Journal des débats de la Commission des relations avec les citoyens
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
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Le
mardi 18 mars 2025
-
Vol. 47 N° 65
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi sur l’intégration nationale
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures quarante-six minutes)
La Présidente (Mme Caron) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
des relations avec les citoyens ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet
de loi n° 84, Loi sur l'intégrité nationale. Mme la secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) est remplacée par M. Lemieux
(Saint-Jean); Mme Prass (D'Arcy-McGee) par M. Morin (Acadie); et
M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) par M. Cliche-Rivard
(Saint-Henri—Sainte-Anne).
La Présidente (Mme Caron) : Merci.
Alors, ce matin, nous entendrons les groupes suivants : le Mouvement
laïque québécois et Droits collectifs Québec. Alors, je vous souhaite la bienvenue,
aux représentants du Mouvement laïque québécois. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. Et je vais vous inviter à
présenter… à vous présenter et à commencer votre exposé. Je vous ferai signe
quand il vous restera deux minutes, une minute, et je vous demanderai de
conclure 15 secondes avant la fin, si ce n'est déjà fait. À vous la
parole.
M. Baril (Daniel) :Merci, madame. Mon nom est Daniel Baril. Je suis président
du Mouvement laïque québécois. Je suis accompagné de Mme Lise Boivin, Mme Fatima
Aboubakr et M. Éric Ouellet, qui sont tous sur le conseil d'administration du Mouvement
laïque.
Alors, M. le ministre, Mmes, MM. les
députés, merci de nous avoir accueillis et invités à cette commission
parlementaire. D'entrée de jeu, on va reconnaître que le Mouvement laïque québécois
accueille très favorablement le projet de loi n° 84 qui vise l'intégration
des nouveaux arrivants à la culture francophone, à la langue française, la
culture commune au Québec et ce qui inclut, dans le projet de loi, la laïcité.
On salue le choix du concept d'intégration plutôt que d'inclusion ou de
multiculturalisme.
Notre objet… en fait, oui, ça… Le projet
inclut la laïcité, mais notre objet, c'est essentiellement que la loi… que le projet
de loi n° 84 présente la laïcité comme un vecteur de cohésion sociale et
en fasse un vecteur d'intégration nationale au même titre que la langue
française. Pourquoi? Parce que la laïcité dans les sociétés pluralistes comme
la nôtre est nécessaire à la protection du droit à la liberté de conscience de
tous les citoyens, nécessaire à l'égalité des droits, nécessaire au fait que l'État
ne reconnaît que des citoyens, n'accorde aucun privilège à des citoyens en
fonction de leurs appartenances ou de leurs convictions religieuses. Mais on pense
que le fait uniquement de la seule acceptation de la langue française comme
langue commune, c'est insuffisant pour assurer l'intégration nationale. On a vu,
par exemple, les exemples, là, des écoles qui ont été sous enquête au nom… pour
des allégations de non-respect de la laïcité. Alors, c'étaient des écoles
francophones.
On pense que l'acceptation de la laïcité
est un… est nécessaire… enfin, est un meilleur signe d'intégration nationale,
ajoutée à la langue française. La laïcité, c'est un trait distinctif du Québec
en Amérique du Nord. Ça fait partie maintenant de notre identité nationale. Ça
fait partie de notre histoire récente avec la déconfessionnalisation du système
scolaire. Après ça, la laïcisation du système, l'adoption de la loi 21 sur
la laïcité de l'État. Cet élément-là doit être marqué d'emblée avec force dans
le projet de loi. C'est pourquoi on demande d'ajouter un considérant à la liste
qui est déjà là, donc : «Considérant que la laïcité est un élément
constitutif essentiel à l'intégration nationale.»
• (9 h 50) •
Je ne ferai pas le tour depuis les
endroits où on propose d'ajouter le mot «laïcité», mais il y a des endroits
importants que… sur lesquels je vais attirer votre attention, notamment…
M. Baril (Daniel) :...à l'article le neuf, l'article neuf, qui porte sur ce
que pourrait inclure une loi sur l'intégration nationale. Alors, on a là une
liste. Par exemple, ça inclut les valeurs démocratiques, l'accès aux œuvres
d'art, le drapeau, l'apprentissage du français. On est un peu étonnés de ne pas
voir dans cette liste la notion du respect de la laïcité. Alors, on pense,
c'est un amendement important, dans notre mémoire, s'il y avait un endroit où
il faut le mettre dans le projet de loi, c'est celui-là.
Et, par ailleurs, l'introduction de... en
fait, la première phrase de l'article neuf dit que «La politique peut notamment
traiter des sujets suivants». On pense qu'il devrait être obligatoire plutôt
qu'uniquement indicatif, prescriptif plutôt qu'indicatif, donc remplacer le
verbe «peut» par «doit».
Un autre endroit important où il faut
inclure la question religieuse, à l'article quatre, deuxième paragraphe, où on
traite du repli des personnes. Alors, l'article quatre qui nous dit que «Le
modèle d'intégration s'oppose à l'isolement et au repli des personnes dans des
groupes ethnoculturels particuliers.» Il n'y a pas que dans les groupes ethnoculturels
qu'il y a des replis sur soi, il y a aussi dans les groupes religieux. Les
groupes religieux, c'est «interethniques», c'est différent de simplement
«groupes ethnoculturels». Alors, il faut ajouter à ce moment-là «groupes
ethnoculturels et religieux particuliers».
Mme Fatima Aboubakr, ici, va en parler
plus longuement tout à l'heure, quand je lui laisserai la parole sur la
question de l'intégration, enfin, les replis dans les groupes religieux.
Un amendement majeur qu'on demande
d'apporter, au mémoire... c'est-à-dire dans notre mémoire, c'est de donner à la
Commission des droits de la personne le mandat d'enquêter sur les plaintes
relatives au non-respect de la laïcité, ce qui découle logiquement d'une série
de mesures qui sont déjà dans le projet de loi.
Par exemple, on dit, l'article six, alinéa
cinq, «L'État du Québec doit prendre des mesures pour promouvoir, défendre et
faire respecter la laïcité de l'État.» On dit aussi que «l'article 21
donne à la Commission des droits de la personne... amende la... amende la
Charte de manière compatible avec le modèle québécois d'intégration qui, lui,
comme on vient de le dire, inclut la promotion et la défense et le respect de
la laïcité.» Mais il n'y a aucun endroit où... Il y a... Il n'y a pas de mécanisme
conséquent à ces dispositions-là.
La loi 21 a même amendé la Charte
pour faire en sorte que l'interprétation des droits et libertés doive se faire
en fonction du principe de laïcité, mais la commission n'a pas de mandat pour
enquêter sur le non-respect de la laïcité.
C'est pour ça qu'on demande d'ajouter à
l'article 21 du projet de loi un nouveau paragraphe qui amende
l'article 71 de la charte pour amener la commission à enquêter sur les
situations contrevenant à l'article quatre de la loi 21, lequel article le
garantit... accorde le droit aux citoyens à des services publics laïques.
Finalement, rapidement, on attire votre
attention sur le cinquième considérant, tel que formulé dans le projet de loi,
qui dit que... En fait, c'est sur la question des droits linguistiques. Le
cinquième considérant dit que «La loi s'applique dans le respect des
institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise.» On pense
qu'ici la formulation est trop large et trop vague. «Institutions», c'est
beaucoup plus que les droits linguistiques accordés à des personnes et non pas
à des institutions dans la... par la Constitution canadienne. Donc, modifier
cet amendement-là parce qu'il pourrait être perçu comme étant un élargissement
de ce qu'on reconnaît comme droits linguistiques qui vont au-delà de ce que dit
les lois... de ce que disent les lois constitutionnelles de 1867 et 1982.
C'est... C'est l'essentiel de nos
principales recommandations. Je passe la parole à ma collègue Mme Aboubakr, qui
va parler du problème du repli et de l'entrisme religieux dans les relations
publiques.
Mme Aboubakr (Fatima) : Bonjour,
Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour à tout le monde. Merci de
m'avoir accueillie ici et de m'avoir... de m'avoir même accueillie au Québec,
en 2005, venant du Maroc.
Donc, je continue ce que mon ami Daniel a
commencé. Et pour parler du repli sur soi, j'aimerais bien vous faire
connaître, peut-être, une perspective que vous ne connaissez pas. Et j'en doute
que vous la connaissiez, parce que vous recevez les immigrants, vous les
accueillez ici, mais vous ne les voyez jamais en partant de leur pays, comment
ils prennent la décision de venir ici. Juste pour vous dire, pour parler, par
exemple... pour ne pas parler de tous les pays, là, je vais parler au moins de
mon expérience et des expériences semblables...
Mme Aboubakr (Fatima) :
...les gens qui viennent au Québec, ils
ont envie de venir au Québec. C'est un rêve pour eux et ils peuvent payer tout
ce qu'il y a de plus cher pour eux pour arriver ici. Mais une fois ici,
accueillis par des amis ou des familles de la même culture, aller prier dans la
mosquée du coin, être juste dans la communauté, avoir des accommodements au
travail, avoir des accommodements dans les écoles, ça n'aide pas à une
intégration, plus... ça va amener les gens à un repli sur soi. C'est parce que
c'est une zone de confort et c'est toujours plus facile de vivre dans une zone
de confort que d'aller chercher et découvrir le pays qu'on a choisi.
Donc, moi, je trouve que les
accommodements religieux sont vraiment un handicap à l'intégration, et toutes
les institutions publiques doivent appliquer avec rigueur la laïcité parce que
c'est le seul carrefour où on va se rencontrer. Le Québec a choisi quand même
d'accueillir des immigrants de toutes les origines, de toutes les religions, et
puis, pour qu'on puisse être capable de se respecter les uns les autres,
respecter nos croyances, nos non-croyances, c'est la... il n'y a pas mieux ou
il n'y a même pas un autre modèle que la laïcité pour nous contenir tous
ensemble.
Il faut faire aussi attention aux pièges
de la langue française, parce que, les dernières années, le gouvernement a
choisi d'aller chercher ses immigrants de... par exemple, en Afrique du Nord.
Oui, ça parle français, mais c'est juste que les sociétés là-bas... dans les
sociétés là-bas, il y a une montée extrémiste très, très, très...
La Présidente (Mme Caron) : En
conclusion.
Mme Aboubakr (Fatima) : Et,
est-ce que je peux ajouter un mot?
La Présidente (Mme Caron) : Oui,
il vous reste sept secondes.
Mme Aboubakr (Fatima) : Il y a
une montée extrémiste très, très forte et la société est tellement
indissociable à la religion. Un médecin peut te faire un traitement en parlant
de religion. Un psychologue peut t'aider en parlant de religion. Un
universitaire, ça parle de religion. La religion est tellement indissociable de
la vie, et donc...
La Présidente (Mme Caron) : Merci.
Mme Aboubakr (Fatima) : Merci
de m'avoir écouté.
La Présidente (Mme Caron) : Alors,
M. le ministre, vous disposez de 16 min 30 s pour vos échanges.
M. Roberge : Merci. Je vais
juste vous laisser compléter, là, vous vous êtes fait couper au milieu de la
phrase. Allez-y.
Mme Aboubakr (Fatima) : Oui.
Merci de votre générosité. Oui, je voulais dire que la religion est tellement
indissociable maintenant dans les sociétés là-bas, et, je vous dis, il y a une
montée. Même là-bas, la société civile, elle combat fort l'islamisme radical,
mais ça monte, ça monte. Juste... Ça fait deux trois semaines, au Maroc, ils
ont démantelé deux réseaux terroristes, vraiment, avec des vingtaines de
personnes qui étaient dedans.
Donc, quand on va chercher des gens qui
parlent français, il faut préparer ces gens à ce que le Québec, c'est une
société laïque où les hommes et les femmes sont égaux, où il y a une neutralité
religieuse, où il y a une liberté de conscience, où on est des citoyens
québécois et pas des musulmans, juifs, ou... ça, il faut vraiment... L'intégration,
à mon avis, doit commencer par là, parce que c'est très, très important.
M. Roberge : Merci beaucoup.
Je suis content que vous ayez eu l'occasion de compléter, c'est très
pertinent...
Mme Aboubakr (Fatima) : Merci
beaucoup.
M. Roberge : ...surtout la
fin de votre... D'abord, merci au groupe, Mouvement laïque, à vous quatre,
merci d'être présents et participer au débat public. Il y a, dans ce que vous
venez de dire, à la fin de votre intervention, Mme Aboubakr, vous parliez
des valeurs d'une certaine manière. J'ai lu les mémoires, les interventions des
différentes personnes qui vont venir nous présenter, toute la journée, des
points de vue de tous ordres. Il y en a qui nous disent qu'on ne peut pas
inscrire dans une loi des références à des concepts ou à des valeurs, il ne
faudrait avoir que des termes juridiques. Je suis en désaccord avec ces
personnes, mais je ne prétends pas avoir toutes les réponses puis jamais,
jamais me tromper. C'est pour ça que vous êtes là. Est-ce une bonne idée de
parler de la laïcité comme étant une valeur? Est-ce une bonne idée de parler de
l'égalité hommes-femmes comme étant une valeur et de l'inscrire dans un texte
de loi, d'après vous?
Mme Aboubakr (Fatima) : D'après
moi? D'après moi, il faut écrire la laïcité comme valeur en donnant la
définition de c'est quoi, la laïcité? Égalité homme-femme, neutralité de
l'État, neutralité de... comment on dit, séparation du religieux et de l'État,
liberté de conscience. Oui, à mon avis, il faut bel et bien inscrire la laïcité
comme valeur fondamentale de la société québécoise en la définissant
clairement.
• (10 heures) •
M. Baril (Daniel) :Moi, je préciserais. En fait, la laïcité, c'est...
10 h (version non révisée)
M. Baril (Daniel) :...surtout un mode de gestion de rapports entre l'État et
les religions, un mode de gestion plus qu'une valeur. Bien, on dit : C'est
une valeur. C'est un concept auquel on adhère. Il faudra être assez précis
là-dessus. Moi, à mes yeux en tout cas, ce n'est pas nécessairement une valeur
en soi. La liberté de conscience, la liberté tout court, l'égalité des sexes,
ce sont des valeurs. La laïcité, c'est une façon de gérer les rapports entre l'État
et les citoyens, là.
M. Roberge : Et ça fait
maintenant partie de notre corpus juridique. Puis on le définit bien,
exactement de la manière dont vous m'avez dit, là, la laïcité de l'État, la
séparation des religions et de l'État, la neutralité religieuse, la liberté de
religion, la liberté de conscience, l'égalité entre tous les Québécois. On est
pas mal dans des... Et tout ça est défini dans notre Loi sur la laïcité, donc,
mais ça fait partie, je pense, de ce qu'on appelle la culture commune. «Culture
commune» peut inclure, oui, la culture dans le sens arts et lettres, mais c'est
beaucoup plus large que ça, là. On parle justement des outils puis des règles
du vivre-ensemble et de nos institutions.
Vous avez parlé tout à l'heure, vous avez
dit : S'il y avait un endroit où il faut mentionner la laïcité, c'est allé
un peu vite, j'essayais de noter à mesure, avez-vous parlé de l'article huit ou
neuf? Vous avez proposé plusieurs éléments, mais j'ai senti qu'il y en avait un
qui était plus fondamental, puis je voudrais le noter.
M. Baril (Daniel) :Oui. J'ai parlé principalement de l'article 9.
M. Roberge : 9.
M. Baril (Daniel) :Qui énumère ce que peut inclure la politique d'intégration
nationale.
M. Roberge : O.K. Oui, oui,
on est dans les fondements, ici, là.
M. Baril (Daniel) :Eh bien, je pense, non seulement elle doit, là, inclure les
éléments qui... de cette liste d'éléments là, mais il faut y ajouter le respect
de la laïcité. Parce qu'on pense qu'il faut que la laïcité devrait être, au nom
de la cohésion sociale, un vecteur d'intégration nationale aussi fort que la
langue française. Il faut adhérer à ce modèle-là. Et c'est la loi, la politique
à venir, bien, il faut... il faut... il faut le mentionner dans cette
politique-là, là, sinon... On ne comprend pas d'ailleurs pourquoi ce n'est pas
là parce que c'était dans d'autres articles ailleurs.
M. Roberge : O.K. Merci. Vous
avez mentionné tantôt... On est dans les nuances, hein, puis j'adore ça. Parce
qu'on ne part pas de rien, on a un projet de loi qui est quand même bien
construit, mais on est là pour l'améliorer, le comprendre, s'assurer qu'on met
les bons mots aux bons endroits, on renforce un petit peu certains éléments.
Vous avez mentionné, vous êtes contents qu'on parle d'intégration, plutôt d'inclusion.
Pour certains vont dire : C'est la même affaire, mais moi, je pense qu'il
y a des distinctions. Pouvez-vous nous élaborer sur ce concept-là, sur les
nuances entre «intégration» et «inclusion» et pourquoi vous êtes plus favorable
à «intégration» qu'à «inclusion»?
M. Baril (Daniel) :Bien, «inclusion», en fait, ça peut être un amalgame de
différents noyaux, là, ethnoculturels et qui ne sont pas intégrés les uns aux
autres, qui ne sont pas intégrés à une culture commune. Il faut... Ce qui
manque au concept d'inclusion, c'est le partage de valeurs et de... oui, de
valeurs communes, de mécanismes qui permettent la vie sociale en commun, de...
permettent de communiquer. La langue... La langue, c'en est un. La seule
inclusion, c'est un concept qui se rapproche, qui se rattache plus au
multiculturalisme, là.
M. Roberge : Et on est avec
un modèle qui porte son propre nom, l'intégration nationale, donc le terme
«intégration» n'est pas... n'est pas ici utilisé par hasard. Mais je voulais
voir dans quelle mesure on le comprenait de la même manière. On considère du
côté du gouvernement, quand on a choisi de rédiger le projet de loi de cette
manière-là, que l'interculturalisme ou le modèle interculturel était un outil
extrêmement intéressant pour amener à l'intégration, mais que ce n'était pas
une fin en soi. L'interculturalisme, c'est de mettre les gens en relation les
uns avec les autres. Si on le fait suffisamment, on va arriver à l'intégration.
D'autres auraient souhaité qu'on utilise le terme «convergence», qui n'est pas
mauvais non plus, c'est-à-dire qu'on s'en va tous dans une même direction. On a
choisi d'avoir un modèle, de nommer... plutôt que de nommer le procédé, bien,
de nommer la fin en soi, qui est l'intégration nationale.
Certains ont dit, à la lumière...
peut-être parce qu'il y avait une posture différente, mais en lisant le projet
de loi, que c'était un projet de loi assimilationniste. Ce n'était pas notre
intention. On veut une intégration, puis on ne s'en gêne pas, mais
«assimilation» était un terme trop fort. Est-ce que vous avez une réflexion à
cet égard-là par rapport au projet...
M. Roberge : …projet de loi.
Mme Boivin (Lise) : Bien, je
pense qu'il ne faut jamais assimiler les gens, parce que l'assimilation, ça ne
peut être que négatif. On ne peut pas demander à quelqu'un d'effacer
complètement sa culture de départ d'origine, ça fait partie de marqueurs
identitaires, mais on peut lui demander d'acquérir une autre culture. Et donc
en utilisant le terme «intégration», je pense que ça vise davantage ça, c'est
par l'interculturalisme, effectivement, il y a une interpénétration des
différentes cultures, mais au final, l'objectif c'est que la personne, elle
intègre les principaux… les principales valeurs québécoises, parce que c'est
ça… de ça qu'il s'agit.
Et, quand on parle d'intégration, on ne
demande pas à… Puis on peut prendre l'exemple que le Québec a fait… que le
Canada a fait des autochtones, il y a plusieurs, plusieurs années, où on leur
demandait de s'assimiler en enlevant leur langue, leur culture. On ne demande
pas ça. On demande que la langue principale soit le français qu'ils travaillent
en français, qu'ils envoient leurs enfants à l'école francophone, mais on ne
demande pas de faire disparaître leurs marqueurs antérieurs. Donc, je pense que
l'intégration, c'est un terme beaucoup plus juste pour arriver à ce qu'on veut.
Est-ce que les gens acquièrent vraiment une autre culture qui est la nôtre
s'ils s'en viennent ici, s'ils décident de faire le choix de venir ici? Mais je
pense que c'est un vecteur de cohésion sociale très important. Et c'est par ce
biais-là qu'on va voir une société avec une certaine paix sociale, là.
M. Baril (Daniel) :
Mais je voudrais peut-être que… vous parliez d'inclusion
tout à l'heure et d'intégration. Dans la notion d'inclusion, il n'y a pas
d'asymétrie dans l'effort d'une personne immigrante pour s'intégrer.
Comprenez-vous? C'est-à-dire qu'on le prend tel qu'il est, bien, avec ce qui
est positif, puis souvent… ce qui souvent peut-être très négatif à la culture
québécoise. Maintenant, dans l'intégration, il y a… je pense, vous me
corrigerez si je me trompe, mais il y a une notion d'asymétrie, c'est-à-dire
qu'on demande à l'immigrant qui vient ici de faire un effort supplémentaire,
c'est, je pense, la distinction entre l'inclusion et l'intégration ou la
convergence.
M. Roberge : Merci. Merci
pour ces précisions. Je veux juste terminer, puis je vais passer la parole à
mon collègue, mais merci, c'est très intéressant. Puis on a choisi intégration
nationale, puis on veut que les gens adhèrent, mais contribuent. Et là il y a
le… c'est là où il y a la main tendue vers cette personne qui arrive. On sait
très bien qu'elle arrive avec un bagage qui est culturel, qui était
intellectuel et on n'est pas fermé à cette personne-là. On s'attend à ce
qu'elle enrichisse le Québec avec sa contribution. Et, sur ce, je vais
m'arrêter pour permettre à des collègues de continuer ce bel échange. Merci.
La Présidente (Mme Caron) : Parfait.
Alors, il reste 6 min 5 s. Mme la députée d'Iberville.
Mme Bogemans : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Moi, je voulais vous entendre davantage, Mme
Fatima. Vous avez ouvert une porte. Quel message vous lanceriez, justement, aux
différents groupes culturels qui peuvent être bienveillants, comme vous dites,
apporter un certain réconfort aux nouveaux arrivants, qui peuvent… mais qui
peuvent aussi freiner la pleine intégration. On peut penser que ces groupes-là
peuvent avoir certaines craintes par rapport au projet de loi qu'il y a sur la
table. Quel message leur lanceriez-vous?
Mme Aboubakr (Fatima) : Bien,
le message principal, c'est à partir de mon expérience et des gens autour de
moi que je vois tous les jours. C'est que les gens, ils arrivent mal informés
ou carrément désinformés. Il y a de la désinformation. Par exemple, à propos de
la notion de la laïcité. Et les gens, ils ont… ils croient, la plupart d'entre
eux, que la laïcité, ça va les empêcher de pratiquer leur religion, alors que
ce n'est pas ça, c'est… Donc, les gens ont besoin de bien comprendre c'est
quoi, les valeurs du Québec, c'est quoi, la laïcité. On ne va pas vous empêcher
de pratiquer vos religions ou vos croyances. Mais voilà, dans les institutions
publiques, c'est des institutions laïques. Les valeurs québécoises, c'est
l'égalité entre les hommes et les femmes.
• (10 h 10) •
Il y a beaucoup de désinformation, même au
niveau des immigrants qui arrivent et qui ont un niveau intellectuel, il y a
beaucoup d'informations fausses qui circulent. Si on peut corriger ces
informations, d'une façon ou d'une autre, peut-être le... moi, quand je suis
arrivée, je suis allée… On m'a invité à aller dans la mosquée d'à côté, et je
n'ai jamais pris ce chemin. Je suis allé au centre... il y avait un centre
communautaire dans mon quartier où on faisait des activités pour les enfants,
et j'avais mes deux enfants qui étaient tout petits, ça fait que j'allais là-bas
et c'est là-bas que j'ai découvert, moi, les Québécois. Vraiment, c'est là où
j'ai fait connaissance avec beaucoup de monde. C'est… Il y avait plein
d'activités. Donc, le repli, c'est plus facile. Aller vers une mosquée, c'est
très réconfortant de trouver des gens qui parlent la même langue, la même
religion, on a les mêmes… Mais ce repli, un certain moment, ça devient un
sentiment de groupe, ça devient un sentiment nourri de peur envers l'autre. Ah!
eux, les Québécois. D'ailleurs, il y a des communautés en Europe qui disent un
mot très, très bizarre, là, qui fait rire, ils disent…
Mme Aboubakr (Fatima) : ...les
étrangers pour parler de Québécois, alors que c'est... oui, pour parler de
Québécois, ils disent en arabe : Les étrangers, alors que moi, je le
souligne toujours : Écoute, là, si on parle d'étrangers, ça doit être
nous, là, ce n'est pas les Québécois. Juste pour vous dire que le repli, ça
n'aide pas, ni pour une contribution à la société qui nous a accueillis, ni
pour adhérer à la société, ni même pour une paix d'esprit. Et même les enfants
qui vont naître dans ces familles, ils vivent une double vie. À la maison, il y
a une vie. Avec les amis, il y a une autre vie. À l'école, il y a une autre
vie.
Toutes ces expériences, moi, je les ai
vues avec les amis de mes enfants quand ils étaient petits, des enfants qui ne
font pas le ramadan, mais qui disent à leurs parents qu'ils le font. Déjà, on
est en train d'apprendre à des petits enfants de mentir, des enfants qui... des
filles qui aiment la musique à l'école, mais qui disent à ses parents
que : Non, non, je n'assiste pas au cours de musique parce que c'est
interdit. C'est... Qu'est-ce qu'on prépare comme génération? Moi,
personnellement je suis pour l'immigration et j'encourage les gens au Maroc, je
leur dis : Venez, le Québec, c'est magnifique, vous pouvez réaliser vos
rêves, il y a une égalité de chances et tout, mais c'est juste nuisible quand
on donne tout ce confort et tous ces accommodements, on est vraiment en train
de nuire à ces personnes-là, on n'est pas en train de leur donner les outils
pour vivre et pour contribuer dans la société et l'enrichir.
Mme Bogemans : Mais au niveau
des fausses informations qui circulent, on vous dit : Est-ce que ces
informations-là sont communiquées par ces groupes-là ou est-ce que ce n'est pas
assez clair, la manière que le gouvernement communique avec les nouveaux
arrivants?
Mme Aboubakr (Fatima) : Bien,
les informations... parce qu'une personne qui arrive, déjà... Je vais donner
des exemples concrets. Ça peut paraître un petit peu plate, là, mais quand ça
vient de la vie, c'est toujours intéressant. On va dire... même pas, c'est
l'égalité hommes-femmes. On va dire aux hommes : Faites attention, les
femmes au Québec sont respectées beaucoup plus que les hommes, et si tu as un
problème avec ta femme, la justice va privilégier ta femme, ce qui est faux.
Donc, ça, c'est une sorte de... un type d'exemple, d'information.
Mme Bogemans : ...qui
porterait ce genre de discours là?
Mme Aboubakr (Fatima) : C'est
parce que, l'immigrant, quand il arrive, il est accueilli dans sa communauté,
c'est sa zone de confort, mais c'est dans sa communauté qu'il va prendre ces
informations-là.
Mme Bogemans : D'accord.
Mme Aboubakr (Fatima) : Ou
bien, c'est même à partir du pays où il part : Fais attention, tu vas au
Québec, oui, tu vas te trouver un emploi, mais fais attention, là-bas,
attention, c'est les femmes qui mènent. Les enfants, ils vont te les arracher à
la DPJ. Si tu parles à ton fils, la DPJ va venir le chercher. C'est vraiment
des exemples apeurants. Et puis, une fois ici, bien, les gens, ils doivent
avoir accès à de la bonne information. Et ça, c'est... je crois que c'est le
rôle du gouvernement de trouver les moyens de donner à ces gens-là les bonnes
sources, où ils vont trouver les bonnes informations pour éviter qu'il y ait ce
repli.
Mme Bogemans : Oui. Puis ma
prochaine question était vraiment en lien... Vous disiez que vous aviez eu une
invitation, bon, d'un groupe religieux, puis vous avez trouvé l'information sur
un centre communautaire local. Trouvez-vous que l'information était aussi
facilement d'accès pour une nouvelle arrivante que pour... dans un cas comme
dans l'autre?
La Présidente (Mme Caron) : En
20 secondes, s'il vous plaît.
Mme Aboubakr (Fatima) : C'est
difficile. Bien, au niveau de la mosquée, on va tout de suite t'inviter à des
activités religieuses — c'est donc pour respecter mes
20 secondes — alors que, dans un groupe communautaire, on va
t'inviter à des activités. Si tu as des enfants, à des activités d'enfants, à
des célébrations, à connaître, c'est quoi, par exemple, la cabane à sucre...
La Présidente (Mme Caron) : Merci,
madame. Alors, c'est maintenant à l'opposition officielle. Alors, député de
l'Acadie, vous avez 16 min 30 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, M. Baril, Mme Boivin, Mme Aboubakr, si ma
prononciation est...
Mme Aboubakr (Fatima) : Très
bien.
M. Morin : Parfait, on
continue comme ça, et Me Ouellet, bonjour. Merci. Merci d'être avec nous
aujourd'hui. Merci pour votre mémoire.
D'emblée, je débuterai avec
Mme Boivin, parce que, dans l'échange avec la partie gouvernementale, vous
étiez sur une lancée. Vous avez commencé à nous expliquer quelque chose, puis
là, vous avez manqué de temps. Ça fait que moi, je voudrais vous permettre, au
moins, de terminer pour qu'on puisse bien comprendre ce que vous étiez en train
de nous expliquer.
Mme Boivin (Lise) : Merci.
Bien, en fait, ce que je prétends, c'est que l'intégration, ça existe... ça
exige un minimum d'adaptation de la personne qui arrive pour acquérir nos
valeurs, certains concepts de la société québécoise, alors que l'inclusion
n'exige rien. Et je vais prendre un exemple avec la langue française. Il n'y a
pas si longtemps, on disait que le masculin...
Mme Boivin (Lise) : ...l'emportait
sur le féminin, dans la langue française, que ça incluait les femmes aussi
quand on écrivait la langue française. On a tendance à ne plus faire ça
heureusement. Mais l'intégration et l'inclusion, c'est la même affaire. C'est
que l'inclusion, ça veut dire qu'on prend la personne telle qu'elle est, on ne
lui demande rien, on la met dans notre groupe, puis on considère que c'est
tout, c'est terminé, alors que l'intégration, ça demande un effort de s'adapter
à certaines circonstances, certaines valeurs qui n'étaient pas présentes dans
sa vie antérieurement, dans son pays antérieurement possiblement.
M. Morin : Merci, merci
beaucoup. M. Baril, j'ai une question pour vous. Vous suggérez, dans votre
mémoire, qu'il y ait un considérant d'ajouté afin de spécifier plus
particulièrement toute la question de la laïcité. Dans le premier considérant
du projet de loi, quand on parle de la culture et quand on définit certaines
caractéristiques, la laïcité de l'État et clairement mentionnée. Est-ce que...
En fait, j'ai juste peur que ce soit un peu redondant. C'est que c'est déjà là.
Qu'est-ce qui fait, dans le premier considérant, qui apporte chez vous un
questionnement qui ferait en sorte que ça ne soit pas... ça ne serait pas assez
clair?
M. Baril (Daniel) :Oui. Juste un instant, que je trouve la façon dont on veut
le formuler, ce nouveau considérant et où est la... où est la différence, là.
En fait, ici, c'est la notion de cohésion sociale qu'on veut accoler à la
laïcité, qui n'est pas nécessairement, là, dire que, bon, c'est un élément qui
est là. Et attendez, aidez-moi, là, où est ce qu'on a apporté le nouveau ou si
on veut...
M. Morin : C'est parce que
dans votre mémoire, vous en parlez à la page 4. Là, vous parlez de
cohésion sociale. Mais... mais vous parlez... vous en parlez aussi à la
page 3.
M. Baril (Daniel) :Oui...
M. Morin : Et c'est là que
vous... c'est là que vous parlez d'un... d'un autre considérant.
M. Baril (Daniel) :Mais, attendez, le seul... Ce n'est pas là, ce n'est pas
là, ce n'est pas là.
Mme Boivin (Lise) : À
l'article 3, on parle des notes explicatives.
M. Morin : OK
M. Baril (Daniel) :C'est dans les notes explicatives, ça.
M. Morin : OK Puis le
considérant vient après.
Mme Boivin (Lise) : Et au
deuxième considérant, on veut aussi ajouter «laïcité».
M. Morin : OK.
Mme Boivin (Lise) : Parce
qu'on... quand on dit que «le Québec forme une société distincte par sa langue,
sa culture et ses institutions», on croit que, la laïcité, c'est aussi un
élément de la culture distincte, qu'il faut qu'il soit présent à cet endroit-là
aussi, dans le considérant.
M. Morin : OK, c'est bon, il
y a, il y a des groupes avant vous qui... qui nous ont justement parlé que,
pour atteindre une cohésion sociale, puis c'est intéressant parce que dans
votre mémoire, vous utilisez le même vocabulaire, une cohésion sociale qui
suggérerait que le titre ne soit pas sur l'intégration nationale, mais sur le
vivre ensemble pour qu'on envoie un message clair à l'effet qu'on veut
effectivement atteindre une cohésion sociale. Avez-vous eu la possibilité de
réfléchir à ça? Est-ce que ce serait quelque chose qui pourrait aider à mieux
faire comprendre l'intention du législateur?
M. Baril (Daniel) :Pas nécessairement, là. En tout cas, à mes yeux, le
vivre-ensemble, c'est très vague, c'est très large, c'est... c'est un peu de la
tarte aux pommes, là, tu sais. L'intégration, c'est plutôt... comme on l'a dit,
là, à quelques reprises, c'est plus précis, on sait plus dès qu'on parle.
L'intégration, c'est aussi du vivre-ensemble, là, tu sais. Le vivre-ensemble
est beaucoup trop vaporeux.
Mme Aboubakr (Fatima) : Est-ce
que je peux rajouter un élément de support?
Mme Boivin (Lise) : Oui.
Mme Aboubakr (Fatima) : À mon
avis, le vivre-ensemble, c'est... c'est vivre ensemble, mais en parallèle. On
peut vivre ensemble dans la paix, mais on vit en parallèle. Ça ressemble plus
au multiculturalisme. Mais l'intégration, c'est qu'on vit vraiment ensemble, on
se partage nos cultures, mais avec un fondement commun qui est la culture
commune québécoise. Le vivre-ensemble, c'est plus facile parce qu'à mon avis,
comment je le perçois, ça ne prend pas d'effort, là. Je vis ensemble à côté de
mon voisin. Lui il est juif, moi je suis musulmane, mais on ne se connaît pas,
on ne se partage rien. Mais l'intégration, on va vivre chacun sa culture. Mais
ensemble on va célébrer Noël ensemble, on va faire l'Halloween avec nos enfants
ensemble, on va... on va respecter la laïcité, ensemble, on va respecter les
les valeurs du Québec. Pour moi, l'intégration sera beaucoup mieux, une vie
sociale, vraiment une cohésion sociale que le vivre-ensemble.
M. Morin : Parfait! Je vous
remercie.
Mme Aboubakr (Fatima) : Merci.
• (10 h 20) •
M. Morin : J'ai... je vous ai
écoutée très attentivement, Mme Aboubakr...
M. Morin : ...sur votre... sur
votre parcours. Et c'est très intéressant parce que vous pouvez en témoigner.
Et, je pense... je ne prête pas d'intention à M. le ministre, mais je pense
qu'avec son projet de loi, il essaie de trouver un moyen pour que les gens qui
arrivent ici vivent dans la société québécoise avec ces valeurs. Mais
comment... comment, pratico-pratique, là, parce qu'il y a des principes dans le
projet de loi, là, c'est... c'est bien, là, mais à un moment donné, avec la
majorité du gouvernement, on peut penser que ça va devenir une loi. Puis, à un
moment donné, il va y avoir une application concrète. Moi, ce qui m'intéresse,
c'est le concret sur le terrain. Cette loi-là, comment ça aiderait, justement?
Comment, vous, ça vous aurait aidés dans votre parcours? Puis, c'est quoi, les
embûches que vous avez rencontrées?
Puis, quand vous avez décidé de choisir le
Québec, au fond, tu sais, parce que vous avez parlé d'information, c'est quoi,
l'information que vous avez recueillie? Comment on vous a présenté ça pour que
vous puissiez faire un choix? Puis comment vous avez été capable de départager,
puis d'arriver ici, puis enfin éventuellement de vous intégrer dans la société
québécoise?
Mme Aboubakr (Fatima) : Je
peux dire que, peut-être, mon cas, c'est un petit peu spécial. Parce que moi,
quand j'ai décidé de venir au Québec, c'était déjà pour les valeurs du Québec.
Je ne suis pas venue au Québec juste pour trouver un emploi et vivre. J'avais
un emploi, mais je refusais beaucoup de choses dans ma société. J'étais pas mal
rebelle depuis... Il y a des choses que je n'acceptais pas. Et je savais qu'au
Québec... J'étais beaucoup branchée sur les télés, les télévisions françaises,
à partir du Maroc, donc j'écoutais beaucoup la télé française. Et j'ai eu
l'occasion... il n'y avait pas Internet, à ce point, il y avait le début
d'Internet, je faisais quelques recherches. Mais, moi, j'étais vraiment
fascinée par les valeurs québécoises. C'est ça, ce que je voulais. J'ai dit :
Si, un jour, je vais élever mes enfants, je veux qu'ils vivent dans cette
société et qu'ils soient capables... et là, je suis un peu obsédée par ça, de
respecter les femmes. C'était pour moi quelque chose de très important. Donc,
l'éducation de mes garçons au Québec, c'était pour moi une priorité. C'est pour
ça que d'ailleurs, moi, quand je suis arrivée, quand je vois des gens qui vont
vers le privé, les gens de ma communauté qui arrivent et qui vont choisir
l'école privée, toujours, je me posais la question : Mais on est venus ici
pour l'éducation publique, comment ça se fait qu'on peut aller chercher l'école
privée? Donc, c'était ça, mon cas.
Maintenant, la majorité des gens, ils
viennent parce que c'est difficile. Bien, sans parler d'autres pays où il y a
la guerre, où il y a des cas extrêmes, je parle juste des pays d'immigration
comme l'Afrique du Nord, c'est difficile. C'est difficile de vivre en dignité,
c'est difficile de trouver un emploi, c'est difficile d'élever ses enfants.
