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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

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Le jeudi 27 février 2025 - Vol. 47 N° 64

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi sur l’intégration nationale


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Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures trente-six minutes)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, loi sur l'intégration nationale.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) est remplacée par M. Lemieux (Saint-Jean); Mme Prass (D'Arcy-McGee), par M. Morin (Acadie); et M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve), par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Alors, Messieurs, bienvenue à la commission. Ce matin, nous allons entendre les personnes et les groupes suivants : M. David Carpentier ainsi que le Rassemblement pour la laïcité.

Avant d'aller plus loin, je vous demande le consentement, compte tenu de l'heure, pour déborder de 12 h 50. Est-ce que j'ai votre consentement pour cet avant-midi? Merci beaucoup.

Alors, je souhaite donc la bienvenue à M. David Carpentier. Bienvenue à la commission. Donc, vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour votre exposé et, par la suite, nous allons discuter avec les parlementaires. Alors, le temps est à vous.

M. Carpentier (David) : Merci, Mme la Présidente. Merci de me recevoir aujourd'hui en cette enceinte et pour le consentement à dépasser le temps qui nous est incombé. Donc, j'aimerais commencer mon intervention en félicitant le ministre de la Langue française pour le courage politique derrière l'initiative, derrière cette idée de formaliser enfin un modèle d'intégration et de vivre-ensemble au Québec. Je pense que ça revêt un caractère historique et c'est important de le souligner.

Le Québec, c'est à la fois une nation minoritaire, mais aussi une société d'immigration, et, en ce sens, il doit intégrer d'une certaine manière pour exister. Mais comment? C'est un peu la question qui sous-tend le projet de loi. Et, à cette question, personnellement, je réponds que le modèle d'intégration que le Québec doit se doter doit à la fois concilier nationalisme et pluralisme. Donc, depuis le début de la Révolution tranquille, on a collectivement, et surtout l'État, recherché une sorte d'équilibre entre le projet national francophone et la diversité culturelle, donc sa valorisation.

Toutefois, force est de constater, à la lecture du projet de loi, que celui-ci s'éloigne en quelque sorte du modèle d'interculturalisme et présente une sorte de déséquilibre entre la prise en compte des intérêts du groupe majoritaire francophone ainsi que des intérêts... et des intérêts des minorités ethnoculturelles et des personnes issues de l'immigration. Et ce déséquilibre, à mon sens, peut alimenter la perception voulant que le projet de loi favorise une approche de type assimilationniste plutôt que pluraliste. C'est une lecture qui est d'ailleurs partagée par une trentaine d'universitaires et d'anciens ministres, dont moi-même qui a co-signé une lettre dans Le Devoir, Louise Harel, Kathleen Weil, Louise Beaudoin, et j'en passe.

Selon moi, pour que les personnes immigrantes s'identifient à la nation québécoise et embrassent sa langue et sa culture, il est très important que le modèle d'intégration que vous allez adopter, que vous allez formaliser soit généreux à leur endroit ainsi qu'ambitieux dans ses moyens. Pour ce faire, je vous présente aujourd'hui trois pistes d'amélioration afin que soient rencontrées les intentions gouvernementales et cet objectif, qui est louable, qui est de favoriser, à mon sens, la vitalité de la langue française et de la culture québécoise.

Première piste d'amélioration. Le projet de loi doit privilégier une approche pluraliste et rassembleuse. Actuellement, il est question d'imposer l'adhésion aux personnes immigrantes des valeurs québécoises et l'adhésion à la culture commune. Toutefois, dans une démocratie libérale, on ne peut pas exiger l'imposition à des valeurs. On peut, au maximum, demander à ce que les personnes immigrantes, tout comme l'ensemble des Québécois, respectent les lois et les institutions, en l'occurrence, ici, les principes établis par la charte québécoise des droits et libertés.

Un autre enjeu tient à la référence, et d'autres collègues l'ont mentionné, aux notions de creuset et de Nations unies qui évoquent, de manière indirecte, les modèles d'assimilation à la française et à l'américaine qui ne correspondent pas, c'est important de le rappeler, aux choix historiques que le Québec a faits dans le passé et qui vient appuyer l'idée, que je développais plus tôt, d'un certain éloignement avec le modèle...

M. Carpentier (David) : ...d'interculturalisme.

• (11 h 40) •

En ce sens, je vous recommande évidemment de retirer les notions de creuset et de Nations Unies de la définition de la culture commune et d'insister plutôt sur le caractère dynamique et évolutif de celle-ci, qui, à mon sens, est insuffisamment mentionné dans le projet de loi.

Aussi, je vous encourage à remplacer l'obligation d'adhésion à la culture commune et aux valeurs québécoises par celle de participation active. Selon moi, l'efficacité d'une loi déclaratoire doit miser sur la carotte plutôt que sur le bâton et être invitante.

Je pense qu'avec ces modifications, avec ces suggestions de modifications, il y aurait le potentiel de réaligner le projet de loi avec la tradition pluraliste qui caractérise le Québec et qui lui est propre. Je le souligne, ce n'est pas le Canada qui a imposé une approche pluraliste au Québec, le Québec l'a choisie dans la foulée de la Révolution tranquille, lorsqu'on a redéfini notre identité de manière territoriale et de manière inclusive.

Deuxième piste d'amélioration, le projet de loi doit accorder plus d'importance aux relations interculturelles et à l'intégration en elle-même. Donc, actuellement, on subordonne ces objectifs à ceux de la vitalité du français et la vitalité de la culture commune. Pourtant, il y a une sorte d'inversion des logiques. Ce n'est qu'en adoptant des politiques généreuses en matière de participation des personnes immigrantes à la société québécoise et de développement d'une société inclusive, tolérante, qu'on va réussir à assurer la pérennité ou la vitalité de la culture commune et de la langue française. D'une certaine manière, on met ici la charrue devant les bœufs.

Et c'est aussi important de rappeler que le caractère multidimensionnel de l'intégration, dans le projet de loi, actuellement, on insiste surtout sur ses dimensions linguistiques et culturelles. Et, à mon sens, c'est central dans le contexte qui est le nôtre, mais c'est aussi important d'insister sur ses dimensions économiques, ses dimensions politiques, donc parler d'insertion au marché du travail en valorisant les compétences des personnes issues de l'immigration, parler également de leur participation civique et démocratique.

En ce sens, je recommande, pour cette deuxième piste d'amélioration, de préciser, peut-être même dès les notes explicatives, que l'objectif premier du modèle d'intégration est la participation active des personnes immigrantes à la société québécoise et leur épanouissement.

On pourrait aussi ajouter deux nouveaux fondements au modèle national d'intégration, en l'occurrence la lutte contre le racisme et la discrimination, qui n'est actuellement mentionnée nulle part dans le projet de loi, ainsi que le développement des compétences interculturelles, qui est central dans une société comme la nôtre. Il y a un rapport de l'UNESCO qui expliquait justement que les aptitudes que les personnes développaient à se montrer tolérants... tolérantes et ouvertes à l'endroit de l'immigration étaient une compétence essentielle au XXIe siècle. Selon moi, ces recommandations viendraient équilibrer le projet de loi, comme je le mentionnais plus tôt.

Troisième piste d'amélioration, le projet de loi doit déterminer des moyens ambitieux pour relever les défis du vivre-ensemble. Donc, à l'heure actuelle, il n'y a aucune ressource institutionnelle ou organisationnelle qui est prévue par le projet de loi. Et, selon moi, ce serait l'occasion idéale pour être ambitieux à la hauteur de ce qu'on souhaite pour le Québec et avec... et poursuivre les objectifs aussi, qui sont... qui sont prévus par le projet de loi. À mon sens, prévoir une politique qui va découler de la loi est insuffisant. Il faut aller plus loin. Il faut prévoir des mécanismes pour autant assurer l'application auprès des ministères et organismes, notamment les municipalités, mais aussi renforcer l'expertise qui est présente dans l'administration publique et qui est actuellement disséminée dans une multitude de ministères et organismes.

Je pense aussi que se doter de mécanismes clairs et ambitieux permettrait de garantir une véritable imputabilité. Ça nous prend des objectifs et des indicateurs si on souhaite véritablement mesurer la rencontre des objectifs du projet de loi.

En ce sens, je vous recommande d'envisager la création de relations interculturelles... d'un secrétariat aux relations interculturelles au sein du ministère du Conseil exécutif. Pourquoi au sein du ministère du Conseil exécutif? Ce serait pour doter finalement cette structure d'une perspective transversale sur l'action de l'État. Ça permettrait de coordonner l'action gouvernementale et d'assurer une plus grande cohérence.

Je suis d'avis que de... 50 ans après le rejet du multiculturalisme canadien et de vide, on n'est pas en mesure ou on ne peut pas... on ne...

M. Carpentier (David) : ...n'a pas le luxe d'attendre davantage pour être ambitieux sur les moyens.

En conclusion, j'estime que la formalisation d'un modèle d'intégration du vivre-ensemble est un moment charnière pour le Québec. C'est un choix structurant véritablement pour l'avenir. Puis c'est l'occasion de renforcer autant le projet national francophone, tout en restant fidèle à notre riche tradition pluraliste et d'ouverture envers l'immigration. Le projet est évidemment perfectible, mais je le souligne et je le rappelle, il est nécessaire et d'une très, très grande pertinence. Après des décennies de débats intellectuels et politiques, le Québec vient enfin affirmer son modèle. Et il était temps. À cet effet, je rappelle ou, à tout le moins, j'invite les parlementaires à être très, très clairs. Le modèle dont vous allez doter le Québec doit autant rejeter le multiculturalisme canadien que les modèles assimilationnistes.

Comme message final, et je le répète une dernière fois, j'estime que pour assurer la vitalité du français et de la culture commune, des objectifs très, très louables et nécessaires, le Québec doit se doter d'un modèle qui est à la fois généreux envers les immigrants et ambitieux dans les moyens. Je pense que c'est un projet à la hauteur d'un peuple qui est fier et accueillant. Et il est ce que les Québécois de toutes origines méritent, et rien de moins.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va éclaircir ça justement lors de la période d'échange avec les parlementaires. On va commencer avec le ministre et la banquette gouvernementale pour 16 min 30 s au total.

M. Roberge : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation, pour votre mémoire. Vous dites que le projet de loi est nécessaire, pertinent, mais perfectible. On s'entend absolument. Je pense que c'est nécessaire. C'est pertinent. Ça aurait été mieux si ça avait été fait il y a 10 ans, il y a 15 ans. Mais là, on a l'obligation de le faire. Ce qu'on ne peut pas faire, c'est repousser encore. Ce qu'on doit faire, c'est l'améliorer. C'est pour ça qu'on est contents de vous voir, vous et les autres groupes. Et vous ne dites pas tous la même chose, hein? Il y en a qui nous disent qu'on va trop loin. Il y en a qui disent qu'on ne va pas assez loin. Il y en a qui disent qu'on va au bon endroit, mais il faut reformuler. Une chose est certaine, on ne peut pas tous vous écouter parce que vous dites des choses bien différentes, mais on va faire le... On va départager tout ça.

Vous avez écrit un livre, Montréal contre la nation?, point d'interrogation, qui traite des enjeux similaires ou connexes aux enjeux qu'on traite aujourd'hui. Pour le bénéfice de ceux qui ne l'auraient pas lu, pouvez-vous nous parler un peu de votre thèse de départ? Parce que je pense que ça va éclairer nos travaux pour les grands concepts. Et quelle lecture vous faites de ce qui se passe à Montréal. Bref, pouvez-vous nous parler de ce que vous avez éclairé comme zone d'ombre au Québec avec votre livre?

M. Carpentier (David) : Oui. Donc, c'est une monographie scientifique qui s'intéresse à la politique d'intégration des personnes immigrantes de la ville de Montréal. Donc, vous n'êtes pas sans savoir que les villes contribuent depuis maintenant 20 ans à l'intégration des personnes immigrantes dans le cadre de différents programmes du ministère de l'Immigration. Ils reçoivent de l'argent puis développent des programmes. Et le questionnement derrière ce livre était de savoir si la politique élaborée par la ville correspondait ou non au modèle que le Québec s'est doté depuis son rejet de la politique du multiculturalisme au début des années 70. Et la réponse que j'évoquais ou la thèse que je défendais, c'était qu'en quelque sorte, non. Donc, à Montréal, on retrouve un contexte ethnodémographique qui amène les autorités locales à miser davantage sur le pluralisme et en adoptant une approche qui est, à plusieurs égards, déconnectée des objectifs, entre autres, qui sont... qui sont dans le projet de loi, là, de vitalité de la langue commune, de la culture commune.

Donc, encore une fois, je reviens avec le modèle de l'interculturalisme qui, j'estime, est adapté au contexte québécois, qui promeut un certain équilibre entre nationalisme et pluralisme. Donc, à la ville de Montréal, de par la démographie et aussi parce qu'il n'y a pas de cadre qui a été établi au niveau québécois, de sorte à pouvoir faire en sorte que son action soit clairement en adéquation avec la vôtre, il y avait un déséquilibre. Et c'est le même déséquilibre que je viens aujourd'hui, d'une certaine manière, critiquer dans le cadre du projet de loi. Il faut un équilibre entre valorisation du pluralisme et valorisation du nationalisme.

• (11 h 50) •

M. Roberge : Donc, on a besoin d'un cadre. Vous nous... Vous mentionnez, je pense, dans votre présentation puis dans votre mémoire, critiquer le terme d'une nation qui serait unie...

M. Roberge : Il ne faudrait pas dire qu'on souhaite une nation qui serait unie? Ça m'étonne un peu. Ça me fait penser à une déclaration malheureuse du premier ministre Trudeau, qui dit que le Canada, c'est un état postnational. Il est très fier de ça. Moi, ça me dérange beaucoup, quoique je ne suis pas un grand nationaliste canadien, je suis un nationaliste québécois. Mais de dire que tout le monde aurait des nations, tout le monde aurait des cultures distinctes, tout le monde aurait une existence propre, sauf nous, moi, ça me dérange. Il me semble qu'on devrait avoir le droit de dire qu'on veut une intégration nationale, qu'on veut une nation qui est davantage unie. «Unie» ne veut pas dire monochrome. Mais, bref, je m'étonne de cette prise de position de votre part. Voulez-vous expliquer?

M. Carpentier (David) : Oui, oui, tout à fait. Mon inconfort avec le... cet article, là, que je... avec l'article, c'est que c'est le premier élément de définition de la culture commune, puis, peut-être, j'ai deux préoccupations liées à ça, la première étant qu'à mon sens, qu'est-ce qui définit la culture québécoise, c'est cette richesse dans les interactions à travers le temps entre différents groupes dont on reconnaît le patrimoine, et j'ai peur qu'en mettant l'accent sur le creuset d'une nation unie, on vient dépeindre la culture de manière fixe. Première préoccupation.

Deuxième préoccupation, c'est cette idée de creuset. Bon. Je pense que d'autres collègues vous ont expliqué la référence explicite que cela faisait au modèle du melting-pot américain, qui vient effacer les différences en vue d'assimiler. Mais l'idée de nation unie renvoie aussi, selon moi, à une certaine tradition française d'une langue, une culture, une nation qui est insensible à la reconnaissance des différences.

M. Roberge : Vous avez parlé, quand vous avez résumé ou parlé des travaux dans le cadre de votre livre, de culture commune. Est-ce que vous pensez qu'on peut parler... souhaiter une culture commune sur le territoire québécois?

M. Carpentier (David) : Je n'ai pas d'inconfort avec l'idée de «culture commune», même si je préfère la notion de «culture québécoise». Vous disiez justement : Au Québec, on a le droit d'exister collectivement. À ce moment-là, pourquoi effacer la spécification ou la référence directe au Québec? Il y a des cultures communes dans toutes les sociétés ou des cultures publiques communes dans toutes les sociétés. Pourquoi enlever la référence explicite qui fonde notre spécificité?

M. Roberge : O.K. Bien, en fait, je pense qu'on le dit à un moment donné, on dit : «La culture québécoise est la culture commune.» Mais... Bon.

M. Carpentier (David) : Mais ensuite, si vous arrivez auprès des personnes immigrantes puis vous leur parlez de «culture commune», est-ce que ça renvoie à la culture québécoise? Il peut y avoir une ambiguïté.

M. Roberge : O.K., O.K... une question de le formuler correctement pour bien être compris.

Vous dites qu'il faut être à la fois généreux et ambitieux : généreux, c'est-à-dire tendre la main, je pense — vous me corrigerez — ouverts, accueillants; ambitieux, je le comprends comme disant que, bien, il faut rejeter le statu quo. Je pense que vous avez dit : Enfin, il faut bouger. Donc, il faut souhaiter une meilleure cohésion sociale, un meilleur vivre-ensemble que ce qu'on a dans les dernières années. Donc, la question, c'est : Comment trouver les bons mots, utiliser les bons concepts pour être généreux avec les gens qui sont ici et qui ont fait le choix du Québec et accueillants, bienveillants puis ambitieux sur ce qu'on souhaite devenir d'ici 10 ans, 15 ans?

Maintenant, on peut utiliser le terme «culture commune»... on fait attention comment on l'utilise. On doit souhaiter la participation active de tous. Je pense que c'est très, très, important, il ne faut pas tomber dans une mécanique de rejet. Vous avez mentionné ça tout à l'heure, la participation active. Ça veut dire quoi, selon vous, la participation active de tous à la société?

M. Carpentier (David) : C'est une bonne question, puis ça renvoie justement à l'une des recommandations, qui est celle de revoir les notes explicatives, qui expliquent que le... On dit : Le modèle national d'intégration vise à assurer la vitalité de la culture commune et de la langue française comme premier objet, alors qu'à mon sens le premier objet d'un modèle d'intégration devrait être de favoriser la participation, et la manière dont on peut concevoir la participation, c'est celle des personnes immigrantes à toutes les sphères de la société, donc une participation économique, linguistique, culturelle, politique. On peut parler d'insertion sur le marché du travail, d'apprentissage et de maîtrise de la langue française, de participation aux...

M. Carpentier (David) : ...des institutions démocratiques.

M. Roberge : Vous n'êtes pas les premiers à nous détailler ce que ça devrait vouloir dire, là, la notion économique, sociale, etc. On est là-dedans, peut-être qu'il faudrait reformuler, c'est à voir. On est dans le numéro 6, dans l'article 5, dans le Modèle et Fondement, puis là on est à cinq... cinquième alinéa, on dit : «La possibilité offerte à tous de participer à la société québécoise.» Mais vous souhaiteriez qu'on précise qu'on parle de participation communautaire, culturelle, économique, identitaire, qu'on détaille un peu de quelle manière la participation, là, parce que la notion est là, mais vous voudriez qu'on l'explicite davantage, c'est ça?

M. Carpentier (David) : C'est ça qu'on l'explicite davantage et véritablement dans... Tu sais, mettons, si moi, je suis une personne immigrante qui a accès au projet de loi, je ne vais pas nécessairement aller voir dans le détail, je vais peut-être me fier aux notes explicatives. Et si ce n'est pas clairement indiqué comme premier élément des notes explicatives, à mon sens, ça peut soulever des préoccupations.

M. Roberge : O.K. ça arrive souvent dans le cadre d'études comme ça ou dans l'article par article, que des fois, ils disent : Oui, mais là, comment tel citoyen va le comprendre? C'est assez rare. C'est souhaitable mais c'est assez rare que les citoyens ouvrent le Code civil ou vont sur Internet et lisent les articles 32, troisième alinéa, C, puis s'accrochent là-dessus puis ils se penchent contre le gouvernement. D'habitude, c'est : Est-ce que le gouvernement fait les bonnes choses? Donc, je pense qu'il faut trouver les bons concepts, les bons mots. Moi, j'ai vraiment l'intention de tenir compte de vos préoccupations puis de vos suggestions, mais il est possible que ça s'articule ensuite soit dans la politique ou dans la manière de le faire parce que les citoyens vivront avec les actions gouvernementales, les dépliants, les gestes que poseront les organismes financés par les villes, lesquelles seront coordonnées par les politiques qui découleront de la politique nationale. Donc, on va se rendre jusque là avant que le citoyen dise : O.K., ça me parle ou ça ne me parle pas. Il faut... il faut prendre garde comme législateur de ne pas penser qu'on est en train d'écrire le document qui va se rendre aux citoyens, on est plus des législateurs à ce moment-ci. Par contre, je comprends que vous dites on doit demander aux gens de respecter les lois, mais il ne faut pas imposer les valeurs, ça, vous l'avez nommé assez clairement. On a eu une discussion semblable à ça hier puis on sait que les valeurs qu'on a nous ont amenés à adopter les lois. Vous souhaiteriez simplement qu'on réfère davantage aux lois plutôt qu'aux valeurs, les valeurs étant changeantes. Est-ce que c'est bien ce que vous voulez dire?

M. Carpentier (David) : Exactement. Les valeurs étant changeantes, et si on définit ou si on revient sur l'idée de démocratie libérale, c'est de maintenir un équilibre entre la règle de la majorité et le respect des libertés et des droits des individus des minorités et, selon ce dernier principe, on ne peut pas exiger des individus l'adhésion à quelque valeur que ce soit. Ce serait trop exigeant.

M. Roberge : Mais le respect des lois, lui, n'est pas négociable, on est d'accord?

M. Carpentier (David) : Exactement, oui.

M. Roberge : Je vais laisser à mes collègues le... je pense qu'ils vont être bien contents d'avoir quelques minutes pour échanger avec vous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais reconnaître la députée de Vimont, et il reste 4 min 50 s.

Mme Schmaltz : Parfait. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, merci d'être présent, toujours apprécié. Parmi les recommandations, vous en avez une qui est la création d'un poste de Commissaire aux relations interculturelles.

M. Carpentier (David) : ...

Mme Schmaltz : Pouvez-vous un peu m'en dire un petit peu plus là-dessus? Et puis j'aimerais aussi, en sous-question, connaître votre... votre idée sur la création de la médiation culturelle, médiateur culturel. Pensez-vous que ça puisse être un bon pont entre... entre les personnes, les nouveaux Québécois et puis la société finalement québécoise?

