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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

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Le mercredi 13 septembre 2023 - Vol. 47 N° 24

Consultation générale et auditions publiques sur le cahier de consultation intitulé : La planification de l'immigration au Québec pour la période 2024-2027


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Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures trente et une minutes)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.

La commission est réunie, je vous le rappelle, afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2024-2027.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Picard (Soulanges) est remplacée par Mme Bogemans (Iberville); Mme Tardif (Laviolette-Saint-Maurice), par M. Lemieux (Saint-Jean); Mme Garceau (Robert-Baldwin), par M. Derraji (Nelligan); Mme Prass (D'Arcy-McGee), par Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey) et Mme Massé (Sainte-Marie-Saint-Jacques), par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri-Sainte-Anne).

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, nous entendrons ce matin les groupes suivants, le premier, le Commissaire à la langue française, et nous allons poursuivre avec M. Marc Termote.

Je souhaite donc la bienvenue au Commissaire de la langue française. Je vous rappelle que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons par la suite à la période d'échanges avec la ministre et avec les parlementaires.

Alors, vous allez pouvoir débuter en vous présentant. Merci.

M. Dubreuil (Benoît) : Bonjour. Alors, bonjour à tous, Mme la Ministre, Mmes, MM. les députés. Je vous remercie vraiment de me recevoir aujourd'hui. Je suis accompagné aujourd'hui de mon secrétaire général, Dominic Bédard, ainsi que de Fiacre Zoungni et Gaby Audet, qui sont professionnels dans mon équipe.

Alors, un mot pour vous rappeler le mandat du Commissaire à la langue française. C'est un poste qui a été créé l'an dernier à la suite de l'adoption de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. La loi charge notamment le commissaire de faire le suivi de la situation linguistique, de faire le suivi des mesures que le gouvernement prend pour assurer la pérennité du français et de recommander des mesures susceptibles de favoriser l'usage du français comme langue commune.

C'est donc avec un grand intérêt que j'ai pris connaissance du document de consultation, et je me réjouis de l'importance qu'on y accorde à la pérennité de la langue française. Alors, nous le savons, la situation linguistique au sein de la population immigrante est de plus en plus déterminante pour l'avenir du français. Depuis plusieurs décennies, une proportion importante d'immigrants optent pour la langue française. Donc, aujourd'hui, on a environ 60 % des immigrants qui utilisent principalement le français au travail et dans l'espace public et on a un 20 % supplémentaire qui l'utilisent soit à égalité soit de manière secondaire aux côtés de l'anglais. Alors, c'est beaucoup, mais, si on souhaite maintenir la place relative du français au Québec, il faut que ce soit encore plus.

Alors, l'objectif principal de mon intervention, aujourd'hui, c'est de vous proposer d'établir une cible d'utilisation du français dans l'espace public au sein de l'immigration économique. Alors, je propose d'établir une cible que je fixe à 85 % et je recommande aux MIFI de produire des données qui vont permettre de vérifier annuellement l'atteinte de cette cible et aussi de rendre l'augmentation des volumes d'admission conditionnelle à son atteinte.

Alors, prenons d'abord un pas de recul. On observe, pour toutes les cohortes d'immigration arrivées depuis les années 80, un 25 à 30 % de personnes qui optent de manière prédominante pour l'anglais dans la vie publique, soit une proportion qui est deux fois plus élevée que celle que l'on retrouve dans la société d'accueil. C'est une situation qui crée une pression continue sur la place relative du français, particulièrement dans le Grand Montréal. Le nombre de personnes qui utilisent le français augmente, mais le nombre de personnes et la fréquence avec laquelle on utilise l'anglais augmentent encore plus rapidement. Alors, pour que l'immigration ait un effet neutre sur le poids de chaque langue dans l'espace public, il faudrait qu'elle fasse croître les deux à une vitesse équivalente. Alors, pour le dire simplement, il faudrait que les personnes immigrantes utilisent l'anglais environ deux fois moins souvent que ce qu'elles font actuellement et ce qu'elles ont fait dans les dernières décennies.

La recherche menée depuis des décennies a permis de documenter de façon exhaustive les facteurs qui favorisent l'adoption de l'anglais dans la vie publique. Le fait d'avoir un bon niveau d'anglais à l'arrivée, le fait d'étudier en anglais, incluant aux études supérieures, et le fait de provenir d'un pays ou d'une communauté où l'anglais joue un rôle véhiculaire sont tous des facteurs étroitement liés au fait d'opter pour cette langue dans l'espace public.

On sait par ailleurs qu'une part importante de l'immigration qui opte historiquement pour l'anglais est très difficile à rejoindre par les efforts de francisation. Dans certains cas, ça peut être en raison d'une offre insuffisante. Dans d'autres cas, c'est parce que l'apprentissage du français exigerait un investissement lourd, en termes de durée et d'intensité, alors que les gens peuvent parvenir, des fois, sans trop de difficulté, à fonctionner en anglais, particulièrement à Montréal.

Alors, la consultation gouvernementale mise sur deux changements réglementaires importants afin d'accroître la place du français dans l'immigration économique. D'abord, exiger des requérants principaux une connaissance minimale du français. Ensuite, créer une voie accélérée pour les personnes qui ont étudié en français. Ces propositions touchent directement deux des facteurs les plus fortement...

M. Dubreuil (Benoît) : ...à l'utilisation du français dans l'espace public, la connaissance du français à l'arrivée est la langue des études.

J'ai cherché à estimer quel pourrait être l'effet de ces modifications sur l'utilisation du français chez les personnes admises à l'immigration économique. Alors, pour référence, au recensement de 2021, 62 % des immigrants économiques travaillaient le plus souvent en français, 26 % le plus souvent en anglais et 10 % dans les deux langues. Si on répartit les réponses multiples entre l'anglais et le français et si on exclut les autres langues qui jouent un rôle marginal sur le marché du travail, on arrive à un ratio de 68 % pour le français et de 32 % pour l'anglais. Selon mes calculs, les mesures proposées permettront d'atteindre une proportion beaucoup plus élevée. On pourrait atteindre au sein de l'immigration économique, un 79 % pour le français et un 21 % pour l'anglais. Pour ce qui est des migrations totales, le ratio serait plutôt de 76 % pour le français et de 24 % pour l'anglais. Alors, je tiens à préciser ce sont des estimations nécessairement très approximatives compte tenu des données qui sont à notre disposition et des incertitudes. Elles donnent néanmoins un aperçu de l'ampleur des changements auxquels on peut s'attendre. Dans tous les cas, la proportion se rapprocherait, mais elle n'atteindrait pas tout à fait le niveau nécessaire pour éviter que l'immigration, de manière générale, fasse baisser la place relative du français.

Je note plusieurs incertitudes quant aux répercussions que pourraient avoir les mesures proposées. On sait qu'un grand nombre de personnes admises connaîtront le français, mais ce n'est pas parce qu'on connaît le français qu'on l'utilise de manière prédominante. D'abord, la plupart des immigrants qui connaissent le français connaissent aussi l'anglais. Parfois, ils connaissent l'anglais mieux que le français et ont tendance à préférer son utilisation. Ensuite, les niveaux de français qui seront exigés, soit les niveaux cinq et sept, sont vraisemblablement inférieurs à ceux qui seraient nécessaires pour permettre aux gens d'exercer pleinement leur profession en français, ce qui pourrait également les inciter à utiliser l'anglais s'ils maîtrisent mieux cette langue. Finalement, on ne sait pas comment vont évoluer les conditions d'accueil. Le déploiement de Francisation Québec, par exemple, pourrait éventuellement mener à une hausse plus marquée de l'utilisation du français. Mais je pense qu'on doit modérer nos attentes puisque l'expérience des dernières décennies montre que les personnes qui optent pour l'anglais à l'arrivée sont assez peu susceptibles de changer par la suite pour un usage prédominant du français.

Alors, de mon point de vue, le principal enjeu avec la proposition qui est sur la table est qu'il sera difficile d'en faire le suivi. Pour savoir si le Français réussit à tirer son épingle du jeu dans l'immigration permanente, je devrai attendre les données du recensement qui seront diffusées à l'automne 2027, alors que la prochaine planification de l'immigration sera déjà prête. Si on considère le temps qui sera nécessaire pour analyser les données et modifier les programmes en conséquence, ça veut dire qu'on pourra au mieux corriger le tir à partir de 2029. C'est ce qui justifie vraiment la proposition principale que j'avance dans mon mémoire. Si on veut pouvoir rajuster le tir sans devoir attendre quatre ou cinq ans, il faut mettre en place un mécanisme de suivi qui va nous permettre d'ajuster la sélection des immigrants d'une manière agile en fonction des résultats obtenus. Plus précisément, je propose au ministère de créer une enquête de relance auprès des immigrants économiques admis dans l'année. L'enquête devrait prévoir un échantillon permettant l'analyse des principales variables qui influencent l'utilisation du français, incluant la connaissance du français et de l'anglais à l'arrivée, le pays d'origine, la langue des études, le domaine d'emploi. Pour fins de comparaison, l'enquête pourrait aussi couvrir les personnes parrainées et les personnes réfugiées.

Pour ce qui est des indicateurs, je propose de reprendre les deux plus connus. Pour ce qui est de l'espace public, à savoir l'indicateur de langue de travail utilisé par Statistique Canada et l'indicateur de langue d'usage public utilisé par l'Office québécois de la langue française. L'utilisation de la langue de travail permet de faire le pont avec les données riches et exhaustives du recensement canadien, alors que l'utilisation de l'indicateur de langue publique permet de couvrir les personnes qui n'occupent pas d'emploi.

• (11 h 40) •

Pour ce qui est de la cible à atteindre, je pars du principe que l'on souhaite au minimum qu'une éventuelle hausse de l'immigration économique ne vienne pas accélérer un recul du français. Pour y arriver, il faut que le français soit utilisé au moins aussi souvent dans l'immigration économique que dans la population en général. Dans le mémoire, je montre que la cible qui permet d'atteindre ce résultat se trouve entre 83 % et 87 % après répartition des réponses multiples et exclusion des langues autres que le français et l'anglais. Alors, pour simplifier les choses, je propose d'adopter une cible de 85 % pour le français et de 15 % pour l'anglais comme langue utilisée le plus souvent en public.

À noter que le mécanisme que je propose concerne uniquement les immigrants économiques adultes et ne vient pas résoudre les enjeux que l'on observe chez une partie des personnes parrainées, des personnes réfugiées et n'ouvre pas la question en plus de l'immigration temporaire.

Pour ce qui est des seuils d'admission, l'enjeu est simple si on ne réussit pas à atteindre la cible proposée, l'effet de l'immigration sur la place du français pourrait demeurer globalement négatif et le sera d'autant plus...

M. Dubreuil (Benoît) : ...plus que les volumes d'admission seront élevés. Pour cette raison, je propose de rendre la hausse des seuils d'admission conditionnelle à l'atteinte de la cible d'utilisation du français au sein de l'immigration économique.

Pour ce qui est de l'échéancier, je propose de déployer une enquête de relance dès le début de 2025 auprès des personnes adultes admises en vertu des nouvelles règles. Si l'assiette de 85 % est atteinte, on pourrait alors augmenter les volumes d'admission de l'immigration économique à partir de 2026, soit une année plus tard que ce qui est proposé dans le scénario un. En revanche, si la cible n'est pas atteinte, la hausse serait reportée, le temps d'ajuster les critères d'admission et le plan d'invitation du ministère.

Alors, j'arrive à la conclusion. Simplement mentionner que je propose également de ne pas considérer dès maintenant comme étant hors seuil les personnes admises au volet Diplômé du Québec du PEQ. Les personnes diplômées des universités francophones sont en effet les plus susceptibles d'utiliser le français au travail et doivent être admises de manière prioritaire. Cependant, le fait de les considérer hors seuil rendrait plus difficile l'atteinte de la cible au sein de l'immigration économique. Alors, cela dit, si on peut démontrer au bout d'un an ou deux qu'on est capable d'atteindre la cible de 85 % sans difficulté, cette décision pourrait être réévaluée.

Alors, j'en profite pour conclure, simplement pour mentionner que le mémoire présente aussi d'autres recommandations complémentaires que je vous invite à consulter et par rapport auxquelles il me fera plaisir de répondre à vos questions. Voilà.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Dubreuil. Nous allons donc entamer la période d'échange, et je me tourne du côté de la banquette gouvernementale. Mme la ministre, vous allez... au total, une période de 14 minutes. La parole est à vous.

Mme Fréchette : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci, M. le Commissaire, M. le secrétaire général. Merci de prendre part à cet exercice. D'une part, je voudrais saluer, M. le Commissaire, le fait que vous avez revêtu vos habits de commissaire très rapidement et que vous vous êtes mis au travail vraiment très rapidement. Et, bien, je salue, en fait, le mémoire que vous avez déposé dans le cadre de cette commission parlementaire. Je constate que vous nous partagez, dans un premier temps, des informations, des données fort pertinentes, fort éclairantes. Et ça, c'est tout à votre honneur. Et par ailleurs vous avez voulu vous montrer aussi constructif, au sens où vous êtes allé plus loin que la présentation des données, vous avez aussi cherché à nous aider à avancer sur ce chemin pour mettre en valeur le fait français, la langue française au sein de la population immigrante. Donc, merci pour ça, également.

Vous avez vu qu'on était très actifs, ces derniers temps, et même depuis plusieurs années, en lien avec le fait français. Au printemps dernier, on a proposé, en fait, une réforme importante de nos cinq programmes d'immigration économique pour mettre en valeur le fait français. On a également mis sur pied Francisation Québec au cours des dernières semaines, un organisme qui va desservir un bassin très large de clientèles. On a, de manière plus lointaine, doublé le budget de la francisation au Québec. On a donné accès, également, aux mesures de francisation aux immigrants temporaires, ce qui n'était pas le cas avant notre arrivée.

Donc, moi, j'aimerais vous entendre sur le jugement que vous portez quant à ces différentes actions. En quoi changent-elles la donne pour le fait français, particulièrement au sein de la population immigrante et, plus largement, québécoise?

M. Dubreuil (Benoît) : Oui. Alors, c'est sûr que, pour ce qui est des changements réglementaires qui sont proposés, je l'ai mentionné, là, je vais peut-être le répéter, ça va amener l'utilisation du français au sein de l'immigration à des niveaux qu'on n'a pas vus historiquement. Donc, je le maintiens, ça ne sera peut-être pas suffisamment élevé pour atteindre vraiment le niveau dont on a besoin pour dire que, globalement, l'immigration fait croître la proportion de Québécois qui utilisent le français, mais, franchement, il y a quelque chose là-dedans qui vient, quand même, là, propulser l'utilisation du français à des niveaux qui, historiquement, n'ont pas été observés. Ensuite, vous faites référence, je crois, beaucoup au déploiement et à l'engagement envers Francisation Québec.

Donc, moi, je me suis engagé publiquement et j'ai déjà eu des discussions, en fait, avec votre ministère pour voir comment on allait mettre ça en œuvre, mais je me suis déjà engagé à faire une évaluation, un suivi du déploiement de Francisation Québec, et on va aller voir les différents partenaires du ministère pour aller recueillir, en fait, leurs points de vue, leurs perspectives, pour être en mesure, dans mon rapport annuel, de présenter une vision globale de la qualité du déploiement et de l'efficacité des mesures.

Il y a évidemment, derrière le déploiement de Francisation Québec, je pense, un certain nombre d'objectifs qui font plutôt consensus et auxquels je me rallie entièrement. L'idée d'avoir un guichet unique, par exemple, je pense que c'était quelque chose que plusieurs acteurs réclamaient depuis longtemps. Je pense que c'est quelque chose qui a suscité l'adhésion...

M. Dubreuil (Benoît) : ...ensuite, on comprend que mettre ça en place, c'est quand même une réforme administrative qui est... voilà, qui est costaude, hein, puis donc ça prend quand même un certain temps à réaliser. L'idée d'élargir la francisation aux différents publics, je pense que c'est aussi une approche qui était consensuelle, que ce soit aux personnes qui sont ici avec un permis de séjour temporaire, ou encore des gens qui viennent du reste du Canada, ou encore la population même du Québec qui n'aurait pas les compétences nécessaires en français. Donc, ça, c'est des objectifs qui me semblent tout à fait pertinents.

Ensuite, ce que je dirais cependant, c'est que, sur la question de la francisation, moi, je maintiens quand même, et je veux envoyer le message aussi, qu'il faut quand même être assez prudents par rapport à ce qu'on peut faire avec des mesures de francisation. Parce qu'on a un historique aussi. On a un historique, au Québec, des dernières décennies où on a fait de la francisation. Et on sait que ça peut donner des bons résultats dans certaines circonstances, mais on sait qu'il y a d'autres circonstances aussi où c'est plus difficile. Quand vous avez des gens, par exemple, qui ont besoin d'une longue francisation, qui ont besoin d'une formation qui a une très grande durée avec une très grande intensité, c'est plus difficile, évidemment, pour l'État de financer l'entièreté de la formation mais aussi pour les gens. Parce que les principaux coûts de la francisation, c'est toujours évidemment la personne immigrante qui va les soutenir, hein? Ce qui coûte le plus cher quand on se forme, c'est le temps qu'on ne passe pas à travailler, hein? C'est le temps qu'on ne passe pas à faire d'autre chose, c'est les coûts de renonciation, les coûts d'opportunité. Donc, la francisation, elle a fait ses preuves, je pense, dans certains contextes, mais il faut quand même conserver des attentes modérées.

Mme Fréchette : Merci. J'aimerais que vous reveniez sur votre analyse, en fait, du PEQ — Diplômé, son impact en fait. Je ne saisis pas tout à fait pourquoi le fait que ce serait hors seuil nous éloignerait potentiellement d'un objectif. J'aimerais que vous précisiez.

M. Dubreuil (Benoît) : Oui, c'est que, selon mes calculs... et ça va dépendre, évidemment, de... Ça va dépendre un peu de ce que vous avez dans votre de déclaration d'intérêts, ça va dépendre un peu de la nature des candidatures que vous avez. Moi, je ne connais pas les candidatures que vous avez, O.K.? Donc, c'est sûr que les gens qui diplôment des universités francophones, ce sont parmi les candidats les plus susceptibles par la suite d'utiliser le français en public. Donc, moi, ma lecture, c'est que ça va être assez difficile d'atteindre déjà le seuil de 85 % en travaillant avec le PSTQ. Je pense que c'est possible, ça va dépendre vraiment de la manière dont vous allez développer votre plan d'invitation, mais je pense que ça... Ce n'est pas gagné, ce n'est pas gagné. Si vous enlevez les candidats les plus forts en français du PSTQ et du seuil de 50 000, je pense que vous mettez la barre un peu plus haute. Alors, vraiment, c'est ça, mon raisonnement.

Mais encore, moi, je ne connais pas non plus quelle est la nature, justement, du profil des gens qui sont dans le système. Peut-être que vous vous regardez le système et vous dites : Bien, sur la base de nos analyses, on pense qu'on a suffisamment de marge de manœuvre pour admettre, je ne me souviens plus le nombre exact pour l'immigration économique, peut-être, 30 000 personnes et atteindre facilement le 85 %. Parce qu'en fait ce qui est embêtant, puis c'est ce que je note dans mon rapport, c'est qu'en bout de ligne, au Québec, ce qui compte, c'est, oui, la connaissance du français, mais on connaît la situation aussi dans la grande région de Montréal, il y a un taux de bilinguisme qui est extrêmement élevé, il y a une possibilité, dès qu'on parle le français ou dès qu'on parle l'anglais, de faire à peu près tout, tout ce qu'on veut.

Donc, ce qui va compter, souvent, sur le marché du travail, c'est de savoir : est-ce que la personne est vraiment plus confortable en anglais ou vraiment plus confortable en français? Hein, souvent, ce qui détermine l'usage, là, c'est vraiment de voir dans quelle langue la personne a le plus d'aisance. Donc, ce qu'il nous faut, idéalement, c'est de s'assurer que, dans l'immigration économique, on ait une masse suffisante de personnes qui, spontanément, vont être meilleures en français. Et ça, peut-être que vous les avez dans votre système de déclaration d'intérêt. Pour moi, de l'extérieur, c'est difficile à dire. Mais je pense que, dans le développement plus fin de la sélection du plan d'invitation que vous allez faire, c'est vraiment ce que vous devez rechercher.

• (11 h 50) •

Mme Fréchette : Pour le PEQ — Diplômé, il n'y aura pas un passage à travers le système de déclaration d'intérêt, là, il suffira de rencontrer les critères pour être sélectionné. On imagine, en fait, de notre côté, que, si quelqu'un a étudié en français... bien, qu'il y aura un niveau d'aisance et un confort envers la langue française, qui en soi sera aidant pour le fait français.

M. Dubreuil (Benoît) : Absolument, absolument.

Mme Fréchette : Dans votre mémoire, vous proposez, donc, une nouvelle idée, là, une idée novatrice de gestion adaptative des niveaux d'immigration sur la base des résultats d'enquêtes sur l'utilisation du français au travail et dans l'espace public. Alors, moi, j'aimerais ça vous entendre sur le côté faisabilité de cette idée-là. Comment est-ce que vous voyez ça dans une perspective temporelle, ce que ça prendrait pour mettre ça en place et à quelle vitesse, avec quelle rapidité on pourrait se mettre à l'oeuvre?

M. Dubreuil (Benoît) : Oui. Alors là, il y a peut-être des éléments techniques que vous... il y a certainement des...

M. Dubreuil (Benoît) : ...technique que vous maîtrisez mieux que moi. Ce que je comprends, c'est qu'entre le moment où vous émettez votre CSQ et le moment où l'admission se passe, il peut quand même y avoir un bon délai, hein? Je sais que le délai a varié aussi avec le temps, mais je pense qu'à partir du moment où les gens que vous allez sélectionner selon les nouvelles règles vont commencer à être admis... Alors, à quel moment ça aura lieu? Ça va dépendre un peu à quel moment les décrets entrent en vigueur puis ça va dépendre des délais fédéraux, et tout. Mais, si les gens commencent à entrer... à être admis, pardon, dans un an, ou début 2025, ou fin 2024, je pense que, dès... à ce moment-là, vous pourriez aller les sonder avec une enquête, qui n'a pas besoin d'être 25 000 personnes, là, ça peut être 4 000 ou 5 000 personnes, il faut voir, développer un échantillon, vous pourriez travailler avec l'Institut de la statistique, qui ont cette expertise-là. Et, je pense, dès le début 2025, vous pourriez aller contacter les gens pour voir quelle langue ils utilisent en public.

Évidemment, un argument qu'on pourrait faire, c'est dire : Bien, écoutez, les gens viennent d'arriver au Québec, est-ce qu'ils ont vraiment eu le temps d'opter pour le français ou l'anglais? Et là la réponse que je donnerais, c'est : Évidemment, comme on le sait tous aujourd'hui, bien, la plupart des gens qui sont admis sont déjà au Québec, et ceux qui ne sont pas déjà au Québec, bien, souvent, ils ont déjà une connaissance avancée soit du français et de l'anglais, qui fait en sorte que, dès qu'ils arrivent, bien, c'est déjà clair pour eux qu'ils vont fonctionner dans une langue ou dans l'autre. Des fois, ils ont déjà une offre d'emploi. Donc, les choses se placent quand même assez rapidement. Donc, je pense que ça nous donne la possibilité d'être agile, d'être agile.

Donc, si vous arrivez dès le début de 2025, vous commencez à questionner les gens en utilisant des méthodologies qui sont éprouvées... C'est pour ça que je ne propose pas non plus d'utiliser des indicateurs qui n'existent pas. Moi, il y a peut-être des indicateurs que théoriquement je préfèrerais développer, qui seraient meilleurs que ceux de Statistique Canada ou de l'OQLF, mais comme ces indicateurs-là existent, comme ils sont éprouvés, comme ça nous donne une base de comparaison, je pense que c'est pertinent de les reprendre, parce que ça nous permet d'agir plus rapidement. Et là, dès 2026, comme je l'ai dit dans mes remarques introductives, vous auriez l'information en main pour savoir si vous êtes sur la cible, un peu en bas de la cible ou beaucoup en bas de la cible. Je pense, si vous êtes à 83 ou à 84, franchement, il n'y a pas d'enjeu, mais, si vous êtes à 60 ou à 62, franchement, c'est un signal d'alarme qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, là, dans le mécanisme de sélection.

Mme Fréchette : D'ailleurs, est-ce qu'il n'y a pas des facteurs aussi qui pourraient influencer le comportement linguistique des personnes que l'on analysera et qui feraient en sorte qu'on prenne des décisions en matière d'immigration sur la base d'un comportement qui a été influencé par une diversité de facteurs, oui, en lien avec l'immigration mais pas nécessairement non plus, ça peut être le cadre de travail, et tout le reste?

M. Dubreuil (Benoît) : Oui, oui, oui. Bien, c'est sûr que le principal facteur qui détermine dans quelle langue les gens vont fonctionner publiquement, c'est les compétences des gens. O.K. Quelqu'un qui est beaucoup plus fort dans une langue va être naturellement porté à utiliser davantage cette langue. Et ça vaut aussi sur le marché du travail, sur le marché du travail, vous avez intérêt à trouver un emploi qui vous permet de travailler dans la langue où vous êtes le plus fort, hein? Parce que, quand vous travaillez dans la langue que vous êtes plus fort, c'est plus facile de lire de la documentation. C'est plus facile de participer à des rencontres. C'est plus facile d'expliquer à un client vos produits. C'est plus facile de comprendre les besoins du client.

Donc, le premier critère, vraiment, c'est vraiment le niveau relatif de compétence en français par rapport... par rapport à l'anglais. Mais c'est sûr qu'au-delà de ça, il peut avoir des dynamiques organisationnelles. Par exemple, si vous n'êtes pas très bon en anglais, mais vous tombez dans une entreprise où tout le monde est unilingue francophone, bien, la pression va être forte pour vous... sur vous d'utiliser le français davantage, donc, ou si vous avez un employeur qui a un leadership extraordinaire et qui réussit à imposer le français ou qu'il a des mesures extrêmement efficaces de francisation, bien, ça va vous encourager aussi à utiliser le français. Donc, il y a effectivement plusieurs facteurs qui sont à prendre en considération. Et ce que je trouve intéressant, en fait, dans l'approche que je propose, c'est qu'en fixant un résultat, un résultat qui est explicite, une cible qui va être claire pour tout le monde, on se donne collectivement une obligation de résultat.

Donc, ça vaut aussi pour les employeurs, parce que les gens qui vont parler français ou anglais en milieu de travail, ces gens-là, ils ont un patron, ils sont dans un environnement d'affaires. Donc, ça veut dire que le patronat, les employeurs ont aussi un rôle à jouer pour faire en sorte que, collectivement, on atteigne de bon niveau.

Mme Fréchette : Il nous reste peut-être une minute...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Petite minute.

Mme Fréchette : Petite minute. Alors, je vous amènerais sur une recommandation que vous faites, d'informer les personnes souhaitant s'établir au Québec, de même que les employeurs et les établissements d'enseignement, des exigences linguistiques propres à chaque profession. On imagine que c'est un grand chantier, d'une grande complexité aussi. Donc, j'aimerais ça que vous élaboriez davantage sur ce thème.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...secondes.

M. Dubreuil (Benoît) : Écoutez, il y a un projet qui est en cours entre l'Université de Montréal et le ministère de la Langue française, qui est un projet qui était piloté chez vous précédemment par le professeur Christophe Chénier, qui est expert en docimologie. Et ce qu'ils sont en train de faire, en fait, c'est, ils regardent...

M. Dubreuil (Benoît) : ...la classification nationale des professions, qui décrit, je pense, quelque chose comme 500 emplois, et ils regardent... ils font le lien avec l'échelle des niveaux de compétence en français, qui va de 1 à 12. Donc, pour chacun des emplois, 500 emplois, on essaie d'établir un niveau précis.

Alors, ça, je pense que c'est important, parce que je pense qu'il y a beaucoup de confusion par rapport à c'est quoi, le niveau exact de français que l'on a besoin pour travailler dans tel ou tel domaine, je pense qu'il y a beaucoup de confusion. Les gens ne sont pas habitués de penser dans ces termes-là, et je pense qu'il y a beaucoup de personnes immigrantes qui arrivent puis qui parfois vont avoir tendance à sous-estimer quel est vraiment le niveau dont ils vont avoir besoin pour être pleinement performants. Des employeurs aussi peuvent avoir tendance à le sous-estimer. Donc, à mon avis, on aurait plus de transparence...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Dubreuil.

Mme Fréchette : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : On en dit, des choses, en 50 secondes.

Mme Fréchette : Oui, mine de rien.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre. Alors, je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle, avec, je présume, le député de Nelligan, pour une période totale pour votre banquette de 8 min 24 s. La parole est à vous.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Je n'ai pas beaucoup de temps, j'ai plein de questions. Donc, si on peut, nous deux... Moi, je vais raccourcir mes questions, vous, vos réponses.

Premièrement, je tiens à saluer la qualité de votre mémoire, une dizaine d'articles et de recherches scientifiques. Statistique Canada, OQLF, c'est très bien documenté. Bravo! Je vais avoir des questions dirigées sur uniquement le point 3.4 qui touche l'immigration temporaire. C'est presque deux pages. Nous sommes invités en consultation pour deux scénarios... 140 000... 150 000. Moi, j'aimerais bien vous entendre, aujourd'hui, sur l'autre scénario qui est absent : les immigrants temporaires.

Je voulais voir si vous avez très bien détaillé, vous avez très bien détaillé. J'aimerais vous entendre sur le PTET, désolé parce que c'est très long, PTET, PMI. J'aimerais bien vous entendre sur les autres intrants qu'on ne contrôle pas. Parce que si on veut s'assurer de l'usage de la langue française, on ne peut pas juste voir l'immigration... l'immigration permanente aujourd'hui. Depuis tout à l'heure, ce que vous avez dit qui est excellent, on le contrôle déjà avec des déclarations d'intérêts. Il y a quelque chose qu'on ne contrôle pas du tout, c'est tout ce qui touche l'immigration temporaire. C'est 340 000 en 2023.

M. Dubreuil (Benoît) : Et vous me demandez une réponse courte, hein?

M. Derraji : Non, non... pas une réponse... Allez-y.

M. Dubreuil (Benoît) : Alors, rapidement, rapidement. À mon avis, c'est sûr que le fait d'émettre un CSQ, hein, de reconnaître quelqu'un pour la résidence permanente, pour moi, c'est quand même une action qui est lourde de conséquences. Donc, quand on admet la personne, elle va pouvoir rester 40, 50, 60 ans, le reste de ses jours au Québec avec ses proches. À mon avis, il y a là quand même un poids, une décision qui a un poids vraiment particulier. Et c'est important, c'est vraiment le seul moment où on peut vraiment avoir un réel contrôle, il ne faut pas qu'on se trompe. Mais vous avez raison, l'immigration temporaire a pris des proportions qu'on n'aurait pas imaginées, hein, il y a quelques années.

Et, comme je l'ai mentionné dans mon rapport annuel, c'est sûr, maintenant, avec les nombres que l'on voit, forcément, il y a un impact sur la dynamique linguistique. On sait que, parmi l'immigration temporaire, il y a un usage de l'anglais qui est encore plus important qu'au sein de l'immigration permanente. Moi, à mon avis, ça prend une discussion de fond, vraiment, là, sur l'immigration temporaire, et je vais même dire... je vais aller plus loin, je dirais que ça prendrait au moins trois discussions de fond. Ça prend une discussion de fond sur la question des demandeurs d'asile et l'accueil des réfugiés. Parce que même s'il y en a beaucoup qui adoptent le français, il y a quand même un défi qui demeure, et ça interpelle la responsabilité fédérale et la gestion fédérale du système.

Il y a un deuxième débat qu'il faut avoir qui porte vraiment sur la question des étudiants étrangers et les permis postdiplômes, parce qu'on sait que c'est une catégorie où, en raison de la place des institutions anglophones au Québec, on a 40 à 45 % des gens qui étudient en anglais. On a 92 à 93 % des étudiants à l'échelle canadienne qui étudient en anglais. Donc, c'est sûr que c'est difficile, par la suite, de faire valoir le français sur le marché du travail. Ça, c'est une deuxième discussion.

La troisième que vous proposez, c'est vraiment sur les travailleurs temporaires et les PMI. Et là, mon problème, c'est que j'ai beaucoup de difficultés à m'y retrouver, et j'ai beaucoup de difficultés à trouver des gens qui sont capables de m'expliquer où on est.

• (12 heures) •

M. Derraji : Vous voulez que je vous partage une histoire. Il y a des gens qui ne se qualifieront pas dans les programmes du Québec, ils vont utiliser les PMI pour revenir... venir au Québec, parce que vous avez vu le niveau de français qu'on demande aux PMI. Donc, cela, on dit qu'on est en contradiction avec un gouvernement qui se dit vouloir protéger la langue française. Vous êtes probablement la personne la plus habile à venir aujourd'hui en commission parlementaire nous dire : Vous faites fausse route. Pourquoi on fait fausse route? Parce qu'au lieu qu'on parle de 40 000, de 50 000, j'aurais aimé prendre le temps nécessaire, en tant que société, et dire que le français est très important pour nous, mais comment on va le faire concrètement? Il y a tellement d'intrants, vous connaissez, c'est qui, ces intrants? D'ailleurs, on se perd dans les intrants, mais est-ce que, vraiment, on contrôle ce qui se passe par rapport à l'usage de la langue...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Derraji : ...avec l'ensemble des programmes qu'on ne contrôle pas du tout.

