Journal des débats de la Commission des relations avec les citoyens
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
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Le
jeudi 27 février 2025
-
Vol. 47 N° 64
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi sur l’intégration nationale
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11 h 30 (version non révisée)
(Onze heures trente-six minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 84, loi sur l'intégration nationale.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) est remplacée par M. Lemieux
(Saint-Jean); Mme Prass (D'Arcy-McGee), par M. Morin (Acadie); et M. Leduc
(Hochelaga-Maisonneuve), par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Alors, Messieurs, bienvenue à la commission. Ce
matin, nous allons entendre les personnes et les groupes suivants : M.
David Carpentier ainsi que le Rassemblement pour la laïcité.
Avant d'aller plus loin, je vous demande
le consentement, compte tenu de l'heure, pour déborder de 12 h 50.
Est-ce que j'ai votre consentement pour cet avant-midi? Merci beaucoup.
Alors, je souhaite donc la bienvenue à M.
David Carpentier. Bienvenue à la commission. Donc, vous allez bénéficier d'une
période de 10 minutes pour votre exposé et, par la suite, nous allons
discuter avec les parlementaires. Alors, le temps est à vous.
M. Carpentier (David) : Merci,
Mme la Présidente. Merci de me recevoir aujourd'hui en cette enceinte et pour
le consentement à dépasser le temps qui nous est incombé. Donc, j'aimerais
commencer mon intervention en félicitant le ministre de la Langue française pour
le courage politique derrière l'initiative, derrière cette idée de formaliser
enfin un modèle d'intégration et de vivre-ensemble au Québec. Je pense que ça
revêt un caractère historique et c'est important de le souligner.
Le Québec, c'est à la fois une nation
minoritaire, mais aussi une société d'immigration, et, en ce sens, il doit
intégrer d'une certaine manière pour exister. Mais comment? C'est un peu la
question qui sous-tend le projet de loi. Et, à cette question, personnellement,
je réponds que le modèle d'intégration que le Québec doit se doter doit à la
fois concilier nationalisme et pluralisme. Donc, depuis le début de la
Révolution tranquille, on a collectivement, et surtout l'État, recherché une
sorte d'équilibre entre le projet national francophone et la diversité
culturelle, donc sa valorisation.
Toutefois, force est de constater, à la
lecture du projet de loi, que celui-ci s'éloigne en quelque sorte du modèle d'interculturalisme
et présente une sorte de déséquilibre entre la prise en compte des intérêts du
groupe majoritaire francophone ainsi que des intérêts... et des intérêts des
minorités ethnoculturelles et des personnes issues de l'immigration. Et ce
déséquilibre, à mon sens, peut alimenter la perception voulant que le projet de
loi favorise une approche de type assimilationniste plutôt que pluraliste. C'est
une lecture qui est d'ailleurs partagée par une trentaine d'universitaires et d'anciens
ministres, dont moi-même qui a co-signé une lettre dans Le Devoir, Louise
Harel, Kathleen Weil, Louise Beaudoin, et j'en passe.
Selon moi, pour que les personnes
immigrantes s'identifient à la nation québécoise et embrassent sa langue et sa
culture, il est très important que le modèle d'intégration que vous allez
adopter, que vous allez formaliser soit généreux à leur endroit ainsi qu'ambitieux
dans ses moyens. Pour ce faire, je vous présente aujourd'hui trois pistes d'amélioration
afin que soient rencontrées les intentions gouvernementales et cet objectif,
qui est louable, qui est de favoriser, à mon sens, la vitalité de la langue
française et de la culture québécoise.
Première piste d'amélioration. Le projet
de loi doit privilégier une approche pluraliste et rassembleuse. Actuellement,
il est question d'imposer l'adhésion aux personnes immigrantes des valeurs
québécoises et l'adhésion à la culture commune. Toutefois, dans une démocratie
libérale, on ne peut pas exiger l'imposition à des valeurs. On peut, au
maximum, demander à ce que les personnes immigrantes, tout comme l'ensemble des
Québécois, respectent les lois et les institutions, en l'occurrence, ici, les
principes établis par la charte québécoise des droits et libertés.
Un autre enjeu tient à la référence, et d'autres
collègues l'ont mentionné, aux notions de creuset et de Nations unies qui
évoquent, de manière indirecte, les modèles d'assimilation à la française et à
l'américaine qui ne correspondent pas, c'est important de le rappeler, aux
choix historiques que le Québec a faits dans le passé et qui vient appuyer l'idée,
que je développais plus tôt, d'un certain éloignement avec le modèle...
M. Carpentier (David) : ...d'interculturalisme.
• (11 h 40) •
En ce sens, je vous recommande évidemment
de retirer les notions de creuset et de Nations Unies de la définition de la culture
commune et d'insister plutôt sur le caractère dynamique et évolutif de
celle-ci, qui, à mon sens, est insuffisamment mentionné dans le projet de loi.
Aussi, je vous encourage à remplacer
l'obligation d'adhésion à la culture commune et aux valeurs québécoises par
celle de participation active. Selon moi, l'efficacité d'une loi déclaratoire
doit miser sur la carotte plutôt que sur le bâton et être invitante.
Je pense qu'avec ces modifications, avec
ces suggestions de modifications, il y aurait le potentiel de réaligner le
projet de loi avec la tradition pluraliste qui caractérise le Québec et qui lui
est propre. Je le souligne, ce n'est pas le Canada qui a imposé une approche
pluraliste au Québec, le Québec l'a choisie dans la foulée de la Révolution
tranquille, lorsqu'on a redéfini notre identité de manière territoriale et de
manière inclusive.
Deuxième piste d'amélioration, le projet
de loi doit accorder plus d'importance aux relations interculturelles et à
l'intégration en elle-même. Donc, actuellement, on subordonne ces objectifs à
ceux de la vitalité du français et la vitalité de la culture commune. Pourtant,
il y a une sorte d'inversion des logiques. Ce n'est qu'en adoptant des
politiques généreuses en matière de participation des personnes immigrantes à
la société québécoise et de développement d'une société inclusive, tolérante,
qu'on va réussir à assurer la pérennité ou la vitalité de la culture commune et
de la langue française. D'une certaine manière, on met ici la charrue devant
les bœufs.
Et c'est aussi important de rappeler que
le caractère multidimensionnel de l'intégration, dans le projet de loi,
actuellement, on insiste surtout sur ses dimensions linguistiques et
culturelles. Et, à mon sens, c'est central dans le contexte qui est le nôtre,
mais c'est aussi important d'insister sur ses dimensions économiques, ses
dimensions politiques, donc parler d'insertion au marché du travail en
valorisant les compétences des personnes issues de l'immigration, parler
également de leur participation civique et démocratique.
En ce sens, je recommande, pour cette
deuxième piste d'amélioration, de préciser, peut-être même dès les notes
explicatives, que l'objectif premier du modèle d'intégration est la
participation active des personnes immigrantes à la société québécoise et leur
épanouissement.
On pourrait aussi ajouter deux nouveaux
fondements au modèle national d'intégration, en l'occurrence la lutte contre le
racisme et la discrimination, qui n'est actuellement mentionnée nulle part dans
le projet de loi, ainsi que le développement des compétences interculturelles,
qui est central dans une société comme la nôtre. Il y a un rapport de l'UNESCO
qui expliquait justement que les aptitudes que les personnes développaient à se
montrer tolérants... tolérantes et ouvertes à l'endroit de l'immigration
étaient une compétence essentielle au XXIe siècle. Selon moi, ces
recommandations viendraient équilibrer le projet de loi, comme je le
mentionnais plus tôt.
Troisième piste d'amélioration, le projet
de loi doit déterminer des moyens ambitieux pour relever les défis du
vivre-ensemble. Donc, à l'heure actuelle, il n'y a aucune ressource
institutionnelle ou organisationnelle qui est prévue par le projet de loi. Et,
selon moi, ce serait l'occasion idéale pour être ambitieux à la hauteur de ce
qu'on souhaite pour le Québec et avec... et poursuivre les objectifs aussi, qui
sont... qui sont prévus par le projet de loi. À mon sens, prévoir une politique
qui va découler de la loi est insuffisant. Il faut aller plus loin. Il faut
prévoir des mécanismes pour autant assurer l'application auprès des ministères
et organismes, notamment les municipalités, mais aussi renforcer l'expertise
qui est présente dans l'administration publique et qui est actuellement
disséminée dans une multitude de ministères et organismes.
Je pense aussi que se doter de mécanismes
clairs et ambitieux permettrait de garantir une véritable imputabilité. Ça nous
prend des objectifs et des indicateurs si on souhaite véritablement mesurer la
rencontre des objectifs du projet de loi.
En ce sens, je vous recommande d'envisager
la création de relations interculturelles... d'un secrétariat aux relations
interculturelles au sein du ministère du Conseil exécutif. Pourquoi au sein du
ministère du Conseil exécutif? Ce serait pour doter finalement cette structure
d'une perspective transversale sur l'action de l'État. Ça permettrait de
coordonner l'action gouvernementale et d'assurer une plus grande cohérence.
Je suis d'avis que de... 50 ans après
le rejet du multiculturalisme canadien et de vide, on n'est pas en mesure ou on
ne peut pas... on ne...
M. Carpentier (David) :
...n'a pas le luxe d'attendre davantage pour être ambitieux sur les moyens.
En conclusion, j'estime que la
formalisation d'un modèle d'intégration du vivre-ensemble est un moment
charnière pour le Québec. C'est un choix structurant véritablement pour
l'avenir. Puis c'est l'occasion de renforcer autant le projet national
francophone, tout en restant fidèle à notre riche tradition pluraliste et
d'ouverture envers l'immigration. Le projet est évidemment perfectible, mais je
le souligne et je le rappelle, il est nécessaire et d'une très, très grande
pertinence. Après des décennies de débats intellectuels et politiques, le
Québec vient enfin affirmer son modèle. Et il était temps. À cet effet, je
rappelle ou, à tout le moins, j'invite les parlementaires à être très, très
clairs. Le modèle dont vous allez doter le Québec doit autant rejeter le
multiculturalisme canadien que les modèles assimilationnistes.
Comme message final, et je le répète une
dernière fois, j'estime que pour assurer la vitalité du français et de la
culture commune, des objectifs très, très louables et nécessaires, le Québec
doit se doter d'un modèle qui est à la fois généreux envers les immigrants et
ambitieux dans les moyens. Je pense que c'est un projet à la hauteur d'un
peuple qui est fier et accueillant. Et il est ce que les Québécois de toutes
origines méritent, et rien de moins.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va éclaircir ça justement lors de
la période d'échange avec les parlementaires. On va commencer avec le ministre
et la banquette gouvernementale pour 16 min 30 s au total.
M. Roberge : Merci
beaucoup. Merci pour votre présentation, pour votre mémoire. Vous dites que le
projet de loi est nécessaire, pertinent, mais perfectible. On s'entend
absolument. Je pense que c'est nécessaire. C'est pertinent. Ça aurait été mieux
si ça avait été fait il y a 10 ans, il y a 15 ans. Mais là, on a
l'obligation de le faire. Ce qu'on ne peut pas faire, c'est repousser encore.
Ce qu'on doit faire, c'est l'améliorer. C'est pour ça qu'on est contents de
vous voir, vous et les autres groupes. Et vous ne dites pas tous la même chose,
hein? Il y en a qui nous disent qu'on va trop loin. Il y en a qui disent qu'on
ne va pas assez loin. Il y en a qui disent qu'on va au bon endroit, mais il
faut reformuler. Une chose est certaine, on ne peut pas tous vous écouter parce
que vous dites des choses bien différentes, mais on va faire le... On va
départager tout ça.
Vous avez écrit un livre, Montréal
contre la nation?, point d'interrogation, qui traite des enjeux similaires
ou connexes aux enjeux qu'on traite aujourd'hui. Pour le bénéfice de ceux qui ne
l'auraient pas lu, pouvez-vous nous parler un peu de votre thèse de départ?
Parce que je pense que ça va éclairer nos travaux pour les grands concepts. Et
quelle lecture vous faites de ce qui se passe à Montréal. Bref, pouvez-vous
nous parler de ce que vous avez éclairé comme zone d'ombre au Québec avec votre
livre?
M. Carpentier (David) :
Oui. Donc, c'est une monographie scientifique qui s'intéresse à la politique
d'intégration des personnes immigrantes de la ville de Montréal. Donc, vous
n'êtes pas sans savoir que les villes contribuent depuis maintenant 20 ans
à l'intégration des personnes immigrantes dans le cadre de différents
programmes du ministère de l'Immigration. Ils reçoivent de l'argent puis
développent des programmes. Et le questionnement derrière ce livre était de
savoir si la politique élaborée par la ville correspondait ou non au modèle que
le Québec s'est doté depuis son rejet de la politique du multiculturalisme au
début des années 70. Et la réponse que j'évoquais ou la thèse que je défendais,
c'était qu'en quelque sorte, non. Donc, à Montréal, on retrouve un contexte
ethnodémographique qui amène les autorités locales à miser davantage sur le
pluralisme et en adoptant une approche qui est, à plusieurs égards, déconnectée
des objectifs, entre autres, qui sont... qui sont dans le projet de loi, là, de
vitalité de la langue commune, de la culture commune.
Donc, encore une fois, je reviens avec le
modèle de l'interculturalisme qui, j'estime, est adapté au contexte québécois,
qui promeut un certain équilibre entre nationalisme et pluralisme. Donc, à la
ville de Montréal, de par la démographie et aussi parce qu'il n'y a pas de
cadre qui a été établi au niveau québécois, de sorte à pouvoir faire en sorte
que son action soit clairement en adéquation avec la vôtre, il y avait un
déséquilibre. Et c'est le même déséquilibre que je viens aujourd'hui, d'une
certaine manière, critiquer dans le cadre du projet de loi. Il faut un
équilibre entre valorisation du pluralisme et valorisation du nationalisme.
• (11 h 50) •
M. Roberge : Donc, on a
besoin d'un cadre. Vous nous... Vous mentionnez, je pense, dans votre
présentation puis dans votre mémoire, critiquer le terme d'une nation qui
serait unie...
M. Roberge : Il ne faudrait
pas dire qu'on souhaite une nation qui serait unie? Ça m'étonne un peu. Ça me
fait penser à une déclaration malheureuse du premier ministre Trudeau, qui dit
que le Canada, c'est un état postnational. Il est très fier de ça. Moi, ça me
dérange beaucoup, quoique je ne suis pas un grand nationaliste canadien, je
suis un nationaliste québécois. Mais de dire que tout le monde aurait des
nations, tout le monde aurait des cultures distinctes, tout le monde aurait une
existence propre, sauf nous, moi, ça me dérange. Il me semble qu'on devrait
avoir le droit de dire qu'on veut une intégration nationale, qu'on veut une
nation qui est davantage unie. «Unie» ne veut pas dire monochrome. Mais, bref,
je m'étonne de cette prise de position de votre part. Voulez-vous expliquer?
M. Carpentier (David) : Oui,
oui, tout à fait. Mon inconfort avec le... cet article, là, que je... avec
l'article, c'est que c'est le premier élément de définition de la culture
commune, puis, peut-être, j'ai deux préoccupations liées à ça, la première
étant qu'à mon sens, qu'est-ce qui définit la culture québécoise, c'est cette
richesse dans les interactions à travers le temps entre différents groupes dont
on reconnaît le patrimoine, et j'ai peur qu'en mettant l'accent sur le creuset
d'une nation unie, on vient dépeindre la culture de manière fixe. Première
préoccupation.
Deuxième préoccupation, c'est cette idée
de creuset. Bon. Je pense que d'autres collègues vous ont expliqué la référence
explicite que cela faisait au modèle du melting-pot américain, qui vient
effacer les différences en vue d'assimiler. Mais l'idée de nation unie renvoie
aussi, selon moi, à une certaine tradition française d'une langue, une culture,
une nation qui est insensible à la reconnaissance des différences.
M. Roberge : Vous avez parlé,
quand vous avez résumé ou parlé des travaux dans le cadre de votre livre, de
culture commune. Est-ce que vous pensez qu'on peut parler... souhaiter une
culture commune sur le territoire québécois?
M. Carpentier (David) : Je
n'ai pas d'inconfort avec l'idée de «culture commune», même si je préfère la
notion de «culture québécoise». Vous disiez justement : Au Québec, on a le
droit d'exister collectivement. À ce moment-là, pourquoi effacer la
spécification ou la référence directe au Québec? Il y a des cultures communes
dans toutes les sociétés ou des cultures publiques communes dans toutes les
sociétés. Pourquoi enlever la référence explicite qui fonde notre spécificité?
M. Roberge : O.K. Bien, en
fait, je pense qu'on le dit à un moment donné, on dit : «La culture
québécoise est la culture commune.» Mais... Bon.
M. Carpentier (David) : Mais
ensuite, si vous arrivez auprès des personnes immigrantes puis vous leur parlez
de «culture commune», est-ce que ça renvoie à la culture québécoise? Il peut y
avoir une ambiguïté.
M. Roberge : O.K., O.K... une
question de le formuler correctement pour bien être compris.
Vous dites qu'il faut être à la fois
généreux et ambitieux : généreux, c'est-à-dire tendre la main, je pense — vous
me corrigerez — ouverts, accueillants; ambitieux, je le comprends
comme disant que, bien, il faut rejeter le statu quo. Je pense que vous avez
dit : Enfin, il faut bouger. Donc, il faut souhaiter une meilleure
cohésion sociale, un meilleur vivre-ensemble que ce qu'on a dans les dernières
années. Donc, la question, c'est : Comment trouver les bons mots, utiliser
les bons concepts pour être généreux avec les gens qui sont ici et qui ont fait
le choix du Québec et accueillants, bienveillants puis ambitieux sur ce qu'on
souhaite devenir d'ici 10 ans, 15 ans?
Maintenant, on peut utiliser le terme
«culture commune»... on fait attention comment on l'utilise. On doit souhaiter
la participation active de tous. Je pense que c'est très, très, important, il
ne faut pas tomber dans une mécanique de rejet. Vous avez mentionné ça tout à
l'heure, la participation active. Ça veut dire quoi, selon vous, la
participation active de tous à la société?
M. Carpentier (David) : C'est
une bonne question, puis ça renvoie justement à l'une des recommandations, qui
est celle de revoir les notes explicatives, qui expliquent que le... On
dit : Le modèle national d'intégration vise à assurer la vitalité de la
culture commune et de la langue française comme premier objet, alors qu'à mon
sens le premier objet d'un modèle d'intégration devrait être de favoriser la
participation, et la manière dont on peut concevoir la participation, c'est
celle des personnes immigrantes à toutes les sphères de la société, donc une
participation économique, linguistique, culturelle, politique. On peut parler
d'insertion sur le marché du travail, d'apprentissage et de maîtrise de la
langue française, de participation aux...
M. Carpentier (David) : ...des
institutions démocratiques.
M. Roberge : Vous n'êtes pas
les premiers à nous détailler ce que ça devrait vouloir dire, là, la notion
économique, sociale, etc. On est là-dedans, peut-être qu'il faudrait
reformuler, c'est à voir. On est dans le numéro 6, dans l'article 5,
dans le Modèle et Fondement, puis là on est à cinq... cinquième alinéa, on
dit : «La possibilité offerte à tous de participer à la société
québécoise.» Mais vous souhaiteriez qu'on précise qu'on parle de participation
communautaire, culturelle, économique, identitaire, qu'on détaille un peu de
quelle manière la participation, là, parce que la notion est là, mais vous
voudriez qu'on l'explicite davantage, c'est ça?
M. Carpentier (David) : C'est
ça qu'on l'explicite davantage et véritablement dans... Tu sais, mettons, si
moi, je suis une personne immigrante qui a accès au projet de loi, je ne vais
pas nécessairement aller voir dans le détail, je vais peut-être me fier aux
notes explicatives. Et si ce n'est pas clairement indiqué comme premier élément
des notes explicatives, à mon sens, ça peut soulever des préoccupations.
M. Roberge : O.K. ça arrive
souvent dans le cadre d'études comme ça ou dans l'article par article, que des
fois, ils disent : Oui, mais là, comment tel citoyen va le comprendre?
C'est assez rare. C'est souhaitable mais c'est assez rare que les citoyens
ouvrent le Code civil ou vont sur Internet et lisent les articles 32,
troisième alinéa, C, puis s'accrochent là-dessus puis ils se penchent contre le
gouvernement. D'habitude, c'est : Est-ce que le gouvernement fait les
bonnes choses? Donc, je pense qu'il faut trouver les bons concepts, les bons
mots. Moi, j'ai vraiment l'intention de tenir compte de vos préoccupations puis
de vos suggestions, mais il est possible que ça s'articule ensuite soit dans la
politique ou dans la manière de le faire parce que les citoyens vivront avec
les actions gouvernementales, les dépliants, les gestes que poseront les
organismes financés par les villes, lesquelles seront coordonnées par les
politiques qui découleront de la politique nationale. Donc, on va se rendre
jusque là avant que le citoyen dise : O.K., ça me parle ou ça ne me parle
pas. Il faut... il faut prendre garde comme législateur de ne pas penser qu'on
est en train d'écrire le document qui va se rendre aux citoyens, on est plus
des législateurs à ce moment-ci. Par contre, je comprends que vous dites on
doit demander aux gens de respecter les lois, mais il ne faut pas imposer les
valeurs, ça, vous l'avez nommé assez clairement. On a eu une discussion
semblable à ça hier puis on sait que les valeurs qu'on a nous ont amenés à
adopter les lois. Vous souhaiteriez simplement qu'on réfère davantage aux lois
plutôt qu'aux valeurs, les valeurs étant changeantes. Est-ce que c'est bien ce
que vous voulez dire?
M. Carpentier (David) : Exactement.
Les valeurs étant changeantes, et si on définit ou si on revient sur l'idée de
démocratie libérale, c'est de maintenir un équilibre entre la règle de la
majorité et le respect des libertés et des droits des individus des minorités
et, selon ce dernier principe, on ne peut pas exiger des individus l'adhésion à
quelque valeur que ce soit. Ce serait trop exigeant.
M. Roberge : Mais le respect
des lois, lui, n'est pas négociable, on est d'accord?
M. Carpentier (David) : Exactement,
oui.
M. Roberge : Je vais laisser
à mes collègues le... je pense qu'ils vont être bien contents d'avoir quelques
minutes pour échanger avec vous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais reconnaître la députée
de Vimont, et il reste 4 min 50 s.
Mme Schmaltz : Parfait.
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, merci d'être présent, toujours apprécié.
Parmi les recommandations, vous en avez une qui est la création d'un poste de
Commissaire aux relations interculturelles.
M. Carpentier (David) : ...
Mme Schmaltz : Pouvez-vous un
peu m'en dire un petit peu plus là-dessus? Et puis j'aimerais aussi, en
sous-question, connaître votre... votre idée sur la création de la médiation
culturelle, médiateur culturel. Pensez-vous que ça puisse être un bon pont
entre... entre les personnes, les nouveaux Québécois et puis la société
finalement québécoise?
