Journal des débats de la Commission des relations avec les citoyens
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Le
mardi 14 mars 2023
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Vol. 47 N° 2
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Maccarone, Jennifer
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Labrie, Christine
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Tardif, Marie-Louise
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Lecours, Lucie
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Tardif, Marie-Louise
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Bélanger, Sonia
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Guillemette, Nancy
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Gendron, Marie-Belle
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Maccarone, Jennifer
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Labrie, Christine
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Tardif, Marie-Louise
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Guillemette, Nancy
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Schmaltz, Valérie
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Blais, Suzanne
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Poulet, Isabelle
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Maccarone, Jennifer
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Prass, Elisabeth
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Maccarone, Jennifer
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Lecours, Lucie
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Labrie, Christine
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Tardif, Marie-Louise
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Bélanger, Sonia
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Guillemette, Nancy
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Guillemette, Nancy
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Lecours, Lucie
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Schmaltz, Valérie
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Picard, Marilyne
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Maccarone, Jennifer
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Labrie, Christine
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Tardif, Marie-Louise
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Schmaltz, Valérie
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Blais, Suzanne
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Maccarone, Jennifer
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Labrie, Christine
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Tardif, Marie-Louise
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Lecours, Lucie
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Arseneau, Joël
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Bélanger, Sonia
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Lecours, Lucie
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Picard, Marilyne
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Maccarone, Jennifer
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Prass, Elisabeth
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Labrie, Christine
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Tardif, Marie-Louise
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Poulet, Isabelle
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Schmaltz, Valérie
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Blais, Suzanne
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Prass, Elisabeth
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Prass, Elisabeth
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Lecours, Lucie
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Labrie, Christine
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Tardif, Marie-Louise
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Guillemette, Nancy
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Schmaltz, Valérie
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Maccarone, Jennifer
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Labrie, Christine
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Labrie, Christine
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Lecours, Lucie
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Tardif, Marie-Louise
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Bélanger, Sonia
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Guillemette, Nancy
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Guillemette, Nancy
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Lecours, Lucie
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Gendron, Marie-Belle
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Picard, Marilyne
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Maccarone, Jennifer
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Labrie, Christine
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Tardif, Marie-Louise
9 h 30 (version révisée)
(Neuf heures quarante-neuf minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
des relations avec les citoyens ouverte.
La commission est réunie aujourd'hui
afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur
le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin
de vie et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Garceau (Robert-Baldwin) est remplacée par Mme Maccarone
(Westmount—Saint-Louis) et Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques) est
remplacée par Mme Labrie (Sherbrooke).
Remarques préliminaires
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, nous allons avoir un ordre du jour
bien rempli aujourd'hui. Ce matin, nous allons débuter par les remarques
préliminaires puis nous entendrons les personnes et les organismes suivants :
Mme Nicole Filion, conjointement avec M. Jocelyn Maclure, coprésidente et
coprésident du groupe d'experts sur l'inaptitude et l'aide médicale à mourir;
nous entendrons, par la suite, la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer;
et nous allons terminer l'avant-midi avec l'Association québécoise pour le
droit de mourir dans la dignité. Par contre, nous allons débuter par les
remarques préliminaires, d'une durée totale de 12 minutes : le
gouvernement, six minutes; l'opposition officielle, 3 min 36 s;
le deuxième groupe d'opposition, 1 min 12 s; ainsi que la
députée indépendante, 1 min 12 s.
J'invite maintenant la ministre déléguée de...
à la Santé et aux Aînés à faire ses remarques préliminaires. Mme la ministre,
pour une durée de six minutes, la parole est à vous.
Mme Sonia Bélanger
Mme Bélanger : Mme la
Présidente, les consultations particulières qui débutent aujourd'hui s'inscrivent
dans la continuité de la réflexion et de la démarche transpartisane sur l'évolution
de la Loi concernant les soins de fin de vie afin de permettre l'élargissement
de l'aide médicale à mourir. Je nous invite à effectuer ces travaux avec une
approche empreinte de rigueur, de bienveillance et de recherche d'équilibre
entre l'autodétermination de la personne pour une fin de vie digne et la
protection des personnes vulnérables.
• (9 h 50) •
Je tiens à rappeler que l'aide médicale à
mourir est un soin de fin de vie, et qu'à cet égard il doit offrir à toute
personne qui le souhaite de vivre ses derniers moments selon ses volontés, entourée
de ses proches, et avec dignité. Par le dépôt de ce projet de loi, notre gouvernement
fait écho aux travaux réalisés <d'abord...
Mme Bélanger :
...ses
volontés, entourée de ses proches, et avec dignité. Par le dépôt de ce projet
de loi, notre gouvernement fait écho aux travaux réalisés >d'abord par
la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de
vie, puis à ceux menés par les députés lors de la précédente législature.
L'analyse et les consensus établis par ces travaux se reflètent dans l'actuel
projet de loi. Dans le cadre des présentes consultations, nous aurons le
privilège d'entendre plusieurs groupes et experts afin d'alimenter nos
réflexions et d'apporter les ajustements qui s'avéreraient nécessaires.
Permettez-moi, Mme la Présidente, de faire
un rapide survol des éléments principaux que nous étudierons. Le projet de loi
propose d'élargir l'aide médicale à mourir aux personnes ayant un diagnostic de
maladie grave et incurable menant à l'inaptitude à consentir aux soins. À cet
égard, le consensus québécois semble bien établi. Les travaux précédents ont
néanmoins permis de soulever des préoccupations quant à l'applicabilité de la
loi par les professionnels de la santé et des services sociaux. La présente proposition
législative a été raffinée pour prendre en compte ces préoccupations.
Le projet de loi propose d'élargir
l'admissibilité à l'aide médicale à mourir de façon circonscrite aux personnes
ayant un handicap neuromoteur grave et incurable, à condition que tous les
autres critères prévus dans la loi soient rencontrés. Cette proposition vise
notamment à reconnaître pleinement l'autonomie décisionnelle des personnes
ayant cette condition. La notion de handicap et de souffrance associée est
délicate, et la perspective des groupes intéressés permettra de jeter les bases
pour une discussion approfondie.
Le projet de loi propose cependant
d'interdire l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les personnes
présentant un trouble mental comme seul problème médical invoqué. Devant
l'absence de consensus clair, le caractère sensible de ce sujet et la nécessité
de poursuivre la réflexion, le principe de précaution a été privilégié.
Le projet de loi propose également que les
maisons de soins palliatifs ne puissent plus exclure l'aide médicale à mourir
de leur offre de soins. Cette proposition vise à favoriser un accès équitable
aux soins de fin de vie et à offrir une continuité de soins aux patients qui y
sont admis.
Au niveau des professionnels de la santé,
le projet de loi propose que les infirmières praticiennes spécialisées puissent
offrir tous les soins de fin de vie, y compris l'aide médicale à mourir, au
même titre que les médecins. Le projet de loi propose qu'il soit dorénavant
permis aux infirmières et infirmiers de constater les décès, et ce, tant pour
l'aide médicale à mourir que dans toutes les autres circonstances de décès.
Cette disposition, d'ailleurs, avait été émise lors de la pandémie, et les
interventions se sont démontrées probantes.
Afin de renforcer davantage le soutien des
professionnels impliqués dans les soins de fin de vie, le projet de loi propose
de rendre obligatoire la consultation de groupes interdisciplinaires de
soutien. Ces groupes existent déjà dans plusieurs établissements, sans
toutefois être obligatoires. Au sujet de la Commission sur les soins de fin de
vie, celle-ci a pour mandat d'examiner toute question relative aux soins de fin
de vie et de surveiller l'application des exigences particulières relatives à
l'aide médicale à mourir. Le projet de loi propose d'élargir les renseignements
dont la commission peut disposer pour mieux accomplir son travail. On propose
également d'augmenter le nombre de membres de la Commission sur les soins de
fin de vie.
En conclusion, Mme la Présidente, je tiens
à réitérer l'importance de ce projet de loi pour une fin de vie digne, et à
rappeler les principes sous-jacents à son étude, soit la rigueur, la
bienveillance et la recherche d'équilibre entre l'autodétermination de la
personne et la protection des personnes vulnérables. À l'avance, je tiens à
remercier l'ensemble des députés, les groupes qui viendront partager avec nous
leur expertise, leurs constats et leurs préoccupations, et à souligner
l'engagement de tous dans cet important exercice. Alors, je vous remercie, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, j'invite maintenant
la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Westmount—Saint-Louis à
faire ses remarques préliminaires, pour une durée de 3 min 36 s.
Allez-y, Mme la députée.
Mme Jennifer Maccarone
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, collègues. Évidemment, je suis contente d'être
parmi vous. C'est la suite, pour moi, car j'ai été membre de la commission
spéciale lors de la dernière législature. Je suis <heureuse...
Mme Maccarone :
...d'être parmi vous. C'est la suite, pour moi, car j'ai été
membre de la commission spéciale lors de la dernière législature. Je suis >heureuse
d'être accompagnée par la collègue de D'Arcy-McGee. Je pense que, toutes les
deux, on amène quand même une expérience en ce qui concerne le concept de
handicap.
Alors, je veux dire que nous, on a
l'intention, évidemment, de poursuivre dans le débat, en ce qui concerne le
projet de loi n° 11, avec beaucoup de compassion. C'est un projet de loi
qui est très émotionnel. On parle de l'humanité, on parle des soins de fin de
vie, mais, en principe, on parle vraiment d'aide médicale à mourir. Parce que,
malgré qu'on parle beaucoup de... Au début, on parlait d'un état, et,
maintenant, c'est une évolution à une maladie. On introduit la notion de
handicap, puis je comprends qu'on parle de handicap neuromoteur, mais ça va en
prendre une définition de ce que ça veut dire, la notion de handicap, pour
assurer qu'on a une clarté en ce qui concerne l'adoption de cette loi, pour
éviter qu'on ait des dérives, pour protéger les personnes qui sont, souvent, en
situation de vulnérabilité, et qu'elles sont vulnérables.
On va parler beaucoup de l'autonomie, on
va parler beaucoup d'autodétermination, on va parler beaucoup d'aptitude,
inaptitude, la notion de souffrance. C'est des concepts qui me préoccupent
beaucoup. Les collègues qui ont siégé avec moi lors de la dernière commission
spéciale vont s'en souvenir que nous avons fait beaucoup de débats en ce qui
concerne toutes ces notions, parce que c'est très humain, parce que ça peut
être très subjectif. Alors, tout ce qui va être des balises en ce qui concerne
les demandes anticipées me préoccupe énormément, ainsi que le débat en ce qui
concerne l'introduction d'une notion de handicap, car nous n'avons jamais fait
le débat ici, à l'Assemblée nationale, en ce qui concerne l'introduction d'une
notion de handicap, nous n'avons jamais fait le débat lors de notre dernière
commission spéciale. Et aussi, les collègues vont s'en souvenir, lors du dépôt
du projet de loi n° 38 du ministre de la Santé, lors de la dernière
législature, c'était une notion qui a été introduite et retirée, parce qu'on
savait qu'on n'était pas prêt. Et ce qui me préoccupe... Et j'ai hâte
d'entendre tous les témoignages de tous les gens qui vont passer en
consultations particulières, parce qu'on n'a pas fait un débat en ce qui
concerne cette notion.
Et ce que j'ai beaucoup appris de Lise
Thériault, l'ancienne députée d'Anjou—Louis-Riel, au moment qu'on dépose un
projet de loi, que le gouvernement dépose un projet de loi, ce n'est plus votre
projet de loi, c'est le projet de loi de la société. J'ai hâte d'entendre tous
les témoignages et je remercie d'avance tous les gens qui vont venir partager
leur expérience, leurs compétences. Tout... Que ce soit dans le cadre
législatif ou personnel, ça va être important pour nous d'être à l'écoute. J'aurais
souhaité avoir des consultations encore plus larges, parce que ça va être
important de s'assurer que tous les gens qui souhaitent s'exprimer en ce qui
concerne cette nouvelle notion soient entendus. On ne va pas en faire le débat
ici, dans ce projet de loi, des troubles mentaux, mais, c'est clair, il va y
avoir des gens qui vont venir en témoigner à cet égard. Et j'espère qu'on va
avoir une écoute ouverte puis un esprit ouvert en ce qui concerne l'application
de l'aide médicale à mourir parce que c'est un débat de société, et ça
représente une évolution pour tous les Québécois et Québécoises.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Maintenant, j'invite la
porte-parole du deuxième groupe d'opposition et députée de Sherbrooke à faire
ses remarques préliminaires, pour une durée de 1 min 12 s. La
parole est à vous.
Mme Christine Labrie
Mme Labrie : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Je dois dire que je me joins à vous avec beaucoup
d'humilité sur ce dossier-là, parce que je n'ai pas fait partie de la
commission spéciale, comme certaines de mes collègues, mais ça me rassure de
savoir que vous êtes autour de la table, encore avec nous, aujourd'hui, pour
nous partager tout cela.
Le dossier de l'aide médicale à mourir,
c'est un dossier que j'ai suivi à distance depuis ses tout débuts, parce que
j'appréciais beaucoup, d'abord, comme citoyenne, puis, ensuite, comme députée,
la manière dont ça se travaillait par consensus. Donc, moi, j'ai bien
l'intention de travailler de cette manière-là avec vous. Je trouve ça très
inspirant, la façon dont ça s'est déroulé jusqu'à maintenant, et puis j'espère
que ça continuera d'être le cas.
Je vais porter une attention particulière
aux groupes qui viennent se prononcer sur l'enjeu des handicaps neuromoteurs,
parce que ça n'avait pas été l'objet de discussions dans la commission spéciale
sur l'évolution de la loi, mais il y a quand même plusieurs groupes qui
viennent s'exprimer là-dessus aujourd'hui.
Donc, moi, j'arrive ici l'esprit ouvert.
Si on est capable de dégager des consensus, on verra ce qu'on peut en faire
mais c'est vraiment ça qui va me guider. Donc, merci, puis j'espère que
l'ambiance sera bonne tout au long de ces travaux, parce que c'est quand même un
enjeu délicat.
• (10 heures) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. J'invite maintenant la
députée de Laviolette—Saint-Maurice à faire ses remarques préliminaires, pour
une durée de 1 min 12 s. La parole est à vous.
Mme Marie-Louise Tardif
Mme Tardif : Merci, Mme
la Présidente. C'est avec émotion que je prends la parole aujourd'hui, que je
siège à titre de membre de cette commission. C'est un projet de loi, comme on
l'a dit, qui vise à étendre la portée de l'aide médicale à <mourir...
>
10 h (version révisée)
<18071
Mme Tardif :
...que je prends la parole aujourd'hui, que je siège à titre de
membre de cette commission. C'est un projet de loi, comme on l'a dit, qui vise
à étendre la portée de l'aide médicale à >mourir, mais je crois que ça
représente probablement un des sujets les plus importants sur lesquels nous
allons légiférer, et en ce sens que ça a été dit aussi, mais on va poursuivre
le travail que vous avez fait, chers collègues, l'énorme travail, devrais-je
dire, qui a été accompli par les membres de la Commission spéciale sur l'évolution
de la Loi concernant les soins de fin de vie. Et, tout comme eux, je m'engage à
être à l'écoute des organismes qui ont déposé un mémoire et qui vont venir nous
donner leur avis, car il est essentiel que la loi soit représentative de notre
société. Nous devons tous nous sentir respectueux, sereins et en paix lorsque
ce projet de loi sera adopté.
Aussi, pour ma part, je suis confortable
avec le fait qu'un trouble mental ne soit pas considéré comme une maladie
admissible. Je suis aussi en accord que, comme les médecins, les infirmières
praticiennes spécialisées qui le souhaitent, c'est bien important, puissent
administrer la sédation palliative continue et l'aide médicale à mourir.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Mme la députée, votre temps est malheureusement écoulé.
Merci beaucoup.
Mme Tardif : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, avant d'entamer le début des auditions, je vais
suspendre quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 03)
(Reprise à 10 h 07)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre
les travaux de la commission.
Auditions
Nous sommes, donc, rendus aux auditions
particulières pour une durée totale de 45 minutes. Le gouvernement aura 16 min 30 s,
l'opposition officielle, 9 min 54 s, le deuxième groupe de
l'opposition, 3 min 18 s, et les indépendants... l'indépendante,
3 min 18 s.
Je souhaite, donc, la bienvenue aux
représentants suivants, c'est-à-dire Mme Nicole Filion et M. Jocelyn
Maclure. Bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, puis nous procéderons, par la suite, à la période d'échange
avec les parlementaires. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter
votre exposé. La parole est à vous.
Groupe d'experts sur la question de l'inaptitude et
l'aide médicale à mourir
Mme Filion (Nicole) : Bonjour.
Mon nom est Me Nicole Fillon, avocate. Et je suis ex-directrice générale
des affaires juridiques au bureau du Curateur public du Québec.
M. Maclure (Jocelyn) : Jocelyn
Maclure, professeur de philosophie à l'Université McGill et président de la
Commission de l'éthique en sciences et technologie du Québec.
Mme Filion (Nicole) : Alors,
bonjour à tous. À titre de co-présidents du Groupe d'experts sur la question d'inaptitude
et l'aide médicale à mourir, nous sommes bien heureux, M. Maclure et
moi-même, de pouvoir participer aux consultations sur le projet de loi n° 11.
D'entrée de jeu, nous voulons vous
rappeler que le groupe d'experts avait été constitué à l'époque à la demande du
ministre de la Santé et des Services sociaux en 2017, et il était composé de 13 experts
qui étaient issus de différents domaines, dont la médecine, la pharmacie, les
sciences infirmières, la psychologie, le travail social, la philosophie, le
droit et la défense des droits des usagers. Le mandat du groupe était notamment
d'analyser des situations pour lesquelles l'aide médicale à mourir serait
souhaitable en cas d'inaptitude, le cas échéant, et aussi de rédiger un rapport
faisant état de ses recommandations. Le rapport a été déposé en novembre 2019
et était intitulé : L'aide médicale à mourir pour les situations...
pour les personnes en situation d'inaptitude : le juste équilibre entre le
droit à l'autodétermination, la compassion et la prudence. Il figure à la
page 2... Le lien figure à la page 2 de notre mémoire.
D'entrée de jeu, on doit rappeler qu'on ne
peut exprimer des opinions sur le projet de loi n° 11 au nom des experts
qui ont constitué le groupe puisque le mandat du groupe est terminé et que le
groupe a été dissous, mais nous pouvons affirmer que le projet de loi, et plus
spécifiquement les dispositions qui traitent de la demande anticipée d'aide
médicale à mourir, est de façon générale en adéquation avec les conclusions
auxquelles en sont venues le groupe en 2019. Dans le mémoire du 31 mai
2022, eu égard au projet de loi n° 38, nous avions exprimé des réserves
dont va vous faire part M. Maclure.
• (10 h 10) •
M. Maclure (Jocelyn) : Merci
beaucoup, Nicole. Donc, lors de notre mémoire dans le cadre du projet de loi n° 38,
on avait exprimé quatre grandes réserves, dont : une réserve importante
sur la notion de refus de recevoir l'aide médicale à mourir par une personne
qui est en situation d'inaptitude et qui aurait fait une demande anticipée
d'aide médicale à mourir auparavant, lorsqu'elle était apte; une autre réserve
sur le rapport entre les souffrances détaillées, décrites dans la demande
anticipée versus les souffrances contemporaines, objectivables et vécues par
une personne en situation d'inaptitude; une réserve aussi concernant la prise
en considération des personnes isolées; et une autre quant à l'implication des
proches dans la formulation d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir.
Comme Me Filion l'a dit, le projet de loi n° 11 est nettement
supérieur au projet de loi n° 38 sur ces questions.
J'y reviens à tour de rôle, mais en
m'attardant à la question du refus, parce que je pense que c'est là où il reste
de l'ambiguïté dans le projet de loi n° 11, même si
cet enjeu-là est mieux <traité que dans le projet no° 38...
M. Maclure (Jocelyn) :
...de
l'ambiguïté dans le projet de loi
n° 11, même
si cet enjeu-là est mieux >traité que dans le projet no° 38. Donc,
pour être très spécifique, le projet de loi n° 11,
s'il est adopté en l'état, le nouvel article 29.19 de la Loi concernant
les soins de fin de vie inclura les troisième et quatrième alinéas suivants.
Donc, je cite le texte du projet de loi :
«Tout refus de recevoir l'aide médicale à
mourir manifesté par la personne doit être respecté et il ne peut d'aucune
manière y être passé outre.
«Pour l'application du troisième alinéa,
une manifestation clinique découlant de la situation médicale de la personne ne
constitue pas un refus de recevoir l'aide médicale à mourir.» Fin de la citation.
Donc, cette idée est très importante. Qu'il
y ait une manifestation clinique qui découle de la situation médicale ne
constitue pas un refus. Donc, ça, c'est vraiment un pas dans la bonne
direction.
Les nouveaux articles 30.1 et 30.2 de
la loi se liront comme suit, si le PL n° 11 est
adopté :
«30.1. Une demande anticipée ne devient
pas caduque du fait qu'un professionnel compétent a conclu qu'il ne peut
administrer l'aide médicale à mourir, à moins que cette conclusion ne découle
du refus de recevoir cette aide manifesté par la personne.»
La proposition est qu'il faut préciser ce
qui constitue un refus.
«30.2. Lorsqu'un professionnel compétent
conclut qu'il ne peut administrer l'aide médicale à mourir à une personne qui a
formulé une demande anticipée en raison du refus de recevoir cette aide
manifesté par la personne, il doit s'assurer que la demande est radiée, dans
les plus brefs délais, du registre établi en vertu de l'article 63.»
Donc, quand on met ces quatre
dispositions-là ensemble, je pense... on pense que ça peut créer un flou, une
incertitude dans l'application de la loi. Donc, on présume que la notion de
refus de recevoir l'aide médicale à mourir lorsqu'on est en situation
d'inaptitude, ça s'applique à une personne qui a perdu l'aptitude, hein, à
consentir à ces soins, et que c'est pour ça qu'elle a rédigé d'abord une
demande anticipée d'aide médicale à mourir. Mais quel est le sens d'un refus
d'une personne qui n'est plus apte à évaluer les soins de santé qu'elle
souhaite recevoir? Ça ne peut pas être un refus issu d'une délibération
rationnelle sur les soins de fin de vie qu'elle souhaite. Ce serait un refus
qui se manifesterait sans doute par de la résistance, une certaine forme
d'agitation.
Évidemment, si c'est un refus qui est issu
d'un retour passager à la lucidité, la volonté doit être respectée. Et, si la
personne dit qu'elle ne souhaite pas recevoir l'aide médicale à mourir, cette
demande doit être en fait radiée. Donc là, il n'y a pas d'enjeu éthique de ce
côté-là. Mais, si la personne demeure en situation d'inaptitude, donc là, il
faut se demander : Est ce que, bon, c'est un refus par rapport à quoi,
hein, par rapport aux procédures mises en place par les professionnels de la
santé? Et, si c'est le cas, bien, on ne croit pas que ça devrait mener à la
radiation de la demande. En fait, peut-être qu'il faut reporter la procédure,
peut-être que les circonstances ne sont pas appropriées, mais ça ne devrait pas
mener à un refus.
Donc, notre position, c'est que, s'il y a
ce qu'on pourrait penser... qu'on pense qu'il faudrait préciser, est-ce que le
refus en question doit être lorsque la personne est encore apte pour que la
demande soit radiée. Et je pense que c'est ça qui découle de l'esprit de la loi
lorsqu'on dit que le refus ne doit pas être une manifestation clinique de
l'état de la maladie. On pense que c'est sans doute ce que ça implique, mais ce
n'est pas clair dans la loi présentement. Sur le plan des souffrances
subjectives versus objectives, on pourra en reparler si vous voulez, le projet
de loi est plus satisfaisant. Je laisse la parole à Nicole pour les dernières
minutes.
Mme Filion (Nicole) : D'accord.
Nous avions aussi des remarques eu égard aux personnes totalement isolées.
Alors, nous avions, à l'époque, le groupe d'experts, exprimé une préoccupation
sur le sort de ces personnes-là. On était d'avis que l'impossibilité de
désigner un tiers ne devait pas pour autant compromettre le droit à
l'autodétermination de la personne qui a rédigé une demande anticipée. Nous
saluons le fait que le législateur, dans le PL n° 11, ait considéré une
telle préoccupation en introduisant de nouveaux articles, en l'occurrence les
articles 29.6, 29.14 à 29.16.
À la lumière de ces articles-là, nous
comprenons qu'il peut y avoir un tiers de confiance ainsi qu'un second tiers de
confiance. Et, malgré qu'ils soient tous deux dans l'impossibilité d'agir ou ne
pas avoir été identifiés dans une demande anticipée, un professionnel de
l'équipe de soins et même toute autre personne peut signaler aux professionnels
compétents la possibilité que la personne éprouve des souffrances. Nous sommes
très rassurés de ce fait-là, et selon nous, ça constitue un filet de sécurité
très appréciable pour que la personne puisse continuer d'exercer son autonomie
malgré son inaptitude. Donc, pour ce qui est des articles, nous sommes <également
d'avis qu'ils sont...
Mme Filion (Nicole) :
...Donc,
pour ce qui est des articles, nous sommes >également d'avis qu'ils
sont... que ce sont des remèdes suffisants pour répondre à une personne qui est
isolée et qui reçoit... qui ne reçoit pas des soins en continu dans la mesure
où, lorsqu'une personne reçoit un diagnostic grave et incurable, bien, elle est
généralement suivie par une équipe soignante multidisciplinaire ou à tout le
moins un médecin.
L'implication des proches selon la volonté
de la personne. Le PL prévoit, dans le cadre d'une demande contemporaine,
l'implication des proches. Ça, de ce côté-là, ça ne pose aucun problème. Là où
on voit encore une problématique, c'est dans le cadre d'une demande anticipée.
Nous constatons à regret que l'implication des proches n'est pas prévue dans
les circonstances suivantes. Il s'agit de quatre circonstances quand même
importantes et je veux les identifier : la survenance de l'inaptitude
d'une personne qui a formulé une demande, lorsque le professionnel procède à
l'examen de la personne; lorsqu'elle paraît éprouver des souffrances; lorsqu'il
a effectué un examen et qu'il rend ses conclusions; ou lorsqu'il est temps pour
le professionnel compétent de poser un geste aussi radical que l'aide médicale
à mourir, soit avant de procéder à l'administration. Donc, l'implication, on
constate que l'implication des proches est abordée uniquement lorsque le
professionnel invite la personne à s'entretenir avec ses proches, lorsqu'elle
formule sa demande, à l'article 29.4. Donc, on pense qu'il y aurait lieu
pour le législateur de considérer sérieusement cette question-là.
En conclusion, nous accueillons favorablement
les dispositions du projet de loi qui portent sur la possibilité d'une personne
qui reçoit un diagnostic de rédiger une demande anticipée d'aide médicale à
mourir. On croit que ces dispositions-là favorisent le droit à
l'autodétermination des personnes quant aux soins de vie qu'elles souhaitent
obtenir, tout en protégeant les personnes qui sont éminemment vulnérables, soit
celles qui se trouvent en situation d'inaptitude. Cependant, on croit que les
dispositions concernant les refus de recevoir l'aide médicale à mourir
gagneraient à être clarifiées et qu'on pourrait prévoir une implication plus
grande des proches, en particulier ceux qui ne jouent pas le rôle de tiers de
confiance, évidemment, dans la mesure où la personne malade en a exprimé la volonté
de manière explicite ou tacite. Merci de votre attention.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme Filion. Merci, M. Maclure.
Alors, nous allons entamer la période d'échange avec les parlementaires. Je
vais donc céder la parole à la banquette de la ministre. Vous aurez un temps
total de 15 min 30 s. La parole est à vous.
Mme Bélanger : Alors, je
vais débuter et, si mes collègues veulent poursuivre, naturellement, vous êtes
les bienvenus.
D'abord, merci beaucoup, Me Filion et
M. Maclure, pour votre exposé. Merci pour le dépôt du mémoire. En fait, et
ce que je constate, c'est que le PL n° 11 semble répondre en grande partie
de façon satisfaisante, là, aux préoccupations qui ont été énoncées lors de
l'étude du projet de loi n° 38 et lors du précédent mémoire. Moi, ça me...
J'ai peut-être une question qui m'interpelle davantage, c'est sur la notion de
refus. Vous avez parlé tantôt de la notion de refus et qu'arrive-t-il au moment
où la personne n'est plus apte à consentir, comment interpréter que la personne
refuse maintenant d'aller de l'avant avec l'aide médicale à mourir? J'aimerais
vous entendre davantage sur cette notion.
• (10 h 20) •
M. Maclure (Jocelyn) : Merci
beaucoup, Mme la ministre. Oui, c'est un enjeu extrêmement difficile. Vous êtes
peut-être au fait d'un cas aux Pays-Bas où une personne qui avait à répétition
réitéré une demande anticipée d'euthanasie, dans ce cas-là, avait très, très souvent
réitéré sa volonté. Mais, au moment de l'administration de l'euthanasie, a
résisté, a éprouvé un malaise et, bon, les professionnels de... les soignants
étaient dans une certaine détresse, hein, ne savaient pas comment gérer cette
résistance. Et c'est le genre de situation, effectivement, qu'on veut éviter.
Mais, bon, il faut se rappeler que, si on permet les demandes anticipées d'aide
médicale à mourir, c'est pour respecter la volonté de la personne lorsqu'elle
était en pleine possession de ses facultés rationnelles, qui a réfléchi à ce
qu'elle souhaitait pour sa fin de vie, a exprimé la volonté d'avoir accès à
l'aide médicale à mourir une fois, hein, qu'elle serait en situation de
souffrance, hein, réfractaire aux <traitements, avec un déclin irréversible...
M. Maclure (Jocelyn) :
...serait
en situation de souffrance, hein, réfractaire aux >traitements, avec un
déclin irréversible, et ainsi de suite. Donc, si on en arrive à la conclusion
qu'il faut radier une demande, il faut s'assurer, hein, que ça vienne vraiment
de la volonté de la personne et que ça ne soit pas une manifestation de son
état de santé à ce moment-là, une fois qu'elle a perdu les moyens de réfléchir
de façon rationnelle à ce qu'elle souhaite pour sa fin de vie.
Donc, je pense que ça prend un protocole
clinique très clair. Comment on administre une AMM à une personne en situation
d'inaptitude? Quelles sont les bonnes pratiques? Et, s'il y a de la résistance,
on peut arriver à la conclusion que ça devrait être reporté à un autre moment.
Mais, s'il y a une radiation de la demande, je pense que ça doit être lors de...
s'il y a un retour à la lucidité, hein? Ça peut arriver aussi. Si la personne
est redevenue apte à évaluer ce qu'elle souhaite pour elle-même, donc là, il
faut effectivement respecter sa volonté. Mais, si c'est des symptômes
cliniques... Et la notion de refus, dans le projet de loi, n'est pas précisée,
là. Est-ce que c'est en situation d'aptitude ou est-ce que ça inclut des
situations d'inaptitude? Et, si c'est le cas, ça me semblerait problématique.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À vous.
Mme Bélanger : Oui.
Alors... Bien, écoutez, peut-être... Ce que je comprends, dans le fond, c'est
qu'on doit s'assurer que les professionnels soient en mesure de bien faire la
différence entre un refus de soins versus une résistance aux soins. Et ce que
vous recommandez, c'est que, dans l'élaboration d'un protocole, il y ait des
signes cliniques ou des manifestations, là, pour guider les professionnels dans
leurs décisions et... dans leur évaluation d'abord et dans leurs décisions par
la suite. Est-ce que c'est bien ça?
M. Maclure (Jocelyn) : C'est
exactement ça. Et, si possible, est-ce que le refus présuppose l'aptitude? Je
pense que, logiquement, ça devrait être le cas. Sinon, ça devrait être
interprété comme une résistance.
Mme Bélanger : OK. Ça va
pour moi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui. Alors, merci beaucoup, Mme la ministre. On a une
question de Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Bonjour,
merci d'être présents avec nous aujourd'hui. Moi, je reviens sur la question de
refus. Est-ce qu'on devrait l'aborder dans la... Quand il est question de
remplir la demande anticipée, est-ce que la personne devrait dire : Bien,
moi, même s'il y a un refus, je souhaite qu'on aille au bout ou, non, si vous
voyez qu'il y a un refus, je ne veux pas? Est-ce que cet aspect-là devrait
d'emblée être mentionné dans le formulaire de demande, d'après vous?
M. Maclure (Jocelyn) : Nicole,
est-ce que tu veux intervenir ou tu...
Mme Filion (Nicole) : Je
te laisse continuer sur ta lancée.
M. Maclure (Jocelyn) : OK.
Parfait. Je pense qu'il faut, d'abord, élaborer le protocole clinique avant de
pouvoir répondre à cette question-là. Entre autres, dans ce protocole, on va
déterminer quel est... quelles sont les bonnes pratiques eu égard à
l'utilisation de sédatifs, hein, de calmants, qu'est-ce qu'il se fait
présentement lors de l'administration de soins à des personnes en situation
d'inaptitude. Et, une fois qu'on aurait répondu à ces questions, élaboré le
protocole, je pense qu'après on pourrait revenir à cette question. Parce que,
si ça fait déjà partie du protocole de donner quelque chose pour calmer la
personne qui ne comprend pas ce qu'il se passe, bien là, écoutez, je pense
qu'on peut respecter la volonté qu'elle a exprimée antérieurement. Mais, bon,
est-ce qu'on devrait encourager les personnes à préciser quoi faire si leur choix
contemporain, là, est en situation d'agitation? Je pense qu'on ne perd rien de
le faire, mais je pense qu'il faut d'abord réfléchir au protocole clinique à
mettre en œuvre dans ces situations-là.
Mme Guillemette : Parfait,
merci. J'aurais peut-être une dernière question avant de passer la parole à mes
collègues. Pour vous, on parle de souffrance contemporaine, de souffrance
anticipée. Pour vous, est-ce que la souffrance psychologique qui serait
anticipée par quelqu'un... Et là je comprends que ce n'est pas, bien, lorsque
je ne reconnaîtrai plus mes proches, lorsque je serai incontinent, c'est vraiment
une souffrance qu'elle aura identifiée comme psychologique. Est-ce que, pour
vous, c'est admissible à la notion de souffrance ou c'est vraiment une
souffrance physique, pour vous, qui devrait être admise?
M. Maclure (Jocelyn) : Je
pense que, dans les demandes anticipées, dans la description de ce qui va
constituer des souffrances intolérables, je pense que, bon, la <personne
peut décrire...
M. Maclure (Jocelyn) :
...de
ce qui va constituer des souffrances intolérables, je pense que, bon, la >personne
peut décrire ce qu'elle ressent quand même comme étant des souffrances qu'elle
souhaite éviter.
Mais, bon, vous vous rappelez, le sens de
notre recommandation était qu'on évite de procéder trop tôt à une aide médicale
à mourir pour éviter qu'elle soit administrée dans une situation de démence
relativement paisible ou plutôt heureuse. Et ça, c'est compatible avec le fait
qu'on ne reconnaisse plus ses proches, hein? Donc, je pense que, dans la
demande anticipée, la personne peut décrire sa propre perception, mais elle
doit, au moment de l'administration, être en situation de souffrance
objectivable, là. Il faut voir qu'elle n'a plus de qualité de vie, qu'elle
souffre, et ça peut inclure des souffrances psychiques aussi et physiques.
Nicole, je ne sais pas si tu voulais
ajouter quelque chose.
Mme Filion (Nicole) : Bien,
je fais un petit peu du pouce sur l'implication des proches. Je pense que
l'implication des proches est très importante en ce sens où les proches sont
une mine d'informations très, très riche, entre autres, justement, pour décoder
des signaux de souffrance chez la personne malade qui sont souvent des souffrances
d'ordre psychologique, par exemple de la peur, de l'anxiété, de la détresse.
Alors, je pense que ce serait intéressant de ne pas se priver des proches qui
peuvent vraiment aiguiller le professionnel sur des souffrances qu'il a à
observer de façon tout à fait objectivable. Voilà.
Mme Guillemette : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Est-ce que j'ai d'autres questions? Il
reste 6 min 50 s, Mme la députée de Châteauguay. La parole est à
vous.
Mme Gendron : Bonjour,
Me Filion, M. Maclure. Merci d'être avec nous ce matin puis de nous
permettre ces belles discussions. En fait, je vais faire un peu du pouce sur ce
que vous avez dit, Me Filion. Je veux aller voir un petit peu plus la
notion... Vous avez noté, en fait, de demander l'implication des proches, que
l'implication des proches devrait être plus intégrée à la démarche. Est-ce que
vous avez une piste d'idées ou des exemples à nous fournir, s'il vous plaît?
Mme Filion (Nicole) : Oui,
absolument. Je veux, d'entrée de jeu, vous dire qu'il faut que la personne
malade ait exprimé explicitement ou tacitement une volonté, hein, de voir ses
proches impliqués. Peut-être qu'elle a choisi délibérément de ne pas vouloir
impliquer les proches pour toutes sortes de raisons qui lui appartiennent.
Cependant, je pense que le législateur devrait étudier l'option que, dans la
loi, y figure un article qui énonce, si on veut, un principe général qui
pourrait stipuler que, à moins qu'il y ait l'expression d'une volonté à l'effet
contraire provenant de la personne inapte, les proches devraient être
considérés ou pris en compte dans une démarche de demande anticipée d'aide
médicale à mourir. Personnellement, je crois que, si on ne prévoit pas une
telle disposition, je crains que la loi soit malheureusement appliquée au pied
de la lettre et elle pourrait causer des préoccupations aux proches aidants et
à la famille qui entourent la personne dans la dernière phase de sa maladie.
Je pense que... Je réitère le fait que la
place du tiers de confiance est prépondérante dans le cadre de la demande
anticipée, et c'est très bien ainsi, je ne remets pas ça en question. Au
contraire, dans notre recommandation, je crois que c'était la recommandation 7
du rapport du groupe d'experts déposé en novembre 2009, nous en avions fait une
question prépondérante. Cependant, je pense qu'il devrait y avoir lieu de
trouver une place, si minime soit-elle dans la loi, aux proches, sous réserve
de la volonté exprimée de façon tacite ou exprès de la personne malade.
• (10 h 30) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres questions?
Mme Gendron : Bien, si
vous pouvez me permettre, j'aimerais juste préciser quelque chose. Donc,
j'entends que vous désireriez qu'on s'informe auprès des proches si la
procédure doit être faite à un moment donné. Est-ce que c'est ce que je
comprends?
Mme Filion (Nicole) : Pas
tout à fait. En fait, d'entrée de jeu, il faudrait voir la volonté de la
personne. Ça, c'est la première chose à faire. Au moment où elle formule sa
demande anticipée d'aide médicale à mourir, souhaite-t-elle ou non
l'implication de ses proches? Elle a le droit de ne pas souhaiter l'implication
de ses proches, et c'est son choix. Ceci étant dit, on voit beaucoup, dans les dispositions
de la loi, dans le cadre d'une demande <anticipée...
>
10 h 30 (version révisée)
< Mme Filion (Nicole) :
...Ceci étant dit, je... on voit beaucoup dans les dispositions de la loi, dans
le cadre d'une demande >anticipée, l'implication du tiers de confiance.
J'en suis. Je suis tout à fait d'accord avec ça. Mais, si vous lisez les dispositions,
vous allez voir que les proches ne sont pas là autrement que dans l'application
de l'article 29.4 au moment où la personne formule sa demande et que le
professionnel compétent l'invite, si elle le souhaite, à consulter ses proches.
Mais, tout le long du processus menant à... jusqu'à l'administration de l'aide
médicale à mourir, les proches n'y sont pas. Alors, je pense que ce serait bien
qu'on ait une clause de nature générale pour voir, toujours sous la base de la
même réserve que je viens de vous expliquer, si des proches pourraient ou pas
être considérés dans le... la démarche d'une demande anticipée d'aide médicale
à mourir.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Je pense qu'on a une question de Mme la ministre.
Mme Bélanger : En fait,
je pense que la discussion est fort pertinente. La notion de proche, elle est
importante, on le sait, là, quand on... tout au long de notre vie, en
particulier quand on arrive en fin de vie. Mais est-ce que vous ne craignez pas
qu'il y ait un problème de confusion des rôles entre le tiers de confiance et
les proches?
Parce qu'on sait très bien qu'une personne
pourrait choisir un tiers de confiance, on suppose qu'elle fait confiance, donc
qu'elle est proche, mais quelle serait la nuance entre une personne qui choisit
un tiers de confiance qui est une amie, par exemple, versus les proches qui
sont les enfants? Est-ce qu'il n'y aurait pas un risque, en amenant la notion
de proche, si on ne le définit pas, de créer, je dirais, de l'incertitude par
rapport au rôle que doit avoir le tiers de confiance?
Mme Filion (Nicole) : Je
peux répondre à ça, en ce sens où le tiers de confiance n'est pas un
mandataire. Ce n'est pas lui qui décide, ce n'est pas un tuteur, ce n'est pas
un curateur, c'est une personne qui souvent a gagné la confiance, évidemment,
de la personne malade et peut attirer l'attention du personnel médical sur, par
exemple, les souffrances que la personne malade éprouve.
Quant aux proches, quant à moi, ils
peuvent avoir un rôle tout à fait complémentaire, c'est-à-dire... Souvent, ce
sont des proches aidants. Les tiers de confiance ne sont pas nécessairement des
proches aidants. Mais les proches peuvent témoigner de l'histoire de la
personne malade, rapporter son vécu, ses valeurs, les facettes de son existence
et ils peuvent — et c'est quelque chose à ne pas négliger — témoigner
des volontés que la personne malade a déjà exprimées par le passé, de ce que
ça... ce qu'elle souhaitait comme mort digne. Alors, je ne vois pas de conflit
entre les deux rôles.
Et, ceci étant dit, je reviens sur le fait
que la personne peut très bien choisir de ne pas impliquer, de ne pas vouloir
impliquer ses proches, et, quant à moi, c'est tout à fait acceptable, si c'est
de sa volonté.
Je ne sais pas, Jocelyn, si tu veux
compléter.
M. Maclure (Jocelyn) : Bien,
peut-être juste pour dire que... je pense...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Le temps est écoulé, je m'excuse.
M. Maclure (Jocelyn) : Parfait.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Le temps est écoulé pour la partie du gouvernement. Par
contre, on va continuer ces discussions fort intéressantes avec la députée de Westmount—Saint-Louis.
Votre temps est de 9 min 54 s.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bien, je vais prendre la balle au bond parce que les
questions sont très pertinentes. Quand on parle de... le rôle de tiers de
confiance, je pense que c'est très important, puis vous soulevez vraiment
quelque chose qui est important souvent dans la vie de la personne concernée,
puis, je suis d'accord, ce n'est pas le proche aidant ou la personne qui est
désignée comme tiers de confiance qui va administrer l'aide médicale à mourir,
c'est eux qui vont peut-être soulever le questionnement : Est-ce que ma
mère, est-ce que mon ami, est-ce que la personne dont je suis responsable est
rendue à un point où nous devons se préoccuper de la demande anticipée? Et j'ajoute
que, dans les statistiques, 27 % de l'aide médicale à mourir qui est
administrée est faite à domicile. Ça, c'est les statistiques de 2020-2021. C'est
quand même 40 % des demandes. Alors, est-ce que c'est... C'est important.
D'abord, comment nous devons le baliser
dans la loi pour que le rôle de tiers de confiance est vraiment pris en
considération? Est-ce que, selon vous... Parce que moi, je suis heureuse que
vous nous accompagniez toujours dans ce processus. Vous êtes là vraiment depuis
le début. Comment l'élaborer dans la loi pour que ce soit clair, le rôle de
cette <personne...
Mme Maccarone :
...heureuse
que vous nous accompagniez toujours dans ce processus. Vous êtes là vraiment
depuis le début. Comment l'élaborer dans la loi pour que ce soit clair, le rôle
de cette >personne? Est-ce qu'on dit que c'est eux qui devraient
peut-être, s'ils sont nommés, être le précurseur? Parce qu'on veut respecter
l'autonomie de la personne concernée.
Mme Filion (Nicole) : Vas-y,
Jocelyn. Je te cède la parole.
M. Maclure (Jocelyn) : Bien,
très brièvement, parce que, vraiment, Me Filion était au Curateur public avant
puis c'est vraiment une experte dans le domaine, mais je pense que les
dispositions actuelles qui concernent le tiers de confiance sont dans... en
adéquation avec l'esprit de nos recommandations. C'est une personne qui n'a pas
un droit de veto, c'est une personne qui attire l'attention de l'équipe
soignante, qui est aussi une mine d'informations, et ainsi de suite, mais sans
avoir de droit de veto. Et on est heureux qu'il y ait un deuxième tiers de
confiance qui puisse être désigné aussi.
Alors, ceci étant dit, la personne peut
avoir été accompagnée par plusieurs proches pendant tout ce processus et
peut-être qu'une application trop stricte ou étroite de la loi pourrait
convaincre un médecin, par exemple, de simplement s'entretenir avec un tiers de
confiance, alors qu'il y avait peut-être des enfants, des frères et sœurs aussi
qui ont toujours été impliqués. Je pense que c'est l'esprit de la
recommandation de Me Filion.
Mme Maccarone : Et je
présume que la notion aussi de s'assurer que le tiers de confiance que ce soit
clair que... Exemple, si le... les professionnels qui entourent la personne
concernée disent que nous... pensent que nous sommes rendus à un moment où nous,
selon la demande anticipée, nous devons poursuivre parce que l'état de la
personne est rendu à un point où on peut administrer le soin de fin de vie,
mais le tiers de confiance dit : Non, non, je ne suis pas d'accord. Est-ce
que ça aussi, c'est une leçon que nous devons aussi élaborer dans la loi pour
assurer qu'on respecte aussi le droit et l'autonomie de la personne qui a fait
la demande anticipée?
Mme Filion (Nicole) : Je
dois vous dire que 29.6 vient bien camper les responsabilités du tiers de
confiance dans la demande anticipée, notamment d'aviser le professionnel de la
santé lorsqu'il croit que la personne éprouve des souffrances telles qu'elles
sont décrites dans la demande. Et, à partir de ce moment-là, il y aura... ce
que j'en ai compris, évidemment, il y aura l'entrée en scène du professionnel
de la santé qui va procéder à un examen.
Donc, dans le fond, le tiers de confiance,
c'est celui qui lève le drapeau rouge, qui va dire aux gens, l'équipe médicale :
Écoutez, moi, j'ai comme l'impression — puis c'est bien campé à 29.6 — que
la personne souffre et je demande à ce qu'il y ait un examen qui soit réalisé.
Et ça aussi, tout l'aspect examen par le professionnel compétent est tout à
fait bien campé dans le projet de loi, là, n° 11. Donc...
Mais, ceci étant dit, je pense que
l'entrée en scène d'un tiers de confiance ne devrait pas nécessairement vouloir
dire qu'on exclut de façon radicale l'implication des proches. Et, quand je
parle d'implication des proches, là, c'est peut-être juste de les tenir
informés de ce qu'il se passe, point à la ligne.
• (10 h 40) •
M. Maclure (Jocelyn) : Si
je peux ajouter quelque chose, c'est une très bonne question, je pense qu'on
pourrait décider de procéder à une aide médicale à mourir suite à un examen des
professionnels de la santé. C'est possible qu'un tiers de confiance considère
que ce ne soit pas le... ce soit trop rapide et il faut prendre son point de
vue au sérieux aussi, mais c'est... L'esprit de notre recommandation, c'était
d'abord une mesure de protection supplémentaire au cas où les professionnels de
la santé ne seraient pas au fait qu'il y aurait une demande anticipée ou aurait
perdu de vue qu'il y en a une, il peut y avoir quelqu'un qui dit : Bien, écoutez,
là, mon proche souffre vraiment, c'est peut-être le temps d'exécuter sa
volonté.
Mais, si le tiers, lui, n'est pas prêt, mais
que les médecins et les... le personnel soignant considère que, là, l'état
s'est beaucoup dégradé, la personne est en souffrance constante, ça peut
justifier aussi l'administration de l'aide médicale à mourir. Il n'y a pas un
droit de veto, là, du tiers de confiance ni dans la loi ni dans l'esprit de nos
recommandations.
Mme Maccarone : Je veux
retourner sur la notion de leur refus. Parce que, selon vous, dans votre
mémoire puis dans vos remarques, si j'ai bien saisi, vous, vous pensez que nous
devons ajouter une définition de la notion de refus dans la loi. Ça prend un
article pour que ce soit plus clair, oui?
M. Maclure (Jocelyn) : Oui,
parce que, présentement, on peut interpréter les dispositions comme un refus
pouvant être exprimé en situation d'inaptitude. Et, si c'est le cas, là il y a
une ambiguïté, parce qu'en même temps on dit que, si c'est une manifestation
clinique de la <maladie...
