(Dix
heures)
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission des relations avec les
citoyens ouverte. Je vais me
permettre de souhaiter un bon mardi matin à l'ensemble d'entre vous.
Alors, la commission
est réunie aujourd'hui afin de poursuivre les consultations particulières et
les auditions publiques sur le projet de loi n° 11, Loi
modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres dispositions
législatives.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, Mme la Présidente. Mme Garceau (Robert-Baldwin) est remplacée par Mme Maccarone
(Westmount—Saint-Louis).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, aujourd'hui, nous
entendrons, donc, ce matin, les personnes et les organismes suivants : le
Dr David Lussier, le Réseau de la FADOQ et l'Ordre des travailleurs sociaux
et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec.
Nous allons donc
débuter cette séance avec le Dr Lussier. Bienvenue, Dr Lussier. Merci
de prendre part à ces travaux. Alors, vous
allez avoir une dizaine de minutes, d'abord, pour vous présenter, ensuite pour
faire votre exposé. Par la suite, évidemment, nous aurons des périodes
d'échange avec les membres de la commission. Alors, le temps qui vous est
alloué commence dès maintenant.
M. David Lussier
M. Lussier (David) : Merci, Mme la Présidente.
Mme la ministre, Mmes les députées, merci pour l'invitation et l'honneur
de m'adresser à vous ce matin. Quelques mots de présentation. Donc, je suis
gériatre à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal. En plus de ma
formation en gériatrie, j'ai fait une formation complémentaire en douleur et
soins palliatifs. Ma pratique actuelle est, en grande majorité, au sein d'une
clinique de gestion de la douleur chronique, où je traite des aînés atteints de
douleurs chroniques qui présentent des souffrances, souvent, à la fois
psychiques et physiques, et qui ont un déclin avancé de leurs capacités.
Je suis prestataire
de l'AMM depuis le tout début. Je siège sur le groupe interdisciplinaire de
soutien de mon CIUSSS et je suis membre de la Commission sur les soins de fin
de vie. Même si, aujourd'hui, je ne m'exprime pas au nom de la commission, il
m'est impossible de faire abstraction de cette expérience.
Donc, mes
observations et recommandations sont le fruit de mon expertise clinique en
gériatrie, en gestion de la douleur chronique et en aide médicale à mourir
ainsi que de la revue de plus de 12 000 aides médicales à mourir qui
ont été déclarées à la Commission sur les soins de fin de vie depuis 2016.
Tout d'abord,
l'article le plus important de la loi est, selon moi, l'article 4, selon
lequel «toute personne, dont l'état le
requiert, a le droit de recevoir des soins de fin de vie». Cet article est
primordial, car il assure que l'aide médicale à mourir ne soit pas un
soin administré par défaut d'avoir accès à des soins appropriés, mais bien une
décision libre et éclairée, après que toutes les options thérapeutiques aient
été présentées et rendues accessibles.
Maintenant que des
personnes qui ne sont pas en fin de vie peuvent recevoir l'AMM, il est
important de s'assurer que, pour elles aussi, l'aide médicale à mourir ne soit
jamais un soin choisi par défaut, faute d'avoir reçu ou d'avoir eu accès à des
soins ou services rendus nécessaires par sa condition, que celle-ci soit une
maladie, un trouble neurocognitif ou, si le projet de loi est adopté, un
handicap. Par exemple, personne ne devrait recevoir l'AMM faute d'avoir les
services lui permettant de rester à domicile, s'il le souhaite, ou par crainte
de ne pas recevoir les soins et services de qualité s'il doit aller en CHSLD.
Je propose donc de
modifier l'article 4 pour qu'il affirme le droit, pour toute personne avec
une maladie ou un handicap grave et incurable ou une maladie menant à
l'inaptitude, de recevoir les soins et services requis par son état. Ce n'est
qu'à cette condition que l'aide médicale à mourir peut être rendue disponible à
ces personnes.
La différence entre
le Code criminel et la loi québécoise crée une iniquité entre les Québécois et
les autres Canadiens atteints d'un handicap grave et incurable, mais également
entre des Québécois présentant des déficiences semblables. En effet, une
paralysie résultant d'un AVC ou d'un syndrome de Guillain-Barré, par exemple,
rend la personne admissible puisque son handicap est causé par une maladie,
alors que la même paralysie résultant d'un traumatisme
ne rend pas la personne admissible. La souffrance et le déclin de l'un et de
l'autre sont pourtant équivalents. Pour d'autres, il n'y a pas de
consensus à l'effet que ce soit une maladie ou un handicap, ce qui complique
beaucoup l'évaluation de l'admissibilité. Il est donc justifié, comme le
propose le projet de loi, de permettre l'AMM pour les personnes avec un
handicap grave et incurable.
Cependant, l'introduction
de la notion de handicap peut poser problème s'il n'est pas défini. Lorsque la population pense à un handicap, elle pense surtout
à une personne quadriplégique ou paraplégique prisonnière de son corps.
Cependant, ce n'est pas ainsi que le handicap est défini. Selon la Loi assurant
l'exercice des droits des personnes handicapées du Québec, une personne
handicapée est «toute personne ayant une déficience entraînant une incapacité
significative et persistante et qui est sujette à rencontrer des obstacles dans
l'accomplissement d'activités courantes». L'Organisation mondiale de la santé, référence internationale pour la définition du
handicap, a une définition semblable et ajoute que cette perte
d'autonomie peut être, entre autres, l'effet de l'âge.
Selon ces définitions, le handicap inclut donc
beaucoup plus de personnes que ce à quoi la population s'attend. Ainsi, une personne âgée présentant diverses incapacités liées
à l'âge, comme la difficulté importante à marcher ou un besoin d'aide pour se laver, s'habiller ou
aller à la toilette, sans que ce soit causé par une maladie spécifique,
pourrait être considérée comme présentant un
handicap grave et incurable qui la rendrait admissible à l'aide médicale à
mourir.
Avant d'inclure le handicap grave et incurable
comme critère, les parlementaires doivent donc se demander s'ils souhaitent que
cette personne âgée soit admissible. Est-ce que c'est ce que la société
québécoise souhaite? Si les parlementaires sont d'avis que ce n'est pas le cas,
ils devraient ajouter dans le projet de loi une définition de «handicap» qui
s'assure d'être représentative de ce que la société souhaite.
Depuis la semaine dernière, une grande partie
des discussions ont porté sur la justification de se restreindre au handicap neuromoteur. Il y a un consensus assez
large pour exclure les handicaps intellectuels. Donc, les handicaps
qu'on pourrait souhaiter inclure et qui ne le sont pas sont les handicaps
sensoriels, comme la cécité et la surdité. Plusieurs personnes présentant une
cécité sont déjà admissibles à l'AMM car leur cécité est causée par une maladie
grave et incurable, comme une dégénérescence maculaire. Il ne reste donc que
les cécités et surdités congénitales ou traumatiques et les surdités liées à
l'âge. Dans notre réflexion sur le maintien ou le retrait du terme «neuromoteur»,
nous devons simplement nous demander si nous
souhaitons qu'une personne présentant une cécité ou surdité congénitale,
ou traumatique, ou reliée à l'âge soit
admissible à l'AMM. Puisque le nombre supplémentaire de personnes qui
seraient rendues admissibles par le retrait
du terme «neuromoteur» est relativement faible et que celui-ci risque de
complexifier les évaluations, je propose de le retirer.
On entend parfois, depuis le début du débat sur
les demandes anticipées, des gens demander s'il faut élargir l'accès à l'AMM
aux maladies cognitives dégénératives comme l'alzheimer. Il faut clarifier que
ces personnes y ont déjà accès à l'intérieur d'un intervalle restreint dans la
progression de la maladie, quand elles sont en déclin avancé mais sont encore
aptes. Selon les statistiques de la Commission sur les soins de fin de vie,
70 personnes l'ont reçue dans ces circonstances depuis 2016. La question
est donc plutôt s'il faut permettre de demander l'aide médicale à mourir de
façon anticipée. Les consultations antérieures, les groupes d'experts et les
études dans la population ont fait dégager un consensus social assez large pour
les permettre. Il persiste toutefois plusieurs écueils, le principal étant la
distinction entre les souffrances anticipées et les souffrances contemporaines.
Le projet de loi a repris la recommandation de
la commission parlementaire spéciale en exigeant la présence à la fois des
souffrances décrites dans la demande et de souffrances persistantes au moment
de l'évaluation. Il est relativement facile d'évaluer la présence de
souffrances physiques à l'aide d'échelles d'évaluation de la douleur, même si
la personne ne peut pas la communiquer. Cependant, puisque la souffrance
psychique est une expérience subjective, il est très difficile, voire
impossible, dans la plupart des cas, d'en évaluer la présence chez autrui. La presque totalité des personnes ayant reçu une
aide, même contemporaine, en raison de troubles cognitifs alors qu'elles
étaient aptes ont décrit une souffrance
reliée à un état, comme la difficulté à effectuer les activités de la vie
quotidienne ou les activités qui donnent un
sens à la vie, ou un sentiment de perte de dignité. La grande majorité des gens
qui disent vouloir faire une demande
anticipée d'AMM mentionnent également un état ou un stade de la maladie, par
exemple, quand ils ne reconnaîtront
plus leurs proches, quand ils seront incapables de marcher, de manger seuls ou
qu'ils seront incontinents.
La présence de ces états est facile à constater
chez une personne inapte, mais il est impossible d'évaluer s'ils lui causent de
façon contemporaine une souffrance psychique insupportable. Il faudrait alors
se fier sur la description de la souffrance anticipée que la personne aurait
faite dans son formulaire de demande. Est-ce qu'une personne ayant statué,
lorsqu'elle était apte et lucide, qu'il serait insupportable pour elle de se
retrouver dans tel état mais qui, au moment où elle se retrouve dans cet état,
ne semble pas malheureuse dans le moment présent devrait recevoir l'AMM? En
d'autres mots, est-ce que la constatation que la personne est dans un état
qu'elle a mentionné dans sa demande
anticipée, sans signe objectivable de souffrance contemporaine, est suffisante?
C'est le dilemme de ce qu'on appelle la démence heureuse, même si on
peut très bien comprendre aussi que cette personne ne soit plus elle-même et
qu'elle ne souhaiterait pas vivre dans ces conditions.
Après plusieurs heures de réflexion, je dois
constater mon échec à résoudre ce dilemme éthique et clinique. Cependant, selon
des discussions avec des collègues cliniciens qui oeuvrent auprès des personnes
avec des troubles cognitifs majeurs sévères, très peu, voire aucun d'entre eux
n'entrevoit pouvoir administrer l'AMM à une personne qui ne se souvient pas
l'avoir demandée, est incapable de rapporter une souffrance et semble par
ailleurs heureuse dans son quotidien. Je vois donc très mal comment les
demandes anticipées pourraient être appliquées en l'absence de souffrance contemporaine objectivable. Pour ces
personnes, il faudrait plutôt s'assurer qu'elles ont fait les directives
médicales anticipées et que le concept de niveau de soins est bien compris et
appliqué.
Merci pour votre écoute, votre disponibilité et
votre engagement envers cette loi très importante qui demande un travail rempli
de nuances.
• (10 h 10) •
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dr Lussier, pour cet exposé et vos recommandations,
qui sont, ma foi, très, très claires.
Alors, on va débuter la
période d'échange, d'abord, avec la ministre, qui va disposer d'un temps de
16 min 30 s avec vous, ainsi qu'avec les députés de la banquette
pour discuter de cet important projet de loi. Mme la ministre, le temps
commence. La parole est vous.
Mme Bélanger : Oui, Mme la Présidente.
Bonjour, Dr Lussier. Un plaisir de vous revoir. Merci pour, vraiment, l'excellence de votre mémoire et votre
présentation que vous venez de nous faire. Beaucoup d'éléments, de
propositions, là, pour amener toutes les nuances nécessaires.
Dans le fond,
ce que je comprends, c'est que vous trouvez que conserver uniquement le terme
«neuromoteur» pourrait être discriminatoire. Est-ce que j'entends ça ou...
Voulez-vous revenir sur ces éléments-là?
M. Lussier (David) : Bien, en fait,
c'est que le terme «neuromoteur» inclut la très, très grande majorité des
handicaps. Selon moi, les seuls qui ne sont pas inscrits, c'est les handicaps
intellectuels, qu'on ne souhaite pas inclure
de toute façon, je crois qu'il y a un large consensus pour ça, et les handicaps
sensoriels, donc la cécité, la surdité. Donc, la différence entre un
handicap neuromoteur, si on le précise et si on ne précise pas le handicap
neuromoteur, c'est la cécité et la surdité qui ne sont pas causées par des
maladies, donc, qui sont congénitales, ou, par exemple, la surdité qu'on voit
souvent, là, les personnes âgées sans maladie sous-jacente. Donc, c'est
vraiment une différence assez minime entre «neuromoteur» ou «handicap», sans la
précision. Donc, pour cette raison-là, j'ai l'impression que ça complexifierait
l'évaluation. Et il n'y a pas beaucoup de différences entre les deux. Donc, on
pourrait le retirer, là, sans grand problème.
Mme Bélanger : Dr Lussier, on a,
depuis la semaine dernière, rencontré plusieurs groupes d'experts puis des
personnes, des usagers aussi, des patients. La définition d'un handicap
neuromoteur demeure quelque chose qui n'est pas très, très bien défini. Est-ce
que vous avez une définition de ce que c'est, un handicap neuromoteur?
M. Lussier (David) : Je ne crois pas
qu'il existe... Je n'ai pas pu trouver de définition claire, acceptée. Mais,
selon moi, c'est comme... Là, je le disais, le handicap, c'est une personne qui
est limitée dans ses activités. Donc, c'est beaucoup... Le handicap,
habituellement, on ne le conçoit pas comme une déficience, mais comme une différence entre ce que la personne peut faire et
les ressources que l'environnement lui donne. Par exemple, quelqu'un
pourrait avoir un handicap s'il est dans son appartement, et qu'il n'y a pas d'ascenseur,
et il n'est pas capable de descendre les
escaliers. Mais on lui met un ascenseur, et il y a... son handicap est disparu,
parce qu'il peut maintenant sortir. Donc, quelqu'un peut avoir un
handicap s'il est chez lui et n'a pas les services, par exemple, pour se laver,
pour s'habiller. On lui donne ces services-là, il perd son handicap parce qu'on
vient compenser sa déficience.
Donc, c'est pour ça que c'est difficile, dans
une loi comme ça, de mettre «handicap» sans le définir, parce qu'on risque d'élargir
de façon très, très large. Et, comme je le disais, une personne âgée qui a de
la difficulté à se laver, à s'habiller et à marcher, elle a un handicap
neuromoteur, parce que le «neuromoteur», selon moi, veut tout simplement dire
un trouble neurologique ou un trouble moteur. Donc, ça inclut la très, très
grande majorité des handicaps. Donc, «handicap neuromoteur», c'est un terme qui
est très, très, très large.
Mme
Bélanger : Et vous avez... Donc, vous nous avez parlé de
handicap neuromoteur, mais, dans votre mémoire, vous parlez aussi de
l'importance de définir «handicap».
M. Lussier (David) : Effectivement,
parce que, comme je le dis, «handicap», la définition qu'on utilise, entre
autres celle de la loi, là, sur les droits des personnes handicapées, c'est une
définition qui est beaucoup trop large, je crois, pour ceux qu'on veut inclure
dans la loi, comme critère d'admissibilité. Alors, je crois qu'il faudrait le
définir pour être certains que ça s'applique aux personnes. Par exemple, on pourrait
dire... Comme c'est écrit dans le projet de
loi, «un trouble mental autre qu'un trouble neurocognitif n'est pas considéré
comme une maladie», on pourrait dire :
Un handicap intellectuel ou un handicap résultant des effets de l'âge n'est pas
considéré comme un handicap au sens de la loi, quelque chose comme ça.
Je crois que ça pourrait être une façon simple de s'assurer qu'on le restreint
vraiment aux personnes qu'on veut inclure.
Mme Bélanger : OK. Peut-être une
autre question. Vous avez soulevé dans votre mémoire que... Et c'est la première fois que je l'entendais comme ça, puis je
trouve ça intéressant, là. Vous dites que c'est... en fait, il y a deux
lois, il y a le Code criminel, bien sûr,
mais la loi... et la loi québécoise, et que la loi québécoise, elle est très
différente, parce que c'est une loi qui est davantage une règle de droit
en lien avec des soins, tandis que le Code criminel, bien, c'est le Code
criminel. Pouvez-vous peut-être, juste pour notre bénéfice, nous parler un
petit peu de ça, s'il vous plaît?
