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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le vendredi 30 janvier 2015 - Vol. 44 N° 18

Consultations particulières et auditions publiques sur les documents intitulés Vers une nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion


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Table des matières

Document déposé

Auditions (suite)

Centre multiethnique de Québec inc. (CMQ)

Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)

Place aux jeunes en région

Mme Valérie Amireault

Autres intervenants

M. Marc Picard, président

Mme Kathleen Weil

M. Maka Kotto

Mme Agnès Maltais

M. David Birnbaum

M. Simon Jolin-Barrette

M. Amir Khadir

*          Mme Corinne Béguerie, CMQ

*          Mme Dominique Lachance, idem

*          M. Éric Tétrault, MEQ

*          Mme Audrey Azoulay, idem

*          M. Michel Thisdel, Place aux jeunes en région

*          M. R. Mathieu Vigneault, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur les documents intitulés Vers une nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Richard (Duplessis) est remplacée par Mme Maltais (Taschereau); M. Traversy (Terrebonne) est remplacé par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve); et Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par M. Jolin-Barrette (Borduas).

Le Président (M. Picard) : Merci. Ce matin, nous recevons le Centre multiethnique de Québec, les Manufacturiers et exportateurs du Québec, le groupe Place aux jeunes en région et finalement Mme Valérie Amireault, professeure à l'Université du Québec à Montréal et spécialiste en intégration linguistique au Centre de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté.

Oui, M. le député de Bourget?

M. Kotto : Puis-je me permettre? Avant d'aller plus loin, je souhaiterais, compte tenu du nombre de personnes et groupes qui sont passés et affirmé qu'ils n'avaient pas été consultés préalablement à l'élaboration de ce projet politique, demander à la ministre de déposer, pour des besoins de transparence, la liste des personnes qu'elle a consultées préalablement à ça. Et, s'il y en a une deuxième, on aimerait l'avoir également. Et, par souci de transparence toujours, je souhaiterais que soit déposée l'entente de confidentialité dont elle a parlé relativement à ces consultations préalables.

Le Président (M. Picard) : Merci. Mme la ministre.

Mme Weil : ...on va en parler avec le leader, il y a toute... J'aimerais faire un commentaire.

Le Président (M. Picard) : Oui, allez-y, Mme la ministre.

Mme Weil : Honnêtement, de traiter nos invités comme il traite les invités, comme s'il y a quelque chose d'opaque ou d'occulte, je trouve ça absolument aberrant, aberrant.

Alors, pour ma part, la consultation, oui, savez-vous que les ministres parlent avec beaucoup de personnes pour préparer un document comme ça, mais c'est surtout...

Une voix : ...

Mme Weil : Non, laissez-moi finir, laissez-moi finir. Le ministère de l'Immigration a fait un travail sérieux. On a transmis la liste et on va en parler avec les leaders. De toute façon, ils signent. Lorsque les ministères... Il y a d'ailleurs deux ex-ministres ici. Lorsque les ministères préparent des documents de consultation, ils signent un document de... une attestation de confidentialité. Mais tout ce document, tout ce document est en consultation publique justement pour que les gens puissent s'exprimer, c'est tout à fait ouvert et transparent. Alors, le mot «transparent», la transparence, elle est ici, dans une consultation publique, c'est là. Alors, le travail que le ministère fait, justement, c'est de préparer des orientations pour la consultation, et c'est le résultat d'une réflexion réalisée par le personnel. C'est des professionnels, hein, c'est des professionnels du ministère.

Mme Maltais : ...réponse à notre question. Elle n'est pas une question de leader, je suis leader moi-même ici. Les commissions parlementaires et les députés sont autonomes dans une commission. La question posée par mon collègue, je crois, mérite une réponse.

Ceci dit, parlant de respect des gens qui viennent ici, hier le député de Laval-des-Rapides, pendant qu'un groupe était ici, faisait des tweets où il commentait ce qui se passait de façon plutôt désagréable pour les groupes. Ce qu'on fait, on doit le faire à visière levée, de façon respectueuse. Alors, puisque la ministre parle de respect... Et les réseaux sociaux sont un prolongement de nos travaux, je suis d'accord. Il faut respecter tout le monde.

Maintenant, la question est posée par mon collègue, elle demeure.

Le Président (M. Picard) : ...comptez déposer les documents demandés par le député de Bourget, oui ou non?

Mme Weil : ...c'est-à-dire la liste des personnes qui ont été consultées ou ceux qui sont sous le sceau de la confidentialité?

M. Kotto : Les deux listes, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Est-ce qu'il y a une liste?

Mme Weil : Bien, il y a des gens, oui, que j'ai consultés, accompagnée par le ministère, c'est sûr, mais moi, je n'ai pas la liste avec moi actuellement. Mais je n'ai aucun problème à partager cette liste. C'est des gens que vous connaissez, c'est la société civile, c'est des experts, c'est toutes sortes de personnes. Il n'y a personne là qui aurait honte de dire qu'ils ont parlé avec la ministre, bien au contraire. Et, l'autre liste, on l'a partagée avec vous.

Alors, je ne comprends pas, vraiment pas le problème ici. Ce qui me dérange, c'est les sous-entendus du député de l'opposition. Je ne comprends pas sa ligne de pensée, sa réflexion.

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre, il faut faire attention pour ne pas prêter d'intentions, s'il vous plaît.

Mme Weil : Non, mais... Oui, mais, écoutez, tout le monde me pose la question : Qu'est-ce que le député est en train d'insinuer? C'est tellement public et ouvert, le processus, c'est tellement transparent! Moi, je n'ai aucun problème à partager, c'est des gens extrêmement crédibles.

Une voix : ...

Mme Weil : Bien, on l'a fait.

Mme Maltais : Publiquement ici, en commission parlementaire, déposé deux listes? Vous avez dit qu'il y avait deux listes.

Mme Weil : Oui, tout à fait. Ça ne me dérange pas du tout...

Mme Maltais : Et déposer l'entente de confidentialité.

Mme Weil : Bien, l'autre liste, on... Non, pas les personnes qui étaient consultées, le contenu de... mais pas le... Ce n'est pas confidentiel, les personnes, on a vous a donné la liste hier ou avant-hier.

M. Kotto : M. le Président.

• (9 h 40) •

Le Président (M. Picard) : M. le député de Bourget.

M. Kotto : Je demande une chose simple. S'il n'y a aucun problème à l'effet de connaître publiquement les personnes qui ont été consultées préalablement à l'élaboration de ce document de consultation, la ministre n'a aucune difficulté à nous déposer les deux listes. Et nous aimerions, pour un souci de transparence, avoir le dépôt de l'entente de confidentialité dont elle a parlé parce que tout ceci, tous ces éléments nous permettront d'avoir une vision holistique sur la démarche du gouvernement relativement à ce projet politique, parce que, voyez-vous, dans la mesure où nous pourrions voir clairement le profil...

Le Président (M. Picard) : M. le député, vous avez fait la demande d'avoir dépôt des listes. On ne peut pas obliger Mme la ministre à déposer. Je lui demande si elle veut déposer.

Mme Maltais : Oui, mais, M. le Président, la ministre vient de dire : On agit en toute transparence. Nous savons qu'il y a eu des ententes de confidentialité signées, ce que moi, à titre de ministre, je n'ai jamais vu, puis mon collègue probablement non plus.

M. Kotto : Jamais.

Mme Maltais : Jamais. Jamais je n'ai fait signer des ententes de confidentialité pour des rencontres. Alors, on demande de voir quel est le modèle de l'entente de confidentialité. Qu'elle en dépose, c'est réglé.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme la députée de Taschereau.

Je vais suspendre pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 9 h 42)

(Reprise à 9 h 43)

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre, je vous cède la parole.

Mme Weil : Oui. Alors, on va déposer la première liste. La deuxième, on pourra... elle sera transmise, elle sera transmise, l'autre liste, parce que je ne l'ai pas en papier avec moi actuellement. On va aussi transmettre, déposer l'entente, le modèle d'entente de confidentialité qui est signée dans des cas comme ça, c'est-à-dire on prépare une politique puis on consulte des experts, des chercheurs.

Document déposé

Le Président (M. Picard) : Donc, ça va pour tous? Merci.

Auditions (suite)

Nous allons entreprendre nos travaux sur la consultation en recevant le Centre multiethnique de Québec. J'invite les deux personnes à se présenter et à faire votre exposé. Vous disposez de 10 minutes, et après ça il va y avoir un échange avec les parlementaires. Allez-y.

Centre multiethnique de Québec inc. (CMQ)

Mme Béguerie (Corinne) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés, bonjour. J'ai le privilège de vous présenter le mémoire du Centre multiethnique de Québec aujourd'hui. Je suis Corinne Béguerie, vice-présidente du conseil d'administration. Je remplace la présidente, Marie-Claude Gilles, qui est souffrante et qui s'excuse de ne pouvoir venir. M'accompagne Dominique Lachance, la directrice du Centre multiethnique.

Le centre a étudié avec intérêt les documents pour les consultations particulières et auditions publiques de la Commission des relations avec les citoyens pour une nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion, et nous vous remercions de l'opportunité qui nous est offerte de vous communiquer nos commentaires. Nos propos s'inscrivent aujourd'hui dans une perspective dictée par notre mission, nous nous concentrerons ce matin sur des problématiques et des thèmes en lien avec notre expertise et notre expérience d'organisme oeuvrant dans l'accueil et l'installation des réfugiés pris en charge par l'État notamment.

Historiquement, l'immigration de Québec est intrinsèquement liée à une tradition humanitaire qui fait écho aux valeurs sociales de la population québécoise, et il nous apparaît important de le rappeler ce matin. Le Centre multiethnique oeuvre depuis 55 ans et a reçu du MIDI le mandat exclusif d'accueillir, dans la région de Québec, les réfugiés pris en charge par l'État.

Aujourd'hui, la mission du centre est d'accueillir les immigrantes et les immigrants de toutes catégories afin de faciliter leur établissement, de soutenir leur adaptation et leur intégration à la société québécoise afin de favoriser leur accès à de meilleures conditions socioéconomiques. Cette mission s'accomplit par le biais d'interventions individuelles et en groupe et par la participation active à différents comités. Le dynamisme du centre se reflète par les nombreux projets qui ont vu le jour au fil des années, et notamment la Clinique de santé des réfugiés et le projet d'hébergement temporaire des Habitations du Centre multiethnique. Le centre a développé une expertise reconnue par le milieu, et ces 10 dernières années ont vu les mandats confiés au centre augmenter et se bonifier grâce aux partenariats et à l'effort d'arrimage des services aux besoins de la clientèle sans cesse grandissante.

Nous avons préparé plusieurs recommandations suite à l'étude des documents de la consultation. Nous vous en présentons sept ce matin, pas parce que les autres ne sont pas importantes mais parce qu'il faut faire des choix dans la limite de temps imparti.

Un, construire sur ce que nous avons en commun plutôt que mettre en relief nos différences. Pour répondre à l'enjeu d'une diversité inclusive permettant la pleine participation par un engagement collectif et individuel, nous sommes convaincus qu'il faut commencer par valoriser les expériences positives et construire sur ce que nous savons en commun plutôt que mettre en relief nos différences. Comment? Par la création de lieux d'échange et d'espaces communs pour des expériences communes, par des initiatives comme le jumelage interculturel ou encore par la médiation interculturelle. On parvient, avec ce type de projet, à renforcer les liens sociaux, briser l'isolement et réduire les inégalités vécues.

Deux, préparer les milieux d'accueil en les informant et en les formant adéquatement. Nous pensons qu'il faudrait mieux préparer les milieux d'accueil à l'arrivée des personnes immigrantes avec une culture différente et des besoins variés, parfois inconnus ou mal connus au Québec. Les intervenants de première ligne sont très démunis dans leurs interventions auprès des personnes immigrantes, notamment auprès des réfugiés. Par exemple, ils ne sont pas suffisamment informés des différences culturelles, des nouveaux bassins de réfugiés, et sont confrontés à des réalités qui les dépassent parfois en termes de culture, de savoir-être et de problèmes de santé. De plus, ils se questionnent sur l'efficacité de leurs interventions. Beaucoup de travail est fait pour informer les immigrants sur leur nouvelle vie, mais on ne se place pas suffisamment du côté des intervenants pour les outiller. Nous pensons qu'il faudrait leur offrir des formations sur les enjeux de la diversité culturelle, les informer des ressources à leur disposition et les outiller pour intervenir efficacement et adapter leurs pratiques. Ils devraient également avoir accès à de l'information sur les différents réfugiés qui arrivent et avec lesquels ils seront amenés à interagir.

Trois, définir et formaliser le modèle interculturel et l'approche interculturelle. Il serait intéressant d'avoir une définition claire de ce que l'on entend par interculturalisme ou approche interculturelle au Québec. Sur quoi se base-t-on? De quoi parle-t-on? Qu'est-ce qui en fait une spécificité québécoise? Quels sont les principes reliés à l'interculturalisme ou à l'approche interculturelle, si ce sont deux choses différentes? Avec une définition claire, il est plus facile de bâtir une offre de formation et d'en évaluer les résultats. Cette approche et/ou ce modèle devrait être enseigné non seulement aux intervenants de première ligne, mais également dans les entreprises et auprès des jeunes, à l'école, au cégep, à l'université. On dénombre actuellement trop peu de cours offerts à la relève pour les préparer à cette réalité.

Quatre, consolider et pérenniser la concertation et la collaboration intersectorielles. Dans la région de la Capitale-Nationale, nous avons développé un modèle de concertation et de collaboration multisectoriel qui rallie les différents acteurs socioéconomiques du milieu au-delà de leurs enjeux, de leurs mandats et de leurs missions respectifs. Cela répond à des besoins spécifiques régionaux autour de quatre pôles d'intervention que sont la mobilisation et la concertation, la sensibilisation, l'intégration sociale et économique, l'attraction et la promotion. Cette concertation est organisée aujourd'hui par la table de concertation en immigration de la Capitale-Nationale de la CRE, et nous nous demandons qui va prendre le relais avec la fermeture annoncée de la CRE au 31 mars.

• (9 h 50) •

Cinq, reconnaître l'intervention et l'engagement communautaires. Également, avec la fermeture annoncée des directions régionales du MIDI, nous craignons le manque de reconnaissance de la spécificité régionale par une direction centralisée à Montréal. Les organismes sont pleinement capables d'assumer les plus grandes responsabilités qui leur sont confiées; cependant, ils doivent pouvoir également récupérer la marge de manoeuvre nécessaire à la réalisation de leurs mandats, notamment auprès de certains partenaires ministériels, dans la considération du rôle qu'ils jouent désormais auprès de ces instances. Nous devons toutefois faire remarquer que, si les organismes assument des responsabilités de plus en plus importantes, elles s'accompagnent d'une augmentation significative et chronophage de justification des dépenses et de reddition de comptes.

Six, évaluer les compétences des réfugiés et documenter leur intégration. La région de la Capitale-Nationale est une des destinations qui reçoit le plus de personnes réfugiées en première installation, qui désirent se construire une stabilité tant sociale qu'économique. L'obtention d'un premier emploi s'avère un parcours difficile. Nous proposons de documenter le parcours d'intégration des réfugiés afin de mieux répondre à leurs besoins et de procéder à une évaluation de leurs compétences pour leur offrir pendant la francisation la formation technique nécessaire et les services adéquats à leur intégration en emploi. Nous devons prendre conscience que la francisation actuelle n'est pas suffisante pour accéder à un emploi ou s'y maintenir, elle doit être bonifiée et combinée à des expériences d'insertion en entreprise.

Finalement, la nécessité d'une masse critique de réfugiés pour répondre adéquatement et efficacement à leurs besoins. Québec est la plus importante destination des réfugiés pris en charge par l'État en termes de nombre de personnes. Le Centre multiethnique, oeuvrant auprès des personnes réfugiées depuis 55 ans, a acquis une expertise dans leur accueil et dans leur intégration. Si au cours des 10 dernières années la région accueillait autour de 400 à 450 réfugiés par an, ces deux dernières années ont vu une baisse drastique du nombre de réfugiés pris en charge par l'État, accueillis au Québec et donc à Québec. Nous souhaitons continuer à recevoir un nombre suffisant de réfugiés pris en charge par l'État et mettre à leur disposition notre expertise. La diminution de ce nombre nous inquiète pour deux raisons, la première parce qu'elle s'attaque à nos valeurs d'accueil et de préoccupation de la situation dramatique de millions de personnes expatriées dans des pays moins nantis que le nôtre, en accueillir un certain nombre nous paraît répondre à un devoir humanitaire auquel la population tient; la deuxième parce qu'elle risque à moyen terme d'influer sur notre capacité de répondre aux besoins de cette clientèle. En effet, pour mettre en place ou maintenir des programmes, il est indispensable d'avoir une masse critique les justifiant. Deux projets majeurs ont été développés à Québec pour l'accueil et l'installation des réfugiés au niveau de la santé et du logement : la Clinique de santé des réfugiés et Les Habitations du Centre multiethnique.

Je vous remercie.

Le Président (M. Picard) : Merci. Alors, nous allons débuter la période d'échange. Mme la ministre pour une période de 17 min 30 s.

Mme Weil : Bonjour, Mme Lachance, Mme Béguerie. Bienvenue à cette commission parlementaire, merci beaucoup d'être là. Vous avez beaucoup d'expérience et vous êtes un partenaire de longue date du MIDI, évidemment, un partenaire incontournable, et j'ai beaucoup de questions, mais je vais essayer de laisser aussi un peu de temps parce que j'ai un collègue qui voudrait aussi poser des questions, parce que l'objectif de cette consultation, c'est, oui, regarder comme vous l'avez fait exactement, oui, des bonnes choses mais des problèmes, parce qu'on ne peut pas avancer si on ne peut pas bien analyser les... faire un diagnostic, si on veut, ce qui va bien, ce qui ne va pas bien, comment moderniser nos façons de faire en matière d'intégration en emploi. Depuis deux jours, on entend beaucoup de ces choses-là puis on essaie vraiment de demander aux gens qui ont des expertises comme vous, qui êtes sur le terrain, des pistes d'action qui pourraient être intéressantes, qui pourraient être gagnantes.

Et vous avez aussi une expérience — et on va commencer avec ça — avec les trois catégories d'immigration, réfugiés, regroupement familial et les travailleurs qualifiés, et, pour avoir des solutions adaptées... Puis, comme vous le savez, c'est vraiment transversal, le ministère de l'Immigration. Nous, on sélectionne, on a une bonne analyse, une bonne compréhension. On peut amener une bonne compréhension à nos deux grands partenaires qui sont Emploi-Québec, évidemment, le ministère de l'Emploi et Éducation, je pense, c'est vraiment... c'est tout le monde qui a la responsabilité de l'intégration mais dans les premiers pas, les premières cinq années.

Commençons par les réfugiés, je veux bien comprendre. Donc, oui, première destination. Est-ce que, le volume, vous avez une inquiétude par rapport au volume qui vous est destiné? Est-ce que vous aimeriez mieux que le volume soit peut-être... qu'on oriente plus de volume ailleurs ou...

Mme Lachance (Dominique) : C'est-à-dire, si vous me permettez, depuis...

Mme Weil : De personnes, je devrais dire. Excusez-moi, c'est terrible.

Mme Lachance (Dominique) : De personnes, voilà. En fait, Québec a été depuis longtemps la plus grosse destination, et, bon an, mal an, annuellement on recevait, jusqu'à il y a quelques années, entre 400 et 450 réfugiés. Ce n'étaient pas nécessairement les prévisions, mais on dépassait toujours un petit peu les prévisions.

Depuis, je dirais, deux ou trois ans, on remarque une diminution. Bon, c'est sûr qu'en même temps on comprend que la diminution est provinciale, on l'a vu, et on connaît aussi un petit peu les raisons. Cependant, on a développé, à travers... grâce à l'accueil des réfugiés, je dirais, parce que l'accueil des réfugiés fait en sorte... Souvent, c'est des populations qui sont beaucoup plus éloignées de notre culture de base, alors il y a des réactions, de la concertation et des actions qui viennent par la suite. Donc, on a eu l'occasion et la chance, je dirais, de créer des structures qui bénéficient à l'ensemble des immigrants de la ville de Québec, grâce à la venue des réfugiés. Donc, on a parlé tantôt... on a cité la Clinique de santé des réfugiés, on a parlé... Vous aurez très certainement, on l'espère, l'occasion de venir visiter nos nouveaux locaux où maintenant on fait de l'hébergement, on a de l'intervention de proximité mais pour l'ensemble de la communauté qu'on accueille.

Donc, notre crainte, c'est qu'on ait une diminution de plus en plus importante des réfugiés. Et nous croyons à la voie humanitaire, nous croyons à l'action humanitaire du Centre multiethnique mais aussi du gouvernement du Québec par rapport à ses engagements internationaux, et ça nous inquiète de voir que, depuis quelques années, effectivement, il y a une baisse. On comprend que la responsabilité de la baisse n'est pas reliée nécessairement au gouvernement du Québec, mais en même temps on aimerait bien que vous puissiez être un levier pour porter les intentions des organisations comme la nôtre auprès des partenaires fédéraux notamment.

Mme Weil : Oui, et je comprends très bien ce que vous dites. Et d'ailleurs je l'ai remarqué moi-même, l'expertise que vous avez et la fierté, je dirais, la région de Québec, par rapport à l'approche, l'accueil, l'aide qu'on amène aux personnes réfugiées, et on est très ouverts à en discuter avec vous. Comme vous le savez, le volume, sélection des réfugiés pris en charge par l'État relève beaucoup du gouvernement fédéral. On réitère toujours notre volonté de faire notre part. On a fait une annonce tout récemment concernant les réfugiés syriens, le gouvernement fédéral a déclaré, donc, que ce seraient 10 000 réfugiés syriens au cours des 10 prochaines années, dont 60 %... Il y a eu une erreur dans la communication dans les médias, mais, pour que vous le sachiez, si vous ne le savez pas, c'est 60 % qui seront sélectionnés par l'État, et, nous, c'est toujours... on prend notre part. Alors, on va en discuter avec vous parce qu'il faut, oui, je suis d'accord, comment dire, prendre avantage ou bénéficier de votre expertise.

Mais j'aimerais vous amener, avant d'aller sur les travailleurs qualifiés... Les parcours d'intégration en emploi, vous avez une expérience. Il y a la francisation et l'intégration en emploi. Si on faisait les deux en même temps, si on trouvait une façon... Pourriez-vous nous en parler pour alimenter notre réflexion sur les pistes d'action gagnantes?

• (10 heures) •

Mme Lachance (Dominique) : C'est-à-dire, c'est sûr que la francisation est importante, est nécessaire. Par contre, ce qu'on s'aperçoit, notamment pour les réfugiés, encore une fois, c'est qu'à la fin de la francisation il manque souvent un levier pour que les gens puissent avoir un accès à un emploi. Il y a eu des tentatives. Il y a une méconnaissance, je pense, de certains programmes, notamment de la francisation en entreprise, qui nous, nous apparaîtrait tout à fait pertinente et intéressante pour l'ensemble des catégories mais...

