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Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le mardi 25 octobre 2011 - Vol. 42 N° 20

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 24, Loi visant principalement à lutter contre le surendettement des consommateurs et à moderniser les règles relatives au crédit à la consommation


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures cinquante-deux minutes)

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir, bien sûr, éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières sur le projet de loi n° 24, Loi visant principalement à lutter contre le surendettement des consommateurs et à moderniser les règles relatives au crédit à la consommation.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Lemay (Sainte-Marie--Saint-Jacques) remplace Mme Bouillé (Iberville).

Le Président (M. Bernier): Avant de passer aux remarques préliminaires, deux éléments. Est-ce qu'il y a consentement pour que nous poursuivions nos travaux... nous pouvons poursuivre nos travaux passé 18 heures, de façon à accélérer les auditions? Est-ce que vous êtes... Est-ce qu'il y a consentement de part et d'autre? Il y a consentement? Merci.

Document déposé

Je désire également déposer une lettre qui m'a été adressée, un document qui m'a été adressé par l'Association canadienne des conseillers hypothécaires accrédités, lesquels nous donnent des informations et leur opinion sur le projet de loi n° 24. Donc, je dépose ce document afin qu'il soit disponible au niveau du site du secrétariat de la Commission des relations avec les citoyens.

Nous aurons l'occasion aujourd'hui d'entendre, bien sûr, les remarques préliminaires mais, par la suite, la Coalition des associations de consommateurs du Québec, Option Consommateurs, l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec et la Fédération des chambres de commerce du Québec. Donc, je souhaite un bon après-midi à tous, de bons échanges. Merci à tous les groupes qui vont participer.

Remarques préliminaires

Alors, sans plus tarder, M. le ministre, je vous laisse la parole pour que vous puissiez procéder à vos remarques préliminaires, pour un maximum d'environ sept minutes.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Alors, je vais aller plus rapidement, M. le Président, parce que je veux exprimer quelques regrets, presque des excuses mais, comme je ne suis pas responsable, ce sera des regrets, considérant l'heure où nous nous réunissons. Et je sais bien qu'on avait convié nos gens pour 15 heures, et malheureusement on a un peu de retard. Je vais donc au moins presque ne pas faire de remarques préliminaires. Tout le monde qui est ici, de toute façon, sait très bien de quoi on parle.

Peut-être deux éléments ou un grand élément de contexte. Si on regarde 1980 et qu'on regarde le temps passé depuis ce temps-là, on regarde quelques statistiques, on s'aperçoit que, depuis 1980, on se trouve à avoir deux fois plus de dettes et cinq fois moins d'épargne. C'est la situation des familles au Québec, et cela devrait nous... au moins nous faire réfléchir un peu sur les gestes qu'on a à poser. Je ne dirai que cette valeur-là, que ce chiffre-là: deux fois plus de dettes, cinq fois moins d'épargne. Nous sommes dans un contexte où... et je ne parle pas ici des taux d'intérêt sur les cartes de crédit, mais les taux d'intérêt généraux sont particulièrement bas. En fait, ils sont à un creux historique. Ils sont excessivement bas. La question n'est pas de savoir s'ils vont monter, la question, c'est quand ils vont monter. Et, à un moment donné, il risque d'y avoir un petit conflit entre la situation concernant le taux d'épargne, le taux d'endettement et le fait que les taux puissent être élevés.

Ça, c'est le contexte. Ça nous a amené à déposer un projet de loi qui contient de nombreuses dispositions, certaines très techniques. Et je remercie à l'avance les gens de l'Office de la protection du consommateur qui vont nous accompagner comme ils l'ont fait dans l'autre projet de loi qu'on a fait tout récemment, qui vont pouvoir bien nous expliquer le libellé de chacune de ces dispositions. Nos collègues de la commission vont certainement vouloir s'y intéresser, particulièrement lors de l'étude article par article.

Mais, à ce moment-ci, M. le Président, nous avons des invités qui n'ont pas tous la même opinion. Nous allons recevoir différents groupes qui vont probablement nous donner de nombreuses interprétations et quelques conseils. Et je tiens à leur dire, ceux qui sont ici comme ceux qui nous écoutent, parce qu'ils se disent qu'ils vont venir demain ou après-demain, je voudrais leur dire que nous allons les écouter en tout respect, nous allons vraiment porter attention aux remarques qu'ils vont nous faire pour que nous puissions ensuite engager le processus législatif.

À la fin du jour, nous souhaitons réellement faire deux choses: essentiellement, poser des gestes pour contrecarrer cet inéquilibre qu'on a présentement, le taux d'endettement qui augmente et le taux d'épargne qui diminue, donc poser des gestes sur le surendettement; deuxièmement, continuer l'effort de modernisation de la Loi sur la protection du consommateur. On est à la troisième étape, il y en a eu d'autres étapes qui ont été faites avant et, parfois, il va nous arriver de dire à certains de nos invités que la disposition qui semble causer un si grand problème -- je le dis pour avoir lu quelques éléments -- parfois n'est qu'une modernisation de droit ou d'obligation qui existe déjà. Il ne faut pas nécessairement la craindre. Bien sûr, toute nouveauté peut nous amener à craindre; tout changement amène des inquiétudes. Mais je pense qu'on a réussi à avoir un certain équilibre. Ceci étant, je suis prêt à requestionner les équilibres que nous avons trouvés pour trouver le meilleur équilibre, et, dans le travail qu'on a à faire, c'est entre autres celui-là, essayer de trouver la meilleure loi possible. Et je nous fais très confiance, M. le Président, nos collègues de l'opposition, les collègues des partis ministériels et les gens de l'office qui vont nous aider. Je suis persuadé qu'on va faire oeuvre utile pour le Québec et pour les Québécois. Merci.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. le ministre. M. le député de Beauharnois.

M. Guy Leclair

M. Leclair: Merci, M. le Président. Tout d'abord, mes salutations personnelles à vous, M. le Président, M. le ministre ainsi que les gens de la commission, mes collègues qui m'assistent au projet de loi aussi et notre recherchiste Guillaume. J'aimerais aussi saluer les gens qui vont venir, tout au long du projet de loi, nous expliquer leur mémoire. Je tiens à dire merci au ministre de nous avoir accordé un briefing technique. Ce fut bref et court mais quand même très intéressant. Merci aux gens du ministère de vos explications.

Nous aurons sûrement encore un lot de questions. Comme on peut savoir et on peut voir, le projet de loi n° 24 a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'éléments dedans, donc parfois complexes, parfois simples lorsqu'on prend le temps de bien les comprendre. Alors, malheureusement, c'est sûr que, comme le ministre l'a bien souligné, plusieurs personnes viendront puis auront des opinions différentes. Mais le but, c'est ça, c'est de nous faire comprendre pour qu'on puisse, si nécessaire, apporter des amendements et, sinon, à tout le moins vous entendre pour qu'on puisse peut-être modifier certains articles du projet de loi.

Ceci étant dit, malheureusement, ce projet de loi là restera quand même jamais regardé en profondeur, M. le Président, car il ne faut pas oublier que la loi des banques reste une juridiction fédérale. Donc, malheureusement, si on serait souverains, on pourrait peut-être aller encore plus en profondeur. Une chose est certaine par exemple: je veux féliciter le travail des fonctionnaires qui nous expliquaient que, depuis déjà plusieurs années, ce projet de loi là était attendu face à la protection du consommateur, puis pour toutes sortes d'éventualités, bien, c'est aujourd'hui que nous débutons ce projet de loi là. Alors, je crois que c'est un très grand travail de fait de la part des fonctionnaires, puis en espérant que ça aura les conclusions escomptées pour autant les groupes qui viennent ici, autant pour le ministère, autant pour les partis d'opposition.

Mais je reste quand même un petit peu méfiant face au gouvernement avec les bilans qu'on a d'endettement les dernières années, que ça soit envers l'État, que ça soit envers la classe... les étudiants, les endettements qui vont passer pour les générations futures. Alors, sur ce, nous allons rester très attentifs tout au long du projet de loi, puis en espérant que nous obtiendrons le résultat final attendu de la part de la protection du consommateur et de tous les membres de cette commission. Merci, M. le Président.

**(16 heures)**

Le Président (M. Bernier): Merci, M. le député de Beauharnois. Effectivement, c'est une commission qui est très importante par la nature même de son sujet et l'impact qu'elle a sur l'ensemble des Québécoises et des Québécois, d'où l'importance de nos travaux dans le cadre de cette étude du projet de loi n° 24.

Auditions

Nous allons donc débuter nos échanges avec le groupe représentant la Coalition des associations de consommateurs du Québec -- merci de votre présence -- représentée par Mme Clémence Gagnon -- bonjour, Mme Gagnon -- Mme Gabriele Roehl, Mme Gabriele Roehl, et M. Dominic Létourneau. Bienvenue à vous trois. On est heureux de votre participation à cette commission parlementaire. Vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, et par la suite suivront les échanges avec les groupes parlementaires. La parole est à vous.

Coalition des associations de
consommateurs du Québec (CACQ)

Mme Roehl (Gabriele): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, M. le président de l'office, Me Allard.

La Coalition des associations de consommateurs du Québec regroupe 22 associations de protection de consommateurs réparties à travers le Québec. La majorité de nos associations font de la consultation budgétaire et répondent aux problèmes des consommateurs en matière de crédit, d'endettement et de pratiques commerciales, ce qui en fait des spécialistes terrain dans ce domaine.

Les membres de la coalition se réjouissent qu'avec le projet de loi n° 24 le ministre de la Justice s'attaque enfin à une modernisation et un meilleur encadrement du crédit afin de réduire le niveau d'endettement des Québécois. Ce projet de loi est indispensable dans un contexte où l'endettement des consommateurs au Québec représente un grave problème socioéconomique dont la croissance prend des proportions incontrôlables.

Selon l'institut Vanier de la famille, en 2011, le taux d'endettement a atteint un sommet record de 150 % et, si la tendance actuelle se maintient, le taux d'endettement au Canada pourrait facilement atteindre 160 % au cours des deux prochaines années. Plusieurs facteurs ont contribué à la croissance dramatique de l'endettement.

Lors des dernières décennies, l'accès au crédit a connu un accroissement fulgurant. L'offre du crédit s'est diversifiée, donnant accès au crédit à des nouvelles souches de la population. De nouvelles formes de crédit toujours plus complexes sont aussi apparues. Cette offre accrue du crédit coïncide avec une stagnation des revenus, une diminution du pouvoir d'achat pour certains secteurs de la population. Dans une telle situation, les cartes de crédit deviennent une solution facile pour joindre les deux bouts. Dans leur pratique quotidienne, les associations de consommateurs observent que les ménages utilisent parfois le crédit pour combler leurs besoins de base.

Les membres de la coalition constatent également une méconnaissance inquiétante du fonctionnement du crédit. Beaucoup de consommateurs ne connaissent pas les taux d'intérêt sur leurs cartes, ne comprennent pas le calcul des intérêts, ignorent les responsabilités relatives aux cartes de crédit. Cependant, ces difficultés ne relèvent pas uniquement d'un manque d'éducation financière des consommateurs. Pour trouver des solutions à l'endettement, il faut également responsabiliser davantage les émetteurs de crédit et mieux encadrer certaines pratiques en lien avec le crédit.

Suite à ces constats, nous considérons que le projet de loi n° 24 apporte plusieurs innovations importantes au droit de la consommation qui contribueront à combattre le surendettement des consommateurs. Au nombre de ces innovations, on compte la modification du taux de paiement minimum ainsi que l'obligation de vérifier la capacité de remboursement avant l'octroi d'un crédit. La possibilité de faire réviser les modalités de paiement par le tribunal en cas de force majeure permet aussi de couvrir les situations inattendues qui surviennent une fois le contrat conclu.

D'autres dispositions du projet de loi remédient à des problèmes que les consommateurs éprouvent dans le cadre des contrats de crédit. On retrouve parmi celles-ci la faculté de résoudre les contrats accessoires aux contrats de crédit, la possibilité d'annuler sa carte conjointe et de faire cesser des paiements préautorisés en s'adressant directement à l'émetteur de crédit, de même qu'une meilleure information sur les retenues pouvant être effectuées sur la carte. La couverture des activités de prêteurs sur gages contribuera aussi à mieux protéger les consommateurs.

Toutefois, nous déplorons que, par rapport à plusieurs problématiques urgentes, ce projet de loi ne propose pas des mesures adéquates. Pour nous, la lacune la plus importante est le manque d'encadrement de la sollicitation et de la publicité sur le crédit.

Notons enfin que l'absence de commentaire à l'égard de certains éléments du projet de loi ne doit pas être interprétée comme constituant un assentiment tacite à leur teneur, non plus que l'expression d'un désaccord.

Le Président (M. Bernier): Merci.

Mme Gagnon (Clémence): Je vais continuer.

Le Président (M. Bernier): Oui. Allez-y, Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Clémence): Oui. Alors, nous allons vous donner certaines positions concernant certains articles. Alors, à l'article 10 concernant la carte de débit et autres instruments de paiement. Actuellement, les cartes de débit ne font l'objet d'aucun encadrement législatif. Le Code de pratique canadien des services de cartes de débit, un code volontaire adopté en 1992 par les institutions financières, s'est révélé nettement insuffisant pour assurer une protection adéquate des consommateurs dans ce domaine.

En situation de perte, de vol ou de fraude, le fardeau de la preuve repose toujours sur le consommateur qui doit prouver qu'il n'a pas contribué à l'utilisation frauduleuse de sa carte, par exemple, en divulguant son NIP. Ce renversement du fardeau de la preuve est d'autant plus injuste que c'est l'institution qui possède l'équipement de sécurité, les relevés bancaires et le relevé de guichet. Pour le consommateur qui possède peu de moyens, la preuve de son innocence est souvent difficile à faire. La CACQ appuie donc cet article, et nous accueillons aussi très favorablement l'ajout du délai de deux jours pour le remboursement des dommages.

Aux articles 22 et 80, nous accueillons aussi favorablement l'ajout de l'article 103.1 élargissant la portée de l'ancien article 116 pour conclure le contrat de crédit variable et la situation où il y a collaboration entre le commerçant et le prêteur. Ceci permettra à un consommateur d'opposer, à l'encontre de l'émetteur de crédit, les mêmes moyens de défense qu'il peut faire valoir à l'encontre du commerçant vendeur. Il est aussi... On aime aussi l'idée de la contestation judiciaire pour suspendre les paiements.

Par contre, nous croyons qu'il est nécessaire d'inclure une présomption simple de collaboration entre le commerçant vendeur et l'émetteur de crédit, par exemple si le crédit est consenti spécifiquement pour le contrat, pour alléger la preuve devant être faite par le consommateur.

Lors de nos rencontres avec les consommateurs, dans de nombreux cas, notamment dans le domaine de l'entretien des pompes, des thermopompes, où le consommateur ne peut exercer les recours auxquels il a droit contre un commerçant ayant fait faillite ou mis fin à des opérations, nous suggérons que le consommateur puisse inclure l'émetteur dans tout recours contre le commerçant vendeur concernant un contrat couvert par le nouvel article 103.1.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Roehl.

Mme Roehl (Gabriele): Je vais continuer avec un autre aspect de l'article 22 qu'on retrouve aussi à l'article 44 et 75: l'obligation de vérifier la capacité de rembourser le crédit demandé.

Nous accueillons l'introduction du principe du prêt responsable dans la Loi sur la protection du consommateur avec enthousiasme. Cette mesure responsabilise les émetteurs de crédit en les forçant à vérifier la capacité de remboursement du consommateur avant le prêt, sous peine de la perte de leurs droits de réclamer les frais de crédit. Une des causes les plus importantes du surendettement des consommateurs québécois tient dans la facilité de l'accès au crédit. En effet, les émetteurs de crédit ne considèrent pas la situation financière réelle du débiteur avant de lui octroyer un crédit. Des recherches menées par les émetteurs de crédit sont, la plupart du temps, incomplètes à cet égard.

Dans notre pratique, nous rencontrons souvent des gens avec de multiples cartes de crédit ayant des limites qui ne correspondent pas du tout à leur capacité de paiement. Juste un exemple parmi beaucoup d'autres: on a rencontré une dame avec un revenu de retraite de 950 $ par mois, ça donne un revenu de 11 400 $ par année, et elle s'est fait attribuer une carte de crédit avec une limite de 35 000 $, et en plus elle avait une deuxième carte à côté de ça.

La codification du principe du prêt responsable proposée dans le projet de loi n° 24 couvre à la fois la question de l'octroi du crédit et celle du renouvellement du crédit en obligeant l'émetteur de crédit à procéder à une même vérification lorsqu'il augmente la limite de crédit consentie. La sanction, soit la perte du crédit... la perte du droit aux frais de crédit, paraît, elle aussi, une mesure efficace. Plusieurs États occidentaux ont adopté, au cours des dernières années, des normes visant à responsabiliser les prêteurs et encadrer l'accès au crédit. L'amende la plus sévère nous provient de la Suisse où la sanction est non seulement la perte du droit de réclamer les intérêts, mais aussi le capital.

**(16 h 10)**

Toutefois, les éléments devant être pris en compte pour évaluer la capacité de rembourser du consommateur devraient être énoncés dans la loi elle-même et non pas simplement être prévus au règlement d'application. En France, par exemple, la loi fait ainsi référence aux ressources et charges de l'emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier. Les normes européennes plus globales proposent aussi la consultation d'une base de données qui équivaut ici au dossier de crédit.

Puisque la fiabilité du seul dossier de crédit peut être mise en doute pour évaluer la capacité de payer du consommateur, il serait opportun qu'il ne constitue qu'un des éléments à considérer pour évaluer la capacité de rembourser. Au dossier de crédit pourraient notamment s'ajouter les revenus et dépenses et tous les prêts contractés par les consommateurs.

Nous suggérons d'ajouter également un renversement du fardeau de la preuve comme complément de l'obligation de vérifier la capacité de rembourser du consommateur. En effet, la rédaction actuelle des articles 103.4 et 103.5 a pour effet de requérir du consommateur qu'il fasse la preuve que l'émetteur n'a pas effectué la vérification requise. Or, cette preuve peut s'avérer difficile à établir. Nous proposons également d'ajouter une présomption à l'effet que, lorsque le consommateur... pardon, le commerçant a octroyé un prêt dépassant la capacité de rembourser du consommateur, il soit présumé ne pas avoir effectué la vérification requise. Ce sera alors au commerçant de prouver qu'il a vérifié la capacité de rembourser du consommateur.

D'autres remarques sont par rapport aux articles 34 et 91 sur le paiement minimum. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, le montant demandé, à titre de paiement minimum, a diminué dramatiquement. Le pourcentage du solde réclamé à titre de paiement minimum est passé de 8 % à 2 %, ou parfois même 1 %. Si, à la première vue, les consommateurs accueillent souvent de façon favorable une baisse de leur obligation, cela a pour effet de rallonger la période de remboursement des consommateurs qui ne paient que le montant minimum requis, augmentant ainsi les frais d'intérêt payés. Dans certains cas, le remboursement ne couvre même pas les frais d'intérêt. Dans ces circonstances, l'augmentation du paiement minimum obligatoire s'avère une mesure essentielle.

Cependant, étant donné les répercussions importantes pour un grand nombre de consommateurs au Québec, nous appuyons fortement une mise en oeuvre progressive. Nous recommandons que cette période de transition soit utilisée pour diffuser de l'information pertinente donnant l'occasion aux consommateurs de s'adapter aux changements. Conscients du fardeau dans leur budget que représente une augmentation du paiement minimum pour certains consommateurs, nous recommandons que l'augmentation soit faite de manière encore plus progressive, idéalement de 0,5 % par an au lieu de 1 % par an.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Clémence): Oui. Alors, aux articles 34 et 91... non, pardon, article 67, la clarté publicitaire. Cette nouvelle disposition est essentielle pour assurer que l'information devant obligatoirement être incluse dans un message publicitaire le soit de façon à ce que le consommateur puisse en prendre connaissance en même temps que le reste du message et surtout avec autant de facilité. Il suffit de feuilleter un quotidien pour voir des publicités contenant de l'information essentielle sur les limites et clauses importantes du contrat proposé écrites en microcaractères et contenant une quantité impressionnante de renvois par astérisques.

Les commerçants utilisent couramment cette méthode pour fournir l'information obligatoire leur étant moins favorable, sachant très bien que seule une minorité de consommateurs les liront et les comprendront. Il est essentiel que, dans votre texte d'article de loi, les termes «clair, compréhensible et lisible» soient balisés selon le type de média utilisé pour transmettre le message. Par exemple, un texte peut être clair, lisible et compréhensible sur papier mais il est impossible de le lire s'il n'apparaît que quelques secondes lors d'une annonce de télévision. En résumé, la CACQ appuie l'ajout à l'article 223.1.

À l'article 74, sollicitation sur le crédit. La modification proposée ne fait que préciser l'ancien article et n'aura qu'un impact mineur sur la problématique de la sollicitation sur le crédit que subissent les consommateurs. Depuis plusieurs années, la coalition revendique une interdiction de la sollicitation et de la publicité sur le crédit. Conscients que cette mesure semble radicale, nous continuons à la défendre étant donné les conséquences néfastes pour les consommateurs. D'ailleurs, dans un sondage mené en 2007 auprès de 1 021 consommateurs, 72,4 % des Québécois seraient en accord avec une interdiction de la sollicitation des consommateurs par courrier, par téléphone ou de la publicité en matière de crédit. La décision, quant à la conclusion d'un contrat de crédit, devrait se faire à la suite d'une réflexion approfondie du consommateur sur ses besoins ainsi que sur sa capacité de rembourser l'emprunt consenti.

Dans notre étude Les offres de crédit postales -- Entre le rêve et la réalité, réalisée en 2010, nous avons constaté que les émetteurs de crédit emploient diverses pratiques qui, au contraire, mettent l'accent sur les émotions et l'impulsivité des consommateurs.

Le Président (M. Bernier): Je vous invite à conclure, madame, dans une trentaine de secondes.

Mme Gagnon (Clémence): Ils présentent le crédit comme un moyen direct d'accès au plaisir.

Je saute à la conclusion. J'aurais bien voulu vous parler du...

Le Président (M. Bernier): Vous aurez l'occasion, dans les échanges avec les deux groupes, de revenir sur le sujet.

Mme Gagnon (Clémence): Parfait. Alors, en conclusion, nous appuyons l'adoption de ce projet de loi, même si nous aurions souhaité que, dans certaines conditions, il aille plus loin. Dans nos organismes, les conseillers rencontrent tous les jours des consommateurs aux prises avec les problèmes qu'engendre le surendettement. Celui-ci entraîne des problèmes qui touchent directement leur qualité de vie: des difficultés familiales, des problèmes de santé physique et mentale, l'exclusion sociale, les restrictions dans le budget familial et même la faillite. Les fournisseurs de crédit se prêtent à des pratiques commerciales qui n'aident pas les utilisateurs du crédit: par exemple, la baisse du remboursement mensuel, l'augmentation des limites de crédit sans que le consommateur en fasse la demande ou encore sans que l'on vérifie sa réelle capacité financière. La publicité et sollicitation agressive est parfois douteuse, et que dire du coût faramineux des intérêts? Certaines personnes sont particulièrement vulnérables au danger lié au crédit: les jeunes adultes, les aînés, les immigrants et les travailleurs à faibles revenus. L'État doit donc légiférer pour mieux les protéger.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup.

Mme Gagnon (Clémence): Merci.

Le Président (M. Bernier): Nous allons donc passer aux échanges avec les parlementaires. M. le ministre, je vous donne la parole pour une vingtaine de minutes.

M. Fournier: Oui. Merci beaucoup. Je vais vous poser, bon, une question parce que ça m'intéresse particulièrement, là, mais, si vous voulez rajouter et prendre un peu du temps pour parler de ce qui vous restait sur votre mémoire, là, vous pourrez le faire, là, avec grand plaisir.

Vous vous êtes arrêtée sur le crédit responsable, sur le paiement minimum. Je comprends que vous avez une proposition pour y arriver. Peut-être que vous pourriez franchement me dire pourquoi il faudrait que j'aille à ce rythme-là. Je trouve... Pour être franc, là, quand on s'est posé la question si on y allait avec 1 %, j'étais plutôt pour aller encore plus rapidement mais, bon, on essaie de trouver un équilibre. Vous pourrez peut-être essayer de me dire: Vraiment, ne faites pas ça, puis faites ça à 0,5 % plutôt qu'à 1 %, puis... Mais essayez de me donner un peu de jus parce que j'étais plutôt d'impression qu'il fallait aller un peu plus vite.

Mais, avant, j'aimerais ça qu'on parle un peu de la sollicitation. Quand on a discuté... puis j'en profite pour remercier et l'office et les associations, enfin tous ceux qu'on a pu rencontrer puis les gens avec qui l'office a travaillé pour préparer ce projet de loi là. À la fin, quand on fait les... on en arrive à se dire comment ça se conclut, on écrit quoi, notamment sur la question de la sollicitation? Je vous entends, là, me parler puis je veux que vous m'en parliez un peu parce que le débat, tel que je le voyais, le crédit, ce n'est pas illégal, et on ne veut pas le rendre illégal non plus. Le crédit est un outil offert par des entités corporatives et qui, en soi, est un outil utile.

Dans ce cadre-là, d'en faire la promotion, j'avais de la misère à dire: On va l'empêcher. Pour moi, ce n'est pas tellement le droit de faire... de solliciter, c'est dans... lorsqu'on le fait, qu'on le fasse correctement, qu'on le fasse avec les informations nécessaires, qu'on ne soit pas en train d'attraper quelqu'un, qu'on soit en train d'établir une relation commerciale correcte au bénéfice des deux.

Mais l'idée même de la sollicitation, je ne suis pas rébarbatif à ça parce que, si je l'étais, il faudrait que je conclue que le bien qui va faire l'objet du contrat suite à la sollicitation serait illégal ou excessivement mauvais. Je n'en suis pas là. On n'est pas dans: Le crédit doit être rejeté; on est dans: Comment le crédit doit être offert? Comment il doit être assumé par celui qui l'a? Y a-t-il des moyens pris par certaines institutions... Et, encore une fois, j'oserais dire, puis je le dis à vous, je vais peut-être le dire à tout le monde mais, tu sais, je vais le dire juste une fois pour tout le monde: Ce n'est pas toutes les institutions qui sont pareilles, elles n'ont pas toutes le même plan d'affaires. Et, généralement, lorsqu'on a une loi, on va regarder les cas les pires. Et j'essaie de me retenir pour ne pas adopter une solution pour les pires qui va endommager ceux qui le font correctement, hein? Il y a toujours une question d'équilibre puis de mesure. Bon, je parle longtemps, là.

