(Neuf
heures quarante-neuf minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.
La commission
est réunie aujourd'hui afin de procéder aux consultations particulières et aux
auditions publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la
Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, Mme la Présidente. Mme Garceau (Robert-Baldwin) est remplacée par Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis) et Mme Massé
(Sainte-Marie—Saint-Jacques) est remplacée par Mme Labrie (Sherbrooke).
Remarques préliminaires
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, nous allons
avoir un ordre du jour bien rempli aujourd'hui. Ce matin, nous allons débuter
par les remarques préliminaires puis nous entendrons les personnes et les
organismes suivants : Mme Nicole Filion, conjointement avec M.
Jocelyn Maclure, coprésidente et coprésident
du groupe d'experts sur l'inaptitude et l'aide médicale à mourir; nous
entendrons, par la suite, la Fédération québécoise des sociétés
Alzheimer; et nous allons terminer l'avant-midi avec l'Association québécoise
pour le droit de mourir dans la dignité. Par contre, nous allons débuter par
les remarques préliminaires, d'une durée totale de 12 minutes : le gouvernement, six minutes; l'opposition
officielle, 3 min 36 s; le deuxième groupe d'opposition,
1 min 12 s; ainsi que la députée indépendante,
1 min 12 s.
J'invite maintenant
la ministre déléguée de... à la Santé et aux Aînés à faire ses remarques
préliminaires. Mme la ministre, pour une durée de six minutes, la parole est à
vous.
Mme Sonia Bélanger
Mme Bélanger :
Mme la Présidente, les consultations particulières qui débutent aujourd'hui
s'inscrivent dans la continuité de la réflexion et de la démarche
transpartisane sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
afin de permettre l'élargissement de l'aide médicale à mourir. Je nous invite à
effectuer ces travaux avec une approche empreinte de rigueur, de bienveillance
et de recherche d'équilibre entre l'autodétermination de la personne pour une
fin de vie digne et la protection des personnes vulnérables.
• (9 h 50) •
Je tiens à rappeler
que l'aide médicale à mourir est un soin de fin de vie, et qu'à cet égard il
doit offrir à toute personne qui le souhaite de vivre ses derniers moments
selon ses volontés, entourée de ses proches, et avec dignité. Par le dépôt de ce projet de loi, notre gouvernement fait écho aux travaux réalisés d'abord par la Commission spéciale sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, puis à ceux menés par
les députés lors de la précédente législature. L'analyse et les consensus
établis par ces travaux se reflètent dans l'actuel projet de loi. Dans le cadre
des présentes consultations, nous aurons le
privilège d'entendre plusieurs groupes et experts afin d'alimenter nos
réflexions et d'apporter les ajustements qui s'avéreraient nécessaires.
Permettez-moi, Mme la
Présidente, de faire un rapide survol des éléments principaux que nous
étudierons. Le projet de loi propose
d'élargir l'aide médicale à mourir aux personnes ayant un diagnostic de maladie
grave et incurable menant à l'inaptitude à consentir aux soins. À cet
égard, le consensus québécois semble bien établi. Les travaux précédents ont néanmoins permis de soulever des
préoccupations quant à l'applicabilité de la loi par les professionnels de la santé et des services sociaux. La présente
proposition législative a été raffinée pour prendre en compte ces
préoccupations.
Le
projet de loi propose d'élargir l'admissibilité à l'aide médicale à mourir de
façon circonscrite aux personnes ayant un handicap neuromoteur grave et
incurable, à condition que tous les autres critères prévus dans la loi soient
rencontrés. Cette proposition vise notamment à reconnaître pleinement
l'autonomie décisionnelle des personnes ayant
cette condition. La notion de handicap et de souffrance associée est délicate,
et la perspective des groupes intéressés permettra de jeter les bases
pour une discussion approfondie.
Le projet de loi
propose cependant d'interdire l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour
les personnes présentant un trouble mental
comme seul problème médical invoqué. Devant l'absence de consensus clair, le
caractère sensible de ce sujet et la nécessité de poursuivre la
réflexion, le principe de précaution a été privilégié.
Le projet de loi
propose également que les maisons de soins palliatifs ne puissent plus exclure
l'aide médicale à mourir de leur offre de soins. Cette proposition vise à
favoriser un accès équitable aux soins de fin de vie et à offrir une continuité
de soins aux patients qui y sont admis.
Au niveau des
professionnels de la santé, le projet de loi propose que les infirmières
praticiennes spécialisées puissent offrir tous les soins de fin de vie, y
compris l'aide médicale à mourir, au même titre que les médecins. Le projet de loi propose qu'il soit dorénavant permis aux
infirmières et infirmiers de constater les décès, et ce, tant pour l'aide médicale à mourir que dans toutes les
autres circonstances de décès. Cette disposition, d'ailleurs, avait été émise
lors de la pandémie, et les interventions se sont démontrées probantes.
Afin de renforcer
davantage le soutien des professionnels impliqués dans les soins de fin de vie,
le projet de loi propose de rendre obligatoire la consultation de groupes
interdisciplinaires de soutien. Ces groupes existent déjà dans plusieurs
établissements, sans toutefois être obligatoires. Au sujet de la Commission sur
les soins de fin de vie, celle-ci a pour
mandat d'examiner toute question relative aux soins de fin de vie et de surveiller
l'application des exigences particulières
relatives à l'aide médicale à mourir. Le projet de loi propose d'élargir les
renseignements dont la commission peut disposer pour mieux accomplir son
travail. On propose également d'augmenter le nombre de membres de la Commission
sur les soins de fin de vie.
En conclusion, Mme la
Présidente, je tiens à réitérer l'importance de ce projet de loi pour une fin
de vie digne, et à rappeler les principes
sous-jacents à son étude, soit la rigueur, la bienveillance et la recherche
d'équilibre entre l'autodétermination de la personne et la protection
des personnes vulnérables. À l'avance, je tiens à remercier l'ensemble des députés, les groupes qui viendront
partager avec nous leur expertise, leurs constats et leurs préoccupations,
et à souligner l'engagement de tous dans cet important exercice. Alors, je vous
remercie, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre.
Alors, j'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle et
députée de Westmount—Saint-Louis
à faire ses remarques préliminaires, pour une durée de
3 min 36 s. Allez-y, Mme la députée.
Mme Jennifer Maccarone
Mme Maccarone :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, collègues. Évidemment, je suis contente
d'être parmi vous. C'est la suite, pour moi,
car j'ai été membre de la commission spéciale lors de la dernière législature.
Je suis heureuse
d'être accompagnée par la
collègue de D'Arcy-McGee. Je pense que, toutes les deux, on amène quand
même une expérience en ce qui concerne le concept de handicap.
Alors, je veux dire
que nous, on a l'intention, évidemment, de poursuivre dans le débat, en ce qui
concerne le projet de loi n° 11, avec
beaucoup de compassion. C'est un projet de loi qui est très émotionnel. On
parle de l'humanité, on parle des soins de fin de vie, mais, en
principe, on parle vraiment d'aide médicale à mourir. Parce que, malgré qu'on
parle beaucoup de... Au début, on parlait d'un état, et, maintenant, c'est une
évolution à une maladie. On introduit la notion de handicap, puis je comprends
qu'on parle de handicap neuromoteur, mais ça va en prendre une définition de ce que ça veut dire, la notion de
handicap, pour assurer qu'on a une clarté en ce qui concerne l'adoption de
cette loi, pour éviter qu'on ait des
dérives, pour protéger les personnes qui sont, souvent, en situation de
vulnérabilité, et qu'elles sont vulnérables.
On va parler beaucoup
de l'autonomie, on va parler beaucoup d'autodétermination, on va parler
beaucoup d'aptitude, inaptitude, la notion
de souffrance. C'est des concepts qui me préoccupent beaucoup. Les collègues
qui ont siégé avec moi lors de la dernière commission spéciale vont s'en
souvenir que nous avons fait beaucoup de débats en ce qui concerne toutes ces notions, parce que c'est très humain, parce
que ça peut être très subjectif. Alors, tout ce qui va être des balises
en ce qui concerne les demandes anticipées me préoccupe énormément, ainsi que le
débat en ce qui concerne l'introduction
d'une notion de handicap, car nous n'avons jamais fait le débat ici, à
l'Assemblée nationale, en ce qui concerne l'introduction d'une notion de
handicap, nous n'avons jamais fait le débat lors de notre dernière commission
spéciale. Et aussi, les collègues vont s'en souvenir, lors du dépôt du projet
de loi n° 38 du ministre de la Santé, lors de la dernière législature,
c'était une notion qui a été introduite et retirée, parce qu'on savait qu'on
n'était pas prêt. Et ce qui me préoccupe... Et j'ai hâte d'entendre tous les
témoignages de tous les gens qui vont passer en consultations particulières,
parce qu'on n'a pas fait un débat en ce qui concerne cette notion.
Et ce que j'ai
beaucoup appris de Lise Thériault, l'ancienne députée d'Anjou—Louis-Riel,
au moment qu'on dépose un projet de loi, que le gouvernement dépose un projet
de loi, ce n'est plus votre projet de loi, c'est le projet de loi de la société. J'ai hâte d'entendre tous
les témoignages et je remercie d'avance tous les gens qui vont venir partager
leur expérience, leurs compétences. Tout...
Que ce soit dans le cadre législatif ou personnel, ça va être important pour
nous d'être à l'écoute. J'aurais souhaité
avoir des consultations encore plus larges, parce que ça va être important de
s'assurer que tous les gens qui
souhaitent s'exprimer en ce qui concerne cette nouvelle notion soient entendus.
On ne va pas en faire le débat ici, dans ce projet de loi, des troubles
mentaux, mais, c'est clair, il va y avoir des gens qui vont venir en témoigner
à cet égard. Et j'espère qu'on va avoir une écoute ouverte puis un esprit
ouvert en ce qui concerne l'application de l'aide médicale à mourir parce que
c'est un débat de société, et ça représente une évolution pour tous les
Québécois et Québécoises.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée.
Maintenant, j'invite la porte-parole du deuxième groupe d'opposition et députée
de Sherbrooke à faire ses remarques préliminaires, pour une durée de
1 min 12 s. La parole est à vous.
Mme Christine Labrie
Mme Labrie : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Je dois dire que je me joins à vous avec beaucoup d'humilité
sur ce dossier-là, parce que je n'ai pas fait partie de la commission spéciale,
comme certaines de mes collègues, mais ça me rassure de savoir que vous êtes
autour de la table, encore avec nous, aujourd'hui, pour nous partager tout
cela.
Le
dossier de l'aide médicale à mourir, c'est un dossier que j'ai suivi à distance
depuis ses tout débuts, parce que j'appréciais beaucoup, d'abord, comme
citoyenne, puis, ensuite, comme députée, la manière dont ça se travaillait par
consensus. Donc, moi, j'ai bien l'intention de travailler de cette manière-là
avec vous. Je trouve ça très inspirant, la façon dont ça s'est déroulé jusqu'à
maintenant, et puis j'espère que ça continuera d'être le cas.
Je vais porter une
attention particulière aux groupes qui viennent se prononcer sur l'enjeu des
handicaps neuromoteurs, parce que ça n'avait
pas été l'objet de discussions dans la commission spéciale sur l'évolution de
la loi, mais il y a quand même plusieurs groupes qui viennent s'exprimer
là-dessus aujourd'hui.
Donc,
moi, j'arrive ici l'esprit ouvert. Si on est capable de dégager des consensus,
on verra ce qu'on peut en faire mais
c'est vraiment ça qui va me guider. Donc, merci, puis j'espère que l'ambiance
sera bonne tout au long de ces travaux, parce que c'est quand même un
enjeu délicat.
• (10 heures) •
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup, Mme la députée. J'invite maintenant la députée de Laviolette—Saint-Maurice à faire ses remarques préliminaires, pour une durée de
1 min 12 s. La parole est à vous.
Mme Marie-Louise Tardif
Mme Tardif :
Merci, Mme la Présidente. C'est avec émotion que je prends la parole aujourd'hui,
que je siège à titre de membre de cette commission.
C'est un projet de loi, comme on l'a dit, qui vise à étendre la portée
de l'aide médicale à mourir,
mais je crois que ça représente probablement un des sujets les plus importants
sur lesquels nous allons légiférer, et en ce
sens que ça a été dit aussi, mais on va poursuivre le travail que vous avez
fait, chers collègues, l'énorme travail, devrais-je dire, qui a été
accompli par les membres de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi
concernant les soins de fin de vie. Et, tout comme eux, je m'engage à être à
l'écoute des organismes qui ont déposé un mémoire et qui vont venir nous donner
leur avis, car il est essentiel que la loi soit représentative de notre
société. Nous devons tous nous sentir respectueux, sereins et en paix lorsque
ce projet de loi sera adopté.
Aussi,
pour ma part, je suis confortable avec le fait qu'un trouble mental ne soit pas
considéré comme une maladie admissible.
Je suis aussi en accord que, comme les médecins, les infirmières praticiennes
spécialisées qui le souhaitent, c'est bien important, puissent
administrer la sédation palliative continue et l'aide médicale à mourir.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Mme la députée, votre temps est
malheureusement écoulé. Merci beaucoup.
Mme Tardif :
Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, avant d'entamer le début des auditions, je
vais suspendre quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
10 h 03)
(Reprise à 10 h 07)
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre les travaux de la
commission.
Auditions
Nous
sommes, donc, rendus aux auditions particulières pour une durée totale de
45 minutes. Le gouvernement aura
16 min 30 s, l'opposition officielle, 9 min 54 s,
le deuxième groupe de l'opposition, 3 min 18 s, et les
indépendants... l'indépendante, 3 min 18 s.
Je
souhaite, donc, la bienvenue aux représentants suivants, c'est-à-dire
Mme Nicole Filion et M. Jocelyn Maclure. Bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons,
par la suite, à la période d'échange avec
les parlementaires. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre
exposé. La parole est à vous.
Groupe d'experts sur la question de l'inaptitude
et l'aide médicale à mourir
Mme Filion
(Nicole) : Bonjour. Mon nom est Me Nicole Fillon, avocate. Et je
suis ex-directrice générale des affaires juridiques au bureau du Curateur
public du Québec.
M. Maclure
(Jocelyn) : Jocelyn Maclure, professeur de philosophie à l'Université
McGill et président de la Commission de l'éthique en sciences et technologie du
Québec.
Mme Filion
(Nicole) : Alors, bonjour à tous. À titre de co-présidents du Groupe
d'experts sur la question d'inaptitude et l'aide médicale à mourir, nous sommes
bien heureux, M. Maclure et moi-même, de pouvoir participer aux
consultations sur le projet de loi n° 11.
D'entrée de
jeu, nous voulons vous rappeler que le groupe d'experts avait été constitué à
l'époque à la demande du ministre de
la Santé et des Services sociaux en 2017, et il était composé de
13 experts qui étaient issus de différents domaines, dont la
médecine, la pharmacie, les sciences infirmières, la psychologie, le travail
social, la philosophie, le droit et la
défense des droits des usagers. Le mandat du groupe était notamment d'analyser
des situations pour lesquelles l'aide médicale à mourir serait
souhaitable en cas d'inaptitude, le cas échéant, et aussi de rédiger un rapport
faisant état de ses recommandations. Le
rapport a été déposé en novembre 2019 et était intitulé : L'aide
médicale à mourir pour les
situations... pour les personnes en situation d'inaptitude : le juste
équilibre entre le droit à l'autodétermination, la compassion et la
prudence. Il figure à la page 2... Le lien figure à la page 2 de
notre mémoire.
D'entrée de jeu, on doit rappeler qu'on ne peut
exprimer des opinions sur le projet de loi n° 11 au nom des experts qui
ont constitué le groupe puisque le mandat du groupe est terminé et que le
groupe a été dissous, mais nous pouvons affirmer que le projet de loi, et plus
spécifiquement les dispositions qui traitent de la demande anticipée d'aide
médicale à mourir, est de façon générale en adéquation avec les conclusions
auxquelles en sont venues le groupe en 2019. Dans le mémoire du 31 mai
2022, eu égard au projet de loi n° 38, nous avions exprimé des réserves
dont va vous faire part M. Maclure.
• (10 h 10) •
M. Maclure
(Jocelyn) : Merci beaucoup, Nicole. Donc, lors de notre mémoire
dans le cadre du projet de loi n° 38, on avait exprimé quatre
grandes réserves, dont : une réserve importante sur la notion de refus de
recevoir l'aide médicale à mourir par une personne qui est en situation
d'inaptitude et qui aurait fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir
auparavant, lorsqu'elle était apte; une autre réserve sur le rapport entre les
souffrances détaillées, décrites dans la demande anticipée versus les
souffrances contemporaines, objectivables et vécues par une personne en
situation d'inaptitude; une réserve aussi concernant la prise en considération
des personnes isolées; et une autre quant à l'implication des proches dans la
formulation d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Comme
Me Filion l'a dit, le projet de loi n° 11 est nettement supérieur au
projet de loi n° 38 sur ces questions.
J'y reviens à
tour de rôle, mais en m'attardant à la question du refus, parce que je pense
que c'est là où il reste de l'ambiguïté
dans le projet de loi n° 11, même si cet enjeu-là est mieux traité que dans
le projet no° 38. Donc, pour être très spécifique, le projet de loi
n° 11, s'il est adopté en l'état, le nouvel
article 29.19 de la Loi concernant les soins de fin de vie inclura les
troisième et quatrième alinéas suivants. Donc, je cite le texte du projet de
loi :
«Tout refus de recevoir l'aide médicale à mourir
manifesté par la personne doit être respecté et il ne peut d'aucune manière y
être passé outre.
«Pour l'application du troisième alinéa, une
manifestation clinique découlant de la situation médicale de la personne ne
constitue pas un refus de recevoir l'aide médicale à mourir.» Fin de la
citation.
Donc, cette
idée est très importante. Qu'il y ait une manifestation clinique qui découle de
la situation médicale ne constitue pas un refus. Donc, ça, c'est
vraiment un pas dans la bonne direction.
Les nouveaux articles 30.1 et 30.2 de la
loi se liront comme suit, si le PL n° 11 est
adopté :
«30.1. Une demande anticipée ne devient pas
caduque du fait qu'un professionnel compétent a conclu qu'il ne peut
administrer l'aide médicale à mourir, à moins que cette conclusion ne découle
du refus de recevoir cette aide manifesté par la personne.»
La proposition est qu'il faut préciser ce qui
constitue un refus.
«30.2. Lorsqu'un professionnel compétent conclut
qu'il ne peut administrer l'aide médicale à mourir à une personne qui a formulé une demande anticipée en
raison du refus de recevoir cette aide manifesté par la personne, il doit s'assurer
que la demande est radiée, dans les plus brefs délais, du registre établi en
vertu de l'article 63.»
Donc, quand on met ces quatre dispositions-là
ensemble, je pense... on pense que ça peut créer un flou, une incertitude dans
l'application de la loi. Donc, on présume que la notion de refus de recevoir
l'aide médicale à mourir lorsqu'on est en
situation d'inaptitude, ça s'applique à une personne qui a perdu l'aptitude,
hein, à consentir à ces soins, et que c'est pour ça qu'elle a rédigé
d'abord une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Mais quel est le sens
d'un refus d'une personne qui n'est plus apte à évaluer les soins de santé
qu'elle souhaite recevoir? Ça ne peut pas être un refus issu d'une délibération
rationnelle sur les soins de fin de vie qu'elle souhaite. Ce serait un refus qui
se manifesterait sans doute par de la résistance, une certaine forme
d'agitation.
Évidemment, si c'est un refus qui est issu d'un
retour passager à la lucidité, la volonté doit être respectée. Et, si la
personne dit qu'elle ne souhaite pas recevoir l'aide médicale à mourir, cette
demande doit être en fait radiée. Donc là, il n'y a pas d'enjeu éthique de ce
côté-là. Mais, si la personne demeure en situation d'inaptitude, donc là, il faut se demander : Est ce que, bon, c'est un
refus par rapport à quoi, hein, par rapport aux procédures mises en place par
les professionnels de la santé? Et, si c'est
le cas, bien, on ne croit pas que ça devrait mener à la radiation de la
demande. En fait, peut-être qu'il
faut reporter la procédure, peut-être que les circonstances ne sont pas
appropriées, mais ça ne devrait pas mener à un refus.
Donc, notre position, c'est que, s'il y a ce
qu'on pourrait penser... qu'on pense qu'il faudrait préciser, est-ce que le
refus en question doit être lorsque la personne est encore apte pour que la
demande soit radiée. Et je pense que c'est ça qui découle de l'esprit de la loi
lorsqu'on dit que le refus ne doit pas être une manifestation clinique de
l'état de la maladie. On pense que c'est
sans doute ce que ça implique, mais ce n'est pas clair dans la loi
présentement. Sur le plan des souffrances subjectives versus objectives,
on pourra en reparler si vous voulez, le projet de loi est plus satisfaisant.
Je laisse la parole à Nicole pour les dernières minutes.
Mme Filion
(Nicole) : D'accord. Nous avions aussi des remarques eu égard aux
personnes totalement isolées. Alors, nous
avions, à l'époque, le groupe d'experts, exprimé une préoccupation sur le sort
de ces personnes-là. On était d'avis
que l'impossibilité de désigner un tiers ne devait pas pour autant compromettre
le droit à l'autodétermination de la
personne qui a rédigé une demande anticipée. Nous saluons le fait que le
législateur, dans le PL n° 11, ait considéré une telle
préoccupation en introduisant de nouveaux articles, en l'occurrence les
articles 29.6, 29.14 à 29.16.
À la lumière
de ces articles-là, nous comprenons qu'il peut y avoir un tiers de confiance
ainsi qu'un second tiers de
confiance. Et, malgré qu'ils soient tous deux dans l'impossibilité d'agir ou ne
pas avoir été identifiés dans une demande anticipée, un professionnel de l'équipe de soins et même toute autre
personne peut signaler aux professionnels compétents la possibilité que la personne éprouve des
souffrances. Nous sommes très rassurés de ce fait-là, et selon nous, ça constitue
un filet de sécurité très appréciable pour
que la personne puisse continuer d'exercer son autonomie malgré son inaptitude.
Donc, pour ce qui est des articles,
nous sommes également d'avis qu'ils sont... que ce sont des remèdes suffisants
pour répondre à une personne qui est
isolée et qui reçoit... qui ne reçoit pas des soins en continu dans la mesure
où, lorsqu'une personne reçoit un
diagnostic grave et incurable, bien, elle est généralement suivie par une
équipe soignante multidisciplinaire ou à tout le moins un médecin.
L'implication des proches selon la volonté de la
personne. Le PL prévoit, dans le cadre d'une demande contemporaine,
l'implication des proches. Ça, de ce côté-là, ça ne pose aucun problème. Là où
on voit encore une problématique, c'est dans le cadre d'une demande anticipée.
Nous constatons à regret que l'implication des proches n'est pas prévue dans les circonstances suivantes. Il s'agit de quatre
circonstances quand même importantes et je veux les identifier : la survenance de l'inaptitude d'une personne qui a
formulé une demande, lorsque le professionnel procède à l'examen de la personne; lorsqu'elle paraît
éprouver des souffrances; lorsqu'il a effectué un examen et qu'il rend ses
conclusions; ou lorsqu'il est temps pour le
professionnel compétent de poser un geste aussi radical que l'aide médicale
à mourir, soit avant de procéder à l'administration. Donc, l'implication, on
constate que l'implication des proches est abordée uniquement lorsque le
professionnel invite la personne à s'entretenir avec ses proches, lorsqu'elle
formule sa demande, à l'article 29.4. Donc, on pense qu'il y aurait lieu
pour le législateur de considérer sérieusement cette question-là.
En conclusion, nous accueillons favorablement
les dispositions du projet de loi qui portent sur la possibilité d'une personne
qui reçoit un diagnostic de rédiger une demande anticipée d'aide médicale à
mourir. On croit que ces dispositions-là favorisent le droit à
l'autodétermination des personnes quant aux soins de vie qu'elles souhaitent obtenir, tout en protégeant les personnes qui sont
éminemment vulnérables, soit celles qui se trouvent en situation d'inaptitude.
Cependant, on croit que les dispositions concernant les refus de recevoir
l'aide médicale à mourir gagneraient à être
clarifiées et qu'on pourrait prévoir une implication plus grande des proches,
en particulier ceux qui ne jouent pas le rôle de tiers de confiance,
évidemment, dans la mesure où la personne malade en a exprimé la volonté de
manière explicite ou tacite. Merci de votre attention.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup,
Mme Filion. Merci, M. Maclure. Alors, nous allons entamer la période
d'échange avec les parlementaires. Je vais donc céder la parole à la banquette
de la ministre. Vous aurez un temps total de 15 min 30 s.
La parole est à vous.
Mme Bélanger : Alors, je vais
débuter et, si mes collègues veulent poursuivre, naturellement, vous êtes les
bienvenus.
D'abord,
merci beaucoup, Me Filion et M. Maclure, pour votre exposé. Merci
pour le dépôt du mémoire. En fait, et ce que je constate, c'est que le PL
n° 11 semble répondre en grande partie de façon satisfaisante, là, aux
préoccupations qui ont été énoncées lors de l'étude du projet de loi
n° 38 et lors du précédent mémoire. Moi, ça me... J'ai peut-être une
question qui m'interpelle davantage, c'est sur la notion de refus. Vous avez
parlé tantôt de la notion de refus et qu'arrive-t-il au moment où la personne
n'est plus apte à consentir, comment interpréter que la personne refuse
maintenant d'aller de l'avant avec l'aide médicale à mourir? J'aimerais vous
entendre davantage sur cette notion.
• (10 h 20) •
M. Maclure (Jocelyn) : Merci
beaucoup, Mme la ministre. Oui, c'est un enjeu extrêmement difficile. Vous êtes
peut-être au fait d'un cas aux Pays-Bas où une personne qui avait à répétition
réitéré une demande anticipée d'euthanasie, dans ce cas-là, avait très, très
souvent réitéré sa volonté. Mais, au moment de l'administration de
l'euthanasie, a résisté, a éprouvé un malaise et, bon, les professionnels de...
les soignants étaient dans une certaine détresse,
hein, ne savaient pas comment gérer cette résistance. Et c'est le genre de
situation, effectivement, qu'on veut éviter. Mais, bon, il faut se
rappeler que, si on permet les demandes anticipées d'aide médicale à mourir,
c'est pour respecter la volonté de la personne lorsqu'elle était en pleine
possession de ses facultés rationnelles, qui a réfléchi à ce qu'elle souhaitait
pour sa fin de vie, a exprimé la volonté d'avoir accès à l'aide médicale à
mourir une fois, hein, qu'elle serait en
situation de souffrance, hein, réfractaire aux traitements, avec un déclin
irréversible, et ainsi de suite. Donc,
si on en arrive à la conclusion qu'il faut radier une demande, il faut
s'assurer, hein, que ça vienne vraiment de la volonté de la personne et
que ça ne soit pas une manifestation de son état de santé à ce moment-là, une
fois qu'elle a perdu les moyens de réfléchir de façon rationnelle à ce qu'elle
souhaite pour sa fin de vie.
Donc, je
pense que ça prend un protocole clinique très clair. Comment on administre une
AMM à une personne en situation
d'inaptitude? Quelles sont les bonnes pratiques? Et, s'il y a de la résistance,
on peut arriver à la conclusion que ça devrait être reporté à un autre
moment. Mais, s'il y a une radiation de la demande, je pense que ça doit être
lors de... s'il y a un retour à la lucidité, hein? Ça peut arriver aussi. Si la
personne est redevenue apte à évaluer ce qu'elle
souhaite pour elle-même, donc là, il faut effectivement respecter sa volonté.
Mais, si c'est des symptômes cliniques... Et la
notion de refus, dans le projet de loi, n'est pas précisée, là. Est-ce que
c'est en situation d'aptitude ou est-ce que ça inclut des situations d'inaptitude?
Et, si c'est le cas, ça me semblerait problématique.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À vous.
Mme Bélanger : Oui. Alors...
Bien, écoutez, peut-être... Ce que je comprends, dans le fond, c'est qu'on doit
s'assurer que les professionnels soient en
mesure de bien faire la différence entre un refus de soins versus une
résistance aux soins. Et ce que vous recommandez, c'est que, dans
l'élaboration d'un protocole, il y ait des signes cliniques ou des manifestations, là, pour guider les
professionnels dans leurs décisions et... dans leur évaluation d'abord et dans
leurs décisions par la suite. Est-ce que c'est bien ça?
M. Maclure (Jocelyn) : C'est
exactement ça. Et, si possible, est-ce que le refus présuppose l'aptitude? Je
pense que, logiquement, ça devrait être le cas. Sinon, ça devrait être
interprété comme une résistance.
Mme Bélanger : OK. Ça va pour
moi.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Oui. Alors, merci
beaucoup, Mme la ministre. On a une question de Mme la députée de
Roberval.
Mme Guillemette : Bonjour,
merci d'être présents avec nous aujourd'hui. Moi, je reviens sur la question de
refus. Est-ce qu'on devrait l'aborder dans
la... Quand il est question de remplir la demande anticipée, est-ce que la
personne devrait dire : Bien,
moi, même s'il y a un refus, je souhaite qu'on aille au bout ou, non, si vous
voyez qu'il y a un refus, je ne veux pas? Est-ce que cet aspect-là devrait
d'emblée être mentionné dans le formulaire de demande, d'après vous?
M. Maclure (Jocelyn) : Nicole,
est-ce que tu veux intervenir ou tu...
Mme Filion (Nicole) : Je te
laisse continuer sur ta lancée.
M. Maclure
(Jocelyn) : OK. Parfait. Je pense qu'il faut, d'abord,
élaborer le protocole clinique avant de pouvoir répondre à cette question-là. Entre autres, dans ce protocole, on va
déterminer quel est... quelles sont les bonnes pratiques eu égard à
l'utilisation de sédatifs, hein, de calmants, qu'est-ce qu'il se fait
présentement lors de l'administration de soins
à des personnes en situation d'inaptitude. Et, une fois qu'on aurait répondu à
ces questions, élaboré le protocole, je pense qu'après on pourrait
revenir à cette question. Parce que, si ça fait déjà partie du protocole de
donner quelque chose pour calmer la personne qui ne comprend pas ce qu'il se
passe, bien là, écoutez, je pense qu'on peut respecter la volonté qu'elle a exprimée antérieurement. Mais, bon, est-ce qu'on
devrait encourager les personnes à préciser quoi faire si leur choix
contemporain, là, est en situation d'agitation? Je pense qu'on ne perd rien de
le faire, mais je pense qu'il faut d'abord réfléchir au protocole clinique à
mettre en oeuvre dans ces situations-là.
Mme Guillemette : Parfait,
merci. J'aurais peut-être une dernière question avant de passer la parole à mes
collègues. Pour vous, on parle de souffrance
contemporaine, de souffrance anticipée. Pour vous, est-ce que la souffrance
psychologique qui serait anticipée par quelqu'un... Et là je comprends que ce
n'est pas, bien, lorsque je ne reconnaîtrai plus mes proches, lorsque je serai incontinent, c'est vraiment une
souffrance qu'elle aura identifiée comme psychologique. Est-ce que, pour vous, c'est admissible à la notion de
souffrance ou c'est vraiment une souffrance physique, pour vous, qui
devrait être admise?
M. Maclure
(Jocelyn) : Je pense que, dans les demandes anticipées, dans
la description de ce qui va constituer des souffrances intolérables, je
pense que, bon, la personne peut décrire ce qu'elle ressent quand même comme étant
des souffrances qu'elle souhaite éviter.
Mais, bon, vous vous rappelez, le sens de notre
recommandation était qu'on évite de procéder trop tôt à une aide médicale à
mourir pour éviter qu'elle soit administrée dans une situation de démence
relativement paisible ou plutôt heureuse. Et ça, c'est compatible avec le fait
qu'on ne reconnaisse plus ses proches, hein? Donc, je pense que, dans la demande anticipée, la personne peut
décrire sa propre perception, mais elle doit, au moment de l'administration,
être en situation de souffrance
objectivable, là. Il faut voir qu'elle n'a plus de qualité de vie, qu'elle
souffre, et ça peut inclure des souffrances psychiques aussi et
physiques.
Nicole, je ne sais pas si tu voulais ajouter
quelque chose.
Mme Filion
(Nicole) : Bien, je fais un petit peu du pouce sur
l'implication des proches. Je pense que l'implication des proches est
très importante en ce sens où les proches sont une mine d'informations très,
très riche, entre autres, justement, pour décoder des signaux de souffrance
chez la personne malade qui sont souvent des souffrances d'ordre psychologique,
par exemple de la peur, de l'anxiété, de la détresse. Alors, je pense que ce
serait intéressant de ne pas se priver des proches qui peuvent vraiment aiguiller
le professionnel sur des souffrances qu'il a à observer de façon tout à fait
objectivable. Voilà.
Mme Guillemette : Merci.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Est-ce
que j'ai d'autres questions? Il reste 6 min 50 s, Mme la députée
de Châteauguay. La parole est à vous.
Mme Gendron :
Bonjour, Me Filion, M. Maclure. Merci d'être avec nous ce matin
puis de nous permettre ces belles discussions. En fait, je vais faire un peu du
pouce sur ce que vous avez dit, Me Filion. Je veux aller voir un petit peu
plus la notion... Vous avez noté, en fait, de demander l'implication des
proches, que l'implication des proches devrait être plus intégrée à la
démarche. Est-ce que vous avez une piste d'idées ou des exemples à nous fournir,
s'il vous plaît?
Mme Filion
(Nicole) : Oui, absolument. Je veux, d'entrée de jeu, vous dire qu'il
faut que la personne malade ait exprimé explicitement ou tacitement une
volonté, hein, de voir ses proches impliqués. Peut-être qu'elle a choisi délibérément
de ne pas vouloir impliquer les proches pour toutes sortes de raisons qui lui
appartiennent. Cependant, je pense que le législateur devrait étudier l'option
que, dans la loi, y figure un article qui énonce, si on veut, un principe
général qui pourrait stipuler que, à moins qu'il y ait l'expression d'une
volonté à l'effet contraire provenant de la personne inapte, les proches
devraient être considérés ou pris en compte dans une démarche de demande
anticipée d'aide médicale à mourir. Personnellement, je crois que, si on ne
prévoit pas une telle disposition, je crains que la loi soit malheureusement
appliquée au pied de la lettre et elle pourrait causer des préoccupations aux
proches aidants et à la famille qui entourent la personne dans la dernière phase
de sa maladie.
Je pense que... Je
réitère le fait que la place du tiers de confiance est prépondérante dans le
cadre de la demande anticipée, et c'est très bien ainsi, je ne remets pas ça en
question. Au contraire, dans notre recommandation, je crois que c'était la
recommandation 7 du rapport du groupe d'experts déposé en novembre 2009,
nous en avions fait une question
prépondérante. Cependant, je pense qu'il devrait y avoir lieu de trouver une
place, si minime soit-elle dans la loi, aux proches, sous réserve de la
volonté exprimée de façon tacite ou exprès de la personne malade.
• (10 h 30) •
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a
d'autres questions?
Mme Gendron : Bien, si vous pouvez me
permettre, j'aimerais juste préciser quelque chose. Donc, j'entends que vous désireriez qu'on s'informe auprès des proches
si la procédure doit être faite à un moment donné. Est-ce que c'est ce
que je comprends?
Mme Filion
(Nicole) : Pas tout à fait. En fait, d'entrée de jeu, il faudrait voir
la volonté de la personne. Ça, c'est la
première chose à faire. Au moment où elle formule sa demande anticipée d'aide
médicale à mourir, souhaite-t-elle ou
non l'implication de ses proches? Elle a le droit de ne pas souhaiter
l'implication de ses proches, et c'est son choix. Ceci étant dit, on
voit beaucoup, dans les dispositions de la loi, dans le cadre d'une demande
anticipée, l'implication du tiers de
confiance. J'en suis. Je suis tout à fait d'accord avec ça. Mais, si vous lisez
les dispositions, vous allez voir que les proches ne sont pas là
autrement que dans l'application de l'article 29.4 au moment où la
personne formule sa demande et que le
professionnel compétent l'invite, si elle le souhaite, à consulter ses proches.
Mais, tout le long du processus menant à... jusqu'à l'administration de
l'aide médicale à mourir, les proches n'y sont pas. Alors, je pense que ce serait bien qu'on ait une clause de nature
générale pour voir, toujours sous la base de la même réserve que je viens
de vous expliquer, si des proches pourraient
ou pas être considérés dans le... la démarche d'une demande anticipée d'aide médicale
à mourir.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Je pense qu'on a une question
de Mme la ministre.
Mme Bélanger : En fait, je pense que la
discussion est fort pertinente. La notion de proche, elle est importante,
on le sait, là, quand on... tout au long de
notre vie, en particulier quand on arrive en fin de vie. Mais est-ce que vous ne
craignez pas qu'il y ait un problème de confusion des rôles entre le tiers de
confiance et les proches?
Parce qu'on sait très
bien qu'une personne pourrait choisir un tiers de confiance, on suppose qu'elle
fait confiance, donc qu'elle est proche, mais quelle serait la nuance entre une
personne qui choisit un tiers de confiance qui
est une amie, par exemple, versus les proches qui sont les enfants? Est-ce
qu'il n'y aurait pas un risque, en amenant la notion de proche, si on ne le définit pas, de créer, je dirais, de
l'incertitude par rapport au rôle que doit avoir le tiers de confiance?
Mme Filion
(Nicole) : Je peux répondre à ça, en ce sens où le tiers de confiance
n'est pas un mandataire. Ce n'est pas lui
qui décide, ce n'est pas un tuteur, ce n'est pas un curateur, c'est une
personne qui souvent a gagné la confiance, évidemment, de la personne malade et peut attirer l'attention du
personnel médical sur, par exemple, les souffrances que la personne
malade éprouve.
Quant aux proches,
quant à moi, ils peuvent avoir un rôle tout à fait complémentaire,
c'est-à-dire... Souvent, ce sont des proches aidants. Les tiers de confiance ne
sont pas nécessairement des proches aidants. Mais les proches peuvent témoigner de l'histoire de la personne
malade, rapporter son vécu, ses valeurs, les facettes de son existence et
ils peuvent — et c'est quelque chose à ne pas négliger — témoigner
des volontés que la personne malade a déjà exprimées par le passé, de ce que ça... ce qu'elle
souhaitait comme mort digne. Alors, je ne vois pas de conflit entre les deux
rôles.
Et, ceci étant dit,
je reviens sur le fait que la personne peut très bien choisir de ne pas
impliquer, de ne pas vouloir impliquer ses proches, et, quant à moi, c'est tout
à fait acceptable, si c'est de sa volonté.
Je ne sais pas, Jocelyn, si tu veux compléter.
M. Maclure
(Jocelyn) : Bien, peut-être juste pour dire que... je pense...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Le temps est écoulé, je m'excuse.
M. Maclure (Jocelyn) : Parfait.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Le temps est écoulé pour la partie du
gouvernement. Par contre, on va
continuer ces discussions fort intéressantes avec la députée de Westmount—Saint-Louis. Votre temps est de 9 min 54 s.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bien, je vais prendre la balle au bond parce que les questions sont
très pertinentes. Quand on parle de... le rôle de tiers de confiance, je pense
que c'est très important, puis vous soulevez vraiment quelque chose qui est
important souvent dans la vie de la personne concernée, puis, je suis d'accord,
ce n'est pas le proche aidant ou la personne qui est désignée comme tiers de
confiance qui va administrer l'aide médicale
à mourir, c'est eux qui vont peut-être soulever le questionnement : Est-ce
que ma mère, est-ce que mon ami,
est-ce que la personne dont je suis responsable est rendue à un point où nous
devons se préoccuper de la demande anticipée?
Et j'ajoute que, dans les statistiques, 27 % de l'aide médicale à mourir
qui est administrée est faite à domicile. Ça, c'est les statistiques de 2020-2021. C'est quand même 40 % des
demandes. Alors, est-ce que c'est... C'est important.
D'abord, comment nous devons le baliser dans la
loi pour que le rôle de tiers de confiance est vraiment pris en considération?
Est-ce que, selon vous... Parce que moi, je suis heureuse que vous nous
accompagniez toujours dans ce processus.
Vous êtes là vraiment depuis le début. Comment l'élaborer dans la loi pour que
ce soit clair, le rôle de cette personne? Est-ce qu'on dit que c'est eux qui
devraient peut-être, s'ils sont nommés, être le précurseur? Parce qu'on
veut respecter l'autonomie de la personne concernée.
Mme Filion (Nicole) : Vas-y,
Jocelyn. Je te cède la parole.
M. Maclure (Jocelyn) : Bien,
très brièvement, parce que, vraiment, Me Filion était au Curateur public avant
puis c'est vraiment une experte dans le domaine, mais je pense que les
dispositions actuelles qui concernent le tiers de confiance sont dans... en adéquation avec l'esprit de nos
recommandations. C'est une personne qui n'a pas un droit de veto, c'est une personne qui attire l'attention
de l'équipe soignante, qui est aussi une mine d'informations, et ainsi de suite, mais sans avoir de droit de veto. Et on est
heureux qu'il y ait un deuxième tiers de confiance qui puisse être désigné
aussi.
Alors, ceci
étant dit, la personne peut avoir été accompagnée par plusieurs proches pendant
tout ce processus et peut-être qu'une
application trop stricte ou étroite de la loi pourrait convaincre un médecin,
par exemple, de simplement s'entretenir avec un tiers de confiance, alors qu'il
y avait peut-être des enfants, des frères et soeurs aussi qui ont toujours
été impliqués. Je pense que c'est l'esprit de la recommandation de Me Filion.
Mme Maccarone : Et je présume
que la notion aussi de s'assurer que le tiers de confiance que ce soit clair que... Exemple, si le... les professionnels qui
entourent la personne concernée disent que nous... pensent que nous sommes
rendus à un moment où nous, selon la demande anticipée, nous devons poursuivre
parce que l'état de la personne est rendu à un point où on peut administrer le
soin de fin de vie, mais le tiers de confiance dit : Non, non, je ne suis
pas d'accord. Est-ce que ça aussi, c'est une
leçon que nous devons aussi élaborer dans la loi pour assurer qu'on respecte
aussi le droit et l'autonomie de la personne qui a fait la demande
anticipée?
Mme Filion (Nicole) : Je dois
vous dire que 29.6 vient bien camper les responsabilités du tiers de confiance
dans la demande anticipée, notamment d'aviser le professionnel de la santé
lorsqu'il croit que la personne éprouve des
souffrances telles qu'elles sont décrites dans la demande. Et, à partir de ce
moment-là, il y aura... ce que j'en ai compris, évidemment, il y aura
l'entrée en scène du professionnel de la santé qui va procéder à un examen.
Donc, dans le fond, le tiers de confiance, c'est
celui qui lève le drapeau rouge, qui va dire aux gens, l'équipe médicale : Écoutez, moi, j'ai comme
l'impression — puis
c'est bien campé à 29.6 — que
la personne souffre et je demande à
ce qu'il y ait un examen qui soit réalisé. Et ça aussi, tout l'aspect examen
par le professionnel compétent est tout à fait bien campé dans le projet
de loi, là, n° 11. Donc...
Mais, ceci
étant dit, je pense que l'entrée en scène d'un tiers de confiance ne devrait
pas nécessairement vouloir dire qu'on exclut de façon radicale
l'implication des proches. Et, quand je parle d'implication des proches, là, c'est
peut-être juste de les tenir informés de ce qu'il se passe, point à la ligne.
• (10 h 40) •
M. Maclure (Jocelyn) : Si je
peux ajouter quelque chose, c'est une très bonne question, je pense qu'on
pourrait décider de procéder à une aide médicale à mourir suite à un examen des
professionnels de la santé. C'est possible
qu'un tiers de confiance considère que ce ne soit pas le... ce soit trop rapide
et il faut prendre son point de vue au sérieux aussi, mais c'est... L'esprit de
notre recommandation, c'était d'abord une mesure de protection supplémentaire
au cas où les professionnels de la santé ne seraient pas au fait qu'il y aurait
une demande anticipée ou aurait perdu de vue
qu'il y en a une, il peut y avoir quelqu'un qui dit : Bien, écoutez, là,
mon proche souffre vraiment, c'est peut-être le temps d'exécuter sa
volonté.
Mais, si le tiers, lui, n'est pas prêt, mais que
les médecins et les... le personnel soignant considère que, là, l'état s'est beaucoup dégradé, la personne est en
souffrance constante, ça peut justifier aussi l'administration de l'aide médicale à mourir. Il n'y a pas un droit de veto, là,
du tiers de confiance ni dans la loi ni dans l'esprit de nos recommandations.
Mme Maccarone : Je veux
retourner sur la notion de leur refus. Parce que, selon vous, dans votre
mémoire puis dans vos remarques, si j'ai bien saisi, vous, vous pensez que nous
devons ajouter une définition de la notion de refus dans la loi. Ça prend un
article pour que ce soit plus clair, oui?
M. Maclure (Jocelyn) : Oui,
parce que, présentement, on peut interpréter les dispositions comme un refus
pouvant être exprimé en situation d'inaptitude. Et, si c'est le cas, là il y a
une ambiguïté, parce qu'en même temps on dit que, si c'est une manifestation
clinique de la maladie, ce ne doit pas être vu comme un... un refus. Alors,
est-ce que ça signifie que c'est simplement en situation d'aptitude qu'il
puisse y avoir un refus? Et là le texte ne le dit pas. Il y a une sorte de
sous-détermination et ça pourrait créer peut-être une certaine confusion pour
les cliniciens.
Mme Maccarone : Sauf
que, dans votre mémoire, vous n'avez pas fourni une définition de c'est quoi,
un refus. Alors — je
vous vois sourire — évidemment,
ce n'est jamais trop tard. Nous, on est preneurs pour les amendements.
Mais je pense que ça va être important si vous pouvez vous exprimer en ce qui
concerne la notion puis ça devrait avoir l'air de quoi dans la loi.
Parce que je vous soumets aussi, on parle de
refus, mais on n'a pas parlé de démence heureuse que nous savons tous...
Surtout, on a tous entendu les témoignages de, par exemple,
Mme Demontigny, qui a passé beaucoup aux
nouvelles lors de la commission spéciale aussi. Si c'est clairement indiqué
dans une demande anticipée, c'est fait... on a fait la recommandation de
faire des témoignages par vidéo, par exemple, si c'est clairement indiqué que,
peu importe, si j'arrive à un tel moment puis je dis : Pour moi, là, ça,
c'est un refus, si je suis rendu à un moment dans ma vie où c'est une démence heureuse, mais je souhaite quand même
poursuivre. Est-ce que ça, ça peut faire partie d'une définition que
nous avons besoin de la loi aussi? Parce que c'est rendu à un point où, moi,
mon autodétermination, mon choix, c'est de
ne plus vivre parce que ce n'est plus moi, rendu à ce moment-là. Mais comment
est-ce qu'on peut équiper aussi le corps professionnel? Parce que, c'est
sensible, c'est humain, c'est difficile, c'est catégorisé pour moi aussi comme
un type de refus.
