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Audition de témoins et étude du bill no
54 - Code du travail (1)
Cette nouvelle édition du compte rendu du comité des
relations industrielles pour l'audition de témoins et l'étude
article par article du projet de Code du travail est fondée sur
l'enregistrement et la transcription des débats qui avaient
débuté quelques mois plus tôt et ne revêtaient aucun
caractère officiel.
Dans la première édition, publiée en 1963
même, l'éditeur du journal des Débats attirait l'attention
des lecteurs sur le fait qu'une installation provisoire, faite à la
hâte, s'était avérée déficiente,
principalement à l'ouverture de la première séance du
comité. Il fut impossible d'enregistrer les paroles de bienvenue du
président, M. René Hamel, ministre du Travail. C'est ce qui
explique que le compte rendu débute alors qu'on a déjà
commencé à dresser la liste des groupes désirant se faire
entendre.
Une voix: L'Association des cultivateurs catholiques. M. Fillion. M.
Moisan. secrétaire général.
Une voix: Est-ce qu'il a fini, M. le ministre, M. Lafrance?
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): On va enregistrer
ceux-là. G. Fillion.
Une voix: M. Gilles Fillion, représentant des hôpitaux et
directeur des hôpitaux catholiques de la province.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Avec monsieur?
Une voix: M. Moisan. Omer Bouchard, vice-président
général des cultivateurs. M. Bouchard avec M. Léopold
Lévesque, directeur des services forestiers. M. Bouchard et M.
Lévesque pour l'UCC.
Une voix: Est-ce que vous en avez d'autres là qui travaillent
pour le gouvernement?
Une voix: Oui, M.. le ministre.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Est-ce qu'elle n'a pas
été présentée déjà l'Association
professionnelle...
Une voix: Je présente aussi un mémoire particulier, M. le
ministre.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Ce qui est important de
savoir à ce moment-ci, c'est ceux qui vont prendre la parole ppur le
compte de leur association ou de leur organisation.
Une voix: L'API présente un mémoire conjoint avec des
associations patrpnales et aussi un mémoire particulier. M.
Lachance.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Lachance est
indiqué sur ça...
Une voix: M. le Président, Langis Galipeault, représentant
Paul Guilbault Inc.
M. Lesage: Votre compagnie n'est pas représentée par
l'Association des camionneurs?
Une voix: Oui, mais on supporte l'association.
M. Lesage: Ah, très bien! Il faut que les membres supportent leur
association.
Une voix: Il y a plusieurs avocats qui représentent les
intérêts particuliers.
Une voix: M. le Président voulez-vous nommer le nom de ceux oui
sont enregistrés à ce moment-ci?
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): La Corporation des
instituteurs, M. Garant et M. Désilets. Langis Galipeault, Paul
Guilbault Inc. Fédération provinciale des travailleurs forestiers
de l'UCC représentée par MM. Lionel Sorel, Jos. Bouchard et
Léopold Lévesque. Jean-Paul Lapointe. président de la
Fraternité des policiers représentant 42 syndicats de policiers.
Charles-E. LeBrun... Association des camionneurs du Québec,
Georqes-René Fournier, et... Pierre Bournival, secrétaire
général de la Corporation des ingénieurs professionnels du
Québec. Fédération du détail et des services du
Québec Inc. Association des marchands détaillants du district de
Québec Inc.: représentant, Alfred Lévesque.
Raymond Caron, Consolidated Paper. L'Association des industries
forestières du Québec. L'Assocation des mines et métaux,
Jean-H. Gagné. Fernand Morin et Me Jean Cournoyer, représentants
conjoints de la Fédération de l'industrie de la construction de
la province de Québec. Association patronale des manufacturiers de
chaussures du Québec, Marcel Lafontaine et Marcel Craig. L'Union des
municipalités de la province de Québec, J.-A. Mongrain, Arthur
Matteau... Association du camionnage du Québec Inc., Me
Georges-René Fournier et Pierre Joron, Jean Marchand, CSN, et Roger
Provost, FTQ, Me Guy Desaulniers, procureur. Jean-Claude Plourde, Hamel
Transport Ltée, Chibougamau Express et Port-Cartier Transport. Jean
Grimard, avocat, API.
Une voix: Girouard.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Oui, Girouard.
Jean Massicotte, Institut des textiles primaires...
Charles-E. LeBrun, API et Jean-Louis Lachance.
L'Association des manufacturiers, Paul Renaud, procureur, et M. Gagnon,
je crois. Est-ce qu'il y en aurait d'autres qui veulent se faire enregistrer
pour parler? Il y en a peut-être qui n'ont pas pu avoir leur admission et
qui sont dans le corridor...
M. Lesage: On recommencera. M. Hamel... Il va y avoir moins de
monde.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, si vous voulez,
nous allons d'abord...
M. Lesage: Est-ce que la galerie de la presse désire se, faire
entendre?
Une voix: La galerie préfère écouter.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Est-ce Qu'il y en a dans
la salle qui représentent les fonctionnaires publics?
M. Lesage: L'Association de la fonction publique.
Une voix: Nous, nous recrésentons les syndicats de la fonction
publique qui sont affiliés...
Une voix: Conjointement.
M. Lesage: L'Association de la fonction publique, les recherches...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Seulement pour les
syndicats qui sont affiliés, c'est la CSN qui...
M. Lesage: C'est la CSN.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Maintenant, voici comment
nous allons procéder. Nous allons demander d'abord ceux qui ont une
expression générale à donner sur l'ensemble du code, sur
les principes du code, d'exposer leur théorie et, ensuite, quand nous
aurons fini ça, nous prendrons article par article. On va tirer au sort
qui va commencer, c'est-à-dire qu'aorès avoir parlé de
ça ici, on avait pensé faire commencer la partie ouvrière
et nous avons deux billets ici: un, c'est la FTQ. et l'autre, c'est la CSN
Alors, nous allons commencer, seulement nous allons alterner. Les ouvriers vont
parler et un représentant patronal parlera ensuite.
M. Lesage: J'ai deux autres billets ici qui sont pour l'Association des
manufacturiers canadiens et pour le groupe de l'API.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, c'est la CSN qui
devrait commencer. Maintenant voici...
Une voix: Le hasard fait bien les choses.
M. Lesage: Ah! Si vos deux représentations se complètent,
il vaudrait mieux qu'elles se suivent. Ensuite, ce sera le billet qu'on vient
de tirer, l'Association des manufacturiers canadiens.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Maintenant, nous
demandons à ceux oui prennent la parole d'avancer au microphone
là-bas parce que la discussion est enreqistrée. On demande de
s'identifier d'abord parce que les gens qui vont suivre l'enregistrement ne
connaissent pas, évidemment, tous ceux qui vont parler. On demande de
s'enregistrer d'abord, de donner le nom de l'association qu'on
représente et, ensuite, de parler au micro. M. Marchand.
M. Marchand (Jean): Alors, M. le Président, M. le premier
ministre, voici Ses remarques générales que je ferai.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Vous êtes-vous
enregistré, M. Marchand?
M. Marchand: Jean Marchand président de la CSN. Les remarques
Générales que je vais faire... Roger, va donc dire aux gars
de...
M. Lesage: Voudriez-vous nous aider
messieurs?
Voudriez-vous leur expliquer, M. Laberge? Je regrette.
CSN et FTQ
M. Marchand: Quand les autres parleront, ça ne nous fait rien.
Alors, les remarques générales que je vais faire, je les ferai au
nom de la CSN et également au nom de la FTQ, et le confrère,
Roger Prévost, fera d'autres remarques sur d'autres points et ces
remarques aussi vaudront pour les deux centrales syndicales. Nous nous sommes
entendus, ce n'est pas une collusion, mais c'est simplement pour éviter
une perte de temps au comité qui nous fait l'honneur de nous recevoir
cet après-midi. Je pense bien que la délégation qu'il y a
ici indique l'importance pour l'ensemble de la province -et je crois bien que
le gouvernement et l'Opposition s'en sont déjà rendu compte -d'un
Code du travail. Il est sûr qu'un Code du travail, toutes modifications,
surtout lorsqu'elles touchent à peu près l'ensemble de la
législation du travail, intéresse non seulement un grand nombre
d'individus puisque nous représentons près de 350,000
syndiqués, mais ça intéresse également une foule
d'institutions et d'entreprises commerciales et industrielles. C'est pourquoi
nous avons apprécié que le ministre du Travail, lors de la
présentation du bill - et j'espère que je l'ai bien compris - ait
indiqué que le gouvernement était ouvert aux suggestions et que
le projet qui était devant les Chambres n'avait pas un caractère
rigide à tel point que nous ne puissions le discuter entièrement
à notre aise.
Voici. Je pense que l'idée d'un Code du travail, M. le
Président, est une idée qui a un caractère non seulement
dynamique, mais un peu mythique dans notre province. On parle d'un Code du
travail depuis tellement d'années que la simple appellation peut nous
induire en erreur. Nous désirons un Code du travail ardemment. Je pense
que l'ensemble des employeurs le désirent aussi. Seulement, ça ne
veut pas dire que dès qu'une législation est libellée code
du travail, automatiquement nous tombons d'accord sur l'ensemble de ses
clauses. Cela me fait penser... Excusez-moi de rappeler ça ici, c'est
juste une histoire que nous avons vécue, mais comme c'est une histoire
assez sérieuse dans le temps, je pense bien que l'Opposition ne m'en
voudra pas de rappeler le bill no 5. Il y avait un de nos vieux syndicalistes
qui disait devant un ministre du temps: "Ça me fait penser un peu
à une femme qui veut se marier à tout prix et, un bon jour, on
lui arrive avec un gorille. Alors, on a beau lui dire: On va lui faire la
barbe, on va lui couper les ongles, elle finit toujours par constater que c'est
un gorille. Evidemment, je ne fais aucun lien entre la législation qui
est devant nous et...
M. Lesage: Messieurs, pas de manifestation parce qu'on sera
obligé de faire évacuer.
M. Marchand: ...le bill no 5. Je pense que ça serait injuste pour
ceux qui ont conçu et fabriqué le Code du travail qui est devant
l'Assemblée législative. Ceci n'est que pour indiquer que le
simple nom peut nous induire en erreur et peut induire le public en erreur. Je
voudrais que ça soit bien clair, même si nous prenons certaines
positions assez rigides au sujet du Code du travail, ça ne veut pas dire
que nous y sommes opposés en principe. Au contraire, nous continuons
d'en désirer un et nous espérons que de ce comité sortira
un projet amendé qui donne satisfaction aux employeurs, aux syndicats et
à l'ensemble de la population.
L'idée d'un Code du travail pour nous, pour les centrales
syndicales, ce n'est pas simplement une consolidation des lois, une fusion de
certaines lois. C'est beaucoup plus que ça. Vous savez que le droit du
travail s'est développé un peu comme un droit spécial en
dehors du Code de procédure civile. C'est une réalité
nouvelle, la création de syndicats, l'innovation dans le domaine des
conventions de travail, c'est-à-dire la création de conventions
collectives de travail. Autour de ces réalités s'est
créé ce qu'on appelle le droit du travail qui a été
et qui est, jusqu'à présent, disons, d'ordre statutaire. Nous
avons toujours réclamé et nous continuerons de réclamer
que ce droit du travail soit un droit, disons, ayant une existence propre en
dehors du Code civil, en dehors du Code de procédure civile, non pas
parce que nous croyons que ces législations ou ces codes n'ont plus de
raison d'être, ils sont encore très valables au niveau des
relations individuelles, mais ils sont tout à fait inappropriés
lorsqu'il s'agit de réglementer les relations entre groupes, les
relations entre employeurs et syndicats de travailleurs. Alors, sur ce point,
disons que pour nous, quand nous parlons d'un Code du travail, ce que nous
avons fondamentalement à l'esprit, c'est un code qui ne sera pas
nécessairement subordonné, dans son essence même, au Code
de procédure civile et au Code civil lui-même, sans toutefois nier
la valeur de ces deux codes, comme je vous l'ai mentionné il y a un
instant.
Dans le projet qui a été déposé à
l'Assemblée législative et qui s'appelle le "Code du travail", il
y a définitivement des innovations heureuses. Il n'est pas question de
nier l'effort qui a été fait pour répondre à
certains besoins, pour corriger certaines injustices qui existaient dans
l'ancienne loi. J'ai à l'esprit, par exemple, la facilité ou les
facilités nouvelles qui existeront et qui permettront l'organisation
d'une façon plus
efficace des travailleurs en forêt. Il n'y a aucun doute que cette
disposition de la nouvelle législation est une disposition très
valable et nous espérons qu'elle sera incluse dans le code, une fois
adoptée.
Il y a l'abolition des bills 19 et 20. Encore là, cela a
été un symbole du mouvement syndical, des luttes syndicales dans
la province, et la disparition de ces deux bills du nouveau projet de loi nous
réjouit sincèrement. L'introduction aussi d'une clause, d'une
disposition prévoyant le prélèvement des cotisations
syndicales, prélèvement volontaire et révocable des
cotisations syndicales, est aussi une innovation qui nous plaît et nous
croyons que c'est dans le sens du proqrès.
Mais, il y a des choses qui, évidemment, nous frappent moins
bien. Tout d'abord, il y a disons, sur le droit d'association, lui-même,
une foule de restrictions avec lesquelles nous ne pouvons pas être
d'accord pour nous, le droit d'association est un droit sacré, un droit
sacré de citoyen et un droit qui est indispensable et fondamental dans
toute société démocratique, c'est pas un droit qui doit
s'exercer simplement, disons, d'une façon restrictive, continuellement,
et qu'on accorde simplement quand on ne peut pas faire autrement. Nous croyons
que c'est un droit fondamental, et les seules restrictions au droit
d'association que nous acceptons en principe, sont celles qui se rattachent,
disons, au bien commun, à l'ordre public et aux bonnes moeurs. En dehors
de ça, nous ne voyons pas comment une loi peut réglementer et
restreindre le droit des individus de s'associer librement pour défendre
leurs intérêts légitimes. Et c'est pourquoi par exemple, je
vous donne simplement un exemple de ce que je veux mentionner, dans le cas des
exclusions, des corporations comprises dans les statuts de 272 à 76 ou
62 à 76, c'est-à-dire les avocats, les ingénieurs, etc.
nous trouvons par exemple là-dessus, que la restriction est
inadmissible. Si un jour les avocats, parce qu'ils sont devenus des
salariés, ou les médecins ou les ingénieurs, et qu'ils
croient qu'ils ne peuvent sous ce régime-là, disons, corriger les
injustices dont ils sont victimes, de quel droit l'Etat va leur empêcher
de se servir d'un droit qui leur appartient, autant qu'à n'importe quel
salarié? Il y a quelques années, il y a eu à New-York une
grève d'avocats, pourquoi, parce qu'il y avait 200 avocats
salariés dans un bureau qui étaient plus mal traités que
les autres syndiqués. Enfin, quelle est la justification de priver ces
gens-là de leur droit d'association? Qu'eux mêmes décident,
à un moment donné, de ne pas l'utiliser, c'est leur affaire,
s'ils croient qu'ils ont à l'intérieur de leur corporation tous
les mécanismes pour corriger les injustices dont ils peuvent être
victimes, ils ont simplement à ne pas l'utiliser, mais sous
prétexte que ça pourrait nuire à un certain prestige de la
profession, je pense que c'est aller un petit peu loin dans la restriction du
droit d'association.
Ce que je dis au sujet de ces corporations, je pourrais le dire au sujet
des domestiques. Je pourrais le dire au sujet de certains fermiers. De quel
droit, leur enlève-t-on, le droit de s'associer et d'être
représentés collectivement. Si ce n'est pas possible qu'ils le
soient comme dans le cas des domestiques, ou dans le cas des fermiers, par
exemple, des employés des fermes familiales, eh bien, ils ne
l'utiliseront pas. c'est tout, mais s'ils croient à un moment
donné, que c'est leur intérêt de le faire, je pense que la
loi ne doit pas les empêcher de le faire st doit les traiter comme tous
les autres citoyens.
Maintenant, il y a un point, M. le Président, qui est très
important, que je veux identifier dans ces remarques ici. C'est le
problème de la fonction publique. Depuis quelques années, dans
cette province, il y a une évolution qui ne s'était pas produite
antérieurement, c'est-à-dire que l'État, directement ou
indirectement, devient intéressé aux néaociations
collectives. Il devient intéressé de la façon suivante:
c'est l'Etat québécois, qui doit écoper du résultat
des négociations faites par rapport à lui, par des tiers. C'est
sûr que cette réalité nouvelle est extrêmement
importante, et le gouvernement ne peut pas s'en désintéresser.
C'est vrai pour les employés d'hôpitaux, c'est vrai pour les
instituteurs sans doute, et c'est vrai aussi éventuellement pour
d'autres employés de la fonction publique.
C'est sûr que nous voilà en face d'un problème
extrêmement grave qui pose non seulement le problème du
financement de la part de l'État, mais qui pose le problème des
structures de la négociation collective dans ces secteurs-là.
Jusqu'à présent, chaque établissement, chaque
hôpital pouvait s'entendre avec son syndicat. L'hôpital en
réglait les frais ou le public indirectement, évidemment parce
que c'est toujours le public qui finit par payer. Tout de même, la
négociation se faisait établissement par établissement et
ça allait bien puisque c'était le régime
général.