M. Lussier
(David) : Bien oui, effectivement, c'est la philosophie. J'ai
parfois des collègues juristes qui n'apprécient pas que je donne des
avis juridiques, donc je vais faire attention. Bien, je crois que la
philosophie derrière les deux lois est
différente. Le Code criminel a été amendé suite à des décisions de cour, donc,
la Cour suprême, la Cour supérieure du Québec, alors que le Québec agit
dans sa compétence en soins de santé. Donc, c'est pour ça que la loi québécoise
est une loi de soins. Donc, selon moi, le Québec pourrait être justifié de dire
que, même si les cours ont donné le droit à une personne de recevoir l'AMM dans
ces conditions, le Québec ne considère pas que c'est un soin approprié pour
cette personne dans cette condition, donc, pourrait restreindre plus la loi. Je
crois que ça irait dans la... dans toute la philosophie de la loi, comme on dit
que la...
Un élément que je n'ai pas
abordé dans le mémoire, que j'aurais dû, c'est toute la discordance, aussi, si
les directives... les demandes anticipées sont acceptées au Québec mais pas au
Canada. Ça, je crois que c'est un élément qui
pourrait vraiment décourager les médecins ou les IPS de l'administrer. Donc, on
a ici deux compétences différentes, et, le Québec, c'est vraiment celle
des soins de santé.
Mme Bélanger : Je vous remercie, Dr
Lussier.
M. Lussier (David) : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, Dr Lussier, on
va poursuivre la discussion avec la députée d'Abitibi-Ouest. Il reste un total de 10 minutes pour la banquette
ministérielle. La parole est à vous.
Mme Blais : Merci, Dr Lussier,
pour la présentation de votre mémoire. Lorsque vous rencontrez la clientèle
gériatrique et que vous parlez d'aide médicale à mourir, j'aimerais vous
entendre sur les inquiétudes qu'ils vous verbalisent. Est-ce possible?
M. Lussier
(David) : Oui, bien sûr. En fait, ce que je vois dans ma
pratique, comme je le disais, tous les jours, je vois des personnes âgées qui ont de la douleur chronique. Ils ont
souvent une souffrance psychique qui est associée à ça. Donc, des personnes qui veulent mourir, j'en vois
presque tous les jours. Évidemment, et c'est toujours ce que j'enseigne
quand on parle d'aide médicale à mourir, si quelqu'un dit : Je veux
mourir, on ne dit pas : J'ai un papier, signez ici, puis vous allez avoir
l'aide médicale à mourir. Parce que la très grande majorité de ces gens-là ne
veulent pas l'aide médicale à mourir. Ils ont ce qu'on appelle un souhait de
mort passif. Ils espèrent se coucher et ne pas se réveiller le lendemain parce
qu'ils trouvent que leur vie... la qualité de vie n'est plus là, ils ont vécu
ce qu'ils avaient à vivre, donc, ils ont moins de plaisir à vivre. Donc, ça, c'est
quelque chose qu'on entend vraiment souvent. Par contre, ils ne vont pas tous
demander l'aide médicale à mourir.
Et ce qui m'inquiète, c'est que ça devienne un
peu trop facile, pour une personne âgée qui trouve qu'elle est rendue au bout de sa vie, de recevoir l'aide
médicale à mourir. Je crois qu'il faut toujours s'assurer qu'il y a une
maladie grave et incurable. Je dis souvent aux gens : Vieillir, c'est
grave et c'est incurable, mais ce n'est pas une maladie. Et moi, je ne crois
pas que le seul fait d'être vieux, si on peut s'exprimer ainsi, devrait rendre
admissible à avoir l'aide médicale à mourir.
Et ça, je crois que, dans ce que... j'en parle autour de moi, c'est un
sentiment qui est assez partagé.
Mme Blais : J'aimerais...
M. Lussier (David) : Et sinon,
peut-être pour mieux répondre à votre question, je m'excuse, ce que les gens ne souhaitent pas non plus, c'est de vivre trop
longtemps dans des conditions qu'ils ne jugent pas acceptables, avec une
perte d'autonomie. On entend beaucoup la crainte d'aller en CHSLD, mais,
derrière la crainte d'aller en CHSLD, c'est beaucoup la crainte d'être dans un
état de perte d'autonomie qui nécessite d'aller en CHSLD. Donc, ça, c'est
quelque chose qu'on entend beaucoup, beaucoup aussi chez les personnes âgées.
Mme
Blais : Et, lorsque vous avez des... une clientèle qui est
très souffrante, même, je dirais, douleur intolérable, est-ce que vous
avez un protocole, comme soins de confort, ces choses-là, automatiquement ou...
Chaque cas est unique, naturellement.
M. Lussier (David) : Oui, chaque cas
est unique. Ça dépend si la personne est vraiment dans une douleur terminale, là, évidemment. Il y a des protocoles,
par exemple, dans les CHSLD, dans tous les hôpitaux, des protocoles de soins palliatifs. Et, si on a une personne qui est
plutôt... qui habite chez elle, là, qui est en ambulatoire, donc, on va y
aller selon toutes les bonnes pratiques de prise en charge de la douleur.
Mme Blais : Je vous remercie
beaucoup, Dr Lussier.
M. Lussier (David) : Merci à vous.
• (10 h 20) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, on va poursuivre
avec la députée de Vimont. Et il reste encore 7 min 15 s.
Mme Schmaltz : Bonjour,
Dr Lussier. On parle beaucoup de démence heureuse, et il semble y avoir un
débat autour de la question. J'aimerais un petit peu vous entendre sur votre
définition de «démence heureuse», parce que,
pour moi, c'est... une démence heureuse, c'est l'absence, peut-être, de
symptômes visibles. Est-ce qu'on... Est-ce que... Le fait de ne pas avoir de symptôme, est-ce que notre qualité de
vie, quand même, peut être altérée? Alors, il y a comme tout un... Il
n'y a pas de consensus, hein, je pense, sur la question.
M. Lussier
(David) : C'est une excellente question. Et, quand je parle de démence
heureuse, je le mets toujours entre
guillemets, justement, parce qu'il n'y a pas de consensus. Donc, ce qu'on
appelle la démence heureuse, c'est une personne qui est plus ou moins
consciente de ses déficits et qui est heureuse dans son quotidien. Donc, elle
est heureuse de manger, elle est heureuse de participer à des activités, elle
peut être heureuse de voir sa famille, même si elle ne reconnaît pas sa
famille, elle peut être heureuse d'écouter la télévision, de chanter. Donc,
dans le quotidien, elle est heureuse. Donc, ça, c'est ce qu'on appelle la
démence heureuse. Donc, elle n'a pas de signe de souffrance.
Il
y a des gens pour qui c'est très souffrant, la détérioration et les problèmes
cognitifs, où on peut voir qu'il y a une souffrance physique ou une
souffrance psychique, parce qu'ils sont agités, parce qu'ils crient, parce
qu'ils se débattent, parce qu'on ne peut pas les approcher. Donc, ceux-là, on
ne les sent pas heureux. Mais les gens qui sont heureux, parce qu'ils ne
présentent pas de signe, c'est ça qu'on appelle la démence heureuse.
Maintenant, quelqu'un
va dire : Oui, elle est heureuse, mais elle n'est pas elle-même, elle
n'aurait pas voulu se voir être dans cet
état-là. Donc, ça, c'est de l'autre côté, de dire que, oui, elle semble
heureuse, mais elle ne serait pas heureuse de se voir comme ça. Donc,
c'est vraiment le dilemme que je disais que j'ai été... impossible à résoudre,
de dire : Est-ce que cette personne-là qui n'est plus elle-même, qui ne
reconnaît pas ses enfants ou qui n'a pas de... qui ne peut pas avoir une grande
conversation significative... Est-ce que cette personne-là, elle devrait
recevoir l'AMM, même si... Cet état-là, elle n'aurait pas voulu le vivre. Et ce
serait très difficile.
Quand on en parle aux
gens qui travaillent avec des personnes, là, qui ont des problèmes cognitifs,
il y a très peu de gens qui s'imaginent
prendre quelqu'un et dire : Madame, quand vous étiez apte, vous aviez
demandé à recevoir l'aide médicale à mourir, donc, par exemple, quand
vous ne reconnaîtriez pas vos enfants; maintenant, aujourd'hui, vous ne les
reconnaissez pas depuis un an, donc, aujourd'hui, on va vous administrer l'aide
médicale à mourir. Donc, très peu de gens s'imaginent faire ça.
Mme
Schmaltz : Mais moi, je suppose que les médecins ne vont pas
l'administrer, là, l'aide médicale à mourir, dans un cas comme ça.
M. Lussier
(David) : Bien, c'est le dilemme de ce qu'on appelle la souffrance
contemporaine. Donc, cette personne-là, elle ne semble pas avoir de souffrance
contemporaine, maintenant, mais peut-être que, quand elle était apte, elle a dit : Quand je ne reconnaîtrai
pas mes enfants, pour moi, ce serait une souffrance psychique, donc, à ce
moment-là, donnez-moi l'AMM. Donc, c'est vraiment de dire : Est-ce que,
quand je me projette dans le futur, ça a plus de valeur que comment je suis
maintenant?
Et ce qui est
difficile, c'est que plusieurs personnes... Par exemple, quelqu'un pourrait
dire : Si je ne suis pas capable de courir cinq kilomètres par jour — j'exagère
là, mais... — la
vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Bien, ils vont vieillir, ils ne vont pas
être capables de courir cinq kilomètres, ils vont être capables de se déplacer
seulement dans leur maison et ils vont quand même être heureux. Donc, on évolue
dans la vie. Est-ce que, parce qu'on a des problèmes cognitifs, il faut refuser
à ces gens-là le droit d'évoluer? C'est vraiment une question difficile.
Mme
Schmaltz : ...oui, oui. Merci.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Merci,
Dr Lussier. On va poursuivre pour une période de 3 min 30 s
avec la députée de Laporte.
Mme Poulet : Oui.
Bonjour. Merci de votre présence. J'avais une question concernant votre
pratique, votre expérience. Vous avez
mentionné tantôt que des personnes veulent mourir. Vous en voyez à tous les
jours. Quel est le rôle, pour vous, du tiers de confiance auprès d'une
personne, justement, qui veut demander l'aide médicale à mourir? Pouvez-vous
nous parler du tiers de confiance?
M. Lussier (David) : Bien, le tiers de
confiance qu'on voit dans les demandes anticipées parce que la personne sera devenue inapte, le tiers de confiance, pour
moi, a un rôle important parce que, dans la demande anticipée, on peut
supposer que l'équipe traitante ou celui qu'on appelle le professionnel
compétent, qui va remplir la demande avec la personne au temps zéro, ne sera
pas la même équipe et ne sera pas la même personne que celle qui va avoir soin
de la personne quand on va être rendu au moment d'administrer l'aide médicale à
mourir. Donc, c'est pour ça que le tiers de confiance, c'est celui qui connaît
la personne.
Et nous, on le voit
beaucoup aussi avec des... On le fait déjà, là. Habituellement, c'est plus pour
les niveaux de soins que pour l'aide médicale à mourir, mais on dit : Vous
qui connaissez votre mère, est-ce que vous pensez qu'elle aurait voulu vivre
dans ces circonstances-là? Est-ce que vous pensez que la souffrance qu'elle a
décrite dans sa demande, ça correspond à la
souffrance qu'elle ressent maintenant? Donc, c'est pour ça que le tiers de
confiance est vraiment important pour ça.
Il y a des gens qui
ont parlé des proches aussi, quelle est l'implication des proches. Bien, je
crois que les proches, même s'ils ne sont pas mentionnés dans la loi... C'est
clair qu'on tient toujours compte de l'opinion des proches, là, pour... dans
les évaluations ou les discussions sur les soins.
Mme Poulet : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup, Mme la députée. Donc, une toute petite question pour la
députée de Soulanges. Il reste 1 min 50.
Mme
Picard : Merci, Mme la Présidente. Bonjour,
Dr Lussier. J'avais une question par rapport à la demande anticipée
et la réticence que les gens pourraient y avoir au moment de l'injection de
l'aide médicale à mourir. Est-ce que vous pensez qu'on ne devrait pas... En
fait, s'il y a un refus, qu'est-ce qu'on doit faire, selon vous? Qu'est-ce qui
pourrait être un refus, une réticence? J'aimerais vous entendre sur ce
moment-là précis, si possible.
M. Lussier
(David) : C'est vraiment une excellente question. Je crois
que le projet de loi, celui-ci, par rapport au projet de loi n° 38,
a fait une bonne avancée en disant que les manifestations cliniques qui
découlent de la maladie ne sont pas un
refus. Parce que le problème, c'est que les gens qui ont des problèmes
cognitifs sévères, souvent, résistent aux
soins, résistent à tout. On ne peut pas leur donner un bain, on ne peut pas les
changer parce qu'ils vont se débattre. Ils n'aiment pas être touchés
parce qu'ils ne savent pas ce qui arrive. Donc, ces gens-là, c'est évident
qu'on ne peut pas leur installer une intraveineuse pour donner l'aide médicale
à mourir. Donc, on se trouverait à exclure presque tout le monde qui a demandé
l'AMM de façon anticipée. Donc, ces gens-là, il ne faut pas considérer ça comme
un refus.
Par contre,
ça va être difficile quand même de l'administrer, parce que la personne va se
débattre. Donc, est-ce qu'il faut la
sédationner pour lui administrer l'aide médicale à mourir? Ça va être très
difficile pour les professionnels et pour
la famille. Donc, moi, je crois que, dans la demande, la personne devrait
dire : Si, au moment de l'administration, j'ai une résistance à cause de ma maladie, je veux
avoir un sédatif pour recevoir l'aide médicale à mourir à ce moment-là.
Je pense que ça conforterait beaucoup les gens, là, qui vont être impliqués
dans le soin, rendus à ce moment-là.
Mme Picard : Parfait. Merci
beaucoup.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la
députée. Alors, Dr Lussier, je me tourne maintenant du côté de la
banquette de l'opposition officielle, qui va bénéficier d'une période de
12 min 29 s. Et le temps commence. Je reçois la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Lussier. C'est un plaisir de vous avoir avec nous ce
matin. Merci pour votre mémoire puis toutes les recommandations. C'est toujours
bien reçu quand nous recevons des mémoires qui sont complets. Ça fait que merci
pour votre travail pour nous aider dans notre réflexion en ce qui concerne ce
projet de loi.
Moi, je veux revenir sur la notion de handicap.
Je sais que la ministre vous a posé quand même de très bonnes questions. Je sais que c'est difficile d'avoir une définition en
ce qui concerne ceci. Puis évidemment je pense qu'on souhaite avoir plus d'accompagnement puis de
l'information, nous aussi, ici, en commission, pour mieux comprendre
comment l'encadrer dans la loi. Vous avez dit, dans votre
recommandation 4, qu'un handicap intellectuel n'est pas considéré comme un
handicap. Pouvez-vous élaborer un peu en ce qui concerne cette notion, s'il
vous plaît?
M. Lussier
(David) : Oui. En fait, c'est... Je crois avoir décelé un
consensus assez large, là, dans la population, et même les gens qui sont
venus en commission, parce que j'ai écouté toutes les audiences jusqu'à maintenant,
les gens qui sont venus et qui veulent inclure le handicap, même en supprimant
le «neuromoteur», je n'ai entendu personne qui disait qu'il voulait qu'un
handicap intellectuel rende quelqu'un admissible à l'aide médicale à mourir.
Donc, c'est dans ce sens-là où je crois qu'il y a un consensus pour les
exclure, ce qui ne veut pas dire qu'une personne, par exemple... Une personne
qui aurait un handicap intellectuel mais qui est apte pourrait, évidemment,
avoir l'aide médicale à mourir si elle a un
cancer ou une autre maladie, mais je crois que de donner l'AMM pour quelqu'un
qui n'a pas d'autre maladie qu'un handicap intellectuel... Je crois
qu'il y a un consensus pour dire que ça ne devrait pas être. Donc, c'est pour
ça que je recommandais d'écrire que... évidemment, pas de façon générale, mais
comme c'est fait pour le trouble mental, de dire qu'au sens de la loi le
handicap intellectuel n'est pas considéré comme un handicap qui rend admissible
à l'AMM.
