Journal des débats de la Commission des relations avec les citoyens
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
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Le
mercredi 26 février 2025
-
Vol. 47 N° 63
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi sur l’intégration nationale
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11 h (version non révisée)
(Onze heures douze minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 84, Loi sur l'intégration nationale.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) est remplacée par M. Lemieux
(Saint-Jean); Mme Prass (D'Arcy-McGee) par M. Morin (Acadie); et M. Leduc
(Hochelaga-Maisonneuve) par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, messieurs les élus, bienvenue à la commission. Ce
matin, nous allons entendre les groupes suivants : Culture pour tous, représentée
par son président-directeur général, M. Vallée, ainsi qu'un peu plus tard
Vision Diversité.
Alors, je souhaite donc la bienvenue à M. Vallée,
président-directeur général de Culture pour tous. M. Vallée, vous allez
bénéficier d'une période de 10 minutes pour votre exposé. Et, par la
suite, nous allons entamer la discussion avec les membres de la commission.
Alors, votre 10 minutes débute maintenant.
M. Vallée (Michel) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Chers membres de la commission. Donc, merci pour
cette opportunité de m'adresser à vous aujourd'hui. Je me présente, Michel
Vallée, expert en médiation culturelle, en culture à impact social et sur la
santé. Et surtout, en ce moment, président-directeur général de Culture pour
tous.
Depuis 29 ans, cet organisme s'est fait
connaître par les Journées de la culture, mais tout au long de l'année, notre
organisation et ses partenaires, ont 600 municipalités du Québec et
plusieurs collectivités francophones à situation minoritaire dans le reste du
Canada, créent et déploient des rencontres culturelles et interculturelles sous
forme d'activités favorisant l'accessibilité, la participation citoyenne et l'engagement
collectif. Pardonnez-moi. Depuis plusieurs années, nous travaillons à renforcir
le rôle de la culture dans le développement durable, c'est-à-dire à faire
connaître son important impact dans tous les aspects de notre société : la
démocratie, l'économie, la santé, l'éducation, la cohésion sociale et les défis
entourant les...
M. Vallée (Michel) :
...climatiques. Puisque notre mémoire y puise ses inspirations, laissez-moi
débuter en vous parlant de deux expériences concrètes qui ont influencé nos
recommandations d'aujourd'hui. D'abord, du côté de Vaudreuil-Dorion, où j'y ai
occupé des fonctions... les fonctions de directeur de service de la culture et
des loisirs pendant plus d'une décennie, avec les équipes de la ville, j'ai
créé le projet Je Suis, projet primé sur les scènes nationales et internationales,
entre autres avec le prestigieux prix du CGLU, Agenda 21 de la culture. En
moins de 20 ans, la ville de Vaudreuil-Dorion est passée de 17 000 à
37 000 habitants, projetant le nombre d'immigrants de 5 % à
48 %, voyant l'usage du français reculer de 90 % à 60 % pendant
cette même période. Pour répondre aux craintes des élus en matière de
vivre-ensemble et même de racisme, le projet Je Suis proposait chaque année
plus de 500 activités participatives de médiation culturelle avec
l'objectif de développer la fierté et l'appartenance à une identité commune.
Ensuite, je voulais vous parler ce matin
de Racines plurielles qui, depuis deux ans, grâce à la médiation culturelle,
crée la rencontre entre les immigrants nouvellement arrivés sur les territoires
et leurs collectivités d'accueil. Grâce à cette action innovante, des Québécois
de plus courtes et de plus longues racines apprennent à se connaître. Ils
tissent des liens ensemble, des liens plus solides et contribuent ensemble à
réfléchir le Québec qu'ils souhaitent pour leurs enfants dans le cadre des
valeurs et de l'identité québécoise.
À Gatineau, Laval, Longueuil, Québec,
Sherbrooke, mais aussi dans des collectivités telles que Trois-Rivières,
Rimouski, Saint-Eustache et la MRC des Etchemins, notre culture québécoise est
ici embrassée, partagée et enrichie. Notre culture devient la fondation d'un
meilleur vivre-ensemble. Grâce à la médiation culturelle, des aînés travaillent
avec des enfants de toutes origines sur une murale pour parler de leurs
histoires, les transmettre et entendre ce que les jeunes ont à partager. Grâce
à la médiation culturelle, les membres d'un Cercle de Fermières se lient
d'amitié avec les membres de la communauté pakistanaise. Des jeunes et des
adultes se sont rassemblés autour de l'organisme Métiers & Traditions de
Longueuil ou autour d'une artiste ukrainienne pour partager leur parcours et
tisser des liens. Des adultes de Ville-Marie au Témiscamingue, dont la moitié
sont nés au Témiscamingue et l'autre en Afrique, en Asie ou en Amérique latine
travaillent en équipe autour de l'artiste anishinabe, Karl Chevrier, pour
construire des canots d'écorce en connaissance et en respect de la Mère Terre.
Ici, la culture crée des liens solides, des amitiés qui vont perdurer pour une
communauté plus forte.
Je m'attarde maintenant sur deux enjeux
que je positionne en lien avec le projet de loi dont il est ici discuté. Le
premier enjeu, notre culture et notre identité sont en danger. Les enjeux de
découvrabilité des contenus culturels québécois francophones, la domination des
géants du numérique, l'essor de l'intelligence artificielle, les tensions
politiques internationales fragilisent notre culture francophone québécoise et
ses droits culturels. Nos droits culturels sont menacés. La deuxième, notre cohésion
sociale et nos valeurs sont fragilisées. La rencontre entre les Québécois, de
plus courtes et de plus longues racines, doit se faire. L'interculturalisme
doit s'imposer non pas seulement comme un mot, mais dans toute sa complexité.
Ce projet de loi est à mon avis une opportunité sans précédent de renforcer ces
deux éléments.
Nos recommandations clés. La première
adopter une approche inclusive et globale de l'intégration en mobilisant la
société d'accueil. Il faut créer des espaces d'échanges et sensibiliser les
Québécoises et des Québécois à leur culture afin qu'ils deviennent des premiers
ambassadeurs. Notre deuxième recommandation, renforcer le rôle des organismes
culturels dans le processus d'intégration. Il faut reconnaître les organismes
culturels comme des acteurs clés du développement de la fierté et de
l'intégration et soutenir des initiatives culturelles qui proposent de réelles
rencontres interculturelles. En troisième lieu, comme recommandation, intégrer
la médiation culturelle comme levier d'inclusion, l'utiliser pour créer des
liens sociaux et faciliter l'intégration de nouveaux arrivants, et donc créer
des espaces de dialogue interculturel. En quatrième recommandation,
sensibiliser et former les acteurs de l'intégration...
M. Vallée (Michel) : ...et en
cinquième, les institutions, notamment gouvernementales, doivent reconnaître la
culture comme un levier essentiel d'intégration des personnes immigrantes à la
société québécoise. Nous devons l'inscrire dans la politique québécoise et nous
devons en évaluer les impacts.
Deux défis s'imposent d'eux-mêmes. Vous
m'entendez répéter depuis tantôt le mot «interculturel», nous devons le
comprendre, ce mot, nous devons le comprendre. Combien de fois voyons-nous une
activité interculturelle qui ne réunit que des membres d'une seule communauté
culturelle ou qui présente chaque communauté un peu en silo plutôt que de créer
de véritables dialogues ou un véritable échange? Le mot «interculturel» doit
être compris. Le défi de comprendre la culture dans toutes ses facettes et non
seulement par l'art, pour moi, c'est un cheval de bataille très important.
Collectivement, nous avons longtemps défini la culture par ses composantes
artistiques : la musique, le cinéma, la danse, le théâtre, les arts visuels,
la littérature ou même ces lieux ou des manifestations comme les festivals. Il
est essentiel que nous élargissions cette compréhension à notre identité, au
patrimoine matériel et immatériel, à nos façons de faire, à nos valeurs, à nos
repères culturels locaux et régionaux, à ce que nous mangeons, aux jeux
auxquels nous jouons avec nos familles, avec nos amis. Je crois que chacun est
le spécialiste de son identité et de celle de sa communauté. Chacun est
spécialiste de sa culture, chacun est un citoyen culturel. Ce citoyen culturel
doit être responsable de connaître sa culture, de la reconnaître, de
l'embrasser et de la partager.
• (11 h 20) •
On ne fait pas qu'assister à la culture,
on se sort de nos zones de confort, parfois consciemment, parfois inconsciemment,
grâce à la culture, on apprend et on s'en sert pour se définir, pour rencontrer
l'autre, pour s'offrir une communauté plus forte, plus fière. Culture pour tous
appelle à une approche inclusive et participative de l'intégration dans
laquelle la culture québécoise est définie à la fois par ses valeurs, par la
mémoire Je me souviens et par son ouverture aux apports de toutes et de
tous.
Pourquoi suis-je emballé par ce projet de
loi? C'est tout simplement parce qu'il nous est donné ici l'opportunité de
construire ensemble et de voir la culture non pas uniquement comme un objet à
chérir, mais plutôt comme une identité et des valeurs à défendre et des
rencontres à créer. Je m'adresse ici à tous ceux qui aiment le Québec. Et si
nous étions d'opposer nos différences et que nous les unissions? Mon Québec, je
l'aime pluriel et pour accueillir cette pluralité, j'ai besoin de m'enraciner
dans le sol de celles et ceux qui ont foulé cette terre avant moi. J'ai besoin
de mes repères. J'ai besoin de mes valeurs. Parce qu'aimer les autres n'a
jamais voulu dire cesser de s'aimer soi-même. Ma culture, je la défends avec
fierté, j'y contribue avec passion. Je la partage avec générosité et j'ouvre
grand les bras à tous celles et ceux qui veulent marcher à nos côtés pour
écrire ensemble la suite de notre histoire collective. Mme la Présidente,
membres de la commission, merci beaucoup.
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci
beaucoup, M. Vallée. Sur ces bons mots, nous allons entamer la période de
discussion. Alors, je me tourne du côté du gouvernement avec le premier... le
premier ministre... je vous ai déjà débaptisé, vous, là, là, le ministre pour
une période de 16 min 30 s.
M. Roberge : Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Vallée, pour votre présentation. On sent beaucoup de
passion dans votre texte puis dans votre manière de livrer. On voit que vous
êtes déjà engagés dans la démarche du projet de loi, le projet de loi qui
arrive avec un nouveau modèle d'intégration, d'accueil, qu'on baptise et qu'on
nomme l'intégration nationale, parce qu'on s'inspire de quelques modèles, pas
du multiculturalisme canadien, mais de d'autres modèles existants pour essayer
de créer une norme, de définir un nouveau concept. Mais je sens...
M. Roberge : ...qu'avec votre
organisme vous le faites déjà vivre. Un peu précurseur de ce qu'on voudrait
faire plus dans les... dans les années à venir. Puisque vous le faites déjà,
vous, avec votre organisation, avec des municipalités, vous parlez de
Vaudreuil-Dorion, est-ce que c'est nécessaire alors d'avoir un projet de loi
puis une politique comme on le fait? Parce que certains pourraient dire :
Bien, regardez, M. Vallée fait la démonstration que ça existe déjà. Est-ce
qu'on a raison de déposer un projet de loi?
M. Vallée (Michel) : Le
projet de loi est essentiel, je pense, pour la survie de notre langue et notre
culture. Parce que même si on se bat dans des collectivités pour le faire et
que plusieurs collectivités à travers le Québec le font et le font très bien,
ça demeure des exemples qui, très souvent, sont limités territorialement. Il
nous faut avoir une vision d'ensemble sur ce Québec. Il nous faut pouvoir être
appuyés également de cette légitimité-là. Vous savez, ça a pris beaucoup de
courage aux élus de Vaudreuil-Dorion pour se lancer dans la médiation
culturelle, alors que le mot, il y a 12 ou 13 ans, quand je leur ai présenté
ça, était pratiquement inconnu encore de beaucoup d'élus. Et ils ont décidé
d'embarquer. Pourquoi? Parce qu'ils ont... ils y ont cru. Et rapidement, ils
ont vu les résultats sur le terrain. Mais ce courage-là, d'autres
collectivités, des fois, se posent la question en disant : O.K.., est-ce
que j'ai la légitimité de le faire?
Le projet de loi, ce qu'il vient nous
dire, c'est qu'au Québec c'est comme ça qu'on pense. C'est qu'au Québec c'est
comme ça qu'on fait, et qu'on fait, et qu'on écoute, et qu'on rassemble pour
construire tout le monde ensemble. Et, ces lignes-là, pour moi, sont très, très
claires. Et il faut qu'elles soient encore plus claires. Et il faut que ce
message-là soit entendu comme quelque chose faisant partie de plus grand que
nous. Parce que, quand on se bat pour la culture de nos régions, de nos petites
collectivités, oui, on se bat pour la culture du Québec, mais ce serait
formidable de pouvoir le faire tous ensemble, main dans la main.
M. Roberge : Merci. Vous
utilisez le terme, l'image des racines, de l'enracinement. C'est quelque chose
que j'aime beaucoup. En amont du projet de loi, on avait plusieurs discussions,
les groupes de travail. Puis certains députés nous disaient : Écoutez,
c'est un projet de loi d'enracinement qu'on est en train de faire. Vous dites
qu'il y a des gens de plus courtes et de plus longues racines, j'aime bien
l'image. Est-ce que ça se peut qu'il y a des gens qui sont ici depuis longtemps
puis qui soient, comme vous dites, de plus courtes racines, puis d'autres,
fraîchement arrivés, qui soient de plus longues racines? Puis qu'est-ce qui
fait que l'enracinement fonctionne mieux, au-delà du temps, au-delà de
l'apprentissage du français? Je pense qu'il est nécessaire, d'accord,
l'apprentissage français. Je pense qu'il est nécessaire. Il n'est peut-être pas
suffisant. Comment se fait-il que des gens vivent une expérience de
québécitude, puis d'enracinement plus efficace que d'autres au-delà du temps
qui passe?
M. Vallée (Michel) : La
rencontre. La rencontre avec les autres. La rencontre avec sa collectivité.
C'est là que ça se joue. Ça va se jouer... Puis je vais vous donner un exemple,
un exemple concret. Il y a un an, j'assistais, comme on le fait fréquemment
depuis deux ans, avec le projet Racines plurielles, j'assistais au vernissage
d'une exposition qui clôturait une des expériences qui a été vécue du côté de
Longueuil. Et un couple est venu me voir. Ils étaient arrivés il y a quelques
mois à peine d'Ukraine. Et ils sont venus me voir en disant, en français, avec
un français merveilleux, formidable accent qui donne cette couleur merveilleuse
pour eux, ils m'ont dit : Michel, on est arrivés ici et quelques semaines
plus tard ce projet-là a commencé, Racines plurielles, à Longueuil, avec des
artistes, avec les gens de la ville qui nous ont accueillis, votre équipe, à
Culture pour tous, au début, on ne parlait pas un mot français et rapidement,
on est devenus les meilleurs de notre classe en francisation. Pourquoi? Parce
que, le soir et la fin de semaine, on vivait le français. On ne faisait pas
juste l'apprendre pendant la semaine, on le vivait le soir puis on le vivait la
fin de semaine. Et rapidement, ces gens-là m'ont dit qu'ils s'impliquaient dans
des organismes communautaires pour aider leur communauté. Ils s'impliquent
aussi au sein de la ville, dans plusieurs activités. Ils y participent, ils y
vont. Et ils ont ouvert leur propre commerce, un salon de coiffure, à
Longueuil. Et c'est là qu'ils ont pu encore une fois entrer encore plus
spécifiquement en relation avec l'ensemble des Québécoises et des Québécois de
ce secteur-là. La rencontre.
Et c'est ça que crée la médiation
culturelle. C'est que la culture ici devient le prétexte à créer la rencontre
entre des gens de différents horizons. Et, ça, peu importe leur âge. On le fait
avec des petits bouts de chou, on le fait avec des aînés. En passant, jumeler
des aînés avec des adolescents, c'est...
M. Vallée (Michel) : ...on
redonne des grands-parents à certains, on redonne des petits-enfants à d'autres
et surtout on donne une voix à ces aînés qui ont tant à nous raconter. Et ça,
c'est ça, la médiation culturelle, c'est de créer des rencontres improbables.
Ces rencontres-là ne se seraient pas passées sans ça. Le couple, dont je vous
parle, d'Ukraine n'aurait jamais rencontré tous ces Québécois-là. Il n'aurait
pas un nouveau réseau d'amis qui les aident. Rapidement, ils ont trouvé un
réseau d'amis qui les a aidés pour... qui les ont aidés pour le logement, pour
la nourriture, pour les vêtements, pour leurs enfants, sinon, leur intégration
aurait été beaucoup plus longue. Maintenant, ils font du bénévolat dans les
organisations communautaires de Longueuil pour redonner à leur société
d'accueil. Les longues racines et les courtes racines, c'est par la rencontre
que ça se développe.
• (11 h 30) •
M. Roberge : Donc, vous me
donnez des exemples de personnes qui... c'est comme s'ils vivaient postadoption
de la loi, parce qu'il y a des gens, quand même, qui prennent des initiatives
porteuses qui sont des précurseurs. Ces gens-là, avec la médiation culturelle,
avec les rencontres, les liens d'amitié avec le français, mais bien plus que
ça, ont trouvé leur logement, trouver un emploi, etc. Donc, est-ce que l'État
change un petit peu de rôle, il vient... il donne de l'aide directe aux gens.
Il le fera tout le temps, c'est sûr, mais là il va comme créer des conditions
porteuses, parce qu'une fois que... Si l'État structure son organisation dans
les écoles, dans les municipalités, cégeps, dans les universités, en
immigration, en culture, s'il organise des rencontres, ce que je comprends,
c'est qu'ensuite les gens, ayant établi leurs racines et fait leur réseau,
s'entraident, et ce n'est plus à l'État de tout faire pour le citoyen. Donc, on
change un peu de paradigme, on crée les conditions pour que les gens, dans
l'intégration nationale, s'intègrent et finalement prennent leur place.
M. Vallée (Michel) : C'est
exactement ça. C'est pour ça que, personnellement, je pratique la médiation
culturelle depuis près de 30 ans, avant même de savoir que ça s'appelait de la
médiation culturelle. Et, pour moi, ça a toujours été important de partir d'un
constat social et surtout de créer la rencontre entre des gens de différents
horizons. Mon pari que j'ai toujours fait avec la médiation culturelle, et
c'est encore celui qui se vérifie aujourd'hui, c'est qu'avec la rencontre vient
la connaissance de l'autre et de ses différences et qu'avec cette rencontre-là
vient le respect. Il est difficile de respecter ce qu'on ne connaît pas d'où le
mot «préjugé», juger avant de connaître. Et, vous savez, les histoires qu'on
entend d'une tristesse absolue de racisme qu'on vit dans notre société, de part
et d'autre, d'un côté comme de l'autre, de nos longueurs de racine, j'oserais
dire comme ça pour paraphraser l'exemple qu'on a donné tantôt, bien, c'est souvent
parce qu'on ne se connaît pas, parce qu'on n'en a pas eu l'occasion et le
prétexte de se rencontrer, et c'est ce que fait la médiation culturelle. Et
c'est pour ça que je suis emballé, comme je le disais tantôt en prémisse, par
le projet de loi parce qu'il nous ouvre la porte à ça.
Et, pour ce faire, pour moi, il faut
reconnaître vraiment que la culture a un rôle à jouer au-delà d'embrasser la
culture québécoise dans son sens large. Et là je vais dire quelque chose de
peut-être d'effrayant, mais qu'il va falloir... que je veux nuancer par la
suite, plutôt que de seulement embrasser la culture québécoise, il faut s'en
servir. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il faut que la culture devienne ce
par quoi on crée la rencontre. Il faut que la culture devienne ce qui nous
permet d'entrer en relation avec l'autre, de partager ce qu'on a de plus beau
puisqu'on chérit nous-mêmes puis d'accueillir ce que les autres ont à dire
autour de tout ça.
M. Roberge : Merci beaucoup.
J'ai aimé ce que vous avez parlé tout à l'heure, vous avez dit : Les gens
ont besoin de repères. Les gens ont besoin de valeurs. Donc, je pense qu'il va
falloir tenir compte de ce besoin de repère, besoin de valeur quand on arrive
dans un nouvel endroit, un nouveau quartier. Vous avez parlé de communication
interculturelle, juste faire atterrir tous ces concepts-là, je vous disais
qu'on est dans l'article 5c, on a le concept de communication interculturelle.
Puis, dans «devoirs et attentes, à l'article 7, on dit : «Il est attendu
de tous les Québécois, là, 1°, 2°, 3°, 4°», donc, je pense qu'on va dans le
sens de ce que vous apportez.
M. Vallée (Michel) : Tout à
fait.
M. Roberge : Donc, il ne
s'agit pas de mettre le fardeau sur le nouvel arrivant en disant :
Intègre-toi, sinon tu es un étranger...
M. Vallée (Michel) : Ça ne
nous appartient aussi.
M. Roberge : ...ce n'est pas
ça qu'on veut faire. Merci beaucoup. Je vais... Je pense qu'il y a des
collègues qui ont levé la main. Je vais vous laisser distribuer.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, merci, M. le ministre. Alors, je vais reconnaître le
député de Saint-Jean. Il reste 5 min 45 s.
M. Lemieux : Merci...
11 h 30 (version non révisée)
M. Lemieux : ...Mme la
Présidente. On a le même chronomètre. M. Vallée, je suis impressionné, comme le
ministre, par votre passion, par la façon que vous avez de rendre ça facile. Ce
n'est pas du jovialiste, vous n'auriez pas fait 30 ans en étant joviale,
donc, dans cette veine-là, donc, forcément, vous nous parlez d'expérience, et c'est
pour ça que vous êtes si pertinent pour nous ce matin. La médiation culturelle,
on a entendu parler beaucoup. J'allais dire :C'est à la mode. Non, c'était
à la mode. On n'en parle plus, mais c'est encore fort, mais ça... il y a eu une
mode. D'ailleurs, le commissaire Dubreuil, à la langue française, était ici
hier et en parlait en bien en disant qu'il n'y voit que du bon, mais lui, ce qu'il
voit comme le plus important... je veux dire, il ne mettrait pas tous ses
yeux... tous ses oeufs dans le panier de la médiation culturelle parce que,
lui, tout ce qui est socialisation des nouveaux arrivants et de capacité de
communiquer et d'interagir avec l'autre, pour le nouvel arrivant, l'autre de la
communauté, pour lui, c'est... c'est la clef de voûte entre la langue puis la
culture, pour que tout ça fonctionne, il faut qu'il y ait ça. Bon. La médiation
culturelle, parfait...
M. Vallée (Michel) : C'est un
outil pour permettre ça.
M. Lemieux : Oui, oui, oui,
tout à fait. Alors, médiation culturelle, ça fitte, comme on dit, en mauvais
français. Le ministre vous a posé une question qui était... qui était très
bonne puis très habile en vous demandant si on en a besoin, de ce projet de loi
là, vu que vous faites déjà tout ce qu'on essaie de faire. Je vais y aller un
petit bout plus loin. En quoi le p.l., tel qu'il est en ce moment, le projet de
loi, va vous aider? Qu'est-ce qu'il y a qui va être plus facile, plus simple, plus
normal? Puis qu'est-ce que vous rajouteriez, ou... s'il y a des irritants, n'enlève
rien, pour être capable d'aller encore plus vite, plus loin avec ce que vous
faites?
M. Vallée (Michel) : Vous
savez, l'ensemble des projets... Merci beaucoup pour votre question. L'ensemble
des projets menés par Culture pour tous touche, entre autres, l'éducation avec
un réseau culturel... un réseau d'écoles culturelles qui s'appelle Hémisphère
et qui bientôt va chapeauter 33 écoles à travers tout le Québec pour intégrer
la culture puis la diversité à travers l'ensemble des matières, entre autres
choses. On a également beaucoup d'autres projets. On m'a parlé de Racines
plurielles. Vous connaissez les Journées de la culture, bien sûr. Et, vous
savez, le financement de différents projets comme celui-là, je parle en
connaissance de cause à Culture pour tous, mais je pense que je peux aussi oser
prendre parole pour beaucoup de mes collègues d'organisations culturelles, ce n'est
pas toujours évident de trouver les bonnes cases pour faire passer ces
projets-là auxquels on croit. Heureusement, Racines Plurielles a reçu le
soutien du MIFI après une grosse année de travail pour nous permettre de créer
ce projet-là, qu'il y ait toutes les tentacules qu'on voulait qu'il ait, et ça
l'a... on a pu la voir. Mais il y a eu des années où des projets comme ceux-là
ont tenté d'émerger, chez nous et ailleurs, et n'ont pas pu émerger. Parce
que... Vous savez, je suis... je dirige une organisation culturelle, mais la
culture n'est pas l'affaire que du ministère de la Culture et des
Communications du Québec, et vous l'avez... vous le prouvez avec la p.l., avec
le projet de loi. Pour moi, parler de culture et santé, par exemple, c'est
extrêmement important parce que la santé de nos collectivités et des clientèles
fragilisées dans les communautés, avec la culture, ça peut changer la donne au
niveau de la santé. D'ailleurs, il y a l'état des lieux en art, culture et
santé qui va sortir dans les prochaines semaines. Donc, on est heureux de coordonner
le comité national de rapprochement Arts et Santé, on vous en reparlera dans
les prochaines semaines. Très heureux de ça. Mais tout ça pour vous dire que le
projet de loi va, de par son caractère transversal pour l'ensemble des
ministères, c'est un projet de loi-cadre... va aider à ce que cette
compréhension-là de l'intégration, mais j'espère aussi du rôle que peut jouer
la culture à l'intérieur de cette intégration-là, puisse faire son chemin,
vraiment, dans toutes les officines et partout à travers le Québec. Vous savez,
les municipalités se collent beaucoup aux décisions gouvernementales, avec
raison.
M. Lemieux : Il me reste
moins de deux minutes, et je vais essayer de faire court pour que vous ayez le
temps de répondre avant que la présidente passe la parole à quelqu'un d'autre,
mais, quand vous parlez de financement, quand vous parlez d'avoir accès à, ma
compréhension du projet de loi, c'est qu'effectivement, c'est... c'est une
vision, c'est une façon de voir et de faire pour le gouvernement, et toutes ses
composantes, et toute la société. Donc, théoriquement, ça devrait venir avec...
En ce moment, on a un débat de sémantique un petit peu pour les experts. C'est-tu
de l'interculturalisme...
M. Lemieux : ...c'est-tu de la
convergence, c'est-tu... Ce qu'on sait, c'est que ce n'est pas du
multiculturalisme. Moi, je dis que c'est du sur mesure. Et j'aime bien ça parce
que le Québec est une société distincte. Mais justement, parce qu'on est une
société distincte, dans cette mesure-là, moi, j'appelle ça la déghettoïsation,
tout le monde n'est pas en ghetto, mais c'est un peu comme si on se donnait le
moyen de déghettoïser ceux qui sont pris là-dedans.
M. Vallée (Michel) : Oui,
puis il faut démystifier le terme de... ah, il me manque des lettres, au niveau
des ghettos. Vous savez, c'est un des problèmes auxquels Vaudreuil-Dorion a
voulu répondre avec le projet Je suis. Et d'ailleurs, merci d'avoir commencé
votre propos avec Je suis tantôt. Avec le projet Je suis, du côté de Vaudreuil-Dorion,
il y a des quartiers complets où la communauté... des communautés, et c'est
normal, par mesure de sécurité, achetaient des résidences ensemble et ça
devenait des...
• (11 h 40) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous arrêter.
M. Vallée (Michel) : Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. Vallée, je dois vous arrêter. Le temps
imparti au gouvernement vient de se terminer, mais on poursuit les discussions
avec le député d'Acadie. Vous avez... vous bénéficiez de
12 min 23 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Vallée.
M. Vallée (Michel) : Bonjour.
M. Morin : Très heureux de
vous entendre. On l'a dit, mais on sent chez vous un véritable engagement, une
passion. C'est très rafraîchissant de vous entendre parler de vos projets et de
vos réalisations. J'aimerais débuter avec la médiation culturelle, vous en
avez... vous en avez beaucoup parlé. On pourrait la définir comment?
M. Vallée (Michel) : Vous
savez, l'utilisation de la médiation culturelle se définit difficilement par
des... par des définitions ou par des mots, c'est souvent par des exemples
qu'on réussit à la définir. Mais rapidement, je vous dirais que la médiation
culturelle, c'est des actions culturelles qui permettent à des groupes de
personnes qui ne se rencontrent pas habituellement... ça, c'est la façon dont
moi, j'ai décidé d'appliquer la médiation culturelle, parce que je tiens à vous
dire tout de suite, vous décrire la médiation culturelle telle qu'elle est nous
prendrait la journée au complet. Donc, je vais aller plutôt sur celle que j'ai
choisi d'appliquer, celle d'une médiation culturelle ou des actions... une
activité culturelle rassemble des gens qui ne se seraient pas rencontrés sans
ça et qu'il y a des liens qui se tissent, la culture devient ici un prétexte.
Vous, par exemple, faire travailler, comme je le mentionnais tantôt, un Cercle
des fermières avec la communauté pakistanaise d'une communauté qui vont travailler
ensemble une sculpture ou même de la danse contemporaine pour avoir du plaisir
ensemble, ils vont créer des liens pendant ces moments-là.
Mais en santé, on a fait de la médiation
culturelle qui va beaucoup plus loin que ça, entre autres en deuil périnatal
où, pendant six mois, on a travaillé avec des médecins, avec des psychologues,
des psychiatres, avec, bien entendu, des infirmières, des parents qui ont vécu
le deuil périnatal et des artistes et les gens de la ville pour créer des
rencontres qui ont duré un autre six mois où 26 parents endeuillés ont pu
guérir leurs blessures grâce à la culture et aux rencontres qu'ils ont créées
ensemble, et donc tout revient à la rencontre. Mais c'est de l'action
culturelle, de l'activité culturelle qui crée le prétexte à rassembler les gens
autour d'un sujet et sans que les gens soient spécialistes de rien. La personne
qui vient me dire en partant : Michel, je suis pourri en dessin, je
dis : Parfait, l'atelier est pour toi parce qu'on est là justement pour
créer ces liens-là.
M. Morin : Je vous remercie.
Est-ce que c'est difficile d'avoir du financement pour des activités de
médiation culturelle?
M. Vallée (Michel) : Vous
savez, depuis les dernières années, le ministère de la Culture et des
Communications l'a inscrit en proposition dans les ententes de développement
culturel avec les municipalités. Et ça, nous en sommes très fiers. Moi, je suis
un des... disons, un des chevaliers de la médiation culturelle depuis le début
des années 90 et j'ai fait plusieurs représentations à divers
gouvernements, aussi bien ici, Québec, Canada que du côté international, pour
que la médiation culturelle soit inscrite de cette façon-là. Je voudrais
remercier bien entendu le ministère de la Culture et des Communications qui
l'ont inscrite, depuis plusieurs années, dans leurs propositions de
développement... d'ententes de développement culturel avec les villes. Il y a
plusieurs projets qui sont acceptés. D'ailleurs, un des plus grands projets de
médiation culturelle, même s'il n'est pas nommé là-dessus, on le porte, celui
des Journées de la culture, à chaque année, au mois de septembre — trois
jours trois, 3 000 activités, presque, c'est énorme — dont
la majorité sont des activités participatives et de mise en relation des citoyens.
Donc, oui, le ministère de la Culture le fait. Mais quand on voit, par exemple,
le ministère... le MIFI, le ministère de l'Immigration, Francisation et
Intégration, quand on voit la Santé également, ce qui peut être fait à ce
niveau-là, vraiment, les résultats peuvent être encore plus forts.
Donc, je vous dirais oui, c'est fait.
Est-ce que c'est difficile d'aller jusqu'au bout de tout ce qu'on voudrait
faire parce que les besoins sont énormes dans les collectivités? Moi, je vous
dirais qu'en ce moment...
M. Vallée (Michel) : ...la
médiation culturelle est une des solutions que nous proposons. Et oui, bien
entendu, le financement pourrait être augmenté. C'est ce que nous souhaitons,
bien sûr, mais je vous dirais qu'il y a déjà des efforts qui ont été faits dans
les dernières années. Plus que des efforts, il y a déjà des réussites qui ont
été faites à travers le Québec là-dessus, mais je pense qu'il reste encore
beaucoup à faire parce que les besoins sont énormes de se rencontrer et de
créer une cohésion sociale plus forte chez nous.
M. Morin : Je vous remercie.
Vous avez parlé du rôle des municipalités, des villes. On a entendu hier le
maire Damphousse, de Varennes, notamment, qui suggérait que, même, l'apport ou
le rôle des villes devrait être augmenté. De jouer un rôle plus grand, est-ce
que c'est quelque chose qui, chez vous devrait être fait ou... Puis avez-vous
des pistes de solution? Parce que, dans le projet de loi, il y a présentement,
là... bon, M. le ministre nous dit qu'il y aura un règlement, il y aura une
politique, mais il n'y a pas rien pour les villes, présentement, ça fait que
comment vous voyez ça?
M. Vallée (Michel) : Bien,
moi, je pense que c'est... Il faudrait voir ce qui pourrait être fait à ce
niveau-là. Je ne peux pas parler, là, pour le gouvernement en place et pour le
projet de loi comme tel, au niveau de ce qu'il pourrait... de ce qu'il est
actuellement. Moi, je peux juste vous dire que la majorité de nos terrains, de
nos milieux de pratique sont les municipalités. En ce moment, le projet Racines
plurielles, que je vous ai présenté tantôt, se fait à la demande du MIFI, dans
les municipalités, avec un organe municipal important qui sont les
bibliothèques municipales. Et c'est par là qu'on passe le projet Racines plurielles.
Donc, les municipalités ont un rôle clé à jouer, un rôle très important, et on
le voit également dans la mobilisation citoyenne : dès que la ville porte
un projet, les citoyens et les organisations sont là. Donc, oui, les
municipalités ont un rôle important à jouer.