Aujourd'hui, à cause de la législation nouvelle que nous
ne voudrions pas voir rappeler d'ailleurs, nous sommes absolument d'accord sur
cette législation. Il y a une réalité qui n'existait pas
et les structures de la négociation collective sont déficientes
et nous sommes d'accord avec le gouvernement lorsqu'il se pose un point
d'interrogation à ce sujet-là. Mais nous ne sommes pas d'accord
sur la solution qu'il a trouvée, non pas parce que nous lui en voulons
de chercher une solution, mais évidemment il peut toujours nous dire:
"Si la nôtre n'est pas bonne, quelle est la vôtre?" C'est sûr
qu'à ce
moment-là, il va nous poser aussi un problème
extrêmement sérieux.
Je ne voudrais faire ici une remarque, M. le Président,
pardon?
M. Lesage: Je vous la pose la question.
M. Marchand: Oui, oui, je vais vous répondre, étant
donné que vous me la posez. Voici, toute cette question de la fonction
publique, M. le Président. C'est que si, a un moment donné, le
Code du travail devait être adopté plus vite que normalement, il
devrait l'être à cause de tous les autres problèmes que
ça comporte. Je crois que ce problème devrait être
isolé de l'ensemble du Code du travail et faire l'objet d'une
étude spéciale, soit par un comité d'enquête
publique ou autrement, afin de trouver non seulement disons des solutions
partielles, mais afin d'étudier et de faire des recommandations sur les
structures de négociations collectives qui doivent exister dans ce
secteur-là.
Je pense que la solution qui est trouvée par le Code du travail
ou le projet de Code du travail de faire éventuellement décider
par le ministre des négociations collectives dans des secteurs aussi
importants que ça, je pense que cette solution conduit non seulement
à la négation pratique du droit d'association, non seulement
à la néqation aussi de certains droits collectifs de la part des
employés de la fonction publique, mais ça conduit à des
conflits d'ordre public dans la province de Québec où le
gouvernement, directement, va être aux prises avec les parties.
Je pense que cette section-là, nous en comprenons l'urgence de la
part du gouvernement. Nous sommes de la province de Québec et nous nous
solidarisons aussi sur ce plan-là et nous ne voulons pas prendre des
attitudes irresponsables vis-à-vis du gouvernement. Nous dirons: "C'est
vrai qu'il y a un problème, mais nous voudrions attirer son attention
aussi sur le fait que nous aussi ça nous crée des
problèmes pour des dizaines de milliers d'employés qui ont le
droit comme les autres de se faire représenter et de négocier
collectivement. Nous demandons, devant cette situation-là, si nous ne
pouvons trouver la solution rapidement, il ne faut pas presser l'adoption du
Code du travail à cause de ça. Je crois que la solution, c'est de
charger un organisme spécial d'étudier tout ce problème
qui a des implications graves pour le gouvernement, graves et pour l'ensemble
du syndicalisme et l'ensemble de la population et faire le plus rapidement
possible des recommandations afin que la solution ne donne pas lieu à
des problèmes plus graves que ceux que le code entend régler.
Alors, évidemment, j'ai attiré votre attention
là-dessus parce que je ne voudrais pas que ce soit un
élément au Code du travail s'il en a un d'adopté. Nous
espérons qu'il le sera et nous sommes prêts à en discuter
article par article, mais nous ne voudrions pas qu'il soit adopté sous
pression parce qu'il y a des problèmes réels du gouvernement et
que le gouvernement voudrait absolument les régler à l'occasion
du Code du travail, ce qui veut dire d'ici quelques jours, ou peut-être
quelques semaines.
Maintenant, M. le Président, je dois attirer l'attention du
comité sur le rôle du Conseil supérieur du travail dans
tout ça. Le Conseil supérieur du travail siège depuis
au-delà de quinze ans. Je crois que c'est plutôt vingt ans. Il a
étudié des projets, il a produit des codes, quelques-uns sont
disparus de la circulation, quelques-uns sont revenus à la surface,
après une absence de quelques années, mais j'ai l'impression et
je crois que la FTQ partage notre opinion à ce sujet, qu'on n'a pas fait
une utilisation rationnelle et systématique du Conseil supérieur
du travail. Je pense que demander au conseil de faire des rapports et ensuite
arriver avec une législation qui fait, disons, abstraction des parties
importantes du rapoort, même de parties unanimes du rapport qui
amènent des éléments nouveaux, sans qu'il soit à
nouveau consulté pour donner mes opinions sur les sujets en litige. Je
pense que ce n'est pas faire remplir le rôle au Conseil supérieur
du travail. Je ne sais pas quelles sont les intentions du gouvernement, mais je
crois que le conseil aurait intérêt à être
consulté sur ces sujets là: la négociation collective, la
représentation devant la Commission des relations ouvrières, les
organisations syndicales, les organisations patronales qui ont une vaste et
riche tradition sur ce plan-là, une vaste et riche expérience et
je pense que le gouvernement aurait tort de se priver de cette
expérience. Non pas que je crois et que nous croyons qu'automatiquement,
dès que le Conseil supérieur recommande quelque chose, le
gouvernement devrait dire: "Nous autres on abandonne nos responsabilités
et entérinons simplement ce que le conseil a dit." Nous ne sommes
d'accord que le gouvernement garde sa responsabilité en face du bien
commun et qu'il ne peut pas être lié par toutes les
recommandations d'un conseil. Mais si nous avons un Conseil supérieur du
travail dont les recommandations sont à peu près
systématiquement ignorées, je pense que ça équivaut
à toutes fins pratiques à nier son existence et son
utilité.
Alors, nous croyons que dans ce cas-ci, M. le Président, il y
aurait eu intérêt à ce que le Conseil supérieur,
devant un document nouveau, un document oui a une valeur juridique certaine, il
n'y a aucun doute là-dessus... Je ne sais pas oui l'a
rédigé, mais je sais que c'est un document qui est valable en
lui-même; au point de vue juridique, il
règle un tas de problèmes. Mais le monde industriel, le
monde syndical est tellement complexe que je ne connais pas un homme qui puisse
faire une loi du travail ou un Code du travail seul ou à quelques-uns.
Il faut nécessairement consulter l'ensemble des intéressés
qui ont de l'expérience dans cette matière, qui l'ont
vécue et qui sont sûrement en mesure de donner des avis
valables.
En somme, je pense qu'on sera facilement d'accord là-dessus, il
ne suffit pas d'avoir de bonnes lois, il faut que les gens...
M. Lesage: Je ne voudrais pas, M. Marchand, que les gens restent sous
l'impression, que vous avez pu avoir créée, peut-être sans
le vouloir, que c'est l'oeuvre d'un homme seul.
M. Marchand: Non, non.
M. Lesage: Rassurez-vous là-dessus; il y en a de grandes parties,
n'est-ce pas, qui émanent du Conseil supérieur du travail;
d'autres des officiers en loi, des officiers supérieurs du
ministère du Travail et finalement du Conseil des ministres.
M. Marchand: Oui, ça je ne sais pas...
M. Lesage: Je puis vous dire, M. Marchand, que nous avons passé
des heures et des heures au Conseil des ministres, à préparer ce
document pour le soumettre. Et justement, si nous avons décidé de
ne l'adopter qu'en première lecture, c'est parce que le gouvernement le
soumettait beaucoup plus comme un document de travail que comme un document
auquel il attache son sort. Je voudrais que ce soit bien compris. Donc, ce
n'est pas un homme seul. Beaucoup de personnes ont travaillé à sa
préparation. Et, deuxièmement, il est déposé comme
document de travail. Et le gouvernement n'attache son sort ni au projet de loi
lui-même ni à quelqu'un de ses articles.
M. Marchand: Je vous remercie, M. le premier ministre...
M. Lesage: Cela va faciliter la discussion si je fais cette mise au
point à ce moment-ci.
M. Marchand: Alors, je m'excuse si j'ai fait une insinuation qui, enfin,
pouvait être interprétée comme une insinuation...
M. Lesage: Non, M. Marchand, je ne vous ai accusé de rien. Je
voulais purement et simplement qu'il n'y ait pas de fausse impression.
M. Marchand: Oui, mais seulement je pense que dans ce domaine complexe,
j'ai reconnu dans le texte évidemment des choses qui venaient
définitivement du Conseil supérieur du travail. Mais vous
comprendrez comme moi que dans un texte comme celui-là, d'abord c'est
une traduction législative, si vous voulez, juridique de recommandations
qui...
M. Lesage: C'est ça.
M. Marchand: ... n'avaient pas ce style et dans la traduction c'est
sûr qu'on modifie nécessairement un certain nombre de choses. Et
je crois que ceux qui sont aux prises avec les problèmes pratiques, ces
problèmes sont tellement d'intérêt général,
qu'il y a intérêt... Je ne mets aucunement en doute la bonne foi
de ceux qui l'ont fait. Je dis que dans les faits, il y a des choses qui nous
frappent, comme elles frappent d'ailleurs, disons, l'élément
patronal. Il y a même des choses qui nous frappent tous les deux de la
même façon et nous sommes convaincus que le gouvernement ne
voudrait pas être en arrière des employeurs et des syndicats en
même temps. Et ce n'est pas l'intention qui a présidé
à la rédaction du Code du travail.
Alors, si j'ai été mal compris là-dessus, je ne
sais pas qui a fait le projet. De toute façon, ce sont sûrement
des gens extrêmement compétents et ce n'est pas sur ce
point-là. J'essaie de vous faire comprendre simplement le point de vue
syndical à ce sujet.
Maintenant, je suis content de la mise au point du premier ministre
qu'il s'agit simplement d'un document de travail. Quant à nous, nous
sommes prêts à travailler. Seulement, après avoir
passé plusieurs journées dans le Code du travail,
nous-mêmes - je pense que les employeurs ont fait ça et le
gouvernement lui-même nous avait déjà
précédé dans cette voie puisque c'est lui qui a
été le premier à voir le document, ce qui me semble tout
à fait normal, d'ailleurs -nous avons à discuter à peu
près chacun des articles du code. Cela veut dire que nous nous
attendrons, évidemment, quant à nous, -parce que ce n'est pas
nous qui menons le jeu ici - si le gouvernement et les membres qui
représentent ici l'Opposition veulent nous donner satisfaction, nous
leur disons que nous voulons discuter du premier au dernier article et nous
nous attendions d'avoir le temps de faire les représentations que nous
jugeons à Dropos de faire. Car nous sommes convaincus que, une fois
adopté, ce code sera dans les statuts pendant passablement longtemps et
je crois qu'on ne peut pas. disons, parce qu'il y a quelques problèmes
urgents, nous envoyer dans une aventure enfin que tout le monde regrettera en
dernière analysa.
Alors, quant à nous, je vous dis simplement que la
délégation syndicale est prête à rester ici le temps
qu'il faut, les semaines qu'il faut pour étudier, article par
article, chacune des dispositions du code. Et si pour des raisons, M. le
Président et M. le premier ministre, que nous n'avons pas à
apprécier comme groupe, le gouvernement ne croit pas que ce soit
possible, je pense qu'il serait mieux d'envisager une autre procédure
afin que lorsqu'un Code du travail sera adopté il le soit, disons pas
unanimement par toute la population parce qu'il y aura toujours des secteurs
dissidents même dans nos propres rangs, mais du moins qu'il aura l'appui
de la grande majorité de la population. Nous sommes confiants que le
présent gouvernement peut nous donner un Code du travail satisfaisant et
nous ne voudrions pas qu'à cause de certains problèmes urgents,
il soit mécontent lui-même de sa propre législation et
qu'il mécontente l'ensemble de la population.
Nous souhaitons simplement que nous soyons prêts a discuter tous
les articles et nous demandons en faveur au comité de nous accorder tout
le temps voulu pour faire les représentations que nous voulons faire et
tout ça, même si ça prend quelque dix jours ou quelques
semaines, bien mon Dieu, ça va être onéreux pour vous et
pour nous, mais pour nous, nous le considérons comme un devoir
fondamental et nous nous en voudrions de ne pas faire cet effort à ce
moment-ci.
En résumé, - et je termine là-dessus -je pense
qu'il ne suffît pas chez nous d'avoir de bonnes lois, mais comme nous
sommes dans une démocratie, il faut que les gens soient convaincus que
nous avons de bonnes lois et que nous avons besoin d'un certain moment pour
nous en convaincre. Merci beaucoup.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Provost.
M. Provost: M. le Président, M. le Premier ministre, MM. les
membres du comité, je n'ai pas besoin de vous dire... Pardon?
Roger Provost, fédération des
travailleurs du Québec.
Je n'ai pas besoin de vous dire que les déclarations que vient de
faire le premier ministre indiquant que c'est un document de travail va rendre
ma tâche plus facile et surtout raccourcir le temps comme je voulais,
à l'origine, prendre pour exposer le problème au
comité.
M. Lesage: J'aimerais mieux que vous l'exposiez, Monsieur.
M. Provost: D'accord.
M. Lesage: Si c'est un document de travail, travaillons dessus.
M. Provost: D'accord. Tout d'abord, nous constatons que la province de
Québec connaît à l'heure actuelle un développement
économique et social qui réjouit tout le monde. Nous sommes
convaincus que pour réussir à donner cet essor économique
et social à la province de Québec, il va falloir que sur le plan
industrie: règne un climat de liberté et de paix. Je pense que le
document sur lequel votre gouvernement va s'arrêter et la
législation va déterminer jusqu'à quel point va exister le
climat de liberté et de paix industrielle dans la province de
Québec. C'est la raison pour laquelle nous y attachons une importance
capitale. Je n'ai pas à répéter ici les
considérations, comme M. Marchand, le président de la CSN a fait.
Je me bornerai à attirer l'attention du comité sur trois points
seulement.
Tout d'abord, le droit de grève. Le droit de grève
fondamentalement est un droit naturel qui appartient à tout le monde. Je
dis fondamentalement et en principe. Nous reconnaissons qu'inspiré par
le bien commun votre gouvernement veuille, dans certains secteurs, limiter le
droit de grève; mais nous voudrions que ce droit de grève soit
limité, non pas tant parce qu'on travaille pour un employeur quelconque
qui, en l'occurrence, peut être le gouvernement, mais soit limité
en raison de la nature des fonctions et des conséguences que peuvent
impliquer les grèves qui pourraient survenir dans certains secteurs. Et
ceci, c'est parce que le gouvernement, pour donner à la province de
Québec l'essor économique dont elle a besoin, il est possible
qu'il ait une influence de plus en plus grande dans certains secteurs qui,
autrefois, étaient du domaine presque industriel et de l'entreprise
privée. Et s'il fallait, a priori, admettre que partout où le
gouvernement exerce à bon escient une influence, le droit de
grève doit disparaître parce qu'il y a changement d'employeur,
nous craignons qu'à un moment donné, ceci ne vienne à
augmenter la limitation du drcit de grève et à le rendre dans un
immense secteur de la population presque illusoire. Et c'est la raison pour
laquelle nous disons que s'il faut imposer des limitations au droit de
grève, ces limitations doivent ressortir de la nature des fonctions que
remplissent les gens qui peuvent lui être soumis ou des
conséquences que pourraient avoir pour les gens-là l'exercice de
leur droit de grève.
Nous constatons que dans le code, on donne un traitemert
différent aux employeurs, aux syndicats quant à la
définition du droit de grève et ceci nous inquiète assez
sérieusement, parce que maintenant, pour les syndicats ouvriers, c'est
pratiquement toute cessation de travail, même s'il y a un paragraphe, un
peu plus loin, qui dit que ça peut être une cessation de travail
qui ne constitue pas un droit de grève. Pour l'employeur, on dit que
c'est parce qu'il refuse d'accorder des conditions ou ne veut pas l'accorder et
quand il s'agit des ouvriers, on dit: "Grève, cessation de
travail", un point.
C'est à nous demander si les gens qui sont venus nous visiter
aujourd'hui, avec ce nouveau code, ne seraient pas accusés d'être
en grève pour assister au comité des Relations industrielles pour
voir ce qui se passait et ceci nous inquiète.
On impose aux ouvriers...
M. Lesage: M. Provost, excusez-moi, j'étais à causer avec
M. Lévesque. J'ai manqué vos dernières phrases.
M. Provost: Oui, M. le premier ministre.
M. Lesage: Seriez-vous assez obligeant de les répéter,
s'il vous plaît.
M. Provost: Je dis, dans les définitions, M. le premier
ministre...
M. Lesage: Vous avez dit non, pas dans cette partie-là. Vous avez
dit: Il y a des gens qui sont venus ici pour...
M. Provost: ...qui sont venus ici pour écouter le Comité
des relations industrielles et nous nous demandons si le nouveau code
était en effet, par la définition du droit de grève qui y
existe, si ces gens ne pourraient pas être, demain, accusés par
leur employeur d'avoir fait une grève aujourd'hui; parce que si vous
regardez la définition, ça veut dire: "Toute cessation de
travail".
Ils sont élus par leurs commettants pour venir ici. C'est
concerté jusqu'à un certain point.
Ah oui, nous visons toujours au maximum dans nos revendications, M.
Lévesque, je pense que vous le savez, vous.
Pour le droit de grève, on impose des conditions que nous ne
trouvons pas assez sévères aux syndicats ouvriers. Quand il
s'agit des employeurs qui font un lock-out, aucune condition n'est
exigée, excepté qu'ils doivent attendre 50 jours à partir
de la date de la conciliation. Nous voudrions que le régime soit le
même pour les deux, s'il doit y avoir un régime. Je n'implique par
ceci que nous acceptons d'emblée ce que propose le code, mais nous
trouvons là une différence de traitement que nous avons des
difficultés à nous expliquer entre le concept du lockout, les
conditions qui doivent exister pour un lock-out et les conditions qui doivent
exister avant la déclaration d'une grève et nous voyons entrer
aussi le gouvernement dans la détermination de l'exercice du droit de
grève par les ouvriers.