M. Carpentier (David) : Oui.
Mais en vrai, pour répondre à votre seconde question, j'estime que la médiation
interculturelle ou culturelle est un dispositif déterminant au niveau, tu sais,
au bas des pâquerettes, là, pour favoriser le contact entre les personnes
issues de l'immigration et des membres, par exemple, qui appartiennent aux
groupes majoritaires même si, dans certains contextes, c'est plus difficile de
par les équilibres démographiques, là. Je pense entre autres à Montréal. Ça,
c'est un enjeu la concentration du pluralisme ethnoculturel dans la métropole
et le manque de contacts parfois avec le reste du Québec. Donc, créer des
programmes qui permettent des échanges entre les milieux montréalais et le
reste du Québec dans une perspective de médiation puis de contacts
interculturels, c'est une bonne chose.
• (12 heures) •
Et pour revenir à l'idée de Commissaire
aux relations... aux relations interculturelles, et puis dans le mémoire que
j'ai présenté, il y a cette proposition de dispositif. Il y a aussi la création
d'un Secrétariat aux relations interculturelles et...
12 h (version non révisée)
M. Carpentier (David) : ...même
la... de remettre sur pied un conseil des relations interculturelles, c'est
véritablement donner corps à cet engagement fort de l'État de formaliser son
modèle d'intégration et de vivre-ensemble. Et l'idée derrière la création d'un
poste de commissaire, donc une personne désignée par l'Assemblée nationale, ce
serait de donner une certaine indépendance à un agent de l'État dans le
contrôle, finalement, des politiques qui sont adoptées, du travail qui est fait
indépendamment du gouvernement... du gouvernement du jour. Donc, on l'a vu dans
la situation avec le conflit israélo-palestinien, ça a soulevé d'énormes
questions sur le plan des rapports intercommunautaires au Québec, et il y avait
comme une sorte de flou où... dans l'administration publique, vers qui on se
dirige pour répondre à ces questions-ci? Est-ce qu'on a une instance
indépendante pour produire du contenu? Donc, c'est des questions qui pourraient
être traitées autant par le commissaire qui aurait un rôle d'indépendant que
par un secrétariat qui consoliderait et qui centraliserait l'expertise de l'État.
Mme Schmaltz : Est-ce que j'ai
encore du temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui, vous avez encore deux minutes.
Mme Schmaltz : O.K... Je
reviens encore au commissaire... à votre... le poste, là, de commissaire aux
relations interculturelles. Est-ce qu'on parle d'un poste avec... En fait, non,
je vais reformuler. Est-ce qu'on parle... J'imagine que ce n'est pas un chien
de garde non plus, là, ce que vous voyez, à l'effet que... est-ce que c'est un
commissariat qui va s'assurer que c'est bien appliqué ou... J'essaie juste de
voir parce que je comprends qu'il faut que e soit indépendant, il faut qu'il s'assure
du respect de plusieurs aspects. Ça, il n'y a pas... il n'y a aucun problème,
mais est-ce qu'il a aussi un rôle de s'assurer que la loi soit respectée?
M. Carpentier (David) : Oui.
Bien, je trouve que le dispositif relatif au Commissaire à la langue française
est un exemple très efficace pour illustrer la proposition. L'idée est vraiment
de venir envoyer un signal fort. Si l'État du Québec souhaite véritablement
faire du vivre-ensemble une priorité, s'il souhaite véritablement assurer la
pérennité de la culture commune et de la langue française, il doit se doter de
dispositifs. Il doit se doter d'une force de frappe. Le commissaire en fait
partie. Si on estime que la langue française est une priorité, on crée des
institutions. On a créé un ministère de la Langue française, on a créé un
commissaire. Moi, ce que j'invite... ce que je vous invite à faire, c'est d'en...
c'est de faire autant pour les sujets liés à l'immigration, alors que le Québec
est amené à se diversifier hautement dans les prochaines décennies.
Mme Schmaltz : Je vais... Un
dernier petit point.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En terminant.
Mme Schmaltz : En terminant.
Bien, «en terminant», 10 secondes?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 19 secondes.
Mme Schmaltz : 19 secondes.
Bien, merci beaucoup de votre... de votre présence.
M. Carpentier (David) : Ça
fait plaisir.
Mme Schmaltz : Je n'aurai
pas... J'aurais le temps de poser la question, mais pas avoir la réponse, alors
ça ne sert à rien. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va poursuivre les discussions
avec le député d'Acadie pour 12 minutes 23 secondes.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour, M. Carpentier. Merci d'être là et merci d'avoir
produit votre document que j'ai lu avec attention. Il y a des groupes, des
experts qui sont passés avant vous et qui nous ont dit que le titre de la loi,
qui fait référence à l'intégration nationale, pourrait ne pas permettre d'atteindre
les objectifs qui sont visés par le gouvernement. On parlait peut-être plus de
vivre-ensemble. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Carpentier (David) : Oui,
effectivement, à mon sens, présentement, il y a deux types d'inversions logiques
dans le projet de loi qui me semblent problématiques.
La première inversion logique, je l'ai
mentionnée plus tôt, c'est celle de penser que l'intégration doit servir d'abord
et avant tout à la vitalité du français et de la culture commune. Au contraire,
c'est en ayant des politiques généreuses qu'on va s'assurer que le français et
la culture commune aient une certaine forme de vitalité.
Et la deuxième inversion logique est celle
que vous venez de mentionner, qui fait peut-être écho aux propos d'autres... d'autres
chercheurs, d'autres collègues, c'est celle de la définition du concept d'intégration
et de sa mise à l'avant-plan comme objet de la loi. Donc, la loi ne touche pas
que l'intégration, elle touche les rapports intercommunautaires. Et les
rapports intercommunautaires est à mon sens une catégorie plus globale et plus
générale sous laquelle on vient ranger les dispositifs et la vision en matière
d'intégration. Donc là, est-ce que ce serait une loi sur le vivre-ensemble et
les relations interculturelles? J'ai proposé, je pense, comme première
suggestion d'amendement, de renommer la loi de sorte à avoir une...
M. Carpentier (David) : ...une
conception plus large de son objectif, alors que l'intégration, c'est plus
restrictif comme conception.
M. Morin : Je vous remercie.
Autre élément que j'ai constaté à la lecture du projet de loi, puis j'en ai
parlé avec tous les groupes, là, qui sont venus, on parle beaucoup de culture,
on parle évidemment beaucoup de la langue française, qui est fondamentale parce
que c'est... c'est comme ça qu'on s'intègre, évidemment, qu'on qu'on peut vivre
ensemble au Québec. Cependant, souvent, une fois quand les gens ont appris le
français, surtout quand on pense aux immigrants, bien, après ça, c'est qu'ils
veulent travailler. Et, dans des politiques antérieures du gouvernement du
Québec, il y avait toujours un volet socioéconomique dans un projet... bien, en
fait, c'était une politique, ce n'était pas un projet de loi. Il n'y en a pas
là-dedans. Le projet de loi ne vise pas... ne traite pas de cette question-là.
Qu'est-ce que... Est-ce que vous pensez que ça devrait être inclus? Est-ce que
c'est un élément, un volet qui manque dans le projet de loi? Parce que, si on
veut vraiment que les gens puissent vivre ensemble, s'intégrer et vivre ici,
bien, il faut à un moment donné qu'ils travaillent.
M. Carpentier (David) : Oui,
ça renvoie à la... peut-être l'éventuelle redéfinition de la notion de
participation et d'intégration, donc une intégration multidimensionnelle,
linguistique, culturelle, économique, politique, etc. Donc, l'insertion
socioéconomique devrait en faire partie tout comme, je le rappelle, la lutte au
racisme et à la discrimination.
M. Morin : Exact. D'ailleurs,
ça, le Pr Bouchard en parlait. Comment... Quand on parle de racisme ou de
racisme systémique, parfois, ça fait peur un peu aux gens, mais, si on parle de
lutte contre la discrimination, est-ce que ce serait quelque chose qui serait
peut-être plus compréhensible, où les gens pourraient adhérer plus facilement?
M. Carpentier (David) : Sans
entrer nécessairement dans ce débat, je pense que la catégorie Lutte au racisme
et à la discrimination est adéquate.
M. Morin : O.K. Parfait. Je
vous remercie. Vous en parlez dans votre document, à la page... à la page
trois. À la lecture du projet de loi, j'avais l'impression qu'il y avait un
déséquilibre, c'est-à-dire qu'on demandait beaucoup entre autres aux nouveaux
arrivants, mais le gouvernement, lui, ne s'engage pas à beaucoup de choses.
Est-ce que vous pensez que le déséquilibre dans ce projet de loi peut nuire aux
objectifs ou à l'objectif qui est visé par le gouvernement?
M. Carpentier (David) : Non,
dans la mesure où il y a maintenant plein de pistes d'amélioration potentielles
au projet de loi de sorte à venir le rééquilibrer. Je crois qu'effectivement,
en précisant les éléments qu'on a mentionnés plus tôt, donc lutte au racisme,
discrimination, dimension socioéconomique, de l'intégration, il y aurait un
potentiel immense de venir rééquilibrer le projet de loi de sorte à dissiper
cette critique qui est mentionnée.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Autre élément. Il y a une seule référence aux Premières Nations puis
c'est dans le préambule. Il n'y a... il n'y a aucune référence. Puis, même dans
le préambule, quand on y réfère, on parle du respect... en fait, pour être bien
clair, on parle du droit qu'ils ont de maintenir et de développer leur langue
et culture d'origine, comme si on... puis si c'était une loi qui traite de
l'intégration. Les Premières Nations étaient là bien avant nous. Pensez-vous
que c'est réducteur? Est-ce qu'on devrait ne pas faire du tout référence? Parce
qu'on veut dialoguer de nation à nation avec les Premières Nations ou... Et
puis c'est... Quant à moi, c'est clairement plus qu'uniquement leur langue et
leur culture. Il n'y a pas de référence à la Déclaration des Nations Unies sur
les peuples autochtones. Donc, quel est votre... vos conseils ou suggestions à
ce sujet-là?
M. Carpentier (David) : Oui.
Si on recadre, disons, l'objet du projet de loi selon une catégorie plus
générale qui renvoie aux rapports intercommunautaires, je pense qu'on peut
aborder dans les considérants la présence des Premières Nations dans une
perspective de nation à nation. Mais, effectivement, ce serait problématique de
traiter directement des Premières Nations dans le corps de la loi si on
continue à parler d'intégration puisque les membres des Premières Nations ne
sont pas appelés à s'intégrer à la nation québécoise.
• (12 h 10) •
M. Morin : Non, en fait,
c'est qu'on partage un espace qui est commun. On est tous là. En fait, ça... ça
revient... Est-ce que ça ne revient pas un peu à l'idée du vivre-ensemble?
M. Carpentier (David) : Oui...
M. Morin : ...qu'à ce
sens-là, de le définir ou en parler plus spécifiquement, ça permettrait
justement de tisser des liens entre, bien, en fait, les Premières Nations et
les autres groupes qui occupent le territoire québécois?
M. Carpentier (David) : Oui.
M. Morin : Parfait.
J'aimerais savoir, pour vous... parce que vous parlez du... vous parlez de la
création d'un secrétariat. On nous a dit aussi que les villes ou les MRC
devaient jouer un rôle important parce que, souvent, sur le terrain, ce sont
les... en fait, la première institution qui est capable de faire vivre certains
programmes. Comment vous voyez le rôle des municipalités puis des MRC pour
venir en aide, finalement, au gouvernement avec l'établissement de lieux
communs ou d'échanges interculturels?
M. Carpentier (David) : Ça me
permet justement d'expliciter le potentiel immense que peut revêtir les... que
peuvent revêtir les municipalités comme leviers en matière d'accueil et
d'intégration des personnes immigrantes. Quand on pense notamment aux
bibliothèques, dans lesquelles on peut retrouver des activités de médiation
interculturelle, je pense que c'est un levier qui est sous-estimé, entre autres
en matière de culture, de loisirs et de sports. On pourrait revoir, voire même
bonifier les programmes de l'actuel ministère de l'Immigration, de sorte à
engager encore davantage les villes. Évidemment, à la lumière de mes travaux,
j'insiste sur l'importance d'avoir une structure, une instance au niveau du
ministère du Conseil exécutif, le secrétariat, de sorte à s'assurer que le
modèle qui soit adopté soit respecté et engage l'ensemble des acteurs
gouvernementaux, dont les villes.
M. Morin : Oui. Je vous
remercie. D'ailleurs, il y a des groupes qui nous ont dit que le gouvernement
travaillait en silo, donc c'était un peu compliqué parfois pour faire affaire
avec l'État.
J'aimerais que vous puissiez nous parler
de votre secrétariat. Vous le concevez comment? Quel serait son premier
objectif, son rôle? Comment ça peut s'intégrer au sein de l'appareil
gouvernemental? Puis quelles sont, finalement, les recommandations ou le
travail qui pourrait être fait sur le terrain d'une façon concrète, sans
nécessairement rajouter une couche bureaucratique dans l'appareil
gouvernemental?
M. Carpentier (David) : Oui.
Donc, le mandat d'un éventuel secrétariat aux relations interculturelles au
sein du ministère du Conseil exécutif serait d'assurer la coordination et la
cohérence de l'action gouvernementale et de consolider son expertise. Donc,
actuellement, on a plusieurs structures qui sont disséminées dans différents
ministères. On a un bureau de coordination de la lutte contre le racisme dans
le ministère du Conseil exécutif, on a une direction de l'intégration
linguistique et de l'éducation interculturelle au ministère de l'Éducation, on
a aussi une direction des politiques et programmes de relations
interculturelles au sein de l'actuel MIFI, le ministère de l'Intégration, de la
Francisation et de l'Intégration. Donc, une option qu'on pourrait envisager
pourrait être de regrouper ces différentes structures au sein du MCE, qui a une
action transversale par rapport... par rapport au reste de l'État, des
ministères et des organismes et qui pourrait offrir des conseils aux ministères
et aux organismes sur l'élaboration de plans d'action, sur la meilleure manière
de mettre en œuvre et d'appliquer la présente loi. Elle pourrait aussi guider
les MRC, les municipalités en vue de suivre... de suivre le modèle et pourrait
aussi fournir des conseils aux politiques lorsque survient des crises. On peut
penser, je l'ai dit plus tôt, au conflit israélo-palestinien, qui a soulevé des
enjeux de cohabitation intercommunautaire au Québec.
M. Morin : J'imagine que ça
pourrait également avoir le rôle... une espèce de rôle d'uniformisation,
c'est-à-dire qu'on ne veut pas nécessairement du mur-à-mur, souvent le
sur-mesure est préférable, mais il faut quand même qu'il y ait une cohérence
dans les services. Est-ce que ce secrétariat pourrait avoir un rôle aussi de
formation auprès des municipalités pour s'assurer que la politique,
éventuellement, va être non seulement adaptée, mais, évidemment, utilisée d'une
façon qui est cohérente?
M. Carpentier (David) : Oui,
tout à fait. Et ça fait écho à, peut-être, la première question qui m'a été
posée par le ministre de la Langue française sur le livre que j'ai rédigé, qui
montrait, entre autres, le fait que l'absence de cadre clair établi par l'État
menait à l'élaboration d'une multitude d'approches d'une ville à l'autre, sans
ligne directrice. Donc, avoir un secrétariat qui permet d'assurer une cohérence
de l'action serait une excellente idée.
M. Morin : Et, dans ce
secrétariat...
M. Morin : ...vous le
mentionnez, il y aurait un commissaire. Ce commissaire-là c'est... Non?
M. Carpentier (David) :
Non.
M. Morin : Non, pas de
commissaire?
M. Carpentier (David) :
Non, mais ce serait... Ce seraient des structures différentes. Donc, un
secrétariat comme instance administrative relevant du MCE et un commissaire
comme personne désignée par l'Assemblée nationale. Donc, un agent du Parlement
voté aux deux tiers.
M. Morin : Donc, deux...
Deux instances, finalement.
M. Carpentier (David) :
Exactement, oui. Tout comme on retrouve deux instances dans le domaine de la
langue française avec le commissaire à la langue française et le ministère qui
sont séparés.
M. Morin : Très bien. Je
vous remercie pour la précision. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le député. Alors, on va terminer avec
4 min 8 s qui sont destinées au député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation, votre
mémoire aussi, très précis. Puis je vous suis, là. Puis là j'ai envie de vous
entendre sur un élément particulier, notamment votre thèse, là, principale, que
le p.l. n° 84 crée un déséquilibre qui en fait un
modèle qui penche vers une logique assimilationniste. Et je voudrais voir, ça,
dans le projet de loi. C'est une question précise que j'ai pour bien le
comprendre. Il y a la notion de creuset. On en a parlé. Ça, c'est bien évident.
Il y a aussi ce que vous dites en citant Gérald Godin, qui est très
intéressant, quand vous dites : «J'ai constaté que le Québec avait tout à
gagner à ne pas forcer les cœurs, mais plutôt à les gagner». C'est là où vous
mentionnez souvent, à quelques reprises, de changer «adhérer» par
«participation active». Ça, je l'entends. Là où j'avais une question précise,
c'était sur votre demande de modification à l'article 5, là, sur ce que
constitue la fameuse culture québécoise, la culture commune. Et 5 1°c, là, on
parle de l'apport des minorités culturelles. Les personnes immigrantes et les
personnes s'identifiant à des minorités culturelles sont appelées à contribuer,
notamment à partir de leurs caractéristiques culturelles, à l'évolution et
l'enrichissement de la culture commune. Et c'est là où je voudrais bien comprendre
ce que vous y voyez, là, comme dans cette perspective-là de l'article 1,
qu'est ce qui est assimilationniste finalement, là?
M. Carpentier (David) :
Premièrement, je pense que ma thèse est plus nuancée que ça. J'affirme qu'il y
a un certain nombre d'éléments qui amènent le projet de loi à être déséquilibré
entre nationalisme et pluralisme, et que ça pourrait être interprété comme une
tendance menant à un modèle, un modèle d'assimilation. Donc, certains éléments
qu'on peut juger problématiques, si on les retirait effectivement, on pourrait
rééquilibrer le projet de loi de sorte à tendre vers une approche plus
pluraliste. Donc, il y a la notion effectivement d'adhésion aux valeurs et à la
culture. Il y a les notions de creuset, de nations unies, mais il y a aussi
certains manques, donc, lutte au racisme et à la discrimination, intégration
socioéconomique, miser sur le vivre-ensemble et l'intégration plutôt que sur la
vitalité du français et de la culture. Donc, il y a comme une sorte d'équilibre
qui n'est pas nécessairement atteint pour dire : Ce projet de loi reflète
une posture pluraliste. Et ensuite, c'est un choix qui vous appartient. Il y a
un spectre entre le pluralisme qui reconnaît l'immigration et la différence
culturelle comme étant une plus-value et quelque chose de bien. Et de l'autre
côté, il y a une approche de monisme culturel avec les modèles d'assimilation
où est ce qu'on tend à l'homogénéité? C'est un choix de société.
Historiquement, on a choisi l'approche pluraliste et je pense que ça fait plus
de sens dans notre contexte.
M. Cliche-Rivard : Mais
vous dites grosso modo, puis on a identifié trois, ou quatre, ou cinq, même,
éléments, vous dites qu'il y a possibilité, là, il y a encore ouverture et
possibilité d'arriver à ce balancement-là, sans viser la réécriture complète du
projet de loi. Vous avez fait des propositions quand même assez concrètes puis
assez pertinentes. Je pense que celles de lutte au racisme et à la
discrimination me semblent fondamentales aussi comme valeurs intrinsèques de
qui on est quand même comme peuple. Vous sentez qu'on est quand même dans
l'éventail des possibilités, pas très loin d'être capables de s'entendre.
M. Carpentier (David) :
Oui, il y a un... Oui. Oui, on peut, on peut tendre vers un modèle pluraliste,
puis je pense que les 35 et quelques recommandations d'amendement que je vous
formule abondent dans ce sens-là.
M. Cliche-Rivard :
Qu'est-ce que vous faites de, puis le collègue en parlait un petit peu, mais
des minorités culturelles historiques puis de ceux qui justement sont ici, mais
qui n'adhèrent pas à ce qu'on pourrait appeler comme une culture commune
canadienne-française, je ne sais pas comment on appellerait, mais vous
comprenez ce que je veux dire? Qu'est-ce qu'on fait des autres?
M. Carpentier (David) :
Mais que voulez-vous dire par là? Je ne suis pas sûr de comprendre la question.
M. Cliche-Rivard : Bien,
il y avait l'exemple, par exemple, puis on a entendu les communautés
anglophones historiques, par exemple, ou il y a le collègue qui parlait des
Premières Nations et Inuits. Où est-ce qu'on les place dans ce dialogue là de
l'intégration nationale?
• (12 h 20) •
M. Carpentier (David) :
Oui. Bien, il y a... Il reste combien de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Six secondes.
M. Carpentier (David) :
O.K. Fantastique. Bien, ça dépend comment est-ce qu'on définit la nation. En
principe, les communautés anglophones participent à la nation québécoise, peu
importe ce qu'en disent les lobbies, là. Puis les Premières Nations sont des
nations. Donc, il n'y a pas... Il n'y a pas lieu d'être. Mais les autres font
partie de la nation québécoise qui doit être définie de manière inclusive.
C'est bon?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...je vais. Merci. On déborde un petit peu, mais ce n'est
pas grave. Merci...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : …merci beaucoup. Merci, le… M. le député.
M. Carpentier (David) : Merci
à vous pour votre attention.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, c'est ce qui termine cette première séance. Merci
énormément pour votre apport à la commission. Je vais suspendre quelques
instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 12 h 21)
(Reprise à 12 h 24)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens poursuit ses travaux. Donc, le deuxième groupe à recevoir en
audition ce matin, il s'agit du Rassemblement pour la laïcité. Alors, ils sont
représentés… Le regroupement est représenté par Mme Nadia El-Mabrouk, la
présidente, Mme Marie-Claude Girard, ainsi que M. François Dugré. Alors,
bienvenue à la commission. Vous allez bénéficier d'une période de
10 minutes pour présenter votre argumentaire et, par la suite, nous allons
procéder à la période d'échange avec les parlementaires. Alors, votre temps
débute maintenant.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Parfait! Bonjour. On m'entend
bien?
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Oui.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) : Bon. Parfait. Donc, merci, Mme la Présidente. M. le
ministre, messieurs, mesdames les députés, donc, je… on vous remercie pour
l'invitation. Alors, donc, moi, je suis Nadia El-Mabrouk, je suis professeure
titulaire au département d'informatique de l'Université de Montréal, mais ici,
je suis ici à titre de présidente du Rassemblement pour la laïcité. On dit
aussi RPL. Donc, c'est un regroupement d'organismes et d'individus qui oeuvrent
à la promotion de la laïcité.
Alors, je suis accompagnée de Marie-Claude
Girard, qui est retraitée de la Commission canadienne des droits de la
personne, et de François Dugré, qui est professeur de philosophie, retraité du
cégep Saint-Hyacinthe, donc, mais tous les deux sont membres du conseil
d'administration…
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :...du Rassemblement pour la
laïcité.