M. Carpentier (David) : Oui. Mais en vrai, pour répondre à votre seconde question, j'estime que la médiation interculturelle ou culturelle est un dispositif déterminant au niveau, tu sais, au bas des pâquerettes, là, pour favoriser le contact entre les personnes issues de l'immigration et des membres, par exemple, qui appartiennent aux groupes majoritaires même si, dans certains contextes, c'est plus difficile de par les équilibres démographiques, là. Je pense entre autres à Montréal. Ça, c'est un enjeu la concentration du pluralisme ethnoculturel dans la métropole et le manque de contacts parfois avec le reste du Québec. Donc, créer des programmes qui permettent des échanges entre les milieux montréalais et le reste du Québec dans une perspective de médiation puis de contacts interculturels, c'est une bonne chose.

• (12 heures) •

Et pour revenir à l'idée de Commissaire aux relations... aux relations interculturelles, et puis dans le mémoire que j'ai présenté, il y a cette proposition de dispositif. Il y a aussi la création d'un Secrétariat aux relations interculturelles et...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Carpentier (David) : ...même la... de remettre sur pied un conseil des relations interculturelles, c'est véritablement donner corps à cet engagement fort de l'État de formaliser son modèle d'intégration et de vivre-ensemble. Et l'idée derrière la création d'un poste de commissaire, donc une personne désignée par l'Assemblée nationale, ce serait de donner une certaine indépendance à un agent de l'État dans le contrôle, finalement, des politiques qui sont adoptées, du travail qui est fait indépendamment du gouvernement... du gouvernement du jour. Donc, on l'a vu dans la situation avec le conflit israélo-palestinien, ça a soulevé d'énormes questions sur le plan des rapports intercommunautaires au Québec, et il y avait comme une sorte de flou où... dans l'administration publique,  vers qui on se dirige pour répondre à ces questions-ci? Est-ce qu'on a une instance indépendante pour produire du contenu? Donc, c'est des questions qui pourraient être traitées autant par le commissaire qui aurait un rôle d'indépendant que par un secrétariat qui consoliderait et qui centraliserait l'expertise de l'État.

Mme Schmaltz : Est-ce que j'ai encore du temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Oui, vous avez encore deux minutes.

Mme Schmaltz : O.K... Je reviens encore au commissaire... à votre... le poste, là, de commissaire aux relations interculturelles. Est-ce qu'on parle d'un poste avec... En fait, non, je vais reformuler. Est-ce qu'on parle... J'imagine que ce n'est pas un chien de garde non plus, là, ce que vous voyez, à l'effet que... est-ce que c'est un commissariat qui va s'assurer que c'est bien appliqué ou... J'essaie juste de voir parce que je comprends qu'il faut que e soit indépendant, il faut qu'il s'assure du respect de plusieurs aspects. Ça, il n'y a pas... il n'y a aucun problème, mais est-ce qu'il a aussi un rôle de s'assurer que la loi soit respectée?

M. Carpentier (David) : Oui. Bien, je trouve que le dispositif relatif au Commissaire à la langue française est un exemple très efficace pour illustrer la proposition. L'idée est vraiment de venir envoyer un signal fort. Si l'État du Québec souhaite véritablement faire du vivre-ensemble une priorité, s'il souhaite véritablement assurer la pérennité de la culture commune et de la langue française, il doit se doter de dispositifs. Il doit se doter d'une force de frappe. Le commissaire en fait partie. Si on estime que la langue française est une priorité, on crée des institutions. On a créé un ministère de la Langue française, on a créé un commissaire. Moi, ce que j'invite... ce que je vous invite à faire, c'est d'en... c'est de faire autant pour les sujets liés à l'immigration, alors que le Québec est amené à se diversifier hautement dans les prochaines décennies.

Mme Schmaltz : Je vais... Un dernier petit point.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

Mme Schmaltz : En terminant. Bien, «en terminant», 10 secondes?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 19 secondes.

Mme Schmaltz : 19 secondes. Bien, merci beaucoup de votre... de votre présence.

M. Carpentier (David) : Ça fait plaisir.

Mme Schmaltz : Je n'aurai pas... J'aurais le temps de poser la question, mais pas avoir la réponse, alors ça ne sert à rien. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va poursuivre les discussions avec le député d'Acadie pour 12 minutes 23 secondes.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, M. Carpentier. Merci d'être là et merci d'avoir produit votre document que j'ai lu avec attention. Il y a des groupes, des experts qui sont passés avant vous et qui nous ont dit que le titre de la loi, qui fait référence à l'intégration nationale, pourrait ne pas permettre d'atteindre les objectifs qui sont visés par le gouvernement. On parlait peut-être plus de vivre-ensemble. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Carpentier (David) : Oui, effectivement, à mon sens, présentement, il y a deux types d'inversions logiques dans le projet de loi qui me semblent problématiques.

La première inversion logique, je l'ai mentionnée plus tôt, c'est celle de penser que l'intégration doit servir d'abord et avant tout à la vitalité du français et de la culture commune. Au contraire, c'est en ayant des politiques généreuses qu'on va s'assurer que le français et la culture commune aient une certaine forme de vitalité.

Et la deuxième inversion logique est celle que vous venez de mentionner, qui fait peut-être écho aux propos d'autres... d'autres chercheurs, d'autres collègues, c'est celle de la définition du concept d'intégration et de sa mise à l'avant-plan comme objet de la loi. Donc, la loi ne touche pas que l'intégration, elle touche les rapports intercommunautaires. Et les rapports intercommunautaires est à mon sens une catégorie plus globale et plus générale sous laquelle on vient ranger les dispositifs et la vision en matière d'intégration. Donc là, est-ce que ce serait une loi sur le vivre-ensemble et les relations interculturelles? J'ai proposé, je pense, comme première suggestion d'amendement, de renommer la loi de sorte à avoir une...

M. Carpentier (David) : ...une conception plus large de son objectif, alors que l'intégration, c'est plus restrictif comme conception.

M. Morin : Je vous remercie. Autre élément que j'ai constaté à la lecture du projet de loi, puis j'en ai parlé avec tous les groupes, là, qui sont venus, on parle beaucoup de culture, on parle évidemment beaucoup de la langue française, qui est fondamentale parce que c'est... c'est comme ça qu'on s'intègre, évidemment, qu'on qu'on peut vivre ensemble au Québec. Cependant, souvent, une fois quand les gens ont appris le français, surtout quand on pense aux immigrants, bien, après ça, c'est qu'ils veulent travailler. Et, dans des politiques antérieures du gouvernement du Québec, il y avait toujours un volet socioéconomique dans un projet... bien, en fait, c'était une politique, ce n'était pas un projet de loi. Il n'y en a pas là-dedans. Le projet de loi ne vise pas... ne traite pas de cette question-là. Qu'est-ce que... Est-ce que vous pensez que ça devrait être inclus? Est-ce que c'est un élément, un volet qui manque dans le projet de loi? Parce que, si on veut vraiment que les gens puissent vivre ensemble, s'intégrer et vivre ici, bien, il faut à un moment donné qu'ils travaillent.

M. Carpentier (David) : Oui, ça renvoie à la... peut-être l'éventuelle redéfinition de la notion de participation et d'intégration, donc une intégration multidimensionnelle, linguistique, culturelle, économique, politique, etc. Donc, l'insertion socioéconomique devrait en faire partie tout comme, je le rappelle, la lutte au racisme et à la discrimination.

M. Morin : Exact. D'ailleurs, ça, le Pr Bouchard en parlait. Comment... Quand on parle de racisme ou de racisme systémique, parfois, ça fait peur un peu aux gens, mais, si on parle de lutte contre la discrimination, est-ce que ce serait quelque chose qui serait peut-être plus compréhensible, où les gens pourraient adhérer plus facilement?

M. Carpentier (David) : Sans entrer nécessairement dans ce débat, je pense que la catégorie Lutte au racisme et à la discrimination est adéquate.

M. Morin : O.K. Parfait. Je vous remercie. Vous en parlez dans votre document, à la page... à la page trois. À la lecture du projet de loi, j'avais l'impression qu'il y avait un déséquilibre, c'est-à-dire qu'on demandait beaucoup entre autres aux nouveaux arrivants, mais le gouvernement, lui, ne s'engage pas à beaucoup de choses. Est-ce que vous pensez que le déséquilibre dans ce projet de loi peut nuire aux objectifs ou à l'objectif qui est visé par le gouvernement?

M. Carpentier (David) : Non, dans la mesure où il y a maintenant plein de pistes d'amélioration potentielles au projet de loi de sorte à venir le rééquilibrer. Je crois qu'effectivement, en précisant les éléments qu'on a mentionnés plus tôt, donc lutte au racisme, discrimination, dimension socioéconomique, de l'intégration, il y aurait un potentiel immense de venir rééquilibrer le projet de loi de sorte à dissiper cette critique qui est mentionnée.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. Autre élément. Il y a une seule référence aux Premières Nations puis c'est dans le préambule. Il n'y a... il n'y a aucune référence. Puis, même dans le préambule, quand on y réfère, on parle du respect... en fait, pour être bien clair, on parle du droit qu'ils ont de maintenir et de développer leur langue et culture d'origine, comme si on... puis si c'était une loi qui traite de l'intégration. Les Premières Nations étaient là bien avant nous. Pensez-vous que c'est réducteur? Est-ce qu'on devrait ne pas faire du tout référence? Parce qu'on veut dialoguer de nation à nation avec les Premières Nations ou... Et puis c'est... Quant à moi, c'est clairement plus qu'uniquement leur langue et leur culture. Il n'y a pas de référence à la Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones. Donc, quel est votre... vos conseils ou suggestions à ce sujet-là?

M. Carpentier (David) : Oui. Si on recadre, disons, l'objet du projet de loi selon une catégorie plus générale qui renvoie aux rapports intercommunautaires, je pense qu'on peut aborder dans les considérants la présence des Premières Nations dans une perspective de nation à nation. Mais, effectivement, ce serait problématique de traiter directement des Premières Nations dans le corps de la loi si on continue à parler d'intégration puisque les membres des Premières Nations ne sont pas appelés à s'intégrer à la nation québécoise.

• (12 h 10) •

M. Morin : Non, en fait, c'est qu'on partage un espace qui est commun. On est tous là. En fait, ça... ça revient... Est-ce que ça ne revient pas un peu à l'idée du vivre-ensemble?

M. Carpentier (David) : Oui...

M. Morin : ...qu'à ce sens-là, de le définir ou en parler plus spécifiquement, ça permettrait justement de tisser des liens entre, bien, en fait, les Premières Nations et les autres groupes qui occupent le territoire québécois?

M. Carpentier (David) : Oui.

M. Morin : Parfait. J'aimerais savoir, pour vous... parce que vous parlez du... vous parlez de la création d'un secrétariat. On nous a dit aussi que les villes ou les MRC devaient jouer un rôle important parce que, souvent, sur le terrain, ce sont les... en fait, la première institution qui est capable de faire vivre certains programmes. Comment vous voyez le rôle des municipalités puis des MRC pour venir en aide, finalement, au gouvernement avec l'établissement de lieux communs ou d'échanges interculturels?

M. Carpentier (David) : Ça me permet justement d'expliciter le potentiel immense que peut revêtir les... que peuvent revêtir les municipalités comme leviers en matière d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes. Quand on pense notamment aux bibliothèques, dans lesquelles on peut retrouver des activités de médiation interculturelle, je pense que c'est un levier qui est sous-estimé, entre autres en matière de culture, de loisirs et de sports. On pourrait revoir, voire même bonifier les programmes de l'actuel ministère de l'Immigration, de sorte à engager encore davantage les villes. Évidemment, à la lumière de mes travaux, j'insiste sur l'importance d'avoir une structure, une instance au niveau du ministère du Conseil exécutif, le secrétariat, de sorte à s'assurer que le modèle qui soit adopté soit respecté et engage l'ensemble des acteurs gouvernementaux, dont les villes.

M. Morin : Oui. Je vous remercie. D'ailleurs, il y a des groupes qui nous ont dit que le gouvernement travaillait en silo, donc c'était un peu compliqué parfois pour faire affaire avec l'État.

J'aimerais que vous puissiez nous parler de votre secrétariat. Vous le concevez comment? Quel serait son premier objectif, son rôle? Comment ça peut s'intégrer au sein de l'appareil gouvernemental? Puis quelles sont, finalement, les recommandations ou le travail qui pourrait être fait sur le terrain d'une façon concrète, sans nécessairement rajouter une couche bureaucratique dans l'appareil gouvernemental?

M. Carpentier (David) : Oui. Donc, le mandat d'un éventuel secrétariat aux relations interculturelles au sein du ministère du Conseil exécutif serait d'assurer la coordination et la cohérence de l'action gouvernementale et de consolider son expertise. Donc, actuellement, on a plusieurs structures qui sont disséminées dans différents ministères. On a un bureau de coordination de la lutte contre le racisme dans le ministère du Conseil exécutif, on a une direction de l'intégration linguistique et de l'éducation interculturelle au ministère de l'Éducation, on a aussi une direction des politiques et programmes de relations interculturelles au sein de l'actuel MIFI, le ministère de l'Intégration, de la Francisation et de l'Intégration. Donc, une option qu'on pourrait envisager pourrait être de regrouper ces différentes structures au sein du MCE, qui a une action transversale par rapport... par rapport au reste de l'État, des ministères et des organismes et qui pourrait offrir des conseils aux ministères et aux organismes sur l'élaboration de plans d'action, sur la meilleure manière de mettre en œuvre et d'appliquer la présente loi. Elle pourrait aussi guider les MRC, les municipalités en vue de suivre... de suivre le modèle et pourrait aussi fournir des conseils aux politiques lorsque survient des crises. On peut penser, je l'ai dit plus tôt, au conflit israélo-palestinien, qui a soulevé des enjeux de cohabitation intercommunautaire au Québec.

M. Morin : J'imagine que ça pourrait également avoir le rôle... une espèce de rôle d'uniformisation, c'est-à-dire qu'on ne veut pas nécessairement du mur-à-mur, souvent le sur-mesure est préférable, mais il faut quand même qu'il y ait une cohérence dans les services. Est-ce que ce secrétariat pourrait avoir un rôle aussi de formation auprès des municipalités pour s'assurer que la politique, éventuellement, va être non seulement adaptée, mais, évidemment, utilisée d'une façon qui est cohérente?

M. Carpentier (David) : Oui, tout à fait. Et ça fait écho à, peut-être, la première question qui m'a été posée par le ministre de la Langue française sur le livre que j'ai rédigé, qui montrait, entre autres, le fait que l'absence de cadre clair établi par l'État menait à l'élaboration d'une multitude d'approches d'une ville à l'autre, sans ligne directrice. Donc, avoir un secrétariat qui permet d'assurer une cohérence de l'action serait une excellente idée.

M. Morin : Et, dans ce secrétariat...

M. Morin : ...vous le mentionnez, il y aurait un commissaire. Ce commissaire-là c'est... Non?

M. Carpentier (David) : Non.

M. Morin : Non, pas de commissaire?

M. Carpentier (David) : Non, mais ce serait... Ce seraient des structures différentes. Donc, un secrétariat comme instance administrative relevant du MCE et un commissaire comme personne désignée par l'Assemblée nationale. Donc, un agent du Parlement voté aux deux tiers.

M. Morin : Donc, deux... Deux instances, finalement.

M. Carpentier (David) : Exactement, oui. Tout comme on retrouve deux instances dans le domaine de la langue française avec le commissaire à la langue française et le ministère qui sont séparés.

M. Morin : Très bien. Je vous remercie pour la précision. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le député. Alors, on va terminer avec 4 min 8 s qui sont destinées au député de Saint-Henri—Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation, votre mémoire aussi, très précis. Puis je vous suis, là. Puis là j'ai envie de vous entendre sur un élément particulier, notamment votre thèse, là, principale, que le p.l. n° 84 crée un déséquilibre qui en fait un modèle qui penche vers une logique assimilationniste. Et je voudrais voir, ça, dans le projet de loi. C'est une question précise que j'ai pour bien le comprendre. Il y a la notion de creuset. On en a parlé. Ça, c'est bien évident. Il y a aussi ce que vous dites en citant Gérald Godin, qui est très intéressant, quand vous dites : «J'ai constaté que le Québec avait tout à gagner à ne pas forcer les cœurs, mais plutôt à les gagner». C'est là où vous mentionnez souvent, à quelques reprises, de changer «adhérer» par «participation active». Ça, je l'entends. Là où j'avais une question précise, c'était sur votre demande de modification à l'article 5, là, sur ce que constitue la fameuse culture québécoise, la culture commune. Et 5 1°c, là, on parle de l'apport des minorités culturelles. Les personnes immigrantes et les personnes s'identifiant à des minorités culturelles sont appelées à contribuer, notamment à partir de leurs caractéristiques culturelles, à l'évolution et l'enrichissement de la culture commune. Et c'est là où je voudrais bien comprendre ce que vous y voyez, là, comme dans cette perspective-là de l'article 1, qu'est ce qui est assimilationniste finalement, là?

M. Carpentier (David) : Premièrement, je pense que ma thèse est plus nuancée que ça. J'affirme qu'il y a un certain nombre d'éléments qui amènent le projet de loi à être déséquilibré entre nationalisme et pluralisme, et que ça pourrait être interprété comme une tendance menant à un modèle, un modèle d'assimilation. Donc, certains éléments qu'on peut juger problématiques, si on les retirait effectivement, on pourrait rééquilibrer le projet de loi de sorte à tendre vers une approche plus pluraliste. Donc, il y a la notion effectivement d'adhésion aux valeurs et à la culture. Il y a les notions de creuset, de nations unies, mais il y a aussi certains manques, donc, lutte au racisme et à la discrimination, intégration socioéconomique, miser sur le vivre-ensemble et l'intégration plutôt que sur la vitalité du français et de la culture. Donc, il y a comme une sorte d'équilibre qui n'est pas nécessairement atteint pour dire : Ce projet de loi reflète une posture pluraliste. Et ensuite, c'est un choix qui vous appartient. Il y a un spectre entre le pluralisme qui reconnaît l'immigration et la différence culturelle comme étant une plus-value et quelque chose de bien. Et de l'autre côté, il y a une approche de monisme culturel avec les modèles d'assimilation où est ce qu'on tend à l'homogénéité? C'est un choix de société. Historiquement, on a choisi l'approche pluraliste et je pense que ça fait plus de sens dans notre contexte.

M. Cliche-Rivard : Mais vous dites grosso modo, puis on a identifié trois, ou quatre, ou cinq, même, éléments, vous dites qu'il y a possibilité, là, il y a encore ouverture et possibilité d'arriver à ce balancement-là, sans viser la réécriture complète du projet de loi. Vous avez fait des propositions quand même assez concrètes puis assez pertinentes. Je pense que celles de lutte au racisme et à la discrimination me semblent fondamentales aussi comme valeurs intrinsèques de qui on est quand même comme peuple. Vous sentez qu'on est quand même dans l'éventail des possibilités, pas très loin d'être capables de s'entendre.

M. Carpentier (David) : Oui, il y a un... Oui. Oui, on peut, on peut tendre vers un modèle pluraliste, puis je pense que les 35 et quelques recommandations d'amendement que je vous formule abondent dans ce sens-là.

M. Cliche-Rivard : Qu'est-ce que vous faites de, puis le collègue en parlait un petit peu, mais des minorités culturelles historiques puis de ceux qui justement sont ici, mais qui n'adhèrent pas à ce qu'on pourrait appeler comme une culture commune canadienne-française, je ne sais pas comment on appellerait, mais vous comprenez ce que je veux dire? Qu'est-ce qu'on fait des autres?

M. Carpentier (David) : Mais que voulez-vous dire par là? Je ne suis pas sûr de comprendre la question.

M. Cliche-Rivard : Bien, il y avait l'exemple, par exemple, puis on a entendu les communautés anglophones historiques, par exemple, ou il y a le collègue qui parlait des Premières Nations et Inuits. Où est-ce qu'on les place dans ce dialogue là de l'intégration nationale?

• (12 h 20) •

M. Carpentier (David) : Oui. Bien, il y a... Il reste combien de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Six secondes.

M. Carpentier (David) : O.K. Fantastique. Bien, ça dépend comment est-ce qu'on définit la nation. En principe, les communautés anglophones participent à la nation québécoise, peu importe ce qu'en disent les lobbies, là. Puis les Premières Nations sont des nations. Donc, il n'y a pas... Il n'y a pas lieu d'être. Mais les autres font partie de la nation québécoise qui doit être définie de manière inclusive. C'est bon?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...je vais. Merci. On déborde un petit peu, mais ce n'est pas grave. Merci...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : …merci beaucoup. Merci, le… M. le député.

M. Carpentier (David) : Merci à vous pour votre attention.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, c'est ce qui termine cette première séance. Merci énormément pour votre apport à la commission. Je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 12 h 21)

(Reprise à 12 h 24)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens poursuit ses travaux. Donc, le deuxième groupe à recevoir en audition ce matin, il s'agit du Rassemblement pour la laïcité. Alors, ils sont représentés… Le regroupement est représenté par Mme Nadia El-Mabrouk, la présidente, Mme Marie-Claude Girard, ainsi que M. François Dugré. Alors, bienvenue à la commission. Vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour présenter votre argumentaire et, par la suite, nous allons procéder à la période d'échange avec les parlementaires. Alors, votre temps débute maintenant.

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Parfait! Bonjour. On m'entend bien?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Oui.

Mme El-Mabrouk (Nadia) : Bon. Parfait. Donc, merci, Mme la Présidente. M. le ministre, messieurs, mesdames les députés, donc, je… on vous remercie pour l'invitation. Alors, donc, moi, je suis Nadia El-Mabrouk, je suis professeure titulaire au département d'informatique de l'Université de Montréal, mais ici, je suis ici à titre de présidente du Rassemblement pour la laïcité. On dit aussi RPL. Donc, c'est un regroupement d'organismes et d'individus qui oeuvrent à la promotion de la laïcité.

Alors, je suis accompagnée de Marie-Claude Girard, qui est retraitée de la Commission canadienne des droits de la personne, et de François Dugré, qui est professeur de philosophie, retraité du cégep Saint-Hyacinthe, donc, mais tous les deux sont membres du conseil d'administration…

Mme El-Mabrouk (Nadia) :...du Rassemblement pour la laïcité.