M. Maclure (Jocelyn) :
...un
refus pouvant être exprimé en situation d'inaptitude. Et, si c'est le cas, là
il y a une ambiguïté, parce qu'en même temps on dit que, si c'est une
manifestation clinique de la >maladie, ce ne doit pas être vu comme un...
un refus. Alors, est-ce que ça signifie que c'est simplement en situation
d'aptitude qu'il puisse y avoir un refus? Et là le texte ne le dit pas. Il y a
une sorte de sous-détermination et ça pourrait créer peut-être une certaine
confusion pour les cliniciens.
Mme Maccarone : Sauf
que, dans votre mémoire, vous n'avez pas fourni une définition de c'est quoi,
un refus. Alors — je vous vois sourire — évidemment, ce
n'est jamais trop tard. Nous, on est preneurs pour les amendements. Mais je
pense que ça va être important si vous pouvez vous exprimer en ce qui concerne
la notion puis ça devrait avoir l'air de quoi dans la loi.
Parce que je vous soumets aussi, on parle
de refus, mais on n'a pas parlé de démence heureuse que nous savons tous... Surtout,
on a tous entendu les témoignages de, par exemple, Mme Demontigny, qui a
passé beaucoup aux nouvelles lors de la commission spéciale aussi. Si c'est
clairement indiqué dans une demande anticipée, c'est fait... on a fait la recommandation
de faire des témoignages par vidéo, par exemple, si c'est clairement indiqué
que, peu importe, si j'arrive à un tel moment puis je dis : Pour moi, là,
ça, c'est un refus, si je suis rendu à un moment dans ma vie où c'est une
démence heureuse, mais je souhaite quand même poursuivre. Est-ce que ça, ça
peut faire partie d'une définition que nous avons besoin de la loi aussi? Parce
que c'est rendu à un point où, moi, mon autodétermination, mon choix, c'est de
ne plus vivre parce que ce n'est plus moi, rendu à ce moment-là. Mais comment
est-ce qu'on peut équiper aussi le corps professionnel? Parce que, c'est
sensible, c'est humain, c'est difficile, c'est catégorisé pour moi aussi comme
un type de refus.
M. Maclure (Jocelyn) : Oui.
Un des choix que le groupe d'experts a fait, c'est d'exclure l'administration
d'aide médicale à mourir pour des personnes en situation de démence
relativement heureuse et paisible. Hein, c'est... ça a été une des grandes
questions qu'on avait à... sur laquelle on devait se prononcer, une des plus
complexes, et on considère que tous les autres critères qui donnent accès à
l'AMM doivent être respectés lors de l'administration. Donc, il doit y avoir
souffrance persistante, réfractaire aux traitements, il doit y avoir un déclin
irréversible de la maladie et avancé, donc ça exclut ces moments de démence
heureuse. Même si une personne inscrivait dans une demande anticipée que,
lorsque je reconnais plus mes proches, même si j'ai l'air d'être dans un
certain bien-être, c'est à ce moment-là que je voudrais l'AMM, nos
recommandations, c'est que, non, ça, c'est trop tôt parce que la personne
devenue inapte acquiert des nouveaux intérêts à ce moment-là, a un certain
bien-être, qu'on veut lui permettre de vivre cette période-là avant de passer à
l'administration d'un soin, hein, qui est l'aide médicale à mourir. Donc, ça
exclut déjà ce genre de possibilité là. Et évidemment, là, je parle en mon nom,
parce que, le groupe, on n'a pas été dans le fin détail là-dessus. Pour moi, un
refus doit... qui mène à une radiation de la demande doit être issu d'une
réflexion rationnelle sur les soins qu'on se souhaite. Donc, ça doit être en
situation d'inaptitude. Si c'est de la résistance en situation d'inaptitude, ça
peut mener au report de la procédure et non pas à la radiation. Mais, ça, c'est
mon point de vue personnel, hein, je ne m'exprime pas au nom du groupe sur
cette question.
Mme Maccarone : Merci.
Est-ce qu'il reste du temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 10 secondes pour une petite question rapide, rapide.
Une voix : Je pense qu'on va
laisser faire. 10 secondes.
Mme Maccarone : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : On va laisser faire. Merci beaucoup. Alors, on est
maintenant... Merci beaucoup pour ces réponses. On est maintenant rendu à la
députée de Sherbrooke. Vous bénéficiez de 3 min 18 s.
Mme Labrie : Merci, Mme
la Présidente. Je vais poursuivre sur la question de tiers de confiance parce
que vous nous amenez à réfléchir à l'implication de davantage de proches, là.
Le projet de loi prévoit deux tiers de confiance. Est-ce qu'il y a une raison
pour laquelle on devrait limiter le nombre de tiers de confiance? Par exemple,
une personne qui désigne son mari mais qui a plusieurs enfants, si son mari
décède entre-temps, on va se retrouver sans tiers de confiance. Est-ce qu'une
personne ne pourrait pas avoir le droit de nommer sans qu'il y ait
nécessairement une limite au nombre de tiers de confiance qui pourraient être
habilités à lever le drapeau sur sa souffrance?
Mme Filion (Nicole) : Je
crois que le projet de loi n° 11 prévoit un tiers de confiance et un
second tiers de confiance, tout ça dans le but de pouvoir s'assurer que la
condition de la personne malade soit considérée en temps utile, alors qu'elle
exprime des souffrances, etc. Et je pense que le projet de loi n° 11
répond très bien et davantage de ce que répondait le projet de loi n° 38
sur cette question-là, à savoir au-delà des tiers de confiance, on
responsabilise en quelque sorte, si je peux m'exprimer ainsi, aussi les
professionnels de l'équipe soignante et aussi toute autre personne qui pourrait
être <témoin...
Mme Filion (Nicole) :
...tiers
de confiance, on responsabilise en quelque sorte, si je peux m'exprimer ainsi,
aussi les professionnels de l'équipe soignante et aussi toute autre personne
qui pourrait être >témoin de souffrances qu'exprime.... Donc, tout ça
pour lever le drapeau, comme je le disais tout à l'heure et pour s'assurer que
la personne sera soit prise en charge par le professionnel compétent qui, dès
lors, va procéder à l'examen de la personne selon les prescriptions, là, des
articles 29.12 et suivants.
Donc, quant à moi, c'est suffisant parce
qu'il y a un filet de sécurité qui vient entourer la personne.
Mme Labrie : Est-ce que,
M. Maclure, vous souhaitez vous exprimer aussi sur...
M. Maclure (Jocelyn) : Ça
va pour moi.
Mme Labrie : OK. Bien,
vous nous dites que c'est suffisant, mais je me permets de vous poser quand
même la question, parce qu'on peut imaginer tout un paquet de situations pour
lesquelles il pourrait arriver quelque chose, ou même l'inaptitude de la
personne qui est nommée tiers de confiance entre temps, et donc que ce ne soit
pas possible d'en nommer un nouveau. Une personne peut avoir plusieurs enfants,
être déchirée par rapport à quel tiers de confiance nommé, c'est comme choisir
entre ses enfants. Ça m'apparaît assez difficile comme décision à prendre. Je
ne vois... J'ai de la misère à comprendre pourquoi il faudrait que ce soit
limitatif le nombre de tiers de confiance. J'ai bien compris leur rôle, mais j'ai
de la difficulté à comprendre pourquoi il faudrait que ce soit limitatif le
nombre de personnes qu'on demande de choisir pour être un tiers de confiance.
Est-ce que vous avez une piste d'explication pour moi, pour ça?
Mme Filion (Nicole) : Bien.
En fait, dans l'hypothèse que vous nous exposez, l'autre... le frère, ou l'autre
sœur, ou l'autre enfant pourrait très bien, à titre de personne, non pas
nécessairement à titre de tiers de confiance, signaler la condition de son
proche à... au professionnel compétent. Donc, peu importe le chapeau qu'il
porte. Je pense que le législateur, dans le projet de loi, a prévu... à fermer
toutes les portes pour ne pas que la personne soit privée d'un traitement ou d'un
examen par le professionnel compétent. Et là je fais le parallèle un peu avec
le mandat de protection qu'on appelait, par ailleurs, le mandat en cas d'inaptitude,
il y a des substituts...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Me Filion.
Mme Filion (Nicole) :
Oui?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je suis désolée, je dois vous demander d'arrêter. Le temps
réparti est arrêté pour la députée de Sherbrooke. Je dois maintenant laisser le
temps de parole à la députée de Laviolette—Saint-Maurice pour une période
également de 3 min 18 s.
• (10 h 50) •
Mme Tardif : Merci.
Merci d'être là, merci de vous être penchés, là, sur ce projet de loi qui est
très important. Corrigez-moi si j'ai malentendu, mais, de manière générale, je
constate que vous êtes en accord avec l'esprit du projet de loi, avec l'esprit
de l'élargissement de ce... de cette loi.
Je me posais des questions aussi par
rapport au refus parce qu'on entend beaucoup parler de démence heureuse. Mes
collègues en ont parlé. Vous nous conseillez, donc, d'ajouter un article dans
la loi pour bien définir ce qu'est un refus. Et, à ça, je crois que nous allons
y réfléchir sérieusement. C'est un bon point.
Je suis aussi confortable avec le fait que
vous nous dites d'impliquer davantage les proches aidants, mais je me pose
aussi la question à savoir... et on sait comment ça fonctionne, là, ce sont des
moments extrêmement émotifs et... quand une personne est malade, et, s'il y a
le tiers qui a été nommé par la personne malade et ses proches aidants, comment
bien définir le rôle de chacun pour ne pas, justement, engendrer de la chicane?
Et comment... Je dirais même par rapport aux intérêts des proches, parce que
les proches, souvent, vont avoir un intérêt, malheureusement, disons-le, mais ce
sera parfois des intérêts pécuniers. Donc, il faut jauger nos articles de loi,
et ce n'est pas facile, et je vous demande votre aide par rapport à ça.
Et j'aimerais vous entendre aussi par
rapport à... vous avez parlé de l'insistance sur la description subjective, et
c'est très important, là, de détailler les souffrances. Ce n'est pas une mince
affaire non plus, mais, au point de vue médical, ça se fait. Comment détailler?
Donc, j'ai une question avec deux volets.
M. Maclure (Jocelyn) : Très
bien. Mais merci de votre question. Brièvement, sur le... la notion de refus,
je pense que ça pourrait être un alinéa dans l'article disant qu'un refus ne
doit pas être une manifestation directe de la <maladie
M. Maclure (Jocelyn) :
...la
notion de refus, je pense que ça pourrait être un alinéa dans l'article disant
qu'un refus ne doit pas être une manifestation directe de la >maladie,
une manifestation clinique. Donc, on pourrait ajouter un alinéa disant qu'un
refus doit être exprimé dans une situation de... un état lucidité ou en
situation d'aptitude.
Sur la question des souffrances, et je
vais laisser l'autre question à Nicole, dans le projet de loi antérieur, n° 38,
on insistait très lourdement sur les... sur la description suggestive, antérieure,
là, dans la demande anticipée, des souffrances qui ne seront pas acceptables à
nos yeux lorsqu'on sera en situation d'inaptitude. Le problème avec cette
insistance était que plusieurs personnes, on le sait, hein, n'ont pas envie
d'être dépendantes, de dépendre lourdement des proches, de ne plus les
reconnaître, d'être placées en centre d'hébergement de longue durée, et ainsi
de suite, mais tous ces symptômes-là sont compatibles avec un certain bien-être,
et on veut s'assurer que la... que l'aide médicale à mourir soit administrée au
moment où il y a des souffrances contemporaines objectivables par des
professionnels de la santé. Et là le projet de loi atteint un meilleur
équilibre entre les deux souffrances, là. Nicole?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Le temps est écoulé. Je vous laisse quelques secondes pour
répondre à l'autre partie, mais le temps est déjà écoulé. Très rapidement, s'il
vous plaît.
Mme Filion (Nicole) : Écoutez,
pour répondre brièvement, les articles 29.6, 29.14 ou 29.15 et 29.16,
viennent bien camper le rôle du tiers de confiance. Je pense que ça n'exclut
pas l'implication des proches si telle est la volonté de la personne malade. Et
le rôle du tiers de confiance est d'abord et avant tout d'aviser le
professionnel de la santé s'il croit que la personne éprouve des souffrances et
aussi pour l'aviser de l'existence de la demande. Alors, je pense que le
projet de loi n° 11 vient bien répondre au rôle du tiers de confiance,
avec une petite réserve sur l'implication des proches que j'ai exprimée tout à
l'heure.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Me Filion, M. Maclure, merci
énormément au nom des parlementaires et des membres de la commission, du
personnel également, pour votre présentation et surtout pour votre contribution
à nos travaux.
Alors, je vais suspendre quelques
instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 10 h 54)
(Reprise à 10 h 57)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos
travaux. Nous sommes maintenant rendus au deuxième groupe de la journée qui est
représenté par Mme Sylvie Grenier, directrice générale, et Mme Nouha
Ben Gaied, directrice, Recherche, et développement, et qualité de services, à
la Fédération québécoise des sociétés d'Alzheimer.
Alors, je vous rappelle que vous avez une
période de 10 minutes, mesdames, pour notamment vous représenter... vous
présenter et, ensuite, pour votre exposé. La parole est à vous.
Fédération québécoise des sociétés Alzheimer (FQSA)
Mme Grenier (Sylvie) : Merci
beaucoup. D'abord, Mme la ministre des Aînés et des proches aidants, Mme la
Présidente de la commission, Mesdames les députées, merci de nous accueillir et
de nous permettre de prendre part à la consultation publique entourant le
projet de loi n° 11 qui vise notamment à étendre l'aide médicale à mourir
aux personnes inaptes.
Je me présente, Sylvie Grenier, comme vous
l'avez fait... comme vous l'avez dit, Sylvie Grenier, directrice générale de la
Fédération québécoise des sociétés Alzheimer, porte-parole des 20 sociétés
Alzheimer du Québec, qui, elle, offre aux 170 000 Québécois, qui
vivent avec troubles cognitifs et leurs proches aidants, de l'information, du
soutien psychosocial, de la formation et du répit. Je suis accompagnée
aujourd'hui par ma collègue, Dre NoUha Ben Gaied, qui, elle, est directrice de
recherche et développement, de la qualité des services. Le hasard fait parfois
bien des choses, notre horaire a été modifié, on a l'opportunité aujourd'hui
d'être parmi les premiers à s'entretenir avec vous.
Le projet de loi permettant d'encadrer
l'élargissement de l'aide médicale à mourir était très attendu, surtout à la
suite des recommandations de la Commission des soins de fin de vie, et de
l'avis de plusieurs experts, et de l'acceptation sociale au sein de la société
québécoise.
La FQSA avait, d'ailleurs, déploré que les
discussions autour du projet de loi n° 38 aient menées... aient été menées
en fin de session parlementaire en juin 2022. Nous sommes ravies de voir que, très
rapidement, Mme la ministre, vous avez agi en déposant un nouveau projet de loi
pour discuter d'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes inaptes
dans des conditions plus sereines, sans pression temporelle, pour laisser la
place à la réflexion et à des discussions avec l'ensemble des groupes
concernés, et cela, dans un contexte transpartisan.
La FQSA a été partie prenante de
l'ensemble des consultations publiques, forums ou commissions parlementaires
entourant l'élargissement de l'aide médicale à mourir. Et nous tenons, d'ores
et déjà, à mentionner que la fédération accueille favorablement les énoncés
généraux du projet de loi, soit :
• (11 heures) •
«Que des personnes atteintes d'une maladie
grave et incurable mènent... menant à l'inaptitude à consentir aux soins
puissent formuler une demande anticipée d'aide médicale à mourir;
«Que des infirmières praticiennes soient
habilitées à administrer la sédation palliative en continu et aux infirmières
de constater le décès;
«Que l'AMM puisse être rajoutée à l'offre
de services des maisons de soins palliatifs;
«Que le concept de mort raisonnablement
prévisible soit supprimé du projet de loi, au profit du concept global de soins
de fin de vie;
«Qu'un groupe interdisciplinaire d'experts
soit sollicité, au besoin, par l'équipe soignante;
«Que la demande anticipée d'AMM soit
notariée et consignée dans un registre commun, au même titre, en fait, que les
directives médicales anticipées.»
La charte des droits et des personnes
atteintes de troubles cognitifs majeurs stipule, comme premiers droits à
respecter, d'avoir accès aux mêmes droits que l'ensemble des Canadiens. Cela
passe notamment par leur inclusion dans l'ensemble des lois qui régissent notre
société. Un comité aviseur de la Société Alzheimer Canada s'est également
penché sur cette question et l'ensemble des membres sont en accord avec la
possibilité d'avoir accès à une demande <anticipée...
>
11 h (version révisée)
< Mme Grenier (Sylvie) :
...société.
Un comité aviseur de la Société Alzheimer Canada s'est également penché sur
cette question, et l'ensemble des membres sont d'accord avec la possibilité d'avoir
accès à une demande >anticipée pour pouvoir avoir le choix de prendre
une décision éclairée, et ce, dès qu'un diagnostic est posé.
Au Québec, nous n'avons pas assez entendu
la voix des personnes qui vivent avec un trouble neurocognitif majeur tel que
la maladie d'Alzheimer, et nous essaierons aujourd'hui de porter leur voix, d'apporter
certaines nuances, mais aussi, de vous convaincre de procéder à des amendements
de l'actuel projet de loi. Ces nuances portent, notamment, sur l'importance du
diagnostic dans le processus de discussion et, par la suite, de la notion de
déclin avancé lors de l'administration de l'AMM, les troubles mentaux associés
aux troubles neurocognitifs majeurs, le rôle du tiers de confiance, le
processus de l'administration de l'AMM au moment venu, certaines obligations
des professionnels compétents, et, enfin, le principe d'autodétermination, qui,
lui, est pratiquement absent du projet de loi. Après lecture de l'actuel projet
de loi, plusieurs des suggestions que nous avions formulées lors de la
précédente consultation ont été prises en compte, mais il ne demeure pas moins
que certains articles du projet de loi nécessitent plus de précisions pour
mieux encadrer l'administration d'une demande anticipée d'AMM aux personnes
rendues inaptes suite à l'évolution des troubles neurocognitifs.
Pour la fédération et les 20 sociétés
membres, l'aide médicale à mourir devra toujours être considérée, dans une
situation de déclin cognitif avancé, comme un soin de dernier recours, après
que l'équipe soignante ait tout tenté pour soulager la souffrance physique et
psychique de la personne. Ça suppose également que l'AMM ne devrait, en aucun
cas, devenir la solution de facilité à l'incapacité de notre système de santé
et des services sociaux à prendre soin et accompagner adéquatement les
personnes les plus vulnérables de notre société, et ce, jusqu'à la fin de leur
vie.
Il ne faudrait pas non plus qu'en raison
de préjugés, de stigmas, ou encore, d'expériences négatives personnelles on
accélère la mort des personnes atteintes, alors que l'on devrait les accompagner,
en mettant à leur disposition des soins de qualité, une approche humaniste, des
milieux de vie adaptés à leurs besoins, du personnel, surtout, qualifié et
formé à l'intervention auprès des personnes qui vivent avec un trouble
neurocognitif majeur, et surtout, en les considérant comme des personnes à part
entière, et ça, tout au long du parcours de leur vie avec la maladie. Voilà, c'était
notre introduction de notre présentation.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Il vous reste encore trois minutes, si vous
voulez... si vous avez d'autres informations. Est-ce que ça va? Sinon, on passe
la parole...
Mme Grenier (Sylvie) : Ça
va pour nous, oui.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, merci infiniment pour votre exposé. Donc, je vais...
je vais me tourner du côté de la ministre, pour une période de 16 min 30 s.
Alors, la parole est à vous.
Mme Bélanger : Oui,
alors, Mme la Présidente... alors, Mme Grenier, bonjour, il me fait
plaisir de vous revoir, Dre Ben Gaied aussi. Merci pour le mémoire que vous
déposez et puis pour votre présentation que vous venez de faire. Naturellement,
on voit que, de façon générale, vous êtes en faveur de l'ensemble des éléments
au niveau du projet de loi n° 11. Par contre, vous
amenez certains éléments, puis j'aimerais peut-être qu'on ait une discussion à
ce niveau-là.
Dans votre mémoire, vous notez que l'obligation,
pour la personne, de déterminer, dans sa demande anticipée d'aide médicale à
mourir, les souffrances qu'elle ne souhaite pas vivre va à l'encontre de l'autodétermination.
J'aimerais vous entendre là-dessus. C'est ce qu'on a compris, là, qui était
inscrit dans votre mémoire. Qu'est-ce que vous proposez comme solution? Ou
peut-être qu'on a moins bien interprété, mais j'aimerais vous entendre
spécifiquement sur cet élément-là.
Mme Grenier (Sylvie) : Moi,
je vois Nouha qui réagit, donc je te laisse aller, Nouha.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Non,
effectivement, on mentionne, dans notre mémoire, que l'aide médicale à mourir
devrait être considérée dans un... dans des conditions de déclin avancé et
irréversible de la capacité de la personne et, pour ça, de se baser sur des
échelles bien connues pour, justement, déterminer ce déclin avancé, mais en
aucun cas, en fait, que cela va à l'encontre du principe d'autodétermination de
la personne. Au contraire, on trouve que ce principe-là n'est pas assez mis en
valeur dans le projet de loi, et qu'il faudrait, justement, que ce soit
davantage quelque chose qui soit poursuivi au-delà de la demande anticipée, et
qu'il soit <respecté...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...ce
soit davantage quelque chose qui soit poursuivi au-delà de la demande anticipée,
et qu'il soit >respecté tout au long du processus.
Donc, pour nous, le principe
d'autodétermination de la personne, c'est quelque chose qui, justement, est un
point de discorde au niveau du projet de loi. Mais en aucun cas le fait de
faire une demande anticipée va à l'encontre de ce principe-là. On demande, au contraire,
que la personne, lorsqu'elle reçoit un diagnostic, qu'elle soit impliquée dans
le processus décisionnel, qu'elle puisse avoir cette conversation avec le
professionnel compétent, que le tiers de confiance soit impliqué, que les
proches, autant que possible, soient impliqués également dans cette discussion,
et que ce soit une décision libre et éclairée de la personne, qu'elle effectue
lorsqu'elle est apte à consentir aux soins.
Mme Bélanger : OK. Peut-être,
j'aimerais revenir... une question de clarification, là. Vous dites que vous
constatez que l'autodétermination serait un point de discorde dans le projet de
loi. J'ai bien compris ça, là? C'est ce que vous avez mentionné? J'aimerais ça
vous entendre un petit peu plus là-dessus, là, sur l'autodétermination versus qu'est-ce
qu'il est inscrit dans le projet de loi, versus votre vision des choses par
rapport à ça.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Effectivement,
dans un contexte où c'est une demande anticipée qui est effectuée de manière libre
et éclairée par la personne apte à consentir aux soins, on s'attend que cette
demande soit respectée le moment venu, dans un contexte d'inaptitude. Et, dans
ce contexte-là, il y a certains articles du projet de loi qui vont à l'encontre
de ce principe d'autodétermination. C'est notamment, par exemple, au niveau de
l'article 29.19, où, là, on mentionne que tout refus de recevoir l'aide
médicale à mourir manifesté par la personne doit être respecté, et il ne peut,
d'aucune manière, y être passé outre, ou encore, le fait que... il y a un autre
article, excusez-moi, là, je suis en train de le chercher, où, là, on va,
encore une fois, à l'encontre de ce principe-là. Et, en fait, ce n'est pas
qu'on va à l'encontre, c'est une omission, c'est... on ne le prend pas assez en
considération dans le processus suivi pour, justement, recevoir l'aide médicale
à mourir.
Le fait, également, de radier... pardon,
excusez-moi, il y a eu un retour... le fait, également, de radier une demande
d'aide médicale à mourir lorsqu'il y a un refus, pour nous, est considéré non
seulement comme une compréhension très simpliste de l'évolution avec un trouble
neurocognitif majeur, mais également comme une... on va à l'encontre du
principe d'autodétermination, puisque, oui, effectivement, il peut y avoir un
refus lors de l'administration de l'aide médicale à mourir, et cette
manifestation, ça va se manifester, notamment, par de la résistance, par des
pleurs, par des cris, mais il ne faudrait pas, effectivement, s'arrêter à cette
résistance aux soins, et continuer, effectivement, avec le processus
d'administrer l'aide médicale à mourir.
• (11 h 10) •
On rejoint ici beaucoup ce que le groupe
d'experts avant nous, notamment Dr Machure a mentionné, entre ce qui est une
résistance aux soins et ce qui est un refus de l'aide médicale à mourir. Et,
pour cela, bien, forcément, les professionnels compétents, les professionnels
de la santé qui entourent la personne au moment de l'administration de l'aide
médicale à mourir doivent être formés, sensibilisés, justement, à cette
possible résistance aux soins au moment de l'administration de l'aide médicale
à mourir. Mais en aucun cas ça ne doit être considéré comme un refus, et que la
radiation soit, donc, l'action qui ensuit ce refus-là.
C'est pour ça qu'on mise davantage sur des
protocoles clairs, sur une formation et puis, bien, que ça ne doit pas
nécessairement être ouvert à tous les professionnels, mais plutôt à une
catégorie de professionnels qui seraient formés à administrer l'aide médicale à
mourir auprès des personnes inaptes dans un contexte de trouble neurocognitif
majeur.
Mme Bélanger : D'accord.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Allez-y.
Mme Bélanger : Ça va
pour moi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Donc, est-ce que j'ai des questions? Mme la députée de
Roberval.
Mme Guillemette : Merci,
Mme la Présidente. Merci, Dre Ben Gaied, d'être ici, et Mme Grenier, pour nous
éclairer sur certaines questions qu'on a. Et moi, je reviens aussi sur le refus.
Est-ce que ce ne serait pas bien de le baliser dans la demande anticipée, de
demander, quand la personne est apte, si jamais il y a un refus, est-ce qu'on va
jusqu'au bout ou est-ce qu'on ne va pas jusqu'au bout? Parce que nous, on est
des législateurs, mais, vous comprendrez, pour le médecin qui va... ou l'IPS
qui va administrer <l'aide...
Mme Guillemette :
...nous,
on est des législateurs, mais, vous comprendrez, pour le médecin qui va... ou
l'IPS qui va administrer >l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui crie,
qui pleure, qui ne veut plus, en tout cas, qui manifeste des signes, il faut
prendre cet aspect-là en considération. Quelqu'un qui n'aurait jamais manifesté
aucune... qui n'aurait jamais eu aucune manifestation de peur de seringue, ou
d'injection, ou... puis que, tout d'un coup, quand vient le temps d'administrer
l'aide médicale à mourir, se débat, est-ce que, d'après vous, il faudrait bien
l'encadrer dans le formulaire de demande lorsque la personne est apte? Vous
voyez ça comment, cet aspect-là?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Alors,
oui, effectivement, on ne peut... on ne pourra jamais, en fait, savoir à
l'avance comment la personne va réagir lors de l'administration de l'aide
médicale à mourir, elle ne sera pas non plus nécessairement toujours en mesure
de verbaliser son accord à l'administration des soins, et donc c'est pour ça
qu'effectivement des lignes directrices devront être bien claires. Le fait de
le baliser en amont, donc dans la demande anticipée, dans la demande, oui,
anticipée, permettrait, en fait, de donner au professionnel compétent un cadre
dans lequel il pourra agir, et ce sera, effectivement, sa volonté, encore une
fois, au moment venu, de recevoir l'aide médicale à mourir ou pas.
Maintenant, c'est toujours quelque chose
de très personnel, dans le sens que, dans... Actuellement, le formulaire d'aide
médicale à mourir de manière anticipée, bien, on ne sait pas encore de... son
contenu, et donc, bien, à ce moment-là, ce sera très important de savoir
qu'est-ce qu'on accepte et qu'est-ce qu'on refuse, comme c'est le cas dans le
formulaire des directives médicales anticipées, où on accepte ou on refuse un
certain nombre de soins. Ça viendra baliser, d'une certaine manière, mais, en
même temps, il se peut qu'il y ait des manifestations qui n'aient pas été
incluses dans la demande anticipée et qui seront malheureusement, vécues par la
personne au moment de l'administration de l'aide médicale à mourir.
Mme Guillemette : Merci.
J'ai des collègues qui ont des questions, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Mme la députée de Vimont.
Mme Schmaltz : Bonjour,
mesdames. Au niveau des critères d'administration, si on regarde le volet
numéro un, vous demandez d'ajouter davantage de balises. Vous demandez à ce
qu'il y ait des critères supplémentaires basés sur la perte de dignité et
d'autonomie. Et cet instrument, en fait, qui a été développé par les
chercheurs, vous avez élaboré plusieurs points. Je me posais la question...
peut-être que j'ai mal compris... c'est : Pourquoi vous voulez ajouter ces
critères-là dans ce point-là? Pourquoi on les ajoute? Est-ce qu'ils sont en
opposition ou ils sont complémentaires?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Ils
sont tout à fait en complémentaire. C'est vraiment pour venir spécifier
qu'est-ce qu'on entend par un déclin avancé et irréversible et, encore une
fois, ça fera plus l'objet des lignes directrices, des procédures pour les
professionnels. Mais, effectivement, le fait que ce soit un déclin avancé et
irréversible des capacités, bien, ça suppose qu'on s'appuie sur des échelles
évaluées qui sont déjà utilisées par les professionnels de la santé et qui
permettent... qui leur permettent, en fait, de définir, à ce moment-là, quelles
seront les souffrances insoutenables, physiques et psychiques qu'éprouve la
personne.
Mais c'est aussi pour baliser, dans le
formulaire de demande anticipée, qu'est-ce qu'on pourra et qu'est-ce qu'on ne
pourra pas demander dans ce formulaire-là. Donc, il faudra, en fait, objectiver
sa demande lorsqu'elle sera remplie par la personne, et non pas tout simplement
donner des exemples comme, bien, je ne reconnais pas mes proches, par exemple. Cette
reconnaissance des proches, elle n'est pas nécessairement associée à de la
souffrance. Cette reconnaissance des proches est aussi beaucoup associée à la
souffrance des proches, de l'entourage, qui, effectivement, vit un deuil blanc
par rapport à l'évolution de la maladie. Et donc, bien, c'est là qu'on vient
ramener, effectivement, des échelles validées qui sont utilisées par les
professionnels, pour que, dans la demande anticipée, on se base sur quelque
chose qui est, par la suite, mesurable.
Mme Schmaltz : Est-ce
que je... Juste une dernière petite question, là, juste pour être certaine
d'avoir bien saisi. Parce que je regardais... Bon, je vous donne un point, là,
que vous avez cité, les atteintes de la personne à effectuer des tâches domestiques.
Le point que je soulevais par rapport à ça, quand on parle de <critères...
Mme Schmaltz :
...les
atteintes de la personne à effectuer des tâches domestiques. Le point que je
soulevais par rapport à ça, quand on parle de >critères de souffrance
intolérable, c'est : Comment qu'on évalue cette... ces points-là? C'est
juste ça que j'ai essayé de voir. Est-ce qu'on les catégorise dans des
souffrances insoutenables ou c'est... Je ne sais pas si vous comprenez ce que
je veux dire? Pour moi, c'est une base, peut-être, assez simple. Est-ce qu'on
peut les rentrer dans ces catégories-là si la personne, justement, n'a plus...
a perdu ces fonctions-là?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Alors,
il y a d'autres échelles pour mesurer la douleur des personnes aînées, et, à ce
moment-là, elles seraient également à utiliser pour, justement, mesurer ces
souffrances physiques et psychiques. Là, le fait que ce soit un déclin avancé
et irréversible, on s'appuie sur l'échelle de Reisberg, et puis, bien, c'est
vraiment dans les stades les plus avancés de la maladie, où on va avoir une
répercussion assez importante sur le niveau d'autonomie et de dignité de la
personne. Ce n'est pas nécessairement toujours associé à de la souffrance.
Donc, effectivement, il y aurait d'autres échelles à utiliser pour mesurer
cette douleur-là et évaluer, effectivement, est-ce que la personne répond aux
critères de l'aide médicale à mourir ou pas.
Mme Schmaltz : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Je crois que la députée d'Abitibi-Ouest aurait
une question pour vous.
Mme Blais : ...dans votre
mémoire, vous dites que la fédération accueille favorablement les énoncés généraux
du projet de loi, soit... et je m'en tiens au point 2, qui dit que les
infirmières praticiennes soient habilitées à administrer la sédation palliative
continue... aux infirmières, et de constater le décès. Pour moi, une sédation
palliative, c'est un soin de confort. Est-ce qu'on parle de la même chose?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Bien
là, c'est ce qui est proposé dans le concept du projet de loi, et ça permettra
aussi d'arrimer, finalement, la loi provinciale et la loi fédérale que
d'étendre les... que d'étendre, effectivement, le champ de compétence des
infirmières. Qu'elles soient impliquées dans le processus, bien, nous paraît
tout à fait acceptable, et même souhaité, puisqu'elles sont aussi au chevet des
personnes puis qu'elles les accompagnent sur une longue durée. Donc, qu'elles
soient impliquées dans ce processus nous paraît tout à fait légitime.
Mme Blais : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Je pense que, Mme la députée de Laporte,
vous avez également une question?
• (11 h 20) •
Mme Poulet : Oui, merci
beaucoup à tous les deux d'être présentes. Dans votre mémoire, vous parlez de
certaines nuances, dont certaines obligations des professionnels compétents.
Dans notre projet de loi, on parle que le médecin doit faire une recherche si
un formulaire était complété, d'aviser le chef de service, un médecin,
infirmière praticienne doivent être... les professionnels sont compétents et
sont formés. Quand vous parlez de nuances concernant les obligations, est-ce
que ce serait possible d'avoir plus de détails sur ce point-là, sur cette
nuance-là que vous apportez?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Oui.
Effectivement, c'est surtout par rapport, bien, à des amendements, là, que l'on
amène, au niveau, notamment, par exemple, du... de l'article 29.13, où
c'est non seulement une reformulation, mais c'est, en plus, dans un contexte
global, là, du processus qui serait suivi pour administrer l'aide médicale à
mourir. Mais c'est surtout dans le cas de refus. Dans le cas de refus, bien, il
n'y a aucune mention, à notre sens, par rapport à quelle serait l'obligation du
professionnel compétent s'il refuse d'administrer l'aide médicale à mourir à
une personne inapte. À ce moment-là, on ne mentionne pas qu'il doit référer à
un professionnel compétent. Ça doit d'abord passer par l'établissement, qui,
lui, doit avoir... doit remédier à la situation, et là, pour nous, il y aurait,
encore une fois, une précision à donner.
Le fait, également, que la... le
professionnel compétent devra, effectivement, avoir cette conversation avec la
personne en début, donc la nécessité, encore une fois, de miser sur le
diagnostic. Mais on est bien conscient que, d'une part, il faudra bien choisir
le moment durant lequel cette conversation va avoir lieu. Non seulement il y a
toute la charge émotive qui est associée au diagnostic, mais il y a également
une notion de temps. Il faudra que le professionnel compétent prenne le temps,
avec le patient, pour lui expliquer le processus, pour lui expliquer également
à quoi s'attendre avec l'évolution de la maladie, pour lui donner, justement,
un aperçu de l'ensemble des possibilités de <soins...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...
l'évolution
de la maladie, pour lui donner, justement, un aperçu de l'ensemble des
possibilités de >soins qui s'offrent à lui avec la maladie, mais
également en fin de vie, puis c'est vraiment cette obligation-là qu'on
souhaiterait davantage mise de valeur parce que ce n'est pas une décision qui
devra être prise à la légère, mais il devra y avoir un accompagnement par les
professionnels durant tout le parcours, finalement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Dre Ben Gaied, merci beaucoup pour votre réponse. Je suis
désolée, le temps vient de s'écouler. Merci, Mme la ministre. Merci, Mmes les
députées. Je me retourne maintenant vers la députée de Westmount—Saint-Louis, pour
une période de 9 min 54 s. On poursuit les échanges.
Mme Maccarone : Merci
beaucoup. Merci beaucoup pour votre témoignage et pour votre mémoire. Vous
soulevez des questions très importantes, surtout la notion de ce formulaire.
Alors, je fais une demande formelle tout de suite, si possible, de déposer le
formulaire, que nous pouvons tous avoir une consultation, de faire la lecture
de ceci et de faire un... Comme ça, lors des échanges, rendus à l'étude
détaillée, nous serons en mesure d'avoir comme, quand même, un échange
constructif, au lieu d'au moment que ce sera déposé, pour retarder aussi le
débat en ce qui concerne cette loi. Parce que toutes vos questions sont en lien
avec le formulaire. Nous n'avons pas vu le formulaire, alors c'est difficile de
se prononcer en ce qui concerne les balises. On peut avoir des espoirs, puis ça
se peut que c'est là-dedans, ça se peut que ce n'est pas là-dedans. Il va
falloir vraiment qu'on fait un débat presque uniquement en ce qui concerne les
critères qui sont écrits dans le formulaire. Alors, merci de l'avoir soulevé,
parce que, c'est vrai, ça va être un enjeu très important.
Je veux ramener un peu la notion du déclin
avancé irréversible. Lors des échanges que nous avons eus avec Me Filion et M.
Maclure, j'avais soulevé la question de démence heureuse, puis, selon eux, ça
ne fait pas partie d'un critère pour être éligible pour procéder avec une
demande anticipée, par exemple, si, mettons, ça fait partie du formulaire. Je
souhaite entendre votre point de vue là-dessus, parce que, quand on parle,
souvent, de démence heureuse, on parle vraiment d'un Alzheimer qui est très
avancé. Alors, si vous pouvez nous illuminer, s'il vous plaît.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Alors,
déjà, en termes de terminologie, au niveau des sociétés Alzheimer, on n'utilise
pas le terme «démence», puisque c'est un terme qui est très chargé en
connotation négative, mais on va y aller avec le terme «démence heureuse», qui
est plus communément utilisé. La démence heureuse, effectivement, pour nous, ne
rentrerait pas dans le cadre de la loi... du projet de loi actuel. Qui dit
démence heureuse dit que la personne est entourée, que la personne n'éprouve
pas de souffrance physique et psychique, que le proche aidant accompagne la
personne, qu'elle a des services et des soins adaptés à ses besoins et que,
finalement, il y a une certaine qualité de vie qui est maintenue pour la
personne, versus ce qui est présenté dans le projet de loi, où on parle
vraiment de souffrances qui sont physiques et psychiques, et pour lesquelles,
finalement, toutes les... toutes les conditions médicales ont été suivies pour
pouvoir soulager cette souffrance-là sans pouvoir... sans, finalement, être...
y avoir... y avoir été... y avoir répondu adéquatement. Et donc, à ce
moment-là, l'aide médicale à mourir pourrait être la solution, si la personne a
formulé une demande anticipée. Donc, pour nous, la demande heureuse,
effectivement, ne rentrerait pas dans le cadre du projet de loi.
Mme Maccarone : Parfait.
Puis, en ce qui concerne le refus, parce qu'on... vous avez fait quand même des
interventions là-dessus, puis, c'est vrai, je pense qu'on est d'accord qu'on
devrait quand même préciser et baliser cette notion de refus. Dans le Code
civil, on parle d'un refus catégorique, mais, dans ce projet de loi, on ne
parle pas d'un refus catégorique. Selon vous, si ce n'est pas plus balisé, si
ce n'est pas clarifié, est-ce que ça veut dire que, mettons, un proche ou le
tiers de confiance va avoir recours au tribunal, par exemple, pour procéder
avec des demandes anticipées?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Tout
à fait, tout à fait. En fait, dans l'ancien projet de loi, cette notion de
refus était... il y avait aussi un flou par rapport à combien de fois est-ce
qu'on allait administrer l'aide médicale à mourir, bien sûr, lorsque les
personnes répondent aux critères. Mais là on revient avec, finalement, une
seule tentative, et, à ce moment-là, bien, quel sera le rôle du proche, le
tiers de confiance, mais également de la famille, qui, elle, aura été témoin,
finalement, de la volonté <répétée...
Mme Ben Gaied (Nouha) :
...confiance,
mais également de la famille, qui, elle, aura été témoin, finalement, de la
volonté >répétée, éclairée de la personne au moment où elle était apte à
consentir aux soins, et qu'au moment, finalement, où elle répondrait aux
critères on lui refuse ce soin-là? Donc, oui, clairement, à notre sens, il
pourrait y avoir des contestations devant les tribunaux, parce que la demande
de la personne n'aura pas été répondue, et ce qui ramène aussi la notion de
demande versus une directive.
Mme Maccarone : Merci.
Ma collègue de D'Arcy-McGee a des questions.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Donc, Mme la collègue... Mme la députée de D'Arcy-McGee,
la parole est à vous. Juste repeser sur votre bouton, s'il vous plaît. Voilà.
Vous n'avez pas besoin d'y toucher.
Mme Prass : Parfait.
Alors, moi, j'ai une question à propos de votre traitement de la demande et,
spécifiquement, ce qu'il arrive en l'absence de tiers de confiance qui sont
désignés par la personne. Donc, vous dites que la responsabilité... ils devraient
procéder à un examen d'évaluation, mais... Deux questions. Premièrement, est-ce
qu'il ne devrait pas y avoir un mécanisme de surveillance de la personne à une
certaine fréquence? Parce que, justement, on ne sait pas, le... la personne qui
va être désignée du côté du système de la santé, s'ils vont être présents tout
le temps, s'ils vont vraiment avoir une obligation d'aller voir cette
personne-là à des fréquences régulières, parce qu'on ne veut pas que la
personne... comme ils n'ont pas de tiers désigné, qu'ils soient un petit peu
ignorés par un système de santé qui est déjà en pénurie et qui n'a pas toujours
les moyens ou le temps de faire ces surveillances-là. Donc, je voudrais vous
entendre davantage là-dessus.
Mme Ben Gaied (Nouha) : En
fait, là, vraiment, vous soulevez deux choses, d'une part, le rôle du tiers de
confiance, mais, également, en l'absence d'un tiers de confiance. Pour nous,
effectivement, le tiers de confiance doit vraiment être présent. Le projet de
loi mentionne qu'une personne pourrait désigner un tiers de confiance, alors
qu'en notre sens il devra être désigné par la personne, d'une part. Il devra
également être impliqué dans l'ensemble des discussions qui sont en cours avec
le professionnel compétent, parce qu'il y a une obligation, justement,
d'enclencher le processus en informant les professionnels. Mais, également, il
a... il va y avoir, effectivement, une... il peut y avoir, en fait, des
émotions qui sont associées à cette prise de décision et donc, bien, on demande
qu'il y ait un suivi psychologique pour la personne, le tiers de confiance, au
besoin, parce que ça peut être très chargé en émotions à ce moment-là.
Et, dans le cas, justement, où il n'y a
pas de tiers de confiance... donc, ce n'est ni la première ni la deuxième
personne de tiers de confiance, il n'y en a pas, il n'y en a pas qui ont été
désignées... à ce moment-là, effectivement, c'est le professionnel de la santé
qui va en informer le professionnel compétent. Mais sur quelle base? Sur quelle
base est-ce que le processus va être enclenché? Est-ce que... est-ce qu'on a
besoin d'un lit, parce qu'on est en manque, justement, de places dans une
résidence, et donc on a...
Excusez-moi, d'être très crue, là, ici,
là, mais ça va être ça, la réalité. Sur quelle base est-ce qu'on va définir que
la personne effectivement, répond aux critères de la loi? Oui, il y a des
critères qui vont être définis, mais le moment, le moment qu'il va être
nécessaire à enclencher ce processus-là... Et, justement, on ne voudrait pas
qu'il y ait une dérive en absence d'un tiers. Et puis, bien, forcément, ça
soulève aussi le rôle de la famille dans ce processus-là, parce que, qui... il
se pourrait très bien que la personne n'ait pas désigné de tiers de confiance,
mais qu'il y ait quand même de la famille, des membres de la famille
rapprochée, des personnes qui ont à cœur cette personne. Et puis quel va être
leur rôle aussi dans ce processus-là? Est-ce qu'ils vont pouvoir s'opposer à
une demande anticipée à l'aide médicale à mourir à ce moment-là?
Donc, c'est vraiment toutes ces petites
nuances qui sont à amener dans le processus. Et, pour ça, forcément, le fait de
désigner un tiers de confiance, que l'acte, également... que le formulaire soit
notarié, nous parlait... nous paraît, justement, des protections à avoir en
amont.
• (11 h 30) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Vous avez une autre question? Mme la
députée de Saint-Louis.
Mme Maccarone : Bien,
dans le fond, c'est : Comment l'écrire dans la loi pour que ce soit clair?
Tu sais, quand on... Je pense que c'est ça, ma question que j'aurais pour vous,
parce que vous soulevez une excellente question. Mais comment le mettre dans la
loi pour que ce soit clair, selon vous?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Selon
nous, il faudra qu'il y ait un tiers de confiance et, à ce moment-là, de
définir un rôle pour la famille, et, également, un rôle pour le mandataire, ce
qui n'est... ce qui n'est pas, actuellement, présent.
Mme Maccarone : Ma préoccupation,
c'est, si, mettons, on n'a pas un membre proche dans notre... dans notre
famille, puis, comme vous dites, on devrait désigner un membre du corps
professionnel. Vous avez dit de... tu sais, vous avez... vous vous excusez
d'être crue, mais, présentement, dans notre réseau de système de santé, on fait
face à une pénurie de personnel vraiment <importante...
>
11 h 30 (version révisée)
<
Mme Maccarone :
...tu
sais, vous avez... vous vous excusez d'être crue, mais, dans... présentement,
dans notre réseau de système de santé, on fait face à une pénurie de personnel
vraiment >importante. J'ai une inquiétude qu'on est en train de rajouter
à leurs tâches puis que ça se peut qu'ils ne seront pas au rendez-vous. C'est
encore plus de responsabilités pour eux. Alors, est-ce qu'on a un autre moyen
ou une autre façon de voir ceci? On a dit, dans la loi, qu'on va ouvrir la
possibilité d'administrer l'aide médicale à mourir aux infirmières
praticiennes. Quand on parle de...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Je suis désolée, le temps est écoulé.
Mme Maccarone : Ah!
bien, merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : On va continuer avec nos discussions avec la députée de
Sherbrooke, alors, pour une période de 3 min 18 s.
Mme Labrie : Merci, Mme
la Présidente. Dans le mémoire, vous nous dites que vous voulez jouer un rôle
de sensibilisation, d'information auprès des personnes à risque. J'imagine que
vous allez aussi être appelés à le faire auprès des tiers de confiance qui vont
potentiellement avoir besoin d'accompagnement pour évaluer l'évolution de la
maladie, comprendre un peu les souffrances que ça peut générer. Si vous le
mentionnez spécifiquement, est-ce que c'est parce que vous estimez ne pas avoir
les ressources nécessaires, actuellement, pour, justement, répondre aux
demandes que ça va générer, là, d'accompagnement de la part des personnes
atteintes d'Alzheimer ou de leurs proches?
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Ce n'est pas une demande qui est formulée puis qui est discutée au niveau
de notre réseau par les personnes atteintes et par les proches aidants, mais,
par contre, ça doit faire partie de la discussion dans un processus, justement,
de planification de soins. Comme on parle du mandat de protection, comme on
parle du testament, de la procuration ou encore de la planification par rapport
à l'hébergement, bien, c'est quelque chose qu'il faudra également envisager à
des stades très légers de la maladie, voire même en amont chez les personnes à
risque, puisqu'on sait que, malheureusement, c'est des personnes qui pourraient
développer par la suite un trouble neurocognitif léger et éventuellement la
maladie d'Alzheimer. Donc, c'est vraiment de considérer cette sensibilisation,
cette information dans un contexte plus global où la personne aurait à prendre
des décisions et à planifier sa vie de manière adéquate avec la maladie d'Alzheimer,
tout simplement. Donc, ce n'est pas nécessairement une question de ressources,
mais plutôt un rôle que l'on voudrait jouer pour, justement, informer les
personnes qui sont déjà notre clientèle et qui pourraient vouloir avoir accès à
une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Donc, à nous de les accompagner
de manière adéquate.
Mme Labrie : Est-ce qu'à
votre avis il y a... le référencement se fait déjà suffisamment auprès des
personnes qui ont un diagnostic d'Alzheimer, par exemple, vers vos organismes?
Mme Ben Gaied (Nouha) :
Donc, un référencement vers la société Alzheimer?
Mme Labrie : Oui.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
En fait, depuis maintenant plus d'un an, on a le processus de Référence Aidance
Québec qui permet aux professionnels de la santé de référer les personnes
proches aidantes vers les services de la société Alzheimer et également vers
les services de L'Appui pour les proches aidants. Pour nous, effectivement, il
faudrait inclure davantage la personne atteinte d'un trouble neurocognitif dans
le processus pour, justement, pouvoir la prendre en charge de manière adéquate,
en amont, donc vraiment aux stades les plus légers de la maladie et puis pour,
justement, maintenir cette qualité de vie.