C'est... Il y a beaucoup d'oppression. Les gens vivent beaucoup sous
l'oppression sociale, religieuse, et tout. Et, un certain... s'il y a beaucoup
de corruption, à certains moments, les gens, ils veulent juste une autre
qualité de vie, avoir un emploi pour faire vivre leurs enfants et les élever
dans la paix. Mais n'ils n'adhèrent pas forcément aux valeurs québécoises. Ils
arrivent en faisant attention aux valeurs québécoises. Ils arrivent : Oui,
je vais trouver un travail, mais je vais faire attention, mes enfants, ils ne
doivent pas avoir d'amis québécois, il faut que je sois dans la communauté, et,
quand j'arrive là-bas, il faut que je fasse attention, il ne faut pas faire...
il faut que ma femme travaille dans une garderie où il y a que des femmes
voilées. C'est... C'est comme ça que ça arrive. Les gens, ils arrivent déjà
fermés, parce qu'il y a une montée, comme j'ai dit, de l'islamisme là-bas et
puis il y a la peur, il y a la mauvaise information.
Et il y a beaucoup de cas qui viennent ici
et puis qui sont retournés parce qu'ils n'ont pas été capables d'adhérer à la
société et qui sont retournés là-bas et qui racontent sur les réseaux sociaux
leur mauvaise expérience. Ce qui fait, ça augmente la peur des gens.
Maintenant, les réseaux sociaux, ça fait... et c'est le moyen le plus facile
pour communiquer. Donc, il y a maintenant beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde
qui sont sur les réseaux pour faire peur : Attention! Vos enfants, ils
vont les... la DPJ va les prendre, attention, vos femmes, elles vont faire ceci.
Ça fait que, les gens, ils arrivent ici à un certain moment, ils sont
désespérés là-bas, ils cherchent une porte pour sortir, mais ils arrivent avec
une peur. C'est ça qui est difficile. Donc, moi, j'ai... à mon avis, il faut
qu'à l'arrivée, à l'arrivée déjà, donner de la bonne information au monde.
M. Morin : Deux... Des
éléments. Vous avez... Et vous l'avez mentionné à plusieurs reprises, puis je
vous remercie, parce que c'est... c'est un volet qui est... qui est absent du
projet de loi. Puis, dans les groupes qui ont précédé, moi, j'ai posé des
questions là à ce sujet-là. Il y a... Dans le projet de loi, il n'y a aucun
volet... il n'y a aucun volet économique. On parle des valeurs, mais on ne
parle pas d'emploi, on ne parle pas de moyens de trouver du travail ou de faire
en sorte...
M. Morin : …il pourrait y
avoir des mécanismes pour faciliter l'accès au travail. Quand quelqu'un arrive
ici, bien, évidemment, il doit apprendre le français, c'est fondamental. Mais,
à un moment donné, il faut qu'il travaille, c'est… Est-ce que vous pensez que
c'est un élément qui devrait être ajouté pour conscientiser les gens puis
évidemment, l'État? Parce que, dans des politiques antérieures
d'interculturalisme, je fais entre autres référence à celle de M. Bourassa,
mais il y a eu celle du gouvernement de M. Couillard, il y avait un volet
économique important dans leur politique, pas dans un projet de loi.
J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce
que c'est quelque chose qui manque? Est-ce qu'on devrait l'ajouter? Qu'est-ce
qu'on devrait faire? Parce que j'imagine que le milieu du travail… tu sais,
vous parlez beaucoup des gens qui arrivent dans leur communauté, mais ils ne
vont pas nécessairement trouver un travail dans leur communauté, donc ils vont
être en contact avec d'autres personnes, et ça pourrait aider à leur
intégration. Donc, est-ce qu'on devrait rajouter cet élément-là?
Mme Aboubakr (Fatima) : Moi,
à mon avis, ça n'aide pas à leur intégration parce que, même quand ils sortent
travailler, on les accommode trop, ça fait qu'on les laisse dans leur zone de
confort. Ces gens-là, il faut les pousser. C'est comme… c'est comme un enfant
qui doit faire… essayer des défis pour grandir. Donc, les laisser dans cette
zone de confort, ça n'aide pas du tout. C'est vraiment très nuisible.
Le volet économique, je ne sais pas, pour
le projet de loi, sérieusement, je n'ai pas de réponse pour ça. Mais
actuellement, avec… les gens, ils savent que c'est facile de trouver un emploi
au Québec. D'ailleurs, il y a des missions. Moi-même, j'ai participé à une
mission Québec Maroc pour aller recruter des gens et je vous dis juste une
mission, il y avait des centaines de milliers de CV, juste pour vous dire à
quel point les gens sont désespérés. Ils veulent quitter, mais est-ce qu'ils
veulent tous quitter pour les valeurs québécoises? Je ne crois pas, ils veulent
quitter parce que c'est difficile, tout simplement. Ils veulent chercher une
meilleure vie matérielle possible, donc, mais ici, ils trouvent de l'emploi
dans… tu sais, comme… Et puis ils amènent leurs valeurs dans ces emplois, dans
les lieux de travail, et c'est ça qui rend l'intégration difficile.
Dans les garderies, moi, je travaille dans
les garderies, je peux en juger. D'ailleurs, mon premier article, c'était à
propos des garderies. Maintenant, tu peux entrer dans des garderies où toutes
les femmes sont voilées, au point, je crois : Est-ce que c'est une
garderie à vocation islamique? Non, elle ne l'est pas, mais c'est juste… on
accommode trop les gens, il y a des salles de prières, il y a des… ça prie
devant les enfants, ça… et j'ai l'impression que c'est… que ça… quand même, ça
privilégie une communauté sur d'autres. Parce qu'il y a d'autres religions
aussi qui ne s'exposent pas trop. Donc, on est peut-être dans une… dans un
passage où il y a une qui s'expose un peu trop, et le fait de l'accommoder
trop, ça n'aide pas, ça complique juste l'existence.
M. Morin : Je vous remercie.
Dans le concret, dans le quotidien, parce qu'il y a des municipalités aussi qui
sont venues nous dire : Nous, les villes, on pourrait jouer un rôle
important parce qu'on est… vraiment de proximité avec les citoyens. Est-ce que
c'est quelque chose auquel vous avez réfléchi? Est-ce qu'on devrait faire
participer les villes davantage dans ce projet de loi là? Parce qu'ils ne sont
pas là du tout, là.
M. Baril (Daniel) :Tout à fait. Il y a un élément qu'on a… qu'on a mentionné
dans l'introduction de notre mémoire, c'est la mixité culturelle. C'est absent
du projet de loi et on pense que ça pourrait être une notion qui soit intégrée,
la mixité culturelle. On pense, par exemple, à la mixité scolaire. C'est
quelque chose qui pourrait faire en sorte qu'il n'y aurait pas de… appelons ça
des ghettos, où il y a essentiellement des gens qui sont issus de
l'immigration, et la culture majoritaire est celle des gens de l'immigration.
Donc, il n'y a pas de mixité. Les municipalités, je pense, réclament de
l'immigration, réclament des gens pour… pour, hein, travailler dans leur
merveilleuse région. On pense que ça pourrait être une autre avenue, donc
mixité scolaire, mixité régionale, c'est un facteur d'intégration qui nous
semble très intéressant.
M. Morin : Donc, si je vous…
si je vous entends bien… Parce que, dans le projet de loi, on parle aussi
éventuellement d'une politique qui devra être développée avec des orientations.
Donc, vous… corrigez-moi, si je fais erreur, mais vous voyez d'un bon œil que
les municipalités soient partie prenante, qu'elles soient incluses dans ce
processus finalement.
• (10 h 30) •
M. Baril (Daniel) :Tout à fait, tout à fait. Vous savez, l'immigration, c'est
à Montréal, hein, on ne se cachera pas, il y en a de plus en plus à Québec,
hein, c'est… ce qui est une bonne chose. Maintenant, en région, j'assume qu'en
proportion il y en a aussi, mais les régions ont besoin de se développer, hein,
les régions ont besoin de main-d'œuvre, tout comme les autres grands centres,
donc, et c'est un facteur d'intégration sociale extraordinaire, hein? On ne
peut pas s'imaginer que quelqu'un qui est issu de l'immigration, qui s'en va au
Lac-Saint-Jean, ne deviendra pas un…
10 h 30 (version non révisée)
M. Ouellet (Éric) : ...la
grande majorité des gens là-bas sont francophones, hein, 99 %. Donc, oui,
tout à fait d'accord avec ce que les municipalités réclament.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Caron) : Merci.
Alors, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. Nous allons
suspendre quelques minutes, le temps d'accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 30)
(Reprise à 10 h 36)
La Présidente (Mme Caron) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum. Je déclare la séance
de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.
Alors, nous accueillons maintenant le
groupe Droits collectifs Québec. Vous aurez 10 minutes pour faire votre...
faire votre présentation. Quand il restera deux minutes, je vous ferais signe
qu'il reste deux minutes. Ensuite, une minute. Et je vais vous demander de
conclure 15 secondes avant la fin. Alors, la parole est à vous.
M. Boucher (Etienne-Alexis) : Bien,
je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente. En fait, mon rôle sera très
succinct. Je me présente, Étienne-Alexis Boucher, directeur général de Droits
collectifs Québec. Je veux simplement vous rappeler la mission de l'organisme,
soit de défendre les droits collectifs sur le territoire québécois, notamment
eu égard aux droits linguistiques et constitutionnels des citoyennes et des
citoyens. Notre approche, elle est non partisane et elle est basée notamment
sur de nombreux champs d'intervention, notre action, pardon, dont l'éducation
populaire, la mobilisation sociale, la représentation politique, ce que nous
faisons aujourd'hui, de même que de l'action judiciaire. Et le fait d'être
présents avec vous pour vous faire part de notre expertise en matière de droit
constitutionnel afin, peut être de bonifier et d'améliorer un très bon projet
de loi, bien, ça fait partie de notre mission, et je céderai tout de suite la
parole aux deux principaux intervenants, soit M. Daniel Turp, qui est président
de l'organisme, de même que Me François Côté, avocat général.
M. Turp (Daniel) : Très bien.
Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, MMes et MM. les députés, ça me fait
plaisir de me retrouver dans cette salle, louis Hippolyte Lafontaine, où je garde
de très bons souvenirs des débats en commission parlementaire, qui sont souvent
les plus productifs, les plus intéressants et qui permettent de bonifier les
projets de loi présentés par le gouvernement, et donc j'ai le grand plaisir de
me joindre à vous ce matin. Dans les quatre minutes qu'il me reste, je partage
le temps avec notre avocat général, François Côté.
Je veux faire deux remarques générales
puis deux remarques plus particulières sur ce projet de loi, que nous avons
accueilli comme étant un projet de loi qui est un pas dans la bonne direction
et peut-être même dans la très bonne direction. Quand on a reçu ce projet de
loi, on a considéré que le gouvernement avait bien fait ses devoirs, avait
choisi une terminologie intéressante, bien que vous avez... vous aurez
remarqué, on l'a mentionné dans notre mémoire que nous avions publié quelques
jours avant le dépôt du projet de loi, un article qui suggérait de retenir les
termes «convergence culturelle», qui étaient ceux qui avaient été retenus dans
la politique de développement culturel qui avait été déposée par le
gouvernement de René Lévesque en 1977, et dont les auteurs, les grands auteurs
étaient M. Laurin, M. Rocher, M. Dumont, donc des personnes qui
ont beaucoup influencé le cours de notre histoire nationale. Alors donc, c'est
ce que nous avons dit lorsque le projet de loi a été déposé, et ce que nous
avons répété, nous avons diffusé un communiqué ce matin qui allait aussi dans
ce sens, que c'est un pas dans la bonne direction.
• (10 h 40) •
Un des premiers... Vous allez voir que
notre mémoire contient un certain nombre de propositions, de modifications très
concrètes, très juridiques, pourront dire certains membres de cette commission,
mais nous sommes des juristes, nous voulons bonifier ce projet de loi. Il peut
être amélioré à notre vie. Une des premières choses, c'est qu'on vous suggère
quand même d'ajouter dans le titre une référence au Québec et de retenir le
terme «loi québécoise sur l'intégration nationale» pour qu'on identifie très bien
cette loi à cette Assemblée...
M. Turp (Daniel) : …et, au
Québec, parce que ça pourrait être une loi sur l'intégration nationale en
France, ailleurs au pays, on ne l'a pas fait pour certaines lois, puis moi,
j'ai de la difficulté parfois à citer correctement la Charte des droits et
libertés de la personne, parce qu'il n'y a pas le mot Québec ou québécoise,
comme la Charte canadienne des droits et libertés. Alors, je vous invite à
réfléchir là-dessus pour qu'il y ait… cette loi ait une identité québécoise,
qu'elle n'a pas, si on examine tout simplement son titre.
Une autre des choses importantes sur
laquelle, je pense, on tient beaucoup, puis sur lequel on a parlé, dont on a
parlé dans le mémoire, c'est aussi d'y faire référence, aux droits collectifs.
D'ailleurs, dans deux lois qui ont été adoptées pendant la présente législature
ou la législature précédente, deux projets de loi ont intégré la notion de
droits collectifs. La loi sur le français, langue commune, langue officielle et
langue commune et dans la Loi sur la laïcité, dans les préambules. C'est
curieux, dans les huitièmes considérants de chacun des préambules, il y a une
référence aux droits collectifs. Et notre organisme, Droits collectifs Québec,
je crois que ce serait aussi important d'avoir une référence aux droits
collectifs. On vous propose un libellé qui irait vers la fin du préambule et
qui rappellerait les termes de… qui ont été retenus dans les deux autres lois
fondamentales, qui est cette idée d'avoir un équilibre entre, dans ce cas-ci,
le modèle québécois d'intégration nationale et les droits collectifs de la
nation québécoise.
Parce que je pense que, quand on lit le
projet de loi, on se rend bien compte qu'il s'agit d'un enjeu de droits
collectifs de la nation québécoise et comment on aménage les droits collectifs
de la nation québécoise avec les droits des personnes immigrantes et des
personnes appartenant aux minorités culturelles, comme vous voulez réviser la
terminologie lorsqu'il s'agit des minorités dans cette loi.
Alors, ce sont les deux remarques que je
voulais faire. Je ne voulais pas abuser de mon temps. Je pense que j'ai
probablement terminé mes quatre minutes de façon à permettre à notre avocat
général de poursuivre et de mentionner certaines autres propositions de modifications
que nous vous soumettons. Puis on reviendra dans la période des questions pour
échanger sur les autres éléments de notre mémoire, si vous le voulez bien.
Merci.
M. Côté (François) :
Merci beaucoup, M. le Président. Mme la Présidente, de combien de temps est-ce
que je dispose?
La Présidente (Mme Caron) :
4 min 25 s.
M. Côté (François) :
Parfait. Donc, M. le ministre, messieurs, dames les députés, c'est un honneur
et un plaisir d'être ici devant vous pour discuter du projet de loi n° 84
qui se veut la réponse québécoise, la réaction québécoise tant attendue face à
une doctrine politique qui n'est pas la nôtre, qui n'a jamais été la nôtre et
qui cherche à s'imposer au Québec, sans son consentement, depuis 1982, le
multiculturalisme. Le multiculturalisme n'est pas et n'a jamais été le modèle
d'intégration à la société québécoise. Et après l'avoir décrié, pendant des
décennies, le Québec a enfin le courage politique d'adopter une loi pour y
répondre et se doter de notre propre modèle d'intégration nationale, tout à
fait différent et qui est propre et conforme à nos valeurs et à notre
conception du vivre ensemble.
Le Québec est une société distincte, non
seulement à cause de nos valeurs et de nos institutions, mais aussi de notre
manière différente de penser et de vivre l'intégration sociale et le droit qui
la sous-tend. Et, à cette fin, nous avons… d'abord et avant tout, nous saluons
le projet de loi n° 84 et toutes les avancées significatives qu'il
représente, et nous proposons plusieurs amendements, dans notre mémoire, aux
pages 25 jusqu'à 29, nous avons une liste de tous les amendements proposés
au gouvernement pour bonifier le projet de loi.
Notamment, parmi les amendements que nous
proposons, je vais en souligner quelques-uns dans les quelques minutes qui me
sont attribuées. Nous suggérons de prendre encore plus formellement nos
distances par rapport au modèle canadien du multiculturalisme et surtout de la
conception de common law, des droits et libertés fondamentales, qui caractérise
la jurisprudence de la Cour suprême du Canada et tout ce que l'on pourrait
qualifier la culture des accommodements raisonnables, qui sont les poutres de
soutènement du multiculturalisme appliqué en pratique.
Nous sommes d'avis qu'il est temps, au travers
de cette intégration nationale par la convergence culturelle, de renouer avec
les racines québécoises civiliste de notre conception du vivre ensemble et de
rappeler notamment l'égalité formelle et universelle de tous devant la loi, la
véritable égalité transposable à tous les individus entre les hommes et les
femmes, indépendamment notamment des caractéristiques personnelles comme la
religion.
Nous suggérons à plusieurs endroits de
rappeler que le Québec ne s'est pas reconnu dans le modèle canadien du
multiculturalisme et qu'il convient…
M. Côté (François) :...le sien en fonction de sa propre conception de droit
civil, de nos libertés civiles et de notre vivre ensemble. Notamment, donc, au
travers de certains la modification au considérant 1 que nous
proposons, nous proposons de rappeler que notre conception de l'égalité, ce
n'est pas l'égalité réelle, l'égalité substantive à la grande... à la saveur
des accommodements raisonnables de la jurisprudence de la Cour suprême, notre
conception de l'égalité, celle qui s'ancre dans nos racines juridiques, qui est
beaucoup plus proche d'une conception européenne de l'égalité, c'est l'égalité
formelle et universelle.
On rappelle également que notre conception
de l'égalité, ce n'est pas qu'une affaire théorique ou académique, c'est
vraiment lié à notre vivre ensemble. C'est notre conception sociale du droit
qui vient avec. Et — je vois qu'on me fait signe qu'il me reste une
minute — pour permettre à cette politique d'avoir une effectivité
réelle. Nous suggérons également, à l'article 16, d'étendre la portée de
la politique à l'utilisation beaucoup plus large des fonds publics, du
financement public, de toutes les dépenses, de toute l'utilisation des deniers
publics qui devrait s'assurer, au travers des contrats avec l'État, au travers
de l'attribution des fonds, à être conforme avec une politique de convergence
culturelle. L'État n'a pas à financer sa propre assimilation ou sa propre
dissolution dans le multiculturalisme et il est temps que cette loi, bien publiciste
et tout à fait bienvenue, puisse générer ces effets.
Et finalement, s'il me reste une trentaine
de secondes, je vais les attribuer pour conclure en disant qu'il est, selon
nous, essentiel de faire recours aux dispositions de souveraineté parlementaire
pour protéger ce projet de loi contre le potentiel d'invalidation judiciaire
qu'il pourrait rencontrer, non pas parce qu'il est contraire aux libertés
civiles, mais bien à cause du potentiel de contestation par un individu ou un
groupe mécontent.
La Présidente (Mme Caron) : Merci.
Merci. Alors, M. le ministre, vous avez 16 min 30 s pour
l'échange.
M. Roberge : Merci beaucoup
pour votre présentation et votre mémoire bien documenté. On n'a pas assez de
minutes pour en jaser, mais on va lire et relire votre mémoire puis on pourra
vous rappeler par la suite.
Droits collectifs Québec, le nom le dit,
il y a la notion de droits collectifs. Certaines personnes, certains groupes
qui sont venus nous voir ou qui vont venir nous voir, mais on sait un peu ce
qui s'en vient à cause des mémoires, nous parlent ou s'inquiètent que certains
citoyens pourraient être brimés, inquiets, pénalisés par une loi comme ça,
disant que leurs droits individuels pourraient peut-être en souffrir. Je ne
souscris pas à ces propos-là, mais ça a été dit. Puis, en tout respect, on l'a
compris, on réagit à ça. J'aimerais ça vous entendre sur l'équilibre droits
collectifs, droits individuels et quelle analyse vous faites du projet de loi
tel qu'il est en ce moment, en termes de respect des droits de chacun.
M. Côté
(François) :Si vous me permettez, je vais
répondre rapidement avant de céder la parole à mon président. C'est un projet
de loi qui est absolument et totalement respectueux des libertés individuelles.
Je... bien sûr, je respecte l'opinion contraire, mais je ne trouve pas ces
fondements malgré un regard quand même poussé.
En l'occurrence, il s'agit d'un projet de
loi publiciste qui va avoir pour vocation d'orienter l'action de l'État et
l'octroi de financement et de fonds publics. Alors, il pourrait... La seule
manière dont on pourrait avoir une restriction aux libertés individuelles, ce
serait dans la facilité qu'une personne pourrait avoir de toucher les fonds publics.
Permettez-moi de ne pas trouver que c'est véritablement un cas de liberté
individuelle là-dedans, mais plus d'intérêt économique.
En ce qui nous intéresse, le projet de loi
est vraiment une articulation balancée entre, d'une part, le respect des libertés
individuelles, parce qu'on parle de financement des programmes par l'État, on
parle de faire valoir l'histoire, la culture et la culture commune de
convergence au sein du système d'éducation, au sein des institutions publiques.
J'échoue à voir en quoi ça peut porter le moindre préjudice aux libertés
individuelles au-delà de la question des intérêts potentiellement économiques à
toucher des fonds publics.
Puis, pour le reste, je vais céder la
parole à mon président, Daniel Turp, mais mon analyse juridique de la
situation, c'est que, non, à part peut-être faire des mécontents pour des
questions de fonds publics, je ne vois aucune atteinte aux libertés
individuelles.
• (10 h 50) •
M. Turp (Daniel) : Bien, M,
le ministre, je partage cette vue, et je crois que cette loi, comme le prescrit
une autre loi, la Charte des droits et libertés de la personne,
l'article 9.1, aménage ce que... les droits collectifs. Et d'ailleurs,
votre question milite en faveur de l'inclusion d'une référence aux droits
collectifs, qui n'y est pas dans le projet au moment où on se parle. Alors, si
donc la question des droits collectifs est importante, et c'est une question
d'aménagement des droits collectifs et des droits individuels...
M. Turp (Daniel) : ...je
crois que l'insertion d'une mention serait utile et je crois que c'est un
aménagement tout à fait convenable. Et je crois qu'un tribunal, en appliquant,
s'il y avait des contestations à l'article 9.1, considérait que, si
quelqu'un pense qu'on porte atteinte à ses droits, que ce serait une atteinte
qui est tout à fait acceptable dans une société libre et démocratique. Alors
donc, c'est... et il va y avoir la protection de la Charte québécoise des
droits et libertés. Ceux qui voudront contester les dispositions et leur
application ont une ouverture au recours de la Charte des droits et des
libertés s'ils le... s'ils le veulent bien.
On a remarqué, en effet, qu'il n'y avait
pas de clause de souveraineté parlementaire, puis ça, c'est un autre enjeu qu'a
soulevé mon collègue et qui mérite une discussion importante ici, parce que, si
j'ai bien compris, le gouvernement pense que ce n'est pas nécessaire pour dire
que cette loi soit protégée contre des invalidations possibles à la Cour
suprême à la fin. Là-dessus, je pense que ça mérite un vrai débat. Et dans...
je vous rappelle que, dans les autres lois dites fondamentales... Et moi, je
suis très heureux, là, que le Québec maintenant puisse compter sur plusieurs
lois fondamentales, plusieurs lois quasi constitutionnelles. Vous rendez cette
loi quasi constitutionnelle en lui donnant primauté sur d'autres lois, comme
c'est le cas maintenant pour la Loi sur la laïcité de l'État, la Charte de la
langue française et, bien sûr, la Charte des droits et libertés de la personne
du Québec. Alors donc, cet aménagement-là, c'est vraiment important d'arriver
au meilleur aménagement possible lorsqu'il s'agit de l'équilibre entre droits
collectifs et droits individuels.
M. Roberge : Merci beaucoup.
Effectivement, l'article 26 est fort, est important. De mon point de vue,
en l'inscrivant comme ça, on faisait de cette loi une loi fondamentale. Je suis
content de voir que des experts, des juristes le voient du même œil. Ça veut
dire qu'en écrivant nos pensées, on l'a fait de manière à ce que quelqu'un
d'autre voie la même chose que nous. Ce qui est une bonne chose.
Par contre, c'est justement avec cet
article 26, puis l'article... l'article 19, où on parle de
modifications à la charte, que certains s'en inquiètent. Je me fais moi-même l'avocat
du diable de mon propre projet de loi pour mieux vous entendre puis mieux
comprendre vos réflexions à cet égard-là, le fait qu'on modifie la Charte
québécoise, on le précise, même si ce n'est pas dans le titre, des droits et
libertés. Certains disent : Ha! Ha! Si vous modifiez la charte, c'est que
vous ne respectez pas les droits. Qu'est-ce que vous pensez de ce
raisonnement-là : Parce qu'on modifie la charte, alors on s'attaque à des
droits?
M. Côté
(François) :Si vous me permettez, les
droits et libertés fondamentales ont ceci de fondamentaux qu'ils existent de
manière indépendante d'une quelconque volonté politique, mais ils doivent quand
même être reconnus quelque part, et à chaque société de définir par et pour
elle-même les droits fondamentaux qu'elle reconnaît et surtout comment elle les
reconnaît. Y a-t-il une seule manière de concevoir la liberté d'expression, le
droit à l'égalité ou le droit à la sécurité, par exemple, dans le monde? Non.
Chaque société est tout à fait libre et légitime de dire : Nous aménageons
et nous structurons nos libertés fondamentales de la personne d'une manière qui
est conforme à notre vivre-ensemble. Et la Charte québécoise des droits et
libertés, eh bien, elle n'est pas coulée dans le béton depuis le jour 1 de
son adoption, elle a connu des évolutions, elle a connu des amendements, des
modifications et c'en est un de plus qui s'assure, au contraire, de reculer en
matière de libertés civiles, de s'assurer que les libertés civiles au Québec
restent en phase avec la réalité sociale, avec la réalité québécoise, avec
les... et avec les fondements juridiques civilistes de notre conception du
droit. S'il y a quelque chose, on s'affirme et on se rapproche de notre
conception des libertés fondamentales au Québec et de notre tradition juridique
beaucoup plus que de s'en éloigner. Alors, de voir une atteinte aux libertés
civiles du simple fait de toucher à la Charte, je m'excuse, mais je n'achète
pas tout simplement.
M. Turp (Daniel) : M. le
ministre, l'amendement de l'article 19, il porte sur l'article 9.1,
donc sur la clause de limitation de la Charte des droits et libertés. Donc,
elle vient ajouter un autre critère sur lequel les juges éventuellement ou,
bien sûr, l'administration, parce que l'administration doit aussi... le
gouvernement, et même l'Assemblée, doit avoir le souci de respecter les droits
fondamentaux. C'est un autre critère qui devra être tenu en compte et il
s'ajoute aux autres critères qui sont mentionnés, notamment celui qui a été
ajouté récemment par la Loi sur la laïcité de l'État, donc le principe de la
laïcité, et je trouve que c'est tout à fait acceptable qu'on intègre...
M. Turp (Daniel) : ...cet
autre critère pour inviter l'administration, les juges, le Parlement à tenir
compte de ce critère lorsqu'il adopte des lois et assure l'aménagement entre
les droits collectifs et les droits individuels. Alors donc, moi, je fais
référence au modèle d'intégration nationale. Quand on a réfléchi, on se
disait : Est-ce qu'on devrait plutôt utiliser les mots seulement
«intégration nationale» ou «cohésion nationale»? Est-ce que ce sont les mots
qui pourraient être utiles pour le législateur ou le juge? Alors, vous... vous
verrez. Moi, je pense qu'on vit bien avec la formulation actuelle qui renvoie
au modèle québécois d'intégration nationale.
Je vous ferais remarquer que d'ailleurs,
dans le projet de loi, il y a deux formules qui sont utilisées : «modèle
québécois d'intégration nationale» et «modèle d'intégration à la nation
québécoise». Alors, peut-être que... Je ne sais pas qu'est-ce que vos légistes
ont voulu faire. Pourquoi on a voulu distinguer ces deux notions? C'est
peut-être la même chose, mais par cohérence peut-être qu'on devrait constamment
utiliser la même expression. Mais en tout cas, je pense que c'est tout à fait
acceptable qu'on ajoute cela à l'énumération des critères dont on doit tenir
compte lorsqu'on fait un aménagement entre les droits collectifs, droits
individuels.
Moi, je me réjouis par ailleurs, je
l'ajoute, là, de l'article 20, deuxième alinéa, où on ajoute le droit à la
pleine participation en français à la société québécoise. Je crois que c'est
une disposition intéressante, on crée un nouveau droit, là. On crée un nouveau
droit, on l'ajoute à ce... à un droit analogue qu'il y a dans la Charte de la
langue française maintenant qui a été ajouté dans la Loi sur le français
langue... langue officielle et langue commune. Alors, il y a une cohérence,
puis je pense que ça valait la peine de bonifier ou d'ajouter, même de répéter
en quelque sorte, le fait qu'il y a un nouveau droit qui est créé, qui pourrait
être invoqué même par des personnes, là, qui sont... deviennent titulaires de
ce droit.
M. Roberge : Une loi qui est
en quelque sorte donneuse de droit puis effectivement on la veut fondamentale,
et c'est pour ça qu'on veut s'y référer dans le cadre de notre Charte de la
langue. La Charte des droits doit être interprétée à la lumière des autres lois
fondamentales. Je pense que toutes ces lois-là doivent avoir des passerelles,
un peu comme des piliers qu'on relie les uns à l'autre... les uns aux autres
les uns aux autres pour avoir une espèce de corpus de lois fondamentales qui,
disons-le, seront renforcées ultérieurement lorsqu'on arrivera avec une
constitution. Je vais laisser mes collègues poursuivre.
La Présidente (Mme Caron) : Alors,
la parole est maintenant au député de Saint-Jean. Il reste 5 min
35 s.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. M. le ministre, vous le savez probablement, mais je veux
souligner que les sourires que vous avez reçus à vos derniers mots ne sont pas
étrangers à la journée du 250ᵉ anniversaire de l'Acte de Québec que j'ai eu le
plaisir de partager avec tout ce monde et plein d'autres pour parler d'une
constitution éventuelle du Québec. Et donc c'était un sourire qui en disait
beaucoup plus long aujourd'hui que ce que vous avez souri lorsque je vous ai
dit qu'on est en train de travailler là-dessus. Ceci dit, ce qu'il y a de bien
avec votre présence en commission, et c'est vrai à chaque fois, c'est qu'on
parle du droit, on parle de droit, on parle donc de lois et, pour les citoyens,
on parle de valeurs, on parle de la vie de tous les jours et ce qu'on appelle,
dans ce projet de loi, le vivre-ensemble.
Les règlements d'une commission
parlementaire m'ont empêché d'applaudir Me Côté lorsque vous avez parlé du
multiculturalisme avec autant d'éloquence que j'en étais jaloux,
puisqu'effectivement on pourrait penser et certains citoyens pensent qu'on fait
juste une loi contre le multiculturalisme. On répond au multiculturalisme
40 ans trop tard probablement. Vous me direz ce que vous pensez de ce que
ces... tout le monde, de ce que ces 40 ans-là ont donné comme bilan. Mais
au final, il me semble qu'on dépose un projet de loi qui propose un modèle
particulier, j'aurais... j'aurais tendance de dire un modèle sur mesure pour
une société distincte. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus. Si, comme
moi, vous êtes tellement contre le multiculturalisme, qu'est-ce... pourquoi,
qu'est-ce que ça a donné à part le fait qu'on s'entend tout le monde pour dire
que ce n'était pas le modèle seyait bien aux Québécois? Ça, c'est une chose.
Mais ce modèle sur mesure qu'on donne, et n'ayez crainte, même si vous n'avez
pas eu le temps de toutes les aborder, les autres questions que vous soulevez
dans votre mémoire sont... sont bien claires. Je vous suivais dans le mémoire,
vous êtes allé au plus pressé, au plus important, mais j'ai bien pris note de
tout le reste, et bien sûr la commission en tiendra compte.
• (11 heures) •
M. Côté
(François) :Alors pour répondre
rapidement, le multiculturalisme...
11 h (version non révisée)
M. Côté (François) :...c'est davantage un modèle de non-intégration qu'un
modèle d'intégration à la société. L'intégration du multiculturalisme se résout
à une conception très, très «common lawyer» néolibérale de rentabilité
économique. Donc, le devoir d'intégration est en fait inversé et c'est à la
société d'accueil de s'assouplir et de plier, plier, plier. Puis, toute
intégration se limite à arriver au pays, se trouver un travail, voter et
apprendre comment mobiliser les institutions lorsque c'est nécessaire pour ses
intérêts personnels.
D'autre part, il y a aussi le modèle
théorisé de l'interculturalisme qui s'en distingue en théorie, mais qui échoue
à faire quelque distinction que ce soit au niveau pratique. Parce qu'ultimement,
l'interculturalisme qui théorise une interculture commune, ça ne fonctionnerait
que s'il n'y avait qu'une seule diversité dans le monde. Or, il y en a une
quantité innombrable. Et cette culture commune de convergence où chacun...
chacune des cultures a à mettre un peu d'eau dans son vin, eh bien, lorsque
vous avez la société d'accueil qui doit mettre 1 million de fois de l'eau
dans son vin pour le million de diversités culturelles, à la fin de la journée,
on arrive avec un substrat qui est vidé de toute substance, donc ça ne marche
pas non plus.
Par contre, le modèle de l'intégration
nationale par convergence culturelle, c'est le modèle de rassemblement, c'est
le modèle où nous apprenons tous à faire partie ensemble d'une seule et même
société. Et ce n'est pas un modèle qu'on a sorti d'un chapeau en claquant des
doigts, c'est... mon Dieu, belle expression, c'est un modèle qui est propre et
conforme à notre conception du vivre ensemble depuis l'époque où nous nous
appelions Nouvelle-France. C'est lié à notre conception des mœurs, que nous
sommes une société solidaire et unie qui se rassemblons et se ressemblons tous
au niveau des valeurs, au niveau de notre conception de la vie en commun.
M. Turp (Daniel) : Je
voudrais ajouter, M. le député, que, tu sais, on a... dans le mémoire, pour
ceux qui ne l'ont pas encore lu, on a, et c'est François, vraiment, qui a fait
un bel effort de distinguer, de définir «multiculturalisme»,
«interculturalisme», «convergence culturelle». Et je tiens à vous faire
remarquer que dans ce projet de loi et dans la Loi sur la Charte de la langue
française, il y a l'utilisation du mot «interculturel» à deux reprises, «langue
de communication interculturelle». Alors là, il faut faire attention à ne pas
confondre les choses parce que les gens vont peut-être penser que c'est aussi
une loi sur l'interculturalisme plutôt que l'intégration nationale. Alors, à
mon avis, il faut être très cohérent en tout. Alors, il y a une référence...
moi, j'aime bien M. Bouchard... mais vous avez fait un autre choix, à mon
avis, judicieux en ne choisissant ni multiculturalisme no l'interculturalisme.
Nous, on aurait préféré convergence culturelle, mais intégration nationale, on
vit bien avec ça. Mais la référence et l'utilisation de l'adjectif «interculturel»
créent une certaine confusion.
M. Lemieux : La réponse du
ministre, dont il parle souvent, c'est que c'est une des façons d'atteindre l'objectif,
mais ce n'est pas la finalité, la finalité étant l'intégration. Vous m'avez
joué un tour parce que j'allais céder la parole. Il reste à peine 20 secondes,
ce ne sera pas possible. Mais je voulais juste vous dire, en terminant, que je
suis très curieux de ce que vous... à quoi vous pensez lorsque vous parlez de
payer le prix du démantèlement puis il ne faudrait pas tomber dans ce panneau-là.
Ce sera pour une autre commission puisque notre temps est écoulé, du
gouvernement... du côté du gouvernement. Merci beaucoup, madame, Messieurs.
La Présidente (Mme Caron) : Merci.
Alors maintenant, c'est le tour de l'opposition officielle. M. le député de l'Acadie,
vous avez 16 min 30 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, madame, messieurs, bonjour. Merci, merci d'être là. Ce n'est
pas la première fois qu'on a la chance d'échanger dans différents projets de
loi. Merci également pour votre mémoire. Visiblement, vous y avez consacré
beaucoup de temps et de réflexion, que j'ai lu avec beaucoup d'attention. J'aurais...
j'ai quelques éléments avec lesquels je voudrais échanger avec vous.
Pr Turp, vous avez parlé d'emblée de
convergence culturelle, ce que je trouve particulièrement intéressant, mais
vous n'avez pas eu, je pense, le temps de développer beaucoup là dessus. Alors,
j'aimerais vous entendre. Quels y seraient les avantages? Puis est-ce qu'on
devrait appeler le projet de loi une loi québécoise de convergence culturelle?
Est-ce que ça pourrait fonctionner? Enfin, bref, j'aimerais que vous nous
expliquiez un peu davantage votre pensée là-dessus.
M. Turp (Daniel) : Alors,
oui, on avait, quand on a publié l'article dans Le Devoir, promut l'idée de
dénommer la loi Loi québécoise sur la convergence culturelle en faisant
référence aux travaux de 1977, la politique de développement culturel de l'époque
qui avait choisi cette terminologie de convergence culturelle. Mais lorsqu'on a
examiné le projet de loi, son contenu et très, très analogue, très semblable
aux propositions qui étaient contenues dans ce livre...
M. Turp (Daniel) : …sur le
développement culturel. On y retrouve les mêmes mots, les mêmes… le même
esprit. Alors, c'est pour ça qu'on se… on se réconcilie très bien avec l'idée
d'intégration nationale qui met plus l'accent sur l'intégration plutôt que la
convergence et sur l'intégration nationale, donc à la nation québécoise, et pas
seulement à la culture. Donc, puisque «nation», il y a d'autres éléments
importants qui comptent, en particulier au Québec, la langue, la langue commune
et officielle. Alors, il y a un développement assez bref sur la question, mais,
en tout cas, si jamais ça vous intéresse, le Livre blanc sur le développement
culturel, qui est un peu méconnu, parce qu'il n'avait pas eu de suite,
vraiment, sauf pour la Charte de la langue française, hein? Tu sais, c'est
comme un document qui a eu une importance fondamentale dans l'élaboration de la
Charte de la langue française elle-même, était… tu sais, était un peu
visionnaire, puis c'est seulement presque 50 ans plus tard qu'on met en
œuvre les vues qui avaient avait été formulées par M. Rocher et tant d'autres
grands intellectuels québécois. Mais on vit bien, nous, avec cette nouvelle
appellation d'intégration nationale. Tu veux que je parle de Rousseau, là? Il
voulait revenir à M. Rousseau, vas-y, contrat social, contrat social, c'est ça.