M. Maclure (Jocelyn) : Oui. Un
des choix que le groupe d'experts a fait, c'est d'exclure l'administration
d'aide médicale à mourir pour des personnes en situation de démence
relativement heureuse et paisible. Hein, c'est... ça a été une des grandes
questions qu'on avait à... sur laquelle on devait se prononcer, une des plus
complexes, et on considère que tous les
autres critères qui donnent accès à l'AMM doivent être respectés lors de
l'administration. Donc, il doit y avoir souffrance persistante,
réfractaire aux traitements, il doit y avoir un déclin irréversible de la
maladie et avancé, donc ça exclut ces moments de démence heureuse. Même si une
personne inscrivait dans une demande anticipée que, lorsque je reconnais plus
mes proches, même si j'ai l'air d'être dans un certain bien-être, c'est à ce moment-là que je voudrais l'AMM, nos
recommandations, c'est que, non, ça, c'est trop tôt parce que la personne
devenue inapte acquiert des nouveaux intérêts à ce moment-là, a un
certain bien-être, qu'on veut lui permettre de vivre cette période-là avant de
passer à l'administration d'un soin, hein, qui est l'aide médicale à mourir.
Donc, ça exclut déjà ce genre de possibilité là. Et évidemment, là, je parle en
mon nom, parce que, le groupe, on n'a pas été dans le fin détail là-dessus. Pour moi, un refus doit... qui mène à
une radiation de la demande doit être issu d'une réflexion rationnelle sur les
soins qu'on se souhaite. Donc, ça doit être en situation d'inaptitude. Si c'est
de la résistance en situation d'inaptitude, ça peut mener au report de la procédure et non pas à la radiation. Mais,
ça, c'est mon point de vue personnel, hein, je ne m'exprime pas au nom
du groupe sur cette question.
Mme Maccarone : Merci. Est-ce
qu'il reste du temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 10 secondes pour une petite question rapide, rapide.
Une voix : Je pense qu'on va laisser
faire. 10 secondes.
Mme Maccarone : Merci.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : On va laisser faire.
Merci beaucoup. Alors, on est maintenant... Merci beaucoup pour ces réponses. On est maintenant rendu à la députée
de Sherbrooke. Vous bénéficiez de 3 min 18 s.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Je vais poursuivre sur la question de tiers de confiance parce que vous nous amenez à réfléchir à l'implication de
davantage de proches, là. Le projet de loi prévoit deux tiers de confiance.
Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle on devrait limiter le nombre de tiers
de confiance? Par exemple, une personne qui désigne son mari mais qui a
plusieurs enfants, si son mari décède entre-temps, on va se retrouver sans
tiers de confiance. Est-ce qu'une
personne ne pourrait pas avoir le droit de nommer sans qu'il y ait
nécessairement une limite au nombre de tiers de confiance qui pourraient
être habilités à lever le drapeau sur sa souffrance?
Mme Filion
(Nicole) : Je crois que le projet de loi n° 11 prévoit un tiers
de confiance et un second tiers de confiance, tout ça dans le but de pouvoir
s'assurer que la condition de la personne malade soit considérée en temps utile, alors qu'elle exprime des souffrances, etc. Et je
pense que le projet de loi n° 11 répond très bien et davantage de ce que répondait le projet de loi n° 38
sur cette question-là, à savoir au-delà des tiers de confiance, on responsabilise
en quelque sorte, si je peux m'exprimer ainsi, aussi les professionnels de
l'équipe soignante et aussi toute autre personne
qui pourrait être témoin de souffrances qu'exprime... Donc, tout ça pour lever
le drapeau, comme je le disais tout à l'heure et pour s'assurer que la
personne sera soit prise en charge par le professionnel compétent qui, dès
lors, va procéder à l'examen de la personne selon les prescriptions, là, des
articles 29.12 et suivants.
Donc, quant à moi,
c'est suffisant parce qu'il y a un filet de sécurité qui vient entourer la
personne.
Mme Labrie :
Est-ce que, M. Maclure, vous souhaitez vous exprimer aussi sur...
M. Maclure
(Jocelyn) : Ça va pour moi.
Mme Labrie :
OK. Bien, vous nous dites que c'est suffisant, mais je me permets de vous
poser quand même la question, parce qu'on peut imaginer tout un paquet de
situations pour lesquelles il pourrait arriver quelque chose, ou même
l'inaptitude de la personne qui est nommée tiers de confiance entre temps, et
donc que ce ne soit pas possible d'en nommer
un nouveau. Une personne peut avoir plusieurs enfants, être déchirée par
rapport à quel tiers de confiance nommé, c'est comme choisir entre ses
enfants. Ça m'apparaît assez difficile comme décision à prendre. Je ne vois... J'ai de la misère à comprendre pourquoi
il faudrait que ce soit limitatif le nombre de tiers de confiance. J'ai bien
compris leur rôle, mais j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi il faudrait
que ce soit limitatif le nombre de personnes qu'on demande de choisir pour être un tiers de confiance. Est-ce que
vous avez une piste d'explication pour moi, pour ça?
Mme Filion
(Nicole) : Bien. En fait, dans l'hypothèse que vous nous exposez,
l'autre... le frère, ou l'autre soeur, ou l'autre
enfant pourrait très bien, à titre de personne, non pas nécessairement à titre
de tiers de confiance, signaler la condition de son proche à... au
professionnel compétent. Donc, peu importe le chapeau qu'il porte. Je pense que
le législateur, dans le projet de loi, a
prévu... à fermer toutes les portes pour ne pas que la personne soit privée
d'un traitement ou d'un examen par le
professionnel compétent. Et là je fais le parallèle un peu avec le mandat de
protection qu'on appelait, par ailleurs, le mandat en cas d'inaptitude,
il y a des substituts...
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Me Filion.
Mme Filion
(Nicole) : Oui?
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je
suis désolée, je dois vous demander d'arrêter. Le temps réparti est
arrêté pour la députée de Sherbrooke. Je dois maintenant laisser le temps de
parole à la députée de Laviolette—Saint-Maurice pour une période également de
3 min 18 s.
• (10 h 50) •
Mme Tardif : Merci. Merci d'être là,
merci de vous être penchés, là, sur ce projet de loi qui est très important.
Corrigez-moi si j'ai malentendu, mais, de manière générale, je constate que
vous êtes en accord avec l'esprit du projet de loi, avec l'esprit de
l'élargissement de ce... de cette loi.
Je
me posais des questions aussi par rapport au refus parce qu'on entend beaucoup
parler de démence heureuse. Mes
collègues en ont parlé. Vous nous conseillez, donc, d'ajouter un article dans
la loi pour bien définir ce qu'est un refus. Et, à ça, je crois que nous
allons y réfléchir sérieusement. C'est un bon point.
Je suis aussi
confortable avec le fait que vous nous dites d'impliquer davantage les proches
aidants, mais je me pose aussi la question à
savoir... et on sait comment ça fonctionne, là, ce sont des moments extrêmement
émotifs et... quand une personne est malade, et, s'il y a le tiers qui a
été nommé par la personne malade et ses proches aidants, comment bien définir
le rôle de chacun pour ne pas, justement, engendrer de la chicane? Et
comment... Je dirais même par rapport aux intérêts des proches, parce que les
proches, souvent, vont avoir un intérêt, malheureusement, disons-le, mais ce sera parfois des intérêts
pécuniers. Donc, il faut jauger nos articles de loi, et ce n'est pas facile, et
je vous demande votre aide par rapport à ça.
Et j'aimerais vous
entendre aussi par rapport à... vous avez parlé de l'insistance sur la
description subjective, et c'est très important, là, de détailler les
souffrances. Ce n'est pas une mince affaire non plus, mais, au point de vue
médical, ça se fait. Comment détailler? Donc, j'ai une question avec deux
volets.
M. Maclure
(Jocelyn) : Très bien. Mais merci de votre question. Brièvement, sur
le... la notion de refus, je pense que ça
pourrait être un alinéa dans l'article disant qu'un refus ne doit pas être une
manifestation directe de la maladie, une
manifestation clinique. Donc, on pourrait ajouter un alinéa disant qu'un refus
doit être exprimé dans une situation de... un état lucidité ou en
situation d'aptitude.
Sur
la question des souffrances, et je vais laisser l'autre question à Nicole, dans
le projet de loi antérieur, n° 38, on insistait très lourdement sur les...
sur la description suggestive, antérieure, là, dans la demande anticipée, des
souffrances qui ne seront pas acceptables à nos yeux lorsqu'on sera en
situation d'inaptitude. Le problème avec cette insistance était que plusieurs
personnes, on le sait, hein, n'ont pas envie d'être dépendantes, de dépendre
lourdement des proches, de ne plus les reconnaître, d'être placées en centre
d'hébergement de longue durée, et ainsi de suite, mais tous ces symptômes-là sont compatibles avec un certain bien-être,
et on veut s'assurer que la... que l'aide médicale à mourir soit
administrée au moment où il y a des souffrances contemporaines objectivables
par des professionnels de la santé. Et là le projet de loi atteint un meilleur
équilibre entre les deux souffrances, là. Nicole?
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Le temps est écoulé. Je vous laisse
quelques secondes pour répondre à l'autre partie, mais le temps est déjà
écoulé. Très rapidement, s'il vous plaît.
Mme Filion (Nicole) : Écoutez,
pour répondre brièvement, les articles 29.6, 29.14 ou 29.15 et 29.16,
viennent bien camper le rôle du tiers de confiance. Je pense que ça n'exclut
pas l'implication des proches si telle est la
volonté de la personne malade. Et le rôle du tiers de confiance est d'abord et
avant tout d'aviser le professionnel de la santé s'il croit que la
personne éprouve des souffrances et aussi pour l'aviser de l'existence de la
demande.
Alors, je
pense que le projet de loi n° 11 vient bien répondre au rôle du tiers de
confiance, avec une petite réserve sur l'implication des proches que
j'ai exprimée tout à l'heure.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Me Filion, M. Maclure, merci
énormément au nom des parlementaires et des membres de la commission, du
personnel également, pour votre présentation et surtout pour votre contribution
à nos travaux.
Alors, je vais suspendre quelques instants, le
temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 10 h 54)
(Reprise à 10 h 57)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos
travaux. Nous sommes maintenant rendus au
deuxième groupe de la journée qui est représenté par Mme Sylvie Grenier,
directrice générale, et Mme Nouha Ben Gaied, directrice, Recherche,
et développement, et qualité de services, à la Fédération québécoise des
sociétés d'Alzheimer.
Alors, je
vous rappelle que vous avez une période de 10 minutes, mesdames, pour
notamment vous représenter... vous présenter et, ensuite, pour votre
exposé. La parole est à vous.
Fédération québécoise
des sociétés Alzheimer (FQSA)
Mme Grenier
(Sylvie) : Merci beaucoup. D'abord, Mme la ministre des Aînés
et des proches aidants, Mme la Présidente
de la commission, Mesdames les députées, merci de nous accueillir et de nous
permettre de prendre part à la consultation
publique entourant le projet de loi n° 11 qui vise notamment à étendre
l'aide médicale à mourir aux personnes inaptes.
Je me présente, Sylvie Grenier, comme vous
l'avez fait... comme vous l'avez dit, Sylvie Grenier, directrice générale de la
Fédération québécoise des sociétés Alzheimer, porte-parole des 20 sociétés
Alzheimer du Québec, qui, elle, offre aux
170 000 Québécois, qui vivent avec troubles cognitifs et leurs
proches aidants, de l'information, du soutien psychosocial, de la
formation et du répit. Je suis accompagnée aujourd'hui par ma collègue, Dre
NoUha Ben Gaied, qui, elle, est directrice
de recherche et développement, de la qualité des services. Le hasard fait
parfois bien des choses, notre horaire a été modifié, on a l'opportunité
aujourd'hui d'être parmi les premiers à s'entretenir avec vous.
Le projet de
loi permettant d'encadrer l'élargissement de l'aide médicale à mourir était
très attendu, surtout à la suite des
recommandations de la Commission des soins de fin de vie, et de l'avis de
plusieurs experts, et de l'acceptation sociale au sein de la société
québécoise.
La FQSA avait, d'ailleurs, déploré que les
discussions autour du projet de loi n° 38 aient menées... aient été menées en fin de session parlementaire en juin
2022. Nous sommes ravies de voir que, très rapidement, Mme la ministre,
vous avez agi en déposant un nouveau projet de loi pour discuter
d'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes inaptes dans des
conditions plus sereines, sans pression temporelle, pour laisser la place à la
réflexion et à des discussions avec l'ensemble des groupes concernés, et cela,
dans un contexte transpartisan.
La FQSA a été
partie prenante de l'ensemble des consultations publiques, forums ou
commissions parlementaires entourant l'élargissement de l'aide médicale
à mourir. Et nous tenons, d'ores et déjà, à mentionner que la fédération
accueille favorablement les énoncés généraux du projet de loi, soit :
• (11 heures) •
«Que des
personnes atteintes d'une maladie grave et incurable mènent... menant à
l'inaptitude à consentir aux soins puissent formuler une demande
anticipée d'aide médicale à mourir;
«Que des infirmières praticiennes soient
habilitées à administrer la sédation palliative en continu et aux infirmières
de constater le décès;
«Que l'AMM puisse être rajoutée à l'offre de
services des maisons de soins palliatifs;
«Que le
concept de mort raisonnablement prévisible soit supprimé du projet de loi, au
profit du concept global de soins de fin de vie;
«Qu'un groupe interdisciplinaire d'experts soit
sollicité, au besoin, par l'équipe soignante;
«Que la
demande anticipée d'AMM soit notariée et consignée dans un registre commun, au
même titre, en fait, que les directives médicales anticipées.»
La charte des droits et des personnes atteintes
de troubles cognitifs majeurs stipule, comme premiers droits à respecter, d'avoir accès aux mêmes droits que
l'ensemble des Canadiens. Cela passe notamment par leur inclusion dans l'ensemble
des lois qui régissent notre société. Un comité aviseur de la Société Alzheimer
Canada s'est également penché sur cette question et
l'ensemble des membres sont en accord avec la possibilité d'avoir accès à une
demande anticipée pour pouvoir avoir le choix de prendre une décision éclairée,
et ce, dès qu'un diagnostic est posé.
Au Québec, nous
n'avons pas assez entendu la voix des personnes qui vivent avec un trouble
neurocognitif majeur tel que la maladie d'Alzheimer, et nous essaierons aujourd'hui de porter leur voix,
d'apporter certaines nuances, mais
aussi, de vous convaincre de procéder à des amendements de l'actuel projet de
loi. Ces nuances portent, notamment, sur l'importance du diagnostic dans
le processus de discussion et, par la suite, de la notion de déclin avancé lors
de l'administration de l'AMM, les troubles mentaux associés aux troubles
neurocognitifs majeurs, le rôle du tiers de confiance,
le processus de l'administration de l'AMM au moment venu, certaines obligations
des professionnels compétents, et,
enfin, le principe d'autodétermination, qui, lui, est pratiquement absent du
projet de loi. Après lecture de l'actuel projet de loi, plusieurs des suggestions que nous avions formulées lors de la
précédente consultation ont été prises en compte, mais il ne demeure pas moins
que certains articles du projet de loi nécessitent plus de précisions pour
mieux encadrer l'administration d'une demande anticipée d'AMM aux
personnes rendues inaptes suite à l'évolution des troubles neurocognitifs.
Pour la fédération et
les 20 sociétés membres, l'aide médicale à mourir devra toujours être
considérée, dans une situation de déclin cognitif avancé, comme un soin de
dernier recours, après que l'équipe soignante ait tout tenté pour soulager la souffrance physique et psychique
de la personne. Ça suppose également que l'AMM ne devrait, en aucun cas, devenir la solution de facilité à l'incapacité
de notre système de santé et des services sociaux à prendre soin et accompagner
adéquatement les personnes les plus vulnérables de notre société, et ce, jusqu'à
la fin de leur vie.
Il
ne faudrait pas non plus qu'en raison de préjugés, de stigmas, ou encore,
d'expériences négatives personnelles on accélère la mort des personnes
atteintes, alors que l'on devrait les accompagner, en mettant à leur
disposition des soins de qualité, une
approche humaniste, des milieux de vie adaptés à leurs besoins, du personnel,
surtout, qualifié et formé à
l'intervention auprès des personnes qui vivent avec un trouble neurocognitif
majeur, et surtout, en les considérant comme des personnes à part
entière, et ça, tout au long du parcours de leur vie avec la maladie. Voilà,
c'était notre introduction de notre présentation.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup. Il vous reste encore trois minutes, si vous voulez... si vous
avez d'autres informations. Est-ce que ça va? Sinon, on passe la parole...
Mme Grenier
(Sylvie) : Ça va pour nous, oui.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci,
merci infiniment pour votre exposé. Donc, je vais... je vais me tourner
du côté de la ministre, pour une période de 16 min 30 s. Alors,
la parole est à vous.
Mme Bélanger : Oui, alors, Mme la
Présidente... alors, Mme Grenier, bonjour, il me fait plaisir de vous
revoir, Dre Ben Gaied aussi. Merci pour
le mémoire que vous déposez et puis pour votre présentation que vous venez de
faire. Naturellement, on voit que, de façon générale, vous êtes en
faveur de l'ensemble des éléments au niveau du projet de loi n° 11. Par contre, vous
amenez certains éléments, puis j'aimerais peut-être qu'on ait une discussion à
ce niveau-là.
Dans
votre mémoire, vous notez que l'obligation, pour la personne, de déterminer,
dans sa demande anticipée d'aide
médicale à mourir, les souffrances qu'elle ne souhaite pas vivre va à
l'encontre de l'autodétermination. J'aimerais vous entendre là-dessus. C'est ce qu'on a compris, là, qui était inscrit
dans votre mémoire. Qu'est-ce que vous proposez comme solution? Ou
peut-être qu'on a moins bien interprété, mais j'aimerais vous entendre
spécifiquement sur cet élément-là.
Mme Grenier
(Sylvie) : Moi, je vois Nouha qui réagit, donc je te laisse aller,
Nouha.
Mme Ben Gaied
(Nouha) : Non, effectivement, on mentionne, dans notre mémoire, que
l'aide médicale à mourir devrait être
considérée dans un... dans des conditions de déclin avancé et irréversible de
la capacité de la personne et, pour
ça, de se baser sur des échelles bien connues pour, justement, déterminer ce
déclin avancé, mais en aucun cas, en
fait, que cela va à l'encontre du principe d'autodétermination de la personne.
Au contraire, on trouve que ce principe-là n'est pas assez mis en valeur dans
le projet de loi, et qu'il faudrait, justement, que ce soit davantage quelque
chose qui soit poursuivi au-delà de la demande anticipée, et qu'il soit
respecté tout au long du processus.
Donc, pour nous, le
principe d'autodétermination de la personne, c'est quelque chose qui,
justement, est un point de discorde au niveau du projet de loi. Mais en aucun
cas le fait de faire une demande anticipée va à l'encontre de ce principe-là.
On demande, au contraire, que la personne, lorsqu'elle reçoit un diagnostic,
qu'elle soit impliquée dans le processus décisionnel, qu'elle puisse avoir
cette conversation avec le professionnel compétent, que le tiers de confiance
soit impliqué, que les proches, autant que possible, soient impliqués également
dans cette discussion, et que ce soit une décision libre et éclairée de la
personne, qu'elle effectue lorsqu'elle est apte à consentir aux soins.
Mme Bélanger :
OK. Peut-être, j'aimerais revenir... une question de clarification, là.
Vous dites que vous constatez que l'autodétermination serait un point de
discorde dans le projet de loi. J'ai bien compris ça, là? C'est ce que vous
avez mentionné? J'aimerais ça vous entendre un petit peu plus là-dessus, là,
sur l'autodétermination versus qu'est-ce qu'il est inscrit dans le projet de
loi, versus votre vision des choses par rapport à ça.
Mme Ben
Gaied (Nouha) : Effectivement, dans un contexte où c'est une demande
anticipée qui est effectuée de manière libre et éclairée par la personne
apte à consentir aux soins, on s'attend que cette demande soit respectée le moment venu, dans un contexte d'inaptitude. Et, dans ce
contexte-là, il y a certains articles du projet de loi qui vont à l'encontre de
ce principe d'autodétermination. C'est notamment, par exemple, au niveau de
l'article 29.19, où, là, on mentionne
que tout refus de recevoir l'aide médicale à mourir manifesté par la personne
doit être respecté, et il ne peut, d'aucune manière, y être passé outre,
ou encore, le fait que... il y a un autre article, excusez-moi, là, je suis en
train de le chercher, où, là, on va, encore
une fois, à l'encontre de ce principe-là. Et, en fait, ce n'est pas qu'on va à
l'encontre, c'est une omission, c'est... on ne le prend pas assez en
considération dans le processus suivi pour, justement, recevoir l'aide médicale
à mourir.
Le fait,
également, de radier... pardon, excusez-moi, il y a eu un retour... le fait,
également, de radier une demande d'aide médicale à mourir lorsqu'il y a un
refus, pour nous, est considéré non seulement comme une compréhension
très simpliste de l'évolution avec un trouble neurocognitif majeur, mais
également comme une... on va à l'encontre du principe d'autodétermination,
puisque, oui, effectivement, il peut y avoir un refus lors de l'administration
de l'aide médicale à mourir, et cette manifestation,
ça va se manifester, notamment, par de la résistance, par des pleurs, par des
cris, mais il ne faudrait pas, effectivement, s'arrêter à cette résistance aux
soins, et continuer, effectivement, avec le processus d'administrer l'aide
médicale à mourir.
• (11 h 10) •
On rejoint ici beaucoup ce que le groupe
d'experts avant nous, notamment Dr Machure a mentionné, entre ce qui est une
résistance aux soins et ce qui est un refus de l'aide médicale à mourir. Et,
pour cela, bien, forcément, les professionnels compétents, les professionnels
de la santé qui entourent la personne au moment de l'administration de l'aide médicale à mourir doivent être formés,
sensibilisés, justement, à cette possible résistance aux soins au moment de
l'administration de l'aide médicale à mourir. Mais en aucun cas ça ne doit être
considéré comme un refus, et que la radiation soit, donc, l'action qui ensuit
ce refus-là.
C'est pour ça qu'on mise davantage sur des
protocoles clairs, sur une formation et puis, bien, que ça ne doit pas nécessairement être ouvert à tous les
professionnels, mais plutôt à une catégorie de professionnels qui seraient
formés à administrer l'aide médicale
à mourir auprès des personnes inaptes dans un contexte de trouble neurocognitif
majeur.
Mme Bélanger : D'accord.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Allez-y.
Mme Bélanger : Ça va pour moi.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Donc, est-ce que j'ai des
questions? Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Dre Ben Gaied, d'être ici, et Mme Grenier, pour nous éclairer sur certaines questions qu'on a. Et moi,
je reviens aussi sur le refus. Est-ce que ce ne serait pas bien de le baliser
dans la demande anticipée, de demander,
quand la personne est apte, si jamais il y a un refus, est-ce qu'on va jusqu'au
bout ou est-ce qu'on ne va pas jusqu'au bout? Parce que nous, on est des
législateurs, mais, vous comprendrez, pour le
médecin qui va... ou l'IPS qui va administrer l'aide médicale à mourir à
quelqu'un qui crie, qui pleure, qui ne veut plus, en tout cas, qui manifeste des signes, il faut
prendre cet aspect-là en considération. Quelqu'un qui n'aurait jamais manifesté
aucune... qui n'aurait jamais eu aucune manifestation de peur de seringue, ou
d'injection, ou... puis que, tout d'un coup, quand vient le temps d'administrer l'aide médicale à mourir, se débat,
est-ce que, d'après vous, il faudrait bien l'encadrer dans le formulaire
de demande lorsque la personne est apte? Vous voyez ça comment, cet aspect-là?
Mme Ben
Gaied (Nouha) : Alors, oui, effectivement, on ne peut... on ne
pourra jamais, en fait, savoir à l'avance comment la personne va réagir lors de l'administration de l'aide
médicale à mourir, elle ne sera pas non plus nécessairement toujours en mesure de verbaliser son accord à
l'administration des soins, et donc c'est pour ça qu'effectivement des lignes
directrices devront être bien claires. Le fait de le baliser en amont, donc
dans la demande anticipée, dans la demande, oui,
anticipée, permettrait, en fait, de donner au professionnel compétent un cadre
dans lequel il pourra agir, et ce sera, effectivement, sa volonté,
encore une fois, au moment venu, de recevoir l'aide médicale à mourir ou pas.
Maintenant, c'est toujours quelque chose de très
personnel, dans le sens que, dans... Actuellement, le formulaire d'aide
médicale à mourir de manière anticipée, bien, on ne sait pas encore de... son
contenu, et donc, bien, à ce moment-là, ce
sera très important de savoir qu'est-ce qu'on accepte et qu'est-ce qu'on
refuse, comme c'est le cas dans le formulaire des directives médicales
anticipées, où on accepte ou on refuse un certain nombre de soins. Ça viendra baliser, d'une certaine manière, mais, en
même temps, il se peut qu'il y ait des manifestations qui n'aient pas été
incluses dans la demande anticipée et qui
seront malheureusement, vécues par la personne au moment de l'administration de
l'aide médicale à mourir.
Mme Guillemette : Merci. J'ai
des collègues qui ont des questions, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Mme la députée de Vimont.
Mme Schmaltz : Bonjour,
mesdames. Au niveau des critères d'administration, si on regarde le volet
numéro un, vous demandez d'ajouter davantage de balises. Vous demandez à
ce qu'il y ait des critères supplémentaires basés sur la perte de dignité et d'autonomie. Et cet instrument, en fait, qui a
été développé par les chercheurs, vous avez élaboré plusieurs
points. Je me posais la question... peut-être que j'ai mal compris...
c'est : Pourquoi vous voulez ajouter ces critères-là dans ce point-là?
Pourquoi on les ajoute? Est-ce qu'ils sont en opposition ou ils sont
complémentaires?
Mme Ben
Gaied (Nouha) : Ils sont tout à fait en complémentaire. C'est
vraiment pour venir spécifier qu'est-ce qu'on entend par un déclin avancé et
irréversible et, encore une fois, ça fera plus l'objet des lignes directrices,
des procédures pour les professionnels.
Mais, effectivement, le fait que ce soit un déclin avancé et irréversible des
capacités, bien, ça suppose qu'on
s'appuie sur des échelles évaluées qui sont déjà utilisées par les
professionnels de la santé et qui permettent... qui leur permettent, en
fait, de définir, à ce moment-là, quelles seront les souffrances insoutenables,
physiques et psychiques qu'éprouve la personne.
Mais c'est aussi pour baliser, dans le
formulaire de demande anticipée, qu'est-ce qu'on pourra et qu'est-ce qu'on ne
pourra pas demander dans ce formulaire-là. Donc, il faudra, en fait, objectiver
sa demande lorsqu'elle sera remplie par la
personne, et non pas tout simplement donner des exemples comme, bien, je ne
reconnais pas mes proches, par exemple. Cette reconnaissance des
proches, elle n'est pas nécessairement associée à de la souffrance. Cette reconnaissance des proches est aussi beaucoup
associée à la souffrance des proches, de l'entourage, qui, effectivement,
vit un deuil blanc par rapport à l'évolution de la maladie. Et donc, bien,
c'est là qu'on vient ramener, effectivement, des échelles validées qui sont
utilisées par les professionnels, pour que, dans la demande anticipée, on se
base sur quelque chose qui est, par la suite, mesurable.
Mme Schmaltz : Est-ce que je...
Juste une dernière petite question, là, juste pour être certaine d'avoir bien saisi. Parce que je regardais... Bon, je vous
donne un point, là, que vous avez cité, les atteintes de la personne à effectuer
des tâches domestiques. Le point que je
soulevais par rapport à ça, quand on parle de critères de souffrance
intolérable, c'est : Comment
qu'on évalue cette... ces points-là? C'est juste ça que j'ai essayé de voir.
Est-ce qu'on les catégorise dans des
souffrances insoutenables ou c'est... Je ne sais pas si vous comprenez ce que
je veux dire? Pour moi, c'est une base, peut-être, assez simple. Est-ce
qu'on peut les rentrer dans ces catégories-là si la personne, justement, n'a
plus... a perdu ces fonctions-là?
Mme Ben
Gaied (Nouha) : Alors, il y a d'autres échelles pour mesurer la
douleur des personnes aînées, et, à ce moment-là, elles seraient également à
utiliser pour, justement, mesurer ces souffrances physiques et psychiques. Là, le
fait que ce soit un déclin avancé et irréversible, on s'appuie sur l'échelle de
Reisberg, et puis, bien, c'est vraiment dans les stades les plus avancés de la
maladie, où on va avoir une répercussion assez importante sur le niveau d'autonomie et de dignité de la personne. Ce n'est
pas nécessairement toujours associé à de la souffrance. Donc, effectivement, il y aurait d'autres échelles à utiliser
pour mesurer cette douleur-là et évaluer, effectivement, est-ce que la
personne répond aux critères de l'aide médicale à mourir ou pas.
Mme Schmaltz : Merci.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Je crois
que la députée d'Abitibi-Ouest aurait une question pour vous.
Mme Blais : ...dans votre mémoire,
vous dites que la fédération accueille favorablement les énoncés généraux du
projet de loi, soit... et je m'en tiens au point 2, qui dit que les
infirmières praticiennes soient habilitées à administrer
la sédation palliative continue... aux infirmières, et de constater le décès.
Pour moi, une sédation palliative, c'est un soin de confort. Est-ce
qu'on parle de la même chose?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Bien
là, c'est ce qui est proposé dans le concept du projet de loi, et ça permettra aussi d'arrimer, finalement, la loi provinciale et
la loi fédérale que d'étendre les... que d'étendre, effectivement, le champ
de compétence des infirmières. Qu'elles soient impliquées dans le processus,
bien, nous paraît tout à fait acceptable, et
même souhaité, puisqu'elles sont aussi au chevet des personnes puis qu'elles
les accompagnent sur une longue durée. Donc, qu'elles soient impliquées
dans ce processus nous paraît tout à fait légitime.
Mme Blais : Merci.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Je pense
que, Mme la députée de Laporte, vous avez également une question?
• (11 h 20) •
Mme Poulet : Oui,
merci beaucoup à tous les deux d'être présentes. Dans votre mémoire, vous
parlez de certaines nuances, dont certaines obligations des
professionnels compétents. Dans notre projet de loi, on parle que le médecin doit faire une recherche si un formulaire était
complété, d'aviser le chef de service, un médecin, infirmière praticienne
doivent être... les professionnels sont compétents et sont formés. Quand vous
parlez de nuances concernant les obligations,
est-ce que ce serait possible d'avoir plus de détails sur ce point-là, sur
cette nuance-là que vous apportez?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Oui.
Effectivement, c'est surtout par rapport, bien, à des amendements, là, que l'on amène, au niveau, notamment, par exemple,
du... de l'article 29.13, où c'est non seulement une reformulation, mais
c'est, en plus, dans un contexte global, là, du processus qui serait suivi pour
administrer l'aide médicale à mourir. Mais c'est surtout
dans le cas de refus. Dans le cas de refus, bien, il n'y a aucune mention, à
notre sens, par rapport à quelle serait l'obligation
du professionnel compétent s'il refuse d'administrer l'aide médicale à mourir à
une personne inapte. À ce moment-là, on ne mentionne pas qu'il doit
référer à un professionnel compétent. Ça doit d'abord passer par
l'établissement, qui, lui, doit avoir... doit remédier à la situation, et là,
pour nous, il y aurait, encore une fois, une précision à donner.
Le fait, également, que la... le professionnel
compétent devra, effectivement, avoir cette conversation avec la personne en début, donc la nécessité, encore une
fois, de miser sur le diagnostic. Mais on est bien conscient que, d'une part, il faudra bien choisir le moment durant
lequel cette conversation va avoir lieu. Non seulement il y a toute la charge
émotive qui est associée au diagnostic, mais il y a également une notion de
temps. Il faudra que le professionnel compétent prenne le temps, avec le
patient, pour lui expliquer le processus, pour lui expliquer également à quoi
s'attendre avec l'évolution de la maladie, pour lui donner, justement, un
aperçu de l'ensemble des possibilités de soins qui s'offrent à lui avec la
maladie, mais également en fin de vie, puis c'est vraiment cette obligation-là
qu'on souhaiterait davantage mise de valeur parce que ce n'est pas une décision
qui devra être prise à la légère, mais il devra y avoir un accompagnement par
les professionnels durant tout le parcours, finalement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Dre Ben Gaied, merci beaucoup pour votre réponse. Je suis désolée, le temps vient de s'écouler. Merci, Mme
la ministre. Merci, Mmes les députées. Je me retourne maintenant vers la
députée de Westmount—Saint-Louis,
pour une période de 9 min 54 s. On poursuit les échanges.
Mme Maccarone : Merci beaucoup.
Merci beaucoup pour votre témoignage et pour votre mémoire. Vous soulevez des
questions très importantes, surtout la notion de ce formulaire. Alors, je fais
une demande formelle tout de suite, si
possible, de déposer le formulaire, que nous pouvons tous avoir une
consultation, de faire la lecture de ceci et de faire un... Comme ça, lors des
échanges, rendus à l'étude détaillée, nous serons en mesure d'avoir comme,
quand même, un échange constructif,
au lieu d'au moment que ce sera déposé, pour retarder aussi le débat en ce qui
concerne cette loi. Parce que toutes vos questions sont en lien avec le
formulaire. Nous n'avons pas vu le formulaire, alors c'est difficile de se prononcer en ce qui concerne les balises. On peut
avoir des espoirs, puis ça se peut que c'est là-dedans, ça se peut que ce n'est pas là-dedans. Il va
falloir vraiment qu'on fait un débat presque uniquement en ce qui concerne
les critères qui sont écrits dans le
formulaire. Alors, merci de l'avoir soulevé, parce que, c'est vrai, ça va être
un enjeu très important.
Je veux ramener un peu la notion du déclin
avancé irréversible. Lors des échanges que nous avons eus avec Me Filion et M.
Maclure, j'avais soulevé la question de démence heureuse, puis, selon eux, ça
ne fait pas partie d'un critère pour être
éligible pour procéder avec une demande anticipée, par exemple, si, mettons, ça
fait partie du formulaire. Je souhaite entendre votre point de vue
là-dessus, parce que, quand on parle, souvent, de démence heureuse, on parle
vraiment d'un Alzheimer qui est très avancé. Alors, si vous pouvez nous
illuminer, s'il vous plaît.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Alors,
déjà, en termes de terminologie, au niveau des sociétés Alzheimer, on n'utilise pas le terme «démence», puisque c'est un
terme qui est très chargé en connotation négative, mais on va y aller avec le
terme «démence heureuse», qui est plus communément utilisé. La démence
heureuse, effectivement, pour nous, ne rentrerait pas dans le cadre de
la loi... du projet de loi actuel. Qui dit démence heureuse dit que la personne
est entourée, que la personne n'éprouve pas de souffrance physique et
psychique, que le proche aidant accompagne la personne,
qu'elle a des services et des soins adaptés à ses besoins et que, finalement,
il y a une certaine qualité de vie qui est maintenue pour la personne,
versus ce qui est présenté dans le projet de loi, où on parle vraiment de
souffrances qui sont physiques et psychiques, et pour lesquelles, finalement,
toutes les... toutes les conditions médicales ont été suivies pour pouvoir soulager cette souffrance-là sans pouvoir... sans,
finalement, être... y avoir... y avoir été... y avoir répondu
adéquatement. Et donc, à ce moment-là, l'aide médicale à mourir pourrait être
la solution, si la personne a formulé une
demande anticipée. Donc, pour nous, la demande heureuse, effectivement, ne
rentrerait pas dans le cadre du projet de loi.
Mme Maccarone : Parfait. Puis,
en ce qui concerne le refus, parce qu'on... vous avez fait quand même des
interventions là-dessus, puis, c'est vrai, je pense qu'on est d'accord qu'on
devrait quand même préciser et baliser cette notion de refus. Dans le Code
civil, on parle d'un refus catégorique, mais, dans ce projet de loi, on ne
parle pas d'un refus catégorique. Selon vous,
si ce n'est pas plus balisé, si ce n'est pas clarifié, est-ce que ça veut dire
que, mettons, un proche ou le tiers
de confiance va avoir recours au tribunal, par exemple, pour procéder avec des
demandes anticipées?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Tout à
fait, tout à fait. En fait, dans l'ancien projet de loi, cette notion de refus
était... il y avait aussi un flou par rapport à combien de fois est-ce qu'on
allait administrer l'aide médicale à mourir, bien sûr, lorsque les personnes
répondent aux critères. Mais là on revient avec, finalement, une seule
tentative, et, à ce moment-là, bien, quel sera le rôle du proche, le tiers de
confiance, mais également de la famille, qui, elle, aura été témoin,
finalement, de la volonté répétée, éclairée de la personne au moment où elle
était apte à consentir aux soins, et qu'au
moment, finalement, où elle répondrait aux critères on lui refuse ce soin-là?
Donc, oui, clairement, à notre sens, il pourrait y avoir des
contestations devant les tribunaux, parce que la demande de la personne n'aura
pas été répondue, et ce qui ramène aussi la notion de demande versus une
directive.
Mme Maccarone : Merci. Ma
collègue de D'Arcy-McGee a des questions.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Donc, Mme
la collègue... Mme la députée de D'Arcy-McGee, la parole est à vous. Juste
repeser sur votre bouton, s'il vous plaît. Voilà. Vous n'avez pas besoin d'y
toucher.
Mme Prass :
Parfait. Alors, moi, j'ai une
question à propos de votre traitement de la demande et, spécifiquement,
ce qu'il arrive en l'absence de tiers de confiance qui sont désignés par la
personne. Donc, vous dites que la
responsabilité... ils devraient procéder à un examen d'évaluation, mais... Deux
questions. Premièrement, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir un
mécanisme de surveillance de la personne à une certaine fréquence? Parce que,
justement, on ne sait pas, le... la personne
qui va être désignée du côté du système de la santé, s'ils vont être présents
tout le temps, s'ils vont vraiment avoir une obligation d'aller voir
cette personne-là à des fréquences régulières, parce qu'on ne veut pas que la personne... comme ils n'ont pas de
tiers désigné, qu'ils soient un petit peu ignorés par un système de santé qui
est déjà en pénurie et qui n'a pas toujours les moyens ou le temps de faire ces
surveillances-là. Donc, je voudrais vous entendre davantage là-dessus.
Mme Ben Gaied
(Nouha) : En fait, là, vraiment, vous soulevez deux choses, d'une
part, le rôle du tiers de confiance, mais, également, en l'absence d'un tiers
de confiance. Pour nous, effectivement, le tiers de confiance doit vraiment
être présent. Le projet de loi mentionne qu'une personne pourrait désigner un
tiers de confiance, alors qu'en notre sens
il devra être désigné par la personne, d'une part. Il devra également être
impliqué dans l'ensemble des discussions
qui sont en cours avec le professionnel compétent, parce qu'il y a une
obligation, justement, d'enclencher le processus
en informant les professionnels. Mais, également, il a... il va y avoir,
effectivement, une... il peut y avoir, en fait, des émotions qui sont
associées à cette prise de décision et donc, bien, on demande qu'il y ait un
suivi psychologique pour la personne, le tiers de confiance, au besoin, parce
que ça peut être très chargé en émotions à ce moment-là.
Et, dans le cas,
justement, où il n'y a pas de tiers de confiance... donc, ce n'est ni la
première ni la deuxième personne de tiers de confiance, il n'y en a pas, il n'y
en a pas qui ont été désignées... à ce moment-là, effectivement, c'est le
professionnel de la santé qui va en informer le professionnel compétent. Mais
sur quelle base? Sur quelle base est-ce que
le processus va être enclenché? Est-ce que... est-ce qu'on a besoin d'un
lit, parce qu'on est en manque, justement, de places dans une résidence,
et donc on a...
Excusez-moi, d'être
très crue, là, ici, là, mais ça va être ça, la réalité. Sur quelle base est-ce
qu'on va définir que la personne effectivement, répond aux critères de la loi?
Oui, il y a des critères qui vont être définis, mais le moment, le moment qu'il va être nécessaire à enclencher ce
processus-là... Et, justement, on ne voudrait pas qu'il y ait une dérive
en absence d'un tiers. Et puis, bien, forcément, ça soulève aussi le rôle de la
famille dans ce processus-là, parce que,
qui... il se pourrait très bien que la personne n'ait pas désigné de tiers de
confiance, mais qu'il y ait quand même de
la famille, des membres de la famille rapprochée, des personnes qui ont à coeur
cette personne. Et puis quel va être leur rôle aussi dans ce
processus-là? Est-ce qu'ils vont pouvoir s'opposer à une demande anticipée à
l'aide médicale à mourir à ce moment-là?
Donc, c'est vraiment
toutes ces petites nuances qui sont à amener dans le processus. Et, pour ça,
forcément, le fait de désigner un tiers de
confiance, que l'acte, également... que le formulaire soit notarié, nous
parlait... nous paraît, justement, des protections à avoir en amont.
• (11 h 30) •
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup. Vous avez une autre question? Mme la députée de Saint-Louis.
Mme Maccarone :
Bien, dans le fond, c'est : Comment l'écrire dans la loi pour que ce
soit clair? Tu sais, quand on... Je pense
que c'est ça, ma question que j'aurais pour vous, parce que vous soulevez une
excellente question. Mais comment le mettre dans la loi pour que ce soit
clair, selon vous?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Selon
nous, il faudra qu'il y ait un tiers de confiance et, à ce moment-là, de
définir un rôle pour la famille, et, également, un rôle pour le mandataire, ce
qui n'est... ce qui n'est pas, actuellement, présent.
Mme Maccarone :
Ma préoccupation, c'est, si, mettons, on n'a pas un membre proche dans
notre... dans notre famille, puis, comme
vous dites, on devrait désigner un membre du corps professionnel. Vous avez dit
de... tu sais, vous avez... vous vous excusez d'être crue, mais, présentement,
dans notre réseau de système de santé, on fait face à une pénurie de personnel vraiment importante. J'ai une inquiétude qu'on
est en train de rajouter à leurs tâches puis que ça se peut qu'ils ne
seront pas au rendez-vous. C'est encore plus de responsabilités pour eux.
Alors, est-ce qu'on a un autre moyen ou une autre façon de voir ceci? On a dit,
dans la loi, qu'on va ouvrir la possibilité d'administrer l'aide médicale à
mourir aux infirmières praticiennes. Quand on parle de...
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Je suis désolée, le temps est
écoulé.
Mme Maccarone :
Ah! bien, merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : On
va continuer avec nos discussions avec la députée de Sherbrooke, alors,
pour une période de 3 min 18 s.
Mme Labrie :
Merci, Mme la Présidente. Dans le mémoire, vous nous dites que vous voulez
jouer un rôle de sensibilisation,
d'information auprès des personnes à risque. J'imagine que vous allez aussi
être appelés à le faire auprès des tiers de confiance qui vont
potentiellement avoir besoin d'accompagnement pour évaluer l'évolution de la
maladie, comprendre un peu les souffrances
que ça peut générer. Si vous le mentionnez spécifiquement, est-ce que c'est
parce que vous estimez ne pas avoir
les ressources nécessaires, actuellement, pour, justement, répondre aux
demandes que ça va générer, là, d'accompagnement de la part des
personnes atteintes d'Alzheimer ou de leurs proches?
Mme Ben Gaied
(Nouha) : Ce n'est pas une demande qui est formulée puis qui est
discutée au niveau de notre réseau par les
personnes atteintes et par les proches aidants, mais, par contre, ça doit faire
partie de la discussion dans un processus, justement, de planification
de soins. Comme on parle du mandat de protection, comme on parle du testament,
de la procuration ou encore de la planification par rapport à l'hébergement,
bien, c'est quelque chose qu'il faudra
également envisager à des stades très légers de la maladie, voire même en amont
chez les personnes à risque, puisqu'on sait que, malheureusement, c'est des
personnes qui pourraient développer par la suite un trouble neurocognitif
léger et éventuellement la maladie
d'Alzheimer. Donc, c'est vraiment de considérer cette sensibilisation, cette
information dans un contexte plus global où la personne aurait à prendre
des décisions et à planifier sa vie de manière adéquate avec la maladie
d'Alzheimer, tout simplement. Donc, ce n'est pas nécessairement une question de
ressources, mais plutôt un rôle que l'on voudrait
jouer pour, justement, informer les personnes qui sont déjà notre clientèle et
qui pourraient vouloir avoir accès à une demande anticipée d'aide
médicale à mourir. Donc, à nous de les accompagner de manière adéquate.
Mme Labrie :
Est-ce qu'à votre avis il y a... le référencement se fait déjà suffisamment
auprès des personnes qui ont un diagnostic d'Alzheimer, par exemple, vers vos
organismes?
Mme Ben Gaied
(Nouha) : Donc, un référencement vers la société Alzheimer?
Mme Labrie :
Oui.
Mme Ben Gaied
(Nouha) : En fait, depuis maintenant plus d'un an, on a le processus
de Référence Aidance Québec qui permet aux
professionnels de la santé de référer les personnes proches aidantes vers les
services de la société Alzheimer et également vers les services de
L'Appui pour les proches aidants. Pour nous, effectivement, il faudrait inclure davantage la personne atteinte d'un
trouble neurocognitif dans le processus pour, justement, pouvoir la prendre
en charge de manière adéquate, en amont, donc
vraiment aux stades les plus légers de la maladie et puis pour, justement,
maintenir cette qualité de vie.
Le fait d'avoir accès
à des services de stimulation, à des cafés-rencontres, à pouvoir échanger avec
les pairs, également à soutenir la personne
proche aidante, parce qu'elle va pouvoir avoir les outils nécessaires pour
communiquer et également pour intervenir lors des comportements, bien,
tout ça va contribuer à l'amélioration de la qualité de vie de la personne atteinte. Et donc, dans ce contexte-là,
c'est quand même un projet qui commence, mais déjà on a énormément de
demandes qui ont un effet, oui, potentiel sur les services par la suite.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup. Le temps est écoulé. Maintenant, je cède la parole à la
députée de Laviolette—Saint-Maurice
pour une période de 3 min 18 s.
Mme Tardif :
Bonjour. Merci. Merci d'avoir pris le temps de tabler sur cet important
projet de loi. Et je rebondis un peu sur ce
que vous venez de dire, parce qu'effectivement il y a certains... Et vous avez
fait un sondage et vous vous êtes
informés auprès de vos... des gens que vous représentez, et il y a tout de même
certaines maisons qui prennent soin des personnes qui sont atteintes
d'Alzheimer et qui ont un regard différent ou un regard qui nous appelle à
l'ouverture par rapport au déclin et à la définition de ce déclin avancé. Cette
notion-là est très importante, parce que, comme
vous l'avez mentionné, il y a beaucoup de ces personnes-là atteintes qui,
lorsqu'elles sont stimulées... les gens qui en prennent soin nous diront
qu'il y a un net progrès.