Alors, comme nous le disons dans notre mémoire, on se réjouit de ce projet de loi-cadre sur l'intégration nationale. Ça fait longtemps que nous réclamons, au RPL, un modèle de gestion du vivre-ensemble qui mise, donc, sur l'intégration dans un espace culturel québécois commun, dynamique, s'enrichissant de l'apport de toutes et tous, voilà, plutôt que sur la valorisation des différences et la fragmentation de la société en communautés ou en groupes ethnoculturels, chacun voyant ses propres intérêts, à l'exclusion des autres.

Alors, nous saluons tout particulièrement le vocabulaire positif, rassembleur et structurant utilisé pour décrire le modèle québécois d'intégration nationale. Et nous saluons aussi l'absence de vocabulaire clivant basé sur la race ou l'ethnie. Nous y voyons une volonté du gouvernement de sortir d'un discours culpabilisant, accusateur et hautement divisif, qui laisse entendre que le racisme serait un fléau spécifique au Québec, et qu'il proviendrait d'une source unique. D'ailleurs, dans notre... dans notre mémoire, on parle d'un autre racisme, dont on parle peu, hein, qui est le racisme anti-Québec qui malheureusement se manifeste dans les écoles, comme on en parle.

Donc, mettre l'emphase sur les différences et les divisions raciales ou ethniques ne nous semble pas aider à lutter contre le racisme. D'ailleurs, la notion de racisme est souvent élastique. Nous n'avons pas besoin de rappeler les accusations de racisme et d'islamophobie que subissent, par exemple, les défenseurs de la loi n° 21. Donc, contrairement à plusieurs personnes qui se sont exprimées ici, nous pensons qu'un projet de loi-cadre sur l'intégration nationale n'a pas à contenir un vocabulaire divisif et très peu accueillant pour les immigrants.

Nous saluons en particulier, aussi, la proposition de rajout, à l'article 18, donc, au préambule de la charte québécoise, d'un considérant formalisant le modèle québécois d'intégration nationale distincte du multiculturalisme canadien. Cette distinction est expliquée dans un autre paragraphe du projet de loi, qui stipule que le modèle d'intégration nationale s'oppose à l'isolement et au repli des personnes dans des groupes ethnoculturels particuliers, et qu'en ce sens il est distinct du multiculturalisme canadien.

Effectivement, la Loi sur le multiculturalisme canadien offre un modèle d'intégration qui encourage les nouveaux arrivants à s'identifier à leur pays d'origine, à leur communauté d'origine, plutôt qu'au pays d'accueil. Nous pensons que ce modèle n'offre pas les moyens pour lutter contre le repli identitaire et l'intégrisme religieux, au contraire. Il contribue d'ailleurs, indirectement et même, parfois, directement, à priver des membres des communautés culturelles elles-mêmes de leur droit à la liberté de conscience et de religion, à la liberté tout court, d'ailleurs.

À l'inverse, la laïcité de l'État consacre toutes les libertés, y compris les libertés religieuses, pourvu qu'elle respecte la loi commune, n'impose pas de contraintes aux personnes de la même religion et ne les isole pas des autres citoyens. Mais c'est, en fait, donc, la laïcité qui offre les garanties de liberté et d'égalité qui permettent l'émancipation et la pleine participation à la société et au débat citoyen.

Bon, par ailleurs, les tensions religieuses et la pression exercée par certains intégrismes religieux sont, en fait, les causes principales de la détérioration du vivre-ensemble et du climat social qu'on observe. On peut prendre l'exemple des garderies, qui sélectionnent... ou, en fait, en tout cas, sélectionnaient les enfants en fonction de leur religion ou appartenance ethnique, ou, évidemment, l'exemple de l'école Bedford, entre autres, qui sont aux prises avec des problèmes d'entrisme religieux. C'est pourquoi nous pensons qu'il est important de reconnaître la laïcité de l'État comme fondement du modèle du vivre-ensemble et d'intégration nationale. Donc, c'est le sens, en fait, de quatre des neuf... des neuf recommandations que nous faisons dans notre mémoire.

• (12 h 30) •

Par ailleurs, le premier considérant du projet de loi présente la laïcité comme un... comme un élément parmi d'autres de la culture québécoise...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme El-Mabrouk (Nadia) :...bon, alors, bien que le point quatre de l'article cinq semble corriger le tir, bien, nous craignons quand même que cela puisse créer de l'incompréhension auprès de personnes identifiées dans le projet de loi comme des immigrants ou des minorités culturelles. Nous sommes bien placés, au RPL, pour savoir que de nombreux citoyens attachés à la Loi sur la laïcité de l'État et qui souhaitent bénéficier de services publics laïques sont des immigrants de plus ou moins longue date et de différentes origines. Alors, ce qu'il faut... ce qu'il faut comprendre, là, c'est que c'est l'intégrisme religieux et non les immigrants qui constituent la menace contre la laïcité de l'État et ce qu'on appelle les valeurs québécoises.

Nous tenons également à souligner que c'est justement dans un souci de réciprocité et de responsabilité partagée entre les immigrants et la société d'accueil que l'État doit veiller à appliquer son modèle de laïcité. De nombreux immigrants proviennent de pays où ils sont victimes de pressions religieuses qui les empêchent de vivre librement. S'il est attendu de ces personnes qu'elles apprennent le français et qu'elles fournissent des efforts pour s'intégrer au Québec, réciproquement il est attendu de l'État, pour permettre à ces personnes de s'épanouir et de participer pleinement à la vitalité de la culture québécoise, de faire respecter la laïcité. C'est en cela, et pas seulement pour des raisons propres à l'histoire du Québec, que la laïcité est un élément essentiel du modèle d'intégration nationale.

En conclusion, alors, nous appuyons avec enthousiasme le modèle d'intégration nationale visé par le projet de loi n° 84. Nous pensons que le vocabulaire positif, rassembleur, orienté vers la culture plutôt que l'ethnie permettra d'orienter la politique nationale dans la bonne direction afin de réduire la fragmentation sociale et favoriser le vivre-ensemble. Nous saluons également l'emphase qui est mise dans le projet de loi sur la valorisation du français comme langue commune et véhicule d'intégration à la société québécoise. Cependant, nous considérons que le projet de loi devrait considérer également la laïcité de l'État en tant que vecteur d'intégration et de cohésion sociale. Voilà. À notre avis, le français et la laïcité sont les deux éléments structurants essentiels pour un modèle d'intégration québécois distinct de celui du multiculturalisme canadien. C'est pourquoi notre principale recommandation est de reconnaître la laïcité de l'État non pas comme un élément parmi d'autres de la spécificité québécoise, mais bien comme fondement du modèle de vivre-ensemble et d'intégration nationale. Et, par cet ajout, nous désirons également insister sur le fait que la politique qui accompagnera cette loi-cadre devra pallier le manque de moyens mis de l'avant pour faire connaître, enseigner, promouvoir et faire respecter la laïcité de l'État. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour votre exposé. Alors, on va débuter d'ores et déjà la période d'échange avec les parlementaires. Je me tourne du côté du ministre pour une période totale de cinq minutes 30 secondes.

M. Roberge : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Merci pour votre parole libérée qui affirme sans gêne qu'on ne doit pas s'excuser d'être Québécois, en étant ouverts... ouverts d'esprit, accueillants et en continuant d'accueillir des nouveaux arrivants, que j'appelle les nouveaux Québécois, mais en ne s'excusant pas d'habiter le territoire avant l'arrivée de ces personnes-là. Je trouve ça important, rafraîchissant de l'entendre de votre bouche puis de l'avoir lu aussi. L'idée d'arriver avec ce modèle puis de l'établir comme étant un contrat social à la fois pour les gens qui habitent déjà le territoire... On a volontairement précisé qu'il y avait des gens qui s'identifient à des minorités culturelles qui sont aussi interpelés par ce projet de loi là. Ce n'est pas un projet de loi qui n'interpelle que des personnes qui arriveront la semaine prochaine, dans un an, dans cinq ans. Un appel, il y a une main tendue à ces personnes-là de s'intégrer davantage puis de faire nation avec nous. Donc, vous le dites très clairement, on n'est pas dans l'assimilationnisme du tout. Puis vous dénoncez, à la fois dans votre propos puis dans le mémoire, cette tendance autoculpabilisante des Québécois de toujours s'excuser de faire ce que l'on fait. On ose...

M. Roberge : ...à l'article 18, modifier la Charte québécoise des droits et libertés en disant : Bien, elle doit être interprétée à la lumière de cette nouvelle loi fondamentale.

Puis je suis heureux que, Mme El-Mabrouk, vous soyez là, M. Dugré soit là, mais Mme Girard aussi, qui a travaillé à la Commission canadienne des droits et libertés. J'aimerais vous entendre à cet égard-là. Parce que d'autres avant vous sont venus nous dire : Vous n'avez pas le droit de toucher à la charte, que, charte, c'est comme quelque chose, là... on peut toucher à tout sauf ça. Vous, qui avez travaillé dans le domaine des chartes des droits et libertés, pourquoi ça peut être utile, pertinent, nécessaire de toucher à ce texte?

Mme Girard (Marie-Claude) : D'abord, je dois préciser que je ne suis pas avocate. Je suis retraitée de la Commission canadienne de la personne, dont j'ai travaillé dans le milieu. Alors, légalement, je n'ai pas de conseils à donner. Pour moi, c'est important parce que ce qui distingue la Charte canadienne et de la Charte québécoise, à mon avis, c'est que la Charte québécoise comprend... c'est-à-dire la charte canadienne est très, très individualiste. La charte canadienne a un aspect qui défend davantage la nation. Alors, de préciser dans la charte québécoise qu'on a un modèle différent du multiculturalisme canadien, pour moi, est important. Et la façon dont la charte québécoise a été conçue, qui a un droit... qui qui inclut le droit collectif, ouvre la porte à cette inclusion d'une loi sur... de préciser comment on se détache du modèle multiculturalisme, individualisme canadien. Je pense que notre charte le permet. Et la spécificité de la charte québécoise fait en sorte que ça peut accueillir ce genre de précisions, et, je pense, c'est important de le faire, ce droit collectif versus individuel.

M. Dugré (François) : Peut-être un petit mot à ajouter. On est dans un projet de loi, donc on peut avoir quelques considérations générales. Je vous ai écoutés dans les deux derniers jours, et c'est approprié. Mais rapidement, on peut dire que ce n'est pas propre au Québec, une espèce de tension entre la dimension démocratique et la dimension du libéralisme. Donc, la démocratie, le gouvernement de soi, d'un peuple, on peut appeler ça le nationalisme, mais certainement là, il y a le politique comme tel. Et le côté du libéralisme, évidemment, sur plusieurs siècles, c'est d'abord et avant tout des protections, des libertés individuelles, des garanties. C'est de l'ordre du moyen pour préserver donc toutes nos différentes libertés.

Sans cibler qui que ce soit qui a pu prendre la parole ici, il y a une tendance quand même assez générale à enlever presque toute possibilité d'action à l'État, et donc à la démocratie comme telle. Il y a comme une charte des droits et libertés qui devient intangible au sens propre, on ne peut pas y toucher, alors qu'il y a un moment politique, hein, du législatif et de l'exécutif aussi à gérer des considérations particulières comme le fait français. Et la langue n'est pas quelque chose qui a été bien abordé par le libéralisme historiquement.

Alors, de même, un État a parfaitement le droit de penser un modèle d'intégration qui diffère d'un modèle qui s'est déjà prétendu postnational, mais en tout cas, on ne reviendra pas directement sur le multiculturalisme, mais qui ne favorise pas particulièrement justement un modèle pour les Québécois où il y a quand même un élément francophone plus fragile. Je m'arrêterai là-dessus, là, mais on voit un peu les liens.

Donc, là-dessus, on se porte à faux par rapport à cette façon de presque sacraliser, sanctuariser le droit. On en est tous. On regarde ce qui se passe au sud de la frontière, on est inquiets, à très juste titre, mais il y a un moment proprement politique. Et, ça, c'est un des paradoxes de tout notre libéralisme philosophique, même, c'est de dénier à l'État presque toute perspective. On vous a presque dit :  N'agissez pas. Il faudrait qu'on ait tous les détails avant même qu'il y ait un projet de loi pour qu'on ose mettre l'orteil dans l'eau pour savoir si c'est froid ou chaud. Il y a du politique. Et c'est normal.

M. Roberge : Merci bien. Dans le... Dans votre mémoire, vous êtes parmi les seuls à avoir abordé un élément qui est important pour la mise en œuvre de tout ça, parce qu'on a des concepts, des principes très importants. Mais on a... Par exemple, à l'article 16, on parle du financement, de la mise en œuvre ensuite, pour que ça change quelque chose dans le réel. Et vous dites, à la page six : «La loi-cadre sur l'intégration nationale permettra, on l'espère, d'éviter de dépenser l'argent du contribuable pour de tels projets clivants qui empoisonnent le vivre-ensemble.» C'est quand même quelque chose de dire que l'État, avec l'argent des contribuables, finance des projets qui empoisonnent le vivre-ensemble. Nous autres, on est dans un projet de loi sur le vivre-ensemble, la cohésion sociale. Pouvez-vous nous dire qu'est-ce qui ne fonctionne pas? Donnez des exemples d'après vous.

• (12 h 40) •

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Oui. C'est ça. On a donné des exemples dans notre mémoire. On a donné un exemple d'un guide pour... en fait, pour...

Mme El-Mabrouk (Nadia) :...pour les... les intervenants auprès des femmes immigrantes à Montréal, donc un guide pour... bon, qui ne parlait que de racisme en tout cas avec des mots très très clivants, là, de... de... en tout cas qui ne parlait de...

Une voix : ...

Mme El-Mabrouk (Nadia) : ...c'est ça, qui ne parlait que de racisme canadien, québécois, des Blancs contre les Noirs. Écoutez, ce n'est pas une façon. Et puis... et ce document là était financé avec l'argent de la ville de Montréal et du MIFI, je pense, donc du gouvernement du Québec. Écoutez, je pense que ce n'est pas une façon d'accueillir les immigrants en leur disant : Faites attention, vous êtes... vous... vous arrivez dans un territoire où le plus grand danger que vous avez à affronter, ça va être le racisme systémique. Écoutez, je n'ai pas tous les mots à la mode. Ils ne me viennent pas comme ça, là, je ne les ai pas intégrés, mais ça fait peur, hein, vous savez, bon, et puis, écoutez, voilà. Et puis quand on parle de culture du travail par exemple, je suis bien d'accord que l'emploi c'est important, mais quand, dans le guide on explique, par exemple, qu'il y a dans certaines cultures où le retard, ce n'est pas grave. Donc... donc, par exemple, dans ce guide-là, on explique qu'il ne faut pas mettre l'accent sur la ponctualité parce que ça ne fait pas partie de la... de certaines cultures et donc ça serait discriminatoire, raciste. Alors, quand on me parle de culture de l'emploi et mettre l'accent sur l'emploi, il faudrait le faire dans le bon sens.

Vous en voulez d'autres, des exemples? Je peux... je peux en avoir. On en a un tout frais cette semaine qui a fait quand même les manchettes. C'est le Réseau des employés fédéraux musulmans, donc, évidemment, ça, bon, alors c'est un réseau fédéral. Mais, vous savez, il y a des groupes ici aussi qui... qui peuvent... Ça peut exister au Québec aussi, là, bon. Donc, qui donne des conseils aux employeurs pour intégrer les employés musulmans, et donc la liste d'accommodements religieux demandés est assez... est incroyable, vous savez. Écoutez, tous les... je ne suis pas isolée, moi, je suis d'origine tunisienne. Dans notre groupe aussi, on a beaucoup de personnes originaires de pays musulmans, et on regarde cette liste-là, c'est incroyable. Donc, c'est vraiment des intégristes religieux qui font tout pour s'immiscer dans tous les milieux. Et donc l'analyse qu'on demande au patron. Donc, il faut donc savoir que le musulman doit prier trois fois par jour absolument quand il est au travail. Enfin, les fêtes musulmanes, il faut qu'il aille... Vendredi après-midi, on ne peut rien faire parce qu'il faut aller à la prière... il faut que l'homme aille à la mosquée, donc il ne faut rien prévoir. Et écoutez, la liste est longue. Comment voulez-vous que les employeurs ne soient pas craintifs après ça, à employer des personnes qui viennent de pays musulmans, même si c'est faux, que... que la majorité des des personnes qui viennent de ces pays-là demandent tous et toutes et tous, tous ces accommodements-là? Et donc c'est toxique pour le vivre-ensemble, c'est nocif pour l'employabilité de ces gens-là. Et puis vous savez, ça, c'est un réseau, par exemple, qui a eu le prix d'excellence de la fonction publique en 2021. Bon. Vous savez, il y en a d'autres, des groupes, il y a des OBNL qui sont et qui sont aidés pour ça, pour faire des... produire des guides comme ça, qui sont très toxiques, qui empoisonnent le vivre-ensemble. Et nous, quand on voit que le gouvernement du Québec a participé au financement, je peux vous dire que les gens ne sont pas contents.

M. Roberge : Merci. Vous nous... À un moment donné, vous saluez l'absence de vocabulaire clivant. Volontairement, je n'ai pas utilisé, dans la loi, le terme «ethnoculturel». On a parlé de groupes majoritaires, de groupes qui s'identifient à des minorités culturelles. Pourquoi, d'après vous, c'est une bonne idée de choisir ce vocabulaire-là plutôt qu'un autre?

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Bien, comme je... comme on dit, vous savez, quand on accueille les... bien, qu'on fait venir des immigrants, en fait on les accueille sur une base de l'appartenance nationale, hein. On fait venir des Tunisiens, je ne sais pas moi, des Anglais et des Américains, des... des Marocains. On ne fait pas venir des noirs, des racisés, des ethniques, c'est... Vous savez, ce n'est pas ça et puis...

Mme El-Mabrouk (Nadia) :...il y a des Noirs en Tunisie. Faire venir un Noir tunisien ou un Noir américain, ça... c'est complètement différent. Alors, mettre l'accent sur la race... Et d'ailleurs c'est... Premièrement, la race n'a pas une notion biologique très objective, hein, très... Bon. Et puis, bien, c'est clivant, ça fait... ça alimente une division, une division basée sur des mauvais critères, des critères identitaires, bien, qu'on n'a pas... qu'on n'a pas, d'ailleurs, à mettre de l'avant. Et donc l'ethnie... la culture est plus positive, en tout cas à l'oreille, hein, c'est... Les gens le voient...

Quand on entend culture... Je ne sais pas pourquoi, les gens qui viennent ici, on a l'impression, quand ils vous parlent de... de quoi, de... on a l'impression qu'ils le voient comme quelque chose de figé, mais la culture n'est pas figée, on l'entend toujours comme quelque chose de dynamique. Évidemment, ce n'est pas... il n'y a rien qui est figé. Il ne faut pas figer les choses. On essaie... Donc, c'est quelque chose qui change, mais c'est par l'apport humain, par la créativité, par la littérature. C'est quelque chose de beaucoup plus positif. Et puis la culture est liée à chaque personne, c'est chaque individu qui peut... qui contribue, c'est comme ça qu'on entend. Ça fait qu'on ne part pas, de prime abord, par une division des humains en catégories, soit... soit ethnique, soit raciale, etc. Donc, c'est beaucoup plus rassembleur, je pense, de parler de culture que de parler de race.

Alors, j'entends qu'on a... que les gens déplorent qu'il n'y ait pas ici des mesures pour... contre la discrimination ou le racisme. Écoutez, moi, je comprends qu'il y a des institutions, là, qui... faites pour ça. Je comprends que vous prenez ça très au sérieux. Tout le monde prend ça très au sérieux. Mais, dans un projet de loi-cadre, qui oriente la vision de l'intégration de la culture québécoise commune, je ne vois pas pourquoi on devrait mettre des mots désagréables qui divisent. Vous savez, moi, je viens de Tunisie. Il n'y a personne qui se voit comme racisé en Tunisie, personne. Là, ils ne comprendraient pas, là. Tout le monde se voit blanc en Tunisie. Dire à un Tunisien qu'il n'est pas blanc, c'est presque l'insulter, alors... Donc, voilà.

M. Roberge : Bien, c'est un choix qu'on a fait parce que, par exemple, là, dans la six... l'article sept, à un moment donné, on parle... on favorise les rapprochements entre les personnes s'identifiant à la majorité francophone, celles s'identifiant à des minorités culturelles. Quelqu'un pourrait très bien s'identifier à la majorité francophone et être noir ou être blanc ou avoir des traits asiatiques et ça ne change absolument rien. Ou quelqu'un pourrait s'identifier à une minorité culturelle et appartenir, là, à, peu importe, une autre communauté ethnoculturelle. L'idée de choisir le mot simplement «culturelle», c'est que ça permet de passer d'un à l'autre. On ne pourrait pas dire : Je choisis de changer de couleur de peau, mais je peux choisir mon appartenance à la nation québécoise. Puis on veut une intégration nationale, peu importe les origines ethniques. Donc, voilà... Mais je comprends... je comprends qu'on se comprend à cet égard-là.

Il me reste... Il me reste quelques secondes, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Schmaltz) : Une minute.

M. Roberge : Une minute. Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu, même davantage sur la notion de repli sur soi? Vous dites : Non au repli sur soi. C'est un des articles. Pourquoi ça vous parle particulièrement, le rejet du repli sur soi comme véhicule pour l'intégration nationale?

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Bien... Oui. Écoutez, là, vous parlez de... En tout cas... Pour un modèle... En tout cas, on comprend bien que vous proposez un modèle différent du multiculturalisme canadien et on ne peut que le constater, hein, que le multiculturalisme canadien... en tout cas, ce n'est peut-être pas intentionnel, mais il favorise le repli sur soi parce qu'on encourage l'identification par des signes religieux, c'est ça, on encourage ces demandes d'accommodements religieux. Vous savez, ça, là, ce que je viens de vous raconter sur les réseaux des employés fédéraux musulmans ou alors le Conseil national des musulmans canadiens, qui a le même guide, là, pour expliquer aux musulmans comment porter plainte...

• (12 h 50) •

La Présidente (Mme Schmaltz) : Je suis désolée. Je suis obligée de...