**(16 h 20)**

Parlez-moi de la sollicitation. Pourquoi je devrais empêcher... Puis parlez-moi, si vous voulez, parce que je ne sais pas si c'est vous ou d'autres, là, mais on parlait des jeunes puis les institutions. Puis, quand on a eu le débat, franchement, je vais vous dire, je me demandais pourquoi il fallait que, pour des jeunes qui ont le droit de voter, ils n'aient pas les mêmes droits que ceux qui ne sont pas dans une institution d'enseignement puis qui seraient, je ne sais pas moi, en train de travailler, mais qui aient 19, 20 ans. Alors, toute l'affaire de la sollicitation, incluez les jeunes, dites-moi pourquoi il faudrait que je dise: Non, voilà un tabou; le crédit, n'en parlons pas et parlons-en ailleurs peut-être, mais laissons à celui qui veut l'avoir le soin d'aller faire une démarche. Essayez de me convaincre.

Le Président (M. Bernier): Oui, Mme Roehl, Mme Gagnon? Votre sourire vous trahit, Mme Gagnon. Vous semblez vouloir répondre, allez-y.

Mme Gagnon (Clémence): Alors, j'entends bien ce que vous me dites, M. le ministre. Je crois que la sollicitation... Vous me dites: On pourrait peut-être -- je vais employer un mot qui est peut-être un peu fort -- mieux les discipliner, ceux qui, par exemple, font les choses. Bon. Et c'est peut-être là aussi, mais effectivement il y a des sollicitations qui ne sont pas admissibles. Je vais vous donner des exemples. Par exemple, des sollicitations qui se font à l'entrée des magasins et que les solliciteurs sont là et ne vous redonnent pas votre formule signée. Vous n'êtes pas admissible à avoir du crédit parce que vous n'avez pas suffisamment de revenus, et c'est le solliciteur lui-même qui va mettre le revenu puis qui va envoyer la demande, et on va accorder du crédit à ces gens-là qui n'auraient pas dû en avoir. Bon. Vous voyez un peu? Bon.

Quand aussi -- on a fait une étude aussi sur les offres de crédit -- on vous fait des offres de crédit et qu'on vous dit que vous pouvez régler des problèmes de crédit avec leur crédit qui est offert, je vous dirais: En quoi est-ce qu'on vient de régler des solutions d'endettement? On vous dit: Prenez notre crédit pour payer votre retard de loyer, prenez notre crédit, bon, pour acheter votre épicerie ou des choses comme ça. Je ne crois pas... Et entendons-nous bien que, nous aussi, dans nos associations, nous sommes bien conscients qu'en 2011 on a besoin, tous, de crédit puis on utilise tous du crédit, mais ça nous prend un crédit bien géré, un crédit bien protégé et un crédit bien encadré. Alors, vous voyez, c'est ça. Donc, aussi la même chose dans les offres de crédit, quand on nous dit que vous pourriez utiliser du crédit pour faire d'autre crédit, est-ce que c'est de la bonne sollicitation? Bon.

Et, d'autre part, un autre élément aussi, je vais dans un autre côté, les gens qui reçoivent de la sollicitation ont l'impression que leur dossier a été bien étudié que, donc, si on leur offre du crédit, c'est qu'ils vont être capables de rencontrer leurs engagements, ce qui est loin d'être le cas. Le dossier n'a pas du tout été étudié, le dossier, c'est des achats de listes de noms ou des choses comme ça, et, lorsque le consommateur va demander sa carte, bien, on n'ira pas voir non plus, encore une fois, son dossier.

Alors, je ne sais pas si Gabriele veut ajouter autre chose, peut-être.

Le Président (M. Bernier): Mme Roehl.

Mme Roehl (Gabriele): Je pourrais peut-être ajouter que, vous avez bien raison, le crédit n'est pas illégal. De l'autre côté, pour nous, le crédit, ce n'est quand même pas un produit comme les autres. Dans les mains d'une personne qui ne connaît pas très bien les rouages du crédit, ça peut quand même causer un tort considérable. Et, nous, dans nos associations, justement, on en voit les résultats à tous les jours, les gens qui sont surendettés, qui sont... ont des pressions, qui ont des problèmes de santé à la fois physique et psychologique, qui ont des problèmes familiaux à cause de la pression que crée le surendettement des consommateurs. Ça veut dire ça. Nous, c'est un produit où il faut faire beaucoup d'attention de comment on le vend aux consommateurs parce que justement ça peut créer beaucoup, beaucoup de ravages.

Et, quand on regarde les pratiques qui sont employées par certains émetteurs de crédit, on voit justement qu'une décision qui devait être prise à tête reposée, en bien réfléchissant, c'est quoi vraiment, mes réels besoins et c'est quoi, ma réelle capacité de remboursement, c'est fait souvent dans des circonstances qui ne sont vraiment pas très propices à une telle réflexion. Je ne sais pas, à Montréal, vous avez peut-être vu, il y a des solliciteurs de métro qui sont... de cartes de crédit qui sont sur les quais des métros. Les gens qui changent d'une ligne à l'autre, justement, se font offrir une carte de crédit. Les étudiants, justement, à l'université, sur leur campus, quand ils commencent leur année financière... scolaire, souvent, la première fois partis de la maison...

Une voix: ...

Mme Roehl (Gabriele): C'est ça, et financière parce que, déjà, ils sont aux prises avec un prêt étudiant. Souvent, ils sont pour la première fois peut-être partis de la maison, autonomes, et là on leur offre une petite marge de crédit avec ça, une carte de crédit, mais c'est ça, ça semble vraiment la liberté, justement, et souvent la publicité sur le crédit, la sollicitation renforce cette illusion d'une liberté, d'un statut social. Ça joue avec l'émotivité des gens, justement, le désir de... On nous montre une belle image d'une île dans le Sud où... c'est ça, Disneyland, et on nous fait croire qu'avec justement cette baguette magique du crédit tout devient possible. Et c'est là où on se dit qu'on ne peut pas continuer comme ça. C'est vraiment... Les pratiques commerciales de la publicité-sollicitation sur le crédit, vraiment, renforcent ces illusions-là et justement contribuent à une mauvaise utilisation du crédit.

Le Président (M. Bernier): M. le ministre.

M. Fournier: Je...

Mme Roehl (Gabriele): Juste peut-être un autre élément...

M. Fournier: Oui, allez-y.

Le Président (M. Bernier): Oui, allez-y.

Mme Roehl (Gabriele): Juste un autre, parce que... Pourquoi l'interdiction? Pourquoi pas un meilleur encadrement? Pourquoi pas l'interdiction ou pourquoi... Pourquoi pas un meilleur...

Une voix: Meilleur encadrement.

Mme Roehl (Gabriele): ...encadrement? Pourquoi l'interdiction? Justement, quand on a fait notre étude, en 2010, où on a regardé justement les législations au Canada et dans diverses provinces, qu'on a vu que le taux, justement, d'adhésion à ces normes-là était vraiment très, très faible, la majorité des offres de crédit que les consommateurs reçoivent à la maison ne respectent pas les règlements en vigueur. Quand on regarde même côté OPC, il y a beaucoup de lacunes. C'est pour ça qu'on se dit que, tant qu'on n'a pas la conviction que les règlements en vigueur soient appliqués avec beaucoup de vigueur, on préfère l'interdiction. On trouve que le sujet est trop important, les conséquences trop néfastes pour les consommateurs pour continuer.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Roehl. M. le ministre.

M. Fournier: Ça... Comme vous avez lu le projet de loi, vous vous êtes douté d'où je logeais, puis je suis un peu mal à l'aise à dire que je dois prohiber, qu'on devrait prohiber la sollicitation puis que ça reste, comme je le disais tantôt, pour toutes les raisons que j'ai données tantôt. Mais parlez-moi -- vous en avez parlé tantôt -- du crédit responsable, du fait que, dans le projet de loi, on demande justement aux prêteurs de poser un certain nombre de questions.

Alors, je reviens à votre premier exemple, que ce soit dans le métro... Mais le premier était plus intéressant, là: tu rentres dans le magasin, quelqu'un t'accroche, il remplit pour toi, puis c'est fini. Mais, avec la nouvelle disposition, il ne serait pas en train d'offrir un crédit responsable, il irait à l'encontre d'une des dispositions. Donc, est-ce que, dans ce type de sollicitation là, le projet de loi n'offre pas déjà une partie de réponse au moins en forçant ce principe de crédit responsable?

Le Président (M. Bernier): Mme Gagnon, votre sourire vous trahit encore une fois.

Mme Gagnon (Clémence): Oui, peut-être, dans les circonstances que vous me dites là. Mais, quand il y a aussi les achats de listes, qu'on envoie ça aux consommateurs, est-ce qu'on va vraiment se donner la peine d'aller retourner? Bon, on va le souhaiter, parce que c'est ça qu'on... Oui, ça pourrait être quelque chose. Mais ce fameux envahissement massif de cette sollicitation-là et la valeur qu'on met au crédit... Il faut comprendre que, quand on utilise du crédit, on vit avec l'argent d'un autre, hein, c'est ça, et on... c'est un peu... c'est comme complètement... Ça a été ôté de la pensée des gens, ça, que ce n'est pas leur argent. C'est devenu que c'est comme si ce qu'ils ont, ce qu'ils utilisent quand ils utilisent du crédit, c'est comme si c'était leur argent. Alors, il faut vraiment recommencer, il faut vraiment recommencer avec de l'éducation. Et je suis sûre qu'il y a comme une valorisation à recevoir de la sollicitation. Vous allez trouver ça bizarre, hein, ce que je vous dis, mais les gens se disent: Ah, bien coudon! Moi, on m'en a envoyé, je dois être important, je dois être... Les gens pensent que le fait de recevoir des offres de crédit, c'est parce qu'on a bien étudié leur dossier. Est-ce que ça sera vraiment fait, toute cette belle étude là? On verra. Bon.

Le Président (M. Bernier): M. le ministre.

**(16 h 30)**

M. Fournier: Peut-être qu'on peut faire du millage sur l'éducation, et tout ça. Je sais qu'étant ancien ministre de l'Éducation il y a à peu près 150 personnes qui vont offrir 150 nouveaux cours puis, malheureusement, la semaine, puis je ne parlerai pas de ma fille qui trouve qu'elle a suffisamment de cours à l'école, qu'elle n'en veut pas d'autres, là, mais il y a beaucoup de monde qui se bouscule au portillon pour pouvoir ajouter des cours.

Mais je vais vous poser une question. O.K., admettons que la sollicitation se fait, là. Il y a un crédit responsable, on espère que ça fonctionne, et là il y a d'autres dispositions qui arrivent. Par exemple, là, tu reçois ton compte, puis là c'est plus précis sur ton compte, que: Ah! Il y avait des taux d'intérêt? Oups! Tu vas payer pendant un bon bout de temps maintenant. Là, là, on va lui donner un bon nombre d'informations sur l'état de compte. Dans un bon nombre de dispositions du projet de loi, il y a ce que je pourrais appeler une valeur minimalement de conscientisation accrue d'avant, puis j'irais presque jusqu'à dire de l'éducation qui se fait peut-être a posteriori, après la sollicitation, je n'en disconviens pas, mais par rapport à la situation actuelle, franchement, un portrait bien différent de la connaissance que les gens peuvent avoir de leur crédit, de l'état de leur situation financière face à l'institution prêteuse.

Est-ce que vous ne considérez pas que, si on fait... Je connais votre réponse mais, quand même, je vais vous dire ce que, moi, j'ai pensé: que, si on additionne les différentes mesures qu'il y a dans ce projet de loi -- je vous annonce à l'avance qu'elles ne font pas l'affaire des autres, hein, je veux juste que vous le sachiez, là, il y a un point d'équilibre, en quelque part, qu'on cherche -- que, si on fait le cumul de tout ça, il y a quand même bon nombre de mesures qui visent à éviter une sollicitation débridée comme celle que vous décrivez, ne serait-ce que par le prêt responsable. Il y a beaucoup d'informations qui sont données, même en durée de vie du prêt, qui amènent les gens à développer une prise de conscience bien plus grande.

Je vous entends, là. Il y a des affaires que je sais, là. Tu sors ta carte de crédit, tu achètes ton épicerie puis tu pars avec huit sacs du IGA, puis tu es aussi riche que tu étais en rentrant. Ça fait que tu penses que tout va bien. À un moment donné, il va falloir que tu les paies, les sacs, là, mais... Je ne disconviens pas de ça, mais il y a quand même un bon nombre d'informations additionnelles qui sont prévues. Est-ce que vous ne pensez pas que la somme de tout ça constitue... Je pense que vous allez dire: Oui, il y a une amélioration par rapport à maintenant, mais on pourrait aller plus loin. C'est ça que vous allez me dire? Pourquoi je vous dis ce que vous allez dire?

Le Président (M. Bernier): Mme Roehl.

Mme Roehl (Gabriele): Monsieur, oui, vous nous donnez la réponse.

Le Président (M. Bernier): Allez, allez-y.

Mme Roehl (Gabriele): On est d'accord, oui, qu'il y a des très bons éléments dans votre projet de loi, et, justement, le prêt responsable, on a beaucoup d'espoir à ce que ça, ça va améliorer justement l'endettement des gens. Par contre, il y a beaucoup d'éléments d'information dans ce projet de loi, et c'est bien comme ça. Ça donne plus d'informations, ça veut dire que ce sont justement des informations qu'on doit recevoir à tête reposée, ce qu'on vraiment reproche à la sollicitation qu'au contraire, justement, elle ne s'adresse pas à la tête, elle s'adresse aux émotions, et, quand il y a une lutte entre les deux, la tête et les émotions, souvent, c'est les émotions qui sont beaucoup plus fortes et qui vont mener, en fin de compte, nos actions. C'est pour ça, justement pour donner plus de chance aux consommateurs de bien digérer toutes les informations qu'on veut leur donner, qu'on trouve c'est important d'encadrer davantage.

Le Président (M. Bernier): M. le ministre.

M. Fournier: Je vais dire un petit mot là-dessus. Je vais passer mon autre question puis, après ça, je verrai s'il y a un de mes collègues qui veut vous poser des questions aussi. Un petit mot là-dessus: Moi, je n'empêcherai personne de solliciter le coeur, étant entendu qu'après il faut quand même s'assurer que la tête vient nous rejoindre. Alors, peut-être qu'il y a là une petite différence, mais je veux m'assurer que la tête soit là, bien entendu.

Mais parlez-moi du 0,5 % par année plutôt que du relèvement de 1 % par année. Dites-moi... Vous avez pris la peine de me le dire, c'est parce que, pour vous, 1 %, ça va faire mal au monde. Donnez-moi-z-en. Je ne veux pas leur faire mal, mais en même temps je veux les aider puis je ne veux pas... C'est compliqué de faire ça, je dois vous le dire. Je me suis posé la question: Si on fait ça, on vient vraiment dans la vie du monde, tu sais. Le gouvernement, à un moment donné, les gens disent: Aïe, laisse-nous vivre un peu, là. Alors, jusqu'où on va?

On dit: Bien, c'est important, on regarde les statistiques, on va le monter, là, le paiement minimum, c'est important pour les protéger. Des fois, les gens ne veulent pas nécessairement qu'on les protège. Ça fait qu'on y va tranquillement, mais je ne voyais pas jusqu'à quel point l'écart de 0,5 % à 1 % pouvait avoir un impact important. Dites-moi ce que ça veut dire.

Le Président (M. Bernier): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Clémence): Oui. Je vous dirais que, bien honnêtement, M. le ministre, depuis que c'est dans l'air et depuis que déjà un fournisseur de crédit a monté son paiement à 5 %, on reçoit des téléphones, et les gens sont tellement à budget serré qu'ils ne savent pas comment ils vont faire pour le payer. Alors, c'est un peu la réflexion qu'on s'est faite: Il faut leur donner ça un peu plus graduellement parce que, vraiment, dans leur budget... ils n'ont plus de liberté dans leur budget. Ils n'ont pas de revenu discrétionnaire, il n'en reste plus. Alors, déjà... Et c'est se demander: Est-ce qu'ils seront capables d'absorber même le 1 %?

Alors, on se dit: Si on y va avec le 0,5 %, bien là je pense qu'ils vont être capables, parce que, quand on vous parle de nos clientèles, on vous a donné un exemple tout à l'heure, quand on est endetté pour 18 000 $, 20 000 $, c'est énorme, là, le 2 % et le 3 % qu'on va leur rajouter. Ils ne l'ont pas dans leur budget. Et on commence déjà, nous, dans nos organisations, à recevoir des appels qui nous disent: Bien, qu'est-ce que je vais faire, je ne mangerai plus? Bon, vous voyez un peu. Alors, on se dit, pour leur faciliter... Parce que Dieu du ciel que oui, on est donc pour ça, que le paiement augmente, il n'aurait jamais dû baisser, mais, pour que le consommateur puisse l'absorber dans son budget, je crois qu'il va falloir y aller très graduellement.

Le Président (M. Bernier): M. le ministre.

M. Fournier: Est-ce qu'on est capable d'envisager une situation mitoyenne? Ne présumez pas que j'abandonne déjà mon idée, là, je tomberais très vite, franchement, je vais me donner un peu plus de temps. Mais je trouve ça long. S'il faut qu'on prenne 0,5 % par année, je trouve, je me dis, c'est un peu comme si je ne faisais pas de loi, tu sais. On peut-u imaginer que... Certainement les deux premières années, les deux premiers 0,5 % pourraient constituer des réveils déjà brutaux, c'est ce que vous me dites. Est-ce qu'on pourrait considérer que, rendu à la troisième année, on pourrait prendre une bouchée un peu plus grande, ne serait-ce que pour accélérer? Vous savez qu'il y a des gens, je ne sais plus lesquels, il y en a qui me proposent de ne pas arrêter à cinq, hein, d'aller plus loin -- alors, je ne sais pas si c'est vous ou d'autres -- de monter à huit entre autres. Alors, imaginez-vous que, si je le faisais à coup de 0,5 %, je ne sais pas c'est quand est-ce que ça finirait. Mais je vous soumets une solution qui pourrait peut-être nous... en tout cas, enrichir nos débats quand on sera à l'article par article: Est-ce qu'on peut trouver quelque chose comme: 0,5 %, 0,5 %, 1 %, par exemple?

Le Président (M. Bernier): Mme Roehl, vous avez environ une minute pour donner votre opinion.

Mme Roehl (Gabriele): Je pense, on partage votre souhait que tout se déroule plus rapidement. Par contre, quand on constate à quel point les consommateurs sont déjà dans la marge jusqu'au cou, on réalise que ça va leur prendre plus que trois ans, je pense, pour se remettre un peu sur pied et de justement se dégager un surplus assez important pour pouvoir rembourser davantage. Ça veut dire, selon le portrait des gens qu'on rencontre, moi, je crains que, même si, personnellement, on souhaiterait que ça aille plus vite, qu'on ne fera pas de cadeau aux consommateurs en allant trop rapidement.

Aussi parce que même le concept du paiement minimum, c'est un concept qui est très mal compris par une grande partie de la population. Il y a beaucoup de gens qu'on rencontre qui reçoivent leur relevé de compte de carte de crédit, ils regardent le petit chiffre qui est marqué, le paiement minimum, ils vont l'acquitter, ce paiement-là, et ils sont très fiers d'avoir bien géré leurs finances. Pour eux, le relevé de carte de crédit, c'est un peu comme la facture d'Hydro, ils paient le montant qui est marqué en bas de la case et, comme ça, ils ont bien géré. Ce concept-là qu'est le paiement minimum fait en sorte qu'ils paient longtemps et qu'ils paient beaucoup d'intérêts. C'est quelque chose, je pense, qu'il faut vraiment commencer à bien expliquer aux gens parce qu'il y en a beaucoup qui ne le comprennent pas encore aujourd'hui.

M. Fournier: Vous savez qu'il y a une disposition dans le...

Le Président (M. Bernier): M. le ministre.

M. Fournier: J'ai terminé, là?

Le Président (M. Bernier): Vous avez terminé, M. le ministre, je vous remercie infiniment. Nous allons maintenant aller du côté du député de Beauharnois. M. le député.

**(16 h 40)**

M. Leclair: M. le Président, vous allez tenir le compte à jour. Alors, tout d'abord, merci d'être là, merci pour votre mémoire. Je reviendrais peut-être sur la base du crédit. On aurait, je pense, beaucoup d'heures de questionnement. Bien, je reviendrais à la part de sollicitation sur le crédit que... Vous avez apporté une réponse à M. le ministre. Mais je crois que, d'entrée de jeu, j'aimerais aussi apporter quand même une réponse face à ça, ou un questionnement que les gens de la FEUQ nous ont fait parvenir, qui est l'endettement étudiant.

Alors, l'aide financière aux études, bien, eux, nous disent:«[Le] refus d'améliorer l'aide financière aux études est, [de] plus paradoxal à la veille de l'étude du projet de loi n° 24 qui a pour but de réduire l'endettement des Québécois. Force est de constater que le gouvernement n'a [pas] prévu aucune mesure pour diminuer l'endettement des étudiants et de leurs familles» dans ce projet de loi là.

Eux nous donnent comme principale recommandation... c'est sûr qu'ils en ont plusieurs qui ne touchent pas directement le projet de loi, mais «que le gouvernement interdise la fausse représentation en matière d'endettement [d']étudiant selon laquelle le crédit peut permettre de passer à travers ses études universitaires à l'abri des tracas financiers [...] sur la rentabilité future des études». Alors, face à ça, il y a des chiffres qui sont quand même très accablants. On dit: «En effet, sur l'ensemble de la population étudiante à temps plein au premier cycle, 65 % s'endettent [dans] un montant moyen de 13 967 $, [...]un étudiant sur quatre accumule plus de 20 000 $ de dettes. De plus, 35 % des étudiants s'endettent auprès [des] institutions financières d'un montant moyen de 8 043 $.»

Alors, j'aimerais quand même vous entendre sur la sollicitation de crédit. Vous en avez parlé tantôt. On semble se demander à quel niveau il faudrait cibler les jeunes puis comment... Je suis un peu d'accord avec un certain point, un certain sens du ministre qui dit: Comme le crédit n'est pas... on n'a pas une loi pour dire que c'est... pas dangereux, mais que c'est balisé, qu'on ne doit pas en avoir, de crédit. Donc, je me demande, dans vos offres que vous nous faites, vous parlez d'apporter des amendements. Puis, à la page 22, vous nous dites: Interdire toute sollicitation sur les campus collégiaux et universitaires. C'est sûr, ces gens-là sont rendus à l'âge presque mature. Mais qu'est-ce qu'on fait des formations professionnelles où est-ce que des gens arrivent pour aller dans des formations professionnelles? Ce sont souvent des adultes qui se retrouvent sans emploi. On ne devrait pas cadrer aussi à tous les niveaux où est-ce qu'on se retrouve? Puis là on parle souvent des personnes à faibles revenus qui, par un programme x, y, se retrouvent dans une école x de formation. J'aimerais vous entendre encore un peu plus en profondeur, là, sur la sollicitation qui, d'après moi, est le début des crédits.

Le Président (M. Bernier): Mme Roehl... Mme Gagnon, oui.

Mme Gagnon (Clémence): Enfin, c'est beaucoup ce qu'on avait avec la sollicitation et les jeunes. Effectivement, les fournisseurs de crédit, ils sont à la rentrée scolaire au niveau cégep puis dans les universités. Ils commanditent même des activités. Et, nous, c'est sûr que, un peu pour répondre à votre questionnement, on ne les voit pas là. On se dit que, si l'étudiant veut avoir du crédit, qu'il aille à l'institution financière, qu'il se fasse expliquer le fonctionnement, parce que c'est un des éléments aussi qu'on vous aurait dit, les jeunes ne comprennent pas le fonctionnement du crédit.

Il y a une étude de Marie Lachance qui dit, par exemple, que 46 % des jeunes qui ont une carte de crédit ne savent pas qu'ils auront une charge d'intérêt en payant seulement du minimum. Alors, c'est vous dire combien on aurait besoin de faire de l'éducation. Ça fait qu'à 18 ans on leur donne leur première carte de crédit, ils n'en connaissent pas le fonctionnement, et on commence à les initier à l'utilisation du crédit.

Et autre mouvement qui nous a réjoui, cette année, à l'Université Laval, à la faculté de médecine, à la rentrée, à l'Université Laval, ils ont demandé que les émetteurs de crédit ne soient pas présents à l'ouverture. Ils ont demandé qu'il n'y ait pas de sollicitation à l'ouverture des classes, et la même chose aussi...

M. Létourneau (Dominic): Le cégep de Sherbrooke puis le cégep Saint-Laurent. Les directions du cégep et les associations étudiantes ont décidé d'interdire la sollicitation des étudiants sur les campus. Pour récemment avoir été à l'université, c'est constant: journée carrières, le premier kiosque en rentrant, c'est une institution financière qui offre des cartes de crédit, qui donne des crayons. On s'en va à l'épicerie, en plein... j'ai été à l'université de Sherbrooke, donc, en plein milieu du quartier universitaire, donc sur la Galt, pour ceux qui connaissent, il y a un magasin, sans le nommer, durant les deux premières semaines de cours, il y a quelqu'un à l'entrée qui offre une carte de crédit avec 50 $ d'épicerie gratuite. Un étudiant, il vient d'arriver -- à Sherbrooke, on est surtout de l'extérieur -- on arrive, on n'a pas une cenne, il a fallu acheter les livres, payer les cours, etc., payer le premier mois de loyer, on se fait offrir 50 $ d'épicerie gratuite. C'est difficile de reconnaître, parce que la situation est vulnérable. C'est pour ça que c'est important d'interdire sur les campus collégiaux et universitaires. Et je suis d'accord avec M. le député d'inclure les formations professionnelles. On n'y avait pas pensé, mais ça serait important parce qu'encore là cette clientèle-là est très vulnérable.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. Létourneau.

M. Leclair: On va prendre de bonnes notes. On rajoutera les... J'aimerais revenir aussi...

Le Président (M. Bernier): M. le député de Beauharnois.

M. Leclair: Pardon, M. le Président?

Le Président (M. Bernier): Allez-y, M. le député de Beauharnois. On se devait d'identifier M. Létourneau au moment où il prend la parole pour qu'on puisse, au niveau des galées, prendre connaissance.