• (10 h 30) •
Mme Maccarone : Ça fait que les mots
sont très importants. Évidemment, je pense qu'on est... Nous autres aussi, nous avons entendu le consensus que, parce
qu'on souffre de déficience intellectuelle, ça ne peut pas être cause
pour avoir fait une demande à l'aide médicale à mourir. Mais on ne veut pas
aussi exclure, comme vous avez dit avec justesse, s'il y a quelqu'un qui
souffre d'une déficience intellectuelle ou qui vit avec le spectre de
l'autisme, par exemple, qui serait en mesure
de faire un choix, parce qu'on parle beaucoup de l'autonomie. Alors, ça va être
important d'avoir cette notion très bien définie dans la loi, si on y arrive
là, pour s'assurer que le droit de ces personnes aussi sont respectés. Mais je
veux que ce soit clair aussi parce que, quand on parle des définitions, si on
n'a pas de définition, évidemment, là, on peut avoir des dérives.
Vous avez
mentionné, mettons, quelqu'un qui est quadriplégique ou tétraplégique, si...
mettons, quelqu'un qui perd l'usage
de ses bras. Est-ce que ça, ça pourrait être considéré comme une souffrance?
Puis là je comprends que vous avez aussi parlé de... exemple, des
personnes qui sont atteintes des difficultés sensorielles. Mais, si c'est suite
à un accident, par exemple, quelqu'un qui a un accident d'automobile, qui subit
quand même, maintenant, des difficultés qui sont considérées graves, qui
souffre, après combien de temps que nous devons prévoir une période de...
Une voix : ...
Mme Maccarone : ... — merci — réadaptation
avant de dire que, d'abord, on peut même considérer que cette personne pourrait
avoir un accès à l'aide médicale à mourir?
M.
Lussier (David) : C'est un point vraiment important, parce qu'on sait
tous qu'après un accident qui cause un handicap grave la plupart des gens vont
traverser une période de dépression. Ça s'apparente beaucoup au seuil... aux
stades de deuil, donc, la colère, le déni. Après ça, on va avoir la dépression.
Et, à un certain moment, avec la réadaptation, on développe une résilience.
Donc, il y a une acceptation et une adaptation. Donc, je crois que c'est clair
pour tous que la personne ne peut pas recevoir l'AMM avant d'être arrivée au
stade final de l'acceptation et de l'adaptation. Il ne faut pas que, le mois
suivant ou deux mois après l'accident, elle puisse avoir l'AMM, parce qu'elle est
encore dans le stade de dépression et de choc.
Je crois que c'est
impossible de dire un an, deux ans, trois ans, parce que chacun
évolue différemment. Par contre, je crois
qu'il y a un jugement médical qui est assez bon pour ça, où on pourrait dire, comme
on le fait avec les autres, là : Si on a quelqu'un qui a une
maladie et qui a des symptômes dépressifs importants, on ne va pas lui donner
l'AMM. Donc, je crois que c'est important. La loi pourrait préciser seulement
qu'il faut attendre que la personne ait terminé sa réadaptation ou ait atteint
un stade d'acceptation et qu'elle n'ait pas de symptôme dépressif significatif.
Je crois que ce serait suffisant, parce que, de mettre un an,
deux ans, cinq ans, je crois que c'est impossible.
Mme Maccarone :
Ça fait que, selon vous... On a
entendu la recommandation la semaine passée, un guide de pratique. Selon vous, est-ce que ça, c'est un
moyen que nous devrons utiliser pour s'assurer une compréhension
commune? Mais je comprends ce que vous dites. C'est cas par cas. Mais est-ce
que ça, c'est un moyen pour nous de l'encadrer?
M. Lussier
(David) : Bien, le guide de pratique est toujours là. Il y a un guide
de pratique qui est fait par les ordres professionnels, qui existe déjà, qui
devrait être mis à jour, là, si le projet de loi est adopté. Donc, c'est une
bonne façon de le faire.
Moi, je crois
seulement qu'il faut s'assurer de ce qui est dans le guide de pratique, parce
que ce n'est pas l'Assemblée nationale qui fait le guide de pratique, il faut
s'assurer que ce qui est dans le guide de pratique, ça correspond bien à
l'esprit que l'Assemblée nationale avait quand ils ont adopté la loi.
Mme
Maccarone : Vous, comme gériatre, vous devez voir beaucoup de proches
de vos patients. Comment voyez-vous leur rôle de le tiers de confiance en ce
qui concerne, par exemple, une demande anticipée? Comment voyez-vous le rôle de
cette personne? Est-ce qu'il devrait être avec vous pendant que la personne
concernée va remplir le formulaire en question? Comment voyez-vous le rôle de
cette personne? Est-ce que c'est cette personne qui devrait lever la main pour dire : Bien là, je pense que ma mère
ou ma proche est rendue à un moment où, peut-être, elle rejoint les
critères qu'elle avait elle-même identifiés dans le formulaire de demande
anticipée?
M. Lussier
(David) : Oui. Je crois que le lien de confiance est vraiment
important, parce que c'est lui qui connaît le mieux la personne, parce que
l'équipe qui va soigner la personne à la fin ne sera pas la même qu'au début.
Donc, on n'aura pas la connaissance longitudinale de la personne, de sa
personnalité. Et le tiers de confiance est celui qui le connaît le mieux. Et,
en plus, c'est la personne elle-même qui l'a désigné. Donc, ça veut dire que la
personne a le sentiment qu'elle va bien décrire comment elle ressentait les
souffrances. Donc, je crois que le tiers de confiance est vraiment important.
Le projet de loi lui donne un rôle qui est assez mineur, mais je crois que,
dans les faits, c'est certain que le tiers de confiance va être très, très,
très impliqué dans tout le processus, et les proches aussi, même s'ils ne sont
pas tiers de confiance, évidemment.
Mme
Maccarone : Un tiers de confiance? Deux tiers de confiance? Et on a
aussi entendu quelques groupes qui nous ont dit que, peut-être, c'est trop pour
un membre de la famille, peut-être, ça devrait être quelqu'un qui n'a pas cette
influence puis qui ne sera pas influencé aussi. Comment voyez-vous ça?
M. Lussier
(David) : Bien, je trouve que c'est... C'est pour ça que la personne
choisit elle-même son tiers de confiance. Donc, la personne va choisir un tiers
de confiance qu'elle pense qu'il ne sera pas trop influencé et qu'il va être
capable de remplir ce rôle-là. D'en avoir deux ensemble, ça risquerait de
compliquer les choses. Donc, un et un autre, si le premier n'est pas capable de
remplir le rôle, je crois que c'est bien de le faire, mais le tiers de
confiance est vraiment important, parce que c'est lui qui connaît bien la
personne.
Mme Maccarone :
Et le professionnel de la santé peut occuper ce rôle.
M. Lussier
(David) : Moi, je ne crois pas que le professionnel de la santé peut
occuper ce rôle, parce que le tiers de confiance est celui qui connaît la
personne depuis longtemps, et le professionnel de la santé ne connaît pas la
personne, à moins que ce soit la même personne. Mais, entre le moment de la
demande et le moment de l'administration, il va y avoir entre deux et
10 ans, probablement, donc... et la personne va, dans plusieurs cas, avoir
peut-être changé de milieu de soins. Donc, probablement que ce ne sera pas le
même professionnel au début et à la fin, si
ça va être... Et c'est rare, malheureusement, maintenant, dans notre système,
que le même professionnel suit une personne pendant 10 ans. Donc,
je vois difficilement comment le tiers de confiance pourrait être un professionnel
de la santé. Je crois que, si la personne n'a pas de tiers de confiance, ce
rôle-là pourrait être rempli par des proches ou pourrait être délégué à des
professionnels de la santé, parce que le rôle est quand même assez mineur
légalement, mais je crois que d'avoir quelqu'un qui connaît bien la personne,
c'est vraiment essentiel.
Mme Maccarone : Merci. Ma collègue,
elle aura des questions. Merci.
M. Lussier
(David) : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Dr Lussier. On va poursuivre, donc, les
discussions avec la députée de D'Arcy-McGee. Il vous reste... (panne de son)
...secondes.
Mme Prass : Quatre minutes.
Parfait.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...je m'excuse.
Mme Prass : 2 min 50 s.
OK. Parfait. Dans ce cas-là, je vais y aller avec ma première question. Donc,
pour les demandes anticipées, vous faites
mention que, si, entre-temps, la personne devient inapte, et ils sont atteints
d'une autre maladie... qu'ils devraient être en mesure de recevoir l'AMM à ce
moment-là. Là, vous dites que vous devrez décrire les souffrances, etc. Mais,
si une personne n'est pas encore atteinte de cette maladie-là, mais on comprend
que c'est une maladie terminale, par exemple, un cancer, comment est-ce qu'on
pourrait bien indiquer ça, comme j'ai dit, sans que la personne puisse décrire
les souffrances qu'ils vont avoir parce qu'ils ne sont pas encore atteints de
la maladie? Est-ce qu'on peut dire, par exemple... Si une autre maladie de... mortelle,
disons, ils sont en stage 4, cancer, etc., qu'il soit prévu pour qu'ils
reçoivent plus tôt, comment est-ce qu'on pourrait bien indiquer ça?
M. Lussier (David) : Bien, je crois
que vous l'avez... C'est vraiment une bonne question, et vous l'avez très, très
bien dit. Je crois que, dans sa demande, la personne devrait dire : Est-ce
que, si j'ai une autre maladie, je veux avoir l'AMM pour la souffrance qui est
causée par cette maladie-là? Donc, dans ma demande, je vais écrire : Si
j'ai une souffrance physique à cause d'un cancer, je veux recevoir l'AMM. Donc,
je crois qu'il faudrait l'écrire. Parce qu'on pense à un cancer, mais ça
pourrait être quelqu'un qui commence à avoir une douleur chronique sévère.
Donc, est-ce que je veux juste pour le cancer ou je veux juste pour la douleur?
Parce que c'est important que ce soit un consentement. Et, pour consentir, il
faut que je sache de quoi il est question.
Donc là, on est vraiment dans le consentement
anticipé. Donc, je crois qu'il faut... il faudrait vraiment dire : Si j'ai
telle maladie, je veux le recevoir, si j'ai telle maladie, je veux le recevoir,
pour que ce soit bien consenti à l'avance et pour ne pas non plus que la
personne se... qu'on se retrouve à dire : Bon, est-ce que sa souffrance,
c'est son cancer ou c'est son problème
cognitif?, et que, là, la personne ne reçoive pas l'AMM parce qu'on n'est pas
certains, qu'est-ce qui cause sa souffrance.
Mme Prass : Mais, comme vous l'avez
dit, il est difficile de prévoir ce qu'on pourrait avoir comme maladie. Donc, dire que ce soit un cancer... Est-ce qu'on
pourrait plutôt dire : Si on est... on a une maladie en phase terminale,
plutôt, parce que... ou le... la façon de le vulgariser? Parce que, justement,
on ne peut pas prévoir ce qui va nous arriver. Donc, pour bien cibler les cas
où on serait admis à l'AMM plus tôt, je pense qu'il faudrait trouver une
formulation de mots plutôt que de maladie en tant que telle pour bien décrire
la situation.
M. Lussier
(David) : Effectivement, parce que, sinon, on... si on
oublie une maladie, la personne va se retrouver à ne pas pouvoir le
recevoir. Donc, d'écrire, ça pourrait être une bonne façon de le faire.
• (10 h 40) •
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la
députée. Donc, Dr Lussier, on va terminer nos blocs d'échange avec
la députée de Laviolette—Saint-Maurice.
Et vous détenez, Mme la députée, 4 min 7 s pour ces discussions.
La parole est à vous.
Mme Tardif : Merci. Merci, merci, Dr
Lussier.
M. Lussier (David) : Merci.
Mme Tardif : J'oserais
dire : C'est beau, c'est beau de vous voir, c'est beau de vous entendre.
J'ai bien aimé quand vous avez dit : Vieillir n'est pas une maladie. Je
pense que c'est très important, là, dans la société dans laquelle on vit, de se rappeler ça et de le
rappeler à nos personnes aînées aussi, âgées, et que la loi ne devrait pas se
rendre... ou rendre possible une demande d'aide médicale à mourir pour ces
personnes-là. Parce qu'on en rencontre plusieurs, on remet des certificats de
centenaire de plus en plus, et il y en a souvent qui nous disent : Je
pense que le bon Dieu m'a oublié. Mais ils ne sont pas malades. Ils sont en
bonne santé. Ils sont pimpants. Ils souffrent souvent de solitude, par contre.
Et, quand vous dites, là, que certaines personnes âgées deviennent handicapées
à cause de leur âge ou à cause du manque de soins, à cause du manque de
services, à cause du manque de visiteurs, je pense que c'est une... c'est une
grande question de société aussi qu'on a à se poser.
Vous nous dites que vous voyez mal comment un
médecin pourrait administrer l'aide médicale à mourir à une personne qui ne
semble pas souffrir puis qui a écrit que, rendue à ce stade-là, elle devrait
mourir. Et là vous nous référez au formulaire. J'aimerais avoir davantage
d'informations. Vous avez... vous avez noté, vous avez dit qu'on ajoute, entre
autres, si elle veut recevoir de la sédation ou de la contention physique,
qu'il y ait plus de détails pour décrire,
qu'il n'y ait pas juste des cases à cocher, qu'il y ait... de laisser de la
place pour que la personne puisse... et que ce soit revu aussi,
éventuellement, j'imagine, par la personne. Donc, qu'est-ce que vous verriez
comme le formulaire parfait, autant que faire se peut?
M. Lussier (David) : Oui.
Là, c'est une question difficile, parce que le formulaire parfait devrait
laisser le plus de place possible
pour qu'on comprenne bien ce que la personne veut exprimer, mais sans que ce
soit dans un cadre trop rigide comme
des cases à cocher, parce que moi, je crains que la personne coche toutes les
cases, finalement. Donc, on ne comprendra
pas bien comment elle se sent. Mais il ne faut pas non plus que ce soit trop
libre parce qu'il faut avoir une information
de qualité, là, qui va être applicable concrètement. Donc, la personne ne peut
pas dire, disons : Quand je ne serai
plus moi-même. Donc, on peut comprendre que quelqu'un voudrait l'aide médicale
à mourir quand elle n'est plus elle-même,
mais c'est quelque chose qui n'est pas applicable dans la réalité. Donc, on ne
peut pas écrire ça dans le formulaire.
Maintenant, la
question qu'il faut se poser, c'est : Est-ce que je peux écrire dans mon
formulaire : Quand je ne reconnaîtrai pas ma famille? Parce que ça, ce
n'est pas une souffrance. C'est un état, c'est un stade de la maladie. Et, si,
quand je ne reconnais pas ma famille, j'ai par ailleurs l'air heureux, est-ce
que je devrais avoir l'aide médicale à mourir dans ces circonstances-là? C'est
ça vraiment, le gros dilemme, là, de la démence heureuse que je n'ai pas réussi
à résoudre. Et on peut avoir des bons arguments des deux côtés, mais où je
crois, comme je le disais, que je vois difficilement quelqu'un administrer
l'AMM dans ces circonstances-là. Probablement qu'il y en aurait qui le
feraient, mais la grande, très grande majorité ne le ferait pas.
Mme Tardif :
Et, quand vous dites que les modifications apportées à la loi par le PL
n° 11 ou l'arrêté ministériel qui va l'accompagner soient assez claires
pour s'assurer que les volontés de l'Assemblée nationale soient bien
représentées, ça aussi, c'est vague, là. Aidez-moi un peu, là. Assez claires,
donc...
M. Lussier (David) : Pour... Vous voulez dire
pour le formulaire ou pour la définition du handicap, peut-être?
Mme Tardif :
Oui.
M. Lussier
(David) : Pour le formulaire?
Mme Tardif :
Pour la définition du handicap.
M. Lussier
(David) : Pour la définition du handicap. Oui, c'est ça. C'est que
le... C'est que je crois qu'il revient à la société québécoise de décider dans
quelles circonstances un handicap devrait être admissible à l'aide médicale à mourir. La société québécoise est
représentée par l'Assemblée nationale. Donc, c'est pour ça que je crois
qu'il faut que ce soit bien défini, pour ne
pas que ce soit laissé à l'interprétation de tous ceux qui vont être impliqués
dans ça.
Mme Tardif :
Est-ce qu'on devrait enlever le mot «handicap» ou on le laisse?
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Très rapidement.
M. Lussier (David) : Je crois qu'on devrait
garder le mot «handicap», oui, et qu'on devrait enlever le
«neuromoteur», là, qui introduit de la confusion dans ça.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup, Mme la députée. Dr Lussier, écoutez, le temps est
terminé. Je vous remercie pour l'apport à nos travaux. C'est important. Au nom
de mes collègues, membres de la commission, à nouveau merci. Je vous souhaite
une bonne fin de journée.
