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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 27 janvier 2016 - Vol. 44 N° 40

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 77, Loi sur l’immigration au Québec


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Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Kathleen Weil

M. Maka Kotto

Mme Nathalie Roy

Auditions

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Commission des partenaires du marché du travail (CPMT)

Mouvement Québec français (MQF)

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

Union des municipalités du Québec (UMQ)

Mme Michèle Vatz-Laaroussi

Regroupement des organismes en francisation du Québec (ROFQ)

Autres intervenants

M. Marc Picard, président

Mme Filomena Rotiroti, présidente suppléante

Mme Monique Sauvé

M. David Birnbaum

*          M. Daniel Boyer, FTQ

*          Mme Denise Gagnon, idem

*          M. Florent Francoeur, CPMT

*          M. Christian B. Rivard, MQF

*          M. Éric Bouchard, idem

*          M. Richard Lehoux, FQM

*          M. Alexandre Cusson, UMQ

*          Mme Annick Lenoir, accompagne Mme Michèle Vatz-Laaroussi

*          M. Roger Le Clerc, ROFQ

*          Mme Georgina Kokoun, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 77, Loi sur l'immigration au Québec.

Mme la secrétaire y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Bernier (Montmorency) est remplacé par Mme Sauvé (Fabre) et Mme Lavallée (Repentigny), par Mme Roy (Montarville).

• (9 h 40) •

Le Président (M. Picard) : Merci. Ce matin, nous débuterons par les remarques préliminaires, et nous recevrons ensuite la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, le Mouvement Québec français, la Commission des partenaires du marché du travail et la Fédération québécoise des municipalités.

Comme la séance a commencé à 9 h 40, y a-t-il consentement pour poursuivre au-delà de l'horaire prévu? Consentement. Merci.

Remarques préliminaires

J'invite maintenant la ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion à faire ses remarques préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de six minutes.

Mme Kathleen Weil

Mme Weil : Oui, merci. Bonjour, M. le Président de la commission. Je salue Mme la députée de Jeanne-Mance—Viger, la députée de Fabre, le député de D'Arcy-McGee, M. le député de Bourget, Mme la députée de Montarville et membres de la commission parlementaire. Mesdames messieurs. Je tiens à vous présenter ce matin les personnes qui m'accompagnent : M. Robert Baril, à ma gauche, sous-ministre au ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, Mme Marie-Hélène Paradis, ma chef de cabinet, ainsi que M. Dave McMahon et Mme Marie-Pier Richard, membres de mon cabinet.

Alors, c'est avec beaucoup de fierté que j'ouvre les travaux de cette commission parlementaire qui dirigera la consultation sur l'étude du projet de loi n° 77 visant une réforme en profondeur de la Loi sur l'immigration au Québec. Je vous souhaite à tous et à toutes la bienvenue. Cette réforme de la Loi sur l'immigration au Québec nous permettra de mettre en oeuvre un système de sélection d'avant-garde, concurrentiel et performant. Le projet de loi est le premier jalon d'un vaste chantier en vue de doter le Québec d'un système d'immigration qui nous permettra de mieux sélectionner, mieux intégrer et mieux vivre ensemble.

Permettez-moi de rappeler les principaux éléments de ce nouveau système d'immigration prévus au projet de loi. Le premier élément du projet de loi, qui est aussi la proposition la plus structurante, donne les pouvoirs de mettre en place un système de sélection basé sur la déclaration d'intérêt. Ainsi, parmi des personnes qui auront déclaré leur intérêt à s'installer au Québec, nous inviterons à présenter une demande formelle d'immigration seulement celles dont le profil est le plus apte à répondre aux besoins du Québec et à contribuer à sa prospérité. Ce système de sélection nous permettra donc de réaliser des gains d'efficacité, puisque nous allons examiner uniquement les demandes d'immigration des personnes invitées. Nous pourrons aussi faire des gains dans les délais de traitement des demandes d'immigration et permettre aux candidates et aux candidats sélectionnés d'arriver plus rapidement au Québec.

La sélection sur la base de la déclaration d'intérêt met un terme au principe du premier arrivé, premier servi qui a engorgé notre système d'immigration dans le passé en créant des inventaires et qui continue à l'engorger. Nous pourrons alors prioriser la venue au Québec des personnes qui présentent un grand potentiel d'intégration, comme celles qui ont une offre d'emploi ou qui possèdent un profil professionnel en demande ou encore qui ont obtenu une reconnaissance totale ou partielle de leurs compétences acquises à l'étranger. Le système de sélection basé sur la déclaration d'intérêt a été bien accueilli dans les milieux socioéconomiques du Québec, car il permet d'effectuer une adéquation optimale entre la sélection des candidates et des candidats et les besoins des entreprises de toutes les régions du Québec. Pour les personnes immigrantes, il favorise l'accès rapide à un emploi à la hauteur de leurs compétences.

Le projet de loi dotera le Québec d'une flexibilité en matière d'immigration qu'il n'a pas actuellement. Il sera possible de mettre en place des programmes pilotes d'immigration permanente et temporaire pour tester de nouvelles idées et innover. Il pourrait s'agir de répondre à des besoins ponctuels d'une région ou d'un secteur d'activité.

Notre volonté est que l'immigration permanente et temporaire contribuent à la prospérité du Québec et de toutes les régions, à la vitalité du français et à notre enrichissement collectif. Je l'ai déjà affirmé dans le passé et je le réitère aujourd'hui, que l'immigration temporaire contribue à la prospérité du Québec. Je réitère aussi notre engagement à faciliter le passage à l'immigration permanente des travailleuses et travailleurs temporaires de même que des étudiantes et étudiants étrangers qui souhaiteront s'établir de façon durable au Québec.

Le dernier élément que je veux porter à votre attention concerne la protection du public et l'intégrité de notre système d'immigration, un objectif fondamental. Je citerais en exemple le renforcement des pouvoirs de vérification et d'enquête, tout comme celui des dispositions pénales. Le projet de loi prévoit également tous les leviers nécessaires pour intervenir afin de prévenir et de réprimer la fraude.

Les auditions que nous débuterons sur ce projet de loi sont une étape importante pour la mise en oeuvre d'un système d'immigration efficace, performant et davantage en phase avec les besoins du Québec. La nouvelle Loi sur l'immigration au Québec permettra de mieux refléter les responsabilités actuelles du Québec en matière de sélection, d'accueil, de francisation, d'inclusion et de participation des personnes immigrantes. Elle permettra aussi de mieux refléter la vision rassembleuse et inclusive du Québec en soulignant l'importance de l'engagement collectif et individuel pour favoriser la pleine participation des personnes immigrantes et des minorités ethnoculturelles à la prospérité du Québec, à son rayonnement international, à la vitalité du français ainsi qu'à la vie collective dans son ensemble.

Comme vous le voyez, nous avons une tâche importante à accomplir. Je vous invite donc à partager et intervenir dans un esprit de collaboration et de façon constructive afin qu'à compter de 2017 le Québec puisse compter sur ce système de sélection moderne, rapide et flexible qui améliorera l'adéquation entre la sélection des personnes immigrantes et les besoins du Québec. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles et député de Bourget à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 3 min 30 s.

M. Maka Kotto

M. Kotto : Merci, M. le Présidention... mes salutations — j'ai fait une contraction, «présidention». Mme la ministre, chers collègues. Mes salutations vont également à l'équipe qui accompagne la ministre ainsi que les personnes que nous allons entendre ici aujourd'hui et les jours qui suivent.

Mes remerciements anticipés tout d'abord à toutes ces personnes et groupes qui prendront part aux travaux de cette commission parlementaire en les félicitant pour les efforts consentis à participer à cet exercice malgré, encore une fois, le très court préavis au tournant de la période des fêtes. Je dis «encore une fois» car nous vivons la même situation que l'an dernier presque jour pour jour alors que la ministre avait déposé en toute fin de session sa nouvelle politique en matière d'immigration. Cette politique, rappelons-nous, a été déposée le 5 décembre 2014 pour des consultations qui ont débuté le 28 janvier 2015, laissant en plan plusieurs groupes qui auraient aimé y participer mais, faute de temps, ont dû décliner l'invitation. Le présent projet de loi n° 77, quant à lui, a été déposé le 2 décembre 2015, toujours en fin de session, et nous nous retrouvons encore en ce début d'année, le 27 janvier 2016, encore une fois, avec plusieurs groupes et personnes laissés en plan.

Bref, au-delà de ces considérations, nous constatons que des articles de ce projet de loi n° 77 trouvent leur source dans le projet de loi n° 71 de notre ex-collègue Diane De Courcy. Je pense notamment à la déclaration d'intérêt qu'évoquait la ministre, déclaration d'intérêt qu'un ressortissant étranger doit déposer auprès du ministre, en l'occurrence la ministre, pour s'établir au Québec.

Sur des questions fondamentales, par ailleurs, nous sommes loin, très loin du compte, M. le Président. Pensons à la question de la langue, enjeu très important, il n'y a qu'à lire les journaux ces temps-ci. Le présent projet de loi veut favoriser la vitalité du français; nous, à l'époque, nous parlions plutôt de contribuer à la pérennité de la langue française, langue officielle du Québec. Nous aurons beaucoup de choses à se dire, au-delà de l'écoute des personnes qui vont se succéder comme témoins ici, en commission parlementaire. Merci, M. le Président.

• (9 h 50) •

Le Président (M. Picard) : Merci pour vos remarques préliminaires. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'immigration et députée de Montarville à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 2 min 30 s.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, d'entrée de jeu, permettez-moi de faire mes excuses pour les quelques minutes de retard. Quand les journalistes veulent nous parler, bien malvenu à nous de refuser. Alors, je suis désolée, et pardonnez ce retard, pardonnez-moi.

Cela dit, j'aimerais d'abord saluer Mme la ministre, ses collègues de la partie gouvernementale ainsi que mon collègue le député de Bourget, de l'opposition officielle. Je veux vous souhaiter à tous un bon retour à l'Assemblée nationale, ainsi qu'à tout le personnel. Je tiens par ailleurs à remercier d'avance les quelque 40 groupes que nous allons entendre au cours des trois prochaines semaines pour leur apport qui est essentiel à nos travaux.

Après les consultations de l'an dernier sur la nouvelle politique d'immigration, nous entamons aujourd'hui une autre importante étape de la modernisation du modèle québécois d'immigration. Alors, pour nous, l'objectif qui doit être recherché est clair : assurer une meilleure adéquation entre la sélection des immigrants et nos besoins en main-d'oeuvre et assurer une meilleure intégration socioéconomique des ressortissants en leur offrant l'accompagnement dont ils ont besoin, notamment en francisation.

Bien que ma formation politique soit en faveur du projet de loi n° 77, force est de constater qu'il ne répond pas à toutes les faiblesses du modèle actuel. En employabilité, il est vrai que le système de déclaration d'intérêt offre des perspectives positives pour l'employabilité et la gestion des demandes, sous condition, bien sûr, que le ministère parvienne à corriger, là, les petits ratés du système informatique, mais ce nouveau processus ne saura solidifier tous les maillons faibles, notamment parce qu'aucune modification n'est apportée au règlement sur la grille de sélection.

Pour ce qui est de la francisation, en 2015, 42 % des immigrants ne connaissaient pas le français au moment de leur arrivée, et plus de 70 % d'entre eux ne suivent pas de cours de francisation dans les trois années qui suivent. Et ça, pour nous, M. le Président, c'est très inquiétant, très préoccupant, il faudra y travailler.

En 2014, 80 % des immigrants n'ont pas été initiés à l'histoire et aux valeurs du Québec après leur arrivée, le cours n'étant pas obligatoire. Ça aussi, nous croyons qu'il devrait l'être. Par surcroît, la ministre a décidé, en juillet dernier, de réduire de 25 % le nombre de séances de ce cours, dont le cursus est, par ailleurs, un peu faible.

Le gouvernement ne prévoit donc rien dans son projet de loi pour assurer la préservation de la langue française, la culture et les valeurs qui sont si chères aux Québécois. Avec un flux important d'immigrants, nous croyons qu'il est impératif d'y travailler. Nous espérons y travailler ensemble et apporter, justement, des amendements qui pourront nous aider dans ce sens. Alors, je suis ouverte à travailler très... en toute collaboration.

Auditions

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme la députée. Je souhaite la bienvenue à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je vous invite à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Vous disposez d'un maximum de 10 minutes. La parole est à vous.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Boyer (Daniel) : Merci. Alors, Daniel Boyer, président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je suis accompagné de Denise Gagnon, directrice du Service de solidarité internationale et relations interculturelles à la FTQ. Merci, M. le Président. Merci, Mme la ministre. Merci à tous les membres de la commission de permettre à la Fédération des travailleurs et travailleuses de faire valoir ses arguments concernant le projet de loi n° 77, Loi sur l'immigration au Québec.

En janvier 2015, nous reconnaissions tous que la richesse de la société québécoise et l'apport des personnes immigrantes doit favoriser la prospérité du Québec et que l'immigration doit également contribuer au rayonnement international et à la vitalité du français. Cependant, nous constatons que le projet de loi n° 77 apporte peu de réponses aux grands enjeux soulevés par nombre de groupes représentatifs de la société civile. Cette réforme que propose le projet de loi n° 77 semble davantage inspirée d'une volonté d'allègement au bénéfice strict des entreprises qui souhaitent accélérer le recrutement des personnes immigrantes à la grandeur du Québec, ceci dans un contexte où les ressources dédiées à l'appui d'une politique d'ensemble sont réduites.

Je vous le dis tout de suite, on va aborder entre autres deux aspects, plusieurs aspects mais deux aspects plus particuliers, celui de la langue française et également la problématique des droits des travailleurs étrangers temporaires. Nous sommes en effet étonnés du peu d'information diffusée à ce propos. Enfin, nous réagissons vivement aux modifications proposées en matière de protection de la langue française et au peu de mesures assurant la protection des droits des personnes immigrantes.

Vu les positions déjà présentées par la FTQ au sujet de la politique québécoise et de la sélection des ressortissants étrangers, nous n'allons pas reprendre ici une analyse exhaustive du présent projet de loi mais plutôt nous attarder à faire valoir nos principes et nos recommandations essentielles en matière de politique d'ensemble en regard de la conjoncture actuelle de l'emploi et de l'immigration.

La proposition de changement de la section III de l'actuelle Loi sur l'immigration au Québec interpelle la responsabilité de l'État en matière de francisation et nous semble ouvrir une brèche dangereuse en matière de protection de la langue. Nous y reviendrons.

Nous avons été bien surpris de constater que le projet de loi ne prévoit que deux articles concernant l'intégration des personnes immigrantes à la société québécoise. En effet, dans un contexte où la situation du français est fragilisée dans nos milieux de travail et que l'intégration réelle des personnes immigrantes reste déficiente, la FTQ aurait souhaité que ce chapitre sur la participation à la société québécoise soit davantage étoffé, puisqu'il établit les bases d'une discussion pour une société harmonieuse. Ce chapitre aurait été l'occasion de définir clairement les responsabilités des différents acteurs de la société dans l'intégration des nouveaux arrivants. Ce flou nous paraît dangereux, puisqu'il pourrait laisser croire à une déresponsabilisation de l'État au chapitre de l'intégration, et notamment pour la reconnaissance du français comme pierre angulaire de la politique d'ensemble.

Et là vous avez à la page... je pense que c'est à la page 7, je ne sais pas si j'ai la bonne version parce que j'en ai eu plusieurs... La page 7 de notre mémoire, vous avez les anciens... les articles de la loi actuelle et, bien sûr, les nouveaux articles, qui sont les articles 58 et 59, dans le projet de loi, qui diminuent l'importance des cours de français, de l'intégration en français des personnes immigrantes.

Lutter contre les discriminations multiples. Plusieurs recherches le démontrent, les personnes immigrantes et les femmes en particulier rencontrent encore trop d'obstacles à leur intégration à la communauté québécoise, et cette discrimination systémique nécessite des changements majeurs. La FTQ est consciente de ses responsabilités en matière de droit à l'égalité auprès de ses membres. Elle représente plus de 600 000 membres présents dans près de 5 000 milieux de travail dans tous les secteurs de l'activité économique et dans toutes les régions du Québec, dont une proportion de plus en plus importante de personnes issues de l'immigration, en 2016, donc entre 10 % et 15 %, selon nos estimations. Ces personnes sont encore majoritairement concentrées à Montréal et dans de petites entreprises peu syndiquées. Nous sommes donc non seulement préoccupés par toutes les questions qui concernent la sélection et l'accueil des personnes immigrantes, mais aussi par les services qui devraient être offerts sur l'ensemble du territoire québécois, un aspect qui nous semble déficient dans bien des régions.

Nous sommes également inquiets des impacts négatifs d'une mauvaise intégration sur la qualité de nos relations interculturelles, dans cette période de restrictions budgétaires, et particulièrement dans nos régions. Les régions les plus dynamiques en matière de formation sont celles qui permettent à une diversité d'organismes de se côtoyer sans exclusion, comme le souligne la Commission des partenaires du marché du travail, que vous entendrez un peu plus tard aujourd'hui. Ces dynamiques nous apparaissent aussi importantes en matière de régionalisation de l'immigration.

Rappelons aussi que la FTQ et ses affiliés offrent depuis nombre d'années des services d'accueil, d'orientation, d'accompagnement, de francisation, de formation et de défense des droits aux travailleuses et travailleurs migrants, ceci en plus des formations sur le droit à l'égalité destinées à nos membres, pour favoriser des relations interculturelles harmonieuses dans nos milieux de travail.

Dans le cas des travailleuses et des travailleurs étrangers temporaires non qualifiés, la situation est plus critique. Ces personnes se retrouvent isolées dans un régime de droit d'exception les privant de leurs droits syndicaux fondamentaux. Ceci ouvre la porte aux abus, comme le démontrent plusieurs recherches universitaires en cours.

Un dialogue est essentiel pour les orientations et la mise en oeuvre de ce projet de loi là. La Loi sur l'immigration doit faire l'objet d'un consensus fort autour des enjeux mentionnés, tout le monde en convient. Nous aurions souhaité toutefois un dialogue plus transparent, en suivi aux consultations de janvier 2015, avec toutes les parties prenantes de la politique d'ensemble. Vous le savez déjà, la FTQ est présente sur plusieurs organismes : la Commission des partenaires du marché du travail, la nouvelle Commission des normes, équité, santé et sécurité, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, l'Office québécois de la langue française. On souhaiterait une plus grande implication de l'ensemble de ces organismes dans la nouvelle politique et dans la nouvelle application du projet de loi n° 77.

Dans tous les cas, nos orientations et nos actions s'inscrivent dans une vision reflétant nos choix démocratiques pour une société ouverte et inclusive mais en faveur du travail décent pour toutes et tous.

Force est de constater que le nombre de travailleurs étrangers temporaires a connu une croissance constante depuis le début... quelques années, au Canada, sous l'impulsion du gouvernement fédéral. On observe une hausse marquée dans plusieurs secteurs, entre autres l'agriculture, les services domestiques, l'hôtellerie, la restauration rapide, les mines, et plus récemment dans la foresterie.

Situation canadienne et québécoise. Je vous dirais que cela démontre une utilisation... — on parle toujours de la main-d'oeuvre immigrante — cela démontre une utilisation déloyale de la main-d'oeuvre immigrante comme substitut à rabais vis-à-vis les travailleuses et travailleurs canadiens et même des personnes immigrantes au Canada, confrontées à une situation de chômage persistante. Et là on était déjà intervenus sur le projet de loi visant les travailleurs étrangers temporaires. Effectivement, quand on crée deux classes de travailleurs qui n'ont pas les mêmes droits, bien ça affecte, bien sûr, l'ensemble des travailleurs et travailleuses au Québec.

• (10 heures) •

L'accord Canada-Québec : une révision nécessaire. L'Accord Canada-Québec relatif à l'immigration et à l'admission temporaire a été signé le 5 février 1991, donc il serait peut-être temps qu'on le revoie, parce que... En raison de l'administration conjointe du Programme des travailleurs étrangers temporaires, l'application de certaines réformes prend un temps énorme. Donc, nous soumettons que le temps est peut-être venu de revoir les modalités de cette entente et idéalement de rapatrier plus de pouvoir au chapitre de l'immigration. En vertu de notre obligation d'harmoniser les mesures fédérales-provinciales dans le domaine, il devient difficile pour le Québec d'assurer le respect et la pérennité de sa politique. Cela peut aussi pénaliser le marché du travail québécois, confronté à des défis structurels linguistiques et culturels spécifiques.

En ce qui concerne la sélection des ressortissants étrangers, nous saluons l'idée d'une sélection plus efficace et moins lourde administrativement mais qui soit également en faveur d'une réponse efficiente aux besoins des demandeurs, de leurs familles et du marché du travail québécois. Dans un contexte où les flux migratoires se font de plus en plus pressants pour plusieurs raisons — mondialisation, guerres, catastrophes écologiques, et j'en passe — nous croyons en effet qu'il convient de développer une véritable politique québécoise de l'immigration basée sur le respect des droits de tous et toutes et non seulement d'un projet de loi répondant aux seules considérations du monde des affaires. Les engagements de l'État québécois à l'égard des grands principes de protection des droits fondamentaux reconnus par le droit international et par nos législations nationales se résument ici, malheureusement, à quelques déclarations de principe ici et là, les obligations fondamentales nous apparaissent reléguées au second plan. Enfin, le pouvoir discrétionnaire laissé au ministre nous semble exorbitant en regard de cet important débat, ce qui s'oppose au principe de la transparence et du dialogue social que nous souhaitons tous et toutes.

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Boyer (Daniel) : Au final, je vous dirais que ce projet de loi représente certes une avancée en matière de planification de la main-d'oeuvre immigrante, mais il devrait s'inscrire davantage dans une vision d'ensemble de l'immigration afin d'engager tous les acteurs.

Et, en terminant, nous voulons rappeler humblement à la ministre l'importance de consulter tous les acteurs du marché du travail ainsi que les organisations de défense des droits des personnes immigrantes, tant au niveau national que local, pour favoriser les meilleures pratiques dans le domaine. Ces acteurs sont bien placés pour évaluer non seulement les opportunités d'emploi réelles, mais aussi les situations à risque, notamment pour la protection des droits des personnes migrantes face aux abus dont elles sont victimes.

Et vous avez en annexe une série de recommandations qu'on avait déjà soumises l'an dernier dans le cadre de la consultation préalable à l'actuel projet de loi.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Boyer, pour votre exposé. Nous allons entreprendre notre période d'échange avec le parti ministériel pour une durée maximale de 17 min 30 s. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Weil : Oui. Alors, je vous salue, je vous remercie, M. Daniel Boyer, président, Mme Denise Gagnon, conseillère syndicale.

J'aimerais vous amener sur cette question de sélection de travailleurs qualifiés, qui est vraiment le noeud, le coeur de cette réforme. Et la FTQ est membre de la Commission des partenaires du marché du travail, et vous savez qu'il y a le projet de loi n° 70 qui est sous étude actuellement, j'imagine que vous allez peut-être faire une présentation dans ce cadre-là. J'aimerais voir...

Une voix : ...

Mme Weil : Cet après-midi? Bon, excellent. Parce que je pense que c'est important que ce dialogue se fasse, donc, entre... Finalement, la réussite de l'immigration passe par un dialogue constant, de tous les jours entre plusieurs ministères, je pense que vous le comprenez bien, mais peut-être en premier lieu le ministère du Travail et de l'Emploi.

J'aimerais voir comment vous voyez votre rôle parce que je suis très intéressée à comprendre le rôle de la commission et des membres de la commission, de la FTQ notamment, les syndicats, pour tout ce qui concerne la sélection et le travail qui se fait en amont, parce que le nouveau système se veut un système qui va répondre en temps réel aux besoins du marché du travail, mais j'étendrais ça aussi beaucoup, cette préoccupation, aux régions. Donc, ce dialogue doit se faire à différents niveaux, le niveau national, évidemment, pour une vue d'ensemble, mais aussi les acteurs régionaux. Vous êtes sur les deux plans, vous-mêmes. Alors, je voulais voir un peu comment vous voyez votre rôle, le rôle de la commission, dans ce cadre-là, pour bien sélectionner des gens qui vont intégrer rapidement, hein, c'est beaucoup ça, la question, rapidement, évidemment en français, le marché du travail.

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, le rôle de la FTQ est important depuis déjà plusieurs années. Je vous avoue... Quand on dit qu'on est un peu inquiets du peu de consultation des organismes, et je les ai mentionnés, la Commission des partenaires du marché du travail en est un, il y a eu une consultation, mais je pense qu'on devrait aller encore plus loin. Au premier comité exécutif de la Commission des partenaires du marché du travail, de début d'année, on a soulevé la problématique des travailleurs syriens, des immigrants syriens, et il fallait à tout prix que la Commission des partenaires du marché du travail planche sur un plan de match dans le but de trouver des emplois aux réfugiés syriens qu'on accueille actuellement. Donc, il y a un travail important qui doit être fait, un travail important aussi en région. Il y a les Conseils régionaux des partenaires du marché du travail qui existent, où on y siège également, dans chacune des régions, et on doit mettre à profit ces organismes-là, on pense que c'est important.

Bon, vous savez que la Commission des partenaires du marché du travail — et vous m'avez interpelé lors des consultations l'an dernier — écoutez, on fait... le mémoire qui est présenté par la Commission des partenaires, on y adhère, c'est un large consensus, les partenaires du marché du travail, mais en même temps les membres des organisations syndicales, qui représentent les travailleurs, travailleuses à la Commission des partenaires, ont soulevé une inquiétude concernant l'utilisation de la langue française par les personnes immigrantes. Donc, d'ouvrir un peu plus grand l'arrivée de personnes immigrantes qui ont une moins grande connaissance du français, on n'a pas d'objection pour certains emplois qualifiés où on ne trouve pas de main-d'oeuvre qui connaît suffisamment le français, mais en même temps ce qu'on dit, c'est qu'il faut à tout prix qu'on permette à ces gens-là de s'inscrire à des cours de français. Je ne veux pas faire miens les propos de la députée de la deuxième opposition qui a mentionné tantôt l'article du Devoir, il y a une étude publiée par l'IREC aujourd'hui aussi concernant ça, puis, écoutez, la FTQ est consciente de cette problématique-là depuis déjà bien longtemps, à tel point qu'on a convenu d'ententes avec les employeurs dans le but que les cours de français se passent sur le temps de travail, et c'est les organisations syndicales, la FTQ entre autres et nos syndicats affiliés, qui ont fait en sorte que ça a été possible dans le secteur de l'hôtellerie, dans le secteur de l'entretien ménager, dans le secteur du textile. Bon, malheureusement, les subventions ne sont pas toujours au rendez-vous, et on a de plus en plus de problèmes à organiser ces formations-là, mais, effectivement, de trouver des gens, des immigrants qui ont un intérêt à suivre des cours de français à temps complet, c'est de plus en plus problématique, et on pense que les employeurs doivent mettre l'épaule à la roue et doivent permettre aux employés de suivre ces cours de français là pour une meilleure intégration, hein?

Et c'est le rôle qu'on joue depuis déjà plusieurs années. Je vous dirais que, dans le secteur de l'entretien ménager, les employeurs n'ont jamais voulu instaurer des cours de français; on s'en est occupé et on a convenu d'ententes avec les employeurs qu'on organisait nous-mêmes des cours de français. Oui, c'est une problématique, et, oui, on a une certaine ouverture à accueillir des gens qualifiés pour des emplois où on ne trouve pas nécessairement des gens qui maîtrisent suffisamment la langue française, mais il faut aussi, par le fait même, qu'il y ait une structure d'accueil pour leur permettre d'apprendre le français le plus rapidement. Je vous l'ai déjà dit, Mme la ministre, à Montréal on peut ne vivre toute une vie qu'en anglais. On peut faire ça, là, n'importe qui peut faire ça. Donc, il faut le mettre... Et les gens, dans leur famille, dans leur communauté, vont continuer à parler leur langue maternelle. Donc, la seule place où ils peuvent apprendre le français, c'est sur le lieu de travail.

Donc, l'importance du français au travail, on y croit, et il faut à tout prix... Dans le but d'intégrer de façon correcte l'ensemble de ces personnes immigrantes là, il faut leur permettre d'avoir accès à des cours de français s'ils ne maîtrisent pas suffisamment la langue française lors de leur arrivée en terre québécoise.

• (10 h 10) •

Mme Weil : Oui. Alors, on a eu l'occasion, lors de la politique, de parler de cet enjeu, et je l'ai retenu. Honnêtement, cette question d'offrir et de promouvoir le français au travail, c'est très important pour moi, personnellement.

Maintenant, il faut savoir... Si on regarde les chiffres, les derniers chiffres, on regarde les bassins d'immigration, je n'ai pas encore les derniers chiffres, de 2015, mais on voit que la France se hisse, hein, et la France et les Français prennent une part de plus en plus importante de l'immigration. On aura les chiffres bientôt, à la fin février, mais, pour les premiers neuf mois, la France était en première position. Donc, c'est l'effet d'une sélection qui va de plus en plus, évidemment, vers des gens qui maîtrisent la langue française. Donc, ça, c'est une réalité pour les travailleurs qualifiés.

C'est une orientation voulue du gouvernement. Pourquoi? Parce que les gens, contrairement à peut-être ce que les données nous montrent... Bien, c'est difficile à dire parce qu'il y a des gens comme les Maghrébins qui parlent parfaitement la langue mais qui ont un taux de chômage plus élevé, donc il y a beaucoup d'enjeux, hein, dans tout ça. Donc, il faut travailler en amont, au niveau de la sélection, il faut donner des cours de francisation avant même, c'est-à-dire il y a des alliances françaises qui donnent des cours avant même que les gens soient sélectionnés. Ensuite, entre la sélection et l'admission, ils prennent le cours de français en ligne pour perfectionner encore.

Mais là ce qu'on voit, c'est qu'il y a de plus en plus de gens qui maîtrisent la langue à l'entrée. Des fois, c'est l'adaptation, hein, donc ils vont aller vers un métier peut-être plus spécialisé.

J'aimerais vous entendre, peut-être si on peut creuser... Parce que, je vous dis, ça m'intéresse beaucoup, et c'est ça qui va sortir dans la stratégie d'action, dans la politique, mais je voulais en profiter, de cette consultation, parce qu'évidemment, quand on parle de la loi, on parle de sélection, on parle de la maîtrise de la langue française, ça vient rejoindre aussi les orientations de la politique. Et je veux que vous soyez rassurés : toute cette question de consultation, ça va être en temps continu, même avec la Commission des partenaires du marché du travail. Votre rôle sur l'avis, ma question, elle est beaucoup sur les avis sur le marché du travail, vous allez certainement jouer un rôle en tant que membres de la commission. Tout ça, c'est important pour nous parce que les avis sur le marché du travail et toute cette réalité des besoins localisés qui fait en sorte qu'on peut amener les immigrants directement en région, on ne passe pas par Montréal, on va directement en région, c'est vraiment la volonté que j'ai. Alors, je voudrais vous entendre peut-être sur comment adapter vraiment ou peut-être vos constats, si vous avez vu des bonnes expériences, en termes de français en milieu de travail, qui pourraient nous inspirer pour la suite des choses. C'est une des stratégies pour promouvoir la langue française en milieu de travail.

Le Président (M. Picard) : M. Boyer.

M. Boyer (Daniel) : Bien, je vois deux aspects. Là, vous me demandez de bons exemples. J'en ai un très bon, j'en ai des moins bons aussi.

Vous parlez d'adaptation, là. Toute la problématique de reconnaissance des acquis et des compétences, là, c'est une immense problématique, et je ne sais pas pourquoi on n'y arrive pas. Oui, je sais que c'est complexe, là, mais je ne sais pas pourquoi on n'y arrive pas. Puis là je ne parle pas juste pour des médecins, des dentistes et peu importe, là. Des travailleurs qualifiés, un électricien, un plombier, où ce n'est pas les mêmes règles, il me semble que ça devrait être simple qu'on ait un programme de reconnaissance des acquis et des compétences et une mise à jour simple des acquis et des compétences de ces gens-là pour qu'ils puissent oeuvrer au Québec.

Là, vous avez parlé des Maghrébins aussi. Il y a un problème de reconnaissance d'acquis et de compétences, mais ce qui... Écoutez, il y a de la discrimination, il y a de la discrimination, du racisme, autant de la part des employeurs, autant dans nos rangs, hein? Ce n'est pas simple, cette problématique-là. Les Maghrébins, ils sont scolarisés, ils sont bien souvent francophones, alors donc pourquoi ils ne se trouvent pas d'emploi? Parce qu'il y a une situation discriminatoire à leur égard.

Et vous me parlez d'expériences positives. On a lancé, il y a quelques années, un cours de formation syndicale dans la région de Chaudière-Appalaches pour nos délégués syndicaux à nous, dans le but de les familiariser avec l'intégration dans les milieux de travail de personnes immigrantes. Et ça, je pense que c'est important de le faire, parce qu'ils ne sont pas bien accueillis, autant par les employeurs, autant par les travailleurs, dans les milieux de travail. Et ça, on a du travail à faire, et on a commencé à le faire il y a quelques années, et on va poursuivre le travail à cet effet-là, puis je pense que c'est important.

Mais on a à se questionner. Il y a, oui, de la discrimination, du racisme, mais il y a aussi de la reconnaissance d'acquis qu'il faut régler, qu'il faut régler.

Mme Weil : Peut-être je céderais la parole à...

Le Président (M. Picard) : Mme la députée de Jeanne-Mance—Viger.

Mme Rotiroti : Merci, M. le Président. Alors, je salue tous les membres de la commission.

Alors, merci d'être là. Je prends la parole parce que vous parlez spécifiquement de la reconnaissance des compétences, et vous savez que le premier ministre ainsi que la ministre de l'Immigration m'ont donné le mandat, justement, de regarder l'ensemble du dossier, et il y a un comité interministériel qui se penche sur la question.

J'ai une question un petit peu plus précise pour vous : Quand on parle de reconnaître les compétences à partir de l'étranger, de donner l'heure juste à l'immigrant qui veut migrer au Québec, c'est-à-dire de savoir exactement c'est quoi, ses compétences, son diplôme vaut quoi ici, au Québec, est-ce que ça, déjà, pour vous, ce serait une amélioration?

M. Boyer (Daniel) : Oui. Oui, donner l'heure juste, là, c'est un détail important, c'est un détail important, parce que les gens voient le Québec, le Canada comme une terre d'accueil formidable, c'est fort probablement vrai, mais, quand on leur fait miroiter des emplois qui sont disponibles mais qu'on ne reconnaît pas leurs acquis une fois rendus ici, c'est un problème, on les a incités à immigrer sous de faux prétextes, de fausses représentations, et je pense qu'il faut corriger le tir.

Et c'est toute la problématique de reconnaissance de compétences et des acquis. Quand les gens arrivent ici, ils ont certaines compétences, certains acquis, qui ne répondent pas nécessairement aux critères québécois, mais il me semble que, pour plusieurs emplois qualifiés, ça devrait être relativement simple pour reconnaître ces acquis et compétences là, ce qui n'est pas le cas depuis déjà bien des années. Et je vous avoue qu'on se gratte la tête. Pourquoi c'est si compliqué?

Mme Rotiroti : ...ma prochaine question : Pourquoi pensez-vous que c'est aussi compliqué de reconnaître par rapport... d'autant plus si c'est un travailleur qualifié? Alors, on le sélectionne pour ses compétences, puis il arrive ici, pas capable de travailler.

M. Boyer (Daniel) : Oui. Oui, oui, tout à fait.

Mme Rotiroti : Alors, selon vous, c'est quoi, les obstacles qui ne leur permettent pas d'être reconnus, à part du fait qu'évidemment il y a des ordres professionnels là-dedans, etc., là? Et d'ailleurs je suis contente de vous dire qu'ils sont autour de la table. Alors, ils sont là. Eux-mêmes font le constat qu'ils doivent bouger, parce que sinon ça ne fonctionnera plus. Alors, je veux savoir qu'est-ce qu'on pourrait faire. Pourquoi pensez-vous qu'on n'est pas capables de les reconnaître, à part du fait... Comme vous avez dit, il y a la discrimination là-dedans aussi, là, mais, à part de ça, est-ce que vous voyez d'autre chose qu'on pourrait...

M. Boyer (Daniel) : Bien là, vous avez mis le doigt sur les ordres professionnels, il y a des chasses gardées d'actes. Puis là vous parlez d'ordres professionnels, mais on peut se parler de tous les critères que retient aussi la CCQ pour l'émission de permis, ça devient très compliqué à certains moments donnés, là.

Et je pense qu'il faut faire le débat entre nous puis trouver des solutions, hein? Je ne vous dis pas qu'il faut arriver avec les solutions, mais moi, je pense qu'il faut impliquer... Puis, écoutez, les syndicats, on a notre mot à dire aussi dans ça, hein, parce qu'on a des choses à corriger, on a à se mettre à table, nous aussi, puis de participer aux discussions, et de trouver des solutions à ces problématiques-là, parce que nous aussi, on fait de la barrière systématique à certains moments donnés. Donc, nous aussi, on a du travail à faire, je vous l'avoue, mais il faut à tout le moins participer à ces débats-là. Quand on établit un véritable dialogue social où on nous permet de participer, ça nous permet de cheminer, connaître les problématiques et trouver, finalement, des solutions; si on n'est pas de la partie, attendez-vous à ce qu'on se rebute à un moment donné. Mais je pense que le dossier est tellement important qu'on se doit de tous mettre l'épaule à la roue puis de trouver des solutions.

Mme Rotiroti : Bien, merci beaucoup pour votre franchise. Puis c'est noté, que vous voulez participer à ces discussions-là. Merci.

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre, il reste trois minutes.

Mme Weil : Bon, c'est ça, alors, je vais y aller rapidement sur deux enjeux, j'aimerais vous entendre rapidement.

On propose un élément de flexibilité que franchement je trouve super intéressant, c'est des projets pilotes, pouvoir tester des idées mais de façon très prudente, peut-être des projets dans des régions. J'aimerais vous entendre sur peut-être des idées de projet pilote, types de travailleur qu'on rechercherait, là, où il y a des pénuries ou autres.

L'autre, et c'est bien connu dans la littérature, le passage rapide de l'immigration temporaire à l'immigration permanente est une mesure de protection des travailleurs qui est très importante, même fondamentale. Que pensez-vous de notre idée de mettre les gens rapidement sur une voie rapide pour la sélection et l'immigration permanente?

Donc, les deux enjeux, peut-être projets pilotes en quelques minutes, ce que vous en pensez, si vous avez des idées.

Le Président (M. Picard) : Mme Gagnon. Allez-y.

Mme Gagnon (Denise) : Oui, bien, sur les projets pilotes, on n'est pas fermés. Il faut voir que la FTQ elle-même ne travaille pas en vase clos, travaille surtout dans les régions avec un ensemble d'acteurs, que ce soit dans le secteur de l'éducation, communautaire, pour mettre en oeuvre ces programmes. Donc, on n'est pas seuls à faire ça.

Sur la question des pénuries, et souvent c'est là qu'on a une divergence d'intérêts avec certaines entreprises, pas toutes, là, mais il y a des entreprises qui... Puis on le voit, la tendance canadienne depuis 2006, on a augmenté le nombre de travailleurs temporaires de façon exponentielle, alors que parfois il n'y avait pas véritablement des pénuries. Parce que la question de la reconnaissance des acquis, c'est aussi vrai pour les Québécois et les Québécoises, parce qu'il y a certains métiers pour lesquels on va demander... puis on a eu des tristes exemples en Colombie-Britannique, le Québec, on a réussi à résister à ça, où on demandait le mandarin à des manoeuvres dans une mine, là, pour justifier des pénuries de main-d'oeuvre. Donc, ces projets pilotes là doivent être très bien encadrés, doivent mettre à profit les acteurs syndicaux et les acteurs aussi qui interviennent dans les régions, notamment sur le développement économique régional.

Mme Weil : Et le passage rapide?

• (10 h 20) •

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, pour ce qui est du passage rapide, bien sûr qu'on salue ça.