Alors, je me
demandais avec vous, vous êtes ceux et celles qui avez les yeux tournés vers
ça, vers ces personnes-là et vers les maisons de soins : Comment faire
pour offrir davantage de ces soutiens-là? Jusqu'où aller? Vous êtes d'accord avec le projet de loi, vous
êtes d'accord avec l'élargissement du projet de loi, mais c'est une question
excessivement importante, et le principe
d'autodétermination et le principe... la notion de déclin avancé... Je pense
que j'aurais besoin de votre aide, là.
Mme Ben Gaied
(Nouha) : On est, oui, en faveur de l'élargissement de l'aide médicale
à mourir pour offrir un choix aux personnes
atteintes d'un trouble neurocognitif majeur dans des conditions où elles
deviendraient inaptes. Cela ne veut pas dire que toutes les personnes
devraient y avoir accès. Ça demeure une... un choix personnel, et ce projet de
loi va dans ce sens-là.
Au niveau des
sociétés Alzheimer, quatre sociétés offrent de l'hébergement, et effectivement
on accompagne les personnes jusqu'à la fin de vie dans certains cas. Ça passe
par de la stimulation cognitive, ça passe par le maintien des capacités en les incluant dans les activités, ça passe
également par la reconnaissance qu'il faut s'adapter, il faut s'adapter
à leurs capacités, et puis ce qui était possible hier, peut-être, va devenir un
peu plus difficile aujourd'hui, mais on
doit, nous, s'adapter. Ça passe également par des environnements qui sont
adaptés à leurs besoins et ça passe toujours par leur inclusion dans le
processus. Donc, on est tout à fait...
Puis ça, ça va carrément avec
l'approche centrée sur la personne préconisée par les sociétés Alzheimer, on doit y aller par le moment présent, on doit
favoriser cette collaboration et puis ce partenariat avec la personne atteinte.
Et c'est comme ça qu'on la... qu'on maintient leur qualité de vie puis qu'on
maintient également leur dignité et leur autonomie.
C'est à nous de nous adapter, et non pas à eux. On doit leur donner les
meilleures conditions de vie. Et, par la suite, si la personne fait ce
choix-là, bien, on doit aussi l'accompagner dans ce choix-là.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup, Dre Ben Gaied, merci beaucoup, Mme Grenier, pour votre
contribution aux travaux de notre commission au nom des parlementaires qui sont
assises ici. Je vous souhaite une bonne journée.
Et je suspends les
travaux jusqu'à notre prochaine... notre prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à
11 h 39)
(Reprise à 11 h 41)
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la
commission reprend ses travaux. Nous en
sommes rendus maintenant avec une présentation de l'Association québécoise pour
le droit de mourir dans la dignité. Alors, je souhaite la bienvenue au
Dr Georges L'Espérance, président et neurochirurgien, ainsi qu'à
Mme Catherine Leclerc, membre du conseil d'administration. Je vous
rappelle, madame, monsieur, que vous avez une période de 10 minutes pour
vous présenter, ainsi que pour exposer vos propos. La parole est à vous.
Association québécoise pour le droit de
mourir dans la dignité (AQDMD)
M. L'Espérance
(Georges) : Mme la Présidente, merci beaucoup. Mmes, MM. les députés
de l'Assemblée nationale, l'Association
québécoise pour le droit de mourir dans la dignité vous remercie pour
l'invitation à témoigner devant cette commission d'étude. Mon nom est
Georges L'Espérance, neurochirurgien, et j'ai le plaisir d'être accompagné de
Mme Catherine Leclerc, membre du conseil d'administration. L'association
est une association citoyenne bénévole dont la mission est d'oeuvrer pour
assurer que les lois permettent à chaque citoyen de choisir et d'obtenir des
soins de fin de vie conformes à sa conception personnelle de dignité, dont
l'aide médicale à mourir.
Le
présent témoignage résume le mémoire qui vous fut remis pour fins de discussion
sur quelques aspects précis du projet de loi n° 11. Par la suite,
je céderai la parole à Mme Leclerc pour quelques remarques complémentaires
sur les demandes anticipées. Nous tenons à souligner le remarquable travail du
groupe... du groupe transpartisan, rapport suivi du projet de loi n° 38, et
maintenant la continuité sous forme de ce projet de loi n° 11, présenté
par Mme la ministre Bélanger. J'insisterai sur les aspects médicaux du projet
de loi tels qu'élaborés dans notre mémoire.
Passons tout d'abord
rapidement sur les notes explicatives du projet de loi. Premièrement, nous nous
réjouissons au plus haut point des modifications progressistes pour les
demandes anticipées des personnes atteintes d'une
maladie neurodégénérative cognitive menant à l'inaptitude. Deuxièmement, nous
sommes totalement en accord avec l'exclusion temporaire, et espérons-le
de courte durée, des problématiques de santé mentale jusqu'au dépôt d'un projet de loi fédéral. Troisièmement, nous sommes
en accord total avec l'inclusion des infirmières praticiennes spécialisées,
modification très attendue. Quatrièmement, nous sommes très heureux de
l'obligation faite aux maisons de soins palliatifs d'intégrer l'aide médicale à
mourir dans le continuum de soins et que nulle philosophie religieuse ne doit
interférer avec ce droit du malade. Nous ne devrions plus jamais avoir à
transférer le demandeur en ambulance à l'hôpital
pour recevoir le soin, loin des soignants qui l'avaient soutenu pendant des
semaines. De plus, cette disposition est parfaitement cohérente avec la
volonté gouvernementale d'instaurer une laïcité de fait dans les services
rendus au nom de l'État.
Passons
à quelques commentaires sur les articles du projet de loi. Il est implicite que
ne sont pas discutés ici les articles avec lesquels nous sommes en
accord complet, ainsi en est-il des articles 1 à 13, impeccables tels que
décrits. L'article 14 du projet de loi
n° 11 modifie l'article 26 de la loi n° 2. Nous avons ici deux
commentaires. Premièrement, à
l'alinéa 3°, nous suggérons à la ministre de retirer l'adjectif «neuromoteur»
qui suit le terme «handicap», car médicalement inapproprié dans le
contexte. Dans une optique d'harmonisation avec le Code criminel et la décision
de la Cour suprême, l'alinéa 3° devrait simplement
se lire comme suit : La personne «est atteinte d'une maladie, d'une
affection ou d'un handicap grave et incurable». Le terme de «handicap»
doit être reconnu médicalement pour ce qu'il est : la conséquence d'une maladie. Vous trouverez, en
annexe dans le mémoire, des explications plus élaborées. J'ajoute ici que
le handicap intellectuel grave ne devrait jamais faire partie, bien sûr, de la
définition ici du handicap.
Alinéa
5°, il est écrit que la personne «éprouve des souffrances physiques ou psychiques
constantes, insupportables et qui ne
peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge tolérables». Afin de ne
pas prêter à confusion avec les problématiques de santé mentale, nous
suggérons de changer le terme de «psychiques» pour «psychologiques», ce qui, là
aussi, harmonisera avec le Code criminel. Nous suggérons d'y ajouter le terme
de «souffrances existentielles» afin de
couvrir l'ensemble des situations vécues par les patients, particulièrement
pour les demandes anticipées. Afin de ne pas me répéter inutilement
ainsi, cette modification devra se retrouver aussi dans le reste du projet de
loi, tel que mentionné dans le mémoire.
L'article 18
ajoute les articles 29.1 et suivants à la loi n° 2 et concerne les
demandes anticipées. Les concepts qui posent problème au plan clinique
tournent essentiellement autour des termes suivants : objectivation et
addition des souffrances physiques, psychologiques et
existentielles. Nous avons quelques interrogations dont découlent certaines
suggestions. Premièrement, pour la même raison qu'exprimée plus haut, nous
suggérons de remplacer «physiques ou psychiques» par «physiques ou
psychologiques ou existentielles». Deuxièmement, le terme «objectiver» va
prêter à confusion et à d'interminables
discussions et prêter le flanc aux objections de tous ordres. Troisièmement,
s'il est possible d'objectiver des souffrances physiques, il n'en est
pas de même des souffrances psychologiques et/ou existentielles chez un patient devenu dément. Quatrièmement, une
telle objectivation reviendrait à nier les volontés exprimées par la personne
alors qu'elle était apte, en particulier chez les personnes que l'on qualifie à
tort de déments heureux. Cinquièmement, les souffrances physiques ne sont pas
nécessairement en lien avec la maladie qu'est la démence, par exemple des plaies de décubitus, des infections
urinaires à répétition, des fractures non consolidées, qui sont objectivables.
C'est pourquoi nous
suggérons la structure suivante de cet article, donc l'alinéa 2° :
«2° au moment de
l'administration de l'aide médicale à mourir — petit d :
«d) elle semble — petit
i :
«i.
objectivement éprouver des souffrances physiques telles que décrites dans sa
demande — et
la deuxième partie :
«ii.
et où elle est à l'étape de sa maladie qui correspond aux états de souffrance
psychologique ou existentielle, telle
que décrite dans sa demande.» Garder les deux conditions conjointement revient
à quasiment refuser l'aide médicale à mourir à tous ces patients, car
comment évaluer la souffrance psychologique ou existentielle d'un patient
dément?
À
29.3, même remarque que ci-haut concernant le lien entre les souffrances et la
maladie, c'est-à-dire la démence. Notre
suggestion, pour être cohérent avec les précédents paragraphes, est de
remplacer aussi le deuxième alinéa tel que cela est précisé dans le
mémoire.
À
29.5 et 29.13, modifier les alinéas selon les suggestions ci-dessus, à 29.1 et
29.3, toujours pour la cohérence. À
29.9, il est complet tel quel. Et, au nom de nos patients et de leurs proches,
j'en profite pour remercier la ministre et son équipe d'avoir su prévoir
les moyens technologiques à distance. À 29.13, il faudrait préciser ici qu'il
s'agit de l'examen nécessaire lorsque la personne est arrivée au stade où le
tiers de confiance demande une évaluation. Je vous réfère à notre mémoire pour
une formulation intégrative.
Et, pour terminer, je
souligne notre accord complet avec l'alinéa h de l'article 19, et il en
est de même de l'article 20, qui assure
ainsi qu'aucun demandeur ne sera lésé de son droit d'être évalué adéquatement
et dans un délai raisonnable,
c'est-à-dire quelques jours au maximum. Cette mesure de sauvegarde permettra de
combler un vide qui était trop souvent utilisé par des opposants pour
brimer les droits de certains demandeurs.
Je cède maintenant la
parole à Mme Catherine Leclerc.
Mme Leclerc
(Catherine) : Bonjour. Donc, je suis membre du conseil
d'administration de l'AQDMD, avec Georges. Je vous remercie de l'opportunité de
m'exprimer devant vous aujourd'hui.
Le 13 février, au terme de sept jours d'agonie
en soins palliatifs, ma douce maman a rendu son dernier souffle. Sept
interminables jours et nuits à la veiller jusqu'à ce que son petit corps frêle
cède finalement sous le poids de la dénutrition et de la souffrance. Les
premiers symptômes de l'Alzheimer se sont manifestés très tôt, alors qu'elle n'avait que 61 ans. Au fil des années qui
s'effaçaient, sa réalité s'écroulait et la plongeait dans une solitude, nous
laissant à 1 000 lieues de son coeur, de son âme, de son monde
inatteignable. Elle aura été terrassée par la maladie pendant 16 longues années, dont les six dernières
entre les murs d'un CHSLD qui lui auront tout volé. Et, bien que ma mère
faisait partie de ce que certains
appellent la démence heureuse, je sais avec une certitude inébranlable qu'elle
n'aurait jamais accepté de vivre ainsi et que, si elle avait eu le
choix, elle aurait décidé de mettre fin à ses jours.
• (11 h 50) •
Advenant un
diagnostic d'Alzheimer, dont les probabilités sont malheureusement élevées dans
ma famille, je ferai le nécessaire pour ne pas vivre et ne pas mourir dans les
mêmes circonstances que ma mère. Le dépôt du projet de loi n° 11 m'amène
l'espoir d'une grande sérénité, de nuits paisibles devant un avenir qui est
pourtant incertain. Or, le simple fait de
savoir que je ne subirai pas avec impuissance la fatalité d'un tel diagnostic
et que je pourrai donner mon consentement anticipé à une demande d'aide
médicale à mourir lorsque j'aurai atteint des souffrances physiques et/ou existentielles intolérables selon mes
convictions, mes croyances, mes valeurs personnelles... Et, pour cela, vous avez
toute ma gratitude.
Mais je suis
également préoccupée, parce que l'article 29.1 du projet de loi est
formulé de façon à ce qu'on pourrait refuser d'honorer ma demande anticipée si,
à l'instar de ma mère, je ne sois plus capable de communiquer avec le monde extérieur et que je sourisse
béatement lorsque le moment sera venu. Entériner le projet de loi dans sa forme
actuelle, avec un critère d'observation manifeste de souffrance contemporaine,
physique et existentielle qui soit objectivable, rendra pour moi la possibilité
d'un consentement anticipé inexistant. Avec un diagnostic de maladie
neurodégénérative cognitive, je ne pourrai pas prendre le risque qu'arrivée à
terme ma demande ne soit pas respectée. Alors, je n'aurai pas autre choix que
de procéder à une demande contemporaine d'aide médicale à mourir, soit le... comme on appelle, alors que je serai
encore apte à consentir, et, de ce fait, en sacrifiant ainsi quelques années
de vie de qualité où j'aurais pu partager des beaux moments auprès de mes
proches.
Mmes
et MM. les députés commissionnaires, vous avez entre vos mains le pouvoir de
rendre nos dernières années de vie
plus dignes, plus douces. Je vous remercie de votre attention, et Dr
L'Espérance et moi sommes disposés à répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup, Mme Leclerc. Merci, monsieur... Dr L'Espérance. Votre
témoignage, Mme Leclerc, nous touche grandement, ce matin, alors nos
pensées sont avec vous. Et je pense que ce
que vous avez, comme témoin... ce que vous avez témoigné va nous aider, va nous
éclairer énormément. Alors, sans plus
tarder, je vais céder la parole à la ministre pour une période... je m'excuse,
j'ai un petit peu... 16 min 30 s. Merci.
Mme Bélanger :
Alors, bien, bonjour, Dr L'Espérance. Bonjour, Mme Leclerc. Un grand
merci pour la qualité et le dépôt, là, de
votre mémoire, que j'ai lu avec beaucoup d'attention. Et, Mme Leclerc, je
veux aussi vous offrir mes plus sincères sympathies à vous et à vos
proches, et merci de témoigner de ce que vous venez de vivre et de nous le partager. C'est très apprécié, ça nous
aide à mieux comprendre le travail que nous avons à faire dans ce projet
de loi qui est fort important.
Dr L'Espérance,
j'aimerais vous poser une première question en lien avec le handicap
neuromoteur. Alors, j'aimerais ça, pour nous
éclairer tous et toutes, que vous nous parliez de qu'est-ce que c'est, le
handicap neuromoteur. Comment vous le concevez? Comment vous définissez
ce que c'est, le handicap neuromoteur?
M. L'Espérance (Georges) : C'est
une question qui a été amenée dans l'actualité législative depuis quelques
années. En fait, tout handicap peut être un handicap de tout autre ordre. Le
handicap neurolocomoteur s'entend comme étant un handicap qui touche et
les nerfs ou le cerveau ou la motricité, mais ça fait partie des grands
handicaps. Et ce que je comprends des... du
questionnement qui a été amené, depuis quelques années, ça a toujours été
l'exemple d'un jeune homme qui se retrouve paraplégique suite à un accident,
mais une personne qui est née avec une encéphalopathie néonatale, c'est un handicap neurolocomoteur, une
personne qui va... qui est née avec une... par exemple, un syndrome de moelle attachée, c'est un handicap
neurolocomoteur, une personne qui a une tumeur de sa moelle va avoir un
handicap neurolocomoteur, etc., etc. Je pense qu'on veut tenter de mettre un
peu en opposition le handicap neurolocomoteur avec des handicaps tels
que la vision ou la surdité, mais perdre la vision, c'est un handicap
neurologique, donc c'est un handicap... neuromoteur aussi, en quelque sorte.
Je pense que cette
notion de handicap, elle a été, disons, mise à l'intérieur des maladies par la
Cour suprême, par la... par la Cour
fédérale, par le Code criminel fédéral aussi. La seule... Pour moi, là, et puis
je ne suis pas tout seul, je peux vous garantir que tous mes collègues
puis même le Collège des médecins a le même avis, le seul élément qui est
très... qui ne devrait jamais être touché, c'est le handicap intellectuel de
naissance, handicap intellectuel sévère. On
ne parle pas de quelqu'un qui a un handicap léger, mais un handicap
intellectuel sévère, c'est une personne qui ne pourra jamais décider
pour elle-même. Et ça, ça devrait être totalement exclu à tout jamais pour des
raisons très évidentes de consentement.
Tout le reste, et je
l'explique dans notre annexe, toute maladie amène un handicap, qu'il soit léger
ou important, qu'il soit temporaire ou transitoire. Et je vous... dans le
mémoire, je parle de l'exemple de la COVID. Tout
le monde l'a vécu. Donc, toute maladie amène un handicap, et tout handicap
vient d'une maladie, que ce soit une maladie néonatale, que ce soit une
maladie à la naissance, toute... une maladie infectieuse, etc.
Donc, cette notion de
handicap... je sais, toutes les discussions qu'il y a eu, on ne va pas refaire
ici... parce qu'on n'a pas le temps, mais, dans l'annexe, on en parle. Mais là
cette question du handicap neuromoteur, et avec tout le respect que j'ai pour
Mme Hivon, et elle le sait, c'est une... Mme Hivon a beaucoup insisté
sur cet aspect-là, mais tout ça a été largement discuté déjà au niveau fédéral.
Puis, au niveau du Québec, je pense que la question du handicap a aussi été
discutée lorsqu'on parlait de maladie. On ne peut pas faire la différence entre
une maladie et un handicap, mais je pourrais discuter longtemps, mais je vais
vous laisser poser d'autres questions.
Mme Bélanger : Mais... hein, c'est
vraiment intéressant, mais vous... ne trouvez-vous pas que le fait d'enlever la
qualification de neuromoteur et de parler de handicap, sans balise... Est-ce
qu'il n'y a pas un risque qu'on assiste à un dérapage? Parce que la notion de handicap, vous l'avez mentionné,
c'est quand même une situation qui peut être très, très large. Alors, vous croyez que ce n'est pas
nécessaire que, dans le projet de loi... que, dans la loi, on vienne préciser
de quoi on parle quand on parle de handicap?
M. L'Espérance
(Georges) : Non, parce qu'un handicap vient d'une maladie, et, de
toute façon, les autres critères sont là. L'aptitude, bien sûr, mais une
maladie grave et incurable... Je vais donner un exemple complètement banal, là. Mettons que j'ai un handicap parce que
je me suis coupé le majeur. Bon, bien, j'ai un handicap, c'est certain,
mais ce n'est pas une maladie grave et incurable, là. C'est peut-être
incurable, mais ce n'est pas une maladie grave et ça n'amène pas un déclin
irréversible, etc., etc. Donc, tous les autres critères sont là.
C'est vraiment...
Cette histoire du handicap moteur amène des... disons, des blocages, pour
certains, qui n'ont pas lieu d'être. D'ailleurs, le Collège des médecins, en
2021, a averti tous les médecins que, s'ils suivaient le Code criminel
canadien, bien, il n'y aurait pas de problème, mais je pense que vous savez
tous ces éléments-là déjà. Mais je ne crois
pas que, dans une loi, il soit obligé de le... de le qualifier. Ça devient un
problème clinique qui doit... qui doit être dans les guides cliniques.
Par contre, ce que j'aimerais beaucoup voir dans la loi, si vous me permettez,
ce serait d'indiquer que cela exclut le handicap intellectuel sévère, et ça,
point final, quant à moi.
Mme Bélanger : D'accord. Peut-être une
autre question, puisque vous êtes là. Vous avez parlé tantôt... et vous avez
parlé de la classification de dément heureux, mais à tort.
M. L'Espérance
(Georges) : ...
Mme Bélanger :
J'aimerais vous entendre là-dessus, parce qu'on entend aussi complètement des
positions très différentes par rapport à ça. Alors, vous entendre, comme
spécialiste : Dément heureux, est-ce que ça existe? Est-ce que c'est un
diagnostic? Votre position par rapport à ça.
M.
L'Espérance (Georges) : Bien, je ne suis pas certain du tout que c'est
un diagnostic. C'est plus une constatation
que les soignants font ou que les familles peuvent faire, mais, Catherine l'a
très bien exprimé, un dément heureux, c'est vraiment dans la vision de
celui qui voit le patient. Mais le patient, qui, lui, alors qu'il était apte et
qu'il avait toute son aptitude et sa conscience... je ne suis pas du tout
certain qu'il est heureux... qu'il serait heureux de se voir dans la condition
où il est après. C'est pour ça que, pour moi, la question de la démence
heureuse est une question qui est un petit peu... disons, pour être poli, un
peu tendancieuse. D'ailleurs, Judes Poirier, qui est le grand spécialiste de
ça, avait très bien, aussi, fait un témoignage devant la commission. Peut-être,
Catherine aurait un mot à dire sur la... sur la démence heureuse. J'ajouterais
juste une chose : Est-ce qu'il y a un seul d'entre vous qui veut se voir
assis, dément, et en pensant qu'il va être heureux?
Mme Bélanger :
Oui, c'est une bonne question. Ça va pour moi, merci.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci, Mme la
ministre. Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette :
Merci. Mes sympathies, Mme Leclerc. On est de tout coeur avec vous, et
merci d'être ici pour nous partager votre
vécu, parce que c'est important d'avoir des témoignages comme le vôtre dans la
commission.
Dr L'Espérance, c'est
un plaisir de vous retrouver, on a eu plusieurs discussions. Et moi, je vous
ramènerais sur la notion du refus. Je sais que vous administrez l'aide médicale
à mourir. Vous réagissez comment à quelqu'un qui
se débat, qui ne veut pas, qui semble manifester un refus, mais qui a,
d'emblée, avant ça, manifesté son intention d'avoir l'aide médicale à
mourir? On fait quoi avec ça, légalement, et pour vous aussi, là, pour la
conscience du médecin?
• (12 heures) •
M. L'Espérance
(Georges) : Oui. D'abord, je tiens à préciser que Catherine, ce matin,
est avec nous, est à Vancouver, imaginez-vous, alors merci encore plus d'être
là. La question du refus... Ce matin, j'écoutais les autres intervenants, et je
trouve ça intéressant, c'est la première fois que ça m'allume une lumière,
parce qu'on parle de refus, mais, en fait,
la plupart du temps, sinon, la majorité du temps, c'est une résistance, et je
pense que M. Maclure l'a très
bien dit. Et, la résistance, on la voit partout, je dirais, en clinique. Si
vous avez un patient qui arrive intoxiqué à l'urgence, il va être résistant. Si vous avez un patient qui
est... puis je le sais, j'en ai vu, dans ma vie, qui est comateux, mais,
disons, léger, ou qui est en trouble de conscience, il va être résistant au
traitement qu'on veut lui donner. Donc, la résistance, c'est une chose,
et je pense que les explications qu'on a eues, ce matin, vont dans ce sens-là.
Le refus, c'est une
tout autre chose. Et moi, j'aurais... j'ai tendance à penser comme
M. Maclure, si j'ai bien compris sa pensée, parce que c'est un philosophe,
ça fait qu'il faut être... quand même écouter comme il faut. J'ai tendance à
penser que, pour avoir un refus, il faut que le patient soit apte. Par
définition, s'il est rendu dément, il n'est
plus apte à présenter un refus. Et donc je crois qu'on revient à la case... au
carré n° 1 : Qu'est-ce que la personne veut lorsqu'elle est
apte? Qu'est-ce qu'elle a décidé de vouloir pour sa fin de vie lorsqu'elle est
apte? Arrivé au moment où elle est inapte,
il peut y avoir une résistance, mais la résistance, on la vit assez
régulièrement, les soignants qui... avec des personnes âgées, ils la
vivent, les soignants qui sont dans des urgences ou ailleurs. On vit cette résistance-là, et, bon, il y a des moyens, soit
médicamenteux soit doux, d'amoindrir la résistance du patient. Mais moi, je
n'aurais pas de problème avec cet élément-là, de diminuer la résistance du
patient, qui peut être tout à fait normale. Si vous voulez mettre un
cathéter à quelqu'un qui est un peu agité, vous allez avoir de la résistance.
Mme Guillemette :
Parfait. Merci, Dr L'Espérance. Je céderais la parole à ma colère.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup. Alors, je pense qu'on a une question de la députée de Vimont.
Mme Schmaltz : Bonjour, M. L'Espérance,
Mme Leclerc. Mme Leclerc, veuillez accepter mes condoléances,
de tout coeur.
En fait, ma question
s'adresse à M. Leclerc, ça concerne le point de J... le point J de votre
mémoire. Et puis vous mentionnez que ce sont les concepts qui posent problème
au plan clinique et que ça tourne autour de termes. J'aimerais vous entendre concernant les termes «physique», «psychique»,
«psychologique» et «existentiel», parce que, moi, dans ma tête,
j'imagine que «psychique», «existentiel», c'est un peu la même chose, versus
«psychologique». Pourquoi on en enlève un, mais on rajoute deux termes supplémentaires?
M. L'Espérance (Georges) : C'est
simple, vous avez raison, c'est simplement le fait que le terme «psychique»
fait beaucoup plus référence aux pathologies de santé mentale, et comme nous ne
sommes pas là et que, la plupart du temps,
d'ailleurs, les gens vont présenter une souffrance psychologique, à
savoir : qu'est-ce qu'il va m'arriver... etc. Et l'existentiel, bien, ça, c'est un élément qui
est... je dirais, un élément de surplus, particulièrement pour les patients qui
se font donner un diagnostic de maladie dégénérative cognitive,
l'Alzheimer ou autre.
Parce
que la grosse question... Et là je vais laisser Catherine parler, parce que la
grosse question, dans l'existentiel, dans
une maladie comme ça, c'est : Qu'est-ce qui va m'arriver? À quoi va servir
ma vie quand je vais devenir complètement dément? Catherine, je voudrais
que tu complètes là-dessus.
Mme Leclerc (Catherine) : Oui.
Bien, en fait, je pense que c'est donner un sens à sa vie. Donc, c'est :
mon existence sert à quoi? Et je pense que c'est la question qu'on se pose
tous. Et c'est aussi souvent de cette question-là qu'on
va avoir, d'un autre côté, des résistances de communautés religieuses, parce
que, pour eux, le sens de la vie vient d'un dieu quelconque, là, peu importe
lequel c'est dans la gamme de dieux.
Mais, si je peux me
permettre, en quoi est-ce que c'est plus moral, ou acceptable, ou catholique,
ou peu importe, de mettre quelqu'un en
sédation continue pendant des jours et des nuits en attendant qu'elle décède de
dénutrition? Donc, rendu là, si, moi, mon... si moi, je me place dans
une situation où qu'on me donne un diagnostic d'Alzheimer, et ayant vu ma mère dépérir, avec pourtant une
démence heureuse et avec des soins d'une qualité... On va se le dire, là,
mon père, quand elle ouvrait les yeux le
matin, à 7 h 30, il était déjà au CHSLD, il prenait soin d'elle de
huit à 10 heures par jour, il quittait seulement pour aller dîner.
Et, lorsqu'elle fermait les yeux pour s'endormir, à 7 h 30 le soir,
il était toujours à ses côtés. Pour elle, c'est comme s'il vivait avec elle au
CHSLD. Donc, si même dans ce genre d'accompagnement là, d'amour... je suis
persuadée... Et moi, je ne voudrais pas vivre dans une situation comme ça parce que, pour moi, ma vie n'aurait plus de sens,
donc, mon existence n'aurait plus de sens. Ma mère, ça fait longtemps
qu'elle était décédée, d'une certaine façon.
Donc,
je pense que c'est un peu là où la douleur existentielle est. Je suis qui, moi,
comme... c'est quoi, mon identité? Donc,
tout ça disparaît au fil que la maladie vient affecter différentes cellules de
ton cerveau. Et la possibilité de sourire que ma mère avait encore... Je
l'avais déjà exprimé lors de la commission, en 2021, la seule raison pourquoi
ma mère souriait, c'est parce que la maladie
ne lui avait pas encore arraché la possibilité de le faire. J'ai deux de mes
tantes qui ont aussi la maladie d'Alzheimer. Il y en a une,
malheureusement, que, vers la fin, son cerveau était affecté de façon qu'elle criait ou... mais c'est juste une question
de quelle partie du cerveau ou d'inhibition a été affectée par la maladie, de
quelle façon, physiquement, ton corps a souffert de la maladie, qui fait que tu
vas pouvoir sourire ou pas, ou avoir un comportement x, y, z. Donc,
pourquoi quelqu'un dont la maladie a évolué de façon où qu'elle crie ou
manifeste des signes qui semblent, dans notre perception à nous, représenter de
la souffrance aurait droit qu'on honore sa demande anticipée et ses volontés, alors que quelqu'un dont le cerveau a été
affecté d'une manière différente, lui, on ne respecte plus ses volontés? Moi,
ça m'inquiète vraiment parce que, comme je vous disais tout à l'heure, si j'ai
la moindre des chances, avec un diagnostic d'Alzheimer, de faire une
démence heureuse comme ma mère, bien, je vais demander l'aide médicale à mourir alors que je suis encore apte, je ne prendrai
pas la chance. Je ne prendrai pas la chance. Puis, quand je dis :
Je ne veux pas mourir comme ma mère, là, bien, c'est surtout : Je ne veux
pas vivre comme ma mère les dernières années. C'est ce qui... Voilà.
M. L'Espérance
(Georges) : Si je peux prendre une seconde, Mme la députée... La
souffrance physique s'objective très bien. Pas besoin de faire de dessin. La
souffrance psychologique, c'est : bien là, qu'est-ce qu'il va m'arriver,
là, je vais mourir comment. Ça, c'est une souffrance psychologique, c'est...
qu'est-ce qu'il va m'arriver. La souffrance
existentielle, c'est : Qu'est-ce que je vais faire? À quoi va servir ma
vie? C'est ça, l'existence, le sens de l'existence.
Je n'aurai plus de sens de l'existence quand je serai rendu dément. C'est pour
ça que moi, je suggère fortement qu'on... D'ailleurs, quand on rencontre
nos patients, on évalue toujours les trois termes : physique,
psychologique, existentiel.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup. Je pense qu'il reste 1 min 16 s. Mme la députée de
Soulanges, rapidement.
Mme Picard : Merci beaucoup pour votre
apport à la commission. J'aimerais savoir, selon vous, quelles seraient les
bonnes balises pour la demande anticipée, en quelques secondes.
M. L'Espérance
(Georges) : Les balises...
Mme Leclerc (Catherine) : Bien,
moi, je pourrais peut-être y aller, parce que, dans mon mémoire, si vous voulez
vous référer, mon mémoire de 2021, pour moi,
j'aimerais, si ça m'arrive, pouvoir dire... séparer en différentes catégories.
Donc, par exemple, maladie d'Alzheimer, on
sait que c'est sur sept stades, bien, dire : Bon, bien, lorsque je serai
arrivée à tel stade des sept stades
de la maladie... et de pouvoir combiner avec certains critères. Donc, oui, là,
c'est parce qu'on sait que les maladies n'évoluent pas de façon linéaire, d'un
stade à l'autre, de façon très structurée, hein, évidemment, donc on pourrait dire... par exemple, dans mon
cas, ce serait lorsque je serais arrivée au stade cinq et que j'aurai rencontré
les symptômes suivants, donc : je ne reconnais plus mes proches depuis
minimum six mois, je ne suis plus en mesure de m'alimenter seule, je ne suis plus en mesure de... Donc, et là, à ce
moment-là, ces critères-là, physiques ou cognitifs... donc, je n'arrive plus,
par exemple, à faire telle ou telle activité d'autonomie physique, cognitive
et... selon les barèmes de la maladie.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup.
Mme Leclerc
(Catherine) : ...
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. On va poursuivre, de toute
façon, la discussion. Merci, Mme la députée.
Je me tourne du côté de la députée de Westmount—Saint-Louis, pour une période de 9 min 54 s. La parole est à
vous.
• (12 h 10) •
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup pour votre témoignage et ce que vous avez partagé
avec nous, Dr L'Espérance et Mme Leclerc, puis mes condoléances sincères
en ce qui concerne le départ de votre mère. Votre
histoire est très touchante, puis ce que vous venez d'évoquer, ça me ramène à
la même question que j'avais partagée tantôt aussi, je pense que ça va être...
d'où l'importance de revoir le formulaire. Ça fait que je relance la demande,
si ce n'est pas écrit, mais de s'assurer qu'on va pouvoir tous contribuer aux
critères de ce qu'on verra à l'intérieur de ce formulaire. Parce que ce que
vous venez d'évoquer est quand même important. Puis c'est très personnel, les
choix de chacun seront aussi personnels, puis je souhaite que ce soit pris en
considération.
Dr L'Espérance, je souhaite revenir sur la
notion de handicap, parce que vous dites que nous devons enlever «neuromoteur».
J'ai entendu les échanges que vous avez eus avec Mme la ministre et je partage
les préoccupations, mais vous avez aussi
ajouté des notions de handicap grave et incurable. Selon vous, je présume que
ce serait important d'avoir une définition dans la loi, en ce qui
concerne c'est quoi, la notion de handicap? Parce que vous avez aussi parlé de,
par exemple... ça peut être un handicap si nous avons perdu notre vision.
M. L'Espérance (Georges) : Oui,
bien, encore une fois... D'abord, premièrement, la Cour suprême n'a jamais
donné de liste de maladies, la Cour suprême a toujours parlé de maladie,
affection ou handicap. Et je ne pense pas qu'en faisant une liste de handicaps
on soit beaucoup plus avancés, parce que le handicap... ce que j'ai dit tout à
l'heure, c'est que les autres critères sont tout aussi valides, bien sûr :
maladies graves et incurables, etc. Donc, le handicap, c'est inclus à
l'intérieur de cela.
Mon point, c'est que cette différence entre le
handicap et les maladies, que l'on fait depuis quatre, cinq ans, au Québec, n'a pas sa raison d'être, au point de
vue médical, s'entend. Et, encore une fois, les exemples que l'on donnait
souvent, c'était, par exemple, le jeune homme de 25 ans qui a une blessure
de sa moelle, qui devient paraplégique, pourra obtenir l'aide médicale à
mourir. Il n'y a aucun médecin qui va donner l'aide médicale à mourir à un
jeune homme comme ça. Pourquoi? Parce qu'on sait qu'il y a une étape de
consolidation. Normalement, toutes les blessures
du système nerveux, il y a deux ans qui s'écoulent avant qu'on parle de
séquelles définitives, il y a des fois où c'est plus rapides que d'autres, mais, d'autre part, il y a tout le
processus de réadaptation. C'est vrai pour les traumatismes crâniens,
c'est vrai pour les traumatismes médullaires.
Mais ce
terme... de vouloir définir un terme de «handicap» alors que, dans la médecine,
c'est défini, «handicap», c'est tout
ce qui ne concerne pas un fonctionnement normal du corps... Alors, à chacun de
définir ce qui est, pour lui, un handicap,
mais il faut les autres critères, maladie grave et incurable, etc. Et ça nous
met en porte-à-faux avec tous les... tous les citoyens ici sont en
porte-à-faux avec les autres citoyens canadiens, qui, eux, n'ont pas à définir
ce type de problématique là.
Mme Maccarone : Bien,
ça m'amène des préoccupations de la perception qu'on donne de la vie d'une
personne en situation de handicap, parce qu'il y en a plusieurs, entre autres,
comme... Par exemple, Jonathan Marchand, qui a fait une protestation
devant l'Assemblée nationale, lui, il fait face... puis il vit avec une maladie
grave et incurable, mais il souhaite vivre. Alors, je veux vraiment agir avec
de la prudence puis utiliser des mots qui sont justes puis délicats, parce que je ne veux surtout pas donner
l'impression que ces personnes... c'est comme un commentaire qu'on fait en ce
qui concerne la qualité de leur vie.
Surtout que vous faites la comparaison avec une
personne, mettons, qui a eu un accident d'automobile, vous l'avez évoqué, qui
est en période de réadaptation, mais là on ajoute aussi la notion de
souffrance, puis c'est là où je me retrouve dans... vous avez dit un
questionnement existentiel, comment déterminer la souffrance de cette personne si... Parce que vous avez dit «s'échelonne sur
plusieurs années», dans votre mémoire. Par exemple, il n'y a aucun médecin
qui va administrer l'aide médicale à mourir à ce jeune homme de 24 ans qui
vient d'avoir un accident d'automobile, qui
a perdu l'utilisation de son corps, il est quadriplégique, mais combien
d'années... Si, mettons, il revient cinq ans plus tard, après cinq ans de rétablissement, de
travail, mais la souffrance qu'il a... il est en douleur et il souffre
psychologiquement parce qu'auparavant
c'était un athlète olympique, est-ce que lui, il serait éligible pour recevoir
l'aide médicale à mourir, selon la définition de la notion de «handicap grave
et incurable»?
M. L'Espérance (Georges) : Bien, il
a une maladie grave et incurable, il a eu une blessure de sa moelle, c'est
incurable. Il a eu... il a des souffrances physiques, psychologiques ou
existentielles, il a eu tout ce qu'il fallait pour
avoir... c'est-à-dire, on a vérifié qu'il avait eu tout ce qu'il fallait comme
aide par la suite, réadaptation, etc. Donc, après, on ne peut pas mettre dans
une loi un délai, mais, après cinq ans, huit ans, 10 ans, cette
personne-là peut revenir avec une demande, et là on refait le même
processus.
Je ne vois pas où il y a vraiment un problème,
parce qu'on pourrait poser le même questionnement avec une maladie, une
personne peut avoir une maladie, et, parce qu'elle a une maladie, on considère
les autres critères, et elle va être
admissible, mais, parce que c'est un handicap neuromoteur, là, à ce moment-là,
on ne considère pas, il faudrait qu'il y ait des délais. On ne peut pas
fonctionner comme ça. Le handicap vient d'une maladie, et on peut tourner ça
dans tous les sens, un handicap, ce n'est pas une entité en soi, le handicap
vient d'une maladie.
D'autre part, et vous avez raison de dire qu'il
y a des gens qui se sentent très... mais l'aide médicale à mourir, ce n'est pas
du tout donné à tout le monde, c'est donné à la personne qui le demande. Alors,
il y a plein de gens handicapés, très lourdement handicapés qui ont des vies
extraordinaires. On a eu des collègues, nous, un collègue psychiatre à Québec,
qui est maintenant décédé, malheureusement, mais qui a eu une vie
extraordinaire. Il y a plein de gens comme
ça qui ont des vies remarquables, c'est leur choix, mais, pour certaines
personnes qui ont un handicap lourd qui vient d'une maladie, x, y, z,
bien, eux, s'ils demandent l'aide médicale à mourir, on doit évaluer ces
patients-là de la même façon qu'on évalue les autres, et non pas par rapport au
regard d'un groupe de patients handicapés. Mme la juge Baudoin, dans sa
décision de la Cour supérieure, avait très bien élaboré sur ce sujet-là et a donné de très belles... très beaux paragraphes juridiques,
et je dirais même un peu cliniques et philosophiques, sur ces aspects-là.
Mme Maccarone : Merci. J'avoue,
je réitère quand même ma préoccupation que, si ce n'est pas bien défini dans la
loi... j'ai des préoccupations que, malgré qu'il va y avoir quelqu'un qui pense
qu'il devrait avoir recours à l'aide médicale à mourir... sera refusé parce que
ce n'est pas clair, parce que c'est flou en ce qui concerne la définition de
qui qui devrait être éligible si on n'a pas des critères. Puis je ne vous
demande pas d'élaborer une liste de toutes les maladies dont on... devrait dire
que vous, vous êtes éligible, mais vous, vous n'êtes pas éligible, mais, si ce
n'est pas clair puis, si on n'a pas des balises en place... Par exemple, on
parle de la souffrance puis, comme on sait, lors des débats que nous avons eus
dans la commission spéciale, c'est très difficile de déterminer et d'évaluer la
souffrance aussi d'une personne parce que c'est subjectif. Moi, la façon que je
souffre va être différente que la façon de ma collègue de Châteauguay va
souffrir, ce n'est pas du tout la même affaire.
Alors, je vous mets dans la même circonstance,
quelqu'un qui est dans un accident d'automobile, il perd l'utilisation de son
corps, puis l'autre personne qui est dans le même accident d'automobile perd sa
vision et ses capacités auditoires, mais, pour cette personne, qui est
musicien, cette personne qui... puis c'est sa façon de gagner sa vie, bien, il
est en train de souffrir. Puis là on n'est plus dans un état, parce qu'on ne
parle plus de soins de fin de vie, on parle des maladies, parce qu'on parle
d'aide médicale à mourir, ça fait que je suis préoccupée de savoir comment que
ça va être administré puis, pour vous, les médecins, comment vous allez faire
des choix.
Puis vous
avez parlé d'harmoniser, beaucoup, dans votre mémoire, avec la loi fédérale,
ici, avec notre Code civil, par exemple, puis ce que nous allons faire,
en termes de cette loi, mais je suis préoccupée, parce que, dans un an, par
exemple, on doit prendre en considération les troubles mentals, parce que c'est
juste un retard, alors nous allons faire face à encore un débat. Ça fait que je
souhaite mieux vous équiper. Dans le fond, c'est ça la problématique, je pense,
que... dont nous faisions face.
M. L'Espérance (Georges) : La santé
mentale est un autre sujet, on est tout à fait d'accord, mais le handicap, ça fait six ans qu'on se débat avec ça,
nous, comme médecins, et c'est la... Pour le Canada anglais, ça ne pose
pas de problème. Encore une fois, c'est une question médicale, et, en fait, la
réponse est un peu dans votre question parce qu'on ne peut pas, nous, dans le
regard du patient, savoir si la souffrance est existentielle ou psychologique.
C'est le patient qui ressent sa souffrance, et nous, notre travail, c'est de
l'écouter et de tenter de voir par tous les moyens possibles quelle est cette
souffrance, si elle est réitérée, si elle persiste dans le temps. C'est ça,
notre travail, mais ce n'est pas à nous de
décider, surtout pas, et personne d'autre d'ailleurs, de décider à quel niveau
le patient souffre.
Mme Maccarone : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je vais maintenant céder la
parole à la députée de Sherbrooke pour une période de 3 min 18. La
parole est à vous.
• (12 h 20) •
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Merci d'être ici ce matin. Mme Leclerc, mes sympathies pour le
décès de votre mère. J'essaie de voir comment on peut répondre aux problèmes
que vous nous énoncez par rapport à votre propre vie, parce que vous n'êtes pas
la seule à vous poser ces questions-là, évidemment, on voit tous venir des
situations comme celle-là. Est-ce que vous voudriez pouvoir dire, de manière
anticipée, vos volontés par rapport à la démence heureuse? Puis je me demande,
si on ajoutait la notion de souffrance existentielle puis qu'une personne, dans
sa demande anticipée, pouvait énoncer clairement que, pour elle, vivre dans une
situation que certains appellent la démence heureuse, ce serait une souffrance
existentielle, est-ce que ça permettrait de répondre à l'enjeu que vous
soulevez puis de laisser une certaine souplesse aussi? Parce que ce n'est pas
nécessairement perçu par tout le monde de la
même manière, là, l'état de démence heureuse. Certains peuvent trouver, comme
vous, par exemple, que ce n'est pas du tout une belle qualité de vie, d'autres
pourraient trouver que ce que ça ne nécessite plus d'avoir recours à l'aide
médicale à mourir. Donc, pensez-vous que ce serait une manière de répondre à la
préoccupation que vous énoncez?
Mme Leclerc (Catherine) : Bien,
écoutez, de façon très, très, très simple, on pourrait juste inscrire dans la demande : si je semble présenter des
symptômes d'une démence heureuse, procéder ou ne pas procéder à la demande.
Donc, à ce moment-là, s'il y a des gens qui... pour eux, se disent : Bien,
si ma maladie se développe et que j'ai l'air d'être bien dans ma maladie, comme
on entend des fois, puis qu'ils sont prêts à vivre avec ces conséquences-là,
que leurs demandes deviennent caduques selon
ce qu'ils présentent comme symptômes, bien, c'est leur choix, libre à eux,
aucun problème.
Moi, je ne veux pas, par exemple, me voir privée
de ma demande anticipée parce que, dans le regard de quelqu'un d'autre, je paraîtrais ne pas souffrir à ce moment-là. Donc,
ça pourrait être très simple, effectivement, de mettre une coche... une
case à cocher : démence heureuse, procéder ou ne pas procéder, et voilà.
Des fois... (panne de son)
Mme Labrie : Est-ce que, de
votre point de vue, ça nécessite une modification législative, de pouvoir
procéder comme ça, ou c'est plutôt une question, là, de formulaire, à la fin?
Mme Leclerc
(Catherine) : Pour moi, c'est plus une question de formulaire,
et de protocole, et de façon, donc, comme le formulaire dans lequel on
va combiner les différents critères qu'on va vouloir voir appliquer dans notre demande. Donc, je crois qu'à ce moment-là ça pourrait faire
partie du formulaire et que ça ne devrait pas être enchâssé dans une loi, parce
que, tu sais, les choses peuvent changer, et le formulaire va être plus apte à
s'adapter à la réalité du futur qu'un projet de loi ou qu'une loi.
Mme Labrie : Donc, ce n'est pas
nécessairement la rédaction de la loi actuelle qui vous fait craindre qu'on
vous empêche d'exécuter votre volonté, c'est plutôt parce qu'on ne connaît pas
encore la teneur, là, du formulaire.
Mme Leclerc (Catherine) : En
fait, la façon dont, présentement, c'est inscrit, avec le caractère
objectivable de la souffrance psychologique ou existentielle, ça, ça
m'inquiète, parce que ça, ça m'empêcherait qu'on exécute ma demande anticipée.
Donc, si, à ce moment-là, on met comme de quoi... Bien, en fait, oui, ça
pourrait être contourné par un formulaire
qui dit : Dans le cas où n'est pas objectivable une souffrance
existentielle ou... de procéder quand même selon les critères qui ont
été décrits dans la demande anticipée.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour votre réponse, Mme Leclerc. Je
passe maintenant la parole, pour 3 min 18 s, à la députée de Laviolette—Saint-Maurice.
Merci.
Mme Tardif : Mme Leclerc,
je vous réitère ce que mes collègues nous ont dit, là, mes sincères
condoléances, et j'aime croire que votre mère vous accompagne, donc, vous et
votre famille.
Dr L'Espérance, sans diminuer l'importance de
l'objection qu'un patient a au moment... ou la réaction qu'un patient peut
avoir au moment de lui administrer l'aide médicale à mourir suite à sa demande,
quel est l'impact de la médication qu'on donne au patient sur leur comportement
à... être heureux ou agressif? Parce que j'ai suivi aussi mon père jusqu'en fin de vie et j'ai constaté
qu'il y a des... certains médicaments qui les rendent agressifs,
malheureusement.