La Présidente (Mme Schmaltz) : ...de couper le temps imparti, malheureusement fini. Par contre, nous avons... Je vois que M. le député de l'Acadie semble surpris. Vous avez 12 min 23 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Oui, je suis un petit peu étonné parce que... j'écoutais très attentivement puis là, woup! on a changé de présidente, mais ce sera aussi efficace, j'en suis convaincu. Je vous remercie, Mme la Présidente.

Alors, Mme Le-Mabrouk, Mme Girard, M. Dugré, merci d'être là. Merci. Merci pour votre mémoire que j'ai lu avec beaucoup d'attention. Il y a... J'ai quelques questions pour vous. La loi parle beaucoup d'intégration, est-ce que d'après vous, ce serait plus facilitant si on parlait de vivre-ensemble?

M. Dugré (François) : Peut-être. Je me permets de revenir sur les différents travaux que j'ai essayé de suivre dans la mesure du possible. Donc, ce qu'on a pu entendre, encore une fois, sans nommer des personnes, mais des propos, c'est ce qui compte, là, on ne vise pas des personnes. Ce qui m'a frappé, c'est à quel point tout le monde voit la culture comme étant dynamique, qu'il n'y a pas d'homogénéité. Il y en a qui en ont peur, on peut comprendre. Des minorités religieuses notamment ont pu être discriminées dans l'histoire, dans les pays ou les États n'ont pas de laïcité, où la laïcité est absente ou elle est de façade, il y a de la discrimination. On pourrait donner des cas, mais je pense que c'est l'évidence pour tout le monde. Alors, si on s'entend, s'il y a un tronc commun très, très fort sur le fait que les cultures sont dynamiques, y compris la culture dite majoritaire, et c'est le modèle qu'il y avait aussi chez Bouchard-Taylor, et des cultures minoritaires avec lesquelles, je comprends, on n'est pas fous, on sait de quoi on parle, mais des cultures minoritaires, elles aussi sont traversées par des dynamiques. Une Mexicaine athée lesbienne versus la Mexicaine conservatrice ou davantage conservatrice et catholique, ils ont un point commun de la langue, mais il y a aussi beaucoup de divergences. Je pense qu'on se rend compte de ça, mais, en même temps, il y a des gens qui ont peur de cette tendance que la culture majoritaire pourrait avoir une tendance à la tyrannie, ce qui est classique aussi depuis le XIXe siècle, hein, c'est un des combats qu'on mène, contre les minorités. C'est vrai, historiquement, mais une laïcité, c'est les mêmes droits pour tous les citoyens, qu'importe l'appartenance religieuse. Alors, ça, il y a quelque chose là qui est fort.

Alors, maintenant, je reviens avec votre question, est-ce qu'on doit parler davantage d'intégration, de vivre-ensemble? J'ai vu des cris d'orfraie avec... étant donné le mot creuset, que ça avait des accents, des tonalités assimilationnistes, moi, je ne les vois pas, parce qu'il y a quantité de points dans ce projet de loi là qui montrent très bien qu'il y a des dynamiques dans chacune des cultures et qu'il y a une interaction, c'est ça, l'essentiel. Alors, maintenant que le mot creuset dénote et qu'on passe tout de suite à la conclusion qu'il y a des accents assimilationnistes, je pense qu'on est beaucoup dans les procès d'intention. Nous, en défendant la laïcité, on n'en fait pas un projet identitaire, on en fait quelque chose d'un cadre qui permet au maximum les libertés de tous. Alors qu'on prenne le choix du mot vivre-ensemble ou intégration, je dirais presque que peu me chaut. L'essentiel n'est pas là, selon moi. Mais vous avez à faire un choix de vocabulaire, c'est normal, je comprends ça aussi, mais je ne pense pas que ce soit l'essentiel. Je ne dirais pas que c'est des étiquettes, mais ce n'est pas l'essentiel.

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Ce n'est l'essentiel, mais moi, je préfère intégration en tout cas, parce qu'intégration, en tout cas, s'oppose, en fait, à l'inclusion. Alors, quand on parle d'inclusion, on entend le fait de venir en groupe et inclure des groupes isolés qui pensent à leurs propres intérêts et qui ne se mélangent pas. Dans intégration, il y a une idée de mélange et de rentrer dans une culture commune. Je ne vois pas pourquoi on a peur du mot culture commune. Il y a... Parce que les gens qui voient de l'assimilationnisme dans ce mot là, est-ce qu'ils sont contre le fait de vouloir tendre vers quelque chose de commun. On ne peut pas faire société si on a peur de tendre vers quelque chose qui nous rassemble, ne serait-ce que la langue. C'est important pour se comprendre. Là, on vote pour des députés, il faudrait quand même avoir une certaine... un certain débat citoyen qui permette de... mais, en tout cas, de converger vers certaines... vers une vision du bien commun, là. Voilà.

Donc là, l'inclusion, c'est chacun avec son groupe et travaille... C'est les lobbies. On entend beaucoup les lobbies de groupes dans inclusion, alors qu'intégration on entend plutôt le débat citoyen, là, qu'on se met tous... comment ça, là, dans un creuset, dans un... Non, il ne faut pas dire creuset. Alors, on va dire dans un... Qu'est-ce qu'on peut dire? Moi, je vois que ça s'oppose à inclusion. Alors, voilà.

M. Morin : Je vous remercie. Dans le projet de loi, puis vous m'avez écouté, j'en ai parlé avant, là, il y a... il n'y a pas de...

M. Morin : …qui traite de l'importance du volet économique quand on veut intégrer des nouveaux arrivants, par exemple. C'est sûr que le français est essentiel au Québec. C'est notre langue commune, donc il faut qu'on soit capable de se parler, de s'entendre. Et c'est donc hyperimportant pour les nouveaux arrivants d'apprendre le français, mais, une fois qu'ils ont appris le français puis qu'ils veulent rester, bien là, souvent, ils veulent travailler, n'est-ce pas? C'est normal. Est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui devrait être ajouté? Comment pour s'assurer qu'il y aurait une bonne intégration?

Mme Girard (Marie-Claude) : Si je peux répondre, j'aime beaucoup votre question. Je voudrais d'abord commencer par souligner que le Québec se distingue déjà face à l'intégration socioéconomique des immigrants. C'est fascinant de regarder les derniers… les dernières statistiques de l'Institut de la statistique du Québec qui dit que le taux d'emploi des personnes immigrantes est supérieur au taux d'emploi des personnes qui sont nées ici. Alors, déjà, le Québec est distinct dans sa façon d'intégrer de façon socio-économique les nouveaux arrivants.

L'autre spécificité québécoise est… j'aimerais ça le rappeler, le Québec est la seule province à avoir la… une loi sur l'accès à l'emploi dans sa fonction publique et qu'il y a un autre programme qui s'assure que les programmes d'obligation contractuelle pour l'accès à l'égalité en emploi… qui fait en sorte que le… que les employés de l'État reflètent la composition de sa population en fonction des quatre critères, là, les femmes, les autochtones, les personnes handicapées puis les personnes qui font partie de minorités visibles. Alors, le Québec est déjà très fort dans cette intégration-là.

Est-ce qu'on doit le repréciser dans une loi-cadre? Ça, c'est un choix politique. Mais pour moi, les efforts du gouvernement pour l'intégration socioéconomique des immigrants est déjà… On peut toujours s'améliorer, là. Je ne dis pas ça, mais on se… le Québec se distingue face aux autres provinces du Canada là-dessus, alors je ne vois pas d'inconvénient à l'inclure. On est déjà sur la bonne voie. Ce serait reconnaître dans le fond notre spécificité. Oui…

Mme El-Mabrouk (Nadia) :En tout cas, nous sommes évidemment d'accord que c'est important à… que l'intégration à l'emploi est importante. Mais c'est dans… par… dans la loi-cadre sur le multiculturalisme canadien. Je ne penserais pas. Est-ce qu'il y a un volet sur l'emploi? Parce qu'ici c'est une loi-cadre qui oriente la vision de l'intégration, ça fait que je ne penserais pas que ce soit…

Alors, je comprends qu'il va y avoir des politiques après, nous sommes… évidemment, on est d'accord pour mettre l'accent là-dessus. Regarde… et puis nous, notre expertise, c'est au niveau de la laïcité. Alors, encore une fois, je reviens, je reviens sur cet exemple-là qui choque beaucoup les gens en ce moment, là. Cette histoire de guide des employés fédéraux, je ne sais pas à quel point les gens en tiennent compte de ça, mais quand même, hein? On leur dit que, s'ils ne tiennent pas compte de toutes ces recommandations, de ces recommandations-là, c'est qu'ils ne font pas assez d'effort pour inclure. Et donc on leur explique comment porter plainte, aux musulmans, contre les patrons.

Alors, vous savez, les patrons, ils ne sont pas très chauds après ça pour embaucher les musulmans. Donc, nous, on pense que la laïcité, ça permet plus d'employabilité. Alors, on a beau entendre tous les échos contraires, mais nous on peut vous dire… En tout cas, c'est drôle, les musulmans que je connais, ils ne s'expriment pas souvent publiquement, mais je peux vous dire que c'est plus ça, la crainte. La crainte, c'est que ces intégristes avec… quand la laïcité n'est pas respectée, en tout cas ils ont beaucoup de pouvoir, et ils… ils font… ils font du tort avec toutes leurs demandes d'accommodements religieux qu'on est obligé, hein, qu'on est obligé de tenir… dont on est obligé de tenir compte. Eh bien, ça leur fait du tort pour s'intégrer dans le milieu du travail.

M. Morin : Je vous remercie. J'ai une autre question. Et là c'est en lien avec l'article 9 du projet de loi. C'est dans le chapitre IV qui traite de la politique nationale sur l'intégration de la nation québécoise et la culture commune. L'article 9, qui traite de la politique, dit : La politique peut traiter des sujets suivants… Il y en a… il y en a plusieurs, mais, à moins que j'aie mal lu, on ne semble pas faire référence à la laïcité, mais on fait référence à l'apprentissage du français, puis c'est un «peut» et non un «doit». Donc, est-ce que vous y voyez un enjeu compte tenu de ce que vous nous expliquez dans votre mémoire?

• (13 heures) •

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Absolument. Je suis d'accord avec vous. S'il vous plaît, M. le ministre…


 
 

13 h (version non révisée)

Mme El-Mabrouk (Nadia) :...le ministre. Nous aimerions que, dans la politique, soient ajoutées, en effet, des mesures pour... oui, pour favoriser la laïcité, tout à fait. Bien, écoutez, c'est ce qu'on dit, en tout cas, on ne l'a pas vu là-dedans nécessairement, mais c'est sûr que, dans nos recommandations, on recommande que la politique qui soit mise en œuvre permette d'expliquer, enfin de promouvoir, de faire appliquer la laïcité. Parce que malheureusement, pour l'instant, on trouve que ça reste un peu théorique, oui.

M. Morin : D'accord, je vous remercie. Il y a des groupes avant vous puis des personnes aussi qui ont... craignent que l'application de la politique ne soit pas uniforme ou cohérente. Alors, il y a des municipalités qui nous ont dit : Bien, il faudrait... il faudrait travailler davantage avec les municipalités, ce sont les municipalités sur le terrain qui veillent souvent ces programmes-là. D'autres ont dit : Il faudrait un secrétariat qui permettrait au sein de l'État de bien coordonner cette politique. Vous vous situez où par rapport à ça? Ça serait quoi votre, recommandation?

M. Dugré (François) : Je peux enchaîner en disant qu'on ne s'est pas attardé à cet aspect-là nommément. Là, on est encore une fois dans un projet de loi cadre. Comment ça se met en place, que les intérêts municipaux... et je le dis sans que ce soit péjoratif, chacun a ses intérêts parfaitement légitimes au niveau de sa gouvernabilité, fort bien, chacun doit jouer et je pense que ça va presque de soi que chacun... L'important, c'est ce qu'on appelle souvent le pouvoir de la subsidiarité, chacun étant près d'un terrain de gouvernance, a à y œuvrer compte tenu des besoins spécifiques. Maintenant, il y a différents paliers, là,  on au projet cadre, donc on est élevé, si on veut, en termes d'abstraction. Mais, après ça, bien, ça vient se particulariser à différents niveaux, c'est indéniable. Donc, on ne s'est pas penché sur ce volet-là parce que ce n'est pas notre angle d'attaque, mais on est d'accord pour favoriser, bien sûr... appelons ça cette coordination entre les différents paliers.

M. Morin : Ça va? Voulez-vous ajouter quelque chose, madame?

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Non, on ne n'est pas penché là-dessus parce qu'on a compris que c'était une loi-cadre, enfin, qu'on aurait plus de temps plus tard pour penser aux politiques. Comment mettre ça en œuvre? Nous, on voit ça, en effet, on a regardé ça en parallèle... en tout cas, je comprends que c'est quelque chose qui est différent de la loi sur le multiculturalisme au Canada. Dans la loi sur...

La Présidente (Mme Schmaltz) : Je dois vous... je dois couper, j'allais dire quitter. Je dois couper parce que le temps, encore une fois, s'est écoulé. Mais il reste encore 4 min 8 s pour le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous pour votre présentation. Il y a un élément dans le projet de loi, les articles 16, 17, sur le financement, vous en parliez tout à l'heure, par rapport à des guides dont vous mentionniez, puis, en fait, bon, l'application de la politique puis les liens par rapport aux financements qui suivront. Il y a des discussions qui ont eu lieu sur des festivals, sur des organisations ou des événements culturels, associatifs, de loisirs. Ça fait que j'aimerais ça vous entendre dans cette logique-là, tu sais, puis je pense qu'on fait une distinction claire entre un guide, disons, destiné à la fonction publique ou destiné aux employés, ou destiné, bref, à ce que vous donniez comme exemple tout à l'heure, puis l'organisation ou la manifestation culturelle d'un certain groupe. Je me demandais comment on jongle ça ou comment on peut la traiter, cette distinction-là, qui peut être tout à fait légitime, puis on donnait l'exemple de Nuits d'Afrique ou un festival haïtien ou autres puis contrairement à l'exemple que vous donniez là, de remettre en question la ponctualité ou d'autres choses. Il me semble qu'il y a là deux visions ou deux éléments complètement séparés qu'on doit trancher, là.

M. Dugré (François) : Peut-être rapidement. Et vous soulevez un bon point, assurément, et ce ne sera pas facile. Là, on vient dans le détail. Alors, Nuits d'Afrique, comment ça peut se faire? On entendait la colorée et merveilleuse Aïda Kamar ici même. Le fait que des gens apportent leurs couleurs, persane, turque, que sais-je encore dans la musique, par rapport à des chansons déjà québécoises, on est tous d'accord. Alors, ça, c'est des initiatives très, très fortes. Est-ce qu'il faudrait couper maintenant le financement de Nuits d'Afrique parce qu'il n'y a pas un volet québécois? Ça pose certaines difficultés, à l'évidence, surtout lorsque c'est des organismes bien établis et que les Québécois sont friands de ce genre d'activités là du reste. Ça, il n'y a pas de souci. Là, c'est l'arrimage. Comment on le fait? Le diable est dans les détails, on le sait. C'est complexe en soi. On ne réglera pas ça à coups baguette magique, mais ça soulève effectivement des vraies difficultés.

M. Cliche-Rivard : Parce que cette difficulté-là, j'ai l'impression qu'on ressent davantage dans la manifestation puis l'expression culturelle plus que dans, bon, le fameux exemple...

M. Cliche-Rivard : ...de guide de relations humaines, ou de relations de travail, ou d'autres volets plus civiques, là, de la vie sociale. On dirait que... Puis là, ça a été proposé par un autre groupe, là, qui voyait à ce que le loisir, la culture ou le milieu associatif ne soient pas nécessairement liés de la même façon que, je ne sais pas, moi, une commission scolaire ou la ville de Montréal ou... Est-ce que vous y voyez là une légitime séparation ou vous n'êtes pas certain?

Mme Girard (Marie-Claude) : Il y a peut-être juste un élément. Comme on a parlé... on a dit tout à l'heure, pour nous, la culture québécoise, c'est quelque chose qui évolue, qui... tout le monde participe à, c'est-à-dire qui peut avoir... Ce n'est pas... Ce n'est pas l'ensemble de morcellements de différentes cultures. C'est... C'est... C'est un ensemble qui évolue, qui intègre, qui bouge.

Oui, ça prend du financement à la... Pour moi, c'est... c'est... le financement à la culture québécoise est indispensable si on veut faire société. Est-ce qu'il faut définir, savoir... avoir un financement pour un groupe particulier, un autre pour... C'est évolutif. C'est intégré. C'est global. Ce n'est pas divisif.

Puis, quand vous parliez des festivals, la politique sur le multiculturalisme, elle finance des festivals quand ils sont spécifiquement fermés et encouragent la... pas l'intégration, mais le partage de cultures spécifiques fermées. Tandis que, quand on voit la... Puis, pour moi, c'est un peu ça, le projet d'intégration, d'avoir toutes les couleurs de tout le monde dans la culture commune qui participent, c'est d'avoir une chanson avec un accent différent, chantée par une autre personne qui soit... C'est ce mélange-là qu'il faut... qui est financé, qui nourrit la culture québécoise.

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Oui. D'accord, oui, oui. Bon, mais ça ne doit pas être exclusif, nécessairement. Je pense que... Et peut-être que... Bien, en tout cas, tout ce qui est associatif doit être encouragé. Vous savez, les...

La Présidente (Mme Schmaltz) : ...j'ai l'impression que, chaque fois que vous prenez la parole, je vous coupe.

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Vous avez quelque chose contre moi, hein, vraiment!

La Présidente (Mme Schmaltz) : Alors, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. C'est très apprécié.

Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 h 50.

(Suspension de la séance à 13 h 08)


 
 

14 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 14 h 51)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Je vous indique que nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi sur l'intégration nationale.

Cet après-midi, nous allons entendre les représentants et... des organismes suivants... et des organismes suivants, c'est-à-dire, dans un premier temps, M. Paul Eid, qui est... qui est... attendez... professeur au Département de sociologie de l'Université du Québec à Montréal, qui est en visioconférence et qui a une présentation. Et nous allons... après une petite suspension, nous allons poursuivre avec la ville de Sherbrooke ainsi que sa mairesse, Mme Évelyne Beaudin, et la mairesse suppléante, Luz Fernanda, c'est ça. Alors, voilà.

M. Eid, bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens. Donc, vous allez avoir un 10 minutes pour votre présentation, et, par la suite, nous allons procéder à la discussion sur les propos que vous allez partager avec nous pendant une période X, là, selon les groupes parlementaires. Alors, le temps est à vous.

M. Eid (Paul) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je voudrais d'abord remercier les parlementaires de m'accorder cette opportunité de donner mes commentaires sur le... sur le projet de loi. Je vais préciser d'emblée que je trouve assez bien avisé d'inscrire dans une loi les objectifs qui doivent sous-tendre le modèle d'intégration québécois. Dans le passé, il y a plusieurs politiques d'intégration qui se sont succédé au Québec, et je ne vais pas les... toutes les nommer, mais juste souligner que, comme dans plusieurs de ces politiques, le projet de loi consacre le principe, qui est essentiel, selon moi, selon lequel l'intégration des immigrants constitue une responsabilité ou un engagement partagé entre la société québécoise et les personnes issues de l'immigration, notamment.

Concernant le chapitre I, qui précise l'objet de la loi, on nous dit que le projet de loi établit clairement comme objectif du modèle d'intégration d'assurer la pérennité et la vitalité de la culture québécoise, dont le principal véhicule est la langue française. Dans le chapitre II, qui précise les fondements du modèle, on nous précise... on nous explique que la culture commune à laquelle tous sont appelés à adhérer et à contribuer se caractérise, notamment, par la langue française... bon, je ne vais pas tous les nommer, mais, notamment, la langue française, l'importance accordée à la laïcité de l'État et à la protection du français, les valeurs sociales distinctes.

J'ai déjà quelques commentaires à faire, donc, sur ce qui précède. La protection des droits, de la culture et des intérêts de la majorité francophone constitue un objectif parfaitement légitime et en accord, du reste, avec l'esprit de l'interculturalisme, qui n'est jamais nommé comme tel, d'ailleurs, dans le projet de loi, mais là, par manque de temps, je ne veux pas m'engager sur cette voie, on pourra en parler peut-être plus tard. Par contre, j'ai été surpris de constater que ce projet de loi omet de consacrer les responsabilités de l'État québécois pour lever les obstacles qui entravent la pleine participation des immigrants à la société québécoise, en particulier sur le marché du travail.

Toutes les recherches, plusieurs recherches au Québec, mais aussi ailleurs dans le monde, démontrent que le nerf de la guerre, en matière d'intégration des immigrants et immigrantes, c'est une insertion professionnelle réussie. Ces recherches, ces mêmes recherches démontrent que les personnes immigrantes sont confrontées à des obstacles structurels, notamment, d'ordre discriminatoire, qui entravent leur intégration professionnelle. Ces recherches montrent aussi que toutes les personnes immigrantes ne sont pas égales face aux problèmes d'intégration en emploi. Au Québec comme ailleurs, les immigrants dits des minorités visibles, qu'en sociologie on préfère appeler «racisés», sont beaucoup plus à risque que les immigrants eurodescendants de se buter à des obstacles structurels, notamment, discriminatoires, pour trouver un travail stable qui reflète leurs compétences, leurs expériences et leurs qualifications.

Enfin, je soulignerais que les problèmes d'insertion professionnelle affectent au premier chef non seulement les immigrants, mais aussi les personnes racisées qui sont nées et socialisées au Québec, bien que dans une moindre mesure. Je vais vous montrer quelques données qui illustrent ces tendances.

Peut-être juste mentionner, avant, comme on le voit, là, sur la diapo, les différents types de problèmes structurels auxquels sont confrontés les immigrants. J'en ai mis quelques-uns : l'apprentissage du français, l'adaptation à la culture du marché du travail, faire reconnaître son expérience et ses diplômes acquis à l'étranger — c'est les 3 et 4 — d'accéder aux réseaux qui mène aux emplois qualifiés, et la discrimination directe à l'embauche et en emploi. Et ces obstacles-là, leur interaction, je dirais, mène à la déqualification professionnelle des travailleurs migrants, en particulier pour les personnes racisées...

M. Eid (Paul) : ...ce que j'entends par «déqualification professionnelle», c'est le fait pour un travailleur ou une travailleuse d'occuper un poste qui exige un niveau de qualification inférieur à ce que commande son niveau de scolarité.

