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Version finale

28e législature, 3e session
(20 février 1968 au 18 décembre 1968)

Le jeudi 31 octobre 1968 - Vol. 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Politique salariale


Journal des débats

 

Régies gouvernementales

Politique salariale

(Dix heures et dix minutes)

M. GRENIER (président): A l'ordre!

Alors, peut-être certaines recommandations au tout début ou quelques notes. Nous avons l'article 429: « Ni les étrangers, ni les députés qui ne sont pas membres d'un comité spécial ne peuvent, sans l'autorisation du comité ou de la Chambre, adresser la parole au comité ou poser des questions à un témoin qui dépose devant le comité. »

M. LAPORTE: M. le Président, je demande immédiatement, avec votre permission, que tous les députés, membres de l'Assemblée législative, qu'ils soient ou non membres du comité, soient autorisés à adresser la parole devant ce comité.

M. BERTRAND: M. le Président, je n'ai aucune objection à ce que les membres du comité et les autres députés qui sont présents, représentants du peuple au même titre que nous et qui n'ont pas, comme on le sait, suivant la règle, le droit de vote à la Chambre ou au comité soient autorisés à adresser la parole devant le comité, lorsque les exposés auront été faits, que les interrogatoires auront lieu. J'accepte la proposition du député de Chambly.

M. LAPORTE: Je remercie le premier ministre et je demande, deuxièmement, que toute personne qui se présentera volontairement devant ce comité et qui aura quelque opinion à exprimer sur les problèmes que nous avons à étudier, soit d'avance certaine qu'elle pourra être entendue par le comité.

M. BELLEMARE: C'est en vertu de notre règlement, à l'article 405, et je suis persuadé que nous ne pouvons pas passer outre.

M. LE PRESIDENT: Très bien.

M. LAPORTE: M. le Président, je m'excuse, le comité peut certainement passer outre puisqu'il y a deux choses dans ce règlement: la première partie du règlement dit que, sans la permission de l'Assemblée législative, un comité permanent n'a pas le droit de requérir la présence de témoins ou de faire déposer des documents. La deuxième partie de notre règlement donne au comité la permission et le règlement dit « peut ». Etant donné que tout le monde semble bien d'accord pour que nous fassions toute la lumière sur cette question très épineuse, je voudrais que d'avance toute personne qui pourrait avoir des opinions à exprimer, des faits à dire à ce comité, ait la certitude que si elle se présente devant ce comité, elle sera entendue.

M. BERTRAND: M. le Président, à la fin des quelques remarques que je prononcerai, j'indiquerai le mandat qui a été confié à ce comité. Pour le moment, la demande du député de Chambly — je dois utiliser une expression que j'utilise depuis quelques jours — est peut-être prématurée. Il s'agira, pour le comité, de décider si tel témoignage ou telle déclaration ou telle intervention s'exerce à l'intérieur de la limite du mandat que j'ai proposé au comité et qui a été accepté à l'unanimité par les députés de la Chambre.

M. LAPORTE: M. le Président, je regrette de devoir commencer une réunion de ce caractère par des remarques de procédures mais je pense qu'il est essentiel que nous établissions bien clairement sur quel terrain nous allons engager la discussion de ce matin. Si vous permettez, je n'ai qu'un mot à ajouter à ce que j'ai déjà dit, je ne parle plus du droit d'entendre les témoins mais notre règlement dit, si vous voulez le vérifier, que tout comité permanent de la Chambre n'est pas tenu...

M. GABIAS: Quel article?

M. LAPORTE: Je vais vous citer l'article, ne vous inquiétez pas. « Tout comité permanent de la Chambre, même s'il a reçu des instructions de la Chambre, n'est pas tenu de s'en tenir quant à l'éventail de son travail aux instructions reçues. Il peut aborder toute question qui normalement relève de sa compétence. » Si vous voulez absolument savoir quel article...

M. BERTRAND: Je n'ai pas besoin de l'article. Cela suffit pour nous. Nous allons commencer dans un climat de quiétude! de tranquillité...

M. LAPORTE: D'accord.

M. BERTRAND: ... de très grand calme et nous allons procéder par étapes. M. le Président, j'ai l'honneur de vous demander la parole.

M. LESAGE: Un mot seulement, M. le Président, sur la procédure de l'Opposition. Cela va se faire sans chicane, sans difficulté. Je voudrais simplement attirer l'attention — j'espère qu'il est présent — du député de Saint-Jean, président du comité de l'éducation, quant à la

procédure qui vient d'être adoptée en ce qui concerne l'octroi du droit de parole aux députés non-membres du comité. J'espère qu'il a sa leçon ce matin.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. GABIAS: Fantastique!

M. BERTRAND: ... M. le Président, les remarques du chef de l'Opposition, quant à moi, sont déplacées.

M. LESAGE: D'accord! Je l'ai dit d'avance.

M. BERTRAND: II aurait pu les faire au comité parlementaire de l'éducation...

M. LAPORTE: Nous l'avons fait, remarquez bien!

M. BERTRAND: II a choisi de les faire ici. Le Président d'un comité et les membres du comité sont devant ce comité, disons à la lumière des règlements, les maîtres de leurs décisions.

M. LESAGE: D'accord, c'est ce que je viens de dire.

M. BERTRAND: M. le Président, je vous demande la parole.

UNE VOIX: Partisane.

M. LE PRESIDENT: M. le Premier ministre.

M. BERTRAND: M. le Président, M. le chef de l'Opposition, chers collègues membres du comité et chers collègues membres de l'Assemblée législative, messieurs les représentants du syndicat de la RAQ, messieurs les représentants du monde ouvrier, représentants de toute nature qui vous intéressez à ces travaux importants que nous voulons accomplir au comité, à tous, quant à moi, bienvenue. Egalement, à tous les membres qui représentent les média d'information de la presse, de la radio et de la télévision.

Une courte déclaration. Au terme des ententes signées en février 1965 entre la Régie des alcools d'une part et ses syndicats, les conventions collectives étalent en vigueur jusqu'au 31 octobre 1967, c'est-à-dire il y a un an.

Les négociations de renouvellement ont été vraiment entreprises en février 1968. Le 21 mai, un conciliateur nommé par le ministre du Travail rencontrait les parties et, le 25 juin, la grève éclatait.

Je tiens à souligner aux membres du comité que le code du travail voté à l'unanimité par le Parlement a été intégralement respecté. Il y a quelques semaines, il y a eu un vote chez les employés qui ont décidé de poursuivre une grève déjà longue de quatre mois. Le gouvernement s'est penché à nouveau sur le problème et nous avons décidé, je l'ai dit en Chambre, jeudi dernier, d'agir. Cette action a consisté a convoquer le présent comité, comité des Régies gouvernementales à caractère commercial et industriel. Il s'agit d'un premier geste du gouvernement. Y en aura-t-il d'autres? Chose certaine, s'il doit y en avoir d'autres, le gouvernement prendra ses responsabilités; le cabinet formulera ses politiques et le gouvernement les fera connaître en temps et lieu.

Pour l'instant, il s'agit de faire la lumière sur le problème soumis. « Avis a été donné que le comité des Régies gouvernementales à caractère industriel ou commercial se réunirait mercredi, 30 octobre — aujourd'hui — de 10 heures à 1 heure en la salle des comités de l'Assemblée législative pour étudier la politique salariale du gouvernement et ses incidences sur la grève de la Régie des alcools du Québec. » C'est une initiative nouvelle du gouvernement que de soumettre une de ses politiques générales, en l'occurence la politique salariale et ses conséquences, à l'attention d'un comité qui siège alors que nous sommes dans une situation de conflit.

Aussi, la prudence avec laquelle nous agissons est-elle, nous le croyons honnêtement légitime. Nous sommes assurés que les membres du comité reconnaîtront que le temps n'est pas — et je me l'applique comme aux autres — à la démagogie mais à la rationalité. Il est à l'examen sérieux, serein et objectif d'une situation difficile au sein de ce comité qui nous paraît l'endroit approprié pour aller au fond du problème.

Pourquoi un examen de la politique salariale du gouvernement et de ses incidences sur la grève de la RAQ? Parce qu'il nous est apparu, par les renseignements que le ministre de la Fonction publique, délégué du cabinet — délégué à l'époque où mon prédécesseur était premier ministre, délégation que nous avons, nous les membres du nouveau gouvernement, entérinée -...les renseignements que ce ministre, l'honorable M. Masse, a reçus régulièrement et qu'il a communiqués aux membres du cabinet, établissent que le noeud du problème dans le présent conflit était la politique salariale et ses applications. Depuis quelques mois, dans les journaux, par suite de déclarations de part et d'autre, des questions ont été posées, des réponses

ont été données, des opinions ont été émises, mais il semble que toutes les réponses pertinentes n'ont pas été apportées.

Ce sera donc le travail du présent comité d'éclairer et d'informer. Le comité n'est ni une table de négociation, ni un conseil d'arbitrage. Il n'est donc pas appelé à prendre de décisions. A chacun ses libertés, à chacun ses responsabilités. Ici, je le répète, il s'agit de faire la lumière, de voir la situation réelle, objective, dans ce conflit. Donc, informations... éclairer informer! Eclairer: mieux faire connaître ce qui ne l'est pas suffisamment! Nous avons donc décidé de faire le grand jour, même dans une période tourmentée; c'est peut-être la meilleure manière de ramener les situations à la normale. Parce que nous n'avons pas l'intention ni moi, ni mes collègues, ni les membres du gouvernement, ni non plus — je le crois— les membres de l'Opposition. Nous n'avons pas l'intention les uns de gouverner en catimini et les autres de critiquer en catimini.

M. LAPORTE: Ah, non!

M. LESAGE: Nous n'en avons pas l'habitude!

M. BERTRAND: Nous voulons le faire à ciel ouvert, visières levées. Le processus démocratique, ordonné, méthodique, sous notre gouverne va jouer à plein.

Cette réunion, je le sais, en sera un exemple. Dans le domaine politique, je ne crois pas aux dogmes. Toutefois, nous soumettons et nous soumettrons que notre politique en matière de salaire, et ses incidences sur la g`ève de la RAQ, concilie à la fois les intérêts des travailleurs que nous respectons, et de leurs familles, et que cela se concilie avec les impératifs du bien commun, compte tenu d'un devoir que nous devons remplir devant la population du Québec, compte tenu des impératifs du bien commun, et en particulier d'une saine gestion des finances publiques. Car, ne l'oublions pas, c'est le peuple qui, toujours, en assume les conséquences.

M. le Président, voilà la déclaration d'ouverture. Il était de mondevoir,je crois,de le faire. J'ai dit que le cabinet avait délégué le ministre d'Etat, M. Masse, pour s'occuper de ce champ très vaste des relations de l'Etat employeur avec le secteur que l'on appelle public, fonction publique, etc — je n'ai pas besoin d'entrer dans les détails, vous connaissez très bien cela — et le secteur parapublic. Or, M. le Président, étant donné que le premier ministre quel qu'il soit ne peut être partout en même temps il doit partager les responsabilités et déléguer l'autorité. C'est ce que nous avons fait. Je vous demande- rais, M. le Président, de bien vouloir, avec la permission de nos collègues, permettre à M. Masse d'exposer les fondements de la politique salariale du gouvernement.

De nouveau, à tous, bienvenue, et que cette journée soit profitable non seulement pour le monde du travail, mais également pour tous les parlementaires, en vue de bien éclairer l'opinion publique québécoise. Merci.

M. LESAGE: M. le Président, M. le Premier ministre, mes chers collègues, mesdames, messieurs. Le premier ministre vient d'exposer l'attitude du gouvernement en regard de la procédure à suivre à ce comité, et de l'attitude générale à adopter. Je voudrais tout de suite l'assurer des excellentes dispositions des députés de l'Opposition.

Nous n'avons aucunement l'intention de nous servir de ce comité, certainement pas pour faire de la démagogie, et pas même pour faire de la politique partisane.

Le premier ministre a déclaré que la situation était difficile. C'est vrai. Elle est difficile pour tout le monde. Elle est difficile pour les grévistes, elle est difficile pour la Régie des alcools, elle est difficile pour le gouvernement et elle est difficile pour la population en général.

M. BERTRAND: C'est vrai.

M. LESAGE: Dans le conflit qui oppose la Régie des alcools et le gouvernement, d'une part, la CSN et les grévistes des employés de la Régie des alcools, d'autre part, le résultat des négociations aura certainement des répercussions sur les relations de travail, au moins dans le secteur public. Je pense que tout le monde admet cela.

M. BERTRAND: C'est cela.

M. LESAGE: C'est-à-dire que cela va plus loin que les résultats de la négociation qui, je l'espère, recommencera le plus tôt possible. Le résultat aura des effets profonds sur les relations du travail dans tout le secteur public.

Cette situation difficile, le premier ministre l'a dit, elle est due principalement à la politique salariale du gouvernement. Je pense que c'est inutile de nous faire des illusions. C'est là qu'est le noeud du problème: la politique salariale du gouvernement et ses incidences sur les salaires, la rémunération des employés de la Régie des alcools, dans le cas qui nous occupe.

Cette politique salariale du gouvernement, elle est essentielle, je ne dis pas telle qu'elle

est parce que je ne la connais pas, mais qu'une politique salariale soit essentielle, je suis parfaitement d'accord. D'ailleurs, je l'ai déclaré à maintes reprises et je l'ai déclaré alors que j'occupais une autre fonction que celle que j'occupe maintenant, alors que j'étais de l'autre côté de la table.

Encore faut-il la connaître, cette politique salariale. C'est pourquoi les députés de l'Opposition ont insisté depuis le début de la session pour que le gouvernement expose dans le détail sa politique salariale. Le gouvernement a accepté d'exposé cette politique au comité qui est réuni ce matin, nous en sommes heureux et nous espérons que cette politique sera expliquée dans le détail, qu'il ne s'agira pas simplement d'un cours élémentaire de droit administratif. Nous espérons que le ministre en charge de la Fonction publique qui est un homme intelligent, c'est le moins que nous puissions dire de lui,...

M. LOUBIER: II n'est pas laid non plus.

M. LESAGE: ... ira réellement au fond des choses.

M. LAPORTE: Vous aviez dit que vous ne feriez pas de politique partisane.

M. LESAGE: C'est loin d'en être, M. le député de Chambly.

M. BERTRAND: Timeo Danaos...

M. MALTAIS (Saguenay): Et « Bona » ferentes.

M. LESAGE: Du côté du gouvernement on dit « et « Bona » ferentes ».

M. BERTRAND: ... et « Bona »?

M. LESAGE: Et « Bona » ferentes.

M. BERTRAND: Voulez-vous parler de Bona?

M. LESAGE: Non, mais...

UNE VOIX: Le député de Saguenay, lui, dit que c'est « dona ».

M. LESAGE: Alors, M. le Président, j'espère que le ministre d'Etat à la Fonction publique nous expliquera d'une façon pratique le pourquoi des 15% pour trois ans. Pourquoi 7.5% pour 18 mois? Pourquoi 15% plutôt que 12% ou 18%? Quelles sont les bases du calcul? Je crois que c'est ça que nous n'avons jamais su. Je pense que les députés entendront avec intérêt les explications du ministre et celles du gouvernement, par sa voix, sur ce point.

Je suis sur, parce que le ministre l'a dit, le premier ministre me l'a dit également, que, par la suite, le ministre nous expliquera comment cette politique salariale s'applique dans le cas qui nous préoccupe ce matin...

M. BERTRAND: C'est ça.

M. LESAGE: ...qu'il y aura des comparaisons de salaires de faites non seulement pour des fonctions similaires dans la Fonction publique et dans le secteur privé ici au Québec, mais des comparaisons de faites avec les salaires payés pour des fonctions équivalentes à la Régie des alcools, dans les «liquor boards» des autres provinces, comme par exemple l'Ontario, la Colombie canadienne, le Manitoba, etc.

C'est alors que nous pourrons réellement ê-tre éclairés. Et, par-delà nous, l'opinion publique pourra être éclairée et sera en mesure de se former un jugement.

Je pense que c'est important. Le premier ministre a dit qu'il était du devoir du gouvernement, en appliquant la politique salariale, de concilier l'intérêt des travailleurs avec les impératifs du bien commun, d'accord. Cela veut dire que le gouvernement a un jugement à porter dans ce domaine. Je suis sûr que les expressions d'opinion qui viendront des membres du comité, de même que des personnes qui connaissent bien le problème et qui seront en mesure de nous éclairer, eh bien, pourront influencer le gouvernement dans la décision qu'il aura à prendre.

Il est clair que nous ne sommes pas ici à une table de négociation. C'est clair. Je pense que nous sommes ici à un «fact finding committee», c'est le processus démocratique parlementaire que nous connaissons. C'est de cette façon que, nous ici au Canada et dans le Québec, nous croyons que nous pouvons le mieux vivre la démocratie. C'est l'exercice auquel nous nous appliquerons ce matin et au cours des séances à venir. Il est bienvenu et, quant à nous, c'est avec sérieux, avec objectivité que nous voudrons tenter d'apporter notre modeste apport à la solution possible de ce conflit qui a trop duré, puisque nous en sommes aujourd'hui à quatre mois et quatre jours de grève.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Lesage. Alors, tel que convenu et demandé par le chef de l'Opposition et le premier ministre, M. Masse va expliquer la politique salariale du gouvernement. M. Masse.

M. MASSE: M. le Président, à la demande du premier ministre, je vais justement expliquer la question. Il est dans l'habitude des avocats de plaider debout et dans celle des enseignants de plaider assis. Alors, si vous me le permettez, je vais rester à l'intérieur de ma profession.

M. LESAGE: Surtout quand je vois le paquet de documents que vous avez devant vous, je pense que ce serait...

M. MASSE: M. le Président, je suis parfaitement d'accord avec et le chef de l'Opposition et le gouvernement sur le déroulement de la manoeuvre au comité. Nous ne sommes pas ici à une table de négociation, mais nous sommes ici pour connaître, le plus au fond possible, l'ensemble de la politique et de ses incidences, dans le domaine salarial, pour le gouvernement.

Je suis parfaitement d'accord, également, sur les étapes que nous devons franchir pour arriver à la compréhension la plus totale possible. J'ai noté, de l'exposé du chef de l'Opposition, ces é-tapes avec lesquelles je suis parfaitement d'accord et que je résumerai ainsi: D'abord poser le problème dans ses principes pour l'ensemble de l'élaboration de la politique salariale puis, la RAQ à l'intérieur de ce système et puis, troisièmement, la RAQ comme telle.

Ces différents exposés, parce que ce seront différents thèmes, ne devront pas se dérouler nécessairement dans le premier exposé que je ferai, si on veut pouvoir en discuter étape par étape. Nous commencerons donc, avec votre permission, par un exposé de principes généraux de la politique salariale du gouvernement pour l'ensemble des négociations puis la RAQ dans ce système et finalement la RAQ comme telle.

J'espère que ce ne sera pas un cours élémentaire de droit administratif, mais que de plus en plus nous nous dirigerons, au fur et à mesure de nos discussions, de vos questions, vers des faits de plus en plus concrets pour pouvoir comparer les manutentionnaires ou d'autres postes dans la RAQ comme telle.

Vous n'ignorez pas, M. le Président, que le gouvernement du Québec est de loin le plus important employeur du Québec puisque, relié directement ou indirectement à son budget, soit par son budget comme tel pour ses propres fonctionnaires, soit par l'intermédiaire de subventions versées à des institutions dans le domaine hospitalier, dans le domaine scolaire, dans le domaine de raffinerie de betteraves à sucre, dans le domaine de l'Hydro-Québec ou dans d'autres domaines, ce qui touche plus ou près de 250,000 employés dans ces secteurs directement publics ou parapublics.

Cet aspect de la gestion des choses de l'Etat a pris, depuis quelques mois, un important relief dans l'actualité pour, à mon avis, deux raisons. C'est que le gouvernement a fait de cette question une question de politique gouvernementale, avec de plus en plus une structure administrative pour discuter et pour appliquer cette politique gouvernementale. La deuxième raison, à mon avis, c'est que nous sommes, cette année, dans l'année de renouvellement de la quasi-totalité des conventions collectives avec ces personnes, de sorte que nous avons plus de vingt tables de négociation différentes en vue de conclure ces conventions collectives de travail.

Il faut souligner que, dans plusieurs cas, ces négociations ont été commencées et ont été même terminées par des signatures de convention. Ainsi, je vous le rappelle pour la compréhension du problème, que nous avons signé la convention collective avec les fonctionnaires à l'emploi de l'Etat, avec les professeurs des écoles techniques et des écoles normales, enfin, les écoles de l'Etat, le groupe de SPEQ. Nous avons également, en collaboration avec d'autres secteurs, négocié les conventions collectives dans les collèges classiques, avec le syndicat de SPE. Nous avons signé la semaine dernière — et j'en ai informé le Parlement — la convention collective avec les agents de la paix, et d'autres conventions collectives. D'autres sont nécessairement en cours, en particulier, trois conventions importantes, celle du secteur hospitalier, la convention collective avec les enseignants à l'emploi des commissions scolaires et également la négociation dans un secteur de régie, celui de la Régie des alcools.

Il faut noter que le gouvernement négocie selon deux techniques, soit qu'il est seul à la table de négociation comme dans le cas de SPEQ ou comme dans le cas des fonctionnaires, soit qu'il a conclu des ententes avec les responsables administratifs dans les secteurs subventionnés, comme par exemple les hôpitaux où la table de négociation est conjointe; il y a le gouvernement et les administrateurs des hôpitaux. Il en a été de même pour la question de l'enseignement des commissions scolaires. La table est conjointe, les commissions scolaires catholiques et les commissions scolaires protestantes et catholiques anglaises ainsi que le gouvernement. Il y a donc deux mécanismes de négociation.

Le gouvernement n'a pas entrepris ces négociations au hasard. Il ne pouvait pas le faire, s'il voulait avoir une politique juste en faveur de tout le monde y compris les contribuables. Il ne les a pas menées d'une façon aléatoire. Il a, au contraire, voulu les intégrer dans un ensemble beaucoup plus vaste et selon certains principes directeurs, précis et légitimes. Parce qu'il faut égale-

ment être informé que le gouvernement poursuit en parallèle un autre aspect de sa politique de gérance, dans le secteur de la gestion du personnel, une politique de refonte quasi complète de la loi régissant le secteur de la fonction publique. Ceci nous a amenés à réétudier les structures de gestion du personnel, ce qui nous a conduit à déterminer, dans le domaine des négociations, des principes qui sont reliés à notre politique de gestion du personnel que nous voulons non pas identique partout mais que nous voulons moderne dans tous les domaines, basée sur des principes modernes et de gestion donc, également, de clauses normatives et de clauses salariales dans les conventions collectives.

Il faut, également, je ne dirais pas comprendre mais accepter, que la politique salariale du gouvernement ne vise pas, quant à nous, dans le secteur de la fonction publique, à établir une politique des revenus pour l'ensemble de l'économie québécoise ni même une politique salariale pour tous les Québécois. Il n'a jamais été, dans aucun gouvernement au monde, de la responsabilité de la fonction publique d'établir une politique de revenus pour l'ensemble des contribuables administrés par ce gouvernement. Il n'a jamais été dans notre intention de le faire et ça n'a jamais été dans notre mandat d'avoir cette responsabilité.

Ce que nous comprenons, quant à nous, par politique salariale à l'intérieur de notre responsabilité, c'est d'apporter autant de cohérence possible dans l'établissement des traitements de ceux dont le niveau de rémunération est directement ou indirectement relié au budget gouvernemental, donc aux impôts perçus dans la population.

La politique salariale du secteur public, ce n'est donc pas une politique salariale pour tous les contribuables. Mais elle se doit d'être fondée sur un certain nombre de normes, un certain nombre de principes dont certains relèvent de la justice sociale au même titre que pourrait relever une politique des revenus pour l'ensemble de la population.

J'aimerais d'abord vous exposer ces principes, y revenir parce que j'ai eu l'occasion d'en parler. Je crois que, pour la bonne compréhension du comité, il faudrait recommencer, pendant quelques minutes, à revoir ces principes pour que tout le monde les ait à l'esprit dans les discussions qui vont venir.

Le premier principe, que nous avons mis de l'avant dans l'élaboration de notre structure de traitements, consiste à aligner les traitements, à aligner les salaires qu'offre le gouvernement soit à ses propres tables de négociations, soit dans ses tables conjointes, sur ceux que versent ou que verseraient les employeurs du même genre que lui, pour des emplois analogues, compte tenu du reste de la convention collective, c'est-à-dire des heures de travail et des conditions de travail, ce qui inclut le nombre de congés statutaires, les bénéfices sociauxpar assurance-maladie, assurance-vie ou autres, ce qui inclut également des facteurs qu'on retrouve très rarement dans le secteur privé, comme par exemple la sécurité d'emploi qui doit représenter pour un travailleur un pourcentage de revenu sur longue portée que n'aurait pas un travailleur dans le secteur privé quin'apas cette assurance à longue portée pour son revenu.

Nous devons également tenir compte, dans ce premier principe, des données générales de l'économie du Québec, aussi bien du budget de l'Etat — des sommes que l'Etat doit verser dans un des postes particuliers de son budget — que ce que l'économie verse en général dans l'entreprise privée pour les postes de traitement par rapport aux postes des investissements de l'industrie concernée»

Graduellement, le niveau des traitements, pour un grand nombre d'employés du secteur public, a atteint ou dépassé ce que des em= ployeurs du même genre ou ce que l'économie en général paie pour des emplois analogues. Une des conséquences évidentes de cette analyse, de cet alignement sur le secteur extérieur pour des emplois analogues est qu'à certains endroits il doit y avoir du rattrapage avant d'arriver à appliquer les normes générales d'augmentation, comme par exemple dans le secteur des gardiens de prison. Voilà pourquoi, dans la dernière convention collective que nous avons signée, celle des agents de la paix, le phénomène de rattrapage était plus important que dans d'autres conventions collectives, parce que nous considérions que cette étape qui aurait pu être franchie dans la première convention collective, mais, pour des raisons que nous n'avons pas, à ce moment-ci, à discuter nous avons cru que cette étape n'avait pas été franchie dans le cas particulier des agents de la paix pour un secteur déterminé, celui des gardiens de prison, nous avons cru donc dans ce domaine avoir un rattrapage important.

Alors que, au contraire, dans la plupart des autres secteurs, l'alignement des salaires était, à notre avis, réalisé, ce rattrapage était fait à l'étape précédente de la négociation, en particulier dans le secteur de la fonction publique ou, nous le verrons, au cours de nos discussions, dans la plupart des cas, dans le secteur de la RAQ, ce rattrapage était à notre avis réalisé compte tenu de ce premier principe.

Le second principe peut être formulé ainsi:

A travail égal, salaire égal. Ceci implique donc que les taux de rémunération — les taux de traitement de salaire — seront sensiblement les mêmes pour des emplois qui ont les mêmes caractéristiques, à l'intérieur de notre groupe des 250,000. Ainsi, par exemple, la secrétaire au gouvernement, qu'elle soit secrétaire dans un hôpital, qu'elle soit secrétaire au ministère de la Justice, qu'elle soit secrétaire dans un collège d'enseignement, qu'elle soit secrétaire du gouverneur d'une prison, ou secrétaire ailleurs, nous croyons que, la fonction étant identique, les exigences d'admission dans cette fonction étant similaires, et que la rémunération doit autant que possible être équivalente.

Par contre, la majeure partie du secteur public n'a pas une productivité aisément calculable. C'est un des points difficiles sur lesquels nous nous devons souvent de porter un jugement, étant donné que les instruments de calcul de la productivité dans le domaine public — en majorité des cas — est difficile à réaliser,... Si bien, qu'il n'est pas possible de rémunérer des commis qui travaillent pour l'Etat, par exemple, en fonction de la productivité propre de ce sous-secteur des commis dans un domaine de telle direction générale où ils sont embauchés. On ne peut donc pas se servir de la norme de productivité pour établir notre traitement.

Ce principe ne peut évidemment pas se traduire instantanément dans les faits en raison des différences considérables de taux tels qu'ils existaient il y a encore fort peu de temps.

Par contre la ronde de négociations que le précédent gouvernement avait entreprise en 1966, que nous avons continuée à la fin 1966 et au début 1967 et cette nouvelle série de négociations de 1968, ceci a permis aux deux gouvernements de réduire les écarts de façon très prononcée dans ces domaines. Ainsi, alors que l'écart de rémunération pour des emplois à peu près identiques — avant la première ronde de négociations que le précédent gouvernement avait entreprise et que nous avons donc continuée - pouvait atteindre entre 300% et 400% pour des emplois qui devaient être jugés similaires.

Présentement, à la suite de la première ronde des négociations, celle que nous avons entreprise et des offres que nous avons faites là où ce n'est pas encore signé, cet écart, compte tenu de l'ensemble d'autres facteurs comme les heures de travail, l'éloignement ou d'autres choses semblables, ne dépassera pas 20%. Alors, je crois bien que, dans ce domaine, les deux gouvernements ont réussi une mise en ordre nécessaire qui était une justice pour les individus qui, eux, avaient des emplois pratiquement analogues mais, parce qu'ils n'avaient pas la chance de travailler au même endroit, avaient des écarts qui pouvaient aller de 300% à 400%.

Un corollaire de ce deuxième principe, c'est la non-discrimination entre hommes et femmes, puisque nous avons travaillé afin que, pour des emplois identiques, à travail égal soit donné un salaire égal, il nous fallait, à plus forte raison, mettre fin à cette injustice qui était causée à des gens qui faisaient un travail identique mais qui ne recevaient pas une rémunération égale, parce que c'était une femme plutôt qu'un homme.

Dans ce domaine-là, en particulier par le bill 25 dans le secteur de l'enseignement, nous avons fait un rattrapage d'un seul coup. Un rattrapage énorme qui aurait pu être fait avant et que, pour des conditions sociales que vous connaissez comme moi, n'avait pas été fait. C'était une justice importante à rendre mais elle a coûté beaucoup en le faisant d'une seule fois.

Hommes et femmes auront donc les mêmes traitements s'ils ont les mêmes emplois. Dans ce cas, des progrès considérables ont donc été faits puisqu'il ne restera plus, après cette ronde de négociations, de discrimation ni dans le secteur de l'enseignement — sur la base des offres actuellement faites par les commissions scolaires et le gouvernement - et que les quelques cas de discrimination qui restaient dans les hôpitaux depuis la dernière convention collective de juillet 1966, seront, à toutes fins pratiques, éliminés à l'occasion des négociations en cours dans le secteur, très important, des hôpitaux. Donc, deuxième principe: travail égal, salaire égal.

Le troisième principe a trait à l'établissement d'écarts importants de rémunération entre des emplois non spécialisés et des emplois spécialisés. En d'autres termes, le gouvernement tient à maintenir des incitations très importantes par ses traitements, à la spécialisation avant d'entrer dans les secteurs publics ou au perfectionnement à la suite de la rentrée dans le secteur public

Certaines des conventions négociées et acceptées il y a quelques années avaient réduit d'une façon beaucoup trop nette ces écarts entre les traitements versés aux spécialisés et aux non-spécialisés.

Dans l'enseignement, à l'Hydro-Québec, à la Régie des alcools, les négociations avaient eu souvent tendance à négliger ce facteur de taux de rémunération pour les emplois spécialisés, soit parce que ces individus, était au sommet de la pyramide dans l'unité des négociations, étaient donc moins nombreux, soit parce que — c'est un jugement suggestif - ils étaient moins militants.

II va de soi qu'un gouvernement, quel qu'il soit, serait en propre contradiction avec sa politique d'enseignement s'il ne consentait pas à verser des sommes importantes dans le traitement des gens spécialisés, compte tenu du fait que ce même gouvernement, par un autre ministère, verse des sommes également considérables dans le développement de l'enseignement secondaire, de l'enseignement technique et de l'enseignement supérieur.

Dans l'esprit et dans le portefeuille des individus qui sont passés par ces secteurs, qui ont donc amélioré leur niveau de scolarité avant d'entrer dans le secteur public, ou par le perfectionnement lorsqu'ils sont déjà dans le secteur public, il faut donc que tout ceci entraîne également des améliorations dans le niveau de traitement.

Si l'on admet le bien-fondé des investissements de fonds publics dans le secteur de la formation professionnelle, il est donc, à mon avis, tout à fait logique, de rémunérer plus un homme de métier qu'un manoeuvre, de rémunérer plus un technicien qu'un homme de métier, etc.

C'est en vertu de ce troisième principe que, systématiquement, au début de l'année lorsque nous avons établi nos grilles de traitements pour les offres aux tables de négociation, les offres gouvernementales pour les métiers, pour les cadres moyens, ou même pour certaines catégories de techniciens, ont présenté des taux de rémunération très élevés par rapport à ce qui était offert à la main-d'oeuvre non spécialisée. Ceci, non pas en vertu d'un principe de rattrapage, de fonctions plus ou moins identiques avec le secteur privé ou d'autres secteurs publics, mais à cause de ce troisième principe de l'augmentation de l'écart de rémunération entre les spécialisés et les non-spécialisés.

Ceci, il va sans dire, n'a pas été une politique facile à suivre. Elle heurte des habitudes enracinées dans l'élaboration des grilles de traitements, l'habitude étant des augmentations plus ou moins égales pour tout le monde. Elle n'en est pas moins, à notre avis, le complément indispensable que nous devons apporter aux politiques d'enseignement du ministère de l'Education, et aux politiques d'entraînement d'un futur ministère de la Fonction publique, d'entraf-nement ou de perfectionnement, pour ses propres employés.

Si l'efficacité des services publics est désirée de tous, il faut admettre un certain nombre de postulats fondamentaux, entre autres la compétence des serviteurs publics. Or, celle-ci s'acquiert soit par la hausse des exigences à l'entrée dans le secteur public, exigences qui ont été haussées avec les nouveaux plans de clas- sification acceptés par le gouvernement en décembre 1967, et qui ont été également retouchés dans le secteur hospitalier, retouchés au ministère de l'Education pour l'entrée des enseignants dans le secteur de l'Education, et dans les autres domaines.

Hausse de scolarité, donc, avant l'entrée pour accessibilité au service, également politique de formation par les différents responsables, soit le ministère de l'Education et les commissions scolaires pour augmenter le perfectionnement, ceci par des subventions aux enseignants, ou à l'intérieur même de notre propre fonction publique, par une politique de perfectionnement subventionnée par l'Etat. Ceci doit donc toujours se représenter à notre avis, dans la grille de traitements, par l'augmentation de l'écart dans les offres de traitements entre les spécialisés et les non-spécialisés.

Voilà donc le troisième principe qui a apporté des changements dans les grilles et qui, pour certains, a été interprété comme du rattrapage. Mais il ne s'agit pas de cette sorte de rattrapage, c'est de l'augmentation de l'écart.

Le quatrième principe a trait aux écarts régionaux. Traditionnellement, au Québec, comme aussi ailleurs, nous avons eu une certaine tendance vers la facilité, une tendance à avoir, dans les grands centres urbains, des niveaux de traitement nettement supérieurs à ceux qui se payaient dans les régions périphériques ou les régions rurales.

Le résultat net de cette politique a été souvent de drainer, vers les centres urbains, malheureusement, le personnel efficace ou le plus compétent. Exemple: les infirmières et les institutrices pourtant requises dans les hôpitaux et dans les écoles des petites villes ou des petits villages, émigraient ou se sentaient obligées d'émigrer vers les grands centres urbains pour avoir une augmentation de traitement, c'est-à-dire une augmentation du niveau de vie.

Nous avons cru nécessaire et même important de mettre fin à cette migration continue des talents, mieux formés au point de vue d'investissements par la scolarisation, vers les grands centres urbains. Ceci allait contre une autre politique gouvernementale qui est celle de l'aménagement du territoire pour donner une chance égale à tous les citoyens, peu importe où ils demeurent.

Nous avons commencé à appliquer ce principe dans le bill 25 et nous avons continué pour l'ensemble de nos tables de négociations.

Quand il s'agit de services publics, il n'y a, à notre avis, vraiment pas de raisons pour qu'une telle politique d'écarts régionaux soit maintenue.

En outre, là, c'est un problème de statistiques. Chacun peut avoir les siennes. Il est de plus en plus difficile de prétendre que le coût de la vie dans les régions excentriques soit nécessairement plus faible qu'à Montréal. Le genre de vie peut y être différent, mais le coût de la vie, selon le niveau de vie est souvent aussi élevé, parfois même davantage dans les régions périphériques.

De toute façon, si nous ne voulons pas dans le domaine du secteur public, l'hospitalier comme celui de l'enseignement, vider la province pour ne faire que Montréal et un désert, il fallait, à notre avis, mettre fin à ces écarts régionaux que nous trouvions dans la plupart des conventions collectives. C'était, à notre sens, aller d'une façon dangereuse contre les intérêts de l'ensemble du territoire.

Dans ces conditions, et conformément à une nouvelle structure de négociation qui apparaissait pour la première fois, c'est-à-dire une structure de négociation à l'échelon québécois, nous avons systématiquement fait disparaître ces écarts régionaux.

Il est évident qu'antérieurement, il était très difficile pour un gouvernement quel qu'il soit d'arriver à appliquer ce principe-là, même si nous avions été d'accord. Il n'avait comme instrument de négociation que le secteur public, il n'avait pas de négociations conjointes avec le secteur scolaire qui négociait au niveau de chacune des commissions scolaires régionales, et n'avait pas, au niveau du secteur hospitalier qui négociait avec chacune des administrations, le nombre d'instruments qu'il s'est donné pour pouvoir appliquer cette politique de disparition des écarts régionaux.

Par contre, à l'inverse, nous nous devons d'élaborer un système de primes d'éloignement, compte tenu du fait qu'il y a quand même certaines zones en périphérie qui posent des problèmes particuliers, même si ce n'était que Fort Chimo, de SPEQ au point de vue de l'enseignement, au point de vue du secteur hospitalier, ou — je ne veux pas donner l'ensemble des villes — d'autres régions où il y a réellement un problème d'éloignement qui causerait des difficultés quand il s'agit de combler la pénurie de main-d'oeuvre spécialisée dans ces régions éloignées.

Donc, tout en faisant disparaître une politique d'écarts régionaux, nous l'avons remplacée par une politique de primes d'éloignement. Voilà donc pour le quatrième principe, les écarts régionaux.

Cinquième principe. Celui-ci a trait à l'organisation des carrières professionnelles à l'intérieur du service public. Nous savons tous que, de plus en plus, en agrandissant le secteur public, une partie importante des employés de l'E- tat est formée de professionnels, avocats, comptables et autres, pour lesquels une carrière normale doit être aménagée. Il s'en faut de beaucoup pour que cela ait été le cas dans le passé. Il n'y a pas, à notre avis, de raison véritable pour laquelle, par exemple, une institutrice aurait une ligne de carrière construite autour de quinze échelons par quinze années, tandis que l'infirmière était, jusqu'à récemment, limitée à une très courte échelle, alors qu'on sait fort bien que le niveau de scolarité, le niveau de formation pour avoir accès à cette ou ces professions est plus ou moins identique.

Si, autre exemple, le comptable au service du gouvernement pouvait bénéficier d'un système d'augmentation et d'avancement organisé à l'intérieur d'un plan de classification dans le secteur de la fonction publique de l'Etat, le comptable au service d'un hôpital, avec formation identique et exigences similaires pour entrer, lui, n'avait rien de semblable.

Il s'agit de faire en sorte que, soit par le régime des augmentations annuelles sur rendement satisfaisant d'après le jury, soit selon un processus d'examen annuel ou autres, examen de promotion, des lignes de carrières soient systématiquement organisées pour l'ensemble du personnel professionnel dans l'ensemble du secteur public ou parapublic. C'est-à-dire: comptable à une régionale, exigences similaires pour entrer, comptable dans un hôpital, exigences similaires pour entrer, comptable au Revenu, exigences similaires pour entrer, qu'on retrouve, encore une fois, compte tenu des autres distinctions, un plan de carrière juste et équitable pour l'ensemble de ces individus.