Et je sais que ce n'est pas dans ce projet de
loi, actuellement, ce n'est pas dans le projet de loi, mais on a reçu des demandes à avoir une certaine ouverture... Je
me questionne et j'aimerais avoir votre avis par rapport au fait qu'il y a
des parents qui ont vu leurs grands adolescents souffrir le martyre, qui ont
vécu le décès de leurs enfants avec des maladies incurables, irréversibles,
souffrants, tous les mêmes critères, là, et qui ont recommandé qu'on ait une certaine ouverture par rapport à la voie... que ce
soit la voie naturelle, raisonnablement prévisible... Surtout qu'il apparaît que,
peut-être incessamment, le gouvernement fédéral va modifier les critères
d'admissibilité. Donc, je veux avoir... Je ne me positionne pas, je veux avoir
votre avis médical par rapport à ces deux points. Merci.
M. L'Espérance (Georges) : Bon,
bien, effectivement, ce n'est pas dans le projet de loi. Notre position est
très claire là-dessus, et la mienne, comme
médecin, l'est encore plus : ce qu'on appelle les mineurs matures, disons
à partir de 12 ans, ce n'est pas tellement l'âge qui est important,
c'est la capacité de l'enfant de comprendre sa situation.
Deuxièmement, les jeunes qui ont le malheur
d'avoir de telles pathologies, d'abord, on s'entend que ce serait tous dans la
voie un, c'est-à-dire la mort naturelle raisonnablement prévisible. La très
grande... la totalité, ce sont des cancers, des saloperies, permettez-moi ce
mot qui n'est pas très parlementaire, ce sont des cochonneries, ce sont des
jeunes qui passent une partie de leur vie à l'hôpital. Ils ont des chirurgies,
de la radiothérapie, de la chimiothérapie, ils sont amputés. C'est effrayant.
Et on arrive à un jeune, disons, de 17 ans et demi et on lui dit :
Bien non, tu ne peux pas avoir l'aide médicale à mourir, attends six mois,
souffre encore, puis, à 18 ans, tu vas pouvoir demander. Alors, il y a
quelque chose de complètement incongru dans ça.
Et j'ajouterais que ces jeunes-là, puis moi,
j'en ai traités, au début de ma carrière, des jeunes avec des pathologies sévères,
là, ils ont une maturité que bien des gens n'ont pas à l'âge adulte. Et je
pense que de priver des jeunes de 12 à
18 ans de leur autonomie alors qu'ils sont très, très aptes à décider pour
eux-mêmes... je pense, ce n'est pas très correct, mais ça ne fait pas
partie du projet de loi actuel.
Mme Tardif : Et, par rapport à la
médication qu'on donne, est-ce que ça pourrait jouer sur le comportement, justement, d'une personne qui semble... ou qui...
Elle peut aussi changer d'idée, là, mais, parfois, elle semble changer d'idée,
et, des fois, j'attribue ça sur la médication qui est tellement forte, qui leur
est donnée et qui les rend agressifs.
M. L'Espérance (Georges) : Vous avez
raison. Pour des patients qui sont encore aptes, effectivement, on va voir des
modifications de comportement. Là, je sors pas mal de mon domaine de
compétence, même, mais il reste... c'est vrai que la médication peut amener une
modification du comportement chez des patients.
Maintenant, chez des patients qui sont devenus
inaptes, chez des patients déments, on va avoir les mêmes réactions
physiologiques ou physiopathologiques, mais on tourne toujours dans la même
chose : ce patient-là est devenu dément, ce n'est plus la même personne
qu'il a été pendant toute sa vie. Alors, je crois que c'est pour ça qu'on doit
respecter l'autonomie, la dignité de ce patient-là alors qu'il était lui-même
ou elle-même, là, alors que cette personne-là était elle-même ce qu'elle a été
toute sa vie, ce qu'elle a représenté, sa dignité et son autonomie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dr L'Espérance. À nouveau,
Mme Leclerc, merci beaucoup pour votre témoignage. Nos sincères
condoléances.
Je vais suspendre les travaux jusqu'à l'avis
touchant les travaux des commissions cet après-midi. Merci beaucoup à tous et à
toutes.
(Suspension de la séance à 12 h 27)
(Reprise
à 15 h 21)
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous
allons, donc, reprendre nos travaux avec la Commission des relations avec les
citoyens.
Je rappelle le
mandat, nous poursuivons, donc, les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les
soins de fin de vie et autres dispositions législatives.
Cet après-midi, nous
allons entendre les personnes et les organisations suivantes :
Mme Véronique Hivon, ancienne députée de
Joliette — je
peux maintenant nommer votre nom. Le Collège des médecins du Québec,
Mme Nicole Poirier de Carpe Diem—Centre de ressources Alzheimer, la Commission
sur les soins de fin de vie ainsi que le Curateur public du Québec.
Donc, pour ces
auditions particulières, je vous rappelle le temps... le temps des auditions,
donc, d'une durée maximale de 45 minutes : le temps du gouvernement,
16 min 30 s; celui de l'opposition officielle, neuf minutes... 8 min 35 s, parce que nous allons
avoir également le Parti québécois — vous
pouvez vous approcher — 2 min 52 s
pour le deuxième groupe d'opposition,
2 min 52 s pour la députée indépendante, ainsi que
2 min 12 s pour le Parti québécois.
Je vous rappelle,
Mme Hivon, que vous avez 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons ensuite à une période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite, donc, à vous présenter ainsi
qu'à commencer votre exposé. La parole est à vous.
Mme Véronique Hivon
Mme Hivon
(Véronique) : Merci, Mme la Présidente. Je suis Véronique Hivon,
ex-ministre et ex-députée de Joliette. Je tiens à remercier chaleureusement les
membres de la commission de m'avoir invitée à participer aux présentes
consultations. Cela témoigne d'une ouverture et d'une volonté renouvelée de
travailler en collégialité, qui transcende
même maintenant la fin des législatures et des engagements en politique active.
Je veux souligner, d'ailleurs, l'engagement de la ministre qui présente le
projet de loi en tout début de mandat, de l'ex-présidente de la commission
spéciale et de tous les porte-parole des oppositions. Vous êtes tous, je le
sais, très investis.
Mon mémoire est
composé de trois sections, beaucoup plus approfondies que ce que je pourrai
reprendre en 10 minutes, mais je
suivrai le même ordre. Je partagerai d'abord quelques remarques préliminaires,
puis je procéderais à une discussion générale des trois enjeux centraux
du projet de loi. Pour ce qui est de la dernière section, je présente mes
observations détaillées sur plusieurs des articles. Je n'aurai pas le temps de
l'aborder, mais il me fera plaisir d'en discuter pendant la période des
échanges.
D'abord, il
m'apparaît essentiel de débuter en rappelant l'importance, lorsque l'on parle
d'un enjeu aussi sensible et complexe que l'aide médicale à mourir, de
favoriser le débat social et parlementaire le plus large qui soit. Si on peut
statuer que les fondements du débat sont bien en place pour la question de la
demande anticipée, à la suite notamment de la commission spéciale et du groupe
d'experts Maclure, Filion, il n'en va pas de même pour la question du handicap,
qui n'a pas eu droit au même type d'exercice, contrairement à la tradition
québécoise, d'où l'importance d'aller au fond des choses dans le cadre de cette
consultation-ci et d'entendre largement, avec beaucoup d'ouverture et sans a priori, tous ceux qui souhaitent être entendus. Il
en va aussi du respect d'une forme de pacte qui a été conclu, je dirais, lors
des débats entourant la loi initiale, avec ceux qui avaient des craintes et qui
arguaient qu'une fois qu'une première
ouverture serait faite, les ouvertures successives se multiplieraient dans une
certaine forme d'automatisme, ce à quoi nous avions, bien sûr, répondu
que ce ne serait jamais le cas et qu'il en allait de la responsabilité première
des élus de retourner chaque pierre face à
chaque enjeu. Me sentant un peu comme la principale dépositaire de ce pacte à
ce jour, je souhaite le partager aujourd'hui avec vous, question que tous les
citoyens soient bien rassurés, évidemment, par le sérieux du travail qui
sera fait.
Deuxièmement, il faut
rejeter l'idée d'effectuer de nouvelles ouvertures au seul nom de
l'harmonisation avec le Code criminel. Cela signifierait de taire les débats et
d'y aller d'automatismes allant tout à fait à l'encontre de ce pacte que je
viens d'évoquer. La loi québécoise doit demeurer autoportante et ancrée dans
les perspectives, les valeurs et les
consensus du Québec. On se tendrait, de surcroît, un piège à nous-mêmes en
adoptant une telle approche, car ça aurait pour effet de rejeter le coeur même
du projet de loi n° 11, soit la demande anticipée qui est non prévue,
à ce jour, au fédéral, alors qu'elle entre parfaitement dans nos champs de
compétence. Dernière remarque, toujours garder en tête l'importance de ne pas
dénaturer ou rendre désincarnée la philosophie unique de la loi québécoise qui
intègre, on le sait, à la fois les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir
sur un continuum et de ne pas migrer vers une vision de l'aide médicale à
mourir comme un geste isolé.
Maintenant, sur la
discussion générale, la demande anticipée d'aide médicale à mourir. Je vais
passer rapidement sur les fondements de l'ouverture à l'aide médicale à mourir
par demande anticipée et sur mon positionnement, ceux-ci étant bien établis
dans le rapport de la commission spéciale de laquelle j'ai eu le privilège
d'être membre. Je continue à être convaincue que la demande anticipée en
prévision d'inaptitude est une avancée humaniste
significative qui permettra d'éviter des fins de vie extrêmement difficiles et
très souffrantes. Pour qu'il en soit véritablement ainsi, toutefois, un souci
constant pour les personnes vulnérables devra se manifester. L'encadrement
doit, donc, être extrêmement réfléchi, strict et rigoureux. De plus, pour que
cette ouverture ne demeure pas qu'une idée théorique, sa faisabilité doit être
une préoccupation constante. Ça signifie à la fois d'avoir des règles claires
et des médecins et IPS en nombre et expertise suffisants pour accompagner les
personnes désireuses de faire une telle demande. Il faudra assurément que la
sensibilisation et la formation soient au rendez-vous.
Au coeur de
l'encadrement de la demande anticipée se trouve, évidemment, le respect des
critères actuellement applicables. Si nous nous éloignons, par exemple,
du respect du critère central de la souffrance contemporaine au moment de
l'administration de l'aide médicale à mourir, ça signifierait qu'il serait
moins contraignant pour une personne devenue inapte que pour une
personne apte d'obtenir l'aide médicale à mourir, alors que tous conviendront
que la vulnérabilité plus grande des personnes inaptes commande, au contraire,
une vigilance accrue.
En ce qui a trait précisément, donc, aux
critères des souffrances constantes et insupportables, la formulation proposée
dans le projet de loi nous apparaît adéquate dans la mesure où elle indique
clairement que, pour que l'aide médicale à mourir soit administrée, il faudra à
la fois qu'il y ait présence de ce qui est mentionné dans la demande anticipée
et présence de souffrances vécues au moment de l'évaluation de la personne.
Certaines questions devront toutefois trouver des réponses sans aucune
ambiguïté dans le cadre de l'étude détaillée. Qu'est-ce qui sera considéré comme une demande faite, de façon détaillée, au
sens de l'article 29.3, cela se fera sur un formulaire où l'on coche des
cases ou par une véritable description faite par la personne permettant de
vraiment tenir lieu de témoignage?
Si une personne prend soin de faire une demande
anticipée et prévoit, dans le détail, certaines souffrances qu'elle ne voudrait
pas vivre, mais omet la principale forme de souffrance qui se révélera
finalement être la sienne, est-ce à dire
qu'on ne pourra lui administrer d'aucune façon l'aide médicale à mourir?
Pourrait-elle prévoir globalement que,
si elle souffre de manière constante et intolérable, elle veut recevoir l'aide
médicale à mourir ou ce serait jugé non conforme? Qu'en serait-il de la
personne qui ne souffrirait pas en lien avec la maladie ayant mené à son
inaptitude, mais qui aurait des souffrances
liées à une autre maladie grave et incurable, comme un cancer? Pourrait-elle
prévoir qu'elle veut aussi que ses
souffrances soient prises en compte? Il faudra, par ailleurs, qu'il soit bien
clair dans l'accompagnement des personnes que le fait d'avancer dans
l'évolution de la maladie et de franchir certains stades ne représente pas en soi une souffrance pouvant donner ouverture. Dans
un autre ordre d'idées, l'atteinte de certains stades pourrait toutefois
être jugée utile pour déterminer que la personne remplit le critère du déclin
avancé et irréversible.
L'inclusion du handicap neuromoteur. J'ai déjà
énoncé l'importance de faire un débat en profondeur sur cet enjeu et d'éviter à tout prix l'automatisme.
J'expose dans mon mémoire qu'un bref retour dans l'histoire établit que le contexte
dans lequel le terme a fait son entrée était bien différent de ce qui est
l'état des lieux dans un contexte maintenant non lié à la fin de vie. Ainsi,
l'inclusion signifiera-t-il qu'un jeune sportif de 20 ans qui perd l'usage
de ses jambes ou une pianiste qui perd l'usage de ses mains à la suite d'un
accident pourrait faire une demande si les autres
critères sont remplis? Je me questionne, d'ailleurs, en passant, dans mon
mémoire, sur l'applicabilité du critère du déclin à une situation de
handicap, de surcroît, quand on parlerait d'un handicap de naissance, puisque
c'est un concept lié davantage à l'évolution d'une maladie qu'à un état. Bref,
c'est tout un changement de paradigme, mais je pense qu'il faut aller au fond
des choses.
• (15 h 30) •
Au-delà, donc, de la question fondamentale qui
demeure de savoir s'il est opportun ou non, socialement et éthiquement,
d'ouvrir cette possibilité, parmi les questions qui méritent d'être
approfondies, je mentionnerais en priorité :
Quelle est la définition de handicap neuromoteur? Le projet de loi devrait,
selon moi, inclure une définition pour assurer
une compréhension commune et une application prévisible du concept. Par
ailleurs, quelle serait la justification de limiter l'aide médicale à
mourir au seul handicap neuromoteur? En vertu de quel principe serait-il
légitime de permettre l'aide à mourir pour
des souffrances liées à la perte de l'usage d'une jambe ou d'un bras, par
exemple, mais pas de la vue ou de l'ouïe? Devrait-on prévoir un
encadrement spécifique à ces situations, notamment pour s'assurer qu'une
période d'adaptation nécessaire à l'apprivoisement d'une nouvelle réalité à la
suite d'un accident, par exemple, soit
applicable avant qu'une personne puisse faire une telle demande? Ce ne sont pas
des éléments, selon moi, qui peuvent être laissés uniquement à la pratique et
au terrain, car ils sont à la base de l'exercice d'un droit potentiel.
En terminant, le retrait du critère de fin de
vie, j'ai peu de temps pour aborder cet enjeu qui est discuté dans mon mémoire,
je vais juste mentionner rapidement que le critère de fin de vie n'étant plus
appliqué dans la pratique depuis le jugement
Gladu-Truchon, un peu plus que deux ans, cela a donné lieu à l'application d'une
mesure différenciée pour les
personnes qui ne sont pas en fin de vie, un fameux 90 jours qui est dans
le Code criminel, et a des interprétations autonomes sur le
terrain qui ont des effets significatifs et qui méritent, à ce stade-ci, qu'on
s'y arrête afin de déterminer si le législateur souhaite qu'elles perdurent ou
corriger le tir.
Alors, je serai maintenant heureuse de répondre
à vos questions et d'échanger avec vous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme Hivon. Alors, justement, pour
répondre à ces interrogations, ces questionnements, ces commentaires, je vais
céder la parole à Mme la ministre.
Mme Bélanger : Mme la
Présidente, Mme Hivon. Ça fait vraiment plaisir de vous rencontrer. Je
pense que c'est la première fois que je vous rencontre en personne en plus,
même si j'ai l'impression de vous connaître depuis quand même plusieurs années.
Je veux quand
même souligner qu'aujourd'hui, c'est notre première journée de ces
consultations particulières. Et, ce matin, donc, on a ouvert le bal en
recevant déjà différentes personnes. Et vous ne serez pas surprise que, dans
les groupes que nous avons reçus ce matin, déjà plusieurs nous ont parlé de la
notion de handicap et même suggéré d'enlever la notion du terme, en particulier
«neuromoteur», pour ne conserver que la notion de handicap dans une perspective
de s'arrimer avec le fédéral, mais aussi parce qu'étant donné que tous les
critères sont déjà bien décrits dans la loi, c'est-à-dire être... avoir une
maladie incurable, être... avoir des souffrances physiques, psychologiques
difficiles à supporter, difficiles à être apaisées, donc, comme tous les
critères sont là et le côté de l'irréversibilité, donc, pour les gens qui sont venus témoigner ce matin, ils nous ont dit :
Bien, pourquoi préciser la notion de neuromoteur dans ce cas-là, puisque
le handicap devrait, s'il répond à certains critères qui sont déjà énoncés, ça
devrait être suffisant pour bien baliser l'aide médicale à mourir?
Mme Hivon
(Véronique) : Alors, d'entrée de jeu, merci beaucoup pour la question.
Vous aurez compris de mon propos que je pense que ce débat-là doit être fait en
profondeur sur le fond des choses, sur l'opportunité même d'ouvrir. Et je pense
qu'au coeur de la réflexion vont devoir être entendus, comme vous allez le
faire dans quelques jours, les groupes qui représentent les personnes
handicapées, les personnes handicapées. Où est le consensus social là-dessus?
Comme moi, j'imagine, vous avez reçu beaucoup de commentaires sur cet enjeu-là depuis
que le projet de loi a été déposé.
Si d'aventure c'est maintenu dans le projet de
loi, je pense qu'effectivement c'est une question légitime. Vous connaissez mon
point de vue, pas à cause d'une question d'harmonisation avec le fédéral, je
veux le redire, je pense que c'est un piège que le Québec se tendrait d'être
dans une logique pure d'harmonisation. On n'aurait jamais bougé en 2009. Le Code
criminel n'était pas ouvert à l'aide médicale à mourir, et là on ne bougerait
pas sur la demande anticipée, ce qui, je pense, serait une grave erreur parce
que c'est ancré dans un consensus social solide. Donc, je pense que, si on fait
l'ouverture, si les parlementaires décident de la faire, c'est parce qu'ils
vont juger que c'est en accord avec ce qui est bien, le bien commun de la
société et les personnes qui sont directement touchées.
Ceci dit, si on est dans ce cas de figure là, je
pense effectivement que la question se pose : Qui peut juger et en vertu
de quel principe serait-il plus souffrant, nécessairement, par exemple, de
perdre l'usage de ses jambes que de perdre l'usage de sa vue ou de son ouïe?
Qui va déterminer ça? Donc, je pense que c'est excessivement complexe si on
rentre là-dedans.
Même chose, le handicap intellectuel. En fait,
si on y va pour le handicap, ça, c'est un autre élément, sans définition, sans
restriction, en théorie, si une personne qui a un handicap intellectuel est
toujours apte à consentir, et vous savez
très bien que ça peut être le cas, et le handicap pourrait quand même être jugé
grave et incurable, ça ouvre cette porte-là aussi. Ce ne sont pas des
petits débats. Alors, ce qui m'inquiète quand...
Puis je comprends la position des médecins, là.
Je comprends que, sur le terrain, si tout était pareil, ce serait plus simple et plus confortable. Mais la
responsabilité de la société puis des parlementaires, c'est de voir tous les
angles et de faire cette agrégation-là.
Alors, de ce point de vue là, je pense que c'est
une question légitime qui est soulevée : Est-ce que neuromoteur devrait
rester ou pas s'il y a ouverture? Mais surtout : Quelle est la définition
qu'on donne? Est-ce que les jeunes dont je parlais, qui peuvent vivre une
souffrance psychique terrible à la suite d'un accident, un sportif, une
pianiste, est-ce qu'ils ont droit à cette possibilité-là? Parce que je pense
que ça va toujours pas mal, après la période d'adaptation,
être considéré incurable et pas mal toujours quand tu perds l'usage d'un membre
grave. Donc, où on va mettre la limite? D'où l'importance, je pense, que
ce travail-là se fasse dans le cadre du projet de loi.
Mme Bélanger : Mme Hivon,
vous avez beaucoup d'expérience, vous avez mené le premier projet de loi, vous
avez fait partie de la commission spéciale sur les soins de fin de vie.
J'aimerais peut-être juste revenir sur la notion de handicap. Je comprends,
dans la présentation que vous nous avez faite tantôt, que vous êtes favorable à
la notion de handicap neuromoteur, mais en ayant la précaution de bien
entendre, de bien examiner la question. Est-ce qu'à la lumière de l'expérience que vous avez depuis des années vous
êtes ouverte à ce que, dans le projet de loi, il y ait seulement la
notion de handicap et qu'on exclue complètement le volet neuromoteur?
Mme Hivon (Véronique) : Je ne
suis pas... Je ne me positionne pas... vous allez trouver ça fatigant, là, mais
je ne veux pas me positionner aujourd'hui
sur le bien-fondé de l'ouverture au handicap. Pourquoi? Parce que, justement,
je pense que, dans la tradition québécoise, on a toujours fait d'abord,
d'habitude, des débats dans des commissions spéciales
sans a priori, en entendant tout, en n'ayant pas de position de départ. Et je
pense que c'est très simple de le faire comme ça en démocratie. Puis ce n'est
pas «parce que», c'est juste que je ne veux pas orienter les choses par rapport
à ça.
Donc, ce que je vous dis, c'est que ce n'est pas
une mince affaire et que l'encadrement, si les parlementaires, le législateur
décident d'aller de l'avant, il va être essentiel, selon moi, pour même
envisager cette ouverture-là.
Parce que j'entendais ce matin... Puis j'ai
beaucoup de respect pour Dr L'Espérance puis je sais qu'il a référé à moi
aussi. J'ai beaucoup de respect avec lui, puis des fois il y a des choses,
beaucoup de choses sur lesquelles on s'entend.
Mais, quand moi, j'entends les médecins dire : Vous savez, on ne le fera
pas, là, à quelqu'un, on ne donnera pas
l'aide médicale à mourir si ça fait juste un an qu'il a eu un accident puis
qu'il a perdu l'usage de ses jambes, mais qui qui va décider ça? À
partir du moment où c'est dans une loi puis qu'il n'y a rien qui le détaille et
qui le définit, si un médecin dit : Oui, ça répond aux critères, c'est
grave et incurable, bien, il va peut-être le donner. Quelqu'un d'autre va
peut-être avoir une appréciation différente, d'où l'importance que ce soit
clairement dit.
L'autre chose sur la question du handicap qui me
laisse un peu perplexe, c'est que, ce matin, on entendait que tout handicap découle d'une maladie. Bien, si
c'est ça, la position, puis que tout handicap découle d'une maladie, je ne
comprends même pas pourquoi on fait un débat. Parce que la maladie grave et
incurable, elle est dans le projet de loi. Puis, s'il y a des symptômes
qui sont ceux d'un handicap qui en découlent, la personne est admissible.
Si le débat
se fait, c'est parce qu'on fait une distinction, selon moi, fort à propos. Ce
n'est pas exactement la même chose.
Le handicap, c'est plus un état, c'est plus qu'une maladie qui va évoluer.
Alors, ce n'est pas rien comme affaire.
Puis je dis dans mon mémoire, je fais une petite
recension historique, qu'il ne faut pas oublier que, quand ce mot-là, là, est apparu dans le Code criminel, on était dans un contexte de fin de vie, de mort raisonnablement
prévisible, ça fait que c'était pratiquement une vue de l'esprit. Un
handicap ne vous mène pas en soi à être en fin de vie. Et là, quand le critère a tombé à la suite du jugement
Gladu-Truchon, le mot, il est resté dans le Code criminel, mais il n'y a pas eu un débat en profondeur sur ce que ça
voulait dire, maintenant qu'on n'était plus en fin de vie. Alors, je pense que,
maintenant, le Québec, avec le sérieux qu'il donne à ce dossier-là, doit le
faire, ce débat-là.
Mme Bélanger :
...je ne peux pas faire autrement que poser une autre question, j'ai encore
un peu de temps. Trouble mental, j'aimerais
ça vous entendre. Vous avez participé à la commission spéciale sur les soins de
fin de vie, puis c'était une des recommandations, d'exclure
complètement... (panne de son) ...trouble mental, et c'est ce qu'on a fait dans
le projet de loi que j'ai déposé. J'aimerais vous entendre à ce sujet-là.
• (15 h 40) •
Mme Hivon (Véronique) : Bien,
essayant d'être généralement cohérente avec moi-même, je partage toujours la
position que j'avais comme membre de la commission spéciale. Je pense que c'est
la bonne position, pas parce qu'il n'y a pas
de souffrance, mais parce que c'est d'une telle complexité — c'est
la même chose pour le handicap, c'est la même chose pour la demande
anticipée — que
l'idée même d'ouvrir doit s'accompagner d'une certitude que ça va être applicable avec toutes les balises
nécessaires. Et, au sortir des travaux de la commission spéciale, on n'avait
pas atteint ce niveau de sérénité, comme élus, que cette certitude-là était là.
Mme Bélanger : OK. Merci.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci, Mme
la ministre. Il reste encore à 7 min 35 s. Mme la députée de
Vimont.
Mme Schmaltz : Bonjour,
Mme Hivon. En fait, j'aimerais bien vous entendre sur la définition de la
souffrance intolérable. Et vous avez mentionné tantôt de ne pas... de
sortir, justement, du concept d'harmonisation. Si on sort de ce concept-là et
on définit la... si on arrive à définir la souffrance intolérable, est-ce qu'on
devrait personnaliser, à ce moment-là, le débat... bien, le débat, je veux
dire, sur la question?
Mme Hivon (Véronique) : Oui.
C'est une très bonne question. La souffrance intolérable, en fait, je dirais
que c'est vraiment ce qui devient intolérable pour la personne dans des
conditions qu'elle juge acceptables.
Exemple, avec la demande contemporaine, là, qui
existe en ce moment, vous souffrez tellement de votre cancer qu'on doit vous donner tellement des doses importantes de calmants, que vous êtes
somnolent, que vous venez à faire un
délirium, que vous avez des hallucinations, quelqu'un peut dire : Bien là,
on essaie de calmer mes souffrances, mais
les effets secondaires sont tels que ce n'est pas dans des conditions que je
peux juger acceptables. Et ce niveau-là, il est très défini par la
personne avec l'appréciation du professionnel compétent qui l'accompagne.
Évidemment, quand on est dans la demande
anticipée, il y a une complexité plus grande parce que la personne, au
moment 2... Moi, je dis toujours : Il y a le moment 1, où on
fait l'écriture de notre demande anticipée, on
a eu notre diagnostic, on est aptes, puis il y a le moment 2 où, là, on
n'est plus aptes et qu'un tiers de confiance, par exemple, dit : Je
pense que ma mère est rendue à éprouver des souffrances intolérables et je
voudrais qu'on évalue.
Donc, comment on va faire ça? Bien, je pense que
ce qui est dans le projet de loi est exactement comment on doit le faire,
c'est-à-dire de se fier sur le témoignage de la personne de manière anticipée,
mais de s'assurer que ce n'était pas juste une projection anticipée d'une
souffrance, mais qu'au moment 2, quand la personne est devenue inapte et qu'on
constate qu'elle semble souffrir, qu'effectivement elle souffre. Puis là je ne
suis pas médecin, donc les médecins vont pouvoir vous répondre, mais, pour mes
échanges avec eux, on est capable, physiquement puis aussi psychologiquement,
de voir si une personne devient soudainement très agitée et se met à faire de
l'errance, a des hallucinations, est crispée, a peur dès qu'une personne rentre
dans son appartement, dans sa chambre. Ce sont des manifestations de souffrance. Et, pour que ce soit intolérable,
bien, il faut évidemment que ce soit jugé, que la personne n'a plus de
bien-être et aussi que c'est constant dans le temps.
Donc, ça, je fais juste un petit aparté, vous
l'avez dans la section C, là, du mémoire, j'ai noté que, pour la demande
anticipée, au lieu de «souffrance constante», vous avez mis «souffrance
persistante». Je vous soumets humblement que je pense que, pour ne pas créer de
confusion, ce serait mieux de garder toujours les mêmes critères, «constante»,
et que la persistance peut être mesurée en amenant un autre élément qui est là
pour la demande contemporaine, qui est de
mesurer la persistance de la souffrance à des moments différents. Donc, ça, je
l'expose en détail, je pense qu'on ferait une pierre deux coups :
on aurait la notion de persistance, mais on ne créerait pas une confusion entre
constance et persistance.
Mme Schmaltz : ...je peux
ajouter juste une dernière petite question. Pensez-vous qu'au final... Là, on
parle, on a des critères, on a... bon, on a
élaboré quelque chose, mais, au final de tout ça, ça repose quand même, la
décision finale, sur le professionnel
de la santé qui va lui-même juger, peut-être hors critères, de se dire :
OK, bien là le moment est arrivé, et non pas parce que la personne, à ce
moment-là, est en crise physique très visible. Il peut aussi... Ça repose,
finalement, à une décision entièrement humaine, là, si je comprends.
Mme Hivon
(Véronique) : Totalement humaine, extrêmement complexe,
extrêmement difficile. Et je pense que les médecins vont porter une charge
encore plus forte que celle qu'ils portent, et les infirmières praticiennes,
évidemment, si c'est accepté, à l'heure actuelle, parce que de donner
l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui n'est plus là pour le demander en
temps réel, c'est une charge professionnelle et émotive assurément très forte,
d'où l'importance que l'encadrement soit très clair.
Puis c'est pour ça que, quand je dis... C'est
des questions réelles, là. Quand je dis : si quelqu'un a pris le temps de faire sa demande, elle était apte,
qu'elle a prévu les souffrances, mais qu'elle a été accompagnée d'une manière
qu'on n'a pas prévu une forme de souffrance qui va s'avérer être la forme de
souffrance qui l'affecte le plus, mais qu'elle ne l'aura
pas décrite, qu'est-ce qu'on va faire avec ça? Moi, j'ai un point de vue. Je pense
qu'on devrait être capable de définir de manière relativement large, tout en
étant capable de juger qu'on a eu un consentement, mais pour ne pas vivre des
situations comme celles-là.
Même chose si une personne a un cancer et
qu'elle souffre atrocement de son cancer, mais pas de sa maladie d'Alzheimer.
Moi, je comprends, quand c'est écrit dans le projet de loi, que ça doit être
lié, que les souffrances qui sont décrites
doivent être liées à la maladie, je suis tout à fait d'accord avec ça, mais,
s'il y en a une autre, maladie, comme un
cancer en plus de la maladie d'Alzheimer, ce n'est pas une vue de l'esprit, là,
ça peut arriver. Est-ce que la personne peut le prévoir?
Donc, c'est des questions d'application qui, je
pense, doivent vraiment habiter les parlementaires pour qu'après, sur le
terrain, ça se passe bien parce que ça va déjà être extrêmement complexe.
Mme Schmaltz : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Mme la ministre.
Mme Bélanger : Ça va aussi,
oui.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : J'ai encore deux minutes. Est-ce que j'ai d'autres
questions? Mme la députée d'Abitibi-Ouest, la parole est à vous.
Mme Blais : Merci,
Mme Hivon, d'être avec nous aujourd'hui. Que signifie, pour vous, mourir
dans la dignité?
Mme Hivon (Véronique) : Mourir
dans la dignité, selon moi, c'est mourir en étant, je dirais, dans un état où
on est capable d'avoir le sentiment qu'on est encore soi-même et qu'on est
capable de vivre l'étape ultime de notre vie
de manière conséquente, avec nos valeurs et sans souffrance. Donc, je pense que
c'est ça, si on me demande c'est quoi, mourir dans la dignité.
Pour ce qui est de la question de la demande
anticipée, c'est beaucoup plus complexe. J'entendais, ce matin, les débats sur
la question de souffrance existentielle. Petit aparté : selon moi, la
souffrance existentielle fait partie de la souffrance psychique. Ça a toujours
été interprété comme ça. Pour ce qui est de la demande contemporaine, en ce
moment, des gens vont manifester toutes sortes de souffrances psychiques, y
compris existentielles, qui va faire partie
de l'évaluation, mais c'est sûr que c'est beaucoup plus complexe. Et, si vous
me dites : Est-ce que du seul fait de projeter une souffrance qu'on
pourrait traverser, mais qui peut-être ne s'avérera pas? Je ne pense pas qu'on
peut aller jusque-là, parce qu'il faut aussi faire attention de ne pas
complètement déshumaniser quelqu'un qui évolue dans le cadre d'une maladie dégénérative comme la maladie d'Alzheimer. Beaucoup
de personnes vont encore avoir des moments où elles vont apprécier la vie de
différentes manières. Elles n'auront pas de grandes souffrances, elles vont
vivre des pertes, mais elles vont avoir encore des petits bonheurs.
Donc, je pense qu'il faut intégrer ça dans la réflexion.
Mme Blais : Merci.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour ces
échanges. Je me retourne maintenant du côté de la députée de Westmount—Saint-Louis.
Pour votre bloc, vous avez 8 min 35 s.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Mme Hivon, Véronique. Vraiment un plaisir de
t'avoir parmi nous aujourd'hui. Moi,
je veux revenir, évidemment, sur la notion de handicap. Comme tu sais sans
doute, je suis très préoccupée de l'ajout de notions et je ne veux pas
faire fausse route. Puis je pense que personne, ici, ne souhaite faire fausse
route en ce qui concerne l'ajout de la notion de handicap parce que, comme on a
dit à maintes reprises, on n'est plus dans l'état, là, maintenant, on est dans
la maladie. Puis là on a entendu les témoignages précédents que peut-être nous
devons enlever la notion de neuromoteur. Tu l'as élaboré un peu, en ce qui
concerne cette notion, mais on a aussi
entendu qu'on devrait rayer ou d'ajouter la notion, que ce ne serait pas
applicable pour les personnes qui sont dans une situation de handicap,
déficience intellectuelle. Mais on peut imaginer qu'on parle de quelqu'un qui souffre d'une déficience intellectuelle grave,
hein? Ça fait que cette personne sera en situation d'inaptitude, c'est clair.
Mais, pour
une personne, mettons, si on enlève la notion de neuromoteur, mais «handicap»
reste, une personne autiste, par exemple, qui est apte mais souffre d'une
déficience intellectuelle, mais apte à consentir à des soins, comment
devons-nous traiter ça dans la loi? Puis, si on ne le traite pas puis on laisse
juste tel quel, est-ce que c'est une discrimination
envers eux puis leur possibilité d'autodéterminer s'ils rejoignent tous les
autres critères, évidemment, de maladie comme tu viens d'évoquer? Une
personne qui est gravement malade, une personne autiste peut être atteinte d'un cancer, par exemple, et être en fin de vie,
mais, si ce n'est pas adapté, est-ce que ça se peut que cette personne n'aura
pas le droit de faire une demande d'aide médicale à mourir?
• (15 h 50) •
Mme Hivon (Véronique) : Vous
avez des bonnes questions, je trouve. Donc, je veux juste... Je suis allée chercher, là, en temps réel : «Constitue un
handicap toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie
en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une
altération substantielle durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales,
cognitives ou psychiques.» Donc, je pense que ça vous montre à quel
point c'est large, la notion de handicap.
Le
handicap, c'est le fait d'avoir des limitations dans ton interaction avec ton
environnement, dans le fond. Et c'est beaucoup plus un concept social, même,
que médical, alors c'est pour ça que ce n'est pas une mince affaire. Puis je
sais que je me répète, mais c'est parce que, oui, on peut comprendre que les
médecins viennent dire : Oui, mais là ça serait plus clair. OK. Mais,
socialement, ça veut dire quoi? Si une personne autiste, capable de consentir,
a un cancer, bien, elle a une maladie grave et incurable, elle a un cancer, en
vertu de son cancer, elle veut obtenir l'aide médicale à mourir, ça va. Si une
personne autiste juge que l'autisme est un handicap, puis vous voyez comment la
définition est large, est-ce à dire que, si elle juge qu'elle souffre de
manière intolérable et que son déclin est avancé et irréversible, qu'elle
pourrait obtenir l'aide médicale à mourir?
Puis moi, je comprends
que les médecins disent : Bien, on ne le fera pas. OK. Peut-être que le
médecin qui vient vous dire ça, il ne le fera pas. Mais, si on ne le précise
pas dans la loi, est-ce que la personne va dire : Bien, excusez, moi, j'ai droit à ça, là? Il y a une ouverture
dans la loi qui devrait me permettre d'y avoir accès. C'est ça, tout le noeud de l'affaire et pour lequel il faut aller
au fond des choses dans la loi parce que ça ouvre la possibilité d'exercer
des droits.
Donc, je pense que la
notion de handicap, elle est extrêmement large. Mais ce que je dis, par
ailleurs, c'est que... Qu'est-ce qui,
philosophiquement ou éthiquement, si vous décidez d'aller de l'avant avec le
handicap, justifie une distinction entre les différentes formes de
handicap?
Mme Maccarone :
Selon toi, qu'est-ce qu'il peut arriver s'il n'y a pas un consensus en ce
qui concerne la terminologie qui serait adoptée dans cette loi?
Mme Hivon
(Véronique) : Bien, je pense que ce qui est fondamental, c'est que la
société sache ce qu'il se passe comme débat.
Donc, ça a l'air d'un grand principe, là, mais je vous explique. Si c'est
adopté, c'est large, on s'est dit : Oui, oui, oui, ça va bien se
faire, tout ça, puis que, dans deux ans, il y a la une d'un journal, je ne sais
pas, qui dit qu'un jeune homme de 25 ans qui a eu un accident il y a
18 mois a été jugé répondre aux critères, puis que, là, la société dit : Wo! Bien là, ça va trop loin,
je pense qu'il faut avoir ça en tête, parce qu'on ne veut pas perdre l'ensemble
du consensus et du travail qu'on a fait, qui est sur des bases extrêmement
solides jusqu'à maintenant, y compris sur la demande anticipée, pour une
question qui n'aurait pas été suffisamment débattue ou correctement comprise.
Mme Maccarone :
Une notion de... le formulaire, on a entendu beaucoup de questions
là-dessus. Est-ce que tu penses que ça
serait important de voir le formulaire pendant que nous sommes en consultation
pour s'assurer que la population aussi peut s'exprimer en ce qui concerne
les critères de demandes anticipées?
Mme Hivon
(Véronique) : C'est une... Je pense que c'est toujours un plus. Quand
on avait fait la première loi, on n'avait
pas le formulaire, là, écrit, là, parce qu'on se comprend que ça va prendre du
monde vraiment du terrain, avec une
conscience très profonde de ce que ça veut dire, médecins, travailleurs
sociaux, psychologues, infirmières... bon, il va falloir qu'il y ait des
gens très... Mais on avait comme exposé ce que seraient les grands principes du
formulaire, comment on encadrerait ça globalement pour pouvoir avoir une idée,
parce que c'est de l'essence même, je pense, de l'ouverture à une nouvelle
forme d'aide médicale à mourir, une nouvelle circonstance de savoir comment on
va l'encadrer. Puis moi, je pense que ce n'est pas banal de savoir :
Est-ce que c'est des cases qu'on va cocher ou est-ce qu'on va faire un témoignage? Parce qu'entre vous et moi il y a des gens
qui vont les cocher toutes, les cases, parce qu'ils vont dire : Là,
ça va bien. Moi, je ne voudrais vivre aucune, aucune souffrance.
Donc,
est-ce que ça va vraiment avoir une plus-value par rapport à un témoignage où
la personne va vraiment exprimer ce
qu'elle juge être des souffrances? Alors, ça peut être un mélange des deux
aussi, mais ce n'est pas anodin, tout ça, là.
Mme Maccarone :
Ça me ramène à ma dernière question, et, s'il reste du temps, ma collègue
souhaite poser des questions aussi. Mais, dans le mémoire que tu as déposé, tu
souhaites qu'il y a une période prévue avant la mise en vigueur, parce que ça
prend la formation, entre autres, en ce qui concerne cet formulaire, puis
l'application, puis c'est quoi, le rôle de
chaque personne à l'intérieur d'une demande anticipée, ou autre. C'est quoi, le
temps que, toi, tu penses que nous devons prendre pour assurer que
l'application de la loi, qui sera potentiellement, peut-être adoptée... qui
devrait être mise en vigueur?
Mme Hivon
(Véronique) : À la loi initiale, on avait prévu 18 mois. Puis on
l'avait prévu pourquoi? Parce que je pense qu'il y a une question d'efficacité
puis de mettre les gens en mouvement, quand on sait qu'il y a une échéance,
plutôt que de dire à une date indéterminée. Donc, je pense que certainement un
horizon de 18 mois ou 12 mois,
là... parce que ça peut être un peu moins, parce que le grand est fait, mais ça
va être... je veux dire, le grand premier pas est fait. Mais la demande anticipée, si on parle de demande
anticipée, le handicap, c'est autre chose aussi. Il va y avoir des
guides, éventuellement, pour la demande anticipée, des guides de pratique, tout
ça. Donc, il faut donner un temps suffisant. C'est clair.
Mme Maccarone :
C'est qui qui devrait s'occuper de cette formation?
Mme Hivon (Véronique) : Bien, je pense que c'est des... les ordres professionnels,
très certainement. Je pense que le
ministère doit être très vigilant dans une concertation avec les ordres
professionnels. L'autre chose, maintenant que les IPS vont être là, je
pense que ça va être important aussi qu'il ait comme une unification de comment
chaque ordre va un peu
traiter les choses, notamment quand la Commission des soins de fin de vie
renvoie un dossier pour lequel ils
ont des questions, qu'il y a une certaine uniformisation. Donc, probablement
qu'il va falloir qu'ils travaillent... qu'ils travaillent ensemble.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup, Mme Hivon, pour ces réponses. Je cède mettant la parole à
la députée de Sherbrooke pour une période de 2 min 52 s.
Mme Labrie :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Hivon, Véronique. Contente de
te retrouver. Sur la notion de handicap, vous avez été très claire que ça prend
un débat public, que le Québec doit faire ce débat-là, mais je ne suis pas certaine d'avoir compris le
processus auquel vous nous appelez. Est-ce que, pour vous, les auditions qui ont cours dans le cadre de ce projet de loi là
constituent en soi ce grand débat public que le Québec devrait tenir ou est-ce
que vous nous invitez plutôt à retirer ça du projet de loi, puis à le faire en
commission spéciale? Parce que ça m'apparaît quand même important de...
oui, effectivement, de tenir ce débat-là, mais de le faire dans les bons
paramètres.
Mme Hivon
(Véronique) : Je dirais que, si... Parce que, là, le retirer puis
dire : On va aller faire une commission spéciale, là probablement qu'il va
y avoir d'autres enjeux, puis tout ça. Si vous décidez de le garder, je pense
qu'il faut juste avoir l'ouverture de dire : OK, s'il y a des groupes qui
se disent : Moi je veux être entendu, on les
entend. Je sais c'est quoi, la vie parlementaire, le rôle de leader, puis tout
ça. Mais ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas se contraindre pour après avoir une épine dans le pied, de
dire : Le processus n'a peut-être pas été assez légitime parce
qu'on n'était pas allé en profondeur puis on n'a pas fait la... Ça fait que
moi, je dirais : Minimalement, dans ce cadre-ci, donnez toute la place
qu'il faut à cet enjeu-là.
Deuxièmement, je
ferais aussi une consultation en ligne. On a toujours fait ça pour les autres
enjeux. On l'a fait dans la commission spéciale. Ça permet aux gens de
s'exprimer, de répondre à des questions, de se positionner, la population en général, les personnes qui vivent
en situation de handicap, je pense que ce serait un plus. Et, si, dans le cours, ensuite, de l'étude détaillée, vous jugez
qu'il y a vraiment besoin d'éclaircissements, moi, je vous recommanderais de
refaire, on avait fait ça pour la commission spéciale numéro un, des auditions,
quitte à ce que ça soit en plus petits groupes, de vraiment approfondir ça.
Mme Labrie :
Donc, c'est possible de le faire dans le cadre de ce projet de loi, mais en
gardant toujours les auditions ouvertes, à la limite, tout au long du
processus.
Mme Hivon
(Véronique) : ...consultations en ligne puis vraiment ne pas escamoter
le débat. Je suis tannante avec ça. Mais, si
on est dans une logique d'harmonisation pure, jusqu'où ça va mener? Je veux
juste vous dire, il y a des gens qui
vont dire : La loi québécoise, là, on n'en a plus besoin, on tasse ça, ce
qui serait une perte énorme parce qu'on a une philosophie unique au monde d'un continuum de soins palliatifs et
d'aide médicale à mourir. Ça fait qu'il faut être extrêmement prudent de
tomber dans ces automatismes-là.
Donc,
faisons un débat en profondeur. Puis, si vous êtes capables de le sortir pour
comme dire : On fait quelque chose en parallèle puis on le ramène,
super, là! Je pense qu'on peut être créatif aussi.
Mme Labrie :
Pour que personne ne puisse déplorer de ne pas avoir pu se faire entendre
dans le cadre du processus...
Mme Hivon (Véronique) : Ou
de ne pas le savoir. Moi, je me rends compte qu'il y a beaucoup de... il y a
beaucoup d'incompréhension par rapport à ça, beaucoup.
• (16 heures) •
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup pour cet échange intéressant. Je vais maintenant donner la
parole à la députée de Laviolette—Saint-Maurice pour une période de
2 min 52 s également.
Mme Tardif :
Avant le Parti québécois?
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Oui.
Mme Tardif : Ah! merci. Merci. Bonjour, Mme Hivon. C'est un plaisir. Tout
d'abord, j'aimerais vous remercier au nom de la société québécoise, parce
qu'effectivement on vous prête le qualificatif de mère de cette loi, mais vous
êtes mère de plusieurs lois. Donc, merci pour le temps que vous avez passé en
politique.
Là, j'ai une question
et je me demandais comment vous vous positionnez par rapport à une situation
où, au moment où la personne qui est atteinte du stade qu'elle a décrit, soit
par formulaire ou suite à une rencontre, mais elle l'a décrit clairement et
elle est apte à recevoir l'aide médicale à mourir, mais que son comportement,
qui peut peut-être, souvent, parfois être
affecté par la médication, donne l'impression qu'elle ne veut plus l'aide
médicale à mourir, est-ce que vous seriez portée à vous référer au
formulaire et à ce qu'elle a demandé initialement ou vous seriez porté à
dire : Ouf! On attend?
Mme Hivon (Véronique) : Oui.
Je pense qu'il faut se mettre dans les chaussures, pour prendre une mauvaise
expression anglaise, de l'équipe soignante.
Donc, c'est eux qui vont vivre cette situation-là, extrêmement perturbante, je peux l'imaginer. Moi, je
suis d'avis que le plus clair la demande anticipée peut être par rapport à ça,
le mieux ce serait.
Donc, que la personne indique que, si elle a des manifestations qu'on peut
juger cliniques liées à sa maladie, qui semblent s'apparenter à un refus
mais qu'elle est inapte, qu'elle est prête à ce qu'on passe outre, je pense que
ça donnerait un niveau de confort ou de
sérénité plus grand. Ça ne veut pas dire que c'est obligatoire, mais je pense
que ça pourrait être une piste intéressante.