Nous nous posons la question suivante d'abord: est-ce que par
ingérence - et je ne prête pas d'intention à personne - on
voudrait penser que lorsqu'il y a des grèves dans la province de
Québec, elles ne sont pas faites normalement, de façon
démocratique ou qu'elles sont faites de façon
échevelée par les leaders syndicaux ou qu'elles sont faites par
des gens qui n'acceptent pas les responsabilités économiques
d'une grève?
Puisqu'on exiqe, pour la tenue d'une grève, un vote au scrutin
secret dont la loi ne contient aucune des modalités, nous ne savons
d'aucune façon comment il pourrait être pris, par qui il pourrait
être pris, nous ne savons pas si la commission ferait des
règlements en ce sens ou elle n'en fera pas.
Mais, tout ce que nous ressentons, c'est l'ingérence du
gouvernement et ceci, je pense, part d'une philosophie que nous pouvons
difficilement accepter. La philosophie à laquelle nous croyons, c'est
que le gouvernement intervient pour l'ordre public et pour le bien commun
jusqu'au seuil de la convention collective. Lorsque nous franchissons le seuil
de la convention collective, que les deux parties déterminent leurs
conditions et que deuxièmement, lorsqu'il y a renouvellement d'une
convention collective, lorsqu'il y a un différend, que le gouvernement
intervienne pour tenter de rétablir la paix entre les deux parties.
Mais, il nous semble un peu en dehors de notre concept de voir d'abord
l'introduction du gouvernement à l'intérieur de la convention
collective et deuxièmement, en dehors du différend, la
détermination, par le gouvernement, des moyens d'agir afin d'exercer un
droit qui est la grève. Ceci nous semble un peu nouveau dans le code et
nous voudrions avoir l'opDortunité de le discuter pleinement.
Cela nous place en même temps devant un dilemme. Si le
gouvernement détermine comment le droit de grève doit être
exercé, ceci peut entrer à tout moment en conflit avec les
constitutions que nous nous sommes donné, constitutions que nous avons
déposées à la Commission des relations ouvrières
qui les a acceptées et nous oouvons être oris devant des
problèmes auxquels, en toute honnêteté, nous ne pourrons
pas trouver la véritable solution. Et nous nous demandons toujours si
réellement nous sommes dans la légalité ou si nous ne
sommes pas dans la légalité.
Déterminer une date exacte pour la tenue d'un scrutin affaiblit
sérieusement la force des négociations d'un syndicat. En disant
ceci, je n'apprends rien aux patrons et je ne les surprends pas du tout. La
prise d'un vote de grève est d'abord une arme psychologique qui indique
au cours des négociations le sérieux qu'apporte le syndicat aux
positions patronales et leur indique qu'il faut réellement
négocier de bonne foi. L'expérience nous a prouvé que
c'est bien souvent après seulement un vote de grève que les deux
parties s'assoient sérieusement à la table des
négociations et commencent réellement à faire un travail
qui peut les
conduire à des conclusions pacifiques. Et, comme le vote de
grève maintenant ne peut être pris que cinquante jours
après la demande de conciliation, il se produit là des vacuums
qui - nous le craignons - au lieu de diminuer le nombre de grèves dans
la province de Québec pourraient conduire à l'augmentation du
nombre de grèves. Nous sommes convaincus que ce n'est pas ce que
recherche le gouvernement. Ce n'est pas non plus ce que nous recherchons.
Nous désirons remercier le gouvernement de l'article 37. Je pense
qu'il est bon que nous le soulignions ici. C'est sur la retenue syndicale et je
pense que nous devons féliciter le gouvernement pour son courage,
d'avoir mis au pas des employeurs réactionnaires, surtout lorsqu'ils
opèrent dans des secteurs qui appartiennent au peuple de la province de
Québec. Bien que nous nous en réjouissions et que nous remercions
le gouvernement, ceci n'a pas réussi à nous faire perdre de vue
une foule d'autres articles sur lesquels nous désirons attirer
l'attention du gouvernement.
La Commission des relations ouvrières. Vous savez, M. le premier
ministre, je pense qu'en dépit des délais, le mouvement syndical
n'a jamais été aussi heureux dans son histoire d'une Commission
des relations ouvrières qu'il ne l'est de celle qui existe à
l'heure actuelle. Je pense qu'il faut que nous le soulignions.
Mais, lorsque nous lisons le nouveau bill, nous nous inquiétons.
Nous espérons pouvoir clarifier notre inquiétude au cours des
discussions parce que nous avons l'impression - c'est peut-être seulement
une impression, nous l'espérons - que certains articles du nouveau bill
semblent vouloir enlever au président et aux membres de la commission le
contrôle sur leur personnel et ceci, à notre avis, pourrait amener
le danger de faire entrer la politique qui en est sorti deouis 1960.
M. Lesage: Vous parlez de la nomination de l'administrateur?
M. Provost: De l'administrateur. Et ceci nous inquiète
très sérieusement.
M. le Président et M. le ministre, une autre chose nous
inquiète.
M. Lesage: Oui, monsieur.
M. Prévost: C'est l'abolition de la parité. Dans certains
cas, la parité est abolie. Nous serons prêts à discuter,
quand nous serons rendus aux articles, de ce qui arrive dans les conflits de
juridiction, mais je pense qu'on a aboli trop facilement le principe de la
parité. Si nous prenons les dix législations ouvrières qui
existent au pays, partout, on reconnaît la parité. Nous aurons,
à un moment donné, des solutions à vous apporter...
M. Lesage: M. Prévost, comment ça, des conflits
intersyndicaux? Moi, les représentations que j'ai eues au sujet de la
parité qui existait, n'est-ce pas, c'est qu'il arrivait que
c'étaient les patrons qui décidaient qui serait le syndicat qui
représenterait les ouvriers.
M. Prévost: Nous sommes totalement d'accord quant à ce que
vous dites là.
M. Lesage: C'est sur ce point-là, n'est-ce pas? Nous ne mettons
que le président et le vice-président parce que, autrement, ce
n'est pas juste à l'égard des ouvriers, ce sont les patrons qui
décident.
M. Prévost: Oui, mais, M. le premier ministre, puis-je souligner
que les conflits intersyndicaux arrivent assez rarement à la CSN et
à la FTQ? Ils arrivent surtout entre les unions indépendantes que
nous appelons dominées et une des deux centrales. À ce
moment-là, nous tenons à ce qu'il y ait la présence de
l'une ou l'autre des deux centrales.
M. Johnson: Oui, mais comment? Comment allez-vous faire cela?
M. Prévost: Nous avons une suggestion à vous faire. En
disant que lorsqu'il y aura unanimité parmi les membres...
M. Lesage: Je voudrais bien que vous me compreniez.
M. Prévost: Pardon?
M. Lesage: Je voudrais bien que vous compreniez que ce nouveau mode a
été établi après qu'on m'eut convaincu que ce
n'était pas juste pour les centrales syndicales parce que
c'étaient les patrons qui jugeaient quand vous étiez pris dans un
conflit entre la FTQ et la CSN.
M. Prévost: M. le premier ministre, loin de vouloir critiquer
l'intention du gouvernement - au contraire, on s'en réjouit - dans la
pratique courante, quotidienne, nous avons une solution de rechange qui
permettra la présence des commissaires, mais si le vote n'est pas
unanime, simplement, le juge décidera. Mais nous voulons en tout temps
la présence paritaire afin, justement, de nous prévenir contre
les problèmes de juridiction avec les unions soi-disant
indépendantes. Puis, malgré tous les efforts de la commission du
gouvernement, il en reste encore dans la province de Québec.
Maintenant, une autre chose nous inquiète. On donne à la
commission le droit de décréter un vote en n'importe quel
temps.
Voici pourquoi ça nous inquiète. Dans les provinces ou
ailleurs où on donne le droit à la commission d'ordonner un vote
en n'importe quel temps, c'est parce qu'on n'exige pas la majorité
absolue pour faire une requête. Mais ici, dans la province de
Québec - nous pensons que c'est bon - on exige pour la reconnaissance
syndicale qu'on ait au moins 50% plus un, et nous disons que, lorsque
l'enquête a prouvé que nous avions 50% plus un, nous avons de ce
fait acquis un droit à la reconnaissance qui n'est pas
conditionné à une décision de la commission de donner un
vote. Non pas que nous manquions de confiance en la commission, mais nous
allons ouvrir une porte à d'autres contestations devant les tribunaux,
et Dieu sait s'il y en a à l'heure actuelle. Même si nous
représentons 95% des ouvriers, on dira que la commission peut organiser
un vote. Nous avons créé un doute suffisant dans l'esprit de la
commission pour ordonner un vote et nous aurons des centaines et des centaines
de votes où notre droit a été reconnu par une
majorité absolue des membres qui ont adhéré au
syndicat.
Maintenant, nous allons l'éclaircir au cours du débat,
mais il y a un point où le Gouvernement a fait un effort sérieux
et nous lui demandons s'il a réellement réussi. La commission ne
peut maintenant, en théorie, révoquer un certificat de
reconnaissance syndicale pour faute de majorité, mais il y a un article,
l'ancien article 41, qui dit qu'il peut encore révoquer pour cause.
Comme nous allons vivre avec ce code, nous souhaitons au gouvernement de vivre
aussi longtemps que le code va exister. Il n'en reste pas moins que c'est dans
nos statuts. Un moment peut arriver où une commission des relations
ouvrières, n'étant pas celle que nous avons aujourd'hui, se
servant du nouveau code, invoque toutes sortes de raisons pour empêcher
l'accréditation. Alors, nous nous disons que même si le climat est
bon, nous ne devons prendre une chance dans ce domaine.
Je reviens sur un point qu'a appuyé M.. Marchand. M. le premier
ministre, j'insiste encore, M. le Président du comité, sur la
fonction publique. Je comprends que les fonctionnaires...
M. Johnson: Vous allez m'excuser, M. Prévost. Est-ce que vous
parlez de l'article 41 de la loi actuelle?
M. Prévost: Non, non, de l'ancienne loi. M. Lesage: Oui, de la
loi actuelle.
M. Prévost: De la loi actuelle... Moi, je l'appelle l'ancienne
parce qu'on va changer avant longtemps.
M. Lesage: Cela se lit comme ceci: "La commission peut, pour cause,
réviser ou révoquer toute décision et tout ordre rendus
par elle et tout certificat qu'elle a émis."
M. Johnson: Est-ce que c'est arrivé souvent que,
d'elle-même, la commission ait pris l'initiative de révoquer, M.
Prévost?
M. Prévost: Pardon?
M. Johnson: Est-ce qu'il est arrivé souvent que la commission,
d'elle-même, ait révoqué, ait pris l'initiative de
révoquer?
M. Prévost: Vous savez, M. le chef de l'Opposition, même si
c'est arrivé dix fois sur 10,000 cas, pour nous, c'est dix fois de
trop.
M. Johnson: Non, mais est-ce que c'est arrivé souvent?
M. Prévost: Quelques fois. Je n'ai pas les dossiers ici, mais je
pourrais, pour votre information, vous produire des cas où on a
invoqué d'une façon assez arbitraire que, pour cause, la
commission révisait ou enlevait le certificat. Comme l'expérience
nous a habitués à être prudents dans le mouvement
syndical...
M. Lesage: Est-ce que ça n'a pas été fait dans le
passé? Est-ce que ça n'a pas été utilisé par
la commission en se basant principalement sur 19 et 20?
M. Prévost: Oui, c'est-à-dire que ça s'est fait
avant 19 et 20. Et pour s'assurer, par la suite, on a fait 19 et 20 que,
heureusement, le gouvernement fait disparaître parce que c'est
allé jusqu'en Cour suprême. C'est la cause des instituteurs, par
exemple, où 19 et 20 n'étaient pas encore, si je me souviens
bien, je peux me tromper dans les dates, mais on est allé jusqu'en Cour
suprême pour dire que la commission ne pouvait pas enlever un certificat
pour cause. Alors, c'est arrivé dans le passé, M. le chef de
l'Opposition. Pardon?
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Je pense avoir entendu
les parties.
M. Prévost: Ah, c'était fréquent dans ce
temps-là, c'était presque commun.
M. Johnson: Non, mais M. Prévost, sérieusement, est-ce que
la Commission des relations ouvrières s'est souvent servi de l'article
41, même en utilisant 19 et 20?
M. Prévost: M. Jonnson, je ne suis pas pour vous donner des
chiffres, je n'ai pas les dossiers devant moi. Je ne voudrais pas, si je
dis...
M. Lesage: Vous pourrez vous renseigner, on va certainement être
ici demain encore.
M. Prévost: Si je dis six et vous dites que c'est quatre, il y a
des journaux ou des gens qui vont dire que je suis un menteur. Alors, je ne
donne pas de chiffres.
M. Lesage: Demain, M. Prévost, j'aimerais être
renseigné sur ce point-là.
M. Prévost: La commission doit avoir les dossiers, M. le premier
ministre.
M. Desaulniers (Guy-Merrill): À plusieurs occasions - je parle
d'il y a plusieurs années - à la suite de grèves
illégales, des requêtes étaient présentées
à la Commission des relations ouvrières demandant la
révocation d'un certificat de reconnaissance syndicale en raison de
grève. Cela a été fait à plusieurs reprises au
cours de ces enquêtes. Je peux vous dire qu'une raison qui a
diminué, je crois, l'augmentation du nombre de ces requêtes en
révocation d'un certificat en raison d'une grève illégale,
c'est qu'à un certain moment, une requête avait été
faite devant la Commission des relations ouvrières à cet effet.
Un bref de prohibition a été obtenu en Cour supérieur et,
dans ce bref de prohibition, on se basait sur le point suivant: On disait que
la Commission des relations ouvrières, en vertu de la loi, n'avait pas
le droit d'enlever un certificat, sauf dans le cas où l'association
n'avait pas de majorité. Deuxièmement, on attaquait aussi le
règlement no 1 parce que, dans le règlement no 1, la commission
avait dit qu'elle pouvait décider sur l'accord d'un certificat ou sur la
révocation d'un certificat sur une disposition qui disait qu'une
association devait avoir suivi la loi. Nous avons attaqué ce
règlement comme étant ultra vires des pouvoirs de la commission.
À la suite de ce bref de prohibition, à ma connaissance
personnelle, le nombre de ces requêtes a diminué
considérablement. Je peux dire que la commission, à partir de ce
moment-là - et je crois que c'est à ma connaissance - n'a plus
semblé vouloir, en raison de l'existence de ce bref, donner suite
à ces requêtes en décertification.
M. Prévost: M. le Président, M. le premier ministre, il
est un point, en terminant, sur lequel je veux, moi aussi, attirer l'attention
du comité, c'est le problème de tout le secteur public des
employés de la fonction publique. Je me pose très
sincèrement une question: Est-ce que l'affiliation d'un syndicat de
fonctionnaires ou d'un syndicat de policiers rend ce même syndicat moins
responsable, moins conscient de ses devoirs, moins efficace - parce que le but
d'un syndicat, c'est la défense des intérêts des ouvriers -
ou si elle ne contribue pas à lui donner une plus grande conscience de
ses responsabilités au sein du syndicalisme en
général?
Nous comprenons mal qu'on refuse aux gens de la fonction publique des
privilèges afin que, sur le plan syndical, ils soient des citoyens
à part entière. Nous, ça nous semble tout à faite
juste. Il faut donner aux gens de la fonction publique les mêmes
traitements qu'on donne aux autres citoyens de cette province. Je comprends le
cas de la délimitation quant à la grève, mais quant
à l'affiliation, nous le comprenons très mal. Sans vouloir nous
vanter, nous avons l'impression, au sein des centrales syndicales, d'avoir
contribué, dans le syndicalisme, au développement social,
intellectuel et moral de nos membres. Nous pensons que si les employés
de la fonction publique avaient le même privilège que les autres
syndiqués de la province, ils pourraient contribuer eux aussi, aux
différents organismes que les centrales syndicales ont mis sur pied:
conseillers techniques, éducation et autres. Ils pourraient probablement
rendre des services encore plus grands a la province et aux
municipalités que ceux qu'ils rendent à l'heure actuelle.
En terminant, je reprends le problème et je voudrais dire que
c'est presque une "colle" que M. le premier ministre a posée à
mon ami Marchand sur la question des tribunaux d'arbitrage dans la fonction
publique parce que nous croyons...
M. Lesage: Je n'ai pas essayé de poser une "colle".
M. Prévost: Vous avez demandé des solutions. Je pense, M.
le premier ministre, que vous ne m'en voudrez pas d'être très
franc. Nous reconnaissons que, surtout pour les hôpitaux et pour les
commissions scolaires, le gouvernement a des problèmes. Nous
reconnaissons qu'il va peut-être falloir que le gouvernement adopte des
politiques de salaires et nous pensons qu'il a le droit d'adopter des
politiques de salaires. Là où nous comprenons moins bien, c'est
qu'on confie à des tribunaux, à des corps juridiques, la fonction
presque d'appliquer les politiques de salaires du gouvernement. Nous
préférerions que le gouvernement prenne ses
responsabilités directement, et nous savons qu'il est capable de prendre
ses responsabilités. Qu'il applique des politiques de salaires, alors,
les travailleurs de la fonction publique pourront discuter directement avec le
gouvernement provincial dans le cas où les gouvernements municipaux...
C'est surtout pour le gouvernement provincial dans le cas des hôpitaux et
des commissions scolaires: ils sauront exactement quelles conséquences a
eu pour eux une décision politique du
gouvernement. Je sais que le gouvernement est capable de prendre ses
responsabilités là-dessus tandis que, là, on nie
jusqu'à un certain point la négociation directe sans la nier.
M. Lesage: C'est que la négociation serait faite pour les
instituteurs.