M. Dubreuil (Benoît) : Oui. Écoutez, je ne peux pas vous donner tort, là, il y a eu une évolution au cours des dernières années qui n'est pas québécoise, qui est canadienne, où il y a eu des nouvelles... des nouveaux permis qui ont été créés, des nouveaux programmes qui ont été créés, des nouvelles... de nouvelles exemptions qui ont été créées. On sait qu'il y a des enjeux de gestion des données, des statistiques aussi au sein du gouvernement fédéral. La possibilité justement de recouper et de découper les données pour voir ce qu'il en est de la question du français, c'est extrêmement difficile.

Et on a un changement en ce moment dans les politiques d'immigration, certains ont qualifié ça, là, de création d'un système à deux étapes, qui peut avoir un sens. Il y a des raisons pour lesquelles, par exemple, on favorise les étudiants qui ont étudié ici pour leur donner une voie d'accès rapide, il y a des raisons qui sont bien établies, mais on est en train de créer un système qui n'a pas beaucoup de lisibilité ni pour les décideurs ni pour les personnes immigrantes elles-mêmes. Donc, ça cause des questions. Moi, j'ai écouté les consultations, hier, j'ai vu des gens qui sont venus porter des témoignages. On voit que ça crée des dilemmes et des tensions qui sont plutôt de nature socioéconomique aussi, des questions d'équité, des questions de justice, mais il y a aussi des questions pour le français. Et moi, j'aimerais pouvoir avoir un examen, là, vraiment détaillé de ça.

M. Derraji : Mais M. Dubreuil, vous êtes quelqu'un de... qui fait beaucoup de recherches. Hier, vous avez entendu des témoins qu'au Québec, il y a de l'esclavagisme. Un représentant des Nations unies, il est venu au Québec, il a parcouru le Canada et il est venu au Québec pour faire des entrevues directes avec des personnes concernées. Cette consultation, on ne parle pas assez, pas uniquement des enjeux sociaux. Aujourd'hui, avec vous, vous ramenez un autre élément. Hier, les membres de la commission étaient confrontés à une réalité qu'on n'a pas vue avant. Moi, je l'ai vu parce que je suis allé voir et rencontrer les travailleurs temporaires étrangers. Mais ce que j'aimerais bien avoir avec vous, parce que vous êtes la personne la plus habile à le faire, à part qu'on fait fausse route au niveau de la francisation et au niveau de l'usage du français, c'est que ce scénario, moi, je l'appelle le scénario trois, qui est le grand absent de cette consultation. La ministre nous propose deux scénarios, 40 000, 50 000. Depuis le début, et je suis content qu'il y ait des journalistes dans la salle, les deux... 50 000, 60 000... On fait fausse route parce que, le débat sur les seuils, ce n'est pas le vrai débat qu'on doit avoir aujourd'hui. Le vrai débat, si notre intérêt est la promotion de la langue française qui est en déclin, on fait fausse route, parce que le troisième scénario est absent, à savoir les travailleurs temporaires étrangers. Est-ce que vous partagez avec moi cette affirmation?

M. Dubreuil (Benoît) : Alors, je vais peut-être simplement revenir sur le point que je mentionnais, je pense que la situation chez les personnes temporaires, pas juste les travailleurs étrangers temporaires, aussi les étudiants et les demandeurs d'asile, ce sont des questions qui méritent un examen approfondi. Cela dit, je reconnais aussi quand même qu'à partir du moment où on émet un CSQ où on accorde la résidence permanente, il y a quand même un élément supplémentaire qui se présente et qui, à mon avis, peut être considéré en soi.

M. Derraji : Mais vous savez que... mais c'est dangereux, parce qu'un travailleur temporaire étranger peut continuer à travailler dans sa langue, peu importe, espagnole, anglaise pendant plusieurs années.

M. Dubreuil (Benoît) : Absolument.

M. Derraji : Vous venez de nous dire qu'on doit améliorer l'usage du français en milieu de travail. Attendez, le CSQ, là, c'est plus tard. On parle d'améliorer l'usage de la langue française maintenant. À moi, si vous me dites que vous êtes à l'aise, que dans des environnements de travail, on laisse aller, ça mérite une deuxième, troisième langue. Ce n'est pas ça, le problème. Vous êtes le protecteur de la langue française.

M. Dubreuil (Benoît) : Absolument. Mais je reconnais, je reconnais et je réinsiste sur le point. Il y a un enjeu, il faut absolument considérer la situation chez les personnes temporaires pour se donner une approche cohérente par rapport à la situation du français.

M. Derraji : Donc, le troisième scénario qui est absent, vous en dites quoi?

M. Dubreuil (Benoît) : Écoutez, je pense que ça mérite... On peut quand même discuter aussi de la question des seuils, mais c'est sûr que, pour avoir le point de vue global, idéalement, on aurait un ensemble de politiques qui serait cohérent.

Je pense qu'aujourd'hui, la façon dont les choses ont évolué, pas juste au Québec, hein, au Canada, on voit de moins en moins la cohérence entre les approches par rapport au temporaire puis comment ça s'insère par rapport aux permanents. Il y a cette tension-là qu'on observe dans les politiques à l'échelle canadienne aujourd'hui.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Le temps imparti à l'opposition officielle est terminé. Je me tourne maintenant du côté de la deuxième opposition avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne. Vous avez une période de 2 min 48 s. Le temps est à vous.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Merci pour votre mémoire, je l'ai lu avec attention. La place du français, moi aussi, dans l'immigration économique me préoccupe grandement, c'est quelque chose qu'il faut vraiment travailler et étoffer.

Vous avez mentionné être confiant sur certaines mesures, deux mesures, là, qui sont modifiées ou dans les propositions des différents programmes. Je me pose la question, cela dit, si vraiment ces mesures-là vont apporter une différence. On parle du PEQ étudiant tel que réformé, on réforme le PEQ étudiant en retirant l'exigence...

M. Cliche-Rivard : ...d'un an de travail après le diplôme. Donc, il n'y a pas de lien vraiment, le diplôme est acquis. La question, c'est : Est-ce qu'on retire un an ou on garde un an de travail après? Pour moi, il n'y a pas d'impact direct sur le fait français dans cette réforme-là. De l'autre côté, juste pour finir, on fonctionne, depuis 2019, avec un système d'invitation pour notre programme régulier temporaire. On a toujours choisi, depuis 2019, en amont, avec des gens qui font des déclarations d'intérêt. On les a choisis, le ministère les a choisis et, encore aujourd'hui, en 2023, ou en 2024, quand ça va être établi, on va encore les choisir. Bref, la grille a peut-être changé un petit peu, mais en amont, ça a toujours été le MIFI qui décidait ou qui déterminait à qui envoyer une invitation.

Alors, la question que je me pose, c'est... Moi, je ne suis pas certain que je suis confiant que ces deux mesures là modifiées vont réellement avoir un impact puis vont vous permettre d'accomplir vos cibles. Je le souhaite. C'est mon souhait profond, mais je ne suis pas sûr que ce sont deux mesures structurantes. Et moi, je pense que la place, justement, qu'on va donner à la francisation des temporaires et le... ça doit être notre première priorité, ça doit être que tous les résidents temporaires, une fois arrivés au Québec, commencent leur francisation. Il ne devrait plus y avoir personne, au Québec, qui travaille ou qui étudie qui n'entend pas, qui ne commence pas à s'initier au français tout de suite. Et les entreprises vont être des participantes, des aides dans ça : francisation payée en entreprises sur les heures de travail, cours de français dans les institutions anglophones postsecondaires.

Je pense qu'on doit aller dans des mesures structurantes plus fortes que de faire ce qu'on faisait déjà, c'est-à-dire choisir déjà comme on choisit encore ou enlever un an d'expérience de travail pour des gens qui se qualifiaient de toute façon. À mon humble avis, on doit aller plus loin.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...30 secondes.

M. Dubreuil (Benoît) : Oui, sur le fait qu'en fait la grande différence vient par rapport à l'admission des personnes qui ont étudié en anglais ou non, hein, je pense que c'est vraiment là que l'impact, on peut aller le chercher. Pour ce qui est du système d'invitation, c'est sûr que, si on met un minimum de niveau 5 pour inviter les gens, ça vient quand même exclure une partie des candidats qui avaient très, très peu de chances d'opter pour le français. Sur la question de la francisation des temporaires, j'entends bien, j'entends bien ce que vous dites et, en principe, je suis d'accord. Par contre, ce que je voudrais simplement mentionner, c'est que les coûts de la francisation...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Dubreuil. Malheureusement, c'est tout le temps. Alors, calculez bien vos questions, s'il vous plaît. Je me tourne maintenant du côté du député de Matane pour une période de 2 min 48 s. La période est commencée.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. M. le Commissaire, bienvenue à l'Assemblée nationale. J'ai bien pris note de votre intervention du début juin quant à vos premiers constats, deux en particulier m'intéressent. Vous dites que, le nombre d'immigrants temporaires, son explosion du nombre d'immigrants temporaires entraîne des répercussions importantes sur la situation du français. On est à plus de 300 000, il pourrait en rentrer 100 000 par année qui s'additionnent. Or, toutes les discussions jusqu'à maintenant, le gouvernement a choisi d'occulter cette question-là, parfois même en ironisant lorsqu'on pose des questions. Pourtant, ces personnes-là sont ici. Je ne sais pas pourquoi on choisit de ne pas en parler, c'est très important.

L'autre question. Vous dites que l'utilisation de l'anglais dans l'espace public qui est étroitement liée, pour les allophones et les francophones, au fait d'avoir étudié dans un cégep ou une université anglophone... Régulièrement, les différents ministres apprécient placer sur leur compte Twitter qu'ils ont rencontré le premier ministre et que c'est pour s'assurer de la fin du déclin du français. Je suggère bien humblement, avec bien d'autres depuis longtemps, que le cégep en français est une mesure nécessaire. Le premier ministre nous a dit qu'on était des extrémistes — ça inclut Guy Rocher, je me trouve en bonne bonne compagnie. Est-ce que... Ce que vous nous dites, notamment chez les allophones, c'est que le fait de socialiser en anglais à l'âge adulte a un impact considérable sur les habitudes linguistiques pour la suite des choses.

• (12 h 10) •

M. Dubreuil (Benoît) : C'est sûr que le fait de passer plusieurs années dans un établissement d'enseignement postsecondaire dans une langue, ça permet d'approfondir les compétences dans cette langue. Puis c'est sûr que, quand ensuite on est plus fort dans une langue, bien, la propension, la disposition à l'utiliser est plus grande. Vous savez, pour être admis dans une université anglophone un peu partout sur la planète, là, ça prend l'équivalent du niveau C1, hein, donc niveau 9, là, selon notre critère, ou des fois on baisse un peu, on met des 8 forts, hein, un B+ fort. Donc, c'est quand même un niveau assez élevé qu'on demande aux gens, même pour s'inscrire dans une université anglophone. Ensuite, quand les gens ont fait quatre ans de cours d'études en anglais, ils ne sont plus au niveau 8 ou 9, là, ils sont rendus au niveau 10, puis les meilleurs vont peut-être être rendus au niveau 11. Donc...

M. Bérubé : M. le commissaire, comme on est moins sur l'enseignement supérieur, en ce qui nous concerne, je vais profiter du fait qu'on est sur l'immigration. Donc, je vais isoler les francophones de l'équation, mais je vais suggérer à la ministre que, pour les allophones, il y ait cette volonté qui se dirige vers...

M. Bérubé : ...les universités... en fait, sur les collèges francophones. Je pense que la ministre peut, elle, à travers les outils qu'elle a, dire : Bien, c'est une mesure qui est validée, là, ce n'est pas l'opposition qui le dit, c'est le commissaire qui le dit. Il n'est pas trop tard pour le faire, et on pourrait décider de commencer par faire cette expérience-là. Les enfants de la loi 101, cégep en français, on est les seuls à défendre ça. Québec solidaire ne défend pas ça, le Parti libéral...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : M. le député, merci beaucoup. Le temps est...

M. Bérubé : J'ai tout dit ce que j'avais à dire là-dessus.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...s'est écoulé. M. le commissaire, merci beaucoup pour l'apport à nos travaux. Je suspends quelques instants, le temps que le prochain groupe s'installe. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 12 )

(Reprise à 12 h 14 )

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend donc ses travaux. Alors,  je souhaite maintenant la bienvenue à maître... pas maître, Pr Termote. Bonjour, M. Termote. Alors, vous allez disposer d'une période de 10 minutes pour... avant de débuter l'échange, mais vous allez vous présenter et, par la suite, je vais pouvoir prêter la parole à nos intervenants. La parole est à vous.

M. Termote (Marc) : Alors, avant tout, je voudrais vous remercier de l'invitation parce que vraiment, à mon âge très avancé, vous me donnez l'illusion que, peut-être, je peux encore être utile à la société qui m'a accueilli il y a maintenant plus d'un demi-siècle. Mais vous avez des journées très chargées, je vais aller le plus vite possible.

Je ne peux que dire du bien de la proposition qui concerne à faire augmenter progressivement le nombre des immigrants permanents de 50 000 à 60 000. Je soutiens totalement cette proposition. À ces 60 000, il faut ajouter ceux qui proviennent du Programme d'expérience québécoise, disons un 10 000. Ce qui nous donnerait quelque chose comme 70 000 immigrants permanents. Ça équivaut à un taux d'immigration, c'est-à-dire le pourcentage d'immigrants par rapport à la population, de 0,8, 8/10ᵉ de 1 %. C'est énorme. C'est un des taux d'immigration les plus élevés au monde, ça. Alors, on est battu uniquement par le reste du Canada. Et donc, en ce sens-là, il faut saluer cette proposition. Le deuxième aspect fondamental de cette proposition, c'est que cette immigration doit de plus en plus être, si possible, quasiment totalement francophone. De sur le point de vue francophone, je reviendrai plus tard.

Moi, ce qui m'a intéressé dans les 60 000 qu'on propose, c'est que, finalement, ça rejoint...

M. Termote (Marc) :  ...moi, ce que j'avais proposé, il y a deux ans, dans un rapport au ministère de l'Immigration, au MIFI, où j'avais, pour des raisons démographiques, proposé 58 000. Pour des raisons démographiques, la raison étant la suivante, c'est que nous sommes quasiment, maintenant, dans une situation où la totalité de la croissance démographique du Québec est liée à l'immigration. L'accroissement naturel est quasiment nul, et va devenir négatif, et le sera de plus en plus négatif. Alors, pour compenser les naissances manquantes et pour assurer qu'on continue quand même à augmenter le nombre d'habitants, légèrement mais n'empêche, il faut les remplacer, ces naissances manquantes par des immigrants. C'était ça, le raisonnement qui était derrière ma proposition.

Et ça m'amène — et je vais aller très vite parce que vous allez être serrés par le temps — j'ai quand même quelques réserves, et la première réserve, c'est que, justement, on a l'impression, en lisant la proposition, que c'est pour des raisons économiques que l'on va passer de 50 000 à 60 000. Et d'abord l'accroissement de 50 000 à 60 000 est dû quasiment uniquement à l'immigration économique. Je peux comprendre cette approche dans la mesure où l'immigration économique est quasiment le seul levier sur lequel on a quasiment les pleins pouvoirs au Québec, mais il ne faudrait pas qu'on pense que cette immigration économique va nous enrichir.

C'est une utopie de penser que l'immigration va enrichir la population, que ce soit la population québécoise ou n'importe quelle autre société d'accueil. Toutes les études montrent très clairement que l'immigration n'a un impact économique que très légèrement négatif ou très légèrement positif, même quasiment zéro. Il y a même une étude toute récente de l'Université de Waterloo, trois grands économistes bien connus qui ont dit : Le Québec... pardon, le Canada s'est appauvri à cause de l'immigration depuis 50 ans. Donc, détruisons cette utopie que l'impact économique pourrait être profitable. Il y a... À mon avis, la justification fondamentale est démographique.

Du point de vue démographique, justement, il y a d'autres volets, il n'y a pas seulement les nombres, il y a la structure par âge, et là il y a quand même, dans le cahier de consultation, dans le cahier où on présente des propositions, un certain flottement. On insiste sur le fait qu'il faut rajeunir la population, et on a bien raison, sauf que c'est encore une fois une utopie de penser qu'on peut rajeunir la population grâce à l'immigration. L'impact de l'immigration sur le rajeunissement de la population est nul. On essaie d'agir sur 15 % de la population, le stock d'immigrants, en rendant ce stock un peu plus jeune, mais on ne rajeunit quasiment pas. En fait, la population d'âge actif vieillit grâce à cause de l'immigration, parce qu'un immigrant arrive en moyenne à 30 ans, alors que la population d'accueil arrive sur le marché du travail vers 20 ans. Ça, c'est pour l'aspect démographique. En d'autres termes, le point fondamental de l'illusion qu'on fait parfois, c'est de penser qu'un immigrant égale un bébé. C'est une énorme différence.

Alors, l'aspect francophone? Là aussi, j'applaudis bien sûr à cette approche. On va soumettre les immigrants à des conditions très strictes. Il ne suffira pas, pour la plupart, de simplement déclarer, après auto-évaluation, on connaît le français, et il y aura, pour beaucoup, un examen et tout ça. Mais dans la proposition, et on le dit très bien avec... et c'est très judicieux, qu'il y a un suivi à faire parce que si on n'atteint pas les cibles en termes de francisation des immigrants, eh bien, on va peut être rajuster les objectifs, les seuils. Donc, il y a un suivi à faire, et à cet égard là, je suis très reconnaissant à cette approche qu'on remet en cause.

• (12 h 20) •

Mais d'une façon générale, quand on parle de francisation des immigrants, ça me sidère totalement l'insistance qu'on met sur la francisation. On doit insister là-dessus, mais ça ne suffit pas. Ce n'est que marginal. Il y a une étude qui a été publiée il y a deux ans par l'Office de la langue française. Une étude faite par deux chercheurs de Statistique Canada. Ce n'est pas Termote, c'est... donc, et qui disent carrément... Ils ont fait des simulations en disant : Supposons que tous les...

M. Termote (Marc) : ...immigrants sont francophones... et 100 % francophones, là, pas après l'autoévaluation. Ils sont tous francophones. Ils parviennent tous... ils viennent tous de pays francophones. Leur langue maternelle serait le français, etc., et la moitié va en région, etc., des scénarios de simulation totalement utopiques, et ça ne fait que très légèrement freiner la baisse du français. Pourquoi? Parce qu'il y a un phénomène fondamental qu'on oublie toujours dans ce débat-là,  c'est que l'essentiel du déclin du français au Québec est dû à la sous fécondité des francophones. Il faut 2,1 enfants par femme... Et ne mettons pas ça sur le dos des femmes, hein? Il faut 2,1 enfants par femme pour renouveler une population, pour garder simplement constant le nombre de locuteurs du français, du français ou de n'importe quel autre groupe. À Montréal, parce que c'est à Montréal... En région, il n'y a pas de problème pour l'avenir du français, mais à Montréal, les francophones ont en moyenne 1,1 enfant par femme. C'est la moitié du nombre nécessaire simplement pour garder constant le nombre de locuteurs.

Alors, c'est évident que dans des conditions pareilles, le nombre de... Et cette sous-fécondité, elle est là depuis longtemps, hein? Elle a été cachée parce que le nombre de femmes en âge d'avoir des enfants restait assez élevé. Maintenant, ces femmes du baby-boom disparaissent, je peux dire, des âges reproductifs. Et donc le résultat, c'est que maintenant on a un gros problème de ce côté-là. Et c'est l'étude de Stat Can, publiée par l'office, disait en conclusion : C'est là qu'il y a le problème. Sauf qu'on ne peut pas agir là-dessus. C'est éthiquement totalement injustifié que de demander aux femmes... de faire des enfants au nom du français.

Donc, c'est pour ça que moi je ne peux pas m'empêcher d'être pessimiste, mais je suis pessimiste uniquement pour Montréal. Pour le reste du Québec, il n'y a pas de problème pour l'avenir du français. Bon, je ne vais pas abuser de votre patience. On devrait parler d'humanitaire...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il reste une minute, une minute.

M. Termote (Marc) : Oui. Bien, l'humanitaire, on n'y touche pratiquement pas. Je trouve ça regrettable. Et alors il y a bien sûr l'immigration temporaire, dont on pourra peut-être parler plus tard. Je comprends que, comme ça, on est très... entre les mains du Québec et qu'on a besoin d'un peu plus de temps pour travailler là-dessus. Merci pour votre patience et merci de votre attention.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Vous avez encore quelques secondes, là. Je vous ai bousculé, mais quelques secondes.

M. Termote (Marc) : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Dernier petit message?

M. Termote (Marc) : Ça me va très bien, oui.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : D'accord. Merci beaucoup, Pr Termote pour votre présentation. Alors, on va commencer maintenant la période d'échanges avec les parlementaires. Je vais me tourner du côté de la ministre et du gouvernement pour une période totale de 14 minutes. La parole est à vous.

Mme Fréchette : Oui. Merci beaucoup, Pr Termote. Très contente d'avoir l'occasion de vous rencontrer à nouveau. On s'était vus il y a quelques mois pour parler de l'étude, justement, que vous aviez faite pour le ministère. Alors, merci d'avoir participé cette fois-ci, donc, aux consultations sur l'immigration pluriannuelle. C'est toujours intéressant de vous entendre et de vous lire.

Moi, je vous amènerais sur le thème... un thème qui est fort important pour notre gouvernement, c'est celui de la régionalisation de l'immigration. C'est une de nos priorités en matière d'immigration, d'avoir davantage de personnes immigrantes qui vont s'implanter en région, en dehors de la région métropolitaine de Montréal et qu'ils le fassent idéalement dès leur arrivée au Québec, et non pas après quelques mois ou années passés dans la métropole ou dans un autre grand centre.

Donc, moi, je voyais qu'à la recommandation... À la page 22, la recommandation 3.7, vous évoquez en fait la création de pôles d'immigration dans d'autres centres urbains que dans la métropole, donc à l'extérieur de Montréal. Alors, moi, je me demandais qu'est-ce que notre ministère pourrait faire pour favoriser la création de ces autres centres urbains avec un noyau important de personnes immigrantes, là. Quelle nouvelle mesure nous permettrait d'atteindre cet objectif-là? Je dois dire qu'on a déjà pris un certain nombre de mesures au cours des dernières années, et ça semble donner des résultats très intéressants, parce qu'on est passé à 20 % des personnes qui habitaient en dehors de la région métropolitaine de Montréal en 2016, des personnes qui étaient arrivées deux ans auparavant, donc 20 % en 2016. En 2022, on était rendu à 31,5 % de personnes qui habitaient en dehors de la région métropolitaine de Montréal deux ans après leur arrivée, donc un bond de 50 % au cours des huit dernières années, ce qui est très intéressant. Mais on ne veut pas s'arrêter là. Nous, notre volonté, c'est d'aller de l'avant encore plus haut. Alors, qu'est-ce qui pourrait être fait de votre point de vue pour favoriser encore cet élan-là?...

M. Termote (Marc) : ...je n'ai intentionnellement pas parlé dans ma très brève présentation de la régionalisation, me doutant bien que ça allait arriver sur le tapis. Et effectivement, dans le cahier de consultation, on parle à plusieurs reprises de la régionalisation. Le problème avec la régionalisation, c'est que... et je trouve vos efforts très louables, c'est que ça fait 50 ans qu'on en parle et que ça n'a quasiment pas bougé. Ça bouge un tout petit peu dans la mesure où les immigrants s'installent dès leur arrivée, souvent un peu plus à l'extérieur de la région métropolitaine de Montréal, mais c'est en périphérie de la région métropolitaine. C'est plutôt un phénomène de déconcentration qu'un phénomène, disons, de vraiment s'installer en région. Alors, ce... bien insister quand on parle de la régionalisation, sur le fait que le profil des immigrants qui s'installent en région est pas mal différent de ceux qui s'installent à Montréal. On ne peut pas dire a priori s'ils ne sont pas éventuellement... s'il n'y a pas une sélection, un biais de sélection, dans la mesure où beaucoup d'immigrants qui s'installent en région, dans les quelques grands centres qui en reçoivent, Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke, eh bien, pour souvent... nombre d'entre eux sont très scolarisés, ils font par exemple partie de l'université ou de cégeps. Donc, il y a un biais de sélection, ou bien ils vont travailler à l'autre niveau de scolarisation, éventuellement dans l'hôtellerie et dans la restauration. Donc, oû ils peuvent avoir une niche, mais c'est quand même une minorité. Ce qui est très important de souligner, ça rejoint votre approche, c'est que ceux qui s'installent en région, même s'ils sont encore très minoritaires, s'installent... s'intègrent beaucoup mieux et linguistiquement et économiquement que ceux qui vont à Montréal.

Maintenant, pourquoi dans ces conditions, continuent-ils, même s'il y a un certain progrès, à s'installer à Montréal, c'est qu'au Québec comme dans toutes les autres sociétés d'accueil, on observe le même phénomène, les immigrants vont là où leurs congénères, si je peux dire, sont déjà présents, ils vont rejoindre leurs semblables. Ça a toujours été comme ça. C'est partout pareil dans... en Ontario, ils vont à Toronto, en Colombie-Britannique, ils vont à Vancouver, en Allemagne, ils vont à Berlin, et cetera. Et donc c'est un phénomène général et il y a une raison bien forte à ça et qui est, à mon avis, dominante, c'est l'importance des réseaux sociaux, pas les réseaux sociaux médiatiques, là, mais les réseaux sociaux, familiaux, géographiques. On rejoint ces semblables provenant du même village. Et c'est dans ce sens-là que ma proposition est de dire : Bien, essayons de poursuivre la même chose et commençons par Québec. Et j'ai compris qu'à Québec on est en train de... de créer un début de pôle d'attraction pour créer un niveau critique suffisamment élevé d'immigrants qui correspondraient à cette idée qu'il faut faire jouer ce qu'on appelle dans le jargon le réseau des parents et amis. Et donc... Sauf que ça, c'est un processus de très long terme. Alors, vous commencez le court terme dès aujourd'hui, je vous en félicite, mais ça va prendre du temps avant qu'on voit les effets. Et donc il ne faudrait pas en plus... c'est très bien dire : On les attire, mais est-ce qu'ils vont rester? Aux deux ans, ce n'est pas nécessairement suffisant. Et donc, il y a des exemples... sur les réfugiés, mais ça, ça a donné des expériences malheureuses. Il y a des leviers, mais ce n'est pas évident et ça prend surtout beaucoup de temps pour réaliser.

• (12 h 30) •

Mme Fréchette : À partir de quand vous considérez que le niveau critique minimal est atteint? Et est-ce qu'il faut qu'il soit composé de gens d'une même communauté, ou le simple fait d'avoir des immigrants, peu importe leur pays de provenance, constitue un réseau fertile, un terreau fertile pour faire en sorte d'attirer d'autres immigrants. Est-ce que, pour vous, c'est... il y a une distinction à faire?

M. Termote (Marc) : C'est certainement... réflexion très pertinente dans la mesure où justement, ce serait dangereux, à mon avis, de demander un seuil critique pour une seule communauté. Une des chances de l'immigration... des qualités, c'est la diversité, justement, on n'a pas les problèmes que d'autres pays d'immigration... parce qu'il y a une diversité considérable. Et donc ce serait, à mon avis, très dangereux de dire : On va arriver à créer un pôle, disons, à Québec uniquement avec une ou deux communautés. Ce n'est pas... Ça serait vraiment, à mon avis... Il ne faut pas que ce soit trop homogène, sinon on va se créer des problèmes. Et c'est justement ça qui est compliqué...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Termote (Marc) : ...avec multiplicité de communautés. Ça, ce n'est pas évident et ça va prendre du temps. Ça va demander la présence et la collaboration soutenue des communautés elles-mêmes. Et donc je vous souhaite bon courage, et je ne survivrai malheureusement pas...

Mme Fréchette : Mais, comme je vous dis, on est quand même sur la bonne voie, hein, les statistiques le montrent. Il y avait eu une belle amélioration, là, de 50 % au cours des sept, huit dernières années.

Je vous amènerais maintenant à la page 21, votre recommandation 3.6, en fait. Vous faites référence au fait qu'il faudrait limiter le regroupement familial aux enfants en bas âge et à la personne conjointe. Qu'est-ce que vous entendez, en fait, par "enfants en bas âge"? Est-ce que, de votre point de vue, là, ce ne serait pas tout enfant d'âge mineur qui devrait être priorisé quand il s'agit de réunification avec les parents? Vous donnez une priorité selon l'âge.

M. Termote (Marc) : Certainement. Du point de vue humanitaire, c'est évident, il faut que tous les enfants puissent être là. Sauf que j'ose dire que ce n'est pas en faisant venir des enfants qui ont 18 ou 20 ans qu'on va rajeunir beaucoup la population. Pour rajeunir une population, il faut faire venir des enfants en très bas âge. Des orphelins, je faisais un plaidoyer pour l'adoption internationale. Je ne sais pas si on a fait suffisamment d'efforts à ce sujet, donc pas question évidemment de dire : On ne fait venir que des enfants entre zéro et cinq ans. Il faut faire venir tous les enfants. Le regroupement familial, c'est de l'humanitaire justement, et l'humanitaire... D'ailleurs, moi, en fait, indirectement, je voudrais faire un plaidoyer pour arrêter, mais ça, c'est... on est en train d'y arriver, de faire venir les parents. Faire venir des parents, ça vieillit la population, les parents des immigrants, je veux dire, faire venir les frères et soeurs, et cetera.

Dans mon plaidoyer, c'était : Limitons-nous aux enfants et, si possible, en bas âge. Et de ce côté... Indirectement, ça voudrait dire une immigration, disons, l'immigrant serait âgé de 20 ans, il aurait peut-être des enfants de 0-1 an à 2 ans. Et il faudrait essayer, à mon avis, de soutenir les jeunes ménages qui viennent s'installer chez nous pour les inciter à avoir des enfants. Souvent, ils viennent de pays qui ont trois, même un niveau de fécondité supérieur au nôtre, et on constate, malheureusement, que, dans beaucoup de cas, ils s'adaptent très vite à la fécondité de la population d'accueil. Et il faudrait essayer d'éviter ce phénomène-là en les soutenant par bien... par plusieurs moyens financiers, les jeunes ménages qui nous arrivent en les incitant financièrement à avoir des enfants.

Mme Fréchette : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais rendre disponible le temps qui reste à une collègue.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, la députée de Vimont, il reste une période de trois minutes 45 secondes. La parole est à vous.

Mme Schmaltz : Parfait. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Termote. Bien heureuse de vous voir et de pouvoir échanger pour les trois minutes qu'il nous reste. Alors, vous savez, avec la loi 96 et francisation au Québec, l'approche qui a été retenue pour la francisation comporte environ trois volets, on parle de la francisation des individus, la francisation en entreprise et puis la francisation familiale, donc parents et enfants. Que pensez-vous de ces approches?

M. Termote (Marc) : ...d'accord avec chacune des trois approches. En entreprise, je dirais, le problème se pose dans la mesure où vous ne choisissez pas toujours la langue de travail. D'abord... anglais. À nouveau, la question se pose à Montréal, hein? En dehors de Montréal, vous allez travailler en français, l'entreprise sera francophone, vous n'avez pas beaucoup le choix. Mais, à Montréal, vous avez le choix, mais vous n'avez pas nécessairement le choix de l'entreprise. Moi, ma langue de travail, pendant des années, c'était l'anglais, parce que là, on est dans un contexte international où l'anglais est privilégié.

Donc, l'entreprise, il faut y penser, bien sûr, et agir par l'entreprise. Mais c'est, à mon avis... qui n'est pas évident. Par contre, du côté familial, ça veut dire... à revenir à un de mes dadas, c'est insister sur la langue parlée à la maison. C'est un des indicateurs. Je sais très bien qu'on ne peut intervenir au gouvernement pour interdire dans la langue... sur la langue d'usage public. On ne va pas...

M. Termote (Marc) : ...dans la chambre à coucher, comme disait un certain ministre... premier ministre canadien. Mais c'est, là, au sein du ménage, au sein de la famille qu'on transmet sa langue, et, si on continue à choisir, là, l'anglais comme langue d'usage à la maison — pour beaucoup d'immigrants, c'est le cas — on a un sérieux  problème. Alors donc, quand on parle d'individu, moi, je dis : C'est plus que l'individu, c'est la famille, parce que c'est au sein du ménage que se crée à mon avis l'attachement pour une culture et pour une langue.

Mme Schmaltz : O.K. Donc, si j'ai bien compris, la troisième approche, qui est la francisation famille-enfants, est une belle opportunité, là, de se familiariser.