Par ailleurs, comme
les intervenants de ce matin, je pense que la distinction entre un refus et un
rejet lié à la maladie, ça, c'est un plus du projet de loi, là, je trouve que
c'est bien, bien indiqué. Mais c'est vrai, est-ce qu'on peut vraiment parler de
refus quand on est inapte ou c'est plus une manifestation d'une réticence ou
d'un rejet? Moi, le point supplémentaire que j'amène, pas pour vous compliquer
la vie, mais c'est la cohabitation entre le refus que vous prévoyez dans le
régime et le refus catégorique qui est à l'article 16 du Code civil. Je
dois vous dire que je me demande comment ces
deux régimes-là vont cohabiter. Parce que... si une personne est jugée refusée
catégoriquement, on peut aller devant le tribunal pour demander une
autorisation, alors que, là, comme c'est écrit dans le projet de loi, s'il y a
un refus, même s'il n'est pas catégorique, c'est supposé rendre la demande
caduque.
D'ailleurs,
je note, dans la partie de mon mémoire, que je pense qu'il faut assouplir ça,
là. Ça ne peut pas être final, une fois on a évalué, elle a refusé, eu
des manifestations, on rejette la demande, là. Donc, je pense qu'il faut
apporter un soin à ça, là.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup. Alors, pour terminer ces... ces échanges, pardon, je laisse la
parole au député des Îles-de-la-Madeleine, pour une période de
2 min 12 s. La parole est à vous.
M. Arseneau : Merci, Mme la Présidente.
Merci beaucoup, Mme Hivon, de votre présence. C'est un beau cadeau
que vous nous faites aujourd'hui, en ce jour de votre anniversaire.
Des voix :
...
M. Arseneau :
J'aimerais revenir, on a deux minutes, sur la question du critère de soins de
fin de vie. En fait, vous l'avez mentionné
suite au jugement, là, Gladu-Truchon sur le handicap, mais qui était associé à
une fin de vie imminente, si j'ai bien compris, alors qu'aujourd'hui il
y aurait un danger de désincarner, que ce soit un acte médical séparé.
Pouvez-vous élaborer là-dessus?
Mme Hivon
(Véronique) : Je dirais deux choses, là, je l'ai dit tout à l'heure,
quand le mot «handicap» a fait son entrée, il était avec le critère de mort
raisonnablement prévisible dans le Code criminel, il faut toujours garder ça à
l'esprit. Quand ils ont enlevé le critère, le débat en profondeur ne s'est pas
fait sur toutes les implications. Je pense que
c'est ce qui peut expliquer notamment que les gens, dans le reste du Canada,
sont aussi un peu dubitatifs, ça se fait, mais très peu. Mais, au Québec, avec l'expérience qu'on a, et tout, on
peut se douter qu'il y aurait des demandes. Donc, c'est pour ça qu'il
faut y penser.
Les éléments que j'ai
mis dans le 3, le point 3 de ma section B, c'est vraiment, dans le projet
de loi, il y a un choix qui est fait de ne pas différencier une personne qui
est en fin de vie, de pas en fin de vie, il n'y a pas de trajectoire
différente. Dans le Code criminel, ils ont mis un 90 jours si vous n'êtes
pas réputé être en fin de vie, donc, entre l'évaluation et le moment où vous
pouvez recevoir l'aide médicale à mourir. Et loin de moi l'idée de vouloir harmoniser, je veux juste porter à votre attention
que, sur le terrain, ce 90 jours là, il est appliqué. Alors, si le Québec
juge que lui ne veut pas différencier, je pense qu'il doit être très
conscient qu'il doit dire quelque chose là-dessus ou, au contraire, s'il veut
différencier, qu'il le fasse pour garder une loi québécoise autoportante.
Et
la dernière chose que je voudrais dire là-dessus, ça fait un peu plus que deux
ans, le critère de fin de vie a sauté. Quand on avait fait la loi, vu
qu'on était dans un contexte de fin de vie, on n'avait pas spécifié que les
souffrances éprouvées par une personne doivent être en lien avec sa maladie
grave et incurable, parce qu'on est en fin de vie, ça nous semblait aller de soi. Là, sur le terrain, on a jugé que, si les
souffrances étaient vécues, maux de dos, côlon irritable, migraines récurrentes, et qu'elles ne sont pas en
lien avec la maladie grave et incurable, qui pourtant est le critère pour
donner ouverture, que c'était acceptable.
Mais je vous soumets
juste la question éthique suivante : Si une personne souffre des mêmes
symptômes, de maux de dos chroniques, de
côlon irritable, de migraine récurrente, mais qu'elle n'a pas, par ailleurs,
une maladie grave incurable, elle ne
pourra pas avoir l'aide médicale à mourir. C'est le genre d'interprétations qui
sont faites sur le terrain. Donc, si vous voulez changer un peu ça, je
pense que c'est le moment de s'y pencher dans le cadre du projet de loi puisque
le critère est retiré.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Sur ce, merci beaucoup,
Mme Hivon, pour votre apport non seulement à la commission spéciale... la
commission spéciale, mais également la commission que nous représentons. Alors,
au nom de tous les membres de cette commission, du personnel, merci encore. Et
je me permets un joyeux anniversaire pour cette belle journée...
Mme Hivon
(Véronique) : ...de la plus belle des manières.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Encore
merci. Alors, je suspends les travaux pour quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à
16 h 06)
(Reprise à 16 h 09)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Les travaux de la
commission reprennent. Nous recevons maintenant le Collège des médecins, qui
est représenté par le Dr Maurice Gaudreault, président,
ainsi que le Dr Alain Naud, administrateur. Alors, je vous rappelle que vous
avez 10 minutes pour votre exposé. Vous commencez par vous
présenter, ensuite, s'ensuivront les périodes de questions. La parole est à
vous.
Collège des médecins du
Québec (CMQ)
M. Gaudreault
(Mauril) : Merci. Bonjour à tous et toutes. Mme la ministre
Sonia Bélanger, Mme la présidente Lucie Lecours, membres de la commission,
merci d'entendre, cet après-midi, les commentaires du Collège des
médecins du Québec, sur le projet de loi n° 11,
modifiant la Loi concernant les soins
de fin de vie.Nous voulons notre
témoignage éclairant et constructif pour vous, les parlementaires. Nous
sommes aujourd'hui la voix des patients qui ont droit à un soin. Nous sommes
aussi la voix des médecins qui veulent le prodiguer en toute légalité et sans
ambiguïté.
• (16 h 10) •
Je suis le Dr
Mauril Gaudreault, médecin de famille depuis plus de 50 ans, président du
Collège des médecins du Québec depuis un peu plus de quatre ans, et j'ai
déjà été doyen associé à la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke. Je suis accompagné du Dr Alain
Naud, médecin de famille, lui aussi, qui prodigue les soins palliatifs et de
fin de vie depuis près de 40 ans. Il a été témoin expert au procès
Gladu-Truchon. Il est également membre du conseil d'administration du Collège
des médecins du Québec.
Nous sommes ici pour faire valoir certains
aspects médicaux qui devraient être pris en compte dans le nouveau projet de
loi. D'abord, nous sommes heureux que la ministre Bélanger reprenne, avec
autant de conviction, un projet de loi mort au feuilleton l'an dernier et
qu'elle le bonifie. On reconnaît là l'empreinte de son expérience clinique. Les
avancées de cette nouvelle version du projet de loi sont nombreuses, et je veux
prendre le temps de les souligner. Enfin, les infirmières praticiennes
spécialisées pourront administrer l'aide médicale à mourir, comme c'est déjà le cas pour l'ensemble de leurs collègues
partout ailleurs au Canada depuis 2016. Enfin, toutes les maisons de soins
palliatifs devront dorénavant offrir l'aide médicale à mourir. Aux dernières
heures de leur vie, des personnes n'auront plus ainsi à quitter en
ambulance ces maisons pour aller mourir sur un lit d'hôpital.
Nous saluons
aussi les dispositions qui autoriseront, en temps et lieu, les demandes
anticipées. Nous soulignons, bien sûr, aussi le retrait du critère de
fin de vie, de toute manière inopérant depuis le jugement de la Cour supérieure
de 2019, dans l'affaire Truchon, et qui n'a
pas été porté en appel. Nous sommes heureux également de l'obligation pour
les établissements de constituer un groupe interdisciplinaire d'experts pour
soutenir les professionnels de la santé et des services sociaux qui participent
à l'offre des soins de fin de vie.
Et, en terminant, le retour du handicap comme
critère d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Ce terme est inclus dans le Code criminel. C'est un droit
reconnu d'un bout à l'autre du Canada depuis 2016, sauf au Québec. Nous
nous en réjouissons de revoir ce terme de handicap au nom des personnes
souffrantes, au nom des médecins qui ne pouvaient soulager ces personnes. Nous
avons cependant un questionnement. Le projet de loi parle d'un handicap
neuromoteur. On y voit bien, bien sûr, une tentative d'harmonisation des deux
lois, mais pas tout à fait. Aujourd'hui, dans
tout le Canada, sauf au Québec, toutes les personnes atteintes d'une maladie,
d'une infection ou d'un handicap grave et incurable peuvent être
admissibles à l'aide médicale à mourir.
On
comprend... La question qu'on se pose : Que veut faire le législateur en
associant le terme neuromoteur au mot handicap? C'est ça, notre
questionnement principal. On comprend, bien sûr, qu'il veut exclure notamment
les personnes atteintes d'un handicap intellectuel, mais, du même coup, il
exclut, par exemple, des personnes souffrant d'un handicap grave de naissance,
de syndromes héréditaires qui ne sont pas forcément des handicaps neuromoteurs,
mais qui sont inclus dans les critères
d'admissibilité de l'aide médicale à mourir partout ailleurs au Canada. Cela ne
fera, encore une fois, qu'entretenir,
à notre avis, de la confusion chez la population et chez les soignants et cela
ne changera rien pour les personnes handicapées intellectuelles qui sont
déjà bien protégées par les critères existants.
On peut supposer que le législateur veut éviter
que le terme «handicap» non balisé mène à des dérives. Pourtant, il est bien encadré par les autres critères obligatoires, soit
une souffrance jugée insupportable et inapaisable, le caractère grave et
incurable de la condition et l'aptitude à consentir aux soins. En considérant
les autres critères d'admissibilité et les mesures de sauvegarde pour baliser
ce soin, à notre avis, aucune personne ne pourrait se qualifier si elle est seulement atteinte d'un handicap mineur. La
présence du terme «handicap», sans aucun qualificatif associé parmi les
critères d'admissibilité, n'a pas conduit, à notre reconnaissance, à des excès
ou à des dérives dans tout le reste du Canada depuis 2016. Pourquoi en
serait-il autrement au Québec?
Si on veut enfin autoriser les personnes
souffrantes affligées de handicaps lourds ici à accéder à l'aide médicale à
mourir, ne restreignons pas ce droit davantage qu'ailleurs au pays. Sur le plan
médical, à notre avis, c'est injustifiable.
On ne peut accepter qu'une personne d'Ottawa, par exemple, puisse pouvoir
mettre fin à ses souffrances grâce à l'aide médicale à mourir, tout en
refusant celle-ci à une personne de Gatineau affligée des mêmes handicaps. Je
l'ai dit, je le redis, il ne peut y avoir deux lois pour une même souffrance.
Sur la
question des demandes anticipées, nous constatons cette grande avancée pour la
société québécoise bien que le Code
criminel ne le permette pas encore. Il faut, dès lors, je pense, prévoir les
dispositions et décrets nécessaires pour son entrée en vigueur.
Cependant, nous constatons un ajout, comparativement au texte du projet de loi
n° 38, qui stipule qu'au moment de
l'administration du soin la personne devra objectivement éprouver les
souffrances décrites dans sa demande anticipée, en plus des souffrances
physiques ou psychiques persistantes et insupportables qui ne peuvent être apaisées.
Cela pourrait-il rendre certaines demandes anticipées inapplicables?
Qu'adviendra-t-il si, par exemple, le patient n'éprouve pas d'autre
souffrance que celles prévues à sa demande? Ce faisant, va-t-on à l'encontre du
respect des valeurs, de l'autodétermination,
des volontés et des droits de la personne? Là encore, le collège fait entendre
la voix des personnes souffrantes et la voix des médecins qui ne peuvent
prodiguer ce soin dans la confusion. Mourir dans
la dignité, c'est aussi pouvoir terminer sa vie chez soi et bénéficier des
soins palliatifs à domicile. Au Québec, ce n'est malheureusement pas toujours le cas, et, même à l'hôpital, la
dignité n'est pas toujours présente, malheureusement. Nous saluons,
donc, la volonté affirmée de la ministre que les soins à domicile se déploient
davantage et nous lui offrons notre entière collaboration.
En terminant,
impossible pour nous de ne pas vous en parler, la question des troubles
mentaux. Le collège respecte la volonté de la ministre de faire le débat sur
cette question. Le collège comprend aussi qu'il faut avancer à un rythme qui
tient compte de l'acceptabilité de la société. Sur le plan médical, cependant,
le collège estime que le Québec ne peut plus
et ne doit plus être en retard sur le reste du Canada. Lorsque la santé mentale
sera autorisée comme seule ou principale condition médicale invoquée
d'un océan à l'autre, il ne faudra pas laisser des années s'écouler avant que les Québécoises et les Québécois
puissent y avoir accès. D'ici là, il faudrait convenir d'une terminologie
relative aux troubles et à la maladie, car les deux termes sont utilisés
comme synonymes par les gouvernements fédéral et provincial.
Du reste, nous
estimons que le niveau de souffrance engendré par certains problèmes de santé
mentale est aussi inapaisable que pour toute autre maladie physique. Penser
autrement, pour nous, c'est stigmatiser les personnes atteintes de problèmes de
santé mentale. Cela perpétue le préjugé qu'elles ne sont pas aptes à prendre
des décisions, et qu'on doit forcément les
protéger d'elles-mêmes et décider à leur place. Et à celles et ceux qui
prétendent qu'il y a, à court terme,
un espoir de guérison, le collège répond que c'est, entre-temps, condamner ces
personnes à des souffrances auxquelles,
chaque jour, elles préfèrent souvent la mort. Le collège, d'ailleurs, a
réfléchi sur cette question et a proposé des balises cliniques claires dans le rapport de son groupe de réflexion
sur l'aide médicale à mourir en décembre 2021. Par respect pour ces
personnes souffrantes, donc, Mme la ministre, il faut accélérer la réflexion
sur cette question.
Nous
vous remercions de toute l'attention que vous avez portée à nos propos et que
vous accorderez au mémoire détaillé,
que nous avons transmis, la même attention. Dr Naud et moi sommes prêts à
répondre à vos questions et à accueillir vos commentaires. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Messieurs,
merci beaucoup pour cet exposé. Maintenant, je vais céder la parole à la
ministre pour une période de 16 min30 s.
Mme Bélanger :
Alors, merci beaucoup, Dr Gaudreault, Dr Naud. Je veux saluer, d'entrée de
jeu, la grande implication du Collège des médecins depuis l'adoption de la
première loi concernant les soins de fin de vie. Je pense que c'est important de mentionner que le Collège
des médecins a toujours été présent, collaboratif, ouvert, soucieux de donner une qualité de soins et services exemplaire
à la population. Et donc merci beaucoup pour cette grande implication.
Nous
avons reçu votre mémoire, je l'ai lu attentivement. Il y a plus d'une dizaine
de recommandations, là, j'y vais de mémoire, mais vous en avez soulevé
quelques-unes. Elles sont toutes très importantes, mais vous ne serez pas
surpris que, dans le fond, ma première question va être en lien avec le
handicap neuromoteur.
• (16 h 20) •
Donc, nous avons
débuté nos travaux ce matin, et, dès ce matin, là, c'est une question qui est
très importante, qui a été soulevée,
d'ailleurs, par des collègues médecins, que vous connaissez sans doute, et qui
recommandent aussi de ne pas, je
dirais, aller de l'avant avec la notion spécifique du neuromoteur et de laisser
la question de handicap bien présente dans le projet de loi, mais sans
spécifier la nature de handicap. Donc, vous recommandez aussi, donc, la même
chose, donc, de retirer le volet neuromoteur.
Ma question, dans le
fond, est : Comme Collège des médecins, est-ce que vous n'avez... vous ne
craignez pas qu'il y ait des dérives, justement, si on ne précise pas, dans
notre projet de loi, la définition de handicap?
M. Gaudreault (Mauril) : Écoutez, .je vais faire... On va toujours fonctionner un peu comme ça.
Alors, je vais débuter la réponse, Alain va compléter.
Mme Bélanger :
Parfait.
M. Gaudreault
(Mauril) : En fait, ce qui nous préoccupe,
c'est beaucoup, c'est beaucoup de priver des personnes
qui souffrent et qui ne répondent pas à ce fameux qualificatif de neuromoteur.
Et je vous dirais tout de suite, il faut garder les choses simples. Je ne
connais aucun médecin qui veuille contourner les lois ou son code de déontologie.
La notion de handicap, à notre avis, est
claire partout au Canada, sauf ici. À notre connaissance, je le répète, il n'y
a pas eu de dérive nulle part au Canada à ce sujet-là.
Et, en tout respect,
vraiment, en tout respect, pour vous, là, à vouloir clarifier davantage, je
pense qu'on complique les choses. Il existe
effectivement plusieurs sortes de handicaps, qu'ils puissent être visuels,
auditifs, sensoriels, physiques ou neuromoteurs. Les balises, à mon
avis, pour éviter les dérapages, sont déjà claires, et je ne pense pas qu'il soit utile d'en ajouter. Le
Québec, sur le plan médical, je le répète, a déjà sept années de retard, sept
années pendant lesquelles des personnes n'ont pas eu accès aux soins médicals
disponibles ailleurs au Canada. Nous pensons qu'il faut corriger cette situation et qu'il faut regarder la personne
globalement, peu importe l'origine de son handicap.
En
ajoutant le terme «neuromoteur», nous estimons que vous n'aidez pas les
personnes, que vous n'aidez pas les médecins non plus. Dans les faits, on
risque de continuer à priver de soins des Québécoises et des Québécois. Pour
nous, pour moi, il s'agit de personnes, de personnes qui ont des handicaps et
qui sont lourdement affectées par ces handicaps-là. Et je ne pense pas qu'il
soit nécessaire de définir l'origine de ce handicap, mais de regarder l'état global de la personne qui en est arrivée à
demander ce soin. Et vous aurez compris que, pour nous, c'est toujours un soin
à l'aide médicale à mourir, s'il y a d'autres soins, mais c'est un soin pour
lequel le médecin, et bientôt l'infirmière praticienne
spécialisée, tant mieux, auront des discussions avec le ou la patiente par
rapport à la possibilité d'utiliser ou d'administrer ce soin.
Complément.
M. Naud (Alain) : Mme la
ministre, la réponse à votre question : Est-ce que nous craignons des
dérives? La réponse, c'est non. Vous savez, quand on a commencé à parler d'aide
médicale à mourir en 2009 au Québec, là, on a fait
le même genre de prévisions apocalyptiques. Là, vous savez, il y aura des
dérives, et on va prendre la pente glissante. On va utiliser ça pour vider les CHSLD. On va utiliser ça pour libérer
des lits, économiser de l'argent dans les hôpitaux. Ça fait sept ans
maintenant, au Québec, qu'on pratique l'aide médicale à mourir, et il n'y a pas
eu de dérive, et ça n'a pas été utilisé pour vider les CHSLD.
Alors,
à chaque fois qu'on parle d'élargissement, on revient toujours avec ces mêmes
prévisions apocalyptiques là. Et
c'est très bien d'y aller avec prudence et, je pense, c'est très bien, et c'est
parfait, là, dans l'exercice, de retourner, là, chacune des pierres.
Mais, vous savez, il y a eu une hécatombe dans les CHSLD, dans les trois
dernières années, puis c'était à cause de la COVID, là. Ce n'était pas à cause
de l'aide médicale à mourir.
En 2014, quand le
Québec a adopté sa propre loi, c'était remarquable. À l'époque, le Québec
devenait la société la plus avant-gardiste et la plus progressiste en Amérique
du Nord et réussissait à introduire l'aide médicale à mourir comme un soin de
santé, justement, parce qu'on le limitait aux gens qui étaient en fin de vie,
malgré que le Code criminel le prohibait
toujours. Et c'était remarquable. Mais il faut comprendre que, depuis ce
temps-là, il y a eu le jugement unanime de la Cour suprême du Canada qui
est l'arrêt Carter en février 2015, où la Cour suprême, encore une fois, dans
un jugement unanime, a posé des balises qui sont à la fois très simples et très
claires. Et on arrivait alors dans un tout
autre paradigme. Ce n'était plus l'aide médicale à mourir pour mourir plus
rapidement, c'était l'aide médicale à
mourir maintenant qui s'adressait à des patients avec des maladies, affections,
handicaps graves et incurables et qui rencontraient, par ailleurs,
toutes les autres balises pour mettre fin à des souffrances sans égard à la
durée de vie qui pouvait rester. Et le message de la Cour suprême, il était
très clair : Le droit à la vie ne doit pas se transformer en obligation de
vivre. Si vous avez une maladie, une affection ou un handicap grave et
incurable, que vous avez des souffrances que vous ne voulez plus tolérer, avec
un impact sur votre vie constant, et que vous n'en pouvez plus, que vous êtes
rendu au bout de la route que vous étiez prêt à prendre.
Donc, on était
complètement ailleurs. La difficulté qu'on a au Québec, c'est qu'on ne s'est
jamais ajusté à l'évolution du droit, des
jugements qui ont eu lieu dans l'aide médicale à mourir depuis l'adoption de
notre propre loi, ce qui fait qu'on est passé de la société la plus
progressiste en Amérique du Nord à la province, depuis juin 2016, la première
modification du Code criminel, à la province la plus injustement restrictive
dans l'accès à l'aide médicale à mourir, et
que, depuis toutes ces années-là, nous avons sept ans de retard maintenant,
nous avons des patients, j'en ai eus, mes
collègues en ont eus, des patients que nous avions dans nos lits, extrêmement
souffrants, qu'on a regardés mourir, en faisant des grèves de la faim,
qu'on a regardé se suicider parce que nous ne pouvions pas accéder à leur
demande. Depuis sept ans que le Canada anglais fonctionne avec les balises
claires que la Cour suprême a données, maladies, infections, handicaps, il n'y a jamais eu de dérapage ou de dérive au
Canada anglais. Pourquoi en serait-il différemment au Québec? Pourquoi
serions-nous différents à cet égard?
Il faut bien
comprendre que la notion de handicap n'est pas un passe-droit automatique vers
l'aide médicale à mourir non plus, hein?
Alors, il y a une série de critères, il y a une série de balises. Et, comme
médecins, ça fait sept ans, maintenant, que nous utilisons ces
balises-là qui doivent toutes être rencontrées, donc, on parle d'un handicap
grave et incurable avec un impact, hein, sur
un déclin avancé et irréversible des capacités. Alors, il est très évident que
quelqu'un qui perd un oeil ne pourrait pas avoir accès à l'aide médicale
à mourir. C'est le cas dans tout le Canada depuis 2006, et il n'y a pas de
raison qu'il en soit, là, différemment, là, ici, au Québec.
Mme Bélanger : ...Dr Naud, je pense que
c'est important de mentionner, là, que je ne voudrais pas qu'on fasse le lien, dans cette salle, entre les personnes
aînées qui vivent en CHSLD et ce qu'il s'est passé durant la COVID. Et ma
question était davantage sur la notion de handicap «at large», mais vous y avez
répondu, là, vers la fin de votre intervention.
Je suis un petit peu
surprise d'entendre qu'au Québec on a sept ans de retard. Sept ans de retard
par rapport à qui, à quoi? J'ai plutôt
l'impression, surtout quand je consulte les différents rapports de la
Commission des soins de fin de vie ainsi que d'autres groupes, qu'au
contraire au Québec on a développé toute une approche très professionnelle, interdisciplinaire.
Puis je veux saluer encore une fois le travail du Collège des médecins, l'Ordre
des infirmières ainsi que d'autres collèges
professionnels, le ministère de la Santé. Et on est même cité en exemple dans
la façon d'aborder les soins de fin
de vie au Québec. Ceci étant dit, on n'est pas parfait, mais je suis très
surprise d'entendre qu'on a sept ans de retard. Donc, il faudra
certainement, éventuellement, qu'on regarde ça de notre côté.
Et je vais aussi
vouloir examiner qu'est-ce qu'il se passe réellement dans les autres provinces
par rapport à la notion de handicap? Parce
que, dans le fond, là, c'est vraiment ça, là, je dirais, le coeur de notre
discussion, là. Et puis je voulais
vous entendre là-dessus, mais merci, vous l'avez bien fait, mais je pense
qu'il va falloir continuer d'examiner la situation de près. Je suis très
sensible aux arguments que vous avez apportés.
Peut-être une
dernière question de mon côté, puis après je pourrais laisser la parole à mes
collègues. J'aimerais vous entendre sur le volet du trouble mental. Vous savez
que, lors de la Commission spéciale sur les soins de fin de vie, il y a eu... on a reçu plusieurs recommandations dont une,
d'exclure tout à fait le trouble mental du projet de loi que j'ai déposé. Et j'aimerais vous entendre sur la
notion de trouble mental. On est à la première journée, là, de nos rencontres,
mais on va avoir d'autres groupes qui vont venir nous entretenir du volet du
trouble mental, mais comme Collège des médecins, j'aimerais vous entendre à ce
sujet-là.
• (16 h 30) •
M. Gaudreault
(Mauril) : ...je veux vous dire que nous
respectons les parlementaires qui, au niveau fédéral, ont décidé de retarder tout cela d'un an, prétextant que la société
n'était pas prête à aller de l'avant, puis c'est tout à fait... on est
tout à fait d'accord avec ça. Ce que nous aimerions, c'est que nous, on se
prépare à cela également au Québec, par rapport à une décision prise, peut-être
dans un an, de permettre à des personnes, pour lesquelles le seul problème en est un état de santé mentale, de pouvoir avoir
recours à ce soin, ce soin qu'est l'aide médicale à mourir. C'est ça que
nous proposons. On propose de le faire avec vous également, là, de toute cette
réflexion-là, puis d'y participer.
Mais, nous,
au collège, en 2021, on a mis sur pied un groupe de réflexion qui a fait des
travaux pendant sept mois, pour, par la suite, proposer un
positionnement officiel de notre ordre professionnel en décembre 2021, dans
lequel on parle de santé mentale, de problèmes de santé mentale. Et, quand on a
fait ça, on a fait des sondages au niveau de la population, on a fait des
sondages au niveau de la communauté médicale québécoise, on a reçu des mémoires
de diverses personnes, la plupart étant des
médecins, on a consulté des experts et on en est venu à la conclusion, puis
c'est très bien décrit dans notre positionnement puis dans notre
document, qu'il faudrait regarder cela comme il faut puis permettre ce soin
éventuel à adapter à des patients qui souffrent de problèmes de santé mentale.
Mais on décrit très bien les balises, très bien
la discussion puis très bien l'attention qu'il faut porter à cela. Puis ce n'est pas pour n'importe quel problème de
santé mentale, c'est pour des problèmes de santé mentale qui durent
depuis des décades, depuis des dizaines d'années, pour lesquels divers soins
ont été tentés, etc., et pour lesquels la personne demeure apte à prendre des
décisions pour elle-même au bout de ces décades-là de traitements qui ont été efficaces et qui entraînent des souffrances
d'ordre psychique, mais tout aussi importantes que les souffrances physiques
et inapaisables.
Donc, notre position, elle est celle-là, elle
est très bien décrite dans notre guide, dans notre document. Et je le répète,
là, je veux dire, pour nous, il s'agit de vous recommander de débuter dès
maintenant une réflexion là-dessus pour
arriver quelque part au même point lorsque le gouvernement fédéral prendra une
décision à ce sujet-là. C'est dans ce sens-là qu'on veut s'exprimer
aujourd'hui là-dessus.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, je pense que la députée de Soulanges
avait une question. Il reste 2 min 22 s. La parole est à vous.
Mme Picard : Merci, Mme la
Présidente. J'aimerais vous entendre un petit peu plus... bien, pas
précisément, mais j'aimerais avoir un exemple
où, en Ontario, si la loi est telle qu'elle, avec le neuromoteur, en Ontario,
quelqu'un y aurait accès et pas ici.
Pouvez-vous nous décrire un cas que vous avez rencontré, peut-être, pour nous
faire une meilleure tête, là, dans nos réflexions?
M. Gaudreault
(Mauril) : Bien, là-dessus, je vais
demander au clinicien qui est avec moi, là, de...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Dr Naud.
M. Naud (Alain) : ...était
médecin urgentologue au Québec, ici, a déjà travaillé pour le Collège des
médecins. 2008, fait un accident de moto, se retrouve quadriplégique,
fait de la réadaptation. Dr Deblois avait des ressources, alors ce n'était pas par manque de ressource, là,
il habitait sa propre maison, totalement adaptée, avec un préposé 24/7. Il
a même recommencé à travailler,
éventuellement, comme médecin. 10 ans plus tard, il ne trouvait plus de
sens à sa vie. Et qui suis-je, moi, comme clinicien, pour lui dire qu'il
devrait en trouver un? Dr Deblois, le 16 février 2018, est allé mourir en Suisse, à la clinique Dignitas. Et je ne
sais pas si vous avez une idée de ce que c'est d'aller mourir en Suisse,
là, mais c'est dans un quartier industriel, dans un bâtiment anonyme, vous
allez mourir loin de chez vous, loin de vos proches qui, un mois plus tard,
reçoivent une petite boîte de cendres, là, par la poste. En 2018, Dr Deblois
aurait été admissible à l'aide médicale à mourir partout ailleurs au Canada,
sauf au Québec.
Je vous réfère rapidement dans un autre... à un
autre un autre exemple, Caroline Lamontagne, et je vous invite à aller
voir un récit numérique, sur le site de Radio-Canada, qui a été mis sur le site
Web en décembre dernier, décembre 2022. Caroline Lamontagne avait
33 ans. Lors d'une plongée dans un lac, une simple baignade, une simple
plongée, une vague lui a frappé le cou. Elle a été victime d'une fracture de C1
qui l'a laissée quadriplégique. Caroline Lamontagne
a fait de la réadaptation, elle aurait eu une... récupéré partiellement au
niveau des épaules. Après deux ans et demi, Caroline Lamontagne
jugeait que sa vie n'avait plus de sens, elle n'avait plus aucun plaisir à vivre. Elle a dit : Là, le matin, moi, quand
je me réveille, là, tout ce que je regarde, c'est le plafond, c'est ma journée
et c'est ça, ma nuit, puis, si je
n'ai pas personne, ce n'est rien d'autre. Qui suis-je, moi, pour lui dire
qu'elle devrait trouver un sens à sa vie, Caroline Lamontagne? Et
je vous invite à aller voir sur le site Web, parce qu'il y a un reportage et un témoignage vidéo de Caroline Lamontagne
qui dure six minutes. Et, si vous vous demandez encore qui sont ces gens-là
qui ont un handicap, qui font une demande d'aide médicale à mourir, en six
minutes, vous allez tout comprendre.
Le 20 octobre 2022,
Caroline Lamontagne a reçu l'aide médicale à mourir chez elle, accompagnée
de son mari, un ami et de son fils, dans sa maison, parce qu'elle vivait en
Alberta. Caroline Lamontagne aurait pu recevoir l'aide médicale à mourir au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, en
Ontario, partout ailleurs au Canada, sauf au Québec. Et
je vous invite vraiment à regarder le reportage vidéo qui dure
6 min 20 s et à réfléchir. Si vous aviez été là, à ce moment-là, qu'auriez-vous dit à Caroline
Lamontagne pour lui expliquer qu'il y a seulement qu'au Québec qu'elle n'aurait
pas pu mettre fin dignement à ses jours comme elle le souhaitait, alors que,
partout ailleurs, c'est un droit acquis?
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Dr Naud, sur cette grande
question, je vais devoir passer maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis pour une période de 9 min 54 s. Donc, on poursuit
l'échange, cette fois avec la députée de Westmount. La parole est à
vous.
Mme Maccarone : De Westmount—Saint-Louis.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci.
Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Un plaisir de vous avoir avec nous
aujourd'hui. Merci beaucoup pour votre témoignage, pour votre mémoire et
aussi d'avoir partagé l'histoire de Mme Lamontagne. Évidemment, je pense
qu'on peut tous constater que c'est une histoire triste. Je pense qu'on est
tous ici... Puis je regrette que je ne l'aie pas dit auparavant, mais on est
une belle brochette féminine, autour de la table, vous avez toute notre écoute,
puis on est ici parce qu'on souhaite aider des personnes comme
Mme Lamontagne.
Mais, quand je vous entends dire qu'il n'y a pas
de dérive depuis 2016, moi, je n'ai pas vu la preuve de ça. On voit, il y a des journalistes derrière vous,
j'espère que quelqu'un va creuser pour voir. Puis ce n'est pas parce que je ne
vous crois pas, mais c'est parce que moi, je n'ai pas lu. Ça se peut qu'il y a
eu des dérives. Et, moi, personnellement, je suis ici pour éviter, pour
éviter qu'on en a, des dérives. S'ils n'en ont pas eu, tant mieux, mais je suis
sincèrement préoccupée que, si on n'en met pas, des balises, des critères, des
définitions avec une compréhension commune dans cette loi, on risque d'avoir
des balises.
Puis j'ai entendu qu'on parle de la comparaison
avec, par exemple, en Ontario ou Alberta, mais... Puis je constate que c'est important pour moi, peut-être,
de regarder la météo ailleurs, mais ce n'est pas parce qu'il pleut en Alberta
que je vais ouvrir mon parapluie ici, au Québec. Puis je pense que c'est
important aussi d'amener notre saveur, de qui nous sommes ici, comme Québécois
et Québécoises, pour s'assurer qu'on a une loi qui reflète nos valeurs aussi.
Ça fait que je vous soumets la question, parce
que vous avez raconté l'histoire de Mme Lamontagne, mais, si, mettons...
C'était l'exemple que j'avais posé, plus tôt, à les gens qui sont venus
témoigner, de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité,
l'exemple de quelqu'un, jeune, athlète, 24 ans, peut-être similaire à l'histoire de Mme Lamontagne, qui est
maintenant quadriplégique. Puis, dans leur mémoire, il dit : «J'ajoute
qu'aucun médecin ne répondrait à une
demande d'aide médicale à mourir d'un adulte blessé médullaire avant une
période reconnue de réadaptation qui s'échelonne sur plusieurs années.»
Selon vous, c'est quoi, cette période?
Parce que, si on n'a pas de balise dans la loi,
ça se peut qu'à Chicoutimi, pour eux, c'est cinq ans, ça se peut qu'au CUSM — je
vois Dr Gfeller est avec nous — ça
se peut qu'au CUSM c'est deux ans, ça se peut, ailleurs, c'est 10 ans. Comment
allons-nous déterminer qu'on a une compréhension commune de ça? C'est ma grande
question. Si on enlève la notion de
neuromoteur puis qu'on n'en a pas, de définition puis des balises, comment
allons-nous s'assurer qu'on ne fait
pas fausse route puis qu'on respecte l'autodétermination et les choix des
personnes comme Mme Lamontagne?
Parce que ce n'est pas moi qui va déterminer la
souffrance de cette personne puis... malgré que vous, les médecins puis les
professionnels de la santé, vous allez hériter cette question. Puis j'ai
énormément de respect pour le corps
professionnel puis ceux qui vont administrer l'aide médicale à mourir, parce
que, mon Dieu! je ne peux même pas imaginer être dans cette position.
Vous êtes quand même des êtres humains, vous-mêmes, puis ça reste que c'est
quand même des choix qui sont, à quelque part, existentiels et subjectifs.
Voilà.
• (16 h 40) •
M. Gaudreault
(Mauril) : Un, pour les dérives au Canada,
au reste du Canada, à notre connaissance, je l'ai dit tantôt, il n'y a pas eu
de dérive. Oui, je suis d'accord avec Mme Bélanger, là, on va aller voir
comme il faut par rapport à tout cela s'il y en a eu, des dérives, ou pas. OK?
Au Québec, il n'y a pas eu de dérive, tu sais? Vous pourrez peut-être
demander... poser la question au Dr Bureau plus tard, aussi, par rapport à tout
ça, mais il n'y en a pas eu, de dérive, ici, et, à notre connaissance, il n'y
en a pas eu ailleurs au Canada. Mais je suis tout à fait d'accord pour qu'on aille voir de façon sérieuse s'il y en
a eu ou pas, là, tu sais, ce n'est pas... il ne s'agit pas de se lancer là-dedans
tout à coup, sans prendre les précautions nécessaires. Ça, c'est la même chose
par rapport aux dérives. C'est ma première réponse à votre question par rapport
aux dérives.
Par rapport aux cas, moi, je suis un gars de
Chicoutimi, ça fait qu'à Chicoutimi, je ne sais pas, peut-être que ça prend cinq ans, peut-être... puis avec Gfeller,
au CUSM, ça prenait deux ans, je ne le sais pas. Mais tout ça, je veux dire, c'est cas par cas, hein, je veux dire, ça
dépend des patients. Les patients, il faut toujours les écouter, qu'est-ce
qu'ils veulent, qu'est-ce qu'ils ressentent comme sentiment, qu'est-ce
qu'ils ont comme désir, qu'est-ce qu'ils veulent. Mais c'est toujours une discussion que le médecin a avec son ou sa
patiente par rapport au problème et par rapport aux avenues, par rapport
à un plan de traitement, par rapport à un pronostic possible. Et donc cheminer
là-dedans, ça peut prendre, pour une
patiente de 24 ans... ça peut prendre 10 ans, pour une autre ça peut
prendre quatre ans. Ça ne peut pas prendre quatre semaines, là, tu sais,
on va s'entendre là-dessus, là.
Mais c'est cas par cas puis de décisions entre
le professionnel compétent — moi,
je dis «médecin» parce que je suis président
du Collège des médecins, mais là on va dire «infirmière praticienne
spécialisée» aussi, bien sûr — donc,
professionnel compétent et son patient ou sa
patiente. Je veux dire, c'est de définir le plan de traitement ensemble puis
de convenir des divers soins possibles, dont celui-là.
M. Naud
(Alain) : Vous savez...
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Oui, vous voulez ajouter, Dr Naud?
M. Naud
(Alain) : Oui, j'aimerais ajouter.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Allez-y.
M. Naud (Alain) : Vous savez, déterminer qu'un patient est admissible... Moi, je suis un
praticien, ça fait 38 ans que je
suis en pratique, je suis médecin de famille, je fais des soins palliatifs
depuis 38 ans, je pratique l'aide médicale à mourir depuis les tout
débuts. Évaluer qu'un patient est admissible, la première rencontre me prend
entre 2 h 30 et 5 heures. Alors, s'il y en a qui pensent que ça
se fait sur le coin d'une table, à la va-vite, là... Entre 2 h 30 et
5 heures. Donc, c'est un exercice qui est extrêmement rigoureux.
Il n'y a pas de réponse précise à votre question
parce qu'il n'y a pas d'individu pareil. Si on essaie de mettre en place des
critères très restrictifs, on va priver une grande partie de la population.
Parce que déterminer qu'un malade a un
handicap, et un handicap physique n'est pas forcément un handicap neuromoteur,
et je pense qu'on erre en associant
les deux, là, handicap physique n'équivaut pas à neuromoteur, de vouloir
définir ça, on va forcément restreindre l'accès à l'aide médicale à
mourir, alors que notre objectif à tous, c'est de l'élargir.
Mme Maccarone : ...dire que
quelqu'un qui a perdu l'utilisation de ses jambes, ça peut être l'équivalent
d'une personne qui a perdu l'utilisation de ses bras ou sa vision...
M. Naud
(Alain) : Écoutez, la valeur de la vie, il
appartient à chaque personne de le déterminer, est-ce que ma vie vaut encore la peine d'être vécue. Et, pour
le même handicap, évidemment, la temporalité peut être très différente. Vous avez 80 ans, vous vous retrouvez
quadriplégique, peut-être que vous n'aurez pas le goût d'essayer la
réadaptation pendant trois ans, comme un jeune de 23 ans qui vient d'avoir
un accident de moto. Alors, ça s'apprécie au cas par cas, et c'est pour
ça qu'une première évaluation nous demande entre 2 h 30 et
5 heures.
Alors, si,
dans l'optique d'élargir l'aide médicale à mourir, on commence à mettre
beaucoup de critères, on va avoir l'effet contraire, on va restreint l'aide
médicale à mourir. Encore une fois, dans le Canada anglais, on fonctionne
avec les balises simples et claires que la
Cour suprême a mises, qui sont : maladie, infection, handicap, grave et
incurable. Mais, après ça, bien,
faisons confiance aux professionnels de la santé à qui on a confié le rôle
d'évaluer l'admissibilité des patients et de prodiguer l'aide médicale à
mourir.
Moi, comme médecin, pour soulager la souffrance,
pour aider mes patients, ce que j'ai besoin, c'est qu'on me donne des lois qui sont claires. Actuellement,
et je parle au nom des médecins dans la province, là, ce qui retient le
plus les médecins de participer à l'aide médicale à mourir, c'est l'incohérence
entre deux lois. Et nous sommes les seuls,
au Québec, à avoir deux lois qui ne disent pas la même chose sur les mêmes
pathologies. Et ça, c'est ce qui retient beaucoup les médecins, par crainte d'être... de se retrouver avec des
poursuites criminelles. Parce que vous savez comme moi que ne pas respecter les
balises de la loi nous expose à des poursuites criminelles. C'est le principal
motif actuellement.
Alors, moi, comme médecin, pour soulager la
souffrance de mes patients, j'ai besoin qu'on me donne des instruments qui sont clairs. Il vous appartient de
les déterminer, et on va fonctionner avec, mais ça nous cause un gros
problème depuis sept ans au Québec.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dr Naud.
Pour une courte question, la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci. Moi, je
voudrais revenir sur votre suggestion que les troubles... les personnes avec troubles mentaux soient ajoutées au projet de loi.
Parce que, bien là, disons que c'est... Bien là, on l'a vu, du côté fédéral, qu'il y a eu une année qui... il y a
un délai d'une année, parce que, justement, c'est des enjeux très particuliers,
très sensibles, et il n'y a pas assez, disons, de services qui sont
disponibles à la population, justement, pour s'assurer qu'ils peuvent trouver un moyen de vivre avec leur maladie
mentale... leur enjeu de santé mentale, sans devoir aller pour... excusez-moi,
l'aide médicale à mourir.
Donc, je voudrais savoir... puis je voudrais
juste revenir sur un point aussi. La dernière fois que ça a été discuté en
commission, il me semble que ça n'a pas été... bien, ça n'a pas été amené dans
le projet de loi parce qu'il n'y avait pas
de consensus. Donc, avant d'arriver à ce que les gens avec des troubles de
santé mentaux puissent être admis dans
le projet... dans l'aide médicale à mourir, ne pensez-vous qu'il n'y a pas plus
de services de soins à leur offrir que dans le contexte actuel?
M. Gaudreault
(Mauril) : Écoutez, on n'est pas là pour
vous convaincre d'aller dans ce sens-là. Ce que j'ai dit, puis je le précise à nouveau, c'est que, oui, la société doit
continuer à débattre de cela, puis on veut faire partie de la conversation
avec vous par rapport à comment on va cheminer par rapport aux problèmes de
santé mentale. La deuxième chose, c'est que, dans notre document, c'est très
clair, notre positionnement par rapport à des malades qui les ont eus, ces soins-là, qui les ont eus pendant
des dizaines d'années, des soins appropriés, et pour lesquels ils arrivent
dans une condition où ils espéraient pouvoir
bénéficier de ce soin. Donc, c'est sûr qu'on aura ensemble, comme société, à
avoir à fournir l'ensemble des soins possibles aux diverses personnes qui
souffrent de problèmes de santé mentale...
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup,
M. Gaudreault.
M. Gaudreault
(Mauril) : ...avant d'aller plus loin.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois vous couper, le temps
imparti à la formation politique vient de
s'écouler. Je dois maintenant laisser la parole, pour la poursuite de nos
discussions, à la députée de Sherbrooke. La parole est à vous pour
3 min 18 s au total. Merci.
Mme Labrie :
Merci, Mme la Présidente. Je vais changer de sujet avec vous puis je vais
vous amener sur la recommandation 8
parce qu'elle me surprend. Si je comprends bien la recommandation 8, c'est
que vous nous invitez à réfléchir au
fait qu'en ce moment c'est la Commission sur les soins de fin de vie qui évalue
la conformité de l'administration de l'aide médicale à mourir à la loi.
Vous revendiquez de vous occuper vous-même de ce suivi, si je comprends bien.
Ça me surprend parce que la composition de la Commission sur les soins de fin
de vie, c'est quand même une composition qui
est assez interdisciplinaire, ça m'apparaît pertinent. Donc, j'aimerais
comprendre pourquoi vous jugez plus pertinent que ce soit le Collège des
médecins qui s'occupe de ça.
M. Gaudreault (Mauril) : ...ce qu'on recommande, c'est de revoir le mandat de la commission. On ne
recommande pas de l'effacer ou de
l'éliminer, pas du tout, mais d'en revoir le fonctionnement. Pourquoi? Après x
années de fonctionnement... Je suis
convaincu que c'était nécessaire d'avoir une commission comme celle-là, alors
qu'on mettait en place une telle loi puis une telle possibilité d'offrir
ce soin-là, convaincu de ça. Est-ce que c'est encore nécessaire maintenant? La
question, c'est la même chose qu'un débat de société par rapport à d'autres
problèmes : Est-ce qu'on doit continuer
à garder la commission? Puis, en tout respect pour Dr Bureau, qui est derrière
moi puis que je connais bien, là, ce
n'est pas ça, ce n'est pas une question de personnalité par rapport à tout ça.
Nous, ce qu'on demande, c'est de faire une réflexion là-dessus :
A-t-on besoin encore de cette commission-là?
Et je vais terminer
là-dessus pour respecter le temps, là, mais pour tout soin, au Québec,
l'évaluation de la qualité de l'acte, elle
est confiée au Collège des médecins du Québec et aux CMDP dans les établissements.
Ce soin-là, ce n'est pas le cas. Je
comprends, historiquement, puis peut-être que nous allons décider tous ensemble
que la commission doit continuer son
travail dans ce sens-là, mais éventuellement je pense que ce soin-là devra
aussi faire partie de l'évaluation de la qualité des actes médicaux
partout au Québec pour tous les autres soins. Voilà, c'est dans ce sens-là.
Mme Labrie :
Mais l'administration de l'aide médicale à mourir, l'administration de
la... la conformité à la loi, ce n'est pas
juste l'acte médical, il me semble que c'est quand même pertinent que ce soit
un comité sur lequel il y a, par exemple... bon, il y a des travailleurs
sociaux, le milieu de l'éthique est présent...
• (16 h 50) •
M. Gaudreault (Mauril) : ...Québec, là, il y a plein de soins pour plein de personnes, là, qui
nécessitent du travail des équipes
interdisciplinaires. Il n'y a pas ce soin-là. Mais l'acte, l'acte, et c'est un
acte médical mais aussi infirmière spécialisée, maintenant... l'acte
d'administrer ce soin, bien, c'est un acte médical qui, à notre avis, pourrait
faire l'objet de l'évaluation du Collège des
médecins, comme tous les autres soins. Mais, ça, on verra bien par rapport...
