la même réalité, le même terrain, la proximité avec les citoyens, c'est bien davantage au niveau des municipalités qu'au niveau de Québec et encore moins d'Ottawa, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir des transferts de juridiction, de pouvoirs, avec bien sûr les moyens qui vont avec, là, pour que vous puissiez plus librement adapter des programmes à votre réalité?

**(12 h 20)**

Le Président (M. Bernier): Qui répond? M. Roquet.

M. Roquet (Louis): Si vous me permettez de répondre comme cadre, et non pas comme personne politique, l'histoire nous enseigne que les juridictions du gouvernement du Québec qui ont été transférées au monde municipal au départ sont parfaitement adéquates, et la rémunération qui est donnée correspond vraiment aux prestations qu'on doit donner. Après cinq ans, on s'aperçoit que l'argent n'a pas suivi les besoins, et actuellement à Montréal il y a une sérieuse interrogation sur l'intérêt ou même la capacité de la ville de continuer à offrir, dans des mandats qui sont clairement des mandats du gouvernement du Québec, lutte à la pauvreté, intégration des immigrants et autres mandats du genre... Est-ce qu'on a encore les ressources et la capacité de continuer à les offrir? Autrement dit, ce qui était au départ une entente pleinement compensée devient à la longue une entente dans laquelle la contribution de la ville est de plus en plus importante.

J'ai dû comprimer, dans le budget 2011-2012, 250 millions -- pas de la frime -- 250 millions de dollars, dans un budget dont une large partie est absolument incompressible. Je vous ne suggère pas d'essayer de comprimer un budget du service de police, par exemple, dans une ville comme Montréal. C'est trop important, c'est trop essentiel pour la paix sociale. Donc, le 500 000 $ que nous consacrions au programme de stages pour intégrer les jeunes, avec un taux de succès de 64 %, l'an prochain, le 500 000 $, je ne l'ai pas.

Et il y a un autre élément que je voudrais introduire dans votre réflexion, et c'est l'élément suivant: Montréal a un taux de remplacement des jeunes de 1,44. Ça, ça veut dire que les jeunes du Québec migrent à Montréal. Et ça veut dire aussi que Montréal est une fabrique de jeunes. 50 % des femmes qui sur l'île de Montréal sont en état d'avoir des enfants, sont en âge d'avoir des enfants ne sont pas nées au Québec. 50 % des mères de demain. Autrement dit, l'usine à fabriquer la main-d'oeuvre du Québec, si vous me permettez une expression qui est disgracieuse, elle est située à Montréal, et à 50 % c'est une usine d'immigration. Si on ne réussit pas à intégrer ces gens-là, si on permet qu'il y ait des taux de décrochage scolaire qui sont astronomiques chez les garçons, encore plus élevés chez ceux de l'immigration, c'est tout le Québec qui n'aura pas de main-d'oeuvre qualifiée, pas seulement Montréal.

Donc, le programme de l'intégration de l'immigration à Montréal n'est pas seulement un programme montréalais, ce n'est pas un programme régional. C'est un enjeu social, j'en conviens, c'est un enjeu démographique important, mais c'est aussi un enjeu économique majeur pour le Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. Roquet. M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Donc, vous me dites deux choses. Un, la ville peut et a déjà accepté d'assumer des responsabilités pour mettre à profit sa proximité avec les citoyens, mais progressivement la ressource cesse de suivre, et vous vous retrouvez avec une responsabilité sans la capacité de la maintenir. Et c'est bien triste, le cas que vous nous donnez. L'autre élément, vous dites... vous allez un peu à l'encontre d'une littérature récente, qui mérite réflexion mais qui semble dire que votre constat concernant la natalité... qui vous contredit à cet égard-là. Par contre, vous donnez des chiffres qui sont extrêmement éloquents. 50 % des mères disposées, ou qui pourraient l'être, à procréer dans un avenir assez immédiat sont à Montréal et sont issues de l'immigration... Bien, pas «sont à Montréal et», mais celles de Montréal sont issues de l'immigration. C'est très, très révélateur, comme chiffre et comme poids. Donc, effectivement, ce n'est pas que local, comme enjeu, parce qu'il y a tout le rayonnement sur l'ensemble du Québec.

Je veux aller... je veux référer rapidement, parce que j'imagine qu'il reste peu de temps, à des cas précis auxquels M. Bissonnet nous a sensibilisés, qui sont les augmentations de nombre d'élèves dans trois écoles, dont une...

M. Bissonnet (Michel): Cinq.

M. Blanchet: ...cinq, dont une très nette majorité, dans tous les cas, sont, ce que vous nous avez dit, arabophones.

M. Bissonnet (Michel): Et, pour répondre, ce n'est jamais arrivé, à Saint-Léonard, depuis 40 ans, là, qu'on a agrandi une école. On a agrandi l'école Saint-Exupéry, mais, les écoles primaires françaises, on ne les a jamais agrandies. Alors là, maintenant, on en a deux qui sont agrandies, et il y en a deux autres qui devraient l'être. Et tout ça va aller... Et c'est une population qui est algérienne, marocaine. Et puis, nous, on a une subvention MESS-ville, là. On reçoit ça, là, parce qu'on a une part qui vient dans les arrondissements. Nous, notre montant global, on l'envoie dans un projet qui s'appelle habitations Renaissance, que connaît très bien la députée de Jeanne-Mance--Viger ici, qui nous appuie dans toutes nos démarches. Alors, on dépose l'argent en entier là. On n'en a pas pour le secteur où c'est qu'on refait les deux écoles, là. Il y a un secteur d'immigration important. Ces subventions de MESS-ville là, on les envoie directement là. Il y a un problème de salubrité, il y a des problèmes... les problèmes complexes. Alors, tous nos montants qu'on reçoit, on les envoie là et on les répartit avec des organismes communautaires, comme Concertation Saint-Léonard, et d'autres. Alors, c'est sûr qu'on a... On reçoit 1,5 million par année du ministère de l'Immigration. Ça nous en prend plus, ça, c'est évident.

M. Blanchet: Ma question est celle-ci. C'est éloquent. Vous l'êtes, en tout cas, assurément. Ces gens-là, bon, vous les avez décrits comme étant arabophones, mais les origines que vous nous décrivez sont des pays qui ont une tradition française, donc ces gens-là ont souvent une maîtrise fort convenable du français. En même temps, c'est, au niveau de l'immigration internationale, les communautés les plus stigmatisées. Toutes les communautés d'origine arabe, au sens très large du terme, musulmanes sont stigmatisées, et on leur prête plein de défauts qui peuvent très bien ne pas être appuyés dans la réalité. Et on en entend, on en a rencontré qui appellent à une intégration facilitée, d'autant plus qu'ils ont l'avantage de la langue. Vous qui vivez la situation que vous décrivez, comment vous décririez leur volonté, leur état d'âme, leur attitude face à la société d'accueil, puisqu'ils disent: Nous autres, on veut, et là on est confronté au problème que vous décrivez? Est-ce qu'eux disent: S'il vous plaît, aidez-nous parce qu'on est bon joueurs?

M. Bissonnet (Michel): Non, c'est-à-dire que...

Le Président (M. Bernier): Il reste deux minutes, M. Bissonnet.

M. Bissonnet (Michel): ...c'est des personnes qu'au niveau de la francisation il n'y a aucune difficulté. Ils sont fiers de parler français aussi. Ils ont un problème d'intégration aussi. Puis ils sont contents d'être à Montréal, ils sont contents d'être là. Mais je vais vous donner un dernier exemple en terminant. Moi, j'ai rencontré -- je parle un peu à tout le monde, là -- quelqu'un qui n'était pas dans ma circonscription, qui arrivait de l'Algérie depuis une semaine. Bien là, je dis: Comment vous êtes arrivé, comment vous êtes installé? Bien, sa première difficulté qu'il a trouvée, c'est quand il a loué son appartement. En louant son appartement, il est allé pour saluer ses voisins, parce que, chez lui, ils se saluent tous quand ils arrivent dans un nouvel appartement, là, les voisins ne sont pas habitués à ça. Alors là, je dis: Qu'est-ce que vous faisiez en Algérie? Il dit: Moi, j'étais professeur de droit. Alors là, il dit: Je me cherche un travail. Alors, il dit: Je vais aller à l'Université de Montréal, à l'Université du Québec, je vais aller dans les cégeps.

Alors, même s'ils arrivent ici, là, diplômés, qu'ils ont leurs études qui... Puis c'est vrai dans la communauté algérienne, dans la communauté marocaine. Il y a des personnes qui ont des diplômes, puis ils ont des diplômes, mais vous regarderez qu'il y en a beaucoup qui font du taxi. Alors, il faut les intégrer. Mais ils arrivent diplômés, beaucoup arrivent diplômés, mais souvent ils ne travaillent pas dans leurs métiers. Alors, c'est une problématique. Mais, nous, à Saint-Léonard, on a un secteur qui est défavorisé. Il faut aider les autres secteurs qui ont besoin d'aide, d'intégration aussi, et c'est là que les argents... On a 1,5 million. Comme le directeur de la ville l'a dit, au début, ça allait, mais de plus en plus on a des programmes, puis il faut les améliorer, puis il faut les rendre accessibles à toutes nos populations. Et puis là vous avez ville de Laval qui sont rendus à 20 %, 22 %, puis il y a d'autres municipalités, on va parler de Trois-Rivières, où c'est qu'il y a une opération qui s'appelle Ferragosto, qui est un succès exceptionnel à chaque mois d'août durant l'été. Donc, les 10 plus grandes villes de plus en plus ont des immigrants aussi, et c'est tant mieux. Je vous remercie.

Le Président (M. Bernier): Merci. C'est sur ces mots... Merci, M. Bissonnet, merci à la ville de Montréal, à votre... Très intéressant. Donc, Mme Deros, M. Bissonnet, M. Salem, M. Roquet, Mme Laperrière, merci de votre contribution.

Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 14 heures, où nous aurons l'occasion de rencontrer le Conseil du patronat. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Je vous rappelle que nous sommes réunis pour étudier le document de consultation La planification de l'immigration au Québec pour la période 2012-2015.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Merci. Donc, bon après-midi à tous. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil du patronat. Merci d'être là, MM. Yves-Thomas Dorval, président, et Louis-Paul Lazure, vice-président. Messieurs, vous avez un 15 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, des échanges suivront avec les parlementaires. La parole est à vous.

M. Dorval (Yves-Thomas): Merci, M. le Président. Merci, aux membres de la commission, Mmes et MM. les députés.

Alors, le Conseil du patronat du Québec est heureux de participer à cette consultation sur la planification de l'immigration au Québec pour la période 2012-2015. Comme acteur économique et social soucieux d'optimiser l'apport de l'immigration au développement de notre société, le Conseil du patronat estime que cet exercice est plus important que jamais, étant donné, en particulier, le défi démographique et économique qui a cours actuellement au Québec et qui évidemment va nous heurter encore davantage dans les années à venir.

Dans ce contexte où l'accès à une main-d'oeuvre disponible et de qualité s'avère un enjeu prioritaire pour les employeurs du Québec... pour que les employeurs du Québec puissent accroître leur compétitivité, l'intégration réussie des travailleurs immigrants qualifiés dans les différents milieux de travail est donc essentielle. C'est pourquoi tous les acteurs, gouvernements, organismes sans but lucratif, employeurs et travailleurs immigrants eux-mêmes, ont la responsabilité de faire leur part afin de permettre à la société québécoise de tirer profit de la richesse que constitue l'apport économique des immigrants pour pouvoir prospérer.

Nous avons parcouru le document de consultation présenté par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et nous avons également consulté les préoccupations de nos membres, qui sont des employeurs ou des associations d'employeurs au Québec. Le Conseil du patronat a identifié une série de pistes de solution concrètes pour mettre en place de meilleures conditions permettant à l'immigration de contribuer davantage à la prospérité du Québec. Je n'en ferai pas une liste complète, mais parmi elles mentionnons notamment:

Premièrement, accroître le nombre de travailleurs immigrants qualifiés détenant une formation orientée vers les besoins du marché du travail, en adoptant des critères de sélection suffisamment souples pour s'adapter à la réalité changeante des entreprises québécoises et de l'économie québécoise;

Attirer une plus forte proportion d'immigrants entrepreneurs en les soutenant et en les encadrant dans leurs démarches de création ou d'acquisition d'entreprise. On sait qu'on a un déficit énorme en termes d'entrepreneurship actuellement et pour les années à venir;

Accentuer les efforts en matière de francisation des immigrants non francophones, tant avant qu'après leur arrivée au Québec, et mettre en place une évaluation périodique permettant de mesurer concrètement les progrès accomplis, sans exclure toutefois la connaissance de l'anglais, qui nous apparaît essentielle dans plusieurs postes et dans plusieurs types d'emploi;

Maintenir et accroître la part de l'immigration économique, tout en continuant de miser sur les travailleurs temporaires et les étudiants comme bassin privilégié pour ces admissions, entre autres en réduisant les délais dans le traitement des demandes;

**(14 h 10)**

Attirer et retenir davantage d'immigrants investisseurs en constituant un groupe de travail, en faisant une étude sérieuse dont le mandat serait d'analyser la problématique et de proposer des solutions pour améliorer leur rétention;

Favoriser une meilleure intégration des immigrants en poursuivant des efforts d'information et de sensibilisation auprès des employeurs, en bonifiant les programmes d'embauche d'immigrants de première génération déjà mis en place, en offrant des stages, et ainsi de suite. On n'est pas ici juste en demandes, on doit également faire notre part à titre d'employeurs;

Poursuivre la conclusion d'ententes avec les ordres professionnels, et autres, en matière de reconnaissance des compétences des professionnels immigrants;

Simplifier et accélérer la procédure de reconnaissance des compétences et des diplômes en coordonnant et harmonisant davantage les échanges, au palier gouvernemental, entre les différents ministères et organismes, le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, de l'Éducation, du Loisir et des Sports, Emploi-Québec, et autres, et en offrant également une formation d'appoint menant à une qualification suffisante aux immigrants qui ne satisfont pas aux normes québécoises;

Enfin, rééquilibrer progressivement les proportions que représentent les divers grands bassins géographiques de provenance de l'immigration en vue d'une plus grande diversification, particulièrement en mettant davantage l'accent sur les bassins d'où peuvent provenir des immigrants dont les qualifications sont en demande. Il ne s'agit pas ici de viser des régions plus particulières, mais davantage en fonction du besoin de qualifications qui est recherché par le milieu du travail, tout en maintenant une certaine flexibilité à cet égard et en prévoyant des mécanismes autorisant des exceptions, advenant l'absolue nécessité pour le ministère de limiter les entrées.

À titre d'information nouvelle, nous allons publier, la semaine prochaine, notre Bulletin sur la prospérité. C'est notre seconde version. L'année dernière, nous en avions faite une première version et on avait fait des constats sur les différents critères qui expliquent les performances ou les absences de performance que nous avons sur le plan économique au Québec. Et d'entrée de jeu je vais vous livrer quelques informations sur le critère de l'immigration. En fait, nous avons un des critères qui fait le rapport entre le taux de chômage de la population immigrée et celui de la population née au Canada. C'est des informations publiques que plusieurs possèdent, mais nous faisons notre analyse sur une période de trois ans pour être en mesure d'éviter d'avoir une modification trop circonstancielle d'une année à l'autre.

Alors, le rapport, faut-il le préciser, le rapport entre le taux de chômage de la population née à l'extérieur du Canada et le taux de chômage de la population née au Canada permet d'évaluer le succès de l'intégration économique des immigrants et l'employabilité des immigrants qui arrivent dans l'économie. Dans notre analyse, il s'avère que le taux de chômage de la population immigrée est toujours supérieur à celui de la population née au Canada. Le taux de chômage de la population immigrée établie au Québec depuis cinq à 10 ans est par exemple le double du taux de la population native. Le rapport entre les taux diminue en fonction de la durée de présence au Canada, et cette tendance illustre le fait que l'intégration économique se réalise dans la durée. Cependant, quelle que soit la durée d'établissement au Canada, le Québec affiche le rapport le plus élevé entre les taux. C'est donc au Québec que les immigrants éprouvent le plus de difficultés à s'intégrer sur le plan économique.

Je dois et nous devons noter toutefois une amélioration remarquable. En 2010, il y a eu une diminution du taux de chômage chez les immigrants récents, comparativement aux natifs, ce qui fait diminuer la moyenne par rapport à l'an dernier. Statistique Canada a en effet déjà observé pour 2010 une nette remontée de l'emploi, au Québec, chez les personnes immigrantes. La récession a pu toucher de façon plus accentuée les immigrants très récents, de la même façon qu'elle a pu le faire pour les jeunes, et vice versa.

Cela étant, les efforts du gouvernement visant à favoriser la rétention des étudiants étrangers et des travailleurs temporaires ainsi qu'à arrimer davantage les critères de sélection des personnes immigrantes aux besoins du marché du travail sont des pas dans la bonne direction qu'il faut souligner. Nous espérons que les résultats de ces efforts apparaîtront dans nos prochains bulletins.

En conclusion, le Conseil du patronat souscrit de façon générale aux orientations proposées dans le document de consultation du MICC. Elles contribueront certainement à rendre l'expérience de l'immigration plus positive, tant pour l'immigrant que pour sa société d'adoption. Il faut souligner en outre les efforts qui ont été fournis au cours des dernières années et qui commenceront sûrement à porter des fruits. D'autres seront encore nécessaires, cependant.

L'immigration n'est certes pas la solution miracle aux défis démographiques et économiques du Québec, ce n'est pas l'objectif unique non plus. Elle constitue cependant un des nombreux ingrédients pour affronter ces défis et contribuer à la prospérité du Québec.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. Dorval. Nous allons donc débuter nos échanges avec les parlementaires. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Alors, je vous remercie pour votre présentation, évidemment. Donc, si on y allait sur les grandes orientations, je vois vraiment un consensus sur beaucoup d'éléments. On va commencer sur cette question de volume. Je vous dirais que beaucoup, beaucoup, beaucoup d'intervenants ont dit que ça semble être prudent, généralement, je résume, pas parce que les gens ne veulent pas une immigration importante, mais ils veulent donner le temps -- et c'est vraiment l'orientation et la volonté du gouvernement -- donner le temps à certaines mesures plus récentes. Et on voit des chiffres intéressants en 2010, mais, moi aussi, je suis prudente avant de dire que c'est une tendance. C'est une bonne année. Ce n'est sûrement pas le hasard. Il y a beaucoup d'efforts qui sont pris pour améliorer l'intégration en emploi.

Parce qu'il y a beaucoup d'acteurs économiques, surtout la Chambre de commerce de Montréal, et d'autres, le MEQ ce matin, qui demandent une augmentation du volume à cause des besoins du marché de main-d'oeuvre. Moi, je réponds: Il y a quand même l'autre voie, l'immigration temporaire, qui vient à court terme répondre à ces besoins. Évidemment, avec vous, on dit qu'il faut améliorer les processus, alléger et on travaille d'ailleurs là-dessus. On devrait être capables de faire une annonce très bientôt. On travaille avec CIC, avec Emploi-Québec aussi pour alléger les processus.

Mais, vous, donc, vous êtes d'accord avec cette idée de stabiliser à 50 millions d'ici 2014. Et j'exprime toujours publiquement que c'est quand même un montant important et qu'on est toujours dans la grande mouvance de vouloir des immigrants. Je pense que c'est important de toujours déclarer cette volonté. Le Canada, le Canada, le gouvernement fédéral a annoncé... Donc, eux aussi, c'était une année record, l'année dernière, et donc ils ne parlent pas nécessairement de stabiliser, mais ils parlent de cibler 250 000, alors que c'était 265 000 l'année dernière. Donc, c'est intéressant, c'est un peu comme nous, cette même orientation, un peu.

M. Dorval (Yves-Thomas): Bien, votre question, est-ce qu'on est d'accord, on est d'accord que 50 000 soit un minimum recherché. Ça peut être davantage. Cependant, on voit qu'il y a quand même des enjeux d'intégration. C'est beau vouloir amener des gens, mais faut-il leur procurer un environnement qui va... et, ces immigrants, avoir la capacité de s'intégrer. Donc, comme il y a un enjeu, on l'a vu et on le voit encore quand on analyse les données, cet enjeu-là demeure. Donc, il faut être prudent dans le sens où, vouloir évidemment attirer un grand nombre d'immigrants, il faut aussi être certain de pouvoir les recevoir et qu'ils puissent s'intégrer d'une façon optimale au sein de la société puis au sein de l'économie.