Je vous cite une expérience qu'il y a eu l'année dernière avec un groupe de gens du Bhoutan, où, les gens, il y a une entreprise de Québec qui avait accueilli plusieurs personnes, même un bon nombre de réfugiés bhoutanais avec l'intention d'offrir du support pour l'intégration, etc. Cependant, la francisation en entreprise n'a pas été faite suffisamment rapidement ou n'a pas été mise en place suffisamment rapidement, et les gens ont laissé leur emploi, sont retournés sur l'aide sociale et ont préféré retourner à la francisation de base, normale. On trouvait que c'était dommage, parce que la francisation combinée avec l'expérience en milieu de travail nous semble une voie gagnante pour les réfugiés mais également pour d'autres catégories de personnes immigrantes.

Mme Weil : Et, juste pour rester sur les réfugiés, dans le profil des réfugiés... Parce qu'on nous parle beaucoup de ça avec des gens qui ont vécu toute leur vie dans des camps de réfugiés. D'ailleurs, j'avais organisé, si vous voulez, une consultation du ministère partout au Québec pour nous assurer qu'on fournissait des services de santé, services sociaux adéquats. Est-ce que vous le remarquez aussi dans les réfugiés? Ou quel est le profil? Certains qui seraient formés, scolarisés, d'autres non, et donc une nécessité d'adapter vos services vous-mêmes?

Mme Lachance (Dominique) : Vous savez, Mme Weil, la difficulté, c'est qu'on a peu d'information. Ce n'est pas documenté, le profil des réfugiés. On considère... D'ailleurs, c'est une des recommandations qu'on fait, il faudrait davantage aller chercher l'information par des bases de données pour que justement on puisse adapter les services. Il faut commencer par le début, donc aller chercher l'information, parce que ces personnes-là sont sélectionnées, bon, sont choisies... C'est de l'aide humanitaire, on en convient, mais, au-delà de ça, c'est des gens qui avaient de l'expérience de travail, qui avaient des acquis, qui avaient des expériences d'études, etc., des universitaires, des techniciens, bon, mais on n'a pas de documentation. Donc, il faut trouver des outils pour aller chercher cette information-là, la transmettre par des organismes comme le nôtre qui vont être en... parce qu'on est à l'accueil, on est... Dès l'arrivée, on peut aller chercher de l'information et la retransmettre aux ressources comme Emploi-Québec ou autres qui vont pouvoir adapter leurs programmes aux fins d'intégration en emploi de ces personnes-là.

Mme Weil : ...excellente suggestion, très, très, très aidante.

Maintenant, les travailleurs qualifiés — parce que vous en avez aussi qui sont sélectionnés — des parcours à l'emploi, qu'est-ce que vous recommandez? Francisation, bon, comme vous le savez, le niveau de français est quand même élevé, maintenant, pour la sélection, mais francisation en milieu de travail peut-être pour aller chercher le dernier bout qui manque, toutes vos idées là-dessus, mais... Emploi, francisation, parcours d'emploi et francisation en même temps, quelles sont vos réflexions, des pistes stratégiques, là, d'une intégration plus rapide?

Mme Béguerie (Corinne) : C'est sûr que nous, en termes de connaissance et d'expertise, on est plus sur les réfugiés que sur les travailleurs qualifiés, puisqu'au centre multiethnique, même si on les reçoit pour les premières démarches d'installation depuis l'externalisation des services, ce sont des gens qu'on aide dans l'accueil et l'installation, on ne les prépare pas pour l'intégration économique.

Il n'en reste pas moins que certains ont des niveaux de français qui ne sont pas suffisants pour être embauchés par les employeurs. Puis, je vous dirais, les employeurs sont assez frileux par rapport à ça. Ici, à Québec, bon, moi, j'ai eu l'occasion de travailler sur d'autres projets. La première question des employeurs, quand il s'agit de proposer des candidatures de travailleurs qualifiés, c'est : Est-ce qu'il parle français? Ça fait que c'est une préoccupation des employeurs ici à Québec. Et certaines des personnes immigrantes qui arrivent ici, bien, auraient peut-être besoin d'avoir une francisation plus adaptée à leur vocabulaire de travail, donc peut-être mieux faire connaître le programme de francisation en entreprise, parce que les entreprises ne sont pas tellement, tellement informées de ce programme-là qui pourtant est vraiment très intéressant. Faire de la formation en entreprise en français sur la langue du travail, sur le langage qui est utilisé dans son travail, dans son métier, dans sa profession nous semble quelque chose de fondamental...

Mme Weil : Très bien, merci.

Mme Béguerie (Corinne) : ...parce qu'on ne va pas travailler sur les compétences de ces personnes-là, elles ont été sélectionnées parce qu'elles avaient l'expérience professionnelle. Maintenant, c'est de travailler sur l'acquisition de la langue.

Mme Weil : Oui. Et le niveau de français, donc, il y a plusieurs mesures qui ont été prises ces dernières années pour rehausser le niveau de français, mais c'est sûr que ça prend trois ans parfois avant que les gens rentrent. Mais évidemment on a le souci de tous ceux qui sont arrivés au Québec au fil des dernières années, donc, qui auraient besoin de ce support, comme vous dites, mais normalement, les prochaines années, on devrait voir parmi la catégorie des travailleurs qualifiés des améliorations à l'entrée à ce niveau-là. Mais ce que vous dites est quand même très, très, très pertinent.

Maintenant, j'aimerais aller sur... Rapidement, parce que j'ai un collègue qui a une question, l'interculturalisme, j'ai trouvé ça vraiment intéressant. Vous dites : Il y a lieu de mieux le définir et de le formaliser. Est-ce que je pourrais vous entendre sur cette question? C'est...

Mme Béguerie (Corinne) : C'est parce qu'on entend... on oppose l'interculturalisme québécois au multiculturalisme canadien qui est une politique, qui est quelque chose de formalisé. Est-ce que, l'interculturalisme, on pourrait le définir une bonne fois pour toutes pour que tout le monde parle de la même chose? C'est parce qu'on peut enseigner l'interculturalisme, on peut en parler, on peut dire qu'on est dans une approche interculturelle, mais de ce qu'on entend, nous, c'est que les gens ne sont pas au fait de ce que c'est vraiment, l'interculturalisme, et définir une approche interculturelle spécifiquement québécoise, me semble-t-il.

Puis on trouve intéressant aussi de sensibiliser les jeunes, les employeurs. À l'école, là, il n'y a pas tellement de sensibilisation à la diversité culturelle. On fait évidemment de l'information à l'école primaire, dans le cours d'éthique, mais je vois... au cégep ou à l'université il y a très peu de programmes, de cours qui, justement, forment à la diversité culturelle, à l'interculturalisme. Les jeunes qui sont à l'école aujourd'hui, c'est ceux qui vont être sur le marché du travail bientôt, ce sont les futurs employeurs, ce sont les futurs collègues des personnes immigrantes, ça fait que ce serait bien de les former et de les informer sur ces réalités-là.

Mme Weil : Très bien. Je pense qu'avec le temps qu'il reste je céderais la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee.

Le Président (M. Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Il reste quatre minutes.

M. Birnbaum : Quatre minutes. Bon, merci, Mme Lachance, Mme Béguerie, pour votre présentation à la fois très intéressante et stimulante. Je retiens avec intérêt vos commentaires sur le perfectionnement du français en milieu de travail. Pour avoir travaillé il y a longtemps et pour longtemps à la restauration, ça m'a toujours encouragé à... et ça m'a fasciné de voir souvent mes collègues nouveaux arrivants maîtriser le français de façon impressionnante et vite en milieu de travail, alors... et je crois qu'il faut retenir cette idée-là.

Je veux revenir à un autre thème de votre exposé. Quand vous parlez de l'importance de sensibiliser les intervenants et intervenantes à mieux accueillir et aider à adapter les nouveaux arrivants, je vous invite peut-être de nous parler de la problématique à cet égard-là. Est-ce qu'on parle de faire comprendre aux nouveaux arrivants nos enjeux, nos valeurs partagées démocratiques? Est-ce qu'on parle d'un accueil où on peut les aider à comprendre qu'il y a de l'entraide autour d'eux pour les aider à s'intégrer? Je trouve ça important de comprendre les genres de problématique que vous aurez vus jusqu'à date et peut-être quelques solutions à cet égard.

Mme Béguerie (Corinne) : Je vous dirais, on parle plutôt, là, des intervenants plutôt que des personnes immigrantes. Les personnes immigrantes, dans les organismes qui les accueillent, sont soutenues dans leur intégration, il y a certaines formations pour leur expliquer comment on va chercher un emploi, comment on fait une entrevue, etc. Nous, on parlait plutôt des intervenants de première ligne, l'infirmier, les psychoéducateurs, les gens qui sont dans les services de la santé et des services sociaux qui sont en interaction avec les personnes immigrantes et notamment avec les réfugiés. Ces dernières années, ça a été plutôt compliqué, pour ces gens-là, de s'adapter et d'adapter leurs outils d'intervention parce que l'information n'arrivait pas toujours jusqu'à eux en termes de, bien, qui sont les réfugiés qui arrivent, d'où ils viennent, quels sont leurs parcours, quelle est leur histoire. Je pense que, Dominique, tu es d'accord avec ça, c'est bon de savoir d'où viennent les personnes réfugiées avec lesquelles on doit intervenir, parce que l'intervention ne sera pas la même avec un réfugié qui a passé 20 ans dans les camps puis un réfugié qui fuit une capitale. Donc, c'est à ça qu'on dit : Il faudrait peut-être mieux outiller les intervenants de première ligne, les policiers aussi.

• (10 h 10) •

Mme Lachance (Dominique) : J'irais jusqu'à dire que M. et Mme Tout-le-monde également. C'est que, dans les organismes qui travaillent auprès des immigrants de façon générale, souvent c'est des grosses bulles, les gens sont très sensibilisés, puis, moi, souvent, je fais des blagues, aussitôt qu'on sort de la bulle, bien là on a un fossé qui se creuse. Et c'est dans la vraie vie que ça se passe et c'est là où il faut travailler, je dirais, en amont, anticiper les problématiques, agir avant que ça devienne des réactions. Et je pense que la première ligne est effectivement la base même, dans les écoles, bon, les milieux sociaux, etc., mais aussi on a parlé de création de lieux d'échange et de prétextes pour former, sensibiliser la population à l'apport et l'enrichissement qu'apportent les nouveaux arrivants à la société québécoise. On n'en entend pas assez parler, sauf des fois, là, il y a des petites campagnes. Il devrait y avoir des campagnes de fond, il devrait y avoir un travail qui se fait pour qu'on constate, qu'on comprenne que c'est important, que la venue de ces gens-là est importante, on en a besoin, et qu'ils apportent quelque chose de constructif à la société québécoise. On n'en entend pas parler, jamais, jamais. On pourrait travailler de la même façon qu'il y a eu des campagnes sur la violence ou sur l'alcool au volant, mais qu'il y ait quelque chose qui se fasse pour convaincre M. et Mme Tout-le-monde que le voisin à côté, il a quelque chose à lui apporter et en même temps, bien, valoriser les expériences communes.

C'est le b. a.-ba, en fait, on revient toujours là-dessus. Je me revois en 2008, et on répète toujours la même chose. Il faudrait peut-être les mener à terme ou aller au-delà.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Lachance. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Mme Lachance, Mme Béguerie, merci d'être là et merci pour la contribution.

Votre expertise a été louangée. Quelle est votre contribution tangible à l'élaboration du document de consultation ici présent?

Mme Lachance (Dominique) : Notre... Vous voulez dire...

M. Kotto : Avez-vous contribué à l'élaboration du document de consultation sur la nouvelle politique?

Mme Lachance (Dominique) : Notre organisation, non.

M. Kotto : Non?

Mme Lachance (Dominique) : Ce que j'ignore, par contre, c'est si notre regroupement, la TCRI, a été, par ses membres, impliqué là-dedans. Ça, je l'ignore. Si la TCRI a été impliquée, bien, effectivement, par la force des choses, c'est notre regroupement, il nous représente. Mais je ne peux pas vous répondre à ça, je ne le sais pas.

M. Kotto : O.K. Pensez-vous que la spécificité du travail, l'originalité du travail que vous faites dans la région de Québec peut être traduite fidèlement dans le cadre d'une consultation préliminaire et l'élaboration d'un tel document?

Mme Lachance (Dominique) : Bien, écoutez, on se retrouve dans les termes parce qu'il y a certaines choses avec lesquelles on est en accord, évidemment. C'est à nous, par le biais du mémoire actuel, de préciser... Ce n'est pas nécessairement une lecture régionale qu'on a dans le document. Par contre, à certains égards, on est en accord avec les principes qui sont véhiculés. C'est dans l'application qu'il va falloir voir si on va plus loin que des documents.

M. Kotto : O.K. Vous parliez du concept d'interculturalisme et de la carence de contenu en la matière pour bien partager, le partager, le concept, avec les personnes que vous accompagnez. Vous devez avoir un discours alternatif, dans ce cas-là, depuis le nombre d'années que vous travaillez avec eux. Quel est... Donnez-nous une idée de ce que vous leur dites pour les aiguiller, pour les aider à avancer dans la société québécoise, à avancer et à grandir dans la société québécoise.

Mme Lachance (Dominique) : Vous voulez dire les personnes qu'on rencontre quotidiennement, comment on intervient, comment on interagit avec eux pour les...

M. Kotto : Quand vient le temps de leur faire comprendre que, voici, nous, au Québec, ça fonctionne comme ça. Ailleurs, dans le cas du multiculturalisme, par exemple, ça fonctionne différemment. En termes de contenu, quels sont les éléments que vous leur exposez pour qu'ils saisissent bien l'environnement dans lequel ils se trouvent, en l'occurrence le Québec?

Mme Lachance (Dominique) : C'est-à-dire que nous travaillons avec des êtres humains et on leur parle de valeurs humaines. On leur parle évidemment de la société dans laquelle ils sont et vont s'inscrire, parce que c'est important qu'ils puissent être en accord avec les principes de cette société-là s'ils veulent être parfaitement à l'aise, autonomes et être en harmonie avec cette société-là.

D'emblée, les gens qui arrivent, notamment les réfugiés, parce que c'est d'eux qu'on parle aussi, quittent pour des raisons, je vous dirais, très dramatiques la plupart du temps, hein? Les gens ne choisissent pas nécessairement de venir s'installer, ils ont... Donc, ils sont très reconnaissants, très heureux de vivre en sécurité et ils sont très à l'écoute de ce qu'on a à leur proposer, de ce qu'on a à leur définir. C'est à nous autres, par exemple, de leur présenter nos principes puis de leur présenter qui nous sommes. Ce n'est pas toujours évident, dans les débats, d'avoir une image solide de qui nous sommes, je pense que c'est à définir aussi, mais, dans les principes, dans les valeurs démocratiques, dans les valeurs de base, on retrouve les gens et on a toujours un très grand plaisir d'échanger avec eux là-dessus.

M. Kotto : O.K. Vous parliez tout à l'heure de la francisation et des dysfonctionnements en milieu de travail, enfin, de l'apprentissage en milieu de travail. Est-ce que ce sont des dysfonctionnements qui sont documentés? Vous les avez documentés?

Mme Lachance (Dominique) : Non.

M. Kotto : Non? Est-ce que vous avez fait des représentations auprès du bureau régional du ministère ou au ministère directement de ces dysfonctionnements?

Mme Lachance (Dominique) : C'est sûr que nous sommes maintenant... la francisation, depuis quelques années, est aussi centralisée à Montréal, ce qui fait que... Avant on avait nos bureaux. C'est plus difficile de faire des doléances.

Il y a quand même... On n'est pas prêts à dire qu'il y a une défaillance totale du système de francisation. Ce qu'on dit, c'est qu'on aurait avantage à bonifier la francisation pour qu'elle soit encore plus accessible, plus efficace, parce qu'on se rend compte des écueils que... Puis c'est relié aussi à certains bassins d'immigration. Certaines personnes ont peut-être plus de difficultés à apprendre le français que d'autres, ça dépend des conditions dans lesquelles on arrive ici, etc.

Ce qui fait que, oui, quand on constate les choses, on va en parler avec nos interfaces, mais, ne faisant pas, nous-mêmes, de francisation, on n'a pas eu à documenter de façon systématique les difficultés.

M. Kotto : Est-ce que vous pouvez nous entretenir sur les impacts de votre perspective des choses, des impacts anticipés relativement à la fermeture du bureau régional du MIDI?

Mme Béguerie (Corinne) : Pardon? De la fermeture de?

M. Kotto : Du bureau régional.

Mme Lachance (Dominique) : Depuis déjà deux ans, il y a quand même eu l'externalisation des services qui nous a confortés dans certains rôles, des responsabilités qu'on assume et qu'on assume pleinement. C'est sûr qu'on aimerait avoir, à certains égards, la marge de manoeuvre nécessaire qui va avec ces responsabilités-là. Cela dit, ce qu'on déplore dans la fermeture de la direction régionale, c'est les pertes d'expertise, pertes de partenaires, parce que c'étaient des partenaires. On craint aussi la perte de spécificité, on l'a nommée tantôt, spécificité régionale, parce que notre direction régionale était quand même porteuse de nos particularités comme organisation, comme région, c'est clair.

Cela dit, on va quand même fonctionner parce qu'on a toujours été assez responsables, puis, vous l'avez dit, ça fait déjà 55 ans, on était là même avant les directions régionales, mais notre crainte, c'est de voir un peu s'effriter... Bon, il y a les directions régionales, mais il y a d'autres instances, on a parlé des CRE, les agences, etc., ce qui fait qu'on a beaucoup de partenaires qui vivent actuellement la même chose, et on se retrouve à craindre que la concertation régionale soit diluée, parce qu'on avait une concertation régionale intéressante, et importante, et active, à Québec, qui regroupait plusieurs acteurs socioéconomiques et qui étaient des... en tout cas la concertation était porteuse de projets novateurs importants qui ont donné des résultats. Je pense au Réseau des agents en milieu interculturel, le RAMI. Je parle... Vous avez sans doute entendu parler de la campagne de sensibilisation Du monde à connaître, etc., plein de choses qui étaient nécessaires.

Donc, la perte de la direction régionale, la crainte d'avoir une interface montréalaise, là, qui connaît peu les réalités, on ne le sait pas encore exactement, on est là-dedans, là. Donc, on anticipe des problématiques, mais en même temps on est là-dedans, là, ça ne fait pas assez longtemps encore pour voir, mais c'est sûr qu'on craint la perte de la reconnaissance régionale, je pense, c'est ça, même au niveau des... Si vous me permettez, les cliniques de santé des réfugiés qui... Québec a eu la première en 2007, et j'exclus le PRAIDA, à Montréal, qui était différent, mais les nouvelles cliniques de santé, les bilans de santé des réfugiés où on avait développé des centres d'expertise. Québec était un centre d'expertise, et on vient à peine d'apprendre que le centre d'expertise, en fait, qui servait à aider les autres régions à se structurer est recentré à Montréal. Donc, on voit beaucoup de choses se recadrer vers Montréal et on se dit : Est-ce qu'on va nous imposer un modèle de clinique de santé montréalais aussi? C'est ce qu'on attend; on ne le souhaite pas.

• (10 h 20) •

M. Kotto : O.K. Dans vos recommandations, si je vous tendais la perche à l'effet d'insister sur trois fondamentales, quelles seraient-elles, relativement à tout le bilan que vous êtes en train de faire, là?

Mme Lachance (Dominique) : La reconnaissance régionale, donc d'abord, je dirais, un leadership, un comité national ou provincial incluant les ressources communautaires comme la nôtre qui va être en mesure de consulter et de travailler aux orientations, notamment de définir les bassins de réfugiés, les destinations, tout ça; qu'on soit consultés, inclus comme des partenaires à part entière au sein d'un comité provincial qui va avoir un leadership mais qui va être viable et qui ne sera pas démantelé au bout de deux ans. Ça, c'est une première recommandation. On a besoin d'être fixés sur des orientations et de pouvoir y travailler, d'être consultés.

L'autre chose : la concertation, la reconnaissance régionale est nécessaire, la particularité régionale, et d'animer cette concertation-là, de la maintenir pour qu'elle serve aussi de veille afin que les sous retombent aussi dans la région.

Et je dirais aussi, les réfugiés, les réfugiés pris en charge par l'État, le maintien, voire le développement des cibles, des niveaux et afin qu'on puisse, encore une fois, maintenir les services qui servent à l'ensemble de la population immigrante.

M. Kotto : Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Lachance. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, je suis très content de vous voir. Dans un souci de transparence, j'aimerais informer mon collègue le député de Bourget que j'ai rencontré le centre au mois de septembre.

Donc, je souhaitais savoir, pour vous, avec la clientèle que vous traitez, combien de temps ça prend pour que... Parce que vous traitez... la majorité de votre clientèle, ce sont des réfugiés. La personne immigrante réfugiée que vous accueillez au jour 1, combien de temps ça prend pour qu'elle se sente pleinement intégrée, pleinement accueillie? C'est quoi, son processus?

Mme Lachance (Dominique) : Ce serait important de définir ce qu'est l'intégration, ça, c'est une autre chose, premièrement, parce que... Est-ce qu'on parle d'autonomie, d'adapter ou bien d'intégrer, de participer pleinement à la société québécoise? Donc, c'est sûr que, dépendant de la définition qu'on pourrait en faire, le temps varie, évidemment.

Ce que je dirais, c'est que les gens sont rapidement, enfin, fonctionnels dans la société québécoise, société de Québec particulièrement. Par contre... Et c'est encore une fois la question de la francisation. La langue est tellement importante. Elle est porteuse de la culture, d'une part, mais porteuse des savoir-faire, donc c'est sûr que... Puis à Québec la problématique de vendre la francisation ne se pose pas parce que les gens veulent apprendre le français, parce qu'ils savent qu'ils doivent se débrouiller. C'est en même temps la beauté de la chose et la complexité, c'est que c'est nécessaire de vivre en... d'avoir le français. Donc, dépendant de la rapidité à laquelle ils vont apprendre le français, bien l'autonomie et tout ce qui s'ensuit, la recherche d'emploi, va suivre aussi. Mais, mon Dieu, il y a...

Une voix : ...

Mme Lachance (Dominique) : Non, c'est ça.

M. Jolin-Barrette : Excusez-moi?

Mme Béguerie (Corinne) : Il n'y a pas de parcours type ou de durée type pour dire : Bien, les réfugiés vont mettre un an, deux ans, trois ans à s'installer dans la société, puis ça dépend aussi d'où ils viennent. Vous savez, quelqu'un qui a passé 20 ans dans un camp de réfugiés s'adaptera, s'installera et atterrira certainement moins rapidement qu'un réfugié qui est hautement scolarisé puis qui vient d'une grande ville, donc qui a déjà des repères et qui va s'adapter peut-être plus rapidement, où, là, lui, il aura peut-être plus à se concentrer sur l'apprentissage de la langue.

M. Jolin-Barrette : À la page 2 de votre mémoire, vous traitez de la question de l'utilisation des personnes-relais. Est-ce que c'est en lien avec l'intégration? Comment définissez-vous les personnes-relais? Puis c'est quoi, l'apport de ces personnes-là?

Mme Lachance (Dominique) : Les personnes-relais, ça, c'est un projet qui avait eu lieu en Europe il y a quelques années et que nous, on a essayé de reproduire en 1998, je crois. En fait, c'est d'avoir des leaders naturels dans les communautés qui vont être des pivots au niveau de la transmission d'information, des connaissances, voire des principes d'intégration. Donc, ça peut être des interprètes, mais ça peut être tout simplement des leaders — évidemment des leaders positifs — qui sont reconnus de la communauté mais aussi reconnus par les intervenants.

Donc, c'est ça, les personnes-relais. Donc, ce sont des gens à qui on relaie l'information et certaines responsabilités, même.