Il va de soi que ces lignes de carrières doivent donc être compatibles d'un secteur à un autre, d'un genre d'institution à un autre puisque, finalement, c'est toujours, au fond, le même gouvernement percevant des mêmes contribuables et il doit avoir la même politique pour les professions semblables. C'était donc le cinquième principe. Lignes de carrières professionnelles justes et équitables.

C'est donc autour de ces cinq principes que nous avons mis de l'avant que vous voyez facilement se dessiner un certain nombre de sous-secteurs d'idées. C'est autour de ces cinq principes que les offres du gouvernement ont été faites dans l'ensemble des négociations que nous avons entreprises dans cette ronde 1968.

Il s'agit là d'une structure facilement recon-naissable et, lorsque dans un secteur donné, une situation est décelée et que cette situation est en opposition nette avec l'un ou l'autre des principes que nous avons énoncés, les administrateurs gouvernementaux comme les responsa-

bles des syndicats, comme les syndiqués savent maintenant que les offres du gouvernement, ou les offres avec ces conjoints, tant dans certaines clauses normatives que dans certaines clauses monétaires, tendront à corriger la situation que nous avons jugée à l'encontre de nos principes.

Nous la corrigerons, soit immédiatement par la convention à négocier, soit par étapes, s'il est difficile pour toutes sortes de raisons de l'appliquer automatiquement. Il va de soi, qu'en 1966 et 1967, une telle réorganisation de la structure a fait que certains groupes d'employés ont reçu des augmentations considérables sous l'étiquette « rattrapage » ou à l'intérieur de certaines de ces idées, alors que d'autres recevaient fort peu de chose ou même, dans certains cas, rien du tout, au niveau de ces sortes de rattrapage.

Il ne faut donc pas s'étonner des difficultés que le gouvernement, et des difficultés que des dirigeants de certains syndicats ayant pris leurs responsabilités, ont éprouvées pour faire approuver des conventions collectives par les individus intéressés.

Cette réforme en profondeur était, par contre, inévitable. D'autre part, elle devait être faite le plus rapidement possible compte tenu des possibilités budgétaires des années différentes. Si on avait trop attendu pour corriger ces situations ou si on avait cherché à étendre les corrections sur un trop grand nombre d'années, les règles normales de pression, les règles normales d'offres et d'emplois, les règles normales de négociation auraient probablement empêché qu'elles puissent un jour être réalisées. Il faut rendre ici hommage, non pas uniquement à l'équipe gouvernementale, mais à l'équipe des dirigeants d'un grand nombre de syndicats, qui ont accepté le défi de ces responsabilités, qui l'ont expliqué à leurs membres et qui l'ont fait comprendre, de sorte qu'il nous a été possible, dans les années précédentes comme dans cette année, d'appliquer — même si c'était difficile — une rationalisation de la structure des traitements évitant ainsi l'anarchie des négociations qui conduisaient de toute façon à une destruction importante de l'équilibre budgétaire de l'administration québécoise.

Cette normalisation des structures correspond à la première phase de la politique salariale gouvernementale. Elle permet d'égaliser les conditions de travail, elle permet d'éliminer les disparités, dans les taux de traitement s'appliquant à des fonctions comparables, et de mettre de l'ordre dans les échelles de salaire, en les simplifiant.

C'est ainsi, par exemple, que dans un domai- ne — celui de l'enseignement — nous sommes passés, en quelques mois, de plusieurs milliers d'échelles de traitements à dix, ce qui est — à mon avis — aussi juste pour l'enseignement que pour le gouvernement,,

Cette normalisation ainsi effectuée, il s'agit maintenant d'entrer dans la deuxième phase qui consiste à réaliser — ces sortes de rattrapage étant exécutées — le relèvement régulier des salaires, au fur et à mesure des années, c'est-à-dire l'augmentation générale dans une négociation basée sur le niveau de vie et les autres. Donc, la deuxième phase de la masse salariale.

Idéalement, une fois terminée la normalisation des structures dans le sens des principes que nous avons énoncés dans cette première partie de notre exposé, nous ne devrions plus avoir qu'à y toucher régulièrement, non pas à l'intérieur de la structure mais uniquement par l'augmentation générale. Il suffirait donc d'appliquer d'année en année un taux d'augmentation approprié et cela réglerait toutes les autres négociations. Evidemment, ce serait beaucoup trop simple, pour des raisons qui tiennent à des pénuries, à un moment donné dans certains emplois, soit parce que l'emploi continue mais que le nombre de personnes formées diminue, soit au contraire parce que l'emploi est nouveau et que le nombre de personnes formées est restreint. Exemple de ce deuxième secteur: l'informatique. La demande du gouvernement dans le secteur public pour des spécialistes en informatique est élevée et le nombre d'individus formés dans le secteur de l'informatique est réduit, compte tenu du fait que cela commence.

Donc, pour un ensemble de raisons, il y a, à un moment donné, pénurie pour certains emplois, ou bien, il y a une modification apportée dans l'administration gouvernementale par une décision soit d'une nouvelle loi qui introduit de nouveaux principes ou soit tout simplement par un réaménagement administratif de ministères, ou soit encore de nouveaux programmes gouvernementaux. Pour toutes ces raisons — et quelques autres que vous devinez — nous pouvons avoir à ajuster, de temps à autre, la structure même des salaires à l'intérieur d'une négociation.

Néanmoins, à partir du moment où, en général, la structure des traitements a été normalisée, le principal objet des négociations devient quand même le rythme annuel d'augmentation des salaires.

On suppose, évidemment, que le niveau de la structure n'implique plus le rattrapage généralisé ayant été fait soit à la première ronde

de négociations ou soit à l'intérieur de nos cinq principes.

Ce qu'il s'agit donc de déterminer, deuxièmement, c'est le rythme de croisière des augmentations. Dans le secteur privé, on cherche à déterminer l'augmentation générale des traitements à partir d'un double critère qui est celui, d'une part, de l'augmentation du coût de la vie, donc d'un problème de l'individu et, deuxièmement, de l'augmentation de la productivité de l'industrie, donc le problème de l'administration industrielle.

On a déjà souligné, à l'intérieur de cet exposé, que dans le secteur public l'indice de productivité ou l'indice d'augmentation de la productivité d'une structure particulière dans l'administration gouvernementale est pratiquement impossible à mesurer. Comment peut-on mesurer l'augmentation de la productivité des vérificateurs d'impôt d'une négociation à l'autre ou bien dans d'autres domaines? Le secteur public a donc une difficulté importante dans l'analyse de la productivité.

Il s'agit donc de se déterminer d'autres règles pour évaluer notre augmentation générale des traitements» Il nous reste l'augmentation du niveau de vie, puisqu'on n'a pas l'augmentation de productivité, mais par contre on peut suppléer à cette difficulté en faisant participer la main-d'oeuvre ou l'ensemble des fonctionnaires du secteur public à la croissance des revenus de l'ensemble de la population du Québec.

Tout le monde sait fort bien que l'enrichissement général des contribuables entraîne automatiquement un accroissement dans le rendement des impôts même si les taux sont constants, même s'il n'y a aucune augmentation de taxes de vente ou de taxes d'impôt. Le rendement des taxes déjà votées va être supérieur si l'indice de richesse de la collectivité a augmenté. Il serait donc possible de faire bénéficier les employés publics d'une partie ou de la plus grande partie de l'augmentation de l'indice de richesse de la collectivité, c'est-à-dire, au fond, de faire suivre au secteur public l'augmentation de la productivité du secteur privé, augmentation qui se traduit pour nous par l'augmentation des revenus.

Il semblerait donc, à première vue, simple et facilement calculable de poser que l'accroissement de la masse salariale, de la totalité des traitements que l'on paie, devra s'établir au même niveau que l'accroissement des ressources fiscales, le rattrapage ayant été réglé et payé en partie, soit par des augmentations d'impôt, soit par des changements de programme.

En somme, si dans une année, l'augmentation de la rentrée des impôts, sans imposer de nouveaux impôts, l'augmentation uniquement due à l'augmentation de productivité de la collectivité, s'accroît de huit à neuf pour cent — c'est une hypothèse — la masse salariale à distribuer aux employés du secteur public et parapublic s'accroîtrait du même pourcentage.

Cette solution simple ne peut pas s'appliquer peut-être parce que trop simple. En effet, la masse salariale d'un gouvernement est constituée d'une part des traitements payés aux employés en place, et d'autre part, de l'accroissement des effectifs en cours d'année de convention. Or, l'accroissement des effectifs peut provenir de deux sources: soit de la mise en vigueur de nouveaux programmes votés par le Parlement ou décidés par l'administration.

Donc, l'on ne voit pas pourquoi les employés mis en place à l'occasion de ces nouveaux programmes ne recevraient pas la même augmentation de traitement que ceux déjà en place pour exécuter des programmes décidés antérieurement.

A l'inverse, on ne peut pas donner, comme augmentation de salaire au personnel en place, une hausse égale en pourcentage aux ressources fiscales, parce que l'augmentation, l'arrivée, en cours de négociation, de nouveaux programmes doit jusqu'à un certain point être prévue dans la masse salariale, profiter sur les années à venir. A l'inverse, on ne peut pas donner, comme augmentation de salaire au personnel en place, une hausse égale en pourcentage à celles des ressources fiscales.

En premier lieu, il faut de toute façon accroître le nombre de fonctionnaires même sans changer aucun programme, uniquement pour satisfaire les besoins parce que la population a augmenté. C'est-à-dire que même si le gouvernement n'apporte aucun programme nouveau dans le secteur élémentaire, le seul fait de l'augmentation de la population va augmenter le nombre des traitements globaux à verser dans le secteur de l'enseignement élémentaire.

En second lieu, il est impossible à un gouvernement quel qu'il soit de renoncer pour la durée d'une convention collective, à tout nouveau programme, c'est tout à fait impossible. Dans ces conditions, on pourrait construire le modèle suivant: Une masse salariale est projetée sur les années à venir en supposant qu'elle comporte un taux d'accroissement des effectifs, donc de l'augmentation du personnel qui n'est pas supérieur au taux de croissance de l'ensemble de la population. La population s'accroît de tant pour cent à l'intérieur des programmes du gouvernement, l'augmentation des effectifs pourrait s'accroître idéalement d'un pourcentage

identique pour répondre par ses services antérieurs à cette nouvelle population. C'est-à-dire que plus la population augmente, plus les polices vont augmenter indépendamment des nouveaux programmes.

L'accroissement de cette masse salariale sera proportionnel à l'augmentation des revenus du gouvernement à cause de l'augmentation de la population. Si l'on suppose, par exemple, que l'augmentation annuelle de la population est de 1 1/2% et que les projections des ressources fiscales du gouvernement, à taux d'impôt constant, révèlent une augmentation annuelle, par exemple de 8%, alors l'augmentation des salaires du personnel en place serait donc de 6 1/2%, le reste étant accordé à l'augmentation des effectifs qui va suivre l'augmentation de la population. Il va de soi que les chiffres que je mentionne sont hypothétiques et doivent être revisés régulièrement, parce que, nécessairement les données changent. La population n'augmente pas d'une façon régulière d'une année à l'autre, et les taux constants d'impôts non plus.

M. LESAGE: Le ministre, depuis deux minutes, ne tient plus compte de nouveaux programmes.

M. MASSE: Nous allons y revenir.

M. LESAGE: Oui, depuis deux minutes, vous n'en n'avez pas tenu compte.

M. BERTRAND: Cela va.

M. MASSE: J'ai admis que l'on ne pouvait pas renier, pour la durée de la convention, un nouveau programme, ce qui est évident. On en aura toujours.

M. LESAGE: C'est évident. Exemple, le ministère de l'Immigration.

M. MASSE: Exemple, le ministère de l'Immigration ou peut-être un jour celui de la Fonction publique.

M. GABIAS: Un excellent exemple. M. MASSE: Ainsi, par exemple...

M. LESAGE: Ce sont des ambitions bien normales pour un jeune homme intelligent.

M. MASSE: Ce sont des ambitions déjà en partie satisfaites.

M. BERTRAND: Merci.

M. LESAGE: Cela vous donne une chance de souffler...

M. MASSE: Parce que, dans l'enseignement, les cours étaient de 45 minutes et on avait le droit à un Deo grattas.

M. BERTRAND: M. le Président, je crois que je répondrais au voeu de l'Opposition et au vôtre en assurant à M. le professeur Marcel Masse, professeur très pratique, cinq minutes de repos de même qu'à tout le monde. Ainsi nous pourrons en profiter pour nous détendre.

Reprise de la séance à 11 h 42

M. GRENIER (président du comité): A l'ordre!

M. BERTRAND: M. le Président, certains dossiers viennent d'être distribués aux membres du comité. Je tiens à déclarer immédiatement que tous les députés de l'Assemblée législative, des deux côtés, recevront un dossier semblable qui renferme des renseignements fort précieux qui seront de nature à éclairer tous les députés. C'est seulement parce que nous avons dû aller au plus pressé que ce matin nous avons fait compléter ces dossiers. Les autres seront complétés dans le cours de la journée et seront remis aux députés.

M. MASSE: Oui.

M. LE PRESIDENT: Alors, la parole est à M. Masse.

M. MASSE: M. le Président, il est certain que les remarques que j'ai dû tenir depuis le début et que je vais devoir tenir pendant encore quelques minutes, sont — c'est le moins qu'on puisse dire — abstraites. Je pense que nous nous étions entendus au départ sur cette idée qu'il fallait d'abord faire un débroussaillement des principes généraux — et les principes sont nécessairement abstraits — pour au fur et à mesure des travaux du comité se diriger de plus en plus vers l'état concret, en particulier celui de la RAQ. Je m'excuse de l'abstraction de mon discours...

M. BERTRAND: II n'y a pas d'excuse...

M. MASSE: ... mais je pense que, pour la bonne compréhension du comité, la bonne marche du comité, il fallait d'abord poser ces données.

Nous avons donc vu la question de l'augmentation des impôts à taux constant avec augmentation des effectifs dans le domaine de l'augmentation versus l'augmentation de population. Ainsi, par exemple, dans l'enseignement on peut envisager, au moins dans l'abstrait, que le nombre des enseignants ne s'accroît pas plus rapidement que le nombre des habitants du Québec pour fins de calculs de la masse salariale. Si, par contre, le gouvernement décide d'accélérer la diffusion de l'enseignement secondaire ou d'établir un programme d'extension de l'enseignement pour les adultes, ou bien que le gouvernement décide d'établir un réseau scolaire au niveau des maternelles, il s'agit dans ces trois cas de programmes nouveaux qui doivent faire partie de la politique générale du gouvernement et qui seront financés à même les ressources existantes ou en demandant aux contribuables, parce que ce sont des programmes nouveaux, une augmentation de leur fardeau fiscal pour défrayer le coût demandé ou accepté, par la population, pour des programmes nouveaux.

Il est entendu que, lorsque l'on suppose un rythme de progression, pour reprendre l'exemple de tout à l'heure, de 6 1/2%, il faut tenir compte de toute une série de facteurs qui s'additionnent ou se soustraient» C'est ainsi, par exemple, qu'un fonctionnaire disposant d'augmentations statutaires annuelles se verra nécessairement offrir un pourcentage d'accroissement de son échelle de traitement à l'occasion de la convention collective, une augmentation inférieure au pourcentage d'augmentation que nous offrons à celui qui n'a pas, à l'intérieur d'une convention collective, d'augmentation statutaire prévue annuellement. De même, chaque année, des fonctionnaires en fin de carrière prennent leur retraite à des salaires relativement élevés dans leur domaine puisque, dans la majorité des cas, ils sont dans le haut de leur échelle, pour être remplacés par des jeunes, des nouveaux fonctionnaires qui, eux, ne se situent pas dans le haut de cette échelle, mais majoritairement dans le bas de l'échelle, ce qui nous fait une réserve monétaire dont nous devons tenir compte dans la question des effectifs.

De tels facteurs, parmi d'autres, doivent être combinés pour en arriver à cette progression hypothétique de 6 1/2% dans le taux moyen de la rémunération globale pour le personnel en place, le rattrapage étant réglé.

Les principes étant posés, il ne reste maintenant — c'est ce que nous allons faire au fur et à mesure de l'avancement des travaux du comité — qu'à les transcrire dans les offres monétaires que le gouvernement présente aux tables de négociation.

Il est évident que la politique salariale adoptée au Québec ne peut pas être établie dans un vase clos, sans tenir compte de décisions prises par d'autres gouvernements, celui du Canada aussi bien que les gouvernements municipaux, qui peuvent avoir des incidences sur les taux de traitement du personnel, des secrétaires ou autres. Par contre, il est évident que deux gouvernements peuvent, d'une façon importante, influencer notre politique salariale; c'est celui d'Ottawa qui a, à l'Intérieur du Québec, un grand nombre de fonctionnaires qui

ont des fonctions plus ou moins identiques avec les nôtres et celui de l'Ontario qui sert souvent, pour une raison ou pour une autre, de point de comparaison pour toutes ces questions fiscales de programmes et même de politique salariale.

Dans la mesure, par exemple, où ces gouvernements accroîtraient leurs taux de traitement beaucoup plus rapidement que le Québec — supposons, par exemple que le gouvernement d'Ottawa, pour des raisons qui lui sont propres, décide d'augmenter de $1,000 à l'occasion d'une convention collective, les sténodactylos à l'emploi du gouvernement fédéral — il est évident que cela nous poserait un certain nombre de problèmes, puisque sténodactylo pour sténodactylo, en principe, elles doivent avoir des traitements plus ou moins similaires. Le Québec serait donc éventuellement forcé de modifier sa politique salariale, même si cela impliquait des augmentations d'impôt, parce que cela deviendrait un programme nouveau mais pas dû au gouvernement du Québec, mais à d'autres gouvernements, et cela devra être payé par le Québec, par une augmentation des impôts.

Il est remarquable, et il faut le souligner, que des consultations entre ces gouvernements n'ont jamais eu lieu, dans cette question de l'élaboration des grilles de traitements pour leurs fonctionnaires et que, par contre, certains gouvernements, par des attitudes adoptées à l'occasion de l'une ou de l'autre de leurs négociations, certains médiateurs ont adopté des politiques qui peuvent gêner terriblement les autres gouvernements. Je fais ici, encore une fois, appel à ce besoin de consultation entre les trois gouvernements dont l'influence est directement sensible dans cette politique, entre autres celui de l'Ontario et celui d'Ottawa. Parce qu'il est évident que s'il n'y a pas une certaine consultation dans ce domaine-là, ce sera contraire aux intérêts de ces gouvernements. Et vous pouvez être assurés, pour notre part, que nous avons exprimé ce désir à maintes reprises jusqu'à maintenant.

Nous croyons de l'intérêt des gouvernements d'avoir une politique beaucoup plus suivie dans ce domaine, qui n'est peut-être pas sensationnel, mais un domaine quand même important parce que souvent cela comprend presque 50% du budget de ces gouvernements qui vont au poste des traitements.

Si les gouvernements se consultent pour avoir des politiques similaires dans le domaine de la voirie ou les autres domaines, je crois qu'il serait temps que ces gouvernements se consultent pour ce qui est, au fond, presque 50% de leur budget.

M. LESAGE: Croyez-vous les consultations possibles avec les grandes villes?

M. MASSE: Je pense que les grandes villes devraient également être à l'intérieur de cela. Je pense à celles qui ont un réservoir de personnel suffisamment important pour avoir une politique salariale qui a des incidences sur leur propre budget ou bien sur le budget des autres gouvernements. Je pense qu'il devrait y avoir une table ronde de ces gouvernements, ce serait à l'avantage des fonctionnaires qui bénéficieraient d'une politique beaucoup plus juste pour des postes identiques, et également de l'économie canadienne au sens large, parce que 50% du budget de ces gouvernements, cela commence, à mon avis, à être suffisamment important pour que les gouvernements condescendent non pas à avoir une politique identique parce qu'il y a dans chacun des gouvernements des conditions particulières, mais à avoir quand même une espèce d'acceptation générale des principes. Et c'est qu'il va en découler, nécessairement, en pratique, beaucoup plus de cohérence dans ce domaine là.

D'ailleurs, nous avons réussi à avoir cette cohérence dans un niveau de gouvernement qui nous touche, les commissions scolaires, et nous croyons qu'il serait bon - et d'ailleurs, je dois vous dire ici que nous avons amorcé des discussions, au niveau du ministre, avec le ministère des Affaires municipales — d'avoir une certaine cohérence dans les politiques de traitements au niveau des municipalités, compte tenu du fait que, vous le savez fort bien, une partie importante du budget des municipalités provient d'un ensemble de subventions de toutes sortes qui sont finalement réparties - il n'y a pas de subventions directes du gouvernement pour les fonctionnaires municipaux — mais dans l'ensemble de leur budget, il y a une partie importante des subventions.

Je pense que nous allons arriver à cela. Le ministère des Affaires municipales, par la voie de son ministre, a été sensibilisé et a été très intéressé à cette question, et nous devions procéder à des consultations plus importantes afin d'établir une structure.

D'autre part, un gouvernement particulier, celui de l'Ontario - puisqu'on y réfère souvent, nous devons en traiter quelques instants — dispose pour sa part d'un rendement sur ses impôts beaucoup plus élevé que dans le Québec, en raison de revenus personnels plus importants en Ontario. Dans la mesure où le niveau absolu

des salaires au Québec est dans l'ensemble assez voisin du niveau absolu des salaires en Ontario, il découle ou bien que le niveau des impôts au Québec sera plus élevé, ou bien encore que les programmes de dépenses seront moins nombreux. Cela est inévitable compte tenu des différences de rendement des impôts.

Le cas de l'Ontario présente également d'autres particularités. La structure des traitements en Ontario y est encore souvent aussi désordonnée qu'elle pouvait l'être au Québec, il y a quelque temps. La faiblesse des structures de négociation dans certains secteurs est jusqu'à un certain point responsable de cet état de choses.

D'autre part, les structures de négociation sont restées en Ontario beaucoup plus traditionnelles et beaucoup plus fragmentées qu'au Québec, le gouvernement n'ayant pas, pour des raisons qui lui sont propres, passé les mêmes lois qu'au Québec dans ce secteur des négociations.

Si bien que certains groupes d'employés en Ontario peuvent de temps à autre obtenir des salaires très différents de ceux qui sont obtenus dans d'autres organismes ontariens par des employés qui font substantiellement la même tâche. Ce que nous évitons le plus possible ici au Québec. Mais pour eux, ça se présente souvent à cause d'une structure de négociation moins rationnelle que celle du Québec. Cette situation d'absence de structures de négociation a existé au Québec, a existé beaucoup trop longtemps pour que l'on puisse s'étonner de ce qui se produit ailleurs.

Néanmoins, cette différence de situation entre le Québec et l'Ontario indique clairement que, dans le Québec, pour le Québec, par ces négociations, nous ne pouvons systématiquement nous aligner sur nos voisins ontariens dans tel poste particulier ou tel organisme particulier. Etant donné, qu'eux n'ont pas de politiques générales bien établies, on pourrait fort bien, à un moment donné, s'aligner sur des sténodactylos de telle régie ou des commis de telle régie, mais, pour ce faire il faudrait analyser avant, si dans la province voisine, ces commis ont un niveau de traitement identique à d'autres commis dans des emplois similaires du même gouvernement. Ce qui ne se produit pas, compte tenu du fait qu'ils n'ont pas de grille de traitements s'approchant d'une régie à l'autre, de la grille de traitements la plus identique possible.

Nous pourrions toujours plaider, d'un côté, qu'il faudrait nous aligner sur un et puis, nous, plaider de nous aligner sur l'autre. Je pense que cela pourrait faire un beau plaidoyer mais ce ne serait peut-être pas une politique des plus effi- caces. Ce serait renoncer, pour nous, à toute réorganisation de notre structure. Ce serait, au fond, renoncer à la politique que nous avons tenté d'appliquer et qui est basée sur les cinq principes du début. Au fond: travail égal, justice égale.

Nous ferions par cela bien des comparaisons et des acceptations. Nous rétablirions des situations que nous avons tenté et que nous avons réussi de corriger, parce que, justement ici, nous les croirions injustes. Le problème n'est donc pas de savoir si, organisme par organisme, emploi par emploi, le Québec et l'Ontario s'alignent, mais, au contraire, si dans l'ensemble des structures de traitements, le Québec est inférieur, égal ou supérieur à ce qui se paie dans POntario.

Or, il est certain que la structure des traitements dans le secteur public québécois a été relevée au niveau général ontarien avec, évidemment, des taux plus élevés dans certains domaines et des taux moins élevés dans d'autres domaines, compte tenu de la différence des structures de négociations. La politique salariale est donc basée sur cinq principes que nous avons mentionnés au début et le calcul du rythme de croisière des augmentations est fait selon les principes que nous venons de voir dans notre deuxième partie. La phrase de rat-trappage est, en général, terminée. La normalisation, dans certaines clauses, est, à toutes fins pratiques, achevée. Nous entrons donc dans la seconde phase de la politique salariale, au cours de laquelle il s'agit, de convention en convention, d'opérer un relèvement régulier des niveaux de traitements, compte tenu de l'augmentation du coût de la vie, du rendement des impôts, de l'augmentation des effectifs dûs à des programmes nouveaux ou de l'augmentation de la population.

Il est certain que les négociations des conventions de travail restent, à l'heure actuelle, à l'intérieur d'un schéma conventionnel qui est celui que j'ai reçu lorsque nous avons commencé. Ce schéma ou cette structure de négociations peut évidemment être changée. Cela amènerait une nouvelle structure énoncée par le gouvernement ou des changements au code du travail ou aux lois existantes.

Là-dessus, je sais que le premier ministre a des choses à dire et, avec votre permission, je lui laisserai le soin d'exposer cette partie de la politique gouvernementale qui serait projetée dans le futur.

En terminant, je rappelle un certain nombre de choses de l'exposé. Il est normal que le gouvernement s'inspire de certains principes dans ses offres de salaires qui sont présentées à l'oc-

casion des différentes négociations avec les employés du secteur public, c'est-à-dire avec ceux dont le salaire émarge directement ou indirectement au budget de l'Etat.

Je rappelle ces principes. Alignement pour des emplois analogues avec les employeurs du même genre que lui, compte tenu des heures et d'autres conditions de travail et de l'économie générale du Québec.

Conséquence, dans certains cas, un rattrap-page se fait. Exemple, les agents de la paix. Cela signifie un rattrapage, mais cela signifie, dans d'autres cas, qu'il n'y a pas de rattrapage compte tenu de ces principes, celui-ci ayant été fait avant.

Deuxièmement, normalisation de la structure des salaires, c'est-à-dire taux de rémunération sensiblement les mêmes pour des emplois qui ont les mêmes caractéristiques. Exemple, un employé de secrétariat, dans le gouvernement, est à nos yeux un employé de secrétariat identique à celui qu'on retrouve à l'hôpital ou qu'on retrouve dans un collège d'enseignement, si les conditions d'admissibilité à cet emploi sont identiques. Bref « equal pay for equal job ».

M. LESAGE: « Equal work ».

M. MASSE: Autre point, élimination de la discrimination contre les femmes. Exemple, les instituteurs, les institutrices, aux yeux de l'Etat, doivent avoir le même poids. Egalement, selon ce principe, écart entre employés non spécialisés et employés spécialisés, écart que nous tendons à augmenter compte tenu de notre politique d'éducation.

Egalement, élimination des différences régionales pour garder du personnel compétent sur l'ensemble du territoire, peu importent les régions. Exemple, les infirmières dans les hôpitaux doivent être gardées aussi bien dans les centres moins populeux que dans les régions métropolitaines. Autre point, aménagement des carrières professionnelles pour maintenir la stabilité nécessaire de ce type de main-d'oeuvre professionnelle, coûteux à entraîner pour l'Etat et la population et à qui nous devons offrir, à l'intérieur du secteur public, des possibilités de travail.

Ensuite, le rythme de croisière, hausse des niveaux de salaires à un certain rythme compatible avec la croissance des revenus de l'ensemble de la population en tenant compte de la structure des échelles. Exemple, les catégories qui ont une échelle où il y a moins d'augmentations annuelles peuvent recevoir à la négociation un montant plus élevé.

Depuis que la ronde des négociations dans le secteur public est ouverte, c'est-à-dire depuis le début de cette année, plusieurs syndicats ont accepté ces principes et ont accepté leurs conséquences inscrites dans les propositions du gouvernement. Ces principes ont été les mêmes pour toutes les tables de négociation et leur application a été la même et nous avons conclu des conventions avec les fonctionnaires du gouvernement, 20,000 syndiqués, avec les ouvriers du gouvernement, 10,000 syndiqués, avec les agents de la paix, 2,200 syndiqués, avec les professionnels au service de l'Etat dont la convention n'est pas signée mais en totalité paraphée, 2,500 syndiqués, avec le personnel des agences sociales sur l'ensemble du territoire, les professeurs de l'Etat, 4,000 syndiqués, les professeurs du SPEQ, les professeurs des collèges privés, SPE, certains collèges publics avec lesquels on a une convention collective de signée, au CEGEP de Sainte-Foy également chez les employés de la raffinerie de sucre et, dans d'autres domaines, les négociations se poursuivent.

Nous osons croire et nous espérons que d'autres groupes accepteront également ces offres bientôt dans le secteur de l'enseignement et dans le secteur des hôpitaux. Il est vrai que les principes ou les fondements de notre politique n'ont pas été connus publiquement jusqu'à maintenant, dans ses moindres détails. Mais je pense qu'il est toujours difficile de demander à un général de faire connaître, avant un important mouvement, la totalité de ses munitions et la totalité de ses réserves.

Je termine en disant que cette politique que je viens d'énoncer l'a déjà été, en particulier au congrès des jeunes chambres de commerce de Montréal à l'Estérel, que le résumé de ce texte a été publié. Pour sa part, le cabinet, nécessairement, avait approuvé cette politique avant, mais je crois qu'il était nécessaire, à l'ouverture de ce comité, pour compréhension, d'en revenir à ces principes déjà exposés, pour pouvoir continuer les deux phases suivantes qui sont la phase de cette politique dans la RAQ et notre troisième phase sur laquelle nous nous sommes entendus, la RAQ comme telle.

Ces choses ont pu peut-être être lourdes, mais je crois qu'elles étaient nécessaires et je remets la parole au président du comité.

M. LE PRESIDENT: M. Lesage.

M. LESAGE: J'aurais une question sur une question de principe. Est-ce que le gouvernement, dans l'établissement de sa politique salariale, c'est-à-dire sa mise en oeuvre si vous

voulez — et je parle en général, je ne parle pas de la RAQ — fait en sorte que la partie rattrapage de l'opération soit inscrite dans l'échelle de salaires qui vient en vigueur immédiatement à la signature de la convention ou bien si la partie rattrapage peut être divisée sur la période de 36 mois?

M. MASSE: Oui, les deux formules existent, selon la négociation, selon ce que nous croyons possible de faire dans un domaine ou dans l'autre. Compte tenu du marché du travail et de tout, les deux principes sont appliqués. Dans certains domaines, le montant de rattrapage est beaucoup plus fort au départ, dans d'autres, il est échelonné sur les trois ans, dans d'autres, il apparaît surtout à la deuxième année, dans d'autres à la troisième année et même, dans certaines négociations, on a calculé, sans nécessairement toujours l'inscrire, une possibilité de rattrapage sur un plus long terme même que celui de la convention collective.

M. LE PRESIDENT: M. Michaud.

M. MICHAUD: Le ministre a-t-il l'intention, plus tard, d'expliquer pour le cas précis de la Régie des Alcools...

M. MASSE: Oui, oui.

M. MICHAUD: ... du Québec les mécanismes...

M. BERTRAND: Oui, oui.

M. MASSE: Je tiens à le répéter pour que l'on se comprenne bien, trois étapes: d'abord les principes généraux — ensuite nous pouvons en discuter — deuxième étape, l'application dans la RAQ et troisième étape, la RAQ comme telle.

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'aurais une question à poser au ministre.

M. LE PRESIDENT: M. Choquette.

M. CHOQUETTE: Est-ce que vous pourriez nous dire quel est le taux de croissance moyen des ressources fiscales sur la période des huit dernières années? Je répète la question: Est-ce que le gouvernement a mesuré le taux de croissance moyen des ressources fiscales avec un système fiscal qui n'aurait pas varié sur la période des huit dernières années? Pouvez-vous me dire le résultat de ce calcul?

M. MASSE: Je pense bien qu'un gouverne- ment qui ne calculerait pas la rentabilité de ses impôts serait un gouvernement qui aurait de la difficulté à payer ses comptes.

M. CHOQUETTE: Pourriez-vous me le dire, s'il vous plaît?

M. MASSE: Le taux de rentabilité des impôts?

M. CHOQUETTE: Le taux de croissance moyen...

M. MASSE: Vous avez dans le sens...

M. CHOQUETTE: ... sur une période X d'années, j'ai huit années parce que je pars de 1960, mais on pourrait partir antérieurement si vous le voulez. Je veux savoir le taux de croissance moyen du rendement des impôts compte tenu qu'on aurait un système fiscal qui n'aurait pas varié durant ces années-là.

M. MASSE: C'est ce qui est publié à chaque année dans certains rapports, entre autres, je pense le rapport du ministère de l'Industrie et du Commerce qui est déposé annuellement ou dans d'autres rapports.

M. CHOQUETTE: Je vois que M. Parizeau est derrière vous et je pense qu'il pourrait vous inspirer une réponse si vous daignez vous tourner vers lui parce qu'il me semble que, dans l'élaboration de cette politique salariale, il y a un fait fondamental, c'est le taux de croissance moyen dans le passé du système fiscal.

M. BERTRAND: Nous pourrons, M. le Président, fournir ce renseignement d'une manière très précise pour le passé et, deuxièmement, les prévisions pour l'avenir, si mon collègue, le député d'Outremont, veut attendre et s'il veut me permettre de faire au président une suggestion.

M. CHOQUETTE: Bien, écoutez, je suis content que le premier ministre prenne la question au sérieux, plus au sérieux que le ministre...

M. BERTRAND: Non, non.

M. CHOQUETTE: ... et je suis content aussi que le premier ministre ajoute à ma question — et il a raison, je pense — les prévisions pour l'avenir du rendement du système fiscal en tenant pour acquis que nous maintiendrions en vigueur exactement les mêmes impôts que nous avons aujourd'hui.

M. BERTRAND: J'ai répondu au député d'Outremont. M. le Président,...

M. MASSE: Apporte-moi ton chèque, je vais f expliquer ce qu'il faut faire.

M. BERTRAND: ... il me semble qu'après avoir entendu le représentant, le porte-parole délégué du cabinet, sur les éléments fondamentaux, les critères et les principes qui en sont le fondement, que nous devrions, avec la permission du comité bien entendu, entendre les négociateurs syndicaux ou ceux qu'ils choisiront et qui sont les plus directement mêlés à ce problème de politique salariale et de ses incidences sur la RAQ. Je leur laisse le choix de leurs représentants avec la permission du comité...

M. LESAGE: Maintenant, après...

M. BERTRAND: ... à l'heure actuelle, sur ce qu'on appelle la politique salariale, les principes qui viennent d'être énoncés. Après quoi nous franchirons l'autre étape indiquée et nous entrerons dans la RAQ. Messieurs les membres...

M. LESAGE: Je pense qu'il s'agit pour nous de laisser le choix.

M. BERTRAND: C'est ce que J'ai dit.

M. LESAGE: Parce qu'il est fort possible que M. Pepin, M. Parent, M. Lalancette et leurs collègues préfèrent entendre le ministre parler de l'application de ces principes au cas de la Régie des alcools avant d'intervenir, mais il est fort possible aussi qu'ils aient des commentaires à faire sur l'exposé de principe de la politique salariale. Alors je pense que ce serait juste, comme le premier ministre l'a dit. Evidemment si le député veut m'empêcher de marquer mon accord avec le premier ministre il peut nous interrompre et nous contredire.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il ne faudrait pas briser le climat dans lequel la réunion a débuté, si on est bien d'accord.

M. BERTRAND: Dans ma proposition appuyée par le chef de l'Opposition, nous laissons aux principaux intéressés le choix de leurs porte-parole sur ces principes.

M. LE PRESIDENT: M. Pepin, vous avez la parole.

M. PEPIN: M. le Président, M. le premier ministre, M. le chef de l'Opposition, Messieurs les députés, je voudrais au point de départ, avant d'aller au fond du problème dont M. Masse a donné l'explication théorique ce matin, vous signaler que pour moi il n'y a pas de dogme. Le premier ministre a pris la peine de dire qu'en politique il n'y avait pas de dogme, j'ajouterai, quant à moi, que je ne connais pas la politique, et je dirai qu'en négociations non plus, il n'y a pas de dogme. Et quand on essaie d'ériger en dogmes certaines politiques, certaines positions, je vous assure que cela conduit, pres-qu'à coup sûr, à une impasse, à des difficultés très sérieuses.

Avant d'aller au fond du problème, si le président du comité, si les membres du comité le permettent, je préfère, comme ce n'est pas une question de dogme, pour moi, M. le premier ministre et messieurs les membres du comité, entendre, puisque M. Masse a si bien commencé, la version du gouvernement sur tous les points.

Immédiatement après, je serai, bien sûr, disposé à intervenir et voici le genre d'intervention que je suggère au président et aux membres du comité. Lorsque le gouvernement aura terminé son exposé sar les trois aspects décrits par M. Masse, un de ces aspects étant terminé, j'ai l'intention, si les membres sont d'accord, d'intervenir et de faire à mon tour un exposé qui sera peut-être moins complet que celui que M. Masse a fait mais qui contiendra sans doute des éléments. Peut-être que nous nous rejoindrons sur cervains aspects, mais il est probable aussi que nous nous distancerons sur certains autres.

Lorsque les membres du comité, après cet exposé, voudront en savoir plus au niveau technique, au niveau de la connaissance des problèmes, ils auront à leur disposition le secrétaire général de la CSN qui est présent, depuis quelques semaines au moins, à la table des négociations. Il y a le négociateur en chef, M. Jean-Paul Lalancette, il y a les deux président s de syndicats qui sont ici: celui du syndicat des ouvriers et celui du syndicat des fonctionnaires. Ces personnes seront à la disposition complète de tous les membres du comité.

Donc, la requête que je vous fais, M. le Président, de même qu'aux membres du comité, quant à moi, c'est de laisser voir comment la politique, maintenant, celle qui a été appelée politique, s'inscrit dans les faits, et par la suite j'interviendrais, et sur les questions de principe et sur les questions pratiques, si vous me le permettez.

M. GRENIER: M. Pepin, M. Bertrand de-

mande la parole.

M. BERTRAND: M. le Président, il est vrai, et je ne retire pas l'expression, que j'ai dit qu'il n'y avait pas de dogmes. Toutefois, et j'ai bien ajouté, que, premièrement, une politique salariale du gouvernement existe. Deuxièmement, que cette politique, et les principes qui ont été énoncés par mon collègue, M. Masse, concilient d'après nous, les intérêts fondamentaux des travailleurs, concilient ce problème, avec, également, les impératifs du bien commun et une saine gestion des finances publiques, conforme aux intérêts du peuple, car en fait, j'ai conclu que c'est le peuple qui paie les impôts. Or, cette prise de position du gouvernement — on l'a noté, M. Masse en a donné des exemples — ces principes ont été appliqués dans plusieurs conventions collectives qui ont été signées depuis quelques mois.

C'est pourquoi j'aurais aimé, à ce moment-ci, indépendamment du conflit particulier qui fait l'objet des travaux de ce comité, entendre les représentants du syndicalisme sur les principes fondamentaux. Nous leur en avons laissé le choix. C'est pourquoi nous voulions procéder par étapes. J'ai également déclaré tantôt — et je pense que tous en conviendront — que ce comité n'est pas, ne doit pas être et ne sera pas, quant à nous, — je pense que je peux parler au nom de tous les députés — une table de négociations pas plus qu'un conseil d'arbitrage; il n'aura pas non plus, le rôle de conciliateur, de négociateur ou de médiateur. Ce n'est pas notre rôle. C'est pourquoi, M. Pepin, j'aurais aimé, quant à moi, vous entendre sur les principes fondamentaux qui ont été énoncés. D'ailleurs vous les connaissez vous-même, puisque vous avez été mêlé d'assez près aux négociations dans d'autres secteurs publics et même, à l'heure actuelle — sans aucun doute - para-publics. Ces principes ont été déjà publiés, ils ont été repris ce matin avec plus de détails, c'est pourquoi nous aurions aimé vous entendre à ce stade de cette première étape. Est-ce qu'il est possible de vous entendre?