M. Leclair: C'est bien. Je reviendrais maintenant sur le paiement minimum qu'on a jasé un peu plus tôt. Nous comprenons très bien que... je crois que c'est à peu près le nerf de la guerre, là, dans ce projet de loi là. Puis c'est définitivement un problème qui est très complexe, parce que de varier un taux, pour certains, ils n'ont pas la capacité du tout. Pour d'autres, ils l'auront peut-être, nous verrons lorsque la finalisation du projet de loi, là... les taux qui seront applicables. Mais, moi, je suis d'avis ou je suis d'accord avec... lorsqu'on a un problème très complexe comme celui-là, d'appliquer un certain taux ou faire un changement de taux, mais je crois que la solution, elle va être aussi complexe pour réussir à bien s'en sortir. Donc, j'aimerais vous entendre, là, sur les augmentations prévues de 1 %, puis vos propositions face à ça, là, même si ça peut être complexe, mais si ça prend une complexité dans la solution, bien, je crois qu'il va falloir... Parce qu'il n'y a aucun doute que c'est vous qui allez recevoir ces gens-là, puis c'est vous qui allez vous payer les téléphones et tout l'encadrement alentour de ça, alors, j'aimerais vous entendre une petite affaire en plus en profondeur.

Le Président (M. Bernier): Mme Roehl? Mme Gagnon, bon. Allez-y.

Mme Gagnon (Clémence): Ce que vous voulez, vous... je comprends mal un peu votre question, monsieur. C'est que peut-être que vous maintiendriez le 1 %, c'est ça que je dois comprendre?

M. Leclair: Moi, pas nécessairement.

Mme Gagnon (Clémence): Non, O.K.

M. Leclair: On s'est fait expliquer, aussi, en rencontre technique que ça, c'était quand même une problématique, là, qu'on sait qu'on va avoir à faire face. Donc, moi, ce que je dis là-dedans, c'est de dire, même si, des fois, ça peut être complexe à dire: Il faudrait y aller avec un calcul plus savant ou... même s'il est plus complexe, j'aimerais vous entendre. Qu'est-ce que vous suggérez...

Mme Gagnon (Clémence): Bien, ce qu'on suggérait, nous...

M. Leclair: ...en pourcentage, en temps...

Mme Gagnon (Clémence): Oui, c'est ça. Bien, en somme, nous...

Le Président (M. Bernier): Allez-y.

Mme Gagnon (Clémence): Merci, monsieur. Nous, ce qu'on suggérait, c'était qu'au lieu qu'il y ait des augmentations de 1 % par année pour le remboursement minimum demandé, que ce soit des 0,5 %. Alors, celui qui paie, à date, 2 %, bien, l'année prochaine, paierait 2,5 %, l'année suivante paierait 3 %. On trouve que le morceau à prendre dans le budget de nos familles serait moins difficile et peut-être plus réaliste. Parce que, comme M. le ministre l'a dit en entrée de jeu, c'est évident qu'ils n'ont pas d'épargne, ils n'ont pas de fonds d'urgence. Leur fonds d'urgence, c'est ce qui reste qu'ils peuvent acquérir sur la carte de crédit, alors...

Il y avait aussi une étude, je ne croirais pas me tromper, je pense que c'est les comptables agréés, qui nous disait que, si les gens n'avaient pas leur paie pour une semaine... Il y avait un très fort pourcentage qui étaient déjà dans des problèmes d'endettement s'ils n'avaient pas leur paie pour une semaine. Je regrette, je n'ai pas en tête le pourcentage, mais c'était assez impressionnant. Alors, c'est vous dire comme ces gens-là n'ont aucune liberté dans leur budget. Ça fait que c'est sûr que, s'ils ont des dettes de 20 000 $ sur leurs cartes de crédit puis qu'on leur augmente de 1 %, c'est 200 $ par mois, là. Alors, il ne sont pas capables de l'absorber.

M. Leclair: Mais je prends...

Le Président (M. Bernier): M. le député.

M. Leclair: Je prends comme exemple, là, qu'on embarquerait dans du 0,5 %, alors on plafonne le taux, d'après votre suggestion, à quel niveau, par la suite, vu qu'on étire dans le temps?

Mme Gagnon (Clémence): Bien, nous, on s'était joints autour de 5 %, mais je dois vous dire qu'au départ on aurait même monté jusqu'à 8 %.

Le Président (M. Bernier): Merci.

Mme Gagnon (Clémence): Toujours graduellement, par contre, mais...

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Leclair: C'est bien. J'aimerais revenir dans votre mémoire, à la page 10. Vous parlez: La pénalité imposable pour défaut de paiement dans le cadre d'un contrat de crédit variable. Vous nous parlez... vous aimeriez que nous ajoutions une interdiction expresse et spécifique d'imposer un taux punitif en cas de défaut de paiement. J'aimerais vous entendre sur quel type de punition que vous souhaitez voir ou entendre.

Le Président (M. Bernier): Mme Roehl, oui, allez-y.

M. Leclair: Qu'il ne souhaite pas, oui; qu'ils veulent faire appliquer.

Le Président (M. Bernier): Allez-y, allez-y, madame.

Mme Roehl (Gabriele): En fin de compte, ce qu'on aurait souhaité, c'est justement l'interdiction du taux punitif, justement ce qui est suggéré dans le projet de loi, que ça encadre mieux les pénalités qui peuvent être chargées en cas de défaut de paiement. Par contre, ce qui n'est pas interdit dans ce projet de loi, c'est le fait que, souvent, les compagnies de... les émetteurs de cartes de crédit, une fois qu'un consommateur qui a une carte bancaire avec un taux, disons, de 19 % ou 20 %, une fois que ce consommateur-là est en défaut de paiement et est en retard avec ses remboursements, en fin de compte, il y a certains émetteurs qui vont augmenter le taux de crédit dans ces situations-là, souvent de 20 % à 24 %. Ça veut dire qu'un consommateur qui est déjà en difficulté de remboursement de son crédit se voit augmenter à un taux d'intérêt encore plus élevé, encore plus onéreux. Ça veut dire pour nous, vraiment, ne pas donner une chance au consommateur pour se reprendre en main.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

**(16 h 50)**

M. Leclair: Donc, on comprend que vous ne voulez pas qu'il y ait une pénalité, même pas une pénalité si c'est à défaut de paiement.

Le Président (M. Bernier): Mme Roehl.

Mme Roehl (Gabriele): On ne veut pas qu'il y ait un taux d'intérêt punitif, c'est ça, qui, selon notre interprétation, reste toujours possible, suivant ce projet de loi là.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

M. Lemay: Oui. Merci, M. le Président. À mon tour, je salue les gens de la commission, mesdames, monsieur. Très rapidement, le deuxième paragraphe de la page 5 est assez effrayant, là, que le taux d'endettement augmente sept fois en 20 ans, là. Le taux d'endettement a augmenté sept fois. Avez-vous des chiffres absolus, juste pour me situer? Le revenu médian est, quoi, 60 000 par famille, et l'endettement est de... Avez-vous un...

Une voix: Non.

M. Lemay: Non? Vous n'avez pas le...

Mme Roehl (Gabriele): Désolée, je ne l'ai pas apporté avec moi.

Mme Gagnon (Clémence): Non. Nous ne l'avons pas avec nous.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Gagnon. Si vous voulez le produire à la commission, vous pouvez le produire, hein, en le faisant parvenir au...

M. Lemay: Moi, en termes d'argent, là... Oui, ça...

Le Président (M. Bernier): ...en le faisant parvenir au secrétariat de la Commission des relations avec les citoyens, puis nous allons à ce moment-là s'assurer que les parlementaires vont obtenir copie du document, si vous le désirez.

M. Lemay: Parce que ça marque toujours mieux l'imaginaire quand on a le montant de... les revenus et l'endettement, mais en termes d'argent. Ça frappe déjà pas mal, là, j'imagine que ça va frapper encore plus.

À la page 14, vous dites, et effectivement c'est un cas qui peut être... l'exemple que vous donnez, là, la dame qui a tel revenu et qui reçoit une carte avec une limite de 35 000 $. Ma question est un peu naïve, là, mais c'est quoi, l'objectif? À un moment donné, est-ce que ces compagnies de crédit là inondent la marché de cartes de crédit. Ils en perdent 20 %, 30 %, mais il y en a 70 % qui payent. Ça fait qu'ils font de l'argent avec ça? Avez-vous analysé le phénomène ou... Parce que, manifestement, ça ne marche pas, là. Ça ne marchera pas.

Le Président (M. Bernier): Mme Roehl.

M. Lemay: Et, des cas comme ça, j'ai l'impression qu'il y en a peut-être plus qu'on peut penser, là.

Le Président (M. Bernier): Mme Roehl.

Mme Roehl (Gabriele): Bien moi, je trouve que vous posez une excellente question. Il y a peut-être deux éléments de réponse. Le premier, c'est le taux tellement bas du paiement minimum obligatoire. Ça veut dire, souvent, les gens réussissent quand même, pendant une certaine limite de temps, de toujours au moins couvrir le paiement minimum. Ils vont se prendre d'autres cartes de crédit, parfois prendre des avances de fonds pour payer les premiers. Comme ça, avec justement une capacité de crédit assez élevée, le jeu peut continuer assez longtemps. Ça veut dire, comme le paiement minimum est tellement bas, les gens peuvent quand même, pendant plusieurs années souvent, continuer la situation.

Et le deuxième, c'est les taux d'intérêt sur surtout les cartes de crédit qui sont très, très, très élevés, ici au Canada, en comparaison avec d'autres régions du monde. Avec des taux, des cartes bancaires régulières, d'autour de 20 % et des cartes des grands magasins autour de 30 %, dans leurs marges de profits, on peut imaginer que justement il y a déjà un pourcentage inclus.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Lemay: Je comprends la mentalité du consommateur, j'en suis un moi-même. Je ne suis pas un banquier, par exemple. C'est pour ça que je vous posais la question. Et je vais la poser aussi... on va avoir des gens des secteurs financiers, mais, moi, je n'arrive pas à comprendre qu'une institution financière envoie une carte de crédit avec une limite de 35 000 $ à quelqu'un qui gagne 1 000 $ par mois. Je n'arrive pas à... Ça ne peut pas marcher, là. Je n'arrive pas à comprendre.

Je vous l'ai dit, ma question est un peu naïve, là, mais, si on veut avancer dans le projet de loi, moi, j'aimerais ça comprendre la mentalité de ces gens-là de donner des cartes de crédit en fait à n'importe qui, puis ça ne peut pas fonctionner, là.

Le Président (M. Bernier): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Clémence): Oui. Enfin, c'est pour ça que nous nous réjouissons de l'analyse de la capacité de remboursement puis de l'obligation... le prêt responsable en ça, de l'obligation qu'à l'avenir les fournisseurs de crédit devront aller vérifier les dossiers de crédit, devront faire leur enquête à savoir si, par exemple, les gens ont des dettes étudiantes qui ne sont pas dans le dossier de crédit, bon, vous voyez? C'est dans ce sens-là qu'on espère que le nouveau prêt responsable, que là les compagnies vont se discipliner, en somme, là, on va espérer ça.

Pour répondre à votre question, monsieur, de tout à l'heure, si vous le permettez, M. le Président, je vous dirais que, quand on parle de taux d'endettement, il y a des taux comme à 150 %, c'est parce qu'on a tenu compte de la dette hypothécaire. Mais ce qu'on nous dit souvent... C'est pour ça que, là, il faut dire les choses comme elles sont, et c'est de leurs revenus disponibles par contre, c'est de leurs revenus une fois les impôts payés. Par contre, on nous dit que, souvent, la dette à la consommation est de 32 % à 34 %, et ça, c'est là que c'est énorme. Une dette avec l'hypothèque, bien, vous devez quand même débourser. Sûrement que, dans certains couples, elle est beaucoup trop élevée, ça, je pense qu'on va tous s'entendre là-dessus. Mais vous devrez débourser quand même pour vous loger. Mais une dette à la consommation... Et c'est là que tout va chavirer quand il y aura, comme a dit si bien M. le ministre, des augmentations de taux, là.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Lemay: Oui. J'aurais une dernière question: à la page 13, vous référez à l'article 22 du projet de loi, et je vous dis honnêtement, je ne sais pas c'est quoi, le processus actuel. Je vous réfère au futur article 103.3 «Lorsque le consommateur n'est plus en mesure de respecter les modalités», il se présente devant le tribunal, là, pour exiger... En fin de compte, c'est presque une protection, hein, c'est pour les compagnies, là. Est-ce que ça existe à l'heure actuelle, ce type d'article de loi là, non? Donc, c'est un peu l'individu qui serait... comme les compagnies vont... la loi de la protection des créanciers. Je lis l'article, et est-ce que l'article vous semble, comment je pourrais dire, pas «raisonnable», mais est-ce que c'est faisable, vous pensez? Parce qu'un paiement, c'est aux 30 jours habituellement. Donc, vous faites un paiement, là, vous vous apercevez que vous êtes vraiment dans le trouble, et là vous avez quelques jours pour demander à la cour... Je ne sais pas laquelle là, on verra dans le cadre de nos travaux article par article. Est-ce que ça vous semble quelque chose de possible techniquement, d'après vous?

Le Président (M. Bernier): M. Létourneau. Allez-y, M. Létourneau.

M. Létourneau (Dominic): Bien, c'est sûr que techniquement ce serait possible. Oui, ça augmente la charge sur les tribunaux, puis on en est conscients, mais de toute façon, je ne me souviens plus de quel article, excusez ma mémoire, mais il y a un nouvel article qui dit que, pendant la période de contestation judiciaire, les paiements sont arrêtés. Donc, en même temps, la personne qui fait sa demande devant les tribunaux pour avoir une réduction de ses obligations en vertu de l'article 103.3, il y aurait un arrêt de paiement, donc sa charge, ses intérêts ne continueraient pas à s'accumuler, puis il n'aurait pas besoin de continuer à faire ses paiements, donc il pourrait avoir un break, entre guillemets, pour... Puis, nous, ce qu'on demande, c'est qu'on trouve que ça ne va pas assez loin, parce que, «force majeure», c'est trop restrictif. Il y a d'autres situations, celles qu'on a marquées, entre autres, qui ne rentreraient pas dans le critère exact de la force majeure mais qui devraient être incluses parce que c'est des cas de situations temporaires -- on insiste sur le mot temporaire -- et occasionnelles qui font que les gens, pour un mois ou deux, n'ont pas les moyens de payer.

C'est sûr que, dans un monde idéal, la personne appellerait son créancier, demanderait un arrêt de paiement puis ce serait accordé. Malheureusement, ce n'est pas toujours possible. Donc, quand cet article-là nous a été soumis, on trouve que ce n'est pas mauvais, c'est sûr que ça accorde une protection supplémentaire, on pourrait difficilement être contre. Mais c'est réaliste, même si ça va apporter une charge très lourde aux tribunaux.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député, 1 min 30 s environ.

M. Leclair: Oui. Bien, j'irais... je reviendrais sur la capacité de rembourser le crédit quand on dit que, maintenant là, il faut... ils vont avoir à vérifier ça. Mais, personnellement, là, vous, est-ce que ça vous rassure, vous? Moi, là, quand je vois une compagnie de crédit qui est très, très solvable ou qui fait des milliards en arrière, de dire: Je prends un risque cette année, la conjoncture économique est tellement basse, on va en pogner, du monde au bout de la ligne, là... Alors, si je décide que je prends un risque à... Comme les banques aux États-Unis ont fait, là. Le marché de l'immeuble, là, il était tellement bon pendant des années, puis c'étaient quand même des créanciers qui vérifiaient ça, puis ils ont leurs bureaux pleins de clés aujourd'hui. Alors, vous, ça vous rassure quand même? Comme vous avez si bien dit, oui, c'est une mesure de plus, mais, moi, il me semble que ça ne me rassure pas tant que ça, parce que c'est un risque financier qu'ils prennent en bout de ligne. J'aimerais vous entendre sur le peu de temps qu'il me reste.

Le Président (M. Bernier): Il vous reste une minute. Mme Gagnon, je vous donne la minute.

**(17 heures)**

Mme Gagnon (Clémence): Enfin, c'est évident que, là, pour le moment, on ne sait pas qu'est-ce que ça va donner. On espère... Peut-on espérer que les fournisseurs de crédit auront une certaine discipline? Il y aura une discipline qui leur sera imposée par la loi, je pense, forcément. On verra bien aussi dans la réglementation comment on va leur demander de la faire, cette vérification-là, et soyez sûrs que nous allons être là aussi pour voir un peu comment est-ce que c'est qu'elle sera faite. C'est sûr que, nous, on est peut-être inquiets parce que, souventefois, par rapport aux dossiers de crédit, il y a des crédits qui ne sont pas là et dont on ne tient pas compte. Bon, ça va être... Effectivement, est-ce que ça sera réaliste? Est-ce que les émetteurs de crédit diront: On continue à envoyer ça en masse puis on prend le risque d'avoir des pertes, puis effectivement c'est dans notre calcul, comme on vous disait tout à l'heure? C'est à voir.

Le Président (M. Bernier): Merci. Court commentaire. Oui, allez-y, Mme Roehl.

Mme Roehl (Gabriele): Une petite phrase. Et, si jamais ou voudrait donner un peu plus de poids à ces mesures, on peut toujours adopter l'exemple de la Suisse, où justement la sanction n'est pas seulement la perte des intérêts mais même du capital, si justement la vérification n'était pas bien faite.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup. Donc, Mme Gagnon, Mme Roehl, M. Létourneau, représentants de la Coalition des associations de consommateurs du Québec, merci de votre participation à cette commission parlementaire. Ce fut fort intéressant.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre à Option Consommateurs de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 1)

 

(Reprise à 17 h 5)

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Nous avons le plaisir de recevoir les représentants d'Option Consommateurs, représentée par Me Stéphanie Poulin -- Me Poulin, bienvenue -- Me Élise Thériault -- bienvenue -- et madame...

Option Consommateurs (OC)

Mme Gervais (Dominique): Me Dominique Gervais.

Documents déposés

Le Président (M. Bernier): Me Dominique Gervais. Bienvenue, Mme Gervais. Ça fait grand plaisir de vous recevoir à cette commission. Vous avez déposé des documents d'information additionnels en ce qui regarde votre mémoire, donc je les reçois et je les dépose au secrétariat de la Commission des relations avec les citoyens. Ils seront donc disponibles pour l'ensemble des participants à cette commission et également sur le site de la commission. Donc, sans plus tarder, vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, et par la suite suivront des échanges avec les parlementaires. Allez-y, Mme Poulin, Me Poulin.

Mme Poulin (Stéphanie): Donc, bonjour, M. le Président, M. le ministre, messieurs mesdames... MM. les députés, en fait. Donc, voici nos observations au sujet du projet de loi n° 24. Comme l'avez mentionné, je me nomme Stéphanie Poulin; à ma droite, il y a Me Élise Thériault et, à ma gauche, Me Dominique Gervais. Toutes, nous travaillons chez Option Consommateurs.

Option Consommateurs, c'est une association sans but lucratif qui existe depuis 1983, qui a pour mission de promouvoir et de défendre évidemment les droits et les intérêts des consommateurs. Donc, nous répondons, dans notre mission, à des appels de consommateurs à qui nous fournissons notamment des services de consultation budgétaire lorsqu'ils ont des problèmes de nature de budget, de crédit, d'endettement.

Option Consommateurs accueille favorablement les orientations proposées par le projet de loi n° 24 et estime essentiel qu'elles soient adoptées. Celles-ci évidemment visent à moderniser la loi afin de tenir compte de l'importante évolution des pratiques commerciales en matière de crédit, mais nous estimons également qu'elles sont nécessaires pour lutter contre le surendettement mais également pour assurer une plus grande stabilité à notre système financier.

Nous saluons les mesures proposées, car elles permettent, selon nous, d'intégrer à la loi des principes reconnus ici mais également ailleurs. Notamment, on se réjouit du fait: d'accorder au consommateur seulement le montant de crédit qu'il souhaite sans lui octroyer une limite supérieure; de renforcer les mesures qui interdisent l'augmentation unilatérale des limites de crédit. Nous saluons également l'introduction dans la loi des règles concernant l'imputation des paiements dans le cas d'un crédit variable ayant deux taux différents. Nous saluons également l'interdiction d'envoyer les offres de crédit préapprouvées aux consommateurs qui n'en ont pas fait la demande et aussi l'introduction d'un régime qui vise à protéger les consommateurs en cas de transactions non autorisées sur leurs cartes de débit et l'arrimage de ce régime avec celui des cartes de crédit.

Évidemment, comme nos collègues qui nous ont précédées, nous sommes particulièrement heureux de l'encadrement du paiement minimal à payer sur les cartes de crédit, la mesure prévue à l'article 126.1. On se réjouit de son adoption parce que ça va contribuer évidemment à prévenir le surendettement. Nous croyons que la limite fixée à au moins 5 % constitue un pas dans la bonne direction, mais nous estimons que le taux plancher doit être fixé à au moins 8 %, donc c'est nous qui étions en faveur de ça.

Comme nos collègues, nous croyons qu'il faut adopter une mesure qui est progressive. Évidemment, comme nos collègues, nous avons reçu des appels de consommateurs qui craignent l'impact d'une augmentation de 1 %, parce qu'ils peinent déjà, à l'heure actuelle, à rembourser ce montant. On croit qu'une implantation progressive doit être privilégiée parce que ça va permettre aux consommateurs plus à risque de consulter et de prendre les mesures nécessaires pour prendre des mesures préventives. À l'heure actuelle, on propose d'augmenter le paiement minimum de 1 % par année. On croit que ça devrait se faire plus graduellement parce que l'effort financier demandé pour les consommateurs, la première année, est beaucoup plus importante que celle des années successives. Donc, on propose de doser cet effort de façon graduelle pour permettre aux consommateurs de s'ajuster en douceur à cette nouvelle réalité.

**(17 h 10)**

Les mesures proposées s'appliquent... ce qui est proposé, c'est que les mesures transitoires s'appliquent tant aux contrats qui existent actuellement, donc les contrats en cours, mais de même aux nouveaux contrats. Ce faisant, les détenteurs de nouveaux contrats de carte de crédit devront également subir l'augmentation progressive du paiement minimum. Nous croyons que le paiement minimal le plus élevé devrait s'appliquer dès l'entrée en vigueur de la loi aux nouveaux contrats, donc aux contrats conclus à la suite de l'adoption de la mesure, de façon à ne pas créer de difficulté aux nouveaux détenteurs de cartes de crédit.

Nous croyons également que cette mesure devrait être accompagnée d'une campagne d'information afin d'aider les consommateurs à faire face à la mesure. Ça pourrait se faire notamment par l'intermédiaire de mesures d'information directement dans le relevé de compte de carte de crédit, dans lequel on informerait les consommateurs. Présentement, votre minimum est de x; l'année prochaine, ce sera de y. Est-ce que vous êtes capables de faire face à la situation? Sinon, prenez des mesures, allez consulter; il y a des ressources qui existent. Et de référer ces consommateurs aux ressources existantes. Les consommateurs pourraient, par exemple, être redirigés vers les associations coopératives d'économie familiale, les ACEF, dont nous sommes, qui offrent de l'aide dans ce domaine.

Une autre mesure dont nous sommes particulièrement heureux est celle qui imposerait aux prêteurs l'obligation de vérifier la capacité des consommateurs de rembourser le crédit avant de conclure un nouveau contrat. Donc, c'est l'introduction dans notre droit du concept de prêt responsable. Nous croyons qu'il est important que les pratiques actuelles soient corrigées, car elles sont très déficientes chez la majorité des institutions prêteuses. En effet, à l'heure actuelle, beaucoup se limitent à regarder uniquement le Beacon Score, donc le score de crédit disponible sur le dossier crédit. Malheureusement, ces vérifications sont déficientes. Trop de facteurs peuvent faire varier la capacité de remboursement d'un consommateur, et ça ne prend pas évidemment en considération tous les éléments que l'on a dans un budget, l'ensemble des dépenses, ça ne tient pas en considération toutes les dettes qu'un consommateur peut avoir.

C'est pourquoi nous recommandons que le règlement qui sera adopté impose aux commerçants notamment l'obligation de dresser un budget en se basant sur les revenus nets des consommateurs. La mesure proposée, donc cette mesure, est liée à une sanction en cas de non-respect par les institutions prêteuses. Option Consommateurs recommande d'introduire dans la loi un renversement de la charge de preuve au terme de laquelle il revient au prêteur et non au consommateur de prouver qu'il a rempli son obligation de vérifier la capacité du consommateur de rembourser.

Enfin, à l'article 103.3, on crée un recours en modification de modalités de paiement en cas de situation de vie qui équivaut à une force majeure. On accueille favorablement l'introduction de ce nouveau recours qui permet de renégocier les modalités de paiement dans certaines situations, comme par exemple un accident ou une perte d'emploi. Nous avons cependant certaines réserves par rapport à l'utilisation du terme «force majeure» pour désigner ces situations. En droit civil, la force majeure est un événement qui est à la fois imprévisible et irrésistible. Pourtant, il y a une quantité de situations dans lesquelles un consommateur peut se retrouver qui ne remplit pas ces deux critères du droit civil. Une maladie, par exemple une maladie dégénérative qui perdure de nombreuses années, pourrait être considérée irrésistible mais peut-être pas imprévisible au moment où le consommateur voudrait se prévaloir de ce recours. Par conséquent, on suggère une modification des termes utilisés et de remplacer «force majeure» peut-être par «situation grave». Il y a une réflexion à faire à cet égard.

Je vais céder la parole à ma collègue Dominique Gervais, qui va poursuivre nos représentations.

Le Président (M. Bernier): Mme Gervais, allez-y.

Mme Gervais (Dominique): Bonjour. Je vais vous parler de l'article 103.1 du projet de loi, qui reprend essentiellement l'actuel article 116, qui prévoit que le consommateur qui a utilisé un prêt d'argent pour payer l'achat d'un bien peut faire valoir, à l'encontre de son prêteur, lorsqu'il est poursuivi par ce prêteur-là, les mêmes moyens de défense qu'il aurait pu faire valoir contre le vendeur.

Nous saluons l'initiative du projet de loi d'assujettir les contrats de crédit variable à cet article parce qu'actuellement ce ne sont que les contrats de prêt d'argent, ce qui fait que les contrats de type «achetez maintenant, payez plus tard» vont être assujettis à cette mesure-là, ce qui n'était pas le cas actuellement.

Par contre, nous sommes d'avis que cette disposition devrait être modifiée afin de permettre au consommateur de l'invoquer aussi en demande, c'est-à-dire s'il veut lui-même poursuivre le prêteur. Pourquoi? Il faut comprendre que cette disposition-là a été mise en place pour protéger les consommateurs qui auraient un problème avec le bien acheté à l'aide d'un financement, par exemple, si le bien est défectueux ou n'a jamais été livré.