Et, pour nous, je
vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe s'installe.
Merci, Dr Lussier. Au revoir.
M. Lussier
(David) : Merci à vous.
(Suspension de la séance à
10 h 46)
(Reprise à 10 h 48)
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Donc, les travaux de... La Commission des
relations avec les citoyens reprend.
Nous recevons pour
l'heure le Réseau de la FADOQ, représenté par Mme Gisèle Tassé-Goodman,
présidente de l'organisme, ainsi que par M. Danis Prud'homme, directeur
général. Bienvenue à vous deux. Alors, je vous rappelle que vous allez disposer
d'une période de 10 minutes pour votre exposé. Vous vous présentez au
début de votre exposé. Ensuite, la période d'échange va commencer avec les
différents groupes parlementaires et évidemment avec la ministre. Alors, le
temps commence pour vous maintenant. À vous la parole.
Réseau FADOQ
Mme Tassé-Goodman
(Gisèle) : Mme la Présidente, je vous remercie. Mme la ministre et
Mmes et MM. les parlementaires, je me nomme Gisèle Tassé-Goodman, présidente du
Réseau FADOQ. Je suis accompagnée de M. Danis Prud'homme, directeur
général de notre organisation.
Le
Réseau FADOQ est un regroupement de personnes de 50 ans et plus qui compte
près de 525 000 membres, et, dans chacune de nos
représentations politiques, nous souhaitons contribuer à l'amélioration de la
qualité de vie des aînés d'aujourd'hui et de demain.
D'abord, j'aimerais remercier les membres de la
commission pour cette invitation à exprimer le point de vue du Réseau FADOQ sur
le projet de loi n° 11 qui propose de modifier la Loi concernant les soins
de fin de vie.
D'office, le
Réseau FADOQ ne souhaite pas statuer sur les critères d'admissibilité à l'aide
médicale à mourir. De nombreux
experts contribuent à ces analyses, et il y a fort à parier que les tribunaux continueront
de faire évoluer la législation
entourant l'aide médicale à mourir. Pour le Réseau FADOQ, il importe
essentiellement que l'autodétermination, l'autonomie, le libre choix et
la dignité du patient soient mis de l'avant. Dans le cadre du projet de loi n°
11, il nous apparaît que le gouvernement du Québec a respecté ces aspects.
L'impossibilité de formuler une demande anticipée
d'aide médicale à mourir a fréquemment été décriée au cours des dernières
années. L'introduction d'une telle possibilité est donc bien accueillie par
notre organisation. Le caractère libre et éclairé est respecté dans le cadre de
ce nouveau type de demande. Un professionnel compétent accompagnera le demandeur dans la formulation de sa demande et
s'assurera que ce dernier ait bien compris la nature de son diagnostic et soit informé de l'évolution
prévisible de la maladie et du diagnostic relatif à celle-ci. L'ensemble
des possibilités thérapeutiques envisageables et leurs conséquences devront
être présentées, y compris les alternatives à l'aide médicale à mourir.
• (10 h 50) •
La personne
qui formule une demande anticipée pourra désigner deux tiers de confiance
afin d'assurer le respect de sa
demande. Notons qu'une personne apte à consentir aux soins pourra en tout temps
retirer sa demande anticipée au moyen
d'un formulaire. Il s'agit d'aspects primordiaux, et le Réseau FADOQ se permet
de souligner leur importance.
Par ailleurs,
notre organisation souhaite souligner l'apport du projet de loi n° 11 en
matière de décloisonnement des actes
professionnels. En effet, cette pièce législative favorise le décloisonnement
des professions du domaine de la santé, notamment en permettant aux IPS
d'administrer la sédation palliative et aux infirmières de dresser un constat de décès. Il s'agit d'avancées que notre
organisation salue, et nous encourageons le gouvernement du Québec à
intensifier et accélérer ce décloisonnement, hautement nécessaire dans un
contexte de pénurie de main-d'oeuvre. Cette pénurie est d'ailleurs inquiétante
pour la population du Québec.
Les soins de
longue durée au Québec ont mauvaise presse et les soins à domicile ne suffisent
pas à la demande. Plusieurs éléments plombent actuellement la confiance
des Québécois envers son système de santé. Il importe que les individus réfléchissent à l'aide médicale à
mourir en fonction de leur volonté, de leur dignité et de ce qu'ils
souhaitent comme fin de vie. Il ne faut pas que l'état du système de santé du
Québec entre dans cette réflexion, qui doit être personnelle. La population québécoise doit avoir confiance en son
système de santé, et il en va de la responsabilité du gouvernement du
Québec de maintenir ce lien de confiance. Le plan de santé du gouvernement du
Québec intensifie plusieurs propositions afin d'améliorer le système de santé.
Pour notre organisation, il est clair que la pénurie de main-d'oeuvre doit
constituer un chantier prioritaire.
Le virage vers les soins à domicile doit
également être accéléré. Entre-temps, il ne faut pas oublier que plus de
4 000 personnes attendent actuellement une place dans un centre
d'hébergement et de soins de longue durée.
L'état des soins palliatifs au Québec doit
également être amélioré. En 2020, le rapport d'un groupe de travail national
sur les soins palliatifs et de fin de vie soulignait quelques constats à ce
sujet. Il était question de l'inégalité quant à l'accès aux soins palliatifs.
Le manque de professionnels de la santé formés spécifiquement sur cette gamme
de soins était décrié. L'offre insuffisante au niveau des soins palliatifs et
de fin de vie à domicile était soulignée. Au Québec,
seulement 11 % de la population décède à domicile. À titre comparatif,
dans la population canadienne hors Québec, ce pourcentage se situe à
30 %, et, plus loin de chez nous, en Europe, les pourcentages varient
entre 28 % et 45 %, selon la disponibilité des unités de soins
palliatifs.
Toutefois, il existe des initiatives, au Québec,
qui mériteraient d'être déployées sur l'ensemble du territoire. C'est notamment
le cas des équipes de soins intensifs à domicile, les SIAD. Les SIAD sont des
équipes médicales intensives palliatives à domicile intégrées aux équipes de
soins à domicile des CLSC. Ces équipes ont des soins actifs avec des soins de
confort. Les SIAD sont une solution prouvée efficace pour réduire en amont le
nombre de patients aux urgences. Ces équipes réduisent de 65 % les
hospitalisations. 60 % à 65 % des patients SIAD décèdent à domicile, comparativement à 11 % à l'échelle
du Québec. Par ailleurs, les coûts de la trajectoire de fin de vie des
patients dans leur dernière année de vie sont réduits de 50 %. Il importe
que le gouvernement du Québec s'assure de déployer des équipes SIAD partout sur
le territoire.
Plus
généralement, l'intégration des soins palliatifs doit être effectuée plus tôt
dans la trajectoire de la maladie, dans divers contextes de soins.
L'intégration précoce des soins palliatifs peut se révéler bénéfique pour les
patients et les systèmes de santé puisque les patients ayant reçu des soins
palliatifs plus tôt sont moins susceptibles de se rendre aux services d'urgence
ou encore de recevoir des traitements énergiques en fin de vie, ces derniers
étant épuisants et coûteux. Actuellement,
parmi les personnes susceptibles de bénéficier de soins palliatifs, environ le
quart passent au moins 14 jours hospitalisées dans leurs derniers
mois de vie. Près de la moitié visitent l'urgence au cours des
deux dernières semaines de vie. Même si tous les groupes de patients ont
des problèmes d'accès aux soins palliatifs, les personnes atteintes d'un cancer
étaient trois fois plus susceptibles que les autres de recevoir des soins
palliatifs. Ainsi, il importe d'implanter un repérage précoce en matière de
palliatif et de fin de vie pour l'ensemble des clientèles.
Le Réseau FADOQ souhaite maintenant aborder la
question des maisons de soins palliatifs, qui ne pourront pas exclure l'aide
médicale à mourir des soins qu'elles offrent. Notre organisation est favorable
à cette disposition, laquelle évitera que des personnes en situation de fin de
vie soient contraintes d'être transférées dans une maison de soins
palliatifs vers un autre établissement afin de recevoir l'aide médicale à
mourir. Néanmoins, il importe que le gouvernement du Québec s'assure que
l'accès aux maisons de soins palliatifs continue d'être réservé aux personnes
en fin de vie. Il est nécessaire d'éviter que les patients qui sont admissibles
à l'aide médicale à mourir mais qui ne sont pas en situation de fin de vie
soient transférés dans une maison de soins palliatifs afin de recevoir ce soin.
Au Québec, en matière de soins palliatifs,
nous peinons à suffire à la demande. Toutes ressources confondues, nous
disposons seulement de 23 lits pour 500 000 habitants,
comparativement à 33 en Australie ou encore 54 pour le Royaume-Uni. Ces statistiques sont décevantes et se situent en
deçà des besoins. Le Réseau FADOQ recommande au gouvernement du Québec
de rehausser le nombre de maisons de soins palliatifs ainsi que le nombre de
lits réservés aux soins palliatifs sur l'ensemble de son territoire en fonction
des besoins.
Par ailleurs, le gouvernement du Québec doit
améliorer son soutien financier aux maisons de soins palliatifs actuellement en fonction, particulièrement dans un
contexte où elles devront obligatoirement offrir un service
supplémentaire. En 2020, la Commission des soins de fin de vie soulignait que
la très grande majorité des maisons de soins palliatifs faisait face à une
situation difficile... situation financière difficile et que des enjeux de
précarité de la main-d'oeuvre étaient sous-jacents.
Finalement,
notre organisation souhaite aborder les aspects relativement aux données de
recherche et l'information à la population. D'abord, nous estimons qu'il
est nécessaire de mieux sensibiliser la population relativement aux directives
médicales anticipées ainsi que sur la panoplie d'offres de services en matière
de soins palliatifs et de fin de vie. En
2022, le gouvernement du Québec soulignait que les directives médicales
anticipées demeuraient peu connues auprès de la population québécoise et
que peu de formulaires en ce sens étaient remplis par les usagers. Comme
dernier aspect, nous recommandons au gouvernement du Québec de créer un
observatoire de soins palliatifs et de fin de vie. L'objectif est d'avoir accès
à des données standardisées en fonction des différents types de soins dans le cadre de la fin de vie. Il importe de disposer
d'indicateurs portant sur l'accessibilité et la qualité de ces soins ainsi
que des statistiques sur l'utilisation des ressources. Une telle entité pourra
effectuer des études comparatives avec d'autres juridictions et s'inspirer des meilleures pratiques afin de soumettre
des propositions au gouvernement du Québec. Il s'agira d'une instance complémentaire à la commission sur
les soins de vie, laquelle continuera de surveiller l'application des
exigences particulières relatives à l'aide médicale à mourir tout en profitant
du contenu élaboré par l'observatoire.
J'aimerais remercier les membres de la
commission de nous avoir écoutés. M. Prud'homme répondra à vos questions.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour cet
exposé. Alors, nous allons commencer la période d'échange avec Mme la
ministre pour une période de 16 min 30 s. La parole est à vous,
madame.
Mme
Bélanger : Oui, Mme la Présidente. Mme Tassé-Goodman,
M. Prud'homme, bonjour. Alors, merci pour le dépôt de votre mémoire et pour la présentation que
vous venez de faire. J'aimerais vous entendre sur, spécifiquement,
l'aide médicale à mourir.
M. Prud'homme (Danis) : C'est-à-dire...
Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu plus la question? Qu'est-ce que...
à ce sujet-là?
Mme Bélanger : Bien, en fait, nous
avons déposé le projet de loi n° 11 sur les soins de fin de vie et l'aide médicale à mourir, donc... et j'aurais aimé vous
entendre sur les différents éléments du projet de loi que nous avons
déposé il y a quelques jours. Est-ce que... En fait, est-ce que vous et vos
membres se sont positionnés par rapport au processus d'aide médicale à mourir?
• (11 heures) •
M. Prud'homme (Danis) : En fait,
comme mentionné, de notre côté, il y a plusieurs choses qu'on voit d'un bon
oeil dans le projet actuellement. Donc, comme on le disait, de notre côté, ce
qui est très important, c'est que le libre choix et choix éclairé soit une
chose qui est respectée. Dans le projet de loi actuellement, c'est ce qu'on
voit et c'est ce qu'on dit qui est une bonne chose, parce que ce libre choix
éclairé doit effectivement être respecté en tout temps. Ça, c'est une première
chose.
Autre chose qu'on souligne, c'est le
décloisonnement des professions. Donc, avec les infirmières spécialisées et les
autres infirmières, donc, de pouvoir aller de l'avant et de faire des actes en
plus grand nombre, donc, c'est bon aussi, parce que... concernant non seulement
la pénurie, mais en fait ça devient plus une interdisciplinarité où plusieurs
métiers, au niveau de la santé, contribuent, justement, à cet effet-là.
Et, autre chose, évidemment, quand on dit d'élargir,
donc, c'est sûr que la part, en fait, de décloisonnement, c'est une chose, mais
aussi au niveau des autres éléments en ce qui a trait aux différents soins. Donc,
évidemment, c'est pour ça que nous, on va de l'avant en suggérant différentes
choses par rapport aux soins palliatifs, aux soins à domicile. Je pense que...
nous pensons, pardon, que le projet doit pousser beaucoup plus loin si on veut
en faire une globalité et ne pas forcer les gens à choisir l'aide médicale à
mourir parce qu'il n'y a pas autre alternative.
Mme Bélanger : Ok. D'accord. Donc,
je comprends que ce que vous énoncez, là, puis on le voit, là, c'est assez
majoritaire, là, dans votre mémoire, c'est vraiment concernant les soins à
domicile et les soins palliatifs, là, c'est les deux éléments que vous
ressortez, le décloisonnement des professions, là, bien sûr. OK. Est-ce que,
dans votre mémoire, le travail que vous avez fait, vous avez consulté des
groupes autres que la FADOQ pour faire les recommandations que vous faites?
M. Prud'homme
(Danis) : Bien, en fait, on se base sur, comme on le marque dans la
bibliographie de notre mémoire, les différents rapports qui ont été faits par
différentes instances sur les soins palliatifs et les soins de fin de vie. On
se base aussi sur... au niveau du commissaire au bien-être, au niveau du
Vérificateur général... Vérificatrice générale, pardon. Mais on va aussi
chercher des comparatifs dans d'autres pays, notamment, dans le mémoire, quand
on mentionne, à titre d'exemple, que, le Québec, le niveau de demandes,
actuellement, pour les soins de fin de vie a atteint un niveau que, la
Belgique, ça lui a pris 20 ans avant d'atteindre, et du fait de la commission,
actuellement, qui dit que, bien, ils ne
peuvent pas mettre le doigt, donc, comme on dit en bon français, «pinpointer»,
donc, vraiment mettre le doigt sur
pourquoi on est aussi haut que ça en si peu de temps. Donc, ça, c'est des
choses, pour nous, qu'on va valider, différentes expériences dans
différents pays, pour essayer de se comparer, de voir les bonnes pratiques mais
aussi d'essayer de comprendre certains facteurs, dont celui que je viens de
mentionner.
Mme Bélanger : D'accord. Bien, peut-être
juste en complétant, vous l'avez certainement vu, là, dans votre préparation,
là, pour le mémoire, mais il y a quand même, au Québec, tout un plan d'action 2020‑2025
concernant l'accès et l'amélioration des
services en soins palliatifs. Et il y a l'Association québécoise des soins
palliatifs, aussi, qui sont extrêmement actifs et la Société québécoise
des médecins en soins palliatifs, là, en particulier. Mais, je voulais quand
même le mentionner, il y a un plan d'action. Et puis effectivement il faut continuer
d'améliorer les soins palliatifs au Québec. Alors, je vous remercie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, on va poursuivre la
discussion du côté de la banquette ministérielle. Il y a trois interventions.
On va commencer par les questions de la députée de Vimont. La parole est à
vous. Il reste, au total, 11 min 30 s.
Mme Schmaltz : Parfait. Merci, Mme
la Présidente. En fait, ma question vient rejoindre la question de la ministre,
parce que, bon, la FADOQ, c'est quand même 500 000 membres. Alors, je
me posais la question, à savoir si vous les aviez... pas nécessairement
consultés, mais est-ce qu'il y a eu des tables de discussion autour de l'AMM?
Est-ce que les gens se prononcent? Que ce soit de façon formelle ou informelle,
j'imagine, vous avez le pouls, quand même,
de vos membres. Est-ce que... Comment ça fonctionne? Sur la question, est-ce
qu'ils ont été un peu sondés? C'est ce que la ministre a demandé tantôt.