M. Prévost: Les corporations municipales et scolaires et les
hôpitaux. On la nie sans la nier.
M. Lesage: On ne parle pas des corporations municipales.
M. Prévost: Mais même sur les corporations municipales,
avec des assesseurs, on a changé la formule, et je puis vous dire que
les services publics sont très mécontents de ce changement de
formule.
M. Lesage: Je ne veux pas me tromper là, je veux bien saisir
votre sugqestion. C'est que vous suggérez que les négociations
dans le cas des instituteurs, employés des commissions scolaires...
M. Prévost: Oui.
M. Lesage: ...se fassent à l'échelle provinciale.
M. Prévost: Nous le préférerions, je n'ai pas
parlé aux instituteurs, c'est la conception de la FTQ.
M. Lesage: Et pour les hôpitaux, la même chose.
M. Prévost: Exactement.
M. Lesage: À l'échelle provinciale.
M. Prévost: Nous le préférerions.
M. Lesage: Avec les associations, les diverses associations
d'employés des hôpitaux et avec la corporation des
instituteurs.
M. Prévost: Cela, c'est mon opinion à moi, je n'engage pas
les autres.
M. Lesage: Je ne me prononce pas, je veux être sûr que je
comprends bien la suggestion.
M. Prévost: Je vous exprime une opinion qui est à moi, je
ne les ai pas consultés.
M. Lesage: Parce que les employés d'hôpitaux vont dire, M.
Garant est ici.
M. Prévost: Il veut parler, M. Garant, il le dira tout à
l'heure, M. le premier ministre. Mais ça me ramène au point,
qu'il faut trouver une formula qui ne soit pas celle où le gouvernement
fait prendre certaines responsabilités par des juges, par des
tribunaux.
Une voix: Est-ce que la CSN est d'accord avec vous là-dessus?
M. Prévost: Vous le lui demanderez à la CSN.
M. Marchand: Non, mais il ne faut pas qu'il y ait une confusion,
étant donné qu'on a parlé conjointement. Cela, c'est une
solution suivant laquelle pense M. Prévost; évidemment, nous ne
sommes pas tout à fait d'accord.
M. Prévost: Mais à l'heure actuelle, M. le premier
ministre, on négocie dans la fonction publique, on en arrive à
une entente entre patrons et syndiqués, chez les instituteurs par
exemple, dans les hôpitaux. La convention est remise à un ministre
de la couronne qui lui, décide que les négociations qui se sont
conduites de bonne foi sont nulles et ne valent rien, et qu'il faut renvoyer le
problème à un tribunal. Et ça, je pense que c'est assez
difficilement acceptable. Nous préférerions...
M. Bellemare: Si vous me le permettez, il y a une différence
énorme, à mon sens, entre les négociations à
l'échelle des employée des hôpitaux et ce qui concerne les
instituteurs et les institutrices à la commission scolaire, parce que
quand vous arrivez au domaine des commissions scolaires, vous avez les parents,
tandis que de l'autre côté, c'est l'État, il y a une
différence énorme.
M. Prévost: Oui, mais je pense que l'État intervient de
plus en plus dans le domaine de l'éducation et je pense que c'est
nécessaire.
M. Bellemare: Ah, ah!
M. Prévost: Oui, et ça ne me scandalise pas, ça, et
je pense que c'est nécesaire. Le rapport Parent nous a dit qu'il fallait
un ministère de l'éducation, le mouvement syndical a
appuvé cette partie du rapport Parent. Mais je pense que vous
m'entraînez dans des diversions.
M. Johnson: C'est un peu comme le Code du travail, ça
dépend de ce qu'il y a dedans.
M. Prévost: Pardon?
M. Johnson: C'est un peu comme le Code du travail, ça
dépend de ce qu'il y a
dedans.
M. Prévost: Assez souvent. Cela dépend de deux choses, M.
Johnson, ce qu'il y a dedans et de la façon dont on interprète ce
qu'il y a dedans quand on est au pouvoir.
M. Johnson: C'est vrai.
M. Prévost: Alors, en terminant, M. le premier ministre, nous
vous remercions de votre attention et nous sommes très rassurés,
du fait que vous nous avez dit que nous étudierions clause par clause.
Alors, nous vous remercions.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): S'il vous plaît, on
demande de ne pas manifester.
M. Gagnon, voulez-vous vous identifier pour les fins de
l'enregistrement?
Associations patronales
M. Gagnon (Jacques): Mon nom est Jacques Gagnon et je représente
ici un groupe d'associations patronales qui se sont réunies pour
étudier le projet de code et pour le renseignement des membres du
comité, voici la liste des associations concernées.
M. Lesage: M. Gagnon, est-ce que vous allez donner la liste?
M. Gagnon: Oui. M. Lesage: Merci.
M. Gagnon: L'Association professionnelle des industriels. La
Fédération de l'industrie et de la construction. Les Associations
des industries de là forêt, de la pulpe et du papier.
L'Association des mines de métaux. L'Association des épiciers en
gros de la province de Québec. La Fédération du
détail et des service du Québec. Le Montreal Board of Trade.
L'Asociation des marchands détaillants du district de Québec.
L'Institut des textiles primaires. La Corporation des maîtres
électriciens. La Corporation des entrepreneurs en plomberie et chauffage
et finalement, l'Association des manufacturiers canadiens.
Alors, M. le Président, M. le premier ministre, Madame, Messieurs
du comité, nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de venir
ici rencontrer le comité pour faire valoir certaines
représentations au nom des organisations dont je viens de faire
l'énumération.
Les divers groupes patronaux que je représente ont fait une
étude en commun du projet de Code du travail. Je suis heureux de vous
dire qu'ils se sont entendus sur l'attitude générale qu'ils
désirent faire valoir sur l'ensemble du projet. En ma qualité de
président de ce comité, l'on m'a confié l'agréable
tâche de faire une déclaration préliminaire à ce
sujet. Je tiens à noter toutefois que certaines associations feront
connaître leur point de vue sur la disposition qui les concerne d'une
façon spéciale et il y aura entre autres, présentation de
mémoire par l'APl par l'Association, la Fédération de
l'industrie et de la construction et la Fédération, je crois, des
fabricants de chaussures.
Le rôle que joue dans l'économie du Québec les
membres qui font partie des organismes dont j'ai nommé la liste est trop
bien connu pour que je m'attarde à vous en parler en détail.
Qu'il me suffise de noter que les industries et les commerces que
représentent ces associations ont à leur emploi au-delà de
1,300,000 personnes. Ils paient en salaires un montant dépassant
$4,500,000,000. Dans l'important domaine des relations patronales-syndicales,
les organisations représentées ici, préconisent la
reconnaissance de principes et l'adoption d'une ligne de conduite bien
définie. 1. Les employeurs et les employés exercent des fonctions
distinctes et il est de l'intérêt public que chaque partie
respecte le champ d'activité et les droits de l'autre partie. 2. Les
patrons et les travailleurs se doivent d'examiner, sans parti pris, les
propositions faites par l'une des parties à l'autre en essayant de
comprendre leurs besoins et problèmes respectifs à la
lumière de leur interdépendance. 3. Il incombe à
l'autorité publique d'assurer 1. qu'il y ait dans le domaine des
relations du travail, un minimum de législation et de formalisme afin de
laisser aux parties la liberté de déterminer les règles
qui vont régir leus relations: 2. que la législation tienne des
droits et obligations de chaque partie et finalement, que les lois qui assurent
la sauvegarde des droits de tous les citoyens, soient appliquées
rigoureusement.
Fn d'autres mots, nous croyons qu'il appartient à l'État
d'indiquer dans leurs grandes lignes, les attributions des parties,
attributions qui leur permettront de s'orienter et de trouver les moyens par
lesquels elles pourront se tracer la voie à suivre au cours de leurs
activités communes. Nous croyons que les deux parties sont les plus
aptes et probablement les mieux outillées pour résoudre leurs
propres problèmes elles-mêmes. En conséquence,
l'intervention de l'État devrait être restreinte au strict
minimum. Même sous certains aspects, le Code semble apparaître
comme positif, et manifester un effet d'adaptation à la
réalité changeante et dynamique du monde du travail.
Les employeurs ont lieu de s'inquiéter
de la portée de ce projet, pour plusieurs raisons. En effet, le
nouveau code cherche, semble-t-il, à protéger les syndicats
ouvriers contre les employeurs. Il s'agit en l'occurrence d'un projet lourd de
conséquences si l'on tient compte des points suivants: 1. Le projet
confère des avantages additionnels aux syndicats ouvriers. Par exemple,
dans la procédure concernant l'accréditation ainsi que les
changements qui pourraient être apportés aux certificats de
reconnaissance, l'employeur ne pourra, à toutes fins pratiques,
intervenir. C'est tout à fait inacceptable, car on ignore la
présence de l'employeur qui est souvent en mesure d'apporter des
précisions de nature à renseigner la commission des relations
ouvrières. 2. Dans le même ordre d'idées, les nouvelles
dipositions du Code réduiront la fonction de la commission à un
travail de vérification des effets syndicaux, vu la législation
formelle contenue dans le projet.
Par ailleurs, si l'on croit devoir référer les cas de
congédiements à un juge seul, nous ne voyons pas pour quelle
raison il faudrait créer à cet effet un tribunal spécial
au lieu de faire entendre des cas par les tribunaux existants. 3. La retenue
syndicale volontaire et révocable est tout simplement imposée
d'autorité. 4. L'abolition des conseils de conciliation peut donner des
résultats fâcheux et par le fait même ne serait pas
nécessairement un changement des plus désirables. 5.
L'ambiguïté à laquelle se prête
l'interprétation de la disposition concernant l'aliénation
partielle ou totale d'une entreprise peut avoir des conséquences
désastreuses sur l'avenir économique de la province. Finalement,
la présomption en faveur de l'employé et le fardeau de la preuve
imposé à l'employeur dans les cas de griefs et de plaintes sont
des mesures qui ne sont pas conformes a l'esprit de nos lois.
Dans son ensemble, le projet donne une tournure d'automatisme aux
règles concernant les relations ouvrières, ce qui n'est pas tout
à fait sous le régime actuel des lois du travail. Il
prévoit des correctifs de portée générale qui en
fait, ne peuvent s'appliquer qu'à des situations exceptionnelles. C'est
ainsi qu'on légifère sur des questions qui relèvent
traditionnellement du domaine de la négociation volontaire et qu'on
crée une ooiigation de ce qui, jusqu'à maintenant, était
facultatif et faisait l'objet de négociations entre employeurs et
syndicats, processus d'ailleurs qui a apporté des solutions
satisfaisantes dans la presque totalité des cas.
En voulant rendre obligatoire la retenue syndicale volontaire et
révocable, l'Etat a décidé de se substituer à l'une
des parties en lui enlevant, à toutes fins pratiques, un sujet de
négociation. Il nous semble, dans les circonstances, que le
législateur a agi d'autorité et n'a envisagé que l'aspect
légal de la négociation.
Nous aimerions signaler que dans le contexte des relations
patronales-ouvrières, il y a beaucoup d'autres dimensions que l'aspect
légal et législatif. Il y a le côté social et il y a
le côté psychologique. Deux aspects qui conditionnent
l'atmosphère favorisant les relations harmonieuses et sur lesquelles on
peut difficilement statuer.
La négociation de la convention collective est un domaine
où le législateur ne devrait pas intervenir sauf pour
prévenir des injustices. Il y a aussi évidemment l'aspect
économique des relations du travail qui peut affecter
particulièrement la rentabilité de l'entreprise qui souvent
conditionne son existence et met sa vie en danger dans des cas trop
fréquents hélas!
Il n'y a pas de doute que la négociation implique des questions
techniques et légales. Mais elle implique aussi d'autres
considérations qui touchent plus particulièrement les sentiments
des travailleurs, des chefs de département, des chefs syndicaux, des
représentants d'atelier, des contremaîtres et de la direction des
entreprises, petites, moyennes ou grandes.
Pour bien comprendre le processus de la négociation, il faut
considérer particulièrement deux aspects qui, à notre
point de vue, ont une importance primordiale. En premier lieu, il y a tout le
réseau des relations humaines. Et en deuxième lieu, il y a
l'expression des sentiments.
Pour les fins qui nous intéressent, le réseau des
relations humaines et l'expression des sentiments n'affectent pas seulement les
représentants des deux parties a la table des négociations ou
encore l'entreprise des syndicats comme telle, mais aussi les relations des
chefs syndicaux avec leurs membres, des négociateurs patronaux avec la
direction des entreprises et du personnel de maîtrise,
particulièrement les contremaîtres avec les employés
d'autre part qui sont membres d'un syndicat. Ce sont là des domaines au
sujet desquels il est bien difficile de légiférer et pourtant,
ces aspects de la condition humaine sont bel et bien présents dans les
relations patronales ouvrières de chaque jour.
En effet, l'entreprise est une entité économique et
sociale douée d'une existence propre. Elle n'est pas seulement le lieu
de travail où naissent les conflits, comme semble le
décréter le projet du code. Dans son désir de faciliter
par voie législative l'établissement cie relations organiques, le
législateur doit se garder d'imposer des obligations à l'une
seulement des parties en
cause. Les distinctions injustes nuisent aux bonnes relations et peuvent
même entraver les parties dans leurs négociations. Il en est de
même des articles touchant les congédiements qui stipulent une
présomption en faveur de l'employé. La disposition qui laisse
entendre que seul l'employeur est tenu de changer de bonne foi sous peine
d'amende est une de ces distinctions injustes qu'il faut éviter.
Dans un domaine où les relations humaines priment, il y a lieu de
se demander si, en instituant de nouvelles méthodes ou en modifiant
sensiblement la procédure comme on se le propose par exemple pour le
régime de la conciliation, on ne court pas le risque de semer la
confusion en voulant accélérer la conclusion de conventions
collectives de travail par une autre diminution des délais qui avaient
d'ailleurs été raccourcis déjà en 1961 et par
l'élimination des conseils de conciliation qui, dans un nombre de cas,
peuvent avoir une grande utilité pratique pour certaines entreprises qui
n'ont pas les moyens financiers de se faire aider au point de vue technique. Ne
court-on pas le risque d'obtenir, dans certains cas, des résultats
désastreux?
Nous soumettons que le législateur devrait s'assurer que les
changements qu'il apporte par ce projet n'ont pas pour effet de nuire à
la paix industrielle. À ce sujet, nous demandons sérieusement
s'il y a vraiment lieu de faire juger les causes de congédiement et de
conflits intersyndicaux par un juge seul. Comme il ne s'agit pas ici
strictement d'une question légale mais aussi d'une question
d'équité et de bonne conscience, il nous semble que dans
l'intérêt des parties et de la paix industrielle, on devrait
maintenir le régime actuel d'un juge et de deux commissaires.
L'on devrait aussi songer aux conséquences d'ordre
économique qui pourraient découler de l'application du code et il
y en a. On doit se garder, nous semble-t-il, d'imposer des conditions à
l'une ou à l'autre des parties en cause qui auraient pour effet de
contrecarrer les mesures gouvernementales, susceptibles de présenter la
province sous un jour le plus favorable et de l'aider ainsi à
réaliser ses aspirations légitimes.
À ce sujet, l'on craint, par exemple, que certaines dispositions
du code n'augmentent le coût de production du fait qu'elles pourraient
être interprétées de façon à interdire,
effectivement, la pratique tout à fait légitime de confier
à des sous-traitants l'exécution de certains travaux.
Il pourrait s'ensuivre des résultats regrettables dont l'abandon
de projets susceptibles d'assurer la création de nouveaux emplois.
Nombre de petits entrepreneurs et de sous-traitants qui vivent de contrats qui
leur sont octroyés par des employeurs dans le cours ordinaire des choses
pourraient sombrer.
En conséquence, il en résulterait une atmosphère
propre à décourager l'expansion et l'établissement de
nouvelles industries. Nous ne croyons pas que le législateur devrait,
par des textes ambigus, permettre que soit concédé par l'unique
interprétation des chefs syndicaux ce qui, jusqu'à maintenant,
pour des raisons considérées justes et valables, n'a
été concédé dans la plupart des cas ni par la
négociation, ni par l'arbitrage des griefs. Surtout dans des conditions
économiques où les marchés ne sont nullement garantis aux
entreprises qui toutes doivent faire face à une très grande
concurrence tant dans la province qu'au Canada tout entier et dans certains
cas, sur les marchés internationaux.
Dans la conjoncture actuelle, la loi ne devrait pas, à notre
avis, accorder de protection statutaire à un groupe au détriment
de la collectivité. Des associations d'employeurs qui sont
représentées ici se rendent compte du fait que tous les
intéressés se doivent d'accommoder leurs objectifs et leurs
lignes de conduite, aux exigences du siècle.
Elles ont la ferme conviction par ailleurs que le rôle de
l'État est de favoriser l'établissement de conditions propres,
à assurer l'expansion générale par l'adoption de mesures
appropriées. Nous croyons que dans le contexte actuel de la
planification en vue de l'expansion économique du Québec, il est
du devoir du législateur de favoriser la création et la
maintenance d'un climat économique susceptible de faire grandir les
industries actuelles et d'en attirer d'autres.
Historiquement et logiquement, la notion d'entreprise est
antérieure à celle du syndicalisme. Au moment où il
importe que toutes les parties composantes de la société entament
le dialogue, nous croyons inopportun d'établir des conditions qui
pourraient gêner les entreprises.