Si je regarde l'ensemble des employeurs du Québec, on a fait des recherches. Vous savez qu'à cause du contexte démographique, à cause du vieillissement de la population, il est clair qu'il y a un défi majeur, hein? Entre 2009 et 2019, on a besoin de 1,4 million de nouveaux employés pour remplacer à peu près 1 million de gens qui partent à la retraite et 400 000 nouveaux emplois qui vont s'additionner. C'est un défi de taille. L'immigration n'est pas la seule solution, elle en fait partie. Elle va peut-être combler pour, quoi, 15 % peut-être du marché, donc c'est important. On ne peut pas nier l'importance et le défi, pour les employeurs, de vouloir évidemment recruter davantage. Donc, c'est important de viser un volume d'immigration qui soit large parce qu'on a des besoins en matière de ressources humaines. Je ne veux pas dire qu'on n'a pas de besoin aussi en matière sociale. Évidemment, la présentation que nous faisons aujourd'hui, elle s'inspire du besoin des employeurs, donc on a pris cet angle-là. Il y a toutes sortes de besoins dans la société, mais il y a celui-là, et ce sont les gens que nous représentons. Et la demande pour avoir davantage de main-d'oeuvre de qualité disponible, elle est extrêmement essentielle pour l'avenir de la prospérité du Québec.

Donc, 50 000, ça nous apparaît un minimum. Chaque année, il y a... Au cours des dernières années, on a vu même un dépassement un peu des objectifs fixés, ce qui est très bien, mais il faut toujours s'assurer de la capacité de l'intégration. C'est pour ça que nous disons que les membres que nous représentons désirent avoir un volume plus élevé. Mais on dit, nous, quant à nous, qu'au moins 50 000, c'est un minimum, et il faut travailler davantage, maintenant, sur les mesures d'intégration.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

**(14 h 20)**

Mme Weil: Moi, je vous cite souvent, je cite souvent le Conference Board, et, vous, vous citez le Conference Board sur cette question de diversité, et il y a cette notion de bassin. Moi, je révise cette orientation, je l'ai déjà déclaré publiquement, et je pense que vos commentaires vont un peu dans ce même sens. Vous, vous parlez de flexibilité. Et l'intention de l'orientation telle qu'elle était écrite avant, c'était d'aller chercher la diversité qui permet une meilleure intégration en emploi, une meilleure intégration sociale. Pour ce qui est des employeurs, c'est cette diversité dans les équipes, vraiment les têtes de pont, plus de créativité, etc., vous le citez aussi. Si on avait une orientation qui allait dans le sens de s'assurer que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, dans la répartition de ses ressources et dans ses efforts et programmes de promotion et de prospection... Moi, je parle souvent de notre radar qui continue à aller un peu partout dans le monde pour aller chercher le talent que nous recherchons. Vous, comment vous verriez une orientation qui serait formulée dans ce sens-là, au lieu d'avoir cette notion de 30 % et de bassin?

M. Dorval (Yves-Thomas): En fait, la notion, c'est l'objectif. C'est quoi, l'objectif? L'objectif, ce n'est pas d'avoir moins d'un ou moins de l'autre. L'objectif, c'est d'avoir le bassin d'immigration le plus propice aux besoins du marché du travail. Donc, l'objectif, c'est ça. Ce n'est pas de dire moins d'un bord ou moins de l'autre. C'est d'avoir et de viser... d'avoir l'immigration qui sera la plus, je dirais, adéquate, ou habile, ou capable de pouvoir s'intégrer et surtout qui rencontre les besoins, puisqu'on représente les employeurs, bien sûr, les besoins du marché du travail. Donc, c'est ça qui est l'objectif. C'est un objectif, donc, de rechercher, je dirais, une composition d'immigration qui rencontre davantage le besoin. Et donc l'objectif, ici, de diversité dans cet aspect-là de la question, c'est un objectif souhaitable. Donc, ce n'est pas de dire: On veut moins d'un tel pour avoir plus d'un tel. C'est d'avoir cette diversité qui, selon les études qui ont été faites, supporte davantage. Si on le regarde à l'échelle des entreprises qui réussissent le plus, celles, entre autres, celles qui prospèrent le plus, c'est celles qui réussissent justement à utiliser une diversité plus grande. Alors, ce qu'on peut donc se dire, comme État, ça s'applique également. L'État, la société va probablement avoir une réussite encore plus prospère, comme État, si on est capable d'avoir une diversité améliorée. C'est essentiellement ça, l'objectif.

Il faut faire attention aux perceptions, je comprends très bien, il faut faire attention au discours. Puis pourquoi ne pas aborder les choses directement, un jour ou l'autre? Ce n'est pas une question de racisme, ce n'est pas une question de choix de peuple, c'est une question d'objectif pour l'intégration, un objectif pour la prospérité. Essentiellement, ce n'est pas de discriminer totalement un groupe par rapport à un autre, mais c'est d'aller chercher partout ce qu'il y a de meilleur.

Mme Weil: Bien, merci, M. Dorval, parce qu'en effet c'est exactement l'intention. Mais la perception est quand même importante, et il y avait, je vous dirais, une majorité d'intervenants qui avaient cette perception, et je pense que ça ne constitue pas des bonnes orientations politiques si les gens sont inquiets par rapport à une orientation.

Pour la question de l'intégration en emploi, vous avez un sondage qui montre encore de la réticence. Malgré que les employeurs disent qu'ils ont besoin d'immigrants, on voit encore cette réticence. Nous, on a l'intention de continuer à travailler à supporter les entreprises dans la gestion de la diversité. On a créé certains outils tout récemment. Il y a une trousse, Diversité+, il y a aussi le PELI, ça, c'est autre chose, pour le recrutement. Comment, selon vous, le Conseil du patronat pourrait aider à aplanir ces réticences et d'encourager aussi? Quel type de support est-ce qu'on devrait amener pour encourager les entreprises à s'ouvrir davantage?

La ville de Montréal était ici ce matin. Je ne sais pas si vous avez eu des échos de leur présentation, mais évidemment sur le terrain eux aussi déplorent le taux de chômage et l'écart entre les natifs et les immigrants. Évidemment, ils vont beaucoup plus loin, ils ne parlent pas juste des immigrants récents, mais j'ai l'impression que c'est beaucoup les minorités visibles, les communautés culturelles, un peu tout le monde qui serait issu, au fil des générations, de la diversité, et ça, c'est autre chose. Mais pour les immigrants, donc, c'est un grand problème à Montréal, on le sait, plus de 80 % des immigrants se retrouvent à Montréal. On a créé la Passerelle pour l'emploi, on parle beaucoup de régionalisation de l'immigration, tous ces éléments sont, je pense, interreliés. Mais très concrètement, si on pensait juste à Montréal, juste à Montréal, où vraiment l'enjeu se joue quotidiennement, comment on pourrait aider les entreprises à composer avec cette diversité?

Le Président (M. Bernier): M. Dolbec.

M. Dorval (Yves-Thomas): Merci. En fait, c'est une question sur laquelle on pourrait travailler pendant encore plusieurs années. Il faut différencier le marché de l'emploi. Il y a la grande entreprise. La grande entreprise est surtout l'entreprise multinationale, donc qui déjà traite avec différents pays, soit sont en lien avec un siège social à l'extérieur, ou c'est le siège social ici, et ont des antennes à l'extérieur. C'est certain que la façon d'intégrer, et de recruter, et de garder, et de conserver, et d'utiliser le maximum du potentiel de l'immigration... et c'est très différent. On a des services de ressources humaines, on a des spécialistes, et ainsi de suite. Je dirais qu'au niveau des grandes entreprises le problème, c'est d'abord et avant tout en amont, c'est-à-dire le recrutement et la préparation avant l'arrivée, que ce soit la préparation linguistique, que ce soit la préparation pour l'adéquation avec les compétences. Ça, c'est le problème plus grand des grandes entreprises.

Évidemment, le Québec, 90 % des entreprises, c'est de la TTE, c'est de la petite entreprise. Elles n'ont pas des services de ressources humaines, elles n'ont pas les expertises, etc. Ça ne représente pas 90 % de l'emploi. On comprend que la petite entreprise représente peut-être 40 quelques pour cent, là... le 90 % représente peut-être 40 % de la main-d'oeuvre, mais c'est majeur. Ils n'ont pas nécessairement les supports. Il y a un travail à faire, un travail à faire de concertation et de coordination. Si je prends la grande région de Montréal, nous, là-dessus, au Conseil du patronat, on a des préoccupations tout simplement par la multiplicité des intervenants ou des interventions des gens, et ça devient très difficile de mettre en place des programmes, des ressources, de l'aide, parce qu'il y a un manque de coordination, il y a trop d'intervenants. Je m'excuse de dire ça, mais c'est tous des gens qui ont... de bonne volonté, il n'y a personne qui a une mauvaise volonté là-dedans, mais ce n'est plus possible, on ne peut pas travailler adéquatement là-dessus.

Il y a des organisations qui ont été créées. La Commission des partenaires du marché du travail, par exemple, travaille là-dessus, et a été créé, dans la Commission des partenaires du marché du travail, un groupe plus précis pour la région de Montréal, qui va pouvoir probablement amener davantage de concertation. Donc, il y a des efforts. Maintenant, les résultats, c'est à plus long terme. Il y a des efforts par type de métier, il y a des efforts par type d'industrie puis il y a des efforts, je dirais, par type de communauté, également.

Alors, moi, j'ai pris à coeur cette question-là, le Conseil du patronat aussi. Je vais rencontrer le plus fréquemment possible des organismes qui travaillent dans le support pour l'intégration, pour le travail, pour fournir des emplois aux immigrants. Je vais rencontrer des organisations qui font du placement ou du support, et il est clair qu'il y a des choses qui relèvent de plusieurs acteurs. Les employeurs ont un problème...

Quand on regarde dans le sondage que nous avons fait, vous le voyez à l'arrière de notre mémoire, on explique quels sont les points de réticence pour les employeurs. La question de la langue vient... Mais c'est marqué «s'ils ne parlent pas français ou anglais». Moi, je connais beaucoup d'immigrants, par exemple, qui viennent nous voir pour dire: Écoutez, moi, je suis un francophone, puis on me dit que je ne possède pas l'anglais, puis le poste qui requiert la connaissance de l'anglais... ce n'est pas ce que je m'attendais. Et c'est normal aussi. Si vous êtes une organisation qui offrez un service à une clientèle anglophone hors Québec, par exemple, bien ça vous prend aussi des gens pour être en mesure de servir vos clientèles. Alors, il y a le manque de compétence et de formation, il y a aussi cette question de l'expérience Québec. Plusieurs me disent «l'expérience Québec».

Quant à moi, je privilégie deux choses. Vous avez un programme qui est en place. On pourrait rajouter des sous là-dedans, le programme PRIIME, qui est, à mon avis, une excellente initiative, mais également davantage travailler au niveau des stages. Et les stages, ça veut dire qu'il y a un gros effort de promotion à faire pour les employeurs, et ça, on y travaille. Quant à nous, on a pris ce parti-là. On croit dans le potentiel des stages, parce qu'un employeur qui a des réticences, il a l'occasion de vivre une expérience qui est réussie. Donc, ça lui prend du support, mais ça lui prend aussi des expériences réussies pour qu'il soit intéressé à poursuivre. Et on vous a déjà invitée, Mme la ministre, dans une rencontre avec des associations d'employeurs, et certains ont partagé leurs succès et aussi leurs échecs. Parce que ce n'est pas facile. Il ne faut pas penser que, l'immigration, c'est comme ça que ça arrive, l'intégration. Ce n'est pas facile, pour un superviseur dans une entreprise, de composer pas seulement avec l'immigrant, mais avec les autres personnes autour de lui.

Donc, il y a un travail important à faire, il y a un travail de support, auprès de la petite entreprise, de concertation et de promotion. Vous avez aussi mis en place une boîte à outils. Montréal International aussi a mis en place une intéressante initiative pour aider les entreprises. Donc, il y a quand même beaucoup de choses.

Je vous dirais que le problème, souvent, c'est la mise en marché. Les entreprises, surtout les petites, ne sont pas au courant de tous ces outils, de tous ces services, de tous ces programmes. Alors, on peut bâtir le plus beau produit au monde, si les gens ne sont pas au courant, si les gens n'y ont pas accès parce qu'ils n'ont pas... Dans le quotidien, un petit chef d'entreprise, un entrepreneur, il ne pense pas à ça tous les jours. Lui, quand il a besoin d'une personne à recruter, il n'a pas planifié nécessairement à long terme tout ce recrutement et toute cette aide dont il a besoin. Alors, il faut donc lui apporter le support, et il peut venir d'organisations à but non lucratif, il peut venir d'Emploi-Québec, il peut venir de différentes initiatives. Mais c'est un défi. Et je vous dirais qu'une fois qu'on a un bon produit, puis je pense que vous en avez des bons, on en a des bons au Québec, là, maintenant, il y a une mise en marché à faire aussi.

**(14 h 30)**

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme Weil: Bien, je suis tout à fait d'accord avec vous. Puis, si vous avez des idées sur la diffusion... Parce qu'il y a vraiment une multiplication de belles initiatives à notre niveau, bon, nous, avec Emploi-Québec, mais aussi au niveau régional, la CRE, beaucoup de belles initiatives, le programme Mentorat, qui est excellent. Alors, on dirait que, depuis deux ans à peu près -- le PRIIME, c'est plus vieux, puis, bon, on parlera du PRIIME -- depuis à peu près deux ans... mais là c'est comment mieux diffuser tout ça. Si vous avez des idées, que ce soit aujourd'hui ou un autre jour, faites-moi savoir, parce que ça me ferait plaisir de continuer à diffuser ces bonnes choses, parce que...

M. Dorval (Yves-Thomas): De notre côté, on multiplie les communications auprès de nos membres en donnant l'information. Je vois des gens de votre ministère, derrière vous, qui le savent très bien qu'on offre aussi la possibilité de rejoindre nos membres. Mais rejoindre, ce n'est pas suffisant, et, encore une fois, le chef d'entreprise, de la petite entreprise, sa journée, là, ce n'est pas à lire des documents. Sa journée, lui, c'est de survivre. C'est d'être capable de produire son produit puis de le vendre. Alors, il n'a pas nécessairement toute la capacité d'analyser, de recevoir, de lire, de parcourir. On est dans un monde d'abondance d'information et de communication, mais, à un moment donné, il y en a trop.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme Weil: J'aimerais aller sur le Programme des immigrants investisseurs et aussi le programme... ou comment solliciter plus ou sélectionner plus de personnes avec ce potentiel d'entrepreneurship. Puis, bon, je vais commencer avec le Programme des immigrants investisseurs. Vous avez vu l'annonce avec Investissement Québec au printemps. Donc, Investissement Québec, il y a un autre projet qu'on a avec eux pour la rétention, donc ça, c'est un projet. Et tout récemment on a annoncé un partenariat, puis c'est vraiment une entente administrative pour réduire les délais de traitement pour qu'on puisse maintenir notre compétitivité, parce que le Québec est vraiment très compétitif dans ce programme-là, et l'idée, c'est de doubler au moins notre investissement dans PRIIME, avec les résultats de ça. Je voulais savoir si vous avez des réactions par rapport à ça puis s'il y a encore d'autre chose qu'on devrait faire pour améliorer le programme, tant au niveau de la rétention... Je pense que pour les délais ça devrait bien fonctionner avec Investissement Québec, mais pour la rétention est-ce qu'on devrait avoir des partenariats avec d'autres organismes?

Le Président (M. Bernier): M. Dolbec.

M. Dorval (Yves-Thomas): J'évite toujours de parler ou d'affirmer des choses dans lesquelles je n'ai pas toute la compétence ou que nous n'avons pas retenu... et c'est pour ça qu'on propose, dans notre mémoire, d'investiguer davantage, donc de réaliser une étude, de créer... J'haïs ça de dire «un groupe de travail», mais on n'a pas le choix parfois, il faut regarder davantage cet aspect-là.

Au niveau des délais, vous l'avez mentionné, il y a des situations quand même inacceptables, en termes de délais, là, c'est pratiquement le double, dans certains domaines, pour le traitement et par rapport... Je parle du traitement pas nécessairement ici, au Québec, mais du traitement au Canada par rapport à certaines comparaisons qu'on peut faire versus l'Australie ou le Royaume-Uni, par exemple, dans certains dossiers.

Mais, chose certaine, c'est qu'au niveau des immigrants investisseurs, au niveau aussi du critère habileté à l'entrepreneuriat, que nous vous suggérons d'inclure également dans vos critères à cause des besoins que nous avons à ce sujet-là, je dirais qu'au-delà des aspects financiers c'est toujours la question du support. C'est toujours la question de jumeler. Vous avez parlé tantôt du programme de mentorat. Ça s'explique aussi pour les entreprises puis les entrepreneurs. C'est très difficile.

Vous savez qu'une des choses qu'on dit à nos propres entrepreneurs, lorsqu'ils vont travailler dans d'autres pays, lorsqu'ils veulent ouvrir des antennes, que ce soit en Asie, que ce soit même aux États-Unis, on leur dit: Écoutez, jumelez-vous avec des organisations locales parce que vous n'avez pas la compétence du marché. C'est la même chose lorsqu'on attire des gens chez nous. Il faudrait être en mesure de les jumeler davantage avec ceux qui ont l'expertise pour les aider. Et, moi, je crois beaucoup au mentorat. J'ai parlé de stages tout à l'heure, mais je crois beaucoup à ce jumelage, à ce parrainage. Ça nécessite, de la part des organisations sollicitées, par contre, beaucoup de disponibilité, parce que c'est facile de donner son nom, mais il faut aussi s'engager dans la réalisation, et ça, ce n'est pas évident. Vous savez, on peut donner notre nom pour participer à un groupe de travail puis ne pas à y assister, ou on peut donner notre nom puis dire: On va y assister.

Le Président (M. Bernier): Merci. Auriez-vous une dernière question? Je peux vous permettre une dernière question. Oui?

Mme Weil: Juste, parce qu'on n'en a pas beaucoup parlé, l'immigration temporaire, les travailleurs temporaires. Beaucoup, beaucoup d'acteurs du milieu économique nous demandent d'alléger les processus. Ils trouvent que c'est une voie intéressante. Évidemment, c'est toujours une question de garder l'équilibre entre l'immigration permanente, qui répond aux besoins, aussi, long terme... Mais, l'immigration temporaire, comment vous voyez ça? Est-ce que vos membres ont des plaintes, par rapport à ces questions, ou des visions? Il y a aussi le PEQ, le Programme de l'expérience québécoise, qui attire des étudiants. Ça, nous, on considère que c'est vraiment, vraiment une voie très prometteuse. En 20 jours, ils peuvent recevoir leurs certificats de sélection du Québec, tant pour les travailleurs temporaires que pour les étudiants.

M. Dorval (Yves-Thomas): Bien, c'est...

Le Président (M. Bernier): M. Dolbec.

M. Dorval (Yves-Thomas): Merci beaucoup, M. le Président. En fait, ce sont beaucoup des initiatives plus récentes. On a cherché à accélérer, donc on ne peut pas voir le résultat à ce moment-ci, mais, je pense, c'est toutes des orientations qui vont dans la bonne direction. Vous savez, nous-mêmes, on embauche un étudiant stagiaire étranger chaque année. Pourquoi? Parce qu'on y croit. Alors, c'est la même chose. Et les processus doivent être le plus simples possible, le plus accélérés possible, bien sûr. Et je ne pourrais pas vous dire qu'on a eu beaucoup, beaucoup d'éléments de plainte, au niveau de ce qui est mis en place actuellement, mais, par rapport au passé, oui. Alors, on va voir, là, les mesures qui ont été mises en place, si ça va donner les fruits, les résultats que l'on désire. Chose certaine, il n'y a pas... ce n'est pas tout seul aussi. Quand on arrive dans certains éléments, là, il y a d'autres paliers aussi qui sont en cause. Alors, je pense que c'est un élément aussi à prendre en note.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. Dolbec. Nous allons donc passer du côté de l'opposition officielle. M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Messieurs, bonjour. Vous ne serez pas surpris que j'aie certaines préoccupations relatives à la langue. Cela dit, d'emblée, je pense que la société québécoise est très réceptive à l'immigration. Parmi la plupart des sociétés occidentales qui reçoivent beaucoup d'immigrants, nous sommes assurément parmi les plus, comment dire, conviviaux. Et les arguments économiques en faveur de ça, vous les exposez, d'autres les exposent, ils sont convaincants, ils sont très clairs et ils suggèrent, ils appellent même, dans plusieurs cas, une augmentation du volume de l'immigration comme, comment dire, bassin de main-d'oeuvre.

Ça suscite quand même un certain nombre d'inquiétudes parfois, dans certains milieux, et parmi ces inquiétudes il y a le fait que nous ne parvenons pas à suivre, en termes d'intégration, le rythme auquel nous accueillons les immigrants. Et même ça va plus loin que ça. On nous expliquait hier, on nous démontrait d'une façon fort convaincante que la maîtrise du français est paradoxalement presque une contrainte parce qu'on a moins accès à un ensemble de formations qui permettent l'intégration plus harmonieuse dans la société d'accueil.