Alors, c'est un petit peu mon... mon questionnement, pardon.
M.
Prud'homme (Danis) : Bien, en fait, on a effectué des sondages auprès
de notre clientèle et auprès du grand public à quelques années
d'intervalle. Donc, on en a eu un en 2022, à titre d'exemple. Et le but de ces
sondages, c'est plusieurs choses, mais, notamment, à l'intérieur des
préoccupations des gens, et ce qui est ressorti beaucoup par rapport... Si on parle 2022 par rapport à 2019,
juste avant la pandémie, la santé est toujours sortie numéro un. Mais,
avec la pandémie, on a mis deux volets. Les gens, c'est la santé physique et la
santé mentale. Donc, c'est deux choses qui est sorti. Et, quand on regarde au
niveau... Évidemment, la majorité des gens disent qu'ils ne veulent pas finir
dans un CHSLD, parce que tout ce qu'on entend... Donc, ça, c'est des choses que
les gens mentionnent. Et évidemment qu'ils aimeraient pouvoir recevoir des
soins à domicile, ce qui est aussi une lacune, là, en ce moment chez nous.
Mme Schmaltz : Parfait. Merci.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la
députée. Donc, la parole est à la députée de Châteauguay.
Mme
Gendron : Bonjour, M. Prud'homme ainsi que Mme
Tassé-Goodman. Merci d'être avec nous ce matin.
En fait, j'avais une petite question. Vous avez
rapidement abordé le sujet du tiers de confiance. Est-ce que... J'aimerais vous
entendre davantage sur le tiers de confiance. Avez-vous parlé de deux tiers de
confiance? J'aimerais vous entendre.
M. Prud'homme (Danis) : Le micro
a... Désolé. Oui, il a... Je ne sais pas pourquoi. Désolé pour ça.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Ah oui! Parfait. C'est beau. Allez-y.
M. Prud'homme (Danis) : Oui. On
mentionne deux tiers de confiance, effectivement, pour s'assurer... parce que, bon... pour pallier à tout éventuel cas, on
va le dire comme ça. Souvent, nos proches, c'est des gens qui ont soit
des âges rapprochés des nôtres ou des enfants, et, sachant que, bien, les gens
se promènent un peu partout, surtout avec la mondialisation, c'est aussi bien
d'avoir deux proches pour considérer cet effet-là.
Mme Gendron : Parfait. Merci.
C'était ma question.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je me tourne du côté de la
députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci, Mme la
Présidente. Merci d'être avec nous aujourd'hui pour nous partager la... bien,
en fait, ce que vos membres en pensent. Vous êtes ici en tant que représentants
de la FADOQ.
Donc,
moi, je vous amènerais sur la demande en tant que telle. Vous dites, dans votre
mémoire, que cette demande anticipée devra être faite par acte notarié en
minute ou devant deux témoins puis versée au Registre des directives médicales anticipées. Donc, vous, vous
verseriez dans le même registre les directives et les demandes. Vous ne
feriez pas un registre différent. Ma première question.
Et ma deuxième
question, c'est en lien avec un registre notarié. Est-ce que ça pourrait
limiter... On sait que des personnes aînées, peut-être, qui sont... à laquelle
ça pourrait, je dirais, limiter l'accessibilité. Est-ce que vous voyez un
frein, là, à exiger que le document soit notarié?
M. Prud'homme
(Danis) : Bien, en fait, on mentionne, effectivement, notarié, pour
aller à l'envers de vos questions, pour répondre, mais on mentionne aussi que
ça peut être fait devant deux témoins. Donc, c'est... Oui, notarié avec minute,
c'est ce qui serait privilégié parce qu'on parle quand même d'un acte qui est
quand même très sérieux, là, ici, ou devant deux témoins, et puis effectivement
versé au Registre des directives médicales anticipées parce qu'on pense qu'il y
a déjà un registre qui existe, qui parle de directives, et ça, en fait, c'en
est une, directive médicale. On demande d'avoir l'aide médicale à mourir à tel
et tel moment de notre vie. Donc, pour nous, je pense que c'est d'allier les
deux pour ne pas avoir deux endroits à regarder, en oublier un, aller pas... ne
pas aller voir l'autre. Je pense que de regrouper ensemble les différentes
directives médicales. C'est une solution qui est quand même plausible et qui va
maximiser l'efficacité, je pense.
Mme
Guillemette : Parfait. Et vous n'exigeriez pas que ce soit
exclusivement un document notarié. Vous êtes ouverts aussi à la possibilité
qu'il y ait deux témoins. Mais, s'il n'y avait... Comment verriez-vous la
possibilité que, dans le projet de loi, ce soit exclusivement un document notarié?
M. Prud'homme
(Danis) : Bien, écoutez, si on va dans le processus d'aller notarier
uniquement, vous l'avez mentionné en
début... c'est-à-dire que ça peut, effectivement, limiter les gens à cet
effet-là au niveau... s'il y a des coûts. Donc, ça veut dire qu'il y a
des gens qui n'auraient pas la possibilité de le faire. Je pense que c'est pour
ça que, devant deux témoins, c'est quelque chose qui est important.
Puis on peut même
faire un certain lien avec les changements de la loi au niveau de la curatelle,
donc, du Curateur public. Il y a eu
différentes avancées en considérant les différents stades de perte d'autonomie
des individus. Donc, il y a des choses aussi de ce côté-là qui
pourraient, effectivement, être utilisées pour créer une synergie, parce qu'on
parle, effectivement, d'avoir des témoins, différentes choses, des aidants pour
différents processus. Donc, c'est pour ça que nous, on peut aller devant deux
témoins et non pas seulement acte notarié.
Mme
Guillemette : Parfait. Merci.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. Il reste encore du
temps. Est-ce qu'il y a d'autres questions? La députée d'Abitibi-Ouest, la
parole est à vous. Il reste encore 5 min 48 s.
Mme
Blais : Merci, Mme la
Présidente. Merci à vous pour la présentation de votre mémoire. Lorsque vous
avez fait l'évaluation, le sondage chez vos
membres concernant l'aide médicale à mourir, quelle serait votre
recommandation numéro un, qui revient très souvent?
M. Prud'homme (Danis) : En fait, le sondage ne portait pas directement et
uniquement sur l'aide médicale à mourir.
C'était beaucoup plus global. C'était sur la santé en général et les
différentes alternatives que les gens y voyaient.
Au niveau de l'aide médicale
à mourir spécifiquement, bien, on réitère, c'est ce qu'on dit à plusieurs
reprises dans notre mémoire, le choix libre, éclairé, informé, et que les gens
soient informés sur la différence entre les soins palliatifs et l'aide médicale
à mourir, qui est totalement différent dans ce cas-là. Donc, ça, c'est des
choses qui ressortent à cet effet-là.
• (11 h 10) •
Mme
Blais : Merci. Et quel
serait le rôle de la FADOQ dans un document comme ça, de l'aide médicale à
mourir?
M. Prud'homme
(Danis) : En fait, on n'est pas les experts. Comme on le mentionne, il
y a beaucoup de gens qui peuvent se prononcer beaucoup mieux que nous sur cette
question-là. Nous, c'est beaucoup plus la question sociétale, l'acceptabilité
face à comment les gens voient ça, et quelles seraient les alternatives, parce
que, comme on le mentionne tout au long, on sait que le système de santé est
surchargé. Ça coûte cher. On essaie de trouver des efficacités au niveau
d'économies et de soins, et il ne faut pas que ça rentre dans la décision.
Donc, c'est très important que les gens soient bien éclairés puis qu'on ait le
choix, justement, à cet effet-là.
Mme Blais : Merci.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, si c'est terminé, je
vais me côté... me tourner du côté de l'opposition officielle. Donc, vous aurez
un temps d'un peu plus de 12 minutes pour poser vos questions. La parole
est à vous, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonjour, Mme Tassé-Goodman et M. Prud'homme. Merci
beaucoup de votre présence dans notre commission.
D'emblée, je veux le dire,
je sais que le sujet qu'on discute est très sérieux, mais je veux dire que la
première fois que j'ai vraiment entendu parler de vous, j'étais... c'était dans
la dernière législature et c'était ma journée de fête. Et j'avais Mme Marguerite Blais, qui était la ministre, à
cette époque-là, responsable des Aînés et Proches aidants, et elle m'a
annoncé que, rendue à ma 40-10 ans, parce qu'à cette époque-là je n'étais
pas capable de dire 50... que je pouvais maintenant être membre de la FADOQ.
Alors, je ne suis toujours pas membre, mais j'ai trouvé intéressant que c'est à partir de 50 ans que les gens
peuvent en bénéficier. Et je réfléchis à la question parce que je comprends
que, d'être membre de votre organisme, ça vient avec des bénéfices. Alors,
merci pour ce que vous faites pour accompagner nos personnes matures.
Ça fait que, dans le sérieux, je veux revenir un
peu sur la demande anticipée puis cette question, parce que je trouve les
questions de la collègue de Roberval très pertinentes. Ce que j'entends, c'est
qu'on souhaite rendre simple et peu coûteuse la formulation d'une demande
anticipée, mais je veux vous entendre sur le retrait de la demande et combien
de fois, selon vous... et si nous devons aussi revoir la demande anticipée,
puis, si oui, combien de fois devons-nous le faire — à chaque année, à
chaque deux ans? — comment
devons-nous revoir le formulaire après que ce
soit rempli, comment devons-nous retirer la demande, qui va m'amener à une
deuxième question en ce qui concerne le refus.
M. Prud'homme (Danis) : Oui. Merci
pour la question. En fait, intéressant, je faisais tout à l'heure un parallèle
avec la loi qui a changé du côté du Curateur public, et il y a aussi là-dedans
certains délais de prescrits pour réviser des dossiers. Et je pense qu'on
pourrait faire un parallèle, et regarder les délais prescrits dans certains cas,
et pouvoir regarder si c'est des choses, du côté de l'aide médicale à mourir,
qui pourraient s'apparenter. Donc, on pourrait dire, de s'assurer que c'est
toujours la volonté de la personne ou, dans le cas de... ses deux mandatés, si
on peut dire, là, à ce niveau-là, par rapport aux volontés de la personne.
Mme Maccarone : Et, si, rendu au
moment qu'on dit que nous avons déclenché un processus, si ce qui était écrit
dans la demande anticipée n'est pas nécessairement une réflexion de la
souffrance que la personne qui a rempli la demande est en train de vivre, mais
le tiers de confiance ou le professionnel de la santé dit que nous sommes rendus à un moment où, peut-être, nous devons
avoir une discussion en ce qui concerne la prochaine étape d'un soin de fin de vie, comment voyez-vous ça? Est-ce que nous
devons avoir des balises, un encadrement? Comment voyez-vous cette
réalité, qui va sûrement avoir lieu? Je pense qu'on peut prévoir que ça va
arriver. Comment devons-nous traiter cette préoccupation?
M. Prud'homme (Danis) : En fait,
c'est quelque chose de très important. Dans tout le processus de l'aide
médicale à mourir, on a toujours dit : Il faut que la personne ait un
choix libre, et éclairé, et consentant. Donc, ça, ça demeure tant et aussi longtemps
que la personne peut, d'elle-même, être libre, éclairée et consentante.
Une fois que la personne n'est plus là, bien là,
là, on rentre dans des légalités que nous, on n'est pas des experts. Donc là,
il faudrait vraiment voir, côté l'équivalent du curateur, il se passe quoi à ce
moment-là, car il y a des changements quand la personne n'est plus apte et
qu'elle a deux personnes qui ont été identifiées comme des personnes qui
peuvent prendre des décisions à sa place. Donc là, je n'irais pas plus loin,
parce que c'est vraiment un côté légal, et je me référerais à ce qu'on vit du
côté Curateur public pour pouvoir transposer, le cas échéant, ce qui peut se
transposer à cet effet-là.
Mme Maccarone : Et, pour revenir aux
tiers de confiance, vous avez dit deux, j'ai entendu ceci, puis leur rôle, évidemment, est très important en ce qui
concerne les paramètres. Selon vous et la FADOQ, est-ce que le tiers de confiance peut être un membre de la famille, un
proche aidant? Est-ce que ça devrait être quelqu'un qui est plus retiré,
qui n'a pas un lien personnel avec la personne concernée? Et est-ce que ça
devrait être une obligation ou est-ce que ça peut être un choix de la personne
concernée de nommer un tiers de confiance ou deux, dans votre cas?
M. Prud'homme (Danis) : Bien, en
fait, la personne qui formule la demande, bien, en tant que telle, c'est elle
qui peut désigner deux tiers de confiance. Je reviens à la décision libre,
éclairée et consentante. Ça, c'est une première chose.
La deuxième, c'est... pour aborder l'autre
partie de votre question, bien, je pense que c'est important à savoir,
qu'est-ce que le curateur autorise. Parce qu'encore là je peux faire un
parallèle. Quand on prend en charge toute l'autonomie de la personne, il y a
certains principes qui sont déjà désignés dans cette loi-là, et je pense qu'il
faudrait regarder si ça s'applique et ça demeure toujours valable du même côté
pour ce qui est de l'aide médicale à mourir. Donc, quand on désigne de façon
libre et éclairée, ça veut dire qu'on peut désigner qui on veut. Il n'y a pas
de balise. Et donc je pense que, du côté du curateur, il y a aussi des choses,
à cet effet-là, qui pourraient être regardées.
Mme
Maccarone : Puis là est-ce que ça devrait être une obligation
ou un choix d'avoir un tiers de confiance?
M. Prud'homme (Danis) : En fait,
nous, on dit bien...
Mme
Maccarone : Vous avez dit «peut». Dans la loi, c'est marqué
«peut». Alors, est-ce qu'on garde ça comme «peut» ou est-ce qu'on
devrait...
M. Prud'homme (Danis) :
Bien, nous, on a marqué «pourra», «peut». Donc, on en reste où la loi
mentionne actuellement.
Mme Maccarone : Ça fait que ça reste
un choix. Pas nécessaire de nommer quelqu'un. OK.
Et, pour revenir à une maison des soins
palliatifs, je comprends que ça a pris beaucoup de place dans votre mémoire et
votre présentation. Comment voyez-vous... Puis vous avez aussi mentionné, la
directive médicale anticipée, qu'il y a beaucoup de gens qui ne sont pas au
courant. Comment voyez-vous le processus de présenter tous les soins? Comment voyez-vous l'accompagnement de
la personne concernée, étant donné qu'on va maintenant élargir, si la
loi est adoptée dans sa mouture actuelle, que ce serait maintenant une
obligation d'élargir l'accès à l'aide médicale à mourir à nos maisons de soins
palliatifs? Comment voyez-vous ça?
M.
Prud'homme (Danis) : Bien, en fait, je pense que, quand on modifie
certaines choses par rapport à des lois, bien, c'est la responsabilité
du législateur de s'assurer qu'en ce qui a trait à la formation, l'information,
la diffusion, ce soit fait de la bonne façon et ce soit fait auprès, un, des
professionnels concernés et, deux, auprès des gens qui seraient touchés.
Donc, quand quelqu'un vient de l'avant pour
demander l'aide médicale à mourir, il doit y avoir quelqu'un qui doit bien lui expliquer tout ce qu'il en est
et aussi c'est quoi, les soins palliatifs, par rapport à l'aide médicale à
mourir, parce que, comme on le disait, il y a beaucoup de gens qui ne font pas
la différence et qui ne savent pas la différence.
Et, autre chose, bien, c'est... Effectivement,
dans une maison de soins palliatifs, lorsque la personne est là, est toujours
lucide et est capable de prendre toutes ses décisions, il faut aussi lui
expliquer que c'est maintenant une possibilité, quand on est dans une maison de
soins palliatifs, de se rendre là, et à la famille, le cas échéant, quand on
est dans une maison de soins palliatifs, à tous ceux qui entourent, là, les
proches de cette personne-là.
Je pense que ça, c'est le minimum qu'on doit
faire, et un peu... Je vous dirais, il y a des... Il faut faire des
sensibilisations dans les différents outils, dans les différentes clientèles.
Lorsqu'on identifie les cibles qui pourraient demander
un tel acte, bien, je pense que ce serait... c'est comme ça qu'il faut aller
répondre aux demandes d'information.
Mme
Maccarone : On l'a déjà souligné en commission, c'est une
question très sensible, parce qu'on ne souhaite pas nécessairement faire
la promotion non plus. Ce qu'on prône, c'est aide médicale à vivre et... en
premier lieu, qui m'amène à une autre question. Dr Lussier, qui vient de passer
juste avant vous, nous recommande de modifier l'article 4 de la loi afin de
garantir un accès aux soins avant tout. Est-ce que vous êtes d'avis que ça, ce
serait une modification à propos dans le projet de loi n° 11?