M. LE PRESIDENT: M. Pepin.

M. PEPIN: Je ne sais pas s'il est possible de me comprendre; c'est une autre affaire!

M. BERTRAND: Nous allons essayer.

M. LESAGE: Il faut bien comprendre l'attitude de M. Pepin car, après tout, il aime mieux aller au pratique. Il aimerait bien discuter d'un coup l'application pratique des prin- cipes d'une politique salariale. Il me semble que c'est bien compréhensible; si j'étais à sa place c'est comme ça que je ferais moi aussi.

M. BERTRAND: Oui, mais étant donné que vous n'êtes pas à sa place et qu'il a l'habitude de garder la sienne, je lui laisse le soin de décider si ce ne serait pas une bonne façon de procéder.

M. CHOQUETTE: Vous le mettez dans une situation embarrassante.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BERTRAND: Je préfèrerais de beaucoup, et je sais qu'il en est capable, que celui à qui je m'adresse réponde. S'il a besoin de vos conseils il vous les demandera.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je demande la parole.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. Pepin.

M. CHOQUETTE: Je suis membre du comité et j'ai droit de parole.

M. LE PRESIDENT: Les députés ont droit de parole, bien sûr, mais la parole est actuellement à M. Pepin. Je la donne à M. Pepin.

M. LESAGE: J'ai invoqué le règlement...

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on a le droit?

M. LESAGE: Oui, certainement...

M. LE PRESIDENT: A quel article?

M. LESAGE: ... vous n'avez pas le droit...

UNE VOIX: On va vous envoyer à l'école, M. le Président.

M. BERTRAND: M. le Président, il y a des remarques qui sont faites et qui sont de nature à gâter l'atmosphère de ce comité. Sachons donc tous, il me semble, garder la maîtrise de nos nerfs et laisser le président répondre à la demande du député d'Outremont.

M. LESAGE: C'est le président qui m'a demandé si nous avions le droit, en comité, de soulever une question de règlement. J'ai dit oui.

M. BERTRAND: Laissons donc le président répondre à la demande que formule le député d'Outremont.

M. LESAGE: M. Choquette va répondre.

M. CHOQUETTE: Voici, M. le Président, je formule cette demande parce qu'il me semble qu'en toute justice pour ceux qui sont à la barre, nous devrions leur demander d'exposer leur point de vue...

M. GABIAS: Ce n'est pas un point de règlement, ça!

M. CHOQUETTE: M. le Président, le député de Trois-Rivières en profite pour m'interrompre!

M. GABIAS: Oui! Voici, M. le Président,...

UNE VOIX: On n'interrompt pas quelqu'un qui ne parle pas.

M. GABIAS: ... le député d'Outremont se lève, disant: J'ai un point de règlement à soulever. Il est clair - et il paraît évident à tout le monde - que ce qu'il expose présentement n'en n'est pas un. Il est de mon devoir de rappeler le député d'Outremont au règlement.

M. CHOQUETTE: Merci, M. le Président. J'insiste. Lorsque quelqu'un comparait à la barre, que ce soit à celle d'un comité de la Chambre ou d'un tribunal, on ne lui demande pas de diviser son argumentation en deux parties après que quelqu'un a fait un exposé, pour revenir à la charge plus tard. Il me semble que, puisque nous sommes ici pour entendre les données de la politique salariale du gouvernement concernant la Régie des alcools, que le ministre devrait faire son exposé au complet. Après cela, les représentants du syndicat pourront à leur tour faire un exposé sur l'ensemble de la situation.

M. GABIAS: M. le Président, si vous le permettez... Le député d'Outremont est un avocat brillant. Il sait fort bien — parce qu'il prend comme exemple une procédure devant les tribunaux ordinaires — qu'une procédure commence par une déclaration, qu'il y a ensuite une défense qu'il y a ensuite une réponse, et qu'il y a ensuite une réplique.

M. MALTAIS (Saguenay): Il y a des délais de moins!

M. GABIAS: Or, le ministre attaché à la Fonction publique...

M. MALTAIS (Saguenay): Il y a des délais aussi!

M. GABIAS: Mais contrairement à ce qui se passe dans les tribunaux, je crois que tout le monde est intéressé à ce que les délais soient mis de côté.

M. MALTAIS (Saguenay): Le plus court possible, en tout cas! Du côté le plus court possible!

M. GABIAS: C'est ça! Que ce soit vraiment le côté qui permettra d'en arriver à une solution.

M. MALTAIS (Saguenay): C'est bon, cela.

M. GABIAS: Je dis donc que le ministre délégué à la Fonction publique a exposé la politique salariale. Il est donc normal, et je le soumets au comité, que M. Pepin fasse connaître à ce stade, s'il est oui ou non d'accord avec la politique salariale. Quand entrera la question dite pratique, je crois comprendre que le délégué à la Fonction publique exposera la politique du gouvernement en ce qui concerne la question pratique. Ensuite, M. Pepin pourra y répondre. Je crois que cela, c'est logique et dans l'ordre; je pense que le président de la CSN conviendra que c'est une façon logique de procéder.

M. CHOQUETTE: M. le Président... DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!1

M. LE PRESIDENT: Un instant, M. Choquette. Nous avons perdu, la semaine dernière, au comité de l'éducation des heures et des heures sur la procédure. Alors, nous sommes en train de nous engager dans la même voie aujourd'hui. Il me semble qu'il y aurait moyen dans un climat comme celui dans lequel nous avons commencé cette réunion ce matin, qu'il serait si simple de savoir ce qu'a à dire M. Pepin. Il pourrait tout simplement nous dire: Oui, je veux prendre la parole ou, non! Donc, pourquoi ne pas l'entendre d'abord?

M. Pepin.

M. PEPIN: Merci, M. le Président. Vous comprendrez qu'à la barre, on ne sait pas trop lorsqu'un député se lève, si on doit se rasseoir ou si on doit parler même si vous nous donnez la parole. Alors, comme nous ne sommes pas habitués dans ces procédures...

M. BERTRAND: Gardez-la pendant que vous l'avez, M. Pepin!

M. PEPIN: Si j'en vois un qui se lève, M. le Premier ministre, je vais faire comme je fais avec vous, je vais répondre immédiatement, rapidement, pour ne pas la perdre. Le moins possible!

Mais, je voudrais — avant de donner une réponse négative ou affirmative — essayer d'expliquer un peu mon point de vue. Si vous me le permettez!

M. BERTRAND: Avec plaisir.

M. PEPIN: Voici pourquoi je vous suggère que nous procédions un peu différemment de ce qu'a suggéré le premier ministre et l'honorable député de Trois-Rivières. Je sais qu'il m'a placé dans une situation en disant; Si vous voulez être logique, procédez de cette façon. Cela, je le comprends. Seulement moi, je ne pars pas de la même façon que le gouvernement pour arriver à ses conclusions. Le gouvernement, apparemment — d'après ce que nous avons compris ce matin de l'exposé théorique de l'honorable ministre — lui, il est parti avec un grand schéma théorique, puis il est descendu après. Nous, dans les organismes syndicaux, je vais vous dire que nous ne procédons pas toujours ainsi. C'est que nous pouvons aussi regarder les cas qui sont devant nous. Et avec l'exposé que j'ai à formuler devant le comité, je serai constamment arrêté, parce que vous allez me dire: Cela touche à la deuxième partie, cela c'est vraiment de la première partie.

Voilà pourquoi. Parce que moi, je n'ai pas suivi exactement le plan fait par l'honorable ministre — je n'ai pas suivi ce plan-là. J'ai le droit au moins d'avoir mon propre plan! Donc, je serai pris dans une espèce de camisole, non parce que vous voulez qu'il en soit ainsi! Mais, si j'avais suivi exactement le même plan; très bien! Mais comme, de mon côté, lorsque je parlerai, si je vous parle sur le cas même de la RAQ, vous allez dire: Attends une minute, tu en reparleras un peu plus tard!

Alors, pour ces motifs, je vous suggère — mais si le comité dit: Parle tout de suite: bien sûr, je parlerai tout de suite — qu'il serait plus approprié que nous écoutions l'autre partie, et après cela, que nous puissions y revenir.

Maintenant, je ne veux froisser personne. Je veux être absolument agréable et garder un ton serein, comme d'habitude.

M. BERTRAND: M. Pepin, M. le Président, si vous me permettez! M. Pepin, personne ne sera offensé, au contraire.

Si, dans la réponse, dans l'énoncé de vos principes, vous faites comme le ministre a fait tantôt, vous dites: Ce principe-là, par exemple, ne s'est pas appliqué au sujet des fonctionnaires, ce principe-là ne peut pas s'appliquer à la RAQ, personne ne vous accusera. Quant à moi, parlant pour moi-même, personne ne vous accusera de franchir une étape qui ne le devrait pas. Autrement dit, nous allons mettre les « avocasseries » de côté et, si vous voulez vous exprimer sur le fond, je crois que — et d'ailleurs, vous le savez beaucoup plus que moi — comme président d'une grande centrale syndicale, vous portez des responsabilités dans ce domaine. Même si vous êtes relié aux négociations, vous avez au nom de votre centrale des principes que vous exposez, que vous avez exposés. Ce matin, vous avez l'occasion, à ce stade-ci, sur des points assez précis, d'apporter ce que l'on appelle les arguments contraires ou les arguments qui s'opposent ou les admissions.

Voilà pourquoi nous avions trouvé que c'était non seulement logique mais raisonnable de vous fournir cette occasion dès le départ, après l'exposé de la politique du gouvernement. Est-ce que cela vous convient?

M. PEPIN: Ah, oui, je peux commencer immédiatement.

M. MICHAUD: M. le Président, à deux reprises, le président de la CSN vient de dire qu'il souhaiterait que le ministre...

M. BERTRAND: Il est prêt.

M. MICHAUD: ... d'Etat à la Fonction publique continue...

M. BERTRAND: M. Pepin l'a dit,... UNE VOIX: La discussion s'engage.

M. LESAGE: Vous voulez le faire dévoiler ses batteries, et puis après cela le mettre en boîte.

M. MICHAUD: Est-ce que nous ne pourrions pas continuer comme cela? Le ministre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LESAGE: Bien oui, c'est clair.

UNE VOIX: Mais que la discussion va s'engager après.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BERTRAND: M. le Président, M. Pepin est prêt. Laissez le donc parler!

M. LESAGE: C'est parce que cela fait votre affaire.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. PEPIN: Alors, M. le Président, messieurs les membres du comité, je voudrais cependant me garder, non pas un privilège, je n'en ai aucun ici, mais je voudrais savoir, si lorsque monsieur — je n'ai pas le droit de l'appeler par son nom, je pense, en Chambre...?

M. MALTAIS (Saguenay): Marcel pour les intimes.

M. PEPIN: Je voudrais savoir si lorsque M. Masse aura parlé sur la deuxième ronde nous pourrons aussi y revenir?

M. BELLEMARE: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Avec plaisir.

M. GABIAS: Le gouvernement a changé.

M. MALTAIS (Saguenay): Cela va changer encore.

M. BERTRAND: A l'ordre!

M. PEPIN: Je suppose que ce sont des choses politiques qui se sont dites. Moi, je n'ai rien compris.

M. MALTAIS (Saguenay): Il n'y a pas de précédent.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. Pepin.

M. PEPIN: Je me vois forcé au point de départ d'essayer de dire qui nous représentons dans ce conflit pour le relier comme vous le verrez à la question de la politique dite salariale du gouvernement.

Je dois aussi vous prévenir que cet exposé que je fais, pour l'instant impromptu, n'aura pas un ordre aussi chronologique qu'il aurait dû avoir, mais je vais essayer de me faire comprendre le plus clairement possible.

Je voudrais vous rappeler d'abord qui sont les employés de la Régie des alcools, parce que, si on essaie de leur appliquer une politique salariale, il faut au moins savoir à qui on l'applique. D'après les chiffres que nous avons, ce sont des gens dont l'âge moyen est de 43 à 65 ans.

D'après ce que je comprends des chiffres qu'on m'a fournis, il y a 2,627 hommes, 88% donc de la clientèle ou des employés sont masculins et de ce nombre 82% sont mariés. On me dit aussi que la famille moyenne est de deux adultes et deux enfants, ce qui veut dire une famille moyenne, dans ce cas-là, de quatre personnes. On m'informe qu'il y a des employés qui sont distribués de la façon suivante quant à leur situation maritale. Il y en a 109 de sept à douze dépendants, il y en a 72 ayant six dépendants, 96 ayant cinq dépendants, 139 ayant quatre dépendants, 276 ayant trois dépendants.

Je pense que c'est important pour les membres du comité, pour essayer de comprendre la source du conflit, quel est le problème exact qui se pose. Je voudrais aussi signaler aux membres du comité quel est le salaire moyen de chacun des groupes. Je pense que cela aussi s'inscrit dans les choses que votre comité doit savoir. Cela va rejoindre éventuellement la question de politique générale.

On m'informe que les salaires moyens, au 31 octobre 1967, date d'expiration de la convention — vous comprendrez aisément pourquoi j'ai choisi cette date, puisque c'est la date d'expiration — dans les bureaux, d'après nos chiffres à nous, c'est $81.25; dans les magasins, $81.88; dans les entrepôts, $78.23. Ensemble, si l'on fait une moyenne pondérée, d'après nos calculs, on en arrive à une moyenne de $80.30, salaire net.

DES VOIX: Brut.

M. PEPIN: Brut. Net, j'y reviendrai dans un moment, messieurs. Je sais, d'autre part, — et je voudrais éviter un débat sur une question de moyenne — que les gens de la RAQ, les employeurs prétendent que le salaire moyen, au lieu d'être de $80.30 serait de $81.63. Nous ne sommes pas tellement éloignés quant aux chiffres. Je voudrais aussi vous dire que ce salaire est un salaire brut. Quand on le décompose on en arrive à un autre taux, à un autre montant Je pense que c'est intéressant pour vous d'avoir les chiffres. Parce que, pourquoi y a-t-il un conflit? Pourquoi les gens n'acceptent-ils pas une prétendue politique salariale? Bien, parce qu'ils ont des problèmes quant à nous et, parmi ces problèmes-là, la question du revenu.

Si les chiffres que je viens de mentionner sont vrais, cela voudrait dire que le salaire moyen annuel est de $4,171.96. Si on enlève toutes les déductions, dont la cotisation syndicale — au cas où vous n'y auriez pas pensé, moi j'y pense, vous comprendrez que c'est là qu'est mon revenu — si on enlève toutes les dé-

ductions: le régime des rentes, le fonds de pension, la cotisation syndicale, l'assurance-maladie, l'assurance-décès, l'impôt provincial, l'impôt fédéral, parce qu'il s'agit d'un salaire moyen qui excède légèrement les $4,000 donc l'impôt provincial vient là-dessus, alors, on enlève au total, $588.20. Ce qui veut dire qu'on resteavec un revenu annuel, un salaire annuel moyen de $3,583.76. Ce qui veut dire, par semaine, $68.91. Que l'on ne soit pas surpris, si avec de telles conditions et même si on me dit qu'il y a d'autres employés qui reçoivent exactement le même montant, qu'on ne soit pas surpris, s'il y a un dur conflit qui prend du temps à se régler.

J'ai mentionné, précédemment, à ma première intervention, qu'on ne peut pas régler ces genres de problèmes d'une façon dogmatique. Quand f ai dit cette chose, ce n'est pas du tout en rapport avec ce que l'honorable premier ministre avait mentionné au point de départ. Comme il Pavait utilisé et que je l'avais dans mes notes, tout simplement, je m'en suis servi, moi aussi.

On ne peut pas régler ces problèmes d'une façon dogmatique. Je ne connais pas d'entreprises qui vont se faire une politique dite salariale et qui vont l'appliquer à tout le monde et tout le temps pour le reste de leurs jours.

Pour ça, il faudrait faire extrêmement attention, même au gouvernement. Je sais bien qu'il peut me dire: On va changer la politique éventuellement. Mais qu'il la change comme il l'a fabriquée cette année, et vous comprendrez que nous nous sentons un peu isolés, nous les syndicats ouvriers. Parce que nous ne sommes pas présents nulle part. Même si nous sommes d'accord sur certains principes, même si nous sommes d'accord, par exemple, pour qu'à travail égal soit payé un salaire égal, il n'y a pas de problème là-dessus. Ce que je voudrais que vous sachiez, ce n'est pas une question de politique salariale à ce moment-là. Ce n'est pas de la politique salariale en tant que telle.

A mon avis, les principes qui ont été émis par l'honorable M. Masse ne font pas partie en tant que tels de ce que je pourrais comprendre être une politique salariale. C'est une façon de déterminer des traitements au niveau d'un groupe de salariés, de ce que je pourrais appeler une politique où, à ce moment-là, on aurait des critères ou des données de base qui seraient beaucoup plus larges et beaucoup plus étendues que ce que nous avons entendu ce matin de l'honorable M. Masse.

Lorsque vous parlez des écarts régionaux, lorsque vous parlez du travail égal à salaire égal, lorsque vous parlez de l'incitation du problème suivant lequel les employés qui sont disons dans une catégorie de machinistes doi- vent être mieux payés que ceux qui sont des journaliers, je ne crois pas, M. le Président, messieurs les membres du comité, que nous puissions dire que c'est vraiment cela une politique salariale.

Est-ce que le gouvernement du Québec décide d'être considéré comme un bon employeur dans le sens « good employer »? Est-ce que le gouvernement du Québec entend être à la fine pointe de la rémunération? Est-ce que le gouvernement du Québec a, de ce côté, une politique à faire valoir? Cela, il me semble que ce serait encore beaucoup mieux que de traiter des autres éléments, des critères énoncés par M. Masse, ce matin.

Ce que je voudrais vous dire aussi, c'est que dans les critères qui ont été mis de l'avant par M. Masse, je ne vois rien concernant un salaire décent aux employés. Si les employés avec qui on les compare, sont des employés mal payés, si ces gens reçoivent des salaires ridicules parce que l'entreprise privée les paie mal, parce que les syndicats ne sont pas organisés, pour une foule de raisons ou parce que l'entreprise n'est pas capable de payer, qu'est-ce qui arrive à ce moment-là? C'est que le gouvernement va dire: Moi, je vais les payer comme les autres.

Et si les gens ne peuvent pas vivre avec cet argent, s'ils ne peuvent pas vivre d'une manière décente avec l'argent qu'on leur donne, ce n'est pas très important, cela n'entre pas dans les cadres des critères généraux inscrits dans la politique salariale du gouvernement. Il me semble que cet élément du salaire décent, du salaire convenable, est un des articles très importants, surtout dans le cas d'espèce qui nous concerne.

Il n'y en a pas un parmi nous qui peut vivre d'une manière convenable avec un revenu de $3,500 ou de $3,800 par année. Il n'y en a pas un qui est capable de faire une vie raisonnable, à ce moment-là.

Donc, on a pas examiné, à ce moment-là, un des éléments de base, ce qui m'apparaît, moi, comme l'essentiel à assurer à tout le monde, aux employés de l'Etat, sachant, comme on l'a dit à deux ou trois reprises ce matin, qu'en définitive c'est le peuple qui paie. Je ne vois pas pourquoi le peuple, la population ne serait pas en accord pour accorder à ses serviteurs publics un salaire leur permettant de faire une vie, non pas luxueuse, mais à peu près décente.

Par les' taux actuels, par les propositions qui ont été faites par la régie, donc par le gouvernement, moi je vous dis que ce n'est pas raisonnable de dire: On va considérer que notre politique salariale est tellement rigide, tellement forte, qu'ils ont beau s'arranger comme ils

voudront. Hs ont beau faire des grèves la durée qu'ils voudront, ce n'est pas important. II va falloir, nous autres, s'en tenir à ces principes essentiels qui sont nos critères et qui, à ce moment-là, ne permettent pas aux gens de vivre d'une manière convenable.

Je crois donc que l'instrument qui s'appelle le rattrapage, dont il sera question sans doute dans la deuxième période, sera un instrument à examiner aussi de très près. Je voudrais aussi, au niveau des principes, M. le Président et messieurs les membres du comité, vous rappeler que ce n'est pas uniquement une politique salariale qu'il faut établir, c'est une politique de toute l'administration. Et les travailleurs, les salariés du gouvernement, quand ils auront l'impression ou que dans certains cas, ils ont la quasi-certitude que c'est uniquement dans leur cas qu'on serre les vis, qu'on ne les serre pas ailleurs, quand on a l'impression que la machine administrative n'est pas totalement structurée ou organisée, mais que dans le domaine de la Fonction publique, parce que cela représente probablement 50% au total du budget ou des budgets, on voit que c'est uniquement au niveau des salaires que cette politique devient très rigide et qu'on n'a pas de politique générale d'administration pour administrer vraiment le mieux possible tout ce que l'on a à administrer, je ne prête pas ici d'intention de mauvaise foi mais j'espère que je me fais bien comprendre.

Je sais que parfois on part de loin dans l'administration publique, de très loin. Alors, il y a des habitudes qui se sont créées. Cependant, toute la réforme qui a été, j'espère, bien commencée et qui s'accélérera, c'est une réforme qui, à ce moment-là, ne doit pas commencer à geler uniquement du côté des salaires.

Je voudrais aussi vous dire ce que j'ai compris de l'exposé général, sur certains points. Je voudrais vous mentionner qu'il me semble que la partie syndicale est complètement en dehors du jeu. Je sais bien qu'on nous a affirmé qu'en 1971 enfin nous serions là. On nous l'avait dit en janvier 1968 qu'on serait là cette année. On nous avait dit que tous les dossiers de recherche seraient ouverts aux parties, ouverts au public. On nous a dit cela dans cette même salle, ici.

On nous avait dit à ce moment-là qu'il fallait engager un dialogue. Je voudrais que vous sachiez en plus qu'il n'y a aucun syndicat ayant signé une convention collective qui, effectivement, a accepté la politique salariale du gouvernement parce qu'il n'y en a pas un qui la connaissait. Ils ont accepté des taux de rémunération, ils ont accepté des conditions de travail, ils ont fait la somme des avantages et la balance des inconvénients. Ils ont décidé, non pas d'accepter les principes, non pas d'accepter la théorie — ce n'était même pas expliqué quand cela a commencé — ils ont accepté designer un contrat parce que dans le temps ça faisait leur affaire.

Lorsque l'honorable Masse nous mentionne qu'éventuellement il doit y avoir consultations avec le gouvernement d'Ottawa, le gouvernement de l'Ontario, avec les grandes municipalités, lorsque ceci se présentera, moi je vous dis: N'oubliez pas dans vos consultations qu'il y a des employés et que ces employés-là n'accepteront pas tout le temps de ne pas être consultés et d'être complètement mis au rancart.

Je voudrais aussi que vous sachiez que, dans le cas de la Régie des alcools du Québec, il nous a semblé, nous, du côté syndical, qu'à certains moments, ce n'étaitpas le gouvernement qui menait tous les jeux, qu'à d'autres moments c'était la Régie des alcools du Québec et on a été assez mal pris, dans le fond, parce qu'on ne savait pas exactement où tout cela pouvait mener.

Quand la Régie des alcools du Québec négociait, quand on a eu un négociateur suivant l'autorité actuelle de la loi, vous comprendrez aisément que cela a pris pas mal de temps avant que nous ayons effectivement une réponse, à savoir si vraiment c'est le gouvernement qui décide de la politique salariale dans le cas de la Régie des alcools du Québec.

On me permettra aussi d'ajouter un certain nombre d'autres considérations. On a accusé dans bien des milieux, M,, le Président, les employés de la Régie des alcools du Québec — et j'en parle parce que ça fait toujours partie de la politique salariale puisque l'argument de productivité a été longuement soulevé par l'honorable M. Masse — d'être des gens qui n'étaient pas très, très compétents. On a laissé courir ces bruits-là.

On n'est pas ici pour négocier et ce n'est pas du tout mon intention mais je veux vous rappeler que, lorsque nous négocions un contrat de travail, je ne connais pas encore d'entreprises ni privées, ni publiques qui ont été d'accord pour nous dire: On va faire de la cogestion ensemble.

Non! Ce qui se passe, c'est que l'entrepreneur — qu'il soit privé ou public — dit : Négocie le plus durement possible. Mais il y a une chose que tu ne toucheras jamais, ce sont mes droits de gérance! Cela m'appartient. Tu vas les garder. Quand ce n'est pas inscrit dans le contrat, quand ce n'est pas marqué dans le contrat, je vous rappelle que le code civil est quand même encore là, que les droits appartiennent à l'employeur. Or, lorsqu'on vient nous dire que, s'il

y a de l'inefficacité à la Régie des alcools, c'est la faute des employés que nous représentons.

Ce que je veux que vous sachiez, s'il y a de l'inefficacité, ce n'est pas lafaute des employés; c'est la faute des administrateurs! Je n'ai pas à nommer personne! Pourtant, je vous dis que c'est là la source du mal. S'il y a un mal, s'il y a de l'inefficacité! Dans certains milieux, on nous a même reproché qu'il n'y a pas de terrains de stationnement près des magasins comme si, nous autres, nous pouvions acheter des terrains de stationnement pour que les gens viennent acheter de l'alcool aux magasins de la régie.

Je voudrais aussi vous rappeler que, si l'on parle de la productivité — je le souligne à M. Masse qui le sait sans doute - dans le cas d'un service public comme celui de la régie, le calcul de la productivité peut se faire d'une certaine façon. Je parle très rapidement mais je pense que je touche un certain nombre de sujets. Je voudrais vous mentionner en plus, qu'on a accusé encore d'être un nid à favoritisme... Mieux vaut se parler aussi clairement que possible, parce que cela fait partie de la question salariale, si l'on reproche, au groupe que nous représentons, d'être des gens qui ont été placés par faveur politique ou autrement, bien, je regrette, mais là-dessus j'entends ajouter que ce n'est pas nous, ce ne sont pas les syndicats qui embauchent à la Régie des alcools. Ce n'est pas nous qui les engageons sur une base temporaire pendant des semaines et des semaines, qui les mettons à pied puis les reprenons pour éviter qu'ils soient permanents; ce n'est pas nous qui pouvons faire ces choses-là! Quand on oppose toute la politique salariale à une situation comme celle-là, et quand on est surpris qu'il y ait de la résistance pour accepter une présumée politique salariale - pour l'instant, ce n'est pas encore entériné — en disant: Comment cela se fait-il qu'ils ne sont pas raisonnables, bien, ils ont une série de problèmes, comme ceux que je viens de décrire et plusieurs autres que je pourrais aussi décrire.

Je voudrais maintenant, M. le Président, messieurs les membres du comité, en parlant de cette question de politique salariale, vous mentionner qu'à mon humble avis, le gouvernement ne respecte pas, à l'heure actuelle, sinon la lettre du moins l'esprit du code du travail. Je vais essayer de m'expliquer.

Le code du travail - je ne vous parle pas des délais de prescription, je pense que vous allez bien me comprendre — le code du travail prévoit que les parties doivent, et c'est une obligation, négocier de bonne foi. Quand une partie déclare que la politique est décidée et qu'elle ne négociera pas sur ce point — je ne suis pas avocat, je ne veux pas faire d' «avocasseries » non plus - il me semble que ce n'est pas là une façon de négocier. En outre, il me semble qu'il est beaucoup plus raisonnable que les parties puissent s'expliquer des choses et voir comment on peut régler un problème plutôt que de dire: Nous ne négocierons pas sur la politique salariale. Je vous rappelle aussi que, dans certains milieux, qui ne sont pas exclusivement québécois, moi, j'y attache pas mal d'importance.

Vous savez, nous avons l'impression que des problèmes peuvent se régler de haut, et que des problèmes peuvent se résoudre quand on envoie des formules automatiques ou mécanisées. C'est une façon de régler des problèmes mais c'est une façon de régler des problèmes sur une base purement, exclusivement temporaire.

Il y a, dans certains milieux, dans certains autres pays, des endroits où l'on ne voulait pas leur accorder plus que 1,5%, 1,8% d'augmentation par année. Ce n'était pas possible. Il ne fallait pas augmenter la masse salariale. Il s'est produit des événements durs, très durs. Sans doute que le pays a été bouleversé mais, le lendemain, les accords ont conduit à une augmentation des traitements de cette année-là de 10%, dans d'autres cas de 30%. Il faut faire attention, dans ce domaine, pour ne pas ériger en dogme tout ce que nous pouvons croire et tout ce que nous pouvons considérer.

Je dis donc, M. le Président, que dans cette question de politique salariale, s'il y en a une véritable, ce n'est pas en fonction des critères qui sont devant nous. Lorsqu'on parle du travail égal, salaire égal, ça, je crois, que ça peut d'une façon déterminer les revenus ou les salaires au niveau d'une entreprise. Je voudrais que vous notiez que ces principes de «travail égal, salaire égal», nous n'y avons, au contraire, aucune objection et nous espérons que ce sera applicable aussi à la Régie des Alcools.

Je voudrais, aussi, que vous sachiez qu'il n'y a pas beaucoup de personnes qui peuvent s'objecter à ce qu'il y ait des écarts qui soient établis entre le minimum et le maximum. Cela me paraît convenable. Le montant, cependant, reste toujours, à mon avis, à discuter et à négocier et c'est au moment de l'imposer qu'on arrive, justement, dans des conditions difficiles. Les écarts régionaux, comme je vous le dis, pour moi, c'est encore une façon de déterminer, de programmer, comment est-ce qu'on va répartir l'argent dont on dispose? Les écarts régionaux, nous nous sommes assez battus dans le passé pour que les revenus soient égaux d'une région à une autre, que nous ne pouvons pas nous y objecter.

Le point essentiel dans la politique salariale, telle qu'elle nous a été expliquée, c'est qu'on n'a pas tenu compte de ce que j'appelle, moi, le salaire décent des employés. On n'a pas tenu compte de ce point fondamental. Si on n'en tient pas compte avec le déroulement qui nous a été proposé par M. Masse, qu'est-ce que ça voudra dire? M. Masse nous fait de la théorie à la fin. Il nous dit idéalement: Cela devrait conduire de la façon suivante, mais tout le monde continuera à augmenter à 6%, 6 1/2% ou 7%, ça dépend des chiffres. C'étaient des hypothèses qu'il a formulées. Mais si on part d'une mauvaise base, M. le Président, si on part d'une base où ça ne nous permet pas de vivre, eh bien, on ne vivra pas plus parce que les pourcentages d'augmentation qui sont prévus sont des pourcentages qui suivent l'évolution, le progrès de la vie.

Je voudrais aussi mentionner un point qui m'apparaît crucial. Lorsque vous décidez ou lorsque le gouvernement décide que sa politique est de 15% pour trois ans et qu'il applique les 15% à toutes les catégories de revenus, je comprends qu'il maintienne ses écarts entre le minimum et le maximum et je comprends qu'à ce moment-là la valeur relative des emplois reste la même.

Notez fort bien que si vous appliquez 15% à un revenu de $30,000 et si vous appliquez 15% à un revenu de $3,500 ou $4,000, nous sommes dans une situation complètement différente et complètement distincte.

Je pense que ce point, le gouvernement, lorsqu'il nous a exposé sa politique ce matin, n'en a pas tenu compte sauf en nous mentionnant que, dans certains cas, il doit y avoir du rattrapage. Et ce rattrapage, il semble aussi qu'il l'ait décidé unilatéralement.

M. BERTRAND: M. Pepin, je ne veux pas vous interrompre, vous continuerez si vous n'avez pas terminé. Je voulais — et j'ai parlé avec le chef de l'Opposition — que nous continuions les travaux cet après-midi, après la re- prise des travaux à 3 heures en Chambre, le feuilleton, les affaires du jour, la période des questions, et nous reviendrons ici.

Alors, je ne voudrais pas que vous vous sentiez à la hâte. Prenez votre temps. Et si, à ce moment-ci, vous préférez ajourner, vous nous suggérez d'ajourner. Je vais proposer que le comité soit ajourné à cet après-midi, après l'appel des affaires du jour, et nous continuerons avec M. Pepin. Je vois qu'il y a des mains levées pour savoir si d'autres personnes pourront être entendues, nous déciderons à ce moment-là, après que M. Pepin aura fini son exposé.

M. PEPIN: Alors, vers quelle heure, M. le Premier ministre?

M. BERTRAND: Nous allons revenir ici vers 3 h 30.

M. GABIAS: Cela dépend de l'Opposition!

M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition m'a dit que 3 h 30...

M. LESAGE: Non, je n'ai rien dit! M. LAPORTE: M. le Président.

M. BERTRAND: Que 3 h 30 n'est peut-être pas acceptable, c'est ce que vous avez dit.

M. LESAGE: Je n'ai rien dit!

M. LAPORTE: On va revenir dès qu'on va être prêt!

M. PEPIN: Nous serons ici, nous vous attendrons.

UNE VOIX: Le peuple attendra les élus du peuple!

(12 h 55)

Reprise de la séance à 16 h 42

M. GRENIER (président du comité): A l'ordre, messieurs!

M. BERTRAND: M. le Président, je crois... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BERTRAND: Je crois qu'il serait à propos, immédiatement, après entente avec le chef de l'Opposition, dont le parti doit tenir un caucus à 5 h 30 et, comme d'habitude, les partis tiennent des caucus à peu près en même temps que nous ayons nous aussi un caucus comme d'habitude. Nous en avons un chaque semaine, le mercredi. Au lieu de le tenir à 6 heures, nous le tiendrons à 5 h 30 comme nos amis, et les travaux de ce comité reprendront, au consentement unanime de la Chambre, demain matin à 10 heures, et se continueront jusqu'à 1 heure. Toutefois, demain après-midi, nous devrons reprendre les travaux réguliers de la Chambre.

M. le Président, je crois que M. Pepin avait la parole. Deuxièmement, je formule immédiatement une demande qui m'a été présentée, elle l'a peut-être été aussi à d'autres, à l'effet que, sur le fond de la politique salariale, M. Raymond Laliberté, qui a levé la main ce matin, serait désireux de nous entretenir durant une vingtaine de minutes. Il succéderait donc à M. Pepin, au moins au micro.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, sans faire la moindre obstruction, je désire seulement poser une question. Moi, évidemment, j'ai consulté mon caucus. Il n'y a pas de problème là-dessus.

M. BERTRAND: Avez-vous consulté le nouveau député indépendant?

M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais j'ai cherché son fauteuil et je ne l'ai pas trouvé.

M. BERTRAND: C'était un fauteuil mouvant qu'il avait cet après-midi.

M. BELLEMARE: Vous en avez déjà perdu un.

M. LEVESQUE (Laurier): Vous là, occupez-vous de vos pertes et puis laissez-nous avec les nôtres.

M. BELLEMARE: Vive la victoire!

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, j'ai dit, avant que le ministre du Travail commence à semer le désordre, comme d'habitude, que je ne voulais pas faire d'obstruction, que je voulais seulement poser une petite question...

M. BELLEMARE: D'accord, vous n'êtes pas un semeur de désordre.

M. LEVESQUE (Laurier): Si possible, vu que c'est un cas qui dure tout de même depuis 4 mois, qu'il y a des gens qui se sont dérangés pour venir de Montréal, très nombreux d'ailleurs, je ne sais pas. Est-ce qu'il serait inconcevable, les caucus se tenant vers 5 h 30, et le cabinet ayant ses choses à faire lui aussi, que, vers 8 hres ou 8 h 30, on puisse avoir une séance du soir quand même?

M. BERTRAND: Je dois déclarer que l'administration de la province, des problèmes extrêmement urgents, en particulier une conférence fédérale-provinciale des ministres des Finances, exigent que je m'absente...

M. LEVESQUE (Laurier): Vous êtes à peu près le seul...

M. BERTRAND: Je sais que cela ne vous intéresse plus. Mais ça nous intéresse encore. Et vous, après la réalisation des espoirs que vous formulez, il vous faudra quand même établir des relations...

M. LEVESQUE (Laurier): Ne commencez pas un débat!

M. BERTRAND: Donc, j'arrête. Je voudrais que l'on comprenne que, ce soir, nous sommes accaparés par ces besognes, mais je voudrais, au moins, qu'on ne perde pas de temps.

Quelqu'un me fait une remarque qui est fort à propos. Pour avoir plus d'argent au Québec, malheureusement à l'heure actuelle, il faut non seulement en chercher dans les goussets du contribuable québécois, mais il faut également aller exiger d'Ottawa que l'on nous rende ce que l'on appelle une partie de notre butin.

Alors, nous poursuivons jusqu'à 5 h 30 et nous continuerons demain matin, comme nous l'avons dit, à compter de 10 heures.

M. LEVESQUE (Laurier): Cela nous ramène dans le passé.

M. GABIAS: Ce n'est pas si mauvais. M. LE PRESIDENT: M. Pepin.

M. PEPIN: Merci. M. le Président, messieurs les membres du comité, comme tout le monde fait un caucus à 5 h 30, nous ferons un caucus des grévistes, nous aussi.

M. le Président, messieurs les membres du comité, je ne voudrais pas abuser du droit de parole que vous m'avez accordé. Je voudrais tout simplement, au point de départ, revenir sur quelques points que j'ai signalés ce matin, et après cela enchaîner avec d'autres sujets au niveau, encore, de la politique générale.

Je voudrais d'abord vous rappeler, M. le Président, messieurs les membres du comité, qu'une des assises fondamentales à laquelle nous croyons énormément, c'est cette question du salaire décent, un salaire minimum convenable. Je pense que cet élément n'est pas venu en ligne de compte dans la politique qui nous a été expliquée ce matin.

Je voudrais aussi vous rappeler un point que je mentionnais, M. le Président, c'est le problème que lorsqu'on applique des mêmes pourcentages à des salaires différents, cela donne fatalement des résultats qui ne sont pas différents, parce que nous regardons la relation d'un emploi par rapport à un autre, nous regardons la valeur relative, la comparaison relative reste la même, mais, au niveau des chiffres absolus, vous comprendrez aisément, comme moi, que celui qui gagne déjà $15,000 ou $16,000 par année, qui reçoit, lui, 15% ou 7 1/2% et puis l'autre qui gagne $3,000 ou $4,000 par année, à qui on dit: Bien, toi aussi, tu es dans cette même politique de 7 1/2% ou de 15%, qu'en chiffres absolus, il trouve ça gentil, que cela garde les relations entre les deux, mais qu'effectivement, cela donne énormément moins en chiffres absolus pour acheter le lait, chaque jour, ou pour acheter le beurre ou les autres denrées.

Je pense bien que je suis resté dans l'ordre. Je suis resté juste dans la limite probablement de ce qui pourrait s'appeler l'ordre.

M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas parce que ce n'est pas une question urgente...

M. MALTAIS (Saguenay): Il y a un petit relais.

M. PEPIN: Voulez-vous me permettre, s'il vous plaît, de vous dire que moi, je ne suis pas en haut, je suis en bas présentement.

M. LEVESQUE (Laurier): Vous êtes chanceux, vous.

M. PEPIN: II n'en dépend que de vous de l'être autant.

Maintenant, ce que je voudrais mentionner, M. le Président, c'est qu'une politique salariale comme telle ne peut, à mon avis, s'établir sans qu'elle s'inscrive dans le cadre d'une politique plus large.

Je sais que M. Masse, ce matin, a essayé de bien circonscrire le problème pour nous dire: Quand nous faisons une politique salariale, nous ne faisons pas une politique de revenus. Quand nous faisons une politique salariale au niveau des employés de l'Etat, nous ne faisons pas une politique salariale pour les autres salariés qui vivent au Québec.

Je pense que je peux peut-être dire certaines choses sur ce point. Quant à moi, une politique salariale ne peut pas s'établir comme telle sans qu'on ait vraiment, ce que j'appelle une politique générale de revenus. On peut établir des taux de salaire, des taux de rémunération, mais on ne peut pas essayer de circonscrire le problème ou le débat en disant: On va faire une politique salariale, mais il n'y aura pas une politique générale de revenu, il n'y aura pas de politique qui va viser donc à établir qu'il y ait une politique de prix aussi, qu'il y ait aussi une politique de profit.

