Journal des débats de la Commission des relations avec les citoyens
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
jeudi 16 mars 2023
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Vol. 47 N° 4
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives
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Intervenants par tranches d'heure
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Picard, Marilyne
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Guillemette, Nancy
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Maccarone, Jennifer
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Maccarone, Jennifer
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Lecours, Lucie
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Labrie, Christine
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Tardif, Marie-Louise
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Schmaltz, Valérie
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Guillemette, Nancy
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Blais, Suzanne
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Prass, Elisabeth
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Labrie, Christine
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Tardif, Marie-Louise
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Guillemette, Nancy
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Picard, Marilyne
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Poulet, Isabelle
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Maccarone, Jennifer
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Maccarone, Jennifer
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Lecours, Lucie
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Labrie, Christine
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Tardif, Marie-Louise
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Lecours, Lucie
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Bélanger, Sonia
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Schmaltz, Valérie
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Maccarone, Jennifer
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Prass, Elisabeth
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Labrie, Christine
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Labrie, Christine
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Lecours, Lucie
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Tardif, Marie-Louise
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Bélanger, Sonia
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Bélanger, Sonia
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Lecours, Lucie
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Poulet, Isabelle
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Guillemette, Nancy
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Maccarone, Jennifer
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Labrie, Christine
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Tardif, Marie-Louise
11 h 30 (version révisée)
(Onze heures trente-trois minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.
Alors, pour notre troisième journée...
deuxième journée, pardon, la commission est réunie afin de poursuivre les
consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 11,
Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres
dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Garceau (Robert-Baldwin) est remplacée par Mme Maccarone
(Westmount—Saint-Louis) et Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques), par Mme Labrie
(Sherbrooke).
Auditions
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, nous entendrons, ce matin, les
organismes suivants : Partenaires neuro ainsi que l'Ordre des psychologues
du Québec.
Alors, madame, messieurs, bienvenue à
cette audition particulière. Alors, si vous êtes des habitués, vous savez que
vous avez une période de 10 minutes, d'abord, pour vous présenter chacun,
chacune ainsi que le temps qui vous est imparti pour faire votre présentation. Ensuite,
les auditions particulières vont se poursuivre avec la période d'échange avec
les... les membres de la commission. Alors, le temps commence maintenant pour
vous.
Partenaires neuro
M. Mena Martinez (Diego) : Mme
la ministre, chers élus présents aujourd'hui, mon nom, c'est Diego Mena
Martinez. Je suis le directeur général de la Société canadienne de la sclérose
en plaques, division du Québec. Et aujourd'hui on s'adresse... en fait, avec
vous, je m'adresse à vous au nom de Parkinson Québec, de la Société de la
sclérose latérale amyotrophique, de Huntington Québec et de la Société
canadienne de la sclérose en plaques au Québec. Ces organisations font partie
de Partenaires neuro.
Partenaires neuro, c'est un regroupement d'organismes,
en fait, qui porte la voix d'environ 200 000 personnes qui sont
touchées et atteintes par des maladies neurologiques évolutives au Québec. Et,
au nom de ces 200 000 personnes, en fait, on tient à vous remercier
pour l'accueil d'aujourd'hui et aussi pour l'intérêt porté à un sujet qui est,
pour nous, certes délicat, mais important, comme celui de l'aide médicale à
mourir.
Pour les personnes <touchées...
M. Mena Martinez (Diego) :
...à
mourir.
Pour les personnes >touchées et
atteintes par des maladies neurologiques évolutives, nous espérons que...
souhaiter, en fait, qu'une guérison puisse voir le jour. Malheureusement, ce
n'est pas le cas actuellement. Les maladies neurologiques évolutives sont
incurables. C'est de lors là l'importance de pouvoir donner le choix aux
personnes qui sont atteintes de maladies neurologiques évolutives menant à
l'inaptitude de pouvoir avoir le choix de se procurer l'aide médicale à mourir,
et ce, avant même que leur état de santé se détériore. Pour nous, c'est une
question, avant tout, d'équité et aussi de dignité.
Pour Partenaires neuro, le libre choix est
une... est une valeur fondamentale. Les personnes qui sont atteintes de
maladies neurologiques évolutives doivent avoir le choix entre une option très
personnelle, qui est celle de l'aide médicale à mourir, ou bien de poursuivre,
en fait, leur vie avec des soins qui sont souvent invasifs et permanents.
Je laisserais la parole à ma collègue
Caroline pour la suite de l'intervention.
Mme Champeau (Caroline) : Bonjour.
Je suis Caroline Champeau, directrice générale de Parkinson Québec. Je suis
ici, tout comme mon collègue Diego Mena, à titre de représentante de
Partenaires neuro.
D'entrée de jeu, nous tenons à souligner
combien la vie, y compris à la fin, doit être vécue dans la dignité. Pour ce
faire, les personnes atteintes de maladies neurologiques évolutives doivent
être placées au centre de leur choix. L'aide médicale à mourir est l'option
ultime. Ainsi, nous voulons que cette option soit accessible pour permettre aux
personnes gravement malades d'abréger leurs souffrances si elles le souhaitent,
mais nous favorisons la mise en place de programmes qui feront en sorte que le
moins de personnes y feront recours... seront contraintes d'y faire recours et
que le plus grand nombre pourra vivre avec une certaine qualité de vie.
Par ce fait, nous encourageons la mise en
place de programmes et politiques adaptés aux maladies neurologiques évolutives :
tout d'abord, soins à domicile et soins à la personne; en deuxième lieu,
hébergement adapté et surtout formation du personnel : troisième, soutien
à la proche aidance, car ces proches aidants sont la véritable extension du
réseau de la santé; en toute fin, l'accélération à l'accès aux traitements
novateurs ainsi qu'aux essais cliniques, car ceux-ci, lorsque reçus en temps
opportun, peuvent prolonger la vie ou la qualité de vie de ces personnes.
Merci.
Je cède maintenant la parole à une
personne atteinte de la maladie neurologique évolutive, Mario.
• (11 h 40) •
M. Hudon (Mario) : Bonjour.
Moi, mon nom, c'est Mario Hudon. Je suis atteint de la SLA, sclérose latérale
amyotrophique.
En décembre 2020, on m'annonce que j'ai la
SLA et que mon espérance de vie est de deux à cinq ans. On me précise que deux
à cinq ans, c'est la fin de la vie. Ça ne dit pas la qualité de vie que je vais
avoir parce que, la SLA, on devient prisonnier de notre corps. Notre esprit
roule... Notre esprit roule à 100 milles à l'heure, mais notre corps, lui,
c'est un bazou, il arrête... il arrête d'avancer. Mais, très tôt, on a eu la
discussion : Où la vie est acceptable pour moi?, avec ma conjointe, mes
enfants et même mes petits-enfants. On a décidé que, quand je ne respirerai
plus par moi-même, j'aurais besoin d'air ou d'avaler, on va prendre
l'assistance à mourir.
Au début de l'année 2022, la
progression de la maladie a été vraiment fulgurante. Je ne <pensais...
M. Hudon (Mario) :
...fulgurante.
Je ne >pensais pas avoir à être là aux fêtes, à Noël, mais, en juillet,
j'ai eu accès à un médicament, le premier qui peut peut-être ralentir la
maladie de la SLA. Et il n'a pas été accepté au Québec encore, mais au Canada,
oui. Mais je l'ai eu, et la maladie a ralenti, parce que je suis là, devant
vous, aujourd'hui. Donc, l'importance de l'avoir rapidement pour les prochains,
c'est important.
Mais on est en processus de voir à quel
moment je vais avoir besoin de l'assurance de mourir parce que je veux être
prêt puis je veux la dignité. Le respect de ma décision est superimportant pour
moi. Ça ne donne rien d'être un bibelot qu'on dépoussière de temps en temps si
je ne bouge plus et que je n'ai plus de qualité de vie. Donc, c'est important,
la décision que les gens qui ont des maladies comme la mienne prennent. Il faut
respecter leur choix même si, à un moment donné, ils sont moins capables de
l'exprimer. Donc, merci de m'avoir écouté.
M. Mena Martinez (Diego) : Merci,
Mario. Merci, Mario, pour ton témoignage de cœur. Et merci, Nancy, aussi, la
femme de Mario, pour être ici présente. C'est une proche aidante, et, dans le
contexte aussi du projet de loi, je pense qu'on joue un rôle important.
Comme tu le dis bien, Mario, c'est grâce à
l'accès à des traitements novateurs, aux soins aux personnes, comme disait
aussi ma collègue Caroline, à l'hébergement. Tous ces services, tout cet accès,
en fait, à ces traitements, c'est un synonyme de qualité de vie, mais, lorsque
la souffrance devient grave, l'aide médicale à mourir devient ce dernier
recours, ce recours unique pour pouvoir soulager des souffrances qui sont
insupportables et qui, des fois, progressent avec le temps. Donc, c'est pour
cette raison que, pour nous, c'est important de pouvoir donner le choix aux
personnes de se procurer l'aide médicale à mourir, aux personnes touchées par
des maladies neurologiques évolutives menant à des inaptitudes pour pouvoir se
procurer de l'aide médicale à mourir, et ce, en toute liberté. C'est pour cette
raison, en fait, que Partenaires neuro accueille favorablement, en fait, le projet
de loi n° 11.
Donc, merci beaucoup, en fait, pour le
temps accordé. On serait prêts, en fait, à une période de questions.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Tout d'abord, M. Hudon, un gros merci pour
votre témoignage, et très, très important pour mes collègues et moi puis ainsi
que les gens qui assistent à toutes ces auditions. C'est très important. C'est
important qu'on puisse directement avoir le pouls de votre opinion. Merci
beaucoup pour votre présentation également.
Alors, on va commencer les échanges,
maintenant, avec les parlementaires. Puis, pour le bénéfice de tout le monde,
je n'ai pas les temps... Excusez, le temps est disparu. Je pense, à peu près
15 minutes pour le gouvernement, puis, après ça, au prorata, là, pour...
je vous les donnerai au fur et à mesure.
Alors, on va commencer tout de suite avec
Mme la ministre. Le temps est à vous.
Mme Bélanger : Oui, Mme la
Présidente. M. Mena Martinez, Mme Champagne, M. Hudon et votre
conjointe et proche aidante, Mme Nancy, bonjour. Ça me fait plaisir de
vous revoir aujourd'hui. On a eu l'occasion de vous rencontrer il y a environ
trois semaines. Vous avez fait un événement ici même, à l'Assemblée nationale.
Plusieurs avaient été invités, plusieurs collègues avaient été invités, puis
j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec vous.
Alors, un grand merci pour le mémoire qui
est déposé. Puis, M. Hudon, un grand merci pour, dans le fond, votre présentation
aussi ce matin. Je pense que vous avez amené des éléments extrêmement
importants. Vous avez parlé de soutien, de l'importance du soutien à domicile,
de l'importance de l'hébergement, des proches aidants, et c'est fondamental
pour les personnes qui ont des maladies neurodégénératives. Et vous avez parlé
de traitements novateurs aussi, alors bravo. On sait <comment...
Mme Bélanger :
...aussi,
alors bravo. On sait >comment c'est important, puis vous avez eu
l'occasion de nous le souligner.
Je comprends que, dans le mémoire que vous
nous déposez, vous êtes en faveur, en grande partie, de l'ensemble des
éléments, là, qui sont prévus dans le projet de loi n° 11. J'aimerais vous
entendre, parce qu'on parle de handicap neuromoteur, de personnes ayant des
handicaps neuromoteurs : Est-ce que... parce que je sais que vous êtes en
regroupement, vous représentez différentes associations, est-ce que, pour vous,
la notion de handicap neuromoteur est assez précise? Est-ce que vous avez, à
l'intérieur de vous groupes, parce que, je répète, vous êtes un grand
regroupement, des personnes qui ne se classifieraient pas dans cette catégorie
de handicap neuromoteur?
M. Mena Martinez (Diego) : Merci,
Mme la ministre, pour la question. Pour Partenaires neuro, le plus important
pour nous, c'est de pouvoir donner accès à l'aide médicale à mourir à
l'ensemble des personnes qui sont touchées par des... sont atteintes de
maladies neurologiques évolutives, qui ont un handicap moteur, en fait,
neuromoteur ou d'autres types de handicap ou d'autres problèmes de santé, et
pour la simple raison que ces maladies sont incurables. Donc, de façon à
pouvoir soulager, justement, au moment d'avoir des souffrances graves et
soulager ce moment de souffrances, là, il nous paraît important que l'ensemble,
en fait, des personnes qui sont touchées par des maladies neurologiques
évolutives puissent avoir le libre choix de choisir, au moment donné, de ce
dernier recours, en fait, à la fin de leur vie, là.
Mme Bélanger : Merci. On a
parlé tantôt des proches aidants. Comment voyez-vous le rôle des proches
aidants dans la demande d'aide médicale à mourir?
Mme Champeau (Caroline) : Bien,
si vous me permettez, et peut-être que Nancy pourrait d'ailleurs mieux répondre
à cette question-là que moi, pour côtoyer des proches aidants, des personnes
atteintes, je dirais... j'aurais le goût de vous répondre que l'important,
c'est que le couple puisse avoir libre choix d'arriver à cette décision-là.
Parce que, oui, la personne atteinte, elle a des volontés, mais je suis
convaincue que cette personne en discute avec son proche aidant, sa proche
aidante, parce qu'au final la personne qui est proche aidante, elle vit la
maladie par procuration. C'est 365 jours par année, 24 heures sur 24.
Souvent, ce sont des amoureux, des amoureuses où est-ce que la vie prend un
autre tournant, où est-ce que des questions ultimes arrivent, où est-ce qu'on
veut prendre le temps d'avoir une bonne réflexion, un bon jugement et se
respecter de part et d'autre. Donc, moi, je dirais que le proche aidant est au
cœur de la décision avec la personne atteinte.
Est-ce que, Mario, tu aurais le goût de
témoigner?
• (11 h 50) •
M. Hudon (Mario) : Comme le
disait Caroline, les proches aidants subissent notre maladie. Ils ne sont pas
malades, mais ils vont subir la maladie. Eux, dans le fond, si on prend la
décision de prendre l'aide à mourir, ils vont leur donner... enlever le fardeau
qu'ils ont. Ils s'occupent de nous parce qu'ils nous aiment, mais eux aussi ont
besoin de respect de leur vie. Un moment donné, trop, c'est trop, donc il faut
leur donner la chance. Ils vont respecter notre décision parce qu'ils nous
aiment, ils ne veulent pas qu'on continue à vivre si on n'a pas de qualité de
vie. Donc, oui, c'est important qu'ils soient partie prenante de notre
décision.
Mme Bélanger : ...question.
Est-ce que, dans ce processus-là, toute la réflexion qui est <faite...
Mme Bélanger :
...question.
Est-ce que, dans ce processus-là, toute la réflexion qui est >faite,
vous sentez que vous êtes bien accompagné par votre médecin, votre équipe
médicale, par votre équipe professionnelle?
M. Hudon (Mario) : Moi, le
processus est enclenché, et, vraiment, les gens sont très à l'écoute de ce que
je veux, donc mes limites et le moment quand ça sera décidé. Moi, j'ai décidé
de donner mon cerveau et ma moelle épinière pour la recherche, donc les gens
sont très près de nous, nous accompagnent très bien. Et, à ce moment-là... Moi,
pour l'instant, je n'ai pas de problème parce que j'ai bien toute ma tête.
Donc, c'est peut-être plus facile de faire respecter ce que je leur demande.
Mais, quand ce sera dans trois, quatre, cinq mois, on... mais je pense avoir à
être clair sur le moment que je veux qu'on procède.
Mme Bélanger : OK. Merci
beaucoup. Très apprécié. Je suis très reconnaissante. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Hudon. Merci, Mme la ministre. Je
pense qu'il y a des questions de la députée de Soulanges. La parole est à vous.
Mme Picard : Merci beaucoup
pour votre apport aux travaux de la commission. Je pense que votre témoignage
et votre apport à la commission est superimportant, pour l'ensemble d'entre
nous, pour se faire une meilleure idée.
Vous l'avez dit, M. Mario, quand vous
avez parlé, au début, vous avez mentionné qu'«on» va prendre l'aide médicale à
mourir. C'est vraiment un «on». C'est vraiment une équipe. C'est votre
conjointe, c'est vos enfants, vos petits-enfants, ou peu importe. Je me pose la
question parce que ça... on peut se le dire, on peut se projeter de ce
moment-là. Votre conjointe, qui va être près de vous, ça serait peut-être elle,
si vous la désignez comme tiers de confiance, comme personne de confiance, à
lever le drapeau ou avec l'équipe médicale. Est-ce que vous ne pensez pas que
ça devrait justement, peut-être, être quelqu'un qui a un petit peu plus de
recul que les gens devraient choisir pour ne pas être trop émotionnellement
dans la situation, ou on ne devrait pas...
M. Hudon (Mario) : Bien, je
ne sais pas si quelqu'un de l'extérieur pourrait décider pour nous. Tu sais, le
respect de ma décision, j'ai beaucoup plus de chance avec ma conjointe, mes
enfants que mon choix soit respecté que quelqu'un que ça ne le touche pas
vraiment. Eux savent mes limites, eux sont au courant de ce que je veux. Puis
j'ai une tête de cochon. J'aimerais ça, qu'ils respectent ça.
Mme Picard : J'ai peut-être
juste une petite question rapide aussi pour peut-être le regroupement :
Est-ce que — c'est vraiment juste une question informative, là — est-ce
que toutes les maladies que vous représentez mènent à l'inaptitude ou il y en a
peut-être une ou deux qui ne mènent pas à l'inaptitude?
M. Mena Martinez (Diego) : Toutes
les maladies sont incurables, en fait.
Mme Picard : Incurables, mais
est-ce qu'elles mènent à l'inaptitude? Est-ce que les gens perdent conscience,
en quelque part, à la fin?
M. Mena Martinez (Diego) : À des
stades avancés, oui. Ces maladies neurologiques évolutives ont ça en commun.
Mme Picard : Parfait. Merci.
Mme Champeau (Caroline) : Puis,
peut-être en complément, il y a certaines personnes qui vont développer la
maladie neurologique évolutive de façon fulgurante, il y en a que ça va
s'échelonner sur plusieurs années, mais ce sont des maladies incurables.
Mme Picard : Une autre petite
question — j'avais dit que c'était ma dernière : Est-ce que vous
pensez qu'on devrait enclencher... en fait, on devrait proposer ou en parler
avec les patients dès l'annonce du diagnostic aussi, ou ça va de soi, les
gens...
M. Mena Martinez (Diego) : Je
pense que l'important pour nous, c'est vraiment de leur donner le libre choix,
le libre choix. Et le libre choix, ça veut dire de mettre, comme disait Mario,
la personne au centre de ses préoccupations, de pouvoir lui donner ce pouvoir
d'agir, et de décider, et de comprendre que, dans son parcours, qu'ils vont
vivre avec la maladie, ils vont avoir ce choix et cette option qu'on dit très
personnels de se procurer l'aide médicale à mourir ou de poursuivre, en fait,
le parcours de leur vie avec soins plus invasifs ou non. Mais le fait de
pouvoir se projeter dans le temps, ça fait en sorte aussi que cette épée de
Damoclès, là... Parce que c'est des maladies qui, du jour au lendemain, ça peut
changer radicalement, et, comme disait Caroline, ça peut <devenir...
M. Mena Martinez (Diego) :
...lendemain,
ça peut changer radicalement, et, comme disait Caroline, ça peut >devenir,
d'un jour au lendemain, ça peut devenir vraiment avec des souffrances graves et
des conditions physiques et cognitives, aussi, difficiles. Donc, de pouvoir au
moins avoir ce choix de dire : Dans mon parcours, si j'ai cette maladie,
au moment de mon diagnostic, je sais qu'à long terme je pourrai avoir ce choix
de pouvoir choisir, en option, moi, je pense que ça, c'est une question fondamentale,
qui va certainement soulager aussi la pression sur la personne, de dire :
Bon, j'ai le diagnostic, mais, à long terme, si je dois me projeter, je peux me
projeter pour un choix qui est personnel et un choix qui est aussi de ma propre
famille. Donc, il y a quelque chose là-dessus qu'il faut... il faut le saisir,
oui, à travers la notion du libre choix, là.
Mme Champeau (Caroline) : Si
vous me permettez... Si vous me permettez, je crois que, des organismes comme
les nôtres, ce qu'on souhaite, c'est de fournir le maximum d'informations aux
personnes atteintes ainsi qu'à leurs proches aidants pour qu'eux, ensuite,
appliquent le libre choix, puissent avoir le temps d'y réfléchir, de jongler avec
la situation.
Et puis, un peu, tantôt, la question qui
était soulevée — est-ce que vous pensez que c'est le proche aidant
qui est le mieux placé? — bien, le fait qu'on ait ce temps-là, le
fait que la loi pourrait permettre ce temps de réflexion là vient que ça
devient une discussion, une réflexion ensemble pour arriver à une décision
commune. Puis, effectivement, vous l'avez soulevé, Mme la ministre, ou... Mario
s'est exprimé : «On» a pris la décision. Je crois que, dans la réponse de
Mario, on entend la voix des autres personnes atteintes des maladies
neurologiques évolutives.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...beaucoup. Allez-y, allez-y.
M. Hudon (Mario) : Pour la...
Dans le cas de la SLA, on garde 100 % de notre capacité à réfléchir. Le
corps ne suit plus, mais notre tête est là tout le temps. Donc, la décision,
c'est juste de respecter la nôtre, parce que ma décision, elle est prise. Mais
les gens les mieux placés pour qu'on exécute mes volontés sont mes proches,
sont les gens avec qui je vis. Mais ça, c'est superimportant, qu'on soit...
qu'on respecte ça.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci pour ces réponses. Il reste encore
1 min 20 s pour une petite réponse... une petite question et
réponse comprise. Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci, Mme
la Présidente. Merci à vous d'être présents, et surtout à M. Hudon. C'est
très... C'est très touchant de...
Une voix : ...
Mme Guillemette : C'est très
touchant de vous savoir ici, avec nous, et de partager votre histoire, ainsi
qu'à votre conjointe. J'aimerais savoir qu'est-ce que... s'il y a une chose
qu'on devrait faire attention, dans le moment de demander, et de procéder à une
demande, et de traiter une demande, s'il y a un élément, pour vous, là, qui
était vraiment, là, central.
• (12 heures) •
M. Hudon (Mario) : ...difficile
de trouver un moment parce que chacun le vit à sa façon. Moi, je l'ai décidé
rapidement, mais, pour d'autres, c'est inacceptable de passer la situation
qu'ils vivent. Mais il faut y aller au rythme des familles, des gens. Puis,
jusqu'où la maladie est acceptable, c'est propre à chacun. Mais il faut
faciliter l'accès à ça pour ceux qui sont prêts à le demander. On peut tout
préparer, puis sans fixer la date, mais qu'on soit prêts.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. C'est la fin du premier bloc d'échange.
Mme Guillemette : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la ministre. Merci, Mmes les députées. Je me
tourne maintenant du côté de la députée de... Westmount—Saint-Louis, je
m'excuse, pour une période de 9 min 18 s. La parole est à vous.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Un plaisir de vous revoir. Également, j'ai été témoin et
j'ai <participé...
>
12 h (version révisée)
<17911
Mme
Maccarone :
...témoin et j'ai >participé dans l'événement
que vous avez organisé ici, à l'Assemblée nationale. Ce que vous partagez avec
nous aujourd'hui est très important, très émotionnel, très personnel. Je vous
remercie, M. Hudon. Mme Hudon, je sais que vous êtes récemment mariée,
je ne sais pas si vous avez gardé votre nom de fille, mais... Oui? Bon, bien,
voilà. Je sais que ce n'est pas facile de partager nos histoires personnelles,
puis il y a beaucoup de gens qui nous écoutent aujourd'hui. Alors, merci pour
ce précieux partage, puis merci aussi de représenter la voix de beaucoup de
personnes, comme M. Hudon et sa conjointe.
Vous avez parlé de dignité, vous avez
parlé d'équité. Je souhaite que ce soit clair, votre vision en ce qui concerne
la définition de la notion de handicap, dans une loi qui sera, éventuellement,
adoptée. Présentement, c'est handicap neuromoteur. Quand vous parlez d'équité,
pensez-vous qu'il y aura des gens qui n'auront pas le choix d'autodéterminer,
de choisir s'ils souhaitent avoir accès à l'aide médicale à mourir si on se
limite avec la définition de handicap neuromoteur dans l'adoption d'une loi
éventuelle?
M. Mena Martinez (Diego) : Nous
ne sommes pas nécessairement des experts en faits cliniques pour pouvoir
définir la notion de handicap, mais la chose qu'on est clairs c'est que les
maladies et... les personnes qui sont atteintes par des maladies neurologiques
évolutives sont dans une situation dans laquelle leur propre maladie, elle est,
par définition... en fait, elle est, par définition, incurable. Donc, si cette
maladie est incurable, bien, toutes ces personnes devraient avoir le choix de
pouvoir choisir, peu importe si ça représente un handicap moteur, neuromoteur
ou d'autres types de handicaps, de pouvoir choisir, au bout d'un moment,
lorsque les souffrances sont graves, et lorsqu'ils deviennent, en fait, dans un...
les mènent, en fait, dans un état d'inaptitude, de pouvoir avoir ce choix
entre... donc, se procurer l'aide médicale à mourir et, de l'autre côté, de
choisir aussi, s'ils veulent, de poursuivre, en fait, leur parcours de vie avec
des soins, comme je le disais tantôt, qui peuvent être, parfois... souvent,
invasifs et permanents. Donc, pour nous, c'est important.
Et de ce qu'on entend, justement, des
personnes, c'est de se dire... on représente toutes les personnes qui sont
atteintes de maladies neurologiques évolutives... de pouvoir dire que toutes
ces personnes puissent, un jour, voir ce choix dans leur parcours de vie. Et,
bien évidemment, on n'est pas des experts pour la définition exacte de l'handicap,
mais je pense que de se fier sur cette valeur fondamentale de Partenaires
neuro, le libre choix, est, pour nous, crucial, oui.
Mme Maccarone : Pensez-vous
que ce serait important d'entendre... parce que, veux veux pas... puis le
processus que nous avons ici, en commission parlementaire, est très important, mais...
d'avoir un comité d'experts qui pourrait se pencher sur la question? On n'a
jamais fait le débat en ce qui concerne l'application de l'aide médicale à
mourir, en ce qui concerne les personnes en situation de handicap. On suit qu'est-ce
qu'ils font au niveau fédéral, alors on parle un peu d'harmoniser avec les
lois. Pensez-vous que ce serait important d'avoir un forum? Je l'ai évoqué
hier. Alors, j'étais perplexe, un peu, par les réponses aujourd'hui, qui
disaient que... j'étais surprise, parce que... J'ai fait un point de presse ce
matin. Moi, je pense, personnellement, que ce serait important. Je trouve que
je ne suis pas équipée pour prendre une décision. Le seul consensus que nous
avons, actuellement, en commission, c'est qu'il n'y a pas de consensus en ce
qui concerne la définition de handicap.
Est-ce vous seriez intéressés à participer,
peut-être, dans un tel forum? Et est-ce que vous trouvez important que la voix
des personnes en situation de handicap soit exprimée et entendue avant qu'on
prenne une décision finale en commission?
M. Mena Martinez (Diego) : Il
nous paraît que, déjà, les instances comme celles-ci nous permettent de pouvoir
passer notre message et de pouvoir, justement, livrer les arguments, en fait,
qu'on veut mettre de l'avant, notamment celui de libre choix. Pour toute
question complexe, bien évidemment, ça nécessite, en fait, des visions
distinctes et différentes, qui nous permettent de prendre, en fait, une
décision qui puisse être, certes, délicate, comme celle d'aujourd'hui, en fait,
de... mais importante pour la société. Je pense que les commissions comme
celles-ci jouent un rôle important. On serait... on serait, bien évidemment... nous,
on serait toujours prêts à pouvoir collaborer, à mettre de l'avant, en fait,
nos arguments, mais on remercie vraiment ces instances, comme celles d'aujourd'hui,
pour pouvoir le mettre en évidence, en face, là.