• (11 h 20) •
M. Prud'homme (Danis) : En fait,
pour nous, tout au long, depuis qu'on a commencé à parler, au Québec, de ce
processus d'aide médicale à mourir, on a été présents avec des mémoires et en
commission, et ça a toujours été la même chose. Pour nous, ça ne doit pas être
un substitut à la vie, c'est-à-dire qu'on ne doit pas demander ça parce qu'on
n'est pas capable d'avoir les soins, parce qu'on n'est pas capable d'alléger
nos souffrances ou parce qu'on se sent isolé. Parce que, dans nos premiers
mémoires, on donnait les statistiques par rapport à l'effet que, dans bien des
cas, malheureusement, ce n'est pas pour la bonne raison qu'on va le demander.
Alors, définitivement, pour nous, c'est... On doit vivre et mettre la vie de
l'avant avant de mettre l'aide médicale à mourir, et ça, ça devient, en bout de
ligne, si on n'est plus capables de faire autre chose pour que la personne ait
une vie agréable à cet effet-là.
Mme Maccarone : Et, quand on
parle... Vous avez aussi parlé beaucoup de l'accompagnement, de soins à
domicile, le SIAD. Puis, en effet, les statistiques, ils parlent. Il y a
beaucoup de gens qui font des demandes de l'aide médicale à mourir, puis, dans
le fond, ils vont vivre ce soin de fin de vie chez eux. Avez-vous des
recommandations ou des modifications en ce qui... Maintenant qu'on parle des
demandes anticipées, est-ce qu'il y a quelque chose que nous devons prendre en
considération en ce qui concerne le SIAD, puis les soins à domicile, et
l'application de l'aide médicale à mourir?
M. Prud'homme (Danis) : Bien, en
fait, je dirais, dans un premier temps, de... Effectivement, comme on le dit,
il y a un plan 2020‑2025 qui a été mis de l'avant, qui parlait de l'accès
équitable à des soins palliatifs et de fin de vie. Donc, je pense que ça, c'est
important. Ce qu'il y a là-dedans, on le mentionne, c'est d'une importance
capitale, d'élargir les soins palliatifs. Au
Québec, comme dans d'autres endroits au Canada, on est à la remorque. On n'en a
pas assez. Les gens n'ont pas le choix. Et c'est là qu'on disait tout à l'heure :
Il ne faut pas que ce soit une alternative à un
manque de choix, l'aide médicale à mourir. Présentement, il n'y a pas assez de
soins palliatifs. Il n'y a pas assez de services de soins à domicile pour tout faire ça. Donc, évidemment, ça
devient d'une importance capitale, là, là-dedans.
Mme Maccarone : Merci. Et, pour le
refus, comment voyez-vous le refus, rendu à l'application de l'aide médicale à
mourir, suite à une demande anticipée, si, la personne, c'est rendu au moment?
Comment... Devons-nous poursuivre? Comment devons-nous protéger aussi les
personnes qui ont fait leur demande anticipée en respectant les critères
qu'eux, ils ont identifiés dans le formulaire? Comment voyez-vous ce processus?
Avez-vous quand même de l'information de vos membres, la façon qu'ils
souhaitent que ce soit traité?
M. Prud'homme (Danis) : Bien, en fait, si on est
cohérents avec nous-mêmes, on dit que... la vie en premier. Donc, la
personne qui va de l'avant avec une demande d'aide médicale à mourir,
évidemment, je pense qu'il faut respecter son choix tant
qu'elle est libre et éclairée et qu'elle peut prendre une décision pour elle.
Si elle ne veut pas, je pense, c'est important.
Mme Maccarone : Je vais reformuler, parce
que... Si, mettons, on parle de quelqu'un qui souffre, malheureusement,
d'un alzheimer avancé, quelqu'un qui a rempli une demande anticipée, puis, dans
les critères, cette personne a dit : Bien, si, mettons, je refuse, rendu
au moment d'accéder à l'aide médicale à mourir, je souhaite que vous
poursuiviez quand même, comment voyez-vous
ça? Parce qu'on peut imaginer que, pour les professionnels de la santé, que ce
soit une infirmière praticienne spécialisée,
un médecin, peu importe... comment ça doit être difficile pour nos
professionnels aussi de poursuivre, mais aussi on a, comme vous le dites, une
responsabilité de respecter aussi les demandes de la personne concernée.
Comment voyez-vous ceci? Puis comment le baliser?
M. Prud'homme
(Danis) : Bien, écoutez, je...
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Rapidement, s'il vous plaît.
M. Prud'homme
(Danis) : Oui. Rapidement, en fait, je dirais simplement que c'est
quelque chose qui est... Il faut voir si la personne, un, a toute sa tête, donc
si elle est encore capable de prendre la décision pour elle-même, parce que,
ça, je pense, c'est important. Puis après ça, bien là, on rentre dans le
processus légal. Donc là, nous, on ne peut pas se prononcer là-dessus. On n'est
pas des experts en ce qui a trait à ça.
Mme
Maccarone : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci
beaucoup, M. Prud'homme. Alors, on va terminer notre ronde d'échange avec la députée de Laviolette—Saint-Maurice pour une période de 4 min 7 s. La parole est à vous,
madame.
Mme Tardif : Merci,
Mme la Présidente. Mme Tassé-Goodman, M. Prud'homme, merci de votre
présence, mais merci aussi d'avoir préparé ce rapport.
Grosso modo, je
comprends, donc, puis corrigez-moi, là, que vous êtes en accord avec le projet
de loi. Vous êtes en accord plus particulièrement avec le fait que le libre
choix, l'autonomie... avec le fait qu'une personne puisse retirer, à partir du moment
où elle est encore apte... de retirer sa demande à tout moment. Avec le
décloisonnement de la médecine, bon, vous nous suggérez fortement que le virage
de soins à domicile soit augmenté. On y travaille. On le souhaite aussi.
J'ai deux petites
questions. Dans votre rapport, vous avez abordé le volet de formation
additionnelle. On n'a pas eu la chance de
vous entendre par rapport à ça. Et une question qui me vient en tête, parce que
vous avez quand même un type de clientèle... je ne dirais pas aisée, mais
vous avez beaucoup de professionnels, vous desservez beaucoup de professionnels... Bien, je me demandais, par
rapport aux gens que vous servez, que vous desservez : Combien
évaluez-vous le nombre ou le pourcentage de gens qui seraient seuls et qui auraient
de la difficulté à se trouver un tiers? Ce sont mes deux questions.
M. Prud'homme (Danis) : Bien, merci pour les
questions. En ce qui a trait à votre première question, je pense qu'il
est... Effectivement, je dirais, au niveau de la formation, c'est quelque chose
de très important, surtout si on dit que, maintenant, dans les maisons de soins
palliatifs, on peut, effectivement, aller jusqu'à l'aide médicale à mourir.
Bien, je pense qu'il faut former les gens en conséquence à cet effet-là et tous
nos professionnels. Et je pense que, quand on parle, même, de soins palliatifs,
on met les deux, là. Il y a un manque de professionnels ou un manque de
formation à ce niveau-là pour pouvoir, justement, rendre tous les soins
palliatifs qu'on a besoin et, en même temps, transitionner
vers les soins de fin de vie, donc, l'aide médicale à mourir. Donc, ça, pour
nous, c'est très important qu'il y ait la formation, de même, en
parallèle, à l'information au public pour savoir, un, c'est quoi, la différence
entre les soins palliatifs puis les soins de fin de vie et, deux, c'est quoi,
les différentes choses que je dois faire pour m'y rendre dans un et dans
l'autre, et comprendre le continuum, si on veut, de soins que ça va amener
lorsqu'on peut l'autoriser maintenant dans les maisons de soins palliatifs. Ça,
c'est en ce qui a trait à la première question, pour nous.
La deuxième,
évidemment, au niveau des gens seuls, je référerais encore à comment le
curateur fonctionne, parce que, de la même façon... Et il y a, effectivement,
des dispositions, quand la nouvelle loi a été mise de l'avant par le Curateur
public, où on sait fort bien que, s'il y a des gens qui sont isolés, qui sont
seuls... Donc, comment on fait, justement... Et, à cet effet, je ne me rappelle
pas de façon pointillée, là, mais la loi a été élargie de leur côté à cet
effet-là, justement, pour ne pas bloquer, à un moment donné, par rapport à
quelque chose qui doit être fait. Donc, je leur dirais d'aller voir ce qui
s'est fait actuellement puis voir si ça se transpose ou si ça peut se moduler,
la même chose pour l'aide médicale à mourir.
Mme Tardif : Merci. Vous allez me permettre de saluer
l'ensemble des employés, les médecins, les infirmières, tous les
employés bénévoles aussi de la Maison Gilles-Carle... pardon, de la Maison
Aline-Chrétien, on en a deux, de la maison de fin de vie Aline-Chrétien à
Shawinigan. Ils font un travail merveilleux auprès des malades et auprès des
familles. Donc, merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la
députée. Alors, Mme la Présidente, M. le directeur général de la FADOQ, merci
beaucoup pour les réponses aux nombreuses questions qui... ainsi qu'à votre exposé.
C'est ce qui termine notre séance avec vous. Alors, au nom de l'ensemble de mes
collègues, je vous remercie à nouveau. Je vais même les laisser, évidemment,
vous remercier. Je le fais souvent pour elles. Alors, j'ai décidé de changer ma
tournure de phrase. Merci beaucoup.
Alors, nous allons
suspendre quelques instants, le temps de recevoir le dernier groupe. Bonne fin
de journée.
(Suspension de la séance à
11 h 30)
(Reprise à 11 h 39)
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission
des relations avec les citoyens reprend ses travaux.
Pour cette dernière
audition de cet avant-midi, nous recevons l'Ordre des travailleurs sociaux et
des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, représenté par trois
personnes que je vais inviter dans quelques secondes
à se présenter. Alors, madame, messieurs, vous allez avoir une période de
10 minutes non seulement pour vous présenter, mais, bien
évidemment, pour exposer votre point de vue sur le projet de loi. Par la suite,
évidemment, nous aurons une période d'échange avec les membres de la
commission. Alors, je vous tends le micro.
Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Merci,
Mme la Présidente. Alors, écoutez, mon nom est Pierre-Paul Malenfant. Je
suis travailleur social et président de l'Ordre des travailleurs sociaux et des
thérapeutes conjugaux et familiaux du
Québec. M'accompagnent aujourd'hui Mme Marie-Lyne Roc, qui est travailleuse
sociale et directrice des affaires
professionnelles à l'ordre, et M. Alain Hébert, qui est le conseiller principal
aux affaires professionnelles à l'ordre.
• (11 h 40) •
Donc, Mme la
Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, permettez-moi tout
d'abord de vous remercier de nous avoir invités à prendre part aux
consultations particulières sur le projet de loi n° 11. Nous recevons
cette invitation comme une reconnaissance de notre expertise mais aussi une
volonté du législateur de tenir compte des aspects sociaux de l'aide médicale à
mourir.
Les observations
présentées aujourd'hui sont le reflet à la fois des principes qui guident notre
profession, tels que l'autodétermination des
personnes, le respect de leurs droits ou encore la protection des personnes
vulnérables, de l'expérience terrain
qui nous est rapportée par les travailleurs sociaux ainsi que de récentes
données issues de la recherche.
En effet, depuis
l'entrée en vigueur de la Loi concernant les soins de fin de vie en 2015, les
travailleurs sociaux sont appelés, plus ou moins fréquemment selon les
établissements, à intervenir auprès des personnes souhaitant obtenir ou ayant
été autorisées à recevoir l'aide médicale à mourir ainsi qu'auprès de leurs
proches. Une des contributions majeures des
travailleurs sociaux membres de l'équipe interdisciplinaire prend la forme de
l'évaluation du fonctionnement social de la
personne qui demande l'aide médicale à mourir ou qui songe à le faire. Cette
évaluation apporte un regard global sur la situation de la personne et témoigne
de sa réalité, de ses besoins, de ses forces, de sa souffrance et de ses
volontés. Elle permet un éclairage unique sur les aspects sociaux qui sont
présents dans la situation de la personne. Elle contextualise son état actuel
et sa demande.
Comme cette
contribution nous apparaît d'autant plus pertinente au regard des nouvelles
possibilités amenées par le projet de loi,
l'ordre propose de modifier l'alinéa 1°c de l'article 29.4 de la loi.
Nous... nous suggérons ainsi de remplacer le «des» par un «les». Ce
changement aurait, à nos yeux, pour effet de renforcer cette disposition en
insistant sur la nécessité de faire appel à la contribution des autres
professionnels de l'équipe de soins, dont le travailleur social, sans toutefois
la rendre obligatoire afin de ne pas alourdir le processus ni faire entrave à
l'exercice du jugement clinique du professionnel compétent. Effectivement, la
contribution du travailleur social peut s'avérer particulièrement pertinente
dans le processus allant de la formulation de la demande anticipée à
l'administration de l'aide médicale à mourir à la personne devenue inapte. En
effet, on sait que le Code des professions reconnaît que... le TS comme seul
professionnel pouvant procéder à l'évaluation psychosociale d'une personne
majeure en situation d'inaptitude. L'évaluation du fonctionnement social prend
également tout son sens auprès des personnes en situation de handicap qui
envisagent l'aide médicale à mourir.
Comme
plusieurs groupes l'ont fait avant nous, je me dois de souligner le travail
significatif qui a été effectué depuis l'étude du PL n° 38 au
printemps 2022. Nous avons devant nous un projet de loi beaucoup plus
complet, beaucoup plus abouti, avec lequel notre ordre est en accord de façon
générale. Nous saluons, entre autres, l'ajout de l'obligation pour les
établissements de créer un groupe interdisciplinaire de soutien, le GIS.
D'ailleurs, l'ordre estime que le rôle des GIS devrait être bonifié et leur
soutien augmenté.
Évidemment, je... je
ne pourrais passer sous silence l'inclusion des personnes vivant avec un
handicap neuromoteur grave et incurable comme étant admissibles à l'aide
médicale à mourir, une demande formulée par l'ordre
lors de l'étude du projet de loi n° 38. Toutefois, l'ordre souhaite
attirer l'attention des parlementaires sur certains enjeux en lien avec
le projet de loi.
Tout d'abord, une personne vivant avec un
handicap autre qu'un neuromoteur mais qui est grave et incurable et qui
correspond aux autres critères de la loi devrait pouvoir demander l'aide
médicale à mourir. Selon nous, il est du devoir du
législateur d'éviter de restreindre les droits des personnes en situation de
handicap en se basant sur la nature de leur handicap, le tout dans un souci
d'équité et de lutte à la stigmatisation. Dans cette perspective, nous émettons
des doutes sur l'utilisation du terme «handicap». Effectivement, les
interprétations contemporaines du handicap mettent l'accent sur l'importance
des facteurs environnementaux pour compenser des incapacités plutôt
qu'uniquement sur les facteurs personnels ou biologiques de la personne. Il
nous apparaît fondamental de ne pas envoyer le message que la société se
désinvestit de sa responsabilité de procurer à toutes les personnes vivant avec
un handicap les ressources nécessaires pour répondre à leurs besoins.
Par ailleurs,
l'ordre recommande également d'inclure dans la loi deux conditions préalables à
l'administration de l'aide médicale à mourir pour les personnes se retrouvant
en situation de handicap à la suite d'un accident et qui ne soient pas en fin
de vie. Selon nous, ces conditions devraient être, premièrement, de laisser un
délai d'au moins 90 jours entre la demande d'aide médicale à mourir et son
administration, sous réserve d'une évaluation faite par le professionnel
compétent susceptible de conclure à l'inutilité de cette mesure. Deuxièmement,
il s'agit de s'assurer que toutes les alternatives aient été sérieusement
envisagées avec la personne au préalable pour qu'elle puisse faire un choix
éclairé.
Enfin, nous
souhaitons attirer votre attention sur l'article 14, qui semble préciser
que... selon notre interprétation, qu'un trouble mental autre qu'un
trouble neurocognitif n'est pas considéré comme une maladie. Nous tenons ici à
rappeler qu'il... que les personnes vivant avec un trouble mental réfractaire
devraient pouvoir demander l'aide médicale à mourir. De plus, dans la mesure où
le fédéral se penche actuellement sur la question, il serait dommage que la loi
québécoise récemment modifiée ne puisse pas prendre en compte rapidement ces
situations.