À part de présenter une codification
générale ou désirable plutôt et de prévoir la
nomination d'un administrateur délégué qui sera
responsable du personnel de la commission et de l'administration de son
gré, on peut demander dans quelle mesure, ce projet contribuera à
améliorer le contexte actuel des relations patronales-syndicales,
surtout si l'on considère que le projet, tel que présenté,
ne constitue que la première tranche du Code du travail. Que nous
réserve la deuxième tranche? Nous n'en savons rien, mais il est
toutefois possible qu'un bon nombre d'articles du code actuel sur lesquels nous
pourrions être d'accord, se révèlent à la lecture de
la seconde partie inacceptables, pour un grand nombre de raisons valables.
Qu'il me soit permis de dire que le code tel que présenté
semble sous certains asoects vouloir restreindre considérablement
les employeurs dans leur liberté d'action. Cette attitude ne
tient évidemment pas compte du fait qu'au cours des dernières
vingt années, les rapports entre employeurs et syndicats ont acquis un
caractère généralement ordonné et
équilibré. Il n'y a donc pas lieu de réglementer davantage
les relations patronales syndicales. Pour cette raison, le législateur
devrait tenir compte du fait qu'il y a aujourd'hui parité des forces en
présence.
Nous tenons à rappeler qu'il y a eu accord au sein du Conseil
supérieur du travail sur un nombre de dispositions de son projet de code
et auxquelles les employeurs continuent de se rallier. Nous notons qu'on semble
n'avoir reproduit dans le projet actuel que le texte de quelques-unes seulement
de ces dispositions. Nous serions portés dans ce cas à
préférer le texte original.
Nous remercions le comité de nous avoir donné l'occasion
de faire valoir le point de vue des associations patronales. Qu'il me soit
permis d'exprimer le regret que le temps mis à notre disposition pour
l'examen du code soit insuffisant, parce que c'est un texte compliqué et
lourd de conséquences qui aurait justifié une attitude
approfondie que les circonstances nous ont refusées. Pour cette raison,
je crois que nous nous rallions à la position prise par M. Marchand
à l'effet que nous sommes prêts à consacrer tout le temps
nécessaire, ici, pour faire l'étude des clauses du bill tel que
présenté, point par point. Si cela prend deux semaines, nous
sommes prêts à prendre deux semaines, et si cela en prend quatre,
nous sommes prêts à prendre quatre semaines. Mais je crois que
dans les circonstances, si la chose n'est pas possible, nous
suggérerions pour cette raison que l'adoption du bill soit
reportée à la prochaine session.
À tout événement, messieurs, les procureurs des
diverses associations ou leurs représentants...
Une voix: C'est la meilleure phase...
M. Gagnon: ... se feront un devoir, s'il y a lieu, de donner leur point
de vue respectif légal et canonique ou social au fur et à mesure
que l'on étudiera ensemble les détails du projet de code. Merci
bien.
M. Lesage: M. Gagnon, vous dites qu'historiquement et logiquement, la
notion de l'entreprise est antérieure à celle du syndicalisme.
Historiquement, je vais être plus clair, les premiers à
travailler... C'est évidemment, mais logiquement?
M. Gagnon: Mais, je crois qu'il faut d'abord insister...
M. Lesage: Pourquoi dites-vous logiquement?
M. Gagnon: Parce que c'est l'entreprise qui est instituée au
préalable qui fonctionne comme telle...
M. Lesage: Historiquement, cela...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Est-ce que la question
d'esclavage va venir avant celle de l'entreprise ou en même temps?
M. Gagnon: Ah, je ne crois pas que c'est dans ce sens qu'on
veuille...
Une voix: Historiquement...
M. Gagnon: Je ne crois pas qu'il s'agisse ici de relations entre
maîtres et esclaves. Mais, au contraire, comme je le disais, ce sont des
farces qui ont...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Maintenant, merci. Si
vous voulez, nous avons entendu M. Gagnon, nous allons entendre maintenant M.
Lachance avec l'API. Ensuite, nous entendrons M. Garant.
Association professionnelle des industriels
M. Lachance (Jean-Louis): Mon nom est Jean-Louis Lachance,
président de l'Association professionnelle des industriels.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Lachance: M. le Président, M. le premier ministre, madame,
messieurs, l'Association professionnelle des industriels a toujours, depuis sa
fondation, attaché une très grande importance au domaine des
relations patronales - ouvrières, et particulièrement, à
la législation du travail.
Depuis vingt ans, elle a présenté des mémoires
remarqués sur la question et son influence a été sensible.
Ces jours derniers, elle a accordé une collaboration totale à
l'élaboration d'une opinion patronale commune sur les différents
articles du projet du Code du travail. L'API se devait, à titre de
représentante d'employeurs, de faire partie de cette solidarité.
Cependant, pas plus que les autres participants, elle n'aurait pu endosser
toutes les réclamations de tous les groupes patronaux. Telle est la
diversité en effet entre les différents secteurs
d'entreprises.
Mais, cette diversité, inscrite dans les faits et dans la vie,
nous croyons que la législation doit en tenir compte, non pas comme d'un
obstacle à l'élaboration et à l'application de la loi,
mais comme étant l'expression de besoins différents et
légitimes. C'est cette même diversité qui justifie l'API de
vouloir présenter en marge du mémoire commun des commentaires
inspirés par la nature précise de son mandat.
Qu'il nous soit permis, messieurs, d'exprimer le regret que le temps mis
à la disposition des organismes intéressés à
l'examen du bill 54 soit insuffisant. Il s'agit, comme l'a dit M. Gagnon, d'un
texte lourd de conséquences, dont l'esprit manifeste sous certains
aspects un sérieux souci d'adaptation à la réalité
changeante du monde du travail.
Il aurait fallu une étude et une médiation approfondie que
les circontances nous refusent. Mais l'API insiste fortement pour que le
gouvernement n'accorde pas à ce projet de loi une consécration
prématurée.
Le Code du travail n'est pas une série de recettes ajustables
selon les fantaisies de chacun. Il est vraiment un code, un ensemble de
règles devant régir les rapports entre deux institutions
éminemment respectables et importantes: l'entreprise et le
syndicalisme.
Pour être vraiment valable, le Code du travail doit
découler d'une éthique des institutions concernées. Et, si
on nous affirme que cet examen a été fait, nous ne pouvons que
répondre: L'entreprise et le syndicalisme moulés sur une
société qui se transforme à vue d'oeil doivent être
évalués de nouveau dans l'optique du Québec
d'aujourd'hui.
La politique de planification, par exemple, exigera une collaboration
constante de l'entreprise et du syndicalisme entre eux et avec le gouvernement
sans que les partenaires renoncent à leur identité. Est-ce
à dire que nous nous résignons au statu quoi? Si la planification
doit se faire, il faudra bien que se modifient les modes de collaboration.
C'est-à-dire, pour être précis, que c'est d'abord sur le
problème fondamental du partage des fruits du conflit permanent entre
les urgences sociales et les nécessités économiques, des
séries d'échéances acceptables à toutes les parties
que l'on doit miser. Ces ajustements seraient impossibles sans une orientation
nouvelle de la lettre et de l'esprit qui régissent la négociation
collective.
Cette demande s'appuie sur l'argument additionnel suivant: Le bill 54
n'est qu'une partie du Code du travail. Évidemment, les dispositions de
la seconde partie du code affecteront certains articles du bill...
M. Lesage: Je m'excuse de vous interrompre, il ne faudrait pas
être sous une fausse impression. Le Code du travail, c'est l'ensemble des
lois ouvrières, mais cela, c'est la Loi des relations ouvrières
complète. Les autres parties du code sont la Loi des accidents du
travail, la Loi des établissements industriels...
M. Lachance: Mais il ne peut pas y avoir certaines...
M. Lesage: La Loi des conventions collectives, la Loi du salaire
minimum.
M. Lachance: Mais, ne pourrait-il pas y avoir des indications venant
des...
M. Johnson: Surtout dans la Loi des conventions collectives.
M. Lesage: Peut-être dans la Loi des conventions collectives.
C'est l'extension du...
Une voix: La Loi du salaire minimum, la Loi du Code de procédure
civile concernant les saisies d'immeubles, vous les...
M. Lesage: Tout ce qui touche à toute la législation, qui
touche le travail et plusieurs parties du travail, c'est directement les
relations patronales et ouvrières.
M. Lachance: Est-il recommandable, on pose la question, de donner force
de loi à un texte qui pourrait être dépourvu de sa pleine
signification? À tout événement, nous ne pouvons nous
prononcer aussi bien sur l'ensemble que sur les détails du bill que sur
la réserve d'inventaire.
La loi ne peut statuer que sur le concret, le réel. La
législation ouvrière n'est donc préoccupée que des
problèmes concernant les rapports entre le patron et l'employé
tels qu'ils se présentent dans un ensemble de situations
localisées dans le temps et dans l'espace. Le bill 54 s'applique donc au
Québec d'aujourd'hui. Or, en dépit de l'affirmation
générale exprimée plus haut, le bill 54 ne conserve-t-il
pas, comme un relent de l'époque noire des relations
patronales-ouvrières, les restrictions à l'endroit des
sous-contrats, le fardeau de la preuve imposé à l'employeur dans
les cas de griefs, tout ça constituant une condamnation implicite sinon
une mise en tutelle de l'employeur considéré comme un mineur ou
un sous-développé social? Je pense tout particulièrement
aux petits employeurs. La nouvelle loi cherche, elle aussi, à
protéger l'employé contre l'employeur dans une partie de son
contexte et sous certains de ses aspects. Elle accule tous les employeurs
à un dilemme susceptible de limiter considérablement leur
liberté d'action. Cette attitude des législateurs ne
provient-elle pas d'une notion des relations du travail que les faits
contredisent en grande partie? Les rapports pour acquérir un
caractère généralement ordonné dont les nombreuses
conventions collectives sans histoire sont la preuve la plus
réconfortante?
M. Bellemare: Très bien.
M. Lachance: Devant la négociation, l'employé n'est plus
seul face à un maître omnipotent. Il apparaît souvent que la
solitude du petit et moyen patron n'est pas moins évidente.
L'évolution des positions respectives du syndicalisme et du patronat
ne
justifierait-elle pas l'introduction dans le Code du travail d'une
préoccupation plus exacte de la parité des forces en
présence? Inspiré par le souci légitime, mais qui devient
de plus en plus superflu, de la défense des droits de l'employé,
les lois ouvrières aident à maintenir les positions
d'affrontement traditionnelles. Le "bargaining power" est entré dans les
moeurs de l'Amérique du Nord et la législation ne contribue pas a
orienter l'évolution vers des solutions de détente. Les
conséquences de cet état de fait sur la productivité, le
niveau de vie, l'emploi sont sérieuses. Il serait peut-être temps
d'élaborer et d'inscrire dans notre législation ouvrière
une notion juste de l'entreprise considérée non plus uniquement
comme le lieu de travail et des conflits de travail, mais comme une
entité économique et sociale douée d'une existence propre,
indépendante des individus, de permettre que s'établisse à
travers l'application de la loi la distinction nécessaire entre les
conflits d'intérêt inévitables et l'unité d'action
essentielle à la poursuite efficace d'une oeuvre collective. C'est un
problème de fond auquel nous aurions désiré pouvoir
attacher plus de temps, mais encore une fois, le délai qui nous est
accordé ne nous permet pas de le faire. La nécessité d'une
telle définition apparaît davantage à mesure que se
développent et se multiplient les entreprises d'État. Aussi
longtemps que l'entreprise privée sera réduite a la
définition de l'employeur telle qu'exprimée dans le bill 54, elle
devra subir, ça nous semble, un préjudice considérable
vis-à-vis de la corporation publique ou de l'entreprise d'État
qui est parée du prestiqe gouvernemental et dotée de
privilèges particuliers. Les conséquences de cette situation sont
évidentes et risquent de compromettre le développement de la
libre initiative. On ne peut évidemment pas demander au
législateur d'accorder la reconnaissance juridique a des organismes qui
n'existent pas, tel le syndicat des cadres dont la création
relève des intermédiaires eux-mêmes. Ce n'est cependant pas
le cas de l'entreprise dont la reconnaissance juridique pourrait contribuer
fortement, croyons-nous, à orienter dans un sens plus positif les
relations de travail.
L'API considère que cette partie du Code du travail comporte des
améliorations sensiblement importantes. Certaines dispositions par
ailleurs lui apparaissent inacceptables et ce sont nos procureurs qui,
malheureusement, lors de la discussion article par article, vous feront valoir
notre point de vue. Elle reste persuadée toutefois que c'est la base
même des relations entre les hommes, entre les humains qui donne le ton a
la législation. Elle forme le voeu que les dialogues engagés
entre organismes autrefois indifférents ou ooposés s'accentuent
et se multiplient. De rapports plus étroits et de l'étude des
problèmes en commun naîtront les solutions bienfaisantes et la
prospérité que nous voulons tous.
Nous ne saurions terminer notre exposé sans souligner la
qualité des services que rendent à la cause des bonnes relations
industrielles les officiers de la Commission des relations ouvrières.
Pour nous particulièrement, nous pensons à Me Claude Avery, qui
nous représente au sein de cet organisme. Nous tenons à remercier
le gouvernement et vous-même, M. le Président, en votre
qualité de ministre du Travail, de nous donner l'occasion d'ajouter ces
quelques notes au dossier du bill 54. Merci.
M. Bertrand (Missisquoi): Très bien.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Garant. Après
ça, nous demanderons l'Union des municipalités.
Corporation des instituteurs
M. Garant (Léopold): Léopold Garant, Corporation des
instituteurs.
M. le Président, M. le premier ministre, messieurs, je vais
essayer d'être bref, parce qu'il y a beaucoup de choses qui ont
été dites, par exemple, par M. Marchand, au début, que
nous pouvons endosser sans aucune réserve sur l'aspect
général, si vous voulez, du Code du travail. Il est bien clair
pour tout le monde qu'un code du travail, réunissant des lois qui ont
déjà été amendées plusieurs fois, peut
faciliter à tous l'utilisation des mécanismes de la
législation syndicale; il rendra certainement service. Les instituteurs
en particulier, nous avons utilisé ces mécanismes depuis un
certain nombre d'années, mais pas depuis tellement longtemps. On
courrait dire que notre expérience date de dix à douze ans. Nous
considérons que cette législation nous a rendu
énormément service. Nous croyons que nous devrons l'utiliser
encore dans l'avenir pour plusieurs années.
La fonction d'instituteur commence à peine à être
suffisamment attrayante pour attirer des talents nécessaires que la
population réclame pour avoir de bonnes écoles. Il est donc
nécessaire qu'on maintienne cette situation ou cette profession dans un
état au moins d'attrait minimal qui nous permette d'obtenir le nombre
suffisant d'instituteurs et d'institutrices avec une préparation
suffisante. Nous croyons donc que nous devrons utiliser longtemps encore la
législation syndicale.
C'est en 1960 que nous avons obtenu de la Législature le retour
du droit à l'arbitrage pour la partie rurale, même si nous
utilisons les mécanismes depuis une douzaine d'années. Il reste
que, dans la partie rurale, dans 1400
commissions scolaires sur 1600, nous n'avions pas, jusqu'à 1960,
le droit à l'arbitrage, c'est-à-dire, que les mécanismes
de la convention collective n'ont pas joué du tout en notre faveur et la
situation dans la partie rurale est restée extrêmement
précaire. Donc, c'est seulement depuis 1960 que nous pouvons
négocier des conventions pour les instituteurs et les institutrices dans
la partie rurale avec au moins un minimum de chances de régler nos
problèmes puisque nous avons le droit à l'arbitrage.
Évidemment, cela a créé des problèmes aux
commissions scolaires gouvernement parce que nous avons demandé des
augmentations importantes dans plusieurs endroits. C'est facile à
comprendre. En 1953, il y a seulement dix ans, la moyenne de salaires des
institutrices était de $1050. Nous avions un grand nombre de
non-diplômés; nous avions une pénurie considérable
de titulaires dans toutes les écoles, dans toute la province.
Aujourd'hui, après dix ans, nous sommes rendus à une moyenne de
$2400 pour les institutrices dans la province; ça peut varier
jusqu'à $2500, mais en tout cas, c'est la moyenne à peu
près. On ne peut pas dire que c'est là encore un traitement
exorbitant. C'est dire tout de même que la législation syndicale
nous a rendu service et que nous devons continuer.
Dans le projet de Code du travail, tel qu'il nous est proposé,
celui que nous avons étudié en fin de semaine avec la Corporation
des instituteurs et institutrices et, précédemment, avec le
Conseil consultatif de la fonction publique, on nous propose un nouveau
système de tribunal d'arbitrage; nous craignons beaucoup ce nouveau
système. Nous craignons que, avec ce nouveau système, dans
très peu de temps, il sera presque impossible sinon inutile pour notre
groupe, pour les instituteurs et institutrices de la province d'utiliser
efficacement les mécanismes de la législation syndicale. Nous
avons aussi examiné ce projet de code au Conseil consultatif de la
fonction publique qui comprend neuf organismes regroupant environ 150,000
membres qui sont personnellement affectés par le projet de code. Tant au
sein du Conseil de la fonction publique qu'au sein de la corporation, nous nous
sommes entendus. Nous étions d'accord et spontanément pour vous
indiquer certaines améliorations, entre autres aux articles 5, 50, 60 et
au nouveau mode de tribunaux d'arbitrage de 83 à 87. Nous voulons en
discuter avec le gouvernement et nous sommes prêts évidemment
à collaborer à la recherche de toute solution...
M. Lesage: M. Garant, tout à l'heure, j'ai posé une
question à M. Prévost qui ne voulait pas la création de ce
tribunal d'arbitrage spécial. Quelle serait votre solution, vous?
M. Garant: J'en viens là, M. le premier ministre.
M. Lesage: Je pensais que vous vous réserviez pour une
étude en détail, mais sur ce point, vous devez avoir votre
idée dès maintenant.
