L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des relations avec les citoyens

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des relations avec les citoyens

Version préliminaire

43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mercredi 26 février 2025 - Vol. 47 N° 63

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi sur l’intégration nationale


Aller directement au contenu du Journal des débats


 

Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures douze minutes)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi sur l'intégration nationale.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) est remplacée par M. Lemieux (Saint-Jean); Mme Prass (D'Arcy-McGee) par M. Morin (Acadie); et M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, messieurs les élus, bienvenue à la commission. Ce matin, nous allons entendre les groupes suivants : Culture pour tous, représentée par son président-directeur général, M. Vallée, ainsi qu'un peu plus tard Vision Diversité.

Alors, je souhaite donc la bienvenue à M. Vallée, président-directeur général de Culture pour tous. M. Vallée, vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour votre exposé. Et, par la suite, nous allons entamer la discussion avec les membres de la commission. Alors, votre 10 minutes débute maintenant.

M. Vallée (Michel) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Chers membres de la commission. Donc, merci pour cette opportunité de m'adresser à vous aujourd'hui. Je me présente, Michel Vallée, expert en médiation culturelle, en culture à impact social et sur la santé. Et surtout, en ce moment, président-directeur général de Culture pour tous.

Depuis 29 ans, cet organisme s'est fait connaître par les Journées de la culture, mais tout au long de l'année, notre organisation et ses partenaires, ont 600 municipalités du Québec et plusieurs collectivités francophones à situation minoritaire dans le reste du Canada, créent et déploient des rencontres culturelles et interculturelles sous forme d'activités favorisant l'accessibilité, la participation citoyenne et l'engagement collectif. Pardonnez-moi. Depuis plusieurs années, nous travaillons à renforcir le rôle de la culture dans le développement durable, c'est-à-dire à faire connaître son important impact dans tous les aspects de notre société : la démocratie, l'économie, la santé, l'éducation, la cohésion sociale et les défis entourant les...

M. Vallée (Michel) : ...climatiques. Puisque notre mémoire y puise ses inspirations, laissez-moi débuter en vous parlant de deux expériences concrètes qui ont influencé nos recommandations d'aujourd'hui. D'abord, du côté de Vaudreuil-Dorion, où j'y ai occupé des fonctions... les fonctions de directeur de service de la culture et des loisirs pendant plus d'une décennie, avec les équipes de la ville, j'ai créé le projet Je Suis, projet primé sur les scènes nationales et internationales, entre autres avec le prestigieux prix du CGLU, Agenda 21 de la culture. En moins de 20 ans, la ville de Vaudreuil-Dorion est passée de 17 000 à 37 000 habitants, projetant le nombre d'immigrants de 5 % à 48 %, voyant l'usage du français reculer de 90 % à 60 % pendant cette même période. Pour répondre aux craintes des élus en matière de vivre-ensemble et même de racisme, le projet Je Suis proposait chaque année plus de 500 activités participatives de médiation culturelle avec l'objectif de développer la fierté et l'appartenance à une identité commune.

Ensuite, je voulais vous parler ce matin de Racines plurielles qui, depuis deux ans, grâce à la médiation culturelle, crée la rencontre entre les immigrants nouvellement arrivés sur les territoires et leurs collectivités d'accueil. Grâce à cette action innovante, des Québécois de plus courtes et de plus longues racines apprennent à se connaître. Ils tissent des liens ensemble, des liens plus solides et contribuent ensemble à réfléchir le Québec qu'ils souhaitent pour leurs enfants dans le cadre des valeurs et de l'identité québécoise.

À Gatineau, Laval, Longueuil, Québec, Sherbrooke, mais aussi dans des collectivités telles que Trois-Rivières, Rimouski, Saint-Eustache et la MRC des Etchemins, notre culture québécoise est ici embrassée, partagée et enrichie. Notre culture devient la fondation d'un meilleur vivre-ensemble. Grâce à la médiation culturelle, des aînés travaillent avec des enfants de toutes origines sur une murale pour parler de leurs histoires, les transmettre et entendre ce que les jeunes ont à partager. Grâce à la médiation culturelle, les membres d'un Cercle de Fermières se lient d'amitié avec les membres de la communauté pakistanaise. Des jeunes et des adultes se sont rassemblés autour de l'organisme Métiers & Traditions de Longueuil ou autour d'une artiste ukrainienne pour partager leur parcours et tisser des liens. Des adultes de Ville-Marie au Témiscamingue, dont la moitié sont nés au Témiscamingue et l'autre en Afrique, en Asie ou en Amérique latine travaillent en équipe autour de l'artiste anishinabe, Karl Chevrier, pour construire des canots d'écorce en connaissance et en respect de la Mère Terre. Ici, la culture crée des liens solides, des amitiés qui vont perdurer pour une communauté plus forte.

Je m'attarde maintenant sur deux enjeux que je positionne en lien avec le projet de loi dont il est ici discuté. Le premier enjeu, notre culture et notre identité sont en danger. Les enjeux de découvrabilité des contenus culturels québécois francophones, la domination des géants du numérique, l'essor de l'intelligence artificielle, les tensions politiques internationales fragilisent notre culture francophone québécoise et ses droits culturels. Nos droits culturels sont menacés. La deuxième, notre cohésion sociale et nos valeurs sont fragilisées. La rencontre entre les Québécois, de plus courtes et de plus longues racines, doit se faire. L'interculturalisme doit s'imposer non pas seulement comme un mot, mais dans toute sa complexité. Ce projet de loi est à mon avis une opportunité sans précédent de renforcer ces deux éléments.

Nos recommandations clés. La première adopter une approche inclusive et globale de l'intégration en mobilisant la société d'accueil. Il faut créer des espaces d'échanges et sensibiliser les Québécoises et des Québécois à leur culture afin qu'ils deviennent des premiers ambassadeurs. Notre deuxième recommandation, renforcer le rôle des organismes culturels dans le processus d'intégration. Il faut reconnaître les organismes culturels comme des acteurs clés du développement de la fierté et de l'intégration et soutenir des initiatives culturelles qui proposent de réelles rencontres interculturelles. En troisième lieu, comme recommandation, intégrer la médiation culturelle comme levier d'inclusion, l'utiliser pour créer des liens sociaux et faciliter l'intégration de nouveaux arrivants, et donc créer des espaces de dialogue interculturel. En quatrième recommandation, sensibiliser et former les acteurs de l'intégration...

M. Vallée (Michel) : ...et en cinquième, les institutions, notamment gouvernementales, doivent reconnaître la culture comme un levier essentiel d'intégration des personnes immigrantes à la société québécoise. Nous devons l'inscrire dans la politique québécoise et nous devons en évaluer les impacts.

Deux défis s'imposent d'eux-mêmes. Vous m'entendez répéter depuis tantôt le mot «interculturel», nous devons le comprendre, ce mot, nous devons le comprendre. Combien de fois voyons-nous une activité interculturelle qui ne réunit que des membres d'une seule communauté culturelle ou qui présente chaque communauté un peu en silo plutôt que de créer de véritables dialogues ou un véritable échange? Le mot «interculturel» doit être compris. Le défi de comprendre la culture dans toutes ses facettes et non seulement par l'art, pour moi, c'est un cheval de bataille très important. Collectivement, nous avons longtemps défini la culture par ses composantes artistiques : la musique, le cinéma, la danse, le théâtre, les arts visuels, la littérature ou même ces lieux ou des manifestations comme les festivals. Il est essentiel que nous élargissions cette compréhension à notre identité, au patrimoine matériel et immatériel, à nos façons de faire, à nos valeurs, à nos repères culturels locaux et régionaux, à ce que nous mangeons, aux jeux auxquels nous jouons avec nos familles, avec nos amis. Je crois que chacun est le spécialiste de son identité et de celle de sa communauté. Chacun est spécialiste de sa culture, chacun est un citoyen culturel. Ce citoyen culturel doit être responsable de connaître sa culture, de la reconnaître, de l'embrasser et de la partager.

• (11 h 20) •

On ne fait pas qu'assister à la culture, on se sort de nos zones de confort, parfois consciemment, parfois inconsciemment, grâce à la culture, on apprend et on s'en sert pour se définir, pour rencontrer l'autre, pour s'offrir une communauté plus forte, plus fière. Culture pour tous appelle à une approche inclusive et participative de l'intégration dans laquelle la culture québécoise est définie à la fois par ses valeurs, par la mémoire Je me souviens et par son ouverture aux apports de toutes et de tous.

Pourquoi suis-je emballé par ce projet de loi? C'est tout simplement parce qu'il nous est donné ici l'opportunité de construire ensemble et de voir la culture non pas uniquement comme un objet à chérir, mais plutôt comme une identité et des valeurs à défendre et des rencontres à créer. Je m'adresse ici à tous ceux qui aiment le Québec. Et si nous étions d'opposer nos différences et que nous les unissions? Mon Québec, je l'aime pluriel et pour accueillir cette pluralité, j'ai besoin de m'enraciner dans le sol de celles et ceux qui ont foulé cette terre avant moi. J'ai besoin de mes repères. J'ai besoin de mes valeurs. Parce qu'aimer les autres n'a jamais voulu dire cesser de s'aimer soi-même. Ma culture, je la défends avec fierté, j'y contribue avec passion. Je la partage avec générosité et j'ouvre grand les bras à tous celles et ceux qui veulent marcher à nos côtés pour écrire ensemble la suite de notre histoire collective. Mme la Présidente, membres de la commission, merci beaucoup.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Vallée. Sur ces bons mots, nous allons entamer la période de discussion. Alors, je me tourne du côté du gouvernement avec le premier... le premier ministre... je vous ai déjà débaptisé, vous, là, là, le ministre pour une période de 16 min 30 s.

M. Roberge : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Vallée, pour votre présentation. On sent beaucoup de passion dans votre texte puis dans votre manière de livrer. On voit que vous êtes déjà engagés dans la démarche du projet de loi, le projet de loi qui arrive avec un nouveau modèle d'intégration, d'accueil, qu'on baptise et qu'on nomme l'intégration nationale, parce qu'on s'inspire de quelques modèles, pas du multiculturalisme canadien, mais de d'autres modèles existants pour essayer de créer une norme, de définir un nouveau concept. Mais je sens...

M. Roberge : ...qu'avec votre organisme vous le faites déjà vivre. Un peu précurseur de ce qu'on voudrait faire plus dans les... dans les années à venir. Puisque vous le faites déjà, vous, avec votre organisation, avec des municipalités, vous parlez de Vaudreuil-Dorion, est-ce que c'est nécessaire alors d'avoir un projet de loi puis une politique comme on le fait? Parce que certains pourraient dire : Bien, regardez, M. Vallée fait la démonstration que ça existe déjà. Est-ce qu'on a raison de déposer un projet de loi?

M. Vallée (Michel) : Le projet de loi est essentiel, je pense, pour la survie de notre langue et notre culture. Parce que même si on se bat dans des collectivités pour le faire et que plusieurs collectivités à travers le Québec le font et le font très bien, ça demeure des exemples qui, très souvent, sont limités territorialement. Il nous faut avoir une vision d'ensemble sur ce Québec. Il nous faut pouvoir être appuyés également de cette légitimité-là. Vous savez, ça a pris beaucoup de courage aux élus de Vaudreuil-Dorion pour se lancer dans la médiation culturelle, alors que le mot, il y a 12 ou 13 ans, quand je leur ai présenté ça, était pratiquement inconnu encore de beaucoup d'élus. Et ils ont décidé d'embarquer. Pourquoi? Parce qu'ils ont... ils y ont cru. Et rapidement, ils ont vu les résultats sur le terrain. Mais ce courage-là, d'autres collectivités, des fois, se posent la question en disant : O.K.., est-ce que j'ai la légitimité de le faire?

Le projet de loi, ce qu'il vient nous dire, c'est qu'au Québec c'est comme ça qu'on pense. C'est qu'au Québec c'est comme ça qu'on fait, et qu'on fait, et qu'on écoute, et qu'on rassemble pour construire tout le monde ensemble. Et, ces lignes-là, pour moi, sont très, très claires. Et il faut qu'elles soient encore plus claires. Et il faut que ce message-là soit entendu comme quelque chose faisant partie de plus grand que nous. Parce que, quand on se bat pour la culture de nos régions, de nos petites collectivités, oui, on se bat pour la culture du Québec, mais ce serait formidable de pouvoir le faire tous ensemble, main dans la main.

M. Roberge : Merci. Vous utilisez le terme, l'image des racines, de l'enracinement. C'est quelque chose que j'aime beaucoup. En amont du projet de loi, on avait plusieurs discussions, les groupes de travail. Puis certains députés nous disaient : Écoutez, c'est un projet de loi d'enracinement qu'on est en train de faire. Vous dites qu'il y a des gens de plus courtes et de plus longues racines, j'aime bien l'image. Est-ce que ça se peut qu'il y a des gens qui sont ici depuis longtemps puis qui soient, comme vous dites, de plus courtes racines, puis d'autres, fraîchement arrivés, qui soient de plus longues racines? Puis qu'est-ce qui fait que l'enracinement fonctionne mieux, au-delà du temps, au-delà de l'apprentissage du français? Je pense qu'il est nécessaire, d'accord, l'apprentissage français. Je pense qu'il est nécessaire. Il n'est peut-être pas suffisant. Comment se fait-il que des gens vivent une expérience de québécitude, puis d'enracinement plus efficace que d'autres au-delà du temps qui passe?

M. Vallée (Michel) : La rencontre. La rencontre avec les autres. La rencontre avec sa collectivité. C'est là que ça se joue. Ça va se jouer... Puis je vais vous donner un exemple, un exemple concret. Il y a un an, j'assistais, comme on le fait fréquemment depuis deux ans, avec le projet Racines plurielles, j'assistais au vernissage d'une exposition qui clôturait une des expériences qui a été vécue du côté de Longueuil. Et un couple est venu me voir. Ils étaient arrivés il y a quelques mois à peine d'Ukraine. Et ils sont venus me voir en disant, en français, avec un français merveilleux, formidable accent qui donne cette couleur merveilleuse pour eux, ils m'ont dit : Michel, on est arrivés ici et quelques semaines plus tard ce projet-là a commencé, Racines plurielles, à Longueuil, avec des artistes, avec les gens de la ville qui nous ont accueillis, votre équipe, à Culture pour tous, au début, on ne parlait pas un mot français et rapidement, on est devenus les meilleurs de notre classe en francisation. Pourquoi? Parce que, le soir et la fin de semaine, on vivait le français. On ne faisait pas juste l'apprendre pendant la semaine, on le vivait le soir puis on le vivait la fin de semaine. Et rapidement, ces gens-là m'ont dit qu'ils s'impliquaient dans des organismes communautaires pour aider leur communauté. Ils s'impliquent aussi au sein de la ville, dans plusieurs activités. Ils y participent, ils y vont. Et ils ont ouvert leur propre commerce, un salon de coiffure, à Longueuil. Et c'est là qu'ils ont pu encore une fois entrer encore plus spécifiquement en relation avec l'ensemble des Québécoises et des Québécois de ce secteur-là. La rencontre.

Et c'est ça que crée la médiation culturelle. C'est que la culture ici devient le prétexte à créer la rencontre entre des gens de différents horizons. Et, ça, peu importe leur âge. On le fait avec des petits bouts de chou, on le fait avec des aînés. En passant, jumeler des aînés avec des adolescents, c'est...

M. Vallée (Michel) : ...on redonne des grands-parents à certains, on redonne des petits-enfants à d'autres et surtout on donne une voix à ces aînés qui ont tant à nous raconter. Et ça, c'est ça, la médiation culturelle, c'est de créer des rencontres improbables. Ces rencontres-là ne se seraient pas passées sans ça. Le couple, dont je vous parle, d'Ukraine n'aurait jamais rencontré tous ces Québécois-là. Il n'aurait pas un nouveau réseau d'amis qui les aident. Rapidement, ils ont trouvé un réseau d'amis qui les a aidés pour... qui les ont aidés pour le logement, pour la nourriture, pour les vêtements, pour leurs enfants, sinon, leur intégration aurait été beaucoup plus longue. Maintenant, ils font du bénévolat dans les organisations communautaires de Longueuil pour redonner à leur société d'accueil. Les longues racines et les courtes racines, c'est par la rencontre que ça se développe.

• (11 h 30) •

M. Roberge : Donc, vous me donnez des exemples de personnes qui... c'est comme s'ils vivaient postadoption de la loi, parce qu'il y a des gens, quand même, qui prennent des initiatives porteuses qui sont des précurseurs. Ces gens-là, avec la médiation culturelle, avec les rencontres, les liens d'amitié avec le français, mais bien plus que ça, ont trouvé leur logement, trouver un emploi, etc. Donc, est-ce que l'État change un petit peu de rôle, il vient... il donne de l'aide directe aux gens. Il le fera tout le temps, c'est sûr, mais là il va comme créer des conditions porteuses, parce qu'une fois que... Si l'État structure son organisation dans les écoles, dans les municipalités, cégeps, dans les universités, en immigration, en culture, s'il organise des rencontres, ce que je comprends, c'est qu'ensuite les gens, ayant établi leurs racines et fait leur réseau, s'entraident, et ce n'est plus à l'État de tout faire pour le citoyen. Donc, on change un peu de paradigme, on crée les conditions pour que les gens, dans l'intégration nationale, s'intègrent et finalement prennent leur place.

M. Vallée (Michel) : C'est exactement ça. C'est pour ça que, personnellement, je pratique la médiation culturelle depuis près de 30 ans, avant même de savoir que ça s'appelait de la médiation culturelle. Et, pour moi, ça a toujours été important de partir d'un constat social et surtout de créer la rencontre entre des gens de différents horizons. Mon pari que j'ai toujours fait avec la médiation culturelle, et c'est encore celui qui se vérifie aujourd'hui, c'est qu'avec la rencontre vient la connaissance de l'autre et de ses différences et qu'avec cette rencontre-là vient le respect. Il est difficile de respecter ce qu'on ne connaît pas d'où le mot «préjugé», juger avant de connaître. Et, vous savez, les histoires qu'on entend d'une tristesse absolue de racisme qu'on vit dans notre société, de part et d'autre, d'un côté comme de l'autre, de nos longueurs de racine, j'oserais dire comme ça pour paraphraser l'exemple qu'on a donné tantôt, bien, c'est souvent parce qu'on ne se connaît pas, parce qu'on n'en a pas eu l'occasion et le prétexte de se rencontrer, et c'est ce que fait la médiation culturelle. Et c'est pour ça que je suis emballé, comme je le disais tantôt en prémisse, par le projet de loi parce qu'il nous ouvre la porte à ça.

Et, pour ce faire, pour moi, il faut reconnaître vraiment que la culture a un rôle à jouer au-delà d'embrasser la culture québécoise dans son sens large. Et là je vais dire quelque chose de peut-être d'effrayant, mais qu'il va falloir... que je veux nuancer par la suite, plutôt que de seulement embrasser la culture québécoise, il faut s'en servir. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il faut que la culture devienne ce par quoi on crée la rencontre. Il faut que la culture devienne ce qui nous permet d'entrer en relation avec l'autre, de partager ce qu'on a de plus beau puisqu'on chérit nous-mêmes puis d'accueillir ce que les autres ont à dire autour de tout ça.

M. Roberge : Merci beaucoup. J'ai aimé ce que vous avez parlé tout à l'heure, vous avez dit : Les gens ont besoin de repères. Les gens ont besoin de valeurs. Donc, je pense qu'il va falloir tenir compte de ce besoin de repère, besoin de valeur quand on arrive dans un nouvel endroit, un nouveau quartier. Vous avez parlé de communication interculturelle, juste faire atterrir tous ces concepts-là, je vous disais qu'on est dans l'article 5c, on a le concept de communication interculturelle. Puis, dans «devoirs et attentes, à l'article 7, on dit : «Il est attendu de tous les Québécois, là, 1°, 2°, 3°, 4°», donc, je pense qu'on va dans le sens de ce que vous apportez.

M. Vallée (Michel) : Tout à fait.

M. Roberge : Donc, il ne s'agit pas de mettre le fardeau sur le nouvel arrivant en disant : Intègre-toi, sinon tu es un étranger...

M. Vallée (Michel) : Ça ne nous appartient aussi.

M. Roberge : ...ce n'est pas ça qu'on veut faire. Merci beaucoup. Je vais... Je pense qu'il y a des collègues qui ont levé la main. Je vais vous laisser distribuer.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, merci, M. le ministre. Alors, je vais reconnaître le député de Saint-Jean. Il reste 5 min 45 s.

M. Lemieux : Merci...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Lemieux : ...Mme la Présidente. On a le même chronomètre. M. Vallée, je suis impressionné, comme le ministre, par votre passion, par la façon que vous avez de rendre ça facile. Ce n'est pas du jovialiste, vous n'auriez pas fait 30 ans en étant joviale, donc, dans cette veine-là, donc, forcément, vous nous parlez d'expérience, et c'est pour ça que vous êtes si pertinent pour nous ce matin. La médiation culturelle, on a entendu parler beaucoup. J'allais dire :C'est à la mode. Non, c'était à la mode. On n'en parle plus, mais c'est encore fort, mais ça... il y a eu une mode. D'ailleurs, le commissaire Dubreuil, à la langue française, était ici hier et en parlait en bien en disant qu'il n'y voit que du bon, mais lui, ce qu'il voit comme le plus important... je veux dire, il ne mettrait pas tous ses yeux... tous ses oeufs dans le panier de la médiation culturelle parce que, lui, tout ce qui est socialisation des nouveaux arrivants et de capacité de communiquer et d'interagir avec l'autre, pour le nouvel arrivant, l'autre de la communauté, pour lui, c'est... c'est la clef de voûte entre la langue puis la culture, pour que tout ça fonctionne, il faut qu'il y ait ça. Bon. La médiation culturelle, parfait...

M. Vallée (Michel) : C'est un outil pour permettre ça.

M. Lemieux : Oui, oui, oui, tout à fait. Alors, médiation culturelle, ça fitte, comme on dit, en mauvais français. Le ministre vous a posé une question qui était... qui était très bonne puis très habile en vous demandant si on en a besoin, de ce projet de loi là, vu que vous faites déjà tout ce qu'on essaie de faire. Je vais y aller un petit bout plus loin. En quoi le p.l., tel qu'il est en ce moment, le projet de loi, va vous aider? Qu'est-ce qu'il y a qui va être plus facile, plus simple, plus normal? Puis qu'est-ce que vous rajouteriez, ou... s'il y a des irritants, n'enlève rien, pour être capable d'aller encore plus vite, plus loin avec ce que vous faites?

M. Vallée (Michel) : Vous savez, l'ensemble des projets... Merci beaucoup pour votre question. L'ensemble des projets menés par Culture pour tous touche, entre autres, l'éducation avec un réseau culturel... un réseau d'écoles culturelles qui s'appelle Hémisphère et qui bientôt va chapeauter 33 écoles à travers tout le Québec pour intégrer la culture puis la diversité à travers l'ensemble des matières, entre autres choses. On a également beaucoup d'autres projets. On m'a parlé de Racines plurielles. Vous connaissez les Journées de la culture, bien sûr. Et, vous savez, le financement de différents projets comme celui-là, je parle en connaissance de cause à Culture pour tous, mais je pense que je peux aussi oser prendre parole pour beaucoup de mes collègues d'organisations culturelles, ce n'est pas toujours évident de trouver les bonnes cases pour faire passer ces projets-là auxquels on croit. Heureusement, Racines Plurielles a reçu le soutien du MIFI après une grosse année de travail pour nous permettre de créer ce projet-là, qu'il y ait toutes les tentacules qu'on voulait qu'il ait, et ça l'a... on a pu la voir. Mais il y a eu des années où des projets comme ceux-là ont tenté d'émerger, chez nous et ailleurs, et n'ont pas pu émerger. Parce que... Vous savez, je suis... je dirige une organisation culturelle, mais la culture n'est pas l'affaire que du ministère de la Culture et des Communications du Québec, et vous l'avez... vous le prouvez avec la p.l., avec le projet de loi. Pour moi, parler de culture et santé, par exemple, c'est extrêmement important parce que la santé de nos collectivités et des clientèles fragilisées dans les communautés, avec la culture, ça peut changer la donne au niveau de la santé. D'ailleurs, il y a l'état des lieux en art, culture et santé qui va sortir dans les prochaines semaines. Donc, on est heureux de coordonner le comité national de rapprochement Arts et Santé, on vous en reparlera dans les prochaines semaines. Très heureux de ça. Mais tout ça pour vous dire que le projet de loi va, de par son caractère transversal pour l'ensemble des ministères, c'est un projet de loi-cadre... va aider à ce que cette compréhension-là de l'intégration, mais j'espère aussi du rôle que peut jouer la culture à l'intérieur de cette intégration-là, puisse faire son chemin, vraiment, dans toutes les officines et partout à travers le Québec. Vous savez, les municipalités se collent beaucoup aux décisions gouvernementales, avec raison.

M. Lemieux : Il me reste moins de deux minutes, et je vais essayer de faire court pour que vous ayez le temps de répondre avant que la présidente passe la parole à quelqu'un d'autre, mais, quand vous parlez de financement, quand vous parlez d'avoir accès à, ma compréhension du projet de loi, c'est qu'effectivement, c'est... c'est une vision, c'est une façon de voir et de faire pour le gouvernement, et toutes ses composantes, et toute la société. Donc, théoriquement, ça devrait venir avec... En ce moment, on a un débat de sémantique un petit peu pour les experts. C'est-tu de l'interculturalisme...

M. Lemieux : ...c'est-tu de la convergence, c'est-tu... Ce qu'on sait, c'est que ce n'est pas du multiculturalisme. Moi, je dis que c'est du sur mesure. Et j'aime bien ça parce que le Québec est une société distincte. Mais justement, parce qu'on est une société distincte, dans cette mesure-là, moi, j'appelle ça la déghettoïsation, tout le monde n'est pas en ghetto, mais c'est un peu comme si on se donnait le moyen de déghettoïser ceux qui sont pris là-dedans.

M. Vallée (Michel) : Oui, puis il faut démystifier le terme de... ah, il me manque des lettres, au niveau des ghettos. Vous savez, c'est un des problèmes auxquels Vaudreuil-Dorion a voulu répondre avec le projet Je suis. Et d'ailleurs, merci d'avoir commencé votre propos avec Je suis tantôt. Avec le projet Je suis, du côté de Vaudreuil-Dorion, il y a des quartiers complets où la communauté... des communautés, et c'est normal, par mesure de sécurité, achetaient des résidences ensemble et ça devenait des...

• (11 h 40) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois vous arrêter.

M. Vallée (Michel) : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. Vallée, je dois vous arrêter. Le temps imparti au gouvernement vient de se terminer, mais on poursuit les discussions avec le député d'Acadie. Vous avez... vous bénéficiez de 12 min 23 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Vallée.

M. Vallée (Michel) : Bonjour.

M. Morin : Très heureux de vous entendre. On l'a dit, mais on sent chez vous un véritable engagement, une passion. C'est très rafraîchissant de vous entendre parler de vos projets et de vos réalisations. J'aimerais débuter avec la médiation culturelle, vous en avez... vous en avez beaucoup parlé. On pourrait la définir comment?

M. Vallée (Michel) : Vous savez, l'utilisation de la médiation culturelle se définit difficilement par des... par des définitions ou par des mots, c'est souvent par des exemples qu'on réussit à la définir. Mais rapidement, je vous dirais que la médiation culturelle, c'est des actions culturelles qui permettent à des groupes de personnes qui ne se rencontrent pas habituellement... ça, c'est la façon dont moi, j'ai décidé d'appliquer la médiation culturelle, parce que je tiens à vous dire tout de suite, vous décrire la médiation culturelle telle qu'elle est nous prendrait la journée au complet. Donc, je vais aller plutôt sur celle que j'ai choisi d'appliquer, celle d'une médiation culturelle ou des actions... une activité culturelle rassemble des gens qui ne se seraient pas rencontrés sans ça et qu'il y a des liens qui se tissent, la culture devient ici un prétexte. Vous, par exemple, faire travailler, comme je le mentionnais tantôt, un Cercle des fermières avec la communauté pakistanaise d'une communauté qui vont travailler ensemble une sculpture ou même de la danse contemporaine pour avoir du plaisir ensemble, ils vont créer des liens pendant ces moments-là.

Mais en santé, on a fait de la médiation culturelle qui va beaucoup plus loin que ça, entre autres en deuil périnatal où, pendant six mois, on a travaillé avec des médecins, avec des psychologues, des psychiatres, avec, bien entendu, des infirmières, des parents qui ont vécu le deuil périnatal et des artistes et les gens de la ville pour créer des rencontres qui ont duré un autre six mois où 26 parents endeuillés ont pu guérir leurs blessures grâce à la culture et aux rencontres qu'ils ont créées ensemble, et donc tout revient à la rencontre. Mais c'est de l'action culturelle, de l'activité culturelle qui crée le prétexte à rassembler les gens autour d'un sujet et sans que les gens soient spécialistes de rien. La personne qui vient me dire en partant : Michel, je suis pourri en dessin, je dis : Parfait, l'atelier est pour toi parce qu'on est là justement pour créer ces liens-là.

M. Morin : Je vous remercie. Est-ce que c'est difficile d'avoir du financement pour des activités de médiation culturelle?

M. Vallée (Michel) : Vous savez, depuis les dernières années, le ministère de la Culture et des Communications l'a inscrit en proposition dans les ententes de développement culturel avec les municipalités. Et ça, nous en sommes très fiers. Moi, je suis un des... disons, un des chevaliers de la médiation culturelle depuis le début des années 90 et j'ai fait plusieurs représentations à divers gouvernements, aussi bien ici, Québec, Canada que du côté international, pour que la médiation culturelle soit inscrite de cette façon-là. Je voudrais remercier bien entendu le ministère de la Culture et des Communications qui l'ont inscrite, depuis plusieurs années, dans leurs propositions de développement... d'ententes de développement culturel avec les villes. Il y a plusieurs projets qui sont acceptés. D'ailleurs, un des plus grands projets de médiation culturelle, même s'il n'est pas nommé là-dessus, on le porte, celui des Journées de la culture, à chaque année, au mois de septembre — trois jours trois, 3 000 activités, presque, c'est énorme — dont la majorité sont des activités participatives et de mise en relation des citoyens. Donc, oui, le ministère de la Culture le fait. Mais quand on voit, par exemple, le ministère... le MIFI, le ministère de l'Immigration, Francisation et Intégration, quand on voit la Santé également, ce qui peut être fait à ce niveau-là, vraiment, les résultats peuvent être encore plus forts.

Donc, je vous dirais oui, c'est fait. Est-ce que c'est difficile d'aller jusqu'au bout de tout ce qu'on voudrait faire parce que les besoins sont énormes dans les collectivités? Moi, je vous dirais qu'en ce moment...

M. Vallée (Michel) : ...la médiation culturelle est une des solutions que nous proposons. Et oui, bien entendu, le financement pourrait être augmenté. C'est ce que nous souhaitons, bien sûr, mais je vous dirais qu'il y a déjà des efforts qui ont été faits dans les dernières années. Plus que des efforts, il y a déjà des réussites qui ont été faites à travers le Québec là-dessus, mais je pense qu'il reste encore beaucoup à faire parce que les besoins sont énormes de se rencontrer et de créer une cohésion sociale plus forte chez nous.

M. Morin : Je vous remercie. Vous avez parlé du rôle des municipalités, des villes. On a entendu hier le maire Damphousse, de Varennes, notamment, qui suggérait que, même, l'apport ou le rôle des villes devrait être augmenté. De jouer un rôle plus grand, est-ce que c'est quelque chose qui, chez vous devrait être fait ou... Puis avez-vous des pistes de solution? Parce que, dans le projet de loi, il y a présentement, là... bon, M. le ministre nous dit qu'il y aura un règlement, il y aura une politique, mais il n'y a pas rien pour les villes, présentement, ça fait que comment vous voyez ça?

M. Vallée (Michel) : Bien, moi, je pense que c'est... Il faudrait voir ce qui pourrait être fait à ce niveau-là. Je ne peux pas parler, là, pour le gouvernement en place et pour le projet de loi comme tel, au niveau de ce qu'il pourrait... de ce qu'il est actuellement. Moi, je peux juste vous dire que la majorité de nos terrains, de nos milieux de pratique sont les municipalités. En ce moment, le projet Racines plurielles, que je vous ai présenté tantôt, se fait à la demande du MIFI, dans les municipalités, avec un organe municipal important qui sont les bibliothèques municipales. Et c'est par là qu'on passe le projet Racines plurielles. Donc, les municipalités ont un rôle clé à jouer, un rôle très important, et on le voit également dans la mobilisation citoyenne : dès que la ville porte un projet, les citoyens et les organisations sont là. Donc, oui, les municipalités ont un rôle important à jouer.