Mme Maccarone : Je souhaite
revenir sur le rôle du tiers de confiance. Vous avez <parlé...
Mme Maccarone :
...du
tiers de confiance. Vous avez >parlé des proches aidants. Ce n'est pas
tout le monde qui est entouré par un membre de la famille ou un ami proche, qui
pourront occuper ce rôle important. Comment voyez-vous le rôle du tiers de
confiance quand ce n'est pas un proche aidant? Est-ce qu'il y a un mécanisme,
une personne en particulier? Comment voyez-vous l'accompagnement d'une personne
qui a fait une demande anticipée et le rôle du tiers de confiance?
Mme Champeau (Caroline) : J'aurais
le goût de répondre : Pourrions-nous nous imaginer que le libre choix
vient aussi au fait de donner le choix à la personne atteinte de choisir la
personne qui l'accompagnera, qu'elle soit conjoint, conjointe ou toute autre
personne de confiance? Parce que je pense que c'est ça, là, l'enjeu, c'est
d'être entouré de personnes de confiance. Pour certains, c'est le conjoint, la
conjointe, pour une autre personne, ça peut être un frère, une sœur, un ami,
quelqu'un de confiance. Alors, je me remets au lien du libre choix, que la
personne atteinte puisse choisir, avec jugement, réflexion et dignité, de la
façon qu'il veut terminer son parcours de vie, mais aussi avec qui il va être
accompagné.
Mme Maccarone : Et en ce
qui concerne un refus, un changement, rendu au moment de l'application, comment
voyez-vous ce processus?
Mme Champeau (Caroline) : Vous
parlez d'un refus de la personne atteinte?
Mme Maccarone : De...
Oui, tout à fait, rendu au moment d'appliquer et de poursuivre avec l'aide
médicale à mourir. Peut-être, M. Hudon, si vous souhaitez...
M. Hudon (Mario) : C'est
dur. Comme moi, dans le processus, je le sais que je vais aller vers là, mais
il n'y a pas de date prédéfinie, parce que, si c'était ça, je serais mort en
décembre, l'année dernière. Mais ça a évolué, comme je vous dis. C'est
important, chacun le vit à sa façon. On ne peut pas laisser un tiers décider
pour nous. Moi, mon processus est celui-là. Un autre, ça va prendre un peu de
temps. Moi, la première journée, j'ai annoncé à mes proches que j'avais la SLA,
mais un autre va prendre des mois avant de l'annoncer autour de lui. C'est un
processus très personnel. Il faut laisser aux gens malades, leurs gens de
confiance, cette décision de prendre... et de prendre les actions quand ce sera
le temps. On ne peut pas laisser un juge, ou quelqu'un qui ne nous connaît pas,
prendre cette décision-là, cette décision très personnelle. Donc, il faut
laisser ça aux gens atteints, aux gens... aux proches, à ces gens-là, de
prendre la décision de oui ou non, pas à un juge ou à quelqu'un de l'extérieur,
qui ne nous connaît pas.
• (12 h 10) •
Mme Maccarone : Alors,
je présume que, dans le formulaire, pour vous, ce serait important que... Exemple,
dans votre cas, si vous... si vous décidez, à une dernière minute, que vous
avez changé d'avis, parce que, vous, dans votre cas, comme vous avez dit, vous
allez rester apte malgré que votre corps ne suivra pas, ça va être important
que ce soit clairement identifié dans un formulaire, pour s'assurer que vos
droits puis vos choix sont respectés?
M. Hudon (Mario) : Bien,
moi, quand je vais prendre la décision, elle va venir de moi, je vais être
capable de l'exprimer, sinon, mes proches, ma conjointe, mes enfants sont très
au courant de la limite que j'ai fixée. Tout est... Est-ce que je veux changer
d'idée? Peut-être, mais ce sera moi. Si je... si je perdais mes capacités, mes
proches vont appliquer ce que j'aurai demandé, mais, dans mon cas, ça ne
s'applique pas, hein? On m'a dit que je vais garder toute ma tête, ce que je
n'ai pas toujours eu au cours de ma vie. Là, je l'ai.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
Merci beaucoup, M. Hudon. Donc, cette partie...
cette <deuxième...
M. Hudon (Mario) :
...Là,
je l'ai.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
Merci beaucoup, M. Hudon. Donc, cette partie...
cette >deuxième partie du bloc d'échange étant terminée, je vais laisser
maintenant la parole à la députée de Sherbrooke pour une période de
3 min 6 s. La parole est à vous.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Ça me touche, quand même, la façon dont vous avez parlé de votre
processus décisionnel, du fait que c'est un choix, je vais dire, collectif,
avec vos proches. Dans le fond, vous l'avez nommé comme ça. Puis vous avez même
dit que c'était le reflet de l'état d'esprit de beaucoup de gens. Quand on
parle de libre choix, évidemment, il faut observer les options puis la qualité
des services à domicile, par exemple, la qualité des soins qu'on peut obtenir
joue. Mais je vous entends puis je sens que l'impact sur vos proches, ça joue
vraiment beaucoup, aussi, dans le processus décisionnel. Donc, j'imagine que
l'accès à du répit pour les proches, c'est également quelque chose qu'il faut
s'assurer de mettre en place, à la hauteur de la demande, pour s'assurer de
permettre un libre choix parfaitement éclairé là, pour la personne?
M. Hudon (Mario) : ...que,
pour nous, c'est important que ma conjointe ne vive pas 24 heures sur 24
ma maladie. Tu sais, c'est moi qui la subis, mais il faut... je ne sais pas
comment exprimer ça, mais il faut avoir un équilibre. On ne peut pas vivre dans
la maladie tout le temps. Donc, c'est important qu'ils puissent sortir de ça
puis vivre autre chose, mais on ne peut pas leur imposer de s'occuper de moi
quand il n'y a rien que les yeux qui bougent. Ça ne donne rien. Je n'ai jamais
été très bibelot, ça fait que ça n'ira pas dans ce sens-là encore.
Mme Labrie : Donc, il y a des
personnes pour qui ça crée de la souffrance, en soi, de savoir ce que vous
venez de me décrire, là.
Mme Champeau (Caroline) : Puis
peut-être en complément d'information, si vous me permettez, oui, il y a des
moments de répit, mais il y a les soins à la personne, et à domicile, donc
d'avoir des soins à la personne qui sont adaptés aux besoins des personnes, et
non répartis par région, et non répartis par est-ce qu'il y a un proche aidant
qui est là 24 heures sur 24 qui fait en sorte que ça diminue les soins à
la personne. Puis on insiste sur les soins à la personne, et non sur les soins
à domicile, pour ne pas que ça soit uniquement rattaché à une adresse postale.
Ces personnes-là ont également une vie, qu'ils souhaitent sortir, de façon
convenable, de leur domicile puis que les soins qu'ils ont besoin par leurs
conditions de vie, suivent. Donc, je voudrais qu'on ne retienne pas juste
répit. Ce qu'on... ce que Partenaires neuro encourage, c'est la mise en place
de programmes et de politiques qui vont fournir des soutiens à la personne de
qualité et en nombre d'heures suffisant.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions pour ce
bloc. On termine avec la députée de Laviolette—Saint-Maurice, pour une période
de 3 min 6 s. La parole est à vous.
Mme Tardif : Bonjour. Merci,
merci à vous quatre, merci beaucoup. C'est quand même difficile, ce que vous
faites, mais c'est honorable. Vous nous avez amenés, tous les trois... tous les
quatre, je dirais, vers des... plusieurs sujets de réflexion, dont l'aide à la
recherche, dont la reconnaissance des traitements novateurs, des traitements
cliniques, et, comme vous le dites, là, le soutien à la personne adapté en
fonction du malade et adapté en fonction de la région, qui est très important,
parce que les services sont différents d'une région à l'autre. Moi, en
Mauricie, on a des petits villages. Et cette... c'est ces maladies-là, je
dirais, comme toutes les maladies, frappent à la porte des gens, peu importe
leur statut social, peu importe leur richesse.
Et je vous partage quelque chose d'assez
personnel, mais vous allez comprendre. J'avais un oncle qui était doyen de la faculté
d'administration à l'Université Laval et qui était atteint... qui a été atteint
de la sclérose latérale amyotrophique. Et, dans ce temps-là, il y a quelques
années, ce n'était pas opportun, ce n'était... et on ne pensait pas à l'aide
médicale à mourir, d'autant plus qu'il avait été frère, donc religieux
auparavant. Peu importe, je ne sais pas s'il aurait choisi ça ou pas. Mais tout
ça pour dire que je l'ai vu pendant plus de 10 ans et j'ai vu son corps se
<dégrader...
Mme Tardif :
...et j'ai vu son corps se >dégrader, et j'ai vu
son esprit rester alerte. Et il avait un crayon dans la bouche et il m'écrivait
des mots quand j'allais le voir. Et je lui massais les pieds, il n'était plus
capable de bouger, mais je savais que ça lui faisait du bien, juste par...
Justement, vous parliez des yeux, vous parliez... Il essayait de bouger son
crayon. Évidemment, après 10 ans, 12 ans, 15 ans, il n'était
plus capable de bouger, mais l'esprit était là. Et c'est cette force que vous
avez, en même temps, d'accepter ça. Mais c'est la souffrance mentale de ces
gens-là, et cette souffrance-là, nous la prenons en compte, aussi, dans le...
dans le futur... dans le projet de loi, parce que je crois que c'est une
souffrance qu'on doit respecter.
Et je vous demanderais, madame, au niveau
des soins à domicile ou des soins : Qu'est-ce que vous aimeriez qu'on
améliore par rapport à ce que vous avez présentement? Ou comment vous vivez ça?
Mme Bérubé (Nancy) : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Mme, je vais vous inviter, si vous voulez répondre, à venir
au micro, à ma droite, votre gauche. Vous allez devoir vous présenter.
Mme Bérubé (Nancy) : ...vous
parler aujourd'hui. Bonjour, mon nom est Nancy Bérubé, je suis la conjointe à
Mario Hudon, qui est atteint de la SLA. Oui, on a... on a des ressources, mais,
comme Mario disait tout à l'heure, quand le processus est enclenché, ça va
bien, mais c'est d'y arriver. On a la chance, au Québec, en tout cas, d'être
très bien entourés, avec les CLSC, les coops, et tout, je suis... l'appui, et
tout. Moi, je me suis renseignée. Depuis le tout début, je me renseigne.
J'essaie, autant que possible, de brasser... pas de brasser des choses, mais de
me faire entendre avec les institutions qui peuvent nous donner...
J'ai récemment recommencé à travailler. Ce
n'est pas de mon propre gré, pour l'instant, mais ça me fait du bien, ça me
fait du bien. J'ai du monde qui s'occupe de Mario, du très bon monde qui
s'occupe de Mario, je pars la tête tranquille. Mais je travaille à demi-temps,
pour commencer. J'ai de la misère de voir que je vais partir 40 heures-semaine.
J'ai besoin d'être avec lui. C'est là que... c'est là qu'on demande d'avoir de
l'aide pour...
Mme Tardif : ...par la suite,
aussi...
Mme Bérubé (Nancy) : Exact.
Mme Tardif : ...parce que
vous allez avoir besoin aussi des organismes.
Mme Bérubé (Nancy) : Oui,
mais j'ai beaucoup de bon monde alentour de moi aussi.
Mme Tardif : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci beaucoup pour cette importante... cet important
témoignage, cette réponse. Je m'excuse, j'ai oublié votre nom de famille. Madame?
Mme Bérubé (Nancy) : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Bérubé. Merci beaucoup, Mme Bérubé. Merci beaucoup,
évidemment, M. Hudon, Mme Champeau et M. Martinez. C'est ce qui
met fin à notre audition aujourd'hui. À nouveau, merci. Il me reste à vous
souhaiter une bonne fin de journée.
Et, pour l'heure, je vais suspendre, le
temps de recevoir la prochaine... le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 19)
(Reprise à 12 h 25)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission des
relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous recevons, pour l'heure,
le groupe... l'ordre, en fait, l'Ordre des psychologues du Québec, qui sont
représentés... Je vais les laisser se présenter, ça va être beaucoup plus
efficace. Donc, mesdames, vous allez avoir 10 minutes pour, d'abord, vous
présenter chacune, ainsi que pour exposer votre point de vue sur le projet de
loi n° 11. La parole est à vous.
Ordre des psychologues du Québec (OPQ)
Mme Grou (Christine) :Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre, membres de la commission,
nous vous remercions de cette invitation pour l'audition sur le projet de loi
n° 11, la Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et
d'autres dispositions législatives.
Je suis la Dre Christine Grou,
neuropsychologue, psychologue clinicienne, présidente de l'Ordre des
psychologues du Québec. Je suis accompagnée par Me Édith Lorquet, directrice
des affaires juridiques de l'ordre, et par la Dre Isabelle Marleau,
directrice de la qualité et du développement de la pratique.
Alors, d'entrée de jeu, je voudrais saluer
le projet de loi n° 11 et je tiens à souligner les améliorations <notables...
Mme Grou (Christine) :
...les améliorations >notables
au projet de loi depuis le projet de loi n° 38. Alors, le projet de loi n° 11
a répondu à plusieurs questions et commentaires qu'on avait soulevés dans les
mémoires antérieurs. Notamment, on y reconnaît le trouble neurocognitif, on
reconnaît que c'est un trouble mental. On reconnaît le diagnostic du trouble
neurocognitif comme pouvant donner accès à l'aide médicale à mourir dans la
demande contemporaine et anticipée. On a décidé de ne pas exclure le tiers de
confiance qui pouvait avoir un intérêt financier dans le patrimoine pour aider
la personne à remplir le formulaire, ce qui est un facteur de protection
psychologique, puisque les proches aidants sont déterminants pour les personnes
impliquées. On y voit la reconnaissance de la compétence des professionnels
autres que les médecins à évaluer l'inaptitude à consentir. Et on reconnaît
qu'une manifestation clinique n'est pas nécessairement associée à un refus de
consentir pour la demande anticipée. Donc, ce sont des avancées très
importantes. J'ajouterais que la démarche mise vraiment sur l'implication des
différentes parties prenantes, ce qui est beaucoup plus conforme aux bonnes
pratiques en éthique clinique.
Cela dit, le projet de loi soulève encore
quelques questions, que je voudrais porter à votre attention. Alors, d'abord,
deux éléments sur la demande contemporaine. Bon, j'attire votre attention sur
l'exception qui est prévue à la loi qui permet, dans certaines circonstances,
de recevoir l'aide médicale à mourir de façon contemporaine alors que la
personne est devenue inapte. Évidemment, on salue... On a tous des images de
quelqu'un qui, malheureusement, finit sa vie dans des douleurs atroces parce
qu'il ne veut pas devenir inapte à consentir jusqu'à la fin. Alors donc, on
salue cette nouvelle disposition là. Toutefois, dans le projet de loi, on a
laissé la condition d'être en fin de vie. Et ce qu'on souhaitait porter à votre
attention, c'est que : Est-ce qu'il se pourrait qu'une personne qui n'est
pas en fin de vie puisse en faire la demande, puisse être admissible, mais
qu'en raison de ses douleurs puis du traitement de ces douleurs-là elle
devienne inapte en cours de processus? Donc, on s'est questionnés à savoir :
Est-ce que le critère de fin de vie ne devrait pas être retiré?
Deuxième élément pour la demande contemporaine.
Alors donc, tout comme pour la demande anticipée, nous recommandons que la
manifestation clinique ne soit pas automatiquement associée à un refus, parce
qu'il se pourrait que les personnes aient aussi des manifestations cliniques
dans un contexte de demande contemporaine, qui ne soient pas l'expression d'un
refus, et on pense qu'il faudrait une harmonisation donc, des deux conditions.
Maintenant, deux éléments sur la demande
anticipée. Alors, d'abord, on a reconnu la complexité de l'évaluation des
souffrances une fois l'administration dans la demande anticipée, et ça, par
rapport au projet de loi n° 38, il y a eu un changement de vocable
important. C'est-à-dire qu'on demande maintenant à la personne de décrire les
souffrances qui sont à considérer, mais on l'informe que la constatation
qu'elle semble objectivement éprouver ses souffrances ne permettra pas à elle
seule l'administration de l'aide médicale à mourir. Alors, je pense qu'on en
est tous soulagés. On le salue, c'est un facteur de protection de plus. Le
projet de loi nous permet donc de tenir compte de la situation clinique
contemporaine, mais ceci va nous amener d'autres défis, sur lesquels je vais
revenir un peu plus loin.
• (12 h 30) •
Deuxième élément pour la demande
anticipée. Alors, encore là, dans un contexte où il y a un refus au moment
venu, nous croyons plus avisé de surseoir à la demande, plutôt que de la radier,
parce que nous croyons que de la radier, ce serait de contrevenir au respect de
l'autonomie de la personne, qui l'a manifestée au moment où elle en était
capable.
Maintenant, un mot sur les groupes
interdisciplinaires de soutien. Pour nous, ça a toujours été essentiel de
soutenir les équipes, de soutenir les organisations, et tout au long de la
réponse à apporter à la demande d'aide médicale à mourir. On l'a dit dans tous
nos mémoires, on salue le fait que les GIS sont inclus dans la loi. Le constat
sur le terrain, c'est que ça demeure à composition et à géométrie variables, et,
compte tenu des difficultés et des enjeux de complexité auxquels on va avoir à
faire face, nous sommes d'avis que nous devrions inclure psychologues et
neuropsychologues dans les GIS. Et je m'explique. Maintenant qu'on dit à la
personne qu'elle va devoir dans la demande anticipée, déterminer qu'est-ce
qu'il faut prévoir mais qu'on lui dit que c'est une fois la souffrance
objectivée qu'il va falloir s'y attarder, eh bien il va falloir évaluer,
justement, cette souffrance-là. Et là, évidemment, je m'attarde à la souffrance
psychologique, puisque c'est un champ d'expertise qui me préoccupe. Il va
falloir <évaluer...
>
12 h 30 (version révisée)
< Mme Grou (Christine) :...un champ d'expertise qui me préoccupe. Il va falloir >évaluer
la souffrance psychologique. La souffrance psychologique, ça s'évalue par l'observation
puis ça s'évalue par l'analyse du comportement, ça s'évalue par l'analyse des
facteurs environnementaux, par les interactions. Il va aussi falloir évaluer si
cette souffrance-là, elle est intolérable. Et, pour faire ça, il va falloir
aider les équipes à neutraliser leurs propres projections. Projection, c'est un
mécanisme de... de défense qui fait qu'on se met à la place de l'autre, et on
projette en l'autre la douleur qu'on éprouve pour lui. Il va falloir évaluer
aussi si, sur le plan psychologique, tous les traitements possibles ont été
administrés et s'il y a encore des aménagements possibles de l'environnement,
de l'horaire et des interventions, sans, bien sûr, parler d'acharnement. Alors
donc, ce sont des facteurs qui vont devoir être considérés, parce que la
douleur psychologique, son irréversibilité, son intensité dans les contextes de
demande anticipée et dans les syndromes comportementaux de la démence, ce n'est
pas simple. Donc, croyez-moi sur parole.
Pour ce qui est des demandes contemporaines
pour les troubles neurocognitifs, bien, dans les cas complexes... Puis,
croyez-moi, il existe beaucoup de cas complexes où l'aptitude à consentir ne
sera pas si claire que ça, ce ne sera pas blanc ou noir. Et, dans ce
contexte-là, évidemment, l'éclairage du neuropsychologue est souvent essentiel.
Alors donc, il faut, dans ces cas-là, évaluer le fonctionnement de la
cognition, évaluer, justement, si le refus est l'expression d'une manifestation
clinique ou non et avoir une bonne compréhension des symptômes comportementaux
et psychologiques de la démence. Les symptômes comportementaux et
psychologiques de la démence, c'est souvent la conséquence d'une émotion qui,
chez la personne démente, ne s'exprime pas autrement. C'est une expression mal
adaptée. Ça engendre évidemment... souvent, ça se traduit en problèmes de
comportement. Ça peut engendrer de la détresse, mais ça peut aussi nous la
signifier.
Alors donc, pour cette raison-là, on
recommande l'intégration de psychologues, neuropsychologues dans les GIS, mais
également dans la commission sur les soins de fin de vie. L'intégration comme
membres de la commission sur les soins de fin de vie à l'article 39 nous
paraît pertinente. On est d'avis que ça l'aurait toujours été, dès la première
mouture de la loi, mais l'évolution de la loi, et l'ouverture aux demandes
anticipées pour le trouble neurocognitif, l'évaluation de l'aptitude puis la
réflexion à venir sur les troubles mentaux nous portent à croire que la demande
est d'autant plus légitime. Alors, nous recommandons qu'au moins un membre soit
nommé après consultation de l'Ordre des psychologues.
En conclusion, je le répète, le projet de
loi traduit des avancées majeures dans la réflexion. Ça traduit bien toute la
réflexion qui a eu cours autour des enjeux qui sont pour nous tout aussi
majeurs, mais c'est précisément la nature de ces enjeux qui nous amène à vous
demander l'intégration de l'expertise psychologique au sein du GIS et l'intégration
d'un psychologue comme membre de la commission. Je le répète, l'évaluation de
la douleur psychologique, la distinction entre la manifestation clinique et le
refus, les cas où l'évaluation de l'aptitude sera complexe dans les demandes
contemporaines pour les troubles neurocognitifs, l'évaluation des symptômes
comportementaux et psychologiques de la démence, l'évaluation des interventions
à effectuer et leur portée, le soutien aux équipes dans la charge émotive
associée à l'administration d'une personne inapte, qui seront donc des enjeux à
considérer.
Et finalement un dernier mot sur le fait
que nous comprenons très bien toutes les raisons de ne pas inclure, à ce
stade-ci, les troubles mentaux autres que les troubles neurocognitifs
dégénératifs, mais ça ne doit pas soustraire le législateur à la nécessité,
donc, d'accélérer la réflexion à laquelle nous offrons toute notre
collaboration. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dre Grou, pour cette présentation.
Donc, nous en sommes rendues à la période
d'échange avec les parlementaires. Par contre, je me dois... pour pouvoir
assurer suffisamment de temps pour qu'on puisse avoir des bons échanges, je me
dois de demander le consentement pour aller au-delà de l'heure... de l'heure
prescrite, qui était 12 h 50. Est-ce que j'ai le consentement?
Consentement. Parfait. Alors, je vais vous donner vos nouveaux temps.
On va commencer par la... par la ministre,
avec le groupe ministériel, pour une période de 14 minutes. Le temps est à
vous.
Mme Bélanger : Oui. Alors,
bonjour, Dre Grou. Bonjour, mesdames. Merci de participer à notre commission et
merci pour le mémoire et la présentation.
Je suis contente de votre conclusion,
parce que j'avais cru comprendre, au début de votre présentation, que vous
aviez compris que le trouble mental était inclus dans le projet de loi n° 11,
mais ce n'est pas le cas, là. J'ai cru entendre ça, au début de votre
présentation, mais c'est correct, parce que je voulais juste être certaine, là,
qu'on parlait de la même chose.
Alors, vous êtes en faveur d'un ensemble
d'éléments. Vous faites les recommandations, entre autres celle autour du <groupe...
Mme Bélanger :
...d'un
ensemble d'éléments. Vous faites les recommandations, entre autres celle autour
du >groupe interdisciplinaire. Je voulais... je voudrais revenir à ce
sujet-là et l'importance d'y intégrer un psychologue ou neuropsychologue, donc,
au sein des équipes interdisciplinaires. Parce que vous savez que notre
volonté, c'est qu'il y ait, là, vraiment des équipes de soutien dans chacun des
établissements.
En fait, une petite question très
pratico-pratique : Dans le contexte où on a vraiment beaucoup de postes
vacants, de psychologues et de neuropsychologues, dans le réseau public, est-ce
que vous croyez que nous avons la capacité d'intégrer des psychologues dans nos
équipes interdisciplinaires en lien avec le... les... l'aide médicale à mourir
et les soins de fin de vie?
Mme Grou (Christine) :Oui. D'abord, juste une petite précision sur le premier
élément de votre question, Mme Marois. Nous avions argumenté que le
trouble neurocognitif faisait partie des troubles mentaux, alors on a bien
compris qu'on excluait les autres troubles mentaux.
Mme Bélanger : ...excusez.
Allez, excusez-moi. Continuez.
Mme Grou (Christine) :Vous m'entendez bien?
Mme Bélanger : Oui, oui, très
bien.
Mme Grou (Christine) :
D'accord.
Mme Bélanger : Revenons sur
les troubles mentaux, oui.
Mme Grou (Christine) :Non. Donc, ce que je vous expliquais, en fait, c'est qu'il faudrait
retourner à notre autre mémoire pour comprendre l'argumentaire, mais on a bien
compris que les autres troubles mentaux n'étaient pas inclus dans ce présent
projet de loi, d'accord?
Donc, au regard des... de la composition,
oui, moi je pense qu'il y a encore suffisamment de psychologues et de
neuropsychologues dans le réseau, mais, cela dit, mon objectif, c'est d'avoir
des GIS qui sont le plus compétents possible pour soutenir les équipes. Et,
quand je vous nomme les enjeux auxquels on va devoir faire face, je pense qu'il
faut peut-être faire une priorité d'avoir des GIS compétents. Alors, j'aurais
tendance à dire : D'abord, il en reste assez dans le réseau public, mais,
s'il n'y en avait pas, il faudrait certainement les attirer et les retenir, mais
il en reste quand même suffisamment pour qu'on puisse en intégrer, à mon avis,
dans tous les GIS.
Mme Bélanger : D'accord. Je
vous remercie. Je vais laisser les questions à mes collègues.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme la ministre. Merci, madame...
Dre Grou. Je passe maintenant la parole à la députée de Vimont.
Mme Schmaltz : Bonjour,
mesdames. Vous avez parlé tantôt que la souffrance psychologique, on peut...
bien, enfin, on l'évalue sur plusieurs critères, tout en étant objectif,
c'est-à-dire en ne... en faisant abstraction de nos propres émotions lorsqu'on
est en contact, donc, avec une personne. Cette souffrance, cette évaluation-là,
est-ce qu'elle est... comment dirais-je, est-ce que... est-ce qu'on la
personnalise envers chaque patient? C'est-à-dire qu'une personne ayant une
souffrance qu'elle va considérer moindre, alors que par... vos critères à vous
sont... sont élevés par rapport à sa propre... à ce que la personne, elle ressent.
Est-ce qu'on peut, au final, personnaliser ces souffrances-là selon l'état de
la personne? Et dans ma question, vous mentionniez tantôt de... Est-ce que
c'est juste un psychologue, en fait, qui est capable d'évaluer ces critères-là,
ou ça peut être l'équipe médicale, ça peut être le médecin traitant, ou si c'est
vraiment uniquement un psychologue, slash, peut-être psychiatre qui est en
mesure d'évaluer?
• (12 h 40) •
Mme Grou (Christine) :D'abord, loin de moi l'idée de dire que seulement le psychologue
peut évaluer la douleur psychologique, mais c'est son expertise, c'est son
champ d'expertise. Ce que je dis, c'est que la douleur psychologique d'une
personne qui est devenue inapte et qui ne s'exprime plus nécessairement en
mots, c'est extrêmement complexe. Et la façon de le faire, c'est souvent en
faisant des observations systématiques dans le milieu, c'est-à-dire qu'il faut
être présent. Il ne faut pas juste passer de temps en temps à la chambre du
patient, il faut être présent pour observer. Il faut observer les
manifestations comportementales, les manifestations émotionnelles, il faut les
interpréter correctement. Il faut être capable d'aller recueillir aussi de
l'information auprès des professionnels soignants et il faut être capable de déterminer
est-ce qu'il n'y a pas des éléments contextuels, dont, si on les modifie, on va
changer justement le cursus de la souffrance. Et ça, ça s'appelle de l'observation
systématique. Alors donc, il y a une analyse comportementale à faire, il y a
une analyse qui, à mon avis, doit être soutenue par l'expertise pour que les
professionnels puissent le faire comme il se doit, mais surtout il faut avoir
une bonne compréhension des symptômes comportementaux et psychologiques des
démences. Parce qu'il faut comprendre que quelqu'un qui a un trouble
neurodégénératif ne va pas la manifester de la même manière que quelqu'un qui
n'en a pas. Alors, parfois, vous savez, avoir un mouvement de retrait, frapper
quelqu'un, insulter quelqu'un, crier, c'est une manifestation de détresse, mais
pas <toujours...