M. Garant: Voici, pour tous les gens de la fonction publique, nous ne
sommes pas dans la même situation évidemment que les autres
salariés. L'État nous pose un dilemme, parce que, pour nous,
l'État a deux fonctions bien distinctes. D'une part, ce sont les
représentants élus par le peuple pour légiférer et
voir au bien commun de la société avec qui nous devons collaborer
avec tout le respect et le dévouement que nous pouvons avoir. D'autre
part, étant donné qu'il participe aux frais, les salaires par
exemple, dans le cas des instituteurs, il devient partie comme employeur et
alors là, il y a une autre fonction et, d'après les coutumes,
n'est-ce pas, lorsqu'il y a négociation de conventions entre employeur
et salariés, les deux à la table de négociation
négocient d'égal à égal. C'est toujours difficile
de négocier d'égal à égal avec le gouvernement ou
avec les représentants du gouvernement.
M. Bellemare: Surtout quand il n'est pas à la table.
M. Garant: Et quand il n'y est pas, c'est encore pire.
M. Bellemare: Non, il n'y est pas.
M. Lesage: C'est là le problème, c'est que nous ne sommes
pas à la table.
M. Garant: C'est ici que les gens de la fonction publique - M. Marchand
!'a mentionné tantôt - accepteraient que le gouvernement organise
une commission royale d'enquête, par exemple, qui serait chargée
d'étudier les mécanismes qui vont permettre...
M. Lesage: Vous avez des idées, M. Garant?
M. Garant: C'est une commission qui va étudier tout le
problème.
M. Lesage: Nous sommes ici les représentants du peuple, les
contribuables.
M. Garant: Ah! mais si vous voulez accepter d'être le genre de
comité d'enquête, on va préparer toute la documentation
qu'il faut, on va préparer tous les mémoires et on va vous faire
quelque chose de précis.
M. Lesage: Vous n'avez pas des idées?
M. Garant: Mais pas pour ce soir, ça vient juste de sortir
ça, il y a quinze jours, le Code du travail.
M. Lesage: Le problème existe depuis un bout de temps.
M. Garant: On peut peut-être vous proposer quelque chose demain.
Mais ce que je veux dire surtout, M. le premier ministre, c'est que le
problème tel qu'il est proposé, c'est-à-dire la solution
telle qu'elle est proposée dans le code actuel, ça ne nous
convient pas. On est prêt à chercher autre chose, ça ne
nous convient pas pour plusieurs raisons. Ces raisons-là seront
déterminées quand on étudiera les articles.
M. Lesage: Qu'est-ce que vous pensez de la suggestion de M.
Prévost de traiter ça sur le plan provincial?
M. Garant: Nous admettons que le gouvernement a son mot à dire,
parce qu'il paie, mais nous ne voulons pas que ce soit le gouvernement,
l'autorité civile qui vienne, mais qu'il délègue quelqu'un
qui soit présent aux négociations pour qu'on puisse travailler
ensemble sur le même pied lors des négociations.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Vous n'êtes pas
clair, M. Garant, vous dites que vous voulez que le gouvernement ne soit pas
là tout en y étant.
M. Garant: Non, non, je veux qu'il soit présent à la table
des négociations, mais non pas qu'il impose ses volontés
indirectement, par un tribunal qu'il aura nommé.
M. Lesage: Non, vous avez dit que vous étiez contre le
tribunal.
M. Garant: Contre le tribunal tel qu'il est proposé dans le
code.
M. Lesage: Quand vous faites votre suggestion d'établissement
d'un tribunal, il s'agit de membres de la judicature qui sont nommés
à vie sur lesquels le gouvernement n'a pas le contrôle
immédiat; ce ne sont pas des employés du gouvernement, les juges.
C'est ça la proposition. C'est parce que je me demandais comment, autour
d'une table, par exemple, la Corporation des instituteurs et le gouvernement,
les représentants du gouvernement, nous pourrions arriver à
négocier s'il n'y avait pas au-dessus un tribunal d'appel.
M. Garant: Cela, c'est une formule, une formule à condition que
la négociation se fasse réellement.
M. Bellemare: M. Garant, je voudrais savoir si vous être favorable
à déférer une décision d'un conseil de conciliation
unanime à un ministre qui a le droit, la santé et la jeunesse de
rappeler à l'arbitrage.
Des voix: Non, non. Unanimement, c'est non.
M. Lesage: Non, mais je regrette, je vous dis, avec toute ma
responsabilité, il y a des cas où il y a eu unanimité.
M. Garant: Cela n'a pas de sens.
M. Lesage: Dans le cas des hôpitaux, d'ailleurs M. Marchand l'a
reconnu lui-même, le gouvernement n'aurait pas dû être
là comme négociateur.
M. Garant: Cela, c'est possible et ça doit être
logique.
M. Lesage: Cela, tout le monde le sait.
M. Désilets (Ubald): Je suis Ubald Désilets, procureur de
la Corporation des instituteurs que je représente avec M. Garant.
Dans le cas des hôpitaux, la situation n'est pas la même
tout à fait.
M. Lesage: Pas tout à fait.
M. Désilets: Les hôpitaux, vous payez 100% de la note,
disons 95%, il leur reste leur 40% de chambres.
M. Lesage: Oui, oui.
M. Désilets: À ce moment-là, je sais que les
syndicats d'infirmières, je veux bien dire que j'en représente un
certain nombre, au moins 1600, on a demandé au gouvernement:
montrez-vous, venez vous asseoir à notre table, qu'on discute avec vous
autres de la négociation. Seulement, je voudrais qu'au-dessus de
ça par exemple, il y ait un pouvoir judiciaire, parce que, à ce
moment-là, vous êtes un justicier comme moi; sans ça on
n'est pas de la même taille. Ce n'est pas du tout ça, il faut un
organisme judiciaire qui ne soit pas sous une sanction immédiate de
l'État, avec une norme, sans ça, il suffit que le gouvernement
dise: moi je ne paie pas plus que $60, on a eu des sentences qui n'ont pas
excédé $60.
M. Lesage: Oui, je regrette, M.
Désilets, mais ce qu'on propose ici, l'établissement du
tribunal, c'est que le gouvernement veuille nécessairement s'y conformer
comme il se conforme à des jugements sur des pétitions de droit,
c'est évident.
M. Désilets: Maintenant, à ce moment-
ci, vous...
M. Lesage: Là, vous n'êtes pas d'accord ni avec M.
Marchand, ni avec M. Prévost.
M. Désilets: Voici, il y a une suggestion qui a été
faite par la corporation. Je n'ai pas de mandat ici de contredire le
président, pas du tout, seulement, je puis dire par exemple, qu'à
un moment donné, la corporation a envisagé comme
possibilité que le tribunal d'arbitrage soit constitué de la
façon suivante. C'est ça vous demandiez des suggestions.
Chaque partie suggère son arbitre...
M. Bellemare: Pour les services publics?
M. Désilets: ... plus que les services publics, la fonction
publique.
M. Bellemare: C'est ça.
M. Lesage: Oui, oui.
M. Désilets: Chaque partie suggère son arbitre, pas un
assesseur, un arbitre. Bien nous, écoutez, c'est le sentiment qu'on a
après plusieurs années de...
M. Lesage: Les arbitres ne sont jamais d'accord.
M. Désilets: Les arbitres sont souvent d'accord.
M. Lesage: C'est toujours le président qui décide.
M. Désilets: Les arbitres sont souvent d'accord. Le
président, tantôt il est majoritaire avec les patrons, puis
tantôt avec l'employé; ça veut dire que cela a eu son
effet. Deuxièmement, que les parties s'entendent sur le choix d'un
président. Si les parties s'entendent, pourquoi ne pas donner suite
à cette entente-là, puis à cette harmonie-là. Et si
les parties ne s'entendent pas, que l'on nomme un président parmi une
liste faite par le Conseil supérieur du travail.
M. Lesage: C'est le système actuel ça?
M. Désilets: Ah non, ce n'est pas le système actuel, pas
du tout.
M. Lesage: Les arbitres?
M. Désilets: Ah ce n'est pas du tout le système actuel.
Les arbitres sont suggérés par les deux parties, puis le
président est nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil.
M. Lesage: Mais s'ils sont d'accord, on le nomme.
M. Désilets: Non, il n'y a pas de possibilités. Dans notre
secteur, on ne peut pas s'accorder sur...
M. Lesage: Dans votre secteur.
M. Désilets: Dans notre secteur.
M. Johnson: M. Désilets, vous faites une distinction tout de
même entre les employés d'hôpitaux et les commissions
scolaires, vous n'avez pas parlé de celles-là.
M. Désilets: Pardon?
M. Johnson: Vous parlez des hôpitaux, où vous aimeriez voir
le gouvernement présent, pour négocier.
M. Lesage: Non, non, il parie des commissions scolaires.
M. Johnson: Parce qu'il paie la note. Verriez-vous le gouvernement
présent pour négocier quand il s'agit des instituteurs?
M. Désilets: Écoutez, je veux bien distinguer n'est-ce
pas, que j'ai exprimé le sentiment des clients que je représente
dans les hôpitaux, ce n'est pas sur celui des instituteurs. Sur le sujet,
la question précise que vous me posez, les instituteurs, en
assemblée, on exprimé qu'ils ne voulaient pas négocier sur
le plan provincial avec le gouvernement ou avec un autre. Ils sont prêts
à négocier avec les commissions scolaires sur le plan
régional, ça peut aller jusque-là. Mais il reste des
distinctions, des divergences, des particularités à faire dans
chaque région. Deuxièmement, ils ne sont pas prêts à
négocier une convention collective avec l'État puis à
l'appliquer avec les commissions scolaires.
Une voix: Ils veulent un employeur.
M. Lesage: La commission scolaire doit être partie, parce que,
après tout, les membres de la commission scolaire représentent
les "payeurs de taxes" et ce sont eux qui, au niveau local, imposent la taxe
foncière.
M. Désilets: C'est ça.
M. Lesage: C'est ça. C'est comme vous disiez tantôt, il y a
une distinction de ce côté-là avec les hôpitaux st
c'est là qu'est la distinction fondamentale. Je sais que les commissions
scolaires paient une partie et une partie qu'ils doivent, comme nous,
prélever an taxe. Mais étant donné la contribution
considérable de l'état, aux salaires des instituteurs
directement, est-ce
que l'Etat ne devrait pas être partie à la
négociation?
M. Désilets: Là-dessus, je vous dis ceci, je vous exprime
le sentiment des instituteurs.
M. Lesage: Une troisième partie.
M. Désilets: Oui, oui. Voici: les instituteurs estiment qu'ils
devraient négocier seulement avec les commissions scolaires.
Deuxièmement, étant donné que la fédération
des commissions scolaires demande, pour elle, l'octroi des privilèges
que nous avons eus, à savoir: le droit de représenter en
négociations plusieurs commissions scolaires, ce qu'elle ne peut pas
faire actuellement, parce qu'aucune commission scolaire ne peut
déléguer ses pouvoirs, si elle l'obtient ça,
évidemment qu'on aime ça ou qu'on le déteste, il nous
faudra négocier sur le plan régional et peut-être
même davantage. Maintenant à ce moment-là, je devance. Je
ne veux pas me faire blâmer par mes clients, parce que je suis avocat
puis il faut que je gagne mon pain encore après demain moi. Si jamais
l'État applique un plan dans lequel on saura ce qu'il veut investir dans
l'éducation, ce qu'il veut investir en immobilisations, puis en
personnel enseignant, là un tribunal indépendant pourra avoir une
norme à appliquer qui va être au-dessus, puis indépendante
du ministre. Cela me fera plaisir de plaider contre lui à ce
moment-là, de négocier avec lui. Mais pas à ce moment-ci,
pas à ce stade-ci, puis surtout pas devant un tribunal qui est
nommé en quelque sorte par le ministre, où le ministre est partie
et juge à la fois. On s'oppose à ça.
M. Lesage: Ce n'est pas ça qu'on propose, monsieur. Ce qu'on
propose, c'est de nommer un magistrat.
M. Désilets: Nommer...
M. Lesage: Et ça serait comme le Tribunal de la
sécurité routière, les magistrats seraient nommés
comme magistrats et on en prendrait un certain nombre pour juger, pour
être membres de ce tribunal et il y aurait rotation comme garantie.
M. Désilets: Je suis bien content de l'apprendre. Moi, j'ai pris
la loi que vous avez écrite, puis vous dites "on nomme". Puis je sais
Que le statut 1 de l'interprétation dit: quand on a le pouvoir de
nommer, on a le pouvoir de décoller. Alors là, vous nommez un
certain...
M. Lesage: Je m'excuse. Nous n'avons pas le droit, une fois qu'un
magistrat est nommé à la Cour de magistrat, nous n'avons pas de
droit de le "décoller", comme vous dites.
M. Désilets: C'est correct.
M. Lesage: ... de le dégommer.
M. Désilets: Mais ce n'est pas ce que vous dites dans le
code.
M. Lesage: Oui. Le tribunal sera composé de magistrats de
district, la même chose que le Tribunal de la sécurité
routière.
M. Désilets: Ah bon, alors vous sélectionnez dans la liste
des magistrats un certain nombre, vous choisissez un président, et
maintenant il n'y a rien qui dit dans la loi que ce président, vous ne
pouvez pas le changer si ça ne fait pas votre affaire.
M. Lesage: Pardon?
M. Désilets: Je dis que vous choisissez un certain nombre de
magistrats, vous choisissez le président aussi, vous ne dites pas c'est
le juge en chef, ce qui pourrait être indépendant, mais
là...
M. Lesage: Mais non.
M. Désilets: 8on, vous en choisissez un et je dis ceci, je suis
bien content qu'on me le dise, tant mieux si cela arrive...
M. Lesage: Mais oui, il ne peut pas être dégommé
comme magistrat par le gouvernement c'est ça.
M. Désilets: Est-ce que je peux poser une question? Peut-il
être dégommé comme président du tribunal d'arbitrage
permanent par exemple?
M. Lesage: Pardon?
M. Désilets: Est-ce qu'il peut être
dégommé...
M. Lesage: Certainement.
M. Désilets: Ah oui...
M. Lesage: Comme le président du Tribunal de la
sécurité routière.
M. Désilets: Vous n'êtes pas satisfait de ces
décisions, la sanction vous l'ôtez.
M. Lesage: Bien bon, mais vous autres vous vous plaignez aussi.
M. Désilet: Bien ça. On se plaint de... C'est pour
ça qu'on...
M. Lesage: Si a un moment donné un juge a une tendance, qu'il est
toujours du
côté patronal ou qu'il est toujours du côté
ouvrier. S'il est toujours du côté patronal, je vous entends, M.
Désilets, vous serez le premier à demander qu'il soit
changé.
M. Désilets: Je demande un juge qui n'est pas changé. Un
juge de la Cour de magistrat qui soit toujours d'un côté ou de
l'autre, il reste juge.
M. Johnson: Mais vous demandez des normes, par exemple.
M. Désilets: Bien oui, je demande des normes. Le ministre s'y
connaît en fait de normes. Vous étiez bien sage. Je m'étais
promis de ne pas vous attaquer. Ce que je veux dire c'est que nous ne sommes
pas du tout et puis ne buvons pas le cru de M. Provost. Ça c'est bien
clair. Je ne veux pas laisser d'ambiguïté...
M. Lesage: "Nous ne buvons pas..." dites-vous?
M. Désilets: M. Provost dit ceci: "Nous voulons une
négociation provinciale" et à un moment donné il dit:
"ça c'est mon cru". Je veux qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.
La corporation ne boit pas de ce cru-là; elle ne veut pas pour le
moment, de négociations provinciales. On n'est pas prêt a devenir,
demain matin, des fonctionnaires de l'État. D'accord, ça n'a rien
de péjoratif pour les fonctionnaires de l'État. Nous autres, les
instituteurs, on ne veut pas, demain matin, devenir des fonctionnaires de
l'État. Un peu plus tard, on serait prêt à discuter nous
autres.
M. Lesage: M. Désilets, j'ai été bien clair lorsque
j'ai dit qu'il peut y avoir une négociation à trois. Et
ça, vous croyez que c'est possible. C'est la question que je vous ai
posée. Est-ce que le gouvernement ne doit pas être partie à
la négociation? C'est ça ma question.
M. Désilets: Moi, je vous ai répondu que c'est
immédiatement possible chez les infirmières; chez les
instituteurs. On ne considère pas ça comme immédiatement
possible. En tout cas, depuis une semaine qu'on a le code, on n'a pas vu encore
une solution qui nous permettrait de vous dire cet après-midi: "Cela
serait possible demain matin". Pour le moment, on dit ceci:...
M. Lesage: Ce tribunal d'appel, tribunal d'arbitrage, si la
négociation bloque, qu'est-ce que vous en pensez?
M. Désilets: Ce que j'en pense, je dis ceci: Il faudrait un
système selon lequel ce tribunal aurait véritablement les deux
critères judiciaires indispensables, c'est-à-dire
l'indépendance voulue nécessaire vis-à-vis les
justiciables.
M. Lesage: Alors, vous le voudriez pas qu'il y ait rotation.
M. Désilets: On ne /eut pas qu'il y ait...''
M. Lesage: Rotation chez les membres du tribunal.
M. Désilets: Sur ce détail technique-là... Notre
position pour le moment, il y a deux choses qu'on ne veut pas
particulièrement, c'est l'ingérence du ministre et puis le
tribunal d'arbitrage, tel que suggéré dans la loi. Cela c'est
catégorique.