M. Morin : Je vous remercie. Dans le projet de loi, au chapitre VI, il y a deux articles qui traitent du financement et qui dit, entre autres, que le gouvernement "peut déterminer par règlement, parmi les formes d'aides financières que peuvent octroyer les organismes auxquels la Politique nationale sur l'intégration, la nation et la culture commune s'appliquent, celles dont l'objet doit être compatible avec le modèle québécois d'intégration nationale et ses fondements. Il n'y a pas, comme tel, de définition du modèle québécois d'intégration nationale. Il y a des éléments qui nous décrivent un peu quelles peuvent être ses composantes. Est-ce que, pour vous, c'est trop vague, est-ce que ça pourrait faire en sorte que le gouvernement pourrait arrêter de financer, justement, des projets qui ne seraient pas en lien avec le modèle québécois? Puis c'est quoi, pour vous, le modèle québécois d'intégration nationale?

M. Vallée (Michel) : Aujourd'hui, je n'oserais pas... je n'oserais pas aller sur ce terrain-là, simplement parce que j'ai des collègues spécialistes en la matière qui le font très bien, actuellement, et je m'en remets bien entendu à eux par rapport à la définition du modèle québécois. Ce que je peux, par contre, vous réitérer, que j'ai mentionné à l'intérieur de ma présentation tantôt et dans quelques éléments de réponse depuis les dernières minutes... Pour moi, il est important que, dans ce modèle québécois là, on ait une conversation, on soit en conversation, en interculturalisme, bien sûr, mais qu'il y ait une réelle conversation entre les Québécois de plus longues et de plus courtes racines, pour réutiliser mon expression de tantôt. Et, pour le reste, bien entendu, nous serons disposés à travailler avec les différents comités qui seront mis en place, peut-être, pour pouvoir aller plus loin dans cette réflexion du modèle... À ce moment-là, nous pourrons nous asseoir à la table et travailler avec grand plaisir, parce qu'on a beaucoup d'expérience sur le terrain, on sait de quoi... de quoi on parle, bien sûr, à ce niveau-là, mais, ici, ce matin, je pense que je me sentirais plus à l'aise de laisser cette spécialité-là à mes collègues des autres secteurs.

M. Morin : Bien. Vous avez parlé aussi dans... l'importance de faire disparaître des silos. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les moyens que vous utilisez? Parce qu'effectivement parfois il arrive, quand il y a des activités de différentes communautés culturelles qu'il y a... On a l'impression que c'est... au fond, c'est les membres de la communauté qui sont là, donc c'est moins... c'est moins évident pour le dialogue, le partage. Quelles seraient vos pistes de solution?

M. Vallée (Michel) : La formation. Vous savez, tantôt on m'a posé la question à savoir : est-ce que ce projet de loi là est important. J'aurais pu ajouter à cette réponse-là que toute la portion de la formation l'était. Pourquoi? Parce que vous parlez de...

M. Vallée (Michel) : ...interculturalisme, et, de la façon parfois dont on le définit mal ou maladroitement, c'est que, vous savez, les gens des différentes collectivités, des villes à travers le Québec font un travail formidable, mais ils gèrent tellement de choses en même temps qu'il leur faut avoir un modèle sur lequel s'accrocher, sur lequel s'inspirer. Et ça, c'est par la formation, entre autres. Et, quand je dis formation, je ne parle pas uniquement de donner des cours. Ça peut être par des outils qui sont déployés, qu'on peut déployer pour permettre aux gens de saisir tous les tenants et aboutissants de cette complexité-là qu'est... que représente l'intégration ici, au Québec, mais partout à travers la planète. Donc, cette formation-là, pour moi, est essentielle, est importante pour permettre justement aux gens de mieux saisir c'est quoi, l'interculturalisme.

• (11 h 50) •

Vous savez, tantôt, je vous donnais l'exemple... c'est un exemple qui est tiré d'exemples personnels, où j'ai participé à des actions dans certaines municipalités du Québec, qui ont fait un travail gigantesque, mais où chaque... chaque communauté culturelle avait sa tente, avec ses activités à heures bien précises, et il n'y avait aucune action pour permettre l'échange entre eux. Et c'est là qu'est la différence entre le multi et l'interculturalisme, et c'est là-dessus qu'il faut travailler. La formation peut nous aider à le faire et, de peur de me répéter, la médiation culturelle également.

M. Morin : Non, mais... Oui, bien, c'est intéressant parce qu'effectivement... puis j'y faisais... j'y faisais un petit peu référence tout à l'heure, tu sais, quand on va dans certaines activités, effectivement, on a les différentes communautés, mais ils sont comme tous ensemble, ils sont comme segmentés, puis, au fond, ce n'est pas ça qu'on veut. On veut qu'ils soient... On veut qu'ils soient tous ensemble.

M. Vallée (Michel) : ...à donner. On a une coche de plus à donner.

M. Morin : Cette formation-là, bien, il faut évidemment que les gens qui vont organiser ces activités-là en soient sensibilisés. Mais, pour vous, est-ce que c'est les villes qui devraient la donner? Est-ce que ça devrait venir du ministère vers les villes? Est-ce qu'il pourrait y avoir un enjeu d'uniformisation? C'est quoi, vos recommandations là-dessus?

M. Vallée (Michel) : Moi, je pense qu'il y a en effet un enjeu d'uniformisation, mais, après, il y a un enjeu également d'adaptation aux réalités de chacune des régions, de chacune des villes. Vous savez, l'immigration ne se vit pas de la même façon à Val-d'Or que dans le... que dans le quartier Ahuntsic à Montréal. C'est important d'adapter cette formation-là, d'avoir une base commune. Qui peut donner cette formation-là? Nous, nous souhaitons qu'elle soit donnée rapidement à l'ensemble de la collectivité, que ce soit au niveau des élus, par exemple, et là l'Union des municipalités du Québec ont un rôle à y jouer, bien entendu, mais que ce soit aussi auprès des différents groupes sociaux et à la population en tant que telle aussi. Des organisations comme la mienne, à Culture pour tous, on peut jouer ce rôle avec des partenaires que nous avons dans le milieu. Plusieurs organismes au Québec sont en mesure de jouer ce rôle. Moi, je vous dirais qu'une des façons serait peut-être de rencontrer ces organisations-là, dont la nôtre, pour que nous puissions ensemble bâtir un idéal de formation, de suivi et d'outil pour nous permettre d'aller encore plus loin là-dessus. Je suis persuadé qu'avec l'apport de tous nous serons en mesure de bâtir quelque chose de très solide à ce niveau-là...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci.

M. Vallée (Michel) : ...qui pourra servir de base pour la suite.

M. Morin : Merci beaucoup, M. Vallée.

M. Vallée (Michel) : Merci à vous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. Alors, nous allons conclure avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, qui bénéficie d'une période de quatre minutes huit secondes.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre excellente présentation, votre travail sur le terrain également. Tout à l'heure, vous disiez, là : Encore faut-il qu'on s'entende sur de quoi on parle dans l'interculturalisme. Vous disiez : Il y a peut-être différentes visions, différentes définitions. Puis moi, je regardais le projet de loi, puis on en parlait hier un petit peu, où il y a une instance ou une... disons, une mention de définition par opposition, hein, comme : Ceci n'est pas du multiculturalisme. Est-ce que, dans votre lecture du projet de loi telle que vous l'avez faite, vous voyez une lecture assez claire de ce qu'on vise, de ce que c'est visé que l'interculturalisme? Puis est-ce que cette définition-là est en lien avec la vôtre?

M. Vallée (Michel) : Il faudrait pouvoir aller encore plus loin dans les discussions là-dessus. Moi, je... les éléments que j'ai voulu apporter aujourd'hui sont des éléments pour pouvoir pousser la réflexion encore... encore plus loin, mais je veux souligner quand même que, si on peut en discuter aujourd'hui, c'est que les bases de réflexion sont là dans le projet de loi.

M. Cliche-Rivard : Donc, vous sentez que les bases sont là mais qu'on a... puis c'est toute la matière que vous nous apportez aujourd'hui dans votre mémoire notamment puis les recommandations, qu'on doit aller quand même un petit peu plus loin dans ce qu'on... ce qu'on entend comme concept, là.

M. Vallée (Michel) : Je n'ai pas voulu faire d'opposition ou de comparaison avec ce que j'amène versus le projet de loi, parce que j'ignore quels étaient les...

M. Vallée (Michel) : ...l'intention de ceux qui ont rédigé directement les différents articles dans le projet de loi. Vous savez, il y a un article, il y a des intentions derrière. Je pense que, par contre, ce que j'ai voulu apporter aujourd'hui, c'est ce vers quoi on pourrait continuer la réflexion pour bonifier le tout, oui.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Dites-moi, vous nous avez quand même beaucoup parlé de la place de notre culture dans la part ou en tout cas dans le modèle d'intégration, puis dans ce qu'on est, puis de ce qui nous définit. Vous n'êtes pas sans avoir vu comme moi les différentes manchettes des dernières semaines, des derniers mois sur la difficulté du monde culturel. On avait le premier dimanche par mois, notamment, des musées, là, qui était gratuit, qui a été coupé. Il y a ce qui se passe dans le domaine musical, le culturel, les théâtres qui réduisent leur programmation. Quel message ça envoie, ça? Alors qu'on peine à défendre et à développer notre propre culture face au modèle d'intégration, est-ce qu'il n'y a pas là une contradiction?

M. Vallée (Michel) : Moi, je vais vous répondre par une question : Quel message envoie-t-on aussi au même moment, alors qu'on décide de travailler, de donner une intensité plus forte sur la découvrabilité de nos contenus culturels? De quel... De quel message on envoie quand on traite vraiment des sujets qui sont d'actualité avec l'intelligence artificielle notamment? Vous savez, juste sur la découvrabilité, là, il y a tellement à faire. Et, en ce moment, je ne veux pas ni excuser le gouvernement ni expliquer ce qu'il fait, il le fait avec les cadres et les données qu'ils ont. Mais nous, en tant que... en tant que collectivités, on a un rôle à jouer. Vous savez, si, en ce moment, il y a des problèmes qui se passent au niveau financier dans les... pour les artistes, il y a la part gouvernementale qui pourrait être augmentée, bien entendu. Mais il y a aussi la part de chacune des Québécoises et de chacun des Québécois qui pourrait être augmentée. On pourrait aller beaucoup plus aux spectacles. On pourrait acheter la musique plutôt que de la consommer gratuitement sur les différentes plateformes. Et, ça, pour moi, c'est important. Vous savez, le gouvernement est là pour nous donner des lignes. Et, faites-vous-en pas, je suis très critique par rapport à ce gouvernement, à tout gouvernement aussi, mais quand les choses sont faites pour tenter d'améliorer les choses, je ne peux que saluer. Et, vous savez, pour moi, l'engagement, il vient aussi de la collectivité et de la communauté. Et, je le répète, on a un rôle à jouer. Quand on donne des cadeaux d'anniversaire ou de mariage ou peu importe, pourquoi ne pas donner l'objet d'une œuvre d'art ou donner un spectacle en cadeau ou donner un disque en cadeau? Le retour du vinyle est en force. Allons pas juste vers le... vers l'usager. Allons vers le neuf que créent les artistes québécois. C'est aussi ça, la sauvegarde de notre culture. C'est l'engagement qu'on va y avoir en tant que Québécoises, en québécois. Et, comme je terminais tantôt...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci...

M. Vallée (Michel) : ...je tiens à la culture, donc j'y investis aussi.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Vallée. Vous nous donnez des idées. On a des mariages cet été, là! Alors, à nouveau, pour l'ensemble des parlementaires, merci pour votre apport à nos travaux.

Je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir les proches des invités. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 57)

(Reprise à 12 h 01)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, nous recevons de l'organisme Vision Diversité, Mme Aïda Kamar. Bienvenue, Mme Kamar. Alors, pour les 10 prochaines minutes, évidemment, vous allez pouvoir vous présenter et donner les grandes lignes de votre mémoire, votre argumentaire sur le projet de loi. Par la suite, bien on va débuter une période de questions, réponses, commentaires avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Mme Kamar (Aïda) : Merci, Mme la Présidente. Mesdames, messieurs, je suis très heureuse de porter vers vous ma voix d'immigrante de 35 ans. Je n'ai pas 35 ans, comme vous pouvez bien vous en douter, mais j'ai 35 ans de Québec, 35 ans de choix de ce... de cette société qui m'a interpelée parce que dans mon pays d'origine, initialement le Liban, initialement, c'est un pays qui fut profondément francophone. Il a participé et ce fut un des membres fondateurs de la francophonie aux côtés de Senghor. Et le Liban avait une double... un bilinguisme solide. Autant on parlait en arabe, autant nos enfants grandissaient en français. Des enfants de trois ans pouvaient tomber et se faire mal en français, s'exprimer en français, dire leurs émotions en français. C'est dans cela que j'ai grandi. C'est dans cela que le français est devenu pour nous, au-delà d'une langue de communication, une façon d'être, de vivre, de partager, de croire en certaines valeurs. Et dans un pays profondément entouré, majoritairement, par des pays arabes souvent musulmans, d'accord, c'était un peu notre porte vers l'Occident et vers une autre culture et une autre civilisation.

Dans ce pays, j'ai vu... Évidemment, je suis une femme de terrain et de bataille. Je me suis battue parce que j'avais entre les mains un dossier de la Francophonie. Et c'est par le dossier de la Francophonie que j'ai connu le second sommet au Québec. On était là à l'Assemblée nationale. Je n'étais pas Québécois à l'époque, mais je suis venue porter le souci de la francophonie en pleine période de guerre. C'était le second sommet de la Francophonie. Depuis, j'ai vu une société perdre sa francophonie. J'ai vu des gens, des jeunes essentiellement cesser majoritairement de s'exprimer en français, même s'ils continuent à aller très solidement... Le système éducatif au Liban est encore très solide et très francophone. Ils vont à l'école en français, mais c'est le seul lieu où se passe le français, à part évidemment une certaine génération qui est la mienne. Donc, ça m'a fait prendre conscience que ça se perd. Et je n'ai pas voulu que mes enfants ne grandissent ni ne poursuivent dans un lieu qui ne me ressemblait plus. D'où mon arrivée au Québec. J'ai choisi un Québec francophone. J'ai choisi un Québec résilient dans sa francophonie, c'est-à-dire soucieux de garder une identité, une culture...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Kamar (Aïda) : …une langue et de la faire partager. Partant de là, lorsque j'ai fait… je suis arrivée au Québec avec ma famille, c'était il y a 35 ans, en 1990. Et, pendant 10 ans, j'ai été sur le terrain. J'ai connu tout ce qui faisait la société québécoise dans son immigration, dans sa diversité, dans tout ce qui se vivait. Et puis j'ai compris, au bout de 10 ans, que nous ne ferions jamais une société commune si nous continuons à ne pas dire clairement ce qu'est le Québec. Il y a eu plusieurs tentatives, parce que j'ai toujours été très proche de plusieurs cabinets ministériels, de multiples partis et de multiples choix politiques. Je ne fais pas de politique, je fais de l'engagement au niveau d'un dossier.

Je réalisais qu'il y avait eu beaucoup de vœux, beaucoup de tentatives, mais qu'elles ne se sont jamais réellement concrétisées. C'est vous dire qu'au moment où j'ai vu le ministre Roberge je ne connaissais pas, je ne savais pas qu'une loi de l'intégration à… la loi 84 était déjà prête. Lorsque je l'ai vu en conférence de presse dire clairement : Nous voulons dire «Notre Québec», Nous voulons clairement expliquer à ceux qui viennent nous rejoindre ce que nous sommes, qui nous sommes, ce que nous sommes prêts à leur donner et ce que nous attendons d'eux, j'ai réalisé que nous étions peut-être sur quelque chose que nous attendions depuis longtemps, d'où ma profonde conviction que cette loi 84 est absolument nécessaire.

Partant de là, je me suis penchée sur cette loi. Mais avant, je vais vous dire que j'ai été très touchée, alors qu'il avait très, très peu de temps, dans une conférence de presse, de l'entendre dire : Pour nous, une culture commune, c'est Tremblay, mais c'est aussi Kim Thúy. D'évoquer l'organisme que je représente parce que nous l'avions invité à partager une soirée qui s'appelait La Veillée, présentée ici même au Grand Théâtre de Québec et dans laquelle des artistes de toutes origines, qui normalement chantent dans toutes les langues, reprenaient de grands moments de chansons québécoises et les revisitaient dans leurs rythmes à eux. Ils découvraient la culture québécoise, ils se l'appropriaient, et ils la reprenaient, ils la revisitaient dans leur monde à eux, disant à l'ensemble du Québec : Hé! Nous sommes d'ici. Cette culture, nous en faisons partie. Nous y apportons quelque chose, mais nous en… nous en faisons étroitement partie.

Et c'est là qu'en donnant ces quelques exemples, j'ai compris que, lorsque le ministre parlait de réciprocité, lorsque le ministre parlait d'engagement partagé, de culture commune et de politique nationale, ça pouvait… Parce que je reviens avec certains bémols, mais quelle est la loi qui n'a pas ses bémols et qui n'a pas besoin d'aller plus loin au niveau de certains grands concepts, de politique nationale, tout ceci est au cœur de ce dont on a besoin.

Et, avant de passer à un commentaire au niveau de la loi elle-même, j'aimerais vous faire part d'une expérience. J'ai voulu… Un jour, j'étais à Paris, j'ai voulu voir comment est-ce qu'on présente le Québec. J'étais déjà Québécoise. J'ai été à l'ambassade et j'ai assisté à une séance ouverte aux gens intéressés d'immigration. Et j'ai réalisé qu'on vendait le Canada comme la terre où tout est possible. Prenez vos affaires, venez avec votre culture, votre langue, vous installez là et vous serez heureux. Hé! les amis, il y a une société, il y a une culture, il y a une langue. Elle n'a pas été évoquée, je peux vous le jurer. Peut-être que ça va mieux aujourd'hui. C'était il y a 15 ans, peut-être qu'aujourd'hui on fait mieux les choses. Je ne sais pas, je n'ai plus suivi. Mais ce jour-là m'a beaucoup fait réfléchir parce que je me suis posé la question : Sommes-nous suffisamment clairs lorsque nous accueillons nos immigrants, tant à l'extérieur que chez nous à leur arrivée? Et je crois qu'une loi de clarté, non pas une loi fermée, la société québécoise n'est pas une société assimilationniste. Ce n'est pas vrai. La société québécoise n'est pas une société fermée et chauvine. C'est une société qui se veut ouverte, accueillante, à condition qu'à la base on sauvegarde ce pour lequel chaque Québécois, depuis 450 ans, s'est battu.

Donc, partant de là, pour ma part, j'aimerais juste vous revenir à la loi, à certains moments, dans ces moments-là, ce que je voudrai, par exemple, c'est que, déjà, dès les notes explicatives, lorsqu'on parle d'intégration nationale, moi, j'aurais ajouté qu'elle se doit d'être obligatoirement… je suis dans les notes explicatives…

Mme Kamar (Aïda) : ...qu'elle se doit d'être nécessairement interministérielle. C'est vrai qu'on l'évoque par la suite rapidement, mais je crois que ça fait partie des principes de base. Cette loi a des chances d'être concrète à partir du moment où elle est coordonnée par un ministère, mais partagée par l'ensemble des ministères. On y parle beaucoup de culture, peut-être d'éducation, mais il faudra parler aussi d'emploi, il faudra parler d'immigration. Donc, c'est véritablement un effort collectif, et ministériel, et civil, parce qu'il y a énormément d'organismes sur le terrain qui peuvent lui être d'un important support.

Alors, que fait Vision Diversité là-dessus? Et je reviens à la loi. Vision Diversité, comme le nom l'indique, c'est même un nom moche à mon regard parce que ça fait un peu optique, on a l'impression de voir des lunettes, Vision Diversité, c'est voulu Vision Diversité, pour apporter une autre vision de la diversité, notre diversité et notre réalité. Oui, il y a du monde venu de partout à travers le monde, sauf qu'il y a aussi un terreau, excusez l'image. Nous avons bâti un terreau, et, dans ce terreau, il y a des racines qui nous viennent de partout et qui viennent s'enraciner dans le terreau. On a souvent tendance à laisser les racines dans des pots, à ce que même les politiciens aillent les arroser dans chacun des pots, parce que ça fait bien, parce qu'il y a de belles fleurs qui poussent, sauf que, dans un pot, les racines dépérissent. Et ce n'est même pas à l'avantage des immigrants de rester dans le pot. Pour pouvoir fructifier les racines, il faut les arracher du pot, casser le pot, même s'il y a un petit geste de violence, qui permet de sortir d'un petit confort, d'un petit cocon dans lequel on se trouve et de prendre ses racines, de leur dire : Vous êtes précieuses. Et le «vous êtes précieuses» est très important dans cette loi. Il faut constamment répéter qu'il y a une place aux apports de ces multiples racines et planter les racines dans le terreau. Vision Diversité est un organisme qui a choisi, avec les artistes et avec les jeunes, de leur apprendre à découvrir le terreau, à réaliser qu'ils ont chacun d'eux sa place dans le terreau, parce que nous nous adressons à des gens majoritairement de toutes origines, ils ont leur place dans le terreau et que ces racines sont là pour se nourrir du terreau et pour enrichir le terreau. Voilà.

• (12 h 10) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci…

Mme Kamar (Aïda) : Voilà.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Sur ces bons mots, Mme Kamar, merci beaucoup pour votre explication. Nous allons entamer la période de discussion avec les parlementaires et on va commencer avec le ministre et la banquette gouvernementale. Vous avez 16 min 30 s au total. Le micro est à vous.

M. Roberge : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme Kamar. J'en aurais pris encore de votre présentation. C'est remarquable de vous voir aller, vous savez de quoi vous parlez. C'est un sujet que vous maîtrisez depuis longtemps. Vous êtes… y allez sans notes, avec quelques… quelques notes, là, juste pour être certaine. Mais vraiment, on sent que vous êtes passionnée par l'accueil, l'intégration, les relations, les échanges.

Beaucoup aimé le moment où vous avez dit… vous avez constaté une erreur flagrante où le Canada ou le Québec disait : Bien, venez ici, puis apportez… vous n'aurez pas à vous intégrer, en réalité. C'est comme si, ici, on était une terre en friche.

Mme Kamar (Aïda) : C'est ça…

M. Roberge : C'est comme si toutes les nations existaient, toutes les cultures existaient, sauf la nôtre. Ça me fait penser, là, à la citation tristement célèbre de Justin Trudeau qui disait que le Canada est un pays postnational. Pas sûr que c'est vrai. Peut-être le reste du Canada, mais sûrement pas le Québec. Donc, c'est une grave erreur de dire ça. On n'est pas une terre en friche, là, on existe. On est… On est content d'accueillir des gens dans notre terreau, comme vous l'avez si bien dit. Décidément, l'allégorie des racines fonctionne très bien quand on parle de l'accueil des gens.

Vous avez parlé de la nécessité de parler de la notion interministérielle. On est dans une loi-cadre, dans une loi même fondamentale. Je veux vous rassurer à cet égard-là. Lorsqu'on est dans le chapitre quatre sur la politique nationale, à l'article huit, on dit : «Le ministre élabore, en collaboration avec les ministres concernés, puis soumet à l'approbation du gouvernement…» Donc, à ce moment-là, tous les ministres sont impliqués, la politique, puis après ça, on dit : Cette politique s'applique aux organismes visés au paragraphe a de l'annexe un de la Charte de la langue française. Ça a de l'air...

M. Roberge : ...technique, mais là on couvre beaucoup de ministères, hein, quand on va voir, là, ce à quoi ça fait référence : l'Agence de revenu du Québec, l'Autorité des marchés financiers, l'Autorité des marchés publics, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Bureau des enquêtes indépendantes, Centre de la Francophonie des Amériques, centres régionaux d'aide juridique, Commission de la Capitale-Nationale. Donc, déjà, on a touché à peu près cinq, six ministères. Je veux vous rassurer, on est dans l'interministériel à fond la caisse.

Vous avez dit : Le projet de loi est intéressant, mais peut-être, à certains égards, on devrait aller plus loin. Bien, ça m'intéresse de vous entendre sur ce que vous avez à nous proposer ou sur des questions sur lesquelles vous voulez des précisions pour voir si on va assez loin, comment on devrait aller plus loin et mieux. Donc, j'aimerais ça, vous entendre sur vos propositions.

Mme Kamar (Aïda) : En fait, ce que vous avez dit, déjà, si je prends le point de l'interministériel, oui, évidemment, dans l'annexe, c'est évoqué. Moi, j'aurais souhaité que, dès la base, dès les premières considérations, on souligne que, lorsqu'on parle de politique nationale, elle touche et elle concerne l'ensemble des ministères, coordonnés par le ministère, par votre ministère, mais allant chercher la dynamique de l'ensemble. Il ne s'agit pas simplement de faire dire : Ça vous concerne, ça vous concerne. Ce que je voudrais, c'est qu'on sente, à tous les moments, et ils sont... ils peuvent être nombreux, que la présence, par exemple, dans le «Considérant que l'intégration culturelle et la promotion des valeurs interpellent l'État, la population», etc., j'aimerais, au lieu de les nommer comme ça, dire que ceci... que cette intégration et cette promotion se fait à travers un travail interministériel, là où il y a la possibilité de parler d'interinterministériel. Ça, ça concerne l'interministériel.

Là, pour moi, où vous cherchez à interpeler, à convaincre des Québécois de toutes origines, là où ils vont se sentir interpelés, c'est lorsqu'on verra, chaque fois que vous parlez de culture commune, on verra l'insistance sur les apports multiples qui font partie de cette culture commune. Je sais qu'en arrière-plan, tout est là, je sais que c'est évoqué dans certains endroits, sauf que, lorsqu'on veut aller chercher quelqu'un et faire qu'il se sente concerné, je crois que même lorsqu'on est dans la redite, il serait important de le redire. Donc, l'importance d'une culture qui n'est pas une culture québécoise et qui dit : Vous avez fait votre place, venez nous rejoindre. Non. Une culture québécoise en mouvement, une culture québécoise, j'adore... J'ai fait travailler des jeunes sur la notion d'un Québec singulier, pluriel, singulier parce qu'il est unique, parce qu'il a ses spécificités, parce qu'il faut reconnaître tout ce qu'il est, mais pluriel parce qu'il a fait le choix de s'ouvrir et de s'enrichir à multiples niveaux.   Ma seule réticence, c'est qu'on ne s'enrichit pas lorsque chacun reste chez soi.

Et c'est pourquoi je voudrais justement vous dire que, pour moi, évidemment, ce n'est pas le multi, vous l'avez longuement expliqué, mais ce n'est pas non plus l'interculturalisme. Et je m'explique. J'ai longtemps... J'ai partagé la commission Bouchard-Taylor. J'ai fait partie de tous les travaux, je faisais partie de sa commission officielle. L'interculturel, pour moi, est une démarche, ce n'est pas une fin en soi. Il faut de l'interculturel, il faut qu'on aille les uns vers les autres exactement lorsqu'un couple se fréquente. On apprend à connaître l'autre, il apprend à vous connaître. On a des milieux et des mondes différents. Mais une fois cette démarche interculturelle réalisée, il y a à bâtir ensemble, et là la loi le mentionne, l'idée de bâtir quelque chose en commun, sauf qu'elle ne va pas assez loin dans cette mention. Au-delà de l'interculturalisme, il y a, on peut l'appeler comme on veut, ça peut être de la diversité, ça peut être de l'inclusion, ça peut être une société plurielle.

Le choix, parce que chacun de ces concepts, vous allez vous retrouver avec des chercheurs qui vont vous sortir avec de grands principes, de grands concepts, autant vous dire que, pour moi, il y a le terrain, d'accord? Il y a quelque chose d'important, c'est qu'au-delà de l'interculturalisme, il faut l'interculturalisme comme démarche, comme écoute et dialogue. Mais au-delà de l'interculturalisme, il y a une société commune. Quand on dit «interculturel», c'est qu'il y a des cultures et qu'elles font l'effort de se connaître. Mais non, les amis, il y a une culture québécoise, une seule, elle n'est pas fermée, elle n'appartient pas seulement aux Québécois dits de souche. La culture québécoise est le produit, le fruit, le résultat de nos efforts partagés pour bâtir quelque chose ensemble.

Voilà pourquoi je pense qu'il faut, tout en passant par l'interculturalisme, aller vers une vision de culture commune, une culture québécoise en mouvement...

Mme Kamar (Aïda) : ...dynamique, pas sclérosée, pas fermée, ouverte aux multiples apports et ouverte à toute notre diversité, à condition qu'elle s'inscrive au cœur de cette culture. Voilà. Excusez-moi, M. le ministre, j'ai été un peu à côté.

M. Roberge : Non, non. Écoutez, la dernière chose que je veux, c'est couper votre élan. Donc, il faut de l'interculturalisme pour arriver à une intégration nationale.

Mme Kamar (Aïda) : C'est ça.

M. Roberge : C'est une démarche très intéressante. Ce n'est pas la fin, ce n'est pas l'objectif.

Mme Kamar (Aïda) : Non, ce n'est pas une fin en soi. Non.

M. Roberge : C'est le chemin, pas la destination. J'aime bien cette manière-là.

Mme Kamar (Aïda) : Gérard Bouchard ne sera pas content. Il ne sera pas d'accord avec moi. Ça a été un de nos conflits pendant toute notre commission.

M. Roberge : Oui, mais on additionne.

Mme Kamar (Aïda) : C'est ça. Exact.

M. Roberge : On ne soustrait pas. Il ne s'agit pas... Je pense que M. Bouchard a contribué de manière extraordinaire aux travaux, hier, à la réflexion. C'est un précurseur. On est tellement chanceux de l'avoir.

Mme Kamar (Aïda) : Absolument.

M. Roberge : On est tellement chanceux de l'avoir. Puis il y a plusieurs éléments d'interculturalisme dans la loi, mais j'aime dire qu'elle va un peu plus loin. Vous le dites autrement en disant que c'est la démarche et non la fin. On s'entend. Vous avez dit tout à l'heure quelque chose qui m'a... qui m'a vraiment ébranlé. J'ai vu une société perdre sa francophonie.

• (12 h 20) •

Mme Kamar (Aïda) : Tristement.

M. Roberge :  Vous ne parliez pas du Québec.

Mme Kamar (Aïda) : Non, je ne parlais pas du Québec, mais...

M. Roberge : Mais est-ce que ça peut nous arriver...

Mme Kamar (Aïda) : Certainement.

M. Roberge : ...si on ne change pas

notre modèle?

Mme Kamar (Aïda) : Certain! Ça peut certainement nous arriver. Comme je vous le disais, je suis une femme du terrain. Lorsque je travaille avec les jeunes, lorsque je travaille avec les artistes, je suis constamment en train de les tirer vers le fait... Vous savez, je travaille avec des artistes dans des musiques dites du monde, dans lesquelles ils se disent dans toutes les langues, et je veux les amener, tout en gardant leur identité musicale, à réaliser qu'on peut se dire aussi en français, rester profondément ce qu'ils sont et intégrer cette langue parce que c'est un ciment et parce qu'on a besoin. Et leur montrer non seulement... Il n'y a pas de on doit. On n'enfonce une langue dans la gorge de personne. On les amène à réaliser et à croire, un, que c'est du plaisir, deux, que c'est leur intérêt. Et on y arrive. Avec les jeunes, c'est la même chose, croyez-moi. Les jeunes sortent de leur classe à la porte de la classe, et j'ai fait l'expérience, on croirait que c'est seulement à Montréal que ça se passe. Ce n'est pas vrai. J'ai fait faire l'enquête au cœur même de Québec. À la porte de la classe, ils sont tous à l'anglais. Leurs chansons sont en anglais, leurs films sont en anglais, leurs... Tout est en anglais. Et si on doit les amener, ce n'est pas en les forçant. On ne les forcera pas non plus.

Alors, ce qu'on a fait, tout simplement, c'est leur faire découvrir multiples initiatives. Un sommet jeunesse dans lequel ils parlent en français, des créations de théâtre, de musique, de chanson, du rap, tout ce qui les intéresse. Ça m'est égal, la forme. Ce que je veux, c'est qu'ils réalisent qu'on peut prendre plaisir à se dire en français, qu'on peut dire ses émotions, qu'on peut parler à l'échelle internationale parce qu'il y a une francophonie, qu'on peut s'engager, qu'on peut faire beaucoup de choses en français et que ce n'est pas seulement une langue d'obligation et de classe. Voilà.