M. Côté (François) :Non, l'étude de Guillaume Rousseau.
M. Turp (Daniel) : Oh!
l'étude de Guillaume Rousseau. Oui, c'est vrai. Notre collègue Guillaume
Rousseau, vous le connaissez bien, qui se présente souvent dans cette
commission, qui a même conseillé le gouvernement, bien, a consacré des travaux
importants avec François d'ailleurs, pour l'Institut de recherche du Québec sur
la convergence culturelle, mais, comme on l'écrit, nous considérons qu'il y a
là un concept équivalent. Et nous vivons bien avec ce choix.
M. Morin : Très bien, je
vous… je vous remercie. Dans le projet de loi, puis vous m'avez entendu, j'ai
posé cette question-là à plusieurs groupes. Parce que, quand on regarde
d'autres politiques gouvernementales qui ont voulu définir l'interculturalisme…
D'ailleurs, l'interculturalisme, ce n'est pas une nouvelle façon de nous
définir au Québec. M. Bourassa en a parlé. Ce n'était pas dans le cadre d'un
projet de loi, c'était dans le cadre d'une politique, ça nous ramène dans les
années 70. M. Couillard a adopté aussi une politique. Donc, au Québec, on
a à peu près toujours parlé d'interculturalisme.
Mais dans ces politiques-là, on parlait
aussi beaucoup, d'un… en termes d'intégration, d'un volet économique du
travail. Ça ne se retrouve pas du tout dans le projet de loi. Ce volet-là n'est
pas là. Et j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que c'est un élément?
Parce que c'est sûr que le français, c'est fondamental, c'est clair. Il n'y a
pas… il n'y a pas… aucune ambiguïté là-dessus. On arrive au Québec, il faut
pour apprendre le français, il faut parler le français. Mais souvent après, les
gens vont chercher un travail pour s'intégrer. Alors, j'aimerais vous entendre
là-dessus. Est-ce qu'il y aurait moyen de bonifier le projet de loi quand on parle,
entre autres, d'éventuellement… d'une politique? Est-ce qu'il y aurait moyen
d'y faire référence?
M. Turp (Daniel) : …
M. Boucher (Etienne-Alexis) : Oui.
Bien, je regrette de ne pas avoir écouté les travaux lors de la première
semaine, alors que je vous ai entendu poser cette question-là, je m'y serais
préparé. Peut-être simplement dire… et vous… vous avez eu votre réponse avec
les intervenants précédents. Clairement, l'ajout d'un volet économique aux
différents projets de loi ou politiques qui parlaient d'interculturalisme n'a
pas eu l'effet escompté. Alors que… bien sûr que le travail est important pour
un individu de s'intégrer à une société. Mais est-ce qu'elle le fait, par
exemple en français? La langue au travail, sur l'île de Montréal, ce n'est pas
évident que la langue principale soit celle du français, ou plutôt que le
français s'impose de lui-même. Au contraire, il ne cesse de perdre du terrain,
année après année, en la matière. Donc, est-ce que… est-ce que, dans ce projet
de loi là, il devrait y avoir… est-ce que ce projet de loi serait inefficace
sans un volet économique? J'en doute, puisque les différentes politiques qui en
ont eu un, volet économique, n'ont pas eu de résultat on ne peut plus concret
ou positif en la matière. Maintenant, je veux… mon collègue voulait compléter.
• (11 h 10) •
M. Côté
(François) :Et pour un petit
15 secondes de plus, je peux tout à fait apprécier l'idée de l'intégration
économique, mais ça n'aurait pas sa place à l'intérieur du projet loi
numéro 84. Pire, je crois que ça risquerait de faire dévier le projet de
son impulsion initiale. On parle d'intégration nationale, et c'est d'abord et
avant tout au travers de l'adhésion à une culture commune. L'intégration
économique a tout à fait sa place, mais peut-être dans un autre projet de loi,
peut-être à d'autres endroits législatifs que celui-ci, qui doit rester
focalisé sur son objectif. Et, là-dedans, c'est d'abord et avant tout une
question de valeurs, d'institutions, de droits, de culture commune. Et l'intégration
économique, c'est pertinent, mais pas dans ce projet de loi là…
M. Turp (Daniel) : ...je ne
suis pas sûr, moi.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Turp (Daniel) : Je ne suis
pas certain. Je ne suis pas certain. Je pense qu'il y aurait peut-être lieu de
faire référence à l'idée de l'intégration par l'intégration, tu sais, aux
valeurs économiques mêmes du Québec et tout ça. Alors, je crois, je crois que,
oui, ça mérite réflexion puis ça mérite... parce que, tu sais, de
l'intégration, c'est un enjeu social, culturel, économique, peut-être même
environnemental. Il y a quelque chose qui peut-être devrait nous amener à être
plus larges dans notre façon de penser l'intégration puis l'économie. Je crois
que c'est une question fondamentale. Et je ne me rappelle pas des travaux qui
ont été faits, notamment sous le gouvernement Couillard, puis il n'y a... il
n'y a pas eu de politique quand même. Il y avait un projet de faire une
politique de l'interculturalisme qui n'a jamais eu de suite, là, tu sais, suite
au rapport, là. Vous vous rappelez le rapport comme de toute façon, Québécois
d'être Canadien, là. Il y avait, dans ce document-là, une proposition d'adopter
une politique de l'interculturalisme, mais ça n'a pas eu de suite. Mais, en
tout cas, moi, j'invite les membres de la commission à réfléchir sur cette idée
peut-être de faire référence à des... soit des valeurs ou des enjeux
économiques. Il y aurait bien moyen de formuler quelque chose dans le projet
actuel, dans certains considérants ou ailleurs, pour faire une référence à
l'économie.
M. Morin : Je vous...
M. Turp (Daniel) : Excusez-la,
on ne s'en était pas parlé, là, mais on a le droit de ne pas toujours être
d'accord totalement, n'est-ce pas?
M. Côté
(François) : Ah! bien, c'est la beauté de la diversité.
M. Morin : Absolument.
C'est... c'est tout l'avantage et la richesse justement des travaux en
commission parlementaire où on peut échanger entre experts, et je l'apprécie.
Mes deux prochaines questions sont un peu
plus techniques ou juridiques. Vous y avez fait référence, Pr Turp, et
c'est un lien, entre autres, avec l'article 19 du projet de loi qui veut
modifier l'article 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne
du Québec, entre autres en faisant référence au modèle québécois d'intégration
nationale. Puis, quand on regarde le projet de loi, il y a des références à ce
que ça peut être le modèle d'intégration, notamment on fait référence à la
langue française, on fait référence à la laïcité, etc. Mais ce sont déjà des
valeurs qui sont protégées dans la Charte. La laïcité, déjà là, la langue
française est déjà là. Donc, ce n'est pas un peu redondant? Parce qu'au fond,
si on décortique le modèle d'intégration nationale, on pourrait dire au fond
que la charte protège le français, c'est là, mais protège aussi le français
comme langue officielle, protège la laïcité de l'État, etc. Donc, je voudrais
vous entendre là-dessus.
M. Turp (Daniel) : Rajouter
cela, c'est une invitation à l'administration et au gouvernement, et au
Parlement de... de donner de l'importance au modèle québécois d'intégration
nationale et même au juge lorsqu'il sera appelé à appliquer l'article 9.1
quand quelqu'un conteste la constitutionnalité d'une autre loi, tu sais, qui...
qui serait contraire aux droits et libertés. Alors donc, à mon avis, c'est un
critère utile pour donner de l'importance à cette loi, à cette loi elle-même,
parce que le juge va probablement, et l'administration, lorsqu'elle va adopter
d'autres lois, va se référer pour assurer la cohésion du corpus législatif dans
son ensemble à cette loi-là, mais aussi lorsqu'il va élaborer des lois en
voulant tenir compte de la Charte des droits et libertés et comment on doit
aménager des nouvelles lois avec... avec la Charte. Alors, je trouve que c'est
utile.
Puis n'oubliez pas aussi que, bien, aussi
longtemps qu'on vit dans cette fédération. Hein, vous savez qu'est ce que j'en
pense, quelles sont mes vues là dessus? Mais il y a l'article 1 de la
Charte canadienne, là, hein, qui est la clause de limitation de la Charte
canadienne qui nous a été imposée sans notre consentement ni du gouvernement,
ni du Parlement, ni du peuple. Il n'y a pas de référence là au modèle québécois
d'intégration nationale puis il n'y a pas de référence à la laïcité, puis les
juges vont devoir dorénavant tenir compte du modèle québécois d'intégration
nationale, même les juges qui vont être invités à utiliser la Charte canadienne
et son article 1. Alors donc, c'est pour ça, à mon avis, que c'est utile
d'ajouter cette référence dans la charte.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Autre... autre question, et ça fait référence à la page 21 de
votre mémoire parce que vous...
M. Morin : ...suggérer une
modification... en fait, vous ajoutez un article 19.1, si j'ai bien
compris, et vous suggérez une modification à l'article 10 de la charte
québécoise. Et vous voulez qu'on ajoute les mots «formellement» ou
«intentionnellement» pour effet de détruire ou de compromettre ce droit. Bon,
je comprends que le mot «détruire», vous ne le suggérez peut-être pas comme
rédaction législative, c'est rare qu'on parle dans une loi de détruire un
droit, là, mais j'aimerais que vous m'expliquiez davantage pourquoi vous
suggérez ça. Parce que, quand je l'ai lu la première fois, et corrigez moi si
je fais erreur, mais quand il y a une discrimination, quand quelqu'un invoque
une discrimination dont il croit en être la victime, donc il y a quand même...
il y a un fardeau de preuve, il faut, dans un premier temps, qu'il démontre des
choses. Et ma compréhension, c'est que, dans un premier temps, il doit
démontrer qu'il y a une distinction de traitement. Il doit aussi... que ce soit
un des motifs énumérés dans la charte et que ça a pour effet de compromettre
finalement son droit à l'égalité. Mais c'est tout. Une fois qu'il a démontré
ça, c'est à l'autre entité, donc le défendeur, de démontrer que ça peut être
justifié.
J'avais l'impression que vous étiez en
train d'ajouter un fardeau supplémentaire pour le demandeur et je trouvais ça un
peu curieux. Donc, j'aimerais vous entendre pour bien comprendre votre pensée
là-dessus.
M. Turp (Daniel) : Je pense
que c'est le Dr Côté qui pourrait répondre à ça.
M. Côté
(François) :Bon, titulaire d'un doctorat,
on ne doit pas dire docteur, mais je vais prendre le compliment, merci
beaucoup. Alors, simplement pour recontextualiser, la terminologie a pour effet
de détruire ou compromettre le droit, ça, c'est dans le libellé actuel, on
n'est pas responsable de ça. Tout ce qu'on vous propose, c'est de rajouter
«formellement» ou «intentionnellement». Pourquoi? Justement pour nous
rapprocher de la version initiale de la Charte des droits et libertés de la
personne de 1977, avant l'imposition de la Charte canadienne des droits et
libertés de 1982, qui est venue encapter la jurisprudence et qui est venue
transformer les critères interprétatifs à la lumière desquels la jurisprudence
canadienne, et, par extension, québécoise, interprète et comprend les libertés
fondamentales. L'idée d'avoir cette protection contre la discrimination,
initialement, si vous regardez la jurisprudence qui a été rendue dans la
période les années 70-80 jusqu'à l'imposition de la charte canadienne, la
question de démontrer qu'il y ait une discrimination formelle ou intentionnelle,
c'était le critère qui était à la bouche des tribunaux à cette époque-là parce
que c'était ce critère-là en fonction desquels notre conception initiale de
l'égalité avait été forgée. Et c'est... si vous regardez, si vous jetez un œil
à l'international, c'est suivant une telle conception des libertés civiles que
d'autres juridictions civilistes regardent les libertés de la personne. Y
a-t-il une discrimination intentionnelle? Est-ce qu'on veut discriminer? Si
oui, bien, on condamne. Ou, y a-t-il une discrimination formelle? Est-ce que le
texte a un effet en amont universel, discriminatoire? Si oui, on condamne.
Mais, par contre, le rajout de «formellement» ou «intentionnellement», c'est
d'une certaine manière le refus du subjectivisme individuel absolu en matière
de libertés fondamentales.
Par exemple, est-ce qu'une femme voilée,
pour prendre l'exemple sur toutes les lèvres actuellement, se retrouve à subir
de la discrimination de l'application d'une règle neutre, comme une certaine
loi qui pourrait porter le n° 21, par exemple? Eh
bien, dans une conception civiliste de la chose, la réponse est tout simplement
non. Parce que notre conception du droit requiert que l'égalité, elle est
brisée lorsqu'intentionnellement ou formellement, on cherche à traiter quelqu'un
différemment en fonction d'une caractéristique essentielle.
La vision que vous défendez, elle est tout
à fait légitime, mais c'est la vision de common law du Canada anglais et des
États-Unis. C'est une vision qui s'ancre dans un système et dans une pensée
juridiques qui n'est pas et n'a jamais été le nôtre. Et c'est aussi pour cela
qu'il y a autant de critiques de la question du droit à l'égalité et des
accommodements raisonnables qui en sont une extension directe à l'intérieur de
la société québécoise. La femme... avec le kirpan dans les écoles, le
témoignage voilé en cour criminelle, tout cela, ce sont des... c'est une
discrimination fondée sur l'effet réel et subjectif. Et une telle situation,
c'est dénoncé et c'est critiqué au Québec.
• (11 h 20) •
Alors, ce qu'on propose de faire, c'est de
revenir à nos racines civilistes, revenir à ce que la Charte des droits et
libertés de la personne était lors de son inception et revenir à une conception
qui est beaucoup plus accolée à la réalité québécoise de ce qu'est la
discrimination. Est-ce que notre suggestion est parfaite? Non, bien sûr, et
c'est pour ça qu'on est là pour en discuter, mais elle dit que la question doit
être ouverte et que, si on veut être cohérents avec nous-mêmes lorsqu'on parle
de valeurs communes, ça devrait également se refléter dans notre droit et dans
notre conception du...
M. Côté
(François) :...projet de loi.
M. Turp (Daniel) : C'est une
raison de prendre...
La Présidente (Mme Caron) : Le
temps...
M. Turp (Daniel) : ...
La Présidente (Mme Caron) : Je
suis désolée, le temps est écoulé. Alors, je vous remercie beaucoup pour votre
contribution à nos travaux. La commission suspend ses travaux jusqu'après les
avis touchant les travaux des commissions. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 20
)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 25)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux.
Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84,
Loi sur l'intégration nationale.
Alors, cet après-midi, nous entendrons les
représentants des personnes et des organismes suivants : la Confédération
des syndicats nationaux, le Regroupement des festivals régionaux artistiques
indépendants, le Regroupement des événements majeurs internationaux, l'Union
des artistes et, pour terminer, le Syndicat de la fonction publique et
parapublique du Québec.
Donc, pour l'heure, nous avons donc les
représentants de la Confédération des syndicats... nationaux, pardon. Alors,
vous êtes quatre, mesdames...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...Messieurs, bienvenue à la commission. Vous allez
disposer d'une période de 10 minutes pour vous présenter et faire les
commentaires sur le projet de loi. Par la suite, nous allons poursuivre la
discussion avec les parlementaires. Alors, le temps est à vous.
Mme Lelièvre (Katia) : Alors,
merci beaucoup et bonjour et merci de nous recevoir pour la consultation sur le
projet de loi n° 84. Je m'appelle Katia Lelièvre, je suis vice-présidente
à la CSN, responsable entre autres de l'immigration et des relations
interculturelles. Je suis accompagnée aujourd'hui de Julien Laflamme, qui est
conseiller politique au Comité exécutif de la CSN, de Marie Hélène Bonnin, qui
est conseillère syndicale au Service de recherche et de condition féminine pour
la CSN, et aussi de Vanessa Clermont-Isabelle, qui est avocate à notre service
juridique.
Composée de près de 1 600 syndicats,
la CSN défend plus de 330 000 travailleuses et travailleurs dans tous les
secteurs d'activité sur l'ensemble du territoire québécois. Elle prend part à
plusieurs débats de fond dans la société québécoise pour une société plus
solidaire, plus démocratique, plus équitable et plus durable. La CSN se
préoccupe de l'immigration au point de vue de l'intégration sociale,
professionnelle et syndicale depuis très longtemps. À l'image de la société
québécoise, plusieurs syndicats affiliés à la CSN ont vu leur composition se
transformer rapidement en cours des dernières années. On y retrouve un nombre
croissant de travailleuses et de travailleurs québécois d'origine ethnique et
culturelle tous, tous, tous arrivés au Québec récemment, ou certaines à titre
temporaire ou permanent. Aujourd'hui, la proportion des gens issus de
l'immigration dans nos syndicats sont globalement entre 15 % et 20 %.
Dans certains secteurs, plus particulièrement dont la santé, les services sociaux,
l'hôtellerie, la transformation alimentaire, la construction et la métallurgie,
et elles sont présentes en majorité dans certains syndicats de notre région de
Montréal.
Forte de son expérience sur le terrain, la
CSN a souvent fait valoir ses recommandations sur l'accueil et l'inclusion des
nouveaux arrivants. Notre mémoire et les suggestions qu'il contient sont...
guidés, pardon, par de multiples débats et positions pris dans nos instances
démocratiques. La CSN est d'avis que le Québec, en tant que société d'accueil,
a l'obligation de tout mettre en œuvre afin de surmonter les divers obstacles à
l'intégration sociale, économique, linguistique et culturelle des nouveaux
arrivants. Nous devons aussi défendre la qualité et l'égalité des conditions de
travail et nous assurer du respect des mêmes droits pour tous et toutes, sans
égard à l'origine, au statut migratoire, à la condition sociale ou à tout autre
motif de discrimination. La CSN souhaite saluer la volonté du gouvernement de
proposer une loi-cadre définissant le modèle québécois qui favoriserait la
participation de tous les citoyens et citoyennes à la vitalité culturelle et à
l'avenir de la nation québécoise, peu importe leur origine et leur statut
migratoire. Une telle loi permettrait d'assurer une meilleure cohérence entre
les différentes politiques et mesures gouvernementales.
Toutefois, la CSN se doit, se doit
d'exprimer son complet désaccord sur l'annonce d'une énième modification à la
Charte des droits et libertés de la personne, et ce, en peu de temps, sans...
sans justification convaincante. Étant donné l'importance que revêt cette
charte, tout comme la Charte de la langue française, un amendement à un
document aussi fondateur de la nation québécoise ne peut s'improviser. D'autre
part, nous n'avons malheureusement pas retrouvé notre vision de
l'interculturalisme dans le projet de loi et nous regrettons qu'une politique
nationale n'ait pas précédé l'élaboration d'un projet de loi-cadre. La centrale
considère qu'il n'est pas trop tard pour améliorer le projet de loi afin qu'en
soient retirés les éléments qui ne favorisent pas le consensus social et y
soient ajoutées les clarifications nécessaires sur le modèle de vivre-ensemble
proposé et les fondements juridiques objectifs sur lesquels il repose.
Notre mémoire propose à cet effet des
modifications substantielles au texte de la p. l. 84. L'interculturalisme
mériterait d'être défini succinctement dans la loi-cadre et plus en détail dans
la future politique nationale. Celle-ci devrait être fondée sur un consensus à
dégager de la commission Bouchard-Taylor, d'une part, et sur une consultation
générale tenue en commission parlementaire et portant sur le projet de
politique nationale, d'autre part. Pour la CSN, une telle politique doit
reposer sur la reconnaissance mutuelle d'autrui et de ses expériences, y
compris le racisme, la discrimination, l'exclusion, le choc culturel et la
peur. Elle devrait aussi reposer sur le dialogue entre des cultures nationales
et des visions en constante évolution, sur la valorisation d'une culture
civique commune, sur un effort pour éviter la polarisation présente ailleurs et
l'objectif de coconstruction d'une société québécoise distincte. Cette société
québécoise est et demeurera distincte au vu de son héritage français et
francophone, de l'apport des Premiers Peuples, de celui des nouveaux arrivants,
de sa Révolution tranquille, de l'édification de son État laïque et socialement
innovant et de son engagement envers les droits et libertés de la personne.
• (15 h 30) •
Il est parfois...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Lelièvre (Katia) : ...difficile
d'intégrer un groupe, un emploi, un quartier ou une activité sociale pour une
personne immigrante. Pour la CSN, l'intégration n'est pas une rue à sens
unique, le rapprochement doit se faire des deux côtés alors qu'il est encore
trop souvent attendu de la part de l'immigrant ou de l'immigrante seulement.
L'expérience en milieu de travail des 50
dernières années nous a appris qu'une intégration réussie est un processus dans
lequel la communauté d'accueil s'engage tout autant que les nouveaux arrivants.
En milieu de travail comme ailleurs, la pleine intégration n'est possible
qu'avec un effort d'inclusion de la part de ceux et celles qui accueillent.
M'inclure, c'est plus difficile que d'intégrer. Ça exige de transformer nos
façons de voir, de voir et de faire. L'inclusion requiert donc l'adaptation des
services, des milieux de vie, de travail et, dans notre cas, des syndicats.
Nous devons aussi nous donner les moyens
d'inclure correctement les personnes immigrantes. En 2023, dans le cadre de la
consultation du ministère de la Langue française sur l'avenir du français, la
CSN réitérait l'importance de soutenir la francisation des personnes
immigrantes pour assurer leur inclusion sociale et leur intégration
professionnelle. Nous recommandons alors que le gouvernement accélère, finance
et renforce les programmes d'apprentissage du français en milieu de travail et
qu'il considère aussi la responsabilité des employeurs. Nous réitérons cette
recommandation qui aurait un effet positif direct sur le vivre-ensemble et sur
la protection de la langue française.
La CSN déplore l'amalgame qui est souvent
fait dans le projet de loi entre la culture québécoise, la culture nationale et
la culture commune. Les principes sur lesquels repose la culture commune ne peuvent
pas être confondus avec les caractéristiques de la culture québécoise, qui
incluent, par exemple, la tradition, l'histoire, les gains sociaux et le
patrimoine.
La culture commune, elle, repose sur des
principes qui ne sont ni des valeurs ni des traits typiquement québécois. La
culture civique commune se fonde plutôt sur des consensus sociaux établis au
fil des débats publics, menés non seulement au Québec, mais dans la majorité
des nations du monde. Par exemple, la démocratie, la langue officielle, les
droits et libertés, y compris l'égalité entre hommes et les femmes, la laïcité
de l'État, ce qui est typiquement québécois dans cette culture, c'est la forme
que prend la mise en œuvre de ces consensus dans nos législations, dans nos
programmes institutionnels, nos pratiques et nos normes officielles. Dans sa
formulation actuelle, le projet de loi prête flanc à une interprétation
défavorable à l'endroit des nouveaux immigrants et des membres des minorités
ethnoculturelles comme s'ils ne connaissaient pas ou n'adhéraient pas ou pas
suffisamment à la culture commune.
En ce qui concerne la culture québécoise
proprement dite. Tous devraient pouvoir la connaître et y contribuer, bien sûr.
Malheureusement, à l'heure actuelle, le monde de la culture et des arts crie
famine. Les artistes et les artisans des industries culturelles québécoises en
sont à leur quatrième grande manifestation en un an. Les musées, les théâtres,
les orchestres, en fait presque tous les arts vivants se voient forcés de
supprimer des postes, d'annuler leurs programmations et parfois même de fermer
leurs portes. Le manque de découvrabilité des contenus québécois et le faible
intérêt de la jeunesse québécoise pour les produits culturels locaux atteignent
des niveaux inquiétants. Dans ce contexte de crise, le gouvernement du Québec
devrait être plus engagé et plus généreux que jamais pour soutenir la culture
québécoise dans toutes ses couleurs et tous ses accents, pour s'assurer que
tous et toutes puissent en profiter et y contribuer.
La reconnaissance des acquis et des
connaissances... des compétences, pardon, l'accès à l'emploi, au logement, aux
services de garde éducatifs, à la francisation, à la formation professionnelle
compte parmi des mesures qui facilitent la contribution de tous et toutes à la
vitalité culturelle.
En terminant, la CSN est inquiète face aux
impacts qu'aurait le projet de loi-cadre une fois traduit en politiques et en
programmes prenant vie dans nos milieux de travail, nos écoles et nos
quartiers. Dans sa forme actuelle, nous doutons qu'il puisse garantir l'accès à
la francisation, protéger le droit de parler dans la langue de son choix dans
des conversations privées au travail et à l'école, accroître la participation à
la vie associative des collectivités locales, donner envie de découvrir la
culture québécoise et favoriser l'éducation de la société d'accueil à la
diversité et au pluralisme pourtant vital pour prévenir et réduire les tensions
là où elles existent.
Un projet de loi révisé et axé sur le
vivre-ensemble pourrait inspirer toutes les communautés, favoriser l'ouverture,
l'inclusion et la participation de la société. Il faciliterait la mise en œuvre
d'actions interculturelles véritablement intégratives. Sans modification
significative à ce texte, nous craignons d'assister à des restrictions à
l'accès du marché du travail, au financement des organismes de la société
civile, aux initiatives artistiques et culturelles, à la recherche et à
l'innovation sociale.
Nous croyons qu'une consultation plus
large permettrait d'en ressortir avec un fort consensus social qui serait
inspirant et mobilisant pour les nouveaux arrivants ainsi que pour la société
d'accueil québécoise. Nous réitérons notre forte opposition à toute
modification apportée par ce projet à la Charte...
Mme Lelièvre (Katia) : ...des
droits et libertés. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci pour votre exposé. On va donc entamer la période
d'échange avec les parlementaires. On va débuter cette période avec le ministre
et la banquette gouvernementale. Vous connaissez les temps,
16 min 30 s.
M. Roberge : Merci, Mme la
Présidente. Merci pour votre présentation et votre mémoire. Vous abordez
vraiment plusieurs, plusieurs éléments du projet de loi. J'ai peur qu'on manque
de temps pour revenir sur chacun des éléments. Vous avez piqué ma curiosité sur
plusieurs éléments. Vous avez dit : Il est parfois difficile, pour des
personnes, de s'intégrer à des groupes, à des sociétés, à des milieux de
travail. Je vous dirais qu'on est d'accord, c'est à la base de notre réflexion.
On constate que, justement, l'intégration des nouveaux arrivants, des nouveaux
Québécois ne se fait pas de manière optimale. Il y a des histoires
extraordinaires, des histoires qu'on veut raconter, des témoignages inspirants,
puis il y a d'autres histoires qui sont plus difficiles, où on voit des
problèmes d'arrimage, c'est difficile d'accueillir les gens. C'est, en partie,
je dirais, en raison de ça qu'on s'est mis à écrire le projet de loi.
Je pense que vous êtes d'accord avec une
loi-cadre. Vous avez des enjeux avec la manière dont elle est rédigée, donc,
bien, parlons-en. Vous... comme syndicat, est-ce que vous avez des enjeux ou
beaucoup de demandes par rapport à des demandes d'accommodement de la part de
Québécois qui sont ici depuis quelques semaines, quelques mois, quelques
années, des accommodements qu'on peut qualifier raisonnables, ou
déraisonnables, ou religieux. Ça ressemble à quoi? Est-ce que c'est fréquent?
Est-ce que c'est plus fréquent qu'avant? J'aimerais ça vous entendre à ce
sujet-là.
Mme Lelièvre (Katia) : Bien,
je vous dirais que ce n'est pas... ce n'est pas ce dont on traite le plus dans
les relations interculturelles actuellement. On n'est pas... on n'a pas de
demandes d'accommodement, là. Ça a été quand même... il y a des principes de
base qui ont été établis depuis quand même un bon bout de temps, dans la
société, au niveau des accommodements raisonnables. Nous, on est plus, dans les
milieux de travail, sur les difficultés de relations interculturelles puis de
compréhension commune, et c'est là-dessus qu'on travaille avec nos syndicats.
Dans les différents outils qu'on a, on a des guides de meilleures pratiques
pour s'assurer qu'on s'écoute puis qu'on se comprend.
On l'a dit dans notre mémoire, puis je
vais me permettre de le redire, mais ce n'est pas que la personne immigrante
qui doit faire un effort pour participer à la collectivité. On a aussi un rôle,
comme société d'accueil, et ce rôle-là doit aussi être fait dans l'ouverture,
et on doit s'assurer de leur donner tous les outils pour qu'ils puissent
participer à notre vie collective. Actuellement, l'immigrant qui arrive au
Québec, il regarde la société québécoise puis il se dit : Bien, moi, je
veux participer à cette société-là. Il arrive rempli d'espoir. Et, dans les
derniers mois, on a changé les règles de façon... tellement souvent, à tous les
paliers de gouvernement, que, pour ces gens-là, c'est difficile, un, bien, de
les comprendre, mais, deux, comment avoir envie de participer à la vie d'une
collectivité, d'une société quand on ne sait pas trop comment on est capable
soit d'y rester ou d'avoir les mêmes droits que les autres, puis, à la limite,
à la base, de comprendre la même langue? Donc, ce n'est pas... ce n'est pas simple.
Ce qu'on vit dans nos milieux de travail, c'est beaucoup plus ça.
On a des problèmes avec la langue
française, de façon importante, on a des problèmes avec la santé et sécurité
des personnes immigrantes, qui se blessent de façon complètement disproportionnée
parce qu'elles ne comprennent pas les consignes, elles ne comprennent pas la
langue, et qu'on ne prend pas le temps de leur apprendre. Alors, tu sais, ces
gens-là, souvent, doivent faire des heures, des heures et des heures dans leur
emploi, ils sont... ils en font plus que les autres, souvent, et on leur
demande, en plus, d'apprendre une langue seconde, puis d'apprendre l'ensemble
des codes d'une société qui est, souvent, loin d'eux.
M. Roberge : Sur la question
de la langue, il y a eu une année record en termes de participation à
Francisation Québec, il y a eu des enjeux sur la prévisibilité puis la durée
des cohortes, qui ont arrêté, qui ont repris. L'an prochain, là, je vous l'ai
déjà mentionné, là, on aura beaucoup plus de prévisibilité. Mais même si on
avait, là, encore plus de cours à Francisation Québec, puis qu'il n'y avait
jamais un cours qui ferme à jamais, reste qu'il y a des gens qui arrivent ici,
qui deviennent membres chez vous et qui ne parlent pas la langue, et vous dites
que ça pose un enjeu de santé et sécurité. Est-ce qu'on devrait, si je vous
écoute, demander la maîtrise de la langue avant même d'arriver sur le marché du
travail?
• (15 h 40) •
Mme Bonin
(Marie-Hélène) :Nos positions là-dessus
évoluent, parce qu'on a vu arriver...
Mme Bonin
(Marie-Hélène) :...soudainement de très
grands nombres de travailleurs migrants sur les... dans les milieux de travail.
Autrefois, les Québécois qui faisaient face à l'immigration dans les milieux de
travail, ils faisaient face à des migrants permanents qui, en arrivant au
Québec, avaient accès à des cours de francisation à temps complet, avec une
indemnité qui leur permet de survivre sans travailler pendant qu'ils apprennent
le français. Malheureusement, le patronat et les gouvernements se sont entendus
pour ouvrir les vannes de l'immigration temporaire, tant au niveau des
étudiants que des travailleurs, travailleuses. Le résultat, c'est que ces
gens-là sont débarqués de l'avion le vendredi pour rentrer à l'usine le lundi
matin. Puis ils arrivaient de... de pays autour, là, d'Amérique du Sud pour la
plupart ou d'Amérique centrale, et évidemment ils ne parlaient pas le français.
Alors, une des recommandations qu'on a
faite au ministère de la Langue française, c'est d'obliger les employeurs soit
à recruter des francophones, soit à prendre sur eux de les franciser en milieu
de travail à partir du jour 1 de leur arrivée, avec ou sans l'appui du
gouvernement. Mais on pense que c'est une responsabilité des employeurs d'abord
puisque c'est eux qui ont demandé cet accès massif à l'immigration temporaire,
et que nos membres ne sont pas en mesure de palier aux problèmes de
communication que ça crée, que ça soit nos membres natifs québécois ou que ce
soient des personnes immigrantes reçues, des résidents permanents et tout. Je
veux dire, ce n'est pas à eux à se substituer à l'employeur pour former les
nouveaux travailleurs que ça soit au niveau de la tâche à accomplir, que ça
soit au niveau de la santé, sécurité. Puis ce qui arrive, c'est que ce sont
précisément ces travailleurs récemment arrivés, à statut précaire, qui frappent
des scores d'accidents ou de lésions professionnelles, puis ça, c'est un enjeu
dont on discute aussi à la CNESST. Et on n'est pas... on n'est pas en train de
dire que tout le monde devrait parler le français à l'arrivée. Ce n'est pas
notre position. Mais ce qu'on dit, c'est que les gens qu'on recrute, il faut
être conséquents, puis quand on va chercher des gens ailleurs, mais il y a une
obligation de moyens. On ne peut pas se contenter d'avoir des obligations de
résultat, de demander à l'immigrant de parler français sans que la société
d'accueil se responsabilise sur le comment ces gens-là vont parlent français.
M. Roberge : Donc, l'idée de
franciser des gens en amont ou dès l'arrivée, puis j'ai entendu aussi que le
nombre et la quantité de personnes arrivées en très, très peu de temps, en
particulier pour ce qui est des immigrants temporaires, ça pose un enjeu de
langue. J'ai envie de vous dire que ça pose aussi un enjeu culturel. Après ça,
on peut miser sur l'interculturalisme, les relations interculturelles pour
arriver à une intégration. Puis on est dans... en commission parlementaire,
dans un... un projet de loi-cadre qui est particulier. On n'est pas dans quelque
chose de très, très technique, on est dans des concepts importants et parfois
on discute d'intégration, d'inclusion, d'interculturalisme, de convergence,
d'intégration nationale. Donc, c'est des... les gens peuvent penser qu'on
s'obstine sur des virgules, mais je pense que c'est des concepts fondamentaux
puis, si on prend une notion plutôt qu'une autre, on arrive cinq ans,
10 ans plus tard avec une société qui est... qui est différente.
On veut faire... en anglais, ils disent
«nation building», mais je n'aime pas tellement utiliser les termes
anglophones, je vais dire l'édification nationale ou le renforcement de qui on
est, arriver avec une meilleure cohésion nationale au bout du compte sans
d'aucune manière emprunter le chemin de l'assimilationnisme. Je pense qu'on
peut faire de l'intégration avec de l'interculturel, la destination étant
l'intégration. On touche plusieurs concepts, mais c'est important de le dire,
puis la langue c'est nécessaire, mais ce n'est pas suffisant. On le voit, il y
a des gens qui parlent très, très bien...
M. Roberge : ...bien la langue
française, qui ont toutes les difficultés du monde à s'intégrer d'un point de
vue communautaire, culturel, à l'emploi. Il y a la langue, il y a les balises
de notre vivre-ensemble puis il y a la culture commune. Puis vous avez parlé de
ça. On la définit, nous, à l'article trois : «La culture commune à
laquelle tous sont appelés à adhérer et contribuer.» Pour moi, c'est important,
«adhérer», mais aussi «contribuer», parce que le mot «contribuer» désigne que
les gens qui arrivent ici ne doivent pas justement s'assimiler puis se fondre
dans la masse puis cesser d'exister. On attend d'eux une contribution, donc un
apport. Donc, j'y vais : «La culture commune, à laquelle tous sont appelés
à adhérer et à contribuer, se caractérise notamment par la langue française, la
tradition civiliste, des institutions particulières, des valeurs sociales
distinctes, un parcours historique spécifique et l'importance accordée à
l'égalité entre les femmes et les hommes, à la laïcité de l'État et à la
protection de la seule langue officielle et commune du Québec.» Qu'est-ce qui
vous accroche dans cette définition-là? Vous avez parlé tout à l'heure de la
culture. Vous sembliez avoir des désaccords par rapport à la manière dont on en
parle ici. Il me semble qu'on est dans quelque chose de rassembleur. J'aimerais
ça que vous détailliez, là, quelle est votre proposition ou votre argumentaire
à ce sujet-là.
Mme Bonin
(Marie-Hélène) :Bien, peut-être que, comme
vous le disiez si bien, pour le commun des mortels, on a l'air de couper les
cheveux en quatre puis de s'obstiner sur des virgules, mais comme on est entre
personnes ayant un minimum d'instruction, je pense qu'on peut se permettre de
faire la distinction entre une culture nationale comme la culture québécoise et
une culture civique commune.
La culture nationale d'un peuple ou d'une
nation, ça inclut des éléments auxquels on ne peut pas demander à quelqu'un qui
vient d'arriver d'adhérer. Par exemple, le patrimoine, la connaissance
détaillée de l'histoire puis des traditions, du folklore, de la cuisine
traditionnelle des arts et métiers et des cercles de fermières, et autres, ça
fait partie de notre ADN, mais ce n'est pas essentiel que tout nouvel arrivant
s'approprie tout ça en débarquant pour pouvoir s'intégrer socialement et sur le
marché du travail.
Cette personne-là, elle arrive avec son
propre patrimoine culturel, ses propres traditions folkloriques, culinaires, et
autres. Et c'est là qu'on parle d'échange interculturel. O.K.? Ça fait que,
quand vous... quand vous... c'est écrit «l'adhésion à la culture québécoise ou
commune», ça manque de nuances selon nous. Parce que c'est comme si on demande
aux personnes immigrantes de... D'abord, le mot «adhérer», hein? On adhère à un
parti, à une foi ou à une... Tu sais, on ne peut pas adhérer à une tradition
qui n'est pas la nôtre. On peut la respecter, cette tradition-là, on peut... on
peut apprendre à la connaître au fil du temps, mais on ne peut pas adhérer à
des choses dans lesquelles on n'a pas grandi. Et ce n'est pas grave.
• (15 h 50) •
Je pense que ce qui est important, puis
qui est probablement l'objectif sous-jacent du projet de loi, c'est plus la
culture civique commune, de s'entendre qu'ici on est une société démocratique,
avec une tradition civiliste, avec des élections, des processus, une liberté de
presse, une charte des droits et libertés, l'égalité hommes-femmes, oui, mais
l'égalité, toute... l'égalité entre tous les êtres humains, en fait, c'est ça
qui est dans notre charte, pas seulement entre les hommes et les femmes. Et ça,
c'est des... ce n'est pas... on ne peut pas dire que ça, c'est la culture
québécoise. C'est la même chose partout en Europe, c'est la même chose dans
beaucoup de pays latino-américains, africains, asiatiques, on n'est pas les...
on n'a pas inventé la poudre à canon, là. L'égalité hommes-femmes, c'est un
principe universellement reconnu et pour lequel il y a des institutions qui
sont en place au niveau continental, international. Ça existe dans beaucoup
d'autres peuples, nations, pays. Ce n'est pas ça, la culture québécoise. Je
pense que ça, c'est la...