Alors, comme nous le disons dans notre
mémoire, on se réjouit de ce projet de loi-cadre sur l'intégration nationale.
Ça fait longtemps que nous réclamons, au RPL, un modèle de gestion du
vivre-ensemble qui mise, donc, sur l'intégration dans un espace culturel
québécois commun, dynamique, s'enrichissant de l'apport de toutes et tous,
voilà, plutôt que sur la valorisation des différences et la fragmentation de la
société en communautés ou en groupes ethnoculturels, chacun voyant ses propres
intérêts, à l'exclusion des autres.
Alors, nous saluons tout particulièrement
le vocabulaire positif, rassembleur et structurant utilisé pour décrire le
modèle québécois d'intégration nationale. Et nous saluons aussi l'absence de
vocabulaire clivant basé sur la race ou l'ethnie. Nous y voyons une volonté du
gouvernement de sortir d'un discours culpabilisant, accusateur et hautement
divisif, qui laisse entendre que le racisme serait un fléau spécifique au
Québec, et qu'il proviendrait d'une source unique. D'ailleurs, dans notre...
dans notre mémoire, on parle d'un autre racisme, dont on parle peu, hein, qui
est le racisme anti-Québec qui malheureusement se manifeste dans les écoles, comme
on en parle.
Donc, mettre l'emphase sur les différences
et les divisions raciales ou ethniques ne nous semble pas aider à lutter contre
le racisme. D'ailleurs, la notion de racisme est souvent élastique. Nous
n'avons pas besoin de rappeler les accusations de racisme et d'islamophobie que
subissent, par exemple, les défenseurs de la loi n° 21. Donc,
contrairement à plusieurs personnes qui se sont exprimées ici, nous pensons
qu'un projet de loi-cadre sur l'intégration nationale n'a pas à contenir un
vocabulaire divisif et très peu accueillant pour les immigrants.
Nous saluons en particulier, aussi, la
proposition de rajout, à l'article 18, donc, au préambule de la charte
québécoise, d'un considérant formalisant le modèle québécois d'intégration
nationale distincte du multiculturalisme canadien. Cette distinction est
expliquée dans un autre paragraphe du projet de loi, qui stipule que le modèle
d'intégration nationale s'oppose à l'isolement et au repli des personnes dans
des groupes ethnoculturels particuliers, et qu'en ce sens il est distinct du
multiculturalisme canadien.
Effectivement, la Loi sur le
multiculturalisme canadien offre un modèle d'intégration qui encourage les
nouveaux arrivants à s'identifier à leur pays d'origine, à leur communauté d'origine,
plutôt qu'au pays d'accueil. Nous pensons que ce modèle n'offre pas les moyens
pour lutter contre le repli identitaire et l'intégrisme religieux, au
contraire. Il contribue d'ailleurs, indirectement et même, parfois,
directement, à priver des membres des communautés culturelles elles-mêmes de
leur droit à la liberté de conscience et de religion, à la liberté tout court,
d'ailleurs.
À l'inverse, la laïcité de l'État consacre
toutes les libertés, y compris les libertés religieuses, pourvu qu'elle respecte
la loi commune, n'impose pas de contraintes aux personnes de la même religion
et ne les isole pas des autres citoyens. Mais c'est, en fait, donc, la laïcité
qui offre les garanties de liberté et d'égalité qui permettent l'émancipation
et la pleine participation à la société et au débat citoyen.
Bon, par ailleurs, les tensions
religieuses et la pression exercée par certains intégrismes religieux sont, en
fait, les causes principales de la détérioration du vivre-ensemble et du climat
social qu'on observe. On peut prendre l'exemple des garderies, qui
sélectionnent... ou, en fait, en tout cas, sélectionnaient les enfants en
fonction de leur religion ou appartenance ethnique, ou, évidemment, l'exemple
de l'école Bedford, entre autres, qui sont aux prises avec des problèmes
d'entrisme religieux. C'est pourquoi nous pensons qu'il est important de
reconnaître la laïcité de l'État comme fondement du modèle du vivre-ensemble et
d'intégration nationale. Donc, c'est le sens, en fait, de quatre des neuf...
des neuf recommandations que nous faisons dans notre mémoire.
• (12 h 30) •
Par ailleurs, le premier considérant du
projet de loi présente la laïcité comme un... comme un élément parmi d'autres
de la culture québécoise...
12 h 30 (version non révisée)
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :...bon, alors, bien que le point
quatre de l'article cinq semble corriger le tir, bien, nous craignons quand
même que cela puisse créer de l'incompréhension auprès de personnes identifiées
dans le projet de loi comme des immigrants ou des minorités culturelles. Nous
sommes bien placés, au RPL, pour savoir que de nombreux citoyens attachés à la Loi
sur la laïcité de l'État et qui souhaitent bénéficier de services publics
laïques sont des immigrants de plus ou moins longue date et de différentes
origines. Alors, ce qu'il faut... ce qu'il faut comprendre, là, c'est que c'est
l'intégrisme religieux et non les immigrants qui constituent la menace contre
la laïcité de l'État et ce qu'on appelle les valeurs québécoises.
Nous tenons également à souligner que c'est
justement dans un souci de réciprocité et de responsabilité partagée entre les
immigrants et la société d'accueil que l'État doit veiller à appliquer son
modèle de laïcité. De nombreux immigrants proviennent de pays où ils sont
victimes de pressions religieuses qui les empêchent de vivre librement. S'il
est attendu de ces personnes qu'elles apprennent le français et qu'elles
fournissent des efforts pour s'intégrer au Québec, réciproquement il est
attendu de l'État, pour permettre à ces personnes de s'épanouir et de
participer pleinement à la vitalité de la culture québécoise, de faire
respecter la laïcité. C'est en cela, et pas seulement pour des raisons propres
à l'histoire du Québec, que la laïcité est un élément essentiel du modèle d'intégration
nationale.
En conclusion, alors, nous appuyons avec
enthousiasme le modèle d'intégration nationale visé par le projet de loi n° 84.
Nous pensons que le vocabulaire positif, rassembleur, orienté vers la culture
plutôt que l'ethnie permettra d'orienter la politique nationale dans la bonne
direction afin de réduire la fragmentation sociale et favoriser le vivre-ensemble.
Nous saluons également l'emphase qui est mise dans le projet de loi sur la
valorisation du français comme langue commune et véhicule d'intégration à la
société québécoise. Cependant, nous considérons que le projet de loi devrait
considérer également la laïcité de l'État en tant que vecteur d'intégration et
de cohésion sociale. Voilà. À notre avis, le français et la laïcité sont les
deux éléments structurants essentiels pour un modèle d'intégration québécois
distinct de celui du multiculturalisme canadien. C'est pourquoi notre
principale recommandation est de reconnaître la laïcité de l'État non pas comme
un élément parmi d'autres de la spécificité québécoise, mais bien comme
fondement du modèle de vivre-ensemble et d'intégration nationale. Et, par cet
ajout, nous désirons également insister sur le fait que la politique qui
accompagnera cette loi-cadre devra pallier le manque de moyens mis de l'avant
pour faire connaître, enseigner, promouvoir et faire respecter la laïcité de l'État.
Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour votre exposé. Alors, on va débuter d'ores
et déjà la période d'échange avec les parlementaires. Je me tourne du côté du
ministre pour une période totale de cinq minutes 30 secondes.
M. Roberge : Merci beaucoup.
Merci pour votre présentation. Merci pour votre parole libérée qui affirme sans
gêne qu'on ne doit pas s'excuser d'être Québécois, en étant ouverts... ouverts
d'esprit, accueillants et en continuant d'accueillir des nouveaux arrivants,
que j'appelle les nouveaux Québécois, mais en ne s'excusant pas d'habiter le
territoire avant l'arrivée de ces personnes-là. Je trouve ça important,
rafraîchissant de l'entendre de votre bouche puis de l'avoir lu aussi. L'idée d'arriver
avec ce modèle puis de l'établir comme étant un contrat social à la fois pour
les gens qui habitent déjà le territoire... On a volontairement précisé qu'il y
avait des gens qui s'identifient à des minorités culturelles qui sont aussi interpelés
par ce projet de loi là. Ce n'est pas un projet de loi qui n'interpelle que des
personnes qui arriveront la semaine prochaine, dans un an, dans cinq ans. Un
appel, il y a une main tendue à ces personnes-là de s'intégrer davantage puis
de faire nation avec nous. Donc, vous le dites très clairement, on n'est pas
dans l'assimilationnisme du tout. Puis vous dénoncez, à la fois dans votre propos
puis dans le mémoire, cette tendance autoculpabilisante des Québécois de
toujours s'excuser de faire ce que l'on fait. On ose...
M. Roberge : ...à
l'article 18, modifier la Charte québécoise des droits et libertés en
disant : Bien, elle doit être interprétée à la lumière de cette nouvelle
loi fondamentale.
Puis je suis heureux que, Mme El-Mabrouk,
vous soyez là, M. Dugré soit là, mais Mme Girard aussi, qui a travaillé à la
Commission canadienne des droits et libertés. J'aimerais vous entendre à cet
égard-là. Parce que d'autres avant vous sont venus nous dire : Vous n'avez
pas le droit de toucher à la charte, que, charte, c'est comme quelque chose,
là... on peut toucher à tout sauf ça. Vous, qui avez travaillé dans le domaine
des chartes des droits et libertés, pourquoi ça peut être utile, pertinent,
nécessaire de toucher à ce texte?
Mme Girard (Marie-Claude) : D'abord,
je dois préciser que je ne suis pas avocate. Je suis retraitée de la Commission
canadienne de la personne, dont j'ai travaillé dans le milieu. Alors,
légalement, je n'ai pas de conseils à donner. Pour moi, c'est important parce
que ce qui distingue la Charte canadienne et de la Charte québécoise, à mon
avis, c'est que la Charte québécoise comprend... c'est-à-dire la charte canadienne
est très, très individualiste. La charte canadienne a un aspect qui défend
davantage la nation. Alors, de préciser dans la charte québécoise qu'on a un
modèle différent du multiculturalisme canadien, pour moi, est important. Et la
façon dont la charte québécoise a été conçue, qui a un droit... qui qui inclut
le droit collectif, ouvre la porte à cette inclusion d'une loi sur... de
préciser comment on se détache du modèle multiculturalisme, individualisme
canadien. Je pense que notre charte le permet. Et la spécificité de la charte
québécoise fait en sorte que ça peut accueillir ce genre de précisions, et, je
pense, c'est important de le faire, ce droit collectif versus individuel.
M. Dugré (François) : Peut-être
un petit mot à ajouter. On est dans un projet de loi, donc on peut avoir
quelques considérations générales. Je vous ai écoutés dans les deux derniers
jours, et c'est approprié. Mais rapidement, on peut dire que ce n'est pas
propre au Québec, une espèce de tension entre la dimension démocratique et la
dimension du libéralisme. Donc, la démocratie, le gouvernement de soi, d'un
peuple, on peut appeler ça le nationalisme, mais certainement là, il y a le
politique comme tel. Et le côté du libéralisme, évidemment, sur plusieurs
siècles, c'est d'abord et avant tout des protections, des libertés
individuelles, des garanties. C'est de l'ordre du moyen pour préserver donc
toutes nos différentes libertés.
Sans cibler qui que ce soit qui a pu
prendre la parole ici, il y a une tendance quand même assez générale à enlever
presque toute possibilité d'action à l'État, et donc à la démocratie comme
telle. Il y a comme une charte des droits et libertés qui devient intangible au
sens propre, on ne peut pas y toucher, alors qu'il y a un moment politique, hein,
du législatif et de l'exécutif aussi à gérer des considérations particulières
comme le fait français. Et la langue n'est pas quelque chose qui a été bien
abordé par le libéralisme historiquement.
Alors, de même, un État a parfaitement le
droit de penser un modèle d'intégration qui diffère d'un modèle qui s'est déjà
prétendu postnational, mais en tout cas, on ne reviendra pas directement sur le
multiculturalisme, mais qui ne favorise pas particulièrement justement un
modèle pour les Québécois où il y a quand même un élément francophone plus
fragile. Je m'arrêterai là-dessus, là, mais on voit un peu les liens.
Donc, là-dessus, on se porte à faux par
rapport à cette façon de presque sacraliser, sanctuariser le droit. On en est
tous. On regarde ce qui se passe au sud de la frontière, on est inquiets, à
très juste titre, mais il y a un moment proprement politique. Et, ça, c'est un
des paradoxes de tout notre libéralisme philosophique, même, c'est de dénier à
l'État presque toute perspective. On vous a presque dit : N'agissez pas.
Il faudrait qu'on ait tous les détails avant même qu'il y ait un projet de loi
pour qu'on ose mettre l'orteil dans l'eau pour savoir si c'est froid ou chaud.
Il y a du politique. Et c'est normal.
M. Roberge : Merci bien. Dans
le... Dans votre mémoire, vous êtes parmi les seuls à avoir abordé un élément
qui est important pour la mise en œuvre de tout ça, parce qu'on a des concepts,
des principes très importants. Mais on a... Par exemple, à l'article 16,
on parle du financement, de la mise en œuvre ensuite, pour que ça change
quelque chose dans le réel. Et vous dites, à la page six : «La loi-cadre
sur l'intégration nationale permettra, on l'espère, d'éviter de dépenser
l'argent du contribuable pour de tels projets clivants qui empoisonnent le
vivre-ensemble.» C'est quand même quelque chose de dire que l'État, avec
l'argent des contribuables, finance des projets qui empoisonnent le
vivre-ensemble. Nous autres, on est dans un projet de loi sur le
vivre-ensemble, la cohésion sociale. Pouvez-vous nous dire qu'est-ce qui ne
fonctionne pas? Donnez des exemples d'après vous.
• (12 h 40) •
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Oui. C'est ça. On a donné des
exemples dans notre mémoire. On a donné un exemple d'un guide pour... en fait,
pour...
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :...pour les... les intervenants
auprès des femmes immigrantes à Montréal, donc un guide pour... bon, qui ne
parlait que de racisme en tout cas avec des mots très très clivants, là, de...
de... en tout cas qui ne parlait de...
Une voix : ...
Mme El-Mabrouk
(Nadia) : ...c'est ça, qui ne parlait que de racisme canadien,
québécois, des Blancs contre les Noirs. Écoutez, ce n'est pas une façon. Et
puis... et ce document là était financé avec l'argent de la ville de Montréal
et du MIFI, je pense, donc du gouvernement du Québec. Écoutez, je pense que ce
n'est pas une façon d'accueillir les immigrants en leur disant : Faites
attention, vous êtes... vous... vous arrivez dans un territoire où le plus
grand danger que vous avez à affronter, ça va être le racisme systémique.
Écoutez, je n'ai pas tous les mots à la mode. Ils ne me viennent pas comme ça,
là, je ne les ai pas intégrés, mais ça fait peur, hein, vous savez, bon, et
puis, écoutez, voilà. Et puis quand on parle de culture du travail par exemple,
je suis bien d'accord que l'emploi c'est important, mais quand, dans le guide
on explique, par exemple, qu'il y a dans certaines cultures où le retard, ce
n'est pas grave. Donc... donc, par exemple, dans ce guide-là, on explique qu'il
ne faut pas mettre l'accent sur la ponctualité parce que ça ne fait pas partie
de la... de certaines cultures et donc ça serait discriminatoire, raciste.
Alors, quand on me parle de culture de l'emploi et mettre l'accent sur
l'emploi, il faudrait le faire dans le bon sens.
Vous en voulez d'autres, des exemples? Je
peux... je peux en avoir. On en a un tout frais cette semaine qui a fait quand
même les manchettes. C'est le Réseau des employés fédéraux musulmans, donc,
évidemment, ça, bon, alors c'est un réseau fédéral. Mais, vous savez, il y a
des groupes ici aussi qui... qui peuvent... Ça peut exister au Québec aussi,
là, bon. Donc, qui donne des conseils aux employeurs pour intégrer les employés
musulmans, et donc la liste d'accommodements religieux demandés est assez...
est incroyable, vous savez. Écoutez, tous les... je ne suis pas isolée, moi, je
suis d'origine tunisienne. Dans notre groupe aussi, on a beaucoup de personnes
originaires de pays musulmans, et on regarde cette liste-là, c'est incroyable.
Donc, c'est vraiment des intégristes religieux qui font tout pour s'immiscer
dans tous les milieux. Et donc l'analyse qu'on demande au patron. Donc, il faut
donc savoir que le musulman doit prier trois fois par jour absolument quand il
est au travail. Enfin, les fêtes musulmanes, il faut qu'il aille... Vendredi
après-midi, on ne peut rien faire parce qu'il faut aller à la prière... il faut
que l'homme aille à la mosquée, donc il ne faut rien prévoir. Et écoutez, la
liste est longue. Comment voulez-vous que les employeurs ne soient pas
craintifs après ça, à employer des personnes qui viennent de pays musulmans,
même si c'est faux, que... que la majorité des des personnes qui viennent de
ces pays-là demandent tous et toutes et tous, tous ces accommodements-là? Et donc
c'est toxique pour le vivre-ensemble, c'est nocif pour l'employabilité de ces
gens-là. Et puis vous savez, ça, c'est un réseau, par exemple, qui a eu le prix
d'excellence de la fonction publique en 2021. Bon. Vous savez, il y en a
d'autres, des groupes, il y a des OBNL qui sont et qui sont aidés pour ça, pour
faire des... produire des guides comme ça, qui sont très toxiques, qui
empoisonnent le vivre-ensemble. Et nous, quand on voit que le gouvernement du
Québec a participé au financement, je peux vous dire que les gens ne sont pas
contents.
M. Roberge : Merci. Vous
nous... À un moment donné, vous saluez l'absence de vocabulaire clivant.
Volontairement, je n'ai pas utilisé, dans la loi, le terme «ethnoculturel». On
a parlé de groupes majoritaires, de groupes qui s'identifient à des minorités
culturelles. Pourquoi, d'après vous, c'est une bonne idée de choisir ce
vocabulaire-là plutôt qu'un autre?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Bien, comme je... comme on dit,
vous savez, quand on accueille les... bien, qu'on fait venir des immigrants, en
fait on les accueille sur une base de l'appartenance nationale, hein. On fait
venir des Tunisiens, je ne sais pas moi, des Anglais et des Américains, des...
des Marocains. On ne fait pas venir des noirs, des racisés, des ethniques,
c'est... Vous savez, ce n'est pas ça et puis...
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :...il y a des Noirs en Tunisie.
Faire venir un Noir tunisien ou un Noir américain, ça... c'est complètement
différent. Alors, mettre l'accent sur la race... Et d'ailleurs c'est...
Premièrement, la race n'a pas une notion biologique très objective, hein,
très... Bon. Et puis, bien, c'est clivant, ça fait... ça alimente une division,
une division basée sur des mauvais critères, des critères identitaires, bien,
qu'on n'a pas... qu'on n'a pas, d'ailleurs, à mettre de l'avant. Et donc
l'ethnie... la culture est plus positive, en tout cas à l'oreille, hein,
c'est... Les gens le voient...
Quand on entend culture... Je ne sais pas
pourquoi, les gens qui viennent ici, on a l'impression, quand ils vous parlent
de... de quoi, de... on a l'impression qu'ils le voient comme quelque chose de
figé, mais la culture n'est pas figée, on l'entend toujours comme quelque chose
de dynamique. Évidemment, ce n'est pas... il n'y a rien qui est figé. Il ne
faut pas figer les choses. On essaie... Donc, c'est quelque chose qui change,
mais c'est par l'apport humain, par la créativité, par la littérature. C'est
quelque chose de beaucoup plus positif. Et puis la culture est liée à chaque
personne, c'est chaque individu qui peut... qui contribue, c'est comme ça qu'on
entend. Ça fait qu'on ne part pas, de prime abord, par une division des humains
en catégories, soit... soit ethnique, soit raciale, etc. Donc, c'est beaucoup
plus rassembleur, je pense, de parler de culture que de parler de race.
Alors, j'entends qu'on a... que les gens
déplorent qu'il n'y ait pas ici des mesures pour... contre la discrimination ou
le racisme. Écoutez, moi, je comprends qu'il y a des institutions, là, qui...
faites pour ça. Je comprends que vous prenez ça très au sérieux. Tout le monde
prend ça très au sérieux. Mais, dans un projet de loi-cadre, qui oriente la
vision de l'intégration de la culture québécoise commune, je ne vois pas
pourquoi on devrait mettre des mots désagréables qui divisent. Vous savez, moi,
je viens de Tunisie. Il n'y a personne qui se voit comme racisé en Tunisie,
personne. Là, ils ne comprendraient pas, là. Tout le monde se voit blanc en
Tunisie. Dire à un Tunisien qu'il n'est pas blanc, c'est presque l'insulter,
alors... Donc, voilà.
M. Roberge : Bien, c'est un
choix qu'on a fait parce que, par exemple, là, dans la six... l'article sept, à
un moment donné, on parle... on favorise les rapprochements entre les personnes
s'identifiant à la majorité francophone, celles s'identifiant à des minorités
culturelles. Quelqu'un pourrait très bien s'identifier à la majorité
francophone et être noir ou être blanc ou avoir des traits asiatiques et ça ne
change absolument rien. Ou quelqu'un pourrait s'identifier à une minorité
culturelle et appartenir, là, à, peu importe, une autre communauté
ethnoculturelle. L'idée de choisir le mot simplement «culturelle», c'est que ça
permet de passer d'un à l'autre. On ne pourrait pas dire : Je choisis de
changer de couleur de peau, mais je peux choisir mon appartenance à la nation
québécoise. Puis on veut une intégration nationale, peu importe les origines
ethniques. Donc, voilà... Mais je comprends... je comprends qu'on se comprend à
cet égard-là.
Il me reste... Il me reste quelques
secondes, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Schmaltz) :
Une minute.
M. Roberge : Une minute.
Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu, même davantage sur la notion
de repli sur soi? Vous dites : Non au repli sur soi. C'est un des
articles. Pourquoi ça vous parle particulièrement, le rejet du repli sur soi
comme véhicule pour l'intégration nationale?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Bien... Oui. Écoutez, là, vous
parlez de... En tout cas... Pour un modèle... En tout cas, on comprend bien que
vous proposez un modèle différent du multiculturalisme canadien et on ne peut
que le constater, hein, que le multiculturalisme canadien... en tout cas, ce
n'est peut-être pas intentionnel, mais il favorise le repli sur soi parce qu'on
encourage l'identification par des signes religieux, c'est ça, on encourage ces
demandes d'accommodements religieux. Vous savez, ça, là, ce que je viens de
vous raconter sur les réseaux des employés fédéraux musulmans ou alors le
Conseil national des musulmans canadiens, qui a le même guide, là, pour
expliquer aux musulmans comment porter plainte...
• (12 h 50) •
La Présidente (Mme Schmaltz) :
Je suis désolée. Je suis obligée de...