Je veux juste peut-être rajouter un petit bout sur les pénuries. Il faut juste faire attention... Puis, quand on mentionne... on est peut-être un peu carrés dans notre mémoire quand on dit que c'est dans le but de faire plaisir aux gens d'affaires puis aux employeurs, d'accueillir de la main-d'oeuvre immigrante qualifiée. Il y a 41 000 emplois à combler au Québec, il y a 340 000 chômeurs au Québec. Ça fait qu'il faut juste faire attention, il faut relativer certaines choses. Il y a des problématiques où les solutions ne sont pas nécessairement faciles. J'entends parler, à la Commission des partenaires du marché du travail, là, qu'il manque de soudeurs depuis à peu près 100 ans au Québec. La problématique des soudeurs, là, c'est rendu quasiment une caricature, on en entend parler. Mais pourquoi on n'inscrit pas des gens, des jeunes dans des cours de soudure? Oui, mais ça ne marche pas comme ça, ça ne marche pas de même, il faut susciter un intérêt puis... Donc, il faut juste faire attention. Quand on parle des emplois en pénurie, il faut aussi s'attarder aux 340 000 chômeurs qu'on a au Québec.

Puis je vais faire du pouce sur ce que Denise vient de mentionner, la reconnaissance d'acquis et de compétences de ces gens-là pourrait permettre de combler, dans bien des cas, ces emplois-là. Un cours de soudure, là, ça ne demande pas une technique, puis ça ne demande pas un bac, puis ça ne demande pas une maîtrise, donc je pense qu'on peut y arriver suffisamment rapidement.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Boyer. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget pour une période de 10 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Mme Gagnon, M. Boyer, soyez les bienvenus.

41 000 emplois à combler, 340 000 chômeurs, ce sont deux chiffres qui parlent avec énormément de force. Dans une perspective générale, devrait-on investir temps, moyens, ressources pour aller dans le sens de ce que vous venez de dire, c'est-à-dire encourager, sensibiliser, orienter sur le terrain ce bassin de chômeurs, ou devrions-nous, en tant qu'élus, mettre davantage l'accent sur une ouverture de flux migratoire massif au Québec, flux que nous sommes à l'évidence, à la lumière de l'étude que vous avez citée tantôt et des articles de journaux, notamment de M. Dutrisac hier... mettre sur pied des structures cohérentes pour notamment la francisation, qui nous pose un énorme problème?

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, je vous dirais que, dans les 340 000 chômeurs, il y a bon nombre de Québécois, entre guillemets, de souche, mais il y a bon nombre d'immigrants aussi qui n'ont pas encore trouvé d'emploi, hein?

M. Kotto : Exact.

M. Boyer (Daniel) : Donc, il faut... Entre autres, on a parlé de la problématique des Maghrébins tantôt. Moi, je pense qu'il faudrait d'abord s'attarder à ces 340 000 chômeurs là avant de penser d'avoir une politique d'immigration à peu près strictement basée sur les 41 000 emplois à combler. Donc, il y a des emplois qui peuvent être comblés par les 340 000 chômeurs.

Maintenant, il y en a qui ne seront pas comblés par les 340 000 chômeurs, qui demandent des qualifications un peu plus particulières, et là on est assez ouverts à ce qui est dans le projet de loi. Puis, comme j'ai dit, et on va dans le même sens que la Commission des partenaires du marché du travail à cet effet-là, mais, comme on le dit, il y a une problématique à l'ouvrir si les gens ne maîtrisent pas suffisamment la langue française. Il faut à tout prix mettre en contact ces gens-là avec la langue française par des cours de formation pour leur permettre de maîtriser suffisamment la langue française pour être efficaces sur le marché du travail, efficaces pas juste au travail mais dans leur milieu de travail au Québec.

M. Kotto : Et ça, c'est un argument que vous aviez déjà exprimé ici par le passé, notamment dans le cadre de l'étude du projet de politique en matière d'immigration.

M. Boyer (Daniel) : Oui, tout à fait.

M. Kotto : Et, parlant de politique d'immigration, pas la Loi sur l'immigration, pensez-vous qu'il aurait été, entre guillemets, aidant d'avoir ce projet de politique avant même d'aborder l'étude de ce projet de loi qui nous occupe ici aujourd'hui? Parce que je vous dis le fond de ma pensée, je pose la question parce que, de ma perspective des choses, c'est un document, disons, une orientation générale qui aurait éclairé les zones d'ombre dans ce projet de loi, notamment relativement au pouvoir exorbitant, comme vous le disiez vous-mêmes, pouvoir discrétionnaire exorbitant que se donne la ministre relativement aux programmes, au chapitre de la sélection des immigrants économiques, la gestion de traitement des demandes, etc. Vous parliez de... je ne veux pas mal vous citer, mais vous parliez de... vous remettez en question la transparence même de la démarche. Alors, est-ce qu'il n'aurait pas été préférable d'avoir le projet d'orientations politiques avant même d'aborder ce projet de loi?

Le Président (M. Picard) : Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Denise) : Oui, bien, écoutez, c'était un peu problématique, effectivement, parce qu'avant Noël on a eu le projet de loi, puis la politique a été adoptée, on l'a vu dans Le Courrier parlementaire, mais elle n'a pas été diffusée. Nous, on a essayé de voir où était le document, je crois qu'il n'est pas...

Mme Weil : ...pas déposé encore.

Mme Gagnon (Denise) : ... — ce n'est pas déposé, bon, O.K. — en ce qui concerne la planification notamment. Donc, c'est pour ça qu'on a plus de questions que de réponses, et on le souligne dans le mémoire. Donc, avant de réfléchir en termes de projet pilote, etc...

Puis, Mme la ministre, vous avez énoncé la question du droit de résidence, qui est, pour nous, fondamentale pour nombre de personnes immigrantes temporaires qu'on dit non qualifiées, qui sont vraiment dans un no man's land, pardonnez-moi l'anglicisme ici, qui sont désinformées autant en amont que lorsqu'elles arrivent au Québec ou au Canada, où on leur dit : Regarde, tu n'as pas de droits, tu n'as pas le droit de rien; si tu veux être sélectionné, on a même des listes noires qui circulent chez les employeurs. Alors donc, oui, on veut voir cette politique-là parce que, le Québec, on s'est un peu démarqués par rapport à d'autres provinces, et, sur la question de la résidence, le Manitoba a pris une avancée intéressante par rapport à la question des travailleurs temporaires étrangers en leur permettant de faire application pour le droit de résidence, ce qui n'est pas le cas au Québec, là, ils doivent retourner, comme vous le savez, sur une base de quatre ans. Et ça, les employeurs n'aiment pas non plus cette mesure-là fédérale parce qu'on forme des gens, ils deviennent un peu qualifiés, que ce soit dans l'agriculture ou comme aides familiales, et puis... aides familiales, ce n'est pas le cas, mais dans l'agriculture notamment, et on doit les retourner, c'est des nouvelles personnes qui viennent. Alors, c'est de la marchandisation de la main-d'oeuvre, pour nous, là, ça n'a aucun sens. Et les groupes de personnes immigrantes que nous rencontrons à l'échelle canadienne et au Québec, en particulier à Montréal, dénoncent ce genre de mesure là très vivement, et nous appuyons ce non-respect des droits fondamentaux.

Donc, je pense qu'il faut regarder aussi les droits de résidence puis il ne faut pas juste réfléchir en termes d'emplois qualifiés, parce que, nous, les membres qu'on représente puis ceux qu'on voit dans les différents milieux de travail, souvent c'est des travailleurs peu qualifiés qui sont vraiment privés de leurs droits. Puis d'ailleurs le projet de loi n° 8 leur a enlevé le droit à la syndicalisation dans certains secteurs de l'agriculture, là, qu'on avait obtenu avec les travailleurs unis de l'alimentation et du commerce.

Donc, c'est vraiment une situation, je pense, à laquelle la politique devra répondre, mais on verra, là, elle sera diffusée, publiée, comme tel. Et nous espérons que ce dialogue se poursuive.

Le Président (M. Picard) : M. le député de Bourget.

M. Kotto : À coups de 50 000 immigrants qui rentrent par année, et considérant que 40 % à 43 % d'entre eux ne parlent pas un mot de français et que parmi ceux-ci un nombre substantiel ne se donnent pas la peine de l'apprendre parce que les incitatifs ne sont pas là, les moyens ne sont pas là — on vient de vivre des coupes paramétriques avec le nouveau gouvernement, il y a des incidences évidemment — au bout du compte, au bout du chemin, on a plusieurs problématiques au plan social qui se posent. Au-delà du fait que des gens ne s'intègrent pas en français, il y a la stigmatisation potentielle, on peut, veux veux pas, c'est la réalité, volontairement, consciemment ou inconsciemment, stigmatiser les immigrants parce que la réputation est faite à l'effet qu'ils ne s'intègrent pas en français au Québec.

Si nous avions la pleine maîtrise de notre politique d'immigration, si nous avions le contrôle total de notre immigration, je ne pense pas qu'il en serait de même, parce que les gens, quand ils viennent, ils viennent au Canada, et le Canada a deux langues officielles. Et le constat est fait : à Montréal, on peut travailler en anglais sans avoir besoin de maîtriser le français. 80 % de cette immigration atterrit et est en rétention à Montréal, et Montréal se bilinguise dangereusement. C'est ce qui nous a alertés, avec Mme Marois, et qui l'a amenée à confier à Mme Diane De Courcy deux portefeuilles, celui de l'immigration et celui de la langue, les deux étaient liés, parce que le précipice n'est pas loin. Le précipice, il est l'endroit où le Québec perdra probablement son visage français. Montréal, c'est plus de la... enfin, la région de Montréal, la grande région, c'est plus de la moitié de la population du Québec.

Le Président (M. Picard) : Il vous reste une minute M. le député.

• (10 h 30) •

M. Kotto : Est-ce que ce sont des préoccupations qui vous occupent également à la lecture... à la lumière de ce projet de loi?

M. Boyer (Daniel) : Bien, bien évidemment que ça nous préoccupe. D'ailleurs, on le mentionne, là, l'accord entre le Canada et le Québec est un peu désuet et nous amène à avoir des délais qui sont exorbitants, là, je vais prendre le qualificatif que j'ai pris tantôt. Mais, un accord de 1991, il faudrait le revoir pour donner un peu plus de pouvoir au Québec en matière d'immigration.

Vous faites référence à ce qu'on a mentionné plus tôt concernant le fait que les personnes immigrantes ont peu ou pas d'intérêt à aller suivre des cours de français, mais, écoutez, les employeurs non plus n'ont pas d'intérêt à donner des cours de français, et on est un peu... C'est pour ça qu'on est un peu inquiets, un peu beaucoup inquiets de la flexibilité qu'amène le projet de loi concernant l'intégration des personnes immigrantes. On a une grande inquiétude parce que, dans le contexte actuel de coupures du gouvernement... On a des syndicats, là, l'union des employés de service, un syndicat affilié chez nous qui donne des cours de français, qui reçoit des subventions de la Commission des partenaires et de l'Office québécois de la langue française et qui se voit couper ses subventions.

Donc, les employeurs ne participent pas à l'intégration en français des travailleurs, travailleuses, les immigrants ne le font pas non plus, c'est nous qui avons pris le bâton du pèlerin, mais là on nous coupe les vivres en plus. Donc, c'est sûr qu'en introduisant des mesures un peu plus flexibles, puis qu'on n'a pas les moyens de former adéquatement les personnes qui ont... les personnes immigrantes...

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Boyer (Daniel) : ...c'est sûr que c'est un problème.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville pour une période de sept minutes.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Gagnon, M. Boyer. Merci d'être là, merci pour votre mémoire.

Et mon collègue de Bourget est dans la ligne directe où je m'en vais, page 7, page 14, les deux sujets qui m'interpellent, parce que je vois que vos préoccupations rejoignent carrément les nôtres également, au niveau de la francisation, puis également l'entente avec le Canada et avoir plus de pouvoir en immigration, ce que nous réclamons depuis un an.

D'abord, j'ai appris beaucoup en lisant votre mémoire, j'étais néophyte dans le domaine, le fait que la FTQ, justement, les syndicats donnaient des cours de francisation aux travailleurs.

M. Boyer (Daniel) : Tout à fait.

Mme Roy (Montarville) : Et là vous nous en parliez, là, dans la réponse que... Est-ce qu'on a une idée de grandeur, combien de travailleurs? Les subventions ressemblaient à quoi? Qu'est-ce qu'on vous a enlevé? Ça ressemble à quoi maintenant?

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, ça ressemble à quoi maintenant... Je vous avoue que, depuis deux, trois ans, il faut se battre pour le maintien des subventions. Et là elles sont coupées. Bien, ce que ça représente, écoutez, je ne le sais pas en nombre, là, je pourrais vous le faire parvenir, je ne le sais pas en nombre, mais les classes de français ont beaucoup diminué parce que les subventions ont diminué.

Mais, écoutez, l'union des employés de service, les Teamsters en ont donné aussi, c'est des gens qui ne maîtrisaient absolument rien de la langue française, on prend les gens quasiment à zéro, là. C'est des cours de français, là, je ne dirais pas 101, vraiment d'initiation à la langue française.

Et ça, c'est une initiative de nos syndicats affiliés, parce que les employeurs ne voulaient pas s'en occuper, dans l'entretien ménager. Ils ont démontré un certain accord, mais ils ont dit : On ne s'en occupe pas. Bien, on va s'en occuper, nous. Puis les subventions permettaient de rembourser les salaires de ces gens-là, de les libérer de leur travail, de rembourser le salaire de ces gens-là, parce que, comme on l'a vu, il n'y a pas d'intérêt à aller suivre des cours à temps plein. C'est sûr, ces gens-là veulent d'abord travailler; une fois qu'ils ont travaillé leur semaine de travail, bien ils ont besoin de se reposer aussi. Donc, l'intérêt d'aller suivre des cours de français n'est pas tout à fait là, il faut les intéresser. Et, nous, de la façon qu'on les a intéressés, c'est de dire : Écoutez, on va vous libérer de votre travail, vous allez venir suivre des cours de français. Et ça a tout un succès, je vous le dis, là. Là, je vous dis des cours d'initiation, mais il y a un cours 101, il y a un cours 201, il y a un cours 301. Donc, on pousse, là, sur ces cours-là, entre autres dans le domaine de l'entretien ménager.

Mme Roy (Montarville) : Vous vouliez en rajouter, Mme Gagnon?

Mme Gagnon (Denise) : Bien, je voulais juste dire qu'il y a la dimension sociale aussi du vivre-ensemble, ça fait partie de la formation, et qu'on n'a pas toujours.

Et il y a des groupes communautaires qui nous réfèrent des cohortes de gens, dans nos milieux de travail en région, qui, eux, n'ont plus de ressources. Le centre des travailleurs immigrants, à Montréal, là, c'est une catastrophe, là, ce n'est que par la force des bénévoles qu'on survit. Puis moi, j'y vais des fois le soir, je vois les travailleurs arriver, qui doivent payer leurs bottes de sécurité, qui doivent... qui sont désinformés sur le plan de leurs droits et qui, au demeurant, essaient tant bien que mal, là, de s'organiser pour se donner entre eux des cours. Ça, je parle des groupes non syndiqués. Pour les groupes syndiqués, bien on peut toujours négocier un peu, par l'effet de la négociation, des processus de négociation, des aménagements pour faciliter la formation, mais, pour une travailleuse ou un travailleur... Et c'est beaucoup des femmes, dans le secteur du vêtement notamment, qui doivent s'occuper de la maison, de la famille, de survivre. Bien, la formation à temps complet, ce n'est pas possible, là, il faut vraiment aménager.

Mme Roy (Montarville) : Comme je vous dis, j'apprends en lisant votre mémoire, et je trouve que c'est très méritoire que le syndicat offre la francisation. Chapeau! La francisation, pour nous, c'est primordial. D'ailleurs, je l'ai souligné d'entrée de jeu, mais, pour nous, les cours de français pour nos nouveaux arrivants, pour nos immigrants devraient être obligatoires pour assurer une pérennité du français au Québec. Et c'est le syndicat qui prend le relais pour franciser les travailleurs. Chapeau!

Effectivement, si vous pourriez nous trouver la donnée — sûrement que les collègues journalistes aimeraient savoir — combien en francisez-vous par année, puis si ça a descendu ou si ça a monté, puis...

M. Boyer (Daniel) : Ah! ça, ça a descendu, c'est clair, oui.

Mme Roy (Montarville) : ...ça pourrait être intéressant, ça pourrait être intéressant pour nous donner une idée de l'apport que vous faites pour ce qui est de la francisation des travailleurs.

Et vous disiez d'ailleurs d'entrée de jeu, j'ai pris des notes : Pour nous, il y a une grande... il y a une brèche dangereuse en matière de protection de la langue française. Pourriez-vous élaborer, la brèche, elle était où précisément, les subventions qui diminuent ou d'autre chose, plus précisément dans le projet de loi n° 77?

M. Boyer (Daniel) : Non, mais... Bien, c'est parce que, dans le projet de loi n° 77, on voit qu'on a assoupli les règles, les obligations de la ministre concernant la langue française, l'intégration des personnes immigrantes au niveau de la langue française. C'est la section III de l'actuelle loi, et on a modifié ça par les articles 58 et 59 de l'actuel projet de loi.

Et on sait à quoi ça rime, là, c'est dans le but, justement... Des emplois qualifiés que c'est difficile de trouver de la main-d'oeuvre qualifiée pour occuper ces emplois-là, bien, il faut avoir un peu plus de souplesse, on est tout à fait d'accord avec ça, là. Peut-être qu'on ne trouvera pas des gens qui parlent suffisamment bien le français pour occuper certains emplois qualifiés, ça se peut. Si on veut les combler, bien, «fine», là, qu'on les comble par des gens qui ne maîtrisent pas suffisamment la langue française, ça va, mais il faut à tout prix offrir le service de cours de francisation à ces gens-là.

Denise parlait du vivre-ensemble tantôt. Vous savez, dans le secteur de l'entretien ménager, du vêtement, ce n'est pas juste... les gens parlent espagnol, portugais, anglais, ils viennent de l'Europe de l'Est, ils maîtrisent toutes sortes de langues, sauf le français. Bien, ils travaillent ensemble, ce monde-là, ils travaillent ensemble et ils n'ont pas de langue commune pour se parler. Il faut absolument que la langue commune, ce soit le français. On vit au Québec. Notre langue, c'est le français.

Donc, les cours de français permettent à ces gens-là d'échanger entre eux dans leur milieu de travail. Ça aussi, c'est important. Ce n'est pas juste le fait de vivre au Québec en français mais de vivre dans son milieu de travail puis de pouvoir échanger avec ses collègues de travail, c'est d'une ultime importance, là.

Mme Gagnon (Denise) : Partager nos valeurs.

M. Boyer (Daniel) : Partager nos valeurs.

Mme Roy (Montarville) : Et je suis tout à fait d'accord avec vous et je vous amène là-dessus : partager nos valeurs et les connaître aussi. Avant de les partager, encore faut-il qu'on les connaisse, qu'on sache ce qui est permis ou non permis au Québec puis quelle est la façon de vivre ensemble en fonction de nos lois, ne serait-ce que de nos chartes, et l'égalité entre les hommes et les femmes entre autres, et — vous parliez des droits tout à l'heure — effectivement le Code du travail et quels sont les droits des employés.

Ça m'amène à la page...

Le Président (M. Picard) : Il vous reste 45 secondes.

Mme Roy (Montarville) : ... — ah! misère! — 14 de votre mémoire. Écoutez, à la page 14 de votre mémoire, vous réclamez... finalement vous demandez à la ministre un rapatriement des pouvoirs nécessaire au niveau de l'immigration. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous écrivez là, puis c'est intéressant de le lire et venant de la FTQ à cet égard, donc je garde précieusement ce mémoire. Quelques secondes pour conclure, je vous laisse la parole, à cet égard.

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, moi, je l'ai déjà mentionné, hein, cet accord-là date de 1991. Il faut simplifier les choses entre les pouvoirs du fédéral et les pouvoirs des provinces.

On pense qu'au Québec c'est une province particulière, contrairement aux autres, et on devrait s'octroyer des pouvoirs un peu plus spécifiques. Nous, nos immigrants, on les veut de langue française, on ne les veut pas nécessairement de langue anglaise comme le reste du Canada. Donc, je pense que ça a toute son importance, ça a toute son importance qu'on rapatrie le maximum de pouvoirs possible au Québec en matière d'immigration.

Mme Roy (Montarville) : Tout à fait d'accord avec vous. Merci beaucoup.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Boyer, Mme Gagnon, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je vais suspendre quelques instants afin de permettre au prochain groupe, qui sera la Commission des partenaires du marché du travail, à prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 39)

(Reprise à 10 h 42)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant M. Florent Francoeur, président de la Commission des partenaires du marché du travail. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé, va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous, M. Francoeur.

Commission des partenaires du marché du travail (CPMT)

M. Francoeur (Florent) : Merci. Alors, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, alors je vous remercie de me donner l'opportunité de présenter le point de vue de la Commission des partenaires du marché du travail sur le projet de loi n° 77.

Je dirais d'entrée de jeu que ce projet de loi repose sur des valeurs auxquelles nous souscrivons, de façon très générale. Pour tous les partenaires de la commission, l'attraction des travailleurs étrangers représente un défi important pour le Québec, mais il faudrait aussi que ces travailleurs obtiennent des emplois et qu'ils les conservent. Au Québec, nous avons un problème d'intégration des immigrants au marché du travail. Le taux de chômage des immigrants, même s'il diminue avec le temps passé au pays, demeure supérieur à celui des personnes qui sont nées au Canada, et cet écart est plus important qu'en Ontario ou dans l'ensemble du Canada. Pourtant, nous sommes devant une dure réalité, la population québécoise vieillit alors que nos besoins de main-d'oeuvre grandissent, et il faut donc intégrer de façon efficace toutes les personnes susceptibles de joindre les rangs de la population active.

C'est des chiffres que vous allez entendre beaucoup au cours des prochains jours, mais, selon les prochaines prévisions d'Emploi-Québec, nous aurons près de 1,4 million de postes à combler, à pourvoir entre 2013 et 2022. Ce n'est rien de nouveau. Ce sont des données qui sont solides, basées sur la démographie. Il faut quand même se dire que, sur les 1,4 million de postes à combler, il y a un million de ces postes-là qui sont des départs à la retraite, alors qui vont devoir être remplacés. Alors, il y a des emplois qui nous attendent.

Fait important, un emploi sur cinq sera comblé par une personne immigrante. Il est donc primordial de faire une sélection judicieuse de ces ressortissants en fonction des besoins exprimés sur le marché du travail et d'assurer leur intégration. Dans un tel contexte, nous sommes donc d'accord avec le choix stratégique d'instaurer un système d'immigration compétitif qui permettra d'attirer des talents répondant aux besoins des entreprises, ça ne peut que contribuer à la prospérité du Québec. Ce projet est ambitieux, et nous pensons que la Commission des partenaires du marché du travail est un acteur incontournable dans l'élaboration des orientations visant à favoriser l'équilibre entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre.

Permettez-moi de situer la commission au sein de l'échiquier gouvernemental. La commission réunit des représentants des employeurs, de la main-d'oeuvre, des milieux de l'enseignement et des organismes communautaires. Elle rassemble aussi des représentants de plusieurs ministères ainsi que du milieu universitaire; une vaste expertise, un lieu unique. Pensez à une table autour de laquelle s'assoient les chefs patronaux, syndicaux, communautaires et de l'éducation avec les sous-ministres concernés, on pense Immigration, Économie, Éducation, Régions, Emploi, pour mettre en commun et contribuer non seulement à l'identification des besoins de main-d'oeuvre, mais aussi coordonner les efforts en vue d'accroître l'efficacité des services publics d'emploi et de favoriser le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d'oeuvre québécoise.

Nous pensons... en fait nous espérons, en fait, que la commission sera bientôt appelée à agir concrètement sur plusieurs aspects qui pourront avoir une incidence directe sur le développement de la nouvelle politique québécoise en matière d'immigration. Quelques-uns de vos collègues députés étudient actuellement, en fait vraiment en même temps, dans une salle à côté, le projet de loi n° 70. Celui-ci propose de renforcer le leadership de la Commission des partenaires du marché du travail pour permettre une meilleure adéquation entre la formation et l'emploi. Il a aussi pour objectif de favoriser l'intégration en emploi, il prévoit que la commission aura notamment le mandat de participer à l'élaboration des politiques gouvernementales visant à favoriser l'équilibre entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre sur le marché du travail. La commission aura aussi la responsabilité de formuler des recommandations aux ministères qui en sont membres, toujours en vue de répondre aux besoins du marché du travail. Finalement, les ministères concernés lui feront aussi rapport de leurs actions à cet égard.

Tous s'entendent pour dire qu'une intégration en emploi réussie, celle qui engendre un maintien en emploi, est un élément primordial de l'intégration sociale d'une personne immigrante. Pour arriver à un tel résultat, il est aussi important individuellement que collectivement de poser des balises solides.

Concrètement, nous devons nous assurer de l'engagement de l'ensemble des partenaires, notamment pour réaliser l'exercice de priorisation des besoins et d'identification des déséquilibres. Cela permettra d'établir le vrai portrait du marché du travail. L'exercice de priorisation consiste à identifier, parmi les professions en demande au Québec sur le marché du travail, celles qui devraient être priorisées, car il existe pour celles-ci des besoins de main-d'oeuvre mais pas suffisamment de candidats. La commission a retenu, pour 2015 à 2017, notamment 24 professions, pour lesquelles trois interventions spécifiques devraient être faites : dans un premier cas, augmenter l'offre de formation pour cinq d'entre elles; ensuite, faire la promotion pour attirer des candidats dans 19 autres formations; et, finalement, approfondir quatre professions supplémentaires, notamment le cas des soudeurs dont Daniel Boyer vous a parlé tout à l'heure.

Le projet de loi répond aussi à nos préoccupations quant à la participation économique des immigrants, celle-ci doit se concrétiser par des emplois à la hauteur de leurs compétences. Toutefois, l'évaluation équitable des compétences, notamment celles acquises par l'expérience, représente un vrai défi. Le processus de reconnaissance des acquis et des compétences doit devenir plus performant, et ce, afin de soutenir un système de sélection basé sur les vrais besoins du marché du travail. Nous souhaitons que la nouvelle loi permette de prendre en fait cette considération.

Afin de faciliter l'intégration et le maintien en emploi, la nouvelle loi doit aussi prévoir des moyens pour favoriser la réalisation de formations d'appoint et d'expériences de travail en entreprise pour les travailleurs issus de l'immigration. Cette question devra par ailleurs être considérée par l'ensemble du marché du travail afin de trouver des solutions qui faciliteront l'accès à ces formations, tant en milieu scolaire qu'en entreprise.

De notre côté, à la commission, nous travaillons déjà activement à deux nouveaux programmes du fonds. Par exemple, nous sommes à élaborer un programme de soutien à des formations professionnelles et techniques de courte durée qui privilégient les stages dans les domaines jugés prioritaires.

Mais les entreprises n'ont pas seulement d'une main-d'oeuvre universitaire, il faut le rappeler. Souvent, elles recherchent une main-d'oeuvre non spécialisée ou formée à un niveau professionnel ou technique. Nous jugeons donc important que la nouvelle loi prévoie un processus d'identification des profils professionnels nécessaires à la sélection des candidats qui soit basé sur la détermination des besoins réels des entreprises.

Il en va de même pour la catégorie des travailleurs qui ne détiennent pas de diplôme comparable à un secondaire V. Il faut, dans certains cas, favoriser leur admissibilité, considérant que ces types d'emploi ont souvent un caractère permanent. Par contre, la formation d'appoint devrait par la suite combler les déficits de compétence de ces travailleurs et augmenter leurs qualifications en fonction de l'équivalent d'une formation professionnelle ou technique donnant accès au marché du travail. Dans le même ordre d'idées, nous pensons que le recours à la formation d'appoint pourrait également suppléer aux carences de formation au niveau universitaire.

Par ailleurs, les principaux obstacles à l'embauche des travailleurs immigrants sont souvent liés à la validation des expériences acquises à l'étranger, au manque de compétences liées aux postes à pourvoir, au manque d'expérience québécoise, au manque de formation et à l'ouverture des employeurs à l'embauche des candidats surqualifiés. Nous jugeons que la perspective d'une meilleure adéquation entre les besoins économiques du Québec et la sélection des personnes immigrantes via le concept de déclaration d'intérêt facilitera grandement le processus d'intégration socioéconomique. Il importe que les qualifications des candidats soient rigoureusement évaluées pour qu'elles soient reconnues à leur juste valeur sur le marché du travail.

Enfin, nous jugeons qu'il reste un travail important à faire en ce qui concerne la sensibilisation des employeurs et des milieux de travail à l'embauche d'immigrants pour tenir compte également de la discrimination à l'embauche. Nous souhaitons donc que la nouvelle loi permette la poursuite des efforts de sensibilisation des employeurs ainsi que la formation interculturelle. Nous aimerions aussi que soit renforcée l'offre d'outils de soutien en matière d'accompagnement à l'embauche et de gestion de la diversité mise à la disposition des employeurs.

Un Québec prospère repose certes sur un marché du travail le plus en équilibre possible, nous en sommes très conscients, c'est pourquoi la commission s'affaire à ce que chaque action, qu'elle soit individuelle ou collective, permette d'atteindre des objectifs significatifs. En matière d'emploi, la responsabilité d'une intégration réussie des personnes immigrantes sera tributaire d'une politique constructive et comprise par l'ensemble des intervenants. Les actions stratégiques qui seront mises en oeuvre... de l'avant constitueront les pierres d'assise d'un système d'immigration encore plus compétitif et qui répondra entre autres aux nombreux besoins du marché du travail.

Les positions et les réflexions que nous vous avons présentées témoignent de la volonté de la commission de participer activement aux interventions qui se réaliseront au cours des prochaines années. C'est là un défi important pour le Québec, un engagement collectif visant à favoriser l'accès à l'emploi des immigrants auquel la commission souscrit pleinement. Je vous remercie.

• (10 h 50) •

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Francoeur. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Merci beaucoup, M. Francoeur. Très contente de vous recevoir aujourd'hui.

Évidemment, il y a le projet de loi n° 70 en même temps, alors, votre arrivée aujourd'hui, première journée de la commission, honnêtement on voudrait avoir encore plus de temps pour vous poser beaucoup, beaucoup de questions. Vous allez avoir un rôle important, et j'aimerais que vous puissiez nous expliquer ce rôle, parce que vous allez vraiment être, comment dire, entre le ministère de l'Immigration et le ministère du Travail et de l'Emploi et vous allez jouer un rôle important pour la détermination des besoins mais aussi régionaliser, c'est ce qu'on comprend, et c'est une nouveauté. Ça nous permet d'aller beaucoup plus loin pour répondre aux besoins des régions.

Alors, j'aimerais que vous puissiez nous expliquer ce rôle que vous allez jouer pour qu'on puisse en tirer plein profit dans notre planification, dans un premier temps. C'est ma première question.

M. Francoeur (Florent) : Oui. En fait, les nouvelles responsabilités qui devraient être dévolues à la commission, si le projet de loi n° 70 est accepté tel quel, essentiellement ça confère une responsabilité, je dirais, réelle à la commission en matière d'adéquation formation-emploi. Qu'est-ce qu'on veut dire par adéquation formation-emploi, c'est de constater qu'actuellement, sur le marché du travail, il y a des entreprises qui cherchent certaines compétences qu'elles ne retrouvent pas actuellement, on parle grosso modo, là, de 70 000... Les entreprises québécoises, si on regarde les chiffres donnés, par exemple, par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, on parle de 70 000 postes, actuellement au Québec, où les entreprises nous disent : Le poste est disponible, mais on ne trouve pas sur le marché, actuellement, des personnes pour combler ces postes-là. Alors, je dirais, ça, c'est le problème d'un côté.

De l'autre côté, c'est comment on fait pour pouvoir faire... en fait, la partie adéquation, c'est comment on fait pour prendre des gens... On a parlé de plusieurs centaines de milliers de personnes qui sont sur le chômage. Comment on fait pour prendre ces personnes-là et les amener à intégrer rapidement le marché du travail? Et c'est pour ça que souvent on va parler, je dirais, de rôle plutôt... au départ on va vraiment parler d'un rôle plus proactif, au niveau de ces 70 000 postes là disponibles. Les entreprises nous disent dans certains cas : Ça freine notre croissance, on a besoin de certaines compétences et on ne les retrouve pas. Et, on regarde ces métiers-là, comme nous disons dans le mémoire, on a identifié notamment 24 métiers, 24 métiers où on dit : Ça, on est vraiment en rareté de main-d'oeuvre, pour différentes raisons. Les jeunes ne s'intéressent pas à ces professions-là, les jeunes ne connaissent pas ces professions-là... ou le marché du travail gère difficilement ces besoins du marché. Et comment on fait pour, je dirais, attirer des jeunes, les former mais en même temps les intégrer, intégrer, en fait, les gens qui sont en recherche d'emploi actuellement, qui souvent ont des formations, qui sont qualifiés, mais n'ont simplement pas les qualifications qui sont requises par le marché du travail? Alors, comment on fait pour faire le pont entre, je dirais, l'offre, l'offre des individus, et, je dirais, les besoins des entreprises, d'une part?

D'autre part, il faut rappeler que la commission, c'est une structure nationale mais aussi avec une structure à peu près, je dirais... un peu un effet miroir, c'est-à-dire qu'il y a 17 conseils régionaux, il y a 28 comités sectoriels. Alors, tous ces gens-là sont, évidemment, préoccupés. Lorsqu'on parle d'en région, alors, tous ces gens-là sont préoccupés de leur situation d'emploi dans leur région et ils sont probablement les mieux placés pour dire comment on peut, je dirais... quels sont nos vrais besoins.

Alors, ce qu'on cherche à faire, je dirais, dans une première étape, on a dit : Bien, au niveau du Québec, il y a 24 métiers à prioriser, mais on veut aller beaucoup plus loin et aller dans chacune des régions pour dire quelles sont les spécificités de cette région-là, ça peut être une région, ça peut être, je dirais, un endroit en particulier, pour qu'on puisse identifier les besoins et trouver rapidement la main-d'oeuvre disponible. Je prends souvent l'exemple de la cimenterie en Gaspésie, c'est un projet qui est à peu près unique au monde et pour lequel on va avoir besoin d'une main-d'oeuvre particulière. Alors, évidemment, ça ne veut pas nécessairement dire que ça joint les 24 métiers qu'on a identifiés, mais il faut qu'on puisse déjà réfléchir à quels sont les besoins cette industrie-là et comment on va pouvoir faire pour combler les besoins de main-d'oeuvre.

Mme Weil : Bien, c'est très intéressant et c'est clé. Ça, on n'a jamais pu le faire, et donc il y a un décalage entre... Le système actuel, le système qui est premier arrivé, premier servi, donc, ça peut prendre... D'ailleurs, les chiffres de 2012 sont très datés, là, dans l'étude d'aujourd'hui, parce que c'est des gens qui ont appliqué de trois à cinq ans avant. Donc, l'admission retarde beaucoup la sélection, c'est vraiment le problème du système actuel.

Donc, autour de ce système de déclaration d'intérêt, qui est vraiment juste, comment dire, très technique, finalement, il faut greffer tout ce que vous dites, c'est-à-dire comment on va meubler cette nouvelle façon de faire, donc identifier en amont très précisément les besoins pour que nous, au ministère de l'Immigration, évidemment, on puisse arrimer la sélection. Donc, dans ce cadre-là, vous voyez donc qu'on pourrait répondre plus rapidement aux besoins des régions, donc plus adapté, mais en même temps nous assurer que les gens qu'on sélectionne ne seront pas vulnérables non plus à long terme, à moyen terme. Donc, vous allez avoir, j'imagine, les deux perspectives, court terme, moyen terme, travailleurs peut-être temporaires ou permanents, mais nous, on est vraiment sur l'immigration permanente, c'est vraiment notre orientation.

Les projets pilotes, dans ce cas-là, est-ce que vous avez eu l'occasion de réfléchir un peu à ça, qu'est-ce que ça pourrait représenter? Comme vous voyez, c'est vraiment très, très restreint, c'est inspiré de modèles ailleurs, mais qui, selon nous — c'est très innovateur — nous permet de tester certaines hypothèses pour des besoins particuliers dans les régions. Est-ce que vous avez...

M. Francoeur (Florent) : Oui. Alors, je vous dirais, on salue l'idée des projets pilotes dans la mesure où... parce que, je dirais, on est à peu près en train aussi, à la commission, de faire un peu la même chose, là, des projets pilotes à ce niveau-là. C'est-à-dire qu'à partir du moment où on a identifié des besoins de main-d'oeuvre quelles sont les solutions qui peuvent être apportées par les différents intervenants là-dessus? Lorsqu'on parle de, je dirais, si j'ai besoin de... M. Boyer, tantôt, a parlé du cas des soudeurs, là, mais, si j'ai besoin de 1 000 soudeurs, alors quelles sont les solutions possibles? Alors, il y a des solutions qui peuvent venir du système d'éducation, il y a des solutions qui peuvent venir par des formations d'appoint, il y a des solutions qui peuvent venir par l'immigration.

Alors, je dirais, ce qui relativement nouveau, c'est que, je dirais, pour une première fois au Québec, on confère à un organisme une responsabilité réelle d'identifier, je dirais, les besoins mais en même temps aussi de chercher avec les partenaires à trouver des solutions, et là on va demander à chacun... Parce que, là, on dit : J'ai un besoin de 1 000 employés dans un domaine précis. Alors, de quelle façon on va contribuer? Le ministère de l'Éducation va nous dire : Moi, j'en ai 600, 700 qui s'en viennent, qui sont actuellement sur les... je dirais, à l'école et qui vont être diplômés bientôt. Vous allez peut-être nous dire : Nous, on est en train d'en recruter, je dirais, qui vont combler ces besoins-là; les entreprises elles-mêmes, je dirais, continuent à former des gens. Alors, comment on fait pour toujours s'assurer... Parce que, lorsqu'on parle d'équilibre, alors, c'est un équilibre qui est en mouvance. L'équilibre aujourd'hui, les entreprises ont des besoins particuliers aujourd'hui, pensent à aujourd'hui, mais nous, on est préoccupés pas aujourd'hui mais, évidemment, par demain, alors quels seront les nouveaux emplois, l'emploi du futur, au Québec, il va ressembler à quoi, pour qu'on puisse déjà vous suggérer, je dirais, de quelle façon attirer des gens au Québec.

Mme Weil : C'est excellent. Je vais permettre... donner la parole — ou le président — à des collègues et je reviendrai avec des questions après. Donc, ma collègue...

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, Mme la ministre. Alors, Mme la députée de Fabre, la parole est à vous.

Mme Sauvé : Merci. Bonjour, M. Francoeur.

M. Francoeur (Florent) : Bonjour.

Mme Sauvé : Je suis contente que vous soyez là. Merci pour le mémoire et merci pour votre présentation.

Je m'inscris directement un peu dans les questions de la ministre à votre sujet et d'entrée de jeu je vais vous dire que je connais bien le rôle pilier de la Commission des partenaires du marché du travail. Dans un premier temps, j'ai bien entendu et je suis très enthousiaste d'entendre votre ouverture à être à l'écoute des besoins régionaux, évidemment, en matière d'immigration, mais je voulais un petit peu aller plus loin en vous posant la question suivante : Au-delà des exercices entre la Commission des partenaires et les conseils régionaux en matière de priorisation des besoins de formation et l'acheminement des plans d'action régionaux annuels, est-ce que vous avez prévu concrètement des espaces, que ce soient des espaces de vigie, des espaces de consultation, pour vraiment prendre le pouls des réalités, des dynamiques des territoires, des conseils régionaux en matière d'immigration?

M. Francoeur (Florent) : Oui, alors...

Mme Sauvé : Ça, c'est ma première question, et, la deuxième, je peux peut-être la nommer tout de suite : En matière de projets pilotes — et Mme la ministre en a bien parlé, vous avez bien nommé en introduction, et vous avez bien raison, la richesse partenariale autour de votre table — est-ce que vous pourrez être porteurs de bonnes pratiques partenariales? Parce qu'on parle de solutions, mais les solutions peuvent venir plus vite quand on part de pratiques et de bonnes pratiques déjà existantes. Allez-vous pouvoir être porteurs de bonnes pratiques déjà existantes pour inspirer les projets pilotes?