M. Morin : Je vous remercie.
Dans le projet de loi, au chapitre VI, il y a deux articles qui traitent du
financement et qui dit, entre autres, que le gouvernement "peut déterminer
par règlement, parmi les formes d'aides financières que peuvent octroyer les
organismes auxquels la Politique nationale sur l'intégration, la nation et la
culture commune s'appliquent, celles dont l'objet doit être compatible avec le
modèle québécois d'intégration nationale et ses fondements. Il n'y a pas, comme
tel, de définition du modèle québécois d'intégration nationale. Il y a des
éléments qui nous décrivent un peu quelles peuvent être ses composantes. Est-ce
que, pour vous, c'est trop vague, est-ce que ça pourrait faire en sorte que le
gouvernement pourrait arrêter de financer, justement, des projets qui ne
seraient pas en lien avec le modèle québécois? Puis c'est quoi, pour vous, le
modèle québécois d'intégration nationale?
M. Vallée (Michel) : Aujourd'hui,
je n'oserais pas... je n'oserais pas aller sur ce terrain-là, simplement parce
que j'ai des collègues spécialistes en la matière qui le font très bien,
actuellement, et je m'en remets bien entendu à eux par rapport à la définition
du modèle québécois. Ce que je peux, par contre, vous réitérer, que j'ai
mentionné à l'intérieur de ma présentation tantôt et dans quelques éléments de
réponse depuis les dernières minutes... Pour moi, il est important que, dans ce
modèle québécois là, on ait une conversation, on soit en conversation, en interculturalisme,
bien sûr, mais qu'il y ait une réelle conversation entre les Québécois de plus
longues et de plus courtes racines, pour réutiliser mon expression de tantôt.
Et, pour le reste, bien entendu, nous serons disposés à travailler avec les
différents comités qui seront mis en place, peut-être, pour pouvoir aller plus
loin dans cette réflexion du modèle... À ce moment-là, nous pourrons nous
asseoir à la table et travailler avec grand plaisir, parce qu'on a beaucoup
d'expérience sur le terrain, on sait de quoi... de quoi on parle, bien sûr, à
ce niveau-là, mais, ici, ce matin, je pense que je me sentirais plus à l'aise
de laisser cette spécialité-là à mes collègues des autres secteurs.
M. Morin : Bien. Vous avez
parlé aussi dans... l'importance de faire disparaître des silos. Pouvez-vous
nous en dire davantage sur les moyens que vous utilisez? Parce qu'effectivement
parfois il arrive, quand il y a des activités de différentes communautés
culturelles qu'il y a... On a l'impression que c'est... au fond, c'est les
membres de la communauté qui sont là, donc c'est moins... c'est moins évident
pour le dialogue, le partage. Quelles seraient vos pistes de solution?
M. Vallée (Michel) : La
formation. Vous savez, tantôt on m'a posé la question à savoir : est-ce
que ce projet de loi là est important. J'aurais pu ajouter à cette réponse-là
que toute la portion de la formation l'était. Pourquoi? Parce que vous parlez
de...
M. Vallée (Michel) : ...interculturalisme,
et, de la façon parfois dont on le définit mal ou maladroitement, c'est que,
vous savez, les gens des différentes collectivités, des villes à travers le
Québec font un travail formidable, mais ils gèrent tellement de choses en même
temps qu'il leur faut avoir un modèle sur lequel s'accrocher, sur lequel
s'inspirer. Et ça, c'est par la formation, entre autres. Et, quand je dis
formation, je ne parle pas uniquement de donner des cours. Ça peut être par des
outils qui sont déployés, qu'on peut déployer pour permettre aux gens de saisir
tous les tenants et aboutissants de cette complexité-là qu'est... que
représente l'intégration ici, au Québec, mais partout à travers la planète.
Donc, cette formation-là, pour moi, est essentielle, est importante pour
permettre justement aux gens de mieux saisir c'est quoi, l'interculturalisme.
• (11 h 50) •
Vous savez, tantôt, je vous donnais
l'exemple... c'est un exemple qui est tiré d'exemples personnels, où j'ai
participé à des actions dans certaines municipalités du Québec, qui ont fait un
travail gigantesque, mais où chaque... chaque communauté culturelle avait sa
tente, avec ses activités à heures bien précises, et il n'y avait aucune action
pour permettre l'échange entre eux. Et c'est là qu'est la différence entre le
multi et l'interculturalisme, et c'est là-dessus qu'il faut travailler. La
formation peut nous aider à le faire et, de peur de me répéter, la médiation
culturelle également.
M. Morin : Non, mais... Oui,
bien, c'est intéressant parce qu'effectivement... puis j'y faisais... j'y
faisais un petit peu référence tout à l'heure, tu sais, quand on va dans
certaines activités, effectivement, on a les différentes communautés, mais ils
sont comme tous ensemble, ils sont comme segmentés, puis, au fond, ce n'est pas
ça qu'on veut. On veut qu'ils soient... On veut qu'ils soient tous ensemble.
M. Vallée (Michel) : ...à
donner. On a une coche de plus à donner.
M. Morin : Cette
formation-là, bien, il faut évidemment que les gens qui vont organiser ces
activités-là en soient sensibilisés. Mais, pour vous, est-ce que c'est les
villes qui devraient la donner? Est-ce que ça devrait venir du ministère vers
les villes? Est-ce qu'il pourrait y avoir un enjeu d'uniformisation? C'est
quoi, vos recommandations là-dessus?
M. Vallée (Michel) : Moi, je
pense qu'il y a en effet un enjeu d'uniformisation, mais, après, il y a un
enjeu également d'adaptation aux réalités de chacune des régions, de chacune
des villes. Vous savez, l'immigration ne se vit pas de la même façon à Val-d'Or
que dans le... que dans le quartier Ahuntsic à Montréal. C'est important
d'adapter cette formation-là, d'avoir une base commune. Qui peut donner cette
formation-là? Nous, nous souhaitons qu'elle soit donnée rapidement à l'ensemble
de la collectivité, que ce soit au niveau des élus, par exemple, et là l'Union
des municipalités du Québec ont un rôle à y jouer, bien entendu, mais que ce
soit aussi auprès des différents groupes sociaux et à la population en tant que
telle aussi. Des organisations comme la mienne, à Culture pour tous, on peut
jouer ce rôle avec des partenaires que nous avons dans le milieu. Plusieurs
organismes au Québec sont en mesure de jouer ce rôle. Moi, je vous dirais
qu'une des façons serait peut-être de rencontrer ces organisations-là, dont la
nôtre, pour que nous puissions ensemble bâtir un idéal de formation, de suivi
et d'outil pour nous permettre d'aller encore plus loin là-dessus. Je suis
persuadé qu'avec l'apport de tous nous serons en mesure de bâtir quelque chose
de très solide à ce niveau-là...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci.
M. Vallée (Michel) : ...qui
pourra servir de base pour la suite.
M. Morin : Merci beaucoup, M.
Vallée.
M. Vallée (Michel) : Merci à
vous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. Alors, nous allons conclure
avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, qui bénéficie d'une période de
quatre minutes huit secondes.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre excellente présentation,
votre travail sur le terrain également. Tout à l'heure, vous disiez, là :
Encore faut-il qu'on s'entende sur de quoi on parle dans l'interculturalisme.
Vous disiez : Il y a peut-être différentes visions, différentes
définitions. Puis moi, je regardais le projet de loi, puis on en parlait hier
un petit peu, où il y a une instance ou une... disons, une mention de
définition par opposition, hein, comme : Ceci n'est pas du
multiculturalisme. Est-ce que, dans votre lecture du projet de loi telle que
vous l'avez faite, vous voyez une lecture assez claire de ce qu'on vise, de ce
que c'est visé que l'interculturalisme? Puis est-ce que cette définition-là est
en lien avec la vôtre?
M. Vallée (Michel) : Il
faudrait pouvoir aller encore plus loin dans les discussions là-dessus. Moi,
je... les éléments que j'ai voulu apporter aujourd'hui sont des éléments pour
pouvoir pousser la réflexion encore... encore plus loin, mais je veux souligner
quand même que, si on peut en discuter aujourd'hui, c'est que les bases de
réflexion sont là dans le projet de loi.
M. Cliche-Rivard : Donc, vous
sentez que les bases sont là mais qu'on a... puis c'est toute la matière que
vous nous apportez aujourd'hui dans votre mémoire notamment puis les
recommandations, qu'on doit aller quand même un petit peu plus loin dans ce
qu'on... ce qu'on entend comme concept, là.
M. Vallée (Michel) : Je n'ai
pas voulu faire d'opposition ou de comparaison avec ce que j'amène versus le
projet de loi, parce que j'ignore quels étaient les...
M. Vallée (Michel) : ...l'intention
de ceux qui ont rédigé directement les différents articles dans le projet de
loi. Vous savez, il y a un article, il y a des intentions derrière. Je pense
que, par contre, ce que j'ai voulu apporter aujourd'hui, c'est ce vers quoi on
pourrait continuer la réflexion pour bonifier le tout, oui.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Dites-moi, vous nous avez quand même beaucoup parlé de la place de notre
culture dans la part ou en tout cas dans le modèle d'intégration, puis dans ce
qu'on est, puis de ce qui nous définit. Vous n'êtes pas sans avoir vu comme moi
les différentes manchettes des dernières semaines, des derniers mois sur la
difficulté du monde culturel. On avait le premier dimanche par mois, notamment,
des musées, là, qui était gratuit, qui a été coupé. Il y a ce qui se passe dans
le domaine musical, le culturel, les théâtres qui réduisent leur programmation.
Quel message ça envoie, ça? Alors qu'on peine à défendre et à développer notre
propre culture face au modèle d'intégration, est-ce qu'il n'y a pas là une
contradiction?
M. Vallée (Michel) : Moi, je
vais vous répondre par une question : Quel message envoie-t-on aussi au
même moment, alors qu'on décide de travailler, de donner une intensité plus
forte sur la découvrabilité de nos contenus culturels? De quel... De quel
message on envoie quand on traite vraiment des sujets qui sont d'actualité avec
l'intelligence artificielle notamment? Vous savez, juste sur la découvrabilité,
là, il y a tellement à faire. Et, en ce moment, je ne veux pas ni excuser le
gouvernement ni expliquer ce qu'il fait, il le fait avec les cadres et les
données qu'ils ont. Mais nous, en tant que... en tant que collectivités, on a
un rôle à jouer. Vous savez, si, en ce moment, il y a des problèmes qui se
passent au niveau financier dans les... pour les artistes, il y a la part
gouvernementale qui pourrait être augmentée, bien entendu. Mais il y a aussi la
part de chacune des Québécoises et de chacun des Québécois qui pourrait être
augmentée. On pourrait aller beaucoup plus aux spectacles. On pourrait acheter
la musique plutôt que de la consommer gratuitement sur les différentes
plateformes. Et, ça, pour moi, c'est important. Vous savez, le gouvernement est
là pour nous donner des lignes. Et, faites-vous-en pas, je suis très critique
par rapport à ce gouvernement, à tout gouvernement aussi, mais quand les choses
sont faites pour tenter d'améliorer les choses, je ne peux que saluer. Et, vous
savez, pour moi, l'engagement, il vient aussi de la collectivité et de la
communauté. Et, je le répète, on a un rôle à jouer. Quand on donne des cadeaux
d'anniversaire ou de mariage ou peu importe, pourquoi ne pas donner l'objet
d'une œuvre d'art ou donner un spectacle en cadeau ou donner un disque en
cadeau? Le retour du vinyle est en force. Allons pas juste vers le... vers
l'usager. Allons vers le neuf que créent les artistes québécois. C'est aussi
ça, la sauvegarde de notre culture. C'est l'engagement qu'on va y avoir en tant
que Québécoises, en québécois. Et, comme je terminais tantôt...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci...
M. Vallée (Michel) : ...je
tiens à la culture, donc j'y investis aussi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Vallée. Vous nous donnez des idées. On a
des mariages cet été, là! Alors, à nouveau, pour l'ensemble des parlementaires,
merci pour votre apport à nos travaux.
Je vais suspendre quelques instants, le temps
de recevoir les proches des invités. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 57)
(Reprise à 12 h 01)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, nous recevons de l'organisme
Vision Diversité, Mme Aïda Kamar. Bienvenue, Mme Kamar. Alors, pour
les 10 prochaines minutes, évidemment, vous allez pouvoir vous présenter
et donner les grandes lignes de votre mémoire, votre argumentaire sur le projet
de loi. Par la suite, bien on va débuter une période de questions, réponses,
commentaires avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Mme Kamar (Aïda) :
Merci, Mme la Présidente. Mesdames, messieurs, je suis très heureuse de porter
vers vous ma voix d'immigrante de 35 ans. Je n'ai pas 35 ans, comme
vous pouvez bien vous en douter, mais j'ai 35 ans de Québec, 35 ans
de choix de ce... de cette société qui m'a interpelée parce que dans mon pays
d'origine, initialement le Liban, initialement, c'est un pays qui fut
profondément francophone. Il a participé et ce fut un des membres fondateurs de
la francophonie aux côtés de Senghor. Et le Liban avait une double... un
bilinguisme solide. Autant on parlait en arabe, autant nos enfants
grandissaient en français. Des enfants de trois ans pouvaient tomber et se
faire mal en français, s'exprimer en français, dire leurs émotions en français.
C'est dans cela que j'ai grandi. C'est dans cela que le français est devenu
pour nous, au-delà d'une langue de communication, une façon d'être, de vivre,
de partager, de croire en certaines valeurs. Et dans un pays profondément
entouré, majoritairement, par des pays arabes souvent musulmans, d'accord,
c'était un peu notre porte vers l'Occident et vers une autre culture et une
autre civilisation.
Dans ce pays, j'ai vu... Évidemment, je
suis une femme de terrain et de bataille. Je me suis battue parce que j'avais
entre les mains un dossier de la Francophonie. Et c'est par le dossier de la
Francophonie que j'ai connu le second sommet au Québec. On était là à
l'Assemblée nationale. Je n'étais pas Québécois à l'époque, mais je suis venue
porter le souci de la francophonie en pleine période de guerre. C'était le
second sommet de la Francophonie. Depuis, j'ai vu une société perdre sa
francophonie. J'ai vu des gens, des jeunes essentiellement cesser
majoritairement de s'exprimer en français, même s'ils continuent à aller très
solidement... Le système éducatif au Liban est encore très solide et très
francophone. Ils vont à l'école en français, mais c'est le seul lieu où se
passe le français, à part évidemment une certaine génération qui est la mienne.
Donc, ça m'a fait prendre conscience que ça se perd. Et je n'ai pas voulu que
mes enfants ne grandissent ni ne poursuivent dans un lieu qui ne me ressemblait
plus. D'où mon arrivée au Québec. J'ai choisi un Québec francophone. J'ai
choisi un Québec résilient dans sa francophonie, c'est-à-dire soucieux de
garder une identité, une culture...
12 h (version non révisée)
Mme Kamar (Aïda) : …une langue
et de la faire partager. Partant de là, lorsque j'ai fait… je suis arrivée au
Québec avec ma famille, c'était il y a 35 ans, en 1990. Et, pendant 10 ans,
j'ai été sur le terrain. J'ai connu tout ce qui faisait la société québécoise
dans son immigration, dans sa diversité, dans tout ce qui se vivait. Et puis j'ai
compris, au bout de 10 ans, que nous ne ferions jamais une société commune
si nous continuons à ne pas dire clairement ce qu'est le Québec. Il y a eu
plusieurs tentatives, parce que j'ai toujours été très proche de plusieurs
cabinets ministériels, de multiples partis et de multiples choix politiques. Je
ne fais pas de politique, je fais de l'engagement au niveau d'un dossier.
Je réalisais qu'il y avait eu beaucoup de
vœux, beaucoup de tentatives, mais qu'elles ne se sont jamais réellement
concrétisées. C'est vous dire qu'au moment où j'ai vu le ministre Roberge je ne
connaissais pas, je ne savais pas qu'une loi de l'intégration à… la loi 84
était déjà prête. Lorsque je l'ai vu en conférence de presse dire clairement :
Nous voulons dire «Notre Québec», Nous voulons clairement expliquer à ceux qui
viennent nous rejoindre ce que nous sommes, qui nous sommes, ce que nous sommes
prêts à leur donner et ce que nous attendons d'eux, j'ai réalisé que nous
étions peut-être sur quelque chose que nous attendions depuis longtemps, d'où
ma profonde conviction que cette loi 84 est absolument nécessaire.
Partant de là, je me suis penchée sur
cette loi. Mais avant, je vais vous dire que j'ai été très touchée, alors qu'il
avait très, très peu de temps, dans une conférence de presse, de l'entendre
dire : Pour nous, une culture commune, c'est Tremblay, mais c'est aussi
Kim Thúy. D'évoquer l'organisme que je représente parce que nous l'avions
invité à partager une soirée qui s'appelait La Veillée, présentée ici même au
Grand Théâtre de Québec et dans laquelle des artistes de toutes origines, qui
normalement chantent dans toutes les langues, reprenaient de grands moments de
chansons québécoises et les revisitaient dans leurs rythmes à eux. Ils
découvraient la culture québécoise, ils se l'appropriaient, et ils la
reprenaient, ils la revisitaient dans leur monde à eux, disant à l'ensemble du
Québec : Hé! Nous sommes d'ici. Cette culture, nous en faisons partie.
Nous y apportons quelque chose, mais nous en… nous en faisons étroitement
partie.
Et c'est là qu'en donnant ces quelques
exemples, j'ai compris que, lorsque le ministre parlait de réciprocité, lorsque
le ministre parlait d'engagement partagé, de culture commune et de politique
nationale, ça pouvait… Parce que je reviens avec certains bémols, mais quelle
est la loi qui n'a pas ses bémols et qui n'a pas besoin d'aller plus loin au
niveau de certains grands concepts, de politique nationale, tout ceci est au
cœur de ce dont on a besoin.
Et, avant de passer à un commentaire au
niveau de la loi elle-même, j'aimerais vous faire part d'une expérience. J'ai
voulu… Un jour, j'étais à Paris, j'ai voulu voir comment est-ce qu'on présente
le Québec. J'étais déjà Québécoise. J'ai été à l'ambassade et j'ai assisté à
une séance ouverte aux gens intéressés d'immigration. Et j'ai réalisé qu'on
vendait le Canada comme la terre où tout est possible. Prenez vos affaires,
venez avec votre culture, votre langue, vous installez là et vous serez
heureux. Hé! les amis, il y a une société, il y a une culture, il y a une
langue. Elle n'a pas été évoquée, je peux vous le jurer. Peut-être que ça va
mieux aujourd'hui. C'était il y a 15 ans, peut-être qu'aujourd'hui on fait
mieux les choses. Je ne sais pas, je n'ai plus suivi. Mais ce jour-là m'a
beaucoup fait réfléchir parce que je me suis posé la question : Sommes-nous
suffisamment clairs lorsque nous accueillons nos immigrants, tant à l'extérieur
que chez nous à leur arrivée? Et je crois qu'une loi de clarté, non pas une loi
fermée, la société québécoise n'est pas une société assimilationniste. Ce n'est
pas vrai. La société québécoise n'est pas une société fermée et chauvine. C'est
une société qui se veut ouverte, accueillante, à condition qu'à la base on
sauvegarde ce pour lequel chaque Québécois, depuis 450 ans, s'est battu.
Donc, partant de là, pour ma part, j'aimerais
juste vous revenir à la loi, à certains moments, dans ces moments-là, ce que je
voudrai, par exemple, c'est que, déjà, dès les notes explicatives, lorsqu'on
parle d'intégration nationale, moi, j'aurais ajouté qu'elle se doit d'être obligatoirement…
je suis dans les notes explicatives…
Mme Kamar (Aïda) : ...qu'elle
se doit d'être nécessairement interministérielle. C'est vrai qu'on l'évoque par
la suite rapidement, mais je crois que ça fait partie des principes de base.
Cette loi a des chances d'être concrète à partir du moment où elle est
coordonnée par un ministère, mais partagée par l'ensemble des ministères. On y
parle beaucoup de culture, peut-être d'éducation, mais il faudra parler aussi
d'emploi, il faudra parler d'immigration. Donc, c'est véritablement un effort
collectif, et ministériel, et civil, parce qu'il y a énormément d'organismes
sur le terrain qui peuvent lui être d'un important support.
Alors, que fait Vision Diversité
là-dessus? Et je reviens à la loi. Vision Diversité, comme le nom l'indique,
c'est même un nom moche à mon regard parce que ça fait un peu optique, on a
l'impression de voir des lunettes, Vision Diversité, c'est voulu Vision
Diversité, pour apporter une autre vision de la diversité, notre diversité et
notre réalité. Oui, il y a du monde venu de partout à travers le monde, sauf
qu'il y a aussi un terreau, excusez l'image. Nous avons bâti un terreau, et,
dans ce terreau, il y a des racines qui nous viennent de partout et qui
viennent s'enraciner dans le terreau. On a souvent tendance à laisser les
racines dans des pots, à ce que même les politiciens aillent les arroser dans
chacun des pots, parce que ça fait bien, parce qu'il y a de belles fleurs qui
poussent, sauf que, dans un pot, les racines dépérissent. Et ce n'est même pas
à l'avantage des immigrants de rester dans le pot. Pour pouvoir fructifier les
racines, il faut les arracher du pot, casser le pot, même s'il y a un petit
geste de violence, qui permet de sortir d'un petit confort, d'un petit cocon dans
lequel on se trouve et de prendre ses racines, de leur dire : Vous êtes
précieuses. Et le «vous êtes précieuses» est très important dans cette loi. Il
faut constamment répéter qu'il y a une place aux apports de ces multiples
racines et planter les racines dans le terreau. Vision Diversité est un
organisme qui a choisi, avec les artistes et avec les jeunes, de leur apprendre
à découvrir le terreau, à réaliser qu'ils ont chacun d'eux sa place dans le
terreau, parce que nous nous adressons à des gens majoritairement de toutes
origines, ils ont leur place dans le terreau et que ces racines sont là pour se
nourrir du terreau et pour enrichir le terreau. Voilà.
• (12 h 10) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci…
Mme Kamar (Aïda) : Voilà.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Sur ces bons mots, Mme Kamar, merci beaucoup pour votre
explication. Nous allons entamer la période de discussion avec les
parlementaires et on va commencer avec le ministre et la banquette
gouvernementale. Vous avez 16 min 30 s au total. Le micro est à
vous.
M. Roberge : Merci beaucoup.
Merci beaucoup, Mme Kamar. J'en aurais pris encore de votre présentation. C'est
remarquable de vous voir aller, vous savez de quoi vous parlez. C'est un sujet
que vous maîtrisez depuis longtemps. Vous êtes… y allez sans notes, avec
quelques… quelques notes, là, juste pour être certaine. Mais vraiment, on sent
que vous êtes passionnée par l'accueil, l'intégration, les relations, les
échanges.
Beaucoup aimé le moment où vous avez dit…
vous avez constaté une erreur flagrante où le Canada ou le Québec disait :
Bien, venez ici, puis apportez… vous n'aurez pas à vous intégrer, en réalité.
C'est comme si, ici, on était une terre en friche.
Mme Kamar (Aïda) : C'est ça…
M. Roberge : C'est comme si
toutes les nations existaient, toutes les cultures existaient, sauf la nôtre.
Ça me fait penser, là, à la citation tristement célèbre de Justin Trudeau qui
disait que le Canada est un pays postnational. Pas sûr que c'est vrai.
Peut-être le reste du Canada, mais sûrement pas le Québec. Donc, c'est une
grave erreur de dire ça. On n'est pas une terre en friche, là, on existe. On
est… On est content d'accueillir des gens dans notre terreau, comme vous l'avez
si bien dit. Décidément, l'allégorie des racines fonctionne très bien quand on
parle de l'accueil des gens.
Vous avez parlé de la nécessité de parler
de la notion interministérielle. On est dans une loi-cadre, dans une loi même
fondamentale. Je veux vous rassurer à cet égard-là. Lorsqu'on est dans le
chapitre quatre sur la politique nationale, à l'article huit, on dit : «Le
ministre élabore, en collaboration avec les ministres concernés, puis soumet à
l'approbation du gouvernement…» Donc, à ce moment-là, tous les ministres
sont impliqués, la politique, puis après ça, on dit : Cette politique
s'applique aux organismes visés au paragraphe a de l'annexe un de la Charte de
la langue française. Ça a de l'air...
M. Roberge : ...technique,
mais là on couvre beaucoup de ministères, hein, quand on va voir, là, ce à quoi
ça fait référence : l'Agence de revenu du Québec, l'Autorité des marchés
financiers, l'Autorité des marchés publics, Bibliothèque et Archives nationales
du Québec, Bureau des enquêtes indépendantes, Centre de la Francophonie des
Amériques, centres régionaux d'aide juridique, Commission de la
Capitale-Nationale. Donc, déjà, on a touché à peu près cinq, six ministères. Je
veux vous rassurer, on est dans l'interministériel à fond la caisse.
Vous avez dit : Le projet de loi est
intéressant, mais peut-être, à certains égards, on devrait aller plus loin.
Bien, ça m'intéresse de vous entendre sur ce que vous avez à nous proposer ou
sur des questions sur lesquelles vous voulez des précisions pour voir si on va
assez loin, comment on devrait aller plus loin et mieux. Donc, j'aimerais ça,
vous entendre sur vos propositions.
Mme Kamar (Aïda) : En fait,
ce que vous avez dit, déjà, si je prends le point de l'interministériel, oui,
évidemment, dans l'annexe, c'est évoqué. Moi, j'aurais souhaité que, dès la
base, dès les premières considérations, on souligne que, lorsqu'on parle de
politique nationale, elle touche et elle concerne l'ensemble des ministères,
coordonnés par le ministère, par votre ministère, mais allant chercher la
dynamique de l'ensemble. Il ne s'agit pas simplement de faire dire : Ça
vous concerne, ça vous concerne. Ce que je voudrais, c'est qu'on sente, à tous
les moments, et ils sont... ils peuvent être nombreux, que la présence, par
exemple, dans le «Considérant que l'intégration culturelle et la promotion des
valeurs interpellent l'État, la population», etc., j'aimerais, au lieu de les
nommer comme ça, dire que ceci... que cette intégration et cette promotion se
fait à travers un travail interministériel, là où il y a la possibilité de
parler d'interinterministériel. Ça, ça concerne l'interministériel.
Là, pour moi, où vous cherchez à
interpeler, à convaincre des Québécois de toutes origines, là où ils vont se
sentir interpelés, c'est lorsqu'on verra, chaque fois que vous parlez de
culture commune, on verra l'insistance sur les apports multiples qui font
partie de cette culture commune. Je sais qu'en arrière-plan, tout est là, je
sais que c'est évoqué dans certains endroits, sauf que, lorsqu'on veut aller
chercher quelqu'un et faire qu'il se sente concerné, je crois que même
lorsqu'on est dans la redite, il serait important de le redire. Donc,
l'importance d'une culture qui n'est pas une culture québécoise et qui
dit : Vous avez fait votre place, venez nous rejoindre. Non. Une culture
québécoise en mouvement, une culture québécoise, j'adore... J'ai fait
travailler des jeunes sur la notion d'un Québec singulier, pluriel, singulier
parce qu'il est unique, parce qu'il a ses spécificités, parce qu'il faut
reconnaître tout ce qu'il est, mais pluriel parce qu'il a fait le choix de
s'ouvrir et de s'enrichir à multiples niveaux. Ma seule réticence, c'est
qu'on ne s'enrichit pas lorsque chacun reste chez soi.
Et c'est pourquoi je voudrais justement
vous dire que, pour moi, évidemment, ce n'est pas le multi, vous l'avez
longuement expliqué, mais ce n'est pas non plus l'interculturalisme. Et je
m'explique. J'ai longtemps... J'ai partagé la commission Bouchard-Taylor. J'ai
fait partie de tous les travaux, je faisais partie de sa commission officielle.
L'interculturel, pour moi, est une démarche, ce n'est pas une fin en soi. Il
faut de l'interculturel, il faut qu'on aille les uns vers les autres exactement
lorsqu'un couple se fréquente. On apprend à connaître l'autre, il apprend à
vous connaître. On a des milieux et des mondes différents. Mais une fois cette
démarche interculturelle réalisée, il y a à bâtir ensemble, et là la loi le
mentionne, l'idée de bâtir quelque chose en commun, sauf qu'elle ne va pas assez
loin dans cette mention. Au-delà de l'interculturalisme, il y a, on peut
l'appeler comme on veut, ça peut être de la diversité, ça peut être de
l'inclusion, ça peut être une société plurielle.
Le choix, parce que chacun de ces
concepts, vous allez vous retrouver avec des chercheurs qui vont vous sortir
avec de grands principes, de grands concepts, autant vous dire que, pour moi,
il y a le terrain, d'accord? Il y a quelque chose d'important, c'est qu'au-delà
de l'interculturalisme, il faut l'interculturalisme comme démarche, comme
écoute et dialogue. Mais au-delà de l'interculturalisme, il y a une société
commune. Quand on dit «interculturel», c'est qu'il y a des cultures et qu'elles
font l'effort de se connaître. Mais non, les amis, il y a une culture québécoise,
une seule, elle n'est pas fermée, elle n'appartient pas seulement aux Québécois
dits de souche. La culture québécoise est le produit, le fruit, le résultat de
nos efforts partagés pour bâtir quelque chose ensemble.
Voilà pourquoi je pense qu'il faut, tout
en passant par l'interculturalisme, aller vers une vision de culture commune,
une culture québécoise en mouvement...
Mme Kamar (Aïda) :
...dynamique, pas sclérosée, pas fermée, ouverte aux multiples apports et
ouverte à toute notre diversité, à condition qu'elle s'inscrive au cœur de
cette culture. Voilà. Excusez-moi, M. le ministre, j'ai été un peu à côté.
M. Roberge : Non, non.
Écoutez, la dernière chose que je veux, c'est couper votre élan. Donc, il faut
de l'interculturalisme pour arriver à une intégration nationale.
Mme Kamar (Aïda) : C'est
ça.
M. Roberge : C'est une
démarche très intéressante. Ce n'est pas la fin, ce n'est pas l'objectif.
Mme Kamar (Aïda) : Non,
ce n'est pas une fin en soi. Non.
M. Roberge : C'est le
chemin, pas la destination. J'aime bien cette manière-là.
Mme Kamar (Aïda) :
Gérard Bouchard ne sera pas content. Il ne sera pas d'accord avec moi. Ça a été
un de nos conflits pendant toute notre commission.
M. Roberge : Oui, mais on
additionne.
Mme Kamar (Aïda) : C'est
ça. Exact.
M. Roberge : On ne
soustrait pas. Il ne s'agit pas... Je pense que M. Bouchard a contribué de
manière extraordinaire aux travaux, hier, à la réflexion. C'est un précurseur.
On est tellement chanceux de l'avoir.
Mme Kamar (Aïda) :
Absolument.
M. Roberge : On est
tellement chanceux de l'avoir. Puis il y a plusieurs éléments
d'interculturalisme dans la loi, mais j'aime dire qu'elle va un peu plus loin.
Vous le dites autrement en disant que c'est la démarche et non la fin. On
s'entend. Vous avez dit tout à l'heure quelque chose qui m'a... qui m'a
vraiment ébranlé. J'ai vu une société perdre sa francophonie.
• (12 h 20) •
Mme Kamar (Aïda) :
Tristement.
M. Roberge : Vous ne
parliez pas du Québec.
Mme Kamar (Aïda) : Non,
je ne parlais pas du Québec, mais...
M. Roberge : Mais est-ce
que ça peut nous arriver...
Mme Kamar (Aïda) : Certainement.
M. Roberge : ...si on ne
change pas
notre modèle?
Mme Kamar (Aïda) :
Certain! Ça peut certainement nous arriver. Comme je vous le disais, je suis
une femme du terrain. Lorsque je travaille avec les jeunes, lorsque je
travaille avec les artistes, je suis constamment en train de les tirer vers le
fait... Vous savez, je travaille avec des artistes dans des musiques dites du
monde, dans lesquelles ils se disent dans toutes les langues, et je veux les
amener, tout en gardant leur identité musicale, à réaliser qu'on peut se dire
aussi en français, rester profondément ce qu'ils sont et intégrer cette langue
parce que c'est un ciment et parce qu'on a besoin. Et leur montrer non
seulement... Il n'y a pas de on doit. On n'enfonce une langue dans la gorge de
personne. On les amène à réaliser et à croire, un, que c'est du plaisir, deux,
que c'est leur intérêt. Et on y arrive. Avec les jeunes, c'est la même chose,
croyez-moi. Les jeunes sortent de leur classe à la porte de la classe, et j'ai
fait l'expérience, on croirait que c'est seulement à Montréal que ça se passe.
Ce n'est pas vrai. J'ai fait faire l'enquête au cœur même de Québec. À la porte
de la classe, ils sont tous à l'anglais. Leurs chansons sont en anglais, leurs
films sont en anglais, leurs... Tout est en anglais. Et si on doit les amener,
ce n'est pas en les forçant. On ne les forcera pas non plus.
Alors, ce qu'on a fait, tout simplement,
c'est leur faire découvrir multiples initiatives. Un sommet jeunesse dans
lequel ils parlent en français, des créations de théâtre, de musique, de
chanson, du rap, tout ce qui les intéresse. Ça m'est égal, la forme. Ce que je
veux, c'est qu'ils réalisent qu'on peut prendre plaisir à se dire en français,
qu'on peut dire ses émotions, qu'on peut parler à l'échelle internationale
parce qu'il y a une francophonie, qu'on peut s'engager, qu'on peut faire
beaucoup de choses en français et que ce n'est pas seulement une langue
d'obligation et de classe. Voilà.
Et ça, si on... si on n'est pas
vigilant... Parce que ce n'est pas en faisant une expérience, c'est une vraie
vigilance. Et d'où l'importance, vigilance en éducation, vigilance en culture,
vigilance en emploi. C'est la vigilance qui nous permettra de sauvegarder...