M. Bellemare: Si, M. Désilets, le gouvernement, dans son
enquête de taxation, trouvait les moyens nécessaires aux
commissions scolaires de s'administrer toutes seules, il n'y aurait pas de
problème.
M. Désilets: Il y aurait encore, pour nous autres, des
problèmes de négociation. Malgré ce que je dis-là,
ça ne veut pas dire qu'on n'est pas prêt à discuter article
par article et faire des suggestions.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Nous allons revenir
tantôt. Est-ce qu'on pourrait laisser finir M. Garant.
M. Garant: Je pense, M. le Président, que j'ai passablement fini.
C'étaient juste des considérations générales. Et
puis, en ce qui regarde les articles, au fur et à mesure qu'ils vont
venir, bien, on en discutera à ce moment-là. Maintenant, le veux
tout simplement ajouter un mot. C'est que, étant donné que le
droit à l'arbitrage dans la partie rurale nous a été rendu
seulement en 1960, les premières années, évidemment, vous
ont causé plus de trouble: il va venir un temps où ça va
se stabiliser et puis j'imagine que ça sera dans peu de temps...
M. Bellemare: L'article 25-A pourrait disparaître.
M. Garant: Oui. J'imagine que dans peu de temps, l'effet du droit a
''arbitrage qu'on a obtenu dernièrement va être
atténué parce que la situation sera stabilisée, dans peu
de temps.
M. Lesage: Alors, à huit heures, M. le Président...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, à huit
heures, nous commencerons par...
M. Lesage: Bien, M. Marchand voulait faire une remarque, je crois,
alors... Si ça reprend une discussion, on peut attendre à huit
heures.
M. Marchand: Non, ça va prendre juste une seconde. La seule
chose, c'est que nous représentons une partie assez large de la fonction
publique.
M. Lesage: Oui.
M. Marchand: Nous ne voudrions pas que le problème au
mérite soit discuté accidentellement s'il est pour être sur
la table ici nous voudrions...
M. Lesage: Il va y être, monsieur.
M. Marchand: ...avoir l'occasion d'élaborer un petit peu sur ce
sujet-la et donner nos propres solutions.
M. Lesage: D'ailleurs, vous avez bien exposé le problème
vous-même.
M. Marchand: Il y a deux principes auxquels nous allons tenir. C'est que
là où l'État est appelé à écoper
directement ou indirectement, nous acceptons que l'État intervienne.
Cela, c'est un principe. Mais lorsqu'il s'agira de décider, nous
n'acccepterons pas volontiers que l'État lui-même, directement ou
indirectement, soit celui qui dirige le conflit. Alors, ces deux
principes-là, je pense que nous pouvons tenter de trouver une formule
autour de ça.
M. Lesage: Il ne faudrait pas partir de l'idée que les juges,
c'est nécessairement l'État. Ce n'est pas...
M. Marchand: Non, non, mais seulement, il s'agira de savoir si celui qui
le nomme réellement donne les garanties d'impartialité.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Messieurs, ce soir,
est-ce qu'on pourrait demander que la table d'en avant là-bas soit
divisée en deux, une partie patronale et puis une partie ouvrière
ce côté-là. La raison est celle-ci: c'est qu'il y en a qui
veulent à un moment donné prendre des notes et puis ils n'ont pas
de table pour prendre leurs notes. Je pense que ce sont tous des patrons en
avant.
(Reprise de la séance à 8 heures P.M.)
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Désilets a
demandé...
M. Désilets: M. le Président, M. le premier ministre, la
corporation fait la proposition suivante: que, comme le premier ministre l'a
fait remarquer cet après-midi, ce document de travail-là, est
l'oeuvre de plusieurs individus, de techniciens, des gens de métiers,
des gens qui s'y connaissent. Quant à ma cliente...
M. Lesage: Merci pour les individus, dont je suis, avec le ministre du
Travail.
M. Désilets: Évidemment, je fais allusion à ceux
que vous avez mentionnés, des associations d'employeurs, puis des
techniciens, en outre des membres du conseil.
Maintenant, mes clients, les institutrices et les instituteurs, ont eu
la dernière fin de semaine pour l'étudier. Ils sont actuellement
en classe et en examen. Tout ce que nous avons pu consacrer à
l'étude de ça, c'est samedi et dimanche, samedi dans
l'avant-midi, dans l'après-midi et dans la soirée puis dimanche.
Il nous a été impossible de faire une étude
complète et satisfaisante du document. Alors, j'ai instruction...
M. Lesage: D'après ce que j'ai lu dans les journaux, vous avez
l'air à le connaître pas mal.
M. Désilets: Bien, on a pris certaines positions. Mais vous nous
avez demandé cet après-midi de nous exprimer sur des
solutions.
M. Lesage: Mais si vous aimez donner vos opinions aux journaux avant de
venir les donner au comité, ça vous regarde.
M. Désilets: Sur des questions de principe, mais vous nous avez
demandé d'exprimer des opinions et des solutions sur des points
particuliers.
M. Bellemare: Ce n'est pas le seul non plus qui a fait ça.
M. Désilets: Alors, ce que nous demandons au gouvernement, c'est
d'ajourner pour nous permettre de consulter nos membres.
M. Lesage: J'ai bien l'intention d'entendre tous ceux qui sont ici, M.
Désilets, et de ne pas recommander au président de mettre votre
motion aux voix, motion que vous n'avez pas le droit de faire, d'ailleurs.
M. Désilets: Ce que je demande, pour mes clients, c'est la
permission de pouvoir étudier ce document. J'ai fait ma demande.
M. Lesage: On se fait dire par les unions ouvrières pendant des
années, qu'on
est en retard; quand on arrive, là, on va trop vite.
M. Désilets: Pour eux, ce que nous disons, c'est que le document
que vous venez de sortir, nous avons eu une fin de semaine pour le
considérer et nous voulons nous faire entendre davantage, et pour
ça, il faut avoir le temps de l'étudier, puis consulter nos
membres qui sont actuellement en classe, en examen. Enfin, j'ai fait mon
application, le gouvernement disposera.
M. Lesage: C'est ça, très bien.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): L'Union des
municipalités, M. Mongrain.
L'Union des municipalités
M. Mongrain (J.-A.): M. le Président, M. le premier ministre,
Madame, MM. les ministres, MM. les députés, messieurs, je
représente ici l'Union des municipalités de la province de
Québec qui est l'union des maires et des conseillers municipaux de cette
province. Nous représentons 208 cités et villes sur une
possibilité de 227 probablement, ce qui représente aussi une
population de 3,400,000 citoyens.
M. Johnson: Montréal n'est pas là?
M. Mongrain: Montréal est inclus, oui. Mes collègues m'ont
choisi pour des raisons évidentes... Ce ne sont probablement pas celles
que vous pensez.
M. Bellemare: S'il y en a un qui le sait, c'est moi.
M. Mongrain: C'est que la ville de Trois-Rivières et le maire de
Trois-Rivières sont actuellement l'objet de 160 poursuites de la part
d'un syndicat ouvrier. Vous admettrez que c'est un record et tout ça
dans l'espace d'un an.
Heureusement, les gens de la CSN et du FLQ, non, vous avez
remarqué que M. Provost a protesté tout de suite, de la
Fédération des travailleurs du Québec rendront le
témoignage à la ville de Trois-Rivières et à son
maire qui se sont toujours entendus.
Tout de même, ces 160 poursuites ont donné l'occasion au
maire de Trois-Rivières, d'étudier la législation
ouvrière plus probablement qu'il l'aurait étudiée dans des
circonstances normales. Et au nom de mes collègues de l'Union des
municipalités, M. le premier ministre, vous admettrez que ça doit
être vrai parce que j'ai déjà eu l'occasion de vous dire
des choses moins agréables. Nous venons vous dire que ce projet de code
du travail, bill 54, nous trouvons que c'est un excellent début. Nous
pensons que c'est un bon projet parce que nous sentons tout le long de ce
projet qu'il a été inspiré par un souci évident du
bien commun, un souci de protéger la majorité contre des
pressions indues et quelquefois des coups de force de certaines
minorités qui n'envisagent pas les problèmes peut-être au
palier où ceux qui sont les élus du peuple doivent les envisager.
Je ne dis pas ça pour vouloir déprécier ce que les
représentants des unions ont voulu dire ici. J'ajouterai même que
nous sommes d'accord avec eux sur un assez grand nombre de questions et de
façon tangible. Je rappellerai encore qu'en ce qui concerne ma
municipalité, nos relations sont excellentes avec les unions et les
syndicats qui veulent marcher dans le sentier de la vertu.
Nous voudrions, M. le Président, exprimer notre satisfaction, en
particulier, de voir que vos conseillers et le gouvernement ont tenu compte
d'un assez grand nombre de suggestions que l'Union des municipalités
avait faites en juillet dernier dans un mémoire qui fut
présenté à l'honorable ministre du Travail.
Nous voudrions aussi ajouter, M. le Président, que nous aimerions
tout de même que l'Union des municipalités, qui représente
les maires et les conseils municipaux de cette province, puisse avoir une
représentation au Conseil supérieur du travail ou à toute
autre commission qui aurait à intervenir dans le domaine des relations
entre employés et employeurs au municipal. Si on se rappelle que nous
représentons 3,400,000 citoyens et 201 municipalités, vous
admettrez que nous devenons des employeurs importants et que nous aurions notre
mot à dire pour une raison supplémentaire, c'est que les
relations entre employeurs et employés dans le service public ne sont
pas toujours les mêmes que les relations entre employeurs et
employés dans l'industrie privée.
Nous souhaiterions aussi, M. le Président, que parmi les juges
que vous allez nommer sur ces tribunaux du travail, il y ait un certain nombre
de personnes compétentes en droit municipal, en droit scolaire et,
enfin, toutes ces choses connexes. Et, nous croyons que ce serait
nécessaire que ces choses se fassent.
Certains penseront que dans certaines de nos attitudes, nous avons
laissé l'impression que nous sommes des antisyndicaux, des
antiunionistes. Rien n'est si loin de la vérité. La preuve, c'est
qu'à peu près 50% des membres des conseils municipaux de cette
province sont des unionistes, des syndiqués ou des ouvriers qui
bénéficient de ce que les unions et Ses syndicats accomplissent
chez nous. Et les autres qui ne le sont pas, bien, ils doivent se rappeler
qu'à tous les deux ou trois ans, ils ont des élections et, alors,
les unionistes s'intéressent à leurs affaires, en bien ou en
mal. Alors, ça nous oblige toujours d'avoir la conscience en
éveil et ne jamais oublier que nos préoccupations à nous
doivent être inspirées par le bien commun. Mais, j'insiste pour
dire que nos préoccupations à nous, les conseils municipaux,
s'apparentent un peu à celles d'un gouvernement provincial, par exemple,
ou d'un gouvernement fédéral qui doit examiner les questions d'un
palier supérieur, peut-être, à ce qui préoccupe ceux
qui sont chargés simplement des destinées des unions et des
syndicats. Ils ont tout de même notre sympathie et nous souhaitons, les
membres des conseils municipaux, avoir souvent l'occasion de siéger
autour de la table ronde, faire des sortes de conférences au sommet, en
dehors des négociations directes dans des cas spécifiques, pour
pouvoir établir certains principes généraux sur lesquels
nous nous accorderons avec les principaux dirigeants syndicaux qui ont fait la
preuve qu'ils ont assez d'intelligence et le souci du bien commun pour faire un
dialogue objectif et puis accepter certaines conclusions qui pourraient
être communes aux deux parties.
M. le Président, je vous répète, et j'ai
instruction de le dire, je le dis en mon nom personnel aussi, nous sommes
satisfaits de ce Code du travail. Nous croyons que c'est un excellent
début. Nous sommes heureux de voir que vous avez consulté toutes
les parties, les syndicats, les unions, les employeurs, et j'ai l'impression
que vous allez même entendre l'Opposition. De tout ça, il va
certainement sortir une loi qui, dans les circonstances, va être la
meilleure. Et nous savons aussi qu'au cours des sessions futures de la
Législature, il sera toujours possible de l'amender et de la rapprocher
de cette perfection que nous souhaitons tous.
Monsieur le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Les ingénieurs
professionnels, M. Bournival. Nous entendrons ensuite la
Fédération des Commissions scolaires qui est
représentée par M. Dumesnil, je pense. Pierre Bournival,
Corporation des Ingénieurs.
Corporation des ingénieurs
professionnels
M. Bournival (Pierre): M. le Président, monsieur le premier
ministre, Madame et Messieurs les membres du comité, la Corporation des
Ingénieurs professionnels du Québc n'a pas attendu que le Code du
travail soit publié, pour s'intéresser aux dispositions qu'il
contient. Depuis un an déjà, vous avez annoncé qu'il y
aurait une modification à la loi des relations ouvrières et nous
avons, dès l'an dernier, nommé un comité d'étude
pour se préparer à venir vous rencontrer aujourd'hui. Nous avons
intérêt dans cette loi, en ce qu'elle prévoit dans une de
ses dispositions que la loi ne s'applique pas aux membres des professions qui
sont visées aux chapitres 262 à 275, corporations
professionnelles qui ont leurs propres lois comme tout le monde le sait. La
justification de notre position est contenue dans un mémoire que vous
avez eu l'amabilité de recevoir il y a quelques semaines, alors que nous
avons démontré que la disposition de la loi qui nous
intéresse était pleinement justifiée. Je crois qu'il
serait abuser du temps des membres de ce comité si j'entreprenais la
lecture de ce mémoire ce soir; cependant, il est disponible, je vous en
remettrai chacun une copie si vous le désirez et nous
considérerons que notre point de vue aurait été
suffisamment développé étant donné que la
disposition qui nous intéresse en est une que nous appuyons
entièrement. Nous considérons que la loi à cet
égard est désirable et répond à
l'intérêt public. Elle répond non seulement à
l'intérêt public, coyons-nous, mais aussi au désir de nos
membres qui a été maintes fois exprimé et que
l'étude d'une année dont je viens de parler, a permis de retracer
et de remettre sur une base, disons plus moderne, telle que les conditions
valent aujourd'hui.
Cette étude a été entreprise par un comité
qui comprenait des représentants des ingénieurs qui sont dans
l'administration inférieure, des ingénieurs de ce qu'on appelle
en anglais "junior management" - c'est l'administration intermédiaire -
et de la haute administration. Le résultat de leur étude a
été publié dans le Bulletin qui a été
distribué à nos 11,000 membres dans la province de Québec.
Nous avons reçu quelques commentaires défavorables, mais aucun
mouvement qui soit assez important; c'est normal que dans un groupe
démocratique, il y ait des divergences de vues surtout parmi des gens
qui n'ont pas eu l'avantage de se renseigner entièrement sur la
question. Je crois qu'en bref, nous pouvons dire que nous croyons avoir le
droit de nous associer dans le genre d'organisation qui répond le mieux
à nos besoins et aux besoins de la population, du public. Nous avons
choisi la forme d'une corporation professionnelle comme étant mieux
adaptée à nos besoins et aux besoins du public et nous croyons
que s'il devenait nécessaire de changer la méthode par laquelle
les ingénieurs ainsi que les demandes des autres professions
libérales sont groupées, il nous appartiendrait de venir faire
des représentations que sans aucun doute, on écouterait avec
bienveillance.
M. Lévesque (Laurier): Prenez votre mémoire ici; si vous
vous référez à l'exclusion des professionnels, y compris
les membres de votre corporation, du droit d'association normal...
M. Lesage: Bien je vois le sujet.
M. Lévesque (Laurier): ...le droit d'association syndicale, c'est
à cette
disposition-là que vous vous référez?
M. Bournival: Oui, je me réfère à la disposition de
la loi des relations ouvrières.
M. Lévesque (Laurier): Est-ce que l'argument alors qui a
été invoqué cet après-midi par exemple et c'est
vrai, singulièrement dans votre profession, de gens qui sont des
salariés dans de gros bureaux dont les patrons sont des patrons à
leur point de vue et eux sont des salariés ne permet pas à votre
avis quand même de considérer que ça peut être, un
droit additionnel pour vos ingénieurs, non seulement de faire partie de
la corporation, mais de pouvoir s'unir sur des bases syndicales.
M. Bournival: Bien si on examine la question d'un point de vue
d'intérêt général, comme le comité cherchait
à le faire cet après-midi, après ça d'un point de
vue d'intérêt particulier...
M. Lesage: Voulez-vous répéter s'il vous plaît, je
ne pouvais pas suivre.
M. Bournival: Pardon, monsieur le ministre. Si on examine la question au
point de vue du principe de l'intérêt général de la
législation, nous avons soumis dans le mémoire dont vous recevrez
copie ultérieurement qu'il y aurait deux obstacles majeurs qui se
présenteraient à ce que les membres de notre profession comme
ceux des autres professions, soient soumis à la loi des relations
ouvrières et à ses dispositions, à ses avantages et
à ses faiblesses.
Savoir que d'abord il y aurait une incompatibilité entre les
responsabilités que les membres des professions ont vis-à-vis le
public, et le droit de grève qui est un droit qu'on veut
reconnaître et, comme M. Prévost l'a dit cet après-midi,
qu'il faut le moins possible limiter et brimer. Donc, première
incompatibilité au point de vue de l'intérêt
général. Le deuxième, c'est que dans le cas des
ingénieurs à tout le moins et de la plupart des autres
professions, comme les comptables à qui j'en parlais récemment,
il est à peu près impossible de faire la distinction qui est
nécessaire dans les conditions de négociations entre employeurs
et employés, à savoir où l'ingénieur se situe.
Est-ce qu'il est vraiment dans l'administration? Nous prétendons que
oui. Ou s'il est un salarié, un employé comme la plupart des
employés le sont? Or, dans l'entreprise...