Et ça, si on... si on n'est pas vigilant... Parce que ce n'est pas en faisant une expérience, c'est une vraie vigilance. Et d'où l'importance, vigilance en éducation, vigilance en culture, vigilance en emploi. C'est la vigilance qui nous permettra de sauvegarder... Vous savez, aujourd'hui, le Québec est l'unique, je pèse mes mots, l'unique bastion de francophonie. Ne croyons surtout pas, parce que je le vis de très près, que c'est la France qui nous donnera l'exemple. C'est au Québec que ça peut se jouer. C'est le Québec qui peut être le porteur véritable d'une francophonie active, ouverte à l'ensemble des pays francophones en Afrique, des pays francophones en Europe. Moi, pour moi, c'est notre rôle. Je m'excuse, je vais beaucoup plus loin. Mais voilà.

M. Roberge : Merci. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, on va poursuivre la discussion avec la députée de Vimont. Il reste 5 min 18 s.

Mme Schmaltz : Parfait. Merci, Mme la Présidente. Moi, j'adhère à tout ce que vous dites. Voulez-vous m'adopter?

Mme Kamar (Aïda) : Avec plaisir. Plus on est... Plus on est engagés et plus on arrive à faire des sommes.

Mme Schmaltz : Ah! Que de bonheur de vous écouter ce matin. Merci aussi d'être... d'être présente, hein? C'est toujours apprécié quand... les gens, quand ils viennent en présentiel. Alors...

Mme Kamar (Aïda) : Ce n'est pas la même chose.

Mme Schmaltz : Non, ce n'est pas la même, je confirme. Vous avez donné certaines définitions à l'interculturalisme, qui est une méthode, qui n'est pas une fin en soi. Bref, vous nous avez mis un peu dans un contexte un peu différent, hein, de ce qu'on a peut-être entendu dernièrement. Vous... Vous mettez à l'avant-plan, le besoin, bon, un peu l'altérité, hein? Disons qu'on peut parler d'altérité dans ce cas-ci. J'aimerais savoir...

Mme Schmaltz : ...de quelle façon maintenant... quand on parle d'intégration, quand on parle de société québécoise, bon, tout ce que vous avez énuméré, comment on fait le pont, comment on peut faire le pont? Parce que je me mets à la place d'une personne immigrante, hein, mes parents le sont, j'en suis aussi, vous l'êtes, donc il y a quand même un pont à franchir. Même si la langue est le français, peu importe, il y a toujours le pont à franchir, surtout en matière de connaissance, hein, de la culture. Ça, je pense que c'est une priorité aussi. C'est... Qu'est-ce qu'on met en place pour justement aider à cette intégration-là?

Mme Kamar (Aïda) : Écoutez, moi, pour moi, il y a une chose qu'on n'a pas encore faite jusqu'à présent, on n'a pas commencé l'intégration avant que les immigrants n'arrivent dans le pays. Pour moi, au moment où une demande d'immigration est faite — et le Québec a son mot à dire là-dessus — au moment où ceci est fait, il y a une année, deux années, parfois, qui passent où la personne est prête à tout, mais a tout pour pouvoir être acceptée. Pendant ce moment-là, c'est là qu'il y a des rudiments de français qui doivent être faits avant le début de la francisation chez nous. Et dans ces rudiments-là, ça doit être des personnes très choisies qui vont faire communiquer les valeurs, ce qu'est le Québec, sans les mettre dans un contexte où soit ils disent : Non, non, ça ne me ressemble pas du tout, je n'ai rien à faire là-dedans, d'accord? Ou bien ils disent : Oui, je peux.

Maintenant, évidemment, il y a des déplacés, il y a des guerres, je prends le cas d'immigrants volontaires, d'accord, parce que ce n'est pas la même chose. Quand parfois on est obligés de partir, on est obligés de partir et... mais il y a nécessairement quelque chose qui doit se faire avant. Parce que lorsqu'une personne arrive, on l'a tous vécu, c'est tellement difficile de commencer à s'installer, de trouver du travail, d'organiser ses enfants, etc., que ce n'est pas le moment de se dire : Est-ce que je fais partie de... je ne fais pas partie... ce n'es pas là. Par contre, lorsque j'arrive et que je sais où j'arrive, lorsqu'on a pris les moyens de dire clairement ce qu'est le Québec, et quand je dis : Dire ce qu'est le Québec, de grâce, ça veut dire un Québec ouvert. Je ne parle pas d'un Québec qui dit : Écoutez, moi, je suis ça, vous voulez, vous voulez, vous ne voulez pas, restez chez vous. Ce n'est pas vrai, qu'est-ce que c'est que le Québec comme terre d'accueil, mais quelles sont les bases nécessaires pour qu'on puisse vivre ensemble. Et partant de là, le mot clé est «vivre ensemble». Tous les éléments qui permettent un vivre ensemble depuis l'accueil... Moi, personnellement, je changerais le nom du ministère de l'Immigration, mais ça, c'est une autre paire de manches.

Mme Schmaltz : Pour lequel?

Mme Kamar (Aïda) : Je l'ai déjà discuté longuement dans le temps avec Kathleen Weil qui m'avait demandé conseil, avec qui j'avais travaillée. Pour moi, il y a immigration, inclusion, diversité. Ce sont trois étapes d'un ministère. On commence par recevoir. On a comme mandat d'intégrer et, dans cette intégration, de développer une vision d'un Québec qui est celui d'un Québec divers, ouvert, etc.

Donc, deuxième étape l'école. L'école, on ne saura jamais assez dire combien la loi 101 est une aubaine. L'école, mais nos enfants, tous dans un même bain. Maintenant, ça ne suffit plus. Aujourd'hui, l'école fait face à de nombreux moments dans lesquels il y a des possibilités de faire de nos enfants des petits Québécois. Or, ce n'est pas le cas. Honnêtement, croyez-moi, les jeunes qui sortent de l'école lorsque vous leur dites : Bon, vous, en tant que Québécois, première réaction : Ah non, non, moi, je suis Africain. Ah non, non, moi, je suis... Est-ce que... Ah! tu n'es pas né ici? Ah! si, si, je suis né ici, mais mes parents sont...

Donc, comment enlever cette loyauté au pays d'origine qui est mythifiée par une action réelle dans laquelle ils découvrent qu'est-ce qu'il a à apporter ici? Et c'est la même chose au niveau du travail, c'est la même chose. Il y a un chantier à prendre, à se dire : Voilà comment ce principe va s'appliquer et d'où mon insistance pour l'interministériel.

Mme Schmaltz : Pensez-vous que la médiation culturelle peut rentrer et aider, justement, cette...

Mme Kamar (Aïda) : C'est un des... plus on se parle et mieux on se comprend, d'où l'importance... et, excusez-moi, l'interculturalité n'est pas un moyen, c'est une démarche. Un moyen, c'est ce qu'on utilise de temps en temps. Une démarche, c'est un choix qu'on fait par étapes pour arriver à une autre fin.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, je dois vous arrêter. La partie gouvernementale... leur temps est terminé. Je me tourne du côté de l'opposition officielle avec le député d'Acadie pour 12 min 23 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, Mme Kamar. J'étais très heureux d'entendre que vous êtes du Liban. Dans ma circonscription d'Acadie, il y a une très grosse communauté libanaise avec qui je suis en contact...

M. Morin : ...sur une base régulière...

Mme Kamar (Aïda) : D'ailleurs, souvent dans les ministères, on appelle Saint-Laurent Saint-Liban.

M. Morin : Oui, puis j'ai une partie de ma circonscription dans le Saint-Laurent également, alors tout à fait des gens avec qui j'aime beaucoup échanger. Je voudrais savoir, et vous qui avez fait référence rapidement, mais il y a un élément dont le projet de loi ne parle pas, et j'ai posé des questions là-dessus hier, c'est tout le volet socioéconomique quand on veut intégrer des gens. Et je me demandais si ça ne serait pas important de le dire et d'en faire un... finalement, un des piliers de l'intégration nationale, parce qu'il m'apparaît que oui, parler français, c'est essentiel, on s'entend tous là-dessus, là, mais si les gens n'ont pas d'emploi, ça devient très difficile par la suite. Puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Est-ce que vous pouvez nous partager votre expérience? Qu'est-ce qui devrait être fait? Est-ce qu'on devrait l'inclure et comment?

• (12 h 30) •

Mme Kamar (Aïda) : Je suis profondément convaincue que c'est une des dimensions qui manquent. Elle fait partie de mes notes, justement, et je m'apprêtais, après ce passage, à faire le relevé des notes. J'attendais de vous écouter et d'écouter vos questions pour pouvoir compléter ce que j'ai à dire. Mais je crois que la dimension socioéconomique, le monde de l'emploi, le monde du travail, c'est une nécessité. L'intégration passe par là aussi. Il ne suffit pas... La culture, oui, l'éducation certainement parce que nos jeunes grandissent là, mais le monde économique, le monde du travail est absolument nécessaire pour une intégration. Donc, c'est pourquoi aussi, pour moi, le ministère de l'Économie, tous les ministères touchés directement par l'emploi et le travail sont nécessaires dans ce cercle de coordination.

Mais j'aimerais vous dire une chose aussi. Il y a ceux qui arrivent et qui doivent être soutenus dans le monde du travail et il y a ceux qui sont là et qu'on n'utilise pas suffisamment, parce que, si on les utilisait, ils feraient partie de cette grande culture commune, culture ne voulant pas dire culture, mais société commune, d'accord? Nous avons le monde à portée de main par le biais de nos gens d'affaires et par le biais de tout ce monde là, économique. Le monde à portée de main, c'est-à-dire le fait que des gens d'ici qui ont une expérience internationale sont capables de travailler avec nos grandes entreprises dans multiples régions. Il se fait des choses absolument magnifiques dans nos régions au niveau de la production économique. Nous avons de la grande performance, sauf que ça reste souvent... Il y a un manque, à part la jeune génération, mais il y a un manque de politiques, de formation internationale. Or, la formation internationale, nous avons des ponts, et ça permettrait de faire cette coupure qui me tient vraiment beaucoup à cœur entre Montréal et les régions. Elle n'est pas normale. Il faut absolument qu'il y ait des choses qui lient autant au niveau de la culture que de l'économie que du travail les régions, Montréal, Québec. On ne bâtit pas une société commune. Un de mes jeunes m'a dit : On ne bâtit pas un nous. Je lui ai dit : Qu'est-ce que c'est «nous» pour toi? Il me dit : c'est n-o-u-s, nos origines, une société. Et nous avons beaucoup travaillé le nous. Et le nous, il est à multiples niveaux et il est à multiples territoires. Je crois qu'on s'est volontairement ou involontairement compartimenté. Et qu'aujourd'hui, dans nos régions, je me le suis fait dire : Montréal, ces immigrants, ces problèmes, ces etc. Ce n'est pas ça. On réalise, des enquêtes ont été faites, que les gens qui ont le mieux réussi venant d'ailleurs sont en région. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas le cocon fermé de leur communauté. Quand on arrive à Montréal et qu'on peut arriver à voir sa famille, travailler, vivre ou mourir sans avoir aucun lien avec la communauté québécoise, des questions sont à poser. Donc, aujourd'hui, lorsqu'on arrive et qu'on va en Gaspésie, on est minoritaire et, par conséquent, on s'adapte, on donne, on prend. C'est ça, ce que cette loi d'intégration est capable de donner à tous les niveaux, y compris l'économie et le travail dont vous parlez.

M. Morin : Merci. Donc évidemment, ici, vous...

Mme Kamar (Aïda) : J'ajouterais.

M. Morin : Oui, allez-y, allez-y.

Mme Kamar (Aïda) : Oui, mais j'ajouterais une dimension. Si vous voulez, je suis prête à faire l'exercice, quelque part dans les chapitres, une plus grande insistance au niveau, justement, de l'intégration à un niveau emploi parmi les responsabilités de l'État. Maintenant, ce n'est pas l'État tout seul parce qu'il y a des institutions, il y a des chambres de commerce, il y a du monde qui...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Kamar (Aïda) : ...agir, mais c'est une... la volonté reste une volonté de notre gouvernement. Voilà.

M. Morin : Eh oui. Parce qu'en fait, quand on regarde le début du projet de loi, il est écrit, en fait, clairement que «l'intégration réussie des personnes immigrantes repose sur une responsabilité partagée entre celles-ci et la société d'accueil.» Bon. On peut lire, entre autres, dans la société d'accueil, pas uniquement, mais sûrement le gouvernement. Donc, je comprends qu'au niveau de l'immigration, une planification de l'immigration est fondamentale?

Mme Kamar (Aïda) : ...

M. Morin : Et, ça, ça doit être fait avec les régions, avec les municipalités...

Mme Kamar (Aïda) : Totalement.

M. Morin : ...pour être capables de répondre notamment au marché du travail. Il y a eu beaucoup de changements en immigration dans les derniers... dans les derniers 12 mois, dernières années, tant au niveau fédéral qu'au niveau du Québec, là. Est-ce que, pour vous, c'est un frein à l'intégration?

Mme Kamar (Aïda) : Écoutez, personnellement, pour moi, il fut un temps où j'ai pris mes distances par rapport à tout ce qui touchait à l'immigration, parce que je ne retrouvais plus du tout ce que personnellement j'aurais fait. Donc, je me suis axée sur le travail local, sur le travail ici, de notre société. J'ai été chercher des artistes immigrants, des jeunes. Vous savez, dans nos écoles, à Montréal, dans chaque classe, sur 30 élèves, vous en avez 25 qui sont de toutes origines. Ce monde va grandir ensemble. Soit ils bâtissent quelque chose ensemble, soit ce sera très grave. Il y a du travail à faire déjà localement. Mais, ce que nous vivons localement est un éclairage qui peut éclairer ce que ça doit devenir au niveau des exigences d'immigration. Et personnellement, comme je vous le dis, peut-être qu'il y a eu des choses magnifiques qui ont été faites et dont je ne suis pas au courant, mais personnellement, je crois qu'aujourd'hui le ministère de l'Immigration joue un rôle essentiel comme plateforme de départ de cette loi d'intégration.

M. Morin : Tout en arrêtant de travailler en silos. Je vous ai...

Mme Kamar (Aïda) : Certains.

M. Morin : Je vous ai bien compris.

Mme Kamar (Aïda) : Absolument. À tous les niveaux, à tous les niveaux. Vous savez, on a beau, en tant que ministre, en tant que député, circuler, aller, partager, etc. Il y a des gens du terrain. Et je crois qu'il y a à aller chercher les gens du terrain, à aller à leur écoute, à travailler avec eux. Écoutez, moi, je dois vous le dire, il y a... je ne peux pas m'en plaindre, il y a 20 ans que je porte haut et fort, parfois presque de façon ennuyante parce que je suis tout le temps là, tous ces dossiers-là, dans multiples ministères, je ne me suis jamais vu une porte fermée. Il y avait écoute, il y avait volonté, sauf qu'il manquait justement cette dynamique globale, générale qui va nous amener tous... Et peut-être que Trump en serait la raison. Il y a quelque chose qui va changer là-dessus.

M. Morin : Je vous remercie. Au niveau... Au niveau de l'emploi, est-ce qu'il y aurait également une réforme à faire au niveau des ordres professionnels? Tu sais, quand vous parliez de bien être capables de travailler en amont.

Mme Kamar (Aïda) : Totalement.

M. Morin : Parce que c'est sûr que, si on dit à une personne, puis on comprend, c'est essentiel d'avoir des ordres professionnels, ils sont là pour protéger le public, mais si on dit à une personne : Ah! Bien, vous voyez, je ne sais pas, vous êtes ingénieur chez vous, vous êtes dentiste chez vous, bien, venez, venez au Québec, puis que là, la personne arrive, puis elle se ramasse chauffeur de taxi, là, ça va... ça va un peu moins bien pour l'intégration.

Mme Kamar (Aïda) : C'est un éternel problème.

M. Morin : On s'entend. O.K.

Mme Kamar (Aïda) : Rappelez-vous, remontons à quelques années, il y a des années qu'on en discute, il y a des années que le problème n'est pas vraiment résolu. Nous avons réellement un gaspillage humain. C'est... C'est une réalité. Il y a de très hauts diplômés... Alors que nous manquons de ressources humaines, il y a de hauts diplômés dans multiples secteurs dans lesquels il faudrait peut-être revoir justement une collaboration avec les ordres, une collaboration avec un changement de loi, d'admission, de reconnaissance des diplômes. Il y a beaucoup de travail à faire là-dedans. Oui, en effet, une intégration doit aussi passer par là.

M. Morin : Très bien. Je vous remercie. J'ai une dernière question. Vous avez parlé évidemment de la culture québécoise. Est-ce que vous trouvez que le projet de loi définit clairement ou dit clairement ce qu'est le Québec?

Mme Kamar (Aïda) : Non. Je pense qu'aujourd'hui il y a du travail à faire, là où se trouvent surtout «culture commune», «culture québécoise». Si vous parlez à un immigrant, «culture québécoise», c'est vous autres, et nous autres, c'est autre chose. Lorsque vous dites à un immigrant, même quand il est là depuis des années : Toi, en tant que Québécois, ah non, de un, parce qu'il y a une...

Mme Kamar (Aïda) : ...grosse erreur et un grand malentendu, les immigrants, majoritairement, arrivent au Canada, ils se considèrent Canadiens, et, par conséquent, faire en sorte qu'ils se considèrent Québécois est une démarche à faire et je pense qu'il y a du travail à faire à ce niveau-là.

Deuxièmement, parce qu'en fait, il y a une... toute une dynamique à développer qui permettrait justement à chacun... lorsqu'on dit culture québécoise, même si ça fait un peu rentrer dans les détails et qu'on ne rentre pas dans des lois, dans des détails, il faut faire exception à ce niveau-là. Quand on parle de culture québécoise, ça doit tout le temps être ouvert, pluriel, faisant, sa part aux multiples apports enracinés dans notre culture. Chaque fois qu'on parle de culture commune ou de culture québécoise, je pense qu'il ne faut pas ménager les détails, parce que la... Et quand je vois combien des responsables québécois qui ont de tout temps accompagné ce souci d'intégration, parlent à partir de la loi d'assimilation, honnêtement, mais ça s'appelle partir d'un mot. On a parlé de culture commune, on est en train d'enfoncer un Québec francophone et... Non, non, non, ce n'est pas... Pourquoi? Parce que ça laisse une marge à de l'ambiguïté ou à de la mauvaise foi. Mais ça laisse une marge.

• (12 h 40) •

Donc, je crois qu'il faudrait revoir les différents moments de cette loi et se poser la question comment être clair pour dire ce qu'est la culture québécoise dans sa diversité, dans son ouverture, dans sa volonté de faire place à tous ces apports, exactement ce qui a été résumé en une phrase. La culture québécoise, c'est certainement Michel Tremblay et Kim Thúy. Là, c'était un exemple, mais c'est vrai et ça peut s'étendre à n'importe qui et dans n'importe quel domaine.

M. Morin : Merci beaucoup.

Mme Kamar (Aïda) : Merci à vous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le député. Alors, nous allons terminer avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne pour 4 min 8 s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation d'ailleurs, puis vos exemples, puis votre fougue, hein, quand même, on va le mentionner. C'est intéressant de vous entendre. Moi, j'aimerais ça qu'on discute de l'avant, de l'avant immigration puis de ce qui est projeté avant les images, mais aussi peut-être le processus de sélection, le fait qu'on se qualifie sur la base de nos diplômes, nos connaissances linguistiques, notre apport. Et, par après, vous en avez parlé un petit peu, mais les obstacles allaient arriver, là.

Mme Kamar (Aïda) : Ils sont majeurs. C'est difficile.

M. Cliche-Rivard : Ils sont majeurs sur la reconnaissance des acquis, sur les diplômes, sur la capacité d'exercer l'emploi. Puis j'aimerais ça justement vous entendre sur qu'est-ce qui doit être amélioré aussi en amont dans le... disons, dans la démarche qui nous amène à arriver au Québec, qui amène les gens à arriver au Québec. Qu'est-ce qui doit être modifié peut-être là aussi pour qu'il y ait une plus grande équation directe entre ce qui est attendu en amont puis ce qui va arriver sur le terrain?

Mme Kamar (Aïda) : Absolument. Écoutez, c'est une expérience que j'ai vécue, je peux la partager. Personnellement, je crois que lorsqu'une personne veut déposer sa demande d'immigration, elle a une phase qui est une phase québécoise, soit parce qu'il y a dans ce pays-là une délégation du Québec qui peut jouer un rôle, soit parce qu'il y a le représentant du Québec au moment de la demande et qui est présent pour cette demande-là.

Donc, ce que j'aurais fait, personnellement, ce serait de préparer des personnes réellement formées à utiliser qu'on ne peut pas... Il ne suffit pas de montrer un niveau linguistique. On ne peut pas avoir les notes qu'on a par rapport... parce que ce sont des points qu'on a... on ne peut pas avoir ces points si on n'a pas suivi une telle formation. Une formation peut être donnée, un, pour s'assurer du niveau linguistique. Deux, surtout pour faire passer des messages de sensibilisation à ce qu'est le Québec.

Il faut que les gens, en choisissant le Québec, sachent ce qu'ils sont en train de choisir. On est dans un grand malentendu. Première chose. Vous allez me dire : Oui, mais c'est compliqué à mettre en place. Pas plus compliqué que tout ce qu'on fait au niveau de la francisation. Donc, je reviendrai à la francisation comme étape deux, mais je pense... vous me direz : Écoutez, c'est peut-être du rêve en couleur. Si on ne l'a pas encore fait, vous n'êtes pas la première à y penser, mais moi, je pense que ça vaut la peine de faire un effort pour regarder attentivement comment se passent les rencontres qui précèdent... qui suivent la première demande et qui précèdent... Il y a des cours, il y a des rencontres, il y a des entrevues, il y a, etc., comment ça peut être modifié? Qu'est-ce qui peut être fait à ce niveau, un, pour s'assurer d'un niveau élémentaire de base du français qui...

Mme Kamar (Aïda) : ...permettrait de ne pas arriver complètement dépourvu, deux, d'une connaissance et d'une sensibilisation suffisantes au Québec pour savoir quel est le choix qu'on est en train de faire. Ceci étant fait, on arrive au Québec et on passe par cette phase dans laquelle il y a une phase de francisation. Je continue à croire, et ça va beaucoup mieux, parce que, dans plusieurs lieux, ça a été fait, que c'est le lieu par excellence pour connaître et aimer le Québec. Oui, évidemment, il y a, au début, les premiers mois d'épicerie, quoi, comment sortir, comment parler, etc., ça, c'est élémentaire, mais, une fois ça dépassé, c'est là qu'on découvre et c'est là surtout qu'on peut développer l'idée que vous venez d'arriver, mais des gens venus de chez vous, il y a des années de ça, il y a... dans toutes les cultures qui se trouvent à Montréal ou au Québec, mais c'est surtout à Montréal qu'elles sont, il y a des gens qui ont précédé, des gens qui ont fait leur place, qui ont marqué... Au lieu de rester, autant avec nos enfants qu'avec nos immigrants, dans une sorte de nostalgie du pays... c'est parce qu'il est là, il y a la nostalgie, le pays est mythifié. S'il était tellement magnifique, pourquoi vous l'avez quitté, bon sang? Donc, le pays mythifié, le pays... d'accord. Personne ne perd ses racines, on les transporte avec soi, mais on arrive là et, à ce moment-là, on dit justement : Voilà qui je suis, voilà ce que je vous apporte, mais je viens porter vers vous ce que je vous apporte. Et là, au niveau de la francisation, il y a une marge énorme.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci.

Mme Kamar (Aïda) : Et puis ça continue au niveau de la culture, ça continue au niveau de l'éducation, ça continue au niveau du travail.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci.

Mme Kamar (Aïda) : Vous savez, il nous faut une unité dans la vision...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme Kamar.

Mme Kamar (Aïda) : Merci à vous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...pour tout ce... tout l'apport à nos travaux, c'est... c'est le but de l'exercice. Alors, merci pour votre présence ici. Chers collègues, bon dîner.

Sur ce, je suspends la commission jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 46)


 
 

14 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 15 heures)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous poursuivons donc les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi sur l'intégration nationale.

Cet après-midi, nous allons entendre les représentants des organisations suivantes : la Fédération québécoise des municipalités, qui est déjà installée. Nous allons poursuivre avec la Ligue des droits et libertés, l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec et, pour terminer, le Laboratoire de recherche en relations interculturelles de l'Université de Montréal.

Alors, pour l'heure, nous recevons la Fédération québécoise des municipalités. Mme, messieurs, bienvenue à la commission. Alors, vous connaissez un peu le processus, 10 minutes pour vous présenter et exposer l'essentiel de votre mémoire, vos commentaires, et, par la suite, nous allons entamer la période de discussion avec les parlementaires. Alors, le micro est à vous.

Mme Richard (Meggie) : Merci. M. le ministre de l'Immigration et de la Francisation et de l'Intégration et ministre de la Langue française, Mme la Présidente de la Commission des relations avec les citoyens. Mmes, MM. les députés membres de la commission, bonjour. Je tiens à vous remercier, membres de cette commission, de nous permettre de commenter le projet de loi n° 84, Loi sur l'intégration nationale. Je me présente, Meggie Richard, préfète de la MRC de Minganie sur la Côte-Nord et membre également du conseil d'administration de la Fédération québécoise des municipalités et aussi membre du jury du prix Ulrick Chérubin.

Comme vous le savez, la Fédération québécoise des municipalités regroupe plus de 1050 municipalités locales et régionales, l'ensemble des MRC et est à ce titre la porte-parole des régions. Aujourd'hui, je suis accompagnée de M. Pierre Chateauvert, directeur des politiques de la FQM et également de M. Philippe Gagnon, conseiller politique et adjoint exécutif.

D'entrée de jeu, la FQM salue la volonté du gouvernement de doter le Québec d'un modèle favorisant l'intégration des personnes immigrantes, tout en pérennisant la culture québécoise, ainsi que la langue française. L'accueil et l'intégration des personnes immigrantes à la nation québécoise sont d'ailleurs promus par la FQM. Depuis 2021, nous chapeautons le prix Ulrick Chérubin, qui souligne notamment l'apport des municipalités et des MRC dans la mise en œuvre de bonnes pratiques en matière d'accueil, d'intégration et d'inclusion des personnes immigrantes. De plus, la FQM administre le programme Accueillir en français, soutenu par le ministère de la Langue française, qui visent à promouvoir et valoriser la langue française dans des projets municipaux et communautaires d'intégration des personnes immigrantes. Enfin, lors du Rendez-vous national de développement local, qui sera à sa huitième édition cette année, la FQM permet aux participants d'assister à des ateliers sur l'immigration et le partage de bonnes pratiques.

À la lumière de ces informations, nos recommandations concernant le projet de loi n° 84 se concentrent en premier lieu sur les incidences que celui aura sur les municipalités, puis sur la structure à privilégier pour assurer une intégration réussie des personnes immigrantes. La FQM est consciente que l'intégration des personnes immigrantes à la société québécoise est l'affaire de tous. Nous comprenons que le souhait du gouvernement est d'assujettir les municipalités aux exigences de la loi. Il est important de rappeler que les municipalités locales sont avant tout des milieux de vie pour les personnes immigrantes, qui représentent bien plus que des travailleurs, ce sont des citoyens et des familles qui contribuent à nos collectivités.

Toutefois, nous entrevoyons des enjeux quant à l'application de cette loi dans les municipalités locales. En effet, la FQM craint que la nouvelle politique nationale sur l'intégration à la nation québécoise et à la culture commune ajoute de nouvelles responsabilités aux municipalités, et ainsi vienne alourdir leur charge administrative…


 
 

15 h (version non révisée)

Mme Richard (Meggie) : ...rappelons que le Québec compte 1 104 municipalités, dont 702 comptent moins de 2 000 habitants et 290, entre 2 000 et 10 000 habitants. Ce sont donc 88 % des municipalités qui doivent composer avec des ressources humaines et financières limitées. Nous percevons donc mal comment ces municipalités pourraient satisfaire aux exigences supplémentaires de la politique nationale. Les municipalités ont déjà des difficultés à rencontrer les exigences du ministère de la Langue française découlant de la Loi sur les langues officielles et communes du Québec... la langue officielle et commune du Québec, le français, et nous craignons que ces situations soient exacerbées par de nouvelles obligations.

Nous croyons que les principes énoncés dans la déclaration de réciprocité signée par le premier ministre en décembre 2023 ne sont pas respectés.

Nous recommandons donc que les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article huit applicables aux municipalités locales soient examinées à la Table Québec-municipalités pour lever les obstacles à la mise en œuvre de la politique nationale.

Dans le même ordre d'idée, l'article 11 imposerait une nouvelle obligation aux directions générales des municipalités de prendre tous les moyens nécessaires pour tenir compte de la politique nationale. Actuellement, il nous est impossible d'indiquer si le déploiement de la politique nationale à l'échelle locale nécessitera la mise en place de plans d'action ou d'autres obligations pour les municipalités.

Ainsi, nous vous recommandons que la politique nationale n'impose pas des nouvelles responsabilités de façon à alourdir la tâche administrative des directions générales des municipalités locales en respect des principes de la déclaration de réciprocité.

L'article 16 du projet de loi confère au gouvernement le pouvoir de déterminer par règlement les formes d'aides financières que peuvent octroyer les organismes assujettis à la politique nationale qui doivent être compatibles avec celle-ci. Ce pouvoir porte autant sur les ministères qui offrent des programmes d'aide financière aux municipalités qu'aux aides financières offertes par les municipalités.

Nous demandons, dans un premier temps, que ce règlement se limite aux aides financières à vocation culturelle ou d'intégration afin de limiter les effets sur les programmes offerts par les ministères jugés essentiels au fonctionnement et au développement de nos municipalités.

Par ailleurs, nous demandons que ce règlement ne porte pas sur les aides financières octroyées par les municipalités locales, toujours en respect des principes de la déclaration de réciprocité.

D'autre part, le Québec compte sur son territoire plusieurs municipalités bilingues. La FQM entrevoit des problématiques puisque celles-ci pourraient avoir du mal à se conformer à la politique nationale, notamment l'aspect de l'apprentissage du français. Nous craignons que cela ouvre la porte à des contestations des citoyens qui exigeraient que les fonctionnaires municipaux communiquent avec eux en français uniquement.

Nous demandons donc à ce que des modalités d'exemption soient prévues pour les municipalités bilingues.

Afin de contribuer à mettre en place des initiatives favorisant l'intégration des personnes immigrantes à l'échelle de la province, force est de constater que les MRC ont pu, dans les dernières années, développer une certaine expertise. Grâce au Programmes d'appui des collectivités, le PAC, elles ont pu embaucher des ressources dédiées à l'intégration des personnes immigrantes. Cependant, l'incertitude entourant son renouvellement met à risque les MRC de perdre cette expertise.

Le sentiment de précarité créé par cette situation freine les initiatives locales et en complique la prise des décisions des directions générales des MRC. Nous recommandons donc au gouvernement de reconduire, avec indexation des sommes, le Programme d'appui aux collectivités dans le but d'éviter les interruptions d'activités d'intégration dans nos milieux.

Dans la même logique, nous croyons qu'il y aurait lieu de développer une structure facilitant l'intégration au Québec. Un modèle éprouvé en développement local exige déjà, la mesure Accès entreprise Québec. Une approche similaire axée sur l'intégration des personnes immigrantes aurait pour effet de pérenniser le savoir-faire à long terme et faciliterait le déploiement dans toutes les régions de la politique nationale.

C'est pourquoi nous demandons au ministre de mettre en place un réseau inspiré de la mesure Accès entreprise Québec dans les MRC, accompagné d'une enveloppe budgétaire valide pour cinq ans qui servira à financer les ressources consacrées à l'intégration et à la régionalisation de l'immigration.

Enfin, les récentes coupures de services en matière de francisation ont privé les élèves de la formation des adultes d'un soutien essentiel dans l'apprentissage de la langue française. En région, ces coupures de services ont eu des effets négatifs puisque les retards en francisation compliquent les interactions avec les citoyens et, par conséquent, l'intégration de ces personnes immigrantes.

Comme l'accès aux services de français est essentiel pour l'intégration des personnes immigrantes, nous demandons au gouvernement de rétablir le financement de ces services à la hauteur des besoins dans les centres de services scolaires.

Donc, je vous remercie de votre attention. Et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Eh bien, merci pour cette présentation. Alors, on va d'ores et déjà commencer les discussions avec les parlementaires. On va commencer avec la banquette gouvernementale. M. le ministre...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...la parole est à vous. Seize minutes 30 secondes.