Vous savez, aujourd'hui, le Québec est l'unique, je pèse mes mots, l'unique
bastion de francophonie. Ne croyons surtout pas, parce que je le vis de très
près, que c'est la France qui nous donnera l'exemple. C'est au Québec que ça
peut se jouer. C'est le Québec qui peut être le porteur véritable d'une
francophonie active, ouverte à l'ensemble des pays francophones en Afrique, des
pays francophones en Europe. Moi, pour moi, c'est notre rôle. Je m'excuse, je
vais beaucoup plus loin. Mais voilà.
M. Roberge : Merci. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, on va poursuivre la
discussion avec la députée de Vimont. Il reste 5 min 18 s.
Mme Schmaltz : Parfait.
Merci, Mme la Présidente. Moi, j'adhère à tout ce que vous dites. Voulez-vous
m'adopter?
Mme Kamar (Aïda) : Avec
plaisir. Plus on est... Plus on est engagés et plus on arrive à faire des
sommes.
Mme Schmaltz : Ah! Que de
bonheur de vous écouter ce matin. Merci aussi d'être... d'être présente, hein?
C'est toujours apprécié quand... les gens, quand ils viennent en présentiel.
Alors...
Mme Kamar (Aïda) : Ce
n'est pas la même chose.
Mme Schmaltz : Non, ce
n'est pas la même, je confirme. Vous avez donné certaines définitions à
l'interculturalisme, qui est une méthode, qui n'est pas une fin en soi. Bref,
vous nous avez mis un peu dans un contexte un peu différent, hein, de ce qu'on
a peut-être entendu dernièrement. Vous... Vous mettez à l'avant-plan, le
besoin, bon, un peu l'altérité, hein? Disons qu'on peut parler d'altérité dans
ce cas-ci. J'aimerais savoir...
Mme Schmaltz : ...de quelle façon
maintenant... quand on parle d'intégration, quand on parle de société
québécoise, bon, tout ce que vous avez énuméré, comment on fait le pont,
comment on peut faire le pont? Parce que je me mets à la place d'une personne
immigrante, hein, mes parents le sont, j'en suis aussi, vous l'êtes, donc il y
a quand même un pont à franchir. Même si la langue est le français, peu
importe, il y a toujours le pont à franchir, surtout en matière de
connaissance, hein, de la culture. Ça, je pense que c'est une priorité aussi.
C'est... Qu'est-ce qu'on met en place pour justement aider à cette
intégration-là?
Mme Kamar (Aïda) : Écoutez,
moi, pour moi, il y a une chose qu'on n'a pas encore faite jusqu'à présent, on
n'a pas commencé l'intégration avant que les immigrants n'arrivent dans le
pays. Pour moi, au moment où une demande d'immigration est faite — et
le Québec a son mot à dire là-dessus — au moment où ceci est fait, il
y a une année, deux années, parfois, qui passent où la personne est prête à
tout, mais a tout pour pouvoir être acceptée. Pendant ce moment-là, c'est là
qu'il y a des rudiments de français qui doivent être faits avant le début de la
francisation chez nous. Et dans ces rudiments-là, ça doit être des personnes
très choisies qui vont faire communiquer les valeurs, ce qu'est le Québec, sans
les mettre dans un contexte où soit ils disent : Non, non, ça ne me
ressemble pas du tout, je n'ai rien à faire là-dedans, d'accord? Ou bien ils
disent : Oui, je peux.
Maintenant, évidemment, il y a des
déplacés, il y a des guerres, je prends le cas d'immigrants volontaires,
d'accord, parce que ce n'est pas la même chose. Quand parfois on est obligés de
partir, on est obligés de partir et... mais il y a nécessairement quelque chose
qui doit se faire avant. Parce que lorsqu'une personne arrive, on l'a tous
vécu, c'est tellement difficile de commencer à s'installer, de trouver du
travail, d'organiser ses enfants, etc., que ce n'est pas le moment de se
dire : Est-ce que je fais partie de... je ne fais pas partie... ce n'es
pas là. Par contre, lorsque j'arrive et que je sais où j'arrive, lorsqu'on a
pris les moyens de dire clairement ce qu'est le Québec, et quand je dis :
Dire ce qu'est le Québec, de grâce, ça veut dire un Québec ouvert. Je ne parle
pas d'un Québec qui dit : Écoutez, moi, je suis ça, vous voulez, vous
voulez, vous ne voulez pas, restez chez vous. Ce n'est pas vrai, qu'est-ce que
c'est que le Québec comme terre d'accueil, mais quelles sont les bases
nécessaires pour qu'on puisse vivre ensemble. Et partant de là, le mot clé est
«vivre ensemble». Tous les éléments qui permettent un vivre ensemble depuis
l'accueil... Moi, personnellement, je changerais le nom du ministère de
l'Immigration, mais ça, c'est une autre paire de manches.
Mme Schmaltz : Pour lequel?
Mme Kamar (Aïda) : Je l'ai
déjà discuté longuement dans le temps avec Kathleen Weil qui m'avait demandé
conseil, avec qui j'avais travaillée. Pour moi, il y a immigration, inclusion,
diversité. Ce sont trois étapes d'un ministère. On commence par recevoir. On a
comme mandat d'intégrer et, dans cette intégration, de développer une vision
d'un Québec qui est celui d'un Québec divers, ouvert, etc.
Donc, deuxième étape l'école. L'école, on
ne saura jamais assez dire combien la loi 101 est une aubaine. L'école,
mais nos enfants, tous dans un même bain. Maintenant, ça ne suffit plus.
Aujourd'hui, l'école fait face à de nombreux moments dans lesquels il y a des
possibilités de faire de nos enfants des petits Québécois. Or, ce n'est pas le
cas. Honnêtement, croyez-moi, les jeunes qui sortent de l'école lorsque vous
leur dites : Bon, vous, en tant que Québécois, première réaction : Ah
non, non, moi, je suis Africain. Ah non, non, moi, je suis... Est-ce que... Ah!
tu n'es pas né ici? Ah! si, si, je suis né ici, mais mes parents sont...
Donc, comment enlever cette loyauté au
pays d'origine qui est mythifiée par une action réelle dans laquelle ils
découvrent qu'est-ce qu'il a à apporter ici? Et c'est la même chose au niveau
du travail, c'est la même chose. Il y a un chantier à prendre, à se dire :
Voilà comment ce principe va s'appliquer et d'où mon insistance pour
l'interministériel.
Mme Schmaltz : Pensez-vous
que la médiation culturelle peut rentrer et aider, justement, cette...
Mme Kamar (Aïda) : C'est un
des... plus on se parle et mieux on se comprend, d'où l'importance... et,
excusez-moi, l'interculturalité n'est pas un moyen, c'est une démarche. Un
moyen, c'est ce qu'on utilise de temps en temps. Une démarche, c'est un choix
qu'on fait par étapes pour arriver à une autre fin.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, je dois vous arrêter. La partie
gouvernementale... leur temps est terminé. Je me tourne du côté de l'opposition
officielle avec le député d'Acadie pour 12 min 23 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour, Mme Kamar. J'étais très heureux d'entendre que
vous êtes du Liban. Dans ma circonscription d'Acadie, il y a une très grosse
communauté libanaise avec qui je suis en contact...
M. Morin : ...sur une base
régulière...
Mme Kamar (Aïda) : D'ailleurs,
souvent dans les ministères, on appelle Saint-Laurent Saint-Liban.
M. Morin : Oui, puis j'ai une
partie de ma circonscription dans le Saint-Laurent également, alors tout à fait
des gens avec qui j'aime beaucoup échanger. Je voudrais savoir, et vous qui
avez fait référence rapidement, mais il y a un élément dont le projet de loi ne
parle pas, et j'ai posé des questions là-dessus hier, c'est tout le volet
socioéconomique quand on veut intégrer des gens. Et je me demandais si ça ne
serait pas important de le dire et d'en faire un... finalement, un des piliers
de l'intégration nationale, parce qu'il m'apparaît que oui, parler français,
c'est essentiel, on s'entend tous là-dessus, là, mais si les gens n'ont pas
d'emploi, ça devient très difficile par la suite. Puis j'aimerais ça vous
entendre là-dessus. Est-ce que vous pouvez nous partager votre expérience?
Qu'est-ce qui devrait être fait? Est-ce qu'on devrait l'inclure et comment?
• (12 h 30) •
Mme Kamar (Aïda) : Je suis
profondément convaincue que c'est une des dimensions qui manquent. Elle fait
partie de mes notes, justement, et je m'apprêtais, après ce passage, à faire le
relevé des notes. J'attendais de vous écouter et d'écouter vos questions pour
pouvoir compléter ce que j'ai à dire. Mais je crois que la dimension
socioéconomique, le monde de l'emploi, le monde du travail, c'est une
nécessité. L'intégration passe par là aussi. Il ne suffit pas... La culture,
oui, l'éducation certainement parce que nos jeunes grandissent là, mais le
monde économique, le monde du travail est absolument nécessaire pour une
intégration. Donc, c'est pourquoi aussi, pour moi, le ministère de l'Économie,
tous les ministères touchés directement par l'emploi et le travail sont
nécessaires dans ce cercle de coordination.
Mais j'aimerais vous dire une chose aussi.
Il y a ceux qui arrivent et qui doivent être soutenus dans le monde du travail
et il y a ceux qui sont là et qu'on n'utilise pas suffisamment, parce que, si
on les utilisait, ils feraient partie de cette grande culture commune, culture
ne voulant pas dire culture, mais société commune, d'accord? Nous avons le
monde à portée de main par le biais de nos gens d'affaires et par le biais de tout
ce monde là, économique. Le monde à portée de main, c'est-à-dire le fait que
des gens d'ici qui ont une expérience internationale sont capables de
travailler avec nos grandes entreprises dans multiples régions. Il se fait des
choses absolument magnifiques dans nos régions au niveau de la production
économique. Nous avons de la grande performance, sauf que ça reste souvent...
Il y a un manque, à part la jeune génération, mais il y a un manque de
politiques, de formation internationale. Or, la formation internationale, nous
avons des ponts, et ça permettrait de faire cette coupure qui me tient vraiment
beaucoup à cœur entre Montréal et les régions. Elle n'est pas normale. Il faut
absolument qu'il y ait des choses qui lient autant au niveau de la culture que
de l'économie que du travail les régions, Montréal, Québec. On ne bâtit pas une
société commune. Un de mes jeunes m'a dit : On ne bâtit pas un nous. Je
lui ai dit : Qu'est-ce que c'est «nous» pour toi? Il me dit : c'est
n-o-u-s, nos origines, une société. Et nous avons beaucoup travaillé le nous.
Et le nous, il est à multiples niveaux et il est à multiples territoires. Je
crois qu'on s'est volontairement ou involontairement compartimenté. Et
qu'aujourd'hui, dans nos régions, je me le suis fait dire : Montréal, ces
immigrants, ces problèmes, ces etc. Ce n'est pas ça. On réalise, des enquêtes
ont été faites, que les gens qui ont le mieux réussi venant d'ailleurs sont en
région. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas le cocon fermé de leur communauté.
Quand on arrive à Montréal et qu'on peut arriver à voir sa famille, travailler,
vivre ou mourir sans avoir aucun lien avec la communauté québécoise, des
questions sont à poser. Donc, aujourd'hui, lorsqu'on arrive et qu'on va en
Gaspésie, on est minoritaire et, par conséquent, on s'adapte, on donne, on
prend. C'est ça, ce que cette loi d'intégration est capable de donner à tous
les niveaux, y compris l'économie et le travail dont vous parlez.
M. Morin : Merci. Donc
évidemment, ici, vous...
Mme Kamar (Aïda) : J'ajouterais.
M. Morin : Oui, allez-y,
allez-y.
Mme Kamar (Aïda) : Oui, mais
j'ajouterais une dimension. Si vous voulez, je suis prête à faire l'exercice,
quelque part dans les chapitres, une plus grande insistance au niveau,
justement, de l'intégration à un niveau emploi parmi les responsabilités de
l'État. Maintenant, ce n'est pas l'État tout seul parce qu'il y a des
institutions, il y a des chambres de commerce, il y a du monde qui...
12 h 30 (version non révisée)
Mme Kamar (Aïda) : ...agir,
mais c'est une... la volonté reste une volonté de notre gouvernement. Voilà.
M. Morin : Eh oui. Parce qu'en
fait, quand on regarde le début du projet de loi, il est écrit, en fait,
clairement que «l'intégration réussie des personnes immigrantes repose sur une
responsabilité partagée entre celles-ci et la société d'accueil.» Bon. On peut
lire, entre autres, dans la société d'accueil, pas uniquement, mais sûrement le
gouvernement. Donc, je comprends qu'au niveau de l'immigration, une
planification de l'immigration est fondamentale?
Mme Kamar (Aïda) : ...
M. Morin : Et, ça, ça doit
être fait avec les régions, avec les municipalités...
Mme Kamar (Aïda) : Totalement.
M. Morin : ...pour être
capables de répondre notamment au marché du travail. Il y a eu beaucoup de
changements en immigration dans les derniers... dans les derniers 12 mois,
dernières années, tant au niveau fédéral qu'au niveau du Québec, là. Est-ce
que, pour vous, c'est un frein à l'intégration?
Mme Kamar (Aïda) : Écoutez,
personnellement, pour moi, il fut un temps où j'ai pris mes distances par
rapport à tout ce qui touchait à l'immigration, parce que je ne retrouvais plus
du tout ce que personnellement j'aurais fait. Donc, je me suis axée sur le
travail local, sur le travail ici, de notre société. J'ai été chercher des
artistes immigrants, des jeunes. Vous savez, dans nos écoles, à Montréal, dans
chaque classe, sur 30 élèves, vous en avez 25 qui sont de toutes origines.
Ce monde va grandir ensemble. Soit ils bâtissent quelque chose ensemble, soit
ce sera très grave. Il y a du travail à faire déjà localement. Mais, ce que
nous vivons localement est un éclairage qui peut éclairer ce que ça doit
devenir au niveau des exigences d'immigration. Et personnellement, comme je
vous le dis, peut-être qu'il y a eu des choses magnifiques qui ont été faites
et dont je ne suis pas au courant, mais personnellement, je crois qu'aujourd'hui
le ministère de l'Immigration joue un rôle essentiel comme plateforme de départ
de cette loi d'intégration.
M. Morin : Tout en arrêtant
de travailler en silos. Je vous ai...
Mme Kamar (Aïda) : Certains.
M. Morin : Je vous ai bien
compris.
Mme Kamar (Aïda) : Absolument.
À tous les niveaux, à tous les niveaux. Vous savez, on a beau, en tant que
ministre, en tant que député, circuler, aller, partager, etc. Il y a des gens
du terrain. Et je crois qu'il y a à aller chercher les gens du terrain, à aller
à leur écoute, à travailler avec eux. Écoutez, moi, je dois vous le dire, il y
a... je ne peux pas m'en plaindre, il y a 20 ans que je porte haut et
fort, parfois presque de façon ennuyante parce que je suis tout le temps là,
tous ces dossiers-là, dans multiples ministères, je ne me suis jamais vu une
porte fermée. Il y avait écoute, il y avait volonté, sauf qu'il manquait
justement cette dynamique globale, générale qui va nous amener tous... Et
peut-être que Trump en serait la raison. Il y a quelque chose qui va changer
là-dessus.
M. Morin : Je vous remercie.
Au niveau... Au niveau de l'emploi, est-ce qu'il y aurait également une réforme
à faire au niveau des ordres professionnels? Tu sais, quand vous parliez de
bien être capables de travailler en amont.
Mme Kamar (Aïda) : Totalement.
M. Morin : Parce que c'est
sûr que, si on dit à une personne, puis on comprend, c'est essentiel d'avoir
des ordres professionnels, ils sont là pour protéger le public, mais si on dit
à une personne : Ah! Bien, vous voyez, je ne sais pas, vous êtes ingénieur
chez vous, vous êtes dentiste chez vous, bien, venez, venez au Québec, puis que
là, la personne arrive, puis elle se ramasse chauffeur de taxi, là, ça va... ça
va un peu moins bien pour l'intégration.
Mme Kamar (Aïda) : C'est un
éternel problème.
M. Morin :
On s'entend. O.K.
Mme
Kamar (Aïda) : Rappelez-vous, remontons à quelques années, il y a des
années qu'on en discute, il y a des années que le problème n'est pas vraiment
résolu. Nous avons réellement un gaspillage humain. C'est... C'est une réalité.
Il y a de très hauts diplômés... Alors que nous manquons de ressources
humaines, il y a de hauts diplômés dans multiples secteurs dans lesquels il
faudrait peut-être revoir justement une collaboration avec les ordres, une
collaboration avec un changement de loi, d'admission, de reconnaissance des
diplômes. Il y a beaucoup de travail à faire là-dedans. Oui, en effet, une
intégration doit aussi passer par là.
M. Morin : Très bien. Je vous
remercie. J'ai une dernière question. Vous avez parlé évidemment de la culture
québécoise. Est-ce que vous trouvez que le projet de loi définit clairement ou
dit clairement ce qu'est le Québec?
Mme Kamar (Aïda) : Non. Je
pense qu'aujourd'hui il y a du travail à faire, là où se trouvent surtout «culture
commune», «culture québécoise». Si vous parlez à un immigrant, «culture
québécoise», c'est vous autres, et nous autres, c'est autre chose. Lorsque vous
dites à un immigrant, même quand il est là depuis des années : Toi, en
tant que Québécois, ah non, de un, parce qu'il y a une...
Mme Kamar (Aïda) : ...grosse
erreur et un grand malentendu, les immigrants, majoritairement, arrivent au
Canada, ils se considèrent Canadiens, et, par conséquent, faire en sorte qu'ils
se considèrent Québécois est une démarche à faire et je pense qu'il y a du
travail à faire à ce niveau-là.
Deuxièmement, parce qu'en fait, il y a
une... toute une dynamique à développer qui permettrait justement à chacun...
lorsqu'on dit culture québécoise, même si ça fait un peu rentrer dans les
détails et qu'on ne rentre pas dans des lois, dans des détails, il faut faire
exception à ce niveau-là. Quand on parle de culture québécoise, ça doit tout le
temps être ouvert, pluriel, faisant, sa part aux multiples apports enracinés
dans notre culture. Chaque fois qu'on parle de culture commune ou de culture
québécoise, je pense qu'il ne faut pas ménager les détails, parce que la... Et
quand je vois combien des responsables québécois qui ont de tout temps accompagné
ce souci d'intégration, parlent à partir de la loi d'assimilation, honnêtement,
mais ça s'appelle partir d'un mot. On a parlé de culture commune, on est en
train d'enfoncer un Québec francophone et... Non, non, non, ce n'est pas...
Pourquoi? Parce que ça laisse une marge à de l'ambiguïté ou à de la mauvaise
foi. Mais ça laisse une marge.
• (12 h 40) •
Donc, je crois qu'il faudrait revoir les
différents moments de cette loi et se poser la question comment être clair pour
dire ce qu'est la culture québécoise dans sa diversité, dans son ouverture,
dans sa volonté de faire place à tous ces apports, exactement ce qui a été
résumé en une phrase. La culture québécoise, c'est certainement Michel Tremblay
et Kim Thúy. Là, c'était un exemple, mais c'est vrai et ça peut s'étendre à
n'importe qui et dans n'importe quel domaine.
M. Morin : Merci beaucoup.
Mme Kamar (Aïda) : Merci à
vous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le député. Alors, nous allons terminer avec le
député de Saint-Henri—Sainte-Anne pour 4 min 8 s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation d'ailleurs,
puis vos exemples, puis votre fougue, hein, quand même, on va le mentionner.
C'est intéressant de vous entendre. Moi, j'aimerais ça qu'on discute de
l'avant, de l'avant immigration puis de ce qui est projeté avant les images,
mais aussi peut-être le processus de sélection, le fait qu'on se qualifie sur
la base de nos diplômes, nos connaissances linguistiques, notre apport. Et, par
après, vous en avez parlé un petit peu, mais les obstacles allaient arriver,
là.
Mme Kamar (Aïda) : Ils sont
majeurs. C'est difficile.
M. Cliche-Rivard : Ils sont
majeurs sur la reconnaissance des acquis, sur les diplômes, sur la capacité
d'exercer l'emploi. Puis j'aimerais ça justement vous entendre sur qu'est-ce
qui doit être amélioré aussi en amont dans le... disons, dans la démarche qui
nous amène à arriver au Québec, qui amène les gens à arriver au Québec. Qu'est-ce
qui doit être modifié peut-être là aussi pour qu'il y ait une plus grande
équation directe entre ce qui est attendu en amont puis ce qui va arriver sur
le terrain?
Mme Kamar (Aïda) : Absolument.
Écoutez, c'est une expérience que j'ai vécue, je peux la partager.
Personnellement, je crois que lorsqu'une personne veut déposer sa demande
d'immigration, elle a une phase qui est une phase québécoise, soit parce qu'il
y a dans ce pays-là une délégation du Québec qui peut jouer un rôle, soit parce
qu'il y a le représentant du Québec au moment de la demande et qui est présent
pour cette demande-là.
Donc, ce que j'aurais fait,
personnellement, ce serait de préparer des personnes réellement formées à
utiliser qu'on ne peut pas... Il ne suffit pas de montrer un niveau
linguistique. On ne peut pas avoir les notes qu'on a par rapport... parce que
ce sont des points qu'on a... on ne peut pas avoir ces points si on n'a pas
suivi une telle formation. Une formation peut être donnée, un, pour s'assurer
du niveau linguistique. Deux, surtout pour faire passer des messages de
sensibilisation à ce qu'est le Québec.
Il faut que les gens, en choisissant le
Québec, sachent ce qu'ils sont en train de choisir. On est dans un grand
malentendu. Première chose. Vous allez me dire : Oui, mais c'est compliqué
à mettre en place. Pas plus compliqué que tout ce qu'on fait au niveau de la
francisation. Donc, je reviendrai à la francisation comme étape deux, mais je
pense... vous me direz : Écoutez, c'est peut-être du rêve en couleur. Si on
ne l'a pas encore fait, vous n'êtes pas la première à y penser, mais moi, je
pense que ça vaut la peine de faire un effort pour regarder attentivement
comment se passent les rencontres qui précèdent... qui suivent la première
demande et qui précèdent... Il y a des cours, il y a des rencontres, il y a des
entrevues, il y a, etc., comment ça peut être modifié? Qu'est-ce qui peut être
fait à ce niveau, un, pour s'assurer d'un niveau élémentaire de base du
français qui...
Mme Kamar (Aïda) : ...permettrait
de ne pas arriver complètement dépourvu, deux, d'une connaissance et d'une
sensibilisation suffisantes au Québec pour savoir quel est le choix qu'on est
en train de faire. Ceci étant fait, on arrive au Québec et on passe par cette
phase dans laquelle il y a une phase de francisation. Je continue à croire, et
ça va beaucoup mieux, parce que, dans plusieurs lieux, ça a été fait, que c'est
le lieu par excellence pour connaître et aimer le Québec. Oui, évidemment, il y
a, au début, les premiers mois d'épicerie, quoi, comment sortir, comment
parler, etc., ça, c'est élémentaire, mais, une fois ça dépassé, c'est là qu'on
découvre et c'est là surtout qu'on peut développer l'idée que vous venez
d'arriver, mais des gens venus de chez vous, il y a des années de ça, il y a...
dans toutes les cultures qui se trouvent à Montréal ou au Québec, mais c'est
surtout à Montréal qu'elles sont, il y a des gens qui ont précédé, des gens qui
ont fait leur place, qui ont marqué... Au lieu de rester, autant avec nos
enfants qu'avec nos immigrants, dans une sorte de nostalgie du pays... c'est
parce qu'il est là, il y a la nostalgie, le pays est mythifié. S'il était
tellement magnifique, pourquoi vous l'avez quitté, bon sang? Donc, le pays
mythifié, le pays... d'accord. Personne ne perd ses racines, on les transporte
avec soi, mais on arrive là et, à ce moment-là, on dit justement : Voilà
qui je suis, voilà ce que je vous apporte, mais je viens porter vers vous ce
que je vous apporte. Et là, au niveau de la francisation, il y a une marge
énorme.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci.
Mme Kamar (Aïda) : Et puis ça
continue au niveau de la culture, ça continue au niveau de l'éducation, ça
continue au niveau du travail.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci.
Mme Kamar (Aïda) : Vous
savez, il nous faut une unité dans la vision...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme Kamar.
Mme Kamar (Aïda) : Merci à
vous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...pour tout ce... tout l'apport à nos travaux, c'est...
c'est le but de l'exercice. Alors, merci pour votre présence ici. Chers
collègues, bon dîner.
Sur ce, je suspends la commission jusqu'à
15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
14 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 heures)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Nous poursuivons donc les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi sur l'intégration
nationale.
Cet après-midi, nous allons entendre les
représentants des organisations suivantes : la Fédération québécoise des
municipalités, qui est déjà installée. Nous allons poursuivre avec la Ligue des
droits et libertés, l'Association des commissions scolaires anglophones du
Québec et, pour terminer, le Laboratoire de recherche en relations
interculturelles de l'Université de Montréal.
Alors, pour l'heure, nous recevons la
Fédération québécoise des municipalités. Mme, messieurs, bienvenue à la
commission. Alors, vous connaissez un peu le processus, 10 minutes pour
vous présenter et exposer l'essentiel de votre mémoire, vos commentaires, et, par
la suite, nous allons entamer la période de discussion avec les parlementaires.
Alors, le micro est à vous.
Mme Richard (Meggie) : Merci.
M. le ministre de l'Immigration et de la Francisation et de l'Intégration et
ministre de la Langue française, Mme la Présidente de la Commission des
relations avec les citoyens. Mmes, MM. les députés membres de la commission, bonjour.
Je tiens à vous remercier, membres de cette commission, de nous permettre de
commenter le projet de loi n° 84, Loi sur l'intégration nationale. Je me
présente, Meggie Richard, préfète de la MRC de Minganie sur la Côte-Nord et
membre également du conseil d'administration de la Fédération québécoise des
municipalités et aussi membre du jury du prix Ulrick Chérubin.
Comme vous le savez, la Fédération
québécoise des municipalités regroupe plus de 1050 municipalités locales
et régionales, l'ensemble des MRC et est à ce titre la porte-parole des
régions. Aujourd'hui, je suis accompagnée de M. Pierre Chateauvert, directeur
des politiques de la FQM et également de M. Philippe Gagnon, conseiller
politique et adjoint exécutif.
D'entrée de jeu, la FQM salue la volonté
du gouvernement de doter le Québec d'un modèle favorisant l'intégration des
personnes immigrantes, tout en pérennisant la culture québécoise, ainsi que la
langue française. L'accueil et l'intégration des personnes immigrantes à la
nation québécoise sont d'ailleurs promus par la FQM. Depuis 2021, nous chapeautons
le prix Ulrick Chérubin, qui souligne notamment l'apport des municipalités et
des MRC dans la mise en œuvre de bonnes pratiques en matière d'accueil, d'intégration
et d'inclusion des personnes immigrantes. De plus, la FQM administre le
programme Accueillir en français, soutenu par le ministère de la Langue
française, qui visent à promouvoir et valoriser la langue française dans des
projets municipaux et communautaires d'intégration des personnes immigrantes.
Enfin, lors du Rendez-vous national de développement local, qui sera à sa
huitième édition cette année, la FQM permet aux participants d'assister à des
ateliers sur l'immigration et le partage de bonnes pratiques.
À la lumière de ces informations, nos
recommandations concernant le projet de loi n° 84 se concentrent en
premier lieu sur les incidences que celui aura sur les municipalités, puis sur
la structure à privilégier pour assurer une intégration réussie des personnes
immigrantes. La FQM est consciente que l'intégration des personnes immigrantes
à la société québécoise est l'affaire de tous. Nous comprenons que le souhait
du gouvernement est d'assujettir les municipalités aux exigences de la loi. Il
est important de rappeler que les municipalités locales sont avant tout des
milieux de vie pour les personnes immigrantes, qui représentent bien plus que
des travailleurs, ce sont des citoyens et des familles qui contribuent à nos
collectivités.
Toutefois, nous entrevoyons des enjeux
quant à l'application de cette loi dans les municipalités locales. En effet, la
FQM craint que la nouvelle politique nationale sur l'intégration à la nation
québécoise et à la culture commune ajoute de nouvelles responsabilités aux municipalités,
et ainsi vienne alourdir leur charge administrative…
15 h (version non révisée)
Mme Richard (Meggie) : ...rappelons
que le Québec compte 1 104 municipalités, dont 702 comptent moins de
2 000 habitants et 290, entre 2 000 et 10 000 habitants.
Ce sont donc 88 % des municipalités qui doivent composer avec des
ressources humaines et financières limitées. Nous percevons donc mal comment
ces municipalités pourraient satisfaire aux exigences supplémentaires de la
politique nationale. Les municipalités ont déjà des difficultés à rencontrer
les exigences du ministère de la Langue française découlant de la Loi sur les
langues officielles et communes du Québec... la langue officielle et commune du
Québec, le français, et nous craignons que ces situations soient exacerbées par
de nouvelles obligations.
Nous croyons que les principes énoncés
dans la déclaration de réciprocité signée par le premier ministre en décembre
2023 ne sont pas respectés.
Nous recommandons donc que les modalités
prévues au deuxième alinéa de l'article huit applicables aux municipalités
locales soient examinées à la Table Québec-municipalités pour lever les
obstacles à la mise en œuvre de la politique nationale.
Dans le même ordre d'idée, l'article 11
imposerait une nouvelle obligation aux directions générales des municipalités
de prendre tous les moyens nécessaires pour tenir compte de la politique
nationale. Actuellement, il nous est impossible d'indiquer si le déploiement de
la politique nationale à l'échelle locale nécessitera la mise en place de plans
d'action ou d'autres obligations pour les municipalités.
Ainsi, nous vous recommandons que la
politique nationale n'impose pas des nouvelles responsabilités de façon à
alourdir la tâche administrative des directions générales des municipalités
locales en respect des principes de la déclaration de réciprocité.
L'article 16 du projet de loi confère
au gouvernement le pouvoir de déterminer par règlement les formes d'aides
financières que peuvent octroyer les organismes assujettis à la politique
nationale qui doivent être compatibles avec celle-ci. Ce pouvoir porte autant
sur les ministères qui offrent des programmes d'aide financière aux
municipalités qu'aux aides financières offertes par les municipalités.
Nous demandons, dans un premier temps, que
ce règlement se limite aux aides financières à vocation culturelle ou d'intégration
afin de limiter les effets sur les programmes offerts par les ministères jugés
essentiels au fonctionnement et au développement de nos municipalités.
Par ailleurs, nous demandons que ce
règlement ne porte pas sur les aides financières octroyées par les
municipalités locales, toujours en respect des principes de la déclaration de
réciprocité.
D'autre part, le Québec compte sur son
territoire plusieurs municipalités bilingues. La FQM entrevoit des
problématiques puisque celles-ci pourraient avoir du mal à se conformer à la
politique nationale, notamment l'aspect de l'apprentissage du français. Nous
craignons que cela ouvre la porte à des contestations des citoyens qui
exigeraient que les fonctionnaires municipaux communiquent avec eux en français
uniquement.
Nous demandons donc à ce que des modalités
d'exemption soient prévues pour les municipalités bilingues.
Afin de contribuer à mettre en place des
initiatives favorisant l'intégration des personnes immigrantes à l'échelle de
la province, force est de constater que les MRC ont pu, dans les dernières
années, développer une certaine expertise. Grâce au Programmes d'appui des
collectivités, le PAC, elles ont pu embaucher des ressources dédiées à l'intégration
des personnes immigrantes. Cependant, l'incertitude entourant son
renouvellement met à risque les MRC de perdre cette expertise.
Le sentiment de précarité créé par cette
situation freine les initiatives locales et en complique la prise des décisions
des directions générales des MRC. Nous recommandons donc au gouvernement de
reconduire, avec indexation des sommes, le Programme d'appui aux collectivités
dans le but d'éviter les interruptions d'activités d'intégration dans nos
milieux.
Dans la même logique, nous croyons qu'il y
aurait lieu de développer une structure facilitant l'intégration au Québec. Un
modèle éprouvé en développement local exige déjà, la mesure Accès entreprise
Québec. Une approche similaire axée sur l'intégration des personnes immigrantes
aurait pour effet de pérenniser le savoir-faire à long terme et faciliterait le
déploiement dans toutes les régions de la politique nationale.
C'est pourquoi nous demandons au ministre
de mettre en place un réseau inspiré de la mesure Accès entreprise Québec dans
les MRC, accompagné d'une enveloppe budgétaire valide pour cinq ans qui servira
à financer les ressources consacrées à l'intégration et à la régionalisation de
l'immigration.
Enfin, les récentes coupures de services
en matière de francisation ont privé les élèves de la formation des adultes d'un
soutien essentiel dans l'apprentissage de la langue française. En région, ces
coupures de services ont eu des effets négatifs puisque les retards en
francisation compliquent les interactions avec les citoyens et, par conséquent,
l'intégration de ces personnes immigrantes.
Comme l'accès aux services de français est
essentiel pour l'intégration des personnes immigrantes, nous demandons au
gouvernement de rétablir le financement de ces services à la hauteur des
besoins dans les centres de services scolaires.
Donc, je vous remercie de votre attention.
Et nous sommes prêts à répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Eh bien, merci pour cette présentation. Alors, on va d'ores
et déjà commencer les discussions avec les parlementaires. On va commencer avec
la banquette gouvernementale. M. le ministre...
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
...la parole est à vous. Seize minutes 30 secondes.