M. Jolin-Barrette : Et ces personnes-là sont en charge de la médiation interculturelle parfois?

Mme Lachance (Dominique) : Bien, sont en charge... Elles peuvent travailler à certains aspects de la médiation interculturelle, effectivement.

M. Jolin-Barrette : Également, à la page 6 de votre mémoire, vous traitez de la question de la reddition de comptes, que vous qualifiez d'imposante pour le réseau communautaire. Comment ça se traduit dans votre quotidien?

Mme Lachance (Dominique) : Bien, c'est sûr qu'on comprend très bien que de plus en plus il y a un apport important, il y a une vérification nécessaire qui doit être faite. C'est des argents publics, les subventions.

Cependant, puis c'est vraiment majeur, on voit un alourdissement des procédures administratives, notamment de la reddition de comptes, on est ensevelis sous la masse de papier. On doit justifier tout, ce qui est normal en soi, mais ça devient de plus en plus lourd et complexifié, ce qui fait que, le temps qu'on prend à faire ça, bien on a l'impression qu'on ne le met pas sur nos priorités qui sont travailler avec les personnes, même si on comprend très bien qu'il faut le faire. Mais, depuis quelques années, on voit vraiment un alourdissement des demandes de justification et de tout ce qui est... de formulaires, puis c'est tous ministères, je dirais, confondus, là, c'est vraiment...

M. Jolin-Barrette : Donc, ça, ce sont des exigences du ministère de l'Immigration pour la reddition de comptes?

Mme Lachance (Dominique) : Bien, je dirais que c'est tout le monde, là, je ne pense pas que ce soit uniquement au niveau du ministère de l'Immigration, mais c'est de plus en plus lourd, les papiers pour faire des demandes de subvention, bon, pour justifier, puis on a de moins en moins de récurrence. On demande aussi beaucoup, beaucoup de concertation, ce qui est normal, mais ça demande encore beaucoup plus d'exercices de voltige pour arriver à avoir le financement nécessaire à donner nos services, finalement.

M. Jolin-Barrette : Donc, durant ce temps-là, vous ne priorisez pas les services à votre population réfugiée. Mais, en termes de ressources humaines, pour vous, là, la question administrative, combien de ressources devez-vous dégager pour remplir tout l'aspect administratif?

Mme Lachance (Dominique) : Bien, on est au moins... je vais dire au moins quatre, quatre pas à temps plein, là, mais quatre qui travaillons sur la reddition de comptes, sur la gestion de la base de données, tout ce qui est nécessaire. On a une base de données avec le ministère, depuis quelques années, qui nous en a fait voir de toutes les couleurs.

Mais on comprend qu'en même temps c'est pour optimiser les services, mais en même temps ça fait beaucoup de choses, là, c'est lourd.

M. Jolin-Barrette : Au Centre multiethnique, vous avez... dans votre mémoire vous indiquez 25 employés permanents. Donc, c'est environ le 1/5 de vos ressources qui est destiné à des tâches administratives?

Mme Lachance (Dominique) : C'est pas mal ça, oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous avez abordé la question de la...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : ... — rapidement — la baisse drastique des volumes d'immigration au niveau des réfugiés. Pouvez-vous élaborer? C'est en raison de la compétence fédérale dans ce domaine?

Mme Lachance (Dominique) : Bien, en fait, c'est sûr qu'on n'est pas les seuls à avoir été touchés depuis deux ans. Nous autres, on a reçu... puis l'ensemble des organismes aussi ont reçu la moitié moins de réfugiés. C'étaient des choses attendues, qui nous avaient été expliquées, considérations internationales, notamment ce qui se passe en Syrie fait en sorte que... le ministère pourrait probablement l'expliquer mieux que moi, mais le pourquoi les bassins ont été atteints.

On espère que ça soit redressé. Déjà cet automne, on voyait quand même une progression, mais on a toujours une crainte qu'on...

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Lachance. Merci beaucoup. Je vous remercie pour votre présentation.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place, le prochain groupe qui sera Manufacturiers et exportateurs du Québec.

(Suspension de la séance à 10  h 30)

(Reprise à 10 h 33)

Le Président (M. Picard) : Nous allons reprendre. Donc, nous recevons le groupe Manufacturiers et exportateurs du Québec. Je vais vous demander de vous présenter et de faire votre présentation, d'une durée maximale de 10 minutes. La parole est à vous.

Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)

M. Tétrault (Éric) : Merci beaucoup. Bonjour à tous. Mon nom est Éric Tétrault, je suis le président des Manufacturiers et exportateurs du Québec. À ma gauche, Mme Audrey Azoulay, qui est directrice des affaires gouvernementales et des affaires corporatives avec nous à l'association.

Manufacturiers et exportateurs du Québec, nous sommes l'organisme, l'association d'affaires qui représente directement l'industrie et plus particulièrement le secteur manufacturier. Vous comprendrez que c'est dans cette optique, c'est dans ce contexte que nous allons nous exprimer aujourd'hui sur le sujet.

Vous verrez d'entrée de jeu que le titre qu'on a donné à notre présentation n'est pas anodin. Nous disons que l'adéquation formation-emploi doit être au coeur de l'intégration économique, donc évidemment au coeur des politiques d'immigration et des choix que le gouvernement du Québec s'apprête à faire en la matière.

Permettez-moi, M. le Président, de dire d'entrée de jeu que nous considérons que le Québec est sur la bonne voie. Ce que nous disons simplement aujourd'hui, c'est que le Québec doit aller un peu plus loin et un peu plus vite. À la lumière des résultats, des chiffres, des sondages que nous faisons auprès de nos membres, auprès de l'entreprise, et à la lecture que nous faisons des indicateurs économiques, principaux indicateurs économiques du secteur manufacturier, il est clair que nous manquons d'employés qualifiés dans le secteur manufacturier et que cette question-là de la main-d'oeuvre, de la qualification de la main-d'oeuvre est directement liée à la performance économique du Québec, surtout à un moment où la carte géopolitique canadienne va être sensiblement modifiée, au moins cette année et au moins pour l'an prochain, pour s'aligner peut-être davantage sur des politiques économiques canadiennes qui seront davantage dans les intérêts du Québec et de l'Ontario. Ce que je veux dire par là, c'est que le secteur manufacturier aura un rôle à jouer dans la productivité, l'innovation, ce qui fera la force économique du Québec dans les prochaines années.

Nous représentons donc, je le disais, les industriels, les exportateurs québécois. Nous avons à l'heure actuelle près de 400 membres, c'est une augmentation de près de 80 dans les derniers mois, et nous sommes un groupe en pleine expansion. Vous comprendrez que les prochaines années s'avèrent... enfin, les perspectives sont bonnes en raison de la chute du dollar canadien, de la reprise plus vigoureuse aux États-Unis qu'on attendait et également de la chute des prix du pétrole, qui fait chuter les coûts de production, les coûts de transport, les coûts de livraison de nos entreprises. Tout ça fait en sorte que le Québec devrait connaître de bonnes années en matière d'exportation dans les prochaines années.

Mais, dans le contexte d'un vieillissement de la main-d'oeuvre et dans la situation actuelle des finances publiques, l'enjeu de l'immigration est directement dans celui du dynamisme du marché du travail, et cette politique-là doit, pour nous, permettre la croissance des taux d'activité, s'assurer du maintien ou de la progression du taux d'emploi. Il faut donc, pour nous, comme je le disais d'entrée de jeu, augmenter le bassin de travailleurs qualifiés, s'assurer de la meilleure adéquation possible entre les qualifications et les besoins des employeurs.

J'attire votre attention sur le fait que la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée n'épargne aucun secteur, bien sûr, mais que ce sont les entreprises manufacturières qui sont celles qui éprouvent le plus de difficultés. Et ça, c'est dû au fait de la spécificité, bien sûr, et de la technicité des compétences, des qualifications recherchées, le recrutement qui est plus difficile, qui est contraint par une localisation en région pour les entreprises, une attractivité activité de moins en moins évidente du côté des étudiants et des jeunes travailleurs, malheureusement.

Et donc la première recommandation qu'on fait, elle est très générale, elle est très vaste, et je suppose qu'elle va aller chercher l'unanimité, c'est que la politique d'immigration accorde au secteur manufacturier et à l'industrie une attention particulière. Nos recommandations se concentreront donc sur les questions relatives à cette sélection des immigrants économiques et à l'adéquation de leurs qualifications aux besoins des entreprises manufacturières et exportatrices.

Nous sommes, M. le Président, membres du comité des intervenants économiques du MIDI, nous sommes bien placés pour mesurer les efforts, la qualité des dispositifs mis en place par le ministère. La réussite économique des immigrants, c'est une priorité qui ressort clairement des différentes initiatives auxquelles nous prenons part et que nous discutons autour de la table. Ces dispositifs-là peuvent néanmoins être renforcés, doivent être approfondis, pour nous, et nous apparaissent relativement complets, malgré tout. De la sélection des candidats à l'immigration à leur pleine intégration, les mesures s'appliquent à offrir, donc, l'ensemble des services nécessaires, ça va bien de ce côté-là, mais je vous rappelle notre titre. Ça va bien, mais nous devons aller plus loin et plus vite maintenant, nous avons une fenêtre d'opportunité et nous avons même une obligation de renforcer notre secteur manufacturier.

Donc, le Québec est dans la bonne direction, est en bonne disposition pour prendre en main ces nouveaux enjeux là et les nouvelles réalités de l'immigration, voilà, mais, si ces orientations-là vont dans le bon sens, nous considérons que l'ampleur des enjeux démographiques, la particularité francophone du Québec dans un contexte nord-américain, les nouvelles réalités des entreprises et leur besoin de s'adapter à un environnement qui demeure instable nous obligent donc à vous dire que, dans l'application de cette politique sur l'immigration, nous voulons émettre un ensemble d'avis et de recommandations qui concernent d'abord le volume d'immigration; deuxièmement, les qualifications; troisièmement, les exigences linguistiques; et, quatrièmement, les gens d'affaires et les étudiants étrangers. Ce qui nous donne à penser, M. le Président, que l'augmentation du volume d'immigration nous apparaît comme une nécessité, nous apparaît comme une évidence et une nécessité, de notre point de vue à nous.

L'enjeu, comme je le disais d'entrée de jeu, l'enjeu, ça concerne directement notre potentiel économique, et notre productivité, et l'innovation qui sera au coeur de cette productivité-là dans les prochaines années. Nous avons une moyenne annuelle de 50 000 immigrants. C'est un apport qui est suffisant, mais tout juste suffisant pour éviter le déclin démographique. Notre capacité à accueillir davantage d'immigrants dépendra, bien sûr, de nos ressources et des possibilités d'emploi. La politique sera donc liée à la dynamique de création de richesse, et il faut convenir que cette politique-là devra être la plus conforme possible aux priorités de développement économique du Québec.

Le document de consultation que nous avons lu rappelle les perspectives démographiques du Québec. Même dans un scénario d'un volume plus élevé d'immigration, l'indice de remplacement de la main-d'oeuvre va atteindre un creux historique en 2023. Les statistiques montrent également qu'il faut dépasser un volume d'immigration de 70 000 personnes par année pour limiter la baisse projetée de la population en âge de travailler. Alors que le Québec accueille chaque année, comme on le sait, une moyenne de 50 000 immigrants par année, cette capacité à intégrer 20 000 immigrants supplémentaires doit, bien sûr, être vérifiée et doit être organisée. Nous sommes très conscients qu'une accélération de l'immigration est peut-être plus opportune à court, moyen terme qu'à moyen, long terme.

• (10 h 40) •

Mme Azoulay (Audrey) : Alors, écoutez, effectivement, pour faire une transition avec ce que vient de dire M. Tétrault, il y a véritablement un enjeu, là, de réduction de la population active qui est imminent, et il ne faut pas négliger cet enjeu-là parce que c'est le potentiel de notre économie qui... c'est la réduction même de notre potentiel économique qui est en jeu. Alors, on est assez préoccupés de cette question, étant donné, évidemment, le fait que notre association est pleinement dédiée au développement économique.

J'aimerais quand même dire que, si le Québec n'est pas capable d'accueillir davantage d'immigrants, il va évidemment falloir travailler sur la qualification, sur l'adéquation avec les qualifications des immigrants. On sait que le ministère de l'Immigration travaille énormément là-dessus, mais je pense qu'il faut aller plus loin, et c'est l'objet de certaines de nos recommandations.

Il convient de préciser que la nécessité des entreprises québécoises d'aller chercher les qualifications dont elles ont besoin à l'étranger n'est pas indépendante d'une adéquation formation-emploi qui est fort probablement insuffisante au Québec. On a, comme le précisait M. Tétrault, une moyenne de 50 000 immigrants par année sur une population active de 5 millions d'habitants environ, et il apparaît évident que les enjeux d'adéquation formation-emploi ne seront pas simplement relevés par la seule sélection des immigrants. L'arrimage du système d'éducation et de formation professionnelle et technique avec les besoins changeants et les nouvelles réalités des entreprises est un enjeu qui est situé exactement sur la même ligne. Pour nous, l'adéquation des qualifications des immigrants et le problème d'adéquation formation-emploi ici, au Québec, qui est, en tout cas dans le secteur manufacturier, très marqué, eh bien, ce sont des enjeux qui sont exactement sur la même ligne, parce que c'est bien là notre capacité à intégrer une main-d'oeuvre dans une dynamique de formation du capital humain dont il est question ici.

Pourquoi nous vous disons ça? Parce que, malgré le fait que le ministère de l'Immigration fait énormément d'efforts pour s'assurer de la bonne adéquation des immigrants, eh bien, il faut constater que la diplomation en soi... Même s'il est préférable de privilégier des immigrants diplômés, bien les entreprises constatent que, malgré cette apparente bonne adéquation sur la base de la formation, il est assez courant, même très courant, d'après les petits sondages que nous avons faits, qu'il y a des décalages au niveau des compétences comparativement aux promesses du diplôme. Il y a un phénomène de surdiplomation parfois qui peut paraître frustrant et pénaliser le succès de la politique sur l'immigration.

On nous a fait une recommandation, parmi nos membres, que nous trouvons très intéressante. Nous recommandons que le système de formation professionnelle et technique... Malheureusement, ce n'est pas la seule recommandation qu'on aura à faire pour aller vers une adéquation parfaite, mais ça nous semble une possibilité assez réaliste et qui peut être très utile pour les entreprises. Notre association recommande donc que nous développions un pôle de perfectionnement qui permettrait de mettre à niveau les compétences, les habilités ou les savoir-faire qui sont nécessaires à une meilleure intégration professionnelle des immigrants. Il y a toutes sortes de compétences de base qui...

Le Président (M. Picard) : Je dois vous interrompre parce que nous sommes rendus à la période d'échange avec les parlementaires. Vous pourrez probablement rajouter ou clarifier qu'est-ce qu'il vous restait à dire, tout simplement. Je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. Merci beaucoup, M. Tétrault, Mme Azoulay. Puis en effet vous aurez l'occasion d'enrichir notre réflexion, parce que vous avez beaucoup d'expérience. Et vous avez une expérience, un vécu dans un domaine, dans un créneau absolument névralgique pour le développement économique du Québec, ça, c'est évident, et vous avez des suggestions pour améliorer l'intégration en emploi, l'adéquation, donc on va écouter vos propositions, vos recommandations avec beaucoup d'attention, parce que l'objectif de cette consultation, c'est d'aller plus loin et de faire mieux, de réfléchir à ce qui... oui, évidemment, ce qui va bien mais qu'est-ce qui ne va pas si bien, parce que sinon ce ne serait pas si utile que ça, si on ne regarde pas les meilleures façons de faire.

Je vais aller sur, bon, l'importance de l'adéquation entre la sélection des travailleurs qualifiés — on va commencer évidemment à la sélection des travailleurs qualifiés et le marché de l'emploi — et le nouveau système qu'on envisage à la fin de cette année, qui va s'inspirer des meilleures pratiques qu'on voit dans des systèmes comparables où ils sont allés vers la déclaration d'intérêt, l'Australie, Nouvelle-Zélande et le Canada. Le Canada, c'est juste depuis le 1er janvier, mais, parce que c'est quand même des marchés de travail qui se ressemblent beaucoup, je pense qu'on pourra beaucoup apprendre. Et on veut aussi l'enrichir avec tout ce qu'on va dire et apprendre ici, en commission parlementaire.

J'aimerais savoir comment vous verrez le rôle, justement, des entreprises en amont, dynamiser le processus de sélection, dynamiser l'adéquation. D'ailleurs, on travaille beaucoup, c'est vrai, le dispositif. Et là on va encore plus loin, vous demandez d'aller encore plus loin pour intégrer nos façons de faire et notre vision commune avec Emploi-Québec et ce qu'on fait. Et d'ailleurs la liste des domaines de formation avec les bonnes perspectives vient d'être modifiée, justement, pour... qui tient compte de nouveaux facteurs. Mais, pour revenir sur la déclaration d'intérêt, comment vous verriez ça, que vous pourriez jouer un rôle pour nous permettre de bien voir la réalité du marché puis des besoins en temps réel, hein? C'est ça, la question, c'est de rendre plus rapide le processus d'entrée au marché du travail des personnes qu'on sélectionne.

M. Tétrault (Éric) : D'abord, répondre de façon générale, nous, comme association d'affaires, d'abord, nous sommes en contact constant avec nos entreprises, nous les visitons souvent. D'ailleurs, hier, j'ai eu l'occasion de visiter l'entreprise Mega Brands, dans l'ouest de Montréal, qui est une entreprise, d'ailleurs, qui est une des premières au Québec et une des seules, au moment où on se parle, à ramener la production manufacturière, d'ailleurs, ici au Québec, au Canada mais particulièrement au Québec, ils ont des employés qui proviennent de 40 pays différents, 40 nationalités différentes qui sont représentées au sein de l'entreprise. Et ça devient un avantage concurrentiel très important pour l'entreprise, qui exporte 98 % de sa production et qui s'apprête, dans le cadre du traité de libre-échange entre le Canada et l'Europe, à envahir davantage le marché européen contre son grand concurrent qui est LEGO, pour ne pas le nommer.

Tout ça pour dire que nous avons l'intention, dans les prochains mois, de produire ce qu'on appelle en bon français un «position paper» mais... une position éditoriale assez ferme sur les besoins spécifiques des entreprises pour chacun des secteurs d'emploi, pour aider à la réflexion du gouvernement. On pense que l'un des rôles que doivent jouer les associations d'affaires aujourd'hui, outre de réagir publiquement aux politiques, c'est de nourrir le discours pour alimenter et enrichir la réflexion sur ces sujets-là. Nous aurons l'occasion d'en reparler, mais nous avons l'intention, d'ici le mois d'avril, de publier une étude très concrète sur les entreprises manufacturières du Québec et leurs besoins en adéquation formation-emploi mais dans un contexte du relèvement des seuils d'immigration au Québec. Il y en aura pour chacun, évidemment, on n'est pas obligé d'être d'accord avec nous sur la question du relèvement des seuils. Tout ce qu'on souhaite, avec cette proposition-là, c'est d'enrichir le débat d'ailleurs dès ce matin, mais il y aura quelque chose de plus concret qui viendra.

Je ne sais pas si Mme Azoulay veut ajouter des choses là-dessus.

Mme Azoulay (Audrey) : Simplement vous mentionner que nous avons organisé très récemment un forum sur l'adéquation formation-emploi et l'importance d'approches qui sont très terrain et d'une relation constante avec le milieu de l'éducation et de la formation, et la formation est ressortie du début jusqu'à la fin de la journée. Alors, c'est à peu près la même approche que nous vous proposons ici dans le cadre de l'adéquation d'une main-d'oeuvre immigrante — ça reste une main-d'oeuvre — et donc l'idée que, par exemple, les entreprises avec des travailleurs temporaires qui ont déjà une première expérience... Et on sait qu'il y a des facilités ici pour leur proposer une immigration... Alors, toutes ces mesures qui passent déjà par une première expérience... ou alors vous organisez également des Journées Québec, qui sont vraisemblablement un succès. Est-ce qu'on pourrait avoir quelque chose particulier pour le secteur manufacturier, dont les compétences sont... oui, effectivement, les compétences, les technicités, la particularité de ces métiers qui sont très réglementés parfois aussi, il y a des questions de sécurité. Nous, on a un problème de pénurie de main-d'oeuvre qui est autre que celui des services, alors vraiment on a besoin de quelque chose de très spécifique. Les entreprises ont besoin de vérifier l'expérience aussi. Un soudeur, je ne sais pas si c'est les mêmes pratiques ici que dans l'aérospatiale, par exemple. Alors, tout ça fait une grande différence sur la qualité de l'adéquation. Donc, vraiment une approche terrain.

• (10 h 50) •

M. Tétrault (Éric) : J'ajoute, Mme la ministre, pour revenir sur le cas de Mega Brands, qu'ils n'ont pas beaucoup de problèmes de productivité parce que la plupart de leurs employés qui sont des employés manuels sont des gens qui sont des infirmières, des avocats ou des médecins dans leur pays d'origine et qui attendent une reconnaissance de leurs diplômes. C'est quand même assez unique de voir ça. J'ai trouvé ça inventif, mais je n'ai pas trouvé ça tout à fait normal.

Et, pour revenir sur la question de l'adéquation, on est ici pour se parler et pour avoir une réflexion commune, pour ne rien vous cacher, dans le milieu on appelle souvent ça aussi l'inadéquation formation-emploi, parce qu'on sait qu'il y a beaucoup, beaucoup de ministères qui portent le dossier de l'emploi, il y a énormément d'organismes, probablement trop, qui distribuent les services de formation, etc. Et donc ce ne sera pas une surprise, dans les prochains mois, d'entendre les Manufacturiers et exportateurs du Québec appeler, je dirais, à mettre un peu d'ordre dans la cabane, parce que ça nous apparaît évident sur le terrain que beaucoup, beaucoup d'acteurs... Et ça semble être un problème. Je ne veux pas sortir du sujet, mais je pense que, lorsqu'on discute de la loi sur la formation de la main-d'oeuvre, on n'est pas en mesure de savoir si les résultats qui ne sont pas satisfaisants à notre égard à nous, là, le monde patronal... on n'est pas en mesure de savoir si c'est le bien-fondé de la loi ou c'est son application qui fait problème. Alors, on a des vrais problèmes.

Mme Weil : Et peut-être pour revenir sur les besoins en région, parce que moi, quand je fais mes tournées ou je rencontre des entreprises en région, la pénurie est vraiment aiguë, on le sent dans certains secteurs, dans le secteur manufacturier en particulier, mais évidemment il y a des Québécois, des Québécois de deuxième, troisième génération aussi qui... Et je sais que vous traitez de tout ce groupe-là, mais Emploi-Québec prévoit que ce serait à peu près 16 % du besoin qui serait rempli par l'immigration. Donc, c'est pour ça qu'on parle de ça, parce que l'immigration a une contribution évidente pour répondre à ces besoins.

Maintenant, vous, j'imaginais, vous regardez la même courbe que nous, on regarde. Les personnes en âge de travailler, comparé à l'Ontario, comparé au Canada, comparé aux États-Unis, on est les seuls à voir une chute, là, progressive, mais on s'en va vers une chute au fil des prochaines années. Et ça vous inquiète, visiblement, mais, si je comprends bien, vous le voyez, vous le vivez maintenant, vous le remarquez déjà maintenant.