Le fait d'avoir accès à des services de
stimulation, à des cafés-rencontres, à pouvoir échanger avec les pairs,
également à soutenir la personne proche aidante, parce qu'elle va pouvoir avoir
les outils nécessaires pour communiquer et également pour intervenir lors des
comportements, bien, tout ça va contribuer à l'amélioration de la qualité de
vie de la personne atteinte. Et donc, dans ce contexte-là, c'est quand même un
projet qui commence, mais déjà on a énormément de demandes qui ont un effet,
oui, potentiel sur les services par la suite.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Le temps est écoulé. Maintenant, je cède la
parole à la députée de Laviolette—Saint-Maurice pour une période de 3 min 18 s.
Mme Tardif : Bonjour.
Merci. Merci d'avoir pris le temps de tabler sur cet important projet de loi.
Et je rebondis un peu sur ce que vous venez de dire, parce qu'effectivement il
y a certains... Et vous avez fait un sondage et vous vous êtes informés auprès
de vos... des gens que vous représentez, et il y a tout de même certaines
maisons qui prennent soin des personnes qui sont atteintes d'Alzheimer et qui
ont un regard différent ou un regard qui nous appelle à l'ouverture par rapport
au déclin et à la définition de ce déclin avancé. Cette notion-là est très
importante, parce que, comme vous l'avez mentionné, il y a beaucoup de ces <personnes-là...
Mme Tardif :
...par
rapport au déclin et à la définition de ce déclin avancé. Cette notion-là est
très importante, parce que, comme vous l'avez mentionné, il y a beaucoup de ces
>personnes-là atteintes qui, lorsqu'elles sont stimulées... les gens qui
en prennent soin nous diront qu'il y a un net progrès.
Alors, je me demandais avec vous, vous
êtes ceux et celles qui avez les yeux tournés vers ça, vers ces personnes-là et
vers les maisons de soins : Comment faire pour offrir davantage de ces
soutiens-là? Jusqu'où aller? Vous êtes d'accord avec le projet de loi, vous
êtes d'accord avec l'élargissement du projet de loi, mais c'est une question
excessivement importante, et le principe d'autodétermination et le principe...
la notion de déclin avancé... Je pense que j'aurais besoin de votre aide, là.
Mme Ben Gaied (Nouha) :
On est, oui, en faveur de l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour
offrir un choix aux personnes atteintes d'un trouble neurocognitif majeur dans
des conditions où elles deviendraient inaptes. Cela ne veut pas dire que toutes
les personnes devraient y avoir accès. Ça demeure une... un choix personnel, et
ce projet de loi va dans ce sens-là.
Au niveau des sociétés Alzheimer, quatre
sociétés offrent de l'hébergement, et effectivement on accompagne les personnes
jusqu'à la fin de vie dans certains cas. Ça passe par de la stimulation
cognitive, ça passe par le maintien des capacités en les incluant dans les
activités, ça passe également par la reconnaissance qu'il faut s'adapter, il
faut s'adapter à leurs capacités, et puis ce qui était possible hier,
peut-être, va devenir un peu plus difficile aujourd'hui, mais on doit, nous,
s'adapter. Ça passe également par des environnements qui sont adaptés à leurs
besoins et ça passe toujours par leur inclusion dans le processus. Donc, on est
tout à fait...
Puis ça, ça va carrément avec l'approche
centrée sur la personne préconisée par les sociétés Alzheimer, on doit y aller
par le moment présent, on doit favoriser cette collaboration et puis ce
partenariat avec la personne atteinte. Et c'est comme ça qu'on la... qu'on maintient
leur qualité de vie puis qu'on maintient également leur dignité et leur
autonomie. C'est à nous de nous adapter, et non pas à eux. On doit leur donner
les meilleures conditions de vie. Et, par la suite, si la personne fait ce
choix-là, bien, on doit aussi l'accompagner dans ce choix-là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dre Ben Gaied, merci beaucoup, Mme Grenier,
pour votre contribution aux travaux de notre commission au nom des
parlementaires qui sont assises ici. Je vous souhaite une bonne journée.
Et je suspends les travaux jusqu'à notre
prochaine... notre prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 39)
(Reprise à 11 h 41)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la commission reprend ses
travaux. Nous en sommes rendus maintenant avec une présentation de
l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité. Alors, je
souhaite la bienvenue au Dr Georges L'Espérance, président et neurochirurgien,
ainsi qu'à Mme Catherine Leclerc, membre du conseil d'administration. Je
vous rappelle, madame, monsieur, que vous avez une période de 10 minutes
pour vous présenter, ainsi que pour exposer vos propos. La parole est à vous.
Association québécoise pour le droit de mourir dans
la dignité (AQDMD)
M. L'Espérance (Georges) : Mme
la Présidente, merci beaucoup. Mmes, MM. les députés de l'Assemblée nationale,
l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité vous remercie
pour l'invitation à témoigner devant cette commission d'étude. Mon nom est
Georges L'Espérance, neurochirurgien, et j'ai le plaisir d'être accompagné de Mme Catherine
Leclerc, membre du conseil d'administration. L'association est une association
citoyenne bénévole dont la mission est d'oeuvrer pour assurer que les lois
permettent à chaque citoyen de choisir et d'obtenir des soins de fin de vie
conformes à sa conception personnelle de dignité, dont l'aide médicale à
mourir.
Le présent témoignage résume le mémoire
qui vous fut remis pour fins de discussion sur quelques aspects précis du projet
de loi n° 11. Par la suite, je céderai la parole à Mme Leclerc pour
quelques remarques complémentaires sur les demandes anticipées. Nous tenons à
souligner le remarquable travail du groupe... du groupe transpartisan, rapport
suivi du projet de loi n° 38, et maintenant la continuité sous forme de ce
projet de loi n° 11, présenté par Mme la ministre Bélanger. J'insisterai
sur les aspects médicaux du projet de loi tels qu'élaborés dans notre mémoire.
Passons tout d'abord rapidement sur les
notes explicatives du projet de loi. Premièrement, nous nous réjouissons au
plus haut point des modifications progressistes pour les demandes anticipées
des personnes atteintes d'une maladie neurodégénérative cognitive menant à
l'inaptitude. Deuxièmement, nous sommes totalement en accord avec l'exclusion
temporaire, et espérons-le de courte durée, des problématiques de santé mentale
jusqu'au dépôt d'un projet de loi fédéral. Troisièmement, nous sommes en accord
total avec l'inclusion des infirmières praticiennes spécialisées, modification
très attendue. Quatrièmement, nous sommes très heureux de l'obligation faite
aux maisons de soins palliatifs d'intégrer l'aide médicale à mourir dans le
continuum de soins et que nulle philosophie religieuse ne doit interférer avec
ce droit du malade. Nous ne devrions plus jamais avoir à transférer le
demandeur en ambulance à l'hôpital pour recevoir le soin, loin des soignants
qui l'avaient soutenu pendant des semaines. De plus, cette disposition est
parfaitement cohérente avec la volonté gouvernementale d'instaurer une laïcité
de fait dans les services rendus au nom de l'État.
Passons à quelques commentaires sur les
articles du projet de loi. Il est implicite que ne sont pas discutés ici les
articles avec lesquels nous sommes en accord complet, ainsi en est-il des
articles 1 à 13, impeccables tels que décrits. L'article 14 du projet
de loi n° 11 modifie l'article 26 de la loi n° 2. Nous avons ici
deux commentaires. Premièrement, à l'alinéa 3°, nous suggérons à la ministre de
retirer l'adjectif «neuromoteur» qui suit le terme «handicap», car médicalement
inapproprié dans le contexte. Dans une optique d'harmonisation avec le Code criminel
et la décision de la Cour suprême, l'alinéa 3° devrait simplement se lire comme
suit : La personne «est atteinte d'une maladie, d'une affection ou d'un
handicap grave et incurable». Le terme de «handicap» doit être reconnu
médicalement pour ce qu'il est : la conséquence d'une maladie. Vous
trouverez, en annexe dans le mémoire, des explications plus élaborées. J'ajoute
ici que le handicap intellectuel grave ne devrait jamais faire partie, bien
sûr, de la définition ici du handicap.
Alinéa 5°, il est écrit que la personne «éprouve
des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne
peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge tolérables». Afin de ne
pas prêter à confusion avec les problématiques de santé mentale, nous suggérons
de changer le terme de «psychiques» pour «psychologiques», ce qui, là aussi,
harmonisera avec le Code criminel. Nous suggérons d'y ajouter le terme de «souffrances
existentielles» afin de couvrir l'ensemble des situations vécues par les
patients, particulièrement pour les demandes anticipées. Afin de ne pas me
répéter inutilement ainsi, cette modification devra se retrouver aussi dans le
reste du projet de loi, tel que mentionné dans le mémoire.
L'article 18 ajoute les articles 29.1
et suivants à la loi n° 2 et concerne les demandes anticipées. Les
concepts qui posent problème au plan clinique tournent essentiellement autour
des termes suivants : objectivation et addition des souffrances physiques,
psychologiques et existentielles. Nous avons quelques interrogations dont
découlent certaines suggestions. Premièrement, pour la même raison qu'exprimée
plus haut, nous suggérons de remplacer «physiques ou psychiques» par «physiques
ou psychologiques ou existentielles». Deuxièmement, le terme «objectiver» va
prêter à confusion et à d'interminables discussions et prêter le flanc aux
objections de tous ordres. Troisièmement, s'il est possible d'objectiver des
souffrances physiques, il n'en est pas de même des souffrances psychologiques
et/ou existentielles chez un patient devenu dément. Quatrièmement, une telle
objectivation reviendrait à nier les volontés exprimées par la <personne...
M. L'Espérance (Georges) :
...et/ou existentielles chez un patient devenu dément.
Quatrièmement, une telle objectivation reviendrait à nier les volontés
exprimées par la> personne alors qu'elle était apte, en particulier chez
les personnes que l'on qualifie à tort de déments heureux. Cinquièmement, les
souffrances physiques ne sont pas nécessairement en lien avec la maladie qu'est
la démence, par exemple des plaies de décubitus, des infections urinaires à
répétition, des fractures non consolidées, qui sont objectivables.
C'est pourquoi nous suggérons la structure
suivante de cet article, donc l'alinéa 2° :
«2° au moment de l'administration de
l'aide médicale à mourir — petit d :
«d) elle semble — petit i :
«i. objectivement éprouver des souffrances
physiques telles que décrites dans sa demande — et la deuxième partie :
«ii. et où elle est à l'étape de sa
maladie qui correspond aux états de souffrance psychologique ou existentielle,
telle que décrite dans sa demande.» Garder les deux conditions conjointement
revient à quasiment refuser l'aide médicale à mourir à tous ces patients, car
comment évaluer la souffrance psychologique ou existentielle d'un patient
dément?
À 29.3, même remarque que ci-haut
concernant le lien entre les souffrances et la maladie, c'est-à-dire la
démence. Notre suggestion, pour être cohérent avec les précédents paragraphes,
est de remplacer aussi le deuxième alinéa tel que cela est précisé dans le
mémoire.
À 29.5 et 29.13, modifier les alinéas
selon les suggestions ci-dessus, à 29.1 et 29.3, toujours pour la cohérence. À
29.9, il est complet tel quel. Et, au nom de nos patients et de leurs proches,
j'en profite pour remercier la ministre et son équipe d'avoir su prévoir les
moyens technologiques à distance. À 29.13, il faudrait préciser ici qu'il
s'agit de l'examen nécessaire lorsque la personne est arrivée au stade où le
tiers de confiance demande une évaluation. Je vous réfère à notre mémoire pour
une formulation intégrative.
Et, pour terminer, je souligne notre
accord complet avec l'alinéa h de l'article 19, et il en est de même de
l'article 20, qui assure ainsi qu'aucun demandeur ne sera lésé de son
droit d'être évalué adéquatement et dans un délai raisonnable, c'est-à-dire
quelques jours au maximum. Cette mesure de sauvegarde permettra de combler un
vide qui était trop souvent utilisé par des opposants pour brimer les droits de
certains demandeurs.
Je cède maintenant la parole à Mme Catherine
Leclerc.
Mme Leclerc (Catherine) : Bonjour.
Donc, je suis membre du conseil d'administration de l'AQDMD, avec Georges. Je
vous remercie de l'opportunité de m'exprimer devant vous aujourd'hui.
Le 13 février, au terme de sept jours
d'agonie en soins palliatifs, ma douce maman a rendu son dernier souffle. Sept
interminables jours et nuits à la veiller jusqu'à ce que son petit corps frêle
cède finalement sous le poids de la dénutrition et de la souffrance. Les
premiers symptômes de l'Alzheimer se sont manifestés très tôt, alors qu'elle
n'avait que 61 ans. Au fil des années qui s'effaçaient, sa réalité
s'écroulait et la plongeait dans une solitude, nous laissant à 1 000 lieues
de son cœur, de son âme, de son monde inatteignable. Elle aura été terrassée
par la maladie pendant 16 longues années, dont les six dernières entre les
murs d'un CHSLD qui lui auront tout volé. Et, bien que ma mère faisait partie
de ce que certains appellent la démence heureuse, je sais avec une certitude
inébranlable qu'elle n'aurait jamais accepté de vivre ainsi et que, si elle
avait eu le choix, elle aurait décidé de mettre fin à ses jours.
• (11 h 50) •
Advenant un diagnostic d'Alzheimer, dont
les probabilités sont malheureusement élevées dans ma famille, je ferai le
nécessaire pour ne pas vivre et ne pas mourir dans les mêmes circonstances que
ma mère. Le dépôt du projet de loi n° 11 m'amène l'espoir d'une grande
sérénité, de nuits paisibles devant un avenir qui est pourtant incertain. Or,
le simple fait de savoir que je ne subirai pas avec impuissance la fatalité
d'un tel diagnostic et que je pourrai donner mon consentement anticipé à une
demande d'aide médicale à mourir lorsque j'aurai atteint des souffrances
physiques et/ou existentielles intolérables selon mes convictions, mes
croyances, mes valeurs personnelles... Et, pour cela, vous avez toute ma
gratitude.
Mais je suis également préoccupée, parce
que l'article 29.1 du projet de loi est formulé de façon à ce qu'on
pourrait refuser d'honorer ma demande anticipée si, à l'instar de ma mère, je
ne sois plus capable de communiquer avec le monde extérieur et que je sourisse
béatement lorsque le moment sera venu. Entériner le projet de loi dans sa forme
actuelle, avec un critère d'observation manifeste de souffrance contemporaine,
physique et existentielle qui soit objectivable, rendra pour moi la possibilité
d'un consentement anticipé inexistant. Avec un diagnostic de maladie
neurodégénérative cognitive, je ne pourrai pas prendre le risque qu'arrivée à
terme ma demande ne soit pas respectée. Alors, je n'aurai pas autre choix que
de procéder à une demande contemporaine d'aide médicale à mourir, soit le...
comme on appelle, alors que je serai <encore...
Mme Leclerc (Catherine) :
...autre
choix que de procéder à une demande contemporaine d'aide médicale à mourir,
soit le... comme on appelle, alors que je serai >encore apte à
consentir, et, de ce fait, en sacrifiant ainsi quelques années de vie de
qualité où j'aurais pu partager des beaux moments auprès de mes proches.
Mmes et MM. les députés commissionnaires,
vous avez entre vos mains le pouvoir de rendre nos dernières années de vie plus
dignes, plus douces. Je vous remercie de votre attention, et Dr L'Espérance et
moi sommes disposés à répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme Leclerc. Merci, monsieur... Dr
L'Espérance. Votre témoignage, Mme Leclerc, nous touche grandement, ce
matin, alors nos pensées sont avec vous. Et je pense que ce que vous avez,
comme témoin... ce que vous avez témoigné va nous aider, va nous éclairer
énormément. Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole à la ministre pour
une période... je m'excuse, j'ai un petit peu... 16 min 30 s. Merci.
Mme Bélanger : Alors, bien,
bonjour, Dr L'Espérance. Bonjour, Mme Leclerc. Un grand merci pour la
qualité et le dépôt, là, de votre mémoire, que j'ai lu avec beaucoup
d'attention. Et, Mme Leclerc, je veux aussi vous offrir mes plus sincères
sympathies à vous et à vos proches, et merci de témoigner de ce que vous venez
de vivre et de nous le partager. C'est très apprécié, ça nous aide à mieux
comprendre le travail que nous avons à faire dans ce projet de loi qui est fort
important.
Dr L'Espérance, j'aimerais vous poser une
première question en lien avec le handicap neuromoteur. Alors, j'aimerais ça,
pour nous éclairer tous et toutes, que vous nous parliez de qu'est-ce que
c'est, le handicap neuromoteur. Comment vous le concevez? Comment vous
définissez ce que c'est, le handicap neuromoteur?
M. L'Espérance (Georges) : C'est
une question qui a été amenée dans l'actualité législative depuis quelques
années. En fait, tout handicap peut être un handicap de tout autre ordre. Le handicap
neurolocomoteur s'entend comme étant un handicap qui touche et les nerfs ou le
cerveau ou la motricité, mais ça fait partie des grands handicaps. Et ce que je
comprends des... du questionnement qui a été amené, depuis quelques années, ça
a toujours été l'exemple d'un jeune homme qui se retrouve paraplégique suite à
un accident, mais une personne qui est née avec une encéphalopathie néonatale,
c'est un handicap neurolocomoteur, une personne qui va... qui est née avec
une... par exemple, un syndrome de moelle attachée, c'est un handicap
neurolocomoteur, une personne qui a une tumeur de sa moelle va avoir un
handicap neurolocomoteur, etc., etc. Je pense qu'on veut tenter de mettre un
peu en opposition le handicap neurolocomoteur avec des handicaps tels que la
vision ou la surdité, mais perdre la vision, c'est un handicap neurologique,
donc c'est un handicap... neuromoteur aussi, en quelque sorte.
Je pense que cette notion de handicap,
elle a été, disons, mise à l'intérieur des maladies par la Cour suprême, par la...
par la Cour fédérale, par le Code criminel fédéral aussi. La seule... Pour moi,
là, et puis je ne suis pas tout seul, je peux vous garantir que tous mes
collègues puis même le Collège des médecins a le même avis, le seul élément qui
est très... qui ne devrait jamais être touché, c'est le handicap intellectuel
de naissance, handicap intellectuel sévère. On ne parle pas de quelqu'un qui a
un handicap léger, mais un handicap intellectuel sévère, c'est une personne qui
ne pourra jamais décider pour elle-même. Et ça, ça devrait être totalement
exclu à tout jamais pour des raisons très évidentes de consentement.
Tout le reste, et je l'explique dans notre
annexe, toute maladie amène un handicap, qu'il soit léger ou important, qu'il
soit temporaire ou transitoire. Et je vous... dans le mémoire, je parle de
l'exemple de la COVID. Tout le monde l'a vécu. Donc, toute maladie amène un
handicap, et tout handicap vient d'une maladie, que ce soit une maladie
néonatale, que ce soit une maladie à la naissance, toute... une maladie
infectieuse, etc.
Donc, cette notion de handicap... je sais,
toutes les discussions qu'il y a eu, on ne va pas refaire ici... parce qu'on
n'a pas le temps, mais, dans l'annexe, on en parle. Mais là cette question du
handicap neuromoteur, et avec tout le respect que j'ai pour Mme Hivon, et
elle le sait, c'est une... Mme Hivon a beaucoup insisté sur cet aspect-là,
mais tout ça a été largement discuté déjà au niveau fédéral. Puis, au niveau du
Québec, je pense que la question du handicap a aussi été discutée lorsqu'on
parlait de maladie. On ne peut pas faire la différence entre une maladie et un
handicap, mais je pourrais discuter longtemps, mais je vais vous laisser poser
d'autres questions.
Mme Bélanger : Mais...
hein, c'est vraiment intéressant, mais vous... ne trouvez-vous pas que le fait
d'enlever la qualification de neuromoteur et de parler de handicap, sans balise...
Est-ce qu'il n'y a pas un risque qu'on assiste à un dérapage? Parce que la
notion de handicap, vous l'avez mentionné, c'est quand même une <situation...
Mme Bélanger :
...est-ce
qu'il n'y a pas un risque qu'on assiste à un dérapage? Parce que la notion de
handicap, vous l'avez mentionné, c'est quand même une >situation qui
peut être très, très large. Alors, vous croyez que ce n'est pas nécessaire que,
dans le projet de loi... que, dans la loi, on vienne préciser de quoi on parle
quand on parle de handicap?
M. L'Espérance (Georges) : Non,
parce qu'un handicap vient d'une maladie, et, de toute façon, les autres
critères sont là. L'aptitude, bien sûr, mais une maladie grave et incurable...
Je vais donner un exemple complètement banal, là. Mettons que j'ai un handicap
parce que je me suis coupé le majeur. Bon, bien, j'ai un handicap, c'est
certain, mais ce n'est pas une maladie grave et incurable, là. C'est peut-être
incurable, mais ce n'est pas une maladie grave et ça n'amène pas un déclin
irréversible, etc., etc. Donc, tous les autres critères sont là.
C'est vraiment... Cette histoire du
handicap moteur amène des... disons, des blocages, pour certains, qui n'ont pas
lieu d'être. D'ailleurs, le Collège des médecins, en 2021, a averti tous les
médecins que, s'ils suivaient le Code criminel canadien, bien, il n'y aurait
pas de problème, mais je pense que vous savez tous ces éléments-là déjà. Mais
je ne crois pas que, dans une loi, il soit obligé de le... de le qualifier. Ça
devient un problème clinique qui doit... qui doit être dans les guides
cliniques. Par contre, ce que j'aimerais beaucoup voir dans la loi, si vous me
permettez, ce serait d'indiquer que cela exclut le handicap intellectuel
sévère, et ça, point final, quant à moi.
Mme Bélanger : D'accord.
Peut-être une autre question, puisque vous êtes là. Vous avez parlé tantôt...
et vous avez parlé de la classification de dément heureux, mais à tort.
M. L'Espérance (Georges) : ...
Mme Bélanger : J'aimerais
vous entendre là-dessus, parce qu'on entend aussi complètement des positions
très différentes par rapport à ça. Alors, vous entendre, comme spécialiste :
Dément heureux, est-ce que ça existe? Est-ce que c'est un diagnostic? Votre
position par rapport à ça.
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
je ne suis pas certain du tout que c'est un diagnostic. C'est plus une
constatation que les soignants font ou que les familles peuvent faire, mais,
Catherine l'a très bien exprimé, un dément heureux, c'est vraiment dans la
vision de celui qui voit le patient. Mais le patient, qui, lui, alors qu'il
était apte et qu'il avait toute son aptitude et sa conscience... je ne suis pas
du tout certain qu'il est heureux... qu'il serait heureux de se voir dans la
condition où il est après. C'est pour ça que, pour moi, la question de la
démence heureuse est une question qui est un petit peu... disons, pour être
poli, un peu tendancieuse. D'ailleurs, Judes Poirier, qui est le grand
spécialiste de ça, avait très bien, aussi, fait un témoignage devant la
commission. Peut-être, Catherine aurait un mot à dire sur la... sur la démence
heureuse. J'ajouterais juste une chose : Est-ce qu'il y a un seul d'entre
vous qui veut se voir assis, dément, et en pensant qu'il va être heureux?
Mme Bélanger : Oui,
c'est une bonne question. Ça va pour moi, merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci, Mme la ministre. Mme la députée de
Roberval.
Mme Guillemette : Merci.
Mes sympathies, Mme Leclerc. On est de tout cœur avec vous, et merci
d'être ici pour nous partager votre vécu, parce que c'est important d'avoir des
témoignages comme le vôtre dans la commission.
Dr L'Espérance, c'est un plaisir de vous
retrouver, on a eu plusieurs discussions. Et moi, je vous ramènerais sur la
notion du refus. Je sais que vous administrez l'aide médicale à mourir. Vous
réagissez comment à quelqu'un qui se débat, qui ne veut pas, qui semble
manifester un refus, mais qui a, d'emblée, avant ça, manifesté son intention
d'avoir l'aide médicale à mourir? On fait quoi avec ça, légalement, et pour
vous aussi, là, pour la conscience du médecin?
• (12 heures) •
M. L'Espérance (Georges) : Oui.
D'abord, je tiens à préciser que Catherine, ce matin, est avec nous, est à
Vancouver, imaginez-vous, alors merci encore plus d'être là. La question du
refus... Ce matin, j'écoutais les autres intervenants, et je trouve ça
intéressant, c'est la première fois que ça m'allume une lumière, parce qu'on
parle de refus, mais, en fait, la plupart du temps, sinon, la majorité du
temps, c'est une résistance, et je pense que M. Maclure l'a très bien dit.
Et, la résistance, on la voit partout, je dirais, en clinique. Si vous avez un
patient qui arrive intoxiqué à l'urgence, il va être résistant. Si vous avez un
patient qui est... puis je le sais, j'en ai vu, dans ma vie, qui est comateux,
mais, disons, léger, ou qui est en trouble de conscience, il va être résistant
au traitement qu'on veut lui donner. Donc, la résistance, c'est une chose, et
je pense que les explications qu'on a eues, ce matin, vont dans ce sens-là.
Le refus, c'est une tout autre chose. Et
moi, j'aurais... j'ai tendance à penser comme M. Maclure, si j'ai bien
compris sa pensée, parce que c'est un philosophe, ça fait qu'il faut être... quand
même écouter comme il faut. J'ai tendance à penser que, pour avoir un refus, il
faut que le patient soit apte. Par définition, s'il est rendu dément, il n'est
plus apte à présenter un refus. Et donc je crois qu'on revient à la case... au
carré n° 1 : Qu'est-ce que la personne veut lorsqu'elle est apte?
Qu'est-ce qu'elle a décidé de vouloir pour sa fin de vie lorsqu'elle est apte? Arrivé
au moment où elle est inapte, il peut y avoir une résistance, mais la
résistance, on la vit assez régulièrement, les soignants qui... avec des
personnes <âgées la vivent...
>
12 h (version révisée)
< M. L'Espérance (Georges) :
...arriver au moment où elle est inapte, il peut y avoir une
résistance, mais la résistance, on la vit assez régulièrement. Les soignants
qui... avec des personnes >âgées, ils la vivent, les soignants qui sont
dans des urgences ou ailleurs. On vit cette résistance-là, et, bon, il y a des
moyens, soit médicamenteux soit doux, d'amoindrir la résistance du patient. Mais
moi, je n'aurais pas de problème avec cet élément-là, de diminuer la résistance
du patient, qui peut être tout à fait normale. Si vous voulez mettre un
cathéter à quelqu'un qui est un peu agité, vous allez avoir de la résistance.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci, Dr L'Espérance. Je céderais la parole à ma colère.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, je pense qu'on a une question de la
députée de Vimont.
Mme Schmaltz : Bonjour, M.
L'Espérance, Mme Leclerc. Mme Leclerc, veuillez accepter mes
condoléances, de tout cœur.
En fait, ma question s'adresse à M. Leclerc,
ça concerne le point de J... le point J de votre mémoire. Et puis vous
mentionnez que ce sont les concepts qui posent problème au plan clinique et que
ça tourne autour de termes. J'aimerais vous entendre concernant les termes «physique»,
«psychique», «psychologique» et «existentiel», parce que, moi, dans ma tête, j'imagine
que «psychique», «existentiel», c'est un peu la même chose, versus «psychologique».
Pourquoi on en enlève un, mais on rajoute deux termes supplémentaires?
M. L'Espérance (Georges) : C'est
simple, vous avez raison, c'est simplement le fait que le terme «psychique»
fait beaucoup plus référence aux pathologies de santé mentale, et comme nous ne
sommes pas là et que, la plupart du temps, d'ailleurs, les gens vont présenter
une souffrance psychologique, à savoir : qu'est-ce qu'il va m'arriver... etc.
Et l'existentiel, bien, ça, c'est un élément qui est... je dirais, un élément
de surplus, particulièrement pour les patients qui se font donner un diagnostic
de maladie dégénérative cognitive, l'Alzheimer ou autre.
Parce que la grosse question... Et là je
vais laisser Catherine parler, parce que la grosse question, dans l'existentiel,
dans une maladie comme ça, c'est : Qu'est-ce qui va m'arriver? À quoi va
servir ma vie quand je vais devenir complètement dément? Catherine, je voudrais
que tu complètes là-dessus.
Mme Leclerc (Catherine) : Oui.
Bien, en fait, je pense que c'est donner un sens à sa vie. Donc, c'est : mon
existence sert à quoi? Et je pense que c'est la question qu'on se pose tous. Et
c'est aussi souvent de cette question-là qu'on va avoir, d'un autre côté, des
résistances de communautés religieuses, parce que, pour eux, le sens de la vie
vient d'un dieu quelconque, là, peu importe lequel c'est dans la gamme de dieux.
Mais, si je peux me permettre, en quoi
est-ce que c'est plus moral, ou acceptable, ou catholique, ou peu importe, de
mettre quelqu'un en sédation continue pendant des jours et des nuits en
attendant qu'elle décède de dénutrition? Donc, rendu là, si, moi, mon... si
moi, je me place dans une situation où qu'on me donne un diagnostic d'Alzheimer,
et ayant vu ma mère dépérir, avec pourtant une démence heureuse et avec des
soins d'une qualité... On va se le dire, là, mon père, quand elle ouvrait les
yeux le matin, à 7 h 30, il était déjà au CHSLD, il prenait soin d'elle
de huit à 10 heures par jour, il quittait seulement pour aller dîner. Et,
lorsqu'elle fermait les yeux pour s'endormir, à 7 h 30 le soir, il
était toujours à ses côtés. Pour elle, c'est comme s'il vivait avec elle au
CHSLD. Donc, si même dans ce genre d'accompagnement là, d'amour... je suis
persuadée... Et moi, je ne voudrais pas vivre dans une situation comme ça parce
que, pour moi, ma vie n'aurait plus de sens, donc, mon existence n'aurait plus
de sens. Ma mère, ça fait longtemps qu'elle était décédée, d'une certaine
façon.
Donc, je pense que c'est un peu là où la
douleur existentielle est. Je suis qui, moi, comme... c'est quoi, mon identité?
Donc, tout ça disparaît au fil que la maladie vient affecter différentes
cellules de ton cerveau. Et la possibilité de sourire que ma mère avait
encore... Je l'avais déjà exprimé lors de la commission, en 2021, la seule
raison pourquoi ma mère souriait, c'est parce que la maladie ne lui avait pas
encore arraché la possibilité de le faire. J'ai deux de mes tantes qui ont
aussi la maladie d'Alzheimer. Il y en a une, malheureusement, que, vers la fin,
son cerveau était affecté de façon qu'elle criait ou... mais c'est juste une
question de quelle partie du cerveau ou d'inhibition a été affectée par la
maladie, de quelle façon, physiquement, ton corps a souffert de la maladie, qui
fait que tu vas pouvoir sourire ou pas, ou avoir un comportement x, y, z. Donc,
pourquoi quelqu'un dont la maladie a évolué de façon où qu'elle crie ou
manifeste des signes qui semblent, dans notre perception à nous, représenter de
la souffrance aurait droit qu'on honore sa demande anticipée et ses volontés,
alors que quelqu'un dont le cerveau a été <affecté...
Mme Leclerc (Catherine) :
...aurait
droit qu'on honore sa demande anticipée et ses volontés, alors que quelqu'un
dont le cerveau a été >affecté d'une manière différente, lui, on ne
respecte plus ses volontés? Moi, ça m'inquiète vraiment parce que, comme je
vous disais tout à l'heure, si j'ai la moindre des chances, avec un diagnostic
d'Alzheimer, de faire une démence heureuse comme ma mère, bien, je vais
demander l'aide médicale à mourir alors que je suis encore apte, je ne prendrai
pas la chance. Je ne prendrai pas la chance. Puis, quand je dis : Je ne
veux pas mourir comme ma mère, là, bien, c'est surtout : Je ne veux pas
vivre comme ma mère les dernières années. C'est ce qui... Voilà.
M. L'Espérance (Georges) : Si
je peux prendre une seconde, Mme la députée... La souffrance physique
s'objective très bien. Pas besoin de faire de dessin. La souffrance
psychologique, c'est : bien là, qu'est-ce qu'il va m'arriver, là, je vais
mourir comment. Ça, c'est une souffrance psychologique, c'est... qu'est-ce qu'il
va m'arriver. La souffrance existentielle, c'est : Qu'est-ce que je vais
faire? À quoi va servir ma vie? C'est ça, l'existence, le sens de l'existence.
Je n'aurai plus de sens de l'existence quand je serai rendu dément. C'est pour
ça que moi, je suggère fortement qu'on... D'ailleurs, quand on rencontre nos
patients, on évalue toujours les trois termes : physique, psychologique, existentiel.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Je pense qu'il reste 1 min 16 s.
Mme la députée de Soulanges, rapidement.
Mme Picard : Merci
beaucoup pour votre apport à la commission. J'aimerais savoir, selon vous,
quelles seraient les bonnes balises pour la demande anticipée, en quelques
secondes.
M. L'Espérance (Georges) : Les
balises...
Mme Leclerc (Catherine) : Bien,
moi, je pourrais peut-être y aller, parce que, dans mon mémoire, si vous voulez
vous référer, mon mémoire de 2021, pour moi, j'aimerais, si ça m'arrive,
pouvoir dire... séparer en différentes catégories. Donc, par exemple, maladie
d'Alzheimer, on sait que c'est sur sept stades, bien, dire : Bon, bien,
lorsque je serai arrivée à tel stade des sept stades de la maladie... et de
pouvoir combiner avec certains critères. Donc, oui, là, c'est parce qu'on sait
que les maladies n'évoluent pas de façon linéaire, d'un stade à l'autre, de
façon très structurée, hein, évidemment, donc on pourrait dire... par exemple,
dans mon cas, ce serait lorsque je serais arrivée au stade cinq et que j'aurai
rencontré les symptômes suivants, donc : je ne reconnais plus mes proches
depuis minimum six mois, je ne suis plus en mesure de m'alimenter seule, je ne
suis plus en mesure de... Donc, et là, à ce moment-là, ces critères-là, physiques
ou cognitifs... donc, je n'arrive plus, par exemple, à faire telle ou telle
activité d'autonomie physique, cognitive et... selon les barèmes de la maladie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup.
Mme Leclerc (Catherine) :
...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. On va poursuivre, de toute façon, la discussion.
Merci, Mme la députée. Je me tourne du côté de la députée de Westmount—Saint-Louis,
pour une période de 9 min 54 s. La parole est à vous.
• (12 h 10) •
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre témoignage et ce que vous avez
partagé avec nous, Dr L'Espérance et Mme Leclerc, puis mes condoléances
sincères en ce qui concerne le départ de votre mère. Votre histoire est très
touchante, puis ce que vous venez d'évoquer, ça me ramène à la même question
que j'avais partagée tantôt aussi, je pense que ça va être... d'où l'importance
de revoir le formulaire. Ça fait que je relance la demande, si ce n'est pas
écrit, mais de s'assurer qu'on va pouvoir tous contribuer aux critères de ce
qu'on verra à l'intérieur de ce formulaire. Parce que ce que vous venez
d'évoquer est quand même important. Puis c'est très personnel, les choix de
chacun seront aussi personnels, puis je souhaite que ce soit pris en
considération.
Dr L'Espérance, je souhaite revenir sur la
notion de handicap, parce que vous dites que nous devons enlever «neuromoteur».
J'ai entendu les échanges que vous avez eus avec Mme la ministre et je partage
les préoccupations, mais vous avez aussi ajouté des notions de handicap grave
et incurable. Selon vous, je présume que ce serait important d'avoir une
définition dans la loi, en ce qui concerne c'est quoi, la notion de handicap? Parce
que vous avez aussi parlé de, par exemple... ça peut être un handicap si nous
avons perdu notre vision.
M. L'Espérance (Georges) : Oui,
bien, encore une fois... D'abord, premièrement, la Cour suprême n'a jamais
donné de liste de maladies, la Cour suprême a toujours parlé de maladie,
affection ou handicap. Et je ne pense pas qu'en faisant une liste de handicaps
on soit beaucoup plus avancés, parce que le handicap... ce que j'ai dit tout à
l'heure, c'est que les autres critères sont tout aussi valides, bien sûr :
maladies graves et incurables, etc. Donc, le handicap, c'est inclus à
l'intérieur de cela.
Mon point, c'est que cette différence
entre le handicap et les maladies, que l'on fait depuis quatre, cinq ans, au
Québec, n'a pas sa raison d'être, au point de vue médical, s'entend. Et, encore
une fois, les exemples que l'on donnait souvent, c'était, par exemple, le jeune
homme de 25 ans qui a une blessure de sa moelle, qui devient paraplégique,
pourra obtenir l'aide médicale à mourir. Il n'y a aucun médecin qui va donner
l'aide médicale à mourir à un jeune <homme...
M. L'Espérance (Georges) :
...l'aide médicale à mourir. Il n'y a aucun médecin qui va donner
l'aide médicale à mourir à un jeune >homme comme ça. Pourquoi? Parce
qu'on sait qu'il y a une étape de consolidation. Normalement, toutes les
blessures du système nerveux, il y a deux ans qui s'écoulent avant qu'on parle
de séquelles définitives, il y a des fois où c'est plus rapides que d'autres,
mais, d'autre part, il y a tout le processus de réadaptation. C'est vrai pour
les traumatismes crâniens, c'est vrai pour les traumatismes médullaires.
Mais ce terme... de vouloir définir un
terme de «handicap» alors que, dans la médecine, c'est défini, «handicap»,
c'est tout ce qui ne concerne pas un fonctionnement normal du corps... Alors, à
chacun de définir ce qui est, pour lui, un handicap, mais il faut les autres
critères, maladie grave et incurable, etc. Et ça nous met en porte-à-faux avec
tous les... tous les citoyens ici sont en porte-à-faux avec les autres citoyens
canadiens, qui, eux, n'ont pas à définir ce type de problématique là.
Mme Maccarone : Bien, ça
m'amène des préoccupations de la perception qu'on donne de la vie d'une
personne en situation de handicap, parce qu'il y en a plusieurs, entre autres,
comme... Par exemple, Jonathan Marchand, qui a fait une protestation devant
l'Assemblée nationale, lui, il fait face... puis il vit avec une maladie grave
et incurable, mais il souhaite vivre. Alors, je veux vraiment agir avec de la
prudence puis utiliser des mots qui sont justes puis délicats, parce que je ne
veux surtout pas donner l'impression que ces personnes... c'est comme un
commentaire qu'on fait en ce qui concerne la qualité de leur vie.
Surtout que vous faites la comparaison
avec une personne, mettons, qui a eu un accident d'automobile, vous l'avez
évoqué, qui est en période de réadaptation, mais là on ajoute aussi la notion
de souffrance, puis c'est là où je me retrouve dans... vous avez dit un
questionnement existentiel, comment déterminer la souffrance de cette personne
si... Parce que vous avez dit «s'échelonne sur plusieurs années», dans votre
mémoire. Par exemple, il n'y a aucun médecin qui va administrer l'aide médicale
à mourir à ce jeune homme de 24 ans qui vient d'avoir un accident
d'automobile, qui a perdu l'utilisation de son corps, il est quadriplégique,
mais combien d'années... Si, mettons, il revient cinq ans plus tard, après cinq
ans de rétablissement, de travail, mais la souffrance qu'il a... il est en douleur
et il souffre psychologiquement parce qu'auparavant c'était un athlète
olympique, est-ce que lui, il serait éligible pour recevoir l'aide médicale à
mourir, selon la définition de la notion de «handicap grave et incurable»?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
il a une maladie grave et incurable, il a eu une blessure de sa moelle, c'est
incurable. Il a eu... il a des souffrances physiques, psychologiques ou
existentielles, il a eu tout ce qu'il fallait pour avoir... c'est-à-dire, on a
vérifié qu'il avait eu tout ce qu'il fallait comme aide par la suite,
réadaptation, etc. Donc, après, on ne peut pas mettre dans une loi un délai,
mais, après cinq ans, huit ans, 10 ans, cette personne-là peut revenir
avec une demande, et là on refait le même processus.
Je ne vois pas où il y a vraiment un
problème, parce qu'on pourrait poser le même questionnement avec une maladie,
une personne peut avoir une maladie, et, parce qu'elle a une maladie, on
considère les autres critères, et elle va être admissible, mais, parce que
c'est un handicap neuromoteur, là, à ce moment-là, on ne considère pas, il faudrait
qu'il y ait des délais. On ne peut pas fonctionner comme ça. Le handicap vient
d'une maladie, et on peut tourner ça dans tous les sens, un handicap, ce n'est
pas une entité en soi, le handicap vient d'une maladie.
D'autre part, et vous avez raison de dire
qu'il y a des gens qui se sentent très... mais l'aide médicale à mourir, ce
n'est pas du tout donné à tout le monde, c'est donné à la personne qui le
demande. Alors, il y a plein de gens handicapés, très lourdement handicapés qui
ont des vies extraordinaires. On a eu des collègues, nous, un collègue
psychiatre à Québec, qui est maintenant décédé, malheureusement, mais qui a eu
une vie extraordinaire. Il y a plein de gens comme ça qui ont des vies
remarquables, c'est leur choix, mais, pour certaines personnes qui ont un
handicap lourd qui vient d'une maladie, x, y, z, bien, eux, s'ils demandent
l'aide médicale à mourir, on doit évaluer ces patients-là de la même façon
qu'on évalue les autres, et non pas par rapport au regard d'un groupe de
patients handicapés. Mme la juge Baudoin, dans sa décision de la Cour
supérieure, avait très bien élaboré sur ce sujet-là et a donné de très belles...
très beaux paragraphes juridiques, et je dirais même un peu cliniques et
philosophiques, sur ces aspects-là.
Mme Maccarone : Merci.
J'avoue, je réitère quand même ma préoccupation que, si ce n'est pas bien
défini dans la loi... j'ai des préoccupations que, malgré qu'il va y avoir
quelqu'un qui pense qu'il devrait avoir recours à l'aide médicale à mourir... sera
refusé parce que ce n'est pas clair, parce que c'est flou en ce qui concerne la
définition de qui qui devrait être éligible si on n'a pas des critères. Puis je
ne vous demande pas d'élaborer une liste de toutes les <maladies...
Mme Maccarone :
...si
on n'a pas des critères. Puis je ne vous demande pas d'élaborer une liste de
toutes les >maladies dont on... devrait dire que vous, vous êtes
éligible, mais vous, vous n'êtes pas éligible, mais, si ce n'est pas clair puis,
si on n'a pas des balises en place... Par exemple, on parle de la souffrance
puis, comme on sait, lors des débats que nous avons eus dans la commission
spéciale, c'est très difficile de déterminer et d'évaluer la souffrance aussi d'une
personne parce que c'est subjectif. Moi, la façon que je souffre va être
différente que la façon de ma collègue de Châteauguay va souffrir, ce n'est pas
du tout la même affaire.
Alors, je vous mets dans la même
circonstance, quelqu'un qui est dans un accident d'automobile, il perd l'utilisation
de son corps, puis l'autre personne qui est dans le même accident d'automobile
perd sa vision et ses capacités auditoires, mais, pour cette personne, qui est
musicien, cette personne qui... puis c'est sa façon de gagner sa vie, bien, il
est en train de souffrir. Puis là on n'est plus dans un état, parce qu'on ne
parle plus de soins de fin de vie, on parle des maladies, parce qu'on parle d'aide
médicale à mourir, ça fait que je suis préoccupée de savoir comment que ça va
être administré puis, pour vous, les médecins, comment vous allez faire des
choix.
Puis vous avez parlé d'harmoniser,
beaucoup, dans votre mémoire, avec la loi fédérale, ici, avec notre Code civil,
par exemple, puis ce que nous allons faire, en termes de cette loi, mais je
suis préoccupée, parce que, dans un an, par exemple, on doit prendre en
considération les troubles mentals, parce que c'est juste un retard, alors nous
allons faire face à encore un débat. Ça fait que je souhaite mieux vous
équiper. Dans le fond, c'est ça la problématique, je pense, que... dont nous
faisions face.
M. L'Espérance (Georges) : La
santé mentale est un autre sujet, on est tout à fait d'accord, mais le
handicap, ça fait six ans qu'on se débat avec ça, nous, comme médecins, et c'est
la... Pour le Canada anglais, ça ne pose pas de problème. Encore une fois, c'est
une question médicale, et, en fait, la réponse est un peu dans votre question
parce qu'on ne peut pas, nous, dans le regard du patient, savoir si la
souffrance est existentielle ou psychologique. C'est le patient qui ressent sa
souffrance, et nous, notre travail, c'est de l'écouter et de tenter de voir par
tous les moyens possibles quelle est cette souffrance, si elle est réitérée, si
elle persiste dans le temps. C'est ça, notre travail, mais ce n'est pas à nous
de décider, surtout pas, et personne d'autre d'ailleurs, de décider à quel
niveau le patient souffre.
Mme Maccarone : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je vais maintenant céder la
parole à la députée de Sherbrooke pour une période de 3 min 18. La
parole est à vous.
• (12 h 20) •
Mme Labrie : Merci, Mme
la Présidente. Merci d'être ici ce matin. Mme Leclerc, mes sympathies pour le
décès de votre mère. J'essaie de voir comment on peut répondre aux problèmes
que vous nous énoncez par rapport à votre propre vie, parce que vous n'êtes pas
la seule à vous poser ces questions-là, évidemment, on voit tous venir des
situations comme celle-là. Est-ce que vous voudriez pouvoir dire, de manière
anticipée, vos volontés par rapport à la démence heureuse? Puis je me demande,
si on ajoutait la notion de souffrance existentielle puis qu'une personne, dans
sa demande anticipée, pouvait énoncer clairement que, pour elle, vivre dans une
situation que certains appellent la démence heureuse, ce serait une souffrance
existentielle, est-ce que ça permettrait de répondre à l'enjeu que vous
soulevez puis de laisser une certaine souplesse aussi? Parce que ce n'est pas
nécessairement perçu par tout le monde de la même manière, là, l'état de
démence heureuse. Certains peuvent trouver, comme vous, par exemple, que ce
n'est pas du tout une belle qualité de vie, d'autres pourraient trouver que ce
que ça ne nécessite plus d'avoir recours à l'aide médicale à mourir. Donc,
pensez-vous que ce serait une manière de répondre à la préoccupation que vous
énoncez?
Mme Leclerc (Catherine) : Bien,
écoutez, de façon très, très, très simple, on pourrait juste inscrire dans la
demande : si je semble présenter des symptômes d'une démence heureuse,
procéder ou ne pas procéder à la demande. Donc, à ce moment-là, s'il y a des
gens qui... pour eux, se disent : Bien, si ma maladie se développe et que
j'ai l'air d'être bien dans ma maladie, comme on entend des fois, puis qu'ils
sont prêts à vivre avec ces conséquences-là, que leurs demandes deviennent
caduques selon ce qu'ils présentent comme symptômes, bien, c'est leur choix,
libre à eux, aucun problème.
Moi, je ne veux pas, par exemple, me voir
privée de ma demande anticipée parce que, dans le regard de quelqu'un d'autre,
je paraîtrais ne pas souffrir à ce moment-là. Donc, ça pourrait être très
simple, effectivement, de mettre une coche... une case à cocher : démence
heureuse, procéder ou ne pas procéder, et voilà. Des fois... (panne de son)
Mme Labrie : Est-ce que,
de votre point de vue, ça nécessite une modification législative, de pouvoir procéder
comme ça, ou c'est plutôt une question, là, de <formulaire...
Mme Labrie :
...de
pouvoir procéder comme ça ou c'est plutôt une question, là, de >formulaire,
à la fin?
Mme Leclerc (Catherine) : Pour
moi, c'est plus une question de formulaire, et de protocole, et de façon, donc,
comme le formulaire dans lequel on va combiner les différents critères qu'on va
vouloir voir appliquer dans notre demande. Donc, je crois qu'à ce moment-là ça
pourrait faire partie du formulaire et que ça ne devrait pas être enchâssé dans
une loi, parce que, tu sais, les choses peuvent changer, et le formulaire va
être plus apte à s'adapter à la réalité du futur qu'un projet de loi ou qu'une
loi.
Mme Labrie : Donc, ce
n'est pas nécessairement la rédaction de la loi actuelle qui vous fait craindre
qu'on vous empêche d'exécuter votre volonté, c'est plutôt parce qu'on ne
connaît pas encore la teneur, là, du formulaire.