La Présidente (Mme Schmaltz) : ...de
couper le temps imparti, malheureusement fini. Par contre, nous avons... Je
vois que M. le député de l'Acadie semble surpris. Vous avez 12 min 23 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Oui, je suis un petit peu étonné parce que... j'écoutais très
attentivement puis là, woup! on a changé de présidente, mais ce sera aussi
efficace, j'en suis convaincu. Je vous remercie, Mme la Présidente.
Alors, Mme Le-Mabrouk,
Mme Girard, M. Dugré, merci d'être là. Merci. Merci pour votre
mémoire que j'ai lu avec beaucoup d'attention. Il y a... J'ai quelques
questions pour vous. La loi parle beaucoup d'intégration, est-ce que d'après
vous, ce serait plus facilitant si on parlait de vivre-ensemble?
M. Dugré (François) : Peut-être.
Je me permets de revenir sur les différents travaux que j'ai essayé de suivre
dans la mesure du possible. Donc, ce qu'on a pu entendre, encore une fois, sans
nommer des personnes, mais des propos, c'est ce qui compte, là, on ne vise pas
des personnes. Ce qui m'a frappé, c'est à quel point tout le monde voit la culture
comme étant dynamique, qu'il n'y a pas d'homogénéité. Il y en a qui en ont
peur, on peut comprendre. Des minorités religieuses notamment ont pu être
discriminées dans l'histoire, dans les pays ou les États n'ont pas de laïcité,
où la laïcité est absente ou elle est de façade, il y a de la discrimination.
On pourrait donner des cas, mais je pense que c'est l'évidence pour tout le
monde. Alors, si on s'entend, s'il y a un tronc commun très, très fort sur le
fait que les cultures sont dynamiques, y compris la culture dite majoritaire,
et c'est le modèle qu'il y avait aussi chez Bouchard-Taylor, et des cultures
minoritaires avec lesquelles, je comprends, on n'est pas fous, on sait de quoi
on parle, mais des cultures minoritaires, elles aussi sont traversées par des
dynamiques. Une Mexicaine athée lesbienne versus la Mexicaine conservatrice ou
davantage conservatrice et catholique, ils ont un point commun de la langue,
mais il y a aussi beaucoup de divergences. Je pense qu'on se rend compte de ça,
mais, en même temps, il y a des gens qui ont peur de cette tendance que la
culture majoritaire pourrait avoir une tendance à la tyrannie, ce qui est
classique aussi depuis le XIXe siècle, hein, c'est un des combats qu'on
mène, contre les minorités. C'est vrai, historiquement, mais une laïcité, c'est
les mêmes droits pour tous les citoyens, qu'importe l'appartenance religieuse.
Alors, ça, il y a quelque chose là qui est fort.
Alors, maintenant, je reviens avec votre
question, est-ce qu'on doit parler davantage d'intégration, de vivre-ensemble?
J'ai vu des cris d'orfraie avec... étant donné le mot creuset, que ça avait des
accents, des tonalités assimilationnistes, moi, je ne les vois pas, parce qu'il
y a quantité de points dans ce projet de loi là qui montrent très bien qu'il y
a des dynamiques dans chacune des cultures et qu'il y a une interaction, c'est
ça, l'essentiel. Alors, maintenant que le mot creuset dénote et qu'on passe
tout de suite à la conclusion qu'il y a des accents assimilationnistes, je
pense qu'on est beaucoup dans les procès d'intention. Nous, en défendant la
laïcité, on n'en fait pas un projet identitaire, on en fait quelque chose d'un
cadre qui permet au maximum les libertés de tous. Alors qu'on prenne le choix
du mot vivre-ensemble ou intégration, je dirais presque que peu me chaut.
L'essentiel n'est pas là, selon moi. Mais vous avez à faire un choix de
vocabulaire, c'est normal, je comprends ça aussi, mais je ne pense pas que ce
soit l'essentiel. Je ne dirais pas que c'est des étiquettes, mais ce n'est pas
l'essentiel.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Ce n'est l'essentiel, mais moi,
je préfère intégration en tout cas, parce qu'intégration, en tout cas,
s'oppose, en fait, à l'inclusion. Alors, quand on parle d'inclusion, on entend
le fait de venir en groupe et inclure des groupes isolés qui pensent à leurs
propres intérêts et qui ne se mélangent pas. Dans intégration, il y a une idée
de mélange et de rentrer dans une culture commune. Je ne vois pas pourquoi on a
peur du mot culture commune. Il y a... Parce que les gens qui voient de
l'assimilationnisme dans ce mot là, est-ce qu'ils sont contre le fait de
vouloir tendre vers quelque chose de commun. On ne peut pas faire société si on
a peur de tendre vers quelque chose qui nous rassemble, ne serait-ce que la
langue. C'est important pour se comprendre. Là, on vote pour des députés, il
faudrait quand même avoir une certaine... un certain débat citoyen qui permette
de... mais, en tout cas, de converger vers certaines... vers une vision du bien
commun, là. Voilà.
Donc là, l'inclusion, c'est chacun avec
son groupe et travaille... C'est les lobbies. On entend beaucoup les lobbies de
groupes dans inclusion, alors qu'intégration on entend plutôt le débat citoyen,
là, qu'on se met tous... comment ça, là, dans un creuset, dans un... Non, il ne
faut pas dire creuset. Alors, on va dire dans un... Qu'est-ce qu'on peut dire?
Moi, je vois que ça s'oppose à inclusion. Alors, voilà.
M. Morin : Je vous remercie.
Dans le projet de loi, puis vous m'avez écouté, j'en ai parlé avant, là, il y
a... il n'y a pas de...
M. Morin : …qui traite de
l'importance du volet économique quand on veut intégrer des nouveaux arrivants,
par exemple. C'est sûr que le français est essentiel au Québec. C'est notre
langue commune, donc il faut qu'on soit capable de se parler, de s'entendre. Et
c'est donc hyperimportant pour les nouveaux arrivants d'apprendre le français,
mais, une fois qu'ils ont appris le français puis qu'ils veulent rester, bien
là, souvent, ils veulent travailler, n'est-ce pas? C'est normal. Est-ce que
vous pensez que c'est quelque chose qui devrait être ajouté? Comment pour
s'assurer qu'il y aurait une bonne intégration?
Mme Girard (Marie-Claude) : Si
je peux répondre, j'aime beaucoup votre question. Je voudrais d'abord commencer
par souligner que le Québec se distingue déjà face à l'intégration
socioéconomique des immigrants. C'est fascinant de regarder les derniers… les
dernières statistiques de l'Institut de la statistique du Québec qui dit que le
taux d'emploi des personnes immigrantes est supérieur au taux d'emploi des
personnes qui sont nées ici. Alors, déjà, le Québec est distinct dans sa façon
d'intégrer de façon socio-économique les nouveaux arrivants.
L'autre spécificité québécoise est…
j'aimerais ça le rappeler, le Québec est la seule province à avoir la… une loi
sur l'accès à l'emploi dans sa fonction publique et qu'il y a un autre
programme qui s'assure que les programmes d'obligation contractuelle pour
l'accès à l'égalité en emploi… qui fait en sorte que le… que les employés de
l'État reflètent la composition de sa population en fonction des quatre
critères, là, les femmes, les autochtones, les personnes handicapées puis les
personnes qui font partie de minorités visibles. Alors, le Québec est déjà très
fort dans cette intégration-là.
Est-ce qu'on doit le repréciser dans une
loi-cadre? Ça, c'est un choix politique. Mais pour moi, les efforts du
gouvernement pour l'intégration socioéconomique des immigrants est déjà… On
peut toujours s'améliorer, là. Je ne dis pas ça, mais on se… le Québec se
distingue face aux autres provinces du Canada là-dessus, alors je ne vois pas
d'inconvénient à l'inclure. On est déjà sur la bonne voie. Ce serait
reconnaître dans le fond notre spécificité. Oui…
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :En tout cas, nous sommes
évidemment d'accord que c'est important à… que l'intégration à l'emploi est
importante. Mais c'est dans… par… dans la loi-cadre sur le multiculturalisme
canadien. Je ne penserais pas. Est-ce qu'il y a un volet sur l'emploi? Parce
qu'ici c'est une loi-cadre qui oriente la vision de l'intégration, ça fait que
je ne penserais pas que ce soit…
Alors, je comprends qu'il va y avoir des
politiques après, nous sommes… évidemment, on est d'accord pour mettre l'accent
là-dessus. Regarde… et puis nous, notre expertise, c'est au niveau de la
laïcité. Alors, encore une fois, je reviens, je reviens sur cet exemple-là qui
choque beaucoup les gens en ce moment, là. Cette histoire de guide des employés
fédéraux, je ne sais pas à quel point les gens en tiennent compte de ça, mais
quand même, hein? On leur dit que, s'ils ne tiennent pas compte de toutes ces
recommandations, de ces recommandations-là, c'est qu'ils ne font pas assez
d'effort pour inclure. Et donc on leur explique comment porter plainte, aux
musulmans, contre les patrons.
Alors, vous savez, les patrons, ils ne
sont pas très chauds après ça pour embaucher les musulmans. Donc, nous, on
pense que la laïcité, ça permet plus d'employabilité. Alors, on a beau entendre
tous les échos contraires, mais nous on peut vous dire… En tout cas, c'est
drôle, les musulmans que je connais, ils ne s'expriment pas souvent
publiquement, mais je peux vous dire que c'est plus ça, la crainte. La crainte,
c'est que ces intégristes avec… quand la laïcité n'est pas respectée, en tout
cas ils ont beaucoup de pouvoir, et ils… ils font… ils font du tort avec toutes
leurs demandes d'accommodements religieux qu'on est obligé, hein, qu'on est
obligé de tenir… dont on est obligé de tenir compte. Eh bien, ça leur fait du
tort pour s'intégrer dans le milieu du travail.
M. Morin : Je vous remercie.
J'ai une autre question. Et là c'est en lien avec l'article 9 du projet de
loi. C'est dans le chapitre IV qui traite de la politique nationale sur
l'intégration de la nation québécoise et la culture commune. L'article 9,
qui traite de la politique, dit : La politique peut traiter des sujets
suivants… Il y en a… il y en a plusieurs, mais, à moins que j'aie mal lu, on ne
semble pas faire référence à la laïcité, mais on fait référence à
l'apprentissage du français, puis c'est un «peut» et non un «doit». Donc,
est-ce que vous y voyez un enjeu compte tenu de ce que vous nous expliquez dans
votre mémoire?
• (13 heures) •
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Absolument. Je suis d'accord
avec vous. S'il vous plaît, M. le ministre…
13 h (version non révisée)
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :...le ministre. Nous aimerions
que, dans la politique, soient ajoutées, en effet, des mesures pour... oui,
pour favoriser la laïcité, tout à fait. Bien, écoutez, c'est ce qu'on dit, en
tout cas, on ne l'a pas vu là-dedans nécessairement, mais c'est sûr que, dans
nos recommandations, on recommande que la politique qui soit mise en œuvre
permette d'expliquer, enfin de promouvoir, de faire appliquer la laïcité. Parce
que malheureusement, pour l'instant, on trouve que ça reste un peu théorique,
oui.
M. Morin : D'accord, je vous
remercie. Il y a des groupes avant vous puis des personnes aussi qui ont...
craignent que l'application de la politique ne soit pas uniforme ou cohérente.
Alors, il y a des municipalités qui nous ont dit : Bien, il faudrait... il
faudrait travailler davantage avec les municipalités, ce sont les municipalités
sur le terrain qui veillent souvent ces programmes-là. D'autres ont dit :
Il faudrait un secrétariat qui permettrait au sein de l'État de bien coordonner
cette politique. Vous vous situez où par rapport à ça? Ça serait quoi votre,
recommandation?
M. Dugré (François) : Je peux
enchaîner en disant qu'on ne s'est pas attardé à cet aspect-là nommément. Là,
on est encore une fois dans un projet de loi cadre. Comment ça se met en place,
que les intérêts municipaux... et je le dis sans que ce soit péjoratif, chacun
a ses intérêts parfaitement légitimes au niveau de sa gouvernabilité, fort
bien, chacun doit jouer et je pense que ça va presque de soi que chacun... L'important,
c'est ce qu'on appelle souvent le pouvoir de la subsidiarité, chacun étant près
d'un terrain de gouvernance, a à y œuvrer compte tenu des besoins spécifiques.
Maintenant, il y a différents paliers, là, on au projet cadre, donc on est
élevé, si on veut, en termes d'abstraction. Mais, après ça, bien, ça vient se
particulariser à différents niveaux, c'est indéniable. Donc, on ne s'est pas
penché sur ce volet-là parce que ce n'est pas notre angle d'attaque, mais on
est d'accord pour favoriser, bien sûr... appelons ça cette coordination entre
les différents paliers.
M. Morin : Ça va? Voulez-vous
ajouter quelque chose, madame?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Non, on ne n'est pas penché là-dessus
parce qu'on a compris que c'était une loi-cadre, enfin, qu'on aurait plus de
temps plus tard pour penser aux politiques. Comment mettre ça en œuvre? Nous,
on voit ça, en effet, on a regardé ça en parallèle... en tout cas, je comprends
que c'est quelque chose qui est différent de la loi sur le multiculturalisme au
Canada. Dans la loi sur...
La Présidente (Mme Schmaltz) : Je
dois vous... je dois couper, j'allais dire quitter. Je dois couper parce que le
temps, encore une fois, s'est écoulé. Mais il reste encore 4 min 8 s
pour le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous pour votre présentation. Il y a un
élément dans le projet de loi, les articles 16, 17, sur le financement, vous
en parliez tout à l'heure, par rapport à des guides dont vous mentionniez, puis,
en fait, bon, l'application de la politique puis les liens par rapport aux
financements qui suivront. Il y a des discussions qui ont eu lieu sur des
festivals, sur des organisations ou des événements culturels, associatifs, de
loisirs. Ça fait que j'aimerais ça vous entendre dans cette logique-là, tu
sais, puis je pense qu'on fait une distinction claire entre un guide, disons,
destiné à la fonction publique ou destiné aux employés, ou destiné, bref, à ce
que vous donniez comme exemple tout à l'heure, puis l'organisation ou la
manifestation culturelle d'un certain groupe. Je me demandais comment on jongle
ça ou comment on peut la traiter, cette distinction-là, qui peut être tout à
fait légitime, puis on donnait l'exemple de Nuits d'Afrique ou un festival
haïtien ou autres puis contrairement à l'exemple que vous donniez là, de
remettre en question la ponctualité ou d'autres choses. Il me semble qu'il y a
là deux visions ou deux éléments complètement séparés qu'on doit trancher, là.
M. Dugré (François) : Peut-être
rapidement. Et vous soulevez un bon point, assurément, et ce ne sera pas
facile. Là, on vient dans le détail. Alors, Nuits d'Afrique, comment ça peut se
faire? On entendait la colorée et merveilleuse Aïda Kamar ici même. Le fait que
des gens apportent leurs couleurs, persane, turque, que sais-je encore dans la
musique, par rapport à des chansons déjà québécoises, on est tous d'accord.
Alors, ça, c'est des initiatives très, très fortes. Est-ce qu'il faudrait
couper maintenant le financement de Nuits d'Afrique parce qu'il n'y a pas un
volet québécois? Ça pose certaines difficultés, à l'évidence, surtout lorsque c'est
des organismes bien établis et que les Québécois sont friands de ce genre d'activités
là du reste. Ça, il n'y a pas de souci. Là, c'est l'arrimage. Comment on le
fait? Le diable est dans les détails, on le sait. C'est complexe en soi. On ne
réglera pas ça à coups baguette magique, mais ça soulève effectivement des
vraies difficultés.
M. Cliche-Rivard : Parce que
cette difficulté-là, j'ai l'impression qu'on ressent davantage dans la
manifestation puis l'expression culturelle plus que dans, bon, le fameux
exemple...
M. Cliche-Rivard : ...de guide
de relations humaines, ou de relations de travail, ou d'autres volets plus
civiques, là, de la vie sociale. On dirait que... Puis là, ça a été proposé par
un autre groupe, là, qui voyait à ce que le loisir, la culture ou le milieu
associatif ne soient pas nécessairement liés de la même façon que, je ne sais
pas, moi, une commission scolaire ou la ville de Montréal ou... Est-ce que vous
y voyez là une légitime séparation ou vous n'êtes pas certain?
Mme Girard (Marie-Claude) : Il
y a peut-être juste un élément. Comme on a parlé... on a dit tout à l'heure,
pour nous, la culture québécoise, c'est quelque chose qui évolue, qui... tout
le monde participe à, c'est-à-dire qui peut avoir... Ce n'est pas... Ce n'est
pas l'ensemble de morcellements de différentes cultures. C'est... C'est...
C'est un ensemble qui évolue, qui intègre, qui bouge.
Oui, ça prend du financement à la... Pour
moi, c'est... c'est... le financement à la culture québécoise est indispensable
si on veut faire société. Est-ce qu'il faut définir, savoir... avoir un financement
pour un groupe particulier, un autre pour... C'est évolutif. C'est intégré.
C'est global. Ce n'est pas divisif.
Puis, quand vous parliez des festivals, la
politique sur le multiculturalisme, elle finance des festivals quand ils sont
spécifiquement fermés et encouragent la... pas l'intégration, mais le partage
de cultures spécifiques fermées. Tandis que, quand on voit la... Puis, pour
moi, c'est un peu ça, le projet d'intégration, d'avoir toutes les couleurs de
tout le monde dans la culture commune qui participent, c'est d'avoir une
chanson avec un accent différent, chantée par une autre personne qui soit...
C'est ce mélange-là qu'il faut... qui est financé, qui nourrit la culture
québécoise.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Oui. D'accord, oui, oui. Bon, mais
ça ne doit pas être exclusif, nécessairement. Je pense que... Et peut-être
que... Bien, en tout cas, tout ce qui est associatif doit être encouragé. Vous
savez, les...
La Présidente (Mme Schmaltz) : ...j'ai
l'impression que, chaque fois que vous prenez la parole, je vous coupe.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Vous avez quelque chose contre
moi, hein, vraiment!
La Présidente (Mme Schmaltz) : Alors,
je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. C'est très apprécié.
Alors, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 14 h 50.
(Suspension de la séance à 13 h 08)
14 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 14 h 51)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Je vous indique que nous poursuivons les
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84,
Loi sur l'intégration nationale.
Cet après-midi, nous allons entendre les
représentants et... des organismes suivants... et des organismes suivants, c'est-à-dire,
dans un premier temps, M. Paul Eid, qui est... qui est... attendez...
professeur au Département de sociologie de l'Université du Québec à Montréal,
qui est en visioconférence et qui a une présentation. Et nous allons... après
une petite suspension, nous allons poursuivre avec la ville de Sherbrooke ainsi
que sa mairesse, Mme Évelyne Beaudin, et la mairesse suppléante, Luz Fernanda,
c'est ça. Alors, voilà.
M. Eid, bienvenue à la Commission des
relations avec les citoyens. Donc, vous allez avoir un 10 minutes pour votre
présentation, et, par la suite, nous allons procéder à la discussion sur les
propos que vous allez partager avec nous pendant une période X, là, selon les
groupes parlementaires. Alors, le temps est à vous.
M. Eid (Paul) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Je voudrais d'abord remercier les parlementaires
de m'accorder cette opportunité de donner mes commentaires sur le... sur le
projet de loi. Je vais préciser d'emblée que je trouve assez bien avisé d'inscrire
dans une loi les objectifs qui doivent sous-tendre le modèle d'intégration
québécois. Dans le passé, il y a plusieurs politiques d'intégration qui se sont
succédé au Québec, et je ne vais pas les... toutes les nommer, mais juste
souligner que, comme dans plusieurs de ces politiques, le projet de loi
consacre le principe, qui est essentiel, selon moi, selon lequel l'intégration
des immigrants constitue une responsabilité ou un engagement partagé entre la
société québécoise et les personnes issues de l'immigration, notamment.
Concernant le chapitre I, qui précise l'objet
de la loi, on nous dit que le projet de loi établit clairement comme objectif
du modèle d'intégration d'assurer la pérennité et la vitalité de la culture
québécoise, dont le principal véhicule est la langue française. Dans le
chapitre II, qui précise les fondements du modèle, on nous précise... on nous
explique que la culture commune à laquelle tous sont appelés à adhérer et à
contribuer se caractérise, notamment, par la langue française... bon, je ne
vais pas tous les nommer, mais, notamment, la langue française, l'importance
accordée à la laïcité de l'État et à la protection du français, les valeurs
sociales distinctes.
J'ai déjà quelques commentaires à faire,
donc, sur ce qui précède. La protection des droits, de la culture et des
intérêts de la majorité francophone constitue un objectif parfaitement légitime
et en accord, du reste, avec l'esprit de l'interculturalisme, qui n'est jamais
nommé comme tel, d'ailleurs, dans le projet de loi, mais là, par manque de
temps, je ne veux pas m'engager sur cette voie, on pourra en parler peut-être
plus tard. Par contre, j'ai été surpris de constater que ce projet de loi omet
de consacrer les responsabilités de l'État québécois pour lever les obstacles
qui entravent la pleine participation des immigrants à la société québécoise, en
particulier sur le marché du travail.
Toutes les recherches, plusieurs
recherches au Québec, mais aussi ailleurs dans le monde, démontrent que le nerf
de la guerre, en matière d'intégration des immigrants et immigrantes, c'est une
insertion professionnelle réussie. Ces recherches, ces mêmes recherches
démontrent que les personnes immigrantes sont confrontées à des obstacles
structurels, notamment, d'ordre discriminatoire, qui entravent leur intégration
professionnelle. Ces recherches montrent aussi que toutes les personnes
immigrantes ne sont pas égales face aux problèmes d'intégration en emploi. Au
Québec comme ailleurs, les immigrants dits des minorités visibles, qu'en
sociologie on préfère appeler «racisés», sont beaucoup plus à risque que les
immigrants eurodescendants de se buter à des obstacles structurels, notamment,
discriminatoires, pour trouver un travail stable qui reflète leurs compétences,
leurs expériences et leurs qualifications.
Enfin, je soulignerais que les problèmes d'insertion
professionnelle affectent au premier chef non seulement les immigrants, mais
aussi les personnes racisées qui sont nées et socialisées au Québec, bien que
dans une moindre mesure. Je vais vous montrer quelques données qui illustrent
ces tendances.
Peut-être juste mentionner, avant, comme
on le voit, là, sur la diapo, les différents types de problèmes structurels
auxquels sont confrontés les immigrants. J'en ai mis quelques-uns : l'apprentissage
du français, l'adaptation à la culture du marché du travail, faire reconnaître
son expérience et ses diplômes acquis à l'étranger — c'est les 3 et 4 — d'accéder
aux réseaux qui mène aux emplois qualifiés, et la discrimination directe à l'embauche
et en emploi. Et ces obstacles-là, leur interaction, je dirais, mène à la déqualification
professionnelle des travailleurs migrants, en particulier pour les personnes
racisées...
M. Eid (Paul) : ...ce que
j'entends par «déqualification professionnelle», c'est le fait pour un
travailleur ou une travailleuse d'occuper un poste qui exige un niveau de
qualification inférieur à ce que commande son niveau de scolarité.