M. Tétrault (Éric) : Je vais vous donner des exemples avec des chiffres. Il y a une PME assez extraordinaire à Valleyfield qui s'appelle le Groupe Meloche, qui font des composantes en aéronautique pour des clients un peu partout dans le monde, pour des gens en Arabie saoudite, d'ailleurs, soit dit en passant, et ils ont récemment engagé six machinistes à Paris, ils sont allés dans un salon de l'emploi. Et j'ai trouvé ça très inventif, mais je n'ai pas trouvé ça normal, hein, dans le Québec d'aujourd'hui, de forcer nos PME parmi les plus productives à aller chercher de la main-d'oeuvre à l'étranger comme ça, notamment à Paris, en France, six machinistes qui n'étaient pas disponibles dans sa région.

Actuellement, il manque 11 électromécaniciens en Beauce, il manque quatre soudeurs dans Kamouraska. Si on n'est pas capable de répondre à des questions simples comme ça, c'est parce que le système ne fonctionne pas bien. Alors, on ne fera pas que le questionner, on va essayer d'enrichir le débat, mais, les chiffres, on les connaît, la situation, on la connaît, et la réponse à votre question, Mme la ministre, c'est oui, on le connaît dès maintenant, ce problème.

Mme Weil : Je sais que mes collègues ont des questions, alors je vais poser une autre... Les travailleurs qualifiés temporaires, personnellement, je trouve que c'est une excellente, excellente voie pour l'immigration, autant les étudiants étrangers. Et je ne pense pas qu'il faudrait qu'on oublie les étudiants étrangers dans nos universités, parce qu'ils viennent de partout, et ça vient vraiment enrichir beaucoup, beaucoup, évidemment qui sont... il y a beaucoup de Français, évidemment, de pays francophones et qui ont cette fameuse expérience québécoise soit par l'université soit par le travail. Et j'ai appris... Honnêtement, c'est mon sous-ministre qui m'a donné un chiffre. En Nouvelle-Zélande, 85 % des travailleurs qualifiés viennent, en Nouvelle-Zélande, de la voie temporaire, c'est-à-dire leur immigration permanente est issue de la voie temporaire. C'est intéressant. Et nous, on voit une croissance.

Vous, juste vous entendre là-dessus, donc, pour vous, parce qu'on regarde les orientations qu'on pourrait avoir plus prochainement, là, peut-être au printemps, sur les orientations en immigration pour la sélection, si vous voulez. Vous voyez ça comme une voie intéressante aussi, les travailleurs qualifiés? On parle des qualifiés parce que, les non-qualifiés, comme vous le savez, il y a des changements à venir. Mais vous le privilégiez aussi?

Mme Azoulay (Audrey) : Ou. Non, effectivement, c'est... D'abord, lorsqu'ils sont embauchés par une entreprise, c'est nécessairement... ou en tout cas ce n'est pas toujours l'idéal en termes de qualifications, mais c'est probablement parce que l'entreprise y trouve son compte. Donc, c'est un modèle qui est évidemment flexible et pour l'entreprise et pour l'immigrant qui n'est pas certain de... enfin, le travailleur temporaire qui n'est pas nécessairement certain de vouloir vivre ici. Souvent, c'est des expériences qui sont très enrichissantes et pour eux et pour l'entreprise.

Donc, oui, effectivement, on y voit, dans le modèle des travailleurs temporaires... Et je crois que ça s'inscrit également dans une tendance très mondiale d'une immigration qui n'est pas permanente, ça s'inscrit dans le contexte de mondialisation. Et, quand on regarde les chiffres, on est très timides au niveau des travailleurs temporaires au Québec. Alors, oui, je crois qu'il faudrait aller plus loin là-dedans, surtout dans le secteur manufacturier.

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre.

Mme Weil : Combien il reste de minutes?

Le Président (M. Picard) : Six minutes.

Mme Weil : Ah! O.K. Donc, j'ai le temps pour une autre question, parce que... Nous, on a des sondages qui nous indiquent, oui, l'intérêt des étudiants étrangers. Lorsqu'on leur pose la question combien seraient intéressés à avoir la résidence permanente, un certificat de sélection du Québec, c'est quand même très fort. Les derniers sondages que j'ai vus, c'était à peu près 30 %.

Si vous n'avez pas d'idée aujourd'hui, je vous demanderais de réfléchir à ça parce que, pour nous, pour avoir des objectifs, c'est important d'avoir une idée de l'intérêt des travailleurs qualifiés temporaires qui pourraient être intéressés à la voie permanente, parce qu'il y aurait des actions à prendre pour le faire connaître, le programme, parce qu'on nous dit que le programme PEQ n'est pas très connu puis qu'il y aurait lieu, avec les entreprises, les employeurs, de mieux le faire connaître. Je ne sais pas si vous avez une information à cet égard.

Mme Azoulay (Audrey) : À cet égard, ce que j'ai entendu au travers de la petite consultation que j'ai faite auprès de nos membres avant de venir vous rencontrer, c'est que beaucoup de programmes gouvernementaux sont mal connus en général.

Mme Weil : Je cède la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee.

Le Président (M. Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee, c'est à vous.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue, M. Tétrault, Mme Azoulay. Dans le même souci de transparence exprimé par mon collègue de Borduas, je tiens à admettre que j'ai eu le plaisir d'assister au colloque dont on a parlé et même de prononcer un discours devant ses membres.

Évidemment, on est devant une politique qui se donne comme tâches plusieurs priorités, la francisation, l'intégration, l'inclusion, et aussi une exigence de répondre aux défis démographiques, ainsi que le défi d'adéquation ou mésadéquation dont vous parlez, c'est une priorité pour le gouvernement, ainsi que c'est une priorité d'apporter une plus grande cohérence en ce qui a trait à l'offre de services en ce domaine-là, et vous avez fait allusion à ça aussi.

Je trouve très intéressant votre propos, et vous en avez parlé un petit peu, mais je vous invite d'élaborer davantage sur la page 3, où on parle de la suggestion de développer un pôle de perfectionnement qui permettrait de mettre à niveau des compétences au sein du système québécois de la formation professionnelle et technique. Je trouve cette suggestion très intéressante parce qu'on parle de l'implication du monde de l'éducation ainsi que le monde des entreprises pour apporter son aide dans nos efforts d'une plus grande intégration des immigrants, et surtout qu'on parle de la chose clé, c'est-à-dire l'emploi. Alors, je vous invite d'en élaborer.

• (11 heures) •

Mme Azoulay (Audrey) : Bien sûr. Alors, écoutez, effectivement c'est une recommandation que nous a faite une entreprise en particulier mais qui répond à des enjeux qui nous ont été partagés de manière assez générale. Comme on le mentionnait, il y a un problème entre, effectivement, les promesses du diplôme et les qualifications effectives. Alors, je n'ai pas de chiffres, mais on nous le rappelle assez souvent pour le reconnaître comme un enjeu.

Petite expérience personnelle, d'ailleurs, si vous le permettez. Moi, j'ai étudié ici, je viens de France, et je pense que, si je n'avais pas étudié ici, ma conception de l'économie n'aurait pas du tout correspondu à ce que je fais aujourd'hui pour le Québec, et je trouve ça assez intéressant, même pour quelque chose d'assez général qu'est l'économie et assez universel dans la conception de le voir. C'est juste un exemple, mais je l'ai vécue moi-même, cette réalité-là, alors je voulais le mentionner. Mais donc c'est ça.

Et l'idée, ce serait que ce serait un pôle, un pôle de formation qui permettrait de parler de CSST, qui permettrait de parler de machinerie de manière générale, de mettre à niveau des compétences techniques, parfois peut-être même, pourquoi pas, au niveau des ingénieurs, parce que là aussi il y a un enjeu, c'est à tous les niveaux de qualification qu'on le constate, et donc un pôle de mise à niveau qui permettrait aux entreprises de faire beaucoup moins de travail personnel alors qu'il pourrait être mutualisé dans un exercice commun, là, des différentes entreprises. On nous a mentionné l'idée que ces pôles pourraient être sectoriels, quelque chose de particulier à l'aérospatiale, quelque chose de particulier à l'agroalimentaire. Mais ce n'est pas un détour inutile, ça nous ferait gagner énormément de temps, y compris dans l'intégration économique des gens, qui sont parfois qualifiés au niveau technique, professionnel, et qui finalement finissent par faire quelque chose d'autre parce que certaines entreprises n'ont pas le temps de faire cet exercice de mise à niveau général. Donc, il nous semble que ça pourrait être une mesure assez productive.

Le Président (M. Picard) : Merci.

M. Tétrault (Éric) : Si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Picard) : Oui, M. Tétrault.

M. Tétrault (Éric) : En complément de réponse, nous sommes conscients, comme association d'affaires, qu'il y a probablement un réflexe à casser chez les entreprises de toujours tout attendre du gouvernement. Il y a certainement une volonté chez elles de prendre certaines choses en main, il se fait de plus en plus de formation maison.

Évidemment, il y a seulement les grandes entreprises qui peuvent le faire à l'heure actuelle. Un de nos défis, c'est de rendre ces exercices-là de formation à l'interne disponibles et le partage d'expertise au sein des PME et des petites entreprises. Nous avons créé un réseau d'échange en octobre dernier qui est extrêmement populaire, il y a près de 1 000 participants qui se sont inscrits, parce que les entrepreneurs font d'abord confiance aux autres entrepreneurs, avant quiconque, pour avoir une connaissance de ce qui se passe. Donc, il y a certainement beaucoup de travail à faire avec les entreprises de ce côté-là. Et on considère que ça fait partie du rôle et de la pédagogie qu'il faut faire, comme association d'affaires, de parler aussi à nos entreprises et de les inciter à partager les meilleures pratiques. Donc, il y a un terrain fertile.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Tétrault. Je dois maintenant céder la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Madame monsieur, soyez les bienvenus et merci pour votre contribution.

Je n'arrivais pas à identifier sur la liste des personnes qui ont été consultées préalablement à l'élaboration du document en consultation. Est-ce que quelqu'un de votre organisation y a contribué?

Mme Azoulay (Audrey) : Le document de consultation?

M. Kotto : Oui, le projet. Personne de votre organisation n'y a contribué au plan des idées, des échanges? Non? O.K. C'est juste une question d'information.

Vous dites... enfin, vous souhaitez voir les seuils augmentés de 60 000 à 70 000. Ça me fait un peu tiquer considérant déjà la difficulté que nous avons à intégrer, disons, les seuils actuels, qui oscillent depuis quelques années entre 45 000 et 55 000. Comment vous voyez ça? Parce que vous avez sans doute pris connaissance du haut taux de chômage chez les Québécois d'adoption à Montréal comparativement à Toronto, par exemple. Et, quand bien même ceux-ci sont francophones, à Toronto ils chôment moins qu'à Montréal. N'est-ce pas là une indication à l'effet que, parce que l'économie est à la base plus vigoureuse, en l'occurrence, à Toronto et qu'au Québec on traîne de la patte, il y a des impacts de cet ordre-là? Mais passer de 50 000 à 60 000, voire 70 000, n'est-ce pas exagéré?

M. Tétrault (Éric) : Nous avons simplement souhaité soulever une réflexion là-dessus et nous admettons d'entrée de jeu que nous ne sommes pas les spécialistes de la question. Il y a du quantitatif, il y a du qualitatif là-dedans, et ça déborde largement les cadres du secteur manufacturier. Lorsqu'on fait une proposition comme celle-là, nous la faisons en étant pleinement conscients que ça peut soulever un débat, mais nous le faisons parce que nous regardons quels sont les résultats atteints de notre côté du secteur manufacturier.

Or, de deux choses l'une : ou on relève les seuils à 70 000 et on s'assure de respecter les critères et les quotas actuels de sélection des immigrants du Québec, ou alors on garde le chiffre actuel de 50 000, mais on est obligés de faire des choix et d'aller chercher des immigrants, je dirais, davantage de nature économique pour remplir les exigences du marché du travail au détriment d'autres critères, comme par exemple la connaissance du français ou autre critère. Encore une fois, nous ne sommes pas des spécialistes. Nous savons très bien par contre, même si nous oeuvrons dans le secteur manufacturier, que le développement économique et le développement social vont de pair, et donc, pour nous, ça nous apparaissait plus logique d'augmenter les seuils et de continuer, dans le cas du gouvernement du Québec, à accueillir autant d'immigrants de souche francophone qu'il le peut pour faire une intégration harmonieuse dans la société québécoise. Ça nous apparaît moins discriminant à la longue que d'abaisser les seuils pour aller chercher davantage d'immigrants de nature économique.

Évidemment, ça va de pair avec la capacité d'accueil des Québécois, cette capacité à intégrer harmonieusement, inclure dans sa société tous ces nouveaux arrivants. Là, encore une fois, c'est un débat de spécialistes dont nous ne sommes pas. Nous avons simplement voulu soulever une réflexion.

M. Kotto : Mais que faisons-nous alors, c'est une question que je pose, que faisons-nous alors de celles et ceux qui, issus de l'immigration récente, sont, comment dire, en marge du marché du travail actuellement? Ne devrions-nous pas nous en occuper préalablement, avant de... Parce que ça fait près de 500 000 immigrants qui sont entrés en une dizaine d'années au Québec, voyez-vous, et le taux d'immigration relatif à... Certaines communautés spécifiques, que je ne nommerai pas pour ne pas pousser dans la stigmatisation, souffrent de chômage chronique. Pourquoi ne pas investir, développer des plans d'action, des plans stratégiques pour les amener... pour les faire entrer afin d'occuper les postes projetés, vacants?

M. Tétrault (Éric) : Je suis bien d'accord avec vous. Si on peut contribuer d'une façon ou d'une autre à les intégrer davantage au marché du travail, nous travaillerons de concert avec nos membres pour le faire. Vous avez parfaitement raison.

Je reprends mon exemple d'hier. Chez Mega Brands, il y a 3 000 emplois, 40 nationalités différentes. Il y en a qui sont hyperqualifiés, mais il y en a qui ne le sont pas du tout, et on offre la chance à tous de travailler. S'il y a moyen de travailler à des programmes économiques pour mieux intégrer ceux qui sont déjà là, bien, tant mieux. Pourquoi pas?

M. Kotto : O.K. Vous avez avancé l'idée que la réduction de la population active est imminente. S'il y a des références d'études sur la question, nous aimerions les avoir, parce qu'en 2007 on évoquait déjà cette possibilité, avec des emplois à combler à l'horizon 2014 qui étaient évalués à 700 000, mais ce n'est jamais arrivé. C'est d'ailleurs à partir de 2007 qu'on a augmenté les seuils d'immigration, mais, au bout du compte, le bilan est plutôt... disons, inspire le doute quant aux projections de cet ordre-là. Est-ce que vous vous appuyez sur de nouvelles études pour défendre cette assertion?

Mme Azoulay (Audrey) : Oui. Écoutez, les études dont on se base, c'est celles de l'Institut de la statistique du Québec et des prévisions qui sont faites en fonction des différents niveaux d'immigration. Alors, pourquoi nous avons soulevé cette question? Parce que, même avec des seuils élevés à 70 000 immigrants par année, le taux d'activité, selon les prévisions de l'institut du Québec — peut-être qu'elles ne sont pas crédibles, mais il me semble que c'est... enfin, en tout cas, nous, on se fie à leurs prévisions — ils mentionnent que le taux d'activité est tout juste stable. Et voilà. Et donc à 50 000 on baisse le taux... pardon, la population en âge de travailler. Alors, pour nous, c'est évidemment un enjeu.

M. Kotto : O.K. Et, dans d'autres représentations, il y a un élément, je ne sais pas si c'est volontaire ou si vous y aviez pensé en marge de l'élaboration de votre mémoire, nous avons une jeunesse, au Québec, qui est... La semaine dernière encore, on en évoquait la situation, ceux qui sont en train d'aller faire la file pour le bien-être social. Nous avons une politique familiale qui est en train de prendre le bord à cause de la saison d'austérité que nous traversons.

Est-ce qu'il n'y a pas là d'autres pistes pour le long terme afin de ne pas toujours focaliser sur les difficultés qui sont les nôtres aujourd'hui en Occident en général? Parce qu'il y a une compétition en cours. Tout le monde court après des immigrants qualifiés, tout le monde court après des immigrants qui ont été formés dans d'autres pays, donc des immigrants sur qui on n'a pas investi grand-chose, en fait, en somme, c'est de l'exode de cerveaux aussi qu'on voit de ce côté-là. Alors, pourquoi ne pas trouver un équilibre entre une politique d'immigration, disons, équitable et une politique familiale, voire de natalité, au Québec, dans une perspective de long terme, pas de court terme?

• (11 h 10) •

M. Tétrault (Éric) : Je ne sais pas si j'ai bien saisi votre question, mais, enfin, nous avons fait part de notre position davantage lors des discussions qu'on a avec le gouvernement sur la question de l'adéquation formation et emploi, sur ces questions-là. Sur le fond, vous avez parfaitement raison, puis je pense que tout le monde peut s'entendre là-dessus.

Et d'ailleurs, pour ce qui est d'intégrer les gens qui sont au chômage actuellement, nous considérons que le Québec n'en fait pas davantage. Quand on voyage à travers le Canada ou à travers le monde, on se rend compte qu'ils sont bien plus avancés que nous. Pour ce qui est des usines-écoles, par exemple, à Hamilton il y a le collège Mohawk que j'ai visité, qui est probablement la référence en la matière. Il en faut davantage au Québec.

Bien sûr que ça va de pair avec un investissement massif pour intégrer davantage la main-d'oeuvre actuelle. Nous avons choisi de concentrer nos propos sur la question de l'immigration ce matin, mais nous sommes très heureux de venir participer à toute discussion sur ce sujet-là, comptez sur notre participation, c'est évident. Et d'ailleurs les entreprises elles-mêmes en sont fort conscientes, soit dit en passant.

Le Président (M. Picard) : M. le député, il reste une minute.

M. Kotto : Une minute pour vous remercier pour votre contribution, parce que ce que vous apportez comme arguments vient en opposition avec d'autres thèses d'autres personnes qui vont ont précédés ou qui viendront par la suite, mais il nous appartient de trouver un équilibre dans tout ça.

M. Tétrault (Éric) : ...présenter le portrait le plus juste possible du secteur manufacturier et de ses besoins.

M. Kotto : Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Madame monsieur, bonjour. Je comprends très bien votre position au niveau des besoins du marché, de votre clientèle, de vos membres, en fait. Et, avec les besoins, vous voyez une ressource possible en matière... pour les nouveaux arrivants qui souhaitent intégrer le marché du travail.

Au niveau des volumes suggérés, vous disiez, bon : On est en faveur d'une hausse, mais cette hausse-là serait bénéfique pour l'économie du Québec si on prend pour acquis que les immigrants qui arrivent s'intègrent dès le jour 1 de leur arrivée, c'est un peu dans cette perspective-là.

Mme Azoulay (Audrey) : Je ne crois pas que le jour 1 ils seront... enfin, je veux dire, il faut voir le système de l'immigration, le système de formation, le modèle social dans une approche dynamique. On a besoin d'immigrants au Québec parce que sinon notre population diminue et on a besoin d'immigrants au Québec pour intégrer le Québec dans une dynamique internationale.

M. Jolin-Barrette : Mais, à titre d'exemple, tout à l'heure vous mentionniez, en nommant certaines régions, qu'il manquait des soudeurs à Kamouraska ou tout ça. Mais est-ce qu'on... Je comprends que vous souhaitez faire le lien entre l'immigrant et le marché du travail, mais ça ne veut pas dire, parce qu'il manque quatre soudeurs à Kamouraska, qu'automatiquement l'immigration... les nouveaux arrivants vont pouvoir directement occuper cet emploi.

M. Tétrault (Éric) : Non, effectivement. Et c'était un exemple parmi tant d'autres. Dans le cas de Kamouraska, d'ailleurs, ce serait probablement plus intelligent de compter sur la commission scolaire locale puis d'inciter les entrepreneurs à faire partie du cursus et à être là au début, lorsque les choix se font. Parce que le problème qu'on vit dans le milieu des affaires, c'est que, lorsqu'on a besoin de ces quatre soudeurs-là, c'est maintenant. Alors, si on n'était pas autour de la table deux ans avant pour faire part des besoins, et il y a de la pénurie à venir, c'est sûr que c'est un problème. Là-dessus, les entreprises vont faire leur bout de chemin.

C'est évident qu'on ne suggère pas d'aller chercher quatre soudeurs à l'étranger pour pallier à cette lacune-là, à cette pénurie-là de soudeurs dans Kamouraska, pour reprendre notre exemple. Néanmoins, dans la plupart des secteurs, on voit qu'au Québec il n'y aura pas suffisamment... Si on suit la courbe, actuellement, des inscriptions à l'école, le ratio de ceux qui s'inscrivent à l'université et ceux qui décident sciemment de ne pas choisir des carrières dans le secteur manufacturier, on voit bien que, si on n'a pas d'immigrants qualifiés, on ne réussira pas à combler nos lacunes, nos pénuries de main-d'oeuvre dans le secteur manufacturier.

Il y a une réalité au Québec qu'on essaie d'exprimer, nous, dans nos positions publiques, qui est que, depuis les années 60, depuis que le Québec s'est doté d'un système d'éducation moderne, on a bien voulu dire à tout le monde que la seule façon d'assurer de gagner sa vie honorablement était d'avoir un diplôme, puis deux diplômes, puis trois diplômes. Ce n'est plus vrai maintenant, on peut faire une très belle vie avec un excellent emploi dans le secteur manufacturier. Moi, je viens du secteur minier; il y a des emplois qui commencent à 100 000 $ dans le Nord-du-Québec, c'est des gens qui vivent assez bien, merci. Il faut réhabituer les jeunes à penser en fonction d'une carrière, d'un secteur... c'est-à-dire je pense qu'il faut réhabiliter un peu le langage qu'on a toujours eu sur les perspectives de carrière et faire en sorte que le secteur manufacturier, le secteur de la production et l'économie en général attirent davantage les jeunes dans leurs choix. Encore une fois, on dépasse largement les cadres du secteur manufacturier puis de notre réflexion ce matin, mais, enfin, je voulais vous en faire part pour vous dire que c'est une réalité dont on est conscients, et on essaie de faire un peu ce qu'on appelle de la pédagogie dans le public pour inciter davantage de jeunes à choisir le secteur manufacturier. Pour les jeunes Québécois de souche, c'est évident que l'avenir est là pour remplir ces emplois-là chez nous, entre guillemets.

M. Jolin-Barrette : À la page 5 de votre mémoire, vous traitez de la question de la francisation des immigrants, donc de le voir dans une perspective davantage d'intégration plutôt qu'au niveau de la sélection. Dans le même paragraphe, vous abordez la question de l'obligation linguistique. Le Québec a fait des choix dans le passé sous Robert Bourassa, sous René Lévesque, qui ont adopté chacun une législation en matière linguistique. Je comprends que vous, vous voulez davantage miser sur les compétences des gens, puis qu'ensuite on aille chercher les gens pour leur expérience, leurs qualités, leurs qualifications, et qu'on fasse le pont rendu ici, au Québec, et que, là, on débloque les ressources pour les franciser. Donc, ça ne doit pas être uniquement une question de connaissance du français.

M. Tétrault (Éric) : La réponse courte à votre question, c'est oui. Je vais laisser Mme Azoulay épiloguer, mais la réponse courte à votre question, c'est oui pas seulement parce que nous pensons que les programmes au Québec sont adéquats, il s'agit d'en profiter, mais parce que les entreprises elles-mêmes sont davantage prêtes à participer à ça. Je vais laisser Mme Azoulay...