Je vous demanderais crûment: Pensez-vous qu'il est possible -- moi, je le crois, donc je voudrais que ce soit bien démontré -- pour un immigrant d'arriver au Québec et de bien s'intégrer, en ayant l'impression que tout est normal dans sa vie, avec une maîtrise minimale ou même presque inexistante du français? Est-ce que quelqu'un peut arriver, s'installer dans l'ouest de Montréal et très bien fonctionner sans le français?

M. Dorval (Yves-Thomas): Vous me posez...

Le Président (M. Bernier): M. Dorval.

**(14 h 40)**

M. Dorval (Yves-Thomas): Merci, M. le Président. Je suis un peu rapide sur la gâchette. Si vous prenez la région de Montréal, c'est une chose. Le Québec, ce n'est pas juste la région de Montréal. Vous êtes le député de Drummond. Je ne crois pas que la même problématique existe partout. En fait, il y a beaucoup de chefs d'entreprise qui me disent: Moi, dans la Beauce, ou à Saint-Jean-Port-Joli, ou à Saint-Étienne ici... Ils vont me dire: Écoutez, amenez-moi-z-en, des immigrants, puis inquiétez-vous pas, ils vont s'intégrer demain en français. C'est parce qu'il y a un certain niveau, je dirais, de... il y a un support ou il y a un environnement qui peut favoriser.

Vous avez posé la question. Je vais vous dire: Oui, c'est possible, à l'exception du fait que, pour exercer un métier, dans plusieurs professions, il y a des règlements, et on doit passer les examens pour vérifier la maîtrise du français. Que ce soit l'office de la langue française, ou que ce soit le ministère de l'Immigration et Communautés culturelles, ou que ce soit le ministère de l'Éducation, il y a des obligations, également, de passer... et par expérience, pour en avoir entendu parler pas mal, c'est quand même des examens assez exigeants. Il n'y a pas de cadeau gratuit pour les gens à ce niveau-là.

Donc, si c'est pour exercer une profession reconnue, un métier qui nécessite de passer un examen, je crois que ce n'est pas facile de passer entre les mailles de l'obligation de posséder les critères d'habiletés françaises qu'on doit avoir. Si c'est dans d'autres dossiers, dans d'autres domaines, oui, oui, et tout à fait, c'est vrai, ça arrive. On pense surtout à des gens dans une famille, par exemple. Parce que ça peut être une personne qui vient ici pour un travail, mais les gens de sa famille ne sont pas nécessairement francophones. Est-ce qu'on vit cette situation-là dans la région de Montréal? Oui, on vit cette situation-là dans la région de Montréal. Est-ce que c'est anormal? C'est la réalité.

Le Président (M. Bernier): M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Est-ce que la réalité est anormale?

M. Dorval (Yves-Thomas): Bien, comme je vous dis, moi, j'ai vécu dans d'autres pays à travers le monde et puis j'ai vécu le fait que les gens, par exemple, s'ils sont en Italie ou s'ils sont en Angleterre, ils vont être obligés, lorsqu'ils travaillent... transigent avec l'État, à parler en italien ou à parler en anglais. Comme c'est normal que les gens qui transigent avec l'État ici, au Québec, soient... être en mesure de parler en français.

Maintenant, est-ce que tous les gens qui vivent en Italie ou en Angleterre soit parlent anglais ou soit l'italien? Non. Il y a des Chinois, des Asiatiques, il y a des Hindous, il y a des communautés différentes, il y a des francophones, en Angleterre, qui ne parlent pas anglais, mais qui sont dans un milieu, une poche de communauté. Mais est-ce que c'est désirable? Non. C'est toujours désirable... L'intégration, j'y crois beaucoup. Et d'ailleurs vous le trouvez dans notre mémoire. C'est important de maîtriser le français. La langue est un élément extrêmement important dans l'intégration. Et l'emploi l'est aussi. C'est pour ça qu'on le mentionne. Je ne suis pas un spécialiste de l'aspect français, mais je peux vous dire une chose, c'est que dans un milieu de travail québécois, si vous ne possédez pas les habiletés minimales en français, vous ne pourrez pas non plus grandir et vous intégrer au marché du travail. Mais encore là ça dépend du type de profession. On peut vous demander des habiletés beaucoup plus grandes selon le type de profession ou de prérequis de compétences que vous avez.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Blanchet: Plus de 80 % des immigrants s'installent dans la région de Montréal, 70 % sur l'île de Montréal même, et c'est évidemment sur l'île de Montréal même que le problème est le plus criant et que la possibilité que quelqu'un puisse s'intégrer sans maîtriser le français s'exprime. Vous parlez de cas. En fait, vous avez parlé de l'Italie et de quelques cas, et, dans un État national normal, l'État offre les services dans la langue nationale. Maintenant, ici, n'importe qui peut se faire servir en anglais par l'État québécois sans grande difficulté, ce qui crée une possible ambiguïté par rapport à ce qu'on voudrait que ce soit, d'une part. D'autre part, quelqu'un qui peut vivre dans une société sans parler la langue ou les langues les plus courantes parce qu'il est dans une situation familiale, astreint à la maison ou surtout à la maison, c'est une chose, mais quelqu'un qui peut avoir une vie professionnelle sans parler français, c'en est une autre, et ça existe. Quel pourcentage des immigrants qui sont en emploi font partie des métiers que vous décriviez et pour lesquels il est nécessaire de passer un examen de français?

Le Président (M. Bernier): M. Dorval.

M. Dorval (Yves-Thomas): Je n'ai pas les statistiques exactes, mais peut-être que les gens du ministère pourraient vous en parler davantage. Mais, pour répondre à votre question, vous touchez là un point important. C'est une question aussi très nationale et c'est une question aussi très préoccupante, comme avenir de société. Moi, je crois à l'importance du français et je crois à l'importance de l'apprentissage du français pour les immigrants. Et il ne faut pas penser que par contre, parce qu'on y croit, que les gens vont le faire automatiquement parce qu'on veut le faire. La question de l'immigration est une question très vaste, où il y a des valeurs, il y a des préoccupations culturelles, et autres, qui dépassent, je dirais, les compétences que je peux avoir ici. Moi, je ne suis pas un expert là-dedans, mais la seule chose que je peux vous dire, c'est que je crois, et on le dit très clairement dans notre mémoire, que l'apprentissage du français est essentiel pour une intégration réussie sur le milieu du travail. On y croit et même on fait des suggestions pour améliorer et même suivre, hein... Dans notre mémoire, on parle de l'importance de suivre de façon périodique l'évolution de l'apprentissage du français sur le marché du travail. Donc, on est comme vous, on est préoccupés par ces questions-là.

Mais est-ce que c'est normal ou pas normal? En fait, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, si vous amenez la personne au Saguenay--Lac-Saint-Jean ou à Drummond, j'imagine que les gens vont se franciser beaucoup plus rapidement que s'ils demeurent dans une poche de communauté puis là que ce ne soit pas seulement l'anglais. Ça peut être un Asiatique qui garde sa... Mais ce qui est intéressant, par contre, pour la société, est-ce que c'est la même chose pour la deuxième génération qui va suivre? Et, moi, je crois qu'il y a une différence. Et je pense que statistiquement on peut vérifier que l'apprentissage du français, de la part de la deuxième génération qui va suivre, a quand même des résultats assez intéressants. Alors, peut-être que, pour la personne qui arrive, il y a un problème, mais au moins, à long terme, je pense que ça peut contribuer aussi de façon tout à fait correcte, quand on place ces gens-là dans une situation où ils peuvent développer ces habiletés.

Le Président (M. Bernier): M. le député.

M. Blanchet: Vous utilisez le terme «intéressant», et je suis confortable avec le terme «intéressant». Il y a des choses qui se passent au Québec depuis 30 et quelques années, depuis qu'on s'est, comment dire, attardés de façon beaucoup plus sérieuse à la préservation, à la promotion de la langue française comme langue commune. Mais ma question, c'est... Est-ce que c'est intéressant? Oui, il y a plein de cas fascinants, on en rencontre. Est-ce que c'est suffisant? C'est un peu ça. Est-ce qu'il y a une disproportion présentement? Puis on parle toujours de la langue, et je veux établir que c'est plus large que la langue, l'intégration à la société québécoise. C'est l'adhésion à certaines valeurs d'égalité, de non-discrimination sous toutes ses formes -- puis il n'y a pas que l'égalité des sexes, mais c'en est évidemment un cas évident -- de laïcité des institutions publiques, de connaissance un peu de l'histoire, d'être capable de fonctionner à travers de nos institutions. Donc, tout ça est important. Est-ce que les ressources disponibles présentement sont suffisamment importantes pour permettre l'intégration du nombre que vous souhaitez d'immigrants?

Le Président (M. Bernier): M. Dorval.

M. Dorval (Yves-Thomas): Est-ce que les ressources sont suffisantes? Je vous dirais qu'il y a beaucoup de ressources. Elles ne sont pas nécessairement toutes bien connues et elles ne sont pas nécessairement toutes bien concertées ou coordonnées. Il y a donc un travail d'efficacité des ressources qui est à faire. Est-ce qu'il y a des ressources? Écoutez, il y a plusieurs... Le milieu de l'éducation, que ce soit le ministère de l'Éducation, Loisir et Sport, que ce soit le ministère de l'Immigration, que ce soit même Emploi-Québec, que ce soit l'office de la langue française, il y a beaucoup d'acteurs dans le portrait. Et, si vous rajoutez à ça les organisations à but non lucratif, etc., donc, est-ce qu'il y a assez de ressources? Moi, je crois qu'au Québec on a une panoplie de ressources qui est suffisante mais qui n'est pas nécessairement organisée de façon optimale. Je pense que les gens sont conscients qu'ils doivent travailler davantage à l'optimisation de ces ressources-là.

Et, encore une fois, ça doit nécessiter un apport de tous les acteurs. Et, quand je suis arrivé ici, je vous l'ai dit, on ne veut pas rejeter la balle seulement sur le gouvernement. On a trop tendance au Québec à dire toujours: C'est au gouvernement à faire la job. Les immigrants ont à faire leur job eux-mêmes, les employeurs ont à faire leur job, et l'ensemble de la société a à faire une contribution. Alors, pour moi, j'aimerais mieux coordonner puis mettre en place une façon optimale d'utiliser l'apport de chacun plutôt que demander encore au gouvernement davantage de ressources. On ne peut pas, comme organisation, au Conseil du patronat, demander au gouvernement d'atteindre l'équilibre budgétaire, de réduire son déficit puis en même temps demander toujours l'intervention du gouvernement en rajoutant des ressources. On en a, des ressources. Il faut être en mesure de bien l'utiliser.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Blanchet: Vous avez mentionné -- je redis vos chiffres de mémoire, vous me corrigez si je me trompe: 90 % des entreprises, c'est des petites entreprises, et elles représentent 40 % de la main-d'oeuvre. Et là vous demandez un nombre élevé, peut-être même accru encore, par rapport à ce qui est anticipé, d'immigrants pour alimenter les besoins en main-d'oeuvre. Et d'autres le demandaient aussi ce matin. On constate -- ça a été abordé -- qu'il y a encore des résistances dans certaines entreprises devant l'éventualité d'engager des immigrants.

Effectivement, je partage votre point de vue à l'effet que, lorsqu'on sort de la région montréalaise, ce n'est pas vrai que toutes les entreprises sont très accueillantes, là. Dans ma circonscription, il y a des entreprises qui sont très ouvertes à l'embauche de travailleurs immigrants, et d'autres qui ne le sont clairement pas. Ce n'est pas uniforme, selon qu'on est à Montréal ou à l'extérieur de Montréal. Donc, la demande que vous exprimez n'est pas endossée et en particulier pas par une très vaste... ou le bassin où se recrutent les gens qui sont plus résistants représente une très vaste majorité des employeurs au Québec. Autrement dit, la demande n'est pas si claire. C'est plus dans les petites entreprises que c'est difficile...

**(14 h 50)**

M. Dorval (Yves-Thomas): Bien, je m'excuse, 65 % des chefs d'entreprise consultés... Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Allez-y...

M. Blanchet: Oui, oui, dont l'intérêt... C'est ma question.

Le Président (M. Bernier): Allez-y, il n'y a pas de problème. Allez-y.

M. Dorval (Yves-Thomas): Alors, presque 65 %... je ne sais pas si j'ai le chiffre exact ici, 67 % des chefs d'entreprise sont intéressés à embaucher des immigrants. C'est une bonne nouvelle. Et la mauvaise nouvelle, c'est qu'il y en a 30 quelques pour cent qui ne... le sont moins. Et ça, je suis d'accord avec vous, il y a un travail... Mais ça, c'est la réalité de toute situation qui nous amène dans un inconfort. Et le Québécois, qui sait, en plus de ça, il aime ça, le confort. Notre problème principal, c'est que vous avez des gens qui n'ont pas eu cette expérience-là, donc ils n'ont pas été exposés à la fois aux bénéfices et à la fois aussi au processus pour atteindre cet objectif-là.

Alors, ce qu'on dit... Puis, quand je parlais, par exemple, de stage, c'est un bon exemple, un stage, ça permet à un employeur de découvrir sa capacité de faire face à ces situations-là et d'offrir une expérience de travail aux gens qui arrivent ici comme nouveaux arrivants. Alors, je vous dis: Vous avez raison, mais ce n'est pas la majorité. 65 % des chefs d'entreprise -- et la plupart dans les grandes entreprises, donc ils représentent la majorité des emplois -- sont ouverts. Mais il y en a un pourcentage important, trop important, qui sont réticents.

Et, quand on leur demande quelles sont les principaux freins ou inquiétudes liés à l'embauche des travailleurs immigrants: s'ils ne parlent pas le français ou l'anglais, 30 % -- de répondre -- manque de compétence, de formation, 23 %, manque de connaissance de la culture québécoise, 20 %, manque d'expérience, 12 %. C'est ça qui arrive en premier. Ce n'est pas préférer une embauche raciale ou quoi que ce soit, c'est d'abord ça qui arrive en premier lieu. Donc, c'est des éléments qui touchent... On a dit: Il faut changer certains critères pour que les gens aient la formation adéquate, il faut les aider davantage dans l'apprentissage de la langue, même que les gens commencent l'apprentissage de la langue avant même d'immigrer, si possible. Donc, ce sont des éléments qui font partie de la situation.

Quant à nous, on pense que c'est comme le reste, on a un problème d'entrepreneurship au Québec, puis ça va juste s'accentuer avec le temps parce qu'on a moins de modèles d'entrepreneur dans nos milieux proches. Alors, c'est la même chose dans l'immigration ou dans l'intégration des immigrants. Si on n'a pas beaucoup de modèles de succès autour de nous, on va avoir de la misère. C'est pour ça que, nous, on s'implique, par exemple, dans Leaders pour la diversité. Pourquoi? Parce qu'on croit que de partager avec les autres employeurs les succès, l'expérience, etc., ça peut aider. C'est comme la saucisse Hygrade. Plus on va en manger, plus on va en acheter, plus on va en acheter, plus on va en manger. Actuellement, malheureusement, il y a beaucoup de gens qui n'ont pas cette expérience-là, et c'est pour ça que c'est important d'approcher l'expérience par les gens qui l'ont vécue auprès de ceux qui ne l'ont pas vécue. Et c'est ça, moi, que je crois qui demeure le succès. On ne peut pas convaincre puis obliger quelqu'un à le faire. On peut juste lui montrer à quel point c'est avantageux à le faire.

Mais il ne faut pas nier les obstacles. On a eu des commentaires, des partages d'expérience, par exemple d'une personne qui dit: Écoutez, moi, j'étais moi-même une personne nouvelle arrivante, un immigrant, et je voulais favoriser ça. J'ai embauché dans mon staff une personne immigrante parce que j'y croyais. Mais le temps que ça m'a pris pour gérer non pas l'immigrant, mais les gens autour de l'immigrant... Donc, quand j'ai parlé tantôt des employeurs, ça implique aussi les syndicats, ça implique les travailleurs aussi, parce qu'eux autres aussi doivent être en mesure de fournir un accueil adéquat. Donc, il y a tout un travail à faire, et c'est pour ça que je vous dis: Les ressources, elles existent. Maintenant, il faut les mettre ensemble puis il faut que tous les acteurs jouent leurs rôles là-dedans.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Blanchet: Je conclurai en disant que je partage l'objectif d'une immigration importante pour des raisons économiques, aussi pour des raisons démographiques, pour des raisons culturelles, pour des raisons humanitaires. J'ai l'inquiétude que l'organisation ou le volume, j'admettrai possiblement ça, l'organisation ou le volume des ressources ne soit pas fait de façon adéquate ou déployé de façon adéquate, parce qu'on n'observe pas toujours une intégration harmonieuse. Et je suis préoccupé par le fait que, nous l'admettons tous, l'intégration en milieu de travail... l'emploi est un facteur névralgique d'une intégration réussie. Et ce n'est pas rien que le tiers des employeurs soient peu réceptifs à l'embauche d'immigrants. Ça me fait dire que peut-être qu'il faudrait améliorer notre réceptivité, comme employeurs et comme société parfois, avant de maximiser une immigration dont on compromet -- on ne leur rend pas service d'ailleurs -- dont on compromet peut-être la qualité d'intégration. Mais je vous remercie énormément pour votre présentation.

Le Président (M. Bernier): Merci. Merci aux représentants du Conseil du patronat, M. Yves-Thomas Dorval, son président, M. Louis-Paul Lazure, son vice-président. Merci de votre participation. Ça a été fort intéressant. Merci de votre mémoire.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre aux représentants de développement SH Intégration de prendre place.

(Suspension de la séance à 14 h 56)

 

(Reprise à 14 h 59)

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux.

Nous avons maintenant le plaisir de recevoir les représentants de développement SH Intégration, M. Shanhryar Hessabi et M. Stéphane Tajick. Bienvenue, messieurs. Vous avez une période de 15 minutes pour faire votre présentation. Par la suite suivront des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

SH Intégration

M. Tajick (Stéphane): Merci. Et je voudrais commencer par remercier l'Assemblée de nous avoir invités aujourd'hui à être présents. C'est notre première. On voudrait aussi remercier, en termes généraux, tout le travail du ministère de l'Immigration, qui nous a offert la chance, à tous les deux, de pouvoir vivre ici, au Québec, être... avoir une vie pleine de réussite et de bonheur.

**(15 heures)**

Je vais vous introduire déjà les activités de SH Intégration. Nous oeuvrons dans l'accompagnement des immigrants investisseurs à Montréal. Et notre exposé aujourd'hui portera uniquement sur ce domaine.

La première richesse d'un pays est sa population. En investissant son temps et son effort, un individu parvient à créer de la richesse. L'optimisation de la productivité passe par la vitesse à laquelle l'argent, en termes de facteur de production, passe, apparaît entre les mains de ceux qui ont la plus grande capacité de créer de la richesse, en d'autres mots, à quelle vitesse le capital devient accessible à l'individu intelligent.

L'histoire du Québec et du Canada est étroitement reliée à l'immigration. Des campagnes des Filles du roi jusqu'au Last Best West, le Canada a essayé d'augmenter le nombre de citoyens sur son territoire, afin de favoriser l'accroissement économique, pour pouvoir utiliser le grand territoire canadien.

Depuis les années soixante-dix, nous avons vu que le taux de natalité au Québec est en baisse. En 2010, il était évalué à 1,14, largement en dessous du 2,1 pour la continuité de la population. Ce qui se passe, il y a le vieillissement de la population, les individus de la génération baby-boomers ne pourraient être pas remplacés nombre par nombre, ce qui risque de créer, pour le gouvernement, qui est déjà en déficit budgétaire, une augmentation de ses coûts de santé et de prestations retraite.

Le travail de l'immigration, en faisant rentrer du sang neuf, est d'atténuer cet effet négatif, bien que les travailleurs qualifiés qui rentrent ne remplacent généralement pas les retraités, mais plutôt ceux qui sont promus à la place des retraités pour un niveau d'entrée dans le marché. Un grand nombre des gens qui partent à la retraite ne sont pas nécessairement uniquement l'équivalent des travailleurs qualifiés. On parle d'un certain nombre d'entrepreneurs, d'investisseurs qui vont partir en retraite, qui vont chercher à vendre leurs entreprises et vendre un partie de leurs capitaux, sans nécessairement avoir des acheteurs pouvant répondre à la demande en puisant dans un bassin plus réduit de population.

Ce qui sépare nos sociétés et celles de nos ancêtres sont les connaissances que nous avons emmagasinées de génération en génération. Grâce à la constante optimisation de nos moyens de communication, l'information voyage très rapidement et peut être accédée à travers le monde. L'émergence des pays en voie de développement, profitant de la rapidité à laquelle voyage cette information, peuvent peu à peu avoir accès à la technologie et les connaissances qui donnaient à nos sociétés et à nos secteurs privés un avantage concurrentiel.