Ce qu'on recommande, puis je vais finir là-dessus, c'est de... je pense
qu'il faut profiter, après tant d'années, de revoir le mandat puis le
fonctionnement de la commission.
M. Naud (Alain) : Puis, juste
pour rajouter, Mme la députée, c'est que les conseils de médecins, dentistes,
pharmaciens de tous les établissements de la province évaluent déjà toutes les
AMM administrées et toutes les sédations palliatives continues administrées.
Alors, c'est un exercice qui est déjà fait, qui est déjà fait, qui est déjà en place, et ils évoluent à partir des mêmes
formulaires que reçoit la Commission sur les soins de fin de vie. Et, quand la Commission
sur les soins de fin de vie juge qu'une AMM n'est pas conforme, pour quelque
raison que ce soit, le dossier est référé au
CMDP et au Collège des médecins du Québec, qui sont les instances, en bout de
ligne, qui prennent la décision finale et qui se prononcent sur la conformité
médicale de l'acte médical qu'est l'aide médicale à mourir.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci,
Dr Naud. Pour terminer cette ronde de discussion, je laisse la parole à
la députée de Laviolette—Saint-Maurice
pour une période de 3 min 18 s. La parole est à vous.
Mme Tardif :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour. J'aimerais vous amener peut-être sur
deux terrains un peu glissants, mais je
pense qu'on doit en parler. Vous êtes d'accord avec... et, moi aussi, là, avec
l'obligation que les établissements
constituent des groupes interdisciplinaires d'experts pour soutenir, pour
accompagner les professionnels de la
santé ou des services sociaux qui offrent les soins de fin de vie.
Concrètement, est-ce que nous avons suffisamment de professionnels?
Parce que, là, on va travailler sur un projet de loi. Sur le terrain, vous êtes
sur le terrain depuis quelques décennies, j'ai une crainte, parce que j'ai vu
et j'ai entendu des hôpitaux qui me disent et qui... des hôpitaux qui font des soins de fin de vie, et ce n'est même
pas l'aide médicale à mourir, là, et ils me disent : On est à bout de
souffle. Comment on va faire, concrètement?
Et ma deuxième question, ma sous-question
serait : Vous avez émis des bémols quant au rôle et aux obligations
des tiers, des tiers de confiance, et vous
parlez, vous avez nommé quelques allègements ou modifications, j'aimerais vous
entendre à ce sujet-là s'il reste un peu de temps.
M. Gaudreault
(Mauril) : ...
M. Naud (Alain) : Oui. Bien,
écoutez, l'enjeu de ressources, il prévaut partout, hein? Il ne prévaut pas
juste dans notre système de santé. Effectivement, c'est une bonne question que
vous soulevez. Il faut comprendre qu'il y a déjà actuellement, depuis le tout
début, ce qu'on appelle des groupes interdisciplinaires en santé qui sont
actifs au Québec. La difficulté, c'est que
c'est quand même assez hétérogène. Alors, je pense qu'il n'y aurait pas un gros
effort de restructurer ça tout simplement pour les rendre plus efficaces
et fonctionnels. Mais il y a déjà quelque chose qui existe, qui est en place
depuis le tout début. Moi, je pense que...
Mme Tardif :
...pour chaque établissement?
M. Naud
(Alain) : Bien, chaque établissement... C'est-à-dire qu'il
faut voir l'établissement dans un sens très, très large, hein? Puis, si
je vous parle, mettons, par exemple, ici, de la région 03, Portneuf,
Québec, Charlevoix, bien, il y a trois
établissements. Il n'y en a pas tant que ça, des établissements, hein, vous
savez? Alors, on en est là. Il y en a une vingtaine, près d'une trentaine, là,
Mme la ministre le sait mieux, plus que moi, là, d'établissements au Québec,
là, il n'y en a pas tant que ça. Et
je pense qu'on ne parle pas ici, là, de faire un groupe dans chaque hôpital,
nécessairement, ou CLSC, ou clinique. Mais ce sont des groupes de
support, à ce moment-là. Et moi, je pense que c'est réaliste, là, d'envisager
de le mettre en place.
M. Gaudreault
(Mauril) : Votre deuxième question, si on
a le temps?
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : ...allez-y.
M. Gaudreault
(Mauril) : Quelques secondes, OK. Bien, le
collège, on l'a écrit dans notre mémoire, voit d'un bon oeil la possibilité de désigner un tiers de confiance dans une
demande anticipée, OK, mais il faut faire attention par rapport à tout le poids qu'il y aura,
éventuellement, sur cette personne-là. Donc, il faut l'accompagner, tous
ensemble, là, pour qu'elle fasse bien son travail, la personne, parce qu'à un
moment donné ça peut devenir très lourd pour le tiers de confiance
lorsque la personne devient inapte, par exemple. Mais, ça, on pourra, ensemble,
y travailler.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Dr
Naud, Dr Gaudreault, la maîtresse du temps que je suis vous remercie
pour votre contribution aux travaux de notre commission, l'ensemble des
parlementaires vous souhaitent une bonne fin de journée.
Je vais suspendre
quelques instants pour recevoir notre prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 55)
(Reprise à 17 h 01)
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission des relations avec les
citoyens reprend ses travaux.
Nous recevons, donc,
Carpe Diem — Centre
de ressources Alzheimer, qui est représenté par la directrice et présidente, Mme Nicole Poirier. Bienvenue,
Mme Poirier. Donc, vous aurez 10 minutes pour vous présenter ainsi
qu'exposer votre... une partie de votre mémoire. La parole est à vous.
Carpe Diem — Centre de ressources
Alzheimer
Mme Poirier (Nicole) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Mme Bélanger, merci, membres du
comité, de m'avoir permis de venir
exprimer le fruit de mes réflexions, qui sont échelonnées sur bientôt presque 40 ans
d'accompagnement de personnes qui vivent avec la maladie, leurs familles. Je
l'ai fait dans le cadre de Carpe Diem, une
maison qui accueille des personnes qui vivent avec la maladie d'Alzheimer, des
familles aussi qui sont à domicile, et aussi avec ma mère, qui a eu la
maladie et qui en est décédée. Donc, moi, je propose de débuter un petit peu
par mon expérience personnelle, puis aussi
parler de certains éléments généraux qui viennent en lien avec le projet de loi,
puis ensuite, peut-être, regarder quelques articles qui ont soulevé mon... mes
questionnements.
Bien,
d'abord, quand j'ai accompagné ma mère, qui souffrait de la maladie
d'Alzheimer... nous, on est sept enfants et on avait tous le consensus
qui consistait à dire : Il ne faut pas qu'elle souffre inutilement, et on
est partis avec une bonne entente familiale. Et on a... on s'est vite rendu
compte que décider à la place d'une personne, c'est compliqué, lorsqu'elle
n'est plus capable de prendre certaines décisions. Donc... Elle a eu un cancer en
plus. Alors, on s'est tout de suite demandé : Est-ce qu'on traite ou pas
le cancer? Est-ce qu'on cesse ou non la médication anti-alzheimer, qui provoque
des effets indésirables et... Est-ce qu'on la continue ou pas? Est-ce qu'elle
peut toujours vivre à domicile? Est-ce qu'on a une compréhension commune des
enjeux cliniques, tels que la souffrance qu'elle peut ressentir? Quelle est la différence avec la douleur? Douleur
et souffrance, on n'était pas toujours tous d'accord avec ça. C'est quoi,
l'acharnement et le raisonnable, la volonté de... qu'elle avait avant la
maladie versus quand elle a développé la maladie? Et puis comment savoir
si son comportement était lié à la maladie ou à d'autres effets comme notre
incompréhension ou l'environnement physique?
Et puis, vers la fin de sa vie, ma mère, elle
fronçait les sourcils et elle exprimait des jurons, ce qu'elle n'avait jamais fait. Elle levait le poing, lançait son
dentier. Certains membres de ma famille y voyaient l'expression de la maladie.
Des gens pouvaient
dire : Ah! c'est un trouble du comportement qui est lié à la maladie. Et
on s'est rendu compte que, si elle
prenait des antidouleurs, elle retrouvait le sourire, elle remettait son
dentier, puis elle nous disait merci, puis elle était souriante.
Donc là, je
vous partage cet événement-là parce que, souvent, les professionnels et les
familles, on a tendance à mettre sur
le compte de la maladie ou sur le... sur le compte de la maladie certains
comportements, alors qu'il peut y avoir une cause qui est liée à la
douleur et... ou à l'environnement aussi.
Je donne souvent l'exemple de fenêtres. Les
fenêtres, dans une chambre ou dans une salle à manger, le soir, peuvent
refléter. On marche puis on se voit dans les fenêtres. Bien, pour certaines
personnes qui ont des troubles perceptuels, ils voient des personnes, alors ils
ont toujours l'impression qu'il y a quelqu'un qui les suit. Donc, souvent, on se dit : Bien, qu'est-ce qu'elle
a? Elle ne reste pas assise, elle ne veut pas rester dans sa chambre. Quand on
ne sait pas ces choses-là, on peut mettre la personne dans une condition de
souffrance, parce que son environnement... il y a des choses à faire
dans son environnement, et on ne le sait pas par manque de connaissance.
Et puis, ensuite, bien, j'ai vu que, même si on
était unis, une famille de sept enfants qui cheminent, il y en a qui prennent
des chemins dans leur vie qu'on ne connaît pas toujours, et puis j'ai été quand
même étonnée de voir qu'à un moment donné,
quand on discutait, certains membres de ma famille avaient... il y a des
croyances religieuses ou philosophiques qui s'étaient développées, que
j'ignorais, et pour lesquelles il a fallu tenir compte aussi lorsqu'on
accompagnait ma mère. Donc, tout ça compliquait beaucoup les choses.
Et, quand est arrivée la fin de la vie, malgré
des signes cliniques évidents, je vous jure, moi, j'étais... j'en ai vu, moi,
des gens mourir, j'ai été brouillée, troublée par le fait de dire : Est-ce
que c'est vraiment le dernier moment? Est-ce qu'on donne la dernière dose? Si
je ne la donne pas, est-ce que c'est par égoïsme, parce que je veux la garder
encore un peu avec moi? Puis, si je la donne, c'est-tu parce qu'on est fatigué
puis il y a des conditions qui font qu'on...
Et puis je me disais : Bien, c'est compliqué. Et, pour moi, cette... le
fait de devoir décider comme ça pour elle, ça m'a convaincue que jamais
je ne demanderai à mes enfants ou à quiconque de décider plus tard. Cette
décision-là, je trouve qu'elle est
sous-estimée dans toutes les... dans tous les échanges qu'on a, ce qu'on
impose, ce que le tiers de confiance va avoir à vivre, s'il est toujours
là, en plus, si ses convictions changent aussi. Donc, je me dis : Mais
qu'est-ce qu'il me reste si je décide que je ne veux pas faire vivre ça à mes
enfants? Ça ne veut pas dire que j'ai envie
de souffrir plus tard. Ça veut... J'ai... Je ne veux pas souffrir plus qu'une
autre personne. Donc, ça, c'est le premier élément.
Puis ensuite, bien, pour ce qui est des... du
projet de loi, je dirais que, souvent, on pense que le fait de rédiger des directives anticipées, ça va nous donner
l'esprit tranquille, on va être correct puis on va pouvoir, éventuellement,
vivre certaines années de vie... puis, après ça, que nos volontés soient
exprimées. Et, quand j'ai fait partie du comité d'experts avec Howard Bergman en
2008, déjà le comité d'experts visait à mettre sur pied un plan d'action pour
la maladie d'Alzheimer. Il y avait
10 000 diagnostics par année, en 2008, de maladies apparentées à
l'alzheimer. Donc là, vous avez posé la question, quelques-uns :
Comment on va faire pour évaluer ça? Qui va le faire? Est-ce qu'on a... on aura les ressources pour prendre le temps de le
faire? Puis, si on prend des ressources pour le faire, qui on va priver
ensuite? Et qu'est-ce qu'il va se passer avec les personnes qui n'auront pas...
rédigé des demandes anticipées? Moi, ça,
c'est une de mes craintes, que ces personnes-là soient mises de côté parce que,
pour x raisons, elles n'auront pas... rédigé des demandes, rédigé des demandes
parce que le diagnostic va être posé trop tard, par exemple, parce qu'elles n'auront pas été accompagnées, peut-être, dans...
sur ce chemin-là, ou pour des raisons comme la mienne, où moi, je ne veux
pas faire porter cette responsabilité-là à quelqu'un d'autre. Je trouve que
c'est... Il faut avoir les moyens de nos ambitions aussi si on veut faire ça.
Ensuite, bien, un point qui m'intrigue beaucoup
aussi, c'est l'évaluation de l'état de conscience versus les fonctions
cognitives. Il y a beaucoup de confusion quand on parle d'inaptitude et de
troubles cognitifs. Les outils qu'on a en ce
moment, d'un point de vue clinique, ce sont des outils qui évaluent les
fonctions cognitives : la mémoire, le jugement, l'orientation, le langage, mais ces outils-là n'évaluent
pas l'état de conscience, l'état émotif, l'état intérieur. Et ces
outils, ils pénalisent beaucoup les personnes qui sont aphasiques. Je vous
invite vraiment, dans vos réflexions, à
prendre connaissance de ces outils-là. Quand on... Quand les professionnels
vous disent : On a des échelles qui mesurent la douleur... C'est
difficile de mesurer la douleur pour une personne qui est aphasique. C'est
difficile de mesurer aussi l'état intérieur
d'une personne qui ne peut plus dire les mots qui sont... qui correspondent à
la photo qu'il y a sur le test, mais ça ne veut pas dire
qu'intérieurement elle n'a pas les réponses. Donc, j'ai peur que des personnes,
autant au début de la maladie, qui
pourraient se prévaloir du droit de mourir avec l'aptitude, ne soient pas
jugées aptes parce qu'elles vont avoir été pénalisées par l'aphasie ou, en bout
de ligne aussi, en fin de vie... ou plus tard, seront pénalisées parce
qu'elles n'ont pas l'aptitude à communiquer à cause de l'aphasie aussi. Donc,
je trouve que, là-dessus, il y a vraiment
un... Quand les gens disent : On peut évaluer, puis, oui... Moi, ça fait
40 ans, et puis je ne peux pas comprendre comment on peut faire pour évaluer ça avec certitude. Ça risque de créer
beaucoup de confusion puis, peut-être, d'opposition.
Ensuite, bien, on parle du droit au choix. C'est
beaucoup revenu, ça, d'avoir le choix : Si j'ai le choix, les autres ont le choix. Bon, alors, le choix, si je
pense aux... aussi aux Pays-Bas, par exemple, où... le seul pays où les
personnes peuvent exiger... fournir des demandes anticipées, aux
Pays-Bas ça existe, bien, les choix... le choix qu'ils ont aussi, c'est
beaucoup de pouvoir vivre à domicile. Aux Pays-Bas, il y a toute une dynamique
à domicile. J'ai... Je suis allée aux Pays-Bas puis j'ai vu des organismes qui
aident les gens à vivre chez eux et qui investissent beaucoup à ce niveau-là, puis, s'ils ne peuvent pas vivre chez
eux, ils peuvent vivre dans des petites maisons non institutionnelles. C'est...
Ça me semble, en tout cas, être au
moins un minimum de choix. Ici, qu'est-ce qu'on offre aux gens comme choix?
Donc, moi, si je ne veux pas faire
porter le poids à mes enfants, quel choix il me reste? Il me reste que je ne
pourrai peut-être pas vivre à domicile à cause qu'on a... Et je vous remercie aussi d'avoir
comme priorité les soins à domicile et... pour permettre aux gens de dire : Bien, si je veux... si je
ne veux pas confier ce choix-là à quelqu'un, au moins je pourrai vivre à domicile
puis j'aurai d'autres perspectives d'avenir.
• (17 h 10) •
Donc, le projet de loi, bien... j'ai décrit
quelques... quelques commentaires sur les articles. D'abord, ce n'est pas assez
connu que, bientôt, ou maintenant, je crois, même, une personne qui a la
maladie d'Alzheimer peut avoir l'aide à mourir, en autant qu'elle soit apte.
Moi, j'ai posé des questions dans mon entourage, puis les gens ne savent pas ça. Ils pensent que, si les directives
anticipées ne sont pas adoptées, on laisse tomber complètement les gens qui ont
la maladie. Souvent, les gens, ils me disent encore : Je ne
voudrais pas être obligé d'aller en Suisse. Mais on n'est plus obligé d'aller
en Suisse, on peut recevoir ici l'aide à mourir. Donc, ça, je pense qu'il
faudrait quand même le mentionner, que c'est un changement important avec ce
qu'on connaissait avant. Puis ensuite, bien, si vous voulez, je peux déjà... on
pourra passer sur les articles un à un si vous avez des questions.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci beaucoup, Mme Poirier, pour, d'abord, votre témoignage puis également les commentaires que vous formulez. On va commencer l'étape des... de la
période d'échange avec les députés. On va commencer, d'ailleurs, avec la
ministre, qui a quelques questions pour vous.
Mme Bélanger : Oui. Bonjour,
Mme Poirier. Merci d'être présente, merci d'avoir préparé ce mémoire. Puis
aussi j'en profite pour souligner le travail que vous faites depuis plus de
30 ans, notamment comme fondatrice de Carpe Diem, et puis je pense qu'on
le voit dans vos propos mais aussi dans l'approche que vous avez par rapport
aux milieux de vie, l'environnement, l'importance de l'accompagnement des
personnes ayant une maladie d'Alzheimer.
Vous avez dit
beaucoup, beaucoup de choses, et j'aimerais peut-être revenir... j'ai vu ça,
là, dans votre mémoire, mais vous
écrivez : «Je ne peux être en faveur de cette loi parce que je sais que
des actions et des décisions pour atténuer un grand nombre de souffrances
existent et ne sont pas considérées.» Qu'est-ce que vous voulez dire
précisément? J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que c'est quand même
assez important comme affirmation. Alors, si je peux... j'aimerais ça
vous entendre un petit peu plus, s'il vous plaît.
Mme Poirier
(Nicole) : Oui. Bien, ce que je dis, c'est qu'aujourd'hui on
a beaucoup de difficulté, les professionnels, à faire la différence entre des
souffrances qui sont liées à la maladie puis des souffrances qui sont liées à
l'environnement. Donc, qu'est-ce qui
pourrait être fait? Il pourrait... Par exemple, quand on parle d'incontinence,
par exemple... Je ne veux pas vivre si je deviens incontinent, mais on
sait que l'incontinence, ça peut être repoussé longtemps si on est capable
d'accompagner la personne, si on a une organisation qui le favorise. Donc, ça,
c'est un exemple de situation où on pourrait prendre des décisions, d'un point
de vue organisationnel, qui changeraient beaucoup la vie des personnes. Être incontinent, ça peut être souffrant,
effectivement, mais rester dans sa protection pendant plusieurs heures, ça,
c'est encore plus souffrant, puis encore plus souffrant, comme j'ai vu
dernièrement, lorsqu'on a des plaies qui ne sont pas connues de la famille puis qu'on urine sur une plaie. On fait juste se
brûler le bout du doigt, puis le... ça fait mal longtemps, mais des
plaies qui sont brûlées comme ça... Bon. Ça, c'est un exemple.
L'alimentation, par exemple. Il y a des gens qui
disent : Bien, si je ne peux plus manger seul... Il y a tellement de choses qu'on peut faire pour aider
une personne à s'alimenter. Il y a 60 % des gens, selon certaines études, qui
sont dénutris dans certains milieux, pas dénutris parce qu'on ne leur donne pas
à manger mais dénutris parce que soit ils ne savent plus comment manger, on
leur pose la nourriture, on s'en va, et puis ils n'ont plus... Ils ont faim, mais ils pourraient... ils pourraient manger s'ils
avaient un peu d'aide. Et puis il y a plein de mesures. Nous, à Carpe Diem,
on mange avec les personnes, puis, juste le fait de manger, ça redonne la
personne... à la personne la réponse pour commencer
à manger. Et, si elle ne sait plus comment, on va l'aider discrètement, par
exemple, puis elle va continuer à manger.
On a vu dans
les médias qu'il y avait de la nourriture qui se jetait dans les
établissements. Tout... Bon, il y a eu plein de commentaires là-dessus, mais
moi, je me disais : Mais cette nourriture-là qui devait être donnée aux
gens, qu'on jetait, pourquoi elle n'a
pas été donnée? Est-ce que c'est parce qu'on n'a pas su comment les alimenter
correctement?
Bon, ça, c'est un autre exemple : la nuit.
Il y a tellement de choses qu'on pourrait faire la nuit, parce que les gens se lèvent, sont parfois angoissés, veulent
aller aux toilettes. Il y a des décisions qui pourraient être prises juste dans
une vision de mieux accompagner la nuit, au
lieu de parfois donner... appeler ça un trouble d'errance nocturne
perturbateur, avec plein de termes qui, en... un petit peu, étiquettent
la personne. On pourrait changer la façon d'accompagner la nuit pour que les gens
ne soient pas médicamentés, puis tombent moins vite, puis perdent leur
autonomie. C'est plein de petites choses comme ça que je trouve qui pourraient
être faites puis qui ne sont pas assez connues.
Mme Bélanger : En fait, je
pense que vous démontrez bien l'importance de bien répondre aux besoins des
personnes. Puis chaque personne est spécifique, et on doit, donc, organiser les
soins, les services en conséquence, là. Je pense que vous le démontrez très
bien.
Cependant, pour les personnes ayant la maladie
d'Alzheimer, on le voit bien qu'une fois que toutes les conditions, là, sont au
rendez-vous il reste qu'il y a quand même une détérioration éventuelle de la
personne, qui va éventuellement, là, aller
vers la fin de sa vie. Chaque personne est unique, les stratégies doivent être
différentes d'une personne à l'autre. Puis, malgré ça, je pense qu'on
remarque quand même, dans certaines expériences cliniques, qu'il y a des
personnes qui, malgré tout ce qui va avoir pu être fait, vont continuer à être
dans un état où ça chemine vers la fin de leur vie, puis avec le moins de
souffrance possible, on l'espère.
Vous
avez fait, tantôt... Vous avez parlé de votre propre expérience, celle que vous
avez vécue avec votre mère, et vous dites que vous avez réalisé tout le poids
moral et les déchirements que peuvent... qui peuvent avoir lieu entre les membres d'une famille lors d'un
accompagnement d'un proche en fin de vie. Est-ce que vous ne croyez pas,
justement, que la demande anticipée viendrait enlever cette pression sur les
proches? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Parce
que la demande médicale anticipée, elle est faite au moment où la personne, en
fait, a tout son jugement pour prendre une décision éclairée, donc la
décision appartient à la personne dans le cas d'une demande anticipée, dans le
cas d'une demande d'aide médicale à mourir, bien sûr. Mais, si je reviens avec
l'exemple de la maladie d'Alzheimer, alors, vous ne croyez pas que la personne
qui a un diagnostic d'alzheimer, supposons, à 60 ans, qui, en toute
connaissance de cause, en pleine capacité, porte un jugement sur ce qu'elle
souhaite pour elle-même comme fin de vie... Quelle valeur vous attribuez à ça?
Ça, j'aimerais vous entendre à ce sujet-là. Puis prenons l'exemple d'une
personne qui a un diagnostic d'alzheimer mais qui n'est pas du tout en phase de
fin de vie, là, elle est vraiment dans une période d'adaptation, elle vient de
recevoir la... son diagnostic et elle fait cette réflexion-là. Vous ne pensez
pas que ça ne pourrait pas décharger, au contraire, les proches?
Mme Poirier
(Nicole) : Bien, il y a deux choses. Une personne qui est dans les
débuts puis qui peut réfléchir, comme vous le mentionnez, moi, je regarderais
beaucoup la possibilité de vivre et de... Tant qu'elle est apte, elle a l'accès... elle a un choix, en ce
moment, cette personne-là, elle a le choix de décider d'avoir l'aide à mourir
en étant apte. Déjà, je trouve que c'est... On a l'impression qu'on peut tomber
inapte du jour au lendemain. Oui?
Mme Bélanger :
...corriger un petit peu, là, la compréhension. En fait, la personne qui
reçoit un diagnostic d'alzheimer qui ne répond pas aux critères de souffrance
physique, elle ne pourrait pas recevoir l'aide médicale à mourir au moment où
elle le demande, au moment où elle vient d'avoir un diagnostic, si elle ne
répond pas à toutes les autres conditions qui sont déjà prévues dans la loi sur
les soins de fin de vie. La nuance que j'amène, c'est qu'elle pourrait,
cependant, faire une demande anticipée, c'est-à-dire faire une demande
aujourd'hui pour quelque chose qui va arriver plus tard.
Mme Poirier
(Nicole) : Oui.
Mme Bélanger :
Alors, on est là, pas pour avoir immédiatement l'aide médicale à mourir,
là, bien sûr.
Mme Poirier
(Nicole) : Non, je le sais, mais il ne faut pas oublier qu'elle aurait
toujours ce choix-là. Et donc vous dites : pour plus tard. Bien, pour plus
tard, là où je pense que ça peut être très lourd moralement, c'est quand la
personne ne présentera pas de souffrance mais que des symptômes comme on a vus,
qui ont été dits publiquement : si je
ne reconnais pas les proches, si je suis incontinent, des choses comme ça. Pour
moi, ça peut être source de grande culpabilité pour les proches s'il n'y
a pas de souffrance. Ce qui est très dur, c'est de voir des gens souffrir, puis
c'est pour ça que je vous dis que je ne peux pas être... je ne suis pas contre
le projet de loi parce qu'effectivement il y a des fois où il y a des personnes
qui souffrent l'enfer, qu'ils n'auraient jamais pu prédire dans une demande
anticipée, puis que, malgré tout ce qu'on
fait, on n'arrive pas à les soulager. Bien, ces personnes-là, je pense qu'il
faut qu'on pense à les soulager. Puis il ne faut pas que ça soit que
celles qui ont pensé l'écrire d'une façon. Et c'est là que ça... Moi, je suis inquiète de ça. Puis je suis inquiète que les
gens disent : Mais ce n'est pas juste, finalement, parce qu'il y a plein de
monde qui souffre.
Puis il y a des gens
qui souffrent beaucoup aussi parce qu'on n'a pas les ressources pour évaluer
leur condition, par exemple, quand ils sont à domicile ou en RPA. Puis il y a
beaucoup de monde qui sont dirigés vers l'urgence, où c'est la pire place à aller.
Et puis ce qu'on vient vous raconter ici, en commission parlementaire, c'est
des situations qui ont lieu souvent à l'urgence, où on est obligé de contrôler
les personnes, et puis c'est traumatisant. Moi, c'est ça qui a fait que je me
suis engagée, il y a presque 40 ans, c'est quand j'ai accompagné une
personne à l'urgence qui était... qui s'était fendu la tête puis qui s'est
retrouvée, en 24 heures, alitée, puis elle n'a plus remarché pendant
10 ans. Elle avait 60 ans.
Donc, je le
comprends, ça, qu'il y a des conditions où la souffrance, elle pourrait être
évitée. Et puis c'est pour ça que je trouve qu'il faudrait qu'on pense à tout
le monde et non pas qu'à ceux qui l'ont rédigée à l'avance.
• (17 h 20) •
Mme Bélanger :
OK. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup, Mme la ministre. Merci, Mme Poirier. Je pense qu'il y a
la députée de Laporte qui aurait quelques questions.
Mme Poulet :
...
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Non.
Mme Poulet :
...alors... Oui. Alors, en lien avec qu'est-ce que vous
avez vécu personnellement, on sait que... Bon, ma question, c'est concernant
les tiers de confiance. Vous avez mentionné que, dans une même famille, il
peut y avoir des valeurs différentes d'une
personne à l'autre. Quelle est... Au niveau des tiers de confiance, quelle...
de quelle façon... Bon, on a déjà
plusieurs lignes pour encadrer tout ça. Est-ce que vous avez des
recommandations supplémentaires que vous pouvez nous apporter,
justement, pour bien encadrer le tiers de confiance?
Mme Poirier
(Nicole) : Bien, comme je vous dis, je... Ici, tout à l'heure, vous
parliez de... Mme Hivon parlait du
poids moral pour les équipes, les médecins, le professionnel, et tout. Je me
disais, avec ma collègue : Bien... Puis les tiers de confiance,
eux, quel poids ils vont avoir lorsqu'il va falloir enclencher la démarche? Je
n'ai pas vraiment... Je trouve que c'est tellement un enjeu important,
sous-estimé.
Pour un proche, moi,
je me dirais, bien... peut-être, pour accepter, ce serait si la personne
souffre, puis c'est... puis le consensus
d'équipe qui dit qu'elle souffre. Et il y a des gens qui en souffrent, là, que
c'est évident. Là, je pense que ça serait plus acceptable pour un proche
de lever le... d'enclencher le processus.
Puis, pour ce qui est
du reste, je vous invite aussi à essayer de les rédiger, vos demandes
anticipées. Vous allez voir que ce n'est vraiment pas facile de se projeter,
puis encore moins quand on a reçu un diagnostic et puis qu'on est sous le choc
du diagnostic.
Donc,
je garderais profondément le critère de la souffrance pour soulager la
culpabilité, peut-être, que... peut être vécue par les proches.
Mme Poulet :
Merci.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Je pense que la députée de
Vimont a une question.
Mme Schmaltz :
Vous avez soulevé tantôt quelque chose d'intéressant par rapport à l'état
de conscience et vous mentionnez qu'actuellement, de ce que j'ai compris, il
n'existe pas d'outil qui puisse mesurer cet état-là chez les personnes
atteintes de cette maladie dont on parle, l'alzheimer. Il semble... De ce que
je comprends, c'est que vous aimeriez, peut-être... pour pallier, peut-être, à
ce manque d'outils, d'avoir ce qu'on appelle... vous proposez un professionnel
indépendant. Ça veut dire quoi exactement?
Mme Poirier
(Nicole) : Non. Moi, ce que je dis, c'est qu'un professionnel
indépendant qui ne connaît pas la personne,
c'est... C'est mieux d'avoir un professionnel compétent, parce qu'un
professionnel qui ne connaît pas la personne, il peut arriver... Comme
vous et moi, on arrive devant une personne qui ne parle plus, c'est difficile
de connaître les petites subtilités. Donc,
je pense plutôt que ça prend des professionnels qui connaissent la personne,
puis sur la durée, puis qui vont être capables d'avoir une évaluation
plus juste.
Mme Schmaltz :
...je ne sais pas, comme outil pour, justement, mesurer cet état de
conscience?
Mme Poirier
(Nicole) : Bien, il n'y en a... il n'en existe pas.
Mme Schmaltz :
Bien, c'est ça, il n'y en a pas?
Mme Poirier
(Nicole) : Moi, j'ai écrit un livre avec Roger Gil, qui est
neuropsychiatre en France, et je l'ai contacté avant de venir ici, puis il me
dit : Il n'existe aucun outil qui mesure l'état de conscience de la
personne, sauf peut-être quand elle est dans le coma, en fin de vie, puis
qu'elle bascule dans un état comateux, puis que, là, on voit cliniquement qu'il
y a des signes. Sinon, juste la prosopagnosie, reconnaître la... les traits du
visage, c'est très subjectif. Il y a tout un
paquet d'échelles, qui part de ne pas reconnaître les traits à reconnaître la
voix, à reconnaître les cheveux, à
sourire à une personne. Qu'est-ce... Il y a une... Il n'y a pas d'échelle qui
peut nous dire... Il n'y a pas un grade qui nous dit à quel... quel est l'état
de conscience. Mais, souvent, les gens nous disent : Mais, oui, elle me
reconnaît, mais je ne peux pas dire exactement pourquoi.
Donc,
les outils, ils mesurent l'aspect cognitif et l'aspect... Et certains outils
qu'on... dont on parle ici ont été créés en 1970, en... aux États-Unis, par des psychiatres qui voulaient
détecter les signes cognitifs. Moi, quand j'ai commencé en 1980, là,
1985, on me disait : Ces outils-là — qui sont les mêmes qu'on
utilise aujourd'hui ou inspirés — ne les utilisez
jamais pour autre chose que pour du dépistage. C'est des outils de dépistage,
puis aujourd'hui, bien, on prend la même formule pour évaluer une personne en
fin de vie. Donc, si quelqu'un vous dit : En bas de tel score, la personne,
elle correspond aux critères, moi, j'ai des gros doutes là-dessus, parce que ça
ne nous donne que l'état cognitif mais pas l'état intérieur, émotif de la
personne.
Donc,
c'est pour ça que je souhaite qu'il y ait, dans un des articles... quand on
parle beaucoup de «professionnel compétent», là je questionne beaucoup,
parce que «compétent»... être médecin, être infirmière, ça ne donne pas nécessairement la compétence pour évaluer tout ça.
Puis, je vous dis, j'en vois, des médecins, puis j'en... je parle à des infirmières, puis ça prend une
formation particulière. Il faut que les équipes soient formées pour pouvoir
comprendre la réalité de la personne puis aussi s'assurer que, quand on prendra
la décision, on aura éliminé toutes les autres causes possibles. Puis je trouve
que c'est un aspect positif qu'il peut y avoir dans cette loi-là, c'est que...
Puis, Mme Bélanger, j'étais rassurée quand je vous avais entendue
dire : Ça va être une... des... une loi pour des derniers recours, quand
on aura tout essayé. Bien, peut-être que ça sera l'opportunité, pour les
équipes, de vraiment éliminer tout ce qui ne
sera pas... tout ce qui peut être traitable ou soulagé. Donc, c'est ça, pour ce
qui est du professionnel, aussi, compétent, ça ne vient pas juste avec
un titre.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci.
Il reste une minute, je pense, pour la députée d'Abitibi-Ouest. La
parole est à vous.
Mme Blais :
Merci, madame, pour votre présentation. Vous avez piqué ma curiosité avec
les gens qui ne dorment pas la nuit. Qu'est-ce que vous faites exactement?
Parce que vous dites qu'on pourrait fonctionner avec eux, parce qu'on sait que l'anxiété,
la nuit, est élevée. Alors, j'aimerais vous entendre sur ce point.
Mme Poirier
(Nicole) : Bien, une personne qui se lève la nuit, en fait, c'est que
notre approche est de se dire : Elle se lève la nuit, normalement, pour
les mêmes raisons que vous et moi, mais souvent le personnel ne pense pas à
aller aux toilettes. Si on lui demande : Voulez-vous aller aux toilettes?,
elle ne comprend pas les mots. On va... On n'insistera pas pour faire des
gestes pour l'amener aux toilettes. Il y a des gens qui ont faim, qui ne sont
pas capables de le demander puis qui
fouillent partout, puis on va dire : Ils sont fouilleurs. Il y a des gens
qui se réveillent la nuit, entre
autres, surtout dans les débuts, quand ils sont dans une résidence.
Imaginez-vous, la mémoire à court terme est touchée, ça veut dire que vous vous
levez la nuit, vous pouvez tous essayer ça quand vous allez ailleurs, vous vous
couchez... vous dormez ailleurs, vous vous réveillez, vous ne savez plus où
est-ce que vous êtes, bien, ça vous prend quelqu'un qui vous dit où est-ce que
vous êtes, donc être rassuré. Ça fait que l'environnement doit être prêt à ça,
l'environnement doit... être adapté aux personnes qui se lèvent la nuit.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup.
Mme Poirier
(Nicole) : Donc, on peut manger, on peut faire plein de choses.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci pour cette réponse. Alors, le
temps imparti à la partie du gouvernement étant épuisé, je me tourne du côté de
l'opposition officielle avec la députée de D'Arcy-McGee. La parole est à vous.
Mme Prass :
Merci, Mme la Présidente. Merci de votre présence ici aujourd'hui.
Moi, j'ai une
question à propos de la notion des refus. Donc, la façon dont c'est rédigé présentement
dans la loi, c'est un refus qui amènerait à
un rejet de la demande anticipée. Et on sait que, pour les personnes qui ont
des... une maladie d'Alzheimer, il
peut y avoir des sautes d'humeur, il peut y avoir une démence heureuse, etc.,
différents moments que... auxquels, peut-être, ils rejetteraient, en
cette instance-là, la demande qu'ils avaient faite. Donc là, la demande est rejetée totalement. Disons, par la suite, ils
décident qu'ils veulent aller de l'avant, ils... leur humeur est différente cette
journée-là, ou quoi que ce soit, mais là ils
sont devenus inaptes. Donc, ils ne peuvent plus faire une demande anticipée
parce qu'ils n'ont plus... ils n'ont plus l'état d'esprit pour le faire.
Donc, pensez-vous,
par exemple, que, s'il y a un refus d'une personne avec une maladie
d'Alzheimer, par exemple... qu'il devrait y avoir un délai, disons, de
30 jours, 90 jours, ou quoi que ce soit, plutôt qu'il y ait un rejet
total de la demande, qu'il y ait, justement, une période de délai pour que,
peut-être, dans, comme j'ai dit, une période de
temps... que la personne revienne à leurs pensées originales, ou, par exemple,
avec l'idée d'un tiers de confiance... que c'est inscrit dans la demande
anticipée de la personne que, même si moi, je refuse, je donne la permission à
ce tiers d'accepter pour ma part?
• (17 h 30) •
Mme Poirier
(Nicole) : OK. Bien, moi, d'abord, je pense que les demandes
anticipées, là, commencer à rentrer dans des
critères, là, comme ceux qu'on a parlé tout à l'heure, c'est... ça va être
compliqué à appliquer. Mon souci, c'est que ça soit applicable aussi, tout ça.
Puis c'est pour ça que je dirais qu'une demande anticipée, ça devrait être de
ne pas souffrir. Et, si je souffre, là, qu'on évalue ma condition.
Donc, si la personne refuse, ça aussi, c'est
paradoxal, parce que, souvent, le refus, il est la... est... cause de grandes
souffrances, c'est l'expression d'une grande souffrance. Alors, si on
dit : Non, il y a un refus, on ne fait rien... mais, derrière ça, il y a
une souffrance. Puis, quand je vous parlais, tout à l'heure, des personnes, là,
qu'on... pour lesquelles on n'arrive
pas à comprendre, c'est souvent des gens qui nous repoussent, qui nous voient
arriver comme des personnes qui peuvent être dangereuses pour elles, qui
nous... et qui crient, qui... et qui... et c'est considéré comme un refus,
alors que c'est une souffrance, si on a éliminé toutes les autres
causes.
Donc,
je ne peux pas vraiment dire qu'est-ce que je ferais dans... Je trouve que
c'est trop paradoxal, cet article de
loi là, de dire : S'il y a un refus, je ne veux pas. Elle est déjà inapte,
donc son refus, il devrait être causé par la maladie, normalement.
Mme Prass :
Donc, comme j'ai dit, est-ce que vous pensez, par exemple, que, dans la demande
anticipée, il devrait y avoir un élément pour que la personne dise : Même
si je refuse, je serais déjà en... inapte, donc on garde ce que j'ai écrit dans ma demande anticipée ou, comme
j'ai dit, que le tiers de... on précise que le tiers de confiance peut demander
même si la personne refuse d'aller de l'avant?
Mme Poirier
(Nicole) : Oui, si je suis souffrant. Si je suis souffrant, oui.
Mme Prass : OK. Parfait. Donc, vous
êtes d'accord que ça ne devrait pas être un rejet total, on devrait prendre
en considération vraiment...
Mme Poirier
(Nicole) : Non. Bien, je pense.
Mme Prass : OK,
ça fait que, dans ce cas-là, le formulaire dont on a parlé qu'on voudrait voir,
est-ce qu'il devrait y avoir, justement, un élément compris dans ce
formulaire-là... Bien, premièrement, vous avez des réticences autour de la
demande anticipée, donc les éléments qui se retrouveraient dans la formule pour
que la personne prenne une décision
consciente... Et donc, c'est ça, pensez-vous qu'il devrait y avoir des éléments
dans le formulaire, justement, qui s'assurent qu'en cas de situation
inapte la personne, leur souhait, lors de la rédaction de la demande anticipée,
sera toujours respecté?
Mme Poirier
(Nicole) : Bien là, moi, ce que je dis, c'est que c'est la
souffrance contemporaine, là, c'est... donc, il faut que la personne, au
moment précis, souffre, bien, je pense que oui, il faudrait que ce soit... que
ce soit respecté, il me semble, s'il y a souffrance.
Mme Prass : Donc, ça devrait
être aussi inclus dans ce formulaire pour que la personne puisse...
Mme Poirier (Nicole) : Oui.
Oui.
Mme Prass : OK. Parfait. Donc,
je renouvelle notre demande de voir le formulaire avant que... dans le cadre de
l'étude du projet de loi.
Mme Poirier
(Nicole) : Il faudrait aussi prévoir un soutien énorme auprès
des équipes. Parce que je vous ai... j'ai parlé, moi, de ma famille,
moi, j'accompagne des équipes, là, avec mes collègues, là, qui sont ici, puis,
dans une équipe aussi, il y a tout ce que je
vous ai dit tout à l'heure, là, qui peut être des points de vue différents,
mais on retrouve exactement la même dynamique dans une équipe où
quelqu'un va dire : Bien non, mais moi, je pense qu'elle ne souffre pas, puis : Ah! non, bien, elle ne
veut pas que je l'accompagne ce matin, par respect, je vais la laisser dans son
urine. Puis l'autre va dire : Non, par respect, il faut que je
l'accompagne. Elle ne mange pas, je pense qu'elle veut mourir. L'autre, elle dit : Non, non, elle ne mange pas parce
qu'elle a mal aux dents, elle ne mange pas parce que ce n'est pas bon,
parce qu'elle a des médicaments. Donc, il y a vraiment un accompagnement
d'équipe qu'il va falloir avoir, parce que je ne pense pas qu'on va avoir... Le
sens dont on parlait tout à l'heure, pour une personne qui vit avec la maladie, bien, ça s'applique aussi au personnel.
Quel sens mon travail va prendre si, à un moment donné, mon évaluation
de la situation n'est pas celle des autres et puis que, là, ce soin-là est
donné et c'est irréversible?
Mme Prass : Ah!
non, je suis tout à fait d'accord avec vous. Et, en retournant à mon point
original, justement, par exemple, si on est soignant, et là que la
personne dit : Bien, moi, je refuse la demande, mais qu'on sait qu'on doit
aller de l'avant parce que c'est inscrit
dans la loi, par exemple, si c'est le cas, cette personne-là va avoir des
contradictions, à savoir comment
procéder et comment... comment passer à travers ça. Donc, tout à fait d'accord
qu'il y ait un accompagnement et même service santé mentale, dans
certains cas où les personnes, il y a un conflit interne, disons, pour aller de
l'avant avec le voeu de la personne.
Il nous reste combien de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il vous reste 3 min 30 s.
Mme Prass : Là, je voudrais
vous entendre... bien, vous en avez parlé un petit peu, mais, si vous pouvez
élaborer sur, justement, quels sont les critères que vous pensez devraient être
vraiment expliqués à la personne qui va faire
une demande anticipée pour qu'il comprenne, que ce soit côté physique, que ce
soit côté mental, qu'il comprenne vraiment :
Quand je serai rendu là, c'est à ce moment-là que je ne... je considérerai que
je voudrais avoir l'aide médicale à mourir.
Mme Poirier
(Nicole) : J'ai essayé de le faire, parce que j'accompagne
des gens à tous les jours, là, des personnes qui venaient d'avoir le diagnostic. Et, juste d'en parler, juste d'en
parler, c'est compliqué. La personne, elle n'en parle pas, elle. Puis moi, je
vais arriver puis je vais lui dire, elle vient d'avoir le diagnostic :
Voici ce qui serait possible plus tard.
Un peu comme si vous... vous apprenez un cancer, puis on vous parle tout de
suite des soins de fin de vie. C'est ça qu'on... Proposer aux personnes qui
vont avoir le diagnostic, moi, à moins que la personne ne m'en parle pas... ne
m'en... c'est ça, si elle m'en parle,
je vais y... je vais élaborer avec elle. Mais, si elle n'en parle pas, déjà, ça
va être un... vraiment un enjeu, cette affaire-là. Mais...
Et qu'est-ce qu'elle met dans sa demande? Bien,
je vais avoir de la difficulté à aller autrement que : Si je souffre, puis que ma souffrance est évaluée, et
puis qu'il n'y a rien d'autre pour me soulager, je veux être... je veux l'aide
à mourir. C'est à peu près tout ce que je serais capable de lui proposer dans la
rédaction de sa demande. Toutes les autres me semblent impossibles à accepter.
Il y a des gens... Même, j'ai entendu à la télé quelqu'un dire : Mon père ne voulait pas aller en CHSLD. S'il y avait eu la
loi, il n'aurait pas été obligé d'y aller. Bien, est-ce que ça va être le genre
de demandes recevables, ça? Les gens pensent ça en ce moment. C'est pour ça que
je dis, il y a un consensus, mais, quand on creuse un peu, c'est plus complexe
que ça.
Mme Prass : Donc... (panne de
son) ...crainte que, justement, le diagnostic d'une maladie d'Alzheimer et la
possibilité d'avoir une aide médicale à mourir va diminuer notre perception
envers ces personnes-là, pour dire : Bien, tu sais, de toute façon, il va
y avoir une diminution de l'état de la personne, donc c'est inévitable?
Mme Poirier
(Nicole) : Je m'excuse, mais je ne suis pas sûre d'avoir compris.
Mme Prass : OK. Avez-vous une
crainte que, justement, en offrant une demande anticipée pour les gens qui ont une maladie d'Alzheimer, que ça va amoindrir
leur... la façon dont eux, ils voient leur futur, par exemple, pour dire :
Bien, écoute, on me dit qu'inévitablement ça
s'en va... tu sais, donc j'imagine que c'est le choix pour moi, sans vraiment
faire le choix d'eux-mêmes, mais parce que ça leur a été présenté?
Mme Poirier
(Nicole) : Bien, peut-être, mais, peut-être, ça va les
rassurer aussi. Mais, s'ils souffrent, éventuellement, ils vont être
soulagés. Ce n'est quand même pas... il n'y a pas de dérive là non plus, ils
vont être... La dérive, pour moi, c'est ceux
qui ne seront pas soulagés puis qui n'auront pas fait leur demande. Puis je
pense aussi qu'il y aura des gens qui, rapidement, vont dire : Ce
n'est pas juste d'attendre qu'il y ait un diagnostic, parce qu'il y a beaucoup
de monde qui, lors du diagnostic, ne sont
plus aptes. Il y a des gens qui m'ont dit : Ma mère, il aurait été trop
tard. Donc, il faut que le diagnostic... il faut que la demande soit
faite avant le diagnostic, que les gens mettent ça dans leur mandat d'inaptitude. D'après moi, ça va... c'est une
demande qui va venir, parce que beaucoup de gens ne sont plus capables de
le faire au moment de... qu'ils ont le diagnostic. C'est logique.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci pour ces réponses. Alors, on est
rendu maintenant à la députée de Sherbrooke, pour une période de
3 min 18 s. La parole est à vous.