J'ai ici un petit tableau que je vais...
je vais vous... dont je vais expliquer les grandes tendances qui mesure
l'ampleur de la déqualification professionnelle au Québec. Il s'agit ici de
données de recensement du dernier recensement 2021 de Statistique Canada
qui concerne les universitaires qui... les personnes qui détiennent un diplôme
universitaire ou un grade supérieur et qui ont travaillé à temps plein en 2020.
Et comme vous voyez, chaque colonne correspond à un groupe différent, ventilée
selon la race, le fait d'être... pardon, le statut d'immigrant et le lieu
d'études, au Canada ou à l'étranger. Et ce qu'on voit maintenant, chaque bloc
de couleur au sein des colonnes correspond au niveau de... de compétence ou de
formation requis par l'emploi occupé. On voit la couleur bleue, c'est les
postes de gestionnaires. Le rouge, postes qui requièrent un diplôme
universitaire, des professionnels surtout. Vert, c'est un poste qui requiert un
diplôme collégial ou technique. Et violet, aucune formation. Moi, j'ai regroupé
comme vous pouvez voir, les... les pourcentages violets et verts qui
correspondent en fait à la proportion au sein de chaque groupe qui subit une
déqualification professionnelle, parce que je vous rappelle qu'il s'agit tous
d'universitaires, des gens qui ont des diplômes universitaires.
Donc, je vais commencer par attirer votre
attention sur les quatre premières colonnes qui ne concernent que les personnes
formées au Canada, qui ont un diplôme canadien. On voit que la première
colonne, c'est les personnes blanches nées et formées au Canada, ils ont le
taux de déqualification le plus bas, à 26 %, suivies, à la troisième
colonne, des personnes immigrantes blanches formées au Canada qui ont un
diplôme canadien, c'est presque le même taux. Donc, vous voyez, quand je disais
que la race est un facteur important à prendre en compte, on le voit bien avec
la deuxième colonne où tu as des personnes racisées nées et formées au Canada
qui ont 34 % de déqualification, qui est la même chose qu'à la quatrième
colonne des personnes immigrantes racisées formées au Canada. Et les deux
dernières colonnes, c'est ceux qui sont les immigrants formés à l'étranger. Alors
pour eux, on voit que c'est les taux déqualification explosent à 44 % pour
les immigrants blancs formés à l'étranger et 61 % de déqualification chez
les personnes immigrantes racisées formées à l'étranger.
Une dernière étude que j'aimerais... dont j'aimerais
vous parler, c'est une étude qui mesure l'ampleur de la discrimination à
l'embauche au Québec. Ça, c'est une étude menée par la Commission des droits de
la personne et des droits de la jeunesse en 2011, que j'ai pilotée à l'époque
où j'y travaillais et qui consiste en fait à envoyer des centaines de paires de
CV en réponse à des véritables offres d'emploi. Ici, il s'agissait d'offres
d'emploi dans le champ...le domaine du marketing, des ressources humaines et
des communications, donc des postes qualifiés, et on envoie... chaque paire de
CV comprend deux CV qui sont égaux sous tous les rapports en termes de
formation, d'expérience et de qualification des diplômes au Québec, expérience
québécoise. La seule chose qui change, c'est le nom de famille du candidat. On
a un candidat majoritaire qui est apparié avec un nom canadien-français,
Tremblay ou Gagnon, qui est apparié à un candidat avec un nom, un patronyme à
consonance tantôt arabe, latino ou africaine.
J'attire votre attention sur la phrase en bas
de la diapo qui est le résultat global. C'est qu'à compétence à formation et à
expérience égale, le candidat majoritaire, donc franco-québécois, a en moyenne
65 % plus de chance que les minoritaires, toutes origines confondues,
d'être invité même à un entretien d'embauche. Après, la discrimination peut se
poursuivre à l'entretien, mais l'étude ne la mesure pas.
• (15 heures) •
Je vais terminer avec quelques... avec
deux recommandations. Attendez. Ah!J'avais oublié. Ah! oui, c'est bon. Donc,
dans la section Devoirs et attentes au chapitre 3, je suggère d'ajouter
que l'État québécois est investi du devoir suivant : L'État du Québec---
vous pouvez le lire à l'écran--- prend les mesures nécessaires pour, un,
faciliter la pleine participation des personnes immigrantes et racisées à la
société québécoise, notamment dans le marché du travail et dans l'accès aux
services. Et, 2, lever les obstacles institutionnels et structurels qui
entravent l'atteinte d'un tel objectif. L'État du Québec prend également les mesures
nécessaires pour lutter contre le racisme et la discrimination qui entravent la
pleine et égale participation des personnes immigrantes et racisées à la
société québécoise sur les plans social, politique, juridique, culturel et
économique. Et finalement, ma dernière recommandation concerne... est-ce que
je...
15 h (version non révisée)
M. Eid (Paul) : ...oui,
concerne les dispositions modificatives applicables à la Charte des droits et
libertés, dans je ne sais plus quel chapitre, à la fin. Je trouve assez, en
fait, préoccupant l'ajout de l'expression «modèle québécois d'intégration nationale»
à l'article 9.1 comme argument pouvant justifier une pratique ou une norme
portant atteinte aux droits et libertés protégés par la charte. L'esprit qui
sous-tend la charte québécoise est de protéger un noyau dur de droits et
libertés jugés inaliénables contre les abus des groupes dits majoritaires. Or,
le modèle québécois d'intégration nationale constitue un concept très flou et
mal défini qui, de surcroît, pourrait être invoqué pour justifier des pratiques
et des normes étatiques restreignant abusivement les droits et libertés des
personnes migrantes en leur imposant une conception homogénéisante et
réductrice de ce qui définit et constitue la culture québécoise, bref, en
limitant leur droit à conjuguer leur québécitude au pluriel.
En plus, et je terminerai là-dessus, le
gouvernement dispose déjà, dans l'article 9.1 de la charte, des leviers
dont il a besoin pour protéger les intérêts et les droits collectifs de la
majorité contre un exercice abusif des droits individuels par les personnes
migrantes. Pourquoi? Parce que les droits et libertés de la personne, précise l'article 9.1,
et je le cite, «s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de la
laïcité de l'État, de l'importance accordée à la protection du français, de l'ordre
public et du bien-être général des citoyens du Québec.» Voilà.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. Eid, j'espère que vous avez terminé.
M. Eid (Paul) : J'ai terminé.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Parce qu'on a dépassé un petit peu le temps. Mais c'est
correct. Je pense que pour...
M. Eid (Paul) : J'ai terminé.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Parfait. Merci beaucoup pour votre présentation. Pour le
bien-être des gens qui sont peut-être à la maison, notre intervenant avait une
présentation qui est à la disposition des parlementaires. Alors, dans la
période de questions, évidemment, on va certainement y faire référence. Alors,
le temps, pour le ministre, est de 16 minutes 30 secondes. Il
commence maintenant.
M. Roberge : Merci beaucoup
pour votre présentation. Vous insistez beaucoup sur la lutte à la
discrimination, aux discriminations, la lutte au racisme. Quels sont les
moteurs ou quelles sont les causes, d'après vous, du fait qu'il y a du racisme
partout à travers le monde, mais, bon, au Québec? C'est quoi les racines, là,
du mal?
M. Eid (Paul) : Grande
question, les racines du mal. Écoutez, c'est que le racisme a plusieurs
dimensions, plusieurs niveaux. Le racisme, on peut le... on peut le mesurer par
les préjugés et les stéréotypes et on peut le mesurer aussi par les pratiques
qui sont souvent teintées de préjugés et de stéréotypes. On peut aussi... La
discrimination ethnoraciale peut aussi se manifester de manière indirecte par
des normes, des pratiques qui ne sont pas conçues a priori pour exclure, qui
sont neutres a priori, mais qui ont un effet d'exclusion disproportionné sur
les... certaines minorités, parce que soit elles ne prennent pas... ces normes
ou pratiques ne prennent pas en considération les besoins et les intérêts des
minorités qui peuvent différer de ceux de la majorité, parce que... parce que,
oui, on ne part pas tous... tous les groupes ne partent pas égaux dans le
marché de l'emploi, dans le marché du logement. Et donc, ce sont l'interaction,
je dirais, de préjugés et de stéréotypes, de pratiques discriminatoires,
directes, indirectes, toutes les... C'est ce qu'on appelle en sociologie la
discrimination systémique, donc qui ne se réduit pas à quelques cas isolés, à
la somme de quelques cas isolés, mais à l'interaction de plusieurs facteurs.
Donc là, je sais que je suis resté à un
niveau d'abstraction assez élevé, mais j'essayais de trouver un modèle
explicatif pour répondre à votre question qui est... qui est un peu universelle.
Parce que, vous l'avez dit, le racisme n'est pas l'apanage du Québec, loin de
là. On le retrouve partout à l'endroit des minorités issues la plupart du temps
de l'immigration ou de la colonisation.
M. Roberge : Merci. D'autres
personnes sont venues depuis trois jours puis nous ont dit que la meilleure
façon de combattre les préjugés... puis il y a deux, trois qui ont parlé de ça,
là, préjuger, c'est juger avant, là, c'est... c'est ça, les deux racines, là,
du mot, c'est que les gens se connaissent, c'est que les gens se côtoient. On n'a
pas de préjugés envers quelqu'un qu'on connaît, avec qui on a partagé un repas
ou avec qui on a passé une soirée complète. On a des affinités ou on n'en a
pas, mais on n'a plus de préjugés. Et c'est ce qu'on essaie de faire en mettant
les gens en interrelation et...
M. Roberge : ...je vous
dirais que c'est une des lignes de force du modèle d'intégration, c'est de les
mettre ensemble. Donc, dans notre chapitre trois, Devoirs et attentes, là, on dit :
Les Québécois doivent collaborer à l'accueil des personnes immigrantes,
favorisent l'intégration à la nation en encourageant notamment leur pleine
participation en français à la société québécoise, favorisent les
rapprochements entre les personnes. Est-ce que vous êtes d'accord qu'une des
choses que l'État peut faire pour combattre le racisme puis la discrimination,
c'est de créer des moments où on amène des gens à se rencontrer, de favoriser
les rencontres, de structurer des événements, des activités, des festivals, des
occasions où des personnes qui, spontanément, ne se seraient pas retrouvées
autour d'une même table mais, finalement, se rencontrent, se parlent et se
connaissent?
M. Eid (Paul) : Bien, je
trouve que c'est essentiel, cet objectif-là. De viser le rapprochement et le
dialogue interculturel, c'est essentiel pour créer de la cohésion, une cohésion
sociale, pour permettre, dans le fond, aux minorités et aux majorités de se
connaître. Quand... À partir du moment où on a des interactions en commun, on
crée un espace, là, où peuvent se créer une communauté d'intérêts, une
communauté de référence, une communauté de culture, mais ça prend ces
espaces-là et ces occasions-là. Donc, je trouve... je ne peux qu'applaudir à
cet objectif-là.
Maintenant, pour ce qui est de l'insertion
en emploi, comme j'ai dit, c'est vraiment le nerf de la guerre... si on veut
vraiment favoriser la pleine participation des personnes migrantes, c'est là où
le bât blesse. On le sait. Toutes les données le montrent depuis des décennies.
Et là les occasions de rapprochement interculturel ne vont pas suffire. Ça va
prendre des mesures... Ça prend des mesures qui existent, qu'on n'a pas à
réinventer, mais il faut les renforcer, les appliquer, comme la reconnaissance
des diplômes acquis à l'étranger, de favoriser les... cette reconnaissance en
levant les... s'assurant que les normes de reconnaissance des diplômes ne sont
pas teintées par des biais discriminatoires directs ou indirects. Il faut
collaborer avec les ordres professionnels pour ça. On peut même leur... J'ai
vu, dans votre projet de loi... et donc, sur le coup, on ne comprend pas a
priori pourquoi, mais on dit que cette loi donne la possibilité, je crois, de
modifier la loi sur les professions. Alors, je me dis peut-être que c'est ce
que vous aviez en tête sans que ce soit dit explicitement, peut-être que c'est
pour ça que ça a été mis, cette clause qui modifie... qui donne le pouvoir de
modifier la loi sur les professions, pour faciliter la reconnaissance des
diplômes.
Les programmes d'accès à l'égalité. Donc,
je n'en ai pas parlé parce que c'est une loi-cadre générale. On n'est pas
dans... On ne rentre pas dans la poutine, j'ai bien compris, là, dans les... le
«fine-tuning», mais les politiques d'intégration qui vont découler de la loi
devraient aussi... devraient penser à... parmi les moyens utilisés pour lever
les obstacles à l'intégration, aussi à mettre en œuvre des mesures pour
permettre l'atteinte des objectifs en matière d'accès à l'égalité, des
programmes... les objectifs de représentation des minorités, parce que l'État,
comme ça, pourrait être exemplaire et servir de levier, de tremplin pour
l'insertion en emploi et donner l'exemple aussi aux organismes privés.
M. Roberge : Donc, on
pourrait penser qu'en cohérence avec les principes où on veut du
vivre-ensemble, on veut de la cohésion, on veut que les gens se rencontrent...
bien, qu'ils se rencontrent aussi sur le marché du travail, et donc, dans la
politique, avoir des éléments d'insertion au marché du travail, donc de faire
vivre, là... comment on fait vivre, puis on sort des nuages, puis des concepts,
puis des principes, puis on le fait atterrir dans une politique. Bien, dans la
politique gouvernementale, ce que je comprends, puis une politique va toucher
tous nos ministères, tous nos organismes, toutes nos sociétés, toutes nos
municipalités, il pourrait y avoir, en toute cohérence avec le projet de loi,
un élément d'insertion à l'emploi, puis ça serait une manière de changer le
monde, là, une personne à la fois.
• (15 h 10) •
M. Eid (Paul) : Bien, tout à
fait. Vous l'avez bien dit. Je ne pense pas que c'est : l'un exclut
l'autre, et même que les deux objectifs, le rapprochement interculturel et
l'insertion en emploi, la pleine participation sans discrimination des
minorités au marché de l'emploi, sont deux objectifs qui sont non seulement
compatibles, je dirais même...
M. Eid (Paul) : …qui sont
conditionnels… où l'un est conditionnel à l'autre. Lever les obstacles
structurels à l'insertion en emploi, dans l'accès aux services, lutter contre
la discrimination et le racisme est une précondition pour moi qui… pour
permettre des conditions pour que les… pour permettre des conditions gagnantes,
on va dire, d'un rapprochement interculturel réussi.
M. Roberge : Avec des
conditions gagnantes pour des rapprochements interculturels, on lutte contre
les préjugés, contre les stéréotypes, contre le racisme. On invite les gens à
s'enraciner, à se sentir ici, chez eux, avec un emploi, avec un réseau social.
Est-ce qu'on peut penser qu'à terme ça amène encore plus un sentiment
d'appartenance à leur nouveau chez soi puis une cohésion sociale qui serait
plus grande?
M. Eid (Paul) : Exact. Mais à
100 %, le… Moi, je veux dire, la plupart des études sur l'immigration qui…
Les études qualitatives, quand on donne la parole aux personnes immigrantes
puis on leur demande qu'est-ce qui... qu'est-ce qui nuit, on va dire, à leur
sentiment d'appartenance au Québec, c'est le fait qu'ils se sentent
dévalorisés, dévalués, par leur déqualification professionnelle. On a
60 %... à peu près 60 % des immigrants sont des travailleurs
qualifiés qui ont été sélectionnés pour leur potentiel élevé d'insertion
socio-économique. Et on se trouve… le Québec se trouve à se priver… se priver
de leur… de ce potentiel. Et donc… et vous avez raison, tout le monde, on
aurait tous à y gagner. Le Québec y gagnerait, mais les immigrants aussi. Parce
que le sentiment d'identification à la société québécoise passe beaucoup par
le… par le fait de se sentir utile à cette société et d'y contribuer par le
travail. Je suis… Oui, à fond.
M. Roberge : Merci. Merci
beaucoup pour toutes vos réponses à mes questions pas simples. J'ai des gens
qui vont… qui veulent prendre la relève, là.
M. Eid (Paul) : Merci. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre, alors…
M. Eid (Paul) : Merci à vous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : On va poursuivre avec le député de Saint-Jean. Il vous
reste 6 min 14 s.
M. Lemieux : Merci, Mme la
Présidente. Professeur Eid, je vous écoutais faire votre présentation. J'ai un
écran pas loin. Je regardais ce que vous… et vous étiez pressé de nous
présenter vos conclusions puis vos recommandations. Mais vous avez… pas
esquivé, mais vous avez passé très vite sur un concept fondamental pour moi,
qui ne semblait pas… que vous ne vouliez pas, à ce moment-là, en tout cas,
exploité, et je voudrais qu'on y revienne, c'est… Vous avez parlé
d'interculturalisme, mais, depuis trois jours qu'on est là-dedans, on se
promène quelque part entre un axe qui n'est pas nécessairement gauche droite,
là, c'est clair, mais tantôt accusé d'assimilationniste, complètement à un bout
de la pièce, sinon d'un axe, ségrégationniste d'un autre côté de l'axe. Puis
là, bien, on joue avec les concepts, on essaie de voir si le modèle que moi,
j'appelle sur mesure, parce qu'effectivement c'est un modèle que l'on crée
quelque part à partir des concepts existants, mais qui est sur mesure pour le
Québec dans sa qualité de société distincte, donc, il y a le multiculturalisme
qui existe puis qu'on ne veut pas, puis qu'on ne voulait pas, puis qu'on ne
veut plus. L'interculturalisme, il y en a qui parlent de convergence. On s'est
fait parler de pluralisme ce matin.
Est-ce qu'il y en a un de ceux-là, de ces
modèles-là qui vous parle plus en termes d'efficacité par rapport à… au cheval
de bataille que vous avez? C'est-à-dire votre… les données que vous nous avez
présentées, je suis certain que c'est ce que vous aviez de plus convaincant
pour nous, mais j'imagine que vous en voyez beaucoup, de données, puis que vous
en avez analysé beaucoup, de recherches. Est-ce qu'il y a un de ces modèles-là
qui est vraiment… j'allais dire, «sur mesure», Non, c'est le notre, mais qui
est vraiment parfait pour corréler avec les statistiques que vous nous montrez?
M. Eid (Paul) : Écoutez,
merci pour cette bonne question, là, c'est… c'est que, pour moi, le terme
utilisé, il peut être secondaire, c'est… Je veux dire, je ne veux pas me lancer
dans un débat terminologique, mais ce qui est important, c'est ce que recouvre
le concept. Et puis, pour moi, l'interculturalisme rejoint plusieurs des
éléments qu'on retrouve dans ce projet de loi, mais l'interculturalisme est
défini de façons différentes selon la personne qui propose la définition, mais
je dirais qu'il y a plein de choses, dans ce projet de loi, qui… qu'on retrouve
déjà dans des politiques québécoises précédentes, par exemple l'idée
d'engagement partagé, de responsabilités partagées...
M. Eid (Paul) : ...partagé.
Bien, dans l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration de
1990, que j'aimais beaucoup, moi, on parlait de contrat moral, c'est un peu la
même idée, avec des devoirs et des obligations de part et d'autre, pour la
société, mais aussi pour les immigrants. Le respect du pluralisme culturel dans
certaines limites, bon, certaines limites qui correspondent aussi aux objectifs
du groupe majoritaire, ça, on le retrouve dans toutes les anciennes politiques
aussi, la protection du français. Et c'est peut-être la laïcité ici qu'on ne
retrouvait pas avant, mais qu'on retrouve maintenant, dans ce projet de loi.
Ce qui manque, peut-être, c'est donc la
question des objectifs d'une politique d'intégration qui est collée, on va
dire, aux objectifs de maintien et de maintien de la culture du groupe
majoritaire. Ça, c'est très présent dans le projet de loi n° 84, mais ce qui
manque, peut-être, c'est la partie qui prend en considération les besoins, les
intérêts, aussi, des immigrants, puis, souvent, ces besoins et intérêts
recoupent ceux de la société d'accueil. Notamment, s'agissant... quand on parle
d'intégration sur le marché du travail, tout le monde va y gagner.
Mais le respect du pluralisme culturel, de
considérer que le Québec, l'identité québécoise peut se conjuguer, se décliner
au pluriel, même dans la sphère publique, dans l'espace public, ça, c'est
quelque chose qui était aussi au cœur de l'interculturalisme, qu'on retrouve
peut-être un peu moins ici, et qui, pour moi, me semble quand même assez
important, tout en gardant en tête les objectifs, comme j'ai dit, et les
besoins culturels et linguistiques de la majorité, donc de trouver un équilibre
entre les deux.
M. Lemieux : Oui. En particulier,
en ce qui me concerne, en tout cas, linguistique, parce qu'on comprend que, si
on n'a pas une culture dite commune... Puis, encore aujourd'hui, on était en
train de regarder comment on pouvait parler d'une culture commune, tout en
tenant compte que la nation a évolué au fil du temps, et de ceux qui l'ont
habitée tout ce temps-là. Et puis c'est une mouvance, ce n'est pas
nécessairement statique. Mais, en ce qui me concerne, ça ne donne rien
d'essayer de sauver le français, entre guillemets, si ça devient une langue qui
est... qui n'est pas partagée dans l'espace public puis qui n'est pas utilisée
dans ce qu'on a de plus précieux, c'est-à-dire notre communauté.
M. Eid (Paul) : Exact.
M. Lemieux : Donc, c'est là
où je m'en allais. Le multiculturalisme, on se disait que c'était... ce n'est
pas juste parce qu'on n'aime pas ça parce que ça vient d'Ottawa, là. Le Québec,
de tout temps, n'a jamais été à l'aise et confortable avec le concept. Est-ce
que c'est... Qu'est-ce que vous en pensez? Je ne veux pas mettre des mots dans
la bouche, mais est-ce que c'est vrai que ça nous amène plus vers le silo?
J'ai parlé de ghettoïsation, il y a... il
y a deux jours, ça n'a pas très bien passé, parce que ce n'est pas ça que le
multiculturalisme veut faire, mais je prétends que c'est une partie du résultat
dans certaines communautés et dans certaines régions. C'est sûr qu'à Chicoutimi
on ne risque pas de se retrouver avec des silos ou des ghettos, alors qu'à
Toronto puis à Vancouver on a vu, dans d'autres recherches, que ça devenait de
plus en plus gros. Mais est-ce que... est-ce que la réaction qu'on a, c'est un
réflexe qu'on a de s'en aller vers autre chose que le multiculturalisme, c'est
un gage, entre guillemets, de succès?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Rapidement.
M. Eid (Paul) : Oui. Alors,
très rapidement, c'est que le multiculturalisme... on a parfois une idée un peu
caricaturale de ce qu'est devenu le multiculturalisme. Parfois, l'idée qu'on
s'en fait correspond à ce qu'il était pendant ses 20 premières années de... ou
ses dix, 20 premières années d'existence. On pense à une politique qui vise à
financer des festivals, qui vise à financer... à encourager les minorités à
maintenir leur culture, alors que depuis la fin des années 80...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. Eid, je dois, malheureusement, vous arrêter, le temps
imparti au gouvernement est terminé.