M. Roberge : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci à vous trois. Merci, Mme Richard, pour votre
présentation. Très intéressant. Je suis content de voir que la FQM salue la
volonté du gouvernement en déposant ce projet de loi là. Après ça, bien, vous
avez rappelé, je pense, que les municipalités en font déjà beaucoup directement
sur le terrain. Je trouve ça intéressant, je le répète, d'avoir un heureux
mélange en commission entre des penseurs, des professeurs d'université, des
regroupements qui font de la défense de droits puis aussi des gens qui sont sur
le terrain. Comme municipalités, vous êtes un peu les deux, vous êtes des gens
qui créent des politiques, des gens qui implantez des politiques, puis des gens
qui subventionnez des groupes sur le terrain. Donc, il y a comme un rôle
particulier aux municipalités d'être à la fois directement sur le terrain puis
en contact avec d'autres groupes partenaires. Donc, ça, c'est extrêmement intéressant
comme posture.
• (15 h 10) •
Vous avez dit, vous... la FQM ne veut pas
de nouvelles règles sur le financement des municipalités aux organismes. En
tout cas, c'est... corrigez-moi. Est-ce que c'est bien ce que vous avez dit? Ou
plutôt quelle est la posture de la FQM sur d'éventuelles règles ou une
éventuelle politique qui donnerait non pas des directives mais des balises pour
ce qui est du financement d'organismes qui font de l'accueil et de
l'intégration?
M. Châteauvert
(Pierre) :Merci, M. le ministre, pour
votre question. En fait, on l'a vécu un peu, puis je pense qu'on en a déjà...
on s'est déjà rencontrés sur cette question-là, notamment au niveau des règles
sur les achats, vous savez, les problématiques qu'on a. Lorsqu'on arrive avec une
nouvelle loi, il y a toujours un nouveau cadre. Et, quand on le regarde tout
simplement à l'intérieur de la loi, on peut comprendre qu'il y a des objectifs,
c'est sûr, et on met des obligations qui viennent avec. Mais la réflexion sur
l'impact sur l'ensemble de la gestion publique, notamment municipale, est
rarement évaluée. Ce qui fait qu'on ajoute en redditions de comptes, on ajoute
en obligations, et qui complique la vie sur le terrain.
L'exemple qu'on vous donnait, c'était
l'achat... des achats de quelques milliers de dollars chez un commerçant local.
Puis on est obligés de leur demander un certificat de... je ne me souviens plus
du nom exactement, là, une certification au niveau de la langue française,
de... et que ça... c'était et une obligation qui vient s'ajouter à un fardeau
d'une lourdeur extraordinaire pour les employés municipaux puis les
organisations municipales.
Il faut savoir qu'un employé, un directeur
général d'une petite municipalité, c'est 54 %, 58 % de son temps dans
les... qui est... qui est pris... qui est consacré aux obligations qui sont...
qui sont imposées par les différentes lois de différents ministères. Parce
qu'il n'y a pas de coordination.
Et, dans la déclaration de réciprocité,
c'est un chantier qu'on lance sur l'amélioration puis la baisse au niveau de la
lourdeur administrative. Il y a un chantier aux Affaires municipales. Et ce que
Mme la préfète vient de vous dire, Mme Richard, c'est ce qu'on demande, c'est
que l'ensemble de ces questions-là soient discutées là où est-ce que
normalement ça devrait être, ça serait à la table Québec-municipalités avec les
intervenants pour voir, bon, qu'est-ce que vous en... c'est quoi, vos
objectifs, qu'est-ce que... voulait faire, et qu'il y ait un échange pour qu'on
arrive au meilleur moyen pour que chacun atteigne... en fait, respecte la
réalité de chacun et les objectifs de chacun. Parce que, si on ne fait pas ça,
ce qu'on va venir... c'est, on va en ajouter une couche, on ajoute une couche,
puis il y a toujours une bonne raison, puis finalement, bien, ça devient
absolument invivable. Et c'est une réalité. Le taux de départ parce que... à
cause des redditions de comptes, dans nos municipalités, c'est épeurant par
bouts, là, dans plusieurs endroits.
Donc, c'est ce qu'on vous demande. Venez
nous voir, on va regarder puis on est... on va discuter de tout ça. On comprend
les objectifs de l'État, hein? L'État... Nous, on fait partie un peu de l'État,
là, le monde municipal. Il y a des objectifs qui doivent être fixés. Mais
comment qu'on le livre, bien, il faut qu'on discute de cette question-là. C'est
ce qu'on veut... C'est ce qu'on veut vous dire. C'est... C'est notre crainte,
notre crainte principale par rapport à l'administration de cette loi-là.
M. Roberge : Bien, merci
d'apporter cet écho-là directement du terrain, puis une perspective très, très
concrète de ce qui se passe dans les plus petites municipalités, les D.G., les
responsables. Je pense que c'est important de tenir compte de ça dans la
rédaction de la politique, parce que c'est là où les municipalités, je pense,
vont être interpelées. Je pense que ça va être important de dire qu'on... il ne
faut pas qu'on arrive dans une démarche où on dit quoi faire aux municipalités,
comment le faire, mais c'est plutôt aux municipalités de... il faudra...
M. Roberge : …moi, je pense,
s'assurer de respecter des principes directeurs, mais de ne pas entrer, je
pense, dans une dynamique où les municipalités devraient appliquer un programme
et faire une reddition de comptes sur le programme x, mais plutôt d'avoir… On
est dans une loi-cadre, donc, de s'assurer que, lorsqu'on coordonne dans une
municipalité, de l'accueil et de l'intégration, ou lorsqu'on délègue ça en
financement à un organisme, bien, qu'on le fasse dans une démarche où on vise
des choses qui sont dans le respect des principes. On travaille sur le vivre
ensemble, on travaille sur des activités où on met des gens en relation, on
travaille… on accueille de la diversité, mais on ne le fait pas en
subventionnant des activités qu'on appelle communautaristes, c'est-à-dire en
séparant… bon, ça… aujourd'hui, on s'occupe des… de la communauté grecque,
demain, on s'occupe de la communauté maghrébine, puis, la semaine prochaine, on
s'occupe de la communauté noire, puis après ça va être la communauté asiatique.
Ça, c'est une manière qui sépare les gens les uns des autres, puis qui ne les
aide pas à s'intégrer. Mon souci, c'est d'arriver avec une cohérence
gouvernementale. C'est-à-dire que, les principes, on les comprend tous, mais qu'ensuite
les municipalités, avec leur réalité, rurale, urbaine, le nombre de nouveaux
arrivants, la présence ou non d'organismes, bien, soient capables d'avoir toute
la latitude pour faire vivre ça.
Mme Richard (Meggie) : Parce
qu'on comprend bien, M. le ministre, les objectifs recherchés par votre projet
de loi, mais, comme on n'a pas encore le plan d'action… la politique, pardon,
en détail, c'est difficile pour nous d'évaluer quel impact ça aura dans le
milieu. Nos municipalités accueillent déjà les immigrants, travaillent avec les
organismes du milieu. Nous sommes les experts de nos milieux respectifs. Donc,
qu'est-ce qu'on veut? Vous l'avez mentionné au tout début, là, on va laisser de
la flexibilité. Je pense que c'est ce que vous devez retenir. On ne veut pas
d'une politique qui fait encore une fois du mur-à-mur et qui ne prend pas en
considération nos particularités régionales.
Vous comprenez qu'on a plus de 1 000 membres au sein de la
fédération, donc de partout au Québec, des plus petites municipalités, très
petites, qui n'a pas les ressources nécessaires pour déployer des grandes
initiatives en termes d'accueil et d'immigration. Par contre, on veut
accueillir des gens chez nous. On veut dynamiser nos régions. Nous avons besoin
de ces personnes-là à venir s'établir chez nous. Particulièrement sur la
Côte-Nord, on est une des seules régions au Québec avec un seuil démographique
à la négative, donc en baisse démographique. Donc, on regarde toutes les
possibilités pour devenir attractif et accueillir des gens chez nous. Et on est
prêt à mettre la main à la pâte pour justement travailler à cette
intégration-là avec vous, mais, par contre, on doit avoir de la flexibilité,
parce qu'on ne peut pas traiter une région comme la Côte-Nord au même titre qu'une
autre région du Québec, juste à… vis-à-vis l'éloignement et notre contexte
particulier en termes d'accessibilité. Donc, vous devez retenir qu'on a besoin
d'une flexibilité à notre niveau. Et surtout, on a besoin du financement qui
nous permettra d'atteindre vos objectifs.
Parce que, si on prend, par exemple, chez
nous, avec le MIFI, on a une belle aide financière pour la réalisation de notre
plan d'action, de huit mois. Donc, il nous reste huit mois pour conclure ce
plan d'action là. Par la suite, je n'ai aucune idée si on aura le financement
pour la mise en place de ce plan-là pour une période de trois ans. Donc, nos
employés, partout à travers le Québec, dans nos MRC, est toujours dans
l'incertitude. qu'est-ce que ça crée? On réussit à attirer des gens chez nous,
dans nos milieux, avec des jobs qui ne… qui sont toujours incertaines. Donc,
comment on fait pour protéger ça, garder notre expertise dans notre milieu puis
ne pas créer ensuite que ces gens-là partout ailleurs? Bien, c'est de
pérenniser ce financement-là et de le mettre une plus longue période. Donc,
c'est pourquoi on demande aujourd'hui du financement sur une période de cinq
ans pour que ça réponde vraiment à des besoins locaux qui sont exprimés par nos
membres.
M. Châteauvert
(Pierre) : Si vous permettez, j'aimerais juste ajouter. Merci,
M. le ministre, pour l'ouverture par rapport au niveau de la politique, je
pense qu'à la table Québec, municipalités, ce serait un bon lieu pour discuter
effectivement de la façon de livrer puis de réaliser ça, d'atteindre des
objectifs.
Mais j'aimerais simplement rappeler ici
aux parlementaires que, bon, on nous dit souvent : Une loi, c'est
important, puis il faut le faire comme ça, d'accord, mais le nombre de lois que
doivent appliquer les municipalités ou le nombre de ministères… Chaque
politique, c'est toujours important. Et là, c'est des couches qui s'ajoutent,
une par-dessus l'autre. Et là, ce qui fait qu'en bout de ligne, quand… comme il
n'y a pas de coordination puis pas de vision globale, bien, la lourdeur fait
que tu viens paralyser, tu paralyses le système, et c'est ce qu'on vit
présentement. C'est le message qu'on vous lance en plus de ce que… sur la
pérennité des démarches, et tout, puis d'arriver que, regarde, comment
voulez-vous garder du monde quand tu ne sais pas dans deux mois si tu es
capable de les financer. Et déjà les municipalités et les MRC mettent des sous,
mais la taxe foncière ne peut pas tout payer, là. Bien, à un moment donné,
c'est ça, c'est une forme de…
M. Châteauvert (Pierre) :...cohésion, nous autres, c'est ce qu'on demande, puis
c'est ce qui... c'est l'idée, d'ailleurs, de la déclaration... du 13 décembre
2023. Le premier ministre, le ministre des Finances, la ministre des Affaires
municipales, évidemment, et la ville de Québec, ville de Montréal, l'UMQ, puis
la FQM, qui ont signé, en disant : Regarde, on va s'attarder à ça, c'est
une question... Et c'est ce qu'on vous demande, et c'est notre crainte
d'arriver avec d'autres éléments qui vont venir s'ajouter. On sait que c'est
important, mais, à un moment donné, toutes les couches, tous les ministères,
c'est toujours important, mais là, à un moment donné, ça nous paralyse.
• (15 h 20) •
M. Roberge : O.K. Mais,
écoutez, je comprends qu'on n'a pas tant d'enjeux sur les principes de base. La
nécessité de la cohésion, la nécessité d'un vivre-ensemble, la culture commune,
la langue française, le désir d'accueillir des gens, de leur permettre de
prendre leur place, on est là. Vous nous dites de faire attention au moment de
la rédaction de la politique, après la sanction de la loi. Je comprends qu'on
va se retourner vers vous, vous reparler à ce moment-là, mais on a une
flexibilité, souplesse puis, à côté, mais c'est sans doute vrai dans tous les
dossiers, pas seulement là, prévisibilité du financement. Si on a ces
ingrédients-là, on va avoir une belle expérience, et je pense que je pourrais
laisser mes collègues continuer. Mais vous pouvez me répondre, bien sûr, puis
je vous remercie beaucoup.
M. Châteauvert
(Pierre) :On a besoin d'immigrants.
D'ailleurs, si vous voulez, on pourra vous déposer un document qu'on a écrit
avec la Fédération canadienne d'entreprises indépendantes sur les travailleurs
étrangers temporaires, et tout. Vous allez voir là-dedans, il y a des cégeps,
il y a des entreprises, c'est notre avenir économique en région. Et nous, une
personne, travailleur étranger ou, souvent, quelqu'un qui vient dans notre
communauté, ce n'est pas juste un travailleur, c'est une famille. C'est du
monde, puis ils font vivre, puis ils amènent, puis ils modifient nos affaires,
nos recettes. Nos gens sont... expriment, hein dans nos rencontres... expriment
un besoin et une volonté d'accueillir, puis de travailler, puis de les
accueillir, puis de les intégrer dans leur communauté, c'est assez incroyable.
Il y a 20 ans, je n'aurais pas dit ça, c'est absolument l'inverse. Les gens ont
besoin, hein, tout, en agriculture, en transformation, dans tous les secteurs,
en pêcherie. En pêche, il n'y a pas une usine qui peut fonctionner sans ces
gens-là, dans tous les secteurs en santé, pas besoin de parler bien longtemps,
on le sait.
Mais c'est vraiment quelque chose de
fondamental... notre monde, ils veulent s'impliquer, mais ils veulent la
prévisibilité puis la stabilité. Parce que comment peut-on mettre en place des
ressources, les rendre efficaces puis garder notre monde s'il n'y a pas de
prévisibilité dans le système? Ça, c'est... et aussi une certaine efficacité
puis pas de lourdeur administrative. C'est notre message grosso modo. Merci.
M. Roberge : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. M. Châteauvert, vous mentionnez que vous voulez
déposer le document...
M. Châteauvert
(Pierre) :Oui, oui.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
...vous allez l'envoyer à la commission. Juste être conscient que, lorsque
vous l'envoyez à la commission, vous acceptez de le déposer, donc, il est rendu
public.
M. Châteauvert
(Pierre) :Oui, puis on peut même donner
des copies, on en a apporté.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Parfait. Merci. Alors, je vais reconnaître la députée de
Châteauguay pour 3 min 20 s.
Mme Gendron : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Merci d'être ici avec nous. En fait, on a bien entendu,
là, ce que vous mentionnez, plus de flexibilité, je comprends aussi que la
réalité des régions, elle est différente. La réalité des municipalités, peu
importe où on est au Québec, ce n'est pas la même. Par contre, M. Vallée
-pardon - un peu plus tôt, M. Vallée nous a dit que le travail d'équipe, la
collaboration justement des municipalités est indissociable à l'intégration des
nouveaux arrivants. Donc, j'ai bien entendu que vous avez des belles mises en
œuvre. Vous avez des plans d'action dans plein de régions à travers le Québec.
J'aimerais savoir à quel point, justement,
toutes ces mises en œuvre là, le travail qui est fait, ça va faciliter ou, en
fait, donner un angle d'avoir une loi comme celle-ci afin de justement donner
un angle à tous les acteurs, autant municipaux que dans vos régions. Est-ce que
vous croyez que ça peut faciliter justement et donner un angle à tous les
acteurs, justement, d'intégration?
Mme Richard (Meggie) : Ça
pourrait assurément nous donner un cadre pour uniformiser, mais de là
l'importance de demeurer flexible parce que chaque région n'est pas rendue au
même niveau, certaines sont superavancées en termes d'intégration, alors que
certaines n'ont même pas encore débuté parce que n'ont pas de nouveaux
arrivants ou peu, très peu. Donc, il y a un travail à faire à ce moment-là.
Mais quand on prend... C'est pour ça qu'on a suggéré d'aller vers un modèle
comme Accès entreprise Québec qui a fait ses preuves en termes de développement
économique puis au niveau de nos collectivités. Donc, d'y aller comme ça,
l'avantage aussi, c'est que ça crée un réseau de toutes les MRC qui utilisent
ce programme-là. Donc...
Mme Richard (Meggie) : ...une
certaine expertise qui se partage, ça inspire aussi les autres à faire pareil.
Donc, moi, je crois qu'un réseau comme ça pourrait assurément être bénéfique.
Il a fait ses preuves, et on pourrait avoir le même type d'organisation au sein
de nos MRC. On le sait, on a développé une expertise, une expertise au niveau
de nos MRC. On veut la conserver. Il faut du financement, il faut une structure
avec un cadre qui répond également à nos ressources, dans la disponibilité de
nos ressources, puis à nos besoins.
Mme Gendron : Est-ce que
présentement, en tant qu'organisation, quand vous voyez l'intégration de vos
immigrants en région, plus loin dans des municipalités plus éloignées, est-ce
que vous considérez justement que la mise en œuvre qui est faite sur le terrain
est suffisante, justement, à l'intégration de ces gens-là ou on doit pousser un
peu plus?
Mme Richard (Meggie) : Bien,
ça dépend à chaque région. Encore là, c'est très difficile de répondre au nom
de tous. Ce que je veux dire, c'est qu'on pourrait faire beaucoup plus. Je
pense qu'on est très performants. On a des très beaux exemples de belles
initiatives qui ont été faites, mais avec plus de ressources, je crois qu'on
pourrait faire mieux et beaucoup plus, parce que des idées, on en a plein, et
on a des gens qui veulent. Les municipalités, on a tout avantage à être une
communauté accueillante puis d'offrir les services pour que ces gens-là
demeurent chez nous, fassent partie de nos... Comme M. Châteauvert l'a dit,
c'est souvent des familles qui viennent s'installer chez nous, ils participent
à notre milieu de vie. Donc, pour nous, c'est super important de leur offrir,
mais comme on n'est pas tous rendus au même niveau, ce qu'on a besoin, c'est de
prévisibilité, puis, comme ça, on pourra déployer des initiatives sur le long
terme, qui fera... qui aura un impact d'importance.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Le temps est épuisé. Bien oui, ça va vite.
On poursuit tout de même les discussions avec l'opposition officielle et son
porte-parole, de député d'Acadie, pour 12min 23s.
M. Morin : ...merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Très heureux que vous soyez là. Merci pour votre mémoire.
Je suis le porte-parole pour ce projet de loi là, mais je suis aussi le
porte-parole en immigration, francisation et intégration, alors c'est un
plaisir de pouvoir discuter avec vous. Parce que, et j'ai posé la question à
plein d'autres groupes, les collègues députés ici ont déjà entendu les
questions... puis il y a un volet en particulier qui m'intéresse parce que ce
n'est pas dans le projet de loi, puis c'est tout le volet socioéconomique au
niveau de l'intégration. Mais j'aimerais vous entendre, j'aimerais vous
entendre là-dessus puis je vais vous donner un cas concret, je pense, qui
illustre l'importance... mais j'aimerais ça qu'on puisse en parler davantage,
je pense que c'est un manque dans le projet de loi. Récemment, je parlais à une
compagnie qui s'appelle Textiles Gauvin, ils sont à Saint-Pamphile.
Saint-Pamphile, c'est dans Chaudière-Appalaches, ils ne sont pas très nombreux,
pas loin d'ici, et on me disait que, là, ils étaient bien inquiets à cause des
règles en immigration qui changeaient continuellement. Ils ont peur de perdre
leurs travailleurs puis, s'ils perdent leurs travailleurs, bien là, ça va avoir
un impact pour l'entreprise parce que Textiles Gauvin, ils font des draps sur
mesure. Donc, ils ont... Tu sais, ils ne peuvent pas automatiser puis faire
toute la même affaire, ils ont des contrats particuliers. La présidente me
disait : Écoutez, à Saint-Pamphile, là, c'est des francophones, ça fait
qu'on a eu des travailleurs étrangers, ils voudraient rester, ils parlent
français, ils ont appris le français, de toute façon, c'est juste des
francophones, donc, dans le village, ce n'est pas compliqué... ou dans la
ville, là. Mais là, ils sont inquiets parce qu'ils pourraient les perdre.
Puis dans votre exposé tout à l'heure,
vous avez parlé des enjeux que vous rencontrez, entre autres, avec le MIFI,
l'argent, l'absence de pérennisation. Puis moi, l'hypothèse que j'émets, c'est
que, quand on veut parler véritablement d'intégration, d'intégration nationale,
oui, il y a des éléments qu'on a ici au Québec qui sont fondamentaux, puis on
le reconnaît, la langue française en est un, mais il n'y a pas juste ça. Parce
que, souvent, l'immigrant qui arrive ici. Bien, puis d'ailleurs l'article 4
parle des personnes immigrantes. Après avoir commencé à parler le français, ils
veulent travailler, puis, comme ça, dans un milieu, bien, ils vont s'intégrer.
Puis je trouve ça important que vous soyez là, parce que vous, vous représentez
l'ensemble des municipalités, ou à peu près, dans plusieurs régions du Québec.
Alors, est-ce que c'est un élément qui devrait être inclus? Comment on devrait
l'inclure? Qu'est-ce qu'on devrait dire pour que, quand le gouvernement va
faire sa politique, parce que c'est ce qui va arriver, on tienne compte de ces
composantes-là pour véritablement intégrer les personnes immigrantes?
Mme Richard (Meggie) : Bien,
j'aime la façon dont vous l'amenez, parce qu'effectivement, ces personnes-là...
Ce n'est pas juste une question de langue non plus, c'est que si on veut qu'ils
se l'approprient, la langue, notre culture, si on veut la partager, bien, ils
doivent intégrer au sein de notre communauté, partager avec nos citoyens. C'est
une multitude d'activités, ce n'est pas juste des cours de...
Mme Richard (Meggie) :
...la francisation, ça vient avec une multitude d'accents qui doivent être
déployés sur nos territoires respectifs pour qu'ils développent ce sentiment
d'appartenance-là et qu'ils veulent y demeurer. Et comme j'ai dit, nous, en
région, vous faites allusion aux travailleurs étrangers temporaires, et les
impacts que ça a sur nos milieux. Ça a vraiment de l'importance, là. On parle
de fermeture imminente de plusieurs PME, je pense, à travers nos régions si les
nouvelles restrictions ne sont pas modifiées, des restaurants, des industries
primaires dans chacune de nos régions du Québec, c'est majeur qu'est ce qui va
se passer. Donc, il faut absolument faire la différence, encore une fois, entre
les milieux urbains qui vivent cette pression-là des travailleurs étrangers et
les régions du Québec qui demandent à accueillir des travailleurs étrangers que
ce soit temporaires ou permanents. Nous, on veut accueillir des gens chez nous
et on est prêts à mettre les efforts nécessaires pour développer des milieux
d'accueil intéressants, attractifs pour ces gens-là et on veut les intégrer à
même nos communautés. Donc...
• (15 h 30) •
M. Châteauvert
(Pierre) : Si vous me permettez, si vous prenez le document,
là, qu'on va vous distribuer, là...
M. Morin : Oui. Bien,
vous avez aiguisé mon appétit.
M. Châteauvert
(Pierre) : ...qu'on va déposer. Oui. Bien, c'est fait avec la
FCEI, là, et c'est... L'impact est plus grand en région qu'à Montréal. Et nous,
là, quand il y a des travailleurs étrangers temporaires, souvent, il y en a
là-dedans, là, qu'on voit qu'ils veulent s'installer ici, puis ils
deviennent... Puis là on fait tout pour qu'ils s'en viennent avec leur famille,
parce qu'ils vont contribuer à la communauté. Ça, c'est essentiel. C'est une
question d'occupation de territoire aussi. Parce que si on veut que la langue
française continue, il faut l'occuper, ce territoire-là. Et comme on n'en fait
plus, d'enfants. Bien là, ça prend des gens aussi. Et ces gens-là sont prêts à
contribuer. On le voit, là. On le voit, là. Ce n'est pas 100 %, mais la
majorité, il y en a, puis il y en a beaucoup qui veulent, qui en font un projet
de vie. Et nous, là-dessus, on est d'accord avec ça, on veut ça. C'est certain
que... On est tout à fait conscients que la réalité des régions puis tant la
réalité montréalaise n'est pas la même chose qu'au Bas-Saint-Laurent, mais
c'est ça le problème des politiques nationales, des fois, là, c'est
l'adaptation aux réalités. Et nous, c'est un besoin essentiel. Puis on
ajouterait même au niveau d'éducation en région, il y a des collèges qui, là,
qui vont connaître des problèmes importants, là, des programmes qui vont fermer
à cause de ça. Puis c'est... Et il y a des gens...
La FQM, on participe à des bourses en
ingénierie à Rimouski parce qu'on a un gros service, on est au-dessus de
300 employés, un gros budget puis un gros service d'ingénierie. Puis nous
autres, on veut favoriser la relève. Mais le nombre d'étudiants étrangers qu'on
finance, on en a beaucoup. Puis ces gens-là, on aimerait ça qu'ils restent
parce qu'on en a besoin. On manque d'ingénieurs sur le terrain, on en manque.
Et donc on en a besoin de ces gens-là, donc, c'est ça qu'on voit. Nous autres,
c'est ce qu'on dit, c'est de s'adapter. Puis l'enquête qui est faite, ce
document-là, qui est basé sur le sondage fait avec la FCEI le démontre noir sur
blanc, c'est cette flexibilité-là. Et la capacité d'accueil de nos gens, là,
ils font toutes sortes d'affaires, là. Ils sont vraiment incroyables, là. Ils
font des activités absolument d'intégration. Dans Charlevoix, là, il y en a un
qui a dit... Il est actif, là. Il est même rendu à faire un international de
soccer, de football à Baie-Saint-Paul, là. Puis ça... Mais ils sont très
imaginatifs. Donc c'est ça qu'on fait.
M. Morin : Donc
l'intégration se fait et vous y contribuez présentement.
M. Châteauvert
(Pierre) : Bien oui. C'est facile, c'est notre avenir.
M. Morin : Bien, je
comprends que nous, dans l'opposition officielle au Parti libéral du Québec, on
est plus sur le sur mesure que le mur-à-mur, là. Puis, dans le cas des régions,
ça s'applique particulièrement à votre réalité. Autre élément que j'aimerais,
que je voudrais explorer avec vous parce que vous représentez, et vous l'avez
évoqué d'ailleurs, il y a des municipalités au Québec qui sont bilingues. Il y
a des municipalités où il y a une majorité d'anglophones dans différentes
régions du Québec. Est-ce que vous avez eu la chance de parler avec eux du
projet de loi? Avez-vous pu recueillir leurs réactions? Est-ce que ça pose pour
eux un enjeu particulier? Il y a une référence aux communautés anglophones dans
le préambule, mais pas dans le projet de loi. Est-ce que c'est quelque chose
qui manque?
Mme Richard (Meggie) : Vous
savez, il y a 91 organismes municipaux, là, qui sont reconnus pour
l'article 29.1 de la Charte de la langue française. Puis, ce qu'on veut
avec notre mémoire, c'est surtout prévenir d'éventuelles situations qui
pourraient être problématiques, là, avec ces communautés-là. Donc, pour nous,
c'était par mesure de précaution, là. On ne reconnaît pas les... On ne connaît
pas encore les exigences qui seront dans la politique, mais d'emblée, on
souhaite vous aviser quant à certaines situations qui pourraient arriver avec
celles-ci, là. Donc, c'est vraiment, encore une fois, dans le respect des
réalités régionales, puis ne pas faire de mur-à-mur, mais d'être conscients que
certaines municipalités ont des particularités...
M. Morin : Tout à fait.
Puis je vous remercie. Et là, je comprends qu'au niveau de certains plans...
15 h 30 (version non révisée)
M. Morin : …d'intégration. En
immigration, vous attendez des confirmations du MIFI pour savoir si vous allez
être capable de pérenniser vos programmes.
Mme Richard (Meggie) : Mais, en
fait, c'est un programme, là, qui est offert. On peut appliquer, faire une
demande de financement. Dans notre cas, c'est… on a tant de temps pour faire le
plan d'action. Puis, par la suite, il faut faire une nouvelle demande pour voir
si on peut avoir le trois ans supplémentaire, mais à toutes les fois, ça nous reste
dans l'incertitude. Est-ce que notre employé va décider de partir considérant qu'il
ne sait pas s'il aura une job le mois prochain? Et puis ça, on est plusieurs à
le vivre. Donc, qu'est-ce qu'on veut, c'est quelque chose vraiment d'à plus
long terme, là.
M. Morin : Puis… oui,
allez-y.
M. Châteauvert (Pierre) :Ceci étant, on le dit… on le dit de façon constructive, là,
parce que le MIFI, à la suite des changements 2014-2015, avait perdu l'ensemble
de ses structures régionales, O.K., et a rebâti. Ce n'est pas simple à refaire,
là, le redéploiement n'a pas été simple. D'établir des discussions… Puis ça, on
comprend ce qui s'est passé, là, là-dessus, on n'est pas… Mais ce qu'on dit, c'est
que, là, actuellement, notre problème c'est que c'est des programmes… On dépose
un projet, et là, bien, des fois, il reste juste deux mois, puis là, les gens, bien,
les gens s'en vont, on perd notre monde, on perd carrément notre monde.
Et, comme le… Mme Richard, bien, cette
personne, c'est des gens de Montréal qui s'en viennent, puis, s'ils n'ont pas
de prévisibilité, bien, ils retournent à Montréal, puis on les perd pour
toujours. Ça, c'est… ça, c'est de la perte réelle. C'est ça qu'on vit. Nous, ce
qu'on propose… Et je vois, Mme la Présidente, qui était associée avec… c'est
des succès extraordinaires, ce qu'on est en train de faire sur le terrain. Il y
a une… il y a une stabilité, il y a une contribution du gouvernement, qui est tant
par MRC, le monde municipal met ses sous, et ça assure une stabilité et ça
donne des résultats extraordinaires. C'est ce qu'on dit : Regardons ce
modèle-là en matière d'immigration, on va avancer très rapidement.
M. Morin : Et je comprends
que, si vous n'avez pas une pérennisation de ces montants-là, ça pourrait être
un frein à l'intégration.
M. Châteauvert (Pierre) :Ça l'est déjà.
M. Morin : Ça l'est déjà. Il
y a-tu quelque chose qu'on pourrait mettre dans le projet de loi qui éviterait
cette situation-là? Parce qu'on parle d'intégration nationale.
M. Châteauvert (Pierre) :Moi, personnellement, je ne crois pas que ce soit
nécessaire parce qu'on le vit ailleurs, dans d'autres ministères, ce qu'on a
modifié comme approche… Parce qu'avec le ministère de l'Économie, il y a cinq,
six ans, ça n'allait pas. Puis là on s'est… on s'est parlé puis on est arrivé à
un modèle et ça fonctionne. Des fois, c'est… c'est quand tu te parles puis tu arrives
à organiser les affaires, ça fonctionne. Toujours mettre dans une loi, c'est
difficile de changer une loi, mais y aller par programme, financement puis d'engagement
et de… Puis on voit la réalité puis on est très... Tu sais, il faut être quand
même critique par rapport à la façon que ça fonctionne, la façon que c'est
appliqué, mais je pense qu'il y a d'autres… il y a des modèles à l'intérieur de
l'État, de collaboration entre le milieu municipal, les MRC et le… un ministère
qui pourrait être impliqué, là, et qui donnerait des résultats, on est
profondément convaincus, exceptionnels. Il faudrait y aller. Mais ceci étant, ce
n'est pas… On ne dit pas : C'est de sa faute à lui, c'est de sa faute à
lui, il faut… Il faut reconnaître que le MIFI a vécu, ces 10 dernières
années, des chocs puis des changements. Ça a été vraiment brutal comme
organisation, là, ça n'a pas été simple, pour le déploiement en région, là. Ça,
on le reconnaît. Puis ce n'est pas simple à faire.
M. Morin : D'accord. Non, je
comprends. Puis évidemment le but, quand on est commission puis qu'on écoute
des groupes comme vous, c'est toujours de voir comment on peut bonifier,
évidemment, un projet de loi…
M. Châteauvert (Pierre) :
C'est ça, on dit qu'il y a un modèle qui existe.
M. Morin : …comment… comment
on peut vous rendre la vie plus facile. Vous avez souligné également qu'il ne
faudrait pas alourdir la charge de bureaucratie, d'administration, parce que
vous êtes déjà rendus à pleine capacité, si j'ai bien compris.
Mme Richard (Meggie) : Bien
oui, puis il faut aussi réaliser que les plus petites municipalités ont les
mêmes obligations que les plus grosses. Donc, souvent, ils sont un ou deux
employés, une direction générale, un autre employé à tout faire, remplir tout…
cette lourdeur administrative là, ces obligations qu'ils ont envers le
gouvernement pour des redditions de compte. Donc, ce qu'on ne veut pas, avec
cette nouvelle politique là, bien…
M. Morin : C'est d'en
rajouter une couche.
Mme Richard (Meggie) : …c'est
d'alourdir encore le fardeau sur le dos des directions générales, sur le dos
des municipalités. On veut faire notre part. Comme on l'a dit, nous sommes les
experts de nos propres milieux, nous sommes les meilleures personnes avec l'aide
de nos partenaires clés pour favoriser une bonne intégration puis une bonne
rétention de ces personnes-là chez nous. Mais par contre, il faut avoir les
moyens de le faire, les ressources dédiées vraiment à ça, en concordance avec
nos réalités régionales.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup.
M. Morin : Merci. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Alors, on va terminer dans les quatre prochaines
minutes avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne. La parole est à vous.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup à vous pour votre excellente
présentation. Vous l'avez mentionné, puis je fais écho à votre… à vos
recommandations trois et quatre, là, en lien avec l'article 16 puis le
financement. Je pense que c'est ce qui touche beaucoup de vos revendications.