Mme Leclerc (Catherine) : En
fait, la façon dont, présentement, c'est inscrit, avec le caractère
objectivable de la souffrance psychologique ou existentielle, ça, ça m'inquiète,
parce que ça, ça m'empêcherait qu'on exécute ma demande anticipée. Donc, si, à
ce moment-là, on met comme de quoi... Bien, en fait, oui, ça pourrait être
contourné par un formulaire qui dit : Dans le cas où n'est pas
objectivable une souffrance existentielle ou... de procéder quand même selon
les critères qui ont été décrits dans la demande anticipée.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour votre réponse, Mme Leclerc. Je
passe maintenant la parole, pour 3 min 18 s, à la députée de Laviolette—Saint-Maurice.
Merci.
Mme Tardif : Mme Leclerc,
je vous réitère ce que mes collègues nous ont dit, là, mes sincères
condoléances, et j'aime croire que votre mère vous accompagne, donc, vous et
votre famille.
Dr L'Espérance, sans diminuer l'importance
de l'objection qu'un patient a au moment... ou la réaction qu'un patient peut
avoir au moment de lui administrer l'aide médicale à mourir suite à sa demande,
quel est l'impact de la médication qu'on donne au patient sur leur comportement
à... être heureux ou agressif? Parce que j'ai suivi aussi mon père jusqu'en fin
de vie et j'ai constaté qu'il y a des... certains médicaments qui les rendent
agressifs, malheureusement.
Et je sais que ce n'est pas dans ce projet
de loi, actuellement, ce n'est pas dans le projet de loi, mais on a reçu des
demandes à avoir une certaine ouverture... Je me questionne et j'aimerais avoir
votre avis par rapport au fait qu'il y a des parents qui ont vu leurs grands
adolescents souffrir le martyre, qui ont vécu le décès de leurs enfants avec
des maladies incurables, irréversibles, souffrants, tous les mêmes critères,
là, et qui ont recommandé qu'on ait une certaine ouverture par rapport à la
voie... que ce soit la voie naturelle, raisonnablement prévisible... Surtout
qu'il apparaît que, peut-être incessamment, le gouvernement fédéral va modifier
les critères d'admissibilité. Donc, je veux avoir... Je ne me positionne pas,
je veux avoir votre avis médical par rapport à ces deux points. Merci.
M. L'Espérance (Georges) : Bon,
bien, effectivement, ce n'est pas dans le projet de loi. Notre position est
très claire là-dessus, et la mienne, comme médecin, l'est encore plus : ce
qu'on appelle les mineurs matures, disons à partir de 12 ans, ce n'est pas
tellement l'âge qui est important, c'est la capacité de l'enfant de comprendre
sa situation.
Deuxièmement, les jeunes qui ont le malheur
d'avoir de telles pathologies, d'abord, on s'entend que ce serait tous dans la
voie un, c'est-à-dire la mort naturelle raisonnablement prévisible. La très
grande... la totalité, ce sont des cancers, des saloperies, permettez-moi ce
mot qui n'est pas très parlementaire, ce sont des cochonneries, ce sont des
jeunes qui passent une partie de leur vie à l'hôpital. Ils ont des chirurgies,
de la radiothérapie, de la chimiothérapie, ils sont amputés. C'est effrayant.
Et on arrive à un jeune, disons, de 17 ans et demi et on lui dit :
Bien non, tu ne peux pas avoir l'aide médicale à mourir, attends six mois,
souffre encore, puis, à 18 ans, tu vas pouvoir demander. Alors, il y a
quelque chose de complètement incongru dans ça.
Et j'ajouterais que ces jeunes-là, puis
moi, j'en ai traités, au début de ma carrière, des jeunes avec des pathologies
sévères, là, ils ont une maturité que bien des gens n'ont pas à l'âge adulte.
Et je pense que de priver des jeunes de 12 à 18 ans de leur autonomie
alors qu'ils sont très, très aptes à décider pour eux-mêmes... je pense, ce
n'est pas très correct, mais ça ne fait pas partie du projet de loi actuel.
Mme Tardif : Et, par rapport
à la médication qu'on donne, est-ce que ça pourrait jouer sur le comportement,
justement, d'une personne qui semble... ou qui... Elle peut aussi changer
d'idée, là, mais, parfois, elle semble changer d'idée, et, des fois, j'attribue
ça sur la médication qui est tellement <forte...
Mme Tardif :
...parfois
elle semble changer d'idée, et, des fois, j'attribue ça sur la médication qui
est tellement >forte, qui leur est donnée et qui les rend agressifs.
M. L'Espérance (Georges) : Vous
avez raison. Pour des patients qui sont encore aptes, effectivement, on va voir
des modifications de comportement. Là, je sors pas mal de mon domaine de
compétence, même, mais il reste... c'est vrai que la médication peut amener une
modification du comportement chez des patients.
Maintenant, chez des patients qui sont
devenus inaptes, chez des patients déments, on va avoir les mêmes réactions
physiologiques ou physiopathologiques, mais on tourne toujours dans la même
chose : ce patient-là est devenu dément, ce n'est plus la même personne qu'il
a été pendant toute sa vie. Alors, je crois que c'est pour ça qu'on doit
respecter l'autonomie, la dignité de ce patient-là alors qu'il était lui-même
ou elle-même, là, alors que cette personne-là était elle-même ce qu'elle a été
toute sa vie, ce qu'elle a représenté, sa dignité et son autonomie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dr L'Espérance. À nouveau,
Mme Leclerc, merci beaucoup pour votre témoignage. Nos sincères
condoléances.
Je vais suspendre les travaux jusqu'à
l'avis touchant les travaux des commissions cet après-midi. Merci beaucoup à
tous et à toutes.
(Suspension de la séance à 12 h 27)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 21)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons, donc, reprendre
nos travaux avec la Commission des relations avec les citoyens.
Je rappelle le mandat, nous poursuivons,
donc, les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de
loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et
autres dispositions législatives.
Cet après-midi, nous allons entendre les
personnes et les organisations suivantes : Mme Véronique Hivon,
ancienne députée de Joliette — je peux maintenant nommer votre nom. Le
Collège des médecins du Québec, Mme Nicole Poirier de Carpe Diem—Centre de
ressources Alzheimer, la Commission <sur les soins...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
...Mme Véronique Hivon, ancienne députée de
Joliette. Je peux maintenant nommer votre nom, le Collège des médecins du
Québec, Mme Nicole Poirier de Carpe Diem—Centre de ressources Alzheimer,
la Commission >sur les soins de fin de vie ainsi que le Curateur public
du Québec.
Donc, pour ces auditions particulières, je
vous rappelle le temps... le temps des auditions, donc, d'une durée maximale de
45 minutes : le temps du gouvernement, 16 min 30 s;
celui de l'opposition officielle, neuf minutes... 8 min 35 s,
parce que nous allons avoir également le Parti québécois — vous
pouvez vous approcher — 2 min 52 s pour le deuxième
groupe d'opposition, 2 min 52 s pour la députée indépendante,
ainsi que 2 min 12 s pour le Parti québécois.
Je vous rappelle, Mme Hivon, que vous
avez 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons ensuite à une
période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite, donc, à
vous présenter ainsi qu'à commencer votre exposé. La parole est à vous.
Mme Véronique Hivon
Mme Hivon (Véronique) : Merci,
Mme la Présidente. Je suis Véronique Hivon, ex-ministre et ex-députée de
Joliette. Je tiens à remercier chaleureusement les membres de la commission de
m'avoir invitée à participer aux présentes consultations. Cela témoigne d'une
ouverture et d'une volonté renouvelée de travailler en collégialité, qui
transcende même maintenant la fin des législatures et des engagements en
politique active. Je veux souligner, d'ailleurs, l'engagement de la ministre
qui présente le projet de loi en tout début de mandat, de l'ex-présidente de la
commission spéciale et de tous les porte-parole des oppositions. Vous êtes
tous, je le sais, très investis.
Mon mémoire est composé de trois sections,
beaucoup plus approfondies que ce que je pourrai reprendre en 10 minutes,
mais je suivrai le même ordre. Je partagerai d'abord quelques remarques
préliminaires, puis je procéderais à une discussion générale des trois enjeux
centraux du projet de loi. Pour ce qui est de la dernière section, je présente
mes observations détaillées sur plusieurs des articles. Je n'aurai pas le temps
de l'aborder, mais il me fera plaisir d'en discuter pendant la période des
échanges.
D'abord, il m'apparaît essentiel de débuter
en rappelant l'importance, lorsque l'on parle d'un enjeu aussi sensible et
complexe que l'aide médicale à mourir, de favoriser le débat social et
parlementaire le plus large qui soit. Si on peut statuer que les fondements du
débat sont bien en place pour la question de la demande anticipée, à la suite
notamment de la commission spéciale et du groupe d'experts Maclure, Filion, il
n'en va pas de même pour la question du handicap, qui n'a pas eu droit au même
type d'exercice, contrairement à la tradition québécoise, d'où l'importance
d'aller au fond des choses dans le cadre de cette consultation-ci et d'entendre
largement, avec beaucoup d'ouverture et sans a priori, tous ceux qui souhaitent
être entendus. Il en va aussi du respect d'une forme de pacte qui a été conclu,
je dirais, lors des débats entourant la loi initiale, avec ceux qui avaient des
craintes et qui arguaient qu'une fois qu'une première ouverture serait faite,
les ouvertures successives se multiplieraient dans une certaine forme
d'automatisme, ce à quoi nous avions, bien sûr, répondu que ce ne serait jamais
le cas et qu'il en allait de la responsabilité première des élus de retourner
chaque pierre face à chaque enjeu. Me sentant un peu comme la principale
dépositaire de ce pacte à ce jour, je souhaite le partager aujourd'hui avec
vous, question que tous les citoyens soient bien rassurés, évidemment, par le
sérieux du travail qui sera fait.
Deuxièmement, il faut rejeter l'idée
d'effectuer de nouvelles ouvertures au seul nom de l'harmonisation avec le Code
criminel. Cela signifierait de taire les débats et d'y aller d'automatismes
allant tout à fait à l'encontre de ce pacte que je viens d'évoquer. La loi
québécoise doit demeurer autoportante et ancrée dans les perspectives, les
valeurs et les consensus du Québec. On se tendrait, de surcroît, un piège à
nous-mêmes en adoptant une telle approche, car ça aurait pour effet de rejeter
le cœur même du projet de loi n° 11, soit la demande
anticipée qui est non prévue, à ce jour, au fédéral, alors qu'elle entre
parfaitement dans nos champs de compétence. Dernière remarque, toujours garder
en tête l'importance de ne pas dénaturer ou rendre désincarnée la philosophie
unique de la loi québécoise qui intègre, on le sait, à la fois les soins
palliatifs et l'aide médicale à mourir sur un continuum et de ne pas migrer
vers une vision de l'aide médicale à mourir comme un geste isolé.
Maintenant, sur la discussion générale, la
demande anticipée d'aide médicale à mourir. Je vais passer rapidement sur les
fondements de l'ouverture à l'aide médicale à mourir par demande anticipée et
sur mon positionnement, ceux-ci étant bien établis dans le rapport de la
commission spéciale de laquelle j'ai eu le privilège d'être membre. Je continue
à être convaincue que la demande anticipée en prévision d'inaptitude est une
avancée humaniste significative qui permettra d'éviter des fins de vie
extrêmement difficiles et très souffrantes. Pour qu'il en soit véritablement
ainsi, toutefois, un souci constant pour les personnes vulnérables devra se
manifester. L'encadrement doit, donc, être <extrêmement réfléchi...
Mme Hivon (Véronique) :
...pour qu'il en soit véritablement ainsi, toutefois, un souci constant pour
les personnes vulnérables devra se manifester. L'encadrement doit, donc, être >extrêmement
réfléchi, strict et rigoureux. De plus, pour que cette ouverture ne demeure pas
qu'une idée théorique, sa faisabilité doit être une préoccupation constante. Ça
signifie à la fois d'avoir des règles claires et des médecins et IPS en nombre
et expertise suffisants pour accompagner les personnes désireuses de faire une
telle demande. Il faudra assurément que la sensibilisation et la formation
soient au rendez-vous.
Au cœur de l'encadrement de la demande
anticipée se trouve, évidemment, le respect des critères actuellement
applicables. Si nous nous éloignons, par exemple, du respect du critère central
de la souffrance contemporaine au moment de l'administration de l'aide médicale
à mourir, ça signifierait qu'il serait moins contraignant pour une personne
devenue inapte que pour une personne apte d'obtenir l'aide médicale à mourir,
alors que tous conviendront que la vulnérabilité plus grande des personnes
inaptes commande, au contraire, une vigilance accrue.
En ce qui a trait précisément, donc, aux
critères des souffrances constantes et insupportables, la formulation proposée
dans le projet de loi nous apparaît adéquate dans la mesure où elle indique
clairement que, pour que l'aide médicale à mourir soit administrée, il faudra à
la fois qu'il y ait présence de ce qui est mentionné dans la demande anticipée
et présence de souffrances vécues au moment de l'évaluation de la personne.
Certaines questions devront toutefois trouver des réponses sans aucune
ambiguïté dans le cadre de l'étude détaillée. Qu'est-ce qui sera considéré
comme une demande faite, de façon détaillée, au sens de l'article 29.3, cela
se fera sur un formulaire où l'on coche des cases ou par une véritable
description faite par la personne permettant de vraiment tenir lieu de témoignage?
Si une personne prend soin de faire une
demande anticipée et prévoit, dans le détail, certaines souffrances qu'elle ne
voudrait pas vivre, mais omet la principale forme de souffrance qui se révélera
finalement être la sienne, est-ce à dire qu'on ne pourra lui administrer d'aucune
façon l'aide médicale à mourir? Pourrait-elle prévoir globalement que, si elle
souffre de manière constante et intolérable, elle veut recevoir l'aide médicale
à mourir ou ce serait jugé non conforme? Qu'en serait-il de la personne qui ne
souffrirait pas en lien avec la maladie ayant mené à son inaptitude, mais qui
aurait des souffrances liées à une autre maladie grave et incurable, comme un
cancer? Pourrait-elle prévoir qu'elle veut aussi que ses souffrances soient
prises en compte? Il faudra, par ailleurs, qu'il soit bien clair dans l'accompagnement
des personnes que le fait d'avancer dans l'évolution de la maladie et de
franchir certains stades ne représente pas en soi une souffrance pouvant donner
ouverture. Dans un autre ordre d'idées, l'atteinte de certains stades pourrait
toutefois être jugée utile pour déterminer que la personne remplit le critère
du déclin avancé et irréversible.
L'inclusion du handicap neuromoteur. J'ai
déjà énoncé l'importance de faire un débat en profondeur sur cet enjeu et d'éviter
à tout prix l'automatisme. J'expose dans mon mémoire qu'un bref retour dans l'histoire
établit que le contexte dans lequel le terme a fait son entrée était bien
différent de ce qui est l'état des lieux dans un contexte maintenant non lié à
la fin de vie. Ainsi, l'inclusion signifiera-t-il qu'un jeune sportif de 20 ans
qui perd l'usage de ses jambes ou une pianiste qui perd l'usage de ses mains à
la suite d'un accident pourrait faire une demande si les autres critères sont
remplis? Je me questionne, d'ailleurs, en passant, dans mon mémoire, sur l'applicabilité
du critère du déclin à une situation de handicap, de surcroît, quand on
parlerait d'un handicap de naissance, puisque c'est un concept lié davantage à
l'évolution d'une maladie qu'à un état. Bref, c'est tout un changement de
paradigme, mais je pense qu'il faut aller au fond des choses.
• (15 h 30) •
Au-delà, donc, de la question fondamentale
qui demeure de savoir s'il est opportun ou non, socialement et éthiquement, d'ouvrir
cette possibilité, parmi les questions qui méritent d'être approfondies, je
mentionnerais en priorité : Quelle est la définition de handicap
neuromoteur? Le projet de loi devrait, selon moi, inclure une définition pour
assurer une compréhension commune et une application prévisible du concept. Par
ailleurs, quelle serait la justification de limiter l'aide médicale à mourir au
seul handicap neuromoteur? En vertu de quel principe serait-il légitime de
permettre l'aide à mourir pour des souffrances liées à la perte de l'usage d'une
jambe ou d'un bras, par exemple, mais pas de la vue ou de l'ouïe? Devrait-on
prévoir un encadrement spécifique à ces situations, notamment pour s'assurer qu'une
période d'adaptation nécessaire à l'apprivoisement d'une nouvelle réalité à la
suite d'un accident, par exemple, soit applicable avant qu'une personne puisse
faire une telle demande? Ce ne sont pas des éléments, selon moi, qui peuvent
être laissés uniquement à la pratique et au terrain, car ils sont à la base de
l'exercice d'un droit potentiel.
En terminant, le retrait du critère de fin
de vie, j'ai peu de temps pour aborder cet enjeu qui est discuté dans mon
mémoire, je vais juste mentionner rapidement que le critère de fin de vie
n'étant plus appliqué dans la <pratique...
>
15 h 30 (version révisée)
< Mme Hivon (Véronique) :
...j'ai
peu de temps pour aborder cet enjeu qui est discuté dans mon mémoire. Je vais
juste mentionner rapidement que, le critère de fin de vie n'étant plus appliqué
dans la >pratique depuis le jugement Gladu-Truchon, un peu plus que deux
ans, cela a donné lieu à l'application d'une mesure différenciée pour les
personnes qui ne sont pas en fin de vie, un fameux 90 jours qui est dans
le Code criminel, et a des interprétations autonomes sur le terrain qui ont des
effets significatifs et qui méritent, à ce stade-ci, qu'on s'y arrête afin de
déterminer si le législateur souhaite qu'elles perdurent ou corriger le tir.
Alors, je serai maintenant heureuse de
répondre à vos questions et d'échanger avec vous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme Hivon. Alors, justement, pour
répondre à ces interrogations, ces questionnements, ces commentaires, je vais
céder la parole à Mme la ministre.
Mme Bélanger : Mme la
Présidente, Mme Hivon. Ça fait vraiment plaisir de vous rencontrer. Je
pense que c'est la première fois que je vous rencontre en personne en plus,
même si j'ai l'impression de vous connaître depuis quand même plusieurs années.
Je veux quand même souligner qu'aujourd'hui,
c'est notre première journée de ces consultations particulières. Et, ce matin,
donc, on a ouvert le bal en recevant déjà différentes personnes. Et vous ne
serez pas surprise que, dans les groupes que nous avons reçus ce matin, déjà
plusieurs nous ont parlé de la notion de handicap et même suggéré d'enlever la
notion du terme, en particulier «neuromoteur», pour ne conserver que la notion
de handicap dans une perspective de s'arrimer avec le fédéral, mais aussi parce
qu'étant donné que tous les critères sont déjà bien décrits dans la loi, c'est-à-dire
être... avoir une maladie incurable, être... avoir des souffrances physiques,
psychologiques difficiles à supporter, difficiles à être apaisées, donc, comme
tous les critères sont là et le côté de l'irréversibilité, donc, pour les gens
qui sont venus témoigner ce matin, ils nous ont dit : Bien, pourquoi
préciser la notion de neuromoteur dans ce cas-là, puisque le handicap devrait,
s'il répond à certains critères qui sont déjà énoncés, ça devrait être
suffisant pour bien baliser l'aide médicale à mourir?
Mme Hivon (Véronique) : Alors,
d'entrée de jeu, merci beaucoup pour la question. Vous aurez compris de mon
propos que je pense que ce débat-là doit être fait en profondeur sur le fond
des choses, sur l'opportunité même d'ouvrir. Et je pense qu'au cœur de la
réflexion vont devoir être entendus, comme vous allez le faire dans quelques
jours, les groupes qui représentent les personnes handicapées, les personnes
handicapées. Où est le consensus social là-dessus? Comme moi, j'imagine, vous
avez reçu beaucoup de commentaires sur cet enjeu-là depuis que le projet de loi
a été déposé.
Si d'aventure c'est maintenu dans le
projet de loi, je pense qu'effectivement c'est une question légitime. Vous
connaissez mon point de vue, pas à cause d'une question d'harmonisation avec le
fédéral, je veux le redire, je pense que c'est un piège que le Québec se
tendrait d'être dans une logique pure d'harmonisation. On n'aurait jamais bougé
en 2009. Le Code criminel n'était pas ouvert à l'aide médicale à mourir, et là
on ne bougerait pas sur la demande anticipée, ce qui, je pense, serait une
grave erreur parce que c'est ancré dans un consensus social solide. Donc, je
pense que, si on fait l'ouverture, si les parlementaires décident de la faire,
c'est parce qu'ils vont juger que c'est en accord avec ce qui est bien, le bien
commun de la société et les personnes qui sont directement touchées.
Ceci dit, si on est dans ce cas de figure
là, je pense effectivement que la question se pose : Qui peut juger et en
vertu de quel principe serait-il plus souffrant, nécessairement, par exemple,
de perdre l'usage de ses jambes que de perdre l'usage de sa vue ou de son ouïe?
Qui va déterminer ça? Donc, je pense que c'est excessivement complexe si on
rentre là-dedans.
Même chose, le handicap intellectuel. En
fait, si on y va pour le handicap, ça, c'est un autre élément, sans définition,
sans restriction, en théorie, si une personne qui a un handicap intellectuel
est toujours apte à consentir, et vous savez très bien que ça peut être le cas,
et le handicap pourrait quand même être jugé grave et incurable, ça ouvre cette
porte-là aussi. Ce ne sont pas des petits débats. Alors, ce qui m'inquiète
quand...
Puis je comprends la position des
médecins, là. Je comprends que, sur le terrain, si tout était pareil, ce serait
plus simple et plus confortable. Mais la responsabilité de la société puis des
parlementaires, c'est de voir tous les angles et de faire cette agrégation-là.
Alors, de ce point de vue là, je pense que
c'est une question légitime qui est soulevée : Est-ce que neuromoteur
devrait rester ou pas s'il y a ouverture? Mais surtout : Quelle est la
définition qu'on donne? Est-ce que les jeunes dont je parlais, qui peuvent
vivre une souffrance psychique terrible à la suite d'un accident, un sportif,
une pianiste, est-ce qu'ils ont droit à cette possibilité-là? Parce que je <pense...
Mme Hivon (Véronique) :
...à
la suite d'un accident, un sportif, une pianiste, est-ce qu'ils ont droit à
cette possibilité-là? Parce que je >pense que ça va toujours pas mal,
après la période d'adaptation, être considéré incurable et pas mal toujours
quand tu perds l'usage d'un membre grave. Donc, où on va mettre la limite? D'où
l'importance, je pense, que ce travail-là se fasse dans le cadre du projet de
loi.
Mme Bélanger : Mme Hivon,
vous avez beaucoup d'expérience, vous avez mené le premier projet de loi, vous
avez fait partie de la commission spéciale sur les soins de fin de vie.
J'aimerais peut-être juste revenir sur la notion de handicap. Je comprends,
dans la présentation que vous nous avez faite tantôt, que vous êtes favorable à
la notion de handicap neuromoteur, mais en ayant la précaution de bien
entendre, de bien examiner la question. Est-ce qu'à la lumière de l'expérience
que vous avez depuis des années vous êtes ouverte à ce que, dans le projet de
loi, il y ait seulement la notion de handicap et qu'on exclue complètement le
volet neuromoteur?
Mme Hivon (Véronique) : Je
ne suis pas... Je ne me positionne pas... vous allez trouver ça fatigant, là,
mais je ne veux pas me positionner aujourd'hui sur le bien-fondé de l'ouverture
au handicap. Pourquoi? Parce que, justement, je pense que, dans la tradition
québécoise, on a toujours fait d'abord, d'habitude, des débats dans des
commissions spéciales sans a priori, en entendant tout, en n'ayant pas de
position de départ. Et je pense que c'est très simple de le faire comme ça en
démocratie. Puis ce n'est pas «parce que», c'est juste que je ne veux pas
orienter les choses par rapport à ça.
Donc, ce que je vous dis, c'est que ce
n'est pas une mince affaire et que l'encadrement, si les parlementaires, le
législateur décident d'aller de l'avant, il va être essentiel, selon moi, pour
même envisager cette ouverture-là.
Parce que j'entendais ce matin... Puis
j'ai beaucoup de respect pour Dr L'Espérance puis je sais qu'il a référé à
moi aussi. J'ai beaucoup de respect avec lui, puis des fois il y a des choses,
beaucoup de choses sur lesquelles on s'entend. Mais, quand moi, j'entends les
médecins dire : Vous savez, on ne le fera pas, là, à quelqu'un, on ne
donnera pas l'aide médicale à mourir si ça fait juste un an qu'il a eu un
accident puis qu'il a perdu l'usage de ses jambes, mais qui qui va décider ça?
À partir du moment où c'est dans une loi puis qu'il n'y a rien qui le détaille
et qui le définit, si un médecin dit : Oui, ça répond aux critères, c'est
grave et incurable, bien, il va peut-être le donner. Quelqu'un d'autre va
peut-être avoir une appréciation différente, d'où l'importance que ce soit
clairement dit.
L'autre chose sur la question du handicap
qui me laisse un peu perplexe, c'est que, ce matin, on entendait que tout
handicap découle d'une maladie. Bien, si c'est ça, la position, puis que tout
handicap découle d'une maladie, je ne comprends même pas pourquoi on fait un
débat. Parce que la maladie grave et incurable, elle est dans le projet de loi.
Puis, s'il y a des symptômes qui sont ceux d'un handicap qui en découlent, la
personne est admissible.
Si le débat se fait, c'est parce qu'on
fait une distinction, selon moi, fort à propos. Ce n'est pas exactement la même
chose. Le handicap, c'est plus un état, c'est plus qu'une maladie qui va
évoluer. Alors, ce n'est pas rien comme affaire.
Puis je dis dans mon mémoire, je fais une
petite recension historique, qu'il ne faut pas oublier que, quand ce mot-là,
là, est apparu dans le Code criminel, on était dans un contexte de fin de vie,
de mort raisonnablement prévisible, ça fait que c'était pratiquement une vue de
l'esprit. Un handicap ne vous mène pas en soi à être en fin de vie. Et là,
quand le critère a tombé à la suite du jugement Gladu-Truchon, le mot, il est
resté dans le Code criminel, mais il n'y a pas eu un débat en profondeur sur ce
que ça voulait dire, maintenant qu'on n'était plus en fin de vie. Alors, je
pense que, maintenant, le Québec, avec le sérieux qu'il donne à ce dossier-là,
doit le faire, ce débat-là.
Mme Bélanger : ...je ne
peux pas faire autrement que poser une autre question, j'ai encore un peu de
temps. Trouble mental, j'aimerais ça vous entendre. Vous avez participé à la
commission spéciale sur les soins de fin de vie, puis c'était une des
recommandations, d'exclure complètement... (panne de son) ...trouble mental, et
c'est ce qu'on a fait dans le projet de loi que j'ai déposé. J'aimerais vous
entendre à ce sujet-là.
• (15 h 40) •
Mme Hivon (Véronique) : Bien,
essayant d'être généralement cohérente avec moi-même, je partage toujours la
position que j'avais comme membre de la commission spéciale. Je pense que c'est
la bonne position, pas parce qu'il n'y a pas de souffrance, mais parce que
c'est d'une telle complexité — c'est la même chose pour le handicap,
c'est la même chose pour la demande anticipée — que l'idée même
d'ouvrir doit s'accompagner d'une certitude que ça va être applicable avec
toutes les balises nécessaires. Et, au sortir des travaux de la commission
spéciale, on n'avait pas atteint ce niveau de sérénité, comme élus, que cette
certitude-là était là.
Mme Bélanger : OK. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci, Mme la ministre. Il reste encore à 7 min
35 s. Mme la députée de Vimont.
Mme Schmaltz : Bonjour, Mme Hivon.
En fait, j'aimerais bien vous entendre sur la définition de la souffrance
intolérable. Et vous avez mentionné tantôt de ne pas... de sortir, justement,
du concept d'harmonisation. Si on sort de ce concept-là et on <définit...
Mme Schmaltz :
...de
sortir, justement, du concept d'harmonisation. Si on sort de ce concept-là et
on >définit la... si on arrive à définir la souffrance intolérable,
est-ce qu'on devrait personnaliser, à ce moment-là, le débat... bien, le débat,
je veux dire, sur la question?
Mme Hivon (Véronique) : Oui.
C'est une très bonne question. La souffrance intolérable, en fait, je dirais
que c'est vraiment ce qui devient intolérable pour la personne dans des
conditions qu'elle juge acceptables.
Exemple, avec la demande contemporaine,
là, qui existe en ce moment, vous souffrez tellement de votre cancer qu'on doit
vous donner tellement des doses importantes de calmants, que vous êtes
somnolent, que vous venez à faire un délirium, que vous avez des
hallucinations, quelqu'un peut dire : Bien là, on essaie de calmer mes
souffrances, mais les effets secondaires sont tels que ce n'est pas dans des
conditions que je peux juger acceptables. Et ce niveau-là, il est très défini
par la personne avec l'appréciation du professionnel compétent qui
l'accompagne.
Évidemment, quand on est dans la demande
anticipée, il y a une complexité plus grande parce que la personne, au moment 2...
Moi, je dis toujours : Il y a le moment 1, où on fait l'écriture de
notre demande anticipée, on a eu notre diagnostic, on est aptes, puis il y a le
moment 2 où, là, on n'est plus aptes et qu'un tiers de confiance, par
exemple, dit : Je pense que ma mère est rendue à éprouver des souffrances
intolérables et je voudrais qu'on évalue.
Donc, comment on va faire ça? Bien, je
pense que ce qui est dans le projet de loi est exactement comment on doit le
faire, c'est-à-dire de se fier sur le témoignage de la personne de manière
anticipée, mais de s'assurer que ce n'était pas juste une projection anticipée
d'une souffrance, mais qu'au moment 2, quand la personne est devenue inapte et
qu'on constate qu'elle semble souffrir, qu'effectivement elle souffre. Puis là
je ne suis pas médecin, donc les médecins vont pouvoir vous répondre, mais,
pour mes échanges avec eux, on est capable, physiquement puis aussi
psychologiquement, de voir si une personne devient soudainement très agitée et
se met à faire de l'errance, a des hallucinations, est crispée, a peur dès
qu'une personne rentre dans son appartement, dans sa chambre. Ce sont des
manifestations de souffrance. Et, pour que ce soit intolérable, bien, il faut
évidemment que ce soit jugé, que la personne n'a plus de bien-être et aussi que
c'est constant dans le temps.
Donc, ça, je fais juste un petit aparté,
vous l'avez dans la section C, là, du mémoire, j'ai noté que, pour la demande
anticipée, au lieu de «souffrance constante», vous avez mis «souffrance
persistante». Je vous soumets humblement que je pense que, pour ne pas créer de
confusion, ce serait mieux de garder toujours les mêmes critères, «constante»,
et que la persistance peut être mesurée en amenant un autre élément qui est là
pour la demande contemporaine, qui est de mesurer la persistance de la
souffrance à des moments différents. Donc, ça, je l'expose en détail, je pense
qu'on ferait une pierre deux coups : on aurait la notion de persistance,
mais on ne créerait pas une confusion entre constance et persistance.
Mme Schmaltz : ...je
peux ajouter juste une dernière petite question. Pensez-vous qu'au final... Là,
on parle, on a des critères, on a... bon, on a élaboré quelque chose, mais, au
final de tout ça, ça repose quand même, la décision finale, sur le
professionnel de la santé qui va lui-même juger, peut-être hors critères, de se
dire : OK, bien là le moment est arrivé, et non pas parce que la personne,
à ce moment-là, est en crise physique très visible. Il peut aussi... Ça repose,
finalement, à une décision entièrement humaine, là, si je comprends.
Mme Hivon (Véronique) : Totalement
humaine, extrêmement complexe, extrêmement difficile. Et je pense que les
médecins vont porter une charge encore plus forte que celle qu'ils portent, et
les infirmières praticiennes, évidemment, si c'est accepté, à l'heure actuelle,
parce que de donner l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui n'est plus là pour
le demander en temps réel, c'est une charge professionnelle et émotive
assurément très forte, d'où l'importance que l'encadrement soit très clair.
Puis c'est pour ça que, quand je dis... C'est
des questions réelles, là. Quand je dis : si quelqu'un a pris le temps de
faire sa demande, elle était apte, qu'elle a prévu les souffrances, mais
qu'elle a été accompagnée d'une manière qu'on n'a pas prévu une forme de
souffrance qui va s'avérer être la forme de souffrance qui l'affecte le plus,
mais qu'elle ne l'aura pas décrite, qu'est-ce qu'on va faire avec ça? Moi, j'ai
un point de vue. Je pense qu'on devrait être capable de définir de manière
relativement large, tout en étant capable de juger qu'on a eu un consentement,
mais pour ne pas vivre des situations comme celles-là.
Même chose si une personne a un cancer et
qu'elle souffre atrocement de son cancer, mais pas de sa maladie d'Alzheimer.
Moi, je comprends, quand c'est écrit dans le projet de loi, que ça doit être
lié, que les souffrances qui sont décrites doivent être liées à la maladie, je
suis tout à fait d'accord avec ça, mais, s'il y en a une autre, maladie, comme
un cancer en plus de la maladie d'Alzheimer, ce n'est pas une vue de l'esprit,
là, ça peut arriver. Est-ce que la personne peut le prévoir?
Donc, c'est des questions d'application
qui, je pense, doivent vraiment habiter les parlementaires pour qu'après, sur
le terrain, ça se <passe...
Mme Hivon (Véronique) :
...qui,
je pense, doivent vraiment habiter les parlementaires pour qu'après, sur le
terrain, ça se >passe bien parce que ça va déjà être extrêmement
complexe.
Mme Schmaltz : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Mme la ministre.
Mme Bélanger : Ça va
aussi, oui.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : J'ai encore deux minutes. Est-ce que j'ai d'autres questions?
Mme la députée d'Abitibi-Ouest, la parole est à vous.
Mme Blais : Merci,
Mme Hivon, d'être avec nous aujourd'hui. Que signifie, pour vous, mourir
dans la dignité?
Mme Hivon (Véronique) : Mourir
dans la dignité, selon moi, c'est mourir en étant, je dirais, dans un état où
on est capable d'avoir le sentiment qu'on est encore soi-même et qu'on est
capable de vivre l'étape ultime de notre vie de manière conséquente, avec nos
valeurs et sans souffrance. Donc, je pense que c'est ça, si on me demande c'est
quoi, mourir dans la dignité.
Pour ce qui est de la question de la
demande anticipée, c'est beaucoup plus complexe. J'entendais, ce matin, les
débats sur la question de souffrance existentielle. Petit aparté : selon
moi, la souffrance existentielle fait partie de la souffrance psychique. Ça a
toujours été interprété comme ça. Pour ce qui est de la demande contemporaine,
en ce moment, des gens vont manifester toutes sortes de souffrances psychiques,
y compris existentielles, qui va faire partie de l'évaluation, mais c'est sûr
que c'est beaucoup plus complexe. Et, si vous me dites : Est-ce que du
seul fait de projeter une souffrance qu'on pourrait traverser, mais qui
peut-être ne s'avérera pas? Je ne pense pas qu'on peut aller jusque-là, parce
qu'il faut aussi faire attention de ne pas complètement déshumaniser quelqu'un
qui évolue dans le cadre d'une maladie dégénérative comme la maladie
d'Alzheimer. Beaucoup de personnes vont encore avoir des moments où elles vont
apprécier la vie de différentes manières. Elles n'auront pas de grandes
souffrances, elles vont vivre des pertes, mais elles vont avoir encore des
petits bonheurs. Donc, je pense qu'il faut intégrer ça dans la réflexion.
Mme Blais : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour ces échanges. Je me retourne maintenant
du côté de la députée de Westmount—Saint-Louis. Pour votre bloc, vous avez 8 min
35 s.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Mme Hivon, Véronique. Vraiment un plaisir de
t'avoir parmi nous aujourd'hui. Moi, je veux revenir, évidemment, sur la notion
de handicap. Comme tu sais sans doute, je suis très préoccupée de l'ajout de
notions et je ne veux pas faire fausse route. Puis je pense que personne, ici,
ne souhaite faire fausse route en ce qui concerne l'ajout de la notion de
handicap parce que, comme on a dit à maintes reprises, on n'est plus dans l'état,
là, maintenant, on est dans la maladie. Puis là on a entendu les témoignages
précédents que peut-être nous devons enlever la notion de neuromoteur. Tu l'as
élaboré un peu, en ce qui concerne cette notion, mais on a aussi entendu qu'on
devrait rayer ou d'ajouter la notion, que ce ne serait pas applicable pour les
personnes qui sont dans une situation de handicap, déficience intellectuelle.
Mais on peut imaginer qu'on parle de quelqu'un qui souffre d'une déficience
intellectuelle grave, hein? Ça fait que cette personne sera en situation
d'inaptitude, c'est clair.
Mais, pour une personne, mettons, si on
enlève la notion de neuromoteur, mais «handicap» reste, une personne autiste,
par exemple, qui est apte mais souffre d'une déficience intellectuelle, mais
apte à consentir à des soins, comment devons-nous traiter ça dans la loi? Puis,
si on ne le traite pas puis on laisse juste tel quel, est-ce que c'est une
discrimination envers eux puis leur possibilité d'autodéterminer s'ils
rejoignent tous les autres critères, évidemment, de maladie comme tu viens
d'évoquer? Une personne qui est gravement malade, une personne autiste peut
être atteinte d'un cancer, par exemple, et être en fin de vie, mais, si ce
n'est pas adapté, est-ce que ça se peut que cette personne n'aura pas le droit
de faire une demande d'aide médicale à mourir?
• (15 h 50) •
Mme Hivon (Véronique) : Vous
avez des bonnes questions, je trouve. Donc, je veux juste... Je suis allée
chercher, là, en temps réel : «Constitue un handicap toute limitation
d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement
par une personne en raison d'une altération substantielle durable ou définitive
d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou
psychiques.» Donc, je pense que ça vous montre à quel point c'est large, la
notion de handicap.
Le handicap, c'est le fait d'avoir des
limitations dans ton interaction avec ton environnement, dans le fond. Et c'est
beaucoup plus un concept social, même, que médical, alors c'est pour ça que ce
n'est pas une mince affaire. Puis je sais que je me répète, mais c'est parce
que, oui, on peut comprendre que les médecins viennent dire : Oui, mais là
ça serait plus clair. OK. Mais, socialement, ça veut dire quoi? Si une personne
autiste, capable de consentir, a un cancer, bien, elle a une maladie grave et
incurable, elle a un cancer, en vertu de son <cancer...
Mme Hivon (Véronique) :
...capable
de consentir, a un cancer, bien, elle a une maladie grave et incurable, elle a
un cancer, en vertu de son >cancer, elle veut obtenir l'aide médicale à mourir,
ça va. Si une personne autiste juge que l'autisme est un handicap, puis vous
voyez comment la définition est large, est-ce à dire que, si elle juge qu'elle
souffre de manière intolérable et que son déclin est avancé et irréversible,
qu'elle pourrait obtenir l'aide médicale à mourir?
Puis moi, je comprends que les médecins
disent : Bien, on ne le fera pas. OK. Peut-être que le médecin qui vient
vous dire ça, il ne le fera pas. Mais, si on ne le précise pas dans la loi,
est-ce que la personne va dire : Bien, excusez, moi, j'ai droit à ça, là?
Il y a une ouverture dans la loi qui devrait me permettre d'y avoir accès.
C'est ça, tout le nœud de l'affaire et pour lequel il faut aller au fond des
choses dans la loi parce que ça ouvre la possibilité d'exercer des droits.
Donc, je pense que la notion de handicap,
elle est extrêmement large. Mais ce que je dis, par ailleurs, c'est que...
Qu'est-ce qui, philosophiquement ou éthiquement, si vous décidez d'aller de
l'avant avec le handicap, justifie une distinction entre les différentes formes
de handicap?
Mme Maccarone : Selon
toi, qu'est-ce qu'il peut arriver s'il n'y a pas un consensus en ce qui
concerne la terminologie qui serait adoptée dans cette loi?
Mme Hivon (Véronique) : Bien,
je pense que ce qui est fondamental, c'est que la société sache ce qu'il se
passe comme débat. Donc, ça a l'air d'un grand principe, là, mais je vous
explique. Si c'est adopté, c'est large, on s'est dit : Oui, oui, oui, ça
va bien se faire, tout ça, puis que, dans deux ans, il y a la une d'un journal,
je ne sais pas, qui dit qu'un jeune homme de 25 ans qui a eu un accident
il y a 18 mois a été jugé répondre aux critères, puis que, là, la société
dit : Wo! Bien là, ça va trop loin, je pense qu'il faut avoir ça en tête,
parce qu'on ne veut pas perdre l'ensemble du consensus et du travail qu'on a
fait, qui est sur des bases extrêmement solides jusqu'à maintenant, y compris
sur la demande anticipée, pour une question qui n'aurait pas été suffisamment
débattue ou correctement comprise.
Mme Maccarone : Une
notion de... le formulaire, on a entendu beaucoup de questions là-dessus.
Est-ce que tu penses que ça serait important de voir le formulaire pendant que
nous sommes en consultation pour s'assurer que la population aussi peut
s'exprimer en ce qui concerne les critères de demandes anticipées?
Mme Hivon (Véronique) : C'est
une... Je pense que c'est toujours un plus. Quand on avait fait la première
loi, on n'avait pas le formulaire, là, écrit, là, parce qu'on se comprend que
ça va prendre du monde vraiment du terrain, avec une conscience très profonde
de ce que ça veut dire, médecins, travailleurs sociaux, psychologues,
infirmières... bon, il va falloir qu'il y ait des gens très... Mais on avait
comme exposé ce que seraient les grands principes du formulaire, comment on
encadrerait ça globalement pour pouvoir avoir une idée, parce que c'est de
l'essence même, je pense, de l'ouverture à une nouvelle forme d'aide médicale à
mourir, une nouvelle circonstance de savoir comment on va l'encadrer. Puis moi,
je pense que ce n'est pas banal de savoir : Est-ce que c'est des cases
qu'on va cocher ou est-ce qu'on va faire un témoignage? Parce qu'entre vous et
moi il y a des gens qui vont les cocher toutes, les cases, parce qu'ils vont
dire : Là, ça va bien. Moi, je ne voudrais vivre aucune, aucune
souffrance.
Donc, est-ce que ça va vraiment avoir une
plus-value par rapport à un témoignage où la personne va vraiment exprimer ce
qu'elle juge être des souffrances? Alors, ça peut être un mélange des deux
aussi, mais ce n'est pas anodin, tout ça, là.
Mme Maccarone : Ça me
ramène à ma dernière question, et, s'il reste du temps, ma collègue souhaite poser
des questions aussi. Mais, dans le mémoire que tu as déposé, tu souhaites qu'il
y a une période prévue avant la mise en vigueur, parce que ça prend la
formation, entre autres, en ce qui concerne cet formulaire, puis l'application,
puis c'est quoi, le rôle de chaque personne à l'intérieur d'une demande
anticipée, ou autre. C'est quoi, le temps que, toi, tu penses que nous devons
prendre pour assurer que l'application de la loi, qui sera potentiellement,
peut-être adoptée... qui devrait être mise en vigueur?
Mme Hivon (Véronique) : À
la loi initiale, on avait prévu 18 mois. Puis on l'avait prévu pourquoi?
Parce que je pense qu'il y a une question d'efficacité puis de mettre les gens
en mouvement, quand on sait qu'il y a une échéance, plutôt que de dire à une
date indéterminée. Donc, je pense que certainement un horizon de 18 mois
ou 12 mois, là... parce que ça peut être un peu moins, parce que le grand
est fait, mais ça va être... je veux dire, le grand premier pas est fait. Mais
la demande anticipée, si on parle de demande anticipée, le handicap, c'est
autre chose aussi. Il va y avoir des guides, éventuellement, pour la demande
anticipée, des guides de pratique, tout ça. Donc, il faut donner un temps
suffisant. C'est clair.
Mme Maccarone : C'est
qui qui devrait s'occuper de cette formation?
Mme Hivon (Véronique) : Bien,
je pense que c'est des... les ordres professionnels, très certainement. Je
pense que le ministère doit être très vigilant dans une concertation avec les
ordres professionnels. L'autre chose, maintenant que <les...
Mme Hivon (Véronique) :
...le
ministère doit être très vigilant dans une concertation avec les ordres
professionnels. L'autre chose, maintenant que >les IPS vont être là, je
pense que ça va être important aussi qu'il ait comme une unification de comment
chaque ordre va un peu traiter les choses, notamment quand la Commission des
soins de fin de vie renvoie un dossier pour lequel ils ont des questions, qu'il
y a une certaine uniformisation. Donc, probablement qu'il va falloir qu'ils
travaillent... qu'ils travaillent ensemble.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme Hivon, pour ces réponses. Je cède
mettant la parole à la députée de Sherbrooke pour une période de
2 min 52 s.
Mme Labrie : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Mme Hivon, Véronique. Contente de te retrouver.
Sur la notion de handicap, vous avez été très claire que ça prend un débat
public, que le Québec doit faire ce débat-là, mais je ne suis pas certaine
d'avoir compris le processus auquel vous nous appelez. Est-ce que, pour vous,
les auditions qui ont cours dans le cadre de ce projet de loi là constituent en
soi ce grand débat public que le Québec devrait tenir ou est-ce que vous nous
invitez plutôt à retirer ça du projet de loi, puis à le faire en commission
spéciale? Parce que ça m'apparaît quand même important de... oui,
effectivement, de tenir ce débat-là, mais de le faire dans les bons paramètres.
Mme Hivon (Véronique) : Je
dirais que, si... Parce que, là, le retirer puis dire : On va aller faire
une commission spéciale, là probablement qu'il va y avoir d'autres enjeux, puis
tout ça. Si vous décidez de le garder, je pense qu'il faut juste avoir l'ouverture
de dire : OK, s'il y a des groupes qui se disent : Moi je veux être
entendu, on les entend. Je sais c'est quoi, la vie parlementaire, le rôle de
leader, puis tout ça. Mais ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas se
contraindre pour après avoir une épine dans le pied, de dire : Le
processus n'a peut-être pas été assez légitime parce qu'on n'était pas allé en
profondeur puis on n'a pas fait la... Ça fait que moi, je dirais : Minimalement,
dans ce cadre-ci, donnez toute la place qu'il faut à cet enjeu-là.
Deuxièmement, je ferais aussi une
consultation en ligne. On a toujours fait ça pour les autres enjeux. On l'a
fait dans la commission spéciale. Ça permet aux gens de s'exprimer, de répondre
à des questions, de se positionner, la population en général, les personnes qui
vivent en situation de handicap, je pense que ce serait un plus. Et, si, dans
le cours, ensuite, de l'étude détaillée, vous jugez qu'il y a vraiment besoin
d'éclaircissements, moi, je vous recommanderais de refaire, on avait fait ça
pour la commission spéciale numéro un, des auditions, quitte à ce que ça soit
en plus petits groupes, de vraiment approfondir ça.
Mme Labrie : Donc, c'est
possible de le faire dans le cadre de ce projet de loi, mais en gardant
toujours les auditions ouvertes, à la limite, tout au long du processus.
Mme Hivon (Véronique) :
...consultations en ligne puis vraiment ne pas escamoter le débat. Je suis
tannante avec ça. Mais, si on est dans une logique d'harmonisation pure,
jusqu'où ça va mener? Je veux juste vous dire, il y a des gens qui vont dire :
La loi québécoise, là, on n'en a plus besoin, on tasse ça, ce qui serait une
perte énorme parce qu'on a une philosophie unique au monde d'un continuum de
soins palliatifs et d'aide médicale à mourir. Ça fait qu'il faut être
extrêmement prudent de tomber dans ces automatismes-là.
Donc, faisons un débat en profondeur. Puis,
si vous êtes capables de le sortir pour comme dire : On fait quelque chose
en parallèle puis on le ramène, super, là! Je pense qu'on peut être créatif
aussi.
Mme Labrie : Pour que
personne ne puisse déplorer de ne pas avoir pu se faire entendre dans le cadre
du processus...
Mme Hivon (Véronique) : Ou
de ne pas le savoir. Moi, je me rends compte qu'il y a beaucoup de... il y a
beaucoup d'incompréhension par rapport à ça, beaucoup.
• (16 heures) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cet échange intéressant. Je vais
maintenant donner la parole à la députée de Laviolette—Saint-Maurice pour une
période de 2 min 52 s également.
Mme Tardif : Avant le
Parti québécois?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui.
Mme Tardif : Ah! merci.
Merci. Bonjour, Mme Hivon. C'est un plaisir. Tout d'abord, j'aimerais vous
remercier au nom de la société québécoise, parce qu'effectivement on vous prête
le qualificatif de mère de cette loi, mais vous êtes mère de plusieurs lois.
Donc, merci pour le temps que vous avez passé en politique.