Les pays émergents, comme la Chine et l'Inde, ont vu, pour la Chine, une croissance de leurs économies, ces 10 dernières années, de 220 %, et 150 % pour l'Inde, comparativement à 46 % pour le Canada. Si les choses restent constantes, cela signifierait que tôt ou tard ces pays pourraient être à un niveau de compétition plus ou moins égal à celui du Canada. Peu à peu, si un Chinois ou un Indien devient aussi bien équipé qu'un Canadien ou un Québécois pour compétitionner dans le secteur privé, nous allons avoir une constatation, c'est que, pour chaque génie que le Canada produit, 40 verront le jour en Chine, 35, en Inde.

Nous avons déjà vu certaines de nos industries s'effriter. Le secteur de la manufacture, ne pouvant plus compétitionner avec leurs mains-d'oeuvre bon marché, s'est vu surclassé.

Bien sûr, ces pays souffrent d'inflation, le niveau de vie augmente, et peu à peu cet écart va se réduire. Le même écart... Ces pays s'enrichissent. On voit ça d'un bon oeil parce qu'ils deviennent peu à peu des marchés intéressants pour nos entreprises et notre secteur privé. Par contre, en même temps, leur secteur privé devient de plus en plus compétitif. Et, suivant cette constatation, il est très difficile de pouvoir prévoir, à l'avenir, si nos entreprises vont pouvoir compétitionner avec les leurs, surtout au niveau de la technologie et du... Bon, bref, ce n'est pas seulement au niveau de la technologie et du développement des nouvelles technologies que nous risquons d'être surclassés, c'est d'autres secteurs aussi qui sont à risque d'être surclassés. C'est pour ça que l'immigration est aujourd'hui tournée vers l'optimisation de l'immigration. Ça veut dire augmenter l'apport que chaque individu qui entre dans le territoire a.

Aujourd'hui, les enjeux ont différé. Il ne sera peut-être pas possible, pour les pays développés, de garder leur supériorité économique à l'avenir, mais il est possible de la prolonger. Les pays développés, à travers leurs programmes d'immigration, misent sur leur avantage, leur pouvoir d'attraction. Allons puiser chez nos futurs compétiteurs leurs futurs facteurs de production, qui sont les capitaux et l'intelligence.

Les enjeux de l'immigration ont dépassé le cadre des problèmes démographiques. Elle est devenue l'industrie qui nous permettra de prolonger notre avantage concurrentiel en maximisant l'apport de l'immigrant sur notre territoire. Nous sommes rentrés dans deux courses. Les problèmes de démographie des pays occidentaux les ont forcés à s'appuyer sur l'immigration pour combler le manque; l'ogre des pays en voie de développement les ont forcés à optimiser cette immigration. En s'appuyant sur le pouvoir d'attraction, basé sur la stabilité politique, nos droits et libertés, notre niveau de vie élevé, les pays développés sollicitent les immigrants capables d'augmenter la compétitivité de leurs économies afin de prolonger leur avance.

Nous sommes rentrés dans l'ère de la course aux capitaux et à l'intelligence étrangère. La course aux capitaux a déjà commencée depuis une bonne décennie. Beaucoup de pays ont pris le pas. Déjà, pour le Québec, les fonds récoltés à travers le Programme des immigrants investisseurs sont dirigés vers les PME qui sont axées dans le développement de nouvelles technologies. Il y a d'autres retombées, qui sont indirectes au programme, qui aussi permettent de stimuler l'économie.

Pour ce qui est de l'intelligence, vous avez qualifié l'intelligence de la créativité, l'innovation, toutes les qualités qui permettent de devenir leader dans un environnement compétitif. Aujourd'hui, si on ampute à une société sa population intelligente, elle stagne. Elle ne sera plus compétitive par rapport aux autres pays. Si on rajoute des gens intelligents, au contraire, elle va devenir plus compétitive.

Nous avons aussi fait une analyse. Il y avait une analyse qui avait été faite en 2010 par le Groupe Analysis au sujet de l'impact des immigrants investisseurs au Canada. Ils avaient fait une partie sur une analyse de différents programmes offerts par le Canada, l'Angleterre, la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Nous avons poussé cette analyse parce qu'ils ne prenaient pas beaucoup de facteurs en considération. Premièrement, nous assumons que, quand les sommes requises pour l'investissement de 2011 ont été augmentées, nous assumons que, un, la demande le permettait, qu'une analyse avait été faite, surtout du fait que le Québec pense, projette augmenter son nombre d'immigrants investisseurs, que la demande dépasse l'offre, d'une certaine façon.

Dans notre analyse, nous avons effectué une analyse des facteurs externes au programme, qui sont basés sur la qualité de vie, le climat, la fiscalité, l'intégration économique, le pouvoir d'attraction, la distance avec le pays d'origine, le pouvoir d'achat, la langue, le passeport, le bonheur, l'immigration illégale. Si vous avez des questions plus précises, en détail sur le rapport, je vous invite à me questionner après.

Le résultat final était que le Canada, avec l'Australie, obtenait la première place. C'est peut-être représentatif de la réalité, mais cette analyse est à prendre avec une pincée de sel, parce qu'elle ne prend pas tous les facteurs en considération et qu'il est spéculatif de croire que, quand un immigrant investisseur fait sa demande, il ait pris ou il ait connaissance de tous ces facteurs. De plus, nous avons calculé... nous avons pris en compte que tous ces facteurs ont une valeur égale.

**(15 h 10)**

Pour ce qui est de l'analyse du programme, le facteur interne, ça veut dire le programme en tant que tel, nous avons analysé, bon, les sommes requises, les expériences, les langues, les durées de séjour, la date... le nombre d'années qu'il prend pour obtenir la citoyenneté, l'âge et les critères. Le programme canadien est le moins risqué. Il est très difficile d'évaluer les autres programmes, tous les programmes, parce qu'ils sont très différents, mais nous avons pris une perspective de risque. Le programme canadien est celui qui offre le moins de risques à l'immigrant investisseur.

Maintenant, une chose qui a été souvent un facteur important du programme, qui est souvent ignorée ou passée à travers, sont l'apport des consultants. Le programme canadien et surtout le programme québécois sont les plus publicisés au monde. La raison se retrouve dans la rentabilité du programme pour les consultants. Les consultants sont ceux qui vont solliciter l'immigrant investisseur. Il est le département vente et marketing du programme. La raison? La commission qu'ils peuvent recevoir du programme, 30 000 $ à 60 000 $ pour les programmes québécois et canadien, comparativement à l'Australie et à la Grande-Bretagne, qui est de 20 000 $ à 40 000 $.

Nous avons aussi évalué les risques liés au coût de la demande, la durée, le traitement, le coût et les options de financement. Encore une fois, comme vous le savez tous, la durée était un gros problème pendant très longtemps. Le coût est le plus intéressant. Il est beaucoup moins dispendieux. Et c'est un des seuls programmes qui offrent l'option de financement. Tous les programmes ne l'offrent pas. Et il est le plus intéressant au niveau du financement, le moins cher.

Nous avons aussi effectué une analyse des quatre villes canadiennes qui reçoivent les immigrants investisseurs: Montréal, Toronto, Vancouver et Calgary. Nous avons fait une analyse des facteurs externes, il faut le dire, basée sur la qualité de vie, le climat, la fiscalité, les distances par rapport à leurs pays d'origine et les coûts de la vie. Notre classement établit que Montréal, Toronto, Vancouver sont à partie égale; Calgary est largement devancée.

Par contre, il est intéressant de se porter sur le cas de Vancouver, qui pendant des années était l'endroit le plus prisé des immigrants investisseurs, souvent classée ville numéro un au monde, au niveau de la qualité de vie. Nous avons vu qu'en ce moment, en juillet 2011, la valeur des propriétés à Vancouver a atteint des sommets, atteignant presque 800 000 $ pour une résidence. L'indice d'accessibilité est entre 70 % et 80 %, le même que Toronto connaissait dans les années quatre-vingt. Les coûts de logement ont augmenté de 55 % entre 2006 et 2011, ce qui n'est pas en soi-même un problème parce qu'il crée du gain sur le capital pour les individus. Mais le problème est que les salaires moyens, de 2005 à 2009, n'ont augmenté seulement, uniquement de 13 %, qui nous pose une question, surtout quand on voit de 70 % à 80 % et d'où vient l'argent. Si les gens n'ont pas les salaires pour se payer ces maisons, d'où vient l'argent? Et nous savons qu'il vient de l'étranger, que les individus, les immigrants investisseurs, font leur argent à l'étranger et investissent uniquement, quasiment uniquement dans le secteur immobilier. Ça veut dire une mauvaise répartition des richesses. Les secteurs... les autres industries de Vancouver n'ont pas progressé, n'ont pas profité de cet ajout de capitaux au même point que l'immobilier.

Ça représente possiblement un risque pour Montréal, vu que le Québec est en train de se placer comme leader dans l'attraction des immigrants investisseurs. Si la même chose arrive pour Montréal, une des premières questions, c'est: Si Montréal perd son pouvoir d'attraction à cause que ses coûts de logement sont bas, pouvons-nous toujours amener des travailleurs qualifiés en les incitant... en leur disant: Montréal coûte moins cher? Si Montréal devient presque aussi chère que Vancouver, y a-t-il des incitatifs pour les travailleurs qualifiés qui ont des moyens plus réduits de venir à Montréal, à ce moment-là?

Le Président (M. Bernier): ...je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît. Vous avez une trentaine de secondes que je vous laisse.

M. Tajick (Stéphane): Ouf! Il me restait pas mal de choses, mais...

Le Président (M. Bernier): Oui, mais vous allez avoir la chance d'échanger avec les parlementaires, vous allez pouvoir compléter.

M. Tajick (Stéphane): D'accord. Je vais essayer de terminer avec les recommandations.

Le Président (M. Bernier): ...une minute.

M. Tajick (Stéphane): Au niveau marketing, nous applaudissons le travail du ministère. Pas grand-chose ne peut être dit sur le travail marketing, autre que possiblement les dates, les durées de traitement, qui, on l'espère, vont changer depuis 2011. Il est possible... Nous reviendrons après à ça parce que je n'ai pas eu le temps d'en parler.

Pour le financement de la recherche et le développement, nous applaudissons encore le travail du ministère pour vraiment appuyer les PME, dans ce niveau-là, et le travail du gouvernement du Québec, en termes généraux, à ce niveau-là. Nous acceptons aussi la hausse des frais des procédures, qui est plus chère pour le Québec que pour le Canada, et nous trouvons que c'est une hausse légitime et qu'elle représente une somme tout à fait négligeable, de toute façon, pour l'immigrant investisseur.

Nous avons aussi souligné que c'est... trouve le programme le moins risqué. Mais par contre nous avons remarqué que l'impact économique, sur la société québécoise, des immigrants investisseurs est moindre que celle des autres pays parce qu'ils ne sont pas incités activement à faire affaire au Canada et au Québec.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. Hessabi. Nous allons maintenant passer aux échanges avec les parlementaires. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Alors, je vous remercie de votre présentation. Évidemment, je comprends que vous ne voulez pas vous prononcer sur les autres orientations, les autres enjeux, mais quand même c'est un dossier extrêmement important, vous l'avez souligné. On arrive avec vos recommandations, puis, moi, je vais vous demander de compléter peut-être les recommandations, parce que c'est intéressant, pour nous, en tant que gouvernement, et peut-être, en réponse à la question, que vous pourriez poursuivre les recommandations.

Donc, vous dites que le programme québécois est très compétitif, et en fait on sait qu'on attire 60 % de ce marché au Canada, donc on est bien fiers de notre succès. Mais en même temps on veut préserver cette part du marché, et vous êtes bien au courant, j'imagine, de l'entente qu'on a signée avec Investissement Québec justement pour être sûrs qu'on puisse maintenir les délais. Parce que c'est pour ça qu'on est compétitifs, on a toujours réussi à avoir des délais beaucoup plus courts. Donc, j'imagine que vous saluez cette initiative.

Le Président (M. Bernier): Allez-y, M. Hessabi.

M. Tajick (Stéphane): Oui. Si vous voulez, je vais continuer avec les recommandations. Pour retourner sur le marketing, une chose que nous pouvons ajouter, c'est de produire de l'information pour les consultants, pour ceux qui sollicitent, une information qui va être aussi en langue que les immigrants investisseurs vont comprendre, d'une certaine façon, comme le pamphlet publicitaire de Montréal International, qui valorise le Québec, qui valorise Montréal.

Pour ce qui est... Nous avons aussi une autre recommandation à faire sur le programme Immigrants entrepreneurs. Nous savons qu'un très petit pourcentage... Quand on parle de l'immigration investisseur au Québec, on ment si on dit que c'est l'immigration dans l'ensemble du Québec. C'est quasiment uniquement à Montréal. Les régions n'attirent pas les capitaux étrangers, ce qui est possiblement assez normal.

Maintenant, ce que nous pouvons recommander, c'est d'élargir le programme Immigrants entrepreneurs et de le diriger uniquement sur les régions, ainsi complémenter le programme. C'est un programme moins cher. Il vient compétitionner avec les programmes américain et australien sur les «targeted zones» ou «sponsored», et qui va pouvoir attirer... favoriser le développement économique des régions.

Par contre, ce programme devrait être surtout publicisé dans les pays francophones, dans les pays, disons, assez proches, qui soient assez proches du Canada dans la façon qu'ils... au niveau des affaires. Ça veut dire la France, la Belgique, la Suisse. Si on prend un pays comme la France, le Québec offre beaucoup plus d'incitatifs et beaucoup plus de facilité d'entreprendre, et leur chance de succès est beaucoup plus grande.

Après, nous n'avons aussi pas eu le temps d'en parler, mais c'est quelque chose qui est très important pour nous, c'est la publicisation du français. Première question des immigrants investisseurs: Comment ça se passe avec le français? Ils ont toujours cette crainte. Pourtant, par rapport à notre vision, le français peut se placer comme un grand avantage que le Québec a à offrir, surtout la ville de Montréal. Le français peut s'apprendre aujourd'hui, et le gouvernement offre tous les incitatifs, énormément de programmes pour offrir une facilité d'apprendre le français, surtout à Montréal, où, même si vous parlez anglais, vous pouvez exister. C'est sûr que, pour travailler au Québec, il faut parler le français. Pour investir au Québec, vous n'avez pas besoin nécessairement de parler le français. Ça ne doit pas représenter une barrière. Par contre, le Québec doit présenter le français comme une grande richesse. Aujourd'hui, les Québécois, les Montréalais ont plus de valeur sur le marché du travail parce qu'ils sont bilingues. C'est un patrimoine que leurs enfants vont pouvoir obtenir. Leurs enfants auront plus de valeur sur le marché à Montréal que s'ils étaient à Vancouver ou à Toronto.

**(15 h 20)**

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre, vous voulez intervenir?

Mme Weil: Bien, je trouve ça intéressant, en fait. Je vais peut-être... Vous avez bientôt fini sur ça? Non? Bien, bon, je voulais arriver sur la langue peut-être après, mais je vois la piste. Donc, pour revenir sur l'attractivité du programme Immigrants investisseurs du Québec, vous dites que c'est un programme qui est très attractif, qui est très compétitif, et ça, c'est une très bonne chose. D'ailleurs, Pierre Fortin, l'économiste, est venu en commission parlementaire. Vous avez vu son étude. Mais il a dit: Attention! il faut s'assurer que les délais... Puis c'est par la suite qu'on a annoncé l'entente avec Investissement Québec.

Pour la question de rétention aussi, parce que vous touchez cette question de s'assurer qu'on soit capables... Bien, premièrement... deuxièmement, vous êtes beaucoup d'accord aussi avec la façon qu'on dépense l'argent. Parce que je pense qu'on est une des seules provinces qui a vraiment un programme aussi structuré pour appuyer les PME. Deux choses. Les PME, ça, c'est des millions qu'on investit dans les petites et moyennes entreprises partout au Québec, donc c'est très stratégique. Ça aussi, ça a été souligné par l'économiste Pierre Fortin. Par ailleurs, je ne sais pas si vous connaissez le programme PRIIME. C'est un programme qui identifie certaines communautés immigrantes où le taux de chômage est plus élevé, minorités visibles et la communauté maghrébine. Et ce programme finance, donne des subventions salariales pour permettre à ces personnes d'intégrer le marché du travail. Donc, c'est des personnes scolarisées, compétentes, etc. C'est un capital humain intéressant. Donc, le Programme d'immigrants investisseurs était ça aussi de stratégique. Et, nous, nos attentes, c'est qu'on va être capables de doubler les montants qu'on investit dans ce programme-là. Donc, ça vient appuyer beaucoup votre constat que c'est un programme qui est quand même très stratégique au Québec.

La question de la rétention, parce qu'il y a eu beaucoup de commentaires sur cette question de rétention... Et d'ailleurs Patricia Rimok, qui était ici ce matin mais ne connaissait pas le fait que le Québec a une entente avec Investissement Québec, justement... C'est un projet pour accompagner, accompagner ces immigrants investisseurs pour s'établir ici, au Québec. Alors, il y a d'autres acteurs, si je comprends bien, dont vous faites partie, hein? Vous êtes en amont et en aval, si je comprends bien. Donc, vous, vous jouez un rôle aussi à cet égard, d'accompagner, d'orienter ces personnes. On a une brochure. Vous connaissez notre brochure, Investissement... Parce que vous dites: On devrait mieux faire connaître le programme. Mais on a une brochure sur le programme Immigrants investisseurs, mais on a aussi des séances d'information avec les conseillers financiers. Il y a des séances qui se font en Chine, à Hong Kong, mais aussi ils viennent ici à Montréal. Alors, je voulais savoir si vous étiez au courant de ça?

Le Président (M. Bernier): M. Hessabi.

M. Tajick (Stéphane): Relativement...

M. Hessabi (Shahryar): Pardon, excusez-moi de vous interrompre: M. Tajick, M. Hessabi. Merci beaucoup. Juste parce que... C'est parce qu'il parle tellement bien...

M. Tajick (Stéphane): ...personnel, non plus.

Le Président (M. Bernier): ...la présentation n'avait pas été faite dans ce sens-là.

M. Tajick (Stéphane): Alors, ce que nous avons aussi impliqué dans nos recommandations, c'est que beaucoup de programmes des autres pays incitent les immigrants investisseurs à faire affaire ici. Par contre, c'est de façon forcée. Ça veut dire, ils augmentent le risque, et nous ne sommes pas en faveur de ça.

Ce que nous proposons, c'est que ces gens-là puissent avoir un accompagnement, une formation, une certaine formation, parce que le plus grand problème de rétention est dû que ces individus perdent de l'argent sur le territoire québécois. Ils n'ont pas le profil, souvent, qu'on se dit... -- je peux vous raconter... si vous le voulez, après je peux vous donner des exemples -- n'ont pas le costume d'hommes d'affaires québécois. Pourtant, ils ont prouvé, dans leurs territoires d'origine, leurs environnements économiques d'origine, qu'ils ont toutes les facultés nécessaires pour créer de la richesse. Ils l'ont prouvé, mais ce qui leur manque aujourd'hui, en venant ici, c'est connaître leur environnement, toutes les informations, tous les programmes d'aide que le gouvernement offre, dont ils sont très chanceux, qu'ils n'ont pas ça chez eux, mais qu'ils n'ont pas un accès facile. Ces individus peuvent et doivent créer de la richesse ici pour nous. Ils ont toutes les facultés nécessaires et l'ont prouvé.

Maintenant, ça prend un temps d'adaptation. Dans certains pays que ces individus viennent, la démographie est différente, le sens des affaires est différent, l'organisation est différente. Il n'y a souvent pas de ce qu'on appelle des «corporations», il n'y a pas de planification, ils ne sont pas adaptés à faire affaire ici. Et, quand ils viennent, souvent ils perdent de l'argent, blâment le Québec et, après quelques années d'échecs, vont ailleurs. Ils ont la perception que les pâturages sont plus verts ailleurs, ce qui n'est pas nécessairement le cas, même si souvent ils réussissent mieux dans les autres provinces. C'est surtout... Tout simplement peut être expliqué: Vous venez d'avoir trois ans d'expérience, peut-être en raison d'échecs, mais vous avez trois ans d'expérience, maintenant, dans les milieux des affaires canadiens et maintenant, vous êtes plus adaptés, mieux adaptés à réussir. Alors, pour le problème de rétention, c'est le problème qu'on en voit.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. Tajick. Mme la ministre. Là, on ne se trompe pas, là, vous êtes bien M. Tajick?

M. Tajick (Stéphane): Oui.

Le Président (M. Bernier): Merci.

Mme Weil: Donc, c'est un point important...

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Merci, M. le Président. C'est un point important, et justement on est en train de regarder des stratégies de rétention. Mais les stratégies de rétention, évidemment, ça passe par des stratégies d'accompagnement, d'information et aussi de reconnaître leurs qualités d'entrepreneur, hein, si je comprends bien. Ces immigrants investisseurs, ils ont de l'argent. Pourquoi? Parce que c'est des entrepreneurs, et donc il faut miser beaucoup sur ces capacités qu'ils ont d'entrepreneurship.