M. Eid (Paul) : OK. C'est
correct, je comprends.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Mais on poursuit les discussions avec le député d'Acadie,
pour une période de 12 min 23 s.
M. Eid (Paul) : Pas de
problème.
• (15 h 20) •
M. Morin : Merci, Madame la
Présidente. Alors, bon après-midi, Pr Eid, merci pour vos suggestions, les
idées que vous partagez avec nous, le document que vous nous avez fait parvenir
également, et que j'ai lu. D'abord, je vous dirais, et vous l'avez... vous avez
fait référence vous-même... ce n'est pas la première fois qu'au Québec on
dépose un document ou une politique, là. Ici, maintenant, on est plus loin,
c'est un projet de loi, mais ce n'est pas la première fois que le gouvernement
du Québec s'intéresse à l'interculturalisme, appelons le comme ça. On se
rappelle la politique du gouvernement de monsieur Bourassa en 1990. Il y a
monsieur Couillard, également, qui a déposé une politique, évidemment, des
décennies après. Mais si on revient à la politique de monsieur Bourassa, il y
avait, dans ce document, en fait, une référence -et vous l'avez mentionné - de
contrat moral, c'est-à-dire un engagement...
M. Morin : ...de part et
d'autre. Donc, pour le nouvel arrivant qui est... qui est ici, bien, oui, il y
a un engagement, mais le gouvernement aussi s'engage, et ça, je ne le vois pas
ou je ne le ressens pas dans le projet de loi qu'on a présentement sous étude.
Est-ce que vous partagez mon point de vue? Est-ce qu'il devrait y avoir plus
d'engagement de la part du gouvernement? J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Eid (Paul) : Oui, bien,
tout à fait, bien... mais je pense que ma présentation allait dans ce sens-là,
et mes recommandations... ma recommandation aussi, une de mes recommandations.
Je vois beaucoup de... Ce qu'on voit dans le projet de loi, c'est des
obligations, des devoirs qui épousent les intérêts de la majorité, ce qui est
correct, encore une fois, ce qui est tout à fait légitime, mais cette
intégration là, on voit... on voit peu d'obligations et de devoirs qui
seraient... qui s'imposeraient à l'État pour favoriser l'intégration des
immigrants, en prenant en compte, aussi, leurs besoins et leurs intérêts, et
quand... et, je le répète, leurs besoins et leurs intérêts, des immigrants et
de la société québécoise, se recoupent, bien souvent, donc il ne faut pas
penser que c'est mutuellement exclusif.
Donc, j'ai vu très peu de... c'est vrai
que je n'ai pas vu cette réciprocité qui était pourtant... que laissait
présager l'usage du mot, à un moment donné, dans le projet de loi. On parle de
réciprocité, je crois, partagée. Je ne l'ai pas tellement vu. Puis je pense que
c'est un projet de loi qui est tout à fait valable, mais qui pourrait être
amélioré, bonifié en corrigeant ce déséquilibre-là, tout à fait.
M. Morin : Je vous remercie.
L'autre élément, et ça, vous y avez fait référence, parce que M. le ministre
vous a posé une question là-dessus, dans le projet de loi, actuellement, il n'y
a pas... il n'y a pas de volet que j'appellerais socioéconomique. Et en matière
d'intégration, entre autres, pour des nouveaux arrivants, bien sûr, le français,
c'est essentiel, c'est notre langue commune, c'est notre langue officielle,
donc il faut parler français, mais, après, souvent, pour les nouveaux
arrivants, après avoir appris la langue ou en apprenant la langue, bien, ils
veulent travailler, et je... il n'y a pas de... il n'y a pas aucun chapitre qui
traite de ça, ou d'engagement du gouvernement à cet effet là. On ne parle pas
non plus de chances égales en emploi ou, même, d'avancement. Est-ce que c'est
quelque chose qui, d'après vous, devrait être ajouté dans le projet de loi pour
que ce soit clair, finalement, pour tout le monde?
M. Eid (Paul) : Bien, oui,
évidemment. Ça, c'était... c'était vraiment au cœur de ma présentation. C'est
ça, il faudrait... Moi, je recommandais qu'on ajoute dans la section des
devoirs et des attentes, là, vraiment, une... comme j'ai dit, un passage qui
dit que l'État a le devoir de prendre les mesures nécessaires, l'État
québécois, le gouvernement, prendre les mesures nécessaires pour lever les
obstacles structurels, institutionnels qui entravent la pleine participation
sur le marché du travail.
Parce que, comme j'ai dit, s'il y a une
chose où... sur laquelle on s'entend en recherche, là, c'est que l'intégration
et le... comme j'ai dit, le nerf de la guerre ou le véhicule par excellence de
l'intégration, c'est le marché de l'emploi, et, à l'heure actuelle, les
immigrants... et pas tous les immigrants, c'est ce que j'ai essayé de vous
montrer avec mes données... les immigrants racisés, donc, qui sont plus
susceptibles de subir le racisme et la discrimination sous toutes ses formes,
ce sont eux sur... pour qui il faut agir en particulier. Parce que les
immigrants d'origine espagnole, belge et française, les chiffres montrent
qu'ils se débrouillent souvent bien, parfois, mieux que les natifs du Québec,
là, qui sont blancs, blancs du Québec. Voilà. Donc pour répondre votre
question, c'est oui, tout à fait.
M. Morin : D'accord. Et ça,
vous l'avez mentionné aussi dans votre exposé, vous avez parlé, évidemment, de
la... de la reconnaissance des compétences, que ce soit, par exemple, au niveau
des professions ou de compétences dans différents métiers. C'est un enjeu, on
nous le souligne souvent, au niveau de l'intégration. Est-ce que vous pensez
que ce serait bon pour que quelqu'un qui veut venir immigrer au Québec ait,
finalement, un portrait authentique de ce qui va lui arriver? Est-ce que ça ne
pourrait pas être évalué avant même qu'il arrive pour qu'il sache à quoi... à
quoi s'attendre?
Et je vous donne un exemple que moi, j'ai
eu dans mon bureau de circonscription, un petit peu étonnant, mais je n'ai pas
de raison de croire que ce n'est pas vrai. Un médecin... un médecin qui veut...
qui veut venir au Québec, il arrive et, bon, pas capable de devenir membre du
Collège des médecins, suit des cours, c'est compliqué, et, finalement, il se
décourage, puis il s'en va... il s'en va en France, il s'en va à Paris, et là,
à Paris, trois mois après, il peut pratiquer la médecine. C'est quand même un
petit peu étonnant.
Moi, je ne jette pas de pierre au Collège des
médecins après-midi, ce n'est pas le but, là, de mon propos, mais, tu sais,
peut-être que si on leur disait...
M. Morin : ...avant, bien, ça
aiderait... ça aiderait le nouvel arrivant à décider où il va aller. Et puis,
si c'est au Québec, tant mieux. Mais avez-vous des suggestions pour nous
concrètement là-dessus?
M. Eid (Paul) : Bien, c'est
malheureux. Le cas que vous donnez est loin d'être un cas isolé, là. C'est le
cas de milliers de personnes qui ont... qui arrivent avec un diplôme acquis à
l'étranger, qui mène une profession réglementée, au Québec, puis on a un...
Écoutez, oui, qu'ils sachent à quoi s'en tenir, à l'heure actuelle, bien, ça va
peut-être être un peu dissuasif s'il sait à quel point... s'il avait une idée
de l'ampleur des obstacles qui se... qui l'attendent dans le parcours de
requalification, ça pourrait être dissuasif.
Mais, heureusement, c'est possible de
changer les choses, mais je pense que les ordres professionnels ont besoin
d'être un petit peu mieux encadrés, accompagnés, monitorés, surveillés aussi
pour s'assurer, donc, que leurs normes qui sont nécessaires, hein... ils...
c'est important pour les ordres de pouvoir s'assurer que les compétences
acquises à l'étranger sont conformes à nos standards, à nos normes québécoises,
mais, en même temps, on a une situation, à l'heure actuelle, au Québec, qui est
anormale, où les... une étude, je n'ai pas eu le temps, par exemple, de vous le
montrer, mais une situation où le Québec est la province... des 10 provinces
québécoises, c'est la province où les personnes... où on retrouve le taux le
plus bas de personnes immigrantes formées dans des domaines réglementés, au
Québec, qui réussissent à se requalifier. On parle de... c'est ça, 19 % des
immigrants qui sont formés pour pratiquer une quinzaine d'emplois réglementés
au Québec, ils sont formés à l'étranger, 19 % seulement, alors qu'en... au
Newfoundland, à Terre-Neuve, par exemple, on parle de 60 %. Et donc le
Québec est en bas du peloton complètement. Donc, on peut s'améliorer là-dessus.
M. Morin : Oui, je vous en
remercie. Puis évidemment, on comprend l'importance des ordres professionnels,
c'est la protection du public. C'est leur mandat, c'est leur mission, mais les
chiffres que vous nous partagez, en fait, les pourcentages, si on se fie aux
critères québécois, on pourrait penser qu'à Terre-Neuve ils sont vraiment en
danger, parce que, là, il y en a beaucoup plus qui accèdent à des professions,
ce qui est un peu... ce qui est un peu surprenant, mais je vous remercie de
partager ça avec nous.
L'autre élément, dans le chapitre IV, à
l'article 9, on parle de la politique, on dit que ça peut notamment traiter des
sujets suivants, on parle de l'apprentissage du français. On a vu tous les problèmes
d'accès à l'apprentissage du français qu'on vit encore. Est-ce que ça devrait
être un «peut» ou un «doit»?
M. Eid (Paul) : Juste...
Donnez-moi deux secondes pour voir... regarder la politique.
M. Morin : Oui, c'est à
l'article 9.
M. Eid (Paul) : «Doit», et le
français, c'est le numéro quoi?
M. Morin : C'est le numéro
5°.
M. Eid (Paul) : Oui.
M. Morin : Parce que ça ne
semble pas être très contraignant.
M. Eid (Paul) : Oui, je suis
d'accord avec vous. Effectivement, ça serait beaucoup plus efficace qu'un verbe
«devoir» qui soit un petit peu plus contraignant, effectivement. Puis, dans la
politique elle-même, bien, il faudrait que la politique ce soit... que ça
pourrait être même dans la loi. Mais je crois que ça, c'est au législateur de
décider, évidemment, mais de créer une obligation quelque part, de prendre
toutes les mesures nécessaires et d'investir les besoins... les budgets
correspondants pour permettre l'apprentissage du français, la francisation,
quoi, parce qu'on le sait, c'est ça, l'enjeu. On a beau en faire un objectif,
il faut que les moyens soient pris en conséquence pour permettre cette
francisation-là, ça coûte des sous.
Et donc il y a eu des coupes aussi,
récemment, là-dedans, puis on a réinvesti un petit peu, mais ça serait bien
justement, si, quel que soit le gouvernement, une loi pouvait dire : Bien,
c'est un objectif prioritaire, non seulement un objectif à poursuivre, mais il
faut prendre... La loi pourrait aussi contraindre tout gouvernement à prendre
des mesures nécessaires, dans les limites du possible, pour favoriser
l'atteinte de cet objectif.
• (15 h 30) •
M. Morin : Le temps file. Je
vais avoir une dernière question pour vous, elle est un peu plus technique, et
vous y avez fait référence en partie, et c'est en lien avec l'article 19 du
projet de loi qui réfère à l'article 9.1 de la Charte des droits et libertés de
la personne. Le gouvernement veut modifier l'article, il veut ajouter, après
«français», «du modèle québécois d'intégration nationale», sauf que, quand on
va voir dans les «modèle et fondements» au chapitre II...
15 h 30 (version non révisée)
M. Morin : ...bien, donc, le
modèle et qu'on parle de la culture commune, on parle, entre autres, du
français, on parle de la langue française, on parle de la laïcité, on parle de
l'égalité hommes-femmes, c'est déjà dans la charte. Alors, est-ce que c'est
vraiment utile de le rajouter? Parce qu'en fait on pourrait même dire, après
«français», modèle d'intégration nationale qui comprend le français. Ça
commence à être un peu redondant. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Eid (Paul) : Oui. Bien,
comme je l'ai dit, je pense, effectivement, c'est redondant, mais évidemment...
Évidemment, je comprends le gouvernement de vouloir agir sur 9.1 plutôt que...
parce que le... Vous me citez un article de... un article d'un projet de loi
qui est appelé à devenir une loi, évidemment, ça n'a pas le même poids pour
limiter un droit et libertés... les droits et libertés de la charte que l'article 9.1,
qui est la clause à utiliser pour limiter ces droits-là, les restreindre. Cela
dit, j'ai... D'une part, moi, ce que je trouve redondant, c'est que l'article 9.1,
déjà, contient toutes les références nécessaires que vous avez... les éléments
que vous avez évoqués, la protection du français...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je vous arrête à nouveau.
M. Eid (Paul) : ...la
laïcité, les valeurs démocratiques. Tout est là déjà, mais en plus...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci.
M. Eid (Paul) : ...c'est
dangereux pour les raisons que j'ai expliquées...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. Eid
M. Morin : Merci beaucoup,
Eid.
M. Eid (Paul) : Désolé.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Donc, le temps imparti à... C'est... il n'y a pas de...
Donc, on poursuit quand même les discussions. Alors, je termine avec le député
de Saint-Henri Sainte-Anne pour quatre minutes huit secondes.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Eid. Je suis content de vous
revoir, là. Je vous avais croisé, vous m'aviez enseigné... en fait, vous avez
fait une conférence à l'Université du Québec à Montréal à l'époque où j'étudiais
en droit, avec la Pre Gesualdi-Fecteau. Donc, je suis contente de vous revoir
aujourd'hui. Question précise un petit peu, mais quand même intéressante. Vous
nous avez fourni des tableaux intéressants, là, sur la question de la
déqualification. Je voulais savoir dans cette perspective-là s'il y avait, dans
les données, une distinction entre les femmes immigrantes et les hommes immigrants
dans les statistiques que vous aviez ou si, essentiellement, c'est des données
qui se ressemblaient.
M. Eid (Paul) : Ça, c'est une
excellente question. Bien, oui, non, j'ai les données et j'ai... j'ai enlevé la
variable sexe parce que le tableau était déjà trop chargé et que j'avais que 10 minutes.
Mais ce qu'on remarque, c'est que c'est les femmes... on voit en action, si on
veut, là, par ce tableau, quand on introduit la variable sexe, le concept d'intersectionnalité,
tu sais, c'est-à-dire que la discrimination subie par les femmes immigrantes et
encore plus par les femmes immigrantes racisées est beaucoup plus... bien, la
«discrimination», en tout cas, la déqualification professionnelle en l'espèce,
mais, quels que soient les autres indicateurs qu'on regarde, le salaire, les
taux de chômage, on a toujours les mêmes résultats, que les... le fait d'être
racisé... le fait d'être femme, pardon, vient exacerber l'effet d'exclusion sur
le marché du travail, en matière des qualifications professionnelles notamment,
le fait d'être immigrant, le fait d'être femme et racisé. Donc, il y a une
interaction entre ces trois variables-là, entre ces trois statuts minorisés,
minoritaires, là, qui précarisent la personne et qui contribuent donc à
accentuer leur exclusion et leur subalternisation, on va dire, là, sur le
marché du travail.
M. Cliche-Rivard : Donc, vous
vous êtes à dire, non seulement il faut faire des mesures proactives pour
limiter ces barrières-là au niveau des immigrants, il faut être d'autant plus
attentif par rapport aux femmes immigrantes. C'est ce que vous dites?
M. Eid (Paul) : Oui. Et j'ai
envie de dire aux femmes blanches aussi, hein?
M. Cliche-Rivard : Définitivemment.
M. Eid (Paul) : Les femmes
blanches sont... le fait d'être... Toutes les femmes partent souvent sur le
marché du travail avec plusieurs obstacles, c'est-à-dire avec une longueur...
le contraire d'une longueur d'avance, une longueur de retard parce qu'à cause
de la discrimination sexiste. Mais, dans le cas des femmes immigrantes, il faut
absolument prendre en... Dans le cas des femmes immigrantes, il faut vraiment
prendre en considération l'intersection, l'articulation du sexisme et du
racisme dans leur... pour expliquer leur, exclusion, leur problème d'insertion
en emploi.
M. Cliche-Rivard : Puis vous
l'avez dit, là, ça se positionne ou s'articule dans tous les autres potentiels
biais intersectionnels, là, vous l'avez mentionné, puis on pourrait...
M. Eid (Paul) : Ah oui!
M. Cliche-Rivard : ...on
pourrait faire l'extrapolation. Je vous envoie sur une autre question. Il y a
le... M. Carpentier qui nous parlait de la distinction notamment entre adhérer
à des valeurs et y participer, là, notamment avec une fameuse citation de
Gérald Godin...
M. Cliche-Rivard : ...comme
quoi on gagne des coeurs et non pas on s'impose. Est-ce que vous y voyez là un
réel enjeu? Je vois, par exemple, qu'«il est attendu que tous les Québécois
adhèrent aux valeurs démocratiques plutôt que participent activement», c'est
une discussion qui avait été apportée précédemment. Est-ce que vous pensez que,
dans la sémantique puis dans la proposition, il y a là une nécessité de
modifier, ou si, vous, le fait d'adhérer directement à ces valeurs-là, comme ce
qui est attendu des Québécois, ça va de soi, de facto?
M. Eid (Paul) : Bien, pour
moi, ça va de soi. Je trouve que c'est un objectif qui est quand même louable,
là, de demander que les Québécois adhèrent aux valeurs démocratiques et aux
valeurs exprimées par la Charte des droits et libertés du Québec. Maintenant,
«participer à», sur le plan justement sémantique, ça ne se dirait pas vraiment
bien. Je nen comprends pas ce que ça voudrait dire «participer à des valeurs»,
mais, peut-être, permettez-moi d'essayer de reformuler ce que vous m'avez... ce
que vous essayez de me dire... Oui.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Bien, en fait, le temps est terminé. C'est tout le temps
que nous avions.
M. Eid (Paul) : OK Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Vous allez, je pense, nous remettre votre mémoire
également, c'est ce qu'on m'a dit...
M. Eid (Paul) : Oui. Est-ce
que je peux ajouter...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...vous pouvez étoffer davantage dans votre mémoire à ce
moment-là.
M. Eid (Paul) : ...est-ce que
je peux y ajouter des diapos que je n'ai pas présentées?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui, bien entendu, sans problème.
M. Eid (Paul) : OK Je vais
faire ceux dont j'ai parlé à l'oral, je vais les mettre.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup.
Des voix : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Sur ce, je suspends quelques instants, le temps de recevoir
le prochain groupe. Au revoir, Pr Eid.
(Suspension de la séance à 15 h 37)
(Reprise à 15 h 41)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux.
Donc, nous avons une dernière audition.
Nous recevons donc pour l'heure la ville de Sherbrooke, qui est représentée par
sa mairesse, Évelyne Beaudin, ainsi que par Mme Fernanda Luz, mairesse
suppléante, présidente du conseil... du comité exécutif. pardon, et conseillère
municipale.
Alors, mesdames, bienvenue à la
commission. Vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour votre
exposé, et par la suite on va échanger avec les parlementaires. Alors, le temps
débute maintenant.
Mme Beaudin (Évelyne) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires,
Sherbrooke débarque à Québec aujourd'hui juste pour vous. On sait que vous avez
reçu beaucoup de groupes, vous avez lu beaucoup de mémoires, alors on s'est
donné comme mission de faire... de vous faire vivre un agréable moment en notre
compagnie.
Le postulat que nous venons vous
présenter, c'est que l'accueil et l'intégration, ça se passe surtout à
l'échelle locale. Les gens arrivent dans un nouveau pays, mais ils s'établissent
dans une ville ou dans un quartier. Attirer, accueillir et retenir les gens de
chez nous... les gens chez nous, c'est notre spécialité. Mobiliser des
communautés basées sur l'entraide et les partenariats, c'est notre spécialité.
Renforcer le sentiment d'appartenance, c'est aussi notre spécialité. Et, quand
les gens s'identifient comme Sherbrookois, Matanais, Lavallois, Châteauguois,
Ahuntsicois — je l'ai cherché, celui-là — Henriçois ou Johannais, ils
s'identifient comme Québécois.
Les spécialistes que vous avez entendus
ont clamé que le Québec était cité en modèle à travers le monde pour le succès
de son approche interculturelle. Nous croyons que ce succès repose notamment
sur des communautés locales mobilisées, tissées serrées et accueillantes. C'est
pourquoi notre principale demande par rapport au projet de loi est d'inclure le
principe de régionalisation comme l'un des fondements du modèle d'intégration
nationale tel qu'énoncé à l'article 5. Qu'est-ce que ça veut dire
concrètement pour nous, la régionalisation? C'est d'établir un partenariat
formel entre le gouvernement et le palier supralocal, soit les MRC et les
villes MRC comme nous. Nous pensons que la MRC est le bon niveau pour mettre en
œuvre la politique qui découlera de la loi-cadre sur l'intégration nationale.
M. le ministre, je sentais votre ouverture
à ce que le modèle d'intégration puisse s'adapter aux particularités
régionales, mais vous aviez aussi le souci de conserver une cohérence à travers
tout le Québec. On pense que ce modèle vous permettrait d'atteindre précisément
l'équilibre que vous recherchez. Le gouvernement du Québec continuerait de
définir lui-même ses politiques en matière d'intégration, énoncerait ses
attentes envers ses partenaires que sont les MRC, qui consacreraient leur
expertise à mettre en œuvre des actions concrètes sur le terrain puis
présenteraient leur bilan annuellement.
Bien sûr, on travaille déjà avec le MIFI,
notamment pour le Programme d'appui aux collectivités, mais je dois quand même
vous avouer que c'est un peu lourd. Les villes sont considérées au même titre
que tout autre organisme qu'on retrouve sur notre territoire, alors qu'on a un
rôle de leader territorial à jouer. Les villes ne sont pas compensées pour la
gestion des programmes du ministère qu'elles doivent assumer. Le financement se
fait par projets, ce qui rend plus difficile la mise sur pied d'initiatives
structurantes qui ont des impacts à long terme. Par exemple, hier, au comité
exécutif, on a approuvé la demande de subvention pour le programme, là, le PAC,
MIFI, puis, je ne vous mens pas, le formulaire de demande faisait
70 pages. Il est certain pour moi qu'on peut faire mieux en termes
d'efficacité, parce que tout le temps qu'on passe sur ces différentes exigences
administratives, on ne les passe pas à intégrer les gens.
Et vous allez être surpris de tout ce
qu'on fait déjà en matière d'accueil et d'intégration, mais, avant d'aller là,
je vais passer la parole à...
Mme Beaudin (Évelyne) : ...qui
va vous parler de sa propre expérience.