Là, j'ai une question et je me demandais
comment vous vous positionnez par rapport à une situation où, au moment où la
personne qui est atteinte du stade qu'elle a décrit, soit par formulaire ou
suite à une rencontre, mais elle l'a décrit clairement et elle est apte à
recevoir l'aide médicale à mourir, mais que son comportement, qui peut
peut-être, souvent, parfois être affecté par la médication, donne l'impression
qu'elle ne veut plus l'aide médicale à mourir, est-ce que vous seriez portée à
vous référer au formulaire et à ce qu'elle a demandé initialement ou vous
seriez porté à dire : Ouf! On attend?
Mme Hivon (Véronique) : Oui.
Je pense qu'il faut se mettre dans les chaussures, pour prendre une mauvaise
expression anglaise, de l'équipe soignante. Donc, c'est eux qui vont vivre
cette situation-là, extrêmement perturbante, je peux l'imaginer. Moi, je suis <d'avis
que...
>
16 h (version révisée)
< Mme Hivon (Véronique) :
...c'est
eux qui vont vivre cette situation-là extrêmement perturbante, je peux l'imaginer.
Moi, je suis >d'avis que le plus clair la demande anticipée peut être
par rapport à ça, le mieux ce serait. Donc, que la personne indique que, si
elle a des manifestations qu'on peut juger cliniques liées à sa maladie, qui
semblent s'apparenter à un refus mais qu'elle est inapte, qu'elle est prête à
ce qu'on passe outre, je pense que ça donnerait un niveau de confort ou de
sérénité plus grand. Ça ne veut pas dire que c'est obligatoire, mais je pense
que ça pourrait être une piste intéressante.
Par ailleurs, comme les intervenants de ce
matin, je pense que la distinction entre un refus et un rejet lié à la maladie,
ça, c'est un plus du projet de loi, là, je trouve que c'est bien, bien indiqué.
Mais c'est vrai, est-ce qu'on peut vraiment parler de refus quand on est inapte
ou c'est plus une manifestation d'une réticence ou d'un rejet? Moi, le point
supplémentaire que j'amène, pas pour vous compliquer la vie, mais c'est la
cohabitation entre le refus que vous prévoyez dans le régime et le refus
catégorique qui est à l'article 16 du Code civil. Je dois vous dire que je
me demande comment ces deux régimes-là vont cohabiter. Parce que... si une personne
est jugée refusée catégoriquement, on peut aller devant le tribunal pour
demander une autorisation, alors que, là, comme c'est écrit dans le projet de
loi, s'il y a un refus, même s'il n'est pas catégorique, c'est supposé rendre
la demande caduque.
D'ailleurs, je note, dans la partie de mon
mémoire, que je pense qu'il faut assouplir ça, là. Ça ne peut pas être final,
une fois on a évalué, elle a refusé, eu des manifestations, on rejette la
demande, là. Donc, je pense qu'il faut apporter un soin à ça, là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, pour terminer ces... ces échanges,
pardon, je laisse la parole au député des Îles-de-la-Madeleine, pour une
période de 2 min 12 s. La parole est à vous.
M. Arseneau : Merci, Mme
la Présidente. Merci beaucoup, Mme Hivon, de votre présence. C'est un beau
cadeau que vous nous faites aujourd'hui, en ce jour de votre anniversaire.
Des voix : ...
M. Arseneau : J'aimerais
revenir, on a deux minutes, sur la question du critère de soins de fin de vie.
En fait, vous l'avez mentionné suite au jugement, là, Gladu-Truchon sur le
handicap, mais qui était associé à une fin de vie imminente, si j'ai bien
compris, alors qu'aujourd'hui il y aurait un danger de désincarner, que ce soit
un acte médical séparé. Pouvez-vous élaborer là-dessus?
Mme Hivon (Véronique) : Je
dirais deux choses, là, je l'ai dit tout à l'heure, quand le mot «handicap» a
fait son entrée, il était avec le critère de mort raisonnablement prévisible
dans le Code criminel, il faut toujours garder ça à l'esprit. Quand ils ont
enlevé le critère, le débat en profondeur ne s'est pas fait sur toutes les
implications. Je pense que c'est ce qui peut expliquer notamment que les gens,
dans le reste du Canada, sont aussi un peu dubitatifs, ça se fait, mais très
peu. Mais, au Québec, avec l'expérience qu'on a, et tout, on peut se douter qu'il
y aurait des demandes. Donc, c'est pour ça qu'il faut y penser.
Les éléments que j'ai mis dans le 3, le
point 3 de ma section B, c'est vraiment, dans le projet de loi, il y a un
choix qui est fait de ne pas différencier une personne qui est en fin de vie, de
pas en fin de vie, il n'y a pas de trajectoire différente. Dans le Code criminel,
ils ont mis un 90 jours si vous n'êtes pas réputé être en fin de vie,
donc, entre l'évaluation et le moment où vous pouvez recevoir l'aide médicale à
mourir. Et loin de moi l'idée de vouloir harmoniser, je veux juste porter à
votre attention que, sur le terrain, ce 90 jours là, il est appliqué.
Alors, si le Québec juge que lui ne veut pas différencier, je pense qu'il doit
être très conscient qu'il doit dire quelque chose là-dessus ou, au contraire, s'il
veut différencier, qu'il le fasse pour garder une loi québécoise autoportante.
Et la dernière chose que je voudrais dire
là-dessus, ça fait un peu plus que deux ans, le critère de fin de vie a sauté.
Quand on avait fait la loi, vu qu'on était dans un contexte de fin de vie, on n'avait
pas spécifié que les souffrances éprouvées par une personne doivent être en
lien avec sa maladie grave et incurable, parce qu'on est en fin de vie, ça nous
semblait aller de soi. Là, sur le terrain, on a jugé que, si les souffrances
étaient vécues, maux de dos, côlon irritable, migraines récurrentes, et qu'elles
ne sont pas en lien avec la maladie grave et incurable, qui pourtant est le
critère pour donner ouverture, que c'était acceptable.
Mais je vous soumets juste la question
éthique suivante : Si une personne souffre des mêmes symptômes, de maux de
dos chroniques, de côlon irritable, de migraine récurrente, mais qu'elle n'a
pas, par ailleurs, une maladie grave incurable, elle ne pourra pas avoir l'aide
médicale à mourir. C'est le genre d'interprétations qui sont faites sur le
terrain. Donc, si vous voulez changer un peu ça, je pense que c'est le moment
de s'y pencher dans le cadre du projet de loi puisque le critère est retiré.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Sur ce, merci beaucoup, Mme Hivon, pour votre apport
non seulement à la commission spéciale... la commission spéciale, mais
également la commission que nous représentons. Alors, au nom de tous les
membres de cette commission, du personnel, merci encore. Et je me permets un
joyeux anniversaire pour cette belle journée...
Mme Hivon (Véronique) : ...de
la plus belle des manières.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Encore merci. Alors, je suspends les travaux pour quelques
instants, le temps <de recevoir...
Mme Hivon
(Véronique) :
...de la plus belle des manières.
La Présidente (Mme Lecours,
Les Plaines) :
Encore merci. Alors, je suspends les travaux
pour quelques instants, le temps >de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 16 h 06)
(Reprise à 16 h 09)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Les travaux de la
commission reprennent. Nous recevons maintenant le Collège des médecins, qui
est représenté par le Dr Maurice Gaudreault, président, ainsi que le Dr Alain
Naud, administrateur. Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes
pour votre exposé. Vous commencez par vous présenter, ensuite, s'ensuivront les
périodes de questions. La parole est à vous.
Collège des médecins du Québec (CMQ)
M. Gaudreault
(Mauril) :Merci. Bonjour à tous et
toutes. Mme la ministre Sonia Bélanger, Mme la présidente Lucie Lecours,
membres de la commission, merci d'entendre, cet après-midi, les commentaires du
Collège des médecins du Québec, sur le projet de loi n° 11, modifiant la
Loi concernant les soins de fin de vie.Nous voulons notre témoignage éclairant
et constructif pour vous, les parlementaires. Nous sommes aujourd'hui la voix
des patients qui ont droit à un soin. Nous sommes aussi la voix des médecins
qui veulent le prodiguer en toute légalité et sans ambiguïté.
• (16 h 10) •
Je suis le Dr Mauril Gaudreault, médecin
de famille depuis plus de 50 ans, président du Collège des médecins du
Québec depuis un peu plus de quatre ans, et j'ai déjà été doyen associé à la
Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke. Je suis accompagné du Dr
Alain Naud, médecin de famille, lui aussi, qui prodigue les soins palliatifs et
de fin de vie depuis près de 40 ans. Il a été témoin expert au procès
Gladu-Truchon. Il est également membre du conseil d'administration du Collège des
médecins du Québec.
Nous sommes ici pour faire valoir certains
aspects médicaux qui devraient être pris en compte dans le nouveau projet de
loi. D'abord, nous sommes heureux que la ministre Bélanger reprenne, avec
autant de conviction, un projet de loi mort au feuilleton l'an dernier et
qu'elle le bonifie. On reconnaît là l'empreinte de son expérience clinique. Les
avancées de cette nouvelle version du projet de loi sont nombreuses, et je veux
prendre le temps de les souligner. Enfin, les infirmières praticiennes
spécialisées pourront administrer l'aide médicale à mourir, comme c'est déjà le
cas pour l'ensemble de leurs collègues partout ailleurs au Canada depuis 2016.
Enfin, toutes les maisons de soins palliatifs devront <dorénavant offrir...
M. Gaudreault
(Mauril) :
...comme c'est déjà le
cas pour l'ensemble de leurs collègues partout ailleurs au Canada depuis 2016.
Enfin, toutes les maisons de soins palliatifs devront >dorénavant offrir
l'aide médicale à mourir. Aux dernières heures de leur vie, des personnes
n'auront plus ainsi à quitter en ambulance ces maisons pour aller mourir sur un
lit d'hôpital.
Nous saluons aussi les dispositions qui
autoriseront, en temps et lieu, les demandes anticipées. Nous soulignons, bien
sûr, aussi le retrait du critère de fin de vie, de toute manière inopérant
depuis le jugement de la Cour supérieure de 2019, dans l'affaire Truchon, et
qui n'a pas été porté en appel. Nous sommes heureux également de l'obligation
pour les établissements de constituer un groupe interdisciplinaire d'experts
pour soutenir les professionnels de la santé et des services sociaux qui
participent à l'offre des soins de fin de vie.
Et, en terminant, le retour du handicap
comme critère d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Ce terme est inclus
dans le Code criminel. C'est un droit reconnu d'un bout à l'autre du Canada
depuis 2016, sauf au Québec. Nous nous en réjouissons de revoir ce terme de
handicap au nom des personnes souffrantes, au nom des médecins qui ne pouvaient
soulager ces personnes. Nous avons cependant un questionnement. Le projet de
loi parle d'un handicap neuromoteur. On y voit bien, bien sûr, une tentative
d'harmonisation des deux lois, mais pas tout à fait. Aujourd'hui, dans tout le
Canada, sauf au Québec, toutes les personnes atteintes d'une maladie, d'une
infection ou d'un handicap grave et incurable peuvent être admissibles à l'aide
médicale à mourir.
On comprend... La question qu'on se pose :
Que veut faire le législateur en associant le terme neuromoteur au mot
handicap? C'est ça, notre questionnement principal. On comprend, bien sûr,
qu'il veut exclure notamment les personnes atteintes d'un handicap
intellectuel, mais, du même coup, il exclut, par exemple, des personnes
souffrant d'un handicap grave de naissance, de syndromes héréditaires qui ne
sont pas forcément des handicaps neuromoteurs, mais qui sont inclus dans les
critères d'admissibilité de l'aide médicale à mourir partout ailleurs au
Canada. Cela ne fera, encore une fois, qu'entretenir, à notre avis, de la
confusion chez la population et chez les soignants et cela ne changera rien
pour les personnes handicapées intellectuelles qui sont déjà bien protégées par
les critères existants.
On peut supposer que le législateur veut
éviter que le terme «handicap» non balisé mène à des dérives. Pourtant, il est
bien encadré par les autres critères obligatoires, soit une souffrance jugée
insupportable et inapaisable, le caractère grave et incurable de la condition
et l'aptitude à consentir aux soins. En considérant les autres critères
d'admissibilité et les mesures de sauvegarde pour baliser ce soin, à notre
avis, aucune personne ne pourrait se qualifier si elle est seulement atteinte
d'un handicap mineur. La présence du terme «handicap», sans aucun qualificatif
associé parmi les critères d'admissibilité, n'a pas conduit, à notre
reconnaissance, à des excès ou à des dérives dans tout le reste du Canada
depuis 2016. Pourquoi en serait-il autrement au Québec?
Si on veut enfin autoriser les personnes
souffrantes affligées de handicaps lourds ici à accéder à l'aide médicale à
mourir, ne restreignons pas ce droit davantage qu'ailleurs au pays. Sur le plan
médical, à notre avis, c'est injustifiable. On ne peut accepter qu'une personne
d'Ottawa, par exemple, puisse pouvoir mettre fin à ses souffrances grâce à
l'aide médicale à mourir, tout en refusant celle-ci à une personne de Gatineau
affligée des mêmes handicaps. Je l'ai dit, je le redis, il ne peut y avoir deux
lois pour une même souffrance.
Sur la question des demandes anticipées,
nous constatons cette grande avancée pour la société québécoise bien que le
Code criminel ne le permette pas encore. Il faut, dès lors, je pense, prévoir
les dispositions et décrets nécessaires pour son entrée en vigueur. Cependant,
nous constatons un ajout, comparativement au texte du projet de loi n° 38,
qui stipule qu'au moment de l'administration du soin la personne devra
objectivement éprouver les souffrances décrites dans sa demande anticipée, en
plus des souffrances physiques ou psychiques persistantes et insupportables qui
ne peuvent être apaisées. Cela pourrait-il rendre certaines demandes anticipées
inapplicables? Qu'adviendra-t-il si, par exemple, le patient n'éprouve pas
d'autre souffrance que celles prévues à sa demande? Ce faisant, va-t-on à
l'encontre du respect des valeurs, de l'autodétermination, des volontés et des
droits de la personne? Là encore, le collège fait entendre la voix des
personnes souffrantes et la voix des médecins qui ne peuvent prodiguer ce soin
dans la confusion. Mourir dans la dignité, c'est aussi pouvoir terminer sa vie chez
soi et bénéficier des soins palliatifs à domicile. Au Québec, ce n'est
malheureusement pas toujours le cas, et, même à l'hôpital, la dignité n'est pas
<toujours présente...
M. Gaudreault
(Mauril) :
...Mourir dans la
dignité, c'est aussi pouvoir terminer sa vie chez soi et bénéficier des soins
palliatifs à domicile. Au Québec, ce n'est malheureusement pas toujours le cas,
et, même à l'hôpital, la dignité n'est pas >toujours présente,
malheureusement. Nous saluons, donc, la volonté affirmée de la ministre que les
soins à domicile se déploient davantage et nous lui offrons notre entière
collaboration.
En terminant, impossible pour nous de ne
pas vous en parler, la question des troubles mentaux. Le collège respecte la
volonté de la ministre de faire le débat sur cette question. Le collège
comprend aussi qu'il faut avancer à un rythme qui tient compte de
l'acceptabilité de la société. Sur le plan médical, cependant, le collège
estime que le Québec ne peut plus et ne doit plus être en retard sur le reste
du Canada. Lorsque la santé mentale sera autorisée comme seule ou principale
condition médicale invoquée d'un océan à l'autre, il ne faudra pas laisser des
années s'écouler avant que les Québécoises et les Québécois puissent y avoir
accès. D'ici là, il faudrait convenir d'une terminologie relative aux troubles
et à la maladie, car les deux termes sont utilisés comme synonymes par les
gouvernements fédéral et provincial.
Du reste, nous estimons que le niveau de
souffrance engendré par certains problèmes de santé mentale est aussi
inapaisable que pour toute autre maladie physique. Penser autrement, pour nous,
c'est stigmatiser les personnes atteintes de problèmes de santé mentale. Cela
perpétue le préjugé qu'elles ne sont pas aptes à prendre des décisions, et
qu'on doit forcément les protéger d'elles-mêmes et décider à leur place. Et à
celles et ceux qui prétendent qu'il y a, à court terme, un espoir de guérison,
le collège répond que c'est, entre-temps, condamner ces personnes à des
souffrances auxquelles, chaque jour, elles préfèrent souvent la mort. Le
collège, d'ailleurs, a réfléchi sur cette question et a proposé des balises
cliniques claires dans le rapport de son groupe de réflexion sur l'aide
médicale à mourir en décembre 2021. Par respect pour ces personnes souffrantes,
donc, Mme la ministre, il faut accélérer la réflexion sur cette question.
Nous vous remercions de toute l'attention
que vous avez portée à nos propos et que vous accorderez au mémoire détaillé,
que nous avons transmis, la même attention. Dr Naud et moi sommes prêts à
répondre à vos questions et à accueillir vos commentaires. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Messieurs, merci beaucoup pour cet exposé. Maintenant, je
vais céder la parole à la ministre pour une période de 16 min30 s.
Mme Bélanger : Alors,
merci beaucoup, Dr Gaudreault, Dr Naud. Je veux saluer, d'entrée de jeu, la
grande implication du Collège des médecins depuis l'adoption de la première loi
concernant les soins de fin de vie. Je pense que c'est important de mentionner
que le Collège des médecins a toujours été présent, collaboratif, ouvert,
soucieux de donner une qualité de soins et services exemplaire à la population.
Et donc merci beaucoup pour cette grande implication.
Nous avons reçu votre mémoire, je l'ai lu
attentivement. Il y a plus d'une dizaine de recommandations, là, j'y vais de
mémoire, mais vous en avez soulevé quelques-unes. Elles sont toutes très
importantes, mais vous ne serez pas surpris que, dans le fond, ma première
question va être en lien avec le handicap neuromoteur.
• (16 h 20) •
Donc, nous avons débuté nos travaux ce
matin, et, dès ce matin, là, c'est une question qui est très importante, qui a
été soulevée, d'ailleurs, par des collègues médecins, que vous connaissez sans
doute, et qui recommandent aussi de ne pas, je dirais, aller de l'avant avec la
notion spécifique du neuromoteur et de laisser la question de handicap bien
présente dans le projet de loi, mais sans spécifier la nature de handicap. Donc,
vous recommandez aussi, donc, la même chose, donc, de retirer le volet
neuromoteur.
Ma question, dans le fond, est :
Comme Collège des médecins, est-ce que vous n'avez... vous ne craignez pas
qu'il y ait des dérives, justement, si on ne précise pas, dans notre projet de
loi, la définition de handicap?
M. Gaudreault
(Mauril) :Écoutez, .je vais faire... On
va toujours fonctionner un peu comme ça. Alors, je vais débuter la réponse,
Alain va compléter.
Mme Bélanger : Parfait.
M. Gaudreault
(Mauril) :En fait, ce qui nous préoccupe,
c'est beaucoup, c'est beaucoup de priver des personnes qui souffrent et qui ne
répondent pas à ce fameux qualificatif de neuromoteur. Et je vous dirais tout
de suite, il faut garder les choses simples. Je ne connais aucun médecin qui
veuille contourner les lois ou son <code de déontologie...
M. Gaudreault
(Mauril) :
...réponde pas à ce
fameux qualificatif de neuromoteur. Et je vous dirais tout de suite, il faut
garder les choses simples. Je ne connais aucun médecin qui veuille contourner
les lois ou son >code de déontologie. La notion de handicap, à notre
avis, est claire partout au Canada, sauf ici. À notre connaissance, je le
répète, il n'y a pas eu de dérive nulle part au Canada à ce sujet-là.
Et, en tout respect, vraiment, en tout
respect, pour vous, là, à vouloir clarifier davantage, je pense qu'on complique
les choses. Il existe effectivement plusieurs sortes de handicaps, qu'ils
puissent être visuels, auditifs, sensoriels, physiques ou neuromoteurs. Les
balises, à mon avis, pour éviter les dérapages, sont déjà claires, et je ne
pense pas qu'il soit utile d'en ajouter. Le Québec, sur le plan médical, je le
répète, a déjà sept années de retard, sept années pendant lesquelles des
personnes n'ont pas eu accès aux soins médicals disponibles ailleurs au Canada.
Nous pensons qu'il faut corriger cette situation et qu'il faut regarder la
personne globalement, peu importe l'origine de son handicap.
En ajoutant le terme «neuromoteur», nous
estimons que vous n'aidez pas les personnes, que vous n'aidez pas les médecins
non plus. Dans les faits, on risque de continuer à priver de soins des
Québécoises et des Québécois. Pour nous, pour moi, il s'agit de personnes, de
personnes qui ont des handicaps et qui sont lourdement affectées par ces
handicaps-là. Et je ne pense pas qu'il soit nécessaire de définir l'origine de
ce handicap, mais de regarder l'état global de la personne qui en est arrivée à
demander ce soin. Et vous aurez compris que, pour nous, c'est toujours un soin
à l'aide médicale à mourir, s'il y a d'autres soins, mais c'est un soin pour
lequel le médecin, et bientôt l'infirmière praticienne spécialisée, tant mieux,
auront des discussions avec le ou la patiente par rapport à la possibilité
d'utiliser ou d'administrer ce soin. Complément.
M. Naud
(Alain) :Mme la ministre, la réponse à
votre question : Est-ce que nous craignons des dérives? La réponse, c'est
non. Vous savez, quand on a commencé à parler d'aide médicale à mourir en 2009
au Québec, là, on a fait le même genre de prévisions apocalyptiques. Là, vous
savez, il y aura des dérives, et on va prendre la pente glissante. On va
utiliser ça pour vider les CHSLD. On va utiliser ça pour libérer des lits,
économiser de l'argent dans les hôpitaux. Ça fait sept ans maintenant, au
Québec, qu'on pratique l'aide médicale à mourir, et il n'y a pas eu de dérive,
et ça n'a pas été utilisé pour vider les CHSLD.
Alors, à chaque fois qu'on parle
d'élargissement, on revient toujours avec ces mêmes prévisions apocalyptiques
là. Et c'est très bien d'y aller avec prudence et, je pense, c'est très bien,
et c'est parfait, là, dans l'exercice, de retourner, là, chacune des pierres.
Mais, vous savez, il y a eu une hécatombe dans les CHSLD, dans les trois
dernières années, puis c'était à cause de la COVID, là. Ce n'était pas à cause
de l'aide médicale à mourir.
En 2014, quand le Québec a adopté sa
propre loi, c'était remarquable. À l'époque, le Québec devenait la société la
plus avant-gardiste et la plus progressiste en Amérique du Nord et réussissait
à introduire l'aide médicale à mourir comme un soin de santé, justement, parce
qu'on le limitait aux gens qui étaient en fin de vie, malgré que le Code
criminel le prohibait toujours. Et c'était remarquable. Mais il faut comprendre
que, depuis ce temps-là, il y a eu le jugement unanime de la Cour suprême du
Canada qui est l'arrêt Carter en février 2015, où la Cour suprême, encore une
fois, dans un jugement unanime, a posé des balises qui sont à la fois très
simples et très claires. Et on arrivait alors dans un tout autre paradigme. Ce
n'était plus l'aide médicale à mourir pour mourir plus rapidement, c'était
l'aide médicale à mourir maintenant qui s'adressait à des patients avec des
maladies, affections, handicaps graves et incurables et qui rencontraient, par
ailleurs, toutes les autres balises pour mettre fin à des souffrances sans
égard à la durée de vie qui pouvait rester. Et le message de la Cour suprême,
il était très clair : Le droit à la vie ne doit pas se transformer en
obligation de vivre. Si vous avez une maladie, une affection ou un handicap
grave et incurable, que vous avez des souffrances que vous ne voulez plus
tolérer, avec un impact sur votre vie constant, et que vous n'en pouvez plus,
que vous êtes rendu au bout de la route que vous étiez prêt à prendre.
Donc, on était complètement ailleurs. La
difficulté qu'on a au Québec, c'est qu'on ne s'est jamais ajusté à l'évolution
du droit, des jugements qui ont eu lieu dans l'aide médicale à mourir depuis
l'adoption de notre propre loi, ce qui fait qu'on est passé de la société la
plus progressiste en Amérique du Nord à la province, depuis juin 2016, la
première modification du Code criminel, à la province la plus injustement
restrictive dans l'accès à l'aide médicale à mourir, et que, depuis toutes ces
années-là, nous avons sept ans <de retard...
M. Naud
(Alain) :
...depuis juin 2016, la
première modification du Code criminel, à la province la plus injustement
restrictive dans l'accès à l'aide médicale à mourir, et que, depuis toutes ces
années-là, nous avons sept ans > de retard maintenant, nous avons des
patients, j'en ai eus, mes collègues en ont eus, des patients que nous avions
dans nos lits, extrêmement souffrants, qu'on a regardés mourir, en faisant des
grèves de la faim, qu'on a regardé se suicider parce que nous ne pouvions pas
accéder à leur demande. Depuis sept ans que le Canada anglais fonctionne avec
les balises claires que la Cour suprême a données, maladies, infections,
handicaps, il n'y a jamais eu de dérapage ou de dérive au Canada anglais.
Pourquoi en serait-il différemment au Québec? Pourquoi serions-nous différents
à cet égard?
Il faut bien comprendre que la notion de
handicap n'est pas un passe-droit automatique vers l'aide médicale à mourir non
plus, hein? Alors, il y a une série de critères, il y a une série de balises.
Et, comme médecins, ça fait sept ans, maintenant, que nous utilisons ces
balises-là qui doivent toutes être rencontrées, donc, on parle d'un handicap
grave et incurable avec un impact, hein, sur un déclin avancé et irréversible
des capacités. Alors, il est très évident que quelqu'un qui perd un oeil ne
pourrait pas avoir accès à l'aide médicale à mourir. C'est le cas dans tout le
Canada depuis 2006, et il n'y a pas de raison qu'il en soit, là, différemment,
là, ici, au Québec.
Mme Bélanger : ...Dr
Naud, je pense que c'est important de mentionner, là, que je ne voudrais pas
qu'on fasse le lien, dans cette salle, entre les personnes aînées qui vivent en
CHSLD et ce qu'il s'est passé durant la COVID. Et ma question était davantage
sur la notion de handicap «at large», mais vous y avez répondu, là, vers la fin
de votre intervention.
Je suis un petit peu surprise d'entendre
qu'au Québec on a sept ans de retard. Sept ans de retard par rapport à qui, à
quoi? J'ai plutôt l'impression, surtout quand je consulte les différents
rapports de la Commission des soins de fin de vie ainsi que d'autres groupes,
qu'au contraire au Québec on a développé toute une approche très
professionnelle, interdisciplinaire. Puis je veux saluer encore une fois le
travail du Collège des médecins, l'Ordre des infirmières ainsi que d'autres
collèges professionnels, le ministère de la Santé. Et on est même cité en
exemple dans la façon d'aborder les soins de fin de vie au Québec. Ceci étant
dit, on n'est pas parfait, mais je suis très surprise d'entendre qu'on a sept
ans de retard. Donc, il faudra certainement, éventuellement, qu'on regarde ça
de notre côté.
Et je vais aussi vouloir examiner
qu'est-ce qu'il se passe réellement dans les autres provinces par rapport à la
notion de handicap? Parce que, dans le fond, là, c'est vraiment ça, là, je
dirais, le cœur de notre discussion, là. Et puis je voulais vous entendre là-dessus,
mais merci, vous l'avez bien fait, mais je pense qu'il va falloir continuer
d'examiner la situation de près. Je suis très sensible aux arguments que vous
avez apportés.
Peut-être une dernière question de mon
côté, puis après je pourrais laisser la parole à mes collègues. J'aimerais vous
entendre sur le volet du trouble mental. Vous savez que, lors de la Commission
spéciale sur les soins de fin de vie, il y a eu... on a reçu plusieurs
recommandations dont une, d'exclure tout à fait le trouble mental du projet de loi
que j'ai déposé. Et j'aimerais vous entendre sur la notion de trouble mental.
On est à la première journée, là, de nos rencontres, mais on va avoir d'autres
groupes qui vont venir nous entretenir du volet du trouble mental, mais comme
Collège des médecins, j'aimerais vous entendre à ce sujet-là.
• (16 h 30) •
M. Gaudreault
(Mauril) :...je veux vous dire que nous
respectons les parlementaires qui, au niveau fédéral, ont décidé de retarder
tout cela d'un an, prétextant que la société n'était pas prête à aller de
l'avant, puis c'est tout à fait... on est tout à fait d'accord avec ça. Ce que
nous aimerions, c'est que nous, on se prépare à cela également au Québec, par
rapport à une décision prise, peut-être dans un an, de permettre à des
personnes, pour lesquelles le seul problème en est un état de santé mentale, de
pouvoir avoir recours à ce soin, ce soin qu'est l'aide médicale à mourir. C'est
ça que nous proposons. On propose de le faire avec vous également, là, de toute
cette réflexion-là, puis d'y participer.
Mais, nous, au collège, en 2021, on a mis
sur pied un groupe de réflexion qui a fait des travaux pendant sept mois, pour,
par la suite, proposer un positionnement officiel de notre ordre professionnel
en décembre 2021, dans lequel on parle de santé mentale, de problèmes de santé
mentale. Et, quand on a fait ça, on a fait des sondages au niveau de la population,
on a fait des sondages au niveau de la communauté médicale <québécoise...
>
16 h 30 (version révisée)
< M. Gaudreault
(Mauril) :
...21 dans lequel on
parle de santé mentale, de problèmes de santé mentale. Et, quand on a fait ça,
on a fait des sondages au niveau de la population, on a fait des sondages au
niveau de la communauté médicale >québécoise, on a reçu des mémoires de
diverses personnes, la plupart étant des médecins, on a consulté des experts et
on en est venu à la conclusion, puis c'est très bien décrit dans notre
positionnement puis dans notre document, qu'il faudrait regarder cela comme il
faut puis permettre ce soin éventuel à adapter à des patients qui souffrent de
problèmes de santé mentale.
Mais on décrit très bien les balises, très
bien la discussion puis très bien l'attention qu'il faut porter à cela. Puis ce
n'est pas pour n'importe quel problème de santé mentale, c'est pour des
problèmes de santé mentale qui durent depuis des décades, depuis des dizaines d'années,
pour lesquels divers soins ont été tentés, etc., et pour lesquels la personne
demeure apte à prendre des décisions pour elle-même au bout de ces décades-là
de traitements qui ont été efficaces et qui entraînent des souffrances d'ordre
psychique, mais tout aussi importantes que les souffrances physiques et
inapaisables.
Donc, notre position, elle est celle-là, elle
est très bien décrite dans notre guide, dans notre document. Et je le répète,
là, je veux dire, pour nous, il s'agit de vous recommander de débuter dès
maintenant une réflexion là-dessus pour arriver quelque part au même point
lorsque le gouvernement fédéral prendra une décision à ce sujet-là. C'est dans
ce sens-là qu'on veut s'exprimer aujourd'hui là-dessus.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, je pense que la députée de Soulanges
avait une question. Il reste 2 min 22 s. La parole est à vous.
Mme Picard : Merci, Mme
la Présidente. J'aimerais vous entendre un petit peu plus... bien, pas
précisément, mais j'aimerais avoir un exemple où, en Ontario, si la loi est
telle qu'elle, avec le neuromoteur, en Ontario, quelqu'un y aurait accès et pas
ici. Pouvez-vous nous décrire un cas que vous avez rencontré, peut-être, pour
nous faire une meilleure tête, là, dans nos réflexions?
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, là-dessus, je vais
demander au clinicien qui est avec moi, là, de...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Dr Naud.
M. Naud
(Alain) :...était médecin urgentologue au
Québec, ici, a déjà travaillé pour le Collège des médecins. 2008, fait un
accident de moto, se retrouve quadriplégique, fait de la réadaptation. Dr Deblois
avait des ressources, alors ce n'était pas par manque de ressource, là, il
habitait sa propre maison, totalement adaptée, avec un préposé 24/7. Il a
même recommencé à travailler, éventuellement, comme médecin. 10 ans plus
tard, il ne trouvait plus de sens à sa vie. Et qui suis-je, moi, comme
clinicien, pour lui dire qu'il devrait en trouver un? Dr Deblois, le 16 février 2018,
est allé mourir en Suisse, à la clinique Dignitas. Et je ne sais pas si vous
avez une idée de ce que c'est d'aller mourir en Suisse, là, mais c'est dans un
quartier industriel, dans un bâtiment anonyme, vous allez mourir loin de chez
vous, loin de vos proches qui, un mois plus tard, reçoivent une petite boîte de
cendres, là, par la poste. En 2018, Dr Deblois aurait été admissible à l'aide
médicale à mourir partout ailleurs au Canada, sauf au Québec.
Je vous réfère rapidement dans un autre...
à un autre un autre exemple, Caroline Lamontagne, et je vous invite à
aller voir un récit numérique, sur le site de Radio-Canada, qui a été mis sur
le site Web en décembre dernier, décembre 2022. Caroline Lamontagne avait
33 ans. Lors d'une plongée dans un lac, une simple baignade, une simple
plongée, une vague lui a frappé le cou. Elle a été victime d'une fracture de C1
qui l'a laissée quadriplégique. Caroline Lamontagne a fait de la
réadaptation, elle aurait eu une... récupéré partiellement au niveau des
épaules. Après deux ans et demi, Caroline Lamontagne jugeait que sa vie n'avait
plus de sens, elle n'avait plus aucun plaisir à vivre. Elle a dit : Là, le
matin, moi, quand je me réveille, là, tout ce que je regarde, c'est le plafond,
c'est ma journée et c'est ça, ma nuit, puis, si je n'ai pas personne, ce n'est
rien d'autre. Qui suis-je, moi, pour lui dire qu'elle devrait trouver un sens à
sa vie, Caroline Lamontagne? Et je vous invite à aller voir sur le site Web,
parce qu'il y a un reportage et un témoignage vidéo de Caroline Lamontagne
qui dure six minutes. Et, si vous vous demandez encore qui sont ces gens-là qui
ont un handicap, qui font une demande d'aide médicale à mourir, en six minutes,
vous allez tout comprendre.
Le 20 octobre 2022, Caroline Lamontagne
a reçu l'aide médicale à mourir chez elle, accompagnée de son mari, un ami et
de son fils, dans sa maison, parce qu'elle vivait en Alberta. Caroline Lamontagne
aurait pu recevoir l'aide médicale à mourir au Nouveau-Brunswick, en
Nouvelle-Écosse, en Ontario, partout ailleurs au Canada, sauf au Québec. Et je
vous invite vraiment à regarder le reportage vidéo qui dure 6 min 20 s
et à réfléchir. Si vous aviez été là, à ce moment-là, qu'auriez-vous dit à <Caroline...
M. Naud
(Alain) :
... et à réfléchir. Si
vous aviez été là, à ce moment-là, qu'auriez-vous dit à >Caroline Lamontagne
pour lui expliquer qu'il y a seulement qu'au Québec qu'elle n'aurait pas pu
mettre fin dignement à ses jours comme elle le souhaitait, alors que, partout
ailleurs, c'est un droit acquis?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Dr Naud, sur cette grande question, je vais devoir passer
maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis pour une période de
9 min 54 s. Donc, on poursuit l'échange, cette fois avec la
députée de Westmount. La parole est à vous.
Mme Maccarone : De Westmount—Saint-Louis.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci.
Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Un plaisir de vous avoir avec nous
aujourd'hui. Merci beaucoup pour votre témoignage, pour votre mémoire et aussi
d'avoir partagé l'histoire de Mme Lamontagne. Évidemment, je pense qu'on
peut tous constater que c'est une histoire triste. Je pense qu'on est tous
ici... Puis je regrette que je ne l'aie pas dit auparavant, mais on est une
belle brochette féminine, autour de la table, vous avez toute notre écoute,
puis on est ici parce qu'on souhaite aider des personnes comme
Mme Lamontagne.
Mais, quand je vous entends dire qu'il n'y
a pas de dérive depuis 2016, moi, je n'ai pas vu la preuve de ça. On voit, il y
a des journalistes derrière vous, j'espère que quelqu'un va creuser pour voir.
Puis ce n'est pas parce que je ne vous crois pas, mais c'est parce que moi, je
n'ai pas lu. Ça se peut qu'il y a eu des dérives. Et, moi, personnellement, je
suis ici pour éviter, pour éviter qu'on en a, des dérives. S'ils n'en ont pas
eu, tant mieux, mais je suis sincèrement préoccupée que, si on n'en met pas,
des balises, des critères, des définitions avec une compréhension commune dans
cette loi, on risque d'avoir des balises.
Puis j'ai entendu qu'on parle de la
comparaison avec, par exemple, en Ontario ou Alberta, mais... Puis je constate
que c'est important pour moi, peut-être, de regarder la météo ailleurs, mais ce
n'est pas parce qu'il pleut en Alberta que je vais ouvrir mon parapluie ici, au
Québec. Puis je pense que c'est important aussi d'amener notre saveur, de qui
nous sommes ici, comme Québécois et Québécoises, pour s'assurer qu'on a une loi
qui reflète nos valeurs aussi.
Ça fait que je vous soumets la question,
parce que vous avez raconté l'histoire de Mme Lamontagne, mais, si,
mettons... C'était l'exemple que j'avais posé, plus tôt, à les gens qui sont
venus témoigner, de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la
dignité, l'exemple de quelqu'un, jeune, athlète, 24 ans, peut-être
similaire à l'histoire de Mme Lamontagne, qui est maintenant
quadriplégique. Puis, dans leur mémoire, il dit : «J'ajoute qu'aucun
médecin ne répondrait à une demande d'aide médicale à mourir d'un adulte blessé
médullaire avant une période reconnue de réadaptation qui s'échelonne sur
plusieurs années.» Selon vous, c'est quoi, cette période?
Parce que, si on n'a pas de balise dans la
loi, ça se peut qu'à Chicoutimi, pour eux, c'est cinq ans, ça se peut qu'au
CUSM — je vois Dr Gfeller est avec nous — ça se peut qu'au
CUSM c'est deux ans, ça se peut, ailleurs, c'est 10 ans. Comment
allons-nous déterminer qu'on a une compréhension commune de ça? C'est ma grande
question. Si on enlève la notion de neuromoteur puis qu'on n'en a pas, de
définition puis des balises, comment allons-nous s'assurer qu'on ne fait pas
fausse route puis qu'on respecte l'autodétermination et les choix des personnes
comme Mme Lamontagne?
Parce que ce n'est pas moi qui va
déterminer la souffrance de cette personne puis... malgré que vous, les
médecins puis les professionnels de la santé, vous allez hériter cette question.
Puis j'ai énormément de respect pour le corps professionnel puis ceux qui vont
administrer l'aide médicale à mourir, parce que, mon Dieu! je ne peux même pas
imaginer être dans cette position. Vous êtes quand même des êtres humains,
vous-mêmes, puis ça reste que c'est quand même des choix qui sont, à quelque
part, existentiels et subjectifs. Voilà.
• (16 h 40) •
M. Gaudreault
(Mauril) :Un, pour les dérives au Canada,
au reste du Canada, à notre connaissance, je l'ai dit tantôt, il n'y a pas eu
de dérive. Oui, je suis d'accord avec Mme Bélanger, là, on va aller voir
comme il faut par rapport à tout cela s'il y en a eu, des dérives, ou pas. OK?
Au Québec, il n'y a pas eu de dérive, tu sais? Vous pourrez peut-être demander...
poser la question au Dr Bureau plus tard, aussi, par rapport à tout ça, mais il
n'y en a pas eu, de dérive, ici, et, à notre connaissance, il n'y en a pas eu
ailleurs au Canada. Mais je suis tout à fait d'accord pour qu'on aille voir de
façon sérieuse s'il y en a eu ou pas, là, tu sais, ce n'est pas... il ne s'agit
pas de se lancer là-dedans tout à coup, sans prendre les précautions
nécessaires. Ça, c'est la même chose par rapport aux dérives. C'est ma première
réponse à votre question par rapport aux dérives.
Par rapport aux cas, moi, je suis un gars
de Chicoutimi, ça fait qu'à Chicoutimi, je ne sais pas, peut-être que ça prend
cinq ans, peut-être... puis avec Gfeller, au CUSM, ça prenait deux ans, je ne
le sais pas. Mais tout ça, je veux dire, c'est cas par cas, hein, je veux dire,
ça dépend des patients. Les patients, il faut toujours les écouter, qu'est-ce
qu'ils veulent, qu'est-ce qu'ils ressentent comme sentiment, qu'est-ce qu'ils
ont comme désir, qu'est-ce qu'ils <veulent...
M. Gaudreault
(Mauril) :
... comme sentiment,
qu'est-ce qu'ils ont comme désir, qu'est-ce qu'ils >veulent. Mais c'est
toujours une discussion que le médecin a avec son ou sa patiente par rapport au
problème et par rapport aux avenues, par rapport à un plan de traitement, par
rapport à un pronostic possible. Et donc cheminer là-dedans, ça peut prendre,
pour une patiente de 24 ans... ça peut prendre 10 ans, pour une autre
ça peut prendre quatre ans. Ça ne peut pas prendre quatre semaines, là, tu
sais, on va s'entendre là-dessus, là.
Mais c'est cas par cas puis de décisions
entre le professionnel compétent — moi, je dis «médecin» parce que je
suis président du Collège des médecins, mais là on va dire «infirmière
praticienne spécialisée» aussi, bien sûr — donc, professionnel
compétent et son patient ou sa patiente. Je veux dire, c'est de définir le plan
de traitement ensemble puis de convenir des divers soins possibles, dont
celui-là.
M. Naud
(Alain) :Vous savez...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui, vous voulez ajouter, Dr Naud?
M. Naud
(Alain) :Oui, j'aimerais ajouter.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Allez-y.
M. Naud
(Alain) :Vous savez, déterminer qu'un
patient est admissible... Moi, je suis un praticien, ça fait 38 ans que je
suis en pratique, je suis médecin de famille, je fais des soins palliatifs
depuis 38 ans, je pratique l'aide médicale à mourir depuis les tout
débuts. Évaluer qu'un patient est admissible, la première rencontre me prend
entre 2 h 30 et 5 heures. Alors, s'il y en a qui pensent que ça
se fait sur le coin d'une table, à la va-vite, là... Entre 2 h 30 et
5 heures. Donc, c'est un exercice qui est extrêmement rigoureux.
Il n'y a pas de réponse précise à votre
question parce qu'il n'y a pas d'individu pareil. Si on essaie de mettre en
place des critères très restrictifs, on va priver une grande partie de la
population. Parce que déterminer qu'un malade a un handicap, et un handicap
physique n'est pas forcément un handicap neuromoteur, et je pense qu'on erre en
associant les deux, là, handicap physique n'équivaut pas à neuromoteur, de
vouloir définir ça, on va forcément restreindre l'accès à l'aide médicale à
mourir, alors que notre objectif à tous, c'est de l'élargir.
Mme Maccarone : ...dire
que quelqu'un qui a perdu l'utilisation de ses jambes, ça peut être
l'équivalent d'une personne qui a perdu l'utilisation de ses bras ou sa
vision...
M. Naud
(Alain) :Écoutez, la valeur de la vie, il
appartient à chaque personne de le déterminer, est-ce que ma vie vaut encore la
peine d'être vécue. Et, pour le même handicap, évidemment, la temporalité peut
être très différente. Vous avez 80 ans, vous vous retrouvez
quadriplégique, peut-être que vous n'aurez pas le goût d'essayer la
réadaptation pendant trois ans, comme un jeune de 23 ans qui vient d'avoir
un accident de moto. Alors, ça s'apprécie au cas par cas, et c'est pour ça
qu'une première évaluation nous demande entre 2 h 30 et 5 heures.
Alors, si, dans l'optique d'élargir l'aide
médicale à mourir, on commence à mettre beaucoup de critères, on va avoir
l'effet contraire, on va restreint l'aide médicale à mourir. Encore une fois,
dans le Canada anglais, on fonctionne avec les balises simples et claires que
la Cour suprême a mises, qui sont : maladie, infection, handicap, grave et
incurable. Mais, après ça, bien, faisons confiance aux professionnels de la
santé à qui on a confié le rôle d'évaluer l'admissibilité des patients et de
prodiguer l'aide médicale à mourir.
Moi, comme médecin, pour soulager la
souffrance, pour aider mes patients, ce que j'ai besoin, c'est qu'on me donne
des lois qui sont claires. Actuellement, et je parle au nom des médecins dans
la province, là, ce qui retient le plus les médecins de participer à l'aide
médicale à mourir, c'est l'incohérence entre deux lois. Et nous sommes les
seuls, au Québec, à avoir deux lois qui ne disent pas la même chose sur les
mêmes pathologies. Et ça, c'est ce qui retient beaucoup les médecins, par
crainte d'être... de se retrouver avec des poursuites criminelles. Parce que vous
savez comme moi que ne pas respecter les balises de la loi nous expose à des
poursuites criminelles. C'est le principal motif actuellement.
Alors, moi, comme médecin, pour soulager
la souffrance de mes patients, j'ai besoin qu'on me donne des instruments qui
sont clairs. Il vous appartient de les déterminer, et on va fonctionner avec,
mais ça nous cause un gros problème depuis sept ans au Québec.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dr Naud. Pour une courte question, la députée
de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci. Moi,
je voudrais revenir sur votre suggestion que les troubles... les personnes avec
troubles mentaux soient ajoutées au projet de loi. Parce que, bien là, disons
que c'est... Bien là, on l'a vu, du côté fédéral, qu'il y a eu une année qui...
il y a un délai d'une année, parce que, justement, c'est des enjeux très
particuliers, très sensibles, et il n'y a pas assez, disons, de services qui
sont disponibles à la population, justement, pour s'assurer qu'ils peuvent
trouver un moyen de vivre avec leur maladie mentale... leur enjeu de santé
mentale, sans devoir aller pour... excusez-moi, l'aide médicale à mourir.
Donc, je voudrais savoir... puis je
voudrais juste revenir sur un point aussi. La dernière fois que ça a été
discuté en commission, il me semble que ça n'a pas été... bien, ça n'a pas été
amené dans le projet de loi parce qu'il n'y avait pas de <consensus.
Donc...
Mme Prass :
...
bien, ça n'a pas été amené dans le projet de loi parce qu'il n'y avait pas de
>consensus. Donc, avant d'arriver à ce que les gens avec des troubles de
santé mentaux puissent être admis dans le projet... dans l'aide médicale à
mourir, ne pensez-vous qu'il n'y a pas plus de services de soins à leur offrir
que dans le contexte actuel?
M. Gaudreault
(Mauril) :Écoutez, on n'est pas là pour
vous convaincre d'aller dans ce sens-là. Ce que j'ai dit, puis je le précise à
nouveau, c'est que, oui, la société doit continuer à débattre de cela, puis on
veut faire partie de la conversation avec vous par rapport à comment on va
cheminer par rapport aux problèmes de santé mentale. La deuxième chose, c'est
que, dans notre document, c'est très clair, notre positionnement par rapport à
des malades qui les ont eus, ces soins-là, qui les ont eus pendant des dizaines
d'années, des soins appropriés, et pour lesquels ils arrivent dans une
condition où ils espéraient pouvoir bénéficier de ce soin. Donc, c'est sûr
qu'on aura ensemble, comme société, à avoir à fournir l'ensemble des soins
possibles aux diverses personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Gaudreault.
M. Gaudreault
(Mauril) :...avant d'aller plus loin.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous couper, le temps imparti à la formation
politique vient de s'écouler. Je dois maintenant laisser la parole, pour la
poursuite de nos discussions, à la députée de Sherbrooke. La parole est à vous
pour 3 min 18 s au total. Merci.
Mme Labrie : Merci, Mme
la Présidente. Je vais changer de sujet avec vous puis je vais vous amener sur
la recommandation 8 parce qu'elle me surprend. Si je comprends bien la
recommandation 8, c'est que vous nous invitez à réfléchir au fait qu'en ce
moment c'est la Commission sur les soins de fin de vie qui évalue la conformité
de l'administration de l'aide médicale à mourir à la loi. Vous revendiquez de
vous occuper vous-même de ce suivi, si je comprends bien. Ça me surprend parce
que la composition de la Commission sur les soins de fin de vie, c'est quand
même une composition qui est assez interdisciplinaire, ça m'apparaît pertinent.
Donc, j'aimerais comprendre pourquoi vous jugez plus pertinent que ce soit le
Collège des médecins qui s'occupe de ça.
M. Gaudreault
(Mauril) :...ce qu'on recommande, c'est
de revoir le mandat de la commission. On ne recommande pas de l'effacer ou de
l'éliminer, pas du tout, mais d'en revoir le fonctionnement. Pourquoi? Après x
années de fonctionnement... Je suis convaincu que c'était nécessaire d'avoir
une commission comme celle-là, alors qu'on mettait en place une telle loi puis
une telle possibilité d'offrir ce soin-là, convaincu de ça. Est-ce que c'est
encore nécessaire maintenant? La question, c'est la même chose qu'un débat de
société par rapport à d'autres problèmes : Est-ce qu'on doit continuer à
garder la commission? Puis, en tout respect pour Dr Bureau, qui est derrière
moi puis que je connais bien, là, ce n'est pas ça, ce n'est pas une question de
personnalité par rapport à tout ça. Nous, ce qu'on demande, c'est de faire une
réflexion là-dessus : A-t-on besoin encore de cette commission-là?