M. Termote (Marc) : Tout à fait. Je pense que c'est l'approche cruciale. Si les ménages ne... Et là, il faut quand même nuancer, parce que, moi, je suis convaincu que tous les immigrants, quelle que soit leur origine, quelle que soit leur langue maternelle, même ceux qui s'installent à Montréal, vont finir par passer au groupe francophone. Si ce n'est pas eux, ce seront leurs enfants ou leurs petits-enfants. Toutes les études montrent en... En moyenne, ça prend deux générations. Et ça, c'est un problème fondamental qu'on oublie, et c'est que, ça, c'est l'aspect individuel. Au niveau des individus, je suis convaincu qu'il n'y a pas de problème pour les individus, les immigrants vont finir par se franciser. Le problème, c'est que pendant les, disons, deux générations que ça prend, pendant tout ce temps que ça prend, il y a deux autres phénomènes qui continuent, là, de jouer à fond, c'est la sous-fécondité - on perd, on a un manque de moitié des naissances, on l'a dit tout à l'heure - et l'immigration, qui continue de...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Professeur Termote, je dois vous arrêter, la période impartie au gouvernement est terminée. Mais je me tourne... Merci beaucoup, mesdames. Je me tourne maintenant du côté du député de Nelligan, donc de l'opposition officielle. Pour une période de 8 min 24 s, la parole est à vous.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Merci, professeur Termote, pour votre présence et votre mémoire, un autre mémoire très bien détaillé, avec beaucoup de références bibliographiques.

Je vais aller directement à la dernière page. Vous faites quand même un constat très clair, je vais vous le lire : «Une dernière remarque, qui n'est qu'une constatation, mais qui implique aussi une suggestion pour l'avenir, porte sur l'immigration temporaire. Étant donné l'ampleur qu'a prise cette dernière et les liens nombreux, étroits entre immigration permanente et immigration temporaire, on aurait pu s'attendre à ce que la planification actuelle, 2024-2027, qui nous est soumise envisage simultanément les deux phénomènes. On peut comprendre que, par manque de temps pour pouvoir proposer une planification solide, ce qui est le cas en matière d'immigration permanente, on ait dû se résoudre à se limiter à cette dernière, à l'exception de quelques considérations incidentes sur l'immigration temporaire.»

Pensez-vous que cette planification n'offre pas vraiment le vrai, réel portrait de l'immigration temporaire? Surtout que depuis le début, comme ancien de l'OQLF, vous avez beaucoup d'arguments sur la langue française. À un certain moment, je me suis dit : Écoute, peu importe ce qu'on va proposer, vous allez dire que ça ne suffira pas.

• (12 h 40) •

M. Termote (Marc) : Oui, c'est exactement ça. Je reviens à mon argumentation fondamentale. C'est que le nœud du problème, à mon avis - et ce n'est pas moi qui le dis, c'est Statistique Canada, là, l'étude dont je parlais tout à l'heure - le nœud du problème, c'est la sous-fécondité des francophones, tout simplement. Mais ça, on ne peut pas jouer là-dessus. Donc, c'est pour ça que je suis pessimiste.

Maintenant, pour l'immigration temporaire, c'est évident qu'on aurait théoriquement dû pouvoir présenter un programme simultanément pour l'immigration permanente et l'immigration temporaire, les deux étant présentées conjointement, disons, sauf que je peux comprendre qu'on n'a pas eu le temps. D'ailleurs, c'est très facile de passer de... de parler d'immigration temporaire, mais, disons, là, la capacité du Québec d'intervenir dans le domaine est quand même pas mal limitée en ce qui concerne la migration temporaire, et donc c'est... j'ai compris que maintenant, Mme la ministre a déjà commencé des discussions avec Ottawa. Il faut passer par Ottawa si on veut... Pour l'essentiel, là. Il y a quand même des points où on peut intervenir. Donc, c'est pour ça que...

M. Derraji : Vous êtes quelqu'un qui... M. Termote, vous êtes quelqu'un qui suit quand même tout ce qui se passe sur le terrain. On parle de 340 000. Moi, je l'ai appelé le troisième scénario absent de notre consultation. Il y a deux scénarios...

M. Derraji : ...60 000... 50 000, 60 000... 70 000, deux scénarios... statu quo ou augmentation des seuils, mais on ne parle pas des temporaires. Tout au long de votre mémoire... écoutez, j'ai même, un certain moment... vous nommez l'OQLF, l'étude de 2021 : «Une modification dans la composition linguistique de l'immigration économique n'ajouterait donc que quelques milliers de personnes de langue française, tous indicateurs confondus, chaque année, sur une population de plusieurs millions de personnes. Ainsi, de telles modifications n'influenceraient que de manière limitée la progression des indicateurs.» Je cite deux chercheurs, Houle et Corbeil. Qu'est-ce qu'on fait?

M. Termote (Marc) : C'est exactement ça.

M. Derraji : Qu'est-ce qu'on fait? Et j'ajouterais, parce que la question de la collègue était pertinente, de la partie gouvernementale, quand on parle de la langue française, le gouvernement ramène sur la table uniquement le projet de loi... la loi 96. C'est ce qu'on dit aux Québécois par rapport à la protection de la langue française. Est-ce que vraiment le gouvernement est en train de faire tous les efforts nécessaires pour la promotion et la protection de la langue française?

M. Termote (Marc) : Alors, j'ai deux points à vous... Je vais commencer avec le dernier point. Effectivement, vous avez tout à fait raison, il n'y a pas que la francisation des immigrants. On a l'air de dire que le problème du français, c'est dû au manque de francisation des immigrants. On oublie qu'il y a des francophones de langue maternelle française qui passent à l'anglais, et il y en a autant qui passent à l'anglais que d'anglophones qui passent vers le français. Donc, il y a un problème de francisation pas seulement pour les immigrants.

Maintenant, pour le point qui concerne l'immigration temporaire, il faut quand même distinguer ici les flux et les stocks. Les 340 000 dont vous parlez, c'est le stock de résidents non permanents. Les 70 000 dont on parle, c'est un flux d'entrées annuelles. Ce n'est pas du tout comparable. Ce qui se passe effectivement, c'est que, parmi les 340 000 résidents non permanents, un certain nombre va passer... va bénéficier d'une série de programmes qui leur permettent de devenir permanents. Et c'est là qu'il y a un problème, c'est que là... C'est pour ça que je disais tout à l'heure : Il faut que les deux soient traités conjointement. J'ai quand même bon espoir qu'après les négociations qui s'en viennent ou qui ont commencé avec Ottawa on va finir par trouver un moyen de régler les deux en même temps, et donc... Mais je n'oserais pas parler de 340 000 versus 70 000. On ne peut pas confondre des stocks avec des flux.

M. Derraji : Je vous...

M. Termote (Marc) : Des flux annuels.

M. Derraji : Oui, pouvez-vous aussi élaborer sur la loi 96?

M. Termote (Marc) : Bien, la loi 96, elle ne concerne pas seulement... elle devrait concerner autre chose que les immigrants, c'est un peu ça que je voulais dire. On oublie qu'il y a un problème pour l'avenir du français, et, encore une fois, c'est uniquement à Montréal, parce qu'à Montréal un immigrant a le choix. Dans toute autre société d'immigration, l'avenir de la langue du pays d'accueil n'est pas remis en... n'est pas remis en cause. Il n'y a aucun danger pour que le finnois disparaisse en Finlande. Le finnois n'est pas une langue internationale, il me semble, et tout le monde parle couramment l'anglais. Et ça vaut pour tous les pays scandinaves, ça vaut pour les Pays-Bas, ça vaut pour la Flandre, en Belgique, là... On parle flamand en Belgique, mais on parle aussi l'anglais. Ça ne met pas en danger le flamand. Parce qu'il y a un problème fondamental derrière tout ça, et je suis heureux que vous m'ayez obligé à en parler, c'est le problème de la territorialisation linguistique. Si vous vous installez dans n'importe quelle société d'accueil, vous êtes soumis à la loi du sol, vous allez devoir... de la société où vous vous installez, sauf à Montréal, où, comme immigrant, vous avez le choix, avec comme résultat qu'il y a quelques centaines de milliers de personnes qui vivent depuis des années à Montréal et qui ne connaissent même pas le français.

M. Derraji : Dans votre mémoire, vous avez dit qu'il faut inclure dans le calcul les immigrants temporaires. Pourquoi vous avez... vous pensez que les immigrants temporaires doivent être inclus dans le calcul?

M. Termote (Marc) : Parce que justement un nombre assez considérable d'immigrants temporaires vont choisir de rester au Québec, et on a tout intérêt à essayer de les garder. Ils sont déjà là. Ils se sont déjà, par définition, presque intégrés économiquement et parfois, espérons-le, linguistiquement. Donc, c'est ce passage du statut de temporaire... ce passage possible du statut de temporaire au statut de permanent qui nous oblige à considérer les deux en même temps. Et on le fait d'une certaine façon dans la présentation actuelle puisqu'on a prévu que...

M. Termote (Marc) : ...ceux qui sont dans le Programme de l'expérience québécoise pour... bon, il n'y a pas de plafond et on en tient compte. Donc, indirectement déjà avec...

M. Derraji : Oui, il me reste 30 secondes, j'aimerais bien vous entendre sur les efforts de régionalisation. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Termote (Marc) : Oh! il y a des efforts, mais là aussi, je suis, disons, un peu pessimiste parce que l'expérience montre que c'est ultra difficile, que ça prend énormément de temps, et on n'est pas les seuls à avoir ce problème-là, et on essaie de tous les côtés et il n'y a aucun pays qui a réussi à régionaliser. On aura à faire des grands efforts. J'applaudis, mais il faudra attendre longtemps avant qu'on voie les résultats, je le crains.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, Pr Termote, merci beaucoup. On a terminé cette partie des échanges avec l'opposition officielle. Je me tourne maintenant vers la deuxième opposition avec le député de Saint-Henri Sainte-Anne, une période de 2 min 48 s, le temps est à vous.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, professeur. Ce fut fort instructif. Je rebondis sur quelques affaires. Vous avez parlé du beau rôle des familles immigrantes et des familles avec des enfants, là, qui était un facteur positif quand ils arrivent dans leur jeune âge. Jusqu'à récemment, on avait une pondération, une grille de pondération qui accordait des points aux enfants dans notre grille de pondération. Cette grille-là, par contre, elle disparaît, et il n'y a aucun critère ou aucun point associé aux enfants dans la nouvelle grille d'invitation. Donc, moi, je pose la question et je trouve ça dommage... on pouvait obtenir jusqu'à huit points pour nos jeunes enfants. Je pense que c'était une mesure qui entrait ou qui fonctionnait avec ce que vous avez souligné.

Et je me permets sur un point... vous avez dit l'immigration, bon, ce n'est pas démontré que ça nous enrichit ou, en tout cas, vous avez parlé de ça dans votre étude aussi. Sur cette prémisse-là, je ne suis pas certain, pour être franc. Mais je veux attirer votre votre attention sur une composante qui, pour ma part, on oublie souvent et je vous la pose comme ça. Qu'est ce que vous pensez de la richesse que nous apportent nos Dany Laferrière, nos Kim Thuy, nos Boucar Diouf et tant d'autres? Es- ce que ce n'est pas de la richesse, ça? Nos formations politiques ont toutes compté, à un moment ou à un autre dans leur histoire, des gens issus de l'immigration. Alors, pour moi, il y a là une richesse inestimable pour le Québec et sa culture qu'il ne faudrait pas oublier dans ce calcul-là qui n'est pas qu'économique.

M. Termote (Marc) : Je vais rebondir tout de suite sur votre deuxième question, M. le député, parce que je ne peux qu'être d'accord avec vous. Le Québec a connu un miracle économique incroyable au cours des 50 dernières années et l'a aussi connu, grâce à l'immigration, un enrichissement incroyable du point de vue culturel. Il y a aujourd'hui une variété... Et selon peut prendre plusieurs critères là-dessus. J'en ai un qui est, à mon avis, pas du tout négligeable, le critère gastronomique. On a maintenant dans... même en région, de très bons restaurants, etc., aussi bien de toutes les cuisines du monde. Et alors ça vaut pour la gastronomie, ça vaut pour la littérature, etc. Donc moi, j'applaudis. On a une richesse culturelle.

C'est pour ça que j'ai insisté tout à l'heure sur le problème de la régionalisation justement. Cette lutte pour régionaliser en ne se fondant que sur une ou deux communautés en dehors, donc dans quelques centres en dehors de Montréal... cet enjeu, on a une qualité, au Québec, d'une diversité incroyable dans l'immigration qui est une richesse et à laquelle vous faites référence et  à laquelle je ne peux que... à laquelle je ne peux qu'être d'accord. Sauf qu'il y a une dimension culturelle qu'on ne peut pas oublier et qui est quand même la langue, et là, il y a un gros problème à Montréal encore une fois, j'insiste là-dessus, parce que la richesse culturelle dont on parlait en même temps. Il y a un effort local colossal...

• (12 h 50) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : C'est terminé. Cette période est terminée. Mais nous allons poursuivre et finaliser la période d'échange avec le député de Matane-Matapédceia pour une période, je vous rappelle, de 2 min 48 s. Le micro est à vous.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Pr Termote, je vous amène en page 23.3. Je vous cite : «La définition de ce qu'est un immigrant francophone devrait être plus contraignante. Du point qu'il suffise de déclarer lors de la procédure d'admission que l'on connaît le français ne garantissait en aucune manière que le français soit couramment utilisé dans l'espace public  en général.» Je m'arrête là. Ce que vous suggérez, c'est qu'on s'en tire relativement à bon compte. On n'a qu'à dire qu'on est francophone pour qu'on nous laisse passer. Qu'est-ce que vous suggérez de façon plus concrète pour s'assurer qu'on a vraiment des gens qui sont francophones?

M. Termote (Marc) : Vous avez soulevé une question qui me... évidemment m'interpelle également. C'est qu'il ne faudrait pas que l'on s'arrête à une autodéclaration basée sur une auto- évaluation. Mais la chose est en train de changer, et dans ce que j'ai compris, ça va...

M. Termote (Marc) : ...changer. Il va y avoir des examens. Moi, je serais très exigeant sur le niveau qu'on utilise pour ces examens là. Et encore, je rejoins là dessus en disant : C'est très bien, tout ça. Après il y a des examens très sévères, etc., etc. Est ce qu'ils vont utiliser le français dans leurs contacts publics et est-ce qu'ils vont utiliser le français à la maison parce qu'ils connaissent et qu'ils ont prouvé par un examen qu'ils connaissent le français? C'est un... Un immigrant qui arrive, il faut... Il a tellement de problèmes à régler en même temps. Il arrive, pour la grande majorité encore, à Montréal, où ils constatent, un, que le Québec est en déclin, est même devenu minoritaire. Est ce qu'il va investir beaucoup dans une langue qui est en train d'être marginalisée? Donc, c'est pour ça que je reste très sceptique quant à...

M. Bérubé : J'invite les participants à la commission à prendre bonne note de ce que vous avez écrit. C'est très clair et c'est un avertissement qui devrait nous servir dans la rédaction de la loi. Je vous en amène rapidement sur la question de l'intégration au français des nouveaux arrivants. On consent des efforts considérables au primaire et au secondaire pour que les nouveaux arrivants apprennent le français avec la Charte de langue française. Au collégial, libre choix. Qu'est ce qui arrive en transfert linguistique si, les nouveaux arrivants, il y a un libre choix? Est ce qu'ils se tournent majoritairement vers l'anglais, vers le français? Puis qu'est ce qui arrive s'ils se tournent vers l'anglais? Est ce qu'ils ont tendance à travailler en anglais, vivre en anglais? Quelle est votre opinion là dessus?

M. Termote (Marc) : Bon. Vous avez bien raison de dire que, théoriquement, il faudrait étendre au collégial et même à l'universitaire. Sauf que, pour l'essentiel, ce sont des petits chiffres, hein? Si vous regardez le nombre de personnes qui ont eu le...

M. Bérubé : Merci, Pr Termote.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. Termote. C'est tout le... C'est tout le temps que nous avions. Donc, je vais suspendre les travaux jusqu'à 15 heures et vous souhaiter, Mmes, MM. les députés, un bon dîner. Encore une fois, merci, M. Termote pour la contribution à nos travaux.

M. Termote (Marc) : Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 53)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 04)

La Présidente (Mme Caron) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens va reprendre ses travaux. Alors nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le cahier de consultation intitulée La planification de l'immigration au Québec pour la période 2024-2027.

Cet après-midi, nous entendrons la Centrale des syndicats du Québec, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la Confédération des syndicats nationaux et la Centrale des syndicats démocratiques. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Centrale des syndicats du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé au total et qu'ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé. La parole est à vous.

M. Beauchemin (Mario) : Merci beaucoup. Alors je me présente, Mario Beauchemin. Je suis troisième vice-président à la Centrale des syndicats du Québec et je suis accompagné d'Isabelle-Line Hurtubise à ma gauche et de Marie-Sophie Villeneuve à ma droite. Et si jamais j'ai l'air intelligent cet après-midi, là, c'est grâce à elles.

Donc, allons-y. La Centrale des syndicats du Québec, je pense que c'est important que je vous la présente un peu. Cette centrale représente plus de 220 000 membres en éducation, en petite enfance et en enseignement supérieur, en santé et services sociaux, ainsi que dans les milieux de communication, du communautaire, du loisir et du monde municipal. Et on compte également dans nos rangs une association de personnes retraitées. Aujourd'hui, on voudrait mettre l'accent sur une vision inclusive de l'immigration. Nous voulons que l'immigration au Québec soit fondée sur le respect des droits de la personne, de la dignité et des aspirations des personnes immigrantes. Nous souhaitons reconnaître leur apport essentiel à notre richesse économique, mais aussi sociale et culturelle. Par ailleurs, on accueille favorablement plusieurs propositions du gouvernement, en particulier les suivantes : hausser l'apport des personnes admises sélectionnées par Québec, réduire les délais de traitement des demandes, améliorer la reconnaissance des acquis et des compétences et bonifier les données et la documentation sur l'état de l'immigration et les capacités d'accueil du Québec.

Pour continuer, je souhaite maintenant... ou nous souhaitons maintenant présenter nos recommandations qui sont relatives à de graves enjeux de droits de la personne, à l'instar des...

M. Beauchemin (Mario) : ...centrales syndicales et de nombreux organismes, nous sommes très préoccupés par le fait que ces enjeux soient complètement ignorés lors de cette consultation. Dans un premier temps, on pense à inclure l'immigration temporaire dans la planification pluriannuelle, dans l'optique de mettre fin à l'exploitation et aux abus. Nous sommes très préoccupés par l'exploitation et les abus vécus par les travailleuses et les travailleurs migrants temporaires, particulièrement les personnes admises dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires, le PTET. Je rappelle que celui-ci a déjà été qualifié, et je cite, «de terreau fertile pour des formes d'esclavage moderne», par le Rapporteur spécial des Nations Unies, venu enquêter sur le sujet cette année. Son rapport a été dévoilé la semaine passée, et j'invite nos élus à en prendre connaissance, si ce n'est pas déjà déjà fait.

En fait, ce rapport met en lumière des problématiques connues sur le terrain et auxquelles il convient de s'attarder de façon urgente. La majorité des personnes admises dans ce programme sont concentrées dans des emplois très difficiles et précaires. Le permis de travail fermé... une entière dépendance de leur employeur. Et à titre d'historien, je dirais qu'au cours de mes lectures ça m'a fait penser à la révolution industrielle en Angleterre puis au concept de ville usine quand les paysans allaient travailler en usine et qu'ils habitaient autour de l'usine et qu'ils étaient sous la domination de l'employeur. J'ai comme l'impression qu'il y a un retour en arrière ici.

Aussi, le parcours de ces personnes pour accéder à la résidence permanente est jalonné d'obstacles qui rendent le projet impossible. Dans un tel contexte, le recours grandissant aux travailleurs immigrants temporaires, fortement encouragé par notre gouvernement, est hautement problématique et indigne de nos valeurs. On doit corriger le tir sur l'immigration... Nous devons corriger le tir et miser, pardon, sur l'immigration permanente et le respect des droits de la personne. Nous appelons donc le gouvernement du Québec à inclure l'immigration temporaire dans la planification pluriannuelle, à travailler avec le gouvernement fédéral pour favoriser l'accès à la résidence permanente des travailleurs et travailleuses immigrants temporaires et à abolir dès maintenant le permis de travail fermé.

Ensuite, nous pensons qu'il faut prévoir des mesures de soutien pour les femmes immigrantes. Les femmes immigrantes font face à des enjeux et des obstacles à l'intégration professionnelle particuliers. Cela est présenté en détail dans une étude approfondie du Comité consultatif Femmes en développement de la main-d'œuvre de la Commission des partenaires du marché du travail. Nous appelons donc le gouvernement à prendre connaissance de l'étude et à élaborer des mesures d'accueil et de soutien spécifiques pour les femmes immigrantes en étroite collaboration avec les organismes qui interviennent auprès d'elles.

Je pense aussi qu'il faut favoriser la régularisation du statut des personnes sans statut. Même si cela ne fait pas partie des orientations présentées, on considère à la CSQ qu'il faut s'occuper très rapidement de cet enjeu. Plusieurs milliers de personnes sont déjà établies ici et intégrées au marché du travail, mais le fait d'être sans statut les confine aux emplois informels, à l'ombre du travail au noir. Les risques d'abus et d'exploitation y sont très élevés. Les femmes sans papiers risquent particulièrement d'être exposées à plusieurs formes de violence et d'exploitation, dont sexuelle. Nous appelons donc le gouvernement du Québec à travailler rapidement à l'élaboration d'un programme de régularisation des statuts.

• (15 h 10) •

Pour la suite de ma présentation, bien, je vais m'attarder sur certaines orientations proposées par le gouvernement. D'abord, la première qui concerne le rehaussement de la part de l'immigration francophone. Selon nous, il s'agit d'une orientation très positive, mais nous ne recommandons pas de sélectionner uniquement les personnes connaissant le français. Nous pensons qu'il importe d'investir plutôt massivement dans des programmes de francisation efficaces, ce qui m'amène à parler de l'orientation 2. On est très inquiets de la façon dont Francisation Québec est présentement implanté. Les échos que nous avons du milieu ne sont pas du tout rassurants. Les personnes se présentent dans les centres d'éducation des adultes, mais le personnel ne peut rien faire. Ils ne peuvent que les inscrire... Ils ne peuvent pas les inscrire à la francisation. Ils peuvent tout au plus les aider à s'inscrire sur la plateforme du ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration, mais cette plateforme pose de nombreux problèmes, elle n'est pas conviviale. Il y a 10 sections à remplir, et il faut rappeler à ce moment-ci que plusieurs de ces personnes n'écrivent pas le français ou ne savent pas lire, les téléchargements des documents exigés ne fonctionnent pas toujours et, après cela, les personnes doivent attendre un appel du MIFI pour être évaluées au téléphone, une évaluation qui ne dure que quelques minutes et tous les délais rapportés sont extrêmement longs. En outre, pendant ce temps, les personnes sont sans revenus d'allocations aussi longtemps qu'elles ne débutent pas le cours de francisation, et les allocations ne sont pas rétroactives. On nous signale aussi plusieurs erreurs de référence. Des personnes de Terrebonne sont référées à Saint-Jérôme...

M. Beauchemin (Mario) : ...ou des personnes de Mascouche sont référées à Saint-Jean-sur-Richelieu. Ce qu'on nous rapporte aussi, c'est que le service téléphonique du MIFI est débordé. Le personnel est impatient et il ne communique qu'en français, ce qui donne que les personnes arrivent au compte-gouttes dans les cours, ce qui demande une réorganisation des niveaux de français dans les... dans les classes, pardon, à chaque semaine.

Les centres de services scolaires inscrivaient et francisaient plus de 25 000 personnes annuellement et elles ne peuvent plus le faire. Aujourd'hui, 95 % des personnes ayant besoin de francisation n'ont pas pu s'inscrire au guichet unique. C'est comme si le MIFI a pris cette décision sans connaître les réalités et les besoins des personnes immigrantes. Elles ont besoin de contacts, de parler à des personnes réelles, d'être rassurées et surtout d'être bien informées et guidées à travers les processus. On insiste sur la nécessité de mettre en place rapidement des solutions.

Nous voulons aussi attirer votre attention sur une pratique que nous jugeons tout à fait incohérente et incompréhensible. Nous faisons référence ici au fait que les examens administrés par les centres d'éducation des adultes et reconnus par le ministère de l'Éducation ne le sont plus par le MIFI depuis le 21 juillet 2020. Un ministère ne reconnaît pas les examens pourtant reconnus par un autre ministère, et cela au sein d'un même gouvernement. On peut parler ici d'une certaine incohérence. Pour être sélectionnées, les personnes migrantes doivent maintenant fournir des attestations de résultats d'un test de français conçu en France. Il n'est pas étonnant de constater que plusieurs échouent à ces tests puisque nombre d'expressions sont incompréhensibles au Québec. Et ces tests ne sont pas gratuits. Ça varie entre 250 et 400 $, contrairement à ceux qui sont reconnus par le ministère de l'Éducation. Il n'est pas rare qu'à la suite d'un échec, certaines personnes embauchent un professeur en France pour des cours de rattrapage à distance afin de préparer la reprise de ses tests. Nous trouvons cette situation inacceptable. On demande donc que le MIFI se ravise en acceptant les tests de français reconnus par le ministère de l'Éducation.

En ce qui concerne l'orientation six maintenant sur l'importance de l'immigration économique, pour nous, l'immigration ne doit pas avoir comme unique objectif de répondre à nos besoins à court terme de main-d'œuvre. Nos devoirs envers l'immigration humanitaire et le regroupement familial sont tout aussi importants. Or, ces deux volets ont connu des baisses importantes ces dernières années. Les personnes demandeuses d'asile sont déjà établies ici et en processus d'intégration. Les délais de plus de 25 ans d'attente pour obtenir une décision, qui ont été révélés dans les médias la semaine passée, sont absolument inadmissibles. Et la cause majeure se trouve souvent dans nos seuils beaucoup trop bas. Bref, la CSQ est d'avis qu'il faut augmenter le nombre de personnes admises dans les volets humanitaires et du regroupement familial, en plus de respecter nos engagements internationaux. Cela se justifie d'un point de vue économique puisque les études démontrent que le taux de rétention à long terme des personnes migrantes en région est significativement plus élevé pour les personnes réfugiées et celles ayant leur famille auprès d'elles.

La Présidente (Mme Caron) : ...secondes, s'il vous plaît.

M. Beauchemin (Mario) : En conclusion, nous avons pris acte de la volonté de mobiliser l'immigration économique afin de répondre à la pénurie de main-d'œuvre, notamment dans les services publics. Il est important pour la CSQ de vous rappeler qu'un grand bassin de personnel qualifié et diplômé dans ces secteurs existe au Québec. On se désole de devoir le rappeler encore, la pénurie de main-d'oeuvre dans les services publics est en grande partie causée par la dégradation des conditions et d'organisation du travail.

La Présidente (Mme Caron) : Merci beaucoup pour votre exposé. Alors maintenant, je vais céder la parole à la ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration. Vous avez 16 minutes 30 secondes.

Mme Fréchette : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors merci à vous trois d'être présent parmi nous. Merci de participer à cette consultation, à cet échange, donc, sur l'immigration pluriannuelle pour les années 2024 à 2027. C'est très apprécié.

Je vais vous amener sur quelques sujets, là, différents, mais je vais reprendre en fait une partie de votre allocution concernant les permis de travail fermés. Les permis de travail fermés, c'est un sujet que j'ai abordé avec mon homologue fédéral précédent, c'est-à-dire M. Fraser, pour faire valoir que le fonctionnement actuel avec les permis de travail fermés semblait générer certains enjeux, on le sait, de vulnérabilité des travailleurs lorsqu'il y avait un comportement de la part de l'employeur qui était inadéquat. Alors, j'ai demandé à ce qu'on puisse regarder les alternatives à ces permis de travail fermés. Et là-dessus, j'aimerais vous entendre. Quelle serait pour vous la meilleure alternative à considérer? Moi, j'avais évoqué, bon peut-être l'idée d'un permis de travail régional, de telle sorte que des régions, par exemple, plus éloignées...

Mme Fréchette : ...puisse bénéficier de la présence de travailleurs étrangers temporaires d'une manière plus sécurisante, avec un permis de travail fermé régional, parce qu'advenant qu'une personne soit embauchée par un employeur qui n'a pas le bon comportement, bien, qu'elle puisse cheminer vers un autre emploi dans la région plutôt que dans une autre région au Québec. Donc, ça, c'est quelque chose qui était sécurisant pour des régions éloignées d'avoir une alternative de cette nature-là. D'autres me parlent plutôt de l'intérêt qu'il y aurait d'avoir un permis de travail sectoriel, de telle sorte que des professions qui vivent des cycles économiques semblables, mais pas superposés, je vous dirais, en termes de haute saison, basse saison, pourraient se promener d'une entreprise à l'autre; des entreprises qui vivraient des hautes saisons dans leur cycle économique à des moments différents. Donc, pourraient, par exemple, travailler pour un employeur dans la haute saison, en juin, et puis là, quand ce sera le creux de vague rendu au début, bien là, ils chemineraient vers une autre entreprise du même secteur qui, elle, vivrait sa haute saison au mois d'août. Donc, ça s'était vu de manière positive par plusieurs organisations, entreprises qu'on a rencontrées, qui offrent des emplois de type saisonnier.

Donc, j'aimerais avoir votre avis là-dessus. Est-ce qu'il y aurait une autre formule qu'on devrait envisager? Et parmi les formules qui existent, quelles seraient celles que vous privilégieriez?

M. Beauchemin (Mario) : Oui. Merci. En fait, la meilleure alternative pour nous, c'est celle qui met réellement fin au risque d'abus, puis je pense que c'est au MIFI, au ministère d'évaluer cela. Et pour nous, ces immigrants et immigrantes temporaires, étrangers temporaires doivent jouir des mêmes droits que les personnes qui sont établies au Québec et qui sont Québécois et Québécoises, ou qui sont résidents permanents. Ils doivent avoir le droit de changer de travail, ils doivent avoir le droit à une protection sociale, droit de porter plainte à la CNESST. Donc, pour nous, ce que vous avez mis sur la table tout à l'heure nous semble intéressant, en autant que ça aboutisse justement à une égalité des droits entre les différentes personnes au sein de la population québécoise.

Mme Fréchette : J'aimerais souligner à cet égard-là qu'en fait, les travailleurs étrangers temporaires bénéficient du même encadrement, là, pour les droits du travail que n'importe quel employé au Québec. Et ça, c'est important de sensibiliser et les employeurs et les employés, et c'est quelque chose auquel on s'est engagés avec la création en mars dernier, là, d'une escouade pour faire en sorte de bien informer les employés de leurs droits, les employés, notamment les travailleurs étrangers temporaires, pour être certains qu'ils soient bien au fait de ce qui est permis, de ce qui est illégal puis des recours auxquels ils peuvent avoir accès. Donc ça, pour nous, c'est essentiel, et c'est sûr qu'on va continuer à porter un regard attentif à cette évolution-là. Et puis on enjoint également le fédéral à être de la partie pour faire en sorte que ce soit le mieux promu possible. Est-ce que, de votre côté, vous avez une action en ce sens-là auprès de ce type d'employés?

M. Beauchemin (Mario) : Des actions?

Mme Fréchette : Oui, des actions pour les sensibiliser sur leurs droits.

M. Beauchemin (Mario) : Non, mais je pense que c'est au ministère d'oeuvrer dans ce sens, parce que ces employés et ces travailleurs migrants temporaires travaillent souvent de 12 à 14 heures par jour, six jours par semaine. Donc, pour eux, d'établir des démarches, d'entreprendre des démarches pour s'informer de leurs droits, ce n'est pas évident, c'est même quasi impossible. Donc, il y a vraiment une initiative gouvernementale qu'il faut mettre en place pour pouvoir les en informer.

Mme Fréchette : Dans votre rapport, à la recommandation deux, donc page sept, vous indiquez que vous souhaitez que le gouvernement du Québec prenne en compte la réalité et les enjeux vécus par les femmes migrantes et élabore des mesures en conséquence. Bon. Bien sûr, en collaboration avec les acteurs du milieu. Je me demandais à ce sujet-là à quel genre de mesure vous pensez pour être davantage inclusif et pour favoriser, là, l'intégration puis la sécurité des femmes immigrantes qui travaillent au Québec.

• (15 h 20) •

Mme Villeneuve (Marie-Sophie) : Allô. Merci beaucoup de nous recevoir aujourd'hui, je suis vraiment contente. Puis c'est ma première fois, ça fait que je suis vraiment nerveuse, mais c'est vraiment le fun qu'il y ait cette consultation-là sur un sujet aussi important.

Vraiment, rapidement, la Centrale des syndicats du Québec, on n'est pas des spécialistes de l'immigration, mais on a des valeurs de droits humains, de droits de la personne, de justice sociale qu'on défend, on... Il y a des gens de plus en plus, des personnes migrantes qui font partie des... qui travaillent dans les services publics puis qui vivent des enjeux que les personnes nées ici ne vivent pas, dont les femmes. Donc, ce n'est pas à nous de détailler les mesures à prendre parce que nous ne sommes pas les spécialistes, mais j'attire votre attention sur un rapport du Comité consultatif Femmes en développement de la main-d'oeuvre de la Commission des partenaires du marché du travail, il s'appelle Analyse qualitative de parcours d'insertion de femmes immigrantes au marché du travail et conditions...