Mme Labrie : Merci,
Mme la Présidente. Merci. D'abord, je tiens à vous dire que, pour ce que j'ai
entendu, c'est très beau ce que vous faites à la Maison Carpe Diem.
Bravo d'offrir ce niveau de services là aux gens.
J'essaie de réconcilier plusieurs des choses que
vous nous avez dites puis j'avoue avoir de la difficulté à voir comment...
comment qu'on pourrait s'y prendre. Vous nous avez mentionné... Aux personnes
qui vont vivre de la souffrance au moment où
ils sont déjà devenus inaptes, donc il est trop tard pour une demande de
consentement anticipée, il est trop tard pour une demande contemporaine,
et donc vous vous inquiétez de cette souffrance-là.
Vous nous dites aussi votre malaise par rapport
à la transmission de l'information sur l'aide médicale à mourir sans que ce soit sollicité, est-ce que ça
va être la promotion de ça. Je le comprends, ce malaise-là, mais, en même
temps, comment on fait pour réconcilier tout
ça, s'assurer que les gens ont vraiment entendu parler que ce recours-là
existe, qu'ils n'en soient pas privés parce qu'ils l'ignoraient et qu'ils
subissent, donc, de la souffrance sans avoir pu exercer ce droit-là,
sans non plus tomber dans la proposition de l'aide médicale à mourir à une
personne? Il ne faut pas que ça ait l'air de ça non plus, je... Est-ce que vous
voyez une manière de trouver un équilibre là-dedans?
• (17 h 40) •
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
moi, j'ai beaucoup... Comme je le dis dans le mémoire, je suis... j'ai de la
difficulté à être pour de façon tranchée puis être contre aussi, parce qu'il y
a beaucoup, beaucoup d'ambiguïtés comme ça qui sont... qui vont apparaître sur
le chemin de... sur ce chemin-là. Donc, je ne saurais pas comment concilier tout ça autrement que de dire... Ce qui
serait simple, là, ce serait de dire : Bien, les gens peuvent le faire
sans avoir de diagnostic. Ça, tu le fais sous aucune pression ni celle d'avoir
la maladie ni de personne, tu le fais toi-même avant d'être malade.
Peut-être... bon, il y aurait peut-être des notions. Ou la fin de vie, lorsque
la personne, elle bascule dans un... comme en Belgique, par exemple, où on peut
faire des directives... des demandes anticipées lorsqu'on devient
inconscient, à ce moment-là, c'est évaluable, là... où, d'un point de vue
médical, on voit que la personne est en fin
de vie, on procède à l'aide médicale à mourir. En Belgique, c'est comme...
c'est de cette façon-là. C'est plus précis, c'est plus circoncis. Mais,
entre les deux, il y a un monde... il y a un monde de subtilités, de nuances
que je trouve difficiles à mettre dans un...
Mme Labrie : ...déjà, selon ce
que vous me dites, si c'était possible de faire une demande anticipée avant
d'avoir un diagnostic et qu'on... et donc que la transmission de l'information
sur l'aide médicale à mourir anticipée était faite de cette manière-là, ce
serait moins perçu, pour vous, comme une pression vers l'aide médicale à
mourir, si on... si c'était fait comme ça, ce serait plus... il y aurait
moins... il y aurait moins de pression vers la personne, si elle le fait sans
diagnostic.
Mme Poirier (Nicole) : Bien
oui. Est-ce que c'est réaliste de penser ça? Je ne sais pas, mais, oui, quand
tu as le diagnostic, tu peux... il est démontré qu'une grande proportion des
gens vivent une dépression. Ils sont dépressifs pendant les trois, six, 12 mois qui suivent, après avoir appris
leur diagnostic. Puis, après ça, bien, ils se disent : Bien là... Ils
sont pris avec l'émotion : Je ne veux pas être un poids pour mes enfants,
est-ce que je vais coûter cher? Toutes ces
questions-là se posent. C'est difficile de le faire d'une façon vraiment
rationnelle. Essayez-le, juste comme ça, là, ce soir, de les écrire, vos
directives, c'est compliqué.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci pour cette période d'échange. On va terminer
maintenant avec la députée de Laviolette—Saint-Maurice pour une période de
3 min 18 s. La parole est à vous.
Mme Tardif : Mme Poirier,
bonjour. Tout d'abord, merci. Merci de vous être déplacée, je sais à quel point
vous êtes occupée et investie. J'ai eu le privilège de visiter votre demeure et
de voir les merveilles que vous et votre équipe
vous faites auprès de ces personnes-là. C'est assez extraordinaire. Ça nous en
prendrait plus, des Mmes Poirier, à travers la province.
Je
veux vous rassurer, puis, si je me trompe, Mme la ministre, corrigez-moi, mais
on veut et on va inclure la notion de souffrance dans le projet de loi. C'est
un des critères, là, une des conditions d'admissibilité. Donc, il faut qu'il y ait une souffrance qui soit là, pas une
souffrance momentanée, mais une souffrance persistante et non temporaire.
Vous
parliez des professionnels, avec raison, parce que, comme je disais, bien, il y
en a très peu, de Mmes Poirier, mais on parle d'une expertise et
d'une équipe de professionnels, et on parle d'évaluer des critères pour les
malades. Quelles seraient les formations? Quelle expertise vous voyez que ces
gens-là devraient avoir?
Mme Poirier
(Nicole) : Bien, je pense qu'ils doivent avoir une formation sur une
meilleure compréhension de la réalité de la
personne, être capables de faire la différence entre un symptôme lié à la
maladie et lié à un manque de formation.
Il y a de la maltraitance par manque de formation, ce n'est pas parce qu'on est
méchant, c'est parce qu'on n'a pas la formation. Il y a de la
maltraitance organisationnelle, des horaires rigides, des cloisons... Oui?
Mme Tardif :
...
Mme Poirier
(Nicole) : Bien, merci, parce que ça me fait penser qu'un point
important pour nous, c'était aussi de
dire : Ce serait bien qu'on réfléchisse, collectivement, sur l'aide à
vivre, comment on peut aider à vivre, quels seraient les critères de
bientraitance. Comme je disais tout à l'heure, là, des gens, ils se pensent
bientraitants quand ils laissent quelqu'un dans leur urine parce qu'ils
disent : Je le respecte. Bien, ce serait quoi, de façon objective, cette
bientraitance-là, qu'on pourrait proposer aux gens, comment on peut les aider à
vivre? Et ça vient avec de la formation, ça
vient avec une organisation, ça vient avec une approche globale. Puis je pense
qu'il y aurait aussi quelque chose à proposer de ce côté-là.
Mme Tardif :
Puis, par rapport à l'article 13, là, on dit : L'article 13
mériterait d'être clarifié pour expliquer la
différence entre la demande contemporaine d'aide médicale et la demande
anticipée. Donnez-moi un peu votre idée par rapport à ça.
Mme Poirier
(Nicole) : Bien, je trouvais... je l'ai relu souvent, cet article-là,
pour essayer de comprendre la différence
entre les deux. Mais je pense que, si j'ai... ce que j'ai compris, c'est qu'il
y a une différence entre la demande anticipée, qui ne nécessite pas
nécessairement de... qu'est-ce que... il faut qu'elle soit cohérente avec ce
qu'on avait prévu, versus
contemporaine, il faut que la personne, elle souffre à ce moment-là. Moi, je
préconise la souffrance contemporaine pour éviter, justement, de...
toutes sortes d'interprétations.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. C'est tout le temps
que nous avions. Merci, Mme Poirier, pour votre contribution aux travaux
de la commission.
Mme Poirier
(Nicole) : Merci à vous.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, je vais suspendre les travaux
pour quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à
17 h 46)
(Reprise à 17 h 51)
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors,
à l'ordre, tout le monde. Nous allons reprendre les travaux de la
commission.
Pour cette séance,
nous recevons la Commission sur les soins de fin de vie, qui est représentée
par le Dr Michel Bureau, président de la commission, ainsi que
Mme Maryse Carignan, membre et infirmière.
Alors, je vous
rappelle que vous aurez 10 minutes pour présenter... pour vous présenter
et exposer votre... une partie de votre mémoire.
Ensuite s'ensuivent les périodes d'échange avec les députés. Le temps commence
maintenant pour vous.
Commission sur les soins de fin de vie
M. Bureau
(Michel) : Bien, merci, Mme la Présidente. Mme la ministre et chers
parlementaires, je suis ici comme président
de la Commission de soins de fin de vie. Je suis accompagné de Maryse Carignan,
qui est commissaire désignée par
l'Ordre des infirmières, et elle est ici pour son expertise en soins
palliatifs, et j'espère que nous aurons la chance d'en parler un petit
peu.
Pour ma part, je suis
un pédiatre, un pédiatre de soins intensifs, et j'ai connu les difficultés de
la fin de vie avec mes jeunes patients dans
ma carrière de médecin à l'époque. Je préside cette commission, et c'est une
commission qui est très particulière. Elle a été créée par
Mme Hivon, j'aime le dire ainsi, à une époque... il faudra lui demander pourquoi. Quand il y a eu le débat sur la loi de
fin de vie, en 2014, tout de suite, on a dit : C'est un sujet fort
complexe, pas seulement l'aide
médicale à mourir, mais les soins palliatifs, la sédation palliative continue,
les directives médicales anticipées, et ça prend un organisme de
surveillance.
On a commencé par
penser : Est-ce que le Collège des médecins peut faire ça? Et, à l'époque,
on a dit : Collège des médecins, c'est
la même famille. Est-ce que les hôpitaux peuvent faire ça? Dans un hôpital,
petit ou gros, tout le monde se connaît, on est dans le même
département. Est-ce que ça peut être cette équipe? Et il fut décidé de créer
une commission qui est à l'image de la société civile, qui représente des
citoyens, des éthiciens, des infirmiers, infirmières, des pharmaciens, des
médecins. Et on lui a donné le mandat global de surveiller les problèmes de fin
de vie et de faire des recommandations au
ministre, le cas échéant, et surtout de regarder, après le coup, chacune des
aides médicales à mourir pour s'assurer qu'il n'y ait pas de dérive.
Alors, la commission des soins de vie est
équipée de... moi, je les appelle les «supercommissaires», c'est des gens de très grande compétence dans leur domaine,
ils sont tous attachés à la fin de vie, par exemple, juristes, il y en a un qui
est un juriste de la capacité de décider de l'aptitude, il y a un avocat des
soins de fin de vie aussi, et il est aussi éthicien. Alors, c'est une commission qui est... qui est
très... où il y a beaucoup d'expertises. Et, quand vient le temps d'écrire une
recommandation au ministre, on a toute
l'expertise interne pour faire ce travail, et j'en suis très fier, comme vous
le sentez.
La commission a étudié le projet de loi
n° 11 et elle l'approuve en général dans son ensemble, nous avons quelques
remarques à faire, mais, d'entrée de jeu, elle rappelle que la loi, c'est une
loi concernant les soins de fin de vie, puis
le tronc commun des soins de fin de vie, c'est les soins palliatifs. C'est là
où se greffe l'aide médicale à mourir, la sédation palliative continue.
C'est là où se grefferont aussi les déclarations d'AMM sur décision anticipée.
Tous les gens qui ont besoin de soins de vie
ont besoin du plateau de base, qui est le plateau des soins palliatifs, qu'on
oublie souvent.
Pour les
personnes qui sont atteintes de maladies graves et incurables et qui vont en
décéder, les soins palliatifs, ça va de soi. Pour les gens qui ont un
handicap ou qu'on... ou qui vont demander l'aide médicale à mourir pour trouble
neurocognitif, cela demande un environnement qui est comparable à ce qu'on fait
avec les soins palliatifs pour les aider à bien vivre tout le temps qu'ils
auront à bien vivre. Si on pense aux personnes qui sont porteurs de handicaps, les équiper pour qu'aucun d'eux ne choisisse
l'aide médicale à mourir parce qu'ils n'ont pas les services qui rendraient
leur vie acceptable...
La commission appuie des décisions... pas des
décisions, mais des recommandations qui avaient été faites par le PL n° 38, par exemple, d'introduire les infirmiers,
infirmières spécialisées pour se joindre aux médecins dans l'aide médicale à
mourir. Elle appuie aussi la décision ou la recommandation, qui est dans cette
loi, d'inclure le GIS, le groupe interdisciplinaire de soutien. On a décrit
comme c'était complexe, cette histoire-là, les médecins ont besoin d'aide, les... l'équipe soignante a besoin d'être
guidée aussi, et la loi met, dans un article de loi, la création des groupes
de soutien dans les établissements.
La commission appuie aussi la décision de ne pas
transférer les mourants d'une maison de soins palliatifs à un hôpital pour recevoir l'AMM. Nous comprenons
que le consensus est en train de se faire, il faut peut-être l'accélérer,
mais nous appuyons cet article de la... du PL n° 11.
La commission, en ce qui concerne les handicaps
neuromoteurs... la commission ne voulait pas de débat sur le handicap neuromoteur, et on aurait bien voulu
appeler cela autrement, parce que le mot «handicap», et Mme Hivon en a fait la lecture tout à
l'heure, c'est tout. Tout est un handicap. On en a tous un petit qui est caché,
puis il y en a qui en ont des gros, mais le handicap, c'est tout. Alors,
il n'y avait pas moyen d'éviter le mot «handicap», avons-nous compris, mais il
fallait le baliser.
Le handicap neuromoteur vient dire qu'il y a une
catégorie qui est demandeur d'aide médicale à mourir pour une raison de
handicap neuromoteur. C'est particulièrement les traumatisés de la moelle lors
d'un accident. Tous les autres traumatisés,
si vous regardez les rapports des quatre coins du monde sur l'aide médicale à
mourir ou l'euthanasie, les autres
personnes qui sont porteurs d'un handicap ne réclament pas l'aide médicale à
mourir. Les sourds de naissance, les
aveugles, les... même les enfants avec paralysie cérébrale ne réclament pas...
et il y en a à peu près 5 000 au Québec, ces gens-là ont appris à
vivre avec leur handicap. On les a aidés, peut-être pas assez, et ils ne
demandent pas l'aide médicale à mourir.
Alors, avoir un débat large sur l'aide médicale
à mourir m'a semblé un petit peu alarmiste pour inquiéter des gens qui jamais ne penseront à demander l'aide
médicale à mourir. Cependant, nous sommes d'accord avec la proposition
de la loi de... d'accepter le handicap neuromoteur et que, dans ce cas-là, des
balises soient expliquées par les ordres professionnels et les organismes, les
associations professionnelles pour bien baliser ce que c'est. Vous sentez que
j'ai vraiment peur de ce mot, «handicap»,
parce qu'il est trop large. Il faut le baliser et ne pas... et le garder, ce
pourquoi la demande se fait, et c'est des groupes qui sont très peu
nombreux.
Concernant les demandes anticipées, la
commission est favorable à... au projet de loi, bien sûr. Elle soulève deux
questions qui étaient des obstacles. Le premier, c'est la réticence des
médecins. Quand Mme McCann avait fait son forum, le 27 janvier 2020,
tout le monde était favorable aux demandes anticipées d'aide médicale à mourir,
mais les médecins disaient : Moi, je ne le ferai pas. Puis, en
juin 2022, à PL n° 38, je me souviens, je
pense, c'est le 8 juin, les Drs Ricard et Rivard... dit : Nous,
on ne le fera pas, les médecins.
• (18 heures) •
Ça a bien inquiété la commission. Et nous avons
fait un sondage... pas un sondage, un questionnaire interne auprès des
1 400 médecins qui donnent l'aide médicale à mourir au Québec pour
dire : Pensez-vous encore ça? Voulez-vous ne... vous abstenir de soutenir
l'aide médicale à mourir sur demande anticipée? Et la réponse a été très étonnante, entre 200 et 300 médecins
acceptent, disent-ils dans ce questionnaire, de donner l'aide médicale à
mourir. Alors, c'est une barrière qui tombe.
Il y en a une
autre qui s'apprivoise, c'est celle... je termine, c'est la barrière de la
reconnaissance des souffrances. Vous avez vu, de Mme Poirier,
assise ici tout à l'heure, qu'elle sait reconnaître les souffrances chez ces
personnes. La commission a consulté des spécialistes de
la question, qui nous ont dit la même chose : Ça ne doit pas être un obstacle,
il faut avoir recours aux bonnes personnes pour reconnaître la souffrance.
Et peut-être
savez-vous, mais il y a 70 personnes qui ont reçu l'aide médicale à mourir
pour raison d'Alzheimer qui étaient aptes à décider, elles avaient une maladie grave et
incurable et elles étaient suffisamment en déclin pour être encore aptes
et pouvoir demander l'aide médicale à mourir. Et, de cette cohorte de
personnes, on apprend beaucoup. Ils sont à la veille de devenir inaptes, alors
leurs souffrances sont identifiables, leurs conditions... On a gardé un
répertoire de ces 70 personnes, si jamais cela peut vous éclairer.
Enfin, je termine en
disant que, quand la commission a été créée, elle a été créée pour traiter 300,
400 aides médicales à mourir par année. Nous nous dirigeons vers
5 000 ou 6 000 bientôt, et la commission... on doit réviser le
fonctionnement de la commission, assurer sa gouvernance, lui donner les moyens
pour faire face aux nouveaux mandats qui lui sont confiés.
Alors,
je serais à votre disposition pour répondre à vos questions, et n'oubliez pas
Maryse, de... soins palliatifs.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup pour votre présentation. Alors, je passe maintenant la parole à
Mme la ministre. Il vous reste 15 min 30 s pour les questions.
Mme Bélanger : Alors, bonjour, Dr
Bureau. C'est toujours un plaisir de vous entendre. Bonjour, Mme Carignan.
Alors, je pense que vous avez bien expliqué votre vision. On voit que,
dans le fond, la commission et vous, comme président, vous êtes, donc, en
faveur d'une grande majorité des éléments qui sont présentés dans le projet de
loi.
Moi, j'aimerais
peut-être que vous nous parliez de votre vision et peut-être des expériences
aussi que vous avez vues avec d'autres pays
sur le fait d'avoir une commission indépendante, versus un ordre professionnel.
J'aimerais ça vous entendre à ce sujet-là. Puis est-ce qu'à votre
connaissance, dans d'autres pays, cette instance existe?
M. Bureau
(Michel) : Oui, cette instance existe en Belgique et aux Pays-Bas, et
c'est les deux seuls régimes qui ont vraiment l'aide médicale à mourir un peu
comme nous. Ailleurs, c'est l'euthanasie, le suicide assisté, mais une commission comme nous, c'est aux Pays-Bas puis
en Belgique. Et, aux Pays-Bas, ils fonctionnent avec des divisions régionales. En Belgique, c'est une commission
centrale. Pays-Bas a 17 millions d'habitants, la Belgique ont
11 millions. Ils font le travail équivalent de ce que nous, nous
faisons. Je pense que la composition de notre commission n'a pas à envier
personne d'autre.
Mme Bélanger :
Et je vois aussi, puis on l'a vu dans le dernier rapport que vous avez produit
puis que j'ai déposé en décembre dernier à l'Assemblée nationale, une augmentation
des demandes d'aide médicale à mourir. Pouvez-vous nous expliquer, selon vous,
quel est... qu'est-ce qui explique qu'au Québec on a cette augmentation du
nombre de demandes et aussi du nombre d'interventions en lien avec l'aide
médicale à mourir?
M. Bureau
(Michel) : Quand on a écrit notre rapport, on l'a gardé silencieux
pendant un moment, se demandant qu'est-ce que c'était vraiment. Et le premier
réflexe, c'est de regarder chaque demande. Est-ce que ce sont des demandes qui
sont conformes à la loi? Elles sont toutes conformes à la loi. De temps en
temps, il y en a une qui est sur la clôture. On s'occupe de passer le message
de faire attention. Elles sont conformes à la loi.
Deuxième chose qu'on
a regardée : est-ce que ce sont des soins de dernier recours? Alors, les
gens qui demandent et reçoivent l'aide médicale à mourir, ils sont dans les
derniers trois mois de leur vie, pour 70 %, dans les derniers six mois de leur vie, pour 81 %,
puis, dans les moins de deux ans, pour 97 %. Ces gens-là ont essayé toutes
les thérapies, et c'est des soins de dernier recours.
Alors, pourquoi on a... Vous, Mme Bélanger,
vous m'avez demandé, l'autre fois : Qu'est-ce que les médecins en
pensent? J'ai saisi le message et j'ai fait un questionnaire pour les médecins,
et on a envoyé ça à 1 400 médecins, et ils nous ont répondu... 550.
Et les questions, c'étaient : Pourquoi pensez-vous? La première réponse,
c'est : pour des douleurs inapaisables,
puis la deuxième réponse, c'est : pour la dégradation de la vie de la
personne, puis la troisième réponse, c'est : les gens veulent
contrôler leur mort. Puis à une sous-question : Est-ce qu'ils font ça par
défaut, parce qu'ils n'ont pas les soins adéquats, plus de 90 %
disent : Jamais par défaut. Alors, c'est quoi? Bien, je pense qu'on aurait besoin de sociologues pour étudier
qu'est-ce qu'il se passe au Québec. Des sous-questions disaient qu'il y a une
acceptabilité sociale telle au Québec... Beaucoup d'entre vous connaissez des
gens qui sont décédés, et l'exemple d'un
décès en douceur vous dit : Moi, si je suis malade, c'est comme ça que je
veux... c'est ce soin-là que je veux utiliser. Puis le fait que ce soit
un soin... c'est un soin avec la même équipe de soins, de soins palliatifs,
dans le continuum, ce n'est pas la même chose que de demander l'euthanasie.
C'est prendre un soin qui est par la même équipe, dans notre institution, dans
notre environnement. Il faudra que des sociologues regardent ça pour vous
donner des réponses plus précises que les miennes.
Mme Bélanger :
Peut-être, tantôt, vous avez abordé brièvement les maisons de soins
palliatifs, mais vous voyez que, dans le
projet de loi, là, on prévoit que les maisons de soins palliatifs doivent
offrir l'aide médicale à mourir lorsque c'est demandé. Puis je peux quand
même juste, en tout cas, aller dans le même sens de ce que vous avez mentionné : il y a toute une évolution,
actuellement, la grande majorité des maisons de soins palliatifs procèdent, il
y a à peu près sept, huit maisons de soins palliatifs, au Québec, qui sont en
réflexion pour adapter leurs façons de faire, et tout ça, ça fait que,
donc, là aussi, on voit, là, qu'il y a quand même une évolution à ce niveau-là.
Je termine ma dernière question parce que je
vais laisser mes collègues s'exprimer, mais je veux juste revenir sur la notion de handicap neuromoteur. Donc, vous
le voyez, c'est... je sais que vous avez passé une grande partie de la journée ici, vous voyez un petit peu que c'est le
coeur, là, vraiment, d'un élément très important dans le projet de loi, puis ça ne fait pas consensus, hein, on le voit
bien. Et vous avez parlé de la définition en disant : Bien, on le voit, il
y a une définition très large du handicap. Puis même, certains
intervenants, aujourd'hui, ont parlé d'une définition plutôt à caractère social
de ce que c'est, le handicap.
Peut-être
poser une question hypothétique, peut-être que ce n'est pas régulier dans le
cadre d'une commission, mais supposons que, dans les prochaines consultations,
on décide de ne plus mettre la notion de neuromoteur, qu'on la retire complètement puis qu'on va juste avec la
notion de handicap, vous, comme président de la commission, ce seraient
quoi, les mises en garde que vous nous feriez là-dessus?
• (18 h 10) •
M. Bureau (Michel) : Ma
première réponse, c'est que vous allez inquiéter 98 % des gens qui ne sont
pas concernés par le handicap. Ils ne demanderont pas l'aide médicale à mourir.
Ils n'y ont jamais pensé, leur entourage n'y a jamais pensé, puis là vous allez
leur demander : Est-ce que c'est bon pour vous, est-ce que vous voulez
avoir ce droit? Je le dis, et j'ai eu des discussions avec Mme Hivon, qui
est la mère de cette loi, moi, je trouve que nous questionnons des gens qui ne
veulent pas entendre la question.
Est-ce que ce serait carrossable si le PL 11
l'adoptait comme ça? Ce serait carrossable. Il faudrait que le Collège des
médecins et la commission s'entendent sur une interprétation très, très, très
stricte. Et je fais écho aussi à ce que les
Drs L'Espérance et autres ont dit sur le Canada et les autres pays. Si vous
regardez les rapports de la Belgique, des Pays-Bas... Canada, le rapport
n'est pas spécifique, il est assez succinct, mais le handicap, pour ceux à qui
nous poserions la question... ces gens-là ne
sont pas des sujets qui demandent et reçoivent l'aide médicale à mourir dans
ces autres pays aussi. Ça fait que le limiter à «neuromoteur», c'est
innocent, parce que tous les autres, ils ne réclameront pas ce privilège
d'avoir l'aide médicale à mourir.
Mme Bélanger : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre.
Merci, Dr Bureau. Je vais maintenant céder la parole à la députée de
Roberval.
Mme Guillemette : Merci, Mme la
Présidente. Merci d'être avec nous. C'est très important pour nous de vous
entendre. Et, à la fin de votre présentation, vous nous avez parlé que ce
serait le moment de réviser le fonctionnement de la commission, puis là il ne
restait plus beaucoup de temps. Ça fait que... qu'est-ce qu'il faudrait revoir,
là, avec les changements qu'on va faire, la commission des soins de fin de vie,
là?
M. Bureau
(Michel) : Bien, vous nous avez donné un petit bateau pour
naviguer sur un petit lac, puis là, bien, on est amenés dans la mer. Alors, le
PL, la loi de l'époque n'a pas défini la gouvernance de la commission. Il y
a-tu un président ou il n'y en a pas? Le Conseil des ministres nomme un
président. Est-ce qu'il y a un secrétaire général, un directeur général?
Qu'est-ce qu'il a le droit de faire?
Je vais vous
donner un exemple. J'ai fait deux sondages auprès des médecins. Les
commissaires disent : Est-ce que la loi nous permet de faire ça? Ce n'est
pas clair. Il faut clarifier ça. On doit garder nos... On a un répertoire de
15 000 aides médicales à mourir. On a la meilleure collection du
monde qu'on peut exploiter pour fins de recherche et de comprendre comment notre société... est-ce qu'on a le droit de
faire ça. Quand les médecins dépassent la ligne un peu, là, on pourrait
leur envoyer une lettre d'avocat. On ne fait pas ça, mais est-ce que j'ai le
droit de les appeler? Voyez-vous, et, si une institution n'est pas ouverte à...
ce n'est pas convivial, est-ce que je peux appeler le PDG puis lui dire :
Occupe-toi donc de ça?
C'est ça que nous disons. Il faut, donc,
préciser la gouvernance. C'est la première chose. Il faut accepter qu'on garde
plus de cinq ans le registre des AMM. Et ce sont des petites choses comme ça.
Et on a des articles de loi à vous proposer
dans le mémoire pour répondre à cette question, mais, après sept, huit ans,
c'est le temps de faire ça. Quant à la
question : Est-ce que la commission doit exister? Je vous laisse répondre.
Il faudrait demander à Mme Hivon pourquoi elle l'a créée, d'abord,
mais je pense que c'était une bonne décision de la société civile.
Mme Guillemette : Merci. Est-ce
qu'il reste encore un petit peu de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...4 min 30 s
Mme Guillemette : Dans tous les
cas que vous avez étudiés, c'est votre mandat, est-ce que vous avez vu des cas de dérives, des choses qui reviennent
peut-être souvent à... lesquelles on devrait, peut-être, pendant qu'on est dans
le projet de loi, corriger.
M. Bureau (Michel) : Bien, il y
en a un qui est une véritable obsession. C'est : une personne qui a
95 ans qui a toute sorte de petits bobos, qui ne veut vivre et puis qui
dit : Je vais arrêter de manger, je n'ai plus faim, puis personne ne me
visite, et qui est très fragile, «frailty» comme disent les Anglais, mourra de
sa belle mort. Est-ce que... ce qui
m'obsède, est-ce que notre société remplacerait la mort naturelle par l'aide
médicale à mourir? Alors, on a vu souvent des AMM administrées qui
n'étaient pas claires. Et, dans ces circonstances, un commissaire médecin ou
une commissaire contacte le médecin et dit : Est-ce que c'est vraiment la
mort naturelle qu'on n'a pas laissée arriver puis qu'on a pris l'aide médicale
à mourir? Vous voyez? Ce n'est pas facile de répondre à cette question, et,
dans tous les cas, je
dirais, on trouve des éléments qui font que ce n'est pas l'aide médicale à
mourir qui vient pousser la mort naturelle ou la remplacer.
La loi, quand elle
fut faite, elle ne fut pas faite pour ça du tout, alors on a dû écrire une
missive aux médecins. Puis, quand vous disiez qu'est-ce qui nous dérange dans
notre loi?, bien, on ne sait pas si on a le droit de dire aux médecins... puis
envoyer une règle générale : Voilà notre interprétation dans ces cas-là, et,
s'il vous plaît, tenez-vous-en aux règles. Quand on dit qu'il n'y a pas de
dérive, ce n'est pas pour rien, il y a une action préventive assez importante.
Mme Guillemette :
Ça fait que chaque cas est étudié par la commission d'aide médicale à mourir.
M. Bureau
(Michel) : Oui.
Mme Guillemette :
Merci. Je crois que j'ai d'autres collègues qui ont des questions.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. Je pense que
la députée de Vimont a des questions.
Mme Schmaltz :
J'ai encore le temps, oui? C'est bon?
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : ...
Mme Schmaltz :
D'accord. En fait, on a entendu beaucoup de gens, aujourd'hui, parler de
l'aide médicale à mourir, du terme
«handicap», de plusieurs, plusieurs éléments, mais, moi, il y a quelque chose
qui... pas qui me chicote, là, mais qui m'interpelle en tant que
citoyenne, appelons ça comme ça, enlevons notre chapeau puis parlons en tant
que citoyens. Je comprends que l'aide médicale à mourir, c'est le dernier
recours dans tout ce qui est soins palliatifs, appelons ça comme ça, mais, juste avant, on a quand même les soins de
confort de longue durée, donc ceux qui mènent vers la finalité, appelons
ça comme ça.
Qu'est-ce qui fait
qu'à un moment donné une personne va préférer l'aide médicale à mourir, versus
les soins de confort continu? Parce que...
Je comprends que c'est parce que c'est plus rapide? Ou est-ce qu'on essaie de
lui expliquer la... Est-ce qu'elle
est bien consciente, finalement, de qu'est-ce qu'elle peut choisir quand
elle... quand elle est... elle a ce choix à faire, sans faire de jeu de
mots, là.
M. Bureau
(Michel) : J'aime bien votre question. C'est la grande image. Quand
quelqu'un reçoit de son médecin : Vous
avez le cancer, vous allez vivre six mois ou un an, pas plus, le médecin va lui
dire : On ne vous abandonne pas,
on va vous donner des soins de confort, et, si ça doit être plus intensif, ça
va être des soins palliatifs, puis vous allez avoir des soins de
confort. Et, pour 90 % des personnes, ils vont cheminer comme ça jusqu'à
leur mort ou ils vont être soulagés dans les derniers, derniers moments.
En cours de route, il
y en a 7%, 8 %, au Québec, qui dit : Moi, j'envisage une mort dans la
grande douleur, je ne veux pas vivre ça.
Alors, deux, trois mois avant le décès, ils disent : Je veux être évalué
pour l'aide médicale à mourir. Et les deux médecins le font, et cette
personne est jugée admissible et elle fixe une date. Quelques-uns vont changer
d'idée parce que les soins de confort ou les soins palliatifs vont les aider ou
parce que... des fois, c'est parce que la famille ne veut pas ou c'est parce
qu'eux autres ne veulent pas. Alors, c'est ça, la grande image, mais votre
question nous fait dire qu'on parle beaucoup
d'AMM, mais c'est des 90 % qui ne recourent pas à l'AMM, qui ont des soins
de confort et des soins palliatifs, de qui on doit s'occuper, et le
faire à domicile, c'est...
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dr Bureau, pour
votre réponse. Le temps de la banquette
ministérielle étant écoulé, je vais me tourner du côté de l'opposition
officielle. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, vous bénéficiez de
9 min 54 s. Le temps est commencé.
Mme Maccarone :
Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre témoignage et votre
mémoire. Je veux renchérir sur la notion de handicap neuromoteur. J'entends ce
que vous dites puis... le 90 % qui ne réclament pas. Alors, si on enlève la notion de neuromoteur, bien, dans le fond,
nous sommes en train de, peut-être, faire fausse route, parce qu'on
rouvre l'accessibilité à l'aide médicale à mourir à des personnes qui,
peut-être, ne souhaitent pas faire appel à la demande d'avoir ce soin.
• (18 h 20) •
Mais je vous soumets
que ce qui est de consensus, là, je pense que... la seule chose qu'on peut
constater de consensus, c'est que c'est très
difficile de déterminer la souffrance de quelqu'un. La souffrance va varier
entre chaque personne. Alors, je vous mets au défi, parce que... Si on
enlève la notion de neuromoteur ou si on lève la notion... on laisse la notion de neuromoteur, par exemple,
comme vous proposez, est-ce que nous ne sommes pas en train d'enlever le
droit de choisir pour des personnes qui souffrent, selon leur propre définition
de souffrance? Parce que ce n'est peut-être pas suite à un accident
d'automobile, mais ils sont nés avec un handicap dont la souffrance est très,
très, très difficile. Moi, je crois
fortement à l'autodétermination, l'autonomie de choix. Ça fait que, si on
laisse «neuromoteur», est-ce que nous
ne sommes pas en train de tourner le dos envers des personnes qui, peut-être,
ne feront pas le choix? Mais d'avoir le choix, ce n'est pas un droit
fondamental, un droit civil que nous devons continuer à offrir à ces personnes,
ces citoyens, ces Québécois?
M. Bureau (Michel) : La
réponse courte, c'est oui. C'est ce que vous faites. Je peux vous retourner la
question : Pourquoi ces gens-là, à aucun endroit dans le monde, ne se
manifestent pour recevoir ce type de soin? Il y a peut-être des
exceptions qui voudraient y recourir, peut-être, mais rappelez-vous pourquoi
nous sommes dans l'aide médicale à mourir. On le doit au Collège des médecins.
En 2008, il a dit : Aïe! L'acharnement thérapeutique, ça fait, assez, là!
On va trouver d'autres façons puis on va mourir dans la dignité. C'est comme ça
qu'est née l'aide médicale à mourir.
Alors, ici, ce que
vous me dites, il n'y a pas de demande de la clientèle. Pourquoi on ferait une
discussion qui les interpellerait puis les amènerait à la barre pour en
discuter? Alors, est-ce qu'on fait plus de tort que de bien?
Mme Maccarone : Puis, tu sais, peut-être
c'est parce que je ne le sais pas, s'il y a des demandes. Je ne sais pas
la raison pour laquelle qu'il n'y a pas de
demande. Ça se peut qu'il n'y a pas de demande parce que l'option n'est pas là.
On a vu aussi beaucoup de gens qui sont venus devant le tribunal pour dire
que... moi, ma souffrance est importante puis je souhaite avoir accès. On peut penser à Gladu-Truchon, par exemple. Ça
fait qu'on peut dire que... Est-ce qu'on devrait prendre en
considération ces personnes? Je ne dis pas que c'est moi qui va prendre la
décision. Je souhaite avoir le débat avec
mes collègues puis avec toutes les personnes qui souhaitent venir témoigner.
J'aurais espéré avoir une commission plus large, pour entendre la voix des
personnes en situation de handicap, parce que je pense que leur opinion, en
ce qui concerne l'ouverture, est très importante, mais je comprends ce que vous
êtes en train de dire.
Mon but, c'est de ne
pas dire à tout le monde : Bon, bien, c'est bar ouvert, maintenant, c'est
là. Ce n'est pas ça, le but. Moi, mon but,
c'est de s'assurer qu'on protège aussi les droits de tout le monde. Puis je ne
veux pas dire qu'on limite, à quelque part, les droits civils de
quelqu'un parce qu'il ne rentre pas dans une définition, parce qu'on a peur,
peut-être, de faire une offre ou de dire qu'on va élargir les soins.
Ça m'amène à une
autre question, parce que vous avez dit, puis avec beaucoup de justesse, que
c'est arrivé peut-être, dans le passé, que
l'aide médicale à mourir n'a pas été appliquée correctement. Avec une demande
anticipée, si, mettons, je veux
définir moi-même, après qu'on voit la formule puis le document, puis moi, je
coche des boîtes ou j'écris, pour moi, c'est quoi, la souffrance, puis,
rendue à ce point, je souhaite avoir accès à l'aide médicale à mourir, que
devons-nous faire si la souffrance n'est pas une réflexion exacte de la façon
que j'ai décrit mon désir d'avoir accès... rendue à ce moment-là?
M. Bureau
(Michel) : Il y a deux éléments de réponse. C'est, d'abord, la
formulation que la personne doit faire et la
vérification de la formulation; au moment deux. Dans le questionnaire qu'on a
envoyé au médecin, on leur a posé deux questions qui sont en
miroir : Qu'est-ce qui vous aiderait le plus à être confiants de donner
l'aide médicale à mourir sur demande
anticipée puis qu'est-ce qui vous stopperait de le faire? La réponse est
exactement la même : ce qui
m'aiderait, c'est une formulation impeccable; ce qui me stopperait, c'est le
flou. Et ça, ça comprend les souffrances, le déclin, que la personne doit décrire elle-même. Et un effort
considérable va devoir être fait, peut-être par les établissements, peut-être
par légistes... un rôle de la commission, du ministère, là-dedans, pour avoir
des... la fameuse formule à laquelle vous
référez, qui soit parfaite, si on veut s'en tirer. Rappelez-vous qu'aucun pays
n'a réussi ce qu'on essaie de faire.
Même les Pays-Bas ont très, très peu... quelques cas par année d'aide médicale
à mourir sur demande anticipée. Ils n'ont pas réussi. Il y a plusieurs
papiers américains de littérature qui disent que ce n'est pas faisable.
Alors, on a un défi
considérable ici. Toutes les embûches sont : le médecin, le patient, la
formulation, le délai qui fait perdre la
mémoire du patient, on ne s'en souvient plus, ce n'est plus le même médecin.
Vous voyez la complexité. La clé, c'est la bonne formulation.
Mme Maccarone :
La bonne formulation et la formation, n'est-ce pas?
M. Bureau
(Michel) : Oui.
Mme Maccarone :
Vous l'avez évoqué aussi dans
votre mémoire. Combien de temps, selon vous, devons-nous prévoir de
formation avant que la loi sera en vigueur?
M. Bureau
(Michel) : Ah! ici, je pense que ça devrait prendre du temps. Et ça ne
peut pas prendre de temps. Si nous vous disons que... Vous avez entendu
Mme Leclerc ce matin, elle a dit : Si je n'ai pas l'assurance, je
vais aller à la demande contemporaine d'aide
médicale à mourir pour Alzheimer. Alors, nous avons, dans l'année qui s'est
terminée le 31 décembre, 70 patients qui ont demandé et reçu l'aide
médicale à mourir. Est-ce que c'est parce que la loi traînait trop, est-ce
qu'ils l'auraient demandée pareil parce qu'ils ne voulaient pas vivre les
dernières années? Je ne le sais pas, mais
vous ne pouvez pas attendre très longtemps, il faut déjà qu'on se mette à
écrire, même si votre loi n'est pas rendue au bout, il faut déjà qu'on commence
à travailler sur la formule de l'aide médicale à mourir pour être prêt à
démarrer... pas trop long. De 2014 à décembre 2015, ça a pris 18 mois, là.
Je ne crois pas qu'on puisse attendre 18 mois, dans la lecture du
président de la commission.
Mme Maccarone :
Et, comme membre de la commission, vous avez eu la question :
Prochaine étape de la commission? Vous êtes
dans un gros bateau, peut-être dans un petit lac, je ne m'en souviens pas
exactement, la façon que vous l'avez
formulé, mais aussi, dans votre mémoire, quand vous vous parlez de la notion de
handicap neuromoteur, vous dites que c'est important parce que c'est
important d'harmoniser avec la loi fédérale.
M. Bureau (Michel) : Moi, je ne
dis pas ça.
Mme Maccarone :
Bien, c'est avec le Code criminel. Le Code criminel, c'est fédéral.
M. Bureau
(Michel) : Non.
Mme Maccarone :
Dans le fond, le but de la question que je souhaite vous poser, c'est si ça
c'est important, parce que, dans le fond, à
quelque part, il faut harmoniser. La prochaine étape de la commission, est-ce
que ça devrait être de se pencher en
ce qui concerne santé mentale? Parce que je comprends que la notion de santé
mentale était retardée, au niveau fédéral pour un an, mais ça s'en
vient. Que devons-nous faire en ce qui concerne cette nouvelle réalité qui va avoir un impact sur les médecins, les
infirmières praticiennes après que la loi sera, peut-être, éventuellement,
adoptée?
M. Bureau
(Michel) : Alors, je dis comme le Dr Gaudreault disait
là-dessus : C'est bien, que le fédéral n'ait pas... ne soit pas allé de
l'avant. Et je pense qu'au Québec non plus nous ne sommes pas prêts à
incorporer la santé mentale dans l'accessibilité à l'aide médicale à mourir.
Cependant, c'est juste un rendez-vous retardé.
Dans les discussions
de coulisses, moi, je disais : Pourquoi vous ne l'adoptez pas en principe
dans la loi, pour application quand l'Assemblée nationale décidera de le faire?
Et nos juristes nous disaient qu'il y a des lois qui ont déjà fait ça, là, elles acceptent un principe puis
elles le mettent en application deux ans ou cinq ans plus tard, là, mais,
pour moi, c'est juste un rendez-vous
retardé, là, c'est... Le fédéral va y aller, les groupes professionnels disent
qu'il y a une toute, toute, toute
petite place pour un tout petit nombre de ces patients-là. Alors, ma réponse,
c'est : Je serais plutôt... je serais plutôt favorable à adopter le
principe.
Mais je veux revenir
sur un point que vous avez soulevé. Moi, je ne veux pas qu'on s'harmonise avec
le fédéral. Le fédéral, c'est... Le Code
criminel, ce n'est pas du tout une loi de santé. Le fédéral, quand il
dit : Une affection grave et incurable... dites-moi donc qu'est-ce
que c'est, une affection? Qu'est-ce que c'est? C'est tout. Il dit le
handicap... comme disait Mme Hivon, il a défini le handicap avant, quand
il y avait le critère de fin de vie. Handicap, c'était tout petit, comme ça, là, mais, quand il n'y plus le critère de
fin de vie, là, c'est très vaste. Ça fait que l'argument que j'entends
de mes confrères, puis ils ne sont pas contents quand ils m'entendent... de
dire qu'il faut s'harmoniser avec le fédéral, je ne trouve pas, à titre de
président de la commission, que c'est une cible qu'on doit atteindre. On ne
doit pas se compliquer la vie, on ne doit pas compliquer la vie de la pratique
médicale.
• (18 h 30) •
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Je dois vous arrêter. Je
m'excuse, c'est le temps qui roule, qui roule. Merci beaucoup pour ces
réponses. Nous en sommes maintenant rendus... on poursuit le débat, tout de
même, avec la députée de Sherbrooke pour 3 min 18 s. Le temps
commence.
Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente.
Tout à l'heure, vous nous avez dit que vous avez sondé les médecins par rapport
à leur intention de mettre en pratique la loi pour les demandes anticipées. Je
suis contente que vous l'ayez fait parce que c'était effectivement
inquiétant, ce qu'on entendait le printemps dernier. Vous avez semblé assez
rassuré d'avoir trouvé 200,
300 médecins qui étaient... qui avaient l'intention, là, de pratiquer.
Moi, je trouve que c'est assez peu, en proportion du nombre de médecins qui
pratiquent actuellement l'aide médicale à mourir. Vous, vous semblez trouver
que c'est suffisant par rapport à ce qu'on anticipe de gens qui vont vouloir
avoir recours à la demande anticipée?
M. Bureau
(Michel) : Bien, il y a 1 700 personnes qui meurent
d'Alzheimer par année. S'il y a 25 % qui vont jusqu'à une demande... Tout
le monde dit qu'il est favorable, mais, quand vient le temps de dire :
Êtes-vous prêt à faire une demande?, il y en a moins. Puis on a fait la
mathématique, et, s'il y avait 200, 250 médecins qui le font, c'est amplement pour répondre à la demande. Il y a
1 400 médecins qui font 5 000 AMM dans la province, mais,
pour cette sous-catégorie, qu'il y en ait entre 200 et 300, moi, j'ai été très
étonné. Je m'attendais à 75. Mais, dans cette... Avec ce nombre de médecins, je crois que la loi pourrait être mise en
oeuvre. Puis il y en a d'autres qui vont se joindre.
Mme Labrie :
Parfait. Merci. Vous avez... J'espère ne pas vous mettre mal à l'aise avec
cette question-là, mais vous avez nommé
d'emblée, tout à l'heure, que vous êtes pédiatre. Donc, j'en profiterais
peut-être pour vous poser la question par rapport au critère de majorité
pour l'admissibilité à une demande contemporaine. Si vous êtes à l'aise de
répondre, j'aimerais peut-être avoir votre point de vue là-dessus.
M. Bureau
(Michel) : Oui, c'est une situation qui oblige les pédiatres à du
doigté pour soulager le patient que décrivait le Dr L'Espérance, une
personne de 15 ans qui fait un sarcome, puis qui va en mourir dans de
grandes souffrances. Il ne faut pas penser que les pédiatres les laissent sans
soulagement, mais ils le font sous la couverture de la loi, puis il va falloir
régler ce problème-là tôt ou tard. À 14 ans, on est... 15 ans, si on
fait ce type de pathologie, il faut recevoir le soulagement qu'il faut. On a
posé la question aux pédiatres. Puis c'était une première réponse, c'était un premier contact. C'est des pédiatres
d'oncologie. Ils ont dit : Essentiellement, on se débrouille pour... on
fait une médecine bienveillante, mais il va falloir s'adresser à ce
problème puis le régler.
Mme Labrie : Donc, quand vous
dites : Il faut s'adresser à ça, donc, vous... est-ce que vous nous
invitez à en discuter?
M. Bureau (Michel) : Oui. Dans
ma présentation pour le PL n° 38, j'avais dit : Nous recommandons
qu'un comité de cette table étudie la
question, et puis ça voulait dire : Tous les moyens appropriés pour
inclure les adolescents dans l'accès à l'aide médicale à mourir.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci
beaucoup pour vos questions puis vos réponses. Nous terminons cet échange avec
la députée de Laviolette—Saint-Maurice,
une période de 3 min 18 s.
Mme Tardif :
Merci. Votre exemple de la personne de 95 ans qui veut mourir parce
qu'elle n'a pas de visite, parce qu'elle se sent seule, parce qu'elle souffre,
je pense, ça nous ramène à l'importance de voir l'aide médicale à mourir dans un tout sociétal, de s'assurer tout
d'abord que la personne qui fait cette demande ne le fait pas faute d'accès
aux soins, faute d'accès aux services et que ce soit adapté à ses conditions de
vie. Vous l'avez bien souligné.