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Merci, Mme la députée. M. Francoeur.

• (11 heures) •

M. Francoeur (Florent) : Alors, deux choses. Au niveau du pouls des régions, encore une fois, je vous dirais, ce qui est relativement nouveau dans la responsabilité d'adéquation formation-emploi de la commission, c'est un peu... j'insiste beaucoup sur l'exercice de priorisation, parce que tout va partir de là. En fait, vous connaissez bien les structures régionales. Alors, lorsqu'on établit, je dirais, une priorisation nationale, elle vient notamment des régions, elle vient des comités sectoriels, elle vient des données économiques du ministère de l'Emploi. Mais où on va plus loin maintenant, c'est qu'on dit aux régions : À partir du moment où vous avez identifié des métiers à prioriser, bien vos actions vont devoir être reliées à ces métiers-là. Alors, on est... Et ça, je dirais, c'est très, très nouveau. C'est-à-dire que, vous le savez, on a des, je dirais... il se dépense quand même beaucoup d'argent, je dirais, en termes de formation dans les régions, les régions ont des budgets importants, mais là, maintenant, ce qu'on leur dit, c'est : Votre exercice de priorisation, il est particulièrement important parce que vous allez financer ensuite, parce que c'est votre choix... vous allez financer les activités de formation qui sont liées à ces projets-là.

À titre d'exemple, si on le regarde d'un point de vue collectif, vous savez qu'on finance des activités de formation, ce qu'on appelle le programme... les promoteurs collectifs, et on a dit : Dorénavant, les promoteurs collectifs, on va financer des activités qui sont en lien direct avec l'exercice de priorisation, on ne financera pas d'activité pour laquelle on a des surplus de main-d'oeuvre. On connaît nos besoins de main-d'oeuvre, et nos sommes, nos investissements en formation vont aller directement là-dessus. Alors, c'est pour ça que, je dirais, l'exercice de responsabilisation, pour moi, est important, c'est : Vous allez établir les besoins, mais ils sont tellement importants dans l'exercice que, je dirais, les actions qui vont en découler, qui vont venir de vous, vont être reliées à cette priorisation-là.

Quant à, je dirais, être porteurs, je pense que oui. En fait, et je reviens à la question initiale, c'est que, quand on regarde l'adéquation formation-emploi, ce qui est relativement nouveau, c'est qu'on confie, je dirais, officiellement à un organisme, la Commission des partenaires, la responsabilité de l'adéquation formation-emploi, alors ce qui veut dire que... Quand j'en parle aux employés de la commission, je leur dis : Bien, on a identifié une liste de priorités, on a identifié 24 métiers à prioriser; bien, dans trois ans, j'aimerais ça me présenter devant vous en disant que ces 24 métiers là ont changé, on a corrigé cette situation-là. Et dorénavant il y en a probablement 24 autres, mais il y a eu un exercice qui a été fait, et on a travaillé là-dessus, on a trouvé des solutions, je dirais, l'immigration est alignée sur nos stratégies, l'emploi est aligné sur nos stratégies, l'éducation est alignée sur nos stratégies. On a une stratégie collective pour réaliser l'adéquation formation-emploi.

Alors là, ça veut dire que les partenaires autour de la table, syndicaux, patronaux, le milieu communautaire, tous ces gens-là sont maintenant, je dirais, collectivement impliqués. On est responsables, on est fiduciaires, alors il faut livrer.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, ça va, Mme la députée? Oui?

Mme Sauvé : ...merci.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, la parole est à vous.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Francoeur, et merci pour votre présentation.

J'ai le privilège, en tant qu'adjoint parlementaire au premier ministre, de participer dans nos efforts en ce qui a trait à l'adéquation formation-emploi. Évidemment, tous les enjeux qui touchent à l'immigration sont assez impliqués dans cet enjeu, si on est pour réussir, et donc je suis avec intérêt le rôle accentué, maintenant, de la CPMT là-dessus, et de comprendre que vous avez identifié ces 24 chantiers et de voir que... compte tenu les gens autour de votre table, vous êtes assez bien placés pour voir si cette adéquation, dans un premier temps, va démontrer beaucoup de progrès et, dans un deuxième temps, que les nouveaux arrivants vont avoir tout leur rôle à jouer comme nécessaire dans cette adéquation.

Comme je dis, compte tenu du fait que les partenaires, avec des perspectives bien différentes, sont tous autour de la table avec une responsabilité maintenant fiduciaire de travailler là-dessus, j'aimerais vous entendre sur trois aspects, et comment vous allez apporter de l'aide, et comment ce projet de loi va vous aider à faire votre travail. Et c'est des enjeux qui sont devant nous.

Dans la facilitation d'intégration des immigrants au sein du marché du travail, comment est-ce qu'on va inciter et promouvoir la formation d'appoint, impliquer surtout nos PME dans leur rôle en termes de formation d'appoint? Parce que, peu importe le progrès qu'on songe faire sur la reconnaissance des acquis, il y a toujours une formation sur place qui est nécessaire.

Et, troisièmement, il me semble que malheureusement on parle trop souvent comme dichotomie la priorité, partagée par tout le monde, de franciser les immigrants et en même temps de participer dans un monde concurrentiel. Il me semble qu'il n'y a pas une exclusivité, là, il y a une complémentarité.

Sur ces trois questions, est-ce que vous pouvez nous parler un petit peu?

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. le député. M. Francoeur, vous avez trois minutes et quelques secondes pour répondre aux trois questions.

M. Francoeur (Florent) : O.K., oui. Alors, au niveau de l'intégration, en fait, je pense que vous avez à juste titre souligné... Les partenaires autour de la table, je dirais, en sont parfaitement conscients, c'est-à-dire que maintenant — Daniel Boyer, de la FTQ, vous en a parlé tantôt, les patrons vont probablement vous en reparler aujourd'hui — au moins on est capables de faire le constat que, je dirais, on est capables d'attirer une main-d'oeuvre immigrante qualifiée, on a des problèmes, je dirais, pour la retenir. Alors là, je dirais, ça n'appartient plus aux ministères, là, ça appartient aux travailleurs, ça appartient aux employeurs, on a une responsabilité collective. Et là je vous dirais qu'autour de la table on est effectivement à trouver des... à chercher des solutions ensemble, mais au moins, je dirais, on est déjà capables de se dire, autour de la table : On a un problème commun, et là ce n'est pas la faute juste d'un, ce n'est pas la faute juste de l'autre. Et là on est en train, je dirais, de travailler sur ces éléments-là.

Au niveau des formations d'appoint, je vous l'ai mentionné un petit peu, on est vraiment, je dirais, pour cette étape-ci, sur... Moi, je dis toujours : Un trou, un bouchon. Là, on se dit : Il y a des problèmes concrets qui sont identifiés par les entreprises. Comment on peut dès maintenant trouver des solutions rapides pour intégrer des gens qui se cherchent des emplois, qui ont la volonté de travailler, mais qui n'ont pas nécessairement des connaissances particulières requises par les entreprises? Et on travaille beaucoup au niveau de ces formations d'emploi là.

Et, au niveau de francisation, bon, vous l'avez vu dans notre mémoire, là, ça se traduit par une chose, c'est le français, langue d'intégration. Alors, on dit : La meilleure façon d'intégrer un immigrant, c'est d'abord de lui trouver un emploi, et, deuxièmement, on espère que tout va se passer dans le milieu de travail. Le milieu de travail, à partir du moment où on se dit : On travaille en français, là, je dirais, l'immigrant qui va arriver et qui ne parle pas français, alors, je dirais, devrait sentir une volonté, là, je dirais, d'apprendre la langue française. Et, nous, je dirais, c'est un peu, là, je dirais, le sens du message qui est là, c'est : Assurons-nous que dès que possible, lorsqu'un immigrant arrive au Québec, il ait un emploi et que ce milieu de travail là l'encourage à travailler en français.

Le Président (M. Picard) : D'autres questions? Ça va?

Une voix : ...

Le Président (M. Picard) : 1 min 30 s.

Mme Weil : Une minute. Oui. Vous parlez des formations d'appoint et vous proposez que la nouvelle loi ait une disposition pour favoriser la réalisation de formations d'appoint et d'expériences de travail. Qu'est-ce que vous envisagez, de rendre ça obligatoire ou... dans la loi qui est...

M. Francoeur (Florent) : ...je vous dirais, sans se donner une volonté commune de dire... souvent on a un immigrant qui est qualifié, mais, pour toutes sortes de raisons, notamment, par exemple, là, le travailleur est qualifié mais n'a pas d'expérience de travail au Québec... Et ça, je dirais, c'est un des éléments qui va faire que l'employeur est moins intéressé, je dirais, à l'embaucher. Et là on dit, nous : Il faut favoriser les situations où, on dit, par une formation de courte durée, ça peut être un stage, ça peut être différentes formes, mais on met le travailleur directement, je dirais, en mode action et on lui dit : Voilà, tu commences à travailler sur un projet, disons, de... On a des projets de quelques semaines où déjà, l'individu, l'immigrant qui arrive, en le mettant au travail, il est capable, je dirais, de se mettre en contact avec un employeur, qui, lui, voit l'intérêt, les compétences et le garde à long terme.

Le Président (M. Picard) : Merci.

Mme Weil : Ça complète. Il reste 15 secondes.

Le Président (M. Picard) : 10 secondes.

Mme Weil : Donc, j'irais dans le même sens pour tout ce qui est dans la sélection, mais on aura l'occasion d'échanger là-dessus avec la déclaration d'intérêt. Je trouve votre proposition intéressante. De mettre ça dans la loi, je pense que c'est très structurant. Merci beaucoup, M. Francoeur.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Francoeur, soyez le bienvenu.

Je rebondis sur le milieu de travail qui peut contribuer à la francisation, et c'est un point important. Pensez-vous qu'adopter des mesures s'appliquant à l'endroit des entreprises de 25 à 49 employés — c'est là où le projet de loi n° 14 voulait se rendre sous le précédent gouvernement — soit une mesure qui conforterait votre proposition?

M. Francoeur (Florent) : Je vais vous répondre autrement en vous rappelant d'abord, je vous dirais, le rôle que je joue, là. Je vous ai parlé un petit peu de la particularité de la table. Alors, je vous dirais qu'on n'a pas, je vous dirais... Ce que je vous ai présenté dans le mémoire, c'est un peu la somme des convergences, et vous allez voir que, je dirais... quand vous allez entendre, je dirais, les différentes parties qui sont autour de la table que je préside, vous allez entendre des points de vue, je dirais, qui peuvent être particulièrement différents.

Alors, je vous dirais, honnêtement, par choix, on n'a pas voulu, je dirais, aller dans ce détail-là. Pour nous, ce qu'il était important simplement de rappeler, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est : On fait une sélection qui est appropriée dès le départ pour que la personne ait autant que possible accès à un emploi lorsqu'elle arrive sur le marché du travail, et assurons-nous que le milieu de travail puisse, je dirais, contribuer fortement à l'intégration de cette personne-là, notamment avec la francisation.

M. Kotto : Donc, c'est un voeu que vous exprimez, un simple voeu mais sans...

• (11 h 10) •

M. Francoeur (Florent) : C'est plus qu'un voeu, je dirais. Quand on regarde les différentes expériences, quand on regarde, je dirais, les formations qui se donnent en entreprise... M. Boyer en a parlé tout à l'heure, là, mais, je dirais, la Commission des partenaires du marché du travail finance de la formation, des programmes de francisation en entreprise, les programmes qui sont donnés notamment par la FTQ sont financés par la commission, avec des taux de succès qui sont impressionnants, là, on est dans des milieux de travail où, je dirais, il peut y avoir beaucoup de réticence. Et on forme les travailleurs en entreprise, je dirais, sur les lieux de travail, sur l'heure du midi, par exemple, ou le soir, et ça fonctionne.

M. Kotto : O.K. Dans votre mémoire, vous parlez souvent de partenariat avec Emploi-Québec. Or, le projet de loi n° 70, s'il est adopté tel quel, abolira cette instance. Comment entrevoyez-vous votre nouveau partenariat avec le ministère dans ce cas?

M. Francoeur (Florent) : C'est-à-dire que la portion qui... Lorsqu'on a parlé en partenariat avec Emploi-Québec, c'est qu'Emploi-Québec, par ses données, par les données du marché du travail, c'est un joueur important, là, c'est-à-dire que toutes les données économiques, lorsqu'on dit que le Québec va créer 1,4 million d'emplois, ce sont des données d'Emploi-Québec, alors les données sur tout ce qui concerne l'information sur le marché du travail. Alors, de ce qu'on en comprend, avec le projet... Et évidemment on utilise ces données-là avec les données qui viennent de nos régions, qui viennent de nos comités sectoriels pour faire le portrait du marché du travail. Alors, de ce qu'on en comprend, ça, ça ne change rien, là, je dirais, ces services-là qui sont offerts par Emploi-Québec vont continuer à l'être.

M. Kotto : O.K. Sur le sujet de la catégorie de travailleurs qui ne détiennent pas un diplôme comparable à une cinquième secondaire — c'est ce que vous évoquez — vous ne croyez pas que leur intégration puisse être difficile sans diplôme?

M. Francoeur (Florent) : Bien, d'abord, il faut rappeler que, je dirais, sur les emplois qu'on crée actuellement au Québec, il y a à peu près 40 % de ces emplois-là pour lesquels on a besoin, je dirais, d'un diplôme de secondaire V et moins. Il y a quand même 60 % des emplois, je dirais, qui sont en haut de ça, mais, je dirais, de façon globale, quand on regarde, là, il y a quatre emplois sur 10 qui sont créés qui sont dans la catégorie de ce qu'on appelle les emplois moins qualifiés, alors ça veut dire qu'il y a des emplois là. Il y a des emplois là, les entreprises nous disent : On a besoin de ce type de travailleur là.

Et nous, un peu comme on le fait avec la question de la francisation, on dit : Le milieu de travail, actuellement, a besoin de ces gens-là, mais en même temps, quand on parle de rareté de main-d'oeuvre, quand on regarde un peu la courbe démographique, on s'en va, je dirais sans trop de risques, vers un taux de chômage qui va tourner autour de 5,5 % dans un horizon de sept, huit ans. Alors, les entreprises, lorsqu'on parle aujourd'hui de rareté de main-d'oeuvre, je dirais, c'est un problème qui commence, hein? Alors, les entreprises vont devoir, je dirais... Moi, j'arrive du milieu des ressources humaines et je dis : Le premier problème des entreprises, là, ce n'est pas l'attraction; le premier problème des entreprises, c'est la rétention des personnes. Et ce qui veut dire qu'aujourd'hui j'attire chez moi un candidat moins qualifié, cette personne-là est compétente, cette personne-là a de l'intérêt, cette personne-là veut se développer, je dirais, l'expérience montre qu'actuellement les entreprises sont intéressées à développer ces gens-là, parce qu'on se dit : J'ai une bonne tête, cette personne-là est intéressée, alors je vais investir en lui, parce qu'il n'y a pas de main-d'oeuvre qui attend, je dirais, de l'autre bord de la porte, là. Je ne peux pas dire que j'ai une main-d'oeuvre qualifiée qui m'attend, il n'y en a pas, je dirais, il n'y a pas de main-d'oeuvre qui cogne à la porte.

Alors, la question, je dirais, de rareté de plus en plus grande de main-d'oeuvre va faire en sorte que les entreprises vont s'intéresser de plus en plus, je dirais, à leurs propres ressources humaines, et ce qui veut dire que ces gens-là qui ont pris d'abord un emploi moins qualifié vont probablement être placés dans des situations où on va leur demander, je dirais, de se qualifier, de plus en plus, dans la même organisation.

Le Président (M. Picard) : M. le député.

M. Kotto : O.K. Il a été dit par M. Boyer, qui vous a précédé, qu'on dispose de 340 000 chômeurs au Québec. Et, dans ce bassin, entre guillemets, il y a un fort taux de chômeurs issus de l'immigration récente.

M. Francoeur (Florent) : Absolument.

M. Kotto : Pensez-vous qu'il y a quelque chose à faire avec ce potentiel, au lieu de... Parce que, parmi eux, il y en a beaucoup qui se sont déjà intégrés à la société québécoise, qui parlent français. Et, considérant nos préoccupations relativement au recul du français, dans la grande région de Montréal notamment, pensez-vous qu'il y a lieu de développer d'autres perspectives de politiques ou de stratégies pour aller puiser là-dedans, au lieu d'investir la totalité de l'énergie dans le recrutement de personnes formées ailleurs, vivant ailleurs?

M. Francoeur (Florent) : Absolument. Et, quand on dit, grosso modo, là, encore une fois je prends les chiffres de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante... les entreprises nous disent qu'elles embaucheraient 70 000 personnes, au Québec, si ces personnes-là avaient les compétences, il faut s'intéresser à savoir qu'est-ce qu'ils veulent dire par avoir les compétences. Et, dans certains cas, ça peut être tout simplement que j'ai un candidat devant moi, j'ai un ingénieur, j'ai un diplômé en technique de génie civil qui vient d'un autre pays mais qui n'a pas d'expérience québécoise, exemple. Et ce que ça veut dire, quand on vous parlait, par exemple, de programmes de courte durée, des programmes notamment que la commission va commencer à financer, alors on dit : Comment on peut faire pour briser la barrière de : Il est compétent, mais il n'a pas d'expérience québécoise? Alors, comment on peut rapidement lui donner une expérience québécoise? Et là c'est là qu'on parle, par exemple, de formations de courte durée, où on dit : On va inviter cette personne-là à aller suivre un stage, une formation dans une entreprise. Alors, on va le placer en contact avec l'entreprise et on va faire réaliser à l'entreprise que cet individu-là a tout à fait les compétences, et rapidement, je dirais, la barrière, par exemple, du fait qu'il n'a jamais travaillé au Québec... pour faire disparaître.

Alors, c'est un exemple. Ça peut vouloir dire, lorsqu'on parle... par exemple des formations universitaires, des formations dans les ordres professionnels. Alors, comment on fait pour enlever les barrières qui sont identifiées par les entreprises comment étant des freins à l'embauche? Qu'est-ce que c'est, encore une fois, qu'est-ce que ça veut dire, «j'embaucherais si ces personnes-là avaient les compétences»? Alors, il faut aller un petit peu plus loin pour comprendre ça, pour trouver des solutions.

Le Président (M. Picard) : Il vous reste deux minutes, M. le député.

M. Kotto : Deux minutes. Très rapidement. Merci, M. le Président.

M. Dutrisac, dans le quotidien Le Devoir hier, nous rapportait que 42 % des 50 000 immigrants qui arrivent au Québec à chaque année ne parlent pas un mot de français, donc c'est environ 21 000 par année, là. Et de ce nombre on apprend que 60 % ne se francisent pas, donc c'est environ 12 000 par année.

Et, de votre côté, vous appelez à l'assouplissement des critères en termes de maîtrise du français. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a un problème en perspective, considérant la situation du Québec? Nous sommes 2 % de parlant français en Amérique du Nord.

M. Francoeur (Florent) : Oui. Écoutez, ces chiffres-là, je les ai regardés, je dirais, et là, je vais vous dire, sauf erreur, là, nous, là, ce qu'on a compris de ces chiffres-là, c'est que c'étaient des formations offertes par le MIDI. Maintenant, ce qu'il faut aussi savoir, c'est qu'il y a des formations qui sont offertes par le ministère de l'Éducation, il y a des formations qui sont offertes par Emploi-Québec, il y a des formations qui sont offertes par la Commission des partenaires. Autrement dit, là, nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'à notre avis n'a pas été comptabilisée la formation en entreprise.

Et, pour répondre à une question de tout à l'heure, lorsque quelqu'un posait la question à M. Boyer sur ça voulait dire combien de personnes, là, bien peut-être juste vous mentionner, là, juste au niveau de la Commission des partenaires du marché du travail, dans les trois dernières années, on parle de 9 807 participants qui ont participé à des programmes de francisation en emploi. Alors, ces personnes-là sont en entreprise.

Alors, à notre avis, ces chiffres-là que vous avez eus ne tiennent pas compte... en fait ce sont des chiffres des formations données par le ministre de l'Immigration, mais il y a d'autres façons. En fait, la personne qui arrive directement, je dirais, de l'extérieur, travaille dans un emploi au Québec et, je dirais, participe à des programmes de francisation par l'entreprise, qui sont offerts par la Commission des partenaires ou par Emploi-Québec, alors là, lui, cette personne-là, il n'est pas dans vos statistiques, alors que, pour nous, il est en train de se franciser.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Francoeur. Merci pour votre mémoire. Et décidément le député de Bourget et moi-même, aujourd'hui, sommes sur la même préoccupation. Je vais poursuivre, parce que ce dont mon collègue parlait, ça se trouve à la page 5. Et, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, je vais faire une petite lecture de ce que vous proposez, et puis peut-être on pourra élaborer pour essayer de comprendre.

On parle naturellement du français, langue d'intégration. Vous nous dites : «La commission reconnaît l'importance de la langue chez les personnes immigrantes afin de favoriser leur pleine intégration à la fois au marché du travail et à la société québécoise. Toutefois, elle juge que le critère de sélection des candidats potentiels relié au niveau de maîtrise de la langue française doit être appliqué avec souplesse, via un pointage moins élevé dans la grille de sélection selon le domaine de formation...»

Là, j'aimerais qu'on élabore là-dessus. Si je simplifie ce qui est écrit là, vous nous dites, à quelque part : Il faudrait être un peu moins exigeant sur le niveau de la maîtrise du français qui est demandé. Alors, pourquoi? Et qu'est-ce qu'on veut accomplir par ça?

• (11 h 20) •

M. Francoeur (Florent) : Le pari que l'on fait, c'est de se dire : Plus cette personne-là arrive ici avec des chances d'avoir un emploi sur-le-champ, plus cette personne-là va intégrer rapidement le marché du travail et plus cette personne-là va s'intégrer au niveau du français. Alors, autrement dit, on dit : Le milieu de travail va devenir un milieu de francisation.

Et c'est pour ça qu'on insiste là-dessus en disant... Je dirais, dans le pointage, ce qu'on cherche à faire, on est capable d'identifier en disant : On a des besoins très précis d'employés dans des secteurs très précis. Alors, si vous embauchez ces gens-là, même si, par exemple, ils n'ont pas une connaissance suffisante de la langue française, si ces personnes-là arrivent avec un emploi assuré dans un milieu francophone, ces personnes-là vont apprendre le français. C'est le pari qu'on fait.

Mme Roy (Montarville) : Une amie me disait : Il y a de très, très bons candidats à l'immigration, entre autres les Italiens, qui sont d'ailleurs près de nos valeurs, qui pourraient s'intégrer facilement mais malheureusement ne peuvent pas être accueillis ici parce que leur niveau de francisation n'est pas assez élevé, selon cette grille. Est-ce que ça pourrait rejoindre ce type d'immigration qui pourrait bien s'intégrer et bien apprendre le français? Parce qu'on n'oublie pas qu'il faut quand même que ces gens soient intégrés et suivent le français. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Francoeur (Florent) : Oui, bien, je dirais, on ne l'a pas regardé, je dirais, de façon aussi pointue, mais, je dirais, c'est toujours un peu la même chose, c'est... À partir du moment où la personne arrive au Québec, je dirais, arrive directement dans le milieu de travail, et au Québec on travaille, de façon générale, en français, alors les milieux de travail vont se charger, je dirais, de franciser, si vous me permettez, cette personne-là. Et on le voit de façon, je dirais, très fréquente, là, c'est un programme qui fonctionne. Alors, on dit : Pourquoi, pourquoi se priver d'un candidat de qualité quand on est capable de faire le pari que cette personne-là va rapidement apprendre le français?

Et c'est pour ça, tantôt, quand je vous parlais de chiffres en disant... Quand on regarde, là... Je vous ai parlé juste de nos chiffres à nous, à la commission, mais, quand on regarde de façon globale, on se dit : Il se fait beaucoup d'efforts de francisation en milieu de travail. Alors, c'est parce qu'il y a des besoins.

Mme Roy (Montarville) : Je poursuis dans la même veine. Et je vous suis, là, vous nous dites : Des gens qui sont très qualifiés, ils ont un emploi, seraient d'excellents candidats, pourraient devenir d'excellents citoyens québécois. Dans cette veine, si on diminue le niveau de la maîtrise du langage, ne croyez-vous pas qu'il faudrait cependant s'assurer qu'il y ait de la francisation ou des cours de francisation, quitte à les rendre obligatoires dans une certaine mesure; si on diminue le critère, s'assurer tout de même que ces gens-là deviendront francophones?

M. Francoeur (Florent) : Je vous dirais, honnêtement on n'est pas allés jusque-là, sinon, encore une fois, pour dire qu'il y a de nombreux programmes de francisation dans les entreprises qui fonctionnent. Je dirais, la FTQ en a parlé, par exemple, je dirais, il faut quand même le dire, là. La clientèle, je dirais, qu'on finance, à la commission, pour les programmes de la FTQ, c'est une clientèle, je dirais, qui est assez difficile à intégrer, et, je dirais, ça réussit. Alors, on dit, la clientèle, je dirais, qui est... une personne qui est encore plus scolarisée, se trouve un emploi plus facilement, a probablement plus de chances de s'intégrer encore plus facilement.

Mme Roy (Montarville) : Je poursuis dans la même veine. Alors, des gens qualifiés, scolarisés, avec emploi, que fait-on lorsque ces gens-là se retrouvent, par exemple... Et vous nous dites : Le français fera partie de leur intégration. Alors, si ces employés qui nous arrivent s'en vont dans des entreprises de juridiction fédérale où la loi 101 ne s'applique pas, on fait quoi avec ces gens-là pour la francisation?

M. Francoeur (Florent) : Honnêtement, on n'est pas allés jusque-là, comme je vous disais. Je vous amène la somme de nos convergences, là, mais on n'est pas allés à ce point-là. C'est vraiment... Pour nous, on dit, dans notre responsabilité d'adéquation formation-emploi : S'il vous plaît, allez nous chercher des gens, je dirais, qui ont des chances d'arriver direct, rapidement sur le marché du travail, et en quelque sorte le marché du travail lui-même va s'assurer de franciser ces personnes-là.

Mme Roy (Montarville) : C'est ce que je souhaite tout comme vous, mais est-ce qu'on a une idée du nombre de ces immigrants qualifiés qui viennent ici et qui ne se retrouveront pas dans des entreprises où le français est la langue de travail? Parce que, là, on perd au change si on les fait venir, ils sont super qualifiés, mais ils se retrouvent dans une entreprise où vraiment tout se fait en anglais. Parce que ça existe. Dans les grandes tours à Montréal, il y en a plein. Qu'est-ce qu'on fait?

M. Francoeur (Florent) : Bien, je regarde... Simplement, encore une fois, quand je vous donnais les chiffres, qui sont quand même importants, hein, si on parle juste de la Commission des partenaires, j'exclus Emploi-Québec, là on parle quand même de 10 000 personnes sur trois ans, là, c'est beaucoup, là. Quand on regarde ce que fait le MIDI, quand on regarde ce que fait le ministère de l'Éducation, quand on regarde ce que fait Emploi-Québec, quand on jumelle, je dirais, toutes ces sommes et tous ces efforts-là de francisation, je dirais, le taux de succès est quand même bon, là.

Le Président (M. Picard) : Une minute.

Mme Roy (Montarville) : Une minute? Eh! M. le Président, vous êtes dur avec moi!

J'aimais aussi l'optique de l'emploi en région. Je considère, tout comme vous, qu'effectivement le nouvel arrivant doit nous aider aussi, puis, s'il peut y avoir de l'emploi en région, tant mieux, parce que les besoins sont grands.

À cet égard-là, jusqu'où pourrait-on aller pour favoriser, justement, l'emploi en région, comme les besoins sont grands? Et là quand je dis : Jusqu'où pourrait-on aller... Dans quelle mesure pourrait-on... le gouvernement pourrait-il prendre des mesures pour faire en sorte qu'on sorte un peu de Montréal puis qu'on aille remplir les besoins dans les régions, ce qui aide à la francisation, d'ailleurs?

M. Francoeur (Florent) : En fait, ce que j'ai le goût de vous suggérer, c'est d'utiliser, je dirais, la Commission des partenaires et ses constituantes régionales, parce que, quand, tantôt, je vous ai parlé de priorisation des métiers, alors on a dit : La réflexion doit d'abord venir... c'est une réflexion qui doit d'abord venir des régions, alors on s'intéresse à ça, et c'est à eux à nous dire d'abord en quoi on a des problèmes d'adéquation formation-emploi, quels sont les métiers... lorsqu'on veut attirer un immigrant et qu'on se dit : On a des emplois dans notre région, alors quels sont les emplois qui sont en demande dans votre région, et, je dirais, avec nous, avec le MIDI, alors, comment on va faire pour attirer des gens dans la région mais qui ont d'abord les qualifications pour répondre aux emplois qui sont disponibles dans la région. Actuellement, on ne va pas jusque-là. Et, nous, c'est le pari qu'on fait, on dit : De plus en plus, au niveau de la commission, lorsqu'on va parler d'adéquation formation-emploi, on va tenter de définir de façon de plus en plus pointue les besoins. On les a faits, nous, au niveau national. On veut aller les faire au niveau régional...

Le Président (M. Picard) : Merci.

M. Francoeur (Florent) : ...pour faire en sorte qu'on puisse dire, dans une région donnée : Les besoins en emploi sont ceux-ci.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Francoeur. Sincère merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends quelques instants afin de permettre aux représentants du Mouvement Québec français de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 27)

(Reprise à 11 h 30)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons en recevant les représentants du Mouvement Québec français. Je vous invite à vous présenter. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

Mouvement Québec français (MQF)

M. Rivard (Christian B.)  : Bonjour. Je suis Christian Rivard, le président du Mouvement Québec français. Mon collègue ici, Éric Bouchard, est le directeur général du Mouvement Québec français. Je vais commencer par une lecture de l'historique du Mouvement Québec français, ensuite je vais laisser la parole à mon collègue Éric qui va vous expliquer le mémoire. Merci.

Fondé en 1972 à l'initiative de mouvements citoyens et syndicaux, le Mouvement Québec français constitue une organisation militante à la promotion de la défense de la langue française. La langue française est la langue officielle du Québec. Cependant, encore de nos jours, des tensions linguistiques existent au Québec, remontant aussi loin qu'à la conquête de 1760 de la colonie française par l'Empire britannique.

Depuis les années 1960, un débat linguistique s'impose au Québec à la suite d'une mobilisation citoyenne constante. Au long des années 1970, des militants politiques du Mouvement Québec français ont dirigé des actions significatives qui ont dès lors engagé le Québec dans un nouvel aménagement linguistique, consécutivement à l'adoption de la loi 22 et la loi 101.

Depuis 1979, toutefois, de nombreuses contestations judiciaires ainsi que des décisions de la Cour suprême du Canada ont mené à des modifications majeures de la Charte de la langue française. Récemment, plusieurs ont réalisé que la Charte de la langue française a été affaiblie et ne constitue plus une loi forte et porteuse telle qu'elle fut jadis.

Au milieu des années 2000, les premières études ont démontré une fulgurante anglicisation au Québec, particulièrement dans la région de Montréal. Puisqu'il y avait urgence d'agir, le Mouvement Québec français a alors mobilisé les efforts autour de la lutte linguistique afin de contrer cette anglicisation par une participation citoyenne à la défense et à la promotion de la langue française. Le grand objectif du Mouvement Québec français est de renforcir la Charte de la langue française afin de faire du français la seule langue officielle et commune au Québec, c'est-à-dire de faire de la langue française la langue de l'État et de la loi et la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires.

Au cours des années, le Mouvement Québec français a sans cesse exprimé que la Charte de la langue française visait à faire du français non pas la langue des seuls francophones, mais la langue commune de tous les Québécois. Il a présenté des mémoires, fait connaître des études décrivant le portrait de la situation du français dans la société québécoise et entrepris des actions nécessaires. Il s'est imposé d'une façon efficace et a participé à l'essor de la société québécoise. Soulignons que le Mouvement Québec français s'implique depuis 2012 parmi le regroupement Partenaires pour un Québec français afin de mener des actions communes avec des organisations syndicales, étudiantes, professionnelles et civiles reconnues.

Pour finir, le Mouvement Québec français tient à exprimer ses remerciements à la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et à son président, M. Maxime Laporte, pour son soutien précieux à la préparation de ce mémoire, précisément sur les recommandations de nature réglementaire sur le projet de loi n° 77, Loi sur l'immigration du Québec.

Je laisse la parole à mon collègue Éric Bouchard.

M. Bouchard (Éric) : M. le Président, Mme la ministre, messieurs dames les parlementaires, merci de nous accueillir.

Bien, tout d'abord, il y a un an, pour ceux qui étaient là dans les commissions... dans les audiences sur la politique d'immigration, bien j'avais été invité par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal à titre d'expert-conseil du dossier linguistique, et la Société Saint-Jean-Baptiste m'avait aussi invité à rédiger le mémoire qui a été présenté l'an passé. Ce mémoire-là disait quoi? Grosso modo que, chiffres à l'appui, Montréal et le Québec s'anglicisent. Et il disait une autre chose, c'est que, dans le fond, le Québec échoue à franciser son immigration. Ce qui menait directement à quoi? C'est que, si on échoue la francisation de l'immigration, bien il est clair que ça a un impact direct sur l'anglicisation de Montréal. Donc, c'est ce qu'on disait il y a un an.

Ce matin, et on l'a vu hier aussi dans Le Devoir, donc deux matins de suite en une, ce matin l'IREC publie l'étude Le Québec rate la cible. Cette étude vient corroborer exactement ce que je disais il y a un an en commission parlementaire, à savoir : Le Québec échoue à franciser de façon optimale son immigration. Ce matin, bien, le Mouvement Québec français reprend le mémoire qui a été présenté l'année passée. D'ailleurs, il est en annexe de notre mémoire, donc, parce que ça ne nous tentait pas de refaire un mémoire pour expliquer comment le Québec s'anglicisait, c'est pour ça qu'on a mis le mémoire qu'on a fait l'année passée en annexe du mémoire présenté aujourd'hui. Il est clair, il est clair, clair, clair, là... De plus en plus, là, c'est très difficile de pouvoir affirmer haut et fort, sans sourciller, qu'il n'y a pas anglicisation au Québec. Il y a anglicisation. Deuxième chose : on rate la cible en matière de francisation de l'immigration.

Donc, j'aimerais entendre non seulement Mme la ministre Weil, mais aussi tous les parlementaires qui vont prendre la parole pour nous poser des questions nous dire qu'ils partagent ce diagnostic-là. J'aimerais aussi entendre les parlementaires ici présents nous dire que, face à ces deux constats, il ne faut pas se contenter d'offrir plus de cours de français ou inciter davantage les immigrants qui seraient portés à être plus récalcitrants à la francisation. Ça, ça fait 25 ans qu'on a des mesures incitatives. Il faut obliger les adultes comme on oblige les enfants actuellement... Actuellement, on oblige les enfants à fréquenter l'école de langue française; bien, il faut faire la même chose avec les adultes, il faut obliger. Le temps où on incitait est terminé. Vous savez, personne ne paierait d'impôts si on n'était pas obligés de les payer.

Donc, l'étude de l'IREC de ce matin nous montre qu'il y a 200 000 personnes au Québec, pas 10 000, pas 15 000, pas 25 000, pas 100 000, 200 000 personnes sur le territoire québécois qui ont immigré, un immigrant sur cinq, qui ne sont pas francisés, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde qui ne parle pas français. Et de ces 200 000 personnes là, bien, c'est 160 000 qui utilisent l'anglais comme langue commune dans l'espace public.

Parmi nos 16 recommandations, en voici quatre qui seraient réellement structurantes afin que nous n'échouions plus, dans les 25 prochaines années, à la francisation de notre immigration.

Tout d'abord, tous les immigrants de moins de 50 ans qui ne possèdent pas le niveau 7 de l'échelle québécoise de connaissance de français doivent, à l'intérieur de 12 mois, réussir le niveau 7 sans quoi il y a deux choses qui vont arriver, c'est que, jusqu'à l'obtention du niveau 7, on se voit retirer, si tu as un permis de conduire ou si... l'assurance maladie. Pendant ce temps-là, il va falloir que tu contractes une assurance privée pour pouvoir payer, dans le fond, ton assurance maladie.

C'est une mesure structurante qui fait peur à bien de gens, je le sais, sauf qu'il faut qu'il y ait quelque chose en retour qui ne soit pas, disons, aussi radical. C'est-à-dire que, si on oblige les gens à faire quelque chose, il faut les aider, et donc on propose de donner une allocation de 400 $ par semaine jusqu'à l'obtention du niveau 7, c'est-à-dire que tu immigres, tu es accueilli, tu as 400 $ par semaine pour te franciser, jusqu'à ce que la francisation soit faite, à l'intérieur d'un an, pour obtenir le niveau 7. Donc, au départ, là, on n'enlève pas de droit à personne. Tu arrives, on te donne l'occasion de te franciser, on te paie; ça te donne le temps de te faire un réseau au Québec, ça te donne le temps de te chercher des emplois, ça te donne le temps de t'intégrer et surtout ça te donne le temps de pouvoir connaître la langue et de l'utiliser par la suite. Donc, on fait ça.

Troisième mesure : arrêt de la pratique du bilinguisme institutionnel afin d'envoyer un message clair aux ressortissants étrangers, aux nouveaux arrivants que la langue d'État est uniquement le français. On le sait, c'est le bilinguisme institutionnel qui est une des raisons pour lesquelles un immigrant ne voit pas l'intérêt à apprendre le français, l'État communique avec lui constamment soit en français soit en anglais en fonction de ses demandes. Et donc là, si on arrête ça, évidemment, bien là il faut être sûr que la communauté dite historique puisse pouvoir continuer de recevoir ses services en anglais, et donc ceux qui ont... les ayants droit du système scolaire de l'école anglaise seraient ceux qui évidemment pourraient obtenir des services en anglais, mais, pour le reste, comme ça se passe en France, où ça se passe en français pour tous les migrants, comme ça se passe en Italie pour chaque immigrant qui immigre, où ça se passe en italien, comme ça se passe au Canada anglais, dans la majorité des provinces, où ce n'est pas en français, ça se passe en anglais pour les migrants... Et 99 % des transferts linguistiques, au Canada, des immigrants et des allophones se font vers l'anglais. C'est simple, l'État ne répond qu'en anglais aux demandes des gens qui arrivent, et ça explique le transfert vers la langue anglaise.

Et enfin, bon, les seuls candidats qui déposeraient une déclaration d'intérêt qui pourraient être acceptés, en rapport avec le projet de loi, en fait, pourraient être ceux qui possèdent le niveau 7 de l'échelle québécoise de connaissance du français. Donc, on est en lien avec le projet de loi.

Si on revient au projet de loi comme tel puis à notre mémoire, quand on regarde dans le temps... Puis là j'ai entendu certaines paroles dites par mon prédécesseur de la Commission des partenaires du marché du travail, mais je l'ai vu avec des mémoires ou avec des déclarations publiques, le patronat et les gens d'affaires, depuis 1977, de façon systématique, et ça, il y a une étude qui a été faite par Joëlle Quérin, de l'Institut de recherche sur le Québec, systématiquement on demande de baisser soit les critères, d'assouplir les articles de loi pour faire en sorte que le français soit moins présent. Donc, ça, c'est inquiétant.

• (11 h 40) •

Le Président (M. Picard) : ...s'il vous plaît.

M. Bouchard (Éric) : Pardon?

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Bouchard (Éric) : En terminant. Bien, on y repassera quand ce sera rendu... tantôt, parce que, là, ça sera particulièrement sur des articles de règlement du projet de loi que je voudrais intervenir.

Le Président (M. Picard) : C'est ça. En répondant aux différentes questions, vous allez pouvoir continuer à nous... à partager vos...

Une voix : ...

Le Président (M. Picard) : Oui? O.K. Vous pouvez continuer sur le temps du gouvernement.