Mme Villeneuve (Marie-Sophie) : ...mission de réussite observée, un rapport de 2019 qui a une belle liste de recommandations de mesures. J'attire aussi votre attention sur les réseaux de femmes immigrantes qui existent au Québec. Il y en a des excellents. Le volet Femmes de la TCRI, qui est la table qui regroupe l'ensemble des groupes communautaires en immigration, qui est partout au Québec, ils ont des personnes de ressources extraordinaires. Ils ont émis des études, ils ont émis des rapports, ils ont émis des recommandations. Donc, si vous êtes intéressés à en savoir plus sur la table, il y a déjà des recommandations intéressantes qui viennent de groupes et de réseaux qui travaillent auprès des femmes immigrantes. Et donc c'est pour ça qu'on ne peut pas répondre de façon détaillée à votre question. J'ai plusieurs constats du rapport, mais je trouve que c'est... Vous avez déjà accès à ces groupes là parce que plusieurs sont financés par votre ministère. Donc, je vous invite vraiment à travailler avec ces groupes là, là dessus, parce que c'est elles qui sont les mieux placées pour vous indiquer les mesures à suivre pour mieux les accompagner et les soutenir.

Mme Fréchette : ...de l'écosystème des organisations actives en immigration et, de notre côté, on s'est assuré d'œuvrer en collaboration avec ces organismes là qui sont sur le terrain, soit en accompagnement, soit en intégration des personnes immigrantes pour assurer une connexion avec la société d'accueil ou encore en francisation. Donc, depuis notre arrivée au pouvoir, on a signé plus de 200 ententes de cette nature là avec des organismes, beaucoup des organisations communautaires qui travaillent auprès des personnes immigrantes. Pour la plupart, c'est leur principal axe d'intervention et d'action. Alors particulièrement, il y a plusieurs membres de la TCRI qui sont dans les organisations avec lesquelles on travaille, et qu'on s'assure d'être en contact avec eux via nos bureaux régionaux, nos antennes régionales. On a ouvert neuf directions régionales et 74 antennes régionales. Alors, soyez assurés qu'on couvre le terrain. Contrairement au gouvernement précédent qui s'était assuré de fermer tous ses bureaux en région, nous, on s'est assuré d'être connecté aux régions, de ne pas tourner le dos aux régions et plutôt de travailler en collaboration avec l'ensemble des organisations qui sont actives et qui ont une valeur importante à apporter dans le processus et la réussite des processus d'immigration des personnes qui viennent chez nous...

Mme Villeneuve (Marie-Sophie) : Je peux vous donner un exemple, excusez-moi. Les femmes sont majoritaires dans les catégories regroupement familial et femmes réfugiées. C'est deux catégories où l'accès à des services de francisation, des allocations puis des services publics sont très réduits. Ça fait que, donc, entre autres, c'est ça qui est demandé dans les recommandations à mettre de l'avant. Ça fait que ça va très loin, là. Très contente de voir, mais on aurait aimé ça avoir une orientation spécifique pour... avec des mesures qui changent un peu. C'est les conditions de la catégorie réfugiés et regroupement familial. Par exemple, les femmes du regroupement familial sont beaucoup plus dépendantes de leurs parrains. Et ça les place dans des situations d'isolement puis de vulnérabilité. Il n'y a rien à Québec actuellement qui adresse ça. Donc, je suis contente de voir que vous les... cette volonté là de les soutenir davantage, mais on aurait aimé une orientation vraiment spécifique qui va plus loin pour elles.

Mme Fréchette : Effectivement. Et qu'est ce que vous verriez comme une autre caractéristique pour ce qui est des femmes immigrantes? Qu'est ce qui les distingue également, là, pour qu'on soit bien au fait de la nature des enjeux possibles?

Mme Villeneuve (Marie-Sophie) : Une autre chose qui est ressortie du rapport, c'est : leur taux de surqualification en emploi est le plus haut au Québec. Donc, c'est aussi ça, c'est... Au Québec, de tous les groupes démographiques, les femmes immigrantes diplômées sont les plus surqualifiées. Donc, elles ont des emplois de très bas niveau. Souvent, c'est très en deçà de leurs qualifications. Et ils ont aussi documenté beaucoup de préjugés, malheureusement, auxquels elles font face, là, une espèce de conjonction de préjugés qui les affectent particulièrement, qui font que même dans les emplois où elles sont surqualifiées, elles sont considérées comme pas qualifiées pour faire ce job-là. Donc, c'est détaillé aussi, l'exemple des préjugés qui impactent plus particulièrement, qui affectent plus particulièrement les femmes immigrantes. Ça fait que, moi, j'ai trouvé que c'était quand même une belle étude. Et il y avait plusieurs références intéressantes aussi à suivre dans cette étude-là. C'est de la sensibilisation des employeurs, etc.

Mme Fréchette : Effectivement. Mme la Présidente, il me reste combien de temps?

La Présidente (Mme Caron) : Il reste six minutes, Mme la ministre.

Mme Fréchette : D'accord. Vous appuyez notre proposition d'orientation numéro neuf sur la régionalisation. En fait, vous considérez que la régionalisation de l'immigration est alignée précisément... bien, uniquement, en fait, sur des objectifs économiques et que ça génère des inégalités. Pouvez-vous me détailler un peu votre perception, votre vision des choses de ce côté là en matière de régionalisation? Et qu'est ce que vous proposeriez d'avoir comme approche?

M. Beauchemin (Mario) : Encore une fois, comme l'a dit ma collègue tout à l'heure par rapport aux femmes immigrantes, on n'est pas des... La CSQ n'est pas un spécialiste de la régionalisation et de l'immigration, mais on vous recommande de consulter en détail, incluant ces recommandations, l'étude de Marie-Thérèse Chicha, Valérie Asselin et Éliane Racine, La région régionalisation des...

M. Beauchemin (Mario) : ...porter les limites des politiques et des programmes. Comité. C'est un comité consultatif sur les personnes immigrantes de la Commission des partenaires du marché du travail. Et là-dedans, on trouve, à titre d'exemple, comme recommandations, une augmentation du financement des organismes communautaires et des acteurs de la francisation et le fait de réinvestir massivement dans les services publics, car l'étude démontre que le principal frein à une régionalisation durable est le manque d'accès à un logement ainsi qu'à des services d'éducation et de santé de qualité.

Mme Fréchette : Merci. Je voulais revenir sur les chiffres que vous avez donnés pour Francisation Québec, parce que ce sont des chiffres qui datent, et je voulais vous mettre à jour, en fait, parce que des gens qui sont en attente de cours, bien, jusqu'à ce que le cours ne démarre pas, c'est sûr qu'ils sont en attente. Là, Il y a des cours qui ont été démarrés. Alors, je voulais vous donner les chiffres. Donc, depuis le 1ᵉʳ juin, le nombre de demandes qui ont été déposées à Francisation Québec est d'environ 27 000, 27 000 demandes qui ont été déposées depuis le 1ᵉʳ juin. Et, si on regarde les élèves qui sont inscrits ou qui le seront au cours des prochains jours, on a eu 14 800 personnes qui soit sont inscrites ou le seront au cours des prochains jours. Donc, ça change pas mal la donne par rapport aux chiffres que vous avez donnés, qui est tiré d'un article qui est paru au mois d'août.

Donc, voilà, je voulais vous mettre au fait de ce changement-là, quand même, qui donne un portrait fort différent de la situation. Et vous dire également qu'entre le 1ᵉʳ avril et le 30 juin, on a eu 30 000 personnes, demandes qui ont été traitées et qui suivent des cours, c'est ça, qui ont été francisés, là, qui suivent des cours. Et ça, ça représente, par rapport à l'année antérieure, une hausse de 46 % des demandes qui ont été traitées. Alors, vous voyez qu'avec nos mesures de francisation qu'on a, nous, rendues accessibles aux immigrants temporaires, parce que, sous les libéraux, ce n'était pas le cas, vraiment, il y a des bonds importants qui ont été faits en matière de francisation, avec des hausses de 46 % d'une année à l'autre.

Vous voyez qu'on met les bouchées doubles, et on réalise quand même que la demande est très importante. On continue d'être à l'embauche de professeurs pour s'assurer de bien répondre à la demande, mais l'élan, il est là, il est donné, et c'est, ni plus ni moins, que l'équivalent d'une université en francisation qu'on est en train de mettre en place avec Francisation Québec, tellement l'ampleur de la demande est importante. Et c'est, en fait, une organisation qui a été mise sur pied après que beaucoup d'autres se soient lancées dans des promesses de mise sur pied de Francisation Québec. Nous, on l'a fait et on est en train de réaliser. Franchement, je pense que c'est un défi important qui va aider à la protection et à la promotion du français de manière assez claire et nette.

À ce sujet-là, je voulais vous entendre sur le fait que vous ne valorisiez pas totalement l'idée de mettre l'accent, comme on le fait, sur la connaissance du français. Donc, j'aimerais vous entendre à ce sujet-là. Vous disiez ne pas être totalement d'accord avec l'idée d'avoir des immigrants que francophones à 96 % d''immigration économique qui soit francophone. Est-ce que j'ai mal interprété vos dires?

M. Beauchemin (Mario) : Non, on est en faveur d'argumenter la part de l'immigration francophone.

Mme Fréchette : Au point où on le propose?

M. Beauchemin (Mario) : Pour nous, le seuil, là, je pense qu'il faut commencer par s'occuper adéquatement de ceux et celles qui sont ici et de mettre en place... Vos chiffres sont intéressants, ce n'est pas ce qu'on nous dit sur le terrain, mais on va retourner vérifier par contre. Mais c'est important la part... l'augmentation de la part d'immigration francophone, l'immigration économique. Mais, comme on l'a dit, pour nous, c'est important aussi de s'occuper et de franciser ceux qui sont les travailleurs temporaires.

• (15 h 30) •

Mme Fréchette : Ah! bien, ça, c'est ce qu'on a fait, hein, précédemment, avant qu'on arrive au pouvoir, ce n'était pas assumé comme responsabilité. Mais, nous, on s'est assuré de rendre disponibles les mesures de francisation aux immigrants temporaires. On s'en occupe, des immigrants temporaires, et non seulement on s'en occupe, mais, en fait, ils constituent la moitié des apprenants à l'heure actuelle chez francisation Québec. Donc, c'est une excellente nouvelle, parce qu'en fait ils répondent à l'appel qu'on leur a lancé à l'effet que le français est important, et ils sont au rendez-vous pour prendre des cours de francisation.

M. Beauchemin (Mario) : Donc, s'il y a des cours de francisation sur les lieux de travail pendant les heures de travail, ils continuent à être rémunérés. Ça nous fait extrêmement plaisir.

Mme Fréchette : Oui, puis la francisation en entreprise, on va mettre un grand accent là-dessus. Déjà, le ministère MESS s'en occupe, s'en charge. À partir du 1ᵉʳ novembre, c'est Francisation Québec qui va prendre, sous son aile, ces démarches. Mais ça va s'inscrire en continuité, et puis c'est sûr que c'est un angle qui est très important pour nous, parce qu'il faut amener le français vers les travailleurs et pas attendre que, nécessairement, les travailleurs viennent vers le français. Je pense qu'il faut que ce soit à double sens. Il faut les engager dans un processus d'apprentissage du français et espérer qu'ils poursuivent ce cheminement-là de leur propre chef par la suite. Merci.

La Présidente (Mme Caron) : Merci...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

La Présidente (Mme Caron) : ...alors, nous allons maintenant passer à l'opposition officielle. Alors. Je donne la parole au député de Nelligan pour 12 min 23 s.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présence. J'espère que votre première présence se déroule très bien.

La Présidente (Mme Caron) : ...

M. Derraji : C'est ça. Bien, prenez de l'eau. Bienvenue à vos trois. Excellent rapport, des bons points qu'on partage.

Vous savez, hier, fin de journée, on était tous choqués d'entendre le témoignage de Gracia. Grâce et Clara, c'est des visages qui existent. Aujourd'hui, vous êtes en train de me dire, en commission parlementaire, de faire attention aux immigrants temporaires. Je vous invite à voir si ce n'était pas déjà fait, le reportage, l'essentiel. Et je trouve qu'en vous que cette consultation manque quelque chose d'extrêmement important. J'entends... Depuis les deux derniers jours, la ministre ne parlait que des Libéraux qui... On a quitté le pouvoir en 2018. Je tiens à rappeler que ça fait presque six ans maintenant, à l'aube de la sixième année de ce gouvernement. On est à des chiffres astronomiques en termes d'immigrants temporaires. Quand c'est rendu que, pour la première fois, ce n'était pas le cas avant, que même un rapport des Nations Unies vienne au Canada et même au Québec, faire un rapport sur, je dirais, des choses qu'on n'a jamais pensé avoir au Québec. On parle de l'esclavagisme. Ce n'est pas la première fois que je l'entends. J'ai été invité à des rencontres avec des groupes. C'est des faits et ça existe. Quand on parle que des gens pas loin d'ici, à Lévis, paient 100 $ la semaine et quand j'entends aujourd'hui que ce n'est pas le rôle des syndicats d'aller faire des démarches pareilles, c'est quoi votre lecture d'une consultation qui ne prend pas le temps de dresser ce portrait des émigrants temporaires? Parce qu'on s'en va vers trois ans, c'est une planification pour les trois prochaines années.

M. Beauchemin (Mario) : En fait, nous, si on avait juste une recommandation à retenir puis à proposer au gouvernement, c'est d'inclure, dans leur planification pluriannuelle, la question des immigrants étrangers temporaires, et qu'on revienne le plus rapidement possible à mettre sur la table des solutions, parce que, comme vous l'avez dit, comme le rapporteur des Nations unies l'a dit, c'est inacceptable, en 2023, que des personnes, qu'elles soient migrantes ou pas, subissent de telles conditions de travail.

M. Derraji : Oui. Je vais vous envoyer le projet de loi que j'ai déposé l'automne dernier. Vous allez le voir, et j'espère que vous me partagez vos commentaires. Si jamais le gouvernement ne retient pas votre proposition par rapport à inclure les immigrants temporaires dans le calcul, ce serait quoi votre constat ou votre conclusion?

M. Beauchemin (Mario) : Ma conclusion, ça serait qu'il faudrait que la société civile se mobilise comme est déjà en train de le faire. Ça circule déjà sur les réseaux sociaux. Il y a un après la projection du film Richelieu, qui est un quasi documentaire.

M. Derraji : Oui.

M. Beauchemin (Mario) : Il y a eu un appel du réalisateur et des personnes migrantes temporaires dans la salle qui demande à la population d'écrire à leur député, en incluant dans cette lettre-là des éléments de solution pour mettre fin à leurs terribles conditions de travail.

M. Derraji : Oui. Vous savez que le slogan de la CAQ depuis le début En prendre moins, en prendre soin, vous croyez toujours aujourd'hui qu'après cinq ans au pouvoir de la CAQ, on prend moins, on prend soin?

M. Beauchemin (Mario) : Prends soin en tout respect, M., je ne pense pas que je vais me prononcer sur cette question.

M. Derraji : Pardon?

M. Beauchemin (Mario) : En tout respect, je ne crois pas que je vais participer à ce débat un peu partisan.

M. Derraji : Pas de problème.

La Présidente (Mme Caron) : Il reste 8 min 40 s à l'opposition officielle.

M. Derraji : Je ne comprends pas pourquoi on dit merci à notre parti, mais ce n'est pas grave, vous avez le droit de remercier.

Une voix : ...

M. Derraji : Oui. Vous pouvez adresser à la présidence. Revenons au...

La Présidente (Mme Caron) : Le seul député qui a droit de parole, c'est celui à qui j'ai donné le droit de parole. Alors, même les réactions ne sont pas permises, et je n'en permettrai pas d'autre.

M. Derraji :  Merci, Mme la Présidente, pour cette mise au point.

Je reviens au seuil. On ne parle pas des travailleurs temporaires, mais on parle de deux scénarios. Est-ce que les deux scénarios vous conviennent aujourd'hui?

M. Beauchemin (Mario) : Nous, je vous dirais bien franchement, les deux scénarios — je ne sais pas si j'ai le droit d'utiliser ce mot là — on s'en fout un peu. Nous, ce qu'on veut, c'est qu'on augmente la part d'immigration humanitaire et de regroupement familial parce que c'est en baisse depuis plusieurs années, et qu'on s'occupe comme il faut et qu'on donne des conditions et un accès égal à tous ces immigrants...

M. Beauchemin (Mario) : ...au marché de l'emploi et qu'on leur donne des conditions de travail, qu'on leur donne... qu'on leur mette... qu'on mette à leur disposition des infrastructures qui vont leur permettre de s'intégrer à la société québécoise. Et, moi, question de seuil ou de plafond, on ne veut pas embarquer dans ce jeu-là.

M. Derraji : Mais vous avez raison de ne pas embarquer dans le jeu des seuils, je vous l'accorde. Je suis de cet avis depuis plusieurs mois, et d'ailleurs c'est pour cela qu'on voulait qu'on parle du portrait global. Mais vous venez de donner des bons arguments qu'on n'en prend pas soin, des immigrants... de répondre à la question que je vous ai posée au début. Mais, quand on voit de l'esclavagisme, est-ce qu'on prend soin? C'est des faits.

Donc, ce qu'on veut, comme société démocratique... Vous aussi, vous représentez des intérêts d'un groupe. Nous, on est parlementaires, nous, on voudrait une commission parlementaire. Notre souhait, avec une planification pluriannuelle, c'est justement s'assurer de prendre soin de ces gens.

Je vais reposer la question. Vos constats sur le terrain, votre proximité avec les travailleurs... J'ai entendu votre collègue parler de plusieurs rapports qui parlent des femmes immigrantes. Vous parlez de l'inclusivité. Vous avez ramené beaucoup d'arguments solides. Je vais répéter ma question. Est-ce que les efforts utilisés vous démontrent qu'on prend soin de ces immigrants qu'on accueille sur le territoire?

M. Beauchemin (Mario) : Bon, première chose. Tout à l'heure, j'ai affirmé... en fait, j'ai dit que je ne voulais pas me prononcer sur un slogan politique, hein, sur un slogan partisan. Maintenant, on peut utiliser les termes «en prendre soin», mais, nous, ce qu'on dit... puis la CSQ représente surtout des travailleuses et des travailleurs du secteur public et parapublic, mais on a des gens quand même qui travaillent sur le terrain, et ce qu'on sait entre autres, de notre côté, c'est qu'il y a un problème avec la francisation, malgré les chiffres que la ministre nous a dévoilés tout à l'heure, il y a un problème avec Francisation Québec, il y a un problème avec la plateforme MIFI. Donc, est-ce qu'on peut parler d'en prendre soin? Moi, quand je parle de mes membres, j'ai représenté longtemps des profs de cégep, je ne dis pas que je vais prendre soin des profs de cégep, je vais dire que je veux leur donner de meilleures conditions de travail.

M. Derraji : Oui, on s'entend.

M. Beauchemin (Mario) : Donc, c'est ce que je veux dire.

M. Derraji : Non, on s'entend...

M. Beauchemin (Mario) : Si donner des meilleures conditions de travail, assurer un accès équitable aux services publics, mettre... investir dans les services publics pour justement avoir accès à de meilleurs services, ça veut dire en prendre soin, alors...

M. Derraji : Oui, oui, c'est très clair.

M. Beauchemin (Mario) : ...on peut bien le dire, là, que c'est en prendre soin.

M. Derraji : C'est très clair. Vous avez répondu. On peut comprendre entre les lignes.

Je reviens à Francisation Québec. On peut vous partager beaucoup d'informations aussi, parce que même moi, je suis surpris de ce que je vois par rapport à Francisation Québec. Mais, au-delà de la plateforme, vous avez dit quelque chose d'extrêmement important, c'est les cours, les gens ont besoin d'échanger, ont besoin... Est-ce que vous reprochez... vous avez une critique par rapport à la démarche du ministère d'aller vers Francisation Québec? Est-ce que j'ai cru comprendre qu'on s'en va vers la mauvaise direction?

M. Beauchemin (Mario) : Écoutez, au départ, je pense que c'était une bonne idée. Un guichet unique pour mieux gérer les demandes nous semblait une bonne idée. Ce qu'on dit présentement, c'est que c'est mal implanté et ça fonctionne mal. C'est ce qu'on dit.

M. Derraji : Ça ne va pas bien.

M. Beauchemin (Mario) : Je veux dire, on a de la misère avec les plateformes numériques au Québec, on dirait.

M. Derraji : Oui, oui. Donc, je peux comprendre que, même sur cet enjeu qui est primordial pour le Québec, la langue française, le gouvernement est en train de l'échapper.

• (15 h 40) •

M. Beauchemin (Mario) : D'après ce qu'on observe sur le terrain, d'après les rapports que nous avons consultés, on peut dire que, pour l'instant, oui, on est en train de l'échapper.

M. Derraji : Oui, je ne sais plus quoi vous dire, comme, par rapport à ça, parce que je sais que... Je ne veux pas vous ramener là, mais il y a plein de slogans sur la protection de la langue française. J'attends encore une autre publicité d'un ministre pour dire qu'on va la promouvoir et la protéger. J'ai de la misère à comprendre comment on va s'assurer de protéger la langue française au Québec si le gouvernement, qui a tout mis sur Francisation Québec, bien, il la livre mal.

Francisation sur le milieu de travail, qu'est-ce qu'on va faire avec les travailleurs temporaires étrangers qui travaillent toute la semaine? Je suis allé ce week-end... Ils ont un seul jour. Ils ont un seul jour pour quitter. Ils travaillent toute la semaine. J'étais très heureux de parler avec eux, et de leur offrir des médailles, et de partager avec eux ma passion du soccer. Ils n'ont pas le temps. Comment on va faire?

M. Beauchemin (Mario) : C'est une bonne question.

M. Derraji : Avez-vous une réponse?

M. Beauchemin (Mario) : Je n'en ai aucune idée.

M. Derraji : Régionalisation, est-ce qu'on y croit? La ministre vous parle que les bureaux, ils ont fermé, eux, ils ont ouvert les bureaux. Est-ce qu'on a réussi le mandat de régionaliser l'immigration?

M. Beauchemin (Mario) : Nous, ce qu'on dit, et je vais le répéter, c'est qu'un des...

M. Beauchemin (Mario) : ...la régionalisation, c'est quand on... habitent en région des immigrants humanitaires avec leur famille. Donc, si on pouvait augmenter le seuil de ce type d'immigration, je pense qu'on pourrait réussir davantage en termes de régionalisation.

M. Derraji : Est-ce que vous savez que pour des Québécois maintenant qui attendent leur conjoint ou conjointe, le délai est rendu de 25 mois? Il y a des gens qui me disent : On brise des coeurs. C'est ça, la réalité. Les gens de Québec Réunifié nous écoutent. Il y a des gens qui ont des délais de 25 mois. Donc on parle de regroupement familial. On est encore loin. C'est quoi?

M. Beauchemin (Mario) : Mais c'est ce qu'on demande, on demande au MIFI de travailler là-dessus, justement, là.

M. Derraji : Oui, mais ça fait quand même six ans, et les délais s'accumulent, s'accumulent, s'accumulent. O.K. J'essaie de trouver quelque chose de positif dans votre mémoire. C'est un excellent mémoire, mais je dis : Excellent par rapport à la planification parce qu'on nous invite à une planification avec des objectifs sur trois ans. C'est ce qu'on veut se donner. Mais si j'ai à vous reposer la question avec ce que vous venez d'évoquer et si c'est à refaire, et vous êtes responsable d'une planification pluriannuelle, c'est quoi, les trois éléments sur lesquels vous allez insister?

M. Beauchemin (Mario) : Bon, je pense qu'on l'a dit dans le mémoire, d'inclure dans la planification pluriannuelle les travailleurs et travailleurs étrangers temporaires. Prendre en considération davantage les femmes migrantes. Et régulariser le statut des personnes qui sont sur le territoire présentement.

M. Derraji : Quand vous dites : Régulariser, est-ce que vous parlez des sans-papiers?

M. Beauchemin (Mario) : Oui.

M. Derraji : Avez-vous une idée sur le nombre de sans-papiers?

M. Beauchemin (Mario) : Sur le nombre de sans-papiers?

M. Derraji : Sur le nombre de ces personnes.

M. Beauchemin (Mario) : Non. 

M. Derraji : Non? Pas grave.

Une voix : ...pas notre job.

M. Derraji : Non, non, non, mais je sais. Non, non, je sais, ce n'est pas... Je dis... Parce que, quand on demande une régularisation, peu importe, on a une idée de... est-ce qu'il s'agit de 10 000, de 20 000, de 30 000, de 5 000. C'est une question qu'on pose juste pour savoir sur quoi on s'aligne. Quand on vous dit que...

La Présidente (Mme Caron) : En conclusion. Il vous reste 20 secondes.

M. Derraji : L'élément de la régionalisation, encore une fois, pensez-vous que le fait d'ouvrir des bureaux, c'est la seule chose pour aider à régionaliser l'immigration?

M. Beauchemin (Mario) : Je ne pense pas qu'il y ait une solution unique à un problème aussi complexe.

M. Derraji : Merci à vous.

La Présidente (Mme Caron) : Je vous remercie, le temps est écoulé. Alors, je vais maintenant céder la parole au député de Saint-Henri–Sainte-Anne pour quatre minutes et huit secondes.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre présentation. Ça m'a fait penser à plein de choses, puis, en même temps, je recevais un courriel des travailleurs d'Olymel qui... certains sont toujours sans permis malgré que l'Assemblée nationale ait voté une résolution unanime pour des permis de travail ouverts. Il y en a qui n'ont pas de solution en ce moment, et ça m'a fait penser à ça, parce que c'est ça, la réalité du permis de travail fermé, c'est que tu es complètement aux aléas de ton entreprise. Il y a le rapport des Nations unies, on en a parlé. Ce rapport là a fait qu'on ne peut plus fermer les yeux, là, on le sait. L'ONU nous l'a mis en plein visage. Ça fait mal à lire, mais c'est un rappel, un dur rappel à la réalité. Et je me tourne vers mes collègues. Je vais déposer une demande de mandat d'initiative pour qu'on creuse la question des permis de travail fermés. Je pense que ça nous concerne en tant que Québécois et je pense que Mme la ministre, vous avez soumis que vous étiez à évaluer des alternatives, je pense que ce serait important qu'on travaille de façon non partisane à améliorer les conditions de travail de nos travailleuses, de nos travailleurs et qu'on fasse des exigences, des demandes et qu'on aille plus loin avec l'IRCC, avec le fédéral pour dire que ça suffit, là. Moi, quand je lis comme législateur ou quand j'apprends comme député qu'il y a des conditions qui sont propices à l'esclavagisme au Québec, ça... je ne suis pas capable d'entendre ça. Je ne suis pas capable de lire ça et je pense qu'on devrait travailler tous ensemble pour qu'on étudie la question puis qu'on la règle le plus vite possible. Et j'espère que la main tendue sera prise.

Vous parlez de vision inclusive, 10 à 25 ans de délai de traitement, certaines... dans certaines catégories. Est-ce que vous jugez que c'est possible et acceptable, ça, en 2023 pour le Québec, que certaines personnes attendent 25 ans pour obtenir la résidence?

M. Beauchemin (Mario) : Poser la question, c'est pas mal y répondre, hein? Mais non.

M. Cliche-Rivard : Et est-ce que... puis je me retourne encore, est-ce que... puis je ne peux pas croire que c'est ça, l'intention réelle, j'ose croire qu'il y a un oubli ou il y a un arriéré qui n'a pas été calculé. Il y a une méconnaissance ou je ne sais pas, IRCC n'a pas donné les bons chiffres. Je ne peux pas croire. Je ne peux pas comprendre que...

M. Cliche-Rivard : ...vraiment, il y a une intention véritable de séparer des Canadiens, des époux, des Québécois pendant trois ans, qui a une intention véritable que des réfugiés reconnus qui sont victimes de persécution et de mort dans leurs pays d'origine, de risque de mort, doivent attendre 10 ans pour leur résidence et 25 ans pour les plus vulnérables des vulnérables, là, les humanitaires, je ne peux pas concevoir que c'est ça, la volonté.

Alors, ça fait quelques fois qu'on en parle. Mme la ministre, vous avez répondu, tout à l'heure, sur Francisation Québec avec des chiffres à jour. Là, vous les avez vus, les chiffres, depuis le dépôt du plan, Le Devoir a amené des chiffres. Est-ce qu'on peut avoir une mise à jour là-dessus? Parce que je ne crois pas que c'est vraiment ça qui est voulu, je ne peux pas croire que c'est ça qui est voulu. En fait, ce n'est pas ça qui est voulu, j'en suis presque certain.

Sur la régularisation, est-ce que vous avez une idée de qui on viserait? Est-ce que vous, vous êtes en mode tout le monde? Est-ce qu'on fait par étape? Est-ce qu'on vise des secteurs d'emploi? Est-ce qu'on vise les régions? Est-ce qu'on vise un délai de gens, combien de temps ils sont restés? Est-ce que vous avez pensé à ça pour commencer, pour une première phase?

M. Beauchemin (Mario) : Non, on n'a pas travaillé là-dessus, mais ce qu'on demande, par contre, c'est que le ministère y travaille et se penche sur cette question-là. Mais je ne pense pas qu'on doit mettre les intérêts économiques de l'avant, par exemple.

Mme Villeneuve (Marie-Sophie) : Si je peux ajouter, mais, tu sais, c'était déjà mentionné dans le document de consultation puis ça fait partie des orientations proposées, c'est-à-dire qu'on manque de données sur l'immigration puis sur aussi notre capacité d'accueil, c'est déjà reconnu. Donc, c'est très important de... Ce n'est pas à nous à compter le nombre de personnes, mais on ne le sait même pas au Canada puis on ne le sait même pas au Québec, les chiffres n'existent pas nulle part. Donc, il faut d'abord savoir de qui l'on parle. Puis, pour savoir de qui on parle, bien, il faut documenter, puis ça, ça ne peut pas être le travail, bien entendu, des centrales syndicales. Mais, pour nous, c'est urgent de s'y atteler. Il y a des gens qui peuvent faire cette job-là dans notre société.

La Présidente (Mme Caron) : En conclusion.

Mme Villeneuve (Marie-Sophie) : Donc, voilà.

M. Cliche-Rivard : Bien, j'en profite pour vous remercier. Il y a beaucoup d'humanité dans ce que vous dites. Merci.

La Présidente (Mme Caron) : Merci. Merci, le temps écoulé. Alors, je vous remercie beaucoup, tous les trois, d'avoir participé à nos travaux. Merci pour votre mémoire.

Nous allons suspendre quelques instants avant de reprendre avec le groupe suivant.

(Suspension de la séance à 15 h 48)

(Reprise à 15 h 53)

La Présidente (Mme Caron) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les travaux de la Commission des relations avec les citoyens. Donc, je souhaite la bienvenue à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes au total pour votre présentation. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer immédiatement, puis on poursuivra ensuite avec les échanges.

M. Bolduc (Denis) :Merci. Merci, Mme la Présidente. Merci à la commission de nous recevoir, la FTQ. Je me présente. Denis Bolduc, je suis le secrétaire général de la FTQ, et je suis accompagné de Gilles Grondin à ma droite et Guillaume Lavoie à ma gauche, qui sont conseillers syndicaux à la FTQ.

Alors, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec représente 600 000 membres dans toutes les régions du Québec. La diversité des secteurs économiques qu'on représente avec nos syndicats affiliés nous permet de rassembler un grand nombre de personnes immigrantes qui vivent différentes situations au travail et dans la vie de tous les jours. Pour la FTQ, une société prospère, comme le Québec, a le devoir moral de recevoir et d'intégrer dans de bonnes conditions les personnes immigrantes. Notre immigration ne doit pas être planifiée uniquement dans une perspective économique à court terme. Elle doit contenir une vision à moyen et même à long terme, centrée sur l'importance d'accueillir ici des personnes qui rêvent d'un autre avenir pour eux et leurs proches. Les orientations présentées par le MIFI donnent l'occasion à la FTQ de réaffirmer plusieurs principes importants auxquels les syndicats adhèrent en matière d'immigration et aussi de francisation. Cette consultation s'inscrit dans un contexte de changements démographiques inédits dans l'histoire du Québec. Elle soulève des questions et enjeux importants, entre autres quant à la capacité de l'État québécois de protéger et de maintenir son modèle économique, son identité culturelle et linguistique de même que son poids démographique au sein du Canada. Il demeure pertinent de rappeler aux membres de cette commission le caractère plus que minoritaire du français sur le continent nord-américain.

Parmi les 62 recommandations émises par la FTQ dans le cadre de cette consultation figurent plusieurs propositions pour assurer le visage français du Québec et son caractère distinct, donc la mise en place de moyens importants pour favoriser l'apprentissage de cette langue, notamment dans les milieux de travail. La question, donc de la francisation prend une place importante dans notre mémoire, vous avez pu le constater. La vision de la FTQ sur l'immigration au Québec s'articule autour de cinq principales thématiques : une société qui réussit l'intégration des personnes immigrantes, une société où le français est la langue commune, les besoins de main-d'oeuvre, les ententes... la gouvernance de l'immigration, le statut des travailleurs et travailleuses étrangers temporaires. On en parle beaucoup ici depuis hier, de la question des...