Bon, l'article huit, là, du projet de loi dit : «Cette politique s'applique
aux organismes visés au paragraphe a de l'annexe un de la Charte de la langue
française.» Et là, évidemment, vous, vous êtes au point trois, dans le a, les
organismes municipaux, vous êtes directement cités. Et là, ça nous ramène à 16,
puis 16 nous dit que le gouvernement peut déterminer par règlement quelle forme
d'aide…
M. Cliche-Rivard : ...et
quelle forme d'aide, vous, vous êtes en mesure de recevoir, en fait, peut vous
êtes octroyés, les organismes auxquels la politique nationale sur l'intégration
s'applique et lesquels ne peuvent pas être octroyés. Ça fait qu'essentiellement
c'est là où vous, vous tirez votre demande. Puis, tout à l'heure je vous
écoutais, vous ne demandez pas nécessairement être exempté de l'application,
vous demandez... puis ça, c'est votre recommandation trois, puis j'aimerais ça
vous entendre sur cette distinction-là, vous dites : se limiter aux aides
financières à vocation culturelle et d'intégration afin de limiter les effets.
J'aimerais bien saisir la nuance que vous demandez dans l'éventuelle
application d'un règlement entre ce qui serait ou ce qui ne serait pas
possible, selon vous, d'application.
• (15 h 40) •
Mme Richard (Meggie) : Mais,
au niveau des MRC ou des municipalités, vous le savez, on a différents
programmes d'aide financière, là, en partenariat souvent avec le gouvernement,
pour avoir un impact sur nos milieux. Donc, si on lit ce que vous proposez au
niveau de l'article 16... Mais là ça veut dire que toute l'aide financière
qu'on octroierait à des organisations du milieu, ou encore des PME, ou peu
importe, serait assujettie à cette politique-là, ce qui va demander beaucoup de
gestion de la part des municipalités puis des MRC. On parlait de lourdeur
administrative. Bien, je pense que ça en fait partie, bien, aussi de vérifier
tout ça. Donc, ça serait assez complexe. Donc, ce que l'on dit, c'est :
Comme c'est une politique sur l'intégration nationale, est-ce qu'on pourrait les
limiter, du moins, à tout ce qui est aide financière au niveau de la vocation
culturelle ou d'intégration, comme ça, ça ferait un lien direct, ça serait,
moins, je dirais, invasif, là, au niveau de nos obligations?
M. Cliche-Rivard : ...vous,
quand vous, vous financez une activité culturelle, puis là on donne l'exemple
d'une fête... je ne sais pas, moi, une fête haïtienne ou... je ne sais pas
trop, une fête de... quelque chose dans votre quartier un été, là vous
dites : Là, j'accepterais que la politique nationale s'applique. C'est ça
que vous dites? Parce que vous ne demandez pas l'exemption pure et dure, là.
M. Châteauvert
(Pierre) :Non, mais idéalement, là...
C'est parce que, même si on demandait l'exemption, évidemment, ça, c'est le
meilleur des mondes, là, mais on ne l'aurait pas.
M. Cliche-Rivard : O.K. Ça,
c'est le meilleur des mondes.
M. Châteauvert
(Pierre) :On ne l'aurait pas, là. Tu
sais, on est réalistes, nous. Nous, on est... On ne vient pas pour demander
toujours, on comprend la réalité, là, mais on dit : Regardez, là, venez
pas couper, genre, dans la voirie locale, dans la voirie d'entretien d'hiver,
là, parce que, là, tu sais, il va y avoir un foutu problème là. C'est...
Clairement, là, ce qu'on vous dit, c'est : Concentrez l'action dans un
certain secteur d'activité. Mais, de toute façon, on est profondément
convaincus qu'on va s'entendre. Tu sais, supposons, le ministère vient... vient
à la Table Québec-municipalités, puis on discute de tout ça, je suis certain
qu'on va trouver une façon de faire puis qu'il n'y en aura pas, mais, dans la
très, très, très grande majorité des cas, on ne peut pas éviter des problèmes,
tous les problèmes. Mais là c'est ce qu'on dit, c'est... grosso modo, là,
c'est : Ne venez pas... Tu sais, idéalement, là... Et je cherche des cas
où est-ce qu'on a pénalisé une municipalité, là, dans les... il n'y en a pas
beaucoup. Ce qu'on fait souvent, là, puis c'est une suggestion, là, c'est,
quand la reddition de comptes... Puis, tant qu'il n'y a pas le dépôt puis qu'on
n'a pas... pour entendre sa reddition de comptes, on retient le versement du
montant de l'année de l'année, tu sais. Puis, dans la quasi, même la totalité
des cas, ça se règle, là, tu sais. Donc, c'est pour ça que...
Mme Richard (Meggie) : Puis
je tiens à spécifier aussi, au niveau de la recommandation quatre aussi, que le
règlement adopté en vertu de l'article 16 ne peut porter sur les aides
financières octroyées par les municipalités locales. Donc, il y a... on dit les
deux choses, parce que... Bien, au niveau du trois, c'est que le règlement
adopté en vertu de l'article 16 se limite aux aides financières à vocation
culturelle ou d'intégration afin de limiter les effets sur les programmes
offerts par les ministères jugés essentiels au fonctionnement du développement
des municipalités. Donc, il y a ces deux nuances-là.
M. Cliche-Rivard : Mais vous
êtes donc convaincus... que ça s'applique à vous mais que ça va s'appliquer sur
comment vous dépensez les sommes. Ça, vous l'avez compris comme ça?
M. Châteauvert
(Pierre) :On pense, mais vous savez...
M. Cliche-Rivard : O.K. Bien,
on va l'étudier à l'étude...
M. Châteauvert
(Pierre) :Bien, tu mets trois avocats
dans une salle puis il sort quatre opinions.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. C'est ce qui termine ces discussions.
Alors, Mme Richard, M. Châteauvert, M. Gagnon, merci de votre présence et de
votre apport à nos travaux.
Alors, je vais suspendre quelques
instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 15 h 43)
(Reprise à 15 h 47)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, pour la prochaine heure, nous
recevons la Ligue des droits et libertés, représentée par M. Paul-Étienne
Rainville, responsable des dossiers politiques et porte-parole, ainsi que par
Mme Laurence Guénette, coordonnatrice et également porte-parole. Alors,
bienvenue à la commission. Alors, pour les 10 prochaines minutes, vous allez
pouvoir utiliser ce temps pour exposer votre argumentaire et, par la suite,
nous allons entamer la procédure des discussions avec les parlementaires.
Alors, le temps est à vous.
Mme Guénette (Laurence) : Parfait,
merci. Donc, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci
beaucoup pour cette invitation. Merci à la commission, donc, pour venir
discuter du projet de loi no 84 pour la Ligue des droits et libertés. Les
consultations particulières sont un moment très important pour la démocratie,
pour prendre le temps de dialoguer, d'entendre et d'approfondir les divers
points de vue.
Alors, bien, la Ligue des droits et
libertés défend et promeut les droits humains depuis 1963, donc elle est,
depuis plus de 60 ans maintenant, à l'avant-scène des luttes pour les droits
humains au Québec et elle a notamment contribué à cheminer vers l'adoption de
la charte québécoise en 1975.
Notre intervention sur le projet de loi no
84 va porter principalement sur quatre éléments. Donc, d'une part, le modèle
d'intégration qui est mis de l'avant en tant que tel, les modifications à la
charte québécoise qui sont envisagées, les obstacles sur lesquels le
gouvernement devrait agir pour favoriser véritablement l'intégration et le
processus démocratique entourant ce que le ministre a qualifié quand même de
contrat social, rien de moins. Donc, c'est à partir du cadre de référence des
droits humains qu'on soumet aujourd'hui nos commentaires.
On note que le projet de loi no 84
souligne la contribution du Québec au mouvement universel pour la défense des
droits de la personne. Et notre mémoire, en fait, on invite tout le monde à le
recevoir comme une invitation qu'on lance au gouvernement et à l'Assemblée
nationale de, justement, s'inscrire dans ce mouvement universel et de s'assurer
de ne pas agir comme une force de régression.
M. Rainville (Paul-Étienne) : Avant
d'entrer dans le contenu proprement du projet de loi, un mot, d'abord,
peut-être, sur la conjoncture internationale, qui, en fait, n'est pas étrangère
à nos appréhensions concernant le projet de loi. Et donc on constate que le
dépôt du p.l. no 84 survient dans un contexte mondial qui est marqué par la
montée des...
M. Rainville (Paul-Étienne) : ...xénophobes,
racistes, des mouvements hostiles aussi aux droits des minorités et des
personnes migrantes. Et on croit que le Québec n'est pas à l'abri de cette
mouvance internationale et que l'État québécois a la responsabilité de freiner
cette vague qui menace les droits humains sur plusieurs fronts.
Et, à ce propos, on déplore le fait que le
gouvernement multiplie depuis plusieurs années un discours sur une soi-disant
menace migratoire et qu'il multiplie aussi les amalgames fallacieux entre immigration
et plusieurs problèmes sociaux, comme la crise du logement, le manque de places
en garderie, dans les hôpitaux, et autres. On pense que c'est un discours qui
ne favorise pas l'intégration ni le sentiment d'appartenance et on pense qu'au
contraire ça contribue à alimenter les divisions et les tensions sociales.
• (15 h 50) •
Le projet de loi no 84 propose des
modifications majeures à la charte, et notamment on se concentre ici sur trois
changements, soit l'ajout du modèle d'intégration nationale aux articles... au
préambule et aux articles 9.1 et 50. Ces ajouts-là ont des conséquences
pourraient avoir des conséquences majeures, parce qu'en fait les droits
inscrits dans la charte seraient alors interprétés à l'aulne d'une politique
d'intégration, dont on ne connaît d'ailleurs pas vraiment les tenants et les
aboutissants. Ça pourrait... contribuer, pardon, à hiérarchiser les droits et
ça fragiliserait, finalement, les fondements de notre édifice des droits
humains. Et, en fait, à la ligue, on croit que c'est la politique d'intégration
nationale qui doit se conformer aux droits inscrits à la charte, et non pas la
charte qui doit être interprétée à travers le prisme de cette nouvelle
politique. Et c'est pourquoi on recommande le retrait des articles 18 à 21 du
projet de loi no 84.
Dans notre mémoire, on souligne aussi que
l'État n'a pas le pouvoir ni la légitimité de légiférer sur des soi-disant
valeurs communes ou valeurs sociales distinctives. Comme on le sait, les
valeurs évoluent dans le temps. Elles sont aussi plurielles dans une société
pluraliste. On rappelle aussi qu'historiquement plusieurs violations de droit
ont été faites au nom des valeurs, que l'on pense à la criminalisation de
l'avortement ou à la criminalisation de l'homosexualité, par exemple. On croit
que c'est extrêmement dangereux de subordonner d'une quelconque façon les
droits humains reconnus internationalement aux soi-disant valeurs québécoises.
En fait, cette volonté d'imposer des valeurs communes distinctives s'écarte en
grande partie de l'idée d'interculturalisme et marque un glissement vers
l'assimilationnisme.
On comprend très bien la volonté du
gouvernement de doter le Québec d'un modèle d'intégration spécifique, mais on
croit que le p.l. no 84 s'éloigne du principe de convergence culturelle, de
respect du pluralisme et du droit à l'égalité qui doivent être au fondement
d'un véritable interculturalisme.
Mme Guénette (Laurence) : On
va prendre un instant, maintenant, pour penser aux vraies solutions qui
devraient être mises de l'avant, selon la Ligue des droits et libertés, pour
favoriser l'intégration. Donc, à la lecture du projet de loi, force est
d'admettre que l'accent est surtout mis sur la responsabilité des personnes
immigrantes et des minorités ethniques et racisées, alors que les
responsabilités de l'État, elles, semblent rester plutôt limitées. Elles se
résument à la francisation, l'enseignement des valeurs démocratiques et la
valorisation des contenus culturels québécois.
Donc, à notre avis, un véritable modèle interculturel
implique que l'État prenne pleinement ses responsabilités en s'attaquant en
priorité aux causes structurelles du racisme et de la discrimination qui
touchent les communautés racisées et les communautés... pardon, les personnes
issues de l'immigration ancienne et récente. Notre mémoire souligne donc que le
gouvernement québécois doit reconnaître l'existence du racisme systémique au
Québec et s'attaquer à ces nombreuses manifestations. Le racisme systémique
étant maintenant une réalité sociale démontrée scientifiquement.
On insiste aussi sur le fait que le
gouvernement doit s'assurer que toutes les personnes puissent exercer de plus
en plus pleinement leurs droits économiques, sociaux et culturels, que ce soit
le droit à l'éducation, à la santé, le droit au logement, le droit à un niveau
de vie suffisant, parmi d'autres. Donc, au lieu de progresser, en ce moment,
ces reculs-là sont en train de... ces droits-là sont en train de souffrir des
reculs importants en raison du désengagement de l'État.
Pourquoi on en parle dans le cadre des
consultations aujourd'hui? D'abord, parce que ces reculs-là qu'on observe dans
les droits, affectent en premier lieu les personnes racisées et d'autres
groupes marginalisés dans notre société. Ensuite, parce que les compressions et
l'austérité, donc, ici, on pense à la rareté des médecins de famille, des
logements abordables, des places en CPE, cette rareté-là est propice à
alimenter une rhétorique anti-immigration très dangereuse. Et, pour la Ligue
des droits et libertés, en fait, l'intégration...
Mme Guénette (Laurence) : ...ne
se fait donc pas par l'imposition de valeurs, mais par la mise en place de
programmes publics, de conditions favorables pour permettre plus facilement
d'accéder à l'emploi, à l'éducation, à la santé, et ainsi de suite.
On a aussi des grosses préoccupations par
rapport au processus démocratique qui est proposé ici. Donc, on tient à
souligner qu'étant donné les risques que le projet de loi n° 84 fait peser sur
les droits de tous les Québécoises et Québécois et l'ampleur du contrat social
qu'on prétend coucher sur papier, la ligue recommence... recommande que la
future politique d'intégration fasse l'objet d'une véritable étude des enjeux,
des impacts, qu'elle donne lieu à une consultation générale, et ce, avant
l'adoption du projet de loi n° 84. Ces consultations devraient inclure
l'ensemble des personnes et des groupes intéressés et en particulier les
personnes qui sont directement concernées par la politique.
Bien, donc, non seulement quelques
journées de consultation sur invitation seulement et pour lesquelles les
groupes sont convoqués à peu près une semaine d'avance, ce n'est pas suffisant
pour adopter ce genre de projet de loi, mais en plus il y a beaucoup de pouvoir
discrétionnaire qui est octroyé au ministre dans le p.l. 84 ou des zones qui
restent floues et à déterminer ultérieurement.
Donc, dans son libellé actuel, le projet
de loi laisse le ministre élaborer cette politique, déterminer à quels
organismes elle va s'appliquer, déterminer par voie de règlement, donc en
dehors de tout processus démocratique qui serait ouvert, public et transparent,
la compatibilité avec le modèle d'intégration nationale qui va être exigée de
certains organismes quand ils octroient de l'aide financière. Il se laisse
aussi la possibilité d'adopter tout règlement qui va faciliter la mise en œuvre
de la loi sur l'intégration nationale et même préciser la portée des termes qui
y sont employés. Donc, ça fait beaucoup. Ce sont beaucoup d'éléments sur
lesquels on nous demande de donner carte blanche, finalement, au gouvernement,
et c'est non.
On recommande que toute modalité qui est
indéterminée en ce moment dans le projet de loi n° 84 soit soustraite à
cette... à ce pouvoir discrétionnaire et fasse l'objet d'études et de
consultations appropriées en toute transparence.
Donc, vous l'aurez compris, la Ligue des
droits et libertés est très, très préoccupée par ce projet de loi et n'est pas
la seule. Donc, plus tôt cette semaine, on a émis un communiqué de presse qui a
été endossé par près de 100 autres organisations de la société civile,
syndicats, organisations communautaires de défense des droits, etc. Ces
organisations partagent des préoccupations sur les dangers que le projet de loi
représente pour les droits humains. Ils partagent le constat que le
gouvernement alimente, depuis un certain temps déjà, une rhétorique qui fait
des immigrants, immigrantes les boucs émissaires de plusieurs enjeux sociaux et
ils dénoncent l'insuffisance des consultations en tournant... entourant le
projet de loi n° 84.
Nous voulons un Québec inclusif, juste et
respectueux des droits de tous et de toutes, et ce projet de loi, avec
l'ampleur qu'il prétend avoir, ne peut pas être adopté sans faire l'objet d'un
débat démocratique large, inclusif et transparent. Et, dans cette perspective,
M. le ministre Roberge, est-ce que vous pouvez vous engager dès maintenant et
de façon explicite à ne pas recourir à la procédure du bâillon pour faire
adopter le projet de loi n° 84? Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci pour cet exposé. Avant qu'on commence les
discussions, je veux juste... Je vous ai laissé aller, M. Rainville. Vous avez
repris pratiquement texto certaines phrases de votre mémoire. Je veux juste vous
rappeler que vous avez évidemment le droit de critiquer, c'est l'exercice
démocratique auquel on se prête aujourd'hui, il faut juste faire attention de
ne pas prêter des intentions, c'est bien important. Alors, sur ce, on va
entamer les discussions avec les parlementaires et on commence avec la partie
gouvernementale pour 16 minutes 30 secondes.
M. Roberge : Merci bien.
Merci pour votre présentation puis pour le mémoire, on en a pris connaissance.
Bien, vous nous demandez, là, si on va
utiliser la procédure d'exception. Ce n'est pas notre intention, ce n'est
jamais notre intention au début de... du commencement des travaux.
Comment vous voyez en ce moment
l'intégration au Québec? Est-ce que, d'après vous, ça va bien puis on devrait
prôner le statu quo ou bien il y a des enjeux, puis on devrait se questionner
pour changer la donne?
M. Rainville (Paul-Étienne) :
...
Mme Guénette (Laurence) : Vas-y,
je compléterai.
M. Rainville (Paul-Étienne) : Oui.
Bien, en fait, l'intégration... Bon, évidemment, là, le Québec est une société
qui est inclusive, et tout ça, mais il y a encore énormément de discrimination
systémique à l'endroit des personnes racisées et immigrantes dans le domaine de
l'emploi. Tu sais, on disait : C'est une réalité qui, oui, est parfois
difficile à admettre, l'existence du racisme systémique au Québec, mais c'est
une réalité qui est prouvée scientifiquement par des centaines d'études, la
discrimination dans le logement, la discrimination dans l'emploi, dans le système
carcéral, dans l'administration de la justice, la protection de l'enfance. Et
donc est-ce que l'intégration va bien? Si on le prend sous...
M. Rainville (Paul-Étienne) : ...cet
angle-là, on pourrait dire : pas tellement. Est-ce qu'on peut améliorer?
Oui. Et c'est pour ça que, dans le fond, nous, ce qu'on ajoute aussi, c'est la
dimension... Si on veut avoir une inclusion, il faut lutter contre l'exclusion,
premièrement, et, deuxièmement, il faut adopter des politiques, des programmes
publics qui sont réellement destinés à intégrer les personnes, donc par le
travail, par l'accès aux garderies, aux écoles, à un système de santé
universel. Bref, on vous invite à regarder aussi tout ce pan-là. Et d'ailleurs
il y a d'autres personnes qui ont insisté sur la dimension socioéconomique, là,
de l'inclusion. Donc, je ne me... je ne ferai pas de bilan global de si
l'intégration va bien ou mal, mais assurément il y a énormément d'obstacles.
Puis là c'est une occasion d'en discuter puis de penser à des solutions à ce
niveau-là.
• (16 heures) •
M. Roberge : On a des
obstacles, on va essayer de trouver la meilleure façon de les lever. Puisqu'on
est dans une loi-cadre, il y a des grandes valeurs, des grands principes, j'ai
cru comprendre tout à l'heure, corrigez-moi, que vous êtes plutôt en faveur de
modèles interculturels, ou pas? Je ne veux pas vous mettre des mots dans la
bouche. Est-ce que c'est plus ça ou multiculturel?
Mme Guénette (Laurence) : En
fait, ce qu'on constatait, c'est que le projet de loi se présente comme un
modèle interculturel, mais nous, on remet en question que ce soit véritablement
de l'interculturalisme qui nous est proposé.
M. Rainville (Paul-Étienne) : Bien,en fait, puis je ne veux pas encore faire appel à d'autres personnes, mais
il y a beaucoup de gens qui... Bon, ça fait des années que le Québec tente de
chercher une voie qui n'est pas le multiculturalisme canadien, qui n'est pas le
républicanisme français, qui n'est pas le melting pot américain. Ça, c'est une
quête qui est, bon, légitime, effectivement. Quel modèle est le mieux? Nous, ce
qu'on fait, c'est qu'on le juge à l'ombre de ses impacts potentiels sur les
droits humains. Est-ce que... On comprend bien la démarche vers une sorte de
l'interculturalisme, mais nous, ce qu'on dit, c'est que c'est fondé, justement,
l'interculturalisme, sur le droit à l'égalité, sur le pluralisme, c'est fondé
aussi sur une convergence culturelle. Et là je sais que dans le... dans votre
projet de loi, il y a certains mots — réciprocité — qui
sont là, mais ce qui se dégage, et c'est ce que plusieurs personnes ont
mentionné, c'est qu'il y a un glissement vers l'assimilationnisme qui est
beaucoup lié à la question de l'adhésion aux valeurs majoritaires,
coconstruites peut-être, mais aussi sur un discours qui tend à dire que les
personnes issues de l'immigration, les personnes racisées, n'adhèrent pas aux
valeurs démocratiques ou aux valeurs québécoises. Donc, c'est ce glissement-là
qu'on... On peut chercher un aménagement, mais la tendance assimilationniste
qu'on voit, elle est assez claire, et plusieurs personnes l'ont dit, dont, vous
savez, Mme Harel et d'autres, M. Rocher, même M. Bouchard.
M. Roberge : J'ai
l'impression que c'est un problème plus qu'autre chose. Mais ma question est
assez claire. Supposons que dans votre modèle idéal, épuré, serait-il
multiculturel ou interculturel?
M. Rainville (Paul-Étienne) : En
fait, ce qui est... On sait que ça fait... Bon, j'ai étudié ça pendant
plusieurs années : les différents modèles d'intégration. Et tous les
modèles d'intégration ont des avantages, des inconvénients, et tout ça. C'est
clair que le Québec a une réalité historique qui est singulière. La question de
la langue française aussi. Donc, le modèle qu'on proposerait, sans vouloir y
mettre une étiquette comme telle, c'est un modèle qui s'appuie, un, sur le
combat contre les discriminations, les marginalisations puis, deux, sur des
programmes publics, des politiques publiques, et là qui s'écartent, qui vont
plus loin que ce que vous proposez dans le sens où vous... pour vous, c'est
surtout l'apprentissage des valeurs démocratiques, comme s'il fallait éduquer à
la démocratie d'autres personnes, c'est aussi la question de la francisation,
ça, c'est très bien, mais ce qu'on dit, c'est qu'il y a un paquet de politiques
positives, de programmes qui peuvent être mis en place pour favoriser
réellement l'intégration. Et donc c'est ce modèle-là qu'on propose. Est-ce que
c'est de l'interculturalisme ouvert, fermé? Est-ce que c'est... L'étiquette, je
pense, qui compte moins que le contenu qu'on vous propose.
M. Roberge : On est quand
même dans un projet de loi-cadre, on discute de principes et de concepts, j'ai
de la misère... Vous venez nous présenter quelque chose, vous nous dites que
c'est un projet de loi assimilationniste. M. Gérard Bouchard, qui est
quand même un des piliers de l'interculturalisme au Québec, est venu nous dire
clairement non. Vous maintenez le procès d'intention sur le projet de loi, mais
vous ne pouvez pas qualifier ce que vous souhaiteriez.
Mme Guénette (Laurence) : Ce
n'est pas un procès d'intention, je vous rassure, c'est vraiment de réfléchir
vraiment à quel fondement on veut à notre société, à notre vivre ensemble. Et
nous, en fait, la ligue souhaite aussi s'éloigner un peu de ces enjeux, parce
qu'on le sait, là, entre la définition de l'interculturel, multiculturel, il y
a l'enjeu de fédéral/Québec. On comprend ça puis ce n'est pas pour...
16 h (version non révisée)
Mme Guénette (Laurence) : ...l'importance
de ça, mais on arrive avec un cadre de droits humains beaucoup plus vaste et c'est
un modèle qui serait respectueux de ces droits-là et qui ferait cohabiter tout
le monde en ne mettant pas les droits des uns en opposition avec les droits des
autres, c'est ce qu'on voudrait voir.
Je vous invite aussi à découvrir à la
page, je crois, c'est, oui, 11 de notre mémoire qu'on a soumis hier, une
citation, mais peut-être le rapport en entier, si vous avez l'occasion, du
Rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines de racisme,
de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance, qui déjà
identifiait, il y a plusieurs années, la façon dont certaines crispations
identitaires, donc beaucoup fondées sur les systèmes de valeurs, les
expressions de diversité culturelle, peuvent vraiment amener une dérive vers un
modèle assimilationniste et un modèle qui... qui favorise en fait la montée des
discours anti-immigration. Et donc ce n'est pas un procès d'intention qu'on
essaie de faire aujourd'hui, mais vraiment de sonner l'alarme parce que pour
nous, le projet de loi n° 84 ne va pas dans le bon sens du tout à cet
égard.
M. Roberge : Mais, bon, vous
vous appelez la Ligue des droits et libertés. Hier, la Commission des droits de
la personne et de la jeunesse sont venues, ils ont fait toutes sortes de... de commentaires,
mais commencer la présentation en disant, pour eux, le projet de loi n° 84
n'est pas attentatoire à la Charte et aux droits. C'est quand même une autorité
intéressante. Plus loin, vous dites... dans votre présentation et dans votre
mémoire, vous dites qu'il ne faudrait pas modifier la charte puis dire qu'il
faudrait interpréter la charte à la lumière du modèle d'intégration nationale.
Il ne faudrait pas faire ça parce que vous êtes en désaccord avec cette
posture-là.
Je veux vous signale qu'au Canada, l'article 27
de la Charte canadienne prévoit que les droits sont interprétés à la lumière du
principe du multiculturalisme. Ma mère dirait ce qui est bon pour pitou, c'est
bon pour minou. Pourquoi ce serait correct qu'Ottawa inscrive dans sa charte qu'il
faut l'interpréter à la lumière du multiculturalisme, donc des droits purement
individuels, mais que nous, au Québec, on ne pourrait pas ajuster notre charte
puis la lire à la lumière de notre modèle qui inclut les droits collectifs
aussi, les valeurs qui sont communes, valeurs communes qui sont d'ailleurs
reconnues par la Cour suprême du Canada? Ça ne s'invente pas, puis c'est rare
que je suis d'accord avec eux. Pourquoi nous on ne pourrait pas ajouter une
petite dose de vivre ensemble puis de droits collectifs pour faire contrepoids
à ce que le Canada a fait avec son interprétation du multiculturalisme dans sa
charte?
M. Rainville (Paul-Étienne) : Je
peux peut-être, peut-être débuter. Bon, il y a plusieurs choses, quatre choses
au moins. La question de la Commission et des violations de droits d'abord. En
fait, ce qui est clair, c'est que l'inclusion du modèle d'intégration nationale
dans les différents articles, que ce soient des clauses limitatives des clauses
interprétatives de la charte, c'est assurément... va assurément contribuer à
affaiblir certains droits au détriment d'autres, ça, c'est clair et net, alors
que le principe de base du droit international, c'est que les droits sont
indivisibles, interdépendants. Donc, ça, c'est un premier élément.
Mais ce qui est, ce qui arrive aussi, c'est
que, non, on ne peut pas d'emblée dire il va y avoir des violations de droits.
Pourquoi? Parce qu'on ne connaît pas encore la politique nationale. Par contre,
ce qu'on voit, c'est que l'idée, nous ce qu'on... d'imposer des valeurs qui
seraient communes ou même de tenter des codifier et d'être... de s'arroger le
droit en tant que gouvernement de le faire, bien, déjà, c'est attentatoire à la
liberté de conscience, à la liberté d'expression. Aussi en ciblant les
minorités, certaines minorités, c'est aussi attentatoire au droit à l'égalité.
Et dans l'application de la politique, quel autre droit va pouvoir être
violé... va être violé? Je vais dire le vrai mot. Bien, en fait, il y en a peut-être
plusieurs, peut-être le droit d'association, le droit de manifester, le
droit... bref, des droits culturels aussi, probablement. Donc, de dire qu'il n'y
a... qu'elle n'est pas attentatoire aux droits humains, à notre avis, c'est
faux, en tout cas, du moins dans ce qu'on lit dans l'intention de la nouvelle
politique. On a... on peut craindre que ça va être pire quand on va lire la
politique, si je peux me permettre.
M. Roberge : Mais vous ne
pensez pas que vous pousser le bouchon un peu loin quand vous dites que, là, on
va s'en prendre au droit d'association, au droit de manifester, puis vous nous
dites vous ne prêtez pas d'intention; mais là c'est comme l'hécatombe des
droits parce qu'on fait référence aux droits de la Charte, hein?
Quand on regarde ici, là, dans l'article 5,
le...
M. Roberge : …l'intégration
repose sur les fondements suivants, donc les fondements du modèle. Alinéa trois :
«L'adhésion aux valeurs démocratiques et aux valeurs québécoises, exprimées
notamment dans la Charte des droits et libertés de la personne.» Donc, les
droits auxquels on fait référence dans notre modèle sont les droits de la
charte. C'est ceux-là qu'on met de l'avant. Puis vous nous dites que ça, ça va
empêcher la liberté d'expression, le droit d'association, le droit de
manifester. Faites-moi la démonstration de ça.
• (16 h 10) •
M. Rainville (Paul-Étienne) :
Au niveau de la projection des potentielles atteintes aux droits, c'est surtout
dans l'application de la loi, comme telle, qu'on pourra mesurer. Et donc, oui,
j'ai fait un peu de prospection, je m'en excuse. Maintenant, pour ce qui est de
l'inscription de la charte dans votre définition des valeurs québécoises, c'est
un… c'est un truc assez intéressant, parce que, dans les dernières années, vous
nous avez quand même habitués à l'utilisation de plus en plus systématique des
clauses dérogatoires. Vous avez aussi apporté des modifications à la charte,
avec des processus dont Laurence pourra rediscuter, ce qui était un peu rapide.
Et donc on trouve assez paradoxal que vous incluiez la charte, mais qu'en même
temps vous la modifiiez même pour inclure votre politique dedans, et qu'en plus
vous vous utilisiez de manière de plus en plus systématique la clause
dérogatoire à la Charte québécoise. Donc, il y a comme une contradiction, là.
Mme Guénette (Laurence) : Il
faudrait quand même aussi se rappeler…
M. Roberge : C'est comme si,
parce que vous étiez d'accord… excusez-moi, juste sur ce qu'il vient de dire,
parce que vous étiez en désaccord avec le fait qu'on utilise la clause de
souveraineté parlementaire sur d'autres lois, alors qu'ici on ne l'utilise pas,
vous portez un jugement sur cette loi-ci. C'est encore de la prospection, là.
M. Rainville (Paul-Étienne) :
C'est du bilan de ce qui s'est passé dans le passé, plutôt.
M. Roberge : Oui, mais là,
c'est une loi à venir, mais allez-y.
Mme Guénette (Laurence) : Mais
c'est parce qu'on observe, là, c'est que plutôt que de s'assurer que la charte
québécoise, qui fête ses 50 ans en ce moment, soit renforcée et respectée,
on est en train de la façonner pour l'inféoder à la politique d'intégration
nationale, qui, par ailleurs, on a ses grands principes, mais elle n'est pas
encore écrite. On n'est pas encore invité à se prononcer sur cette
politique-là. Et, parmi les éléments de la charte que vous mentionnez, tu sais,
il y a la laïcité de l'État, qui a été intégrée à la charte, donc une modification
qui a été apportée à la charte, sous bâillon, en 2019, et qui s'est révélée
attentatoire aux droits. Donc, c'est ce que beaucoup de groupes craignaient
avant l'adoption de la loi sur la laïcité et qui est maintenant avéré. Il y a
eu plusieurs études qui sont sorties. Donc, c'est là que, pour nous, la façon
de refaçonner un peu la charte pour qu'elle puisse bien s'arrimer à la
politique d'intégration, sur laquelle on a un profond malaise, oui, ça nous
inquiète beaucoup.
M. Roberge : Bien, je vous
répète que la Commission des droits de la personne et de la jeunesse a jugé que
la loi n'était pas attentatoire. Et je veux juste préciser ou corriger quelque
chose. Depuis tout à l'heure, vous dites qu'on modifierait la charte en vertu
d'une politique qui n'est pas encore écrite. Juste vous rappeler qu'à
l'article 20 on parle de modifier la charte… à l'article 19, pour y
intégrer le modèle québécois d'intégration nationale. Le modèle québécois, les
grands principes, ils sont dans la loi. Une politique, c'est la mise en œuvre
des grands principes. Donc, on modifie la charte en fonction des principes qui
sont dans la loi, puis la loi, comme on dit, tout est dans tout, elle fait
référence à la charte. Donc, il faut quand même faire un certain effort pour
penser qu'une loi qui réfère à la charte, qui modifie la charte pour la référer
à la loi, est attentatoire à la charte. Je veux dire, je n'aurais même pas
pensé à faire cette allégation-là, c'est quelque chose.
M. Rainville (Paul-Étienne) : À
mon avis, c'est surtout… si, par exemple, on dit que le gouvernement en place
respecte et… ses obligations en vertu de la charte, alors pourquoi avoir besoin
de l'inscrire dans la charte, premièrement, puis, deuxièmement, pourquoi ne pas
au contraire dire : Bien, on va adopter une loi, une politique et on va la
soumettre au test de la charte.