Mme Azoulay (Audrey) : Oui. Simplement préciser que, quand on a lu le document de consultation, effectivement, l'augmentation des exigences du français, là, apparaissent carrément à toutes les pages. Et on ne dit pas que... enfin, je veux dire, on défend le français comme tout le monde ici, on ne remet pas du tout en cause le fait français au Québec, mais on ne pense pas que ce doit être une priorité aussi marquée dans le cadre d'une politique d'immigration.

Nous ne pensons pas non plus que la défense du français va dépendre de la venue de nouveaux arrivants francophones. Même si 100 % des immigrants étaient francophones, la défense du fait français resterait une réalité dans un contexte nord-américain.

Alors, on ne s'est pas privés, dans le cadre de ces consultations, de marquer aussi le fait qu'on ne croit pas qu'il faut défendre le français en en faisant une obligation. C'est pour ça que c'est indiqué de cette manière-là.

Nous pensons également, et c'est de plus en plus reconnu au travers du monde, dans toutes les entreprises, multinationales ou petites entreprises... L'idée d'avoir quelqu'un qui parle, par exemple, espagnol est très bon pour leur entreprise aujourd'hui et évidemment, comme vous pouvez le comprendre et imaginer, encore mieux pour un secteur comme le nôtre. C'est devenu indispensable, la mondialisation s'est franchement accélérée au cours des 10 dernières années. C'est une réalité qu'on ne reconnaissait peut-être pas il y a 15 ans mais qui est très forte aujourd'hui. Donc, on a besoin... Il nous semble que ce serait beaucoup plus enrichissant pour le Québec d'avoir des gens qui viennent de partout et qu'effectivement, s'ils viennent ici, ils savent qu'ils doivent apprendre le français et ils le font; peut-être pas aussi vite qu'ils le souhaiteraient, peut-être pas aussi vite qu'on le souhaiterait, mais on pense que c'est une approche beaucoup plus dynamique du français.

Et je crois aussi que la défense du français doit se faire davantage dans le contenu, dans le succès économique, dans le succès scientifique, dans le succès en français, dans la défense du français aussi dans l'ensemble du Canada. C'est comme ça qu'on va défendre le français au Québec, pas nécessairement en empêchant à un hispanophone d'avoir accès à une immigration au Québec par le simple fait qu'il n'a absolument aucune connaissance en français.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Azoulay et M. Thériault, pour votre participation à la commission.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 18)

(Reprise à 11 h 23)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en accueillant le groupe Place aux jeunes, nous rencontrons M. Thisdel et M. Vigneault. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. À vous la parole.

Place aux jeunes en région

M. Thisdel (Michel) : Très bien. M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, bonjour et merci d'accueillir aujourd'hui Place aux jeunes en région. Je me présente, Michel Thisdel, je suis président du conseil d'administration de Place aux jeunes en région. Et je suis accompagné aujourd'hui de M. Mathieu Vigneault, notre directeur général, donc, qui va... et pour vous parler en fait du mémoire qu'on a déposé au sein de la commission.

En fait, ce qu'il faut savoir, c'est que, Place aux jeunes, ça fait 25 ans qu'on est un pont efficace entre les régions et les grands centres urbains. En fait, on est présents dans 15 régions, dans 63 MRC au Québec avec des points de service à Québec, à Montréal et à Gatineau pour recruter des jeunes et promouvoir des services. Notre mission, en fait, c'est simple, c'est de favoriser la mobilité interrégionale des jeunes diplômés de 18 à 35 ans et donc leur établissement en région. Nos services qu'on offre, c'est le soutien individuel avec le service de nos agents de migration Place aux jeunes-Desjardins. On a les séjours exploratoires qu'on offre également pour ces jeunes-là et aussi la plateforme électronique, qui est suivie à l'heure actuelle par plus de 50 000 jeunes qui sont actifs sur cette plateforme-là, qui permet de consulter les différentes opportunités d'emploi ainsi que les différentes valeurs de nos régions. On compte sur la collaboration très étroite avec le secteur municipal, notamment notre partenariat avec la Fédération québécoise des municipalités; avec des entreprises, dont Desjardins. Et je tiens à souligner tout particulièrement le soutien depuis les débuts de Place aux jeunes du gouvernement du Québec via le Secrétariat à la jeunesse, donc, qui contribue à l'exercice de notre mission, et tout partenaire, en fait tout le milieu d'affaires local dans les régions dans lesquelles nous sommes déployés.

Évidemment, notre souhait, aujourd'hui, c'est de vous exposer ce qu'on désire. En fait, c'est vraiment... Ce qu'on vous propose, c'est un continuum intégré de mobilité interrégionale partout et pour tous.

Donc, vous savez, M. le Président, je ne vous apprendrai rien que le Québec fait partie des sociétés où le choc démographique est des plus difficiles, donc, est des plus violents. Les effets de ce débalancement démographique là seront importants pour l'ensemble du Québec mais particulièrement pour les régions à caractère rural, qui vivent un vieillissement accéléré, et donc ils vont être vraiment touchés par ça. Et donc ce vieillissement accéléré là, ça révèle les besoins de nos communautés. Donc, évidemment, il y a la rareté de main-d'oeuvre en région aussi qui reflète bien ce que sont les besoins des entreprises, on a les coûts d'opportunité, la difficulté de l'intégration des immigrants qu'il y a un besoin pour l'État, et aussi on a la nécessité de revoir l'action en matière de déploiement de l'immigration, donc, des besoins de l'individu.

Pour Place aux jeunes en région, l'immigration internationale représente un bassin de capital humain de grande valeur. Donc, cela dit, nous ne pouvons nous contenter de capter cette manne internationale, car la compétition pour l'attraction des talents s'accentue constamment. Nous devons soutenir l'essor personnel et professionnel de ces individus au bénéfice de l'immigrant lui-même mais aussi et surtout pour le bénéfice durable de l'ensemble de notre société. C'est pourquoi la volonté du gouvernement d'actualiser la stratégie et l'action du Québec dans le secteur de l'immigration nous apparaît hautement pertinente et plus que légitime. Pour Place aux jeunes, c'est précisément le déploiement de ces nouvelles populations sur l'ensemble des territoires afin de participer activement à l'occupation et la vitalité de ces derniers qui nous apparaît le plus important, donc, soit la régionalisation de l'immigration.

Sans plus tarder, je céderais la parole à notre directeur général.

Le Président (M. Picard) : M. Vigneault.

M. Vigneault (R. Mathieu) : M. le Président, depuis 2006‑2007, la clientèle des néo-Québécois ou des immigrants a quadruplé chez Place aux jeunes en région, pour atteindre 43 % au cours de l'année 2013‑2014, et on prévoit que c'est cette clientèle-là, ce segment de clientèle là qui va être en croissance pour les prochaines années. Ça se traduit dans nos différentes activités par des présences accrues, par exemple dans nos 5 à 7 découverte des régions qu'on organise à Montréal, par exemple, ou à Québec, ou dans toute autre activité, comme la Semaine des régions qui aura lieu la semaine prochaine à Montréal et à Québec d'ailleurs aussi, où on attend beaucoup d'immigrants.

Toutefois, Place aux jeunes demeure malgré tout relativement prudent quant à la promotion active, disons ça comme ça, des milieux ruraux auprès de cette clientèle-là, parce qu'on a observé au cours des dernières années, disons, le déploiement de deux réseaux ou de deux stratégies de régionalisation qui se dédoublent d'une certaine façon et où les ressources financières et les ressources matérielles ne nous apparaissent pas canalisées de façon optimale. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on a déposé un mémoire qui le reprend dans les grandes lignes, là, à la commission Robillard. Ce que nous observons sur le terrain, c'est que Montréal est le bassin, évidemment, où se rejoignent une très, très grande majorité d'immigrants, et ces immigrants-là ont un rôle à jouer dans le développement et dans l'expansion de la métropole, c'est bien entendu, mais, dans beaucoup de cas, ces néo-Québécois-là vont avoir de la difficulté à trouver un emploi, je ne vous apprends rien, on parle de 11,7 % par rapport à 7 %. À ce moment-là, pour beaucoup d'immigrants, trouver un emploi devient une obsession, et peu importe où ce sera, parce qu'il y a une volonté réelle et positive de s'intégrer dans la société québécoise. C'est à ce moment-là que souvent les immigrants vont découvrir Place aux jeunes en région, qu'ils vont découvrir nos services, et c'est particulièrement aussi à ce moment-là que le défi du déploiement de ces nouvelles populations là se présente pour nous comme pour l'ensemble des acteurs.

Il faut savoir que migrer en région, comme immigrer au Québec, c'est un projet de vie. Ce n'est pas une adéquation entre un diplôme et un emploi, c'est un projet de vie. C'est comme démarrer une entreprise, il y a une notion de risque liée à ça. Cette clientèle-là a d'ailleurs des besoins spécifiques sur une plus longue durée. Et, pour nous, Place aux jeunes, ce n'est pas une clientèle qui est véritablement différente des gens qu'on sert à tous les jours, mais il y a une chose qui est claire, c'est qu'elle nécessite une offre de services équitable.

• (11 h 30) •

À la lumière de ces observations-là, M. le Président, les recommandations que nous souhaitons déposer à la commission visent la mise en place ou la définition d'un véritable continuum de mobilité interrégionale qui s'appuie d'abord sur les besoins des communautés au sens populationnel et au sens de la main-d'oeuvre, sur aussi la capacité d'attraction, la capacité d'accueil et d'enracinement que peuvent générer ces territoires-là et en même temps sur les besoins de ces mêmes immigrants là, donc de prendre en considération les besoins de tout le monde. Le fameux continuum, nous le voyons en amont, à partir d'un recadrage, disons ça, des ressources déjà existantes dans la métropole, qui ont un rôle extrêmement important à jouer dans l'accueil de cette immigration internationale là. On le voit aussi dans la consolidation du rôle d'un réseau vaste comme celui de Place aux jeunes à titre de pivot de toute cette stratégie de mobilité interrégionale là, ce qu'on fait depuis déjà longtemps, mais la consolidation et, en aval, la reconnaissance et la consolidation aussi du travail et des ressources, des acteurs spécialisés en médiation interculturelle, qui jouent aussi un rôle extrêmement important. Que, ce continuum-là, nous le souhaitons évidemment intégré, accessible et efficace. Quand on dit «intégré», c'est-à-dire qu'il n'y ait pas 12 façons, pour un immigrant, d'envisager un projet de vie en région, qu'il n'y en ait qu'une seule qui soit identifiable, qui soit accessible par une offre équitable qui tient compte de la réalité des immigrants, mais qu'il n'y ait pas 12 continuums, qu'il y en ait un seul mais qu'il prenne en considération cette réalité-là et qu'il soit efficace, donc qu'on puisse le trouver facilement au moment où on en a besoin. Que ce continuum aussi, évidemment, contribue à réaliser ou à combler les problématiques de rareté de main-d'oeuvre qu'on peut avoir en région et particulièrement aussi les problématiques de rareté d'entrepreneurs potentiels ou de releveurs potentiels pour le développement socioéconomique de nos communautés et de l'ensemble du Québec. Et en définitive, je dirais, que ce continuum-là fasse preuve d'une gouvernance et d'une reddition de comptes partagées avec les principaux acteurs impliqués.

En fin de compte, ce qu'on souhaite aussi recommander à la commission, c'est que ce continuum-là soit le témoin... ou qu'il incarne une vision interministérielle axée sur la fonction économique de l'immigration mais qui vise, en définitive, l'occupation et la vitalisation de l'ensemble des territoires québécois, incluant les grands centres; que ce soit fait dans la complémentarité.

M. Thisdel (Michel) : Selon nous, M. le Président, les ressources financières, matérielles et humaines sont présentes, il suffit de bien les canaliser pour être efficace. Les immigrants viennent naturellement chez Place aux jeunes, donc il serait justifié d'améliorer la prestation de services. Ça fait 25 ans qu'on est au service des régions et des jeunes Québécois de toutes origines, et on désire poursuivre dans cette direction-là, et c'est pour ça qu'on offre la collaboration au gouvernement pour poursuivre dans ce sens-là.

En définitive, selon le réseau Place aux jeunes en région, la prochaine politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion doit s'appuyer sur des initiatives concrètes et axées sur des véritables résultats. Dans une vision plus large du développement du Québec, cette politique-là ne doit être élaborée exclusivement et étroitement en fonction des besoins des immigrants mais doit être partie prenante d'une vision plus large de mobilité interrégionale pour l'ensemble des Québécois, avec une sensibilité particulière aux besoins des immigrants. De même, bien que Place aux jeunes milite en faveur du développement des régions, elle considère que cette prochaine politique doit être nécessairement écrite dans une perspective d'occupation et de vitalité de l'ensemble des territoires québécois, incluant nos grands pôles urbains que sont Québec, Montréal et Gatineau.

Depuis sa création, avec l'aide de l'État et des régions partenaires...

Le Président (M. Picard) : En terminant.

M. Thisdel (Michel) : ...on a évolué donc pour devenir une chaîne intelligente territoriale qui contribue au développement socioéconomique de l'ensemble du Québec et plus concrètement au développement des régions partenaires. Forts de notre réseau de plus de 60 agents de migration et de liaison qui sont bien implantés en région et dans les trois grands pôles, on a su créer un continuum de services qui sert annuellement plus de 6 000 jeunes Québécois dont le projet de migration nécessite une forme ou une autre de soutien et d'accompagnement. Ainsi...

Le Président (M. Picard) : Merci. Merci, M. Thisdel.

M. Thisdel (Michel) : Parfait. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Merci. Vous allez pouvoir poursuivre avec les échanges avec les parlementaires.

Puisque M. le député de Mercier est ici, nous devons décider si M. le député de Mercier va pouvoir prendre la parole. Dans un premier temps, est-ce que j'ai le consentement de tout le monde? Et la durée qu'il va pouvoir bénéficier? Et qui donne le...

Mme Weil : Comme hier.

Le Président (M. Picard) : Comme hier? Comme hier, O.K., donc la partie ministérielle donne trois minutes à M. le député de Mercier. Et nous débutons tout de suite...

M. Kotto : M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Oui?

M. Kotto : Puis-je donner une minute au député de Mercier également?

Le Président (M. Picard) : Est-ce que c'est trois plus un, quatre? C'est bien ça?

M. Kotto : Oui.

Le Président (M. Picard) : Quatre minutes, M. le député de Mercier!

M. Khadir : J'en suis ravi... en fait renversé.

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre, c'est à vous pour 14 min 30 s.

Mme Weil : Oui. Bonjour, M. Thisdel, M. Vigneault. Merci beaucoup de votre participation. J'ai eu l'occasion, le grand bonheur de vous rencontrer pas pour la préparation de ce document, mais pour connaître ce que vous faites. Alors, je peux éviter la question qui va venir, évidemment, du député de l'opposition, qui va vous demander cette question, mais moi, je vous ai rencontrés pour mieux connaître ce que vous faites. Je vous félicite beaucoup d'entrée de jeu, parce que souvent je n'ai pas le temps à la fin parce qu'on passe la question à l'autre, mais vraiment vous féliciter pour ce que vous faites. Et c'est très dynamique, et votre document est dynamique, vos paroles sont dynamiques, et, je pense, c'est important, parce qu'il faut entendre... On entend beaucoup les organismes qui sont sur le terrain, qui ont beaucoup de connaissances, mais vous êtes vraiment en action, on le voit. Cette question de mobilité interrégionale, c'est vraiment intéressant, parce qu'en effet je sais qu'il y a certaines entreprises, CGI notamment, parce qu'on parle beaucoup de ses missions à l'international... La première fois que j'ai entendu qu'ils faisaient des missions à Montréal, j'ai trouvé ça intéressant, mais ils disaient : Oui, justement, on a des problèmes, des pénuries en région, alors on fait des missions à Montréal et on trouve des gens très qualifiés, et ils sont tout à fait heureux d'aller s'installer... dans ce cas-là c'était à Québec. Alors, c'est le travail que vous faites.

Je vais commencer justement avec ce trait positif parce que je pense qu'il faut connaître les atouts avant de parler des défis, parce qu'il y a toujours des défis. Vous dites que les jeunes Québécois issus de l'immigration ont un intérêt pour les régions du Québec, c'est à la page 6 de votre mémoire, et donc... et qu'ils s'intègrent bien, ça, c'est l'autre chose que vous dites, ils s'intègrent bien, que vous avez perçu des milieux en région accueillants. Donc, peut-être avant toute chose, il faut bien comprendre comment vous fonctionnez. Parlez-nous de ça, cet accueil en région, parce que par ailleurs j'ai vu d'autres commentaires où vous dites que, oui, parfois l'attitude des employeurs peut poser problème. J'aimerais vous entendre là-dessus, les milieux accueillants, parce que, quand on... Nous, notre politique, c'est l'immigration, la diversité et l'inclusion. L'idée, et on a beaucoup parlé de ça hier, c'est justement des problèmes au niveau de... on va parler de la méconnaissance des employeurs vis-à-vis la diversité, un certain inconfort et, la présence de la diversité dans toutes les sphères de la société civile et économique, que ça, ça peut représenter des obstacles, évidemment, dans l'attraction. Parce que vous, vous êtes beaucoup dans l'attraction. Donc, par l'intégration rapide ou trouver des... vous faites le pont, mais l'attraction, c'est ça que vous faites. Vous devez vendre, j'imagine, un peu certaines régions. Expliquez-nous tout ça.

M. Vigneault (R. Mathieu) : Bien, je dirais d'entrée de jeu qu'on n'essaie pas de vendre des régions, évidemment, parce qu'on se le ferait reprocher, mais on va présenter ce que...

Mme Weil : Promouvoir.

M. Vigneault (R. Mathieu) : Promouvoir, oui, voilà.

Mme Weil : Mais on est dans ça, on est dans ça parce que pour la première fois, dans la politique, juste pour vous dire, pour la première fois on veut vraiment mettre l'accent, éventuellement, dans nos orientations pour la prochaine planification pluriannuelle, de l'importance des régions, de dynamiser les régions par des personnes qui vont s'installer en région.

• (11 h 40) •

M. Vigneault (R. Mathieu) : Tout à fait. Écoutez, la référence à laquelle vous faisiez référence tantôt, à la page 6, c'est l'étude de Statistique Canada qui démontrait, là, par les calculs qu'ils ont faits, que les immigrants, effectivement, s'intègrent économiquement mieux dans les petites régions que dans les grands centres urbains. Donc, ça, ça ne vient pas nécessairement de Place aux jeunes et de nos statistiques internes, mais on s'appuie sur une étude, une vaste étude de M. Bernard de Statistique Canada.

Maintenant, pour ce qu'il en est, de ce qu'on vit sur le terrain, vous avez raison de signifier le travail qu'on fait d'attraction. Effectivement, on va faire la promotion des régions, on va attirer les gens en région.

Évidemment, on aura toujours un discours le plus honnête possible, il y a des régions qui... et on ne peut pas s'en cacher, il y a des régions qui sont plus avancées que d'autres quant à leur capacité d'accueil, on y faisait référence tantôt, il faut encourager ces régions-là. Et ils ont de beaux succès. Je n'ai pas d'exemple concret à vous présenter parce qu'on n'a pas documenté ça avant d'arriver ici, des cas très précis, mais il y a effectivement des cas de succès au Saguenay—Lac-Saint-Jean, par exemple, au Bas-Saint-Laurent, et j'en passe.

Maintenant, il y a quand même un défi. Bien qu'il y ait des régions qui veulent déjà, c'est intéressant et c'est important, il y a déjà des gens qui veulent attirer des immigrants, il y a d'autres régions, par exemple, qui voudraient mais qui se sentent impuissantes devant la différence, devant comment gérer la diversité. Et, à ce compte-là, quand on parle d'un continuum... Vous savez, Place aux jeunes, ce qu'il y a dans notre ADN fondamental, c'est que c'est une initiative... à défaut de trouver la bonne expression francophone je vais dire «bottom-up», là, ça vient vraiment des milieux, et on se préoccupe d'abord des besoins des intéressés et non pas de la volonté de la structure de déployer une infrastructure. Donc, ce qu'on pense, c'est que le fameux continuum dont on vous parle devrait s'intéresser beaucoup à la volonté de l'immigrant — ça, on l'a démontré par les chiffres puis on pourra y revenir, si vous le souhaitez — mais aussi où en sont les régions intéressées par l'immigration. Celles qui ont déjà développé des bons outils ont de l'avance sur les autres, et il y a effectivement plusieurs cas de succès, mais il y a beaucoup d'autres régions qui nécessiteront de se laisser séduire ou de se laisser... tenter, effectivement, merci, par les meilleures pratiques d'affaires d'autres communautés au Québec ou ailleurs dans le monde. Et, à ce compte-là, un continuum devrait prendre, dans cette perspective, l'ensemble du projet de vie de migration, et c'est là qu'on va maximiser les succès d'un sain déploiement ou d'une saine régionalisation. Parce qu'il y a des succès, il faut bâtir sur ces succès-là, mais, à vouloir aller trop vite, on finit par desservir la cause. Donc, c'est une des volontés, je pense, de beaucoup de monde, dont Place aux jeunes, de bâtir pas à pas, de construire sur les succès, d'y aller avec des communautés qui sont déjà avancées puis d'attirer, d'intéresser les autres à embarquer, embarquer dans la danse. Et ils vont venir.

Mme Weil : Je ne veux pas trop segmenter les différents profils d'immigration, mais évidemment, pour la plupart des gens, c'est l'immigration, c'est l'immigrant, mais il y en a quand même certains qui sont travailleurs qualifiés, d'autres, ce sont des réfugiés, mais parfois c'est des réfugiés qui ont des jeunes qui ont grandi littéralement dans les camps de réfugiés depuis la naissance, donc c'est un certain profil, d'autres non, c'est des réfugiés, par exemple, syriens, qu'on accueille actuellement, très scolarisés, le niveau de français, c'est là qu'il faut travailler ça. Donc, on voit qu'il y a des profils différents.

Le regroupement familial, là aussi c'est intéressant. Le Québec ne sélectionne pas, évidemment, c'est des voies humanitaires. Tous les pays reçoivent... Donc, ça ne changerait rien. On parle de juridiction. Que ce soit le Canada, le Québec, essentiellement, quand on rentre dans un pays, la frontière, c'est le pays qui contrôle ça, mais on est responsables de la francisation, de l'accueil, l'intégration de toutes ces personnes. Et chaque être humain a un potentiel de contribution, et c'est vraiment notre vision de société, c'est vraiment la vision de ce document qu'on prépare, de ne pas...

Mais en même temps, pour être capable d'identifier le potentiel, chacun son potentiel, on mise évidemment sur l'immigration économique. Vous aussi, je crois bien, c'est bien ces gens-là. Dans les profils de jeunes que vous rencontrez, pour les aider, est-ce que vous avez une approche adaptée ou est-ce que vous êtes beaucoup plus dans l'immigration économique, ceux qui sont venus ici avec un projet en tête par rapport à ce qu'ils voulaient accomplir, ou la formation que cette personne a?

M. Vigneault (R. Mathieu) : Je dirais que d'abord, Place aux jeunes, comme on a tenté de le faire valoir dans le mémoire, nous, on s'adresse à tous les Québécois de 18-35 ans diplômés, sans distinction d'origine, d'aucune... de langue, de quoi que ce soit.