M. Bolduc (Denis) :...Travailleurs étrangers temporaires. Je vais prendre quelques instants également pour vous parler de ces personnes qu'on accueille ici et qui souvent se font abuser et même exploiter dans certains cas ici, au Québec.

Alors, la hausse significative des travailleurs étrangers temporaires dans le système d'immigration du Québec est alarmante. Pour la FTQ, cette immigration temporaire ne doit d'aucune façon constituer une réponse structurante satisfaisante pour régler à court terme les problèmes de pénurie de main-d'oeuvre et encore moins de servir de fondement légitime au modèle économique de certains secteurs d'activité.

On insiste fortement sur la nécessité de mettre fin au permis de travail fermé afin de permettre aux individus de trouver un travail plus adéquat, s'il y a lieu, et d'être moins dépendants de leur employeur. Il faut aussi s'assurer que les conditions d'accueil de ces personnes, je parle ici d'hébergement, de transport, de soins de santé, soient décentes et veiller à ce que les conditions de vie et de travail soient comparables à ce que des travailleurs et des travailleuses locaux auraient droit.

On nous rapporte régulièrement, chez nos syndicats affiliés FTQ, des cas d'abus de certains employeurs. On ne dit pas que c'est l'entièreté des employeurs qui agissent incorrectement avec les travailleurs et travailleurs... travailleuses étrangers, mais il y a quand même des cas quand même importants qui nous sont révélés. Donc évidemment, on pense qu'une solution est de permettre les permis ouverts sur soit une base régionale ou sectorielle. Parce que j'écoutais la présentation précédente, et ce n'est pas glorieux quand même, le rapport du rapporteur spécial des États... des Nations unies, qu'on a pu... Qui a été rendu public la semaine dernière concernant de l'esclavagisme moderne ici, au Québec. On a... ça fait mal, lire ça. Et donc on pense que les permis fermés doivent être abolis. On doit avoir recours à des permis ouverts, comme je disais, peut-être sur une base régionale ou encore sectorielle.

Puis je dirais également que pour... il y a l'argumentaire patronal qui dit que... qui est financier, essentiellement. C'est... Généralement, c'est ce que j'entends, là, des employeurs, c'est que : moi, comme employeur, je vais investir 5 000 $, 10 000 $, 15 000 $ pour faire venir un travailleur étranger temporaire ici, au Québec, puis je vais me le faire voler, après trois mois, quatre mois, six mois, par mon concurrent un petit peu plus loin. Bien, si c'est ça, si c'est juste ça, la problématique, bien, moi, je pense que la solution... Une des solutions que la FTQ vous propose, c'est d'examiner la possibilité de faire en sorte que les frais, les frais engendrés pour faire venir des travailleurs étrangers, bien, si le travailleur change d'employeur, bien, qu'il y ait un système qui permette de compenser le... je vais dire l'employeur numéro un par l'employeur numéro deux ou l'employeur numéro trois. Et donc ça peut être une solution. Mais la meilleure solution, selon nous, c'est quand même d'ouvrir largement les permis de travail pour les travailleurs étrangers temporaires.

Alors, les défis de... le défi l'immigration, ça demeure toujours un sujet d'actualité important, et l'implication de tous et de toutes demeure une des conditions de succès. Or, en plus des milieux de travail, les groupes actifs de la société civile demeurent des joueurs importants dans le succès de la francisation, de la participation et de l'intégration des personnes immigrantes.

• (16 heures) •

Au Québec, le défi de la participation des personnes immigrantes à la société d'accueil est accentué par la nécessité de maintenir la langue nationale, c'est-à-dire le français. Dans ce contexte, nous souhaitons plus que jamais une gouvernance responsable, cohérente et efficace en matière de francisation. Nous jugeons aussi essentiel de préciser que les mesures qui viseront à soutenir la francisation des personnes immigrantes devront aussi être facilitantes pour ces dernières, et ce, dans la compréhension et le respect de leur réalité. Nous croyons que les avantages à une offre de francisation sur les lieux de travail, et j'insiste là-dessus, sur les lieux de travail sont indéniables. Les conditions d'un tel succès reposent sur l'implication et la concertation des membres de la direction, du syndicat et du personnel, notamment, via les comités de francisation.

Depuis 2011, la FTQ place l'enjeu de la rareté de la main-d'oeuvre au cœur de ses préoccupations. Or, on constate qu'en ce moment pratiquement toutes les régions et tous les secteurs d'activité économique et toutes les catégories de qualification sont touchés par cette pénurie. Des solutions doivent...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Bolduc (Denis) :...et une immigration structurante fait partie de ces solutions.

Comme on sait, la clé d'une bonne politique d'immigration et d'intégration est la mise en place d'actions coordonnées et bien concertées. Bien que la FTQ souhaite toujours que le Québec exerce un contrôle plus important en matière d'immigration, nous appelons à une meilleure collaboration entre les gouvernements québécois et canadien d'ici la conclusion de ces ententes afin d'assurer une plus grande efficacité dans la planification et la gestion de l'immigration.

On a procédé à l'analyse des 12 orientations qui sont proposées dans le document de consultation du MIFI. Vous voyez donc d'où découlent les nombreuses recommandations que vous avez sûrement eu l'occasion de lire déjà. Et je vois que le temps file, alors je vais passer à la conclusion avant que vous me rameniez à l'ordre, Mme la Présidente.

Donc, je conclus en disant que se doter d'une véritable politique visionnaire en immigration, c'est convenir de prendre tous les moyens qui sont mis à la disposition de l'État du Québec pour s'assurer du succès de cette démarche. Des centaines de milliers de personnes ont mis ou mettront, dans les prochaines années, entre nos mains leur destinée et leurs projets de vie. Il importe de les considérer d'une manière digne en agissant avec diligence dans leur processus d'immigration et d'intégration. Nous devons leur ouvrir nos portes, mais en protégeant aussi ce que nous sommes, ce qui nous distingue en Amérique du Nord. La langue française est minoritaire sur le continent nord-américain et nous devons y prendre soin. En contrepartie, ça requiert aussi, de la part de la société d'accueil, des marques de respect et d'intégrité pour ces nouvelles personnes immigrantes.

La Présidente (Mme Caron) : Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, je vais maintenant céder la parole à la ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration. Alors, vous avez 16 min 30 s.

Mme Fréchette : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci à vous, M. Bolduc, merci de prendre part à cette commission parlementaire, à venir nous présenter vos idées avec un mémoire intéressant et touffu. Alors, je vais vous amener sur différents différents sujets.

Dans le cadre de votre intervention notamment, vous avez indiqué que vous trouviez qu'il y avait quand même un nombre important de travailleurs temporaires qui étaient présents sur le territoire. Il y a effectivement eu une hausse importante, là, ces dernières années. Et dans votre mémoire, vous faites la promotion, tout de même, de l'idée voulant que l'on doive assouplir le programme des travailleurs étrangers temporaires. Donc, on imagine que, si on assouplit le programme pour le rendre plus facile d'accès, ça, c'était à la page 14, donc qu'il risque d'y avoir encore davantage de gens qui recourent à ce programme de travailleurs étrangers temporaires. Vous faites la promotion de l'élargissement du Programme de l'expérience québécoise pour les travailleurs à des professions peu qualifiées et vous proposez le prolongement des séjours des travailleuses et travailleurs. Donc, je me demandais comment vous conciliez cette idée qu'il y a beaucoup de gens qui ont le statut de travailleurs temporaires, alors que vous proposez des mesures qui rendraient plus attrayant le recours à ces programmes.

M. Bolduc (Denis) :Oui. Bien, moi je siège à la Commission des partenaires du marché du travail et, évidemment, à chaque rencontre, on parle de la pénurie de main-d'œuvre, requalification, évidemment, de formation. Et on a eu, il y a déjà de cela un an et demi... on a été interpellé à la Commission des partenaires du marché du travail concernant les seuils, le 10 % de travailleurs admis dans les entreprises. Donc, on a demandé l'opinion de la CPMT sur cet avis-là. Évidemment, c'est une table consensuelle. Alors, on est allé... et on est arrivé à un résultat où on disait : Bien, comme consensus, au Québec, on pourrait accepter 20 % de travailleurs étrangers dans un établissement, une entreprise dans certains secteurs. Et le fédéral est arrivé avec une solution qui a monté ça à 20 %. Donc, c'était 20 % dans certains secteurs, puis 30 % pour certains secteurs. Et le fédéral est arrivé avec 30 % et 20 % dans tous les secteurs.

Alors, il y a cette pression, quand même, qui existe, là, des travailleurs d'avoir recours à l'immigration pour combler la pénurie de main-d'œuvre. Ce n'est pas la solution, mais on...

M. Bolduc (Denis) :...mais on doit de regarder et, dans... sur tout ce processus-là, on dit : Bien oui, il faut accueillir des immigrants... des personnes immigrantes pour combler cette pénurie-là. Mais essentiellement, puis c'est ce qu'on essaie de dire là clairement, dans le mémoire, c'est que, oui, on veut accueillir des gens, mais il faut les accueillir convenablement, qu'ils aient les mêmes droits que les travailleurs, les travailleuses québécois de souche, là, qu'ils aient accès aux mêmes... aux programmes, à l'éducation en santé, services de garde, transports en commun, etc., les mêmes droits. Puis... Donc, dans ce contexte-là, on dit : Oui, c'est une belle solution, mais il faut quand même resserrer certains trucs, puis le permis... on parle de francisation aussi, là. Alors, il y a différents... Oui, on est prêts à en accueillir beaucoup, des personnes immigrantes, mais dans la mesure où on peut leur fournir un logement puis des services convenables.

Mme Fréchette : Donc, c'est davantage le cadre dans lequel ces personnes évoluent, ces travailleurs évoluent qui vous interpelle davantage que le nombre. C'est ce que j'en déduis?

M. Bolduc (Denis) :Oui, exactement. Et je vous donne un exemple que ce n'est pas... les deux personnes concernées ne sont pas des personnes immigrantes, mais juste pour donner l'ampleur de la difficulté sur cette question-là concernant le logement, précisément. On avait, à la FTQ, il y a quelques mois à peine, un projet de stagiaire d'été, on avait un boucher puis une personne animatrice à la radio qu'on a... On a trouvé une place qui était prête à les accueillir, dans une ville de l'Abitibi, une petite ville de l'Abitibi. Station de radio communautaire, une boucherie, donc on a nos places. On règle tout, toutes les affaires, il reste à leur trouver un logis pour un stage d'été une dizaine de semaines. On a été incapables de trouver deux places pour les loger en Abitibi, dans cette petite ville là. Alors, si on... On parle beaucoup de régionalisation en immigration, là, bien, ça, c'est un défi vraiment important. Il est immense, ce défi-là.

Mme Fréchette : Je suis bien au fait de ça, dans le cadre de la tournée régionale, je m'en suis fait parler abondamment. Restons sur la question du fait français, vous proposez... à la page 14, donc, vous recommandez de rendre l'acceptation des candidatures pour le Programme des travailleurs étrangers temporaires, donc le PTET, conditionnelle à un engagement de francisation de la part des employeurs lorsque les travailleurs étrangers ne proviennent pas d'un pays francophone. Comment est-ce que vous verriez que ça fonctionne, là, ce système-là? J'aimerais entendre votre proposition.

M. Bolduc (Denis) : ...à l'engagement des employeurs, on a des beaux exemples à la FTQ quand même. On a, par exemple, l'usine Peerless, à Montréal, qui fabrique des vêtements. Je suis allé visiter avec Gilles, justement. Il y a peut-être un an, peut-être moins même, on est allés visiter les gens qui désiraient... En fait, ce qui nous intéressait, c'était de voir comment fonctionne la mécanique pour inscrire les gens aux cours de francisation là-bas, et c'est les Nations unies, hein, ils ont des gens d'une multitude de pays. Bien, ils ont réussi à mettre en place, avec l'employeur, collaboration du syndicat, des cours de français sur les lieux de travail. Nous, on est convaincus, là, que c'est la meilleure recette à utiliser, parce que les gens sont déjà sur les lieux de travail. Ça peut être une prolongation de la journée, quand les journées ne sont pas trop longues, ou encore intégré dans l'horaire de travail, et là on leur donne des cours de français de façon régulière, payés par l'employeur sur les lieux de travail. C'est comme ça qu'on voit, là, la façon idéale de franciser, de faciliter la francisation des travailleurs étrangers dans les entreprises. Et évidemment nous, on peut le faire dans les milieux syndiqués. C'est plus difficile, là, de le faire là où il n'y a pas de syndicat.

• (16 h 10) •

Mme Fréchette : Bien, c'est une orientation aussi qui nous interpelle beaucoup. Si on s'en remet aux étudiants étrangers, dans le cadre de votre mémoire, vous parlez, à la page 30, que le Québec doit travailler, bon, avec le fédéral pour faire en sorte d'assurer une plus grande présence, une présence plus importante, là, d'étudiants étrangers francophones. Quelle approche vous proposeriez d'adopter par rapport à l'attraction d'étudiants étrangers francophones? Est-ce que vous pensez qu'une approche incitative serait la voie à adopter ou plutôt une approche de réduction du nombre d'étudiants étrangers anglophones? Jusqu'où iriez-vous en termes d'actions à mettre en place pour assurer...

Mme Fréchette : ...une plus grande présence d'étudiants francophones.

M. Bolduc (Denis) :Si vous me permettez, Mme la Présidente, Gilles... mon collègue Gilles pourrait répondre.

M. Grondin (Gilles) : Écoutez, on n'a, évidemment, pas l'ensemble des réponses que vous pouvez avoir, mais c'est certain qu'il devra y avoir une sorte de coercition, finalement, possiblement pour arriver à nos fins et s'assurer qu'il y ait une plus grande présence. On voit les universités à Montréal, l'UQAM, l'UdeM, qui ont aussi des difficultés économiques, notamment à l'UQAM, l'augmentation importante du nombre d'étudiants à Concordia, à McGill. Et il devra y avoir des mesures, je pense, pour faciliter la présence d'étudiants francophones dans nos universités. On sait le blocage aussi qui existe à Ottawa avec une multitude d'étudiants africains qui demandent et qui ne reçoivent pas des permis. Donc, je pense... on pense, nous, de notre côté, qu'il doit y avoir et on doit renforcer... Il faut vivre à Montréal aussi pour bien voir aussi comment la réalité montréalaise s'anglicise aussi.

Mme Fréchette : Donc, vous parlez de mesures pour assurer une plus grande présence d'étudiants francophones mais aussi de mesures pour réduire le nombre d'anglophones.

M. Grondin (Gilles) : On n'a pas de position de centrale sur la question, je ne peux pas parler au nom de la FTQ, mais je pense qu'il faut assurément augmenter la présence d'étudiants francophones. S'il faut, pour des raisons économiques, diminuer celle des anglophones, comme aussi... Et je pense que le commissaire à la langue française, ce matin, a bien présenté l'ensemble du portrait sur la question de toute la socialisation des jeunes, des gens qui vont au cégep, à l'université, dans les cégeps anglophones, et autres, je pense que le Commissaire à la langue française l'a bien démontré ce matin aussi.

Mme Fréchette : Merci. Une dernière question de ma part au sujet de la formation en francisation au travail. Là, vous évoquez le modèle du secteur de l'entretien ménager qui semble être intéressant. Est-ce que vous pourriez nous en parler davantage?

M. Bolduc (Denis) :Oui, c'est notre affiliée UES 800, l'Union des employés et employées de services 800, qui est impliquée quand même fortement dans ce dans ce dossier-là. C'est que, dans ce secteur-là, il y a entente avec les employeurs et le syndicat pour procéder à la francisation, là, des personnes. Alors, ça passe par un programme de la CPMT. Je ne me trompe pas, hein? Ça passe par un programme de la Commission des partenaires du marché du travail, et il y a une partie du salaire des personnes qui sont libérées pendant leur cours de francisation qui est remboursée par le programme. Le syndicat même s'implique financièrement, l'UES 800, là, c'est un... s'implique même financièrement pour favoriser la francisation de ses membres dans ce secteur d'activité économique qu'est l'entretien ménager.

Mme Fréchette : Parfait. Bien, merci. Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Caron) : Alors, je vais céder la parole à la députée d'Iberville. Il reste cinq minutes 55 à votre groupe.

Mme Bogemans : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Moi, je voulais vraiment vous féliciter pour votre ouverture. On sent vraiment votre implication, votre dévouement envers la cause. Puis l'ouverture que vous démontrez aujourd'hui, je trouve que c'est porteur de solutions. Donc, je voulais vous remercier pour ça.

Vous avez porté à notre idée plein de... une foule de sujets, en fait, qui sont vraiment porteurs. Puis nous autres, au gouvernement, on se concentre pour avoir une économie forte dans toutes les régions du Québec. On a plusieurs exemples avec le développement de la filière batterie, avec les projets zone innovation, les projets signatures innovation, partout au Québec, dans le but d'apporter puis de diversifier aussi les pôles économiques à la grandeur des régions du Québec puis attirer également les immigrants dans les régions, tout comme offrir des bonnes possibilités d'emploi pour les Québécois qui sont déjà ici.

Donc, je voulais vous entendre, dans le fond, parce que vous avez suggéré, dans la régionalisation, vraiment un comité interministériel piloté par un comité de travail. Puis je voulais vous entendre un petit peu plus sur cette idée-là, comment ça pourrait se déployer.

M. Grondin (Gilles) : Ce qu'on constate ou ce qu'on a constaté... Et je rappelle à cette commission ce que j'avais présenté une autre fois, dans un autre contexte de la loi n° 96, c'est notamment le film Langue à l'ouvrage que nous avons fait à la FTQ portant sur la question de l'immigration et des succès en francisation. Mais ce qu'on a pu constater dans ce film-là, c'est notamment... et on le voit en images, c'est le peu... le problème de logement, un problème de transport, ça peut aller jusqu'au problème de services de garde, d'accès. Donc, il y a vraiment nécessité qu'on ouvre et qu'on favorise cette implantation-là en région. Ce n'est pas juste de dire : On en envoie 75, on trouve des petites cabanes pour eux. Non, c'est aussi de les accompagner dans la région, donc par des différents moyens, par les groupes communautaires qui seront présents. C'est pour ça qu'une de nos premières recommandations, c'est de continuer le financement aussi des groupes communautaires.

Puis le transport est un autre problème. Le film est tourné, notamment, à Saint-Anselme, tout près de Lévis. Mais combien de gens veulent aller à Lévis ou à Québec...

M. Grondin (Gilles) : ...pendant leur fin de semaine et ont des problèmes de transport pour s'y rendre. Comme ils vivent dans des grandes maisons à cinq, six dans la maison, parce qu'il n'y a pas de trois et demi, il n'y a pas de quatre et demi dans le village de Saint-Anselme ou très peu. Alors, vous voyez, ça, c'est des réalités importantes à saisir.

Mme Bogemans : Oui, mais au niveau du déploiement d'un comité interministériel sur la régionalisation, comment vous nous suggérez, dans le fond de mettre en place...

M. Grondin (Gilles) : Bien, c'est parce qu'on entend souvent que les gens travaillent en silo, hein?

Mme Bogemans : Oui.

M. Grondin (Gilles) : On entend souvent que les gens, en haut lieu, comme en région, travaillent en silo, d'où l'importance de vraiment s'assurer que ça ne soit pas en silo puis... Parce que l'être humain qui arrive là, il ne va pas juste au MIFI. Il faut qu'il inscrive son enfant... Tu sais, il y a l'importance de prendre cette personne-là, cet humain-là dans son entièreté, là, donc d'où... Ça peut aller jusqu'à des comités, mais cela dit, c'est plus entre vos mains qu'entre les miennes, là. Mais c'est aussi de le voir... à le travailler un peu avec tout le monde. Et, dans le film, on en parle, il y a des gens qui disent : C'est important qu'on se parle entre nous pour bien se comprendre.

Mme Bogemans : Oui. Puis tantôt vous parliez de... au niveau des permis ouverts de sectoriel ou de région. Est-ce que vous avez, par exemple, des exemples à nous soumettre ou des scénarios particuliers?

M. Bolduc (Denis) :Bien, en fait, ça pourrait être dans un secteur d'activité économique précis, par exemple, je ne sais pas moi, dans l'agroalimentaire, on en a beaucoup, hein? On en a énormément de travailleurs étrangers temporaires dans l'agroalimentaire. Bien, peut-être dans une région donnée, bien, que cette personne-là, s'il a un permis ouvert puis qu'il vit une situation difficile chez un employeur, il se fait abusé ou... bien qu'il ait la possibilité... ou dans la fermeture, dans le cas de la fermeture de cette... d'une usine spécifique à laquelle il est rattaché, bien, il devient comme emprisonné, il ne peut plus rien faire. Donc, ouvrir le sectoriel, soit par secteur économique ou dans une région, alors ouvert à la région, parce qu'on a vu... Puis il ne faut pas s'imaginer, là, que ce n'est pas régulier, là, les cas d'abus, là. Il y en a, moi, je dirais, quotidiennement, à différents degrés. Je pourrais vous donner... Ça m'a été rapporté, là, par un syndicat affilié récemment, un cas d'une entreprise sur la Rive-Sud de Montréal, où le gestionnaire se promène sur le plancher puis devant les travailleurs étrangers temporaires, bien, il fait le signe d'avion en voulant dire : Bien, tu vas faire ce que... Tu ne te plaindras pas puis tu vas faire ce que je vais te demander de faire parce que moi j'ai le pouvoir de te retourner chez vous. Alors, ça, c'est plus de l'intimidation, du harcèlement qui paraît moins, là, que les cas qui sont rapportés dans les nouvelles, les cas... mais ça nous est rapporté régulièrement parce qu'on est présents, je vous le disais en introduction, dans à peu près tous les secteurs économiques au Québec.

Mme Bogemans : Oui. Bien, c'est certainement inacceptable, là, puis il y a déjà des initiatives qui sont mises en place, entre autres, par l'escouade de la CNESST. Puis c'est certain que c'est... Toute forme, de toute façon, d'intimidation sur les lieux de travail n'est pas acceptable, puis on s'emploie à l'enrayer au plus possible.

Mais ma dernière question pour vous, c'était : Comment les centrales syndicales en général et la FTQ peuvent contribuer à l'intégration des personnes en région? Avez-vous des initiatives particulières?

La Présidente (Mme Caron) : En 25 secondes.

M. Bolduc (Denis) :En 25 secondes, bien, je pourrais donner rapidement un outil, un outil, là, qui existe actuellement puis qu'on souhaite qu'il soit déployé davantage. C'est les comités de francisation en entreprise, 100 employés et plus. Nous, on souhaiterait que... puis... on souhaiterait que ce soient les entreprises de 50 employés et plus. Bien, là où il y a des comités de francisation, on pourrait les utiliser pour, justement, mettre en place, promouvoir des programmes de francisation en entreprise.

• (16 h 20) •

La Présidente (Mme Caron) : Merci. Alors, je vais maintenant céder la parole à l'opposition officielle. Député de Nelligan, alors c'est 12 minutes, 23 secondes pour votre groupe.

M. Derraji : Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci à vous trois pour votre rapport, mais surtout, surtout, surtout des 62 recommandations. C'est très détaillé. Il y a des choses où j'ai des questions, mais une bonne majorité, vous soulevez de bons points.

Je vais commencer avec la recommandation 61. La FTQ demande au gouvernement du Québec de prendre des mesures pour favoriser l'inclusion des travailleurs étrangers temporaires dans le calcul du seuil d'immigration.

Une voix : ...

M. Derraji : Oui, 61. C'est page 48. C'est bon? C'est bon?

Une voix : ...

M. Derraji : Pouvez-vous élaborer un peu?...

M. Derraji : Pouvez-vous élaborer un peu?

M. Grondin (Gilles) : Je peux tenter une explication aussi sur cette question. Je pense que, comme a mentionné le collègue de la CSQ précédemment, à un moment donné, la question des travailleurs étrangers temporaires doit aussi être considérée dans l'ensemble du portrait de l'immigration. C'est dans ce sens-là qu'on veut... qu'on l'amène, notamment, donc c'est dans cette réflexion-là aussi qu'on l'a apportée, cette dite recommandation-là.

M. Derraji : O.K. Donc... Oui. Donc, ce que vous dites : le portrait qu'on a, actuel, ne représente pas le réel portrait - excusez-moi l'utilisation des deux «portrait», c'est juste pour aller vite - et que, si on inclut les TET, on ne va plus parler de 50 000 ou de 60 000. Donc, le narratif sur la place... Je vous laisse choisir qui va répondre. Le narratif sur la place publique changera. On ne peut plus dire : Est-ce que - dans une campagne électorale - je vais baisser le seuil à 40 000 ou à 30 000? D'autres vont dire 60 000, un autre qui... Va dire 80 000. D'ailleurs, la position au Parti libéral, nous, on dit que le débat sur les seuils est une question qui est dépassée, vu que pour la première fois un gouvernement a presque multiplié par trois le nombre de temporaires. Donc, ce que vous dites aujourd'hui au niveau de la planification qu'on a devant nous... que dorénavant, si on veut être juste et avoir le portrait réel, on doit tout inclure?

M. Grondin (Gilles) : O.K. Ce qu'on dit, c'est qu'à un moment donné, effectivement - on l'a dit il y a quatre ans en commission parlementaire sur le même sujet - on a dit : On n'est pas des experts, pour déterminer quel doit être le chiffre du seuil exactement précis, et on n'a surtout pas accès à toutes les données. Je ne sais pas si vous avez accès à plus de données que nous, mais, en ce qui concerne par exemple la présence de travailleurs étrangers temporaires sur le sol québécois, on entend toutes sortes de chiffres; la présence de sans-papiers, on entend aussi, tout le monde, toutes sortes de chiffres. Donc, c'est dans cette perspective-là aussi qu'il faut comprendre l'entièreté de l'oeuvre, au niveau de l'immigration, et de l'offre de services aussi qu'on doit faire à ces gens-là.

M. Derraji : Oui, c'est...

M. Bolduc (Denis) :Les vannes ont été ouvertes, hein, dans les dernières années.

M. Derraji : Désolé, je ne vous ai pas entendu. Qu'est-ce qui a été ouvert?

M. Bolduc (Denis) :Les vannes.

M. Derraji : Les vannes de quoi?

M. Bolduc (Denis) :De l'immigration des travailleurs étrangers temporaires. Alors, je vous parlais tout à l'heure des pourcentages de travailleurs... du nombre de travailleurs qui sont acceptés ou permis dans les entreprises. Ça a été augmenté, et même, en certaines situations, on constate qu'on dépasse même ces maximums-là...

M. Derraji : Oui, mais...

M. Bolduc (Denis) :...puis ça, c'est un contexte de négociations avec le fédéral, là, il y a du fédéral là-dedans, là.

M. Derraji : Oui. Quand vous dites «les vannes», «les vannes», c'est le gouvernement qui a ouvert les vannes.

M. Bolduc (Denis) :Oui.

M. Derraji : Pourquoi, selon vous...

M. Bolduc (Denis) : À cause de la pénurie de...

M. Derraji : ...du temporaire?

M. Bolduc (Denis) :À cause de la pénurie de main-d'oeuvre, le contexte de pandémie dans lequel on a été plongés et la pression qui a été mise aussi par les employeurs pour avoir de plus en plus de travailleurs étrangers pour avoir recours aux... puis la démographie, hein, du Québec. Donc, il y a...

M. Derraji : Donc, ces travailleurs temporaires répondent à un besoin, comblent un besoin de pénurie, mais la réponse du gouvernement aujourd'hui nous invite à ne parler que des résidents permanents. Donc, on laisse toujours la porte à quelqu'un d'autre qui va choisir que j'ai un manque, j'ai 20 %, 30 %, ça dépend du secteur, le fédéral nous l'autorise. Mais, au Québec, on est maîtres de notre politique d'immigration, mais on n'en parle pas, parce qu'on s'occupe juste du permanent.

M. Bolduc (Denis) :On aimerait que le Québec rapatrie ces pouvoirs en immigration.

M. Derraji : Ah! je... Sur le travailleur temporaire étranger...

M. Bolduc (Denis) : Je ne sais pas si vous voulez embarquer sur...

M. Derraji : Ah! oui, oui, oui. Non, non, non, je l'ai mentionné, j'ai fait... Avant même l'arrivée de Mme la ministre, je l'ai mentionné, en tant que nouvelle élue et ministre, j'ai mentionné qu'on doit rapatrier le programme des travailleurs temporaires étrangers.

Mais ma question, elle est la suivante : À part qu'on n'a jamais cru à la pénurie de main-d'oeuvre, à part qu'on a essayé de dire aux Québécois que le besoin, c'est juste 40 000, on s'entend que le narratif va changer. C'est que personne ne peut aller en élections et dire : Mes seuils seront de 50 000 ou de 60 000. C'est un faux débat, parce qu'on ne parle pas de 50 000 ou de 60 000, là. Vous êtes sur le terrain, vous représentez des travailleurs, vous pouvez nous dire aujourd'hui... Est-ce que, vraiment, c'est 50 000 de 60 000 qu'on a, comme immigrants?

M. Bolduc (Denis) :C'est davantage.

M. Derraji : Hein?

M. Bolduc (Denis) :C'est clairement davantage, là, c'est clairement... Immigration, toutes catégories confondues, c'est beaucoup plus que 50 000, 60 000...

M. Derraji : Absolument.

M. Bolduc (Denis) :...sii on tient compte des travailleurs étrangers temporaires. Mais les chiffres...

M. Derraji : Mais vous ne pensez pas que... Mais pourquoi on dit que... On parle sur la place publique... un certain narratif de 50 000, 60 000, et on ne veut pas parler de travailleurs temporaires étrangers. Est-ce que vous avez cette impression? ...

M. Grondin (Gilles) : ...oui, j'ai cette impression-là, mais c'est une impression qui court depuis de nombreuses années. Pas juste de cette consultation aussi, de la précédente et de l'autre d'avant aussi. On est toujours sur cette fameuse question des seuils à 45, à 50 à 55, à 60, à 22, peu importe. Et c'est le cas de plusieurs commissions. Donc, est-ce que c'est l'ensemble de la fonction publique qui nous amène toujours sur ce sujet-là? Je parle d'une commission parlementaire dans laquelle le Parti libéral était aussi au pouvoir à l'époque. Donc, c'est depuis 2011 aussi que nous, on parle de problème de la pénurie de main-d'œuvre, elle va s'en venir, là. Qu'est-ce qu'on a eu comme réponse? Au niveau structurel, au niveau de l'économie, ce n'est pas toujours aussi précis que ça. Et idem pour ce qui est de la question des travailleurs étrangers temporaires qui, oui, prend de plus en plus de place. Mais pour nous aussi, on a toujours maintenu et on le dit là-dedans, dans notre mémoire, c'est qu'aussi qu'à des places il faudrait peut-être qu'on augmente le salaire minimum pour favoriser aussi le retour en emploi de certaines personnes.

M. Derraji : Oui, vous avez raison. Je dis juste à préciser quelque chose, c'est que les données vous, vous les suivez aussi, le nombre de travailleurs temporaires étrangers n'a jamais au seuil qu'on a maintenant.

M. Grondin (Gilles) : Je l'ai dit, oui.

M. Derraji : Donc, oui, oui, je suis d'accord avec vous qu'il y avait la problématique des travailleurs temporaires étrangers sur la table, je vous l'accorde, mais il n'y avait pas du 20 %, 30 % partout. Ça vient d'être fait. Vous l'avez même vous-même mentionné. Et on n'a jamais été, au Québec, à des seuils de 50 000 travailleurs temporaires étrangers. Prenez juste le cas du programme de mobilité internationale, vous allez voir qu'on est rendu à des 40 000.

Mais cette recommandation, pourquoi je vous ai mentionné de me parler de cette recommandation 61? Parce que je vous ramène à la recommandation 24.

M. Grondin (Gilles) : 24.

M. Derraji : O.K. Je vous laisse le temps d'aller la voir. Vous demandez au gouvernement de se doter d'indicateurs précis complets pour mesurer les besoins et les effets relatifs à la migration, notamment pour mieux suivre la situation de l'insertion économique, linguistique et géographique des nouveaux arrivants afin de planifier les programmes et les mesures nécessaires, et que ces données soient rendues publiques. Mes quels indicateurs vous souhaitez ou vous aimeriez avoir?

M. Bolduc (Denis) :Juste sur le nombre, le nombre de personnes immigrantes au Québec, on entend toutes sortes de chiffres.

M. Derraji : Oui.

M. Bolduc (Denis) :Ce n'est jamais le même chiffre. Il y a les... il y a différentes catégories. On parlait des... Je vous entendais, tout à l'heure, parler des sans-papiers. On ne peut pas savoir combien ils sont, ils sont sans papiers. Et donc c'est important que... et nous, on n'a pas les moyens de le faire. Le gouvernement a probablement les moyens d'aller chercher des statistiques pour...

M. Derraji : Est-ce que vous formulez aujourd'hui... est-ce que vous formulez aujourd'hui une demande officielle que le gouvernement se penche sur la question des sans-papiers, d'avoir le portrait réel?

M. Bolduc (Denis) :Bien, de l'ensemble des de l'immigration au Québec, d'avoir un portrait. Parce que si on n'a pas la photo, c'est difficile de faire des retouches dessus, là, si on ne l'a pas devant nous. Je ne sais pas si tu veux ajouter.