Donc, moi, je retiens ce que vous dites. C'est sûr qu'on va transmettre vos coordonnées, vos informations, votre mémoire au ministère du Développement économique, MDEIE, qui travaille évidemment... Investissement Québec, c'est... L'entente, c'est avec le MICC, mais il relève du ministère du Développement économique, et le ministre du Développement économique est en train de regarder et revoir tout le programme pour, comment dire, encourager le développement, la croissance de l'entrepreneurship au Québec. Et ça, c'est évidemment une dimension importante, ce que vous dites, donc ça touche les deux volets.

Juste peut-être une question sur cette question de délai de traitement. Le Québec a toujours été reconnu comme peut-être le premier de classe, disons. Comment se compare ce délai de traitement au Québec avec d'autres juridictions que vous connaissez?

Le Président (M. Bernier): M. Tajick.

M. Tajick (Stéphane): Laissez-moi voir si j'ai des notes là-dessus. Je n'ai pas amené complètement...

Mme Weil: Ou généralement.

M. Tajick (Stéphane): ...le rapport de notre analyse. Le Québec... le Canada est le plus long, tout simplement. L'Australie fait très bonne figure au niveau des délais de traitement. La Nouvelle-Zélande, l'Angleterre, États-Unis, enfin, surtout l'Angleterre et la Nouvelle-Zélande, le nombre d'investisseurs qu'ils rentrent est beaucoup moins élevé. On parle de 300 pour la Nouvelle-Zélande, on parle d'un peu plus de 100 pour l'Angleterre. Alors, les délais de traitement ne peuvent pas se comparer. Le plus grand, celui qui est comparable, c'est l'Australie, et là on est largement en arrière de l'Australie.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme Weil: Écoutez, ça complète mes questions. Je vous remercie beaucoup. On va transmettre vos informations aux autres ministères.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme la ministre. M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Vous arrivez avec une perspective et un éclairage, au bas mot, uniques. Comme vous le savez sûrement... Bon, vous savez sûrement, même mieux que moi, qu'à beaucoup d'endroits en Occident l'immigration est un sujet passionné et important. Vous savez qu'au Québec il y a la situation particulière des juridictions, de certaines orientations politiques et de la perpétuation de la langue française. Et donc vous arrivez là-dedans avec une vision qui est, comment dire, toute business, ce qui est très correct. Je pense que les économies se nourrissent des gens d'initiative et je trouve ça tout à fait valable.

J'ai une question qui a moyennement rapport sur le fond. Je voudrais mieux savoir ce que vous faites. Mettons, qui sont vos clients? D'où viennent-ils? Qu'attendent-ils de vous? Vous les trouvez où? Vous les trouvez comment? Vous les sollicitez comment? Quels sont les services que vous leur offrez? Tu sais, avoir une meilleure perspective de qui vous êtes, comme entrepreneurs.

**(15 h 30)**

Le Président (M. Bernier): M. Tajick.

M. Tajick (Stéphane): Parfait. Pour ce qui est des immigrants investisseurs, nous nous sommes concentrés uniquement sur les Iraniens. Nous sommes tous les deux d'origine iranienne. Donc, être capable de communiquer avec eux. Ces individus, en général, présentent un grand risque parce qu'ils ne parlent rarement le français. Quasiment dans aucun des cas qu'on a eus les gens parlent le français, et, même si certains parlent anglais, c'est un anglais de base. Ça veut dire, ce n'est pas facile pour eux de communiquer.

Maintenant, dans nos activités, nous avons d'autres secteurs d'activité. SH Intégration n'est pas notre seul secteur d'activité. Il a été... Nous retrouvions nos clients en général de références des consultants. Les consultants nous engageaient. Moi, j'ai personnellement travaillé, surtout en tant que bénévole, pour des consultations pour, des fois, au niveau des affaires, sans leur dire quoi faire non plus, mais de les mettre en perspective.

Beaucoup, si je vous donne en termes d'exemple... Un individu qui avait une bijouterie en Iran, qui voudrait ouvrir une bijouterie ici, il y a une grande différence. La démographie là-bas, tout le monde... la plupart de la population est jeune, la plupart de la population se marie. Au Québec, ce n'est pas nécessairement le cas. Vous allez en Iran, dans une rue, vous allez voir «bijouterie», «bijouterie», «bijouterie»... c'est la rue des bijoutiers, alors qu'ici vous allez voir un bijoutier par centre commercial. Ça veut dire, pour ces individus, s'ils ne sont pas préparés à ce genre de chose, ils n'ont pas l'information là-dessus, ils vont être complètement déboussolés.

Il y a des pratiques de travail. Par exemple, nous avons un individu qui est arrivé il y a quelques mois et aujourd'hui est très motivé à partir en affaires. Il nous a appelés, nous a dit: J'étais dans les moustiquaires, dans mon pays d'origine, je les importais de Turquie. Je vais partir en Turquie, je vais revenir avec un conteneur de moustiquaires, le même produit, et je vais le vendre. D'accord. Est-ce que tu connais le marché ici? Est-ce que ça ne serait pas plus simple pour toi de trouver un produit québécois qui pourrait être intéressant dans un marché que tu y connais? Le gouvernement pourrait t'aider pour ça. Il nous a rappelés. On lui a laissé... Il y a beaucoup de consultations d'affaires qui peut être fait. Il nous a rappelés un peu plus tard. Il a réfléchi, ça lui a fait réfléchir, etc., et il nous a rappelés, il a dit: Je suis en train de partir pour la Turquie. Pouvez-vous m'aider à trouver un endroit d'affaires? Première question, c'est: Où est ton marché? Est-ce que tu veux être à Brossard? Est-ce que tu veux être à Laval? Est-ce que tu veux être à Montréal?

C'est pour donner des... On peut les conseiller, donner de l'information, mais souvent ça prend plus que ça. Ça prend du mentorat, ça prend... les prendre... Nous, le programme que nous offrons, c'est environ 200 heures d'accompagnement, qui peuvent s'étaler, pas proportionnellement, de leur arrivée, dès qu'ils posent le pied, ça veut dire, réception à l'aéroport, jusqu'à l'obtention de la citoyenneté. On parle de plus de 200 heures d'accompagnement, on parle d'une structure d'organisation de 100 employés, on parle d'un coût de plus de 5 millions de dollars par an, qui peut très facilement augmenter si on veut aller chercher des cadres qui ont une plus grande capacité de créer de la richesse pour l'individu et de l'aider. Le rendement d'une personne qui va faire du mentorat, qui... sa valeur dans le marché est de 50 000 $ par année, est différent, à la fin, le résultat, d'un individu qui commande un salaire de 500 000 $. Le résultat va être différent.

Maintenant, ce qui est intéressant avec le programme, c'est qu'il ne coûte absolument rien à l'immigrant investisseur et n'a pas besoin de contribution du gouvernement pour vivre. Ça veut dire, il ne reçoit ni argent des contribuables ni argent des immigrants. Vous allez me dire: Comment? Le programme peut s'autofinancer. C'est des concepts marketing, c'est des concepts économiques d'autofinancement. Très simple. Aujourd'hui, si le gouvernement avait un citoyen, il ne pourrait pas générer de profit, il ne pourrait pas offrir de service. Il devrait charger de gros montants au seul citoyen. Aujourd'hui, on a beaucoup de citoyens, de l'argent rentre, sont puisés, et on est capable d'offrir ces services.

Quand vous avez 2 000 individus qui viennent annuellement dans un endroit donné, vous avez une économie, cette économie croît de 2 000 individus. Si ces individus sont des multimillionnaires, elle devient une économie très intéressante pour le secteur privé. Ce que... Notre modèle d'autofinancement est basé sur toute... une grande partie des investissements qu'ils font, des conseils qu'ils font, par rapport au secteur privé. Si vous voulez baser un petit peu sur le modèle hôtelier, marketing, ça veut dire: Expedia vient -- moi, je suis dans l'hôtellerie, je suis directeur marketing dans un hôtel -- vient me voir et me dit: Je t'offre des clients, j'ai besoin que tu offres 20 % de réduction et tu n'offres à personne d'autre un prix plus bas. D'accord. En plus, tu dois compenser, tu dois nous offrir 30 % sur le prix, tu dois nous le contribuer. Quand la demande existe, tu prends une décision: Mon coût marketing me permet-il de prendre ces décisions? En termes généraux, c'est toujours oui et c'est pour ça qu'Expedia est le plus gros vendeur.

Maintenant, ce qui est important, c'est de ne pas prendre l'argent que ces individus mettent dans l'économie et en mettre dans sa poche, ou sinon ça fait de vous des charlatans. En termes d'exemple, au niveau du secteur immobilier, de notre programme... département d'immobilier, quand l'individu veut faire un achat ou une location, nous avons une équipe de recherche qui étudie le marché montréalais afin que l'individu fasse le meilleur investissement possible. Nous avons une équipe qui fait l'inspection, l'évaluation gratuitement pour... Ça veut dire: Nous ajoutons un service, nous créons de la richesse.

Et c'est ça qui est très important, c'est de ne pas juste diriger l'argent, mais faire une valeur ajoutée. Et c'est ça que le programme tente de faire, en plus d'offrir des cours de mentorat qui peuvent être accessibles à toutes les catégories d'immigrants. Ça veut dire: Le cours de formation qu'offre le ministère de l'Immigration, au niveau de l'adaptation, et de la vie au Québec, et du travail au Québec, nous allons assister en plusieurs langues. Nous allons offrir des cours de français de base assistés en plusieurs langues, parce qu'un cours de français où le professeur parle seulement français, pour quelqu'un qui n'a jamais parlé français de sa vie, ce n'est pas simple. Il faut une petite base assistée en langue étrangère pour que cet individu puisse intégrer des cours de français uniquement en français. Allez-y.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Blanchet: Bien, j'imagine, ce n'est pas facile à circonscrire. Vous mentionnez que 90 % des immigrants investisseurs qui sont venus entre 1998 et 2007 ne sont pas restés. Bon, on pourrait poser la question très générale: Ils sont partis pour où puis ils sont partis pourquoi? Vous avez donné des indices. Puisque vous travaillez avec des gens pour qui c'est singulièrement difficile comme adaptation, est-ce que vous avez eu suffisamment de clients pour que ce soit un échantillon représentatif? Et est-ce que vous avez, comment dire, un taux de rétention plus significatif?

Le Président (M. Bernier): M. Tajick.

M. Tajick (Stéphane): Pour vous répondre à ça, une grande partie des immigrants que nous conseillons viennent pour l'interview avec l'officier d'immigration. Ça veut dire: Ils ne sont pas arrivés, et une partie viennent d'arriver. Si nous travaillions depuis cinq, six, sept ans, je serais peut-être capable de répondre à votre question, mais malheureusement, présentement, nous ne pouvons pas vous dire si les individus qu'on a traités sont restés ou sont partis du Québec.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Blanchet: Une dernière question. Vous parliez du français. Écoutez, je vais paraphraser, mais c'est un avantage pour Montréal à condition que ce ne soit pas une contrainte. Donc, si je comprends bien, c'est pittoresque que Montréal soit une ville un peu française, pas pire française, mais, si on dit que quelqu'un qui immigre au Québec devrait maîtriser le français, là, on exagère.

Le Président (M. Bernier): M. Tajick.

M. Tajick (Stéphane): Bien sûr. Pourquoi nous avons... Si vous regardez dans beaucoup de quartiers anglais, tous ceux qui sont descendants irlandais, écossais, britanniques, juste pour ne nommer que ces trois-là, communiquent très rarement en français et pourtant ont une très bonne réussite financière, quand on parle de Montréal. Moi, j'habite à Westmount. Beaucoup d'individus ne communiquent jamais en français. Par contre, ces mêmes individus qui sont les plus grands...

Une voix: ...

**(15 h 40)**

M. Tajick (Stéphane): Par contre, ces individus représentent les plus fervents adversaires de la francisation au Québec, nous sommes d'accord avec ça. Pourtant, la plupart, la quasi-totalité de ces individus, s'ils ont besoin, sont capables de communiquer en français. J'ai rencontré des individus que je connaissais depuis des années. Ils ne m'ont jamais parlé en français. Et je les ai vus un jour parler avec quelqu'un d'autre et je voyais qu'ils parlaient français. Ça, c'est quand même une réussite, pour le Québec, que ses plus fervents adversaires sont quand même influencés par la dynamique francophone du Québec. C'est une réalité, par contre, que bien sûr, si le ministère de l'Éducation ne pousse pas le français, surtout à Montréal, il va régresser. C'est tout à fait réel.

Mais, pour réussir au niveau des affaires, je ne pense pas que le français soit quelque chose qu'il faut imposer dès le début. Ce que je veux dire, c'est que nous sommes... Notre vision est: Aucune restriction, liberté, trouvons des moyens intelligents d'inciter ces individus à choisir le français. Ça veut dire: Trouver les incitatifs qui vont les permettre de dire: Moi, je veux apprendre le français. Pour beaucoup d'individus, apprendre une langue, c'est un plaisir, surtout une langue comme le français, si riche comme le français. Ça peut être traduit comme un plaisir, ça peut être aperçu comme un plaisir, ça peut être divertissant, d'une certaine façon, si les incitatifs sont mis en place: Vous pouvez prendre des cours de français, nous vous invitons, etc.

Le Président (M. Bernier): M. le député.

M. Blanchet: ...je pense que je ne suis pas le seul, d'une part, dans la catégorie des moyens intelligents, je pense que la loi 101 en était un et je pense que votre extraordinaire maîtrise du français en est une indication. Cela dit, correction d'un fait historique qui a sûrement fait titiller beaucoup de gens parmi les centaines de milliers de personnes qui nous regardent, il y a énormément, énormément de Québécois francophones aujourd'hui qui ont des ancêtres irlandais, écossais, en particulier, parfaitement francisés. Et même il y a beaucoup de nos noms qui sont des traductions françaises de noms irlandais et écossais. Mais c'est davantage une immigration qui remonte au XIXe siècle. Tant et si bien que la Saint-Patrick est une fête célébrée autant par les francophones que les autres au Québec. Donc, je me plais à corriger ce fait. Et, ma foi, je suis inquiet du portrait que vous dressez des comportements linguistiques des gens de Westmount, mais je pense que la ministre souhaitait me rassurer.

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre, vous voulez...

Mme Weil: Je vous remercie, M. le Président. Je remercie aussi mon collègue. Moi, je suis d'origine irlandaise-écossaise, bon, et je me considère aussi francophone qu'anglophone. Mes parents... Mon père était Américain, ma mère, Canadienne-anglaise. Ils ont dit, et ça, il y a longtemps de ça: Le Québec, c'est une société francophone, il faut apprendre le français. Les Anglo-Québécois sont les plus bilingues au Canada. À peu près tous les enfants de la communauté anglophone sont en immersion. Pourquoi? Parce que, si on ne maîtrise pas la langue française, on ne peut pas fonctionner dans la société québécoise. Les Anglais le comprennent. Alors, je tiens vraiment à corriger l'impression que vous avez laissée. Et évidemment à Westmount, aussi, les écoles privées à Westmount, il y en a beaucoup, c'est l'immersion.

Alors, c'est sûr que la loi 101 a beaucoup changé la donne, mais je vous dirais que c'est les Anglo-Québécois qui sont les plus bilingues. Je voulais vraiment corriger ça. Ce n'est pas des adversaires du tout. Mais il y en a qui se considèrent vraiment analphabètes s'ils ne parlent pas français. C'est vraiment... comment dire, ça empêche l'avancement pour la personne, s'il ne parle pas français, puis tout le monde le comprend. Et d'ailleurs le système scolaire anglophone d'immersion est un modèle dans le monde pour apprendre une deuxième langue. Les enfants sortent bilingues. Il y en a beaucoup, maintenant, des Anglo-Québécois qui sont à l'Université de Montréal. Ils vont aux cégeps francophones, etc. Donc, je pense qu'il faut dresser un portrait beaucoup plus moderne de la réalité de la communauté anglo-québécoise et de Westmount aussi.

Le Président (M. Bernier): Merci. Oui, vous voulez ajouter quelque chose, M. Hessabi?

M. Hessabi (Shahryar): Oui, je veux juste faire une petite note. Excusez-moi pour vous interrompre. Alors, je voulais aussi mentionner que non seulement les Anglais parlent en français, il y a aussi les Français qui parlent anglais. Un autre quartier à Montréal qui serait très similaire à Westmount serait le quartier d'Outremont, où la plupart des noms de rue sont en fait en anglais. Alors, je voulais mentionner les forces du Québec pour le bilinguisme. C'est tout.

Le Président (M. Bernier): Oui, M. Tajick.

M. Tajick (Stéphane): Alors, pour répondre un peu à ce qui a été dit, oui, si je ne me trompe pas, à peu près 40 % des Québécois ont des ancêtres irlandais. Je n'ai pas nécessairement voulu dire que les anglophones étaient contre la francisation, etc. Nous savons qu'il y a un pourcentage des Anglais qui sont quand même... qui mènent un combat contre la francisation et que ces anglophones en général communiquent surtout en anglais à Montréal. C'est juste des précisions pour...

Le Président (M. Bernier): Ça va? Bon. Merci de votre participation. Merci de ces échanges. Donc, merci au développement SH Intégration. M. Hessabi, M. Tajick, merci d'avoir participé.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre aux Congrès maghrébin au Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 46)

 

(Reprise à 15 h 49)

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux.

Nous avons le plaisir, cet après-midi, de rencontrer le Congrès maghrébin au Québec. Bienvenue. Bienvenue, M. Derraji, M. Foura. Donc, vous avez une quinzaine de minutes qui vous sont allouées pour votre présentation. Par la suite suivront des échanges avec les parlementaires. Donc, la parole est à vous.

Congrès maghrébin au Québec (CMQ)

M. Derraji (Monsef): Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre. Bonjour aux membres de la commission. Je suis très content parce que j'ai rencontré mon ancien recteur aujourd'hui. Donc, je suis émerveillé de le rencontrer, parce que c'est lui qui m'a donné mon diplôme, parce que je suis un ancien étudiant de l'Université de Laval.

Je m'appelle...

**(15 h 50)**

Le Président (M. Bernier): Il est devenu député de Charlesbourg, maintenant.

M. Derraji (Monsef): Oui, c'est ça. Maintenant, il n'est plus... Je pense que c'est sa dernière année, en 2006.

Je m'appelle Monsef Derraji. Je suis le président cofondateur... Bien, il est là. Je m'appelle Monsef Derraji, président cofondateur du Congrès maghrébin au Québec. Et je suis accompagné aujourd'hui de M. Lamine Fourra, qui est le secrétaire général du Congrès maghrébin au Québec.

Je suis très heureux et nous sommes très enchantés, au nom du CMQ, de venir présenter nos réflexions, parce que ça démontre à quel point nos institutions sont très démocratiques et qui nous permettent de discuter, d'échanger nos points de vue dans un climat paisible, mais surtout avoir de l'écoute. C'est avec un grand plaisir que nous présentons devant vous, aujourd'hui, nos positions sur la nouvelle planification de l'immigration pour la période 2012-2015.

Le Congrès maghrébin au Québec, il a été créé par un groupe de professionnels maghrébins désireux de créer, dans leur communauté maghrébine, un lieu d'échange, de débats et de rencontres fructueuses, assurant ainsi leur intégration au Québec. Et c'est le premier regroupement de Maghrébins d'origine au Québec. Nos préoccupations sont à la fois globales et locales, et de par notre sensibilité nous sommes portés à nous préoccuper de l'intégration des Maghrébins et de leur épanouissement dans la société d'accueil québécoise, tout en faisant la promotion des échanges économiques entre le Maghreb et le Québec. En effet, les objectifs du Congrès maghrébin au Québec s'étalent sur les champs politique, professionnel, social et culturel, afin de ressortir le meilleur de cette communauté et faire prévaloir ses droits. Et, pour ce faire, nos activités sont axées sur les quatre postes stratégiques, à savoir: le volet politique, participation civique et le volet social.

Je vous annonce aussi que le CMQ, avant de déposer son mémoire que vous avez devant vous, a lancé un projet de consultation auprès de ses membres. Et nous avons eu la chance de couronner cette série de consultations avec une rencontre sous forme d'un 5 à 7 où notamment Mme la ministre nous a honorés par sa présence et qu'il y a eu au moins un bon deux heures de bonne discussion franche avec les membres de la communauté. Il y avait notamment des médecins, ingénieurs, étudiants étrangers, chômeurs, etc. Et je pense que vous avez entendu pas mal de choses, Mme la ministre.