Si on... si on s'attarde, maintenant, à la
formulation de la demande anticipée, le principal défi sera, selon nous,
d'arriver à une description des souffrances physiques et psychiques qui
facilitera tant la correspondance aux critères
qu'une certaine précision afin d'aider à déterminer le moment opportun pour
administrer le soin. La contribution du travailleur social pour évaluer
et accompagner la personne peut ainsi être fort utile.
Enfin, lors de la signature de la demande,
l'ordre est d'avis de retirer l'obligation de présence simultanée de toutes les
personnes concernées puisqu'elle constitue un frein qui nous apparaît inutile.
Dans la période qui suivra, c'est-à-dire celle
entre la signature de la demande anticipée et l'administration de l'aide
médicale à mourir, nous croyons essentiel qu'il y ait une démarche clinique
avec la personne, incluant des évaluations et/ou des mises à jour périodiques.
À la fin du processus, lorsque le professionnel compétent sera à évaluer si les
souffrances décrites dans la demande anticipée sont bien présentes, l'ordre
estime qu'il devrait en faire une interprétation assez large pour considérer
les souffrances corrélées ou concomitantes avec la maladie ainsi que la
dimension subjective des souffrances physiques et psychiques. Là encore,
l'évaluation complémentaire des professionnels, dont celle du travailleur
social, sera particulièrement importante, tout comme le point de vue du tiers
de confiance et des proches. Par ailleurs, l'ordre souhaite exprimer son
désaccord avec la radiation immédiate de la demande anticipée advenant la
manifestation d'un refus de la personne au moment de l'administration de l'aide
à... médicale à mourir.
Enfin, nous jugeons important de profiter de
cette tribune pour élargir la réflexion aux soins de fin de vie. Bien que cela
ne remette pas en cause notre appui au projet de loi, nous estimons important
de préciser qu'à nos yeux le projet de loi s'appuie sur une vision idéalisée
des conditions de pratique et de l'offre de soins de fin de vie qui ne
correspond pas à la réalité actuelle. La réalité, c'est que les équipes sont
instables, que les professionnels manquent de temps et que l'on offre de
services... et que l'offre des services varie souvent en fonction de la région
dans laquelle on se trouve.
Il y a urgence de se pencher sur les conditions
de vie difficiles des aînés et des personnes vivant avec un handicap. Nous
devons nous concerter et nous mobiliser collectivement pour mieux répondre à
leurs besoins. Nous devons rebâtir le filet social autour de ces personnes
vulnérables et s'assurer de rehausser l'offre de soins palliatifs, incluant à
domicile, sans quoi nous pourrions nous retrouver face à des situations où le
choix de l'aide médicale à mourir serait
fait par dépit. En ce sens, nous recommandons que les comptes rendus des
demandes d'aide médicale à mourir ayant été refusées parce qu'elles ne
satisfont pas aux critères soient mieux documentés. Les constats découlant de
ces demandes refusées permettraient au gouvernement de mieux mesurer les
besoins de soutien social de ces personnes et d'apporter les réponses
appropriées, le cas échéant.
Finalement,
il ne faut surtout pas négliger d'informer la population sur la variété des
soins de fin de vie. L'ordre estime que les établissements devraient
déployer des efforts supplémentaires pour faire connaître à la population ses
droits ainsi que les soins de fin de vie offerts et les moyens d'y avoir accès.
Ils devraient être soumis à une reddition de comptes à cet effet. Je vous
remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Malenfant, pour cet exposé. Vous
avez des suggestions intéressantes et des
commentaires. Alors, on va commencer la période d'échange avec les
parlementaires, avec les membres de la Commission des relations avec les
citoyens, et, à tout seigneur tout honneur, avec l'auteure du projet de loi.
Mme la ministre, la parole est à vous pour une période de 16 min
30 s.
• (11 h 50) •
Mme Bélanger : Mme la Présidente...
M. Malenfant, Mme Roc, M. Hébert, merci pour le mémoire et votre
présentation.
Je vais reprendre les éléments que vous avez
mentionnés. Vous dites que vous accueillez positivement l'inclusion des
personnes vivant avec un handicap neuromoteur grave et incurable comme étant
admissibles à l'aide médicale à mourir,
mais, tout de suite après, vous mentionnez que, même si vous êtes en accord
avec l'élargissement, donc, pour les personnes ayant un handicap neuromoteur, l'ordre estime
que cette disposition demeure trop restrictive malgré tout. Donc, vous
êtes en faveur, mais, en même temps, vous nous dites que c'est restrictif.
De plus, l'ordre demeure réservé sur la
qualification du handicap qui est faite dans le projet de loi, donc, à savoir, un handicap neuromoteur. J'aimerais vous
entendre un petit peu plus là-dessus, là. C'est vraiment intéressant
puis c'est un élément fondamental du projet de loi. Alors donc, peut-être
parler un peu davantage, là, parce que j'ai senti que vous aviez un inconfort
avec la définition de «handicap». Faites juste revenir sur ces propos-là, s'il
vous plaît.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : C'est
surtout sous le qualificatif de neuromoteur qu'on a certaines... certains
questionnements. J'inviterais peut-être Alain Hébert à pouvoir documenter
davantage cet élément-là.
M. Hébert
(Alain) : Bien, en fait... (panne de son) ...un effort par
le législateur de préciser, là, le type de handicap qui serait visé, là,
pour les personnes devenant éligibles, à ce moment-là, à l'aide médicale à
mourir. En même temps, pour nous, ce qu'on soulève un petit peu, c'est une
alerte sur le fait que ça pourrait relever, par rapport à d'autres, là, à des
personnes qui ont d'autres types de handicaps, un aspect discriminatoire. Et on
sait que ça pourrait même causer difficulté, là, avec la législation
canadienne. Donc, on se questionne là-dessus.
Maintenant, vous avez peut-être vu aussi dans
notre mémoire, là, que nos réflexions autour de la notion de handicap sont aussi, en fait, avec les approches
contemporaines, là, du handicap, qui prévoient qu'on parle de handicap
aussi quand l'entourage, l'environnement, la société est incapable de procurer
les ressources nécessaires à la... à la personne
qui vit la... la situation. Et on attire l'attention sur le fait qu'il y a une
responsabilité sociétale de fournir toutes les ressources aux personnes
ayant un handicap. Et on souligne aussi, là... Cette question-là a beaucoup été
discutée, là, je termine là-dessus, a beaucoup été discutée précédemment dans
la commission. C'est une invitation, à tout le moins, là, sur un sujet sensible
comme celui-là, à consulter puis entendre la voix des groupes et organismes qui
représentent les personnes handicapées, et les personnes handicapées
elles-mêmes.
Mme Bélanger : OK. Merci. Je vais
revenir. C'est intéressant, là. Dans le fond, vous demeurez, je dirais,
réservés, sur l'aspect discriminatoire, là, d'inclure la notion de handicap
neuromoteur par rapport à handicap. Est-ce que c'est bien ça? Je le dis
autrement, là, mais c'est parce que je veux juste être sûre de bien, bien
comprendre.
Une voix : Exactement.
Mme Bélanger : OK. Et par ailleurs
vous nous dites... Là, j'ai... je n'ai pas le... le mémoire sous les yeux, là,
mais par ailleurs vous nous dites que, si on va avec le handicap, il faudrait
bien le définir et ne pas prendre seulement la définition qui est davantage
sociologique, là, mais prendre une définition de l'handicap... Vous avez parlé
tantôt de termes biologiques ou... J'ai bien
aimé ce que vous avez mentionné, là, M. Malenfant, là, mais j'aimerais ça
que... juste que vous reveniez sur cette phrase-là. Vous avez dit
quelque chose d'important, là. En fait, j'ai compris que vous trouviez que
la... la définition de «handicap», selon la définition usuelle, là, qu'on voit
un peu partout, est davantage sociale, dans l'adaptation des personnes à leur
handicap, l'intégration dans la société, alors que vous dites : On devrait
regarder plus les notions biologiques.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Bien,
dans le sens que ce qu'on dit, c'est... Vous savez, il y a... La science,
concernant toutes les études, là, parce que ça fait quand même un bon bout de
temps, considère que la situation des personnes avec un handicap, c'est...
c'est occasionné par la... j'appellerais, le processus de production de
handicap. Vous savez, une personne, par
exemple, qui est en fauteuil roulant, qui a une certaine limitation à... à se
déplacer, bien, à partir du moment
qu'elle arrive devant un obstacle, où elle ne peut pas rentrer dans un édifice,
bien, on comprend que ce n'est pas sa situation qui crée le handicap,
c'est le fait qu'elle ne peut pas rentrer dans l'édifice. Donc, si on met une
rampe, on met des facilités, bien, à ce moment-là, le handicap n'est plus
présent pour pouvoir avoir accès. Donc...
Et, sur la question de neuromoteur, c'est... on
considère qu'on doit le regarder vraiment, le handicap, au sens large pour
éviter à toutes sortes d'interprétation qui peut arriver selon des courants,
des tendances, des opinions, là, qui pourraient apparaître en cours de route.
Mme Bélanger : OK. Merci. Peut-être
une dernière question de mon côté. Concernant la santé mentale... en fait, le trouble mental, je me corrige, là,
concernant le trouble mental, vous dites que les personnes présentant un
problème médical ou un trouble... avec un
trouble mental devraient être éligibles à recevoir l'aide médicale à mourir.
Est-ce que... Bien, vous voyez... Vous savez très bien que nous l'avons
exclu du projet de loi. Est-ce que vous croyez qu'il y a une acceptabilité
sociale actuellement pour élargir l'aide médicale à mourir aux personnes ayant
un trouble mental? Et est-ce que, de votre côté, comme ordre professionnel,
vous avez déjà examiné cette question avec vos patients, avec des usagers?
Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Malenfant
(Pierre-Paul) : Avant de céder la parole à ma collègue Marie-Lyne Roc,
vous savez, on est dans la semaine des travailleurs sociaux, des travailleuses
sociales. Et nous, dernièrement, au début du mois, on a fait un sondage auprès
de la population pour aller vérifier certains enjeux que les... les gens
peuvent rencontrer en regard de l'accès aux
services sociaux, le... la qualité des services sociaux, le rôle du travail
social, et tout ça. Il y avait une question, dans le sondage, qui
disait : Est-ce que vous considérez... est-ce que vous seriez d'accord à
ce qu'on élargisse l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes qui
présentent un trouble de santé mentale? Il y a 70 % des répondants qui étaient tout à fait en
désaccord... ou en accord avec le fait d'inclure ces personnes-là. On a quand
même eu 1 000 répondants répartis, avec une marge là-dessus.
J'inviterais Marie-Lyne, ma collègue, là, peut-être, à compléter.
Mme Roc
(Marie-Lyne) : Oui. Alors, pour répondre à votre question, oui,
effectivement, le sondage que nous avons effectué
témoigne d'une acceptabilité sociale, mais aussi de la part de nos membres qui
exercent auprès de... auprès de personnes aux prises avec des problèmes
de santé mentale réfractaires. Il ne faut pas oublier qu'on doit toujours inscrire cela avec les autres critères
prévus, hein, par la loi. Et on parle toujours, là, encore là, de personnes
qui sont réfractaires au traitement... au
traitement prévu habituellement... (panne
de son) ...aussi la question du
consentement libre et éclairé. Alors, on voit bien que l'idée, c'est de pouvoir
permettre ce soin dans ces circonstances-là.
Mme
Bélanger : Merci.
La Présidente
(Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre.
Alors, on va poursuivre nos échanges avec la
députée de Laporte. J'ai aussi la députée de Vimont. Il reste un total de
8 min 18 s. La parole est à vous, Mme la députée.
Mme Poulet :
Oui. Bonjour. Merci à vous trois de votre présence. Merci, Mme la
Présidente.
Je veux venir sur
la... votre recommandation n° 10. Lorsque vous parlez de la présence
simultanée de toutes les personnes, là, que cette disposition, dans le fond...
qu'il y ait des gens... qu'il y ait une présence simultanée lors de la
signature, pour vous, vous souhaitez le retrait de cette disposition-là.
J'aimerais vous entendre à cet effet-là. Est-ce que ce ne serait pas mieux pour
la personne concernée qu'elle soit accompagnée par un tiers, par le membre de
sa famille? Et, en même temps, que pensez-vous de l'acte notarié? Est-ce que
vous pensez que ça pourrait être un frein à la demande, à l'AMM?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Sur
la question de la présence de... je dirais, de toutes les personnes
significatives au moment de la signature de la demande, vous savez, lorsqu'on
est dans des régions éloignées, des fois, la famille est loin. Des fois, les gens ne sont pas autour nécessairement. Et, oui,
il peut y avoir certaines personnes significatives, mais il peut y avoir
une personne très significative qui est éloignée. Et, à ce moment-là, c'est
peut-être une certaine contrainte de... de déplacement.
Pour
ce qui est de l'acte notarié, écoutez, on ne s'est pas penchés là-dessus. Je ne
vois pas, là, nécessairement, là, d'objection. Mais on n'a pas porté
d'attention particulière, là, sur cet... cet aspect-là. N'étant pas juristes,
là, de par notre profession, là, on ne s'est pas arrêtés, là, à cette
question-là.
Mme Poulet :
OK. Merci.
Mme Roc
(Marie-Lyne) : Je pourrais... (panne de son) ...ajouter un petit
complément à notre président. En fait, c'est
que le projet de loi prévoit quand même les deux possibilités, soit de pouvoir
formuler la demande avec témoins ou encore par acte notarié. Donc, ça,
pour nous, c'était intéressant, parce qu'on... on prévoit deux... deux
modalités différentes.
Par
contre, ce qu'on disait qui était plus difficile, c'est d'insister sur le fait
que les témoins doivent être présents simultanément,
effectivement, pour les raisons que notre président a avancées en termes de...
Alors, ce n'est pas qu'on discarte
l'idée d'avoir des témoins. C'est le fait, au contraire, bien, de... d'obliger
la présence des deux en même temps lors de la signature, lors de la
demande anticipée.
Mme Poulet :
Si ma mémoire est bonne, je pense qu'on apportait la disposition d'être en
virtuel aussi. Est-ce c'est un élément, pour vous, qui peut être intéressant?
M. Hébert
(Alain) : Oui, tout à fait.
Mme Roc
(Marie-Lyne) : Tout à fait.
• (12 heures) •
M. Hébert
(Alain) : Ça peut être intéressant, mais ça demande quand même une
présence en même temps, là, du professionnel compétent, du tiers de confiance,
les deux témoins. Ce n'est pas toujours évident. Alors, on se... La réflexion, pour nous, c'est : Quelle en
est l'utilité? Est-ce que ce n'est pas plutôt une entrave, là? Déjà, pour
trouver deux témoins, pour un certain nombre de personnes, ce sera déjà un
certain défi. Alors, de les... de les avoir en même temps pour la signature du document, on se disait : Bien, il y a peut-être
possibilité de faire les signatures en différé mais faire ça bien, dans les formes. C'est ça qu'on...
C'est une question d'accessibilité, là, pour nous, puis de faciliter les
processus.
Mme Poulet :
Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci,
Mme la députée. Alors, le tour de parole vient à la députée de Vimont.
Mme Schmaltz : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, messieurs, madame. En fait, j'aimerais aborder...
Vous parlez, dans votre mémoire, des soins palliatifs rehaussés dans un
contexte d'isolement social des personnes aînées ou qui vivent avec un handicap. Vous recommandez
que ce soit mieux documenté et envoyé à la commission des soins de
vie... de gens qui ont été refusés à l'aide médicale à mourir dans un contexte
de désespoir social. Pourquoi? Je me demande. C'est parce que vous aimeriez
ouvrir aussi cette option-là? Non?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Non.
C'est plus... Écoutez, j'ai eu une rencontre l'an passé. À sa demande, j'ai
rencontré le commissaire aux soins de fin de vie, le Dr Michel Bureau, donc,
une rencontre à sa demande, et ce que le Dr Bureau nous présentait, c'est qu'il
constatait une augmentation des demandes d'aide médicale à mourir qui étaient
refusées et que le profil de ces personnes-là laissait entrevoir de la misère
sociale, du désoeuvrement social. C'est peut-être des termes qui ne sont pas
très, là, contemporains, mais je pense qu'on s'entend là-dessus. Donc, des
gens, souvent, qui se retrouvent isolés, qui n'ont pas de soutien autour d'eux,
qui n'ont pas accès à des services, qui voient leur autonomie diminuer et qui
font une demande d'aide à mourir un peu par dépit de leur condition sociale.