J'ai ici un petit tableau que je vais... je vais vous... dont je vais expliquer les grandes tendances qui mesure l'ampleur de la déqualification professionnelle au Québec. Il s'agit ici de données de recensement du dernier recensement 2021 de Statistique Canada qui concerne les universitaires qui... les personnes qui détiennent un diplôme universitaire ou un grade supérieur et qui ont travaillé à temps plein en 2020. Et comme vous voyez, chaque colonne correspond à un groupe différent, ventilée selon la race, le fait d'être... pardon, le statut d'immigrant et le lieu d'études, au Canada ou à l'étranger. Et ce qu'on voit maintenant, chaque bloc de couleur au sein des colonnes correspond au niveau de... de compétence ou de formation requis par l'emploi occupé. On voit la couleur bleue, c'est les postes de gestionnaires. Le rouge, postes qui requièrent un diplôme universitaire, des professionnels surtout. Vert, c'est un poste qui requiert un diplôme collégial ou technique. Et violet, aucune formation. Moi, j'ai regroupé comme vous pouvez voir, les... les pourcentages violets et verts qui correspondent en fait à la proportion au sein de chaque groupe qui subit une déqualification professionnelle, parce que je vous rappelle qu'il s'agit tous d'universitaires, des gens qui ont des diplômes universitaires.

Donc, je vais commencer par attirer votre attention sur les quatre premières colonnes qui ne concernent que les personnes formées au Canada, qui ont un diplôme canadien. On voit que la première colonne, c'est les personnes blanches nées et formées au Canada, ils ont le taux de déqualification le plus bas, à 26 %, suivies, à la troisième colonne, des personnes immigrantes blanches formées au Canada qui ont un diplôme canadien, c'est presque le même taux. Donc, vous voyez, quand je disais que la race est un facteur important à prendre en compte, on le voit bien avec la deuxième colonne où tu as des personnes racisées nées et formées au Canada qui ont 34 % de déqualification, qui est la même chose qu'à la quatrième colonne des personnes immigrantes racisées formées au Canada. Et les deux dernières colonnes, c'est ceux qui sont les immigrants formés à l'étranger. Alors pour eux, on voit que c'est les taux déqualification explosent à 44 % pour les immigrants blancs formés à l'étranger et 61 % de déqualification chez les personnes immigrantes racisées formées à l'étranger.

Une dernière étude que j'aimerais... dont j'aimerais vous parler, c'est une étude qui mesure l'ampleur de la discrimination à l'embauche au Québec. Ça, c'est une étude menée par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en 2011, que j'ai pilotée à l'époque où j'y travaillais et qui consiste en fait à envoyer des centaines de paires de CV en réponse à des véritables offres d'emploi. Ici, il s'agissait d'offres d'emploi dans le champ...le domaine du marketing, des ressources humaines et des communications, donc des postes qualifiés, et on envoie... chaque paire de CV comprend deux CV qui sont égaux sous tous les rapports en termes de formation, d'expérience et de qualification des diplômes au Québec, expérience québécoise. La seule chose qui change, c'est le nom de famille du candidat. On a un candidat majoritaire qui est apparié avec un nom canadien-français, Tremblay ou Gagnon, qui est apparié à un candidat avec un nom, un patronyme à consonance tantôt arabe, latino ou africaine.

J'attire votre attention sur la phrase en bas de la diapo qui est le résultat global. C'est qu'à compétence à formation et à expérience égale, le candidat majoritaire, donc franco-québécois, a en moyenne 65 % plus de chance que les minoritaires, toutes origines confondues, d'être invité même à un entretien d'embauche. Après, la discrimination peut se poursuivre à l'entretien, mais l'étude ne la mesure pas.

• (15 heures) •

Je vais terminer avec quelques... avec deux recommandations. Attendez. Ah!J'avais oublié. Ah! oui, c'est bon. Donc, dans la section Devoirs et attentes au chapitre 3, je suggère d'ajouter que l'État québécois est investi du devoir suivant : L'État du Québec--- vous pouvez le lire à l'écran--- prend les mesures nécessaires pour, un, faciliter la pleine participation des personnes immigrantes et racisées à la société québécoise, notamment dans le marché du travail et dans l'accès aux services. Et, 2, lever les obstacles institutionnels et structurels qui entravent l'atteinte d'un tel objectif. L'État du Québec prend également les mesures nécessaires pour lutter contre le racisme et la discrimination qui entravent la pleine et égale participation des personnes immigrantes et racisées à la société québécoise sur les plans social, politique, juridique, culturel et économique. Et finalement, ma dernière recommandation concerne... est-ce que je...


 
 

15 h (version non révisée)

M. Eid (Paul) : ...oui, concerne les dispositions modificatives applicables à la Charte des droits et libertés, dans je ne sais plus quel chapitre, à la fin. Je trouve assez, en fait, préoccupant l'ajout de l'expression «modèle québécois d'intégration nationale» à l'article 9.1 comme argument pouvant justifier une pratique ou une norme portant atteinte aux droits et libertés protégés par la charte. L'esprit qui sous-tend la charte québécoise est de protéger un noyau dur de droits et libertés jugés inaliénables contre les abus des groupes dits majoritaires. Or, le modèle québécois d'intégration nationale constitue un concept très flou et mal défini qui, de surcroît, pourrait être invoqué pour justifier des pratiques et des normes étatiques restreignant abusivement les droits et libertés des personnes migrantes en leur imposant une conception homogénéisante et réductrice de ce qui définit et constitue la culture québécoise, bref, en limitant leur droit à conjuguer leur québécitude au pluriel.

En plus, et je terminerai là-dessus, le gouvernement dispose déjà, dans l'article 9.1 de la charte, des leviers dont il a besoin pour protéger les intérêts et les droits collectifs de la majorité contre un exercice abusif des droits individuels par les personnes migrantes. Pourquoi? Parce que les droits et libertés de la personne, précise l'article 9.1, et je le cite, «s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de la laïcité de l'État, de l'importance accordée à la protection du français, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.» Voilà.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : M. Eid, j'espère que vous avez terminé.

M. Eid (Paul) : J'ai terminé.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Parce qu'on a dépassé un petit peu le temps. Mais c'est correct. Je pense que pour...

M. Eid (Paul) : J'ai terminé.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Parfait. Merci beaucoup pour votre présentation. Pour le bien-être des gens qui sont peut-être à la maison, notre intervenant avait une présentation qui est à la disposition des parlementaires. Alors, dans la période de questions, évidemment, on va certainement y faire référence. Alors, le temps, pour le ministre, est de 16 minutes 30 secondes. Il commence maintenant.

M. Roberge : Merci beaucoup pour votre présentation. Vous insistez beaucoup sur la lutte à la discrimination, aux discriminations, la lutte au racisme. Quels sont les moteurs ou quelles sont les causes, d'après vous, du fait qu'il y a du racisme partout à travers le monde, mais, bon, au Québec? C'est quoi les racines, là, du mal?

M. Eid (Paul) : Grande question, les racines du mal. Écoutez, c'est que le racisme a plusieurs dimensions, plusieurs niveaux. Le racisme, on peut le... on peut le mesurer par les préjugés et les stéréotypes et on peut le mesurer aussi par les pratiques qui sont souvent teintées de préjugés et de stéréotypes. On peut aussi... La discrimination ethnoraciale peut aussi se manifester de manière indirecte par des normes, des pratiques qui ne sont pas conçues a priori pour exclure, qui sont neutres a priori, mais qui ont un effet d'exclusion disproportionné sur les... certaines minorités, parce que soit elles ne prennent pas... ces normes ou pratiques ne prennent pas en considération les besoins et les intérêts des minorités qui peuvent différer de ceux de la majorité, parce que... parce que, oui, on ne part pas tous... tous les groupes ne partent pas égaux dans le marché de l'emploi, dans le marché du logement. Et donc, ce sont l'interaction, je dirais, de préjugés et de stéréotypes, de pratiques discriminatoires, directes, indirectes, toutes les... C'est ce qu'on appelle en sociologie la discrimination systémique, donc qui ne se réduit pas à quelques cas isolés, à la somme de quelques cas isolés, mais à l'interaction de plusieurs facteurs.

Donc là, je sais que je suis resté à un niveau d'abstraction assez élevé, mais j'essayais de trouver un modèle explicatif pour répondre à votre question qui est... qui est un peu universelle. Parce que, vous l'avez dit, le racisme n'est pas l'apanage du Québec, loin de là. On le retrouve partout à l'endroit des minorités issues la plupart du temps de l'immigration ou de la colonisation.

M. Roberge : Merci. D'autres personnes sont venues depuis trois jours puis nous ont dit que la meilleure façon de combattre les préjugés... puis il y a deux, trois qui ont parlé de ça, là, préjuger, c'est juger avant, là, c'est... c'est ça, les deux racines, là, du mot, c'est que les gens se connaissent, c'est que les gens se côtoient. On n'a pas de préjugés envers quelqu'un qu'on connaît, avec qui on a partagé un repas ou avec qui on a passé une soirée complète. On a des affinités ou on n'en a pas, mais on n'a plus de préjugés. Et c'est ce qu'on essaie de faire en mettant les gens en interrelation et...

M. Roberge : ...je vous dirais que c'est une des lignes de force du modèle d'intégration, c'est de les mettre ensemble. Donc, dans notre chapitre trois, Devoirs et attentes, là, on dit : Les Québécois doivent collaborer à l'accueil des personnes immigrantes, favorisent l'intégration à la nation en encourageant notamment leur pleine participation en français à la société québécoise, favorisent les rapprochements entre les personnes. Est-ce que vous êtes d'accord qu'une des choses que l'État peut faire pour combattre le racisme puis la discrimination, c'est de créer des moments où on amène des gens à se rencontrer, de favoriser les rencontres, de structurer des événements, des activités, des festivals, des occasions où des personnes qui, spontanément, ne se seraient pas retrouvées autour d'une même table mais, finalement, se rencontrent, se parlent et se connaissent?

M. Eid (Paul) : Bien, je trouve que c'est essentiel, cet objectif-là. De viser le rapprochement et le dialogue interculturel, c'est essentiel pour créer de la cohésion, une cohésion sociale, pour permettre, dans le fond, aux minorités et aux majorités de se connaître. Quand... À partir du moment où on a des interactions en commun, on crée un espace, là, où peuvent se créer une communauté d'intérêts, une communauté de référence, une communauté de culture, mais ça prend ces espaces-là et ces occasions-là. Donc, je trouve... je ne peux qu'applaudir à cet objectif-là.

Maintenant, pour ce qui est de l'insertion en emploi, comme j'ai dit, c'est vraiment le nerf de la guerre... si on veut vraiment favoriser la pleine participation des personnes migrantes, c'est là où le bât blesse. On le sait. Toutes les données le montrent depuis des décennies. Et là les occasions de rapprochement interculturel ne vont pas suffire. Ça va prendre des mesures... Ça prend des mesures qui existent, qu'on n'a pas à réinventer, mais il faut les renforcer, les appliquer, comme la reconnaissance des diplômes acquis à l'étranger, de favoriser les... cette reconnaissance en levant les... s'assurant que les normes de reconnaissance des diplômes ne sont pas teintées par des biais discriminatoires directs ou indirects. Il faut collaborer avec les ordres professionnels pour ça. On peut même leur... J'ai vu, dans votre projet de loi... et donc, sur le coup, on ne comprend pas a priori pourquoi, mais on dit que cette loi donne la possibilité, je crois, de modifier la loi sur les professions. Alors, je me dis peut-être que c'est ce que vous aviez en tête sans que ce soit dit explicitement, peut-être que c'est pour ça que ça a été mis, cette clause qui modifie... qui donne le pouvoir de modifier la loi sur les professions, pour faciliter la reconnaissance des diplômes.

Les programmes d'accès à l'égalité. Donc, je n'en ai pas parlé parce que c'est une loi-cadre générale. On n'est pas dans... On ne rentre pas dans la poutine, j'ai bien compris, là, dans les... le «fine-tuning», mais les politiques d'intégration qui vont découler de la loi devraient aussi... devraient penser à... parmi les moyens utilisés pour lever les obstacles à l'intégration, aussi à mettre en œuvre des mesures pour permettre l'atteinte des objectifs en matière d'accès à l'égalité, des programmes... les objectifs de représentation des minorités, parce que l'État, comme ça, pourrait être exemplaire et servir de levier, de tremplin pour l'insertion en emploi et donner l'exemple aussi aux organismes privés.

M. Roberge : Donc, on pourrait penser qu'en cohérence avec les principes où on veut du vivre-ensemble, on veut de la cohésion, on veut que les gens se rencontrent... bien, qu'ils se rencontrent aussi sur le marché du travail, et donc, dans la politique, avoir des éléments d'insertion au marché du travail, donc de faire vivre, là... comment on fait vivre, puis on sort des nuages, puis des concepts, puis des principes, puis on le fait atterrir dans une politique. Bien, dans la politique gouvernementale, ce que je comprends, puis une politique va toucher tous nos ministères, tous nos organismes, toutes nos sociétés, toutes nos municipalités, il pourrait y avoir, en toute cohérence avec le projet de loi, un élément d'insertion à l'emploi, puis ça serait une manière de changer le monde, là, une personne à la fois.

• (15 h 10) •

M. Eid (Paul) : Bien, tout à fait. Vous l'avez bien dit. Je ne pense pas que c'est : l'un exclut l'autre, et même que les deux objectifs, le rapprochement interculturel et l'insertion en emploi, la pleine participation sans discrimination des minorités au marché de l'emploi, sont deux objectifs qui sont non seulement compatibles, je dirais même...

M. Eid (Paul) : …qui sont conditionnels… où l'un est conditionnel à l'autre. Lever les obstacles structurels à l'insertion en emploi, dans l'accès aux services, lutter contre la discrimination et le racisme est une précondition pour moi qui… pour permettre des conditions pour que les… pour permettre des conditions gagnantes, on va dire, d'un rapprochement interculturel réussi.

M. Roberge : Avec des conditions gagnantes pour des rapprochements interculturels, on lutte contre les préjugés, contre les stéréotypes, contre le racisme. On invite les gens à s'enraciner, à se sentir ici, chez eux, avec un emploi, avec un réseau social. Est-ce qu'on peut penser qu'à terme ça amène encore plus un sentiment d'appartenance à leur nouveau chez soi puis une cohésion sociale qui serait plus grande?

M. Eid (Paul) : Exact. Mais à 100 %, le… Moi, je veux dire, la plupart des études sur l'immigration qui… Les études qualitatives, quand on donne la parole aux personnes immigrantes puis on leur demande qu'est-ce qui... qu'est-ce qui nuit, on va dire, à leur sentiment d'appartenance au Québec, c'est le fait qu'ils se sentent dévalorisés, dévalués, par leur déqualification professionnelle. On a 60 %... à peu près 60 % des immigrants sont des travailleurs qualifiés qui ont été sélectionnés pour leur potentiel élevé d'insertion socio-économique. Et on se trouve… le Québec se trouve à se priver… se priver de leur… de ce potentiel. Et donc… et vous avez raison, tout le monde, on aurait tous à y gagner. Le Québec y gagnerait, mais les immigrants aussi. Parce que le sentiment d'identification à la société québécoise passe beaucoup par le… par le fait de se sentir utile à cette société et d'y contribuer par le travail. Je suis… Oui, à fond.

M. Roberge : Merci. Merci beaucoup pour toutes vos réponses à mes questions pas simples. J'ai des gens qui vont… qui veulent prendre la relève, là.

M. Eid (Paul) : Merci. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre, alors…

M. Eid (Paul) : Merci à vous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : On va poursuivre avec le député de Saint-Jean. Il vous reste 6 min 14 s.

M. Lemieux : Merci, Mme la Présidente. Professeur Eid, je vous écoutais faire votre présentation. J'ai un écran pas loin. Je regardais ce que vous… et vous étiez pressé de nous présenter vos conclusions puis vos recommandations. Mais vous avez… pas esquivé, mais vous avez passé très vite sur un concept fondamental pour moi, qui ne semblait pas… que vous ne vouliez pas, à ce moment-là, en tout cas, exploité, et je voudrais qu'on y revienne, c'est… Vous avez parlé d'interculturalisme, mais, depuis trois jours qu'on est là-dedans, on se promène quelque part entre un axe qui n'est pas nécessairement gauche droite, là, c'est clair, mais tantôt accusé d'assimilationniste, complètement à un bout de la pièce, sinon d'un axe, ségrégationniste d'un autre côté de l'axe. Puis là, bien, on joue avec les concepts, on essaie de voir si le modèle que moi, j'appelle sur mesure, parce qu'effectivement c'est un modèle que l'on crée quelque part à partir des concepts existants, mais qui est sur mesure pour le Québec dans sa qualité de société distincte, donc, il y a le multiculturalisme qui existe puis qu'on ne veut pas, puis qu'on ne voulait pas, puis qu'on ne veut plus. L'interculturalisme, il y en a qui parlent de convergence. On s'est fait parler de pluralisme ce matin.

Est-ce qu'il y en a un de ceux-là, de ces modèles-là qui vous parle plus en termes d'efficacité par rapport à… au cheval de bataille que vous avez? C'est-à-dire votre… les données que vous nous avez présentées, je suis certain que c'est ce que vous aviez de plus convaincant pour nous, mais j'imagine que vous en voyez beaucoup, de données, puis que vous en avez analysé beaucoup, de recherches. Est-ce qu'il y a un de ces modèles-là qui est vraiment… j'allais dire, «sur mesure», Non, c'est le notre, mais qui est vraiment parfait pour corréler avec les statistiques que vous nous montrez?

M. Eid (Paul) : Écoutez, merci pour cette bonne question, là, c'est… c'est que, pour moi, le terme utilisé, il peut être secondaire, c'est… Je veux dire, je ne veux pas me lancer dans un débat terminologique, mais ce qui est important, c'est ce que recouvre le concept. Et puis, pour moi, l'interculturalisme rejoint plusieurs des éléments qu'on retrouve dans ce projet de loi, mais l'interculturalisme est défini de façons différentes selon la personne qui propose la définition, mais je dirais qu'il y a plein de choses, dans ce projet de loi, qui… qu'on retrouve déjà dans des politiques québécoises précédentes, par exemple l'idée d'engagement partagé, de responsabilités partagées...

M. Eid (Paul) : ...partagé. Bien, dans l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration de 1990, que j'aimais beaucoup, moi, on parlait de contrat moral, c'est un peu la même idée, avec des devoirs et des obligations de part et d'autre, pour la société, mais aussi pour les immigrants. Le respect du pluralisme culturel dans certaines limites, bon, certaines limites qui correspondent aussi aux objectifs du groupe majoritaire, ça, on le retrouve dans toutes les anciennes politiques aussi, la protection du français. Et c'est peut-être la laïcité ici qu'on ne retrouvait pas avant, mais qu'on retrouve maintenant, dans ce projet de loi.

Ce qui manque, peut-être, c'est donc la question des objectifs d'une politique d'intégration qui est collée, on va dire, aux objectifs de maintien et de maintien de la culture du groupe majoritaire. Ça, c'est très présent dans le projet de loi n° 84, mais ce qui manque, peut-être, c'est la partie qui prend en considération les besoins, les intérêts, aussi, des immigrants, puis, souvent, ces besoins et intérêts recoupent ceux de la société d'accueil. Notamment, s'agissant... quand on parle d'intégration sur le marché du travail, tout le monde va y gagner.

Mais le respect du pluralisme culturel, de considérer que le Québec, l'identité québécoise peut se conjuguer, se décliner au pluriel, même dans la sphère publique, dans l'espace public, ça, c'est quelque chose qui était aussi au cœur de l'interculturalisme, qu'on retrouve peut-être un peu moins ici, et qui, pour moi, me semble quand même assez important, tout en gardant en tête les objectifs, comme j'ai dit, et les besoins culturels et linguistiques de la majorité, donc de trouver un équilibre entre les deux.

M. Lemieux : Oui. En particulier, en ce qui me concerne, en tout cas, linguistique, parce qu'on comprend que, si on n'a pas une culture dite commune... Puis, encore aujourd'hui, on était en train de regarder comment on pouvait parler d'une culture commune, tout en tenant compte que la nation a évolué au fil du temps, et de ceux qui l'ont habitée tout ce temps-là. Et puis c'est une mouvance, ce n'est pas nécessairement statique. Mais, en ce qui me concerne, ça ne donne rien d'essayer de sauver le français, entre guillemets, si ça devient une langue qui est... qui n'est pas partagée dans l'espace public puis qui n'est pas utilisée dans ce qu'on a de plus précieux, c'est-à-dire notre communauté.

M. Eid (Paul) : Exact.

M. Lemieux : Donc, c'est là où je m'en allais. Le multiculturalisme, on se disait que c'était... ce n'est pas juste parce qu'on n'aime pas ça parce que ça vient d'Ottawa, là. Le Québec, de tout temps, n'a jamais été à l'aise et confortable avec le concept. Est-ce que c'est... Qu'est-ce que vous en pensez? Je ne veux pas mettre des mots dans la bouche, mais est-ce que c'est vrai que ça nous amène plus vers le silo?

J'ai parlé de ghettoïsation, il y a... il y a deux jours, ça n'a pas très bien passé, parce que ce n'est pas ça que le multiculturalisme veut faire, mais je prétends que c'est une partie du résultat dans certaines communautés et dans certaines régions. C'est sûr qu'à Chicoutimi on ne risque pas de se retrouver avec des silos ou des ghettos, alors qu'à Toronto puis à Vancouver on a vu, dans d'autres recherches, que ça devenait de plus en plus gros. Mais est-ce que... est-ce que la réaction qu'on a, c'est un réflexe qu'on a de s'en aller vers autre chose que le multiculturalisme, c'est un gage, entre guillemets, de succès?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Rapidement.

M. Eid (Paul) : Oui. Alors, très rapidement, c'est que le multiculturalisme... on a parfois une idée un peu caricaturale de ce qu'est devenu le multiculturalisme. Parfois, l'idée qu'on s'en fait correspond à ce qu'il était pendant ses 20 premières années de... ou ses dix, 20 premières années d'existence. On pense à une politique qui vise à financer des festivals, qui vise à financer... à encourager les minorités à maintenir leur culture, alors que depuis la fin des années 80...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : M. Eid, je dois, malheureusement, vous arrêter, le temps imparti au gouvernement est terminé.