Nous sommes convaincus que la planification de l'immigration est un enjeu majeur et de taille pour le développement du Québec. L'immigration aide la société à se développer, et c'est un moyen pour nourrir la diversité, et c'est un facteur de créativité, de richesse et d'ouverture sur le monde. Comme la Chambre de commerce de Montréal, nous sommes convaincus et nous sommes pour l'augmentation des taux d'immigration pour faire face aux problèmes de recrutement dont le Québec souffre et les régions du Québec souffrent.

C'est quoi, le portrait de cette communauté que nous avons l'honneur de représenter aujourd'hui? Donc, je vais essayer de préparer la table à nos échanges et à nos discussions. Je vais résumer ça en quatre points. C'est une communauté jeune. Selon les statistiques de 2006, c'est 83 % des Québécois d'origine maghrébine... étaient en âge de travailler, dont plus de 60 % étaient âgés de moins de 45 ans. Communauté francophone: 98,3 % des Maghrébins recensés en 2006 disaient connaître le français. Et seuls 43 % d'entre eux ne parlaient que le français, donc une communauté que parfois c'est le français qu'ils parlent, et non pas une autre langue. Communauté hautement scolarisée: bien que les informations directes sur le niveau de scolarité ne soient pas disponibles pour les trois pays du Maghreb, nous pouvons inférer que les données qui indiquent que 63 % des immigrants récents sont détenteurs d'un diplôme universitaire... donc on peut appliquer la même règle pour cette communauté aussi. Mon quatrième point, et dernier, une communauté présente dans la grande région de Montréal, Laval et Longueuil.

Nous aimerions maintenant attirer votre attention sur notre analyse et nos recommandations concernant les orientations soumises à la consultation par Mme la ministre sur la nouvelle politique de l'immigration. Nous espérons que nos recommandations sauront être de réelles contributions, afin que les difficultés rencontrées par les membres de notre communauté soient résolues de manière à bien accueillir les nouveaux immigrants.

Selon nous, ce qui nuit à l'intégration des Maghrébins en premier lieu, c'est les différents ordres professionnels, et parfois avec des critères sévères, voire même trop sévères. Comment on peut expliquer à un ingénieur qui enseigne une matière pour les futurs ingénieurs de passer l'examen de cette même matière afin d'avoir son titre ou équivalence d'ingénieur au Québec? C'est juste un seul exemple. Et bien sûr la question qui tue lors des entrevues: Avez-vous la fameuse expérience québécoise? Et est-ce que vous parlez anglais? Sur ça s'ajoute le contexte de crise économique, de la culture d'entreprise, etc.

Nous pensons que le problème se pose sur plusieurs niveaux et que ce n'est pas seulement une seule catégorie qui souffre, mais plusieurs. Pensons à nos artistes. Est-ce qu'un artiste maghrébin va avoir la vie facile? Pourtant, il est porteur d'un art international, d'une richesse qui n'a pas de limite ni de frontière. Je pense que la réponse est simple en regardant juste le petit écran de la télé au Québec. Pensons à nos journalistes et à nos médias communautaires. Je pense que dans tout cela il y a quelque chose d'inapproprié.

Le mémoire que vous avez devant vous contient 16 recommandations qui portent sur les différentes orientations soumises. Je vais passer, là, maintenant la parole à mon collègue, Lamine Foura, qui va continuer la suite.

Le Président (M. Bernier): Allez-y, M. Foura.

M. Foura (Lamine): M. le Président, Mme la ministre, chers membres de cette commission, je tiens à vous remercier d'ouvrir une autre fois le débat sur la question de l'immigration, qui reste une question très importante pour le Québec et pour l'avenir du Québec, et surtout pour l'avenir du français en Amérique du Nord.

Mes commentaires vont être essentiellement sur le document. Je vais essayer de parler un petit peu de la démarche du document qui a été présenté à la discussion, de l'argumentaire utilisé dans le document et quelques commentaires sur les conclusions et les recommandations.

Concernant la démarche, je trouve que le document manque une étape très importante, qui consiste à identifier le problème qu'on veut résoudre. Certes que le document a présenté un portrait général de l'immigration au Québec, son historique, des statistiques, mais par contre on n'a pas vu vraiment des problèmes identifiés. Il y a eu la question du problème de l'intégration professionnelle qui a été mentionnée dans le document, mais je pense qu'en termes de démarche ça aurait été beaucoup plus facile à comprendre, les conclusions et les recommandations, si on a eu des problèmes listés et identifiés comme étant des problèmes à régler et priorisés. À titre d'exemple, j'aurais aimé voir la question du français identifiée comme étant un problème, et, pour moi, ça doit être le premier problème qu'on doit résoudre. C'est de maintenir une société francophone au Québec. Et là, tout au long, l'argumentation va suivre pour démontrer que les recommandations vont résoudre ce problème.

Même si les problèmes ont été présentés sous forme de paragraphe, en termes de démarche d'argumentation, on aurait aimé voir les problèmes de façon à ce qu'on puisse voir la recommandation. À titre d'exemple aussi, et j'ai vraiment aimé ça dans le document, c'est que la notion d'arbitrage délicat qui a été mentionnée en introduction démontre la complexité de l'équation qu'on voudrait résoudre, parce qu'on peut avoir des objectifs contradictoires à réconcilier, et c'est pour ça que j'insiste sur l'élément priorisation. C'est que le document admet cette complexité et cette délicatesse de la situation à réconcilier des objectifs contradictoires, mais par contre les problèmes à résoudre ou les objectifs ne sont pas priorisés. Et c'est pour ça que des fois on va retrouver des contradictions dans les recommandations.

Je passerai à la question de l'argumentation puisqu'elle est liée à la démarche. C'est que ce manque de lien entre les problèmes et leur identification, et les recommandations font en sorte qu'on a de la difficulté à comprendre les recommandations. Et je vais saisir l'occasion de ma présence devant vous surtout pour peut-être nous éclairer sur les éléments qu'on n'arrive pas à comprendre, et peut-être que c'est lié à notre incompréhension des objectifs.

À titre d'exemple, le document insiste sur le fait que le français, et le fait français au Québec, est quelque chose qu'on doit sauvegarder. Paradoxalement, à la page 28, on retrouve une certaine hésitation, de la part du document, à être capable d'atteindre les objectifs, où on dit clairement que «cette proportion d'immigrants connaissant le français sera déterminée par différents facteurs comme le nombre et la proportion que représentent, au sein des admissions, les réfugiés et les immigrants», aussi les bassins. Donc, on voit une certaine hésitation.

**(16 heures)**

Dans le même sens, on voit que la seule recommandation qui n'est pas quantifiée, c'est celle du français, ce qui est paradoxal de considérer le français comme étant un élément important. C'est qu'on est sûr d'atteindre 50 % d'immigrants, de travailleurs qualifiés -- on le dit comme un objectif mesurable et observable, puisqu'on parle d'un chiffre -- on est capable d'aller chercher un 65 % à 75 % des immigrants ayant moins de 35 ans, tout est quantifié. Mais, quand on parle de français, on parle de majoritaire. 31 %? 55 %? 80 %? Et je pense que c'est très important. Si on avait bien priorisé, à mon avis, les éléments qu'on voudrait atteindre comme objectifs, on n'aurait pas tombé dans des contradictions où l'élément le plus important, que tout le monde est d'accord au Québec, ne soit pas quantifié, et là ça laisserait une grande flexibilité à l'Administration de dire que 51 % correspondait aux objectifs. Or, on aurait pu atteindre 60 %, par exemple.

Au niveau de l'argumentaire toujours, le lien entre les propositions et ce qui est présenté au niveau des orientations manque aussi d'argumentaire. À titre d'exemple, on nous dit que... C'est sûr que, si je ramène quelqu'un qui a 35 ans, il va rester plus longtemps sur le marché de travail que quelqu'un qui a 45 ans. Mais par contre on oublie que quelqu'un qui a 45 ans, il peut avoir un enfant de 10 ans qui sera sur le marché de travail plus rapidement que quelqu'un qui a 35 ans et qui n'a pas d'enfant. Donc, en termes de maintien de personnes sur le marché de travail, la notion de famille n'est pas mentionnée comme étant un élément qui va nous garantir un maintien rapide d'un certain nombre de personnes actives sur le marché de travail d'une façon rapide. Et c'est là aussi où on remarque un manque de relation, où, moi, personnellement, je questionne le fait qu'à... parce que quelqu'un... on aura plus d'immigrants qui ont 35 ans, on va assurer un nombre important. Je peux remonter un scénario où je vais avoir des familles où les enfants arrivent entre 5 et 10 ans, donc dans 15 ans ils seront sur le marché du travail, au lieu de 25 ans, et les 10 ans qui sont perdus par les parents, ils seront rattrapés par l'enfant. On va assurer une courbe beaucoup plus lisse, en termes de maintien du nombre de personnes au niveau du marché du travail.

La même chose sur la question des bassins. Et là je reviens à l'élément très important, l'arbitrage délicat. C'est comme si l'arbitrage délicat ne nous a pas aidés à évaluer la question des 30 %. Je pense que c'est un petit peu dangereux de juste... Tout le monde est d'accord que la diversité est une source de richesse pour le Québec. C'est très important de maintenir une immigration diversifiée. Mais aussi il ne faut pas oublier l'histoire. C'est que l'immigration au Québec, comme l'immigration un peu partout, est liée à des événements politiques, économiques dans notre pays. Sans citer aucune communauté, on sait très bien qu'une certaine communauté est arrivée plus massivement durant une certaine période des problèmes dans les pays d'origine et que la présence d'un taux élevé d'immigration du Maghreb aujourd'hui est liée aussi à un contexte qui va évoluer dans le temps. Parce que, si on avait suivi la courbe de certaines autres communautés qui sont arrivées dans les années quarante et ceux qui sont arrivés dans les années cinquante, on aurait eu un Québec avec une seule communauté. Donc, je pense que c'est un petit peu très dangereux de se baser sur une période très courte pour mesurer la présence d'une certaine communauté ou d'un certain bassin, pour décider de le réduire, sachant systématiquement que cette décision va avoir un impact sur d'autres objectifs, essentiellement le fait français au Québec et surtout un taux élevé d'immigrants qui maîtrisent la langue française.

Un dernier commentaire sur la question du français. Je pense qu'un élément aussi qui nous a un petit peu étonnés dans le document: on dit clairement que le français est un élément indispensable à l'intégration professionnelle au Québec. Je considère, et nous considérons, que le français est la priorité des priorités au Québec. Il y a une obligation morale pour chaque immigrant de devenir francophone, s'il ne l'est pas, et de l'être naturellement, s'il a été choisi parce qu'il est francophone. Mais par contre je pense qu'il faudra éviter qu'on ait la politique de l'autruche parce que les chiffres sont contraires à ça. Le taux de chômage des allophones anglophones à Montréal est de 12 %. Le taux de chômage des allophones francophones à Montréal est de 24 %. Je ne me rappelle pas de l'année, mais c'est des chiffres qui démontrent aujourd'hui... Et je peux vous demander... Moi, personnellement, je suis dans le domaine du génie. Si quelqu'un peut me trouver une entreprise à Montréal qui pourra recruter un ingénieur juste francophone, j'aimerais bien la retrouver. Et je peux vous retrouver des dizaines et des milliers d'entreprises qui vont accepter aujourd'hui de recruter un ingénieur juste anglophone.

Donc, il faut qu'on sorte un petit peu de nos slogans. Il faut que nos politiques sachent la réalité. Il faudra qu'on trouve les moyens de façon à ce que la société elle-même se transforme parce que la réalité économique, des fois, est en contradiction avec la réalité de nos objectifs idéologiques et de survie de la langue française. Et on ne peut pas juste dire tout simplement, aujourd'hui, que le français pourra aider les immigrants, ils doivent juste être francophones. Il faut qu'ils soient francophones mais il faut qu'on ait l'aide, des fois, même à apprendre l'anglais pour pouvoir intégrer les milieux de travail, surtout dans le domaine du génie. Et merci.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup. Merci de votre présentation. Nous allons donc poursuivre avec les échanges avec les parlementaires. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Bien, on va aller peut-être sur cette question de bassin, parce que publiquement j'ai déjà déclaré qu'on va trouver une nouvelle orientation, parce qu'il y avait un malaise par rapport à un chiffre. Et, comme vous le dites, l'idée, c'est surtout la diversité. Les employeurs ne veulent pas l'homogénéité dans les sources d'immigration. Ils disent: Ce n'est pas ça qui va les rendre plus intéressants, compétitifs. Ils veulent des gens de partout dans le monde. Le Québec a toujours eu une diversification dans son immigration. Mais c'était surtout de s'assurer que, nous, en tant que gouvernement, on continue. Et il y a eu vraiment une désinformation. Le Maghreb n'était pas ciblé lorsque cette orientation a été faite. C'était beaucoup, dans l'allocation des ressources au ministère, de s'assurer qu'on fasse les choses de façon transparente et qu'on continue dans le même sens.

Maintenant, ceci étant dit, et c'est intéressant, puis vous êtes là... Et ce que je trouve très sain dans notre société, et depuis déjà quelques années, on cible carrément, grâce à des discussions avec la communauté maghrébine, les employeurs, les membres de la société civile, le gouvernement et la communauté, tout le monde a ciblé ce problème de chômage. Les chiffres sont là pour le dire, pour nous le montrer, et le gouvernement s'est mis en branle pour vraiment s'attaquer à ce problème. Et depuis trois ans, quatre ans beaucoup de travail a été fait avec les ordres professionnels -- je ne sais pas si vous savez tout ce qui a été fait -- et des résultats intéressants avec des ingénieurs, par exemple... Maintenant, il y a une formation d'appoint qui est donnée avec la Polytechnique. Moi, j'ai assisté à une foire d'emploi. Il y avait des employeurs de partout, des grands employeurs. J'ai rencontré beaucoup d'ingénieurs qui avaient fait cette formation qui venaient de l'Afrique, et vraiment ils étaient très, très optimistes, et il y avait des connexions qui se faisaient.

En tout cas, ça, c'est des nouvelles choses, et je pense que ce qui est sain, dans ces consultations, c'est qu'on a une capacité, au Québec, de mettre les choses sur la table. Et franchement il y a eu des commentaires qui ont été faits sur... Oui, il y a la langue, mais il y a la question de la culture. Bon, oui, les gens peuvent partager une langue, mais est-ce qu'ils ont nécessairement la culture? Donc, il y a maintenant des outils de gestion de la diversité, parce que des employeurs disent: La langue, c'est une chose, mais il faut aussi une culture de travail qui ressemble aux Québécois. Et on a senti chez des employeurs... Et tout le monde en parle ouvertement. Il y a du travail à faire de ce côté-là, les attentes que peuvent avoir les uns et les autres.

Et, vous, vous parlez aussi, je pense, de cette question-là. Peut-être qu'on peut y arriver, parce que vous êtes là, devant nous. Il faut qu'on en profite pour qu'on se parle des vraies choses et puis qu'on puisse voir d'autres outils qu'on pourrait développer. Vous connaissez sûrement le programme PRIIME. Alors, on a vraiment décidé de cibler la communauté maghrébine. Maintenant, avec le programme Immigrants investisseurs, on espère aller beaucoup plus loin avec ce programme, parce qu'on pourrait générer le double des investissements pour ces programmes-là. Il y a des programmes de mentorat, des programmes... des stages, on parle de stages.

Et ce que je trouve très, très rassurant, dans tout ce qui a été dit par tous les intervenants qui sont venus jusqu'à date, c'est que les gens de l'Afrique -- on va parler généralement, parce que ce n'est pas juste le Nord de l'Afrique, c'est, je dirais, l'Afrique francophone, disons ça -- c'est une source d'immigration vraiment intéressante pour le Québec, vraiment intéressante, et tout le monde est d'accord avec ça. Mais il y a des ajustements, et on va très directement sur l'arrimage, la formation. Donc, comment faire en sorte... Parce que ce n'est pas vrai que toute formation, éducation ou diplôme universitaire dans un coin du monde va être compatible avec les attentes des employeurs ici. Alors, les employeurs veulent qu'on aille encore plus loin que ce qu'on a fait.

Donc, c'est ça, l'orientation qui parle de 50 %. On cible d'atteindre le 50 % de ceux qui ont le profil qui répond aux besoins du marché du travail, les métiers, les professions. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette orientation, généralement? Et honnêtement c'est ces mesures-là qui vont faire en sorte que les gens vont mieux intégrer le marché de l'emploi parce qu'on aura vraiment travaillé avec les employeurs. Ça donne confiance aussi. Il y a l'élément de confiance, qu'on ne dit pas, mais, quand les employeurs voient qu'on travaille étroitement avec eux pour répondre à leurs besoins, ils ont plus confiance aussi dans le système de sélection, d'immigration.

Donc, tout n'est pas parfait, ça, c'est évident. L'immigration, c'est un projet en amélioration continue. On est en compétition avec tous les pays. Les gens s'imaginent souvent qu'on est capable de... bon, on augmente ça à 65 000 par année. Non, ce n'est pas possible. Le Québec ne pourrait pas avoir francophones, scolarisés, jeunes, avec des compétences, et de pouvoir augmenter de 15 000. Ce n'est pas possible. On est en compétition avec d'autres. Nous, nos objectifs, c'est vraiment... c'est très calculé. C'est des estimés, c'est sûr.

Maintenant, pour aller, donc, sur cette question de 50 %, êtes-vous d'accord avec cette orientation d'augmenter...

**(16 h 10)**

Le Président (M. Bernier): M. Derraji.

M. Derraji (Monsef): Bien, je veux juste attirer votre attention à quelque chose qui est très important, parce qu'on l'a dit dans nos recommandations, et je pense que vous les avez devant vous. On a sept recommandations par rapport à la première orientation. La chose la plus importante, c'est que... Je me mets à la place de quelqu'un qui est à Casablanca, aujourd'hui, ou à Tunis, ou en Alger. Il voit les orientations par rapport au marché du travail au Québec. Bon, je sais que tel métier, ça va être demandé, j'ai la décision, je vais envoyer ma demande. Il ne faut pas oublier quelque chose, qu'une demande qui provient du Maghreb, ça prend cinq ans. Donc, si on va aller dans la logique d'on va essayer de faire un arrimage entre le marché du travail et les demandes qui vont avoir comme provenance... du Maghreb, il faut faire attention aussi à ce délai qui joue contre les requérants principaux. Et ce qu'on va apprendre, que, écoute, pour une...

Mme Weil: Juste une petite correction.

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Ceux qui ont le profil sont traités en priorité, selon cette nouvelle grille.

M. Derraji (Monsef): Ça veut dire que le délai...

Mme Weil: Donc, ils peuvent venir de n'importe où...

M. Foura (Lamine): Mais ça reste qu'actuellement... Est-ce que...

Mme Weil: Non, ils sont traités prioritairement en vertu de cette grille de sélection.

M. Derraji (Monsef): Ça veut dire: Demain, un employeur a un besoin en particulier, le besoin, il est comblé.

Mme Weil: Bien, ce n'est pas un employeur. Il y a d'autres missions qui font ça aussi. Il y a le PELI, et ça, c'est intéressant aussi. Mais, en vertu de la grille de sélection, et les métiers et les professions qui ont été identifiés, dès que ce profil est identifié, le processus est enclenché beaucoup plus rapidement.

M. Derraji (Monsef): J'enchaîne juste par rapport à notre recommandation de l'anglais. C'est que la première recommandation: «Insister davantage sur l'importance de l'anglais comme un des critères importants pour une meilleure intégration au marché du travail»... Je pense que de plus en plus on peut être clair, comme message qu'on envoie à l'extérieur: Oui, on est dans un pays francophone, on parle le français, on peut vivre vraiment d'une manière très merveilleuse à Montréal, ou à Québec, ou au Québec en français, mais, pour pouvoir intégrer le marché du travail et aller chercher l'emploi qu'on veut, ça prend une connaissance de l'anglais.

Par rapport à quelque chose que vous avez soulevé en termes de se familiariser avec la culture québécoise, ça, on l'a mentionné au niveau de l'orientation 2, donc que soient introduits des cours obligatoires de français, mais taillés sur mesure pour les nouveaux arrivants qui possèdent déjà une connaissance du français, mais plutôt les aider à se familiariser avec la culture québécoise, les codes culturels, la notion du réseau, qui peut nuire beaucoup aux nouveaux arrivants, parce qu'on sait très bien que, pour intégrer le marché du travail, si tu n'as pas de réseau, tu es comme déconnecté de la réalité.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Oui, d'ailleurs, il y a plusieurs qui ont fait cette recommandation. Ils ont souligné le fait que, justement parce que les gens de l'Afrique, beaucoup sont déjà des locuteurs francophones, ils n'ont pas accès à ces cours de francisation, qui sont plus que des cours de langue, c'est aussi des cours de culture, d'histoire, etc. Donc, comment fait-on pour s'assurer que ces personnes-là ont accès à ces cours d'orientation sur la société québécoise en général? Donc, vous, vous soulignez cet élément aussi, l'importance de ça.