Et je vais terminer là-dessus pour
respecter le temps, là, mais pour tout soin, au Québec, l'évaluation de la
qualité de l'acte, elle est confiée au Collège des médecins du Québec et aux
CMDP dans les établissements. Ce soin-là, ce n'est pas le cas. Je comprends,
historiquement, puis peut-être que nous allons décider tous ensemble que la
commission doit continuer son travail dans ce sens-là, mais éventuellement je
pense que ce soin-là devra aussi faire partie de l'évaluation de la qualité des
actes médicaux partout au Québec pour tous les autres soins. Voilà, c'est dans
ce sens-là.
Mme Labrie : Mais
l'administration de l'aide médicale à mourir, l'administration de la... la
conformité à la loi, ce n'est pas juste l'acte médical, il me semble que c'est
quand même pertinent que ce soit un comité sur lequel il y a, par exemple...
bon, il y a des travailleurs sociaux, le milieu de l'éthique est présent...
• (16 h 50) •
M. Gaudreault
(Mauril) :...Québec, là, il y a plein de
soins pour plein de personnes, là, qui nécessitent du travail des équipes
interdisciplinaires. Il n'y a pas ce soin-là. Mais l'acte, l'acte, et c'est un
acte médical mais aussi infirmière spécialisée, maintenant... l'acte
d'administrer ce soin, bien, c'est un acte médical qui, à notre avis, pourrait
faire l'objet de l'évaluation du Collège des médecins, comme tous les autres
soins. Mais, ça, on verra bien par rapport... Ce qu'on recommande, puis je vais
finir là-dessus, c'est de... je pense qu'il faut profiter, après tant d'années,
de revoir le mandat puis le fonctionnement de la commission.
M. Naud
(Alain) :Puis, juste pour rajouter, Mme
la députée, c'est que les conseils de médecins, dentistes, pharmaciens de tous
les établissements de la province évaluent déjà toutes les AMM administrées et
toutes les sédations palliatives continues administrées. Alors, c'est un
exercice qui est déjà fait, qui est déjà fait, qui est déjà en place, et ils
évoluent à partir des mêmes formulaires que reçoit la Commission sur les soins
de fin de vie. Et, quand la Commission sur les soins de fin de vie juge qu'une
AMM n'est pas <conforme pour...
M. Naud
(Alain) :
... Et, quand la
Commission sur les soins de fin de vie juge qu'une AMM n'est pas >conforme,
pour quelque raison que ce soit, le dossier est référé au CMDP et au Collège
des médecins du Québec, qui sont les instances, en bout de ligne, qui prennent
la décision finale et qui se prononcent sur la conformité médicale de l'acte
médical qu'est l'aide médicale à mourir.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Dr Naud. Pour terminer cette ronde de discussion, je
laisse la parole à la députée de Laviolette—Saint-Maurice pour une période de 3 min 18 s.
La parole est à vous.
Mme Tardif : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour. J'aimerais vous amener peut-être sur deux terrains un
peu glissants, mais je pense qu'on doit en parler. Vous êtes d'accord avec...
et, moi aussi, là, avec l'obligation que les établissements constituent des
groupes interdisciplinaires d'experts pour soutenir, pour accompagner les
professionnels de la santé ou des services sociaux qui offrent les soins de fin
de vie. Concrètement, est-ce que nous avons suffisamment de professionnels?
Parce que, là, on va travailler sur un projet de loi. Sur le terrain, vous êtes
sur le terrain depuis quelques décennies, j'ai une crainte, parce que j'ai vu
et j'ai entendu des hôpitaux qui me disent et qui... des hôpitaux qui font des
soins de fin de vie, et ce n'est même pas l'aide médicale à mourir, là, et ils
me disent : On est à bout de souffle. Comment on va faire, concrètement?
Et ma deuxième question, ma sous-question
serait : Vous avez émis des bémols quant au rôle et aux obligations des
tiers, des tiers de confiance, et vous parlez, vous avez nommé quelques
allègements ou modifications, j'aimerais vous entendre à ce sujet-là s'il reste
un peu de temps.
M. Gaudreault
(Mauril) :...
M. Naud
(Alain) :Oui. Bien, écoutez, l'enjeu de
ressources, il prévaut partout, hein? Il ne prévaut pas juste dans notre
système de santé. Effectivement, c'est une bonne question que vous soulevez. Il
faut comprendre qu'il y a déjà actuellement, depuis le tout début, ce qu'on
appelle des groupes interdisciplinaires en santé qui sont actifs au Québec. La
difficulté, c'est que c'est quand même assez hétérogène. Alors, je pense qu'il
n'y aurait pas un gros effort de restructurer ça tout simplement pour les
rendre plus efficaces et fonctionnels. Mais il y a déjà quelque chose qui
existe, qui est en place depuis le tout début. Moi, je pense que...
Mme Tardif : ...pour
chaque établissement?
M. Naud
(Alain) :Bien, chaque établissement... C'est-à-dire
qu'il faut voir l'établissement dans un sens très, très large, hein? Puis, si
je vous parle, mettons, par exemple, ici, de la région 03, Portneuf,
Québec, Charlevoix, bien, il y a trois établissements. Il n'y en a pas tant que
ça, des établissements, hein, vous savez? Alors, on en est là. Il y en a une
vingtaine, près d'une trentaine, là, Mme la ministre le sait mieux, plus que
moi, là, d'établissements au Québec, là, il n'y en a pas tant que ça. Et je
pense qu'on ne parle pas ici, là, de faire un groupe dans chaque hôpital,
nécessairement, ou CLSC, ou clinique. Mais ce sont des groupes de support, à ce
moment-là. Et moi, je pense que c'est réaliste, là, d'envisager de le mettre en
place.
M. Gaudreault
(Mauril) :Votre deuxième question, si on
a le temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...allez-y.
M. Gaudreault (Mauril) :Quelques secondes, OK. Bien, le collège, on l'a écrit dans
notre mémoire, voit d'un bon oeil la possibilité de désigner un tiers de
confiance dans une demande anticipée, OK, mais il faut faire attention par
rapport à tout le poids qu'il y aura, éventuellement, sur cette personne-là.
Donc, il faut l'accompagner, tous ensemble, là, pour qu'elle fasse bien son
travail, la personne, parce qu'à un moment donné ça peut devenir très lourd
pour le tiers de confiance lorsque la personne devient inapte, par exemple.
Mais, ça, on pourra, ensemble, y travailler.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Dr Naud, Dr Gaudreault, la maîtresse du temps que je suis
vous remercie pour votre contribution aux travaux de notre commission, l'ensemble
des parlementaires vous souhaitent une bonne fin de journée.
Je vais suspendre quelques instants pour
recevoir notre prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 55)
(Reprise à 17 h 01)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission des
relations avec les citoyens reprend ses travaux.
Nous recevons, donc, Carpe
Diem — Centre de ressources Alzheimer, qui est représenté par la
directrice et présidente, Mme Nicole Poirier. Bienvenue, Mme Poirier.
Donc, vous aurez 10 minutes pour vous présenter ainsi qu'exposer votre...
une partie de votre mémoire. La parole est à vous.
Carpe Diem — Centre de ressources
Alzheimer
Mme Poirier (Nicole) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Mme Bélanger, merci, membres du
comité, de m'avoir permis de venir exprimer le fruit de mes réflexions, qui
sont échelonnées sur bientôt presque 40 ans d'accompagnement de personnes
qui vivent avec la maladie, leurs familles. Je l'ai fait dans le cadre de Carpe
Diem, une <maison qui accueille...
>
17 h (version révisée)
<
Mme Poirier (Nicole)T :
...40 ans
d'accompagnement de personnes qui vivent avec la maladie, leurs familles. Je l'ai
fait dans le cadre de Carpe Diem, une >maison qui accueille des
personnes qui vivent avec la maladie d'Alzheimer, des familles aussi qui sont à
domicile, et aussi avec ma mère, qui a eu la maladie et qui en est décédée.
Donc, moi, je propose de débuter un petit peu par mon expérience personnelle,
puis aussi parler de certains éléments généraux qui viennent en lien avec le
projet de loi, puis ensuite, peut-être, regarder quelques articles qui ont
soulevé mon... mes questionnements.
Bien, d'abord, quand j'ai accompagné ma
mère, qui souffrait de la maladie d'Alzheimer... nous, on est sept enfants et
on avait tous le consensus qui consistait à dire : Il ne faut pas qu'elle
souffre inutilement, et on est partis avec une bonne entente familiale. Et on
a... on s'est vite rendu compte que décider à la place d'une personne, c'est
compliqué, lorsqu'elle n'est plus capable de prendre certaines décisions. Donc...
Elle a eu un cancer en plus. Alors, on s'est tout de suite demandé : Est-ce
qu'on traite ou pas le cancer? Est-ce qu'on cesse ou non la médication anti-alzheimer,
qui provoque des effets indésirables et... Est-ce qu'on la continue ou pas? Est-ce
qu'elle peut toujours vivre à domicile? Est-ce qu'on a une compréhension
commune des enjeux cliniques, tels que la souffrance qu'elle peut ressentir? Quelle
est la différence avec la douleur? Douleur et souffrance, on n'était pas
toujours tous d'accord avec ça. C'est quoi, l'acharnement et le raisonnable, la
volonté de... qu'elle avait avant la maladie versus quand elle a développé la
maladie? Et puis comment savoir si son comportement était lié à la maladie ou à
d'autres effets comme notre incompréhension ou l'environnement physique?
Et puis, vers la fin de sa vie, ma mère,
elle fronçait les sourcils et elle exprimait des jurons, ce qu'elle n'avait
jamais fait. Elle levait le poing, lançait son dentier. Certains membres de ma
famille y voyaient l'expression de la maladie. Des gens pouvaient dire :
Ah! c'est un trouble du comportement qui est lié à la maladie. Et on s'est
rendu compte que, si elle prenait des antidouleurs, elle retrouvait le sourire,
elle remettait son dentier, puis elle nous disait merci, puis elle était
souriante.
Donc là, je vous partage cet événement-là
parce que, souvent, les professionnels et les familles, on a tendance à mettre
sur le compte de la maladie ou sur le... sur le compte de la maladie certains
comportements, alors qu'il peut y avoir une cause qui est liée à la douleur et...
ou à l'environnement aussi.
Je donne souvent l'exemple de fenêtres.
Les fenêtres, dans une chambre ou dans une salle à manger, le soir, peuvent
refléter. On marche puis on se voit dans les fenêtres. Bien, pour certaines
personnes qui ont des troubles perceptuels, ils voient des personnes, alors ils
ont toujours l'impression qu'il y a quelqu'un qui les suit. Donc, souvent, on
se dit : Bien, qu'est-ce qu'elle a? Elle ne reste pas assise, elle ne veut
pas rester dans sa chambre. Quand on ne sait pas ces choses-là, on peut mettre
la personne dans une condition de souffrance, parce que son environnement... il
y a des choses à faire dans son environnement, et on ne le sait pas par manque
de connaissance.
Et puis, ensuite, bien, j'ai vu que, même
si on était unis, une famille de sept enfants qui cheminent, il y en a qui
prennent des chemins dans leur vie qu'on ne connaît pas toujours, et puis j'ai
été quand même étonnée de voir qu'à un moment donné, quand on discutait,
certains membres de ma famille avaient... il y a des croyances religieuses ou
philosophiques qui s'étaient développées, que j'ignorais, et pour lesquelles il
a fallu tenir compte aussi lorsqu'on accompagnait ma mère. Donc, tout ça
compliquait beaucoup les choses.
Et, quand est arrivée la fin de la vie,
malgré des signes cliniques évidents, je vous jure, moi, j'étais... j'en ai vu,
moi, des gens mourir, j'ai été brouillée, troublée par le fait de dire : Est-ce
que c'est vraiment le dernier moment? Est-ce qu'on donne la dernière dose? Si
je ne la donne pas, est-ce que c'est par égoïsme, parce que je veux la garder
encore un peu avec moi? Puis, si je la donne, c'est-tu parce qu'on est fatigué
puis il y a des conditions qui font qu'on... Et puis je me disais : Bien,
c'est compliqué. Et, pour moi, cette... le fait de devoir décider comme ça pour
elle, ça m'a convaincue que jamais je ne demanderai à mes enfants ou à
quiconque de décider plus tard. Cette décision-là, je trouve qu'elle est
sous-estimée dans toutes les... dans tous les échanges qu'on a, ce qu'on
impose, ce que le tiers de confiance va avoir à vivre, s'il est toujours là, en
plus, si ses convictions changent aussi. Donc, je me dis : Mais qu'est-ce
qu'il me reste si je décide que je ne veux pas faire vivre ça à mes enfants? Ça
ne veut pas dire que j'ai envie de souffrir plus tard. Ça veut... J'ai... Je ne
veux pas souffrir plus qu'une autre personne. Donc, ça, c'est le premier
élément.
Puis ensuite, bien, pour ce qui est des...
du projet de loi, je dirais que, souvent, on pense que le fait de rédiger des
directives anticipées, ça va nous donner l'esprit tranquille, on va être
correct puis on va <pouvoir...
Mme Poirier (Nicole) :
...de
rédiger des directives anticipées, ça va nous donner l'esprit tranquille, on va
être correct puis on va >pouvoir, éventuellement, vivre certaines années
de vie... puis, après ça, que nos volontés soient exprimées. Et, quand j'ai
fait partie du comité d'experts avec Howard Bergman en 2008, déjà le comité
d'experts visait à mettre sur pied un plan d'action pour la maladie
d'Alzheimer. Il y avait 10 000 diagnostics par année, en 2008, de
maladies apparentées à l'alzheimer. Donc là, vous avez posé la question,
quelques-uns : Comment on va faire pour évaluer ça? Qui va le faire?
Est-ce qu'on a... on aura les ressources pour prendre le temps de le faire? Puis,
si on prend des ressources pour le faire, qui on va priver ensuite? Et
qu'est-ce qu'il va se passer avec les personnes qui n'auront pas... rédigé des
demandes anticipées? Moi, ça, c'est une de mes craintes, que ces personnes-là
soient mises de côté parce que, pour x raisons, elles n'auront pas... rédigé
des demandes, rédigé des demandes parce que le diagnostic va être posé trop
tard, par exemple, parce qu'elles n'auront pas été accompagnées, peut-être, dans...
sur ce chemin-là, ou pour des raisons comme la mienne, où moi, je ne veux pas
faire porter cette responsabilité-là à quelqu'un d'autre. Je trouve que
c'est... Il faut avoir les moyens de nos ambitions aussi si on veut faire ça.
Ensuite, bien, un point qui m'intrigue
beaucoup aussi, c'est l'évaluation de l'état de conscience versus les fonctions
cognitives. Il y a beaucoup de confusion quand on parle d'inaptitude et de
troubles cognitifs. Les outils qu'on a en ce moment, d'un point de vue
clinique, ce sont des outils qui évaluent les fonctions cognitives : la
mémoire, le jugement, l'orientation, le langage, mais ces outils-là n'évaluent
pas l'état de conscience, l'état émotif, l'état intérieur. Et ces outils, ils
pénalisent beaucoup les personnes qui sont aphasiques. Je vous invite vraiment,
dans vos réflexions, à prendre connaissance de ces outils-là. Quand on... Quand
les professionnels vous disent : On a des échelles qui mesurent la
douleur... C'est difficile de mesurer la douleur pour une personne qui est
aphasique. C'est difficile de mesurer aussi l'état intérieur d'une personne qui
ne peut plus dire les mots qui sont... qui correspondent à la photo qu'il y a
sur le test, mais ça ne veut pas dire qu'intérieurement elle n'a pas les
réponses. Donc, j'ai peur que des personnes, autant au début de la maladie, qui
pourraient se prévaloir du droit de mourir avec l'aptitude, ne soient pas
jugées aptes parce qu'elles vont avoir été pénalisées par l'aphasie ou, en bout
de ligne aussi, en fin de vie... ou plus tard, seront pénalisées parce qu'elles
n'ont pas l'aptitude à communiquer à cause de l'aphasie aussi. Donc, je trouve
que, là-dessus, il y a vraiment un... Quand les gens disent : On peut
évaluer, puis, oui... Moi, ça fait 40 ans, et puis je ne peux pas
comprendre comment on peut faire pour évaluer ça avec certitude. Ça risque de
créer beaucoup de confusion puis, peut-être, d'opposition.
Ensuite, bien, on parle du droit au choix.
C'est beaucoup revenu, ça, d'avoir le choix : Si j'ai le choix, les autres
ont le choix. Bon, alors, le choix, si je pense aux... aussi aux Pays-Bas, par
exemple, où... le seul pays où les personnes peuvent exiger... fournir des
demandes anticipées, aux Pays-Bas ça existe, bien, les choix... le choix qu'ils
ont aussi, c'est beaucoup de pouvoir vivre à domicile. Aux Pays-Bas, il y a
toute une dynamique à domicile. J'ai... Je suis allée aux Pays-Bas puis j'ai vu
des organismes qui aident les gens à vivre chez eux et qui investissent
beaucoup à ce niveau-là, puis, s'ils ne peuvent pas vivre chez eux, ils peuvent
vivre dans des petites maisons non institutionnelles. C'est... Ça me semble, en
tout cas, être au moins un minimum de choix. Ici, qu'est-ce qu'on offre aux
gens comme choix? Donc, moi, si je ne veux pas faire porter le poids à mes
enfants, quel choix il me reste? Il me reste que je ne pourrai peut-être pas
vivre à domicile à cause qu'on a... Et je vous remercie aussi d'avoir comme
priorité les soins à domicile et... pour permettre aux gens de dire : Bien,
si je veux... si je ne veux pas confier ce choix-là à quelqu'un, au moins je
pourrai vivre à domicile puis j'aurai d'autres perspectives d'avenir.
• (17 h 10) •
Donc, le projet de loi, bien... j'ai
décrit quelques... quelques commentaires sur les articles. D'abord, ce n'est
pas assez connu que, bientôt, ou maintenant, je crois, même, une personne qui a
la maladie d'Alzheimer peut avoir l'aide à mourir, en autant qu'elle soit apte.
Moi, j'ai posé des questions dans mon entourage, puis les gens ne savent pas
ça. Ils pensent que, si les directives anticipées ne sont pas adoptées, on
laisse tomber complètement les gens qui ont la maladie. Souvent, les gens, ils
me disent encore : Je ne voudrais pas être obligé d'aller en Suisse. Mais
on n'est plus obligé d'aller en Suisse, on peut recevoir ici l'aide à mourir.
Donc, ça, je pense qu'il faudrait quand même le mentionner, que c'est un
changement important avec ce qu'on connaissait avant. Puis ensuite, bien, si
vous voulez, je peux déjà... on pourra passer sur les articles un à un si vous
avez des questions.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
Merci beaucoup, Mme Poirier,
pour, d'abord, votre témoignage puis également les commentaires que vous <formulez
...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
...Merci beaucoup, Mme Poirier, pour, d'abord,
votre témoignage puis également les commentaires que vous >formulez. On
va commencer l'étape des... de la période d'échange avec les députés. On va
commencer, d'ailleurs, avec la ministre, qui a quelques questions pour vous.
Mme Bélanger : Oui.
Bonjour, Mme Poirier. Merci d'être présente, merci d'avoir préparé ce
mémoire. Puis aussi j'en profite pour souligner le travail que vous faites
depuis plus de 30 ans, notamment comme fondatrice de Carpe Diem, et puis
je pense qu'on le voit dans vos propos mais aussi dans l'approche que vous avez
par rapport aux milieux de vie, l'environnement, l'importance de
l'accompagnement des personnes ayant une maladie d'Alzheimer.
Vous avez dit beaucoup, beaucoup de
choses, et j'aimerais peut-être revenir... j'ai vu ça, là, dans votre mémoire,
mais vous écrivez : «Je ne peux être en faveur de cette loi parce que je
sais que des actions et des décisions pour atténuer un grand nombre de
souffrances existent et ne sont pas considérées.» Qu'est-ce que vous voulez
dire précisément? J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que c'est quand
même assez important comme affirmation. Alors, si je peux... j'aimerais ça vous
entendre un petit peu plus, s'il vous plaît.
Mme Poirier (Nicole) : Oui.
Bien, ce que je dis, c'est qu'aujourd'hui on a beaucoup de difficulté, les
professionnels, à faire la différence entre des souffrances qui sont liées à la
maladie puis des souffrances qui sont liées à l'environnement. Donc, qu'est-ce
qui pourrait être fait? Il pourrait... Par exemple, quand on parle
d'incontinence, par exemple... Je ne veux pas vivre si je deviens incontinent,
mais on sait que l'incontinence, ça peut être repoussé longtemps si on est
capable d'accompagner la personne, si on a une organisation qui le favorise.
Donc, ça, c'est un exemple de situation où on pourrait prendre des décisions,
d'un point de vue organisationnel, qui changeraient beaucoup la vie des
personnes. Être incontinent, ça peut être souffrant, effectivement, mais rester
dans sa protection pendant plusieurs heures, ça, c'est encore plus souffrant,
puis encore plus souffrant, comme j'ai vu dernièrement, lorsqu'on a des plaies
qui ne sont pas connues de la famille puis qu'on urine sur une plaie. On fait
juste se brûler le bout du doigt, puis le... ça fait mal longtemps, mais des
plaies qui sont brûlées comme ça... Bon. Ça, c'est un exemple.
L'alimentation, par exemple. Il y a des
gens qui disent : Bien, si je ne peux plus manger seul... Il y a tellement
de choses qu'on peut faire pour aider une personne à s'alimenter. Il y a 60 %
des gens, selon certaines études, qui sont dénutris dans certains milieux, pas
dénutris parce qu'on ne leur donne pas à manger mais dénutris parce que soit
ils ne savent plus comment manger, on leur pose la nourriture, on s'en va, et
puis ils n'ont plus... Ils ont faim, mais ils pourraient... ils pourraient
manger s'ils avaient un peu d'aide. Et puis il y a plein de mesures. Nous, à
Carpe Diem, on mange avec les personnes, puis, juste le fait de manger, ça
redonne la personne... à la personne la réponse pour commencer à manger. Et, si
elle ne sait plus comment, on va l'aider discrètement, par exemple, puis elle
va continuer à manger.
On a vu dans les médias qu'il y avait de
la nourriture qui se jetait dans les établissements. Tout... Bon, il y a eu
plein de commentaires là-dessus, mais moi, je me disais : Mais cette
nourriture-là qui devait être donnée aux gens, qu'on jetait, pourquoi elle n'a
pas été donnée? Est-ce que c'est parce qu'on n'a pas su comment les alimenter
correctement?
Bon, ça, c'est un autre exemple : la
nuit. Il y a tellement de choses qu'on pourrait faire la nuit, parce que les
gens se lèvent, sont parfois angoissés, veulent aller aux toilettes. Il y a des
décisions qui pourraient être prises juste dans une vision de mieux accompagner
la nuit, au lieu de parfois donner... appeler ça un trouble d'errance nocturne
perturbateur, avec plein de termes qui, en... un petit peu, étiquettent la
personne. On pourrait changer la façon d'accompagner la nuit pour que les gens
ne soient pas médicamentés, puis tombent moins vite, puis perdent leur
autonomie. C'est plein de petites choses comme ça que je trouve qui pourraient
être faites puis qui ne sont pas assez connues.
Mme Bélanger : En fait,
je pense que vous démontrez bien l'importance de bien répondre aux besoins des
personnes. Puis chaque personne est spécifique, et on doit, donc, organiser les
soins, les services en conséquence, là. Je pense que vous le démontrez très
bien.
Cependant, pour les personnes ayant la
maladie d'Alzheimer, on le voit bien qu'une fois que toutes les conditions, là,
sont au rendez-vous il reste qu'il y a quand même une détérioration éventuelle
de la personne, qui va éventuellement, là, aller vers la fin de sa vie. Chaque
personne est unique, les stratégies doivent être différentes d'une personne à
l'autre. Puis, malgré ça, je pense qu'on remarque quand même, dans certaines
expériences cliniques, qu'il y a des personnes qui, malgré tout ce qui va avoir
pu être fait, vont continuer à être dans un état où ça chemine vers la fin de
leur vie, puis avec le moins de souffrance possible, on l'espère.
Vous avez fait, tantôt... Vous avez parlé
de votre propre expérience, celle que vous avez vécue avec votre <mère...
Mme Bélanger :
...Vous
avez fait, tantôt... Vous avez parlé de votre propre expérience, celle que vous
avez vécue avec votre >mère, et vous dites que vous avez réalisé tout le
poids moral et les déchirements que peuvent... qui peuvent avoir lieu entre les
membres d'une famille lors d'un accompagnement d'un proche en fin de vie.
Est-ce que vous ne croyez pas, justement, que la demande anticipée viendrait
enlever cette pression sur les proches? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Parce que la demande médicale anticipée,
elle est faite au moment où la personne, en fait, a tout son jugement pour
prendre une décision éclairée, donc la décision appartient à la personne dans
le cas d'une demande anticipée, dans le cas d'une demande d'aide médicale à
mourir, bien sûr. Mais, si je reviens avec l'exemple de la maladie d'Alzheimer,
alors, vous ne croyez pas que la personne qui a un diagnostic d'alzheimer,
supposons, à 60 ans, qui, en toute connaissance de cause, en pleine
capacité, porte un jugement sur ce qu'elle souhaite pour elle-même comme fin de
vie... Quelle valeur vous attribuez à ça? Ça, j'aimerais vous entendre à ce
sujet-là. Puis prenons l'exemple d'une personne qui a un diagnostic d'alzheimer
mais qui n'est pas du tout en phase de fin de vie, là, elle est vraiment dans
une période d'adaptation, elle vient de recevoir la... son diagnostic et elle
fait cette réflexion-là. Vous ne pensez pas que ça ne pourrait pas décharger,
au contraire, les proches?
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
il y a deux choses. Une personne qui est dans les débuts puis qui peut réfléchir,
comme vous le mentionnez, moi, je regarderais beaucoup la possibilité de vivre
et de... Tant qu'elle est apte, elle a l'accès... elle a un choix, en ce
moment, cette personne-là, elle a le choix de décider d'avoir l'aide à mourir
en étant apte. Déjà, je trouve que c'est... On a l'impression qu'on peut tomber
inapte du jour au lendemain. Oui?
Mme Bélanger : ...corriger
un petit peu, là, la compréhension. En fait, la personne qui reçoit un
diagnostic d'alzheimer qui ne répond pas aux critères de souffrance physique,
elle ne pourrait pas recevoir l'aide médicale à mourir au moment où elle le
demande, au moment où elle vient d'avoir un diagnostic, si elle ne répond pas à
toutes les autres conditions qui sont déjà prévues dans la loi sur les soins de
fin de vie. La nuance que j'amène, c'est qu'elle pourrait, cependant, faire une
demande anticipée, c'est-à-dire faire une demande aujourd'hui pour quelque
chose qui va arriver plus tard.
Mme Poirier (Nicole) : Oui.
Mme Bélanger : Alors, on
est là, pas pour avoir immédiatement l'aide médicale à mourir, là, bien sûr.
Mme Poirier (Nicole) : Non,
je le sais, mais il ne faut pas oublier qu'elle aurait toujours ce choix-là. Et
donc vous dites : pour plus tard. Bien, pour plus tard, là où je pense que
ça peut être très lourd moralement, c'est quand la personne ne présentera pas
de souffrance mais que des symptômes comme on a vus, qui ont été dits
publiquement : si je ne reconnais pas les proches, si je suis incontinent,
des choses comme ça. Pour moi, ça peut être source de grande culpabilité pour
les proches s'il n'y a pas de souffrance. Ce qui est très dur, c'est de voir
des gens souffrir, puis c'est pour ça que je vous dis que je ne peux pas
être... je ne suis pas contre le projet de loi parce qu'effectivement il y a
des fois où il y a des personnes qui souffrent l'enfer, qu'ils n'auraient
jamais pu prédire dans une demande anticipée, puis que, malgré tout ce qu'on
fait, on n'arrive pas à les soulager. Bien, ces personnes-là, je pense qu'il faut
qu'on pense à les soulager. Puis il ne faut pas que ça soit que celles qui ont
pensé l'écrire d'une façon. Et c'est là que ça... Moi, je suis inquiète de ça.
Puis je suis inquiète que les gens disent : Mais ce n'est pas juste,
finalement, parce qu'il y a plein de monde qui souffre.
Puis il y a des gens qui souffrent
beaucoup aussi parce qu'on n'a pas les ressources pour évaluer leur condition,
par exemple, quand ils sont à domicile ou en RPA. Puis il y a beaucoup de monde
qui sont dirigés vers l'urgence, où c'est la pire place à aller. Et puis ce
qu'on vient vous raconter ici, en commission parlementaire, c'est des
situations qui ont lieu souvent à l'urgence, où on est obligé de contrôler les
personnes, et puis c'est traumatisant. Moi, c'est ça qui a fait que je me suis
engagée, il y a presque 40 ans, c'est quand j'ai accompagné une personne à
l'urgence qui était... qui s'était fendu la tête puis qui s'est retrouvée, en
24 heures, alitée, puis elle n'a plus remarché pendant 10 ans. Elle
avait 60 ans.
Donc, je le comprends, ça, qu'il y a des
conditions où la souffrance, elle pourrait être évitée. Et puis c'est pour ça
que je trouve qu'il faudrait qu'on pense à tout le monde et non pas qu'à ceux
qui l'ont rédigée à l'avance.
• (17 h 20) •
Mme Bélanger : OK.
Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Merci, Mme Poirier.
Je pense qu'il y a la députée de Laporte qui aurait quelques questions.
Mme Poulet : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Non.
Mme Poulet : ...alors...
Oui. Alors, en lien avec qu'est-ce que vous avez vécu
personnellement, on sait que... Bon, ma question, c'est concernant les tiers de
<confiance...
Mme Poulet :
...Alors,
en lien avec qu'est-ce que vous avez vécu personnellement, on sait que... Bon,
ma question, c'est concernant les tiers de >confiance. Vous avez
mentionné que, dans une même famille, il peut y avoir des valeurs différentes
d'une personne à l'autre. Quelle est... Au niveau des tiers de confiance,
quelle... de quelle façon... Bon, on a déjà plusieurs lignes pour encadrer tout
ça. Est-ce que vous avez des recommandations supplémentaires que vous pouvez
nous apporter, justement, pour bien encadrer le tiers de confiance?
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
comme je vous dis, je... Ici, tout à l'heure, vous parliez de... Mme Hivon
parlait du poids moral pour les équipes, les médecins, le professionnel, et
tout. Je me disais, avec ma collègue : Bien... Puis les tiers de confiance,
eux, quel poids ils vont avoir lorsqu'il va falloir enclencher la démarche? Je
n'ai pas vraiment... Je trouve que c'est tellement un enjeu important,
sous-estimé.
Pour un proche, moi, je me dirais, bien...
peut-être, pour accepter, ce serait si la personne souffre, puis c'est... puis
le consensus d'équipe qui dit qu'elle souffre. Et il y a des gens qui en
souffrent, là, que c'est évident. Là, je pense que ça serait plus acceptable
pour un proche de lever le... d'enclencher le processus.
Puis, pour ce qui est du reste, je vous
invite aussi à essayer de les rédiger, vos demandes anticipées. Vous allez voir
que ce n'est vraiment pas facile de se projeter, puis encore moins quand on a
reçu un diagnostic et puis qu'on est sous le choc du diagnostic.
Donc, je garderais profondément le critère
de la souffrance pour soulager la culpabilité, peut-être, que... peut être
vécue par les proches.
Mme Poulet : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Je pense que la députée de Vimont a une question.
Mme Schmaltz : Vous avez
soulevé tantôt quelque chose d'intéressant par rapport à l'état de conscience
et vous mentionnez qu'actuellement, de ce que j'ai compris, il n'existe pas
d'outil qui puisse mesurer cet état-là chez les personnes atteintes de cette
maladie dont on parle, l'alzheimer. Il semble... De ce que je comprends, c'est
que vous aimeriez, peut-être... pour pallier, peut-être, à ce manque d'outils,
d'avoir ce qu'on appelle... vous proposez un professionnel indépendant. Ça veut
dire quoi exactement?
Mme Poirier (Nicole) : Non.
Moi, ce que je dis, c'est qu'un professionnel indépendant qui ne connaît pas la
personne, c'est... C'est mieux d'avoir un professionnel compétent, parce qu'un
professionnel qui ne connaît pas la personne, il peut arriver... Comme vous et
moi, on arrive devant une personne qui ne parle plus, c'est difficile de
connaître les petites subtilités. Donc, je pense plutôt que ça prend des
professionnels qui connaissent la personne, puis sur la durée, puis qui vont
être capables d'avoir une évaluation plus juste.
Mme Schmaltz : ...je ne
sais pas, comme outil pour, justement, mesurer cet état de conscience?
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
il n'y en a... il n'en existe pas.
Mme Schmaltz : Bien,
c'est ça, il n'y en a pas?
Mme Poirier (Nicole) :
Moi, j'ai écrit un livre avec Roger Gil, qui est neuropsychiatre en France,
et je l'ai contacté avant de venir ici, puis il me dit : Il n'existe aucun
outil qui mesure l'état de conscience de la personne, sauf peut-être quand elle
est dans le coma, en fin de vie, puis qu'elle bascule dans un état comateux,
puis que, là, on voit cliniquement qu'il y a des signes. Sinon, juste la
prosopagnosie, reconnaître la... les traits du visage, c'est très subjectif. Il
y a tout un paquet d'échelles, qui part de ne pas reconnaître les traits à
reconnaître la voix, à reconnaître les cheveux, à sourire à une personne. Qu'est-ce...
Il y a une... Il n'y a pas d'échelle qui peut nous dire... Il n'y a pas un
grade qui nous dit à quel... quel est l'état de conscience. Mais, souvent, les
gens nous disent : Mais, oui, elle me reconnaît, mais je ne peux pas dire
exactement pourquoi.
Donc, les outils, ils mesurent l'aspect
cognitif et l'aspect... Et certains outils qu'on... dont on parle ici ont été
créés en 1970, en... aux États-Unis, par des psychiatres qui voulaient détecter
les signes cognitifs. Moi, quand j'ai commencé en 1980, là, 1985, on me disait :
Ces outils-là — qui sont les mêmes qu'on utilise aujourd'hui ou
inspirés — ne les utilisez jamais pour autre chose que pour du dépistage.
C'est des outils de dépistage, puis aujourd'hui, bien, on prend la même formule
pour évaluer une personne en fin de vie. Donc, si quelqu'un vous dit : En
bas de tel score, la personne, elle correspond aux critères, moi, j'ai des gros
doutes là-dessus, parce que ça ne nous donne que l'état cognitif mais pas
l'état intérieur, émotif de la personne.
Donc, c'est pour ça que je souhaite qu'il
y ait, dans un des articles... quand on parle beaucoup de «professionnel
compétent», là je questionne beaucoup, parce que «compétent»... être médecin,
être infirmière, ça ne donne pas nécessairement la compétence pour évaluer tout
ça. Puis, je vous dis, j'en vois, des médecins, puis j'en... je parle à des infirmières, puis ça prend une formation
particulière. Il faut que les équipes soient <formées...
Mme Poirier (Nicole) :
...parle
à des infirmières, puis ça prend une formation particulière. Il faut que les
équipes soient >formées pour pouvoir comprendre la réalité de la
personne puis aussi s'assurer que, quand on prendra la décision, on aura
éliminé toutes les autres causes possibles. Puis je trouve que c'est un aspect
positif qu'il peut y avoir dans cette loi-là, c'est que... Puis, Mme Bélanger,
j'étais rassurée quand je vous avais entendue dire : Ça va être une...
des... une loi pour des derniers recours, quand on aura tout essayé. Bien,
peut-être que ça sera l'opportunité, pour les équipes, de vraiment éliminer
tout ce qui ne sera pas... tout ce qui peut être traitable ou soulagé. Donc,
c'est ça, pour ce qui est du professionnel, aussi, compétent, ça ne vient pas
juste avec un titre.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Il reste une minute, je pense, pour la députée d'Abitibi-Ouest.
La parole est à vous.
Mme Blais : Merci, madame,
pour votre présentation. Vous avez piqué ma curiosité avec les gens qui ne
dorment pas la nuit. Qu'est-ce que vous faites exactement? Parce que vous dites
qu'on pourrait fonctionner avec eux, parce qu'on sait que l'anxiété, la nuit,
est élevée. Alors, j'aimerais vous entendre sur ce point.
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
une personne qui se lève la nuit, en fait, c'est que notre approche est de se
dire : Elle se lève la nuit, normalement, pour les mêmes raisons que vous
et moi, mais souvent le personnel ne pense pas à aller aux toilettes. Si on lui
demande : Voulez-vous aller aux toilettes?, elle ne comprend pas les mots.
On va... On n'insistera pas pour faire des gestes pour l'amener aux toilettes.
Il y a des gens qui ont faim, qui ne sont pas capables de le demander puis qui
fouillent partout, puis on va dire : Ils sont fouilleurs. Il y a des gens
qui se réveillent la nuit, entre autres, surtout dans les débuts, quand ils
sont dans une résidence. Imaginez-vous, la mémoire à court terme est touchée,
ça veut dire que vous vous levez la nuit, vous pouvez tous essayer ça quand
vous allez ailleurs, vous vous couchez... vous dormez ailleurs, vous vous
réveillez, vous ne savez plus où est-ce que vous êtes, bien, ça vous prend
quelqu'un qui vous dit où est-ce que vous êtes, donc être rassuré. Ça fait que
l'environnement doit être prêt à ça, l'environnement doit... être adapté aux
personnes qui se lèvent la nuit.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup.
Mme Poirier (Nicole) : Donc,
on peut manger, on peut faire plein de choses.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci pour cette réponse. Alors, le temps imparti à la
partie du gouvernement étant épuisé, je me tourne du côté de l'opposition
officielle avec la députée de D'Arcy-McGee. La parole est à vous.
Mme Prass : Merci, Mme
la Présidente. Merci de votre présence ici aujourd'hui.
Moi, j'ai une question à propos de la
notion des refus. Donc, la façon dont c'est rédigé présentement dans la loi,
c'est un refus qui amènerait à un rejet de la demande anticipée. Et on sait que,
pour les personnes qui ont des... une maladie d'Alzheimer, il peut y avoir des
sautes d'humeur, il peut y avoir une démence heureuse, etc., différents moments
que... auxquels, peut-être, ils rejetteraient, en cette instance-là, la demande
qu'ils avaient faite. Donc là, la demande est rejetée totalement. Disons, par
la suite, ils décident qu'ils veulent aller de l'avant, ils... leur humeur est
différente cette journée-là, ou quoi que ce soit, mais là ils sont devenus
inaptes. Donc, ils ne peuvent plus faire une demande anticipée parce qu'ils
n'ont plus... ils n'ont plus l'état d'esprit pour le faire.
Donc, pensez-vous, par exemple, que, s'il
y a un refus d'une personne avec une maladie d'Alzheimer, par exemple... qu'il
devrait y avoir un délai, disons, de 30 jours, 90 jours, ou quoi que
ce soit, plutôt qu'il y ait un rejet total de la demande, qu'il y ait, justement,
une période de délai pour que, peut-être, dans, comme j'ai dit, une période de
temps... que la personne revienne à leurs pensées originales, ou, par exemple,
avec l'idée d'un tiers de confiance... que c'est inscrit dans la demande
anticipée de la personne que, même si moi, je refuse, je donne la permission à
ce tiers d'accepter pour ma part?
• (17 h 30) •
Mme Poirier (Nicole) : OK.
Bien, moi, d'abord, je pense que les demandes anticipées, là, commencer à
rentrer dans des critères, là, comme ceux qu'on a parlé tout à l'heure,
c'est... ça va être compliqué à appliquer. Mon souci, c'est que ça soit
applicable aussi, tout ça. Puis c'est pour ça que je dirais qu'une demande
anticipée, ça devrait être de ne pas souffrir. Et, si je souffre, là, qu'on
évalue ma condition.
Donc, si la personne refuse, ça aussi,
c'est paradoxal, parce que, souvent, le refus, il est la... est... cause de
grandes souffrances, c'est l'expression d'une grande souffrance. Alors, si on
dit : Non, il y a un refus, on ne fait rien... mais, derrière ça, il y a
une souffrance. Puis, quand je vous parlais, tout à l'heure, des personnes, là,
qu'on... pour lesquelles on n'arrive pas à comprendre, c'est souvent des gens
qui nous repoussent, qui nous voient arriver comme des personnes qui peuvent
être dangereuses pour elles, qui nous... et qui crient, qui... et qui... et
c'est considéré comme un refus, alors que c'est une souffrance, si on a éliminé
toutes les autres causes.
Donc, je ne peux pas vraiment dire
qu'est-ce que je ferais dans... Je trouve que c'est trop paradoxal, cet article
de loi là, de dire : S'il y a un refus, je ne veux pas. Elle est déjà
inapte, donc son refus, il devrait être causé par la maladie, normalement.
Mme Prass : Donc, comme
j'ai dit, est-ce que vous pensez, par exemple, que, dans la demande anticipée,
il devrait y avoir un <élément...
>
17 h 30 (version révisée)
<
Mme Prass :
...Donc,
comme je disais, est-ce que vous pensez, par exemple, que, dans la demande
anticipée, il devrait y avoir un >élément pour que la personne dise :
Même si je refuse, je serais déjà en... inapte, donc on garde ce que j'ai écrit
dans ma demande anticipée ou, comme j'ai dit, que le tiers de... on précise que
le tiers de confiance peut demander même si la personne refuse d'aller de l'avant?
Mme Poirier (Nicole) : Oui,
si je suis souffrant. Si je suis souffrant, oui.
Mme Prass : OK. Parfait.
Donc, vous êtes d'accord que ça ne devrait pas être un rejet total, on devrait
prendre en considération vraiment...
Mme Poirier (Nicole) : Non.
Bien, je pense.
Mme Prass : OK, ça fait
que, dans ce cas-là, le formulaire dont on a parlé qu'on voudrait voir, est-ce
qu'il devrait y avoir, justement, un élément compris dans ce formulaire-là... Bien,
premièrement, vous avez des réticences autour de la demande anticipée, donc les
éléments qui se retrouveraient dans la formule pour que la personne prenne une
décision consciente... Et donc, c'est ça, pensez-vous qu'il devrait y avoir des
éléments dans le formulaire, justement, qui s'assurent qu'en cas de situation inapte
la personne, leur souhait, lors de la rédaction de la demande anticipée, sera
toujours respecté?
Mme Poirier (Nicole) : Bien
là, moi, ce que je dis, c'est que c'est la souffrance contemporaine, là, c'est...
donc, il faut que la personne, au moment précis, souffre, bien, je pense que
oui, il faudrait que ce soit... que ce soit respecté, il me semble, s'il y a
souffrance.
Mme Prass : Donc, ça
devrait être aussi inclus dans ce formulaire pour que la personne puisse...
Mme Poirier (Nicole) : Oui.
Oui.
Mme Prass : OK. Parfait.
Donc, je renouvelle notre demande de voir le formulaire avant que... dans le
cadre de l'étude du projet de loi.
Mme Poirier (Nicole) : Il
faudrait aussi prévoir un soutien énorme auprès des équipes. Parce que je vous
ai... j'ai parlé, moi, de ma famille, moi, j'accompagne des équipes, là, avec
mes collègues, là, qui sont ici, puis, dans une équipe aussi, il y a tout ce
que je vous ai dit tout à l'heure, là, qui peut être des points de vue
différents, mais on retrouve exactement la même dynamique dans une équipe où
quelqu'un va dire : Bien non, mais moi, je pense qu'elle ne souffre pas, puis :
Ah! non, bien, elle ne veut pas que je l'accompagne ce matin, par respect, je
vais la laisser dans son urine. Puis l'autre va dire : Non, par respect,
il faut que je l'accompagne. Elle ne mange pas, je pense qu'elle veut mourir. L'autre,
elle dit : Non, non, elle ne mange pas parce qu'elle a mal aux dents, elle
ne mange pas parce que ce n'est pas bon, parce qu'elle a des médicaments. Donc,
il y a vraiment un accompagnement d'équipe qu'il va falloir avoir, parce que je
ne pense pas qu'on va avoir... Le sens dont on parlait tout à l'heure, pour une
personne qui vit avec la maladie, bien, ça s'applique aussi au personnel. Quel
sens mon travail va prendre si, à un moment donné, mon évaluation de la
situation n'est pas celle des autres et puis que, là, ce soin-là est donné et c'est
irréversible?
Mme Prass : Ah! non, je
suis tout à fait d'accord avec vous. Et, en retournant à mon point original,
justement, par exemple, si on est soignant, et là que la personne dit :
Bien, moi, je refuse la demande, mais qu'on sait qu'on doit aller de l'avant
parce que c'est inscrit dans la loi, par exemple, si c'est le cas, cette
personne-là va avoir des contradictions, à savoir comment procéder et
comment... comment passer à travers ça. Donc, tout à fait d'accord qu'il y ait
un accompagnement et même service santé mentale, dans certains cas où les
personnes, il y a un conflit interne, disons, pour aller de l'avant avec le
voeu de la personne.
Il nous reste combien de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il vous reste 3 min 30 s.
Mme Prass : Là, je
voudrais vous entendre... bien, vous en avez parlé un petit peu, mais, si vous
pouvez élaborer sur, justement, quels sont les critères que vous pensez devraient
être vraiment expliqués à la personne qui va faire une demande anticipée pour
qu'il comprenne, que ce soit côté physique, que ce soit côté mental, qu'il
comprenne vraiment : Quand je serai rendu là, c'est à ce moment-là que je
ne... je considérerai que je voudrais avoir l'aide médicale à mourir.
Mme Poirier (Nicole) : J'ai
essayé de le faire, parce que j'accompagne des gens à tous les jours, là, des
personnes qui venaient d'avoir le diagnostic. Et, juste d'en parler, juste d'en
parler, c'est compliqué. La personne, elle n'en parle pas, elle. Puis moi, je
vais arriver puis je vais lui dire, elle vient d'avoir le diagnostic : Voici
ce qui serait possible plus tard. Un peu comme si vous... vous apprenez un
cancer, puis on vous parle tout de suite des soins de fin de vie. C'est ça qu'on...
Proposer aux personnes qui vont avoir le diagnostic, moi, à moins que la
personne ne m'en parle pas... ne m'en... c'est ça, si elle m'en parle, je vais
y... je vais élaborer avec elle. Mais, si elle n'en parle pas, déjà, ça va être
un... vraiment un enjeu, cette affaire-là. Mais...
Et qu'est-ce qu'elle met dans sa demande?
Bien, je vais avoir de la difficulté à aller autrement que : Si je souffre,
puis que ma souffrance est évaluée, et puis qu'il n'y a rien d'autre pour me
soulager, je veux être... je veux l'aide à mourir. C'est à peu près tout ce que
je serais <capable...
Mme Poirier (Nicole) :
...d'autre
pour me soulager, je veux être... je veux l'aide à mourir. C'est à peu près
tout ce que je serais >capable de lui proposer dans la rédaction de sa
demande. Toutes les autres me semblent impossibles à accepter. Il y a des
gens... Même, j'ai entendu à la télé quelqu'un dire : Mon père ne voulait
pas aller en CHSLD. S'il y avait eu la loi, il n'aurait pas été obligé d'y
aller. Bien, est-ce que ça va être le genre de demandes recevables, ça? Les
gens pensent ça en ce moment. C'est pour ça que je dis, il y a un consensus,
mais, quand on creuse un peu, c'est plus complexe que ça.
Mme Prass : Donc... (panne
de son) ...crainte que, justement, le diagnostic d'une maladie d'Alzheimer et
la possibilité d'avoir une aide médicale à mourir va diminuer notre perception
envers ces personnes-là, pour dire : Bien, tu sais, de toute façon, il va
y avoir une diminution de l'état de la personne, donc c'est inévitable?
Mme Poirier (Nicole) : Je
m'excuse, mais je ne suis pas sûre d'avoir compris.
Mme Prass : OK.
Avez-vous une crainte que, justement, en offrant une demande anticipée pour les
gens qui ont une maladie d'Alzheimer, que ça va amoindrir leur... la façon dont
eux, ils voient leur futur, par exemple, pour dire : Bien, écoute, on me
dit qu'inévitablement ça s'en va... tu sais, donc j'imagine que c'est le choix
pour moi, sans vraiment faire le choix d'eux-mêmes, mais parce que ça leur a
été présenté?