M. Eid (Paul) : OK. C'est correct, je comprends.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Mais on poursuit les discussions avec le député d'Acadie, pour une période de 12 min 23 s.

M. Eid (Paul) : Pas de problème.

• (15 h 20) •

M. Morin : Merci, Madame la Présidente. Alors, bon après-midi, Pr Eid, merci pour vos suggestions, les idées que vous partagez avec nous, le document que vous nous avez fait parvenir également, et que j'ai lu. D'abord, je vous dirais, et vous l'avez... vous avez fait référence vous-même... ce n'est pas la première fois qu'au Québec on dépose un document ou une politique, là. Ici, maintenant, on est plus loin, c'est un projet de loi, mais ce n'est pas la première fois que le gouvernement du Québec s'intéresse à l'interculturalisme, appelons le comme ça. On se rappelle la politique du gouvernement de monsieur Bourassa en 1990. Il y a monsieur Couillard, également, qui a déposé une politique, évidemment, des décennies après. Mais si on revient à la politique de monsieur Bourassa, il y avait, dans ce document, en fait, une référence -et vous l'avez mentionné - de contrat moral, c'est-à-dire un engagement...

M. Morin : ...de part et d'autre. Donc, pour le nouvel arrivant qui est... qui est ici, bien, oui, il y a un engagement, mais le gouvernement aussi s'engage, et ça, je ne le vois pas ou je ne le ressens pas dans le projet de loi qu'on a présentement sous étude. Est-ce que vous partagez mon point de vue? Est-ce qu'il devrait y avoir plus d'engagement de la part du gouvernement? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Eid (Paul) : Oui, bien, tout à fait, bien... mais je pense que ma présentation allait dans ce sens-là, et mes recommandations... ma recommandation aussi, une de mes recommandations. Je vois beaucoup de... Ce qu'on voit dans le projet de loi, c'est des obligations, des devoirs qui épousent les intérêts de la majorité, ce qui est correct, encore une fois, ce qui est tout à fait légitime, mais cette intégration là, on voit... on voit peu d'obligations et de devoirs qui seraient... qui s'imposeraient à l'État pour favoriser l'intégration des immigrants, en prenant en compte, aussi, leurs besoins et leurs intérêts, et quand... et, je le répète, leurs besoins et leurs intérêts, des immigrants et de la société québécoise, se recoupent, bien souvent, donc il ne faut pas penser que c'est mutuellement exclusif.

Donc, j'ai vu très peu de... c'est vrai que je n'ai pas vu cette réciprocité qui était pourtant... que laissait présager l'usage du mot, à un moment donné, dans le projet de loi. On parle de réciprocité, je crois, partagée. Je ne l'ai pas tellement vu. Puis je pense que c'est un projet de loi qui est tout à fait valable, mais qui pourrait être amélioré, bonifié en corrigeant ce déséquilibre-là, tout à fait.

M. Morin : Je vous remercie. L'autre élément, et ça, vous y avez fait référence, parce que M. le ministre vous a posé une question là-dessus, dans le projet de loi, actuellement, il n'y a pas... il n'y a pas de volet que j'appellerais socioéconomique. Et en matière d'intégration, entre autres, pour des nouveaux arrivants, bien sûr, le français, c'est essentiel, c'est notre langue commune, c'est notre langue officielle, donc il faut parler français, mais, après, souvent, pour les nouveaux arrivants, après avoir appris la langue ou en apprenant la langue, bien, ils veulent travailler, et je... il n'y a pas de... il n'y a pas aucun chapitre qui traite de ça, ou d'engagement du gouvernement à cet effet là. On ne parle pas non plus de chances égales en emploi ou, même, d'avancement. Est-ce que c'est quelque chose qui, d'après vous, devrait être ajouté dans le projet de loi pour que ce soit clair, finalement, pour tout le monde?

M. Eid (Paul) : Bien, oui, évidemment. Ça, c'était... c'était vraiment au cœur de ma présentation. C'est ça, il faudrait... Moi, je recommandais qu'on ajoute dans la section des devoirs et des attentes, là, vraiment, une... comme j'ai dit, un passage qui dit que l'État a le devoir de prendre les mesures nécessaires, l'État québécois, le gouvernement, prendre les mesures nécessaires pour lever les obstacles structurels, institutionnels qui entravent la pleine participation sur le marché du travail.

Parce que, comme j'ai dit, s'il y a une chose où... sur laquelle on s'entend en recherche, là, c'est que l'intégration et le... comme j'ai dit, le nerf de la guerre ou le véhicule par excellence de l'intégration, c'est le marché de l'emploi, et, à l'heure actuelle, les immigrants... et pas tous les immigrants, c'est ce que j'ai essayé de vous montrer avec mes données... les immigrants racisés, donc, qui sont plus susceptibles de subir le racisme et la discrimination sous toutes ses formes, ce sont eux sur... pour qui il faut agir en particulier. Parce que les immigrants d'origine espagnole, belge et française, les chiffres montrent qu'ils se débrouillent souvent bien, parfois, mieux que les natifs du Québec, là, qui sont blancs, blancs du Québec. Voilà. Donc pour répondre votre question, c'est oui, tout à fait.

M. Morin : D'accord. Et ça, vous l'avez mentionné aussi dans votre exposé, vous avez parlé, évidemment, de la... de la reconnaissance des compétences, que ce soit, par exemple, au niveau des professions ou de compétences dans différents métiers. C'est un enjeu, on nous le souligne souvent, au niveau de l'intégration. Est-ce que vous pensez que ce serait bon pour que quelqu'un qui veut venir immigrer au Québec ait, finalement, un portrait authentique de ce qui va lui arriver? Est-ce que ça ne pourrait pas être évalué avant même qu'il arrive pour qu'il sache à quoi... à quoi s'attendre?

Et je vous donne un exemple que moi, j'ai eu dans mon bureau de circonscription, un petit peu étonnant, mais je n'ai pas de raison de croire que ce n'est pas vrai. Un médecin... un médecin qui veut... qui veut venir au Québec, il arrive et, bon, pas capable de devenir membre du Collège des médecins, suit des cours, c'est compliqué, et, finalement, il se décourage, puis il s'en va... il s'en va en France, il s'en va à Paris, et là, à Paris, trois mois après, il peut pratiquer la médecine. C'est quand même un petit peu étonnant.

Moi, je ne jette pas de pierre au Collège des médecins après-midi, ce n'est pas le but, là, de mon propos, mais, tu sais, peut-être que si on leur disait...

M. Morin : ...avant, bien, ça aiderait... ça aiderait le nouvel arrivant à décider où il va aller. Et puis, si c'est au Québec, tant mieux. Mais avez-vous des suggestions pour nous concrètement là-dessus?

M. Eid (Paul) : Bien, c'est malheureux. Le cas que vous donnez est loin d'être un cas isolé, là. C'est le cas de milliers de personnes qui ont... qui arrivent avec un diplôme acquis à l'étranger, qui mène une profession réglementée, au Québec, puis on a un... Écoutez, oui, qu'ils sachent à quoi s'en tenir, à l'heure actuelle, bien, ça va peut-être être un peu dissuasif s'il sait à quel point... s'il avait une idée de l'ampleur des obstacles qui se... qui l'attendent dans le parcours de requalification, ça pourrait être dissuasif.

Mais, heureusement, c'est possible de changer les choses, mais je pense que les ordres professionnels ont besoin d'être un petit peu mieux encadrés, accompagnés, monitorés, surveillés aussi pour s'assurer, donc, que leurs normes qui sont nécessaires, hein... ils... c'est important pour les ordres de pouvoir s'assurer que les compétences acquises à l'étranger sont conformes à nos standards, à nos normes québécoises, mais, en même temps, on a une situation, à l'heure actuelle, au Québec, qui est anormale, où les... une étude, je n'ai pas eu le temps, par exemple, de vous le montrer, mais une situation où le Québec est la province... des 10 provinces québécoises, c'est la province où les personnes... où on retrouve le taux le plus bas de personnes immigrantes formées dans des domaines réglementés, au Québec, qui réussissent à se requalifier. On parle de... c'est ça, 19 % des immigrants qui sont formés pour pratiquer une quinzaine d'emplois réglementés au Québec, ils sont formés à l'étranger, 19 % seulement, alors qu'en... au Newfoundland, à Terre-Neuve, par exemple, on parle de 60 %. Et donc le Québec est en bas du peloton complètement. Donc, on peut s'améliorer là-dessus.

M. Morin : Oui, je vous en remercie. Puis évidemment, on comprend l'importance des ordres professionnels, c'est la protection du public. C'est leur mandat, c'est leur mission, mais les chiffres que vous nous partagez, en fait, les pourcentages, si on se fie aux critères québécois, on pourrait penser qu'à Terre-Neuve ils sont vraiment en danger, parce que, là, il y en a beaucoup plus qui accèdent à des professions, ce qui est un peu... ce qui est un peu surprenant, mais je vous remercie de partager ça avec nous.

L'autre élément, dans le chapitre IV, à l'article 9, on parle de la politique, on dit que ça peut notamment traiter des sujets suivants, on parle de l'apprentissage du français. On a vu tous les problèmes d'accès à l'apprentissage du français qu'on vit encore. Est-ce que ça devrait être un «peut» ou un «doit»?

M. Eid (Paul) : Juste... Donnez-moi deux secondes pour voir... regarder la politique.

M. Morin : Oui, c'est à l'article 9.

M. Eid (Paul) : «Doit», et le français, c'est le numéro quoi?

M. Morin : C'est le numéro 5°.

M. Eid (Paul) : Oui.

M. Morin : Parce que ça ne semble pas être très contraignant.

M. Eid (Paul) : Oui, je suis d'accord avec vous. Effectivement, ça serait beaucoup plus efficace qu'un verbe «devoir» qui soit un petit peu plus contraignant, effectivement. Puis, dans la politique elle-même, bien, il faudrait que la politique ce soit... que ça pourrait être même dans la loi. Mais je crois que ça, c'est au législateur de décider, évidemment, mais de créer une obligation quelque part, de prendre toutes les mesures nécessaires et d'investir les besoins... les budgets correspondants pour permettre l'apprentissage du français, la francisation, quoi, parce qu'on le sait, c'est ça, l'enjeu. On a beau en faire un objectif, il faut que les moyens soient pris en conséquence pour permettre cette francisation-là, ça coûte des sous.

Et donc il y a eu des coupes aussi, récemment, là-dedans, puis on a réinvesti un petit peu, mais ça serait bien justement, si, quel que soit le gouvernement, une loi pouvait dire : Bien, c'est un objectif prioritaire, non seulement un objectif à poursuivre, mais il faut prendre... La loi pourrait aussi contraindre tout gouvernement à prendre des mesures nécessaires, dans les limites du possible, pour favoriser l'atteinte de cet objectif.

• (15 h 30) •

M. Morin : Le temps file. Je vais avoir une dernière question pour vous, elle est un peu plus technique, et vous y avez fait référence en partie, et c'est en lien avec l'article 19 du projet de loi qui réfère à l'article 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne. Le gouvernement veut modifier l'article, il veut ajouter, après «français», «du modèle québécois d'intégration nationale», sauf que, quand on va voir dans les «modèle et fondements» au chapitre II... 


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Morin : ...bien, donc, le modèle et qu'on parle de la culture commune, on parle, entre autres, du français, on parle de la langue française, on parle de la laïcité, on parle de l'égalité hommes-femmes, c'est déjà dans la charte. Alors, est-ce que c'est vraiment utile de le rajouter? Parce qu'en fait on pourrait même dire, après «français», modèle d'intégration nationale qui comprend le français. Ça commence à être un peu redondant. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Eid (Paul) : Oui. Bien, comme je l'ai dit, je pense, effectivement, c'est redondant, mais évidemment... Évidemment, je comprends le gouvernement de vouloir agir sur 9.1 plutôt que... parce que le... Vous me citez un article de... un article d'un projet de loi qui est appelé à devenir une loi, évidemment, ça n'a pas le même poids pour limiter un droit et libertés... les droits et libertés de la charte que l'article 9.1, qui est la clause à utiliser pour limiter ces droits-là, les restreindre. Cela dit, j'ai... D'une part, moi, ce que je trouve redondant, c'est que l'article 9.1, déjà, contient toutes les références nécessaires que vous avez... les éléments que vous avez évoqués, la protection du français...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je vous arrête à nouveau.

M. Eid (Paul) : ...la laïcité, les valeurs démocratiques. Tout est là déjà, mais en plus...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci.

M. Eid (Paul) : ...c'est dangereux pour les raisons que j'ai expliquées...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :  Merci, M. Eid

M. Morin : Merci beaucoup, Eid.

M. Eid (Paul) : Désolé.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Donc, le temps imparti à... C'est... il n'y a pas de... Donc, on poursuit quand même les discussions. Alors, je termine avec le député de Saint-Henri Sainte-Anne pour quatre minutes huit secondes.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Eid. Je suis content de vous revoir, là. Je vous avais croisé, vous m'aviez enseigné... en fait, vous avez fait une conférence à l'Université du Québec à Montréal à l'époque où j'étudiais en droit, avec la Pre Gesualdi-Fecteau. Donc, je suis contente de vous revoir aujourd'hui. Question précise un petit peu, mais quand même intéressante. Vous nous avez fourni des tableaux intéressants, là, sur la question de la déqualification. Je voulais savoir dans cette perspective-là s'il y avait, dans les données, une distinction entre les femmes immigrantes et les hommes immigrants dans les statistiques que vous aviez ou si, essentiellement, c'est des données qui se ressemblaient.

M. Eid (Paul) : Ça, c'est une excellente question. Bien, oui, non, j'ai les données et j'ai... j'ai enlevé la variable sexe parce que le tableau était déjà trop chargé et que j'avais que 10 minutes. Mais ce qu'on remarque, c'est que c'est les femmes... on voit en action, si on veut, là, par ce tableau, quand on introduit la variable sexe, le concept d'intersectionnalité, tu sais, c'est-à-dire que la discrimination subie par les femmes immigrantes et encore plus par les femmes immigrantes racisées est beaucoup plus... bien, la «discrimination», en tout cas, la déqualification professionnelle en l'espèce, mais, quels que soient les autres indicateurs qu'on regarde, le salaire, les taux de chômage, on a toujours les mêmes résultats, que les... le fait d'être racisé... le fait d'être femme, pardon, vient exacerber l'effet d'exclusion sur le marché du travail, en matière des qualifications professionnelles notamment, le fait d'être immigrant, le fait d'être femme et racisé. Donc, il y a une interaction entre ces trois variables-là, entre ces trois statuts minorisés, minoritaires, là, qui précarisent la personne et qui contribuent donc à accentuer leur exclusion et leur subalternisation, on va dire, là, sur le marché du travail.

M. Cliche-Rivard : Donc, vous vous êtes à dire, non seulement il faut faire des mesures proactives pour limiter ces barrières-là au niveau des immigrants, il faut être d'autant plus attentif par rapport aux femmes immigrantes. C'est ce que vous dites?

M. Eid (Paul) : Oui. Et j'ai envie de dire aux femmes blanches aussi, hein?

M. Cliche-Rivard : Définitivemment.

M. Eid (Paul) : Les femmes blanches sont... le fait d'être... Toutes les femmes partent souvent sur le marché du travail avec plusieurs obstacles, c'est-à-dire avec une longueur... le contraire d'une longueur d'avance, une longueur de retard parce qu'à cause de la discrimination sexiste. Mais, dans le cas des femmes immigrantes, il faut absolument prendre en... Dans le cas des femmes immigrantes, il faut vraiment prendre en considération l'intersection, l'articulation du sexisme et du racisme dans leur... pour expliquer leur, exclusion, leur problème d'insertion en emploi.

M. Cliche-Rivard : Puis vous l'avez dit, là, ça se positionne ou s'articule dans tous les autres potentiels biais intersectionnels, là, vous l'avez mentionné, puis on pourrait...

M. Eid (Paul) : Ah oui!

M. Cliche-Rivard : ...on pourrait faire l'extrapolation. Je vous envoie sur une autre question. Il y a le... M. Carpentier qui nous parlait de la distinction notamment entre adhérer à des valeurs et y participer, là, notamment avec une fameuse citation de Gérald Godin...

M. Cliche-Rivard : ...comme quoi on gagne des coeurs et non pas on s'impose. Est-ce que vous y voyez là un réel enjeu? Je vois, par exemple, qu'«il est attendu que tous les Québécois adhèrent aux valeurs démocratiques plutôt que participent activement», c'est une discussion qui avait été apportée précédemment. Est-ce que vous pensez que, dans la sémantique puis dans la proposition, il y a là une nécessité de modifier, ou si, vous, le fait d'adhérer directement à ces valeurs-là, comme ce qui est attendu des Québécois, ça va de soi, de facto?

M. Eid (Paul) : Bien, pour moi, ça va de soi. Je trouve que c'est un objectif qui est quand même louable, là, de demander que les Québécois adhèrent aux valeurs démocratiques et aux valeurs exprimées par la Charte des droits et libertés du Québec. Maintenant, «participer à», sur le plan justement sémantique, ça ne se dirait pas vraiment bien. Je nen comprends pas ce que ça voudrait dire «participer à des valeurs», mais, peut-être, permettez-moi d'essayer de reformuler ce que vous m'avez... ce que vous essayez de me dire... Oui.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Bien, en fait, le temps est terminé. C'est tout le temps que nous avions.

M. Eid (Paul) : OK Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Vous allez, je pense, nous remettre votre mémoire également, c'est ce qu'on m'a dit...

M. Eid (Paul) : Oui. Est-ce que je peux ajouter...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...vous pouvez étoffer davantage dans votre mémoire à ce moment-là.

M. Eid (Paul) : ...est-ce que je peux y ajouter des diapos que je n'ai pas présentées?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Oui, bien entendu, sans problème.

M. Eid (Paul) : OK Je vais faire ceux dont j'ai parlé à l'oral, je vais les mettre.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Sur ce, je suspends quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe. Au revoir, Pr Eid.

(Suspension de la séance à 15 h 37)

(Reprise à 15 h 41)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux.

Donc, nous avons une dernière audition. Nous recevons donc pour l'heure la ville de Sherbrooke, qui est représentée par sa mairesse, Évelyne Beaudin, ainsi que par Mme Fernanda Luz, mairesse suppléante, présidente du conseil... du comité exécutif. pardon, et conseillère municipale.

Alors, mesdames, bienvenue à la commission. Vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour votre exposé, et par la suite on va échanger avec les parlementaires. Alors, le temps débute maintenant.

Mme Beaudin (Évelyne) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, Sherbrooke débarque à Québec aujourd'hui juste pour vous. On sait que vous avez reçu beaucoup de groupes, vous avez lu beaucoup de mémoires, alors on s'est donné comme mission de faire... de vous faire vivre un agréable moment en notre compagnie.

Le postulat que nous venons vous présenter, c'est que l'accueil et l'intégration, ça se passe surtout à l'échelle locale. Les gens arrivent dans un nouveau pays, mais ils s'établissent dans une ville ou dans un quartier. Attirer, accueillir et retenir les gens de chez nous... les gens chez nous, c'est notre spécialité. Mobiliser des communautés basées sur l'entraide et les partenariats, c'est notre spécialité. Renforcer le sentiment d'appartenance, c'est aussi notre spécialité. Et, quand les gens s'identifient comme Sherbrookois, Matanais, Lavallois, Châteauguois, Ahuntsicois — je l'ai cherché, celui-là — Henriçois ou Johannais, ils s'identifient comme Québécois.

Les spécialistes que vous avez entendus ont clamé que le Québec était cité en modèle à travers le monde pour le succès de son approche interculturelle. Nous croyons que ce succès repose notamment sur des communautés locales mobilisées, tissées serrées et accueillantes. C'est pourquoi notre principale demande par rapport au projet de loi est d'inclure le principe de régionalisation comme l'un des fondements du modèle d'intégration nationale tel qu'énoncé à l'article 5. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement pour nous, la régionalisation? C'est d'établir un partenariat formel entre le gouvernement et le palier supralocal, soit les MRC et les villes MRC comme nous. Nous pensons que la MRC est le bon niveau pour mettre en œuvre la politique qui découlera de la loi-cadre sur l'intégration nationale.

M. le ministre, je sentais votre ouverture à ce que le modèle d'intégration puisse s'adapter aux particularités régionales, mais vous aviez aussi le souci de conserver une cohérence à travers tout le Québec. On pense que ce modèle vous permettrait d'atteindre précisément l'équilibre que vous recherchez. Le gouvernement du Québec continuerait de définir lui-même ses politiques en matière d'intégration, énoncerait ses attentes envers ses partenaires que sont les MRC, qui consacreraient leur expertise à mettre en œuvre des actions concrètes sur le terrain puis présenteraient leur bilan annuellement.

Bien sûr, on travaille déjà avec le MIFI, notamment pour le Programme d'appui aux collectivités, mais je dois quand même vous avouer que c'est un peu lourd. Les villes sont considérées au même titre que tout autre organisme qu'on retrouve sur notre territoire, alors qu'on a un rôle de leader territorial à jouer. Les villes ne sont pas compensées pour la gestion des programmes du ministère qu'elles doivent assumer. Le financement se fait par projets, ce qui rend plus difficile la mise sur pied d'initiatives structurantes qui ont des impacts à long terme. Par exemple, hier, au comité exécutif, on a approuvé la demande de subvention pour le programme, là, le PAC, MIFI, puis, je ne vous mens pas, le formulaire de demande faisait 70 pages. Il est certain pour moi qu'on peut faire mieux en termes d'efficacité, parce que tout le temps qu'on passe sur ces différentes exigences administratives, on ne les passe pas à intégrer les gens.

Et vous allez être surpris de tout ce qu'on fait déjà en matière d'accueil et d'intégration, mais, avant d'aller là, je vais passer la parole à...

Mme Beaudin (Évelyne) : ...qui va vous parler de sa propre expérience.