Mme Grou (Christine) :
...détresse, mais pas >toujours, puis il faut
être capable de faire la distinction. Et la seule façon de le faire, c'est
d'être capable d'observer puis de faire une analyse comportementale. Et c'est
là où, je pense, si on veut s'assurer d'avoir des balises de protection qui
soutiennent les équipes, bien, l'expertise du psychologue ou du
neuropsychologue... Parce que c'est des expertises différentes, un sur la
douleur psychique, l'autre sur les symptômes comportementaux et psychologiques
de la démence et sur la cognition, l'aptitude, donc ce sont des expertises qui
vont vraiment être un facteur de protection pour moi, et pour les personnes
qu'on va administrer, et pour les équipes qui auront à le faire.
Mme Schmaltz : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci pour cette réponse. Je vais passer maintenant la
parole à la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci, Mme
la Présidente. Merci d'être avec nous pour qu'on puisse encore éclaircir
certaines choses. Et je suis très contente de vous entendre dire que vous êtes
en accord avec les bonifications qui ont... qui ont eu lieu dans le projet de
loi n° 11. J'ai par contre une... un questionnement. Est-ce que vous
considérez qu'un handicap neuromoteur, c'est un trouble mental? Est-ce que
c'est un diagnostic du DSM-5? Je cherche juste à comprendre. Vous
semblez dire qu'on autorise les troubles mentaux, mais, en fait, ce n'est pas
ça, là.
Mme Grou (Christine) :Non, en fait, ce que je dis... Je vais essayer d'être
claire. Ce qu'on a dit, dans une commission préalable pour le p.l. n° 38,
c'est que le trouble neurocognitif, dans les classifications diagnostiques
reconnues internationalement, c'est un trouble mental, c'est classifié dans les
troubles mentals, OK? Donc, on a reconnu que le trouble neurocognitif était un
trouble mental et on a exclu les autres troubles mentaux. Donc, c'est un pas
significatif pour les demandes anticipées.
En ce qui concerne le trouble neuromoteur,
là, le trouble neuromoteur, pour moi, c'est un trouble physique qui n'est pas
dans notre champ d'expertise, mais qui, par ailleurs, peut s'accompagner d'un
trouble cognitif également. Alors, si vous prenez, par exemple, quelqu'un qui a
une maladie de Parkinson, ou encore une sclérose en plaques, ou encore ce qu'on
appelle la sclérose latérale amyotrophique, c'est-à-dire la maladie de Lou
Gehrig, bien, il se peut que ces troubles-là s'accompagnent aussi de troubles
cognitifs.
Mme Guillemette : Parfait. Et
ça m'amène à vous demander... Bon, dans le projet de loi, on a... on autoriserait
les handicaps neuromoteurs. Est-ce que vous... Comment vous voyez ça? Et est-ce
que vous pensez qu'en encadrant on encadre trop, justement? Est-ce que, d'après
vous, si on enlève «handicap», ça pourrait être plus... moins discriminatoire
pour certaines personnes?
Mme Grou (Christine) :En fait, je vous dirais qu'on ne s'est pas penchés
spécifiquement sur le trouble neuromoteur, puisqu'il relève du champ
d'expertise médicale.
Mme Guillemette : OK,
parfait. Est-ce que j'ai d'autres collègues qui ont des questions?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui, je... Donc, c'est terminé pour vous?
Mme Guillemette : Oui, je
reviendrai après, s'il reste du temps.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je vois la collègue d'Abitibi-Ouest qui aurait une question
pour vous.
• (12 h 50) •
Mme Blais : Oui, bonjour, madame.
Merci pour votre mémoire. Moi, j'aimerais... Ce qui devient difficile, dans une
situation comme ça, c'est la souffrance, souffrance psychologique, souffrance
physique. Alors, j'aimerais qu'on démystifie cette souffrance-là, parce que,
pour le personnel, pour les proches, c'est difficile. Est-ce que la souffrance...
physique engendre une souffrance psychologique, et vice versa? Alors,
j'aimerais qu'on puisse démystifier ou donner des outils.
Mme Grou (Christine) :Alors, je vais donner un début de réponse et je vais passer
la parole à ma collègue, Dre Marleau, pour complément, donc, pour
m'assurer d'être claire. Il est certain qu'il y a une relation qui est assez
connue dans la littérature sur la souffrance physique qui peut engendrer des
souffrances psychologiques, c'est-à-dire que quelqu'un, là, qui souffre la
majorité du temps et qui vit avec des douleurs, des douleurs chroniques par
exemple, ou encore quelque... quelque problème qui va causer des souffrances,
c'est certain qu'il va y avoir des répercussions, donc, sur le psychisme, et on
sait qu'il y a une relation entre les deux. Je ne sais pas si c'est ça, le sens
de votre question. Et je laisserais la parole à Dre Marleau pour un
complément.
Mme Marleau (Isabelle) :Oui, merci. En fait, la souffrance, qu'elle soit physique
ou psychologique, c'est profondément subjectif comme concept. Et je pense que
c'est probablement de là d'où provient aussi votre question et c'est... et
c'est extrêmement <difficile...
Mme Marleau (Isabelle) :
...et c'est extrêmement >difficile de
l'objectiver, donc, d'où les... l'ensemble des mécanismes de protection et d'où
l'ensemble des professionnels, et des... du tiers de confiance, et de toute
l'histoire, de se pencher aussi également sur l'histoire de la personne, qui a
un impact sur le sens qu'elle donne à sa vie. Donc, on va toucher à des
concepts, là, extrêmement subjectifs et variables d'une personne à l'autre.
Donc, c'est pour ça que c'est difficile de vous donner des balises concrètes ou
par rapport à ça.
Maintenant, on sait qu'il y a certains
thèmes, là, qui vont être abordés pour la souffrance psychique, justement, là,
la capacité de donner un sens, la perte de sens, la capacité de vivre selon ses
valeurs, bon, etc. Donc, on nage, là, dans ces eaux-là quand on parle de
souffrance psychologique ici, et d'où l'ensemble, là, des garde-fous, des
facteurs de protection, là, qu'on veut mettre en place.
Mme Grou (Christine) :Puis j'ajouterais que la souffrance psychologique, ce n'est
pas quelque chose qui... c'est quelque chose qui évolue dans le temps, d'où
l'importance de bien évaluer les interventions qu'on fait auprès de la
personne, leur succès. Parce que, parfois, c'est des succès partiels, et les...
Vous savez, quand on fait de l'expertise en psychologie, c'est souvent la
question qu'on nous pose : Quels sont les traitements qui ont été
effectués? Quelle est votre évaluation de ces traitements-là? Quels seraient
les autres traitements qui pourraient être jugés nécessaires puis qu'on
pourrait tenter? Donc, c'est là-dessus qu'il faut faire du cas par cas. Et il
faut être capable de l'évaluer comme il faut, parce que c'est... en fait, ce
qu'on essaie, c'est de prendre, justement, que ce soit physique ou
psychologique, un élément qui est subjectif et de l'objectiver. Et c'est
possible de l'objectiver, il faut le faire comme il faut, c'est ça qui va être
un facteur de protection.
Mme Blais : Merci beaucoup,
mesdames.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, si c'est tout du côté de... merci
beaucoup, Mme la ministre, merci, Mmes les députées, je vais me tourner du côté
de l'opposition officielle pour une minute... une période de 8 min 24 s.
La députée de D'Arcy-McGee, la parole est à vous.
Mme Prass : Merci beaucoup,
merci, bienvenue, mesdames, et merci pour votre participation. Donc, ma
première question, ça va être à propos d'une de vos recommandations, à propos
du refus qui est proposé dans le projet de loi. Je ne sais pas si, comme moi,
vous êtes venues à la même conclusion qu'il y avait une incohérence là-dedans,
parce que c'était... Dans le cadre des demandes anticipées, bien, on demande
que la personne soit apte au moment où elles vont justement faire la demande,
mais qu'une fois qu'elles sont jugés inaptes, donc, l'aide médicale à mourir va
de l'avant, si elles refusent, donc là la demande est radiée. Je pense qu'on
est un petit peu sur la même longueur d'onde, parce que ce que vous suggérez,
c'est, plutôt que ce soit radié, de permettre que ce soit suspendu
temporairement. Donc, ma...
Mme Grou
(Christine) :
Exact.
Mme Prass : Je suis assez
d'accord avec vous, mais ma question pour vous serait : Par exemple, une
personne qui a une démence heureuse, une personne, encore une fois, qui est en
situation d'inaptitude, combien de fois est-ce qu'on essaie de les approcher
avec le processus d'aide médicale à mourir? Comment est-ce que vous, vous voyez
ça? Comment est-ce ce que vous voyez... Parce que je suis d'accord avec vous
qu'un refus dans... de cette personne, dans l'état dans lequel ils sont, n'est
pas un refus lorsqu'ils étaient aptes. Donc, comment est-ce que vous voyez ça?
Est-ce qu'on essaie ça à plusieurs reprises? Quel est l'intervalle entre les
différents essais? Je voudrais vous entendre davantage là-dessus.
Mme Grou (Christine) :
Écoutez, je pense que... On s'entend, la personne a manifesté un désir alors
qu'elle était apte, donc, au moment de l'administrer, elle ne l'est plus. Donc,
vous avez raison, le refus n'est pas un refus, puisque la personne n'est pas
apte. Le refus, c'est le pendant du consentement, hein? Alors, si on n'est pas
apte à consentir, on n'est pas nécessairement apte à refuser, mais ce qu'on ne
veut pas, c'est voir des scènes horribles où on contraint. Tu sais, on ne veut
vraiment pas contraindre à la mort puis on ne veut vraiment pas violenter les
gens, même psychologiquement. Donc, les gens qui vont avoir à administrer, on
ne veut pas ça. Alors donc, c'est pour ça qu'on recommande d'y surseoir.
Maintenant, dans quel intervalle de temps?
Bien, écoutez, je pense que, dans le contexte de l'organisation des soins et
services, tu sais, on peut revenir quelques jours après, quand la personne est
calme, on peut revenir quelques heures après, on peut revenir... Il n'y a pas
nécessairement de délai de temps prescrit. Il va falloir se les donner, ces
balises-là, mais il est certain que, quand on revient quelques jours après...
Puis, vous savez, des fois, dans un contexte de troubles neurocognitifs, qu'ils
s'agitent, la raison de l'agitation, on ne la connaît pas toujours, mais on
sait que l'agitation oscille avec des moments de calme. Alors, il faut juste
être capable d'avoir un contexte de moment de calme, justement, une accalmie,
pour ne pas que ce soit considéré comme un refus, mais d'où l'importance d'y
surseoir. Je ne pense pas que ce soit nécessaire d'y revenir des mois après. Je
pense que, quelques jours après, une semaine après, c'est amplement suffisant.
Mme Prass : Et, si jamais,
disons, quelques jours plus tard, ça se réessaie, la personne refuse toujours,
est-ce qu'il y a un nombre de fois qu'on devrait essayer avant d'abandonner,
selon vous?
Mme Grou (Christine) :Bien, encore là, à partir du moment où ce n'est pas
l'expression de l'autonomie de la personne, tu sais, je pense que c'est à peu
près impossible qu'il n'y ait pas des moments de calme. Et donc d'autant que je
pense que ce qui est important aussi, c'est de voir la perception de la
famille, du tiers de confiance, de l'équipe de soins qui est au chevet pour
voir est-ce que... est-ce que tout le monde a cette même impression de calme,
et que, bon, ce serait le temps d'administrer. Mais je ne pense pas qu'il y ait
un nombre de fois, tu sais, où on dit : Bien non, après trois fois, si ça
ne fonctionne pas...
Puis là je vais vous dire pourquoi je dis
ça, parce que j'ai vu tellement de cas où les manifestations des symptômes
comportementaux, justement, de la démence faisaient en sorte que, quand on les
approche, surtout à plusieurs puis avec du matériel clinique, puis qu'on ouvre
la lumière, puis bon, etc., la personne a un mouvement de recul, puis elle se
rebiffe, et elle s'agite. C'est-à-dire que les changements dans
l'environnement, le changement de pièce pour une personne, ça va générer de
l'agitation. Et donc ce serait extrêmement triste de voir qu'en raison de ça on
recule.
Alors, je pense que, si, justement, on
désensibilise cette personne-là à cette agitation, qu'on change de lieu, qu'on
change des fois de personnel, qu'on l'approche différemment, à mon avis, il y
aura toujours une fenêtre où tout le monde va être confortable. Et je pense
qu'il faut respecter cette volonté. Sinon, c'est-à-dire que, bien, la demande
anticipée n'a pas beaucoup de valeur, parce que l'expression des symptômes
comportementaux d'agitation, elle est très risquée.
Mme Prass : Dans ce cas-là,
pensez-vous que le formulaire que nous attendons de voir ne devrait pas
comprendre un élément qui, justement, précise le fait que, même en cas de refus,
de ma part, de la part de la personne en situation inapte, on aille de l'avant ou
que le tiers de confiance qui est désigné puisse avoir, justement, ce
pouvoir-là d'accepter, au nom de la personne, une fois qu'ils sont inaptes?
Mme Grou (Christine) :Je peux vous dire que c'est un énorme poids de s'en
remettre au tiers de confiance seulement, c'est un énorme poids. Je ne suis pas
certaine... Je n'ai pas réfléchi là-dessus sur le plan de l'éthique clinique,
mais je ne suis pas certaine que c'est un facteur de protection pour la
personne qui a fait la demande, mais de prévoir, à la limite, si je manifeste
un refus... Il va falloir expliquer à la personne qu'un refus ça pourrait ne
pas être un vrai refus. Tu sais, il va falloir expliquer à la personne ce que
c'est que l'inaptitude, et c'est ça, le rationnel de la demande anticipée. Donc,
à partir du moment où on admet que l'inaptitude rend la personne incapable de
prendre une décision éclairée, bien, on l'admet autant pour sa façon de
consentir que pour sa façon de refuser, mais on ne veut pas contraindre, on ne
veut pas que l'action soit perçue comme étant violente. Ce serait traumatisant
pour tout le monde de toute façon.
Mme Prass : Et là je voudrais
élaborer sur l'idée du formulaire, parce que vous le soulevez à un moment donné.
Et justement, comme j'ai dit, je pense que, là, vous amenez des aspects
intéressants qu'on n'aurait pas... on n'a pas entendus jusqu'à présent, sur
toutes les questions, justement, psychologiques. Donc, est-ce qu'il y a des
éléments, par exemple, que vous pensez seraient nécessaires d'être inclus dans
le formulaire pour s'assurer que la personne a vraiment fait le tour des
éléments?
Mme Grou (Christine) :On a eu des discussions extrêmement intéressantes sur cette
question-là. Puis c'est pour ça qu'on est contents du changement de vocable,
justement, dans le projet de loi n° 11. C'est parce que c'est impossible,
au moment où je vous parle, pour moi, qui connais bien les symptômes
comportementaux et psychologiques de la démence, qui connais bien les troubles
cognitifs dégénératifs, c'est impossible pour moi de savoir si, au moment où je
serai rendue là, je souffrirai de ce que je pense que je souffrirais
maintenant. Autrement dit, je vais essayer de traduire ça d'une façon plus
claire, je ne serai plus la même personne, à ce moment-là, je n'aurai plus la
même vision, je n'aurai plus la même réflexion, je n'aurai plus les mêmes
éléments qui me font souffrir. Si, au moment où je vous parle, il me fait
souffrir de penser que je ne reconnaîtrai plus mes enfants et il me fait
souffrir puis c'est une profonde atteinte à ma dignité de penser que je serai
incontinente, je n'ai aucune idée de la façon dont je vais évoluer dans le
trouble neurocognitif et de la façon dont j'en souffrirai à ce moment-là. C'est
pour ça que, dans le fond, on a un peu pelleté par en avant, mais c'est un
facteur de protection, l'évaluation, l'objectivation de la souffrance. Et c'est
essentiel de le faire puis ça va être essentiel de le faire comme il faut.
Alors, même si on demandait à la <personne...
Mme Grou (Christine) :
...essentiel de le faire comme il faut. Alors, même
si on demandait à la >personne d'élaborer... Puis, croyez-moi, quand
on... quand on essaie d'élaborer tous les scénarios, moi, je pourrais vous dire
aujourd'hui : Si je suis accidentée puis je perds l'usage de mes jambes,
moi qui est une grande marcheuse, je ne suis pas certaine que je vais vouloir
vivre, mais je peux absolument vous assurer qu'il y a des bonnes chances que,
dans deux ans, trois ans après la réadaptation, j'aie retrouvé un sens à ma vie,
mais je ne le sais pas au moment où j'ai cet accident. C'est la même chose pour
les troubles neurocognitifs. C'est très difficile de savoir comment la personne
va s'adapter, et il vaut mieux ne pas tenter de tout prévoir. Parce qu'on le
prévoit avec le cerveau qu'on a maintenant dans la connaissance qu'on a
maintenant, mais on n'a pas une connaissance de nous dans ce qu'on sera à ce
moment-là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dre Grou, c'est tout ce que nous
avions comme temps pour cette portion d'échange. Je me tourne maintenant du
côté de la députée de Sherbrooke pour une période de 2 min 48 s.
Mme Labrie : Merci. Donc, ça
va être assez court comme échange. Vous nous avez expliqué avec éloquence
pourquoi vous auriez votre pertinence à prendre plus de place dans les groupes
interdisciplinaires de soutien. Je vous ai entendues. Est-ce que ce que vous
nous demandez, c'est de détailler dans la loi la composition de ces groupes interdisciplinaires?
Parce qu'en ce moment la composition, elle n'est pas prévue dans la loi. Puis,
vous l'avez nommé, il y a quand même une grande variété de composition sur le
territoire. Donc, je... tu sais, pour la commission sur les soins de fin de vie,
si on veut vous y ajouter, ça prendra un changement législatif, mais, pour les
groupes interdisciplinaires est-ce que c'est ce que vous nous demandez, ou vous
demandez plutôt un changement de pratique sur le terrain?
Mme Grou (Christine) :Bien, en fait, moi, je demande... En fait, le plus grand
facteur de protection, c'est justement de le déterminer. Parce que, vous savez,
des groupes interdisciplinaires qui sont à géométrie variable, c'est des
groupes qui ont une expertise variable. Alors, moi, je pense que ce serait...
d'abord, ce serait équitable pour l'ensemble des gens de la population, mais
surtout ce serait un facteur de protection de dire : Bien, écoutez, il
faut que tous ces groupes aient différentes expertises puis il faut se pencher,
justement, sur les expertises dont on a besoin et faire en sorte que ces
gens-là soient disponibles. Je pense que ce serait un facteur de protection.
Mme Labrie : Si je vous
comprends bien, ce serait un facteur de protection de détailler, dans la loi,
la composition de ces groupes-là pour assurer une certaine... peut-être pas une
uniformité, mais disons quelque chose qui s'en approche, là, sur le territoire.
Mme Grou (Christine) :Oui, c'est-à-dire... puis je pense que, vous savez, on fait
appel, pour l'évaluation de l'inaptitude dans les cas complexes,
systématiquement au neuropsychologue. Je pense que... mais il ne faudrait pas
risquer que, s'il n'y en a pas, on n'y pense pas, c'est-à-dire que je pense
qu'étant donné les nouveaux enjeux, dont j'ai fait mention tantôt, il va
falloir intégrer cette expertise-là dans les groupes interdisciplinaires. Alors,
oui, on recommande fortement que ce soit écrit dans la loi.
Mme Labrie : Merci. C'est
bien clair.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, pour le dernier bloc
d'échange, je m'adresse à la députée de Laviolette—Saint-Maurice pour une
période de 2 min 48 s.
Mme Tardif : Ça va être très
court. Premièrement, merci beaucoup, mesdames, merci pour votre travail aussi.
J'en profite pour remercier l'ensemble des psychologues et des
neuropsychologues du Québec. Je pense que vous avez du travail, on le voit, les
listes d'attente sont longues, les gens ont besoin de vous. Donc, merci.
Ce que je retiens, entre autres, parce que
votre rapport est assez étoffé... mais j'entends bien que, lors d'un refus,
après une acceptation, bien entendu, il serait plus avisé de surseoir la
décision plutôt que de l'annuler. Donc, ça, c'est un point très important que
vous... que vous apportez. Et vous nous soulignez aussi l'importance, entre
autres pour les cas... les comportements, les cas plus complexes, et on
comprendra que c'est assez complexe, là, quand on joue dans les émotions et
dans le cerveau des gens, l'importance que les psychologues ou les
neuropsychologues soient présents sur le comité interdisciplinaire, c'est bien
ça?
• (13 heures) •
Mme Grou (Christine) :Exact.
Mme Tardif : Parfait. Merci.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, c'est ce qui conclut
cette séance, mesdames, merci énormément de ce que vous apportez comme
éclairage à la commission.
Et, pour nous, les membres de la
commission, nous allons ajourner jusqu'à 14 heures. Je vous souhaite une
bonne fin de journée, mesdames.
(Suspension de la séance à 13 heures)
14 h (version révisée)
(Reprise à 14 h 05)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des
relations avec les citoyens va reprendre ses travaux.
Je vais en profiter pour rappeler le
mandat. Nous poursuivons donc les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les
soins de fin de vie et d'autres dispositions législatives.
Donc, l'ordre du jour de cet après-midi :
nous allons recevoir, dans un premier temps, M. Luc Bisaillon, une
personne qui est atteinte de la sclérose latérale amyotrophique. Nous allons
également recevoir l'Association des médecins psychiatres du Québec ainsi que
la Fédération des médecins spécialistes du Québec.
Donc, nous allons débuter avec M. Luc
Bisaillon. Bonjour, M. Bisaillon.
M. Bisaillon (Luc) : Bonjour.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Vous allez me permettre de vous remercier d'être avec nous aujourd'hui.
Donc, je vais vous laisser, dans quelques secondes, la parole pour une période
de 10 minutes, pour exposer votre point de vue sur le projet de loi ainsi
que, bien évidemment, de vous... de vous présenter à nous, les parlementaires.
Par la suite va s'ensuivre une période de <discussion...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
...à nous, les parlementaires. Par la suite va
s'ensuivre une période de >discussion. Alors, la parole est à vous,
M. Bisaillon.
M. Luc Bisaillon
M. Bisaillon (Luc) : Bonjour
à vous tous. Je me présente encore, je m'appelle Luc Bisaillon. Je suis atteint
de la sclérose latérale amyotrophique.
Je ne fais partie d'aucune association.
Moi, depuis trois ans que j'ai commencé à avoir les symptômes, depuis deux ans
et demi qu'on me l'a diagnostiquée. Ce qu'il faut comprendre, c'est que je suis
un travailleur autonome, je travaillais entre 40 et 60 heures par semaine,
j'avais un commerce. Et, depuis deux ans, bien, je suis à la maison parce que
mes poumons sont affaissés puis mon bras gauche ainsi que ma main gauche... mon
bras gauche au complet est affaissé.
Vous savez, quand on a arrêté de
travailler du jour au lendemain, là, pour quelqu'un de 54 ans, là, c'est
assez... c'est assez difficile, donc, ça devient... c'est très dur pour mes... Je
deviens un fardeau pour mes proches. Cette maladie nous enferme dans notre...
dans mon corps tout en laissant mon cerveau actif. C'est ce qui est le plus dur
dans la maladie, parce que mon cerveau est toujours là, mais le corps n'est
plus là. C'est une une prison, là, je suis pris dans mon corps puis c'est
évident que je ne peux pas aller faire de la marche, je ne peux pas... je n'ai
pas assez de... je ne suis plus capable de prendre de marches, donc je suis
limité à ma maison puis je peux marcher de ma fenêtre à ma chambre, là.
Puis, ensuite de ça, bien, il faut
comprendre qu'il y a des idées suicidaires qui sont venues puis qui viennent
bousculer, là, à tous les jours, là. Tu sais, là, du jour au lendemain, là, tu
te retrouves chez toi, là. Puis, vous savez, mes amis, ils ont mon âge, les
gens... les gens qui ne travaillent pas à mon âge, il n'y en a pas. Ce qui fait
qu'à un moment donné, j'ai eu des moments de... suicidaires, parce que... Mon
bras droit commence... ça s'en va... la maladie s'en va dans mon bras droit. Donc,
pensant me suicider, j'avais déjà fait mon scénario. Puis, à un moment donné,
j'ai un travailleur social qui est venu à la maison, qui vient du CLSC, puis,
écoute, je lui ai dit que mes... ce que je voulais faire, de quelle façon j'étais
pour le faire. Puis là ils ont comme pesé sur un piton, puis je peux vous dire
que, le lendemain, j'avais une infirmière en... spécialiste en aide médicale à
mourir, puis elle m'a tout expliqué, là, les fonctions... comment ça va
fonctionner. Là, elle m'a offert d'appeler un médecin ou qu'un médecin
m'appelle, spécialiste, qui fait justement l'aide médicale à mourir. Puis je me
souviens que c'était un mardi. Bien, le mardi après-midi, le médecin m'a
rappelé, puis il m'a rassuré, puis il m'a expliqué que la SLA était... vous
savez, l'aide médicale à mourir, c'est comme... c'est un consensus de médecins.
Puis elle m'a dit que la SLA était vraiment comme considérée... ça fait qu'elle
m'a dit : Peu importe votre condition, M. Bisaillon, on va vous la...
on va vous la donner.
• (14 h 10) •
Donc, il n'y a aucun remède pour soigner
cette maladie-là. Tout ce que j'ai, moi, actuellement, c'est une... c'est des
médicaments qui vont... qui prolongent ma vie, donc, entre trois et six mois,
en autant que je décide d'aller jusqu'au bout. Donc, je ne peux plus rien faire
depuis deux ans, là, c'est... Ma vie, actuellement, elle consiste à rester à la
maison puis à regarder la télévision. J'attends... à tous les jours, j'attends
après ma mort. Tu sais, c'est difficile, la maladie, dans mon cas, elle est
lente, ça qui fait que, bien, j'attends, j'attends, le temps tourne, le temps
tourne, puis j'attends que la bibitte, elle me mange. Vous savez, je n'ai plus
aucun défi, sauf celui de dire aux gens à l'alentour de moi que je les aime,
faire des câlins. Les gens que je rencontre, je sors beaucoup de positif,
c'est... Là, je vous ai enlevé un masque, là, il y a bien des gens qui n'est
pas au courant de ce que je vous parle là parce que je ne laisse pas... je ne
montre pas aux gens que je suis là, là.
Je fais une campagne de... pas de
sensibilisation, pour ramasser des sous, puis... prochainement, ça fait que ça
m'aide à me garder occupé. Autrement de ça, là, moi, la vie, là, je n'en ai
rien à cirer. Je vous dis, c'est comme le jour de la marmotte, là, que je me
lève le lundi, le mercredi, le samedi, qu'il neige, qu'il pleuve, moi, ça ne
change rien. Puis, vous savez, je remercie ma femme, je remercie mes proches,
les gens qui s'occupent de moi à chaque jour. Tu sais, moi, j'ai une
entreprise, j'ai un commerce, puis ma femme, elle continue de le gérer. C'est
un commerce qu'on a construit ensemble. Donc, moi, je suis tout seul à la
maison. Vous savez, je marche encore, mais j'ai une main qui est
semi-fonctionnelle puis j'ai mon BiPAP qui me tient, c'est une machine qui
remplace mes <poumons...