Mme Bonin
(Marie-Hélène) :...culture civique
commune. Puis ça... Le fait qu'on passe d'un langage à l'autre sans jamais
vraiment préciser, comme si c'était des synonymes, on pense que ça peut
provoquer une incompréhension puis un refus par rapport à ce qui est demandé ou
attendu. On pense que ce n'est peut-être pas la façon la plus adroite de s'y
prendre.
M. Roberge : Mais ça clarifie
ce que vous pensez, ça clarifie peut-être la zone de désaccord que j'ai. Je
trouve ça difficile de séparer un de l'autre. Je pense que la... quand on parle
au Québec de société distincte, quand on parle de nation, je pense que ça
inclut beaucoup plus que simplement des choses qui sont très juridiques, ça
inclut comme une manière de vivre.
Je suis d'accord avec vous qu'on ne peut
pas s'attendre à ce que personne n'adhère et ne connaisse tout ça en débarquant
de l'avion ou dans les deux premières semaines, ou même dans les deux premières
années, mais il y a une posture à avoir de la part de la société d'accueil,
d'être être une société d'accueil dans une posture d'accueil et d'ouverture.
Mais je pense qu'il y a une posture puis c'est écrit clairement dans le projet
de loi, ce qu'on attend des gens, c'est qu'ils adhèrent, oui, mais pas demain
matin, qu'ils connaissent tout de même, mais qu'ils soient dans une posture où
ils... oui, tranquillement, ils adhèrent puis sont appelés à attribuer à
l'ensemble de ces choses-là. Bon.
Merci beaucoup pour cet échange très
éclairant, très respectueux. Je vais relire votre mémoire avec attention pour
être sûr qu'on saisisse bien tout ce qu'on peut tirer de positif. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, je me tourne du côté
de l'opposition officielle. Vous avez 16 min 30 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour, bon après-midi. Très content que vous soyez là.
Merci pour le mémoire que vous avez présenté. Visiblement, vous y avez consacré
du temps et de la recherche. Il y a des... il y a certains éléments que
j'aimerais discuter avec vous, éclaircir. Je commencerai avec les considérants
au départ du projet de loi, il y a un considérant, et je rappelle le titre de
la loi, la Loi sur l'intégration nationale, et il y a un des considérants qui
reconnaît aux Premières Nations et aux Inuits du Québec le droit qu'ils ont de
maintenir leur langue, leur culture. Ça se limite à ça. Pour le reste, on ne
parle pas de vivre ensemble, on parle d'intégration. C'est comme si on voulait
les intégrer. Avez-vous réfléchi à cette question-là? Parce que je suis aussi
le porte-parole de l'opposition officielle pour les relations avec les
Premières Nations et les Inuits et j'avoue que ça m'a un peu étonné, mais je
suis peut-être tout seul à être étonné, mais j'aimerais, compte tenu de votre
expertise, vous entendre là dessus.
Mme Bonin
(Marie-Hélène) :Écoutez, nous aussi, on
travaille sur les relations avec les autochtones puis on a un certain nombre de
positions à cet égard là, incluant la reconnaissance de leur droit à
l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale. Ça fait que c'est sûr que
l'ensemble du projet de loi-cadre définit les relations entre les Québécois de
souche, disons, qui sont déjà ici et les minorités culturelles, les personnes
immigrantes et autres, comme simplement à travers le prisme culturel et
linguistique. Nous, déjà là-dessus, on pense qu'il faudrait se pencher sur
beaucoup d'autres dimensions, incluant l'inclusion sociale, l'intégration en
emploi, etc.
En ce qui concerne les autochtones, on ne
pense pas qu'il y a lieu de les intégrer, O.K.? Je ne pense pas que c'est ce
que le projet de loi dit de faire, mais c'est clair qu'il reconnaît très peu de
droits finalement aux Premières Nations et aux Inuits, c'est-à-dire on
reconnaît le droit de maintenir et développer la langue et la culture. Point.
Alors, on est très loin de l'autonomie gouvernementale. On est très loin du
droit à l'autodétermination. On est très, très, très... On est comme ça
50 ans en arrière quand on dit ça. Mais c'est parce que le prisme avec
lequel toute...
Mme Bonin
(Marie-Hélène) :...le projet de loi-cadre
est rédigé ne s'intéresse, ne s'arrête qu'à la langue et à la culture. Or, il y
a plein d'autres dimensions dans les relations entre les peuples et les
nations. Mais pour la CSN, c'est clair que... et ça fait longtemps, là, je
pense que ça fait depuis les années 80 peut-être, qu'on a des positions à
l'effet de traiter avec les Premières Nations et les Inuits de nation à nation.
M. Morin : En fait, on est
très loin de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
autochtones.
Mme Bonin
(Marie-Hélène) :Oui, en effet.
M. Morin : D'accord. L'autre
élément, on parle de la communauté québécoise, l'expression anglaise et du
respect des institutions, ça... ça se limite à ça, puis vous y avez fait aussi
référence. Mais quant à la culture, quand est-ce qu'on devient véritablement un
Québécois? Parce que le ministre reconnaissait que, dans le cas de la
communauté québécoise d'expression anglaise, c'est une communauté historique,
ils sont ici depuis 200 et quelques années, là. Ça fait que c'est comme... c'est,
comme difficile. Est-ce qu'il faut qu'ils s'intègrent eux aussi? Est-ce qu'ils
sont déjà intégrés comme... Comment... comment on va... on va être capable de
faire en sorte que ce projet de loi là va inclure tout le monde?
Et l'autre question, parce que vous y avez
fait référence, c'est une question que j'ai posée à plusieurs groupes. Le
gouvernement veut parler de la Loi sur l'intégration nationale, est-ce que ce
ne serait pas mieux de parler d'une Loi sur le vivre-ensemble qui ferait en
sorte que ce serait plus inclusif? Parce que je comprends l'objectif du
gouvernement puis je pense que là-dessus, en tout cas, il y a un consensus qui
se dégage. Quand on se ramasse tous ensemble avec des origines différentes mais
sur le même territoire, on veut vivre ensemble parce que c'est clair, là. Mais
est-ce que ça ne ferait pas un peu moins peur, est-ce que ça faciliterait le
travail du gouvernement d'appeler cette loi-là, finalement, la loi sur le
vivre-ensemble?
Mme Lelièvre (Katia) : Bien,
c'est quand même... c'est quand même drôle parce que ce qu'on propose dans
notre projet de loi, c'est d'appeler le projet de loi favorisant le
vivre-ensemble, et on y revient un peu partout. D'ailleurs, c'est un peu dans
cet esprit-là qu'on proposait une politique nationale sur laquelle il y aurait
des larges consultations pour qu'on puisse discuter entre Québécois, de façon
apolitique, de façon à... de toutes les origines, puis qu'on soit arrivé depuis
longtemps, peu longtemps, qu'on puisse avoir voix au chapitre puis qu'on puisse
être entendus, puis qu'ensemble, comme Québécois, on établisse qu'est-ce qu'on
souhaite au niveau national, puis comment on va intégrer ces gens-là, les
inclure, de quelle façon, comme Québécois, on souhaite que ce soit fait chez
nous. Et après ça, après cette consultation large là, et bien, là, on pourra le
déployer dans l'ensemble de nos lois et de nos règlements. Mais pour nous, ça
prend d'abord une discussion, une discussion nationale à cet effet-là dans
laquelle on va établir comment on veut que ça se passe chez nous. Alors, il
faut juste discuter sur un texte de loi, c'est un peu réducteur de ce qu'on
souhaite comme... comme discussion nationale. Tu voulais-tu rajouter des
choses?
M. Morin : Non, mais c'est
très intéressant. Je vous remercie. D'autant plus que dans le projet de loi, à
l'article 8, le gouvernement prévoit qu'il devrait y avoir une politique
nationale. Sauf qu'on dit : Le ministre va élaborer ça avec les ministres
concernés. La consultation semble se limiter à ça. Ne serait-il pas approprié
d'inclure déjà que cette consultation-là sera plus large? Ça pourrait inclure
les municipalités, ça pourrait être plein d'organisations. Mais j'aimerais ça
vous entendre là-dessus.
• (16 heures) •
Mme Bonin
(Marie-Hélène) :Nous, ce qu'on... ce
qu'on propose au gouvernement, c'est que la politique nationale élaborée par le
ministre devrait être déposée à l'Assemblée nationale pour une consultation
générale en commission parlementaire, comme on le fait avec la planification de
l'immigration, et ceci devrait être inscrit dans la loi-cadre, et tous les
10 ans, on devrait pouvoir reprendre ce processus avec une consultation
générale en commission parlementaire pour faire la révision de la politique.
Alors, ça, c'est le mécanisme qu'on favoriserait parce qu'effectivement c'est
il n'y en a pas, là. Il n'y a pas. En fait...
16 h (version non révisée)
Mme Bonin
(Marie-Hélène) :...il n'y a pas de
consultations de prévue sur la politique qui devra définir tout ce qui n'est
pas dans la loi-cadre. Et la seule consultation qui a lieu, c'est sur une
loi-cadre où on ne définit pas clairement le modèle qu'on dit être le modèle
québécois. Pas une fois on lit le mot «interculturel», «interculturalisme»,
«interculturalité». Ces mots-là sont complètement absents du projet de loi. Et
il faut faire confiance qu'un document, une politique qu'on ne verra pas, qu'on...
qui ne sera pas soumise au débat, qui ne sera pas soumise à la consultation, va
amener des précisions. C'est... C'est... C'est un peu gros pour... justement,
pour tenter de s'attaquer à un enjeu, comme le disait M. le ministre tantôt,
là, d'arrimage ou de «nation-building». Nous, on en est, là, du
«nation-building», tout à fait, mais ça, ça implique une participation large
puis des consultations.
M. Morin : En fait, oui, je
vous rejoins. C'est sûr qu'on est on... est tous pour le fait que les gens
vivre ensemble dans la paix au Québec. On est d'accord. Mais, encore, il faut
la manière et il faut... il faut être capables d'en arriver à des consensus. D'autant
plus qu'aux articles 16 et 17 de la loi... bien, du projet de loi, on dit
que «Le gouvernement par règlement va déterminer les formes d'aides financières
qui pourront être octroyées à des organismes auxquels la politique va... va s'appliquer.»
Donc, dans le projet de loi, on a le ministre avec des ministres qui vont
élaborer la politique. Puis, après ça, il va y avoir du financement relié à la
politique, mais également par règlement du gouvernement. Donc, ce n'est pas
très inclusif.
Mme Bonin
(Marie-Hélène) :Oui. Bien, on est... on
est d'accord avec votre... On a... Notre proposition consiste à biffer l'article 16
et 17. D'ailleurs, je dois vous dire qu'on a... bon, on a... on a eu un
problème d'impression, mais on va... on va transférer à tout le monde, là, ce
qu'on propose dans le projet de loi, on va l'inscrire pour que vous puissiez comprendre
un peu, parce que ce n'était pas simple à comprendre nécessairement dans la
forme que le mémoire avait, donc, pour s'assurer que vous avez en main l'ensemble
de nos propositions, bien clairement, dans le projet de loi, là, au moment où
vous pourrez faire l'article par article.
M. Morin : Je vous remercie
beaucoup. C'est... C'est très apprécié. Il y a un autre élément, et ça, vous en
parlez dans votre mémoire, mais j'aimerais que vous puissiez élaborer parce qu'il
y a d'autres groupes qui nous en ont... qui nous en ont parlé. Il y a... Il n'y
a absolument rien dans le projet de loi qui traite de la discrimination ou du
racisme. Il n'y a rien. Et, ce qu'on nous dit, c'est qu'un des... un des enjeux
d'intégration, c'est que justement, il y en a, des nouveaux arrivants ou des
moins nouveaux arrivants qui vivent des situations de racisme. Et, si on n'est
pas capables d'en parler, bien, je vois mal comment on va les intégrer. Mais j'aimerais...
si vous avez des pistes de solutions, j'aimerais vous entendre là-dessus. Je
pense que c'est important.
Mme Bonin
(Marie-Hélène) :Bien oui, il y a du
racisme, il y a du racisme clairement un peu partout dans la société. On le
voit dans nos milieux de travail qui sont un reflet de ce qui se passe ailleurs.
Vous savez, on... il y a des choses qu'on
dit dans le mémoire. Entre autres, on parle, à un moment donné, là, du droit,
puis ça, c'est un exemple, là, qui est frappant dans nos milieux de travail,
puis que, si on avait une discussion, là, nationale là-dessus, là, les gens,
peut-être que les Québécois d'origine francophone pourraient comprendre
pourquoi les personnes immigrantes, dans... quand elles ont des discussions
entre elles, que ce soient privées, là, sur l'heure du midi par exemple, à ton
milieu de travail, on a tendance à être fâché de les entendre parler dans une
autre langue. Puis on se dit : Mais tu es dans mon milieu de travail, tu
devrais parler ma langue.
On a fait, à la CSN... Puis là je vais y
aller d'une anecdote, là. On a fait une formation avec nos gens dans laquelle
on a... on voulait démontrer à quel point c'est difficile, pendant une journée
au complet, d'entendre parler quelqu'un puis d'essayer de comprendre ce qu'il
dit puis d'être obligé de traduire tout le temps quand on ne maîtrise pas la
langue. Et on a fait faire des ateliers où on donnait des instructions dans une
autre langue pour que les gens vivent cette pression mentale là, d'essayer de
comprendre, puis de faire l'effort, puis d'avoir des consignes que tu n'es pas
capable de respecter parce que tu ne comprends pas la langue. C'est frustrant
pour la personne qui donne la consigne, puis c'est frustrant pour la personne
qui la vit, mais c'est... c'est ce qui fait que ces gens-là, quand ils arrivent
dans leur milieu de travail puis qu'ils rencontrent quelqu'un...
Mme Lelièvre (Katia) : ...qui
parle la même langue qu'eux, vont aller prendre le café, la pause-café, vont
aller se reposer mentalement. Ça a l'air... ça a l'air banal, mais ça cause de
la frustration dans nos milieux de travail, ça nuit au vivre-ensemble, cette
mécompréhension-là de la difficulté, pour les personnes immigrantes, de
toujours parler dans une langue seconde sans pouvoir se reposer l'esprit. Vous
allez dire : C'est anodin. Mais non, ce n'est pas si anodin, parce que ça
fait monter les tensions dans nos milieux de travail.
Ça fait qu'il faut aussi que la société
d'accueil puisse prendre conscience des difficultés de l'autre partie, parce
qu'on demande beaucoup aux immigrants de prendre conscience de ce que nous, on
est, puis de ce que nous, on attend d'eux. Mais l'inverse n'est pas tant
mentionné que ça, ni dans le projet de loi ni dans la discussion publique qu'on
a à l'heure actuelle, au Québec. On est beaucoup dans la limitation du nombre,
on est beaucoup dans... et il faut s'assurer de maintenir notre culture, mais
on ne se parle pas de comment on va s'assurer que ces gens-là ont envie de
s'inclure chez nous, là, ou que...
Les gens, ils ont envie de s'intégrer puis
de participer à notre vie. Il faut aussi leur tendre la main puis leur donner
envie de le faire, et ça, il faut se donner des mécanismes, puis en discuter
collectivement, pour être capables de modifier nos façons de faire dans nos
milieux de vie, dans nos milieux de travail, dans nos communautés, dans nos
activités sociales, un peu partout.
M. Morin : Oui, c'est ça. Si
je vous comprends bien, ce n'est pas une activité à sens unique, ça va dans les
deux sens, et, parfois, quand je regarde les dispositions du projet de loi,
j'ai l'impression qu'on s'en va à sens unique, ce qui... ce qui peut être...
c'est carrément un enjeu.
J'ai bien aussi... je vous ai bien
compris, vous avez été bien clairs, vous ne voulez pas que le gouvernement
touche à nouveau à la charte des droits de la personne. Il y a des groupes...
en fait, dont un groupe, ce matin, Droits collectifs Québec, qui demandait même
d'utiliser la clause de souveraineté parlementaire. Là, je comprends que vous,
vous n'êtes pas là du tout. C'est que, d'après vous, ça ne faciliterait pas du
tout, finalement, le vivre-ensemble pour les gens qui arrivent au Québec puis
qui veulent s'intégrer. Je vous ai... je vous ai bien compris?
Mme Clermont-Isabelle (Vanessa) :
Oui, vous nous avez bien compris. Moi, j'aimerais vous sensibiliser au
fait, là, que la Charte des droits et libertés de la personne, ce n'est pas
seulement un instrument de déclaration de droits. C'est vraiment un instrument
juridique, qui est appliqué, au quotidien, devant les tribunaux judiciaires,
devant les tribunaux administratifs, et, quand on la modifie, ça a des impacts
concrets.
Nous, en droit du travail, on l'applique
souvent, la charte, et, lorsqu'on modifie un article autant central que le 9.1,
ça a des impacts concrets. Et puis là on vient ajouter des mots qui sont
superflous, qui vont être difficiles à interpréter devant les tribunaux, le
modèle québécois d'intégration nationale, et c'est pour ça qu'on demande de ne
pas modifier la charte, et surtout, comme la Commission des droits de la
personne vient de nous dire, surtout, ne pas toucher, encore une fois, à 9.1,
parce que plus on ajoute des concepts à 9.1, plus on permet à une partie de
justifier une atteinte à un droit. Et là elle pourra se justifier, parce que,
d'un côté, il y a une partie qui va venir démontrer qu'il y a une atteinte à un
droit et, de l'autre côté, elle peut se défendre en disant : Je suis
justifié, j'ai des objectifs et j'atteins, minimalement, au droit. Et là, plus
on rajoute des éléments, bien, plus on augmente la possibilité de se défendre
d'une atteinte à un droit.
Et là, également, l'autre problème, c'est
que c'est un concept flou, et que c'est un modèle qui sera défini dans une
politique. Donc, l'autre enjeu qu'on a, c'est : il y a un problème de
hiérarchie des normes. J'ai une charte quasi constitutionnelle qui se retrouve
à être limitée par une loi et à une politique...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Je me dois de vous arrêter, le temps
imparti est terminé. Merci beaucoup, mesdames et messieurs, et les élus. Juste
avant de suspendre, je vais juste vous préciser que, si vous avez un document
de précisions, il faut que ce soit déposé à la commission avant
19 h 25 ce soir, parce que ça va être l'ajournement des travaux à ce
moment-là. Merci beaucoup.
Alors, on va suspendre, le temps de
recevoir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 09)
(Reprise à 16 h 13)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux.
Donc, pour notre deuxième audition cet
après-midi, nous recevrons... nous vous recevons, pardon, M. Patrick Kearney,
directeur général du Regroupement des festivals régionaux artistiques
indépendants. J'ai bien le bon? Oui. Alors, bienvenue à la commission! Vous
allez, comme tous les autres, bénéficier d'une période de 10 minutes pour
votre exposé. Et, par la suite, nous allons entamer la période de discussion
avec les parlementaires. Alors, le temps débute maintenant.
M. Kearney (Patrick) : Bien,
merci! Je vais essayer de faire ça peut-être moins formel, un peu plus festif,
hein? Ça correspond plus aux festivals.
Donc, le Regroupement des festivals
régionaux artistiques indépendants - on a une belle abréviation qu'on utilise,
c'est le REFRAIN, on trouve que c'est plus agréable puis ça veut dire quelque
chose - c'est une organisation qui est née pendant la pandémie, qui regroupe
maintenant plus de 125 festivals de partout au Québec, des festivals qui
ont l'ADN commun d'être des festivals culturels, artistiques et qui sont tous
des OBNL, principe important pour nous, donc en lien avec l'économie sociale.
On est présents dans 15 disciplines artistiques. Donc, oui, il y a beaucoup
de musique, mais on a des festivals de poésie, des festivals de murales, des
festivals de bédés. Et, tout récemment, les salons du livre ont commencé à
adhérer à notre regroupement, parce qu'un salon du livre, bien, c'est un
événement qui fait la promotion, hein, de la littérature, chose importante pour
la langue française, donc des festivals qui mettent en valeur majoritairement,
là, la langue française. Mais, la langue française et la culture, bien, elle se
retrouve aussi en musique, elle se retrouve en littérature, elle se retrouve...
elle se retrouve en danse, elle se retrouve dans beaucoup de choses. Et c'est
un des grands remparts pour lancer la carrière d'artistes, hein, les festivals.
On parlera... Je parlerai, un petit peu plus loin, là, de l'impact qu'on a.
Le REFREIN, bien, on est devenu un acteur
de premier plan en culture, en économie sociale, mais aussi en tourisme. Tu
sais, il y a la Sainte Trinité, mais pour nous, c'est ça, la Sainte Trinité, au
REFRAIN.
On ne va pas mettre de l'accent sur des
éléments spécifiques du projet de loi. Comme les acteurs précédents, on va plus
y aller de façon générale puis voir comment ce projet de loi là pourra
s'arrimer puis voir comment nous, on peut y contribuer de façon positive et
constructive.
Festivals et inclusion. Bien, nos
festivals représentent aussi l'inclusion sur laquelle insiste ce projet de loi,
là, en tout cas, ce que nous, on en a compris, des nouveaux arrivants
maintenant québécois qui ont démarré des festivals pour parler de leur culture.
Bien, l'inclusion, c'est aussi à la rencontre de... aller à la rencontre de
l'autre. Ce n'est pas seulement dire : Bien, toi, ici, maintenant, tu
vivras comme Québécois. Je pense que ce qui fait notre richesse, bien, c'est
cette rencontre de cultures là...
M. Kearney (Patrick) : ...bien,
ça permet aussi, évidemment, à ces immigrants-là de découvrir notre culture
puis notre super belle langue. En région, ces festivals offrent une plateforme
aux nouveaux arrivants aussi pour se familiariser à la culture locale,
rencontrer des résidents, participer à des activités communautaires. Cela crée
des lieux accueillants et inclusifs, facilitant leur intégration sociale et
culturelle dans un environnement informel et convivial. C'est vrai qu'on peut
s'intégrer à l'école, mais c'est un milieu qui, des fois, peut être plus
rigide. Un festival, bien, ça a la nature d'être facile, pas compliqué.
Jeunes, découvrabilité et nouveaux
arrivants. Pour nous, là-dedans, il y a comme quelque chose qui se tient. On
comprend que le projet de loi parle beaucoup d'intégration, mais, actuellement,
bien, on en parlait, la CSN en parlant tantôt, toute l'écoute, la musique
francophone, on sait que, sur les plateformes, ce n'est pas évident pour nos
artistes de mettre de l'avant, par exemple, hein, leur langue, notre musique,
mais les festivals restent probablement actuellement la meilleure carte de
visite pour le français parce que c'est facile de s'y intégrer, ça coûte peu
cher, il y a beaucoup même de... hein, de spectacles gratuits, donc c'est un
bon moyen pour se mettre en contact. Mais je vais vous donner l'exemple de mon
fils. Vous allez dire : Où est-ce qu'il s'en va?
Mais moi, j'ai un fils de 19 ans, qui
consomme évidemment sa musique comme les jeunes de son âge sur les plateformes,
sur Tik Tok, Snapchat, les réseaux sociaux. Cependant, il avait un papa qui
courait les festivals, ce qui fait que, lui, ça lui a permis de connaître des
artistes francophones, faisant de lui souvent un extraterrestre à l'école, par
exemple, donc, parce qu'il connaissait FouKi, parce qu'il connaissait Koriass,
parce qu'il connaissait Galaxie, quand ses amis, eux, c'était beaucoup plus la
langue anglophone, les artistes américains. Ça fait que, ce principe-là, s'il
s'applique à mon fils de 19 ans, il s'applique assurément à des nouveaux
arrivants. Ça fait que si on veut les mettre en contact avec notre culture, il
ne faut peut-être pas compter sur les plateformes de musique, il faut
probablement compter beaucoup plus sur les festivals.
Puis le défi, bien, on le voit aussi, là,
les salles de spectacles vivent un défi de renouveler leur clientèle, parce que
c'est difficile d'amener un jeune de 19 ans dans une salle de spectacle,
beaucoup plus facile de l'amener dans un festival. Et, après ça, le festival,
ce que j'ai fait il y a quelques semaines avec mon fils, je l'ai invité à un
show de Galaxie, il les avait vus trois fois en festival. C'était facile pour
lui de venir en salle, il avait... donc il avait le goût.
Le REFRAIN a dévoilé récemment une étude
qui va dans ce sens là, que les festivals, c'est présentement le vecteur le
plus important pour la découvrabilité des artistes musicaux, mais on pense que
ça peut s'appliquer évidemment à bien d'autres formes d'art. Petite anecdote
drôle. À Saint-Sauveur, il y a un festival des arts, qui est un festival de
danse classique, et, bien, le D.G. de Saint-Sauveur, il ne connaissait
absolument rien à la danse. Mais là, depuis que c'est chez eux, bien,
évidemment qu'il achète sa passe puis qu'il y va. Ça fait qu'on peut penser que
c'est la même chose s'il y a des immigrants, des gens issus de l'immigration
qui sont à Saint-Sauveur. Bien, s'ils sont mis en contact avec cette forme
d'art là, cette culture là québécoise, bien, ils auront le goût de la fréquenter.
On pense aussi qu'on a quand même la
spécificité d'avoir des artistes québécois qui chantent en anglais, qui
écrivent en anglais, qui créent des bandes dessinées en anglais. Ils doivent
faire partie de notre culture, toujours ayant en tête de prioriser la langue
française. Je pense qu'il faut trouver une façon de bien les intégrer. Si on
veut une langue française vivante, les festivals y contribuent et doivent être
supportés à la mesure de leur apport.
Culture autochtone. Tantôt, j'entendais
parler de la culture autochtone. Le REFRAIN, à la demande des groupes
autochtones, a pris... a déposé un projet au ministère de la Culture que nous
avons obtenu pour la mise en valeur des artistes autochtones, parce qu'il y a
un défi pour les langues autochtones puis les artistes autochtones, bien, c'est
de trouver des tribunes. On a souvent tendance à ne pas les inviter dans les
festivals ou on les invite souvent pour remplir un quota. Bien, chez nous,
bien, on a enfin décidé d'embarquer puis de s'impliquer. Donc, on croit que la
culture autochtone a fait aussi de ce qui nous représente au Québec. Force est
d'admettre que ce sont nous les immigrants quelque part par rapport aux
autochtones, ça fait qu'il ne faudrait pas non plus l'oublier.
Un Québec métissé. Le mélange des cultures
fait aussi des artistes que le Québec a vu passer, des artistes comme Lhasa de
Sela, Pierre Kwenders, Boucar Diouf, qui ont permis de construire notre
culture. Est-ce que nous sommes un peuple accueillant et métissé? Le refrain,
quoi, nous devons garder ça en tête.
• (16 h 20) •
Financement. Hein, c'est rare qu'on ne
parle pas de financement, mais, bon, il y a une autre façon d'en parler. Est-ce
que l'État devrait orienter ses aides financières envers les festivals qui
proposent une programmation plus francophone...
M. Kearney (Patrick) : ...plus
inclusive dans notre culture, la question se pose. Le REFRAIN croit que, oui,
on devrait orienter les subventions de l'ensemble des programmes dédiés aux
festivals qui mettent de l'avant la langue et la culture québécoise, mais aussi
les festivals issus de cette diversité qui la compose. Et l'État doit éviter de
se cacher derrière les sacro-saintes retombées économiques pour justifier ses
plus grands investissements. C'est la... prévaut à chaque fois, il est bien
inutile de prévoir une loi comme la loi 84, car elle ne fera pas le poids
versus les considérations économiques. Les festivals sont des lieux
d'accessibilité, de diversité artistique et de mise en valeur d'une relève qui
voit les endroits de diffusion disparaître au profit de multinationales. Les
festivals demeurent un refuge pour mettre en valeur cette belle relève
artistique et leur permettre de percer à l'international.
Menace américaine et souveraineté
culturelle. Deux minutes, je vais être dans les temps, Mme la Présidente. La
menace américaine sur notre culture n'a jamais été aussi grande. On peut
seulement se sentir protégé par les remparts que constitue notre langue. Et,
comme Astérix et Obélix, est-ce que notre village gaulois que constitue le
Québec résistera longtemps? Quelle sera notre potion magique? Bien le REFRAIN
pense que les festivals peuvent constituer une solution pour faciliter
l'intégration des nouveaux arrivants, mais aussi pour renforcer notre culture. Il
est cependant important que les programmes le démontrent, le financement, d'où
la fameuse expression : Il faut que les bottines suivent les babines.
En terminant, les festivals jouent
maintenant un rôle essentiel dans la diffusion de la culture au Québec et aussi
dans l'intégration des nouveaux arrivants. Ce sont des lieux festifs qui
aplanissent les différences et rapprochent les gens. Il faut voir les festivals
comme des acteurs de premier plan dans l'intégration. Les festivals devraient
ainsi... Le festival devrait être inscrit dans le projet de loi comme un
vecteur important dans l'intégration et la réciprocité. Je vous laisse sur
cette interrogation-là : Est-ce que le projet de loi n° 84 pourra
influencer l'ensemble des ministères? Il serait important que cette politique
soit transversale et n'amène pas d'incohérence entre les programmes des
différents ministères. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation. On va donc
commencer la période d'échange avec les parlementaires. M. le ministre, une
période de 16 min 30 s est accordée à votre banquette.
M. Roberge : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. C'est un peu différent des
présentations qu'on a eues juste avant, mais tellement complémentaires,
rafraîchissant, très intéressant. Vous nous avez amenés là où d'autres ne sont
pas allés. C'est très bien comme ça d'arriver avec une couleur qui est la
vôtre. Je dois vous dire que de papa à papa - je vais me confier - j'ai fait la
même chose dans le véhicule. Je contrôle la musique que nous écoutons. C'est un
des seuls lieux que le papa peut vraiment contrôler.
Une voix : Genre de
dictature.
M. Roberge : Oui, c'est ça,
c'est ça. Et ça a fonctionné, parce que, c'est ça, après avoir fait découvrir
ou endurer toutes sortes d'artistes québécois, finalement, mes filles sont
tombées en amour avec certains d'entre eux. Elles sont allées les voir dans des
festivals gratuits par elles-mêmes. À un moment donné, j'apprenais :
Qu'est-ce que vous faites ce soir? Ah! on s'en va voir tel artiste, emprunte le
véhicule à papa maman pour des dizaines de kilomètres pour aller voir un
artiste. Wow! Puis, après ça, j'ai appris qu'elles s'étaient acheté des billets
pour aller voir un autre aussi. Donc, définitivement, qu'il y a eu, je vous
dirais, l'initiative parentale grandement supportée par l'initiative d'un
festival avant, ensuite, d'aller.
Donc, on n'est pas seulement en train de
parler des nouveaux arrivants, des nouveaux Québécois, des immigrants
permanents, temporaires. On est dans le partage d'une culture nationale avec
tous ceux qui habitent le territoire québécois, y compris des gens qui sont nés
ici. Puis je pense que vous faites très, très bien de l'avoir souligné. Parce
que, oui, on a l'air de badiner de raconter des exemples, mais, en même temps,
on est en train de témoigner de ce qui va permettre ou pas à la culture puis à
la nation d'exister dans quelques décennies.
Vous avez parlé de nouveaux arrivants
inspirants, vous avez nommé Boucar Diouf., vous en avez nommé d'autres. Lui, il
utilise le terme «on est métissé serré». C'est lui qui avait inventé ça, je
trouve ça très, très beau, hein? On avait l'expression québécoise «tissé
serré», lui, c'est «métissé serré». On ne peut pas avoir une plus belle
démonstration d'une intégration à la nation québécoise puis d'une contribution.
Ce qu'on souhaite, c'est que la personne connaisse ce qu'est le Québec, adhère
et contribue. Quand on a un artiste qui réinvente la langue, qui l'adore, qui
raconte des contes de son pays d'origine à des publics québécois...
M. Roberge : ...c'est la
quintessence de ce qu'on souhaite, puis je suis certain que les festivals
accueillent plein de Boucar Diouf à la grandeur du Québec.
Il y a, j'ai compté tantôt, au moins trois
endroits où on parle des arts dans le projet de loi. Je vais revenir aux petits
articles, mais je ne vous demande pas de faire l'exercice, mais c'est pour vous
dire qu'on est là, là. Dans 5.d, le modèle d'intégration repose sur quel
fondement? Bien, à d, on dit : "Il se concrétise notamment par des
objets culturels dans les arts et les lettres. Donc, on est là, quand on parle
du projet de loi, quand on parle de la culture québécoise, on est là. 6.3, dans
qu'est-ce que doit faire l'État du Québec? Bien, à 6.3, il doit faciliter
l'accès aux œuvres et aux contenus culturels, aux biens patrimoniaux québécois,
favorise la découvrabilité. Je pense qu'avec vous c'est exactement ce qu'on
fait, favoriser la découvrabilité. Puis, à 9.3, la politique peut traiter de
quoi? Bien, de l'accès aux œuvres et aux contenus culturels, puis encore de la
découvrabilité.
Mais vous m'avez... vous avez apporté
quelque chose, vous avez dit : Oui, ce serait normal que le gouvernement
oriente du financement vers des activités culturelles qui mettent de l'avant la
langue française. Il ne s'agit pas d'interdire d'autres langues que le
français, mais ça veut dire qu'on met notre argent là. Est-ce à dire qu'on ne
le fait pas assez en ce moment?
M. Kearney (Patrick) : Bien,
en fait, les ministères qui financent, où il y a plus d'argent, puis, tu sais,
je vais même inclure le fédéral, là-dedans, là, parce que j'ai eu beaucoup de
discussions aussi avec le fédéral, actuellement. Je me permets ce petit aparté.
Actuellement, je sens du fédéral une beaucoup plus grande inquiétude sur notre
souveraineté culturelle, québécoise ou canadienne, là, beaucoup plus
importante, dans les ministères, actuellement. Peut-être par le fait que, dans
les autres provinces, la langue anglaise est dominante puis qu'ils voient la
culture américaine ou nord-américaine beaucoup plus présente. Je pense qu'au
Québec, je le disais un peu, on se sent un petit peu protégé, là, par le
rempart de la langue française, mais, tu sais, les États-Unis, c'est un gros
joueur à côté de nous autres, ça fait que c'est un méchant rouleau compresseur.
Donc, moi, je pense que, oui... non, on ne
le fait pas assez puis je crois en ce que... C'est pour ça que je parlais de
transversabilité. Si les plus gros ministères qui contribuent au festival,
bien, n'orientent pas ça vers les festivals qui portent la culture québécoise,
seulement sur des considérations économiques en disant : Bien non, mais
c'est des retombées économiques, Patrick, bien là, je... tu sais, un projet de
loi comme le projet de loi no 84, en tout cas, pour nous, il n'aura pas... il
n'aura pas d'impact. Si on veut supporter cette culture-là partout au Québec,
il est aussi important d'avoir des festivals en Gaspésie, dans la Côte-Nord, mais
aussi des petits festivals montréalais de quartier, qui permet à ce nouvel
arrivant là, tu sais, qui est intégré dans Rosemont, bien, de rencontrer un
petit festival des arts de ruelle puis de dire, bien... de rencontrer son
voisin, de parler français. C'est tout ça que ça permet, les festivals, c'est
cette rencontre-là, facilitante. Mais oui, il faut que le financement soit...
ça demande des discussions entre ministères, entre ministres par rapport à ça.
M. Roberge : Le festival
comme outil de vivre ensemble. Merci. Je vais... il y a des collègues, je
pense, qui veulent discuter avec vous.
M. Kearney (Patrick) : Ça
fait plaisir.
M. Roberge : Merci à vous.
M. Kearney
(Patrick) :
Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, je me tourne du côté de la députée
de Vimont. Il reste encore 10min 3s.
Mme Schmaltz : Parfait. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Vu qu'on est dans les confidences parentales, là,
avec les parents, là, qui monopolisent la radio, là, ou, en tout cas, les
musiques, c'est vrai, ce que vous dites tantôt, qu'à un moment donné, on peut
transmettre hein, certaines chansons à nos enfants, certains groupes, puis,
finalement, se rendre compte qu'en vieillissant, bien, ils viennent... ils
reconnaissent les chansons. Puis je pense qu'il y a aussi un devoir parental
là-dedans, hein? Moi, mes enfants, j'en ai trois, à sept ans d'intervalle,
connaissent tout Joe Dassin, tu sais, bon, un exemple comme ça, là, mais je
veux dire... bon, là, ce n'est pas québécois, mais ce que... quoiqu'il y a
quand même deux chansons, l'Été indien, là, ça fait référence au Québec, ça
fait que c'est correct, mais il y a... il y a aussi cette... ce devoir, un
petit peu qu'on a, nous, en tant que parents, tu sais, de transmettre. Puis, en
fait, j'ai dit ça, bien, je voulais juste dire que, moi aussi, j'ai fait ce
genre de... j'ai été aussi ce genre de parents dans l'auto.
• (16 h 30) •
Tout ça pour dire que vous avez dit tantôt
que les festivals permettent de lancer des artistes très souvent. Moi, mon fils
a 15 ans et il me fait découvrir des jeunes rappeurs francophones, puis
québécois aussi, et je me suis rendu compte que... à un moment donné, on est en
auto, puis il me dit : Ah! je n'ose pas trop ouvrir la fenêtre parce que
c'est en français. Bien, j'ai dit : C'est quoi, tu sais, parce que je sais
que tu aimes ce groupe-là, tu me le fais...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Schmaltz : ...tu sais. Il
y avait un petit peu comme une gêne que... Oh mon Dieu! Qu'est-ce que les amis
vont dire, tu sais, si j'écoute le tout en français. Après l'avoir... bon, on a
discuté de tout ça, finalement, tu sais, ça a passé un petit peu, il était un
petit peu plus jeune. Mais dans les festivals, et tout ça, des fois, les
jeunes, l'intérêt, tu sais, de la langue, il va se développer souvent par
certains concours, certains... certains jeunes qui vont aller... tu sais, qui
vont se présenter sur scène, qui vont faire des concours de chant... bien, pas
des concours de chant, mais des concours d'écriture de chansons, de... et tout
ça. Et puis je me rends compte que ça va aller chercher beaucoup la nouvelle
génération. Et, parmi ça, il y a eu, à un moment donné, une téléréalité qu'il a
écoutée, en France, où c'étaient des jeunes rappeurs, tu sais, je ne me
rappelle plus comment... l'école...