Ma
question était : Il y a combien de mois entre la personne qui décède par
le soin de fin de vie, le soin palliatif par rapport à l'aide médicale à
mourir? J'ai retenu... Vous êtes une encyclopédie, d'ailleurs, je ne vous ai
pas vu une fois regarder sur vos chiffres. Mais j'ai lu votre rapport avec
intérêt, et il y a de très intéressants... très intéressantes données et
pourcentages. J'ai retenu que 81 % des cas qui vont diminuer leur vie d'à
peu près six mois, de six mois, c'est
ce que vous avez dit, et que le délai moyen entre quelqu'un qui demande l'aide
médicale à mourir et qui le reçoit est de 44 jours, et que
91 % des gens le reçoivent en bas de 90 jours, quelque chose comme
ça.
Deux courtes
questions. Quel est le pourcentage des gens qui décèdent par l'aide médicale à
mourir par rapport à ceux qui vont décéder en soins palliatifs? Et quel est le
pourcentage des gens qui retirent leur demande pour recevoir l'aide médicale à mourir après l'avoir demandée?
Et j'aimerais vous vous entendre aussi, Mme Carignan, parce qu'on n'a pas eu la chance de vous entendre. Donc, si
vous avez des choses à dire, dites-les, puis je ne pose plus de question.
Merci.
Mme Carignan
(Maryse) : Donc, c'est très variable, hein?
M. Bureau (Michel) : Bien, pour
l'encyclopédie, pour l'encyclopédie, les gens veulent vivre, là. Ils attendent
d'être à l'orée de la mort pour demander
l'aide médicale à mourir. Il y en a beaucoup qui vont mourir dans la semaine,
dans le mois. Quand on dit : Moins de
trois mois, c'est moins de deux mois, c'est moins d'un mois. Les
gens veulent vivre. Ils souffrent. Ils acceptent leurs souffrances.
Maintenant, les soins
palliatifs.
Mme Carignan
(Maryse) : C'est ça, jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus. Parce que,
souvent, c'est ce qu'on voit dans les
demandes, tu sais, les gens sont tannés de souffrir. On ne peut pas toujours
les soulager de toutes les souffrances.
Je pense, moi, c'est ce que, personnellement, j'ai appris dans les dernières
années de la commission, je pense qu'on n'est pas capable... puis, dans
la pratique, on n'est pas capable de soulager tout le monde, malheureusement.
Ça fait que c'est d'écouter la souffrance.
Puis,
au niveau du temps, bien, on ne le sait pas. C'est très, très variable d'une
personne à l'autre. Il y a des patients atteints de cancer que, dès qu'on arrête les traitements, ça va être
deux mois, trois mois et ils vont décéder. Les patients de
l'insuffisance cardiaque, ça dure des années. On a parlé beaucoup des soins
palliatifs, ça fait que, là, j'ai la chance, je vais en parler. On a...
La loi prévoit des soins palliatifs et de fin de vie pour tous les citoyens
dont la situation le requiert, mais... puis
on n'a pas de donnée nécessairement. Mais, dans tout ce que j'ai vu, dans tout
ce que j'ai lu, il y a encore... Malgré toutes les initiatives, autant
du gouvernement du Québec que du gouvernement du Canada et partout dans le monde, les soins palliatifs, le moment où
on l'introduit, le moment où on parle de soins palliatifs avec le patient, les
chiffres sur combien de patients ont des soins palliatifs au Québec, par
exemple, on ne le sait pas, parce que, pour une
institution, ça va être le nombre de patients qui sont admis à l'unité des
soins pal, ce n'est pas juste les patients qui reçoivent des soins
palliatifs, ça, il y en a ailleurs.
Ça fait que c'est de
voir comment... Puis je sais que ce n'est pas nécessairement dans la loi qu'on
peut écrire ça, c'est au niveau des pratiques, mais comment les soins
palliatifs peuvent être intégrés, comment on peut planifier les soins avec la
personne? La personne qui fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir,
présentement, à son début d'alzheimer, elle ne pourra pas avoir des soins
palliatifs, parce que les critères sont trop restrictifs sur la fin de vie et sur... Parfois, il y a des gens qui vont
dire : Le soin pal, ça égale le cancer. Ça fait que, les mythes, il faut
travailler là-dessus. La formation, il faut parler de la philosophie des
soins pal et il faut que les établissements d'enseignement se mettent de la
partie.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup, Mme Carignan. Je suis désolée. Je suis la maîtresse du
temps. Je vous ai laissé quand même poursuivre votre intervention.
Alors,
c'est ce qui met fin à cette audition. Dr Bureau, Mme Carignan, merci
beaucoup pour votre témoignage, vos éclaircissements. Vous nous apportez
beaucoup à la commission.
Alors,
je suspends cette séance pour quelques instants, le temps de recevoir notre
dernier groupe de la journée.
(Suspension de la séance à
18 h 39)
(Reprise à 18 h 43)
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre à tous! Nous allons
reprendre nos travaux. Et, avant d'entendre
notre prochain et dernier groupe de la journée, comme nous avons quelques
minutes de retard, je vais demander s'il y a consentement qu'on déroge,
qu'on aille au-delà de la période prescrite aujourd'hui. Donc, il y a un
consentement?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, je vais souhaiter la bienvenue au Curateur
public du Québec, qui est représenté par Me Julie Baillargeon-Lavergne
ainsi que Me Sophie Gravel. Alors, mesdames, bienvenue à la commission.
Vous allez bénéficier de 10 minutes pour faire votre présentation, puis je
vais vous demander en même temps de vous présenter. Ensuite, va suivre la
période des questions avec les élus de la commission. La parole est à vous.
Curateur public
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Parfait. Merci, Mme la Présidente. Bonjour,
membres de la commission. Je veux vous présenter, tout d'abord, la
personne qui m'accompagne, Me Sophie Gravel, qui est secrétaire générale
et responsable du bureau de la Curatrice publique, avec qui je vais partager
cette présentation.
Je commence
en vous remerciant de donner l'occasion au Curateur public d'être entendu sur
le projet de loi n° 11. Évidemment,
c'est un projet de loi qui nous interpelle particulièrement, puisque, dans sa
forme actuelle, il va permettre aux personnes atteintes d'une maladie
grave et incurable qui mène à l'inaptitude à consentir aux soins de formuler
une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Donc, ces personnes vont
pouvoir ainsi bénéficier de cette aide une fois devenues inaptes.
En mai 2021, le Curateur public s'adressait
aux membres de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les
soins de fin de vie pour témoigner de son appui à l'élargissement des critères
d'admissibilité pour l'aide médicale à mourir aux personnes qui prévoient
perdre leurs facultés mentales en raison de la progression d'une maladie
neurodégénérative. Nous étions alors d'avis, et nous le sommes toujours, que
les personnes ayant reçu un diagnostic de
maladie neurodégénérative devraient pouvoir préparer une demande anticipée
d'aide médicale à mourir. Le Curateur
public s'appuyait alors sur le principe fondamental de l'autodétermination des
personnes, principe auquel nous souscrivons toujours.
Le Curateur public appuie les mesures visant une
meilleure prise en compte des volontés exprimées par des personnes au moment où
elles étaient encore aptes et, plus généralement, la prise en compte des
volontés actuelles des personnes qui ont des
limitations cognitives. Cette position est en concordance avec la mission du Curateur
public, qui est de veiller à la protection des personnes inaptes. Nous
avons toujours préconisé l'intérêt des personnes inaptes, le respect de leurs
droits, la sauvegarde de leur autonomie, qui sont au quotidien au coeur de nos
actions.
On a, d'ailleurs, traduit ce principe directeur
là dans l'élaboration de notre loi, la loi visant à mieux protéger les
personnes en situation de vulnérabilité, qui a été adoptée à l'unanimité ici, à
l'Assemblée nationale, le 2 juin 2020 et
qui est entrée en vigueur le 1er novembre dernier. Donc, cette loi
introduit de nouvelles dispositions dans le Code civil du Québec qui renforcent le respect de la volonté des
personnes représentées. En effet, tout représentant légal — qu'il
s'agisse d'un tuteur, d'un représentant temporaire ou d'un mandataire — doit
tenir compte de la volonté de la personne dans la prise de décisions
financières et juridiques. De plus, en matière de soins de santé, le Code civil
stipule qu'un représentant légal, lorsqu'il
est appelé à consentir aux soins, doit tenir compte de la volonté que la
personne représentée aurait pu exprimer ou manifester au moment où elle
était encore apte.
À titre de représentant légal de plus de
13 000 personnes inaptes, nous prenons au quotidien des milliers de
décisions pour assurer leur bien-être et l'administration de leurs biens. Si
une personne sous notre responsabilité est inapte à consentir à un soin, notre
direction médicale traite la demande de consentement aux soins en collaboration
avec le réseau de la santé. Le Curateur public est, donc, heureux de mettre à
profit son expertise pour contribuer aux travaux de la commission.
Nous sommes
d'avis que le cadre législatif proposé doit être bien ancré dans les réalités
d'aujourd'hui, qu'il préserve l'exercice des droits des personnes
inaptes, favorise leur autonomie et tienne compte de leur volonté et
préférences.
Mme Gravel (Sophie) : Le projet
de loi prévoit qu'une personne pourra désigner un tiers de confiance pour veiller au respect de sa demande anticipée. Nous
sommes d'accord avec le fait que la désignation du tiers de confiance soit
facultative puisque cela fait en sorte que plusieurs personnes, notamment les
proches et l'équipe soignante, pourraient jouer un rôle. Il s'agit, à notre
avis, d'une disposition qui favorisera une meilleure prise en compte des
volontés exprimées par la personne.
Nous croyons cependant que le rôle des autres
intervenants impliqués, dont les proches et les aidants, devrait être précisé
dans le projet de loi. Afin de favoriser le respect de la volonté de la
personne concernée, ces intervenants devraient pouvoir informer le
professionnel compétent qu'ils croient que les souffrances de la personne
concernée correspondent à celles décrites
dans sa demande anticipée d'aide médicale à mourir ou qu'elles sont devenues
intolérables.
Nous souhaitons également porter à l'attention
des membres de la commission que le projet de loi ne prévoit pas que la
personne concernée puisse elle-même déclencher le traitement de sa demande
anticipée au moment où elle croit que ses
souffrances sont devenues insupportables. Même si, à ce moment, la personne
concernée serait probablement inapte
à consentir à ses soins, elle pourrait encore posséder l'aptitude nécessaire
pour exprimer ou manifester le souhait que sa demande soit évaluée par
le professionnel compétent.
Le Curateur
public recommande, donc, que la personne ayant préparé une demande anticipée
d'aide médicale à mourir, son tiers
de confiance, ses proches et les membres de son équipe soignante puissent,
lorsqu'ils croient que ses souffrances
correspondent à celles décrites dans la demande, en informer le professionnel
compétent et ainsi déclencher le traitement de la demande anticipée.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Je veux maintenant aborder la question du retrait de la
demande anticipée. Le projet de loi prévoit qu'une personne peut annuler sa
demande anticipée d'aide médicale à mourir après qu'un professionnel ait
confirmé son aptitude à le faire. C'est, donc, dire qu'une personne qui exprimerait
le souhait de retirer sa demande pourrait
recevoir un refus si elle ne possède plus la capacité de consentir aux soins.
Les impacts de ce refus potentiel sont importants.
Nous croyons qu'il faut permettre à la personne
concernée de retirer sa demande en tout temps. Cette position nous apparaît
tout à fait en concordance avec l'essence même de la demande anticipée d'aide
médicale à mourir. En effet, cette demande est fondée sur le principe
d'autodétermination d'une personne atteinte d'une maladie dégénérative qui, en prévision de son inaptitude,
consigne par écrit la nature des souffrances qu'elle juge intolérables.
Cependant, pour toutes sortes de raisons, cette volonté peut changer, selon
l'évolution de la maladie par exemple. Si cette personne change d'avis, il faut
s'assurer de respecter sa volonté.
Le Curateur public croit que les règles
relatives au retrait d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir devraient
être assouplies pour permettre de tenir compte des nouvelles volontés de la
personne.
Ainsi, le
Curateur public recommande que la personne ayant préparé une demande anticipée
puisse pouvoir retirer sa demande si elle est encore apte à exprimer sa
volonté concernant l'aide médicale à mourir.
• (18 h 50) •
Mme Gravel (Sophie) : Un mot maintenant
sur la relation entre le professionnel compétent et la personne concernée.
Divers
facteurs peuvent intervenir dans la vie d'une personne qui a un diagnostic de
maladie neurodégénérative. Sa maladie peut progresser plus ou moins
rapidement, de nouveaux soins peuvent être disponibles ou encore ses conditions
de vie peuvent changer.
Selon nous, il est souhaitable que le
professionnel compétent maintienne un dialogue avec la personne ayant préparé une demande anticipée d'aide médicale à
mourir afin de lui permettre de l'actualiser au besoin. Si la personne est encore apte à consentir à ses soins, elle
pourrait préparer une nouvelle demande ou décider de retirer une demande
existante. Des entretiens ponctuels entre le professionnel de la santé et la personne
concernée au sujet de sa demande d'aide
médicale à mourir pourraient aussi éventuellement aider le professionnel
compétent appelé à évaluer la demande anticipée.
Nous croyons, donc, qu'il pourrait être utile de
préciser dans le texte du projet de loi, d'un règlement ou d'une directive que le professionnel compétent
discute ponctuellement de la demande anticipée d'aide médicale à mourir avec
la personne concernée et consigne ses observations dans son dossier médical.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Donc,
en résumé, le Curateur public croit fermement que les choix qui ont été faits
en toute lucidité et en toute connaissance de cause concernant l'aide médicale
à mourir devraient être respectés le moment
venu. L'égalité des droits pour tous, le respect des volontés devraient primer,
ce sont des valeurs profondément ancrées dans la mission du Curateur
public.
Je vous
remercie de votre attention. Me Gravel et moi-même sommes maintenant
prêtes à répondre à votre question.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour votre
exposé. Nous allons, donc, commencer cette période d'échange avec Mme la
ministre pour une période de 18 minutes... 16 min 30 s. La
parole est à vous, Mme la ministre.
Mme Bélanger : Oui.
Alors, Mme la Présidente... Me Baillargeon-Lavergne, Me Gravel, merci
d'être présentes ici. Merci pour le mémoire. On le sait très bien, que
vous avez une très grande expertise dans la représentation des personnes, les personnes vulnérables en particulier.
Et j'aimerais vous entendre sur comment vous envisagez le rôle du Curateur public quand la personne qui fait une
demande anticipée d'aide médicale à mourir n'a pas de tiers de confiance.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Je vous dirais que le fait que la personne soit
sous régime de protection ou non ne change rien au processus qui est
actuellement en place dans la loi... dans le projet de loi n° 11. Donc,
évidemment, s'il n'y a pas de tiers de confiance, je comprends que ça sera
l'équipe soignante qui lèvera le drapeau le moment venu.
Je vous ramène, par contre, à notre
recommandation 1, puis Sophie pourra élaborer là-dessus, là où on pense
qu'on devrait ouvrir un peu plus, là, aux proches ou autres si la personne n'a
pas désigné de tiers de confiance. Évidemment,
notre direction médicale de consentement aux soins continue de collaborer avec
les équipes de soins s'ils ont des questions puis ils veulent échanger
sur la situation particulière ou sur la question d'aide médicale à mourir, évidemment. On reste présents, mais le fait
qu'elle soit sous régime ou pas, représentée ou pas ne change rien au
processus.
Mme Bélanger : OK. Vous avez
quand même abordé tantôt la notion de proche, l'importance d'impliquer des
proches, puis c'est tout à fait vrai, c'est très, très important, mais il y a
quand même certaines situations où des personnes sont seules, ils n'ont pas de
proche. Comment vous voyez, à ce moment-là... Peut-être que c'est des situations qui n'arrivent pas souvent, mais,
advenant une demande d'aide médicale à mourir, comment vous voyez le rôle du
curateur spécifiquement?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Je
vous dirais que c'est des discussions qu'on a eues l'année dernière abondamment
avec le réseau de la santé. Puis, si on se remet dans le contexte du PL
n° 38, à l'époque, la désignation du tiers de confiance était obligatoire, et donc
il fallait trouver une solution pour les personnes isolées. Et, évidemment, la question s'est posée à savoir si le Curateur
public pouvait jouer le rôle du tiers de confiance. Donc, évidemment, nous, notre
position pour les personnes qu'on ne représente pas, ce n'était pas possible,
hein? On estime à environ 175 000 personnes inaptes au Québec, ça
reste une minorité, 13 000 qui sont sous juridiction publique. Donc, pour les autres, il y a eu, vraiment, une impossibilité
puisqu'on ne connaît pas ces personnes et il n'y a aucune façon de savoir
leur condition médicale.
Après, la question s'est posée pour les
personnes qu'on représente directement. Et, au fil des discussions qu'on a eues, puis c'est la conclusion à laquelle
on en est venue, je ne pense pas qu'une organisation gouvernementale est
la mieux placée pour évaluer les souffrances d'une personne. Vous savez, on a
une mission très large, on représente 13 000 personnes. On surveille
aussi plus de 12 000 régimes privés. En tant que représentant légal,
on gère les biens, on peut prendre des
décisions pour la personne, le milieu de vie, mais on n'est pas au quotidien
aux côtés de la personne. Donc, ça va être très difficile pour une
curatrice déléguée, par exemple, de pouvoir statuer ou avoir un rôle aussi
crucial. On pense que l'équipe soignante... si, vraiment, il n'y a personne
d'autre, il n'y a pas de proche, l'équipe soignante est beaucoup mieux placée
pour le faire.
Mme Bélanger : OK Merci. Ça va
pour moi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup.
Une voix : Merci.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Est-ce que j'ai d'autres
questions? Mme la députée de Roberval, il vous reste encore
12 min 38 s.
Mme Guillemette : Merci.
On parle de mieux définir le rôle des proches et des aidants naturels. S'il y a
déjà un tiers de confiance, vous voyez comment le rôle des proches
lorsqu'ils ne sont pas le tiers de confiance?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Je
vais peut-être laisser ma collègue répondre.
Mme Gravel
(Sophie) : En fait, c'est ça, même si le tiers de confiance a
une position privilégiée, on considère que les proches pourraient, tout
de même, avoir un apport. Par exemple, on pense que ces personnes-là pourraient
aider, pourraient... soit dans la situation
où il y a un tiers de confiance qui est nommé ou il n'y en a pas. Je comprends
très bien, dans l'éventualité où la personne décide de nommer un tiers de
confiance et que sa volonté aura été de nommer
cette personne-là...Alors, nous, on suggère, dans ce cas-ci, qu'il y ait quand
même une place à préciser le rôle des proches, mais dans la mesure où la
personne elle-même, elle n'aura pas exprimé une volonté d'exclure cette
possibilité-là. On peut penser aux formulaires, par exemple : Je nomme ce
tiers de confiance et je veux que ce soit uniquement cette personne-là qui
agisse pour traiter la demande.
Par ailleurs, dans les cas où il n'y aura pas de
tiers de confiance ou qu'il est empêché d'agir, on néglige de le faire, on
peut... on pense, nous, que les proches ou les personnes significatives qui ne
sont pas nécessairement dans l'équipe soignante ou le tiers de confiance
pourraient avoir un rôle, soit pour épauler un... pour épauler l'équipe
soignante, pour y aller de conseils. Ils sont proches des gens, ils pourraient
détecter les souffrances, peut-être, qui sont décrites, qui ont été décrites
par la personne dans sa demande.
Alors, dans la loi, on voit que les proches ont
un certain rôle au moment de la rédaction de la demande anticipée. On voit aussi que cette espèce de rôle là ou cette précision
se répercute aussi au moment du traitement de la demande.
Mme Guillemette : OK. Et vous
ne pensez pas que ça pourrait, des fois, apporter une confusion si le tiers de confiance dit : C'est le moment d'analyser la
demande... Parce que le tiers de confiance va dire que c'est le moment, mais ça
ne veut pas dire que la demande va être acceptée immédiatement. Donc, vous ne
pensez pas que ça peut apporter une
confusion si le tiers de confiance dit : C'est le moment, et que les
membres de la famille disent : Non, ce n'est pas le moment?
Mme Gravel (Sophie) : Je
comprends très bien votre point, et, d'ailleurs, nous, ce qu'on préconise,
c'est que l'ouverture du processus va faire,
justement, qu'il y ait plus d'avis, puis on risque peut-être d'avoir des idées
divergentes ou des idées
complémentaires sur les volontés de la personne puis ce qu'il est en train de
se produire. Je suis d'accord avec
vous que ça pourra se produire, mais, dans le fond, celui qui va décider de
l'examen, c'est vraiment le professionnel compétent, et toutes ces
personnes, que ce soit le tiers de confiance ou les autres... Le tiers de
confiance, en fait, il a un rôle privilégié
parce qu'il est au premier rang des décisions qui sont prises, de
l'information. Par ailleurs, il n'a pas de pouvoir de décision sur le fait de déclencher ou non, hein, ce n'est pas
une décision substitutive. Donc, on pense, dans ces cas-là, que les
proches pourraient quand même jouer un rôle.
Nous, on a des régimes de protection dans
lesquels, parfois, il y a des familles. Vous avez raison, des fois, c'est difficile, les divergences d'opinions, mais
parfois c'est très précieux. Alors, selon nous, là, ça serait quand même
intéressant de donner un rôle à ces personnes-là, à moins, comme je l'ai dit,
que la personne qui a rédigé sa demande anticipée
ait spécifiquement dit : Moi, je veux que ce soit mon tiers de confiance
et seulement mon tiers de confiance.
Mme Guillemette :
Parfait. Merci. J'aimerais vous entendre un peu plus sur le retrait de la
demande. Vous dites qu'il faudrait que ce soit assoupli plus que ce l'est là
encore, donc j'aimerais vous entendre à ce niveau-là.
• (19 heures) •
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Bien, actuellement, ma compréhension du projet de loi,
c'est... évidemment, une fois que le processus est enclenché, si vous voulez,
et que la personne exprime un refus, bien, on ne procède pas, et ça, c'est bien
parfait. Sauf que, entre le moment où la personne rédige sa demande anticipée
et le moment x où elle a atteint, là, un déclin cognitif très, très
avancé, il peut s'écouler plusieurs années et il y a une progression de la
maladie. Donc, la personne pourrait, à mi-parcours, par exemple, ne plus rencontrer
les critères du consentement aux soins qui ont été établis par la Cour d'appel,
mais être quand même capable d'exprimer sa volonté de retirer sa demande.
Et on a pris exemple
sur le critère qui apparaît aux Pays-Bas, où on dit vraiment... on sort des
critères de la Cour d'appel. Puis je peux peut-être les rappeler, là,
rapidement, le test en cinq volets de la Cour d'appel. On dit qu'une
personne... pour évaluer son aptitude à consentir aux soins, on regarde est-ce
qu'elle comprend la nature de sa maladie, est-ce qu'elle comprend le but du
traitement, les risques et avantages associés au traitement, est-ce que sa
capacité de comprendre est affectée, et, dès qu'il y a un déni de la maladie,
elle est inapte à consentir à ses soins. Et, durant cette évaluation-là, la
personne, elle doit être capable de prendre une décision, de l'exprimer et de
comprendre l'information, donc. Et cette évaluation-là est faite à chaque fois
qu'un soin est prodigué, et ça peut fluctuer dans le temps. Donc, la personne
pourrait ne pas rencontrer ce test-là de la Cour d'appel, mais être capable
quand même d'exprimer, être apte à exprimer sa volonté de retirer sa demande.
Et donc je ne pense pas qu'il faut nécessairement atteindre à la... attendre,
pardon, à la fin du processus, lorsque le traitement est enclenché, pour
constater le refus. Il faudrait avoir une certaine latitude, je pense, dans la
période plus... ou plus... la période du milieu, si on veut, là.
Mme Guillemette :
Parfait. Merci. Est-ce qu'on a encore un petit peu de temps?
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : 6 min 40 s.
Mme Guillemette :
Six minutes. J'aimerais vous entendre, vous n'en avez pas parlé, puis
peut-être que... Bon, je sais que ce n'est pas dans votre champ d'expertise,
mais, au niveau du handicap neuromoteur, j'aimerais vous entendre à ce niveau-là. Si... bon, premièrement, si vous êtes en
accord ou pas, et deuxièmement, peut-être, est-ce qu'il y a des mesures de
protection à mettre en place spécifiquement? Comment vous voyez cet aspect-là
du projet de loi?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Bien, je vous dirais, effectivement, que c'est complètement
en dehors de notre champ d'expertise. Parce que, quand on parle d'un handicap
neuromoteur, on ne parle pas d'inaptitude. Et donc
le Curateur public, là, est vraiment spécialisé en matière
d'inaptitude. Donc, je ne souhaiterais pas trop me prononcer sur cette
question-là. Merci.
Mme Guillemette :
Est-ce qu'il y a des éléments que vous n'avez pas abordés que vous aimeriez
mettre en lumière, que vous n'avez pas eu le temps dans votre 10 minutes?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Oui. Bien, juste pour compléter la réponse de ma collègue,
tout à l'heure, j'ai voulu intervenir, notre
compréhension de l'article... et là je ne l'ai pas sous la main, je crois,
29.7, lorsque le tiers refuse,
néglige ou encore qu'il n'y a pas de tiers de confiance, ça va directement à la
responsabilité du personnel soignant.
On trouve que c'est une lourde charge à porter. Donc, ça vient renforcer un peu
le... notre argument ou notre recommandation à l'effet d'impliquer les
proches. Parce qu'il pourrait... Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de tiers de
confiance que la personne est nécessairement isolée. Ça peut être un choix
qu'elle fait de ne pas désigner de tiers de confiance,
mais il y a quand même l'entourage. Donc, de leur donner un certain rôle à ce
niveau-là, je pense que ce serait bénéfique.
Mme Guillemette : Mais il y a des gens qui
sont vraiment isolés, qui n'ont pas de famille, qui sont vraiment seuls.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Effectivement. Donc, dans ces cas-là...
Mme Guillemette :
C'est sûr que c'est lourd, peut-être, pour le corps médical, pour l'équipe
soignante, mais on pourrait procéder comment
pour que ces personnes-là ne soient pas abandonnées puis qu'elles aient le...
qu'elles aient accès quand même?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Bien,
je trouve qu'en rendant la désignation du tiers de confiance facultative on est
venu régler un peu cette problématique-là. Puis évidemment l'équipe soignante,
dans ces cas-là, serait les mieux placés pour prendre la décision. Donc,
on est en accord, là, avec le positionnement.
Mme Guillemette :
Parfait. Merci.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Merci.
Mme Guillemette : Je pense que
j'ai des collègues qui ont des...
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je pense qu'il y a une
collègue qui a une question. Mme la députée de Châteauguay.
Mme Gendron : Oui. Bonjour.
Merci d'être là. Je vais être quand même brève pour laisser le temps à ma collègue. Je veux juste savoir votre point de vue
advenant un refus. Donc, d'après ce que vous avez expliqué, là, il y a quelques minutes, est-ce que ce serait possible de
simplement reporter, ou, à vos yeux, s'il y a un refus, donc ce serait final,
puisque la personne a quand même perdu des capacités depuis qu'elle a fait sa
demande?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Oui.
J'ai écouté les commissions, plus tôt aujourd'hui, puis je vous dirais que je rejoins assez l'opinion des
collègues, là, qui sont venus témoigner à l'effet qu'un... qu'une manifestation
clinique d'un refus, là... puis on ne parle pas vraiment d'une personne qui est
apte à exprimer sa volonté sur l'aide médicale
à mourir, mais c'est plus une réaction ou... Bon, je ne pense pas que ça
devrait entraîner nécessairement le retrait de la demande du registre. Je pense que ce n'est peut-être pas le bon
moment. Ça pourrait être revisité plus tard, à mon avis, mais je pense que le
retrait complet de la demande du registre... peut-être qu'on pourrait assouplir
ce côté-là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui. Votre question.
Mme Picard : J'ai peut-être une
petite question rapide, parce que je ne pense pas qu'il nous reste beaucoup de
temps.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 2 min 53 s.
Mme Picard : Ah! quand même pas
pire. Advenant le cas où une personne qui est apte fait une demande anticipée, la personne, elle a un diagnostic
d'Alzheimer, supposons, elle désigne un tiers de confiance et le tiers de
confiance décède, est-ce que vous
seriez d'accord à ce que, dans le formulaire quelconque, il y ait un endroit où
on pourrait indiquer que, si le tiers de confiance décède, on veut que
ce soit vous qui ayez cette responsabilité-là?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Nous
étant le curateur public?
Mme Picard : Oui.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Non.
Mme Picard : Non? OK.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Non,
parce que je vous dirais que ça rentre vraiment dans les critères où... «refuse, néglige ou est empêchée d'agir»,
là, je présume que le décès d'un... du tiers de confiance rentrerait dans
l'empêchement d'agir. Et donc il y a des solutions alternatives qui ont été
prévues. Je vous dirais que ce n'est pas dans la mission du Curateur
public de jouer un rôle comme celui-là. Comme je vous l'ai expliqué tout à
l'heure, pour toutes les raisons que j'ai
mentionnées, considérant qu'on n'a pas la connaissance fine des personnes, on
n'est pas à leurs côtés au quotidien.
On est un représentant légal, on est une organisation gouvernementale. Je pense
que l'équipe soignante serait beaucoup mieux placée pour le faire.
Mme Picard : Merci.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...encore quelques... peut-être une dernière question?
C'est beau. Alors, merci beaucoup. Je me tourne maintenant du côté de
l'opposition officielle. Donc, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis,
vous avez toujours 9 min 54 s de temps.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme la Curatrice, bonjour, Me Gravel, merci beaucoup pour
votre témoignage, et votre présentation, et le mémoire que vous avez déposé.
Vous avez parlé de la lourde tâche des
curateurs. Vous avez parlé des 13 000 dossiers, les
12 000 régimes privés. Il y a combien de curateurs ou
curatrices actuellement?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Les
curateurs délégués sont au nombre de presque 130, je pense, mais ce qu'il faut
comprendre... Parce qu'on pense que c'est les curateurs délégués qui s'occupent
de tout, là. Oui, ils s'occupent de la personne, mais on a des techniciens
fiduciaires qui s'occupent de gérer les biens. On a un service juridique qui
s'occupe du respect de leurs droits, on a une direction médicale qui s'occupe
du consentement aux soins. Donc, c'est très sectorisé, chacun a son rôle et
chacun contribue à la protection des personnes.
Mme Maccarone :
Vous faites bien de l'expliquer, parce que je comprends comment la tâche
est lourde, puis c'est pour ça que je pense que c'est intéressant que vous
dites que ce n'est pas le rôle, comme représentant légal, de
prendre la décision ou de déclencher un processus comme on ferait... comme le
tiers de confiance, mais je voulais savoir,
à date... Parce que, malgré qu'on n'a pas des demandes anticipées qui sont
enchâssées dans la loi, mais avez-vous déjà fait face à des cas où il y
a des personnes qui sont sous la responsabilité du curateur, mais ils ont quand
même eu des demandes médicales... demandes d'aide médicale à mourir?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Je crois qu'il y en a eu. Je n'ai pas de donnée à vous
soumettre. On n'est pas toujours informé, il n'y a pas une obligation
d'informer le Curateur public sur ces questions-là. Donc, ce serait difficile
de vous donner un quelconque chiffre.
Mme Maccarone :
C'est intéressant de savoir, d'abord, quel est votre rôle, que, mettons,
s'il y a quelqu'un qui a une demande anticipée, ce serait quoi, le rôle du
curateur? D'abord, je pense que ce serait bien d'élaborer c'est quoi, le type d'accompagnement. Parce que, comme
c'était évoqué par la collègue de Roberval, il y a beaucoup de gens qui se retrouvent seuls. Ça fait que quel est
votre rôle, précisément, face à une demande anticipée et comme représentant
légal?
• (19 h 10) •
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Pour la rédaction de la demande, on n'a pas de rôle.
Souvent, les personnes, lorsqu'elles vont rédiger cette demande-là, sont aptes
et n'ont pas de régime de protection, donc, et ce sera versé au registre, là,
de ce que je comprends, ce qui est inscrit au projet de loi. Lorsque le tiers
de confiance ou l'équipe médicale souhaite déclencher l'évaluation de la
demande, le rôle qu'on pourrait jouer, comme on joue pour toutes les personnes
qu'on représente, c'est un... On reçoit, on a une direction médicale de
consentement aux soins. Donc, l'équipe médicale peut nous appeler, poser des
questions, échanger sur divers sujets. On va aussi consentir aux soins pour les
personnes qui sont inaptes à le faire. Dans le cas d'aide médicale à mourir,
évidemment, il n'y a pas de consentement substitué, et on est... et on est tout
à fait en faveur de ça, mais ce serait plutôt un rôle-conseil auprès de
l'équipe soignante, mais on... Le rôle du tiers de confiance est de lever le
drapeau le moment venu, et ça, je pense que c'est bien établi dans la loi. Je
ne sais pas si tu voulais rajouter quelque chose là-dessus en termes de notre
rôle?
Mme Gravel
(Sophie) : Non. C'est pas mal... c'est ça, c'est assez complet. Dans
notre rôle de représentant légal, on peut accompagner, conseiller, que ce soit
l'équipe médicale ou ça peut être les curatrices déléguées aussi, mais, comme le mentionnait Me
Baillargeon-Lavergne, les limites d'une organisation sont les limites d'une
organisation, puis on n'est pas au quotidien auprès de ces personnes-là.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Mais, lorsqu'un soin doit être prodigué à une personne
inapte, le médecin a tout à fait le loisir de contacter la curatrice déléguée
pour en discuter, de contacter notre direction médicale pour en discuter. Et
ça, ça se fait régulièrement. Donc, je présume que ça se poursuivrait dans ce
sens-là.
Mme Maccarone :
Loisir, mais pas obligation?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Il n'y a pas d'obligation.
Mme Maccarone :
Il n'y a pas d'obligation?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Bien, à moins que la personne soit inapte à consentir à ses
soins, et là il faut obtenir un consentement substitué. C'est la direction médicale
qui le donne, mais, si la personne est sous régime et apte à consentir à ses
soins, il n'y a pas d'obligation.
Mme
Maccarone : Mais, dans le cas d'une personne qui n'est plus apte,
parce qu'ils ont fait une demande anticipée, par exemple, puis, quand on est
rendu... puis, à la suite, il est sous... il tombe sous la responsabilité de la
curatrice, il y aura quand même une
obligation de vous contacter pour dire : Nous sommes rendus au moment où,
comme corps professionnel, médecin, infirmière praticienne, nous
penser... nous pensons que c'est le moment que nous devons déclencher le
processus, n'est-ce pas?
Puis, si c'est le...
puis, même si ce n'est pas le cas, comment allez-vous savoir? Comment est-ce
que vous souhaitez qu'on vous informe qu'une personne qui devient sous votre
responsabilité, pour x, y, z raison... Puis ils sont seules, puis maintenant
ils sont sous la responsabilité de la curatrice, mais ils ont fait une demande
anticipée. Comment devons-nous vous informer que ça existe pour que ça fait
partie aussi de votre charge de travail, votre responsabilité, dans le fond,
même si ce n'est pas vous qui allez déclencher le processus?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : ...avec le registre, je comprends que c'est la façon de
publiciter les demandes anticipées. Il n'y a pas d'obligation de fournir une
copie au représentant légal. Les rôles qui sont confiés dans la loi à l'équipe
soignante ou au tiers de confiance... Mais, par contre, si vous souhaitez
ajouter une obligation d'informer le représentant légal, qu'il soit public ou
privé... Parce qu'il ne faut pas oublier les représentants légaux privés, il y
a plus de 10 000 régimes privés au Québec. Puis la question se
poserait également pour les mandataires. Est-ce qu'on va jusque-là? Est-ce que
les mandataires devront être informés que le tiers de confiance déclenche?
Mme Maccarone : Votre opinion
sur les deux questions, est-ce que ce serait... Nous sommes à l'écoute, est-ce
que ce serait une recommandation? Devons-nous faire le débat là-dessus?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Bien,
quand on dit d'impliquer les proches, les personnes significatives, je
pense que le représentant légal, nécessairement, tombe dans cette catégorie-là.
Donc, je pense que ce serait une bonne pratique, effectivement. Maintenant,
d'en faire une obligation, je ne le... je ne crois pas que ce soit nécessaire.
Mme Maccarone : Ce n'est pas
nécessaire, OK. Je veux parler un peu de ce que vous avez parlé en ce qui
concerne le refus. Puis, je vous entends, la nécessité d'élaborer puis de
s'assurer que c'est bien ancré dans la loi, les critères en ce qui concerne le
refus, mais je... Parce que vous dites qu'il faut le retirer, puis, si... il
faut respecter le refus de la personne concernée, mais je veux savoir si... Par
exemple, dans la demande anticipée, si c'est clairement indiqué que, comme
personne qui fait la demande anticipée, si je me retrouve à un moment de ma vie
où je ne suis plus la personne que j'étais auparavant parce que je souffre
d'Alzheimer, ou quoi qu'il soit, c'est quoi, la maladie neurodégénérative, bien, à ce moment-là, si moi, j'ai écrit : si je
refuse, là ce n'est plus Jennifer qui refuse, là, c'est une autre personne, je souhaite que vous procédez.
Comment devons-nous poursuivre avec une telle demande qui est vraiment bien
élaborée? Parce que je sais que les collègues travaillent très fort sur le
formulaire. Que devons-nous faire face à ce type de problématique?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Je
vous dirais que c'est une problématique qui est très, très complexe. Je ne sais
pas si je vais pouvoir apporter un éclairage aujourd'hui, je peux simplement me
mettre dans la peau d'un médecin ou d'une infirmière praticienne qui doit
procéder malgré un refus qui semble évident. Je vois mal comment ça pourrait se concrétiser, mais, encore une fois,
ça peut peut-être clarifier les volontés de la personne, mais je ne peux
pas vous donner de réponse exacte.
Mme Maccarone : Une dernière
question pour moi. Moi aussi, j'ai été surprise, dans le mémoire, que vous
n'avez pas évoqué la notion de handicap. Puis je comprends, votre explication
était très claire, c'est parce que vous, vous êtes responsable des personnes en
situation d'inaptitude, mais j'avais une question très précise. Parce que, si
on enlève la notion de neuromoteur et on n'a pas une définition de c'est quoi,
un handicap, ça se peut que les personnes qui souffrent d'une déficience
intellectuelle...
Puis la notion d'autodétermination, la notion
d'aptitude peut vraiment varier d'un moment à l'autre. Nous avons travaillé
ensemble sur la réforme du Curateur public, on sait très bien que l'aptitude
peut varier d'un moment à l'autre. Comment devons-nous traiter les demandes des
personnes avec une aptitude qui peut varier, ou une personne qui a la capacité
de consentir à un soin, malgré une déficience, peut-être intellectuelle, ou
autres? Parce que ça se peut qu'une personne qui souffre d'une telle difficulté
dans leur vie peut avoir la capacité de consentir, et aussi souffrir d'un cancer,
une maladie très grave, et souffrir. Comment devons-nous nous assurer qu'on
protège aussi ces personnes en situation de vulnérabilité?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Très rapidement, s'il vous plaît, le temps est déjà écoulé.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Évidemment,
quand vous parlez de déficience intellectuelle, ça va être plus difficilement
applicable, si elle est inapte à consentir à ses soins, évidemment, là, ce qui
est souvent le cas dans ces diagnostics-là. Quand vous parlez de dimension
changeante ou d'évolution, on parle surtout du trouble mental dans ces cas-là.
Parce que, quand on parle de maladie dégénérative, c'est souvent sur une pente
descendante. Donc, je veux juste être sûre de bien comprendre votre question pour
cerner ces personnes-là, oui.
Mme Maccarone : Bien, que la
notion... Bon...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...vous couper. Je m'excuse.
Mme Maccarone : Merci quand
même.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : On est rendu à la
deuxième opposition officielle avec une période de temps de
3 min 18 s. Le temps est à vous.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Vous nous invitez à préciser le rôle des autres proches. Vous nous
dites qu'eux aussi devraient pouvoir lever le drapeau, là, lorsqu'ils
constatent de la souffrance, mais moi, j'ai de la difficulté à voir ça va être
quoi, le rôle spécifique du tiers de confiance si tout le monde peut lever ce
drapeau-là. Puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus, si ce ne serait pas
plutôt pertinent de permettre à la personne qui remplit une demande anticipée d'avoir un nombre vraiment flexible, là, de tiers
de confiance, sans que ce soit limitatif à deux, pour qu'elle puisse
vraiment choisir les personnes en qui elle fait confiance, puis que ces
personnes-là puissent se prononcer, puis que, si elle désire en nommer zéro,
bien, ce sera ça. Puis ce sera clair que ce sont vraiment ces personnes-là qui
peuvent se prononcer là-dessus, peu importe le nombre que la personne aura
déterminé.
Mme Gravel (Sophie) : Bien, en
fait, la distinction que je ferais, actuellement, dans la loi telle qu'elle est
rédigée, le tiers de confiance, il a vraiment, pour nous, un statut privilégié,
il était... c'est lui qui est informé lorsque l'inaptitude survient et aussi
c'est le premier... Le médecin, le professionnel a toujours l'obligation, dans
la loi, d'en informer, au premier... en premier plan, le tiers de confiance.
Pour nous, le rôle qu'on voyait accorder aux proches, ce
n'était pas de ce niveau-là, mais c'était plus des personnes, en ouvrant le
processus tiers de confiance, membres de l'équipe soignante ou personnes
significatives, qui pouvaient contribuer à la réflexion puis à la mise en
oeuvre du déclenchement de la demande anticipée.
Donc, de la façon dont on voyait notre
recommandation n° 1, le proche n'entrerait pas en conflit avec le tiers,
parce que le rôle du tiers, tel qu'il est décrit dans la loi, resterait comme
il est. Par ailleurs, effectivement, la loi prévoit qu'on peut nommer plus
qu'un tiers de confiance. Là, c'est en cas de remplacement. S'il y en avait
plusieurs, bien là, peut-être que la problématique
de celui qui lève le drapeau, s'il y en a plusieurs qui peuvent le faire,
pourrait être... ça pourrait être peut-être difficile à gérer s'ils ne
sont pas du même avis, là, si j'ai bien compris votre...
Mme Labrie : Dans la mesure où,
de toute façon, ce n'est pas tant une question d'avis. Après, la personne lève
le drapeau, mais il y a un professionnel de la santé qui va évaluer la
situation. Ce n'est pas une question d'avis du proche.
Mme Gravel (Sophie) : Oui,
d'avis de lever le drapeau.
Mme Labrie : Exact.
Mme Gravel (Sophie) : Oui,
effectivement.
• (19 h 20) •
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Je
vais peut-être aussi juste mettre l'emphase sur l'ouverture. On en a parlé
rapidement, là, mais de permettre à la personne elle-même, la personne
concernée, de demander que sa demande soit évaluée. Parce que, oui, on peut
s'imaginer qu'elle a atteint un degré assez avancé, mais elle est quand même
capable d'exprimer qu'elle souhaite mourir. Et donc pourquoi on ne pourrait pas
l'ouvrir pour déclencher, ou à tout le moins
l'évaluation, pour voir si elle rencontre les critères? Puis c'est
effectivement ce qu'il se fait aux Pays-Bas actuellement, où la grande
majorité, là, des demandes anticipées sont enclenchées par la personne elle-même
qui est visée. Et, pour nous, ça s'inscrit vraiment dans le respect de
ses droits puis le respect de sa volonté.
Mme Labrie : Dans la mesure où
la personne qui exprime «je veux mourir» n'est pas nécessairement
habilitée à entreprendre une démarche auprès de quelqu'un de l'établissement de
santé quand elle dit ça, là. Est-ce que ça
ne revient pas plutôt aux membres du... de l'équipe de soins ou à son proche
qui l'entend dire «je veux mourir» de, justement, déclencher le processus? Qu'est-ce que vous voulez dire
par «lui donner le droit de déclencher le processus»?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Bien,
je pense qu'il faudrait le considérer comme un indice important que la personne souhaite enclencher l'évaluation
de sa demande. Puis on dit que ça devrait être considéré au même titre
que l'opinion du tiers de confiance et de l'équipe soignante, là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Merci.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci pour cet échange. On termine cette période
avec la députée de Laviolette—Saint-Maurice, pour une période de
3 min 18 s.
Mme Tardif : Mme Baillargeon-Lavergne
et Mme Gravel, merci, premièrement, d'être venues. Merci d'avoir préparé
un rapport. On sait que c'est quand même beaucoup de travail, et c'est très
apprécié. Là, on a parlé de beaucoup de
choses, vous avez eu plusieurs questions, mais je vais sortir un petit peu de
la boîte, parce que je sais que la question que je vais vous poser, ce
n'est pas du tout sous votre juridiction. Ça ne fait pas partie de vos rôles,
mais vous êtes habituées à jongler avec un
paquet de formulaires. Et je me disais... je pense aussi à une personne qui
fait une demande par anticipation, suite à son diagnostic du médecin, et
qui passe par la suite... qui devient sous tutelle, est-ce qu'il y a quelque chose... Parce que vous, vous
allez avoir un formulaire, j'imagine, vous allez... Est-ce qu'il y a quelque
chose, dans le formulaire, qui devrait...
des éléments, des questions qu'il devrait y avoir, qui devraient être incluses
pour vous faciliter la tâche par la suite? Avez-vous des idées à nous
suggérer, là?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Il faudrait y réfléchir. Pour nous faciliter la
tâche, nous, en tant qu'organisation,
je pense qu'un accès au registre, je ne sais pas si ça va être un registre
public, pourrait être une possibilité pour voir si des personnes
représentées sous notre juridiction ont effectivement consigné des demandes,
là. Puis là je pense à voix haute, là, mais
ça mériterait un certain élément de réflexion. Le fait de le savoir, je pense,
pourrait être aidant, dans les discussions qui s'ensuivent avec les
équipes soignantes, que la curatrice... déléguée en soit informée. Donc, c'est
un élément auquel je peux penser qui nous concerne plus particulièrement.
Mme Gravel
(Sophie) : Aussi, à titre de représentant légal qui aurait
éventuellement à accompagner ou donner... à avoir un rôle-conseil, bien,
finalement, le coeur, ça va être la description des souffrances, hein?
Vraiment, ça aussi, ça va être... Puis j'imagine que, tout le monde dans le
formulaire, c'est vraiment le coeur du formulaire, là, mais, évidemment, ça,
plus ce sera précis et bien détaillé, ça pourrait nous aider à jouer notre rôle
de représentant légal.
Mme Tardif : Merci,
ça va être tout pour moi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Me Baillargeon-Lavergne, Me Gravel. Merci pour votre contribution à nos travaux. Vous
avez été nos dernières représentantes aujourd'hui. Merci à l'ensemble
des collègues pour cette première journée. Merci beaucoup, Mme la... pardon,
Mme la ministre.
Alors, à ce
moment-ci, nous allons suspendre les travaux. En fait, nous allons ajourner
jusqu'au mercredi 15 mars 2023, tout de suite après l'avis
touchant les travaux des commissions. Bonne soirée à toutes.
(Fin de la séance à 19 h 25)