Mme Weil : Vous voulez finir...

M. Bouchard (Éric) : Oui. Une ou deux minutes, oui. Ça vous va, Mme Weil?

Mme Weil : Oui, oui, pas de problème, allez-y.

Le Président (M. Picard) : O.K., allez-y.

M. Bouchard (Éric) : Merci beaucoup. Donc, ce qui est inquiétant, parce que dans la... c'est que, le projet de loi, les gens d'affaires se sont empressés avec enthousiasme à dire que c'est un projet de loi extraordinaire. Donc, il n'y a pas de lien direct, mais, si depuis des années on demande d'assouplir les critères et qu'au dépôt du projet de loi les gens d'affaires, le patronat disent : Wow! Wow! Wow! c'est extraordinaire!, ça inquiète les organisations, qui se disent : Oh! là il faut faire de quoi pour le français, donc...

Puis, au niveau du gouvernement, bien, Mme Weil, puis c'est bien correct, tu sais, elle a dit : Il faudrait avoir une immigration plus diversifiée, puis ça, on est d'accord avec ça, tu sais, la diversification, mais, quand on regarde ce qui se passe actuellement dans le monde, les bassins d'immigration, la francophonie, c'est plus de 230 millions de personnes sur la planète; la francotropie, plus de 400 millions, 450 millions. Donc, il y a 700 millions d'individus dans les bassins dans lesquels nous pouvons puiser pour aller chercher notre immigration, 700 millions de personnes. Je ne peux pas croire que, dans ces bassins-là, il n'y a pas toute la diversité, les cerveaux et les talents dont on a besoin pour la prospérité du Québec.

Et je termine. Dans le fond, la raison pour laquelle j'insiste sur les bassins, c'est que, l'étude de ce matin le montrait très, très bien, les immigrants francotropes tendent à se franciser pratiquement tous, et ceux qui ne sont pas francotropes, eh bien, tendent à utiliser l'anglais au travail ou dans l'espace public. C'est pourquoi nos recommandations, pour le mémoire, vont vraiment être d'ordre réglementaire, en fonction des articles de loi où est-ce qu'on réfère à un règlement ultérieur de la part du gouvernement. Merci.

Le Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Oui, bonjour. Alors, juste avoir... Excusez-moi, je n'ai pas la fiche. C'est ça. Donc, M. Rivard, c'est bien ça, dans l'ordre, et M. Bouchard, bienvenue à la commission. Donc, je le répète souvent, la question du français et la contribution de l'immigration à la vitalité de la langue française est primordiale. Je vous le dis, là, je pense que c'est important de répéter que ça fait... depuis longtemps que ça fait partie de la vision du gouvernement, des gouvernements successifs, en matière d'immigration. Seule société francophone en Amérique du Nord, c'est la seule façon de préserver la pérennité du français, parce qu'évidemment l'immigration, hein, c'est une réalité de tous les pays occidentaux qui vieillissent, on accueille des gens d'un peu partout dans le monde. Donc, les critères de sélection, c'est très important pour nous en amont, l'action qu'on a à faire en amont, et en aval.

Donc, en amont, les critères de sélection vont vraiment vers une immigration francophone. Je sais que des gens parlent de critères, on est très prudents sur ces... c'est-à-dire d'assouplir certains critères, on est prudents là-dessus. Et je vais vous dire que, de mon expérience personnelle, ce que je remarque, honnêtement, et les commentaires, ceux que je vois dans les cours de francisation, les gens me disent : Je n'arrive pas à me dénicher un emploi parce que je ne parle pas français, et c'est à Montréal, alors... Et on sait qu'il y a d'autres obstacles à l'emploi, beaucoup de Maghrébins qui maîtrisent la langue de façon impeccable qui ont de la difficulté à trouver de l'emploi. Donc, il faut agir sur plusieurs fronts comme société, hein, parce qu'il y a le ministère de l'Éducation, le ministère de l'Emploi, lutter contre les préjugés, les barrières, donner des voix de passage pour les gens, qu'ils puissent bien intégrer, offrir, donc, des cours de français en milieu de travail pour ceux qui réussissent à intégrer le marché du travail. Donc, je pense qu'on est sur la même page sur toutes ces questions.

Mais je vous dirais que, les bassins francophones, les chiffres qu'on a vus dans Le Devoir, c'est des chiffres qui datent, hein, parce que c'est des admissions en 2012, et on sait très bien, c'est pour ça qu'on amène... je fais un préambule pour qu'on puisse être sur une même page lors de nos échanges, on réforme complètement notre système parce que l'autre système, le système actuel, c'est premier arrivé, premier servi, donc ça peut prendre jusqu'à trois, quatre ans avant que la personne arrive. Donc, les gens de 2012, le portrait d'hier matin du Devoir, c'étaient des gens qui auraient peut-être fait leur demande en 2009. Depuis, on a vraiment amélioré nos critères de sélection. Pourquoi? Parce que c'est une barrière à l'intégration, généralement, la langue, hein, c'est bien important, l'offre aussi.

Et, je dois vous dire, dans le 40 %, parce que c'est souvent répété, là, le 40 % qui ne parlent pas français, il faut savoir qu'un tiers de notre immigration de 2014 — je n'ai pas les chiffres devant moi — c'est des enfants, hein, des enfants et des jeunes, ça, ce n'est jamais précisé, ils sont scolarisés dans nos écoles. Je ne sais pas si vous avez l'occasion d'aller dans nos écoles. Moi, j'étais là tout récemment, une nouvelle école qui vient d'être construite, et, les enfants, un français impeccable, vraiment impeccable. Et je leur demande leurs origines, parce qu'on voit qu'ils peuvent avoir des origines diverses, et je vous dis qu'ils viennent d'un peu partout, donc c'est des parents qui viennent de différents bassins, mais qui ont appris le français.

Alors, on donne des cours de français avant même la sélection avec des alliances françaises. Des gens qui sont vraiment déterminés à venir au Québec, on donne le cours de francisation en ligne, donc, pour ceux qui sont sélectionnés avant leur admission. Évidemment, évidemment, une fois qu'ils arrivent, c'est des cours de français un peu partout.

Alors, dans ce système où la sélection met beaucoup, maintenant, l'accent sur la connaissance du français, vous devez savoir que, dans la composition de l'immigration, le Québec adhère à des conventions humanitaires, notamment les réfugiés et le regroupement familial, et c'est la convention de Genève. Et le Québec a toujours adhéré. Si je pense aux réfugiés syriens, justement, ils ne parlent ni anglais ni français, donc c'est comme une page blanche, ils s'inscrivent rapidement dans le cours de français.

On a beaucoup parlé du milieu de travail, ce matin, avec les partenaires qui sont la FTQ, la Commission des partenaires du marché du travail, parce que, lorsque j'ai fait la consultation sur la politique... On voit que les gens intègrent plus rapidement le marché du travail. Ils ont souvent besoin... Ils ont une connaissance du français. Soit ils sont très... ils parlent français, ils sont francophones, ou ils ont un niveau de français qui... peut-être que c'est des gens qui sont arrivés il y a cinq, six, sept ans. C'est d'offrir des cours de français en milieu de travail.

Puis j'aimerais vous entendre là-dessus. J'ai fait un long préambule pour qu'on soit sur la même page, que vous compreniez un peu la vision. On maintient cette vision que l'immigration doit contribuer au fait français, la pérennité, donc comment on fait en amont, en aval, et mobiliser tout le milieu pour appuyer ces personnes; la formation d'appoint, oui, technique, mais aussi la langue. Alors, il y a une politique qui s'en vient avec une stratégie d'action. C'est déjà dit publiquement : La promotion de la langue, c'est très important, promotion dans le sens très large du français, mais, le rôle de tous et chacun, le gouvernement a un rôle, les employeurs aussi, la société civile. J'aimerais vous entendre un peu sur peut-être les entreprises, dans un premier temps, et les autres acteurs. Excusez-moi du long préambule, mais je voulais nous amener sur des idées pour la politique.

Le Président (M. Picard) : M. Bouchard.

M. Bouchard (Éric) : M. le Président, il nous reste combien de temps?

Le Président (M. Picard) : 10 minutes.

M. Bouchard (Éric) : Il nous reste 10 minutes de cet échange-là?

Le Président (M. Picard) : C'est ça.

• (11 h 50) •

M. Bouchard (Éric) : Parfait. Alors, bien, sur la question, si on revoit... On s'excuse, tout est arrivé en même temps. J'ai terminé le mémoire à 1 heure du matin, on s'est en venus... Je veux dire, c'est la folie! Le rapport de l'IREC, pourquoi on a fini si tard, c'est que le rapport de l'IREC n'a été disponible que très tard cette nuit. Que disait ce rapport-là? Bien, on voit toute l'offre de francisation, mais on voit qu'en entreprise c'est assez mince. Donc, si, au niveau du gouvernement, on favorise puis qu'on fait en sorte qu'au niveau des syndicats... il y a des moyens qui soient donnés aux syndicats pour que, dans le fond, les entreprises où est-ce qu'il y a des syndiqués favorisent la francisation, évidemment qu'on est d'accord, évidemment, que les comités de francisation, O.K., soient... Parce que tous les comités de francisation qui font en sorte qu'on francise les entreprises, c'est des gens qui sont utiles sur le terrain puis qui peuvent prendre les gens qui sont immigrants par la main puis leur dire : Eh! écoute, savais-tu, il y a des cours qui se donnent. Donc, il faut redonner le lustre à l'OQLF, et aux comités de francisation, et à ceux qui vont en entreprise, parce qu'il y a combien d'agents d'immigration qui sont vus comme des méchantes polices de la langue, alors qu'ils vont en entreprise pour aider les travailleurs et les employeurs à faire en sorte qu'on francise l'entreprise et, par le fait même, peut-être informer certains immigrants, dire : Tu pourrais, franchement... il y a aussi tel, tel, tel cours? Ça fait que là-dessus, Mme la ministre, on est avec vous à 250 000 %. Là-dessus, là, on est d'accord.

Mais je reviens sur une chose : ce n'est pas tout le monde qui se trouve un emploi. Puis, contrairement au monsieur qui m'a précédé, de la CPMT, de dire : Si tu t'intègres en emploi, bien tu vas te franciser, ce n'est pas tout, dans la vie, c'est comme juste une stratégie. Je m'excuse, qu'est-ce qui arrive avec ceux qui n'ont pas d'emploi? Puis souvent, le portrait type, la femme va apprendre le français, reste à la maison avec les enfants, et l'homme va travailler, en bon français, dans le fond d'une shop, il ne sait pas parler français. Et, s'il ne sait pas parler français, il ne peut pas connaître ses droits au travail puis il ne peut pas faire partie de ceux qui vont dire : Bien, nous, on aimerait ça peut-être syndiquer cette entreprise-là. Donc, la connaissance du français, ça nous aide à connaître les normes du travail, ça nous aide à connaître qu'est-ce qui se passe avec la CSST.

Donc, pour nous, le fait de donner 400 $ par semaine pour que les gens apprennent le français, c'est la mesure la plus intégratrice. Ceux qui se trouvent un emploi tout de suite, tant mieux, mais qu'est-ce qui arrive à ceux qui ne se trouvent pas d'emploi? Qu'est-ce qui... Et là, là, je veux dire, c'est vraiment quelque chose de bien. Tu reçois 400 $ pour apprendre le français au bout d'un an, je veux dire, tu y vas. Moi, je parle quatre langues, je veux dire, ça s'apprend, une langue, là, ce n'est pas de dire : Aïe! c'est donc bien difficile à apprendre! Surtout, en plus, si tu te fais payer... Moi, j'ai payé. Je suis allé en Floride pour apprendre l'anglais, je suis allé au Mexique pour apprendre l'espagnol. Tu sais, à un moment donné, c'est difficile. Si on donne la chance aux gens qui arrivent de l'apprendre... Puis, en ayant une allocation, les gens ne vivent pas dans la pauvreté et ils s'intègrent.

Donc, moi, j'aimerais revenir, si vous me permettez, Mme la ministre, en venir surtout avec les recommandations qui sont plus d'ordre... — et là on voit ça en page 7 — qui sont d'ordre réglementaire, parce que c'est des suggestions. Le projet de loi, pourquoi un groupe comme le Mouvement Québec français peut être inquiet de ce projet de loi là, c'est qu'il y a 34 articles sur 125 où est-ce qu'on dit : Les modalités d'application seront décidées par règlement. Nous voulons avoir confiance en vous, nous voulons avoir confiance, mais, la confiance, on va, dans le fond, essayer peut-être de la travailler en vous proposant certaines choses qui pourraient être intéressantes comme articles de loi... je veux dire comme règlements.

Et là, dans le fond, là, je ne ferai pas la lecture de tout ça, parce qu'on n'aura pas le temps, mais l'idée, c'est de dire : Si tu veux te porter garant en regroupement familial, bien est-ce que ça se peut que cette personne-là ait obtenu le niveau 7 d'échelle québécoise de connaissance du français? Est-ce que ça se peut que ce serait un critère? Si tu es un employeur puis que tu veux aller chercher le plus grand talent de la planète un peu partout dans le monde, ça se pourrait-u qu'on te demande comme employeur, si tu veux avoir l'approbation de la ministre, de dire : Bien, est-ce que tu as ton certificat de francisation? Ah oui? Tu l'as? Bien, vas-y. Une entreprise qui n'a pas son certificat de francisation, pourquoi elle, elle a le droit d'aller chercher un talent sur la planète pour, dans le fond... si on n'est pas sûr que cette personne-là va connaître le français? Pour les immigrants temporaires qui vont devenir des immigrants permanents, est-ce que ça se pourrait qu'on demande à ceux qui vont faire la demande : As-tu obtenu le niveau 7?

Tu sais, le niveau 7, c'est la base, mais il faut que le gouvernement — je reviens là-dessus — donne les moyens aux gens de l'apprendre. Tu ne peux pas obliger quelqu'un, dans le fond, à obtenir un certain niveau en ne lui donnant pas les outils pour atteindre ce niveau-là.

Est-ce que... Vous sembliez vouloir me répondre, Mme la ministre.

Mme Weil : Bien, j'ai une question. Est-ce que vous êtes en train de dire... Je n'ai pas lu votre mémoire, mais il me semble que j'ai vu ça, quelqu'un va le proposer, donner accès à la francisation à certaines catégories d'immigrant temporaire. Est-ce que c'est ce que vous dites?

M. Bouchard (Éric) : Bien, un immigrant temporaire...

Mme Weil : Qui serait destiné peut-être aux permanents...

M. Bouchard (Éric) : Aux permanents, bien c'est...

Mme Weil : ...de commencer la francisation, oui, je trouve ça intéressant.

M. Bouchard (Éric) : Bien, certainement, certainement. Moi, pour moi, je veux dire, c'est comme ça. Un immigrant temporaire, il arrive, je ne sais pas, moi, il travaille dans un champ puis il a la chance... Je sais qu'ils travaillent très, très fort dans les champs, là, ils n'ont pas vraiment la chance d'apprendre, mais ils réussissent à atteindre le niveau 7 puis ils décident : Bien, moi, je veux devenir un immigrant permanent, j'ai atteint le niveau 7, bravo, je veux dire, on est pour ça. Tout le monde est pour l'immigration, mais on est pour que l'immigration, elle se fasse pour ne pas faire en sorte que le français recule.

Puis, moi, c'est sûr que les déclarations, ça, je vous l'avais déjà dit l'an passé, Mme la ministre, puis on l'a écrit dans le mémoire, dans vos documents de consultation, je veux dire, on croirait que c'est des gens du Mouvement Québec français puis de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal qui ont écrit ça tellement on sent qu'il y a un amour du français puis un désir. Pour de vrai. Non, mais ce n'est pas des blagues, là, il faut lire ces documents-là. Mais, nous, ce qu'on dit, c'est que c'est beau, le désir, mais ça prend des mesures structurantes puis ça prend des objectifs. Donc, il faut aussi mesurer l'évolution du français en fonction d'indicateurs connus et crédibles. Le français, langue d'usage public, ça se calcule, maintenant, on l'a. On les a, les études. Est-ce qu'on peut se dire, au ministère de l'Immigration : Nous avons des objectifs, d'ici cinq ans, d'avoir tel niveau avec les non-francotropes, par exemple? Là, tu as un indicateur de mesure, ça veut dire qu'au bout de quatre ans tu dis : On s'est donné cet indicateur-là, ça n'a pas réussi. Qu'est-ce qu'on a fait de mal? Même chose au niveau de la langue maternelle, au niveau de la langue d'usage.

Donc, quand tu te donnes des critères de même, c'est facile de faire de la reddition, pas des comptes publics, pas de savoir si nos fonctionnaires travaillent bien. De dire : Ils ont donné tant de cours de français de plus, ça ne nous intéresse pas, nous. Nous autres, ce qui nous intéresse, c'est de dire : Est-ce que le français va mieux au travail? Est-ce que le français va mieux dans l'usage public? Est-ce que le français se porte mieux? Nous, c'est là-dessus.

Donc, principalement des mesures réglementaires qui vont faire en sorte que les gens atteignent le niveau 7. Puis, au niveau 7, tu travailles en entreprise, puis tu envoies des courriels à tes collègues, puis tu envoies de courriels à d'autres entreprises, tu es utile à ton entreprise, puis en plus de ça ça te permet d'avoir des emplois bien payés. Si tu ne sais pas le français, comment tu peux écrire des courriels à une autre entreprise? Puis, je veux dire, tu veux acheter, mettons, de la confiture du Bas-Saint-Laurent puis tu es dans une entreprise à Montréal, tu es dans... puis là tu veux écrire, puis là tu essaies d'appeler la compagnie qui fait de la confiture au Bas-Saint-Laurent; si tu ne sais pas écrire le français, on ne te donnera jamais cet emploi-là. Puis c'est souvent les emplois où est-ce qu'il y a des connaissances linguistiques qui sont les mieux payés. Au Québec, les gens les mieux payés sont ceux qui savent le français et l'anglais. Si tu es unilingue anglophone, tu es moins bien payé que quelqu'un qui connaît à la fois le français et l'anglais.

Donc, la connaissance des langues, je vous le répète, c'est quelque chose que nous, on n'est pas contre ça, mais ce qu'on veut, par contre, c'est s'assurer que les gens atteignent un certain niveau pour leur permettre à eux, ces immigrants-là, d'avoir des emplois de qualité. Puis c'est vraiment important, la connaissance de la langue, ça assure... parce que tu peux avoir des bons emplois dans la fonction publique. Si tu ne connais pas le français, tu ne peux pas avoir de bons emplois dans la fonction publique.

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre.

Mme Weil : En effet. Donc, vous seriez d'accord si l'article 106... Bien, je vous pose la question. Donc, c'est l'article... c'est paragraphe 4, le 7°, mais je vais vous le lire, donc : «Le ministre conseille le gouvernement, les ministères et les organismes[...]. Il exerce ses fonctions en collaboration...» Non. «Les fonctions du ministre en matière d'immigration, de diversité [...] consistent plus particulièrement à — et je veux juste le lire :

«7° coordonner, par [la] suite d'une consultation des autres ministres concernés, la mise en oeuvre des programmes visant l'accueil, la francisation et l'intégration permettant la pleine participation, en français, des personnes immigrantes à la société québécoise.»

Ce qu'on amène avec la vision, la consultation qu'on a faite en début d'année...

Le Président (M. Picard) : Il reste une minute.

Mme Weil : ... — oui — c'était de vraiment bien clarifier le rôle transversal du ministère de l'Immigration, qui doit... Parce que, dès que quelqu'un a sa résidence permanente, cette personne a tous les droits, les mêmes droits que tous les Québécois, donc il faut agir avec le ministère de l'Éducation, Emploi, etc. Vous serez d'accord avec ça, j'imagine, cette déclaration, là. C'est que le ministère de l'Immigration, en consultation avec les autres ministères, s'assure de l'offre en matière de francisation pour les nouveaux arrivants.

Dans l'offre actuelle qu'on a, je vous l'ai expliqué en préambule, là, qui va en amont de la sélection puis... avant l'arrivée et après, est-ce que vous voyez des carences?

Le Président (M. Picard) : En 30 secondes.

M. Bouchard (Éric) : ...la coordination entre les... Je veux dire, il n'y a pas de suivi qui est fait, on dirait que c'est désorganisé. Et je reviens sur l'étude de l'IREC, c'est des bouts qui sont faits par le MESS, des bouts qui sont faits par le MELS, des bouts qui sont faits par les commissions scolaires, des bouts qui sont faits par le cégep. Et ce qu'on voudrait, nous, c'est quelqu'un qui arrive, qui dit : Bon, moi, je veux me franciser, on dit : Oh! Toi, tu fais quoi dans la vie? Ah! bien moi, je suis soudeur. Parfait, on t'amène à la commission scolaire. Mais là il faut qu'il soit suivi. D'un coup que lui, il veut aller au cégep, par la suite, parce qu'il dit : Moi, soudeur, je ne suis pas fort là-dessus, je voudrais peut-être plus aller en informatique, faire ma formation qualifiante — je vous donne un exemple tout à fait farfelu — il faut qu'on suive le parcours de l'individu pour l'amener d'un bout à l'autre.

Parce que, là, il y a une compétition pour avoir des effectifs, on veut des effectifs. Les cégeps veulent des effectifs, les universités veulent des effectifs, les commissions scolaires veulent des effectifs, les commissions scolaires anglophones veulent des effectifs. C'est la course aux effectifs pour, dans le fond, financer les institutions d'enseignement, et c'est complètement fou.

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît. En terminant.

M. Bouchard (Éric) : Excusez. Merci.

Le Président (M. Picard) : C'est beau? M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Je vais concéder quelques minutes à monsieur pour qu'il termine son laïus.

• (12 heures) •

M. Bouchard (Éric) : Merci, M. le député de Bourget. Alors, tout ça pour dire que... Et vraiment il faut lire l'étude de l'IREC de ce matin, c'est là qu'on voit que, s'il y avait... puis c'est sûr et certain qu'on est devant la bonne personne, puis il y a ce désir-là en plus, c'est de faire en sorte que, le parcours, il y a quelqu'un qui arrive au MICC... excusez-moi, au MIDI, quelqu'un qui arrive au MIDI, dit : Bonjour, je m'appelle Manuela Machin Chouette... Hernandez, Manuela Hernandez, bon, bien, toi, parfait, tu as-tu besoin de cours de francisation? Oui? Parfait. On pose des questions : Tu es rendue à quel niveau? C'est quoi que tu veux faire dans la vie? Ah! toi... Là, on suit les gens au cours du parcours.

Vous allez dire que c'est beaucoup trop, 50 000 personnes, mais il y a un requérant, tu sais, on ne suit jamais toute la famille, il y a le requérant. Puis, le requérant, on dit : Bon, bien, toi, ta famille est composée de quoi, bon, toi, ta femme a besoin de quoi ou, toi, ton mari a besoin de quoi?, et là tu suis le parcours, et là on les oriente.

C'est beau, avoir un guichet unique, mais ce qu'on ne veut pas, c'est que les institutions publiques courent après les effectifs, c'est complètement... Et donc ils se compétitionnent à la place de se dire : On s'appelle puis on essaie de se passer des effectifs ensemble. Bref, le principe de compétitivité entre les institutions pour donner les cours de français est à revoir, Mme la ministre, si je peux me permettre.

Merci beaucoup de nous avoir permis, M. le député de Bourget, de répondre à la question.

Le Président (M. Picard) : M. le député.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Bouchard, M. Rivard, soyez les bienvenus, et merci pour la contribution. Nous avons évidemment pris connaissance du mémoire que vous aviez déposé lors de votre dernier passage ici. Il nous restera à lire celui en lien avec le projet de loi que nous étudions ici ce matin.

Je vais faire l'avocat du diable. Dans la culture chrétienne, j'en porte la couleur, d'ailleurs. Considérant l'omnipotence de l'approche multiculturaliste, base idéologique de l'intégration au Canada, pensez-vous que, dans l'esprit d'une famille immigrante qui arrive au Québec, le parcours que vous esquissez soit celui vers lequel il va se pencher spontanément? Est-ce qu'il ne va pas se dire : Je n'ai pas besoin de m'intégrer à la société québécoise? Est-ce qu'il ne va pas se dire : Il y a deux langues officielles au Canada, et je suis au Canada? Et, considérant le fait que les éléments sont là, vous l'avez évoqué vous-mêmes, considérant qu'on n'a plus besoin de maîtriser le français à Montréal pour travailler, tout ça mis ensemble, n'y a-t-il pas là une situation qui appelle une action musclée plutôt que des voeux pieux?

M. Bouchard (Éric) : Merci de me tendre la perche. Évidemment, pour nous, bien, une action structurante, on appelle ça l'arrêt du bilinguisme institutionnel. Pourquoi les institutions publiques, c'est si important? Je suis un enfant de la loi 101. Être né un an avant, j'aurais pu aller à l'école en anglais. Sur ma rue, il y avait trois, quatre petits gars puis petites filles qui ont eu accès à l'école Aimé-Renaud, pour ne pas la nommer, dans ce temps-là; moi, je n'ai pas pu y avoir accès. Malheureusement, toute ma vie, j'ai été obligé de côtoyer, imaginez-vous donc, des gens qui venaient d'ailleurs, j'ai été obligé de faire ça, et là ça m'a... j'ai un paquet d'amis, j'ai rencontré du monde qui venait de partout dans le monde. Ça fait que moi, je suis passé de tricoté serré à métissé serré, dans ma vie, ça fait que ça n'a quand même pas de bon sens, les institutions publiques m'ont forcé. Et, avec tout ça, aujourd'hui, je me retrouve avec des amis maghrébins, des gens de la Catalogne, du monde du Mexique. Quand on regarde des parties de hockey ou quand on regarde le Real Madrid contre le Barça, il y a du monde d'à peu près cinq, six pays dans le monde, et ensemble nous parlons tous à peu près 12 langues, mais on a une langue commune, c'est le français. C'est la langue dans laquelle, dans le fond, on s'obstine, on s'aime, parce qu'il y a toujours des traîtres, vous savez, qui prennent pour le Real Madrid ou pour Boston, hein? Et donc là on s'obstine puis on fait tout ça, puis c'est dans... mais la langue commune, c'est ça, le principe, la langue commune, c'est le partage. Ça ne nous empêche pas de connaître d'autres langues.

Mais qu'est-ce qui nous a permis ça, M. le député de Bourget, c'est l'obligation ou le passage par des institutions publiques en français. Mon ami Reda, mon ami Bun Mang, ma blonde Nina, mon amie Vanessa, tout ce monde-là que je pourrais vous nommer, c'est parce que je les ai rencontrés, et c'est l'État qui m'a forcé. Moi, je ne me lève pas le... je ne me disais pas : Ah oui! c'est le deuxième mardi du mois, c'est vrai, il faut que j'aille intégrer un immigrant, je marche dans la rue puis je dis : Oh! toi, tu as de l'air d'un immigrant, je vais t'intégrer. Voyons donc! C'est les institutions publiques.

Donc, quand je reviens sur les mesures structurantes, l'arrêt du bilinguisme institutionnel, ce serait... J'ai un beau-père. Je ne le nommerai pas, ma mère m'a déjà dit : Arrête de le nommer, c'est gênant. C'est correct. J'ai un beau-père que ça fait 30 ans qu'il est au Québec, ses enfants parlent parfaitement français, mais lui a reçu et reçoit encore toute sa correspondance du gouvernement du Québec uniquement en anglais. Bien, il est clair qu'il ne fait jamais partie de la vie sociale, des partys ou de quoi que... il est toujours à part. Donc, le fait qu'il n'ait pas été obligé, mais qu'on ne lui ait pas donné surtout la chance via ce que je dis, une allocation substantielle, via des comités de francisation, via des syndicats, des entreprises qui disent : Oui, viens ici, il y a des cours de francisation ici, si on ne l'a pas aidé, si l'État ne l'a pas soutenu, bien il est un peu à part.

Donc, l'avenir collectif, pour moi, au Québec, le métissé serré qu'on cherche, la diversité qu'on cherche, tout ça passe par une langue commune et des moyens qu'on donne. Et pas juste des moyens, on vient sur des choses structurantes, puis ça devient des obligations. C'est sûr que je n'aime pas ce mot-là, mais ça devient... on oblige les gens, souvent les gens vont dire : C'est de la coercition, mais il faut obliger les gens à faire certaines choses des fois, puis d'autres fois il faut juste les encourager. Là, jusqu'à maintenant, on a beaucoup encouragé, on a... l'étude montrait, de l'IREC, que le gouvernement a fait beaucoup d'efforts, depuis plusieurs années, pour la francisation, donc vous n'êtes pas en train de m'entendre dire que je condamne le gouvernement, puis tout ça, mais vraiment pas, mais, pour passer à un autre niveau, pour arrêter d'échouer dans la francisation, il va falloir arrêter le bilinguisme institutionnel qu'on pratique avec eux.

Le Président (M. Picard) : M. le député. Trois minutes.

M. Kotto : Trois minutes. Merci, M. le Président. Je veux vous amener sur un autre point, touchant la francisation, évidemment. Et à cet effet il est rapporté que les délais de début de cours de francisation sont très longs, ce qui, dans la réalité d'une famille immigrante dans laquelle l'homme ou la femme, l'un ou l'autre, travaille... La base quotidienne de réflexion dans cette famille, c'est la survie au quotidien. Pendant l'attente, durant l'attente du début de ces cours, quand l'un ou l'autre trouve un emploi, à l'évidence le choix est fait, et la motivation pour aller s'inscrire... pas s'inscrire mais suivre le cours par la suite, elle n'est plus là.

Est-ce que, de votre perspective, en fait à l'aune de vos connaissances, il y a quelque chose à faire pour corriger la situation?

M. Bouchard (Éric) : Bien, pour vous répondre, M. le député de Bourget, il est clair pour nous que, je reviens à ça, comme l'a proposé Mme la ministre, dans le fond, que ce soit structuré et structurant, tu sais, que quelqu'un soit suivi puis que, tu sais, les ministères se parlent, puis tout ça, c'est une chose importante, prendre en charge.

Et je reviens sur l'allocation de 400 $ par semaine. Actuellement, ça va entre 115 $ ou 130 $ puis 30 $, dépendant si ça vient du MESS ou du MIDI, hein? Et donc c'est clair : 115 $ par semaine, comment tu peux vivre avec ça? Il y en a qui le font, là, je veux dire, on les voit au Marché Bonanza, à ville d'Anjou, là, je veux dire, les gens, sur les grappes de tomates, ils enlèvent les tiges de tomates pour que la tomate pèse moins puis que ça leur coûte moins cher. Donc, c'est trop peu d'argent. Puis si on veut beaucoup d'immigration, puis si on veut cette diversité-là, il faut mettre les moyens.

Puis on a toujours les moyens, puis là je ne veux pas faire de la politique, on a toujours les moyens, plate pour le gouvernement, mon but, ce n'est pas de pointer le gouvernement, mais tous les gouvernements vont dire : Bon, bien... ah! il faut donner, genre, à Bombardier. Si ce n'est pas à Bombardier, ça va être à une autre entreprise, là, puis peu importe le gouvernement. À un moment donné, il faut donner aux gens qui arrivent ici. Puis ça, c'est seulement de l'accueil. Puis ça, c'est être social-démocrate. Puis ça, c'est faire en sorte qu'on veuille vraiment faire de l'intégration. Et, quand on a ça en tête, quand le... pas juste le gouvernement, il ne faut pas juste pointer le gouvernement, quand l'ensemble des parlementaires, quand les chroniqueurs, quand les journalistes, quand les gens, on parle d'une même voix, c'est ça, l'objectif, eh bien, il est clair qu'on donne les moyens à Mme la ministre de mettre en place des choses où est-ce qu'elle va être en mesure de dire : Oui, bien, chacun qui arrive, il y a un requérant par famille, on le prend par la main, puis là on le suit, puis là on l'aide. Puis là, bien, ils ont besoin de tant d'argent par semaine; bien on leur donne. Après ça, ils vont devenir des gens qui vont payer des impôts puis qui vont rapporter à la société.

Puis savez-vous quoi? S'ils parlent français, ils ne quitteront pas. Parce que les documents du MIDI qui ont été fournis pour la consultation publique l'année passée disent quoi? Ceux qui ne parlent pas français, après 10 ans, il y en a seulement 66 % qui restent au Québec.

Le Président (M. Picard) : En terminant.

M. Bouchard (Éric) : Ceux qui ne connaissent que le français restent au Québec à plus de 85 % après 10 ans.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville.

• (12 h 10) •

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Rivard, M. Bouchard. Merci. Merci pour votre mémoire, que je lis rapidement, en diagonale, depuis tout à l'heure.

Protéger la langue française, j'en suis. Ça, il faut que ce soit très, très, très clair dans votre esprit. Tout comme vous, j'ai lu hier l'excellent article de M. Dutrisac. J'ai eu l'occasion de lui parler, d'ailleurs, nous étions en caucus hier, donc on a échangé à cet égard-là, et, tout comme lui, je disais que c'est très inquiétant de voir que le nombre... le taux de participation à ces cours diminue. Moi, ça m'inquiète énormément.

Alors, c'est pour ça que je voudrais vous amener sur l'idée de rendre ces cours obligatoires, parce que je pense que plusieurs personnes qui nous écoutent ignorent que les cours de francisation ne sont pas obligatoires, alors que, de notre côté, nous croyons que le Québec, l'État a tout intérêt à tout faire pour intégrer les gens, c'est de sa responsabilité, nous avons une obligation, un devoir, mais en contrepartie nous croyons que les nouveaux arrivants, que nos immigrants ont aussi des obligations et des devoirs, soient ceux d'apprendre notre langue. Et nous, nous voulons que ces cours soient obligatoires sous une forme ou une autre, ça, il peut y avoir une variété de façons d'offrir ces cours, mais de les rendre obligatoires pour s'assurer que tous aient des chances et des chances égales, aient des chances de bien s'intégrer.

Alors, soyez bien conscients, là, que, cette problématique-là, pour nous, c'est primordial que la francisation soit obligatoire, il faut protéger notre langue française dans ce bassin d'anglophones. Et ce n'est pas non plus une guéguerre anglophones-francophones, comprenez-nous bien, à cet égard, puisque les anglophones sont aussi une minorité et qu'il faut protéger leurs droits, nous y tenons absolument, c'est primordial également. Cependant, il faut sauver notre langue, la démographie étant ce qu'elle est et le visage de l'immigration étant aussi ce qu'il est.

Donc, moi, j'aimerais aussi vous entendre sur l'idée de rendre obligatoires les cours de francisation. Parce que vous, vous axez davantage sur : Allons chercher dans les bassins francophones, et les bassins francophones, et les bassins francophones. Nous, nous disons : Rendons obligatoire la francisation, peu importe l'origine, parce que probablement qu'à l'intérieur de ces bassins, de ce flux d'immigrants il y a des gens qui ne parlent peut-être pas français mais qui ont des racines latines ou qui ont des valeurs avec lesquelles l'intégration sera très facile. Alors, qu'est-ce que vous pensez de rendre les cours de francisation obligatoires?

M. Bouchard (Éric) : Bien, Mme la députée de Montarville, d'entrée de jeu j'ai dit qu'il fallait rendre les cours obligatoires, sans quoi... Moi, je disais sur une période de temps, jusqu'à l'obtention du niveau 7, qu'on retire le droit d'un permis de conduire. Il faut qu'il y ait une pénalité à quelque part. Ça n'existe pas.

Puis en même temps il y a déjà eu, il y a quelques mois, une proposition de votre formation politique où on disait : Au bout de trois ans, les gens, s'ils n'apprennent pas le français, bien ce que j'ai compris, en tout cas, ils pourraient repartir. Pour ma part, pour le Mouvement Québec français, c'est sûr que ce n'est pas la voie vers laquelle nous voulons aller, puis la raison pour laquelle... c'est que souvent les enfants, ils sont intégrés. Et là-dessus... Puis, je vous le dis, médiatiquement, là, dans le monde, là, un gouvernement qui ferait ça, dire : On les renvoie parce qu'ils ne parlent pas français, je veux dire, c'est sûr et certain que ce serait difficile. Donc, l'intention derrière votre formation politique, moi, était louable, mais c'est pour ça que...

Mais votre proposition que vous avez faite, ça m'a permis de réfléchir, je me suis dit... puis ça nous a permis de réfléchir, dire : Qu'est-ce qui pourrait être fait qui ne soit pas de l'ordre de dire... Puis là je vois déjà les caméras, là, puis tout le kit, puis là, là, on envoie ces pauvres personnes là puis les enfants... Je veux dire, c'est intenable. Un gouvernement, c'est là pour gouverner, pas pour gérer des crises médiatiques avec les médias. Donc, est-ce qu'il y aurait quelque chose... Puis ce n'est pas obligé, là, juste une suggestion que j'ai faite, mais il faut amener la réflexion au niveau des parlementaires, ce serait quoi, le type de... Parce qu'il faut que ça soit pénalisant. Si tu n'obtiens pas le niveau 7, qu'est-ce qui arrive? Il y a des entreprises, ça fait 40 ans que la loi 101 est appliquée puis on leur demande de se conformer, puis elles ne se conforment pas encore parce qu'il n'y a pas de pénalité. Ça fait que ça prend quelque chose de pénalisant.

Maintenant, je ne pense pas qu'une formation politique, ou un parlementaire, ou un groupe de pression comme le Mouvement Québec français, nous avons la vérité. Au Québec, les décisions se prennent par consensus, puis les consensus se prennent avec le temps, avec des discussions, avec des commissions parlementaires comme on fait présentement, un parti politique qui dit à un autre : Je ne suis pas sûr de ça, mais, si on proposait ça... Qu'est-ce qui pourrait être contraignant? C'est ça que je demande aux parlementaires que vous êtes, parce que vous allez étudier le projet de loi article par article par la suite et vous allez étudier les... vous allez faire des suggestions à Mme la ministre, comme parlementaires, pour l'écriture des règlements. Puis c'est pour ça que nous, on s'est dit, dans nos recommandations... On n'en parlera pas aujourd'hui, là, vous lirez ça, là. Pour les gens à la maison, c'est trop... je m'excuse, là, c'est vraiment des termes d'avocat, de juriste incompréhensibles, là, même moi, là, je les lis, des fois, puis je suis comme : Je ne comprends pas. Donc, je comprends, mais ce que je veux dire, c'est que l'idée, c'est qu'on arrive avec l'idée de contrainte. Ça, là-dessus, on y est. «Contrainte», donc, ça veut dire «obligé». Et là, après ça, j'ai suggéré ça ce matin, nous avons suggéré ça, dans le fond, l'arrêt pendant quelques mois peut-être de pouvoir bénéficier de l'assurance maladie gratuitement et de dire à quelqu'un : Bien, tu dois, toi, t'assurer au privé en attendant mais... ou que ce soit la question des permis de conduire ou des permis de quoi que ce soit que vous voudrez. Mais nous, on n'est pas dans le fait de dire : Les gens, après trois ans, on leur dit : Bien, vous pouvez quitter.

Mme Roy (Montarville) : ...

Le Président (M. Picard) : Une minute.

Mme Roy (Montarville) : Mon Dieu! c'est court pour échanger! Je comprends votre idée de contrainte. C'est la raison, d'ailleurs, pour laquelle nous disions : Après trois ans, si on n'a pas atteint un niveau de connaissance du français, bien l'obligation de cet immigrant était de s'intégrer... Et puis il y a des délais de grâce, naturellement, pour se reprendre puis se rattraper, mais, en tant que société, que société distincte, puisque la langue française est la priorité, on persiste et signe, là.

Cela dit, vous parliez de mesures de contrainte et seulement neuf mois pour apprendre. Oui, on pourrait s'obstiner longtemps sur le temps que ça prend pour apprendre la langue française.

Cela dit, vous dites que ce n'est pas une idée qui serait populaire. Je suis d'accord avec vous que ce n'est pas nécessairement populaire, mais là n'est pas l'idée, l'idée est de faire respecter la langue française et surtout que les immigrants comprennent qu'ici, au Québec, ça se passe en français. Et d'ailleurs on a vu dans l'actualité récemment qu'en Angleterre on pense à retourner certaines immigrantes arabes qui n'ont jamais appris l'anglais. Alors, c'est une idée qui commence à émerger dans les sociétés occidentales, qui se rendent compte qu'il y a une problématique à conserver leur langue d'origine, et je pense que ce sera une réalité que nous verrons de plus en plus. Donc, ce n'est pas quelque chose qui est farfelu, loin de là.