Il faut comprendre que, quand le consommateur utilise ces plans de financement là, il conclut deux contrats: un contrat de vente et un contrat de crédit. Ce n'est pas parce que le bien est défectueux, qu'il aurait un recours contre le vendeur qu'il n'est plus légalement tenu de rembourser son prêt. Donc, il faudrait prévoir que le consommateur peut intenter une poursuite lui-même contre le prêteur. Pourquoi? Bien sûr, il peut poursuivre le vendeur. Mais, si le vendeur est insolvable ou il est introuvable, le consommateur se retrouve dans une situation où il doit cesser ses paiements de son prêt et, s'il a de la chance, son prêteur va le poursuivre et alors il va pouvoir invoquer ses moyens de défense.

Sauf qu'en réalité c'est loin d'être certain que le prêteur va poursuivre le consommateur. Il est fort probable qu'il envoie le compte du consommateur en recouvrement avec tous les désagréments que ça peut causer. Il est plus que probable qu'il inscrive une note à son dossier de crédit. Ça lui causera des ennuis s'il veut contracter d'autres prêts, souscrire une assurance ou même louer un logement. Si le prêteur ne le poursuit pas, il est pris avec cette situation-là, avec tous les désagréments. Il ne pourra pas faire annuler son contrat de financement ni faire valoir ses moyens de défense. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça cause beaucoup de torts pour un consommateur qui n'a rien à se reprocher, dans le fond.

On demande aussi de préciser dans la loi, dans le cas de financement de biens meubles, que les deux contrats sont liés. Donc, si un est nul, l'autre l'est automatiquement, parce qu'on s'entend, les deux entreprises collaborent régulièrement pour octroyer des prêts, donc les deux contrats devraient être liés.

Maintenant, je vais vous parler des frais... des éléments pris en compte dans le calcul du taux de crédit, les articles 72.1 et 92. Actuellement, peu de frais sont exclus du calcul du taux de crédit. Il y en a quelques-uns. Le projet de loi prévoit, à l'article 72.1, d'exclure d'autres composantes, notamment des frais pour le remplacement ou la personnalisation d'une carte. Nous n'avons pas d'objection pour la plupart de ces frais, sauf pour le paragraphe a de l'article 72 qui concerne le montant d'une prime d'assurance souscrite lorsqu'elle n'est pas exigée par le commerçant.

Pourquoi? Selon notre expérience, beaucoup de consommateurs détiennent ces assurances sans le savoir ou qui leur ont été imposées. Les assurances solde sur les cartes de crédit sont particulièrement problématiques à ce niveau. Ces assurances-là sont généralement très coûteuses. Je vais vous donner un exemple d'une carte de crédit Brick. Le taux de crédit annuel est 29,9 %. L'assurance facultative est de 1,39 $ par tranche de 100 $ du solde. Si on intègre ce coût-là au taux annuel, au taux de crédit annuel, ça grimpe à 48,33 %. Si on permet 72 comme il est rédigé, cette partie-là va pouvoir être exclue. Donc, le consommateur va avoir comme information que son taux de crédit est 29,9 %. Il n'aura pas l'information que ça peut grimper à 48,33 %. Donc, c'est pour ça qu'on est contre; c'est un élément décisif dans la décision d'adhérer à une carte de crédit ou non.

Par rapport à 92, c'est les frais exigibles du consommateur en cas de défaut. Le créancier peut exiger en ce moment le paiement de frais de crédit lorsqu'un consommateur est en défaut. Cependant, il doit inclure ces éléments-là dans le taux de crédit et les calculer conformément à la loi. Les mesures proposées à l'article 92 permettront au prêteur de facturer certains frais qualifiés de raisonnables au consommateur, s'il ne respecte pas ses obligations, sans les inclure dans le taux de crédit. Encore là, nous sommes d'avis que le taux de crédit permet au consommateur de comparer deux produits. Si on met à l'externe d'autres frais, ça permet... le consommateur est moins en mesure de comparer deux produits de crédit.

Pour l'article 92, nous sommes conscients que la mesure proposée découle de l'accord d'harmonisation des lois sur la divulgation du coût de crédit. Cependant, l'accord de commerce intérieur et l'accord d'harmonisation n'exigent pas que le Québec abaisse le seuil de protection pour se conformer. S'il a des dispositions en vigueur au moment de l'entrée en vigueur de l'accord, il n'est pas obligé d'abaisser sa protection. Donc, pour nous, l'article 92 ne devrait pas être adopté. Et, si jamais la mesure était adoptée, on pense qu'avec des cartes à 30 % d'intérêt il y a bien peu de frais qui nous semblent raisonnables. Je vais céder la parole à ma collègue Élise.

**(17 h 20)**

Le Président (M. Bernier): Mme Thériault, il vous reste environ 1 min 30 s. Vous aurez l'occasion de revenir dans vos éléments, puis, si vous voulez aller au principal, là, je vous donne cette période-là.

Mme Thériault (Élise): À l'article 244, nous appuyons la proposition d'encadrer les publicités qui indiquent que le crédit peut améliorer la situation financière ou résoudre les problèmes d'endettement d'un consommateur, parce que ces représentations-là s'adressent à une clientèle particulièrement vulnérable. Par contre, on se questionne sur le choix de cibler seulement les représentations fausses ou trompeuses. La lecture de l'article 244, tel que rédigé dans le projet de loi, porte à croire que les représentations véridiques à l'effet que le crédit peut améliorer la situation financière ou résoudre les problèmes d'endettement seraient tolérées.

Dans ce cas-là, s'il y avait un litige, le consommateur devrait supporter le fardeau de la preuve et prouver lui-même que les représentations qui lui ont été faites dans la publicité étaient fausses ou trompeuses. On recommande donc d'enlever les mots «fausse ou trompeuse» du libellé de l'article afin que toutes les représentations à l'effet que le crédit peut améliorer la situation financière ou résoudre les problèmes d'endettement soient interdites.

Je veux également prendre un petit 30 secondes pour parler de l'article 119.1, qui est le formulaire de demande de crédit variable. Donc, on salue cet article-là, l'initiative de légiférer sur le contenu d'un formulaire de crédit variable, donc formulaire de carte de crédit. Cette mesure-là prévoit ce qui doit être inscrit dans un formulaire de carte de crédit, ce qui n'était pas le cas avant. Par contre, on estime que le second alinéa de cet article-là ne devrait pas être adopté parce qu'il permet au créancier, donc au prêteur, à l'institution financière, de ne pas divulguer les renseignements obligatoires à condition qu'ils mettent un numéro de téléphone sans frais auquel le consommateur peut appeler pour obtenir les renseignements.

Cet alinéa-là, c'est exactement l'article 11.2 du règlement sur le coût d'emprunt qui a été remplacé par le gouvernement fédéral le 1er janvier 2010 parce qu'il lésait les consommateurs. Depuis cette date-là, les commerçants n'ont plus le droit d'inscrire seulement un numéro de téléphone sans frais pour se soustraire à l'obligation de divulguer les renseignements obligatoires. Donc, on trouve ça assez étrange que le législateur québécois envisage de permettre au prêteur de faire ce qui a été interdit aux banques par un autre palier de gouvernement.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup. Merci de votre présentation, mesdames. Nous allons donc débuter nos échanges avec les parlementaires. M. le ministre.

M. Fournier: Merci beaucoup. Merci à vous d'être avec nous aujourd'hui. Je vais commencer... D'entrée de jeu, je vais commencer avec le dernier sujet que vous avez mentionné concernant l'accord d'harmonisation. Pouvez-vous me le réexpliquer de: Je n'aurais pas besoin de changer, je n'ai pas besoin de m'harmoniser, même s'il y a un accord d'harmonisation.

Le Président (M. Bernier): Mme Gervais.

Mme Gervais (Dominique): C'est l'article 807 de l'accord du commerce intérieur qui prévoit que les parties ne sont pas tenues, pour réaliser cet objectif de conciliation, là, lié à 405, de réduire le niveau de protection des consommateurs qu'elles assurent à la date de l'entrée en vigueur du présent accord.

Donc, ce qui était déjà en place, on n'a pas besoin de l'abaisser pour s'harmoniser. C'est sûr que, si on ajoute des choses, là, il va falloir moderniser, sauf que 92 était là depuis... je ne sais pas s'il était là en 1971, mais... Bref, moi, ce que je comprends de 807, c'est qu'on n'est pas obligés d'abaisser notre niveau de protection, ce qui était en vigueur au moment de l'accord.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le ministre.

M. Fournier: Merci. On va vérifier cet élément-là. Je veux revenir sur le paiement minimum un petit peu. Je vous sens résolues sur le 8 %. Je ne sais pas si je me suis trompé, mais vous sentiez résolues, un 8 %, on voudrait aller là. Puis, en même temps, je vous sens très convaincues que de monter de 1 % par année, ça va être un gros choc. Alors, j'imagine qu'à 8 %, quand on va y arriver, ça peut aussi avoir des impacts.

Honnêtement, moi, je trouve que 8 %, c'est une grosse bouchée, là. Comment je suis capable de voir qu'on peut monter à 8 %? On va aller graduellement, mais, à chaque année, c'est dur de monter de 1 %, mais on peut se rendre au moins jusqu'à 8 %, il n'y a pas de difficulté pour le monde. Ça me semble un peu contradictoire.

Le Président (M. Bernier): Mme Poulin.

Mme Poulin (Stéphanie): Bien, à vrai dire, lorsqu'on propose 8 %, c'est simplement... ce que l'on propose, c'est de retourner à l'endroit où on était historiquement il y a peut-être 10 ou 15 ans. Et, en somme, si on considère que rembourser 8 % d'une dette... Ce n'est quand même pas énorme en soi, hein, au niveau absolu.

Mais effectivement, vous avez raison, d'y aller progressivement, c'est peut-être d'allonger la période de douleur. Mais, je pense, l'essentiel de notre message, c'est de doser l'effort de façon à ce que... de ne peut-être pas créer un choc. De monter de 1 % à 2 %, c'est un effort de 50 %; de 2 % à 3 %, c'est un tiers. Il y a peut-être moyen d'y aller beaucoup plus progressivement pour aider les gens à avaler la pilule. Voilà, tout simplement.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le ministre.

M. Fournier: Il y avait une idée que vous semblez avoir émis, si j'ai bien compris, pour des nouveaux contrats. Là, on le monte direct à 5 %. Pour des contrats déjà en vigueur, on y va graduellement, là, je pense c'est 0,5 %. Vous êtes d'accord un peu avec le groupe d'avant, là, si je vous comprends bien, 0,5 % par année, ça serait correct, là, c'est ça?

Le Président (M. Bernier): Mme Poulin.

Mme Poulin (Stéphanie): Oui, probablement que 1,5 % par année serait correct, mais on n'a pas pris une position sur un montant, un pourcentage exact, mais... Donc, ça, c'était pour le premier élément. Le deuxième élément, c'était pour les nouveaux contrats. Oui, on pense qu'il devrait y avoir une application différente, dépendamment est-ce qu'on est face à un contrat où les consommateurs présentement remboursent des dettes, donc des contrats déjà conclus actuellement, et les autres. Donc, tous les nouveaux détenteurs de cartes de crédit qui concluent un nouveau contrat, à ce moment-là, on pourrait immédiatement appliquer la mesure telle quelle.

M. Fournier: Motivée par le fait qu'on ne veut pas changer la... ou en tout cas trop rapidement la situation de droit qui existe par rapport à une créance déjà existante. Pourtant, dès qu'on veut le monter à 5 %, c'est parce qu'on considère que c'est... ou 8 %, là, mais en tout cas, là, c'est 5 %, que je comprends, là. Dès qu'on le monte à 5 %, on se dit: Ça, là, c'est comme normal, là, c'est un minimum. Il faudrait faire ça. Tu veux avoir une carte de crédit, ça va être 5 %. Si tu as une nouvelle carte, ça va être 5 %.

Quelqu'un a déjà une carte, a déjà un solde -- évidemment, si on comprend la situation de... on parle de ceux qui ne l'ont pas payé complètement, évidemment, là -- on se dit: Pour vous, ça va être difficile, donc on va y aller tranquillement. Je me demande pourquoi on doit y aller si tranquillement pour ceux qui ont déjà un solde, quand, pour les autres, on va le faire tout de suite? Est-ce qu'il n'y a pas là un choc aussi pour eux dès qu'ils vont avoir la nouvelle carte de crédit?

Le Président (M. Bernier): Mme Gervais? Mme Thériault, vous voulez...

Mme Poulin (Stéphanie): Mes collègues me demandent toutes les deux de répondre, alors...

Le Président (M. Bernier): Laquelle? Dites-nous laquelle. Mme Gervais, allez en premier.

Mme Gervais (Dominique): O.K. Moi, je pense que, si on veut augmenter le paiement minimum à 5 %, c'est parce qu'il y a eu un cercle qui a été créé, il y a une situation qui a été créée, un cercle vicieux qui a été créé. Un paiement minimum trop bas fait qu'on s'endette puis que ça prend 30 ans. Donc, si on veut briser ce cercle-là, il faut assujettir les nouveaux contrats. Sinon, ce qu'on fait, c'est que les nouveaux contrats vont être à 2 %, les gens vont s'endetter pendant la première année. On va leur demander un effort supplémentaire. On va recréer la même difficulté qu'on vous parle, qu'il faut y aller graduellement, on va la recréer avec les nouveaux contrats, cette difficulté-là. Donc, ceux qui ont les contrats actuellement, ils se sont laissé entraîner, les institutions financières présentaient ça comme un cadeau aux gens: On va baisser votre paiement minimum de 3 % à 2 %. Donc là, il faut rétablir... il faut essayer de limiter les dégâts, essayer de bien faire ça pour ceux qui sont touchés. Mais, pour les prochains, moi, si je sais que ma carte de crédit que je vais conclure, après l'entrée en vigueur, bien, c'est 5 %, je ne serai pas pris dans un engrenage.

Le Président (M. Bernier): Mme Thériault, vous vouliez ajouter des choses?

**(17 h 30)**

Mme Thériault (Élise): Oui. J'ajouterais, comme ma collègue a dit, avec une nouvelle carte de crédit, même si le taux... le paiement minimum est à 5 %, à 10 %, à 15 %, on n'a pas déjà une dette sur cette carte-là. Donc, de savoir à l'avance que le paiement minimum sera de x, ce n'est pas un choc, comparativement à quelqu'un qui a déjà une dette. Et quelqu'un qui paie actuellement le paiement minimum sur sa carte de crédit, payer le paiement minimum, c'est un indice de précarité financière. Quelqu'un qui est incapable d'assumer davantage que son paiement minimum, c'est quelqu'un qui a déjà de la difficulté. Donc, en lui demandant un effort supérieur à chaque année, lui va subir un choc. Et, comme Stéphanie Poulin disait, d'augmenter le paiement minimum, par exemple, de 2 % à 3 % une année, c'est un effort de 50 %. De 1 % à 2 %, par exemple, c'est un effort de 50 %; de 2 % à 3 %, c'est un effort de 33 %. Donc, l'effort diminue à chaque année. C'est pour ça qu'au début on aimerait que ce soit moins élevé.

Et je reviens un peu avec l'exemple de l'étudiant moyen, là, dont on a parlé tantôt, qui avait une dette de 8 043 $, je pense que vous aviez dit, sur sa carte de crédit. Bon, si cet étudiant-là, avec une dette de 8 043 $, a un paiement minimum à peu près à 2 % en ce moment, il paie 160 $ de paiement minimum. Si on lui augmente de 1 %, c'est 130 $, donc il va être rendu à 290 $ de paiement minimum. C'est énorme quand on travaille au salaire minimum ou à temps partiel, qu'on a des prêts étudiants à rembourser et qu'on a...

Donc, nous, on fait beaucoup affaire avec ce type de clientèle là qui a des revenus très serrés et puis qui est déjà dans une précarité financière, qui fait que payer 100 $ de plus par mois ce mois-ci, c'est le mont Everest à grimper.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le ministre.

M. Fournier: Il y a différentes raisons pour lesquelles ils peuvent être dans cette situation-là. Je pourrais soumettre une des raisons, et j'ai tort probablement, qu'ils n'ont pas les moyens de rencontrer le solde normal qu'ils devraient payer -- mettons que c'est 5 %, mettons que le minimum est à 5 % -- ils ne sont pas capables de s'y rendre, donc c'est pour ça qu'on se dit: Il faut absolument y aller tranquillement. Mais, lorsqu'ils ont posé le geste de l'endettement, de l'utilisation du crédit, il est possible qu'on était dans une situation obligatoire. Tu sais, ils n'avaient pas le choix, ce n'était pas un luxe qu'ils se payaient. On ne peut pas nécessairement considérer que c'est toujours pour un luxe.

Et c'est une des considérations, quand on discute de ça, on va le passer de 2 % à 5 %, moi, j'ai toujours aussi une petite réaction. Je suis d'accord de le faire, parce que je pense que c'est un des grands problèmes qu'on a, mais je me dis: Qui je suis, moi, ici, à Québec... On est bien, là, on va bien, des belles salles, je ne suis pas dans la peau du monde. Il y a peut-être quelqu'un qui est tenu à une situation particulière, ce n'est pas une dépense de luxe, puis il faut la faire, il faut la rencontrer. Puis là on discute des impacts qu'il y a, puis on peut monter à 8 %. Tiens, tout d'un coup, 8 %, c'est bien, puis 5 %, c'est un minimum, mais: Il ne faut pas y aller trop vite, mais les nouveaux, oui. Je suis pris avec des contradictions avec tout ça, peut-être parce qu'une des pistes là-dedans, c'est qu'il faudrait que je décide qui est qui puis dans quelle situation il est. Je suis un peu mal à l'aise avec cette contradiction-là que je vois. Alors, je suis mal à l'aise avec le fait de dire: Pour toi, tu n'en as pas, de crédit encore, c'est 5 %; pour l'autre, bien, qu'est-ce que tu veux, tu sais, il a le droit à 2 % puis on ne le protégera pas plus, puis... Je suis un peu pris à décider pour eux. Ce n'est pas nécessairement un crédit qu'ils voulaient vraiment avoir, qu'ils étaient obligés... une dépense qu'ils étaient obligés de rencontrer; ils sont aujourd'hui à 2 %. Mais quelqu'un d'autre qui n'en avait pas, lui, on va dire: Ça va être 5 %. Pourquoi on va avoir ce double régime?

Le Président (M. Bernier): Mme Poulin.

Mme Poulin (Stéphanie): La situation dans laquelle on est et ce à quoi on essaie de... ce qu'on essaie de résoudre, c'est une situation qui est créée par les institutions financières. C'est quelque chose qui a été... C'est une mesure qui a été proposée parce que ça leur rapportait plus, d'abord.

Vous avez raison qu'il y a certaines personnes qui ont des ressources limitées. Et la raison pour laquelle on propose d'y aller progressivement, c'est d'éviter... c'est de faire en sorte qu'ils aient le temps de prendre les mesures appropriées pour pouvoir faire face à la situation. Pour les autres, ils ont l'information préalablement, avant même de conclure le contrat: c'est quoi, les conditions. Donc, à ce moment-là, ils savent dans quoi ils s'engagent. S'ils n'ont pas les moyens d'acheter, bien, ils n'utiliseront peut-être pas leur carte de crédit, ils vont peut-être utiliser autre chose ou ils vont peut-être faire d'autres choix. Mais c'est simplement de.. C'est une question de changer la situation d'une personne qui est dans une situation de précarité versus les autres qui ne sont pas en situation de précarité.

Le problème, c'est que ça crée un cercle vicieux si on l'applique aux nouveaux contrats. On met l'ensemble des gens dans une situation où potentiellement ils ne vont payer que le minimum, et on va leur demander peu à peu de s'adapter à autre chose. C'est simplement ça, le but. Enfin, je ne vois pas... Je vois ce que vous voyez comme une contradiction, mais j'estime que ça n'en est pas une.

Le Président (M. Bernier): M. le ministre.

M. Fournier: Je pense que c'est une perception de contradiction, je ne suis pas sûr que ça en soit une, mais il y a comme des drôles d'éléments qui se présentent. Et je ne sais pas, ce n'est pas un blâme, là, il faut jouer avec des notions puis des nuances comme celle-là. Peut-être qu'une des pistes pourrait peut-être être la suivante, vous l'avez un peu dit. Forcé à faire ce choix-là: Bon, tu n'as pas de carte de crédit, tu en vois une, les conditions sont un peu plus sévères, encore que ce n'est pas si sévère que ça, là, tu as un paiement minimum de 5 %, là.

Est-ce qu'on connaît suffisamment les autres options de crédit qui peuvent être offertes à des gens, qui pourraient être autres choses qu'une carte de crédit? Là, je sors un peu du projet de loi, là, je veux connaître votre vécu, là, avec les gens que vous rencontrez. Les gens cognent chez vous, parlent avec vous. Puis l'automatisme, aujourd'hui, qui n'était pas l'automatisme il y a 20 ans... Ça fait partie de la modernisation, là, c'étaient d'autres choses que les cartes de crédit avant. Or, cette autre chose, là, il existe encore. Bien, «existe encore», le produit financier existe encore, là. Est-ce qu'on ne s'y arrête pas suffisamment, à ces autres outils financiers qui peuvent être offerts ou -- informez-moi -- qui ne sont plus offerts, là? Je pensais qu'il y avait encore... qu'il y avait d'autres types que le crédit variable qui étaient encore offerts.

Mme Gervais (Dominique): Je vais vous donner comme exemple...

Le Président (M. Bernier): Mme Gervais.

Mme Gervais (Dominique): Désolée.

Le Président (M. Bernier): Allez-y, Mme Gervais.

Mme Gervais (Dominique): Je vais vous donner comme exemple Desjardins qui, pour tous les prêts en bas de 12 500 $, envoie sur une carte de crédit avec Accord D. Donc, de plus en plus, les institutions financières envoient les gens sur les cartes de crédit. Donc, oui, ça existe, mais les conditions sont de plus en plus sévères. Et, pour pallier... pour dire «bon, on envoie tous les gens sur les cartes de crédit», revient aussi la vérification, ils augmentent les taux. Ils disent: Bah! On va mettre ça à 20 %, on fait plus ou moins de vérifications, on gère notre risque comme ça, avec le taux d'intérêt, et voilà, on envoie tout le monde sur les cartes de crédit, tout le monde est content. Sauf qu'il n'y a presque plus de prêts personnels dans une banque, là. Il faut vraiment demander 30 000 $, 40 000 $ ou 50 000 $, là. Pour 20 000 $, ils vont vous envoyer sur une carte.

M. Fournier: Mon collègue de Lévis veut poser une question. Je veux juste que vous me disiez... Là, vous m'avez parlé de Desjardins, on va peut-être les voir à un moment donné, ça fait qu'on va leur demander pourquoi ce produit-là n'existe plus. Mais...

Mme Gervais (Dominique): Mais il existe encore.

M. Fournier: Il existe encore, mais il est caché?

Mme Gervais (Dominique): Bien, il n'est pas facile d'accès.

M. Fournier: O.K. Parce que c'est pour des grands, grands prêts.

Mme Gervais (Dominique): C'est ça.

M. Fournier: O.K. C'est un monde de compétition, une petit peu, qu'on se dit? Est-ce qu'il y en a d'autres qui offrent d'autres outils ou qui pourraient en tout cas trouver un marché? Ça existait avant, ça n'existe plus, il y a peut-être un marché là. Parce qu'une des problématiques qu'on peut avoir, c'est... en tout cas. celle de l'obligation, pour différentes raisons, que rencontre un débiteur et qui, aujourd'hui, trouve comme réponse... qui peut être exorbitant comme obligation par rapport à son revenu, là, mais qui trouve comme réponse aujourd'hui la carte de crédit à 19 % ou à 29 %... Alors, peut-être qu'on n'a pas les outils commerciaux adaptés à tous les besoins, dont ceux-là?

Le Président (M. Bernier): Mme Poulin

Mme Poulin (Stéphanie): Ce que je dirais simplement, c'est que l'offre de crédit a beaucoup évolué, notamment à cause des coûts administratifs des prêts à la consommation dans les institutions financières. À une certaine époque, c'était possible d'aller facilement conclure un contrat de prêt x pour acheter un bien y chez un marchand. Maintenant, non. Comme ma collègue vous l'a dit, maintenant, ce qu'on offre, c'est: Vous avez votre carte de crédit avec un Accord D préapprouvé de. Donc, ça limite beaucoup les coûts administratifs pour les institutions financières.

Les petits prêts à la consommation n'existent presque plus. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que plusieurs associations de consommateurs maintenant offrent, avec Fonds d'entraide Desjardins et peut-être d'autres sources, des petits prêts à la consommation pour des gens qui ont un besoin urgent de peut-être moins de 1 000 $ pour, etc. Donc, l'offre de crédit a beaucoup changé. Et ce n'est pas si facile que ça d'obtenir d'autres types de crédit. Je ne sais pas si ma collègue, ici, a d'autres choses à ajouter?

Le Président (M. Bernier): Mme Thériault, non, ça va?

Mme Thériault (Élise): Non, ils ont tous dit ce que j'avais à dire.

Le Président (M. Bernier): O.K. M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Allez-y, M. le député.

M. Chevarie: Merci, M. le Président. Permettez-moi de saluer le ministre, son équipe, les collègues ministériels et de l'opposition. J'aimerais revenir sur votre point sur la vérification de la capacité du consommateur à rembourser le crédit. Vous avez exploré certaines propositions, certaines modalités, entre autres de considérer le revenu net de la personne. Et l'organisme avant vous est allé jusqu'à dire: Est-ce que l'émetteur ne pourrait pas être présumé ne pas avoir évalué la capacité de la personne de payer? Est-ce que vous iriez jusque-là ou c'est selon les modalités que vous avez exprimées, entre autres, particulièrement par le biais de tenir compte du revenu net?

Et, par rapport à cette modalité-là, qu'est-ce que vous pensez des coûts qui seront assumés éventuellement, j'imagine, par l'émetteur pour faire cet exercice-là de vérifier la capacité de payer de l'emprunteur? Et est-ce que ces coûts-là ne vont pas être refilés à l'emprunteur? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

**(17 h 40)**

Le Président (M. Bernier): Mme Poulin.