Mme Luz (Fernanda) : Je viens de Rio de Janeiro. Il y a 15 ans, mon mari et moi avons pris une grande décision, nous avons choisi le Québec. Nous avons quitté notre pays avec nos deux jeunes enfants qui avaient alors trois et sept ans, avec un rêve, en tête, leur offrir un avenir dans une société plus juste, sécuritaire et équitable. Mais nous ne sommes pas juste arrivés au Québec, nous sommes arrivés à Sherbrooke. Notre nouvelle vie a pris racine dans un quartier avec ses rues, son école, son parc où j'emmenais mes enfants jouer.

Je voulais qu'on se sente chez nous très rapidement, alors, j'ai inscrit mes enfants à des cours de patin et de planche à neige, des petits défis pour les jeunes Brésiliens. J'ai noué des liens avec les autres parents à l'école, avec mes voisins. On a perfectionné notre français au fil des rencontres, des conversations, des petites attentions. Sherbrooke nous a accueillis avec la bibliothèque municipale, la fête du lac, les chasses au trésor au parc du quartier, la fête nationale du parc Chauveau, toutes ces initiatives soutenues par la ville et portées par les organismes et des bénévoles engagés ont fait toute la différence pour ma famille et moi.

Au Brésil, j'étais physiothérapeute. En arrivant ici, je fais ce que beaucoup de nouveaux arrivants font... nos nouveaux arrivants font, j'ai recommencé à zéro. Je travaillais comme préposée aux bénéficiaires, tout en complétant ma formation pour devenir infirmière. Tranquillement, ma carrière a progressé jusqu'à ce que je me retrouve gestionnaire d'une unité en soins pour personnes atteintes d'Alzheimer. Puis, après 12 ans dans le réseau de la santé, j'ai voulu faire encore plus, redonnez à ma ville, redonner à ma communauté. C'est ce qui m'a amené en politique municipale. Aujourd'hui, je suis élue à Sherbrooke et jamais, il y a 20 ans, je n'aurais imaginé me tenir ici, devant vous, à l'Assemblée nationale, pour contribuer à l'élaboration d'un projet de loi.

Si je suis ici aujourd'hui, c'est parce que mon histoire illustre une réalité essentielle, l'intégration de nouveaux arrivants, ça se passe dans nos villes, dans nos quartiers. Ce sont les villes qui transforment notre société d'accueil en un véritable chez-soi. Sherbrooke me rend fière. Il y a tant d'initiatives qui font de notre ville un endroit où tout le monde peut trouver sa place. Je ne suis pas certaine que le gouvernement mesure pleinement tout ce que les municipalités... une municipalité réalise sur le terrain. Nous demandons simplement une reconnaissance, un appui clair pour que nous puissions faire encore plus, encore mieux. Parce qu'une intégration réussie, c'est non seulement bon pour les personnes immigrantes, c'est bon pour tout le Québec.

Mme Beaudin (Évelyne) : À Sherbrooke, on a adhéré sans hésitation et depuis longtemps à l'interculturalisme. On a même invité Gérard Bouchard à venir nous livrer une conférence sur le sujet en 2018 dans notre fameux théâtre Granada. On voulait que notre vision, en matière d'accueil et d'intégration, soit bien comprise de tous et toutes. Des personnes vous ont parlé de convergence culturelle, de vivre-ensemble de toutes sortes de modèles, mais ce que je retiens, c'est qu'il n'y a juste personne qui veut du multiculturalisme, et on voulait vous dire que, nous, on est bien d'accord avec ça.

Alors, au-delà de ça, on vous laisse les débats sur les grands principes et on vous amène sur notre terrain de prédilection, les actions concrètes. Sherbrooke est connue et reconnue pour ses actions et ses politiques en matière d'immigration et d'interculturalité. On est d'ailleurs une des villes au Québec qui accueille le plus grand nombre de personnes réfugiées et parrainées par rapport au total d'immigrants reçus. On est aussi la première ville fusionnée du Québec à avoir mis en place une politique d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes en 2004.

Parmi tout ce qu'on fait, j'ai ciblé quelques actions importantes pour Sherbrooke. On a des journées d'accueil pour les nouveaux arrivants et les nouvelles arrivantes; la Semaine sherbrookoise des rencontres interculturelles qui a fêté d'ailleurs, l'an dernier, son 10e anniversaire; la campagne sherbrookoise contre le racisme et les discriminations, on a fait faire superteeshirts qui ont été vraiment populaires. Et on a mis de l'avant des visages comme celui de Fernanda ou de d'autres qui étaient connus de Sherbrooke. On a le Festival des traditions du monde qui est le deuxième événement en importance après la fête du lac, et on a on a la table de concertation ICI Sherbrooke, et on a aussi, récemment, la cérémonie civique du Jour du Drapeau.

• (15 h 50) •

Donc ça, c'est juste une petite sélection, et je vais vous parler un peu plus de deux de ces initiatives-là. Tout d'abord, notre instance de concertation en immigration ICI Sherbrooke, ce n'est pas une table de concertation communautaire habituelle. Comme vous pouvez voir dans vos différents comtés, c'est une table de concertation où tout le monde est là. Donc, oui, il y a les organismes communautaires, mais il y a aussi les universités, les cégeps...

Mme Beaudin (Évelyne) : ...du MIFI, la ville, évidemment, les acteurs de la francisation, et je dis bien les acteurs de la francisation, parce qu'on oublie parfois qu'il y en a beaucoup. Et, quand on les a rassemblés à la table de concertation, on a constaté qu'ils ne s'étaient jamais vraiment concertés, puis ils... parce qu'ils étaient heureux de découvrir les services qui étaient offerts par les autres acteurs. La table, ça nous permet d'identifier ils sont où, les trous dans l'offre de services aux nouveaux arrivants, puis aussi d'éviter les différents chevauchements de services.

Donc, des initiatives de concertation comme ça, malheureusement ce n'est pas soutenu à proprement parler par le gouvernement, mais, pour nous, c'est absolument essentiel puis ça rend notre système d'intégration beaucoup plus efficace parce que, justement, on évite les trous et on évite les chevauchements. Rassembler les acteurs locaux, c'est les gouvernements de proximité qui sont les mieux placés pour faire ça.

Et je termine les dernières secondes juste pour vous parler du Jour du drapeau, initiative très récente qu'on a mise en place. Le 21 janvier, on fait une cérémonie civique à l'hôtel de ville. On a des groupes de francisation qui viennent témoigner de pourquoi ils aiment le Québec, de ce que ça représente pour eux. Ça fait que c'est un peu l'équivalent de ce qu'on peut voir, les cérémonies d'assermentation du 1er juillet, mais version Québec. Et c'est particulièrement émouvant de les entendre s'exprimer en français. Cette cérémonie-là, je vais terminer avec ça, la professeure qui s'occupe de ça nous a dit qu'elle a eu des témoignages des gens qui ont dit : Pour nous, c'est le moment où on a pu dire : O.K., on est Québécois maintenant. Donc, ça a été extrêmement important dans leurs parcours d'intégration. Voilà. Ça fait que je m'arrête là.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation. On va donc d'ores et déjà commencer la période d'échange avec les parlementaires, et je me tourne du côté du gouvernement pour une période de 16 minutes 30 secondes.

M. Roberge : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Ça paraît que vous êtes directement sur le terrain. Les exemples sont fréquents, puis on a même presque l'égérie de qu'est-ce qu'on veut comme intégration réussie au Québec. Un, bravo pour votre courage puis félicitations pour votre parcours, là, on peut difficilement faire mieux. Sans doute que beaucoup d'hommes et de femmes qui arrivent au Québec aimeraient ça être capables de se projeter dans l'avenir puis dire : Bien, je vais être comme elle, tu sais, mes racines vont être profondes à ce point.

Vous avez parlé, juste à la fin de votre présentation, du terme «parcours d'intégration». J'ai trouvé ça intéressant de par... parce qu'un parcours, ça le dit, on n'arrive pas à destination au jour 1. Donc, il y a... il y a un chemin pour arriver à l'intégration nationale sherbrookoise, québécoise, on est d'accord avec ça. C'est quoi, le rôle des villes, des municipalités? Bon, il y a... parce que le ministère de la Langue française fait quelque chose, le ministère de l'Immigration fait quelque chose, le ministère de la Santé fait quelque chose, les écoles, évidemment, font beaucoup. Mais, d'après vous, qu'est-ce qui vous appartient, vous, municipalité, dans ce parcours-là?

Mme Beaudin (Évelyne) : Bien, c'est sûr que vous vous occupez, tu sais, de certificats de sélection, et tout ça, puis nous, on est bien corrects avec le fait que ce soit vous qui vous en occupiez. Nous, c'est vraiment l'accueil. Puis d'ailleurs on ne le fait pas juste avec les personnes immigrantes, on le fait aussi avec des gens qui arrivent d'ailleurs au Québec. Donc, je dirais que c'est vraiment l'accueil. Puis, nous, notre rôle, c'est un rôle de leadership territorial. Donc, on rassemble les gens puis on s'assure que personne ne tombe entre deux chaises. On s'assure que les gens se parlent sur le terrain, que les partenariats sont solides. Donc, des fois, les gens vont arriver par l'Université de Sherbrooke, mais on ne veut pas qu'ils passent leurs quatre années, disons, d'études à l'Université de Sherbrooke sans sortir du campus, tu sais, on veut qu'ils viennent se mêler avec la communauté puis qu'ils tissent des liens avec leurs voisins, et tout ça. Et donc nous, on s'assure de vraiment mettre les gens ensemble puis de coordonner le tout parce qu'habituellement, bien, il va y avoir, par exemple, l'antenne du MIFI régionale pour un bout, il va y avoir... on a beaucoup le service d'aide aux néocanadiens mais qui est surtout spécialisé, je vous dirais, pour les personnes réfugiées ou parrainées. Après ça, les personnes qui sont parrainées aussi, des fois, ils vont être plus avec leurs familles. Donc, nous, on s'assure de vraiment mettre les gens ensemble puis que tout le monde ait tous les services dont ils ont besoin.

M. Roberge : J'ai beaucoup aimé ça, là, le leadership territorial, les gens viennent se mêler, c'est formidable. On veut que les gens viennent se mêler, tout le monde, pas juste les nouveaux arrivants, les Québécois aussi. Puis, une fois qu'ils se...

M. Roberge : ...ils discutent, ils trouvent des points de convergence, ils trouvent finalement des intérêts communs, ils développent une curiosité, mais reste qu'avant qu'un nouvel arrivant arrive la société est là, existe, demande l'arrivée de nouveaux arrivants puis veut accueillir les gens dans la culture. Ma question pour Mme qui a un parcours... qui a vécu quelque chose que je n'ai pas vécu : Pour vous, c'est quoi, la culture québécoise? Comment vous le ressentez de votre point de vue à vous?

Mme Luz (Fernanda) : Bien, moi, j'ai été quand même chanceuse. Moi, j'ai dit... puis je parle... D'ailleurs, justement, j'ai été chanceuse d'arriver à Sherbrooke. En principe, on avait choisi Sherbrooke, justement, à cause de l'université. Comme j'avais dit, là, on était physiothérapeute, ça fait qu'il y avait tout un parcours qui... Puis à Sherbrooke, mon expérience à Sherbrooke, ça a été excellent parce que, justement, il y avait cette ouverture-là. Je pense qu'à la base de la culture québécoise il y a cette ouverture envers l'autre. Il y avait, oui, une curiosité des gens qui arrivent, il y a une curiosité, il y a une ouverture. Il y a aussi l'intérêt de nous partager. Vous êtes aussi... je veux dire, nous, on est aussi au Québec, on est généreux pour parler de notre culture. Je vous avais parlé, là, des exemples qu'on a vécus aussitôt qu'on est arrivé, il y avait la fête nationale du parc Chauveau, c'était les citoyens du quartier qui organisent ça, ils ont... ils étaient contents de nous partager la culture. Ça fait que c'est sûr que, quand on parle de la culture autour de la langue, je suis tout à fait d'accord. C'est très identitaire. Quand on parle... on est au Québec et on parle... On est au Québec icitte, on parle français. Puis je pense que ça se passe beaucoup autour de la langue. Je suis d'accord avec vous, mais ça se passe aussi beaucoup dans cet esprit de communauté là. C'est comme ça que j'ai senti... je me suis sentie accueillie. C'est que les gens étaient généreux pour me partager les traditions et aussi ouverts pour... Ça fait que, quand on parle de l'interculturalisme, c'est de ça qu'on parle. C'est comme ça que j'ai senti au Québec.

M. Roberge : Merci. Ouverture, curiosité, partage, tradition, générosité. Je vais me noter quelques éléments à conserver. C'est important que tout le monde y mette du sien, y compris la société d'accueil, y compris les Québécois. Je ne dirais pas nous parce que, quand on dit nous, c'est comme ci nous... au Québec, on dit souvent nous autres, en plus, hein, on ne dit pas juste nous, on dit nous autres, vous autres. Puis ça, ça fait une ligne entre nous autres puis vous autres, puis c'est peut-être à éviter. Mais, Mme Aïda Kamar de Vision Diversité est venue réhabiliter le nous d'une manière tellement extraordinaire, elle nous a dit : Nous, c'est n-o-u-s, nos origines, une société. Et là j'aime ce nouveau nous là parce qu'il vous inclut vous aussi.

Et je finis avec une question à la fin : Qu'est-ce qu'il faut faire comme société d'accueil pour que les nouveaux arrivants aient le goût d'adhérer puis de faire partie du «une société» à la fin, pas homogène, monolithique, passéiste, une société moderne en évolution, mais une société pareille? Qu'est-ce qu'il faut faire pour que ça marche?

• (16 heures) •

Mme Luz (Fernanda) : Je dirais que, bien, même en lisant le projet de loi, j'ai bien aimé de... tu sais, quand on parle, c'est comme un contrat social qu'on fait. Puis là... et je pense que, ce qui pourrait aider par rapport à la loi, c'est, si je peux quand même me permettre, ce qui pourrait peut-être aider à ce que ce soit un peu plus engageant, c'est aussi de préciser le rôle, justement, de l'État et de la société d'accueil par rapport à la lutte contre la discrimination. Par exemple, ça pourrait être très engageant. Je pense que c'est très engageant pour une personne immigrante de lire ça dans une loi qui va chapeauter l'intégration nationale, là, c'est vraiment très... c'est rassurant puis c'est engageant aussi parce qu'on dit : O.K. C'est correct. On comprend c'est quoi les règles de la société, les valeurs, on va adhérer à ça. Mais, en contrepartie, on sait aussi qu'on va être protégés des propos discriminatoires ou peu importe, parce que les biais culturels, bien, ça existe, c'est normal, c'est humain, mais si on s'engage à au moins aussi bien protéger la personne immigrante d'un discours discriminatoire, je pense que ça peut aider beaucoup. Puis après ça, bien, c'est l'intégration...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Luz (Fernanda) : ...sociale aussi, économique qui aide aussi. C'est sûr que, une personne, quand on arrive, il faut qu'elle trouve un travail. Puis je pense que... J'ai entendu un peu avant le M. qui disait, par exemple les professions qui sont réglementées, bien, qu'ils puissent avoir un peu un arrimage entre les ordres professionnels et les universités, par exemple, pour que ce soit un peu plus agile, là. Mon mari, il a pris sept ans pour avoir son permis comme physiothérapeute. Moi, j'étais déjà... j'étais déjà infirmière quand il a commencé à étudier à l'université pour avoir son permis, juste un exemple.

M. Roberge : Quelques clauses au contrat social, là, dont la lutte contre la discrimination. Merci beaucoup.

Mme Beaudin (Évelyne) : ...

M. Roberge : Oui, mais je vais... je ne vous... je vais vous laisser, allez-y. Je veux juste dire que je vais vous laisser échanger avec mes collègues, mais, si vous voulez compléter, allez-y.

Mme Beaudin (Évelyne) : O.K. Bien, juste rapidement. En fait, nous, ce qu'on vient dire, c'est que s'intégrer à la société d'accueil, ça vient d'abord par s'intégrer à une communauté. Puis là je n'entends pas le mot «communauté culturelle» quand je dis ça, je parle vraiment plutôt d'une communauté locale dans un quartier, ou un village, ou une ville. Puis Mme Luz et moi, on mène ensemble, avec tout le conseil municipal évidemment, une grande démarche, là, tu sais, sur le développement des communautés puis on essaie de voir comment... Vous avez parlé de l'importance de tisser des liens entre les gens, pas juste entre les nouveaux arrivants puis ceux qui sont établis ici depuis longtemps, mais entre tout le monde. Tu sais, on le sait, que les gens peuvent vivre de l'isolement, par exemple, quand ils sont aînés ou bien peut-être qu'ils passent trop de temps sur leurs écrans quand ils sont jeunes. Mais travailler sur tout ça, à l'intérieur de nos... des quartiers, c'est ce qu'on fait dans les villes. Donc, à l'intérieur du projet de loi, bien, c'est sûr que nous, s'il y avait le mot «région» ou bien s'il y avait le concept de régionalisation où... ça fait que ça, ce serait plus à l'article 5, là, sinon à l'article 9, où est-ce que vous parlez de la politique nationale. Bien, si on peut définir un peu plus clairement, préciser les modalités du partenariat entre les villes MRC et le gouvernement, je pense que ça nous aiderait après ça à vraiment mieux jouer notre rôle à notre niveau.

M. Roberge : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais reconnaître la députée de Vimont. Il reste six minutes cinq.

Mme Schmaltz :  Parfait. Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup d'être là. C'est très rafraîchissant de vous entendre. Et puis félicitations aussi à vous, Mme Luz, c'est ça, «Luz», oui, pour... bien, pour votre parcours exemplaire, là, on peut le dire.

Je vous ai écouté attentivement, puis, dans ma tête, là, j'avais plein d'images, là, je me posais plein d'images, parce que vous nous avez expliqué les activités que vous faites, bon, l'été, ou, bon, les journées ou les événements spéciaux à Sherbrooke en lien, justement, pour finalement la découverte un peu de l'autre. Est-ce que... Les partenariats que vous avez, est-ce que vous les avez aussi avec vos organismes? Parce que je suppose que, les organismes, à Sherbrooke, il y en a beaucoup aussi qui ont une spécialité ou qui sont... ou qui vont œuvrer directement avec les personnes immigrantes. Comment ça fonctionne, cet échange entre la ville puis les organisations?

Mme Beaudin (Évelyne) : Bien, c'est sûr que je vais me permettre d'être un peu chauvine par rapport à Sherbrooke.

Mme Schmaltz : Bien, allez-y. C'est bien correct.

Mme Beaudin (Évelyne) : À Sherbrooke, on est juste la taille de ville idéale, là, parce qu'à 185 000 personnes, à peu près, on a une diversité d'organismes, on a des organismes pour s'occuper de tout, on a une... on a plus qu'une université, on a des cégeps et en même temps, ce n'est pas trop gros, on se connaît tous, on est tous capables de se parler. La concertation, à Sherbrooke, là, c'est naturel, on le fait de façon naturelle. Donc, on est... tu sais, moi... Je veux dire, ce mémoire-là, là, on l'a fait en collaboration, là, avec les organismes qui sont sur le terrain. Eux, ils sont d'accord, là, avec... Il y a beaucoup de propos, là, qu'on vous a déposés qui viennent directement d'eux. Donc, on est... on est vraiment très bien arrimés, là, je vous dirais, là.

Mme Schmaltz : Est-ce que vous avez mis en place, dans votre... dans la vision que vous avez de l'intégration, de la médiation culturelle, c'est-à-dire... Parce qu'on sait que des fois, bon, il y a des cultures, il faut aussi comprendre, hein, parce que, dans l'intégration, il y a la compréhension aussi de la culture et vice-versa aussi de l'autre côté, il faut aussi les comprendre, eux aussi, d'où ils viennent. Comment vous assurez ce pont entre les deux? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a un poste précis pour remplir ce rôle?

Mme Beaudin (Évelyne) : Oui. Bien, en fait, on a des gens qui font ça. Mais, tu sais, toutes les initiatives dont je vous ai parlées, il faut comprendre... vous allez me passer l'expression, là, on fait un peu ça sur notre bras. On est financés, là, aussi par le PAC MIFI, mais la plupart des choses, là... Puis, quand je vous parlais de la cérémonie, là, à l'hôtel de ville, là, ça c'est vraiment purement nous, qu'on a arrangé de quoi parce que c'était important pour nous. Ça fait que...

Mme Beaudin (Évelyne) : ...tu sais, le but c'est de vous montrer regardez tout ce qu'on est capable de faire avec les moyens qu'on a en ce moment. C'est sûr que, si on pouvait prendre plus d'argent, on ne dirait pas non. Mais, si on fait juste gagner en efficacité, là, le côté lourdeur administrative, ces ressources-là, on peut les rediriger puis on est capable de faire faire vraiment beaucoup de chemin à chaque dollar que vous nous consacrez, parce que chaque dollar que vous nous donnez est un effet levier dans le milieu, la ville en met, le milieu communautaire s'investit, puis il y a plein de bénévoles autour de ça aussi. Donc, tu sais, vraiment, je pense que c'est...

Mme Schmaltz : Dans un monde idéal, qu'est-ce que... qu'est-ce que vous auriez besoin pour être optimal.

Mme Beaudin (Évelyne) :  Dans un monde idéal, c'est d'avoir, en partant, des politiques publiques. C'est comme, là, vous avez votre loi-cadre, ensuite la politique nationale. C'est sûr que nous, on aimerait ça être mis à contribution pour la rédaction parce qu'on pense que ça va être beaucoup, nous, là, qui allons l'appliquer sur le terrain, là, tu sais, en termes de leadership territorial. Donc, on aimerait ça pouvoir contribuer à ça, que les objectifs soient clairs et que l'autonomie dont on parle parfois, là, dans le monde municipal soit surtout au niveau des moyens. Que si dans une place la cérémonie on veut qu'elle soit à l'hôtel de ville, bien, nous, on la fait à l'hôtel de ville. Si à l'autre place, bien, eux, ils ont un édifice patrimonial autre ou un parc dans lequel ils veulent tenir... Tu sais, ce qui est important, c'est l'objectif, puis ensuite nous, on nous donne l'argent avec, tu sais, puis on nous dit à la fin de l'année, il faut que vous ayez atteint tels, tels, tes objectifs, puis on regarde, à la fin de l'année, si vous les avez atteint. Mais en ce moment, c'est vraiment beaucoup dans le détail qu'on va aller regarder tout qu'est-ce qui se fait, et ça fait en sorte qu'on pense à ce dont le milieu a besoin puis, après ça, on passe beaucoup de temps, hein, comment on va faire pour fitter ça dans la structure.