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
peut-être, mais, peut-être, ça va les rassurer aussi. Mais, s'ils souffrent,
éventuellement, ils vont être soulagés. Ce n'est quand même pas... il n'y a pas
de dérive là non plus, ils vont être... La dérive, pour moi, c'est ceux qui ne
seront pas soulagés puis qui n'auront pas fait leur demande. Puis je pense
aussi qu'il y aura des gens qui, rapidement, vont dire : Ce n'est pas
juste d'attendre qu'il y ait un diagnostic, parce qu'il y a beaucoup de monde
qui, lors du diagnostic, ne sont plus aptes. Il y a des gens qui m'ont dit :
Ma mère, il aurait été trop tard. Donc, il faut que le diagnostic... il faut
que la demande soit faite avant le diagnostic, que les gens mettent ça dans
leur mandat d'inaptitude. D'après moi, ça va... c'est une demande qui va venir,
parce que beaucoup de gens ne sont plus capables de le faire au moment de...
qu'ils ont le diagnostic. C'est logique.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci pour ces réponses. Alors, on est
rendu maintenant à la députée de Sherbrooke, pour une période de 3 min 18 s.
La parole est à vous.
Mme Labrie : Merci, Mme
la Présidente. Merci. D'abord, je tiens à vous dire que, pour ce que j'ai
entendu, c'est très beau ce que vous faites à la Maison Carpe Diem. Bravo
d'offrir ce niveau de services là aux gens.
J'essaie de réconcilier plusieurs des
choses que vous nous avez dites puis j'avoue avoir de la difficulté à voir
comment... comment qu'on pourrait s'y prendre. Vous nous avez mentionné... Aux
personnes qui vont vivre de la souffrance au moment où ils sont déjà devenus
inaptes, donc il est trop tard pour une demande de consentement anticipée, il
est trop tard pour une demande contemporaine, et donc vous vous inquiétez de
cette souffrance-là.
Vous nous dites aussi votre malaise par
rapport à la transmission de l'information sur l'aide médicale à mourir sans
que ce soit sollicité, est-ce que ça va être la promotion de ça. Je le comprends,
ce malaise-là, mais, en même temps, comment on fait pour réconcilier tout ça,
s'assurer que les gens ont vraiment entendu parler que ce recours-là existe,
qu'ils n'en soient pas privés parce qu'ils l'ignoraient et qu'ils subissent,
donc, de la souffrance sans avoir pu exercer ce droit-là, sans non plus tomber
dans la proposition de l'aide médicale à mourir à une personne? Il ne faut pas
que ça ait l'air de ça non plus, je... Est-ce que vous voyez une manière de
trouver un équilibre là-dedans?
• (17 h 40) •
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
moi, j'ai beaucoup... Comme je le dis dans le mémoire, je suis... j'ai de la
difficulté à être pour de façon tranchée puis être contre aussi, parce qu'il y
a beaucoup, beaucoup d'ambiguïtés comme ça qui sont... qui vont apparaître sur
le chemin de... sur ce chemin-là. Donc, je ne saurais pas comment concilier
tout ça autrement que de dire... Ce qui serait simple, là, ce serait de dire :
Bien, les gens peuvent le faire sans avoir de diagnostic. Ça, tu le fais sous
aucune pression ni celle d'avoir la maladie ni de personne, tu le fais toi-même
avant d'être malade. Peut-être... bon, il y aurait peut-être des notions. Ou la
fin de vie, lorsque la personne, elle bascule dans un... comme en Belgique, par
exemple, où on peut faire des directives... des demandes anticipées lorsqu'on
devient inconscient, à ce moment-là, c'est évaluable, là... où, d'un point de
vue médical, on voit que la personne est en fin de vie, on procède à l'aide
médicale à mourir. En Belgique, c'est comme... c'est de cette façon-là. C'est
plus précis, c'est plus circoncis. Mais, entre les deux, il y a un monde... il
y a un monde de subtilités, de nuances que je trouve difficiles à mettre dans
un...
Mme Labrie : ...déjà, selon
ce que vous me dites, si c'était possible de faire une demande anticipée avant
d'avoir un diagnostic et qu'on... et donc que la transmission de l'information
sur l'aide médicale à mourir anticipée était faite de cette <manière-là...
Mme Labrie :
...la
transmission de l'information sur l'aide médicale à mourir anticipée était
faite de cette >manière-là, ce serait moins perçu, pour vous, comme une
pression vers l'aide médicale à mourir, si on... si c'était fait comme ça, ce
serait plus... il y aurait moins... il y aurait moins de pression vers la
personne, si elle le fait sans diagnostic.
Mme Poirier (Nicole) : Bien
oui. Est-ce que c'est réaliste de penser ça? Je ne sais pas, mais, oui, quand
tu as le diagnostic, tu peux... il est démontré qu'une grande proportion des
gens vivent une dépression. Ils sont dépressifs pendant les trois, six,
12 mois qui suivent, après avoir appris leur diagnostic. Puis, après ça,
bien, ils se disent : Bien là... Ils sont pris avec l'émotion : Je ne
veux pas être un poids pour mes enfants, est-ce que je vais coûter cher? Toutes
ces questions-là se posent. C'est difficile de le faire d'une façon vraiment
rationnelle. Essayez-le, juste comme ça, là, ce soir, de les écrire, vos
directives, c'est compliqué.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci pour cette période d'échange. On va terminer
maintenant avec la députée de Laviolette—Saint-Maurice pour une période de 3 min 18 s.
La parole est à vous.
Mme Tardif : Mme Poirier,
bonjour. Tout d'abord, merci. Merci de vous être déplacée, je sais à quel point
vous êtes occupée et investie. J'ai eu le privilège de visiter votre demeure et
de voir les merveilles que vous et votre équipe vous faites auprès de ces
personnes-là. C'est assez extraordinaire. Ça nous en prendrait plus, des Mmes Poirier,
à travers la province.
Je veux vous rassurer, puis, si je me
trompe, Mme la ministre, corrigez-moi, mais on veut et on va inclure la notion
de souffrance dans le projet de loi. C'est un des critères, là, une des
conditions d'admissibilité. Donc, il faut qu'il y ait une souffrance qui soit
là, pas une souffrance momentanée, mais une souffrance persistante et non
temporaire.
Vous parliez des professionnels, avec
raison, parce que, comme je disais, bien, il y en a très peu, de Mmes Poirier,
mais on parle d'une expertise et d'une équipe de professionnels, et on parle
d'évaluer des critères pour les malades. Quelles seraient les formations? Quelle
expertise vous voyez que ces gens-là devraient avoir?
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
je pense qu'ils doivent avoir une formation sur une meilleure compréhension de
la réalité de la personne, être capables de faire la différence entre un
symptôme lié à la maladie et lié à un manque de formation. Il y a de la
maltraitance par manque de formation, ce n'est pas parce qu'on est méchant,
c'est parce qu'on n'a pas la formation. Il y a de la maltraitance
organisationnelle, des horaires rigides, des cloisons... Oui?
Mme Tardif : ...
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
merci, parce que ça me fait penser qu'un point important pour nous, c'était aussi
de dire : Ce serait bien qu'on réfléchisse, collectivement, sur l'aide à
vivre, comment on peut aider à vivre, quels seraient les critères de
bientraitance. Comme je disais tout à l'heure, là, des gens, ils se pensent
bientraitants quand ils laissent quelqu'un dans leur urine parce qu'ils disent :
Je le respecte. Bien, ce serait quoi, de façon objective, cette
bientraitance-là, qu'on pourrait proposer aux gens, comment on peut les aider à
vivre? Et ça vient avec de la formation, ça vient avec une organisation, ça
vient avec une approche globale. Puis je pense qu'il y aurait aussi quelque
chose à proposer de ce côté-là.
Mme Tardif : Puis, par
rapport à l'article 13, là, on dit : L'article 13 mériterait
d'être clarifié pour expliquer la différence entre la demande contemporaine
d'aide médicale et la demande anticipée. Donnez-moi un peu votre idée par
rapport à ça.
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
je trouvais... je l'ai relu souvent, cet article-là, pour essayer de comprendre
la différence entre les deux. Mais je pense que, si j'ai... ce que j'ai
compris, c'est qu'il y a une différence entre la demande anticipée, qui ne
nécessite pas nécessairement de... qu'est-ce que... il faut qu'elle soit
cohérente avec ce qu'on avait prévu, versus contemporaine, il faut que la
personne, elle souffre à ce moment-là. Moi, je préconise la souffrance
contemporaine pour éviter, justement, de... toutes sortes d'interprétations.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions. Merci,
Mme Poirier, pour votre contribution aux travaux de la commission.
Mme Poirier (Nicole) : Merci
à vous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, je vais suspendre les travaux pour quelques
instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 17 h 46)
(Reprise à 17 h 51)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre, tout le monde. Nous allons reprendre les
travaux de la commission.
Pour cette séance, nous recevons la
Commission sur les soins de fin de vie, qui est représentée par le Dr Michel
Bureau, président de la commission, ainsi que Mme Maryse Carignan, membre
et infirmière.
Alors, je vous rappelle que vous aurez
10 minutes pour présenter... pour vous présenter et exposer votre... une
partie de votre mémoire. Ensuite s'ensuivent les périodes d'échange avec les <députés...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
...votre... une partie de votre
mémoire.
Ensuite s'ensuivent les périodes d'échange avec les >députés. Le temps
commence maintenant pour vous.
Commission sur les soins de fin de vie
M. Bureau (Michel) : Bien,
merci, Mme la Présidente. Mme la ministre et chers parlementaires, je suis ici
comme président de la Commission de soins de fin de vie. Je suis accompagné de
Maryse Carignan, qui est commissaire désignée par l'Ordre des infirmières, et
elle est ici pour son expertise en soins palliatifs, et j'espère que nous
aurons la chance d'en parler un petit peu.
Pour ma part, je suis un pédiatre, un
pédiatre de soins intensifs, et j'ai connu les difficultés de la fin de vie
avec mes jeunes patients dans ma carrière de médecin à l'époque. Je préside
cette commission, et c'est une commission qui est très particulière. Elle a été
créée par Mme Hivon, j'aime le dire ainsi, à une époque... il faudra lui
demander pourquoi. Quand il y a eu le débat sur la loi de fin de vie, en 2014,
tout de suite, on a dit : C'est un sujet fort complexe, pas seulement
l'aide médicale à mourir, mais les soins palliatifs, la sédation palliative
continue, les directives médicales anticipées, et ça prend un organisme de
surveillance.
On a commencé par penser : Est-ce que
le Collège des médecins peut faire ça? Et, à l'époque, on a dit : Collège
des médecins, c'est la même famille. Est-ce que les hôpitaux peuvent faire ça?
Dans un hôpital, petit ou gros, tout le monde se connaît, on est dans le même
département. Est-ce que ça peut être cette équipe? Et il fut décidé de créer
une commission qui est à l'image de la société civile, qui représente des
citoyens, des éthiciens, des infirmiers, infirmières, des pharmaciens, des
médecins. Et on lui a donné le mandat global de surveiller les problèmes de fin
de vie et de faire des recommandations au ministre, le cas échéant, et surtout
de regarder, après le coup, chacune des aides médicales à mourir pour s'assurer
qu'il n'y ait pas de dérive.
Alors, la commission des soins de vie est
équipée de... moi, je les appelle les «supercommissaires», c'est des gens de
très grande compétence dans leur domaine, ils sont tous attachés à la fin de
vie, par exemple, juristes, il y en a un qui est un juriste de la capacité de
décider de l'aptitude, il y a un avocat des soins de fin de vie aussi, et il
est aussi éthicien. Alors, c'est une commission qui est... qui est très... où
il y a beaucoup d'expertises. Et, quand vient le temps d'écrire une
recommandation au ministre, on a toute l'expertise interne pour faire ce
travail, et j'en suis très fier, comme vous le sentez.
La commission a étudié le projet de loi n° 11
et elle l'approuve en général dans son ensemble, nous avons quelques remarques
à faire, mais, d'entrée de jeu, elle rappelle que la loi, c'est une loi
concernant les soins de fin de vie, puis le tronc commun des soins de fin de
vie, c'est les soins palliatifs. C'est là où se greffe l'aide médicale à
mourir, la sédation palliative continue. C'est là où se grefferont aussi les déclarations
d'AMM sur décision anticipée. Tous les gens qui ont besoin de soins de vie ont
besoin du plateau de base, qui est le plateau des soins palliatifs, qu'on
oublie souvent.
Pour les personnes qui sont atteintes de
maladies graves et incurables et qui vont en décéder, les soins palliatifs, ça
va de soi. Pour les gens qui ont un handicap ou qu'on... ou qui vont demander
l'aide médicale à mourir pour trouble neurocognitif, cela demande un
environnement qui est comparable à ce qu'on fait avec les soins palliatifs pour
les aider à bien vivre tout le temps qu'ils auront à bien vivre. Si on pense
aux personnes qui sont porteurs de handicaps, les équiper pour qu'aucun d'eux
ne choisisse l'aide médicale à mourir parce qu'ils n'ont pas les services qui
rendraient leur vie acceptable...
La commission appuie des décisions... pas
des décisions, mais des recommandations qui avaient été faites par le PL n° 38, par exemple, d'introduire les infirmiers,
infirmières spécialisées pour se joindre aux médecins dans l'aide médicale à
mourir. Elle appuie aussi la décision ou la recommandation, qui est dans cette
loi, d'inclure le GIS, le groupe interdisciplinaire de soutien. On a décrit
comme c'était <complexe...
M. Bureau (Michel) :
...qui
est dans cette loi, d'inclure le GIS, le groupe interdisciplinaire de soutien.
On a décrit comme c'était >complexe, cette histoire-là, les médecins ont
besoin d'aide, les... l'équipe soignante a besoin d'être guidée aussi, et la
loi met, dans un article de loi, la création des groupes de soutien dans les
établissements.
La commission appuie aussi la décision de
ne pas transférer les mourants d'une maison de soins palliatifs à un hôpital
pour recevoir l'AMM. Nous comprenons que le consensus est en train de se faire,
il faut peut-être l'accélérer, mais nous appuyons cet article de la... du PL n° 11.
La commission, en ce qui concerne les
handicaps neuromoteurs... la commission ne voulait pas de débat sur le handicap
neuromoteur, et on aurait bien voulu appeler cela autrement, parce que le mot
«handicap», et Mme Hivon en a fait la lecture tout à l'heure, c'est tout.
Tout est un handicap. On en a tous un petit qui est caché, puis il y en a qui
en ont des gros, mais le handicap, c'est tout. Alors, il n'y avait pas moyen
d'éviter le mot «handicap», avons-nous compris, mais il fallait le baliser.
Le handicap neuromoteur vient dire qu'il y
a une catégorie qui est demandeur d'aide médicale à mourir pour une raison de
handicap neuromoteur. C'est particulièrement les traumatisés de la moelle lors
d'un accident. Tous les autres traumatisés, si vous regardez les rapports des
quatre coins du monde sur l'aide médicale à mourir ou l'euthanasie, les autres
personnes qui sont porteurs d'un handicap ne réclament pas l'aide médicale à
mourir. Les sourds de naissance, les aveugles, les... même les enfants avec
paralysie cérébrale ne réclament pas... et il y en a à peu près 5 000 au
Québec, ces gens-là ont appris à vivre avec leur handicap. On les a aidés,
peut-être pas assez, et ils ne demandent pas l'aide médicale à mourir.
Alors, avoir un débat large sur l'aide
médicale à mourir m'a semblé un petit peu alarmiste pour inquiéter des gens qui
jamais ne penseront à demander l'aide médicale à mourir. Cependant, nous sommes
d'accord avec la proposition de la loi de... d'accepter le handicap neuromoteur
et que, dans ce cas-là, des balises soient expliquées par les ordres
professionnels et les organismes, les associations professionnelles pour bien
baliser ce que c'est. Vous sentez que j'ai vraiment peur de ce mot, «handicap»,
parce qu'il est trop large. Il faut le baliser et ne pas... et le garder, ce pourquoi
la demande se fait, et c'est des groupes qui sont très peu nombreux.
Concernant les demandes anticipées, la commission
est favorable à... au projet de loi, bien sûr. Elle soulève deux questions qui
étaient des obstacles. Le premier, c'est la réticence des médecins. Quand
Mme McCann avait fait son forum, le 27 janvier 2020, tout le monde
était favorable aux demandes anticipées d'aide médicale à mourir, mais les
médecins disaient : Moi, je ne le ferai pas. Puis, en juin 2022, à PL n° 38, je me souviens, je pense, c'est le 8 juin, les Drs Ricard
et Rivard... dit : Nous, on ne le fera pas, les médecins.
• (18 heures) •
Ça a bien inquiété la commission. Et nous
avons fait un sondage... pas un sondage, un questionnaire interne auprès des 1 400 médecins
qui donnent l'aide médicale à mourir au Québec pour dire : Pensez-vous
encore ça? Voulez-vous ne... vous abstenir de soutenir l'aide médicale à mourir
sur demande anticipée? Et la réponse a été très étonnante, entre 200 et
300 médecins acceptent, disent-ils dans ce questionnaire, de donner l'aide
médicale à mourir. Alors, c'est une barrière qui tombe.
Il y en a une autre qui s'apprivoise,
c'est celle... je termine, c'est la barrière de la reconnaissance des
souffrances. Vous avez vu, de Mme Poirier, assise ici tout à l'heure,
qu'elle sait reconnaître les souffrances chez ces personnes. La commission a
consulté des spécialistes de la question, qui nous ont dit la même chose :
Ça ne doit pas être un obstacle, il faut avoir recours aux bonnes personnes
pour reconnaître la souffrance.
Et peut-être savez-vous, mais il y a
70 personnes qui ont reçu l'aide médicale à mourir pour raison d'Alzheimer
qui étaient <aptes à décider...
>
18 h (version révisée)
< M. Bureau (Michel)T :
...peut-être
savez-vous, mais il y a 70 personnes qui ont reçu de l'aide médicale à
mourir pour raison d'Alzheimer qui étaient >aptes à décider, elles
avaient une maladie grave et incurable et elles étaient suffisamment en déclin pour
être encore aptes et pouvoir demander l'aide médicale à mourir. Et, de cette
cohorte de personnes, on apprend beaucoup. Ils sont à la veille de devenir
inaptes, alors leurs souffrances sont identifiables, leurs conditions... On a
gardé un répertoire de ces 70 personnes, si jamais cela peut vous
éclairer.
Enfin, je termine en disant que, quand la
commission a été créée, elle a été créée pour traiter 300, 400 aides
médicales à mourir par année. Nous nous dirigeons vers 5 000 ou 6 000
bientôt, et la commission... on doit réviser le fonctionnement de la
commission, assurer sa gouvernance, lui donner les moyens pour faire face aux
nouveaux mandats qui lui sont confiés.
Alors, je serais à votre disposition pour
répondre à vos questions, et n'oubliez pas Maryse, de... soins palliatifs.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, je passe
maintenant la parole à Mme la ministre. Il vous reste 15 min 30 s
pour les questions.
Mme Bélanger : Alors, bonjour,
Dr Bureau. C'est toujours un plaisir de vous entendre. Bonjour, Mme Carignan.
Alors, je pense que vous avez bien expliqué votre vision. On voit que, dans le
fond, la commission et vous, comme président, vous êtes, donc, en faveur d'une
grande majorité des éléments qui sont présentés dans le projet de loi.
Moi, j'aimerais peut-être que vous nous
parliez de votre vision et peut-être des expériences aussi que vous avez vues
avec d'autres pays sur le fait d'avoir une commission indépendante, versus un
ordre professionnel. J'aimerais ça vous entendre à ce sujet-là. Puis est-ce qu'à
votre connaissance, dans d'autres pays, cette instance existe?
M. Bureau (Michel) : Oui,
cette instance existe en Belgique et aux Pays-Bas, et c'est les deux seuls
régimes qui ont vraiment l'aide médicale à mourir un peu comme nous. Ailleurs,
c'est l'euthanasie, le suicide assisté, mais une commission comme nous, c'est
aux Pays-Bas puis en Belgique. Et, aux Pays-Bas, ils fonctionnent avec des
divisions régionales. En Belgique, c'est une commission centrale. Pays-Bas a 17 millions
d'habitants, la Belgique ont 11 millions. Ils font le travail équivalent
de ce que nous, nous faisons. Je pense que la composition de notre commission n'a
pas à envier personne d'autre.
Mme Bélanger : Et je vois
aussi, puis on l'a vu dans le dernier rapport que vous avez produit puis que j'ai
déposé en décembre dernier à l'Assemblée nationale, une augmentation des
demandes d'aide médicale à mourir. Pouvez-vous nous expliquer, selon vous, quel
est... qu'est-ce qui explique qu'au Québec on a cette augmentation du nombre de
demandes et aussi du nombre d'interventions en lien avec l'aide médicale à
mourir?
M. Bureau (Michel) : Quand
on a écrit notre rapport, on l'a gardé silencieux pendant un moment, se
demandant qu'est-ce que c'était vraiment. Et le premier réflexe, c'est de
regarder chaque demande. Est-ce que ce sont des demandes qui sont conformes à
la loi? Elles sont toutes conformes à la loi. De temps en temps, il y en a une
qui est sur la clôture. On s'occupe de passer le message de faire attention.
Elles sont conformes à la loi.
Deuxième chose qu'on a regardée :
est-ce que ce sont des soins de dernier recours? Alors, les gens qui demandent
et reçoivent l'aide médicale à mourir, ils sont dans les derniers trois mois de
leur vie, pour 70 %, dans les derniers six mois de leur vie, pour
81 %, puis, dans les moins de deux ans, pour 97 %. Ces gens-là ont
essayé toutes les thérapies, et c'est des soins de dernier recours.
Alors, pourquoi on a... Vous, Mme Bélanger,
vous m'avez demandé, l'autre fois : Qu'est-ce que les médecins en pensent?
J'ai saisi le message et j'ai fait un questionnaire pour les médecins, et on a
envoyé ça à 1 400 médecins, et ils nous ont répondu... 550. Et les
questions, c'étaient : Pourquoi pensez-vous? La première réponse, c'est :
pour des douleurs inapaisables, puis la deuxième réponse, c'est : pour la
dégradation de la vie de la personne, puis la troisième réponse, c'est :
les gens veulent contrôler leur <mort...
M. Bureau (Michel) :
...puis
la deuxième réponse, c'est : pour la dégradation de la vie de la personne,
puis la troisième réponse, c'est : les gens veulent contrôler leur >mort.
Puis à une sous-question : Est-ce qu'ils font ça par défaut, parce qu'ils
n'ont pas les soins adéquats, plus de 90 % disent : Jamais par
défaut. Alors, c'est quoi? Bien, je pense qu'on aurait besoin de sociologues
pour étudier qu'est-ce qu'il se passe au Québec. Des sous-questions disaient
qu'il y a une acceptabilité sociale telle au Québec... Beaucoup d'entre vous
connaissez des gens qui sont décédés, et l'exemple d'un décès en douceur vous
dit : Moi, si je suis malade, c'est comme ça que je veux... c'est ce
soin-là que je veux utiliser. Puis le fait que ce soit un soin... c'est un soin
avec la même équipe de soins, de soins palliatifs, dans le continuum, ce n'est
pas la même chose que de demander l'euthanasie. C'est prendre un soin qui est
par la même équipe, dans notre institution, dans notre environnement. Il faudra
que des sociologues regardent ça pour vous donner des réponses plus précises
que les miennes.
Mme Bélanger : Peut-être,
tantôt, vous avez abordé brièvement les maisons de soins palliatifs, mais vous
voyez que, dans le projet de loi, là, on prévoit que les maisons de soins
palliatifs doivent offrir l'aide médicale à mourir lorsque c'est demandé. Puis
je peux quand même juste, en tout cas, aller dans le même sens de ce que vous
avez mentionné : il y a toute une évolution, actuellement, la grande
majorité des maisons de soins palliatifs procèdent, il y a à peu près sept,
huit maisons de soins palliatifs, au Québec, qui sont en réflexion pour adapter
leurs façons de faire, et tout ça, ça fait que, donc, là aussi, on voit, là,
qu'il y a quand même une évolution à ce niveau-là.
Je termine ma dernière question parce que
je vais laisser mes collègues s'exprimer, mais je veux juste revenir sur la
notion de handicap neuromoteur. Donc, vous le voyez, c'est... je sais que vous
avez passé une grande partie de la journée ici, vous voyez un petit peu que
c'est le cœur, là, vraiment, d'un élément très important dans le projet de loi,
puis ça ne fait pas consensus, hein, on le voit bien. Et vous avez parlé de la
définition en disant : Bien, on le voit, il y a une définition très large
du handicap. Puis même, certains intervenants, aujourd'hui, ont parlé d'une
définition plutôt à caractère social de ce que c'est, le handicap.
Peut-être poser une question hypothétique,
peut-être que ce n'est pas régulier dans le cadre d'une commission, mais
supposons que, dans les prochaines consultations, on décide de ne plus mettre
la notion de neuromoteur, qu'on la retire complètement puis qu'on va juste avec
la notion de handicap, vous, comme président de la commission, ce seraient quoi,
les mises en garde que vous nous feriez là-dessus?
• (18 h 10) •
M. Bureau (Michel) : Ma
première réponse, c'est que vous allez inquiéter 98 % des gens qui ne sont
pas concernés par le handicap. Ils ne demanderont pas l'aide médicale à mourir.
Ils n'y ont jamais pensé, leur entourage n'y a jamais pensé, puis là vous allez
leur demander : Est-ce que c'est bon pour vous, est-ce que vous voulez
avoir ce droit? Je le dis, et j'ai eu des discussions avec Mme Hivon, qui
est la mère de cette loi, moi, je trouve que nous questionnons des gens qui ne
veulent pas entendre la question.
Est-ce que ce serait carrossable si le PL
11 l'adoptait comme ça? Ce serait carrossable. Il faudrait que le Collège des
médecins et la commission s'entendent sur une interprétation très, très, très
stricte. Et je fais écho aussi à ce que les Drs L'Espérance et autres ont dit
sur le Canada et les autres pays. Si vous regardez les rapports de la Belgique,
des Pays-Bas... Canada, le rapport n'est pas spécifique, il est assez succinct,
mais le handicap, pour ceux à qui nous poserions la question... ces gens-là ne
sont pas des sujets qui demandent et reçoivent l'aide médicale à mourir dans
ces autres pays aussi. Ça fait que le limiter à «neuromoteur», c'est innocent,
parce que tous les autres, ils ne réclameront pas ce privilège d'avoir l'aide
médicale à mourir.
Mme Bélanger : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la ministre. Merci, Dr Bureau. Je vais
maintenant céder la parole à la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci,
Mme la Présidente. Merci d'être avec nous. C'est très important pour nous de
vous entendre. Et, à la fin de votre présentation, vous nous avez parlé que ce
serait le moment de réviser le <fonctionnement...
Mme Guillemette :
...entendre.
Et, à la fin de votre présentation, vous nous avez parlé que ce serait le
moment de réviser le >fonctionnement de la commission, puis là il ne
restait plus beaucoup de temps. Ça fait que... qu'est-ce qu'il faudrait revoir,
là, avec les changements qu'on va faire, la commission des soins de fin de vie,
là?
M. Bureau (Michel) : Bien,
vous nous avez donné un petit bateau pour naviguer sur un petit lac, puis là,
bien, on est amenés dans la mer. Alors, le PL, la loi de l'époque n'a pas
défini la gouvernance de la commission. Il y a-tu un président ou il n'y en a
pas? Le Conseil des ministres nomme un président. Est-ce qu'il y a un
secrétaire général, un directeur général? Qu'est-ce qu'il a le droit de faire?
Je vais vous donner un exemple. J'ai fait
deux sondages auprès des médecins. Les commissaires disent : Est-ce que la
loi nous permet de faire ça? Ce n'est pas clair. Il faut clarifier ça. On doit
garder nos... On a un répertoire de 15 000 aides médicales à mourir.
On a la meilleure collection du monde qu'on peut exploiter pour fins de
recherche et de comprendre comment notre société... est-ce qu'on a le droit de
faire ça. Quand les médecins dépassent la ligne un peu, là, on pourrait leur
envoyer une lettre d'avocat. On ne fait pas ça, mais est-ce que j'ai le droit
de les appeler? Voyez-vous, et, si une institution n'est pas ouverte à... ce
n'est pas convivial, est-ce que je peux appeler le PDG puis lui dire :
Occupe-toi donc de ça?
C'est ça que nous disons. Il faut, donc,
préciser la gouvernance. C'est la première chose. Il faut accepter qu'on garde
plus de cinq ans le registre des AMM. Et ce sont des petites choses comme ça. Et
on a des articles de loi à vous proposer dans le mémoire pour répondre à cette
question, mais, après sept, huit ans, c'est le temps de faire ça. Quant à la
question : Est-ce que la commission doit exister? Je vous laisse répondre.
Il faudrait demander à Mme Hivon pourquoi elle l'a créée, d'abord, mais je
pense que c'était une bonne décision de la société civile.
Mme Guillemette : Merci.
Est-ce qu'il reste encore un petit peu de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...4 min 30 s
Mme Guillemette : Dans
tous les cas que vous avez étudiés, c'est votre mandat, est-ce que vous avez vu
des cas de dérives, des choses qui reviennent peut-être souvent à... lesquelles
on devrait, peut-être, pendant qu'on est dans le projet de loi, corriger.
M. Bureau (Michel) : Bien,
il y en a un qui est une véritable obsession. C'est : une personne qui a
95 ans qui a toute sorte de petits bobos, qui ne veut vivre et puis qui
dit : Je vais arrêter de manger, je n'ai plus faim, puis personne ne me
visite, et qui est très fragile, «frailty» comme disent les Anglais, mourra de
sa belle mort. Est-ce que... ce qui m'obsède, est-ce que notre société
remplacerait la mort naturelle par l'aide médicale à mourir? Alors, on a vu
souvent des AMM administrées qui n'étaient pas claires. Et, dans ces
circonstances, un commissaire médecin ou une commissaire contacte le médecin et
dit : Est-ce que c'est vraiment la mort naturelle qu'on n'a pas laissée
arriver puis qu'on a pris l'aide médicale à mourir? Vous voyez? Ce n'est pas
facile de répondre à cette question, et, dans tous les cas, je dirais, on
trouve des éléments qui font que ce n'est pas l'aide médicale à mourir qui
vient pousser la mort naturelle ou la remplacer.
La loi, quand elle fut faite, elle ne fut
pas faite pour ça du tout, alors on a dû écrire une missive aux médecins. Puis,
quand vous disiez qu'est-ce qui nous dérange dans notre loi?, bien, on ne sait
pas si on a le droit de dire aux médecins... puis envoyer une règle générale :
Voilà notre interprétation dans ces cas-là, et, s'il vous plaît, tenez-vous-en
aux règles. Quand on dit qu'il n'y a pas de dérive, ce n'est pas pour rien, il
y a une action préventive assez importante.
Mme Guillemette : Ça
fait que chaque cas est étudié par la commission d'aide médicale à mourir.
M. Bureau (Michel) : Oui.
Mme Guillemette : Merci.
Je crois que j'ai d'autres collègues qui ont des questions.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. Je pense que la députée de Vimont a
des questions.
Mme Schmaltz : J'ai
encore le temps, oui? C'est bon?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...
Mme Schmaltz : D'accord.
En fait, on a entendu beaucoup de gens, aujourd'hui, parler de l'aide <médicale...
La Présidente (Mme Lecours,
Les Plaines) :
...
Mme Schmaltz :
D'accord.
En fait, on a entendu beaucoup de gens, aujourd'hui, parler de l'aide >médicale
à mourir, du terme «handicap», de plusieurs, plusieurs éléments, mais, moi, il
y a quelque chose qui... pas qui me chicote, là, mais qui m'interpelle en tant
que citoyenne, appelons ça comme ça, enlevons notre chapeau puis parlons en
tant que citoyens. Je comprends que l'aide médicale à mourir, c'est le dernier
recours dans tout ce qui est soins palliatifs, appelons ça comme ça, mais,
juste avant, on a quand même les soins de confort de longue durée, donc ceux
qui mènent vers la finalité, appelons ça comme ça.
Qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné
une personne va préférer l'aide médicale à mourir, versus les soins de confort
continu? Parce que... Je comprends que c'est parce que c'est plus rapide? Ou
est-ce qu'on essaie de lui expliquer la... Est-ce qu'elle est bien consciente,
finalement, de qu'est-ce qu'elle peut choisir quand elle... quand elle est...
elle a ce choix à faire, sans faire de jeu de mots, là.
M. Bureau (Michel) : J'aime
bien votre question. C'est la grande image. Quand quelqu'un reçoit de son
médecin : Vous avez le cancer, vous allez vivre six mois ou un an, pas
plus, le médecin va lui dire : On ne vous abandonne pas, on va vous donner
des soins de confort, et, si ça doit être plus intensif, ça va être des soins
palliatifs, puis vous allez avoir des soins de confort. Et, pour 90 % des
personnes, ils vont cheminer comme ça jusqu'à leur mort ou ils vont être
soulagés dans les derniers, derniers moments.
En cours de route, il y en a 7%, 8 %,
au Québec, qui dit : Moi, j'envisage une mort dans la grande douleur, je
ne veux pas vivre ça. Alors, deux, trois mois avant le décès, ils disent :
Je veux être évalué pour l'aide médicale à mourir. Et les deux médecins le
font, et cette personne est jugée admissible et elle fixe une date.
Quelques-uns vont changer d'idée parce que les soins de confort ou les soins
palliatifs vont les aider ou parce que... des fois, c'est parce que la famille
ne veut pas ou c'est parce qu'eux autres ne veulent pas. Alors, c'est ça, la
grande image, mais votre question nous fait dire qu'on parle beaucoup d'AMM,
mais c'est des 90 % qui ne recourent pas à l'AMM, qui ont des soins de
confort et des soins palliatifs, de qui on doit s'occuper, et le faire à
domicile, c'est...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dr Bureau, pour votre réponse. Le temps de
la banquette ministérielle étant écoulé, je vais me tourner du côté de
l'opposition officielle. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, vous
bénéficiez de 9 min 54 s. Le temps est commencé.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre témoignage et votre mémoire. Je
veux renchérir sur la notion de handicap neuromoteur. J'entends ce que vous
dites puis... le 90 % qui ne réclament pas. Alors, si on enlève la notion
de neuromoteur, bien, dans le fond, nous sommes en train de, peut-être, faire
fausse route, parce qu'on rouvre l'accessibilité à l'aide médicale à mourir à
des personnes qui, peut-être, ne souhaitent pas faire appel à la demande
d'avoir ce soin.
• (18 h 20) •
Mais je vous soumets que ce qui est de
consensus, là, je pense que... la seule chose qu'on peut constater de
consensus, c'est que c'est très difficile de déterminer la souffrance de
quelqu'un. La souffrance va varier entre chaque personne. Alors, je vous mets
au défi, parce que... Si on enlève la notion de neuromoteur ou si on lève la
notion... on laisse la notion de neuromoteur, par exemple, comme vous proposez,
est-ce que nous ne sommes pas en train d'enlever le droit de choisir pour des
personnes qui souffrent, selon leur propre définition de souffrance? Parce que
ce n'est peut-être pas suite à un accident d'automobile, mais ils sont nés avec
un handicap dont la souffrance est très, très, très difficile. Moi, je crois
fortement à l'autodétermination, l'autonomie de choix. Ça fait que, si on
laisse «neuromoteur», est-ce que nous ne sommes pas en train de tourner le dos
envers des personnes qui, peut-être, ne feront pas le choix? Mais d'avoir le
choix, ce n'est pas un droit fondamental, un droit civil que nous devons
continuer à offrir à ces personnes, ces citoyens, ces Québécois?
M. Bureau (Michel) : La
réponse courte, c'est oui. C'est ce que vous faites. Je peux vous retourner la
question : Pourquoi ces gens-là, à aucun endroit dans le monde, ne se
manifestent pour recevoir ce type de soin? Il y a peut-être des exceptions qui
voudraient y recourir, peut-être, mais rappelez-vous pourquoi nous sommes dans
l'aide <médicale...
M. Bureau (Michel) :
...des
exceptions qui voudraient y recourir, peut-être, mais rappelez-vous pourquoi
nous sommes dans l'aide >médicale à mourir. On le doit au Collège des
médecins. En 2008, il a dit : Aïe! L'acharnement thérapeutique, ça fait, assez,
là! On va trouver d'autres façons puis on va mourir dans la dignité. C'est
comme ça qu'est née l'aide médicale à mourir.
Alors, ici, ce que vous me dites, il n'y a
pas de demande de la clientèle. Pourquoi on ferait une discussion qui les
interpellerait puis les amènerait à la barre pour en discuter? Alors, est-ce
qu'on fait plus de tort que de bien?
Mme Maccarone : Puis, tu
sais, peut-être c'est parce que je ne le sais pas, s'il y a des demandes. Je ne
sais pas la raison pour laquelle qu'il n'y a pas de demande. Ça se peut qu'il
n'y a pas de demande parce que l'option n'est pas là. On a vu aussi beaucoup de
gens qui sont venus devant le tribunal pour dire que... moi, ma souffrance est
importante puis je souhaite avoir accès. On peut penser à Gladu-Truchon, par
exemple. Ça fait qu'on peut dire que... Est-ce qu'on devrait prendre en
considération ces personnes? Je ne dis pas que c'est moi qui va prendre la
décision. Je souhaite avoir le débat avec mes collègues puis avec toutes les
personnes qui souhaitent venir témoigner. J'aurais espéré avoir une commission
plus large, pour entendre la voix des personnes en situation de handicap, parce
que je pense que leur opinion, en ce qui concerne l'ouverture, est très
importante, mais je comprends ce que vous êtes en train de dire.
Mon but, c'est de ne pas dire à tout le
monde : Bon, bien, c'est bar ouvert, maintenant, c'est là. Ce n'est pas ça,
le but. Moi, mon but, c'est de s'assurer qu'on protège aussi les droits de tout
le monde. Puis je ne veux pas dire qu'on limite, à quelque part, les droits
civils de quelqu'un parce qu'il ne rentre pas dans une définition, parce qu'on
a peur, peut-être, de faire une offre ou de dire qu'on va élargir les soins.
Ça m'amène à une autre question, parce que
vous avez dit, puis avec beaucoup de justesse, que c'est arrivé peut-être, dans
le passé, que l'aide médicale à mourir n'a pas été appliquée correctement. Avec
une demande anticipée, si, mettons, je veux définir moi-même, après qu'on voit
la formule puis le document, puis moi, je coche des boîtes ou j'écris, pour
moi, c'est quoi, la souffrance, puis, rendue à ce point, je souhaite avoir
accès à l'aide médicale à mourir, que devons-nous faire si la souffrance n'est
pas une réflexion exacte de la façon que j'ai décrit mon désir d'avoir accès...
rendue à ce moment-là?
M. Bureau (Michel) : Il
y a deux éléments de réponse. C'est, d'abord, la formulation que la personne
doit faire et la vérification de la formulation; au moment deux. Dans le
questionnaire qu'on a envoyé au médecin, on leur a posé deux questions qui sont
en miroir : Qu'est-ce qui vous aiderait le plus à être confiants de donner
l'aide médicale à mourir sur demande anticipée puis qu'est-ce qui vous
stopperait de le faire? La réponse est exactement la même : ce qui
m'aiderait, c'est une formulation impeccable; ce qui me stopperait, c'est le
flou. Et ça, ça comprend les souffrances, le déclin, que la personne doit décrire
elle-même. Et un effort considérable va devoir être fait, peut-être par les
établissements, peut-être par légistes... un rôle de la commission, du
ministère, là-dedans, pour avoir des... la fameuse formule à laquelle vous
référez, qui soit parfaite, si on veut s'en tirer. Rappelez-vous qu'aucun pays
n'a réussi ce qu'on essaie de faire. Même les Pays-Bas ont très, très peu...
quelques cas par année d'aide médicale à mourir sur demande anticipée. Ils
n'ont pas réussi. Il y a plusieurs papiers américains de littérature qui disent
que ce n'est pas faisable.
Alors, on a un défi considérable ici.
Toutes les embûches sont : le médecin, le patient, la formulation, le
délai qui fait perdre la mémoire du patient, on ne s'en souvient plus, ce n'est
plus le même médecin. Vous voyez la complexité. La clé, c'est la bonne
formulation.
Mme Maccarone : La bonne
formulation et la formation, n'est-ce pas?
M. Bureau (Michel) : Oui.
Mme Maccarone : Vous
l'avez évoqué aussi dans votre mémoire. Combien de temps, selon vous,
devons-nous prévoir de formation avant que la loi sera en vigueur?
M. Bureau (Michel) : Ah!
ici, je pense que ça devrait prendre du temps. Et ça ne peut pas prendre de
temps. Si nous vous disons que... Vous avez entendu Mme Leclerc ce matin,
elle a dit : Si je n'ai pas l'assurance, je vais aller à la demande
contemporaine d'aide médicale à mourir pour Alzheimer. Alors, nous avons, dans
l'année qui s'est terminée le 31 décembre, 70 patients qui ont
demandé et reçu l'aide médicale à mourir. Est-ce que c'est parce que la loi
traînait trop, est-ce qu'ils l'auraient demandée <pareil...
M. Bureau (Michel) :
...patients
qui ont demandé et reçu l'aide médicale à mourir. Est-ce que c'est parce que la
loi traînait trop? Est-ce qu'ils l'auraient demandée >pareil parce
qu'ils ne voulaient pas vivre les dernières années? Je ne le sais pas, mais
vous ne pouvez pas attendre très longtemps, il faut déjà qu'on se mette à
écrire, même si votre loi n'est pas rendue au bout, il faut déjà qu'on commence
à travailler sur la formule de l'aide médicale à mourir pour être prêt à
démarrer... pas trop long. De 2014 à décembre 2015, ça a pris 18 mois, là.
Je ne crois pas qu'on puisse attendre 18 mois, dans la lecture du
président de la commission.
Mme Maccarone : Et,
comme membre de la commission, vous avez eu la question : Prochaine étape
de la commission? Vous êtes dans un gros bateau, peut-être dans un petit lac,
je ne m'en souviens pas exactement, la façon que vous l'avez formulé, mais
aussi, dans votre mémoire, quand vous vous parlez de la notion de handicap
neuromoteur, vous dites que c'est important parce que c'est important
d'harmoniser avec la loi fédérale.
M. Bureau (Michel) : Moi,
je ne dis pas ça.
Mme Maccarone : Bien,
c'est avec le Code criminel. Le Code criminel, c'est fédéral.
M. Bureau (Michel) : Non.
Mme Maccarone : Dans le
fond, le but de la question que je souhaite vous poser, c'est si ça c'est
important, parce que, dans le fond, à quelque part, il faut harmoniser. La
prochaine étape de la commission, est-ce que ça devrait être de se pencher en
ce qui concerne santé mentale? Parce que je comprends que la notion de santé
mentale était retardée, au niveau fédéral pour un an, mais ça s'en vient. Que
devons-nous faire en ce qui concerne cette nouvelle réalité qui va avoir un
impact sur les médecins, les infirmières praticiennes après que la loi sera,
peut-être, éventuellement, adoptée?
M. Bureau (Michel) : Alors,
je dis comme le Dr Gaudreault disait là-dessus : C'est bien, que le
fédéral n'ait pas... ne soit pas allé de l'avant. Et je pense qu'au Québec non
plus nous ne sommes pas prêts à incorporer la santé mentale dans
l'accessibilité à l'aide médicale à mourir. Cependant, c'est juste un
rendez-vous retardé.
Dans les discussions de coulisses, moi, je
disais : Pourquoi vous ne l'adoptez pas en principe dans la loi, pour
application quand l'Assemblée nationale décidera de le faire? Et nos juristes
nous disaient qu'il y a des lois qui ont déjà fait ça, là, elles acceptent un
principe puis elles le mettent en application deux ans ou cinq ans plus tard,
là, mais, pour moi, c'est juste un rendez-vous retardé, là, c'est... Le fédéral
va y aller, les groupes professionnels disent qu'il y a une toute, toute, toute
petite place pour un tout petit nombre de ces patients-là. Alors, ma réponse,
c'est : Je serais plutôt... je serais plutôt favorable à adopter le
principe.
Mais je veux revenir sur un point que vous
avez soulevé. Moi, je ne veux pas qu'on s'harmonise avec le fédéral. Le
fédéral, c'est... Le Code criminel, ce n'est pas du tout une loi de santé. Le
fédéral, quand il dit : Une affection grave et incurable... dites-moi donc
qu'est-ce que c'est, une affection? Qu'est-ce que c'est? C'est tout. Il dit le
handicap... comme disait Mme Hivon, il a défini le handicap avant, quand
il y avait le critère de fin de vie. Handicap, c'était tout petit, comme ça,
là, mais, quand il n'y plus le critère de fin de vie, là, c'est très vaste. Ça
fait que l'argument que j'entends de mes confrères, puis ils ne sont pas
contents quand ils m'entendent... de dire qu'il faut s'harmoniser avec le
fédéral, je ne trouve pas, à titre de président de la commission, que c'est une
cible qu'on doit atteindre. On ne doit pas se compliquer la vie, on ne doit pas
compliquer la vie de la pratique médicale.
• (18 h 30) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Je dois vous arrêter. Je m'excuse, c'est le temps
qui roule, qui roule. Merci beaucoup pour ces réponses. Nous en sommes maintenant
rendus... on poursuit le débat, tout de même, avec la députée de Sherbrooke
pour 3 min 18 s. Le temps commence.
Mme Labrie : Merci, Mme
la Présidente. Tout à l'heure, vous nous avez dit que vous avez sondé les
médecins par rapport à leur intention de mettre en pratique la loi pour les
demandes anticipées. Je suis contente que vous l'ayez fait parce que c'était
effectivement inquiétant, ce qu'on entendait le printemps dernier. Vous avez
semblé assez rassuré d'avoir trouvé 200, 300 médecins qui étaient... qui avaient
l'intention, là, de pratiquer. Moi, je trouve que c'est assez peu, en
proportion du nombre de médecins qui pratiquent actuellement l'aide médicale à
mourir. Vous, vous semblez trouver que c'est suffisant par rapport à ce qu'on
anticipe de gens qui vont vouloir avoir recours à la demande anticipée?
M. Bureau (Michel) : Bien,
il y a 1 700 personnes qui meurent d'Alzheimer par année. S'il y a
25 % qui vont jusqu'à une demande... Tout le monde dit qu'il est
favorable, mais, quand vient le temps de dire : Êtes-vous prêt à faire une
demande?, il y en a moins. Puis on a fait la mathématique, et, s'il y avait
200, 250 médecins qui le font, c'est <amplement...
>
18 h 30 (version révisée)
< M. Bureau (Michel) :
...il
y en a moins. Puis on a fait la mathématique, et, s'il y avait 200, 250 médecins
qui le font, c'est >amplement pour répondre à la demande. Il y a 1 400 médecins
qui font 5 000 AMM dans la province, mais, pour cette sous-catégorie,
qu'il y en ait entre 200 et 300, moi, j'ai été très étonné. Je m'attendais à
75. Mais, dans cette... Avec ce nombre de médecins, je crois que la loi
pourrait être mise en œuvre. Puis il y en a d'autres qui vont se joindre.
Mme Labrie : Parfait.
Merci. Vous avez... J'espère ne pas vous mettre mal à l'aise avec cette
question-là, mais vous avez nommé d'emblée, tout à l'heure, que vous êtes
pédiatre. Donc, j'en profiterais peut-être pour vous poser la question par
rapport au critère de majorité pour l'admissibilité à une demande
contemporaine. Si vous êtes à l'aise de répondre, j'aimerais peut-être avoir
votre point de vue là-dessus.
M. Bureau (Michel) : Oui,
c'est une situation qui oblige les pédiatres à du doigté pour soulager le
patient que décrivait le Dr L'Espérance, une personne de 15 ans qui
fait un sarcome, puis qui va en mourir dans de grandes souffrances. Il ne faut
pas penser que les pédiatres les laissent sans soulagement, mais ils le font
sous la couverture de la loi, puis il va falloir régler ce problème-là tôt ou
tard. À 14 ans, on est... 15 ans, si on fait ce type de pathologie,
il faut recevoir le soulagement qu'il faut. On a posé la question aux
pédiatres. Puis c'était une première réponse, c'était un premier contact. C'est
des pédiatres d'oncologie. Ils ont dit : Essentiellement, on se débrouille
pour... on fait une médecine bienveillante, mais il va falloir s'adresser à ce
problème puis le régler.
Mme Labrie : Donc, quand
vous dites : Il faut s'adresser à ça, donc, vous... est-ce que vous nous
invitez à en discuter?