Mme Poulin (Stéphanie): Il y a plusieurs grandes questions. Mes collègues avant nous parlaient de différents éléments à prendre en considération, donc, oui, on avait commencé déjà à réfléchir sur... prendre en considération l'ensemble des revenus et l'ensemble des dépenses, parce que se fier uniquement au dossier de crédit n'est pas suffisant. Nous, ce que l'on propose, c'est de faire... pour assurer l'efficacité de la sanction de faire un renversement -- pas un remboursement, un renversement -- du fardeau de preuve pour rendre plus effectif, en fait, la sanction... C'est certain que d'imposer de telles obligations aux institutions financières impose un coût, c'est clair. Par contre, je pense qu'il faut mesurer par rapport aux coûts de la société en général et la solidité du système financier. Et je pense qu'on ne peut pas se permettre de faire l'économie de ça. Malheureusement, le passé des dernières années l'a quand même enseigné.

Donc, je pense qu'il faut aller vers, je pense, imposer un minimum aux institutions financières, de vérifications réelles et non pas aller seulement à... Pour reprendre les termes d'un banquier que je connais bien, à partir de... Il n'y a pas si longtemps, il me disait: Écoute, j'ai l'impression qu'on me demande de laisser mon cerveau à la maison, parce que la seule chose qu'on me demande de vérifier, c'est le petit score, c'est quoi, le Beacon qui sort, puis on ne me demande pas de réfléchir: C'est quoi? Est-ce que cette personne-là peut vraiment se permettre ce qu'elle me propose? Puis est-ce que je n'ai pas à faire plus pour m'assurer qu'à long terme ça va fonctionner, puis qu'à long terme c'est bon pour elle puis c'est bon pour la banque? Malheureusement, je pense qu'il y a eu une dérive, il y a une dérive en faveur de revenus beaucoup plus rapides et de retours aux investisseurs beaucoup plus rapides pour les institutions financières. Donc, je pense qu'il y a quand même... Les questions, qu'on se pose là ont un impact à cet effet-là. On ne peut pas y échapper.

Je ne sais pas si mes collègues auraient autre chose à ajouter. Peut-être qu'il y a des aspects de votre question que j'ai omis.

Le Président (M. Bernier): Mme Thériault, Mme Gervais, ça va?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Bernier): Une minute, M. le député, une question rapide, s'il vous plaît.

M. Chevarie: Question supplémentaire... complémentaire par rapport à ça. Est-ce que vous avez l'impression que, pour faire cet exercice-là par l'émetteur de crédit... Est-ce qu'il va y avoir une charge de travail effectivement importante ou significative qui pourra avoir un effet sur les coûts à assumer par l'emprunteur?

Le Président (M. Bernier): Mme Poulin.

Mme Poulin (Stéphanie): Je ne serais pas nécessairement capable de vous répondre. Je présume que oui, mais je ne suis pas capable de m'avancer plus qu'il faut. Je pense que c'est... les institutions seront plus à même de vous informer à cet égard.

Le Président (M. Bernier): Ça va?

M. Chevarie: Merci.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup. M. le député de Beauharnois.

M. Leclair: Merci, M. le Président. D'abord, merci d'être là. Merci pour votre mémoire. Je reviendrais à la page 4 de votre mémoire, où est-ce que vous dites... Vous saluez l'obligation de vérifier la capacité du consommateur à rembourser le crédit.

Alors, ma question, ça serait, comme vous êtes juriste de métier, à savoir: On sait pertinemment bien qu'on parle ici que l'application, les modalités seront déterminées par règlement. Ne serait-il pas mieux de s'assurer de cette réglementation-là plutôt... le mettre dans la loi pour s'assurer qu'on connaisse la méthode qu'on va s'assurer du crédit?

Le Président (M. Bernier): Me Poulin.

Mme Poulin (Stéphanie): C'est une belle question.

M. Leclair: Désolé.

Mme Poulin (Stéphanie): Il y a une part de moi-même qui vous dirait: Oui, j'aimerais beaucoup que ça soit prévu dans la loi; et il y a une part de moi-même, pour avoir observé le fonctionnement de la législation, qui comprend que d'inclure ça dans une réglementation permet un plus grand niveau de souplesse et d'adaptation dans le temps. Donc, c'est la réponse que je vous donnerais. Il y a des avantages et des inconvénients de part et d'autre.

M. Leclair: C'est clair.

Le Président (M. Bernier): Merci.

M. Leclair: Ça méritait d'être clair. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bernier): M. le député.

M. Leclair: Je reviendrais sur un autre aspect. Lorsqu'on a eu notre rencontre technique, on est revenus souvent avec des concordances face à l'harmonisation des lois sur la divulgation du coût de crédit au Canada. On sait que ça... Ceci ne nous appartient pas: une législation fédérale. J'aimerais, d'après vos compétences et vos connaissances, savoir: Est-ce que vous avez analysé cette conformité-là pour voir, là, si vraiment c'est... il y a de la concordance puis ça cadre?

Le Président (M. Bernier): Mme Gervais. Oui, allez-y.

Mme Gervais (Dominique): Je dirais: On ne l'a pas analysé sur toutes les mesures, mais on sait pertinemment... On a beaucoup étudié la loi, le règlement sur le coût des banques et on sait qu'il y a plusieurs des trucs qu'il y a là-dedans qui viennent de l'accord d'harmonisation. Est-ce que c'est parfaitement harmonisé? Ça, je ne pourrais pas... On n'est pas allés jusque-là.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Leclair: O.K. Je reviendrais à un petit aspect technique dans votre mémoire. À la page 5, à l'avant-dernier paragraphe, vous nous parlez de «l'exclusion du crédit garanti par hypothèque». Dans l'avant-dernier paragraphe, vous nous parlez d'abord de l'article 6c. J'aimerais un peu que... Vous dites, là, qu'elle n'est jamais rentrée en vigueur. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, là. Je vois, ici, là, que c'est en surbrillance. Vous m'informez de ça aujourd'hui, alors j'aimerais vous entendre.

Le Président (M. Bernier): Mme Gervais, oui.

Mme Gervais (Dominique): Bon. L'article 6c excluait du champ d'application les hypothèques. Cet article-là n'était pas en vigueur. Donc, théoriquement, elles étaient soumises à la loi, mais le règlement d'application est venu presque totalement exclure les hypothèques du champ d'application. Donc, c'est pour ça qu'on se pose la question dans notre mémoire. C'est intéressant de supprimer 6c. Mais qu'est-ce qu'il va rester dans le règlement? On a comme beaucoup de questions, et d'inquiétudes, et... Parce qu'on nage un peu dans le néant, là, par rapport à ce qui va se passer avec le règlement d'application, parce qu'il exclut presque totalement les hypothèques.

Le Président (M. Bernier): Merci.

M. Leclair: Donc, si je comprends bien, ma question, vous me la rendez pour que je la pose lors de l'article par article, puis je vous promets de le faire.

Je reviendrais après ça à l'autre paragraphe en bas, le dernier paragraphe, là. Vous êtes «conscients [...] dispositions [...] encadreront [des] contrats [qui] découleront de l'Accord» relatif... Non, je suis désolé. Vous m'avez répondu à cette question-là. Donc, moi, je puis... peut-être plus de question, moi... Pour moi, c'est mes questions.

Le Président (M. Bernier): Oui, M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

M. Lemay: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, je vous salue, mesdames. Bienvenue à cette commission. Vous avez parlé dans votre mémoire de l'article dont on a discuté tout à l'heure, l'article 22, le point 103.3. Et vous avez défini assez clairement en termes juridiques, là, en droit civil -- je présume aussi en droit du consommateur -- «en raison d'une force majeure». Donc, ça, je veux juste qu'on soit clairs. La jurisprudence a défini clairement «force majeure». Vous avez résumé ça en maladie... une maladie dont vous ne pouvez pas deviner, bon, qu'elle va arriver, maladie, accident... Donc, en termes juridiques, c'est très défini, là, «force majeure».

Le Président (M. Bernier): Mme Poulin.

Mme Poulin (Stéphanie): Oui. Le Code civil définit les critères de la force majeure. Donc, c'est un événement irrésistible, imprévisible, etc. La jurisprudence va probablement donner des exemples de ce qui a pu être considéré comme une force majeure dans... Généralement, on va vous parler d'une grève comme étant une force majeure. On voit beaucoup d'exemples dans nos contrats d'assurance, par exemple.

Je ne suis pas certaine que tous les éléments mentionnés, c'est-à-dire: Est-ce qu'une perte d'emploi serait automatiquement considérée comme une force majeure ou... Probablement que oui parce que ça répond aux critères de base mentionnés dans le Code civil, donc, une perte d'emploi, une maladie.

Notre préoccupation vient par exemple d'événements qui durent un peu plus longtemps, où l'impact sur le crédit ne serait pas immédiat et ne générerait pas immédiatement de demande en... Un divorce, par exemple, ou une maladie à long terme, si ça ne génère pas... Ça serait, selon nous, des événements qui pourraient... qu'il serait important de rentrer... pour lesquels il serait important d'accorder ce recours-là aux consommateurs. Mais, en utilisant l'appellation «force majeure», on n'est pas certains que ça couvre tous les cas d'espèce qu'on estime importants.

M. Lemay: O.K.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Lemay: Donc, d'après vous, «force majeure», on pourrait remplacer... Est-ce qu'un taux d'endettement trop élevé serait une force majeure, d'après vous, d'après le Code civil? Probablement pas, hein?

Mme Poulin (Stéphanie): Non.

M. Lemay: Non. Et on pourrait remplacer ça par? Est-ce qu'il y a un terme qui existe, qui est plus large, plus...

Le Président (M. Bernier): Mme Poulin.

**(17 h 50)**

Mme Poulin (Stéphanie): On suggérerait d'utiliser l'expression «situation grave». Je serais curieuse de savoir, dans certaines législations où ils ont adopté des mesures comme celle-là, quelle est l'appellation utilisée. Par exemple, dans les législations néo-zélandaises, on a créé untel recours. Donc, peut-être que c'est cette expression-là, qu'on a traduite par «situation grave», là, mais...

M. Lemay: D'accord.

Mme Poulin (Stéphanie): Voilà.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Lemay: Oui. Article... Il faut que je me retrouve dans les pages, M. le Président, là. Donnez-moi une petite seconde.

Une voix: ...

M. Lemay: Non, je l'ai ici, c'est beau. L'article 244, bon, c'est l'article 72 en fait. Vous avez mis... Vous avez souligné un point important à la page 25 de votre mémoire, là, le dernier paragraphe. Je trouvais l'article intéressant de ne pas interdire carrément de dire: Si vous vous endettez, vous allez pouvoir régler vos dettes, votre problème d'endettement. Puis je trouvais ça intéressant. Mais vous dites: Que ce soit une représentation fausse ou trompeuse... C'est marqué nommément dans l'article proposé. Et vous dites effectivement ça. Mais est-ce que ce n'est pas déjà interdit, la publicité fausse et trompeuse? Que ça soit pour le crédit, que ça soit pour une automobile, une hypothèque ou un professionnel, là, qui dit... Bon, c'est déjà interdit dans la loi, non, très clairement, là?

Le Président (M. Bernier): Mme Thériault.

Mme Thériault (Élise): Alors, effectivement, les représentations fausses ou trompeuses sont déjà interdites dans toutes les situations. Je pense qu'ici le libellé de l'article avait vraiment pour but ou, en tout cas, ce qu'on en comprend... C'était d'interdire les représentations à l'effet que le crédit peut améliorer votre situation financière ou régler votre problème d'endettement. C'est justement le problème, ici, à notre avis, de mettre les mots «fausses ou trompeuses», parce que ça vient sous-entendre que, si cette représentation-là n'était pas fausse ou trompeuse, donc si c'était vrai que votre crédit pouvait régler vos problèmes d'endettement ou améliorer votre situation financière, ma représentation serait permise.

À notre avis, c'est toujours faux ou trompeur -- ou en tout cas dans la majorité des cas -- de dire que le crédit peut améliorer votre situation financière ou régler votre problème d'endettement. Donc, en supprimant les mots «fausses ou trompeuses», on viendrait interdire toute ces représentations-là et faire quelque chose qui soit en tout cas plus...

Une voix: Plus facile.

Mme Thériault (Élise): ...plus facile d'application effectivement, parce que le consommateur qui se retrouverait avoir été victime de ces représentations-là devrait prouver, dans un litige, que les représentations étaient vraiment fausses ou trompeuses, alors qu'en interdisant tout bonnement les représentations, le fardeau de la preuve n'est pas le même.

Le Président (M. Bernier): Merci.

Des voix: ...

Le Président (M. Bernier): Si vous permettez.

M. Leclair: C'est sur le temps de qui ça va être pris, ça, M. le Président?

M. Fournier: C'est sur le vôtre. ha, ha, ha!

Le Président (M. Bernier): On regardera et on fera l'arbitrage du temps.

M. Leclair: On va arrondir. On laisse...

Le Président (M. Bernier): Allez-y.

M. Fournier: Juste avant, sur le même sujet. S'il y a une institution financière qui propose un crédit... Par exemple, vous avez un compte de carte de crédit à 19 % puis on vous offre un crédit à 15 %, bon, on vous reprend vos dettes et on vous offre un crédit à 15 %, est-ce que vous considérez que c'est faux et trompeur et/ou que ça n'améliore pas le sort? Si l'offre de crédit dont on parle est un taux de crédit inférieur à celui que les gens ont, vous dites: C'est déjà faux et trompeur, est-ce que vous êtes sûrs que tous les cas sont faux et trompeurs?

Le Président (M. Bernier): Mme Thériault.

Mme Thériault (Élise): Je ne suis certaine que tous les cas sont faux ou trompeurs. Cela dit, je pense que, de toute façon, de faire une représentation qui est comme... à l'effet que le crédit va améliorer votre situation financière constitue une incitation à l'endettement, ce qui est interdit par ailleurs par l'article 245.

M. Fournier: Mais, si l'offre qui est faite est de dire: Je vous offre un crédit qui permet de racheter votre crédit à un taux inférieur, là, on n'est pas en train d'augmenter l'endettement, on est en train de changer un crédit pour un taux moindre. Je veux juste savoir: Si j'écris comme vous le dites, on vient empêcher les institutions d'améliorer le sort des consommateurs avec un taux de crédit moindre pour une dette qu'ils ont déjà. Je vous pose la question: Pourquoi on ferait ça?

Le Président (M. Bernier): Merci, M. le ministre.

M. Fournier: Oui, excusez, excusez, excusez...

Mme Thériault (Élise): C'est une situation hypothétique qui se peut. Cela dit, mon expérience, après avoir analysé plusieurs offres de ce type, c'est généralement des cas de taux promotionnels, par exemple, qui vont faire que le taux va réaugmenter plus tard, et, à ce moment-là, ce n'est pas nécessairement une situation avantageuse. Sinon, il s'agit, comme vous avez mentionné, d'une situation où on va reprendre plusieurs dettes du consommateur et, à ce moment-là, généralement le taux va être plus bas pour certaines dettes, mais plus élevé pour d'autres dettes, par exemple, ils vont accepter de reprendre une dette de loyer dans votre reprise de dette, et cette dette-là, qui n'avait pas d'intérêt, finalement va devenir avec une dette qui a de l'intérêt. Donc, il y a une situation hypothétique où ça se peut, mais les cas d'application, dans la vraie vie, sont extrêmement rares, à mon avis.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

M. Lemay: Oui. Une dernière question. À la page 26, un petit peu après, le même article, ou 245, là. Et là j'ai besoin d'explications de votre part. C'est l'avant-dernier paragraphe, et je vous cite: «Nous craignons que les publicités sur les biens ou les services qui, par exemple, ne mentionnent que "crédit offert" ou une expression similaire ne soient soumises à aucune...» Pouvez-vous m'éclaircir ça un petit peu? Ça, c'est l'article 245. Bon, il y a des abrogations, des ajouts, en tout cas, c'est un peu complexe, là, dans...

Mme Thériault (Élise): J'ai fait circuler un petit diagramme de Venn qui va vous aider à comprendre, parce que ce n'est pas simple à la base. En ce moment, la loi prévoit trois catégories de publicité qu'on pourrait dire qui concernent, qui mentionnent le crédit. La catégorie de publicité qui est abolie par le remplacement de l'article 244, c'est actuellement la catégorie de publicité qui concerne des biens ou des services et qui ne fait que mentionner le crédit. Donc, cette catégorie de publicité là était soumise à quelques petites obligations. Notamment, on devait inscrire «crédit offert» si c'était le cas ou illustrer une carte de crédit, etc. On a toujours trouvé problématique que ces publicités-là ne soient pas soumises à davantage d'information.

Maintenant, en abolissant cette catégorie-là, on ne conserve que deux catégories de publicité, soit la publicité qui concerne le crédit et la publicité qui concerne les modalités de crédit. En utilisant le verbe «concerner», on vient faire que le crédit ou les modalités de crédit doivent être l'objet principal de la publicité ou être importantes dans la publicité. Parce que si j'écris seulement «crédit offert», vous conviendrez avec moi que cette publicité-là, une circulaire de quatre pages, ne concerne pas le crédit, ne concerne pas les modalités de crédit. On trouve qu'il est problématique qu'une publicité qui va juste faire une petite mention comme ça, un peu vague, un peu floue n'ait pas d'obligation d'information. Donc, ce qu'on veut, ici, c'est que ces publicités-là soient également soumises à une obligation d'information qui soit équivalente à celle qui est déjà pour les autres catégories de publicité.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Leclair: Je reviendrais à la page 9 de votre...

Le Président (M. Bernier): M. le député de Beauharnois.

M. Leclair: Je reviendrais... Excusez, M. le Président. Je reviendrais à la page 9 de votre résumé: «délai de contestation pour état de compte erroné». Vous dites: «Option Consommateurs est tout à fait en désaccord avec la proposition de modification à l'article 95 de la loi», là, pour savoir, là, qui devra présenter «des pièces justificatives». J'aimerais vous entendre à ce sujet-là pour m'éclaircir, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bernier): Oui, Mme Thériault.

Mme Thériault (Élise): Bon, actuellement, la loi ne prévoit pas de délai pour contester un état de compte erroné, ne prévoit pas non plus de délai, pour le consommateur, pour demander des pièces justificatives. Donc, le délai qui s'applique, c'est le délai du Code civil, qui est la prescription de 2925, qui est de trois ans. On est un peu perplexes face à l'idée de réduire les droits du consommateur à 60 jours, alors qu'actuellement il n'y a pas de délai, ce qui fait que c'est trois ans. Pour nous, cette diminution de droits là n'a pas sa place, tout simplement.

M. Leclair: C'est quand même assez clair. Merci beaucoup. C'est bien, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Ça vous convient?

M. Leclair: Oui.

Le Président (M. Bernier): Moi, j'aurais une question à vous poser en tant que président. Vous parliez, tout à l'heure, des taux de crédit offerts par les institutions bancaires. On voit, au niveau des cartes de crédit, des offres qui sont faites sur des périodes... exemple, une carte de crédit va offrir, pour six mois, à 1,9 % ou va faire parvenir des chèques pour rembourser des soldes de cartes de crédit à des taux moindres, à 1 % ou 2 %. Quelle est votre opinion sur ça?

**(18 heures)**

Mme Thériault (Élise): Alors, nous avons publié une étude, en 2009, sur ce genre de pratique, qui sont des pratiques qui semblent, à première vue, avantageuses pour le consommateur et qui finissent par être désavantageuses. Les chèques d'avance de fonds, comme les taux promotionnels, sont un peu des pièges, dans le sens que le taux promotionnel va souvent concerner seulement un transfert de solde. Donc, si vous avez une carte à 1,99 %, vous allez pouvoir transférer le solde d'une ancienne carte ou un dette particulière sur cette carte-là à ce taux-là. Tous les nouveaux achats que vous ferez à l'aide de cette carte-là vont être au taux régulier, qui va généralement être beaucoup plus élevé qu'une carte normale, donc plus haut que 19 %.

Donc, la plupart des gens vont faire beaucoup d'achats avec ces cartes-là. Ensuite, comme on se dit «le taux n'est pas élevé», les consommateurs prennent davantage de temps pour rembourser ces cartes-là. Et, après la période promotionnelle, le taux de ces achats-là va augmenter également au même niveau que les nouveaux achats que vous aviez faits. Donc, ultimement, le consommateur ne ressort pratiquement jamais gagnant, à moins de se dépêcher de rembourser sa dette. Mais, comme vous vous doutez, quelqu'un qui utilise ces outils-là, il y a de grandes chances que, s'il fait ça, c'est parce qu'il avait déjà de la difficulté à payer sur son autre carte avant.

Quant aux chèques, bon, il y a des frais de transfert de solde, il y a un paquet de frais qui s'appliquent. Donc, c'est le même phénomène, sauf qu'en plus il va y avoir des frais fixes qui vont s'appliquer. Donc, ce n'est pas vraiment mieux.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup. Donc, merci, Me Stéphanie Poulin, Me Élise Thériault, Me Gervais. Merci de votre participation comme représentantes d'Option Consommateurs.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre au groupe représentant l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

 

(Reprise à 18 h 3)

Le Président (M. Cousineau): S'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Alors, je vous demanderais, messieurs, de vous présenter. Et vous avez 15 minutes pour votre exposé, puis, par la suite, nous passerons à une période d'échange avec les parlementaires de 45 minutes.

Organisme d'autoréglementation du courtage
immobilier du Québec (OACIQ)

M. Nadeau (Robert): Merci. Mon nom est Robert Nadeau. Je suis le président, chef de la direction de l'OACIQ, l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier. Je suis accompagné de Me Jean-François Savoie, vice-président aux Affaires juridiques.

Le Président (M. Cousineau): D'accord. Vous avez 15 minutes.

M. Nadeau (Robert): O.K. Ça va. Alors, merci, M. le Président, M., Mme les députés, membres de la commission, M. le ministre. Alors, on va essayer de résumer très brièvement un mémoire qui, si je comprends bien, vous a été acheminé il y a quelques minutes. On va commencer par se présenter. Alors, l'OACIQ, l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier prend la suite et la relève de l'ACAIQ, l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, depuis 2010. Et déjà là on prenait la relève du Service du courtage immobilier, en 1994, qui était un organisme gouvernemental.

Notre principale mission est la protection du public. Nous sommes calqués sur les ordres professionnels à titre de structure législative. Nous relevons cependant du ministère des Finances en ce qui concerne l'organisation comme telle et la surveillance de notre organisme. On regroupe 18 500 agences et courtiers immobiliers au Québec, et, de ce fait, nous englobons... Quand nous parlons de courtiers immobiliers, nous parlons aussi des courtiers hypothécaires. Vous savez qu'il y a très longtemps déjà, peut-être il y a... en 2011, le rapport Martineau avait décidé... s'était interrogé sur à qui devaient appartenir les courtiers hypothécaires, qui devait réglementer le courtage hypothécaire. Quand je dis «courtage hypothécaire», c'est courtage de prêt garanti par hypothèque immobilière. On va s'entendre pour les fins de la discussion aujourd'hui, parce qu'il pourrait y avoir du courtage hypothécaire mobilier. Alors, le rapport Martineau avait donc décidé que ça devait relever de l'Autorité des marchés financiers, mais, en bout de ligne, ça a été divisé en deux: il y avait l'AMF qui en supervisait une partie et l'ACAIQ, à l'époque, supervisait les courtiers immobiliers, qui étaient les seuls à avoir le droit à faire du courtage hypothécaire au Québec. En 2010, le gouvernement s'est encore posé des questions. Il a tout ramené à un seul endroit, c'est-à-dire que toute personne qui veut faire du courtage hypothécaire garanti par hypothèque immobilière, j'entends bien, doit détenir un permis de l'OACIQ. Donc, il n'y en a plus à l'AMF, il n'y a qu'à un seul endroit où c'est centralisé.

Donc, notre organisme a pour mission, comme je vous le disais, de protéger le public, et, de ce fait, si je vous amène à la page 4 du mémoire qui vous a été donné, il est donc très spécifiquement prévu que le prêt garanti par hypothèque immobilière est sous l'égide de cette loi-là, et autant pour les agences hypothécaires, les agences immobilières que les courtiers hypothécaires et les courtiers immobiliers. Et j'entends vous expliquer ceci: c'est qu'auparavant seuls les, comme je vous disais, agents immobiliers avaient le droit de faire du courtage résidentiel, commercial hypothécaire. Maintenant, il y a eu une scission dans le sens où un courtier immobilier, maintenant, qui remplace le terme «agent» autrefois, a le droit de faire du courtage de plein exercice, c'est-à-dire résidentiel, commercial hypothécaire, mais le courtier hypothécaire peut aussi vivre seul, c'est-à-dire qu'il n'a le droit que de faire du courtage hypothécaire. Alors, c'est ce que nous supervisons en vertu de la Loi sur le courtage immobilier.

Si je vous réfère aussi maintenant à la page 5, ce que la loi fait envers ces courtiers hypothécaires là, alors il y a des exigences à l'entrée, examen de certification. Il y a aussi des obligations pour les titulaires d'acquitter une prime d'assurance -- c'est obligatoire -- et qui est versé au fonds d'assurance responsabilité des courtiers et agents immobiliers, autrefois, mais des courtiers immobiliers maintenant, l'obligation pour les titulaires d'acquitter une cotisation au fonds d'indemnisation en cas de malversation ou de manoeuvres dolosives. Il y a aussi l'obligation de verser des sommes qu'il perçoit d'avance dans un compte en fidéicommis, et aussi des règlements concernant la représentation et la publicité des titulaires de permis; et la forme... condition et utilisation de certains formulaires; enfin -- et j'accélère aussi de ce côté-là; conditions d'exercice -- supervision par... il y a un service du syndic chez nous, tout comme les ordres professionnels, qui reçoit les demandes d'enquête, et qui fait analyse et, le cas échéant, devant les comités de discipline.

Il y a aussi des dispositions qui nous permettent de poursuivre en cas de courtage illégal. Donc, ceux qu'on peut trouver coupables d'avoir du courtage de prêt hypothécaire sans détenir de permis, ça représente chez nous 34 % des dossiers et 37 % de la judiciarisation de ces dossiers. On dépense, bon an, mal an, chaque année, 365 000 $ en poursuites pour des gens qui tentent de faire du courtage hypothécaire sans détenir de permis.

Je pense que, si... J'ai suffisamment résumé. Si vous avez des questions, vous nous les poserez dans les minutes qui suivent concernant quel type d'organisme on est et qu'est-ce qu'on a... qu'est-ce qu'on fait en rapport avec le courtage hypothécaire, et ce qui nous amène aux points pour lesquels nous sommes ici aujourd'hui.

Nous comprenions mal certains amendements qui étaient prévus par le projet de loi, dont l'article 1.e.2 où le courtier en prêt était une personne autre qu'un membre d'un ordre professionnel régi par le Code des professions. Et on cherchait où nous étions cités et nous n'étions pas cités, puisque déjà le gouvernement avait fait, d'après nous, son lit d'encadrer les courtiers hypothécaires par une loi spécifique. Et certainement que l'encadrement qui est prévu à la loi est probablement plus approprié que celui de tout autre code... toute autre profession ou que le Code des professions peut encadrer en ce qui concerne les mêmes gestes que ces courtiers-là peuvent poser ou dans le courtage de prêt hypothécaire.