M. Bisaillon (Luc) :
...j'ai
mon BiPAP qui me tient, c'est une machine qui remplace mes >poumons, que,
pendant peut-être 10 heures par jour, huit heures, je dors avec, puis deux
heures l'après-midi.
Vous savez, là, ce qui est important, dans
la vie, là, c'est de partir dans la dignité. Moi, des menteries puis des
mensonges, là, je n'en ai plus à conter. La vérité, là, c'est... moi, ce que je
vous dis aujourd'hui, là, c'est vraiment ce que je ressens.
Autre chose aussi. Vous savez, on a... on
a des gens... Moi, je... On parle souvent de... des hôpitaux, puis tout ça.
Moi, dans mon cas, je n'ai rien, absolument rien à dire. Je ne veux pas faire
de politique, là, mais j'ai eu des médecins, j'ai la clinique Neuro, dont M. Massie
est directeur, là, c'est vraiment des... c'est de l'or en barre, tu sais, ils
sont toujours là pour nous autres, les ergos, les physios, les... tout le monde
est là. La même chose pour mon CLSC local de Vaudreuil-Dorion, ils sont toujours
là, les ergos, les physios, les TS, tout le monde est là. Je les appelle, ils
me répondent, ils viennent ici, donc...
Puis dernière chose, bien, je voudrais
remercier Mme Picard. Vous savez, Mme Picard, je l'ai rencontrée,
moi, il y a un an. Puis, quand qu'on a la maladie comme la mienne, on a... je
ne sais pas si ce n'est pas un sixième sens ou un autre oeil, là, mais on voit
des choses que les gens ne voient pas. Puis moi, cette dame-là, là, moi, je
l'ai sentie vraie. Donc, c'est certain que, si je serais là, je lui aurais fait
un câlin. Mais vous pouvez tous être fiers, parce que je sais que vous
travaillez avec elle... Quand vous la voyez, là, vous ne pouvez pas lui faire
un câlin, évidemment, mais dites-vous que cette personne-là est une personne
vraie. Puis, ça, c'est ce que moi, j'ai ressenti. Ça fait que regardez-la, puis
regardez-la d'un oeil différent, comme moi, je la regarde, parce que moi, j'ai
senti que c'était vraiment une bonne personne.
Donc, je pense que j'ai pas mal fini. J'ai
fait le tour de pas mal des choses.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Bisaillon. La députée de Soulanges
est ici avec nous. D'ailleurs, je suis certaine qu'elle va avoir quelques
petites questions à vous poser. Merci pour le courage que vous déployez
aujourd'hui pour nous parler. Ça va nous éclairer énormément. Alors, je vais
laisser maintenant la parole... les droits de parole à mes... à mes collègues.
Je vais commencer par la ministre, qui va certainement vous poser plusieurs
questions, ainsi que... On va faire le tour ensuite de tous les groupes
parlementaires, mais on débute avec Mme la ministre. La parole est à vous.
Mme Bélanger : Bonjour. Bonjour,
M. Bisaillon. Un grand merci d'être avec nous aujourd'hui. Je pense que
votre témoignage va nous aider à mieux faire notre travail pour bien... en
fait, parce qu'on veut bien comprendre la situation des personnes qui, comme
vous, malheureusement avez une maladie qui est une maladie incurable et qui est
extrêmement difficile.
Vous avez parlé... tantôt, vous avez dit :
Pour moi, je n'ai plus de cachettes à faire, je veux qu'on se dise les choses.
Puis vous avez dit : Pour moi, ce qui est important, c'est vraiment de
partir dans la dignité. J'aimerais ça, vous entendre là-dessus, si vous
permettez, là. J'ai l'impression de rentrer dans votre intimité, là, puis je
m'en excuse, mais ça va nous permettre de mieux comprendre.
M. Bisaillon (Luc) : Partir
dans la dignité, là, c'est... c'est que les gens respectent mes choix. C'est
que les gens... Vous savez, ça fait un an que je le sais, que ma maladie est
là. La journée que je vais décider de partir, je vais tout avoir parlé, tous
les gens alentour de moi, puis ils vont tous être au courant. C'est certain
qu'il y a des gens qui ne seront pas d'accord, il y en a d'autres qui vont être
d'accord, mais c'est mon choix à moi puis ça reste à moi. Je ne sais pas si ça
répond à votre question.
Mme Bélanger : Oui. Oui.
Oui. Puis peut-être aussi, c'est votre... c'est le choix de la personne, et
puis je pense que c'est important, puis c'est aussi ce qu'on a prévu dans le
projet de loi. On parle ici d'autodétermination, de capacité de pouvoir choisir
pour soi-même, puis vous le traduisez... excusez-moi, là, différemment. J'aimerais
ça, vous entendre... Quand vous dites : C'est mon choix, est-ce que...
quel est le rôle de vos proches par rapport à votre décision? Comment vous
voyez ça, le rôle soit d'un conjoint, conjointe ou autre proche?
M. Bisaillon (Luc) : Moi,
ce que j'ai fait, là, j'ai tout réglé, tous mes problèmes. Ça fait quand même deux
ans... trois ans, que je suis... Ça fait que j'ai tout réglé mes problèmes
d'assurance, de funérailles. J'ai... Vous savez, ma femme, je sais qu'elle est
heureuse, mes assurances... mon garçon, il va bien, il a pris ma place au
magasin. Ça fait que des interrogations, j'en... j'ai tout comme réglé, vous
voyez? Je n'ai pas de petits-enfants, ça, c'est une chose. Peut-être que je... Parce
que les autres personnes qui ont la SLA que j'ai vues, elles ont souvent des
petits-enfants et eux vont jusqu'au <bout...
M. Bisaillon (Luc) :
...et
eux vont jusqu'au >bout dans la maladie. Moi, je n'en ai pas. Pas que...
Mais comprenez-vous? Ça fait que je n'ai rien qui m'attache à la vie. Oui, ma
femme, oui, mon garçon, mais en sachant que tout est beau puis que tout est
correct, j'ai une maison, puis, tu sais, je regarde en arrière, moi, toute ma
vie, je l'ai toute checkée, ma vie, là, j'ai fait le... puis je n'ai rien... Je
suis heureux de ce que j'ai fait, je suis content de ce que j'ai fait. Je ne
peux pas rien changer au passé, OK? Donc, qu'est-ce qui me reste? Quand je me
lève le matin ou l'après-midi puis que je suis assis dans mon divan, là, c'est
quoi que je fais? La vie, elle n'a plus rien à m'apporter.
Je ne peux pas aller... Je veux dire,
peut-être... Bien, on en a fait un, voyage, au mois de novembre, mais, tu sais,
sur le moment, tu as des bons moments, mais les bons moments ne compenseront
pas pour les mauvais, je ne sais pas si vous comprenez. On fait un souper de
deux heures, c'est le fun, c'est... mais, après ça, le lendemain, c'est un
autre lendemain, c'est un autre jour de la marmotte, pour moi, là. C'est un
autre jour que j'attends que la maladie me mange. Combien de temps que ça va
prendre pour qu'elle m'amène au bout? Ce n'est pas que c'est un supplice, mais,
comme je vous dis, j'aurais... je pourrais acheter le temps. Je ne peux pas en
acheter, de temps, mais je suis obligé d'attendre, je suis obligé d'attendre,
puis j'attends pour qui? J'attends parce que, le temps que je suis là, ma femme
est heureuse? Puis moi, je suis malheureux de regarder ma femme, là, aller
pelleter, là, trois fois, la semaine passée, dans... Moi, là, je faisais tout
ça, là. Je ne fais plus rien.
Ça fait que, tu sais, en plus de la
maladie, bien, ça fait mal de voir les gens alentour de vous, là, s'occuper de
toi, là. Comme je vous dis, moi, ça fait trois ans, là. Moi, ma limite, je ne
sais pas quand elle va aller, mais elle n'est pas loin, là, je peux vous dire.
Mais, par contre, comme je vous dis, je fais des oeuvres de charité, ça fait
que ça, ça me tient. Parler avec vous autres, ça m'aide, tu sais, ça peut... Ça
fait que c'est comme ça que je compense un peu.
Mme Bélanger : Peut-être
juste pour continuer, je vais y aller avec une dernière question, puis je vais
laisser, là, mes collègues, par la suite, mais... Tantôt, vous nous avez dit,
ça fait deux ans et demi, trois ans que vous avez eu le diagnostic. Puis,
j'imagine, c'est tout un choc, recevoir un diagnostic comme ça. Puis comment
vous avez réagi quand vous avez vu, là... Ça fait quand même quelques mois, là,
qu'on parle de la loi sur les soins de fin de vie, de l'aide médicale à mourir.
Il y a eu une loi qui a été adoptée en 2015. Il y a eu une commission par la
suite. Il y a eu des personnes, même, qui sont présentes ici, qui ont participé
à une commission spéciale sur les soins de fin de vie. On voyait passer ça, là,
dans les journaux, dans les médias. Comment vous réagissez, là, par rapport au
fait qu'on a déposé un projet de loi qui nous permet d'aller... d'ouvrir
davantage les critères pour l'accès, d'améliorer l'accès à l'aide médicale à
mourir? Comment vous percevez ça?
M. Bisaillon (Luc) : En
parlant de moi ou ce que je vois à travers de tout le monde?
Mme Bélanger : De façon
générale. Allez-y comme vous comprenez la question.
M. Bisaillon (Luc) : Bien, la
première idée qui me vient en tête, c'est l'Alzheimer, tu sais, puis je me dis,
tu sais, la personne qui est Alzheimer, elle ne peut pas la demander,
câliboire, parce qu'elle n'est plus là. Ça fait que mettons que... Puis,
écoutez, j'y ai pensé, parce que je me suis dit : Il y a quelqu'un qui va me
la poser, la question, là. Mettons que j'aurais l'Alzheimer, là, moi, ce que je
ferais... puis j'ai écouté la madame, l'année dernière, qui en a parlé, là, à
votre commission, moi, ce que je ferais, c'est que je demanderais probablement
à ma femme... Moi, ce que je voudrais, c'est que la journée que je ne reconnais
plus ma femme, j'aimerais avoir l'aide médicale à mourir. Évidemment que ma
femme serait là, parce que je lui demanderais de la demander, mais peut-être
qu'elle, elle ne voudrait pas le faire, ou les autres personnes alentour ne
seraient pas... elles ne voudraient pas. Mais c'est là qu'il y a de
l'importance d'en parler. Comme moi, j'en parle ouvertement à ma famille.
Puis je mettrais peut-être un médecin à
travers de ça, parce que le médecin, il va peut-être dire à ma femme :
Aïe... Parce qu'elle ne voudrait peut-être pas me laisser partir, mais le
médecin va dire : Aïe! Il a demandé ça, ça fait que, là, il ne te
reconnaît plus, comprends-tu? Ça fait que, tu sais, je sais que c'est vague,
là, ce que je vous dis là, mais, moi, c'est comme ça que je vois un petit peu
la situation. Je ne sais pas si ça répond à votre question, là.
Mme Bélanger : Oui, c'est
très clair. Merci beaucoup, M. Bisaillon.
M. Bisaillon (Luc) : Ça fait
plaisir.
• (14 h 20) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la ministre. Merci, M. Bisaillon. On va
poursuivre avec la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci
beaucoup, M. Bisaillon, d'être avec nous cet après-midi. J'apprécie
vraiment beaucoup notre échange. Vous avez parlé, en tout début, que vous aviez
eu une période suicidaire, où vous aviez un plan, là, tout était clair dans
votre tête, bon, il y a une équipe qui est arrivée, on vous a parlé d'aide
médicale à mourir, on vous a expliqué qu'est-ce qui en était. Le fait que vous
ayez accès à ce soin-là, est-ce que ça vous a apaisé?
M. Bisaillon (Luc) : Bien
oui. Bien, certain.
Mme Guillemette : Puis ça
fait qu'aujourd'hui vous êtes avec nous.
M. Bisaillon (Luc) : Bien
oui, bien oui, parce que, vous savez, moi, le suicide, depuis le début de la
maladie, j'y pense. Sauf qu'à un moment donné, j'ai été à ma clinique puis je
me suis fait tester. Au mois d'août, j'avais testé, mettons, zéro avec ma main <gauche...
M. Bisaillon (Luc) :
...zéro
avec ma main >gauche, puis j'avais testé 45. Après ça, je suis retourné,
au mois de novembre, puis là il me restait juste 27 de force dans ma main
droite. Ça fait que, là, je me suis rendu compte, si je perds ma main droite,
je ne peux plus me suicider, là, ça va me prendre quelqu'un. J'ai dit : Il
n'y a pas personne qui va m'aider à me suicider. C'est là que j'ai pris... Le
lundi matin, j'ai appelé mon TS, il est venu. Là, lui, il surfait, il n'était
pas trop sûr, mais le lendemain, après ça... Puis là, c'est là que j'ai appris
que j'aurais droit à l'aide médicale. Bien, ça, ça apaise, ça t'enlève... Parce
que, c'est ça, quand on a une maladie, on a plusieurs questions, on a toujours
un questionnement. Comme je vous expliquais, là, on essaie de régler tout, puis
ça, là, c'est réglé, dans ma tête à moi, ce qui fait que j'ai encore moins de
choses à penser.
Mme Guillemette : Et la
situation fait que vous êtes encore avec nous. Vous choisirez le bon moment
pour vous, qui peut être dans trois mois, dans six mois, dans un an, le plus
tard possible, on le souhaite, pour vous et votre famille, mais cet aspect-là
fait en sorte que ça vous a apaisé puis ça vous a enlevé ces idées-là.
M. Bisaillon (Luc) : Énormément.
Le poids... Bien, moi, j'avais pensé d'aller en Suisse ou en Norvège, là.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci beaucoup.
M. Bisaillon (Luc) : ...savais
pas qu'il l'avait au Québec
Mme Guillemette : Merci
d'être avec nous.
M. Bisaillon (Luc) : Ça fait
plaisir.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. Maintenant, je vais laisser la
parole à la députée de Soulanges, que vous connaissez bien.
Mme Picard : Bonjour, M. Bisaillon.
Ça va bien?
M. Bisaillon (Luc) : Bonjour.
Ça va bien. Vous?
Mme Picard : Merci. Vous m'avez
fait rougir. Je ne m'attendais pas à ça, mais, bon, je vais quand même faire
un... Je vais rentrer dans le professionnel, si vous me permettez bien.
J'aimerais savoir, selon vous, le
formulaire, admettons que vous avez à faire une demande anticipée, vous allez
peut-être perdre l'aptitude, éventuellement, dans votre formulaire, qu'est-ce
que vous aimeriez? Comment vous le voyez, ce formulaire-là? Est-ce que vous
voyez des cases? Est-ce que vous voyez plein de lignes pour vraiment écrire,
décrire les souffrances que vous pourriez avoir? Est-ce que c'est... Comment
vous, vous pourriez vous projeter dans certaines souffrances, où est votre
limite? J'ai posé plein de questions, mais je vous laisse aller.
M. Bisaillon (Luc) : Dans mon
cas à moi, ma limite... Moi, j'ai vu quelqu'un qui a la SLA puis qui a perdu
ses deux bras, ce qui fait... Généralement, c'est les jambes, c'est les bras, ça
va partout, mais j'ai vu quelqu'un avec les deux bras affaissés qui ne peut pas
manger, tu sais, il s'est assis, sa femme lui a sorti une gourde, puis le monsieur,
il se promène, puis... Moi, ma limite, elle... Je n'irai pas jusque là. Je
n'irai pas jusque là. Moi, de toute façon, je ne vais pas en couches, ça, c'est
sûr. Au départ, j'avais dit que je n'irais pas dans un fauteuil roulant, mais
j'ai pensé que ma jambe gauche... puis, tu sais, je me suis donné de l'espoir,
mais, quand j'ai vu ma main droite, c'est là que j'ai pensé au suicide, parce
que...
Ça fait que, oui, vous dites des cases.
Moi, ce serait... je cocherais... en tout cas, dans mon cas à moi, bien, la
perte d'autonomie du bras droit, bye-bye, là. Là, les gens alentour de nous
autres, là, sont... Tu sais, tu te fais habiller, tu te fais déshabiller, tu te
fais laver, tu te fais... Non, non, non. Ça, c'est une souffrance, là, c'est
vraiment une souffrance, de voir les gens alentour de toi, là, c'est... Est-ce
que ça répond à votre question?
Mme Picard : Oui, merci.
M. Bisaillon (Luc) : Vous
êtes sûre?
Mme Picard : Bien oui. J'en
ai d'autres. J'en ai d'autres. Là, dans la loi, on parle d'un tiers de
confiance, donc une personne que vous allez pouvoir sélectionner, peu importe
laquelle, ça pourra être votre conjointe, être votre enfant ou quelqu'un
complètement de l'externe, le travailleur social, peut-être, ou même le
neurologue, là, que... je crois que vous avez une belle relation avec lui. En
fait, le tiers de confiance va pouvoir lever le drapeau au moment où il pense
que c'est le bon moment que vous avez décrit pour avoir l'aide médicale à
mourir. Comment on peut enlever le plus possible de poids à cette personne-là,
qui a une lourde tâche? C'est sûr que, quand c'est une conjointe ou un enfant, c'est...
les émotions embarquent un peu. Selon vous, ce serait quoi la meilleure
transition pour les aider dans le processus? Je sais que vous, en tant que
patient, vous aidez à ce que les autres autour de vous soient paisibles aussi à
travers votre décision. Ce ne doit pas être facile, mais je veux savoir, c'est
ça, comment on pourrait faire en sorte qu'il y ait moins de poids sur leurs
épaules.
M. Bisaillon (Luc) : C'est
certain que, si tu prends ta conjointe, tu ne veux pas la laisser partir, tu
sais, tu veux la... puis ça, c'est normal. Je pense que c'est tout à fait
normal, parce que... Écoute, comme moi, ma femme, elle m'a dit : Tu es mon
amour de ma vie. Tu sais, ça fait 40 ans qu'on est ensemble. Ça fait que
c'est sûr que, peut-être, me voir partir... C'est pour ça que je vous dis qu'en
mettant un médecin dans ça, qui va pouvoir aider... Parce que c'est sûr que mon
garçon puis mes amis vont en vouloir à ma femme, si elle lève le drapeau puis
elle dit : Aïe! c'est ce qu'il voulait là. Ça fait qu'à quelque part, en <mettant...
M. Bisaillon (Luc) :
...là.
Ça fait qu'à quelque part, en >mettant un médecin qui va peut-être
ouvrir les yeux... puis là je parle encore, peut-être, de quelqu'un qui est... En
tout cas, bien, il va aider la personne, parce que c'est sûr que perdre... puis
tout le monde va en vouloir à ma femme.
Par contre, moi, j'en parle, ce qui fait
que... j'en parle alentour puis je lui dis que je suis malheureux. Tu sais, à
un moment donné, la journée que je vais peser sur le piton, bien, je vais peser
sur le piton, ça fait que... Mais, si je ne parlerais pas, mes yeux parleraient
probablement beaucoup, là. Puis, si je n'aurais pas de conscience, bien,
j'espère qu'il me ferait partir. Tu sais, comme on disait, bien, c'est de
partir dans la dignité. Bien, moi, tu sais, je ne voudrais pas... Si je dis :
Bien, je ne reconnais pas ma femme, bien, c'est ça. C'est là que je veux aller,
puis je ne veux pas aller plus loin que ça. Puis les gens, puis les médecins,
puis tous les gens d'alentour doivent le savoir.
Mme Picard : Merci beaucoup, M. Bisaillon.
J'ai d'autres collègues qui veulent poser des questions, donc je vais vous
partager. Merci.
M. Bisaillon (Luc) : Ça me
fait plaisir.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. J'ai la députée de Laporte
qui a levé sa main.
Mme Poulet : ...Bonjour, M. Bisaillon.
M. Bisaillon (Luc) : Bonjour.
Mme Poulet : Merci beaucoup
pour votre témoignage, votre courage, je le salue. J'avais une question
concernant le refus. Vous êtes bien entouré, vous avez mentionné que votre
choix... mon choix à moi, et ça reste à moi. En cas de refus, quel est... comment
vous pouvez nous... Bon. Dans le projet de loi, c'est mentionné qu'un seul
refus, c'est radié, la demande, elle est radiée. Vous, votre opinion par
rapport à cet enjeu-là, quelle est-il?
M. Bisaillon (Luc) : Vous
voulez dire si j'ai un refus?
Mme Poulet : Par rapport à
vous, vous changez d'idée, là. Je le vois, que vous ne changerez pas d'idée,
là, mais par rapport à d'autres personnes. Dans le PL n° 11... mentionne
que, juste après un refus, la demande est radiée. Vous, votre opinion par
rapport à ça, par rapport à vos gens qui vivent la même affaire... Comment vous
entrevoyez ce texte-là, cette demande-là... ce refus-là, pardon, une seule
fois? Est-ce que vous pensez que quelqu'un pourrait revenir, est-ce qu'il
pourrait y avoir une deuxième, troisième demande d'aide médicale à mourir, sans
qu'il y ait un refus catégorique après une seule fois?
M. Bisaillon (Luc) : Écoutez,
moi, je trouve qu'un refus, ce n'est pas assez. Je veux dire, les gens, il y
a... Je veux dire, il y a juste les fous qui ne changent pas d'idée, là, mais
ça se peut qu'à un moment donné tu aies un questionnement ou que tu aies une
bulle dans ton processus. Ça se peut que tu as encore un questionnement, puis
je pense que, si tu as encore quelque chose qui ne fonctionne pas puis que tu
refuses, probablement qu'il faut que tu ailles régler ça, puis tu pourras
revenir. Comprenez-vous? Tu sais, moi, toutes les questions, je les ai toutes
réglées, toutes mes affaires, je les ai toutes réglées. Mais que je parte, là,
je ne l'aurai plus, le questionnement. Puis je pense que la personne qui va
peut-être avoir un refus, c'est peut-être parce qu'elle a encore quelque chose,
il y a encore une question ou il y a encore quelque chose de pas réglé.
Donc, de lui laisser... qu'elle ait droit,
là, je ne le savais même pas, à une chance, je trouve que ce n'est pas assez.
Je trouve que ce n'est pas assez parce que... Écoutez, comme je vous dis, là,
tu sais, on est des humains, puis il n'y a pas personne qui ne change pas
d'idée, tu sais. Puis de lui donner l'espérance de, puis que, là, elle n'aie
plus le droit, bien, je trouve ça un petit peu... excusez, là, mais je trouve
ça un petit peu moche.
Mme Poulet : OK. Parfait.
Merci beaucoup. Merci.
M. Bisaillon (Luc) : Ça fait
plaisir.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. Alors, M. Bisaillon, un premier
bloc d'échange qui est terminé. Je vais me tourner du côté de la députée de Westmount—Saint-Louis
pour un deuxième bloc d'échange d'une durée de 9 min 54 s. La parole
est à vous.
• (14 h 30) •
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Bisaillon. Merci beaucoup de votre présence avec
nous. Merci beaucoup de votre témoignage. Je partage l'avis de mes collègues,
votre présence ici est très importante puis je vous remercie d'avoir partagé
votre histoire très personnelle.
Je veux aussi prendre la balle au bond de
la question de ma collègue de Laporte. Dans un cas de refus, puis si on parle
d'une demande anticipée, comment voyez-vous le retrait ou le changement d'avis?
Parce que, là, je comprends, dans votre situation, ce n'est pas nécessairement
une demande anticipée, mais, quand la loi sera adoptée, si des collègues seront
en accord avec la mouture actuelle, bien, on aura des demandes anticipées, qui
pourront être faites d'avance. Comment voyez-vous ce processus dans le cas
d'une personne qui souhaite changer d'avis?
M. Bisaillon (Luc) : Bien,
écoute, on ne peut pas... vous ne pouvez pas... on ne peut pas jouer au yoyo, là,
quand même, là. Il faut vraiment, tu sais... Mais une fois, je ne suis pas
d'accord avec ça, une... tu sais, un deuxième avis... mais, la personne qui l'a
demandé c'est la personne... comment je <pourrais...
>
14 h 30 (version révisée)
< M. Bisaillon (Luc) :...c'est
la personne... comment je >pourrais dire... la personne qui l'a demandé,
puis sa proche aidante ou la personne qu'elle a désignée décide de ne pas lui
donner, c'est ça que vous voulez dire?
Mme Maccarone : Bien non,
dans le fond, c'est la personne concernée. Exemple, dans le cas d'une personne
qui a un diagnostic d'Alzheimer précoce puis cette personne décide de... de
remplir une demande anticipée d'avoir aide médicale à mourir dans le moment où
elle rejoint tous les critères qu'elle aurait identifiés dans sa demande. Mais,
entre-temps, cette personne change d'avis, alors elle souhaite retirer sa
demande. Comment voyez-vous ce processus? Parce que ça se peut que cette
personne sera rendue dans une situation d'inaptitude dans le cas d'Alzheimer,
comme vous avez parlé. Comment voyez-vous ce processus d'accompagnement de la
personne concernée?
M. Bisaillon (Luc) : Je crois
que... tu sais, c'est sûr que je ne suis pas un médecin puis je ne suis pas...
je crois que l'intervention, justement, d'un médecin dans ce cas-là, ou d'un
psychologue, ou d'un psychiatre pourrait sûrement aider. Vous savez, comme je
vous dis, moi, je ne suis pas un médecin, je ne suis pas... mais...
Mme Maccarone : Mais la
raison de ma question, c'est… comme personne concernée, quand une personne qui
a fait la demande, c'est une... puis vous avez parlé d'autonomie, de la
dignité, de le respect de votre choix puis c'est pour ça que je voulais
peut-être vous entendre, mais si vous n'êtes pas à l'aise de répondre, il n'y
a... il n'y a pas de malaise.
M. Bisaillon (Luc) : Bien,
comme je vous dis, c'est une question qui est... qui est assez pointue. Je suis
d'accord avec vous, mais...
Mme Maccarone : Mais j'ai une
autre question pour vous.
M. Bisaillon (Luc) : Allez-y.
Mme Maccarone : Quand vous
avez parlé de la période où vous avez levé la main pour dire que je suis rendu
à un point où le suicide, pour moi, c'est rendu à une demande, un besoin, puis
ils vous ont offert l'aide médicale à mourir... On a entendu autres groupes qui
ont dit que «je ne le savais pas», ou il y a plein de personnes qui ne seront
pas au courant que l'aide médicale à mourir, c'est un soin qui est offert à des
personnes qui sont en train de souffrir, puis qui sont atteintes des maladies
incurables, et où on ne peut pas leur aider pour contrôler leur souffrance.
La sensibilisation de la population,
comment voyez-vous ça? Mais avant de répondre en ce qui concerne la sensibilisation,
pour assurer que tout le monde sont au courant de c'est quoi, leurs droits puis
les options, j'espère qu'ils vous ont offert aussi l'aide médicale à vivre
jusqu'aux dernières minutes parce que, la façon que c'était décrit dans votre
témoignage, j'ai eu le choc ou l'impression que c'était rapide. Vous avez levé
la main, puis, au lieu de vous offrir autres soins, ils vous... ils sont venus
tout de suite à dire : Ah! Mais voilà, on a quelque chose pour vous.
M. Bisaillon (Luc) : Bien, j'ai
quand même eu... Aïe! ça fait un an que j'ai... que je l'ai... j'ai eu mon
diagnostic. Évidemment que je ne le savais pas que j'avais le droit à ça. C'est
pour ça que je vous dis que mon option, dans mon cerveau, là, c'était de m'en
aller en Suisse, ou en Norvège, ou je ne sais pas quel pays qui le fait, là.