Peut-être me direz-vous: Nous ne sommes pas dans une province, dans un Etat où nous sommes à diriger l'ensemble de l'économie. Je comprends parce qu'il y a pas mal d'anarchie dans toutes les sphères de l'activité économique. On fait à peu près ce qu'on veut, sauf dans le domaine des salaires. Si on acceptait, nous, qu'il y ait une politique salariale qui soit complètement indépendante d'une politique générale de revenus, politique qui doit tenir compte aussi du problème des prix, du problème des profits de ceux qui vivent dans l'agencement économique présent.

A mon avis, M. le Président — et je voudrais insister là-dessus — ce que le gouvernement fait et ce qui a été dit ce matin, ce n'est pas tellement comme je l'ai déjà mentionné une politique salariale en tant que telle. C'est une politique budgétaire qui est faite et le gouvernement, tous les gouvernements, quels qu'ils soient, doivent tenir compte des contraintes ordinaires. On a une somme de revenus, on n'en a pas plus. On peut en avoir plus si on pose tel geste, mais on a une somme de revenus, cela se comprend.

Mais à ce moment-là, et c'est le point qui m'apparaît important, ce n'est pas tellement une politique salariale. Le gouvernement se trouve tout simplement à établir sa politique budgétaire et il n'y a personne au monde qui, à mon avis, peut s'opposer à ce que le gouvernement, quel qu'il soit, définisse une certaine

politique budgétaire. Cependant, il ne faudrait pas confondre et il ne faudrait pas en arriver à dire: C'est là une politique salariale alors que vraiment, c'est purement et simplement une politique budgétaire.

Je voudrais maintenant, M. le Président, vous donner certaines conditions préalables, à mon avis, à l'établissement d'une politique salariale.

Il me semble qu'il y a deux choses que l'on devrait exeminer ensemble et là, je ne parle pas au niveau des négociations, des tractations entre le comité et nous; ce n'est pas du tout cela.

Il me semble qu'il y a deux préalables essentiels. Le premier préalable, c'est que l'on doit faire un effort commun et que le gouvernement doit faire un effort pour en arriver à assainir les finances publiques.

Premièrement, dans cet effort d'assainissement, il doit rationaliser les dépenses publiques. On me dira, sans doute: On en fait constamment des efforts de ce côté-là. On pose des gestes constamment pour y arriver. Je voudrais tout de même rappeler, sans m'étendre trop longuement là-dessus, qu'on pose des gestes dans cette province, qui, perçus par les travailleurs, ne sont pas dans un sens où nous croyons qu'il y a une véritable rationalisation des dépenses publiques. Lorsque le gouvernement, quel qu'il soit, décide que des hauts gradés de l'administration doivent être maintenus en poste, mais que leur travail doit être exécuté par d'autres et qu'à ce moment-là il se trouve à payer double salaire pour le même emploi, moi, je vous dis que, quant à nous, ce n'est pas là rationaliser les dépenses publiques. Je pense que le gouvernement, l'Opposition et tout le monde peuvent facilement être d'accord avec cette proposition-là.

Jusqu'à quel montant ceci peut-il représenter une dépense considérable ou non? Je ne suis pas en mesure de le dire, mais je sais quand même qu'il y a eu des cas analogues à celui que je viens de mentionner. Sans aller plus loin, je voudrais, au moins, mentionner que, si l'on veut assainir les finances publiques, on doit faire un effort et plus qu'un effort pour arriver à rationaliser les dépenses publiques.

Je voudrais, en deuxième lieu, vous dire que, quand on fait un effort pour assainir les finances publiques, il faut utiliser au maximum toutes les sources de revenus que l'on a et il faut faire en sorte que s'accroissent les revenus par une stimulation réelle de la croissance économique. C'est peut-être un jargon, mais ce que je veux faire comprendre, c'est que, s'il y a des sources de revenus qui ne sont pas exploitées, comme le problème des gains de capital... Dans cette province et dans ce pays, les travailleurs ont toujours l'impression — et, quand on fait l'examen des chiffres, ça devient une certitude — qu'ils ne sont pas traités comme tout le monde.

Us sont traités pire que tout le monde, parce qu'ils sont taxés au maximum pour tout leur revenu. La très grande majorité des travailleurs n'ont, comme revenu, que le travail qu'ils exécutent, que la rémunération de leur travail, alors que, ceux qui spéculent à la bourse, eux, leur gain de capital n'est pas taxé.

Peut-être, me direz-vous que ça ne fait pas partie du débat qui est devant nous. Au contraire, quant à moi, cela en fait rigoureusement partie, parce que, si l'on est pour établir une politique salariale, quels qu'en soient les critères, si l'on ne commence pas au point de départ par ces préalables qui sont nécessaires, moi, j'ai l'impression que les travailleurs auront toujours la conviction qu'ils se font un peu tricher dans toute cette histoire.

UNE VOIX; Un peu beaucoup.

M. PEPIN: Un peu, beaucoup, merci beaucoup. Je voudrais aussi, en deuxième lieu, vous dire que la politique salariale, si elle a à être établie, ne peut l'être unilatéralement, je l'ai déjà mentionné. Cependant, il m'apparaît, M. le Président, qu'on pourrait envisager l'ensemble, de faire cela à deux niveaux, mais de le faire vraiment, cependant. Le premier niveau offrirait vraiment de la politique salariale, en déterminant la masse salariale. Et, à ce moment-là, ça ne peut se faire du côté du gouvernement exclusivement. Ils peuvent avoir leurs projets, leur programme, ils peuvent soumettre ce qu'ils veulent. C'est bien entendu, c'est leur droit Mais nous, du côté des salariés, nous devons être en mesure de discuter avec eux de cette détermination de la masse salariale. C'est ce qui ne s'est pas fait, c'est ce qui devrait se faire. Je voudrais vous dire, et là, on arrivera peut-être à ce que le gouvernement appelle maintenant sa politique salariale, qu'en deuxième lieu, on peut à un autre niveau, s'occuper de la répartition de la masse salariale. Et là, on peut tenir compte du problème des écarts régionaux, du problème travail égal, salaire égal.

J'essaie tout simplement de vous dire que, lorsque, ce matin, j'ai dit que pour moi, ce n'était pas vraiment une politique salariale, c'était une façon de payer les taux de salaire, une façon, pour le gouvernement, de rémunérer les employés. C'est qu'en un premier temps, pour moi, on détermine la masse salariale en

tenant compte de l'indice du coût de la vie, de la productivité, d'autres éléments dont nous pourrons tenir compte tout le monde ensemble, et qu'en deuxième lieu, on en fait la répartition.

M. le Président, je voudrais bien essayer tout de même, dans cet exposé que je terminerai dans quelques minutes, de vous faire comprendre que, pour moi, on ne peut invoquer une politique salariale, si elle existe vraiment et en présumant qu'elle existe. On ne peut l'invoquer contre des gens dont le revenu est trop faible, on ne peut pas l'invoquer, leur opposer une politique salariale, contre des gens qui gagnent ce que f appelle en dessous d'un salaire décent ou même, dans certains cas, d'un salaire vital. Il me semble qu'à l'heure actuelle, le conflit, c'est le résultat de la prétention du gouvernement de s'en tenir à une telle politique, et je crois que tout le monde va comprendre que le salarié, que le travailleur, dans ces conditions, ne peut que la refuser.

Le fait aussi qu'il y ait une telle ténacité de la part des grévistes, vous me direz que cela ne prouve rien, c'est absolument irrationnel comme argumentation, ce n'est pas décidé à l'avance, ce n'est pas automatique. Il me semble quand même que la ténacité des grévistes doit nous faire comprendre que cette politique qu'on essaie d'imposer et d'imposer vraiment, c'est une politique que les gens ne trouvent pas à l'échelle des êtres humains et ce n'est pas soutenable qu'on puisse la maintenir.

Je sais bien que ni le gouvernement, ni le Parlement, ni ce comité ne voudraient que ces choses se règlent par la force. Sans doute ne veut-on pas non plus que ça se règle; quand j'entends le mot force, je n'entends pas la violence physique ni l'épuisement des troupes, mais par la force, la brutalité. Je pense bien que ce n'est pas cela qu'on veut. Tout le monde veut avoir un règlement, mais un règlement convenable.

Et je ne voudrais pas, quant à moi, que le règlement que l'on recherche, tout le monde ensemble, soit un règlement basé sur l'exploitation des pauvres, de ceux qui sont vraiment mal pris dans la société. Et, règle générale, M. le Président, lorsque nous avons des conflits de travail, des conflits sociaux, des conflits ouvriers, qu'est-ce qui arrive quand il y aune résistance, quand il y a une ténacité qui ne lâche pas? C'est que la libre négociation conduit, quant à moi, à une justice sociale accrue. Ce n'est pas ce qui se passe à l'heure actuelle. Je ne crois pas qu'il soit sage pour personne, dans cette communauté, que nous acceptions qu'il y ait une répression et qu'on s'arrange pour refouler ces gens-là en leur disant, qu'au nom d'une politique salariale, on n'acceptera pas de considérer leurs demandes. Personne ne peut accepter ce genre de répression.

Je pense que nous avons tous ensemble un désir de justice assez élevé pour comprendre les données fondamentales du problème qui se pose quant à nous.

Cependant, on nous oppose parfois, dans certains milieux, M. le Président, des comparaisons avec d'autres désavantagés de la société. Est-ce que vous croyez vraiment que le fait de se comparer avec d'autres gens qui sont mal pris, peut régler le cas de ceux qui sont actuellement dans ce litige? Je ne le pense pas. On nous a dit à maintes reprises, et avec raison: Organisez les non-organisés, organisez les non-syndiqués puis, c'est juste! On fait des efforts et tout le monde est d'accord là-dessus le gouvernement, l'Opposition et toute la société. Mais l'organisation syndicale ne crée pas la richesse. Si elle créait la richesse, les gars de la régie ne seraient peut-être pas en grève. L'organisation syndicale permet des relations ordonnées; elle nous permet de voir ensemble comment nous allons régler les problèmes. Mais lorsqu'on nous dit: Organisez les non-syndiqués et qu'au même moment les comparaisons que l'on veut faire pour régler le problème des syndiqués, on les fait avec les non-syndiqués, fussent-ils du commerce ou d'ailleurs, il me semble à moi que ce n'est pas là un point de comparaison que l'on devrait accepter tout le monde ensemble.

M. le Président, ce matin j'ai mentionné brièvement que la politique salariale telle qu'elle nous a été énoncée ce matin a été conçue à l'avance, j'en suis convaincu, par le gouvernement. Elle n'a pas été expliquée cependant sauf ce matin et des bribes antérieurement à aujourd'hui. A mon avis — et on tend de nouveau à l'imposer — j'ai référé au code du travail, ce matin, et je voudrais vous rappeler que c'est l'article 41 qui, d'après moi, s'applique en l'espèce — il me semble que le gouvernement ne devrait pas maintenir cette position de ne pas négocier sa politique salariale. '

M. le Président, ne serait-il pas possible lorsque nous avons des négociations particulières, de ne pas nous imposer des négociations générales? Si on veut faire la négociation générale dans la fonction publique ou dans d'autres secteurs, nous sommes prêts, nous allons la faire, mais le grave problème est le suivant, c'est qu'on négocie d'une manière particulière à la RAQ. Le code du travail prévoit ça: nous n'avons pas le choix, c'est ça. On nous impose une politique générale qui n'a même pas été négociée

par personne, puis on dit: « C'est infranchissable, il faut que ça arrête là ». Il me semble qu'on ne peut pas en l'espèce nous parler de politique salariale générale alors qu'on nous entraîne à une table de négociations par une loi adoptée à l'unanimité par le Parlement. On nous entraîne à négocier sur une base particulière.

Peut-être que cet argument ne sera pas retenu par vous mais à moi, il semble capital. Ce n'est pas la faute des gars de la régie ni des négociateurs, ni des employeurs ou des employés. Ce n'est sûrement pas la faute de la CSN non plus. Nous avons essayé de négocier, mais on négociait d'une manière particulière et puis on nous a opposé une attitude générale de la part du gouvernement, attitude que personne ne connaissait. Cela fait quatre mois que ces travailleurs luttent avec beaucoup de courage. On leur a dit d'ailleurs que pendant l'instance de la grève, c'était la position du gouvernement et que c'était uniquement cette position-là qui allait être maintenue.

M. le Président, ce que je pense, c'est que la situation actuelle me permet de vous dire qu'il me semble qu'on a induit en erreur les salariés jusqu'à un certain point. On leur a dit: Exercez vos droits. Mais on essaie de leur nier toute espèce d'effet dans l'exercice de ces droits.

Bien sûr que ça n'a pas été volontaire. J'espère en tout cas que cela a été involontaire, peut-être même inconscient mais il reste que les travailleurs ont l'impression d'être pris dans une espèce de traquenard. On ne pourrait pas nous dire aujourd'hui: Ce que vous réclamez aujourd'hui, on va le faire en 1971. On nous a d'ailleurs déjà dit, l'hiver dernier, qu'on le ferait au cours des présentes négociations. Je ne pense pas que cela puisse être là une réponse satisfaisante aux problèmes que nous soulevons.

Avant de m'asseoir, M. le Président — je ne sais si cela va être rigoureusement dans l'ordre — je sais que nous ne faisons pas de négociation et je n'ai pas l'intention d'en faire avec vous, mais il me semble que, pour régler un problème comme celui-là, il y a un bon nombre de chemins que l'on peut suivre. Je n'ai pas l'intention d'explorer avec vous aucun des chemins, mais je pense que le premier ministre, le chef de l'Opposition, les autres membres du comité, de même que le président, doivent bien comprendre qu'il doit y avoir des moyens pour résoudre ce conflit. Le comité des régies gouvernementales en est peut-être un. Moi, je ne le sais pas, mais, comme il n'y a pas de négociation, je ne vois pas comment cela pourrait en être un.

Nous avons demandé un médiateur spécial. On nous a opposé que cela mettrait en cause la politique salariale du gouvernement. Je ne le crois pas. Mais, disons qu'en dehors de ce moyen, il y a d'autres moyens que l'on peut facilement envisager et qui peuvent entraîner un règlement de ce conflit dans un avenir qui, je l'espère, ne sera pas trop éloigné. Cependant, si nous sommes aux prises constamment — et quel que soit le moyen — avec une attitude qui vient soit du cabinet, soit du gouvernement qui nous dit: On ne touche à rien, cela ne se règlera pas de cette façon-là. Et, si on est prêt à faire certaines choses, à voir comment les problèmes humains... Quant à moi, ce sont vraiment des problèmes humains, pas autre chose que cela. Ceux qui peuvent avoir dans la tête que nous essayons, par ce conflit, de régler d'autres conflits éventuels, détrompez-vous! Nous essayons tout simplement de régler le problème des employés de la Régie des alcools, et pas d'autre que celui-là. Si nous avions une autre attitude, je pense que ceci ne serait pas correct. Il faut voir le problème tel qu'il existe, et pas d'autres problèmes.

Je ne sais pas quelle sera éventuellement l'attitude de ce comité. Ce sera à vous d'en décider, mais je voudrais quand même, avant de m'asseoir, essayer de faire un certain appel. Je sais qu'il n'est pas question — pour la plupart d'entre vous, sinon tous — de sauver la face ou de perdre la face, mais bien de régler certains problèmes que nous avons au niveau des employés de la régie qui veulent être payés davantage, et de régler certaines autres questions qui, comme vous vous en doutez, sont encore en litige.

Je me demande si, au niveau de ce comité, comme au niveau de certaines autres instances parlementaires, on ne doit pas avoir une attitude ouverte pour régler les problèmes. Et même, je vous suggère, M. le Président, quoique ce ne soit pas à moi de suggérer cela, qu'il y a une possibilité que le débat soit ouvert indépendamment des partis politiques ou des intérêts politiques qui peuvent être en jeu. Il y a un problème social qui est grave, qui est sérieux et il me semble qu'il y a des chemins que l'on peut suivre pour le régler. Alors, je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

Alors, il faudrait bien accepter, comme règle connue et toujours appliquée, qu'au comité, comme à l'Assemblée législative, il ne doit pas y avoir de manifestations de la part de l'assistance, ni pour, ni contre, bien sûr. M. Raymond Laliberté.

UNE VOIX: Nous nous en fichons, nous, de cela.

M. LALIBERTE: M. le Président, messieurs les membres du comité. J'aimerais, d'abord, non pas remercier le gouvernement de nous donner la parole, car je pense que, sans être un droit, c'est une chose normale, en l'occurrence. J'aimerais quand même prendre la parole, non pas sur le fond de la question de la grève de la Régie des alcools, quoique, àl'occasion,jepuis-se aussi y faire référence, non pas même sur le fond de la négociation actuellement en cours entre les trois organismes d'enseignants, d'une part, et les deux fédérations de commissions scolaires et le gouvernement, d'autre part, mais sur le fond même de ce que le gouvernement appelle une politique salariale qui, à juste titre, a été dénoncée comme n'en étant pas une par mon confrère, M. Pepin, au cours de la journée.

M. le Président, vous me direz que je ne le suis pas, mais si j'étais membre de ce comité, aujourd'hui, je n'aurais pas procédé comme vous l'avez fait. J'aurais invité, d'abord, le ministre d'Etat délégué à la Fonction publique, le responsable de cette politique salariale, non pas à siéger à l'intérieur du comité, mais à venir s'asseoir à la barre, ici, avec nous, et à parler avec nous, ici. Et voici pourquoi.

Ce que le ministre d'Etat délégué à la Fonction publique a exposé dans son discours aux jeunes chambres, il y a une dizaine de jours, et qu'il a répété ce matin, ce que le gouvernement appelle une politique salariale, pour moi et pour les enseignants, et pour la CSN comma on l'a expliqué aujourd'hui, ce n'est pas une politique gouvernementale. Ce n'est pas une invention québécoise, c'est strictement une politique d'employeurs. Ni plus, ni moins.

Je n'ai pas besoin de rappeler, d'ailleurs, à l'honorable ministre qu'il a lui-même utilisé, dans son exposé de ce matin et antérieurement, des expressions par lesquelles il se défendait justement de vouloir faire de cette politique salariale une politique de revenus, et même par lesquelles il se défendait également de vouloir faire de cette politique salariale une politique de salaires pour l'ensemble des salariés du Québec.

Ce seul exemple, que nous donne lui-même le ministre Masse, justifie à lui seul, l'affirmation que je viens de faire, à la suite d'ailleurs de M. Pepin, à l'effet qu'il s'agit strictement d'une politique d'employeurs. Toutes les grandes industries nord-américaines et européennes, également, ont déjà depuis longtemps de telles politiques de rémunération de leurs employés.

Ce n'est pas nouveau au Québec, ce n'est pas nouveau au Canada, ce n'est pas nouveau en Amé- rique du Nord. Ce qu'il y a de nouveau, ici — et cela tient à une attitude,, à un état d'esprit qui existe chez-nous, au niveau gouvernemental — c'est qu'ici nous sommes dans une situation où l'employeur ou encore le quasi-employeur est un gouvernement, et qu'il joue constamment sur une ambiguïté fondamentale qui risque de mêler les problèmes, qu'il a d'ailleurs fort bien mêlés depuis déjà plusieurs mois.

Il ne s'agit pas ici, même si elle a été approuvée par le conseil des ministres, d'une politique de l'Etat québécois. Autrement, l'Etat n'aurait pas le droit de n'avoir établi que ce qu'il a établi. Il ne s'agit ici que d'une politique du ministre, ou du ministère, le ministre au sens des rêves parlementaires, d'une politique du ministre délégué à la Fonction publique, d'une politique du ministre responsable au nom du gouvernement qui subventionne, responsable des négociations à une vingtaine de tables, nous a-t-il dit ce matin.

Que ses collègues du conseil des ministres aient endossé une telle politique d'employeur n'en fait pas plus une politique de l'Etat, pas plus, qu'antérieurement. Et là je vais me référer à un autre geste qui avait été posé le 14 octobre 1966, pas plus, qu'antérieurement, par l'adoption des « fameuses » normes du 14 octobre 1966 qui ont créé la crise scolaire du temps. Pas plus alors la décision du conseil des ministres ne faisait pour autant une décision officielle de l'Etat en tant qu'Etat.

Cette ambiguïté, M. le Président, M. le Premier ministre, elle joue constamment dans les relations des syndiqués avec le gouvernement. Vous ne l'avez pas du tout éclairée récemment. Au contraire, j'ai l'impression, j'espère me tromper, que vous ajoutez à l'ambiguïté. Quand on utilise comme argument des mesures mathématiques comme celles de la progression des budgets gouvernementaux, comme celles de la progression des sources de revenus gouvernementales, comme celles de la progression de la population, on donne l'impression à la population que c'est l'Etat, en l'occurrence, qui élabore une politique à caractère quasi législatif — évidemment, ce n'est pas législatif encore — du moins, à caractère quasi législatif.

Je souhaite ardemment qu'enfin vous réussissiez, que vous cherchiez au moins à démêler cet écheveau. Qu'enfin vous cessiez d'utiliser vos pouvoirs successivement d'Etat-gouverne-ment, d'Etat-législateur pour imposer vos orientations d'employeur. Vous n'avez pas plus le droit que n'importe quel autre employeur d'utiliser des mesures qui vous sont données par ailleurs en tant qu'Etat-législateur ou conseil des ministres, du gouvernement officiel. Vous

n'avez pas plus le droit d'utiliser ces moyens qu'une industrie aurait le droit de poser des gestes équivalents dans son secteur contre le groupe des salariés avec lesquels elle négocie.

Je suis bien conscient, M. le Président et M. le Premier ministre, qu'il s'agit là d'une question difficile. Je suis bien conscient que cela ne se règle pas dans l'espace de quelques secondes. Mais, je n'ai pas encore vu, moi, un effort de la part du gouvernement pour démêler cet écheveau-là. Je reprends mon affirmation d'une politique d'employeur, pour dire qu'en l'occurrence — et, je voyais le ministre d'Etat délégué à la Fonction publique, je crois, accepter d'un signe de la tête qu'il s'agissait bien d'une politique d'employeur - vous n'avez absolument pas le droit, à moins de nier le syndicalisme, de déclarer qu'une telle politique ne se négocie pas. Aucun employeur, de quelque pays que ce soit, qui accepte le syndicalisme ne peut, comme cela, utiliser son prestige — celui que vous donne, ici, votre fonction de législateur et de conseiller ministériel — pour déclarer qu'une telle politique ne se négocie pas.

Vous avez, d'ailleurs, été, d'une certaine façon, logique en établissant cette politique d'employeur, sans consultation avec les employés. Mais, soyez logique jusqu'au bout. Acceptez qu'elle soit négociée, déclarez égalementqu'elle peut être négociée et clarifiez cette situation-là auprès de la population.

En agissant ainsi, vous trouverez probablement des moyens de régler la grève de la Régie des alcools et les autres tables de négociations en cours ou à venir, également.

M. le Président, si, par ailleurs, on voulait établir une véritable politique salariale de l'Etat, vous devriez multiplier par 10 et par 20, sans aucun doute, les efforts de rationalisation, de coordination et de planification que vous devriez faire pour, alors, inscrire une véritable politique, au nom de la société québécoise.

Je n'entreprendrai pas de lire le document que certains d'entre vous, membres du comité, avez reçu. On l'a fait distribuer ce matin, et il comporte je pense une série intéressante de questions adressées à l'honorable ministre d'Etat délégué à la Fonction publique. D'ailleurs, tous les députés, je crois, en auront reçu une copie aujourd'hui. Mais, j'espère que vous vous pencherez sérieusement sur cet ensemble de questions et qu'un jour nous obtiendrons réponse à ces questions-là.

D'autant plus que l'actuel ministre d'Etat délégué à la Fonction publique est devenu, récemment, ministre responsable de la coordination du plan. Je ne sais pas comment, d'ailleurs, il va faire les deux sans, encore une fois, mêler les écheveaux, mais je sais bien qu'en tant que ministre responsable de la coordination du plan, il n'a pas le droit de refuser ou de s'abstenir de répondre à la série de questions que nous posons dans ce document-là.

M. le Président, c'était un premier point.

Un deuxième point. Même dans cet énoncé de politique salariale d'employeur, j'ai entendu, ce matin, certaines affirmations de l'honorable ministre Masse, que j'aimerais nuancer en les mesurant à la lumière de nos propres négociations dans le secteur de l'enseignement. Je serai bref là-dessus. Je soulignerai certains points seulement. Je soulignerai, par exemple, une affirmation qu'il a faite — je ne sais plus trop à quelle heure — dans laquelle il disait que, dans l'enseignement, par exemple — il le donnait comme exemple — on avait tendance à négliger les taux de rendement pour les emplois spécialisés. J'aimerais souligner aux membres de ce comité que, lors de l'adoption du bill 25— mesure législative, cette fois-ci;premiêre étape d'une politique salariale d'employeur; dans notre cas, imposée par législation, double rôle, ambiguïté, etc. - les gens qui recevaient justement les augmentations les plus faibles, étaient les plus scolarisés: à partir de la quinzième année de scolarité jusqu'à la vingtième. J'aimerais affirmer également — et on pourra fournir des chiffres aux hauts fonctionnaires, conseillers du gouvernement, s'ils désirent entrer en dialogue avec nous à ce sujet-là — que, dans les nouvelles échelles qu'on nous a proposées le printemps dernier et pour lesquelles, probablement, nous allons faire l'accord, incessamment — nous sommes vraiment, je pense, en train de nous rejoindre. Il reste des choses fondamentales, mais pour les échelles comme telles, en termes de montant d'argent, je crois que nous nous rejoignons — dans ces nouvelles échelles, en les approuvant, en les acceptant, notons tout de suite, que l'on n'approuve pas, pour autant, la politique salariale du gouvernement.

On négocie des échelles de traitements dans une situation donnée, point. Que même dans ces échelles-là, les groupes d'enseignants, encore les moins susceptibles de recevoir des hausses de traitements sont encore une fois les plus scolarisés: quinze ans de scolarité et plus. C'est pour cela, d'ailleurs, qu'on a proposé et réussi à obtenir un tout petit minimum d'augmentation par tranche de 18 mois de l'ordre de 5% soit 10% sur une période de trois ans plus ou moins, à peine la hausse de l'indice des prix à la consommation et rien du tout sur la hausse des revenus, disons, du produit national brut.

Quand on nous dit, donc, que dans l'enseignement on a tendance à négliger les taux de

rendement pour les emplois spécialisés et que la politique salariale du gouvernement veut corriger cet aspect-là, moi je dis: On a mal mesuré la situation dans le monde de l'enseignement du secteur des commissions scolaires parce que ni le bill 25, ni les nouvelles offres ne répondent à cet objectif.

Deuxième point également là-dessus. On nous dit que la politique salariale est un complément aux diverses politiques des différents ministères. Politique d'enseignement, par exemple, de la part du ministère de l'Education. Or, dans les propositions qui nous sont faites, on fait perdurer les conditions existantes ou même on diminue les conditions qui existaient auparavant alors que le règlement no 1 et les collectives et l'éducation active nécessitent des conditions nouvelles.

D'un côté, le ministère de l'Education pousse vers le renouveau scolaire de l'autre la politique salariale veut faire durer des situations où veut détériorer des situations existantes.

Un troisième point. On nous dit également que dans cette politique salariale, on met un accent sur le perfectionnement. Or, dans le cas qui nous concerne, dans notre négociation, c'est le même montant ou le même taux de la masse salariale qui est proposé en terme de perfectionnement de ce qui existait depuis deux ans.

On nous dit également qu'on veut arrêter les écarts régionaux, ce avec quoi nous sommes pleinement d'accord. Cependant, on nous propose des primes d'éloignement qui ne correspondent pas à la réalité. Je n'entrerai pas... moi non plus, je ne suis pas en train de négocier. Je dis simplement que nous voyons, et je l'affirme, des failles dans la politique salariale de l'employeur dans notre cas. On ne tient pas compte des situations comme celle de la Cote-Nord, par exemple. On ne tient pas compte de ces régions où le personnel enseignant a besoin d'avoir un attrait particulier sérieux pour y demeurer, si on veut offrir, au nom de l'équité sociale, même chance à tous les étudiants du Québec.

Bien sûr, on propose quelque chose, mais on ne vas pas suffisamment loin dans ce domaine-là. Je déclare donc ici qu'en termes de disparition des écarts régionaux, d'accord, mais conversation cependant et renversement de la vapeur sérieux, si on veut rendre toutes les régions du Québec aussi attrayantes les unes que les autres.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Comme il est cinq heures trente, je ne sais pas si le comité déciderait qu'on laisse continuer M. Laliberté ou s'il serait mieux de reprendre demain matin.

M. LALIBERTE: M. le Président, j'en aurais vraiment pour cinq ou six minutes à peine.

M. BERTRAND: Alors, très bien.

M. LE PRESIDENT: Très bien, M. Laliber-té, continuez. Vous avez la liberté de continuer.

M. LALIBERTE: M. le Président, évidemment, c'est embarrassant de soulever dans un contexte de discussions au sujet de la Régie des alcools, un autre contexte, celui de la négociation des enseignants. Je sais bien que c'est embarrassant. Je sais bien que je peux donner l'image, à un moment donné, de faire détourner le débat. Ce n'est pas ce que je veux faire.

M. BERTRAND: On comprend.

M. LALIBERTE: Tout cela, c'était pour prouver à ma manière que même la politique salariale d'employeur comporte des failles importantes et que ces failles-là, on ne peut pas les ériger en système en disant: Ce n'est pas négociable.

Finalement, M. le Président, j'aimerais expliquer — et je rejoins les principes — pourquoi en tant qu'Etat, en tant que gouvernement responsable de la coordination de la société, de l'évolution de la société, pourquoi nous croyons que l'Etat devrait et très rapidement et avec toutes les mesures de consultation et même de négociation appropriée, établir une véritable politique salariale d'Etat.

Dans le document auquel je faisais allusion tout à l'heure, vous trouverez certaines questions qui mettent en parallèle les politiques de salaires et les politiques de revenus.

M. le Président, je n'ai pas envie de faire un cours magistral là. Je suis, moi aussi, enseignant et puis, comme Marcel, j'ai des déformations. J'aimerais néanmoins souligner que, si nous faisons référence à une politique de revenus, c'est que, dans une économie, il y a divers agents et que ces agents n'ont pas tous la même source de rémunération.

Pour les salariés, la rémunération, c'est le salaire; pour les chefs d'entreprises, c'est le projet; pour les propriétaires fonciers et autres, ce sont les loyers, les rentes, etc; pour les propriétaires de capitaux, c'est l'intérêt, ce sont les dividendes, etc.

Même s'il est plus facile de rejoindre le groupe des salariés — et, en particulier, le groupe des salariés du secteur de la fonction publique, parce qu'ils sont organisés et parce que le gouvernement peut jouer une influence sur eux en établissant une politique salariale

d'employeur — qui constitue, à peu près, 70% du revenu national total pour le Québec — en 1966 d'après les chiffres que j'ai — on ne fera pas une véritable coordination de l'évolution économique de la société si l'on ne rejoint pas les rémunérations des autres agents de l'économie. Je les rappelle: les chefs d'entreprises, les propriétaires fonciers et autres, et le camp des propriétaires de capitaux.

Nous pourrions, en tant qu'Etat, choisir ou bien une planification globale et totale ou bien des mesures qui seraient parcellaires, qui n'iraient pas jusqu'à la planification totale et globale.

Nous avons déjà déclaré à la CEQ, le printemps dernier, qu'une mesure nous agréerait en termes de planification qui ne serait pas totale et globale» Ce serait celle de négocier, avec les représentants de tous les groupes de salariés, syndiqués et autres, à l'intérieur de plans, toutes leurs sources de revenus, non pas seulement leurs salaires, mais également toutes les autres sources de revenus à caractère social.

Exemple, ce que coûte ou ce que ne coûte pas la santé pour un individu. Exemple, ce que coûte ou ce que ne coûte pas l'habitation pour un individu, etc.

Il n'y a qu'une partie du revenu total d'un individu salarié qui lui vient de son salaire, même si c'est la partie la plus importante. Vous ne réussirez pas à faire une coordination réelle et vous ne réussirez pas à faire intégrer tous les mouvements de l'économie, si vous ne touchez pas aux autres sources de revenu de ces salariés.

Et notre proposition, le printemps dernier, que nous ramenons à nouveau à l'Etat c'est la suivante : Nous serions prêts à négocier, et j'emploie à dessein le mot négocier, pour éviter le mot consulter. Nous serions prêts à négocier avec les porte-parole autorisés, gouvernement et autres, toutes les sources de revenu des salariés, salaires et autres allocations de toutes sortes, c'est une mesure très parcellaire, très parcellaire, qui ne va pas à la planification totale, c'est loin du socialisme, M. le Président.

On pourrait aller plus loin et, cette fois-là, parler en termes de coordination et de planification des revenus des agents de l'économie. Et on pourrait encore aller plus loin, et parler en termes de coordination et de planification des revenus et des salariés et des autres agents non salariés de l'économie, et là, on serait rendu dans la planification globale.

C'est ce que j'essaie de démontrer, M. le Président, par des questions. Evidemment, je dois traiter très rapidement, et puis, en fin de journée, dans la fumée, dans la fatigue et tout cela, j'ai bien conscience, comme professeur, on sent si nos élèves marchent ou ne marchent pas. J'ai bien conscience que je n'ai plus beaucoup d'audience.

M. LE PRESIDENT: On vous écoute.

M. BERTRAND: M. Laliberté, loin de nous la pensée de vous empêcher de continuer, nous vous avons proposé il y a quelques instants...

M. LALIBERTE: J'ai terminé, M. le Président.

M. BERTRAND: ... de reprendre demain matin, nous voudrions que vous reveniez, comme vous dites, plus reposé, vos élèves plus attentifs, nous croyons l'être, mais si vous croyez qu'il est préférable...

M. LALIBERTE: J'ai terminé, M. le Président.

M. BERTRAND: ... d'aller à demain matin, nous sommes prêts à reprendre avec vous, demain matin.

M. LALIBERTE: J'ai terminé, M. le Président, je terminais mon laïus, puisque ça en est un avec ces mots.

M. LEVESQUE: Mais à quelle heure voulez-vous corriger nos devoirs, ce soir?

M. LALIBERTE: N'importe quand si vous voulez me les fournir. M. le Président, je termine simplement avec ces mots-ci: Je suis bien conscient qu'avec ces paroles cet après-midi et dans un contexte qui ne s'y prête pas, je n'aurai pas réussi à faire accepter par l'Etat, du côté du gouvernement et probablement du côté de l'Opposition aussi, ces dernières orientations que j'indiquais. Mais si, au moins, je réussissais à vous inquiéter sur ce qu'est une véritable politique salariale, M. le Président, je n'aurais pas perdu et je pense que je ne vous aurais pas fait perdre non plus les vingt-cinq minutes qu'on m'a accordées.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Laliberté. Maintenant, je pense que M. Laberge aurait quelques minutes pour dire deux mots.

M. LABERGE: M. le Président, je demanderais l'indulgence des membres du comité et du premier ministre. Malheureusement, je ne peux pas être présent demain matin et si vous m'accordiez deux minutes, je pense que je pourrais vous dire la pensée de la FTQ en deux minutes.

M. BERTRAND: En deux minutes?

M. LABERGE: Oui.

M. BERTRAND: Nous vous prenons au mot.

M. LABERGE: Merci. Alors, M. le Président, vous allez admettre qu'en deux minutes, je ne peux pas faire la revision des données de la politique salariale du gouvernement, même si je puis y trouver des lacunes assez sérieuses, par exemple lorsqu'un des cinq principaux principes énoncés était la disparition des écarts régionaux et que la Loi du salaire minimum en a créé de plus grands. Evidemment, je pourrais parler de cela, mais je n'en parlerai pas.

M. LEVESQUE: 30 secondes.

M. LABERGE: Une chose est sûre ici, c'est que la grève de la RAQ dure depuis trop longtemps. J'ai écouté religieusement, ce matin, le premier ministre et l'honorable ministre qui est affecté à ces négociations nous décrire dans les détails tout ce qui s'est passé au niveau du gouvernement pour établir cette politique salariale. Le gouvernement me semble convaincu que ses données sont justes et exactes. Si tel est le cas, pourquoi le gouvernement craint-il la nomination d'un médiateur impartial? Si ses données sont exactes et justes, il n'a aucune raison de craindre. Sans aucun doute, tous les médiateurs qu'on pourrait nommer et qui connaissent quelque chose ne pourraient que lui donner raison. Si, évidemment, il y a des failles, le médiateur les trouvera et cela, je pense, serait à l'avantage de tout le monde. Enfin, moi, je pense que toute la population, que tous les travailleurs, non seulement les travailleurs de la RAQ, non seulement les travailleurs du secteur public, non seulement les membres de la CSN ou de la CEQ mais les membres de la FTQ et tout le monde veulent que le conflit se règle.

Et il me semble que, quand il y a un échec à la négociation, à la conciliation — et cela s'est fait dans tous les grands conflits majeurs, au niveau fédéral autant qu'au niveau provincial — un médiateur spécial est nommé. Evidemment, si on pense à qui va se sauver la face, on va laisser crever encore longtemps 2,800 gars de faim. Mais non, je pense que l'on ne les laissera pas crever de faim. Je pense que tous les travailleurs syndiqués vont se trouver assez de coeur au ventre pour aider ces travailleurs à continuer la lutte.

Merci, M. le Président.

M. BERTRAND: Très bien.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Laberge. Alors voici...

M. MASSE: M. le Président, je demanderais l'ajournement du débat à demain, tel qu'entendu, 10 heures.

M. LE PRESIDENT: M. Masse demande l'ajournement pour demain à 10 heures et la parole sera à M. Masse.

M. BERTRAND: Un instant. Voici, pour accommoder les deux côtés, les membres des comités, au lieu de 10 heures, 10 heures trente, demain matin, pour accommoder les députés en général.

M. LE PRESIDENT: La séance est ajournée à 10 heures trente.

(17 h 36)

Séance du 31 octobre 1968

(Dix heures et trente deux minutes)

M. GRENIER (président du comité): A l'ordre, messieurs!

Voici, j'ai cru comprendre hier soir que M. Pepin et M. Laliberté avaient fini d'exprimer leurs vues sur cette première étape de l'exposé de M. Masse. Est-ce que quelqu'un d'autre aurait à prendre la parole? Sinon, nous allons demander à M. Masse de donner sa deuxième partie.

M. BERTRAND: A moins, qu'à ce stade-ci le chef de l'Opposition ne veuille, sur les principes qui ont été énoncés par M. Masse, faire la déclaration qu'il jugera à propos.

M. LESAGE: Je n'ai pas de déclaration à faire, à ce moment-ci; j'aimerais mieux attendre que le ministre nous dise d'abord comment se présente l'application des principes qu'il a énoncés hier, d'une façon générale à tout le secteur public. Ensuite qu'il nous dise quelle est l'incidence, particulièrement sur la RAQ. J'ai, par exemple, posé une question de nature générale, qui ne s'applique pas seulement à la RAQ, lorsque j'ai souligné que nous aimerions savoir pourquoi le gouvernement a décidé que c'était 15% pour 36 mois, au lieu de 12% ou de 18% ou de 10%. Cela s'applique généralement. Et ensuite l'incidence, particulièrement sur la RAQ.

Il n'y a pas de doute cependant que j'ai retenu un point, qui a été mentionné par M. Pepin hier, sur lequel il a beaucoup insisté en parlant des critères. Il a alors appuyé avec force sur le fait qu'un des critères de la politique salariale du gouvernement devrait nécessairement être la nécessité d'assurer d'abord un salaire minimal et vital. Je pense que j'ai bien retenu ce que M. Pepin a dit hier: que cela doit être un critère et un des premiers critères à être appliqué dans l'établissement d'une politique salariale.

Est-ce que l'on peut appeler cela un critère? Est-ce que l'on doit considérer plutôt cela comme une modalité d'application? — Il y a ce point sur lequel j'ai insisté à quelques reprises — et je pense que Me Lalancette a insisté également avec ses collègues là-dessus —c'est l'effet de la clause d'exclusion à $4,000 dans notre loi d'impôt sur le revenu des particuliers, sur les augmentations offertes.