Cependant, oui pour l'obligation du cours de français, et surtout que les gens le sauront...

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît.

Mme Roy (Montarville) : ... — oui, en terminant — les gens le sauront. Vous voulez venir au Québec, vous devrez parler le français. Et, si vous parlez plusieurs autres langues, tant mieux, tant mieux pour nous, nous en serons tous plus riches collectivement, mais ça, on pourrait échanger longtemps. Alors, je vous remercie pour votre témoignage.

Le Président (M. Picard) : MM. Bouchard et Rivard, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 12 h 17)

(Reprise à 12 h 21)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant les représentants de la Fédération québécoise des municipalités. Je reconnais M. Lehoux. Donc, je lui demanderais de présenter les gens qui l'accompagnent. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, va s'ensuivre des échanges. Vous êtes des habitués, allez-y.

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

M. Lehoux (Richard) : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme la ministre, distingués membres de la Commission des relations avec les citoyens, Mmes, MM. les députés, bonjour à tous. Les gens qui m'accompagnent ce matin : M. Sylvain Lepage, directeur général de la Fédération québécoise des municipalités, et Mme Maryse Drolet, conseillère aux politiques.

Alors, premièrement, je voudrais remercier la commission d'avoir invité la Fédération québécoise des municipalités à partager son analyse du projet de loi n° 77 sur l'immigration au Québec.

Comme vous le savez, la Fédération québécoise des municipalités représente les intérêts de quelque 1 000 municipalités locales et régionales dans toutes les régions du Québec. Notre mission est de soutenir les municipalités dans leurs champs de compétence actuels et futurs et de conjuguer les forces des territoires ruraux et urbains pour assurer le développement durable des régions du Québec.

De façon générale, la FQM accueille favorablement le projet de loi n° 77 sur l'immigration au Québec. Toutefois, la fédération déplore que la question de la régionalisation de l'immigration était exclue de cette proposition législative. En effet, la FQM est d'avis qu'il est primordial que cet enjeu soit abordé directement dans le projet de loi afin d'assurer une répartition et une intégration optimales des immigrants sur l'ensemble du territoire québécois.

Premièrement, rappelons que les régions font face à des enjeux démographiques d'importance, la baisse du taux de mortalité, le vieillissement de la population et la pénurie de main-d'oeuvre sont préoccupants dans toutes les régions du Québec. L'immigration est devenue, dans ce contexte, essentielle au développement ainsi qu'à la vitalité de nombreux territoires. L'accueil des nouveaux arrivants, qu'ils soient du Québec ou de l'étranger, est donc un atout essentiel au dynamisme de nos régions. Les municipalités, et les MRC, et leurs partenaires en sont bien conscients et travaillent en concertation afin d'offrir un milieu de vie accueillant et attrayant pour tous les nouveaux arrivants. Ces milieux sont d'ailleurs particulièrement propices à l'intégration et à la francisation des nouveaux arrivants.

Toutefois, les régions ne peuvent atteindre leurs objectifs seules, le ministère doit travailler avec les milieux concernés afin d'assurer que leurs différents besoins sont comblés. C'est pourquoi nous croyons qu'il est nécessaire que la loi fixe les balises ou à tout le moins les mécanismes d'une réelle régionalisation de l'immigration, afin d'assurer une planification et une exécution adéquates de l'accueil de ces nouveaux arrivants en région.

Le projet de loi indique déjà que les orientations gouvernementales en matière d'immigration seront présentées par la ministre et qu'une planification pluriannuelle assurera leur mise en oeuvre. Un plan d'accueil annuel devra également être déposé à l'Assemblée nationale. La FQM demande que le projet de loi fixe également l'obligation de la ministre d'inclure à sa planification un volet spécifiquement dédié à la régionalisation de l'immigration. Il est important que la loi prévoie explicitement cette obligation. Des consultations avec les élus municipaux en région devront être prévues en amont afin de sonder les besoins et la capacité d'accueil de chaque milieu. Dans ce dossier comme dans bien d'autres, le mur-à-mur doit être évité à tout prix. La régionalisation de l'immigration ne doit pas être imposée à tous les territoires, elle doit être faite en concertation avec les milieux selon les besoins et la capacité d'accueil de chaque communauté.

Par ailleurs, la FQM salue la volonté gouvernementale de rapprocher les besoins en emploi et l'immigration en visant une meilleure adéquation entre la déclaration d'intérêt et les critères d'invitation déterminés par la ministre, tel que défini à l'article 43 du projet de loi. Il est impératif de mieux faire connaître aux immigrants les opportunités d'emploi et les opportunités d'affaires, tel qu'indiqué précédemment. Certaines régions ont des besoins de main-d'oeuvre récurrents que l'immigration peut aider à combler. C'est pourquoi la FQM recommande que le milieu municipal soit étroitement associé au processus d'identification de besoins en matière d'emploi et de main-d'oeuvre. D'ailleurs, la FQM recommande également que les instances municipales, dont les MRC, soient formellement reconnues en tant que partenaires privilégiés dans l'identification des critères de sélection par territoire et par région. Cette reconnaissance serait cohérente avec les compétences en matière de développement local et régional rapatriées récemment à la MRC.

La MRC peut être l'échelle de concertation et de coordination de l'accueil des personnes immigrantes sur leur territoire. Le dynamisme de ces milieux repose sur le leadership d'élus, de citoyens et d'organismes, il est important que le ministère soutienne et valorise leur action. Il faut rappeler que les régions sont génératrices d'emplois et offrent un cadre propice à l'innovation sans négliger les opportunités de relève d'entreprise, qui seront de plus en plus nombreuses dans les années à venir. Il faudra également s'assurer de bien communiquer ces nouvelles pratiques à l'ensemble des employeurs et des organisations de soutien au développement local sur le territoire québécois, dont les MRC, afin que tous puissent tirer parti de ce développement dans l'adéquation entre les besoins en main-d'oeuvre et l'immigration.

En terminant, la FQM appuie la vision de la ministre d'inclure dans l'objet du projet de loi la dimension «diversité et inclusion» en remplacement de «communautés culturelles». Ce changement ajoute une vision, lance un message d'inclusion et de reconnaissance de l'apport de la diversité à la société québécoise associé à l'accueil des immigrants de communautés culturelles diversifiées.

Alors, merci de votre attention. Et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Lehoux. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. Alors, bienvenue, M. Lehoux, M. Lepage, Mme Drolet, Mme Blouin. Écoutez, je veux vous rassurer, on trouvera... j'accueille favorablement votre notion d'inclure à quelque part cette vision qui est fondamentale, là, on l'a pris beaucoup... et puis on va en venir sur le très concret, sur la déclaration d'intérêt, la consultation avec vous pour tenir en compte les besoins des régions.

Aussi, dans la politique, on a beaucoup parlé, justement, comment répondre aux besoins des régions, comment attirer les immigrants en région en amont. Alors, je retiens votre préoccupation que ce ne soit pas verbalisé clairement comme ça, là, mais, je veux vous rassurer, ça fait partie de toutes nos discussions, et, que ce soit dans notre plan stratégique, dans notre politique, etc., on rajoute toujours cette notion, mais que moi, personnellement, je trouvais que l'expression «régionalisation» avait perdu un peu son sens parce que ce n'était pas très dynamique réellement. On a quelques programmes, mobilisation, diversité. Je trouve que la pierre d'assise de tout ça, c'est les besoins des régions.

Donc, quand vous parlez d'un rôle en amont, je veux vous amener là, parce que c'est vraiment ça qui m'intéresse, qui nous intéresse, c'est le rôle que les acteurs régionaux peuvent jouer, et les municipalités et les MRC en premier lieu. Je vais vous dire pourquoi puis ensuite vous demander votre point de vue sur le rôle que vous pourriez jouer pour identifier les besoins des régions. C'est que l'inclusion, la participation, l'inclusion, oui, une bonne sélection, ça commence avec ça, mais ça commence avec une consultation avec les milieux. On le voit, je donne l'exemple des réfugiés syriens, c'est extraordinaire, ce qu'on est en train de vivre, mais on a des acteurs régionaux qui sont en amont avec nous tout de suite parce qu'il y a des consultations, des organismes communautaires qui sont dans les régions, et on voit que tout le monde s'active pour la partie inclusion, donc s'inscrire à l'école, dans les cours de francisation, l'intégration en emploi qui vient rapidement.

Donc, c'est un peu cette vision qui fait en sorte qu'il faut consulter le milieu si on veut qu'ils adhèrent pour le reste, d'avoir des actions pour assurer un accueil qui est un accueil complet. Pourquoi? À cause de la rétention. Vous le savez, il y a toujours cette question de rétention. Autant Montréal a un problème de rétention vis-à-vis... Bien, problème... ça a baissé quand même, le niveau de rétention, quand même, reste assez élevé, vers 80 %, mais il y a toujours ce risque-là. Mais, dans les régions, c'est encore... c'est un défi de plus, hein? Les gens qui gravitent vers les villes, c'est vrai un peu partout dans le monde, hein, les gens vont vers les villes, d'où l'importance...

Alors, qu'est-ce que vous verriez comme rôle, le rôle que vous pourriez jouer en amont pour identifier avec nous et avec la Commission des partenaires du marché du travail... Vous n'êtes pas membre de la commission, mais c'est un autre acteur très important, on l'a entendu ce matin. Justement, c'est vraiment le coeur du succès de l'immigration, c'est d'amener les gens en région, oui, mais qui vont répondre à des besoins bien identifiés.

• (12 h 30) •

M. Lehoux (Richard) : Oui, M. le Président. Mme la ministre, pour nous, c'est sûr qu'il y a une implication de base, là, de par les élus, les élus locaux qui sont aussi, là, les leaders dans chacun des milieux, qui vont rassembler les gens. On le voit déjà dans plusieurs régions au Québec où est-ce qu'il y a de l'intérêt à recevoir, en fin de compte, des nouveaux immigrants, la collaboration que les gens ont entre eux, cette facilité qu'ils ont à développer, en fin de compte, un partenariat pour... Parce que c'est sûr que l'enjeu majeur, c'est l'intégration des personnes immigrantes lorsqu'elles arrivent, puis je pense qu'il y a une belle ouverture en région, là, pour cette intégration-là, il se fait déjà, là, beaucoup de travail en partenariat avec les différents organismes des milieux.

Ce que l'on remarque souvent puis pour avoir vécu des expériences, là, particulières dans ma région, en Beauce, c'est le manque de coordination de la part des différentes instances, là, gouvernementales, parce que, lorsqu'on arrive avec... on identifie les besoins, oui, on va chercher les gens, mais, lorsque ces gens-là ont bien identifié les besoins, les immigrants ont choisi de venir s'installer en région, bien il faut les soutenir par la suite. Et c'est de là l'importance, là, d'une plus grande implication de la part, là... Et le but, de notre point de vue, de régionaliser l'immigration, bien c'est... il y a des sous qui sont disponibles, là, pour l'intégration de ces immigrants-là, et on veut que ces sous-là se régionalisent aussi, parce qu'on a vu dans le passé des problématiques où des gens, quand ils sont en région... difficulté de se déplacer. La question, là, du permis de conduire est un exemple flagrant, où on a des gens, là, qu'après trois mois leur permis n'est plus valide, ça devient compliqué, là, toute la gestion, là, de... pour voir à la mobilité de ces gens-là sur le terrain parce que, quand ils sont en région, les transports en commun, disons qu'ils sont peut-être moins présents. On essaie de plus en plus de travailler à développer les transports collectifs, mais on reste encore avec des distances. Et, même à cela, on pourrait ajouter la dynamique, là, du problème de la francisation, où on était obligés de transporter les gens pour aller... Même, à un moment donné, il y avait une problématique de francisation ici, à Québec, il fallait envoyer nos gens à Montréal, là. On veut les installer en Beauce, puis il faut les envoyer se franciser à Montréal. Il y a un problème.

Ça fait que c'est pour ça qu'il y a cet ensemble de facteurs là, là, qui doivent être pris en compte quand on appelle, nous, la régionalisation, là, vraiment de penser à l'ensemble des régions du Québec, et ça se décide, là, entre... Au niveau des régions, encore là, on disait qu'on ne voulait pas avoir de mur-à-mur, parce qu'il y a des régions qui sont très, très, très prêtes, là, à recevoir, pour, je vous dirais, l'ensemble des régions au Québec, il y en a d'autres qui sont beaucoup plus prêtes à recevoir des personnes immigrantes, et c'est la raison pour laquelle il faut se donner... il faut avoir ces outils-là, pour être capable, là, de bien, là, favoriser leur intégration. Ça, je pense que c'est un élément qui est très, très important. Il y a des belles histoires à succès qui ont été vécues, là, dans les années antérieures, mais on sent, là, un peu cette difficulté-là, le support à nos organismes qui... parce que 90 % du temps c'est des organismes bénévoles, c'est des citoyens qui se regroupent, qui veulent trouver des façons d'accueillir des nouvelles personnes sur le territoire. Il y a une dynamique qui est problématique de ce côté-là.

Mme Weil : Bien, oui, M. Lehoux, c'est pour ça que nous, on va en amont de ça, hein? Lorsqu'on parle de consulter les acteurs du milieu et de mettre les entreprises... — on a parlé avec la Commission des partenaires du marché du travail — ce n'est pas juste de mettre des gens en région puis espérer qu'ils auront un emploi, c'est vraiment de répondre aux besoins. Donc, vous serez d'accord de bien identifier des besoins régionaux, mais on parle vraiment... La vision, là, c'est des entreprises qui disent : Bien, nous, on a besoin de tel et tel profil, avec la Commission des partenaires du marché du travail, les acteurs municipaux aussi qui seraient dans le coup, parce qu'ils doivent aussi, je pense, avoir confiance que la sélection est bonne et réponde à leurs besoins.

Ce qui nous amène à parler de services en milieu de travail comme la francisation. Il y a des entreprises qui sont prêtes à accueillir cette personne-là. D'abord, le niveau de français requis est élevé, hein, c'est le niveau 7, mais, quoi qu'il en soit, il y a une adaptation. Donc, on a beaucoup parlé du rôle des entreprises pour offrir la francisation en milieu de travail. Donc, vous, je vous amène là-dessus parce que c'est un nouveau système, hein, on n'est plus dans premier arrivé, premier servi, bon, on essaie d'amener des gens en région, mais on ne sait pas quels sont les besoins du marché du travail dans ces régions, c'est là que c'est difficile pour les organismes communautaires. Alors...

M. Lehoux (Richard) : Effectivement. Mais, pour bien identifier ces besoins-là, je pense que le meilleur... le palier le plus propice, c'est vraiment la MRC, parce que, pour l'ensemble des petites municipalités dans les milieux ruraux, je pense que c'est très pertinent, le point de chute, là, qui est la MRC, où on le fait déjà, parce que moi, je connais plusieurs MRC qui font déjà ce travail-là de concertation, de rassembler les partenaires, d'établir les besoins pour chacun des milieux en lien avec les entreprises, parce que les élus municipaux sont en lien avec les entreprises dans leur milieu, et c'est pour ça qu'on est capable encore mieux, là... On est vraiment la place où est-ce qu'on peut rassembler l'ensemble des intervenants pour faciliter, en fin de compte, là, la réflexion.

Mme Weil : O.K. Donc, dans ce nouveau système...

M. Lehoux (Richard) : On est tout à fait partants.

Mme Weil : ...vous verriez un rôle pour vous en amont, justement, qui nous amène aussi toute la question... Donc là, évidemment, ce serait de répondre aux besoins.

Il y a une mobilisation à faire aussi du milieu pour que... On parlait des milieux de travail, justement. Ce n'est pas toujours facile, je le sais, je vais en région, je parle avec les entreprises, la diversité amène aussi certains défis, par ailleurs, mais, si on veut retenir les gens... Alors, je pense, c'était la FTQ qui avait fait un commentaire — oui, c'est la FTQ : dans des milieux de travail, ça appartient à tout le monde un peu, dans un milieu de travail, aussi d'assurer que le milieu est accueillant, pour les retenir. Donc, ça prend toute la communauté ensemble à travailler. Donc, ça, nous, on voit ça beaucoup.

Puis, dans la politique qui s'en vient, il y aura des dimensions, des stratégies d'action qui vont toucher cet élément-là, parce qu'on en a parlé en consultations au début de l'année dernière, on amène cette stratégie d'action, et ça fait le tour, donc, avant, pendant, après. La mobilisation des milieux, moi, je perçois que vous avez un rôle très important à jouer dans ça.

Des projets pilotes, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de réfléchir à ça, on avait vraiment en tête les régions quand on pensait aux projets pilotes, des fois il y a des besoins, ou des visions, ou un objectif qu'une région pourrait avoir et que l'immigration... — et c'est une innovation en immigration — de voir si vous aviez réfléchi là-dessus. Qu'est-ce que ça vous dit, ces projets pilotes?

M. Lehoux (Richard) : Je pense que, Mme la ministre, il y a beaucoup d'ouverture à ce genre de projet pilote là par territoire de MRC. Il y a déjà des MRC, je suis convaincu, qu'on n'a pas un gros signal à faire, qui sont prêtes à lever la main, dire : Oui, on est partants, parce qu'ils ont déjà fait quand même une partie, en amont, du travail de concertation dans le milieu, d'aller voir avec les entreprises c'est quoi, les besoins réels. Je pense qu'on serait en mesure de vous fournir sûrement, là, des MRC, là, qui pourraient agir, là, à titre, là, de... dans le genre de projet pilote que vous voulez, là, mettre de l'avant.

Je pense que, le territoire de MRC, d'autant plus que je l'ai mentionné durant ma présentation, le développement économique local et régional a été ramené aux territoires des MRC, là, avec les nouvelles orientations, là, depuis la nouvelle entente de partenariat avec les municipalités et le gouvernement du Québec. Je pense que le point de chute, c'est vraiment la MRC, ça se développe là. Il y a des déjà des MRC au Québec... je ne vous dirais peut-être pas les 87, là, en région, qui sont prêtes à embarquer dans un projet pilote, mais il y en a sûrement plusieurs, là, qui auraient de l'intérêt fortement à adhérer à ce genre de projet là.         

Mme Weil : Très bien, merci. Je vais céder la parole à la députée de Fabre, avec votre permission, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Mme la députée de Fabre.

Mme Sauvé : M. le Président. M. Lehoux, bonjour. Merci pour votre présence.

Écoutez, je trouvais intéressants vos propos, et il y a un aspect sur lequel je souhaiterais vous entendre. Évidemment, ça a été clairement exprimé, le rôle que vous souhaitez jouer et l'importance de la régionalisation, mais qui dit régionalisation dit évidemment travail de partenariat avec les acteurs du terrain, qui déjà ont des mandats et des actions très concrètes dans tout le dossier de l'immigration. Alors, je voulais vous entendre un petit peu sur votre vision partenariale sur le terrain. On a parlé des conseils régionaux des partenaires du marché du travail, mais il y en a bien d'autres. Alors, si vous jouez un rôle et que vous voulez cette reconnaissance d'un rôle précis, comment vous allez travailler et tisser des liens avec les autres acteurs qui déjà agissent sur le terrain?

• (12 h 40) •

M. Lehoux (Richard) : Je vous dirais, Mme la députée, c'est clair que dans plusieurs MRC au Québec actuellement ce genre de relation là entre les différents partenaires est déjà... ça se fait déjà. Je pense que, quand même, les MRC existent depuis quand même au-delà d'une trentaine d'années, le développement s'est fait, de nos MRC, en lien avec l'ensemble des partenaires du milieu.

Je pense qu'il y a un lieu propice là pour... avec les partenaires du marché du travail. Oui, on les côtoie. Comme moi, dans ma région... Je ne sais pas si c'est dans toutes les régions pareil, mais je pense que c'est peut-être... encore là, comme je le répétais, il ne faut pas penser à faire du mur-à-mur à l'intérieur, y aller selon l'intérêt, le besoin et puis l'intention, là, réels, là, de travailler dans cet objectif-là, mais plusieurs régions, plusieurs MRC au Québec sont prêtes à aller dans ce sens-là. Ils le font déjà.

Moi, je regarde dans ma région. Personnellement, moi, chez nous, on a déjà, là, une très bonne collaboration avec les gens, là, du marché du travail, les gens de l'éducation, les commissions scolaires et, au niveau de l'ensemble du territoire, les différents ministères concernés, que ce soit Emploi-Québec ou peu importe. Nos centres locaux de développement, appelons-les... ils ont changé de nom, mais on a quand même, là... le développement économique relève de chacune de nos MRC. Tout cet aspect-là de développement économique, la MRC est vraiment le point de chute, actuellement, et je reste convaincu... Je ne dis pas que dans une région, on va parler de région administrative, il n'y aurait pas... parce que, là, il y a des tables régionales qui sont en train de s'installer un peu partout, dans l'ensemble des régions du Québec, mais la base, c'est la MRC. Puis, si trois, quatre MRC décident de travailler ensemble pour susciter, en fin de compte, là, une meilleure cohésion, bien... Je pense qu'il y a déjà, là, des réflexions qui sont en route, actuellement, là, dans différentes régions du Québec, là.

Mme Sauvé : Je vous remercie pour votre réponse. Merci.

M. Lehoux (Richard) : Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Picard) : Il reste trois minutes.

Mme Weil : Oui. Question... Le taux de régionalisation s'est accru ces dernières années, il y a plus de gens qui s'installent en région, le taux de rétention s'est amélioré aussi. C'est sûr qu'avec le nouveau système il va falloir accompagner, oui, les besoins du marché puis la sélection par des mesures d'attraction quand même aussi, hein, pour attirer des gens. Ils ont les compétences, on sait que les besoins sont là, mais vous, vous êtes en compétition, les MRC peuvent être en compétition avec d'autres, et chacun va vouloir que les gens s'installent dans leur MRC.

Avez-vous des idées de stratégie ou des stratégies qui ont bien fonctionné? Moi, j'en ai vu, des campagnes un peu de séduction, quand on va sur l'Internet. J'ai même parlé avec des immigrants qui m'ont dit qu'ils ont été justement séduits puis qu'ils ont choisi une région à cause de ce qu'ils ont vu.

Et ce n'est pas tout le monde qui veut s'installer en ville, bien au contraire.

M. Lehoux (Richard) : Tout à fait.

Mme Weil : Il y a des gens qui ont grandi dans d'autres milieux et ils veulent choisir un milieu qui ressemble à leur milieu d'origine.

Alors, je ne sais pas si vous avez une réflexion là-dessus, parce que c'est important qu'on en tienne compte dans ce nouveau système de déclaration d'intérêt, qui est bien plus qu'une stratégie... qu'un mécanisme, hein, il y a une vision derrière ce mécanisme pour que ça fonctionne. Je ne sais pas si vous...

M. Lehoux (Richard) : Personnellement, moi, je pense qu'il y a un aspect très important dans ce que vous venez de mentionner, Mme la ministre, parce que... pour l'avoir vécu, avoir été faire de la sollicitation pour une situation particulière, les médecins. Les médecins, en région, c'est intéressant qu'on puisse en avoir. On a travaillé très fort, on a fait de la sollicitation, une médecin égyptienne qui est arrivée chez nous et qui s'est très bien intégrée parce que, lorsqu'elle est venue, moi, la première remarque qu'elle m'a faite, bien elle dit : Le paysage, le décor, ça ressemble à chez nous, et puis je pense que je vais, là, aimer votre coin de pays rapidement. Lorsqu'on prend les gens, là, puis qu'on va les chercher, on les amène faire un tour en région, la plupart du temps, là, il y a un coup de coeur qui se fait à ce moment-là, là, pour que les gens, là...

Entre les territoires de MRC, est-ce qu'il y a... quelle forme de compétition... C'est pour ça que, je vous dis, il y a cette nuance, là, qu'il faut faire. Il faut vraiment y aller non dans le mur-à-mur mais de laisser le milieu, lorsque les gens sont prêts à aller de l'avant, à cette concertation qu'ils ont pu monter, parce que, si on veut que nos nouveaux arrivants, nos nouveaux immigrants s'intègrent rapidement, bien il faut déjà, avant que ces gens-là arrivent, que l'organisation soit prête, que l'ensemble des partenaires aient eu, là, des échanges pour bien planifier leur arrivée, leur intégration. Vous mentionniez l'importance aussi de certains éléments, là, qui vont améliorer la qualité de vie de ces gens-là, parce que, oui, des fois, en région, on va penser qu'il n'y a peut-être pas toutes, là, les facilités, les opportunités, mais je crois que, lorsqu'on s'y attarde, on est capable de trouver des fois d'autres éléments qui vont venir compenser. C'est pour ça que moi, je laisse à chaque milieu, à chaque MRC, à chaque région de trouver l'élément pour lequel il va être le...

Mme Weil : De faire la grande séduction, c'est ça?

M. Lehoux (Richard) : La grande séduction, la grande séduction, on va l'appeler comme ça, vous avez raison, Mme la ministre.

Mme Weil : Très bien. Merci beaucoup.

Le Président (M. Picard) : Je cède la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Alors, madame messieurs, soyez les bienvenus.

Il y a un défi important auquel que nous sommes tous, collectivement, confrontés aujourd'hui en regard de la capacité de Montréal à attirer et à capter plus ou moins 80 % d'immigration annuellement, et il nous importe de sortir les nouveaux arrivants de la grande région de Montréal pour les inciter à s'installer en région, car, à l'évidence, les régions sont des incubateurs culturels et linguistiques sans égal, on en convient tous. Et, le constat ayant été fait sur des enjeux portant sur le vieillissement, sur le vieillissement de la population, évidemment, sur l'exode des jeunes et la pénurie de la main-d'oeuvre, selon vous, la réponse adéquate du gouvernement était-elle à l'effet de sous-financer le programme de régionalisation?

M. Lehoux (Richard) : Bien, M. le député, c'est sûr que vous soulevez un point qui est très important parce que, lorsqu'on veut bien intégrer, on a l'ensemble des partenaires qui sont autour de la table, là, dans l'accueil de ces nouveaux arrivants là, ces immigrants-là, c'est clair que ça prend des sous pour soutenir, en fin de compte, les milieux. Parce que, les gens, actuellement, on a plusieurs organisations dans plusieurs régions qui sont supportées à bout de bras par les milieux, par différentes actions que les gens font. Ils font des soupers spaghetti pour ramasser des fonds pour être capables de soutenir, pour que... lorsque les nouveaux arrivants apparaissent en région, pour être capables de faciliter leur intégration.

C'est sûr que la régionalisation de l'immigration, pour nous, ça passe aussi par les moyens financiers, on ne se le cache pas, c'est très clair. Nous, on croit qu'avec un support financier... Des fois, ça ne prend pas des montants astronomiques, pour répondre à des besoins, pour soutenir des milieux qui se prennent en main puis qui veulent être accueillants pour les immigrants, mais, à un moment donné, ces gens-là sont à bout de souffle. On travaille ensemble avec le milieu municipal, mais, à un moment donné, on n'est pas, nous non plus, capables de répondre à tous leurs besoins. Et c'est la raison pour laquelle on dit : Quand on pense à la régionalisation de l'immigration, pour nous, il y a l'aspect aussi de la régionalisation des budgets qui viennent avec toute cette notion d'intégration d'immigrant là. Je pense que ça, c'est un facteur qu'il faut vraiment, là, mettre au premier plan, quand on parle de faire de la régionalisation, qu'on ait les soutiens financiers qui puissent aider, en fin de compte, l'ensemble, là, des milieux à être le plus accueillants possible. Ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas d'intérêt, au contraire, mais un petit coup de pouce, là, fait souvent toute la différence.

M. Kotto : Vous comprenez que c'est votre commentaire sur l'absence du volet régionalisation de l'immigration dans ce projet de loi qui a amené ma question, parce qu'à l'évidence, sans prêter quelque intention que ce soit à la ministre, soit c'est un oubli, soit c'est un désintérêt, une des deux choses. Mais je suis bien content de l'avoir validé, votre commentaire, et s'engager à corriger cela.

Il y a une autre question qui me préoccupe, je vous la pose et puis je m'arrêterai là, M. le Président : De votre perspective des choses, est-ce qu'il aurait été de bon ton d'avoir l'énoncé de politique général de l'immigration avant même d'étudier un projet de loi à cet effet-là? Est-ce que la politique, en fait, d'orientation générale aurait pu nous éclairer sur les intentions réelles du gouvernement? Elle existe, elle est là, mais elle n'est pas encore déposée. Donc, partant du prisme de cette politique générale, nous aurions été éclairés sur différents aspects obscurs de ce projet de loi, qui repose notamment sur des pouvoirs discrétionnaires importants que la ministre, en l'occurrence, aurait.

• (12 h 50) •

M. Lehoux (Richard) : Je comprends très bien votre questionnement, et c'est probablement la raison pour laquelle nous, on a répété je ne sais pas à combien de reprises dans le mémoire l'aspect régionalisation. Je pense que j'ai bien entendu la ministre, tout à l'heure, dire que, pour elle, c'était très important et... Est-ce qu'on le verra ajouté à quelque part dans la loi actuellement, dans le projet de loi? Moi, je le souhaite ardemment parce que, si on veut atteindre l'objectif, je pense, dans la régionalisation, il faut déjà l'inscrire à l'intérieur du projet de loi. Par la suite, oui, il y a la politique qui va venir, mais il y a un élément qui est très important, c'est que, s'il y a un projet de loi puis on ne mentionne pas le mot «régionalisation», on a un peu de difficultés, là, par la suite. Je pense que ce qui va se décliner dans la politique et puis qui viendra, là, après le projet de loi pour... vraiment, là, dans l'opérationnel, les actions qui pourront être portées, s'il n'y a pas un signal, qu'il y a le mot «régionalisation» à quelque part, on craint que ça soit délaissé. C'est la raison pour laquelle la FQM, dans son mémoire, a répété souvent le mot «région».

M. Kotto : Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Merci. Maintenant, Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour, madame messieurs. Merci. Merci pour votre mémoire, merci de votre présence.

La Fédération québécoise des municipalités, alors, ce sont les municipalités du Québec, les régions. J'en suis, je suis née en Gaspésie, grandi dans le Bas-Saint-Laurent puis en Estrie. Et, quand vous nous dites... à la page 6 de votre mémoire vous nous parlez des régions, vous savez, vos propos me rejoignent totalement. Les régions sont des endroits magnifiques et aussi — on parle ici d'immigration et de francisation — des endroits pour assurer la pérennité de la langue française. Ça, je pense, c'est important de le rappeler et, je dirais même, c'est le gros bon sens. On va dans les régions : la langue française, elle n'est pas en péril. Donc, c'est l'endroit idéal pour l'enseigner aussi, la montrer à nos immigrants, pour qu'ils s'intègrent et deviennent Québécois, Québécoises comme nous tous.

Et vous dites à la page 6 — il y a un paragraphe ici que j'aimerais lire pour les gens qui nous écoutent : «Les régions sont faites de communautés accueillantes. Ces milieux peuvent jouer un rôle important en regard de la décentralisation de l'immigration et, incidemment, en regard d'une occupation dynamique et vitalisée du territoire québécois.

«Ainsi, la [fédération] recommande que la notion de contribution à la vitalité des territoires et la volonté gouvernementale de décentraliser l'immigration fassent partie intégrante de ce projet de loi.»

Je suis tout à fait d'accord avec vous, je vais vous soutenir à cet égard-là. On pense que c'est le gros bon sens, tout le monde au Québec est d'accord là-dessus, là. De grâce, ayons des immigrants un peu partout, intégrons-les, montrons-leur notre belle langue et nos valeurs, puis on aura un Québec plus riche.

Vous parliez de la Beauce. Là, ça m'a vraiment interpellée parce que nous avions, vous le savez, M. le Président, des élections partielles récemment, il y a quelques mois, alors je suis allée là, comme tout le monde ici, on est allés rencontrer les gens, et ce qui m'a impressionnée, à la sortie d'une épicerie, les gens que j'ai rencontrés : un homme de la Grande-Bretagne qui parlait le français, naturellement, le français, un Africain, tous des immigrants qui étaient arrivés en Beauce pour y travailler. La Beauce, on le sait, c'est le royaume des entrepreneurs, de l'entrepreneuriat.

Alors, quand vous nous dites — et là j'arrive à vous : Il y a un manque de coordination des différentes instances, entre autres à l'égard de la francisation, il faut envoyer nos gens se faire franciser à Québec, à Montréal, ça n'a pas de maudit bon sens!, est-ce que vous pouvez, en Beauce, on va parler pour la Beauce, là... est-ce que vous pouvez nous dire dans quelle mesure la Beauce aurait perdu des nouveaux arrivants, des immigrants dont elle a besoin? Parce que c'est quand même, au niveau de la main-d'oeuvre, un besoin qui est criant. Avez-vous une idée de ce qu'on a perdu puis une idée des besoins aussi?

M. Lehoux (Richard) : Je ne pourrais peut-être pas, Mme la députée, vous quantifier, là, le nombre de personnes, mais c'est sûr que c'est une problématique que l'on a vécue, qui est très, très pertinente, parce que, quand on pense à l'accueil de ces nouveaux immigrants là, la francisation, nous, ce n'est quand même pas si mal, si je peux me permettre, on est à 35 minutes de la tête des ponts, ça fait que de venir à Québec pour la francisation... mais, quand on pense aux gens du secteur de Saint-Georges, c'est clair que c'est beaucoup plus compliqué. Ça fait qu'il y a probablement des personnes qui ont décidé de se trouver d'autre chose ailleurs, parce que de voyager, là, à Québec, de un, avec la difficulté des moyens de transport que l'on connaît, c'est certain que ça a peut-être, là, freiné certaines personnes au niveau de l'intégration.

Mais vous en avez rencontré, puis on peut en nommer plusieurs. Je pense que ce n'est pas la volonté du milieu... Chez nous, on l'a regardé régulièrement avec le milieu scolaire, avec la commission scolaire, on a travaillé en partenariat de façon importante, et le problème, là, c'était plus une question de financement qu'autre chose, parce que ce n'est pas que la commission ne voulait pas offrir le service, mais elle voulait avoir un soutien aussi financier pour accompagner, là, la démarche de francisation.

Je pense que l'ensemble des partenaires sur le terrain se concertent très bien, mais, comme je le mentionnais, puis à défaut de me répéter, je pense que le petit coup de pouce que ça nous prendrait au niveau soutien financier, dans l'ensemble des milieux où est-ce qu'il y a un grand intérêt pour accueillir des immigrants, ferait toute la différence, parce que je pense qu'on ne peut pas s'imaginer que les... La francisation, là, dans nos milieux, elle se fait quand même de façon... très, très bien. Moi, j'ai plusieurs personnes, là, de l'Amérique latine qui sont dans ma MRC puis j'en ai dans ma municipalité. J'ai même une personne, là, qui est en train d'offrir des cours d'espagnol, à un moment donné, là, parce que son français est très bon, ça fait qu'elle est capable d'aller sur cet aspect-là. Ça fait que vous voyez quel genre de dynamique qu'on peut développer dans nos petites communautés, là, qui sont... Je ne pense pas que ces gens-là sont prêts à repartir demain matin, au contraire.

Mme Roy (Montarville) : M. le Président, oui, ce sont des milieux riches, et on s'enrichit, l'immigration, là, vous nous en faites la démonstration à cet égard-là. D'ailleurs, les gens que j'ai rencontrés, dans un si court laps de temps, tous, les nouveaux arrivants, des immigrants, semblaient très, très heureux, d'ailleurs, de leur sort.

Donc, on sait que c'est un endroit dynamique — là, je suis toujours en Beauce, naturellement — parce que c'est...

M. Lehoux (Richard) : ...qui sont capables d'accueillir...

Mme Roy (Montarville) : Tout à fait. C'est pour ça que je vous le disais d'entrée de jeu, là, j'en suis, là. Le Bas-Saint-Laurent, Rimouski, Estrie, Sherbrooke, c'est tous des endroits que je connais et où l'immigration se fait d'une belle façon, avec douceur, avec les bras ouverts et...

Mais ce sont les ressources, on y revient. Est-ce que vous avez vu, au fil des années, les ressources se dégrader ou les moyens diminuer? Est-ce que ça a toujours été comme ça ou est-ce qu'il y a eu une perte de ressources?

M. Lehoux (Richard) : Je vous dirais, pour moi, là, l'expérience que j'en ai vécue dans mon coin, c'est peut-être, là... il y a une stagnation, peut-être une petite diminution, parce qu'on supporte, là, puis on est en demande, là, on se fait demander régulièrement, dans le monde municipal actuellement, de soutenir nos organismes parce qu'il y a des besoins qui sont importants, et puis la difficulté, là, d'arrimer, là, les budgets... Parce que, oui, il y a des organismes qui sont dédiés à aller faire la prospection, et tout ça, qui arrivent puis qui sont là pour soutenir nos communautés dans l'intégration des immigrants, mais le partage de ces sommes d'argent là peut-être, là, ou d'en ajouter un petit peu ferait toute la différence parce que, quand on parle... Vraiment, le recrutement, c'est une chose, la concertation du milieu, c'en est une, mais, quand on vient pour soutenir financièrement, là, quotidiennement l'intégration de ces gens-là dans la communauté, ça prendrait un petit coup de pouce additionnel.

Le Président (M. Picard) : Merci. Il reste 30 secondes.

Mme Roy (Montarville) : Rapidement, page 5, vous nous parlez de l'accueil des réfugiés syriens, vous nous dites : Ça ne pourra se faire avant plusieurs mois. Qu'est-ce qui manque? À la page 5, vous nous dites : «Ainsi, la régionalisation de l'accueil des réfugiés ne pourra se faire avant plusieurs mois.» Là, vous m'inquiétez.

M. Lehoux (Richard) : Bien, c'est juste une question, là... beaucoup plus une question financière qu'une question, là, de...

Une voix : ...

M. Lehoux (Richard) : Effectivement. C'est une question financière, tout simplement. Parce que les gens ont dit : On est bien prêts à en recevoir, mais c'est... Il y en a même... À un moment donné, il y a des coûts importants à supporter, puis on aurait besoin d'un coup de pouce.

Le Président (M. Picard) : Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et je suspends les travaux jusqu'à 14 heures, où la commission poursuivra son mandat.

Une voix : ...

Le Président (M. Picard) : Oui, on peut laisser les choses ici, oui.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Cet après-midi, nous entendrons l'Union des municipalités du Québec, Mme Michèle Vatz-Laaroussi — peut-être que la prononciation va être à parfaire — et le Regroupement des organismes en francisation du Québec.

Comme nous avons quelques minutes de retard, je demande le consentement pour poursuivre au-delà de l'heure prévue. Consentement, comme d'habitude.

Je souhaite la bienvenue à l'Union des municipalités du Québec. Je vous invite à vous présenter, et vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, par la suite va s'ensuivre un échange avec les parlementaires. À vous la parole.

Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Cusson (Alexandre) : Merci beaucoup. Alors, Mme la ministre, M. le Président de la commission, Mmes et MM. les députés. Je me présente : Je suis Alexandre Cusson, deuxième vice-président du conseil d'administration de l'Union des municipalités du Québec et maire de Drummondville. Je suis accompagné par Mme Sylvie Pigeon, qui est conseillère aux politiques à l'UMQ.

Alors, avant d'entrer dans le vif du sujet, vous me permettrez de vous rappeler que l'UMQ représente depuis près de 100 ans maintenant les municipalités de toutes les tailles dans toutes les régions du Québec. Sa mission est d'exercer à l'échelle nationale un leadership pour des gouvernements de proximité efficaces et autonomes. Ses membres représentent 80 % de la population et 80 % du territoire du Québec.

Les municipalités sont au coeur des défis de société à venir, notamment en ce qui concerne l'intégration des immigrants, la cohésion sociale et le vivre-ensemble. Comme l'union l'indiquait dans son livre blanc municipal L'avenir a un lieu, la cohésion sociale sera un enjeu plus important à l'avenir en raison d'une diversité croissante tant générationnelle que culturelle de la société québécoise.