M. Roberge : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous trois. Merci, Mme Richard, pour votre présentation. Très intéressant. Je suis content de voir que la FQM salue la volonté du gouvernement en déposant ce projet de loi là. Après ça, bien, vous avez rappelé, je pense, que les municipalités en font déjà beaucoup directement sur le terrain. Je trouve ça intéressant, je le répète, d'avoir un heureux mélange en commission entre des penseurs, des professeurs d'université, des regroupements qui font de la défense de droits puis aussi des gens qui sont sur le terrain. Comme municipalités, vous êtes un peu les deux, vous êtes des gens qui créent des politiques, des gens qui implantez des politiques, puis des gens qui subventionnez des groupes sur le terrain. Donc, il y a comme un rôle particulier aux municipalités d'être à la fois directement sur le terrain puis en contact avec d'autres groupes partenaires. Donc, ça, c'est extrêmement intéressant comme posture.

• (15 h 10) •

Vous avez dit, vous... la FQM ne veut pas de nouvelles règles sur le financement des municipalités aux organismes. En tout cas, c'est... corrigez-moi. Est-ce que c'est bien ce que vous avez dit? Ou plutôt quelle est la posture de la FQM sur d'éventuelles règles ou une éventuelle politique qui donnerait non pas des directives mais des balises pour ce qui est du financement d'organismes qui font de l'accueil et de l'intégration?

M. Châteauvert (Pierre) :Merci, M. le ministre, pour votre question. En fait, on l'a vécu un peu, puis je pense qu'on en a déjà... on s'est déjà rencontrés sur cette question-là, notamment au niveau des règles sur les achats, vous savez, les problématiques qu'on a. Lorsqu'on arrive avec une nouvelle loi, il y a toujours un nouveau cadre. Et, quand on le regarde tout simplement à l'intérieur de la loi, on peut comprendre qu'il y a des objectifs, c'est sûr, et on met des obligations qui viennent avec. Mais la réflexion sur l'impact sur l'ensemble de la gestion publique, notamment municipale, est rarement évaluée. Ce qui fait qu'on ajoute en redditions de comptes, on ajoute en obligations, et qui complique la vie sur le terrain.

L'exemple qu'on vous donnait, c'était l'achat... des achats de quelques milliers de dollars chez un commerçant local. Puis on est obligés de leur demander un certificat de... je ne me souviens plus du nom exactement, là, une certification au niveau de la langue française, de... et que ça... c'était et une obligation qui vient s'ajouter à un fardeau d'une lourdeur extraordinaire pour les employés municipaux puis les organisations municipales.

Il faut savoir qu'un employé, un directeur général d'une petite municipalité, c'est 54 %, 58 % de son temps dans les... qui est... qui est pris... qui est consacré aux obligations qui sont... qui sont imposées par les différentes lois de différents ministères. Parce qu'il n'y a pas de coordination.

Et, dans la déclaration de réciprocité, c'est un chantier qu'on lance sur l'amélioration puis la baisse au niveau de la lourdeur administrative. Il y a un chantier aux Affaires municipales. Et ce que Mme la préfète vient de vous dire, Mme Richard, c'est ce qu'on demande, c'est que l'ensemble de ces questions-là soient discutées là où est-ce que normalement ça devrait être, ça serait à la table Québec-municipalités avec les intervenants pour voir, bon, qu'est-ce que vous en... c'est quoi, vos objectifs, qu'est-ce que... voulait faire, et qu'il y ait un échange pour qu'on arrive au meilleur moyen pour que chacun atteigne... en fait, respecte la réalité de chacun et les objectifs de chacun. Parce que, si on ne fait pas ça, ce qu'on va venir... c'est, on va en ajouter une couche, on ajoute une couche, puis il y a toujours une bonne raison, puis finalement, bien, ça devient absolument invivable. Et c'est une réalité. Le taux de départ parce que... à cause des redditions de comptes, dans nos municipalités, c'est épeurant par bouts, là, dans plusieurs endroits.

Donc, c'est ce qu'on vous demande. Venez nous voir, on va regarder puis on est... on va discuter de tout ça. On comprend les objectifs de l'État, hein? L'État... Nous, on fait partie un peu de l'État, là, le monde municipal. Il y a des objectifs qui doivent être fixés. Mais comment qu'on le livre, bien, il faut qu'on discute de cette question-là. C'est ce qu'on veut... C'est ce qu'on veut vous dire. C'est... C'est notre crainte, notre crainte principale par rapport à l'administration de cette loi-là.

M. Roberge : Bien, merci d'apporter cet écho-là directement du terrain, puis une perspective très, très concrète de ce qui se passe dans les plus petites municipalités, les D.G., les responsables. Je pense que c'est important de tenir compte de ça dans la rédaction de la politique, parce que c'est là où les municipalités, je pense, vont être interpelées. Je pense que ça va être important de dire qu'on... il ne faut pas qu'on arrive dans une démarche où on dit quoi faire aux municipalités, comment le faire, mais c'est plutôt aux municipalités de... il faudra...

M. Roberge : …moi, je pense, s'assurer de respecter des principes directeurs, mais de ne pas entrer, je pense, dans une dynamique où les municipalités devraient appliquer un programme et faire une reddition de comptes sur le programme x, mais plutôt d'avoir… On est dans une loi-cadre, donc, de s'assurer que, lorsqu'on coordonne dans une municipalité, de l'accueil et de l'intégration, ou lorsqu'on délègue ça en financement à un organisme, bien, qu'on le fasse dans une démarche où on vise des choses qui sont dans le respect des principes. On travaille sur le vivre ensemble, on travaille sur des activités où on met des gens en relation, on travaille… on accueille de la diversité, mais on ne le fait pas en subventionnant des activités qu'on appelle communautaristes, c'est-à-dire en séparant… bon, ça… aujourd'hui, on s'occupe des… de la communauté grecque, demain, on s'occupe de la communauté maghrébine, puis, la semaine prochaine, on s'occupe de la communauté noire, puis après ça va être la communauté asiatique. Ça, c'est une manière qui sépare les gens les uns des autres, puis qui ne les aide pas à s'intégrer. Mon souci, c'est d'arriver avec une cohérence gouvernementale. C'est-à-dire que, les principes, on les comprend tous, mais qu'ensuite les municipalités, avec leur réalité, rurale, urbaine, le nombre de nouveaux arrivants, la présence ou non d'organismes, bien, soient capables d'avoir toute la latitude pour faire vivre ça.

Mme Richard (Meggie) : Parce qu'on comprend bien, M. le ministre, les objectifs recherchés par votre projet de loi, mais, comme on n'a pas encore le plan d'action… la politique, pardon, en détail, c'est difficile pour nous d'évaluer quel impact ça aura dans le milieu. Nos municipalités accueillent déjà les immigrants, travaillent avec les organismes du milieu. Nous sommes les experts de nos milieux respectifs. Donc, qu'est-ce qu'on veut? Vous l'avez mentionné au tout début, là, on va laisser de la flexibilité. Je pense que c'est ce que vous devez retenir. On ne veut pas d'une politique qui fait encore une fois du mur-à-mur et qui ne prend pas en considération nos particularités régionales.

Vous comprenez qu'on a plus de 1 000 membres au sein de la fédération, donc de partout au Québec, des plus petites municipalités, très petites, qui n'a pas les ressources nécessaires pour déployer des grandes initiatives en termes d'accueil et d'immigration. Par contre, on veut accueillir des gens chez nous. On veut dynamiser nos régions. Nous avons besoin de ces personnes-là à venir s'établir chez nous. Particulièrement sur la Côte-Nord, on est une des seules régions au Québec avec un seuil démographique à la négative, donc en baisse démographique. Donc, on regarde toutes les possibilités pour devenir attractif et accueillir des gens chez nous. Et on est prêt à mettre la main à la pâte pour justement travailler à cette intégration-là avec vous, mais, par contre, on doit avoir de la flexibilité, parce qu'on ne peut pas traiter une région comme la Côte-Nord au même titre qu'une autre région du Québec, juste à… vis-à-vis l'éloignement et notre contexte particulier en termes d'accessibilité. Donc, vous devez retenir qu'on a besoin d'une flexibilité à notre niveau. Et surtout, on a besoin du financement qui nous permettra d'atteindre vos objectifs.

Parce que, si on prend, par exemple, chez nous, avec le MIFI, on a une belle aide financière pour la réalisation de notre plan d'action, de huit mois. Donc, il nous reste huit mois pour conclure ce plan d'action là. Par la suite, je n'ai aucune idée si on aura le financement pour la mise en place de ce plan-là pour une période de trois ans. Donc, nos employés, partout à travers le Québec, dans nos MRC, est toujours dans l'incertitude. qu'est-ce que ça crée? On réussit à attirer des gens chez nous, dans nos milieux, avec des jobs qui ne… qui sont toujours incertaines. Donc, comment on fait pour protéger ça, garder notre expertise dans notre milieu puis ne pas créer ensuite que ces gens-là partout ailleurs? Bien, c'est de pérenniser ce financement-là et de le mettre une plus longue période. Donc, c'est pourquoi on demande aujourd'hui du financement sur une période de cinq ans pour que ça réponde vraiment à des besoins locaux qui sont exprimés par nos membres.

M. Châteauvert (Pierre) : Si vous permettez, j'aimerais juste ajouter. Merci, M. le ministre, pour l'ouverture par rapport au niveau de la politique, je pense qu'à la table Québec, municipalités, ce serait un bon lieu pour discuter effectivement de la façon de livrer puis de réaliser ça, d'atteindre des objectifs.

Mais j'aimerais simplement rappeler ici aux parlementaires que, bon, on nous dit souvent : Une loi, c'est important, puis il faut le faire comme ça, d'accord, mais le nombre de lois que doivent appliquer les municipalités ou le nombre de ministères… Chaque politique, c'est toujours important. Et là, c'est des couches qui s'ajoutent, une par-dessus l'autre. Et là, ce qui fait qu'en bout de ligne, quand… comme il n'y a pas de coordination puis pas de vision globale, bien, la lourdeur fait que tu viens paralyser, tu paralyses le système, et c'est ce qu'on vit présentement. C'est le message qu'on vous lance en plus de ce que… sur la pérennité des démarches, et tout, puis d'arriver que, regarde, comment voulez-vous garder du monde quand tu ne sais pas dans deux mois si tu es capable de les financer. Et déjà les municipalités et les MRC mettent des sous, mais la taxe foncière ne peut pas tout payer, là. Bien, à un moment donné, c'est ça, c'est une forme de…

M. Châteauvert (Pierre) :...cohésion, nous autres, c'est ce qu'on demande, puis c'est ce qui... c'est l'idée, d'ailleurs, de la déclaration... du 13 décembre 2023. Le premier ministre, le ministre des Finances, la ministre des Affaires municipales, évidemment, et la ville de Québec, ville de Montréal, l'UMQ, puis la FQM, qui ont signé, en disant : Regarde, on va s'attarder à ça, c'est une question... Et c'est ce qu'on vous demande, et c'est notre crainte d'arriver avec d'autres éléments qui vont venir s'ajouter. On sait que c'est important, mais, à un moment donné, toutes les couches, tous les ministères, c'est toujours important, mais là, à un moment donné, ça nous paralyse. 

• (15 h 20) •

M. Roberge : O.K. Mais, écoutez, je comprends qu'on n'a pas tant d'enjeux sur les principes de base. La nécessité de la cohésion, la nécessité d'un vivre-ensemble, la culture commune, la langue française, le désir d'accueillir des gens, de leur permettre de prendre leur place, on est là. Vous nous dites de faire attention au moment de la rédaction de la politique, après la sanction de la loi. Je comprends qu'on va se retourner vers vous, vous reparler à ce moment-là, mais on a une flexibilité, souplesse puis, à côté, mais c'est sans doute vrai dans tous les dossiers, pas seulement là, prévisibilité du financement. Si on a ces ingrédients-là, on va avoir une belle expérience, et je pense que je pourrais laisser mes collègues continuer. Mais vous pouvez me répondre, bien sûr, puis je vous remercie beaucoup.

M. Châteauvert (Pierre) :On a besoin d'immigrants. D'ailleurs, si vous voulez, on pourra vous déposer un document qu'on a écrit avec la Fédération canadienne d'entreprises indépendantes sur les travailleurs étrangers temporaires, et tout. Vous allez voir là-dedans, il y a des cégeps, il y a des entreprises, c'est notre avenir économique en région. Et nous, une personne, travailleur étranger ou, souvent, quelqu'un qui vient dans notre communauté, ce n'est pas juste un travailleur, c'est une famille. C'est du monde, puis ils font vivre, puis ils amènent, puis ils modifient nos affaires, nos recettes. Nos gens sont... expriment, hein dans nos rencontres... expriment un besoin et une volonté d'accueillir, puis de travailler, puis de les accueillir, puis de les intégrer dans leur communauté, c'est assez incroyable. Il y a 20 ans, je n'aurais pas dit ça, c'est absolument l'inverse. Les gens ont besoin, hein, tout, en agriculture, en transformation, dans tous les secteurs, en pêcherie. En pêche, il n'y a pas une usine qui peut fonctionner sans ces gens-là, dans tous les secteurs en santé, pas besoin de parler bien longtemps, on le sait.

Mais c'est vraiment quelque chose de fondamental... notre monde, ils veulent s'impliquer, mais ils veulent la prévisibilité puis la stabilité. Parce que comment peut-on mettre en place des ressources, les rendre efficaces puis garder notre monde s'il n'y a pas de prévisibilité dans le système? Ça, c'est... et aussi une certaine efficacité puis pas de lourdeur administrative. C'est notre message grosso modo. Merci.

M. Roberge : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. M. Châteauvert, vous mentionnez que vous voulez déposer le document...

M. Châteauvert (Pierre) :Oui, oui.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...vous allez l'envoyer à la commission. Juste être conscient que, lorsque vous l'envoyez à la commission, vous acceptez de le déposer, donc, il est rendu public.

M. Châteauvert (Pierre) :Oui, puis on peut même donner des copies, on en a apporté.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Parfait. Merci. Alors, je vais reconnaître la députée de Châteauguay pour 3 min 20 s.

Mme Gendron : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci d'être ici avec nous. En fait, on a bien entendu, là, ce que vous mentionnez, plus de flexibilité, je comprends aussi que la réalité des régions, elle est différente. La réalité des municipalités, peu importe où on est au Québec, ce n'est pas la même. Par contre, M. Vallée -pardon - un peu plus tôt, M. Vallée nous a dit que le travail d'équipe, la collaboration justement des municipalités est indissociable à l'intégration des nouveaux arrivants. Donc, j'ai bien entendu que vous avez des belles mises en œuvre. Vous avez des plans d'action dans plein de régions à travers le Québec.

J'aimerais savoir à quel point, justement, toutes ces mises en œuvre là, le travail qui est fait, ça va faciliter ou, en fait, donner un angle d'avoir une loi comme celle-ci afin de justement donner un angle à tous les acteurs, autant municipaux que dans vos régions. Est-ce que vous croyez que ça peut faciliter justement et donner un angle à tous les acteurs, justement, d'intégration?

Mme Richard (Meggie) : Ça pourrait assurément nous donner un cadre pour uniformiser, mais de là l'importance de demeurer flexible parce que chaque région n'est pas rendue au même niveau, certaines sont superavancées en termes d'intégration, alors que certaines n'ont même pas encore débuté parce que n'ont pas de nouveaux arrivants ou peu, très peu. Donc, il y a un travail à faire à ce moment-là. Mais quand on prend... C'est pour ça qu'on a suggéré d'aller vers un modèle comme Accès entreprise Québec qui a fait ses preuves en termes de développement économique puis au niveau de nos collectivités. Donc, d'y aller comme ça, l'avantage aussi, c'est que ça crée un réseau de toutes les MRC qui utilisent ce programme-là. Donc...

Mme Richard (Meggie) : ...une certaine expertise qui se partage, ça inspire aussi les autres à faire pareil. Donc, moi, je crois qu'un réseau comme ça pourrait assurément être bénéfique. Il a fait ses preuves, et on pourrait avoir le même type d'organisation au sein de nos MRC. On le sait, on a développé une expertise, une expertise au niveau de nos MRC. On veut la conserver. Il faut du financement, il faut une structure avec un cadre qui répond également à nos ressources, dans la disponibilité de nos ressources, puis à nos besoins.

Mme Gendron : Est-ce que présentement, en tant qu'organisation, quand vous voyez l'intégration de vos immigrants en région, plus loin dans des municipalités plus éloignées, est-ce que vous considérez justement que la mise en œuvre qui est faite sur le terrain est suffisante, justement, à l'intégration de ces gens-là ou on doit pousser un peu plus?

Mme Richard (Meggie) : Bien, ça dépend à chaque région. Encore là, c'est très difficile de répondre au nom de tous. Ce que je veux dire, c'est qu'on pourrait faire beaucoup plus. Je pense qu'on est très performants. On a des très beaux exemples de belles initiatives qui ont été faites, mais avec plus de ressources, je crois qu'on pourrait faire mieux et beaucoup plus, parce que des idées, on en a plein, et on a des gens qui veulent. Les municipalités, on a tout avantage à être une communauté accueillante puis d'offrir les services pour que ces gens-là demeurent chez nous, fassent partie de nos... Comme M. Châteauvert l'a dit, c'est souvent des familles qui viennent s'installer chez nous, ils participent à notre milieu de vie. Donc, pour nous, c'est super important de leur offrir, mais comme on n'est pas tous rendus au même niveau, ce qu'on a besoin, c'est de prévisibilité, puis, comme ça, on pourra déployer des initiatives sur le long terme, qui fera... qui aura un impact d'importance.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Le temps est épuisé. Bien oui, ça va vite. On poursuit tout de même les discussions avec l'opposition officielle et son porte-parole, de député d'Acadie, pour 12min 23s.

M. Morin : ...merci, Mme la Présidente. Bonjour. Très heureux que vous soyez là. Merci pour votre mémoire. Je suis le porte-parole pour ce projet de loi là, mais je suis aussi le porte-parole en immigration, francisation et intégration, alors c'est un plaisir de pouvoir discuter avec vous. Parce que, et j'ai posé la question à plein d'autres groupes, les collègues députés ici ont déjà entendu les questions... puis il y a un volet en particulier qui m'intéresse parce que ce n'est pas dans le projet de loi, puis c'est tout le volet socioéconomique au niveau de l'intégration. Mais j'aimerais vous entendre, j'aimerais vous entendre là-dessus puis je vais vous donner un cas concret, je pense, qui illustre l'importance... mais j'aimerais ça qu'on puisse en parler davantage, je pense que c'est un manque dans le projet de loi. Récemment, je parlais à une compagnie qui s'appelle Textiles Gauvin, ils sont à Saint-Pamphile. Saint-Pamphile, c'est dans Chaudière-Appalaches, ils ne sont pas très nombreux, pas loin d'ici, et on me disait que, là, ils étaient bien inquiets à cause des règles en immigration qui changeaient continuellement. Ils ont peur de perdre leurs travailleurs puis, s'ils perdent leurs travailleurs, bien là, ça va avoir un impact pour l'entreprise parce que Textiles Gauvin, ils font des draps sur mesure. Donc, ils ont... Tu sais, ils ne peuvent pas automatiser puis faire toute la même affaire, ils ont des contrats particuliers. La présidente me disait : Écoutez, à Saint-Pamphile, là, c'est des francophones, ça fait qu'on a eu des travailleurs étrangers, ils voudraient rester, ils parlent français, ils ont appris le français, de toute façon, c'est juste des francophones, donc, dans le village, ce n'est pas compliqué... ou dans la ville, là. Mais là, ils sont inquiets parce qu'ils pourraient les perdre.

Puis dans votre exposé tout à l'heure, vous avez parlé des enjeux que vous rencontrez, entre autres, avec le MIFI, l'argent, l'absence de pérennisation. Puis moi, l'hypothèse que j'émets, c'est que, quand on veut parler véritablement d'intégration, d'intégration nationale, oui, il y a des éléments qu'on a ici au Québec qui sont fondamentaux, puis on le reconnaît, la langue française en est un, mais il n'y a pas juste ça. Parce que, souvent, l'immigrant qui arrive ici. Bien, puis d'ailleurs l'article 4 parle des personnes immigrantes. Après avoir commencé à parler le français, ils veulent travailler, puis, comme ça, dans un milieu, bien, ils vont s'intégrer. Puis je trouve ça important que vous soyez là, parce que vous, vous représentez l'ensemble des municipalités, ou à peu près, dans plusieurs régions du Québec. Alors, est-ce que c'est un élément qui devrait être inclus? Comment on devrait l'inclure? Qu'est-ce qu'on devrait dire pour que, quand le gouvernement va faire sa politique, parce que c'est ce qui va arriver, on tienne compte de ces composantes-là pour véritablement intégrer les personnes immigrantes?

Mme Richard (Meggie) : Bien, j'aime la façon dont vous l'amenez, parce qu'effectivement, ces personnes-là... Ce n'est pas juste une question de langue non plus, c'est que si on veut qu'ils se l'approprient, la langue, notre culture, si on veut la partager, bien, ils doivent intégrer au sein de notre communauté, partager avec nos citoyens. C'est une multitude d'activités, ce n'est pas juste des cours de...

Mme Richard (Meggie) : ...la francisation, ça vient avec une multitude d'accents qui doivent être déployés sur nos territoires respectifs pour qu'ils développent ce sentiment d'appartenance-là et qu'ils veulent y demeurer. Et comme j'ai dit, nous, en région, vous faites allusion aux travailleurs étrangers temporaires, et les impacts que ça a sur nos milieux. Ça a vraiment de l'importance, là. On parle de fermeture imminente de plusieurs PME, je pense, à travers nos régions si les nouvelles restrictions ne sont pas modifiées, des restaurants, des industries primaires dans chacune de nos régions du Québec, c'est majeur qu'est ce qui va se passer. Donc, il faut absolument faire la différence, encore une fois, entre les milieux urbains qui vivent cette pression-là des travailleurs étrangers et les régions du Québec qui demandent à accueillir des travailleurs étrangers que ce soit temporaires ou permanents. Nous, on veut accueillir des gens chez nous et on est prêts à mettre les efforts nécessaires pour développer des milieux d'accueil intéressants, attractifs pour ces gens-là et on veut les intégrer à même nos communautés. Donc...

• (15 h 30) •

M. Châteauvert (Pierre) : Si vous me permettez, si vous prenez le document, là, qu'on va vous distribuer, là...

M. Morin : Oui. Bien, vous avez aiguisé mon appétit.

M. Châteauvert (Pierre) : ...qu'on va déposer. Oui. Bien, c'est fait avec la FCEI, là, et c'est... L'impact est plus grand en région qu'à Montréal. Et nous, là, quand il y a des travailleurs étrangers temporaires, souvent, il y en a là-dedans, là, qu'on voit qu'ils veulent s'installer ici, puis ils deviennent... Puis là on fait tout pour qu'ils s'en viennent avec leur famille, parce qu'ils vont contribuer à la communauté. Ça, c'est essentiel. C'est une question d'occupation de territoire aussi. Parce que si on veut que la langue française continue, il faut l'occuper, ce territoire-là. Et comme on n'en fait plus, d'enfants. Bien là, ça prend des gens aussi. Et ces gens-là sont prêts à contribuer. On le voit, là. On le voit, là. Ce n'est pas 100 %, mais la majorité, il y en a, puis il y en a beaucoup qui veulent, qui en font un projet de vie. Et nous, là-dessus, on est d'accord avec ça, on veut ça. C'est certain que... On est tout à fait conscients que la réalité des régions puis tant la réalité montréalaise n'est pas la même chose qu'au Bas-Saint-Laurent, mais c'est ça le problème des politiques nationales, des fois, là, c'est l'adaptation aux réalités. Et nous, c'est un besoin essentiel. Puis on ajouterait même au niveau d'éducation en région, il y a des collèges qui, là, qui vont connaître des problèmes importants, là, des programmes qui vont fermer à cause de ça. Puis c'est... Et il y a des gens...

La FQM, on participe à des bourses en ingénierie à Rimouski parce qu'on a un gros service, on est au-dessus de 300 employés, un gros budget puis un gros service d'ingénierie. Puis nous autres, on veut favoriser la relève. Mais le nombre d'étudiants étrangers qu'on finance, on en a beaucoup. Puis ces gens-là, on aimerait ça qu'ils restent parce qu'on en a besoin. On manque d'ingénieurs sur le terrain, on en manque. Et donc on en a besoin de ces gens-là, donc, c'est ça qu'on voit. Nous autres, c'est ce qu'on dit, c'est de s'adapter. Puis l'enquête qui est faite, ce document-là, qui est basé sur le sondage fait avec la FCEI le démontre noir sur blanc, c'est cette flexibilité-là. Et la capacité d'accueil de nos gens, là, ils font toutes sortes d'affaires, là. Ils sont vraiment incroyables, là. Ils font des activités absolument d'intégration. Dans Charlevoix, là, il y en a un qui a dit... Il est actif, là. Il est même rendu à faire un international de soccer, de football à Baie-Saint-Paul, là. Puis ça... Mais ils sont très imaginatifs. Donc c'est ça qu'on fait.

M. Morin : Donc l'intégration se fait et vous y contribuez présentement.

M. Châteauvert (Pierre) : Bien oui. C'est facile, c'est notre avenir.

M. Morin : Bien, je comprends que nous, dans l'opposition officielle au Parti libéral du Québec, on est plus sur le sur mesure que le mur-à-mur, là. Puis, dans le cas des régions, ça s'applique particulièrement à votre réalité. Autre élément que j'aimerais, que je voudrais explorer avec vous parce que vous représentez, et vous l'avez évoqué d'ailleurs, il y a des municipalités au Québec qui sont bilingues. Il y a des municipalités où il y a une majorité d'anglophones dans différentes régions du Québec. Est-ce que vous avez eu la chance de parler avec eux du projet de loi? Avez-vous pu recueillir leurs réactions? Est-ce que ça pose pour eux un enjeu particulier? Il y a une référence aux communautés anglophones dans le préambule, mais pas dans le projet de loi. Est-ce que c'est quelque chose qui manque?

Mme Richard (Meggie) : Vous savez, il y a 91 organismes municipaux, là, qui sont reconnus pour l'article 29.1 de la Charte de la langue française. Puis, ce qu'on veut avec notre mémoire, c'est surtout prévenir d'éventuelles situations qui pourraient être problématiques, là, avec ces communautés-là. Donc, pour nous, c'était par mesure de précaution, là. On ne reconnaît pas les... On ne connaît pas encore les exigences qui seront dans la politique, mais d'emblée, on souhaite vous aviser quant à certaines situations qui pourraient arriver avec celles-ci, là. Donc, c'est vraiment, encore une fois, dans le respect des réalités régionales, puis ne pas faire de mur-à-mur, mais d'être conscients que certaines municipalités ont des particularités...

M. Morin : Tout à fait. Puis je vous remercie. Et là, je comprends qu'au niveau de certains plans...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Morin : …d'intégration. En immigration, vous attendez des confirmations du MIFI pour savoir si vous allez être capable de pérenniser vos programmes.

Mme Richard (Meggie) : Mais, en fait, c'est un programme, là, qui est offert. On peut appliquer, faire une demande de financement. Dans notre cas, c'est… on a tant de temps pour faire le plan d'action. Puis, par la suite, il faut faire une nouvelle demande pour voir si on peut avoir le trois ans supplémentaire, mais à toutes les fois, ça nous reste dans l'incertitude. Est-ce que notre employé va décider de partir considérant qu'il ne sait pas s'il aura une job le mois prochain? Et puis ça, on est plusieurs à le vivre. Donc, qu'est-ce qu'on veut, c'est quelque chose vraiment d'à plus long terme, là.

M. Morin : Puis… oui, allez-y.

M. Châteauvert (Pierre) :Ceci étant, on le dit… on le dit de façon constructive, là, parce que le MIFI, à la suite des changements 2014-2015, avait perdu l'ensemble de ses structures régionales, O.K., et a rebâti. Ce n'est pas simple à refaire, là, le redéploiement n'a pas été simple. D'établir des discussions… Puis ça, on comprend ce qui s'est passé, là, là-dessus, on n'est pas… Mais ce qu'on dit, c'est que, là, actuellement, notre problème c'est que c'est des programmes… On dépose un projet, et là, bien, des fois, il reste juste deux mois, puis là, les gens, bien, les gens s'en vont, on perd notre monde, on perd carrément notre monde.

Et, comme le… Mme Richard, bien, cette personne, c'est des gens de Montréal qui s'en viennent, puis, s'ils n'ont pas de prévisibilité, bien, ils retournent à Montréal, puis on les perd pour toujours. Ça, c'est… ça, c'est de la perte réelle. C'est ça qu'on vit. Nous, ce qu'on propose… Et je vois, Mme la Présidente, qui était associée avec… c'est des succès extraordinaires, ce qu'on est en train de faire sur le terrain. Il y a une… il y a une stabilité, il y a une contribution du gouvernement, qui est tant par MRC, le monde municipal met ses sous, et ça assure une stabilité et ça donne des résultats extraordinaires. C'est ce qu'on dit : Regardons ce modèle-là en matière d'immigration, on va avancer très rapidement.

M. Morin : Et je comprends que, si vous n'avez pas une pérennisation de ces montants-là, ça pourrait être un frein à l'intégration.

M. Châteauvert (Pierre) :Ça l'est déjà.

M. Morin : Ça l'est déjà. Il y a-tu quelque chose qu'on pourrait mettre dans le projet de loi qui éviterait cette situation-là? Parce qu'on parle d'intégration nationale.

M. Châteauvert (Pierre) :Moi, personnellement, je ne crois pas que ce soit nécessaire parce qu'on le vit ailleurs, dans d'autres ministères, ce qu'on a modifié comme approche… Parce qu'avec le ministère de l'Économie, il y a cinq, six ans, ça n'allait pas. Puis là on s'est… on s'est parlé puis on est arrivé à un modèle et ça fonctionne. Des fois, c'est… c'est quand tu te parles puis tu arrives à organiser les affaires, ça fonctionne. Toujours mettre dans une loi, c'est difficile de changer une loi, mais y aller par programme, financement puis d'engagement et de… Puis on voit la réalité puis on est très... Tu sais, il faut être quand même critique par rapport à la façon que ça fonctionne, la façon que c'est appliqué, mais je pense qu'il y a d'autres… il y a des modèles à l'intérieur de l'État, de collaboration entre le milieu municipal, les MRC et le… un ministère qui pourrait être impliqué, là, et qui donnerait des résultats, on est profondément convaincus, exceptionnels. Il faudrait y aller. Mais ceci étant, ce n'est pas… On ne dit pas : C'est de sa faute à lui, c'est de sa faute à lui, il faut… Il faut reconnaître que le MIFI a vécu, ces 10 dernières années, des chocs puis des changements. Ça a été vraiment brutal comme organisation, là, ça n'a pas été simple, pour le déploiement en région, là. Ça, on le reconnaît. Puis ce n'est pas simple à faire.

M. Morin : D'accord. Non, je comprends. Puis évidemment le but, quand on est commission puis qu'on écoute des groupes comme vous, c'est toujours de voir comment on peut bonifier, évidemment, un projet de loi…

M. Châteauvert (Pierre) : C'est ça, on dit qu'il y a un modèle qui existe.

M. Morin : …comment… comment on peut vous rendre la vie plus facile. Vous avez souligné également qu'il ne faudrait pas alourdir la charge de bureaucratie, d'administration, parce que vous êtes déjà rendus à pleine capacité, si j'ai bien compris.

Mme Richard (Meggie) : Bien oui, puis il faut aussi réaliser que les plus petites municipalités ont les mêmes obligations que les plus grosses. Donc, souvent, ils sont un ou deux employés, une direction générale, un autre employé à tout faire, remplir tout… cette lourdeur administrative là, ces obligations qu'ils ont envers le gouvernement pour des redditions de compte. Donc, ce qu'on ne veut pas, avec cette nouvelle politique là, bien…

M. Morin : C'est d'en rajouter une couche.

Mme Richard (Meggie) : …c'est d'alourdir encore le fardeau sur le dos des directions générales, sur le dos des municipalités. On veut faire notre part. Comme on l'a dit, nous sommes les experts de nos propres milieux, nous sommes les meilleures personnes avec l'aide de nos partenaires clés pour favoriser une bonne intégration puis une bonne rétention de ces personnes-là chez nous. Mais par contre, il faut avoir les moyens de le faire, les ressources dédiées vraiment à ça, en concordance avec nos réalités régionales.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup.