Parce que, d'après les échelles que j'ai vues, il y en a beaucoup qui ont, actuellement, des salaires en dessous de $4,000, et qui recevront des salaires au-dessus de $4,000 et, à ce moment-là, ils paieraient en impôt tout ou une bonne partie de l'augmentation qu'ils recevraient.

Pour certaines classes, cela voudrait dire des augmentations qui, en fait, ne seraient que de 10%, 20%, 30%, 50%, quelque fois 60% ou 70%, en argent reçu, en revenus additionnels.

Je pense que M. Lalancette, c'est un peu le point que vous avez fait, n'est-ce pas?

J'ai fait des calculs moi-même et j'ai déjà, d'ailleurs, parlé de cela. Ce sont les deux points sur lesquels j'aimerais bien entendre le ministre.

M. BERTRAND: C'est très bien.

M. LESAGE: Ce ne sont pas des déclarations que je veux faire. Je veux surtout poser des questions.

M. BERTRAND: C'est ça.Alors, nous allons, M. le Président, donner la parole à M. Masse.

M. LE PRESIDENT: M. Masse.

M. MASSE: J'aimerais, tout d'abord au début de l'exposé, attirer l'attention sur certains commentaires qui ont été faits dans l'exposé de M. Pepin ou celui de M. Laliberté, hier. Et puis, pour entrer dans des détails beaucoup plus techniques, je demanderai à un des conseillers du gouvernement de prendre la parole.

Disons tout d'abord que M. Pepin, au début de son exposé, a attiré l'attention sur les traitements qui étaient payés à la RAQ, à la fin de la convention collective. Il va sans dire que nous sommes d'accord, en partie, avec le fait que ces traitements de $78, $81, $81, étaient trop bas, puisque la régie même offre des augmentations de traitements qui portent les salaires moyens de $78 à $99, de $81 à $96, de $81 à $94, au début même. Nous aurons l'occasion de revenir sur ces chiffres-là. Mais je tenais à dire que la Régie des alcools, nécessairement, n'offre pas les même traitements que ceux qui étaient à la fin de la convention.

Nous avions également insisté énormément dans l'exposé préliminaire pour poser bien clairement que ce que nous appelions la politique salariale du gouvernement n'était pas — cela n'a jamais été notre intention — une politique de revenus pour l'ensemble des Québécois. Ce n'est pas la responsabilité d'un ministre responsable de la Fonction publique, pour le bien des conventions collectives et des employés de l'Etat, d'établir une politique des revenus. C'est pour ça que nous avons toujours été d'accord pour dire que notre responsabili-

té était à l'intérieur du budget québécois et que c'était une mise en ordre dans nos offres, c'était assurer une cohérence dans une politique budgétaire du gouvernement.

Il peut y avoir — et je ne le nie pas — des problèmes de revenus pour l'ensemble des Québécois. Mais c'est un problème qui dépasse la Fonction publique comme telle, qui n'a pas, comme organisme, les instruments ni la responsabilité de résoudre ces problèmes.

Egalement, j'avais cru être suffisamment explicite dans la question à l'effet que l'offre gouvernemetale, n'ayant plus, d'année en année, qu'à assurer un rythme de croisière dans les augmentations, serait un carcan « ad vitam eaternam ». Au contraire, je ne voudrais pas reprendre l'exposé. Mais nous avons dressé tout un tableau pour dire qu'indépendamment du rattrapage que nous considérons comme pratiquement terminé dans la plupart des secteurs, à chacune des négociations, à chacune des tables, avant d'ajuster avec un rythme de croisière d'augmentations, il y aura toujours à étudier d'abord la grille comme telle, compte tenu du marché du travail, compte tenu de ce qui s'est produit depuis trois ans dans ce secteur, en comparaison avec le secteur privé, en comparaison avec d'autres secteurs publics, en comparaison avec ce dont on a besoin comme personnel et l'offre qu'on a, enfin un ensemble de points qui, à chacune des négociations, devront d'abord être discutés, étudiés, pour ensuite arriver à l'augmentation générale pour l'ensemble des tables de négociations.

Ce qui veut dire qu'il ne peut pas y avoir, « ad vitam eaternam », un cadre rigide et qu'on augmente à chaque année un pourcentage.

Un autre point qui a été soulevé et qui me semble fondamental, c'est la question suivante: L'Etat doit-il être le meilleur employeur au Québec?

Disons tout d'abord que l'Etat au Québec peut représenter plusieurs employeurs. Le Fédéral peut avoir des dizaines de milliers de fonctionnaires dans le Québec. Il en est ainsi des gouvernements municipaux et scolaires, et également du gouvernement du Québec.

Pendant de nombreuses années, le gouvernement du Québec a payé des salaires qui, dans un très grand nombre de cas — il faut avoir la justice de le souligner — en faisaient souvent un des plus mauvais employeurs. Mais les changements apportés au code du travail et, soulignons-le, l'effort des syndicats pour organiser les employés du secteur public, ont amené des pressions salariales qui, la plupart du temps, étaient nécessaires et inévitables.

Graduellement, le niveau des salaires pour un très grand nombre des employés du secteur public a atteint ou dépassé ce que des employeurs du même genre ou ce que l'économie du Québec en général paient pour des emplois analogues. En même temps, une réorganisation et une simplification des structures des salaires ont permis de remettre de l'ordre dans ce qu'il faut bien convenir d'appeler le désordre extraordinaire qui avait prévalu jusqu'alors.

Lorsque cette étape est atteinte, et ça été l'étape 1966-1967, le gouvernement doit déterminer s'il convient de chercher à être le meilleur ou un des meilleurs employeurs du milieu et servir ainsi de guide au secteur privé, ou s'il doit se contenter d'un objectif plus modeste qui consiste à se situer dans la bonne moyenne ou disons dans les trois quarts de la structure des salaires.

L'inconvénient réel pour un gouvernement cherchant à être le meilleur employeur vient de ce que le financement des salaires qu'on verserait à ces gens pour les porter au plus haut niveau, ne peut se faire que par une augmentation des impôts ou bien par une réduction ou un ralentissement des programmes existants de dépenses.

Le gouvernement doit-il être l'employeur qui paie le plus cher les sténodactylos au Québec? Nous croyons que, si l'on fait cela, nous allons être obligés de hausser les impôts en prenant l'argent chez les sténodactylos, entre autres, payées moins cher dans le secteur privé.

Lorsque les salaires dans le secteur public sont, par contre, à un niveau très bas, nettement inférieurs à ce que la plupart des autres employeurs peuvent payer, il ne peut y avoir d'inconvénient à relever les impôts pour élever ces salaires parce que là c'est une situation injuste. D'autant plus que nous aurions un personnel, partout, de moins bonne qualité.

A partir du moment, cependant, où cette situation est corrigée, toute augmentation destinée à faire du gouvernement le meilleur employeur exigerait de la part de l'ensemble des contribuables québécois, soit un effort fiscal additionnel, soit une diminution des services qu'ils reçoivent pour augmenter des salaires qui sont supérieurs aux leurs.

Il est évident qu'avant qu'une telle situation soit atteinte, n'importe quel gouvernement va se poser de sérieuses questions. Enfin, si le gouvernement veut influencer les salaires dans le secteur privé, il dispose d'autres instruments qui ont des effets beaucoup plus directs, que ce soit le salaire minimum, que ce soit les questions de sécurité sociale ou autres. Voilà pour cette question de la fine pointe. Oui.

M. LESAGE: Malheureusement, M. Bourassa est arrivé une ou deux minutes après moi

et il aurait voulu sur les critères généraux...

M. MASSE: Il aurait voulu prendre la parole peut-être. Oui, allez.

M. BERTRAND: Avec plaisir.

M. BOURASSA: Je comprends que vous présumez que le taux de croissance de la masse salariale doit être basé sur le taux de croissance des ressources fiscales en soustrayant l'augmentation des fonctionnaires qui serait de 1 1/2%. Alors, est-ce que cela est un premier point que vous acceptez? L'augmentation du nombre de fonctionnaires et l'augmentation correspondante de la population, c'est-à-dire 1 l/2%? Sauf, évidemment les nouveaux programmes qui seraient financés par de nouveaux impôts.

M. MASSE: Cela peut être vrai en général, mais ce n'est pas vrai, service par service.

M. BOURASSA: Dans certains services, par exemple, on mentionnait qu'il peut y avoir des réductions de 800 employés. Je pense que c'est M. Laliberté qui, dans ses questions, mentionnait une déclaration du premier ministre à l'effet qu'il pourrait y avoir une réduction d'employés. Dans un ministère, il y aurait 800 employés de trop.

M. MASSE: II y a évidemment une tendance et j'allais en parler dans la réforme administrative.

M. LESAGE: On nous fait signe qu'on nous entend très peu à l'autre extrémité.

UNE VOIX: On en entend d'autres.

M. BERTRAND: II y en a d'autres qui parlent.

M. MASSE: II y a des tables d'écoute.

M. BOURASSA: Ce que je veux soulever ou la question que je veux poser, amènerait des explications plus précises du ministre, car cela m'apparaît une présomption assez discutable de fixer le taux d'augmentation de salaire sur le taux d'augmentation des resssources fiscales moins ce qui peut correspondre à l'augmentation de la population.

M. MASSE: J'ai bien dit hier que les pourcentages apportés étaient des pourcentages hypothétiques pour l'illustration du raisonnement.

M. BOURASSA: Que les chiffres étaient hy- pothétiques mais l'affirmation elle-même était de 8% pour cette année.

M. MASSE: Les pourcentages de 8%, 6 1/2%, 1 1/2% étaient hypothétiques pour la démonstration de l'énoncé.

M. BOURASSA: Oui, mais les critères, eux ne sont pas hypothétiques.

M. MASSE: Il est évident que, selonles services, il y a des services qui, à cause de l'évolution technologique peuvent se réformer au point de vue du personnel beaucoup plus facilement. Il est évident que, dans les ministères comme le ministère du Revenu par exemple, la mécanographie et l'informatique ont amené une diminution de personnel.

M. BOURASSA: Au Fédéral cela a diminué de 3 à 1 en quelques années. Alors c'est pour ça...

M. MASSE: Par contre, il y a des services qui requièrent de plus en plus de personnel, comme par exemple l'enseignement et l'agriculture avec l'assurance-récolte. Alors, il y a des services qui, plus nous avançons, plus on nous demande de personnel technique alors que d'autres services traditionnels se trouvent à avoir moins de personnel parce que la mécanographie apporte un soulagement.

M. BOURASSA: Je suis d'accord avec ce que le ministre a signalé hier à l'effet que les chiffres étaient hypothétiques. Mais que les critères, eux, étaient définis et que l'un de ces critères était que le taux de l'augmentation des salaires devait correspondre, si j'ai bien compris, au taux d'augmentation des ressources fiscales,...

M. MASSE: Oui.

M. BOURASSA: ...que le taux d'augmentation de la masse salariale globale devait correspondre au taux d'augmentation des ressources fiscales et qu'il fallait distinguer...

M. MASSE: C'est ça.

M. BOURASSA: ... entre le taux d'augmentation de la masse salariale et le taux d'augmentation des salaires eux-mêmes et que, pour déterminer le taux d'augmentation des salaires, il fallait soustraire un pourcentage qui correspondait à l'augmentation de la population.

M. MASSE: Oui, l'augmentation de la population va amener une augmentation des effectifs pour les services rendus, sans programme nouveau à la même population.

M.BOURASSA: Oui, d'accord. Mais je trouve que c'est un peu arbitraire.

M. MASSE: Peut-être, mais c'est un facteur dont nous devons tenir compte, parce qu'il faut quand même payer les nouveaux fonctionnaires qui entreront dans des services déjà existants, uniquement à cause de l'augmentation de la population. Ce n'est pas une hypothèse, celai

M. BOURASSA: Oui. Il reste que je pense que nous prenons un critère, là, qui ne pourrait pas correspondre aux exigences d'une situation donnée.

M. MASSE: Evidemment nous pourrions ne pas en tenir compte, mais l'arrivée des fonctionnaires pour des programmes anciens, arrivée due à l'augmentabion de la population, serait payée comme étant un service nouveau, par une nouvelle imposition. Ce que nous croyons injuste devant la population puisque ce sont des services déjà payés, déjà existants et dont le coût augmente uniquement par l'augmentation de la population. Alors l'augmentation de la population nous donne une augmentation de rendement des impôts déjà perçus et une partie de ces impôts doit donc servir non pas à financer des programmes nouveaux mais à aider à financer des programmes anciens, à l'intérieur desquels il y a eu augmentation des effectifs due à l'augmentation de la population. Nous pourrions ne pas en tenir compte mais nous en tenons compte...

M. BOURASSA: D'accord. Je voulais souligner au ministre, en examinant les normes de sa politique salariale, que des critères comme ça me paraissent un peu arbitraires. Ainsi en tenant compte des ressources fiscales, c'est clair que, dans certains cas, l'élasticité — si je peux employer cette expression — des impôts peut être beaucoup plus élevée dans le cas de certains impôts comme les impôts directs, notamment l'impôt sur le revenu des particuliers ou l'élasticité peut être de 1.5% ou 1.4 %, alors que pour d'autres impôts ça peut être inférieur au taux de croissance du produit national brut. Alors, je pense que les salariés se trouvent, dans la formulation ou dans les salaires qu'ils obtiennent, à dépendre de circonstances qui sont...

M. LE PRESIDENT: Je pense qu'on avait demandé de poser une question. C'est peut-être préférable d'attendre que M. Masse finisse d'expliquer son point de vue. Ensuite on aura grand avantage à entendre...

M. MASSE: De toute façon, je tiens à dire à M. Bourassa, c'est-à-dire au député de Mercier, comme à ceux qui ont prétendu hier que c'est un dogme: Ce n'est pas un dogme. C'est l'élaboration d'une politique qui est discutable, qui est discutée et ce n'est pas un dogme.

M. LESAGE: Des « guide-lines ».

M. MASSE: C'est une politique gouvernementale.

M. BERTRAND: C'est plus que ça! C'est beaucoup plus que ça.

UNE VOIX: Il faut partir quelque part. M. BERTRAND; Je suis au courant de ça! M. LE PRESIDENT: M. Masse.

M. CHOQUETTE: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question au ministre? M. le Ministre, j'ai compris dans votre discours, hier, qu'à un moment vous avez dit que dans le secteur public et dans l'élaboration de votre politique salariale, vous teniez compte du facteur de la plus grande sécurité d'emploi dans le secteur public par rapport au secteur privé. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous avez affirmé dans ce sens-là?

M. MASSE: Nous tenons compte d'un ensemble de facteurs, y compris les heures de travail, y compris la sécurité d'emploi, y compris la sécurité d'assurance et toutes les clauses normatives. Un contrat de travail, c'est un ensemble et non uniquement un article monétaire.

M. CHOQUETTE: Oui, mais en termes économiques, comment calculez-vous la supériorité de la sécurité d'emploi dans le secteur public par rapport au secteur privé?

M. MASSE: Cela se calcule difficilement en piastres et cents, mais c'est un facteur important au point de vue de la stabilité d'emploi d'un individu et l'assurance qu'il peut avoir que, ce montant, il l'aura en principe jusqu'à sa retraite. C'est drôlement important pour l'individu.

M. CHOQUETTE: Je comprends ce que vous voulez dire, mais jusqu'à quel point le facteur de sécurité entre-t-il en ligne de compte, en pourcentage d'un salaire moindre ou d'un revenu moindre pour les employés du secteur public par rapport aux employés du secteur privé?

M. MASSE: Ce n'est pas calculé comme valant tant de cents l'heure.

M. CHOQUETTE: Alors, comment en tenez-vous compte puisque vous nous dites que vous en tenez compte? Cela doit représenter un pourcentage.

M. MASSE: Nous en tenons compte selon deux éléments: premièrement, l'intérêt que le syndiqué lui-même attache à ce facteur; deuxièmement, dans les comparaisons avec d'autres gouvernements qui ont le même système de sécurité. Nous n'avons pas à discuter longuement avec des syndiqués ou des fonctionnaires pour voir jusqu'à quel point la permanence ...

M. BERTRAND: Et la sécurité.

M. MASSE: ... et la sécurité sont des facteurs...

M. BERTRAND: Fondamentaux.

M. MASSE: ...fondamentaux dans leur esprit au point de vue de travail.

M. CHOQUETTE: Je comprends que cela l'est. Cela l'est sûrement. Le ministre a raison, ça l'est sûrement. Par contre, je me demande...

M. MASSE: Mais comment! M. LE PRESIDENT: A l'ordrel

M. MASSE: Cela ne vaut pas tant de cents. C'est clair.

M. LE PRESIDENT: Nous sommes encore revenus...

M. LESAGE: Vous considérez que c'est un impondérable.

M. MASSE: C'est un impondérable sauf dans les comparaisons avec des gouvernements qui ont une grille de traitements à l'intérieur desquels la permanence existe.

M. BERTRAND: Impondérable, mais fondamental.

M. MASSE: C'est fondamental.

M. LESAGE: Est-ce que cela veut dire que, par exemple, à la Régie des alcools, pour les caissiers, les employés de magasin, nous pourrions avantageusement comparer les salaires avec les salaires payés à ceux qui occupent les mêmes fonctions en Colombie, en Ontario, chez nos voisins?

M. BERTRAND: Ou ici, dans la province.

M. LESAGE: C'est seulement de cette façon que nous voudrions essayer de pondérer le facteur.

M. MASSE: Je vous vois fort bien venir.

M. LESAGE: Comment, vous me voyez venir! Je ne m'en viens pas!

UNE VOIX: II n'est pas encore parti.

M. MASSE: Mais on y reviendra, si vous voulez!...

Je termine avec quelques remarques au sujet de la question de la réforme administrative. Il est évident que la population, en général, a toujours formulé un certain nombre de critiques dans tous les pays, au sujet de l'appareil administratif de l'Etat, ce n'est pas nouveau, c'est à travers l'histoire et c'est à travers la géographie.

On peut résumer ces critiques rapidement, autour de deux ou trois thèmes. Généralement l'opinion reproche aux bureaux, à l'administration, d'occuper beaucoup trop de monde, et de gaspiller ainsi des ressources qui pourraient être investies ailleurs. L'opinion, en général, reproche également à l'administration — avec un grand A — que ses services, ses bureaux interviennent beaucoup trop dans la vie des citoyens par des formulaires « tatillonneux », ou par des politiques « tatillonneuses » même, comme gestes de l'administration.

Ce que l'opinion, en général, dans le monde également, reproche à l'administration, aux bureaux, c'est d'être irresponsables devant la population dans l'application de cette politique pour conclure que l'administration et les bureaux sont ceux qui, en réalité, gouvernent, parce que, en pratique, ce sont eux qui ont un lien direct, très souvent, avec le citoyen; exemple, c'est le percepteur d'impôt, par son formulaire, qui est directement dans la maison du contribuable. Ce n'est pas le ministre du Revenu.

Ce sont des problèmes qui ont fait l'objet de beaucoup d'études et qui ont fait l'objet de beaucoup de critiques, plus ou moins drôles de la part des grands auteurs, décrivant un monde absurde également. Le député de Gouin, qui n'est pas ici, a certainement pris connaissance des « Plaideurs » de Racine, du texte de Courte-line: « Messieurs les Ronds de Cuir », d'« Oli-

ver Twist » de Dickens, de « l'Héritage » de Maupassant, ou bien, sur le plan de l'absurde, du « Procès » de Kafka.

UNE VOIX: De Beckett.

M. LEVESQUE (Laurier): Vous avez des lectures!

UNE VOIX: Cela ne réglera pas la grève à la Régie!

M. MASSE s Devant ces problèmes de la réforme administrative, puisqu'on les a abordés, je tiens à vous dire que c'est le problème universel de l'augmentation des services de l'Etat par, de plus en plus, l'augmentation des responsabilités de l'Etat

Nous avons, depuis quelques mois, au gouvernement du Québec, mis de l'avant certains travaux pour alléger, dans notre secteur particulier de la fonction publique, les procédures d'administration du personnel. Le gouvernement prépare également un projet de loi pour la création d'une structure qui sera responsable de la gestion du personnel: le ministère de la Fonction publique.

Nous croyons que, du moins en principe, ces travaux dans la procédure administrative, et ces travaux, comme principe de responsabilité par un ministère, vont alléger les structures dans les questions de gestion du personnel.

Nous ne craignons pas de dire quand même, au départ, que nous ne réussirons pas au Québec là où tout le monde, depuis toujours et partout, a des problèmes importants au point de vue de la lourdeur de l'ensemble de l'appareil de l'administration.

Nous sommes pris, non pas dans des carcans, mais dans certains faits difficiles à briser, dans certaines traditions. Mais les efforts que nous tentons dans ce domaine-là sont quand même du domaine du positif.

Pour ce qui est de la participation à l'élaboration de la politique salariale du gouvernement, nous tenons à dire que le gouvernement a respecté depuis le début, dans cette ronde de négociations de 1968, l'ensemble des mécanismes légaux qui ont été acceptés par les Parlements antérieurs. Nous n'avons pas voulu rompre les règles du jeu pour ne pas être accusés de nous servir de règlements que nous pouvions contrôler sous prétexte que l'autre bras de l'Etat comme employeur était en négociations. De part et d'autre,...

M. LESAGE: II serait peut-être difficile, tout de même, de se servir de l'article 99 pour dire que la santé publique était en danger parce qu'il ne se vendait pas d'alcool,

M. MASSE: Et de part et d'autre,...

M. BERTRAND: Est-ce que nous l'avons dit...

M. LESAGE: Non, mais on vient de le laisser sous-entendre.

M. MASSE: Pour l'ensemble des négociatons, nous les avons faites à l'intérieur des lois qui existaient. Ce qui ne veut pas dire que ceux qui ont la responsabilité patronale, au point de vue du gouvernement, sont en totalité d'accord avec l'ensemble des lois ou l'ensemble des règlements que nous respectons maintenant.

Nous aurions, nous également, comme responsabilité patronale dans le secteur de la fonction publique, un mémoire à présenter au ministère du Travail en temps et lieu sur ce que nous croyons être des difficultés dans la bonne marche des négociations dans le secteur qui nous concerne, le secteur public. Et je suis parfaitement au courant qu'il en est de même du ministre du Travail qui, lui aussi, est bien au courant des déficiences des textes législatifs qu'il se doit d'administrer tant et aussi longtemps que le Parlement ne les aura pas changés.

Mais il est clair qu'à la fin de cette ronde de négociations, la Fonction publique aura des remarques et même des revendications à faire devant les lois existantes. Je ne dis pas que nous serons entendus parfaitement par le ministère du Travail, ce sera à lui de juger, bras neutre de l'Etat, ce sera à lui de juger si ce que nous préconisons, nous, bras patronal...

M. LESAGE: Où est-il le bras neutre? Est-ce le ministère du Travail?

M. MASSE: ... est juste.

M. LESAGE: Il ne faudrait tout de même pas...

M. MASSE: Je parle du ministère du Travail...

M. LESAGE: ... pousser trop fort.

M. MASSE: ... comme principe. La participation à l'élaboration de la politique salariale, à l'intérieur de la réglementation — puisque nous avons, selon les lois, à négocier syndicat par syndicat à des tables de négociations — devions-nous nier l'autonomie de ces syndicats â

l'intérieur du code du travail tel que connu et refuser de négocier directement, avec ce qui a été pour nous jusqu'à maintenant, des interlocuteurs valables et des interlocuteurs légaux? Pour nous, interlocuteurs valables, avant de faire part à ces organismes, à nos tables de négociations avec ces syndicats, est-ce que nous aurions dû les frustrer d'être les premiers à prendre connaissance de la position patronale dans leur secteur particulier, frustrer ces syndicats en s'adressant directement à des centrales syndicales qui ne sont pas, au point de vue légal, l'interlocuteur premier de la partie patronale du gouvernement?

Nous avons cru qu'il était logique de respecter jusqu'à ce point la légalité et nous avons discuté, table de négociations par table de négociations, avec le syndicat responsable devant nous, syndicat avec lequel nous avons négocié et syndicat avec lequel nous avons conclu des conventions collectives dans la majorité des cas.

Certes, avec ua certain nombre de syndicats, ce n'est pas terminé. Avec un syndicat en particulier, il y a une grève. Aurions-nous évité cette grève en ne respectant pas intégralement les règles du jeu qui nous sont imposées par la légalité? C'est une question à laquelle nous aurions pu répondre différemment, mais nous nous en sommes tenus à ce que nous croyons de la part de ces syndicats, être leur désir, puisque ce ne sont pas les syndicats qui nous ont demandé d'en discuter d'abord avec la centrale, mais c'est la centrale qui nous demandé d'en discuter avant le syndicat.

Cela aurait pu être autrement. Nous croyons que notre position de respect de la légalité est peut-être une position discutable, mais je pense que c'était, pour le moins, une position raisonnable. Comme nous l'avons mentionné, nous avons, nous aussi, des remarques à formuler sur les lois actuelles. Ce qui veut dire que, dans l'avenir, nos remarques ne seront pas dans le sens des demandes des centrales syndicales. Ce qui ne veut pas dire que nos remarques n'appuieront pas les remarques formulées par MM. Pepin,

Laliberté et Laberge, hier. Mais, nous n'avons pas, pour nous, à les formuler immédiatement.

J'ai relevé dans un exposé et je tiens à le dire: II n'a jamais été lancé nulle part, à ma connaissance, de la part du gouvernement ou de ses représentants dûment mandatés, d'accusations d'incompétence envers personne. Nous croyons que tous les syndicats et les syndiqués avec lesquels nous négocions sont respectables dans les fonctions qu'ils occupent. Il n'a jamais été mentionné, pour notre part, que nous devions calculer des taux de traitements selon l'opinion que les gens se formaient sur la compétence de ces individus. Ce n'est pas pour nous un facteur de négociation que des choses semblables et je n'ai, à ma connaissance, connu personne de responsable qui ait mentionné des facteurs d'incompétence de la part de qui que ce soit.

Je termine ces quelques remarques. Le gouvernement n'a pas imposé une négociation générale. Il a négocié à l'intérieur des lois, syndicat par syndicat, table de négociations en table de négociations. Le gouvernement devait avoir une politique, appelez cela budgétaire ou salariale, le gouvernement ne pouvait pas se lancer, lorsque 50% de son budget sont en jeu, dans une négociation, sans agir comme responsable, c'est-à-dire sans avoir une politique dans ce secteur. Les syndicats et les centrales auraient été les premiers à reprocher au gouvernement de ne pas avoir de politique lorsque 50% de son budget sont en jeu.

Peut-être que cette politique, en l'occurence, est une politique qui pose des problèmes aux centrales syndicales, peut-être que c'est une politique qui pose des problèmes à certains syndicats. Mais nous croyons que les centrales auraient été les premiers organismes à nous reprocher de ne pas avoir de politique lorsque 50% du budget sont en jeu.

Au fond, le problème est le suivant. Lorsqu'un syndicat dit: Ce que j'ai obtenu à telle table de négociations, je le veux à telle table de négociations, tout le monde comprend bien le syndicat. Lorsque, par contre, la partie patronale, le gouvernement dit: Ce que le syndicat a accepté à telle table de négociations, pourquoi ne l'accepterait-il pas à telle table de négociations? Là, tout le monde se pose la question. La politique du gouvernement est douteuse.

Nous croyons que ce qui est vrai pour l'argument A, doit l'être également, à mon avis, pour l'argument B.

Je demanderais maintenant, avec la permission du comité et avec votre permission, M. le Président, à un des conseillers du gouvernement de bien vouloir venir témoigner dans cette question de la politique générale, afin d'exposer ses idées et de répondre aux questions que vous voudrez bien lui poser.

M. BERTRAND: Est-ce que, M. le Président, on aurait objection à ce que M. Parizeau s'installe ici à la table, au micro? Il est également professeur, il préfère peut-être parler assis.

M. LE PRESIDENT: Qu'est-ce qu'en pense l'Opposition?

M. LESAGE: C'est ce que nous faisons ordinairement.

M. PARIZEAU: Alors, M. le Président, on a demandé hier un certain nombre de renseignements au sujet de l'évolution des ressources du gouvernement.

Etant donné qu'il y a un bon nombre de chiffres qui sont mis en cause, je préférerais lire ce texte, quitte à poursuivre ensuite sur des notes, tout simplement.

M. LESAGE: Est-ce que vous avez des copies, M. Parizeau, des chiffres que vous avez, ce qui nous éviterait d'avoir à prendre des notes?

M. BELLEMARE: Vous allez l'avoir dans le journal des Débats.

M. PARIZEAU: Je pourrais en faire faire, on va les avoir demain seulement.

M. BERTRAND: Non, mais il y en aura certainement.

M. PARIZEAU: On pourra en faire faire des copies.

M. LESAGE: II serait très simple de passer cela au Xerox.

M. BERTRAND: La Xerox, c'est la langue du jour.

M. MASSE: Laquelle Xerox, la votre ou la nôtre?

M. LESAGE: L'officielle.

M. BERTRAND: L'originale.

M. LE PRESIDENT: M. Parizeau.

M. PARIZEAU: On m'a demandé de calculer le rythme d'augmentation des ressources du gouvernement, depuis huit ans, en supposant que la structure fiscale n'ait pas été modifiée. Alors, sur la base de la structure fiscale actuelle, celle de 1968, et en adoptant un taux moyen d'élasticité du rendement des impôts au produit national brut de 1.18 tel qu'il ressort des travaux du comité du régime fiscal, on obtient les taux d'accroissement suivants pour les rentrées d'impôt seulement. J'insiste à nouveau sur le fait que ce sont seulement les rentrées d'impôt; je parlerai de la péréquation tout à l'heure.

Alors, en 1961, 7.3%; 1962, 8.4%; 1963, 6.6%; 1964, 14.7%; 1965, 12.2%; 1966, 12.0%; 1967, 8.8% et la projection pour 1968 est de 8.3%.

La base de calcul du produit national brut ayant été changée en 1963, le pourcentage appli- cable à 1964 est probablement trop élevé. Les 14.7% dont j'ai parlé tout à l'heure sont probablement aberrants, parce que la comptabilité nationale étant relativement nouvelle dans le Québec, ayant commencé en 1960 en fait, en 1963, la décision a été prise de changer la base, si bien que le chiffre de 1964 est probablement douteux. Pour le reste, cela peut aller.

A partir des projections présentées dans le dernier discours du budget du ministre fédéral des Finances sur l'augmentation du produit national brut canadien, il semblerait que le pourcentage applicable à 1969 sera du même ordre que celui de 1968. Les ressources gouvernementales comportent d'autres éléments que les impôts, en particulier, les transferts du gouvernement fédéral. Parmi ces transferts, le poste qui est de loin le plus important est la péréquation qui représentera en 68/69 environ 14% du montant total des ressources du gouvernement du Québec.

M. BOURASSA: Général?

M. PARIZEAU: Général spécial.

Le rendement de la formule actuelle de péréquation adoptée en 1967 ne peut être calculé pour les années antérieures sans de très longs calculs. Alors là, je signalerai simplement à M. Choquette que ce serait possible de recalculer ce que la formule de 1967 aurait rapporté en 1960, mais probablement après des semaines de calculs, et probablement avec une réunion d'une conférence fédérale-provinciale. Cette formule est, en effet, déterminée par le rendement de tous les impôts, dans toutes les provinces. C'est le caractère original de la formule de 1967 et c'est ce qui fait qu'il est tellement difficile de remonter en 1960.

Avec une conférence fédérale-provinciale, il y aurait probablement moyen.

Bien que, en raison même de la base de calcul, les projections soient particulièrement difficiles, on ne peut prudemment donner aux transferts du fédéral, péréquation et autres transferts, un coefficient d'élasticité de plus de 1 par rapport au produit national brut.

Pour les années 1968, 1969 et 1970, c'est-à-dire, les années de base des conventions signées ou en cours de négociations, on a utilisé un rythme de progression du produit national brut de 7.5%, dans l'hypothèse où la hausse des prix ne dépasserait pas 3% par an.

Le taux moyen d'augmentation des ressources fiscales serait donc de 8.5% par année. Or, l'augmentation de la population est actuellement voisine de 2%, mais son rythme tombe légèrement surtout à cause de la chute du taux de na-

talité. D'autre part, il faut se garder une marge d'erreur au cas où l'on aurait sous-estimé le rythme de progression des ressources, en particulier pour ce qui a trait à la péréquation. On a donc retenu aux fins du calcul un rythme d'augmentation de 1.5% de la population, pour se laisser une marge d'erreur de 0.5%. Dans ces conditions, l'augmentation de la masse salariale pour le personnel en place, ne peut dépasser 7% par an en y incluant les augmentations d'après échelle, les augmentations statutaires, les forfaitaires et divers autres coûts dérivés de la convention.

Si la hausse du coût de la vie dépassait 3%, en chacune des années de ces contrats de trois ans, une augmentation des ressources fiscales du gouvernement s'ensuivrait. On pourrait donc payer davantage. C'est la raison pour laquelle les conventions, qui ont été signées jusqu'à présent, prévoient un ajustement automatique dans ce cas-là. En somme, les offres qui sont faites aux tables de négociations, jusqu'à maintenant, comportent une clause d'ajustement automatique si le coût de la vie dépassait 3%, en l'une ou l'autre des années du contrat. Parce que, si l'augmentation du coût de la vie dépasse 3%, les ressources fiscales du gouvernement montent automatiquement.

UNE VOIX: Ah, c'est signé?

M. LEVESQUE (Laurier): Seulement à ce propos-là, entre parenthèses, est-ce vrai ou faux - je n'ai pas eu le temps de vérifier — qu'il y aurait eu 5% d'augmentation officielle au cours des douze mois de 1967 à 1968 se terminant vers juin, ou quelque part par là?

M. PARIZEAU: Non, je pense que c'est inférieur. C'est supérieur à 4%, mais ce n'est pas 5%.

M. LEVESQUE (Laurier): Mais ce n'est pas tout à fait 5%.

M. PARIZEAU: Non, ce n'est pas tout à fait 5%. Il faut ici faire très attention à une chose quand on utilise le coût de la vie. Le coût de la vie que nous allons utiliser est celui de Montréal, parce que c'est le seul qui soit calculé dans la province de Québec. Nous n'utilisons pas l'indice du coût de la vie du Canada tout entier pour la raison que les taxes de vente au détail entrent dans le coût de la vie, si bien que si l'Ontario augmente sa taxe de vente au détail, ça fait monter l'indice canadien du coût de la vie. Il est alors évident que ça ne rapporte rien au gouvernement de la province et ça ne coûte rien aux habitants de la province.

Donc, l'indice du coût de la vie utilisé est celui de Montréal.

Bon, ceci étant dit, on m'a demandé d'autre part, de discuter de ce principe d'augmentation...

M. CHOQUETTE: Est-ce que vous avez terminé sur ce sujet-là? J'aurais une question à vous poser.

M. PARIZEAU: Oui, certainement.

M. CHOQUETTE: Voici, M. Parizeau. Les offres gouvernementales, dans le secteur public, sont de 7.5% par période de 18 mois, n'est-ce pas?

M. MASSE: On va y revenir.

M. PARIZEAU: C'était la question que je voulais spécifiquement traiter maintenant!

M. CHOQUETTE: Non, le fait auquel je veux arriver, c'est qu'en somme ça revient à une offre de 5% par année, n'est-ce pas?

UNE VOIX: Oui, d'accord.

M. CHOQUETTE: Sept et demi pour cent par 18 mois, ça fait 5% par année?

M. PARIZEAU: Sept et demi pour cent par 18 mois, ça fait 5% par année.

M. CHOQUETTE: Bon. Alors, si je comprends bien, vos prévisions pour les années 68/69/70 sont des prévisions qui, je le devine, doivent être assez conservatrices. Vos prévisions sont de 8.3% par année d'augmentation, tenant compte de l'augmentation de la productivité et d'une augmentation du coût de la vie de pas plus de 3%, n'est-ce pas? Par conséquent, est-ce que les employés du secteur public, au bout de trois ans, si les choses se passent tel que prévu — et ça ce n'est pas assuré —est-ce que à toutes choses égales, d'ailleurs, les employés du secteur public ne sont pas dans un état pire au bout de trois ans qu'ils ne le sont actuellement?

M. PARIZEAU: Non. Il faudrait donc revenir à cette question des 7.5%. Que les 7.5% représentent la politique salariale du gouvernement, je vous avouerai que je ne sais pas d'où ça vient. Les ouvriers du gouvernement ont-ils reçu 7.5% par an? Les fonctionnaires, oui. Les ouvriers ont reçu 7.5% par 18 mois.

M. LESAGE: Non par an: par 18 moisi

M. PARIZEAU: C'est ce que je disais. Alors, est-ce que les ouvriers du gouvernement ont reçu 7.5% par 18 mois? Pas du tout! Pour un bon nombre d'entre eux, la première opération a consisté à réduire la semaine de travail de 48 heures à 40 heures. Pour d'autres, de 44 heures à 40 heures. En plus de cela, le rythme d'augmentation est de 7% par an, n'est-ce pas?

UNE VOIX; C'est ça.

M. PARIZEAU: Non, je parle des taux applicables aux ouvriers du gouvernement. L'augmentation est de 7% trois fois pendant la durée du contrat. Pour les fonctionnaires, c'est 7.5% pour 18 mois. Bien!

Prenons un autre exemple. Pour les agents de la paix, le taux est bien supérieur à 7.5%.

Nous étions en face d'un groupe qui avait traditionnellement pris un retard considérable par rapport aux autres échelles de salaire, et où les augmentations n'ont aucun rapport avec 7 1/2% par 18 mois. C'est supérieur à cela.

Les gens de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire qui étaient encore à des taux, pour un manoeuvre, de $1.28 et de $1.55, ils sont portés par la convention à $2.29 à la fin du contrat. Il n'y a pas de 7 1/2% là-dedans.

M. LE SAGE: M. Parizeau, vous prenez comme exemple le cas des agents de la paix qui est d'autant plus intéressant qu'il est plus récent, et vous dites que c'est beaucoup plus que 7 1/2% pour 18 mois. J'ai fait certains calculs rapides, et sur la deuxième période de 18 mois, j'arrive aux conclusions suivantes, aux résultats suivants: Echelon 1, $4,000, premier barreau, $4,600 et ce sera $5,000 au bout de 18 mois, cela veut dire une augmentation de 8.2% et ce qu'il y a d'extraordinaire, si vous prenez à l'échelon 2, c'est $4,800, ce sera $5,250, ça veut dire 9.4%. L'échelon 3, $5,000 ce sera $5,500; ça veut dire 10%. L'échelon 4, $5,200 -$5,750, 10.5% et quand on arrive à l'échelon 7, c'est 14%.

Ce que je trouve extraordinaire, c'est que plus on monte d'échelons, plus l'augmentation est considérable, non seulement en dollars et en cents, mais en pourcentage. C'est cela que je ne comprends pas très bien, alors qu'il me semble, à la suite de ce que M. Pepin disait hier quant à l'importance du salaire minimum vital, que ce seraient peut-être les petits salariés auxquels il faudrait accorder les plus gros pourcentages d'augmentation.

M. PARIZEAU: Si vous me permettez, M. Le-sage, à ce sujet-là, dans un cas comme celui de la convention des agents de la paix, nous nous trouvions à avoir affaire à un certain nombre de rectifications dans ce qu'on appelle les augmentations statutaires. Il est évident que, il faut d'une façon générale à l'intérieur du secteur public, faire en sorte que des gens qui gagnent, par exemple, entre $4,000 et $5,000 ou entre $5,000 et $6,000 aient des statutaires à peu près de même ordre. Ce serait tout à fait aberrant de constater que, un groupe qui a une échelle entre $5,000 et $6,000 a des statutaires, par exemple, de $400. Poussons la chose à la limite, disons de $500 par année. Il y aurait donc 3 barreaux, alors qu'au contraire, un autre groupe irait de $5,000 à $6,000 avec des augmentations statutaires de $100. Il y a donc des rectifications à faire dans les statutaires et dans le cas des agents de la paix, il y en avait pas mal. C'est ce qui donne le résultat que vous venez de signaler.