Mme Luz (Fernanda) : Je viens
de Rio de Janeiro. Il y a 15 ans, mon mari et moi avons pris une grande
décision, nous avons choisi le Québec. Nous avons quitté notre pays avec nos
deux jeunes enfants qui avaient alors trois et sept ans, avec un rêve, en tête,
leur offrir un avenir dans une société plus juste, sécuritaire et équitable.
Mais nous ne sommes pas juste arrivés au Québec, nous sommes arrivés à
Sherbrooke. Notre nouvelle vie a pris racine dans un quartier avec ses rues,
son école, son parc où j'emmenais mes enfants jouer.
Je voulais qu'on se sente chez nous très
rapidement, alors, j'ai inscrit mes enfants à des cours de patin et de planche
à neige, des petits défis pour les jeunes Brésiliens. J'ai noué des liens avec
les autres parents à l'école, avec mes voisins. On a perfectionné notre
français au fil des rencontres, des conversations, des petites attentions.
Sherbrooke nous a accueillis avec la bibliothèque municipale, la fête du lac,
les chasses au trésor au parc du quartier, la fête nationale du parc Chauveau,
toutes ces initiatives soutenues par la ville et portées par les organismes et
des bénévoles engagés ont fait toute la différence pour ma famille et moi.
Au Brésil, j'étais physiothérapeute. En
arrivant ici, je fais ce que beaucoup de nouveaux arrivants font... nos
nouveaux arrivants font, j'ai recommencé à zéro. Je travaillais comme préposée
aux bénéficiaires, tout en complétant ma formation pour devenir infirmière.
Tranquillement, ma carrière a progressé jusqu'à ce que je me retrouve
gestionnaire d'une unité en soins pour personnes atteintes d'Alzheimer. Puis,
après 12 ans dans le réseau de la santé, j'ai voulu faire encore plus, redonnez
à ma ville, redonner à ma communauté. C'est ce qui m'a amené en politique
municipale. Aujourd'hui, je suis élue à Sherbrooke et jamais, il y a 20 ans, je
n'aurais imaginé me tenir ici, devant vous, à l'Assemblée nationale, pour
contribuer à l'élaboration d'un projet de loi.
Si je suis ici aujourd'hui, c'est parce
que mon histoire illustre une réalité essentielle, l'intégration de nouveaux
arrivants, ça se passe dans nos villes, dans nos quartiers. Ce sont les villes
qui transforment notre société d'accueil en un véritable chez-soi. Sherbrooke
me rend fière. Il y a tant d'initiatives qui font de notre ville un endroit où
tout le monde peut trouver sa place. Je ne suis pas certaine que le
gouvernement mesure pleinement tout ce que les municipalités... une
municipalité réalise sur le terrain. Nous demandons simplement une
reconnaissance, un appui clair pour que nous puissions faire encore plus,
encore mieux. Parce qu'une intégration réussie, c'est non seulement bon pour
les personnes immigrantes, c'est bon pour tout le Québec.
Mme Beaudin (Évelyne) : À
Sherbrooke, on a adhéré sans hésitation et depuis longtemps à
l'interculturalisme. On a même invité Gérard Bouchard à venir nous livrer une
conférence sur le sujet en 2018 dans notre fameux théâtre Granada. On voulait
que notre vision, en matière d'accueil et d'intégration, soit bien comprise de
tous et toutes. Des personnes vous ont parlé de convergence culturelle, de
vivre-ensemble de toutes sortes de modèles, mais ce que je retiens, c'est qu'il
n'y a juste personne qui veut du multiculturalisme, et on voulait vous dire
que, nous, on est bien d'accord avec ça.
Alors, au-delà de ça, on vous laisse les
débats sur les grands principes et on vous amène sur notre terrain de
prédilection, les actions concrètes. Sherbrooke est connue et reconnue pour ses
actions et ses politiques en matière d'immigration et d'interculturalité. On
est d'ailleurs une des villes au Québec qui accueille le plus grand nombre de
personnes réfugiées et parrainées par rapport au total d'immigrants reçus. On
est aussi la première ville fusionnée du Québec à avoir mis en place une
politique d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes en 2004.
Parmi tout ce qu'on fait, j'ai ciblé
quelques actions importantes pour Sherbrooke. On a des journées d'accueil pour
les nouveaux arrivants et les nouvelles arrivantes; la Semaine sherbrookoise
des rencontres interculturelles qui a fêté d'ailleurs, l'an dernier, son 10e
anniversaire; la campagne sherbrookoise contre le racisme et les
discriminations, on a fait faire superteeshirts qui ont été vraiment
populaires. Et on a mis de l'avant des visages comme celui de Fernanda ou de
d'autres qui étaient connus de Sherbrooke. On a le Festival des traditions du
monde qui est le deuxième événement en importance après la fête du lac, et on a
on a la table de concertation ICI Sherbrooke, et on a aussi, récemment, la
cérémonie civique du Jour du Drapeau.
• (15 h 50) •
Donc ça, c'est juste une petite sélection,
et je vais vous parler un peu plus de deux de ces initiatives-là. Tout d'abord,
notre instance de concertation en immigration ICI Sherbrooke, ce n'est pas une
table de concertation communautaire habituelle. Comme vous pouvez voir dans vos
différents comtés, c'est une table de concertation où tout le monde est là.
Donc, oui, il y a les organismes communautaires, mais il y a aussi les
universités, les cégeps...
Mme Beaudin (Évelyne) : ...du
MIFI, la ville, évidemment, les acteurs de la francisation, et je dis bien les
acteurs de la francisation, parce qu'on oublie parfois qu'il y en a beaucoup. Et,
quand on les a rassemblés à la table de concertation, on a constaté qu'ils ne
s'étaient jamais vraiment concertés, puis ils... parce qu'ils étaient heureux
de découvrir les services qui étaient offerts par les autres acteurs. La table,
ça nous permet d'identifier ils sont où, les trous dans l'offre de services aux
nouveaux arrivants, puis aussi d'éviter les différents chevauchements de
services.
Donc, des initiatives de concertation
comme ça, malheureusement ce n'est pas soutenu à proprement parler par le
gouvernement, mais, pour nous, c'est absolument essentiel puis ça rend notre
système d'intégration beaucoup plus efficace parce que, justement, on évite les
trous et on évite les chevauchements. Rassembler les acteurs locaux, c'est les
gouvernements de proximité qui sont les mieux placés pour faire ça.
Et je termine les dernières secondes juste
pour vous parler du Jour du drapeau, initiative très récente qu'on a mise en
place. Le 21 janvier, on fait une cérémonie civique à l'hôtel de ville. On a
des groupes de francisation qui viennent témoigner de pourquoi ils aiment le
Québec, de ce que ça représente pour eux. Ça fait que c'est un peu l'équivalent
de ce qu'on peut voir, les cérémonies d'assermentation du 1er juillet, mais
version Québec. Et c'est particulièrement émouvant de les entendre s'exprimer
en français. Cette cérémonie-là, je vais terminer avec ça, la professeure qui
s'occupe de ça nous a dit qu'elle a eu des témoignages des gens qui ont
dit : Pour nous, c'est le moment où on a pu dire : O.K., on est
Québécois maintenant. Donc, ça a été extrêmement important dans leurs parcours
d'intégration. Voilà. Ça fait que je m'arrête là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation. On va donc d'ores
et déjà commencer la période d'échange avec les parlementaires, et je me tourne
du côté du gouvernement pour une période de 16 minutes 30 secondes.
M. Roberge : Merci beaucoup.
Merci pour votre présentation. Ça paraît que vous êtes directement sur le
terrain. Les exemples sont fréquents, puis on a même presque l'égérie de
qu'est-ce qu'on veut comme intégration réussie au Québec. Un, bravo pour votre
courage puis félicitations pour votre parcours, là, on peut difficilement faire
mieux. Sans doute que beaucoup d'hommes et de femmes qui arrivent au Québec
aimeraient ça être capables de se projeter dans l'avenir puis dire : Bien,
je vais être comme elle, tu sais, mes racines vont être profondes à ce point.
Vous avez parlé, juste à la fin de votre
présentation, du terme «parcours d'intégration». J'ai trouvé ça intéressant de
par... parce qu'un parcours, ça le dit, on n'arrive pas à destination au jour
1. Donc, il y a... il y a un chemin pour arriver à l'intégration nationale
sherbrookoise, québécoise, on est d'accord avec ça. C'est quoi, le rôle des
villes, des municipalités? Bon, il y a... parce que le ministère de la Langue
française fait quelque chose, le ministère de l'Immigration fait quelque chose,
le ministère de la Santé fait quelque chose, les écoles, évidemment, font
beaucoup. Mais, d'après vous, qu'est-ce qui vous appartient, vous,
municipalité, dans ce parcours-là?
Mme Beaudin (Évelyne) : Bien,
c'est sûr que vous vous occupez, tu sais, de certificats de sélection, et tout
ça, puis nous, on est bien corrects avec le fait que ce soit vous qui vous en
occupiez. Nous, c'est vraiment l'accueil. Puis d'ailleurs on ne le fait pas
juste avec les personnes immigrantes, on le fait aussi avec des gens qui
arrivent d'ailleurs au Québec. Donc, je dirais que c'est vraiment l'accueil.
Puis, nous, notre rôle, c'est un rôle de leadership territorial. Donc, on
rassemble les gens puis on s'assure que personne ne tombe entre deux chaises.
On s'assure que les gens se parlent sur le terrain, que les partenariats sont
solides. Donc, des fois, les gens vont arriver par l'Université de Sherbrooke,
mais on ne veut pas qu'ils passent leurs quatre années, disons, d'études à
l'Université de Sherbrooke sans sortir du campus, tu sais, on veut qu'ils
viennent se mêler avec la communauté puis qu'ils tissent des liens avec leurs
voisins, et tout ça. Et donc nous, on s'assure de vraiment mettre les gens
ensemble puis de coordonner le tout parce qu'habituellement, bien, il va y
avoir, par exemple, l'antenne du MIFI régionale pour un bout, il va y avoir...
on a beaucoup le service d'aide aux néocanadiens mais qui est surtout
spécialisé, je vous dirais, pour les personnes réfugiées ou parrainées. Après
ça, les personnes qui sont parrainées aussi, des fois, ils vont être plus avec
leurs familles. Donc, nous, on s'assure de vraiment mettre les gens ensemble
puis que tout le monde ait tous les services dont ils ont besoin.
M. Roberge : J'ai beaucoup
aimé ça, là, le leadership territorial, les gens viennent se mêler, c'est
formidable. On veut que les gens viennent se mêler, tout le monde, pas juste
les nouveaux arrivants, les Québécois aussi. Puis, une fois qu'ils se...
M. Roberge : ...ils discutent,
ils trouvent des points de convergence, ils trouvent finalement des intérêts communs,
ils développent une curiosité, mais reste qu'avant qu'un nouvel arrivant arrive
la société est là, existe, demande l'arrivée de nouveaux arrivants puis veut
accueillir les gens dans la culture. Ma question pour Mme qui a un parcours...
qui a vécu quelque chose que je n'ai pas vécu : Pour vous, c'est quoi, la
culture québécoise? Comment vous le ressentez de votre point de vue à vous?
Mme Luz (Fernanda) : Bien,
moi, j'ai été quand même chanceuse. Moi, j'ai dit... puis je parle...
D'ailleurs, justement, j'ai été chanceuse d'arriver à Sherbrooke. En principe,
on avait choisi Sherbrooke, justement, à cause de l'université. Comme j'avais
dit, là, on était physiothérapeute, ça fait qu'il y avait tout un parcours
qui... Puis à Sherbrooke, mon expérience à Sherbrooke, ça a été excellent parce
que, justement, il y avait cette ouverture-là. Je pense qu'à la base de la
culture québécoise il y a cette ouverture envers l'autre. Il y avait, oui, une
curiosité des gens qui arrivent, il y a une curiosité, il y a une ouverture. Il
y a aussi l'intérêt de nous partager. Vous êtes aussi... je veux dire, nous, on
est aussi au Québec, on est généreux pour parler de notre culture. Je vous
avais parlé, là, des exemples qu'on a vécus aussitôt qu'on est arrivé, il y
avait la fête nationale du parc Chauveau, c'était les citoyens du quartier qui
organisent ça, ils ont... ils étaient contents de nous partager la culture. Ça
fait que c'est sûr que, quand on parle de la culture autour de la langue, je
suis tout à fait d'accord. C'est très identitaire. Quand on parle... on est au
Québec et on parle... On est au Québec icitte, on parle français. Puis je pense
que ça se passe beaucoup autour de la langue. Je suis d'accord avec vous, mais
ça se passe aussi beaucoup dans cet esprit de communauté là. C'est comme ça que
j'ai senti... je me suis sentie accueillie. C'est que les gens étaient généreux
pour me partager les traditions et aussi ouverts pour... Ça fait que, quand on
parle de l'interculturalisme, c'est de ça qu'on parle. C'est comme ça que j'ai
senti au Québec.
M. Roberge : Merci.
Ouverture, curiosité, partage, tradition, générosité. Je vais me noter quelques
éléments à conserver. C'est important que tout le monde y mette du sien, y
compris la société d'accueil, y compris les Québécois. Je ne dirais pas nous
parce que, quand on dit nous, c'est comme ci nous... au Québec, on dit souvent
nous autres, en plus, hein, on ne dit pas juste nous, on dit nous autres, vous
autres. Puis ça, ça fait une ligne entre nous autres puis vous autres, puis
c'est peut-être à éviter. Mais, Mme Aïda Kamar de Vision Diversité est
venue réhabiliter le nous d'une manière tellement extraordinaire, elle nous a
dit : Nous, c'est n-o-u-s, nos origines, une société. Et là j'aime ce
nouveau nous là parce qu'il vous inclut vous aussi.
Et je finis avec une question à la
fin : Qu'est-ce qu'il faut faire comme société d'accueil pour que les
nouveaux arrivants aient le goût d'adhérer puis de faire partie du «une
société» à la fin, pas homogène, monolithique, passéiste, une société moderne
en évolution, mais une société pareille? Qu'est-ce qu'il faut faire pour que ça
marche?
• (16 heures) •
Mme Luz (Fernanda) : Je
dirais que, bien, même en lisant le projet de loi, j'ai bien aimé de... tu
sais, quand on parle, c'est comme un contrat social qu'on fait. Puis là... et
je pense que, ce qui pourrait aider par rapport à la loi, c'est, si je peux
quand même me permettre, ce qui pourrait peut-être aider à ce que ce soit un
peu plus engageant, c'est aussi de préciser le rôle, justement, de l'État et de
la société d'accueil par rapport à la lutte contre la discrimination. Par
exemple, ça pourrait être très engageant. Je pense que c'est très engageant
pour une personne immigrante de lire ça dans une loi qui va chapeauter l'intégration
nationale, là, c'est vraiment très... c'est rassurant puis c'est engageant
aussi parce qu'on dit : O.K. C'est correct. On comprend c'est quoi les
règles de la société, les valeurs, on va adhérer à ça. Mais, en contrepartie,
on sait aussi qu'on va être protégés des propos discriminatoires ou peu
importe, parce que les biais culturels, bien, ça existe, c'est normal, c'est
humain, mais si on s'engage à au moins aussi bien protéger la personne
immigrante d'un discours discriminatoire, je pense que ça peut aider beaucoup.
Puis après ça, bien, c'est l'intégration...
16 h (version non révisée)
Mme Luz (Fernanda) : ...sociale
aussi, économique qui aide aussi. C'est sûr que, une personne, quand on arrive,
il faut qu'elle trouve un travail. Puis je pense que... J'ai entendu un peu
avant le M. qui disait, par exemple les professions qui sont réglementées,
bien, qu'ils puissent avoir un peu un arrimage entre les ordres professionnels
et les universités, par exemple, pour que ce soit un peu plus agile, là. Mon
mari, il a pris sept ans pour avoir son permis comme physiothérapeute. Moi, j'étais
déjà... j'étais déjà infirmière quand il a commencé à étudier à l'université
pour avoir son permis, juste un exemple.
M. Roberge : Quelques clauses
au contrat social, là, dont la lutte contre la discrimination. Merci beaucoup.
Mme Beaudin (Évelyne) : ...
M. Roberge : Oui, mais je
vais... je ne vous... je vais vous laisser, allez-y. Je veux juste dire que je
vais vous laisser échanger avec mes collègues, mais, si vous voulez compléter,
allez-y.
Mme Beaudin (Évelyne) : O.K.
Bien, juste rapidement. En fait, nous, ce qu'on vient dire, c'est que s'intégrer
à la société d'accueil, ça vient d'abord par s'intégrer à une communauté. Puis
là je n'entends pas le mot «communauté culturelle» quand je dis ça, je parle
vraiment plutôt d'une communauté locale dans un quartier, ou un village, ou une
ville. Puis Mme Luz et moi, on mène ensemble, avec tout le conseil municipal
évidemment, une grande démarche, là, tu sais, sur le développement des
communautés puis on essaie de voir comment... Vous avez parlé de l'importance
de tisser des liens entre les gens, pas juste entre les nouveaux arrivants puis
ceux qui sont établis ici depuis longtemps, mais entre tout le monde. Tu sais,
on le sait, que les gens peuvent vivre de l'isolement, par exemple, quand ils
sont aînés ou bien peut-être qu'ils passent trop de temps sur leurs écrans
quand ils sont jeunes. Mais travailler sur tout ça, à l'intérieur de nos... des
quartiers, c'est ce qu'on fait dans les villes. Donc, à l'intérieur du projet
de loi, bien, c'est sûr que nous, s'il y avait le mot «région» ou bien s'il y
avait le concept de régionalisation où... ça fait que ça, ce serait plus à l'article 5,
là, sinon à l'article 9, où est-ce que vous parlez de la politique
nationale. Bien, si on peut définir un peu plus clairement, préciser les
modalités du partenariat entre les villes MRC et le gouvernement, je pense que
ça nous aiderait après ça à vraiment mieux jouer notre rôle à notre niveau.
M. Roberge : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais reconnaître la
députée de Vimont. Il reste six minutes cinq.
Mme Schmaltz : Parfait.
Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup d'être là. C'est très rafraîchissant
de vous entendre. Et puis félicitations aussi à vous, Mme Luz, c'est ça, «Luz»,
oui, pour... bien, pour votre parcours exemplaire, là, on peut le dire.
Je vous ai écouté attentivement, puis,
dans ma tête, là, j'avais plein d'images, là, je me posais plein d'images,
parce que vous nous avez expliqué les activités que vous faites, bon, l'été,
ou, bon, les journées ou les événements spéciaux à Sherbrooke en lien,
justement, pour finalement la découverte un peu de l'autre. Est-ce que... Les
partenariats que vous avez, est-ce que vous les avez aussi avec vos organismes?
Parce que je suppose que, les organismes, à Sherbrooke, il y en a beaucoup
aussi qui ont une spécialité ou qui sont... ou qui vont œuvrer directement avec
les personnes immigrantes. Comment ça fonctionne, cet échange entre la ville
puis les organisations?
Mme Beaudin (Évelyne) : Bien,
c'est sûr que je vais me permettre d'être un peu chauvine par rapport à
Sherbrooke.
Mme Schmaltz : Bien, allez-y.
C'est bien correct.
Mme Beaudin (Évelyne) : À
Sherbrooke, on est juste la taille de ville idéale, là, parce qu'à 185 000 personnes,
à peu près, on a une diversité d'organismes, on a des organismes pour s'occuper
de tout, on a une... on a plus qu'une université, on a des cégeps et en même
temps, ce n'est pas trop gros, on se connaît tous, on est tous capables de se
parler. La concertation, à Sherbrooke, là, c'est naturel, on le fait de façon
naturelle. Donc, on est... tu sais, moi... Je veux dire, ce mémoire-là, là, on
l'a fait en collaboration, là, avec les organismes qui sont sur le terrain.
Eux, ils sont d'accord, là, avec... Il y a beaucoup de propos, là, qu'on vous a
déposés qui viennent directement d'eux. Donc, on est... on est vraiment très
bien arrimés, là, je vous dirais, là.
Mme Schmaltz : Est-ce que
vous avez mis en place, dans votre... dans la vision que vous avez de l'intégration,
de la médiation culturelle, c'est-à-dire... Parce qu'on sait que des fois, bon,
il y a des cultures, il faut aussi comprendre, hein, parce que, dans l'intégration,
il y a la compréhension aussi de la culture et vice-versa aussi de l'autre
côté, il faut aussi les comprendre, eux aussi, d'où ils viennent. Comment vous
assurez ce pont entre les deux? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a un poste
précis pour remplir ce rôle?
Mme Beaudin (Évelyne) : Oui.
Bien, en fait, on a des gens qui font ça. Mais, tu sais, toutes les initiatives
dont je vous ai parlées, il faut comprendre... vous allez me passer l'expression,
là, on fait un peu ça sur notre bras. On est financés, là, aussi par le PAC
MIFI, mais la plupart des choses, là... Puis, quand je vous parlais de la
cérémonie, là, à l'hôtel de ville, là, ça c'est vraiment purement nous, qu'on a
arrangé de quoi parce que c'était important pour nous. Ça fait que...
Mme Beaudin (Évelyne) : ...tu
sais, le but c'est de vous montrer regardez tout ce qu'on est capable de faire
avec les moyens qu'on a en ce moment. C'est sûr que, si on pouvait prendre plus
d'argent, on ne dirait pas non. Mais, si on fait juste gagner en efficacité,
là, le côté lourdeur administrative, ces ressources-là, on peut les rediriger
puis on est capable de faire faire vraiment beaucoup de chemin à chaque dollar
que vous nous consacrez, parce que chaque dollar que vous nous donnez est un
effet levier dans le milieu, la ville en met, le milieu communautaire
s'investit, puis il y a plein de bénévoles autour de ça aussi. Donc, tu sais,
vraiment, je pense que c'est...
Mme Schmaltz : Dans un monde
idéal, qu'est-ce que... qu'est-ce que vous auriez besoin pour être optimal.
Mme Beaudin (Évelyne) : Dans
un monde idéal, c'est d'avoir, en partant, des politiques publiques. C'est
comme, là, vous avez votre loi-cadre, ensuite la politique nationale. C'est sûr
que nous, on aimerait ça être mis à contribution pour la rédaction parce qu'on
pense que ça va être beaucoup, nous, là, qui allons l'appliquer sur le terrain,
là, tu sais, en termes de leadership territorial. Donc, on aimerait ça pouvoir
contribuer à ça, que les objectifs soient clairs et que l'autonomie dont on
parle parfois, là, dans le monde municipal soit surtout au niveau des moyens.
Que si dans une place la cérémonie on veut qu'elle soit à l'hôtel de ville,
bien, nous, on la fait à l'hôtel de ville. Si à l'autre place, bien, eux, ils
ont un édifice patrimonial autre ou un parc dans lequel ils veulent tenir... Tu
sais, ce qui est important, c'est l'objectif, puis ensuite nous, on nous donne
l'argent avec, tu sais, puis on nous dit à la fin de l'année, il faut que vous
ayez atteint tels, tels, tes objectifs, puis on regarde, à la fin de l'année,
si vous les avez atteint. Mais en ce moment, c'est vraiment beaucoup dans le
détail qu'on va aller regarder tout qu'est-ce qui se fait, et ça fait en sorte
qu'on pense à ce dont le milieu a besoin puis, après ça, on passe beaucoup de
temps, hein, comment on va faire pour fitter ça dans la structure.