**(18 h 10)**

Donc, notre première suggestion, notre première recommandation, c'est d'ajouter, à l'article 1.e.2, après «Code des professions», «ou tout titulaire d'un permis délivré par l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec en vertu de la Loi sur le courtage immobilier (Chapitre C-73.2)». Alors, c'est un ajout qui, d'après nous, va dans le sens où les décisions ont déjà été prises de la part du gouvernement. Et, du même coup, si on est capables de dire que les médecins sont exclus lorsqu'ils font du crédit pour certaines opérations esthétiques, on aimerait bien savoir pourquoi nos courtiers hypothécaires ne seraient pas exclus non plus.

Par ailleurs, et pour compléter -- je suis à la page 8 du court mémoire -- on dit: Bien, tant qu'à faire, est-ce qu'on pourrait aussi régler un autre problème à l'article 6 et d'ajouter, peu importe où vous sentirez le besoin de le faire, qu'«une opération de courtage par un courtier ou une agence régie par la Loi sur le courtage immobilier, (Chapitre C-73.2)», afin d'y insérer ce paragraphe-là, et, enfin de compte, de supprimer le 6.1, qui fait référence à l'ancienne Loi sur le courtage immobilier, qui a été abrogée, à toutes fins pratiques?

Alors, c'était l'essentiel de nos propos. C'est très ciblé, c'est d'ajouter une exception à la loi, puisque les gens qui y sont déjà mentionnés sont encadrés, en ce qui me concerne, d'après nous, suffisamment. Enfin, je ne veux pas, par mes propos, penser que toute autre personne qui offre du crédit et qui ne serait pas détenteur d'un permis ne devrait pas être encadrée autrement. En autant que ce ne soit pas du crédit hypothécaire et qu'il y ait un agissement qui est fait sur une base illégale, on ne veut pas nécessairement dire que ça ne devrait pas être encadré, au contraire. Et ainsi, aussi, on veut offrir notre collaboration, car, s'il y a des éléments dans ce projet de loi là qui devraient s'appliquer aux courtiers hypothécaires, bien, écoutez, on a des pouvoirs réglementaires pour le faire, on est prêts à le regarder, à regarder ça ensemble, puis de dire: Bien, on peut peut-être améliorer notre réglementation. On a une partie de notre réglementation qui touche spécifiquement les courtiers hypothécaires. Alors, de la revoir, de l'augmenter, de s'assurer que ça soit en parallèle avec ce qu'il va y avoir dans la Loi sur la protection du consommateur, on n'a aucune objection. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau): Merci, M. Nadeau. Alors, on va passer à la période d'échange. On va faire deux blocs de 20 minutes de chaque côté et, s'il reste du temps, bien, on redistribuera ce temps-là à parts égales. Alors, M. le ministre.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Et bienvenue parmi nous. Merci beaucoup d'être avec nous. Je vous annonce à l'avance que je ne prendrai pas mon 20 minutes, considérant que le mémoire et votre présentation est excessivement pointu et, dans le fond, à ma compréhension, soulève une question. L'article 69, qui amène l'article 230.1, c'est la... je pense que votre venue, c'est pour nous parler de ça et faire notre éducation sur les courtiers en prêt hypothécaire immobilier. Bon. «Aucun courtier en prêt ne peut exiger ni percevoir de paiement partiel ou total du consommateur pour des services rendus ou à rendre.» Est-ce que les courtiers en prêt que vous représentez reçoivent des paiements partiellement ou totalement du consommateur?

Le Président (M. Cousineau): M. Nadeau.

M. Nadeau (Robert): Si vous me permettez, très, très, très rarement, puis je pourrais rajouter d'autres très, généralement, et c'est très clair. L'entente... et on est à faire une... les mentions obligatoires que les courtiers hypothécaires devront faire signer à tout emprunteur éventuel, il est très clair que c'est l'institution financière qui paie la rétribution lorsqu'il y a un prêt qui est accordé. Généralement, il n'y a aucuns frais lorsque le prêt n'est pas accordé, mais il peut arriver des situations très pointues où c'est clairement établi avec le consommateur qu'il pourrait y avoir un certain frais -- et, je vous dis, c'est très rare, a ce qu'on en sait, puis on n'aime pas ça non plus -- où le courtier hypothécaire pourrait charger un frais qui ressemble à 40 $ ou 50 $ pour avoir fait certaines démarches, alors que le consommateur n'avait pas vraiment l'intention d'avoir un prêt avec un courtier hypothécaire, ce n'était que pour tâter le marché, comme ils disent. Mais généralement le courtier hypothécaire ne le charge pas non plus.

M. Fournier: Alors donc, l'article 230.1, ce n'est pas reçu négativement par vous...

M. Nadeau (Robert): Oh non! Pas du tout.

M. Fournier: ...parce que, dans le fond, c'est la généralisation d'une pratique ou enfin...

M. Nadeau (Robert): Pas du tout.

M. Fournier: ...une reconnaissance d'une pratique.

M. Nadeau (Robert): Ce qu'il y a en 230, c'est ce qu'on voit généralement.

M. Fournier: Parfait. Donc, ce n'est pas un empêchement. Quant à moi, l'article 230.1 ne vise pas les courtiers, il vise les consommateurs. Le «pith and substance» de cette loi-là, c'est les consommateurs.

M. Nadeau (Robert): Oui, tout à fait.

M. Fournier: Pas nécessairement le courtier. Et je comprends que l'article comme tel ne fait pas de problème pour les courtiers hypothécaires immobiliers.

M. Nadeau (Robert): Comme je vous disais, on serait prêts à le regarder puis le mettre à l'intérieur de notre réglementation pour les courtiers hypothécaires.

M. Fournier: Alors, je comprends donc qu'il pourrait aussi être ici sans que ça fasse de problème. Je vous remercie.

Le Président (M. Cousineau): Ça va, M. le ministre? Est-ce qu'il y a d'autres questions de la part de... Alors, nous allons passer à l'opposition officielle. M. le député de Beauharnois.

M. Leclair: Merci, M. le Président. Bien, moi aussi, je n'ai pas une énorme question pour vous autres, que de dire que ce que vous avez déjà dans votre loi, vous, vous nous dites que ça couvre déjà, sauf le côté peut-être protection du consommateur. C'est ce qu'on peut comprendre de votre mémoire.

M. Nadeau (Robert): Exact. Exact.

M. Leclair: Vous seriez quand même prêts à inclure la protection pour le consommateur aux courtiers immobiliers?

M. Nadeau (Robert): Tout à fait.

M. Savoie (Jean-François): Si vous me permettez...

M. Leclair: Oui.

Le Président (M. Cousineau): Oui. M. Lefrançois, je crois?

M. Savoie (Jean-François): M. Savoie, oui. Il faut comprendre que la réglementation qui a été adoptée par l'OACIQ sous l'égide de la Loi sur le courtage immobilier comprend quand même de nombreuses dispositions, là, en matière de protection du consommateur, notamment des dispositions analogues à la Loi sur la protection du consommateur en matière de publicité. Il y a des règles qui encadrent le fait de... en fait, qui prohibent le fait de pouvoir être payé pour un service qui n'a pas été rendu, donc payé d'avance pour des services qui n'ont pas été rendus. Vous avez... puisque la question a été abordée tout à l'heure, la question de l'harmonisation exigée par l'Accord de commerce intérieur, il y a des dispositions dans la réglementation qui harmonisent déjà les obligations de divulgation de coût d'emprunt pour les courtiers hypothécaires, et le propos principal de l'intervention de l'OACIQ, c'est de vous souligner que, si vous avez jugé bon d'exclure l'ensemble des professionnels visés au Code des professions de l'application d'une disposition relative aux courtiers en prêt, il semblerait qu'à plus forte raison les courtiers hypothécaires, qui sont les spécialistes du courtage en prêt d'argent, le soient aussi, puisqu'ils bénéficient d'une loi d'encadrement qui est similaire aux lois d'encadrement des professionnels et, qui plus est, d'une loi qui puise non seulement son origine dans les lois professionnelles, mais également dans la Loi sur la protection du consommateur.

Puis, à titre d'exemple, c'est tellement vrai qu'en 1985, lorsque le législateur a introduit l'article 6.1 dans la Loi sur la protection du consommateur, article par lequel on assujettissait la vente, la location et la construction d'immeubles à certaines dispositions de la Loi sur la protection du consommateur, on a exclu spécifiquement les courtiers immobiliers de l'application de la loi. Évidemment, cette chose-là ne s'est pas faite toute seule. Au même moment et dans la même loi, en 1985, on est venus importer, dans la Loi sur le courtage immobilier telle qu'elle existait à l'époque, des dispositions particulières en matière de contrat et en matière de publicité. Alors, s'il y avait une logique à l'époque d'exclure les courtiers immobiliers de l'application de la Loi sur le courtage... pardon, de la Loi sur la protection du consommateur, il nous semble qu'aujourd'hui, en 2011, alors que le législateur a fait le choix de prévoir un encadrement spécifique pour le courtage hypothécaire et de ramener ça sous un même chapeau, bien, il serait logique de pousser l'exercice jusqu'au bout et de soustraire donc les courtiers hypothécaires de l'application de la Loi sur la protection.

Le Président (M. Cousineau): M. le député de Beauharnois.

M. Leclair: Bien, je vous comprends bien. Puis, lors de l'étude article par article, on verra si c'est opportun, avec le ministre, de l'inclure pour s'assurer que ce n'est qu'un seul regroupement. Alors, sur ce, MM. Nadeau et Savoie, merci beaucoup de votre mémoire.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Cousineau): Est-ce que ça va? M. le ministre, est-ce que vous avez une autre question?

M. Fournier: Avant, avant... Bien, parce que... Ils ont terminé?

Le Président (M. Cousineau): Allez-y, oui.

M. Fournier: O.K. De la façon dont c'est libellé présentement, quand c'est un ordre professionnel considéré comme n'étant pas nécessairement un commerçant... Mais je sais qu'on pourrait discuter de nuances longuement, mais mettons qu'on ne discute pas de nuances, même si vous allez vouloir m'y amener peut-être. Ce que vous proposez, c'est que quelqu'un qui aurait comme commerce essentiel celui du courtage, celui d'avoir une relation avec un consommateur à l'égard... vraiment de jouer un rôle d'intermédiaire, là, tu sais... On peut bien essayer de comprendre que ça serait quasiment un professionnel, mais admettons qu'on ne le voie pas comme ça pour l'instant. Vous me dites: Ce que la loi... vous nous faites ne nous fait pas craindre grand-chose, c'est juste qu'on ne l'aime pas dans cette loi-là, on aimerait le mettre dans notre réglementation, je vais couper plus court, le mettre dans votre loi...

Une voix: Oui.

**(18 h 20)**

M. Fournier: ...plutôt que dans votre réglementation, O.K. Moi, si je le mets dans... si mon objectif, c'est le courtage en prêt dans ma loi de l'Office de la protection du consommateur, vous me dites peut-être -- c'est ce que je comprends: Pourquoi multiplier les lois s'adressant à différentes personnes? Nous, on a du monde chez nous, plutôt qu'amener 230.1 à l'OPC, que l'article 69 de la loi modifie ma loi et vient inclure, dans ma loi, des courtiers en prêt hypothécaire immobilier, la même disposition. Vous n'en avez pas contre la disposition, vous en avez contre le fait qu'elle est dans une autre loi que la vôtre.

M. Nadeau (Robert): Exactement.

M. Fournier: Je vous entendais parler de réglementation, maintenant je vous entends dire: Si, à l'article par article, vous me le libellez dans la loi qui nous touche, ça va être bien. C'est ce que j'entends.

M. Nadeau (Robert): Vous entendez très bien.

M. Fournier: Est-ce que je peux vous dire: Je comprends ça, mais j'ai l'impression que le consommateur... Vous allez me dire: Ce n'est pas tous les consommateurs qui vont lire la loi de l'Office de la protection du consommateur, là. Je le sais. Mais on a des associations quand même, des gens qui regroupent... qui ont une connaissance pointue de cette loi-ci. Ils ne vont pas nécessairement avoir une connaissance aussi pointue de la loi des courtiers. Est-ce que ça vous offense tant que ça, si l'essence de la disposition en est une qui est pour protéger le consommateur, qu'elle soit dans une loi qui est plus accessible -- vous allez me dire que non, mais oui, quand même -- à tous ceux qui s'intéressent à la protection du consommateur que dans la loi qui s'intéresse, rappelons-le, à l'intermédiaire?

Si ça ne vous offense pas trop... Mais vous vous êtes déplacés, et même ça vous offense pas mal, parce que vous seriez restés chez vous. Mais, si ça ne vous offensait pas trop, je l'aimerais mieux ici, moi, parce que la personne à qui je m'adresse, ce n'est pas l'intermédiaire, c'est le consommateur. Mais je suis prêt à vous écouter, là. Puis, si je vois que votre offense est si grande, je vais voir qu'est-ce qu'on peut faire, mais il y a deux pistes possibles.

Le Président (M. Cousineau): M. Nadeau.

M. Nadeau (Robert): Merci. Ce n'est pas une question d'offense, c'est une question effectivement pour que le consommateur puisse s'y retrouver. Et je vous dirais que... Malheureusement, les gens ne sont pas dans la salle, mais ces gens-là nous connaissent. Dès qu'on parle de courtier immobilier ou de courtage hypothécaire, ils renvoient ça chez nous de façon systématique. Alors, c'est quelque chose de connu. On est connus auprès des organismes de protection de consommateur, dans un premier temps.

Dans un deuxième temps, nos recours sont peut-être un petit peu plus courts. On a un service d'assistance prévu par la loi. On a un syndic qui peut enquêter et qui peut réagir assez rapidement, alors que je ne sais pas jusqu'à quel point l'office peut répondre dans les mêmes délais qu'on est capables de le faire. Alors, je pense que, pour la protection du consommateur... parce qu'on a le même objectif, on se comprend? Et je vous dis aussi, pour tout autre courtier... Je ne dis pas que la disposition doit disparaître, je dis juste que, pour les courtiers hypothécaires, est-ce qu'on peut la mettre là où une intervention plus rapide peut être faite? Peut-être. C'est notre énoncé de départ, parce qu'on a dit... On n'était pas contre l'énoncé. Il peut se retrouver à deux endroits, il peut être complémentaire, comme il serait complémentaire dans d'autres domaines.

Le Président (M. Cousineau): M. le ministre.

M. Fournier: Bien, M. le Président, je vous remercie. Je comprends la présentation dans une technicalité qui s'adresse à... je pourrais dire, de deux ordres: une technicalité législative, d'une part, pour que les corpus soient plus facilement identifiables -- vous nous donnez l'illusion d'un corpus très... concernant l'intermédiaire; je suis ici dans un corpus qui est plus consommateur. Comment on fait pour qu'il y ait une certaine facilité...enfin, le mettre à la meilleure place? Je veux dire, on va y repenser. Je peux juste vous dire que je prends bonne note de votre intervention et que je ne vous annonce pas à l'avance comment ça va finir, je ne le sais pas encore.

Le Président (M. Cousineau): Vous vouliez ajouter quelque chose, M. Nadeau?

M. Nadeau (Robert): Oui. Tout à l'heure, on parlait du Code des professions. Si vous regardez notre loi, il y a des exclusions particulières en matière de courtage hypothécaire qui s'adressent à certains ordres professionnels. Alors, on les nomme nommément, et c'est beaucoup plus restreint et beaucoup plus encadré, là, à ce moment-ci. Je vous inviterais peut-être à lire ces dispositions-là. On pourra envoyer une note complémentaire, si vous le désirez. Ce serait peut-être une façon d'encadrer certaines professions qui pourraient être touchées dans ce cas-ci et qui... ne pas nécessairement faire un... 42 ordres, on les met tous dans le même sac. Mais il y a des ordres particuliers, on parle des ordres qui, en fin de compte, sont plus proches des services financiers que certains ordres qui sont plus proches de la santé. Mais soyez assurés qu'on a les mêmes soucis, c'est de protéger le consommateur.

Le Président (M. Cousineau): Alors, puisqu'il n'y a plus de question de part et d'autre, alors, merci, M. Nadeau, merci, M. Savoie, pour votre participation à notre commission parlementaire.

Alors, je suspends pour quelques minutes, le temps que l'autre groupe se présente. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 25)

 

(Reprise à 18 h 40)

Le Président (M. Cousineau): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre... (panne de son) ...et puis, M. Hamel, merci d'avoir accepté de devancer un petit peu votre présentation. Vous avez 15 minutes de présentation, et puis, par la suite, nous allons passer à une période d'échange de 45 minutes de la part des parlementaires. Alors, je vous laisse, M. Hamel, les 15 prochaines minutes, avec M. Côté.

Fédération des chambres de
commerce de Québec (FCCQ)

M. Hamel (Denis): Merci, M. le Président. Bonsoir, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. Alors, d'abord, je me présente: je suis Denis Hamel, vice-président, Stratégie et affaires économiques, Fédération des chambres de commerce du Québec. Je suis accompagné ce soir par M. Jean-Guy Côté, qui est directeur, Stratégie et affaires économiques.

Alors, vous connaissez la Fédération des chambres de commerce du Québec. On existe depuis plus de 100 ans, 101 ans maintenant. Nous regroupons plus de 60 000 entreprises, 150 000 gens d'affaires actifs sur l'ensemble du territoire québécois.

La FCCQ s'emploie à promouvoir la liberté d'entreprendre, qui s'inspire de l'initiative et de la créativité, afin que ses membres puissent contribuer activement à la richesse collective du Québec. Nous sommes les porte-parole des gens d'affaires sur toutes les tribunes d'influence du Québec. Nous mobilisons notre réseau afin d'intervenir de façon stratégique dans plusieurs dossiers d'actualité. C'est dans cette foulée que la fédération participe aux audiences publiques et aux consultations particulières de la Commission des relations avec les citoyens sur le projet de loi visant à réformer la Loi sur la protection du consommateur.

En effet, nous sommes d'avis que certains amendements proposés à la loi limiteront l'accès au crédit, ce qui pourrait nuire à la consommation, sans compter qu'ils alourdiront le fardeau des commerçants. Nous tenons donc à exprimer nos préoccupations à cet égard, car nous croyons que le projet de loi, tel que libellé, pourrait porter préjudice aux entreprises de commerce de détail et aux manufacturiers du Québec.

À ce jour, malgré la récente récession, le Canada s'en est plutôt bien sorti et a fait bonne figure au chapitre économique, entre autres parce que le crédit est demeuré disponible aux entreprises et aux consommateurs. Néanmoins, selon les plus récentes données, la confiance de ces derniers commence à s'effriter sérieusement. Limiter l'accès au crédit pourrait donc accroître cette tendance. Ce faisant, l'économie de la province pourrait en souffrir à plus ou moins brève échéance.

Les amendements qui seraient apportés à la Loi sur la protection du consommateur dans le cadre du projet de loi n° 24 visent à protéger les consommateurs québécois et à contrer le surendettement. Il va sans dire que c'est un objectif louable. Toutefois, l'effet pervers de certaines mesures risque de se faire sentir au chapitre de la consommation. Or, celle-ci joue un rôle crucial dans la vigueur économique. C'est d'ailleurs en grande partie grâce aux dépenses des ménages que l'économie canadienne s'est sortie de la récession.

Certes, les Québécois sont endettés. Mais ils sont aussi de plus en plus sous pression, et leur revenu disponible ne cesse de fondre. Aux hausses de taxation s'ajoute l'augmentation des prix dans plusieurs secteurs. Les plus récentes données de Statistique Canada indiquent qu'au Québec les prix à la consommation ont progressé de 3,4 % pour la période de 12 mois se terminant en août 2011. La province se classe au deuxième rang après les Maritimes à cet égard. À eux seuls, les prix de l'essence ont grimpé de 27 % en un an, et les consommateurs québécois ont aussi payé plus cher le mazout, les aliments achetés au magasin et au restaurant. Ils ont également dû débourser davantage pour les primes d'assurance de véhicule automobile et le transport aérien.

En outre, même si les indicateurs sont relativement positifs, l'économie mondiale est confrontée à une période prolongée de faible croissance, et la probabilité d'une récession dans certains pays développés apparaît élevée. Ce climat d'incertitude économique affecte la confiance des consommateurs. Déjà, à la fin de 2010, on a pu observer que le rythme de la consommation s'est essoufflé. Or, la situation ne s'est pas améliorée en 2011. En août dernier, l'indice de confiance des consommateurs, tel que mesuré par le Conference Board du Canada, a chuté radicalement et n'a pas réussi à remonter la pente en septembre.

Du côté des entreprises, la situation est sensiblement la même. La faiblesse de la reprise économique, le spectre de la récession qui plane de nouveau chez nos voisins du Sud, la crise de la dette souveraine en Europe, l'augmentation importante des coûts, notamment de l'énergie, et la vigueur du dollar canadien sont autant de facteurs qui leur imposent de réels défis. Les entreprises manufacturières, qui représentent une part importante de l'économie du Québec, ont d'ailleurs de la difficulté à créer de l'emploi.

Puissant moteur de l'économie, la consommation a un impact direct au sein des secteurs comme le commerce de détail, l'alimentation et la restauration, bien sûr, mais a aussi une incidence indirecte chez les entreprises de distribution et les manufacturiers. Or, certaines mesures prévues au projet de loi n° 24 pourraient contribuer à freiner la consommation en limitant l'accès au crédit. Nous considérons qu'il s'agit d'un élément préoccupant, à plus forte raison dans la conjoncture actuelle. La FCCQ s'inquiète ainsi des conséquences néfastes que cela pourrait engendrer pour les entreprises québécoises, et plus largement au sein de l'économie provinciale.

L'une des mesures qui nous préoccupent réside dans l'article 22 du projet de loi et vise l'introduction de l'article 103.1 à la Loi de protection du consommateur. Selon cet ajout, la disposition de la loi qui prévoit qu'une institution qui consent un prêt à tempérament à un consommateur devient responsable de la garantie offerte initialement par le fabricant dans le cas où ce dernier ne peut respecter ses engagements s'appliquerait dorénavant aussi aux achats effectués avec une carte de crédit de magasin. Cette pratique était déjà contraignante dans la loi actuelle. La FCCQ est d'avis que d'en élargir la portée ne pourra que rapidement restreindre l'offre de crédit, ce qui aura un effet néfaste sur le chiffre d'affaires des commerçants. Nous croyons également que cette disposition freinera la mise en marché de produits innovateurs puisqu'elle augmente le risque y étant associé. Les entreprises fabriquant ces produits risquent donc d'avoir plus de difficultés à obtenir du financement pour les mettre en marché, et les commerçants, qui auront moins de facilité à conclure des ententes de crédit pour en faciliter leur vente...

Par ailleurs, la FCCQ s'oppose à l'ajout de deux dispositions qui viennent mettre en péril le principe juridique de stabilité de contrat. C'est le cas, par exemple, de l'article 103.2, qui serait inséré à la Loi de protection du consommateur en vertu de l'article 22 du projet de loi. À l'heure actuelle, la LPC prévoit qu'en cas de contestation sur un contrat principal le tribunal peut suspendre l'exécution du contrat de crédit jusqu'à la solution du litige lorsqu'il s'agit de contrats de prêt d'argent. Or, cet article du projet de loi viendrait élargir l'application de cette mesure à tous les contrats de crédit.

Il en va de même de la disposition qui permettrait de revoir les modalités de paiement d'un contrat de crédit, tel que prévu à l'article 22 du projet de loi, par l'intégration, à l'article 103.3, à la LPC. Selon cette mesure, le consommateur éprouvant un problème majeur, comme une maladie grave, une perte de son emploi, pourrait s'adresser au tribunal pour faire modifier les modalités de remboursement de son contrat de crédit à la condition qu'il ne soit pas en défaut de paiement au moment d'en faire la demande.

Par définition, un contrat est une convention par laquelle une personne s'engage à respecter une obligation, comme celle d'effectuer les paiements à date fixe. Avec les dispositions prévues aux articles 103.2 et 103.3, le législateur ouvre une brèche à la notion implicite de stabilité de contrat. Elle pourrait ainsi ajouter une incertitude supplémentaire à la réalité d'affaires de nombreux détaillants et, par ricochet, des manufacturiers en pleine période de ralentissement économique.

En outre, l'intégration de l'article 103.3 risque de provoquer une hausse généralisée du coût de service. Or, l'assurance crédit existe déjà pour couvrir ce type de risque dont il est question. Un consommateur voulant se prémunir contre la possibilité de ne pouvoir effectuer ses paiements en cas d'imprévu peut donc y souscrire, généralement à faible coût. Nous croyons que l'addition des articles 103.2 et 103.3, parce qu'ils imposent un risque supplémentaire aux prêteurs, pourrait limiter l'offre de crédit et ultimement avoir une incidence négative sur la consommation.

Enfin, la Fédération des chambres de commerce du Québec s'oppose à la disposition prévue à l'article 34 du projet de loi, qui vise l'insertion de l'article 126.1 à la Loi sur la protection du consommateur. Par cet ajout, le législateur vient imposer un seuil de 5 % pour le paiement minimal exigé sur les cartes de crédit. À notre avis, cette mesure, qui vise à éviter le surendettement, aurait plus d'effets néfastes que positifs. En effet, une faible proportion de Québécois ne versent que le minimum de leur carte de crédit. Or, ces gens, qui ont souvent tendance à dépenser plus que leurs moyens, pourraient avoir de la difficulté à faire leurs paiements mensuels si ceux-ci devaient être augmentés. Ils seraient alors tentés de se tourner vers d'autres sources de crédit, parfois plus onéreuses, pour pallier tout problème de liquidités. L'endettement global ne serait donc pas diminué.

Nous croyons de plus que cette mesure n'aurait aucun effet dissuasif sur les gens qui ont tendance à surconsommer. À cet égard, nous sommes d'avis que la disposition du projet de loi qui exige que les états de compte indiquent dorénavant le temps requis pour rembourser le solde de la carte de crédit en ne versant que le minimum risque d'avoir un effet bénéfique beaucoup plus important. Voir le nombre d'années nécessaires au remboursement d'un solde ainsi que le montant des intérêts qu'il faut payer au cours de cette période aura sans doute une incidence éducative plus importante sur la question de l'endettement qu'une hausse du paiement minimum.