Des voix : ...
Mme Schmaltz : Oui, c'est ça.
Puis... Mais les jeunes, ce n'était pas... ils n'interprétaient pas seulement
des chansons, ils les créaient aussi. Donc, il y avait tout un côté très poésie
aussi, hein, il faut le dire, le rap aussi, il y a quelque chose d'un peu
poétique, là-dedans, même si on trouve que, des fois, c'est un peu brutal.
Mais bon, tout ça pour dire que je pense
que, dans ce que vous amenez, il y a vraiment beaucoup de potentiel aussi à
développer, à repenser. Puis je voulais voir avec vous, est-ce que vous avez
déjà, avec tous les des partenaires ou... en tout cas, est-ce que ce sont des
discussions que vous avez entre vous pour voir de quelle façon, maintenant, on
pourrait le plus possible mettre le Québec à l'avant-plan? Est-ce qu'il y a des
idées, là, qui peuvent... Parce que c'est les jeunes, hein, finalement, ça va
être la relève, ça va être eux, là, qui vont amener ça.
M. Kearney (Patrick) : La
question est bonne. Bien, la réponse, elle peut être multiple, là, tu sais. Je
prends l'exemple... moi, jusqu'à tout dernièrement, je gérais un festival, qui s'appelle
le festival Santa Teresa, et nous, on organisait un... Puis je connais votre
fils, qui est James, je crois.
Mme Schmaltz : Oui, bien oui.
Mon Dieu...
M. Kearney (Patrick) : Que
j'ai côtoyé dans un festival qui s'appelle La Noce, mais...
Mme Schmaltz : D'accord,
je...
M. Kearney (Patrick) : Mais,
en fait, tu sais, exemple, nous on organisait un concours, un concours pour
sélectionner un artiste sur Instagram. Donc, des prestations de 50 secondes, la
plupart étaient en français, puis là c'est les gens qui votaient, jusqu'à l'élimination,
puis un dernier groupe. Le dernier groupe, l'an passé... c'est un groupe de
Sainte-Thérèse qui a gagné, on leur a donné une scène au festival... Dauphin.
Ils seront encore cette année au festival, mais sur la grande scène. Ça fait
que, oui, il y a moyen de faire découvrir. C'étaient des jeunes issus du
Collège Lionel-Groulx... du programme en musique. Ça fait que les festivals,
ils peuvent contribuer à leur façon. Le Festif, dans le cadre de son festival,
il y a aussi ce qu'ils appellent le cabaret festif. C'est un concours où des
artistes se présentent, puis, bien, évidemment, ça fait des soirées, les gens
votent, puis, à la fin, bien, ces gens-là, bien, gagnent une bourse, mais
aussi... Tu sais, c'est un peu l'exemple du Festival de Granby, qui existe
depuis plus de 40 ans. Mais c'est ça, ça fait que, oui, les jeunes, mais moi,
quand je vais dans un festival puis qu'il y a des groupes rap français où qu'il
y a Fouki, tout ça, bien, les jeunes, ils ne sont pas gênés d'être là, puis ils
ne sont pas gênés d'être sur le party, puis d'en profiter, puis de la vivre,
leur...
Mme Schmaltz : ...tu sais, il
faut se le dire. Moi, je crois profondément qu'il y a de l'avenir, là, ce n'est
pas... c'est juste, peut-être, trouver des façons puis embarquer un petit peu
dans la danse, là finalement... Comme les jeunes disent, la "vibe",
hein, je suis quand même à la mode aussi dans mes expressions. Ça fait que,
voilà, j'ai terminé.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Je cède la parole au député de Saint-Jean.
Il reste encore 5min 10s.
M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme
la ministre. M. Kearney. Je ne vous raconterai pas l'histoire de ma fille, ça
fait trop longtemps, mais c'est vrai que c'est un peu paniquant de constater
jusqu'à quel point... La découvrabilité est probablement en cause, mais il y a
sûrement plus que ça aussi pour expliquer ce que vous nous racontiez et ce qu'on
partage, tout un chacun, par rapport à ce qui est en train de se passer avec
notre culture.
Ici, aujourd'hui, avec le projet de loi,
on est en train de parler d'une culture commune. On est en train de parler d'un
modèle que moi, j'aime dire sur mesure, d'intégration. Quand vous nous dites :
Un festival, c'est un bon lieu pour échanger, là, on est dans l'interculturalisme,
et ce n'est pas péché, ce n'est pas interdit. Dans le modèle dont on parle, c'est
que si on veut apprendre à connaître, si on veut que le nouvel arrivant adhère,
il faut qu'on soit capable de se retrouver à quelque part, d'échanger, de
communiquer et de faire évoluer la culture commune. Là, je suis dans un
concept, on n'est pas pantoute dans votre terre à terre, là, mais je suis dans
un concept, mais moi, c'est celui qui me fascine : la culture commune d'aujourd'hui
n'est sûrement pas la culture commune d'il y a 20 ans ou d'il y a 40 ans. J'aurais
pu en parler avec ceux qui vous ont précédés, parce qu'il y avait dans leur
rhétorique ou, en tout cas, dans leur posture, une crainte qu'on veuille, avec
une culture commune, faire de bons petits...
M. Lemieux : ...Québécois et
Québécoises de tous les nouveaux arrivants. Le festival, c'est probablement la
recette idéale pour faire cet échange et obtenir les résultats qu'on souhaite,
qui ne seront pas, on l'espère, en anglais éventuellement, et qui vont faire en
sorte que notre culture commune sera véritablement partagée.
M. Kearney (Patrick) : Mais
je pense que vous avez, en partie, raison dans le sens où je pense que les
gens... Quand tu vas dans un festival, tu ne te poses pas tant de questions, tu
sais. Ça fait que tu sais le goût de profiter du moment, de voir des artistes,
c'est festif, puis de... Je vous donne l'exemple encore de mon fils. On va au
Festif, on se retrouve devant une scène, c'est Ariane Roy, qui est très jolie
pour des garçons de 18 ans. Puis là, eux autres, ils pognent de quoi, elle
chante vraiment bien. Ça fait que là, eux autres ils étaient vendus, là. Ça
fait que, c'est ça, après ça, les ramener d'une salle, c'est facile. Ça fait
que, tu sais, eux autres, ce n'est pas poche pantoute, le français, là, c'est
Ariane Ariane Roy.
Ça fait que j'imagine que, pour un nouvel
arrivant, bien, c'est la même chose, mais c'est aussi que, quand tu vas dans un
festival - je suis allé au Festif - où tu vois... Je suis allé au Festival du
Bout du Monde, j'ai vu un groupe allemand, tu sais, qui chante en allemand, tu
sais, eh boy! Mais, tu sais, c'était cool, je ne comprenais rien, mais c'était
cool, tu sais, la musique était bonne. Mais c'est ça, une rencontre aussi, puis
le... est là. Les gens ne se posent pas de question. Il n'y a pas de couleur,
il n'y a pas de saveur, il n'y a pas d'autre... Tout le monde est content. Ça
fait que c'est ça, la rencontre.
M. Lemieux : Là, on arrive où
je voulais aller...
M. Kearney (Patrick) : Bien,
allons-y.
M. Lemieux : ...parce que...
Puis vous avez parlé du fédéral tantôt, puis le fédéral travaille en fonction
depuis 50 ans du multiculturalisme, que, moi, je considère, puis on se les fait
dire par d'autres aussi, que c'est une bonne façon de ghettoïser. Parce que,
dans le fond, un festival, vous étiez en train de parler d'allemand, là, alors
je vais continuer dans l'allemand. Un festival par les Allemands, pour les
Allemands, avec des Allemands, ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas y aller...
M. Kearney (Patrick) : Bien
non.
M. Lemieux : ...mais le
moteur de l'histoire, c'est de permettre aux Allemands de se retrouver, ce qui
n'est pas le modèle qu'on veut, parce que, si on le voulait, on l'a déjà, mais
ça a l'air que ça ne fonctionnait pas, en tout cas, moi, je pense que ça ne
fonctionnait pas. Dans votre expérience des festivals qui ont rejoint votre
regroupement, est-ce que, de par leur nature, ces festivals-là sont plus, entre
guillemets, ouverts? Dans la mesure où tout le monde est bienvenu, tout le
monde peut chanter dans une langue qui leur est propre parce que c'est leur
langue d'origine, et puis on est dans un contexte où on est dans un festival,
on peut partager ça. Mais, au final, pour moi, une culture commune, ça implique
que ce soit une culture à l'image du Québec d'aujourd'hui, je ne sais pas ce
qui va être demain, mais avec la langue qui est la nôtre aussi. Est-ce que vos membres,
est-ce que les autres festivals...a
M. Kearney (Patrick) : Bien,
moi, je pense que la beauté des festivals, c'est justement ça, ce n'est pas...
À Québec, vous avez le marché allemand, je suis allé cet hiver, il n'y a pas
tant d'Allemands que ça, là, tu sais, bon.
M. Lemieux : Il n'y en a pas.
M. Kearney (Patrick) : C'est
ça. Ça fait que ça s'appelle quand même le marché allemand, ça fait que je
crois que, dans la plupart des festivals, même si c'est un festival Haïti en
folie où on met de la musique de l'avant, il y a bien plus de Québécois qui
sont là, en tant que tels, que d'Haïtiens, tu sais. Il y a le Festival Innu
Nikamu à Maliotenam, bien, il y a plein de Septiliens qui vont là aussi, qui ne
sont pas d'origine autochtone. Oui, il y a beaucoup d'autochtones, parce que
c'est un rare moment pour eux d'avoir leur festival avec des artistes, mais,
l'année passée, il y avait Bryan Adams, Samantha Fox, ce n'était pas
nécessairement des Québécois...
M. Lemieux : Mme la Présidente
lève les yeux. Merci beaucoup. C'est exactement là où je voulais qu'on arrive.
Merci, M. Kearney.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, je ne vous parlerai pas de mon fils,
vous allez peut-être me dire que vous le connaissez. Non. On va continuer la
discussion maintenant avec le député de l'opposition officielle, même enveloppe
de temps, 16 min 30 s. Allez-y.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour, M. Kearney. Merci d'être là. Je comprends que vous
êtes le D.G. d'un regroupement de festivals régionaux. On a parlé beaucoup,
dans les festivals, de musique, mais j'imagine que les festivals, ce n'est pas
uniquement de la musique. Alors, pourriez-vous nous parler davantage du type de
festival que vous organisez? Je ne vous dis pas que la musique, ce n'est pas
important, ce n'est pas ce que je dis, mais, quand même, il doit y avoir autre
chose.
• (16 h 40) •
M. Kearney (Patrick) : Bien,
notre organisation constitue à peu près à 60 % de festivals musicaux puis
40 % d'autres formes d'art. Comme je disais tantôt, il y a 15 disciplines
artistiques représentées. Donc, un festival de bédé, évidemment, ça met
l'avant, la bédé. Donc, c'est un art, de la danse, de la poésie, des arts
muraux. Donc, tu sais, on va vraiment dans tout ce qu'on connaît dans le milieu
artistique qui est présent dans les arts vivants. Nous, on le représente aussi,
tu sais. l'art...
M. Kearney (Patrick) : …électronique,
ils ont fait ça à… tu sais, qui met de l'avant tout ce qu'il y a à trait… d'art
numérique, d'art l'électronique, ça fait qu'on touche vraiment à tout. L'art
classique, festival de musique classique, des festivals de musique baroque, ça
fait qu'on touche à toutes les formes d'art, mais, tu sais, qui sont aussi très
québécoises. Un festival de bd, oui, il y a des… il y a des des artistes venant
de d'autres pays, mais c'est vraiment aussi pour mettre de l'avant des
bédéistes québécois.
M. Morin : Dans les
festivals, j'imagine, ça va être des festivals d'art, également avec des
artistes, soit des peintres ou autres, ou ce n'est pas quelque chose que vous
couvrez?
M. Kearney (Patrick) : Oui,
oui, absolument. Oui, oui, c'est ça, on a tout. Bien, tu sais, exemple, il y a
un festival à Montréal qui s'appelle Murale, bien, le festival Murale, bien
évidemment, là, qui expose des artistes, mais qui peignent, mais leurs toiles,
bien, c'est des… c'est des grands édifices, les grands murs, bien, c'est de
l'art, mais fait d'une autre façon, agrémenté de spectacles, de DJ, etc., mais
ça met en valeur, oui, des artistes étrangers, mais des artistes, des
muralistes québécois et canadiens.
M. Morin : Je vous remercie.
Le projet de loi parle beaucoup de la culture, bien sûr, de la culture
québécoise. Dans vos milieux… Parce que ça… le projet de loi repose en grande
partie là-dessus, dans vos milieux, le financement de ces activités-là, est-ce
que c'est compliqué? Est-ce que c'est trop bureaucratique? Est-ce que… est-ce
que vous devez recommencer à chaque fois? Est-ce qu'il y a une pérennité ou
pas? Est-ce que les budgets diminuent? Parce qu'on parle… On parle ici
d'intégration nationale, mais encore faudrait-il se donner les moyens de faire
quelque chose. Ça fait que J'aimerais… j'aimerais vous entendre là-dessus.
C'est quoi, votre réalité?
M. Kearney (Patrick) : En
fait, il faudrait peut-être faire une commission parlementaire juste là-dessus,
mais…
M. Morin : Moi, je serais
prêt, là.
M. Kearney (Patrick) : Oui,
parfait, on est partant, on est deux. Mais… bien oui, c'est… tu sais, un
festival, là, mettons comme j'étais directeur général, tu peux appliquer sur
une trentaine de programmes différents dans des… pleins de ministères
différents, donc, tu sais, ministère de l'Économie, parce que tu es en économie
sociale, au ministère de la Culture, au CALQ, à la SODEC, à Patrimoine,
Développement économique Canada, Conseil des arts du Canada, le ministère des
Affaires municipales. Donc, il y en a… le ministère de l'Environnement, pour le
côté écoresponsable, Recyq-Québec. Ça fait que, oui, c'est beaucoup. Ce que
nous, souvent, bien, on trouve, dans la complexité, c'est qu'il n'y a pas un
ministère qui nous demande par exemple le budget de la même façon, même dans un
même palier de gouvernement. Ça fait qu'on se dit : Bien, tu sais, un
budget, là, ça se rassemble. Bon, je peux comprendre que le fédéral puis le
provincial, ce n'est pas la même chose, mais, dans un même palier, on devrait
avoir un peu plus d'uniformité.
Tu sais, là, tout le monde nous demande
maintenant, là, c'est à la mode, un plan écoresponsable, une politique
écoresponsable. Bien, chacun son propre formulaire, bien là, ça multiplie. Tu
sais, ça fait que, souvent, un directeur de festival, une directrice de festival,
il passe beaucoup plus de temps à remplir des demandes de sub que des fois à
faire ce qui est le fun, c'est une programmation. Ça fait que... ça fait que
ça, c'est un peu le contexte dans lequel on vit, là.
Est-ce que les sommes sont suffisantes? Les
milieux des festivals, ils… En fait, tous les milieux, il y a… il ne doit pas y
avoir grand-monde qui se présente ici en disant : Aïe! Nous autres, on a
assez d'argent, là, vous pouvez checker, il en reste, ça va aller. Mais non,
c'est sûr. Je pense qu'après, tu sais, la… il y a eu une période de pandémie.
Là, c'est une période plus difficile, mais ce n'est pas juste pour les
festivals, pour plein de secteurs d'activités, là, qui vivent l'après-pandémie,
l'inflation. Bien, les festivals, ils le vivent, ça, l'inflation. Il y a des
artistes étrangers… tous les artistes étrangers, pas juste les Américains sont
payés en dollars américains. Il n'est pas de notre bord, présentement, ça fait
qu'un artiste français, un artiste belge, bien, il coûte plus cher, juste parce
qu'il y a une fluctuation des taux de change.
Vous me direz : Bien, Patrick, c'est
justement le temps de mettre plus d'artistes québécois. Effectivement, mais
c'est ce qu'on fait, d'ailleurs, beaucoup, mais, tu sais, des fois, quand tu
veux donner une petite twist à ton festival, bien, c'est le fun d'avoir un ou
des artistes de l'extérieur, parce qu'à un moment donné, tu sais, on… Ariane
Roy, elle fait plein de festivals, mais là on ne veut pas tous être le
copier-coller, hein, puis avoir les mêmes artistes, ça qu'il faut varier un
petit peu. Ça fait que le fait d'avoir un artiste étranger là-dedans, bien, ça
donne une twist à ton festival, là, plus distinctive. Ça fait que… ça fait que,
pour les sous, bien, on… tu sais, je… il y a sûrement du réaménagement. Moi, je
dis : Quand tu as moins de sous, bien, tu regardes où tu mets tes
priorités. Puis là, bien, c'est un peu ce qu'on vous a dit. Bien, si la
priorité pour vous aujourd'hui, c'est… c'est de mettre en avant le fait
français puis l'inclusion, bien, il faut miser pour les festivals qui le font.
Après ça, si vous ne le faites pas comme gouvernement, bien, c'est ça, ça ne
donne pas grand-chose de faire un projet de loi.
M. Morin : Parce qu'on parle
évidemment ici de… ici d'intégration. Le fait, par exemple, dans un festival,
d'avoir… Vous avez fait référence à des artistes belges ou français, mais il y
a…
M. Morin : ...il y a plein
d'artistes de plein d'autres pays qui parlent français aussi.
M. Kearney (Patrick) : Tout
à fait.
M. Morin : Quand vous invitez
des artistes de l'étranger, est-ce que vous voyez, vous constatez que des gens
de la même communauté ou du même pays sont intéressés par votre festival, vont
y aller davantage, vont se mêler justement aux gens qui sont là? Ou si vous
n'avez pas regardé cet aspect-là?
M. Kearney (Patrick) : Assurément.
Moi, j'ai organisé un festival, j'ai eu un artiste que... là on parle de tous
vos fils, là, ou vos filles, là, Orelsan, qui est un rappeur français vraiment très...
en France. C'est sûr que j'ai dû vider le Plateau Mont-Royal de tous les
Français, là, qui sont arrivés à Sainte-Thérèse, là. Ça fait que... Ça fait
que, ça, c'est sûr que ça parlait énormément avec l'accent français. Mais, oui,
ces gens-là sont intégrés... se sont intégrés. Ils ont découvert un petit coin,
une petite ville chouette. Ça fait que... Ça fait que je pense que ça a ça.
Puis, oui, bien, il y a plein de Québécois qui ont découvert un artiste
français qu'ils ne connaissaient pas. Ça fait que, tu sais, oui, il y a eu
cette rencontre-là entre deux... deux pays, là, tu sais, sur le territoire. Ça
fait que, oui, ça... tout à fait, ça prédispose à ça.
M. Morin : Et, dans les
festivals que... dans votre groupement, est-ce que vous avez aussi des
festivals où les organisateurs sont plus des anglophones ou des Écossais ou des
Gallois? Est-ce que, ça, c'est quelque chose que vous voyez également?
M. Kearney (Patrick) : Oui,
oui, tout à fait. Oui, oui. Bien, absolument, il y a... oui, oui, oui, il y a
des festivals où, tu sais, c'est ça. Tu sais, il y avait le festival folk sur
le canal, donc c'est... c'est près de la brasserie Saint-Ambroise, c'est... tu
sais, c'est un secteur où ça réunissait, oui, un peu plus de familles
anglophones, mais aussi plein de familles francophones. Tu sais, c'est
hyperfamilial. Ça fait que, oui, de la musique folk anglophone, mais aussi des
artistes francophones. Ça fait qu'il y a... oui, ça peut arriver qu'il y ait un
peu plus d'artistes anglophones à certains moments, de par la nature, ce qui
n'est pas mal en soi, là. Je veux dire, on n'est pas obligés d'être français
mur à mur à 100 %, là, sinon, fermons nos frontières.
M. Morin : On s'entend. On
s'entend là-dessus. Maintenant, au niveau du financement, est-ce que, vous, les
articles 16 et 17 du projet de loi, ça vous inquiète?
M. Kearney (Patrick) : Je
ne l'ai pas carrément dans la tête, là, ce... Moi, ce que... ce que je vous
dis, souvent, un projet de loi, non plus, ce n'est pas... hein, c'est comme
un... c'est comme un plan stratégique, là, c'est le plan d'action qui te parle
après, tu sais. Je crois aussi que ce plan, ce projet de loi là donne les...
trace les grandes lignes. Moi, ce que je viens vous dire aujourd'hui, bien,
moi, je vous dis juste je souhaite juste que vous soyez cohérents. Si vous
voulez que le français ait une place, si vous voulez qu'on favorise
l'intégration, bien, favorisons les festivals qui supportent ça, qui vous
aident là-dessus. Après ça, que la loi... tu sais, que l'article 16 ou
17... je ne le sais pas. Mais il faudra qu'après ça le plan d'action que vous
aurez versus ce projet de loi là soit transversal puis qu'il oriente l'ensemble
de vos ministères à supporter ça. Je pense que la clé est là.
M. Morin : O.K. Je vous
remercie. Dans le chapitre quatre de la loi, on dit entre autres que ça va être
de la responsabilité du ministre d'élaborer une politique nationale sur
l'intégration. Le projet de loi prévoit que ça va être fait avec des ministres
concernés puis approuvés, évidemment, par le gouvernement. Pensez-vous qu'on
devrait étendre cette consultation-là à d'autres groupes? Est-ce que ça devrait
être en commission parlementaire? Est-ce qu'on devrait consulter davantage ou,
une fois que la loi est adoptée, on laisse le gouvernement faire, puis après,
bien, on va constater qu'est-ce qui en est résulté?
• (16 h 50) •
M. Kearney (Patrick) : Bien,
je pense... moi, je n'en ai pas tant sur le processus plus que sur le résultat.
Tu sais, je... Si le projet de loi puis ce qui s'articule à la fin rencontrent
ce que nous, on dit, c'est de favoriser les festivals qui favorisent
l'intégration puis le fait français, bien, c'est ça. Si ce que je vous dis
aujourd'hui, c'est suffisant, ne consultez pas plus. Si vous sentez le besoin,
si ce que je vous dis aujourd'hui, ça vous allume sur d'autres choses, que ça
vous ouvre, bien oui, je pense qu'il y a intérêt à consulter des groupes
externes. Je pense que la commission parlementaire d'aujourd'hui, je ne connais
pas tous les groupes que vous avez consultés, je suis convaincu que vous avez
ratissé large, j'étais même moi-même surpris, là, qu'on soit convoqué. Oui, je
vous avouerai qu'on... un peu surpris. Mais en lisant le projet de loi, j'ai
comme compris effectivement qu'on pouvait en tout cas y trouver notre compte
puis vous aider. Parce que c'est ça qu'on vient vous dire aujourd'hui. Tu sais,
un projet de loi, ce n'est pas juste une imposition de quelque chose, là. Je
crois qu'il faut aussi... c'est une main tendue à ceux qui peuvent vous aider.
Des fois, il y a des gens qui voient des éléments plus coercitifs, mais nous,
on pense que... on vous dit juste que nous, les festivals, on est un bon moyen
d'intégration. Si, après ça, vous ne nous incluez pas, ça ne nous dérange pas,
on va continuer de faire pareil. Mais...
M. Kearney (Patrick) : ...nous,
on vous dit qu'on peut vous aider.
M. Morin : Puis pensez-vous
qu'on devrait... on devrait référer, justement, comme moyen d'intégration, aux
festivals dans le projet de loi?
M. Kearney (Patrick) : Bien,
si vous nommez les festivals, tu sais, comme un bon moyen d'intégration des
nouveaux arrivants, c'est clair que nous, on va être contents. Puis, bon, ça
donnera peut-être plus de force à certaines de nos demandes. Mais, comme je
vous dis, nous, on le fait toujours de façon assez positive et constructive. Ça
fait que je... que vous le fassiez ou pas, on va être là pareil.
M. Morin : O.K. C'est bon.
Excellent. Ça va. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Bien, merci beaucoup. Alors, c'est ce qui termine cette
rencontre avec vous. Bien, merci beaucoup de votre apport à la commission.
Et je vais suspendre quelques instants, le
temps de recevoir notre prochain groupe.
(Suspension de la séance à 16 h 51)
(Reprise à 16 h 56)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Alors, le prochain organisme...
organisme, pardon, que nous recevons est le Regroupement des événements majeurs
internationaux, qui est représenté par Mme Louise Beaudoin, présidente du
conseil d'administration, ainsi que par M. Martin Roy, président-directeur
général.
Alors, madame, monsieur, bienvenue à la
commission des relations avec les citoyens. Alors, vous allez bénéficier d'une
période de 10 minutes pour présenter votre argumentaire. Ensuite, nous
allons procéder à la période d'échange avec les parlementaires. Alors, le temps
est à vous.
Mme Beaudoin (Louise) : Bien,
merci, Mme la Présidente. M. le ministre, chers membres de la commission, je
veux d'abord, bien évidemment, vous remercier au nom du Regroupement des
événements majeurs internationaux et de ses membres, que nous représentons aujourd'hui,
pour l'invitation à participer à vos travaux. Vous le devinez peut-être, en ce
qui me concerne, cette grande réflexion, qui touche à l'intégration, aux
modèles à préconiser, aux façons de le décliner concrètement dans divers
aspects de notre vie commune, m'interpelle fortement. Ce qui nous a étonnés, au
REMI, dans les heures qui ont suivi la présentation du projet de loi, c'est à
quel point la conversation a rapidement impliqué les festivals et les
événements. Au tout début, du premier texte publié dans Le Devoir, dans
les premières heures, le 30 janvier, on pouvait lire sous la plume de
François Carabin, et je le cite, que : «Québec prévoit de retirer le
financement public à des festivals québécois s'ils n'adhèrent pas à certaines
valeurs communes, comme la laïcité et l'égalité hommes-femmes».
S'en est suivi une succession de questions
durant plusieurs jours, relayées par les commentateurs. Les uns se demandant
si, pour mettre en valeur la diversité, tout en faisant la promotion d'un tronc
culturel, il allait falloir inclure des artistes québécois dans la
programmation, par exemple des Nuits d'Afrique ou mettre la poutine au menu des
festivals gastronomiques qui célèbrent les cuisines étrangères. Les autres
s'interrogeant sur la façon d'évaluer la conformité aux objectifs d'intégration
par des quotas ou par d'autres... de d'autres manières.
Je tiens d'emblée à vous dire, autant
comme citoyenne que comme présidente du conseil d'administration du REMI, que
je souscris aux objectifs du projet de loi, qui se distingue, nommément, et
avec raison, du multiculturalisme canadien, en autant, cependant, que sa mise
en œuvre ne mène pas à l'assimilationnisme que je pense non souhaitable et
surtout non praticable au Québec. Et là-dessus, M. le ministre, vous avez
rassuré Gérard Bouchard, que j'ai écouté, j'ai entendu vos échanges, qui a été
l'un des premiers à être entendus par la présente commission.
Le regroupement, le REMI, a aussi fait
valoir, dans un texte paru dans La Presse, signée par le P.D.G., donc,
qui m'accompagne aujourd'hui, que les festivals et événements font déjà
beaucoup en termes d'intégration nationale, en offrant des lieux de rencontre
partout au Québec, des lieux dans lesquels la culture québécoise est très
souvent mise en lumière sur la scène ou encore sur le site même au sens large,
au sein du public, à travers la langue française, à travers la nature de
l'accueil, la convivialité et de toutes sortes de manières, souvent
gratuitement ou à bas prix, donc avec un souci d'accessibilité. On invite
d'ailleurs le gouvernement à considérer ce rôle au sens large, pas que stricto
sensu, un strict lien avec la programmation.
• (17 heures) •
En dehors des lieux physiques des
festivals, j'ai aussi pris connaissance de diverses initiatives qui me réjouissent,
par exemple celle de FestiVoix, à Trois-Rivières, qui s'appelle À portée de
main et qui vise à rendre la culture accessible grâce à la médiation culturelle
dans les écoles. On le sait, il y a beaucoup à faire pour intéresser nos
jeunes, y inclus ceux de la majorité francophone, j'insiste là dessus, à la
culture québécoise, pour les intéresser à la culture...
17 h (version non révisée)
Mme Beaudoin (Louise) : ...québécoise.
Et, pour moi, le sceau d'un festival sur de pareilles initiatives, comme celle
de FestiVoix, leur donne, aux festivals, encore plus d'attractivité, d'intérêt
dans l'esprit des jeunes. C'est quelque chose qu'on peut de toutes sortes de
façons démultiplier avec l'appui du gouvernement. Pour cette portion-là, je
pense que, disons, du point de vue des grands principes, il faut considérer que
les festivals et événements sont très généralement des outils de rencontre, d'interculturalisme,
de mixité, où s'exprime souvent un vivre-ensemble exemplaire.
Au nom du RÉMI, on peut vous offrir, on
vous offre de collaborer, d'amener tout ça à un niveau supérieur, si c'est
possible, et de développer davantage de partenariats. Maintenant, au-delà de
ces grands principes, il y a deux aspects qui méritent qu'on s'y attarde, et je
laisse la parole au P.D.G. du RÉMI.
M. Roy (Martin) : Oui. Merci,
Mme Beaudoin. Merci à vous, membres de la commission. En effet, deux aspects,
donc, d'abord, au sujet des valeurs communes, c'est évident qu'on ne saurait
accepter un traitement différencié du genre dans un grand rassemblement. En
revanche, quelques personnes ont soulevé des questions sur les événements
sportifs. Un événement masculin qui n'a pas de pendant féminin ne va pas à l'encontre
des valeurs d'égalité pour autant, et, si des efforts sont menés, en ce moment,
dans le sport professionnel pour que les bourses offertes aux femmes équivalent
à celles des hommes, ou encore en musique, pour être dans des zones paritaires
dans la programmation, on le sait, ce n est pas fait partout. On peut
certainement obliger des efforts, mais c'est un peu plus difficile d'exiger des
résultats, dans certains cas.
Dans la même veine, je veux rappeler,
comme l'ont fait à l'unisson les élus québécois en décembre dernier, qu'il
serait complètement inacceptable, d'imposer des tarifications différentes en
fonction de la couleur de la peau ou de l'origine ethnique, comme avait tenté
de le faire l'événement Shake la Cabane. Une telle intention devrait amener le
gouvernement à ne pas soutenir un festival, sinon à lui retirer, a posteriori,
son financement.
Considérant tout ceci, on peut recommander
d'ajouter une clause assez générale traitant de cette question des
organisations elles-mêmes et des autres en lien avec la conformité de leurs
pratiques vis-à-vis des valeurs communes au Québec, de façon systématique, dans
toutes les ententes, de tout ministère ou organisme subventionnaire, comme il
en existe d'autres sur divers sujets.
En ce qui concerne le public, les
festivaliers ou spectateurs... spectateurs, j'aimerais donner l'exemple de
Nuits d'Afrique en rappelant qu'il n'est pas exclusivement présenté en vase
clos, devant un public composé de Québécois d'origine africaine, caribéenne ou
latine. Et c'est là toute la différence. On est loin d'un événement par et pour
une communauté précise, refermé sur lui-même. Celui-là, Nuits d'Afrique, il est
ouvert à tous, en plein centre-ville de Montréal, avec un important volet
extérieur gratuit. Il en va de même pour un événement comme Fuego Fuego, qui
rassemble des amateurs de musique et de danse latine, avec billetterie, mais
qui n'est pas refermé sur sa communauté, qui est, en soi, une forme d'invitation
à la rencontre de l'autre. Notre recommandation serait d'ailleurs de faire de
cette distinction fondamentale un critère pour la suite des choses, de bien
distinguer le communautarisme du reste.
L'autre aspect auquel on doit s'attarder,
c'est le plus délicat de tout le débat, et c'est vraiment ce qu'on a senti, c'est
celui d'une possible nouvelle forme d'intervention de l'État dans la
programmation même des festivals et événements, dans la liberté et les choix
artistiques. Je dis "nouvelle parce que, de façon directe et indirecte, l'État,
à travers la SODEC et le CALQ, rend conditionnelle l'aide qu'il octroie à
toutes sortes de choses qui touchent de près et de loin à la capacité des
festivals et événements de favoriser la vitalité et la pérennité de la culture
québécoise en tant que culture commune et vecteur de cohésion sociale, même s'ils
ont chacun leurs particularités et leurs créneaux. Est-ce que des critères plus
spécifiques peuvent être ajoutés aux existants au fur et à mesure que sont
revus les programmes? Sans doute, mais on voit mal comment on pourrait prendre
de nouvelles façons, plus efficaces que celles qui existent déjà, qui ont un
effet incitatif presque contraignant, c'est-à-dire qu'elles sont liées au
financement.
Sans entrer dans les détails, on évalue
déjà des choses comme notamment l'apport d'un événement à la collectivité
québécoise et sa manière de façonner le paysage artistique québécois, une
meilleure représentativité dans les œuvres et dans les espaces de diffusion des
différents groupes composant la société québécoise. Donc, en principe, plus on
fait tout ça, plus ça a un impact en ce sens-là, plus on est financé...
M. Roy (Martin) : ...c'est là
aussi, à la SODEC et au CALQ, qu'on peut se poser des questions, par exemple,
quant à la place d'une autre langue dans un événement dans la grille
d'évaluation.
Enfin, et surtout, on se demande comment
la loi sur l'intégration nationale va s'appliquer ou se décliner dans tous les
programmes de soutien aux entreprises, des programmes à caractère économique et
touristique, parce que c'est bien par cette lorgnette qu'interviennent le
ministère du Tourisme, le Fonds Signature Montréal et le Fonds de la région de
la Capitale-Nationale dans notre secteur, donc en vertu d'une tout autre logique
qui a peu à voir avec l'intégration. Cela inclut autant des événements
sportifs, comme le Tournoi international de hockey pee-wee et les grands prix
cyclistes, ou des rendez-vous de d'autres natures comme les Mosaïcultures, qui
pourraient difficilement atteindre des objectifs de la loi 84 sur scène ou à
travers une programmation. Donc, on voudra d'ailleurs éviter de créer au sein
du programme deux catégories d'événements : les touristiques et les
touristico-culturels.
Donc, en résumé, on cherche de notre côté
à être rassurés parce qu'il y a, pour le moment, quelques angles morts, et,
même si parfois, pour nous, ce sont des évidences, ce qu'on a exprimé, je pense
qu'on veut l'entendre aujourd'hui de la part des législateurs. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. Martin, Mme Beaudoin, merci beaucoup pour cette
présentation. On commence donc la période d'échange avec les parlementaires, M.
le ministre, et votre banquette. 16 minutes 30 secondes.
M. Roberge : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci pour vos présentations, M. Roy, Mme Beaudoin. Je suis
très content que vous ayez trouvé la disponibilité pour participer aux travaux
de la commission. Je pense qu'on met au jeu quelque chose d'important. On a
besoin d'un modèle d'intégration au Québec. En tout cas, très peu de gens sont
venus contester ce principe de base, puis tout le monde essaie de contribuer au
mieux pour nous influencer, pour améliorer le projet de loi. Certains aussi
envoient tout de suite des messages sur ce que devrait être la politique une
fois la loi adoptée, mais il y a déjà évidemment des balises, parce
qu'évidemment une politique, comme un règlement, ne peut pas être contraire à
l'esprit d'une loi. Donc, assurons-nous qu'on s'entend très bien sur la base
avant de rédiger la politique.
Je l'ai fait tantôt, mais je vais le
rappeler quand même, le projet de loi, tel qu'il est, fait, à de nombreuses
reprises, référence aux arts et lettres. Quand on parle de la culture commune,
on n'entend pas simplement, là, la chanson et la danse, mais, quand même, à
l'article 5 d, à 6.3, à 9.3, entre autres, nommément, on parle des
manifestations culturelles et du devoir du Québec de faire la promotion, de
s'assurer de la découvrabilité, de rendre accessibles les contenus culturels
québécois.
Votre organisme représente plusieurs
festivals qui rendent accessible la culture québécoise, mais pas seulement.
Puis je précise quelque chose : le projet de loi n° 84 n'est pas un loi...
un projet de loi d'interdiction. On ne se mettra pas, là, à envoyer des polices
partout pour s'assurer que tout le monde parle de la même manière et fait la
même affaire en même temps. Ce n'est pas la démarche du projet de loi.
L'objectif, c'est, à la fin, ce qu'on appelle l'intégration nationale, une
meilleure cohésion sociale, un meilleur vivre-ensemble. Et on pense qu'on peut
atteindre ça en faisant vivre notre charte de la langue française, en
s'assurant que notre loi... notre langue officielle soit aussi la langue
commune, soit la langue, oui, de travail, mais la langue aussi davantage de
consommation culturelle, mais pas seulement, je le précise, évidemment. Puis on
n'est pas dans l'interdiction.
Vous nous avez ouvert quelques portes tout
à l'heure. Sur ce sujet-là très précisément, vous avez dit : Bien là, puis
vous me corrigerez, là, ne pas se refermer sur une communauté, distinguer le
communautarisme du reste. Est-ce que vous pouvez creuser un peu ces notions-là?
Parce que c'est extrêmement important, ces thèmes-là de repli sur soi, qui
relève, d'après moi, davantage du multiculturalisme. Puis la notion de
communautarisme dans des événements culturels ou des festivals, ça pourrait
ressembler à quoi?
• (17 h 10) •
Mme Beaudoin (Louise) : Avant
de laisser la parole à Martin, peut-être un mot là-dessus. C'est qu'il est bien
évident...
Mme Beaudoin (Louise) :
…Martin en a parlé, c'est que, si une communauté fait pour et pas seulement sa
communauté, pour et par et seulement pour sa communauté, eh bien là, à mon
avis, c'est ça, du communautarisme. C'est pour ça que Nuit d'Afrique, pour
nous, n'est pas un bon exemple de communautarisme, au contraire, puisque Nuit
d'Afrique, c'est, comme le disait Martin, en plein centre-ville, au quartier
des spectacles. C'est… c'est très… Il y a une grande, grande mixité. Je veux
dire, c'est parfaitement ouvert à tout le monde et tout le monde en profite.