M. Derraji : Et cette photo, ça reflète aussi la fameuse capacité d'accueil parce que ça a été, je dirais, pendant longtemps, la fameuse phrase pour clore le débat : La capacité d'accueil du Québec est atteinte. Mais quand je pose la question : Donnez-moi juste une seule étude qui parle de la capacité d'accueil. On n'en parle pas.

Parfois, on entend des gens qui veulent, dans certaines régions, ramener plus d'immigrants. Mais présentement, ils vivent une crise de logement. On va les loger où? Donc en fait, ce que j'ai avec votre proposition, c'est que si on ne se donne pas des indicateurs, si on n'a pas le portrait réel, on navigue dans le vide.

• (16 h 30) •

M. Grondin (Gilles) : Bien, c'est pratiquement comme ça que commence n'importe quelle expérience scientifique aussi, là. Il faut que tel un portrait, peu importe, pour le comprendre. Que ce soit dans une expérience en physique, en chimie ou en n'importe quoi, il faut un portrait, tu sais.

Moi, je suis dans le dossier d'immigration depuis quelques années et j'ai notamment travaillé à la rédaction du précédent rapport, ce qu'on a fait il y a quatre ans, et je m'étais largement inspiré du précédent. Et à toutes les fois, on ramène nous, comme Fédération de travailleurs, cette question-là d'avoir des données précises sur l'immigration afin de pouvoir ensuite émettre des recommandations. Mais c'est... toutes les centrales syndicales vont vous dire la même chose, là, on n'a pas ces données précises là et on ne sait pas nécessairement toujours comment donner des réponses face à ça. Vous-même, vous allez chercher ces réponses-là?

M. Derraji : Oui, sur les données, il y en a pas mal. On peut vous partager nos données sur les immigrants temporaires parce que je ne peux pas déposer un projet de loi pour inclure les travailleurs temporaires étrangers si je n'ai pas fait mes recherches. On va vous partager. Il y en a. C'est plusieurs catégories, programme de mobilité internationale. Il y a des étudiants, il y en a pas mal. Maintenant, on arrive à en avoir, et j'irais même... et je salue l'équipe de Mme la ministre, on a même des chiffres par rapport à la francisation. Maintenant, on en a. Maintenant, c'est sur l'espace public où on doit prendre le temps de dire quels indicateurs on veut.

Quand on veut parler de la régionalisation, le groupe qui était juste avant vous, ce n'est pas uniquement ouvrir des bureaux qu'on va aider dans la régionalisation. On parle de l'accompagnement. Il y a beaucoup d'autres mesures qu'on doit mettre en place pour favoriser l'inclusion en région. Je reviens à la...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Derraji : ...recommandation 16. Recommandation 16. Vous voulez dire quelque chose?

M. Grondin (Gilles) : Non, mais j'ai juste dit que c'est ce qu'on a mentionné précédemment.

M. Derraji : Oui, pas de problème. Recommandation 16 : Que le gouvernement du Québec rende publique la liste de tous les employeurs s'étant vus refuser une étude d'impact du marché du travail pour des raisons de non-conformité. Pourquoi?

M. Lavoie (Guillaume) :Oui. Bien ça, en fait, c'est parce qu'il existe un double programme au Canada, c'est-à-dire qu'il y a un il y a des règlements canadiens pour lesquels les employeurs qui se voient imposer des sanctions pécuniaires administratives ou des sanctions même les interdisant de faire venir des travailleurs étrangers pour le futur qui sont rendus publiques. Alors qu'au Québec on a également, dans le règlement sur l'immigration, certaines conditions pour lesquelles le MIFI peut interdire à des employeurs d'émettre un IMT, de faire venir donc des travailleurs étrangers pour les années futures. Mais l'application qui est faite par le MIFI de ces dispositions là, n'est pas rendue publique, et on n'a pas de données sur... Encore une fois, c'est une absence de données qu'on a sur l'application qu'en fait le MIFI. Donc, c'est le sens de la recommandation.

M. Derraji : O.K. Vous siégez à la CPMT. Est ce que toutes vos demandes sont... Parce que j'ai vu pas mal de recommandations, que vous formujlez par rapport à la CPMT. Vous avez quelque chose, là...

La Présidente (Mme Caron) : En 15 secondes, s'il vous plaît.

M. Derraji : ...d'important à citer aujourd'hui?

M. Bolduc (Denis) :La CPMT a déposé un mémoire. Je ne sais pas s'ils ont été...

M. Derraji : Oui, oui, ils vont être là, mais vous...

M. Bolduc (Denis) :Oui? Ils vont être là? C'est une position de consensus à la CPMT. Ça va moins loin que... Par exemple, sur les permis fermés, il n'y a pas de consensus à la CPMT sur cette question là.

La Présidente (Mme Caron) : Merci. Alors, le temps est écoulé. Je vais maintenant céder la parole au député de Saint-Henri Sainte-Anne. Donc, c'est quatre minutes huit secondes pour votre grouper.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre mémoire et vos recommandations. Si vous êtes les quatre centrales ici, aujourd'hui, à faire un point de presse en bloc, unis, on va se le dire quand même, avec des vice-présidents et autres, permettez-moi de vous demander, l'heure est grave quand même, là. Vous avez un message fort, Vous ne vous seriez pas déplacés si vous ne jugiez pas que l'heure était assez pressante et grave.

M. Bolduc (Denis) :Oui. Bien, ça fait... ça fait des années qu'on intervient sur l'immigration. Aujourd'hui, on a décidé, les quatre centrales, de le faire, de donner un signal effectivement collectif, fort, ensemble. C'est plus d'1 million de travailleurs, travailleuses au Québec qui parlent à travers nos quatre centrales. Et, oui, parce que ça fait longtemps qu'on parle de la question de l'immigration. La Commission des droits de la personne parlait en 2011, concernant les travailleurs agricoles, de discrimination systémique. Alors, ça fait longtemps, là, que cette question là des travailleurs étrangers nous préoccupe, autant à la FTQ que chez mes collègues des autres centrales.

M. Cliche-Rivard : Mais j'apprécie le geste fort et j'espère qu'il sera entendu parce que ce n'est pas tous les jours qu'on voit ça quand même. Puis vous avez des orientations quand même dans le même sens? Puis, je veux dire, ça fait... ça fait beau à voir.

M. Bolduc (Denis) :Des fois, on s'obstine. Oui, effectivement.

M. Cliche-Rivard : Vous avez... Vous avez parlé des planifications précédentes, la planification de 2019 notamment. J'étais assis à cette table en 2019, et on en a eu une quarantaine de groupes qui étaient entendus. Et ce qui est ressorti de la planification, en fait de la discussion et puis des consultations, c'est exactement le même document qui avait été soumis préalablement. Donc, essentiellement parlant, après 40 groupes, c'est le même document qui a été adopté sans modification. Aujourd'hui, on est là, on a 80 groupes qui vont être entendus, notamment vous, mais il y en a d'autres. Est-ce que vous souhaitez, j'imagine que oui, qu'il y ait des modifications? Et quel message ça enverrait si, après 80 groupes, le plan tel quel était adopté?

M. Bolduc (Denis) :Bien, qu'on n'est pas écoutés. C'est des... C'est la beauté d'une commission parlementaire, c'est de permettre à des groupes de venir s'exprimer. C'est de la démocratie à l'état pur. Alors, on invite des groupes venir s'exprimer. Puis après ça, bien ça quand même appartient au gouvernement de prendre des décisions. Si on le voit dans les résultats, dans les décisions qui sont prises, bien, après ça, on peut juger s'il y a eu une écoute ou pas. Alors, on espère qu'il y aura une bonne écoute, Mme la ministre.

M. Grondin (Gilles) : J'ajouterais peut-être un petit quelque chose. J'ai la chance de participer à des forums internationaux sur différents enjeux, et beaucoup de pays nous... Beaucoup de syndicats de ces pays-là nous envient de pouvoir pratiquer une sorte de dialogue social ici, comme on fait tout le temps, peu importe lequel parti au pouvoir, là, dans une perspective de démocratie. On ne peut que saluer ça.

M. Cliche-Rivard : Puis vous avez raison de le dire. C'est vrai qu'on a cette belle liberté d'expression, puis qu'on est écouté, puis que finalement on a une belle planification de par la loi, là. Donc, on est... on est contents...

M. Cliche-Rivard : ...mais j'espère, moi aussi, que, des 80 groupes, il y aura des choses qui seront retenues, qu'il y aura des choses qui seront adaptées, ajustées. Vous en avez parlé, il y a un volet qui parle de tenir compte du nombre de gens qui vont se qualifier dans le PEQ pour fixer notre seuil prospectif, hein? Finalement, si on a, à terme, je ne sais pas, 20 000, 30 000, 40 000 candidats qui se qualifient au PEQ et que, finalement, dans ces catégories-là, il y a seulement 4 000, 5 000, 6 000, 8 000 personnes qui sont qualifiées... pardon, qui sont sélectionnées dans le seuil, on va avoir un problème.

La Présidente (Mme Caron) : 15 secondes.

M. Cliche-Rivard : Donc, vous, vous voulez une étude prospective aussi?

La Présidente (Mme Caron) : Rapidement. Il vous reste 10 secondes pour répondre.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Bolduc (Denis) :Oui, il restait deux, trois secondes.

La Présidente (Mme Caron) : Merci beaucoup pour... d'avoir contribué à nos travaux. Alors, nous allons suspendre quelques minutes avant de reprendre avec le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 16 h 37)

(Reprise à 16 h 44)

La Présidente (Mme Caron) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission va reprendre ses travaux. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Confédération des syndicats nationaux. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation et vous présenter. Donc, 10 minutes au total. Et on poursuivra par la suite avec les échanges. Alors, la parole est à vous.

Mme Lelièvre (Katia) : Merci beaucoup. Bonjour, je m'appelle Katia Lelièvre, je suis vice-présidente à la CSN. Et je suis accompagnée aujourd'hui par Julien Laflamme, qui est conseiller politique, ainsi que Marie-Hélène Bonin, qui est conseillère à la recherche, spécialisée en immigration. C'est un plaisir pour nous de pouvoir venir vous porter le point de vue de la CSN dans la consultation d'aujourd'hui.

La CSN est une centrale syndicale qui représente 330 000 travailleurs de tous les secteurs d'activité au Québec. On représente des milliers de personnes immigrantes, dont beaucoup de travailleurs étrangers temporaires. Nous sommes bien à même de constater les problèmes vécus par nos membres à plusieurs niveaux, soit la santé-sécurité, la connaissance des droits, la communication, l'inclusion, la représentation syndicale et l'accès aux services, pour ne nommer que ceux-là. Les défis se sont multipliés au cours des dernières années et, de façon plus notable, depuis que les règles entourant la main-d'oeuvre immigrante ont été assouplies.

Tout d'abord, pour la CSN, le thème de l'immigration doit être abordé de façon inclusive, humaniste et en ayant une vision globale. On doit aussi être en concordance avec les valeurs qu'on représente comme CSN, c'est-à-dire la solidarité. Le débat ne peut pas porter uniquement sur des chiffres de la résidence permanente dans la planification annuelle, on ne dit pas ce qui arrivera des dizaines et des dizaines de milliers de travailleurs étrangers temporaires et des immigrants temporaires qui sont déjà ici. Au Québec, il y a plus de ces travailleurs temporaires que dans n'importe quelle autre province canadienne. Ils ne font pas partie de la planification. Contrairement aux étudiants étrangers diplômés, il n'y a aucun scénario dans le cadre de cette consultation-là aujourd'hui, pour rendre permanente la résidence de ces travailleurs qui sont pourtant essentiels au Québec.

Une autre question importante est la précarité et la vulnérabilité des personnes immigrantes sans statut de résident permanent. Que ce soit pour les demandeurs d'asile, les travailleurs étrangers temporaires ou les sans-papiers, toutes ces personnes sont actuellement chez nous sans résidence permanente. Plusieurs familles sont séparées de nombreuses années, les conditions d'admissibilité sont difficiles à remplir, les frais sont importants et les délais sont interminables. Ils demeurent donc dans cette situation extrêmement pénible pendant beaucoup trop longtemps. Comme nous le mentionnons dans nos recommandations sur l'inventaire et les délais d'obtention de la résidence permanente, pour la CSN, il est impératif d'améliorer la collaboration avec le fédéral afin de permettre à tous les travailleurs migrants d'accéder à la résidence permanente et d'accélérer le processus de régularisation...

Mme Lelièvre (Katia) : ...des personnes sans statut ou à statut précaire. De plus, les frais exigés par les deux gouvernements pour soumettre des demandes de sélection et d'admission représentent une somme considérable pour les bas salariés, les travailleurs étrangers temporaires, sans compter les gages financiers qui sont exigés par le Québec comme preuve de capacité à soutenir sa famille. Dans certains cas, ces montants, qui s'additionnent aux frais de transport, prennent de nombreuses années à être épargnés. D'ailleurs, de 2015 à 2018, c'est moins de 1 %, en fait, c'est 0,8 % des travailleurs étrangers temporaires qui ont obtenu la résidence permanente. Ça dit tout. La marche est tellement haute qu'elle explique sans doute le peu de succès des programmes pilotes en immigration permanente, des préposés aux bénéficiaires et des travailleurs en agroalimentaire, deux groupes qui sont représentés par nos syndicats et dont on connaît bien les maigres salaires. Pour nous, le processus doit être rendu plus rapide et accessible financièrement aux candidats à la résidence permanente.

Au niveau des besoins du marché du travail, la CSN a de nombreuses et importantes préoccupations, comme vous pourrez le constater dans nos recommandations sur l'orientation sept du cahier de consultation. Les permis fermés des travailleurs étrangers temporaires, les contraignent... en contraignent plusieurs à subir des conditions de travail qui, je le dirai pour la quatrième fois, comme le disait le rapporteur de l'ONU, s'apparentent à de l'esclavagisme moderne. Et si ces conditions-là deviennent insupportables, les travailleurs doivent en faire la preuve, ce qui est loin d'être facile pour obtenir un permis de travailleur vulnérable et tenter de se trouver un autre employeur. Il n'y a aucun Québécois qui vivrait ou n'accepterait de vivre une telle situation.

Pour la CSN, le Programme des travailleurs étrangers temporaires doit répondre à des besoins temporaires de travail. Les besoins permanents devraient être comblés par des travailleurs étant résidents permanents, puisque le déficit démographique du Québec, il va continuer à croître dans les prochaines années. Nous réitérons donc nos demandes afin de mettre fin au permis fermé lié à un seul employeur, de faciliter la mise en place de permis sectoriels ou régionaux, de mesures compensatoires entre employeurs, ainsi que de permettre l'accès à la résidence permanente après un an de travail en sol québécois.

De même, le rôle et le financement de la CNESST doivent être bonifiés pour offrir davantage de formation afin de permettre aux personnes immigrantes de connaître leurs droits pour faciliter leurs plaintes et leurs réclamations. Des inspections non annoncées devraient être plus fréquentes dans les milieux de travail employant des travailleurs étrangers temporaires et dans les agences de placement, comme on l'a mentionné au point 7.2 de nos recommandations. Pour ce qui est de la deuxième orientation du gouvernement, visant l'accroissement des connaissances du français des personnes migrantes, la création de Francisation Québec est bien accueillie par la CSN, qui en supporte l'ensemble des objectifs. Par contre, nous sommes inquiets du peu d'informations disponibles sur les mesures qui seront mises en place pour leur réalisation, particulièrement en ce qui concerne la francisation au travail. La barrière de la langue est un enjeu réel, autant dans nos milieux de travail que pour la rétention des personnes immigrantes en région. Ça met à risque la santé-sécurité de l'ensemble des travailleurs dans les entreprises et ça les prive de droits fondamentaux et, de plus, ça envenime les relations de travail sur les lieux de travail. Quand on n'est pas capable de se parler, on n'est pas capable de se comprendre. Pour nous, la mise en place de l'organisme Francisation Québec et l'offre à venir en entreprise devrait se faire en collaboration avec les milieux de travail, qu'ils soient publics ou privés, tous... en incluant tous les acteurs, y compris les syndicats. Le processus d'approbation des études d'impacts sur le marché du travail et les certificats d'acceptation du Québec devraient être rendus conditionnels à un engagement de la part des employeurs à assurer la francisation des travailleurs étrangers temporaires en milieu de travail sans perte de salaire pendant les heures de travail, s'ils recrutent des travailleurs à l'étranger et qu'ils ne sont pas francophones.

• (16 h 50) •

Je le disais plus tôt, pour la CSN, l'immigration devrait être réfléchie de façon globale. À ce titre, nous croyons que l'ensemble des partenaires du marché du travail doivent pouvoir compter sur un appui gouvernemental. Les syndicats et d'autres organisations offrent des activités de formation, de soutien et de conseil psychosociales visant une meilleure intégration dans les milieux de travail. Le secteur communautaire est extrêmement sollicité, autant par les entreprises que par les travailleurs immigrants. Le financement de certains de ces organismes-là est famélique malgré l'explosion des besoins, et ce, dans toutes les régions du Québec. Les conditions de travail et d'exercice sont souvent difficiles et les moyens financiers ont un impact majeur sur la rétention de main-d'œuvre dans ces organismes-là. Donc, ils doivent être financés de façon adéquate pour répondre aux immenses besoins de la population afin de favoriser l'intégration dans les milieux de vie. Leur financement doit être rehaussé, comme je viens de le dire, et accordé à la mission. C'est important, ça aussi.

Pour ce qui est de l'orientation neuf du gouvernement, soit la régionalisation de l'immigration, nous croyons aussi que ce défi doit être pris dans...

Mme Lelièvre (Katia) : ...la globalité avec l'ensemble des acteurs locaux. L'accès au logement est un enjeu important. Il faut éviter de faire des développements immobiliers spécifiquement pour les personnes immigrantes. L'histoire nous démontre que la ghettoïsation de l'immigration est une erreur. L'exemple de la France et de nos voisins du Sud nous montre que ça amène des clivages culturels importants et des problèmes sociaux majeurs. La clé de la réussite de l'intégration des nouveaux immigrants, c'est la mixité sociale.

Le gouvernement, avec les acteurs régionaux et municipaux, doit adopter une vision à long terme basée sur l'évolution démographique et les besoins d'habitation des différentes régions du Québec. Il faut favoriser l'émergence d'un marché résidentiel non spéculatif. De même, il faut accroître l'accès aux services de proximité aux personnes migrantes et leurs familles, tels que l'accès aux soins de santé, d'éducation, de formation, de francisation, des services de garde éducatifs, le transport, etc. Et ça aussi, ça doit se faire en concertation avec les acteurs régionaux.

En conclusion, il est évident que les besoins démographiques et les besoins de main-d'œuvre ne sont pas près de diminuer au Québec. Nous devons, comme société, s'attaquer au défi de prendre soin des personnes immigrantes, c'est-à-dire de les accueillir convenablement, respectueusement et dignement. Il est évident que le Québec devra en accueillir plus, mais faisons-le bien, en respectant nos engagements humanitaires et internationaux. Une grande proportion de la population ne connaît pas les conditions de travail et les conditions de vie souvent exécrables dans lesquelles sont condamnées ces personnes migrantes. Elles ont le courage de se déraciner, elles ont la volonté d'améliorer leur sort et prennent l'initiative de changer leur vie. Ces personnes méritent de trouver au Québec une terre d'accueil à la hauteur de nos valeurs, et nos valeurs qui sont d'équité et de justice sociale. On s'est battus longtemps pour cette justice sociale là. Nous devons reconnaître leur apport important dans notre économie et essentiel à l'ensemble de la société. Puis on l'a bien vu, pendant la pandémie, à quel point ils étaient essentiels, ces travailleurs-là.

L'heure est à l'ouverture de part et d'autre. Le peuple québécois est riche de ses valeurs, généreux et solidaire, comme il l'a de nombreuses fois montré en ouvrant ses portes à des populations qui vivaient des drames dans leurs pays d'origine. Il serait temps que ça transparaisse de nouveau dans notre façon d'accueillir les immigrants. Merci.

La Présidente (Mme Caron) : Merci beaucoup. Alors je vais maintenant céder la parole à la ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration pour 16min 30s pour votre groupe parlementaire.

Mme Fréchette : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci à vous pour prendre part à cet exercice-là, fort important, un exercice démocratique sur un sujet qui capte beaucoup l'attention au niveau collectif, comme on le sait.

Alors, bien, d'une part, je voulais, bien, réagir à certains de vos propos, là, ou vous disiez qu'il était très difficile, voire inaccessible, là, pour des gens avec des compétences plus manuelles, plus, comment dire, intermédiaires d'accéder à la résidence permanente. Et, pour nous, c'était effectivement un enjeu, également. Alors, c'est pour ça qu'on a présenté, au printemps dernier, la réforme des programmes d'immigration permanente, réforme dans laquelle, en fait, on crée une passerelle qui permettra à des gens qui ont des compétences plus manuelles d'accéder à la résidence permanente, parce qu'on en fera un volet entier, là, du programme de sélection des travailleurs qualifiés. C'est le programme qui remplacera le programme régulier des travailleurs qualifiés. Alors, pour vous dire qu'on était en action sur cette dimension-là, parce qu'effectivement il y a beaucoup de besoins au Québec pour ce type d'expérience, d'expertise, et je crois que, du côté des travailleurs étrangers, bien, il y avait beaucoup à offrir. Donc, en créant cette passerelle-là, on va se trouver à offrir un nouveau canal d'accès à la résidence permanente pour des travailleurs étrangers temporaires qui voudraient rester au Québec.

Je voulais apporter une précision aussi par rapport à un des passages de votre mémoire, là, à la page 13, bas de la page 13... la page 16... non, page 13. Vous mentionnez que le programme pilote d'immigration permanente pour l'intelligence artificielle, technologies de l'information, les effets visuels, permet de sélectionner un nombre indéterminé de personnes non francophones. Donc, je voulais juste mentionner qu'en fait il y a une enveloppe, en fait, un nombre prédéfini de personnes non francophones qui peuvent être captées par ce programme-là. On parle de 150 personnes, maximum, de non-francophones. Donc, ce n'est pas, ce n'est pas un programme qui est sans plafond, comme on pourrait dire. Il y a une part du groupe, la moitié du groupe de 300 qui est francophone et l'autre moitié qui est d'un maximum de 150 personnes, pour le volet en francisation.

Je voulais vous amener sur la francisation, d'ailleurs. Vous soulignez...

Mme Fréchette : ...Page 10, là, l'importance de développer l'offre de services d'apprentissage du français en entreprise. On est également de cet avis-là, bien sûr, mais vous proposez de le faire en collaboration avec tous les acteurs privés et publics, dont les syndicats. Alors, je me demandais quel type de rôle, vous, vous souhaiteriez assumer en matière de francisation en entreprise, jusqu'où irait votre implication dans cette démarche-là?

Mme Bonin (Marie-Hélène) :En fait, la façon dont on agit déjà, c'est de promouvoir, auprès de nos syndicats, la disponibilité de services qu'il y avait, en tout cas jusqu'à présent, à travers les programmes de formation de main-d'oeuvre de la CPMT et des partenariats qu'on pouvait créer avec des organismes qui fournissaient la formation en milieu de travail, exactement comme les gens de la FTQ vous l'ont expliqué tout à l'heure, dans les usines, dans les cas qu'ils ont mentionnés. Donc, on pense qu'on peut continuer à faire cette promotion-là puis à épauler, et l'employeur et le syndicat, dans les démarches administratives nécessaires, ce qu'on a fait jusqu'à présent, là, toutes les paperasses à remplir pour aller chercher les subventions pour la personne formatrice, la personne qui... Puis pour les salaires aussi.

Mais avant, en amont de ça, ce qu'on voudrait, c'est que, maintenant qu'il semble que tout ça va passer de la CPMT à Francisation Québec, on aimerait être consultés. On aimerait être considérés comme parties prenantes, ce qui était le cas quand on était à la CPMT. Mais là, on ne sait pas du tout ce que Francisation Québec compte faire en entreprise, et on ne comprend pas comment ça se fait qu'on est gardés dans le noir, là, même six mois après l'annonce de la création de Francisation Québec.

Mme Fréchette : Bien, une précision par rapport à ce volet-là. En fait, la partie francisation en entreprise n'est pas encore sous l'aile de Francisation Québec, qui est basée au Mifi. Elle est encore sous le ministère de l'Emploi. Donc, en ce sens-là, le transfert est à venir. Donc, ça va être à partir du 1er novembre que Francisation Québec va se charger également du volet Francisation en entreprise. Donc, c'est là que va s'amorcer une nouvelle étape du redéploiement de Francisation Québec. Ceci pourrait expliquer cela. Donc, voilà, il y a tout ce volet-là qui reste à venir.

Mme Bonin (Marie-Hélène) :Le temps presse pour nous consulter.

Mme Fréchette : Je vous amène, dans ce cas-là, à la recommandation 7.1. Vous y avez fait référence, là, dans votre intervention. Vous demandez, en fait, la fin des permis de travail fermés. Donc, vous recommandez la mise en place de permis de travail semi-fermés, soit sectoriels ou régionaux. J'aimerais vous entendre sur quel avantage et quel inconvénient associez-vous à chacune de ces alternatives-là, soit régionale ou sectorielle? Et est-ce que vous imaginez aussi d'autres options qui puissent remplacer un permis de travail fermé?

• (16 heures) •

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, pour nous, en théorie, les permis pourraient être ouverts. On le sait très bien que, pour les employeurs, ça représente une embûche de taille. Mais nous, on... pour nous, on... Les travailleurs sont libres de vendre leur force de travail à qui ils désirent le... la vendre. Évidemment, les permis régionaux ont l'avantage de maintenir les gens dans une région donnée et de ne pas les déraciner, les permis sectoriels ont l'avantage de maintenir les compétences, mais les permis ouverts ont l'avantage de permettre aux gens de choisir l'emploi qu'ils désirent occuper.

Alors, pour nous, c'est sûr que ce qu'on tente de faire, c'est de donner le... De plus de liberté possible à ces travailleurs-là. Il faut savoir que la CSN, en tout cas, on est très interpelés par nos syndicats, qui vivent beaucoup de difficultés dans les milieux de travail. On entend des histoires qui sont, ne serait-ce qu'au niveau de la santé et sécurité... Si les centrales syndicales sont toutes venues devant vous aujourd'hui, c'est parce que les enjeux sur le terrain, ils sont réels. Nos membres nous interpellent de façon continuelle là-dessus. On a des enjeux sociaux importants dans les milieux de travail. Puis, si on laisse tout dans les mains des employeurs comme c'est le cas actuellement, bien, vous savez, les syndicats, on s'est élevés dans le dans le temps pour éviter les abus des employeurs, mais on a encore cette fibre-là, on a la même. Et nos syndicats sur place, bien, ils nous remontent toute cette information-là. Je pense qu'on doit être inclus parce que, pour nous, le travailleur est important, pas seulement le travail qu'il accomplit.

Mme Fréchette : C'est pour ça aussi qu'on est en action, pour mieux informer les travailleurs, notamment, les travailleurs étrangers temporaires, avec l'escouade, là, qu'on a développée avec la CNESST. Donc, à ce stade-ci...


 
 

17 h (version non révisée)

Mme Fréchette : ...je vais...

La Présidente (Mme Caron) : Il vous reste neuf minutes pour votre groupe, alors est-ce qu'une autre députée... Alors, la députée d'Iberville, la parole est à vous.

Mme Bogemans : Super. Dans le mémoire, vous semblez appuyer les démarches qu'on a instaurées en intégration puis en installation régionale des nouveaux arrivants. Vous dites cependant qu'on peut manquer de résultats. Je voulais que vous alliez plus en approfondir sur ce sujet-là.

Mme Bonin (Marie-Hélène) :Bien, en fait, ce qu'on comprend des partenaires, par exemple, de la TCRI, les organismes qui sont sur le terrain, c'est que c'est l'enracinement à long terme qui est compliqué, surtout que la main-d'œuvre qui s'installe dans les régions, c'est la main-d'œuvre à permis temporaire. Si c'étaient des gens à qui on accordait une résidence permanente, puis qui pouvaient venir tout de suite avec leur famille, puis que les enfants rentraient tout de suite à l'école en français, déjà on serait dans un engrenage pour les garder dans la région. Mais le fait que les gens sont sur un permis temporaire, qu'ils ne savent pas trop quelles sont leurs possibilités réelles de rester ici à long terme, que leurs familles sont derrière, finalement, les gens ont de la difficulté à rester dans les régions, puis c'est ça qui nous préoccupe.

Puis nous puis nos membres veulent que les gens restent dans les régions, veulent que les entreprises continuent à opérer. Ça fait qu'il faut vraiment trouver le moyen d'en créer, puis notamment en favorisant davantage la résidence permanente des travailleurs qualifiés et de leurs familles, et le plus rapidement possible, parce que le plus longtemps on garde les gens dans l'incertitude, bien, le plus difficile, ça va être de les ancrer dans la région.

Mme Bogemans : Avec la réforme du PRTQ, qui est maintenant le PSTQ, on a maintenant un volet pour les travailleurs moins qualifiés, travailleurs manuels. Pensez-vous que c'est une piste de solution durable au problème?

Mme Bonin (Marie-Hélène) :Bien, c'en est une. Par contre, on a été quand même surpris de voir que, dans l'introduction des quatre volets de ce programme-là, le volet qui concerne ces travailleurs-là, c'est le seul où on exige une expérience préalable d'un an avant de pouvoir se qualifier à la sélection. Et on se demandait s'il n'y avait pas un peu une confusion, là, des programmes. Parce que le programme de l'expérience québécoise, c'est un autre programme, ce n'est pas le programme de sélection des travailleurs qualifiés. Ça fait qu'on a posé des questions là-dessus.

Mais sinon, l'idée même d'élargir la sélection aux travailleurs les moins qualifiés, on trouve que c'est un pas en avant important puis on le reconnaît certainement. Maintenant, il va falloir voir si les délais, les coûts et les autres exigences ne vont pas être d'autres obstacles qui font que ça ne donnera pas plus de résultats. Il faut s'attaquer à tous les obstacles.

Mme Bogemans : Parfait. Super. C'est quand même une des bonnes avancées au niveau du PSTQ, c'est que le requérant principal maintenant... bien, c'était déjà comme ça, mais peut faire la demande pour l'ensemble de sa famille immédiate aussi directement. Ça fait que c'est quand même une avancée majeure pour les travailleurs étrangers temporaires qui peuvent... qui pourraient maintenant être permanents puis faire une seule demande, un seul frais. Tu sais, quand on parle de frais élevés quand même versus un frais par personne puis des délais multiples, là, ils pourraient tous passer ensemble, ça faciliterait et ça changerait... et ça va changer la donne, en fait, selon nous.

Je voulais vous entendre aussi sur quels sont les moyens que les centrales syndicales peuvent avoir sur l'intégration des nouveaux arrivants en région?

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, nous, on est déjà en train de travailler pour l'inclusion dans nos syndicats locaux. On a fait une trousse à l'usage de nos syndicats pour expliquer l'ensemble des droits, puis tout ça. On tente aussi de créer des comités dans les lieux de travail, de relations interculturelles pour s'assurer qu'on échange sur nos cultures, que ces gens-là ne se retrouvent pas tout seuls une fois que le corps de travail est terminé, qu'on peut créer des liens dans les régions. Donc, nous, on le fait au niveau syndical et on travaille aussi en partenariat avec le communautaire, souvent, pour tenter de favoriser l'intégration.

Mais, comme vous le disiez, quand les familles ne sont pas là, c'est plus difficile. On a des expériences où est ce que, malgré qu'on a fait venir des travailleurs dans certains endroits, je pense, entre autres, à la série de Rivière-aux-Rats où est-ce qu'il y a eu ces comités-là, mais les gens sont retournés parce qu'ils étaient tout seuls, loin de leur famille, et ils n'avaient pas d'attaches sociales. Ça fait que c'est important de créer ces lieux-là, on pense 8 heures dans... au moins, en tout cas...

Mme Lelièvre (Katia) : ...un travailleur étranger temporaire en passe souvent plus que huit dans son milieu de travail. Donc, ces liens-là, c'est déjà les premières assises de l'intégration dans le Québec, avec nos valeurs, avec notre langue, avec l'ensemble de ce qu'on est comme société québécoise.

Mme Bogemans : C'est superintéressant. Quel genre d'activités vous mettez en place?

Mme Bonin (Marie-Hélène) :...formation. On fait de l'encouragement puis du coaching, aussi, à participer aux activités, par exemple. Une des choses qui est un enjeu important, c'est la santé et sécurité au travail. C'est donc dire qu'il faut qu'il y ait des délégués, en santé et sécurité au travail, qui sont des immigrants, des personnes immigrantes et des temporaires, pour s'assurer que l'information puisse circuler.