En conclusion, la Fédération des chambres de commerce du Québec ne s'oppose pas à la modernisation de la loi. Cette loi qui date dans les années soixante-dix a en effet besoin d'être actualisée. De plus, nous ne sommes pas contre l'idée de vouloir contrer le surendettement de la population, qui, à moyen et long terme, pourrait avoir un effet néfaste sur l'économie. Toutefois, nous considérons que la mise à jour de la loi ne doit pas se faire au détriment des entreprises de commerce de détail, des manufacturiers et des distributeurs. Déjà, s'il est adopté tel quel, le projet de loi imposera un fardeau très lourd aux commerçants, notamment en requérant des modifications importantes à leur pratiques d'affaires et aux contrats qu'ils utilisent, et, conséquemment, en imposant des coûts de conformité et de formation considérables.

Mais nous sommes particulièrement préoccupés par l'ajout de dispositions qui, selon nous, viendront restreindre l'offre de crédit et, ce faisant, auront une incidence sur la consommation. À l'heure actuelle, le consommateur québécois subit des hausses de prix dans plusieurs secteurs, dont celui de l'essence, qui atteint des sommets. L'incertitude de la conjoncture économique mondiale affecte également sa confiance, si bien que le rythme de consommation s'essouffle depuis quelques mois. À notre avis, lui imposer de nouvelles contraintes en augmentant le minimum à payer sur le solde de carte de crédit et en limitant l'accès au crédit ne pourrait qu'avoir des conséquences néfastes.

Si la consommation chute, les commerçants seront les premiers touchés. Suivront rapidement les manufacturiers et les distributeurs. Au bout du compte, c'est l'ensemble de l'économie du Québec qui en souffrira. Voilà pourquoi la fédération s'oppose à l'ajout des articles 103.1, 103.2, 103.3 et 126.1 au sein de la Loi sur la protection du consommateur. Merci.

**(18 h 50)**

Le Président (M. Cousineau): Merci, M. Hamel. Alors, nous allons passer maintenant à la période d'échange entre les gens... les parlementaires. Je vais passer -- la première question -- la parole au député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Merci, M. le Président. M. Hamel, M. Côté, bienvenue. Bonjour à mes collègues. Bonjour, je devrais presque dire bonsoir à cette heure-ci.

M. Hamel, cet après-midi, les associations de consommateurs sont venues, et j'ai eu l'occasion de regarder la documentation, et j'avoue que j'ai appris quelque chose aujourd'hui, là. Et, à chaque jour de notre vie, on apprend des choses, mais là, aujourd'hui, j'ai appris que les gens étaient encore plus endettés que j'aurais pu le croire et que ça représentait pour eux, souvent, des sommes absolument incroyables. Et, vous allez me voir venir, je vais vouloir vous parler un peu de la question, là, du solde minimum des cartes de crédit.

J'avoue que, quand on regarde des gens qui ont... J'ai des chiffres ici, là, imaginez un détenteur de carte de crédit qui ne paie pas chaque mois... qui paie le solde... uniquement 1 % chaque mois, là, puis qui a un solde de 10 000 $, bien, avec un paiement mensuel de 2 %, tiens, il leur faudra 80 ans pour rembourser la totalité du solde avec un taux de crédit de 19,8 %, ce qui représente des frais de crédit de 45 350 $. Donc, c'est absolument, là... Quand on regarde ces chiffres-là, on se dit vraiment: Il faut faire quelque chose.

Moi, je comprends votre argument sur le fait qu'il ne faut pas trop sortir de l'argent de l'économie. J'ai fait un bref calcul. J'ai fait le calcul suivant: Imaginons qu'il y a 1 million de personnes qui ont un solde de carte de crédit de 10 000 $, hein, c'est un ordre de grandeur, 1 million de personnes, un solde de 10 000 $. Et on leur demande de payer 2 % par mois au lieu de 1 %, donc 1 %. Donc, on leur demande 100 $ par mois. On leur demande 1 200 $ par année. 1 million de personnes ça fait 1,2 milliard. Autrement dit, si on applique brutalement la règle, je dirais, là, ce calcul-là dirait qu'on retire, mettons, un milliard de l'économie, en quelque sorte, en forçant les gens à rembourser -- c'est un ordre de grandeur -- sur un PIB d'à peu près 300 milliards, le PIB de la province, à peu près 300 milliards.

Et, si on vous proposait ou si on suggérait que... En tout cas, moi, j'ai l'impression... mon intuition, c'est qu'il va falloir aller à un solde minimum plus élevé, parce qu'avec les chiffres qu'on a là, les consommateurs se font vraiment prendre, là, et je pense qu'il y a quelque chose à faire.

Mais je comprends votre argument. Alors, est-ce qu'on ne pourrait pas... est-ce que vous ne pourriez pas proposer qu'on y aille tout simplement un peu plus tranquillement? Ça a été suggéré, là. Je ne rêve pas, cet après-midi, ça a été suggéré qu'on aille à 0,5 % pour commencer, etc. D'abord, une chose: Êtes-vous d'accord qu'à moyen et à long terme on devrait augmenter le solde minimum pour protéger les consommateurs? Puis, deuxièmement, est-ce que, pour s'y rendre, on ne pourrait pas prendre un autre chemin, disons, un chemin un petit peu plus prudent peut-être, là? Voilà.

Le Président (M. Cousineau): M. Hamel.

M. Hamel (Denis): Merci, M. le député de Charlesbourg. J'aime beaucoup votre question, parce que ça nous donne l'occasion de parler d'éducation économique. Le problème de la surconsommation... il y a un problème, c'est un problème réel. Les chiffres, nous les connaissons tous, c'est vraiment extrêmement élevé. Je pense qu'on atteint des records, et c'est dramatique, tant pour la société que pour les individus en question qui sont surendettés. Et il y a une partie de cet endettement-là qui vient de l'augmentation des prix, mais c'est essentiellement des mauvaises habitudes de consommation qu'on essaie d'encadrer.

Augmenter le solde minimum -- vous avez fait un calcul assez intéressant d'ailleurs -- oui, il pourrait être fait graduellement, parce que ça permettrait deux choses. D'abord, on est en situation de conjoncture économique assez incertaine pour le moment. On voit la crise financière en Europe, la situation aux États-Unis; les perspectives de croissance économique ne sont plus de 3 %, 4 %, 5 % mais sont plutôt de l'ordre de 0 % à 1 %. Donc, ça laisserait d'abord le temps au cycle économique de se redresser, et surtout si on accompagnait ces mesures par une bonne éducation économique. On a vu que, dans les écoles, maintenant, on n'enseigne plus l'économie, chose que la fédération déplore depuis longtemps. Et, avec une meilleure formation -- comment faire un budget, comment limiter ses dépenses -- on obtiendrait, selon nous, un bien meilleur résultat que celui d'arriver rapidement comme ça à augmenter le solde à 5 %.

Peut-être un troisième élément aussi. Les calculs dont vous avez fait mention tiennent compte de taux d'intérêt très élevés. Actuellement, les taux d'intérêt sur les cartes de crédit sont beaucoup plus élevés que les prêts personnels, par exemple, ou toute autre forme de prêt. C'est peut-être de ce côté-là qu'il faudrait regarder à limiter aussi. Mais ça, c'est une idée, je dirais, que je vous lance comme ça, là.

Mais, essentiellement, par rapport à votre intervention du début, que l'on espace le temps pour en arriver graduellement au 5 % permettrait de ramener l'éducation et effectivement de sensibiliser les gens aux dangers de la surconsommation.

Le Président (M. Cousineau): M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Merci, M. le Président. Mais je comprends que l'objectif d'arriver à un solde minimum plus élevé, de l'ordre de 5 %, vous n'êtes pas contre, en principe.

M. Hamel (Denis): Pas, en principe, qu'on le fasse graduellement. Je sais que certaines institutions financières y vont de leur propre chef, alors on le salue. Et puis il va falloir... parce que ça fait partie de l'éducation. Une carte de crédit devrait être d'abord et avant tout, pour quelqu'un qui a une bonne connaissance de l'économie, un dépanneur, une utilisation à court terme qu'on... Comme dit l'expression, loader sa carte de crédit pour traîner une dette pendant une partie de sa vie comme ça, c'est... Ce n'est pas une hypothèque, là, ce n'est pas un investissement, c'est une dépense que l'on traîne et qui devient un boulet dans la vie du consommateur.

Le Président (M. Cousineau): Monsieur... Oui.

M. Pigeon: Merci, M. le Président. Non, ça répond à ma question.

Le Président (M. Cousineau): M. le ministre.

M. Fournier: Oui. Pardon. M. Hamel, M. Côté, merci d'être avec nous. Échange très intéressant avec mon collègue, qui concorde franchement en tous points avec les deux premiers groupes que nous avons entendus. Le troisième était sur un autre sujet.

Tout le monde s'entend pour dire que des paiements mensuels minimums à 2 %, on n'y arrive pas. Même quiconque voudrait plaider pour la consommation comme facteur de croissance finit par se dire: Finalement, je consomme juste du taux d'intérêt, je consomme juste du produit financier. Alors, il y a peut-être quelqu'un qui veut vendre des sofas qui va trouver: Sais-tu, moi, je vais peut-être me recycler en produits financiers, c'est rien que ça qu'on fait, finalement, là. Parce qu'il faut bien comprendre que ce n'est pas un coût, hein, il n'y a pas de coût, c'est juste rediriger l'argent différemment. Si les gens paient moins d'intérêt, peut-être qu'effectivement il va aller moins chez les banques, mais il va peut-être prendre son argent qu'il a moins mis dans les intérêts pour acheter le sofa, finalement. Peut-être. Alors, ce n'est pas... il n'y a pas de perte.

Ah! Bien, si vous êtes le secteur des institutions financières, ça se peut que, là, vous, vous étiez le grand gagnant parce que c'est vous qui chargez les intérêts, puis ce n'est pas le vendeur d'autos, puis ce n'est pas de vendeur de meubles, puis, bon, tout ça.

Alors, je pense que ça, c'est un élément intéressant, de constater qu'autant consommateurs que la Fédération des chambres de commerce vient nous dire: Un paiement minimum augmenté, oui; tout le monde nous dit: Mais pas trop vite. Il était, dans le projet de loi, envisagé à 1 % par année de le faire. Franchement, je le dis, moi, je trouvais que c'était correct. On nous suggère 0,5 % par année. On verra ce que ça peut donner. Mais en tout cas je vois qu'il y a un certain consensus là-dessus.

**(19 heures)**

Je vous entends parler des prêts personnels, autrement dit de lever un petit drapeau, qu'on a un peu soulevé tantôt avec le deuxième groupe. Il n'y a pas juste du crédit par carte de... il ne devrait pas y avoir juste du crédit par carte de crédit. Et l'écho qu'on a entendu tantôt -- j'ai hâte d'entendre les institutions financières venir nous voir -- ils nous ont dit: Ça n'existe plus. À part si tu veux un crédit, là, en haut de 10 000 $, oublie ça, c'est des cartes de crédit. Ils ne t'en offrent plus. Alors que, dans l'éducation dont on parle... il y a peut-être l'éducation des institutions financières aussi qu'on peut faire. On peut peut-être dire à une ou deux: Développe ce produit-là, il y a bien du monde qui vont te le prendre, tu vas pouvoir faire de l'argent. Ils ont tout évacué pour faire le gros cash -- je m'excuse de plaider comme ça -- faire un peu plus d'argent, disons, au niveau de la carte de crédit, mais il y a peut-être d'autres moyens, si on veut s'adapter aux besoins du consommateur. Il ne va pas fuir, le consommateur, il va aller chercher l'outil qui est le plus flexible pour lui, puis je suis... Merci d'être venus nous dire ça, ici, parce qu'on va recevoir les institutions financières puis on va leur parler de la Fédération des chambres de commerce, et on va leur dire: Il n'y a pas juste le crédit par carte de crédit, et développez des outils de plus, tout le monde va en bénéficier, tout le monde qui sont membres chez vous puis les consommateurs aussi qui sont venus nous le dire.

Je veux juste vous dire, pour faire un petit laïus, sans prendre trop de temps, un petit laïus sur la consommation, sur la croissance: Il y a beaucoup de discours qu'on peut faire sur l'importance de la consommation dans la croissance, mais à un moment donné on arrive tous, après quelques mésaventures dans les années passées, pas nécessairement ici mais ailleurs, à aussi regarder le type de consommation. Parce que, si on doit faire reposer la croissance sur une surconsommation presque artificielle, création d'une bulle, là, il y a un choc. Il n'y a pas un commerçant qui va vouloir, à moins qu'il soit dans le court terme, favoriser la surconsommation ni le surendettement.

Donc, je pense que l'optique du projet de loi sert tout le monde. Il y a une recherche d'équilibre qui permet, je crois, d'y arriver. Mais, lorsque vous dites: Limiter l'accès... Puis je pense que vous avez dit: Il ne faut pas freiner la consommation en limitant l'accès. Je pense que le projet de loi amène à une consommation durable plutôt qu'une consommation débridée et qu'il encadre l'accès au crédit, qu'il encadre le crédit plutôt que de le limiter. Et, vu comme ça, je pense qu'on parle de la même chose. C'est d'ailleurs pourquoi vous ne nous avez pas parlé de nombreux articles du projet de loi. Vous nous avez parlé de quelques articles du projet de loi.

Ma première question -- je vais vous en poser tout de suite une après, je vais mettre les deux ensemble -- c'est: Est-ce que je dois comprendre que vous venez nous dire que, dans le fond, votre entrée de jeu, c'est de dire: Le projet de loi nous inquiète sur certaines choses? Est-ce que je crois comprendre que, d'entrée de jeu, vous venez nous dire: Le projet de loi fait notre affaire dans plein de points, et j'en ai trois, quatre que je veux vous soulever? C'est déjà bien différent, parce que je vous ai entendu me parler vraiment de quelques points, mais, de façon générale, on a l'air à parler de la même chose. Alors, ça, je veux que vous m'en parliez un petit peu.

Je vais m'intéresser ensuite à la question de la force majeure dont vous avez parlé, sur la capacité pour le consommateur de revoir un peu ses obligations. À juste titre, vous avez parlé des obligations contractuelles, ça existe. Mais un de mes collègues -- je ne sais pas c'est lequel, tantôt, de l'opposition, je ne me souviens plus lequel -- a fait une analogie avec la capacité pour le commerçant ou l'industriel d'invoquer la loi sur la protection des arrangements avec les créanciers pour voir comment justement, dans certains cas qui peuvent être des cas de force majeure, ils réussissent à revoir leur situation. Et là, dans le fond, c'est comme utiliser cette philosophie-là pas au bénéfice d'un commerçant ou d'un industriel avec ses propres créanciers à lui, mais de l'amener un degré plus bas, si on veut, là, lorsque c'est le moment du consommateur qui intervient. Et juste voir comment on pourrait... comment vous vivez avec, un, cette analogie-là, et, d'une part, si je vous disais qu'on nous a plaidé ici qu'on devait élargir la révision de cette obligation contractuelle antérieurement prise, on devrait l'élargir, pas juste la mettre aux forces majeures parce que c'était trop limité, aux forces majeures.

Alors, quand vous voyez ça, puis vous vous dites: Ah! Le ministre est en train de nous dire qu'il a eu des demandes pour aller plus loin, dans le fond, il est allé à un espace qui est entre, nous, ce qu'on dit, puis ce que les autres disent, est-ce qu'on trouve que finalement c'est un compromis juste, surtout quand on tient compte de l'analogie avec l'arrangement avec les créanciers?

Le Président (M. Cousineau): M. Nadeau? M. Hamel, excusez.

M. Hamel (Denis): Bon. Sur le premier point, on a regardé le projet de loi vraiment dans ce qui nous interpellait. Alors, ce sont tous les articles qui ont rapport à la consommation et pour lesquels on voyait un impact sur les détaillants, les manufacturiers, les distributeurs. On n'a pas posé de jugement sur l'ensemble du projet de loi. Si on n'intervient pas -- je vous dirais de façon plus sincère -- probablement que c'est parce que ça ne nous touchait pas. Si on est en accord ou en désaccord, on a vraiment regardé les articles pour lesquels on voyait un impact sur plusieurs de nos membres qui... Vous le savez, dans les chambres de commerce, on a énormément de petits commerçants, plusieurs petites entreprises qui pourraient être touchés. Alors, ce n'est pas un désaveu du reste du projet de loi, mais on le voyait... Comme tel, il n'a pas d'impact sur nous.

Le deuxième point. Au chapitre des obligations contractuelles, la manière qu'on l'a abordé -- probablement que mon collègue pourra compléter -- je voyais ça ou on voyait ça, nous, vraiment plus comme... un peu comme une déresponsabilisation du consommateur. On ne voyait pas comment, en lui donnant la possibilité de se soustraire à un contrat et de dire: Bon, les créanciers du manufacturier, du distributeur... reprendre le contrat, on ne voyait pas comment ça aidait le consommateur à éviter de se surendetter. Peut-être même pire. S'il se voit une voie de sortie, il va dire: Bien, je vais consommer quand même puis, même si... quelle que soit sa situation personnelle, de se lancer peut-être aveuglément dans un achat de consommation.

Et là arrive l'effet qu'on a mentionné dans notre mémoire, bien, pour se prémunir contre ça, il va falloir avoir des assurances alors, parce qu'évidemment les créanciers des distributeurs, des manufacturiers vont dire: Bien là, si on est pour être pris avec un produit, on va exiger une assurance, une assurance salaire, une assurance invalidité, maladie longue durée. Alors là, on augmente des coûts, on augmente des frais liés à l'achat. Ça fait qu'on n'a pas répondu au problème du surendettement, on vient même de rajouter une strate de contraintes additionnelles.

Le Président (M. Cousineau): Complément de réponse, M. Côté?

M. Côté (Jean-Guy): Oui. Essentiellement, il existe un système d'assurance actuellement pour... disponible pour les consommateurs pour se prémunir de «force majeure». Donc, est-ce que ce n'est pas finalement donner une soupape supplémentaire? Une soupape que le privé répond actuellement en offrant des assurances. Les assurances collectives ont des capacités de vous offrir des assurances invalidité ou des assurances maladie en cas de problèmes de santé; ça peut arriver à tout le monde. Donc, si on... Notre point, c'était que c'était peut-être exagéré de donner ce fardeau-là aux gens qui donnaient le crédit.

Je veux revenir cependant sur... Il y a eu beaucoup de commentaires dans votre préambule, puis il n'y a personne qui est contre de réduire le surendettement, là. On n'est pas contre de réduire le surendettement. Ce n'est pas notre discours. Le discours qu'on a, c'est beaucoup: Augmenter le paiement minimum n'est pas la solution nécessairement au surendettement parce qu'il y a des gens qui vont toujours aller au bout de leur capacité de crédit. Ils vont toujours loader leurs cartes, que le minimum de paiement soit à 1 % ou à 5 %. Ces gens-là, c'est une éducation, c'est une façon, c'est de cette façon-là qu'on va les approcher et non pas à les contraindre, c'est beaucoup plus en leur présentant les points de vue négatifs du surendettement. Et c'est là où le projet de loi qui a des objectifs qu'on considère quand même nobles... mais peut-être qu'il manque une certaine partie de la cible dans le projet de loi, c'est-à-dire l'éducation de la population au surendettement.

Actuellement, augmenter à 5 % demain matin, les gens qui sont... qui n'ont pas la capacité de payer plus que 1 % du paiement minimum, ils vont aller ailleurs. Ils vont aller emprunter ailleurs. Ils vont aller emprunter dans d'autres voies, d'autres avenues, peut-être des avenues qui sont moins légales, même. Donc, on a pour notre dire que l'accessibilité à la liquidité demain matin, ça se fait aussi en éduquant la population à ce que les cartes loadées, ce n'est pas une bonne idée.

Le Président (M. Cousineau): M. le ministre.

**(19 h 10)**

M. Fournier: Mais je prends ça au vol, parce qu'évidemment c'est facile, on peut très bien dire: Il y aura quelqu'un, tu sais, qui va aller à la limite. Vous avez bien vu aussi qu'on demande aux prêteurs d'essayer d'éviter que quelqu'un éclate sa limite, ce qu'on appelle le prêt responsable. Vous en avez peu parlé. Je vous tends presque la perche pour que vous m'en parliez puis que vous me disiez que vous n'aimez pas ça, mais vous ne me l'avez pas encore dit. Alors, je vous tente simplement de me le dire.

D'ailleurs, j'en fais un autre petit aparté pour dire que j'ai bien compris ce que vous m'avez dit: On s'est arrêtés sur les articles qui nous interpellent -- je vais le dire comme je l'ai compris -- les autres ne font pas problème pour nous donc, on ne vous en parle pas. C'est un peu ce que j'ai compris, et c'est parfait. Ça fait mon affaire, je conclus à la bonne place.

Dans le projet de loi, il y a des dispositions éminemment éducatives, dont celle entre autres de recevoir un état de compte qui te dit: Paye ce minimum-là, puis tu nous paies pendant les 30 prochaines années, c'est supercool, aimes-tu ça? Je veux dire, tu peux avoir tous les cours que tu voudras en quatrième année de primaire ou deuxième année du secondaire, quand tu es rendu à 34 ans puis que tu as loadé ta carte, comme tu dis, tu t'en souviens un petit peu moins, de ton cours. Ça me semble un peu vite de dire: On va suivre un cours à l'école, tu sais. Puis je n'en disconviens pas, mais on sait tous les nombres de cours qu'on pourrait aussi offrir à l'école, mais il y a quasiment l'école de la vie aussi, puis il y a les parents, puis il y a ceux qui nous entourent, puis il y a le bon commerçant qui peut être aussi un bon éducateur. Si on fait du prêt responsable, il peut devenir aussi un bon éducateur. Il y a des mesures; celle de l'état de compte, pour moi, est une mesure excessivement importante, qui permet de mettre les gens devant la réalité. Ceci étant, je crois -- puis, de toute façon, on ne s'obstine pas là-dessus -- que monter le paiement minimum de 2 % à 5 % n'est pas la seule solution; c'en est une parmi tant d'autres qui envoie un signal, qui indique quelque chose.

Je reviens sur la force majeure. Si je suivais les enseignements des groupes de consommateurs qui nous ont précédés, qui élargissaient la force majeure à quelque chose qui était pas mal large, peut-être que, là, j'arrive dans quelque chose qui peut être presque... peut-être pas un encouragement, mais une voie d'évitement. Mais, dans le cas de la force majeure, on fait référence ici à quelque chose vraiment d'imprévisible, donc qui ne peut avoir été la raison d'être de l'endettement, en se disant: «Anyway», je ne le paierai pas parce que j'ai ma force majeure, qui nous amène devant une autorité qui va trancher là-dessus et qui... Franchement, j'ai beaucoup aimé -- je le dis puis je termine là-dessus -- l'analogie: les commerçants ont eux-mêmes comme capacité de prendre des arrangements avec leurs créanciers.

Comment vous trouvez cette clause-là qu'ont les commerçants ou les industriels, les gens d'affaires, mais tout le monde, là, qui a des créanciers, mais prenons ça, là, des gens que vous représentez, quand ils peuvent invoquer un loi pour prendre des arrangements avec leurs créanciers, trouvez-vous que ça va à l'encontre des principes d'obligations contractuelles?

Le Président (M. Cousineau): M. Hamel.

M. Hamel (Denis): Oui. Écoutez, je vais répondre à celle-là en vous disant: Lorsqu'une entreprise est en difficulté, l'impact va au-delà des finances personnelles d'un individu. Une entreprise cherche à trouver une façon d'avoir un arrangement avec ses créanciers de façon à rester en action, à continuer à fonctionner, créer des emplois avec les effets induits et indirects, donc, je dirais, il y a... Si c'était, à ce moment-là, bris de contrat ou changement de contrat et puis l'entreprise devait se retrouver automatiquement en faillite, les conséquences sur l'économie seraient assez dramatiques. Alors, qu'on le laisse à une entreprise, vu l'importance qu'elle a au niveau social, ça ne m'apparaît pas déraisonnable; qu'on le transpose à un consommateur, à un individu, je suis beaucoup moins confortable avec ça. Je conviens avec vous qu'il existe des risques imprévisibles: maladie, perte d'emploi, changement de situation familiale, mais il existe déjà des produits pour se prémunir contre ça. Donc, on vient un peu compliquer les affaires en l'élargissant. Alors, soit qu'on va avoir une nouvelle assurance puis, comme je disais tantôt, une charge additionnelle ou bien... Et je pense que, moi, des consommateurs qui déjà loadent leurs cartes de crédit, je ne sais pas quelle attitude qu'ils auront par rapport à ça.

Alors, ce qu'on veut créer, comme société, puis je suis sûr que c'est votre intention dans le projet de loi, c'est conscientiser le consommateur au surendettement, aux risques et aux inconvénients du surendettement. Et je reviens à votre exemple de tantôt sur l'état de compte. On vous disait d'entrée de jeu dans notre mémoire: Cette mesure-là, tant qu'à nous, est beaucoup plus informative, éducative qu'à peu près tout ce qu'on va pouvoir faire, enseigner dans les écoles à nos plus jeunes. Ce serait encore mieux s'il y avait un tableau 1 %, 2 %, 5 %, 10 %, et là voir: Woupelaïe! on ne parle plus de 45 ans ou de 80 ans -- l'exemple du député de Charlesbourg -- mais, woup, on raccourcit ça à deux ans, trois ans. Donc là, à ce moment-là, on est plus dans l'esprit de la carte de crédit et non plus de l'endettement à long terme, là; ce n'est pas une hypothèque, une carte de crédit.

Le Président (M. Cousineau): Une dernière question, M. le ministre.

M. Fournier: Elle vient juste de m'arriver comme question, mais, comme j'ai vu tantôt qu'on était un peu en communauté d'esprit sur le souhait qu'il y ait d'autres types de prêts que juste la carte de crédit, là, admettons qu'un jour on apprenait qu'il y a effectivement d'autres types de prêts, puis tu peux avoir un prêt personnel de 5 000 $, qu'est-ce que vous pensez de la sollicitation du crédit? On nous a parlé de la sollicitation du crédit, tu sais, d'aller approcher les gens, pas pour consommer, pour consommer du crédit; ce n'est pas tout à fait pareil, là, ce n'est pas la sollicitation nécessairement pour acheter le fauteuil, là. Tu sais, j'ai une carte de crédit, tu vas pouvoir t'acheter un voyage, t'acheter n'importe quoi, mais ce que je te vends, c'est une carte de crédit. Il y a des gens qui nous disent: La sollicitation, interdit! Mais ne faisons pas de sollicitation au niveau du crédit. Moi, personnellement, je suis un peu rébarbatif à ça, parce que le crédit, ce n'est quand même pas non plus illégal. Ça fait que je me dis: Probablement qu'on devrait être capables de l'offrir. Mais j'ai un problème: on ne m'offre pas les bons produits.