Alors, c'est... c'est ça, la… je pense, la différence. Le repli sur soi
communautaire, et c'est ça qu'est le multiculturalisme, souvent, et j'ai bien
fait la distinction dès le départ, M. le ministre, en disant que je vous en
félicitais, parce que ça, je crois qu'il faut se distinguer de ce
multiculturalisme canadien, qui est le contraire justement de cette… ce que
moi, j'appellerais l'interculturalisme, justement, une société d'accueil à
laquelle se greffent toutes les communautés pour la rendre, cette société
d'accueil, plus riche et plus diverse, etc.
Parce que, pour moi, si vous me demandez
la définition de la nation québécoise, bien, c'est une nation plurielle,
majoritairement francophone. Et donc, pour moi, la culture commune, à quelque
part, c'est une culture plurielle, majoritairement francophone. Je n'oublie pas
la minorité anglophone qui existe, qui est reconnue dans ses institutions, c'est
la seule minorité, d'ailleurs, on peut dire «minorité nationale», quote,
unquote, mais… et tous les Québécois, donc inclus les anglophones du Québec,
forment cette nation plurielle qui a une langue publique commune, en effet, que
l'on doit respecter et une culture, donc, plurielle majoritairement
francophone, c'est ça pour moi. Je laisse la parole à Martin.
M. Roy (Martin) : Bien, j'ai
peu à ajouter, mais effectivement on voit, de temps en temps, des événements.
Bon, on n'en entend pas trop parler non plus, parce que justement ils ne
s'adressent pas à nous et ils sont refermés sur eux-mêmes, et c'est à travers
certaines communautés. Puis bon, évidemment, il y a des événements aussi à
caractère religieux de temps en temps. Ce n'est pas, n'est-ce pas, des membres
du REMI, là, on ne parle pas de ça, mais donc c'est vraiment cette tangente-là
qu'on… Enfin, on ne peut pas, encore une fois, comme vous le disiez, M. le
ministre… je pense que la… ce n'est pas une culture d'interdiction, puis vous
n'êtes pas dans ça, on ne peut pas les interdire, on ne peut pas les en
empêcher, les empêcher de les tenir, ces événements-là. Mais est-ce que l'État
doit les soutenir, les subventionner? Ça, c'est autre chose, je pense,
effectivement.
Mais nous, ce qui est important, c'est
vraiment de miser aussi sur les retombées sociales. Parce que moi, on me le dit
souvent, tu sais, à quel point des événements comme le Festival de Jazz, par
exemple, ou les Francos sur la Place des Festivals sont des… sont de puissants
moteurs de retombées sociales. C'est vraiment des lieux de rencontre de
Montréalais de toutes origines autour de la musique, bon, tantôt francophone,
tantôt moins, mais elle peut être aussi instrumentale, là. Mais donc c'est
vraiment là-dessus qu'on veut… qu'on veut miser, puis on veut que vous, que le
gouvernement, en fait, mise sur les grands événements pour… comme des… des
espèces de vecteurs justement, et des outils d'intégration nationale, comme
vous le préconisez.
M. Roberge : Oui, bien,
écoutez, je pense qu'on s'entend assez bien, là, on ne s'obstinera pas
longtemps, on va discuter pour mieux se comprendre puis creuser encore
davantage. Vous avez nommé, tout à l'heure… j'ai pris un extrait, je ne sais
pas lequel de vous deux parlait, j'ai entendu «offrir des lieux de rencontres».
Les festivals offrent des lieux de rencontre qui ont quelque chose
d'interculturel, parce que c'est des gens d'un peu partout qui viennent à un
festival. On ne demande pas aux personnes : Quelle langue parlez-vous?
Oui, non, vous entrez, vous n'entrez pas. Êtes-vous né ici? Oui, non, vous
entrez, vous n'entrez pas. Et de quelle confession êtes-vous? Vous entrez,
vous… On n'est pas là. On n'est pas là dans des festivals, fort heureusement.
Puis ce serait particulier de l'être.
On n'est pas dans une démarche
d'interdiction, effectivement, si une communauté très spécifique décide
d'organiser, par cette communauté, pour sa communauté, une activité, écoutez,
on n'empêchera pas ça. On ne l'empêche pas aujourd'hui, on n'a pas l'intention de
l'empêcher demain. Cependant, je ne pense pas que c'est la mission de l'État de
le financer, de l'encourager, de taxer tous un peu les Québécois pour financer
quelque chose comme ça, sans dire que c'est mauvais, pas du tout. Ça peut être
très réconfortant pour ces personnes-là, mais, nous, ce qu'on veut, c'est une
mixité. On vit très, très bien avec la diversité. Très bien, on la souhaite,
encore cette année, on va accueillir des gens de partout sur la planète. Puis
l'an prochain, puis l'année qui suit encore, mais on veut de la mixité…
M. Roberge : ...et je pense
que l'article qui devrait un peu nous rassurer, c'est le 5c, quand on parle de
culture québécoise puis on parle de la langue française. On dit: «Le français
est la langue officielle...». «À ce titre, il est la langue de communication
interculturelle...» On parle de langue ici, mais on va plus loin que ça dans
cet article-là, on dit: «...qui permet le rapprochement entre les personnes
s'identifiant à la majorité francophone et celles s'identifiant à des minorités
culturelles... qui permet à tous les Québécois de participer à la vie publique
dans la société».
J'ai l'impression que les festivals font
souvent ça, permettre à des gens qui s'identifient à une majorité ou à une
minorité, peu importe, de participer à tous... d'une certaine manière, à la vie
publique ou à la vie culturelle dans la société puis d'être rassemblés autour
soit de l'amour d'un artiste qui performe ou juste de la curiosité puis du
désir d'aller rencontrer son ami dans un endroit où on va pouvoir passer du bon
temps.
Donc, je pense qu'on a ici des bases assez
solides. Puis, ça a été évoqué tantôt, là, mais je le répète, ce n'est pas un
projet de loi qui est assimilationniste. Vous avez dit: Heureusement que... Je
le répète, pour être sûr. On ne s'excusera pas de jeter les bases de ce qu'on
veut comme société puis comme vivre-ensemble. Il faut énoncer à toute la
planète c'est quoi, le modèle québécois, dire aux gens qui viennent... qui sont
dans leur pays puis qui... soit qu'ils fuient la guerre ou soit qu'ils ont
juste envie de venir quelque part en Amérique, bien, dire: Vous pouvez venir en
Amérique. Mais, si vous venez ici, il y a quelque chose comme la nation
québécoise, avec des caractéristiques propres que vous ne retrouverez pas dans
les autres... dans les 50 autres États américains - puis non, on ne sera pas le
51ᵉ - et que vous ne retrouverez pas dans les autres provinces. Maintenant, si
ça vous intéresse, bien, vous êtes bienvenus, mais il faut accepter ce cadre-là.
C'est ça que dit le projet de loi, essentiellement: Voici le contrat social. Et
ce n'est pas un contrat qui s'oppose à des manifestations culturelles
diversifiées, aucunement.
Sur ce, je ne sais pas si vous voulez
commenter ceci ou laisser mes collègues enchaîner, parce qu'ils ont des choses
à vous dire, je pense. Merci beaucoup pour votre présentation.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Monsieur le ministre. Alors, je me tourne du côté du
député de Saint-Jean. Il vous reste 5 min 24 s.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
madame la Présidente. M. Roy, Mme Beaudoin... très heureux de vous avoir
entendus, et, Mme Beaudoin... particulièrement ravi de vous avoir... j'ai bien
aimé de vous avoir entendue, dans votre entrée en matière, nous expliquer votre
étonnement du traitement... Puis là, je n'irai pas dans le traitement
journalistique, parce que mes ex-collègues ne seront encore pas contents après
moi, mais effectivement il y a eu un emballement, disons-le comme ça, sur cette
partie-là de l'histoire, qui était mal connue et mal comprise. Un étonnement de
votre part, une frustration de la mienne, parce que c'est tout le reste qu'il y
a derrière. Et vous l'avez bien dit, Mme Beaudoin, puis c'est à vous que je
veux poser la question pour vous permettre... que je vous entende davantage,
parce que...
Parlons du modèle. Vous avez tout de suite
dit: Ce n'est pas le multiculturalisme, ce n'est pas ça qu'on veut, c'est...
bon, c'est même le contraire, à quelque part. La difficulté pour le ministre,
c'était de définir ce modèle-là. Assimilationniste? Surtout pas, même si on
nous a accusés un peu de ça, on a accusé le p.l. n° 84 d'aller dans ce sens-là.
Pour moi, l'assimilationnisme, pour avoir passé 10 ans dans l'Ouest canadien et
presque autant dans l'Est canadien, c'est Durham et son rapport Durham. Ça,
c'était de l'assimilation organisée, puis on a vu les résultats, qu'on essaie
encore de combattre toutes ces années plus tard. Donc, on n'est pas dans... -
bon, la première fois je le dis comme il faut, puis après ça je m'enfarge -
l'assimilationnisme. Mais, effectivement, il y a le modèle, puis moi, je suis
très content, parce qu'on finit par notre propre modèle sur mesure,
l'intégration nationale. On peut prendre le mot qu'on veut. J'ai bien aimé
votre façon de nous décrire ce qu'on veut ou comment vous vouliez décrire ce
qu'on voulait.
Parlez-moi de ce que ça a été, ces 50 ans
de multiculturalisme là. Parce que, si on veut le défaire... On a même été
exhortés tout à l'heure par un groupe... à nous dire: Attention, là. Ne payez
pas trop cher le prix de démanteler le multiculturalisme parce que ça fait cinq
ans qu'on le subit, entre guillemets. Alors, qu'est-ce que ça nous a fait?
C'était quoi, la raison pour laquelle on n'était pas bien là-dedans?
• (17 h 20) •
Mme Beaudoin (Louise) : Bien,
la... pour laquelle on n'est toujours pas bien là-dedans. Je veux dire... C'est
parce que ça existe encore. Il y a comme deux modèles concurrents, là. Je veux
dire, c'est ça, la...
Mme Beaudoin (Louise) : ...un
des problèmes existentiels du Québec, c'est qu'il y a deux modèles concurrents,
parce que je ne pense pas qu'au Québec on n'ait jamais accepté d'un
gouvernement à l'autre. Parce que, si on fait, depuis la Révolution tranquille,
l'historique, on voit bien que chacun a essayé à sa manière, si vous voulez, de
définir les choses, mais qui n'étaient pas du multiculturalisme, ça, c'est
vraiment canadien, c'est vraiment canadien. Ça a été voulu par le gouvernement
canadien. À l'âge que j'ai, je peux vous en parler sur 50 ans, justement.
Alors...
M. Lemieux : Surtout pas, je
ne veux pas vous amener là, mais...
Mme Beaudoin (Louise) : Non,
mais, au moment du rapatriement de la Constitution et de l'instauration de la
Charte canadienne des droits, eh bien, le multiculturalisme a été instauré, je
veux dire, comme parole d'Évangile, je veux dire, au Canada. Et ça a fait que
le Québec, les deux peuples fondateurs ont disparu de la circulation, et on
était devenu comme une grosse minorité ethnique, je veux dire, par rapport à
d'autres, etc. Et c'était ça que ça a amené pour le Québec, il a fallu qu'ils
se défendent contre ça. Mais pour les nouveaux arrivants, c'est toujours
compliqué, je veux dire, c'est le roi d'Angleterre qui prête serment, me
semble-t-il, encore, pas à l'Assemblée nationale, heureusement, ce n'est plus
clair. Mais c'est donc, ça, je veux dire, c'est pour ça que c'est bien de
nommer nommément le multiculturalisme dans le projet de loi, pour dire que ce
n'est pas ça, et c'est absolument en dehors de ce multiculturalisme qu'on se
situe.
Maintenant, où est-ce qu'on se situe, et
c'est là qu'on met le curseur, l'interculturalisme, moi, c'est mon choix,
l'interculturalisme. C'est mon choix, depuis longtemps, parce que je crois
qu'il y a une société d'accueil, elle est préexistante, elle préexiste à
l'arrivée, je veux dire, de tous les nouveaux arrivants. On peut être là depuis
12 générations ou depuis cinq jours, mais la société d'accueil, donc, elle
existe, elle préexiste et c'est à elle que l'on fait référence. Maintenant,
comment les nouveaux arrivants, mais pas seulement, et c'est pour ça que j'ai
voulu dire, M. le député, j'ai voulu dire, les jeunes issus de la majorité
francophone, quand on parle des arts vivants, de la musique ou qu'on parle, en
général, d'intégration et de leur rapport à la culture majoritaire francophone,
eh bien c'est aussi inquiétant qu'autre chose de voir que les jeunes, c'est
8 % sur Spotify d'écoute de musique québécoise francophone. Mais ça vaut pour
tous les Québécois sans distinction, c'est 8 %, donc, c'est inquiétant.
Par conséquent...
M. Lemieux : Je vous
remercie. La présidente me fait des gros yeux, mon temps est écoulé. M. Roy,
l'International de montgolfières va s'accommoder du pl 84, comme la majorité de
vos clients, je suis... pas convaincu, mais membre. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci beaucoup. Alors, je me tourne du côté de
l'opposition officielle avec le député d'Acadie, pour une période similaire, 16
min 30 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, Mme Beaudoin, M. Roy, bon après-midi. Merci. Merci d'être
là. Un peu plus tôt, vous avez parlé de la médiation culturelle et, il y a
quelques jours, on a aussi eu un expert qui nous a parlé de la médiation
culturelle. Pouvez-vous élaborer davantage à ce sujet comme moyen de vivre
ensemble ou d'intégration et voir comment, finalement, on pourrait l'intégrer,
si possible, dans le projet de loi ou la politique, pour atteindre l'objectif
visé.
Mme Beaudoin (Louise) : Bon,
on parlait des festivals, je vais laisser à Martin l'exemple concret que j'ai
donné, il y en a peut-être d'autres que je ne connais pas justement. Mais là où
les festivals peuvent intervenir dans la médiation culturelle, j'ai donné un
exemple, je laisse la parole à Martin.
M. Roy (Martin) : Oui, bien,
en fait, celui dont Mme Beaudoin a parlé un peu plus tôt du FestiVoix de
Trois-Rivières, c'est vraiment la mise en relation, dans le fond, par le
festival, d'artistes qui peuvent être ou non présentés au festival, pas
nécessairement, mais avec une clientèle scolaire. Donc, c'est d'aller dans les
écoles, de créer des rencontres entre les artistes québécois, francophones,
souvent évidemment, et les jeunes Québécois. Puis j'écoutais quand même, avant,
l'autre intervenant du REFRAIN qui est passé, c'est un peu dans le même esprit,
c'est-à-dire qu'il y a... On a parlé de découvrabilité ou du fait que les
jeunes sont mal exposés ou peu exposés...
M. Roy (Martin) : ...à la
culture québécoise francophone majoritaire. Et donc c'est à travers ce
prisme-là que là on peut intéresser les Québécois à d'autres... les jeunes
Québécois francophones à la culture québécoise en français. Puis là, c'est ça
qui se passe.
Et puis ce saut-là, comme on disait, cette
espèce de... les jeunes ont beaucoup de... ils ont une grande fascination ou un
grand intérêt vis-à-vis des festivals et des événements. C'est quelque chose
d'extrêmement attractif. Il y a un côté un peu initiatique là-dedans. Bon. On
va dans les festivals avec ses amis, à l'adolescence, tout ça. Donc, il y a...
il y a quelque chose d'extrêmement intéressant. Et donc, de mettre en relation
ce pouvoir d'attraction qu'ont les festivals avec les jeunes puis avec les
artistes, là je pense qu'on arrive à faire quelque chose de bien.
Et c'est pour ça qu'on dit que, si on peut
le démultiplier, cet exemple-là est un parmi plusieurs, au FestiVoix, mais il y
en a d'autres festivals qui font de la médiation, si on peut en faire plus, si
on a plus de moyens, on va y arriver, on va en faire plus puis on va pouvoir
donc étendre un peu puis peut-être effectivement non seulement à travers les
clientèles, je veux dire, de Québécois d'origine ou, enfin, de la majorité,
mais aussi, par exemple auprès des nouveaux arrivants, d'aller dans les écoles,
favoriser des rencontres avec des artistes québécois pour qu'ils comprennent
effectivement la culture de la majorité un peu mieux.
M. Morin : Je vous remercie.
Autre élément. Et vous me direz si ça peut s'intégrer quelque part. Bon. Bien
sûr, il y a les festivals, on parle... on a beaucoup parlé de chansons, d'art,
vous parlez de la médiation culturelle avec les écoles. D'après vous, est-ce
que le théâtre a aussi un rôle important à jouer pour faire connaître la
culture québécoise, mais aussi permettre cette intégration-là et de permettre à
des gens des écoles d'aller justement au théâtre?
Mme Beaudoin (Louise) : Oui.
Ça se fait déjà, ça se fait déjà, bien évidemment. Mais je suis très consciente.
Vous savez, quand j'étais ministre de la Culture, avec Pauline Marois qui était
ministre de l'Éducation, on a signé une première entente culture-éducation. Et
je sais que ça s'est poursuivi sous le gouvernement libéral qui a suivi, etc.
J'espère que c'est encore là. Mais je sais que le ministre, là... que le
ministre, bon, qui est responsable de ce projet de loi ci, il est très sensible
à ça. Ça se fait, mais peut-être pas suffisamment.
Et Martin a prononcé un mot qui est dans
le projet de loi, qui est la «découvrabilité». Que ce soit en théâtre, que ce
soit en cinéma, que ce soit pour toutes les... il y a des industries
culturelles, puis il y a aussi les arts vivants qui souvent ne sont pas des
industries, mais qui, de la même façon, je veux dire, tous ensemble, il y a un
écosystème culturel au Québec qu'on a réussi à créer et qu'il faut préserver à
l'ère du numérique. Bon, vous en êtes aussi conscient que moi, j'en suis
certaine. Alors, oui, que ce projet de loi puisse servir à ça. Le mot
«découvrabilité», on le retrouve, Martin l'a signalé, c'est... il faut qu'on
soit exposé dès le plus jeune âge. La même chose pour la lecture, vous le savez
très bien, du berceau au tombeau, il faut qu'il y ait une politique de la
lecture, que c'est comme ça aussi qu'on va vivre notre vie de nation
québécoise. Oui.
M. Morin : ...quand vous avez
fait référence à l'entente culture-éducation, donc évidemment, il s'agit là
d'un mécanisme très fort, efficace, qui ferait en sorte que les élèves qui sont
dans les écoles, évidemment, pourront être exposés à différentes manifestations
des arts et de la culture, la culture québécoise. Donc, quelque chose à retenir
de très pratique. Je vous en... Je vous en remercie.
Autre... Autre élément. On nous a... On
nous a parlé beaucoup du rôle des villes. On a entendu des fédérations de
municipalités, des maires, des mairesses qui ne... qui trouvaient ça dommage
qu'on ne fasse pas référence directement au rôle des villes dans le projet de
loi. Parce que plusieurs nous disaient, mais je me souviens, entre autres, de
la mairesse de Sherbrooke qui nous disait : Bien, c'est souvent nous qui,
les premiers, allons rencontrer des nouveaux arrivants, des immigrants, bon,
etc. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Est-ce que vous pensez qu'on
devrait accorder une plus grande importance, finalement, dans le projet de loi,
au rôle que les municipalités ont à jouer?
• (17 h 30) •
Mme Beaudoin (Louise) : Martin,
vas-y.
M. Roy (Martin) : Bien,
écoutez, en tout cas, nous, c'est sûr que les villes sont des partenaires
extrêmement importants des festivals et des événements de façon générale, non
seulement pour la tenue logistique, pour tout ce qui concerne l'organisation
des festivals eux-mêmes, des événements au cœur des villes, etc. Donc...
17 h 30 (version non révisée)
M. Roy (Martin) : ...elles
sont des partenaires indispensables, elles le sont aussi du point de vue
financier, parce que les villes contribuent à ce montage financier extrêmement
compliqué des grands événements. Alors, moi, je pense que les villes doivent
être des partenaires, là-dessus, comme elles le sont à tous égard, là, tu sais.
On a quand même plusieurs obligations. Les festivals, notamment, évidemment, en
ce qui a trait, par exemple, au développement durable et d'autres, et,
toujours, on travaille conjointement avec les villes, sur les territoires
concernés. Donc, évidemment, en ce qui a trait aux projets d'intégration
nationale, je ne vois pas pourquoi ça... comment ça peut être différent, là. On
peut compter, je pense, sur les villes comme étant... pour être des
partenaires.
M. Morin : Je vous remercie.
Dans le projet de loi, à l'article 8, on parle de la politique nationale sur l'intégration
à la nation québécoise et à la culture commune, mais on souligne que c'est le
ministre, en collaboration avec d'autres ministres, qui va développer la
politique. Plusieurs groupes nous ont dit que ce n'était pas assez large, comme
consultation. Si on veut vraiment avoir un vivre-ensemble, bien, peut-être que
ce serait plus approprié qu'une commission parlementaire écoute différents
organismes pour mettre en... évidemment, mettre les bases de cette
politique-là, qui est révisée éventuellement aux 10 ans, c'est ce qui est prévu
dans le projet de loi. J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous
pensez qu'on devrait élargir davantage ou si la façon dont c'est rédigé
présentement, c'est suffisant?
Mme Beaudoin (Louise) : Bien,
écoutez, moi, je suis toujours pour la consultation la plus élargie sur la
politique d'intégration nationale, parce que c'est tellement important, là, c'est
tellement important, parce qu'on en fait beaucoup, bon, le gouvernement actuel
en a fait. Moi, je prétends qu'il y a une belle continuité sur bien des choses,
dans le Québec d'aujourd'hui, depuis la Révolution tranquille, c'est comme ça
qu'on avance. Et l'avantage que j'y verrais... là, c'est vraiment un avis, là,
que j'y verrais, c'est que, justement, où est-ce qu'on se situe entre bon...
comment on pourrait la définir mieux... On dit : Ce n'est pas du
multiculturalisme. Ça, c'est clair, on sait ce que ce n'est pas, bon. Alors, ce
que c'est, c'est... le projet de loi, mais le ministre nous dit : Bien, c'est
justement, ça va se concrétiser, ça va s'incarner dans une politique d'intégration
nationale.
Alors, oui, comme citoyenne, d'abord et
avant tout, je ne suis certainement pas opposée, je veux dire, à une
consultation plus large d'une politique de ce genre-là.
M. Morin : Je vous remercie.
Je comprends que ça déborde peut-être votre créneau, qui est le regroupement
des événements majeurs internationaux, mais il y a aussi plusieurs groupes qui
nous ont dit que, dans le projet de loi, on attendait beaucoup des nouveaux
arrivants, mais que peut-être que le Québec, lui, offrait moins. Donc, c'était
un peu comme... pas à double sens, mais un peu à sens unique.
Dans le projet de loi, il n'y a aucune
référence qui souligne, par exemple, l'importance d'éliminer la discrimination
ou le racisme pour aider à l'intégration des nouveaux arrivants. D'autres
groupes nous ont dit que c'était un enjeu pour certains. Avez-vous des pistes
de solution pour nous à ce sujet-là?
Mme Beaudoin (Louise) : Là,
je vais laisser Martin.
M. Roy (Martin) : Oui, les
questions pièges. Non, mais, écoutez, je ne sais pas, je ne sais pas comment y
répondre, mais je pense qu'il y a certainement quelque chose qu'on peut faire
ensemble. Puis, du point de vue, justement... C'est que les festivals, puis Mme
Beaudoin le disait dans l'allocution, mais à quel point ils sont aussi des
exemples de vivre-ensemble. Je veux dire, franchement, là, à Montréal, en
particulier, quand on... puis partout, mais, je veux dire, on voit à quel point
ces microsociétés éphémères sont quand même exemplaires de ce point de vue là.
Je veux dire, franchement, vous ne voyez pas très souvent des incidents liés à
la sécurité dans les événements. On est généralement très convivial, très
sécuritaire. Montréal est reconnue comme une destination sécuritaire,
conviviale, justement, par la voie aussi de ces grands rassemblements là.
Donc, je pense que c'est peut-être parce
que la musique adoucit les mœurs, mais, enfin, il y a certainement quelque
chose à faire à travers ça, puis je pense qu'effectivement, ne serait-ce que
par, justement, le métissage qui se fait aussi sur la scène et dans... à
travers le public, là, il y a...
M. Roy (Martin) : ...les
résultats qu'on peut obtenir justement pour un meilleur vivre ensemble.
M. Morin : Je vous remercie.
Une fois que la politique sera faite, évidemment, il faudra l'utiliser, il
faudra l'appliquer. Certains groupes nous ont suggéré que ce serait important,
peut-être, d'avoir un commissariat à l'intégration, comme on a un Commissaire à
la langue française, qui aiderait le gouvernement d'abord, qui permettrait à
des citoyens de s'exprimer ou, s'il y en a qui trouvent que la loi ne
fonctionne pas correctement, de se plaindre, et puis, après ça, de conseiller
le gouvernement et de mesurer si la politique, finalement, fonctionne bien ou
pas. Avez-vous des réflexions là-dessus? Est-ce que c'est quelque chose qui
pourrait aider le gouvernement dans l'objectif qu'il poursuit?
Mme Beaudoin (Louise) : Écoutez,
là, comme ancienne députée, ancienne ministre, là, je... oui... Bon, le
Commissaire à la langue française, je pense qu'il est extrêmement utile. Il a
été nommé aux deux tiers de l'Assemblée nationale, je pense que c'est
extrêmement utile, mais j'hésiterais, là... j'hésite toujours à créer, si vous
voulez, de nouveaux postes, de nouveaux... Est-ce qu'on ne peut pas, avec ce
qu'on a, arriver au même résultat? Je me pose tout simplement la question, je
n'ai pas de réponse, puis quant... je vous répète, quant au Commissaire à la
langue française, est-ce qu'on peut étendre ses pouvoirs, en faire davantage?
J'hésite toujours. Puis je pense que c'est le cas aussi... en général, quand on
arrive au gouvernement, on se dit : Est-ce que c'est bien nécessaire de
toujours créer quelque chose, en surplus, davantage, etc.? En tout cas, c'est
une question que, personnellement, je me pose, mais je ne vous donnerai pas la
réponse définitive parce que je ne l'ai pas, mais il faut le faire, en effet,
il faut le faire. Ce que vous dites, il faut le faire. Est-ce qu'il y a des
façons de le faire sans créer, justement, je dirais, une nouvelle bureaucratie?
M. Morin : Je vous remercie.
Et une dernière question. Évidemment, vous vous occupez à gérer des événements
majeurs internationaux. La loi fait grand état, bien sûr, de l'importance de la
culture. Avez-vous des enjeux avec le financement de certaines activités?
Est-ce que le gouvernement devrait en mettre plus? Parce qu'évidemment, si on
fait reposer le projet de loi sur l'intégration, sur la culture et en grande,
grande partie sur la langue française, est-ce que le gouvernement ne devrait
pas investir davantage dans la culture et dans la francisation?
Mme Beaudoin (Louise) : Martin.
M. Roy (Martin) : Bien,
assurément. Mais, vous savez, je pense que c'est... et je veux revenir
là-dessus parce que c'est fondamental aussi en ce qui nous concerne puis c'est
un élément très distinctif ou différent dans notre plaidoyer, c'est que nous,
on représente des grands événements qui ont une dimension touristique
extrêmement importante, et puis ça, c'est fondamental. Vous savez, je vous
donne un exemple, Osheaga, qui est un événement où 66 % des festivaliers
viennent de l'extérieur du Québec, donc c'est un apport touristique économique
extrêmement important. Puis ça, bien, c'est via, évidemment, le ministère du
Tourisme puis ses programmes qu'on peut renforcer ça puis rendre la destination
plus attractive, etc. Donc, ça, c'est un objectif qui est à part, qui n'est pas
nécessairement concerné par les objectifs de ce projet de loi ici.
Mais, de d'autre part, effectivement, si
on veut renforcer la culture québécoise, la langue française, bien là, ça passe
vraiment par une meilleure... un meilleur soutien aux organismes qui... avec
lesquels on transige essentiellement, surtout la SODEC et le CALQ qui peuvent
effectivement nous donner plus de moyens. Puis je pense que vous êtes au
courant qu'actuellement il y a des demandes d'un peu partout en ce qui concerne
en particulier le CALQ, mais aussi la SODEC pour avoir un meilleur financement.
Mais je pense que c'est vraiment important de prendre en considération ces deux
dimensions là, puis c'est pour ça que tout à l'heure que je parlais de
l'importance du ministère du Tourisme. Parce que, vous savez, en tout cas, chez
nous, les membres du REMI, les grands événements reçoivent 3 $ du tourisme
pour 1 $ du ministère de la Culture, là. On est principalement... il ne
faut pas l'oublier, on est principalement soutenu par le ministère du Tourisme
et c'est pour ça que je dis qu'il ne faut pas que la loi en question
aujourd'hui mette en cause justement cet aspect-là important du financement qui
vient en reconnaissance du développement puis du potentiel touristique
économique.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En terminant.
M. Morin : Écoutez,
Mme Beaudoin, M. Roy, merci, merci beaucoup. Très utile. Merci
infiniment.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le député. M. Roy, Mme Beaudoin, à
nouveau, merci pour cette belle présentation, cet échange avec les
parlementaires. Ça apporte du support à nos travaux. Alors, je vais suspendre
le temps de recevoir le prochain groupe...
Mme Beaudoin (Louise) : ...merci
à vous.
M. Roy (Martin) : Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 40)
(Reprise à 17 h 43)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Nous allons recevoir l'Union des
artistes, qui est représentée par sa présidente, Mme Tania Kontoyanni. Mme
Kontoyanni, bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens. Donc,
vous allez avoir une période de 10 minutes à votre disponibilité pour vous
exprimer sur le projet de loi, pour faire votre présentation. Et, par la suite,
nous allons pouvoir discuter avec les parlementaires. Alors, le temps qui vous
est imparti débute maintenant.
(Visioconférence)
Mme Kontoyanni
(Tania) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre, et à tous
les membres de la commission. Merci de me recevoir. Alors, je suis Tania
Kontoyanni, effectivement, présidente de l'Union des artistes, qui est un
syndicat qui représente 13 000 artistes interprètes de plusieurs
disciplines, francophones. Notre mission, c'est de définir et défendre leurs
intérêts économiques, sociaux et moraux, d'établir des conditions minimales de
travail pour eux, ce qui nous assure, à travers les contrats UDA, de leur
donner accès à un filet social qui comprend le régime d'épargne retraite et les
assurances. Je trouvais important que vous sachiez ça. Donc, on représente
13 000 membres qui s'expriment dans toute autre langue que l'anglais,
mais, effectivement, principalement en français, au Québec et à travers le
Canada.
Si je vous parle de mon syndicat, l'Union
des artistes, c'est qu'en avril 2023 le conseil d'administration nouvellement
élu, qui est constitué de 21 artistes actifs dans notre industrie
culturelle, m'a donné comme mandat, à la présidence, de tout d'abord prendre
tous les moyens à ma portée pour défendre avec courage la culture francophone
au Québec. Alors, le projet de loi n° 84 sur l'intégration nationale est
capital pour nous en ce sens.
Le contexte mondial que nous connaissons
actuellement sous-tend vraiment ce mémoire. Parce que le Québec fait face à un
vieillissement accéléré de sa population et à une pénurie de main-d'oeuvre qui
touche presque tous les secteurs économiques, de la santé à la construction, en
passant par la culture et l'éducation, il nous apparaît important de réaliser
que les vagues migratoires que...
Mme Kontoyanni (Tania) : …le
contexte très instable actuellement, mondial, va provoquer, n'épargnera pas le
Québec, mais qu'au-delà de cette… de ce résultat, il y a une nécessité de
recevoir les nouveaux arrivants. Parce que, sans un apport constant de nouveaux
citoyens, la vitalité économique du Québec risque de s'affaiblir.
Et, par ailleurs, dans un monde où
l'anglais, et c'est ce qui nous importe le plus en tant qu'artiste, s'impose
comme la langue dominante, ou l'influence des États-Unis qui façonnent les
référents culturels et politiques, à notre avis, le Québec ne peut se permettre
de voir sa population stagner, parce qu'une société qui ne croit pas est une
société qui s'efface, et s'efface avec elle sa langue et sa culture.
Or, pour nous, cette croissance
démographique ne peut pas se faire sans le projet clair et structurant
d'intégration, comme vous le proposez avec le projet de loi n° 84. Si le
Québec veut préserver son caractère francophone et sa culture distincte en
Amérique, il doit s'assurer que les nouveaux arrivants adoptent, oui, la langue
française et s'approprient les références culturelles québécoises. Sans une
telle démarche, nous risquons de voir notre peuple devenir minoritaire sur son
propre territoire, au sein d'une Amérique du Nord anglophone et d'un Canada
multiculturel où le poids du Québec diminue d'année en année. C'est ce qui
inquiète le plus les artistes qui m'ont donné ce mandat de défendre la culture
francophone.
Et, d'une certaine façon, ce qu'on propose
ici, pour y aller d'un côté beaucoup plus positif est de tenter la grande
séduction, si vous me permettez cette référence au film québécois, qui parlait
justement de l'accueil d'un médecin dans une région éloignée. D'une certaine
façon, c'est l'état d'esprit dans lequel on souhaite se mettre. Or, l'esprit de
ce projet de loi souligne bien que l'intégration ne se résume pas qu'à
l'apprentissage d'une langue, qu'elle passe également par l'adhésion à une
culture commune. La culture québécoise, à notre avis, dans toutes ses
expressions, mais surtout artistique, joue un rôle clé dans ce processus. En
facilitant la fréquentation des œuvres culturelles québécoises, nous donnons
accès à notre culture et pouvons non seulement accélérer l'intégration des
nouveaux arrivants, mais aussi leur permettre de se sentir pleinement membres
de la nation québécoise. Il nous apparaît évident que des mesures concrètes
pour faciliter l'accessibilité à nos œuvres devront être intégrées à la
politique nationale.
Dernièrement, j'ai assisté à une
conférence de Jean-François Roberge, notre ministre de la Langue française, et
il nous demandait de se poser la question de ce que chacun de nous peut faire
pour améliorer la santé… le sort et la santé du français au Québec. Et, comme
l'intégration culturelle doit constituer un objectif commun et un engagement
partagé, on est d'accord avec ça, entre l'État du Québec et toutes les
personnes qui y vivent, bien, le mémoire que je vous présente, c'est en fait le
témoignage de l'engagement des artistes dans ce… dans ce parcours.
• (17 h 50) •
On a quelques…. Et je termine avec ça, Mme
la Présidente, on a quelques suggestions, recommandations phares, parce
qu'évidemment, au-delà de la langue, il y a l'adhésion aux valeurs culturelles.
En ce sens, et notre langue et notre culture, et je parle de… là, d'expression
culturelle, nous semblent vraiment les vecteurs d'intégration majeurs, mais la
fréquentation des œuvres culturelles nous apparaît tout aussi importante. Et
j'aimerais ici distinguer d'un côté notre art populaire, accessible à tous et
rapidement, qui ont… qui est, bien sûr, la télévision, mais, de l'autre côté,
je voudrais quand même souligner l'importance des arts vivants, ce que j'aime
appeler personnellement les arts de proximité, c'est-à-dire ceux qui forcent le
citoyen de… à sortir de chez lui, à se rendre dans une salle de spectacle, de
théâtre, un festival, un musée, une galerie, une librairie, et où il va se
retrouver forcément avec les autres concitoyens et les voir, en fait, réagir à
une œuvre, rigoler, crier, chanter. Pour nous, ça nous apparaît le contact
essentiel avec le peuple qu'un nouvel arrivant essaie d'intégrer. Eh bien,
c'est les manifestations culturelles qui nous apparaissent les plus
importantes, et particulièrement chez les jeunes. Donc, évidemment, parmi nos
recommandations phares, on va retrouver, l'intégration...
Mme Kontoyanni (Tania) : ...l'intégration
de manière significative de la fréquentation des arts dans le parcours en
francisation, tant à l'école que dans le travail, les activités
professionnelles des nouveaux Québécois, où on encourage les employeurs à
l'intégrer également de façon significative, des activités culturelles dans
leur programme d'accueil pour leurs nouveaux employés, leurs employés
nouvellement arrivés au Québec. Valoriser. Il nous semble essentiel de
valoriser les artistes issus de l'immigration parce que les nouveaux arrivants
vont se reconnaître dans les différentes expressions d'artistes qui se
reconnaissent comme étant québécois mais qui sont issus de l'immigration. J'en
fais partie, c'est un élément qui me touche particulièrement. Et aussi,
finalement, pour terminer avec ça, Mme la Présidente, il m'apparaît très
important qu'on valorise les citoyens qui ont opté pour le français et qu'on
reconnaisse la contribution de tout francophone, peu importe son accent, c'est
là-dessus, que, justement, je veux mettre l'accent, car il contribue lui aussi
à la sauvegarde de notre langue et donc de notre culture. Et en ce sens,
l'Union des artistes a un projet de valorisation de la francophilie et de la
francophonie, donc de tous ceux qui choisissent de parler français au Québec, à
travers une large campagne nationale de valorisation de la Francophonie. Je
suis prête pour vos questions, si vous voulez bien.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme Kontoyanni, pour votre présentation.
Effectivement, nous allons débuter la période de discussion avec les
parlementaires. M. le ministre, la parole est à vous pour une période... une
enveloppe de 16min 30s.
M. Roberge : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci beaucoup, Mme Kontoyanni. Content de vous revoir, même
si c'est en virtuel, très content de ça. C'est vrai, je le répète, je pense
qu'il faut que tout le monde, dans tous les secteurs, se demandent :
Qu'est-ce qu'on peut faire pour mieux faire vivre, vibrer notre langue
française, mais pas seulement notre langue française, notre culture aussi, qui
se manifeste, là, de plein, plein, plein de manières, là, dont on pense à nos
émissions, à nos séries, mais les arts, là, c'est très, très, très vaste puis
c'est extrêmement, extrêmement important.
Je suis content que vous ayez dit, à la
toute fin : Il faut valoriser aussi les artistes issus de l'immigration.
Je pense que c'est important que les gens se reconnaissent. Tout le monde doit
se reconnaître dans les arts québécois, puis ça vient préciser que ce n'est pas
un projet d'assimilation ou de repli sur soi quand on veut mettre notre culture
de l'avant, parce que la prémisse de la Loi sur l'intégration nationale, c'est
que tout le monde, ici, avec notre langue commune, doit adhérer, mais
contribuer. Puis quelle plus belle manifestation que d'avoir la présidente de
l'UDA qui elle-même parle de son parcours, des origines grecques? On ne peut
pas avoir plus bel exemple de quelqu'un qui adhère, et contribue. Souvent, je
dis Boucar Diouf, Kim Thuy, Adhib... je vais rajouter Tania Kontoyanni dans ma
liste d'exemple quand je fais ça.