Mais tout ça est très sérieusement limité quand il n'y a pas de français, quand il n'y a pas de langue commune. C'est vraiment l'obstacle numéro un qu'on... Encore cette semaine, je parlais avec la présidente d'un syndicat, qui me disait : On en a plein, des travailleurs étrangers temporaires, mais on n'est pas capables de communiquer avec eux. Elle a dit : Moi, je ne parle pas ni espagnol ni anglais. À chaque fois, il faudrait qu'on paie pour un interprète. On ne va pas inviter l'interprète de l'employeur à l'assemblée générale du syndicat. Et puis c'est un petit syndicat de travailleurs pauvres, qui a, donc, peu de moyens. Puis on en a 2 500, syndicats. On ne peut pas payer, au niveau de la centrale, pour de l'interprétation partout, à tous les jours. C'est vraiment un casse-tête.

Donc, même quand les travailleurs ont les mêmes droits, on n'arrive pas à les faire respecter, ces droits-là, si on n'a pas de langue commune. La langue commune est nécessaire pour protéger, informer, éduquer, représenter. Sans ça, c'est des droits sur papier.

La Présidente (Mme Caron) : ..il reste deux minutes...

Mme Bogemans : Super. Mais, en réalité... Je le comprends vraiment. Mais, pour revenir... Parce qu'au niveau, par exemple, des familles, avec, encore une fois, le PFTQ, si on met en place des initiatives, par exemple, comme les haltes-garderies, durant la francisation, pour les personnes, justement, avec des horaires atypiques ou pour qu'ils puissent y aller quand ils sont disponibles, est-ce que vous trouvez que c'est une initiative qui est valable?

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, en fait, toute initiative qui va permettre un accès aux services, à notre avis, c'est une démarche qui est valable. Ces gens-là ont beaucoup de difficultés à obtenir les services dont ils ont besoin, souvent, puis, Marie-Hélène l'a bien dit, là, entre autres, par la barrière de la langue. Plus vite on va franciser ces gens-là, plus vite ils vont pouvoir s'intégrer, plus vite ils vont pouvoir bénéficier des droits qu'ils ont. Ça fait que, pour nous, là, toutes les... que ce soient une halte-garderie ou d'autres solutions que le gouvernement va trouver, si ça permet une certaine flexibilité dans l'apprentissage du français, bien, pour nous, c'est gagnant.

Mme Bogemans : Oui, définitivement. La même chose au niveau de l'intégration, puis qu'on puisse calibrer, là... On a rencontré des municipalités hier, puis plusieurs organisations, aussi, qui font des activités multiculturelles, comme vous dites, puis, à la longue, c'est non seulement des activités multiculturelles, mais, tout simplement, une fête familiale, où tout le monde s'intègre. Puis je pense qu'à partir du moment où on est capables de lever l'étiquette multiculturelle et que ce soit simplement standard, pour tout le monde, et que tout le monde se sentent bien inclus, il se sentent interpelés par l'invitation, on a réussi l'inclusion puis l'intégration dans chacune de nos régions, ça, c'est définitif.

Mais par rapport, par exemple, aux nouveaux projets de développement qu'on a ici, au Québec, comme la filière batterie, comme les zones d'innovation...

• (17 h 10) •

La Présidente (Mme Caron) : En terminant. Il reste 15 secondes.

Mme Bogemans : Ah! bon, bien je vous laisser là-dessus. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Caron) : Merci. Alors, je vais maintenant céder la parole à l'opposition officielle au député de Nelligan, pour 12 min 23 s.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Premièrement, merci pour votre mémoire, pour votre présence. Je vais commencer par la page 23. En fait, votre conclusion ressemble un peu aux deux derniers groupes. Je veux vous citer. Le gouvernement met, sur la table, deux scénarios, scénario un, scénario deux. Votre conclusion, que les deux se ressemblent. Et, un peu plus loin, vous dites la chose suivante : «Cet état de fait rend presque impossible le vivre-ensemble, l'inclusion, l'intégration dans de nombreux milieux de travail.» C'est des mots forts. «Donc, dans un tel contexte, il ne peut être question de choisir si les admissions devraient s'établir à 50 000 ou à 60 000 personnes par année quand 130 000 résidentes et résidents temporaires arrivent, annuellement, au Québec.» Au fait, c'est la conclusion, avant même cette commission...

D'ailleurs, je ne sais pas si vous avez vu le projet de loi que j'ai déposé l'automne dernier. Sinon, on va vous l'envoyer...

M. Derraji : ...est-ce que vous pensez que cette commission aurait dû, avant de la lancer, de prendre en considération le vrai portrait réel des travailleurs temporaires étrangers? Je vais vous dire pourquoi. Vous êtes le seul groupe qui mentionne le vivre ensemble. Moi, je pense que nous tous, on travaille pour le vivre ensemble, vous aussi. Je pense que vous aussi, vous travaillez sur l'inclusion, les élus aussi. L'intégration, vous aussi, vous travaillez sur l'intégration. Nous aussi, en tant qu'élus, on veut les meilleurs outils pour l'intégration. Mais, selon vous, le fait de ne pas prendre dans le portrait les travailleurs temporaires étrangers, tout cela risque d'être impossible.

Mme Lelièvre (Katia) : Oui, mais, en fait, on crée aussi un goulot d'étranglement, c'est-à-dire qu'il y a plus de gens qui entrent qu'il y en a qu'on accepte. À la longue, bien, on accumule des gens qui sont en attente. Donc, pour nous, dire quel doit être le chiffre sans bien connaître... Puis on ne sait pas non plus... le gouvernement fédéral ne sait pas non plus au Canada comment il y a de sans-papiers. On n'est pas capables d'avoir de chiffre. Donc, c'est difficile de se baser sur un chiffre de consultation quand, pour nous, ce chiffre-là crée vraiment un goulot d'étranglement avec tous les gens qui sont ici de façon temporaire, pourtant temporaire des fois pendant deux ans, cinq ans, 10 ans, 20 ans. Alors, on est temporaire longtemps.

M. Derraji : Je vous remercie, parce que vous savez quoi? Quand ce débat est arrivé sur la table, il y a beaucoup de gens qui se sont posé des questions parce que ce n'est pas tout le monde qui comprend un peu les intrants pour venir au Québec, il y a plusieurs programmes. Mais maintenant, hier, je ne sais pas si vous l'avez vu, on a eu un témoignage qui a bouleversé beaucoup de collègues. Il y avait aussi un reportage incluant une autre personne, je ne me rappelle plus son nom, Carole ou Claire, le reportage Les essentiels. Maintenant, on a des visages derrière ces travailleurs temporaires étrangers.

Vous êtes à la tête d'une organisation avec une mission qui respecte le rôle des travailleurs. Comment vous pouvez interpréter l'arrivée d'un représentant des Nations unies pour faire un rapport sur ce qui se passe dans nos milieux de travail, dans le Canada et aussi au Québec?

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, en fait, nous, quand on a rencontré le rapporteur spécial de l'ONU, on était très contents de pouvoir lui parler parce que ça fait longtemps qu'on décrit la situation en entreprise, ça fait longtemps qu'on dit : On ne peut pas... On ne peut pas tolérer, au Québec, de traiter des gens comme ça. On ne peut pas demander à des gens de venir de l'extérieur nous porter... nous prêter main forte et de nous aider dans nos milieux de travail, mais les traiter comme des citoyens de seconde zone. Alors, bien, voilà. Pour nous, c'est évident qu'on doit tenir en compte ces gens-là.

M. Derraji : Oui. Pensez-vous que cette commission rate sa cible parce que les deux scénarios qui sont sur la table ne sont pas du tout réalistes ou ne donnent pas le vrai portrait?

Mme Bonin (Marie-Hélène) :Je pense que cette commission-là n'est pas pire que les précédentes à ce niveau-là, ça a toujours eu un focus seulement sur les seuils au niveau de la couverture de presse, les déclarations publiques, le brouhaha, mais, en réalité, ça ne peut pas... on ne peut pas planifier l'immigration au Québec en ne s'occupant que de fixer des seuils, qui, soit dit en passant, ne sont pas des plafonds mais des seuils.

Ça fait que ce n'est pas... Tu sais, n'essayez pas de nous faire dire qu'ils sont pires que les libéraux étaient avant. Avant aussi on focussait là-dessus. Mais le problème, c'est qu'il faut reconnaître que maintenant on est dans un contexte où, plus que jamais, les résidents temporaires sont maintenant la grande majorité des personnes immigrantes au Québec. Puis ça, c'est une nouvelle réalité qui est le résultat d'un paquet de décisions puis d'un paquet d'acteurs, et il faut la reconnaître, cette réalité-là, puis il faut composer avec la réalité.

M. Derraji : Vous avez raison, mais je vais juste ramener une nuance, en tout respect. Il n'y avait jamais, jamais, jamais autant d'immigrants temporaires que maintenant. La preuve, j'étais là à la dernière consultation... Je pense, autour de la table, je suis l'un des rares qui a assisté à la dernière consultation. Non, vous, comme intervenant. Oui, oui... Non, non, moi, je parle des élus, parce que mon collègue, il était intervenant. Vous étiez là, et je me rappelle, corrige-moi, mon cher collègue, on parlait plus de la réforme, la mauvaise réforme du PEQ, on parlait de la réduction des seuils, on parlait de déchiqueter 18 000 dossiers...

M. Derraji : ...il n'y avait pas beaucoup de travailleurs temporaires étrangers sur la table, parce que le phénomène commençait, en tout respect, le phénomène commençait. Et le fédéral vient de changer 20, 30... 20 à 30 % la présence des travailleurs temporaires étrangers. Donc, oui, mais, en tout respect à ce que vous venez de dire, mon but, ce n'est pas de revenir en arrière, mon but, c'est regarder le futur. Cette planification, c'est pour les trois prochaines années. Vous êtes là aujourd'hui pour lever un drapeau. Je vous pose la question directe : Vous êtes pour le scénario 1 ou le scénario deux. Vous dites dans votre mémoire : Écoutez, c'est à l'encontre de l'intégration, de l'inclusion, le vivre-ensemble. Bien, si quelqu'un n'a pas compris pourquoi on est là, on est là pour l'intégration, le vivre-ensemble et l'inclusion. Ce qu'on fait, c'est ça, c'est ce qu'on veut tous autour de la table. Mais le fait de ne pas inclure le portrait réel de travailleurs temporaires étrangers, on s'éloigne de la mission même d'une vraie planification.

Vous avez évoqué les projets pilotes. Vous êtes critiques à l'égard de ces deux projets pilotes. Pourquoi cet échec des deux projets pilotes selon vous?

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, en fait, nous, ce qu'on dit, ce n'est pas que les projets pilotes n'étaient pas bon, ce qu'on dit, c'est que les toutes les conditions qu'il faut accumuler et tous les frais qui sont inhérents à cette demande-là ont comme impact de limiter la capacité des travailleurs à être en mesure de faire une demande puis d'être acceptés comme résidents permanents. Alors, on a parlé de ces programmes-là en lien avec, entre autres, les frais qui étaient demandés. Puis en agroalimentaire puis pour les préposés aux bénéficiaires, c'est deux domaines où est-ce qu'on représente, quand même, passablement de travailleurs et qu'on connaît bien leurs conditions de travail. Et on pense que ça peut avoir un impact, les frais puis la hauteur des frais qui sont demandés aux travailleurs pour devenir permanents.

M. Derraji : Donc, selon vous, le fait de demander des frais aux travailleurs pour qu'ils postulent via le projet pilote est un handicap, il faut les éliminer, ces frais.

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, ce qu'on dit, c'est qu'il y a beaucoup de frais et que ça coûte très cher pour les travailleurs. Ça leur prend souvent des années à économiser cet argent-là.

M. Derraji : Dans votre mémoire, vous dites aussi qu'«il faut réduire drastiquement le volume du programme des travailleurs étrangers temporaires pour qu'ils ne répondent qu'à des besoins temporaires de main-d'œuvre à court terme, ainsi que faciliter l'accès à la sélection québécoise en continu de toutes les personnes détenant un permis temporaire». Bon, je vais essayer de résumer, ça, c'est vos propos. Si on réduit d'une manière drastique le nombre de travailleurs temporaires étrangers, l'autre côté, il va y avoir une pénurie, parce que ça existe, la pénurie, soit le seul choix qu'il existe, c'est augmenter les travailleurs permanents. Quelle est votre solution?

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, en fait, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on devrait analyser quels sont des besoins temporaires et quels sont des besoins permanents. Il y a plusieurs entreprises pour lesquelles on a des travailleurs temporaires dans des besoins permanents. Si on fait l'analyse qu'on va avoir besoin de travailleurs dans ces entreprises-là pendant de nombreuses années, on devrait ajuster en fonction que ces gens-là viennent de l'immigration permanente et accepter des résidents ici en fonction des besoins du marché du travail. C'est vrai que le nombre de travailleurs étrangers temporaires a augmenté, il a explosé dans les dernières années, mais la pénurie de main-d'oeuvre et la conjoncture actuelle en est la cause. Puis les travailleurs en entreprise, ils ne sont pas fâchés de voir arriver du renfort.

J'étais dans un 50ᵉ anniversaire d'un syndicat en fin de semaine, Cisco, pour ne pas le nommer, et il me disait : Nous, on était contents. Notre employeur nous obligerait à faire 2 h de temps supplémentaire par jour pour arriver à combler le travail. On était obligés, à chaque jour, de faire ça. Et là, tout d'un coup, est arrivé des travailleurs, puis c'est venu nous permettre d'avoir un rythme de vie normal. Donc, en milieu de travail, ils ne sont pas vus, ces gens-là, comme des gens qui viennent voler des jobs. Ils sont vus plutôt...

• (17 h 20) •

M. Derraji : ...j'étais en tournée régionale, et les gens, au contraire, on m'a dit : Écoute, je viens d'avoir un soudeur tunisien, ça me permet d'avoir mon week-end tranquillement, ça fait longtemps, je ne l'ai pas eu. Mais là ma question, elle est sur : Si on diminue de manière drastique le nombre de travailleurs temporaires étrangers, ça veut dire, on doit augmenter le nombre de travailleurs permanents. Et c'est là ma question, les deux seuils que vous avez devant vous, si on réduit d'une manière drastique les PTET, on va se ramasser avec quel seuil?

M. Laflamme (Julien) : Oui. Pour nous, c'est évident que les besoins permanents vont augmenter dans un avenir prévisible. Les prévisions d'Emploi-Québec sont à l'effet que, dans les 10 prochaines années, il va y avoir 1,6 million d'emplois à pourvoir, que ce soit en raison des départs à la retraite ou en raison de la croissance économique. Donc, on est capable de savoir qu'il y a des besoins permanents ou, en tout cas, d'une durée assez longue, qui sont devant nous. Et on doit tenir en compte, parce que si on n'en tient pas compte, là, on parlait...

M. Laflamme (Julien) : ...de 130 000 détenteurs de permis de travail temporaire présentement, mais c'est des chiffres qui sont en augmentation rapide et cet écart-là va continuer à se creuser pas juste dans les trois prochaines années, là, mais dans un horizon de moyen, long terme. Alors, il y a des besoins qui sont de nature permanente, et on pense...

M. Derraji : Non, non, c'est un bon point. C'est un bon point. Donc, les besoins sont de nature permanente et la réponse du gouvernement, c'est du temporaire, est-ce que j'ai bien résumé? O.K. Mais selon vous, pourquoi, face à une demande permanente, le gouvernement opte pour du temporaire, c'est quoi l'intérêt? Si on sait que c'est du permanent, et la solution du gouvernement, c'est tout faire pour alléger, avoir du temporaire, pourquoi?

La Présidente (Mme Caron) : Il reste 30 secondes.

Mme Bonin (Marie-Hélène) :Bien, en partie, c'est par manque de collaboration entre nos paliers de gouvernement. Je pense que là-dessus, ce n'est pas seulement un enjeu du Québec, c'est un enjeu fédéral aussi puis c'est aussi un enjeu d'employeurs; des employeurs qui ne veulent plus se donner la peine de chercher des candidatures à travers le Québec dans les marchés d'emplois qui sont moins mobilisés et qui veulent de la main-d'oeuvre toute de suite, tout de suite, tout de suite, là, sans afficher les postes, sans rien, là, sans faire la preuve de leur recherche.

La Présidente (Mme Caron) : Merci. Le temps est écoulé. Alors, merci beaucoup. Je vais maintenant céder la parole au député de Saint-Henri—Sainte-Anne. Vous avez 4 min 8 s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup pour vos interventions. Je voulais d'abord réagir ou rebondir. La réforme du PSTQ, là, elle ne change rien pour le fait de pouvoir inclure ou pas les familles. Les familles ont toujours pu être incluses dans une demande d'immigration économique, et ce n'est pas ça qui va changer la donne. La question, c'est plutôt comment ça se fait que les familles ne sont pas déjà ici? C'est ça, la vraie question. Et les familles devraient déjà être ici avec leur père, leur mère, là. C'est ça, l'enjeu.

Et, en termes de question de l'inclusion puis de favoriser l'inclusion, on parlait de halte garderie, moi, je resouligne que c'est ce gouvernement qui a fait appel du jugement de la Cour supérieure qui accordait l'accès aux garderies subventionnées aux mères demandeurs d'asile et qui va en appel de ça pour contester ce jugement-là. Si ça, ce n'est pas une mesure anti-inclusion, je me demande qu'est-ce que c'est.

Les frais en double, vous en parlez, et je veux qu'on en parle. On n'en parle pas assez. Comment ça se fait qu'on paie... IRCC, une personne paie 1 365 $ pour une personne et qu'aussi le MIFI demande 869 $, donc près de quoi deux mille cent quelques pour une personne, alors que tous les immigrants ou tous les futurs immigrants qui se qualifient pour les autres provinces vont payer juste le fédéral, le frais de 1 365 $? Comment ça se fait que le Québec est désavantagé à ce point-là et que nos candidats paient en double?

Mme Bonin (Marie-Hélène) :Ça revient à ce qu'on disait tout à l'heure, plus de collaboration est nécessaire clairement entre nos deux paliers de gouvernement. On devrait avoir une exemption des frais fédéraux. Si on fait la sélection au Québec, que toutes les démarches administratives sont faites au Québec, bien, c'est normal qu'on paie les frais au gouvernement du Québec plutôt qu'au gouvernement fédéral puis on devrait donc être exempté de payer aux deux paliers. Ça, ça nous apparaît évident.

M. Cliche-Rivard : Ça, corrigez-moi si je me trompe, c'est la même chose pour les travailleurs, le permis de travail, on paie le CAQ, on paie le permis de travail, on paie les frais de conformité avec l'employeur, c'est la même chose dans tous nos domaines d'immigration, on paie en double, alors que c'est le Québec qui fait tout le travail de sélection. L'IRCC ramasse mille trois cents quelques pour faire finalement une évaluation de base, une évaluation de sécurité médicale, mais aucune évaluation économique de qualifications, c'est quand même troublant.

Vous avez parlé des quatre volets de la réforme du PSTQ et vous avez parlé que ça générait ou qu'il y avait de l'inconnu, donc qu'on se posait beaucoup de questions. Moi, j'en ai aussi des questions. Est-ce que vous, vous savez combien de personnes vont être sélectionnées dans chacun de ces volets-là quand le programme va être en vigueur?

Mme Bonin (Marie-Hélène) :Absolument pas.

M. Cliche-Rivard : Est-ce que vous, vous savez quelle part chaque catégorie va prendre? Catégorie un, 25 %, catégorie... Est-ce que vous savez ça?

Mme Bonin (Marie-Hélène) :Non.

M. Cliche-Rivard : Non? Et est-ce que vous savez quand les gens vont être choisis, là, une fois par mois, deux fois par mois, une fois par année?

Mme Bonin (Marie-Hélène) :Non, c'est assez... ce n'est pas très clair comment ça fonctionne, en fait, pour le commun des mortels? Disons que, quand des gens dans nos syndicats nous demandent comment le système fonctionne, on passe beaucoup, beaucoup d'énergie à essayer d'expliquer des choses sur lesquelles on n'a pas toute l'information puis on n'a pas toutes les données. Qu'on avait avant plus d'informations, je pense, sur le site du MIFI qu'on en a maintenant, que ça a tout changé de bord, là.

M. Cliche-Rivard : Ce n'est pas ça qui est rassurant pour nos travailleurs, on s'entend. Ce n'est pas cette réforme-là qui nous donne un coup de souffle en disant : Wow, maintenant je sais comment je vais me qualifier...

M. Cliche-Rivard : ...je trouvais aussi que c'est gênant, puis je voudrais vous entendre là-dessus, c'est gênant que l'ONU vienne au Canada faire notre job à notre place. Vous ne trouvez pas? La commission, on aurait dû l'avoir avec les élus du Québec, on devrait l'avoir. De savoir que le rapporteur spécial des Nations unies vienne vous entendre, vous, avant que nous, on vous entendre sur les conditions de travail des travailleurs...

La Présidente (Mme Caron) : En conclusion... secondes.

M. Cliche-Rivard : ...j'ai un petit pépin avec ça.

Mme Lelièvre (Katia) : Si je peux me permettre, là, en conclusion, bien, moi aussi, je pense que c'est un peu déplorable qu'on ait crié dans le désert comme ça pendant de nombreuses années. Heureusement que, maintenant, on a l'impression que les oreilles se tendent, autant au niveau de la population que des partis politiques, des élus, puis jusqu'à l'ONU. Espérons que la situation va changer pour ces personnes vulnérables là, parce que c'est difficilement tolérable de penser qu'au Québec on maintient des gens dans une telle précarité puis vulnérabilité.

M. Cliche-Rivard : Merci.

La Présidente (Mme Caron) : Merci. Alors, le temps est écoulé. Je vous remercie d'avoir contribué à nos travaux.

Et on va suspendre la séance pour quelques minutes, le temps de faire place au prochain groupe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 27)


 
 

17 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 17 h 32)

La Présidente (Mme Caron) : Alors, à l'ordre! Les travaux de la Commission des relations avec les citoyens vont reprendre. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Centrale des syndicats démocratiques. Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes en tout pour faire votre présentation et vous présenter, et ensuite on poursuivra aux échanges... on procédera aux échanges plutôt. Alors, la parole est à vous.

M. Vachon (Luc) :Bon, bonjour. Alors, je suis Luc Vachon. Je suis le président de la Centrale des syndicats démocratiques et je suis accompagné de mon collègue Samuel-Élie Lesage, qui est conseiller syndical à la recherche à la CSD. Alors, je vous remercie. Merci, Mme la ministre. Merci, Mme la Présidente, mesdames, Messieurs les députés. Alors, merci de nous accueillir. C'est fort apprécié de nous accueillir, nous permettre de nous exprimer aujourd'hui.

Alors, d'emblée, nous désirons souligner l'importance de cette consultation et tout spécialement dans le présent contexte politique, économique et social, où malheureusement, le sujet de l'immigration polarise et clive plutôt qu'il guide la discussion démocratique et saine. Nous souhaitons que les présentes consultations soient un pas vers une appréciation plus réaliste de l'immigration au Québec. En résumé, le MIFI propose deux scénarios, un qui maintiendrait essentiellement le statu quo aux seuils totaux d'immigration et un second qui proposerait une hausse marquée de ces derniers pour atteindre 60 000 personnes en 2027. De plus, le MIFI accorde une place majeure à la régionalisation de l'immigration et à la francisation.

Mentionnons finalement qu'en juin dernier le MIFI a procédé par voie réglementaire à des modifications substantielles au programme d'immigration. Soulignons en premier lieu les bons coups des propositions du MIFI. Sans souscrire formellement l'entièreté des scénarios proposés, nous témoignons notre appui à la volonté du MIFI d'augmenter les seuils d'immigration dans les années à venir. Ce changement de cap, parce qu'il faut le dire, ça en est un, contraste positivement avec les dernières années. De plus, soulignons que les changements proposés au programme d'immigration permanente en simplifient le processus, tandis que les propositions d'accepter les étudiants et les étudiants internationaux en mode continue, est franchement excellent.

Les orientations du MIFI concernant la régionalisation et la francisation sont aussi encourageantes. Nous reconnaissons l'évolution qu'il y a présentement... au cours... qui a cours présentement au sein du MIFI. Nous ne pouvons qu'espérer que cette ouverture au dialogue se maintienne dans l'avenir. Mme la ministre, c'est tout à votre honneur, à vous et votre équipe. C'est donc en mode critique, mais constructif que nous désirons commenter les propositions du MIFI et nous avons cependant à cet effet plusieurs soucis concernant les orientations générales qui guident les propositions. Nous tenons malgré cela à souligner les aspects positifs et nous répondons dès maintenant présents aux prochaines occasions que nous aurons à travailler ensemble.

En ce qui concerne l'immigration économique. En une formule, nous regrettons que la proposition du MIFI semble identifier l'immigration économique sous une seule forme et faire de cette dernière le principal axe de ses politiques migratoires québécoises. À cet égard, nous ne pouvons que déplorer que, peu importe le scénario proposé par le MIFI, les parts des personnes immigrantes admises pour les volets du regroupement familial et d'immigration humanitaire baissent par rapport à l'immigration économique. En se fiant sur les données du MIFI et en nous appuyant sur les scénarios voyant à la hausse les seuils, la part de l'immigration économique en 2022 était de 66,3 %. Elle atteindrait 69.9 % en 2027. Cette variation semble faible en apparence, mais elle se traduit par une baisse importante tant dans les catégories du regroupement familial que de l'immigration humanitaire. A contrario, des tendances migratoires des dernières années qui voient l'immigration augmenter, tous volets confondus, nous jugeons qu'il est contre-productif de refroidir de la sorte les projets de personnes immigrantes, peu importe leur catégorie. Une personne voudrait-elle immigrer au Québec si on freine sa capacité à faire immigrer sa famille?

Quant au volet des réfugiés, des limitations...

M. Vachon (Luc) :...suggérées contreviennent aux engagements internationaux du Québec. Bref, augmenter le nombre de personnes immigrantes répondant aux besoins économiques du Québec, certes, mais nous ne pouvons accepter de le faire au détriment des autres volets. Et faut-il rappeler que ces personnes seront aussi des travailleuses et travailleurs et des personnes qui participeront à l'économie et s'impliqueront dans leur communauté?

Nous déplorons le silence du MIFI dans ses propositions quant au programme des travailleurs étrangers temporaires ainsi que l'équivalent dans certains domaines spécifiques. Certes, le MIFI prévoit que les seuils d'immigration permanente augmenteraient sensiblement, ce qui inclut, ipso facto, l'accès à la résidence permanente par l'entremise du programme de l'expérience québécoise, mais on ne peut pas ignorer que les recours aux personnes immigrantes temporaires a explosé dans les dernières années. De 2015 à 2022, au Québec, le nombre de permis temporaires délivrés dans le cadre du PTET a augmenté de 234 %. L'enjeu ici n'est pas de décrier en tant que tel l'usage du PTET, mais de dénoncer que le recours élevé au PTET contribue à créer une immigration à deux vitesses entre les bons immigrants, ceux qui possèdent les qualifications recherchées par les employeurs et les autres qu'on relègue aux emplois moins qualifiés, moins rémunérés et plus exposés aux abus.

L'actualité récente a suffisamment fourni de malheureux cas d'abus pour convaincre que le PTET place des personnes immigrantes dans une grande situation de vulnérabilité. Nous trouvons regrettable que l'immigration permanente n'augmente qu'au compte-gouttes, tandis que le recours à l'immigration temporaire augmente drastiquement. Il y a là un déséquilibre qui ne peut pas être corrigé si on n'aborde pas les deux ensemble. C'est d'autant plus vrai car nous savons fort bien que plusieurs travailleuses et travailleurs immigrants temporaires sont ici non pas pour des besoins temporaires, mais pour des besoins permanents de main-d'œuvre qui ne peuvent être comblés par la voie de la permanence.

En ce qui concerne les qualifications, il en est de même. Si les entreprises recrutent des travailleurs étrangers temporaires, c'est assurément que, d'une part, les qualifications correspondent aux besoins économiques qu'elles ont. En réalité, nous savons tous que, souvent, les qualifications de ces personnes sont souvent bien supérieures à ce qui est requis pour l'emploi.

Pour nous, le Québec doit initier un changement de cap en favorisant l'immigration permanente plutôt que temporaire. Cela se fait en premier lieu, en intervenant directement là où le Programme de travailleurs étrangers temporaires est injuste, en remplaçant le permis de travail fermé par un permis de travail ouvert. Le permis de travail fermé est injuste, car il rend la personne immigrante temporaire particulièrement vulnérable en la privant de changer d'emploi. Que ce soit en changeant soi-même les règles ou en intervenant auprès d'Ottawa, le gouvernement du Québec doit lancer un signal fort, démontrant que les jours du permis de travail fermé tirent à leur fin. Mentionnons d'ailleurs que le rapporteur spécial de l'ONU a ouvertement dénoncé la semaine dernière que le permis de travail fermé, bon, rend les personnes immigrantes temporaires vulnérables. Ça a été énoncé à quelques reprises, mais nous le savions déjà, même avant. Des réflexions ont déjà eu lieu quant à la manière d'opérer un tel changement. Retenons ici que ce changement est autant possible que nécessaire.

• (17 h 40) •

En second lieu, le MIFI doit augmenter l'accessibilité à la résidence permanente pour les personnes immigrantes temporaires présentes sur le territoire du Québec. Les difficultés d'accès consistent en une autre facette de ce système à deux vitesses, combiné avec les modifications apportées au PEQ, au règlement sur l'immigration en juin dernier. Les propositions du MIFI limiteront arbitrairement la capacité des personnes immigrantes temporaires d'accéder à la résidence permanente. Certes, nous reconnaissons que le nouveau système inclura inclura un plus grand nombre de niveaux de compétences, techniquement en passant, dans le cadre du PEQ, des niveaux zéro, a, b aux catégories zéro, un, deux, trois, mais il relègue les autres dans un trou noir condamné à espérer qu'elles seront sélectionnées par le MIFI dans le cadre du volet Compétences manuelles et intermédiaire.

Nous défendons que toutes les personnes immigrantes temporaires puissent pleinement avoir accès au PEQ, peu importe son niveau de qualification, comme c'était d'ailleurs le cas avant 2018. Mieux encore, la proposition du MIFI en mode continu pour les étudiants internationaux est excellente et devrait être étendue à l'ensemble des personnes salariées immigrantes temporaires qui sont déjà présentes au Québec. En d'autres mots, les seuils d'immigration doivent refléter la réelle capacité d'accueil du Québec en prenant en compte les personnes déjà présentes au Québec et qui pourraient désirer accéder à la permanence. Il ne faudrait pas que les plafonds migratoires, ce qui est vrai... ce qui est plus vrai que des seuils, en fait, ou leur niveau de qualification viennent empêcher de s'installer au Québec de manière permanente, alors que ces personnes sont déjà ici, au Québec. Ils ont acquis une expérience professionnelle et sont normalement déjà...

M. Vachon (Luc) :...engagé dans une démarche de francisation. Nous jugeons en plus que le fait que le Québec ait déjà investi dans ces personnes, que... les efforts déployés pour les inclure seront moindres et débutent déjà sur une note positive.

En ce qui concerne la francisation, comme nous l'avons expliqué plus tôt, nous reconnaissons la nouvelle vigueur des orientations du MIFI concernant l'encadrement des personnes immigrantes, la régionalisation, l'inclusion de ces dernières, notamment par la reconnaissance de leurs compétences et acquis, et, au sujet de la francisation, d'ailleurs, de bons pas ont été menés, mais davantage doit être fait. Un goût amer nous est resté quand nous avons appris, en novembre dernier, qu'une fraction seulement de 697 millions de dollars versés par le fédéral dans le cadre de l'Accord Canada a été dépensée. Une intensification des efforts est donc de mise, et même possible.

À cet égard, nous soulignons les orientations du MIFI... auraient pour conséquence de freiner la part des personnes admises sur la base des critères linguistiques. Et, si je voulais conclure de manière très importante, le dernier élément serait, à ce moment-ci... le dernier élément, la question des 55 ans et plus, qui devrait, non plus, ne pas être considérée là-dedans. Il s'agit, selon nous, d'une limitation qui ne trouve pas son écho et sa place. Merci.

La Présidente (Mme Caron) : Merci beaucoup. Alors, je vais maintenant céder la parole à la ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration. Votre groupe a 16min 30 s.

Mme Fréchette : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci, M. Vachon. Merci à la CSD de prendre part à l'exercice, on a apprécié lire vos propositions. Merci pour le travail qui a été réalisé pour prendre part à cette conversation fort importante.

Avant de plonger dans des questions, je voudrais juste faire une petite précision, parce que vous disiez que vous souhaitiez prioriser des gens, là, qui sont déjà établis sur le territoire québécois, lorsque viendra le temps de faire... d'octroyer la résidence permanente. Bien, c'est une orientation déjà que l'on a pour la réforme, là, des programmes d'immigration. On veut faire en sorte de prioriser, autant que faire se peut, des gens qui sont déjà établis au Québec lorsque viendra le temps d'octroyer la résidence permanente, en tout cas, d'y contribuer. Donc, ça fait en sorte... Ça passe notamment par le fait que des personnes qui sont travailleurs étrangers temporaires pourraient se voir octroyer, en fait, une sorte de priorisation pour la conversion vers la résidence permanente. Parce que, pour nous, c'est des gens déjà utilisant la capacité d'accueil qui est à prévoir pour des personnes immigrantes, donc qui ont déjà un logement, qui sont déjà en processus d'intégration, qui connaîtront le français, qui ont déjà traversé un hiver ou deux. Alors, pour nous, ça, c'est le gage d'une bonne rétention, d'un parcours d'immigration réussi. Alors, c'est pour ça qu'on va vouloir prioriser ces personnes. Donc, je voulais vous en faire part.