M. Derraji (Monsef): Alors donc, dans la recommandation n° 4, c'est: «Créer un portail d'information dédié aux candidats issus du Maghreb -- ou ça peut être un portail général -- pour leur fournir le maximum d'informations reliées aux études, au travail, au logement, à la famille, à la santé et aux loisirs.» Je pense que déjà préparer les gens, là, maintenant, avec l'Internet, c'est plus facile de préparer les gens avant de venir ici. Comme ça, ils vont pouvoir économiser plus de temps.

Le Président (M. Bernier): Oui, si vous voulez ajouter, allez-y.

M. Foura (Lamine): Oui, rapidement, je pense, en termes d'objectif, tout le monde serait d'accord que l'adéquation entre le besoin du marché de travail et notre immigration est très importante comme élément et comme objectif. Par contre, il y a juste un commentaire général. C'est que dans le processus d'immigration nous avons les entrées du système. Il y a le système d'intégration et, après, le résultat qui serait une intégration en harmonie avec la société, avec les valeurs de la société, un épanouissement personnel et familial de toute la famille qui a décidé d'émigrer au Québec. Le danger, c'est qu'on ait une fixation sur l'entrée, qui est le type d'immigrant qu'on ramène, sans revoir le système. Et aujourd'hui le système comporte des contradictions.

Monsef avait mentionné, à la question des ordres professionnels, où quelqu'un peut se retrouver à enseigner un cours à Polytechnique, à l'ETS, et en même temps, si, lui, il veut déposer -- parce que son diplôme vient de l'étranger -- il veut déposer sa demande de l'Ordre des ingénieurs, il doit passer un examen sur le cours qu'il donne aux ingénieurs qui, eux, sont admis à l'ordre. Ça, c'est une réalité, donc, qu'il faut résoudre.

Les efforts qui ont été faits, c'est vrai au niveau des programmes, oui, mais pas au niveau des lois. Il y a eu le projet de loi n° 25, qui a résolu le problème des médecins, qui peuvent être des immigrants permanents, pour un permis temporaire. C'est la contradiction. Ça fait qu'on résout pour un immigrant permanent, on lui donne un permis temporaire. Et puis on sait très bien que... C'est sûr qu'il y a la question des médecins, mais, l'Ordre des ingénieurs, d'un point de vue législatif, à mon avis, il y a encore des choses à faire. La commission... j'ai oublié son nom, de l'ancien directeur de l'École polytechnique, qui a été mise en place dans les années 2006, il y a eu beaucoup de recommandations qui ne se sont pas retrouvées dans le projet de loi n° 25 qui a été proposé après, qui a vraiment traité... Donc, il faudra qu'on revoie le système.

C'est sûr qu'une adéquation par rapport au nombre d'immigrants qui sont qualifiés et qui correspondent aux besoins, oui, mais je pense que notre système d'intégration demande une revisite. Et, moi, je pense qu'il y a eu des membres qui se sont présentés devant la commission et qui ont parlé des états généraux du système d'immigration. Je pense que c'est pertinent. C'est dans l'intérêt de tout le monde de revoir notre façon de fonctionner par rapport à la question d'intégration.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. Foura. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui, M. le Président. Vous connaissez le guide Apprendre le Québec. Parce que, tous ces outils, on peut avoir accès en ligne. Donc, on parlait de cette sensibilisation à la réalité québécoise, mais il y a quand même beaucoup d'outils en ligne. Mais ce que vous dites, c'est d'aller encore plus loin, plus détaillé, des sessions, des formations. Évidemment, je pense qu'on est bien conscient de ça. C'est que... peut-être plus au Maghreb, parce qu'il y a beaucoup, beaucoup de consultants. Et ça a été souligné qu'il faudrait que ce soit le MICC qui transmette l'information. Et donc on va vraiment faire un travail avec toutes les recommandations. Parce qu'on a des recommandations pour les orientations, ça, évidemment, c'est assez clair et net, mais ensuite il y a beaucoup de recommandations qui émanent sur ces questions d'intégration, comment aller un peu plus loin avec les ordres professionnels, comment aller plus loin avec les entreprises et de vraiment bien cibler, faire un meilleur arrimage, etc., beaucoup de commentaires sur les travailleurs temporaires aussi, le PEQ. Bon. Donc, on a quand même encore du travail à faire, moi, je considère, après ces consultations, parce qu'il y a vraiment une richesse. Ces consultations, c'est toujours ça, une richesse d'idées. Donc, on aura l'occasion d'aller un peu plus loin, surtout sur ces questions d'intégration, parce que c'est beaucoup les gens qui le vivent sur le terrain, comme vous. Et vous êtes en contact avec des gens qui vivent des réalités.

Lors de la rencontre qu'on a eue il y a quelques mois, évidemment tout ce problème... j'avais beaucoup entendu parler... l'expérience québécoise qu'on exigeait, et évidemment les personnes n'étaient pas capables d'avoir une expérience québécoise. Donc là, on offre des stages, il y a des idées d'offrir des stages, qui fait en sorte que...

Je voudrais vous poser une question assez générale. Est-ce que vous sentez qu'avec... Parce qu'on avait le Conseil du patronat qui était ici tantôt, d'autres du milieu économique, et ils expriment une volonté, premièrement, parce qu'ils sentent que finalement, s'ils ne s'ouvrent pas rapidement à ces diversités, ils auront beaucoup, beaucoup de problèmes à combler leurs besoins. Puis, il y a des départs à la retraite importants. Vous connaissez les chiffres. Est-ce que vous pensez qu'il y a peut-être -- et le fait qu'on en parle si ouvertement -- une conjoncture peut-être positive, si on continue, tout le monde, à travailler ensemble, une conjoncture qui fait en sorte, par nécessité, en autant qu'on puisse outiller les PME, là, ça, ça revient constamment... Les grandes entreprises, c'est plus facile pour eux, ils ont des gestionnaires de la diversité, ils ont des départements de ressources humaines, ils sont mieux équipés. Mais c'est les PME qui n'ont pas le temps de réfléchir à ces choses-là, qui ont des contraintes. Quand on leur parle de gestion de diversité, ils ne savent pas trop de quoi on parle. Ils ont juste besoin de telle et telle personne pour combler un besoin. Comment vous voyez ça, sur le terrain, au-delà des professions? Parce qu'évidemment ça, c'est une autre problématique. Comment vous voyez la situation actuellement, en 2011?

Le Président (M. Bernier): M. Derraji ou M. Foura? M. Derraji.

**(16 h 20)**

M. Derraji (Monsef): On a des modèles, je dirais, d'intégration qu'on peut voir dans certaines villes. Je vais citer l'exemple d'une ville que, les échos qu'on a, c'est quand même très positif, c'est la ville de Sherbrooke. Et on voit l'impact de la présence de l'université. Moi, je vois ça comme vraiment une boucle. C'est que tout le monde peut gagner. On peut imaginer, et faire un peu de philosophie, qu'une intégration, ça peut être géré d'une manière très fluide dans un environnement où il y a une université. On peut prendre pas mal d'exemples: Rimouski, Abitibi, Québec, Sherbrooke, où l'université, cégep, que ce soit avec des demandeurs de, je dirais... des nouveaux arrivants ou des étudiants étrangers, on peut diminuer l'impact, que ce soit le taux de chômage ou l'intégration. Parce qu'un jeune qui arrive et on lui décrit vraiment que ça prend... d'une manière très claire c'est quoi, l'a b c d pour pouvoir réussir l'intégration et réduire le fait de dire que c'est cinq ans pour pouvoir arriver à avoir une bonne situation... Parce que le bon monsieur a déjà perdu cinq ans en attendant l'arrivée au Québec. Donc, imaginez-vous, un 10 ans de perdu dans la vie d'un jeune ou d'un couple, c'est quand même alarmant.

Donc, personnellement, je pense qu'au niveau des régions et au niveau des PME on est tous conscients qu'on doit faire un effort, je dirais, les deux, nous, en tant que communauté... Et d'ailleurs c'est la raison d'être du Congrès maghrébin, parce qu'on se bat toujours. Aujourd'hui, on est en face de vous, on vous donne un peu ce qu'on entend, mais, quand on est en face de la communauté, bien on insiste sur le fait, et vous étiez là, et Lamine le fait aussi dans la radio, on essaie de faire, je dirais, un effort de sensibilisation. Parce que ce n'est pas évident, il faut décortiquer, je dirais, les codes, et tout ça. Mais, je dirais, le but, pour maximiser l'intégration, c'est vraiment aller dans des régions bien spécifiques, on sait c'est quoi, le besoin, mais aller chercher la plus-value au niveau des universités et des cégeps, et comme ça on va réduire le temps d'intégration de ces personnes.

Le Président (M. Bernier): Oui, allez-y, M. Foura.

M. Foura (Lamine): Rapidement, bon, le proverbe dit qu'on n'est jamais prophète chez soi, et la victime, cette fois-ci, ce n'est pas une personne, c'est l'interculturel. Je pense qu'au Québec on n'est pas conscients que nous avons un modèle, que je considère original, même qui se positionne comme étant un équilibre entre deux modèles. Et malheureusement beaucoup de Québécois essaient de le pousser vers la droite ou vers la gauche, vers un modèle d'assimilation ou vers un modèle multiculturel. Et je pense que la promotion...

Premièrement, la définition, d'une façon très claire, d'un modèle interculturel québécois sur la question de la gestion de la diversité, ça doit être une priorité, que ce soit au niveau de la société, que ce soit soit au niveau du gouvernement, que ce soit au niveau des médias. Et malheureusement je pense qu'aujourd'hui on n'en parle pas beaucoup et on le considère comme étant, juste le fait de le mentionner, comme étant une finalité. Et je pense que le mentionner comme modèle, c'est le début d'une discussion. Et, si on arrive clairement ensemble, gouvernement, Parlement, médias, société, à établir d'une façon très claire c'est quoi, l'interculturel québécois, c'est quoi, nos objectifs, c'est quoi, les limites des spécificités en parallèle des valeurs communes, et ça, c'est très important, et l'objectif de converger vers des valeurs communes comme étant un chemin, un cheminement pour chaque immigrant qui veut s'installer au Québec, et c'est quoi, la démarche appliquée, en fin de compte la Révolution tranquille, qui a été appliquée à toute une société, à un parcours des individus, de façon à ce que leur déchirement...

Parce que l'immigration est un déchirement, c'est une réalité, d'un point de vue psychologique. Quitter son environnement, ce n'est pas une décision facile, même si on peut aller même au paradis. Donc, c'est une réalité aussi, il faut être conscient. On aurait aimé avoir des machines qui pourraient transformer les gens à l'aéroport de façon à ce qu'ils ne vont pas vivre ce déchirement. Donc, il faudra aussi être conscient que, les gens, avec toute la bonne volonté qu'ils peuvent avoir de vouloir aller vers l'objectif que tout le monde veut, des valeurs communes, il y a aussi un parcours individuel qui peut être même différent au sein de la même famille, et c'est pour ça que des fois on retrouve des déchirements à cause de la vitesse d'assimilation de ces valeurs et de ce nouveau modèle de vie.

Donc, je pense qu'il y a beaucoup de travail à faire, au niveau du modèle interculturel, pour améliorer cette question de diversité. Moi, je pense qu'on est bien, mais on peut être beaucoup meilleur.

Le Président (M. Bernier): Merci. Autre question, Mme la ministre? Deux minutes.

Mme Weil: Il y a tellement de questions, hein, qu'on pourrait avoir. Sur la question de la langue -- j'essaie de revenir sur vos commentaires sur nos objectifs -- la manière que le document est construit, c'est toujours de la même façon. Il y a une orientation, et on a un estimé. Parce qu'évidemment, comme vous le dites, ces arbitrages, c'est un portrait global. On se donne cet objectif, on commence avec des données démographiques, le marché de l'emploi, et on est réaliste. On est réaliste. Et, je le répète souvent, on se croit bien bon puis on sait qu'on vit dans un paradis, mais il faut convaincre les autres aussi et il y a de la séduction aussi dans ça. Donc, on a toujours des objectifs quand même réalistes. Alors, c'est 50 000, c'est 55 000. Le Canada aussi, bon... Il y a aussi la politique d'immigration et la part du Québec, dans l'immigration, qui joue. C'est très important pour garder son poids au sein de la fédération.

Donc, les objectifs par rapport à cette majorité francophone, ce n'est pas parce qu'on veut diluer, c'est vraiment... Donc on estime entre... c'est à peu près entre... Là, on est rendu à 65 %, donc on devrait être capable, c'est sûr, d'avoir le même taux de succès parce qu'on est en progression constante depuis 20 ans. Il y a 20 ans, c'était moins de 40 %. Donc, il y a vraiment une volonté à ce niveau-là, mais on rajoute autre chose maintenant, c'est de vraiment évaluer la compétence des personnes. On ne dit pas que c'est 100 %. Ce serait impossible d'avoir 100 %, à moins d'envahir la France et puis d'amener tout le monde ici.

Et puis il y a aussi le dossier de la mobilité. Pour vraiment avoir un portait global, on oublie souvent ça, il y a l'immigration permanente, l'immigration temporaire et la mobilité. Et la mobilité, de plus en plus, est en enjeu important. Les jeunes bougent constamment. Ils vont partout, ils font des stages en Chine, ils vont en Afrique, ils vont ailleurs, ils découvrent des choses. Et cette mobilité, en soi, enrichit aussi les sociétés. On vit avec une nouvelle génération. Pour eux, ils sont dans ce monde globalisé. Et franchement, pour donner un vrai portrait du capital humain qui circule, il faudrait regarder ces trois choses. Et l'immigration temporaire, qui vient aussi alimenter l'immigration permanente d'une façon très stratégique, parce que c'est des gens qui ont l'expérience québécoise, soit c'est des travailleurs temporaires qualifiés ou des étudiants.

Donc, sur la question de la langue, êtes-vous en accord avec l'orientation qui... -- j'imagine que oui, là, je pense que vous vous êtes dits en accord avec ça, mais peut-être de le dire ici -- d'augmenter le niveau de... de vérifier le niveau de connaissance du français chez la catégorie des travailleurs qualifiés?

Le Président (M. Bernier): Vous avez deux minutes. Je vous accorde ça.

M. Foura (Lamine): ...moi, je pense par contre... je serais d'accord à quantifier nos objectifs, parce que, si aujourd'hui on est à 63 %... Majoritaire, ça prend... 51 %, c'est majoritaire. Donc, on peut réduire le taux actuel et on sera aligné avec l'objectif, comment il est mentionné aujourd'hui. Je pense que ce serait intéressant qu'il soit quantifié de façon qu'on assure une progression. Mais, je pense aussi, c'est important de valider la connaissance des gens, réellement, du français, parce qu'aussi on peut prétendre que la personne maîtrise le français, mais en réalité, par rapport à la connaissance réelle, il se peut qu'elle ne soit pas là.

Le Président (M. Bernier): Merci...

M. Derraji (Monsef): Je veux juste ajouter: Comme on l'a dit très bien dans la recommandation 8, c'est que, nous, au-delà de la langue française, on insiste sur se familiariser avec la culture québécoise et au code culturel du Québec. C'est ce qu'on entend beaucoup, et c'est ce qui cloche un peu au niveau des entrevues, et que ça peut bloquer, parfois, de décrocher un emploi. Parce que parfois la personne est techniquement bonne, mais est-ce qu'elle va fitter avec la culture d'entreprise et la culture de l'équipe? C'est là où ça bloque. Donc, si on peut... Écoute, je pense qu'on demande beaucoup, mais, si on peut avoir un cocktail, on peut avoir et ces personnes... parce qu'on ne va pas gaspiller beaucoup de temps, parce que c'est des gens qui ont fait des études supérieures en français, mais aller au-delà de la maîtrise du français... Parce que je ne pense pas que la communauté maghrébine a un problème de français, plutôt un problème de décodage des moeurs et d'un code culturel propre au Québec.

Le Président (M. Bernier): M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Merci, M. le Président. Votre mémoire recoupe pas mal les points qui ont été soulevés lors d'une autre... bien d'une autre visite -- appelons ça comme ça -- hier, et c'est fort intéressant parce que le cas spécifique des communautés d'origine maghrébine est unique, est assez singulier, pour des raisons linguistiques et géopolitiques, parfois. Vous avez beaucoup de recommandations, ce qui prouve beaucoup de travail. Certaines m'ont... Bien, en fait, je me suis arrêté à deux ou trois pour quelques questions.

Je comprends très bien que vous avez une sensibilité et un attachement à la culture francophone et à la nécessité, pour le Québec, de la préserver. Néanmoins, votre première recommandation est d'insister davantage sur l'importance de l'anglais comme un critère important pour une meilleure intégration. Je veux savoir... Parce que vous comprendrez qu'il y a un message ambigu. En débarquant de l'avion, la vraie vie, là, au paradis, en débarquant de l'avion, les gens, au bout de cinq minutes, ne comprennent plus rien. Ils se sont fait dire qu'ils arrivaient dans la province française d'un pays bilingue. Ils débarquent de là, les gens leur parlent en anglais. Bon, bref, ils prennent le journal puis ils ne comprennent plus.

Et, si on met ça, on endosse un message qu'on entend, y compris ici et tout le temps, que c'est donc absolument essentiel de maîtriser l'anglais... On l'a avalée, cette couleuvre-là, là, déjà, ça fait un certain temps. On est en train de la digérer. Personnellement, j'ai un peu de difficulté avec mon acide gastrique, avec cette couleuvre-là, parce que je ne crois pas que la totalité de la population d'une nation doive maîtriser une autre langue que sa langue nationale. Que c'est toujours utile, certes. Que c'est un outil fondamental de voyage, extraordinaire. Que l'école publique ou bien les programmes scolaires en général doivent donner une base, assurément, c'est fort utile. Mais qu'on doive tous être prêts à maîtriser une langue seconde qui est la lingua franca planétaire pour être capables de travailler, ça serait un problème si c'était vrai.

Dans les faits, si on va en Italie, les Italiens parlent italien, sauf ceux qui travaillent en commerce international, en transport, en tourisme, en restauration. Bref, n'importe qui qui reçoit des touristes à travers le monde vont se réfugier à la langue commune, qui va souvent être l'anglais, c'est tout à fait normal. Est-ce qu'on doit dire aux gens qui immigrent au Québec... ou, pire, est-ce qu'on doit en faire un critère? Bien, c'est sûr que je ne suis pas sûr... le sens du mot «critère» dans cette phrase-ci. Est-ce qu'on doit leur donner des points parce qu'ils ont une maîtrise relative de l'anglais pour être admis?

**(16 h 30)**

Le Président (M. Bernier): Allez-y, monsieur.

M. Derraji (Monsef): Comme on dit, on va dire les vraies affaires, et je pense que c'est pour cela que nous sommes là aujourd'hui. C'est bien beau, ce que vous dites, mais c'est la vérité. Moi aussi, j'ai eu de l'acide gastrique, et ce n'est pas uniquement moi, pas mal de membres de notre communauté, mais c'est la vérité. Je préfère qu'on inclue ce critère et que les gens, avant de venir, ils vont savoir que, malgré qu'ils maîtrisent la langue française, malgré de leurs qualités, et leurs diplômes, et leurs expériences, et leurs expertises techniques, bien c'est impossible qu'ils décrochent un emploi. Nous avons eu tout à l'heure un exemple en aéronautique. C'est la vérité. Le langage de l'entreprise, ce n'est pas le français, malheureusement, c'est la langue anglaise. La communication à l'interne, c'est l'anglais.

Et ça dépend de quelle job on veut, qu'est-ce qu'on cherche à travailler. Parce que c'est des gens qui ont soit des carrières à l'international, soit c'est des gens qui ont déjà travaillé dans pas mal de compagnies, donc ils aspirent à avoir une carrière professionnelle. Et malheureusement, pour faire cette carrière professionnelle au Québec, ça ne prend pas juste que le français. Je parle sur le marché du travail. Certaines compagnies, c'est une exigence. C'est qu'on voit le descriptif du poste. Le bilinguisme est un atout. En face du recruteur, il teste le niveau de l'anglais, et c'est ça qui handicape pas mal de nos concitoyens. C'est quelque chose qu'on entend souvent. On l'entend chaque jour. Et c'est pour cela qu'on l'a mis, pas comme par hasard, comme première recommandation, parce que, nous aussi, on est tannés de ce qu'on entend, que les gens ne veulent plus rester au Québec, veulent revenir et parfois ils regrettent le fait de venir à une province francophone alors que ce n'est pas le cas. C'est ce qu'on entend. C'est pour cela qu'on l'a mis ici.

Le Président (M. Bernier): Oui, allez-y, monsieur.