Par contre, évidemment, on a très clairement identifié des cas types, hein? On a les Québécois d'origine des régions, on a les Québécois d'origine québécoise, donc, mais de milieu urbain, mais les Québécois issus de l'immigration, c'est la clientèle que je faisais référence tantôt qui est en croissance. Et, à l'intérieur de cette clientèle-là, il y a effectivement différentes catégories.

Maintenant, comme Place aux jeunes n'intervient pas... n'a pas de mandat, à ce moment-ci, spécifique versus l'immigration, on n'a pas déployé une approche particulière pour les différents types. Dans un éventuel continuum intégré, mieux canalisé, dont les ressources seraient mieux canalisées, c'est le genre de chose qu'il pourrait être intéressant d'étudier et de développer. Déjà, par ailleurs, Place aux jeunes a malgré tout, parce qu'on s'adresse à tout le monde, ajusté ses opérations et un certain nombre de choses pour mieux servir, autant que faire se peut, la clientèle immigrante, mais on n'a pas pu aller aussi loin. On sait par ailleurs qu'il y a des catégories d'immigration qui vont s'intégrer plus facilement. Celles qui répondent aux besoins de main-d'oeuvre en région sont clairement favorisées au départ, effectivement.

Mme Weil : Oui. Hier, on a parlé avec quelques représentants qui sont des organismes communautaires en région. On a parlé du problème de rétention, donc qu'ils peuvent vivre une expérience mais ensuite ils quittent, ils quittent la région. Évidemment, l'Outaouais, ils vont en Ontario ou ailleurs au Canada.

Est-ce que, selon vous, je vous pose la question, les facteurs de réussite en matière de rétention, est-ce qu'en partie... Oui, l'accompagnement, la gestion de la diversité, j'imagine, au sein de l'entreprise mais aussi des organismes qui travaillent en marge pour s'assurer que l'intégration sociale, l'intégration de la famille, s'il y a famille, se fait bien, est-ce que vous avez une expérience à cet égard, de rétention, les facteurs de succès?

M. Vigneault (R. Mathieu) : Bien, les facteurs de succès pour les immigrants, et la plupart des études le démontrent assez bien, les immigrants recherchent en région la même chose que les Québécois d'origine. Et ce qui va faire qu'une migration va être une réussite, j'aurais tendance à penser — et il n'y a pas nécessairement d'étude là-dessus, mais ce qu'on observe sur le terrain — va être à peu près les mêmes choses que les Québécois d'origine.

Maintenant, est-ce que la chimie va prendre aussi facilement pour un Algérien, par exemple, que ça fait trois ans qu'il est arrivé au Québec qu'un Québécois d'origine? C'est là que le défi devient de plus en plus grand. Et on le disait tantôt, les Québécois d'origine ou issus de l'immigration nécessitent un accompagnement spécifique. Ce n'est pas une clientèle qui est différente pour Place aux jeunes, parce qu'on s'adresse à un individu, un Québécois, mais c'est clair que ça prend plus de temps de préparation, plus de temps pour déterminer la bonne communauté vers laquelle l'immigrant va augmenter ses chances de réussite, mais surtout ça va nécessiter un atterrissage en région mieux planifié et un suivi plus long. Et c'est là qu'après un certain temps...

Place aux jeunes, nous, avec les ressources qu'on a, on va assurer un suivi pendant un six mois, par exemple, mais un immigrant va nécessairement avoir besoin d'un accompagnement un peu plus... voire plus long pour qu'il puisse plonger ses racines dans la région, se faire connaître, se faire apprécier des gens. Et c'est son rôle aussi d'y investir, mais souvent ils auront besoin de certaines personnes pour leur ouvrir les portes, d'où l'importance du travail fait par les organisations spécialisées ou des ressources, plutôt, spécialisées en médiation culturelle. En Outaouais, on travaille assez fréquemment avec le SITO, par exemple, qui fait un bon travail au niveau de la formation, s'assurer que ces gens-là ont un bon bagage pour bien intégrer économiquement la communauté. Donc, quand on parle de continuum, on parle vraiment d'un fil continu qui porte le regard sur la réalité de l'immigrant tout en ayant en considération la réalité du terrain où il va atterrir puis de faire en suivi le travail auprès de la personne.

Mme Weil : Merci. Parce que vous accompagnez les jeunes, c'est votre préoccupation, votre expertise, hier on a parlé de la deuxième génération, je ne sais pas si vous avez beaucoup entendu parler, les jeunes issus de l'immigration, les parents, mais deuxième génération. Moi, ce n'est pas la première fois que j'entends ça, il y a une préoccupation par rapport à cette deuxième génération. Elle se situe au niveau identitaire, mais évidemment l'accompagnement, l'intégration en emploi, évidemment, les écoles ont un rôle important à jouer, mais on pourrait imaginer aussi un accompagnement dès que cette personne quitte ou a fini ses études scolaires, universitaires, que cette préoccupation d'intégration doit bien se faire.

En tout cas, je ne sais pas si c'est quelque chose à laquelle vous avez réfléchi, si vous l'avez rencontré. Si vous avez des commentaires, ce serait bienvenu. Sinon, je vous demanderais de regarder ça, parce que nous, on a été très frappés par les interventions, préoccupés. Je pense que l'État, le gouvernement et tous les acteurs de la société civile, toutes les institutions de la société doivent porter attention à ça. Toutes les sociétés occidentales font face à ça, donc, cette personne qui ne se retrouve pas, manque de fierté par rapport à une, ou deux, ou trois identités, donc, il y a beaucoup là-dessus. Je ne sais pas si vous avez des commentaires.

• (11 h 50) •

M. Vigneault (R. Mathieu) : Le patrimoine, c'est clair qu'il vient avec cette réalité d'immigrant de deuxième génération. Ceci dit, pour nous, Place aux jeunes, c'est un client, c'est un candidat comme n'importe quel autre.

Évidemment, on aurait tort de nier qu'il y a un défi qui n'est pas celui de l'immigrant récent mais qui n'est pas la facilité du Québécois d'origine. Mais, ceci étant, je pense que, comme on le mentionnait un petit peu dans notre mémoire, il y a un travail de pédagogie à faire assurément auprès de l'ensemble du Québec mais particulièrement aussi du Québec rural quant à l'importance que doit jouer l'immigration pour la pérennité des communautés rurales et le développement socioéconomique du Québec rural mais de l'ensemble du Québec dans son ensemble. Donc, je pense qu'on est du côté des communications, de ce côté-là, et on serait très heureux, je pense, de pouvoir contribuer à la pédagogie collective.

Mme Weil : D'accord. Merci beaucoup.

Le Président (M. Picard) : ...je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Messieurs, soyez les bienvenus. Et bravo pour le travail que vous faites!

J'ai noté dans votre mémoire qu'il est important de comprendre que, pour l'immigrant, il ne s'agit... vous l'avez réitéré ici, qu'il ne s'agit pas seulement de trouver un emploi, dans les faits la migration est un projet de vie qui, dans le cas des Québécois issus de l'immigration, doit être accompagné sur une plus longue période. Vous avez tout dit, là. Là, vous touchez à l'humain, et parce que très souvent le regard qu'on y pose en est un de la perspective des statistiques mais pas de l'humain.

Donc, partant de votre expérience, quel est le diagnostic que vous faites, parlant de cet accompagnement, quel est le diagnostic que vous faites? Est-ce que l'accompagnement est fait, réalisé de façon optimale ou pas? Y a-t-il des problèmes? Quels sont les défis qui s'offrent à vous relativement à cette démarche-là?

M. Vigneault (R. Mathieu) : Bien, si vous permettez, je mentionnerais d'entrée de jeu que tous les gens, tous les acteurs qui sont impliqués actuellement dans cette volonté collective d'amener les immigrants à s'émanciper au Québec, à trouver leur place sont de bonne foi. Tout le monde, je pense, y met du coeur, et on souhaite les résultats les plus positifs possible pour le Québec.

Ceci étant, force est de constater que l'essentiel des immigrants s'installent à Montréal, dans la grande région de Montréal, et y restent. On déploie des ressources quand même importantes, des ressources humaines, des ressources matérielles mais surtout des ressources financières pour essayer de soutenir la régionalisation de l'immigration, et les résultats sont ce qu'ils sont, c'est relativement décevant.

C'est la raison pour laquelle on est ici aujourd'hui, pour dire : Les ressources sont là, les ressources humaines sont là, les ressources financières sont là. Je pense qu'il y a un exercice pour mieux canaliser tout ça, ramener ça dans un continuum intelligible pour l'immigrant et avec des résultats qui vont venir nécessairement. Et c'est clair, on est très heureux, je pense, que vous l'ayez souligné, oui, on se veut être le plus cérébral, le plus concret dans nos analyses, mais au quotidien le travail qu'on fait avec les gens, que ce soient les Québécois d'origine ou les immigrants, est un travail de coeur. Les agents de migration de Place aux jeunes qui sont sur le terrain, c'est des gens qui sont particulièrement amoureux de leur communauté puis qui veulent la faire grandir, et ils savent très bien qu'ils vont devoir, ces gens-là, travailler avec tous ceux qui veulent aller vivre dans ces communautés-là. Donc, les défis qu'on a — et je parlerais plutôt en termes de défis qu'en termes de problèmes — les défis qu'on a, c'est de prendre toutes ces bonnes intentions là et ces ressources limitées qu'on a au Québec puis de les canaliser dans un continuum, c'est le terme que nous, on utilise, dans un continuum, dans une stratégie, appelez ça comme on voudra, qui va bien servir le projet de vie de l'individu et qui va bien servir les défis de pérennité de la communauté et des entreprises par le fait même.

M. Kotto : O.K. Vous parlez de ces ressources et de l'impératif de les canaliser. Est-ce que vous pouvez en identifier quelques-unes sous forme de programme ou d'opération spécifiquement?

M. Vigneault (R. Mathieu) : Il existe d'un point de vue très, très précis, là, à Montréal une formation dont on dit le plus grand bien qui est le programme d'intégration, donc, qui est offert par différentes organisations à Montréal mais qui est piloté par le MIDI. Donc, ça, je ne peux pas en parler en termes d'expérience personnelle, mais ce qu'on me rapporte, c'est que ce programme-là est extrêmement positif. Il faut absolument continuer, voire le déployer plus largement dans les différentes régions où le besoin se ferait sentir.

Au-delà de ça, il existe un nombre... une kyrielle d'organisations communautaires à Montréal qui ont pour mandat d'accueillir les immigrants, et à ces gens-là on dit : Bravo! On dit : Quel bon travail! On dit : Vous devez être là, vous devez être consolidés dans votre action mais dans votre action d'accueil de l'immigration internationale, dans votre action de rendre cet atterrissage-là le plus confortable, le plus doux possible pour que l'immigrant puisse faire un choix éclairé dans son projet de vie : Est-ce que je veux vivre à Montréal ou dans un grand centre urbain, est-ce que je veux vivre en banlieue ou est-ce que je veux explorer l'hypothèse du Québec des régions? Il y a un travail extraordinaire à faire par les gens là-bas.

Maintenant, il y a beaucoup d'organisations. Est-ce que tout le monde sent qu'il est bien encadré, bien appuyé dans sa gestion au quotidien, dans son développement annuel? Ça, il faudrait peut-être leur poser la question, mais on a l'impression, nous, que l'immigrant, quand il arrive chez nous, bien des fois il a cogné à quatre ou cinq autres portes avant. Et des fois on est plusieurs à travailler sur le même dossier pendant un certain temps pour se rendre compte que beaucoup d'énergies ont été investies, alors que, si on avait été mieux canalisés, chacun aurait pu faire un travail efficace au bon moment. Ensuite de ça, bien il y a tout le travail qui peut être fait par Place aux jeunes, mais, en aval, il y a aussi plusieurs organisations qui sont un peu éparses sur le territoire québécois, qui offrent ou n'offrent pas les mêmes services, donc les immigrants, qui se promènent, qui rentrent par une porte, suivent un corridor puis arrivent dans une pièce, pour prendre une analogie, n'ont pas les mêmes services partout, ne peuvent pas compter sur un accompagnement et un appui de l'État québécois, de l'État d'accueil du même calibre, peu importe la région qu'ils voudraient découvrir et embrasser. Donc, nous, on pense qu'il y a certainement un pas de recul à faire de ce côté-là, un regard à porter à l'écosystème, et recanaliser tout ça très clairement.

Le Président (M. Picard) : Trois minutes.

M. Kotto : O.K. J'aimerais vous entendre sur l'aptitude de la jeune immigration, en fait les jeunes immigrants à contribuer à la prospérité des régions, d'une part, et, d'autre part, à la vitalité du français.

M. Thisdel (Michel) : Bien, écoutez, M. le député de Bourget, la question est intéressante parce qu'évidemment il faut amener les jeunes qui vont vivre en région... En région, évidemment, le fait français est très présent. Je pense qu'il faut regarder aussi au niveau du programme d'expérience Québec qui permet d'accompagner les étudiants qui ont fait leurs études ici, au Québec, donc qui ont un français de niveau intermédiaire et avancé, voir comment on peut les soutenir en cette matière-là. Donc, il faudrait qu'on s'intéresse au taux de succès de ce programme-là, voir comment ça, ça pourrait, au niveau de Place aux jeunes, nous, nous aider donc à garder ces jeunes-là, évidemment, si leur communauté d'origine... si vraiment ils souhaitent rester ici et non pas retourner dans leur pays, parce qu'ils sont aussi appréciés dans leur pays pour les compétences et les connaissances qu'ils viennent se former ici, au Québec. Mais je pense qu'il faut vraiment miser sur l'accompagnement qu'on fait avec ces jeunes-là. Donc, on le fait déjà avec Place aux jeunes, on leur dit : Écoutez, oui, dans les régions, ça parle majoritairement français. Donc, il faut avoir cette préoccupation-là, il faut avoir cette sensibilité-là.

• (12 heures) •

M. Vigneault (R. Mathieu) : C'est clair qu'il faut être honnêtes avec les jeunes, il faut qu'ils soient conscients qu'en milieu rural, au Québec, il faut avoir un français fonctionnel, fonctionnel très correct, là, pour pouvoir favoriser d'ailleurs le défi de l'intégration dont on parlait tantôt. Donc, la question de la langue est la première interface entre le Québécois issu de l'immigration et sa communauté d'accueil, donc c'est clair qu'il doit pouvoir venir démontrer comment il peut enrichir et assurer la pérennité de la communauté francophone.

Mais vous avez parlé de prospérité, j'aimerais peut-être ajouter un point au-delà de la question du français. Bon, on avait des gens qui présentaient juste avant nous. On partage un certain nombre de leurs préoccupations, dont la capacité de renouveler la main-d'oeuvre qualifiée en région. Écoutez, l'essentiel de notre immigration au Québec vient de l'immigration économique, ce sont des gens qui sont hautement qualifiés. Je lisais encore hier une étude sur les travailleurs qualifiés, c'est une mine d'or, c'est un coffre-fort. Ces gens-là veulent... Les immigrants qu'on rencontre, là, ils sont très clairs, ils veulent contribuer au développement du Québec parce qu'ils ont compris que, s'ils contribuent au développement du Québec et de la communauté d'accueil, ils contribuent à leurs propres émancipation et sort socioéconomique. Et ces gens-là disposent d'un bagage culturel extraordinaire. À une période où on souhaite l'internationalisation du plus grand nombre de nos PME possible, quelqu'un qui a un bagage culturel ou un bagage quelconque au niveau de la langue, au niveau des référents culturels ou des référents idéologiques va donner une portée à une politique d'exportation d'une entreprise, on peut nommer des Bombardier, mais on peut nommer des toutes petites entreprises comme Denis CIMAF en Montérégie, quelques employés, mais qui sont portées à l'exportation, et le fait de pouvoir embaucher de la main-d'oeuvre qualifiée mais, qui plus est, avec un bagage à valeur ajoutée va venir propulser le développement de cette entreprise-là. Et ça, c'est sans parler de la capacité d'innovation, de la capacité de créativité, parce que, vous savez, quand on part d'un autre pays puis qu'on arrive dans un univers comme le nôtre, on arrive avec un oeil neuf. Souvent, on peut critiquer et...

Le Président (M. Picard) : M. Vigneault, je dois céder la parole à M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci. Bonjour, M. Thisdel. Bonjour, M. Vigneault. Ça me fait plaisir de pouvoir vous entendre aujourd'hui.

Je trouve que votre mémoire est très construit, à la fois celui de janvier 2015 et celui que vous avez déposé à la commission de révision des programmes. À la page 12 de votre mémoire de janvier 2015, vous proposez la mise en place d'une instance de coordination pour coordonner les différents acteurs. Vous avez été très, très lucides, tout à l'heure, dans l'explication des différents chevauchements, il y a plusieurs organismes du réseau partenaire que parfois ils se chevauchent. Puis vous donnez également un exemple, en annexe de votre second mémoire pour la révision des programmes, sur un exemple concret avec un regroupement régional.

J'aimerais savoir : Pour vous, est-ce que l'instance de coordination que vous proposez, elle doit venir de la part du ministère, elle doit venir des membres du réseau partenaire? Puis quelle forme doit-elle prendre pour coordonner tout ça? Puis je crois que vous avez un souci aussi d'efficacité là-dedans.

M. Vigneault (R. Mathieu) : Clairement. Je pense qu'on ne peut plus se permettre, au Québec, d'avoir des structures, ou des stratégies, ou quoi que ce soit sans penser efficacité et rentabilité sociale dans la mise en place de tout ça. Ce à quoi on réfléchit puis on s'entend, là, c'est une proposition qui n'est pas terminée ou, enfin, qui demande à être discutée, mais ce qu'on se dit, c'est que le leadership du ministère devrait se traduire à travers, justement, une instance de coordination où le rôle du ministère est d'alimenter en information et d'assurer d'asseoir les partenaires mais surtout d'aligner les fonctions, d'aligner les rôles. Et ce fameux continuum dont on parle depuis tantôt, c'est justement de s'assurer qu'il n'y a pas de dédoublement, qu'il n'y a pas de personnes qui font une tâche à peu près chevauchée sur l'autre puis de... mais, pour y arriver, de un, rassembler les gens qui ont les compétences pour s'aligner sur le continuum, donc, pour le mettre en place d'abord, et ensuite en assurer une gestion au quotidien, disons ça comme ça. Bien, pas au quotidien au sens où... Une instance de ce genre-là pourrait se réunir quelques fois par année pour voir les résultats, voir les avancées, les bons coups, les mauvais coups.

Moi, ce qui se passe en termes de mobilité interrégionale est impacté par les stratégies de recrutement international. Je pense que c'est assez... Votre collègue sous l'ancien gouvernement et dans les propositions qui sont faites par ce gouvernement-ci parlait de déclaration d'intérêt. Nous, on trouvait ça extraordinaire comme projet. Imaginez si au niveau du recrutement international on amenait un immigrant à faire une déclaration d'intérêt pour pas juste un travail mais aussi pour un lieu de résidence ou une forme d'environnement de vie, puis que ça s'avérait être un milieu rural. Bien, une instance comme celle-là pourrait s'assurer de rapidement mettre dans la loupe, permettez-moi l'expression, ceux qui vont avoir à assurer la mobilité de cette personne-là, qui va arriver au Québec soit par la porte de Montréal ou par la porte d'un autre grand centre.

Donc, il y a la coordination de la structure et les ressources qui y sont consacrées, là, financières, matérielles, mais aussi de s'assurer qu'il n'y ait pas d'entre-chaises pour les projets de vie qu'on doit servir.

M. Thisdel (Michel) : Si vous permettez, M. le député de Borduas, je rajouterais aussi que ce qui est important, c'est de voir aussi la provenance de ces nouveaux arrivants là. Si, par exemple, la personne provient d'une grande ville ou encore d'un milieu dit rural, évidemment il va y avoir des affinités, donc, dans son projet de vie. Donc, ça, il faut être très sensible à ça. Et, dans le fond, ça permettrait, comme disait notre directeur général, d'adapter l'offre, donc, en fonction de vraiment le niveau d'intérêt et les objectifs que l'immigrant poursuit ici, donc, de par ses études mais aussi de par son milieu de vie, son environnement.

M. Vigneault (R. Mathieu) : À notre échelle de connaissance, l'exemple qu'on donnait dans le mémoire de la Commission des partenaires du marché du travail pourrait être un modèle, on s'entend, là, où tous les acteurs qui ont un rôle à jouer et qui ont un impact sur le continuum sont assis autour de la table, se réunissent occasionnellement, conseillent le ministère qui a le leadership, donc.

M. Jolin-Barrette : Hier, dans les consultations, on a eu une proposition de lier l'engagement de l'immigration avec une forme de contrat pour l'établissement en région, une forme d'obligation. Quelle est votre opinion d'une telle proposition? C'est que manifestement il y a des difficultés à la régionalisation de l'immigration, mais il y a plusieurs organismes qui font un travail extraordinaire, et il y a un leadership... bien je suis d'avis qu'il y a un leadership qui doit être exercé aussi par l'État, qui a une responsabilité en ce sens-là. Mais comment ça se traduit? Puis les acteurs, tout le monde pousse dans la même direction, mais on ne sait pas trop comment agir. Cette proposition-là est venue sur la table, puis peut-être pouvez-vous la commenter.

M. Vigneault (R. Mathieu) : Je trouve ça un peu lourd, l'idée d'obliger. On est revenus assez fréquemment sur l'idée que la migration est un projet de vie. Si on veut que ce projet de vie là se réalise positivement pour l'individu comme pour le Québec, et particulièrement pour la communauté d'accueil, si on parle de régions, l'idée d'obliger me paraît aller à contresens.

Je ne dis pas que l'idée n'est complètement pas bonne, là, j'essaie d'aller au deuxième niveau de cette proposition-là, si je peux me permettre, en disant... L'idée d'un contrat, d'une promesse psychologique ou l'idée d'un engagement sur la base de : Je vais au Québec avec l'idée que je vais m'établir en région parce que c'est ce que je veux, a priori, puis de dire qu'il y a une espèce de plan de migration ou une espèce de parcours migratoire préétabli sur lequel on va sélectionner un pourcentage d'immigrants, ça, je pense que ça peut nous parler, mais de là à dire qu'on les prend à Dorval puis qu'on les fait signer un contrat où on en prend 20 %, on en compte 10, puis il y en a 20 qu'on leur fait signer un contrat pour aller en région, je ne suis pas sûr que nous comme nos partenaires en région trouveraient là une avenue très positive. Mais l'idée d'un contrat moral, l'idée d'une déclaration d'intérêt sur laquelle on peut s'entendre, je pense qu'il y a quelque chose à creuser là, définitivement.

M. Thisdel (Michel) : Sachez aussi que, nous, comme institution, bien, dans notre prestation de services, il y a des engagements qui se font, donc, aux jeunes qu'on dessert. Donc, il y a un engagement, par exemple, de participer, d'accepter l'offre de service qu'on leur fait, donc ça s'inscrit aussi... On fait une bonne évaluation, il y a un bon profil qui sort des jeunes qu'on accompagne, et, dans le fond, dans cet engagement-là qu'ils prennent avec nous, bien il y a déjà là un désir, un souhait de venir s'engager en région.

Donc, je pense qu'il faut prendre ça aussi pour les accompagner dans leurs projets de migration pour qu'elle devienne aussi durable, parce que nous, on parle beaucoup de migration durable, c'est-à-dire...

Le Président (M. Picard) : ...M. Thisdel, merci.