C'est pour ça aussi qu'on a développé la passerelle, donc le volet deux dans le programme de sélection des travailleurs qualifiés, parce qu'on voulait prioriser aussi ce type de profil, mais qui a des compétences manuelles ou intermédiaires, donc, pour l'accès à la résidence permanente. Donc, simplement une précision pour vous dire qu'on est en action sur ce volet là.

Bien sûr, on n'estime pas que ça va pouvoir, comment dire, répondre à 100 % de nos besoins, les gens qui sont déjà sur le territoire, on pense qu'il va falloir quand même en avoir une part importante, là, de gens qui viendront de l'étranger, mais on les accompagnera le plus tôt possible dans le processus.

Je voulais également apporter une petite précision sur un passage de votre mémoire, à la page 18, là, où vous mentionnez que vous ne souhaitez pas que les admissions en continu du PEQ, dans le scénario un, soient comptabilisées dans les cibles d'admission prévues pour les travailleurs qualifiés. Or, effectivement, ce ne sera pas le cas. Donc, les diplômés du PEQ... PEQ diplômés, en fait, ne seront pas comptabilisés dans ce scénario-là, si c'est celui qui est adopté, ne seront pas comptabilisés dans le seuil. Donc, on est sur la voie que vous proposez, bref.

Si je vous amène sur les permis de travail, bon, vous recommandez, donc, à la page 20, là, de travailler avec le fédéral pour abolir les permis de travail fermés. Comment est-ce que vous vous voyez les impacts d'une transformation du permis de travail, tant pour les employeurs, là, que pour les employés? Qu'est-ce que, pour vous, ça va changer, là, en termes de modes de fonctionnement, et quels types de modes de fonctionnement vous préféreriez? Est-ce que ce seraient des permis de travail sectoriels ou des permis de travail régionaux? J'entends, là, des promoteurs des deux écoles de pensée, là, je voulais savoir, est-ce que vous avez fait votre nid sur une des deux approches?

M. Vachon (Luc) :En toute franchise, j'ai beaucoup de difficulté à voir comment des approches qui mettent des conditions...

M. Vachon (Luc) :...Même si elles semblent allégées, vont prendre effet réel. Parce que la raison pour laquelle le permis fermé est problématique, c'est l'état de vulnérabilité dans laquelle la personne est. On peut penser qu'on va faire des permis ouverts, sectoriels ou régionaux, il reste comment la personne immigrante qui arrive ici avec, souvent, bon, des fois, une connaissance plus faible du français, comment elle va pouvoir exercer ses droits réels. Bon. Puis il y a plusieurs scénarios. Puis on peut dire : Ah! si l'autre employeur va compenser la part de l'investissement, mais encore là, ça veut dire que la personne doit se mettre en recherche d'emploi une fois rendue ici. Donc, une personne qui est déjà dans une zone de vulnérabilité, comment elle va en sortir? C'est... Il y a toujours l'apparence le droit puis l'exercice de droit réel qui devient problématique.

La solution parfaite, c'est clair que c'est le permis ouvert, c'est le permis ouvert. Après il y a le jeu des conditions de travail qui va rentrer en ligne de compte. Après, il y a le jeu des règles de l'emploi puis du marché de l'emploi qui vont jouer.

Bon. Je sais que c'est... on va nous dire : oui, mais là, les employeurs ont mis beaucoup d'argent. Bien, c'est parce qu'on prend le problème, à mon avis, par le mauvais bout. On prend le problème par... comme si la solution du temporaire, c'était ça, la réponse. La vraie réponse, elle est par la permanence. Parce que, puis d'autres l'ont énoncé avant nous, si ça a augmenté comme ça, les temporaires, puis dans les milieux de travail où on se retrouve à du 40 %, 50 % de main-d'œuvre immigrante, et ils ne sont pas là pour combler des besoins temporaires... Donc, la correction, ce n'est pas de savoir à la fin comment on va compenser. La question c'est comment on va pouvoir combler de manière permanente. Et automatiquement, plus on va combler correctement de manière permanente, moins on aura d'enjeux au niveau du temporaire et moins on décriera la question du permis ouvert, qui sera un scandale puis qui va coûter bien cher, parce qu'on ne l'utilisera plus, ça, ou beaucoup moins. Puis, quand on va l'utiliser, on va l'utiliser pour des besoins temporaires. Puis après, je répète, les règles du marché de l'emploi joueront, les employeurs feront ce qu'ils doivent faire pour garder leur main-d'œuvre.

Mme Fréchette : Alors, bien, merci. Vous dire qu'on est déjà, donc, en discussion avec le fédéral, là, sur cette question-là. Bien sûr, c'était avec mon homologue antérieur que ces discussions-là ont eu lieu, donc on va relancer la discussion avec le nouveau ministre de l'Immigration au fédéral en espérant pouvoir avancer sur des alternatives potentielles.

Vous dire également qu'au sujet de l'accompagnement, là, des travailleurs étrangers temporaires dans la connaissance de leurs droits, notamment, là, tous les travailleurs étrangers temporaires légalement admis sur le territoire, pour une période consécutive d'un an, ont droit de s'inscrire à Accompagnement Québec. Et Accompagnement Québec, là, ça permet notamment de connaître les droits qui... Pour lesquels ils sont couverts, et favoriser aussi, là, une meilleure intégration. Donc, ça, c'est une des mesures qui est en place sous notre gouvernement, là, pour faire en sorte d'accompagner les temporaires et de faciliter la compréhension de leurs droits et d'assurer un meilleur respect de ces droits-là.

• (17 h 50) •

Je vous amène maintenant sur la francisation. Vous soulignez, là, donc, bien sûr, l'importance, là, de l'accès aux services d'apprentissage du français. Nous en sommes, bien entendu. On fait beaucoup en matière de francisation, notamment, pour les travailleurs étrangers temporaires. C'est nous qui avons octroyé ce droit à la francisation pour les travailleurs temporaires, ce qui n'était pas permis sous les libéraux. Donc, pour nous, c'était bien important d'accompagner les gens, et partout au Québec aussi, de le faire à travers un réseau de bureaux et d'équipes qui sont déployés partout sur le territoire du Québec. Parce qu'on sait bien que, des bureaux, au-delà des bureaux comme tels, ce sont surtout des équipes qui sont sur le terrain à pied d'œuvre, qui travaillent avec les travailleurs étrangers temporaires. Et c'est ce qu'on a déployé comme réseau.

Et non seulement on a déployé ce réseau-là, mais... Et le service aussi Accompagnement Québec, mais on a aussi signé des ententes avec plus de 200 organisations partout au Québec pour faire en sorte de bien accompagner les travailleurs étrangers temporaires dans leur processus d'arrivée au Québec, d'intégration au Québec et de connexion aussi à la société québécoise.

Donc, ça, c'est toutes des mesures que l'on a déployées ces dernières années pour faire en sorte d'accompagner adéquatement ces personnes qui répondent à des besoins du marché du travail.

Donc, de quelle manière est-ce que vous voyez qu'on puisse améliorer la formation en francisation sur les lieux du travail? Quelle est votre perception de ce qui pourrait être bonifié? Parce que c'est un des segments de Francisation Québec qui sera transféré au MIFI, si on veut, qui, pour l'instant...

Mme Fréchette : ...le ministère de l'Emploi. Donc, est-ce qu'il y a des mesures que vous verriez qu'on devrait mettre de l'avant?

M. Vachon (Luc) :Bien, d'abord, la francisation sur les lieux du travail, c'est excellent. Je suis sceptique à l'idée que ce soit possible dans tous les milieux. Cela dit, une entreprise de 100, 150, 200 employés qui a un noyau suffisant de main-d'oeuvre immigrante et qui a... puis qui a besoin de francisation, ça va, j'y crois. Une entreprise qui a 30 employés puis qui a trois employés immigrants, qui va faire la francisation en milieu de travail avec les ressources, puis tout ça, j'ai de la misère à comprendre comment on va coordonner ça, parce que souvent, ce qu'on entend et ce qui est réel, ceci dit, c'est le manque de ressources, que ce soit en ressources humaines, en... tout ça, au niveau des PME.

Donc, je pense qu'il y a un rôle important au niveau de coordination de tout ça, pour faire en sorte que, même dans les plus petites entreprises, il y ait une possibilité de réseautage de noyautage, tout ça. Et là-dessus, il y a... bon, il y a déjà de quoi, là, on a tous les réseaux de services aux entreprises au Québec, tout ça, qui peuvent contribuer à ça. La structure existe, elle existe déjà. Je pense qu'il n'y a pas d'enjeu de réalisation là-dessus. Mais après, bien entendu, puis ça, je ne sais pas si ça répond à votre question, mais bien entendu, il y a un encadrement au niveau du milieu de travail qui doit être fait. Il y a l'accompagnement, parce que la promotion de l'apprentissage de la langue doit provenir aussi du milieu de travail. Parce que si ce n'est pas important, en milieu de travail, ça va être dur pour la personne de considérer que c'est une réelle importance. Le temps dégagé pour permettre d'apprendre, ça fait partie de l'équation parce que les scénarios qu'on a entendus, c'est des gens qui sont dans des conditions un petit peu horribles, qui doivent travailler de longues heures.

Puis, si ce n'est pas une deuxième job par-dessus puis qu'après on lui dit : Il faut que vous alliez vous franciser. Vous travaillez de nuit, vous allez faire de la francisation un bout l'avant-midi, vous allez vous recoucher l'après-midi, vous allez recommencer. Ça ne peut pas donner les résultats qu'on s'attend que ça va donner, ça, alors. Et donc le temps de travail, des plages horaires disponibles, un accompagnement qui est fait, une validation aussi de la qualité de la formation, parce que ça, c'est hyper important, si on veut qu'on ait des résultats à l'autre bout, il faut s'assurer qu'on ait une certaine cohésion, une cohérence dans ce qu'on donne comme francisation.

Mme Fréchette : Bien, merci. Mme la Présidente, il nous reste combien de temps?

La Présidente (Mme Caron) : Cinq minutes 25. Mme la députée d'Iberville.

Mme Bogemans : Oui. Merci beaucoup. En fait, moi, je voulais, en lien avec l'ancien programme PRTQ, le nouveau PSTQ, maintenant, il y a une passerelle pour les compétences intermédiaires et manuelles. Puis je voulais voir si les critères de sélection du programme vous semblent correspondre mieux aux besoins de vos membres.

M. Vachon (Luc) :Pas tant.

Mme Bogemans : Pour quelles raisons, précisément?

M. Vachon (Luc) :Parce qu'en fait, nous, ce qu'on propose, puis c'est un petit peu... Mme la ministre a compris quelque chose de la page 18, mais qui n'est pas exactement ça. Nous, ce qu'on propose, c'est que, quand ils sont ici, les temporaires, qu'ils soient aussi, comme c'est pour le PEQ étudiant, qu'ils soient dans un PEQ aussi pour eux et qu'ils ne soient pas considérés dans les... je veux dire, toujours entre les seuils puis le plafond, parce qu'à mon avis il y a une espèce de paradoxe, mais qu'ils ne soient pas considérés là-dedans puis parce qu'ils ont déjà... ils sont déjà ici, ils sont... comme on dit, ils sont déjà dans des besoins permanents, et ils sont déjà inscrits en parcours de francisation. Donc, la raison... le besoin pour lequel ils sont là, il est démontré, il est démontré. Donc, à partir du moment où ils franchissent les critères de francisation, tout ça, puis ils ont l'expérience de travail, ils pourraient rentrer continuellement, venir s'inscrire en continu en dehors du nombre qui est déjà... qui est déterminé dans les ratios, là, ou dans les seuils.

Mme Bogemans : Du ratio économique, plus précisément.

M. Vachon (Luc) :Voilà.

Mme Bogemans : Parfait. Puis mon autre question, c'était considérant... vous avez dit que le PEQ, c'était une bonne nouvelle au départ, là, en débutant. Pouvez-vous nous expliquer pour quelles raisons ça vous rejoint?

M. Vachon (Luc) :Bien, le PEQ étudiant, normalement, ce qu'on saluait, c'est qu'en fait, quand on avait des discussions là-dessus, on se disait : Si quelqu'un est arrivé ici, a fait sa formation, que ce soit au cégep ou à l'université, en français, est diplômé en français, si la personne a été capable de réussir ça, à notre avis, ça doit être parce que...

M. Vachon (Luc) :...il y a une maîtrise, mais je pense que ça répondait par soi-même, là. Puis on se disait, bien, de ne pas les considérer dans le nombre, ça nous semblait... Parce que le nom, il est toujours là, omniprésent en termes de débat sur la capacité d'intégration ou la capacité d'accueillir. Mais quand quelqu'un a fait ce parcours-là, on ne devrait pas vraiment avoir de grands questionnements sur la capacité qu'on a de l'intégrer au Québec. Ça semble démontré.

Mme Bogemans : O.K. Parfait. Puis, au niveau des actions que vous posez à la Centrale syndicale pour le multiculturalisme et la régionalisation. Pouvez-vous me donner des exemples?

M. Vachon (Luc) :Oui. Bien, la partie régionalisation, ça, comme je disais un peu plus tôt, quand le milieu de travail accompagne... Parce que la régionalisation, puis ça, c'est pour ça... ce n'est pas moi qui l'invente, je l'ai entendu déjà de quelqu'un qui était une dame immigrante qui donnait de la formation, puis qui expliquait un peu. La réussite de l'intégration en région, ça passe d'abord par l'intégration sociale. Et là aussi, on se dit : Bon, bien, O.K., l'intégration sociale, ça va. Le milieu de travail a un rôle dans l'intégration sociale. Il doit s'impliquer. Il doit s'assurer que l'ensemble du milieu social aussi contribue à l'intégration de la personne qu'ils accueillent. Donc, c'est en ce sens là qu'il y a une sensibilisation qui est fait auprès de nos gens de dire : Bien quand ils viennent chez vous, il y a tout cet encadrement-là de s'assurer que les gens sont accueillis, intégrés et dans le milieu de travail, et regarder voir si on ne peut pas aller plus loin. Bon, ça fait que, ça, c'est ce bout-là.

Est-ce qu'on fait assez actuellement? La réponse, c'est non. Nous autres aussi, on doit faire plus puis on doit faire mieux. Mais ceci dit, c'est une des... Prenez le premier élément de sensibilisation. Donc, nous, nous, on ne cherche pas à faire de la francisation. Il y a des gens qui sont très bons pour faire la francisation. Nous, ce qu'on dit, c'est les conditions de réussite, c'est qu'il ait du temps de dégagé du milieu du travail et qu'on s'occupe de l'intégration sociale. Il y a des syndicats qui font ce qui a été mentionné un peu plus tôt, des activités. Et je sais qu'il y a un syndicat, là, qui a plusieurs, plusieurs cultures à l'intérieur et qui organise des activités, mais pas des activités québécoises pour intégrer les autres nationalités, mais les intégrer des activités des autres nationalités pour intégrer les Québécois à ça. Je trouve ça génial. Puis, c'est l'apprentissage de la culture. C'est eux qui apprennent la nôtre, mais la bonne façon aussi de faire en sorte que ces gens-là vivent ensemble, c'est que les cultures soient connues de tout le monde, là. C'est un partage.

La Présidente (Mme Caron) : En conclusion, 15 secondes.

M. Vachon (Luc) :Ah! moi, j'ai fini.

La Présidente (Mme Caron) : Parfait. Merci.

Une voix : ...

M. Vachon (Luc) :Oui...

La Présidente (Mme Caron) : Merci. Alors, je vais céder la parole à l'opposition officielle, à la députée de Chomedey. Vous avez 12 min 23 s pour votre groupe.

Mme Lakhoyan Olivier : Bonjour. Merci beaucoup, c'est vraiment très intéressant vous écouter et vous lire, bien sûr. Et puis on a... on a entendu beaucoup de monde, donc ça va enrichir nos informations et on va pouvoir prendre de meilleures décisions.

• (18 heures) •

Parlant de francisation, en tant que députée, je reçois beaucoup d'appels des citoyens, des réfugiés, des sans-papiers. Tout ce beau monde-là qui veulent apprendre le français. Ils viennent ici, ils veulent apprendre le français. J'ai vraiment grandi là-dedans. Je suis une fille immigrante. J'ai déménagé ici très jeune, hein? Je ne vais pas dire combien d'années. Et puis j'ai toujours grandi là-dedans, des questions d'immigration, comment je peux faire ci. Donc je suis entourée de ces sujets-là parce que les gens veulent venir ici, veulent apprendre le français. Mais ça ne veut pas dire qu'ils ont la chance, dans leur pays, de l'apprendre. Les conditions dans d'autres pays, ce n'est pas comme ici. Et puis surtout, ils viennent des pays, disons tiers-monde, pas d'autres pays occidentaux. Donc, ils viennent pour une meilleure vie, donc ils veulent travailler, ils veulent apprendre le français absolument.

D'abord, il y a des préconditions d'apprentissage, le français maintenant, ou connaître un niveau de français. Ça et comment... qu'est-ce que vous pensez là-dessus? D'abord, j'aimerais commencer avec celle-là : Est ce que... est ce qu'il ne faut pas donner la chance à tout le monde d'avoir une opportunité de venir ici et apprendre le français une fois ici? Parce que déjà on connaît...


 
 

18 h (version non révisée)

Mme Lakhoyan Olivier : ...qu'il y a un grand chiffre des gens qui ne sont pas immigrants, à part les travailleurs, là, il y a des sans-papiers, il y a des réfugiés, il y a des cas humanitaires. Donc, ces gens-là, c'est sûr, il y a une majorité qui ne parle pas le français puis il y a une autre partie qui parle français. Donc, côté humanitaire, ne pensez-vous pas qu'on devrait quand même accepter les immigrants pour venir ici mais qui apprennent le français ici? Comme mes parents ont fait, d'ailleurs. Je m'excuse, mes parents, quand ils sont venus, ils ne parlaient pas le français ni l'anglais, ils ont appris les deux. Même, ma mère est allée au cours de francisation. Mais, si mon père ne serait pas admis, je ne serais pas ici aujourd'hui. Donc, ça, c'est ma première question.

M. Vachon (Luc) :Tu vas vouloir intervenir? Je vais vous dire une chose. Tout d'abord, il y a des niveaux de français qui sont déterminés, et là il y avait... on a fait des débats sur la hauteur du niveau. Je pense que ce qui était surtout le vrai débat qu'on aurait dû faire puis qu'on a tenté de faire à un moment donné, ce n'est pas tant le niveau, mais c'est la durée qu'on demandait pour l'apprendre, pour atteindre ce niveau-là, qui, à notre avis, était irréaliste à ce moment-là. Puis ensuite, des fois, il y a une question d'exigence d'un certain niveau puis, en plus, dans la durée où c'était requis, que je vais être tout à fait honnête, que probablement plusieurs Québécois auraient eu de la difficulté à réussir.

La vraie... Des fois, j'ai de la misère avec la question de mettre l'enjeu de la protection de la langue sous la responsabilité de l'immigration. J'ai de la difficulté avec ça, parce que moi, je pense que la question de la protection de la langue, si c'est réellement un enjeu, elle devrait commencer par nous au départ, elle devrait commencer par nous. Quand on a... on est au Québec avec un déficit de littératie puis de numératie qui atteint près de 50 %, la première question qu'on devrait se poser, c'est : est-ce que c'est vraiment l'immigration qui met... a mis ça en péril? Je ne suis pas convaincu, hein? Alors, on cherche toujours à prendre le débat ailleurs. Moi, je pense que, le premier débat, on devrait regarder nous, comment on se comporte au départ, après ça peut-être pas reproduire les mêmes erreurs au niveau de l'immigration.

Mais est-ce qu'on ne devrait absolument pas accueillir des personnes immigrantes si elles ne parlent pas le français? Bien, vous êtes un exemple de la réponse. Moi, je pense qu'il y a de la place pour beaucoup de gens. Puis après, c'est comment on accueille, comment on offre les opportunités de s'intégrer. Et ça, c'est à géométrie très variable. Parce que, là, vous faites une référence aux réfugiés, et le problème des réfugiés, souvent, s'ils n'apprennent pas le français, le problème, c'est qu'on les garde dans l'ombre, le problème, c'est qu'on les garde dans la quasi-clandestinité parce qu'on ne veut pas leur reconnaître un statut. Intégrez-vous, mais cachez-vous. Je ne sais pas comment on fait ça socialement. Tu n'as pas le droit aux protections sociales, tu n'as pas le droit, en fait, à rien, mais tu dois t'intégrer. Je ne sais pas comment socialement on peut croire à ça.

Alors, ceci dit, c'est de là que la question de la régularisation rentre en ligne de compte. Parce que ces gens-là, et vous avez entièrement raison, puis vous en avez eu ici, c'est des gens qui veulent s'intégrer, qui veulent apprendre la langue, qui veulent... qui travaillent, pour beaucoup, travaillent déjà, souvent clandestinement ou souvent au noir puis de manière précaire, mais ils contribuent déjà, ils sont déjà là. Ça fait que moi, je pense que, si on fait mieux, là, la question de la langue va devenir un deuxième niveau, va devenir un deuxième niveau, puis ça va nous permettre de décoller de l'arbre pour voir la forêt qui est cachée derrière.

M. Derraji : Je vais me permettre, je vais me permettre, ma collègue a posé une question extrêmement importante par rapport à la langue française et à l'intégration. Je suis très content d'entendre votre réponse, et c'est grâce à votre réponse que je me sens interpelé. Vous avez évoqué un point qu'au fait, dans la société occidentale, on fait tout pour ne pas tomber dans des ghettos. Je ne sais pas, est-ce que c'est vous ou l'ancien groupe, vous avez parlé de faire attention de ne pas construire des logements proches, je pense, c'est l'ancien groupe. D'ailleurs, j'ai oublié de vous poser cette question, mais je trouve tellement ça important...

M. Derraji : ...parce que si on regarde l'industrialisation européenne, avec l'arrivée de la main-d'oeuvre africaine à l'époque, et on voit les problèmes de société qu'on essaie de ramener au Québec, moi, certainement, je dis : Écoute, bien, ça n'a aucun bon sens. On ne parle pas de la même chose, et c'est justement ce que vous venez de répondre à ma collègue. Si aujourd'hui on ne fait pas attention avec des groupes et des sous-groupes, c'est que de facto, le législateur ne veut pas les voir. Ils sont là, mais on ne veut pas les voir. Ils sont là, là, sur le territoire, mais on ne veut pas les voir, parce qu'on ne les inclut pas, on n'en parle pas. J'aurais aimé aujourd'hui qu'on parle... Parlons des réfugiés. Parlons des demandeurs d'asile. Les... groupes... Tous les groupes aujourd'hui, ils ont parlé des sans-papiers. Parlons des travailleurs temporaires étrangers. Parlons de ceux et celles qui viennent du programme de la mobilité internationale. Mais non, les scénarios qu'on a aujourd'hui, c'est tellement normé et cadré que je me dis : Es- ce qu'on n'est pas en train de rater une occasion en or? Et, sérieux, aujourd'hui, je tiens à remercier tous les groupes, surtout les quatre syndicats, les quatre centrales. Vous avez ramené sur la table d'autres enjeux qu'on n'a pas vus hier. C'est sûr que c'est trois semaines, mais c'est tellement important ce que vous venez de dire, parce que ça me rappelle juste les critiques des modèles d'intégration, d'assimilation des migrations européennes. Et on voit l'échec. Moi, je suis allé dans certains pays. Un certain moment, je me dis : Est-ce que c'est cette société qu'on veut au Québec? Je ne pense pas. Je ne pense pas que c'est ce qu'on veut, mais je veux reposer la question des autres. Désolé si j'ai été long parce que vous m'avez interpellé avec votre réponse, que je trouve très juste, parce que je ne m'attendais pas. Est-ce qu'avec cette sous catégorisation de plusieurs catégories d'immigration et l'offre qu'on a sur la table maintenant d'études et de scénarios on rate un débat de fond sur l'intégration des immigrants?

M. Vachon (Luc) :Est-ce qu'on rate un débat de fond? C'est une excellente question. Ceci dit, ce qu'on ne connaît pas, ça fait toujours peur. Et pour nous, au Québec, c'est relativement nouveau ce déploiement de l'immigration là, vraiment, là. Il y a des zones, il y a des régions qui étaient plus familières avec ça, mais toute la question de la régionalisation, le premier... Reculons il y a deux, trois ans, il y a des régions qui n'en avaient pas de main-d'oeuvre immigrante, là. Nous, on a des groupes, là, puis c'est vrai pour tous les autres, là, où ils se sont retrouvés tout à coup avec de la main-d'oeuvre immigrante. Ils ne savaient même pas comment composer avec ça. C'est une nouvelle réalité. C'est une nouvelle réalité, bon. Alors, on a un peu d'inquiétude à savoir ce que ça va faire là, le débat de la langue qui rentre là-dedans. On ne sait pas trop comment composer avec ça puis on hésite.

Alors, est-ce qu'on va rater la cible? Moi, je pense que c'est une belle occasion pour faire un débat social plus profond que ça. Je pense que c'est ça... comme ça qu'on doit le saisir, le... de manière évolutive.

M. Derraji : Est-ce qu'on le fait?

M. Vachon (Luc) :En fait, on commence à le faire. Aujourd'hui, ça... ce qui se fait là, normalement, c'est une démonstration du début d'une réflexion plus profonde sur la société québécoise puis comment on va faire cette intégration-là dans le futur, de manière plus réelle, comment on va regarder les vraies affaires, puis qu'on va en parler correctement, puis qu'on va mettre les moyens pour y répondre. Puis, quand on va accepter de le faire comme il faut puis qu'on va être plus familier, ce qu'on comprend, ça nous effraie moins.

Alors, c'est... Je pense que socialement, au niveau québécois, il y a beaucoup de faux débats dans cette histoire-là. Donc, il y a toute une question d'apprivoiser le sujet puis de mieux le comprendre.

• (18 h 10) •

M. Derraji : ...des faux débats. Avez-vous des exemples en tête?

M. Vachon (Luc) :Bien, j'en aurais plusieurs. J'ai la question de la langue, la question de la main-d'œuvre immigrante, la question des besoins temporaires versus permanents. Tu sais, ça en est tous des faux débats, parce que quand on parle... puis la question de l'intégration. O.K., parfait, on va prendre la permanence pour être capable de les intégrer comme il le faut. Mais, pendant qu'on ferait un débat sur 60 000 personnes permanentes, il y en a 300 000 temporaires derrière qui sont là puis que... pour lesquels... On ne regarde pas, mais, en fait, c'est des faux temporaires qui sont des immigrants permanents, pour des besoins permanents. Puis moi, j'ai vu des situations, là. Tout récemment, là, tout récemment, je me... Ce n'est même pas dans le cadre du travail, là. Ce n'est même pas dans le cadre du travail, c'est dans le cadre d'une activité sociale, où je me présente là et je m'en vais jaser avec une personne, là, qui travaillait là. Ça fait sept années qu'elle est au Québec, 11 mois...

M. Vachon (Luc) :...par année...

La Présidente (Mme Caron) : En conclusion.

M. Vachon (Luc) :11 mois par année, et elle ne parle presque pas le français, quelques mots, parce qu'elle travaille six jours sur sept. Puis là il n'était pas 4 heures de l'après-midi, quand je lui ai parlé, là, il était 20 heures passées le soir, puis elle travaillait toujours.

M. Derraji : Merci pour votre présence.

M. Vachon (Luc) :Ça, c'est peut-être une question... une réponse au faux débat.

La Présidente (Mme Caron) : Merci beaucoup. Ça s'est terminé exactement à zéro seconde. Alors, je vais maintenant céder la parole au député de Saint-Henri-Sainte-Anne pour 4min 8s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation et vos réponses. Moi, j'ai accueilli favorablement le volet deux, ladite passerelle. Je pense que c'est intéressant, je trouvais que c'était une bonne nouvelle, mais je trouvais que, finalement, ça reconnaissait qu'on n'aurait jamais dû retirer les emplois moins qualifiés du PEQ travailleur. Je pense qu'il y a là une réponse à pourquoi ce volet deux là était nécessaire.

Vous avez parlé un peu de régularisation, puis je trouve qu'on n'en a pas parlé assez aujourd'hui, donc je vais vous questionner là-dessus. Des questions : À votre avis, est-ce qu'on gagnerait à les ramener, ces gens-là, dans l'économie légale, dans l'économie formelle, notamment en matière de taxes et impôts? Est-ce qu'on aurait à gagner à faire ça?

M. Lesage (Samuel-Élie) : Juste répéter... moi votre question, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Oui. En matière de taxes et impôts, là, de ramener ces gens-là dans la régularité, dans l'économie formelle, j'imagine qu'on aurait un gain économique à faire ça, à leur donner un statut?

M. Lesage (Samuel-Élie) : Bien, c'est un gain économique, question taxes-impôts, la chose va de soi. Ce qu'il faut plutôt se dire, c'est que ce sont des gens qui pourraient pleinement, complètement, avec leurs expériences, leurs formations, leurs personnalités, qui elles sont à... en travaillant, dans leur communauté. Alors, c'est surtout ça, puis c'est pour ça qu'on mettait aussi de l'avant... Plus tôt dans la journée, on m'a posé la question de... à ce programme-là, bon, on n'est pas très loin, mais une chose qui est nécessaire... il est essentiel que ces personnes-là soient au moins adéquatement reconnues quant à leurs qualifications, leurs compétences, pour qu'elles puissent pleinement participer à la société. Puis je pense qu'on pourrait dire l'apport économique ou sociopolitique, il est, entre autres, là. Enfin, ces personnes-là seront reconnues pleinement, à leur juste valeur, notamment en termes de ce qu'elles peuvent faire au niveau professionnel.

M. Cliche-Rivard : Et j'imagine aussi que vous êtes d'accord qu'on gagnerait à leur assurer une couverture médicale complète, en termes de couverture de santé publique, ce serait très avantageux.

M. Lesage (Samuel-Élie) : C'est même une évidence.

M. Cliche-Rivard : C'est une évidence. Donc, c'est une évidence aussi qu'on gagnerait à respecter leurs droits de travailleurs et leurs droits de locataires dans les droits de base que la société s'est donnée?

M. Vachon (Luc) :La réponse, c'est sûr que c'est oui, c'est sûr. La vraie question, c'est : Sont-ils des êtres humains, hein? Bon.

M. Cliche-Rivard : C'est la question qu'on se pose.

M. Vachon (Luc) :Alors, une fois qu'on a répondu oui à ça... Et là je m'excuse, parce que, moi, je suis un syndicaliste, mais... puis, oui, j'ai des membres, puis tout ça, mais la raison pour laquelle on est ic, les quatre, c'est que la plupart des... les éléments de motivation qui nous ont amenés ici, ce ne sont pas nos membres, c'est : il se passe des choses, socialement, sur lesquelles nous devons nous engager. Et, à un moment donné, j'étais à une rencontre, une petite mobilisation à Montréal, justement, pour les réfugiés ou les personnes sans statut. Et il y a un témoignage d'une personne qui m'a beaucoup touché. C'est une jeune fille de 12 ans qui s'est adressée aux membres puis qui a dit : Moi, là, je suis ici, et mes parents, là... elle est née ici, là... mais mes parents, là, sont toujours sans statut, puis je veux me construire une vie au Québec, je ne sais pas si j'ai le droit d'y rêver. Oh boy! Puis je vous assure, là, dans la gang qu'il y avait là, là, il n'y avait aucun membre CSD, même aucun membre d'aucune organisation syndicale. Ce n'était pas ça, l'enjeu.

M. Cliche-Rivard : Alors, pourquoi on ne le fait pas? Pourquoi on... Si vous me dites, c'est la base de la dignité humaine, c'est l'humanité...

M. Vachon (Luc) :Il y a plein d'enjeux, hein?

M. Cliche-Rivard : ...pourquoi, pourquoi on...

M. Vachon (Luc) :Je ne suis pas un spécialiste, moi, de la question des sans papiers, des statuts, tout ça. Je ne suis pas un spécialiste, il y a des groupes qui sont excellents dans ça, qui vous diront qu'est-ce que ça prend. Pas moi, mais moi, tout ce que je dis, c'est est-ce qu'ils peuvent contribuer à la société québécoise? Absolument. Et puis vous avez probablement... Je pense, qu'elle est passée ici, mais il y a une femme qui avait participé avec nous, on avait été à une rencontre, elle parle très bien le français, elle est ici, elle contribue déjà.

La Présidente (Mme Caron) : En conclusion. 10 secondes.

M. Vachon (Luc) :Elle attend juste que la société québécoise lui ouvre les portes.

M. Cliche-Rivard : Donc, la balle est dans le camp de la ministre?

M. Vachon (Luc) :La balle est dans notre camp, à nous tous, hein, soit dit en passant.

La Présidente (Mme Caron) : Merci beaucoup. Alors, je vous remercie d'avoir contribué à nos travaux, d'avoir déposé un mémoire. La commission va...

La Présidente (Mme Caron) : ...ajourner ses travaux jusqu'à jeudi 14 septembre 2023, après les avis touchant les travaux des commissions. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 h 17)


 
 

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