Puis c'est... À mon grand, écoutez, désespoir de savoir que... Je suis accepté
ici, au Québec, là, mais il faut être prêt pour ça, là, il faut se préparer,
là. Je ne peux pas... Je ne pouvais pas faire en claquant des doigts, là, il
faut que je fasse un geste réfléchi. Donc, la journée que je vais peser sur le
piton, moi, là, là, je le sais que c'est... je ne reviendrai plus, là, c'est 10 jours,
ça fait qu'il faut que je me convainque, puis c'est ça qui me prend un an puis
qui va me prendre un an et demi, mais c'est sûr que mes journées, c'est très
plate, mais il faut que tu veuilles l'avoir, là, tu sais, vous savez. Puis,
encore là, au niveau... Je ne le savais même pas que j'avais le droit puis je
suis convaincu qu'il y a un paquet de personnes qui ont ma maladie qui ne sont
même au courant.
Mme Maccarone : Que
devons-nous faire pour assurer que la population sont au courant? Parce que
vous comprendrez que c'est aussi sensible, on ne veut pas nécessairement aussi
encourager la population. Ce n'est pas le but. On espère que c'est vraiment un
dernier recours. On veut... souhaite aussi protéger des personnes en situation
de vulnérabilité. Alors comment voyez-vous la façon que nous pouvons sensibiliser
la population mais aussi protéger la population en même temps, dans les cas
comme le vôtre?
M. Bisaillon (Luc) : Je pense
que si nos médecins... pas... je sais que mon médecin, Dr Messier, en tout cas,
je lui en ai parlé, puis lui, il n'est pas tellement content de ça, mais
peut-être que les médecins pourraient commencer à nous en parler, nous ouvrir,
mettons, juste une petite brèche, nous dire : Aïe! Peut-être que tu aurais
droit à l'aide médicale à mourir. Vous comprenez? Ça fait que ça ouvre... publiciser
ça, ce ne serait pas bon, là, parce qu'il y a un paquet de gens qui vont
embarquer là-dedans que ce soient des dépressions... Mais, par contre, si les
médecins qui nous souhaitent nous, je ne le sais pas, la sclérose en plaques,
ou peu importe la maladie, si eux peuvent ouvrir une porte... ils ne sont pas
obligés de l'ouvrir complètement, mais, <petite...
M. Bisaillon (Luc) :
...de
l'ouvrir complètement, mais, >petite parenthèse, «si un jour, peut-être».
Ça fait que ça te permet de te dire... Comme je vous dis, moi, là, là, quand j'ai
su ça, là, c'est comme : Ouf! Ça a fait, là... Aïe! Regarde, là, un souci
de moins! Parce qu'on a un paquet de problèmes, hein? Mais c'est un souci de
moins pour moi.
Mme Maccarone : J'ai une
dernière question peut-être. J'ai deux, mais je ne sais pas combien de temps qu'il
me reste, mais...
Une voix : ...
Mme Maccarone : OK. On va
aller vite. Comment rendre simple et peu coûteuse la demande de formulation d'une
demande anticipée ainsi que le retrait? Est-ce que vous avez des suggestions
pour ça aussi? Vous avez parlé de votre conjointe, votre famille, mais... Puis
la collègue a aussi parlé de la formulation. Comment rendre ça peu coûteux,
accessible et facile?
M. Bisaillon (Luc) : Bien, moi,
j'ai rencontré une... une infirmière qui est spécialiste en aide médicale à
mourir, et, à travers elle, j'ai appris énormément, puis je suis convaincu que,
si elle serait assise avec moi puis elle m'aurait... on aurait pris peut-être
ce questionnaire-là, j'aurais été vraiment, vraiment à l'aise à... parce que,
probablement, je ne suis pas capable de le remplir, mais elle était
tellement... C'était une très bonne madame. Donc, peut-être que je remettrais
ça, peut-être, à un groupe de personnes comme ça qu'eux peuvent te diriger puis
peuvent t'aider.
Mme Maccarone : Puis vous,
est-ce que vous avez été accompagné par un proche, par votre tiers de
confiance? Parce qu'on a entendu aussi la recommandation que la personne
concernée qui va remplir une demande anticipée devrait être accompagnée par une
personne, deux personnes. On a plusieurs avis. Vous, votre recommandation sera
quoi?
M. Bisaillon (Luc) : Bien, il
me semble que, moi, ils m'ont dit que ça me prenait deux personnes lorsque je
vais faire ma demande. Je n'ai pas de problème avec ça, là. Puis les gens
alentour de moi, je n'aurai pas de misère à trouver quelqu'un, là.
Mme Maccarone : Ça... Parce
qu'il y a des gens qui sont quand même isolés. Ce n'est pas tout le monde qui a
la chance d'avoir une famille autour d'eux comme vous et plein d'amis dont...
On les salue aussi, parce que, pour eux aussi, ça représente beaucoup de
courage. Puis vous venez aujourd'hui pour votre témoignage.
J'aurais une dernière question, puis, si c'est
trop personnel, pas besoin de répondre, mais vous avez parlé de vos assurances
aussi. C'est une question que... dans le fond, qui a été soulevée par une de
mes collègues : Dans le cas où une personne demande d'avoir accès à l'aide
médicale à mourir, qu'arrive-t-il avec vos assurances, assurances-vie, etc.?
Est-ce que vous pouvez parler un peu de votre cas?
M. Bisaillon (Luc) : Moi, on
m'a diagnostiqué le jeudi que j'avais la SLA. Le lundi matin, j'ai fait venir
mon agent d'assurance et je lui ai demandé, écoute, comment qu'étaient mes
assurances. Il m'a répondu que les 30 premiers jours, j'avais le droit
de... je n'avais pas le droit de me suicider, mais après ça j'étais correct.
Donc, je sais que mes assurances sont bonnes. Et j'ai souscrit, vu que je suis
travailleur autonome, à une assurance-invalidité, ça fait que... me permet
aujourd'hui de ne pas me casser la tête sur le niveau monétaire.
Mme Maccarone : Mais c'est
important de démystifier. Il y a plusieurs gens qui se posent la même question :
Qu'est-ce qui va arriver pour ma famille dans l'éventualité que je fais une
telle demande? Merci. Merci beaucoup.
M. Bisaillon (Luc) : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. Alors, M. Bisaillon, on va
poursuivre maintenant avec un... dans un troisième groupe, pour de... pour la
suite de nos échanges, avec la députée de Sherbrooke, qui va avoir une période
de 3 min 18 s avec vous. Allez-y, Mme la députée.
• (14 h 40) •
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Ce qui me frappe le plus, M. Bisaillon, dans votre témoignage,
c'est... vous l'avez mentionné plusieurs fois, vous ne connaissiez pas votre
droit à l'aide médicale à mourir, vous y aviez accès sans le savoir, puis vous
avez, si je crois bien comprendre, assez tôt après le diagnostic, réfléchi à la
question du suicide, vous avez posé la question à votre assureur dans les jours
qui ont suivi le diagnostic. J'étais contente que ma collègue vous pose la
question.
Donc, si je comprends bien, pour vous, c'est...
ce serait vraiment aux professionnels de la santé de parler de la possibilité d'avoir
ce soin d'aide médicale à mourir. À quel... à quel moment est-ce que ça vous
semble approprié de le faire? Parce qu'au moment du diagnostic est-ce que c'est
peut-être un peu tôt? Mais, en même temps, vous, vous étiez déjà en train de vous
poser des questions sur le suicide aussi rapidement que dans les jours qui ont
suivi le diagnostic. Comment on fait pour trouver l'équilibre entre informer
les gens de leurs droits, parce qu'ils doivent absolument les connaître, mais,
en même temps, ne pas donner l'impression de les pousser vers cette option-là?
M. Bisaillon (Luc) : Mais,
vous savez, le médecin, c'est lui qui le voit, hein? Ça fait que, tu sais, à un
moment donné, il sait comment est-ce que tu vas puis, si ça ne va pas ou si ça
va bien, il voit ta condition, il peut poser des questions, il peut... Tu sais,
comme je vous dis, ce n'est pas de lui dire «tu as le droit à l'aide médicale à
mourir», mais juste ouvrir peut-être une petite porte puis dire : Aïe! Si
jamais tu veux y penser, c'est peut-être une option. Comprenez-vous? Sans
ouvrir la porte grande. Puis, comme moi, si je l'aurais su, bien, c'est <certain...
M. Bisaillon (Luc) :
...si
je l'aurais su, bien, c'est >certain que je me serais renseigné. Puis là
ça a pris quasiment...
Mme Labrie : Mais votre
médecin ne vous l'a pas dit? Si j'ai bien compris, votre médecin ne vous l'a
pas dit.
M. Bisaillon (Luc) : Non.
Non.
Mme Labrie : Puis même, il
vous envoyait des signaux qui n'étaient pas nécessairement en faveur de ça, si
j'ai compris votre réaction, tout à l'heure.
M. Bisaillon (Luc) : Oui.
Parce que quand je l'ai su, que je pouvais l'obtenir, on m'a dit : il
faut... il faut que tu avises un autre médecin. Puis, quand je lui en ai parlé,
bien, j'ai vu qu'il était comme froid à l'idée, ça fait que... ça fait que ce
n'est pas tous les médecins qui sont capables d'en parler, tu sais. Mon... moi,
mon propre médecin, là, il est rendu à... à sa pension, là, lui, je lui en ai
parlé, puis lui, il m'a dit que, lui, il n'en faisait pas. Ça fait que j'ai
compris que ce n'est pas tout le monde.
Bien, à la base, la médecine, si vous
partez les jeunes à 21, 22 ans puis vous commencez à les... à les... les
préparer à ça, leur dire : Écoutez, là, c'est pour offrir une... une chance
aux gens qui sont quand même malades d'une telle, ou telle, ou telle maladie,
de commencer à en parler tranquillement, bien, c'est... Je ne dis pas de faire
une grosse publicité dans les... pleines pages, là, mais peut-être les gens qui
sont... qui ont l'Alzheimer, peut-être les gens qui ont sclérose en plaques,
les gens qui sont comme moi. Là, je ne sais pas les autres maladies, là, mais,
tu sais. Puis là je vais... Avez-vous une autre question? Parce que, moi, je
suis parti, là.
Mme Labrie : Allez-y,
continuez, continuez. Je vous écoute.
M. Bisaillon (Luc) : Tu sais,
quelqu'un qui a le cancer, ce n'est pas comme moi, là. Moi, je suis jaloux de
quelqu'un qui a le cancer, là, parce qu'ils peuvent s'accrocher à quelque
chose. Tu sais, ils peuvent s'accrocher à des chimios, ils peuvent s'accrocher
à... Tu sais, là, ils... Mais moi, là, je n'ai rien, rien, rien. Ce que je fais
aujourd'hui, là, je ne le fais pas pour moi, là, je le fais pour ceux en
arrière, ceux qui s'en viennent en arrière de moi. Parce que, moi, c'est foutu,
là, ils ne trouveront rien, là, ça fait que je travaille pour le prochain, puis
ça me fait plaisir de le faire. Puis, comme je vous dis, je le fais pour... tu
sais, c'est... 4 000 personnes, ça, c'est une autre chose, là. Il faut
être... Un être humain, il cherche à comprendre, comme essayer de comprendre
pourquoi j'ai eu cette maladie-là. Moi, pour régler ce problème-là, ce que je
me suis dit, c'est qu'il y a 4 000 Canadiens qui l'ont, par année
puis il y a quelqu'un qui a pigé mon numéro. Ça fait que ça... Écoute, il n'y
en a pas d'autres. Je l'ai tournée, la question, puis je l'ai tournée, la
question, il n'y a pas d'autre. Ça fait que pourquoi j'ai la maladie? Parce
qu'il y a quelqu'un qui a pigé mon numéro.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Bisaillon. Merci, Mme la députée.
Je me dois de... de vous dire qu'on va terminer dans quelques minutes, mais il
reste un dernier bloc de... de questions avec la députée de Laviolette—Saint-Maurice,
qui a 3 min 18 s avec vous.
M. Bisaillon (Luc) : Bonjour.
Mme Tardif : Bonjour, M. Bisaillon.
Vous pouvez nous appeler à tous les jours, si ça peut prolonger un peu votre
sourire, parce que, nous, ça nous fait du bien de vous entendre parler. Mais
moi, ce que je vois en vous, c'est une personne extrêmement déterminée. Vous
avez été déterminé et vous avez su ce que vous vouliez toute votre vie. Et, encore
là, vous êtes... Vous gérez, vous gérez votre mort comme vous avez géré votre
commerce. C'est... ça fait que, votre force mentale, elle est là, et c'est ce
qu'on retient de cette... de cette maladie-là.
Par contre, vous nous confrontez, en tout
cas, moi, vous me confrontez, un peu comme votre médecin. Et je lisais la
lettre qu'on a eue des... Je vous amène sur une pente peut-être glissante, là,
mais on a à peu près le même âge, donc qu'on a été élevés avec un sens de la
vie qui est un sens de la vie profonde. Et on a reçu ce matin l'avis des
évêques du Québec. Et comme on s'y attendait, comme je m'y attendais, c'est
évident que, peu importe la religion, ça ne fait pas partie d'une religion,
d'accepter de laisser... de... de partir avant, avant les souffrances, avant
d'avoir gagné le ciel. Comment vous vivez? Comment quelqu'un comme vous, avec
la force que vous avez, comment votre relation avec... Parce que vous... vous vous
êtes posé des questions, là, ce n'est pas juste une décision rationnelle. Il y
a... il y a quelque chose après ou il n'y a rien. Mais comment on vit quand on
sait qu'on décide le jour qu'on va mourir puis on a toute notre tête?
M. Bisaillon (Luc) : Ce qu'il
faut comprendre, là, c'est qu'en avant de moi il y a un trou, OK, puis moi...
moi, je suis sûr de partir. La différence entre vous puis moi, vous, vous
pouvez traverser la rue puis vous pouvez vous faire frapper, moi, je le sais
que je vais partir. Ça fait que le trou, il est en avant de moi. Un mois, trois
mois, six mois, qu'est-ce que ça va m'apporter d'attendre six mois? La raison
de vivre, là, je n'en ai plus, la... C'est de la souffrance. Ça fait que, que
je parte la semaine prochaine, ou que je parte dans un mois, ou dans six mois,
ça ne change rien pour moi. Je n'ai plus... La vie, elle ne m'apporte plus rien.
Je suis d'accord, je suis chrétien, mais
au-delà de tout ça... Puis, vous savez, moi, je le sais, où est-ce que ça mène,
cette maladie-là, parce que j'ai... j'ai le... Le mari de ma... de ma cousine est
décédé puis il a été jusqu'au bout. Puis les deux personnes que je connais, là,
ils ont envoyé leur femme faire le... faire une commission puis ils ont enlevé
le masque. Ils l'ont fait. Moi, la seule <différence...
M. Bisaillon (Luc) :
...Moi,
la seule >différence, c'est que je vais décider quand je vais le faire.
Mme Tardif : Votre... Est-ce
que votre souffrance, M. Bisaillon, aujourd'hui, là, elle est davantage
morale, elle est davantage psychologique que physique?
M. Bisaillon (Luc) : C'est un
mélange des... c'est un mélange des trois, c'est vraiment un mélange des trois.
Tu sais, tout fait en sorte que, comme je vous disais, tu sais, qu'est-ce qui
m'attend demain? Qu'est-ce qui m'attend après-demain? Il n'y a rien. Il n'y a
rien pour... qui va faire que je suis heureux, que je ne suis... J'aime la vie,
je mords à travers la vie, moi. Comme je vous dis, qu'il neige, qu'il pleuve, qu'il
fasse soleil, ça ne change rien pour moi.
Mme Tardif : Vous avez
soulevé le point que les gens qui sont en dépression, vous ne conseilleriez pas
que ces gens-là aient accès à l'aide médicale à mourir. Parce que j'essaie
d'analyser, là, parce qu'on a... on écrit le projet de loi, puis qu'est-ce
qu'on entre, qu'est-ce qu'on n'entre pas en fonction des demandes qu'on a, donc
c'est très rationnel.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Très rapidement, s'il vous plaît, le temps est écoulé. Très
rapidement, s'il vous plaît, M. Bisaillon.
M. Bisaillon (Luc) : Maladie
mentale, écoutez, je ne suis pas un professionnel, ça fait que, tu sais, je ne
peux pas vous dire. Mais moi, je pense qu'une dépression, selon moi, on est
capables d'arriver à faire quelque chose, là, avec ça, là. Ça fait que je ne
pense pas que l'aide médicale, rendu là... Là, c'est les... c'est vous autres
qui allez décider, puis les médecins, là, mais sûrement que... Moi, je ne pense
pas.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Bisaillon. Écoutez, c'est le temps
que nous avions. Il va me rester à vous remercier encore infiniment pour votre
contribution à nos travaux. Votre témoignage va fort probablement nous aider
beaucoup, beaucoup dans des... dans les décisions qu'on va prendre.
Alors, pour les parlementaires, je vais
suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 14 h 48)
(Reprise à 14 h 53)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 17949
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des
relations avec les citoyens reprend ses travaux.
Nous recevons, pour la prochaine... les
prochaines 45 minutes, l'Association des médecins psychiatres du Québec,
qui sont représentés... En fait, je vais vous laisser le soin, mesdames, de
vous présenter. Donc, vous allez avoir une période de 10 minutes pour vous
présenter, donc, ainsi que pour votre exposé, et nous allons ensuite poursuivre
avec les parlementaires qui sont assises autour de la table pour échanger avec
vous. Alors, je vous cède la parole.
Association des médecins psychiatres du Québec
(AMPQ)
Mme Gamache (Claire) : Merci
beaucoup. Alors, bonjour, les membres de la commission. Je suis docteure, donc,
Claire Gamache, présidente de l'Association des médecins psychiatres du Québec,
qui est évidemment psychiatre. Et je vous présente Dre Mona Gupta, qui est
psychiatre aussi, et qui travaille... On travaille toutes les deux à Montréal
et nous sommes toutes les deux professeures à l'Université de Montréal. On
vous... on remercie énormément les membres de la commission pour l'invitation
puis l'opportunité, là, de venir échanger avec vous sur le projet de loi n° 11.
L'AMPQ, dans le fond, l'Association des
médecins psychiatres du Québec, est une des 35 associations affiliées à la
Fédération des médecins spécialistes du Québec, qui regroupe
1 200 psychiatres. L'association est évidemment un syndicat qui vise,
là, les conditions de pratique optimales pour ses membres mais elle s'intéresse
aussi énormément à l'organisation des soins, à l'accès aux services en santé
mentale et à l'amélioration de la littératie populationnelle pour les troubles
mentaux.
L'AMPQ a été interpelée et s'est impliquée
depuis le début de la conversation sur l'aide médicale à mourir et Dre Gupta a
été très présente, là, dans ces discussions-là depuis 2020. Entre autres,
l'AMPQ a participé, est intervenue, là, au niveau des consultations du projet
de loi C-7, à la présentation de l'énoncé de position du Collège des
médecins du Québec, à la présentation du document de réflexion Accès à
l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de troubles mentaux à
la Commission des soins de fin de vie, au Comité permanent de la justice et des
droits de la personne, au Forum national sur l'évolution de la Loi concernant
les soins de fin de vie et, finalement, à la commission spéciale, là, en mai
2021.
L'objectif de ces interventions-là de
l'AMPQ, c'est évidemment, surtout, là, de faire connaître la réalité des personnes
atteintes de troubles mentaux, la réalité de leurs proches et des soignants qui
soutiennent cette clientèle-là. Le principal objectif est de lutter contre la
stigmatisation, en utilisant notre expertise et notre expérience auprès de
cette clientèle-là qui est très vulnérable.
Notre expérience démontre que les troubles
mentaux demeurent méconnus et leurs effets sont souvent mal connus du public.
Et on voit beaucoup, dans l'espace public, des gens qui ont des troubles
anxieux, des gens qui ont des troubles dépressifs, mais on voit moins des gens
desquels on va vous parler aujourd'hui, qu'on suit souvent pendant des
décennies, et qui ont tenté de multiples thérapies et de multiples traitements
pour leurs problèmes de trouble mental.
La définition du trouble mental, vous en
avez une, là, dans notre mémoire qui est de l'Organisation mondiale de la santé,
mais un peu pour améliorer notre littératie, c'est donc un trouble qui atteint
généralement une ou plusieurs sphères chez l'individu : la sphère cognitive,
donc, en troublant les pensées, la sphère <affective...
Mme Gamache (Claire) :
...sphères chez l'individu : la sphère cognitive, donc, en troublant les
pensées, la sphère >affective, en troublant les émotions, la sphère
perceptuelle, en faisant en sorte que, parfois, on a des hallucinations ou on a
des perceptions erronées, et la sphère comportementale et relationnelle.
En général, ces perturbations-là vont
survenir dans des périodes dans la vie des gens et nécessitent des épisodes de
soins. Les origines du trouble mental sont multifactorielles. On parle
d'origine biologique, hein, au niveau de la... de certaines chimies, certaines
problématiques cérébrales, ou hormonales, ou autres, on parle d'origine
psychologique et on parle d'origine sociale. Et ça appelle des traitements et
des approches interdisciplinaires et des approches biopsychosociales. Donc, on
est souvent des équipes autour de cette clientèle-là.
Par contre, parfois, le trouble mental
s'installe dans la durée, hein? On est moins dans les épisodes de soins, mais
on est... ça s'installe de façon chronique et ça répond peu aux interventions
reconnues. Au fil de la vie, les capacités relationnelles, cognitives et
affectives peuvent se détériorer et affectent de plus en plus les personnes, ce
qui finit par donner, là, une très, très grande souffrance au long cours.
Si on revient au projet de loi, donc, il
est important de rappeler que le trouble mental suscite des souffrances, à
notre avis, équivalentes aux souffrances reliées aux problèmes physiques. Et,
paradoxalement, fermer définitivement la discussion sur l'aide médicale à
mourir lorsque le trouble mental est le seul trouble évoqué nous prive, à notre
avis, de discussions cliniques thérapeutiques souvent très positives et
porteuses de rétablissement chez nos patients. Il est également important de
noter que les personnes ayant un trouble mental n'ont jamais été exclues de la
loi québécoise concernant les soins de fin de vie. Puis c'est dans ce contexte
que l'AMPQ relève une forme de discrimination, là, de la demande d'AMM à
travers l'exclusion des patients dont le trouble mental est le seul trouble
évoqué.
Toujours en fonction du projet de loi,
évidemment que l'AMPQ ne fait pas la promotion de l'aide médicale à mourir pour
les patients atteints de troubles mentaux, mais on trouve ça extrêmement
important de reconnaître leur souffrance et leur autonomie. En les excluant
systématiquement de l'accès à l'aide médicale à mourir, nous enverrons un
message à toute la société que les droits des personnes atteintes de troubles
mentaux ne sont pas des acquis comme pour le reste de la société. À cet égard,
comme toute autre personne dans notre société, on considère que les
circonstances cliniques doivent déterminer l'admissibilité à l'aide médicale à
mourir, et nous croyons que les piliers de cet accès sont une meilleure
compréhension des troubles mentaux par la population et les élus et qu'on ait
des balises claires pour guider les professionnels de la santé sur
l'admissibilité de l'aide médicale à mourir.
• (15 heures) •
Au niveau des... Tu sais, on revient sur
les travaux de la commission spéciale. L'AMPQ a donc participé aux travaux et a
analysé certains critères d'admissibilité. On en retient deux importants, là,
celui de l'incurabilité de la maladie et celui du déclin irréversible des capacités.
L'AMPQ rappelle qu'en dehors du contexte de fin de vie il est souvent
extrêmement difficile, là, puis incertain de prédire le pronostic des maladies,
autant physique que de trouble mental. Puis, devant cet enjeu, les psychiatres
suggèrent trois critères importants, là, pour évaluer si le trouble mental est
incurable et entraîne un déclin irréversible. Le premier critère serait la
chronicité du trouble dont... dont je viens de parler. Le deuxième porterait
vraiment sur toutes les tentatives antérieures de traitements et
d'interventions pertinentes. Et le troisième critère serait de bien évaluer le
refus de traitement. Et on en parle dans notre mémoire, là, comment on doit...
les psychiatres doivent bien évaluer, là, dans quel contexte ces refus-là sont...
sont actualisés, là, puis ils sont présents, là, dans le suivi des patients.
On veut vous toucher un mot sur la
prévention du suicide parce que ça fait partie des choses qui ont un peu
préoccupé la commission, là, les questions de distinction entre les idéations
suicidaires et une volonté raisonnée d'obtenir l'aide médicale à mourir. Là aussi,
on pense qu'il y a un peu de littératie à faire, là, dans la population.
Première chose qu'on voudrait vous dire, c'est que le suicide est un phénomène
rare et en diminution au Québec. Il y a 20 ans, là, en 1990, on avait...
on avait 20 suicides sur 100 000 de population, alors que maintenant
on est à 12 suicides sur 100 000. Donc, on... on évolue bien en
prévention du suicide, il y a beaucoup de <choses...
>
15 h (version révisée)
< Mme Gamache (Claire) :...il
y a beaucoup de >choses qui ont été faites au Québec. En comparaison,
3 % de la population a des idées suicidaires sérieuses dans la dernière
année. Donc, ça fait énormément de gens qui verbalisent des idées suicidaires. Alors,
ça vous montre à quel point nous, on travaille avec des idées suicidaires
constamment dans notre clinique quotidienne.
Et l'autre chose importante à savoir, c'est
que la majorité des patients qui complètent un suicide n'ont pas exprimé d'idées
suicidaires ni à leurs proches ni à un intervenant ou à un professionnel de la
santé, et ils en sont à leur première tentative de suicide. Alors, là aussi, ce
qu'on voit dans la... dans l'espace public n'est pas nécessairement le
quotidien, là, de ce qu'on voit dans notre clinique.
Enfin, un autre mot sur la prévention du
suicide. L'évaluation du risque suicidaire sera toujours un défi complexe, à la
fois pour les psychiatres que pour tous les professionnels de la santé.
Cependant, pour nous, ce n'est pas un défi qui est spécifique aux personnes qui
ont un trouble mental seulement. Il y a plein de gens dans la population qui
ont des idées suicidaires sans avoir de trouble mental. Et, sur le terrain, les
cliniciens doivent faire face aux demandeurs d'aide médicale à mourir qui ont
des antécédents de tentatives de suicide. Et, même dans le processus de demande
d'aide et d'évaluation de la demande d'aide d'aide médicale à mourir, parfois
il y a des idées suicidaires, et on doit travailler avec ça et s'en occuper comme
on le fait quotidiennement dans notre travail.
Le suicide d'une personne témoigne d'un
échec collectif à dépister la détresse de cette personne-là, à offrir une aide
rapide et adaptée pour répondre à la souffrance de la personne, et, pour nous,
il faut mieux travailler en amont, dépister précocement, intervenir rapidement
et collaborer plus efficacement. Et, pour l'association des psychiatres du
Québec, c'est un projet de société à poursuivre sans relâche, la prévention du
suicide. Et, pour nous, on est dans des enjeux qui sont... qui sont
complémentaires mais qui ne font pas partie, là, du même univers, là, de
réflexion. On aura des cas à vous présenter, là, mais il y en a... il y a trois
cas dans notre mémoire, là, qu'on vous a préparé.
Alors, notre proposition pour l'encadrement,
dans le fond, de l'aide médicale à mourir pour les troubles mentaux, c'est d'utiliser
notre expertise psychiatrique, et souvent des gens vont avoir été suivis, comme
on vous dit, là, plusieurs décennies, alors c'est clair que les psychiatres
vont être présents, permettre une période d'évaluation prolongée, alors on ne
parle pas de dépression d'un an ou deux, d'un trouble alimentaire d'un an ou
deux, on parle de gens qui ont été suivis très longtemps, et on propose une
coordination provinciale pour assurer l'accès aux traitements, au bon
déroulement du processus et une surveillance prospective, là, sur toutes les
demandes d'AMM complexes, incluant les demandeurs quand le trouble mental est
le seul problème médical évoqué, pour rassurer les cliniciens impliqués et s'assurer
qu'on demeure dans les meilleures pratiques.