Alors, nous, ce qu'on pense qui serait
intéressant pour aider le gouvernement à mieux comprendre, c'est que ces
refus-là devraient être mieux documentés pour permettre à la commission d'avoir
vraiment un portrait de cette dynamique-là de désoeuvrement social, pour faire
en sorte que les politiques sociales, là, du ministère, là, puissent s'ajuster
et pouvoir y répondre.
Mme Schmaltz : OK. Parfait. Merci.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Si je
n'ai pas d'autre intervention, je vais me tourner du côté de
l'opposition officielle. Donc, les discussions se poursuivent avec la députée
de Westmount—Saint-Louis
pour une période de 12 min 29 s. La parole est à vous, madame.
Mme Maccarone : Parfait. Merci, Mme
la Présidente. Merci de votre présence en commission, puis pour votre
présentation, ainsi que votre mémoire. Je vais renchérir sur les questions que
Mme la ministre vous a posées. Puis je pense
que ce qu'on peut dire en ce qui concerne la notion de handicap, ce qui fait
consensus, c'est qu'il n'y a pas de consensus.
Alors, merci de partager votre réflexion. Même, ce matin, nous avons entendu
que la société québécoise doit juger pour le handicap. Alors, j'espère
que, s'il y a un éventuel forum ou une discussion qui aura lieu à l'extérieur
de cette commission... que vous en faites partie pour élaborer et partager
votre opinion, parce que vous, vous faites un accompagnement qui est vraiment
important en ce qui concerne des citoyens en situation de vulnérabilité, que ce
soient des personnes en situation de handicap, ou autres. Alors, je veux mieux
comprendre vos recommandations.
Puis je comprends que vous dites que nous
pouvons élargir puis qu'on fait face, quand même, à peut-être une
stigmatisation. Et évidemment on ne veut pas créer de la discrimination envers
des citoyens qui souhaitent et qui devraient peut-être être éligibles pour
faire une demande en ce qui concerne l'aide médicale à mourir, surtout quand on
parle de la notion de souffrance, qui est très subjective.
Et vous recommandez, dans votre recommandation n° 5, si, par contre, on parle de quelqu'un qui a subi un
accident, qui se retrouve, malheureusement, en situation de handicap, qu'on
aurait un délai d'au moins 90 jours. Évidemment, ça sonne dans ma tête, 90
jours, parce qu'on a entendu aussi le Collège des médecins et autres
regroupements médicaux qui ont dit : C'est clair, il y a une période
d'adaptation qui est importante pour cette... pour cette personne concernée. Il n'y a personne qui a souhaité mettre un
chiffre à côté de ceci. Vous, vous mettez 90 jours. Autres groupes ont
dit : Bien, ça peut être un an, ça peut être deux ans, parce que, pour
chaque personne, encore une fois, on peut imaginer... J'ai donné déjà l'exemple
de quelqu'un, un athlète, un olympien qui a eu un accident d'automobile, qui
devient quadriplégique. Est-ce que c'est 90 jours de période de réadaptation
qui va lui donner vraiment une perspective en ce qui concerne le reste de sa
vie ou est-ce que c'est une limitation qui n'est peut-être pas assez large?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Bien,
je laisserais mon collègue Alain...
M. Hébert (Alain) : C'est vraiment
une bonne... une bonne question. Puis, tout de suite, là, d'entrée de jeu, Mme
la députée, on reconnaît bien, là, comme ordre, qu'il y a quelque chose, en
partie, d'aléatoire et qui ne peut pas s'ajuster à toutes les situations
singulières des personnes quand on met un délai chiffré comme celui-là.
Juste peut-être expliquer un petit peu notre
recommandation à ce sujet-là. On parle, donc, d'un délai d'au moins
90 jours, donc d'au moins trois mois, pour permettre minimalement à la
personne de faire des avancées dans sa réadaptation. Vous savez, les
travailleurs sociaux, ils sont aussi beaucoup impliqués auprès des personnes en
réadaptation, et on reconnaît bien qu'il y a un temps qui est nécessaire pour
s'adapter, jusqu'à un certain point, à sa nouvelle situation. Parce que, pour
nous, ce qui est derrière ça, c'est de permettre à la personne de faire un
choix, par exemple, pour l'aide médicale à mourir, à partir d'un consentement
qui est libre et éclairé, donc, d'une situation qui pourrait être relativement stabilisée, là, nonobstant le fait qu'il y
aurait les autres critères auxquels elle devrait correspondre, déclin
avancé et irréversible, souffrances intolérables, persistantes, que... Alors,
tu sais, c'est l'ensemble des critères, comme ma collègue Mme Roc, tantôt,
énonçait, qui sont importants.
Mais, pour nous, ce délai-là aussi, on s'est
inspirés du délai des mesures de sauvegarde du fédéral, de la loi fédérale, la loi canadienne, pour le stipuler.
Donc, c'est un délai qu'on recommande comme étant minimal, puis pour ne
pas non plus enfermer ou même discriminer des personnes qui, avant un délai de
90 jours, par exemple, de l'avis du professionnel compétent, médecin ou
infirmière praticienne spécialisée, seraient en mesure de prendre une décision
éclairée. On a fait cette recommandation, sous réserve du jugement du
professionnel compétent. Mais ce que ça voudrait dire, c'est que, dans la norme, dans l'ordinaire,
ce fameux délai de 90 jours, on le prendrait comme une cible
minimale pour permettre l'adaptation. Si la personne a besoin de plus de temps
d'adaptation puis qu'on juge qu'elle n'est pas en mesure d'offrir un
consentement libre et éclairé pour prendre une telle décision, même six ou sept
mois plus tard, là, le professionnel compétent va tout de même exercer son
jugement, on s'entend. Alors, voilà un petit peu la notion.
Puis la deuxième recommandation, au-delà du
délai, c'est vraiment de s'assurer... C'est sûr que, de façon usuelle, le
professionnel compétent, c'est dans son travail. Il le fait. Et les
professionnels de la santé ou des services sociaux, dont les travailleurs
sociaux, en accompagnant la personne, fournissent aussi de l'information à la
personne sur les services disponibles, sur les ressources, sur le processus
d'adaptation, aident la personne dans un processus de prise de décision, l'encouragent, la soutiennent émotivement. Ils font
tout ça. Mais il reste que ça nous apparaissait une mesure de sauvegarde
importante, compte tenu de l'aspect subit du handicap qui survient, là, lorsque
c'est suite à un accident. On comprend que ce n'est pas un processus, là, de
maladie grave et avancée sur une longue période de temps. C'est quelque chose
qui arrive relativement à court terme. Donc, c'est pour se donner une chance.
Bien,
écoutez, si vous me disiez... si vous nous disiez : Pourquoi pas 120,
pourquoi pas 60?, bien, ce qu'on sait, en
tout cas, c'est que c'est quelques mois que ça prend généralement, selon
l'expérience professionnelle de nos membres. C'est pour ça qu'on l'a
pris, puis pour s'arrimer un petit peu sur la législation canadienne.
• (12 h 10) •
Mme
Maccarone : Bien là, vous parlez de la législation canadienne
puis vous parlez de... Tu sais, évidemment, les balises sont
importantes, puis, quand vous mettez des recommandations en ce qui concerne
l'application pour les personnes en situation de handicap, j'étais surprise de
voir qu'il n'y avait pas des balises ou des recommandations en ce qui concerne
l'application pour les troubles mentaux, parce que vous dites que nous devons
parler de, peut-être, une harmonisation avec la loi fédérale.
Comme membre de la commission spéciale, ce que
je peux vous dire, encore une fois, malgré ce que vous avez reçu dans votre sondage, c'est qu'il n'y a pas de consensus, encore
une fois, en ce qui concerne l'application. Mais vous n'avez pas de
balise en ce qui concerne l'application pour les personnes qui souffrent de
troubles mentaux. Parce que, ce que nous avons entendu, ce n'est pas
nécessaire. Je ne veux pas utiliser le mot «guérir», mais, souvent, il y a de
l'espoir. Souvent, il y a beaucoup de choses qu'on ne connaît pas en ce qui
concerne les troubles mentaux. Aujourd'hui, on n'a peut-être pas ce qu'il nous
faut pour accompagner la personne concernée, mais ça se peut que, dans un an ou
deux ans, ce sera le cas. Alors, évidemment, il faut agir avec de la prudence.
Vous, dans ce que vous faites, évidemment, comme
travailleurs et travailleuses sociales, c'est fondamental. L'accompagnement est
tellement important, des personnes que vous aidez et que vous accompagnez.
Comment voyez-vous ce type de balise si on doit prévoir 90 jours pour une
personne qui a eu un accident d'automobile, mais quelqu'un qui souffre d'un
trouble mental... Comment devons-nous poursuivre pour aussi protéger cette
personne de ne pas prendre une décision qui est finale, surtout quand eux aussi
peuvent être dans une situation de vulnérabilité? Puis, quand on parle d'aptitude,
ça peut être... ça peut évoluer aussi.
M. Hébert (Alain) : Peut-être
simplement signifier qu'effectivement pour ce... dans le cadre de l'étude du
projet de loi n° 11, on n'a pas fait de telle recommandation de balise, ni
non plus dans notre mémoire déposé à la commission sur l'évolution de la loi
sur les soins de fin de vie, où on s'était prononcés de façon favorable pour
l'éligibilité des personnes ayant pour seul problème médical un trouble mental,
avec les autres conditions, donc, dans une trajectoire avancée, irréversible de
trouble, souffrances intolérables ou tout... Donc, on a parlé tantôt, ma
collègue et M. le président, de cas réfractaires. Donc, on comprend que c'est
sur une longue, longue période de temps. Donc, la question du délai nous
apparaissait moins pertinente à ce moment-là. On n'a pas proposé pour ça.
Au niveau des balises, par contre, on ne l'avait
pas fait la dernière fois. Peut-être, la mise en garde qu'on fait, pour nous,
actuellement, pour le projet de loi à l'étude, c'est de dire : Si la
précision à l'effet que le... on ne considère pas d'autres troubles mentaux que
le trouble neuromoteur, bien, cette petite... On comprend que la précision dans
la loi, dans le projet de loi, elle est contextualisée, mais les craintes qu'on
a, c'est que ça puisse exclure cette possibilité-là si les travaux du
gouvernement fédéral arrivent, et que, là... qu'on a besoin, au Québec, de
revoir la législation québécoise, et là qui demanderait un certain délai,
encore du temps. On se met en porte-à-faux, encore une fois, avec la législation. Or, nous, c'est sûr, étant favorables
pour l'éligibilité des personnes ayant des troubles mentaux graves,
bien, c'est sûr que ça... c'est quelque chose qu'on trouve important de porter
à votre attention. Mais c'est pour ça qu'on n'est pas allés plus loin non plus,
parce que le projet de loi ne porte pas là-dessus, là, actuellement.
Mme Maccarone : Vous faites bien. Je
pense que nous sommes tous conscients de la réalité. Combien de membres
avez-vous dans votre ordre?
M. Malenfant (Pierre-Paul) : ...membres.
Mme Maccarone : 13 000 membres.
Puis, pour chaque membre...
M. Malenfant (Pierre-Paul) : 16 000,
16 000.
Mme
Maccarone : 16 000. OK. Puis on peut imaginer combien de
dossiers par travailleur ou travailleuse social?
M.
Malenfant (Pierre-Paul) : Bien, écoutez, c'est très variable dépendamment du
secteur, du milieu de pratique. On
sait que, dans le réseau de la santé et des services sociaux, la situation, au
cours des dernières années, s'est vraiment détériorée au niveau des conditions de pratique, dans le sens que les TS
se retrouvent avec une augmentation importante du nombre de personnes à
aider et aussi des contraintes quant au temps consacré auprès de chaque
personne.
Vous savez, le système de données du ministère
concernant le travail social, ça calcule des nombres, le nombre de personnes
que vous avez rencontrées. Si je rencontre une personne, ça nous donne une
statistique, mais ça ne donne pas de statistique s'il faut que je rencontre le
conjoint, que je rencontre, peut-être, le professeur d'école, peut-être
quelqu'un dans un organisme communautaire, qui est peut-être un professeur.
Alors, ça, il n'y a aucune donnée là-dessus. Donc, on se retrouve dans des
conditions de pratique où il y a une pression parce qu'il y a des listes
d'attente partout, il manque de ressources humaines, et on se retrouve avec une
pression très importante, où on arrive difficilement, comme TS, à faire notre
travail dans le respect des règles de déontologie mais aussi des normes que...
qui régissent la pratique du travail social.
Mme Maccarone : Bien, entre autres,
merci beaucoup pour ce que vous faites. Je pense que je l'ai déjà dit, mais je
vais le répéter, c'est essentiel. Alors, la raison de la question, c'est, dans
le cadre du projet de loi, on a entendu autres groupes, la semaine passée, qui
ont dit que ça se peut que le tiers de confiance peut être un TS. Mais, étant
donné que vous avez une charge de travail très importante, comment voyez-vous
votre rôle en ce qui concerne l'accompagnement de la personne qui fera
peut-être une demande anticipée? Puis, rendu au moment du déclenchement, le
tiers de conférence... de confiance, est-ce que ça peut être un TS? Est-ce que
ça doit être un membre de la famille, un proche? Comment voyez-vous votre
implication? Puis, si ce n'est pas vous qui pourraient ou qui souhaiteraient
être nommés comme le tiers de confiance, que sera votre rôle dans...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Très rapidement, s'il vous plaît, pour la réponse.
Mme Maccarone : C'est tellement une
bonne question, Mme la Présidente.
M. Malenfant (Pierre-Paul) : Oui.
Mme Roc, s'il vous plaît.
Mme Roc
(Marie-Lyne) : C'est une excellente question. Puis effectivement,
de par le fait que les travailleurs sociaux, on a vraiment une pratique
de proximité auprès des personnes, souvent, on va être ciblés pour avoir un tel rôle. Nous, en fait, on ne se voit
pas du tout agir à titre de tiers de confiance. Effectivement, dans la loi,
on se... on se voit agir comme
professionnels de la santé et des services sociaux, donc, plus dans l'équipe
interdisciplinaire.
Maintenant,
le tiers de confiance, on peut très bien accompagner la personne pour cibler un
tiers de confiance, pour discuter
avec la personne de qui pourrait l'assister à faire une demande anticipée, de
lui expliquer les... Et puis aussi, le
tiers de confiance, on comprend qu'il est... bien, on souhaite qu'il soit bien
présent, mais en fait la personne pourrait ne pas faire une demande
anticipée et prévoir un tiers de confiance. Alors, ce qu'on trouve intéressant,
c'est qu'on...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme Roc. Merci pour la réponse. Je
suis désolée, je suis la gardienne du temps. Alors, pour le dernier... le
dernier bloc d'échange, nous allons le faire avec la députée de Laviolette—Saint-Maurice
pour une période de 4 min 7 s. La parole est à vous, Mme la
députée.
Mme Tardif : Merci. En fait, je
crois que je vais vous laisser poursuivre cette réponse, parce que c'était ma
question aussi, quel était le... quel est le rôle, là, que vous entendez jouer,
et qu'est-ce que vous pourriez faire, comme première question.
Et, comme
deuxième question, puisqu'on parlait du tiers de confiance et que, là, vous
avez confirmé que vous ne seriez pas nécessairement un tiers de
confiance, dans votre rapport, vous estimez quand même que c'est essentiel de prévoir des interventions de soutien et d'accompagnement
pour le tiers de confiance. Donc, si vous pouvez développer ces deux
volets-là, s'il vous plaît. Merci.
Mme Roc (Marie-Lyne) : Oui. Je vous
remercie. Effectivement, c'était... ça allait être le complément de ma réponse,
qu'on se voyait aussi à soutenir le tiers de confiance, qui a quand même un
rôle extrêmement important dans ce contexte,
c'est-à-dire de faire valoir les volontés de la personne alors qu'elle était
apte, et aussi faire connaître à l'équipe de soins et aux professionnels
compétents les volontés de la personne. Alors, nous, on se voit beaucoup plus
dans ce rôle-là d'accompagner, soutenir le tiers de confiance, et non pas de se
substituer à cette personne.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, M. Malenfant, Mme Roc,
M. Hébert, ce fut fort intéressant de vous avoir avec nous pour conclure
cet avant-midi d'échanges. Alors, il me reste à vous souhaiter une bonne
journée ainsi qu'être le porte-parole de mes collègues pour tout ce que vous
nous avez apporté à la commission.
Alors, mesdames, nous allons suspendre les
travaux de la commission... nous allons, en fait, ajourner les travaux jusqu'au
jeudi 23 mars 2023, à 14 heures, où nous allons poursuivre
notre mission.
(Fin de la séance à 12 h 19)