M. Morin : Merci. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Alors, on va terminer dans les quatre prochaines minutes avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne. La parole est à vous.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup à vous pour votre excellente présentation. Vous l'avez mentionné, puis je fais écho à votre… à vos recommandations trois et quatre, là, en lien avec l'article 16 puis le financement. Je pense que c'est ce qui touche beaucoup de vos revendications. Bon, l'article huit, là, du projet de loi dit : «Cette politique s'applique aux organismes visés au paragraphe a de l'annexe un de la Charte de la langue française.» Et là, évidemment, vous, vous êtes au point trois, dans le a, les organismes municipaux, vous êtes directement cités. Et là, ça nous ramène à 16, puis 16 nous dit que le gouvernement peut déterminer par règlement quelle forme d'aide…

M. Cliche-Rivard : ...et quelle forme d'aide, vous, vous êtes en mesure de recevoir, en fait, peut vous êtes octroyés, les organismes auxquels la politique nationale sur l'intégration s'applique et lesquels ne peuvent pas être octroyés. Ça fait qu'essentiellement c'est là où vous, vous tirez votre demande. Puis, tout à l'heure je vous écoutais, vous ne demandez pas nécessairement être exempté de l'application, vous demandez... puis ça, c'est votre recommandation trois, puis j'aimerais ça vous entendre sur cette distinction-là, vous dites : se limiter aux aides financières à vocation culturelle et d'intégration afin de limiter les effets. J'aimerais bien saisir la nuance que vous demandez dans l'éventuelle application d'un règlement entre ce qui serait ou ce qui ne serait pas possible, selon vous, d'application.

• (15 h 40) •

Mme Richard (Meggie) : Mais, au niveau des MRC ou des municipalités, vous le savez, on a différents programmes d'aide financière, là, en partenariat souvent avec le gouvernement, pour avoir un impact sur nos milieux. Donc, si on lit ce que vous proposez au niveau de l'article 16... Mais là ça veut dire que toute l'aide financière qu'on octroierait à des organisations du milieu, ou encore des PME, ou peu importe, serait assujettie à cette politique-là, ce qui va demander beaucoup de gestion de la part des municipalités puis des MRC. On parlait de lourdeur administrative. Bien, je pense que ça en fait partie, bien, aussi de vérifier tout ça. Donc, ça serait assez complexe. Donc, ce que l'on dit, c'est : Comme c'est une politique sur l'intégration nationale, est-ce qu'on pourrait les limiter, du moins, à tout ce qui est aide financière au niveau de la vocation culturelle ou d'intégration, comme ça, ça ferait un lien direct, ça serait, moins, je dirais, invasif, là, au niveau de nos obligations?

M. Cliche-Rivard : ...vous, quand vous, vous financez une activité culturelle, puis là on donne l'exemple d'une fête... je ne sais pas, moi, une fête haïtienne ou... je ne sais pas trop, une fête de... quelque chose dans votre quartier un été, là vous dites : Là, j'accepterais que la politique nationale s'applique. C'est ça que vous dites? Parce que vous ne demandez pas l'exemption pure et dure, là.

M. Châteauvert (Pierre) :Non, mais idéalement, là... C'est parce que, même si on demandait l'exemption, évidemment, ça, c'est le meilleur des mondes, là, mais on ne l'aurait pas.

M. Cliche-Rivard : O.K. Ça, c'est le meilleur des mondes.

M. Châteauvert (Pierre) :On ne l'aurait pas, là. Tu sais, on est réalistes, nous. Nous, on est... On ne vient pas pour demander toujours, on comprend la réalité, là, mais on dit : Regardez, là, venez pas couper, genre, dans la voirie locale, dans la voirie d'entretien d'hiver, là, parce que, là, tu sais, il va y avoir un foutu problème là. C'est... Clairement, là, ce qu'on vous dit, c'est : Concentrez l'action dans un certain secteur d'activité. Mais, de toute façon, on est profondément convaincus qu'on va s'entendre. Tu sais, supposons, le ministère vient... vient à la Table Québec-municipalités, puis on discute de tout ça, je suis certain qu'on va trouver une façon de faire puis qu'il n'y en aura pas, mais, dans la très, très, très grande majorité des cas, on ne peut pas éviter des problèmes, tous les problèmes. Mais là c'est ce qu'on dit, c'est... grosso modo, là, c'est : Ne venez pas... Tu sais, idéalement, là... Et je cherche des cas où est-ce qu'on a pénalisé une municipalité, là, dans les... il n'y en a pas beaucoup. Ce qu'on fait souvent, là, puis c'est une suggestion, là, c'est, quand la reddition de comptes... Puis, tant qu'il n'y a pas le dépôt puis qu'on n'a pas... pour entendre sa reddition de comptes, on retient le versement du montant de l'année de l'année, tu sais. Puis, dans la quasi, même la totalité des cas, ça se règle, là, tu sais. Donc, c'est pour ça que...

Mme Richard (Meggie) : Puis je tiens à spécifier aussi, au niveau de la recommandation quatre aussi, que le règlement adopté en vertu de l'article 16 ne peut porter sur les aides financières octroyées par les municipalités locales. Donc, il y a... on dit les deux choses, parce que... Bien, au niveau du trois, c'est que le règlement adopté en vertu de l'article 16 se limite aux aides financières à vocation culturelle ou d'intégration afin de limiter les effets sur les programmes offerts par les ministères jugés essentiels au fonctionnement du développement des municipalités. Donc, il y a ces deux nuances-là.

M. Cliche-Rivard : Mais vous êtes donc convaincus... que ça s'applique à vous mais que ça va s'appliquer sur comment vous dépensez les sommes. Ça, vous l'avez compris comme ça?

M. Châteauvert (Pierre) :On pense, mais vous savez...

M. Cliche-Rivard : O.K. Bien, on va l'étudier à l'étude...

M. Châteauvert (Pierre) :Bien, tu mets trois avocats dans une salle puis il sort quatre opinions.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. C'est ce qui termine ces discussions. Alors, Mme Richard, M. Châteauvert, M. Gagnon, merci de votre présence et de votre apport à nos travaux.

Alors, je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 15 h 43)

(Reprise à 15 h 47)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, pour la prochaine heure, nous recevons la Ligue des droits et libertés, représentée par M. Paul-Étienne Rainville, responsable des dossiers politiques et porte-parole, ainsi que par Mme Laurence Guénette, coordonnatrice et également porte-parole. Alors, bienvenue à la commission. Alors, pour les 10 prochaines minutes, vous allez pouvoir utiliser ce temps pour exposer votre argumentaire et, par la suite, nous allons entamer la procédure des discussions avec les parlementaires. Alors, le temps est à vous.

Mme Guénette (Laurence) : Parfait, merci. Donc, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci beaucoup pour cette invitation. Merci à la commission, donc, pour venir discuter du projet de loi no 84 pour la Ligue des droits et libertés. Les consultations particulières sont un moment très important pour la démocratie, pour prendre le temps de dialoguer, d'entendre et d'approfondir les divers points de vue.

Alors, bien, la Ligue des droits et libertés défend et promeut les droits humains depuis 1963, donc elle est, depuis plus de 60 ans maintenant, à l'avant-scène des luttes pour les droits humains au Québec et elle a notamment contribué à cheminer vers l'adoption de la charte québécoise en 1975.

Notre intervention sur le projet de loi no 84 va porter principalement sur quatre éléments. Donc, d'une part, le modèle d'intégration qui est mis de l'avant en tant que tel, les modifications à la charte québécoise qui sont envisagées, les obstacles sur lesquels le gouvernement devrait agir pour favoriser véritablement l'intégration et le processus démocratique entourant ce que le ministre a qualifié quand même de contrat social, rien de moins. Donc, c'est à partir du cadre de référence des droits humains qu'on soumet aujourd'hui nos commentaires.

On note que le projet de loi no 84 souligne la contribution du Québec au mouvement universel pour la défense des droits de la personne. Et notre mémoire, en fait, on invite tout le monde à le recevoir comme une invitation qu'on lance au gouvernement et à l'Assemblée nationale de, justement, s'inscrire dans ce mouvement universel et de s'assurer de ne pas agir comme une force de régression.

M. Rainville (Paul-Étienne) : Avant d'entrer dans le contenu proprement du projet de loi, un mot, d'abord, peut-être, sur la conjoncture internationale, qui, en fait, n'est pas étrangère à nos appréhensions concernant le projet de loi. Et donc on constate que le dépôt du p.l. no 84 survient dans un contexte mondial qui est marqué par la montée des...

M. Rainville (Paul-Étienne) : ...xénophobes, racistes, des mouvements hostiles aussi aux droits des minorités et des personnes migrantes. Et on croit que le Québec n'est pas à l'abri de cette mouvance internationale et que l'État québécois a la responsabilité de freiner cette vague qui menace les droits humains sur plusieurs fronts.

Et, à ce propos, on déplore le fait que le gouvernement multiplie depuis plusieurs années un discours sur une soi-disant menace migratoire et qu'il multiplie aussi les amalgames fallacieux entre immigration et plusieurs problèmes sociaux, comme la crise du logement, le manque de places en garderie, dans les hôpitaux, et autres. On pense que c'est un discours qui ne favorise pas l'intégration ni le sentiment d'appartenance et on pense qu'au contraire ça contribue à alimenter les divisions et les tensions sociales.

• (15 h 50) •

Le projet de loi no 84 propose des modifications majeures à la charte, et notamment on se concentre ici sur trois changements, soit l'ajout du modèle d'intégration nationale aux articles... au préambule et aux articles 9.1 et 50. Ces ajouts-là ont des conséquences pourraient avoir des conséquences majeures, parce qu'en fait les droits inscrits dans la charte seraient alors interprétés à l'aulne d'une politique d'intégration, dont on ne connaît d'ailleurs pas vraiment les tenants et les aboutissants. Ça pourrait... contribuer, pardon, à hiérarchiser les droits et ça fragiliserait, finalement, les fondements de notre édifice des droits humains. Et, en fait, à la ligue, on croit que c'est la politique d'intégration nationale qui doit se conformer aux droits inscrits à la charte, et non pas la charte qui doit être interprétée à travers le prisme de cette nouvelle politique. Et c'est pourquoi on recommande le retrait des articles 18 à 21 du projet de loi no 84.

Dans notre mémoire, on souligne aussi que l'État n'a pas le pouvoir ni la légitimité de légiférer sur des soi-disant valeurs communes ou valeurs sociales distinctives. Comme on le sait, les valeurs évoluent dans le temps. Elles sont aussi plurielles dans une société pluraliste. On rappelle aussi qu'historiquement plusieurs violations de droit ont été faites au nom des valeurs, que l'on pense à la criminalisation de l'avortement ou à la criminalisation de l'homosexualité, par exemple. On croit que c'est extrêmement dangereux de subordonner d'une quelconque façon les droits humains reconnus internationalement aux soi-disant valeurs québécoises. En fait, cette volonté d'imposer des valeurs communes distinctives s'écarte en grande partie de l'idée d'interculturalisme et marque un glissement vers l'assimilationnisme.

On comprend très bien la volonté du gouvernement de doter le Québec d'un modèle d'intégration spécifique, mais on croit que le p.l. no 84 s'éloigne du principe de convergence culturelle, de respect du pluralisme et du droit à l'égalité qui doivent être au fondement d'un véritable interculturalisme.

Mme Guénette (Laurence) : On va prendre un instant, maintenant, pour penser aux vraies solutions qui devraient être mises de l'avant, selon la Ligue des droits et libertés, pour favoriser l'intégration. Donc, à la lecture du projet de loi, force est d'admettre que l'accent est surtout mis sur la responsabilité des personnes immigrantes et des minorités ethniques et racisées, alors que les responsabilités de l'État, elles, semblent rester plutôt limitées. Elles se résument à la francisation, l'enseignement des valeurs démocratiques et la valorisation des contenus culturels québécois.

Donc, à notre avis, un véritable modèle interculturel implique que l'État prenne pleinement ses responsabilités en s'attaquant en priorité aux causes structurelles du racisme et de la discrimination qui touchent les communautés racisées et les communautés... pardon, les personnes issues de l'immigration ancienne et récente. Notre mémoire souligne donc que le gouvernement québécois doit reconnaître l'existence du racisme systémique au Québec et s'attaquer à ces nombreuses manifestations. Le racisme systémique étant maintenant une réalité sociale démontrée scientifiquement.

On insiste aussi sur le fait que le gouvernement doit s'assurer que toutes les personnes puissent exercer de plus en plus pleinement leurs droits économiques, sociaux et culturels, que ce soit le droit à l'éducation, à la santé, le droit au logement, le droit à un niveau de vie suffisant, parmi d'autres. Donc, au lieu de progresser, en ce moment, ces reculs-là sont en train de... ces droits-là sont en train de souffrir des reculs importants en raison du désengagement de l'État.

Pourquoi on en parle dans le cadre des consultations aujourd'hui? D'abord, parce que ces reculs-là qu'on observe dans les droits, affectent en premier lieu les personnes racisées et d'autres groupes marginalisés dans notre société. Ensuite, parce que les compressions et l'austérité, donc, ici, on pense à la rareté des médecins de famille, des logements abordables, des places en CPE, cette rareté-là est propice à alimenter une rhétorique anti-immigration très dangereuse. Et, pour la Ligue des droits et libertés, en fait, l'intégration...

Mme Guénette (Laurence) : ...ne se fait donc pas par l'imposition de valeurs, mais par la mise en place de programmes publics, de conditions favorables pour permettre plus facilement d'accéder à l'emploi, à l'éducation, à la santé, et ainsi de suite.

On a aussi des grosses préoccupations par rapport au processus démocratique qui est proposé ici. Donc, on tient à souligner qu'étant donné les risques que le projet de loi n° 84 fait peser sur les droits de tous les Québécoises et Québécois et l'ampleur du contrat social qu'on prétend coucher sur papier, la ligue recommence... recommande que la future politique d'intégration fasse l'objet d'une véritable étude des enjeux, des impacts, qu'elle donne lieu à une consultation générale, et ce, avant l'adoption du projet de loi n° 84. Ces consultations devraient inclure l'ensemble des personnes et des groupes intéressés et en particulier les personnes qui sont directement concernées par la politique.

Bien, donc, non seulement quelques journées de consultation sur invitation seulement et pour lesquelles les groupes sont convoqués à peu près une semaine d'avance, ce n'est pas suffisant pour adopter ce genre de projet de loi, mais en plus il y a beaucoup de pouvoir discrétionnaire qui est octroyé au ministre dans le p.l. 84 ou des zones qui restent floues et à déterminer ultérieurement.

Donc, dans son libellé actuel, le projet de loi laisse le ministre élaborer cette politique, déterminer à quels organismes elle va s'appliquer, déterminer par voie de règlement, donc en dehors de tout processus démocratique qui serait ouvert, public et transparent, la compatibilité avec le modèle d'intégration nationale qui va être exigée de certains organismes quand ils octroient de l'aide financière. Il se laisse aussi la possibilité d'adopter tout règlement qui va faciliter la mise en œuvre de la loi sur l'intégration nationale et même préciser la portée des termes qui y sont employés. Donc, ça fait beaucoup. Ce sont beaucoup d'éléments sur lesquels on nous demande de donner carte blanche, finalement, au gouvernement, et c'est non.

On recommande que toute modalité qui est indéterminée en ce moment dans le projet de loi n° 84 soit soustraite à cette... à ce pouvoir discrétionnaire et fasse l'objet d'études et de consultations appropriées en toute transparence.

Donc, vous l'aurez compris, la Ligue des droits et libertés est très, très préoccupée par ce projet de loi et n'est pas la seule. Donc, plus tôt cette semaine, on a émis un communiqué de presse qui a été endossé par près de 100 autres organisations de la société civile, syndicats, organisations communautaires de défense des droits, etc. Ces organisations partagent des préoccupations sur les dangers que le projet de loi représente pour les droits humains. Ils partagent le constat que le gouvernement alimente, depuis un certain temps déjà, une rhétorique qui fait des immigrants, immigrantes les boucs émissaires de plusieurs enjeux sociaux et ils dénoncent l'insuffisance des consultations en tournant... entourant le projet de loi n° 84.

Nous voulons un Québec inclusif, juste et respectueux des droits de tous et de toutes, et ce projet de loi, avec l'ampleur qu'il prétend avoir, ne peut pas être adopté sans faire l'objet d'un débat démocratique large, inclusif et transparent. Et, dans cette perspective, M. le ministre Roberge, est-ce que vous pouvez vous engager dès maintenant et de façon explicite à ne pas recourir à la procédure du bâillon pour faire adopter le projet de loi n° 84? Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci pour cet exposé. Avant qu'on commence les discussions, je veux juste... Je vous ai laissé aller, M. Rainville. Vous avez repris pratiquement texto certaines phrases de votre mémoire. Je veux juste vous rappeler que vous avez évidemment le droit de critiquer, c'est l'exercice démocratique auquel on se prête aujourd'hui, il faut juste faire attention de ne pas prêter des intentions, c'est bien important. Alors, sur ce, on va entamer les discussions avec les parlementaires et on commence avec la partie gouvernementale pour 16 minutes 30 secondes.

M. Roberge : Merci bien. Merci pour votre présentation puis pour le mémoire, on en a pris connaissance.

Bien, vous nous demandez, là, si on va utiliser la procédure d'exception. Ce n'est pas notre intention, ce n'est jamais notre intention au début de... du commencement des travaux.

Comment vous voyez en ce moment l'intégration au Québec? Est-ce que, d'après vous, ça va bien puis on devrait prôner le statu quo ou bien il y a des enjeux, puis on devrait se questionner pour changer la donne?

M. Rainville (Paul-Étienne) : ...

Mme Guénette (Laurence) : Vas-y, je compléterai.

M. Rainville (Paul-Étienne) : Oui. Bien, en fait, l'intégration... Bon, évidemment, là, le Québec est une société qui est inclusive, et tout ça, mais il y a encore énormément de discrimination systémique à l'endroit des personnes racisées et immigrantes dans le domaine de l'emploi. Tu sais, on disait : C'est une réalité qui, oui, est parfois difficile à admettre, l'existence du racisme systémique au Québec, mais c'est une réalité qui est prouvée scientifiquement par des centaines d'études, la discrimination dans le logement, la discrimination dans l'emploi, dans le système carcéral, dans l'administration de la justice, la protection de l'enfance. Et donc est-ce que l'intégration va bien? Si on le prend sous...

M. Rainville (Paul-Étienne) : ...cet angle-là, on pourrait dire : pas tellement. Est-ce qu'on peut améliorer? Oui. Et c'est pour ça que, dans le fond, nous, ce qu'on ajoute aussi, c'est la dimension... Si on veut avoir une inclusion, il faut lutter contre l'exclusion, premièrement, et, deuxièmement, il faut adopter des politiques, des programmes publics qui sont réellement destinés à intégrer les personnes, donc par le travail, par l'accès aux garderies, aux écoles, à un système de santé universel. Bref, on vous invite à regarder aussi tout ce pan-là. Et d'ailleurs il y a d'autres personnes qui ont insisté sur la dimension socioéconomique, là, de l'inclusion. Donc, je ne me... je ne ferai pas de bilan global de si l'intégration va bien ou mal, mais assurément il y a énormément d'obstacles. Puis là c'est une occasion d'en discuter puis de penser à des solutions à ce niveau-là.

• (16 heures) •

M. Roberge : On a des obstacles, on va essayer de trouver la meilleure façon de les lever. Puisqu'on est dans une loi-cadre, il y a des grandes valeurs, des grands principes, j'ai cru comprendre tout à l'heure, corrigez-moi, que vous êtes plutôt en faveur de modèles interculturels, ou pas? Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche. Est-ce que c'est plus ça ou multiculturel?

Mme Guénette (Laurence) :  En fait, ce qu'on constatait, c'est que le projet de loi se présente comme un modèle interculturel, mais nous, on remet en question que ce soit véritablement de l'interculturalisme qui nous est proposé.

M. Rainville (Paul-Étienne) : Bien,en fait, puis je ne veux pas encore faire appel à d'autres personnes, mais il y a beaucoup de gens qui... Bon, ça fait des années que le Québec tente de chercher une voie qui n'est pas le multiculturalisme canadien, qui n'est pas le républicanisme français, qui n'est pas le melting pot américain. Ça, c'est une quête qui est, bon, légitime, effectivement. Quel modèle est le mieux? Nous, ce qu'on fait, c'est qu'on le juge à l'ombre de ses impacts potentiels sur les droits humains. Est-ce que... On comprend bien la démarche vers une sorte de l'interculturalisme, mais nous, ce qu'on dit, c'est que c'est fondé, justement, l'interculturalisme, sur le droit à l'égalité, sur le pluralisme, c'est fondé aussi sur une convergence culturelle. Et là je sais que dans le... dans votre projet de loi, il y a certains mots — réciprocité — qui sont là, mais ce qui se dégage, et c'est ce que plusieurs personnes ont mentionné, c'est qu'il y a un glissement vers l'assimilationnisme qui est beaucoup lié à la question de l'adhésion aux valeurs majoritaires, coconstruites peut-être, mais aussi sur un discours qui tend à dire que les personnes issues de l'immigration, les personnes racisées, n'adhèrent pas aux valeurs démocratiques ou aux valeurs québécoises. Donc, c'est ce glissement-là qu'on... On peut chercher un aménagement, mais la tendance assimilationniste qu'on voit, elle est assez claire, et plusieurs personnes l'ont dit, dont, vous savez, Mme Harel et d'autres, M. Rocher, même M. Bouchard.

M. Roberge : J'ai l'impression que c'est un problème plus qu'autre chose. Mais ma question est assez claire. Supposons que dans votre modèle idéal, épuré, serait-il multiculturel ou interculturel?

M. Rainville (Paul-Étienne) : En fait, ce qui est... On sait que ça fait... Bon, j'ai étudié ça pendant plusieurs années : les différents modèles d'intégration. Et tous les modèles d'intégration ont des avantages, des inconvénients, et tout ça. C'est clair que le Québec a une réalité historique qui est singulière. La question de la langue française aussi. Donc, le modèle qu'on proposerait, sans vouloir y mettre une étiquette comme telle, c'est un modèle qui s'appuie, un, sur le combat contre les discriminations, les marginalisations puis, deux, sur des programmes publics, des politiques publiques, et là qui s'écartent, qui vont plus loin que ce que vous proposez dans le sens où vous... pour vous, c'est surtout l'apprentissage des valeurs démocratiques, comme s'il fallait éduquer à la démocratie d'autres personnes, c'est aussi la question de la francisation, ça, c'est très bien, mais ce qu'on dit, c'est qu'il y a un paquet de politiques positives, de programmes qui peuvent être mis en place pour favoriser réellement l'intégration. Et donc c'est ce modèle-là qu'on propose. Est-ce que c'est de l'interculturalisme ouvert, fermé? Est-ce que c'est... L'étiquette, je pense, qui compte moins que le contenu qu'on vous propose.

M. Roberge : On est quand même dans un projet de loi-cadre, on discute de principes et de concepts, j'ai de la misère... Vous venez nous présenter quelque chose, vous nous dites que c'est un projet de loi assimilationniste. M. Gérard Bouchard, qui est quand même un des piliers de l'interculturalisme au Québec, est venu nous dire clairement non. Vous maintenez le procès d'intention sur le projet de loi, mais vous ne pouvez pas qualifier ce que vous souhaiteriez.

Mme Guénette (Laurence) :  Ce n'est pas un procès d'intention, je vous rassure, c'est vraiment de réfléchir vraiment à quel fondement on veut à notre société, à notre vivre ensemble. Et nous, en fait, la ligue souhaite aussi s'éloigner un peu de ces enjeux, parce qu'on le sait, là, entre la définition de l'interculturel, multiculturel, il y a l'enjeu de fédéral/Québec. On comprend ça puis ce n'est pas pour...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Guénette (Laurence) : ...l'importance de ça, mais on arrive avec un cadre de droits humains beaucoup plus vaste et c'est un modèle qui serait respectueux de ces droits-là et qui ferait cohabiter tout le monde en ne mettant pas les droits des uns en opposition avec les droits des autres, c'est ce qu'on voudrait voir.

Je vous invite aussi à découvrir à la page, je crois, c'est, oui, 11 de notre mémoire qu'on a soumis hier, une citation, mais peut-être le rapport en entier, si vous avez l'occasion, du Rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance, qui déjà identifiait, il y a plusieurs années, la façon dont certaines crispations identitaires, donc beaucoup fondées sur les systèmes de valeurs, les expressions de diversité culturelle, peuvent vraiment amener une dérive vers un modèle assimilationniste et un modèle qui... qui favorise en fait la montée des discours anti-immigration. Et donc ce n'est pas un procès d'intention qu'on essaie de faire aujourd'hui, mais vraiment de sonner l'alarme parce que pour nous, le projet de loi n° 84 ne va pas dans le bon sens du tout à cet égard.

M. Roberge : Mais, bon, vous vous appelez la Ligue des droits et libertés. Hier, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse sont venues, ils ont fait toutes sortes de... de commentaires, mais commencer la présentation en disant, pour eux, le projet de loi n° 84 n'est pas attentatoire à la Charte et aux droits. C'est quand même une autorité intéressante. Plus loin, vous dites... dans votre présentation et dans votre mémoire, vous dites qu'il ne faudrait pas modifier la charte puis dire qu'il faudrait interpréter la charte à la lumière du modèle d'intégration nationale. Il ne faudrait pas faire ça parce que vous êtes en désaccord avec cette posture-là.

Je veux vous signale qu'au Canada, l'article 27 de la Charte canadienne prévoit que les droits sont interprétés à la lumière du principe du multiculturalisme. Ma mère dirait ce qui est bon pour pitou, c'est bon pour minou. Pourquoi ce serait correct qu'Ottawa inscrive dans sa charte qu'il faut l'interpréter à la lumière du multiculturalisme, donc des droits purement individuels, mais que nous, au Québec, on ne pourrait pas ajuster notre charte puis la lire à la lumière de notre modèle qui inclut les droits collectifs aussi, les valeurs qui sont communes, valeurs communes qui sont d'ailleurs reconnues par la Cour suprême du Canada? Ça ne s'invente pas, puis c'est rare que je suis d'accord avec eux. Pourquoi nous on ne pourrait pas ajouter une petite dose de vivre ensemble puis de droits collectifs pour faire contrepoids à ce que le Canada a fait avec son interprétation du multiculturalisme dans sa charte?

M. Rainville (Paul-Étienne) : Je peux peut-être, peut-être débuter. Bon, il y a plusieurs choses, quatre choses au moins. La question de la Commission et des violations de droits d'abord. En fait, ce qui est clair, c'est que l'inclusion du modèle d'intégration nationale dans les différents articles, que ce soient des clauses limitatives des clauses interprétatives de la charte, c'est assurément... va assurément contribuer à affaiblir certains droits au détriment d'autres, ça, c'est clair et net, alors que le principe de base du droit international, c'est que les droits sont indivisibles, interdépendants. Donc, ça, c'est un premier élément.

Mais ce qui est, ce qui arrive aussi, c'est que, non, on ne peut pas d'emblée dire il va y avoir des violations de droits. Pourquoi? Parce qu'on ne connaît pas encore la politique nationale. Par contre, ce qu'on voit, c'est que l'idée, nous ce qu'on... d'imposer des valeurs qui seraient communes ou même de tenter des codifier et d'être... de s'arroger le droit en tant que gouvernement de le faire, bien, déjà, c'est attentatoire à la liberté de conscience, à la liberté d'expression. Aussi en ciblant les minorités, certaines minorités, c'est aussi attentatoire au droit à l'égalité. Et dans l'application de la politique, quel autre droit va pouvoir être violé... va être violé? Je vais dire le vrai mot. Bien, en fait, il y en a peut-être plusieurs, peut-être le droit d'association, le droit de manifester, le droit... bref, des droits culturels aussi, probablement. Donc, de dire qu'il n'y a... qu'elle n'est pas attentatoire aux droits humains, à notre avis, c'est faux, en tout cas, du moins dans ce qu'on lit dans l'intention de la nouvelle politique. On a... on peut craindre que ça va être pire quand on va lire la politique, si je peux me permettre.

M. Roberge : Mais vous ne pensez pas que vous pousser le bouchon un peu loin quand vous dites que, là, on va s'en prendre au droit d'association, au droit de manifester, puis vous nous dites vous ne prêtez pas d'intention; mais là c'est comme l'hécatombe des droits parce qu'on fait référence aux droits de la Charte, hein?

Quand on regarde ici, là, dans l'article 5, le...

M. Roberge : …l'intégration repose sur les fondements suivants, donc les fondements du modèle. Alinéa trois : «L'adhésion aux valeurs démocratiques et aux valeurs québécoises, exprimées notamment dans la Charte des droits et libertés de la personne.» Donc, les droits auxquels on fait référence dans notre modèle sont les droits de la charte. C'est ceux-là qu'on met de l'avant. Puis vous nous dites que ça, ça va empêcher la liberté d'expression, le droit d'association, le droit de manifester. Faites-moi la démonstration de ça.

• (16 h 10) •

M. Rainville (Paul-Étienne) : Au niveau de la projection des potentielles atteintes aux droits, c'est surtout dans l'application de la loi, comme telle, qu'on pourra mesurer. Et donc, oui, j'ai fait un peu de prospection, je m'en excuse. Maintenant, pour ce qui est de l'inscription de la charte dans votre définition des valeurs québécoises, c'est un… c'est un truc assez intéressant, parce que, dans les dernières années, vous nous avez quand même habitués à l'utilisation de plus en plus systématique des clauses dérogatoires. Vous avez aussi apporté des modifications à la charte, avec des processus dont Laurence pourra rediscuter, ce qui était un peu rapide. Et donc on trouve assez paradoxal que vous incluiez la charte, mais qu'en même temps vous la modifiiez même pour inclure votre politique dedans, et qu'en plus vous vous utilisiez de manière de plus en plus systématique la clause dérogatoire à la Charte québécoise. Donc, il y a comme une contradiction, là.

Mme Guénette (Laurence) : Il faudrait quand même aussi se rappeler…

M. Roberge : C'est comme si, parce que vous étiez d'accord… excusez-moi, juste sur ce qu'il vient de dire, parce que vous étiez en désaccord avec le fait qu'on utilise la clause de souveraineté parlementaire sur d'autres lois, alors qu'ici on ne l'utilise pas, vous portez un jugement sur cette loi-ci. C'est encore de la prospection, là.

M. Rainville (Paul-Étienne) : C'est du bilan de ce qui s'est passé dans le passé, plutôt.

M. Roberge : Oui, mais là, c'est une loi à venir, mais allez-y.

Mme Guénette (Laurence) : Mais c'est parce qu'on observe, là, c'est que plutôt que de s'assurer que la charte québécoise, qui fête ses 50 ans en ce moment, soit renforcée et respectée, on est en train de la façonner pour l'inféoder à la politique d'intégration nationale, qui, par ailleurs, on a ses grands principes, mais elle n'est pas encore écrite. On n'est pas encore invité à se prononcer sur cette politique-là. Et, parmi les éléments de la charte que vous mentionnez, tu sais, il y a la laïcité de l'État, qui a été intégrée à la charte, donc une modification qui a été apportée à la charte, sous bâillon, en 2019, et qui s'est révélée attentatoire aux droits. Donc, c'est ce que beaucoup de groupes craignaient avant l'adoption de la loi sur la laïcité et qui est maintenant avéré. Il y a eu plusieurs études qui sont sorties. Donc, c'est là que, pour nous, la façon de refaçonner un peu la charte pour qu'elle puisse bien s'arrimer à la politique d'intégration, sur laquelle on a un profond malaise, oui, ça nous inquiète beaucoup.

M. Roberge : Bien, je vous répète que la Commission des droits de la personne et de la jeunesse a jugé que la loi n'était pas attentatoire. Et je veux juste préciser ou corriger quelque chose. Depuis tout à l'heure, vous dites qu'on modifierait la charte en vertu d'une politique qui n'est pas encore écrite. Juste vous rappeler qu'à l'article 20 on parle de modifier la charte… à l'article 19, pour y intégrer le modèle québécois d'intégration nationale. Le modèle québécois, les grands principes, ils sont dans la loi. Une politique, c'est la mise en œuvre des grands principes. Donc, on modifie la charte en fonction des principes qui sont dans la loi, puis la loi, comme on dit, tout est dans tout, elle fait référence à la charte. Donc, il faut quand même faire un certain effort pour penser qu'une loi qui réfère à la charte, qui modifie la charte pour la référer à la loi, est attentatoire à la charte. Je veux dire, je n'aurais même pas pensé à faire cette allégation-là, c'est quelque chose.

M. Rainville (Paul-Étienne) : À mon avis, c'est surtout… si, par exemple, on dit que le gouvernement en place respecte et… ses obligations en vertu de la charte, alors pourquoi avoir besoin de l'inscrire dans la charte, premièrement, puis, deuxièmement, pourquoi ne pas au contraire dire : Bien, on va adopter une loi, une politique et on va la soumettre au test de la charte.