D'abord, sur le rôle des municipalités en matière d'immigration, l'UMQ accueille favorablement le projet de loi n° 77 et souhaite participer à la réussite de la nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion. D'ailleurs, l'UMQ a déjà prévu une formation intitulée Immigration et diversité culturelle : pour mieux vivre ensemble, elle sera offerte à nos membres en juin prochain. Son objectif est de donner aux élus municipaux les outils afin qu'ils puissent mieux comprendre les enjeux liés à l'immigration et à la diversité ethnoculturelle dans la gestion municipale.

L'UMQ croit que les municipalités peuvent exercer un leadership important dans leur milieu de différentes façons, je vais en souligner quatre : d'abord, en favorisant les échanges et le dialogue entre les différents acteurs sur leur territoire afin d'identifier les besoins des nouveaux arrivants; en soutenant les organismes communautaires qui oeuvrent sur leur terrain; en servant de modèle par leurs politiques d'embauche qui favorisent la diversité culturelle au sein de leur fonction publique; en sensibilisant la population au respect des différences culturelles et en luttant contre les préjugés et le racisme. D'ailleurs, il y a plusieurs municipalités qui ont déjà adopté des politiques d'immigration et de gestion de la diversité ethnoculturelle adaptées à leurs réalités locales.

Les municipalités qui s'engagent dans cette démarche doivent pouvoir compter sur le soutien et l'accompagnement du ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion — vous me permettrez de le désigner par son acronyme, MIDI, pour la suite de ma présentation. Nous avons toutefois constaté une baisse significative des sommes dédiées aux municipalités dans les derniers budgets de ce ministère, et il y a plusieurs municipalités qui ont été consultées dans le cadre de la rédaction de ce mémoire qui nous ont souligné, qui nous ont rappelé ce constat par rapport au désinvestissement de la part du MIDI. Donc, en 2014‑2015, c'était une somme de 2,1 millions qui avait été transférée aux municipalités, alors qu'en 2015‑2016 ce montant a été réduit de moitié. Il s'élève maintenant à 980 000 $, ce qui est, pour nous, nettement insuffisant.

Actuellement, plusieurs des ententes spécifiques en matière d'immigration qui ont été conclues avec le MIDI arrivent à échéance. De plus, les conférences régionales des élus, les CRE, qui avaient, elles aussi, conclu des ententes spécifiques en matière d'immigration, ont été abolies. Le MIDI a également réorganisé ses services et fermé ses directions générales qui avaient un lien direct avec les municipalités. Bref, on considère qu'on en est arrivés à une étape charnière qui va nous permettre de redéfinir les rôles de chacun. Alors, l'UMQ souhaite que le projet de loi n° 77 et la nouvelle politique en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion soient les prémisses à une nouvelle approche partenariale avec les municipalités et qui soit basée sur le principe de subsidiarité. Pour nos membres, il est clair que les nouvelles ententes de partenariat avec les municipalités devraient être d'une plus longue durée. Cela permettrait une meilleure planification mais aussi plus de temps pour la mise en place d'actions structurantes.

• (14 h 10) •

Le projet de loi n° 77 propose de revoir la sélection des immigrants afin de tenir compte davantage des besoins de main-d'oeuvre des régions. L'UMQ accueille favorablement cette orientation. D'après notre compréhension, le MIDI tiendra compte des plans régionaux en matière de main-d'oeuvre et d'emploi qui seront réalisés lorsque le projet de loi n° 70 aura été adopté.

L'UMQ, par ailleurs, s'interroge sur la façon dont l'intensification de la régionalisation sera mise en oeuvre dans un contexte où les directions régionales du MIDI ont été abolies, ainsi que les CRE. Toutes deux jouaient un rôle important dans la planification régionale de l'immigration. Alors, comment le milieu municipal sera-t-il mis à contribution? Quels seront les moyens financiers qui seront mis à sa disposition?

D'autre part, l'UMQ souhaite attirer votre attention sur les besoins de modulation de certains critères retenus pour les services offerts aux immigrants. On va parler, par exemple, de la question des cours de francisation, il existe un minimum de 15 personnes avant d'ouvrir une classe. Or, dans certaines régions où il y a moins de population, moins d'immigration, il peut se passer plusieurs mois avant que ce nombre de 15 soit atteint. Ça cause un certain problème et particulièrement ça retarde la francisation de nombreux immigrants, ça retarde donc par le fait même leur intégration sur le marché du travail. Et très souvent, lorsque ces retards-là sont observés, les gens se découragent, retournent dans les grandes villes et quittent les régions ou les villes de taille moyenne.

Il reste aussi beaucoup de sensibilisation à faire auprès des employeurs afin de les encourager à embaucher des personnes immigrantes. De plus, la question de la reconnaissance des diplômes et de l'expérience acquise dans le pays d'origine demeure un obstacle important pour de nombreux immigrants.

Par ailleurs, toujours dans un souci de régionalisation de l'immigration, l'UMQ porte à votre attention que l'automne dernier, lorsqu'il y a eu des discussions sur l'accueil de réfugiés syriens, il y a plusieurs municipalités qui nous ont fait part de leurs demandes qui mentionnaient qu'elles n'étaient pas inscrites sur la liste officielle du MIDI. Or, ces municipalités auraient souhaité collaborer à cet accueil mais n'en ont pas eu la possibilité. Alors, afin de mieux répartir les efforts de chacun pour l'accueil des réfugiés, il serait nécessaire, selon nous, d'offrir la possibilité aux municipalités qui le désirent et qui ont des organismes dédiés à l'accueil d'immigrants sur leur territoire de s'inscrire sur cette liste.

En conclusion, l'accueil et l'intégration réussis des personnes immigrantes demandent des efforts constants et soutenus. Les municipalités sont prêtes à agir pour une intégration réussie et harmonieuse des nouveaux immigrants sur leurs territoires, d'ailleurs plusieurs le font déjà. Toutefois, il faut s'assurer qu'elles aient les ressources et les moyens de le faire de façon optimale. Or, plusieurs des municipalités — je le mentionnais tout à l'heure — consultées dans le cadre de la rédaction de ce mémoire nous ont mentionné que le MIDI se désengageait financièrement et qu'il était actuellement difficile de conclure de nouvelles ententes de partenariat. Par exemple, chez nous, à Drummondville, la dernière entente est échue depuis 2012, donc bientôt quatre ans. L'UMQ souhaite que l'adoption de la nouvelle loi sur l'immigration et de la nouvelle politique sur l'immigration, la diversité et l'inclusion donne un nouveau souffle aux relations que les municipalités entretiennent avec le MIDI pour bâtir des milieux de vie accueillants et inclusifs.

Dans ce contexte, l'UMQ y va de six recommandations : d'abord, que le principe de subsidiarité soit appliqué dans la nouvelle approche partenariale avec les municipalités et que celles-ci soient formellement consultées avant d'en définir les termes; que les nouvelles ententes de partenariat entre les municipalités et le MIDI soient modulées en fonction des spécificités locales et des besoins des personnes immigrantes et qu'elles aient une durée minimale de trois ans; troisièmement, que le MIDI rétablisse les sommes auxquelles les municipalités avaient auparavant accès pour la conclusion d'ententes spécifiques en matière d'immigration; quatrième recommandation, que les municipalités soient consultées lors de la planification régionale de l'immigration afin de tenir compte de leur réelle capacité d'accueil et d'intégration sur le plan des emplois, des services, des infrastructures, du logement et du transport; cinquième recommandation, que le MIDI poursuive ses actions de sensibilisation auprès des employeurs et facilite la reconnaissance des diplômes et des acquis pour les personnes immigrantes; et finalement, sixième recommandation, que les municipalités qui désirent accueillir des personnes réfugiées soient incluses à la liste actuelle des municipalités désignées à cet effet.

Alors, Mme la ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés, c'est l'essentiel de la réflexion de l'UMQ à l'égard de ce projet de loi. Je vous remercie évidemment de votre invitation, de votre attention, et c'est avec plaisir que je vais répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Cusson. Nous allons débuter nos échanges avec Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. Bonjour, M. Cusson, Mme Pigeon. D'abord, ce qu'on me dit, ceux qui sont plus des experts dans le pacte fiscal, c'est vraiment des argents qui ont bougé. Donc, le ministère de l'Immigration, l'argent a gravité pour financer le pacte fiscal.

Pour ce qui est Mobilisation-Diversité, vous le savez peut-être, les négociations ont été suspendues juste avant le temps des fêtes et ont repris. Donc, c'est très, très bientôt que tout ça va être finalisé, ces ententes-là.

M. Cusson (Alexandre) : On le souhaite.

Mme Weil : Oui, oui, oui. Par ailleurs, d'ailleurs, votre vision, c'est ma vision, c'est notre vision, honnêtement. Il faut dire que le mot... Parce que ça a été évoqué aussi par la Fédération des municipalités du Québec, c'est tout le lexique de régionalisation, la façon qu'on voit ça, que moi, je vois beaucoup ça, puis c'est beaucoup suite à la consultation sur la politique, il faut rendre ça plus dynamique dans le sens que c'est des gens qui vont en région parce qu'il y a des emplois, il y a de l'activité, ils vont contribuer au développement des régions, alors que par le passé on parlait souvent d'aller installer les gens en région, il manquait ce bout de connexion avec les acteurs économiques de la région, les élus. Donc, on a beaucoup parlé de ça aussi avec la Fédération des municipalités du Québec.

Donc, dans ce nouveau projet de loi, cette nouvelle vision, c'est vraiment d'avoir un système d'immigration qui répond en temps réel aux besoins, les besoins du marché du travail du Québec et, évidemment, de ses régions. On nous a recommandé de trouver... C'est sûr qu'à chaque fois qu'on parle du Québec c'est tout le Québec.

Alors, vous parlez du rôle que vous pourriez jouer. Ça, c'est très intéressant, en tout cas pour moi, d'entendre votre vision des choses. Aussi, vous faites le lien beaucoup avec les milieux dynamiques qui font la promotion de la participation, de l'inclusion. Tout ça, ça reflète exactement, comme vous dites, la politique, les discussions qu'on a eues. Là, il s'agit d'opérationnaliser tout ça, opérationnaliser le nouveau système de déclaration d'intérêt, parce que finalement c'est très technique, hein, la déclaration d'intérêt. Il y a d'autres sociétés qui ont adopté ce système-là, mais c'est tout le reste qui est important, c'est comment on mobilise les acteurs pour faire en sorte que ce système donne les résultats qu'on souhaite. Donc, on a parlé avec la Commission des partenaires du marché du travail.

J'aimerais vous entendre, vous l'avez évoqué, mais par rapport aux besoins des régions. C'est sûr que ça prend de l'activité économique, des entreprises. Comment vous voyez votre rôle pour consulter votre milieu, parce qu'on voudrait que vous soyez des partenaires autant en amont qu'en aval, hein, quand viendra le temps d'avoir des actions comme Mobilisation-Diversité, etc., mais, plus particulièrement dans la sélection, vos besoins et comment vous allez pouvoir jouer ce rôle pour bien mobiliser les acteurs économiques du milieu et autres pour identifier ces besoins?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, d'une part, on le mentionnait, hein, on le dit toujours, les gens qui arrivent au Québec, ils arrivent où? Ils arrivent dans une ville, ils arrivent chez nous. Notre intervention se fait beaucoup au niveau de l'identification des besoins, qu'on pense aux services communautaires, tout ça. On travaille beaucoup avec les groupes qui sont mandatés par le ministère pour accueillir ces gens-là chez nous. On veut continuer à le faire, on veut continuer de soutenir les différentes initiatives, bon, prendre le temps d'accueillir ces gens-là, de monopoliser, si on veut, des employés municipaux pour leur permettre d'accueillir ces gens-là. Chez nous, on organise chaque année des cérémonies d'accueil, tout ça.

On veut être présents au niveau du marché du travail. On citait l'exemple, par exemple, de Sept-Îles, où le maire nous disait : Moi, j'ai de l'emploi, j'aurais des choses à proposer à ces gens-là, mais il faut simplifier les démarches, il faut faire en sorte que les immigrants puissent venir chez nous, puissent être informés sur ce qui se passe chez nous.

Donc, sur l'identification des besoins, on travaille beaucoup, évidemment, avec tous les organismes de développement économique, on connaît nos besoins en main-d'oeuvre. Et là-dessus on peut venir soutenir de façon importante toute la question du logement aussi, la collaboration avec les offices municipaux d'habitation, avec les gens qui ont des logements disponibles. C'est important d'être au fait de ça, et les municipalités sont très, très bien placées pour jouer un rôle important là-dedans.

Mme Weil : C'est ça. Donc, on identifie d'ailleurs dans le projet de loi n° 77 les autorités municipales, le rôle des autorités municipales, parce qu'on compte vraiment se fier à cette collaboration en amont pour identifier, comme vous dites, exactement.

C'est sûr qu'il y a toute la question des travailleurs temporaires, vous connaissez sûrement la réforme au niveau fédéral qui... et donc qui a causé des problèmes, honnêtement, ici, au Québec.

M. Cusson (Alexandre) : Oui. Clairement.

• (14 h 20) •

Mme Weil : Et on a adopté une motion unanime à l'Assemblée nationale pour amener des modifications à ce programme-là parce qu'il vient alimenter l'immigration permanente. Beaucoup de régions sont... on a l'écho de plusieurs régions qui voudraient voir une révision de ce programme-là. Donc, c'est le genre de dialogue en temps constant qu'il faut avoir avec les acteurs régionaux, parce que c'est les acteurs régionaux qui vont le sentir en premier lieu, donc, et c'est les entreprises qui font appel à vous. Donc, vous, vous voyez jouer ce rôle, justement, en amont, lorsqu'on fera la consultation, parce que c'est des gens qui vont être sélectionnés parce qu'ils ont un profil qui répond rapidement aux besoins du marché du travail.

Ensuite, il faut faire le lien rapide entre ce candidat et le milieu, que les gens ne passent pas par Montréal mais y aillent directement. Donc, on parlait de ça ce matin, comment les municipalités font un peu leur campagne de séduction par l'Internet, et c'est vrai, ils le font, on peut aller sur l'Internet et on voit beaucoup de villes qui vont expliquer un peu l'attrait de leur région, donc on a eu cet échange ce matin, parce que, les immigrants, ce n'est pas tout le monde qui veut passer par la grande ville, ils préfèrent aller dans des régions qui ressemblent beaucoup à leur milieu de vie où ils ont grandi. Et donc est-ce que vous voyez aussi un rôle pour vous lorsque vient le temps d'avoir ce contact plus direct avec le candidat?

M. Cusson (Alexandre) : Oui, tout à fait. D'ailleurs... Et je pense que c'est important d'identifier que, là-dedans, les municipalités, les villes au premier chef devraient intervenir, bon, dans le recrutement, dans la vente, on est là aussi pour faire connaître notre milieu, expliquer nos différentes politiques. Et ces politiques-là sont souvent des politiques municipales, donc des politiques qui relèvent des conseils municipaux, qui relèvent des villes. Or, évidemment, dans le principe où on veut rapprocher la décision de l'action, si on veut, et si on veut rapprocher la décision de ce qui se passe vraiment sur le terrain, il faut vraiment identifier les villes, les municipalités, définir leur rôle. Et on va être au rendez-vous, c'est ce qu'on souhaite. C'est ce qu'on souhaite, je vous dirais, vraiment de façon importante, c'est être consultés, être impliqués, faire partie de la solution dès le départ.

Mme Weil : Bien, moi, je suis tellement d'accord avec vous, parce qu'honnêtement je pense qu'il faut que le processus, quand on parle de régionalisation, soit beaucoup plus dynamique, hein? C'était l'intention derrière Mobilisation-Diversité, justement, c'était de mobiliser les milieux. D'ailleurs, c'est ma dernière... Bien, mon premier mandat, et je suis très fière, c'est moi qui ai trouvé ce mot-là, parce que je trouvais qu'il fallait — ce titre-là — qu'on trouve une façon de montrer que c'est une action pour mobiliser les acteurs, parce que c'est ça qui va donner les meilleurs résultats pour la rétention. Mais ce qui manquait, c'était le bout en amont, parce que les milieux ne choisissent pas ou ils n'ont pas leur mot, ils n'ont pas voix au chapitre par rapport à la sélection. Donc là, on vient boucler tout ça avec ce projet de loi n° 77 — on est là, évidemment, pour entendre vos commentaires et améliorer, évidemment, le projet de loi avec vos commentaires — et la politique, qui vont exactement dans le sens de votre introduction.

J'ai des collègues qui ont des questions, mais j'aimerais vous amener peut-être sur les réfugiés syriens, hein, parce que c'est un dossier d'actualité. On a 13 villes partenaires, d'autres qui expriment un intérêt. Donc, il y a des critères, hein, avant d'amener des gens en région. Il faut qu'il y ait de l'emploi, du logement, un organisme d'accueil, d'intégration, et d'ailleurs on a des partenaires très, très solides sur le terrain; évidemment des écoles, pour que les enfants puissent aller à l'école; des services de santé adaptés, dépendant des besoins, il y a des profils différents. Alors, peut-être vous pourriez en profiter pour vous exprimer, «for the record», en bon français, hein, pour qu'on puisse avoir vos souhaits et que je puisse l'entendre de vive voix.

M. Cusson (Alexandre) : Bien, je pense que ce qui est intéressant, et ça me permettra peut-être de faire un parallèle, il y a des villes qui sont identifiées, hein, on les connaît, les 13 villes, on l'a identifié pour l'accueil des réfugiés, et je pense qu'on pourrait le faire aussi pour les immigrants économiques. Ce que ça nous permet de faire, hein, on se connaît, il y a 13 villes, ça nous permet de travailler ensemble, et tout ça, et je pense que c'est probablement ce qu'il faut développer davantage. Et c'est ce qu'on entend de nos collègues, les gens qui accueillent, chez nous on en accueille, des Syriens, aussi, il faut améliorer toute cette communication-là qu'on a entre nous, cette façon de travailler ensemble, d'être informés parce que, quand on dit, par exemple, à des municipalités : Demain, vous allez en recevoir ou dans les prochains jours... Puis on comprend qu'on ne peut pas savoir ça deux semaines d'avance, il y a des changements de dernière minute. Donc, il faut facilement communiquer, travailler ensemble. Et ça, il faut le développer, parce que ce qu'on a vu, lorsqu'au cours de l'automne est arrivée toute la question des réfugiés syriens, c'est qu'on avait peu travaillé ensemble, on n'avait pas développé de réflexe de collaboration à cet égard-là, et c'est important de le faire pour améliorer le tout.

Bon, je prends l'exemple de ma ville, à Drummondville, où on a déjà quelques familles d'arrivées. Ça se passe bien, il y a des logements, il y a de l'espace, bon, on les accueille, il y a du travail, mais c'est quelque chose de particulier pour la communauté aussi, accueillante parce qu'il y a des gens qui se réjouissent, qui viennent porter des choses, qui voudraient, finalement, tout faire pour eux; il y a des gens plus réticents, il faut aussi faire face à tout ça. Et là-dedans je pense que la collaboration, le fait... Et nous, on le dit, le projet de loi n° 77 devrait être une occasion pour mieux travailler ensemble, le ministère et les villes. Et je pense qu'à partir du moment où on développera cette habitude de mieux travailler ensemble on sera encore meilleurs la prochaine fois qu'une situation comme celle-là va se poser.

Mme Weil : Oui, je connais bien votre ville, honnêtement, c'est une ville tellement dynamique! J'étais là il n'y a pas si longtemps, vous vous rappelez...

M. Cusson (Alexandre) : Oui.

Mme Weil : ...c'était cet été, je crois, hein, et avec l'organisme communautaire qui dessert la ville, puis des trucs extraordinaires, et tout le monde ensemble, et tout le monde est fier. Et vous vous démarquez beaucoup par rapport à l'immigration humanitaire et la réussite d'intégration en emploi par l'économie sociale, hein, justement ce modèle. Vraiment intéressant.

M. Cusson (Alexandre) : Oui, tout à fait.

Mme Weil : Puis je ne sais pas si vous suivez les vols qui arrivent, mais il y en a d'autres qui vont dans votre ville.

M. Cusson (Alexandre) : Il y en a qui arrivent aujourd'hui.

Mme Weil : Oui, qui arrivent aujourd'hui. Moi, je suis ça quotidiennement, là, parce qu'on voit une grande différence avec ce que vit Toronto, Vancouver ou Ottawa parce que justement on a ces ententes, donc, avec des milieux qui sont déjà très organisés. C'est un atout, c'est une force qu'on a, puis il faut vraiment miser sur cette force.

Et je trouve ça intéressant, le parallèle entre cette expérience avec les réfugiés syriens... Comme vous dites, il faut que ce soit, pour l'immigration économique, ce même dynamisme, même concertation, collaboration et partage des meilleures pratiques entre vous, entre les villes. Tout ça, je pense que ça augure très bien pour l'avenir.

J'ai un collègue, le député...

Le Président (M. Picard) : De D'Arcy-McGee.

Mme Weil : ...de D'Arcy-McGee, qui voudrait vous poser quelques questions.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Et bonjour, M. Cusson et Mme Pigeon. Je vous félicite, je trouve qu'on a devant nous un mémoire et des commentaires qui suivent, qui voient dans les sujets qui nous touchent un enjeu, un défi mais aussi une opportunité incontournable pour le développement, et la pérennité, et la santé de nos régions, et c'est très intéressant de l'entendre, et en même temps une vision qui est assortie d'un pragmatisme, que j'ai bien entendu dans plusieurs de vos suggestions, et je vous félicite pour ça.

Vous avez parlé du fait que l'UMQ offre ou songe offrir une formation sur la diversité culturelle à ses membres, et tout ça. Je vous invite de nous en parler davantage et de nous parler de ce que vous faites et ce que vous invitez vos membres à faire pour doubler les consultations, les interactions, les échanges avec, bon, les instances du CPMT, régionales et sectorielles, avec les chambres de commerce, avec les syndicats sur le terrain, avec les PME, pour voir comment ensemble vous pouvez accentuer l'offre, assurer la rétention une fois qu'on accueille les nouveaux arrivants, parce que tout ça, c'est des enjeux aussi. Alors, je vous invite de nous parler concrètement davantage de ce que vous faites pour faire en sorte que l'accueil des immigrants se passe comme il faut en région ainsi qu'en région métropolitaine.

• (14 h 30) •

M. Cusson (Alexandre) : Parfait. Bien, merci pour votre question. Bien, d'une part, sur la formation qui sera offerte en juin par l'union, il y a deux objectifs principaux dans cette proposition qu'on fait, d'ailleurs formation qui va se tenir à Drummondville, je trouve que c'est un excellent choix : donc, d'une part, outiller les municipalités pour qu'elles puissent assumer un rôle de premier plan en matière d'accueil, d'intégration et d'interculturalité et proposer aux élus et à l'administration municipale des actions concrètes, adaptées aux réalités de leur milieu.

Et là-dessus, je vous dirais, quand on parle des pratiques, quand on parle de choses qu'il faut faire, et on le mentionnait dans le mémoire, et je veux revenir là-dessus, toute la question de la francisation, dans des régions où, par exemple, c'est francophone à 95 %, à 97 %, c'est certain que, si on fait attendre plusieurs mois les immigrants qui arrivent parce qu'on veut 15 personnes dans un groupe de francisation, bien le premier risque auquel on s'expose, c'est que ces gens-là se découragent et qu'ils s'en aillent, qu'ils ne réussissent pas à s'intégrer, qu'ils aillent retrouver des gens ailleurs et qu'ils se retrouvent dans une grande ville où ils vont finalement parler... ils ne parleront même pas le français ou l'anglais, ils vont parler leur langue, ils vont se retrouver entre eux, et ça va rendre leur intégration encore plus difficile.

Alors, il y a plein de petits gestes qui doivent être posés chez nous qui apparaissent importants, l'organisation d'activités interculturelles pour permettre aux gens de voir un peu comment ça se passe. Mme la ministre, tout à l'heure, faisait référence à une action d'économie sociale qu'on fait chez nous, par exemple, où le Regroupement interculturel de Drummond a mis en place une coopérative qui s'appelle Goûts du monde, où les gens se retrouvent ensemble et ont, finalement, ouvert un commerce où on vend de la nourriture de tous ces pays. Donc, ça permet aux gens, à l'ensemble de la communauté de se procurer des mets qui sont nouveaux pour eux et ça leur permet d'aller à la rencontre aussi des immigrants, et tout ça en collaboration avec la commission scolaire, qui offre une formation en collaboration avec le MAPAQ. Alors là, il y a vraiment une intégration, et il y a plein de partenaires qui se donnent la main pour réussir.

Et ça, ce sont des actions structurantes, ce sont des actions qui permettent de réussir, qu'on doit inscrire dans des ententes qu'on conclut, par exemple, entre les municipalités et le ministère. Et c'est pour ça qu'on vous dit : Ces ententes-là, idéalement, elles doivent être au moins de trois ans, parce que, quand on veut faire de quoi, quand on veut que ce soit structurant, si on revient toujours... après une année on recommence, on passe six mois à négocier, finalement c'est terminé, etc., vous savez ce que ça donne. Alors, pour nous, ça, c'est très important aussi.

Mais je vous dirais que, quoi qu'on fasse, quoi qu'on pense comme activités d'intégration, ça passe d'abord et avant tout par la francisation en région, il faut mettre des énergies là-dessus. Et je pense qu'on doit se questionner. On comprend, là, qu'il y a des impératifs, là, quand on crée des groupes, et tout ça, c'est difficile de le faire pour une ou deux personnes parce que de toute façon ça n'a pas le même impact, mais il faut se questionner sur la durée d'attente qui est liée au minimum qu'on attend. Et là-dessus je pense qu'il devrait y avoir des réflexions.

Le Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Alors, M. le Président, je me mettrais en conflit d'intérêts en posant des questions à M. Cusson, car ma conjointe dirige une ville membre de cette union. Donc, je saute mon tour.

Le Président (M. Picard) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Je ne m'attendais pas à ça, je suis surprise. Bonjour à vous deux, merci d'être là.

Je vais tout de suite prendre la balle au bond. Vous parliez de la francisation. Merci de nous allumer sur une problématique, je l'ignorais, j'apprends beaucoup dans ce forum. À la page 8, vous nous parlez de la grosseur des groupes de francisation, qui font en sorte que les délais peuvent être très longs, dans la mesure où à certains endroits on doit attendre d'avoir 15 personnes pour partir un cours. Et, bien, là il y a des délais, manque de professionnels, j'imagine, pour pouvoir offrir la formation... en fait pas un manque de professionnels mais un manque de nouveaux arrivants pour pouvoir assister, on a besoin du 15.

Donc, quels sont les impacts? J'aimerais que vous élaboriez sur les impacts ou les conséquences du fait que les gens doivent attendre trop longtemps. Qu'est-ce qui se passe si notre nouvel arrivant doit attendre trop longtemps avant d'avoir son cours, tant qu'on n'a pas 15 personnes? Il se passe quoi?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, il y a clairement des conséquences sociales, hein, parce que, quand on se retrouve, comme je le disais, dans un milieu qui est francophone, par exemple, à 97 % et qu'on souhaiterait s'intégrer, aller dans des activités, mais qu'on ne parle pas du tout la langue des gens ni même leur langue seconde, ça fait en sorte que l'intégration est très difficile. Alors, pensons à quelqu'un qui s'installe dans une municipalité de taille moyenne, qui peut à peine participer aux activités, à peine rencontrer des gens parce qu'ils sont très peu de même nationalité, par exemple.

Et, si ces gens-là souhaitent ensuite s'intégrer au marché du travail, c'est impossible de le faire aussi. Il y a des conséquences sociales, il y a des conséquences économiques qui sont liées à ça et qui très souvent vont faire en sorte que ces gens-là vont se décourager, ils vont dire : Bien, on va retourner à Montréal parce que c'est trop difficile. Puis là, bien, s'ils vont à Montréal, par exemple ils sont Irakiens, ils s'en vont à Montréal, il y a d'autres Irakiens, ils parlent leur langue ensemble, c'est très tentant de dire : Bien, moi, je ne resterai pas en région, je vais m'en aller là-bas, alors que dans la région il y aurait probablement eu du travail pour eux s'ils avaient parlé le français.

Donc, ça, pour nous, là, c'est un élément très, très important, il y a des impératifs économiques derrière ça beaucoup plus, à mon avis, que des impératifs, là, de disponibilité de main-d'oeuvre. Donc, il faut trouver une façon d'appuyer ça. Ce n'est certainement pas des sommes très, très importantes mais qui auraient un impact réel, direct et rapide sur l'intégration des immigrants.

Mme Roy (Montarville) : Et je vous suis tout à fait et je vous remercie de nous éveiller à cette problématique parce qu'effectivement plus le temps passe, plus c'est critique pour ces gens-là. Et Dieu sait qu'avoir de nouveaux arrivants dans les villes, dans nos régions à la grandeur du Québec, c'est un plus pour nous tous, et on devrait les retenir. Et là vous me parlez d'un problème de rétention parce qu'ils vont s'en aller où ils pourront plus vite avoir accès à de la formation et/ou retrouver des gens de leur communauté d'origine et peut-être même se ghettoïser, malheureusement, au lieu de s'intégrer. Donc, c'est très important, là, je pense comme vous à cet égard.

La page 6, vous nous dites quelque chose de très intéressant, parce que, pour moi, vous représentez l'Union des municipalités du Québec, et, pour moi, pour ma formation politique, on est extrêmement conscients du fait que l'administration, les administrations municipales, quelles qu'elles soient, petites, moyennes, grandes villes, mais les administrations municipales, c'est la politique... c'est le palier de gouvernement le plus proche du citoyen sur le terrain et du nouvel arrivant, de l'immigrant. Et ce que vous nous dites : «Selon nous, les municipalités peuvent exercer un leadership important dans leur milieu — je suis tout à fait d'accord avec vous : [entre autres] en favorisant les échanges et le dialogue entre les différents acteurs du milieu afin d'identifier les besoins des nouveaux arrivants — vous êtes collés dessus, vous pouvez rapidement les identifier; en soutenant les organismes communautaires oeuvrant sur le terrain — et qui font un travail remarquable mais surtout un travail primordial, parce que beaucoup, beaucoup, beaucoup de l'intégration est confiée aussi au communautaire; en servant de modèle par leurs politiques d'embauche favorisant la diversité culturelle au sein de leur [formation] publique — là, j'ai une petite question pour vous là-dessus. Et vous êtes des leaders et vous exercez un leadership «en sensibilisant la population, par différents outils de communication, au respect des différences culturelles et en luttant contre les préjugés et le racisme».

Le point juste avant, j'ai une question. Donc, vous exercez un leadership en servant de modèle par vos politiques d'embauche favorisant la diversité culturelle au sein de la fonction publique. En pratique, est-ce que ça se fait beaucoup? Est-ce qu'on voit ça souvent? Est-ce que ça fait partie du guide des ressources humaines d'une ville? On parle d'une forme — mais ce n'est peut-être pas le bon terme — de discrimination positive pour encourager l'intégration des minorités culturelles, des immigrants. Est-ce que ça se fait beaucoup dans les villes?

M. Cusson (Alexandre) : Bien, je vous dirais que c'est un peu... comme dans bien des domaines, hein, il y a des endroits où c'est plus avancé qu'ailleurs, où c'est un peu plus développé, où il y a une attention particulière qui est portée là-dessus. Il faut savoir qu'il y a souvent toute la question linguistique. Une municipalité, par exemple, où il y aurait plusieurs hispanophones d'installés dans la ville, bien ça peut être intéressant des fois d'avoir, au niveau des services municipaux, quelqu'un qui peut leur répondre, qui peut les guider. Et je pense que c'est intéressant. Je prends évidemment l'exemple de ma ville, Drummondville, qui est quand même une ville de taille moyenne, qui est une ville où il y a près de 60 nationalités différentes, on ne serait pas porté à le croire, mais on a la fierté, chez nous, d'avoir un conseiller municipal issu de l'immigration, qui est chez nous depuis à peine 10 ou 15 ans, donc la communauté accueille bien ces gens-là, on leur permet de s'intégrer, et qui récemment nous disait : Écoutez, on est quand même bien en termes d'intégration, mais on pourrait être mieux, il faudrait développer des politiques, tout ça. Donc, je vous dirais que c'est à géométrie variable dans les différentes municipalités, mais c'est d'abord là que ça peut se passer.

Et vous avez souligné différentes façons, en reprenant des éléments de notre mémoire, où on peut vraiment intervenir, et là c'est vraiment des champs d'action municipaux. Et je pense que c'est important de le rappeler, définir le rôle des villes, parce que vraiment la personne qui arrive dans une ville va dire : J'arrive à Longueuil, j'arrive à Drummondville, j'arrive à Trois-Rivières, et ils vont aller à l'hôtel de ville, ils vont aller poser des questions, donc, davantage que la MRC, davantage que les bureaux provinciaux ou fédéraux. Donc, c'est important de reconnaître la ville parce qu'on appartient d'abord à une ville, et ça, c'est important. Et, ces gens-là, on le voit quand on organise, par exemple, des cérémonies d'accueil annuellement, la fierté qu'ils ont de devenir citoyens, citoyennes d'une ville et de rencontrer les autorités municipales. Très, très souvent, ces gens-là, dans leurs milieux d'origine, n'ont pas la chance de parler aux élus, qui ne sortent pas, qu'ils ne voient pas, ils sont impressionnés de nous rencontrer. Donc, c'est important d'aller le plus près possible des gens, on l'a mentionné, au niveau des villes, au niveau des municipalités.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Pigeon et M. Cusson.

Mme Roy (Montarville) : C'est terminé?

Le Président (M. Picard) : Malheureusement, le temps est écoulé, Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci. Merci à vous.

M. Cusson (Alexandre) : Merci à vous.

Le Président (M. Picard) : Donc, je suspends quelques instants afin de permettre aux prochains témoins de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 40)

(Reprise à 14 h 42)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons, et je souhaite la bienvenue à Mme Vatz-Laaroussi. Et je lui indique qu'elle dispose de 10 minutes pour faire sa présentation, je vous demanderais de présenter la personne qui vous accompagne, et il va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

Mme Michèle Vatz-Laaroussi

Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Très bien. Bien, merci beaucoup, merci de l'invitation à participer à cette commission. Et donc je vous présente Annick Lenoir, qui est professeure à l'École de travail social de l'Université de Sherbrooke et qui est vice-présidente de l'organisme Rencontre interculturelle des familles de l'Estrie, un organisme avec lequel on travaille de près en Estrie. Alors, tout à l'heure, c'était Drummondville; maintenant, c'est Sherbrooke. Alors, bon, personnellement, je suis professeure en travail social depuis 1992 et j'ai travaillé sur la question de l'immigration, de l'immigration en région et des dynamiques familiales d'intégration en région depuis à peu près ces dates-là. Et puis Annick Lenoir travaille aussi sur l'immigration et l'intégration et aussi sur l'intégration en emploi, entre autres, des Maghrébins.

J'ai mené des recherches, personnellement, autour des dynamiques familiales, des parcours des familles réfugiées, de l'immigration dans les régions, aussi autour de la question scolaire, des processus d'intégration et d'exclusion de certaines familles, et en particulier des femmes d'origine maghrébine ou des femmes musulmanes, de confession musulmane, donc un sujet qui est malheureusement toujours au goût du jour, et puis aussi des travaux sur les processus de racisme, de stigmatisation et de rejet, plus spécifiquement toujours dans les régions du Québec ou du Canada, parce qu'on a travaillé aussi plus largement sur le Canada. Et finalement j'ai travaillé aussi, et je pense que c'est intéressant de l'amener ici, sur les interactions autour de l'immigration entre les groupes francophones et anglophones, toujours dans les régions, qui présente donc une réalité fort différente de ce qui se passe dans la vie montréalaise. Donc, on s'est intéressées aussi à la façon dont les communautés anglophones dans les régions pouvaient participer à l'accueil et à l'intégration des immigrants dans la région et donc dans la communauté francophone aussi.

Alors, la façon dont je vais procéder, je vous enverrai le mémoire revu juste après pour qu'il puisse être public, mais cet après-midi je vais revenir d'abord sur quelques points que j'avais soulevés dans le mémoire de février 2015 et puis, à partir de là, je vais soulever quelques enjeux qui me semblent reliés au cadre du projet de loi que vous présentez maintenant, un cadre avec lequel je pense qu'on peut dire qu'on est en accord de manière générale, mais peut-être soulever un certain nombre de points qui peuvent poser question pour la suite et qui donc pourraient aider pour la suite, quand cette loi va devenir beaucoup plus opérationnelle aussi au travers de ses règlements et des programmes qui vont aller avec.

Alors, lors du mémoire de 2015, j'avais insisté sur un certain nombre de points qui me paraissent toujours pertinents, en particulier — et j'écoutais mes collègues, tout à l'heure, qui disaient la même chose — l'importance de continuer à sensibiliser la communauté québécoise à la diversité. Je pense qu'il y a eu un certain nombre de... un travail de fait dans ce sens-là, mais on est encore loin du compte. Et je parle des régions, mais on peut parler aussi de Montréal, on peut parler des grandes villes, il y a encore du travail à faire. Donc, une sensibilisation à la diversité qui ne soit pas sensationnaliste, bon, parce que, là, on a eu beaucoup de choses autour des réfugiés syriens. Je pense que c'était sans doute un momentum intéressant pour parler de ces questions-là au Québec et dans les régions, mais il est important de ne pas en rester là et à une population médiatisée à un moment donné, alors que la diversité fait partie et doit faire partie de nos réalités quotidiennes beaucoup plus. Donc, je pense qu'il y a un travail de sensibilisation qui reste à faire et qui est à faire autant auprès de tous les citoyens, finalement, qu'auprès des employeurs — on sait l'importance que ça peut avoir — qu'auprès des élus, parce qu'il y a encore beaucoup d'élus qui ont besoin d'en apprendre un petit peu plus sur ces questions-là, mais aussi auprès des écoles, mais aussi auprès des acteurs socioéconomiques de nos régions et des médias, parce qu'on le voit, hein, ils jouent un rôle très important, et donc il y a toujours du travail à faire avec eux aussi.

Le deuxième point que je soulignais, et qui va dans le même sens, c'était la lutte contre le racisme et l'islamophobie. Donc, on est quand même dans une situation, au Québec, où les choses sont moins graves que dans d'autres parties du monde sur ce plan-là, mais, bien, tous les derniers événements amènent à des débats, et dans ces débats-là, qui sont toujours fortement médiatisés, on voit très souvent des dérapages, et des dérapages qui se manifestent en comportements, en attitudes. Et, les comportements et les attitudes, on les vit dans les régions quand il s'agit soit de se poser la question : Est-ce qu'on est prêts à accueillir des immigrants?, soit de se poser la question : Est-ce qu'on est prêts à embaucher des immigrants?, à se poser la question : Est-ce qu'on est prêts à vivre avec, à ce que ces personnes-là fassent partie de notre projet de vie, projet d'avenir? Donc, il y a, à mon avis, un travail important à mener et en lien avec les réalités actuelles.

Et, sur l'islamophobie aussi, bon, il y a eu tout un débat sur Sherbrooke, troisième ville, je crois, dans laquelle il y aurait eu des crimes haineux. Bon, sur les chiffres, je pense qu'on peut débattre largement là-dessus, mais je pense qu'il ne faut pas se cacher non plus que le problème existe, et qu'il est important de se pencher dessus, et que donc une loi sur l'immigration, et on le voit, hein, au niveau international aussi, une politique d'immigration, elle doit mettre les bases pour permettre, justement, d'aller plus loin sur la lutte à la discrimination, sur la lutte au racisme, sur la lutte à l'islamophobie, et encore plus, bien sûr, dans le contexte actuel sur le plan international.

• (14 h 50) •

Le troisième point que je soulignais, et qui rejoint, je pense, l'ensemble des recherches, des travaux sur ce plan-là, c'est la nécessité de reconnaître les expériences et les compétences plus que de mettre les immigrants en compétition. On était et j'espère qu'on sera de moins en moins dans des systèmes dans lesquels on met en compétition les immigrants soit entre eux soit avec les locaux sur le plan de leurs diplômes, de leur expérience québécoise, canadienne, etc. On a un énorme travail à faire sur ce plan-là parce que c'est en travaillant justement sur ces questions qu'on va arriver à intégrer de manière beaucoup plus fluide les personnes qui nous arrivent. La reconnaissance, c'est l'élément clé, et je pense qu'on l'a vu dans nombre de recherches, reconnaissance des personnes, de leur trajectoire, de leur apport, de leur expérience.