Je précise que, dans la loi, puis vous
l'avez mentionné dans votre mémoire, les arts et lettres sont présents, parce
que... je le précise parce que, des fois, je l'exclus en disant :
Attention, attention! La culture... quand on pense culture, on pense juste à
arts et Lettres, mais culture commune, c'est plus large que ça, c'est notre
manière de vivre, c'est nos institutions, c'est notre Code civil. Ça fait
"frette", le Code civil, mais c'est extrêmement important, ce n'est
pas la common law, c'est le Code civil, c'est notre parcours historique, mais
c'est aussi les arts et les lettres puis les manifestations culturelles. Ça
fait qu'on a ça à 5... article 5.d, articles 6.3, articles 9.3, puis, après
ça, on a même deux autres articles où on parle de financement puis de
dire : Bien oui, l'État n'interdit pas pleins de manifestations ou de
regroupement, etc., mais qu'est-ce qu'il choisit de financer, c'est différent,
qu'est-ce qu'il choisit d'encourager, d'organiser? Bien, je pense que ça doit
être surtout des lieux de rassemblement, oui, mais aussi les manifestations
culturelles de gens venus de partout, ayant choisi le Québec puis y apportant
sa couleur. Michel Vallée, de Culture pour tous, est venu au début des
consultations, puis il nous a beaucoup parlé de médiation culturelle, et je
trouve ça intéressant...
M. Roberge : ...ce qui
fait : Ah oui, avec les Journées de la culture, mais avec les
municipalités, ou il prend des gens de la minorité, des diverses minorités,
puis de la majorité francophone, puis il leur fait faire des arts ensemble avec
des artistes qui sont des guides? Est-ce que l'UDA est impliquée dans ces
manifestations-là, de médiation culturelle, avec Culture pour tous, l'UDA en
tant que telle ou vos membres tout simplement?
Mme Kontoyanni (Tania) : L'UDA
en tant que tel, non, mais on l'est beaucoup à travers nos membres. Alors,
effectivement, je dirais qu'un très grand pourcentage de nos membres ont...
Comme vous le savez, peu d'artistes réussissent à vivre uniquement de leur
pratique artistique, alors, souvent, on a des métiers connexes. Par exemple,
comme je le dis dans mon mémoire, il y en a certains qui font de la
francisation actuellement, du dialogue vraiment pour aider les artistes. Et
puis ils témoignent en même temps, dans ce dialogue-là, de notre culture.
D'autre part, il y en a beaucoup qui enseignent les arts dans les écoles, et
plusieurs autres font effectivement de la médiation culturelle. Ce qui, je
pense... c'est vraiment approprié que ce soient des artistes professionnels qui
fassent la médiation culturelle. Premièrement, parce que ça fait partie de leur
bagage, deuxièmement, parce qu'ils transmettent la langue française à travers
cette médiation culturelle et parce que ça crée une mixité, que ce soit des
artistes issus... Bon. Moi, je me définis quand même entièrement comme
Québécoise, avec des origines grecques, mais je parle grec à la maison. Ça, je
tiens à le souligner, ce n'est pas nécessairement... Que les gens parlent une
autre langue à la maison n'est pas nécessairement une indication que le
français se dégrade. Alors, nous, on parle grec à la maison, mais par contre,
quand on sort de la maison, on veut être servis en français, on veut qu'on nous
parle en français. Et, c'est ça, la langue commune qu'on partage avec nos
concitoyens. Je trouve important de le souligner.
D'autre part, je parlais de la médiation,
donc. Il y a tout à coup... Pour arriver à la médiation culturelle, il y a déjà
un parcours culturel derrière soi, il y a déjà un parcours artistique. Or, ça
implique qu'on est ici depuis un certain temps, si on n'est pas là depuis
toujours, et qu'on est à même de témoigner de ce qu'est la vie ici. Donc, la
médiation culturelle, en fait, c'est utiliser les arts pour mélanger les
citoyens, justement, dans le sens de les faire faire les rencontres,
apprivoiser une nouvelle culture, et tout. Donc, oui, je suis tout à fait
d'accord avec Culture pour tous en ce sens que c'est majeur, la médiation
culturelle, actuellement.
M. Roberge : C'est ça, je
pense, qu'on doit multiplier. Moi, j'étais enseignant très longtemps, pendant
17 ans, dans le réseau public des écoles primaires. Puis, à ma petite école, il
y avait, au début, peu d'immigrants, de plus en plus, au fil des années. Et on
avait deux semaines arts et lettres. À toutes les années, il y avait les
semaines arts et lettres. On faisait venir des artistes du programme Artistes à
l'école...
(Interruption) ...pardon, et de d'autres
programmes. Et ça fonctionnait très, très bien.
Quand je suis arrivé au ministère de
l'Éducation, j'ai dit : Bien, on va augmenter ça, les artistes à l'école.
Et donc, il y en a plus, puis ils sont mieux payés. Je suis content de ça. Mais
j'étais content de découvrir que ça ne se passait pas juste à l'école, parce
qu'à un moment donné, les jeunes quittent l'école. Et ils ne sont pas encore
parfaitement toujours intégrés ou leurs parents, eux, n'ont pas eu ça. De voir
qu'il y avait d'autres programmes avec d'autres artistes qui faisaient des
activités interculturelles de médiation culturelle avec des professionnels à
travers les municipalités, je me suis dit : Ah, voilà comment les
municipalités peuvent jouer un rôle aussi.
Les deux... Les deux fédérations sont
venues nous voir, l'UMQ, la FQM. Puis, quand ils me disaient : Bien,
qu'est-ce qu'on peut faire? Je disais : Bien, faites des activités de
médiation culturelle en invitant des gens de partout et non pas communauté par
communauté. Non, justement, parce que c'est ça, le vivre-ensemble au Québec.
C'est un État de droit, état de grande liberté, mais utilisons notre libre
arbitre pour se mélanger puis pour faire de la mixité sociale. Je pense, c'est
ce qui va nous faire grandir.
• (18 heures) •
Je vois qu'à la fin de votre mémoire il y
a une petite annexe très sympathique, Témoignage personnel. Je connaissais un
petit peu votre histoire, mais j'ai aimé que vous l'enrichissiez en
disant : Bien, c'est quoi, les principaux facteurs de succès de notre
intégration? Vous avez dit : La volonté d'intégration, la curiosité, mais
ouverture à l'autre et société d'accueil, donc, ça, c'est dans le projet de
loi, développement de liens avec les Québécois à travers des activités. Donc
là, je comprends qu'il faut qu'on... le gouvernement soit un peu plus chef
d'orchestre...
18 h (version non révisée)
M. Roberge : ...s'assurer que,
dans ce qu'on finance, dans nos municipalités, dans nos organismes, on mette
des gens en relation, on fasse des activités de pairage, de parrainage aussi. J'étais
là au lancement de Deux par deux, une fois, avec le Mouvement national des
Québécois. Je pense que ça, c'est définitivement gagnant. Mais sinon est-ce que
vous croyez que, dans un milieu comme Montréal, où il y a beaucoup, beaucoup,
beaucoup de nouveaux arrivants, il y a un petit plus qu'on devrait faire? Qu'est-ce
qu'on devrait faire, mettons, à Montréal, où le... je vous dirais, le défi est plus
grand, qui est peut-être différent de ce qu'on ferait à Saguenay ou à
Baie-Comeau?
Mme Kontoyanni (Tania) : Bien,
en fait, je dirais deux choses. Premièrement, effectivement, la mixité, toute
activité qui amène le nouvel arrivant et particulièrement, je vous dirais, le
nouvel arrivant qui arrive de façon... plus difficile de s'intégrer... et là je
parle de celui qui arrive plus démuni que les autres, sans profession, il va
avoir une espèce de repli identitaire, forcément, parce qu'il va aller vers une
communauté qui peut le soutenir dans l'immédiat. Alors, ça, c'est une chose à
laquelle il faut être particulièrement sensible. Je crois qu'il y a des
quartiers à Montréal, on le sait, qui sont, je dirais, dans des difficultés
socioéconomiques plus grandes que bien d'autres quartiers au Canada, où il y a
une grande concentration de nouveaux arrivants. Je pense qu'il faut avoir une
sensibilité particulière envers eux parce que la francisation et l'intégration
à notre culture va les aider à sortir également de la pauvreté et d'une
situation précaire. Donc, oui, je crois que la mixité, les activités qui
invitent les citoyens à se rencontrer, ça ne doit pas être juste une communauté
avec des Québécois installés de longue date, non, ça doit être plusieurs
communautés, plusieurs individus de plusieurs communautés, pour se rendre
compte de l'ouverture de notre société, qui est là en train de les accueillir,
de faire des activités avec eux, de mélanger, d'avoir une préoccupation vers
eux. Ça m'apparaît important.
Vous parliez : Est-ce que c'est le
même défi au Saguenay qu'à Montréal? Non. Et, justement, je suis de ceux qui
prônent énormément qu'il faut arriver dans les activités... Vous dites : Comment
on peut amener les différentes municipalités à... bien, à s'impliquer dans ce
projet de loi? Je pense qu'il faut qu'ils trouvent les moyens de proposer des
visites dans les régions du Québec, c'est-à-dire qu'il y a les... Comme vous le
disiez, la culture, ce n'est pas juste les arts et les lettres, et j'en suis
très consciente, même si je crois aussi que, sans les arts et les lettres, il n'y
a pas de culture, mais, bon, la culture, c'est bien plus que nous. Et la
culture, elle est liée à notre territoire, et je crois que devenir pleinement
Québécois, c'est aussi connaître profondément notre territoire. Alors, moi, j'ai
eu la chance de faire beaucoup de tournées dans ma vie en théâtre, je connais
très bien le territoire, sauf les Îles-de-la-Madeleine, et il ne faut pas sous-estimer
ce que notre territoire, et nos régions, et les habitants de nos régions
peuvent provoquer chez le visiteur. Alors, ça, je pense que c'est peut-être un
angle mort qu'on a parfois, mais je pense que le territoire fait une partie
intégrante de notre culture et que c'est très important d'avoir des... le souci
de les faire visiter notre territoire, mais aussi d'encourager les familles...
et ça, ça dépasse largement les arts et les lettres, mais d'inciter les
familles à s'installer en région.
M. Roberge : Merci. Merci
beaucoup, beaucoup pour votre participation à notre commission aujourd'hui. J'ai
des collègues qui veulent continuer d'échanger avec vous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais reconnaître le député
de Saint-Jean. Et, dans l'enveloppe, il reste encore quatre minutes 18
secondes.
M. Lemieux : Vous êtes trop
bonne pour moi. Merci, Mme la Présidente. Mme Kontoyanni, bonjour.
Mme Kontoyanni (Tania) : Bonjour.
M. Lemieux : J'ai presque
crié, mais je ne peux pas ici, surtout pas en visio, mais, quand vous avez dit :
Sauf les Îles-de-la-Madeleine, j'ai dit : Ah! elle a manqué le meilleur,
pauvre elle. Mais, en tout cas, ce n'est pas grave.
Mme Kontoyanni (Tania) : Je
le sais.
M. Lemieux : Bien oui. On s'en
reparlera. Par contre, quand vous parlez du territoire, ça me touche beaucoup,
et d'aller voir le territoire. Je me suis presque fait mettre dehors d'une
réunion au Saguenay-Lac-Saint-Jean à l'époque, quand j'avais dit qu'il faudrait
forcer les étudiants du cégep à aller étudier dans un cégep étranger, dans le
sens de loin de chez eux, et vice versa. Remarquez que le ministre de l'Éducation,
à une certaine époque, avait commencé ça en favorisant les capacités... en
finançant les étudiants qui... les étudiants qui voulaient aller étudier un peu
plus loin, toujours au Québec. En tout cas, c'est une autre conversation.
J'ai encore dans les oreilles, Mme
Kontoyanni, vos premiers mots...
M. Lemieux : ...quand vous
m'avez parlé, vous nous avez parlé de vieillissement, de rareté de
main-d'oeuvre. Je ne suis pas démographe, mais, quand on travaille sur la
langue française, on n'a pas le choix que de parler à des démographes. Et votre
conclusion à vous, comme tout le monde, c'est qu'on n'y arrivera pas si on...
Il n'y a pas de solution miracle, même si l'insémination artificielle existe,
encore faut-il qu'un jour il faut se reproduire, et on ne le fait pas assez.
Donc, au bout du compte, si on veut sauver
la langue française, parce que c'est ça, le but de l'exercice, en tout cas,
pour celui qui vous parle, on a besoin, au Québec, de la faire vivre. Et
j'étais très fier, quand on a adopté le projet de loi n° 96, qui faisait du
français non seulement la langue officielle, mais la langue officielle et
commune du Québec. Et bien inspirés de du projet de loi n° 96, nous voilà au
84, qui fait de notre culture une culture commune au sens de comment on la vit.
Est-ce que c'est possible, Mme Kontoyanni, est-ce que ce n'est pas de la magie,
dans le fond, c'est avec la culture qu'on va sauver la langue, c'est avec la
culture qu'on fait vivre la langue?
Mme Kontoyanni (Tania) : Par
opposition à quoi? Oui, je pense que oui, c'est par la culture qu'on fait vivre
la langue et par la langue qu'on fait vivre la culture, absolument.
M. Lemieux : Oui, mais il
faut la sauver cette langue parce qu'elle est en perdition. En tout cas, on
essaie vraiment de l'empêcher de diminuer, et puis ce n'est pas facile à
tenter.
Mme Kontoyanni (Tania) : Vous
me posez la question s'il faut sauver cette langue, absolument.
M. Lemieux : Oui, mais est-ce
que la culture, c'est l'arme, l'arme secrète qu'on avait oubliée, là, dans nos
lois?
Mme Kontoyanni (Tania) : Moi,
je pense que c'est l'arme, moi, je pense que c'est l'arme fondamentale, parce
que c'est à travers la culture. Donc, évidemment, comme on disait : Moi,
mon... je parle pour les arts et des lettres, mais la fréquentation des arts,
des œuvres québécoises permet non seulement au nouvel arrivant, à travers les
artistes issus de la diversité, de nous connaître d'abord, mais, en plus, de se
reconnaître plus tard. Et, vous savez, au-delà de ça, je pense que la langue
française est notre culture, défend une manière d'être dans le monde, une
manière de penser. On est une société extrêmement humaniste qui, je pense, est
reliée à la langue que nous parlons et au fait que nous avons à la défendre
pour survivre. Et, d'un autre côté, je pense que tout nouvel arrivant qui
arrive ici, par hasard, peut décider d'y rester par choix, et ce choix-là va
être basé sur l'accueil qu'on lui aura réservé. Quand je parlais de la grande
séduction, je parlais de ça.
Donc, nous avons besoin d'agrandir notre
population, de l'agrandir en français, autrement, autant abandonner tout de
suite, là. Moi, je crois vraiment qu'il faut imposer le français avec la
meilleure manière possible, c'est-à-dire que je crois, à travers les lois,
qu'on est allé au maximum de ce qu'on pouvait instaurer de coercitif, et qu'à
partir de maintenant, c'est l'amour qui va amener les gens à parler notre
langue. Voilà. Je vous remercie.
M. Lemieux : C'est beau de
vous entendre. C'est tout le temps que j'avais avec la banquette
gouvernementale, mais c'est la grâce que je nous souhaite, Mme Kontoyanni.
Merci beaucoup pour votre présence ici.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le député. Mme Kontoyanni, ce n'est pas terminé.
Je me tourne du côté de l'opposition officielle et, M. le député d'Acadie, vous
avez à nouveau 16 min 30 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, Mme Kontoyanni, très heureux de pouvoir échanger avec vous.
Bonjour. Merci de partager vos réflexions et celles, évidemment, de l'ensemble
des artistes que vous représentez. C'est quand même... c'est beaucoup, 13 000
artistes. Alors, bravo! Bravo pour le mandat que vous avez.
Le projet de loi, et vous venez d'en
parler, le projet de loi, faire reposer beaucoup toute la question de
l'intégration sur le français, la connaissance de la langue française. C'est
notre langue commune au Québec, c'est hyperimportant. Maintenant, au même
moment, le gouvernement coupe en francisation, alors comment va-t-on y arriver?
• (18 h 10) •
Mme Kontoyanni (Tania) : Bien,
si je me fie aux paroles du ministre et que je le crois, bien, c'est
temporaire. Alors, j'espère que ce n'est qu'un pas de recul pour mieux évaluer
les besoins du secteur de l'éducation, mais aussi du secteur de la
main-d'oeuvre. Il y a aussi des travailleurs actifs dans notre société qui peuvent
être des nouveaux arrivants ou des travailleurs temporaires. Alors, si vous me
demandez : Est-ce qu'on peut y arriver avec le budget actuel en
francisation? Je ne crois pas.
M. Morin : Exact. Alors, on
on partage, vous et moi...
M. Morin : ...et occupations,
effectivement. D'ailleurs, vous en avez parlé un peu plus tôt, vous avez parlé
de l'immigration, parce que, oui, il y a une pénurie de main-d'œuvre, donc on a
des immigrants ici, on les accueille et c'est une richesse pour nous, ça
contribue à la vitalité économique du Québec, mais encore faut-il être capable
de les franciser. Donc, évidemment, si je vous comprends bien, la francisation
est un élément essentiel, et donc pour que ce projet de loi là fonctionne, il
va falloir que le gouvernement investisse suffisamment en francisation pour
qu'on y arrive, sinon l'équation ne fonctionnera pas, là.
Mme Kontoyanni (Tania) : Bien,
c'est ce que j'en déduis, même en lisant juste le projet de loi n° 84,
là, c'est que, oui, la francisation est essentielle. On a des bouchées doubles
à mettre actuellement parce que je pense qu'il va y avoir plus de nouveaux
arrivants que ce qu'on souhaiterait. Et alors, il faut prendre le taureau par
les cornes, comme on dit, puis vraiment voir à investir tout ce qu'on peut en
francisation. Et là, ça prend plusieurs, plusieurs formes. C'est-à-dire que,
oui, il y a la loi qui impose, mais il y a aussi toutes les manières plus
douces d'amener les gens à parler la langue française. Et là, bien, c'est là
que les artistes interviennent, que la médiation culturelle intervient. Mais
également, il faut aller au-delà de ça parce que les investissements vont
être... il va y avoir un grand besoin en francisation. Mais il n'y a pas que
ça, hein? Il y a, comme on le sait, la crise du logement et autres. Donc, on ne
peut pas tout mettre nos œufs dans le même panier. Cependant, il y a des
collaborations qu'on peut aller chercher.
Moi, je crois que c'est très important de
voir à ça pour tous les employeurs ou les entreprises qui engagent des nouveaux
arrivants, inclure dans leur processus d'accueil et de francisation, parce
qu'ils doivent porter cette responsabilité tout autant que vous et moi,
développer des partenariats, que ce soit avec les différents ministères
concernés. Par exemple, si on est dans le réseau de la santé, bien, le
ministère de la Santé, le ministère effectivement de l'Immigration, mais de
l'Éducation, de l'Éducation supérieure aussi, et peut être les chambres de
commerce. Est-ce qu'il n'y a pas, en ce moment, un devoir de toute la société
civile de se serrer les coudes et de travailler avec le gouvernement en place
pour dire comment est-ce qu'on peut franciser le plus efficacement possible.
M. Morin : Exact. En fait, si
je vous comprends bien, finalement, il faut bien planifier toute la question,
bien sûr, de l'immigration pour que les gens puissent s'intégrer quand ils
arrivent ici.
Mme Kontoyanni (Tania) : Tout
à fait.
M. Morin : Merci. Et ça ne
vous empêche pas d'avoir évidemment un amour pour la langue française, tout en
parlant le grec chez vous. Il n'y a pas de contradiction. C'est ce que je
comprends?
Mme Kontoyanni (Tania) : Ah!
bien non, absolument pas, même que vous parlez à une personne dont la famille a
essayé de réintégrer le pays d'origine et, au bout de cinq ans, on s'est
dit : Ah tiens! on est Québécois, nous autres, on n'est plus des Grecques.
Alors, on garde toute notre culture, notre musique, notre bouffe excellente et
notre langue, mais on se définit comme des Québécois.
M. Morin : Et vous la
partagez, donc c'est parfait.
Mme Kontoyanni (Tania) : Absolument.
M. Morin : Excellent. Un
élément que vous avez souligné, et ça a attiré mon attention, quand on parle
d'intégration, vous avez dit : Valoriser les artistes issus de
l'immigration. Et dans votre syndicat — l'Union des artistes, c'est
un syndicat — est-ce que vous en avez... Est-ce que vous avez
plusieurs membres? Est-ce que vous, vous trouvez qu'on en fait assez? Est-ce
qu'on pourrait en faire plus à ce niveau-là pour qu'évidemment, quand les gens
arrivent ici, bien, ils vont écouter du théâtre en français, au Québec, mais
ils vont aussi se reconnaître dans ce qui est joué?
Mme Kontoyanni (Tania) : Absolument.
Bien là, on parle de deux choses en même temps, c'est-à-dire, les artistes qui
arrivent, les nouveaux arrivants artistes et les nouveaux arrivants, qui vont
avoir une curiosité d'aller visiter l'expression culturelle de notre peuple.
Alors, il y a des enjeux avec les artistes qui viennent ici, parce que les
accents, c'est toujours un peu particulier, comment s'intégrer dans la société.
Vous savez, il y a même des citoyens, je suis sûre que vous avez déjà entendu
parler, des citoyens qui vont dire : Après, quand je siège sur un comité
ou sur un... j'ai un accent, la tendance, c'est qu'on va moins m'écouter moins
longtemps, on va plus facilement me couper la parole. Alors, il y a une espèce
de dignité qui semble affectée par le fait que les gens aient des accents. Même
chose pour les artistes. Souvent, ils vont se faire dire : Ah!...
Mme Kontoyanni (Tania) : ...O.K.,
tu as un accent, tu ne pourras pas avoir le premier rôle. Alors, ils vont
commencer par des rôles beaucoup plus typés, on va dire, je vais prendre le
cliché habituel de l'artiste haïtien qui va jouer le chauffeur de taxi,
mettons. Alors, ça, c'est quelque chose qu'il faut vraiment surmonter, comme
société, là, puis là je... dans toute l'industrie culturelle, c'est un problème
à aborder puis à régler.
C'est pour ça que nous, de notre côté, ce
qu'on dit, c'est, premièrement, c'est important d'encourager ces artistes-là à
être sur la scène, parce que le nouvel arrivant va se dire : Ah! tiens,
une société qui me met sur la scène. Et là on l'a vu, il y a des théâtres qui
on fait d'énormes efforts en ce sens dans les dernières années, et vous irez
voir comment ça a changé leur public, ça l'a beaucoup transformé. Alors, tout à
coup, les gens se sentent partie prenante. Et c'est un devoir qu'on a de leur
accorder ce droit-là d'appartenir à une société, de s'y reconnaître et de s'y
intégrer. Ça fait partie des éléments du bonheur, j'y crois profondément.
Alors, nous, de notre côté, ce qu'on
essaie de faire, actuellement, c'est une vaste campagne, comme je vous disais,
nationale, pour valoriser, justement, chaque francophone, peu importe son
accent, parce que lui, il contribue à garder notre langue vivante.
M. Morin : Et on est d'accord
pour dire que les différents accents qui se multiplient, c'est une richesse
pour notre langue.
Mme Kontoyanni (Tania) : Une
richesse.
M. Morin : Tout à fait. Vous,
vous avez... vous l'avez souligné à peine, tout à l'heure, mais, dans le projet
de loi, là, au niveau de l'intégration, il n'y a absolument aucune mesure qui
vise à éliminer la discrimination. Est-ce que vous pensez que c'est quelque
chose qu'on devrait inclure dans le projet de loi? Parce qu'il y a plusieurs
groupes qui nous ont dit que c'était aussi un enjeu pour des gens qui
arrivaient ici, et donc que ça nuisait à leur intégration.
Mme Kontoyanni (Tania) : Là,
vous allez probablement un peu, avec cette question, dépasser mes compétences,
à savoir est-ce que c'est quelque chose qui peut... Parce qu'on a quand même un
code, là, on a une charte des droits et libertés qu'on est supposée suivre, peu
importe la loi. Donc, elle prévaut, si je ne m'abuse, sur toutes les lois. La
discrimination n'a pas lieu d'être chez nous. Et est-ce qu'il faut vraiment
l'inscrire dans une loi pour que ce soit respecté? Moi, je pense que, dans la
société québécoise, on s'entend tous pour dire que la discrimination n'a pas
lieu d'être et qu'il faut prendre tous les moyens à notre portée pour
l'empêcher.
M. Morin : Je vous remercie.
Vous avez aussi parlé de la médiation culturelle, puis j'aimerais... j'aimerais
que vous puissiez élaborer davantage, comme facteur d'intégration.
Mme Kontoyanni (Tania) : Bien,
c'est sûr qu'il y a autant de médiation culturelle qu'il y a de médiateurs
culturels. Alors, c'est une façon d'approcher le citoyen ou les élèves, parce
qu'évidemment jusqu'à présent la médiation culturelle, c'est beaucoup, beaucoup
dans les écoles, pour justement... comme premier objectif, je pense. Que ce
soit des enfants issus de l'immigration ou des enfants qui sont... dont la famille
est ici de longue date, il y a une désertion de notre culture, actuellement, et
de la consommation de nos produits culturels francophones. Alors, il y a un
mouvement massif vers les grandes plateformes internationales qui tendent à
cannibaliser les cultures locales puis, en tout cas, œuvrer un peu pour tout
niveler, puis, pendant la pandémie, je pense qu'ils ont vraiment consolidé leur
hégémonie et qu'il faut être très prudent là-dessus.
Alors, effectivement, la médiation
culturelle, actuellement, auprès de nos jeunes a cette mission-là. Elle en a
auprès des jeunes arrivants, des jeunes nouveaux arrivants qui, souvent, ne
parlent même pas un mot de français, alors, elle est très importante parce que,
tout à coup, elle va offrir au professeur une espèce de solution de rechange
pendant quelque temps. C'est très difficile, apprendre une langue, tout à coup,
six heures, sept heures par jour sans avoir de repos. Alors, pour moi, la
médiation culturelle vient, là, apaiser un peu... rend plus léger l'apprentissage
de notre langue et de nos valeurs, parce que je pense qu'on transmet beaucoup
de nos valeurs quand on essaie de transmettre une langue.
• (18 h 20) •
Et puis, pour les adultes nouveaux
arrivants, bien là, ça favorise la mixité, là, ça favorise la rencontre, ça
favorise, avec... un peu moins complexe, peut-être, que chez les jeunes, qui
vont avoir beaucoup de retenue devant... Là, je parle comme si je connaissais
ça, mais, en fait, c'est parce que mon frère, lui, travaille en francisation,
avec des classes d'élèves qui, justement, arrivent de loin, avec des
expériences lourdes, sous-scolarisés, souvent...
Mme Kontoyanni (Tania) : ...et
qui ne parlent pas un mot de français en septembre. Alors, on s'en parle
énormément parce que c'est une préoccupation que nous avons. Donc, chez les
adultes, la méditation, pour moi, vient mettre en contact avec nos valeurs,
bien faire les rencontres nécessaires pour commencer à vivre dans une société,
là, puis ne pas se replier sur une petite communauté qui, en fait, est une
solution mitoyenne un peu pauvre. Parce que tu ne vis plus tout à fait chez toi
mais tu ne vis plus tout à fait ici non plus. Donc, pour moi, ça, le grand...
la grande... la ghettoïsation, pour moi, est... c'est ce contre quoi il faut le
plus travailler.
M. Morin : Je vous remercie.
Maintenant, il y a un autre élément important du projet de loi qui touche
évidemment toute la question de la culture. Vous êtes la présidente de l'Union
des artistes. Est-ce que le gouvernement en fait assez? Est-ce que ça va suivre
pour qu'on puisse réaliser cette intégration-là? Si vous aviez un souhait
aujourd'hui pour M. le ministre, vous diriez quoi?
Mme Kontoyanni (Tania) : C'est
sûr que la culture traverse une crise importante, peut-être une des plus
importantes de son histoire. 60 ans après avoir, ah! mis le Québec sur la
mappemonde, après avoir instauré le québécois comme une langue légitime, après
avoir, à travers les musiciens et les auteurs de théâtre, la littérature
québécoise, après avoir donné une espèce de fierté et de noblesse à notre
culture, on traverse un moment de crise. C'est normal qu'on le traverse au
moment où on le traverse, après la pandémie, et tout ce qui s'ensuit. Mais là,
je pense que, si on veut réussir l'intégration des nouveaux arrivants, si on
veut réussir à garder notre langue vivante, mon souhait, ce serait qu'il y ait
au prochain budget ce qu'il faut pour que la culture survive.
M. Morin : Bien, écoutez,
merci beaucoup, Mme Kontoyanni. On se le souhaite tous. Merci. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le député. Alors, à mon tour et au nom de mes
collègues, je vous remercie pour votre apport à nos travaux. Ce fut fort
enrichissant.
Et sur ce, je vais suspendre jusqu'à
l'arrivée des prochains intervenants. Merci!
(Suspension de la séance à 18 h 23)
(Reprise à 18 h 27)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, pour notre dernière audition, nous
recevons le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec. Alors,
madame, Messieurs, bienvenue à la commission. Je vais vous accorder une période
de 10 minutes pour vous présenter et, par la suite, de parler du projet de
loi, d'exposer vos commentaires. Nous allons poursuivre avec une discussion
avec les parlementaires. Alors, le temps est à vous.
M. Girard (Michel) : Merci
beaucoup. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonsoir.
Merci d'accepter de nous entendre en commission ce soir. Le Syndicat de la
fonction publique et parapublique du Québec est un syndicat indépendant qui
regroupe environ 44 000 membres répartis dans 40 accréditations
québécoises, dont près de 33 000 travaillent dans la fonction publique du
Québec.
La mission du SFPQ, à l'égard de tous ses
membres, consiste à défendre leurs conditions de travail et à défendre les
intérêts économiques, politiques et sociaux nécessaires à l'amélioration de
leurs conditions de vie. Cette mission s'élargit également à l'ensemble de la
société québécoise, puisque le SFPQ soutient un projet de société axé sur la
démocratie, le partage, l'équité et la solidarité.
Le dépôt du projet de loi n° 84
survient dans un contexte où l'intégration des personnes immigrantes occupe une
place centrale dans les débats médiatiques et politiques, marqués par des
tensions identitaires et des discours polarisants. Déposé en janvier 2025, le
projet de loi a pour ambition de formaliser un modèle d'intégration nationale
propre au Québec. Cependant, ce projet de loi soulève plusieurs interrogations
majeures sur sa portée réelle et ses conséquences pour notre société. Il serait
naïf de croire que l'interculturalisme puisse être imposé par un texte de loi.
Il exige au contraire un engagement collectif ferme et sincère pour bâtir une
société véritablement inclusive. Plus particulièrement, il exige des pouvoirs
publics qu'ils prennent action et qu'ils s'engagent à mettre en place des
conditions nécessaires à l'accueil, l'intégration et au dialogue.
Bien que nous soulignions, dans notre
mémoire, plusieurs écueils du projet de loi, nous insisterons particulièrement
sur le caractère essentiel et central des services publics comme vecteur
incontournable d'inclusion et de cohésion sociale. En effet, les services
publics constituent le socle sur lequel repose la citoyenneté québécoise. Ils
permettent d'assurer une égalité réelle des chances, de fournir un accès
universel à des services essentiels et d'incarner des valeurs de solidarité qui
distinguent notre modèle de société. Leur renforcement et leur financement sont
des conditions sine qua none pour garantir une intégration harmonieuse et
équitable des personnes immigrantes.
Ce qui distingue véritablement le Québec,
au-delà de sa spécificité linguistique, c'est son rapport unique aux
institutions publiques et aux infrastructures collectives. Le modèle québécois
est un héritage précieux de la Révolution tranquille et repose sur des services
publics universels et accessibles qui incarnent des valeurs de solidarité et
d'égalité. Ces institutions ne sont pas de simples outils administratifs, elles
sont le ciment de notre identité collective et le reflet, le reflet de notre
engagement envers une… voyons, une citoyenneté inclusive.
• (18 h 30) •
Le lien entre les services publics et
l'identité québécoise est fondamental, parce qu'il garantit un régime de
citoyenneté universelle où les droits et les opportunités sont partagés
équitablement. Cependant, le projet de loi n° 84 semble ignorer cette
dimension essentielle. En négligeant de valoriser les services publics comme
vecteur d'intégration et de cohésion sociale, il affaiblit les bases mêmes de
l'identité collective qu'il prétend défendre. Pire encore, les politiques
austéritaires des dernières années ont mis à mal…
18 h 30 (version non révisée)
M. Girard (Michel) : ...les
institutions, et là je ne parle pas juste du gouvernement en place, on s'entend
que les mesures austéritaires ont débuté depuis même avant l'ancien
gouvernement, et ça compromet la capacité à jouer un rôle central dans l'accueil
et l'intégration des nouveaux immigrants.
Comme je viens de le mentionner, le
service public québécois joue un rôle fondamental dans toute démarche d'intégration.
Qu'il s'agisse des services de francisation, de l'aide à l'emploi, de l'éducation
ou encore des services de garde et des centres de petite enfance, ces
institutions sont des piliers essentiels pour accompagner et soutenir les
personnes immigrantes dans leurs parcours d'intégration. Il est inconcevable,
selon nous, de présenter un projet de loi sur l'intégration sans mettre de l'avant
les obligations et responsabilités qui reviennent au gouvernement dans ce
domaine. Toutefois, les nombreuses mesures austéritaires adoptées au fil des
années ont fragilisé ces services publics, compromettant directement leur
capacité à favoriser une intégration harmonieuse et équitable des nouveaux
arrivants.
Pour rappel, voici quelques mesures
austéritaires qui ont un impact direct sur la capacité du Québec à mener des
politiques d'intégration interculturelle. D'abord, on peut mentionner la
fermeture des bureaux régionaux entraînée par la réforme des services d'accueil
et d'intégration entre 2012 et 2016. Ces services ont été confiés à des
organismes communautaires sous-financés, preuve flagrante du désinvestissement
du gouvernement du Québec dans sa mission d'intégration. Parmi les services
confiés à des organismes, il y a l'atelier Premières démarches d'installation,
là, on appelait le PDI dans le temps, dont le but est de fournir aux personnes
immigrantes des informations essentielles sur la société québécoise ainsi que
sur les démarches à effectuer pour faciliter leur installation. Entre 2012 et 2015,
la fermeture des bureaux de services du ministère de l'Immigration, de la Francisation
et de l'Intégration a aussi eu le même impact en nuisant à l'accessibilité des
services, plus particulièrement ceux offerts en personne. À ce titre, il est de
plus en plus difficile de parler avec qui que ce soit pour obtenir des
services. Quand on dit «parler», c'est parler avec une personne. Qui plus est,
à l'automne dernier, on apprenait la mise en œuvre d'importantes coupes en
francisation qui nuisent directement à l'intégration des personnes immigrantes.
De plus, malgré le potentiel du guichet d'accès unique de Francisation Québec,
il devient de plus en plus compliqué de parler directement à un fonctionnaire
du ministère de l'Immigration et de la Francisation et de l'Intégration pour
obtenir de l'aide.
En ce sens, évidemment, nous recommandons
que le gouvernement réinvestisse dans les services du ministère de l'Immigration,
notamment en renforçant des effectifs qui s'occupent directement des services à
la population, que l'atelier des premières démarches d'installation soit à
nouveau offert par le ministère de l'Immigration, tout en étant, évidemment,
amélioré, évolué, que le gouvernement réinvestisse dans les programmes d'aide à
l'emploi destinés aux personnes immigrantes, entre autres en assurant
directement ces services plutôt qu'en les répartissant à des organismes
communautaires, que le gouvernement remette en place le réseau des bureaux du MIFI
dans les différentes régions du Québec, et ce, afin d'assurer que les personnes
immigrantes aient accès à un accompagnement en personne de qualité et que le
gouvernement réinvestisse dans les services de francisation afin de combler l'ensemble
des besoins en la matière sur le territoire québécois.
Le SFPQ tient d'ailleurs à souligner que
la non-reconnaissance du racisme systémique par le gouvernement est une... est
une tache au bilan de notre modèle d'intégration. Les personnes racisées
constituent une part significative de l'immigration. Il est incohérent de
promouvoir un modèle interculturel tout en refusant de reconnaître l'existence
du racisme systémique. Pour mettre les bonnes solutions en place, il faut d'abord
reconnaître le problème. En omettant de reconnaître cette réalité
particulièrement évidente sur le marché du travail, le projet de loi n° 84
ignore un frein important à une intégration réussie et inclusive. Nous
recommandons que le gouvernement reconnaisse l'existence du racisme systémique
et reconnaisse que ce phénomène nuit à l'intégration des personnes immigrantes
dans la société québécoise.
Il est annoncé dans ce projet... dans le
présent projet de loi qu'une politique nationale sur l'intégration sera mise en
place. Le SFPQ tient d'abord à signaler une certaine crainte quant à cette
politique par rapport au fait qu'elle sera simplement décrétée. Concrètement,
nous craignons que cette politique permette au ministre d'imposer l'adhésion à
une vision spécifique de l'intégration à certains ordres professionnels et
organismes financés publiquement. Cela poserait un risque sérieux pour le
pluralisme des idées en matière d'intégration, d'identité et de diversité. Nous
réitérons que les principes fondamentaux d'une identité nationale ne peuvent
pas être tout simplement décrétés en imposant une définition rigide et
centralisée de l'identité nationale. Le gouvernement s'arroge le pouvoir de
trancher des débats sociaux complexes qui devraient pourtant être le fruit d'une
réflexion collective et démocratique, évidemment. Les principes fondamentaux d'une
identité nationale ne peuvent être décrétés par un État sans risquer de
marginaliser certaines voix ou de créer des divisions au sein de la société. Donc,
ce qu'on aimerait, ce qu'on recommande, c'est que le projet de loi soit amendé
afin que la politique nationale sur l'intégration qui y est prévue fasse
préalablement l'objet de consultations publiques ouvertes, que le projet de loi
soit amendé afin de limiter la capacité discrétionnaire...
M. Girard (Michel) : ...du
ministre en matière de l'application de la politique nationale sur
l'intégration, particulièrement en ce qui a trait aux ordres professionnels et
aux personnes morales obtenant un financement public.