M. Roberge : Mais on peut aussi choisir de faire évoluer la charte en fonction de problématiques. Les législateurs, il y a quoi, 45 ans, ou à peu près, je ne pense pas qu'ils étaient au diapason de la société du Québec de 2025. à la fin des années 80, on est au début des années 80, on était avec des commissions scolaires confessionnelles, on enseignait la pastorale dans nos écoles. On était loin de se douter que la laïcité serait une valeur fondamentale. Maintenant, la laïcité…

M. Roberge : ...en 2025, ce n'est pas la vision qu'on avait en 1980. C'est normal, je pense, de faire évaluer la charte en fonction de l'évolution de la société québécoise. Vous ne pensez pas?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. C'est ce qui termine la partie de discussion avec le gouvernement. On va se tourner du côté de l'opposition officielle et le député d'Acadie pour 12 min 23 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci pour votre mémoire. Merci d'être, d'être là. Il y a... Moi, il y a un volet, et d'ailleurs vous le soulignez dans votre... dans votre mémoire sur lequel je voudrais vous entendre plus. Il y a des modèles d'intégration qui parlent évidemment de valeurs, de culture, mais qui parlent aussi de droits socioéconomiques. Vous faites une référence à ça, la page 11 de votre mémoire qu'il n'y a rien dans le projet de loi qui traite de ça. Et puis j'aimerais... J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous avez des suggestions particulières qui feraient en sorte qu'on pourrait bonifier ce projet de loi là pour évidemment inclure tout le monde et aider véritablement à les intégrer?

Mme Guénette (Laurence) : Bien, si on pense plus spécifiquement, là, à la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, c'est sûr que, dans la charte, tant qu'à modifier la charte, rendre ces droits-là justiciables serait déjà un bon pas vers une progression intéressante. C'est ce que la ligue, d'ailleurs, exige depuis longtemps maintenant, et pas seulement la ligue. Donc, le Québec s'est engagé à l'international en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et en vertu d'autres instruments aussi. Et dans une perspective où tous les droits sont indépendants, ces droits-là économiques, sociaux et culturels sont intimement liés aussi avec le droit à l'égalité, pour que toutes les communautés, tous les groupes de la société se sentent pleinement intégrés notamment. Donc, c'est une dimension, oui. Si on pouvait modifier la charte à cet effet dans le projet de loi n° 84, mais je n'ai comme pas l'impression que c'est quelque chose qui puisse se faire comme ça, d'un claquement de doigts étant donné mes réticences depuis longtemps.

M. Morin : Mais, je vous dirai, là-dessus, c'est peut-être un des avantages d'être dans l'opposition officielle, c'est qu'on a une marge de manœuvre. Et puisque le gouvernement nous invite à ouvrir la charte, bien, tant qu'à y être, si on veut intégrer, intégrons. Alors, allons-y. Allons-y. Pourquoi pas?

Mme Guénette (Laurence) : Allons-y pour la... Cessons la distinction entre les droits civils et politiques et les droits qui ne sont pas justiciables. Dans ce cas-là, ajoutons le droit à la santé, le droit au logement. Donnons un peu d'envergure au droit à un environnement sain aussi, qui implique des dimensions démocratiques. Allons-y à fond dans ce cas-là.

M. Morin : Bien, en fait, c'est parce que mon point de suivant. Oui, je pense que c'est important que les gens qui arrivent ici soient capables de reconnaître qu'il y a des valeurs qui sont propres. Il y en a dans toute société. Puis en fait, vous l'avez évoqué vous-même, ce qu'on veut, ultimement, c'est que les gens puissent vivre ensemble dans l'harmonie. Et ce n'est pas juste utopique. Je pense que c'est un objectif qu'on peut poursuivre, qui est tout à fait valable et qu'on doit le faire. Puis en lisant sur différentes politiques d'intégration, et qui ont été... et qui ont été adoptées dans le passé, là, au Québec, souvent on a parlé justement des droits socioéconomiques des gens pour une véritable intégration. Quand les gens arrivent ici parce que la loi, c'est... Et le projet de loi fait référence à... mentionne des immigrants. Ils arrivent, ils apprennent la langue. C'est important, fondamental, mais après ils veulent travailler. Puis après, il faut être capable de leur donner les moyens de travailler.

Je citais un peu plus tôt un exemple d'une dame qui veut apprendre le français, mais elle est seule avec son enfant. Puis Francisation Québec, ils offrent des cours de francisation le soir. Elle n'est pas capable de laisser son enfant. Donc, elle, c'est un handicap pour elle. Ce n'est pas parce qu'elle ne veut pas apprendre le français, là. Donc, je me dis, si on veut véritablement faire une place à ces gens-là qui sont un apport pour la société québécoise, bien, il faut regarder l'ensemble de ces éléments-là. Puis c'est pour ça que je vous posais la question, parce que vous avez fait référence aussi à toute la question des garderies puis des CPE, qui peuvent aussi aider, justement. Parce que ce que, moi, j'ai entendu sur le terrain, puis vous pouvez me dire... Je ne sais pas si vous, vous l'avez entendu, mais il y a... il y a des familles immigrants qui arrivent. Les enfants, évidemment, vont à l'école. Ils apprennent le français. Les parents restent à la maison. Et puis, à un moment donné, il y a un débalancement. C'est les enfants qui accompagnent les parents, puis les parents ne parlent pas le français. Puis ce n'est pas pour moi une bonne façon de s'intégrer dans notre société. Alors, est-ce que c'est quelque chose auquel vous avez été confrontée, que vous avez rencontré dans votre expérience, par exemple?

Mme Guénette (Laurence) : Bien, la Ligue des droits et libertés ne travaille pas directement avec... Par exemple, là, je pense aux demandeurs d'asile. Étant donné la cause...

Mme Guénette (Laurence) : ...la cause qui a été portée devant les tribunaux pour que l'accès des demandeurs d'asile aux garderies subventionnées soit rétabli. On sait par notre collaboration avec plusieurs d'autres groupes que... ce que vous avez dit, en effet, et aussi que les femmes sont discriminées de façon particulièrement accentuée par rapport aux hommes dans cet enjeu-là d'accès aux garderies, vous l'avez dit, un écart qui se creuse aussi entre le niveau de français que les parents et les enfants vont développer, et aussi il a été constaté qu'il y a vraiment un retard de socialisation des jeunes enfants qui ne peuvent pas fréquenter les milieux de garde, qui sont souvent dans des situations assez isolées, où ce n'est pas évident de côtoyer d'autres enfants et aussi des éducatrices, éducateurs, donc il y a aussi un retard dans le... pour déceler, en fait, des difficultés d'apprentissage, et tout. Donc, c'est aussi de faire partir non seulement ces familles-là et ces femmes-là, particulièrement, avec des barrières supplémentaires, mais en plus de faire partir ces enfants-là avec un certain déficit dès le plus bas âge. Donc, effectivement, c'est... ça fait partie des dossiers qui nous interpellent beaucoup.

• (16 h 20) •

M. Morin : Je vous remercie. Il y a un autre volet que j'aimerais intégrer, on n'en a pas parlé. Je suis... Pour l'opposition officielle, je suis aussi le porte-parole pour les relations avec les Premières Nations et les Inuits. Dans le projet de loi, il y a un considérant qui fait référence aux Premières Nations et aux Inuits, et ça leur accorde le droit qu'ils ont de maintenir, de développer leur langue et culture d'origine. Évidemment, vous en parlez dans votre mémoire, mais j'aimerais... j'aimerais vous entendre davantage. C'est quoi, votre position en ce qui a trait aux Premières Nations? On va entendre des groupes des Premières Nations dont l'APNQL. Mais... c'est sûr que c'est une... ce sont des nations en soi, je les comprends, mais comment on devrait s'organiser pour qu'il y ait un meilleur vivre-ensemble, justement, avec les Premières Nations?

M. Rainville (Paul-Étienne) : Oui, je peux peut-être... Merci pour la question. Parce qu'en fait c'est un élément qu'on a décidé de ne pas aborder aujourd'hui parce qu'on veut aussi, nous, plutôt écouter les points de vue des... Oui?

M. Morin : Je vous comprends, là, moi aussi, mais...

M. Rainville (Paul-Étienne) : Il y a d'autres... Oui, mais...

M. Morin : ...vous en parlez dans votre mémoire.

M. Rainville (Paul-Étienne) : Oui, absolument. Puis je... tu sais, je trouve ça très bien. En fait, on commence notre mémoire avec cette question-là pour parler entre autres d'assimilationnisme. Et, oui, on est un peu... on est un peu durs, mais on trouve que, dans le projet de loi actuel, il y a une logique qui est un peu la même que celle qui est au fondement, je dirais, du projet colonial euro-québécois. En fait, il y a une mention seulement des droits des peuples autochtones dans le préambule. Donc, on a un projet de loi sur l'intégration et on a une seule mention, et cette mention-là, elle concerne quoi? Les droits culturels et les droits linguistiques. Donc, ça réduit les droits des peuples autochtones... un résidu, si on veut, linguistico-culturel, alors... et alors qu'il y a énormément de... les droits ancestraux, les droits territoriaux, etc., ne sont pas dans le projet. Pourquoi?

L'autre élément qui est assez particulier, c'est le fait qu'effectivement le projet de loi affirme haut et fort le droit du Québec à l'autodétermination. C'est un droit qui est reconnu dans les pactes internationaux. Pourquoi ne pas souligner le droit à l'autodétermination des peuples autochtones? Ceci est une autre contradiction.

Il y a aussi des éléments, par exemple, que la politique puisse intégrer une sorte d'allégeances aux symboles nationaux. On pense que, dans le contexte de réconciliation, c'est un peu... bon, je vais dire le mot «délicat».

On appelle aussi plus largement le Québec. Parce que, dans le projet de loi, il y a une volonté aussi de s'affirmer, je pense, dans le... sur le plan international aussi, à intégrer dans le droit interne, finalement, les normes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Et d'ailleurs il y a plusieurs rapports, la commission Vérité et Réconciliation, commission Viens, d'autres qui ont recommandé justement ça. Et pourquoi ne pas profiter de cette réflexion collective là sur le vivre-ensemble pour justement s'appuyer sur ces principes-là, qui sont reconnus à l'échelle internationale et auxquels est lié le Canada depuis 2012, je parle de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones?

M. Morin : D'ailleurs, quand on parle de la Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones, il y a... il y a une motion unanime de l'Assemblée nationale qui dit évidemment qu'on devrait le reconnaître, mais ça n'a pas été inséré dans une loi encore. Je pense que... Est-ce que vous pensez que ce projet de loi là pourrait être une opportunité de faire une référence à la Déclaration des Nations unies? Parce qu'évidemment je vous écoutais, je l'ai lu, mais, pour les Premières Nations, ce n'est pas juste une question de langue et de culture, c'est beaucoup plus que ça.

M. Rainville (Paul-Étienne) : Est-ce que je l'ai souligné? Juste souligner qu'en plus le mot «langue» et «culture» est écrit au singulier. Alors...

M. Rainville (Paul-Étienne) : ...on parle de nations au pluriel. C'est extrêmement... je cherche le mot.

M. Morin : Bien, en fait, je vous dirais que c'est intéressant, parce que le Commissaire à la langue française a noté la même chose dans son mémoire.

M. Rainville (Paul-Étienne) : Absolument, oui.

M. Morin : C'est un petit peu... un petit un petit peu curieux, mais, enfin, bref.

M. Rainville (Paul-Étienne) : Ça montre quand même une conception particulière.

Mme Guénette (Laurence) : C'est sur aussi qu'on pense que, de façon générale, si on veut aller vers un modèle d'intégration puis tenir compte pleinement des droits des peuples autochtones, peut-être qu'une mention de la Déclaration des Nations Unies serait de mise, mais aussi un certain engagement à aller vers l'application des recommandations, là, des différents... ou l'adoption du Principe de Joyce.  Quand on parlait de sécurisation culturelle, il y a quelques mois, avec la présentation d'un projet de loi à ce sujet-là, le Principe de Joyce était absent. Donc, il y a vraiment du chemin à faire, en fait, pour bien intégrer tous les éléments d'intégration qui favoriseraient que les peuples autochtones aussi soient inclus, donc, pas que des choses leur soient imposées, mais qu'ils fassent vraiment partie de l'équation.

M. Morin : D'ailleurs, au niveau du projet de loi no 32, sur la sécurisation culturelle des peuples autochtones, je peux vous en parler parce que j'étais le porte-parole pour l'opposition officielle, et toutes mes tentatives d'inclure le Principe de Joyce dans sa totalité, dont la reconnaissance du principe systémique... bien, j'ai subi un échec, je dois l'avouer, ça n'a pas marché. Alors, ça aurait été, je pense, une bonne idée, mais, enfin, bref, ça n'arrivera pas. Donc, O.K., alors je vous comprends, ça, c'est aidant. Je vous remercie.

Il y a aussi un considérant qui parle du respect des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise. Il n'y a rien dans le projet de loi qui fait référence, comme tel, à la communauté d'expression anglaise. M. le ministre reconnaissait hier que c'était une communauté quand même historique, ça fait longtemps. Est-ce que vous avez réfléchi à la question? Est-ce que vous avez des pistes de solution?

Mme Guénette (Laurence) : Je pense que, là aussi, à être à l'écoute... Il y a plusieurs, j'ai l'impression, plusieurs moments d'éloignement qui ont été... qui ont été faits dans les dernières années. Donc, encore là, c'est... Tu sais, nous, on l'a abordé dans notre mémoire, pas spécifiquement, on est allé de façon large, dans le respect des droits de tout le monde, et c'est le même cadre d'analyse qui s'applique aux personnes de langue anglaise au Québec.

M. Rainville (Paul-Étienne) : Et peut-être, je pourrais préciser que, justement, cette vision là, un peu, qu'on perçoit dans le mémoire, qui n'est pas nommée explicitement, mais ce que plusieurs gens ont exprimé comme malaise, c'est qu'on a là une espèce d'impression d'une société qui reconnaît qu'il n'y a pas de reconnaissance du pluralisme, pas juste aujourd'hui, mais du pluralisme de la société québécoise depuis les origines, les rencontres, les dialogues...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois vous arrêter, c'est mon rôle de respect du temps, pour laisser... merci, M. le député, pour laisser les quatre dernières minutes au député de Saint-Henri-Saint-Anne. La parole est à vous.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, je veux vous remercier pour votre... l'excellent travail. Vous êtes quand même les gardiens et gardiennes d'un élément de notre société civile qui est très important puis qui surveille l'action gouvernementale, puis on ne le souligne pas assez. Donc, merci pour ce que vous faites.

J'ai entendu M. le ministre, à plusieurs reprises, soumettre ou sous-entendre qu'il avait eu le feu vert de la CDPDJ. Il n'en est rien, là. Je veux dire, le mémoire de la CDPDJ est assez explicite à l'effet que c'est probablement plus proche du contraire. On a quatre pages de mises en garde assez extensives où, M. le ministre, la CDPDJ vous dit plutôt le contraire, là. La commission a d'énormes réserves quant à la modification. La commission soulève des préoccupations. J'en saute, là, mais la commission est... tout sauf dire qu'elle donne son feu vert des modifications à la charte et doit nous revenir avec un mémoire extensif. Donc, avant de prétendre que la commission a dit autre chose, la moindre des choses qu'on pourrait faire, c'est d'attendre leur mémoire sur le fond...

M. Roberge : ...

M. Cliche-Rivard : Bien non. Vous relirez de mémoire, M. le ministre, à plusieurs reprises, là, il y a...

Des voix : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Excusez!

M. Cliche-Rivard : Bien, c'est M. le ministre qui m'interpelle, là.

Des voix : S'il vous plaît! S'il vous plaît! Merci. On va poursuivre. On est là... on est là pour parler...

Des voix : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : S'il vous plaît! Je vais vous arrêter. On poursuit la discussion avec...

M. Cliche-Rivard : ...souligner pour le verbatim, Mme la Présidente, que le ministre dit : C'est bon, je te crois, tu as raison. C'est ce que j'ai entendu, donc.

M. Roberge : ...je suis désolée, je vous ai interrompu, cher collègue...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : s'il vous plaît! C'est beau. On poursuit les discussions qui est présent. Merci.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est bien apprécié, et merci de faire ce travail que vous faites si bien.

Il y a un volet qui nous a été présenté, l'article 5, eut égard à des fondements, les fondements, là, sont la culture, la langue, etc. Et on nous a parlé...

M. Cliche-Rivard : ...probablement d'ajouter une modification pour ajouter aussi comme fondement la lutte au racisme et à la discrimination dans ce qu'est le modèle québécois. Qu'est-ce que vous en pensez, de cet ajout-là?

Mme Guénette (Laurence) : Bien, c'est exactement dans le sens de ce qu'on disait. Donc, de façon générale, nous, on serait plutôt pour mettre un gros frein sur le projet de loi n° 84 afin de mieux préciser toutes les modalités.

Tu sais, tantôt, M. le ministre, vous faisiez la distinction, là, entre le modèle d'intégration qui est déjà dans le p.l. 84 et les modalités de mise en œuvre et d'autres détails qui ne sont pas encore déterminés, mais, pour nous, le diable est dans les détails, donc ce serait important d'avoir les deux.

Donc, je veux juste dire que, de façon générale, on préférerait que tout ça soit défini et soumis à un débat démocratique complet et extensif. Mais néanmoins, oui, la question du racisme systémique, donc le reconnaître et engager profondément l'État dans la lutte contre les différentes manifestations du racisme systémique, ça serait... ça serait un ajout important à apporter.

• (16 h 30) •

M. Cliche-Rivard : Parce que ça fait partie des valeurs fondamentales des Québécois et des Québécoises, au même titre que la laïcité, là.

Mme Guénette (Laurence) : Parce que ça fait partie du cadre des droits humains.

M. Cliche-Rivard : Ce que vous dites essentiellement, c'est : Oui, mais ça dépasse le Québec, c'est ce que vous voulez dire, c'est que ce sont des valeurs universelles?

Mme Guénette (Laurence) : Bien, en voulant dire que ça ne doit pas... ça ne doit pas être les valeurs, ça ne doit pas être ce qu'on juge comme étant les valeurs qui vont déterminer le modèle d'intégration, ça doit être les droits humains. Puis le racisme systémique en ce moment au Québec, qui est présent dans un paquet de situations, de réseaux, de... bon, c'est vraiment quelque chose qui vient porter atteinte aux droits, aux droits des personnes. C'est pour ça que je dis : C'est parce que c'est un droit. Tu sais, il faut agir là-dessus pour cette raison.

M. Cliche-Rivard : En terminant, parce que je n'ai plus beaucoup de temps, je voudrais vous entendre sur le fardeau puis le partage du fardeau. On en parle, là, que c'est à deux niveaux, là, ça, c'est un contrat social qui doit être du côté des immigrants, du côté de l'État. Est-ce que vous jugez que la façon dont c'est écrit, c'est un partage égal des obligations envers l'État et les nouveaux arrivants?

M. Rainville (Paul-Étienne) : Bien, en fait, c'était... Merci pour la question, parce que... et merci pour la précision sur la CDPDJ aussi. Et je soulignerais que peut-être aussi le manque de clarté de certains éléments du projet de loi fait en sorte qu'ils disent : On craint telles choses parce qu'on ne peut pas les mesurer immédiatement. Et l'autre élément, c'est qu'on a eu très peu de temps aussi pour... en fait, pour produire les mémoires. Donc, on va avoir plus de détails plus tard.

Maintenant, pour ce qui est du fardeau, nous, on a parlé du fardeau individuel, et d'ailleurs Mme Harel, M. Rocher, ils ont parlé aussi de ça, du fardeau trop grand qui est donné sur les personnes issues de l'immigration. C'est que...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci beaucoup. Vous savez, je suis la gardienne du temps. Alors, merci pour... Merci, M. le député. Merci pour l'apport à nos travaux. C'est important.

Alors, je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 32)


 
 

16 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 16 h 37)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux.

Nous recevons donc, pour la prochaine heure, l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec, qui sont représentés par M. Joe Ortona, président, M. Christopher Craig, vice-président, M. David Meloche, directeur général, ainsi que Mme Kim Hamilton, directrice des communications et des projets spéciaux. Alors, Mme, Messieurs, bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens. Donc, vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour exposer votre mémoire, donner les grandes lignes de votre mémoire, votre opinion sur le projet de loi. Et, par la suite, nous allons entamer une période de discussion avec les parlementaires. Alors, le temps est à vous à compter de maintenant.

(Visioconférence)

M. Ortona (Joe) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés. Je suis Joe Ortona, président de l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec. Nous sommes heureux d'être parmi vous aujourd'hui pour échanger sur le projet de loi n° 84.

Il faut que nous soulignions que nous sommes déçus qu'encore une fois vous avez décidé de procéder avec seulement des consultations particulières. Même si ça a été déjà fait, rapidement, «I do want to say that I'm accompanied by Christopher Craig, who is he vice-president of the Québec English School Boards Association, David Meloche, who is the executive director, and Kim Hamilton, who is the director of communications.»

(Visioconférence)

M. Craig (Christopher) : Le ACSAQ représente les neuf commissions scolaires anglophones du Québec, les seules institutions publiques gérées pour et par la communauté anglo-québécoise par l'entremise de...

M. Craig (Christopher) : ...un conseil de commissaires démocratiquement élus. L'ACSAQ est guidée par l'impératif de veiller à ce que les lois québécoises contribuent à la réussite scolaire de nos élèves, et ce, dans le respect des valeurs et des droits de la communauté anglo-québécoise. Pour l'ACSAQ, la réussite scolaire passe nécessairement par la maîtrise de la langue française afin que nos élèves puissent demeurer et travailler au Québec... ainsi que la transmission des valeurs démocratiques qui nous sont chères, dans le respect de la diversité et égalité des genres. Notamment, les commissions scolaires du Québec sont fières d'offrir les programmes éducatifs qui promeuvent... et la maîtrise du français pour tous.

• (16 h 40) •

Le projet de loi no 84, Loi sur l'intégration nationale, se présente comme une loi-cadre affirmant certaines valeurs et autorisant le gouvernement d'adopter des règlements, politiques et décisions visant l'intégration à la société québécoise des immigrants et des communautés culturelles.

M. Ortona (Joe) : L'ACSAQ soutient qu'il est primordial que tout cadre relatif aux valeurs québécoises reconnaisse la communauté anglo-québécoise en tant que composante intégrale de la nation québécoise et établit des conditions gagnantes pour favoriser un partenariat entre la communauté anglo-québécoise et la communauté francophone.

Pour l'ACSAQ, la réussite de ce partenariat passe par deux composantes. Alors, un, le respect des valeurs, de la culture et des droits de la communauté anglo-québécoise, et, deux, la reconnaissance de la communauté anglo-québécoise, incluant les commissions scolaires anglophones à titre de partenaires dans la promotion des valeurs québécoises et de la langue française.

Deuxièmement, l'ACSAQ recommande le retrait de l'article 19 du projet de loi, qui permettrait au gouvernement de justifier une atteinte à un droit protégé par la Charte des droits et libertés de la personne en dépit du fait que le respect de cette même charte constitue un fondement du projet de loi. Troisièmement, la loi doit favoriser une approche collaborative entre communautés linguistiques et reconnaître le rôle de la communauté anglo-québécoise dans la promotion de nos valeurs communes en tant que Québécois et Québécoises.

Notamment, les commissions scolaires anglophones du Québec sont bien positionnées pour contribuer et contribuent activement à l'enseignement du français. Ces contributions devraient être valorisées et reflétées dans les politiques de financement du gouvernement en vertu de cette loi.

M. Craig (Christopher) : Aujourd'hui, la plupart des jeunes anglophones sont inscrits dans des programmes bilingues ou d'immersion française, et le taux de bilinguisme des anglophones est passé de 37 %, en 1971, à 82,2 % parmi les jeunes en 2021. Les commissions scolaires offrent également des cours de français langue seconde au grand public... ses compétences particulières en valeur dans la francisation pour certains nouveaux arrivants. Les organismes de la communauté anglo-québécoise offrent un point d'ancrage important dans leur parcours d'intégration. Les organismes de la communauté anglophone, incluant les commissions scolaires anglophones, ont une expertise particulière en enseignement du français langue seconde et sont bien utilisés pour faciliter l'accès à l'apprentissage du français.

Toute loi affecte... milieu éducatif anglophone doit respecter les droits constitutionnels de la communauté anglo-québécoise protégés par l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour suprême a reconnu qu'il est essentiel pour la réalisation de l'objet de l'article 23, soit le maintien et l'épanouissement de la communauté de langue officielle, que la communauté minoritaire ait un contrôle sur les aspects de l'éducation qui concernent ou qui touchent sa langue et sa culture.

M. Ortona (Joe) : Le projet de loi a pour principal effet d'établir les fondements d'un modèle québécois d'intégration nationale en définissant les éléments clés de la culture québécoise ou culture commune auxquels tous les Québécois de l'État québécois sont tenus d'adhérer.

Le projet de loi délègue un vaste pouvoir au ministre de la Langue française d'établir une politique nationale sur l'intégration à la nation québécoise pouvant traiter d'un large éventail de sujets. Le ministre peut déterminer la portée d'application de la politique à certains organismes et requérir des informations de tout organisme auquel la...

M. Ortona (Joe) : ...qui s'applique. Il propose au gouvernement des grandes orientations en matière d'intégration nationale et il détermine, par règlement, les formes d'aide financière que peuvent octroyer les organismes auxquels la politique s'applique.

Les membres de l'ACSAQ, en tant que représentants de la communauté anglo-québécoise, participent et vivent les valeurs québécoises, que ce soit dans le cadre de la promotion de la langue française ou la promotion des valeurs démocratiques et des droits et libertés de la personne. Unique au Canada, la communauté anglo-québécoise a une culture distincte de leurs homologues hors Québec, façonnée, elle aussi, par l'histoire unique de cette province. Les membres de la communauté anglo-québécoise sont des Québécois et Québécoises. Pour l'ACSAQ, tout modèle d'intégration nationale devra refléter le rôle de la communauté anglo-québécoise à titre de participante à part entière à la société québécoise et à ses valeurs.

À l'heure actuelle, le projet de loi prévoit une seule référence à la communauté anglo-québécoise, au préambule, laquelle ne se limite à indiquer de façon, de façon ambiguë, que la loi. L'ACSAQ propose d'intégrer directement aux dispositions qui définissent les fondements du modèle d'intégration nationale le principe que la culture commune du Québec inclut le respect de la culture, des droits et des institutions de la communauté d'expression anglaise du Québec.

M. Craig (Christopher) : Nos communautés bénéficient de certains droits, dont le droit de gestion et de contrôle en matière d'éducation, en vertu de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. À l'heure actuelle, le projet de loi entend de vastes pouvoirs au ministère de la Langue française d'établir les politiques, règlements et décisions, en vertu du modèle d'intégration nationale, qui seraient applicables aux commissions scolaires anglophones, soit indirectement. Lorsqu'elles affectent le réseau éducatif anglophone, le ministre doit tenir compte des besoins spécifiques de la communauté anglo-québécoise et des droits de gestion et de contrôle des représentants de la minorité anglo-québécoise. L'expérience nous apprend que le gouvernement et la communauté anglo-québécoise ont souvent une compréhension très différente de leurs besoins et de la portée de ces droits. Dans ce contexte, la consultation est le meilleur moyen de permettre une prise en compte des besoins et droits de la communauté anglo-québécoise en conformité avec la jurisprudence.

M. Ortona (Joe) : L'ACSAQ demande que le projet de loi soit modifié pour inclure une obligation du ministre d'effectuer une consultation véritable de la communauté anglo-québécoise avant d'adopter tout règlement, toute politique ou décision en vertu de cette loi, susceptible d'affecter la communauté anglo-québécoise. La mise en œuvre d'un mécanisme efficace de dialogue permettrait de favoriser une prise de décision éclairée et la participation de la communauté anglo-québécoise de façon constructive à l'intégration nationale, en collaboration avec le gouvernement. L'ACSAQ est d'avis que le modèle d'intégration nationale ne devrait pas être interprété de manière à exclure la communauté anglo-québécoise et leurs institutions des initiatives d'intégration et du financement qui en découle.

En conclusion, l'ACSAQ insiste sur la nécessité d'un modèle d'intégration nationale qui reconnaisse pleinement la communauté anglo-québécoise comme partie intégrante de la société québécoise. Nous sommes fiers de nos communautés et fiers d'être Québécois bilingues. Le respect de ses droits, de sa culture et de ses institutions est essentiel pour assurer un partenariat québécois harmonieux avec la majorité francophone. Une consultation réelle et un dialogue constructif avec le gouvernement sont indispensables pour garantir une intégration équitable et inclusive.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, merci pour cette présentation. Alors, on va... on va débuter les échanges avec les parlementaires, et nous avons... nous allons débuter avec M. le ministre et la banquette gouvernementale, pour 16 min 30 s.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation, content de vous revoir. Le réseau des écoles anglophones, le réseau des écoles, en général, c'est un réseau que je connais très, très bien, et, pour moi, c'était nécessaire, là, que vous participiez aux consultations pour ce projet de loi là important.

D'abord, une question, je dirais, une prémisse à notre discussion : Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée qu'à la base le Québec se dote de son propre modèle d'intégration...

M. Roberge : ...est-ce que c'est quelque chose qui est d'après vous important, nécessaire ou c'est quelque chose qui est... qui est... que vous voyez favorablement ou pas?

M. Ortona (Joe) : Bien, je peux vous dire qu'on est toujours ouverts à ça. On ne ferme pas la porte immédiatement à cette idée-là. Et ce n'est pas ce qu'on dit, là, dans notre... dans notre mémoire. Mais ce qu'on dit, c'est que la communauté anglophone du Québec en fait partie, et il faut aussi reconnaître nos droits, surtout en matière d'instruction publique. Mais on fait partie du peuple québécois et on a notre propre langue et notre propre culture. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut quand même reconnaître ça quand vous... quand vous voulez adopter ce genre de loi là ou cette politique d'intégration.

• (16 h 50) •

M. Roberge : Très bien, mais je ne voulais pas vous mettre des mots dans la bouche. C'est une question tout simplement d'entrée de jeu pour savoir si vous étiez plutôt en accord, en désaccord à ce qu'on se dote de notre propre modèle. Là, je pense que je comprends que c'est oui mais. Puis là vous avez plusieurs propositions. Je veux juste vous préciser que c'est très clair pour le gouvernement que la communauté anglophone, particulièrement la communauté historique anglophone puis les ayant droits qui fréquentent votre réseau scolaire font partie de la nation québécoise.

C'est peut-être une évidence, mais je vais la nommer quand même parce que je pense que c'est important de le dire. Certains peuvent s'en inquiéter ou penser le contraire, mais ce n'est pas du tout, du tout la vision qu'on a au gouvernement de penser que vous, vos membres, les parents qui participent aux élections, les élèves, de penser que ces gens-là ne seraient pas des Québécois, bien, je serais en total désaccord avec ça. Pleinement Québécois. Je serais content de voir que dans votre présentation, vous avez dit : On a une culture différente des gens qui sont à l'extérieur du Québec. Oui, vous partagez la langue anglaise, mais aussi la langue française à l'évidence, vous l'exprimez très, très, très bien. Vous partagez la langue anglaise avec beaucoup d'autres Canadiens. Mais manifestement, vous avez une identité aussi culturelle québécoise. Vous l'avez nommée.

Moi, c'est une évidence, mais j'étais content de vous l'entendre dire. Maintenant, je me demande quel est le rôle ou quel devrait être le rôle, si on veut l'accentuer, du réseau des écoles anglophones dans l'intégration, dans l'accueil, dans l'intégration puis dans la cohésion sociale pour qu'on ait un meilleur vivre-ensemble au Québec?

M. Ortona (Joe) : Bien, premièrement, merci de reconnaître, là, qu'on a certains droits, là, comme ayant droit en vertu de l'article 23. C'est important de le dire, mais c'est aussi important et je veux prendre le temps, même si ça ne fait pas partie de la question, mais je dois prendre le temps de noter qu'à peu près tout le monde le dit au gouvernement, peu importe le parti au pouvoir, mais dans les actions, on voit que, souvent, on ne comprend pas peut-être c'est quoi l'ampleur, là, des droits de l'article 23 et aussi loin que ça va. Et ça, ce n'est pas limité au Québec, on voit ça aussi dans les autres provinces par rapport aux communautés minoritaires francophones. On voit ça à peu près partout, partout au Canada.

Dire quelle est la place de... Vous avez... Si j'ai bien compris la question, quelle est la place ou le rôle des commissions scolaires anglophones dans l'intégration? Je pense que, si on parle de cohésion, bien, c'est sûr qu'on a un devoir et je pense qu'on le fait très bien, là. Tout le monde s'entend très bien dans les, dans nos écoles. Nos enfants sont bilingues. On veut que nos enfants, quand ils finissent leur secondaire, qu'ils soient prêts pour un monde postsecondaire, qu'ils décident de suivre leurs études en français ou en anglais au cégep, qu'ils soient capables de travailler en français, qu'ils puissent avoir l'opportunité s'ils veulent de rester au Québec. On trouve que c'est extrême...