M. Roberge : Mais on peut
aussi choisir de faire évoluer la charte en fonction de problématiques. Les
législateurs, il y a quoi, 45 ans, ou à peu près, je ne pense pas qu'ils
étaient au diapason de la société du Québec de 2025. à la fin des
années 80, on est au début des années 80, on était avec des
commissions scolaires confessionnelles, on enseignait la pastorale dans nos
écoles. On était loin de se douter que la laïcité serait une valeur
fondamentale. Maintenant, la laïcité…
M. Roberge : ...en 2025,
ce n'est pas la vision qu'on avait en 1980. C'est normal, je pense, de faire
évaluer la charte en fonction de l'évolution de la société québécoise. Vous ne
pensez pas?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. C'est ce qui termine la partie de discussion avec le
gouvernement. On va se tourner du côté de l'opposition officielle et le député
d'Acadie pour 12 min 23 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Merci pour votre mémoire. Merci d'être, d'être là. Il y
a... Moi, il y a un volet, et d'ailleurs vous le soulignez dans votre... dans
votre mémoire sur lequel je voudrais vous entendre plus. Il y a des modèles
d'intégration qui parlent évidemment de valeurs, de culture, mais qui parlent
aussi de droits socioéconomiques. Vous faites une référence à ça, la page 11 de
votre mémoire qu'il n'y a rien dans le projet de loi qui traite de ça. Et puis
j'aimerais... J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous avez des
suggestions particulières qui feraient en sorte qu'on pourrait bonifier ce
projet de loi là pour évidemment inclure tout le monde et aider véritablement à
les intégrer?
Mme Guénette (Laurence) :
Bien, si on pense plus spécifiquement, là, à la mise en œuvre des droits
économiques, sociaux et culturels, c'est sûr que, dans la charte, tant qu'à
modifier la charte, rendre ces droits-là justiciables serait déjà un bon pas
vers une progression intéressante. C'est ce que la ligue, d'ailleurs, exige
depuis longtemps maintenant, et pas seulement la ligue. Donc, le Québec s'est
engagé à l'international en vertu du Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels et en vertu d'autres instruments aussi. Et
dans une perspective où tous les droits sont indépendants, ces droits-là
économiques, sociaux et culturels sont intimement liés aussi avec le droit à
l'égalité, pour que toutes les communautés, tous les groupes de la société se
sentent pleinement intégrés notamment. Donc, c'est une dimension, oui. Si on
pouvait modifier la charte à cet effet dans le projet de loi n° 84, mais
je n'ai comme pas l'impression que c'est quelque chose qui puisse se faire
comme ça, d'un claquement de doigts étant donné mes réticences depuis
longtemps.
M. Morin : Mais, je vous
dirai, là-dessus, c'est peut-être un des avantages d'être dans l'opposition
officielle, c'est qu'on a une marge de manœuvre. Et puisque le gouvernement
nous invite à ouvrir la charte, bien, tant qu'à y être, si on veut intégrer,
intégrons. Alors, allons-y. Allons-y. Pourquoi pas?
Mme Guénette (Laurence) :
Allons-y pour la... Cessons la distinction entre les droits civils et
politiques et les droits qui ne sont pas justiciables. Dans ce cas-là, ajoutons
le droit à la santé, le droit au logement. Donnons un peu d'envergure au droit
à un environnement sain aussi, qui implique des dimensions démocratiques.
Allons-y à fond dans ce cas-là.
M. Morin : Bien, en
fait, c'est parce que mon point de suivant. Oui, je pense que c'est important
que les gens qui arrivent ici soient capables de reconnaître qu'il y a des
valeurs qui sont propres. Il y en a dans toute société. Puis en fait, vous
l'avez évoqué vous-même, ce qu'on veut, ultimement, c'est que les gens puissent
vivre ensemble dans l'harmonie. Et ce n'est pas juste utopique. Je pense que
c'est un objectif qu'on peut poursuivre, qui est tout à fait valable et qu'on
doit le faire. Puis en lisant sur différentes politiques d'intégration, et qui
ont été... et qui ont été adoptées dans le passé, là, au Québec, souvent on a
parlé justement des droits socioéconomiques des gens pour une véritable
intégration. Quand les gens arrivent ici parce que la loi, c'est... Et le
projet de loi fait référence à... mentionne des immigrants. Ils arrivent, ils
apprennent la langue. C'est important, fondamental, mais après ils veulent
travailler. Puis après, il faut être capable de leur donner les moyens de
travailler.
Je citais un peu plus tôt un exemple d'une
dame qui veut apprendre le français, mais elle est seule avec son enfant. Puis
Francisation Québec, ils offrent des cours de francisation le soir. Elle n'est
pas capable de laisser son enfant. Donc, elle, c'est un handicap pour elle. Ce
n'est pas parce qu'elle ne veut pas apprendre le français, là. Donc, je me dis,
si on veut véritablement faire une place à ces gens-là qui sont un apport pour
la société québécoise, bien, il faut regarder l'ensemble de ces éléments-là.
Puis c'est pour ça que je vous posais la question, parce que vous avez fait
référence aussi à toute la question des garderies puis des CPE, qui peuvent
aussi aider, justement. Parce que ce que, moi, j'ai entendu sur le terrain,
puis vous pouvez me dire... Je ne sais pas si vous, vous l'avez entendu, mais
il y a... il y a des familles immigrants qui arrivent. Les enfants, évidemment,
vont à l'école. Ils apprennent le français. Les parents restent à la maison. Et
puis, à un moment donné, il y a un débalancement. C'est les enfants qui
accompagnent les parents, puis les parents ne parlent pas le français. Puis ce
n'est pas pour moi une bonne façon de s'intégrer dans notre société. Alors,
est-ce que c'est quelque chose auquel vous avez été confrontée, que vous avez
rencontré dans votre expérience, par exemple?
Mme Guénette (Laurence) :
Bien, la Ligue des droits et libertés ne travaille pas directement avec... Par
exemple, là, je pense aux demandeurs d'asile. Étant donné la cause...
Mme Guénette (Laurence) : ...la
cause qui a été portée devant les tribunaux pour que l'accès des demandeurs
d'asile aux garderies subventionnées soit rétabli. On sait par notre
collaboration avec plusieurs d'autres groupes que... ce que vous avez dit, en
effet, et aussi que les femmes sont discriminées de façon particulièrement
accentuée par rapport aux hommes dans cet enjeu-là d'accès aux garderies, vous
l'avez dit, un écart qui se creuse aussi entre le niveau de français que les
parents et les enfants vont développer, et aussi il a été constaté qu'il y a
vraiment un retard de socialisation des jeunes enfants qui ne peuvent pas
fréquenter les milieux de garde, qui sont souvent dans des situations assez
isolées, où ce n'est pas évident de côtoyer d'autres enfants et aussi des
éducatrices, éducateurs, donc il y a aussi un retard dans le... pour déceler,
en fait, des difficultés d'apprentissage, et tout. Donc, c'est aussi de faire
partir non seulement ces familles-là et ces femmes-là, particulièrement, avec
des barrières supplémentaires, mais en plus de faire partir ces enfants-là avec
un certain déficit dès le plus bas âge. Donc, effectivement, c'est... ça fait
partie des dossiers qui nous interpellent beaucoup.
• (16 h 20) •
M. Morin : Je vous remercie.
Il y a un autre volet que j'aimerais intégrer, on n'en a pas parlé. Je suis...
Pour l'opposition officielle, je suis aussi le porte-parole pour les relations
avec les Premières Nations et les Inuits. Dans le projet de loi, il y a un
considérant qui fait référence aux Premières Nations et aux Inuits, et ça leur
accorde le droit qu'ils ont de maintenir, de développer leur langue et culture
d'origine. Évidemment, vous en parlez dans votre mémoire, mais j'aimerais...
j'aimerais vous entendre davantage. C'est quoi, votre position en ce qui a
trait aux Premières Nations? On va entendre des groupes des Premières Nations
dont l'APNQL. Mais... c'est sûr que c'est une... ce sont des nations en soi, je
les comprends, mais comment on devrait s'organiser pour qu'il y ait un meilleur
vivre-ensemble, justement, avec les Premières Nations?
M. Rainville (Paul-Étienne) : Oui,
je peux peut-être... Merci pour la question. Parce qu'en fait c'est un élément
qu'on a décidé de ne pas aborder aujourd'hui parce qu'on veut aussi, nous,
plutôt écouter les points de vue des... Oui?
M. Morin : Je vous comprends,
là, moi aussi, mais...
M. Rainville (Paul-Étienne) : Il
y a d'autres... Oui, mais...
M. Morin : ...vous en parlez
dans votre mémoire.
M. Rainville (Paul-Étienne) : Oui,
absolument. Puis je... tu sais, je trouve ça très bien. En fait, on commence
notre mémoire avec cette question-là pour parler entre autres
d'assimilationnisme. Et, oui, on est un peu... on est un peu durs, mais on
trouve que, dans le projet de loi actuel, il y a une logique qui est un peu la
même que celle qui est au fondement, je dirais, du projet colonial
euro-québécois. En fait, il y a une mention seulement des droits des peuples
autochtones dans le préambule. Donc, on a un projet de loi sur l'intégration et
on a une seule mention, et cette mention-là, elle concerne quoi? Les droits
culturels et les droits linguistiques. Donc, ça réduit les droits des peuples
autochtones... un résidu, si on veut, linguistico-culturel, alors... et alors
qu'il y a énormément de... les droits ancestraux, les droits territoriaux,
etc., ne sont pas dans le projet. Pourquoi?
L'autre élément qui est assez particulier,
c'est le fait qu'effectivement le projet de loi affirme haut et fort le droit
du Québec à l'autodétermination. C'est un droit qui est reconnu dans les pactes
internationaux. Pourquoi ne pas souligner le droit à l'autodétermination des
peuples autochtones? Ceci est une autre contradiction.
Il y a aussi des éléments, par exemple,
que la politique puisse intégrer une sorte d'allégeances aux symboles
nationaux. On pense que, dans le contexte de réconciliation, c'est un peu...
bon, je vais dire le mot «délicat».
On appelle aussi plus largement le Québec.
Parce que, dans le projet de loi, il y a une volonté aussi de s'affirmer, je
pense, dans le... sur le plan international aussi, à intégrer dans le droit
interne, finalement, les normes de la Déclaration des Nations unies sur les
droits des peuples autochtones. Et d'ailleurs il y a plusieurs rapports, la
commission Vérité et Réconciliation, commission Viens, d'autres qui ont recommandé
justement ça. Et pourquoi ne pas profiter de cette réflexion collective là sur
le vivre-ensemble pour justement s'appuyer sur ces principes-là, qui sont
reconnus à l'échelle internationale et auxquels est lié le Canada depuis 2012,
je parle de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
autochtones?
M. Morin : D'ailleurs, quand
on parle de la Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones, il y
a... il y a une motion unanime de l'Assemblée nationale qui dit évidemment qu'on
devrait le reconnaître, mais ça n'a pas été inséré dans une loi encore. Je
pense que... Est-ce que vous pensez que ce projet de loi là pourrait être une
opportunité de faire une référence à la Déclaration des Nations unies? Parce
qu'évidemment je vous écoutais, je l'ai lu, mais, pour les Premières Nations,
ce n'est pas juste une question de langue et de culture, c'est beaucoup plus
que ça.
M. Rainville (Paul-Étienne) : Est-ce
que je l'ai souligné? Juste souligner qu'en plus le mot «langue» et «culture»
est écrit au singulier. Alors...
M. Rainville (Paul-Étienne) : ...on
parle de nations au pluriel. C'est extrêmement... je cherche le mot.
M. Morin : Bien, en fait, je
vous dirais que c'est intéressant, parce que le Commissaire à la langue
française a noté la même chose dans son mémoire.
M. Rainville (Paul-Étienne) : Absolument,
oui.
M. Morin : C'est un petit
peu... un petit un petit peu curieux, mais, enfin, bref.
M. Rainville (Paul-Étienne) : Ça
montre quand même une conception particulière.
Mme Guénette (Laurence) : C'est
sur aussi qu'on pense que, de façon générale, si on veut aller vers un modèle
d'intégration puis tenir compte pleinement des droits des peuples autochtones,
peut-être qu'une mention de la Déclaration des Nations Unies serait de mise,
mais aussi un certain engagement à aller vers l'application des
recommandations, là, des différents... ou l'adoption du Principe de Joyce.
Quand on parlait de sécurisation culturelle, il y a quelques mois, avec la
présentation d'un projet de loi à ce sujet-là, le Principe de Joyce était
absent. Donc, il y a vraiment du chemin à faire, en fait, pour bien intégrer
tous les éléments d'intégration qui favoriseraient que les peuples autochtones
aussi soient inclus, donc, pas que des choses leur soient imposées, mais qu'ils
fassent vraiment partie de l'équation.
M. Morin : D'ailleurs, au
niveau du projet de loi no 32, sur la sécurisation culturelle des peuples
autochtones, je peux vous en parler parce que j'étais le porte-parole pour
l'opposition officielle, et toutes mes tentatives d'inclure le Principe de
Joyce dans sa totalité, dont la reconnaissance du principe systémique... bien,
j'ai subi un échec, je dois l'avouer, ça n'a pas marché. Alors, ça aurait été,
je pense, une bonne idée, mais, enfin, bref, ça n'arrivera pas. Donc, O.K.,
alors je vous comprends, ça, c'est aidant. Je vous remercie.
Il y a aussi un considérant qui parle du
respect des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise. Il
n'y a rien dans le projet de loi qui fait référence, comme tel, à la communauté
d'expression anglaise. M. le ministre reconnaissait hier que c'était une
communauté quand même historique, ça fait longtemps. Est-ce que vous avez
réfléchi à la question? Est-ce que vous avez des pistes de solution?
Mme Guénette (Laurence) : Je
pense que, là aussi, à être à l'écoute... Il y a plusieurs, j'ai l'impression,
plusieurs moments d'éloignement qui ont été... qui ont été faits dans les
dernières années. Donc, encore là, c'est... Tu sais, nous, on l'a abordé dans
notre mémoire, pas spécifiquement, on est allé de façon large, dans le respect
des droits de tout le monde, et c'est le même cadre d'analyse qui s'applique
aux personnes de langue anglaise au Québec.
M. Rainville (Paul-Étienne) : Et
peut-être, je pourrais préciser que, justement, cette vision là, un peu, qu'on
perçoit dans le mémoire, qui n'est pas nommée explicitement, mais ce que
plusieurs gens ont exprimé comme malaise, c'est qu'on a là une espèce
d'impression d'une société qui reconnaît qu'il n'y a pas de reconnaissance du
pluralisme, pas juste aujourd'hui, mais du pluralisme de la société québécoise
depuis les origines, les rencontres, les dialogues...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous arrêter, c'est mon rôle de respect du temps,
pour laisser... merci, M. le député, pour laisser les quatre dernières minutes
au député de Saint-Henri-Saint-Anne. La parole est à vous.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, je veux vous remercier pour votre...
l'excellent travail. Vous êtes quand même les gardiens et gardiennes d'un
élément de notre société civile qui est très important puis qui surveille
l'action gouvernementale, puis on ne le souligne pas assez. Donc, merci pour ce
que vous faites.
J'ai entendu M. le ministre, à plusieurs
reprises, soumettre ou sous-entendre qu'il avait eu le feu vert de la CDPDJ. Il
n'en est rien, là. Je veux dire, le mémoire de la CDPDJ est assez explicite à
l'effet que c'est probablement plus proche du contraire. On a quatre pages de
mises en garde assez extensives où, M. le ministre, la CDPDJ vous dit plutôt le
contraire, là. La commission a d'énormes réserves quant à la modification. La
commission soulève des préoccupations. J'en saute, là, mais la commission
est... tout sauf dire qu'elle donne son feu vert des modifications à la charte
et doit nous revenir avec un mémoire extensif. Donc, avant de prétendre que la
commission a dit autre chose, la moindre des choses qu'on pourrait faire, c'est
d'attendre leur mémoire sur le fond...
M. Roberge : ...
M. Cliche-Rivard : Bien non.
Vous relirez de mémoire, M. le ministre, à plusieurs reprises, là, il y a...
Des voix : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Excusez!
M. Cliche-Rivard : Bien,
c'est M. le ministre qui m'interpelle, là.
Des voix : S'il vous plaît!
S'il vous plaît! Merci. On va poursuivre. On est là... on est là pour parler...
Des voix : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : S'il vous plaît! Je vais vous arrêter. On poursuit la
discussion avec...
M. Cliche-Rivard : ...souligner
pour le verbatim, Mme la Présidente, que le ministre dit : C'est bon, je te
crois, tu as raison. C'est ce que j'ai entendu, donc.
M. Roberge : ...je suis
désolée, je vous ai interrompu, cher collègue...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : s'il vous plaît! C'est beau. On poursuit les discussions
qui est présent. Merci.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. C'est bien apprécié, et merci de faire ce travail
que vous faites si bien.
Il y a un volet qui nous a été présenté,
l'article 5, eut égard à des fondements, les fondements, là, sont la culture,
la langue, etc. Et on nous a parlé...
M. Cliche-Rivard : ...probablement
d'ajouter une modification pour ajouter aussi comme fondement la lutte au
racisme et à la discrimination dans ce qu'est le modèle québécois. Qu'est-ce
que vous en pensez, de cet ajout-là?
Mme Guénette (Laurence) : Bien,
c'est exactement dans le sens de ce qu'on disait. Donc, de façon générale,
nous, on serait plutôt pour mettre un gros frein sur le projet de loi n° 84
afin de mieux préciser toutes les modalités.
Tu sais, tantôt, M. le ministre, vous
faisiez la distinction, là, entre le modèle d'intégration qui est déjà dans le
p.l. 84 et les modalités de mise en œuvre et d'autres détails qui ne sont pas
encore déterminés, mais, pour nous, le diable est dans les détails, donc ce
serait important d'avoir les deux.
Donc, je veux juste dire que, de façon
générale, on préférerait que tout ça soit défini et soumis à un débat
démocratique complet et extensif. Mais néanmoins, oui, la question du racisme
systémique, donc le reconnaître et engager profondément l'État dans la lutte
contre les différentes manifestations du racisme systémique, ça serait... ça
serait un ajout important à apporter.
• (16 h 30) •
M. Cliche-Rivard : Parce que
ça fait partie des valeurs fondamentales des Québécois et des Québécoises, au
même titre que la laïcité, là.
Mme Guénette (Laurence) : Parce
que ça fait partie du cadre des droits humains.
M. Cliche-Rivard : Ce que
vous dites essentiellement, c'est : Oui, mais ça dépasse le Québec, c'est
ce que vous voulez dire, c'est que ce sont des valeurs universelles?
Mme Guénette (Laurence) : Bien,
en voulant dire que ça ne doit pas... ça ne doit pas être les valeurs, ça ne
doit pas être ce qu'on juge comme étant les valeurs qui vont déterminer le
modèle d'intégration, ça doit être les droits humains. Puis le racisme
systémique en ce moment au Québec, qui est présent dans un paquet de
situations, de réseaux, de... bon, c'est vraiment quelque chose qui vient porter
atteinte aux droits, aux droits des personnes. C'est pour ça que je dis :
C'est parce que c'est un droit. Tu sais, il faut agir là-dessus pour cette
raison.
M. Cliche-Rivard : En
terminant, parce que je n'ai plus beaucoup de temps, je voudrais vous entendre
sur le fardeau puis le partage du fardeau. On en parle, là, que c'est à deux
niveaux, là, ça, c'est un contrat social qui doit être du côté des immigrants,
du côté de l'État. Est-ce que vous jugez que la façon dont c'est écrit, c'est
un partage égal des obligations envers l'État et les nouveaux arrivants?
M. Rainville (Paul-Étienne) : Bien,
en fait, c'était... Merci pour la question, parce que... et merci pour la
précision sur la CDPDJ aussi. Et je soulignerais que peut-être aussi le manque de
clarté de certains éléments du projet de loi fait en sorte qu'ils disent :
On craint telles choses parce qu'on ne peut pas les mesurer immédiatement. Et
l'autre élément, c'est qu'on a eu très peu de temps aussi pour... en fait, pour
produire les mémoires. Donc, on va avoir plus de détails plus tard.
Maintenant, pour ce qui est du fardeau,
nous, on a parlé du fardeau individuel, et d'ailleurs Mme Harel, M. Rocher, ils
ont parlé aussi de ça, du fardeau trop grand qui est donné sur les personnes
issues de l'immigration. C'est que...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci beaucoup. Vous savez, je suis la gardienne du
temps. Alors, merci pour... Merci, M. le député. Merci pour l'apport à nos
travaux. C'est important.
Alors, je vais suspendre quelques
instants, le temps de recevoir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 32)
16 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 16 h 37)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux.
Nous recevons donc, pour la prochaine
heure, l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec, qui sont
représentés par M. Joe Ortona, président, M. Christopher Craig, vice-président,
M. David Meloche, directeur général, ainsi que Mme Kim Hamilton, directrice des
communications et des projets spéciaux. Alors, Mme, Messieurs, bienvenue à la
Commission des relations avec les citoyens. Donc, vous allez bénéficier d'une
période de 10 minutes pour exposer votre mémoire, donner les grandes
lignes de votre mémoire, votre opinion sur le projet de loi. Et, par la suite,
nous allons entamer une période de discussion avec les parlementaires. Alors,
le temps est à vous à compter de maintenant.
(Visioconférence)
M. Ortona (Joe) : Merci, Mme
la Présidente. M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés. Je suis Joe
Ortona, président de l'Association des commissions scolaires anglophones du
Québec. Nous sommes heureux d'être parmi vous aujourd'hui pour échanger sur le projet
de loi n° 84.
Il faut que nous soulignions que nous
sommes déçus qu'encore une fois vous avez décidé de procéder avec seulement des
consultations particulières. Même si ça a été déjà fait,
rapidement, «I do want to say that I'm accompanied by Christopher Craig, who is
he vice-president of the Québec English School Boards Association, David
Meloche, who is the executive director, and Kim Hamilton, who is the director
of communications.»
(Visioconférence)
M. Craig (Christopher) : Le
ACSAQ représente les neuf commissions scolaires anglophones du Québec, les
seules institutions publiques gérées pour et par la communauté anglo-québécoise
par l'entremise de...
M. Craig (Christopher) : ...un
conseil de commissaires démocratiquement élus. L'ACSAQ est guidée par
l'impératif de veiller à ce que les lois québécoises contribuent à la réussite
scolaire de nos élèves, et ce, dans le respect des valeurs et des droits de la
communauté anglo-québécoise. Pour l'ACSAQ, la réussite scolaire passe
nécessairement par la maîtrise de la langue française afin que nos élèves
puissent demeurer et travailler au Québec... ainsi que la transmission des
valeurs démocratiques qui nous sont chères, dans le respect de la diversité et
égalité des genres. Notamment, les commissions scolaires du Québec sont fières
d'offrir les programmes éducatifs qui promeuvent... et la maîtrise du français
pour tous.
• (16 h 40) •
Le projet de loi no 84, Loi sur
l'intégration nationale, se présente comme une loi-cadre affirmant certaines
valeurs et autorisant le gouvernement d'adopter des règlements, politiques et
décisions visant l'intégration à la société québécoise des immigrants et des
communautés culturelles.
M. Ortona (Joe) : L'ACSAQ
soutient qu'il est primordial que tout cadre relatif aux valeurs québécoises
reconnaisse la communauté anglo-québécoise en tant que composante intégrale de
la nation québécoise et établit des conditions gagnantes pour favoriser un
partenariat entre la communauté anglo-québécoise et la communauté francophone.
Pour l'ACSAQ, la réussite de ce
partenariat passe par deux composantes. Alors, un, le respect des valeurs, de
la culture et des droits de la communauté anglo-québécoise, et, deux, la
reconnaissance de la communauté anglo-québécoise, incluant les commissions
scolaires anglophones à titre de partenaires dans la promotion des valeurs
québécoises et de la langue française.
Deuxièmement, l'ACSAQ recommande le
retrait de l'article 19 du projet de loi, qui permettrait au gouvernement de
justifier une atteinte à un droit protégé par la Charte des droits et libertés
de la personne en dépit du fait que le respect de cette même charte constitue
un fondement du projet de loi. Troisièmement, la loi doit favoriser une
approche collaborative entre communautés linguistiques et reconnaître le rôle
de la communauté anglo-québécoise dans la promotion de nos valeurs communes en
tant que Québécois et Québécoises.
Notamment, les commissions scolaires
anglophones du Québec sont bien positionnées pour contribuer et contribuent
activement à l'enseignement du français. Ces contributions devraient être
valorisées et reflétées dans les politiques de financement du gouvernement en
vertu de cette loi.
M. Craig (Christopher) : Aujourd'hui,
la plupart des jeunes anglophones sont inscrits dans des programmes bilingues
ou d'immersion française, et le taux de bilinguisme des anglophones est passé
de 37 %, en 1971, à 82,2 % parmi les jeunes en 2021. Les commissions
scolaires offrent également des cours de français langue seconde au grand
public... ses compétences particulières en valeur dans la francisation pour
certains nouveaux arrivants. Les organismes de la communauté anglo-québécoise
offrent un point d'ancrage important dans leur parcours d'intégration. Les
organismes de la communauté anglophone, incluant les commissions scolaires
anglophones, ont une expertise particulière en enseignement du français langue
seconde et sont bien utilisés pour faciliter l'accès à l'apprentissage du
français.
Toute loi affecte... milieu éducatif
anglophone doit respecter les droits constitutionnels de la communauté anglo-québécoise
protégés par l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. La
Cour suprême a reconnu qu'il est essentiel pour la réalisation de l'objet de
l'article 23, soit le maintien et l'épanouissement de la communauté de langue
officielle, que la communauté minoritaire ait un contrôle sur les aspects de
l'éducation qui concernent ou qui touchent sa langue et sa culture.
M. Ortona (Joe) : Le projet
de loi a pour principal effet d'établir les fondements d'un modèle québécois d'intégration
nationale en définissant les éléments clés de la culture québécoise ou culture
commune auxquels tous les Québécois de l'État québécois sont tenus d'adhérer.
Le projet de loi délègue un vaste pouvoir
au ministre de la Langue française d'établir une politique nationale sur
l'intégration à la nation québécoise pouvant traiter d'un large éventail de
sujets. Le ministre peut déterminer la portée d'application de la politique à
certains organismes et requérir des informations de tout organisme auquel la...
M. Ortona (Joe) : ...qui
s'applique. Il propose au gouvernement des grandes orientations en matière
d'intégration nationale et il détermine, par règlement, les formes d'aide
financière que peuvent octroyer les organismes auxquels la politique s'applique.
Les membres de l'ACSAQ, en tant que
représentants de la communauté anglo-québécoise, participent et vivent les
valeurs québécoises, que ce soit dans le cadre de la promotion de la langue
française ou la promotion des valeurs démocratiques et des droits et libertés
de la personne. Unique au Canada, la communauté anglo-québécoise a une culture
distincte de leurs homologues hors Québec, façonnée, elle aussi, par l'histoire
unique de cette province. Les membres de la communauté anglo-québécoise sont
des Québécois et Québécoises. Pour l'ACSAQ, tout modèle d'intégration nationale
devra refléter le rôle de la communauté anglo-québécoise à titre de
participante à part entière à la société québécoise et à ses valeurs.
À l'heure actuelle, le projet de loi
prévoit une seule référence à la communauté anglo-québécoise, au préambule,
laquelle ne se limite à indiquer de façon, de façon ambiguë, que la loi.
L'ACSAQ propose d'intégrer directement aux dispositions qui définissent les
fondements du modèle d'intégration nationale le principe que la culture commune
du Québec inclut le respect de la culture, des droits et des institutions de la
communauté d'expression anglaise du Québec.
M. Craig (Christopher) : Nos
communautés bénéficient de certains droits, dont le droit de gestion et de
contrôle en matière d'éducation, en vertu de l'article 23 de la Charte
canadienne des droits et libertés. À l'heure actuelle, le projet de loi entend
de vastes pouvoirs au ministère de la Langue française d'établir les politiques,
règlements et décisions, en vertu du modèle d'intégration nationale, qui
seraient applicables aux commissions scolaires anglophones, soit indirectement.
Lorsqu'elles affectent le réseau éducatif anglophone, le ministre doit tenir
compte des besoins spécifiques de la communauté anglo-québécoise et des droits
de gestion et de contrôle des représentants de la minorité anglo-québécoise.
L'expérience nous apprend que le gouvernement et la communauté anglo-québécoise
ont souvent une compréhension très différente de leurs besoins et de la portée
de ces droits. Dans ce contexte, la consultation est le meilleur moyen de
permettre une prise en compte des besoins et droits de la communauté
anglo-québécoise en conformité avec la jurisprudence.
M. Ortona (Joe) : L'ACSAQ
demande que le projet de loi soit modifié pour inclure une obligation du
ministre d'effectuer une consultation véritable de la communauté
anglo-québécoise avant d'adopter tout règlement, toute politique ou décision en
vertu de cette loi, susceptible d'affecter la communauté anglo-québécoise. La
mise en œuvre d'un mécanisme efficace de dialogue permettrait de favoriser une
prise de décision éclairée et la participation de la communauté
anglo-québécoise de façon constructive à l'intégration nationale, en collaboration
avec le gouvernement. L'ACSAQ est d'avis que le modèle d'intégration nationale
ne devrait pas être interprété de manière à exclure la communauté
anglo-québécoise et leurs institutions des initiatives d'intégration et du
financement qui en découle.
En conclusion, l'ACSAQ insiste sur la
nécessité d'un modèle d'intégration nationale qui reconnaisse pleinement la
communauté anglo-québécoise comme partie intégrante de la société québécoise.
Nous sommes fiers de nos communautés et fiers d'être Québécois bilingues. Le
respect de ses droits, de sa culture et de ses institutions est essentiel pour
assurer un partenariat québécois harmonieux avec la majorité francophone. Une
consultation réelle et un dialogue constructif avec le gouvernement sont indispensables
pour garantir une intégration équitable et inclusive.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, merci pour cette présentation. Alors, on
va... on va débuter les échanges avec les parlementaires, et nous avons... nous
allons débuter avec M. le ministre et la banquette gouvernementale, pour
16 min 30 s.
M. Roberge : Merci bien, Mme
la Présidente. Merci pour votre présentation, content de vous revoir. Le réseau
des écoles anglophones, le réseau des écoles, en général, c'est un réseau que
je connais très, très bien, et, pour moi, c'était nécessaire, là, que vous
participiez aux consultations pour ce projet de loi là important.
D'abord, une question, je dirais, une
prémisse à notre discussion : Est-ce que vous pensez que c'est une bonne
idée qu'à la base le Québec se dote de son propre modèle d'intégration...
M. Roberge : ...est-ce que
c'est quelque chose qui est d'après vous important, nécessaire ou c'est quelque
chose qui est... qui est... que vous voyez favorablement ou pas?
M. Ortona (Joe) : Bien,
je peux vous dire qu'on est toujours ouverts à ça. On ne ferme pas la porte
immédiatement à cette idée-là. Et ce n'est pas ce qu'on dit, là, dans notre...
dans notre mémoire. Mais ce qu'on dit, c'est que la communauté anglophone du
Québec en fait partie, et il faut aussi reconnaître nos droits, surtout en
matière d'instruction publique. Mais on fait partie du peuple québécois et on a
notre propre langue et notre propre culture. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est
qu'il faut quand même reconnaître ça quand vous... quand vous voulez adopter ce
genre de loi là ou cette politique d'intégration.
• (16 h 50) •
M. Roberge : Très bien,
mais je ne voulais pas vous mettre des mots dans la bouche. C'est une question
tout simplement d'entrée de jeu pour savoir si vous étiez plutôt en accord, en
désaccord à ce qu'on se dote de notre propre modèle. Là, je pense que je
comprends que c'est oui mais. Puis là vous avez plusieurs propositions. Je veux
juste vous préciser que c'est très clair pour le gouvernement que la communauté
anglophone, particulièrement la communauté historique anglophone puis les ayant
droits qui fréquentent votre réseau scolaire font partie de la nation
québécoise.
C'est peut-être une évidence, mais je vais
la nommer quand même parce que je pense que c'est important de le dire.
Certains peuvent s'en inquiéter ou penser le contraire, mais ce n'est pas du
tout, du tout la vision qu'on a au gouvernement de penser que vous, vos
membres, les parents qui participent aux élections, les élèves, de penser que
ces gens-là ne seraient pas des Québécois, bien, je serais en total désaccord
avec ça. Pleinement Québécois. Je serais content de voir que dans votre
présentation, vous avez dit : On a une culture différente des gens qui
sont à l'extérieur du Québec. Oui, vous partagez la langue anglaise, mais aussi
la langue française à l'évidence, vous l'exprimez très, très, très bien. Vous
partagez la langue anglaise avec beaucoup d'autres Canadiens. Mais
manifestement, vous avez une identité aussi culturelle québécoise. Vous l'avez
nommée.
Moi, c'est une évidence, mais j'étais
content de vous l'entendre dire. Maintenant, je me demande quel est le rôle ou
quel devrait être le rôle, si on veut l'accentuer, du réseau des écoles anglophones
dans l'intégration, dans l'accueil, dans l'intégration puis dans la cohésion
sociale pour qu'on ait un meilleur vivre-ensemble au Québec?
M. Ortona (Joe) : Bien,
premièrement, merci de reconnaître, là, qu'on a certains droits, là, comme
ayant droit en vertu de l'article 23. C'est important de le dire, mais
c'est aussi important et je veux prendre le temps, même si ça ne fait pas
partie de la question, mais je dois prendre le temps de noter qu'à peu près
tout le monde le dit au gouvernement, peu importe le parti au pouvoir, mais
dans les actions, on voit que, souvent, on ne comprend pas peut-être c'est quoi
l'ampleur, là, des droits de l'article 23 et aussi loin que ça va. Et ça,
ce n'est pas limité au Québec, on voit ça aussi dans les autres provinces par
rapport aux communautés minoritaires francophones. On voit ça à peu près
partout, partout au Canada.
Dire quelle est la place de... Vous
avez... Si j'ai bien compris la question, quelle est la place ou le rôle des
commissions scolaires anglophones dans l'intégration? Je pense que, si on parle
de cohésion, bien, c'est sûr qu'on a un devoir et je pense qu'on le fait très
bien, là. Tout le monde s'entend très bien dans les, dans nos écoles. Nos
enfants sont bilingues. On veut que nos enfants, quand ils finissent leur
secondaire, qu'ils soient prêts pour un monde postsecondaire, qu'ils décident
de suivre leurs études en français ou en anglais au cégep, qu'ils soient
capables de travailler en français, qu'ils puissent avoir l'opportunité s'ils
veulent de rester au Québec. On trouve que c'est extrême...