En conclusion, le SFPQ que crois que
l'enjeu d'intégration prépondérant au Québec tient à la capacité du
gouvernement de garantir des services publics solides et accessibles à toutes
et... à tous et à toutes. De ce fait, les mesures austéritaires qui réduisent
l'accessibilité des services publics en personne et au téléphone vont à
l'encontre des principes même de l'intégration réussie. Ces coupes budgétaires
affaiblissent les institutions qui devraient être au cœur du processus
d'accueil et d'accompagnement des nouveaux arrivants.
Le SFPQ insiste sur l'importance de
réinvestir dans les services publics pour garantir qu'ils soient à la hauteur
des besoins de la population. Nous appelons donc le gouvernement à revoir ses
priorités et à placer les services publics au centre de sa stratégie
d'intégration.
Nous recommandons au ministre de la Langue
française de prendre en compte nos remarques et critiques structurantes ainsi
que des divers intervenants engagés issus du milieu de la défense des droits
collectifs et qu'il retourne à la planche à dessin. L'intégration est une
responsabilité collective. Elle ne devrait pas relever des individus de manière
aussi disproportionnée. Voici rapidement ce que j'avais à vous amener.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci pour votre présentation. On va donc entamer la
période d'échange avec les parlementaires. Je me tourne du côté du ministre.
Et, vous l'avez deviné, 16 minutes 30 secondes pour votre banquette.
M. Roberge : Merci, Mme la
Présidente. Merci pour votre présentation. J'ai des collègues qui veulent
échanger avec vous. Mais avant, je veux vous rassurer à certains égards.
Vous avez parlé de mesures d'austérité. Je
veux signaler qu'en matière d'accueil et d'intégration du ministère de
l'Immigration, de la Francisation, de l'Intégration, depuis l'arrivée de notre
gouvernement en 2018, on a toujours plus que couvert les coûts de système.
Donc, l'austérité, c'est davantage quand on sait que le coût de système est x,
puis soit on coupe carrément, ou on est en bas des coûts de système. Nous avons
toujours couvert les coûts de système. C'est vrai aussi cette année. On veut
respecter le budget comme n'importe quel gouvernement responsable, mais le
budget était en hausse, donc je ne pense pas qu'on peut utiliser ce terme-là.
Par rapport aux bureaux régionaux, ils ont
été réouverts. Je veux vous dire que le précédent gouvernement a fermé les
bureaux régionaux. Nous avons réouvert plus de 10 bureaux régionaux de
Francisation Québec. Mais on n'est pas dans une démarche de coupures, de
fermetures. On est dans une démarche de réinvestissement et de réouvertures.
Donc, juste rassurer vous-mêmes et les gens qui nous écoutent.
Et, par rapport au rôle du gouvernement,
je suis d'accord. C'est un projet de loi où on parle du principe de réciprocité
entre, je vous dirais, trois groupes, les gens qui appartiennent à la majorité
francophone, les gens qui s'identifient à des minorités puis les nouveaux
arrivants, ceux qui débarquent, là, qui arrivent. Puis on dit que tout ce
monde-là a un rôle à jouer. Et le gouvernement lui-même nommément, à l'article
six, on parle devoirs et attentes, l'État du Québec, 6.1, 6.2, 6.3, 6.4, 6.5.
Donc, l'État ne se désengage pas de son rôle d'accueil et d'intégration. Donc,
je pense, il faut vous rassurer à cet égard-là. C'est... D'abord, on le faisait
déjà, le ministère existait avant le dépôt de ce projet de loi là, mais le
projet de loi vient consacrer le rôle de l'État pour que les nouveaux arrivants
puissent adhérer, contribuer puis apporter leur couleur.
Puis il y a l'article huit aussi, où la...
on énonce les principes de la politique gouvernementale à venir. Puis c'est une
politique interministérielle qui va définir des rôles et responsabilités en
éducation, en enseignement supérieur, en service de garde, en municipalité.
Donc, on n'est pas dans un... dans un principe de désengagement.
Donc, je voulais simplement vous rassurer
à l'égard de ces enjeux que vous avez soulevés, de ces inquiétudes, avant de
céder la parole à mes collègues. Merci beaucoup pour votre présentation.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, la députée de?
Mme Bogemans : Iberville.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Iberville. Je m'excuse. Un petit trou de mémoire. La parole
est à vous. Il reste encore dans votre enveloppe 13 minutes 34 s.
Mme Bogemans : Merci, Mme la
Présidente.
Moi, je voulais vous entendre sur
l'importance d'acheminer la bonne information aux gens qui envisagent de venir
immigrer au Québec, dès le départ. Puis, pour vous mettre un peu en contexte,
parce que le projet d'intégration, c'est large, puis on travaille vraiment sur les
fondements même de l'intégration de ce que devrait être le Québec. On a... On
vous a entendus beaucoup parler de choses très concrètes, mais on travaille
vraiment sur quelque chose de fondamental. Je voulais vous entendre sur ce
premier point là.
• (18 h 40) •
M. Girard (Michel) : Nous,
c'est clair que, notre angle à nous, ça passe... ça passe par les services
publics. Je pense que les services publics devraient faire partie. Parce que,
tu sais, vous savez, les services...
M. Girard (Michel) : ...publics,
là, c'est la pierre angulaire, c'est notre force, au Québec, c'est... on a les
meilleurs services publics, comparativement à d'autres provinces. Ça fait qu'on
ne pourrait pas passer par un accueil sans introduire les services publics, à
mon avis, et c'est pour ça que je pense que c'est important d'introduire les
services publics dans cette intégration des nouvelles personnes. Puis, tout à
l'heure, tu sais... le ministre, tu sais... je comprends qu'on a rouvert des
bureaux, mais, tout récemment, là, à l'aéroport de Montréal, au ministère de
l'Immigration... les nouveaux immigrants, avant, arrivaient, puis ils étaient
capables d'avoir un service où on les guidait en personne en leur disant :
Bon, bien, on va vous accompagner, on va vous donner un service, on va vous
dire comment faire, comment ça fonctionne au Québec, et tout ça. Mais là,
présentement, on guide les immigrants vers un système qui est électronique.
Bien, comment on peut faire de l'intégration? Ces gens-là arrivent puis on leur
dit : Bien, voici le nouveau système, allez-vous-en vers ce système-là.
Bien, ça ne peut pas être comme ça, de l'intégration des nouvelles personnes
qui arrivent. Ça fait que ces personnes-là n'ont pas plus accès à l'Internet,
n'ont pas plus accès... ça fait que je pense qu'avant de parler de culture,
bien, il faudrait, tu sais, commencer déjà à penser, tu sais, comment... ces
gens qui arrivent, comment on va les intégrer dans notre culture. Je ne sais
pas s'il y avait... vous avez quelque chose à rajouter.
Mme Desfossés (Maxime) : Bien,
moi, c'est plus en lien avec les bureaux régionaux. Est-ce qu'on faisait
référence à l'annonce, en 2019, du ministre Jolin-Barrette, par rapport à
l'ouverture de nouveaux bureaux régionaux?
M. Roberge : En fait, oui, effectivement.
Ce n'était pas... c'était avant mon arrivée, la réouverture des bureaux
régionaux qui avaient été fermés précédemment, oui.
Mme Desfossés (Maxime) : Je
peux répondre? En fait, parce que, de ce que j'avais compris, c'est que ces
bureaux régionaux là servaient plus aux entreprises qui souhaitaient engager
des immigrants, puisqu'avant c'était... le corps d'emploi était des conseillers
en partenariat, et puis, maintenant, c'est des conseillers en immigration, qui
ont pour mandat d'informer les entreprises des différents programmes
d'immigration, surtout à travers des bureaux de Service Québec. Donc, est-ce
que ça touche les immigrants ou plutôt les entreprises qui souhaitent être
mises en lien avec des immigrants qui sont prêts à travailler?
M. Roberge : Dans les deux
cas, parce que l'intégration, l'arrivée en région... ces bureaux-là servent à
faire la médiation puis à accueillir les nouveaux arrivants, mais ça sert aussi
à ce qu'on appelle l'intégration économique. Plusieurs groupes sont passés
avant vous en vous disant : Bien, vous savez, l'intégration, la langue, la
culture, les arts, les lettres, mais est-ce que vous vous assurez que les gens
font une intégration économique? Donc, la réouverture des bureaux travaille,
pas seulement mais beaucoup, en ce sens.
Des voix : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Vous pouvez poursuivre, Mme la députée.
Mme Bogemans : Oui,
exactement. Les bureaux ont été réouverts, là, en 2021, avec Mme Girault, là.
Puis on parlait, précisément... en 2021, on parlait, entre autres, du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, Côte-Nord, Mauricie, Centre-du-Québec,
Bas-Saint-Laurent, Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine. Puis au début de mandat,
peut-être en 2023, je crois que... ma collègue et moi, on a fait vraiment, avec
toute l'équipe du ministre, la tournée de chacune des régions, où on a vraiment
pu rencontrer de manière exhaustive... c'est vraiment une volonté des ministres
de pouvoir rencontrer autant les personnes immigrantes, mais le réseau scolaire,
le réseau économique, le communautaire, également. Donc, c'étaient des journées
complètes dans une région à la rencontre des personnes, puis ça terminait avec
une visite soit d'un organisme, d'une entreprise ou du... au niveau scolaire.
La préoccupation de l'intégration complète sous toutes ses sphères est vraiment
là.
Mais ce que vous emmenez, c'est vraiment
de dire, avant même de se poser les questions, comme peuple, pour essayer de se
définir et de se doter de principes fondamentaux pour indiquer, oui, aux gens
qui y vivent mais également aux nouvelles personnes qui choisiraient le
Québec... bien, pour vous, c'est secondaire, puis il faudrait vraiment
s'attaquer puis regarder, là, dans le fonctionnement au jour le jour, puis ce
serait, pour vous, plus concret.
M. Girard (Michel) : Bien, en
fait, sur le projet de loi, sincèrement, c'est quand même intéressant, la façon
dont il est amené, tu sais, sur la culture québécoise, sur les enjeux, tu sais,
de la langue française, de la culture. Ça, je veux dire, la base de ça, on n'a
rien à dire là-dessus. Je pense qu'on est d'accord, fondamentalement,
là-dessus.
Et nous, c'est vraiment sur l'angle, tu
sais, des... il faut introduire les services publics, mais, sur la base de
projet de loi, je tiens à le dire... sur la base, je pense que les choses
fondamentales qui y sont citées sont quand même très intéressantes. On ne va
pas vous dire que c'est un mauvais projet de loi, on n'arrive pas ici en se
disant ça.
Ce qu'on dit, c'est que, tenons compte
aussi des services qu'on donne, les services publics, dans ce projet de loi là.
Puis je comprends... Puis ce qu'on note aussi, avant de céder la parole, ce
qu'on note, c'est que, oui, on a plus de gens qui travaillent dans les... dans
les bureaux, mais la problématique, c'est qu'il y a des services qui ont été
coupés, et c'est ces services-là qui est une problématique...
M. Girard (Michel) : …c'est ce
que les gens, nos membres nous disent, c'est qu'il y a des services qu'on ne
donne plus puis qu'on transfère vers du numérique en disant aux gens :
Allez voir un logiciel qui va vous aider à vous guider vers votre intégration.
Et, nous, ce qu'on dit, c'est que ça prend des gens, avoir un service, parler à
quelqu'un, à un humain, pour être capable d'avoir un service complet
d'intégration. Puis je pense que ce serait notre rôle comme État de le faire.
M. Caron (Pierre-Alexandre) :
Je pense que vous le reconnaissez, dans le préambule, déjà, du projet de loi,
notre rapport aux institutions, il est nommé, il est là au même titre que la
langue française, au même titre que la culture. Donc, ça doit être central, à
notre avis, dans le projet de loi, ça doit être exprimé encore plus clairement
que l'État a une responsabilité à cet égard-là, la réalisation des droits socio-économiques
des personnes immigrantes.
Je pense que c'est quelque chose
d'intéressant, mais on sait, à l'international, que, lorsqu'on met les pieds au
Québec, il y a une possibilité, via le système public, via nos institutions, de
réaliser pleinement son potentiel économique et d'intégration. Puis, vous
l'avez nommé, pour faire société, il faut un emploi en général. Je pense que
c'est là. Puis c'est vrai qu'au MIFI, puis je reviens sur ce que le ministre
disait, nous aussi, on l'a constaté qu'il n'y a pas eu de coupure au MIFI en
termes d'emplois puis de services à la population, dans ce qu'on regarde, là,
dans le nombre de personnes à l'embauche. Ceci dit, notre critique, nous, elle
est plus large que ça, elle est sur l'ensemble des services publics qu'on est
capable d'offrir au Québec. Puis sur ce plan-là, Le Vice-Président le
mentionnait, il y a une… Il y a une découverture en ce moment. Il n'y a pas
juste des bureaux régionaux du MIFI, il y a des bureaux régionaux de toutes
sortes d'autres… de toutes sortes, d'autres ministères et organismes. Je pense
au MESSS, puis on sort dans les médias depuis de nombreuses années, de nombreux
mois pour dénoncer ces fermetures-là.
Puis ce n'est pas juste, donc,
l'intégration, puis le MIFI qui est important pour les personnes immigrantes,
c'est d'avoir accès puis de pouvoir parler à des personnes en personne, en
chair et en os, pour l'ensemble des services dont ils ont besoin quand ils vont
arriver au Québec. Donc, c'est… c'est ça un petit peu le cœur, je pense, de
notre… de notre revendication, puis de notre analyse.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Je vais reconnaître, cette fois-ci Mme la députée de
Vimont, cinq minutes, 42 secondes.
Mme Schmaltz : Parfait.
Merci, Mme la Présidente. C'est… je comprends parfaitement vos interrogations.
Honnêtement, là, tu sais… puis c'est normal de les avoir là-dessus. Si vous me
permettez, je vais un peu peut-être… un peu rétablir certains faits, parce
qu'on vit un peu des fois dans une époque de désinformation, puis on entend des
choses, puis on n'est pas certain. Vous mentionnez souvent… bien, vous
mentionnez, dans les recommandations, les services publics, l'importance. Puis
vous vous demandez aussi pourquoi les organismes communautaires doivent
maintenant réagir.
En fait, les organismes communautaires,
ils sont complémentaires aussi, hein, au MIFI, à tout ce qu'on fait. Parce que
les… Tantôt, vous mentionnez : Oui, mais la personne immigrante, quand
elle arrive, comment elle est prise en charge. Bien, souvent, l'organisme
communautaire les prend en charge. Puis, à travers cette prise en charge aussi,
ils développent aussi une panoplie de services que le MIFI finance, notamment,
que ce soit francisation, c'est large, la francisation, hein? Je veux dire,
c'est de l'intégration avant tout, c'est de l'enracinement. Je veux dire, on y
va assez large.
Ce n'est pas… je veux dire, le rôle de
l'organisme communautaire, il est là aussi. Vous comprenez? Il est là pour cet
accueil, il est extrêmement important. Puis c'est sûr que dans cette… dans
cette optique aussi d'avoir une bonne intégration, ils sont importants, ils
sont importants. Donc, reconnaître leur travail, c'est aussi reconnaître
l'apport à ce qu'ils font au sein de l'intégration, là, des immigrants.
On parle de services publics, je pense,
vous avez un peu mentionné les garderies, j'ai cru comprendre, au tout début,
sans vraiment rentrer dans le sujet. Encore là, je veux dire, au niveau de la
ministre de la Famille, on a… Il y a eu des projets pilotes aussi qui ont été
mis au niveau des cégeps pour ouvrir des haltes-garderies aussi pour les
personnes immigrantes, pour les aider dans l'apprentissage de la francisation.
Francisation, d'ailleurs, écoutez, on a battu un record cette année de quatre
80 000 personnes. Donc, les coupures, je ne veux pas aller là-dessus
aussi, mais le mot «coupure», il n'est pas vraiment appliqué dans...
actuellement, dans… on l'emploie beaucoup, beaucoup. C'est sûr que c'est un mot
qui est employé, mais qui n'a pas nécessairement sa raison. C'est… on ne parle
pas de coupure, on parle d'une gestion, mais là si le ministre veut
l'expliquer, mais je pense, il l'a expliqué de long en large, là. Alors, je
veux dire, il y a des… il y a des organismes, il y a des écoles de francisation
qui ont des subventions, qui reçoivent. Donc, il n'y a pas de coupures en tant
que telles non plus. C'est… c'est donné… le voir de cette façon-là, c'est de ne
pas reconnaître aussi les chiffres qui sont là, 80 000 personnes
francisées dans la dernière année. C'est réel, là, tu sais. Je veux dire, c'est
des chiffres qui sont réels.
• (18 h 50) •
Puis les services publics, au niveau de
l'accueil, on les offre peut-être différemment de ce que vous voyez, ou
peut-être de ce que vous pouvez interpréter, mais je pense que…
Mme Schmaltz : ...je pense
qu'on a une très belle offre de services dans l'intégration de nos immigrants,
alors, ou de nos nouveaux arrivants, peu importe de quelle façon on les
appelle. Mais pour être en contact, moi, beaucoup, avec les centres de
francisation, j'ai vu des choses extraordinaires, là. Sincèrement, là, c'est
incroyable, ce qu'ils font. Et ils sont là, ils les accueillent, donc ils ont
cette reconnaissance, cette... bien, reconnaissance, oui et non, mais, je veux
dire, ils ont cette facilité d'accueil. Ils sont sur le terrain, donc ils
savent de quoi ils parlent. Alors, je pense que, là-dessus, c'est important
peut-être de... peut-être de revoir la façon... mais c'est tout à votre honneur
de vous en inquiéter, soit dit en passant, là, je comprends parfaitement, mais
je pense qu'il faut quand même revoir aussi qu'est-ce que... Puis comme a dit
ma collègue, là, au niveau, là, des bureaux qui ont été réouverts.
Écoutez, quand on a fait cette tournée-là,
ça a été la première chose qu'on nous a soulignée, parce qu'on remettait sur
pied cette facilité à s'adresser directement à quelqu'un, parce que les
régions, souvent, ne savaient plus où aller. Et là, avec ce bureau régional,
justement, il y a une personne qui est attitrée et la personne s'occupe de la
région, donc il y a beaucoup plus... c'est beaucoup plus facile en termes
d'échanges. Alors, ce n'est pas une question en tant que telle, là, mais je
voulais peut-être résumer le tout un peu là-dessus, c'était...
M. Girard (Michel) : Ce que
j'en comprends, c'est que... ce que vous dites, c'est l'importance de parler à
une personne. Donc, la personne, l'immigrant, vous me dites qu'elle va être
capable, dans une région donnée, région éloignée, serait capable de parler à
quelqu'un puis d'être accompagné au complet. Puis...
Mme Schmaltz : Absolument.
Ah! bien oui, absolument. Ah! oui, oui.
M. Girard (Michel) : Sauf
que, là, on parle... Je comprends, on parle du MIFI, puis je comprends, là,
mais il n'y a pas juste le MIFI. Nous... Ce que mon confrère disait tout à
l'heure, c'est dans plusieurs ministères où on sent que les services commencent
à être un peu désuets pour les personnes qui arrivent ou qui ont accès à des
services publics. Puis, malheureusement, tu sais... malheureusement, on parle
souvent avec le milieu communautaire puis, souvent, on se rend compte qu'il y a
un désengagement de l'État versus les services publics, puis on envoie ça
souvent dans le milieu communautaire qui est sous financé ou moins supporté...
Mme Schmaltz : Non, je ne
suis pas...
M. Girard (Michel) : Non,
mais je ne vous dis pas que c'est ça pour le MIFI, là, mais je vous dis qu'en
parlant avec le milieu communautaire... parce que je ne vous dis pas ça de
même, en vous sortant un...
Mme Schmaltz : Non.
M. Girard (Michel) : ...sauf
qu'on parle aussi au milieu communautaire puis c'est souvent ce qu'ils nous
disent, c'est qu'on est moins outillés pour faire le travail, malheureusement,
dans d'autres... je ne vous dis pas le MIFI, là, parce que, ça, on n'a pas...
Mme Schmaltz : Bien, on a
beaucoup de programmes, hein? On a beaucoup de programmes aussi qu'on offre
aussi pour justement aider à la francisation au sein, des fois, des chambres de
commerce, dans les régions, dans les PME, puis tout ça, là. Je veux dire, il y
a beaucoup de gens aussi y qui accèdent, qui demandent puis on voit... on voit
des résultats concrets, là, notamment à Montréal, des fois, pour assurer cette
transition plus facile. Il y a vraiment des programmes qui fonctionnent...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, c'est tout le
temps que nous avions pour l'enquête gouvernementale, mais je me tourne du côté
de l'opposition officielle pour une période de 16 min 30 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, merci beaucoup d'être là avec nous en ce début de soirée.
Merci pour votre mémoire. Moi, je vous dirai d'emblée, les coupures, je n'ai
pas de problème à en parler. Moi, je suis dans l'opposition, l'opposition
officielle, puis moi, les gens qui m'appellent, ils me parlent de coupures.
Alors, on va mettre ça au clair en commençant. Donc, je vous comprends très
bien.
Maintenant, j'ai lu avec attention votre
mémoire, et il y a quelque chose qui... qui m'a frappé, là. Vous y avez fait
référence, mais j'aimerais que vous soyez capable d'en parler davantage pour
que le gouvernement comprenne bien l'impact de certaines mesures qu'il prend.
Et je vous dirai d'emblée, quant à l'objectif du projet de loi comme tel, là,
favoriser, s'assurer que la langue française va être là, enseignée au Québec,
c'est important, c'est un facteur d'intégration. Je vous ai écouté, on est tous
d'accord. Je veux dire, c'est clair, c'est notre langue commune, là.
D'ailleurs, on remonte à l'époque de M. Bourassa qui en a fait la langue
officielle du Québec, soit dit en passant. Mais, après ça, bien, il y a les
moyens, puis c'est surtout là-dessus que j'aimerais qu'on discute puis qu'on puisse
se parler. Parce qu'un peu plus tôt, aujourd'hui, il y a des... il y a d'autres
groupes qui nous ont dit : Vous savez, des fois, quand les personnes
immigrantes arrivent, ils n'ont pas toujours l'information, ils n'ont pas
toujours d'information qui est véridique, puis, après ça, ils se retournent
vers leur communauté, et puis là, c'est moins clair, ils n'ont pas
nécessairement de services.
Puis là je vous écoutais, parce que, si je
vous ai bien compris, il y avait, jusqu'à tout récemment, un service, notamment
à l'aéroport de Montréal, où il y avait des vrais fonctionnaires, du vrai monde
qui parlaient à du vrai monde pour les aiguiller et ça n'existe plus. Donc,
vous avez quelqu'un qui arrive ici, là, bien, il y a une machine, puis des
fois, bien là, évidemment, quelqu'un arrive dans un nouveau pays... tu sais, je
m'imagine, moi, déménager puis aller dans un autre pays, bien, bien, il y a un
facteur de stress, puis là, bien, vous avez un ordinateur, où aller... tu sais,
vous essayez d'avoir accès à des sites, ça ne fonctionne pas...
M. Morin : ...pas tout le
temps. Donc, je comprends que ces services-là ont été coupés. J'aimerais vous
entendre là-dessus, quelle était la part, la plus-value de ces services-là,
puis là la situation dans laquelle vous vous retrouvez, vous, maintenant, parce
qu'on parle évidemment d'intégration, là, puis je pense que ça commence là, en
partie.
Mme Desfossés (Maxime) :
Bien,
peut-être que je peux parler plus précisément des services à l'aéroport
Montréal-Trudeau. En fait, ces services-là existent encore, et seulement qu'en
2022, ils ont déménagé de local, ils sont maintenant dans un local qui est
vraiment moins visible. Il y a eu aussi - attendez, je regarde mes trucs -la
mise en place de la plateforme Arrima qui est censée comme un peu remplacer en
quelque sorte ces services-là. Donc, de facto, on dirige les personnes
immigrantes vers cette plateforme-là, plutôt que d'aller aux services offerts à
l'aéroport. Et puis... C'est ça. Aussi, ces services-là sont fermés la fin de
semaine depuis 2024, avant ça, ils étaient ouverts sept jours sur sept. Puis ce
qu'on dénonce, en fait, c'est surtout le fait que plusieurs... Là, on parle de
l'aéroport, mais on peut parler de plusieurs autres services, c'est que ces
services-là soient offerts... qu'on tourne automatiquement vers le «en ligne»
qui ne convient vraiment pas à tous et à toutes. Quand on parle d'accessibilité
des services, on parle de pouvoir les offrir au téléphone, en personne et en
ligne, parce que c'est un choix que certains et certaines vont préférer. Mais
on veut quand même que toutes ces choses-là soient accessibles, parce que ce
n'est pas vrai que tout le monde peut se tourner vers Internet parce que...
pour des moyens financiers, des moyens de manque de littératie numérique et
pour plein d'autres raisons.
M. Girard (Michel) : Vous
comprendrez...
M. Morin : Oui, allez-y.
M. Girard (Michel) : ...on
comprend, M. le député, que ce n'est pas... ce n'est pas nous, puis même on est
d'accord avec nos membres. Et nos membres qui travaillaient dans ces
endroits-là le dénoncent. Ils trouvent ça aberrant. Parce que systématiquement
ils les dirigent vers un système. Puis ils savent bien qu'avant ils
accompagnaient ces gens-là. Et là, c'est une problématique majeure, parce que
là, eux autres, ils sont dépourvus complètement, là, tu sais. Imaginez-vous,
vous arrivez dans un pays, une province, et on vous dit : Bien, allez sur
cette plateforme-là, ça va tout vous dire comment ça se passe ici, au Québec.
On manque quelque chose. On est à l'aéroport, là, c'est le premier contact
qu'on a, c'est ça, tu sais. C'est assez malheureux.
M. Morin : Puis je vous
comprends. Puis, si, en plus, un nouvel arrivant n'a pas une très bonne
maîtrise du français, bien là, ça devient bien compliqué.
M. Girard (Michel) : C'est
ça.
M. Morin : Excellent.
Excellent pour votre réponse et moins excellent pour le système.
Fin de l'aide à l'emploi pour les
travailleurs étrangers temporaires, pouvez-vous m'en parler davantage puis
l'impact que ça?
Mme Desfossés (Maxime) :
En
fait, cette décision-là, elle a été expliquée par une une baisse de la demande,
mais ce n'est pas un phénomène qui a été observé par notamment le Réseau
national des organismes spécialisés dans l'intégration à l'emploi des nouveaux
immigrants, donc ce n'est pas une réalité qui a été observée sur le terrain en
tant que telle. Ça, c'est des services qui permettaient vraiment aux personnes
immigrantes de comprendre le rouage du marché de l'emploi au Québec. Donc, ça,
c'est sûr que c'est quand même important quand on arrive dans un nouveau pays,
parce que, l'intégration économique, c'est... en fait, c'est essentiel d'avoir
un emploi, là, en vérité. Ça permettait aussi de développer un réseau, ça
permettait de se rendre visible auprès des employeurs potentiels, donc
finalement d'intégrer plus facilement le marché de l'emploi, chose qui est plus
difficile maintenant.
M. Morin : Je vous remercie.
Autre élément important que vous soulignez, et c'est à la page neuf de votre
mémoire, c'est toute la question... et vous l'avez mentionné, toute la question
du racisme et de l'exclusion systémiques. Il y a plusieurs groupes qui sont
venus nous parler en nous disant que le racisme était un frein à l'intégration.
C'était plus compliqué. Dans le projet de loi, il n'y a aucune mention, de
quelque façon que ce soit, que le gouvernement va mettre en place des mesures
pour aider à lutter contre ça.
Le gouvernement de M. Couillard, dans le
cadre d'une politique et non pas d'un projet de loi, avait reconnu que ça
pouvait être un frein à l'intégration. C'était dans la politique. Pouvez-vous
nous en parler davantage? Qu'est-ce que vous observez sur le terrain? Et est-ce
qu'il devrait y avoir quelque chose dans le projet de loi qui fasse en sorte
qu'on s'attaque à cette situation-là?
M. Girard (Michel) : Avant....
Avant d'aller dans les détails de ça, moi, je pense, c'est important, je pense
qu'on a les... tu sais, il y a plein de chiffres, plein de sorties, tu sais, où
on sait que des études qui disaient qu'à diplôme égal, tu sais, on n'avait pas
la même reconnaissance au niveau salarial. Tu sais, il y a... il y a... On
s'est attaqué parfois à des inégalités en raison du sexe, mais je pense que, le
système, on a aussi des preuves qu'au niveau salarial, n'est pas la même, tu
sais. À diplôme égal, on n'a pas la même reconnaissance.
Et, sur ce, bien, je vais laisser
Pierre-Alexandre compléter là-dessus aussi.
• (19 heures) •
M. Caron (Pierre-Alexandre) : C'est
certain que pour nous, quand on ne reconnaît pas un problème, bien, c'est
difficile d'adresser les bonnes solutions, tu sais. Il faut nommer le problème
en général pour être capable de mettre les...
19 h (version non révisée)
M. Caron (Pierre-Alexandre) : ...solutions
en place. Nous, ce qu'on constate à travers les données, c'est qu'il existe un
écart très, très important, justement, dans les salaires des personnes
racisées, dont une large part sont des personnes immigrantes, et les
populations dites blanches ou non racisées. C'est... C'est quelque chose qui
est bien documenté. C'est quelque chose qui nous permet, juste sur cette base-là
ou presque, là, à notre avis, cet écart salarial là, de considérer qu'il y a du
racisme systémique au Québec, puisque, dans les années 90, là, on revient
en arrière, mais, quand on parlait d'une autre loi fondamentale pour le Québec,
qui était la loi sur l'équité salariale, bien, cette loi-là est venue de la
reconnaissance de l'existence d'une autre discrimination systémique, qui était
le sexisme systémique, et c'était nommé comme ça. Quand on se réfère, là, aux
débats de l'époque, c'était là. Et ce sexisme systémique là, bien, comment est-ce
qu'il a été observé? Bien, c'était sur la base d'un écart salarial entre les
hommes et les femmes pour des tâches qui sont de complexité semblable. Alors,
bien, pour nous, quand on regarde qu'à diplôme égal les personnes continuent à
avoir des écarts salariaux, bien, à notre avis, c'est un frein important à l'intégration,
parce que quand on... comme je le disais tantôt, comme on le mentionnait, la
réalisation des droits socioéconomiques, la pleine intégration au marché du
travail, c'est fondamental à l'intégration.
Donc, ce projet de loi là, évidemment, à notre
avis, devrait prévoir, là, des mesures pour, justement, garantir la
satisfaction des besoins matériels puis cette pleine intégration là au marché
du travail, qui est l'autre... qui est le plus grand vecteur, à notre avis, là,
probablement, d'intégration puis d'occasions de réciprocité dans des échanges
culturels entre la majorité francophone et les personnes immigrantes. Donc,
nous, c'est comme ça. Donc... Puis est-ce que c'est dans... est-ce que c'est
dans cette loi-là, là, puis on lance... je lance une idée, mais peut-être qu'on
est dus pour une réflexion, justement, sur ce racisme systémique là puis une
manière de combler l'écart salarial, de la même manière qu'on avait eu ces
réflexions-là dans les années 90, qui est une loi... qui est une loi qui a
fait des avancées très, très grandes pour les femmes du Québec.
M. Morin : Je vous remercie.
Autre élément sur lequel j'aimerais que vous puissiez élaborer, et c'est
toujours à la page neuf. Vous soulignez que le gouvernement du Québec refuse de
reconnaître ou d'utiliser de manière systématique l'analyse différenciée selon
les sexes. Donc, je comprends que c'est utilisé parfois, mais pas tout le
temps.
M. Caron (Pierre-Alexandre) : Bien,à notre avis, elle n'est pas... je pense qu'elle est très, très peu
utilisée. À notre avis, ce n'est pas quelque chose qui est fait de manière
systématique. Une analyse différenciée selon les sexes, peut-être; une analyse
différenciée selon les sexes et intersectionnelle, je serais très, très, très
surpris. Ça fait... Ça fait de nombreuses... On l'a demandé à de nombreuses
reprises, que ça fasse partie des analyses systématiques, là, qu'on utilise
pour analyser, finalement, chaque projet de loi, puis, à notre connaissance, ça
a été très, très peu fait. Vraisemblablement, ça n'a pas été fait avec le projet
de loi n° 84. Ça, j'en suis... j'en suis convaincu.
M. Morin : En tout cas, il n'y
a rien qui laisse présager que ça a été fait dans le cadre de ce projet... Mais
ça, c'est quelque chose que vous demandez au gouvernement, qui ne le fait pas.
M. Caron (Pierre-Alexandre) :
Absolument.
M. Morin : O.K. Parfait. Je
vous remercie.
Autre chose, autre question. À l'article 8
du projet de loi, on a parlé beaucoup de la politique nationale sur l'intégration,
la... parce que, bon, il y a le projet de loi, on parle de certaines valeurs,
puis après ça, bien, il va y avoir une politique, et ça dit que le ministre va
l'élaborer en collaboration avec les ministres concernés, puis ça va être
soumis à l'approbation du gouvernement. Ce que je comprends de ça, c'est qu'il
n'y aura pas une très grande consultation. En fait, la consultation qu'on a sur
les valeurs communes du Québec, c'est ce qu'on est en train de conclure cet
après-midi avec vous. Puis après ça, bien, le gouvernement s'en va puis il fait
ses petites affaires. Pensez-vous que c'est suffisant? Pensez-vous que c'est
une bonne... ce sont de bonnes façons de faire en sorte qu'on pourrait dégager
un vivre-ensemble au Québec?
M. Girard (Michel) : Non, surtout
sur un sujet qui est aussi majeur. Je pense que l'important, ce serait de faire
une consultation... minimalement de faire une consultation publique auprès de
la population. Puis, tu sais, c'est un enjeu qui est quand même majeur, cette
politique-là. Donc, je pense qu'on doit quand même se donner le droit de
consulter, faire une consultation publique là-dessus à plus large échelle que
juste décider : C'est ça et c'est ça, et cette politique-là appartient à
nous, puis on part avec ça, là. C'est clair que non. Nous, ce qu'on... ce qu'on
demande, c'est vraiment une consultation publique à ce sujet-là.
M. Morin : Donc, dans l'élaboration
de la politique, le gouvernement devrait... devrait le faire. Est-ce que c'est
quelque chose qu'on devrait inclure dans le projet de loi, d'après vous?
M. Girard (Michel) : Tout à
fait, tout à fait, oui.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Autre chose. Le projet de loi prévoit de modifier la Charte des
droits de la personne au Québec. Est-ce que c'est quelque chose sur lequel vous
avez réfléchi? Est-ce que c'est quelque chose qui vous inquiète? Avez-vous une
position là-dessus?
M. Caron (Pierre-Alexandre) : De
notre côté, ce n'est pas quelque chose sur lequel on s'est penchés. Il y a...
Je pense qu'il y a des groupes, il y a des personnes beaucoup plus
compétentes...
M. Caron (Pierre-Alexandre) : …que
nous, là, qui ont réfléchi. Puis on invite les parlementaires, là, à prendre en
compte les interventions fort pertinentes qui ont déjà été faites, là, lors des
consultations.
M. Morin : Parfait!
Excellent! Et puis, donc, bien, ça, on en a parlé un peu, mais vous suggérez
que le projet de loi soit amendé afin de limiter la capacité discrétionnaire du
ministre en matière d'application de la politique nationale… on s'entend… on
s'entend là-dessus. Il y a des groupes qui ont… qui ont recommandé la mise en
place d'un secrétariat, comme on a… ou d'un commissariat comme on a un
Commissaire aux langues officielles, parce que c'est sûr qu'il y a la
politique, mais après, comment on va l'évaluer, la politique, comment...
comment on va voir si le gouvernement remplit les objectifs qu'il s'est fixés.
Est-ce que c'est quelque chose sur lequel
vous avez réfléchi? Ça permettrait aussi de donner des conseils aux
gouvernements. Ça permettrait aussi à des gens, qui veulent se plaindre de… du
non-fonctionnement ou du non-respect de la politique, d'avoir un endroit où
aller. C'est quoi, votre opinion là-dessus?
M. Girard (Michel) : En fait,
on ne s'est pas vraiment penchés là-dessus, mais je ne peux pas… Je ne trouve
pas que c'est une mauvaise idée non plus. Si plusieurs groupes se sont mis
là-dessus. Bien, sincèrement, on a vraiment… on n'a pas eu... on n'a pas eu
cette idée-là, puis, je ne sais pas, Pierre, si tu veux rajouter, mais je n'ai
pas… je trouve l'idée n'est pas mauvaise quand même, là.
M. Caron (Pierre-Alexandre) : Mais,
comme le vice-président le mentionne, c'est une idée qui pourrait avoir du
mérite. Je pense qu'on pourrait aussi étudier… étudier l'idée d'octroyer
peut-être des responsabilités supplémentaires au protecteur du citoyen, qui
pourrait peut-être jouer un rôle semblable, puis être capable de se prononcer,
comme il le fait, là, sur une série d'autres… d'autres politiques. Et puis
tantôt vous mentionnez, là, le fait de considérer qu'il faudrait peut-être
consulter davantage, là, lors de l'établissement de la politique. Bien, moi, je
constate, dans le projet de loi, que cinq ans après l'établissement de la
politique, là, on va consulter, mais je m'explique mal pourquoi est-ce qu'on
n'irait peut-être pas consulter, ou qu'il va y avoir un rapport qui va être
déposé, là, au moins à l'Assemblée nationale, alors qu'à l'établissement même
de la politique, bien là, c'est seulement au gouvernement, ce n'est pas à
l'Assemblée nationale qu'il va y avoir un dépôt. Donc, il n'y a pas... il n'y a
pas la même prise de position de débat. Ça, je me l'explique mal, ça fait que
j'ai l'impression qu'il devrait au moins y avoir, là, quelque chose qui soit
déposé à l'Assemblée nationale, là, lors de l'établissement de la politique
puis pas seulement une adoption par le gouvernement.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie beaucoup. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Bien, merci beaucoup, Madame, messieurs, merci pour votre contribution à
nos travaux.
Chers collègues, merci pour… parce que
c'est ce qui met fin à nos audiences publiques. Merci pour votre rigueur et
votre rectitude. Et, avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des
mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des
auditions publiques.
Et, la commission ayant accompli son
mandat, j'ajourne les travaux sine die.
(Fin de la séance à 19 h 08)