M. Thisdel (Michel) : Oui, merci.

Le Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à M. le député de Mercier pour une période quatre minutes.

M. Khadir : Merci. Et je remercie encore mes collègues de ce temps généreux qui m'est accordé, qui est rare. Merci, messieurs, de votre présentation.

Donc, juste pour éclaircir, parce qu'il y a eu cette intervention que vous avez faite au début pour parler des chevauchements possibles et dédoublements, est-ce que vous seriez prêts jusqu'à aller qu'il y a peut-être trop d'organismes, peut-être trop d'argent en région actuellement pour l'adaptation et l'intégration des immigrants?

M. Vigneault (R. Mathieu) : Spécifiquement en région ou...

M. Khadir : ...en région.

M. Vigneault (R. Mathieu) : En région? Plus maintenant.

M. Khadir : O.K., plus maintenant. Parce qu'il y a eu des coupures?

M. Vigneault (R. Mathieu) : Si c'était présumé qu'il y en avait trop avant, maintenant je ne crois pas qu'on puisse dire ça.

M. Khadir : Est-ce qu'on peut dire que, dans un moment où on cherche des politiques pour favoriser l'établissement des nouveaux venus et surtout des jeunes en région, couper dans certaines structures régionales qui faisaient beaucoup de concertation pour favoriser leur intégration comme les centres... les CRE, les conseils régionaux des élus, et tout ça, avec des partenaires locaux... Est-ce que c'est une bonne idée d'avoir coupé leurs budgets?

• (12 h 10) •

M. Vigneault (R. Mathieu) : Je pense qu'on peut difficilement juger l'idée, mais je vais vous parler de l'impact que ça a sur nous, O.K.?

Les conférences régionales des élus avaient un mandat de concertation régionale. Donc, elles n'avaient pas un mandat de travailler sur l'attractivité nécessairement des communautés, elles n'avaient pas un mandat de travailler sur la mobilité interrégionale. Ça, c'est le mandat de Place aux jeunes, par ailleurs.

Par contre, étant très, très convaincus de l'importance de, plusieurs CRE — et je nommerais, par exemple, en Gaspésie, au Bas-Saint-Laurent, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, en Abitibi-Témiscamingue — étaient des partenaires très engagés auprès des ressources et des projets Place aux jeunes en région, et leur disparition, qui ne signifie pas nécessairement la disparition de leurs ressources financières, va complexifier certainement le financement de nos partenaires locaux, qui, je dois le préciser, doivent trouver dans la communauté 20 % du financement... ou 20 % du financement que nous, on leur donne. Donc, déjà, le financement, il y a une mobilisation locale...

M. Khadir : ...qui n'est plus là ou qui est moins là.

M. Vigneault (R. Mathieu) : Bien, qui n'est plus là ou, enfin, qui va être certainement plus compliqué à...

M. Khadir : Déstructuré, déstructuré.

M. Vigneault (R. Mathieu) : Oui, voilà.

M. Khadir : Vous avez parlé que vous desservez à peu près 6 000 jeunes, j'imagine, on peut dire «jeunes», 18 à 35 ans; que près de 40 %, maintenant, de ces jeunes-là, dans le processus d'intégration en région, ou plus de 40 %, même, c'est des jeunes issus de l'immigration.

M. Vigneault (R. Mathieu) : 43 %.

M. Khadir : 43 % par année, ça en fait beaucoup.

M. Vigneault (R. Mathieu) : 43 % en 2013‑2014, mais c'est un chiffre qui est passé de 12 %, en 2006, pour 114, à 43 %, en 2013‑2014, pour 466.

M. Khadir : 466. C'est quand même beaucoup.

Bon, une famille immigrante jeune qui s'établit en région, les chances de francisation... Est-ce que la francisation s'est effectuée habituellement avant ou vous observez qu'on a plus de facilité à les franciser en région?

M. Vigneault (R. Mathieu) : Je vais vous dire que, pour envisager un projet de migration en région, et en toute transparence et en toute honnêteté, nous, on aurait beaucoup de difficultés à parler d'un projet mature de migration s'il n'y avait pas d'abord et avant tout un niveau de francisation, disons, correct.

M. Khadir : Parce qu'il n'y a pas les ressources en région?

M. Vigneault (R. Mathieu) : J'aurais tendance à penser qu'un réalignement des ressources... Quand je parlais tantôt des organismes de Montréal qui pourraient voir leurs mandats recanalisés, recentrés, l'idée de la francisation, de la reconnaissance des acquis, de l'expérience québécoise, de certains trucs qui sont comme pratiquement préalables à la mobilité en région devrait être dans la cour et bien financé de ces organisations-là.

M. Khadir : Et donc, si vous le jugez maintenant préalable, c'est parce que vous n'avez pas ces facilités-là déjà. Donc, ça veut dire que c'est un obstacle qu'une politique d'immigration future qui voudrait favoriser à la fois la francisation et l'établissement en région devra tenir compte, n'est-ce pas?

M. Vigneault (R. Mathieu) : Sincèrement, il faudrait se poser la question d'une meilleure francisation en amont, c'est clair.

M. Khadir : Parfait, parfait.

Le Président (M. Picard) : C'est terminé. Merci, M. Thisdel, M. Vigneault.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre à Mme Valérie Amireault de prendre place.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

(Reprise à 12 h 17)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant Mme Valérie Amireault, professeure à l'Université du Québec à Montréal et spécialiste en intégration linguistique au Centre de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté. Mme Amireault, vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, et après ça il va y avoir un échange avec les parlementaires.

Dans un premier temps, je dois demander un consentement pour excéder l'horaire de 12 h 30. Ça va pour tout le monde? Donc, on continue avec la même durée d'intervention avec les parlementaires. Allez-y, Mme Amireault, la parole est à vous.

Mme Valérie Amireault

Mme Amireault (Valérie) : Alors, M. le Président, chers parlementaires, c'est un plaisir, un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui pour vous parler de l'intégration linguistique des immigrants. L'objectif de mon intervention sera donc de, dans un premier temps, dresser un portrait synthèse de l'intégration linguistique des immigrants au Québec, plus spécifiquement de leur francisation. Je vais tenter aussi de faire des liens tout au long de mon intervention entre l'intégration linguistique et l'intégration professionnelle et je vais proposer quelques pistes d'action efficaces qui pourront être développées lors de la période de questions ou les échanges qui suivront.

Je veux d'abord revenir sur qu'est-ce que c'est que s'intégrer à une nouvelle société. Donc, l'intégration, c'est vraiment le fait de devenir partie prenante d'une collectivité, d'une société, et c'est un processus bidirectionnel, qui va relever autant de la société d'accueil que des nouveaux arrivants, c'est un processus à long terme et c'est un mouvement transitoire vers l'inclusion.

L'intégration linguistique, par ailleurs, c'est un facteur qui est extrêmement important du processus d'intégration global, et, dans la perspective d'un Québec interculturel, pluriel, inclusif, l'intégration linguistique est absolument nécessaire à prendre en compte pour réaliser ce projet-là, pour faciliter leur insertion dans la société québécoise. Selon moi, ça peut prendre trois dimensions principales, donc d'abord faire la promotion du français, la langue commune, la langue de cohésion, faire un meilleur arrimage entre l'intégration linguistique et l'intégration professionnelle, et par la promotion d'un rapprochement interculturel.

Alors, je vais y aller d'abord par vous parler du français, langue commune et langue de cohésion sociale. Donc, entre 2004 et 2014, ce sont 60 % des immigrants admis qui connaissent ou qui connaissaient le français. Pour les autres, il y a des mesures qui sont proposées par le gouvernement du Québec, qui se doit donc d'offrir des mesures variées. Mais il en existe en ce moment, et ce que je me propose de faire, donc, c'est de faire peut-être un retour rapide sur ces mesures-là, celles qui fonctionnent, celles qui pourraient être améliorées.

Donc, d'abord, l'élaboration du référentiel commun en francisation des adultes qui est vraiment un outil essentiel pour les gens des milieux parce que ça permet d'harmoniser les programmes, peu importe où les immigrants suivent leurs cours de français. Donc, ça, c'est absolument nécessaire, et c'est mis en place, et ça fonctionne relativement bien.

• (12 h 20) •

En ce qui concerne les cours en présentiel offerts en ce moment par les différents partenaires du MIDI sous différentes formules, donc temps complet, temps partiel, oral, écrit, cours de français spécialisés, etc., c'est important de diversifier, je crois, les lieux, les structures de formation, donner plus de flexibilité à ces cours-là pour permettre, par exemple, d'avoir plus d'offre de cours à temps partiel, permettre aux gens de travailler en même temps, parce que c'est un facteur souvent d'abandon des cours de français, les gens qui n'arrivent pas à subvenir aux besoins de leur famille, qui doivent quitter les cours. Donc, c'est vraiment une structure qu'il faudrait lui rendre plus de flexibilité pour permettre à plus de gens de suivre les cours de francisation.

Également, la possibilité de réduire les délais d'attente. Ce qu'on voit beaucoup dans les milieux, c'est que les délais d'attente pour les cours de français peuvent parfois être longs. Certains immigrants vont se tourner, pendant cette période-là, vers l'anglais, c'est donc des immigrants qui ont une connaissance peut-être meilleure de l'anglais, qui se trouvent un emploi précaire en anglais en attendant d'avoir accès à des cours de français, et ça a un effet domino pour le reste, donc création de liens avec la communauté anglophone, et, ces personnes-là, leur francisation va être soit retardée ou soit c'est un échec, et il va falloir qu'ils y reviennent lorsqu'on va leur demander le bilinguisme pour un emploi. Donc, c'est souvent un effet domino, là, d'aller vers l'anglais au départ.

Un très bon coup au niveau de la francisation qui va demander à être bonifié, c'est la francisation en ligne, la FEL, qui est un outil créé, bon, par le ministère qui permet à des futurs immigrants d'abord de se franciser dès l'étranger, donc dès leur pays d'origine, et ça fonctionne extrêmement bien. Ça permet d'élargir la clientèle, donc, qui va prendre des cours de français, beaucoup plus de flexibilité. Les gens doivent avoir accès à Internet, doivent avoir leur certificat de sélection du Québec pour avoir accès à ces cours-là, mais c'est des cours qui sont très appréciés.

Cependant, en ce moment on a le cours du stade intermédiaire et du stade avancé, donc une possibilité de penser à des cours de stade débutant pour aller rejoindre des gens qui commencent leur francisation mais pour leur permettre d'avoir des outils à un niveau minimal, pour que, quand ils arrivent au Québec, ils soient davantage outillés pour prendre part dès le départ, en fait, pour continuer leur francisation au Québec ou pour commencer à chercher un emploi. Plus de... On a très peu de recherches, de données scientifiques sur cette formule de francisation, la francisation en ligne. Plusieurs choses qui se sont faites avec les cours en présentiel, mais très peu avec la francisation en ligne. Nous, c'est ce qu'on cherche à faire parce que c'est la voie de l'avenir, avec un virage virtuel.

Les cours en milieu de travail, donc, j'entendais l'intervention tout à l'heure, donc tout ce qui concerne les liens entre le milieu de travail et l'intégration linguistique, sont vraiment nécessaires à prendre en compte. Donc, aller rejoindre les immigrants là où ils sont, sur leurs milieux de travail, c'est essentiel, donc, par des incitatifs plus grands pour les employeurs, la promotion de ces cours-là auprès des employeurs. Ça doit demeurer une priorité, je crois, de cette nouvelle politique là.

Donc, en résumé, des points saillants qui peuvent être retenus de cette partie-là et dont certains reprennent d'ailleurs les principes évoqués dans les mesures du plan Franciser plus, intégrer mieux : d'abord, conserver le Programme d'aide financière pour l'intégration linguistique des immigrants, c'est absolument primordial; proposer une grande diversité de cours en lien... au niveau de la structure, plus de flexibilité pour les cours, davantage de cours à temps partiel peut-être; et franciser plus de personnes immigrantes en allant rejoindre les nouveaux arrivants là où ils sont, c'est-à-dire dès l'étranger, par la francisation en ligne, mais même ici par les organismes communautaires, les commissions scolaires, en milieu de travail, donc aller les chercher vraiment là où ils sont, franciser plus tôt de l'étranger et continuer d'offrir des cours spécialisés liés à l'emploi : le génie, l'administration, la santé.

Donc, apprendre le français dans une perspective professionnelle, c'est ce qui va être gagnant pour ces gens-là, qui va leur permettre de s'intégrer plus rapidement sur le marché de l'emploi. Et, en lien avec le travail, donc, on sait, les recherches le prouvent, que le monde du travail constitue un environnement qui est privilégié pour l'intégration des nouveaux arrivants, possiblement le meilleur facteur d'intégration linguistique et sociale également, donc c'est nécessaire que la nouvelle politique en prenne compte. C'est souvent la porte d'entrée vers la langue de la société d'accueil, notamment parce que le travail, c'est un lieu de contact avec les francophones aussi, donc on voit se développer des liens à l'extérieur autres que professionnels, et ça permet d'avoir un réseau de contacts plus grand, ce qui manque à plusieurs immigrants qui disent qu'ils n'ont pas assez de contacts, justement, avec la société francophone lorsqu'ils s'établissent au Québec. Et c'est souvent un cercle vicieux, c'est-à-dire que les immigrants doivent parler français pour s'intégrer au marché du travail, mais cette intégration aussi professionnelle leur permettra à son tour d'utiliser et de maîtriser encore mieux le français.

Donc, le travail, c'est un vecteur important pour la francisation des immigrants, et le problème ici, c'est qu'il y a souvent un manque d'adéquation entre le message que le gouvernement leur propose, c'est-à-dire que le français, c'est la langue de communication officielle qui leur permettra de s'intégrer sur le marché du travail, et les besoins réels du milieu, surtout à Montréal, dans une métropole urbaine où, là, on leur dit que le français, ce n'est pas suffisant et qu'ils doivent maîtriser également l'anglais. Donc, il y a cette dualité-là qui est ressentie très fortement à Montréal. Donc, les nouveaux arrivants réalisent qu'ils doivent maîtriser dans plusieurs emplois l'anglais en plus du français pour se tailler une place sur le marché du travail.

Dans une étude que j'ai réalisée en 2007 avec des nouveaux arrivants qui étaient en situation de préemploi, les personnes interviewées ont mentionné certaines possibilités ou certaines implications, et je veux vous en faire part parce que ce sont des préoccupations, pour moi, qui sont importantes. Donc, ils auraient aimé être mieux informés dès le départ, avant leur arrivée au Québec, des possibilités d'emploi, les réalités du marché du travail, de l'importance du bilinguisme, surtout à Montréal. Ils ont beaucoup de difficultés à faire reconnaître, bon, leurs diplômes, leurs acquis mais également à faire des stages en milieu de travail, même des activités de bénévolat en milieu de travail. Donc, ce sont des gens souvent extrêmement motivés, qui veulent prendre leur place, mais à certains égards ils se rendent compte qu'il y a une certaine fermeture parfois des milieux professionnels. Donc, ils aimeraient avoir droit à plus de flexibilité quant à ces différentes activités là qu'ils sont prêts à faire, par ailleurs. Et ils ont mentionné l'idée d'un programme de mentorat, d'accompagnement dans les entreprises par des employés francophones, donc, pour vraiment leur permettre, au niveau professionnel et linguistique, de se développer en tant qu'employés. Et, bien sûr, les cours de français en milieu de travail, on en parle beaucoup, mais ce ne sont pas toutes les entreprises qui en offrent, et plusieurs immigrants interviewés n'avaient pas eu accès à ces cours-là, n'en avaient jamais entendu parler. Donc, ce sont des choses, je pense... La promotion de ces cours-là auprès des employeurs doit être faite de façon plus importante.

Le Président (M. Picard) : Mme Amireault, ça met un terme à votre exposé. Nous allons entreprendre les discussions avec la ministre.

• (12 h 30) •

Mme Weil : Oui, merci beaucoup, Mme Amireault. Et vous êtes la première spécialiste en matière de francisation, alors c'est vraiment intéressant de vous entendre et de porter un regard sur l'offre, qui est quand même, d'après ce que vous dites, d'après ce que j'observe, une offre quand même très diversifiée depuis plusieurs années, avec différentes stratégies en amont, en aval, dans différents milieux. Et ça va être intéressant parce que je vous dirais que le consensus, honnêtement, c'est depuis longtemps, ce consensus, le premier énoncé de politique en 1990. À l'époque, on parlait beaucoup de la pérennité du fait français, je pense qu'on parlait beaucoup de l'importance de la langue et de préserver une société francophone en Amérique du Nord, mais il y a beaucoup aussi maintenant cette sensibilité d'intégration en emploi. À l'époque, on parlait beaucoup d'une société francophone, oui, mais c'est plus personnalisé maintenant parce qu'on entend beaucoup de ces histoires, évidemment, on échange beaucoup sur cette question d'outiller la personne pour qu'elle puisse réaliser son rêve, hein, le rêve. La déception, ce que vous décrivez, là, je le ressens tellement, parce qu'évidemment moi, je suis Montréalaise, je rencontre beaucoup de personnes, je leur pose toujours des tas de questions sur leur parcours, etc. Il y a des histoires magnifiques de réussite. Et il y a beaucoup, beaucoup de Français, de plus en plus de Français qui viennent ici puis s'intègrent rapidement, aussi des personnes de l'Afrique francophones, aussi, en tout cas. Mais je suis tellement d'accord avec vous qu'il faut les accompagner en aval.

Je suis vraiment contente de vous entendre avec une évaluation. Je comprends que le ministère participe ou vous fournit des données pour vos projets de recherche, surtout pour le FEL, peut-être aussi les programmes de francisation en différents milieux, là. Donc, c'est intéressant d'avoir votre... que vous disiez que c'est un très bon coup.

Et je voulais voir aussi, donc... Donc, vous parlez que ce serait important de développer un cours pour les débutants, les débutants, hein, le FEL débutants. C'est sûr que la sélection des travailleurs qualifiés se fait sur la base de la connaissance de la langue, mais il y a d'autres personnes qui arrivent ici, le regroupement familial, il n'y a pas de critère linguistique, comme dans tous les pays qui... c'est une voie humanitaire, le regroupement familial, mais qui seraient intéressées. Puis, dès qu'ils ont un CSQ, tout le monde, ça, c'est quelque chose qu'il serait important, pour le gouvernement, de diffuser, évidemment, le fait... Tous ceux qui ont reçu un certificat de sélection du Québec peuvent se prévaloir du cours de francisation en ligne pour toujours, pour toujours, alors c'est intéressant. Donc, il y a peut-être des gens qui sont ici depuis longtemps, ne savent pas, alors il faut les rejoindre pour leur dire ça. Ceci étant dit, donc, je trouve ça intéressant, ce que vous dites, de développer, donc, ce cours de débutant. Ce serait moins, évidemment, pour les personnes qu'on a sélectionnées mais pour tous les autres qui sont aptes aussi à contribuer au marché du travail.

Alors, j'aimerais vous entendre sur peut-être d'autres commentaires, si vous en avez, sur le FEL, les Alliances françaises et ces 125 ententes qu'on a développées à l'étranger. Et je pense qu'on est rendu peut-être à trois ou cinq centres même en Chine, il y a un engouement pour ces cours de français en Chine. C'est un bassin important. Pour l'immigration au Canada, c'est le numéro un, mais, même pour le Québec, numéro un, deux ou trois, c'est vraiment dans les trois, quatre premiers pays. Est-ce que vous avez pu regarder l'impact ou l'évaluation de ceux qui ont suivi ces cours dans les Alliances françaises?

Mme Amireault (Valérie) : Bien, c'est une réalité quand même que je connais bien, et je vous dirais que, oui, ce sont des partenaires absolument... il faut prendre appui sur ce réseau-là qui est immense. Et l'important, par contre, c'est d'outiller les enseignants de ces alliances-là aux réalités québécoises, parce que la plupart du... pas la plupart du temps mais souvent, dans les Alliances françaises, ce sont des enseignants français qui enseignent un cours aux futurs immigrants du Québec, et toute la réalité culturelle n'est pas nécessairement prise en compte, donc, on utilise du matériel français, fait en France, et je crois que ce serait pertinent d'avoir des enseignants québécois, dans les Alliances françaises, ou à tout le moins un programme, un cours Québec qui permettrait d'aller chercher des réalités... un peu comme le cours de francisation en ligne, là, vraiment un cours qui permettrait d'aller chercher les réalités québécoises, parce que c'est une autre barrière. Les gens qui se sont francisés ailleurs avant d'arriver, ça leur prend un certain temps souvent, même s'ils ont un niveau intermédiaire, de comprendre la langue parlée au Québec, ce n'est pas nécessairement la même chose que celle qu'ils ont apprise lors de leurs études dans leur pays d'origine. Donc, cette réalité-là, les liens entre la langue et la culture doivent être vraiment pris en compte dans les cours donnés par les Alliances françaises.

Donc, oui, faire la promotion via les alliances, parce que ce sont vraiment des pôles, des pôles d'enseignement qui... on ne peut pas passer à côté, là, mais en même temps il faut faire attention à ce qu'on véhicule dans les alliances et aux professionnels qui sont chargés de ces cours-là.

Mme Weil : Oui. Est-ce que vous avez des suggestions sur comment on pourrait faire ça? Je sais qu'il y a un document qui est envoyé à ces alliances, mais est-ce que... Vous avez peut-être des recommandations.

Mme Amireault (Valérie) : D'abord, de la formation, hein, de la formation à ces enseignants-là qui ne connaissent pas nécessairement la réalité du Québec, ou la production de matériel didactique, d'un cours axé sur le Québec ou de... sans que ce soit... Moi, je prendrais vraiment appui sur le cours qui est développé pour la francisation en ligne, il y a quelque chose là qui est vraiment une mine d'or, d'aller chercher quelque chose pour le sortir de son aspect en ligne et pour le diffuser peut-être en alliance d'une autre façon, mais il y a vraiment une réalité québécoise à prendre en compte pour de futurs immigrants au Québec. Mais les alliances, c'est décidément une porte de promotion du Québec, mais il faut bien la faire, cette promotion-là, donc, il faut la faire avec efficacité et professionnalisme, je crois.

Mme Weil : Merci. Vous avez évoqué les relations interculturelles. Un des objectifs de cette consultation, c'est de regarder notre modèle d'accueil, d'intégration, l'interculturalisme, de renforcer, peut-être mieux définir, de formaliser et puis d'assurer ce rapprochement par ces relations interculturelles. J'aimerais vous entendre sur cette question, parce que vous avez un point de vue.

Mme Amireault (Valérie) : Oui, bien je pense que la politique doit absolument prendre en compte le fait que l'intégration, c'est un engagement partagé, donc, de la société d'accueil et de l'immigrant, alors les deux doivent faire leur part. Et, oui, la société doit reconnaître, valoriser la diversité, mais les immigrants doivent prendre part à la société dans laquelle ils vivent. Il faut leur donner les outils pour faire ça, et il y a des pistes d'action concrètes qui peuvent être mises de l'avant, je crois, surtout en lien avec la francisation. Les budgets alloués aux initiatives de rapprochement interculturel dans le cadre des cours de francisation doivent, selon moi, être maintenus parce que les liens entre la langue et la culture doivent être faits tout au long de l'apprentissage de la langue, et la découverte de la culture francophone fait vraiment partie prenante d'une francisation de qualité, selon moi, donc, que ce soient des activités ponctuelles ou des jumelages, qui ne coûtent vraiment pas très cher à réaliser, mais de faire des jumelages entre les nouveaux arrivants qui sont en francisation avec des familles québécoises francophones, avec des locuteurs du français, peut-être des familles immigrantes donc qui sont passées par là mais qui peuvent les accompagner. J'ai vu dans certains cours de francisation des jumelages qui sont faits avec des maisons pour personnes âgées. Donc, ce sont des gens qui apprennent le français, qui veulent échanger avec des francophones et qui sont jumelés avec des personnes âgées d'une maison avoisinante qui veulent aussi, eux, parler, donc ça fait des jumelages vraiment de qualité.