M. LESAGE: II n'y a pas trop d'erreurs.

M. PARIZEAU: Non, non. A l'opposé de cela, les enseignants ne se sont pas vu offrir 7 1/2% par 18 mois. Les enseignants se sont vus offrir des ajustements pour les hautes scolarités et à un rythme moyen de 6% sur le point milieu des échelles.

M. LESAGE: Pour les enseignants. M. PARIZEAU: Oui, oui.

M. LESAGE: Pour les enseignants, et non pour les agents de la paix.

M. PARIZEAU: Non, non. Je parle des enseignants, ici. Comme les enseignants ont des échelles statutaires très longues, le pourcentage d'augmentation générale, de déplacement des échelles pour les enseignants est évidemment beaucoup plus faible que le pourcentage applicable, disons, à des ouvriers qui ont un taux, quelle que soit leur ancienneté. Si bien que si l'on aborde les taux, catégorie par catégorie, groupe par groupe, les 7 1/2% apparaissent dans quelques-uns mais même pas dans la majorité des conventions. Autre chose, les radiologistes — je voyais que les radiologistes ou les spécialistes étaient représentés, hier — n'opèrent pas, à l'heure actuelle, avec 7 1/2% par 18 mois. En vertu de la dernière convention, ils ont un taux annuel d'augmentation qui représente à peu près 3%.

M. LESAGE: Dans le cas des radiologistes, vous prenez un cas bien particulier où il y a eu une augmentation très brusque, à un moment donné, il y a quelques années.

M. PARIZEAU: Je parle de la convention, ici, n'est-ce pas.

M. LESAGE: Le rattrapage, dans le cas des radiologistes, n'était pas très fort.

M. BOURASSA: C'est comme le Congo et les Etats-Unis.

M. LESAGE: Quand vous parlez des radiologistes, vous ne parlez pas des gens qui gagnent $3,600 ou $4,000 par année.

M. PARIZEAU: Je faisais volontiers le tour de l'ensemble des conventions, le gouvernement ayant à signer des conventions avec toutes espèces de gens.

M. CHOQUETTE: A la RAQ, quelle est l'offre?

M. PARIZEAU: L'offre est de 7 1/2% dans le cas de la RAQ, pour une partie du personnel...

M. CHOQUETTE: ... soit les fonctionnaires.

M. PARIZEAU: ... et, pour l'autre partie du personnel, c'est-à-dire les ouvriers ils se voient offrir la même chose que les ouvriers du gouvernement. A la fin de la période, les taux coincident sauf dans le cas des manoeuvres. Les manoeuvres de la RAQ auraient, à la fin de la convention, $2.46 au lieu de $2.29 pour les ouvriers du gouvernement. C'est bien ça? Bon. Alors, ce sont, pour tout le personnel ouvrier, à la fin de la période, exactement les mêmes taux que le personnel ouvrier du gouvernement sauf pour les manoeuvres où c'est plus élevé dans le cas de la RAQ, parce qu'ils avaient, déjà à la fin de leur convention, un taux très élevé par rapport à celui des ouvriers du gouvernement. Ils avaient $2.12 1/2, je pense.

M. CHOQUETTE: Au sujet de l'offre faite aux ouvriers, à la Régie des alcools, est-ce qu'elle est basée sur un accroissement de 7 1/2% par 18 mois ou sur d'autres considérations? Un rattrappage d'une part et les 7 l/2%?

M. PARIZEAU: Non, on pourra revenir à cela dans la partie qu'abordera le ministre attaché à la Fonction publique tout-à-l'heure. Mais, dans le cas des employés de bureau, en particulier, le déplacement, l'application des 7 1/2% les mettaient, à peu près, alignés avec ce qui se paye ailleurs dans la fonction publique. C'est pour ça que ç'a été retenu.

M. CHOQUETTE: Et chez; les ouvriers?

M. PARIZEAU: Chez les ouvriers, alors là, on a changé la formule. La formule de rémunération chez les ouvriers, qui est offerte à la RAQ, est très différente de celle de l'ancienne convention parce que l'ancienne convention avait des taux extrêmement tassés entre les spécialisés et les manoeuvres, en fait 20 cents. L'augmentation offerte aux ouvriers de la RAQ est en somme la nouvelle échelle de salaires des ouvriers du gouvernement. Alors elle est tout à fait différente de celle de l'ancienne convention, poste par poste, les pourcentages sont très différents aussi.

M. CHOQUETTE : M. Parizeau, je me suis laissé dire — vous me corrigerez si c'est inexact — que la classification, chez les ouvriers de la Régie des alcools, était très ancienne. Une classification de 1959 qui ne correspond pas du tout à la classification très récente et très moderne que nous avons chez les ouvriers du gouvernement. Par conséquent, la comparaison entre les deux groupes d'ouvriers est extrêmement difficile sinon impossible à faire.

M. PARIZEAU: Mais non, c'est qu'il suffit là... Le versement du personnel ouvrier dans les nouvelles classes, c'est une affaire qui ne prend pas tellement de temps.

M. CHOQUETTE: Oui, mais il n'estpas question à la RAQ de faire une nouvelle classification. Je pense que les autorités de la Régie des alcools s'objectent à discuter d'une nouvelle classification des employés.

M» PARIZEAU: II ne faut pas confondre la classification et le versement. Le versement consiste à observer les caractéristiques d'un individu, en particulier, d'un homme, constater qu'il part du niveau 2 ou qu'il va au niveau 4 ou qu'il va au niveau 6. Or, cette opération de versement s'est faite au gouvernement pour des milliers d'hommes. A la RAQ, il se présente quand même un minimum de difficultés.

M. CHOQUETTE: D'accord, au gouvernement, on a d'abord procédé à une nouvelle classification et après cela au classement des ouvriers suivant leur catégorie et c'était très bien je pense. En définitive, ça a apporté des résultats fructueux, je pense, autant sur le plan de l'administration gouvernementale que sur le plan de la justice entre les divers ouvriers. Mais à la Régie des alcools, ce n'est pas la même situation. On a une ancienne classification

qui est très peu détaillée par rapport à celle du gouvernement où les classes: Par exemple dans la classe des manoeuvres, vous avez 500 employés sans distinction du travail qu'ils font. Par conséquent, la comparaison cloche complètement entre l'étude des classes telles que prévues dans la classification du gouvernement et les classes telles que prévues dans la classification actuelle de la Régie des alcools.

M. PARIZEAU: Je pense que là vous exagérez beaucoup les difficultés techniques de l'opération. Pour ce qui est, par exemple, des hommes de métiers, eh bien, un peintre est un peintre. Si le peintre est envoyé à tel niveau, en vertu de la nouvelle offre ou de la nouvelle convention, son versement à ce niveau-là ne présente pas de difficultés considérables.

Il y a un problème au niveau des manutentionnaires, n'est-ce pas?

M. CHOQUETTE: Justement.

M. PARIZEAU: De la définition du manutentionnaire, mais c'est une chose à règlera la table de négociations, celai

M. CHOQUETTE: Oui mais, à la Régie des alcools, sur un personnel de 2,800 employés, vous avez 500 employés qui sont classés manoeuvres, tout simplement. Or, dans cette catégorie de manoeuvres, il y a une foule de fonctions qui sont remplies par ces gens-là et qui sont variables au point de vue de la difficulté du travail, de l'expérience requise, etc. Alors, par conséquent, la classification employée par la Régie des alcools actuellement, et à la table des négociations est très rudimentaire et ne donne pas, ne réflète pas, en quelque sorte, le paysage réel au point de vue des ouvriers et ainsi que s'effectue leur travail.

M. PARIZEAU: Je préférerais, pour ce qui est de la discussion de la division de la classe des manoeuvres, entre manoeuvres et manutentionnaires, laisser ceux qui sont chargés de la table expliquer l'état des négociations à cet égard.

Mais encore une fois, techniquement parlant, quand on pense que l'on a reclassifié quelque chose comme 200,000 hommes en l'espace de quelques années, vous comprendrez bien que la reclassification ou le reversement de 500 personnes, ce n'est quand même pas une opération majeure.

M. CHOQUETTE: Je trouve que cela a été très bien, ce qu'on a fait au gouvernement, de reclassifier je ne sais pas combien d'hommes, surtout dans les services administratifs du gouvernement, peut-être, 40,000 ou 45,000 personnes. C'était excellent. Mais je pense que la même opération devrait se poursuivre à la Régie des alcools.

M. PARIZEAU: Cela, je le laisserai àla table de négociations qui, j'imagine, expliquera les choses quand on en arrivera à cette question.

Quoi qu'il en soit, ce que je tenais à signaler, c'est que le rythme d'augmentation de 7 1/2% est une caractéristique de certaines tables et même pas de la majorité des tables, àl'heure actuelle. Nous avons une constellation de taux, un éventail de taux considérable, mais qui ont tous cette caractéristique: c'est de chercher à faire en sorte que des gens qui font substantiellement le même travail gagnent substantiellement les mêmes taux. Alors, cela implique, par définition, que les taux de progression vont être différents, justement parce que certains ont de longues échelles statutaires, que d'autres en ont de courtes, et que d'autres n'en ont pas du tout. D'autres ont été, dans certains cas, oubliés; certains, au contraire, étaient très en avance des échelles.

M. LEVESQUE (Laurier): M. Parizeau, à propos de cette espèce de comparaison entre la réalité des chiffres qui peuvent s'appliquer dans telle ou telle catégorie, si on disloque un peu l'ensemble des 7 1/2% qui sont devenus quasiment légendaires, vous avez dit à propos de la RAQ que dans le cas des bureaux — pour prendre les deux grands blocs — il sortirait de la convention — si j'ai bien compris, je voudrais être sûr que je comprends — telle qu'offerte jusqu'ici, dans ce domaine salarial, dans le cas des bureaux à peu près alignés sur la fonction publique; dans le cas des ouvriers, vous avez dit également que cela aboutirait — avec forcément des détails qui changent — dans l'ensemble, à les placer au même niveau, ou à un niveau comparable à celui des ouvriers du gouvernement.

M. PARIZEAU: Ou mieux, pour les manoeuvres.

M. LEVESQUE (Laurier): Ou mieux, pour les manoeuvres.

Vous avez dit à propos des ouvriers du gouvernement que, en fait, en plus d'une semaine de travail réduite, cela correspondait beaucoup plus à 7% par an qu'à 7 1/2% par 18 mois.

M. PARIZEAU: C'est dans la convention. Pour les ouvriers du gouvernement, c'est 7% par an.

M. LEVESQUE (Laurier): Maintenant, à cause du fait que les taux, et puis enfin toute la discussion assez complexe sur laquelle il faudrait avoir les chiffres, sur le tassement, les alignements, etc., est-ce que vous pouvez nous dire à quoi correspond, pour les ouvriers de la Régie des alcools, en gros, l'augmentation, par rapport aux 7 1/2% légendaires, est-ce qu'il y a moyen de le savoir?

M. PARIZEAU: C'est 6.8% par année?

M. LEVESQUE (Laurier): C'est 6.8% par année?

M. PARIZEAU: Mais ça, il faut bien s'entendre. C'est tout à fait moyen, étant donné que l'on parle d'une échelle et que l'on s'en va vers une autre échelle, c'est un pourcentage moyen.

M. LEVESQUE (Laurier): Et cela ne tient pas compte des manutentionnaires dont vous dites que le cas peut encore être abordé, si j'ai bien compris?

M. PARIZEAU: Oui, cela inclut la proposition faite par la table de déplacer un certain nombre de manoeuvres comme manutentionnaires.

M. LEVESQUE (Laurier): Alors, cela impliquerait, comme bloc, pour les ouvriers, peu importe la répartition finale dans le cas des versements, au point de vue des manutentionnaires 6.8% par année, pour la durée de la convention?

M. PARIZEAU: Par année, mais moyen.

M. CHOQUETTE: M. Parizeau, juste une petite question. Les commis de magasin à la Régie des alcools, qui représentent un nombre substantiel des grévistes, sont des ouvriers, n'est-ce pas?

M. PARIZEAU: Non.

M. CHOQUETTE : Us sont dans l'autre syndicat?

M. PARIZEAU: Us sont dans l'autre section.

M. CHOQUETTE: Alors les 7.5% s'appliquent à eux, n'est-ce pas?

M. PARIZEAU: Substantiellement, oui, c'est cela, c'est la même chose.

Ceci étant dit, comme les offres qui vont être faites aux tables et qui sont faites aux ta- bles sont très différentes en termes de pourcentage, et consistent à essayer d'aligner encore une fois des emplois identiques sur à peu près des salaires de même ordre, il va de soi qu'on ne peut pas négocier une politique salariale à chaque table. J'ai été un peu surpris de voir hier un des représentants syndicaux nous dire: Dans le cas de la table dont je m'occupe, nous acceptons vos échelles, mais nous n'acceptons pas votre politique salariale. Si j'ai bien compris, n'est-ce pas, c'était à peu près l'expressionqui avait été utilisée.

Eh bien, c'est exactement cela. Cela nous suffit. Ce que nous offrons à chaque table, ce n'est pas une politique salariale, c'est un certain nombre d'échelles qui sont coordonnées entre elles. Et alors, dans ces conditions, la politique salariale, c'est quoi? C'est pour le moment une espèce de document de régie interne du gouvernement qui fait que les offres ne sont pas faites à chaque table d'une façon désordonnée, qui fait que les offres sont toutes coordonnées entre elles et correspondent toutes à un certain nombre de principes qui ont été expliqués hier.

Alors, la politique salariale, c'est d'abord et avant tout, au point où nous en sommes, un document interne qui fait que ceux qui préparent les offres, par exemple, ne préparent pas des offres qui sont absolument incompatibles les unes avec les autres, qui fait qu'à une table on ne va pas augmenter considérablement la rémunération des ouvriers spécialisés ou des hommes de métiers, alors qu'à une autre table la préparation des offres aboutira au résultat inverse.

Je ne dis pas qu'une politique salariale ne se négocie pas, comme l'a dit le ministre tout à l'heure, au niveau, par exemple, des centrales, mais cela, c'est une autre étape, c'est autre chose, c'est autre chose qu'un corps de principes qui permet de construire des offres qui sont présentées à une vingtaine de tables.

M. LEFEBVRE: Si vous le permettez, à l'intérieur d'un scheme comme celui que vous venez de décrire où les différentes offres comme vous le dites, sont coordonnées entre elles, d'après vous quelle est la liberté de négociation de chacune des tables? C'est un des problèmes que posait hier M. Pepin et qui m'apparaît de plus en plus réel à mesure que je vous écoute.

M. PARIZEAU: Elle est exactement de même ordre que ce qu'on appelle « pattern bargaining » dans l'industrie privée. Il est évident qu'à l'intérieur, soit d'une entreprise qui a plusieurs succursales, soit à l'intérieur d'un secteur industriel, l'automobile, le papier, ou autre chose, il se fait le même genre de politique sa-

lariale interne; ce qui ne veut pas dire que le syndicat ne va pas chercher à casser le « pattern », il peut essayer de casser le « pattern » qui s'est établi, mais le « pattern » qui s'est établi, la partie patronale cherche à le maintenir.

M. CHOQUETTE: Est-ce qu'on peut identifier la situation de l'Etat à celle de l'entreprise privée dans ce domaine-là? Est-ce que cela est égal, d'après vous, est-ce que c'est la même chose?

M. PARIZEAU: Je dirais que c'est encore plus prononcé pour le gouvernement que pour l'entreprise privée, pour la raison qu'il faut pouvoir assurer des qualités de service qui sont uniformes autant qu'il est possible et, d'autre part, il faut faire très attention à ne pas modifier l'incitation que l'on peut avoir à entrer dans l'une ou l'autre des professions pour lesquelles le gouvernement est un très gros employeur. Prenez par exemple le cas des rapports à maintenir entre la rémunération de l'infirmière et la rémunération de l'institutrice qui font des études à peu près de même longueur. Nous avons là affaire à des milliers, des milliers de jeunes filles, chaque année, qui se présentent dans des écoles, soit pour devenir infirmières, soit pour devenir institutrices.

Il est évident que si le gouvernement n'a pas un principe directeur précis quant à la rémunération de ces deux types de femmes, il risque d'avoir des surplus considérables d'infirmières, d'ici un certain temps, et des pénuries d'institutrices. Ou le contraire!

Donc, cette idée d'avoir un certain nombre de principes coordonnés quant à l'établissement des offres est probablement encore plus important pour le gouvernement qu'il l'est pour l'entreprise privée. En somme, une entreprise privée qui paierait, par exemple, beaucoup trop par suite d'une négociation, qu'est-ce qu'il peut lui arriver? Il peut lui arriver de faire faillite. Si une autre entreprise, au contraire, arrive à négocier des augmentations de salaires faibles, qu'est-ce qu'il va lui arriver? Elle va faire des profits qui peuvent être très élevés.

Mais, le gouvernement ne fait ni faillite, ni profits. Il a des services à assurer.

M. CHOQUETTE: Mais, M. Parizeau, comme le laissait entendre mon collègue d'Ahuntsic, est-ce que ce besoin de logique interne que vous soulignez ne conduit pas à une position qui est tellement inflexible que c'est la négation de la négociation?

M. PARIZEAU: Oh! inflexible? Ecoutez, entendons-nous! Tout dépend ce que l'on entend par le terme. Il est évident que le gouvernement va tenir à ce que la cohérence qu'il a cherché à apporter dans le système soit, autant qu'il est possible, respectée. Pour des raisons qui se comprennent fort bien!

Lorsque nous n'avions pas cette cohérence-là, nous sommes arrivés à des structures de salaires qui n'avaient littéralement pas d'allure. Je vous rappelle qu'il y a deux ans, au début de 1966, à l'intérieur du gouvernement seulement — je ne parle pas du secteur public, mais du gouvernement seulement — le salaire du manoeuvre allait de $0.56 à $2, selon les cas, selon les cas, selon les têtes, selon les individus.

M. LEVESQUE (Laurier): $0.56?

M. PARIZEAU: De $0.56! Le gouvernement s'était lui-même exempté de l'application des lois du travail: Et c'était inférieur au salaire minimal. Cela allait de $0.56 à $2.

M. BELLEMARE: 300%

M. LEVESQUE (Laurier): Ils en avaient laissé traîner quelques-uns.

UNE VOIX: Vous ne saviez pas cela?

M. PARIZEAU: Nous en étions arrivés à une situation, au sujet des infirmières — il y a encore deux ou trois ans — où certains hôpitaux de province payaient des salaires tellement faibles par rapport à ceux de Québec ou de Montréal, qu'il y avait une rotation continuelle d'infirmières dans ces hôpitaux-là. Y compris, par exemple, des hôpitaux pour enfants anormaux ou pour malades chroniques qui, parce qu'ils étaient éloignés des grands centres et parce que les salaires y étaient très bas, n'arrivaient simplement pas à avoir les infirmières dont ils avaient besoin.

L'absence de cohérence, nous savons très bien ce que nous l'avons payée, en termes de désordre et en termes d'incapacité de fournir des services appropriés! Donc, dans ce sens, le gouvernement, évidemment, est inflexible. Mais cela n'était pas nécessairement une inflexibilité au niveau des tables de négociations. Je reprends, par exemple, la question des agents de la paix. Dans le cas des agents de la paix— je pense qu'il faut y aller avec une certaine candeur, ici — le représentant syndical nous est arrivé pres-qu'à la fin des négociations en disant pour deux groupes: Vous avez l'air de nous offrir moins

que ce que vous offrez à des fonctions comparables ailleurs. Il est arrivé avec un certain nombre de graphiques là-dessus. Examen fait, et l'examen était particulièrement difficile pour des considérations de « matching», d'équivalences de tâches: il avait raison! Il a eu ce qu'il demandait. Il était clair que là, le «matching » qui avait été fait entre deux occupations posait des problèmes assez difficiles qui avaient probablement été mal interprétés. Bien, cela a pris deux heures pour avoir la réponse. Il était clair que dans ces deux-cas-là, le « matching » était mal fait.

Nous pouvons peut-être considérer la position comme étant inflexible, mais il reste, néanmoins, que pour toute une série de tables — jusqu'à maintenant — elle a fort bien marché, à l'exception de la Régie des alcools, cette formule-là. Elle a été acceptée sur toute une série de tables.

M. LEFEBVRE: En termes justement de « matching », comme vous venez de le dire, M. Parizeau, vous avez dit tout à l'heure que l'offre concernant les commis à la Régie des alcools par exemple, était l'équivalent de ce qui a été offert et accepté par les fonctionnaires pour ce que vous avez appelé des tâches comparables. Est-ce que vous êtes convaincu que ces comparaisons, dans le cas des employés de la Régie des alcools, sont étanches en tout point? Est-ce que, par exemple, au sujet de la sécurité d'emploi, elle est exactement la même pour les employés de la Régie que celle dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat?

M. PARIZEAU: La sécurité d'emploi est autre chose ici. Si je ne m'adresse qu'aux salaires eux-mêmes — et cela, je pense que vous allez le voir tout à l'heure — je ne veux pas dire que ce n'est pas important, la sécurité d'emploi, je veux dire que quand on présentera les salaires payés à la régie et ceux qui sont payés dans la Fonction publique, vous allez voir que même si on laisse de côté, pour le moment, la question de la sécurité d'emploi, le «matching» pris dans ce sens me semble a peu près correct. Je ne veux pas dire que la sécurité d'emploi n'est pas importante. Ce que je veux dire, c'est que c'est un autre problème. Cela n'entre pas dans les salaires.

M. LEFEBVRE: Cela ne fait pas partie de la comparaison entre les deux tâches. C'est ce que le ministre a dit lui-même hier.

M. PARIZEAU: Ecoutez, je pense que là où la sécurité d'emploi intervient, c'est lorsqu'il y a des écarts de sécurité très très différents. Ce- la peut intervenir, mais il est évident que dans le cas de la régie, on ne se trouve pas en face d'une industrie hautement saisonnière où la main-d'oeuvre varie de presque rien à plusieurs milliers d'ouvriers. Lorsqu'on parle de sécurité d'emploi, je pense dans le sens que le ministre en parlait tout à l'heure. Par exemple, si on veut comparer un fonctionnaire avec un employé d'une conserverie, il est certain qu'on a affaire à deux types d'emploi complètement différents. Un emploi dans la conserverie qui apparaît pendant quelques mois et qui disparaît complètement ensuite et un fonctionnaire qui, lui, travaille et qui fait toute sa carrière au gouvernement, pour des différences de sécurité aussi grandes, cela peut se réfléter dans les structures de salaires.

M. CHOQUETTE: M. Parizeau, dans la même ligne de pensée que la question qui vous a été posée par le député d'Ahuntsic, est-ce que, au point de vue des heures de travail, par exemple, la comparaison est égale entre les employés de la Régie des alcools ou certaines catégories importantes de la Régie des alcools et d'employés du gouvernement?

M. PARIZEAU: II est évident qu'on tient toujours compte — mais là arithmétiquement, quand je dis qu'on en tient compte, n'est-ce pas — on tient toujours compte arithmétiquement des différences d'heures de travail, parce qu'on a effectivement, dans le secteur public, des différences d'heures de travail qui sont considérables, qui vont maintenant dans l'ensemble de 32 1/2 à 40 heures. Alors, selon que vous avez des gens qui travaillent 32 1/2 heures et 40 heures, même s'ils font le même emploi, vous ne pouvez pas les payer les mêmes taux. Il faut faire l'ajustement en fonction des heures.

M. CHOQUETTE: M. Parizeau, juste une dernière question — je prends pas mal de temps du comité — mais je pense que ce sont les questions, peut-être, qui vont au fond des choses. Même si je le dis moi-même.

Tout à l'heure, on parlait de sécurité d'emploi au sens large du terme, n'est-ce pas? Dans votre optique à vous, est-ce que vous affecteriez un facteur négatif à l'égard du salaire des employés de l'Etat ou du secteur public, étant donné qu'ils ont une sécurité d'emploi qui vaut plus que celle que Pon trouve dans le secteur privé?

Quelle est votre opinion à ce sujet?

M. PARIZEAU: Ecoutez, là, entendons-nous. Ce n'est pas facile de répondre à une question comme celle-là, parce que la sécurité a toute espèce de signification. Si on parle d'une sécurité légale...

M. CHOQUETTE: Non, je ne parle pas de la sécurité prévue par la convention collective, je parle plutôt de cette sécurité qui vient du fait que...

M. PARIZEAU: Vous parlez de rentabilité.

M. CHOQUETTE: ... lorsque quelqu'un entre dans le secteur public, il y a de bonnes chances, en général, qu'il ne sera pas mis à pied, que le travail ne manquera pas et qu'il ne sera pas renvoyé. C'est plus au sens économique de la chose que j'aborde le sujet.

M. PARIZEAU: Alors, pour répondre à votre question, il est très difficile de donner une valeur arithmétique à ce secteur-là, pour la raison suivante, c'est que l'instabilité de l'emploi, parce que c'est de cela que vous parlez vraiment...

M. CHOQUETTE: Justement.

M. PARIZEAU: ... l'instabilité de l'emploi qu'on constate dans le secteur privé donne lieu, soit, comme justification, à des salaires très élevés ou bien à des salaires très bas. L'instabilité dans l'industrie de la construction a pu servir d'argument pour obtenir $3.32 pour le manoeuvre maintenant, à Montréal. Donc un salaire qui, pour le manoeuvre, est très haut. Mais, dans la conserverie dont je parlais tout à l'heure, là où dans les usines de poisson, par exemple, on a un emploi tout aussi instable, peut-être davantage, et qui donne lieu à des salaires de quoi... $1.00, $1.15, $1.25, $1.30.

Alors, puisque l'instabilité dans le secteur privé donne lieu à toute cette gamme de taux, de très bas à très élevé, il n'estpas facile pour le gouvernement de dire: Dans l'ensemble, les gens qui travaillent pour le gouvernement ne sont pas caractérisés par une aussi grande instabilité, je vais donc faire intervenir un facteur de temps à ce phénomène-là.

M. CHOQUETTE: Alors, qu'est-ce que vous faites dans des circonstances comme celles-là? Qu'est-ce que vous faites en pratique?

M. PARIZEAU: Pourquoi?

M. CHOQUETTE: Pour arriver, enfin, à faire une offre concrète.

M. PARIZEAU: On tient compte de toute une série de facteurs qui sont les suivants, à l'intétieur des principes que le ministre a exposés: d'une part, ce que l'on chercher à être, non pas le meilleur employeur — comme il l'a dit — mais, autant que possible, à être mieux que la moyenne.

M. CHOQUETTE: On est bon enfant.

M. PARIZEAU: Le troisième quart. Pas le quatrième, le troisième.

D'autre part, on tient compte de ce que payent d'autres employeurs de même type que nous, c'est-à-dire surtout le gouvernement fédéral et le gouvernement de l'Ontario, en corrigeant ça, cependant, pour tenir compte du fait que le gouvernement de l'Ontario en particulier, est très souvent au point où nous étions au début de 1966.

C'est ce qui fait que, par exemple, il est hors de question que l'on puisse toujours s'aligner sur l'Ontario, parce que ça donnerait des choses absolument aberrantes. Je comprends que dans le cas de la régie, on voudrait s'aligner sur les salaires de la Régie de l'Ontario, que l'on donne en exemple.

UNE VOIX: C 'est monsieur Vincent Prince...

M. PARIZEAU: Mais, est-ce que l'on souhaiterait aussi que nous alignions les salaires — les prochaines offres — des employés de service dans les hôpitaux du Québec? Est-ce que l'on voudrait les aligner sur certains des taux qui sont payés dans les hôpitaux de l'Ontario aux employés de service?

M. LEVESQUE (Laurier): Exemple?

M. PARIZEAU: Bien il y a un certain nombre... On négocie hôpital par hôpital, en Ontario, sauf pour les infirmières et pour une partie du personnel de nursing. Le résultat, c'est que vous avez des hôpitaux en Ontario où il y a encore du personnel de service qui gagne $45 par semaine. Vous en avez d'autres qui sont beaucoup mieux payés. Il est évident, par exemple, que l'hôpital « Toronto General », va avoir des structures très élevées, mais que des hôpitaux, qui sont un peu loin des grands centres, ont des taux de salaire qui sont très inférieurs aux nôtres.

Alors, il faudrait quand même faire attention à cette analogie avec l'Ontario.

Nous cherchons à avoir un éventail de taux coordonnés qui, dans l'ensemble, se situent à peu près au niveau de ce que d'autres gouvernements, celui de l'Ontario par exemple, peuvent payer. C'est dans l'ensemble. Mais, il n'est pas question, ou bien d'aller chercher les pointes de l'Ontario ou bien descendre aussi bas que lui dans certains domaines.

M. CHOQUETTE: M. Parizeau, juste...

M. LESAGE: M. Parizeau référant ces comparaisons avec l'Ontario, s'il y a des faiblesses dans les structures de salaires en Ontario — exemple, dans le secteur des services dans les hôpitaux — c'est parce qu'il y a un retard. Je crois que, lorsque l'on fait des comparaisons avec l'Ontario, il ne faut tout de même pas aller jusqu'à faire des comparaisons dans des secteurs où l'Ontario est certainement en retard parce qu'ils n'ont pas mis d'ordre dans leurs affaires.

M. PARIZEAU: C'est la raison...

M. LESAGE: Dans les secteurs où l'Ontario a mis de l'ordre dans ses affaires, dans un secteur public comme sa commission des liqueurs, c'est totalement différent. La comparaison que vous venez de faire avec le secteur des services dans les hôpitaux, à mon sens, boîte. On ne saurait faire cette comparaison parce que, vous admettez vous-même, nous sommes en retard et l'ordre n'a pas été établi.

M. PARIZEAU: Ce que je voulais dire, M. Lesage, c'est que ce n'est pas que l'ordre n'a pas été établi seulement dans les hôpitaux, l'ordre n'a pas encore été établi dans les structures de salaires de l'Ontario, avec pour résultat qu'il y a des pointes, dans un certain nombre d'endroits, et des trous dans d'autres endroits. Les pointes se sont produites très souvent par accident ou pour des raisons de pression, ou pour toute espèce de raisons accidentelles. Les trous ont été laissés là, souvent aussi, pour des raisons accidentelles. Le désordre, dans ce sens-là, joue dans tous les sens.

Quand je vous disais que dans la fonction publique de la province de Québec, il y a deux ans et demi ou trois ans, les salaires du manoeuvre allaient de $0.56 à $2, les $2 étaient, si je peux m'exprimer ainsi, tout aussi aberrant que les $0.56. Quelques-uns l'avaient — pour des raisons que très souvent on n'arrivait pas d'ailleurs, à expliquer. Et ceux qui avaient $0.56— il y en avait — pour des raisons qu'on n'arrivait pas très bien à expliquer. La structure des salaires de l'Ontario est souvent de ce type. Ainsi, par exemple, quand les radiologistes nous indiquaient qu'en Ontario ils gagnaient nettement plus à l'unité qu'au Québec, nous n'avons pas dit non. C'était vrai. Mais, il y a 200 ou 300 médecins qui ont réussi à obtenir de l'Ontario quelque chose de très avantageux. Bon! C'est un groupe de 200 ou 300 personnes.

Est-ce que cela veut dire que, sous le prétexte qu'un groupe fait une percée en Ontario à un moment donné, l'on se mette à suivre, non pas seulement pour un groupe mais avec notre structure? Parce que n'oubliez pas encore une fois que si on décidait de s'aligner sur une pointe en Ontario pour un groupe, notre principe que l'on va payer à peu près la même chose pour les mêmes emplois, il continue de s'appliquer. Alors ça nous sert de levier, pour des dizaines de milliers d'hommes. Je vous rappelle ici à titre d'exemple — et je pense qu'il est important de s'en souvenir — que le chiffre d'un cent l'heure dans le secteur public de la province de Québec coûte $4 millions et demi par année. Un cent l'heure...

M. LESAGE: Par année.

M. PARIZEAU: Alors avant de suivre des pointes pour remonter tout cela...

M. LESAGE: Revenant à cette comparaison avec l'Ontario, il y a des secteurs, c'est clair, où l'ordre n'a pas été établi. Vous avez donné l'exemple du secteur hospitalier. Vous avez donné l'exemple des radiologistes où il y a eu une poussée pour une pointe. Mais sans doute que chez les fonctionnaires de l'Ontario, d'après les renseignements que j'ai, c'est que la structure des salaires est assez ordonnée et qu'il n'y a pas ces différences aberrantes, pour me servir du terme que vous avez employé, que l'on trouve dans le secteur hospitalier dont vous avez donné des exemples.

M. PARIZEAU: Dans le secteur de la fonction publique proprement dite en Ontario, c'est sûrement beaucoup moins désordonné — je parle ici des fonctionnaires travaillant au gouvernement — c'est probablement beaucoup moins désordonné que c'en a l'air dans les hôpitaux, il n'y a pas l'ombre d'un doute. Encore que, leur structure de salaire pour les professionnels, par exemple, soit à certains endroits extrêmement curieuse. Il y a des relèvements qui s'expliquent plus facilement que d'autres ou des trous ou des poids relatifs donnés à certaines professions qui sont difficilement explicables. Il est certain que pour ce qui est des fonctionnaires à l'emploi du gouvernement de l'Ontario, c'est moins désordonné que ça peut l'être dans les hôpitaux, c'est certain. C'est même moins désordonné que ça peut l'être dans l'enseignement.

M. CHOQUETTE: Dans votre appréciation des emplois similaires soit dans l'industrie privée dans le Québec ou payés par d'autres

gouvernements, qu'est-ce qui prime dans votre opinion? Est-ce que ce sont les conditions de rémunération et de travail dans l'entreprise privée au Québec ou est-ce que ce sont des comparaisons avec des salaires payés par d'autres gouvernements ou dans d'autres secteurs publics?

M. PARIZEAU: II s'agit de faire un arbitrage entre trois données. J'étais rendu au deuxième élément qui entrait en ligne de compte. Il y a un troisième élément qui a trait à la capacité du gouvernement d'augmenter les salaires compte tenu des ressources fiscales dont il dispose.

Alors il s'agit de faire un arbitrage entre ces trois donnés-là. C'est-à-dire, qu'est-ce que cela implique d'être un bon employeur? Qu'est-ce que les autres gouvernements arrivent à faire dans l'ensemble? Et puis, de quelle somme d'argent disposons-nous? Alors forcément, ces trois considérations entrent en ligne de compte. A l'intérieur de ces trois choses-là, on essaie de déterminer un certain nombre de taux particulièrement importants. Mais une fois que ces taux particulièrement importants sont établis, il est certain que le reste des taux y entre par intrapolation. Il est clair, par exemple, que si on s'entend sur le taux du manoeuvre, qu'on applique à ce taux de manoeuvre un certain pourcentage pour monter aux mécaniciens de machine fixe, un certain nombre de corps de métiers vont se situer par intrapolation entre ces deux taux-là.

M. CHOQUETTE: Justement, M. Parizeau, c'est ma dernière question. Quels sont, d'après vous, les taux les plus importants? Les points de repère en quelque sorte de l'échelle salariale que vous proposez?

M. PARIZEAU: Voyons! Vous allez me permettre d'en donner une liste. J'aurais peut-être à y revenir. Il est possible que j'en oublie un, ou deux, mais il y a clairement le taux ou les taux de la main-d'oeuvre non spécialisée. Il y a, d'autre part, les taux maximums des échelles des ouvriers spécialisés. Les $3.65, par exemple, de la convention signée par le gouvernement avec ses ouvriers correspondent aux mécaniciens de machines fixes, classe 1.

D'autre part, il y a le taux jumelé d'une institutrice de quatorze ans de scolarité et d'une infirmière. Il y a d'autre part le taux de départ de l'ingénieur qui est en somme symbolique de toute une série de professions. Il y a maintenant dans les emplois de bureau l'échelle du commis, ou des agents de bureau et un taux féminin, qui peut être le taux de la dactylo. Je pense qu'il y en a qui sont importants mais qui ne jouent pas le même rôle pour les interpolations. Par exemple, le taux du commis principal qui, à l'intérieur de l'unité de fonctionnaires représente l'autre bout pour le personnel clérical. Mais en gros, ce serait à peu près cela. Il y a des taux spécifiques, à part ça, qui ont une certaine importance, par exemple, le taux du poseur de lignes à l'Hydro représente un taux d'ouvriers spécialisés très haut dont il faut tenir compte aussi. Alors, il y a des taux importants et il y en a d'autres qui sont moins importants et puis d'autres qui sont obtenus par intrapolation.

M. CHOQUETTE: Est-ce que vous avezbâti, à partir de ces taux, une échelle que vous seriez en mesure de déposer devant le comité pour qu'on puisse apprécier la gradation de ces divers points de repère?

M. PARIZEAU: Bien, écoutez, elles font partie des conventions, vous allez retrouver tous ces taux-là dans les offres.

M. CHOQUETTE: Oui mais, enfin je pense que ça prendrait un résumé puisque vous nous dites que ce sont vos points de repère pour dresser votre échelle.

M. PARIZEAU: Si vous voulez seulement un résumé des principales clauses dans les conventions signées, cela peut se faire.

M. MICHAUD: M. Parizeau, si vous permettez, dans le cadre de la négociation du gouvernement, avec des groupes d'employés et de salariés qui comptent parmi les plus bas salariés du Québec, est-ce que le gouvernement a établi ou pourrait établir, en regard des offres soumises, ce qui pourrait être — et cela est revenu dans les interventions des chefs syndicaux — un revenu minimum décent? Est-ce que vous avez l'impression que les offres actuelles pourraient correspondre à ce revenu minimum décent, si jamais est établi le revenu minimum décent dans le cas des plus bas salariés du Québec?

M. PARIZEAU: Cette question demande un certain nombre de développements. Je m'excuse, M. le Président, je ne veux pas prendre trop de temps mais la question posée demande un certain nombre d'explications. Quand on parle d'un revenu minimum décent, on fait appel à une motion de niveau de vie minimale, de niveau de vie élémentaire. Ceci va dépendre, forcément, de la situation de l'état civil de l'employé, du

fait qu'il soit marié ou non, qu'il ait des enfants ou non et quel nombre.

Il est évident qu'un minimum comme celui-là, à supposer qu'on puisse le déterminer, et Dieu sait, enfin, tout le monde le sait, que les spécialistes peuvent se battre sur ces chiffres-là, il faudrait l'établir pour le célibataire, pour le couple marié sans enfants, pour le couple marié, avec un, deux, trois, quatre enfants, etc. Bon, alors il n'est pas facile de vouloir déterminer une échelle de salaires en fonction de l'état civil, parce que cela donnerait, par exemple — entre nous, cela a souvent donné ça — le résultat qu'on se dit que, dans tel groupe d'employés, il y a surtout des gens mariés et ils ont beaucoup d'enfants. Alors, on va monter, on va avoir des échelles de salaires assez élevées pour ces gens-là. Tel autre groupe fait à peu près le même genre de travail, mais il est surtout composé de femmes, alors, on va faire l'hypothèse que, ou bien elles sont mariées et leur mari gagne quelque chose, ou bien elles sont célibataires, et on va les payer moins cher. Ce qui fait que le jeune célibataire de 18 ans, dans le premier groupe, va avoir un salaire élevé, et que la veuve, avec quatre enfants, dans le second groupe, va avoir un salaire bas.

C'est ce que ça veut dire, monter des échelles de salaires pour refléter un niveau de vie désiré. Si bien que la question d'assurer un revenu décent relève de plus en plus du revenu minimum garanti, par exemple, dont les gouvernements parlent. Cela relève de la façon dont les allocations familiales sont faites, de la façon dont la loi de l'impôt donne une compensation suffisante ou non pour la femme mariée. Cela relève, en somme, de la sécurité sociale dans le sens large du terme, y compris la loi de l'impôt, beaucoup plus que la structure de salaires elle-même.

Si on veut, par la structure de salaire, chercher à s'adapter à des états civils différents, on crée des injustices absolument invraisemblables.

M. LEFEBVRE: II s'agirait peut-être de faire la preuve qu'il n'est pas tout à fait satisfaisant, pour un Etat qui se respecte, de prétendre établir une politique salariale sans pousser un cran plus loin et avoir une politique globale des revenus.