M. Foura (Lamine): J'ajouterais juste un élément très important. Nous sommes tout à fait d'accord avec vous que c'est anormal. La situation, elle est anormale. Donc, en termes de description, comme on souhaite... c'est anormal. Mais on a deux façons de résoudre le problème. Soit qu'on va mettre le fardeau de cette responsabilité de transformer la société ou la réalité de la société aujourd'hui... Et, quand je parle de la société, elle est des fois imposée par l'histoire, elle est imposée par l'histoire économique aussi du Québec, il y a des raisons. On peut aussi ouvrir le débat sur les raisons du statu quo, aujourd'hui, de cette réalité. Soit qu'on la mette sur le dos du fardeau de l'immigrant, et, lui, il doit mener la bataille seul, soit qu'on se mette tous comme société québécoise en disant que ce n'est pas normal, et prenons la décision nécessaire pour changer cette situation anormale, et non pas seulement forcer.

Et j'ai un autre exemple paradoxal. C'est une question que j'avais posée, durant les élections de 2003, à M. Charest, avant qu'il soit premier ministre, sur la... Est-ce qu'on peut former les immigrants en anglais? Est-ce que le gouvernement peut prendre en charge... La réponse était non, dans le sens où c'est sûr qu'un gouvernement québécois ne va pas utiliser l'argent du contribuable pour former des immigrants en anglais. La réponse, je la comprends dans un contexte politique et même réaliste.

Mais par contre, pour ouvrir sur un sujet fort intéressant, la question de la laïcité, c'est qu'on ramène un immigrant francophone, c'est correct, il arrive, il ne peut pas prendre les cours d'anglais, où est-ce qu'il les prend, les cours d'anglais? C'est dans les églises parce qu'il n'y a que les églises qui offrent les cours d'anglais gratuitement. Donc, on envoie une image d'une société religieuse. Le premier contact qu'il a avec la société, c'est avec... Et ce qui est très intéressant... Et je tiens vraiment à remercier les églises anglophones parce qu'elles offrent ce service-là à des personnes qui n'ont pas les moyens de s'offrir des cours d'anglais. Mais c'est une image contradictoire. Et après deux, trois ans on vient leur dire: Ah! mais on est... c'est laïque, il faut... Mais on envoie une image qui est fausse de la réalité.

Et, je suis d'accord, c'est très sensible de demander au gouvernement québécois de former des immigrants en anglais. Mais la réalité, aujourd'hui, elle est ça. Travaillons ensemble pour changer cette réalité.

M. Blanchet: Écoutez, je...

Le Président (M. Bernier): M. le député. Je suis allé chercher des éclaircissements. Posez des questions.

M. Blanchet: Ma couleuvre devient obèse. Je ne voulais pas vous mettre dans le trouble, là, hein, je vous le dis. Cela dit, vous donnez... mettons que vous offrez un Polaroid un peu différent. Moi, vous savez, je suis un péquiste, séparatiste, souverainiste, avec beaucoup de s, et de l'autre côté de la table il y a quelques fédéralistes, avec non moins de s, et nous n'avons pas toujours la même approche par rapport... En fait, l'écart, vu de l'extérieur, n'est peut-être pas énorme, mais entre nous on considère que c'est considérable, sauf lorsque vient le temps de souveraineté ou pas souveraineté. Mais sur des questions linguistiques il y a des écarts.

On a une presse qui à son insu se trouve prise dans cette dichotomie et qui n'a pas toujours le recul, on le sait, quand ils nous posent des questions. Et vous arrivez... vos gens arrivent ici, et, eux, ils ont le portrait réel, immédiat, et vous dites: Le portrait, c'est que le Québec n'est pas une société française et qu'au Québec on ne travaille pas en français seulement, au Québec, on exige l'anglais dans un grand nombre d'emplois -- vous n'avez même pas mentionné qu'il y en avait où on ne l'exigeait pas -- et que les gens qui arrivent ici envisagent même de retourner parce qu'il n'est pas exact qu'ils sont arrivés dans une société française. C'est un constat assez lapidaire. C'est quand même significatif, ce que vous nous dites.

Mais vous dites, à la fin de votre raisonnement, qu'on ne peut pas imposer le fardeau de ça aux communautés immigrantes. Dans la mesure où entre nous on n'est pas toujours d'accord là-dessus, bien il y a quelqu'un qui va vous donner raison, quelqu'un ne va pas vous donner raison. Alors, je vais aussi prendre un autre exemple. Le Québec, parmi ses valeurs fondamentales, a l'égalité des sexes. Quelqu'un pourrait débarquer au Québec et dire: Ce n'est pas vrai que l'égalité des sexes est en parfaite application au Québec. Ce n'est pas vrai. Dans les faits, il y a encore beaucoup de sexisme. Les publicités de bière, c'est des horreurs de sexisme. Il y en a beaucoup. Et donc quelqu'un qui se fait dire: Moi, j'arrive au Québec. On va me demander de m'adapter parce que dans les valeurs fondamentales il y a l'égalité des sexes. Mais ce que j'observe, c'est que ce n'est pas vrai. Et donc, nous, comme communauté immigrante, nous ne voulons pas devoir assumer la valeur de l'égalité des sexes, et donc nous ne voulons pas l'appliquer, nous voulons pouvoir continuer à gérer cette situation-là comme nous le faisions auparavant ou ailleurs. Est-ce que vous considéreriez que c'est un raisonnement valable?

M. Foura (Lamine): Je pense que... Pardon.

Le Président (M. Bernier): Allez-y, allez-y, monsieur...

**(16 h 40)**

M. Foura (Lamine): Je pense qu'il y a une certaine nuance dans la comparaison des deux. Moi, je considère que les valeurs ne s'imposent pas parce que des valeurs imposées ne vont pas donner le résultat qui est demandé. Je m'explique. C'est que sur la question de la langue, quand nous avons mentionné que le fardeau ne doit pas être seulement porté par la communauté immigrante, on voulait dire que, si actuellement il y a des obstacles réels... Et je lance le défi de me retrouver une entreprise en ingénierie, au Québec, qui recruterait un francophone sans qu'il connaisse l'anglais. Et je peux vous garantir, je peux vous donner -- j'avais avancé un chiffre -- 100 entreprises qui recrutaient un anglophone qui ne connaît aucun mot de français. Ça dépend où, mais à Montréal, oui. Donc, la réalité, elle est là.

Mon point, c'est qu'on ne pourra pas demander que l'immigrant qui vient d'arriver, qui vient... lui, changer. Il va rentrer demain. C'est en français qu'on parle et... La réalité est là. Il n'aura même pas l'occasion de rentrer. Donc, ce que je dis: Est-ce qu'on peut leur donner des outils pour pouvoir intégrer et participer avec les Québécois à imposer le français comme langue de travail? Parce qu'ils sont francophones, ils adorent cette langue-là.

Au niveau de la question des valeurs, je suis d'accord avec vous sur une chose. C'est que le discours radical sur la question des valeurs qui ne prend pas en considération l'histoire d'une révolution tranquille, qui a pris conscience de l'importance de transformer l'être humain d'une façon adéquate, de façon à ce qu'il adhère réellement à ces valeurs-là... Oui, il se retrouve... Parce qu'il présente le Québec comme étant une société monolithique. Ceci dit, ça ne veut pas dire que cela soit utilisé comme étant un argument pour justifier la non-adhésion, la volonté de suivre le chemin de l'intégration pour adhérer à ces valeurs. Je pense que la différence entre les deux, elle est... Le fardeau de supporter une réalité économique juste pour la communauté immigrante, c'est une chose, mais on ne peut pas le comparer au fait que... La volonté de vouloir adopter les valeurs du Québec, ça, c'est une volonté qui n'est pas imposée par une réalité économique. C'est une volonté individuelle et collective d'un individu ou d'une famille à les adopter. C'est pour ça que je vois une nuance entre la comparaison des deux.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Blanchet: Il y a assurément une nuance, mais je vous dirais qu'il y a un point commun. Une société d'accueil, pour préserver... en fait pour assurer l'intégration harmonieuse des immigrants qu'elle reçoit, a la nécessité de les outiller afin qu'ils puissent fonctionner dans la communauté. Ces outils n'ont pas d'incidence sur les choix artistiques, beaucoup d'éléments de la vie domestique, la gastronomie, plein d'éléments qui ne sont pas touchés. Mais il y a quelques éléments fondamentaux qu'une société a le devoir mais aussi la responsabilité... Et on reviendra au français, et je pense qu'on ne prend pas notre responsabilité en n'assurant pas que ce qu'on représente soit exact. Mais il y a un certain nombre de choses qu'une société doit dire: Ceci n'est pas négociable. Nous devrions le dire dans le cas du français: Ce n'est pas négociable. Et nous devrions dire aux entreprises...

Encore là, je nuance votre exemple. Il y a des secteurs qui sont internationaux d'emblée. L'ingénierie est un cas, c'est clair. Mais ce n'est pas vrai pour le dépanneur du coin, ce n'est pas vrai pour l'essentiel de l'industrie manufacturière, ce n'est pas vrai... Bon. Mais, en hôtellerie, en tourisme, en restauration, je comprends très bien que quelqu'un doive maîtriser, minimalement, l'anglais. Je ne comprendrais pas du tout qu'il ne maîtrise pas le français en même temps, par contre, là. Mais je comprends ça, là, et donc, cette nuance-là, je l'applique.

Mais je pense que c'est notre devoir... Et, lorsqu'on envisage une politique d'immigration, on a l'obligation de dire qu'on parle peut-être un peu dans les airs si on fait des représentations à l'effet que nous sommes une société française et que dans les faits ceux qui arrivent ici et qui sont heureux d'avoir l'avantage de parler français se rendent compte que ce n'est pas un avantage toujours et même que parfois, comme c'était explicité hier et encore aujourd'hui, ça peut même être un inconvénient parce que ça coupe l'accès à une certaine formation.

Je suis fasciné par un de vos... de créer... Vous parlez, en recommandation 4, de créer un portail d'information. Donc, vous faites référence à l'Internet. Là, je me dis: Aujourd'hui, là, est-ce que l'Internet ne devrait pas nous assurer à coût nul que le portrait que l'on fait... Moi, si je veux... je rêve un jour d'aller enseigner en d'autres pays, je vais regarder sur Internet, je vais fouiller et je vais avoir une connaissance considérable de la société où je m'en vais séjourner. Je vais lire l'actualité, je vais lire un paquet de trucs. Comment se fait-il qu'on n'a pas outillé les candidats à l'immigration à travers le monde, et en particulier, dans votre cas, chez vous ou dans les pays d'origine de cette immigration, pour qu'ils sachent très bien d'emblée, à coût nul, où est-ce qu'ils atterrissent? Comment ça se fait qu'encore aujourd'hui, comme si on était en 1975, avec des difficultés à téléphoner, puis on attend la documentation par la poste, ça prend un mois et demi, comment ça se fait qu'aujourd'hui, alors que l'information est accessible instantanément, les gens ne sachent encore pas dans quelle société ils arrivent? Est-ce que c'est que la documentation officielle ne fait pas l'effort d'offrir un portrait fidèle?

Le Président (M. Bernier): M. Derraji.

M. Derraji (Monsef): Tout à l'heure, Mme la ministre a dit quelque chose. C'est par rapport à la présence de nombre de consultants dans ces pays. Je pense que c'est quelque chose qu'il faut régler parce que c'est des consultants que parfois ils peuvent... C'est des consultants privés, on se comprend. Les gens paient. Ils paient une somme très importante, si on parle... Dans les années quatre-vingt-dix, je pense, on parle de 10 000 $, 8 000 $ pour pouvoir analyser un dossier. Et ce genre de consultant peut biaiser un peu l'information. Mais je suis d'accord avec vous que la personne qui veut immigrer doit chercher l'information, doit aller fouiller, etc. Et, en liaison avec la langue, c'est clairement dit, c'est un pays francophone et c'est un marché du travail francophone.

Mais certaines spécificités, c'est quand on est sur place. Et heureusement, maintenant, avec les différents articles, c'est que même les gens au Maghreb -- et on a une presse écrite très présente ici maintenant -- même au Maghreb, ce qui a été fait, on le retrouve dans les journaux au Maghreb, et les gens savent maintenant qu'il y a un projet de consultation. Il y a des gens qui nous envoient des messages: Est-ce que c'est vrai, on va limiter l'accès aux immigrants du Maghreb? On le reçoit. C'est quelque chose... C'est vraiment un... On vit dans un petit village. On reçoit beaucoup d'information par rapport à ça.

Mais je dirais que, malgré ce qu'on peut lire au niveau de... que ce soit la presse écrite, au niveau des portails, il y a quelque chose que tu ne peux pas savoir juste confronté à la réalité. Et, confronté à la réalité, c'est que, nous, en tant qu'organisme, nous sommes préoccupés par la période de cinq ans, quand on dit que pour réussir une bonne intégration ça prend cinq ans. Mais travaillons tous ensemble et outillons ces gens, une fois arrivés ici, sur le sol québécois, pour diminuer leur période d'intégration. Mais je ne pense pas que juste un portail d'information va répondre à toutes leurs questions et leurs problématiques. Il y a des réalités qu'on peut juste vivre ici.

Tu sais, parfois, on peut parler d'une tempête de neige, on peut voir une vidéo d'une tempête de neige, mais, croyez-moi, ça peut stresser, une tempête de neige de 30 centimètres, à moins 45 degrés. On ne peut pas vivre ça par Internet, par exemple. On peut le vivre si on est là, et on n'a pas mis de gants, et on sent le froid. Ça, on ne peut pas le vivre. On peut le voir et on peut l'imaginer, mais c'est vraiment en vivant dans le pays où on peut voir.

Et c'est pour cela que... Lamine l'a dit tout à l'heure: Est-ce qu'on ne peut pas, au jour d'aujourd'hui, essayer d'innover, de travailler ensemble pour pouvoir que la société gagne? Donc, tout ça, c'est la société. En tant que Québécois, je n'ai pas envie de perdre des talents, je n'ai pas envie qu'on dit que nous sommes dans un pays francophone et que la langue d'usage dans le milieu de travail, c'est l'anglais. Moi, ça me tue, ça. Et je ne veux pas que la deuxième génération... Bien, on dit toujours: La première génération, c'est la génération qu'on sacrifie. Mais je n'ai pas envie que la deuxième génération vit les mêmes problèmes que nous vivons présentement.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Blanchet: Une anecdote. En février, il y avait un colloque... un forum international de parlementaires ici, et plusieurs venaient d'Afrique. Et ça se promenait entre l'Assemblée nationale ici et l'hôtel Loews, à 500 mètres. Ils fournissaient des manteaux, parce que c'était apocalyptique et puis c'était une journée où le vent était particulièrement piquant, c'était très froid. Bien, écoute, ils fournissaient les manteaux. D'où les gens... Moi, j'ai déjà vu quelqu'un rentrer dans l'aéroport, je ne sais pas s'il en est ressorti un jour.

Je fais une minipause publicitaire pour dire... Parce que vous avez parlé de la reconnaissance des diplômes, l'immigration étudiante. J'ai développé une proposition, qui est d'ailleurs dans notre programme, à l'effet que les immigrants, les étudiants étrangers francophones paient les mêmes droits de scolarité... paieraient les mêmes droits de scolarité que les Québécois qui sont déjà ici, là, qui sont locaux déjà, et que ceux qui ne sont pas francophones, s'ils restent au Québec par la suite, se verraient rembourser la différence sous forme de crédit d'impôt. Parce que c'est une immigration, je dirais, parfaite, là, l'immigration étudiante, sous réserve que ça ne soit pas la cause d'un exode des cerveaux dans les pays d'origine.

Je veux aller à la recommandation 8 rapidement. Il y a dans cette recommandation la réponse à un de nos différends. Vous parliez de majorité. Majorité, ça reste quelque chose d'assez vague, et c'est un objectif qui n'est pas aussi clairement quantifié que les autres éléments, avec lequel on peut ne pas être confortable. Moi, je ne veux pas que la majorité des immigrants deviennent Québécois, je veux qu'ils le deviennent tous. Et, s'ils le deviennent tous, ça veut dire qu'ils vont tous connaître nos institutions, ils vont tous avoir des bases sur notre histoire, ils vont reconnaître certaines valeurs fondamentales, ils vont tous avoir une base de français ou même, idéalement, être capables d'avoir une conversation en français puisque c'est la langue commune entre les gens de toutes origines.

La manière de passer d'une majorité qui connaisse déjà le français à l'accueil à une, disons, quasi-totalité -- parce que le paradis a ses limites -- c'est effectivement la formation. Or, on a beaucoup parlé de ressources. J'ai dans ma circonscription des gens d'origine africaine qui parlent français, qui doivent suivre des cours pour pouvoir aller en emploi. Ils n'ont pas le droit d'aller en emploi avant. Les cours ne sont pas disponibles. Ils doivent attendre. Ils veulent travailler, ils parlent français, il y a des emplois disponibles pour eux, ils ne peuvent même pas aller les occuper.

Moi, je dis depuis le début où je touche à ce dossier -- ça date seulement d'hier -- que les ressources ne sont pas adéquates, les ressources sont insuffisantes. On met le chiffre, mais la ressource qui permet que le chiffre soit un objectif valable n'est pas là. Mais comment réagirait votre communauté si on devait dire: Écoutez, nous devons limiter le nombre... bon, dans votre communauté, évidemment, le problème est moindre, mais nous devons limiter le nombre parce que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour les intégrer harmonieusement? Et Dieu sait que, pour ma part, je n'ai pas de restriction de principe sur le nombre de l'immigration, sous réserve qu'on les intègre harmonieusement.

Le Président (M. Bernier): M. Foura.

M. Foura (Lamine): Deux petits commentaires...

Le Président (M. Bernier): Deux minutes pour répondre.

**(16 h 50)**

M. Foura (Lamine): Oui, deux minutes. Donc, rapidement, dans votre définition «devenir Québécois», j'ajouterais aussi: Être reconnu dans ma formation, pour que je puisse trouver un emploi, pour que mon gars puisse jouer au hockey et que ma fille puisse jouer au patinage. C'est important parce que les gens... Ma perception de se sentir Québécois, il faut que je sois aussi reconnu dans ma propre valeur, pas seulement que j'adopte la langue et j'adopte les valeurs.

Je dirais qu'à mon avis ce n'est pas une question de moyens. C'est sûr que la question de moyens va se poser. À un moment donné, il y a une limite. Mais comment on utilise les moyens? Et je considère, pour être juste, depuis 10 ans, depuis 2000, depuis que j'ai commencé à connaître le modèle d'intégration au Québec, je pense qu'on est encore dans des paradigmes dépassés du modèle d'intégration. Il faudra qu'il y ait une refonte de la façon d'aider les immigrants à s'intégrer.

Je vais donner un exemple. Je comprends qu'au Québec on développe la notion de citoyenneté et que les gens sont citoyens. Donc, on parle de communauté, mais on fait attention à ne pas... de parler d'un ghetto, de créer un ghetto. Mais en même temps comment expliquer que le privé... Je reçois plusieurs demandes d'entreprises qui vont travailler au Maghreb ou qui travaillent dans une zone du monde où je maîtrise la culture. Ils viennent recevoir des services où je les aide à comprendre la culture. Comment ça se fait que nous avons des immigrants de 180 pays et qu'on n'exploite pas les organismes qui maîtrisent très bien le milieu d'où est-ce que viennent les immigrants? Ce n'est pas une question de moyens. Il y a beaucoup d'organismes communautaires, ethnocommunautaires, où on sait qu'il y a eu des décisions qu'on ne doit pas donner des subventions à des organismes ethnocommunautaires, pour des raisons objectives, mais en même temps on perd la capacité de pénétration culturelle. Un immigrant qui est passé par un processus d'immigration, qui se déplacerait à Alger, à Casa pour donner une conférence à 100... regrouper... On fait des entrevues, on regroupe 200 immigrants, il leur parle, lui, avec leur langue, qu'il comprend très bien... je ne parle pas de la langue, c'est en français, mais avec leur codage culturel de l'expérience québécoise, je pense que c'est beaucoup mieux qu'un site Internet. Donc, je pense...

Bon, je parlais d'autres exemples que la francisation. Je pense qu'actuellement on a besoin de revoir notre processus. Je vais être très bref. Actuellement, je vois que notre politique d'immigration, c'est un budget qu'on distribue à des organismes établis depuis longtemps. Il manque un peu de génie dedans.

Le Président (M. Bernier): Merci. Merci de votre participation. Merci au Congrès maghrébin au Québec, M. Derraji, M. Foura. Ça a été fort intéressant.

Comme nous avons terminé les auditions qui étaient prévues pour aujourd'hui, la commission ajourne ses travaux jusqu'en septembre, pour reprendre de nouvelles auditions. Merci aux collègues qui ont participé à cette commission parlementaire. Merci aux gens de l'Assemblée nationale, l'enregistrement, la télédiffusion, le secrétariat. Merci également au personnel du ministère et les recherchistes qui participent aux travaux de cette commission.

Donc, j'ajourne les travaux.

(Fin de la séance à 16 h 53)

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