Et je pense qu'il faudrait un jour avoir le courage de questionner le concept d'expérience québécoise, comme d'expérience canadienne, d'ailleurs. Qu'est-ce que ça signifie, avoir une expérience québécoise, une expérience canadienne, en termes d'emploi? Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas qu'il y ait une adaptation des expériences, une adaptation de ce que les gens peuvent vivre professionnellement à l'extérieur, mais cette idée d'expérience semble actuellement un concept plutôt administratif qui crée une barrière pour l'intégration à l'emploi et ne correspond pas à la réalité de ce que vivent les gens quand ils rentrent réellement en emploi. Vous pouvez... Si vous êtes un ingénieur, admettons, un ingénieur, je ne sais pas, civil, et puis que vous avez eu une expérience dans un Pharmaprix à vendre des... parce que c'est ça, ce qui se passe, hein, l'expérience québécoise, on la prend où on peut, donc on prend une expérience de vendeur, eh bien, ça ne va pas vous servir à grand-chose quand vous allez entrer vraiment en emploi soit comme ingénieur parce que vous aurez passé les examens pour ça, etc. Donc, il faut vraiment se questionner sur ce concept-là, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas penser en termes d'expérience ou en termes d'emploi, mais ce n'est peut-être pas l'idée d'expérience au Québec et dans n'importe quel domaine qui est valable. Donc, je pense qu'il y a là quelque chose à continuer à réfléchir.

J'abordais aussi la question de la régionalisation de l'immigration, hein, dont vous avez parlé, et j'insistais sur l'idée qu'on devrait parler d'immigration en région plus que de régionalisation de l'immigration — je pense qu'on se rejoint sur ce plan-là, Mme la ministre — parce qu'effectivement ce sont des projets qui doivent se rencontrer, des projets de personnes immigrantes qui parce que cela correspond à leur vision de leur avenir, à leur vision de leur vie ici se disent : Bon, on va aller s'installer dans cette région-là, on va pouvoir travailler dans cette région-là, on va faire quelque chose là, donc ce projet d'immigrant d'un côté, et le projet d'une région, d'une collectivité, d'un autre côté, qui veut se développer en accord avec ces immigrants-là.

Donc, je pense qu'il faut vraiment penser dans ces termes-là et il faut penser en termes de capitaux, capitaux à développer, capitaux locaux à développer. Puis là il y a un capital, qu'on pourrait dire, un capital d'employabilité, qu'est-ce qu'on a à offrir, hein, sur le plan de l'employabilité, il y a un capital de gouvernance, comment dans notre collectivité, puis on l'a vu tout à l'heure avec les municipalités... comment on est capable de se concerter, comment on est capable de dresser ensemble quelque chose d'intéressant qui va permettre d'intégrer et de profiter ensemble, finalement, de cette diversité, de la venue des migrants, et un capital d'ouverture à la diversité, et, ce capital-là, on a encore beaucoup à le travailler, même si on a les emplois de l'autre côté. Donc, c'est vraiment en termes de capitaux qu'on doit penser les choses. Et les immigrants, leurs familles apportent, eux aussi, des capitaux humains qui vont enrichir, finalement, ce développement local là.

Le Président (M. Picard) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Oui. Alors, je conclus sur trois points qui me paraissent importants dans le cadre de la loi.

Le premier, c'est que la déclaration d'intention, oui, ça peut être intéressant, mais il y a un certain nombre de risques, et je voudrais vraiment les souligner parce qu'il va falloir, dans la suite, hein, mettre en place ce qu'il faut pour éviter ces risques-là. D'abord, c'est un allongement de la période d'attente et d'incertitude pour les candidats, les candidats qui sont dans leur pays, parce qu'eux, ils se mettent dans une banque puis ils attendent voir si à un moment donné on va les appeler. Donc, il y a quelque chose à faire avec les pays d'origine pour arriver à gérer au mieux cette période-là et pour aussi que, quand on va les appeler, ces bons candidats qui vont correspondre à nos besoins, ils sont encore prêts à venir, parce que la politique canadienne, qui actuellement fonctionne de cette façon-là, démontre — et les chiffres sont un petit peu inquiétants — qu'on a fait beaucoup d'offres en fonction de nos besoins, au Canada, et il n'y a plus grand monde qui est prêt à venir. Donc, ça, c'est vraiment important. Les offres qu'on fait, très peu ont reçu, finalement, des candidats effectifs qui sont venus suite à ces offres-là, alors qu'ils étaient au départ dans le pool, là, avec les offres d'intention. Donc, il y a la question du timing, de la durée, de la période. Il y a quelque chose à gérer, il va falloir vraiment le prévoir de près.

Il va falloir penser l'intégration, la penser beaucoup plus. Et, dans l'intégration, il va falloir penser à cibler toujours la bonne gouvernance, les partenariats locaux, avec le local, et, quelque chose de très important, la décentralisation des programmes. On a fait l'inverse, on a recentralisé. Il va falloir décentraliser, sinon, effectivement, on va avoir beaucoup de mal à ramer... enfin, on va ramer, du moins, avec le local.

Et je terminerai sur les effets que tout ça peut avoir sur les bassins d'origine des immigrantes et des immigrants. Il va falloir être très attentif à ce que ça ne crée pas une discrimination à moyen terme parce qu'on irait seulement vers des pays d'origine où on trouverait des qualifications qui correspondraient à notre façon de définir les compétences dont on a besoin à notre façon aujourd'hui en Amérique du Nord, ce qui ne veut pas dire que les gens n'ont pas les bonnes compétences en face, c'est juste qu'on ne mettrait pas les mêmes termes sur ces compétences-là. Donc, il y a un travail à continuer à faire sur ce plan-là. Voilà.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. Alors, merci beaucoup, Mme Vatz-Laaroussi et Mme Annick Lenoir, merci beaucoup d'être ici. C'est fascinant, on aimerait avoir plus de temps pour discuter de...

J'aime beaucoup votre approche quand vous parlez des capitaux. Les discussions, je ne sais pas si vous avez suivi les discussions ce matin, donc, avec la Fédération des municipalités et l'Union des municipalités du Québec, dans les deux cas, parce que la vision derrière toute cette grande réforme, qui est beaucoup dans le nouveau nom du ministère, Diversité et Inclusion, qui est un appel à l'action, c'est comme ça que je l'ai décrit dans un premier temps, et toute la consultation va dans ce sens-là, il faut travailler sur tous les champs en même temps.

J'aime beaucoup votre expression «immigration en région». En effet, c'est ça, c'est plus dynamique. Il y a la vitalité qui est là, mais ce n'est pas la régionalisation, c'est un peu stagne comme expression.

Maintenant, c'est sûr que j'aimerais vous entendre un peu plus. Les risques, c'est sûr qu'on a un peu une opportunité de voir ce qui se passe au niveau fédéral, on suit ça de près pour justement éviter ces genres de risque, mais peut-être revenir sur ce nouveau système. Parce qu'évidemment on a beaucoup de gens qui sont au chômage, ça peut prendre longtemps avant qu'ils intègrent le marché du travail, pour toutes sortes de raisons. Vous avez dit : Il faut lutter contre la discrimination, d'une part, mais souvent ce n'est même pas la discrimination, c'est la non-connaissance de l'autre. Donc, l'expérience québécoise est venue peut-être réparer un peu ça parce que, dès que la personne a un peu d'expérience québécoise, les gens s'ouvrent à eux, donc ça vient rassurer les entreprises. Et le PEQ, le Programme de l'expérience québécoise, qu'est-ce que c'est un diplôme québécois et une expérience de travail, donc, un travailleur temporaire qui voudrait rester, donc, on le met sur la voie rapide, et ça connaît vraiment un succès important. Et je cite souvent la Nouvelle-Zélande, je ne sais pas si le chiffre est toujours bon, 85 % de leur... 95 % de leur immigration permanente est issue de l'immigration temporaire. Donc, c'est des gens qui viennent avec leur expérience. Tout à fait d'accord avec vous qu'il faut aller beaucoup plus loin. Et c'est ma collègue la députée de Jeanne-Mance—Viger qui a ce mandat-là de présider une grande table où tout le monde est pour voir comment peut-on mieux réussir et reconnaître ces compétences. On a fait des comparaisons entre différents pays. Certains, pas beaucoup, sont très ouverts, la plupart ne le sont pas, alors c'est difficile de s'inspirer d'autres pratiques. Il va falloir qu'on s'inspire de nous-mêmes pour aller dans le sens que vous dites.

Mais le rôle de la Commission des partenaires du marché du travail et l'orientation qu'on a, c'est qu'il faut que les gens réussissent leur intégration puis il faut mobiliser les gens. Donc, on regarde le profil, on dit : Vous, vous avez un profil intéressant, et on trouve une façon de mobiliser le milieu pour qu'ils nous disent, justement, leurs besoins, et on fait un mariage, un jumelage rapide. Est-ce que vous êtes, en principe, d'accord avec cette approche?

Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Moi, je dirais qu'en principe oui, dans le sens où on se dit : Bon, effectivement, on a du mal à trouver de l'emploi.

Maintenant, je ne suis pas sûre que cette approche-là... Et il va falloir sûrement travailler la façon de le faire pour que cette approche-là donne réellement les fruits qu'on en attend, c'est-à-dire : Est-ce que la personne qu'on va choisir en fonction, justement, de propositions d'emploi qui sembleraient convenir à son profil... Quand elle va arriver, cette personne-là, est-ce que réellement elle va y accéder, à cet emploi-là? Est-ce que réellement elle va rester dans cet emploi-là? Est-ce que ça va lui permettre de la promotion dans la vie québécoise dans laquelle elle va être désormais, elle et sa famille, hein? Parce qu'il faut penser famille aussi et pas juste une personne.

Donc, je dirais qu'il ne faut pas que ce soit quelque chose de trop pointu, ça, c'est très important, et il faut aussi que l'employeur ne s'attende pas... Je dis toujours, bon : Il ne faut pas penser à avoir des immigrants prenables et jetables, du sur-mesure, hein? Donc, il faut vraiment que, les employeurs, le travail qu'on fasse avec eux soit de les former à ce que les personnes qui leur arrivent correspondront en partie, en bonne partie à ce qu'ils ont comme attentes, mais il faut que les employeurs soient ouverts aussi à ce qu'ils peuvent amener de plus, de différent, hein? Je disais : Pourquoi embaucher un travailleur immigrant si c'est pour faire la même chose qu'avec un travailleur québécois? O.K.? Donc, si on embauche un travailleur immigrant, il faut que ça amène quelque chose de plus. Et là on a un travail à faire avec les employeurs pour qu'on le perçoive, ce plus-là, et qu'on soit ouvert peut-être à quelque chose qu'on n'avait pas prévu. On ne prévoit pas tout, hein, ce n'est pas juste un profil professionnel qui va jouer, là.

Je pense que peut-être tu peux...

• (15 heures) •

Mme Lenoir (Annick) : Oui. En fait, un des problèmes que moi, je vois, c'est qu'il faut absolument travailler en parallèle sur la question de la sensibilisation de la population et des employeurs, parce qu'actuellement les employeurs, en tout cas dans notre région, ne sont pas particulièrement ouverts à l'embauche d'immigrants, donc, du coup, même s'il y a des offres d'emploi disponibles, ça ne veut pas dire qu'ils vont embaucher la personne qui aurait les compétences pour le faire.

Par ailleurs aussi, je pense que c'est la même chose au niveau des logements. Tout à l'heure, M. Cusson disait : Il faut avoir des logements, il faut avoir de l'emploi. C'est la même chose au niveau des propriétaires, les propriétaires ne sont pas nécessairement ouverts à louer leurs appartements aux personnes immigrantes parce que justement il n'y a pas de références, parce qu'on ne sait pas trop d'où elles viennent, etc., méconnaissance. Donc, il faut absolument que cette loi-là soit accompagnée de mesures pour... bien, pour la sensibilisation de la population comme telle.

Mme Weil : Oui, tout à fait. Alors, c'était justement l'objectif de la grande consultation en début d'année, l'année dernière, donc une nouvelle loi pour amener des changements législatifs, et évidemment une politique qui va accompagner, qui va dans le sens de faire la promotion de l'inclusion, de la diversité, valoriser la diversité. C'est des orientations qu'on a depuis un certain temps, mais ça prend une nouvelle dimension avec la politique. Mais c'était là une dernière occasion d'entendre tout le monde, parce que c'est une grande réforme, c'est imbriqué l'un dans l'autre.

L'immigration humanitaire, on en parle dans la loi. Évidemment, on vient d'avoir... on est en train de vivre une grande expérience en immigration humanitaire. J'aimerais connaître un peu votre point de vue. Souvent, ça a été des moments forts du Québec et des moments historiques, pour le Québec, où ils ont pu justement se rendre compte de l'apport de ces gens que d'entrée de jeu on n'a pas évalués, on a tout simplement... parce qu'on est adhérents à des ententes internationales, notamment la convention de Genève. Puisque vous faites des recherches, parce que vous êtes beaucoup là-dedans, comment vous voyez l'apport, justement, de cette expérience qu'on est en train de vivre pour ouvrir, s'ouvrir à l'autre?

Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Bien, je pense vraiment que ça peut être un momentum intéressant, mais il ne faut pas en rester là, parce qu'en fait, bon, l'accueil des réfugiés syriens, bien, d'abord, c'est loin d'être fait, hein?

Mme Weil : J'aimerais... Plus vastement, l'immigration humanitaire, pas juste parce qu'on...

Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Oui, oui, c'est ça, c'est ça. Tout ce qui est immigration humanitaire, bon, dans la région de Sherbrooke, on le vit depuis fort longtemps, et je pense qu'on a un système qui est quand même bien rodé, qui fonctionne bien. Et on devrait plus profiter de cette population qui arrive, justement, pour travailler la diversité. Je pense qu'on a encore ce travail-là à faire, mais c'est avec eux qu'on va pouvoir faire la sensibilisation, c'est avec eux aussi qu'on peut justement faire que les milieux s'ouvrent, parce que les gens sont là déjà, et les gens qui sont là sont des gens qui sont extrêmement actifs.

On a fait à Sherbrooke juste avant Noël, le 18 décembre, un 5 à 7 où on parlait des réfugiés, la ville de... Sherbrooke en route avec les réfugiés. Et c'était un 5 à 7 le 18 décembre, on s'est dit : Un vendredi soir, il ne va pas y avoir la foule; on était 70, des représentants de toute la population. Et ce qui m'apparaît important : lors de cette rencontre-là, il y a eu six témoignages de réfugiés qui étaient arrivés au fur et à mesure des années à Sherbrooke et qui tous étaient des gens particulièrement impliqués dans la vie sociale, dans la vie locale, qui tous ont raconté leurs difficultés, les vraies difficultés qu'ils avaient rencontrées mais aussi comment, pour eux, c'était important d'être impliqués, certains en politique, d'autres dans la vie communautaire, certains travaillant à l'hôpital, peu importe. Mais cette implication-là a vraiment impressionné, je pense, les gens qui étaient là, les organismes, et c'est ça qu'il faut qu'on arrive à faire passer, c'est comment ce n'est pas juste de... Oui, bien sûr, on a un engagement humanitaire, on doit accueillir des réfugiés parce qu'on signé des conventions puis parce qu'on est un pays où les droits de la personne sont importants, donc c'est bien, on le fait, mais ce qu'on doit voir plus loin, c'est comment ces réfugiés-là, ces personnes qui arrivent, ce n'est pas... on leur est redevables de beaucoup de choses, nous aussi, ce n'est pas juste eux qui nous sont redevables, qui doivent avoir de la gratitude envers nous de les accueillir, mais combien on doit leur être reconnaissants de la vitalité qu'ils apportent, de cette... justement, dans nos régions, aussi de tout l'aspect interculturel dont ils sont porteurs. Et, s'ils n'étaient pas là, on n'aurait pas ça dans nos régions, et ce serait un manque profond au Québec. Donc, il y a quelque chose effectivement qui est important et qu'on doit continuer à faire.

L'autre élément, je voulais revenir un tout petit peu sur les travailleurs temporaires et le fait qu'ils puissent ensuite passer au statut permanent. Je trouve que ça, c'est vraiment quelque chose de très important, il faut le continuer, mais il faut faire très attention parce que les immigrants, les réfugiés et les travailleurs temporaires sont en compétition pour les mêmes emplois, et ça, ça créé beaucoup de difficultés. Et je ne voudrais vraiment pas, je pense... bien, on travaille sur les médiations interculturelles, on a envie qu'on vive bien ensemble, et donc il faut vraiment, dans les programmes qu'on met en place... Là, on parlait des Syriens. Bien là, on a vu que les autres commençaient à dire : Bien oui, mais nous aussi, on est là. Et puis, quand on parlait du travail pour les Syriens, bien les immigrants qui sont là depuis 10 ans puis qui n'ont pas d'emploi, les Maghrébins, disaient : Bien là, ça va bien, mais on aimerait ça, nous aussi, hein, qu'on nous ouvre des portes d'emploi. Donc, il y a, là aussi, un travail à faire pour qu'on voie qu'on ne met pas juste une population de l'avant, qu'on travaille pour le bien commun, pour le bien de toute la population ensemble.

Même chose pour les Québécois, hein? Il y avait quelque chose à Coaticook dernièrement pour l'emploi des immigrants. Bien, oui, mais peut-être que la population de Coaticook, elle aurait aimé être là aussi, la population québécoise de souche, entre guillemets. Donc, vraiment harmoniser davantage nos choses.

Mme Weil : Avant de céder la parole, juste un petit commentaire. On a fait une annonce, Sam Hamad et moi, le ministre du Travail et de l'Emploi, pour annoncer le programme... pas annoncer le programme PRIIME mais sensibiliser le milieu des affaires au programme PRIIME, qui est un programme de subvention salariale. Et, savez-vous, on est rendus à presque 200 entreprises. Mais on a bien dit : C'est pour tous les immigrants, là, c'est le programme cible, ceux qui sont sous-représentés.

Et ce que je perçois, c'est que, l'arrivée des réfugiés syriens, tout le monde, on est revenu sur les boat people, on a fait un peu l'histoire de l'immigration humanitaire au Québec. Les gens sentent une fierté aussi par rapport à cette histoire, cet engagement.

Et là, les entreprises, c'est des moments de sensibilisation, je crois. Alors là, ils se disent... ils savent très bien qu'il n'y a pas de discrimination, le programme est pour tout le monde, alors ils disent : Oui, oui, oui, on a des emplois à offrir, alors nous, on va saisir l'occasion.

Mais j'apprécie. J'aurai peut-être le temps à la fin, mais j'ai deux autres collègues, de Fabre et de D'Arcy-McGee...

Le Président (M. Picard) : Mme la députée de Fabre. Il reste quatre minutes.

Mme Sauvé : Je vais être très rapide, M. le Président, merci. Bonjour, mesdames.

Écoutez, j'ai été très sensible... Vous avez parlé tantôt de cette sensibilisation qui est tellement encore nécessaire auprès des employeurs et de faire comprendre la contribution très spécifique que peut apporter, bien sûr, la personne immigrante dans un milieu de travail. Je sais que vous êtes sensibles à des pistes d'intervention pour les PME et je trouve qu'on n'en a pas entendu parler suffisamment les PME qui sont 90 % des emplois au Québec dans le secteur privé. Et, oui, des entreprises ont des préjugés, mais la PME a aussi une réalité d'organisation où il y a très peu de services de ressources humaines. Alors, moi, j'aimerais vous entendre rapidement sur des pistes d'intervention que vous envisagez pour outiller ces petites et moyennes entreprises. Et est-ce que ça pourrait même faire partie de bonnes idées pour les projets pilotes?

Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Oui, bien, moi, je pense qu'il y a un certain nombre de pistes qui pourraient être intéressantes, qui sont toujours des pistes interculturelles. Alors, qu'on s'adresse aux employeurs, aux employeurs de PME qui sont directement sur le terrain avec leurs employés, je pense que leur faire vivre une situation d'interculturalité réussie, ça peut être quelque chose d'intéressant.

On a fait ça à Sherbrooke avec l'organisme dont tu fais partie, on est allés dans un organisme qui se... un genre de soupe populaire. Puis là il n'y a pas beaucoup d'immigrants qui y sont, hein, ce n'est pas interculturel, c'est vraiment des Québécois de souche. Puis là les immigrants sont allés dans l'organisme, puis on a animé une discussion ensemble, puis on a parlé des préjugés qu'on avait les uns envers les autres, et ça a été très efficace dans le sens où vraiment il y a eu une ouverture mutuelle, parce que les préjugés étaient des deux côtés. Donc, il y a vraiment eu une ouverture mutuelle.

Et je pense que, dans les idées qui pourraient être... des projets pilotes qui pourraient être intéressants, de faire ça en réunissant quelques chefs d'entreprise, de PME ensemble et y aller, groupe d'immigrants, puis là on anime... Bien sûr, il faut une animation qui se tienne, là, mais c'est, à mon avis, quelque chose de très efficace et qui fonctionne bien. On peut le faire par des institutions aussi, mais, avec des employeurs de PME, d'abord on fait tomber les préjugés puis on montre qu'il n'y a pas que nous qui en avons, donc ce n'est pas dramatique, on peut... Bon. Et une fois qu'on a posé les préjugés on est capables de travailler ensemble, on est capables de faire des choses ensemble, et puis on fait un petit projet ensemble, pas grand-chose, là, mais un petit projet; bien là, ça veut dire qu'on va être capable de continuer.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. 1 min 30 s.

• (15 h 10) •

M. Birnbaum : 1 min 30 s. Merci, M. le Président. Merci pour votre exposé. Je crois que ça a ses échos dans notre projet de loi actuel. Quand on parle de sensibiliser les gens à l'accueil, d'impliquer tout le monde, c'est tout à fait de mise.

Le projet de loi a comme deux assises aussi les phénomènes de l'importance de la francisation et aussi l'adéquation avec les besoins du marché de travail. Je crois que de façon malheureuse, des fois, on a l'impression que les genres de propos que vous êtes en train de faire ne s'arriment pas avec ces deux priorités. Je vous invite de dire le contraire.

Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Oui, oui, oui, O.K., mais pour ma part je suis toujours très nuancée, hein, dans ce que j'apporte, alors je ne dirai pas que je... Je pense que les choses peuvent s'arrimer, mais je dis qu'il faut faire attention à la façon dont on va les arrimer. Et en particulier tout ce qui est autour du socioéconomique et du social, de l'intégration en emploi et de l'intégration sociale, les deux, on doit toujours les penser ensemble, et on doit y penser ensemble aussi en utilisant justement tous les acteurs et en travaillant avec les acteurs du social, d'un côté, du social, scolaire, etc., la francisation, tout ça, et les acteurs de l'emploi ensemble. Et on doit faire cet effort-là. Je sais que ce n'est pas simple parce qu'on travaille par secteurs, habituellement, mais le local nous permet ça aussi. Donc, il faut jouer sur le local pour avoir ces concertations-là.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Mme Vatz-Laaroussi, Mme Lenoir, soyez les bienvenues. Merci pour votre contribution.

J'aime bien vous entendre. Vous êtes nourries de bonne volonté et de générosité, d'abnégation, vous êtes des personnes qui me rappellent les missionnaires en action. On est dans un symbole.

Et je comprends, j'entends bien la portée de votre message, parce qu'il y en a un. Vous évoquez l'impératif de sensibiliser relativement à la diversité, et c'est un enjeu pas seulement au Québec, c'est à travers la planète, aujourd'hui, et la gestion de la diversité va être un défi pour les 50 prochaines années, minimalement parlant, selon les exégètes de la question de l'immigration, aussi à cause de la mondialisation et autres. Or, dans la très grande, vaste majorité des pays, les gens ne sont pas préparés...

Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Absolument.

M. Kotto : ...et c'est ce qui, parfois, crée des tensions, parce qu'on n'est pas préparé et qu'on accueille des personnes, notamment ici, au Québec et au Canada... Parce qu'il y a deux symboles qui se côtoient et qui sont en compétition perpétuelle, un véhiculant le multiculturalisme, l'autre, l'interculturalisme, et les gens confondent les deux concepts parfois. Et la majorité des gens qui viennent s'inscrivent dans le multiculturalisme, compte tenu du fait que celui-ci a un statut qui est enchâssé dans la charte canadienne et dans la Constitution canadienne; le Québec n'a pas assis une telle approche, la sienne, l'interculturalisme initié par M. Bourassa, dans un texte de loi de référence. Et c'est une base de malentendus perpétuels. Et, dans l'entente Canada-Québec, le fédéral s'est réservé le droit de financer son approche multiculturaliste partout au Canada, y compris au Québec, vous voyez?

J'en parle parce que je suis un ancien immigrant — j'aime à dire ça parce qu'on ne reste pas immigrant toute sa vie, hein? — et c'est des choses que je n'avais pas perçues au départ, ça a pris du temps. Il a fallu effectivement que je m'inscrive dans des cercles interculturels avec une présence affirmée des indigènes, des autochtones ou des Québécois de souche, appelons-les comme vous voulez, pour voir ou détecter ces nuances-là. Et c'est ce qui m'a amené, d'une part, à valoriser un des piliers fondamentaux du Québec, du vivre-ensemble au Québec qui est la langue.

Dans votre approche, dans la hiérarchie de vos priorités en tant que médiatrices, la langue arrive dans quelle position?

Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Bien, elle est extrêmement importante, bien sûr. Mais, dans différents projets auxquels on a participé qui sont des projets de recherche ou des projets de recherche-action, autant avec des enfants qu'avec des adultes, on conçoit que l'apprentissage du français et le fait... l'investissement du français comme étant la langue commune, finalement, peut se faire et se fera d'autant mieux qu'on reconnaît les langues maternelles ou des langues autres qui peuvent aider à aller vers le français. Et, juste aussi très rapidement, on a fait une recherche-action avec des enfants dans des écoles, classes d'accueil, où on voulait les aider à mieux apprendre à écrire en français, ça a été soutenu par le fonds québécois de recherche Société et culture et le ministère de l'Éducation, et on leur demandait... on les amenait à écrire un livre de leur histoire familiale, les enfants en classe d'accueil, hein? Donc, ils arrivaient, ils ne connaissaient pas le français, ils écrivaient un livre de l'histoire familiale. La majorité du livre était écrite en français, mais ils avaient l'autorisation d'écrire quelques mots soit dans leur langue maternelle soit en anglais, pour ceux qui connaissaient l'anglais, et les parents pouvaient écrire aussi dans leur langue maternelle. Du fait qu'on a donné l'autorisation, très peu l'ont utilisée, en fait, tout le monde a voulu écrire en français, et on a obtenu des livres particulièrement intéressants qui montrent la capacité d'apprentissage autant des adultes que des enfants. Mais, pour ça, il faut qu'on reconnaisse — on est toujours dans la reconnaissance — il faut qu'on reconnaisse l'importance des langues d'origine, l'importance du passage qui se fait et qu'on donne le goût, la motivation à parler de soi avant, de soi dans un autre pays, dans une autre langue qui va devenir la sienne et qu'on va investir. Et c'est faisable, ça se fait. Et ça met le français de l'avant, bien sûr, et les parents et les enfants, à la suite de ce travail-là, nous ont dit : Mais le français est une belle langue, et on est contents de savoir écrire et on veut continuer à apprendre à écrire.

Donc, c'est faisable, et c'est faisable sans mettre en opposition les langues les unes avec les autres. On dit dans le milieu linguistique, qui n'est pas mon milieu, là, mais on dit : Il faut additionner les langues, il faut les cumuler. Il ne faut pas les mettre en opposition, il faut les mettre en dialogue. Alors, ce serait ma réponse, oui.

Mme Lenoir (Annick) : Oui, si je peux me permettre, j'ajouterais aussi dans le même sens, quand on parle d'additionner les langues, qu'il ne faut pas non plus mettre le français — et je sais que c'est une question délicate — en compétition avec l'anglais, parce que ce qu'on a remarqué, dans les recherches que l'on a menées, c'est que les personnes qui sont en recherche d'emploi, et qui sont immigrantes, et qui parlent français ne trouvent pas d'emploi parce qu'elles ne parlent pas anglais. Donc, ça, c'est un problème. Donc, évidemment, ces personnes-là voient très bien la nécessité d'apprendre l'anglais aussi.

Et l'autre chose, c'est qu'on remarque aussi que, chez les enfants de la loi 101, en fait, ces enfants-là sont généralement trilingues, donc ils peuvent passer d'une langue à une autre très facilement. Alors, la langue qu'ils utilisent dans l'espace public commun est souvent le français, parce qu'ils savent que c'est important, mais ça n'empêche pas qu'ils peuvent utiliser l'anglais quand ils vont au travail et leur langue maternelle quand ils sont chez eux.

• (15 h 20) •

M. Kotto : O.K. Et là vous m'amenez sur un terrain privilégié. La langue de travail, au Québec, c'est le français.

Vous savez pourquoi le Québec a été chercher des pouvoirs en matière d'immigration auprès d'Ottawa? C'était pour renforcer le filet linguistique, en l'occurrence français, du Québec, parce qu'aujourd'hui nous comptons pour 2 % de parlant français en Amérique, et, si d'aventure nous baissions collectivement la garde, ça prend deux générations pour disparaître. Comme au Manitoba, ça a pris 20 ans, même une génération, de passer de 54 % de parlant français à 4,5 % de parlant français, 20 ans.

La langue française n'est pas ma langue maternelle, je l'ai apprise à l'école. C'est ma troisième langue, vous voyez? Mais c'est parce que je suis conscient de cela que je défends ce fait. Ce n'est pas par idéologie ou réflexe, je dirais, débile, non, c'est par souci de préservation d'une écologie linguistique. Le seul endroit où il est potentiellement possible de parler de façon durable la langue française, c'est ici, au Québec. On voit ce qui se passe avec les minorités francophones hors Québec. Le Québec a ceci de louable, c'est que sa minorité historique anglophone, elle est largement et de très loin mieux traitée que les minorités françaises... francophones hors Québec. Et la littérature nous dit également que c'est un modèle de référence un peu partout à travers le monde. Comptez les universités, les hôpitaux, les commissions scolaires, etc., vous ne trouverez pas un schéma comparatif vis-à-vis des minorités francophones hors Québec. C'est louable, et ça, c'est à protéger. Ça fait partie d'un environnement, comment dire, d'un écosystème culturel riche. Et, si M. Bourassa et M. Lévesque, par la suite, avec Camille Laurin, se sont battus pour préserver le visage français du Québec, il y avait une cohésion là-dessus, ce qui nous avait amenés par la suite à collectivement embrasser la notion de société distincte. Je ne veux pas rentrer en politique, là, parce que, si j'allais plus loin, j'irais sur un autre territoire, mais je ne vous amène pas là-dessus.

Le Président (M. Picard) : Il reste une minute.

M. Kotto : Une minute.

Le Président (M. Picard) : Bien, c'est parce que...

M. Kotto : Je voudrais juste vous signifier que la langue officielle, au Québec, c'est le français, et c'est quelque chose qu'il faut respecter quand on vient d'ailleurs parce que, quand on ne respecte pas cela, ça peut générer des préjugés, et les préjugés alimentent des préjugés et des murs de communication au sein des diverses personnes et des diverses cultures qui viennent s'installer.

Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Oui. Je voudrais juste dire un petit mot. Je suis tout à fait en accord avec vous, bien sûr, sur la préservation du français, qui est notre langue commune et que je défends beaucoup aussi, en particulier quand je vais dans le reste du Canada, mais ce que je voulais dire par rapport à ça, c'est qu'à mon avis le français n'est pas en danger à cause des immigrants, et vraiment toutes les études le démontrent, malgré le petit pourcentage de moins...

M. Kotto : Non, mais ce n'est pas ce que j'ai dit, hein?

Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Non, non, mais je veux juste clarifier ça.

M. Kotto : Non, non, c'est la structure, c'est l'environnement qui crée cette situation.

Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Voilà. Alors, l'environnement, oui, je comprends très bien, on est une minorité, etc., c'est important, mais je trouve qu'il ne faut vraiment pas faire porter aux immigrants le poids du problème du français, des problèmes qu'on peut rencontrer avec le français. Par exemple, si on demande l'anglais aux Maghrébins pour qu'ils travaillent à Montréal, ce n'est pas de la faute des Maghrébins, c'est nos employeurs, là. Voyons avec nos employeurs ce qui se passe.

M. Kotto : Non, mais c'est la situation. Mais on est d'accord là-dessus, mais c'est la situation. Voilà.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. le député. Mme la députée de Montarville, c'est à vous.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, merci d'être ici. Vous arrivez de Sherbrooke, mon alma mater, l'Université de Sherbrooke. Je suis contente de vous entendre.

J'ai pris des notes, la journaliste en moi a pris des notes, et je veux poursuivre sur la langue parce que vous nous avez dit d'entrée de jeu que vous étudiez entre autres le processus d'intégration et d'exclusion, le corollaire, n'est-ce pas? Parlons d'intégration, parlons de la langue française. À mon avis, et vous me corrigerez si j'ai tord, la langue française, au Québec, c'est la clé de l'intégration, à moins que je ne m'abuse. Donc, j'aimerais savoir ce que vous pensez. On a vu les nouvelles, il y a des statistiques, il y a des groupes militants... il y a un déclin de la langue française, particulièrement en région métropolitaine, à Montréal. Et vous pensez quoi de cette diminution de la fréquentation des cours de francisation par les immigrants qui sont non francophones?

Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Écoutez, moi, j'ai répondu à cette question-là hier à plusieurs journalistes, donc... Bon, pour ma part, je pense qu'il faut vraiment nuancer, parce que ces chiffres-là, vraiment, doivent être nuancés. Ça concerne, finalement, une toute petite partie de la population, de ceux qui arrivent, qui ne parlent pas le français ni l'anglais — et certains parlent l'anglais à leur arrivée — ça concerne des investisseurs, ça concerne des réfugiés. Les réfugiés, c'est normal, on ne les choisit pas en fonction de la langue. On reste quand même avec une majorité de gens qui arrivent en parlant le français, qui sont sélectionnés aussi parce qu'ils parlent le français. Donc, il faut vraiment nuancer.

Alors, effectivement, il y a un petit déclin de ceux qui veulent suivre les cours de français. D'abord, ils ne refusent pas de suivre les cours de français, c'est très important, souvent c'est qu'ils n'ont pas les bonnes conditions pour suivre les cours de français. Et ça m'amène vraiment à dire qu'il y a quelque chose à faire dans la suite des travaux, à faire pour que ces cours de français soient plus souples, plus adaptés aux besoins de ces nouveaux arrivants qui... Par exemple, on voit que ceux qui les suivent à temps partiel, ça semble mieux se maintenir que ceux qui les suivent à temps plein. Alors, pourquoi? Bien, quand on est un réfugié, qu'on arrive, on a tellement de choses dans la tête, tellement de choses à faire, c'est difficile d'aller à l'école à temps plein pour apprendre le français. Quand on est un immigrant indépendant, on vient pour travailler, on a dépensé de l'argent pour venir s'installer au Canada, au Québec, on veut travailler rapidement. On a sa famille, on a des enfants qui vont à l'école ou qui sont à la maison, on a besoin de s'occuper de ces enfants-là, on n'a pas toujours les systèmes de garde qui sont là pour garder les enfants. Donc, il y a toutes sortes de conditions qui, à mon avis, jouent sur le fait qu'on ne peut pas toujours fréquenter ces cours.

Et, pour moi, ce n'est vraiment pas un refus de la part des personnes de les suivre, je pense que la grande, grande majorité des immigrants qui arrivent savent que le français est la clé de l'intégration, veulent s'intégrer. Ils viennent ici, ils ont dépensé beaucoup d'argent, beaucoup d'énergie pour venir, ils ne veulent pas repartir, hein? Donc, ils veulent rester. Ils veulent rester, ils veulent être bien dans leur vie professionnelle, dans leur vie sociale pour que leurs enfants... que tout se passe bien. Ils le savent, que le français est important. Alors, offrons-leur les meilleures conditions possible pour apprendre le français. Il y a des groupes, d'ailleurs, des organismes qui sont plus flexibles, je dirais, ils sont fréquentés beaucoup par des personnes plus âgées, par des femmes qui ont des jeunes enfants, par des gens qui travaillent un petit peu à côté.

Donc, tout ça, à mon avis, doit être pris en compte dans la compréhension qu'on a de ces chiffres-là, et il ne faut surtout pas en faire... en tout cas, pour moi, là, il ne faut pas en faire un cheval de bataille et, comme je le disais tout à l'heure, du coup faire porter aux immigrants l'odieux de ce qui serait un déclin du français au Québec. Je trouve que c'est vraiment important. On les prend un otage déjà pour beaucoup de choses, les immigrants, alors pas pour ça en plus.

Mme Roy (Montarville) : Et j'apprécie que vous ayez continué parce que vous nous apportez des solutions. Et, advenant... dans l'éventualité où le gouvernement a la responsabilité d'offrir ces conditions maximales, ces conditions optimales, devrais-je dire, pour que les immigrants puissent... bon, temps partiel, le soir, pour accommoder, nous offrons tout, nous offrons tout pour qu'il y ait cette intégration et cette francisation parce qu'effectivement il faut préserver la langue française au Québec, pour nous c'est extrêmement important, le corollaire, ne devrait-il pas y avoir une obligation de la part de l'immigrant de suivre ces cours, lorsque nous arriverons à leur offrir les conditions optimales, gratuites à tous pour qu'ils se francisent?

Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Écoutez, moi, je ne suis pas vraiment pour des obligations parce que je pense que ça ne fait que rigidifier les processus. Alors, je pense que, si on offre les bonnes conditions, si on décentralise aussi, c'est très important, si on décentralise, si on localise les offres, si on les rend les plus proches possible des personnes, on n'aura pas besoin d'obliger.

Je pense que l'obligation de la loi 101 est une bonne obligation parce que ça permet aux enfants vraiment, là, d'être dans le français de plain-pied. Je pense que les parents vont suivre, on peut se servir de l'école des enfants aussi pour cela. Pour moi, ce serait risqué, je pense, sur l'image qu'on a des immigrants et sur l'image qu'on leur donne du Québec et du Canada que de les obliger ou que de mettre une quelconque sanction au fait qu'ils suivent ces cours-là parce que, bien, on le sait, hein, le Québec, Canada, ce n'est pas très compliqué de passer d'une province à l'autre, et vraiment on sait aussi que les communautés francophones hors Québec cherchent des immigrants.

Alors, moi, je trouve qu'au Québec on devrait offrir les meilleures conditions possible localement, délocaliser, que tout le monde soit partie prenante de l'affaire, parce qu'on veut qu'on parle français au Québec, mais je n'irais pas vers une obligation, en tout cas, c'est ma position.

Mme Lenoir (Annick) : En fait, je partage tout à fait l'avis de Michèle là-dessus. C'est que la plupart du temps, on le sait, quand on met une obligation à quelque chose, il y a une réaction de rejet. Donc, moi aussi, je ne suis vraiment pas pour l'obligation, je suis pour le fait qu'on incite les gens à s'inscrire.

Mais je voulais revenir sur le fait que vous disiez que le français est en déclin à Montréal. Et je me disais : Mais en fait ça dépend ce que vous regardez. Si vous regardez la langue maternelle à la maison, bien c'est normal, il y a beaucoup d'immigrants à Montréal, et c'est normal qu'ils parlent leur langue à la maison. Si on parle, maintenant, de la langue de travail, probablement que c'est l'anglais qui est en croissance, mais, à ce moment-là, c'est le problème des employeurs, en fait, on revient à ce qu'on disait tout à l'heure, c'est une question de contexte.