En conclusion, l'AMPQ croit que les
personnes qui ont un trouble mental ne peuvent être considérées comme des
citoyens différents, sans le droit aux mêmes options en matière de soins de
santé. Au Québec, nous pouvons constater notre capacité à évoluer dans ces
questions dans un contexte de démocratisation de connaissances et de respect d'autrui.
Ce que l'AMPQ propose un peu, au lieu d'empêcher les gens d'exercer leur droit,
c'est qu'on encourage le législateur à construire une structure adéquate pour
encadrer les demandes d'aide médicale à mourir lorsque le seul trouble mental
est un... le seul problème médical évoqué. Et l'AMPQ va être au rendez-vous
pour travailler ces choses-là avec le législateur et les parlementaires.
Alors, je vous remercie de votre attention.
Et Dre Gupta et moi, on est là, et on vous remercie d'avance pour vos questions,
puis on espère qu'avec nos réponses on va pouvoir un peu démystifier toutes les
questions de vie et de mort que nous abordons au quotidien avec notre
clientèle.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
Merci beaucoup, Dre Gamache. Un exposé vraiment
intéressant. Un bon résumé, aussi, de votre mémoire. Alors, on va commencer la
période d'échange. Je vais me tourner du côté de la banquette ministérielle avec
la ministre, qui aura un temps total de 16 min 30 s. À vous la
parole, Mme la ministre.
Mme Bélanger : Oui. Alors,
bonjour, Dre Gamache. Bonjour, Dre Gupta. Ça me fait plaisir, là, de
vous rencontrer aujourd'hui. Merci pour le mémoire, la clarté, aussi, de votre
exposé. Quelques questions. Je vais débuter moi-même avec quelques questions,
puis, par la suite, ne soyez pas surprises, là, mes collègues de ce côté-ci
vont poursuivre.
En termes d'acceptabilité sociale dans la
population concernant l'aide médicale à mourir pour les personnes ayant des
troubles mentaux, est-ce que vous considérez, selon votre perspective de psychiatres, que notre <société...
Mme Bélanger :
...psychiatres, que notre >société, au Québec,
a... est rendue là?
Mme Gamache (Claire) : Je
pense que... puis on en a discuté, là, puis Mona pourra en... Dre Gupta pourra
en parler aussi, là, en fait, on pense qu'effectivement la stigmatisation est
partout : la stigmatisation est dans les équipes médicales, la
stigmatisation est dans la population. On manque de connaissances par rapport
aux troubles mentaux. Alors, effectivement que, cette acceptabilité sociale là,
il faut la travailler, mais, en même temps, on est complètement conscientes que
c'est un travail à faire depuis très longtemps. Ça fait que, oui, il faut le
travailler. Puis peut-être qu'on pourra parler d'acceptabilité sociale pour les
troubles neurocognitifs, parce que cette acceptabilité sociale là a l'air très,
très importante, mais, en même temps, c'est vrai que ça risque aussi d'être des
enjeux éthiques importants, éventuellement, là.
Mme Bélanger : Oui, tout à
fait. Est-ce que vous avez... Bien, vous avez dit tantôt, là, que votre
association regroupait plus de 1 000 psychiatres. Est-ce qu'il y a un
consensus parmi les membres de votre association?
Mme Gamache (Claire) : En
fait, un peu comme les médecins à l'époque où on a ouvert l'AMM au Québec, on
a... on a une faible majorité des membres qui sont... qui sont favorables à
l'aide médicale à mourir pour les patients dont le trouble mental est la seule
raison invoquée, puis il y en a quelques-uns qui sont plus réticents. Mais,
dans l'ensemble, là, on a fait un sondage il y a quelques années, là, qui
montrait qu'il y avait vraiment une ouverture. Mais, non, le consensus, je
pense qu'on n'y arrivera jamais, un peu comme au niveau médical pour l'aide
médicale à mourir en général, là.
Mme Bélanger : Oui, OK. Et
puis ce n'est pas une question piège, là, que je vous pose, parce que, bon,
vous savez que c'est une question très importante, c'est une décision
importante qu'on doit prendre, puis on a un devoir de prudence. Et ce qu'on
voit beaucoup dans l'évolution de l'aide médicale à mourir au Québec... Depuis
2012, là, que c'est un sujet très important, qui a été... Bien avant nous tous
autour de la table, là, ce sujet-là a été discuté avec plusieurs groupes. Il y
a eu toute une évolution au Québec. D'ailleurs, on a été quand même précurseurs
avec la loi sur les soins de fin de vie, avant même le reste des autres
provinces canadiennes, là. Et donc on est dans une perspective d'assurer
l'accessibilité. Puis c'est pour ça que le projet de loi que nous avons
actuellement, que nous examinons vise à améliorer l'accessibilité puis surtout
à ne pas discriminer. Puis je suis à la même place que vous, dans le fond,
quand on regarde les critères qui sont prévus dans la loi, que ce soit
l'autodétermination, la capacité de consentir, le fait de la maladie incurable,
le caractère irréversible de la maladie, les souffrances physiques,
psychologiques, etc. Donc, je pense que ces éléments-là, ils sont très
importants.
La question du consensus parmi un corps
professionnel, ce n'est jamais 100 %, là, puis on le sait, puis même par
rapport aux médecins, aussi, qui pratiquent l'aide médicale à mourir.
Actuellement, il y a à peu près 1 400 médecins qui pratiquent l'aide
médicale à mourir, puis c'est correct, parce que ça demande... ce n'est pas
juste un acte, ça demande de se spécialiser, d'une certaine façon, si je peux
prendre ce terme-là, puis de bien comprendre, là, de bien travailler dans une
équipe inter.
Moi, j'aimerais vous entendre sur les
usagers. Est-ce que vous avez eu l'occasion, parmi soit des colloques, des symposiums
ou des «focus groups», de discuter de l'aide médicale à mourir avec des... avec
vos patients... pas nécessairement vos patients à vous, là, mais avec des
patients qui ont un trouble mental?
• (15 h 10) •
Mme Gamache (Claire) : Je
peux peut-être vous laisser répondre, Dre Gupta, à cette question-là ou...
Vas-y donc, tu as l'air...
Mme Gupta (Mona) : Oui, oui. Merci
beaucoup pour la question. Oui, j'ai eu l'occasion d'entendre les patients
parler. Dans les médias, il y en a qui donnaient des témoignages aux
journalistes, mais j'ai aussi discuté avec mes propres patients, et, même ceux
qui sont très souffrants, ce n'est pas qu'il veut aller chercher l'AMM, mais il
veut savoir que c'est une option si, éventuellement, ils se rendent là. Puis,
comme tout le monde, personne ne veut se faire dire quoi faire. Donc, il veut
avoir les mêmes options que tout le monde. C'est un peu ça, le message que
j'entends régulièrement des patients. Bien sûr, ils sont également préoccupés
avec un accès approprié dans le temps à des services de qualité. Mais je pense
que les groupes, ce que j'ai... ce que j'ai compris, ce que j'ai entendu, il
comprend la distinction. Avoir l'option de l'AMM n'égale pas «on ne veut plus
investir dans les services». Si on veut plus de services, il faut investir dans
les services, et c'est <compris...
Mme Gupta (Mona) :
...la
distinction. Avoir l'option de l'AMM n'égale pas : on ne veut plus
investir dans les services. Si on veut plus de services, il faut investir dans
les services, et c'est >compris. Et il n'y a rien qui exclut un
investissement dans les services juste parce que l'AMM est une option pour un
petit pourcentage des patients qui sont vraiment au bout d'un parcours d'une
maladie.
Mme Bélanger : OK. C'est
intéressant. J'aimerais vous amener sur la demande anticipée, parce que, dans
notre projet de loi, il est aussi question de demande anticipée, c'est-à-dire
de prendre une décision, aujourd'hui, au moment où je n'aurai plus l'aptitude
pour décider d'obtenir l'ultime soin, là, de l'aide médicale à mourir. Comment
l'aide médicale... Comment la demande anticipée peut s'exercer dans un contexte
d'une personne qui a un trouble mental, qui peut avoir des épisodes aigus ou de
stabilité? Alors, vous voyez un petit peu, il y a un niveau de complexité, là,
à ce niveau-là, ce n'est pas... ce n'est pas simple. Peut-être que vous y avez
réfléchi ou non, mais... Parce que la loi prévoit la demande contemporaine
d'aide médicale à mourir. La façon la plus simple de l'expliquer :
quelqu'un a un cancer, il sait qu'il a trois mois, six mois de pronostic, puis
il va demander l'aide médicale à mourir, puis il va même choisir une date,
éventuellement, avec ses proches, avec un médecin. Mais il y a aussi la demande
anticipée qui est intégrée dans notre projet de loi, et puis là ça amène un
niveau de complexité aussi, et on le voit pour le handicap neuromoteur,
notamment. Mais comment on adresse ça en lien avec le trouble mental?
Mme Gamache (Claire) : Je
peux peut-être laisser Mona répondre ensuite, là, mais, à notre avis, Mme la
ministre, j'ai l'impression... on a l'impression que ça va être beaucoup moins
fréquent. En fait, ça risque d'être très peu fréquent pour les patients qui ont
un trouble mental, les demandes anticipées, hein, je vous donnais l'exemple,
quand on s'est rencontrées, là, d'une patiente qui a eu trois épisodes
dépressifs très sévères, qui a eu trois fois des électrochocs, qui a passé six
mois à l'hôpital, qui pourrait, après ces épisodes-là, dire à sa famille :
Moi, je n'ai pas envie de revivre un quatrième épisode, une quatrième
hospitalisation de six mois en psychiatrie, mais ça risque d'être l'exception.
À mon avis, on va avoir des gens qui sont
vraiment en fin de course de gros problèmes psychiatriques, un peu comme les
cas qu'on vous a présentés dans notre mémoire, là, qui sont vraiment dans une
souffrance et à une fatigue de vivre extrême, qui n'arrivent plus, là, à
composer avec le quotidien. Donc, on a l'impression que nos patients qui vont
demander l'AMM ressemblent plus à ce qu'on voit actuellement sur le terrain,
alors qu'on pense que la grosse nouveauté, ça va être pour les troubles
neurocognitifs avec les demandes médicales anticipées.
Mme Bélanger : OK. Je vous
remercie.
Mme Gamache (Claire) : As-tu
quelque chose à ajouter, Mona, là-dessus?
Mme Gupta (Mona) : Bien, je
voulais, en fait, revenir sur la question sur l'acceptabilité sociale, si je
peux me permettre. Je pense que les citoyens et citoyennes évoluent aussi dans
leurs réflexions. Et c'est sûr, si on suit les sondages, on voit des résultats
variables selon le sondage, mais je pense que le dernier sondage que j'ai vu,
qui sortait en février, qui a... qui était un sondage pancanadien mais qui
avait les résultats par province, démontrait, en fait, que les citoyens,
citoyennes du Québec étaient favorables à l'idée de l'AMM pour les personnes
atteintes de troubles mentaux s'il y avait un cadre approprié. Puis je pense
que l'application stricte des critères que vous venez de mentionner, les
critères dans la loi actuelle, s'ils sont interprétés et appliqués strictement,
c'est ça qui soutient une acceptabilité. C'est les dérives qui inquiètent les
gens, mais, si on réussit d'appliquer le cadre comme il faut, je pense que, là,
on voit une acceptabilité, parce que la population, en fait, finalement, fait
moins une distinction entre les maladies qu'on croit.
Mme Bélanger : Merci. Très
éclairant.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la ministre. Merci, Dre Gupta. J'ai bien dit
votre nom. On va poursuivre nos échanges avec la députée de Vimont.
Mme Schmaltz : Bonjour.
Bonjour, mesdames. Quand on... Moi, j'ai l'impression... j'ai toujours eu cette
impression, lorsqu'on parlait de trouble mental, qu'on pouvait soigner ça au
moyen de la médication, que ça soit court, moyen terme, dépendamment,
naturellement, du trouble en question. Là, j'entends les maladies plus
cérébrales comme la bipolarité, schizophrénie, et tout ça. Là, je me rends
compte, avec les cas que vous avez exposés, que ce
n'est pas <nécessairement...
Mme Schmaltz :
...que
ce n'est pas >nécessairement vrai, en fait, ma vision des choses. Et
puis il y avait la question du dosage aussi. On voit des gens qui sont capables
de bien... de bien vivre en société lorsqu'ils sont bien suivis, avec un bon
dosage, une thérapie, etc., même si c'est à long terme, parce qu'on comprend
qu'il y a des maladies, justement, qui sont... qui... des troubles mentaux, là,
qui ne se guérissent pas.
Est-ce qu'on connaît le pourcentage...
Parce qu'on parle de cas très isolés. Est-ce qu'on connaît le pourcentage de
gens à qui la médication ne fait pas effet, pour des raisons inconnues ou
peut-être... Je ne sais pas si vous avez des données là-dessus ou une
explication, du moins.
Mme Gamache (Claire) : Vas-y,
Mona...
Mme Gupta (Mona) : Oui. Bien,
en fait, c'est difficile de faire une généralisation parce que chaque trouble
est différent et ça prend un traitement différent, donc on ne peut pas faire
une généralisation au travers de tous les troubles mentaux, comme on ne peut
pas faire une généralisation au travers de tous les troubles physiques, mais on
peut dire qu'il y a un pourcentage important des personnes atteintes des
troubles mentaux les plus sévères, disons une dépression, trouble dépressif
majeur sévère, la schizophrénie chronique, le trouble bipolaire... ils n'ont
pas une réponse importante aux médicaments. Peut-être il y a une légère
amélioration, mais ce n'est pas une amélioration suffisante pour vivre une
qualité de vie qui est acceptable pour eux, qui les permet de fonctionner bien
comme il veut fonctionner. Puis je dirais que ce n'est pas un mystère, dans le
sens où, pour chaque maladie, il y a un pourcentage... peu importe si c'est
mental ou physique, il y a un pourcentage des patients qui, malheureusement, ne
répondent pas aux traitements qui existent.
Cela dit, Dre Gamache avait déjà
souligné le fait que les médicaments ne sont pas les seuls moyens de
traitement. Et c'est très important de faire la distinction entre les symptômes
d'une maladie non soulagés et un fonctionnement qui est en détérioration. Et
c'est un fait qu'il y a des patients qui sont très symptomatiques, voire ils
vont continuer d'avoir les hallucinations ou d'avoir les idées paranoïaques,
par exemple, mais qui réussit d'avoir un niveau de fonctionnement qui leur
convient, qui leur permet d'avoir une bonne qualité de vie. Donc, en
psychiatrie, on travaille toujours aux deux niveaux. Et la loi, c'est ça, la
beauté, en fait, de la structure des critères, ça exige une détérioration à ces
deux niveaux. Donc, ce n'est pas juste les gens qui ne répondent pas bien aux
médicaments mais quelqu'un qui n'a pas réussi de répondre bien à toutes sortes
d'interventions, incluant ce qui vise le rétablissement.
Mme Schmaltz : J'ai — est-ce
que je peux? — une dernière petite question. Par rapport... Tantôt,
vous avez mentionné que c'est rare d'entendre une personne avec un trouble
mental, peut-être grave, de demander l'aide médicale à mourir. Alors, pourquoi
on le... pourquoi vous le proposez si ce n'est pas une demande? Ou j'ai
peut-être mal compris, là, je suis désolée, mais j'ai eu cette impression qu'on...
que ce n'était pas les... que ça ne venait pas de votre clientèle, non, ou...
Mme Gamache (Claire) : Non.
En fait, les patients nous en parlent beaucoup, hein, c'est un peu ce que
disait Dre Gupta, les patients nous en parlent beaucoup, ils nous disent qu'ils
voudraient que ce soit possible pour eux de demander l'AMM. En général, ça fait
partie des discussions qu'on peut avoir sur... S'ils demandent l'AMM, c'est
qu'il y a vraiment des choses à continuer de travailler avec eux puis à
continuer de cheminer vers le rétablissement. Mais on ne pense pas qu'il y a
une grande proportion de nos patients qui vont être éligibles à l'AMM.
Mme Schmaltz : Mais il y a
quand même une demande, ils le formulent, là, ils le formulent véritablement?
Mme Gamache (Claire) : Oh oui!
Oui, oui.
• (15 h 20) •
Mme Schmaltz : Ah! d'accord. OK.
Mme Gamache (Claire) : Moi,
j'ai une patiente qui l'a demandée il y a quatre ans, puis elle n'était pas
éligible. Et là elle attend, là, de voir qu'est-ce qui va se passer pour la
suite, là.
Mme Schmaltz : OK. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, mesdames. Merci, Mme la ministre. Alors,
mesdames, je me tourne maintenant, pour un deuxième bloc d'échange, du côté de
la députée de Westmount—Saint-Louis pour une période de 9 min 54 s.
La parole est à vous.
Mme Maccarone : Merci.
Bienvenue, Dre Gamache. Un plaisir de vous revoir, Dre Gupta. Merci de votre
présence, votre mémoire, qui est fort clair, et merci aussi de nous emmener à
un terrain où vous avez vous-mêmes dit que c'est sensible, c'est difficile.
Et vous avez évoqué que... et des
collègues aussi, qu'il y a un manque de consensus et peut-être de compréhension
en ce qui concerne les troubles mentaux et l'application, dans le fond, ou
l'éligibilité des personnes qui souffrent des problèmes de troubles mentaux et l'aide
médicale à mourir. Comme vous savez, ça ne fait pas actuellement partie de le
projet de loi n° 11. Alors, si je saisis bien votre souhait, c'est que
vous, vous souhaitez qu'on amende le projet de loi pour ouvrir l'accessibilité
à les personnes qui souffrent d'un problème de trouble <mental...
Mme Maccarone :
...problème
de trouble >mental en... puis, en conséquence, d'abord, dans un an, par
exemple, nous serons conséquents avec le cadre juridique au niveau fédéral.
Mme Gamache (Claire) : On
souhaiterait que le cadre juridique soit effectivement harmonisé, hein, mais ce
qu'on propose, c'est surtout qu'on continue la réflexion. On ne voudrait pas
une porte fermée complètement. On pense que la littératie et les connaissances
doivent évoluer. On ne pense pas que les patients doivent être exclus d'emblée.
Donc, on vous propose de continuer cette réflexion-là pour qu'éventuellement,
effectivement, le cadre s'harmonise avec le fédéral. On va vraiment travailler.
Nous, on est en train de prévoir des séances de discussion, de formation pour nos
psychiatres. On va même avoir une journée, là, tous les spécialistes
rassemblés, en novembre, pour rediscuter de ça. À notre congrès de juin, on va
en parler aussi. Donc, on veut vraiment faire partie de la discussion, là, pour
que tous nos membres et le corps médical au complet discutent de cette
problématique-là pour avancer et pour faire cheminer le consensus social.
Mme Maccarone : Je vous
félicite parce que vous avez évoqué des termes qu'on utilise régulièrement ici,
en commission parlementaire, l'autodétermination, la stigmatisation, la
discrimination, puis je sais que ce n'est pas facile. Et merci aussi de nous
rappeler qu'il faut renforcer toutes les mesures en service de prévention de
suicide, parce que l'aide médicale à mourir devrait être une demande de dernier
recours, évidemment.
Mme Gamache (Claire) :
Absolument.
Mme Maccarone : Pour... Selon
vous, si, mettons, la loi était ouverte aujourd'hui, puis merci pour les
balises puis les critères que vous offrez, que vous avez partagés avec nous,
comment pouvons-nous aussi éviter les interprétations autonomes sur le terrain?
Malgré vos balises, ça reste que ça peut être interprété différemment d'un
médecin à l'autre. Comment voyez-vous l'application si nous n'avons pas des
définitions claires, par exemple? Parce que «troubles mentaux», c'est large. Alors,
votre avis là-dessus.
Mme Gupta (Mona) : Oui. Si je
peux me permettre, je vais partager avec vous le fait qu'il y a un travail qui
est presque terminé sur un modèle de normes de pratique qui peut être utilisé
par les régulateurs médicals et les régulateurs en soins infirmiers pour les
praticiennes... infirmières praticiennes éventuellement. Et ce modèle de normes...
Comme vous le savez, une norme, c'est obligatoire, donc ça offre un cadre, des
définitions qui s'appliquent à tous les cas complexes, incluant les cas des
personnes atteintes de troubles mentaux comme seul problème médical invoqué,
qui vont être des exigences pour des praticiens.
Donc, ça, c'est le moyen le plus
important, le plus central dans l'harmonisation de la pratique entre les
cliniciens. Puis le Québec a participé dans le développement, dans la révision
de cette proposition de modèle de normes, et puis ça va être aux régulateurs du
Québec de décider comment il veut intégrer ces éléments dans leurs propres
guides de pratique. Mais je peux dire aussi que le CMQ particulièrement, avec
ses partenaires, l'OIIQ, etc., ont joué un rôle très important dans
l'harmonisation des pratiques au Québec avec leur guide de pratique. Donc, je
pense que ça, c'est un instrument essentiel pour atteindre le but que vous avez
mentionné.
Mme Maccarone : ...avait posé
des très bonnes questions en ce qui concerne l'application de la demande
anticipée avec une personne qui souffre d'un problème de santé mentale ou un
trouble mental. Comment voyez-vous le rôle de le tiers de confiance en ce qui
concerne cette application? Parce qu'on sait que c'est un enjeu très sensible,
on a entendu plusieurs points de vue, mais, dans le cas d'une personne qui
souffre d'un problème de santé mentale, c'est peut-être plus... encore plus
compliqué. C'est qui qui devrait déclencher ce processus, selon vous? Quel est
le rôle de cette personne? Puis est-ce que ça devrait être un proche, un membre
de la famille ou est-ce que, dans le cas d'une personne qui souffre d'un
problème de santé mentale, ça devrait être obligatoirement, par exemple, un
membre d'un corps professionnel de la santé?
Mme Gamache (Claire) : Veux-tu
répondre, Mona?
Mme Gupta (Mona) : Honnêtement,
je... personnellement, dans ma pratique, je n'ai pas vu quelqu'un qui pourrait
être admissible pour une demande anticipée, dans le sens où c'est très rare,
les patients qui ne vont jamais regagner leur aptitude. Donc, je pense que nous,
en psychiatrie, on vise toujours pas juste à attendre le retour d'aptitude mais
de faciliter l'aptitude pour que les décisions peuvent être <prises...
Mme Gupta (Mona) :
...décisions
peuvent être >prises par la personne lui-même, et c'est ça qu'on
soutient ici, l'idée de quelqu'un qui demande dans la pleine autonomie. Donc,
je pense, cette mesure s'applique plus ou moins aux troubles psychiatriques, ce
dont on parle aujourd'hui.
Mme Gamache (Claire) : Oui, je
pense la même chose, que nos patients vont redevenir aptes, puis c'est dans ces
moments-là qu'on va discuter vraiment d'aide médicale à mourir.
Mme Maccarone : Merci. Ma
collègue, elle aurait des questions.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, je passe la parole à la députée de D'Arcy-McGee
pour 3 min 30 s.
Mme Prass : Merci. Merci de
votre présence aujourd'hui. Moi, j'ai une question. Je sais que vous
représentez les médecins en psychiatrie, mais vous avez évoqué le suicide. Donc,
je vais vous poser une question un peu plus générale en termes de santé
mentale.
On vient d'avoir une personne qui vient de
témoigner de leur propre situation, une personne qui a reçu un diagnostic de...
neuromoteur grave, incurable. Et donc cette personne-là, avant qu'ils ne
sachent qu'ils avaient... ils pouvaient se prévaloir de l'aide médicale à
mourir, ils ont songé se suicider, justement. Et c'est une travailleuse sociale
qui a discuté avec eux pour leur laisser savoir qu'il y avait d'autres options,
etc.
Donc, pensez-vous — deux
questions — que, lors d'un diagnostic d'une maladie terminale, cette
personne-là devrait avoir recours à une aide en santé mentale pour vraiment
évaluer la situation et la façon dont ils vont aller de l'avant? Et également,
quand... avant qu'ils fassent... au moment qu'ils vont faire leur... soit leur
demande ou leur demande anticipée, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir,
justement, encore une fois, recours à un psychologue, un psychiatre pour bien
évaluer leur état d'esprit avant qu'ils peuvent aller de l'avant?
Mme Gamache (Claire) : Je ne
pense pas qu'on a besoin d'un psychologue ou d'un psychiatre, mais je pense
qu'effectivement d'avoir un intervenant psychosocial avec lequel on peut
discuter quand on a un diagnostic, là, de maladie très grave, c'est tout à fait
indiqué, là. On sait que des gens qui ont des diagnostics très sévères, là, au
niveau médical vont avoir souvent des périodes d'extrême détresse, là, dans les
premiers mois après les diagnostics. Donc, ça fait partie des choses, là, qu'on
voit couramment.
Et, vous avez raison, on a... on a un
rapport du coroner, là, de... il y a deux, trois ans, là, d'un homme qui s'est...
qui s'est pendu dans sa grange parce qu'il était en train... il avait une
sclérose en plaques qui évoluait beaucoup, puis il a voulu parler d'aide
médicale à mourir avec son médecin, puis son médecin n'a pas beaucoup reçu la
demande ou ne l'a pas beaucoup entendue. Alors, devant ça, ce monsieur-là,
envahi de détresse... Mais il aurait dû rencontrer, probablement rapidement,
quelqu'un pour vraiment discuter, là, de pourquoi il demandait l'AMM à son
médecin puis dans quel contexte il pensait qu'il pourrait avoir recours à ça, mais,
devant l'incompréhension, il est... il a décidé rapidement, là, de poser un
geste suicidaire.
Ça fait que les enjeux suicidaires doivent
être questionnés extrêmement régulièrement, hein? Puis, en médecine, de plus en
plus, on apprend aussi aux médecins, à tous les intervenants, là, qui travaillent
en oncologie, par exemple, ou en diabète, de questionner sur la détresse
psychologique puis sur les idées suicidaires. C'est des petites questions, là,
très simples et ça fait partie, effectivement, des choses à mettre en place
quand on pose des diagnostics de maladies très importantes. Puis, nous, ça fait
partie des discussions qu'on a avec nos patients. Quand ils nous parlent de
détresse importante, on va pouvoir discuter de toutes les options. L'aide
médicale à mourir fera partie des options, mais c'est clair qu'on va continuer
de traiter la suicidalité de tous nos patients tout le temps, comme on le fait
maintenant.
• (15 h 30) •
Mme Gupta (Mona) : Mais, si
je peux ajouter quelque chose, je pense que votre question souligne très bien
l'importance de ne pas se dépêcher dans une situation aiguë. Il faut prendre le
temps pour bien comprendre la situation puis aussi laisser le temps passer et
laisser les personnes s'adapte à leur situation. Et souvent, dans la discussion
par rapport les maladies mentales, les gens vont évoquer l'idée : Ah! les
personnes vont se présenter en crise puis avoir accès à l'AMM, mais non. En
fait, tout comme une personne qui vient de recevoir un diagnostic sévère en
médecine, on va... on ne va pas agir quand c'est une situation aiguë, c'est, au
contraire, comme vous avez mentionné, qu'on a besoin de soutenir la personne
pour favoriser l'adaptation le mieux qu'on peut. Après ça, quand ça devient un
souhait chronique au travers des années, là on commence... on devrait avoir un
esprit ouvert à la vision que la personne peut avoir sur sa propre vie, mais
pas dans une situation aiguë.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, docteure. Merci beaucoup, mesdames. On va
poursuivre nos échanges avec la députée de Sherbrooke pour une période de 3 min 18 s.
La parole est à vous.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Merci à vous pour votre engagement à faire évoluer le consensus
social là-dessus. Je ne le sens pas encore, mais je pense comme vous qu'on doit
continuer d'y réfléchir collectivement pour la question des troubles <mentaux...