À votre avis, est-ce qu'on devrait encourager, par exemple, sur l'état de compte, de pouvoir démontrer que vous devriez demander à votre institution financière d'utiliser un autre type de crédit ou quelque chose qui leur fait voir qu'il n'y a pas juste la carte de crédit puis il n'y a pas juste le 5 %? Je veux dire, tant qu'à faire de l'éducation, est-ce que vous trouvez qu'on omet... on pourrait aller plus loin dans l'état de compte ou dans des documents qu'on envoie pour indiquer aux gens: Informez-vous, il y a d'autre crédit moins cher pour vous? Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Cousineau): M. Hamel.

M. Hamel (Denis): Ma réaction après... Écoutez, ce n'est pas quelque chose de... qu'on a pu valider avec nos membres ou avec quoi que ce soit, mais à brûle-pourpoint, comme ça, je vous dirais: Écoutez, on ne peut pas tout faire à la place du consommateur. Il y a une responsabilisation d'individus comme consommateurs. Est-ce qu'on doit obliger les institutions financières à offrir le meilleur produit? Je pense que plusieurs institutions financières vont le faire elles-mêmes. Moi -- et c'est l'esprit de nos actions de la fédération -- contraindre, obliger, rajouter des obligations, ce n'est pas quelque chose qui est en harmonie avec notre philosophie. L'éducation, oui, mais pas ce genre de contrainte, d'obligation, qui ne m'apparaît pas futile mais peut-être excessive.

Le Président (M. Cousineau): Alors, merci M. Hamel. Nous allons passer à l'opposition officielle pour les 25 prochaines minutes. M. le député de Beauharnois.

M. Leclair: Merci, M. le Président. Bien, tout d'abord, M. Hamel, M. Côté, merci d'être là, merci pour votre mémoire. J'aimerais juste peut-être... Dans votre mémoire, à la page 3, vous dites que vous ne pouvez pas être contre: Il va sans dire qu'il s'agit d'un objectif louable donc lorsqu'on parle à contrer le surendettement. Alors, je ne sais pas si, dans ce projet de loi là, vous spécifiquement, vous voyez une contrainte à l'endettement direct, mais je crois que le législateur, ici, le ministère tente de viser vraiment les personnes qui sont surendettées, ceux qui ont des problématiques assez majeures. Puis tant mieux si ça... un jour, on donne la responsabilité entière aux consommateurs puis qu'ils deviennent tous des bons consommateurs, ce qui, par la suite, devra aider à l'économie finale en bout de ligne.

Alors, c'est sûr et certain, je crois qu'avec les groupes que nous avons entendus à date on semble voir que qui paye ses dettes s'enrichit. Donc, à moyen terme et à long terme, on devrait... même l'économie devrait en tirer bénéfice, de tout ça. Sauf que vous nous dites... vous nous parlez un peu du sens des responsabilités, d'éducation. Entièrement d'accord avec vous. Mais là on semble avoir échappé beaucoup de gens, parce qu'on a parlé, là... Mon collègue le député de Charlesbourg a dit: L'endettement, il a pris une hauteur que jamais on ne pensait que ça atteindrait. Malheureusement, on est rendus là.

Alors, si on parle de responsabilité, bien, oui, le consommateur, il faut qu'il soit responsabilisé. Le législateur, comme nous, eh bien, avec le projet de loi n° 24, on tente d'encadrer un peu plus pour tenter de s'en sortir un peu plus. On va toujours en échapper, il n'y a pas de monde parfait. Puis, dans vos observations, je sens que... On dirait que le prêteur, il ne veut pas jouer avec nous cette game-là. Quand je lis, ici, que vous nous dites: L'addition des articles 103.2, 103.3, ils imposent un risque supplémentaire au prêteur, on parle toujours de personnes surendettées. On parle de personnes peut-être qui comprennent un peu moins, puis, dans certains cas, certains groupes nous ont dit: Ils ne savent même pas qu'ils vont payer des intérêts, au pire. On le met...

Alors, je me dis: Bien, pourquoi que le prêteur ne jouerait pas la partie avec nous, tenter de faire son bout, lui aussi? Lorsqu'il voit, là, que la personne, là, ça fait quatre ans, ou trois ans, ou 18 mois qu'elle n'a payé que le minimum sur un endettement -- exemple, on va prendre quelque chose de minime -- de 1 200 $, puis, si le taux est à 18 $, bien, elle va le payer pendant 65 ans. Pourquoi que le prêteur ne jouerait pas sa partie, de dire: Bon, bien, je ne lui augmenterai pas son crédit, même si je sais qu'il serait capable de mettre un autre 10 $ de plus par mois? De toute façon, à le voir agir, il ne paiera jamais sa carte, lui, donc je vais profiter de l'occasion.

Alors, c'est un peu contradictoire, je me dis: Le prêteur a aussi cette responsabilité-là; le législateur en a une; le consommateur en a une. Puis je crois qu'ici on tente de partager un peu le risque à tout le monde, puis de faire en sorte que tout le monde en sorte gagnant, puis en bout de ligne c'est l'économie générale qui va être meilleure à la fin parce que les gens vont être moins endettés.

J'aimerais aussi vous entendre, vous n'en faites pas part, mais qu'est-ce que vous pensez, vous, les chambres de commerce, de tout le bout qu'on parle moins, l'endettement des étudiants qui ont une sollicitation tous bords tous côtés, puis, avec la situation économique que vivent leurs familles, s'endettent tout simplement pour aller à l'école ou, au pire, même pour sortir dans un bar un soir? Alors, on parle de gens, là, qui sont rendus quand même à une partie de leur vie qu'ils devaient prendre conscience puis on parle d'éducation, mais on ne vous a pas trop entendus là-dessus. J'aimerais ça savoir, là: La sollicitation qu'on reçoit, est-ce que c'est contradictoire un peu? On parle d'écologie. On en reçoit, les boîtes aux lettres sont pleines. Puis ces gens-là, bien, c'est des consommateurs pas trop avertis, ils sont plus jeunes. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

**(19 h 20)**

Le Président (M. Cousineau): M. Hamel.

M. Hamel (Denis): Bon, sur le premier point, on est d'avis que la responsabilité... d'abord, la responsabilité de l'endettement individuel est d'abord et avant tout le choix ou, je dirais, la responsabilité d'un individu. Lorsqu'on écrit dans le mémoire que, bon, il va y avoir un fardeau sur l'institution financière, les institutions financières ont des obligations sociales, bien sûr, mais elles offrent divers produits. Et puis là c'est en partie les institutions financières mais aussi, je dirais, des intermédiaires, qui sont les vendeurs, les détaillants, les manufacturiers qui écopent, et, je veux dire, il n'y a pas de raison qu'eux autres subissent, là, les changements proposés à la loi.

On n'a que... C'est sûr que, si on remplace une partie de l'endettement par, comme vous dites: Qui paie ses dettes s'enrichit, donc je vais moins payer d'intérêt, je vais rembourser le plus vite possible ma carte de crédit, je vais réduire donc ma consommation, il va y avoir un effet. Mais le surendettement excessif dont on parle et qu'on veut enrayer demeure fort heureusement une petite partie... le lot d'une petite partie de la population.

L'endettement général au Québec est élevé. Je pense qu'on parle de 150 % du revenu, mais on compte là-dedans des hypothèques, et l'endettement qui est basé sur des actifs. Donc, sur ce point-là, je pense qu'il ne faut pas viser plus que nécessaire les institutions financières qui ont... C'est leur rôle dans la... c'est d'offrir du crédit. Est-ce qu'on doit leur demander de jouer un rôle social en plus? Ça m'apparaît peut-être déborder un peu de l'esprit de la loi.

Le deuxième point, sur l'endettement étudiant, vous avez raison, on n'a pas mentionné ça de façon explicite. On a vu que l'endettement étudiant, ce n'est pas un phénomène récent. L'endettement a toujours été présent chez les étudiants, et puis... Mais si on considère là-dedans, et plusieurs le font, l'éducation postsecondaire, les frais de scolarité comme de l'endettement, nous, on le voit comme un investissement. Alors, lorsqu'un étudiant s'endette pour payer ses frais universitaires, par exemple, puisque c'est surtout au niveau universitaire que l'endettement est plus élevé à cause des frais de scolarité, pour nous, c'est équivalent d'un prêt hypothécaire, c'est un actif important dans sa vie.

Alors, c'est pour ça qu'on n'a pas abordé la question de l'endettement étudiant, puisque c'est assez particulier, et on espère que nos étudiants ont -- vu justement le niveau plus avancé d'études -- une meilleure connaissance des fondements de l'économie et de comment se faire un budget. Il y a peut-être un petit peu de naïveté de ma part, mais l'endettement étudiant, pour autant qu'on se limite effectivement juste aux frais de scolarité, ce n'est pas quelque chose à notre avis, qui va faire l'objet d'une attention particulière à l'étude de ce projet de loi là. Je pense que M. Côté a...

Le Président (M. Cousineau): Complément de réponse, M. Côté?

M. Côté (Jean-Guy): Oui, juste revenir sur un point. Il ne faut pas oublier qu'on est dans une période économique actuellement où le coût du crédit est très, très bas. Il n'y a jamais eu autant de capacité de crédit disponible. Les taux d'intérêt sont, depuis maintenant des années, dans des minimums extraordinaires, donc il y a beaucoup de liquidités actuellement qui peuvent voyager dans le système économique. Il est normal, dans ce cadre-là, que l'institution financière cherche à vendre cette liquidité-là à quelqu'un et développe des produits qui sont spécifiques. Une institution financière est comme toute autre entreprise, elle a un but mercantile, tu sais, ils ne s'en cachent pas.

Il y a un débat philosophique qui sous-tend l'ensemble du débat qu'on a ici, et le débat philosophique, c'est: Est-ce qu'on veut un État qui utilise la carotte ou on veut un État qui incite les gens? Donc, c'est le débat qu'on a actuellement, tu sais. Il faut revenir à la base. Est-ce qu'on veut dire aux gens: On vous tape sur les doigts en vous faisant payer plus parce que vous êtes surendettés ou on veut leur expliquer que ce n'était pas une bonne idée? Il s'agit de trouver où on veut être, là; c'est le débat qu'on doit avoir, là.

Le Président (M. Cousineau): M. le député... Ah! M. le député de Beauharnois.

M. Leclair: Je vais juste... Une petite parenthèse, oui, une petite parenthèse. Bien, lorsqu'on parle d'endettement, il y a des places que je ne vous rejoins pas dans une logique qui est assez simple, c'est qu'une personne... Puis on parle toujours de surendettement, on ne parle pas d'un consommateur normal, là, qui contrôle bien son endettement, on parle de surendettement. Lorsqu'on voit une personne ou une famille qui est surendettée, puis c'est de père en fils, puis là on ne peut pas... Oui, on peut les blâmer, là, mettons, ils ne savent pas trop compter, mais -- excusez l'expression, là -- dans les dernières années, on kicke sur une poubelle puis il y a quatre cartes de crédit qui lèvent, là. Tu arrives au Canadian Tire, partout, les cartes de crédit, tout le monde a ça. Puis j'imagine que le surendettement, c'est retraçable, c'est regardable, mais on ne semble pas trop en tenir compte.

Alors, j'ai un petit peu de misère lorsqu'on dit: Bien, je suis une compagnie de crédit, puis, c'est bien de valeur, moi, c'est mon «core business» puis, moi, je vais continuer à l'endetter si, moi, je veux courir le risque de lui prêter d'autre argent. Alors ça, je trouve qu'on ne partage pas trop, trop le risque, puis je trouve que, la responsabilité, on ne la prend pas tous sous nos ailes. Je peux comprendre que tout le monde fait son bout de chemin, mais je pense qu'il faut garder une responsabilité en arrière de tout ça.

Puis, lorsqu'on parle d'endettement, aux États-Unis, qui était supposée d'être une force majeure, bien, s'il y avait autant de gens qui ont rapporté leurs clés dans les banques puis tout l'immobilier qui est tombé aux États-Unis, c'est parce que malheureusement, à tort ou à raison, il y a des gens qui ont ouvert les coffres encore plus puis ils ont dit: On continue le risque. Alors, j'ai un peu de misère avec ça, puis je n'ai pas vraiment de question, je voulais juste statuer là-dessus. Puis je vais laisser quand même la place à mon collègue.

Le Président (M. Cousineau): Bien, voulez-vous réagir, M. Hamel ou M. Côté, sur les propos du député?

M. Côté (Jean-Guy): On n'est pas... C'est un débat, puis on n'a pas tranché le débat. Puis le débat a cours dans différents aspects de la société, là. Ce n'est pas un débat qui est tranché. Lorsqu'on entre dans un dépanneur, il y a 27, 30, 35 sortes d'alcool ou de bière qui nous sont offertes, ça ne veut pas dire que, moi, comme consommateur, je vais aller tout acheter parce que je veux tout essayer. Il y a des gens cependant qui vont le faire. Est-ce qu'on doit réduire le nombre de consommations, de caisses qu'on peut sortir dans un dépanneur? Est-ce qu'on doit... Tu sais, il y a un débat, là, il y a un débat à avoir, là, tu sais. Est-ce que le surendettement... Il y a une responsabilité individuelle dans le débat, il ne faut pas l'occulter. Il y a certains aspects dans le projet de loi qui répondent à ça. Et je pense que... Mais, actuellement, le débat est sur cette base-là. Peut-être que mon exemple est exagéré, mais...

Le Président (M. Cousineau): Peut-être un complément de réponse, M. Hamel?

M. Hamel (Denis): Très brièvement. Il ne faut pas aussi perdre de vue que les institutions financières offrent toutes des services de planification financière. C'est accessible à tous les clients des institutions financières. Elles peuvent rencontrer un conseiller financier qui va leur aider à consolider la dette, au même titre qu'elles nous aident à épargner pour le futur. Donc c'est déjà un service qui est prévu dans toutes nos institutions financières.

Le Président (M. Cousineau): D'accord. M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

**(19 h 30)**

M. Lemay: Oui, merci, M. le Président. Bonjour, messieurs... bonsoir, messieurs. J'ai pris plusieurs notes, parce qu'effectivement vous avez raison, c'est un débat philosophique. On est dans le coeur du système. L'endettement ou la capacité du crédit, sans ça, je crois que les 20 dernières années auraient été excessivement différentes; bien ou mal, je ne porte pas de jugement, là. Mon grand-père -- puis ça ne fait pas 300 ans, là -- n'a jamais eu une cenne dans ses poches. Jamais, jamais, jamais. Je gagne probablement en un an -- puis Dieu sait que j'ai un revenu modeste, là -- je gagne et je dépense probablement en un an... que lui dans toute sa vie, et ça, ça fait 40 ans, là, 50 ans.

Et là on apprend aujourd'hui -- en tout cas, moi, je l'ai appris -- que, depuis 20 ans, le taux d'endettement est sept fois plus élevé que le revenu. C'est le coeur de notre système actuel. Donc, effectivement, philosophiquement, je ne suis pas tout à fait d'accord: Est-ce que c'est un débat où jusqu'où l'État va? Pour moi, le débat philosophique est de savoir: Est-ce que la société dans laquelle on vit doit continuer à ce rythme-là? Et, vous, vous donnez une réponse, et je vous cite à la page 3: «Or, certaines mesures prévues au projet de loi n° 24 pourraient contribuer à freiner les consommateurs en limitant l'accès au crédit.» Donc, ce que vous nous dites, c'est: La fuite en avant des 30 dernières années, il faut la continuer. Je ne vous blâme pas. Moi, je dis: Fuite en avant, ça peut paraître un peu négatif, mais en tout cas, pour moi, dans mon esprit, ça l'est personnellement. C'est ce que je pense. Si on continue à baser l'avancement ou l'augmentation de richesses individuelles et collectives sur l'endettement, on va prendre un mur à un moment donné. Et, à un moment donné, oui, je suis comme vous, la liberté individuelle, moi aussi, j'y crois énormément, mais à un moment donné l'État doit intervenir. À un moment donné, on doit dire... on doit mettre des politiques à savoir et jusqu'où... c'est où, la liberté individuelle, où les pouvoirs publics interviennent? On pourrait effectivement en débattre longtemps. Mais je reprends l'exemple de mon collègue. Aux États-Unis, ils ont déréglementé... des institutions financières se sont littéralement garrochées sur les consommateurs en leur donnant une clé de maison. Là, l'État n'était plus là, là. C'est ce qu'on souhaite, hein, l'État n'est plus là, mais là on a vu ce qui est arrivé, là. Des gens qui, malheureusement, là, les paiements de 500 $, bien, cinq ans après, c'étaient des paiements de 5 000 $. Malheureusement, il y a des gens qui ont profité de la non-présence de l'État pour non seulement faire miroiter des belles grosses maisons à des gens qui n'en avaient pas les moyens, mais ils ont financé ça avec des alchimistes financiers, des produits toxiques qui ont tout fait sauter.

Donc, je me dis: Libertés individuelles oui, mais, à un moment donné, l'État a le rôle de protéger l'individu, quelquefois, malheureusement, contre lui-même, mais quelquefois contre des grosses organisations qui n'ont que leur intérêt à très court terme. Donc, effectivement, c'est des débats philosophiques, ça ne rentre pas dans des projets de loi, dans un article, mais ils sont quand même pour moi.. ils sont quand même essentiels.

Et il y a une chose aussi, dans votre projet de loi, et, je m'excuse si ça m'a échappé, et le ministre l'a souligné aujourd'hui avec beaucoup d'à-propos: Si les taux d'intérêt montent, on va se diriger vers une catastrophe. Et là probablement que les institutions financières vont... et vos membres, qui vont perdre énormément... Donc, je me dis à un moment donné: Oui, les gens... la liberté individuelle, la responsabilité individuelle, mais, à un moment donné, c'est quand les pouvoirs publics, l'État doit intervenir pour tenter... Et, à voir les chiffres qu'on voit... puis j'aimerais personnellement avoir, M. le Président, un petit peu plus si c'est possible... Je ne sais pas si l'office a des statistiques d'endettement et tout ça, mais, moi, ça me fait peur, ça me fait craindre... Et, si on continue à s'endetter encore plus, puis là les taux d'intérêt se mettent à monter, et tout ça, je ne sais pas ce que ça peut donner avec le temps.

Alors, je sais que c'est très large, là, ce que je vous ai dit, mais il reste que cette sensibilité-là, en tout cas, que je ne retrouve pas dans le document, là, je trouve, c'est... je trouve que ça... Je me sentais obligé, là, de vous partager ça, que, si l'État se retire, moi, je m'excuse, mais ça n'a pas toujours donné des bons résultats. Voilà, ça a été un petit peu long, mais...

Le Président (M. Cousineau): Vous vouliez réagir, M. Hamel.

M. Hamel (Denis): Oui, bien sûr. J'ai plusieurs commentaires à votre intervention. D'abord, que l'État se retire, sûrement pas. Vous avez donné l'exemple de la dérive hypothécaire américaine. Si le Canada, dans son ensemble, s'est beaucoup mieux sorti de la récession et a évité ce qu'on a vu aux États-Unis, c'est justement parce que la Loi sur les banques et les lois qui encadrent le système financier au Canada étaient justement beaucoup, beaucoup mieux que le système américain. Donc, on a déjà cette avance-là et puis... Donc, il n'est pas question pour nous de demander à ce que l'État se retire, c'est très bien. Qu'une loi encadre...

Il faut aussi, par contre, éviter de légiférer pour... j'appellerais ça légiférer pour une minorité. On sait que l'endettement collectif est important, mais, ce qu'on vise, autant vous que nous, ce sont les individus qui sont surendettés. Mettez-vous à la place d'un commerce de détail... un propriétaire de commerce de détail. Vous ne voulez pas que l'ensemble de la consommation diminue. Vous ne voulez plus voir les gens surendettés venir chez vous parce que vous savez probablement qu'ils n'auront pas les moyens de payer. De toute façon, vous ne contribuez pas à leur bonheur, parce qu'ils s'en vont directement vers un mur financier. Mais l'ensemble des gens ont encore... l'ensemble de la population n'est pas surendettée -- certes endettée, mais pas surendettée -- mais a encore des moyens, a encore des capacités pour acquérir des biens et faire rouler l'économie. Donc, quand on vise... quand on dit dans notre mémoire qu'on craint que ça freine la consommation, si on pouvait segmentariser, puis dire: Bon, il y a des gens qu'il faut qu'ils arrêtent de consommer, puis la majorité des gens peuvent continuer à le faire à un rythme normal, parce que ce sont des gens responsables, donc, si on adopte une loi, puis qui s'applique à tout le monde, mais qui sert finalement juste à limiter une minorité, c'est là qu'on a peur qu'on manque le bateau et qu'on ait justement un effet inverse.

Le Président (M. Cousineau): M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

M. Lemay: Oui. On me glissait à l'oreille, et je trouve ça fort à propos... Premièrement, je parlais de mon grand-père, ce n'est pas qu'il était pauvre, c'est qu'il était d'un monde où il n'en avait pas besoin, c'est ça que je voulais dire, là. C'était un paysan, donc, lui, il n'en avait pas besoin. Il a quand même élevé 10 enfants, là, il s'est bien débrouillé. Effectivement, le projet de loi n'empêchera pas les gens qui sont financièrement capables d'avoir des cartes de crédit de faire des prêts, de s'acheter une maison, de s'en acheter deux, et de s'acheter un chalet. Ça n'empêche pas les gens qui sont en santé financière...

Moi, en tout cas, je n'ai pas vu à l'heure actuelle d'article qui rendrait la situation, à des gens capables de le faire, qui rendrait ça plus complexe encore, à ces gens-là. Ce que je comprends de la philosophie de ce qui nous est proposé par le gouvernement, c'est peut-être de raffiner un peu, là, tout le marché du crédit envers, justement, les gens soit qui sont en difficulté actuellement ou les gens dont on voit venir la tempête un peu. Les taux d'intérêt, là, ils vont remonter, on ne sait pas quand, ils vont remonter. Donc, c'est un peu prévoir, là. C'est ce que je comprends, là, de l'économie générale du projet de loi. Mais, comme je vous dis, est-ce qu'il y a des articles là-dedans qui pourraient rendre ça compliqué ou empêcher des gens financièrement capables de le faire d'avoir du crédit, tout simplement, soit dans les banques ou via des cartes de crédit?

Le Président (M. Cousineau): M. Hamel, M. Côté.

M. Côté (Jean-Guy): On travaille ici, là, sur des bases d'hypothèses. On peut prendre l'hypothèse qu'il y a des gens, des consommateurs qui sont excellents dans leur gestion de crédit, qui sont connaisseurs et qui connaissent ça au pied de la lettre. Ils vont gérer leur crédit de façon tellement bonne qu'ils vont utiliser la carte de crédit pour subvenir à des revenus qui sont peut-être cycliques. Peut-être que, pendant six mois, ils vont obtenir d'excellents revenus. Ils savent que, dans les six prochains mois, ils n'en auront pas; les six mois suivants, ils vont en ravoir et rembourser l'ensemble de leur solde. Il y a des gens qui utilisent les cartes de crédit pour pallier ces pertes ou cette absence de revenus dans certaines périodes. Est-ce que ça va avoir un impact sur eux? Probablement. Parce que le remboursement minimal va être plus élevé, donc ils vont devoir prévoir ce remboursement-là dans leurs prévisions. Est-ce que c'est des gens qui sont assez intelligents pour comprendre c'est quoi, l'impact? Oui, mais ça va réduire leur consommation lors d'un cycle négatif de revenus. Là, on parle ici d'hypothèses. Je n'ai aucun chiffre, là, donc... mais c'est un exemple qui me venait à l'esprit lorsque vous me l'avez présenté.

Le Président (M. Cousineau): Il reste trois minutes à l'opposition officielle. Peut-être une dernière question?

**(19 h 40)**

M. Leclair: Bien, moi, j'irais sur le sens de dire: En ce moment, la plupart des groupes... Un des points centres qu'on va devoir définir dans les prochains jours, prochaines semaines, c'est de revoir le paiement minimum, justement. Puis, certains groupes... on tente à se promener entre 0,5 % à 1 %. Puis on a une économie en ce moment qui est assez stable, là, on ne pourra pas jurer pendant 20 ans, mais mettons que ça ne va pas si mal, les taux d'intérêt à un taux plus bas. Puis, on parle, pour du surendettement, une classe de gens vraiment cible, qu'on a de la misère à statuer sur 0,5 %. Puis ça va être quoi si l'économie flanche un petit peu? On tente de pallier sur des gens qui ont un salaire très minime, donc une capacité de remboursement aussi minime, puis on se demande si, de 0,5 % à 1 %, si on étale ça sur un maximum de 5 % ou 8 % pour une petite classe de gens... Bien, je nous souhaite à tous que l'économie reste un peu stable, à des taux très bas, parce que je crois que, si on se rassoit ici, on n'aura jamais le même discours. Alors, je trouve que c'est très inquiétant. Alors, je crois que le surendettement, malheureusement, l'État doit prendre ça... doit encadrer tel que la plupart de nos gens du gouvernement, du bureau de la protection du consommateur nous suggèrent. Je ne vois pas de grosse peur là, parce que, comme je vous dis, là, on parle avec des petits pourcentages qui sont déjà inquiétants pour cette classe de gens là, alors...

Le Président (M. Cousineau): Alors, une petite minute de conclusion, M. Hamel ou M. Côté, là.

M. Hamel (Denis): Oui. Bien, écoutez, sans ouvrir un nouveau débat, mais toutes les hypothèses, que ça soit 0,5 %, 1 %, 5 % sont basées sur le taux d'intérêt chargé sur la carte de crédit, et on sait que ces taux sont très, très élevés. Une solution serait probablement plus de réduire le taux d'intérêt chargé sur le solde impayé des cartes de crédit. Alors là, à ce moment-là, c'est un tout autre débat, mais, à ce moment-là...

M. Fournier: Est-ce une position de la fédération?

M. Hamel (Denis): Une position personnelle.

M. Leclair: ...les prêteurs financiers, puis on fera, là, la suggestion, voir leur optique.

Le Président (M. Cousineau): C'était le temps qui nous était alloué. Alors, M. Hamel...

Une voix: ...

Le Président (M. Cousineau): Un instant! Un instant, s'il vous plaît! Un instant! M. Hamel, M. Côté, merci pour votre participation.

Alors, j'ajourne les travaux jusqu'à demain, le 26 octobre, après les affaires courantes, vers 11 heures. Merci.

(Fin de la séance à 19 h 42)

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