Mme Schmaltz : Félicitations,
parce que vous avez... vous êtes déjà engagés dans ce... dans le cheminement,
là. Nous, on arrive, on propose, mais on voit déjà qu'il y a une base, là, qui
est quand même solide, là, à Sherbrooke.
Mme Beaudin (Évelyne) : Absolument.
Mme Schmaltz : Là, c'est
vraiment chapeau, puis d'autant plus, tantôt vous l'avez mentionné, ça fait déjà
une dizaine d'années en plus, là.
Mme Beaudin (Évelyne) : Ah!
oui.
Mme Schmaltz : Que vous avez
mis tout ça en place, même peut être 15 ans.
Mme Beaudin (Évelyne) : Oui,
oui, oui, tout à fait.
Mme Schmaltz : Parce que,
Mme, elle en a entendu parler de Sherbrooke vu son choix.
Mme Beaudin (Évelyne) : Bien
même...
Mme Schmaltz : C'est ça.
Mme Beaudin (Évelyne) :
Même... tu sais, c'est assez naturel je dirais que l'université fait en sorte.
Tu sais, à Sherbrooke, là, l'accueil, on est là-dedans parce qu'il y a tout le
temps du monde qui passe par Sherbrooke, là. Il y a souvent des gens dans la
salle qui ont étudié à l'Universite Sherbrooke, puis après ça... Ça fait qu'on
est habitués de voir du monde arriver d'ailleurs puis de les accueillir, puis
les intégrer, puis qu'ils fassent partie de la gang rapidement. Ça fait que, tu
sais, qu'ils viennent d'ailleurs, quand tu viens de Gatineau, tu viens
d'ailleurs quand tu es Sherbrooke, puis quand tu viens de Rio, bien tu viens
d'ailleurs aussi, puis on t'intègre, tu sais.
Mais nous, on vient vous présenter ce qui
se passe à Sherbrooke pour vous montrer comment c'est Super Sherbrooke et puis
comment qu'on serait capable de faire encore plus puis qu'est-ce qu'il serait possible
de faire dans les autres MRC du Québec, parce que moi, en échangeant avec des
collègues, moi, je pensais que c'était de même partout, là, avant, là, jusqu'à
ce que je réalise, en parlant avec les autres, qu'il y a des... il y a des
endroits où il y a très peu de ces actions-là. Mais je ne pense pas que c'est
parce que les gens ne veulent pas le faire, c'est juste dans l'ADN. Je pense
que, nous, c'est dans notre ADN. C'est un besoin qui est criant, qui est au
quotidien.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous arrêter.
Mme Beaudin (Évelyne) : Voilà.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Le temps imparti au gouvernement vient de se terminer. Je
me tourne du côté de l'opposition officielle pour 12 min 23 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Mme la mairesse Beaudin, Mme la mairesse suppléante Luz, bienvenue,
ça me fait plaisir que vous soyez là. D'ailleurs, c'est très rafraîchissant,
vous êtes d'excellentes ambassadrices. À vous écouter, j'ai quasiment le goût
de déménager à Sherbrooke.
Une voix : Ah! bien là...
c'est vraiment génial.
• (16 h 10) •
M. Morin : Non, c'est
vraiment génial, d'abord votre mémoire, puis je dois dire que votre
présentation, c'est hyper rafraîchissant. Génial, parce que, bien, il y a deux
niveaux, je vous dirais. Vous connaissez évidemment des actions que vous faites
sur le terrain, ça, c'est sûr. Mais Mme Luz, elle, peut non seulement expliquer
le mémoire, mais elle peut nous décrire ce qu'elle a vécu. Donc, elle témoigne
de ce dont le gouvernement essaye de faire dans un projet de loi avec une
loi-cadre, donc c'est... c'est vraiment très, très apprécié.
J'ai bien compris votre message au fond,
puis c'est normal, c'est logique, vous nous dites : Nous, les municipalités,
on a un rôle important à jouer, puis si je vous ai bien compris, on est sur le
terrain, dans le quotidien, donc on sait quoi faire. Pouvez-vous nous inclure
davantage dans votre démarche, le gouvernement, puis pouvez-vous nous insérer
en quelque part dans votre projet de loi? Est-ce que je vous ai bien... est-ce
que je résume assez bien, au fond, le message que vous...
M. Morin : ...livré?
Mme Beaudin (Évelyne) : Tout à
fait, parce qu'on... quand on lit le projet de loi tel quel, ça peut donner
l'impression que le Québec, c'est un bloc monolithique, mais la culture
commune, elle est présente. Moi, là, quand je vais à Saguenay ou que je vais à
Gatineau, ou à Montréal, ou à Québec, je me sens chez moi. Et, en même temps,
j'aime ça, la particularité des Saguenéens, la manière dont ils parlent, ou
bien au Lac-Saint-Jean, leur accent, tu sais, je... Donc, on a... on a la
couleur de chacune des régions, tu sais, c'est ce qui fait que le Québec est
aussi exceptionnel, aussi extraordinaire, c'est la force de chacune de nos
régions. Donc, on pense que le modèle tel qu'il est là, il est bon pour nous.
Si on peut juste ajouter cette nuance-là par rapport à la présence, tu sais,
des régions puis que les gens arrivent dans une région puis si on peut nommer
les villes... parce que nous, c'est notre pain quotidien, tu sais, l'accueil,
l'intégration, attirer les gens, la rétention des étudiants, la rétention des
personnes immigrantes.
M. Morin : Merci. Donc, si on
regarde le projet de loi concrètement... parce que le rôle, entre autres, de...
tu sais, de l'opposition officielle, c'est de faire des suggestions au
gouvernement, M. le ministre nous écoute, j'en suis sûr, avec attention, puis,
éventuellement, peut-être de proposer des amendements qui feraient en sorte
qu'on pourrait, évidemment, faire vivre idéalement un projet de loi qui va...
qui va réussir à jeter des bases de... au fond, de ce qu'est le Québec, puis de
ce qu'on veut être, puis de ce qu'on veut aussi projeter. Si on regarde l'article 5,
parce que c'est à l'article 5 qu'on parle, entre autres, du modèle
d'intégration nationale et de ses fondements, est-ce que je vous ai bien
comprise si vous dites qu'au fond, si on y incluait un élément de
régionalisation ou de partenariat avec les villes ou les MRC, c'est quelque
chose qui ferait en sorte que vous pourriez vous reconnaître davantage? En tout
cas, ce serait plus clair pour vous, le rôle que vous avez à jouer dans le
domaine de l'intégration, est-ce qu'on peut dire ça?
Mme Beaudin (Évelyne) : Tout
à fait. Bien, en fait, on vous a proposé huit recommandations, mais, si j'ai à
les hiérarchiser, là, la recommandation un, ce qu'on vous dit, c'est :
«Ajouter le principe de régionalisation dans les fondements», donc à
l'article 5. Et les... l'article 9, donc c'est la recommandation six,
c'est d'ajouter... Tu sais, moi, j'avais l'impression que... Le rôle des villes
et MRC, moi, je le voyais davantage à l'article 9, parce que... dites-moi
si je me trompe, mais j'ai interprété comme les grands principes sur les
articles précédents puis l'application plutôt dans la politique, qui est à
l'article 9. Donc, j'avais l'impression que c'était peut-être plus dans
l'article 9 qu'on pouvait venir parler des rôles... du rôle des villes et
MRC... des villes et MRC.
M. Morin : Oui, vous avez...
vous avez raison. Si vous voulez parler du rôle, effectivement, je pense que ça
irait plus dans 9. Maintenant, si vous voulez que les villes fassent même
partie intégrante du modèle, bien là, ça serait à l'article... ça serait à
l'article 5, mais on pourra... on en reparlera dans le cadre de l'étude
article par article. Je comprends également que, dans la politique, parce que
le projet de loi cadre est conçu comme ça, éventuellement il y aura une politique,
vous souhaiteriez que les villes soient, évidemment, consultées puis que ce
soit élaboré, en fait, avec vous, parce que, si je vous ai bien comprise, vous
ne souhaitez pas un modèle mur à mur, mais un modèle sur mesure qui va être
applicable à votre... aux réalités des villes.
Mme Beaudin (Évelyne) : Bien,
je dirais que c'est peut-être dans le niveau de détail, là. Tu sais, si c'est
quelque chose d'assez englobant, d'assez large, ça peut s'appliquer très bien,
après ça, à travers tout le Québec. L'UMQ est venue mardi, je pense, avec M.
Damphousse. Il portait notamment, là, les discussions qu'on a eues... je
copréside la table, là, de travail sur l'accueil des nouveaux arrivants avec la
mairesse de Gatineau, et... Aïe! J'ai perdu le fil de ma pensée. Votre question,
c'était?
M. Morin : En fait, c'était
au niveau, véritablement, de la consultation au niveau de la politique.
Mme Beaudin (Évelyne) : La
consultation, exact. Exactement. Donc, c'est sûr qu'une table comme celle-là,
qu'on a déjà au sein de l'UMQ, tu sais, qui représente toutes les tailles de
ville, ça pourrait être une bonne façon, parce qu'on fait le... tu sais, on le
sait, qu'après ça, cette politique-là, on va avoir à l'appliquer, puis ça va
être notre guide au quotidien. Tu sais, les villes, on travaille quand même
très étroitement avec le gouvernement. Donc, pour nous, c'est sûr que la
consultation, ce serait... ce serait important pour la rédaction.
M. Morin : Je vous remercie.
Toujours à l'article 9, quand on parle de la politique, bon, on
dit «peut»... en fait, ce n'est pas très contraignant, mais on dit «peut»
puis on parle de l'apprentissage du français. Bon, c'est normal que
l'apprentissage du français soit là, parce que, si on regarde l'ensemble de la
politique, ça repose beaucoup sur la langue française, puis c'est normal, c'est
notre langue commune puis c'est notre langue...
M. Morin : ...d'ailleurs, vous
le disiez, quand on se promène à travers du Québec, que ce soit au Saguenay,
Québec, à Montréal, à Gatineau, bien, on parle français. Ça, c'est génial.
Maintenant, au niveau de la francisation,
je pense que, des fois, c'est un peu problématique, n'est-ce pas? Je lisais
plusieurs articles dans les journaux, je suis aussi le porte-parole en
francisation, immigration. Est-ce que ça devrait être plus contraignant pour le
gouvernement, selon vous? Parce que si on veut être sérieux puis si on dit que
ça et le français, c'est la pierre angulaire, entre autres, de notre politique,
mais est-ce que le gouvernement ne devrait pas se donner les moyens de ses
ambitions?
Mme Beaudin (Évelyne) : Oui,
bien, j'ai entendu quelques intervenants dire que ce serait mieux que ce soit
«doit» plutôt que «peut» à l'article 9. Nous, on n'a pas d'enjeu avec ça.
Surtout, si, dans l'article 9, il y a quelque chose sur les villes et MRC.
M. Morin : Tout à fait. Donc,
villes, MRC, «doit», l'équation est parfaite.
Mme Beaudin (Évelyne) : Ça,
ce serait parfait, mais, tu sais, si on vous laisse la flexibilité dans l'étude
du projet de loi, là.
M. Morin : Absolument. Bien,
je vous remercie. Vous avez aussi parlé de la lourdeur administrative, je vous
sais bien entendu, avec le MIFI, un document, 70 pages. On aura l'occasion
d'en reparler, là, vous et moi, mais j'imagine que ça a dû prendre plus que
15 minutes puis un employé pour remplir ce document-là.
Mme Beaudin (Évelyne) : Bien...
Puis là, ça, c'est juste la pointe de l'iceberg, hein, parce que nous, on siège
au comité exécutif, on approuve la demande, puis là, la reddition de comptes,
elle passe... elle ne repasse pas nécessairement, là, au conseil municipal, là,
tu sais, c'est souvent envoyé directement des fonctionnaires vers le ministère.
Donc, tu sais, j'ai quand même l'impression qu'il y aurait un bon travail à faire
de ce côté-là, parce que... Ça m'étonnerait que ça serve le ministre, là, dans
ses objectifs. Tu sais, j'ai l'impression que le niveau de détail est tellement
grand qu'on est un peu attaché, là, tu sais, dans les différentes actions.
Quand je vois des gens faire un petit peu trop preuve de créativité
subventionnaire, là, c'est que, souvent, il y a quelque chose qui doit être
peut-être revu.
M. Morin : Revu, ou allégé,
ou... enfin. Bref.
Mme Beaudin (Évelyne) : Pour
alléger, tu sais, je pense que l'idée, là, c'est comme... on est... Ce qu'on
veut, c'est être des partenaires, être reconnus comme des partenaires. Tu sais,
je répète qu'actuellement on postule sur les programmes au même titre que des
organismes communautaires, là, même quand on est une ville comme Sherbrooke,
là. Et une fois qu'on est reconnus comme partenaires, bien, on se fait donner
comme mission : O.K. Vous êtes notre partenaire, voici votre mission,
voici les ressources que vous avez pour accomplir votre mission. Et, à la fin de
l'année, l'avez-vous atteint? Puis sinon, qu'est ce que vous devez faire de
mieux pour la prochaine année? Tu sais, ça devrait être un système qui
ressemble plus à ça. Là, j'ai l'impression qu'au fil du temps ça... on est allé
plus loin. Puis, tu sais, oui, l'Union des municipalités du Québec parle
souvent, là, de la lourdeur administrative et de la reddition de comptes, mais
je dois quand même signifier que, par rapport au ministère de l'Immigration, on
semble être dans une autre game, là... une autre catégorie, désolée.
M. Morin : On est dans un
autre univers. D'accord. Merci. Malheureusement, le temps file. Mme Luz,
j'ai quelques questions pour vous, parce qu'on en a parlé avec le Pr Eid
précédemment, au niveau des ordres professionnels puis de la reconnaissance,
parce que oui, on a parlé du français, c'est fondamental, mais vous l'avez très
bien dit, après, quand on parle français ou quand on apprend le français, bien,
il faut aussi travailler. Vous, avant de partir avec votre conjoint, est-ce
qu'on vous avait dit... Est-ce que vous pensez que ça allait prendre autant de
temps avant que vous puissiez exercer une profession au Québec?
Mme Luz (Fernanda) : Il y
avait quand même la notion des professions réglementées, là, que ça aurait pu
être un peu long, mais on n'avait pas imaginé que ça allait prendre sept ans,
par exemple. Et là on a vu que c'était... l'embûche, c'était vraiment le manque
d'arrimage entre les institutions d'enseignement et les ordres professionnels,
parce qu'eux ils nous avaient comme... Bien là, vous avez... vous devez faire
cinq matières à l'université, ça va prendre six mois. On arrivait à
l'université puis l'université : Bien non, nous... il y a une file
d'attente, vous ne pouvez pas entrer, ou ça va vous prendre... il y a une file
d'attente de trois ans, puis après ça on va vous rajouter des matières... vous
êtes obligés de faire... Ça fait que ça fait en sorte qu'en bout de ligne ça
prend... ça a pris beaucoup plus de temps, à tel point que j'ai changé de
carrière, j'ai décidé de... Ça a été plus vite pour moi de revenir à l'école
et... Tu sais, j'ai été infirmière. J'ai été graduée avant que mon mari ait son
permis comme physio parce que lui aussi était physiothérapeute.
• (16 h 20) •
M. Morin : Oui, c'est ça.
Donc, je comprends que, dans votre parcours, vous, vous avez décidé d'aller à
l'école, vous avez fait votre cours, vous avez eu votre pratique.
Mme Luz (Fernanda) : J'ai
recommencé, j'ai changé. Oui.
M. Morin : Vous avez
commencé, mais votre conjoint, lui, qui essayait d'avoir la reconnaissance de
ses compétences, et ça a été...
Mme Luz (Fernanda) : Qu'il
avait déjà.
M. Morin : Qu'il les avait
déjà. Ça a été plus long.
Mme Luz (Fernanda) : Oui,
oui. Ça faisait déjà neuf ans que j'exerce la profession de physiothérapie puis
je n'ai jamais été capable de l'exercer ici.
M. Morin : Puis évidemment je
me doute un peu de la réponse, mais j'imagine que ça, ça pourrait être un frein
à l'intégration.
Mme Luz (Fernanda) : Ah,
définitivement. On a des amis que.. Il y a des gens qui désistent au milieu du
chemin ou bien...
Mme Luz (Fernanda) : ...sont
malheureux parce qu'ils ne peuvent pas mettre en contribution tout leur bagage,
par exemple. Ils doivent travailler. Il y avait des amis qui travaillent comme
préposés aux bénéficiaires, mais qui avaient des diplômes de médecine ou
physiothérapie ou... puis qui n'ont pas réussi à avoir d'autres connaissances,
qui travaillent jusqu'à aujourd'hui comme préposés aux bénéficiaires. Ça va,
mais ça porte un lot, hein? On est mieux quand on est capables d'être reconnus
dans notre plein potentiel, les compétences, etc.
M. Morin : Bien sûr. Alors,
je vous remercie, merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. Alors, on va terminer avec le
député de Saint-Henri-Sainte-Anne pour quatre minutes et huit,
10 secondes, si vous voulez prendre le temps qu'il reste.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous deux. Très intéressant. D'ailleurs,
je souligne votre... Mme Beaudin, votre lettre ouverte dans La Presse de cette
semaine, très intéressant, avec Maude Marquis-Bissonnette, là, j'invite tout le
monde à aller la lire, L'immigration : un leadership municipal. Je pense
que ça... Bon. Vous dit beaucoup de choses aujourd'hui dans votre présentation,
mais quand même, très intéressant.
J'aimerais ça vous parler d'autonomie
municipale, de vos compétences. Ça fait beaucoup la discussion ces temps-ci sur
un autre projet de loi déposé récemment sur l'affaire Stablex et Blainville.
J'aimerais ça qu'on parle justement avec l'article de la loi, là, qui parle de
financement à 16 et 17. J'aimerais ça vous entendre, à savoir si oui ou non,
vous, vous avez des préoccupations, peut-être que non, peut-être que oui, sur
l'application de la future politique nationale puis votre capacité de financer
des événements ou de ne pas être capables de les financer, dépendamment de
comment ça, ça s'orienterait sur le terrain pour vous. Est-ce que c'est une
considération que vous avez ou pas vraiment? Parce que vous n'en parlez pas
dans votre mémoire.
Mme Beaudin (Évelyne) : Bien,
je vous avouerai, tu sais, on en a parlé surtout dans le mémoire de l'UMQ parce
que l'UMQ représente une plus grande diversité. Tu sais, nous, on est là pour
Sherbrooke. Ils représentent plus de réalités municipales. C'est sûr que, tu
sais, tout comme le Québec, quand il reçoit de l'argent d'Ottawa, il veut
recevoir de l'argent sans conditions puis, si possible, sans contrepartie.
Donc, c'est sûr que nous, si vous nous donnez, là, l'option, on aime mieux
recevoir de l'argent sans conditions ni contrepartie. Mais on comprend que, tu
sais, vous avez la VG qui checke vos affaires puis que vous avez besoin d'avoir
confiance que, quand vous transmettez de l'argent, ce soit... ce soit utilisé
adéquatement pour remplir les objectifs pour lesquels l'argent a été donné. Ça
fait que moi, je vous dirais, ça fait... honnêtement, là, ça fait un petit peu
plus stresser les directeurs généraux que les maires, cette affaire-là, parce
que...
M. Cliche-Rivard : Ah! O.K.
Pourquoi? Oui.
Mme Beaudin (Évelyne) : ...parce
que ça dit que c'est l'autorité... l'autorité... la première... premier
fonctionnaire, tu sais.
M. Cliche-Rivard : Je
comprends.
Mme Beaudin (Évelyne) : En
tout cas, je n'ai pas le mot exact, là, mais ça dit ça. Ça fait que c'est plus
les D.G. qui vont être avec ça. Puis ce qui les... J'ai l'impression que ce qui
les agace, c'est la lourdeur administrative, c'est la reddition de comptes.
Parce que nous, vous nous dites comme : Aïe! On veut que vous en fassiez
plus pour aider les... tu sais, à l'accueil et à l'intégration des immigrants,
puis on fait juste faire : Yé! On est d'accord parce qu'on le fait déjà
puis on est prêts à en faire plus. Ça fait que moi, l'article... l'article en
question, pour Sherbrooke, on a voulu... Tu sais, c'est sûr que si on avait
rédigé un projet de loi de A à Z, est-ce qu'il aurait donné exactement ça? Je
ne suis pas certaine. Mais on a vraiment voulu cibler ce qui était le plus
important pour nous, c'est-à-dire la régionalisation puis la reconnaissance du
rôle des villes et MRC à l'intérieur d'un partenariat. Puis là, quand je dis
«villes et MRC», c'est parce que, bon, nous, on est une ville MRC, après ça, il
y a les MRC. Puis je pense que, pour éviter une certaine disparité ou encore
une trop grande lourdeur par rapport à des plus petites municipalités, la MRC,
c'est vraiment le bon niveau. C'est le niveau que vous cherchez, je pense, dans
cette démarche-là.
M. Cliche-Rivard : Puis,
vous, vous entrevoyez... puis vous l'avez dit, peut-être via votre D.G., votre
D.G. est peut-être un peu plus stressé, parce qu'il pourrait y avoir des
éléments où il se poserait... puis là, on ne l'a pas vue, la politique
nationale, je ne la connais pas, là, je ne peux pas l'inventer, mais le D.G.
pourrait penser qu'il y a peut-être des organismes, des événements, des fêtes
culturelles, que peut-être ne seraient pas admissibles à la politique. C'est-tu
ça, la réflexion ou...
Mme Beaudin (Évelyne) : Moi,
ce que je sens, c'est plutôt comme encore un autre rapport à remplir, tu sais.
Je sens que c'est...
M. Cliche-Rivard : O.K. C'est
administratif.
Mme Beaudin (Évelyne) : Puis
c'est peut-être comme : O.K.., ça va-tu être trop de détails, comment
qu'on va arriver à présenter ça, tu sais, avec eux. Parce que chaque ministère
avec lequel on travaille, c'est différent, hein? Ça fait qu'on travaille... on
travaille d'une certaine manière avec ce ministère-là, avec une autre manière
avec tel autre ministère. Donc, je dirais que c'est plutôt ça que je sens comme
inquiétude, puis après ça, une certaine appréhension par rapport à la
politique, parce qu'on ne le sait pas qu'est-ce qu'elle va être, cette
politique-là. Puis, bien, on espère pouvoir contribuer à cette magnifique
politique.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...merci beaucoup, mesdames, pour votre présence ici en
commission, c'est apprécié. Ce travail de démocratie est important.
Alors, sur ces bonnes paroles, je vais
ajourner les travaux jusqu'au mardi 18 mars 2025, à 9 h 45.
(Fin de la séance à 16 h 26)