M. PARIZEAU: C'est-à-dire, non, pas une politique, il faut faire attention au sens du mot politique de revenu.

M. LEFEBVRE: Déterminée par l'Etat.

M. PARIZEAU: Oui, il faut qu'un Etat ait une politique de sécurité sociale et une politique de l'impôt.

M. LEFEBVRE: C'est cela.

M. PARIZEAU: Tout gouvernement en a une. Elle peut être considérée comme bonne, elle peut être considérée comme mauvaise, mais il ne peut pas ne pas en avoir. On a une structure d'impôt, à l'heure actuelle, on a une structure de sécurité sociale. Il est bien possible qu'elle ne réflète pas correctement les diverses charges de famille des gens. Alors c'est celle-là qu'il faut changer plutôt que de s'imaginer qu'en mettant un désordre considérable dans les structures de salaires, on évitera des injustices.

M. LEVESQUE (Laurier): M. Parizeau, pour revenir à votre tableau, tout à l'heure, de la négociation par rapport à la cohérence nécessaire que le gouvernement doit établir dans son budget, vous parliez d'un « pattern bargaining ». Et forcément, c'est ce qui est en train de s'établir du côté du gouvernement.

Par ailleurs, comme disait le ministre délégué à la Fonction publique, cela se répartit sur une série de tables et c'est conforme à la loi actuelle. Mais dans votre esprit - enfin je vous demande simplement une opinion — cela ne mè-ne-t-il pas et cela ne doit-il pas mener automatiquement à une négociation générale? Parce que ce « pattern » non seulement peut mais doit être mis en question par les syndicats qui sont impliqués, il faut tout de même qu'ils sachent de quoi il s'agit, et ils ont le droit que cela se sache publiquement. Il s'agit du secteur public. Est-ce que cela ne mène pas automatiquement, si on ne veut pas retomber dans un autre genre d'incohérence, à une négociation générale le plus tôt possible?

M. PARIZEAU: II est évident qu'il serait d'autant plus facile de se comprendre si l'on changeait le système de négociations et que le gouvernement et les centrales s'entendraient avant le départ d'une ronde de négociations ou bien sur les taux importants...

M. LEVESQUE (Laurier): Ou ne s'entendraient pas!

M. PARIZEAU: Ou ne s'entendraient pas, mais enfin, négocieraient, ou bien des taux comme ceux dont on parlait tout à l'heure ou bien des rythmes généraux d'augmentation, n'est-ce pas?

M. LEVESQUE (Laurier): Autrement dit, le gouvernement devrait ouvrir ses livres?

Ce que je veux dire c'est que, dans l'ensemble, si on arrive à une sorte de « pattern » où il y aurait de la cohérence aussi dans les négociations, il faudrait que le gouvernement négocie à livre ouvert, sur le rythme d'augmentation, sur ses disponibilités, sur tout cet ensemble de façon générale?

M. PARIZEAU: J'aimerais cependant présenter un point de vue, ici. Ce n'est pas un point de vue personnel, c'est...

M. LEVESQUE (Laurier): Excusez, je veux juste expliquer. Je pense au futur ministre de la Fonction publique qui disait hier, à un moment donné, en employant une comparaison militariste qui sonnait un peu curieusement: Un général ne doit pas expliquer ou dévoiler d'avance l'état de ses munitions, etc. Dans le fractionnement des tables actuelles, et le genre de négociations auxquelles on est tenu, cela s'explique, mais dans une véritable cohérence de la négociation, telle que vous l'évoquez en parlant du « pattern », cela ne devrait pas s'appliquer comme cela.

M. PARIZEAU: Sauf qu'il faut quand même voir d'où on part. On part du début de 1966 d'une situation où vulgairement parlant une chienne n'irait pas retrouver ses petits. Il y a un désordre absolument ahurissant dont les deux gouvernements ont d'ailleurs fait état. Je me souviens aussi bien, M. Lesage que M. Johnson décrivant la situation qui prévalait au début de 1966 dans des termes extrêmement crus, les deux ayant fait état des mêmes circonstances.

M. LE PRESIDENT: M. Pearson voudrait poser une question.

M. PARIZEAU: Oui. Je voudrais seulement finir ma réponse à l'intention de M. Levesque.

Pendant un an et demi, et ça, tout le monde le sait, on est passé par une série de grèves extraordinaires qui se comprenaient d'ailleurs dans la mesure où les grosses opérations de remise en ordre se faisaient, où des groupes recevaient des augmentations mirobolantes, où des groupes recevaient des augmentations très faibles, où il fallait arrêter des groupes parce qu'ils étalent tellement loin en avant de tout le monde que l'on n'avait pas les moyens de tout faire à la fois.

Cela a créé des problèmes épouvantables. Nous avons eu des grèves dans je ne sais plus combien de secteurs, l'une après l'autre. Mais le plus clair de l'opération de réorganisation a pu se faire à ce moment-là.

La deuxième étape consistait à établir maintenant certains rythmes, et puis à finir les plus grosses corrections qui ont été amorcées en 66/67.

Maintenant, il y a une troisième étape à venir, c'est évident que la troisième étape, si elle est le moindrement possible, il faut l'essayer. Cette troisième étape est celle où le gouvernement discutera des principes généraux avec les centrales. Et si on arrive à le faire en 1971, cela veut dire qu'entre le désordre complet de 1966 où le gouvernement, à titre d'exemple, ne savait pas combien il employait de gens et puis une structure tout à fait modernisée de négociations, il se serait passé pas tout à fait cinq ans. Bien, ce n'est pas si mal.

M. CHOQUETTE: Je pense que ce que le député de Laurier souligne, je pense qu'il l'a fait à très bon escient, C'est que la technique de négociations dans le secteur public doit être nécessairement complètement différente de la technique de négociations dans le secteur privé. Dans le secteur public, je pense que l'Etat qui a une politique salariale, qui doit avoir une politique salariale, doit mettre ses cartes sur table. Et je pense que la réunion de ce comité aujourd'hui est tardive, elle aurait dû avoir lieu bien avant, et les chiffres auraient dû être connus bien avant. Je pense que c'est au moins de juillet, qu'elle aurait dû avoir lieu. Je ne dis pas que cela règle le problème, mais je souligne que c'est une erreur de la part du gouvernement, et que le gouvernement est le principal responsable de la durée de la grève à la Régie des alcools.

M. MICHAUD: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHOQUETTE: C'est tellement court...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BERTRAND: M. le Président, des remarques comme celles que vient de faire le député d'Outremont, remarques d'ailleurs qu'il a commencées hier, ne sont pas de nature à aider aux travaux de ce comité, à la tranquillité que nous y trouvons et à la discussion ordonnée que nous avons depuis hier. S'il veut faire de la politique dans le sens que nous indiquions hier, dans le sens de la politique partisane, ce n'est pas l'endroit, il y a Bagot et Notre-Dame-de-Grâce. Qu'il aille là et qu'il en fasse!

M. CHOQUETTE: Je me considère semoncé.

M. MICHAUD: M. Parizeau, ou le ministre d'Etat, très rapidement...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. MICHAUD: II y a un mot qui revient...

M. LE PRESIDENT: La parole est à M. Pearson.

M. PEARSON: Monsieur, j'aimerais avoir un éclaircissement sur un des facteurs qui ont été invoqués dans la politique du gouvernement. Au sujet de la capacité de payer.

Si le gouvernement a plus de services, à ce moment-là, sa capacité devient moindre; si le gouvernement a moins de services, sa capacité est plus grande. Mais est-ce qu'à ce moment-là, si le gouvernement a besoin d'argent pour aller payer les services normaux, est-ce qu'il ne va pas chercher cela normalement dans les impôts ou dans les taxes? Alors, quel jeu se fait-il à ce moment-là pour décider qu'il nous reste tant, pour les salaires, plutôt que d'aller les chercher soit dans un impôt général, soit dans les taxes?

M. PARIZEAU: Cette question-là réfère en fait à un changement d'attitude, je pense, très important, entre les deux rondes de négociations, celle de 1966-1967 et celle de 1968. Celle de 1966-1967, nous nous y sommes engagés avec des programmes en cours, des programmes annoncés, et une capacité de payer qui n'était pas forte. Le résultat, c'est que constamment, en 1966-1967, on était forcé de table en table, de négociation en négociation, de dire: On ne peut pas donner plus que tant, il va falloir augmenter les impôts le lendemain. L'état de la trésorerie et l'état du budget étaient tels qu'effectivement nous ne pouvions pas faire autrement. Nous étions rendus en cours de budget à se dire: Mais si nous cédons sur telle demande et puis que nous l'étendons sur d'autres tables, c'est une augmentation d'impôt qui va s'ensuivre automatiquement. Si bien que systématiquement, nous ne pouvions pas faire autrement que de rendre les syndicats responsables des augmentations de taxes. C'était une curieuse façon de procéder.

A cette ronde-ci, nous avons essayé de monter, à partir du petit modèle qui a été expliqué hier, une formule qui dégage une somme disponible en salaire qui est telle qu'elle ne suppose, qu'elle n'implique pas des augmentations d'impôt. Il reste, dans la croissance du rende- ment des impôts, une somme affectée à l'élargissement des programmes en cours et peut-être de nouveaux programmes, enfin peu importants. Alors, à partir de là, si le gouvernement veut créer de nouveaux programmes coûteux, il doit clairement expliquer que ces nouveaux programmes coûteux vont être établis, que cela va exiger des augmentations d'impôt et celles-ci deviennent, à ce moment-là, le résultat, comme cela doit l'être, je pense, des décisions quant aux nouveaux programmes et non pas quant aux augmentations de salaires qui ont été données.

La situation serait tout à fait différente si l'ensemble des salaires dans le secteur public était à un niveau très très bas. Si, par exemple, l'ensemble des salaires des manoeuvres au gouvernement se situait, disons, au niveau du salaire minimum, là, on pourrait faire une espèce de rattrapage massif général et dire à la population en général: On fait un rattrapage massif général et cela, c'est en somme un nouveau programme et cela va coûter tant en impôt.

Mais, dans la formule telle qu'elle est montée cette année, nous avons, en somme, développé une somme totale à partir des critères qui vous ont été expliqués, qui est telle que les impôts, s'ils montent, ne monteraient que pour deux raisons. Ou bien, parce que les programmes en cours se développent très rapidement, ou bien encore, parce que de nouveaux programmes sont envisagés. L'augmentation d'impôt ne serait pas la responsabilité directe des salariés du gouvernement.

M. PEARSON: Cela veut dire que l'écart est suffisant entre les deux?

M. MICHAUD: M. Parizeau vient de parler des salaires minimums. Il y a un mot très joli qui est venu dans toutes les conversations et qui était dans la bouche du ministre à toutes les cinq ou six phrases, c'était le mot cohérence. Or, d'une part, la politique salariale du gouvernement tend à niveler les disparités régionales — et ça, c'est un objectif louable — et d'autre part, le ministère du Travail, par son ordonnance sur la Loi du salaire minimum, consacre et crée des conditions de déséquilibre dans les disparités régionales, sur la Loi du salaire minimum, par exemple, Montréal et le reste de la province? Est-ce qu'il n'y a pas là des politiques qui entrent directement en conflit, des politiques qui se confrontent et qui sont inacceptables, entre la politique salariale, d'une part et la politique du gouvernement, de l'autre, pour la Loi du salaire minimum?

M. BELLEMARE: Je vais avoir mon tour, d'ailleurs.

M. PARIZEAU: M. le Président, étant donné...

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, la réponse peut difficile ment venir de M. Pari-zeau.

M. PARIZEAU: Je pense, d'une part, avoir exprimé en public mon opinion là-dessus. Est-ce que je suis forcé de répondre à cette ques-tion-là, étant donné que cela ne porte pas sur le sujet du débat?

M. LE PRESIDENT: Pas nécessairement.

M. LEFEBVRE: J'aurais une autre question et j'aimerais faire le lien entre la notion de capacité de payer, que vient d'évoquer M. Pari-zeau, et la notion de participation à la productivité du travail. Si le temps du comité n'était pas si restreint, j'aurais quant à moi des réserves importantes à faire sur l'exposé normatif qu'a fait le ministre hier, et en particulier, sur le lien qu'il a établi entre la productivité dans le secteur privé et le niveau des salaires dans le secteur public. Il a semblé dire que la productivité dans le secteur public, non seulement était difficilement déterminable ou quantifiable, mais que, somme toute, elle était invariable et qu'on ne pouvait pas y apporter d'amélioration, ce qui, pour ma part, me scandalise fortement.

A tout événement, j'aimerais poser une question. Enfin...

M. MASSE: Je n'ai pas dit cela.

M. LEFEBVRE: ... si on en avait le temps, nous pourrions relever votre texte. Mais disons que je mets cela entre parenthèses pour un autre débat, simplement pour ne pas allonger la discussion. J'aimerais poser à M. Pa-rizeau une question spécifique concernant la RAQ qui, cependant, a des incidences, sur la position normative ou considérée comme telle du gouvernement en matière de politique salariale.

Faisons l'hypothèse — et j'admets au départ que c'est une hypothèse — que la Régie des alcools du Québec est une entreprise dont la productivité pourrait être améliorée. Plusieurs personnes semblent le prétendre. Alors, faisons cette hypothèse et disons qu'il est prévisible que, par suite de sages mesures recommandées par les conseillers du gouvernement, on puisse prévoir à la Régie des alcools, d'ici trois ans, une amélioration de 10% ou de 15% du rendement des investissements ou de la productivité du travail.

A ce moment-là, est-ce que, à votre avis, il est impensable que les travailleurs, les salariés de la Régie des alcools, participent à cet accroissement de productivité? Parce que, dans le cas de la Régie, vous ne pouvez certainement pas invoquer une incapacité de payer, pas du moins si l'on considère les profits de la régie comme lui appartenant en propre, du moins en première instance.

M. PARIZEAU: Etant donné que la régie n'a finalement que des revenus qui se substituent à des impôts, l'amélioration de la productivité à la régie, accroît la capacité du gouvernement d'augmenter les salaires dans le secteur public. En somme, l'amélioration de productivité, à l'un ou l'autre des points du secteur public, permet au gouvernement d'augmenter ses salaires dans l'ensemble du secteur public, pas en un point en particulier.

L'amélioration de la productivité du personnel du ministère du Revenu ne justifie pas des augmentations de salaires pour les employés de ce ministère seulement. Il y a beaucoup d'autres services gouvernementaux qui perçoivent ainsi des revenus pour le gouvernement. Si on améliore le travail de ceux qui perçoivent les droits de coupe, pour les compagnies forestières, ils ne vont pas améliorer leurs revenus à eux, cela augmente la capacité de payer pour le gouvernement.

A l'inverse, prenons le cas de la raffinerie de sucre à Saint-Hilaire. Elle lait un déficit. Elle a toujours fait un déficit. Ce n'est pas rare. Je n'ai pas vérifié si elle l'a fait chaque année d'opération, disons qu'elle est en situation traditionnelle de déficit La raffinerie de sucre de Saint-Hilaire correspond à une décision gouvernementale de créer une telle raffinerie. Est-ce que, dans ces conditions, on serait, justifié de payer à ces gens, qui travaillent dans la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, à la suite d'une décision gouvernementale, d'en établir une, des salaires systématiquement moins élevés qu'ailleurs? Je ne vois pas pourquoi. Si on améliore la productivité de la raffinerie à Saint-Hilaire, cela permettrait de réduire le déficit, donc d'améliorer la capacité globale du gouvernement de payer.

M. LEFEVRE: D'accord, alors disons que j'accepte cette réponse, pour le moment. Une dernière question, quant à moi. A ce moment-là, est-ce qu'il n'aurait pas été logique de la

part du gouvernement, d'établir, comme un des critères de sa politique salariale, une participation des employés de l'Etat à l'accroissement de la productivité, de façon à réaliser une sorte d'intéressement, si vous voulez, au rendement du travail? Je ne comprends pas du tout le fait que dans les critères de salaires, on ait complètement laissé de coté la notion de productivité du travail du secteur public lui-même.

M. PARIZEAU: Non, écoutez, ce n'est pas tout à fait exact dans la mesure où — comment dire — les offres faites par le gouvernement sont liées à l'augmentation de ses ressources totales. Dans la mesure où le gouvernement améliorerait d'une façon considérable ses rendements, cela se verrait au niveau de la progression de ses ressources et des ressources plus élevées permettraient forcément d'accroître les offres.

Alors, de convention en convention, cela se verra. Si, pour une raison ou pour une autre, on arrivait à améliorer considérablement les rentrées de fonds, à ce moment-là, le gouvernement aurait davantage d'argent pour payer. L'augmentation de productivité, en somme, va se refléter dans les ressources du gouvernement, au moins pour ce qui est d'une opération comme celle de la régie.

M. LEFEBVRE: Oui, mais au plan psychologique, ce n'est pas du tout la même chose, parce que si on tentait d'apprécier ce facteur-là et d'en discuter en négociation, cela créerait un climat différent.

M. PARIZEAU: Bien, oui et non, parce que — il faut bien s'entendre là — il y a des endroits dans le secteur public où l'amélioration de la productivité de l'individu n'a pas d'incidence monétaire particulière.

M. MASSE : II y en aura.

M. PARIZEAU: Par exemple, la qualité de l'enseignement. Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas d'incidences. La qualité de l'enseignement ne va pas faire en sorte que le gouvernement dépense moins d'argent ou plus d'argent. La qualité des soins hospitaliers donnés, l'amélioration du rendement dans le « nursing » par exemple, peut avoir des incidences financières et peut ne pas en avoir. Cela dépend de quel genre d'améliorations on parle. Si bien qu'on ne peut pas dire à certains groupes: Vous, si vous améliorez votre productivité, cela fait tout de suite rentrer de l'argent au gouverne- ment, donc on va vous rémunérer davantage. Vous, autre groupe, si vous améliorez votre productivité, vous donnez une meilleure qualité de service, comme cela n'a pas d'incidence financière, on ne vous améliorera pas votre niveau de vie. Ce n'est pas possible. Non, parce qu'on se trouverait pris dans une situation qui serait terriblement injuste.

M. BERTRAND: Nous avons dit hier que non seulement les membres du comité pouvaient poser des questions mais que les autres députés présents et, troisièmement, si M. Pepin ou M. Laliberté ont des questions à poser à M. Parizeau, quand nos collègues membres du comité et nos collègues députés qui ne sont pas membres du comité auront terminé, M. Pepin, vous pourrez poser les questions que vous désirez de même que M. Laliberté.

UNE VOIX: Merci.

M. BERTRAND: Et également, si M. Laber-ge...

M. MASSE: II n'est pas ici. Il nous l'a dit hier.

M. BERTRAND: ... est ici, alors, M. Pari-zeau pourra répondre également aux questions qui viendront de l'autre côté de la barre.

M. LEVESQUE (Laurier): J'aurais une question très brève, M. le Président, à poser à M. Parizeau. C'est une question politique mais qui, je crois, est de politique très générale. Je voudrais référer à ce que M. Pepin disait hier en parlant de politique salariale. Peu importent les définitions qu'on en donne, M. Pepin disait qu'il y a deux préalables essentiels qui devraient toujours être gardés à l'esprit si on veut que ça veuille dire quelque chose.

En substance, il dit que ça exigerait un effort pour assainir les finances publiques, les rationaliser, c'est-à-dire être bien sûr qu'on emploie l'argent au mieux. Aussi un effort pour utiliser au maximum toutes les sources de revenus, évidemment, et aussi faire croître les sources de revenus par une stimulation de l'économie. Enfin, ce serait une politique économique de croissance là, etc. Aussi, dans le même sens, rationaliser les impôts; par exemple, faire entrer les impôts sur le gain de capital, l'une des choses que l'on peut considérer comme scandaleuses parce que cela n'existe pas dans une société comme la nôtre alors que la plupart des pays civilisés en ont.

Tel que M. Pepin nous le présentait, lorsque

l'on parle de la capacité de payer de l'Etat, si on veut être sérieux, ça implique que l'Etat soit surveillé furieusement de façon que le gaspillage, le mauvais choix de priorités, la négligence des sources possibles de revenus, pour toutes sortes de raisons plus ou moins avouables, soient une des préoccupations constantes. Est-ce que, dans votre opinion, ça n'impliquerait pas qu'il serait de l'intérêt de tous les employés du secteur public, en même temps que de faire leurs revendications, d'avoir au moins une activité politique permanente qui se développe et que leur activité politique qui est dans leur propre intérêt, là, bien calculé, soit que continuellement ils examinent les budgets des gouvernements, les critiquent et que, jusqu'à un certain point, tout le monde se sente responsable? Parce que cette capacité de payer, est-ce qu'elle n'est pas accrochée justement à ces facteurs-là? Est-ce que M. Pepin n'avait pas parfaitement raison? Est-ce que ce n'est pas, dans un sens, toute la population à commencer par les employés, qui sont eux-mêmes affectés, qui devrait activement s'en préoccuper?

M. PARIZEAU: Il y a deux éléments dans la question que vous soulevez. Il y a des éléments qui sont purement d'ordre politique et ça n'est pas mon rôle, ici, de les commenter et il y a des éléments d'ordre technique qui, là, présentent un intérêt très net...

M. LEVESQUE (Laurier): Au point de vue administratif, par exemple.

M. PARIZEAU: ... au point de vue administratif. C'est qu'il faut bien comprendre que lorsque l'on a laissé, pendant une ou deux générations, le secteur public se développer à peu près n'importe comment, on en arrive à la situation à laquelle je faisais allusion il y a deux ans ou deux ans et demi, où l'on ne savait même pas combien on employait de gens.

La première opération consiste à remettre de l'ordre dans les conditions de travail et la deuxième opération consiste à remettre de l'ordre dans ce qu'on appelle les effectifs.

Un peu partout, il faut pouvoir déterminer combien il faut de gens pour faire telle tâche. Il arrive que dans certaines conventions ça soit négocié, il arrive que dans d'autres tables de négociations ça ne l'est pas. Mais, en tout cas, et surtout dans la fonction publique proprement dite, il y a un examen au niveau des effectifs du personnel que ça prend pour faire telle tâche qui est une des responsabilités importantes du ministre délégué à la Fonction publique et à laquelle il a fait allusion et hier et ce ma- tin, sauf erreur, n'est-ce pas? Mais j'insiste encore sur l'intérêt de l'opération et la nécessité de la faire. Ce n'est pas tout de compter les employés et ensuite de réorganiser leurs conditions de travail. Il faut être capable d'étudier les effectifs de chaque geste administratif posé.

Il y a des questions auxquelles il faut répondre. Si un ministère a telle tâche de caractère administratif à faire, qu'est-ce que ça prend comme cadres, comme adjoints aux cadres, comme personnel de soutien, comme personnel de bureau? L'étude s'amorce, elle est en train. Mais il ne faut pas s'imaginer qu'on va pouvoir donner des réponses en deux mois à des questions comme celles-là. Entre le moment où on ne savait pas combien on avait de gens sur la feuille de paye, puis le moment où on va avoir des effectifs fixés, il faut quand même laisser un petit peu de temps. Non pas 20 ans mais il ne faut pas s'imaginer qu'on puisse le faire en deux mois.

M. BOURASSA: Sur la question des gains de capital qui a été soulevée par M. Pepin, M. La-liberté, M. Levesque, c'est une question que j'ai eu l'occasion de discuter ou d'étudier à plusieurs titres. Le ministre des Finances n'est pas ici. Alors on peut en parler du moins sans parler en son nom, je pense sur ce plan, qu'il n'y a pas tellement de désaccord. Au sujet des gains de capital, il est clair que c'est un trou, une injustice fiscale actuellement — ils sont taxés aux Etats-Unis — qu'ils ne soient pas taxés. Je pense que tous admettent que, sur le plan de l'équité, c'est une nécessité. Mais pour le Québec, il faut quand même tenir compte de la concurrence interprovinciale et je ne pense pas qu'il y aurait un gain net pour l'ensemble de la population si le Québec imposait ses gains de capital et que ses voisins ne l'imposaient pas. Je pense que, là, il faut tenir compte des implications économiques et du rendement également. Si on prend l'exemple des Etats-Unis, je pense que les gains de capital rapportent environ 5%, plus précisément 5.6% peut-être de l'impôt sur le revenu des particuliers, et cela dans des circonstances normales quand c'est applicable à tout le pays. Alors si c'était appliqué au Québec seulement, sans que ce soit appliqué dans d'autres provinces, il y aurait une source d'évasion qui naîtrait automatiquement, qui diminuerait le rendement, qui favoriserait la partie mobile de la population et du capital au détriment de ceux qui sont obligés de rester ici, et diminuerait ainsi le rendement. Je pense que nous sommes tous d'accord sur le principe mais que l'application ne peut pas être partielle.

M. LEVESQUE (Laurier): Bien écoutez, je dirais au député de Mercier, sûrement là-dessus — je ne voulais pas entrer dans un débat — que je suis d'accord avec lui et que lorsque la société injuste qu'on nous fabrique et qu'on nous perpétue se transformera un jour en société juste — j'ai des doutes là-dessus — cela pourrait être vrai pour tout l'ensemble du Canada. Moi, j'étais dans une optique où le Québec était un pays. Je m'excuse, j'anticipais un peu.

M. BOURASSA: Mais même si le Québec était un pays, je me demande si en pratique il pourrait le faire quand même. Mais là, nous sortons du débat.

M. MASSE: On va revenir aux questions.

M. LE PRESIDENT: Al'ordre! Je comprends que les membres du comité voudraient poser toutes leurs questions. Est-ce qu'il y a d'autres députés... Il y en a qui ont pris la parole tout à l'heure. Est-ce qu'il y en a d'autres qui veulent poser des questions?

M. BERTRAND: Sinon... M. Pepin. M. LE PRESIDENT: Alors, M. Pepin.

M. PEPIN: M. le Président, ce que je vous suggère, c'est que Me Lalancette et probablement M. Parent fassent un peu comme le font les députés, quelques commentaires avant d'arriver à la question pour qu'elle soit bien comprise.

Alors, c'est Me Lalancette qui commencerait à poser la question.

M. LALANCETTE: Au point de départ, c'est que M. Masse a posé certaines questions à savoir pourquoi ne l'accepteraient-ils pas? Je pense qu'il référait aux employés de la régie.

Je voudrais intervenir sur quelques points et poser à M. Parizeau, en passant, certaines questions.

D'abord, je pense qu'hier on a soulevé la question du salaire décent. Les ouvriers de la Régie des alcools du Québec, évidemment, lorsqu'ils contestent les offres qu'on leur fait, partent de ce point de vue.

Hier, on a expliqué que 82% d'entre eux étaient mariés, que la famille moyenne était d'environ quatre personnes et que ça pouvait aller jusqu'à douze enfants dans certains cas; évidemment, c'est sur ce point-là.

Au cours des négociations, nous n'avons pas eu beaucoup l'occasion de discuter des différents points qui sont soulevés ici ce matin. Pour ma part, je suis très heureux qu'on nous éclaire. Mais, d'autre part, il me semble qu'au point de départ, lorsqu'on fixe, par exemple, au niveau de la politique salariale et en particulier au niveau des comparaisons les taux dont parlait tout à l'heure M. Parizeau, il me semble que nous nous dirigeons vers une espèce d'égalité mathématique au niveau des commis de bureau ou des manoeuvres, par exemple.

Or, une politique salariale d'un employeur ne veut pas dire, à mon sens, une égalité mathématique dans tous les cas. Me référant, par exemple, à une industrie que je connais un peu mieux, celle du papier, je me rappelle que dans le papier — à moins que ça ait changé, sauf erreur — il y avait des taux différents; au niveau du papier journal, du papier carton et du papier fin; cela faisait partie d'une politique globale de salaires. Je me demande si une politique globale de salaires, de la part de l'Etat employeur, ne doit pas d'abord tenir compte de certaines inégalités. Maintenant, je pense que je peux poser cette question à M. Parizeau: n'est-il pas quand même vrai qu'en Amérique du nord, le salaire compte pour une partie importante dans le revenu des employés, et je précise: la plus grande partie du revenu des employés? Par conséquent, la question du salaire décent se pose pour eux.

Sur la question des comparaisons, je viens de dire qu'on se référait à un certain nombre d'égalités mathématiques et à un certain nombre de critères. Ne pourrait-on pas dans le cas, par exemple, de la Régie des alcools et des employés de la Régie des alcools, faire des comparaisons avec d'autres secteurs que ceux du gouvernement ou ceux de la régie ontarienne?Il y a d'autres régies au Canada, il y a d'autres salaires au Canada, et il y a aussi des secteurs comparables à la Régie des alcools. Je pense que l'on ne trouve pas dans les emplois du gouvernement, en particulier — et je n'en prends que quelques uns — des fonctions de tonnelier, des gars qui font des tonneaux. On a ça à la Régie des alcools. On en retrouve dans les distilleries et dans les brasseries. Il y a des gars, évidemment, qui font aussi la dégustation des vins. Ils n'ont pas le droit de les avaler... Cela se fait également dans les distilleries et les brasseries. Il y a aussi des chaînes de production...

M. LEVESQUE (Laurier): Comment font-ils pour déguster du vin sans l'avaler?

M. LALANCETTE: Cest que, s'ils l'avaient, après ça, ça ne vaut plus rien! Ils sont obligés de manger du fromage et de se reprendre...

M. LEVESQUE (Laurier): Tu parles d'un « job plate »!

M. LALANCETTE: D'après les dégustateurs...

M. LEVESQUE (Laurier): Ils méritent une prime.

M. LALANCETTE: D'après les dégustateurs, lorsqu'on déguste certains vins, c'est vraiment ennuyeux, parce que c'est répugnant à première vue de porter ces vins-là à ses lèvres.

M. GABIAS: II y a d'autres compensations!

M. LALANCETTE: Et le ministre sait de quoi il parle! Vous pourrez demander cela aux gens de la Régie, ils vont vous instruire très bien à ce sujet. De toute façon, ce que je disais, c'est qu'il y a un certain nombre de facteurs qui peuvent être comparés, lorsqu'on essaie de prendre un certain nombre — en bon français — de « bench-marks » dans la fonction publique et de les comparer à ceux de la Régie des alcools, je pense que, comme ensemble, la Régie des alcools ne peut pas être comparée à ce qui se fait dans les hôpitaux ou au gouvernement, ou même à l'Hydro-Québec, s'il s'agit de fonctions tout à fait spéciales. Il s'agit d'une entreprise d'un genre particulier.

Evidemment, on peut être tenté de l'assimiler au commerce. Quand on parle des commis, on peut être tenté d'assimiler le salaire du manoeuvre de la régie à celui du manoeuvre du gouvernement. Mais, je pense qu'à ce moment-là, il faut quand même tenir compte d'un certain nombre d'autres choses. Et évidemment, pour répondre encore à M. Masse, le point de comparaison, justement que les ouvriers se sont fixé au départ, ce sont des industries semblables: distilleries, brasseries, et ainsi de suite. Et nous n'avons pas pris les plus hauts, justement. Nous avons pris une moyenne générale. Nous avons fait à mon sens, comme l'ingénieur qui mesure une forêt, pour savoir quelle est la hauteur des arbres; il ne prend pas les plus hauts ou les plus bas, il prend la moyenne. Ce que nous avons fait, nous, nous avons essayé d'établir une moyenne parmi ces secteurs-là pour savoir quelles seraient nos revendications de salaires. Nous l'avons fait, également, au niveau des régies et du secteur général des régies. La moyenne, au Canada, était de 98 et quelque chose, en octobre 1967. Mais, nous avons essayé de voir aussi, du côté des régies au Canada, si cela pouvait être comparé. Par exemple, au niveau des employés de maga- sins, dans l'ensemble du Canada, le salaire des commis de magasins est plus élevé que celui des employés de la Régie des alcools.

Alors, est-ce qu'on ne pourrait pas tenir compte, justement, dans la politique salariale, de ces différents éléments qui feraient que la politique salariale n'est pas nécessairement une égalité mathématique mais qu'elle comporte des degrés?

Entre autres, je veux relever un certain nombre de points. Par exemple — je pense que M. Pa-rizeau l'a peut-être oublié — au niveau du taux du journalier, l'offre de la régie a été de 7 1/2% - 7 1/2% purement et simplement. Notre journalier a actuellement $2.12 1/2, il serait porté à $2.28 d'abord, et à $2.46, ce quifait, il me semble 7 1/2% - 7 1/2%.

Evidemment, il y a aussi une chose. C'est que l'augmentation offerte du côté ouvrier spécialement — je ne parle pas des employés de magasins et de bureaux — 6.8% - 6.8%, c'est exact, le calcul qu'il propose, sauf qu'il oublie une petite partie, une très petite partie — et parce que l'on nous a offert que la convention parte du 1er avril 1968, il oublie quand même la période du 1er novembre au 1er avril où les salaires restent au même taux. Or, évidemment, dans l'offre générale, du côté ouvrier, il faut en tenir compte.

Du côté des commis de magasins, si je me rappelle bien — si je fais erreur on pourra me corriger - l'offre a été de 7 1/2% - 7 1/2% sur le point milieu de l'échelle, ce qui veut dire $295 par année. C'est exactement la même chose du côté des bureaux. Or, évidemment, je pense aussi — je pose la question à M. Parizeau — lorsqu'il a parlé des entreprises privées qui étaient obligées de hausser les salaires, il pouvait arriver une faillite, il pouvait arriver aussi un certain nombre de problèmes. Je pense qu'il a oublié un élément, en tout cas, je luipose la question. Est-ce qu'il est possible que, dans l'industrie privée, lorsque les salaires sont haussés à la suite d'une pression syndicale, que l'on ne fasse pas de mécanisation ou d'automation? Il me semble, et je pense que la direction de la régie sera tout à fait d'accord avec moi, que, de ce côté, la Régie des alcools a beaucoup à faire, pour améliorer le service dans les magasins, en particulier. Elle a beaucoup à faire pour augmenter sa productivité, elle a beaucoup à faire au niveau de l'administration générale, au niveau de l'embauchage et au niveau du personnel.

Il me semble que si l'on voulait régler le problème de la productivité ou encore le problème de l'entreprise à la Régie des alcools, il faudrait peut-être bloquer l'embauchage pour cinq ans. Alors, c'est exactement la politique contraire de ce que l'on disait hier: l'augmen-

tation des effectifs. C'est-à-dire que, dans le cas de la Régie des alcools, si on veut vraiment arriver à la sécurité d'emploi et à une productivité accrue, il me semble que, au contraire, il faut bloquer les emplois pour cinq années, pour avoir le temps, évidemment, de spécialiser le personnel, de le transférer d'une place à l'autre et ainsi de suite.

Lorsqu'on parle de sécurité d'emploi — je pense que M. Parizeau a peut-être oublié cela — c'est que justement, à la Régie des alcools, c'est un peu différent de la sécurité d'emploi au niveau du gouvernement, justement pour ces raisons-là. Je ne parlerai ni d'industries, ni de commerces, parce que cela mêlerait les cartes, mais je parlerai d'entreprises.

Je pense que les économistes vont être d'accord pour dire qu'il s'agit d'une entreprise et que, dans ce cas-là, si on veut améliorer le système de l'entreprise, il faut bloquer les emplois pour cinq ans et le problème de la sécurité d'emploi dans ce sens-là est bien différent.

Evidemment, il y a une chose, aussi, qui a été soulevée. Je pense que cela se pose comme question, également. Le salaire moyen à la Régie des alcools est d'environ $4,196, comme nous avons dit hier. C'est très près de la limite de l'impôt, particulièrement.

La majeure partie des emplois, du côté des ouvriers et d'une façon générale, se situe aux alentours de cette limite, avec un salaire moyen de $4,196. Il y en a donc un bon nombre en bas et puis il y en a quelques-uns en haut. Par exemple, autour de $4,100 se fixent entre autres du côté des ouvriers, environ 980 employés sur 1,100. Ce qui veut dire qu'à partir de la moyenne, après cela, on tombe dans les métiers un peu plus spécialisés. Alors, je pense que la fameuse question d'impôt est extrêmement importante parce qu'à ce moment-là, plus ils avancent, plus la charge fiscale pour l'employé de la régie est importante.

Il y a une chose que je voudrais relever. N'est-il pas vrai — je pose la question à M. Parizeau — même dans une négociation générale au niveau de la fonction publique, ne devrait-on pas tenir compte de certaines particularités, par exemple, dans le cas de la régie et de l'Hydro, à mon sens? Parce que là, je pense, que nous ne sommes vraiment pas chez les fonctionnaires, dans les hôpitaux ou ailleurs, nous sommes au niveau d'une entreprise, qui a une certaine productivité et peut l'améliorer. Il n'y a aucun doute là-dessus.

D'autre part, je pense, que vouloir relier les salaires des ouvriers de la Régie des alcools — je parle des trois groupes ensemble — à l'ensemble de la fonction publique lorsqu'ils améliorent leur productivité, je pense que les ouvriers de la régie seraient bien fous d'améliorer leur productivité parce qu'ils ne seront pas les premiers à en bénéficier.

M. LEVESQUE (Laurier): M. Lalancette, vous permettez? Forcément vous faites un tableau d'ensemble dans lequel j'ai compté à peu près huit ou dix questions spécifiques. On voit que vous voulez établir...

ME LALANCETTE: J'ai fini.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, si vous pouvez me permettre. Je sais que M. Parizeau pourrait vous répondre en faisant, sous forme d'une dissertation où reviendraient tous vos points, une réponse élaborée. Mais pour nous, je parle au nom des gens du comité, peut-être, ce serait peut-être utile qu'en revenant après, à vos questions, vous les preniez une par une, de façon qu'on puisse avoir des réponses qui collent à vos questions.

M. PARIZEAU: J'en tiens compte.

M. LEVESQUE: Je parle pour nous, non pour vous.

M. LESAGE: Il est déjà une heure moins dix. J'ai l'impression qu'il va falloir ajourner. M. Parizeau pourra se préparer à répondre aux questions.

M. PARIZEAU: Je pourrais tout de suite répondre à ces questions d'ailleurs.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous acceptez que M. Parizeau réponde?

M. LESAGE: M. Lévesque avait présumé que vous feriez une longue dissertation?

M. PARIZEAU: Non, je pense que non.

M. LEVESQUE (Laurier): J'ai présumé qu'il était capable de faire une dissertation où tous les points reviendraient. Je ne suis pas sûr que nous allons nous démêler, nous.

M. LE PRESIDENT: M. Lalancette, est-ce que vous acceptez que M. Parizeau réponde immédiatement?

M. LEVESQUE (Laurier): Si M. Lalancette n'a pas fini, je ne voudrais pas l'interrompre.

M. LALANCETTE: Bien, j'ai fini. Je vou-

lais simplement dire ceci: J'aurais aimé que cette discussion se fasse antérieurement avec M. Parizeau. Alors, je termine sur cela. Il y a un certain nombre de questions et je souligne que M. Parent a aussi des questions.

M. LESAGE: Est-ce qu'il ne serait pas mieux, M. Parizeau, que M. Parent pose ses questions maintenant?

M. MASSE: II va répondre tout de suite, et ensuite, il répondra à M. Parent.

M. PARIZEAU: C'est que cela va faire une série tellement longue. Là, j'en ai déjà pas mal.

M. LEVESQUE (Laurier): Bien, c'est ça.

M. BERTRAND: Je crois qu'à l'heure où nous sommes rendus, il serait peut-être préférable, étant donné que vous avez les questions de M. Lalancette, non pas que vous ne puissiez pas y répondre immédiatement, que M. Parent formule ses questions immédiatement. Et, après je proposerai l'ajournement. Parce que nous allons nous engager, nous avons à peine dix minutes. Je doute fort que vous puissiez...

Alors, M. Parizeau, êtes-vous capable de donner, en quelques minutes, les réponses à M. Lalancette? Cinq minutes.