Donc, encore une fois, je suis d'accord avec Michèle en disant : Oui, mais ce n'est pas les immigrants, le problème à ce niveau-là, parce que les immigrants veulent apprendre le français, mais c'est vraiment les conditions dans lesquelles ils sont qui font que ça va bloquer pour leur apprentissage. Et, comme je disais tout à l'heure, c'est que beaucoup d'entre eux vont devenir trilingues, ou quadrilingues, ou, bon, j'en connais qui en connaissent encore plus, de langues, et donc, du coup, passer d'une langue à une autre, ça peut être très facile pour eux, et, quand on vient pour comptabiliser, finalement, l'importance du français, bien là ça devient plus difficile, automatiquement.

Mme Roy (Montarville) : Je vous remercie.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je vous remercie pour votre apport aux travaux de la commission.

Je suspends quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 30)

(Reprise à 15 h 33)

Le Président (M. Picard) : Je souhaite la bienvenue au Regroupement des organismes en francisation du Québec. Je vous invite à vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne. Vous disposez d'un maximum de 10 minutes, va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

Regroupement des organismes en
francisation du Québec (ROFQ)

M. Le Clerc (Roger) : Bonjour. Je suis Roger Le Clerc, je suis le secrétaire du conseil d'administration du ROFQ — on va résumer le titre parce que c'est un peu long. Et je vous présente...

Mme Kokoun (Georgina) : Moi, je suis Georgina Kokoun, coordonnatrice du regroupement.

M. Le Clerc (Roger) : Alors, comme nous n'avons que 10 minutes, on va passer par-dessus la présentation du ROFQ. Vous avez le document entre les mains, je présume. On regroupe l'ensemble des groupes qui font de la francisation, les organismes communautaires.

D'abord, on est très heureux de participer à cette commission parlementaire. On aimerait attirer votre attention sur quelques points de ce projet de loi.

À la section I, Catégories et programmes d'immigration, le point 6.1°, la catégorie des travailleurs temporaires, il est important pour les travailleurs temporaires qu'on les avertisse, qu'ils soient conscients que la langue française est un outil fondamental d'intégration, d'intégration sur le marché du travail mais aussi dans la société québécoise. Nous souhaiterions que les travailleurs temporaires ainsi que leurs familles qui ont une présence au Québec qui cumule plus d'une année soient admissibles aux cours de français, parce qu'on sait que ceux qui cumulent plus d'une année vont être des demandeurs de statut de résident permanent éventuellement et que leur connaissance du français, à ce moment-là, devient très importante pour eux. S'ils sont ici et s'ils cumulent, encore une fois, plus d'une année, ça signifie que ce sont des travailleurs qui connaissent le Québec, et, s'ils viennent avec leurs familles, c'est encore une indication de leur volonté d'y vivre, alors on pense qu'en leur ouvrant l'accessibilité aux cours de français ça pourrait être une mesure intéressante et pour eux et pour nous.

En ce qui concerne le point 7.1°, la catégorie des immigrants économiques, la nouvelle exigence qui est proposée du niveau 7 pour et le demandeur principal et le demandeur secondaire, l'accompagnateur, est trop élevée, on souhaiterait qu'elle revienne au niveau 4. On comprend que dans les règlements, cependant, le demandeur principal, sa pondération des points sera plus élevée s'il a le niveau 7, comparativement à l'accompagnateur ou l'accompagnatrice, mais malgré tout on souhaiterait revenir au niveau 4.

Un autre point sur lequel je voudrais attirer votre attention et qui a été beaucoup soulevé depuis deux jours par les reportages de cette enquête, le rapport de recherche de l'IREC qui a été rendu public, la question qu'il faut se poser, c'est : Est-ce que le français représente un obstacle à l'intégration en emploi d'un immigrant allophone à Montréal? Je ne veux pas rentrer sur les résultats de la recherche parce que c'est plein de statistiques, et on peut faire dire beaucoup de choses aux statistiques selon l'optique qu'on a. La réalité, cependant, c'est que, la région montréalaise, dans la région montréalaise, la connaissance du français est de moins en moins nécessaire pour intégrer le marché du travail, et, pour nous, c'est une anomalie. Si le Canada... Si le Québec souhaite que la langue commune soit le français, il faut qu'il y ait un effort généralisé du gouvernement dans tous les ministères mais qui implique aussi d'autres partenaires, que ce soient les municipalités, les commissions scolaires, les chambres de commerce, le Conseil du patronat ou les organismes communautaires, il faut qu'il y ait une volonté soulignée, ancrée, répétée, soutenue et combattue pour s'assurer que le français sera la langue commune.

Nous sommes aussi d'accord, c'est un sujet dont on discute fréquemment à l'intérieur du ROFQ, qu'il ne faut pas faire porter aux immigrants le poids du sauvetage de la langue française au Québec. Si les Québécois de souche parlant français ne tiennent pas à leur langue, bien elle devra disparaître, ce que je ne souhaite pas, loin de là, mais il n'appartient pas... L'immigrant qui arrive ici est en situation d'urgence, urgence de comprendre sur quelle planète il est arrivé, c'est quoi, les langues, c'est quoi, le travail, c'est quoi, le système scolaire, etc. Apprendre le français, c'est bien. Apprendre l'anglais, ça devient lourd. S'il a le choix, il va aller au plus facile, et on ne peut pas le lui reprocher, il va parler la langue qu'on lui dit qu'il a besoin de parler pour se trouver du travail. Alors, c'est à nous, comme État d'abord mais aussi comme société, de faire en sorte que le français devienne de façon réelle la langue commune.

Il y a une diminution du taux de participation aux cours de francisation pour les travailleurs qualifiés, et là force est d'admettre qu'il faut faire une réflexion sur toute cette notion de travailleur qualifié. Qui sont-ils? Pour quelle période viennent-ils ici? Qu'est-ce qu'ils amènent? Est-ce que c'est... À quel point s'intègrent-ils? L'examen doit être fait, et une réflexion doit être faite par l'ensemble des partenaires.

Mais ça nous sonne une sonnette d'alarme. Qu'est-ce qui explique ce phénomène? Comment peut-on vivre et travailler, surtout à Montréal, sans apprendre le français? Comment est-ce possible? Il faut se questionner sur cette question. Encore une fois, le fardeau ne doit pas revenir sur le dos des immigrants, mais c'est une question que la société au complet doit se poser.

• (15 h 40) •

Sur l'immigration temporaire, le point 15... À la section II, Immigration temporaire, le point 15 : «Un employeur qui souhaite embaucher un ressortissant étranger est tenu d'obtenir du ministre, dans les cas et aux conditions déterminées par [réglementation]...», etc.

«Les conditions applicables à l'employeur qui embauche un ressortissant étranger [...] par règlement du gouvernement.»

Nous souhaitons qu'un des critères de ces contrats implique l'apprentissage du français, dans le sens que l'employeur doit s'engager à faciliter l'apprentissage de la langue française à son salarié, qu'il soit un travailleur temporaire qui cumule plus d'une année, encore une fois, ou que ce soit un employeur... un immigrant de type... pour un emploi spécialisé. Il faut que l'employeur, dans son engagement, s'engage à faire de la place à la francisation et à soutenir, d'une façon à déterminer, à soutenir la francisation de ses employés.

Sur le point 106, point 4 : «Les fonctions du ministre en matière d'immigration, de diversité [...] et d'inclusion consistent plus particulièrement à :

«6° contribuer, par l'offre de services d'accueil, de francisation et d'intégration, à la pleine participation, en français, des personnes immigrantes à la société québécoise; et

«7° coordonner, par [la] suite d'une consultation des autres [ministères] concernés, la mise en oeuvre des programmes...», etc.

On ne peut qu'applaudir à ces points. On souhaite cependant qu'ils soient réels, concrets. Il faut... Le ministère de l'Immigration, en ce qui concerne la francisation, depuis quelques années, s'est placé plutôt dans un rôle de service, et le ministère lui-même nous dit : Nous ne refusons personne, nous acceptons toute personne immigrante qui demande à être francisée. C'est vrai, nous le constatons sur le terrain, particulièrement dans les organismes communautaires, mais il ne suffit pas d'attendre, il faut aller chercher les personnes immigrantes.

Quand on dit : Il y a des personnes qui refusent d'apprendre le français, je n'irais pas jusque-là, parce qu'il y a toutes sortes de raisons qui peuvent expliquer, mais on peut noter que, dans la communauté asiatique en général, la résistance à apprendre le français est très grande. Plusieurs facteurs peuvent l'expliquer, encore une fois, ça peut être que ces communautés sont repliées sur elles-mêmes, ça peut être parce qu'il y a toutes sortes de questions d'employabilité, de maintien à domicile, etc., mais il faut que le ministère pose des gestes plus agressifs pour pénétrer à travers ces communautés pour les inciter à se franciser. C'est vrai des communautés asiatiques, c'est vrai des Pakistanais, c'est vrai des Bhoutanais, qui particulièrement sont repliés sur eux-mêmes et qui déménagent leur pays ici, même s'ils sont immigrants, et continuent à vivre à l'intérieur de leur communauté. Alors, il faut que le ministère de la francisation... le ministère de l'Immigration, pardon, que le ministère de l'Immigration soit plus proactif pour aller chercher ces communautés.

Et au point 8° du même...

Le Président (M. Picard) : En conclusion, s'il vous plaît.

M. Le Clerc (Roger) : Oui, 106, point 8° :

«8° susciter et coordonner l'engagement des ministères [...] ainsi que des acteurs [...] afin d'édifier des collectivités inclusives...», etc.

Nous croyons, encore une fois, que le ministère doit être le premier porte-parole à l'intérieur même du gouvernement, auprès des autres ministères, pour que ceux-ci posent des gestes concrets. L'intégration par la langue française ne pourra se faire qu'à la seule condition que l'ensemble de l'État, des partenaires veuillent que ça se produise.

Je crois que j'ai terminé, oui.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Le Clerc. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. Bonjour, M. Roger Le Clerc et Mme Georgina Kokoun.

M. Le Clerc (Roger) : Bonjour, madame.

Mme Weil : Merci beaucoup de votre participation.

J'aimerais vous donner quelques chiffres de 2014 sur cette question, c'est du ministère de l'Immigration. Donc, comme vous savez, les chiffres qu'on a vus dans le journal Le Devoir hier c'était 2012, admission, ce qui veut dire sélection quelque part peut-être en 2009, ça remonte assez loin, hein, ça peut prendre entre trois à quatre ans avant que les gens arrivent. Beaucoup de, comment dire, progression par rapport à nos bassins francophones. La France s'est hissée au deuxième rang et au premier rang dans les premiers neuf mois de cette année, on voit que la France, de plus en plus... Et tous les grands bassins d'immigration sont francophones. Donc, c'est sûr qu'il y a les réfugiés, le regroupement familial.

Et il y a aussi des mouvements par rapport au regroupement familial, je ne sais pas si vous suivez l'immigration, et c'est toujours... des fois des... Il y a quelques années où, le gouvernement fédéral, soudainement il y avait une augmentation du nombre de regroupements familiaux. Là, ces dernières années, ça a rebaissé, et ils ont des inventaires importants. Donc, c'est des mouvements.

Mais là, nous, ce qu'on contrôle, évidemment, on dit toujours au gouvernement fédéral qu'on veut notre 23 % des réfugiés, c'est dans l'entente Canada-Québec, c'est notre poids démographique au sein de la fédération, c'est important, et c'est des gens qui vont... qu'on inscrit rapidement dans les cours de français. Je pense que vous connaissez cette expérience. On le voit beaucoup avec les réfugiés syriens, ils ne parlent ni anglais ni français, donc ils veulent rapidement s'inscrire dans des cours de français. Il y en a d'autres qui viennent de l'Afrique qui parlent français.

Pour ce qui est du regroupement familial, c'est des parents, c'est les grands-parents. Évidemment, on a fait beaucoup de promotion pour rejoindre le regroupement familial, c'est avant que je devienne ministre de l'Immigration, qui a donné des résultats. Je pense qu'il faut continuer à aller dans ce sens-là, je suis d'accord avec vous sur la promotion.

Mais, si on revient... si on regarde les chiffres de 2014, on regarde les statistiques, donc, sur 50 275, 41,4 % des immigrants admis en 2014 qui ne connaissent pas le français. Un tiers des admissions, c'est des enfants, donc c'est 17 542 enfants et jeunes qui sont scolarisés en français. Et on le voit beaucoup aussi dans toute notre immigration, la part des enfants, quand même, joue un rôle important. C'est une nuance qui est quand même importante, là, pour regarder la situation.

Donc, nous, ce qu'on va faire, c'est de bien regarder nos chiffres. Pour avoir des politiques publiques cohérentes, il faut bien... avoir un portrait actualisé de la situation. C'est dur de faire des constats par rapport à l'accès à l'emploi et la connaissance. Moi, c'est des constats personnels, alors ça vaut ce que ça vaut, hein, mais je rencontre quand même beaucoup d'immigrants qui sont dans des cours de francisation qui sont très qualifiés, ils me disent tous que... Et c'est beaucoup parce qu'ils sont très qualifiés que leur niveau de français doit être élevé, vous comprenez ce que je veux dire, sinon ils sont sous-qualifiés. Donc, il faut adapter le cours de français à leurs besoins parce qu'ils ne trouvent pas d'emploi à Montréal, ils ne trouvent pas d'emploi à Montréal parce que c'est des gens qui sont destinés pour des emplois qui sont plus spécialisés, à un niveau plus élevé.

Donc, nous, dans notre stratégie d'action... Et c'est très important, cette consultation, parce que, oui, on parle de sélection, cette nouvelle façon de faire avec la déclaration d'intérêt, comment en amont on met tout le monde en action un peu avec nous, les partenaires du marché du travail globalement, les villes, et tout ça, les acteurs régionaux, parce que, s'ils ont voix au chapitre en amont, la participation, l'inclusion va aller mieux aussi. Mais la question de la langue, évidemment, c'est primordial. Donc, beaucoup d'experts qui viennent ici aujourd'hui avec des expériences différentes, dont vous, c'est important de vous écouter, parce qu'ensuite, nous, la politique et surtout, je vous dirais, la stratégie d'action, la mise en oeuvre de la stratégie d'action, on a eu la consultation en début d'année, l'année dernière, mais c'est aussi un moment important ici, d'entendre tout le monde — les choses évoluent — pour adapter, modifier notre offre de services.

Mais je vous dirais que l'immigration francophone, elle est quand même dynamique, actuellement, par rapport aux travailleurs qualifiés. Alors, j'ai bien hâte d'avoir les chiffres de 2015. On devrait les avoir, je pense, pour la fin du mois.

Je trouve intéressante votre idée de donner accès aux cours de français aux travailleurs temporaires mais qui seraient ici pour plus d'un an, parce que... Et on pourrait avoir des conditions. Est-ce qu'ils ont vraiment l'intention... Évidemment, il faudrait avoir des conditions. Donc, vous voyez donc l'offre globale, que ce soit temps plein, que ce soit à temps partiel, adapté; que, si on leur donne ce cours de français, premièrement, on les encourage à immigrer, mais déjà, lorsqu'ils ont leur CSQ, leur résidence permanente, ils sont bien équipés pour le marché du travail.

Alors, peut-être vous entendre un peu plus sur comment vous voyez ça, s'il y aurait des conditions à imposer, parce que c'est très peu de gens qui proposent ça, mais je trouve ça intéressant.

• (15 h 50) •

Mme Kokoun (Georgina) : Quand on le dit, c'est parce que de plus en plus on reçoit, au niveau des organismes, des demandes de ces personnes-là qui veulent vraiment apprendre, des cours de français. Malheureusement, dans les critères d'admission, elles ne peuvent pas l'apprendre. Et c'est vraiment un grand nombre, on a pratiquement... à peu près 60 % qui demandent, de plus en plus.

Donc, on se dit : Bon, on pourrait accepter tout le monde, mais, là encore, il y a certains qui viennent juste pour six mois et puis repartent. Donc, il faut trouver le juste milieu pour... C'est pour ça qu'on a fait la proposition d'avoir au moins ça, qu'ils cumulent au moins une année, enfin, sur le territoire québécois pour qu'ils puissent avoir ces cours-là.

M. Le Clerc (Roger) : Mais, notre approche, cette question des travailleurs temporaires nous a amenés à avoir une approche moins globale du phénomène de la francisation. L'immigration aussi en région nous force à avoir une vision un peu plus ouverte à comment devrait se faire l'immigration. Il y a même eu une expérience qui a été tentée, soutenue par le ministère de l'Immigration, à Sherbrooke, où la première année était plus une année d'intégration des personnes, où, oui, il y avait un aspect francisation, mais c'était beaucoup une question d'orientation, comment on va à l'hôpital, comment on va au CLSC, aller faire l'épicerie, bon, etc., tout ce genre de questions.

Et c'est sûr qu'à Montréal... Moi, j'appartiens à un organisme où on a une douzaine de classes, il m'arrive 225 étudiants en début de session, c'est facile, on remplit les classes, merci, bonjour, on donne les cours, on fait de l'intégration à travers, bon, mais en région c'est tout une autre question. Mais la vie est aussi différente. La vie à Montréal est très rapide, très... qui qu'on soit, point. Alors, pour l'immigrant qui arrive... Moi, mon conjoint vient d'Afrique de l'Ouest. Quand il est arrivé ici, il était étourdi, et ça lui a pris six mois à arrêter d'être étourdi, tellement on n'arrêtait pas de bouger, pour lui, alors... Mais en région la vie est autre chose, la vie se déroule différemment. Donc, peut-être qu'il y a lieu de revoir l'offre de services, dans un premier temps, par exemple, non pas seulement de la francisation mais plus de l'intégration, ce qui faciliterait la suite des choses.

Je donne l'exemple de l'enfant qui va à l'école primaire. Sa mère ne connaît pas le système scolaire, elle reste à la maison, le mari s'est trouvé du travail. C'est le cas classique. Les deux enfants vont à la maison, ils apprennent le français assez facilement, assez rapidement, et là, tout à coup, il y a un écart qui se creuse à l'intérieur de la famille, où les enfants se parlent entre eux, la mère parle une autre langue, le père, et là les services sociaux s'en mêlent parce que ça devient une famille dysfonctionnelle. Là, je caricature, mais on arrive jusque-là. Alors, peut-être que, si on accordait... On parle même, dans les régions... les gens des régions nous ont dit : Il serait intéressant plutôt que des gens... Dans les régions qui sont très grandes, où ça prend une voiture pour venir au point central suivre des cours de français, pourquoi ce ne serait pas le prof qui irait passer un après-midi par semaine dans la maison de Mme Unetelle, avec M. Untel qui serait là et les enfants? Et là, oui, on parle de français, mais on parle des devoirs, on parle du système scolaire, bon, c'est peut-être une autre approche.

Pour nous, au ROFQ, on a beaucoup adhéré au concept du français, langue d'intégration, outil d'intégration. Si c'est de ça dont on veut parler et qu'on est sérieux, il faudrait peut-être essayer de voir d'autres expériences. On n'en a pas parlé ici parce que ça déborde un peu de notre question, parce que, là, on arrive dans l'intégration, mais c'est aussi tout ce phénomène-là. S'il faut voir la langue française comme langue commune, si on veut qu'elle le devienne, il faut donner aux nouveaux arrivants et à la société d'accueil — puis là on pourrait en reparler longtemps — les outils nécessaires pour que l'intégration puisse se faire.

Mme Weil : Pour ce qui est de l'expérience en région, donc, évidemment, quand je vais en région, les gens me disent toujours : Ah! ça se fait bien et rapidement, l'intégration, parce qu'évidemment personne ne parle anglais ici, ils apprennent le français très rapidement. Mais ce que vous dites, c'est plus compliqué que ça, hein? Des fois, les gens sous-estiment, hein? Moi, c'est ce que je remarque. Ils pensent que tout le monde est une éponge puis que ça s'apprend parce que tout le monde autour... C'est plus compliqué que ça.

Est-ce que vous pourriez nous décrire peut-être cette expérience en région? Parce qu'on parlait de classes, un minimum de 15 personnes, mais d'après... je n'ai pas pu corriger parce que j'ai eu de l'information un peu tard, en fait c'est beaucoup plus flexible, maintenant.

Mme Kokoun (Georgina) : En fait, non, c'est plus compliqué, parce qu'il faut aller... Si, par exemple, l'écart entre... Enfin, c'est les grandes régions, là. Pour aller rejoindre les personnes, c'est vraiment difficile. Donc, on peut se retrouver avec des classes de cinq ou deux, donc c'est vraiment particulier. Et les gens sont... C'est vraiment difficile pour les organismes en région. C'est difficile, la sélection. Les critères de sélection, d'abord, pour être subventionné, c'est difficile, et l'organisme va au-delà de ce qu'il doit faire.

Donc, c'est une des propositions. Lorsqu'on a eu la rencontre des membres qui étaient en région, ils nous ont dit : Écoutez, nous, on aimerait aussi essayer de toucher toute la famille, comme Roger l'a dit, on touche toute la famille, on va à lui. Parce que, quand, supposons, le mari, il vient le matin, il doit aller au travail, il dépose la dame et puis il est parti, donc, toute la journée elle est là. D'abord, on l'empêchait d'avoir des cours de façon continue, donc la dame fait deux heures de cours et puis elle est là, elle traîne dans l'établissement. Pourquoi ne pas avoir des cours, comme ça se donne, pratiquement au temps complet, avoir des cours de telle sorte que la personne puisse, je pense, profiter et puis rentabiliser son temps, puisque le transport aussi, c'est quelque chose de vraiment à prendre en compte en région? Ça, on l'a souligné aussi à, comment on appelle ça... avec la Direction de la francisation, pour que vous puissiez regarder cet aspect-là, parce que la réalité en région est vraiment plus compliquée que celle de Montréal, donc le groupe se défend plus ou moins. Mais on aimerait que le ministère regarde un peu plus l'aspect en région.

Si je prends l'exemple de Sherbrooke, on a eu une de nos membres qui parlait, par exemple, des Bhoutanais. Ce sont des personnes parfois qui sont restées toute leur vie au niveau des camps de réfugiés. Quand elles arrivent ici, c'est une autre problématique. Les cours de français, oui, elles sont dans les cours, mais elles ne comprennent rien, ce n'est pas une nécessité pour eux parce qu'ils n'ont pas ce mental. Enfin, ils ont été tellement... ils ont connu tellement de difficultés qu'il y a une autre approche à prendre, donc essayer de réadapter, par exemple, les cours de francisation par rapport à ça, envoyer aussi des personnes qui vont essayer de les encadrer par rapport à ça.

Donc, ils se retrouvent... ces personnes-là sont vraiment dans leur communauté. Même quand tu leur parles de : Bon, il faut... c'est quelque chose d'assez extraordinaire parce qu'ils n'ont jamais vécu ça. Donc, ils se retrouvent avec ce problème-là, en fait. Donc, ils essaient un peu d'aller sur le programme du ministère, mais il ne répond pas vraiment aux besoins de la population.

Je veux un peu revenir sur l'aspect des immigrants concernant les cours de francisation à Montréal. On a dit oui, c'est vrai, au niveau des organismes on a de plus en plus de personnes qui viennent s'inscrire aux cours de francisation. Il y en a parce que l'offre est là, le ministère a ouvert plus de groupes — je prends l'exemple de cette année à l'année dernière — plus de groupes en francisation. Donc, on ne peut pas dire que les immigrants refusent de se franciser, ils ont envie de se franciser.

Sauf qu'il y a une problématique qui est là, on se dit que le temps complet se vide. Pourquoi? La personne qui arrive, immigrante, là, oui, elle veut apprendre la langue, oui, parce qu'elle sait que c'est la première barrière quand tu vas dans une société, elle veut apprendre la langue, mais en même temps il y a la famille qu'il faut nourrir. Et commencent les cours de francisation. Arrive un moment, ils se vident. Certains trouvent de l'emploi et vont au temps partiel pour pouvoir continuer le processus, mais d'autres continuent... n'ont même pas encore le niveau requis pour comprendre... pour aller, comme on appelle ça, travailler. Mais, si, au niveau de l'emploi, on leur demande, écoutez : Si tu as anglais, là... Je vous dis, en tant qu'immigrant, tu as plus de chances d'avoir du travail à Montréal quand tu es anglophone que francophone, et c'est la réalité. On te demande... Tu as peut-être un niveau 2 en francisation, on dit : Ah! tu es bon en anglais, c'est correct, tu peux commencer, bien il va abandonner le cours parce que, même s'il est à temps complet, peut-être il touche le SMIG, autant pour moi, il touche — comment ils appellent ici le minimum, là? — ...

M. Le Clerc (Roger) : Le salaire minimum.

Mme Kokoun (Georgina) : ...le salaire minimum, il touche peut-être le salaire minimum, mais, s'il travaille, il pourra nourrir sa famille. Et puis il ne trouve même plus la nécessité d'apprendre l'anglais... d'apprendre le français, parce que c'est l'anglais qui est prioritaire. Écoutez...

Mme Weil : Où ça?

Mme Kokoun (Georgina) : À Montréal.

Mme Weil : Où à Montréal?

Mme Kokoun (Georgina) : Mais partout à Montréal. En fait, pour l'ensemble des immigrants qu'on entend, ils disent...

Une voix : Dans l'Ouest?

Mme Kokoun (Georgina) : Écoutez, dans le domaine où on est, on en rencontre beaucoup qui sont en même temps au niveau de la francisation et qui vont aussi en employabilité. Donc, c'est ce qu'on a de plus en plus. Et nos membres nous le disent : Ça sert à quoi de franciser quelqu'un, et, quand il part en emploi, on lui demande d'être bilingue?

Mme Weil : Juste vous... Parce que, pour bien comprendre, moi, je rencontre beaucoup, beaucoup de gens qui sont dans les cours de francisation. Évidemment, c'est des gens, certains, qui ont été sélectionnés il y a quelques années, un niveau de français plus élevé, actuellement, et ils disent qu'ils ne sont pas capables... Je parle de gens qualifiés, là. Est-ce que vous, vous êtes en train de parler de gens qualifiés? Parce qu'ils me disent qu'ils ne trouvent pas d'emploi parce qu'ils ne parlent pas français, donc c'est impossible.

Alors, il y en a... évidemment on a vu... c'est sûr qu'il y a toujours des gens qui peuvent quitter le Québec carrément, là. Alors, est-ce que vous parlez de gens qualifiés, vous parlez de gens non qualifiés?

Mme Kokoun (Georgina) : Même les gens qualifiés...

Mme Weil : Vous parlez de quel niveau? Quel type d'emploi vous parlez?

• (16 heures) •

M. Le Clerc (Roger) : Mais là il faut s'entendre de quoi on parle quand on parle de «qualifiés».

Mme Weil : Bien... Ou de gens, d'employeurs qui disent : C'est correct de juste parler anglais. Parce que moi, honnêtement...

M. Le Clerc (Roger) : Ah! bien ça, des employeurs à Montréal, je vais vous amener dans le quartier...

Mme Weil : Bilingue peut-être, mais...

M. Le Clerc (Roger) : Je vais vous amener dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce et sans difficulté je vous trouve un emploi, demain matin, de serveuse dans un restaurant, et vous êtes unilingue anglophone.

Mme Weil : Vous ne parlez pas de travailleurs qualifiés qu'on sélectionne, là.

M. Le Clerc (Roger) : Bien... Mais c'est ça, de quoi parle-t-on? On peut être un travailleur qualifié, médecin dans son pays, et être chauffeur de taxi à Montréal. Alors, il est qualifié pour quoi?

Et alors, quand on nous parle...

Mme Weil : O.K. Donc, pour en venir à la réforme, on va commencer avec cette réforme qui fait en sorte qu'on sélectionne... C'est parce que ça va avoir un impact, hein, sur les cours de français, je vous le dis, là.

M. Le Clerc (Roger) : Oui, oui. Dans trois, quatre ans, oui.

Mme Weil : Il va falloir vraiment adapter l'offre parce que, là, c'est des gens qui vont être sélectionnés pour intégrer rapidement le marché du travail, donc, évidemment, le critère de français qui est là et un employeur intéressé, on fait l'arrimage; en région, etc.

C'est sûr, pour tout le regroupement familial, il faut essayer de pénétrer, je suis d'accord avec vous. À un certain âge, c'est une réalité un peu partout dans le monde, peut-être que les grands-parents ne vont pas apprendre la langue, mais le regroupement familial, c'est beaucoup ça, c'est des personnes âgées aussi. Les enfants sont scolarisés, donc ça va bien pour les enfants.

Pour les réfugiés, nous, notre observation, c'est que globalement, parce qu'ils sont tellement bien pris en charge, ils vont prendre des cours de français, mais il y a l'enjeu de la traumatisation.

Le Président (M. Picard) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Weil : Donc, je pense qu'il faut... J'aimerais savoir si, en vertu du nouveau système de sélection, vous êtes en accord avec ce système et que vous voyez peut-être que l'offre de francisation devra être adaptée, donc, à ce nouveau système.

Le Président (M. Picard) : Très rapidement, M. Le Clerc.

M. Le Clerc (Roger) : On est d'accord avec cette proposition dans le projet de loi à la condition que cet arrimage comporte, pour l'employeur, une obligation d'accepter, de soutenir la francisation de son employé, parce que sans ça on n'y arrivera pas.

Le Président (M. Picard) : Merci.

Mme Kokoun (Georgina) : Et puis on aimerait aussi que le gouvernement, à son plus haut niveau, fasse vraiment la promotion du français comme la langue commune et sensibiliser beaucoup les employeurs, parce que, quand tu demandes un poste et on te dit : Il faut être bilingue, ça craint un peu. Il faut absolument être bilingue pour pouvoir avoir un meilleur emploi.

Moi, j'aimerais avoir... je n'ai pas le chiffre, là, avoir des statistiques où quelqu'un qui a été qualifié dans son pays, par exemple, en tant que, je ne sais pas, juste technicien, les statistiques, est-ce que vraiment il travaille ici en tant que technicien? Non, je ne pense pas. La majorité des immigrants qui arrivent qualifiés, en tant que travailleurs qualifiés... Moi, je le sais, j'ai immigré, là, en tant que travailleur qualifié en informatique; je suis arrivée, je n'ai pas eu de l'emploi dans mon domaine. Je veux juste avoir les chiffres. On me sélectionne en tant qualifiée dans tel domaine. Est-ce que c'est vraiment dans ce domaine que je vais travailler?

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Je ne prendrai pas beaucoup de temps parce que j'ai été très, très attentif à la présentation, à l'exposé, enfin, j'ai retenu les messages, notamment celui adressé non seulement au gouvernement, mais à l'ensemble des élus ici, à l'Assemblée nationale, relativement au fait qu'il faille tenir une position claire pour envoyer un signal à l'effet que la langue publique commune au Québec, c'est le français, c'est la langue de travail, langue de communication. Et, tant que nous baignerons dans des ambiguïtés ou des sophismes, quand vient le temps d'expliquer des situations qui sautent aux yeux relativement à leur contradiction, nous avons une responsabilité collective.

Et j'entends aussi qu'au-delà des élus la population doit faire sa part, mais cette population, à partir du moment où on ne lui insuffle pas la fierté de cette langue, à l'évidence, elle la relativisera comme cela se passe aujourd'hui. Donc, ça prend des campagnes. On l'a fait pour des ports de ceinture dans la voiture, pour l'abus d'alcool, on peut avoir une approche aussi agressive pour faire la promotion de la langue française. Et d'ailleurs la collègue qui a la responsabilité de la Charte de la langue française parle souvent de défense et de promotion de la langue, mais très souvent on n'en fait pas la promotion, et ça reste un chantier à accomplir.

Je vous remercie beaucoup au nom de notre aile parlementaire pour cet éclairage relativement à des gens de terrain qui vivent le quotidien de ces personnes prises avec ces enjeux-là. Merci. Oui?

Mme Kokoun (Georgina) : J'aimerais juste un peu renchérir sur ce que vous êtes en train de dire. Je veux dire, moi, j'arrive, par exemple — c'est juste une image, là — j'arrive dans un monde où déjà, dans le pays où j'arrive, les gens ont déjà de la difficulté entre qu'est-ce que je parle, je parle français ou je parle anglais. Moi, en tant qu'immigrante, j'arrive là, je regarde qu'est-ce qui m'arrange. Oui, je sais que là-bas, au Québec, quand j'arrive, c'est le français que je dois parler, mais, si j'arrive et puis je tombe dans un bureau, et puis je parle le français, la personne me répond en anglais, je me dis : Ah! c'est l'anglais qui est bénéfique pour moi, parce que le D.G. parle anglais. Alors, tout le monde qui est français commence à parler anglais. Moi, je veux apprendre plus l'anglais pour pouvoir...

Donc, moi, je viens dans un système, je suis dans un dilemme, il faut bien que je choisisse qu'est-ce qui peut m'arranger pour pouvoir m'en sortir. C'est ce dont à quoi l'immigrant est confronté présentement.

Donc, qu'on dise que l'immigrant est la cause du recul du français, moi, je suis désolée, il faut que la société elle-même se pose la question. Est-ce qu'on veut que le français soit la langue commune? C'est ça.

M. Kotto : Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède la parole à Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Madame monsieur, merci pour le mémoire, merci pour vos propos.

J'ai pris des notes lorsque vous parliez parce que je me dis que le Regroupement des organismes en francisation du Québec, s'il y en a un qui comprend ce que c'est, c'est bien ce regroupement-là que tout le processus de francisation, l'importance, tout passe par vous, la grande majorité passe par vous. On sait qu'il y a aussi des entreprises, des syndicats, bon, on l'a appris, qui francisent également, mais c'est extrêmement important, le travail que vous faites. Merci de le faire, merci infiniment.

Et, comme vous dites, l'importance de notre langue, je pense qu'on doit tous y travailler. Et même les francophones de souche, nés ici, on doit faire attention à notre langue et tenter de la parler de la meilleure façon possible, déjà c'est lui rendre hommage et c'est la protéger. C'est mon éditorial.

Cela dit, vous représentez 60, 60 organismes à travers tout le Québec, une référence. Quand vous nous écrivez... On parle de la diminution du taux de participation aux cours de francisation, ça a fait les manchettes. Mme la ministre a nuancé, certains organismes ont nuancé, ce n'est pas nécessairement de la mauvaise volonté mais le fait que ces cours ne sont pas nécessairement adaptés aux besoins des immigrants, et il faudrait aussi qu'on puisse les adapter pour que les conditions soient optimales, pour que les immigrants puissent aller à ces cours. Et vous dites — on est à la page 6, après les chiffres, là, sur la diminution de fréquentation, là : «Ces chiffres doivent être une sonnette d'alarme...» Quand ça vient de chez vous, qui ne représentez aucun parti politique, qui n'avez pas de parti pris, vous faites de la francisation, vous voyez ce qui se passe, j'écoute. J'écoute, et ça me touche, et ça m'inquiète tout comme vous.

Vous nous avez dit — je vais accélérer parce que le temps qui m'est imparti est court — vous avez dit, puis j'ai pris des notes : Il ne suffit pas d'attendre l'immigrant, il faut aller chercher l'immigrant, le MIDI doit poser des gestes plus agressifs pour les inciter à se franciser. Pourriez-vous élaborer ça pourrait ressembler à quoi, ces gestes plus... plus forts, oui?

• (16 h 10) •

M. Le Clerc (Roger) : Je n'ai pas... on n'a pas d'idée géniale à vous proposer. On sait cependant qu'il y a des communautés qui sont plus résistantes que d'autres, alors il faut peut-être commencer par eux. Et il y a toutes sortes de raisons, encore une fois, je ne veux pas tomber dans des scénarios un peu apocalyptiques, l'apocalypse. La plupart des immigrants souhaitent apprendre français. Beaucoup d'entre eux ne peuvent pas pour toutes sortes de raisons : des enfants, je suis trop âgé, je viens de débarquer, bon, etc. Mais on sait qu'il y a des communautés... la communauté asiatique, les Bhoutanais dont on a parlé. J'ai dans mon quartier une communauté bengalie qui est d'une résistance pas juste au français, qui est d'une résistance à la culture québécoise, qui reste hermétiquement close. Il faut pénétrer ça, il faut aller chercher ces gens-là, il faut ouvrir nos portes. J'essaie de le faire à la mesure de mon organisme en leur offrant des salles pour leurs mariages, etc., c'est très exotique, c'est merveilleux, mais, bon, ça fait deux ans que je fais cette démarche, et tout ce que ça me donne, c'est qu'ils viennent de plus en plus se marier chez nous, mais je ne les revois pas par la suite, parce que je suis tout seul à faire ça. Alors, comment pénétrer, je ne le sais pas. Probablement de multiples façons.

Et c'est là où je reviens avec une... je ne dirai pas une francisation sur mesure, parce qu'il ne faut pas venir fou puis il ne faut pas aller n'importe où et faire n'importe quoi, mais il faut peut-être être ouvert à différentes expérimentations, à différentes approches. Cette idée qui nous vient des régions d'une année... appelons ça d'une année d'intégration, bien, c'est peut-être quelque chose vers lequel il faudrait aller. Mais là ce n'est pas juste le ministère de l'Immigration qui est concerné, c'est aussi les Affaires sociales, c'est aussi l'Éducation, c'est aussi les municipalités, c'est aussi les associations. Il y a peut-être quelque chose là d'ouverture que nous devons avoir pour réussir à ouvrir.

J'ai bien aimé l'intervenante d'avant qui disait : Il ne faut pas mettre la langue française en concurrence, il faut additionner les langues. Bien, peut-être qu'il ne faut pas mettre les cultures en concurrence non plus. Peut-être que, mes Bhoutanais, il faut les accueillir comme ils sont et essayer de tisser des liens. Comment? Je ne le sais pas, je n'ai pas de formule miracle. Si j'en avais, je serais probablement assis à la place de la ministre. Mais il y a là une réflexion qu'il faut faire.

Et peut-être que l'arrivée massive de ces réfugiés syriens, sans tomber dans... remettre en question ce phénomène-là, va nous forcer à se questionner sur notre façon d'accueillir, un peu comme on a été forcés de le faire avec les boat people. Moi, je me souviens — je suis assez vieux pour ça — de l'arrivée des boat people. À l'époque, j'étais à Victoriaville. À Victoriaville, il était débarqué 55 boat people, c'est énorme, à Victoriaville, il y a je ne sais pas combien d'années, et il y avait eu tout un mouvement de la municipalité, toute la population était là pour les accueillir, et on a inventé des choses là-bas à ce moment-là. Bien, peut-être qu'il faut profiter de nos Syriens qui arrivent, qui qu'ils soient, qu'on doit profiter pour revoir notre façon d'accueillir. Parce que franciser, c'est le début d'un processus, pour l'immigrant, qui va être très long. L'intégration, ça se fait en quatre ou cinq ans à peu près quand ça va bien, pas du tout quand ça va moins bien. Alors, il faut prendre le temps de prendre le temps, mais il faut être ouvert.

Le Président (M. Picard) : 20 secondes.

Mme Roy (Montarville) : Ah là là! 20 secondes! Juste le temps de vous remercier...

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Roy (Montarville) : Merci infiniment, merci pour votre présentation.

M. Le Clerc (Roger) : Fait plaisir.

Mme Roy (Montarville) : Oui, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Kokoun (Georgina) : On aimerait ajouter une autre catégorie qu'on a oubliée, ce sont les...

M. Le Clerc (Roger) : Oui, que j'ai oubliée.

Mme Kokoun (Georgina) : ...ce sont les immigrants qui viennent d'autres provinces.

Mme Weil : ...pas des immigrants, là.

Mme Kokoun (Georgina) : Bien, si. Il y a certains qui quittent ici, qui partent et qui reviennent.

Mme Weil : Ils n'ont pas un CSQ.

M. Le Clerc (Roger) : Non, mais le problème est justement là. Parce qu'ils n'ont pas le statut... C'est des gens qui sont anglophones, pour la très grande majorité, qui veulent apprendre le français et qui n'ont pas accès à nos cours. Il y aurait peut-être, là, lieu de regarder est-ce qu'il y a quelque chose de possible. Je comprends qu'ils ne sont pas immigrants, ils...

Mme Weil : Bien, pour la société québécoise généralement, est-ce qu'il y a quelque chose à offrir.

M. Le Clerc (Roger) : Oui.

Le Président (M. Picard) : Donc, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et la commission ajourne ses travaux au mardi 2 février 2016, à 10 h 15, afin de poursuivre son mandat. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 16 h 14)

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