M. Ortona (Joe) : …important et je pense qu'on contribue grandement à cette cohésion sociale envers nos élèves et envers toute la société, en fait, parce qu'ils vont quand même étudier et travailler avec d'autres personnes qui font partie de la société québécoise. Quand vous parlez… et, si vous parlez d'intégration, on a une culture quand même distincte. Alors, les ayant droits, je pense qu'ils ont un droit, au moins entre les ayants droit, de maintenir cette culture-là. Et le devoir des commissions scolaires anglophones, je l'ai dit déjà, c'est d'être sûr que nos élèves puissent comprendre et être parfaitement bilingue, qu'ils puissent comprendre bien le français, maîtriser la langue française, mais je ne pense pas que c'est un devoir de la communauté anglophone de franciser les anglophones, qui, je pense quand même, s'ils sont bilingues, parlent surtout l'anglais comme langue maternelle.

M. Roberge : Bien, néanmoins, il y a des cours de français dans le réseau des écoles anglophones, puis il y a même plusieurs cours d'immersion francophone. Et c'est à votre initiative. Ce n'est pas le gouvernement qui vous force d'aucune manière à créer des programmes d'immersion. Donc, ça veut dire que vous êtes ouverts à ça et que les parents le demandent aussi. Maintenant, est-ce que vous pouvez nous parler de la place que prend la culture québécoise? Là, je vais parler des arts et des lettres. Parce que… culture québécoise, c'est pas mal plus que les arts et les lettres, vous l'avez mentionné, là. Notre manière de vivre, nos valeurs, nos traditions. Mais quelle place prend la culture québécoise dans les écoles de votre réseau scolaire?

M. Ortona (Joe) : Je pense que… et peu importe la commission scolaire à qui vous allez adresser ce genre de question, je pense que ça prend la place qu'elle mérite. On enseigne en français, mais c'est plus que simplement enseigner le français. Et merci de reconnaître, là, que les programmes, par exemple, d'immersion française qu'on a dans nos écoles, c'est entièrement de l'initiative de parents anglophones. Ça date des années 60 dans nos écoles, bien avant la loi 101. Donc, les parents ont depuis longtemps reconnu l'importance de maîtriser la langue française, depuis plus de presque 60 ans maintenant, au Québec.

Mais on fait plus qu'enseigner tout simplement la langue française, là, puis apprendre les verbes, puis la grammaire et tout ça. On apprend les chansons en français, des… les livres québécois qui sont en français, la musique, la culture. Il faut… il faut comprendre et je ne veux pas qu'il y ait cette perception qu'il y a une fermeture à ça dans notre réseau. Ce n'est pas vrai. On a une ouverture à exposer nos élèves à tout ça.

Parce qu'il faut comprendre qu'aussi dans notre réseau scolaire, parmi les ayants droit, il y a aussi des francophones qui ont… ou qui parlent français comme langue maternelle dans notre réseau. On les accueille, ils font partie de notre... de notre système. Ils sont entièrement membres de notre communauté également. Mais nous, ce qu'on dit c'est qu'il y a… il faut aussi nous permettre une place pour qu'on puisse avoir… et enseigner et apprendre notre propre culture, qui est tout à fait unique, Québécoise quand même, mais unique, et différente de ce que ferait partie de la culture de la majorité, si je peux l'exprimer ainsi.

M. Roberge : J'ai une autre petite dernière question.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Allez-y…

M. Roberge : Quelles seraient les distinctions? Parce qu'il me semble qu'on en est quand même assez proche, là, de la culture... dans une école francophone, dans une école anglophone. Il y a la langue, évidemment, mais on est sur le même territoire québécois, on élit des mêmes représentants dans nos municipalités, au gouvernement provincial aussi. Qu'est-ce qui serait différent? Qu'est-ce qui serait distinctif dans la culture dont vous parlez par rapport à ce que j'appelle la culture commune, qui n'est pas homogène aussi, la culture nationale, la culture commune québécoise, il n'y a pas qu'une seule, là, tout le monde chante la même chanson en même temps? Là, ce n'est pas la vision qu'on a...

M. Ortona (Joe) : ...Bien, je pense que c'est un peu simpliste de dire que la différence entre les deux communautés, c'est uniquement la langue, parce que la langue et la culture sont interreliées. Déjà, avoir une langue unique qu'on a, ça veut dire qu'il y a d'autres... des livres, des... les chansons, les... les arts, les aspects culturels, les écrits peuvent être aussi différents, ça veut dire qu'il y a probablement des livres qu'on utilise dans nos écoles que, certainement, vous n'utilisez pas dans les écoles francophones même si vous avez des cours d'anglais puis que vous enseignez en anglais aussi. C'est... On a quand même une certaine culture qui est propre à nous. Et c'est une certaine compréhension... Je dirais, le point unique, c'est... qu'on a, c'est qu'on est une minorité dans la minorité. Le Québec est majoritairement francophone, est une minorité linguistique, et pour... à travers le Canada, mais aussi en Amérique du Nord. Bien, nous, on se trouve à être une communauté minoritaire à l'intérieur du Québec. Ça veut dire qu'il y a certaines particularités et ce n'est pas... ça ne se limite pas simplement à la langue. C'est... La langue et la culture sont interreliées, je résume ça comme ça.

• (17 heures) •

M. Roberge :  Merci pour votre présentation.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais me tourner du côté du député de Saint-Jean. Il vous reste quatre minutes 17 secondes.

M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Madame, messieurs, je vais continuer dans la ligne du ministre, parce qu'il a dit tout à l'heure, sans m'en donner le crédit : Tout est dans tout, qui est mon expression préférée. Et moi, je suis en train d'utiliser de plus en plus une autre... une autre expression expressions que lui m'a fait découvrir avec le p.l. 84, c'est : Faire nation. «Faire nation», ça me touche à chaque fois que je l'entends et que je l'utilise parce qu'il y a comme une espèce de leitmotiv, là, et c'est de ça dont on va continuer de parler, parce que vous dites que vous êtes une minorité dans la minorité, que vous n'êtes pas les mêmes anglophones que le reste du Canada, c'est tellement vrai, puis on peut tellement dire la même chose pour les francophones du reste du Canada, qui n'ont, entre guillemets, plus grand-chose à voir, sauf la langue avec les francophones du Québec parce que les sociétés se sont éloignées et les cultures sont devenues ce qu'elles sont, ce qui m'amène à ma question. Dans le fond, est-ce que... Est-ce que vous aimeriez mieux qu'on dise : Savez-vous, c'était une bonne idée qu'on a eue là, là, mais on a trop d'ouvrage, puis le président Trump nous tient trop occupés, on n'a plus le temps, alors on va rester avec le multiculturalisme? Est-ce que vous êtes plus confortable dans le multiculturalisme, un peu comme les francophones du reste du Canada, pour qui c'est une bouée de sauvetage, le multiculturalisme, malgré la situation dans laquelle ils sont non seulement minoritaires, mais d'assimiler à une vitesse grand V en termes de langue? Est-ce que vous, vous avez un peu cette impression-là que, dans le fond, notre idée de notre plan d'intégration qui va changer le multiculturalisme du Canada pour un modèle québécois, ça vous rend mal à l'aise? Parce qu'on est en train de faire nation, comme dit le ministre, mais vous êtes dans notre nation, là, après le tour qu'on vient de faire du Canada puis des francophones, des anglophones. Ça fait des centaines d'années qu'on fait nation ensemble, anglophones et francophones, au Québec.

M. Ortona (Joe) : Pour répondre à votre question, c'est parce que... Et je sais que la tendance, maintenant, serait de rejeter l'idée du multiculturalisme, que... qui a fait, depuis les dernières décennies, la tendance au Canada, mais, si le ministre dit : On ne chante pas tous la même chanson de la même manière en même temps, je ne vois pas la différence. Ça veut dire que... Si vous reconnaissez qu'il y a plusieurs cultures à l'intérieur de la nation québécoise, comme vous dites, là, francophones et anglophones, qui en font partie depuis longtemps, et vous reconnaissez ça et que vous reconnaissez qu'à l'intérieur de différentes communautés, bien, il y a différentes coutumes, différentes cultures, et on... si on est tolérant et on les accepte tous, je pense que de parler de multiculturalisme, dans la façon que vous poser cette question-là, je pense que c'est un peu...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Ortona (Joe) : ...c'est un peu... ça pourrait être un jeu de mots là.

M. Lemieux : Non, non, la différence est très très claire. Le multiculturalisme, c'est du silo, O.K.? On travaille en silo, alors que ce vers quoi on veut s'en aller, c'est de travailler avec une culture commune qui est composée de ce qu'on est devenus, vous et nous, et tous ceux qui sont déjà là. Il n'y a pas juste les anglophones francophones, là, les immigrants des 30, 40, 50 dernières années ont modifié le Québec, ont transformé le Québec et la nature et la culture commune du Québec. On est rendus là en 2025 et on continue, mais on continue plus en silo, on abandonne le multiculturalisme. Est-ce que vous, vous préféreriez qu'on reste multiculturels?

M. Ortona (Joe) : C'est peut-être la définition que vous donnez.

M. Lemieux : C'est... c'est la bonne.

M. Ortona (Joe) : C'est... Pour nous... Regardez, nous ce qu'on dit avec la loi que vous voulez adopter, c'est qu'on veut que nos droits soient respectés, on veut... on veut s'assurer qu'on est consultés quand il y a des aspects de la loi qui vont... qui vont nous toucher.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : M. Ortona, je dois malheureusement vous arrêter, le temps imparti au gouvernement est terminé, mais les discussions ne sont pas terminées. On poursuit avec l'opposition officielle et le député d'Acadie pour 12 min 23 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, mesdames, messieurs, bonjour, content de pouvoir dialoguer avec vous cet après-midi. J'ai... j'ai lu évidemment votre mémoire avec attention. Merci de l'avoir reproduit. Il y a... D'emblée, quand on regarde le projet de loi, et vous y avez fait référence, vous en parlez dans votre mémoire, la référence à la communauté québécoise à expression anglaise, c'est dans le préambule. Donc, c'est un considérant, «considérant que la loi s'applique dans le respect des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise», et le considérant est limité au respect des institutions, et... et je voulais avoir... Quelle a... quelle a été votre première impression quand vous avez lu tout ça?

M. Ortona (Joe) : Bien honnêtement, un peu déçu parce qu'on pense qu'on fait partie intégrante, là, de... du Québec, on est une composante importante du Québec et on s'attendait à avoir plus de considération, là, dans... dans le projet de loi et plus de références spécifiques à nous. On a vu une tendance, depuis les dernières années, là, qu'on... il semble vouloir nous mettre de côté. On a vu, là, plusieurs lois qui ont été adoptées, où le gouvernement a dit à maintes reprises : Ces lois-là respectent la communauté anglophone, respectent l'article 23 de la Charte canadienne, respectent les ayants droit. Et on s'est vu continuellement, là, dans les dernières années, avec des contestations judiciaires où les tribunaux ont dû intervenir et décider autrement de ce que disait le gouvernement.

Donc, c'est une chose de dire dans un préambule la loi respecte la communauté anglophone et respecte les droits des Angloquébécois, c'est autre chose dans... dans la loi elle-même, là, d'avoir des... une reconnaissance, une consultation durant ce processus-là, reconnaître les obligations qu'on a envers une communauté qui est protégée par la Constitution, c'est tout autre chose qu'une phrase dans un préambule.

M. Morin : Oui, je vous comprends d'autant plus que la communauté québécoise d'expression, c'est... c'est plus que des institutions, c'est d'ailleurs... D'ailleurs, vous faites référence, dans votre mémoire, et M. le ministre l'a remarqué, il vous en a parlé, mais moi, j'aimerais que vous en parliez davantage parce que vous avez pris la peine, puis vous allez voir pourquoi je pose la question, vous avez pris la peine d'écrire à la page 6, là : «Unique au Canada, la communauté anglo-québécoise a une culture distincte de leurs homologues hors Québec, façonnée elle aussi par l'histoire unique de cette province, et les membres de la communauté anglo-québécois sont des Québécois et des Québécoises, et donc il me semble que c'est beaucoup plus que ce qu'on retrouve dans le préambule du projet de loi n° 84. Puis j'aimerais que vous puissiez nous expliquer à quoi, pour vous, ça... ça correspond cette culture, parce que vous êtes anglophones, mais il y a une distinction entre vous puis les anglophones, par...

M. Morin : ...de l'Ontario, et puis vous êtes plus que des institutions. Donc, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous en parler? Parce que moi, ça m'aiderait, après, dans mon travail de parlementaire, pour voir où on peut... quelle place on peut vous faire, finalement, dans ce projet de loi. Parce que, pour moi, vous avez une place.

• (17 h 10) •

M. Ortona (Joe) : Bien, merci, et je pense être d'accord qu'on a une place. Bien, on a notre propre langue. Oui, le français, c'est important pour nous, oui, mais le bilinguisme, c'est important aussi. Ça, ça fait partie de notre culture, de nos valeurs que je pense sont uniques au Québec. Pour nous, c'est important qu'on ait nos propres institutions, mais on est quand même une communauté plus que simplement les institutions comme vous avez dit. On est une communauté qui est protégée par la Constitution canadienne quand même. C'est important et il faut le reconnaître. Et il faut reconnaître que, peu importe les politiques du gouvernement ou les lois qui sont adoptées par l'Assemblée nationale... que je pense qu'il faut tenir compte du fait que, si ça va nous affecter comme communauté, qu'on devrait être consultés sur cela. Si on veut être vraiment être inclusif, là, et si on veut vraiment nous traiter comme des parties prenantes de cette communauté-là, qu'on fait partie de la nation et qu'on fait partie du Québec, de comprendre et de respecter le fait qu'on est là depuis le début. La communauté anglophone existe depuis depuis avant la création de la province du Québec, depuis avant la Confédération. Donc, pour nous, tout ça, c'est important de reconnaître les droits qu'on a et de les respecter pour qu'on puisse travailler ensemble et avancer ensemble dans tout développement de politiques ou d'amendements qui seraient nécessaires.

M. Morin : Je vous remercie. J'aimerais aussi vous entendre sur... pour vous, l'importance, quand on parle d'intégration, l'importance de reconnaître aussi des droits socioéconomiques pour favoriser l'intégration, entre autres des personnes immigrantes. C'est quoi, votre position là-dessus?

M. Ortona (Joe) : Je vous demanderais peut-être de préciser un peu plus votre question...

M. Morin : Oui, tout à fait.

M. Ortona (Joe) : ...je veux être sûr de la comprendre.

M. Morin : Absolument. Il n'y a pas de souci. Le projet de loi parle beaucoup de culture, c'est important, parle de langue. La langue française, c'est fondamental au Québec, c'est notre langue commune, c'est la langue officielle. Mais souvent, quand on parle d'intégration... Puis je réfère, entre autres, à une politique qui avait été adoptée sous le gouvernement de M. Couillard et rédigée par Mme Weil, qui était ministre de l'Immigration à l'époque, et où on parle aussi de l'apport... de l'importance de les intégrer au niveau économique, donc de leur donner du travail. Alors, comment vous, comme communauté, mais aussi avec les commissions scolaires, vous pouvez aider des personnes immigrantes? Puis est-ce que vous pensez que c'est aussi important? Parce qu'apprendre la langue, c'est bon, mais, après ça, quelqu'un qui arrive ici veut travailler. Et c'est dans ce sens-là que je vous pose la question.

M. Ortona (Joe) : Alors, merci pour les précisions. Je pense que c'est très important aussi à ce niveau-là, socioéconomique. C'est pour ça que nous... pour nous, c'est important et on forme beaucoup de Québécois. On a des centres d'éducation des adultes où on enseigne aux adultes et des fois ce sont des immigrants, des nouveaux arrivants. On a des cours de francisation, par exemple, et on a des écoles de formation professionnelle où on aide évidemment les gens qui sont dans nos écoles à pouvoir développer des talents pour être capables de rentrer dans le marché du travail. Parce qu'évidemment, ça aussi, c'est important si on veut bien intégrer les gens, surtout les immigrants, les nouveaux arrivants, les réfugiés, les... et ces gens là, bien, il faut qu'ils soient capables de travailler, il faut qu'ils soient capables de se payer le loyer et d'être capables de faire toutes les choses que font tous les autres Québécois. S'ils sont toujours en arrière dans cet aspect là, bien, ils vont rester en arrière, ils ne peuvent pas avancer. Donc, c'est très important qu'on puisse... si on veut les intégrer, qu'ils puissent s'intégrer pleinement et même dans le marché du travail.

M. Morin : Et...

M. Morin : ...et, d'après vous, est-ce que le projet de loi devrait reconnaître ça également comme partie du modèle d'intégration?

M. Ortona (Joe) : Je vous dirais que oui, et même reconnaître, je vous dirais, la contribution que font les commissions scolaires anglophones dans cet aspect-là, parce qu'on y contribue grandement dans tous les cours qu'on enseigne, que ce soit dans les cours de français, de francisation ou dans les cours d'études secondaires ou dans tous les programmes qu'on offre en formation professionnelle.

M. Morin : L'autre élément aussi qui est important pour permettre... puis là je pense entre autres aux nouveaux arrivants, c'est de leur faire connaître l'histoire, évidemment, du territoire qu'ils vont occuper. J'imagine que vous avez des programmes d'enseignement de l'histoire dans vos commissions scolaires. Pouvez-vous m'en dire davantage? Ça fonctionne comment? Puis qu'est-ce que vous enseignez exactement?

M. Ortona (Joe) : On enseigne l'histoire du Québec et du Canada depuis... depuis le tout début, depuis la découverte de l'Amérique et même bien avant ça, de l'arrivée des peuples autochtones jusqu'à l'histoire toute récente. On est très fiers du cours qu'on enseigne. En fait, on a des excellents résultats dans nos cours d'histoire en secondaire quatre et cinq. Et on offre aussi des cours d'histoire en français. Pour les élèves qui choisissent de prendre le cours d'histoire en français, on obtient des excellents résultats pour eux aussi. Très souvent, en fin d'année, on a plusieurs étudiants, là, qui finissent le cours d'histoire, l'examen final, qui est un examen ministériel, là, avec une note de 100 %, ce qui est... ce qui est excellent. Et on a plusieurs dizaines d'étudiants à chaque année, là, qui obtiennent cette note-là. Donc, on en est très fiers, de la qualité de l'enseignement qu'on fournit aux élèves et de leurs résultats. Et, pour nous, c'est très important, enseigner l'histoire, qui est quand même une histoire importante. Et je vous dirais même, à cause du fait qu'on est, quand même, une commission scolaire anglophone, notre cours d'histoire est probablement unique et pas identique aux cours d'histoire qu'on verrait dans une école privée ou dans une école francophone.

M. Morin : Parfait. C'est bien. Je vous remercie, Mme la Présidente. Il me restait combien? 43 secondes. O.K. C'est bon.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup.

M. Morin : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, on va terminer nos échanges avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne pour une période de quatre minutes huit secondes.

M. Cliche-Rivard : Bonjour, tout le monde. Merci d'être là avec nous. Très content de vous revoir, M. Ortona et les autres. D'abord, aussi, félicitations pour votre élection récente. Je sais que vous avez vécu des élections il n'y a pas si longtemps, alors «congratulations to you all».

Une voix : Thank you.

M. Cliche-Rivard : Puis, bien sûr, si vous êtes là, puis vous l'avez mentionné tantôt, c'est que c'est grâce ou, en tout cas, à cause de contestations judiciaires importantes. C'est de cette façon-là que vous avez maintenu votre droit constitutionnel d'être présent parmi nous aujourd'hui, vous l'avez souligné tout à l'heure. Donc, le respect de vos institutions, de votre bagage historique puis de vos droits sont d'autant plus importants.

Je lisais le projet de loi et je voulais être sûr de bien comprendre ce que vous étiez en train de dire. Au fond, il est clair que la politique nationale va s'appliquer aux organismes qui sont visés à l'annexe A de la Charte de la langue française, et là on nomme des organismes scolaires. Vous, vous n'êtes pas nommés. Donc, l'application directe de la politique, ce n'est pas tant ça qui vous inquiète que le fait que vous ne soyez pas mentionnés comme communauté historique dans, finalement, les fondements de la communauté québécoise. C'est ça... C'est ça, le problème, si je comprends bien, puis vous y faisiez référence à des modifications aux articles trois, quatre et cinq.

Donc, je voudrais juste vous entendre sur cette nuance-là. C'est finalement l'omission de vous inclure dans ce que constitue le fondement ou, en tout cas, une partie du fondement de l'histoire du Québec plutôt que d'une inquiétude face à l'application de la politique sur vous, là. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Ortona (Joe) : Donc, oui, je l'ai déjà mentionné, c'est le fait qu'à part d'une phrase dans le préambule, là, on n'est pas mentionnés du tout...

M. Ortona (Joe) : ...mais il faut aussi comprendre, vu que vous me posez la question sur cette nuance à qui s'appliquerait, la loi pourrait toujours être amendée dans le futur. Donc, on ne sait jamais si un jour on va décider de l'appliquer ou pas dans le réseau scolaire anglophone, ce qui reste quand même une préoccupation.

Parce qu'on a vu historiquement que... Regardez, je peux vous donner un exemple très pertinent et récent, la loi 40, qui est encore présentement contestée devant les tribunaux. Et, pendant cette contestation judiciaire... en fait, pendant qu'on attendait une décision sur le fond de la constitutionnalité de la loi 40, le gouvernement a présenté... en fait, le ministre de l'Éducation a présenté le projet de loi n° 23, qui était supposé de s'appliquer aussi dans le réseau anglophone et qu'on disait : Bien oui, ça respecte le droit de la minorité linguistique puis ça respecte l'article 23 de la Charte. Finalement, elle a été adoptée, la loi 23, mais avec des amendements où tous les articles de loi qu'on contestait... finalement, un amendement qui a décidé que ce ne serait pas applicable dans le réseau anglophone.

• (17 h 20) •

Donc, ça reste toujours une préoccupation pour nous. Mais vous avez raison de dire qu'on est une partie importante de l'histoire du Québec. Et on ne pense pas que c'est vraiment reconnu, là, dans cette loi-là.

M. Cliche-Rivard : Je comprends et je l'entends. Puis les citoyens de ma circonscription me l'expriment souvent. Vous savez, j'ai James Lyng High School sur mon territoire notamment, et l'école primaire St. Gabriel's aussi. Bref, il y a plusieurs institutions qui sont importantes, il y a d'autres pavillons également aussi de EMSB sur le territoire, donc on l'entend puis on vous entend. Vous êtes assez vocaux sur la question.

Pour revenir sur le point précédent, si on venait à inclure une disposition dans la loi qui précisait clairement que les commissions anglophones ne sont... les commissions scolaires anglophones ne sont pas visées par ladite politique, est-ce que vous seriez rassurés?

M. Ortona (Joe) : Je vous dirais que je trouverais ça comme un pas dans la bonne direction. Je trouverais ça au moins, oui, pas mal rassurant. Et, comme indiqué, là, sur toute question par rapport à cette loi-là, même, à part ça, consulter la communauté anglophone sur tous les autres aspects aussi serait quelque chose d'important. Mais vous avez raison, je suis d'accord avec vous dans votre question, ce serait quelque chose qu'on serait d'accord et on trouverait ça assez rassurant.

M. Cliche-Rivard : Merci. Merci pour votre présentation aujourd'hui.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, c'est ça qui met fin à la rencontre aujourd'hui. Merci beaucoup, Mesdames... Mme et Messieurs, de votre apport à nos travaux.

Je vais suspendre la commission quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 17 h 22)

(Reprise à 17 h 26)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Alors, avant de vous présenter notre prochain groupe, je vais déposer le document transmis par la Fédération québécoise des municipalités. Alors, il va être dans Greffier.

Nous allons donc poursuivre cette ronde de rencontres avec le Laboratoire de recherche en relations interculturelles, qui est représenté par M. Bob White, directeur et professeur titulaire, ainsi que par M. François Rocher, professeur émérite. Alors, messieurs, bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens. Vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour l'exposé, les grandes lignes de votre mémoire, les recommandations et/ou commentaires que vous avez à faire, et par la suite nous allons discuter avec les parlementaires. Alors, les prochaines 10 minutes sont à vous.

M. White (Bob W.) : Eh bien, merci. Merci beaucoup pour cette invitation. Dans mon cas, c'est la deuxième fois que j'ai l'honneur de présenter devant l'Assemblée. Donc, merci à... aux parlementaires et puis au ministre.

On voulait d'abord saluer l'audace de cette initiative. Vous savez comme nous que ça fait plusieurs décennies que partout au Québec on attend un cadre qui soit capable de baliser ou de mieux encadrer le vivre-ensemble, ce qui veut dire en partie les rapports intercommunautaires. On voulait insister sur le fait que nous partageons avec vous les objectifs de trouver des moyens pour favoriser l'épanouissement de la culture de tradition française au Québec. Nous partageons aussi cet objectif de faciliter la participation et de promouvoir les interactions positives de tous les Québécois de toutes origines. Vous savez qu'il y a beaucoup d'études en sciences sociales qui ont fait la démonstration que la qualité des interactions dans les sociétés pluralistes constitue la condition à la réussite de l'adhésion à l'idée de faire société ensemble, et je pense que c'est cette idée-là de faire société ensemble qui nous réunit aujourd'hui.

J'aimerais vous présenter un argument principal et deux observations avant de passer la parole à mon collègue François Rocher. Une chose qui est claire, c'est qu'une loi-cadre qui essaie de définir clairement les conditions de vivre ensemble aurait certainement un impact positif sur l'intégration des personnes immigrantes, et plus largement sur toutes les composantes de la société québécoise. En revanche, une loi qui ne porterait que sur l'intégration nationale, qui est l'objet principal de cette... de ce projet de loi, des personnes immigrantes et des minorités ethnoculturelles risque de produire l'effet inverse à celui qui est recherché.

Pourquoi? Premièrement, comme vous le savez, et j'imagine que je ne suis pas le premier à le dire, la notion d'intégration est difficile à encadrer. On ne va pas faire un cours de socio ou d'anthropologie, mais je peux résumer facilement en disant que l'idée de l'intégration est difficile à encadrer pour deux raisons principalement : premièrement, elle est polysémique, donc c'est-à-dire elle a plusieurs définitions...

M. White (Bob W.) : ...il y a plusieurs façons de le définir. Et deuxièmement, et plus important, elle est extrêmement et profondément subjective. Donc, l'intégration, pour moi, ce n'est pas l'intégration de l'autre. Je pourrais être objectivement dans une situation d'intégration sans avoir l'impression d'être intégré, et l'inverse est vrai aussi.

Deuxièmement, pourquoi... pourquoi le sens de cette question? Et là je vais essayer d'aller délicatement. Dans une société démocratique et pluraliste, on ne peut pas légiférer sur les valeurs. C'est une proposition. Les valeurs peuvent faire l'objet de discussion, mais ne peuvent pas être imposées. Pour deux raisons, principalement : les valeurs ne sont jamais entièrement partagées par tous les membres du groupe, parce que nous savons que dans chaque groupe, même à l'intérieur du groupe majoritaire, il y a des personnes qui ne s'adhèrent pas aux valeurs du groupe. Et deuxième, et ça, c'est encore plus important, c'est que les valeurs du groupe changent à travers le temps. Et donc, sur la rue Saint-Jean, cet après-midi, François et moi, on a parlé un peu de sa famille, et il me donnait l'exemple de sa mère qui était... qui a enseigné à l'école et qui, une fois qu'elle est devenue mère, elle n'avait plus le droit d'enseigner. Pour moi, c'est un très bon exemple de quelque chose qui nous semble choquant de nos jours, mais donc, si on gardait les mêmes valeurs aujourd'hui qu'on avait à l'époque au Québec, bien, on serait rendus où?

• (17 h 30) •

Alors, le Québec a plus de 50 ans de réflexion et de mise en place de politiques publiques en matière de vivre ensemble, y compris la question de l'intégration. Au cours de ces réflexions, il y a un effort soutenu qui vise à comprendre la nature des rapports entre les communautés, qui se déploie dans un contexte particulier qui est celui du Québec. L'idée qui est ressortie de ces réflexions et ce qu'on peut qualifier d'une des plus grandes contributions du Québec à l'humanité, c'est celle de l'interculturalisme. C'est une idée qui a eu ses premières inspirations dans la Politique québécoise du développement culturel de 1978, déposée par Laurin, Dumont et Rocher, et qui est citée comme texte d'inspiration pour le projet de loi no 84. Parmi les principes articulés dans ce document fondateur, il y a non seulement l'idée de réciprocité et du dialogue, mais aussi une idée très puissante, une idée, d'ailleurs, qui est complètement absente du projet de loi, et c'est celle-ci : la participation des minorités ethnoculturelles à la vie collective est possiblement... est possible seulement si elles se considèrent respectées dans leurs différences. Dans d'autres termes, il n'y a pas de participation sans reconnaissance et il n'y a pas de reconnaissance sans tenir compte des barrières à la participation, c'est-à-dire les différentes formes de manifestation de la discrimination.

Alors, et je termine avec ce point-là, si l'objectif du projet de loi est de créer de l'adhésion à un projet national, le projet de loi no 84 doit inverser sa logique. Au lieu de proposer une série d'injonctions pour protéger l'identité nationale, il doit créer des conditions pour inviter des nouveaux arrivants à participer à un projet de société. Je cède la parole à François.

M. Rocher (François) : Merci. Je vais un peu aller dans le même sens que mon collègue, Bob White. Je réitère le fait qu'il est plus que temps que le Québec propose une alternative généreuse et rassembleuse au multiculturalisme canadien, qui aurait, potentiellement, encore une fois, le potentiel de générer un fort appui à l'endroit d'une approche qui donne des orientations pour l'encadrement des rapports intercommunautaires.

À cet égard-là, le projet de loi que l'on étudie risque de produire l'effet inverse. C'est l'économie générale du projet de loi no 84 qui retient notre attention, ici, et qui cause problème. Et pour les aspects particuliers et les recommandations, je vous renvoie à notre mémoire.

J'ai quatre ou cinq choses à dire, très rapidement. La première, c'est que le projet de loi, même si telle n'est pas l'intention affirmée et répétée... le vocabulaire utilisé dans le projet de loi a une saveur assimilationniste. Le choix du mot «creuset» pour décrire la culture québécoise me semble ou nous semble malheureux. Ce mot, quoi qu'on en dise, est associé au «melting pot», qui fut explicitement rejeté par les auteurs du livre blanc de 1978.

Le projet de loi reconnaît la contribution des personnes issues de l'immigration une seule fois, et ça se retrouve dans le préambule. Partout ailleurs, sans exception, les immigrants et les personnes issues des minorités ethnoculturelles sont plutôt invités à contribuer à la culture québécoise. En termes de réciprocité, un esprit généreux pourrait y voir un léger déséquilibre.

Deuxième point, on confond la culture québécoise et la culture commune...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Rocher (François) : ...Il est évidemment souhaité que le plus grand nombre de citoyennes et de citoyens adhèrent à un projet de société partagé, mais celui-ci ne peut pas se fonder sur la promotion des valeurs québécoises. Pour reprendre ce que Bob a dit, ces dernières sont multiples, fluides, évoluent avec le passage du temps, font l'objet de tensions sociales, se recomposent, etc. La notion de culture commune est, en ce sens, à nos yeux, réductrice et peut donner l'impression, encore une fois malheureuse, que le législateur refuse de reconnaître la présence des minorités ethnoculturelles sur le territoire, leur contribution réelle ainsi que celle des Premières Nations et des Inuits. Le législateur, comme on le propose, devrait plutôt utiliser la notion de culture publique commune et non pas culture québécoise ou culture commune. L'expression culture publique commune est préférable parce qu'elle renvoie à un ensemble de principes démocratiques qui sont d'ailleurs nommés dans la loi et à des droits énoncés dans le projet de loi, que je ne répéterai pas ici.

Troisième point. Qu'il le veuille ou non, le projet de loi hiérarchise les Québécois et les Québécoises. Ce qui est malheureux. D'abord, en singularisant la culture nationale, il n'y en aurait qu'une. La culture commune, il n'y en aurait qu'une. La culture québécoise, il n'y en aurait aucune. La culture québécoise portée par la majorité francophone est celle qui permet l'intégration des personnes qui semblent lui être étrangères, à savoir les personnes immigrantes et les personnes s'identifiant à des minorités culturelles, mais cette façon de différencier les Québécois est pour le moins malhabile. Et il y a plusieurs exemples dans le projet de loi qu'on retrouve, notamment à l'article 7.