M. LE PRESIDENT: M. Parizeau, veuillez répondre à M. Lalancette immédiatement.

M. PARIZEAU: La première question avait trait au salaire comme principal revenu des employés. C'est évidemment exact. Dans la mesure où l'on considère que le salaire ne permet pas à des gens ayant beaucoup de dépendants, de vivre convenablement, je reviens sur ce que je disais avant, à savoir qu'il s'agit, à mon sens, d'abord et avant tout d'une question d'impôt, d'une question de sécurité sociale. Vouloir l'ajuster par les salaires, c'est très dangereux, pour les raisons que j'ai dites tout à l'heure.

Deuxièmement, la question des emplois spécifiques à la Régie des alcools. A la Régie des alcools, il apparaît des emplois — on a mentionné la tonnellerie, par exemple ou dégustateur — qui sont spécifiques à la table de négociations en question et que l'on ne retrouve pas aux autres tables. C'est vrai de toutes les tables. Nous avons à toutes les tables des emplois qui ne réapparaissent nulle part ailleurs.

On me mentionne comme exemple, les soins intensifs en psychiatrie. Cela ferait une table.

Alors, il est certain que, même lorsqu'on s'est entendu sur des rythmes généraux de progression, sur des taux de salaires pour des postes qui apparaissent partout, il reste à déterminer ou à négocier des postes comme ceux-là.

Même dans l'hypothèse où on irait à la négociation avec les centrales pour rétablir un certain nombre de « bench-marks », il est évident que chacune des tables continuera de procéder dans les négociations, parce qu'il y aura toujours des cas comme ceux-là à discuter, qui n'apparaissent qu'à une table seulement.

Troisième chose, la comparaison avec les salaires moyens dans l'entreprise privée. Le gouvernement a à définir une politique générale de salaires. S'il commence à s'adapter, secteur par secteur, poste par poste, à l'entreprise privée, il faut bien se rendre compte de ce que cela va donner comme résultat utile. Est-ce qu'on suggère, par exemple, que les employés du ministère de l'Industrie et du Commerce, qui travaillent en Gaspésie pour les pêcheries, gagnent les taux payés par les usines de produits de la pêche en Gaspésie? Je vous signale que cela réduirait leurs salaires de pas loin de 50%.

Si le gouvernement veut avoir une politique générale de salaires et qu'il s'adapte à chaque niveau dans l'entreprise privée, secteur par secteur, non seulement il rétablit le désordre antérieur, mais il crée entre ses propres employés des différences de niveau de vie et des différences de situation intenables.

Quatrième chose, le taux du manoeuvre. On a dit que la progression pour le manoeuvre était de 7 1/2% - 7 1/2%, c'est exact pour ce taux-là. Ceci étant dit, un très grand nombre de ces manoeuvres — ancienne classification — grimperaient d'un barreau, en devenant manutentionnaires. D'autre part, pour les autres échelons de la nouvelle classification des ouvriers, les augmentations sont bien plus fortes que cela. Le taux applicable à l'électricien ou des gens de même niveau, augmente de $2.48 à $3.31, ce qui représente à peu près 35% d'augmentation.

M. LEVESQUE (Laurier): On n'a pas beaucoup de temps, cela fait deux fois qu'on parle de manutentionnaire par rapport au manoeuvre. On dit manoeuvre, on dit manutentionnaire. Apparemment, il peut y avoir une différence en passant de manoeuvre à manutentionnaire...

M. PARTZEAU: Un échelon.

M» LEVESQUE (Laurier): La grève dure depuis quatre mois, est-ce que cela a été abordé? Est-ce que cela a été négocié?

M. PARIZEAU: M. Pepin pourrait indiquer exactement l'état des négociations à la table sur ce point-là.

M. LEVESQUE (Laurier): Cela a-t-il été abordé?

M. PARIZEAU: Oui. Maintenant, un autre point encore pour ce qui est du paiement de l'équivalent des nouvelles échelles pendant la période du 1er novembre au 1er avril. Il est entendu que l'offre gouvernementale qui a été faite, en compensation pour cette période-là, est forfaitaire dont on a dit à la table, si je comprends bien, à plusieurs reprises, que c'était négociable.

M. LEVESQUE (Laurier): Cela n'a pas été négocié?

M. PARIZEAU: Dernier point maintenant. Le concept de Régie des alcools comme étant une entreprise. Là, il faut bien s'entendre, parce que c'est central, sur cette question. La Régie des alcools n'est une entreprise que dans un sens bien spécial. En fait, c'est un moyen pour l'Etat de ramasser des revenus. On pourrait fort bien n'avoir qu'une taxe. Le gouvernement fédéral tire des sommes considérables de l'alccool, sans jamais toucher à une caisse. Donc, la Régie des alcools est sans doute un moyen pour le gouvernement de vendre de l'alcool aux particuliers, mais c'est aussi un moyen, pour le gouvernement, de faire de l'argent exactement comme il fait de l'argent en recevant des taxes, de recevoir des revenus.

Dans le cas de l'Hydro-Québec, le problème est encore plus délicat. L'Hydro-Québec, effectivement, semble être une entreprise, mais c'est une entreprise dont tous les emprunts sont garantis par l'Etat. Qu'est-ce que ça Veut dire?

Dans l'hypothèse où l'Hydro-Québec accorderait des salaires qui échapperaient complètement à la politique salariale du gouvernement, donnerait des salaires extraordinairement élevés, ça ferait ça de moins sur ses rentrées d'argent chaque année. Ce qu'on appelle en anglais le « cash flow ». Parce que si son « cash flow » tombe, pour financer ses investissements, ils auront besoin davantage d'emprunts.

Donc, dans les montants que le gouvernement doit emprunter directement ou par garantie chaque année, les besoins d'emprunt de l'Hydro monteraient et, dans ces conditions, les ministères gouvernementaux devraient se tasser pour faire la place.

C'est dans ce sens que le gouvernement, à l'Hydro-Québec, tient à savoir ce qui s'y paie, tient à avoir la même influence de ce côté-là qu'il a à la régie ou qu'il a sur les autres tables de négociations. Ce sont, si l'on veut, dans un certain sens, des entreprises, la Régie des alcools du Québec et l'HydroQuébec, mais ce sont d'abord et avant tout des institutions qui sont intégrées dans les finances publiques. Voilà.

UNE VOIX: Très bien.

M. LE PRESIDENT: M. Bertrand, s'il vous plaît.

M. BERTRAND: M. le Président, M. Parent,...

M. LEVESQUE (Laurier): II reste la question de la limite d'impôt. Là, $4,196, c'est proche de la limite d'impôt

M. PARIZEAU: Enfin, un mot, si vous voulez là-dessus. Sur la limite d'impôt qu'est-ce que vous voulez? L'employé du secteur public n'est pas dans une situation différente de l'employé du secteur privé. Ceux qui traversent la ligne de $4,000, qu'ils soient dans le secteur public ou le secteur privé, sont tous placés dans la même situation.

M. LESAGE; Oui, mais vous admettrez que PEtat a tout de même certaines responsabilités parce qu'il s'agit d'une de ses lois. Il ne faudrait tout de même pas qu'une application rigide d'une politique salariale soit de telle nature qu'elle ait pour effet de faire revenir à l'Etat la plus grande partie des augmentations accordées. Moi, je prétends que c'est une des choses dont l'Etat doit tenir compte dans ses négociations, quand c'est lui qui négocie et qu'il s'agit d'une de ses lois.

M. PARIZEAU: Mais étant donné que, s'il y a injustice, étant donné que l'injustice peut apparaître à l'égard de n'importe quel salarié, privé ou public, s'il y a une injustice dans la loi de l'impôt, c'est la loi de l'impôt qu'il faut changer.

M. LESAGE: D'accord, je l'ai dit bien des fois qu'il fallait venir au système de dégrèvement pour éviter les injustices. Mais simplement le gouvernement a choisi le système des exclusions à $2,000 et $4,000. Le gouvernement, à mon sens, ayant choisi sa voie, doit en tenir compte dans ses négociations, et non pas agir de telle façon que dans un très grand nombre de cas, les augmentations accordées reviennent au trésor.

M. PARIZEAU: Dans ce cas particulier-là.

M. LESAGE: C'est le cas particulier de la régie.

M. PARIZEAU: Et s'il y avait injustice, n'est-ce pas, elle est injustice pour tout le monde.

M. LESAGE: Très bien, mais l'Etat a certainement, pour ses employés ou encore pour les employés des régies, des responsabilités additionnelles qu'il n'a pas vis-à-vis les employés du secteur privé.

M. PARIZEAU: Mais, il y a des milliers et des milliers d'employés du secteur public qui, cette année ou l'année prochaine, vont traverser la barrière des $4,000. Il y en a à toutes les tables.

M. LESAGE: Evidemment ce n'est pas vous qui êtes le maître de la politique et je ne voudrais pas engager un débat à caractère politique, je ne veux pas qu'il soit partisan mais à caractère strictement politique. Je me demande sérieusement si l'Etat ne devrait pas adopter vis-à-vis les employeurs du secteur public une politique globale touchant ce que l'on appelle en anglais le « notch-problem », dans le cas de l'impôt.

M. GABIAS: Est-ce que tous les citoyens ne sont pas égaux?

M. LESAGE: Tous les citoyens sont égaux devant l'impôt mais le gouvernement ayant proposé et fait adopter une loi de l'impôt qui crée une situation qui est mauvaise — et nous en avons averti le gouvernement dans le temps — se doit de voir à ce que au moins les employés du secteur public pour lesquels il a une responsabilité tout à fait particulière n'en souffrent pas.

M. BERTRAND: M. le Président, la réponse, je crois, a été donnée au chef de l'Opposition. Il l'a lui-même notée. Il s'agit là de politique du gouvernement. Or, la politique du gouvernement — il le sait, il a déjà été premier ministre — s'élabore d'abord au niveau du conseil des ministres. C'est pourquoi, si nous abordions ce problème ce matin, je crois que nous déplacerions totalement le sujet qui est soumis à l'étude et à l'examen du comité. Non pas que, vous n'aurez pas en temps et lieu les réponses qui s'imposent à l'occasion d'un débat général en Chambre ou d'un débat sur un sujet particulier. Mais, pour ce matin, nous sommes dans un domaine, vous l'avez vous-même reconnu, où ça dépasse les cadres du problème qui a été référé pour étude au comité des Régies gouvernementales.

M. LESAGE: C'est un des problèmes que j'ai mentionnés comme un des facteurs importants à considérer dans les négociations avec les employés de la Régie des alcools du Québec. Cela, je l'ai fait depuis le début du conflit.

Je l'ai mentionné à la première séance et je l'ai répété ce matin. Je ne l'aurais pas soulevé à ce moment-ci, M. le Président, M. le premier ministre, s'il n'avait pas été amené par d'autres. J'aurais attendu, pour en parler, que nous soyons rendus à l'étude de l'incidence, sur les salaires des employés de la Régie des alcools, de la politique salariale du gouvernement. C'est parce qu'on en parlait et je pense qu'il était de mon devoir de faire valoir mon opinion au moment où l'on discutait cette question.

M. BERTRAND: M. le Président, je voudrais à la fin de ces travaux, de cette première étape des travaux du comité...

M. MICHAUD: Je suggère, M. le Président, que nous écoutions M. Parent étant donné qu'on ne se réunira pas...

M. BERTRAND: J'allais dire à M. Parent ceci: II est 1 heure et nous avons dit que nous allions ajourner à 1 heure. M. Parent, vous avez deux voies qui s'offrent à vous soit de formuler par écrit vos questions si vous le désirez ou d'attendre à la reprise des travaux où vous serez le premier à pouvoir interroger M. Parizeau.

M. LEVESQUE: On reprendrait quand?

M. BERTRAND: Mercredi, immédiatement après...

M. PEPIN: Justement c'est sur le temps que je voudrais parler, c'est très important pour moi.

M. BERTRAND: Cet après-midi il est clair que nous devons continuer nos travaux en Chambre; demain matin, il y a un comité des règlements qui siège à 9 heures et nous devons reprendre également les travaux en Chambre à 11 heures pour ajourner demain après-midi à 4 h 30. Lundi et mardi, quant à moi, je serai absent, les 4 et 5 novembre. Je serai à la conférence à Ottawa, conférence au sujet du régime fiscal.

M. LEVESQUE (Laurier): Parlez du dégrèvement d'impôt à ce moment-là.

M. BERTRAND: Merci, on ne l'avait pas oublié.

M. LESAGE: Si Ottawa dégrève, Québec va prendre la place. C'est le seul moyen quant à la situation de ceux qui sont ici.

M. LEVESQUE (Laurier): Cela rejoint l'argument de M. Bourassa, il faut faire bien attention dans le contexte actuel.

M. BERTRAND: Ce n'est pas l'objet de notre rencontre ici. Mardi matin, à neuf heures trente, le comité parlementaire de l'Education. A onze heures, travaux en Chambre...

M. LEVESQUE (Laurier): Comme c'est parti là, ils vont être en grève longtemps.

M. BERTRAND:... de même que dans l'après-midi et le soir. Donc, nos activités parlementaires pressantes nous imposent également de nous réunir pour le comité des régies, mercredi avant-midi, à dix heures.

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le premier ministre a passé par-dessus ce soir? Non?

M. BERTRAND: Ce soir, nous siégeons en Chambre. Nous avons des travaux en Chambre.

M. LEVESQUE (Laurier): Oui, mais enfin, qu'est-ce qui est le plus urgent?

M. BERTRAND: Tout est urgent!

M. MICHAUD: Si on prolongeait d'une demi-heure?

M. BERTRAND: M. le Président, mercredi prochain, nous pourrons commencer mercredi avant-midi, à 10 heures, continuer mercredi après-midi, et s'il le faut, jeudi matin, à 10 heures. Alors, vous l'avez immédiatement... Et tout cela, c'est à la suite d'une entente avec le chef de l'Opposition.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je voudrais dire un mot, très rapidement. C'est que je ne vois pas la logique — peu importent les ententes — il y a une grève qui dure depuis quatre mois, c'est une urgence assez incroyable. Il ne faut pas exagérer le rôle de ce comité. Mais ce comité par le fait même qu'il est continué, pour traduire littéralement de l'anglais, à mercredi prochain, se trouve à créer une sorte de « suspension », au moins psychologique, dans toute l'évolution de cette grève.

On a une troisième lecture qui vient sur la Loi de l'immigration. A part cela, je ne vois pas d'urgence — et cela devrait pouvoir passer cette après-midi — qui fasse, à moins que le cabinet ait des raisons que l'on ne connaît pas, que l'on ne peut pas revenir ce soir, pour essayer de passer, même en allant jusqu'aux petites heures, à travers le travail du comité qui, peut-être, ouvrirait la porte à une reprise des négociations, et peut-être à un règlement, pour des gens qui, quand même, depuis quatre mois sont dehors.

M. BERTRAND: M. le Président, le chef de l'Opposition veut-il répondre?

M. LESAGE: Non, non.

M. BERTRAND: M. le Président, j'ai bien déclaré dès le début de ces travaux que ce comité n'était pas, ne devait pas être une table de négociations.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais je dis qu'il suspend psychologiquement...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. BERTRAND: M. le Président, j'ai laissé le député de Laurier exposer son point de vue, qu'il me laisse exposer le mien.

M. LEVESQUE (Laurier): Je m'excuse.

M. BERTRAND: Deuxièmement, que ce n'était pas non plus ici un conseil d'arbitrage, que c'était d'abord et avant tout le désir du gouvernement d'informer les parlementaires, d'abord d'informer le public de sa politique et des incidences sur la grève de la RAQ. Dès le moment où j'ai proposé que ce comité siège, j'ai indiqué que la table de négociations pouvait poursuivre ses travaux.

Elle peut les poursuivre quand même; cela ne dépend pas du député de Laurier, pas plus que de moi, ni d'aucun des membres du comité. Cela dépend des parties en cause. Je crois qu'elles peuvent le faire.

UNE VOIX: Elles le peuvent!

M. BERTRAND: Elles le peuvent. Et je crois également, je vais aller au-delà, je crois qu'elles veulent le faire.

Et à tout événement, quand j'ai dit entente avec le chef de l'Opposition, il faut bien comprendre que, lorsqu'il s'agit des travaux de la Chambre, des travaux des comités, il est élémentaire que nous en discutions, soit le chef de l'Opposition et le premier ministre, soit le leader parlementaire du gouvernement et le leader parlementaire de l'Opposition. Voilà, je crois, des éléments d'ordre qui nous permettent d'accélérer les travaux de la Chambre. Deuxièmement, il faut permettre que les travaux des comités se déroulent d'une manière ordonnée, sans toutefois paralyser l'action législative du Parlement, ni, non plus, l'action administrative des ministres, ni, non plus, les travaux qu'ils doivent élaborer à l'occasion de conférences importantes comme celle qui se tiendra à Ottawa les 4 et 5 novembre prochains. Il faut tenir compte de tout cela si on est chef de gouvernement. Il faut s'assurer la coopération, comme elle m'a été acquise, du chef de l'Opposition.

M. LEVESQUE (Laurier): Je ne suis pas convaincu, je ne suis pas convaincu.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. MICHAUD: Je demande la parole.

M. LE PRESIDENT: Un instant, j'ai la parole en tant que président. Alors, il faut bien noter qu'il y a certaines choses qui se disent — aussi, c'est parfois regrettable — c'est que certains demandent la parole et ignorent certaines choses qui ont été dites, ici. C'est le cas de M. Michaud qui est entré ici, avec 55 minutes de retard. Il est bien sûr qu'à ce moment-là on peut vouloir prolonger à la fin de la période... Maintenant, M. Pepin a demandé la parole.

M. MICHAUD: M. le Président, ce n'est pas du tout...

M. PEPIN: M. le Président, sur la motion qui est devant vous, concernant l'ajournement à mercredi prochain, je voudrais dire quelques mots. Evidemment, ce n'est pas mon boulot à moi de décider si cela ajourne ou si cela n'ajourne pas. Je me fais bien comprendre là-dessus. Mais, je pense que tout le monde, tous ceux qui ont participé depuis hier aux travaux de ce comité veulent une chose: essayer d'en arriver à un terme, à un règlement, dans ce conflit-là. Je pense, qu'on comprendra aussi que de l'ajournement, d'aujourd'hui à mercredi prochain, il serait difficile — à mon avis, dans la situation actuelle, à moins que les mandats soient modifiés — de reprendre les négociations avec chance de succès. Je vous dis que, la semaine passée, il y eut une séance de négociations après l'annonce de la formation de ce comité. Les rapports que j'ai, démontrent que la partie patronale dit: Je n'ai pas d'autre mandat; nous allons essayer de voir sur quoi nous ne nous entendons pas et cela finit là.

Alors, il serait peut-être illusoire dans ces conditions de reprendre les négociations de la même façon qu'elles ont été conduites depuis le point de départ. Aussi, j'ai une suggestion à faire au comité, si vous me le permettez.

Il me semble que, d'ici mercredi prochain, il pourrait y avoir une avenue nous permettant d'entreprendre des négociations, des discussions qui seraient valables et qui ne priveraient en rien les droits des parlementaires d'être le mieux informés possible. Cette avenue, nous l'avons suggérée une première fois sous la forme d'un médiateur spécial, ce qui a été refusé, je n'y reviens pas. Mais je vous en suggère une autre.

Ce matin, on fait des recherches sur la condition des gens, comment cela s'est déroulé, etc.. Pourquoi le gouvernement ou le comité ici — je pense qu'il aurait ce pouvoir-là — ne déciderait-il pas de mettre en marche, immédiatement, un comité de cinq personnes. Deux qui seraient nommées par la régie ou le gouvernement — là, c'est à voir au niveau des structures juridiques — deux qui viendraient, l'un du syndicat des fonctionnaires de la régie, l'autre du syndicat des ouvriers de la régie et qu'on s'entendrait pour choisir une personne, en dehors des parties, qui serait indépendante et qui verrait à examiner les faits comme on les a eus ce matin, et d'autres que nous pourrons amener et que le gouvernement ou la régie pourrait amener.

Ce comité de cinq pourrait voir s'il y a un règlement possible ou s'il n'y en a pas. Mercredi prochain, s'il n'y a pas eu de règlement, le comité pourra vous faire rapport en disant: Messieurs, il n'y a pas eu de règlement et on continue.

Il me semble que, dans ces conditions, on pourrait faire quelque chose de convenable et puis cela ne nuirait en rien aux prérogatives de cette Chambre et de ce comité et cela permettrait vraiment d'envisager des discussions qui ont des chances d'amener un règlement.

Je le suggère humblement, j'ai l'impression que ceci est une voie qui pourrait aider tout le monde et qui empêcherait effectivement que les grévistes soient là en attente, pendant une autre semaine, en sachant bien que des négociations dans le même climat ne donneront pas grand-chose de plus. En changeant les cho-

ses, cela peut améliorer la situation. C'est la suggestion que je fais, M. le Président.

M. BERTRAND: Maintenant, le chef de l'Opposition.

M. LE PRESIDENT: M. Lesage.

M. LESAGE: On a suggéré que nous siégions ce soir. Si nous siégeons ce soir, nous siégerons de 8 heures à 10 heures. J'ai discuté avec le premier ministre, tout à l'heure, de l'ordre des travaux de la Chambre et de l'ordre des travaux du comité, parce qu'il y a d'autres comités aussi, qui doivent siéger; il y a le comité sur l'Education qui, lui aussi, est extrêmement important. Les discussions à ce comité-là sont aussi urgentes. N'oublions pas que, dans les deux cas, nous avons demandé des débats d'urgence parce que nous considérions les deux comme extrêmement urgents. Puis, il y a les travaux ordinaires de la Chambre. C'est en examinant tout cela, comme a dit le premier ministre, que nous avons cru qu'il valait mieux siéger mercredi prochain.

Ce ne sont pas deux heures de discussion ce soir qui vont changer la situation. Nous ne terminerons pas. Je pense bien que M. Pepin et tous les autres savent bien que continuer pendant deux heures cette discussion-là, ce soir, ne nous permettrait pas de terminer. Alors j'ai pensé qu'il était préférable que nous ayons un bloc de séances du comité.

M. BERTRAND: C'est ça.

M. LESAGE: C'était la raison de la représentation que j'ai faite au premier ministre. Deux heures ce soir, ça ne règle rien. J'ai pensé que, pour l'avantage de tout le monde, nous pourrons avancer beaucoup plus si nous avons un bloc de réunions du comité, mercredi matin, mercredi après-midi, jeudi matin, jeudi après-midi et jeudi soir prochain, si nous n'avons pas terminé, jusqu'à ce que nous terminions.

Maintenant, M. le Premier ministre, je m'adresse à vous par l'intermédiaire du président. Je trouve qu'il y a énormément de bon dans la suggestion de M. Pepin. Et je voudrais l'approuver comme membre du comité. Je me demande si on ne pourrait pas gagner du terrain sur le chemin de l'entente, si les négociations continuaient, la partie patronale ayant beaucoup plus de liberté qu'elle n'en a eue jusqu'à maintenant, en ce qui concerne son attitude.

M. LEVESQUE (Laurier): Je suis sûr que M. Masse va terminer probablement, mais comme c'est moi qui ai ouvert cette question-là, je m'excuse, mais je ne pensais pas à 8 heures à 10 heures. Je suis prêt à me rallier automatiquement à ce que vient de dire le chef de l'Opposition. Je pensais plutôt à 8 heures à minuit ou de 8 heures à 2 heures du matin.

M. LESAGE: Oui, mais ce ne sont pas mes heures, ça.

M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais enfin, est-ce que c'est possible?

M. LESAGE: Je me lève le matin, moi.

M. LEVESQUE (Laurier): On a chacun nos différences sur nos heures d'activité, mais enfin...

M. LE PRESIDENT: M. Masse.

M. LEVESQUE (Laurier): Je voulais simplement dire que je serais d'accord, moi aussi, vu qu'il y a un climat de suspension psychologique. En d'autres termes, c'est ce que M. Pepin nous a laissé entendre aussi. Eux, ils sont au feu. Il me semble que la suggestion qui a été faite, celle d'une « task force » qui ferait du « fact finding », c'est-à-dire d'un groupe spécial qui, peut-être, pourrait profiter des séances du comité et des éclaircissements nombreux, pour essayer de voir s'il n'y a pas un déblocage psychologique des négociations qui pourrait s'effectuer.

Je suis sûr que les séances ont profité à tout le monde, pas seulement aux membres du comité. Ce n'est pas purement académique, ça. Cela a pénétré aussi chez les parties, en particulier la séance de ce matin avec M. Parizeau et M. Masse et tous les autres.

Il me semble que la suggestion de M. Pepin devrait être considérée très sérieusement, pas tellement pour le comité lui-même mais cela l'aiderait.

M. MASSE: Alors, M. le Président, si vous permettez. Je veux informer également les membres du comité, parce que depuis le début, le premier ministre a bien expliqué que le comité était d'abord et avant tout un comité qui devait permettre au gouvernement et à la Fonction publique de bien informer les membres du comité et l'opinion publique sur notre politique salariale et ses incidences à la RAQ.

Le premier ministre avait également demandé, lorsque cette motion a été présentée en Chambre, que les négociations reprennent. Effectivement, elles ont repris. Il peut y avoir

blocage psychologique mais je peux vous assurer que ce n'est pas la partie gouvernementale qui souffre de ce blocage psychologique.

D'autre part, il est important que les membres du comité soient au courant qu'il y a beaucoup de choses qu'il est possible de négocier, de régler indépendamment de l'information reçue au comité.

Par exemple, il y a des clauses qui sont paraphées, il y a des clauses qui sont réglées. Il y en a qui ne le sont pas et qui peuvent être discutées et négociées.

Le statut de l'employé, par exemple, n'est pas encore réglé bien que la discussion soit bien engagée.

Les heures de travail, ce n'est pas réglé. Bien que ce soit indirectement relié à la question monétaire; ça peut être discuté.

Le temps supplémentaire, la période des vacances, ce n'est pas réglé bien que ce soit bien engagé.

La question des congés sociaux, ce n'est pas réglé. Il n'y a pas de difficultés majeures. Il peut y avoir discussion, entente et paraphe.

Il y a également la question du délégué en chef qui n'est pas réglée et qui peut fort bien être discutée.

Il y a la question des congés en cas de maladie, ce n'est pas réglé. Il y a certaines difficultés, certaines modalités sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord et qui demandent de toute façon à être discutées.

Il y a la question de l'ancienneté qui n'est pas encore réglée. Il y a la question de l'application de ces droits d'ancienneté...

M. LEVESQUE (Laurier): Cela irait peut-être plus vite si vous nous disiez ce qui est réglé.

M. MASSE: Je pourrais vous le dire mais vous allez voir qu'il y en a plus.

Je vais vous le dire ce qui est réglé également. Ce qui n'est pas réglé, ce sont également certaines règles de discipline qui peuvent fort bien être négociées et peuvent fort bien être discutées.

La question de l'automation et de la mécanisation, ce n'est pas réglé bien que ce soit bien engagé.

Concernant la question du plan d'assurance-collective, il y a certaines modalités qui ne sont pas encore complétées bien que les principes soient acceptés.

Il y a nécessairement la question des salaires, une des questions.

M. LEVESQUE (Laurier): Directement, dans les salaires, M. Masse, si vous permettez, les manutentionnaires, les salaires, les forfaitaires, cela n'a pas été abordé.

M. MASSE: Oui, vous allez voir.

Il y a la question également des ouvrages donnés à contrat. Ce n'est pas encore réglé.

Il y a la question des droits de la direction, ce n'est pas réglé bien que ce soit bien engagé.

Il y a également les questions de prestations de chômage qui sont discutées, qui ne sont pas tout à fait réglées dans toutes leurs modalités. Il y a d'autres points à régler. Si vous voulez que je vous les donne pour votre information, je pourrais les donner. Il y en a plus de réglés de toute façon qu'il y en a qui ne sont pas réglés.

Et il faut également bien tenir compte que les gens qui sont à la table de négociations sont mandatés d'un certain nombre de choses où il nous a été rapporté que, systématiquement, dans les derniers temps, on a refusé d'explorer les possibilités de règlements à l'intérieur des mandats que détiennent nos représentants. Cela me semble assez clair que de vouloir utiliser de tels instruments à une table de négociations, en refusant d'explorer toutes les possibilités de règlement à l'intérieur des mandats, que ce soit dans le domaine du forfaitaire, que ce soit dans le domaine des manutentionnaires, que ce soit dans le domaine de l'allongement des conventions des choses semblables, c'est vouloir faire en sorte que le problème soit porté à un autre niveau que celui de la table de négociations, c'est rechercher par la bande ce que la table de négociations peut offrir sous prétexte que, il n'est pas possible de conclure à la table de négociations. Et, nous avons jusqu'à maintenant, avec l'ensemble des syndicats avec lesquels nous négocions, fait bien comprendre que l'endroit où l'on règle, c'est à la table de négociations. Autrement on tue la négociation. Et pendant des mois on laisserait traîner psychologiquement des armes de conclusion de négociations pour finalement avoir dans notre idée de ne pas vouloir conclure là, mais de chercher des médiateurs, des arbitres ou ailleurs.

Il est, dans notre esprit, clair et évident, que ceux qui représentent le gouvernement à la table de négociations ont un mandat suffisamment large présentement, si la partie syndicale veut bien l'explorer, pour régler à la table de négociations.

M. BERTRAND: C'est vrai.

M. LEVESQUE: C'est très grave ce que vous venez de dire.

M. LE PRESIDENT: Un instant.

M. LEVESQUE: C'est Inconcevable qu'il n'y ait pas une réponse, c'est une accusation directe.

M. LE PRESIDENT: M.Lévesque,M.Parent a demandé la parole, maintenant.

M. MASSE: Il faudrait également demander à témoigner ceux qui nous représentent à la table de négociations.

M. PARENT: Si vous permettez, j'ai assisté depuis un certain temps à la table des négociations. Je n'ai pas participé à toutes les séances. Cependant, quand je suis arrivé au dossier, nous avons commencé à faire avec la partie patronale une revue complète des points monétaires et non monétaires qui étaient en suspens. Nous avons fait, le syndicat, il y a déjà plus de trois semaines, des offres précises sur chacune des questions non monétaires. Sur chacune des questions non monétaires il y a eu des offres très précises.

Nous avons fait aussi, le 10 octobre, sur les questions monétaires, une offre complète, très concrète, très claire. Nous avons reçu, le 11 octobre, la réponse de la date des négociations sur la partie non monétaire, nous disant que l'ensemble des points que nous demandions ne fonctionnait pas mais qu'ils étaient prêts à continuer les pourparlers, en changeant des mots pour vouloir dire la même chose ou des trucs comme ceux-là, sur les points qui sont généralement des points de dentelle. Mais sur les points de la clause de droit de gérance, sur les points des sous-contrats, sur les points de la clause d'ancienneté, ce n'est pas seulement un blocage psychologique, c'est un blocage de fait qui a été fait non pas par nous, mais par la partie patronale qui n'a jamais répondu au mérite, même sur les questions non monétaires.

A l'ouverture du congrès de la CSN, le 13 octobre, un des ministres qui représentaient le ministre du travail, est venu pour nous parler de beaucoup de choses et, entre autres, nous dire que dans des négociations collectives, quand une proposition ne fait pas que l'autre partie doit en faire une autre, que l'on doit faire tous les efforts pour échanger plus de propositions et d'explorations. Le lendemain le ministre attaché à la Fonction publique a fait une conférence donnant les critères principaux de la politique salariale. Le surlendemain, le 15 octobre, nous sommes retournés à la table des négociations disant: Il y a de nouveaux éléments. Un ministre déclare qu'il faut négocier et né- gocier sérieusement en échangeant des propositions puis le ministre attaché à la Fonction publique établit des critères qui, en passant, ne sont pas respectés même dans les offres patronales — de cela nous en parlerons à la prochaine séance, si ce n'est pas réglé avant — qui ne sont pas respectés, clairement. Nous sommes retournés à la table le 15 octobre, la partie patronale nous a dit: Nous n'avons pas de mandat et si vous voulez parler de la question monétaire et de la politique salariale, allez voir M. Masse. C'est ce que la table des négociations nous a dit.

Nous avons continué à la demande du premier ministre, la semaine dernière. Nous sommes retournés à la table des négociations. Nous avons posé à nouveau la même question, nous nous sommes dit: Comme le premier ministre demande à reprendre les négociations, cela doit impliquer que, quand même, il y a un assouplissement de la part de la partie patronale. Il y a au moins la volonté d'examiner au mérite et de nous dire pourquoi notre proposition du 10 octobre ne fonctionne pas, en quoi elle ne fonctionne pas. La seule réponse que nous avons eue, et ce n'est pas un blocage psychologique, ç'a été: Non, nous n'avons pas de mandat là-dessus et nous n'avons rien de nouveau à dire. Alors nous avons parlé de la partie de hockey de samedi soir ou de dimanche pendant un bon bout de temps.

M. LESAGE: M. Parent, croyez-vous qu'il soit possible d'ici mercredi prochain d'avoir des séances intensives de négociations en commençant par les clauses non monétaires et n'ayant pas d'incidence monétaire?

M. PARENT: Ecoutez, c'est que la question de la sécurité de l'emploi, la question de l'ancienneté, la question des sous-contrats, c'est tout rayé à la classification des employés que nous ne connaissons pas encore. Elle n'est pas déterminée parce que les échelles ne sont pas négociées et c'est tout rayé aussi à la sécurité de l'emploi parce qu'il y a un problème d'heures, de cédule de travail qui peuvent intervenir là-dedans.

A la dernière séance, d'ailleurs, le négociateur patronal, le porte-parole, nous a dit: Je comprends très bien cela, que ce soit difficile — avant d'avoir passé à travers le monétaire — de faire autre chose. Cependant, dit-il, j'ai conscience que si le monétaire était résolu, nous pourrions parvenir à un règlement au cours d'une séance de deux heures.

Je n'invoque pas mes affirmations, mais les affirmations patronales.

M. LEVESQUE (Laurier): Cela n'implique pas, alors, que le forfaitaire, les manutentionnaires qui sont des choses directement monétaires, devraient être abordées obligatoirement.

M. PARENT: Les deux seules questions sur lesquelles la partie patronale s'est dite prête à bouger sur les questions monétaires sont à l'effet que si nos gars acceptaient d'augmenter leurs heures de travail, on pourrait donc parler à ce moment-là — pour certaines catégories — d'augmentation d'heures de travail et de rémunération. Aussi, on pourrait parler de rétroactivité.

Mais tout le reste de la structure des salaires, tout le reste des quant à, tout le reste des classifications permettant de voir si les employés sont spécialisés, semi-spécialisés ou ne le sont pas — la hiérarchisation des fonctions — cela n'est pas un bloquage psychologique. C'est que la table de négociations nous dit: Non, nous n'avons pas de mandat!

M. LE PRESIDENT: M. Renaud, négociateur de la RAQ.

M. RENAUD: M. le Président, je comprends que dans l'idée de M. Parent, la question de répondre, la façon dont j'ai répondu à sa demande, peut peut-être équivaloir à « pas de mandat ». Mais, je n'ai jamais dit que l'on n'avait pas de mandat. Je prends toute la responsabilité. Ce que j'ai toujours dit, par exemple, c'est que les offres que nous avions faites étaient à ce jour les offres maximales qui n'étaient pas changées. C'est ce que j'ai dit. Et de fait, c'est la réalité. C'est ce qui arrive sur les offres. Quant au reste...

M. LEVESQUE (Laurier): Vous parlez directement des salaires?

M. RENAUD: Oui, oui, sur la question des salaires, il y a certainement la question de définition du manutentionnaire; nous avons essayé, à maintes fois, de la régler à la table des négociations. Et plusieurs fois, l'offre de discuter a été faite mais elle n'a jamais été acceptée. On visait toujours à changer seulement la question des offres de salaires, soit pour les employés de bureau, ou soit encore les offres pour l'échelle de salaires que nous avons à offrir aux ouvriers.

Quant aux manutentionnaires, certainement plusieurs fois: Nous avons même dit que nous étions prêts; nous avons même parlé du nombre de ceux qui seraient probablement changés de classification. Alors, je ne vois pas... Mais cela n'a jamais été mené à bonne fin.

Quant à toutes les autres questions, plusieurs savent que ce n'est pas la première fois que je négocie ce contrat. Je l'ai négocié il y a trois ans. Les mêmes points qui ont été difficiles il y a trois ans, qui ont peut-être même prolongé assez longtemps une grève par l'attitude qui était prise à la table des négociations, ces mêmes points reviennent. Est-ce que je peux avoir une position différente sur ces points que celle de la dernière fois lorsque les mêmes problèmes existent, lorsque les mêmes choses existent?

M. CHOQUETTE: C'est sûr que vous pouvez avoir une position différente! C'est pour cela que l'on négocie.

M. RENAUD: Bien oui!

M. CHOQUETTE: Sinon, les parties auraient adopté le même contrat qu'il y a trois ans.

M. RENAUD: C'est ce que nous avons fait, M. le député d'Outremont. Nous avons, exactement dans certaines choses - prenez, par exemple, l'ancienneté pour les commis de bureau — changé ce qui existait autrefois. Alors qu'autrefois on prenait toujours l'attitude qu'il fallait pour les fonctionnaires - pouvoir prendre le meilleur homme - dans le cas des commis de magasin et même dans le cas des caissiers, on a accepté une formule nouvelle. Mais si vous voulez dire, par exemple, qu'il faut changer le principe qui est de prendre le meilleur homme comme pour les employés de bureau, moi, je suis d'avis que ce n'est pas une bonne chose de le faire.

M. CHOQUETTE: Mais, prenez par exemple, le statut de la permanence des employés, est-ce que la régie ne doit pas bouger sur ce plan-là?

M. RENAUD: Oui, mais écoutez, examinez le contrat. Prenez le contrat - j'ai ma copie — on ne peut toujours pas aller plus loin que là! Ils ont la même permanence que les...

M. CHOQUETTE: Oui, mais, monsieur...

M. RENAUD: Laissez-moi finir ! Une minute ! Ecoutez, là, vous soulevez un point... Laissez-moi une chance! Vous soulevez un point et je vous réponds qu'ils ont exactement la même sécurité d'emploi que les autres employés du gouvernement, ce qui est beaucoup plus que n'importe où dans l'industrie privée. Alors ça, c'est le cas des fonctionnaires.

Le cas des ouvriers est certainement... A

mon sens du moins, il n'y a rien comme ça dans l'industrie privée, nulle part, au point de vue de la sécurité d'emploi. Nous avons discuté de ça. Nous avons fait ce que nous avions à faire dans certains domaines. Il y avait les points debase: j'ai calculé que nous ne pouvions pas les laisser là.

M. LESAGE: Mais la sécurité d'emploi des ouvriers à la régie! Est-ce que vous êtes prêts à accorder le même degré de sécurité d'emploi qu'aux employés du ministère des Travaux publics, secteur ouvrier.

M. RENAUD: Ce qu'on nous a demandé, M. Lesage, c'est la même sécurité que pour les fonctionnaires. Cela, nous l'avons refusé.

M. LESAGE: Je parle des ouvriers. Des fonctionnaires, secteur ouvrier. Je prends comme exemple les Travaux publics. Ils ont la sécurité d'emploi. Est-ce que le gouvernement, est-ce que la Régie des alcools est prête à donner le même degré de sécurité qu'aux ouvriers réguliers du ministère des Travaux publics? C'est ma question.

M. RENAUD: Pour répondre à votre question, j'aimerais mieux que cela ait été amené à la table des négociations.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. MASSE: Il faut également tenir compte — je demanderais au chef de l'Opposition de relire la convention collective — de la façon dont cette sécurité est calculée et appliquée...

M. LESAGE: Ne vous fâchez pas!

M. MASSE: Non, non, je ne me fâche pas... pour les ouvriers à l'emploi du gouvernement...

M. LESAGE: Je vais la relire.

M. MASSE: ... c'est distinct des fonctionnaires.

M. LE PRESIDENT: Alors, voici...

M. LESAGE: Oui, c'est distinct des fonctionnaires, mais...

M. LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition comme les autres, à l'ordret

M. LESAGEs Oui, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Alors, voici. C'est que nous sommes en train de faire tourner, bien sûr, comme il est apparu fort probable, le comité en table des négociations. Alors, il faudrait reprendre mercredi, à 10 heures.

M. BERTRAND: Mercredi matin, à 10 heures.

(13 h 32)

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