>
15 h 30 (version révisée)
<17889
Mme Labrie :
...pour la question des troubles >mentaux. Vous avez donné des... Vous
avez mentionné des données sur le suicide qui est en diminution dans votre
présentation. Puis vous avez... Vous venez de donner un exemple précis, là, de
personne qui a mis fin à ses jours parce qu'elle n'avait pas accès à l'aide
médicale à mourir ou, en tout cas, elle ne savait pas qu'elle aurait pu y avoir
accès, en réponse à ma collègue. Puis le témoignage précédent faisait aussi
état de situations de personnes qui avaient mis fin à leurs jours d'une autre
manière, disons, qu'avec l'aide médicale à mourir, dans des circonstances moins
douces pour les proches, je vais dire ça comme ça. Est-ce que vous savez si ça
a été documenté, étudié, l'impact de l'accès à l'aide médicale à mourir, parce
qu'il y a quand même plusieurs milliers de personnes par année qui y ont
recours, sur l'évolution du taux de suicide au Québec? Est-ce que ça a été mis
en relation?
Mme Gupta (Mona) : Je
dirai que...
Une voix : ...
Mme Gupta (Mona) : Excusez-moi,
Claire. Est-ce que...
Mme Gamache (Claire) : Vas-y,
vas-y.
Mme Gupta (Mona) : Oui,
c'est une question très, très difficile à répondre. En fait, il y a des études,
plutôt des études en Europe, par rapport... parce qu'ils ont plus d'années d'expérience
avec l'euthanasie. Donc, ils ont plus un fil de temps pour comparer le
changement dans les taux. Mais c'est une question qui est très, très difficile
à étudier, parce que les facteurs qui affectent le taux de suicide sont tellement
énormes, que d'isoler juste l'arrivée de la pratique légale de l'euthanasie
comme un facteur qui affecte le suicide, c'est très, très difficile. Je dirais
que, pour le moment, on ne sait pas. Ça serait peut-être la réponse le plus
honnête. Je pense que si vous allez demander les chercheurs qui étudient ça,
chacun va vous donner une interprétation différente des données. Mais il semble
que si on regarde dans la trajectoire du temps, mettons, au Canada, la collecte
des chiffres sur le taux de suicide, on voit que ça n'a pas beaucoup changé
depuis le début de la collecte de chiffres. On parle de 100 années, en
fait. Donc, ça veut dire que l'arrivée avec l'AMM, si on est rendu à 11 ou 12
pour 100 000, ça n'a pas beaucoup changé non plus.
Mme Labrie : Est-ce que
cette collecte de données là sur le suicide des années passées était assez
raffinée dans le détail pour connaître le contexte des situations de suicide pour
pouvoir aller identifier, par exemple, les contextes où on parle d'une personne
qui avait une maladie pour laquelle maintenant on aura accès?
Mme Gupta (Mona) : Vous
mettez vos doigts sur une des questions les plus difficiles dans ce domaine de
recherche. Souvent, c'est difficile de même savoir si c'est un acte qui était
un suicide. Donc, on doit toujours questionner, en fait, des chiffres de
suicide, s'ils attrapent vraiment les suicides, s'ils sont trop bas, s'ils sont
trop grands, parce qu'il y a beaucoup de morts qui se passent, mais on ne sait
pas exactement c'était quoi, l'implication de la personne elle-même dans l'acte
ou dans la mort. Donc, je pense qu'il y a toujours... C'est pour ça que ce
domaine de recherche est difficile, en fait.
Mme Gamache (Claire) : Comme
les chiffres sont très petits, c'est très difficile aussi de faire des grandes
conclusions. En gros, la conclusion au Québec, c'est qu'on a fait une campagne
très, très, très large pour outiller les intervenants psychosociaux partout au
Québec, là, avec l'Association québécoise en prévention du suicide, et ça, il
semble que ça a vraiment eu un impact pour... Parce qu'on a beaucoup plus parlé
de suicide dans les bureaux, partout, là. On a ouvert, puis on a dit : Là,
il faut qu'on en parle. Ça fait que... Puis on a donné des outils pour comment
en parler aux gens. Puis ça, il semble que ça a eu un impact important.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci, Dre Gamache. Le temps est
épuisé pour cet autre bloc. On termine avec un bloc de 3 min 18 s
avec la députée de Laviolette—Saint-Maurice. La parole est à vous.
Mme Tardif : Merci.
Bonjour, mesdames. Merci. Donc, par rapport au projet de loi qu'on étudie
présentement le projet de loi n° 11, vous savez, et vous l'avez mentionné,
on a les critères de maladie grave, incurable, un déclin avancé, irréversible.
Et ce que je comprends de ce que vous nous présentez, c'est qu'il y a des
maladies mentales qui ont ces caractéristiques-là aussi. Donc là, je comprends
et j'entends bien votre demande d'ouverture, pour l'instant, et non d'inclusion
obligatoire, mais d'ouverture, et de poursuivre la réflexion par rapport à ça.
Et j'essaie de voir, là, si, éventuellement, dans un an, deux ans, on essaie d'ajouter
ça, est-ce qu'il y a beaucoup d'articles de loi qu'on devra changer. Mais ça,
ça sera autre chose, parce qu'on s'en tient quand même à une restriction qui
est aussi obligatoire pour ne pas avoir de dérapages parce qu'un peu pour...
comme pour les maladies physiques, on préconise la vie et non la <mort...
Mme Tardif :
...parce
qu'un peu pour... comme pour les maladies physiques, on préconise la vie et non
la >mort. Donc, on s'en va vers quelque chose qui est un choix ultime de
fin de vie, mais pour quelqu'un qui va... qu'on sait qu'il va mourir, là. Donc,
l'harmonisation avec le fédéral devra se faire. Vous allez continuer de votre
côté à consulter vos membres. Est-ce que vous suggéreriez qu'il y ait un
psychiatre éventuellement, si on ajoute ça dans le projet de loi, dans un autre
projet de loi, dans le comité d'évaluation multidisciplinaire?
Mme Gamache (Claire) : Absolument.
Mme Tardif : Absolument.
Bon.
Mme Gupta (Mona) : Pour
des demandes? Pour des demandes, vous voulez dire?
Mme Gamache (Claire) : Absolument,
oui, oui, oui.
Mme Gupta (Mona) : Ça
fait beaucoup de monde.
Mme Tardif : Parce que
c'est quand même... C'est quand même un domaine assez spécifique qui ne peut
pas être évalué par n'importe qui.
Mme Gamache (Claire) : Oui,
puis comme... Vous avez tout à fait raison. Puis, comme on disait, la stigmatisation
est partout, hein? Donc, nos collègues médecins qui... Puis la clientèle qu'on
voit, nous, il y a 3 %, là, des gens dans la société qui ont des problèmes
de santé mentale importants, hein, on parle de... Ces gens-là ne vont pas tant
que ça voir d'autres médecins que nous, hein? Puis souvent ils ne vont pas tant
que ça voir leur médecin de famille. Ils ne voient pas d'autres spécialistes.
On sait que nos patients meurent 20 ans plus jeunes que les patients...
que la population générale pour un paquet de raisons. Alors, effectivement que
notre clientèle n'est pas très connue du reste de la population.
Mme Tardif : OK. Et
c'est avec vous que le lien de confiance est bâti. Je me permets un petit
aparté parce que j'ai un citoyen de Shawinigan qui nous a écrit, il s'appelle
Philippe Bégin Garti, et j'aimerais le remercier de son partage par rapport aux
gens dans son entourage qui vivent avec la schizophrénie, qui se sont suicidés
ou qui ont fait plusieurs tentatives de suicide, et des gens très près de lui.
Donc, on entend votre demande aussi qui est la même que la nôtre. On entend sa
demande pour nous demander d'explorer la possibilité d'élargir et de continuer
à réfléchir à cette ouverture par rapport aux maladies psychosomatiques
irréversibles.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Mesdames, Dre Gamache,
Dre Gupta, merci infiniment pour l'apport à nos travaux. C'était fort
intéressant. Ça va certainement nous aider à cheminer davantage. Alors, je vous
souhaite une bonne fin de journée.
Et je vais suspendre les travaux pour
quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe. Merci.
Mme Gamache (Claire) : Merci
beaucoup de ces échanges.
Mme Gupta (Mona) : Merci
à vous.
Mme Gamache (Claire) : Bonne
suite.
Mme Gupta (Mona) : Au
revoir.
(Suspension de la séance à 15 h 39)
(Reprise à 15 h 42)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission des
relations avec les citoyens reprend ses travaux.
Nous recevons comme groupe maintenant la Fédération
des médecins spécialistes du Québec. Nous avons trois représentants. Je vais
leur laisser le soin de se présenter. Alors, madame, messieurs, vous allez
avoir une période de 10 minutes, d'abord pour vous présenter, ensuite pour
exposer votre point de vue, donc, j'imagine, le résumé de votre mémoire aussi
aux parlementaires que nous sommes. Va s'ensuivre ensuite une période
d'échanges avec eux — avec elles, parce que c'est essentiellement
féminin aujourd'hui. Alors, la parole est à vous pour une période de
10 minutes.
Fédération des médecins spécialistes du Québec
(FMSQ)
M. Oliva (Vincent) : Parfait.
Donc, merci, Mme la Présidente de la commission. Donc, je me présente, Dr Vincent
Oliva, je suis président de la Fédération des médecins spécialistes. Je suis
accompagné de Dr François Evoy, qui est neurologue, et de Me Marie
Rouillard, qui est avocate à la fédération.
Donc, Mmes et MM. les parlementaires,
bonjour à tous, bonjour à toutes. Nous voulons vous remercier et remercier la commission
pour l'invitation qu'on a reçue.
Donc, la fédération, c'est plus de 10 000 médecins
spécialistes répartis en 59 spécialités. Et évidemment il y a des
spécialités médicales, chirurgicales, d'imagerie et de laboratoire. La
fédération a pris soin de consulter l'ensemble des spécialités médicales
concernées dans sa réflexion sur l'élargissement de l'aide médicale à mourir. Pas
moins de 21 spécialités sont directement impliquées dans l'aide médicale à
mourir, et ils oeuvrent dans différentes unités de soins médicaux,
chirurgicaux, des unités de soins palliatifs, des unités de soins gériatriques,
dans les salles d'urgence. Ils sont hautement formés pour prodiguer des soins à
leurs patients, ils sont présents pour les accompagner et les renseigner sur
l'évolution de la maladie et ses impacts sur leur santé.
Par conséquent, bien qu'ils soient formés
jusqu'aux limites de la science pour vaincre la maladie et prolonger la vie, la
position des médecins spécialistes a évolué au fil des années. Ils sont
confrontés quotidiennement à la réalité des patients. Ils connaissent
l'importance d'un encadrement des soins de fin de vie. La fédération demeure
partie prenante du consensus social et médical selon lequel il est acceptable
pour une personne de demander que la mort soit devancée pour mettre fin à des
souffrances persistantes, intolérables et sans issue.
Donc, nous accueillons très favorablement
le retrait du critère de fin de vie et l'élargissement de l'accessibilité à
l'aide médicale à mourir par voie de demande anticipée aux personnes atteintes
d'une maladie grave et incurable menant à l'inaptitude. Nous saluons également
l'introduction des dispositions visant à rendre admissibles à cette aide les
personnes atteintes d'un handicap neuromoteur grave et incurable. Nous croyons
que ces avancées s'inscrivent pleinement dans l'évolution logique de la loi
actuelle et dans la volonté exprimée de notre société de pouvoir déterminer ce
qui lui apparaît comme une fin de vie digne et respectueuse de ses valeurs.
Toutefois, nous sommes d'avis que certains
aspects du texte méritent d'être clarifiés afin de garantir des normes de soins
respectueuses de la dignité et de l'autonomie décisionnelle des patients, des
valeurs au fondement de notre position qui ont continuellement guidé nos
travaux depuis plus de 10 ans sur les soins de fin de vie. Je vais vous
entretenir de trois éléments principaux sur lesquels on exprime des réserves et
des recommandations qui sont toutes issues de réflexions interdisciplinaires.
En premier lieu, arrêtons-nous sur le
handicap neuromoteur grave et incurable. La fédération soutient que la
souffrance constante, insupportable, inapaisable, qu'elle soit physique ou
psychique, doit être le vecteur pour guider l'admissibilité de toute demande.
En ce sens, nous saluons l'ajout au projet de loi d'élargir l'aide <médicale...
M. Oliva (Vincent) :
...de
toute demande. En ce sens, nous saluons l'ajout au projet de loi d'élargir
l'aide >médicale à mourir aux personnes atteintes d'un handicap
neuromoteur grave et incurable. On est cependant préoccupés par le risque réel
que constitue la coexistence de deux législations distinctes en la matière au
Québec et au fédéral. Cette discordance est susceptible d'entraîner une large
confusion chez les patients et les professionnels de la santé appelés à évaluer
et administrer l'aide médicale à mourir. Ça pourrait même conduire les patients
à se tourner vers les tribunaux pour faire valoir leurs droits. Par ailleurs,
nous estimons qu'il est nécessaire de préciser la notion de handicap neuromoteur.
Nos réserves proviennent d'un risque de dérapage dans l'interprétation qui
pourrait y être donnée. La communauté médicale n'ayant pas encore établi de
consensus sur ce critère, nous pensons que la prudence doit demeurer.
En deuxième lieu, nous souscrivons
pleinement à l'ajout de nouvelles dispositions autorisant les demandes
anticipées d'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d'une maladie
grave et incurable afin qu'elles soient libres de déterminer à quel stade
ultérieur de la maladie elles souhaitent recevoir un tel soin, même si elles ne
sont alors plus aptes à consentir. Toutefois, cette possibilité comporte son
lot de défis pour les soignants qui auront à accompagner ces personnes dans la
rédaction de leur demande, mais aussi pour procéder à leur évaluation et,
ultimement, administrer l'aide médicale à mourir qui s'ensuivrait. C'est
pourquoi nous souhaitons porter à votre attention certaines réflexions et
préoccupations qui, selon nous, pourraient avoir une large incidence sur
l'applicabilité des demandes anticipées.
Nous considérons d'abord que cette
ouverture doit pouvoir rapidement s'accompagner d'une harmonisation des lois
québécoises et fédérales encadrant l'aide médicale à mourir sur cette question
aussi. Comme vous le savez, le Code criminel ne permet pas actuellement de
formuler pareille demande, car l'obligation de fournir un consentement final
avant de recevoir cette aide y est toujours énoncée. Nous souhaitons donc que
le législateur fédéral prenne en compte la position de son homologue québécois.
Il nous apparaît important d'attirer votre attention sur ce point afin que vous
puissiez faire les représentations qui s'imposent. De plus, l'autorisation des
demandes anticipées revêt un enjeu majeur en ce qu'elle nécessite une
évaluation de la souffrance par les professionnels compétents au moment où la
personne l'ayant demandé n'est plus en mesure de conformer ses volontés...
confirmer ses volontés.
Ce faisant, les professionnels en question
pourraient faire face à deux défis principaux aux différents stades d'exécution
de la demande. Au premier niveau, au moment d'accompagner la personne dans la
rédaction de sa demande, l'incertitude liée à l'évolution de l'état de santé du
patient peut impacter la conformité de la demande anticipée avec les volontés
réelles de la personne. Il est extrêmement difficile de prédire le rythme de
progression et les effets d'une maladie, d'autant plus que les symptômes
peuvent évoluer différemment d'une personne à l'autre.
Au deuxième niveau, au moment de constater
objectivement les souffrances physiques et psychiques éprouvées par le patient,
comme la manifestation de son consentement, l'incapacité de la personne à
prévoir ce qu'elle pourrait trouver intolérable dans l'avenir et le manque de
clarté avec laquelle elle pourrait faire état de ses volontés peut rendre
particulièrement complexe l'évaluation menée par le professionnel compétent.
• (15 h 50) •
À la fédération, nous soulignons la
nécessité que les directives inscrites au sein d'une demande anticipée soient
suffisamment balisées et clairement rédigées de façon à ce que les professionnels
de la santé soient en mesure de bien cerner et appliquer les volontés du
patient. Nous invitons vivement les parlementaires à se pencher sur les
recommandations formulées dans notre mémoire à cet égard.
Enfin, si nous comprenons que l'objectif du
projet de loi est de faire la distinction entre un refus de l'administration de
l'aide médicale à mourir et un geste ou une résistance pouvant se rapporter à
la maladie du patient, nous sommes d'avis que la notion de refus de recevoir
l'aide médicale à mourir suivant une demande anticipée telle que libellée dans
le texte mérite davantage de précisions. Nous rappelons que le professionnel
compétent doit pouvoir aisément distinguer un refus de l'administration de
cette aide et une manifestation clinique de la personne. Nous considérons
important que les patients atteints d'une maladie grave et incurable qui
voudraient formuler une demande anticipée rédigent prioritairement leurs
directives médicales anticipées.
Finalement, et en troisième lieu, compte
tenu de l'importante sensibilité et de la complexité que révélait la discussion
autour de l'ouverture de l'aide médicale à mourir aux personnes souffrant de
troubles mentaux, nous tenons à préciser que nous soutenons la décision du
législateur québécois de prendre le temps nécessaire pour débattre de la
question en l'absence d'un consensus médical et sociétal, au même titre que
l'Association des médecins psychiatres du Québec. Nous croyons toutefois que
ces <personnes...
M. Oliva (Vincent) :
...Nous
croyons toutefois que ces >personnes atteintes d'un trouble mental
peuvent être tout aussi souffrantes que celles aux prises avec des pathologies
physiques. Nous souhaitons également souligner qu'avec des critères
d'admissibilité et d'application clairement définis et un cadre spécifique
d'évaluation, un équilibre entre l'autodétermination de la personne et son
besoin de protection pourrait être atteint.
À cet égard, un comité multidisciplinaire
de praticiens devrait être mandaté. Nous rappelons en effet que l'exclusion
continue au projet de loi en la matière ne peut être définitive puisque, tôt ou
tard, le législateur québécois sera saisi de cette question en raison du délai
que s'est fixé le fédéral sur cette question. Nous invitons ainsi les parlementaires
à se pencher dès maintenant non pas sur l'ouverture potentielle de l'aide
médicale à mourir pour les personnes souffrantes... souffrant de troubles
mentaux, mais plutôt sur comment l'offrir, l'encadrer et la baliser. La maladie
mentale ne peut être tout simplement exclue d'emblée. Gardons-nous de la
stigmatiser.
En conclusion, Mme la Présidente, Mmes et
MM. les parlementaires, la fédération vous remercie de votre attention et de
lui avoir donné l'opportunité de s'exprimer sur ces questions délicates et
éminemment importantes pour nos concitoyens. Nous faisons confiance aux
parlementaires pour que l'évolution de la loi soit toujours guidée par les
valeurs de compassion et d'humanisme. L'objectif recherché doit être
l'allègement de la souffrance dans le respect et la volonté du patient, mais
nous sommes d'avis que l'acceptabilité sociale ne peut être ignorée.
Le législateur seul ne devrait pas décider
d'exclure qui que ce soit de recourir à l'aide médicale à mourir, mais plutôt
établir les balises afin que l'aide médicale à mourir soit dispensée dans un
contexte humain, juste et équitable, qui prend en considération la réalité
clinique de chaque individu. La fédération vous invite également à clarifier et
baliser davantage plusieurs volets du texte afin que les critères
d'accessibilité en matière de soins soient concrètement applicables et
respectueux des familles et de leurs... (panne de son) ...et espérons que notre
contribution sera prise en considération. Sur ce, merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dr Oliva. Exposé fort intéressant,
assez clair, mais je suis persuadée qu'il y a des questions qui subsistent.
Alors, je vais me tourner du côté de la ministre pour une période de
16 minutes, au moins, là, avec... avec la députation également. Alors, la
parole est à vous, Mme la ministre.
Mme Bélanger : Oui. Mme
la Présidente, Dr Oliva, Dr Evoy, Me Rouillard, merci. Merci de
votre présence cet après-midi. Merci pour le mémoire et la clarté de l'exposé.
Alors, je pense que c'est vraiment intéressant. Comme vous le savez, on est
rendus au jour 3 de nos consultations particulières. On a rencontré
plusieurs groupes, et j'entends bien, là, les différents éléments.
J'aimerais d'abord débuter sur la notion
de handicap neuromoteur. Dans le fond, ce que je comprends, c'est que vous êtes
favorables, mais vous précisez l'importance de mieux définir ce qu'est le
handicap neuromoteur. C'est ce que je comprends. Et je profite peut-être... J'ai
compris, Dr Evoy, que vous êtes neurologue. Est-ce que... Bien, je vais
profiter de la situation, comme on dit, pour vous demander, selon vous, c'est
quoi un handicap neuromoteur? Même si je comprends, là, qu'il n'y a pas de
définition nécessairement très balisée là-dessus, bien, j'aimerais ça vous
entendre spécifiquement.
M. Evoy (François) : Vous
m'entendez bien, oui?
Mme Bélanger : Très
bien.
M. Evoy (François) : Très
bien. Bien, écoutez, je vais vous donner ma définition à moi, mais ça va être
le défi pour tous les médecins parce que chacun va avoir sa définition, puis
c'est justement ce qu'on ne veut pas. On veut qu'il y ait une définition
commune. Mais, moi, ce que j'entends par un handicap neuromoteur grave, c'est
quelqu'un qui a une paralysie, si on va dans des termes simples. Ici, je donne
des exemples assez bien connus, quelqu'un qui serait, par exemple,
quadriplégique suite à un traumatisme médullaire puis qui demeure
quadriplégique, donc paralysé des quatre membres pour une longue période, qui
est complètement dépendant pour plusieurs de ses activités ou quelqu'un de
paraplégique qui a... donc, qui a perdu l'usage des membres inférieurs, bien
ça, ce sont des handicaps neuromoteurs graves. Autre exemple, quelqu'un qui
aurait subi un AVC, donc un trouble circulatoire au cerveau, avec une paralysie
d'un côté du corps qui serait très importante, irréversible, qui l'empêcherait
de se déplacer adéquatement, de vaquer à ses occupations, donc qui aurait un
impact très important dans sa vie quotidienne, on peut considérer ça comme un
handicap neuromoteur grave. Et évidemment, si vous demandez à d'autres de mes
collègues ou au patient lui-même si c'est grave ou pas, c'est là que... que ça
devient un petit peu plus complexe. Et c'est là qu'on va avoir besoin de
définitions plus <claires...
M. Evoy (François) :
...avoir
besoin de définitions plus >claires pour, justement, comme le disait si
bien Dr Oliva, éviter les dérapages et puis qu'on s'entende sur des
définitions communes.
Mme Bélanger : Il y a un
défi de définir, hein, dans le fond, ce que c'est. Croyez-vous que c'est
quelque chose qui est faisable de façon rapide et relativement... relativement
rapidement et de façon efficace, de faire une définition, ou c'est quelque
chose qui demande des années de discussion, et de réflexion, et de
consultation?
M. Evoy (François) : Bien,
les médecins sont assez rapides quand on leur demande d'agir, là. Donc, dès
qu'il y a urgence, habituellement on est là. Alors, moi, j'ai l'impression que
si on nous demande, par exemple, les associations médicales, le Collège des
médecins, d'établir un guide de pratique qui serait respectueux de la loi,
bien, j'ai l'impression que les gens seraient tout à fait disponibles puis que
ce serait possible d'agir assez rapidement.
Mme Bélanger : Donc, en
passant par un guide de pratique et des modalités, là, de critères cliniques
et... OK. OK. Bon, on a eu plusieurs groupes — j'en profite, là,
pendant que vous êtes là — on a eu différents groupes, comme je le
mentionnais. Certains nous ont mentionné que le fait de mettre «handicap
neuromoteur» peut créer un précédent pour les personnes ayant d'autres
handicaps qui ne sont pas des handicaps neuromoteurs. Est-ce que vous avez eu
l'occasion de réfléchir à cela?
M. Oliva (Vincent) : Oui.
Bonjour, Mme la ministre. Oui, effectivement, on en a discuté, et avec
plusieurs groupes de spécialistes, plusieurs associations. En fait, dans cet
aspect-là, la première chose qui nous agace, c'est le fait qu'il y ait une
discordance entre la loi fédérale puis la définition provinciale. Ça fait que,
ça, c'est probablement l'aspect qui nous agace le plus. Effectivement, on a
discuté du fait que ce soit limité à la portion neuromotrice du handicap.
Bon, en réalité, est-ce qu'il y en a
beaucoup d'autres handicaps que neuromoteurs pour lesquels l'aide médicale à
mourir serait applicable? C'est là que c'est discutable. Et c'est vrai que
d'autres formes de problèmes sont probablement, disons, agrégeables sous le
parapluie d'une maladie, hein, donc d'une maladie grave. Mais effectivement il
serait intéressant, justement, de se pencher sur quel type de handicap non
neuromoteur tomberait dans la catégorie applicable. Je pense que c'est là qu'il
faut se pencher. Je crois qu'il y a, effectivement, une certaine prudence qui
doit être exercée, puis je pense qu'il y a des cas qui ont fait polémiques dans
d'autres pays où, par exemple, il y a eu des demandes d'aide médicale à mourir
pour des problèmes de surdité, si je ne m'abuse, ou de cécité, mais bref, c'est
clair qu'il y a là controverse. Et nous, ce qu'on dit surtout, c'est
premièrement la discordance entre la loi québécoise et fédérale. Et, deux, nous
devrions essayer de définir quels sont les handicaps non neuromoteurs pour
lesquels ce serait applicable.
Mme Bélanger : OK. Je
vous remercie. Peut-être au niveau... Dernière question de mon côté, puis je
vais laisser, par la suite, mes collègues intervenir. Au niveau de
l'acceptabilité au niveau des médecins spécialistes, au niveau du projet de loi
qui est sur la table, qu'est-ce que vous en pensez? Comment les médecins
réagissent, là, selon vous? Je comprends que vous n'avez pas fait de sondage,
là, en lien avec la question particulière que je vous pose, mais pensez-vous
qu'il y a une acceptabilité au niveau des différentes associations médicales
par rapport au projet de loi qu'on a déposé?
• (16 heures) •
M. Oliva (Vincent) : Je
dirais que oui, là. La réponse courte, ce serait oui. Puis oui, on a consulté
très largement tout au cours de notre réflexion, et là encore, un autre tour de
roue plus récemment. Je peux peut-être laisser Dr Evoy compléter parce
qu'évidemment, dans sa pratique, il en fait, de l'aide médicale à mourir. Donc,
peut-être, François, tu pourrais compléter.
M. Evoy (François) : Oui.
Bien, c'est ça. Bien, je pense qu'il y a un consensus parce qu'on est au
service des patients, puis c'est une demande, hein, tout simplement. Donc, il
faut répondre à la demande. La société évolue. L'aide médicale à mourir est un
succès au Québec parce que les choses ont été bien faites, par étapes, puis on
pense que la façon dont c'est présenté actuellement, ça va dans cette
lignée-là, dans cette voie-là.
Bon. Donc, les médecins sont d'accord,
mais ce n'est pas parce que les médecins n'ont pas d'inquiétude. Il y a de
l'inquiétude chez les médecins spécialistes, parce qu'il va falloir procéder,
et le diable est dans les détails. Et c'est pour ça que nos recommandations, ça
va être vraiment d'établir des balises qui sont extrêmement claires pour
pouvoir nous aider à faire notre travail adéquatement. Je vais juste vous
donner un petit exemple vécu. J'ai fait des aides médicales à mourir chez des
patients qui avaient des <troubles...
>
16 h (version révisée)
< M. Evoy (François) :...chez
des patients qui avaient des >troubles neurologiques. OK, c'est des
patients qui étaient tout à fait conscients, volontaires, qui pouvaient me
donner leur consentement à la dernière minute... (panne de son) ...qui donne la
force aux médecins de procéder. Mais imaginez, maintenant, avec ce qui s'en
vient, des gens qui vont avoir des directives médicales anticipées pour l'aide
médicale à mourir, qui, au moment où on va procéder, ne seront plus conscients,
ne pourront plus donner leur consentement. Pour plusieurs médecins, ça peut
amener certaines objections de conscience.