Mme Schmaltz : Félicitations, parce que vous avez... vous êtes déjà engagés dans ce... dans le cheminement, là. Nous, on arrive, on propose, mais on voit déjà qu'il y a une base, là, qui est quand même solide, là, à Sherbrooke.

Mme Beaudin (Évelyne) : Absolument.

Mme Schmaltz :  Là, c'est vraiment chapeau, puis d'autant plus, tantôt vous l'avez mentionné, ça fait déjà une dizaine d'années en plus, là.

Mme Beaudin (Évelyne) : Ah! oui.

Mme Schmaltz : Que vous avez mis tout ça en place, même peut être 15 ans.

Mme Beaudin (Évelyne) :  Oui, oui, oui, tout à fait.

Mme Schmaltz :  Parce que, Mme, elle en a entendu parler de Sherbrooke vu son choix.

Mme Beaudin (Évelyne) : Bien même...

Mme Schmaltz : C'est ça.

Mme Beaudin (Évelyne) : Même... tu sais, c'est assez naturel je dirais que l'université fait en sorte. Tu sais, à Sherbrooke, là, l'accueil, on est là-dedans parce qu'il y a tout le temps du monde qui passe par Sherbrooke, là. Il y a souvent des gens dans la salle qui ont étudié à l'Universite Sherbrooke, puis après ça... Ça fait qu'on est habitués de voir du monde arriver d'ailleurs puis de les accueillir, puis les intégrer, puis qu'ils fassent partie de la gang rapidement. Ça fait que, tu sais, qu'ils viennent d'ailleurs, quand tu viens de Gatineau, tu viens d'ailleurs quand tu es Sherbrooke, puis quand tu viens de Rio, bien tu viens d'ailleurs aussi, puis on t'intègre, tu sais.

Mais nous, on vient vous présenter ce qui se passe à Sherbrooke pour vous montrer comment c'est Super Sherbrooke et puis comment qu'on serait capable de faire encore plus puis qu'est-ce qu'il serait possible de faire dans les autres MRC du Québec, parce que moi, en échangeant avec des collègues, moi, je pensais que c'était de même partout, là, avant, là, jusqu'à ce que je réalise, en parlant avec les autres, qu'il y a des... il y a des endroits où il y a très peu de ces actions-là. Mais je ne pense pas que c'est parce que les gens ne veulent pas le faire, c'est juste dans l'ADN. Je pense que, nous, c'est dans notre ADN. C'est un besoin qui est criant, qui est au quotidien.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois vous arrêter.

Mme Beaudin (Évelyne) : Voilà.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Le temps imparti au gouvernement vient de se terminer. Je me tourne du côté de l'opposition officielle pour 12 min 23 s.

M. Morin :  Merci, Mme la Présidente. Mme la mairesse Beaudin, Mme la mairesse suppléante Luz, bienvenue, ça me fait plaisir que vous soyez là. D'ailleurs, c'est très rafraîchissant, vous êtes d'excellentes ambassadrices. À vous écouter, j'ai quasiment le goût de déménager à Sherbrooke.

Une voix : Ah! bien là... c'est vraiment génial.

• (16 h 10) •

M. Morin : Non, c'est vraiment génial, d'abord votre mémoire, puis je dois dire que votre présentation, c'est hyper rafraîchissant. Génial, parce que, bien, il y a deux niveaux, je vous dirais. Vous connaissez évidemment des actions que vous faites sur le terrain, ça, c'est sûr. Mais Mme Luz, elle, peut non seulement expliquer le mémoire, mais elle peut nous décrire ce qu'elle a vécu. Donc, elle témoigne de ce dont le gouvernement essaye de faire dans un projet de loi avec une loi-cadre, donc c'est... c'est vraiment très, très apprécié.

J'ai bien compris votre message au fond, puis c'est normal, c'est logique, vous nous dites : Nous, les municipalités, on a un rôle important à jouer, puis si je vous ai bien compris, on est sur le terrain, dans le quotidien, donc on sait quoi faire. Pouvez-vous nous inclure davantage dans votre démarche, le gouvernement, puis pouvez-vous nous insérer en quelque part dans votre projet de loi? Est-ce que je vous ai bien... est-ce que je résume assez bien, au fond, le message que vous...

M. Morin : ...livré?

Mme Beaudin (Évelyne) : Tout à fait, parce qu'on... quand on lit le projet de loi tel quel, ça peut donner l'impression que le Québec, c'est un bloc monolithique, mais la culture commune, elle est présente. Moi, là, quand je vais à Saguenay ou que je vais à Gatineau, ou à Montréal, ou à Québec, je me sens chez moi. Et, en même temps, j'aime ça, la particularité des Saguenéens, la manière dont ils parlent, ou bien au Lac-Saint-Jean, leur accent, tu sais, je... Donc, on a... on a la couleur de chacune des régions, tu sais, c'est ce qui fait que le Québec est aussi exceptionnel, aussi extraordinaire, c'est la force de chacune de nos régions. Donc, on pense que le modèle tel qu'il est là, il est bon pour nous. Si on peut juste ajouter cette nuance-là par rapport à la présence, tu sais, des régions puis que les gens arrivent dans une région puis si on peut nommer les villes... parce que nous, c'est notre pain quotidien, tu sais, l'accueil, l'intégration, attirer les gens, la rétention des étudiants, la rétention des personnes immigrantes.

M. Morin : Merci. Donc, si on regarde le projet de loi concrètement... parce que le rôle, entre autres, de... tu sais, de l'opposition officielle, c'est de faire des suggestions au gouvernement, M. le ministre nous écoute, j'en suis sûr, avec attention, puis, éventuellement, peut-être de proposer des amendements qui feraient en sorte qu'on pourrait, évidemment, faire vivre idéalement un projet de loi qui va... qui va réussir à jeter des bases de... au fond, de ce qu'est le Québec, puis de ce qu'on veut être, puis de ce qu'on veut aussi projeter. Si on regarde l'article 5, parce que c'est à l'article 5 qu'on parle, entre autres, du modèle d'intégration nationale et de ses fondements, est-ce que je vous ai bien comprise si vous dites qu'au fond, si on y incluait un élément de régionalisation ou de partenariat avec les villes ou les MRC, c'est quelque chose qui ferait en sorte que vous pourriez vous reconnaître davantage? En tout cas, ce serait plus clair pour vous, le rôle que vous avez à jouer dans le domaine de l'intégration, est-ce qu'on peut dire ça?

Mme Beaudin (Évelyne) : Tout à fait. Bien, en fait, on vous a proposé huit recommandations, mais, si j'ai à les hiérarchiser, là, la recommandation un, ce qu'on vous dit, c'est : «Ajouter le principe de régionalisation dans les fondements», donc à l'article 5. Et les... l'article 9, donc c'est la recommandation six, c'est d'ajouter... Tu sais, moi, j'avais l'impression que... Le rôle des villes et MRC, moi, je le voyais davantage à l'article 9, parce que... dites-moi si je me trompe, mais j'ai interprété comme les grands principes sur les articles précédents puis l'application plutôt dans la politique, qui est à l'article 9. Donc, j'avais l'impression que c'était peut-être plus dans l'article 9 qu'on pouvait venir parler des rôles... du rôle des villes et MRC... des villes et MRC.

M. Morin : Oui, vous avez... vous avez raison. Si vous voulez parler du rôle, effectivement, je pense que ça irait plus dans 9. Maintenant, si vous voulez que les villes fassent même partie intégrante du modèle, bien là, ça serait à l'article... ça serait à l'article 5, mais on pourra... on en reparlera dans le cadre de l'étude article par article. Je comprends également que, dans la politique, parce que le projet de loi cadre est conçu comme ça, éventuellement il y aura une politique, vous souhaiteriez que les villes soient, évidemment, consultées puis que ce soit élaboré, en fait, avec vous, parce que, si je vous ai bien comprise, vous ne souhaitez pas un modèle mur à mur, mais un modèle sur mesure qui va être applicable à votre... aux réalités des villes.

Mme Beaudin (Évelyne) : Bien, je dirais que c'est peut-être dans le niveau de détail, là. Tu sais, si c'est quelque chose d'assez englobant, d'assez large, ça peut s'appliquer très bien, après ça, à travers tout le Québec. L'UMQ est venue mardi, je pense, avec M. Damphousse. Il portait notamment, là, les discussions qu'on a eues... je copréside la table, là, de travail sur l'accueil des nouveaux arrivants avec la mairesse de Gatineau, et... Aïe! J'ai perdu le fil de ma pensée. Votre question, c'était?

M. Morin : En fait, c'était au niveau, véritablement, de la consultation au niveau de la politique.

Mme Beaudin (Évelyne) : La consultation, exact. Exactement. Donc, c'est sûr qu'une table comme celle-là, qu'on a déjà au sein de l'UMQ, tu sais, qui représente toutes les tailles de ville, ça pourrait être une bonne façon, parce qu'on fait le... tu sais, on le sait, qu'après ça, cette politique-là, on va avoir à l'appliquer, puis ça va être notre guide au quotidien. Tu sais, les villes, on travaille quand même très étroitement avec le gouvernement. Donc, pour nous, c'est sûr que la consultation, ce serait... ce serait important pour la rédaction.

M. Morin : Je vous remercie. Toujours à l'article 9, quand on parle de la politique, bon, on dit «peut»... en fait, ce n'est pas très contraignant, mais on dit «peut» puis on parle de l'apprentissage du français. Bon, c'est normal que l'apprentissage du français soit là, parce que, si on regarde l'ensemble de la politique, ça repose beaucoup sur la langue française, puis c'est normal, c'est notre langue commune puis c'est notre langue...

M. Morin : ...d'ailleurs, vous le disiez, quand on se promène à travers du Québec, que ce soit au Saguenay, Québec, à Montréal, à Gatineau, bien, on parle français. Ça, c'est génial.

Maintenant, au niveau de la francisation, je pense que, des fois, c'est un peu problématique, n'est-ce pas? Je lisais plusieurs articles dans les journaux, je suis aussi le porte-parole en francisation, immigration. Est-ce que ça devrait être plus contraignant pour le gouvernement, selon vous? Parce que si on veut être sérieux puis si on dit que ça et le français, c'est la pierre angulaire, entre autres, de notre politique, mais est-ce que le gouvernement ne devrait pas se donner les moyens de ses ambitions?

Mme Beaudin (Évelyne) : Oui, bien, j'ai entendu quelques intervenants dire que ce serait mieux que ce soit «doit» plutôt que «peut» à l'article 9. Nous, on n'a pas d'enjeu avec ça. Surtout, si, dans l'article 9, il y a quelque chose sur les villes et MRC.

M. Morin : Tout à fait. Donc, villes, MRC, «doit», l'équation est parfaite.

Mme Beaudin (Évelyne) : Ça, ce serait parfait, mais, tu sais, si on vous laisse la flexibilité dans l'étude du projet de loi, là.

M. Morin : Absolument. Bien, je vous remercie. Vous avez aussi parlé de la lourdeur administrative, je vous sais bien entendu, avec le MIFI, un document, 70 pages. On aura l'occasion d'en reparler, là, vous et moi, mais j'imagine que ça a dû prendre plus que 15 minutes puis un employé pour remplir ce document-là.

Mme Beaudin (Évelyne) : Bien... Puis là, ça, c'est juste la pointe de l'iceberg, hein, parce que nous, on siège au comité exécutif, on approuve la demande, puis là, la reddition de comptes, elle passe... elle ne repasse pas nécessairement, là, au conseil municipal, là, tu sais, c'est souvent envoyé directement des fonctionnaires vers le ministère. Donc, tu sais, j'ai quand même l'impression qu'il y aurait un bon travail à faire de ce côté-là, parce que... Ça m'étonnerait que ça serve le ministre, là, dans ses objectifs. Tu sais, j'ai l'impression que le niveau de détail est tellement grand qu'on est un peu attaché, là, tu sais, dans les différentes actions. Quand je vois des gens faire un petit peu trop preuve de créativité subventionnaire, là, c'est que, souvent, il y a quelque chose qui doit être peut-être revu.

M. Morin : Revu, ou allégé, ou... enfin. Bref.

Mme Beaudin (Évelyne) : Pour alléger, tu sais, je pense que l'idée, là, c'est comme... on est... Ce qu'on veut, c'est être des partenaires, être reconnus comme des partenaires. Tu sais, je répète qu'actuellement on postule sur les programmes au même titre que des organismes communautaires, là, même quand on est une ville comme Sherbrooke, là. Et une fois qu'on est reconnus comme partenaires, bien, on se fait donner comme mission : O.K. Vous êtes notre partenaire, voici votre mission, voici les ressources que vous avez pour accomplir votre mission. Et, à la fin de l'année, l'avez-vous atteint? Puis sinon, qu'est ce que vous devez faire de mieux pour la prochaine année?  Tu sais, ça devrait être un système qui ressemble plus à ça. Là, j'ai l'impression qu'au fil du temps ça... on est allé plus loin. Puis, tu sais, oui, l'Union des municipalités du Québec parle souvent, là, de la lourdeur administrative et de la reddition de comptes, mais je dois quand même signifier que, par rapport au ministère de l'Immigration, on semble être dans une autre game, là... une autre catégorie, désolée.

M. Morin : On est dans un autre univers. D'accord. Merci. Malheureusement, le temps file. Mme Luz, j'ai quelques questions pour vous, parce qu'on en a parlé avec le Pr Eid précédemment, au niveau des ordres professionnels puis de la reconnaissance, parce que oui, on a parlé du français, c'est fondamental, mais vous l'avez très bien dit, après, quand on parle français ou quand on apprend le français, bien, il faut aussi travailler. Vous, avant de partir avec votre conjoint, est-ce qu'on vous avait dit... Est-ce que vous pensez que ça allait prendre autant de temps avant que vous puissiez exercer une profession au Québec?

Mme Luz (Fernanda) : Il y avait quand même la notion des professions réglementées, là, que ça aurait pu être un peu long, mais on n'avait pas imaginé que ça allait prendre sept ans, par exemple. Et là on a vu que c'était... l'embûche, c'était vraiment le manque d'arrimage entre les institutions d'enseignement et les ordres professionnels, parce qu'eux ils nous avaient comme... Bien là, vous avez... vous devez faire cinq matières à l'université, ça va prendre six mois. On arrivait à l'université puis l'université : Bien non, nous... il y a une file d'attente, vous ne pouvez pas entrer, ou ça va vous prendre... il y a une file d'attente de trois ans, puis après ça on va vous rajouter des matières... vous êtes obligés de faire... Ça fait que ça fait en sorte qu'en bout de ligne ça prend... ça a pris beaucoup plus de temps, à tel point que j'ai changé de carrière, j'ai décidé de... Ça a été plus vite pour moi de revenir à l'école et... Tu sais, j'ai été infirmière. J'ai été graduée avant que mon mari ait son permis comme physio parce que lui aussi était physiothérapeute.

• (16 h 20) •

M. Morin : Oui, c'est ça. Donc, je comprends que, dans votre parcours, vous, vous avez décidé d'aller à l'école, vous avez fait votre cours, vous avez eu votre pratique.

Mme Luz (Fernanda) : J'ai recommencé, j'ai changé. Oui.

M. Morin : Vous avez commencé, mais votre conjoint, lui, qui essayait d'avoir la reconnaissance de ses compétences, et ça a été...

Mme Luz (Fernanda) : Qu'il avait déjà.

M. Morin : Qu'il les avait déjà. Ça a été plus long.

Mme Luz (Fernanda) : Oui, oui. Ça faisait déjà neuf ans que j'exerce la profession de physiothérapie puis je n'ai jamais été capable de l'exercer ici.

M. Morin : Puis évidemment je me doute un peu de la réponse, mais j'imagine que ça, ça pourrait être un frein à l'intégration.

Mme Luz (Fernanda) : Ah, définitivement. On a des amis que.. Il y a des gens qui désistent au milieu du chemin ou bien...

Mme Luz (Fernanda) : ...sont malheureux parce qu'ils ne peuvent pas mettre en contribution tout leur bagage, par exemple. Ils doivent travailler. Il y avait des amis qui travaillent comme préposés aux bénéficiaires, mais qui avaient des diplômes de médecine ou physiothérapie ou... puis qui n'ont pas réussi à avoir d'autres connaissances, qui travaillent jusqu'à aujourd'hui comme préposés aux bénéficiaires. Ça va, mais ça porte un lot, hein? On est mieux quand on est capables d'être reconnus dans notre plein potentiel, les compétences, etc.

M. Morin : Bien sûr. Alors, je vous remercie, merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. Alors, on va terminer avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne pour quatre minutes et huit, 10 secondes, si vous voulez prendre le temps qu'il reste.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous deux. Très intéressant. D'ailleurs, je souligne votre... Mme Beaudin, votre lettre ouverte dans La Presse de cette semaine, très intéressant, avec Maude Marquis-Bissonnette, là, j'invite tout le monde à aller la lire, L'immigration : un leadership municipal. Je pense que ça... Bon. Vous dit beaucoup de choses aujourd'hui dans votre présentation, mais quand même, très intéressant.

J'aimerais ça vous parler d'autonomie municipale, de vos compétences. Ça fait beaucoup la discussion ces temps-ci sur un autre projet de loi déposé récemment sur l'affaire Stablex et Blainville. J'aimerais ça qu'on parle justement avec l'article de la loi, là, qui parle de financement à 16 et 17. J'aimerais ça vous entendre, à savoir si oui ou non, vous, vous avez des préoccupations, peut-être que non, peut-être que oui, sur l'application de la future politique nationale puis votre capacité de financer des événements ou de ne pas être capables de les financer, dépendamment de comment ça, ça s'orienterait sur le terrain pour vous. Est-ce que c'est une considération que vous avez ou pas vraiment? Parce que vous n'en parlez pas dans votre mémoire.

Mme Beaudin (Évelyne) : Bien, je vous avouerai, tu sais, on en a parlé surtout dans le mémoire de l'UMQ parce que l'UMQ représente une plus grande diversité. Tu sais, nous, on est là pour Sherbrooke. Ils représentent plus de réalités municipales. C'est sûr que, tu sais, tout comme le Québec, quand il reçoit de l'argent d'Ottawa, il veut recevoir de l'argent sans conditions puis, si possible, sans contrepartie. Donc, c'est sûr que nous, si vous nous donnez, là, l'option, on aime mieux recevoir de l'argent sans conditions ni contrepartie. Mais on comprend que, tu sais, vous avez la VG qui checke vos affaires puis que vous avez besoin d'avoir confiance que, quand vous transmettez de l'argent, ce soit... ce soit utilisé adéquatement pour remplir les objectifs pour lesquels l'argent a été donné. Ça fait que moi, je vous dirais, ça fait... honnêtement, là, ça fait un petit peu plus stresser les directeurs généraux que les maires, cette affaire-là, parce que...

M. Cliche-Rivard : Ah! O.K. Pourquoi? Oui.

Mme Beaudin (Évelyne) : ...parce que ça dit que c'est l'autorité... l'autorité... la première... premier fonctionnaire, tu sais.

M. Cliche-Rivard : Je comprends.

Mme Beaudin (Évelyne) : En tout cas, je n'ai pas le mot exact, là, mais ça dit ça. Ça fait que c'est plus les D.G. qui vont être avec ça. Puis ce qui les... J'ai l'impression que ce qui les agace, c'est la lourdeur administrative, c'est la reddition de comptes. Parce que nous, vous nous dites comme : Aïe! On veut que vous en fassiez plus pour aider les... tu sais, à l'accueil et à l'intégration des immigrants, puis on fait juste faire : Yé! On est d'accord parce qu'on le fait déjà puis on est prêts à en faire plus. Ça fait que moi, l'article... l'article en question, pour Sherbrooke, on a voulu... Tu sais, c'est sûr que si on avait rédigé un projet de loi de A à Z, est-ce qu'il aurait donné exactement ça? Je ne suis pas certaine. Mais on a vraiment voulu cibler ce qui était le plus important pour nous, c'est-à-dire la régionalisation puis la reconnaissance du rôle des villes et MRC à l'intérieur d'un partenariat. Puis là, quand je dis «villes et MRC», c'est parce que, bon, nous, on est une ville MRC, après ça, il y a les MRC. Puis je pense que, pour éviter une certaine disparité ou encore une trop grande lourdeur par rapport à des plus petites municipalités, la MRC, c'est vraiment le bon niveau. C'est le niveau que vous cherchez, je pense, dans cette démarche-là.

M. Cliche-Rivard : Puis, vous, vous entrevoyez... puis vous l'avez dit, peut-être via votre D.G., votre D.G. est peut-être un peu plus stressé, parce qu'il pourrait y avoir des éléments où il se poserait... puis là, on ne l'a pas vue, la politique nationale, je ne la connais pas, là, je ne peux pas l'inventer, mais le D.G. pourrait penser qu'il y a peut-être des organismes, des événements, des fêtes culturelles, que peut-être ne seraient pas admissibles à la politique. C'est-tu ça, la réflexion ou...

Mme Beaudin (Évelyne) : Moi, ce que je sens, c'est plutôt comme encore un autre rapport à remplir, tu sais. Je sens que c'est...

M. Cliche-Rivard : O.K. C'est administratif.

Mme Beaudin (Évelyne) : Puis c'est peut-être comme : O.K.., ça va-tu être trop de détails, comment qu'on va arriver à présenter ça, tu sais, avec eux. Parce que chaque ministère avec lequel on travaille, c'est différent, hein? Ça fait qu'on travaille... on travaille d'une certaine manière avec ce ministère-là, avec une autre manière avec tel autre ministère. Donc, je dirais que c'est plutôt ça que je sens comme inquiétude, puis après ça, une certaine appréhension par rapport à la politique, parce qu'on ne le sait pas qu'est-ce qu'elle va être, cette politique-là. Puis, bien, on espère pouvoir contribuer à cette magnifique politique.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...merci beaucoup, mesdames, pour votre présence ici en commission, c'est apprécié. Ce travail de démocratie est important.

Alors, sur ces bonnes paroles, je vais ajourner les travaux jusqu'au mardi 18 mars 2025, à 9 h 45.

(Fin de la séance à 16 h 26)


 
 

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