Quatrièmement. L'intégration et le vivre ensemble passe d'abord par la reconnaissance des barrières à l'inclusion et aussi l'inscription dans la Charte des droits et libertés de la personne de droits culturels. Et cet aspect de reconnaissance des barrières nous semble aussi absent et c'est une idée que l'on développe abondamment dans notre mémoire.

Et je termine, Mme la Présidente, en soulignant très rapidement que le projet de loi ne se donne pas les moyens de ses ambitions. Le champ d'application de la politique qui sera ultérieurement développée demeure timide, limité. Et, à cet égard là, on fait une série de recommandations pour en étendre la portée, et la force, et sa cohérence également.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci. Alors, la table est mise pour les discussions. On va donc commencer d'ores et déjà avec le ministre et la banquette gouvernementale. 16 min 30 s, M. le ministre.

M. Roberge : Merci beaucoup. La table est mise et c'est très intéressant. J'aime beaucoup la manière dont vous approchez les choses, des critiques très précises sur des mots sur lesquels on peut discuter. Je suis content de voir que, bon, vous saluez l'initiative, vous dites : Ça fait plusieurs décennies qu'on attend un cadre. Vous pouvez nous aider à faire le bon cadre, c'est ça que je comprends. Vous dites : On veut une alternative au multiculturalisme. Là-dessus, on s'entend. Mais comment mieux le faire? C'est ce que vous nous proposez, je pense.

Cependant, quand je regarde ce que vous avez écrit, vous nous dites : Il faut supprimer la référence à la référence à culture commune en insistant plutôt sur culture publique commune. Pouvez-vous me donner plus de précisions? Selon vous et selon les références que vous avez, la différence entre culture commune et culture publique commune?

M. Rocher (François) : Oui, avec plaisir. D'abord, le projet de loi, dans un de ses considérants, dit s'inspirer de la loi... c'est-à-dire de la politique québécoise du développement culturel. Quand on la lit attentivement, le terme culture commune n'est pas là. On va parler de la culture québécoise dans ses multiples composantes et on reconnaît la diversité de la culture québécoise. Et on insiste sur le fait que, dans cette culture québécoise, il y a une culture principale qui est la culture de tradition française, mais... et on reconnaît aussi l'existence d'autres apports culturels à ce noyau principal, ce qu'on appelait à l'époque le foyer de convergence, mais il n'y a pas une définition unique de la culture commune. On identifie un certain nombre de facteurs qui... sociologiques et, d'une manière, anthropologiques, parce que Fernand Dumont était sensible à cette dimension-là, qui alimentent la culture du Québec. Quand on parle de culture commune, on fait référence à quoi, en fait? En fait, moins... en fait, parce qu'on a un objectif de rassembler...

M. Rocher (François) : ...les Québécois autour de quelque chose que l'on a en commun. Et, ce que l'on a en commun, pour bien des... bien des aspects, et c'est nommé dans le projet de loi n° 84, on a la Charte québécoise des droits de la personne, on a la Charte de la langue française, on a la Loi sur la laïcité, on a un ensemble de normes encadrées, je dirais, dans le droit.

Et, quand on parle de participation, d'intégration, d'acceptation, de vivre au Québec, ce que les gens acceptent comme citoyens et doivent accepter comme citoyens, ce sont ces paramètres, je dirais, communs. Et ces paramètres communs sont d'ordre civique, hein, les lois, les législations, ainsi de suite. Et, ça, on a en commun.

• (17 h 40) •

Mais, quand, par exemple, dans le projet de loi, on inclut une référence aux valeurs québécoises, moi, j'y vois la possibilité d'une dérive. Parce que, les valeurs québécoises, c'est quelque chose de poreux, qui changent avec le temps et qui ne sont pas nécessairement partagées et par les Québécois de tradition française et par d'autres composantes de la société québécoise. Il y a toujours des débats sur les valeurs, ne seraient-ce que les débats qu'on a connus récemment sur ce que signifie la neutralité de l'État, hein, ce qui est devenu quand même un des piliers de l'action du gouvernement actuel. Donc, il n'y a pas nécessairement une unanimité de point de vue sur les valeurs sociales.

Et le fait d'intégrer dans le projet de loi une référence aux valeurs québécoises ouvre la porte à des interprétations, je dirais, malheureuses, qui donnent l'impression que ces valeurs-là sont partagées. Pour revenir à votre question, l'intérêt des valeurs publiques communes, c'est de mettre l'accent sur ce qui nous rassemble, et ce sont les dimensions civiques de notre vie en société. Et, parmi ces dimensions civiques, une des plus importantes auxquelles on adhère totalement, c'est finalement l'importance du statut du français. Il ne s'agit pas d'une valeur. Il s'agit d'un principe social sur lequel on s'est entendu. La différence, elle est là.

M. Roberge : Merci pour votre réponse. Ça nous nourrit pour les réflexions futures.

Maintenant, il y a quand même des caractéristiques. Bon. Vous ne voulez pas qu'on les appelle les valeurs communes ou la culture commune, mais il reste que je pense qu'on a besoin d'établir les bases d'un contrat social. Lorsqu'un nouvel arrivant arrive ici, il n'arrive pas dans un pays par exemple qui serait une théocratie ou dans un pays où il n'y aurait pas de démocratie. Il n'arrive pas dans un pays où, pour une raison de valeurs ou de religion, ou de religion imposant ses valeurs, l'aide médicale à mourir serait considérée comme un meurtre. Il n'arrive pas dans un pays où on considérerait, pour je ne sais pas quelle raison, que l'avortement est un meurtre. Il n'arrive pas dans un pays où on met des gens en prison parce qu'ils s'aiment et qu'ils sont de même sexe. L'aide médicale à mourir, le mariage de même sexe, etc., ce sont, oui, des choses civiles, ce sont des lois, mais qu'on a adoptées parce qu'on a des valeurs différentes. Si on n'avait pas les valeurs qu'on a, on n'aurait pas l'aide médicale à mourir, on n'aurait pas le droit à l'avortement, on n'aurait pas le mariage entre personnes de même sexe.

Donc, je comprends que vous dites : Il ne faut pas nommer les valeurs, mais le contrat social, le Code civil, on l'a parce qu'on a les valeurs qu'on a.

M. Rocher (François) : D'accord. Une réponse très courte. Tout ce que vous venez de me donner comme exemples s'insère dans ce que nous appelons la culture publique commune.

Le rôle du législateur, ce n'est pas de dire : Voici les valeurs québécoises. En fait, cours de droit 101, le droit normalise, c'est-à-dire établit des normes sur des valeurs - je suis d'accord avec vous - qui sont considérées comme importantes à une certaine époque, dans un certain contexte. Le législateur définit des règles de conduite qui correspondent à ces valeurs. Le législateur ne légifère pas sur les valeurs. La législation est une conséquence d'un débat social sur des valeurs. Et donc, quand le législateur nous dit dans une loi que nous allons légiférer sur les valeurs québécoises...

M. Rocher (François) : ...il me semble que, là, il y a un une confusion entre le rôle que le droit joue, parce qu'une loi, c'est ça, et sa source d'inspiration qui est forcément sociétale. Et donc, ma critique de votre projet de loi, c'est qu'au lieu de parler de norme partagée, vous nous déclinez ça sous le vocable de valeurs. Donc, ce n'est pas tellement difficile à corriger, mais ça change totalement la réception que les gens vont avoir de votre projet de loi. Parce que, comme a dit Bob, nous souhaitons fortement que le gouvernement du Québec adopte une loi qui formalise finalement les rapports intercommunautaires. Ça fait des années que nous le demandons.

Par ailleurs, lorsqu'on le fait, on le fait pour que les gens à qui ça s'adresse y adhèrent, y croient, la trouvent trouve légitime. Et ce que l'on vous dit, très respectueusement, c'est que la manière dont c'est présenté en ce moment va produire l'effet inverse. Le fait d'utiliser le mot «creuset» va être vu comme étant d'inspiration assimilationniste. Ce n'est pas votre intention, c'est la manière dont ça va être perçu. Quand vous dites «la culture québécoise», les gens d'autres communautés minoritaires vont dire, comme les anglophones, comme d'autres qui sont issus de minorités ethnoculturelles : Nous ne nous sentons pas reconnus là-dedans. Quand, dans votre projet de loi, vous nous déclinez une distinction entre les Québécois et les immigrants dans l'article 7, vous oubliez... En fait, je cherchais où étaient les Québécois, citoyens qui sont... qui appartiennent à une minorité ethnoculturelle, ils sont absents de votre projet de loi. Il y a les responsabilités de l'État, il y a les responsabilités des Québécois.

C'est quoi, les responsabilités des Québécois? C'est de faire des rapprochements avec les gens des minorités culturelles ou ethnoculturelles, je préfère ethnoculturelles. Mais les gens des minorités ethnoculturelles que vous pourriez inclure dans ces Québécois-là vont-ils avoir le devoir d'avoir des relations avec des gens des minorités ethnoculturelles qui leur... du même groupe? Ça n'a aucun sens. Ces gens-là sont absents dans votre projet de loi, ils sont exclus dans la formulation actuelle, et donc ça crée une hiérarchisation entre les Québécois, les citoyens québécois, ceux qui sont de tradition... en fait, l'expression que nous préférons, qui s'inscrit dans la tradition d'expression française, et les autres. Il y a des... Et, malheureusement, c'est ce que nous déplorons. Je ne dis pas que telle est votre intention, mais ça va être reçu comme étant : Ah! vous avez créé des catégories de citoyens, on exclut les immigrants qui ne sont pas encore... vous avez créé des catégories de citoyens et les citoyens qui sont... qui appartiennent à des minorités ethnoculturelles vont se sentir des citoyens de seconde zone.

M. Roberge : Bien, merci. Sachez que je suis...

M. White (Bob) : ...

M. Roberge : Bien, vous voulez compléter? Allez-y, allez-y.

M. White (Bob) : Juste pour compléter sur la question des valeurs. Ce n'est pas comme vous avez dit, qu'on souhaite ne pas parler des valeurs, ce n'est pas ça, notre proposition, c'est de bien séparer... de faire la distinction entre les normes juridiques et politiques d'un côté et les valeurs de l'autre. Notre proposition, c'est de parler des valeurs autant qu'on voudrait, parce que c'est ça, un débat de société dans une société démocratique, mais de ne pas présumer qu'on peut légiférer sur les valeurs.

Deux points. Les valeurs... les lois d'aujourd'hui sont des valeurs... sont le résultat d'une série de débats sur les valeurs du passé. Donc, on est en train d'avoir ce débat. C'est vraiment louable. J'aimerais donner mon point de vue, pas comme expert, parce que François l'a déjà fait, il a tout dit, mais mon point de vue comme personne immigrante. L'idée de m'attacher, de m'adhérer à des valeurs de la culture québécoise, je ne suis pas fermé à ça. Mes enfants sont québécois, pourquoi pas? Mais l'idée de m'adhérer à une société québécoise, ça, c'est 1 000 fois plus facile pour moi. Je ne veux pas faire partie ou bien je pourrais vouloir faire partie de la culture commune québécoise, je pourrais, mais ce n'est pas aussi facile et attirant que de faire partie de la société québécoise. Et, dans ce sens-là, les valeurs, c'est quelque chose qu'on discute quand on va à la SAQ, les goûts aussi, c'est quelque chose qui est à débattre entre nous. Ce n'est pas quelque chose qui pourrait ou qui devrait être imposé par une loi, surtout une loi...

M. Roberge : …bien, je ne pense pas que les pastilles de goût sont du même ordre que l'égalité homme-femme, mais, quand on parle, par exemple, de l'égalité homme-femme, pour vous, c'est une simple norme qui vient d'une loi, ce n'est pas une valeur?

M. Rocher (François) : Je vais répéter ce que j'ai dit. Le droit formalise, norme des valeurs, et donc l'égalité homme-femme, là, elle est dans la loi sur l'égalité en emploi, elle est dans la Loi sur la laïcité, elle est dans d'autres lois, donc elle est là. Et on le réitère constamment dans l'espace public, l'égalité homme-femme. Et je vais arrêter là parce que je vais me répéter.

M. Roberge : Tout à l'heure, Mme Kamar, de Vision Diversité, directement sur le terrain, qui parle avec des gens vraiment de toutes les... de toutes les communautés, qui travaille vraiment à l'inclusion, à l'intégration, nous a dit de faire attention. Elle adore le modèle interculturel, l'interculturalisme, puis la mise en relation, la mixité sociale, mais nous dit que l'interculturalisme est le… est une… est un chemin vers le vivre ensemble. C'est une démarche, mais ce n'est pas une destination. Qu'est-ce que vous en pensez?

• (17 h 50) •

M. White (Bob W.) : Bien, moi, je pense que c'est… c'est une formulation très intéressante. Et donc je travaille beaucoup avec les municipalités au Québec, et le travail sur les politiques publiques à l'échelle municipale. Et une chose qu'on constate, c'est que… je vous dirais que les décisions que vous allez prendre sont extrêmement importantes. Il y a des professionnels, il y a des élus, il y a des citoyens qui se demandent quel devrait être le modèle pour notre municipalité, pour notre arrondissement. Et ils cherchent, même ici, à la ville de Québec, ils cherchent la meilleure façon de formuler ce cadre pour s'occuper des relations intercommunautaires.

L'interculturalisme est un mot qui est devenu un peu complexe. J'en parle souvent, parce que notre équipe de recherche se penche là-dessus depuis plus que 10 ans, mais l'idée du vivre ensemble, c'est pour ça qu'on a insisté là-dessus dans notre mémoire, l'idée du vivre ensemble n'est pas encore quelque chose qui polarise. On sait que l'assimilationnisme, c'est non recevable. Le multiculturalisme, c'est une approche qui polarise et qui donne… qui donne des frissons au Québec, mais l'interculturalisme, il est… il est aimé, il est compris. Je ne sais pas si je dirais la même chose que notre collègue Pr Bouchard, que c'est… qu'il y a un consensus sur l'interculturalisme loin de… loin de là, mais le vivre ensemble, j'ai rarement vu des oppositions à cette notion-là.

Donc, nous, ce qu'on souhaiterait et ce qui… Pour moi, c'est vraiment comme le point à retenir le plus important de notre mémoire, c'est de dire… de vraiment questionner le besoin d'avoir un projet de loi-cadre sur l'intégration. Est-ce que c'est ça? Étant donné qu'il y a 50 ans de politique publique au Québec, avec des politiques d'intégration, pas des lois, mais des politiques d'intégration, maintenant, c'est quoi, la nécessité d'avoir une loi-cadre sur l'intégration? Parce que les politiques sur l'intégration, c'est très facile, ça se fait, ça marche. On a vu que ça fonctionne. Ce qu'on a besoin, au Québec, là, c'est une loi-cadre sur le vivre ensemble. On a besoin d'avoir une façon d'imaginer notre façon de vivre ensemble, indépendante de nos différences et des normes, et des balises et des orientations pour faire quelque chose ensemble.

M. Rocher (François) : J'ajouterais, si vous permettez, que, bon, une de nos premières, sinon la première recommandation, c'est de renommer le projet de loi, parce qu'on trouve qu'il manque d'ambition, en fait. Parce que l'intégration, c'est un aspect du processus auquel vous faisiez référence, alors que le vivre ensemble, ça… je dirais, invite davantage à parler à la… véritablement de la réciprocité, de… des échanges, du dialogue, de l'acceptation de l'autre, du respect, et ainsi de suite. Et donc…

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je doisvous arrêter, M. Rocher.

M. Rocher (François) : Élargissez vos ambitions.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Mais vous allez pouvoir poursuive les discussions, cette fois, avec le député d'Acadie, pour 12 min 23 s.

M. Morin : Merci. Merci, Mme la Présidente. Alors, Pr Rocher, Pr White, merci beaucoup. Vos propos sont éclairants et fascinants. Très intéressant de pouvoir dialoguer avec vous. J'ai lu votre mémoire, bien sûr, et votre première recommandation, et vous l'avez exprimée, c'est d'au fond de modifier…

M. Morin : ...le nom de la loi, pour en faire une loi du vivre-ensemble notamment. Et ça permettrait, je pense, d'atteindre l'objectif que se fixe le gouvernement. J'ai quelques questions pour vous, puis j'ai posé cette question-là à plusieurs autres groupes et experts. Dans le vivre-ensemble, et vous le soulignez dans votre mémoire, le français, c'est notre langue commune, c'est quelque chose qui nous lie. C'est important, ça nous permet justement de vivre ensemble. Puis après, bien, pour vivre ensemble, justement pour vivre, c'est agréable de pouvoir travailler, mais il n'y a aucun... il n'y a aucune référence dans le projet de loi à des obligations du gouvernement où... à y insérer des droits socioéconomiques qui feraient ensemble... qui ferait, en fait, que quelqu'un qui arrive ici serait capable non seulement de vivre ensemble, mais de pouvoir rester, de se développer. J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que c'est quelque chose qui devrait être inclus? Est-ce qu'on devrait y faire référence?

M. Rocher (François) : Bien, en fait, c'est une de nos recommandations importantes dans notre mémoire pour élargir et étendre les ambitions du projet de loi. Nous, on a appelé ça l'interculturalisme parce que c'est le terme qui s'est imposé au fil du temps, mais je dois dire que je ne suis pas attaché au mot, hein? Si le mot crée de l'opposition, utilisons-en... créons-en une, une autre. C'est-à-dire, ça peut être le vivre-ensemble, ça peut être une loi sur les rapports intercommunautaires, ça peut être autre chose, je veux dire, l'imagination est sans limites. Mais l'idée qui est la nôtre, c'est essayer de... Dans ce projet de loi ou dans cette loi, incluons les principes, peu importe comment on les appelle, qui nourrissent ce que l'on a appelé l'interculturalisme. Et, parmi ces éléments-là, on retrouve ce que vous soulignez fort pertinemment, c'est-à-dire que le vivre-ensemble implique d'une certaine façon une égalité réelle entre les citoyens. Et cette égalité réelle là passe par des politiques publiques de lutte contre la discrimination, contre le racisme, en faveur de l'égalité hommes-femmes, des conditions aussi qui permettent la réalisation de son potentiel comme travailleur économique, en fait, lever les barrières à l'inclusion. Et ça, ce n'est pas une responsabilité qui repose sur les épaules des gens qui sont issus de l'immigration ou des personnes qui appartiennent à des minorités ethnoculturelles. C'est-à-dire que, les gens qui vivent, on ne peut pas demander aux gens qui vivent du racisme ou de la discrimination de prendre les moyens de lutter contre la discrimination et le racisme. Vous voyez? C'est le rôle de l'État. Et ça devrait être inclus dans une politique du vivre-ensemble parce que c'est une dimension importante, tout comme, je pense, et on le souligne dans la mémoire, mais on ne l'a pas beaucoup développée, on devrait, pour se montrer ouverts au respect des minorités ethnoculturelles et de la diversité de la culture québécoise, inclure aussi des droits culturels pour les individus qui appartiennent aux minorités ethnoculturelles, le droit à l'égalité, le droit à... au respect... en fait, dans le respect du bien-être général, là, tous les principes qu'on a nommés, le respect de la langue française, et ainsi de suite, là, les paramètres civiques, si on veut, mais le droit à des interactions interculturelles ou intercommunautaires. Hein, il y a moyen de bonifier, je dirais, l'arsenal juridique et de faire en sorte que la Charte des droits et libertés de la personne s'adresse directement ou se penche directement sur cet aspect-là autrement qu'à travers, je dirais, l'article 43, qui est plutôt étroit dans son application. L'article 43 permet aux individus de vivre dans leur communauté, mais il n'y a rien dans l'article 43 qui favorise les interactions. C'est ça qu'on doit... C'est vers là qu'on doit aller. Ça fait partie des droits culturels, le droit à la réciprocité et à la... aux interactions.

M. White (Bob W.) : François a soulevé une question très importante et j'aimerais insister là-dessus, on en parle dans le mémoire. J'imagine qu'on vous a déjà... on a déjà remarqué, dans le cadre des audiences, qu'il n'y a pas une discussion dans le projet du cadre... de loi sur la discrimination, sur le racisme systémique ou autre. Si vous ne vous penchez pas sur ce problème-là et avec une authenticité puis avec une conviction, vous allez avoir... il va y avoir beaucoup de résistances au projet de loi. Et il y a des outils...

M. White (Bob W.) : ...c'est déjà normé, on sait c'est quoi la discrimination à l'égalité en emploi. Le Québec travaille fort là-dessus. On le voit partout.

Sur votre première question, j'ai beaucoup aimé la façon que vous avez articulé la lecture que vous avez faite du mémoire. Je suis convaincu que, si vous proposez un projet de loi sur le vivre-ensemble ou sur les rapports intercommunautaires de façon plus large, ça va, par défaut, améliorer la situation de l'intégration des nouveaux arrivants. Par contre, si vous faites le contraire, si vous faites un projet de... projet de loi-cadre sur l'intégration, surtout l'intégration nationale, qui est un mot irritant aussi pour les immigrants, ce n'est pas certain que vous allez réussir le projet de vivre-ensemble. Donc, vous savez, comme... Pour moi, c'est... Il faut prendre les choses au bon niveau et dans le bon ordre. Et je pense qu'en commençant par un projet d'intégration, je pense que les bienfaits de ce projet-là sont limités dès le départ.

• (18 heures) •

M. Morin : J'ai... Merci beaucoup. J'ai deux autres éléments que j'aimerais aborder. Il y en a un où vous avez devancé une de mes questions parce que le Pr Bouchard en a parlé, c'est toute la question du racisme. C'est un sujet qui est délicat, je le conçois, mais on ne se mettra pas la tête dans le sable. Ça... Ça existe, ça. Alors, de deux choses l'une, ou bien on l'ignore puis on dit : Ah! Mais ça ne partira pas tout seul. Ou bien on s'attaque au problème. Et je pense que si on veut parler de vivre-ensemble, il faut aussi enlever toutes les barrières qui font en sorte qu'il y a des gens qui soient discriminés dans notre société. C'est le premier élément.

Deuxième élément, toute la question des Premières Nations. Je suis aussi le porte-parole pour les relations avec les Premières Nations pour l'opposition officielle. Pour moi, c'est fondamental. Dans le projet de loi, il y a un considérant, mais ce n'est pas très clair. Et puis encore là, dans le considérant, on fait référence à leur langue et leur culture. Je pense que les Premières Nations, c'est beaucoup plus qu'une langue puis une culture. Ça serait quoi vos recommandations là-dessus?

M. White (Bob W.) : Bien, moi, j'irai très rapidement, là. Sur la première question, c'est oui, ce n'est pas facile de parler de racisme. C'est... Dans mon expérience, c'est beaucoup plus facile de parler de la discrimination ou des discriminations et d'aller tranquillement vers une discussion sur le racisme. Parce que, pour moi, le racisme est une forme de discrimination, premièrement.

Je dirai aussi qu'il y a beaucoup de chercheurs, et beaucoup de citoyens, et beaucoup de professionnels qui n'ont jamais encore avalé le fait que le gouvernement ne reconnaît pas l'existence de la discrimination systémique. Ce n'est pas le but de mon intervention. O.K. Vous n'êtes pas obligés d'aborder cette question dans le projet de loi, mais plus que vous parlez d'inégalité et de discrimination à l'égard de ces minorités ethnoculturelles plus qu'ils vont vouloir adhérer au projet. C'est un constat simple et sociologique que je fais.

Par rapport à la question des communautés autochtones ou autres., évidemment, on n'est pas dans un contexte de parler des relations de nation à nation. Donc, c'est extrêmement délicat. Vous savez que les personnes et les communautés autochtones ne veulent pas être associées avec l'immigration. Et donc encore une autre raison pour ne pas faire un projet de loi sur l'intégration, parce que les... parce que les communautés autochtones, les personnes des communautés autochtones, ils les considèrent qu'ils sont intégrés depuis très longtemps. Et donc, si c'était un projet de loi plus large sur quelque chose qui touchait les rapports intercommunautaires, là, les Premières Nations et les communautés inuit, ça serait beaucoup plus facile pour eux de participer au projet.

M. Morin : Oui. Parce qu'effectivement, historiquement parlant, et corrigez-moi si je fais erreur, mais ils étaient là pas mal de siècles, de millénaires avant que, nous, on soit là. Alors, je comprends votre idée du vivre-ensemble parce qu'on vit ensemble. Qu'on le veuille ou non, là, on est tous dans le territoire, sur le territoire du Québec, puis on veut avoir de bonnes relations sans discrimination avec tout le monde.

M. White (Bob W.) : Puis j'irai plus loin que dans le monde francophone parce qu'on a fait de la recherche sur les villes et les pays francophones dans le monde et sur le modèle de vivre-ensemble. Et je peux vous dire que, dans le monde francophone, le concept de vivre-ensemble est aussi populaire que le concept multiculturaliste dans le monde anglo-saxon. Il a... Il y a... En fait, on a fait un peu de recherche qui démontre que ce terme vient de la francophonie. Et donc pourquoi ne pas en parler au Québec? C'est naturel pour nous et c'est une façon de ne pas tomber dans le piège d'une approche multiculturaliste.

M. Morin : Tout à fait. Et donc, évidemment, vu que le projet de loi repose beaucoup sur l'importance de la langue française et ce qu'on est, bien, à ce moment-là, c'est... ça devient facile de parler de vivre-ensemble et de s'inspirer de ce qui se fait dans d'autres pays de la Francophonie...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Morin : ...les études que vous avez faites, c'était dans quels pays qu'ils ont le mieux réussi? Parce qu'on pourrait s'en inspirer. Comme on dit parfois, on n'est peut-être pas obligés de réinventer la roue, n'est-ce pas?

M. White (Bob W.) : Je vais être honnête avec vous, là, les... ailleurs dans le monde, là, ils sont jaloux de nous, nous, je dis «nous», le Canada, et, quand je parle du Québec, ils sont hyperjaloux. Pourquoi? Parce qu'on a des politiques publiques sur l'intégration et sur l'interculturel. Je parle avec des collègues en France, ils sont reculés par rapport à cette question-là, ils sont très, très loin. En Australie, ils sont jaloux de nous. En Espagne, ça se voit beaucoup plus à l'échelle municipale qu'à l'échelle fédérale, pour des raisons évidentes. Mais je dirais que les pays qui sont les plus avancés, c'est dans les pays scandinaves, en général, et, même eux, ils tournent vers le Canada et ils disent : Comment vous faites? Bien, nous, on dit : Mais on ne sait pas comment on fait, parce qu'on ne trouve pas que ça va si bien que ça. Bien, je dirais qu'au niveau de l'interculturel spécifiquement, le Québec est leader mondial, chef de file dans le monde.

M. Morin : Je vous remercie. Dernière question pour la... On a écouté, juste avant vous, les commissions scolaires anglophones. Le ministre reconnaissait que les anglophones, bien, sont des Québécois, évidemment, ils sont ici depuis plusieurs siècles. Quelle place on devrait leur accorder là-dedans, dans le vivre-ensemble? Je pense que ça va peut-être mieux qu'un considérant, au départ là, mais...

M. Rocher (François) : Bien, en fait, dans une politique de vivre-ensemble, il n'y a pas de problème avec les individus appartenant à la minorité anglophone, parce qu'on vit ensemble, et puis je pense qu'ils reconnaissent de plus en plus en tout cas, que le français est la langue publique commune et la langue officielle de l'État. Puis, pour le reste, si on suit les paramètres qu'on a identifiés là, dans le... dans notre mémoire, ils n'auraient pas de problème avec ça. Donc, c'est une façon de s'assurer de l'adhésion du plus grand nombre aussi, d'élargir, finalement, la définition que l'on a de la culture commune.

M. Morin : Merci beaucoup, merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. C'est ce qui termine cette ronde-ci. Il nous en reste une avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, pour 4 min 8 s. Le temps est à vous.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre excellente présentation, ça nous aide beaucoup, là, sur le concept de valeurs communes publiques, puis ce que vous avez discuté sur le vivre-ensemble, je trouve ça très intéressant. Il y a un autre volet, par contre, où on a peut-être moins discuté, c'est votre recommandation eu égard au secrétariat et aux commissaires. J'aimerais ça vous donner la chance, peut-être, de conclure là-dessus aujourd'hui.

M. Rocher (François) : Alors, si on considère qu'une politique, admettons, du vivre-ensemble, est importante, bien il faut se donner les moyens de ses ambitions. Et puis il faut s'assurer d'une cohérence de l'action de l'État, des organismes de l'administration et des organisations parapubliques, y compris les établissements d'études supérieures, pour qu'on adhère à ça. Et il ne s'agit pas juste de demander aux personnes en autorité de tenir compte de la politique. C'est-à-dire qu'il y a des mécanismes de reddition de comptes, de suivi, de définition, de formation, d'évaluation, d'analyse, de recherche, et ça, on a besoin, je dirais, d'une structure pour la faire, et c'est l'idée derrière celle du secrétariat au vivre-ensemble, aux relations culturelles, ou quoi... enfin, vous avez saisi l'idée.

Et la même chose... l'idée du commissaire, disons, aux relations culturelles, etc., c'est un peu la même chose, c'est-à-dire que c'est d'avoir un regard indépendant sur... d'évaluation, de recherche, sur l'état des lieux, des relations intercommunautaires, formuler des recommandations. Et on allait jusqu'à proposer la... de permettre au commissaire aux relations quelque chose de se munir ou d'être accompagné d'un conseil des relations de quelque chose.

Mais pourquoi c'est important? C'est important parce que, si c'est aussi structurant pour l'avenir, la pérennité de la société québécoise, eh bien, il faut être en mesure de s'assurer d'une permanence, d'une cohérence de l'action étatique, d'une compréhension commune, partagée de ce que l'État veut faire, et ce n'est pas avec quelque chose de très léger qu'on va y arriver. On a besoin... Et sous l'angle, aussi, du message, de la prise au sérieux. Ce n'est pas quelque chose qu'on fait par-dessus la jambe, hein? C'est vraiment un aspect que l'on considère comme étant fondamental pour l'avenir du Québec... eh bien... parce que le Québec se diversifie, la population de tradition française a tendance à diminuer. Et donc, si on veut maintenir la spécificité du Québec, bien, il faut se donner des moyens, puis des moyens forts, puis envoyer un message fort, puis on prend ça au sérieux, puis prendre ça au sérieux, bien, ça veut dire y investir des structures.

M. Cliche-Rivard : Et donc une structure, là, telle... puis...

M. Cliche-Rivard : ...je pense, c'est un autre groupe qui faisait le parallèle avec le commissaire à la langue française, par exemple. Ce serait le genre de travail ou d'approche de recherche, d'être capable de nous amener des données scientifiques, là, sur l'évolution ou non de certaines... certains secteurs puis de faire des recommandations au gouvernement et aux parlementaires sur l'évolution d'une politique nationale qui fonctionnerait davantage ou, en tout cas, des problématiques à corriger, ce genre de choses, qui rendrait compte directement, donc, dans cette perspective-là, à l'Assemblée nationale, qu'on pourrait interroger et discuter et qu'on aurait, donc, des politiques...

M. Rocher (François) : Exact. Tout comme, d'ailleurs, les organismes de l'administration et les organismes parapublics, si on veut, là, dans l'annexe A, pour reprendre votre vocabulaire de...

M. Cliche-Rivard : De la charte, oui.

M. Rocher (François) : ...C-11, bien, ils doivent faire un rapport annuel, hein, sur l'état des lieux puis ce qu'ils ont fait, les initiatives, l'évaluation des initiatives. Ou c'est important ou ce ne l'est pas. Et, si c'est important, on se donne les moyens pour suivre l'évolution des choses puis... Mais voilà.

M. Cliche-Rivard : Parce que là, au sens de l'article 13, c'est le ministre, là, qui va déposer à l'Assemblée nationale un rapport quinquennal sur l'application de la présente loi. Vous, vous jugez que ça, ce n'est pas suffisant.

M. Rocher (François) : Bien, on a commencé en disant : Soyez ambitieux.

M. White (Bob W.) : J'aimerais rappeler aussi que, si le Québec a fait des jaloux dans ce domaine depuis plusieurs décennies, c'est parce qu'à l'époque il y avait ce qu'on appelait le conseil des relations interculturelles, et ce conseil avait une influence beaucoup. Maintenant, je pense que ça serait une bonne idée de le ramener.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : C'est terminé. Merci beaucoup, Professeur White, Professeur Rocher, pour votre intervention aujourd'hui, le mémoire que vous avez déposé. Alors, c'est ce qui termine notre journée de travaux.

J'ajourne donc jusqu'au jeudi 27 février 2025, après les avis touchant les travaux des commissions. Bonne soirée à tous et à toutes.

(Fin de la séance à 18 h 11)


 
 

Document(s) associé(s) à la séance