Ce sont des initiatives comme ça qu'il faut, je crois, promouvoir, développer. Il y a beaucoup de terrain, de choses qui sont faites sur le terrain qui ne sont pas nécessairement diffusées, valorisées, et c'est chaque directeur de centre ou chaque personne qui s'occupe d'un organisme de francisation qui va un peu à la pêche en cherchant des personnes pour faire le jumelage avec ses apprenants, mais c'est quelque chose qui, je crois, dans une politique, doit être énoncé, l'importance du rapprochement entre les différentes cultures, dans une société qui se veut inclusive. Donc, il faut en parler et pas nécessairement de façon abstraite, donc y aller dans le concret avec certaines initiatives qui sont réalisées dans les milieux.

Mme Weil : Très intéressant. Donc, un peu mobiliser le milieu des institutions publiques, la société civile dans cet engagement. Donc, c'est l'affaire de tout le monde, cette langue de partage, et c'est le rapprochement par la langue, et je trouve ça formidable comme idée. C'est des projets comme ça que certains ont initiés, mais, dans la politique, on verrait cet appel, si on veut, à l'engagement de tous et chacun envers l'autre, hein, l'immigrant, le nouvel arrivant, c'est très intéressant.

Vous avez évoqué, puis ensuite je vais céder la parole à ma collègue... vous l'avez dit en passant, la fermeture de certains milieux de travail. Ça, c'est lorsque vous avez fait votre étude. Pourriez-vous nous en parler? On a beaucoup parlé de ça puis l'importance de travailler tout le monde ensemble. Cette question de fermeture, certains parlent de méconnaissance. La Commission des droits de la personne, évidemment, selon leur étude, c'est carrément de la discrimination, mieux vaut s'appeler Bélanger que Traoré, une étude que tout le monde connaît. Est-ce que je pourrais vous entendre là-dessus, ce que vous avez entendu des personnes que...

• (12 h 40) •

Mme Amireault (Valérie) : Dans le milieu, ce qu'on entend, c'est qu'il y a plusieurs entreprises qui, pour eux, c'est vraiment une problématique. Au lieu de voir les populations, les personnes nouvellement arrivées comme des richesses pour une entreprise, on les voit tout de suite comme une problématique, donc plusieurs entreprises vont peut-être choisir d'avoir dans leurs rangs plus de gens qui ne sont pas nécessairement issus de l'immigration, qui sont déjà des locuteurs du français. C'est sûr que mon expertise est en langue, donc, au niveau socioéconomique, je laisserai peut-être la parole à d'autres intervenants à ce niveau-là, mais en langue ils trouvent que c'est compliqué donc pourquoi, finalement? Quand j'ai le choix, bien quelqu'un qui parle déjà français, ça m'arrangerait davantage, à compétences égales. Donc, il y a tout ce travail-là à faire.

Il y a certaines entreprises qui ne savent pas non plus qu'il y a des cours de français en entreprise, qui ne sont pas au fait de ça, il y a des nouveaux arrivants qui l'apprennent à leurs employeurs. Donc, je pense qu'il faut que ce soit diffusé, que la promotion de ces cours-là en entreprise, en milieu de travail soit faite vraiment de façon très large, à Montréal comme à l'extérieur, pour les sensibiliser, les employeurs, au fait que ce sont des cours qui sont offerts gratuitement. Et ça, plusieurs employeurs ne veulent pas débourser pour ces cours-là et se disent : Non, je ne veux pas... Il y a vraiment une réticence dans les milieux en lien avec ces cours-là, je dirais. Donc, il faut faire un travail, il faut qu'il y ait des agents qui aillent parler à ces employeurs-là pour...

Les personnes immigrantes qui arrivent ont un bagage et linguistique mais et culturel immense, des diplômes, un potentiel économique, professionnel, social qui ne demande qu'à être exploité, et souvent ils se heurtent à des obstacles, que ce soient linguistiques, professionnels, mais c'est une série d'obstacles, en fait, qu'ils doivent surmonter. Et ça, c'en est un majeur, je dirais, mais c'est absolument nécessaire que l'intégration linguistique passe par le travail. Et, si on est capable d'aller rejoindre ces gens-là directement dans leur milieu pour leur aider...

Il y a des gens aussi qui ont un français intermédiaire mais que des cours de français leur permettraient d'avoir un niveau plus avancé pour accéder à des fonctions plus importantes. Donc, l'avancement aussi professionnel des gens qui ont déjà un emploi mais qui veulent avoir un meilleur emploi, ça, ce serait quelque chose à prendre en compte aussi dans les cours de français par les employeurs.

Mme Weil : Il reste peu de temps, alors je vous remercie beaucoup, beaucoup. Très intéressant, un sujet bien important. Merci beaucoup, Mme Amireault.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Merci d'être là. Bonjour, madame.

Mme Amireault (Valérie) : Bonjour.

M. Kotto : Vous dites : La francisation en ligne fonctionne bien. Quels sont les indicateurs de performance auxquels vous vous référez pour le dire?

Mme Amireault (Valérie) : D'abord, il y a 19 000 personnes qui ont suivi... ont participé à un cours de francisation en ligne, donc c'est un nombre appréciable de personnes qui se francisent. Et je crois que c'est un bon rapport qualité-prix au niveau de... C'est un programme qui est bien ficelé et qui est déjà fait, qui demande peu d'investissement, par ailleurs, parce qu'ensuite on a l'utilisation ou l'implication de tuteurs qui vont suivre ces apprenants-là dans leur apprentissage en ligne, donc ça demande moins de ressources humaines que si on francisait toutes ces personnes-là par le biais de cours en présentiel, par exemple. Donc, ce sont des cours qui fonctionnent bien parce qu'ils permettent à ces immigrants-là ou ces futurs immigrants là d'avoir une connaissance de la langue, de la culture au préalable et, même quand ils sont arrivés ici, de continuer leur apprentissage de façon flexible et sans la rigidité de certains horaires de cours.

Ceci dit, j'ai dit aussi qu'on avait besoin de plus de données scientifiques, de plus de recherches sur la francisation en ligne. Je suis en train de travailler là-dessus, parce qu'effectivement, au niveau des indicateurs, on sait que c'est, au niveau de la satisfaction, un programme qui est très apprécié, par contre on a la satisfaction des gens qui ont suivi plusieurs blocs. Donc, nous, ce qu'on veut aller chercher aussi, c'est les gens qui abandonnent un bloc de francisation en ligne. Pourquoi? Quelles sont les raisons? Comment on peut promouvoir ou apporter des modifications à ce programme-là pour les gens qui vont abandonner après un bloc ou deux blocs de francisation? Donc, c'est exactement dans l'esprit où la recherche se fait en ce moment, mais ce que ça permet de faire, c'est de rejoindre une clientèle beaucoup plus large, beaucoup plus vaste et de franciser au niveau linguistique et culturel dès le départ, ce qu'on ne peut pas faire avec d'autres programmes, à part peut-être, comme on l'a évoqué, à l'aide des Alliances françaises, mais de cours sur le Québec il en existe très peu. Et ce cours-là se doit d'être diffusé et, je crois, doit avoir l'attention qu'il mérite, mais doit aussi apporter des données scientifiques pour justement arriver à mettre des chiffres et peut-être apporter des améliorations si on voit que c'est ce qu'il est important de faire. Mais, oui, c'est important d'aller creuser davantage à ce niveau-là.

M. Kotto : O.K. D'abord, j'apprécie votre exposé, votre mémoire aussi, c'est une source d'éléments de réflexion structurants. Je veux revenir sur l'Afrique, notamment le Maghreb et l'Afrique subsaharienne. Toujours avec l'enjeu de l'immigration, c'est le bassin, l'Afrique du Nord, c'est un des bassins les plus importants, disons, d'immigration francophone au Québec. Quelqu'un nous disait hier que, depuis un certain temps maintenant, loin dans le passé, ceux qui venaient de ce bassin maîtrisaient parfaitement le français, mais que la langue arabe a pris le dessus depuis peu de temps, mais que nous continuons, nous, au Québec, à cibler ce bassin comme bassin principal francophone. Avez-vous des éléments, avez-vous fait des recherches relativement à ce phénomène de transition entre la prédominance de la maîtrise du français versus l'arabe des nouveaux arrivants de ce coin du monde là?

Mme Amireault (Valérie) : Je n'ai pas fait de recherche spécifiquement sur ce sujet-là. Par ailleurs, je peux vous dire que ce qu'on voit beaucoup dans les cours de francisation de cette population-là, parce qu'on sait que... Bon, j'ai les chiffres devant moi. 2004 à 2013, l'Algérie et le Maroc, c'est le premier et le troisième pays de provenance des immigrants. Ce sont des gens dont la langue orale, donc le français parlé, ça va relativement bien, on voit beaucoup de cette clientèle-là dans les cours de français écrit. Donc, ce sont des gens qui, pour, justement, se trouver un travail, vont parfaire leur français écrit dans les cours qui sont spécialisés en français écrit. Donc, l'oral, souvent, ça va, ils peuvent se débrouiller de façon fonctionnelle, là, dans la vie de tous les jours. Par contre, pour le travail, on leur demande souvent d'améliorer leurs capacités à l'écrit, et c'est pour ça que, dans les cours de français écrit, c'est une population qu'on retrouve en grand nombre.

M. Kotto : O.K. Maintenant, je profite de votre présence parce que vous êtes une exégète de la question. De la perspective de l'énoncé politique en immigration de 1990, partant de l'objectif qui est fondamental, c'est-à-dire la pérennité de la langue française, est-ce que vous pensez que c'est un objectif atteint, aujourd'hui, à la lumière des données dont vous disposez?

• (12 h 50) •

Mme Amireault (Valérie) : Ça dépend quels sont les indicateurs de pérennité. On sait que donc il y a 60 % des gens qui sont arrivés dans les dernières années qui maîtrisent, là, qui ont une connaissance du français. Une autre question, c'est : Qu'est-ce que c'est qu'avoir une connaissance du français? Est-ce que j'ai une connaissance fonctionnelle, j'ai une connaissance pour travailler? C'est deux choses qui peuvent être différentes dans certains cas.

Beaucoup d'avancées qui ont été faites dans les dernières décennies. Je pense que les immigrants réalisent que leur projet, quand ils viennent au Québec, va se faire en français, mais ils se heurtent à un nombre d'obstacles. Je ne pourrais pas calculer la qualité de ces obstacles-là de 1990 à maintenant, mais en ce moment il y a des obstacles au niveau de l'apprentissage de la langue, il y a des obstacles au niveau des relations interculturelles avec les gens de la communauté d'accueil aussi. Donc, ils vont se sentir, au niveau identitaire, toujours... souvent entre deux chaises et ils vont se dire : Bien, c'est souvent par l'emploi que je vais, finalement, me sentir Québécois. Donc, toute la francisation, elle est faite dans le but de participer à un projet professionnel qui va leur permettre... Selon eux, selon les recherches, c'est vraiment le facteur emploi qui va faire que, oui, je suis maintenant en bonne voie d'être bien intégré.

Mais la pérennité de la langue française, je crois qu'elle ne sera jamais... C'est difficile de mentionner que c'est un succès total en ce moment avec les immigrants qu'on voit dans nos classes, dans les classes de français sur le terrain, qui vont abandonner, qui vont se trouver un boulot en anglais, qui vont se créer des liens en anglais par la suite. C'est sûr que la francisation...

Et je n'en ai pas parlé plus tôt, mais la langue de scolarisation des enfants est un élément extrêmement important. Donc, le fait que leurs enfants soient scolarisés en français, c'est un vecteur d'intégration, ça, qui va pousser les parents à prendre des cours de français dans les écoles, même, il y a plusieurs écoles qui offrent des cours de français aux parents, dans les organismes communautaires. Donc, ça, c'est un élément qui est nécessaire. Donc, je veux parler français pour aider mon enfant dans son parcours scolaire, c'est une motivation qui est intrinsèque, je dirais, aux parents. Et, en ce sens-là, ces politiques-là ont probablement amené plusieurs parents à se franciser pour suivre les enfants dans leur francisation. Donc, ça, je pense que c'est un indicateur positif.

M. Kotto : O.K. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Picard) : Merci. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Amireault. Vous venez de parler de l'importance du vecteur de l'école, la scolarité des enfants en français, et par la suite ça découle vers les parents, qui décident de s'intégrer. Est-ce que la base de la stratégie de francisation ne devrait pas passer par l'école?

Mme Amireault (Valérie) : C'est sûr que l'école est souvent le premier lieu de contact avec la culture pour les immigrants qui ont des enfants, bien sûr, le premier lieu de contact avec la culture québécoise, la classe d'accueil plus particulièrement l'est aussi. Je crois que, dans une perspective d'amener les ressources là où sont... ou de rejoindre les immigrants là où ils sont, l'école devient un lieu tout à fait important et un centre névralgique, là, pour la francisation. Donc, oui, il y a des projets de cours de français offerts aux parents dans les écoles qui vont, là, rejoindre plusieurs objectifs, dont celui de faire un contact entre la collaboration école-famille, par exemple, franciser les parents du même coup, donc impliquer les parents dans le parcours scolaire de leurs enfants. C'est faire d'une pierre deux coups, je crois, que de cibler les écoles pour en faire des lieux d'intégration des parents comme des enfants, oui.

M. Jolin-Barrette : Lorsque les nouveaux arrivants immigrent au Québec, les statistiques du ministère indiquent qu'environ 40 % des néo-Québécois n'ont pas la connaissance de la langue française, mais c'est basé sur une déclaration du nouvel arrivant. Est-ce que, selon votre expérience, selon vos recherches, ce pourcentage-là est exact ou il est plus bas, il est plus haut? Est-ce que c'est un reflet adéquat, dans le fond, la déclaration?

Mme Amireault (Valérie) : Le problème avec la déclaration, c'est que la connaissance, comme je disais tout à l'heure, peut se mesurer de différentes façons, et plusieurs pensent qu'ils ont une connaissance... Et je crois que le chiffre, le 40 % qui n'a pas la connaissance du français peut être exact dans le sens où ceux qui déclarent connaître le français peuvent avoir une maîtrise fonctionnelle dans la vie de tous les jours, mais, quand ils arrivent au Québec, ils réalisent que parfois, la langue parlée, ils ne la comprennent pas tout de suite. Donc, c'est une adaptation en lien avec la langue peut-être qu'ils ont apprise dans leur pays d'origine et au niveau de l'emploi; que ce n'est pas suffisant, ce qu'ils ont, pour... Peut-être que dans la vie quotidienne ça fonctionne, mais, au niveau de l'emploi, on leur demande plus, et de là l'importance de les suivre dans leur parcours d'intégration et de leur faire réaliser que c'est un processus à long terme.

Donc, oui, l'importance de faire venir au Québec des gens qui ont une connaissance du français ou qui sont intéressés par... vraiment des francotropes, mais de les outiller tout au long de leur parcours ici parce que, quand ils arrivent ici, ce n'est pas terminé, leur francisation. Même pour ceux qui ont un niveau intermédiaire, on réalise qu'ils ont besoin de plus et que c'est le levier vers leur intégration économique, sociale, professionnelle, etc. Donc, pour moi, c'est vraiment... le coeur de l'intégration passe par l'apprentissage de la langue et de la culture.

Mais, ceci dit, c'est très difficile à répondre, cette question-là, parce que vraiment ça demande une meilleure opérationnalisation du terme «connaissance du français». Donc, qu'est-ce que ça veut dire exactement? Pour une connaissance fonctionnelle, je crois que, oui, c'est un bon reflet, oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous avez parlé de la flexibilité des cours de français qui sont offerts, donc l'importance de développer une gamme de services, une offre de services pour répondre aux besoins des immigrants qui parfois doivent travailler et retournent sur le marché du travail, ont commencé des cours de français et retournent sur le marché du travail. Généralement, le ministère offre des cours à... les programmes prévoient un délai de cinq ans de francisation. Pensez-vous que ce délai-là devrait être allongé, en fonction de ce que vous nous avez dit précédemment?

Mme Amireault (Valérie) : Ça dépend qu'est-ce que l'immigrant a fait pendant ces cinq années-là. On se rend compte que c'est davantage au début de l'intégration que davantage de cours vont être... où la francisation, la formation va être effectuée. Par contre, quelques années après... Et ça, ça va arriver vers la troisième, quatrième, ça va toucher la cinquième année peut-être où, là, l'immigrant qui s'est peut-être trouvé un travail veut revenir en cours pour parfaire certaines choses, certaines connaissances linguistiques. Donc, en ce sens-là, le délai de cinq ans, je crois, est encore pertinent en ce moment, oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Et puis vous avez abordé la question du bilinguisme qui était requis souvent dans bien des emplois à Montréal. Quelle stratégie peut-on adopter pour favoriser l'apprentissage du français mais également pour favoriser un apprentissage... une intégration économique sur le marché du travail lorsque l'immigrant est confronté à deux réalités?

Mme Amireault (Valérie) : Oui, bien je pense que l'idée, ce n'est pas de mettre les deux langues en concurrence. Et c'est la même chose pour l'ensemble des Québécois, là, c'est une réalité du marché de travail, surtout à Montréal, et c'est d'abord de les informer à l'avance de cette réalité-là.

Donc, moi, dans les recherches que j'ai faites, la plupart des immigrants n'avaient aucune idée que l'anglais était à ce point nécessaire pour avoir des avancements dans leur travail. Donc, d'abord, de les informer. Ensuite, de les outiller en français pour leur dire : Oui, ici on travaille en français, mais de ne pas leur fermer la porte, en fait, de dire que l'anglais peut aussi leur ouvrir certaines possibilités et peut leur permettre d'avoir des emplois qui vont leur permettre de meilleures promotions.

Donc, la maîtrise du français, pour moi, va rester primordiale dans le contexte québécois, mais c'est de ne pas non plus freiner leur apprentissage de l'anglais, de dire que ce sont deux réalités, mais, dépendamment de votre champ de travail, ça se peut qu'on vous demande d'être compétent en anglais aussi. Donc, c'est de les informer d'abord, je dirais.

Le Président (M. Picard) : ...secondes.

M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, je vais en profiter pour vous remercier pour votre présentation à la commission. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Mercier.

M. Khadir : Merci, M. le Président. Mme Amireault, bienvenue. J'ai l'impression que votre présentation intéresse particulièrement la ministre, parce que vous pensez à des suggestions et des pistes très intéressantes. Mais j'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez dit, d'abord pour souligner le fait que vous avez dit : Il s'agit d'un mouvement, l'inclusion... L'intégration, vous l'avez définie comme un mouvement transitoire vers l'inclusion. On comprend par là que, si, dans ce processus d'inclusion, la société d'accueil montre parfois par la manière dont on mène certains débats, par exemple sur la laïcité, par exemple sur l'histoire de l'imam dont on a parlé ces derniers jours... qu'on mène certains débats d'une manière qui projette l'image que nous, comme société d'accueil, on n'accueille pas, on veut exclure, on se sent dérangés, c'est sûr que c'est mal parti.

Mais, au-delà de ça, sur l'aspect pratique, vous avez dit qu'il y a des cours actuellement que vous jugez qu'on réussirait mieux à franciser les immigrants s'il y avait plus de flexibilité sur les horaires. Moi, depuis que je connais cette réalité, c'est-à-dire depuis mon enfance, ce que je retiens le plus régulièrement, c'est que les soutiens financiers pour les cours à temps plein de francisation sont si faibles que l'immigrant qui arrive, souvent qui n'est pas venu avec un gros bagage financier, à la première occasion va se chercher un emploi. D'accord? Donc, on crée des conditions, en fait, matérielles pour qu'ils abandonnent plus rapidement, par le maigre soutien financier. Donc, il faut trouver des moyens soit d'augmenter le soutien, soit de flexibiliser le suivi de ces cours pour ne pas les...

Puis l'autre chose, la question que je me posais : Pourquoi est-ce que les cours de français en ligne doivent être limités à ceux qui ont un certificat de sélection? Si on a la possibilité d'offrir des cours même pour débutants, pourquoi ne pas les offrir au départ pour tous ceux qui ont envie peut-être d'immigrer, pour différentes raisons, au Québec, qui sont appelés par ça, sont tentés, pour leur permettre de se qualifier pour le certificat de... Est-ce qu'il y a un problème technique pour le rendre disponible? Bon, peut-être la partie ministérielle pourrait répondre à ça.

Et, comme vous avez plus de liberté que la plupart des groupes, qui ont des cadres institutionnels pour répondre, bien, sur la question, justement, de la manière dont on mène certains débats sur les questions d'intégrisme, sur les questions de laïcité, et tout ça, j'aimerais vous entendre, parce que vous êtes la plus libre, je pense, d'entre tous ceux qui sont venus.

• (13 heures) •

Mme Amireault (Valérie) : Bien, c'est sûr que, dans une perspective d'intégration linguistique, on ne peut pas passer à côté de tous ces éléments-là. Et intégration linguistique, oui, mais rapprochement interculturel et relation interculturelle. Et je pense que c'est vraiment une réalité partagée, mais les personnes immigrantes qui reçoivent ce signal-là qu'ils ne font pas partie de la société dès le départ et que c'est vraiment à eux de se démarcher parce qu'au niveau du gouvernement, par exemple, ou de certaines institutions on ne leur laisse pas la place, c'est un message qui est très difficile à encaisser, pour ces gens-là, qui n'auront pas, par ailleurs, le goût et la motivation de se franciser davantage et de faire partie prenante de cette société-là.

Toute la question identitaire aussi qui vient avec ça. Donc, je traîne mon identité ici. Souvent, on voit qu'il y a un mélange qui s'opère entre identité d'origine et identité d'accueil, donc je me fais une identité hybride. Mais l'identité qui est projetée dans ma société d'accueil, en ce moment, est-ce que je veux y adhérer? Il y a plusieurs nouveaux arrivants qui ne sont pas nécessairement d'accord avec certains éléments politiques et sociétaux que l'on retrouve en ce moment et qui vont peut-être se refermer sur leur propre identité, en disant : Ce n'est pas la société vraiment que j'ai choisie. Ce sont des débats qui doivent être menés, je crois.

Et en francisation aussi, même, les cours de français, les cours de langue, ce sont des lieux, je crois, privilégiés pour discuter de ces éléments-là interculturels, pour aller au-delà des stéréotypes, pour faire en sorte que les gens qui se francisent n'aient pas seulement une connaissance de la langue, mais de la société dans laquelle ils vont évoluer. Donc, je vois beaucoup, justement, les cours de français et les enseignants comme des passeurs culturels ou des facilitateurs, en fait, de ces débats de société au niveau de tout ce qui concerne l'intégration, l'inclusion, la francisation, etc.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Amireault, le temps est écoulé. Donc, ça met fin à nos travaux pour cette semaine.

Et la commission ajourne ses travaux au lundi 2 février 2015, à 14 heures, où elle poursuivra son mandat.

(Fin de la séance à 13 h 2)

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