M. Ortona (Joe) : …important
et je pense qu'on contribue grandement à cette cohésion sociale envers nos
élèves et envers toute la société, en fait, parce qu'ils vont quand même
étudier et travailler avec d'autres personnes qui font partie de la société
québécoise. Quand vous parlez… et, si vous parlez d'intégration, on a une
culture quand même distincte. Alors, les ayant droits, je pense qu'ils ont un
droit, au moins entre les ayants droit, de maintenir cette culture-là. Et le
devoir des commissions scolaires anglophones, je l'ai dit déjà, c'est d'être
sûr que nos élèves puissent comprendre et être parfaitement bilingue, qu'ils
puissent comprendre bien le français, maîtriser la langue française, mais je ne
pense pas que c'est un devoir de la communauté anglophone de franciser les
anglophones, qui, je pense quand même, s'ils sont bilingues, parlent surtout
l'anglais comme langue maternelle.
M. Roberge : Bien, néanmoins,
il y a des cours de français dans le réseau des écoles anglophones, puis il y a
même plusieurs cours d'immersion francophone. Et c'est à votre initiative. Ce
n'est pas le gouvernement qui vous force d'aucune manière à créer des
programmes d'immersion. Donc, ça veut dire que vous êtes ouverts à ça et que
les parents le demandent aussi. Maintenant, est-ce que vous pouvez nous parler
de la place que prend la culture québécoise? Là, je vais parler des arts et des
lettres. Parce que… culture québécoise, c'est pas mal plus que les arts et les
lettres, vous l'avez mentionné, là. Notre manière de vivre, nos valeurs, nos
traditions. Mais quelle place prend la culture québécoise dans les écoles de
votre réseau scolaire?
M. Ortona (Joe) : Je pense
que… et peu importe la commission scolaire à qui vous allez adresser ce genre
de question, je pense que ça prend la place qu'elle mérite. On enseigne en
français, mais c'est plus que simplement enseigner le français. Et merci de
reconnaître, là, que les programmes, par exemple, d'immersion française qu'on a
dans nos écoles, c'est entièrement de l'initiative de parents anglophones. Ça
date des années 60 dans nos écoles, bien avant la loi 101. Donc, les
parents ont depuis longtemps reconnu l'importance de maîtriser la langue française,
depuis plus de presque 60 ans maintenant, au Québec.
Mais on fait plus qu'enseigner tout
simplement la langue française, là, puis apprendre les verbes, puis la
grammaire et tout ça. On apprend les chansons en français, des… les livres
québécois qui sont en français, la musique, la culture. Il faut… il faut
comprendre et je ne veux pas qu'il y ait cette perception qu'il y a une
fermeture à ça dans notre réseau. Ce n'est pas vrai. On a une ouverture à
exposer nos élèves à tout ça.
Parce qu'il faut comprendre qu'aussi dans
notre réseau scolaire, parmi les ayants droit, il y a aussi des francophones
qui ont… ou qui parlent français comme langue maternelle dans notre réseau. On
les accueille, ils font partie de notre... de notre système. Ils sont
entièrement membres de notre communauté également. Mais nous, ce qu'on dit
c'est qu'il y a… il faut aussi nous permettre une place pour qu'on puisse
avoir… et enseigner et apprendre notre propre culture, qui est tout à fait
unique, Québécoise quand même, mais unique, et différente de ce que ferait
partie de la culture de la majorité, si je peux l'exprimer ainsi.
M. Roberge : J'ai une autre
petite dernière question.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Allez-y…
M. Roberge : Quelles seraient les
distinctions? Parce qu'il me semble qu'on en est quand même assez proche, là,
de la culture... dans une école francophone, dans une école anglophone. Il y a
la langue, évidemment, mais on est sur le même territoire québécois, on élit
des mêmes représentants dans nos municipalités, au gouvernement provincial
aussi. Qu'est-ce qui serait différent? Qu'est-ce qui serait distinctif dans la
culture dont vous parlez par rapport à ce que j'appelle la culture commune, qui
n'est pas homogène aussi, la culture nationale, la culture commune québécoise,
il n'y a pas qu'une seule, là, tout le monde chante la même chanson en même
temps? Là, ce n'est pas la vision qu'on a...
M. Ortona (Joe) : ...Bien, je
pense que c'est un peu simpliste de dire que la différence entre les deux
communautés, c'est uniquement la langue, parce que la langue et la culture sont
interreliées. Déjà, avoir une langue unique qu'on a, ça veut dire qu'il y a
d'autres... des livres, des... les chansons, les... les arts, les aspects
culturels, les écrits peuvent être aussi différents, ça veut dire qu'il y a
probablement des livres qu'on utilise dans nos écoles que, certainement, vous
n'utilisez pas dans les écoles francophones même si vous avez des cours
d'anglais puis que vous enseignez en anglais aussi. C'est... On a quand même
une certaine culture qui est propre à nous. Et c'est une certaine
compréhension... Je dirais, le point unique, c'est... qu'on a, c'est qu'on est
une minorité dans la minorité. Le Québec est majoritairement francophone, est
une minorité linguistique, et pour... à travers le Canada, mais aussi en
Amérique du Nord. Bien, nous, on se trouve à être une communauté minoritaire à
l'intérieur du Québec. Ça veut dire qu'il y a certaines particularités et ce
n'est pas... ça ne se limite pas simplement à la langue. C'est... La langue et
la culture sont interreliées, je résume ça comme ça.
• (17 heures) •
M. Roberge : Merci pour
votre présentation.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais me tourner du
côté du député de Saint-Jean. Il vous reste quatre minutes 17 secondes.
M. Lemieux : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Madame, messieurs, je vais continuer dans la ligne
du ministre, parce qu'il a dit tout à l'heure, sans m'en donner le
crédit : Tout est dans tout, qui est mon expression préférée. Et moi, je
suis en train d'utiliser de plus en plus une autre... une autre expression
expressions que lui m'a fait découvrir avec le p.l. 84, c'est : Faire
nation. «Faire nation», ça me touche à chaque fois que je l'entends et que je
l'utilise parce qu'il y a comme une espèce de leitmotiv, là, et c'est de ça
dont on va continuer de parler, parce que vous dites que vous êtes une minorité
dans la minorité, que vous n'êtes pas les mêmes anglophones que le reste du
Canada, c'est tellement vrai, puis on peut tellement dire la même chose pour
les francophones du reste du Canada, qui n'ont, entre guillemets, plus
grand-chose à voir, sauf la langue avec les francophones du Québec parce que
les sociétés se sont éloignées et les cultures sont devenues ce qu'elles sont,
ce qui m'amène à ma question. Dans le fond, est-ce que... Est-ce que vous
aimeriez mieux qu'on dise : Savez-vous, c'était une bonne idée qu'on a eue
là, là, mais on a trop d'ouvrage, puis le président Trump nous tient trop
occupés, on n'a plus le temps, alors on va rester avec le multiculturalisme?
Est-ce que vous êtes plus confortable dans le multiculturalisme, un peu comme
les francophones du reste du Canada, pour qui c'est une bouée de sauvetage, le
multiculturalisme, malgré la situation dans laquelle ils sont non seulement
minoritaires, mais d'assimiler à une vitesse grand V en termes de langue?
Est-ce que vous, vous avez un peu cette impression-là que, dans le fond, notre
idée de notre plan d'intégration qui va changer le multiculturalisme du Canada
pour un modèle québécois, ça vous rend mal à l'aise? Parce qu'on est en train
de faire nation, comme dit le ministre, mais vous êtes dans notre nation, là,
après le tour qu'on vient de faire du Canada puis des francophones, des
anglophones. Ça fait des centaines d'années qu'on fait nation ensemble,
anglophones et francophones, au Québec.
M. Ortona (Joe) : Pour
répondre à votre question, c'est parce que... Et je sais que la tendance,
maintenant, serait de rejeter l'idée du multiculturalisme, que... qui a fait,
depuis les dernières décennies, la tendance au Canada, mais, si le ministre
dit : On ne chante pas tous la même chanson de la même manière en même
temps, je ne vois pas la différence. Ça veut dire que... Si vous reconnaissez
qu'il y a plusieurs cultures à l'intérieur de la nation québécoise, comme vous
dites, là, francophones et anglophones, qui en font partie depuis longtemps, et
vous reconnaissez ça et que vous reconnaissez qu'à l'intérieur de différentes
communautés, bien, il y a différentes coutumes, différentes cultures, et on...
si on est tolérant et on les accepte tous, je pense que de parler de
multiculturalisme, dans la façon que vous poser cette question-là, je pense que
c'est un peu...
17 h (version non révisée)
M. Ortona (Joe) : ...c'est un
peu... ça pourrait être un jeu de mots là.
M. Lemieux : Non, non, la
différence est très très claire. Le multiculturalisme, c'est du silo, O.K.? On
travaille en silo, alors que ce vers quoi on veut s'en aller, c'est de
travailler avec une culture commune qui est composée de ce qu'on est devenus,
vous et nous, et tous ceux qui sont déjà là. Il n'y a pas juste les anglophones
francophones, là, les immigrants des 30, 40, 50 dernières années ont
modifié le Québec, ont transformé le Québec et la nature et la culture commune
du Québec. On est rendus là en 2025 et on continue, mais on continue plus en
silo, on abandonne le multiculturalisme. Est-ce que vous, vous préféreriez qu'on
reste multiculturels?
M. Ortona (Joe) : C'est peut-être
la définition que vous donnez.
M. Lemieux : C'est... c'est
la bonne.
M. Ortona (Joe) : C'est...
Pour nous... Regardez, nous ce qu'on dit avec la loi que vous voulez adopter, c'est
qu'on veut que nos droits soient respectés, on veut... on veut s'assurer qu'on
est consultés quand il y a des aspects de la loi qui vont... qui vont nous
toucher.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. Ortona, je dois malheureusement vous arrêter, le temps
imparti au gouvernement est terminé, mais les discussions ne sont pas
terminées. On poursuit avec l'opposition officielle et le député d'Acadie pour
12 min 23 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, mesdames, messieurs, bonjour, content de pouvoir dialoguer
avec vous cet après-midi. J'ai... j'ai lu évidemment votre mémoire avec
attention. Merci de l'avoir reproduit. Il y a... D'emblée, quand on regarde le
projet de loi, et vous y avez fait référence, vous en parlez dans votre
mémoire, la référence à la communauté québécoise à expression anglaise, c'est
dans le préambule. Donc, c'est un considérant, «considérant que la loi s'applique
dans le respect des institutions de la communauté québécoise d'expression
anglaise», et le considérant est limité au respect des institutions, et... et
je voulais avoir... Quelle a... quelle a été votre première impression quand
vous avez lu tout ça?
M. Ortona (Joe) : Bien
honnêtement, un peu déçu parce qu'on pense qu'on fait partie intégrante, là,
de... du Québec, on est une composante importante du Québec et on s'attendait à
avoir plus de considération, là, dans... dans le projet de loi et plus de
références spécifiques à nous. On a vu une tendance, depuis les dernières
années, là, qu'on... il semble vouloir nous mettre de côté. On a vu, là,
plusieurs lois qui ont été adoptées, où le gouvernement a dit à maintes
reprises : Ces lois-là respectent la communauté anglophone, respectent l'article 23
de la Charte canadienne, respectent les ayants droit. Et on s'est vu
continuellement, là, dans les dernières années, avec des contestations
judiciaires où les tribunaux ont dû intervenir et décider autrement de ce que
disait le gouvernement.
Donc, c'est une chose de dire dans un
préambule la loi respecte la communauté anglophone et respecte les droits des
Angloquébécois, c'est autre chose dans... dans la loi elle-même, là, d'avoir
des... une reconnaissance, une consultation durant ce processus-là, reconnaître
les obligations qu'on a envers une communauté qui est protégée par la
Constitution, c'est tout autre chose qu'une phrase dans un préambule.
M. Morin : Oui, je vous
comprends d'autant plus que la communauté québécoise d'expression, c'est... c'est
plus que des institutions, c'est d'ailleurs... D'ailleurs, vous faites
référence, dans votre mémoire, et M. le ministre l'a remarqué, il vous en a
parlé, mais moi, j'aimerais que vous en parliez davantage parce que vous avez
pris la peine, puis vous allez voir pourquoi je pose la question, vous avez
pris la peine d'écrire à la page 6, là : «Unique au Canada, la
communauté anglo-québécoise a une culture distincte de leurs homologues hors
Québec, façonnée elle aussi par l'histoire unique de cette province, et les
membres de la communauté anglo-québécois sont des Québécois et des Québécoises,
et donc il me semble que c'est beaucoup plus que ce qu'on retrouve dans le
préambule du projet de loi n° 84. Puis j'aimerais que vous puissiez nous
expliquer à quoi, pour vous, ça... ça correspond cette culture, parce que vous
êtes anglophones, mais il y a une distinction entre vous puis les anglophones,
par...
M. Morin : ...de l'Ontario, et
puis vous êtes plus que des institutions. Donc, pourriez-vous, s'il vous plaît,
nous en parler? Parce que moi, ça m'aiderait, après, dans mon travail de
parlementaire, pour voir où on peut... quelle place on peut vous faire,
finalement, dans ce projet de loi. Parce que, pour moi, vous avez une place.
• (17 h 10) •
M. Ortona (Joe) : Bien,
merci, et je pense être d'accord qu'on a une place. Bien, on a notre propre
langue. Oui, le français, c'est important pour nous, oui, mais le bilinguisme,
c'est important aussi. Ça, ça fait partie de notre culture, de nos valeurs que
je pense sont uniques au Québec. Pour nous, c'est important qu'on ait nos
propres institutions, mais on est quand même une communauté plus que simplement
les institutions comme vous avez dit. On est une communauté qui est protégée
par la Constitution canadienne quand même. C'est important et il faut le reconnaître.
Et il faut reconnaître que, peu importe les politiques du gouvernement ou les
lois qui sont adoptées par l'Assemblée nationale... que je pense qu'il faut
tenir compte du fait que, si ça va nous affecter comme communauté, qu'on
devrait être consultés sur cela. Si on veut être vraiment être inclusif, là, et
si on veut vraiment nous traiter comme des parties prenantes de cette
communauté-là, qu'on fait partie de la nation et qu'on fait partie du Québec,
de comprendre et de respecter le fait qu'on est là depuis le début. La
communauté anglophone existe depuis depuis avant la création de la province du
Québec, depuis avant la Confédération. Donc, pour nous, tout ça, c'est
important de reconnaître les droits qu'on a et de les respecter pour qu'on
puisse travailler ensemble et avancer ensemble dans tout développement de
politiques ou d'amendements qui seraient nécessaires.
M. Morin : Je vous remercie.
J'aimerais aussi vous entendre sur... pour vous, l'importance, quand on parle
d'intégration, l'importance de reconnaître aussi des droits socioéconomiques
pour favoriser l'intégration, entre autres des personnes immigrantes. C'est
quoi, votre position là-dessus?
M. Ortona (Joe) : Je vous
demanderais peut-être de préciser un peu plus votre question...
M. Morin : Oui, tout à fait.
M. Ortona (Joe) : ...je veux
être sûr de la comprendre.
M. Morin : Absolument. Il n'y
a pas de souci. Le projet de loi parle beaucoup de culture, c'est important, parle
de langue. La langue française, c'est fondamental au Québec, c'est notre langue
commune, c'est la langue officielle. Mais souvent, quand on parle
d'intégration... Puis je réfère, entre autres, à une politique qui avait été
adoptée sous le gouvernement de M. Couillard et rédigée par Mme Weil,
qui était ministre de l'Immigration à l'époque, et où on parle aussi de
l'apport... de l'importance de les intégrer au niveau économique, donc de leur
donner du travail. Alors, comment vous, comme communauté, mais aussi avec les
commissions scolaires, vous pouvez aider des personnes immigrantes? Puis est-ce
que vous pensez que c'est aussi important? Parce qu'apprendre la langue, c'est
bon, mais, après ça, quelqu'un qui arrive ici veut travailler. Et c'est dans ce
sens-là que je vous pose la question.
M. Ortona (Joe) : Alors,
merci pour les précisions. Je pense que c'est très important aussi à ce
niveau-là, socioéconomique. C'est pour ça que nous... pour nous, c'est
important et on forme beaucoup de Québécois. On a des centres d'éducation des
adultes où on enseigne aux adultes et des fois ce sont des immigrants, des
nouveaux arrivants. On a des cours de francisation, par exemple, et on a des
écoles de formation professionnelle où on aide évidemment les gens qui sont
dans nos écoles à pouvoir développer des talents pour être capables de rentrer
dans le marché du travail. Parce qu'évidemment, ça aussi, c'est important si on
veut bien intégrer les gens, surtout les immigrants, les nouveaux arrivants,
les réfugiés, les... et ces gens là, bien, il faut qu'ils soient capables de
travailler, il faut qu'ils soient capables de se payer le loyer et d'être
capables de faire toutes les choses que font tous les autres Québécois. S'ils
sont toujours en arrière dans cet aspect là, bien, ils vont rester en arrière,
ils ne peuvent pas avancer. Donc, c'est très important qu'on puisse... si on
veut les intégrer, qu'ils puissent s'intégrer pleinement et même dans le marché
du travail.
M. Morin : Et...
M. Morin : ...et, d'après
vous, est-ce que le projet de loi devrait reconnaître ça également comme partie
du modèle d'intégration?
M. Ortona (Joe) : Je vous
dirais que oui, et même reconnaître, je vous dirais, la contribution que font
les commissions scolaires anglophones dans cet aspect-là, parce qu'on y
contribue grandement dans tous les cours qu'on enseigne, que ce soit dans les
cours de français, de francisation ou dans les cours d'études secondaires ou
dans tous les programmes qu'on offre en formation professionnelle.
M. Morin : L'autre élément
aussi qui est important pour permettre... puis là je pense entre autres aux
nouveaux arrivants, c'est de leur faire connaître l'histoire, évidemment, du
territoire qu'ils vont occuper. J'imagine que vous avez des programmes
d'enseignement de l'histoire dans vos commissions scolaires. Pouvez-vous m'en
dire davantage? Ça fonctionne comment? Puis qu'est-ce que vous enseignez
exactement?
M. Ortona (Joe) : On enseigne
l'histoire du Québec et du Canada depuis... depuis le tout début, depuis la
découverte de l'Amérique et même bien avant ça, de l'arrivée des peuples
autochtones jusqu'à l'histoire toute récente. On est très fiers du cours qu'on
enseigne. En fait, on a des excellents résultats dans nos cours d'histoire en
secondaire quatre et cinq. Et on offre aussi des cours d'histoire en français.
Pour les élèves qui choisissent de prendre le cours d'histoire en français, on
obtient des excellents résultats pour eux aussi. Très souvent, en fin d'année,
on a plusieurs étudiants, là, qui finissent le cours d'histoire, l'examen
final, qui est un examen ministériel, là, avec une note de 100 %, ce qui
est... ce qui est excellent. Et on a plusieurs dizaines d'étudiants à chaque
année, là, qui obtiennent cette note-là. Donc, on en est très fiers, de la
qualité de l'enseignement qu'on fournit aux élèves et de leurs résultats. Et,
pour nous, c'est très important, enseigner l'histoire, qui est quand même une
histoire importante. Et je vous dirais même, à cause du fait qu'on est, quand même,
une commission scolaire anglophone, notre cours d'histoire est probablement
unique et pas identique aux cours d'histoire qu'on verrait dans une école
privée ou dans une école francophone.
M. Morin : Parfait. C'est
bien. Je vous remercie, Mme la Présidente. Il me restait combien? 43 secondes.
O.K. C'est bon.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup.
M. Morin : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, on va terminer nos échanges avec le député de
Saint-Henri-Sainte-Anne pour une période de quatre minutes huit secondes.
M. Cliche-Rivard : Bonjour,
tout le monde. Merci d'être là avec nous. Très content de vous revoir, M.
Ortona et les autres. D'abord, aussi, félicitations pour votre élection
récente. Je sais que vous avez vécu des élections il n'y a pas si longtemps,
alors «congratulations to you all».
Une voix : Thank you.
M. Cliche-Rivard : Puis, bien
sûr, si vous êtes là, puis vous l'avez mentionné tantôt, c'est que c'est grâce
ou, en tout cas, à cause de contestations judiciaires importantes. C'est de
cette façon-là que vous avez maintenu votre droit constitutionnel d'être
présent parmi nous aujourd'hui, vous l'avez souligné tout à l'heure. Donc, le
respect de vos institutions, de votre bagage historique puis de vos droits sont
d'autant plus importants.
Je lisais le projet de loi et je voulais
être sûr de bien comprendre ce que vous étiez en train de dire. Au fond, il est
clair que la politique nationale va s'appliquer aux organismes qui sont visés à
l'annexe A de la Charte de la langue française, et là on nomme des organismes
scolaires. Vous, vous n'êtes pas nommés. Donc, l'application directe de la
politique, ce n'est pas tant ça qui vous inquiète que le fait que vous ne soyez
pas mentionnés comme communauté historique dans, finalement, les fondements de
la communauté québécoise. C'est ça... C'est ça, le problème, si je comprends
bien, puis vous y faisiez référence à des modifications aux articles trois,
quatre et cinq.
Donc, je voudrais juste vous entendre sur
cette nuance-là. C'est finalement l'omission de vous inclure dans ce que
constitue le fondement ou, en tout cas, une partie du fondement de l'histoire
du Québec plutôt que d'une inquiétude face à l'application de la politique sur
vous, là. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Ortona (Joe) : Donc, oui,
je l'ai déjà mentionné, c'est le fait qu'à part d'une phrase dans le préambule,
là, on n'est pas mentionnés du tout...
M. Ortona (Joe) : ...mais il
faut aussi comprendre, vu que vous me posez la question sur cette nuance à qui
s'appliquerait, la loi pourrait toujours être amendée dans le futur. Donc, on
ne sait jamais si un jour on va décider de l'appliquer ou pas dans le réseau
scolaire anglophone, ce qui reste quand même une préoccupation.
Parce qu'on a vu historiquement que...
Regardez, je peux vous donner un exemple très pertinent et récent, la
loi 40, qui est encore présentement contestée devant les tribunaux. Et,
pendant cette contestation judiciaire... en fait, pendant qu'on attendait une
décision sur le fond de la constitutionnalité de la loi 40, le
gouvernement a présenté... en fait, le ministre de l'Éducation a présenté le
projet de loi n° 23, qui était supposé de s'appliquer aussi dans le réseau
anglophone et qu'on disait : Bien oui, ça respecte le droit de la minorité
linguistique puis ça respecte l'article 23 de la Charte. Finalement, elle
a été adoptée, la loi 23, mais avec des amendements où tous les articles
de loi qu'on contestait... finalement, un amendement qui a décidé que ce ne
serait pas applicable dans le réseau anglophone.
• (17 h 20) •
Donc, ça reste toujours une préoccupation
pour nous. Mais vous avez raison de dire qu'on est une partie importante de
l'histoire du Québec. Et on ne pense pas que c'est vraiment reconnu, là, dans
cette loi-là.
M. Cliche-Rivard : Je
comprends et je l'entends. Puis les citoyens de ma circonscription me
l'expriment souvent. Vous savez, j'ai James Lyng High School sur mon territoire
notamment, et l'école primaire St. Gabriel's aussi. Bref, il y a plusieurs
institutions qui sont importantes, il y a d'autres pavillons également aussi de
EMSB sur le territoire, donc on l'entend puis on vous entend. Vous êtes assez
vocaux sur la question.
Pour revenir sur le point précédent, si on
venait à inclure une disposition dans la loi qui précisait clairement que les
commissions anglophones ne sont... les commissions scolaires anglophones ne
sont pas visées par ladite politique, est-ce que vous seriez rassurés?
M. Ortona (Joe) : Je vous
dirais que je trouverais ça comme un pas dans la bonne direction. Je trouverais
ça au moins, oui, pas mal rassurant. Et, comme indiqué, là, sur toute question
par rapport à cette loi-là, même, à part ça, consulter la communauté anglophone
sur tous les autres aspects aussi serait quelque chose d'important. Mais vous
avez raison, je suis d'accord avec vous dans votre question, ce serait quelque
chose qu'on serait d'accord et on trouverait ça assez rassurant.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Merci pour votre présentation aujourd'hui.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, c'est ça qui met fin à la rencontre aujourd'hui.
Merci beaucoup, Mesdames... Mme et Messieurs, de votre apport à nos travaux.
Je vais suspendre la commission quelques
instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 17 h 22)
(Reprise à 17 h 26)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Alors, avant de vous présenter notre
prochain groupe, je vais déposer le document transmis par la Fédération
québécoise des municipalités. Alors, il va être dans Greffier.
Nous allons donc poursuivre cette ronde de
rencontres avec le Laboratoire de recherche en relations interculturelles, qui
est représenté par M. Bob White, directeur et professeur titulaire, ainsi que
par M. François Rocher, professeur émérite. Alors, messieurs, bienvenue à la
Commission des relations avec les citoyens. Vous allez bénéficier d'une période
de 10 minutes pour l'exposé, les grandes lignes de votre mémoire, les
recommandations et/ou commentaires que vous avez à faire, et par la suite nous
allons discuter avec les parlementaires. Alors, les prochaines 10 minutes sont
à vous.
M. White (Bob W.) : Eh bien,
merci. Merci beaucoup pour cette invitation. Dans mon cas, c'est la deuxième
fois que j'ai l'honneur de présenter devant l'Assemblée. Donc, merci à... aux
parlementaires et puis au ministre.
On voulait d'abord saluer l'audace de
cette initiative. Vous savez comme nous que ça fait plusieurs décennies que
partout au Québec on attend un cadre qui soit capable de baliser ou de mieux
encadrer le vivre-ensemble, ce qui veut dire en partie les rapports
intercommunautaires. On voulait insister sur le fait que nous partageons avec
vous les objectifs de trouver des moyens pour favoriser l'épanouissement de la
culture de tradition française au Québec. Nous partageons aussi cet objectif de
faciliter la participation et de promouvoir les interactions positives de tous
les Québécois de toutes origines. Vous savez qu'il y a beaucoup d'études en
sciences sociales qui ont fait la démonstration que la qualité des interactions
dans les sociétés pluralistes constitue la condition à la réussite de
l'adhésion à l'idée de faire société ensemble, et je pense que c'est cette
idée-là de faire société ensemble qui nous réunit aujourd'hui.
J'aimerais vous présenter un argument
principal et deux observations avant de passer la parole à mon collègue
François Rocher. Une chose qui est claire, c'est qu'une loi-cadre qui essaie de
définir clairement les conditions de vivre ensemble aurait certainement un
impact positif sur l'intégration des personnes immigrantes, et plus largement
sur toutes les composantes de la société québécoise. En revanche, une loi qui
ne porterait que sur l'intégration nationale, qui est l'objet principal de
cette... de ce projet de loi, des personnes immigrantes et des minorités
ethnoculturelles risque de produire l'effet inverse à celui qui est recherché.
Pourquoi? Premièrement, comme vous le
savez, et j'imagine que je ne suis pas le premier à le dire, la notion
d'intégration est difficile à encadrer. On ne va pas faire un cours de socio ou
d'anthropologie, mais je peux résumer facilement en disant que l'idée de
l'intégration est difficile à encadrer pour deux raisons principalement :
premièrement, elle est polysémique, donc c'est-à-dire elle a plusieurs définitions...
M. White (Bob W.) : ...il y a
plusieurs façons de le définir. Et deuxièmement, et plus important, elle est
extrêmement et profondément subjective. Donc, l'intégration, pour moi, ce n'est
pas l'intégration de l'autre. Je pourrais être objectivement dans une situation
d'intégration sans avoir l'impression d'être intégré, et l'inverse est vrai
aussi.
Deuxièmement, pourquoi... pourquoi le sens
de cette question? Et là je vais essayer d'aller délicatement. Dans une société
démocratique et pluraliste, on ne peut pas légiférer sur les valeurs. C'est une
proposition. Les valeurs peuvent faire l'objet de discussion, mais ne peuvent
pas être imposées. Pour deux raisons, principalement : les valeurs ne sont
jamais entièrement partagées par tous les membres du groupe, parce que nous
savons que dans chaque groupe, même à l'intérieur du groupe majoritaire, il y a
des personnes qui ne s'adhèrent pas aux valeurs du groupe. Et deuxième, et ça,
c'est encore plus important, c'est que les valeurs du groupe changent à travers
le temps. Et donc, sur la rue Saint-Jean, cet après-midi, François et moi, on a
parlé un peu de sa famille, et il me donnait l'exemple de sa mère qui était...
qui a enseigné à l'école et qui, une fois qu'elle est devenue mère, elle n'avait
plus le droit d'enseigner. Pour moi, c'est un très bon exemple de quelque chose
qui nous semble choquant de nos jours, mais donc, si on gardait les mêmes
valeurs aujourd'hui qu'on avait à l'époque au Québec, bien, on serait rendus
où?
• (17 h 30) •
Alors, le Québec a plus de 50 ans de
réflexion et de mise en place de politiques publiques en matière de vivre
ensemble, y compris la question de l'intégration. Au cours de ces réflexions,
il y a un effort soutenu qui vise à comprendre la nature des rapports entre les
communautés, qui se déploie dans un contexte particulier qui est celui du
Québec. L'idée qui est ressortie de ces réflexions et ce qu'on peut qualifier
d'une des plus grandes contributions du Québec à l'humanité, c'est celle de
l'interculturalisme. C'est une idée qui a eu ses premières inspirations dans la
Politique québécoise du développement culturel de 1978, déposée par Laurin,
Dumont et Rocher, et qui est citée comme texte d'inspiration pour le projet de
loi no 84. Parmi les principes articulés dans ce document fondateur, il y a non
seulement l'idée de réciprocité et du dialogue, mais aussi une idée très
puissante, une idée, d'ailleurs, qui est complètement absente du projet de loi,
et c'est celle-ci : la participation des minorités ethnoculturelles à la
vie collective est possiblement... est possible seulement si elles se
considèrent respectées dans leurs différences. Dans d'autres termes, il n'y a
pas de participation sans reconnaissance et il n'y a pas de reconnaissance sans
tenir compte des barrières à la participation, c'est-à-dire les différentes
formes de manifestation de la discrimination.
Alors, et je termine avec ce point-là, si
l'objectif du projet de loi est de créer de l'adhésion à un projet national, le
projet de loi no 84 doit inverser sa logique. Au lieu de proposer une série
d'injonctions pour protéger l'identité nationale, il doit créer des conditions
pour inviter des nouveaux arrivants à participer à un projet de société. Je
cède la parole à François.
M. Rocher (François) : Merci.
Je vais un peu aller dans le même sens que mon collègue, Bob White. Je réitère
le fait qu'il est plus que temps que le Québec propose une alternative
généreuse et rassembleuse au multiculturalisme canadien, qui aurait,
potentiellement, encore une fois, le potentiel de générer un fort appui à
l'endroit d'une approche qui donne des orientations pour l'encadrement des
rapports intercommunautaires.
À cet égard-là, le projet de loi que l'on
étudie risque de produire l'effet inverse. C'est l'économie générale du projet
de loi no 84 qui retient notre attention, ici, et qui cause problème. Et pour
les aspects particuliers et les recommandations, je vous renvoie à notre
mémoire.
J'ai quatre ou cinq choses à dire, très
rapidement. La première, c'est que le projet de loi, même si telle n'est pas
l'intention affirmée et répétée... le vocabulaire utilisé dans le projet de loi
a une saveur assimilationniste. Le choix du mot «creuset» pour décrire la
culture québécoise me semble ou nous semble malheureux. Ce mot, quoi qu'on en
dise, est associé au «melting pot», qui fut explicitement rejeté par les
auteurs du livre blanc de 1978.
Le projet de loi reconnaît la contribution
des personnes issues de l'immigration une seule fois, et ça se retrouve dans le
préambule. Partout ailleurs, sans exception, les immigrants et les personnes
issues des minorités ethnoculturelles sont plutôt invités à contribuer à la
culture québécoise. En termes de réciprocité, un esprit généreux pourrait y
voir un léger déséquilibre.
Deuxième point, on confond la culture
québécoise et la culture commune...
17 h 30 (version non révisée)
M. Rocher (François) : ...Il
est évidemment souhaité que le plus grand nombre de citoyennes et de citoyens
adhèrent à un projet de société partagé, mais celui-ci ne peut pas se fonder
sur la promotion des valeurs québécoises. Pour reprendre ce que Bob a dit, ces
dernières sont multiples, fluides, évoluent avec le passage du temps, font l'objet
de tensions sociales, se recomposent, etc. La notion de culture commune est, en
ce sens, à nos yeux, réductrice et peut donner l'impression, encore une fois
malheureuse, que le législateur refuse de reconnaître la présence des minorités
ethnoculturelles sur le territoire, leur contribution réelle ainsi que celle
des Premières Nations et des Inuits. Le législateur, comme on le propose,
devrait plutôt utiliser la notion de culture publique commune et non pas
culture québécoise ou culture commune. L'expression culture publique commune
est préférable parce qu'elle renvoie à un ensemble de principes démocratiques
qui sont d'ailleurs nommés dans la loi et à des droits énoncés dans le projet
de loi, que je ne répéterai pas ici.
Troisième point. Qu'il le veuille ou non,
le projet de loi hiérarchise les Québécois et les Québécoises. Ce qui est
malheureux. D'abord, en singularisant la culture nationale, il n'y en aurait qu'une.
La culture commune, il n'y en aurait qu'une. La culture québécoise, il n'y en aurait
aucune. La culture québécoise portée par la majorité francophone est celle qui
permet l'intégration des personnes qui semblent lui être étrangères, à savoir
les personnes immigrantes et les personnes s'identifiant à des minorités
culturelles, mais cette façon de différencier les Québécois est pour le moins
malhabile. Et il y a plusieurs exemples dans le projet de loi qu'on retrouve,
notamment à l'article 7.