Même chose pour la question de la
définition des troubles neuromoteurs ou de maladies, on veut absolument éviter
les dérapages comme il y a eu ailleurs, donc, si les balises sont claires, ça
va rendre les médecins beaucoup plus confortables. Alors, il y a du travail de
fond à faire parce que la loi, on est d'accord, certainement, mais l'appliquer
dans la vie... (panne de son) ...il reste beaucoup de travail à faire,
définitivement, pour que les médecins soient confortables avec la situation.
Mme Bélanger : Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) :
Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, pour
poursuivre cet échange, je me tourne du côté de la députée de Laporte. La
parole est à vous. Il reste encore 7 min 30 s.
Mme Poulet : Oui, merci, Mme
la Présidente. Merci à vous trois. Merci beaucoup de votre participation. J'ai
une question concernant votre recommandation 1, concernant le délai.
Alors, compte tenu qu'il peuve y avoir des maladies foudroyantes, des symptômes
qui peuvent évoluer différemment, vous l'avez mentionné, d'une personne à l'autre,
vous avez également mentionné que la société a évolué, on en parle entre amis,
en famille, vous mentionnez que l'essence même d'une demande anticipée est de
respecter les volontés d'un individu, j'aimerais vous entendre, pourquoi
accorder un délai? Est-ce que ça ne vient pas en contradiction? Est-ce... J'aimerais
vous entendre à cet effet.
M. Oliva (Vincent) : Bien, je
peux me... Bonjour, Mme la députée. Donc, je peux peut-être commencer l'élément
de réponse puis laisser mon collègue Dr Evoy compléter, mais, en gros,
quand un patient subit un changement de son état, c'est possible qu'il voie ça
comme très négatif, très péjoratif et qu'il ne voie pas la lumière au bout du
tunnel, mais qu'au bout d'une certaine période de temps il l'apprivoise et la
voie différemment et soit capable de l'accepter et de vivre avec. Donc, ça, c'est
la réponse courte. Je ne sais pas, François... Dr Evoy, si tu veux
compléter.
M. Evoy (François) : Bien,
tout à fait, c'est ça, parce qu'écoutez on est un peu inquiets, les médecins
qui font de la réadaptation, imaginez, les centres de réadaptation sont pleins
de traumatisés médullaires, qui sont... (panne de son) ...paraplégiques, qui
voudraient mourir le lendemain. Mais évidemment il y a une question de deuil à
faire, donc il y a un délai puis, en plus, il y a une question de pronostic. En
neurologie, chez quelqu'un qui a une lésion aiguë, il peut y avoir de l'amélioration.
Donc, il faut laisser le temps, autant au niveau physique que psychologique, de
récupérer pour avoir un vrai pronostic, une vraie idée de la finalité.
Et puis on a des exemples, on a plein d'exemples
autour de nous, de gens qui, peut-être, ont pensé au suicide, là, après un
accident important qui a donné une quadriplégie ou une paraplégie, qui sont des
champions olympiques maintenant, là, hein, et qui ont une vie absolument
remplie puis extraordinaire.
Voilà, tu sais, la vision des choses peut
changer à travers un épisode qui peut paraître dramatique, puis on veut laisser
la possibilité aux gens d'avoir cette réflexion-là et cette possibilité-là. Et
d'intervenir rapidement, j'ai l'impression que les gens n'auront probablement
pas la possibilité de faire ce cheminement.
Donc, encore une fois, c'est toujours une
question de précaution, de s'assurer le meilleur pour le patient, dans son
meilleur intérêt, et aussi que le médecin soit confortable avec des situations
qui pourraient devenir un peu difficiles émotivement.
Mme Poulet : Alors, pour
vous, même si c'est une maladie dégénérative...
M. Oliva (Vincent) : Peut-être
Me Rouillard avait un petit point à ajouter.
Mme Poulet : Ah! désolée.
Mme Rouillard (Marie) : En
fait, je voulais juste ajouter que ça s'inscrivait également dans tout l'aspect
du consentement éclairé du patient. C'est-à-dire que de prendre le temps de
réfléchir à la condition que le patient vient de subir, ça fait juste en sorte
que le moment venu, où est-ce qu'il va avoir peut-être à se poser la question
si l'aide médicale à mourir pourrait être une option, son consentement va être
plus éclairé. Donc, c'est dans cet aspect-là qu'on amenait aussi qu'un certain
délai devait être accordé. Et ça peut s'inscrire aussi dans toute la réflexion
sur la notion de la définition d'un handicap, donc dans les guides de pratique,
par exemple, qui pourraient être adoptés.
Mme Poulet : Alors, même dans
une maladie dégénérative, vous, vous proposez un délai. Et ce délai-là, vous le
chiffrez de quelle façon? Pendant combien de temps? Quel serait le délai pour
vous?
M. Evoy (François) : OK, là,
vous parlez d'une situation comme d'une maladie neurodégénérative, là, c'est un
peu différent de l'exemple que je vous ai donné. Je donne l'exemple d'un
patient, bon, qui a une condition qui est relativement <stable...
M. Evoy (François) :
...une
condition qui est relativement >stable, par exemple, une maladie comme
la sclérose en plaques qui serait sévère avec un handicap neuromoteur très
important, mais qui n'a pas la condition... que ce n'est pas quelqu'un qui a
une mort imminente, donc qui n'a pas une mort prévue dans la prochaine année ou
même qui n'a pas de risque de mortalité. Bien, évidemment, à travers le
cheminement d'une demande d'aide médicale à mourir, on se rend compte, pour
avoir accompagné des patients, qu'il y a des gens qui réfléchissent, puis même
ceux qui le voudraient à court terme, qui ont des... qui ont une espérance de
vie qui est de moins d'un an, il y a des gens qui reculent, hein, tout
simplement parce qu'ils réfléchissent, puis, une fois qu'on a commencé à faire
les démarches, on parle à nos proches, on parle aux gens autour de nous, et
puis notre vision des choses peut changer. Donc, c'est de laisser cette
possibilité-là.
Bon, le délai, je pense qu'il va falloir
en discuter, là, mais ce qui est... le 30 jours actuel minimum m'apparaît
quelque chose de tout à fait raisonnable, mais ça pourrait être discutable,
évidemment, oui.
Mme Poulet : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, si j'ai... oui, une autre question?
Oui, il reste encore deux minutes pour la députée de Roberval. La parole est à
vous.
Mme Guillemette : Merci.
Merci d'être avec nous cet après-midi. Moi, j'aimerais vous entendre sur votre
recommandation 7, celle du refus. Vous nous dites qu'il faudrait préciser
davantage la notion de refus. Qu'est-ce qui vous rendrait à l'aise pour ce
niveau-là au soin du refus... au niveau du refus? Et il y a le refus
catégorique, là, également. Qu'est-ce qui vous rendrait à l'aise?
M. Oliva (Vincent) : Bon,
alors, ça, ça a été écrit dans la perspective où, par exemple, un patient fait
une demande anticipée et dit : Moi, mettons, quand je vais arriver à un
tel état, bien, je vais vouloir l'aide médicale à mourir, mais il l'écrit dans
un état a puis il chemine vers un état b, mais, rendu à l'état b,
OK, il développe une démence, par exemple, et il y a des manifestations, comme
par exemple de l'agitation, OK? Est-ce que l'agitation... le patient ayant de
la difficulté à s'exprimer, est-ce que l'agitation est un refus ou l'agitation
est une manifestation de sa démence? Alors, vous voyez que, dans ces
situations-là, il pourrait y avoir un grand malaise.
Ça fait que ça, c'est un exemple qui
illustre cette recommandation-là. Donc, faudrait-il préciser que, dans un cas
de démence qui évolue, même si je deviens agité, je vais vouloir l'aide
médicale à mourir? Parce que vous comprenez qu'il y a des situations très
problématiques puis d'autres situations où, par exemple, un patient voudrait...
voudrait refuser mais qu'il perdait l'usage de la parole, ça poserait problème.
Donc, je ne sais pas, François, si tu as
d'autres exemples en tête qui pourraient illustrer cette...
M. Evoy (François) : Oui, bien,
c'est exactement ça, parce qu'à vrai dire, vous savez, quand un patient... on
parle des patients qui ont fait des directives médicales anticipées, puis la
maladie d'Alzheimer est extrêmement fréquente, donc ces situations-là vont
arriver, là, ça va arriver tout le temps. C'est clair qu'il faut le prévoir.
Puis je m'excuse, des fois, on veut donner un bain à quelqu'un qui a une démence,
puis c'est difficile. Si on veut lui installer un soluté, là, pour injecter des
médicaments, puis ce n'est pas un petit soluté, c'est beaucoup de médicaments,
ça se pourrait que la personne ne soit pas tout à fait d'accord, puis elle ne
sera même plus consciente de pourquoi elle a demandé ça, elle ne sera pas
consciente de ce qu'on est en train de faire.
Donc, le refus physique ou le refus... On
doit savoir si le patient veut vraiment qu'on procède, mais il va falloir aussi
établir des protocoles pour ce type de population là, qui pourraient être plus
respectueux. Donc, il y a des choses qui pourraient être faites, comme de la
sédation à l'avance. Donc, est-ce que, dans sa directive médicale anticipée, le
patient pourrait dire : Moi, peu importe, si je ne participe pas, je
voudrais avoir une sédation préalable à l'installation du soluté, etc., donc
des choses extrêmement pratiques, vous voyez, qui vont faire en sorte que le
médecin et l'équipe soignante va se sentir beaucoup plus à l'aise de procéder.
Parce que je peux vous jurer que ça risque d'être un peu traumatisant au
départ. On s'habitue à tout, mais...
• (16 h 10) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci pour ces éléments de réponse. Le premier bloc
d'échange venant de se terminer depuis quelques secondes, je me tourne, par
contre, du côté de la députée de Westmount—Saint-Louis pour un deuxième bloc
d'échange avec vous, pour une période de 9 min 54 s. Le temps
commence.
Mme Maccarone : Merci.
Bonjour, Dr Oliva, Dr Evoy et Me Rouillard. Un plaisir de vous
avoir avec nous. Merci pour votre témoignage, votre mémoire et les réponses à
nos questions qui sont fort intéressantes puis qui vont sûrement nourrir notre
réflexion, rendu à l'étape de l'étude détaillée de cette loi.
Évidemment, je veux revenir sur la notion
de handicap. Merci aussi pour les exemples que vous avez évoqués dans votre
mémoire et que vous avez partagés avec nous. Je souhaite creuser un petit peu
plus en ce qui <concerne...
Mme Maccarone :
...un
petit peu plus en ce qui >concerne la notion de handicap neuromoteur ou
si on enlève la notion de neuromoteur. Mais votre exemple de quelqu'un qui
subit un accident, par exemple, qui devient paraplégique, qui perdrait
l'utilisation de ses jambes, et je comprends qu'on souhaite évidemment une
période de rétablissement puis de travail, parce que, comme vous avez dit,
souvent, c'est imprévisible, mais la notion de souffrance est très large, très
subjective. Puis évidemment on parle aussi beaucoup de le respect de choix de
la personne concernée, l'autodétermination.
Si c'était... encore une fois, je reviens
à la notion de souffrance, si c'était la même personne, mais qui avait perdu
l'utilisation de ses bras, et c'est une personne qui souffre parce que, dans la
vie, c'est comme ça que cette personne gagne sa vie, travaille, il est
musicien, par exemple. Comment voyez-vous l'applicabilité de l'aide médicale à
mourir pour une telle personne, après qu'une période de temps, comme vous avez
dit, aura passé pour son rétablissement?
M. Oliva (Vincent) : Veux-tu
répondre, François?
M. Evoy (François) : Oui, je
peux répondre. Bien, à vrai dire, ça arrive, en neurologie, que quelqu'un va
avoir... puis là j'ai donné quelques exemples, mais après ça il y a plein
d'exemples, puis, comme ce que vous avez cité, ça peut arriver dans certaines
maladies. Puis moi, quelqu'un qui perd l'usage complet des bras, puis qui n'est
plus capable de faire ses... de fonctionner, de faire ses activités
quotidiennes... (panne de son) ...je pense que ça pourrait entrer dans... (panne
de son) ...trouble neuromoteur grave. Mais, encore là, on a besoin de
définition claire pour aider à baliser, hein, tout ça. Donc, oui, je pense que,
dans une situation comme celle-là, ça pourrait très bien s'appliquer.
Mme Maccarone : Puis, quand
vous parlez de baliser, vous avez fait mention d'un guide de pratique. Est-ce
que le guide de pratique est quelque chose que nous devons enchâsser dans la
loi, avoir un article qui fait référence à ce guide de pratique?
M. Oliva (Vincent) : Me Rouillard,
voulez-vous...
Mme Rouillard (Marie) : En
fait, je crois... puis, en fait, je ne pense pas que ce serait requis, dans le
sens où est-ce que le Collège des médecins s'est déjà penché sur un tel guide
de pratique sans nécessairement qu'il y ait une disposition législative qui le
prévoyait. Il faut juste que ce guide de pratique là, ou d'autres qui
s'ensuivraient... également que maintenant l'Ordre des infirmières aussi
participe, considérant, là, l'ouverture, bien, dorénavant aux IPS, mais je
pense que ce guide de pratique là doit être adapté, et même que d'autres
pourraient, justement, s'ensuivre pour s'assurer que l'évaluation...
l'application de l'aide médicale anticipée soit... se fasse aisément, là, au
niveau des professionnels de la santé, et aussi que ce soit une certaine... que
ce soit rassurant pour les patients également, là, qu'il y ait des balises
aussi pour qu'un soin qui est assez... en fait, qui est irréversible. Donc, ça
prend un encadrement qui est juste.
M. Oliva (Vincent) : Donc,
autrement dit, pas nécessairement qu'il soit enchâssé dans la loi, mais auquel
la loi fait référence.
Mme Maccarone : Et je présume
que ce serait... bien, je ne devrais pas présumer. Selon vous, ce guide devrait
être revu combien de fois, à chaque an, chaque deux ans? Parce que vous avez
aussi fait... dans votre recommandation 6, vous parlez de formation
pertinente, qui m'amène, dans le fond, à une question complémentaire à la
première, c'est : Combien de temps avez-vous besoin pour avoir une
formation avant que la loi vient en vigueur? Combien de temps pensez-vous que
nous devons avoir avant de revoir nos pratiques aussi, étant donné qu'on sait
déjà... Dans un an, si les troubles mentaux ne feront pas partie de cette loi,
notre loi, ça se peut qu'elle sera considérée comme désuète.
M. Oliva (Vincent) : Bien, je
pense que ce serait aux rédacteurs de ce guide de pratique à faire des
recommandations quant à la fréquence du renouvellement, parce qu'effectivement
je pense que ce sont les experts qui vont se pencher là-dessus puis qui vont...
qui vont être à même de déterminer aux combien de temps est-ce qu'on devrait le
réviser.
Mme Maccarone : Et le temps
nécessaire pour la... je sais que j'ai posé plusieurs questions en même temps,
le temps pour la formation, avant l'entrée en vigueur de la loi, puis pour le
retour aussi, pour revoir les pratiques, pour voir comment ça fonctionne sur le
terrain aussi, vous avez besoin... en passé, nous avons prévu... dans le passé,
c'était 18 mois, est-ce que, pour vous, c'est suffisant, trop long, pas
assez long?
M. Evoy (François) : Peut-être...
Bien, à vrai dire, j'ai l'impression que, bon, pour ce qui est de la question
des troubles <neuromoteurs...
M. Evoy (François) :
Peut-être...
Bien, à vrai dire, j'ai l'impression que, bon,
pour ce qui est de la
question
des troubles >neuromoteurs, ça peut se faire quand même assez
rapidement, là, j'ai l'impression que c'est un sujet... c'est juste de
s'entendre, parce qu'une fois qu'on s'entend il n'y a pas besoin de formation,
les gens vont savoir quoi faire. Donc, une fois que le guide est publié puis
qu'il y a des balises, ce n'est pas si compliqué.
Pour les directives médicales anticipées,
là, pour l'aide médicale à mourir, ça demeure un petit peu plus complexe. Je
pense qu'il y a du travail en amont à faire au niveau de tout ce qui est
formulaire ou qu'est-ce qu'on devrait faire avec le patient, quelles questions
on devrait leur poser. Comme on vous a dit, là... donc, il faut être
respectueux des volontés de la personne qui demande l'aide médicale à mourir,
puis, pour ça, il faut qu'il puisse s'exprimer clairement. Donc, il va falloir
que les formulaires soient extrêmement bien faits pour qu'on puisse avoir des
balises. Puis moi, c'est plus le délai pour qu'on puisse organiser ça, donc...
Et l'autre point, c'est : il ne
faudrait pas que l'aide médicale à mourir, ce soit la façon de mourir pour tout
le monde au Québec quand on a un trouble neurocognitif. Il y a d'autres façons
de mourir, j'espère, et il y a une loi sur les soins de fin de vie au Québec
qui permet toutes sortes de soins qui sont tout à fait adéquats et qui ne
nécessitent pas l'aide médicale à mourir et, entre autres, la question de
l'utilisation des niveaux de soins que l'on... Nous, on favorise que les gens
qui sont en perte d'autonomie remplissent leur formulaire de niveau de soins,
qu'ils remplissent les directives médicales anticipées en cas de maladie
majeure et que ça, ça va baliser l'intensité des soins par la suite. Parce que,
si on a bien balisé l'intensité des soins, bien, il est probable que l'aide
médicale à mourir devienne quelque chose qui est assez marginal. Et nous, une
réussite de la loi des soins de fin de vie, ce serait que l'aide médicale à
mourir demeure quelque chose de marginal, présent mais marginal.
M. Oliva (Vincent) : Et, si
vous permettez, Mme la députée, autrement dit, on croit beaucoup à la mort
naturelle digne, donc de... peut-être plutôt d'éviter de s'acharner, hein, ça,
c'est déjà une étape importante, et de permettre que ça se fasse dignement et
que la norme ne devienne pas... bien, quand on est rendu à un stade x, on
donne la mort de cette façon-là. Je pense qu'il y a des façons très dignes de
mourir naturellement.
Mme Maccarone : Ça m'amène à
une question très sensible. Parce qu'on a parlé beaucoup de comment
sensibiliser la population. Il y a plusieurs personnes qui ne sont pas au
courant, qui ont recours à l'aide médicale à mourir actuellement. Comment
voyez-vous votre rôle en accompagnement? Comme vous avez dit, c'est une mort
naturelle qu'on prône, mais on souhaite aussi avoir un continuum de soins. On
souhaite toujours l'aide médicale à vivre et non l'aide médicale à mourir dans
tous les cas. Comment voyez-vous votre rôle de sensibilisation de vos patients
puis la population pour assurer une compréhension commune et aussi protéger les
personnes vulnérables?
M. Oliva (Vincent) : Bien, on
a un rôle comme médecins spécialistes, comme promoteurs de la santé et
promoteurs des soins. Donc, on l'exerce déjà, puis c'est clair qu'à l'intérieur
de nos formations on agit en ce sens-là pour s'assurer que les médecins sont au
courant, bien formés. Puis, au niveau de la population aussi, on a une
responsabilité. Évidemment, il faut comprendre que c'est une notion qui est en
évolution. On en parle de plus en plus, puis, à ce titre-là, on conçoit que
notre rôle est significatif.
• (16 h 20) •
Mme Maccarone : Merci de nous
faire rappeler aussi de l'importance de le formulaire. Nous avons tous hâte de
voir le formulaire, en espérant qu'on va pouvoir contribuer avant l'adoption de
la loi. Puis j'apprécie aussi beaucoup votre recommandation 4, de
continuellement mettre à jour puis d'être accompagné, que ce soit par le tiers
de confiance, que je sais qu'on n'a pas eu la chance d'en débattre, ou par le
professionnel de la santé, pour assurer une compréhension commune. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. On va poursuivre, donc, nos
échanges avec la députée de Sherbrooke pour une période de 3 min 18 s.
La parole est à vous.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Je vais vous questionner également sur le rôle des médecins pour
informer les patients de la possibilité de l'aide médicale à mourir. On a
entendu tout à l'heure un témoignage assez troublant, je ne sais pas si vous
l'écoutiez, d'un citoyen qui n'avait pas été informé par son médecin de la
possibilité de l'aide médicale à mourir, et il souffrait au point d'avoir
développé un projet suicidaire. Et c'est finalement une travailleuse sociale
qui l'a informé de ses droits. Et, quand il en a parlé à son médecin, il a
senti la froideur de son médecin à cette idée.
De votre point de vue, c'est quoi, le
niveau de responsabilité des médecins d'informer leur patient de l'éventail
complet des soins auxquels ils ont droit, <notamment...
Mme Labrie :
...des
soins auxquels ils ont droit, >notamment l'aide médicale à mourir?
Est-ce que... est-ce que c'est une responsabilité de le faire?
M. Oliva (Vincent) : Bien, je
pense que c'est un rôle primordial. Maintenant, je laisserais peut-être Dr Evoy
compléter parce qu'il a de l'expérience clinique sous sa cravate.
M. Evoy (François) : Bien, à
vrai dire, la loi prévoit qu'on doit informer le malade des possibilités de
soins. Quand, évidemment, l'aide médicale à mourir devient une possibilité, donc,
ça fait partie de notre responsabilité, ça fait partie des soins comme
l'informer de tous les soins de soins de fin de vie. Alors, oui, on est tenu de
le faire quand la situation nous apparaît pertinente.
Évidemment, les patients, souvent, même
les patients qui ne sont pas des candidats ont le droit de poser des questions.
Et il y a un travail d'éducation encore à faire à la population. Je dirais que
c'est de moins en moins problématique parce que les gens abordent le sujet. Moi,
on a vu un changement dans les dernières années qui est radical, là, les gens
abordent la question très rapidement, même dans des situations qui ne sont pas
appropriées. Ce n'est pas grave, ça nous fait plaisir de répondre.
Mais définitivement, quand la situation...
quand il y a des maladies qui sont... qui fait en sorte que l'aide médicale à
mourir devient une option, comme par exemple, en neurologie, la sclérose
latérale amyotrophique, bien, écoutez, ça fait partie de la discussion rapide
qu'on va avoir avec les malades.
Mme Labrie : OK. Donc,
l'objection de conscience à laquelle le médecin a droit, bien sûr, ne va pas
jusqu'à faire en sorte qu'il pourrait décider de ne pas parler de ce soin-là à
son patient.
M. Evoy (François) : L'objection
de conscience, c'est pour procéder à l'acte et non pour informer le patient.
L'objection de conscience ne doit pas aller jusque-là.
M. Oliva (Vincent) : Peut-être
Me Rouillard voulait ajouter quelque chose.
Mme Rouillard (Marie) : C'est
exactement ce que je voulais ajouter comme point avant que vous le mentionniez,
Mme la députée, c'est que le... c'est un devoir déontologique pour le médecin
d'informer, mais ça doit s'agencer également avec son droit aussi de ne pas
nécessairement prodiguer des soins qui iraient à l'encontre de ses valeurs, de
ses volontés. Donc, c'est deux choses, mais un peut aller avec l'autre, là,
c'est clair.
Mme Labrie : Je le comprends.
Donc, un... si on est informés, par exemple, nous, comme élus, d'un patient qui
ne s'est pas fait informer de ça par son médecin, on pourrait l'inviter à avoir
recours au Collège des médecins, par exemple, parce que ça pourrait être une
faute professionnelle de ne pas avoir transmis l'information.
M. Oliva (Vincent) : Bien,
ça, écoutez, je pense que c'est une question qu'il faudrait poser au Collège
des médecins, comment procéder dans ce cas-là, mais ce qui est clair, c'est
que, comme disait Dr François Evoy, c'est évident que c'est un soin qui
est en évolution et donc qui nécessite encore de la formation. Donc, il ne faut
pas nécessairement voir ça comme une faute, mais il faut voir ça peut-être
comme un... disons, un outil dont les médecins ne sont pas tous complètement
conscients, et il reste là de l'éducation à faire.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci pour toutes ces réponses, ma foi,
éclairantes. On va terminer, maintenant, notre séance avec un dernier bloc
d'échange qui... dont va prendre part la... la députée, pardon, de Laviolette—Saint-Maurice,
pour 3 min 18 s. Allez-y, Mme la députée.
Mme Tardif : Merci. Bonjour.
Merci d'être là avec nous cet après-midi. Vous parlez de mettre en place, je
dirais... de la nécessité de mettre en place des formations pour les
spécialistes mais aussi pour les membres du comité interdisciplinaire. Est-ce
que, d'une part, vous voyez qu'on devrait ajouter ça dans la loi, cette
nécessité-là? Et, deuxièmement, comment vous voyez cette formation-là? Parce
que j'imagine que ça serait un peu comme le formulaire, il faudrait qu'il y ait
des mises à jour qui soient faites de façon fréquente, mais là je ne veux pas
mettre de mots dans votre bouche. Alors, comment voyez-vous ça?
M. Oliva (Vincent) : Bien,
pour l'aspect de le rajouter dans la loi, je peux peut-être passer la parole à
Me Rouillard et puis ensuite laisser mon collègue Dr Evoy compléter.
Mme Rouillard (Marie) : Tel
qu'on le mentionnait, là, un peu plus tôt, ce n'est pas nécessairement l'aspect
qui est requis qui doit être inséré dans la loi, c'est-à-dire que, quand on
développe un guide de pratique, par exemple, que l'ordre professionnel ou que
le ministère développe des lignes directrices, c'est important qu'il y ait un
devoir d'éducation, d'information qui s'ensuive. Donc, c'est pour ça qu'on mentionnait,
dans le cadre de notre mémoire, qu'il devrait y avoir des formations pour
expliquer davantage et préciser des <points...
Mme Rouillard (Marie) :
...davantage
et préciser des >points pour les professionnels qui vont être appelés
justement à évaluer des demandes très sensibles. Et justement, on parlait du
devoir d'information de... avec la question précédente, d'informer le patient
adéquatement sur les démarches qu'il va pouvoir faire et sur la façon, par
exemple, dont sa demande va être... va pouvoir être remplie, donc c'est plus
dans ce sens-là qu'on le voyait.
M. Oliva (Vincent) : Je pense
qu'il y a peut-être le... oui, le complément pour la formation.
M. Evoy (François) : Oui,
pour la formation, bien, écoutez, les... la Commission de soins de fin de vie,
les comités interdisciplinaires, tu sais, ils sont très utiles dans les
établissements pour aider les médecins justement dans les décisions. Donc, ces
gens-là sont comme nos points de repère, c'est par eux que ça doit passer,
évidemment. Donc, une fois que les guides sont faits, eux les appliquent, les
interprètent et puis ils vont être des personnes de référence, là, pour les
médecins qui vont vouloir procéder. Donc, c'est un peu la façon dont je vois
que ça va s'insérer.
Puis évidemment, bien, la mécanique est
assez bien huilée, de façon générale. Il va y avoir une adaptation, c'est clair,
mais, tu sais, on n'est pas comme voilà cinq ans où tout était nouveau, tu
sais, les choses ont changé. Je pense qu'on est capable de l'intégrer. Ça va
être un gros défi, c'est certain, mais le personnel qui est compétent pour le
faire est là.
Mme Tardif : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Voilà, c'est ce qui termine ce dernier bloc. Dr Oliva,
Dr Evoy, Me Rouillard, merci beaucoup pour votre participation et
l'apport à nos travaux. Ce fut fort intéressant. Alors, je me permets de
vous... au nom de mes collègues ici présentes, de vous souhaiter une bonne fin
de journée.
Et pour l'heure, la commission ajourne ses
travaux jusqu'au mardi 21 mars 2023, à 10 heures, où elle poursuivra
son mandat.
(Fin de la séance à 16 h 28)