M. Bureau (Michel) : Oui.
Dans ma présentation pour le PL n° 38, j'avais dit : Nous
recommandons qu'un comité de cette table étudie la question, et puis ça voulait
dire : Tous les moyens appropriés pour inclure les adolescents dans l'accès
à l'aide médicale à mourir.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour vos questions puis vos réponses.
Nous terminons cet échange avec la députée de Laviolette—Saint-Maurice, une
période de 3 min 18 s.
Mme Tardif : Merci.
Votre exemple de la personne de 95 ans qui veut mourir parce qu'elle n'a
pas de visite, parce qu'elle se sent seule, parce qu'elle souffre, je pense, ça
nous ramène à l'importance de voir l'aide médicale à mourir dans un tout
sociétal, de s'assurer tout d'abord que la personne qui fait cette demande ne
le fait pas faute d'accès aux soins, faute d'accès aux services et que ce soit
adapté à ses conditions de vie. Vous l'avez bien souligné.
Ma question était : Il y a combien de
mois entre la personne qui décède par le soin de fin de vie, le soin palliatif
par rapport à l'aide médicale à mourir? J'ai retenu... Vous êtes une
encyclopédie, d'ailleurs, je ne vous ai pas vu une fois regarder sur vos
chiffres. Mais j'ai lu votre rapport avec intérêt, et il y a de très
intéressants... très intéressantes données et pourcentages. J'ai retenu que
81 % des cas qui vont diminuer leur vie d'à peu près six mois, de six mois,
c'est ce que vous avez dit, et que le délai moyen entre quelqu'un qui demande l'aide
médicale à mourir et qui le reçoit est de 44 jours, et que 91 % des
gens le reçoivent en bas de 90 jours, quelque chose comme ça.
Deux courtes questions. Quel est le pourcentage
des gens qui décèdent par l'aide médicale à mourir par rapport à ceux qui vont
décéder en soins palliatifs? Et quel est le pourcentage des gens qui retirent
leur demande pour recevoir l'aide médicale à mourir après l'avoir demandée? Et
j'aimerais vous vous entendre aussi, Mme Carignan, parce qu'on n'a pas eu
la chance de vous entendre. Donc, si vous avez des choses à dire, dites-les,
puis je ne pose plus de question. Merci.
Mme Carignan (Maryse) : Donc,
c'est très variable, hein?
M. Bureau (Michel) : Bien,
pour <l'encyclopédie...
M. Bureau (Michel) :
...pour
>l'encyclopédie, pour l'encyclopédie, les gens veulent vivre, là. Ils
attendent d'être à l'orée de la mort pour demander l'aide médicale à mourir. Il
y en a beaucoup qui vont mourir dans la semaine, dans le mois. Quand on dit :
Moins de trois mois, c'est moins de deux mois, c'est moins d'un mois.
Les gens veulent vivre. Ils souffrent. Ils acceptent leurs souffrances.
Maintenant, les soins palliatifs.
Mme Carignan (Maryse) : C'est
ça, jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus. Parce que, souvent, c'est ce qu'on voit
dans les demandes, tu sais, les gens sont tannés de souffrir. On ne peut pas
toujours les soulager de toutes les souffrances. Je pense, moi, c'est ce que,
personnellement, j'ai appris dans les dernières années de la commission, je
pense qu'on n'est pas capable... puis, dans la pratique, on n'est pas capable
de soulager tout le monde, malheureusement. Ça fait que c'est d'écouter la
souffrance.
Puis, au niveau du temps, bien, on ne le
sait pas. C'est très, très variable d'une personne à l'autre. Il y a des
patients atteints de cancer que, dès qu'on arrête les traitements, ça va être
deux mois, trois mois et ils vont décéder. Les patients de
l'insuffisance cardiaque, ça dure des années. On a parlé beaucoup des soins
palliatifs, ça fait que, là, j'ai la chance, je vais en parler. On a... La loi
prévoit des soins palliatifs et de fin de vie pour tous les citoyens dont la
situation le requiert, mais... puis on n'a pas de donnée nécessairement. Mais,
dans tout ce que j'ai vu, dans tout ce que j'ai lu, il y a encore... Malgré
toutes les initiatives, autant du gouvernement du Québec que du gouvernement du
Canada et partout dans le monde, les soins palliatifs, le moment où on
l'introduit, le moment où on parle de soins palliatifs avec le patient, les
chiffres sur combien de patients ont des soins palliatifs au Québec, par
exemple, on ne le sait pas, parce que, pour une institution, ça va être le
nombre de patients qui sont admis à l'unité des soins pal, ce n'est pas juste
les patients qui reçoivent des soins palliatifs, ça, il y en a ailleurs.
Ça fait que c'est de voir comment... Puis
je sais que ce n'est pas nécessairement dans la loi qu'on peut écrire ça, c'est
au niveau des pratiques, mais comment les soins palliatifs peuvent être
intégrés, comment on peut planifier les soins avec la personne? La personne qui
fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir, présentement, à son début
d'alzheimer, elle ne pourra pas avoir des soins palliatifs, parce que les
critères sont trop restrictifs sur la fin de vie et sur... Parfois, il y a des
gens qui vont dire : Le soin pal, ça égale le cancer. Ça fait que, les
mythes, il faut travailler là-dessus. La formation, il faut parler de la
philosophie des soins pal et il faut que les établissements d'enseignement se
mettent de la partie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme Carignan. Je suis désolée. Je suis
la maîtresse du temps. Je vous ai laissé quand même poursuivre votre
intervention.
Alors, c'est ce qui met fin à cette
audition. Dr Bureau, Mme Carignan, merci beaucoup pour votre
témoignage, vos éclaircissements. Vous nous apportez beaucoup à la commission.
Alors, je suspends cette séance pour
quelques instants, le temps de recevoir notre dernier groupe de la journée.
(Suspension de la séance à 18 h 39)
(Reprise à 18 h 43)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre à tous! Nous allons reprendre nos travaux.
Et, avant d'entendre notre prochain et dernier groupe de la journée, comme nous
avons quelques minutes de retard, je vais demander s'il y a consentement qu'on
déroge, qu'on aille au-delà de la période prescrite aujourd'hui. Donc, il y a
un consentement?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, je vais souhaiter la bienvenue au Curateur
public du Québec, qui est représenté par Me Julie Baillargeon-Lavergne
ainsi que Me Sophie Gravel. Alors, mesdames, bienvenue à la commission.
Vous allez bénéficier de 10 minutes pour faire votre présentation, puis je
vais vous demander en même temps de vous présenter. Ensuite, va suivre la
période des questions avec les élus de la commission. La parole est à vous.
Curateur public
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Parfait. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, membres de la commission. Je
veux vous présenter, tout d'abord, la personne qui m'accompagne, Me Sophie
Gravel, qui est secrétaire générale et responsable du bureau de la Curatrice
publique, avec qui je vais partager cette présentation.
Je commence en vous remerciant de donner
l'occasion au Curateur public d'être entendu sur le projet de loi n° 11.
Évidemment, c'est un projet de loi qui nous interpelle particulièrement,
puisque, dans sa forme actuelle, il va permettre aux personnes atteintes d'une
maladie grave et incurable qui mène à l'inaptitude à consentir aux soins de
formuler une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Donc, ces personnes
vont pouvoir ainsi bénéficier de cette aide une fois devenues inaptes.
En mai 2021, le Curateur public
s'adressait aux membres de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi
concernant les soins de fin de vie pour témoigner de son appui à
l'élargissement des critères d'admissibilité pour l'aide médicale à mourir aux
personnes qui prévoient perdre leurs facultés mentales en raison de la
progression d'une maladie neurodégénérative. Nous étions alors d'avis, et nous
le sommes toujours, que les personnes ayant reçu un diagnostic de maladie neurodégénérative
devraient pouvoir préparer une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Le
Curateur public s'appuyait alors sur le principe fondamental de
l'autodétermination des personnes, principe auquel nous souscrivons toujours.
Le Curateur public appuie les mesures
visant une meilleure prise en compte des volontés exprimées par des personnes
au moment où elles étaient encore aptes et, plus généralement, la prise en
compte des volontés actuelles des personnes qui ont des limitations cognitives.
Cette position est en concordance avec la mission du Curateur public, qui est
de veiller à la protection des personnes inaptes. Nous avons toujours préconisé
l'intérêt des personnes inaptes, le respect de leurs droits, la sauvegarde de
leur autonomie, qui sont au quotidien au coeur de nos actions.
On a, d'ailleurs, traduit ce principe
directeur là dans l'élaboration de notre loi, la loi visant à mieux protéger
les personnes en situation de vulnérabilité, qui a été adoptée à l'unanimité
ici, à l'Assemblée nationale, le 2 juin 2020 et qui est entrée en vigueur
le 1er novembre dernier. Donc, cette loi introduit de nouvelles
dispositions dans le Code civil du Québec qui renforcent le respect de la
volonté des personnes représentées. En effet, tout représentant légal — qu'il
s'agisse d'un tuteur, d'un représentant temporaire ou d'un mandataire — doit
tenir compte de la volonté de la personne dans la prise de décisions
financières et juridiques. De plus, en matière de soins de santé, le Code civil
stipule qu'un représentant légal, lorsqu'il est appelé à consentir aux soins,
doit tenir compte de la volonté que la personne représentée aurait pu exprimer
ou manifester au <moment...
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) :
...au >moment où elle était encore apte.
À titre de représentant légal de plus de
13 000 personnes inaptes, nous prenons au quotidien des milliers de
décisions pour assurer leur bien-être et l'administration de leurs biens. Si
une personne sous notre responsabilité est inapte à consentir à un soin, notre
direction médicale traite la demande de consentement aux soins en collaboration
avec le réseau de la santé. Le Curateur public est, donc, heureux de mettre à
profit son expertise pour contribuer aux travaux de la commission.
Nous sommes d'avis que le cadre législatif
proposé doit être bien ancré dans les réalités d'aujourd'hui, qu'il préserve
l'exercice des droits des personnes inaptes, favorise leur autonomie et tienne
compte de leur volonté et préférences.
Mme Gravel (Sophie) : Le
projet de loi prévoit qu'une personne pourra désigner un tiers de confiance
pour veiller au respect de sa demande anticipée. Nous sommes d'accord avec le
fait que la désignation du tiers de confiance soit facultative puisque cela
fait en sorte que plusieurs personnes, notamment les proches et l'équipe
soignante, pourraient jouer un rôle. Il s'agit, à notre avis, d'une disposition
qui favorisera une meilleure prise en compte des volontés exprimées par la
personne.
Nous croyons cependant que le rôle des
autres intervenants impliqués, dont les proches et les aidants, devrait être
précisé dans le projet de loi. Afin de favoriser le respect de la volonté de la
personne concernée, ces intervenants devraient pouvoir informer le
professionnel compétent qu'ils croient que les souffrances de la personne
concernée correspondent à celles décrites dans sa demande anticipée d'aide
médicale à mourir ou qu'elles sont devenues intolérables.
Nous souhaitons également porter à
l'attention des membres de la commission que le projet de loi ne prévoit pas
que la personne concernée puisse elle-même déclencher le traitement de sa
demande anticipée au moment où elle croit que ses souffrances sont devenues
insupportables. Même si, à ce moment, la personne concernée serait probablement
inapte à consentir à ses soins, elle pourrait encore posséder l'aptitude
nécessaire pour exprimer ou manifester le souhait que sa demande soit évaluée
par le professionnel compétent.
Le Curateur public recommande, donc, que
la personne ayant préparé une demande anticipée d'aide médicale à mourir, son
tiers de confiance, ses proches et les membres de son équipe soignante
puissent, lorsqu'ils croient que ses souffrances correspondent à celles
décrites dans la demande, en informer le professionnel compétent et ainsi déclencher
le traitement de la demande anticipée.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Je veux maintenant aborder la question du retrait de la demande anticipée.
Le projet de loi prévoit qu'une personne peut annuler sa demande anticipée
d'aide médicale à mourir après qu'un professionnel ait confirmé son aptitude à
le faire. C'est, donc, dire qu'une personne qui exprimerait le souhait de
retirer sa demande pourrait recevoir un refus si elle ne possède plus la
capacité de consentir aux soins. Les impacts de ce refus potentiel sont
importants.
Nous croyons qu'il faut permettre à la
personne concernée de retirer sa demande en tout temps. Cette position nous
apparaît tout à fait en concordance avec l'essence même de la demande anticipée
d'aide médicale à mourir. En effet, cette demande est fondée sur le principe
d'autodétermination d'une personne atteinte d'une maladie dégénérative qui, en
prévision de son inaptitude, consigne par écrit la nature des souffrances
qu'elle juge intolérables. Cependant, pour toutes sortes de raisons, cette
volonté peut changer, selon l'évolution de la maladie par exemple. Si cette
personne change d'avis, il faut s'assurer de respecter sa volonté.
Le Curateur public croit que les règles
relatives au retrait d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir devraient
être assouplies pour permettre de tenir compte des nouvelles volontés de la
personne.
Ainsi, le Curateur public recommande que
la personne ayant préparé une demande anticipée puisse pouvoir retirer sa
demande si elle est encore apte à exprimer sa volonté concernant l'aide
médicale à mourir.
• (18 h 50) •
Mme Gravel (Sophie) : Un
mot maintenant sur la relation entre le professionnel compétent et la personne
concernée.
Divers facteurs peuvent intervenir dans la
vie d'une personne qui a un diagnostic de maladie neurodégénérative. Sa maladie
peut progresser plus ou moins rapidement, de nouveaux soins peuvent être
disponibles ou encore ses conditions de vie peuvent changer.
Selon nous, il est souhaitable que le
professionnel compétent maintienne un dialogue avec la personne ayant préparé
une demande anticipée d'aide médicale à mourir afin de lui permettre de
l'actualiser au besoin. Si la personne est encore apte à consentir à ses soins,
elle pourrait préparer une nouvelle demande ou décider de retirer une demande
existante. Des entretiens ponctuels entre le professionnel de la santé et la
personne concernée au sujet de sa demande d'aide médicale à mourir pourraient
aussi éventuellement aider le professionnel compétent appelé à évaluer la
demande anticipée.
Nous croyons, donc, qu'il pourrait être
utile de préciser dans le texte du projet de loi, d'un règlement ou d'une
directive que le professionnel compétent discute ponctuellement de la demande
anticipée d'aide médicale à mourir avec la personne concernée et consigne ses
observations dans son dossier médical.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Donc, en <résumé...
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) :
...en >résumé, le Curateur public croit
fermement que les choix qui ont été faits en toute lucidité et en toute
connaissance de cause concernant l'aide médicale à mourir devraient être
respectés le moment venu. L'égalité des droits pour tous, le respect des
volontés devraient primer, ce sont des valeurs profondément ancrées dans la
mission du Curateur public.
Je vous remercie de votre attention. Me Gravel
et moi-même sommes maintenant prêtes à répondre à votre question.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons, donc,
commencer cette période d'échange avec Mme la ministre pour une période de
18 minutes... 16 min 30 s. La parole est à vous, Mme la
ministre.
Mme Bélanger : Oui.
Alors, Mme la Présidente... Me Baillargeon-Lavergne, Me Gravel, merci
d'être présentes ici. Merci pour le mémoire. On le sait très bien, que vous
avez une très grande expertise dans la représentation des personnes, les
personnes vulnérables en particulier. Et j'aimerais vous entendre sur comment
vous envisagez le rôle du Curateur public quand la personne qui fait une
demande anticipée d'aide médicale à mourir n'a pas de tiers de confiance.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Je vous dirais que le fait que la personne soit sous régime de protection
ou non ne change rien au processus qui est actuellement en place dans la loi...
dans le projet de loi n° 11. Donc, évidemment, s'il n'y a pas de tiers de
confiance, je comprends que ça sera l'équipe soignante qui lèvera le drapeau le
moment venu.
Je vous ramène, par contre, à notre
recommandation 1, puis Sophie pourra élaborer là-dessus, là où on pense
qu'on devrait ouvrir un peu plus, là, aux proches ou autres si la personne n'a
pas désigné de tiers de confiance. Évidemment, notre direction médicale de
consentement aux soins continue de collaborer avec les équipes de soins s'ils
ont des questions puis ils veulent échanger sur la situation particulière ou
sur la question d'aide médicale à mourir, évidemment. On reste présents, mais
le fait qu'elle soit sous régime ou pas, représentée ou pas ne change rien au
processus.
Mme Bélanger : OK. Vous
avez quand même abordé tantôt la notion de proche, l'importance d'impliquer des
proches, puis c'est tout à fait vrai, c'est très, très important, mais il y a
quand même certaines situations où des personnes sont seules, ils n'ont pas de
proche. Comment vous voyez, à ce moment-là... Peut-être que c'est des
situations qui n'arrivent pas souvent, mais, advenant une demande d'aide
médicale à mourir, comment vous voyez le rôle du curateur spécifiquement?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Je vous dirais que c'est des discussions qu'on a eues l'année dernière
abondamment avec le réseau de la santé. Puis, si on se remet dans le contexte
du PL n° 38, à l'époque, la désignation du tiers de confiance était
obligatoire, et donc il fallait trouver une solution pour les personnes
isolées. Et, évidemment, la question s'est posée à savoir si le Curateur public
pouvait jouer le rôle du tiers de confiance. Donc, évidemment, nous, notre
position pour les personnes qu'on ne représente pas, ce n'était pas possible,
hein? On estime à environ 175 000 personnes inaptes au Québec, ça
reste une minorité, 13 000 qui sont sous juridiction publique. Donc, pour
les autres, il y a eu, vraiment, une impossibilité puisqu'on ne connaît pas ces
personnes et il n'y a aucune façon de savoir leur condition médicale.
Après, la question s'est posée pour les
personnes qu'on représente directement. Et, au fil des discussions qu'on a
eues, puis c'est la conclusion à laquelle on en est venue, je ne pense pas
qu'une organisation gouvernementale est la mieux placée pour évaluer les
souffrances d'une personne. Vous savez, on a une mission très large, on
représente 13 000 personnes. On surveille aussi plus de 12 000 régimes
privés. En tant que représentant légal, on gère les biens, on peut prendre des
décisions pour la personne, le milieu de vie, mais on n'est pas au quotidien
aux côtés de la personne. Donc, ça va être très difficile pour une curatrice
déléguée, par exemple, de pouvoir statuer ou avoir un rôle aussi crucial. On
pense que l'équipe soignante... si, vraiment, il n'y a personne d'autre, il n'y
a pas de proche, l'équipe soignante est beaucoup mieux placée pour le faire.
Mme Bélanger : OK Merci.
Ça va pour moi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup.
Une voix : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Est-ce que j'ai d'autres questions? Mme la députée de
Roberval, il vous reste encore 12 min 38 s.
Mme Guillemette : Merci.
On parle de mieux définir le rôle des proches et des aidants naturels. S'il y a
déjà un tiers de confiance, vous voyez comment le rôle des proches lorsqu'ils
ne sont pas le tiers de confiance?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Je vais peut-être laisser ma collègue répondre.
Mme Gravel (Sophie) : En
fait, c'est ça, même si le tiers de confiance a une position privilégiée, on
considère que les proches pourraient, tout de même, avoir un <apport...
Mme Gravel (Sophie) :
...avoir
un >apport. Par exemple, on pense que ces personnes-là pourraient aider,
pourraient... soit dans la situation où il y a un tiers de confiance qui est
nommé ou il n'y en a pas. Je comprends très bien, dans l'éventualité où la
personne décide de nommer un tiers de confiance et que sa volonté aura été de
nommer cette personne-là...Alors, nous, on suggère, dans ce cas-ci, qu'il y ait
quand même une place à préciser le rôle des proches, mais dans la mesure où la
personne elle-même, elle n'aura pas exprimé une volonté d'exclure cette
possibilité-là. On peut penser aux formulaires, par exemple : Je nomme ce
tiers de confiance et je veux que ce soit uniquement cette personne-là qui
agisse pour traiter la demande.
Par ailleurs, dans les cas où il n'y aura
pas de tiers de confiance ou qu'il est empêché d'agir, on néglige de le faire, on
peut... on pense, nous, que les proches ou les personnes significatives qui ne
sont pas nécessairement dans l'équipe soignante ou le tiers de confiance
pourraient avoir un rôle, soit pour épauler un... pour épauler l'équipe
soignante, pour y aller de conseils. Ils sont proches des gens, ils pourraient
détecter les souffrances, peut-être, qui sont décrites, qui ont été décrites
par la personne dans sa demande.
Alors, dans la loi, on voit que les
proches ont un certain rôle au moment de la rédaction de la demande anticipée.
On voit aussi que cette espèce de rôle là ou cette précision se répercute aussi
au moment du traitement de la demande.
Mme Guillemette : OK. Et
vous ne pensez pas que ça pourrait, des fois, apporter une confusion si le
tiers de confiance dit : C'est le moment d'analyser la demande... Parce
que le tiers de confiance va dire que c'est le moment, mais ça ne veut pas dire
que la demande va être acceptée immédiatement. Donc, vous ne pensez pas que ça
peut apporter une confusion si le tiers de confiance dit : C'est le
moment, et que les membres de la famille disent : Non, ce n'est pas le
moment?
Mme Gravel (Sophie) : Je
comprends très bien votre point, et, d'ailleurs, nous, ce qu'on préconise,
c'est que l'ouverture du processus va faire, justement, qu'il y ait plus
d'avis, puis on risque peut-être d'avoir des idées divergentes ou des idées
complémentaires sur les volontés de la personne puis ce qu'il est en train de
se produire. Je suis d'accord avec vous que ça pourra se produire, mais, dans
le fond, celui qui va décider de l'examen, c'est vraiment le professionnel
compétent, et toutes ces personnes, que ce soit le tiers de confiance ou les
autres... Le tiers de confiance, en fait, il a un rôle privilégié parce qu'il
est au premier rang des décisions qui sont prises, de l'information. Par
ailleurs, il n'a pas de pouvoir de décision sur le fait de déclencher ou non,
hein, ce n'est pas une décision substitutive. Donc, on pense, dans ces cas-là,
que les proches pourraient quand même jouer un rôle.
Nous, on a des régimes de protection dans
lesquels, parfois, il y a des familles. Vous avez raison, des fois, c'est
difficile, les divergences d'opinions, mais parfois c'est très précieux. Alors,
selon nous, là, ça serait quand même intéressant de donner un rôle à ces
personnes-là, à moins, comme je l'ai dit, que la personne qui a rédigé sa
demande anticipée ait spécifiquement dit : Moi, je veux que ce soit mon
tiers de confiance et seulement mon tiers de confiance.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. J'aimerais vous entendre un peu plus sur le retrait de la demande. Vous
dites qu'il faudrait que ce soit assoupli plus que ce l'est là encore, donc
j'aimerais vous entendre à ce niveau-là.
• (19 heures) •
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Bien, actuellement, ma compréhension du projet de loi, c'est... évidemment,
une fois que le processus est enclenché, si vous voulez, et que la personne
exprime un refus, bien, on ne procède pas, et ça, c'est bien parfait. Sauf que,
entre le moment où la personne rédige sa demande anticipée et le moment x
où elle a atteint, là, un déclin cognitif très, très avancé, il peut s'écouler
plusieurs années et il y a une progression de la maladie. Donc, la personne
pourrait, à mi-parcours, par exemple, ne plus rencontrer les critères du
consentement aux soins qui ont été établis par la Cour d'appel, mais être quand
même capable d'exprimer sa volonté de retirer sa demande.
Et on a pris exemple sur le critère qui
apparaît aux Pays-Bas, où on dit vraiment... on sort des critères de la Cour
d'appel. Puis je peux peut-être les rappeler, là, rapidement, le test en cinq
volets de la Cour d'appel. On dit qu'une personne... pour évaluer son aptitude
à consentir aux soins, on regarde est-ce qu'elle comprend la nature de sa
maladie, est-ce qu'elle comprend le but du traitement, les risques et avantages
associés au traitement, est-ce que sa capacité de comprendre est affectée, et,
dès qu'il y a un déni de la maladie, elle est inapte à consentir à ses soins.
Et, durant cette évaluation-là, la personne, elle doit être capable de prendre
une décision, de l'exprimer et de comprendre l'information, donc. Et cette
évaluation-là est faite à chaque fois qu'un soin est prodigué, et ça peut
fluctuer dans le temps. Donc, la personne pourrait ne pas rencontrer ce test-là
de la <Cour d'appel...
>
19 h (version révisée)
< Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie)T :
...de la >Cour d'appel, mais être capable
quand même d'exprimer, être apte à exprimer sa volonté de retirer sa demande.
Et donc je ne pense pas qu'il faut nécessairement atteindre à la... attendre,
pardon, à la fin du processus, lorsque le traitement est enclenché, pour
constater le refus. Il faudrait avoir une certaine latitude, je pense, dans la
période plus... ou plus... la période du milieu, si on veut, là.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. Est-ce qu'on a encore un petit peu de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 6 min 40 s.
Mme Guillemette : Six minutes.
J'aimerais vous entendre, vous n'en avez pas parlé, puis peut-être que... Bon,
je sais que ce n'est pas dans votre champ d'expertise, mais, au niveau du
handicap neuromoteur, j'aimerais vous entendre à ce niveau-là. Si... bon,
premièrement, si vous êtes en accord ou pas, et deuxièmement, peut-être, est-ce
qu'il y a des mesures de protection à mettre en place spécifiquement? Comment
vous voyez cet aspect-là du projet de loi?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Bien, je vous dirais, effectivement, que c'est complètement en dehors de
notre champ d'expertise. Parce que, quand on parle d'un handicap neuromoteur,
on ne parle pas d'inaptitude. Et donc le Curateur public, là, est vraiment
spécialisé en matière d'inaptitude. Donc, je ne souhaiterais pas trop me
prononcer sur cette question-là. Merci.
Mme Guillemette : Est-ce
qu'il y a des éléments que vous n'avez pas abordés que vous aimeriez mettre en
lumière, que vous n'avez pas eu le temps dans votre 10 minutes?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Oui. Bien, juste pour compléter la réponse de ma collègue, tout à l'heure,
j'ai voulu intervenir, notre compréhension de l'article... et là je ne l'ai pas
sous la main, je crois, 29.7, lorsque le tiers refuse, néglige ou encore qu'il
n'y a pas de tiers de confiance, ça va directement à la responsabilité du
personnel soignant. On trouve que c'est une lourde charge à porter. Donc, ça
vient renforcer un peu le... notre argument ou notre recommandation à l'effet d'impliquer
les proches. Parce qu'il pourrait... Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de
tiers de confiance que la personne est nécessairement isolée. Ça peut être un
choix qu'elle fait de ne pas désigner de tiers de confiance, mais il y a quand
même l'entourage. Donc, de leur donner un certain rôle à ce niveau-là, je pense
que ce serait bénéfique.
Mme Guillemette : Mais
il y a des gens qui sont vraiment isolés, qui n'ont pas de famille, qui sont
vraiment seuls.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Effectivement. Donc, dans ces cas-là...
Mme Guillemette : C'est
sûr que c'est lourd, peut-être, pour le corps médical, pour l'équipe soignante,
mais on pourrait procéder comment pour que ces personnes-là ne soient pas
abandonnées puis qu'elles aient le... qu'elles aient accès quand même?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Bien, je trouve qu'en rendant la désignation du tiers de confiance
facultative on est venu régler un peu cette problématique-là. Puis évidemment l'équipe
soignante, dans ces cas-là, serait les mieux placés pour prendre la décision.
Donc, on est en accord, là, avec le positionnement.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Merci.
Mme Guillemette : Je
pense que j'ai des collègues qui ont des...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je pense qu'il y a une collègue qui a une question. Mme la
députée de Châteauguay.
Mme Gendron : Oui.
Bonjour. Merci d'être là. Je vais être quand même brève pour laisser le temps à
ma collègue. Je veux juste savoir votre point de vue advenant un refus. Donc, d'après
ce que vous avez expliqué, là, il y a quelques minutes, est-ce que ce serait
possible de simplement reporter, ou, à vos yeux, s'il y a un refus, donc ce
serait final, puisque la personne a quand même perdu des capacités depuis qu'elle
a fait sa demande?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Oui. J'ai écouté les commissions, plus tôt aujourd'hui, puis je vous dirais
que je rejoins assez l'opinion des collègues, là, qui sont venus témoigner à l'effet
qu'un... qu'une manifestation clinique d'un refus, là... puis on ne parle pas
vraiment d'une personne qui est apte à exprimer sa volonté sur l'aide médicale
à mourir, mais c'est plus une réaction ou... Bon, je ne pense pas que ça
devrait entraîner nécessairement le retrait de la demande du registre. Je pense
que ce n'est peut-être pas le bon moment. Ça pourrait être revisité plus tard,
à mon avis, mais je pense que le retrait complet de la demande du registre...
peut-être qu'on pourrait assouplir ce côté-là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui. Votre question.
Mme Picard : J'ai
peut-être une petite question rapide, parce que je ne pense pas qu'il nous
reste beaucoup de temps.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 2 min 53 s.
Mme Picard : Ah! quand
même pas pire. Advenant le cas où une personne qui est apte fait une demande
anticipée, la personne, elle a un diagnostic d'Alzheimer, supposons, elle
désigne un tiers de confiance et le tiers de confiance décède, est-ce que vous
seriez d'accord à ce que, dans le formulaire quelconque, il y ait un endroit où
on pourrait indiquer que, si le tiers de confiance décède, on veut que ce soit
vous qui ayez cette responsabilité-là?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Nous étant le curateur public?
Mme Picard : Oui.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Non.
Mme Picard : Non? OK.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Non, parce que je vous dirais que ça rentre vraiment dans les critères où...
«refuse, néglige ou est empêchée d'agir», là, je présume que le décès d'un...
du tiers de confiance rentrerait dans l'empêchement d'agir. Et donc il y a des
solutions alternatives qui ont été prévues. Je vous dirais que ce n'est pas
dans la mission du Curateur <public...
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) :
...d'agir. Et donc il y a des solutions alternatives
qui ont été prévues. Je vous dirais que ce n'est pas dans la mission du
Curateur >public de jouer un rôle comme celui-là. Comme je vous l'ai
expliqué tout à l'heure, pour toutes les raisons que j'ai mentionnées,
considérant qu'on n'a pas la connaissance fine des personnes, on n'est pas à
leurs côtés au quotidien. On est un représentant légal, on est une organisation
gouvernementale. Je pense que l'équipe soignante serait beaucoup mieux placée
pour le faire.
Mme Picard : Merci.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...encore quelques... peut-être une dernière question?
C'est beau. Alors, merci beaucoup. Je me tourne maintenant du côté de
l'opposition officielle. Donc, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, vous
avez toujours 9 min 54 s de temps.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Mme la Curatrice, bonjour, Me Gravel, merci
beaucoup pour votre témoignage, et votre présentation, et le mémoire que vous
avez déposé. Vous avez parlé de la lourde tâche des curateurs. Vous avez parlé
des 13 000 dossiers, les 12 000 régimes privés. Il y a
combien de curateurs ou curatrices actuellement?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Les curateurs délégués sont au nombre de presque 130, je pense, mais ce
qu'il faut comprendre... Parce qu'on pense que c'est les curateurs délégués qui
s'occupent de tout, là. Oui, ils s'occupent de la personne, mais on a des
techniciens fiduciaires qui s'occupent de gérer les biens. On a un service
juridique qui s'occupe du respect de leurs droits, on a une direction médicale
qui s'occupe du consentement aux soins. Donc, c'est très sectorisé, chacun a
son rôle et chacun contribue à la protection des personnes.
Mme Maccarone : Vous
faites bien de l'expliquer, parce que je comprends comment la tâche est lourde,
puis c'est pour ça que je pense que c'est intéressant que vous dites que ce
n'est pas le rôle, comme représentant légal, de prendre la décision ou de
déclencher un processus comme on ferait... comme le tiers de confiance, mais je
voulais savoir, à date... Parce que, malgré qu'on n'a pas des demandes
anticipées qui sont enchâssées dans la loi, mais avez-vous déjà fait face à des
cas où il y a des personnes qui sont sous la responsabilité du curateur, mais
ils ont quand même eu des demandes médicales... demandes d'aide médicale à
mourir?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Je crois qu'il y en a eu. Je n'ai pas de donnée à vous soumettre. On n'est
pas toujours informé, il n'y a pas une obligation d'informer le Curateur public
sur ces questions-là. Donc, ce serait difficile de vous donner un quelconque
chiffre.
Mme Maccarone : C'est
intéressant de savoir, d'abord, quel est votre rôle, que, mettons, s'il y a
quelqu'un qui a une demande anticipée, ce serait quoi, le rôle du curateur?
D'abord, je pense que ce serait bien d'élaborer c'est quoi, le type
d'accompagnement. Parce que, comme c'était évoqué par la collègue de Roberval,
il y a beaucoup de gens qui se retrouvent seuls. Ça fait que quel est votre
rôle, précisément, face à une demande anticipée et comme représentant légal?
• (19 h 10) •
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Pour la rédaction de la demande, on n'a pas de rôle. Souvent, les
personnes, lorsqu'elles vont rédiger cette demande-là, sont aptes et n'ont pas
de régime de protection, donc, et ce sera versé au registre, là, de ce que je
comprends, ce qui est inscrit au projet de loi. Lorsque le tiers de confiance
ou l'équipe médicale souhaite déclencher l'évaluation de la demande, le rôle
qu'on pourrait jouer, comme on joue pour toutes les personnes qu'on représente,
c'est un... On reçoit, on a une direction médicale de consentement aux soins.
Donc, l'équipe médicale peut nous appeler, poser des questions, échanger sur
divers sujets. On va aussi consentir aux soins pour les personnes qui sont
inaptes à le faire. Dans le cas d'aide médicale à mourir, évidemment, il n'y a
pas de consentement substitué, et on est... et on est tout à fait en faveur de
ça, mais ce serait plutôt un rôle-conseil auprès de l'équipe soignante, mais on...
Le rôle du tiers de confiance est de lever le drapeau le moment venu, et ça, je
pense que c'est bien établi dans la loi. Je ne sais pas si tu voulais rajouter
quelque chose là-dessus en termes de notre rôle?
Mme Gravel (Sophie) : Non.
C'est pas mal... c'est ça, c'est assez complet. Dans notre rôle de représentant
légal, on peut accompagner, conseiller, que ce soit l'équipe médicale ou ça
peut être les curatrices déléguées aussi, mais, comme le mentionnait Me
Baillargeon-Lavergne, les limites d'une organisation sont les limites d'une
organisation, puis on n'est pas au quotidien auprès de ces personnes-là.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Mais, lorsqu'un soin doit être prodigué à une personne inapte, le médecin a
tout à fait le loisir de contacter la curatrice déléguée pour en discuter, de
contacter notre direction médicale pour en discuter. Et ça, ça se fait
régulièrement. Donc, je présume que ça se poursuivrait dans ce sens-là.
Mme Maccarone : Loisir,
mais pas obligation?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Il n'y a pas d'obligation.
Mme Maccarone : Il n'y a
pas d'obligation?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Bien, à moins que la personne soit inapte à consentir à ses <soins...
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) :
...dans ce sens-là.
Mme Maccarone :
Loisir,
mais pas obligation?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) :
Il n'y a pas d'obligation.
Mme Maccarone :
Il
n'y a pas d'obligation?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) :
Bien, à moins que la personne soit inapte à consentir
à ses >soins, et là il faut obtenir un consentement substitué. C'est la
direction médicale qui le donne, mais, si la personne est sous régime et apte à
consentir à ses soins, il n'y a pas d'obligation.
Mme Maccarone : Mais, dans le
cas d'une personne qui n'est plus apte, parce qu'ils ont fait une demande
anticipée, par exemple, puis, quand on est rendu... puis, à la suite, il est
sous... il tombe sous la responsabilité de la curatrice, il y aura quand même
une obligation de vous contacter pour dire : Nous sommes rendus au moment
où, comme corps professionnel, médecin, infirmière praticienne, nous penser...
nous pensons que c'est le moment que nous devons déclencher le processus,
n'est-ce pas?
Puis, si c'est le... puis, même si ce
n'est pas le cas, comment allez-vous savoir? Comment est-ce que vous souhaitez
qu'on vous informe qu'une personne qui devient sous votre responsabilité, pour
x, y, z raison... Puis ils sont seules, puis maintenant ils sont sous la
responsabilité de la curatrice, mais ils ont fait une demande anticipée.
Comment devons-nous vous informer que ça existe pour que ça fait partie aussi
de votre charge de travail, votre responsabilité, dans le fond, même si ce
n'est pas vous qui allez déclencher le processus?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
...avec le registre, je comprends que c'est la façon de publiciter les demandes
anticipées. Il n'y a pas d'obligation de fournir une copie au représentant
légal. Les rôles qui sont confiés dans la loi à l'équipe soignante ou au tiers
de confiance... Mais, par contre, si vous souhaitez ajouter une obligation
d'informer le représentant légal, qu'il soit public ou privé... Parce qu'il ne
faut pas oublier les représentants légaux privés, il y a plus de
10 000 régimes privés au Québec. Puis la question se poserait
également pour les mandataires. Est-ce qu'on va jusque-là? Est-ce que les
mandataires devront être informés que le tiers de confiance déclenche?
Mme Maccarone : Votre
opinion sur les deux questions, est-ce que ce serait... Nous sommes à l'écoute,
est-ce que ce serait une recommandation? Devons-nous faire le débat là-dessus?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Bien, quand on dit d'impliquer les proches, les personnes significatives,
je pense que le représentant légal, nécessairement, tombe dans cette
catégorie-là. Donc, je pense que ce serait une bonne pratique, effectivement.
Maintenant, d'en faire une obligation, je ne le... je ne crois pas que ce soit
nécessaire.
Mme Maccarone : Ce n'est
pas nécessaire, OK. Je veux parler un peu de ce que vous avez parlé en ce qui
concerne le refus. Puis, je vous entends, la nécessité d'élaborer puis de
s'assurer que c'est bien ancré dans la loi, les critères en ce qui concerne le
refus, mais je... Parce que vous dites qu'il faut le retirer, puis, si... il
faut respecter le refus de la personne concernée, mais je veux savoir si... Par
exemple, dans la demande anticipée, si c'est clairement indiqué que, comme
personne qui fait la demande anticipée, si je me retrouve à un moment de ma vie
où je ne suis plus la personne que j'étais auparavant parce que je souffre
d'Alzheimer, ou quoi qu'il soit, c'est quoi, la maladie neurodégénérative,
bien, à ce moment-là, si moi, j'ai écrit : si je refuse, là ce n'est plus
Jennifer qui refuse, là, c'est une autre personne, je souhaite que vous
procédez. Comment devons-nous poursuivre avec une telle demande qui est
vraiment bien élaborée? Parce que je sais que les collègues travaillent très
fort sur le formulaire. Que devons-nous faire face à ce type de problématique?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Je vous dirais que c'est une problématique qui est très, très complexe. Je
ne sais pas si je vais pouvoir apporter un éclairage aujourd'hui, je peux
simplement me mettre dans la peau d'un médecin ou d'une infirmière praticienne
qui doit procéder malgré un refus qui semble évident. Je vois mal comment ça
pourrait se concrétiser, mais, encore une fois, ça peut peut-être clarifier les
volontés de la personne, mais je ne peux pas vous donner de réponse exacte.
Mme Maccarone : Une
dernière question pour moi. Moi aussi, j'ai été surprise, dans le mémoire, que
vous n'avez pas évoqué la notion de handicap. Puis je comprends, votre
explication était très claire, c'est parce que vous, vous êtes responsable des
personnes en situation d'inaptitude, mais j'avais une question très précise. Parce
que, si on enlève la notion de neuromoteur et on n'a pas une définition de
c'est quoi, un handicap, ça se peut que les personnes qui souffrent d'une
déficience intellectuelle...
Puis la notion d'autodétermination, la
notion d'aptitude peut vraiment varier d'un moment à l'autre. Nous avons
travaillé ensemble sur la réforme du Curateur public, on sait très bien que
l'aptitude peut varier d'un moment à l'autre. Comment devons-nous traiter les
demandes des personnes avec une <aptitude...
Mme Maccarone :
...on
sait très bien que l'aptitude peut varier d'un moment à l'autre. Comment
devons-nous traiter les demandes des personnes avec une >aptitude qui
peut varier, ou une personne qui a la capacité de consentir à un soin, malgré
une déficience, peut-être intellectuelle, ou autres? Parce que ça se peut
qu'une personne qui souffre d'une telle difficulté dans leur vie peut avoir la
capacité de consentir, et aussi souffrir d'un cancer, une maladie très grave,
et souffrir. Comment devons-nous nous assurer qu'on protège aussi ces personnes
en situation de vulnérabilité?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Très rapidement, s'il vous plaît, le temps est déjà écoulé.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Évidemment, quand vous parlez de déficience intellectuelle, ça va être plus
difficilement applicable, si elle est inapte à consentir à ses soins,
évidemment, là, ce qui est souvent le cas dans ces diagnostics-là. Quand vous
parlez de dimension changeante ou d'évolution, on parle surtout du trouble
mental dans ces cas-là. Parce que, quand on parle de maladie dégénérative,
c'est souvent sur une pente descendante. Donc, je veux juste être sûre de bien
comprendre votre question pour cerner ces personnes-là, oui.
Mme Maccarone : Bien,
que la notion... Bon...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...vous couper. Je m'excuse.
Mme Maccarone : Merci
quand même.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : On est rendu à la deuxième opposition officielle avec une
période de temps de 3 min 18 s. Le temps est à vous.
Mme Labrie : Merci, Mme
la Présidente. Vous nous invitez à préciser le rôle des autres proches. Vous
nous dites qu'eux aussi devraient pouvoir lever le drapeau, là, lorsqu'ils
constatent de la souffrance, mais moi, j'ai de la difficulté à voir ça va être
quoi, le rôle spécifique du tiers de confiance si tout le monde peut lever ce
drapeau-là. Puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus, si ce ne serait pas
plutôt pertinent de permettre à la personne qui remplit une demande anticipée
d'avoir un nombre vraiment flexible, là, de tiers de confiance, sans que ce
soit limitatif à deux, pour qu'elle puisse vraiment choisir les personnes en
qui elle fait confiance, puis que ces personnes-là puissent se prononcer, puis
que, si elle désire en nommer zéro, bien, ce sera ça. Puis ce sera clair que ce
sont vraiment ces personnes-là qui peuvent se prononcer là-dessus, peu importe
le nombre que la personne aura déterminé.
Mme Gravel (Sophie) : Bien,
en fait, la distinction que je ferais, actuellement, dans la loi telle qu'elle
est rédigée, le tiers de confiance, il a vraiment, pour nous, un statut
privilégié, il était... c'est lui qui est informé lorsque l'inaptitude survient
et aussi c'est le premier... Le médecin, le professionnel a toujours
l'obligation, dans la loi, d'en informer, au premier... en premier plan, le
tiers de confiance. Pour nous, le rôle qu'on voyait accorder aux proches, ce
n'était pas de ce niveau-là, mais c'était plus des personnes, en ouvrant le
processus tiers de confiance, membres de l'équipe soignante ou personnes
significatives, qui pouvaient contribuer à la réflexion puis à la mise en œuvre
du déclenchement de la demande anticipée.
Donc, de la façon dont on voyait notre
recommandation n° 1, le proche n'entrerait pas en conflit avec le tiers,
parce que le rôle du tiers, tel qu'il est décrit dans la loi, resterait comme
il est. Par ailleurs, effectivement, la loi prévoit qu'on peut nommer plus
qu'un tiers de confiance. Là, c'est en cas de remplacement. S'il y en avait
plusieurs, bien là, peut-être que la problématique de celui qui lève le
drapeau, s'il y en a plusieurs qui peuvent le faire, pourrait être... ça
pourrait être peut-être difficile à gérer s'ils ne sont pas du même avis, là,
si j'ai bien compris votre...
Mme Labrie : Dans la
mesure où, de toute façon, ce n'est pas tant une question d'avis. Après, la
personne lève le drapeau, mais il y a un professionnel de la santé qui va
évaluer la situation. Ce n'est pas une question d'avis du proche.
Mme Gravel (Sophie) : Oui,
d'avis de lever le drapeau.
Mme Labrie : Exact.
Mme Gravel (Sophie) : Oui,
effectivement.
• (19 h 20) •
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Je vais peut-être aussi juste mettre l'emphase sur l'ouverture. On en a
parlé rapidement, là, mais de permettre à la personne elle-même, la personne
concernée, de demander que sa demande soit évaluée. Parce que, oui, on peut
s'imaginer qu'elle a atteint un degré assez avancé, mais elle est quand même
capable d'exprimer qu'elle souhaite mourir. Et donc pourquoi on ne pourrait pas
l'ouvrir pour déclencher, ou à tout le moins l'évaluation, pour voir si elle
rencontre les critères? Puis c'est effectivement ce qu'il se fait aux Pays-Bas
actuellement, où la grande majorité, là, des demandes anticipées sont
enclenchées par la personne elle-même qui est visée. Et, pour nous, ça
s'inscrit vraiment dans le respect de ses droits puis le respect de sa volonté.
Mme Labrie : Dans la
mesure où la personne qui exprime «je veux mourir» n'est pas nécessairement
habilitée à entreprendre une démarche auprès de quelqu'un de l'établissement de
santé quand elle dit ça, là. Est-ce que ça ne revient pas plutôt aux membres du...
de l'équipe de soins ou à son proche qui l'entend dire «je veux mourir»
de, justement, déclencher le processus? Qu'est-ce que vous voulez dire
par «lui donner le droit de déclencher le processus»?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Bien, je pense qu'il faudrait le considérer comme un indice
important que la personne souhaite enclencher l'évaluation de sa <demande...
Mme Labrie :
...processus.
Qu'est-ce que vous voulez dire par «lui donner le droit de déclencher le
processus»?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) :
Bien, je pense qu'il faudrait le considérer comme un
indice important que la personne souhaite enclencher l'évaluation de sa >demande.
Puis on dit que ça devrait être considéré au même titre que l'opinion du tiers
de confiance et de l'équipe soignante, là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci pour cet échange. On termine cette période avec la
députée de Laviolette—Saint-Maurice, pour une période de 3 min 18 s.
Mme Tardif : Mme Baillargeon-Lavergne
et Mme Gravel, merci, premièrement, d'être venues. Merci d'avoir préparé
un rapport. On sait que c'est quand même beaucoup de travail, et c'est très
apprécié. Là, on a parlé de beaucoup de choses, vous avez eu plusieurs
questions, mais je vais sortir un petit peu de la boîte, parce que je sais que
la question que je vais vous poser, ce n'est pas du tout sous votre juridiction.
Ça ne fait pas partie de vos rôles, mais vous êtes habituées à jongler avec un
paquet de formulaires. Et je me disais... je pense aussi à une personne qui
fait une demande par anticipation, suite à son diagnostic du médecin, et qui
passe par la suite... qui devient sous tutelle, est-ce qu'il y a quelque
chose... Parce que vous, vous allez avoir un formulaire, j'imagine, vous
allez... Est-ce qu'il y a quelque chose, dans le formulaire, qui devrait... des
éléments, des questions qu'il devrait y avoir, qui devraient être incluses pour
vous faciliter la tâche par la suite? Avez-vous des idées à nous suggérer, là?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Il faudrait y réfléchir. Pour nous faciliter la tâche, nous, en tant qu'organisation,
je pense qu'un accès au registre, je ne sais pas si ça va être un registre
public, pourrait être une possibilité pour voir si des personnes représentées
sous notre juridiction ont effectivement consigné des demandes, là. Puis là je
pense à voix haute, là, mais ça mériterait un certain élément de réflexion. Le
fait de le savoir, je pense, pourrait être aidant, dans les discussions qui
s'ensuivent avec les équipes soignantes, que la curatrice... déléguée en soit
informée. Donc, c'est un élément auquel je peux penser qui nous concerne plus
particulièrement.
Mme Gravel (Sophie) : Aussi,
à titre de représentant légal qui aurait éventuellement à accompagner ou donner...
à avoir un rôle-conseil, bien, finalement, le cœur, ça va être la description
des souffrances, hein? Vraiment, ça aussi, ça va être... Puis j'imagine que,
tout le monde dans le formulaire, c'est vraiment le cœur du formulaire, là,
mais, évidemment, ça, plus ce sera précis et bien détaillé, ça pourrait nous
aider à jouer notre rôle de représentant légal.
Mme Tardif : Merci, ça
va être tout pour moi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Me Baillargeon-Lavergne, Me Gravel. Merci
pour votre contribution à nos travaux. Vous avez été nos dernières
représentantes aujourd'hui. Merci à l'ensemble des collègues pour cette
première journée. Merci beaucoup, Mme la... pardon, Mme la ministre.
Alors, à ce moment-ci, nous allons
suspendre les travaux. En fait, nous allons ajourner jusqu'au mercredi 15 mars
2023, tout de suite après l'avis touchant les travaux des commissions. Bonne
soirée à toutes.
(Fin de la séance à 19 h 25)