Quatrièmement. L'intégration et le vivre
ensemble passe d'abord par la reconnaissance des barrières à l'inclusion et
aussi l'inscription dans la Charte des droits et libertés de la personne de
droits culturels. Et cet aspect de reconnaissance des barrières nous semble aussi
absent et c'est une idée que l'on développe abondamment dans notre mémoire.
Et je termine, Mme la Présidente, en
soulignant très rapidement que le projet de loi ne se donne pas les moyens de
ses ambitions. Le champ d'application de la politique qui sera ultérieurement
développée demeure timide, limité. Et, à cet égard là, on fait une série de
recommandations pour en étendre la portée, et la force, et sa cohérence
également.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci. Alors, la table est mise pour les
discussions. On va donc commencer d'ores et déjà avec le ministre et la
banquette gouvernementale. 16 min 30 s, M. le ministre.
M. Roberge : Merci beaucoup.
La table est mise et c'est très intéressant. J'aime beaucoup la manière dont
vous approchez les choses, des critiques très précises sur des mots sur
lesquels on peut discuter. Je suis content de voir que, bon, vous saluez l'initiative,
vous dites : Ça fait plusieurs décennies qu'on attend un cadre. Vous
pouvez nous aider à faire le bon cadre, c'est ça que je comprends. Vous dites :
On veut une alternative au multiculturalisme. Là-dessus, on s'entend. Mais
comment mieux le faire? C'est ce que vous nous proposez, je pense.
Cependant, quand je regarde ce que vous avez
écrit, vous nous dites : Il faut supprimer la référence à la référence à
culture commune en insistant plutôt sur culture publique commune. Pouvez-vous
me donner plus de précisions? Selon vous et selon les références que vous avez,
la différence entre culture commune et culture publique commune?
M. Rocher (François) : Oui,
avec plaisir. D'abord, le projet de loi, dans un de ses considérants, dit s'inspirer
de la loi... c'est-à-dire de la politique québécoise du développement culturel.
Quand on la lit attentivement, le terme culture commune n'est pas là. On va
parler de la culture québécoise dans ses multiples composantes et on reconnaît
la diversité de la culture québécoise. Et on insiste sur le fait que, dans
cette culture québécoise, il y a une culture principale qui est la culture de
tradition française, mais... et on reconnaît aussi l'existence d'autres apports
culturels à ce noyau principal, ce qu'on appelait à l'époque le foyer de
convergence, mais il n'y a pas une définition unique de la culture commune. On
identifie un certain nombre de facteurs qui... sociologiques et, d'une manière,
anthropologiques, parce que Fernand Dumont était sensible à cette dimension-là,
qui alimentent la culture du Québec. Quand on parle de culture commune, on fait
référence à quoi, en fait? En fait, moins... en fait, parce qu'on a un objectif
de rassembler...
M. Rocher (François) : ...les
Québécois autour de quelque chose que l'on a en commun. Et, ce que l'on a en
commun, pour bien des... bien des aspects, et c'est nommé dans le projet de loi
n° 84, on a la Charte québécoise des droits de la personne, on a la Charte
de la langue française, on a la Loi sur la laïcité, on a un ensemble de normes
encadrées, je dirais, dans le droit.
Et, quand on parle de participation,
d'intégration, d'acceptation, de vivre au Québec, ce que les gens acceptent
comme citoyens et doivent accepter comme citoyens, ce sont ces paramètres, je
dirais, communs. Et ces paramètres communs sont d'ordre civique, hein, les
lois, les législations, ainsi de suite. Et, ça, on a en commun.
• (17 h 40) •
Mais, quand, par exemple, dans le projet
de loi, on inclut une référence aux valeurs québécoises, moi, j'y vois la
possibilité d'une dérive. Parce que, les valeurs québécoises, c'est quelque
chose de poreux, qui changent avec le temps et qui ne sont pas nécessairement
partagées et par les Québécois de tradition française et par d'autres
composantes de la société québécoise. Il y a toujours des débats sur les
valeurs, ne seraient-ce que les débats qu'on a connus récemment sur ce que
signifie la neutralité de l'État, hein, ce qui est devenu quand même un des
piliers de l'action du gouvernement actuel. Donc, il n'y a pas nécessairement
une unanimité de point de vue sur les valeurs sociales.
Et le fait d'intégrer dans le projet de
loi une référence aux valeurs québécoises ouvre la porte à des interprétations,
je dirais, malheureuses, qui donnent l'impression que ces valeurs-là sont
partagées. Pour revenir à votre question, l'intérêt des valeurs publiques communes,
c'est de mettre l'accent sur ce qui nous rassemble, et ce sont les dimensions
civiques de notre vie en société. Et, parmi ces dimensions civiques, une des
plus importantes auxquelles on adhère totalement, c'est finalement l'importance
du statut du français. Il ne s'agit pas d'une valeur. Il s'agit d'un principe
social sur lequel on s'est entendu. La différence, elle est là.
M. Roberge : Merci pour votre
réponse. Ça nous nourrit pour les réflexions futures.
Maintenant, il y a quand même des
caractéristiques. Bon. Vous ne voulez pas qu'on les appelle les valeurs
communes ou la culture commune, mais il reste que je pense qu'on a besoin
d'établir les bases d'un contrat social. Lorsqu'un nouvel arrivant arrive ici,
il n'arrive pas dans un pays par exemple qui serait une théocratie ou dans un
pays où il n'y aurait pas de démocratie. Il n'arrive pas dans un pays où, pour
une raison de valeurs ou de religion, ou de religion imposant ses valeurs,
l'aide médicale à mourir serait considérée comme un meurtre. Il n'arrive pas
dans un pays où on considérerait, pour je ne sais pas quelle raison, que
l'avortement est un meurtre. Il n'arrive pas dans un pays où on met des gens en
prison parce qu'ils s'aiment et qu'ils sont de même sexe. L'aide médicale à mourir,
le mariage de même sexe, etc., ce sont, oui, des choses civiles, ce sont des
lois, mais qu'on a adoptées parce qu'on a des valeurs différentes. Si on
n'avait pas les valeurs qu'on a, on n'aurait pas l'aide médicale à mourir, on
n'aurait pas le droit à l'avortement, on n'aurait pas le mariage entre
personnes de même sexe.
Donc, je comprends que vous dites :
Il ne faut pas nommer les valeurs, mais le contrat social, le Code civil, on
l'a parce qu'on a les valeurs qu'on a.
M. Rocher (François) : D'accord.
Une réponse très courte. Tout ce que vous venez de me donner comme exemples
s'insère dans ce que nous appelons la culture publique commune.
Le rôle du législateur, ce n'est pas de
dire : Voici les valeurs québécoises. En fait, cours de droit 101, le
droit normalise, c'est-à-dire établit des normes sur des valeurs - je suis
d'accord avec vous - qui sont considérées comme importantes à une certaine
époque, dans un certain contexte. Le législateur définit des règles de conduite
qui correspondent à ces valeurs. Le législateur ne légifère pas sur les
valeurs. La législation est une conséquence d'un débat social sur des valeurs.
Et donc, quand le législateur nous dit dans une loi que nous allons légiférer
sur les valeurs québécoises...
M. Rocher (François) : ...il
me semble que, là, il y a un une confusion entre le rôle que le droit joue,
parce qu'une loi, c'est ça, et sa source d'inspiration qui est forcément
sociétale. Et donc, ma critique de votre projet de loi, c'est qu'au lieu de
parler de norme partagée, vous nous déclinez ça sous le vocable de valeurs.
Donc, ce n'est pas tellement difficile à corriger, mais ça change totalement la
réception que les gens vont avoir de votre projet de loi. Parce que, comme a
dit Bob, nous souhaitons fortement que le gouvernement du Québec adopte une loi
qui formalise finalement les rapports intercommunautaires. Ça fait des années
que nous le demandons.
Par ailleurs, lorsqu'on le fait, on le
fait pour que les gens à qui ça s'adresse y adhèrent, y croient, la trouvent
trouve légitime. Et ce que l'on vous dit, très respectueusement, c'est que la
manière dont c'est présenté en ce moment va produire l'effet inverse. Le fait
d'utiliser le mot «creuset» va être vu comme étant d'inspiration
assimilationniste. Ce n'est pas votre intention, c'est la manière dont ça va
être perçu. Quand vous dites «la culture québécoise», les gens d'autres
communautés minoritaires vont dire, comme les anglophones, comme d'autres qui
sont issus de minorités ethnoculturelles : Nous ne nous sentons pas
reconnus là-dedans. Quand, dans votre projet de loi, vous nous déclinez une
distinction entre les Québécois et les immigrants dans l'article 7, vous
oubliez... En fait, je cherchais où étaient les Québécois, citoyens qui sont...
qui appartiennent à une minorité ethnoculturelle, ils sont absents de votre
projet de loi. Il y a les responsabilités de l'État, il y a les responsabilités
des Québécois.
C'est quoi, les responsabilités des
Québécois? C'est de faire des rapprochements avec les gens des minorités
culturelles ou ethnoculturelles, je préfère ethnoculturelles. Mais les gens des
minorités ethnoculturelles que vous pourriez inclure dans ces Québécois-là
vont-ils avoir le devoir d'avoir des relations avec des gens des minorités
ethnoculturelles qui leur... du même groupe? Ça n'a aucun sens. Ces gens-là
sont absents dans votre projet de loi, ils sont exclus dans la formulation
actuelle, et donc ça crée une hiérarchisation entre les Québécois, les citoyens
québécois, ceux qui sont de tradition... en fait, l'expression que nous
préférons, qui s'inscrit dans la tradition d'expression française, et les
autres. Il y a des... Et, malheureusement, c'est ce que nous déplorons. Je ne
dis pas que telle est votre intention, mais ça va être reçu comme étant :
Ah! vous avez créé des catégories de citoyens, on exclut les immigrants qui ne
sont pas encore... vous avez créé des catégories de citoyens et les citoyens
qui sont... qui appartiennent à des minorités ethnoculturelles vont se sentir
des citoyens de seconde zone.
M. Roberge : Bien, merci.
Sachez que je suis...
M. White (Bob) : ...
M. Roberge : Bien, vous
voulez compléter? Allez-y, allez-y.
M. White (Bob) : Juste pour
compléter sur la question des valeurs. Ce n'est pas comme vous avez dit, qu'on
souhaite ne pas parler des valeurs, ce n'est pas ça, notre proposition, c'est
de bien séparer... de faire la distinction entre les normes juridiques et
politiques d'un côté et les valeurs de l'autre. Notre proposition, c'est de
parler des valeurs autant qu'on voudrait, parce que c'est ça, un débat de
société dans une société démocratique, mais de ne pas présumer qu'on peut
légiférer sur les valeurs.
Deux points. Les valeurs... les lois
d'aujourd'hui sont des valeurs... sont le résultat d'une série de débats sur
les valeurs du passé. Donc, on est en train d'avoir ce débat. C'est vraiment
louable. J'aimerais donner mon point de vue, pas comme expert, parce que
François l'a déjà fait, il a tout dit, mais mon point de vue comme personne
immigrante. L'idée de m'attacher, de m'adhérer à des valeurs de la culture
québécoise, je ne suis pas fermé à ça. Mes enfants sont québécois, pourquoi
pas? Mais l'idée de m'adhérer à une société québécoise, ça, c'est
1 000 fois plus facile pour moi. Je ne veux pas faire partie ou bien
je pourrais vouloir faire partie de la culture commune québécoise, je pourrais,
mais ce n'est pas aussi facile et attirant que de faire partie de la société
québécoise. Et, dans ce sens-là, les valeurs, c'est quelque chose qu'on discute
quand on va à la SAQ, les goûts aussi, c'est quelque chose qui est à débattre
entre nous. Ce n'est pas quelque chose qui pourrait ou qui devrait être imposé
par une loi, surtout une loi...
M. Roberge : …bien, je ne pense
pas que les pastilles de goût sont du même ordre que l'égalité homme-femme,
mais, quand on parle, par exemple, de l'égalité homme-femme, pour vous, c'est
une simple norme qui vient d'une loi, ce n'est pas une valeur?
M. Rocher (François) : Je
vais répéter ce que j'ai dit. Le droit formalise, norme des valeurs, et donc
l'égalité homme-femme, là, elle est dans la loi sur l'égalité en emploi, elle
est dans la Loi sur la laïcité, elle est dans d'autres lois, donc elle est
là. Et on le réitère constamment dans l'espace public, l'égalité homme-femme.
Et je vais arrêter là parce que je vais me répéter.
M. Roberge : Tout à l'heure,
Mme Kamar, de Vision Diversité, directement sur le terrain, qui parle avec des
gens vraiment de toutes les... de toutes les communautés, qui travaille
vraiment à l'inclusion, à l'intégration, nous a dit de faire attention. Elle
adore le modèle interculturel, l'interculturalisme, puis la mise en relation,
la mixité sociale, mais nous dit que l'interculturalisme est le… est une… est
un chemin vers le vivre ensemble. C'est une démarche, mais ce n'est pas une
destination. Qu'est-ce que vous en pensez?
• (17 h 50) •
M. White (Bob W.) : Bien,
moi, je pense que c'est… c'est une formulation très intéressante. Et donc je
travaille beaucoup avec les municipalités au Québec, et le travail sur les
politiques publiques à l'échelle municipale. Et une chose qu'on constate, c'est
que… je vous dirais que les décisions que vous allez prendre sont extrêmement
importantes. Il y a des professionnels, il y a des élus, il y a des citoyens
qui se demandent quel devrait être le modèle pour notre municipalité, pour
notre arrondissement. Et ils cherchent, même ici, à la ville de Québec, ils
cherchent la meilleure façon de formuler ce cadre pour s'occuper des relations
intercommunautaires.
L'interculturalisme est un mot qui est
devenu un peu complexe. J'en parle souvent, parce que notre équipe de recherche
se penche là-dessus depuis plus que 10 ans, mais l'idée du vivre ensemble,
c'est pour ça qu'on a insisté là-dessus dans notre mémoire, l'idée du vivre
ensemble n'est pas encore quelque chose qui polarise. On sait que
l'assimilationnisme, c'est non recevable. Le multiculturalisme, c'est une
approche qui polarise et qui donne… qui donne des frissons au Québec, mais
l'interculturalisme, il est… il est aimé, il est compris. Je ne sais pas si je
dirais la même chose que notre collègue Pr Bouchard, que c'est… qu'il y a un
consensus sur l'interculturalisme loin de… loin de là, mais le vivre ensemble,
j'ai rarement vu des oppositions à cette notion-là.
Donc, nous, ce qu'on souhaiterait et ce
qui… Pour moi, c'est vraiment comme le point à retenir le plus important de
notre mémoire, c'est de dire… de vraiment questionner le besoin d'avoir un
projet de loi-cadre sur l'intégration. Est-ce que c'est ça? Étant donné qu'il y
a 50 ans de politique publique au Québec, avec des politiques
d'intégration, pas des lois, mais des politiques d'intégration, maintenant,
c'est quoi, la nécessité d'avoir une loi-cadre sur l'intégration? Parce que les
politiques sur l'intégration, c'est très facile, ça se fait, ça marche. On a vu
que ça fonctionne. Ce qu'on a besoin, au Québec, là, c'est une loi-cadre sur le
vivre ensemble. On a besoin d'avoir une façon d'imaginer notre façon de vivre
ensemble, indépendante de nos différences et des normes, et des balises et des
orientations pour faire quelque chose ensemble.
M. Rocher (François) :
J'ajouterais, si vous permettez, que, bon, une de nos premières, sinon la
première recommandation, c'est de renommer le projet de loi, parce qu'on trouve
qu'il manque d'ambition, en fait. Parce que l'intégration, c'est un aspect du
processus auquel vous faisiez référence, alors que le vivre ensemble, ça… je
dirais, invite davantage à parler à la… véritablement de la réciprocité, de…
des échanges, du dialogue, de l'acceptation de l'autre, du respect, et ainsi de
suite. Et donc…
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je doisvous arrêter, M. Rocher.
M. Rocher (François) : Élargissez
vos ambitions.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Mais vous allez pouvoir poursuive les discussions, cette
fois, avec le député d'Acadie, pour 12 min 23 s.
M. Morin : Merci. Merci, Mme
la Présidente. Alors, Pr Rocher, Pr White, merci beaucoup. Vos propos sont
éclairants et fascinants. Très intéressant de pouvoir dialoguer avec vous. J'ai
lu votre mémoire, bien sûr, et votre première recommandation, et vous l'avez
exprimée, c'est d'au fond de modifier…
M. Morin : ...le nom de la
loi, pour en faire une loi du vivre-ensemble notamment. Et ça permettrait, je
pense, d'atteindre l'objectif que se fixe le gouvernement. J'ai quelques
questions pour vous, puis j'ai posé cette question-là à plusieurs autres
groupes et experts. Dans le vivre-ensemble, et vous le soulignez dans votre
mémoire, le français, c'est notre langue commune, c'est quelque chose qui nous
lie. C'est important, ça nous permet justement de vivre ensemble. Puis après,
bien, pour vivre ensemble, justement pour vivre, c'est agréable de pouvoir
travailler, mais il n'y a aucun... il n'y a aucune référence dans le projet de
loi à des obligations du gouvernement où... à y insérer des droits
socioéconomiques qui feraient ensemble... qui ferait, en fait, que quelqu'un
qui arrive ici serait capable non seulement de vivre ensemble, mais de pouvoir
rester, de se développer. J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que
vous en pensez? Est-ce que c'est quelque chose qui devrait être inclus? Est-ce
qu'on devrait y faire référence?
M. Rocher (François) : Bien,
en fait, c'est une de nos recommandations importantes dans notre mémoire pour
élargir et étendre les ambitions du projet de loi. Nous, on a appelé ça
l'interculturalisme parce que c'est le terme qui s'est imposé au fil du temps,
mais je dois dire que je ne suis pas attaché au mot, hein? Si le mot crée de
l'opposition, utilisons-en... créons-en une, une autre. C'est-à-dire, ça peut
être le vivre-ensemble, ça peut être une loi sur les rapports
intercommunautaires, ça peut être autre chose, je veux dire, l'imagination est
sans limites. Mais l'idée qui est la nôtre, c'est essayer de... Dans ce projet
de loi ou dans cette loi, incluons les principes, peu importe comment on les
appelle, qui nourrissent ce que l'on a appelé l'interculturalisme. Et, parmi
ces éléments-là, on retrouve ce que vous soulignez fort pertinemment,
c'est-à-dire que le vivre-ensemble implique d'une certaine façon une égalité
réelle entre les citoyens. Et cette égalité réelle là passe par des politiques
publiques de lutte contre la discrimination, contre le racisme, en faveur de
l'égalité hommes-femmes, des conditions aussi qui permettent la réalisation de
son potentiel comme travailleur économique, en fait, lever les barrières à
l'inclusion. Et ça, ce n'est pas une responsabilité qui repose sur les épaules
des gens qui sont issus de l'immigration ou des personnes qui appartiennent à
des minorités ethnoculturelles. C'est-à-dire que, les gens qui vivent, on ne
peut pas demander aux gens qui vivent du racisme ou de la discrimination de prendre
les moyens de lutter contre la discrimination et le racisme. Vous voyez? C'est
le rôle de l'État. Et ça devrait être inclus dans une politique du
vivre-ensemble parce que c'est une dimension importante, tout comme, je pense,
et on le souligne dans la mémoire, mais on ne l'a pas beaucoup développée, on
devrait, pour se montrer ouverts au respect des minorités ethnoculturelles et
de la diversité de la culture québécoise, inclure aussi des droits culturels
pour les individus qui appartiennent aux minorités ethnoculturelles, le droit à
l'égalité, le droit à... au respect... en fait, dans le respect du bien-être
général, là, tous les principes qu'on a nommés, le respect de la langue
française, et ainsi de suite, là, les paramètres civiques, si on veut, mais le
droit à des interactions interculturelles ou intercommunautaires. Hein, il y a
moyen de bonifier, je dirais, l'arsenal juridique et de faire en sorte que la
Charte des droits et libertés de la personne s'adresse directement ou se penche
directement sur cet aspect-là autrement qu'à travers, je dirais,
l'article 43, qui est plutôt étroit dans son application.
L'article 43 permet aux individus de vivre dans leur communauté, mais il
n'y a rien dans l'article 43 qui favorise les interactions. C'est ça qu'on
doit... C'est vers là qu'on doit aller. Ça fait partie des droits culturels, le
droit à la réciprocité et à la... aux interactions.
M. White (Bob W.) : François
a soulevé une question très importante et j'aimerais insister là-dessus, on en
parle dans le mémoire. J'imagine qu'on vous a déjà... on a déjà remarqué, dans
le cadre des audiences, qu'il n'y a pas une discussion dans le projet du
cadre... de loi sur la discrimination, sur le racisme systémique ou autre. Si
vous ne vous penchez pas sur ce problème-là et avec une authenticité puis avec
une conviction, vous allez avoir... il va y avoir beaucoup de résistances au
projet de loi. Et il y a des outils...
M. White (Bob W.) :
...c'est déjà normé, on sait c'est quoi la discrimination à l'égalité en emploi.
Le Québec travaille fort là-dessus. On le voit partout.
Sur votre première question, j'ai beaucoup
aimé la façon que vous avez articulé la lecture que vous avez faite du mémoire.
Je suis convaincu que, si vous proposez un projet de loi sur le vivre-ensemble
ou sur les rapports intercommunautaires de façon plus large, ça va, par défaut,
améliorer la situation de l'intégration des nouveaux arrivants. Par contre, si
vous faites le contraire, si vous faites un projet de... projet de loi-cadre
sur l'intégration, surtout l'intégration nationale, qui est un mot irritant
aussi pour les immigrants, ce n'est pas certain que vous allez réussir le
projet de vivre-ensemble. Donc, vous savez, comme... Pour moi, c'est... Il faut
prendre les choses au bon niveau et dans le bon ordre. Et je pense qu'en
commençant par un projet d'intégration, je pense que les bienfaits de ce
projet-là sont limités dès le départ.
• (18 heures) •
M. Morin : J'ai... Merci
beaucoup. J'ai deux autres éléments que j'aimerais aborder. Il y en a un où
vous avez devancé une de mes questions parce que le Pr Bouchard en a
parlé, c'est toute la question du racisme. C'est un sujet qui est délicat, je
le conçois, mais on ne se mettra pas la tête dans le sable. Ça... Ça existe,
ça. Alors, de deux choses l'une, ou bien on l'ignore puis on dit : Ah!
Mais ça ne partira pas tout seul. Ou bien on s'attaque au problème. Et je pense
que si on veut parler de vivre-ensemble, il faut aussi enlever toutes les
barrières qui font en sorte qu'il y a des gens qui soient discriminés dans
notre société. C'est le premier élément.
Deuxième élément, toute la question des
Premières Nations. Je suis aussi le porte-parole pour les relations avec les
Premières Nations pour l'opposition officielle. Pour moi, c'est fondamental.
Dans le projet de loi, il y a un considérant, mais ce n'est pas très clair. Et
puis encore là, dans le considérant, on fait référence à leur langue et leur
culture. Je pense que les Premières Nations, c'est beaucoup plus qu'une langue
puis une culture. Ça serait quoi vos recommandations là-dessus?
M. White (Bob W.) : Bien,
moi, j'irai très rapidement, là. Sur la première question, c'est oui, ce n'est
pas facile de parler de racisme. C'est... Dans mon expérience, c'est beaucoup
plus facile de parler de la discrimination ou des discriminations et d'aller
tranquillement vers une discussion sur le racisme. Parce que, pour moi, le
racisme est une forme de discrimination, premièrement.
Je dirai aussi qu'il y a beaucoup de
chercheurs, et beaucoup de citoyens, et beaucoup de professionnels qui n'ont
jamais encore avalé le fait que le gouvernement ne reconnaît pas l'existence de
la discrimination systémique. Ce n'est pas le but de mon intervention. O.K.
Vous n'êtes pas obligés d'aborder cette question dans le projet de loi, mais
plus que vous parlez d'inégalité et de discrimination à l'égard de ces
minorités ethnoculturelles plus qu'ils vont vouloir adhérer au projet. C'est un
constat simple et sociologique que je fais.
Par rapport à la question des communautés
autochtones ou autres., évidemment, on n'est pas dans un contexte de parler des
relations de nation à nation. Donc, c'est extrêmement délicat. Vous savez que
les personnes et les communautés autochtones ne veulent pas être associées avec
l'immigration. Et donc encore une autre raison pour ne pas faire un projet de
loi sur l'intégration, parce que les... parce que les communautés autochtones,
les personnes des communautés autochtones, ils les considèrent qu'ils sont
intégrés depuis très longtemps. Et donc, si c'était un projet de loi plus large
sur quelque chose qui touchait les rapports intercommunautaires, là, les
Premières Nations et les communautés inuit, ça serait beaucoup plus facile pour
eux de participer au projet.
M. Morin : Oui. Parce qu'effectivement,
historiquement parlant, et corrigez-moi si je fais erreur, mais ils étaient là
pas mal de siècles, de millénaires avant que, nous, on soit là. Alors, je
comprends votre idée du vivre-ensemble parce qu'on vit ensemble. Qu'on le
veuille ou non, là, on est tous dans le territoire, sur le territoire du
Québec, puis on veut avoir de bonnes relations sans discrimination avec tout le
monde.
M. White (Bob W.) : Puis
j'irai plus loin que dans le monde francophone parce qu'on a fait de la
recherche sur les villes et les pays francophones dans le monde et sur le
modèle de vivre-ensemble. Et je peux vous dire que, dans le monde francophone,
le concept de vivre-ensemble est aussi populaire que le concept
multiculturaliste dans le monde anglo-saxon. Il a... Il y a... En fait, on a
fait un peu de recherche qui démontre que ce terme vient de la francophonie. Et
donc pourquoi ne pas en parler au Québec? C'est naturel pour nous et c'est une
façon de ne pas tomber dans le piège d'une approche multiculturaliste.
M. Morin : Tout à fait.
Et donc, évidemment, vu que le projet de loi repose beaucoup sur l'importance
de la langue française et ce qu'on est, bien, à ce moment-là, c'est... ça
devient facile de parler de vivre-ensemble et de s'inspirer de ce qui se fait
dans d'autres pays de la Francophonie...
18 h (version non révisée)
M. Morin : ...les études que
vous avez faites, c'était dans quels pays qu'ils ont le mieux réussi? Parce qu'on
pourrait s'en inspirer. Comme on dit parfois, on n'est peut-être pas obligés de
réinventer la roue, n'est-ce pas?
M. White (Bob W.) : Je vais
être honnête avec vous, là, les... ailleurs dans le monde, là, ils sont jaloux
de nous, nous, je dis «nous», le Canada, et, quand je parle du Québec, ils sont
hyperjaloux. Pourquoi? Parce qu'on a des politiques publiques sur l'intégration
et sur l'interculturel. Je parle avec des collègues en France, ils sont reculés
par rapport à cette question-là, ils sont très, très loin. En Australie, ils
sont jaloux de nous. En Espagne, ça se voit beaucoup plus à l'échelle
municipale qu'à l'échelle fédérale, pour des raisons évidentes. Mais je dirais
que les pays qui sont les plus avancés, c'est dans les pays scandinaves, en
général, et, même eux, ils tournent vers le Canada et ils disent : Comment
vous faites? Bien, nous, on dit : Mais on ne sait pas comment on fait,
parce qu'on ne trouve pas que ça va si bien que ça. Bien, je dirais qu'au
niveau de l'interculturel spécifiquement, le Québec est leader mondial, chef de
file dans le monde.
M. Morin : Je vous remercie.
Dernière question pour la... On a écouté, juste avant vous, les commissions
scolaires anglophones. Le ministre reconnaissait que les anglophones, bien,
sont des Québécois, évidemment, ils sont ici depuis plusieurs siècles. Quelle
place on devrait leur accorder là-dedans, dans le vivre-ensemble? Je pense que
ça va peut-être mieux qu'un considérant, au départ là, mais...
M. Rocher (François) : Bien,
en fait, dans une politique de vivre-ensemble, il n'y a pas de problème avec
les individus appartenant à la minorité anglophone, parce qu'on vit ensemble,
et puis je pense qu'ils reconnaissent de plus en plus en tout cas, que le
français est la langue publique commune et la langue officielle de l'État.
Puis, pour le reste, si on suit les paramètres qu'on a identifiés là, dans
le... dans notre mémoire, ils n'auraient pas de problème avec ça. Donc, c'est
une façon de s'assurer de l'adhésion du plus grand nombre aussi, d'élargir,
finalement, la définition que l'on a de la culture commune.
M. Morin : Merci beaucoup,
merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. C'est ce qui termine cette ronde-ci. Il
nous en reste une avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, pour 4 min 8 s.
Le temps est à vous.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci pour votre excellente présentation, ça nous aide beaucoup, là,
sur le concept de valeurs communes publiques, puis ce que vous avez discuté sur
le vivre-ensemble, je trouve ça très intéressant. Il y a un autre volet, par
contre, où on a peut-être moins discuté, c'est votre recommandation eu égard au
secrétariat et aux commissaires. J'aimerais ça vous donner la chance,
peut-être, de conclure là-dessus aujourd'hui.
M. Rocher (François) : Alors,
si on considère qu'une politique, admettons, du vivre-ensemble, est importante,
bien il faut se donner les moyens de ses ambitions. Et puis il faut s'assurer d'une
cohérence de l'action de l'État, des organismes de l'administration et des
organisations parapubliques, y compris les établissements d'études supérieures,
pour qu'on adhère à ça. Et il ne s'agit pas juste de demander aux personnes en
autorité de tenir compte de la politique. C'est-à-dire qu'il y a des mécanismes
de reddition de comptes, de suivi, de définition, de formation, d'évaluation, d'analyse,
de recherche, et ça, on a besoin, je dirais, d'une structure pour la faire, et
c'est l'idée derrière celle du secrétariat au vivre-ensemble, aux relations
culturelles, ou quoi... enfin, vous avez saisi l'idée.
Et la même chose... l'idée du commissaire,
disons, aux relations culturelles, etc., c'est un peu la même chose, c'est-à-dire
que c'est d'avoir un regard indépendant sur... d'évaluation, de recherche, sur
l'état des lieux, des relations intercommunautaires, formuler des
recommandations. Et on allait jusqu'à proposer la... de permettre au
commissaire aux relations quelque chose de se munir ou d'être accompagné d'un
conseil des relations de quelque chose.
Mais pourquoi c'est important? C'est
important parce que, si c'est aussi structurant pour l'avenir, la pérennité de
la société québécoise, eh bien, il faut être en mesure de s'assurer d'une
permanence, d'une cohérence de l'action étatique, d'une compréhension commune,
partagée de ce que l'État veut faire, et ce n'est pas avec quelque chose de
très léger qu'on va y arriver. On a besoin... Et sous l'angle, aussi, du
message, de la prise au sérieux. Ce n'est pas quelque chose qu'on fait par-dessus
la jambe, hein? C'est vraiment un aspect que l'on considère comme étant
fondamental pour l'avenir du Québec... eh bien... parce que le Québec se
diversifie, la population de tradition française a tendance à diminuer. Et
donc, si on veut maintenir la spécificité du Québec, bien, il faut se donner
des moyens, puis des moyens forts, puis envoyer un message fort, puis on prend
ça au sérieux, puis prendre ça au sérieux, bien, ça veut dire y investir des
structures.
M. Cliche-Rivard : Et donc
une structure, là, telle... puis...
M. Cliche-Rivard : ...je
pense, c'est un autre groupe qui faisait le parallèle avec le commissaire à la
langue française, par exemple. Ce serait le genre de travail ou d'approche de
recherche, d'être capable de nous amener des données scientifiques, là, sur
l'évolution ou non de certaines... certains secteurs puis de faire des
recommandations au gouvernement et aux parlementaires sur l'évolution d'une
politique nationale qui fonctionnerait davantage ou, en tout cas, des
problématiques à corriger, ce genre de choses, qui rendrait compte directement,
donc, dans cette perspective-là, à l'Assemblée nationale, qu'on pourrait
interroger et discuter et qu'on aurait, donc, des politiques...
M. Rocher (François) : Exact.
Tout comme, d'ailleurs, les organismes de l'administration et les organismes
parapublics, si on veut, là, dans l'annexe A, pour reprendre votre vocabulaire
de...
M. Cliche-Rivard : De la
charte, oui.
M. Rocher (François) :
...C-11, bien, ils doivent faire un rapport annuel, hein, sur l'état des lieux
puis ce qu'ils ont fait, les initiatives, l'évaluation des initiatives. Ou
c'est important ou ce ne l'est pas. Et, si c'est important, on se donne les
moyens pour suivre l'évolution des choses puis... Mais voilà.
M. Cliche-Rivard : Parce que
là, au sens de l'article 13, c'est le ministre, là, qui va déposer à
l'Assemblée nationale un rapport quinquennal sur l'application de la présente
loi. Vous, vous jugez que ça, ce n'est pas suffisant.
M. Rocher (François) : Bien,
on a commencé en disant : Soyez ambitieux.
M. White (Bob W.) : J'aimerais
rappeler aussi que, si le Québec a fait des jaloux dans ce domaine depuis
plusieurs décennies, c'est parce qu'à l'époque il y avait ce qu'on appelait le
conseil des relations interculturelles, et ce conseil avait une influence
beaucoup. Maintenant, je pense que ça serait une bonne idée de le ramener.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : C'est terminé. Merci beaucoup, Professeur White, Professeur
Rocher, pour votre intervention aujourd'hui, le mémoire que vous avez déposé.
Alors, c'est ce qui termine notre journée de travaux.
J'ajourne donc jusqu'au jeudi 27 février
2025, après les avis touchant les travaux des commissions. Bonne soirée à tous
et à toutes.
(Fin de la séance à 18
h
11)