M. Lévesque (Laurier): Excusez, M. Bournival, je veux juste voir
si vous avez dans un bureau d'ingénieurs, la tendance, dans votre
profession, d'arriver au bureau, d'autant plus de gros bureaux conseils,
où les ingénieurs non seulement sont de l'Union mais en fait sont
des salariés. À ce moment-là, vis-à-vis du Code,
l'ingénieur qui est responsable comme vous dites, au point de vue
social, qui est l'inqénieur associé, le salarié, lui vous
lui enlèveriez quand même, dans l'intérêt de la
profession à votre point de vue, le droit de s'unir syndicalement?
M. Bournival: Oui. Remarquez que j'ai parlé à peu
près exclusivement des ingénieurs qui sont employés sur
une base de rémunération annuelle à titre de
salariés. Les autres, je crois qu'il n'en est même pas question,
les ingénieurs-conseil. Je parle des professionnels salariés, que
ce soit des ingénieurs ou même des comptables; c'est la même
chose pour tout le monde. Le principe que nous avons soumis, nous croyons qu'il
s'applique à ces gens-là, à savoir qu'eux ne devraient pas
jouir du droit de grève et deuxièmement, que ces professionnels
salariés, dans la plus grande partie des cas, même s'ils sont
salariés, font partie de l'administration; ils occupent des postes de
direction, soit à un niveau junior lorsqu'ils sortent de
l'université, mais après quelques années ils sont vite
dans l'administration des entreprises. Par conséquent, il deviendra
difficile de savoir avec qui ils négocieraient puisqu'ils sont
eux-mêmes dans la direction de l'entreprise. Alors, ça c'est le
point de vue, je dirais, général et le point de vue particulier,
ce qui...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Quel est le nombre de vos
membres dans la Corporation?
M. Bournival: Dans la province de Québec, nous comptons 11,000
ingénieurs qui sont membres de la Corporation.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Dans la province. Combien
là-dessus sont salariés et combien sont leur propre patron,
avez-vous une idée?
M. Bournival: Il faut compter parmi nos membres salariés, et le
résident du C.P.R., de Canadair, et puis de toutes ces
compagnies-là, qui sont de nos membres et je dirais que dans une
proporotion de 30% sont salariés.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Quelle est la proportion?
Vous avez la proportion?
M. Bournival: Oui, c'est la très grande majorité, la
proportion est de 80%.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): La très grande
majorité sont des salariés?
M. Bournival: Dans une proportion de
80%, ils retirent leur revenu à titre de salaires.
M. Lévesque (Laurier): Vous-même, M. Bournival, vous
êtes salarié de la Corporation.
M. Bournival: Je suis un permanent.
M. Lévesque (Laurier): Un beau jour, vous n'êtes pas
content, vous et votre bureau; professionnellement, vous aimez mieux vous en
aller plutôt que de pouvoir vous unir pour réclamer.
M. Bournival: Évidemment, nous avons des situations de rechange,
M. le ministre, nous ne sommes pas négatifs, au contraire, nous sommes
très positifs et nous croyons que dans la formule des corporations
professionnelles, lorsqu'elle est améliorée et modernisée,
il se trouve des éléments satisfaisants de réponse aux
problèmes de communications entre les professionnels et leur patron.
Nous avons établi ce que nous appelons des groupes de communications
à l'intérieur des entreprises. Nous en avons un à
l'Hydro-Québec qui fonctionne très bien et qui groupe les 300
ingénieurs de l'Hydro-Québec et qui est tout à fait
satisfait de la situation actuelle au point de vue de législation. C'est
pour cette raison que nous appuyons le bill tel qu'il est.
M. Bellemare: M. Bournival, est-ce que dans la définition du mot
salarié qui paraît au début de la loi, c'est dans les
exceptions que vous touchez présentement; je ne comprends pas la...
M. Bournival: C'est la clause 1m3, qui dit que le mot salarié ne
comprend pas une personne appartenant à l'une des professions
visées aux statuts refondus.
M. Bellemare: Et surtout à la direction d'une compagnie...
M. Bournival: C'est là aussi, mais dans une autre clause,
ça fait partie de la même chose...
M. Bellemare: Les fonctions de direction d'une compagnie...
M. Lesage: Non, non, mais c'est général pour tous les
ingénieurs, tous les membres d'une profession, tous les avocats.
M. Johnson: Oui, mais dans le cas de plusieurs ingénieurs, il y a
cette raison additionnelle de direction...
M. Bournival: Je n'ai pas compris, M. Johnson.
M. Johnson: Dans le cas des ingénieurs, le député
de Champlain a raison, je crois; il y a dans plusieurs cas cet
élément additionnel de participation à la direction, plus
ou moins.
M. Bournival: C'est très juste, c'est le cas de l'immense
majorité des ingénieurs qui, après quelques années
d'apprentissage dans l'industrie, sont vite admis dans les fonctions
d'administration, à un niveau inférieur, intermédiaire et
finalement, dans bien des cas, à titre...
M. Johnson: M. Bournival, prétendez-vous que la corporation des
ingénieurs et sa charte sont assez étendues ou pourraient
l'être par des amendements, pour jouer le même rôle ou avoir
la même utilité qu'une union?
M. Bournival: Nous avons eu une opinion légale, à l'effet
que la loi telle qu'elle est et telle qu'elle est réécrite dans
un bill que nous avons présenté au gouvernement pour amender
notre loi, contient les dispositions nécessaires pour nous permettre non
seulement d'identifier vis-à-vis du public qui est ingénieur, non
seulement pour contrôler la conduite professionnelle de nos membres, ce
qui sont les deux buts essentiels de notre loi. Mais comme troisième but
également, de permettre ce que vous venez de dire, de voir au
bien-être social et économique de nos membres, ce que nous n'avons
pas attendu cette année pour entreprendre d'ailleurs puisque
déjà depuis une quinzaine d'années, nous fournissons des
statistiques à nos membres sur les salaires qui sont payés aux
ingénieurs et nous leur fournissons aussi des services de conseillers
techniques, de conseillers en relations industrielles.
M. Lévesque (Laurier): Au point de vue exploitation à
l'intérieur de la profession.
M. Bournival: Dans ces cas où il y aurait de l'exploitation de
certains de nos ingénieurs par d'autres ingénieurs,
évidemment, nous avons certaines dispositions du code d'éthique
qui l'interdisent et que nous avons cherché à mettre en vigueur.
En plus de ces dispositions-là, nous avons aussi les mécanismes
dont je parlais tout à l'heure qui sont les groupes de communication qui
permettent à des ensembles d'ingénieurs salariés et d'un
grand nombre, dans les grandes entreprises, de pouvoir communiquer entre eux et
établir certaines revendications qui ne sont pas de nature de
négociations collectives parce que nous voulons nous éloigner de
cette formule-là, à l'intérieur de notre profession. Nous
croyons que les rapports individuels sont plus efficaces.
M. Lévesque (Laurier): Autrement dit, ils veulent s'unir, mais
pas de syndicat.
M. Bournival: Ils peuvent s'unir à l'intérieur de leur
corporation professionnelle et les mécanismes qu'elle produit le sont
non pas dans l'esprit mais dans les besoins que les syndicats on réussi
à établir. D'ailleurs à ce point de vue-là, je
crois qu'il serait peut-être opportun, M. le Président de dire que
notre attitude n'a rien d'antisyndical, nous croyons que les syndicats
remplissent une fonction extrêmement importante dans la
société, qu'ils ont fait leur preuve pour les ouvriers et pour
d'autres groupes de salariés qui pouvaient être démunis.
Nous croyons que dans les professions, nous avons certains avantages que la
société et que l'État nous a donnés qui nous
rendent responsables et qui doivent nous priver de certains avantages que les
syndicats ont. Comme le droit de grève et ces choses-là, dont
nous nous séparons volontairement dans le plus grand
intérêt public.
M. Gervais: Est-ce qu'il n'y a pas déjà eu un mouvement au
sein de votre section vers le syndicalisme?
M. Bournival: Il y a plusieurs mouvements vers le syndicalisme, c'est
très juste, surtout aux États-Unis, depuis une vingtaine
d'années et après avoir fait l'expérience, les
ingénieurs américains entre autres, se sont aperçus que
c'était une expérience qui n'était pas à leur
avantage. Nous croyons que cette formule n'est pas adaptée encore une
fois à nos besoins et qu'elle n'est pas d'intérêt public,
et nous l'avons abandonnée. Nous avons fait des
référendums parmi les ingénieurs, pour connaître
leur point de vue et ils nous ont confirmé dans cette opinion-là,
et tout récemment, ce comité a fait une étude et une
enquête qui a révélé les mêmes tendances.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Bournival, vous allez
déposer votre mémoire, n'est-ce pas?
M. Bournival: Oui; nous en avons déjà déposé
une copie à votre bureau, M. le ministre, et nous en aurons une copie
pour chacun des membres du comité et nous l'enverrons par la poste.
M. Johnson: M.. Bournival, pour les États-Unis, n'est-il pas
exact que récemment un groupe d'ingénieurs s'est affilié
à une centrale syndicale?
M. Bournival: Ils ont eu plusieurs expériences de cette nature.
Dans certains cas, ils étaient isolés comme syndicat
d'ingénieurs seulement; dans d'autres cas, ils se sont affiliés
à des grandes centrales et dans les deux cas, on a observé des
inconvénients sérieux qui ne vont pas avec la nature de
l'ingénieur, l'enrégimentation et la standardisation des
fonctions qui ne sont pas tout à fait aptes à des gens qui
appartiennent à une profession.
M. Johnson: M. Bournival, voulez-vous demander au ministre, avez-vous
assez de pouvoir pour défendre les ingénieurs
d'Hydro-Québec contre le ministre des Richesses naturelles?
M. Bournival: Je crois que vous nous donnez une bonne occasion.
M. Lévesque (Laurier): ...dit autant sous l'ancien
régime.
M. Bournival: Je crois que le progrès d'Hydro-Québec, qui
date de plus de dix ans déjà, est une bonne illustration du fait
que les ingénieurs ont toujours eu accès à la haute
direction de l'entreprise. C'est une des raisons principales pour lesquelles
nous croyons que le syndicalisme pour les ingénieurs n'est pas le
même besoin que pour les ouvriers, parce que les membres de profession
sont tout près de la direction des entreprises, peuvent facilement
parler en tout temps avec leur patron et négocier sur une base
individuelle. Les améliorations sont nécessaires.
M. Lesage: Les relations ont toujours été bonnes.
M. Bournival: Les relations ont toujours été faciles, ont
toujours été profitables et la preuve c'est que la profession est
prospère.
M. Lesage: Alors, vous aimez bien ne pas prendre le risque que cela se
détériore.
M. Johnson: Même sous l'ancien régime.
M. Bournival: J'aimerais cependant, noter, M. le Président, qu'il
y a comme dans tout groupe, parmi 11,000 membres, quelques personnes qui voient
les choses différemment et qui peuvent exprimer des points de vue
contraires à celui que je viens d'exprimer, mais le point de vue que
j'ai exprimé est celui de notre conseil, élu par nos membres,
basé sur une étude d'un comité qui, encore une fois,
travaille à la chose depuis un an, depuis que le premier comité
nous a annoncé que la loi serait amendée.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Très bien.
M. Dozois: ...chacun, environ...
M. Bournival: C'est assez difficile à
dire, nous avons reçu peut-être une vingtaine de lettres
à la suite de la publication de la substance de notre mémoire
à tous nos 11,000 membres.
M. Lévesque (Laurier): Vous n'avez pas fait de
référendum...
M. Bournival: Nous n'avons pas eu besoin de faire de
référendum récemment. Nous en avons fait un en 1949,
lorsque la Loi des relations ouvrières a été
amendée et que certains pensaient que ce n'était pas conforme
à nos besoins.
M. Lévesque (Laurier): Et depuis 1949, vous n'en avez pas eu?
M. Bournival: Sur la Loi des relations ouvrières proprement
dite?
M. Lévesque (Laurier): Sur le statut de vos membres...
M. Johnson: Non, non, ils font des élections, ils font comme le
gouvernement au lieu d'un référendum.
M. Bournival: Nous avons...
M. Lesage: Comme au Barreau.
M. Bournival: Nous n'avons pas senti le besoin, lorsqu'il ne nous a pas
été exprimé, de faire un référendum sur
cette question, étant donné que nous sentions l'unanimité
de la profession derrière la position que le conseil prenait. Et tout
récemment, le conseil en bonne démocratie encore, a
été substantiellement changé et la moitié des
membres qui ont été élus au conseil représente des
ingénieurs qui sont dans l'administration disons inférieure dans
les compagnies.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Les salariés.
M. Bournival: Oui. Nous croyons que les ingénieurs en tout temps,
font, a toutes fins pratiques, partie de l'administration...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Allez-vous nous remettre
votre mémoire ce soir, monsieur?
M. Bournival: Je vais vous en remettre une copie immédiatement M.
le ministre.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Très bien.
M. Bournival: Et les autres par la poste dès demain.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Très bien, merci
monsieur.
M. Bournival: Merci beaucoup monsieur.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): La
fédération des commissions scolaires.
Une voix: On ne peut pas faire de commentaires tout de suite.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Après ça,
nous entendrons l'UCC M. Bouchard est là.
M. Johnson: La réplique, c'est l'an prochain, M. Marchand...
M. Lesage: Cela, c'est ce que pense le chef de l'Opposition. Ce n'est
pas nécessairement ce qui va se produire, monsieur.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Voulez-vous vous
identifier pour l'enregistrement?
Fédération des commissions
scolaires
M. Dumesnil (Mario): Mario Dumesnil, procureur de la
fédération des commissions scolaires:
M. le Président, M. le premier ministre.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Pourriez-vous
élever la voix, monsieur?
Une voix: Oui, plus fort.
M. Lesage: Une bonne voix de politicien.
M. Dumesnil: La Fédération des commissions scolaires.
Une voix: Il faudrait un amplificateur.
M. Dumesnil: La fédération des commissions scolaires est
en faveur du orojet de loi sous la réserve de faire certaines remarques
lors de l'étude des articles. Comme l'Union des municipalités,
nous présenterons un mémoire. Nous aimerions, par exemple, que
soit étudiée la question d'une définition des conditions
de travail entre autres. Également sur l'article 60, nous ferons nos
remarques lors de l'étude du bill article par article.
En conclusion, la fédération est en faveur du projet de
loi. Merci.
M. Lesage: Écoutez, je voudrais bien vous poser une question,
étant donné qu'on a eu l'opinion de M. Marchand, de M. Provost,
de M. Désilets, de M. Garant pour les négociations. Est-ce que
les commissions
scolaires seraient prêtes à ce que le gouvernement soit une
troisième partie aux négociations, quand il s'agit des salaires
des instituteurs et des conditions de travail évidemment?
M. Dumesnil: La position de la fédération sur cette
question, est à l'effet que nous aimerions mieux pour le moment que les
discussions relatives aux négociations se fassent entre la corporation
et la commission scolaire concernée.
M. Lesage: Oui.
M. Dumesnil: C'est l'attitude de la fédération pour le
moment.
M. Lesage: Et puis, et nous là? Qu'on paie.
Une voix: Cela vient par surcroît.
M. Dumesnil: C'est pour ça que j'ai dit tout à l'heure, M.
le premier ministre, "pour le moment". Si l'enquête sur la
fiscalité donne...
M. Lesage: Non, non, je n'attendrai pas le résultat de
l'enquête sur la fiscalité pour régler cette affaire.
M. Dumesnil: Même là, M. le premier ministre, nous croyons
que les commissions, d'une façon générale dans la
province, lorsqu'il y a eu des conventions collectives faites de gré
à gré, ont étudié la question et ont signé
des conventions collectives de gré a gré qui étaient
réellement bien fondées.
M. Lesage: Bien, il y a la question des conditions de travail.
M. Dumesnil: La question des conditions de travail, c'est une chose un
peu plus difficile.
M. Lesage: Ou nombre d'heures, du nombre d'élèves, des
normes quoi.
M. Dumesnil: Les normes, c'est un peu plus difficile cette
question-là et c'est pour cela que nous aimerions que dans le projet de
loi soit définie la question de travail, ce qu'est une condition de
travail?
M. Lesage: Cela fait partie des conventions collectives.
M. Dumesnil: Cela dépend, M. le premier ministre, pas de toutes
les conventions collectives. Il y a plusieurs conventions collectives où
il n'est pas question de normes. Il y a plusieurs conventions collectives
où il en est question. Mais règle générale, la
tendance actuellement dans les commissions scolaires sur la question des
normes, est de ne pas les accorder aux instituteurs. Nous disons que nous nous
en référons aux décisions du ministère. Alors sur
les normes, cela ne pose pas de problème cette question-là.
M. Lesage: Pas de problème.
M. Dumesnil: Non, M. le premier ministre. Par l'expérience que
j'en ai et l'expérience que nous en avons actuellement, il n'y a pas de
problème de ce côté-là.
M. Lesage: Est-ce que vous voudriez, comme M. Désilets, que les
négociations aient lieu sur une base régionale plutôt que
sur une base de commission scolaire individuelle?
M. Dumesnil: Sur une base régionale, nous serons en faveur.
M. Lesage: Vous seriez d'accord avec la Corporation des instituteurs
là-dessus.
M. Dumesnil: Oui, par région économique sur une base
régionale. D'ailleurs, c'est déjà commencé dans
certaines associations diocésaines. Vous avez...
M. Lesage: Cela, je sais, oui.
M. Dumesnil: ...l'Association de Montréal, par exemple.
M. Lesage: Mais sur les principes, vous êtes d'accord avec les
instituteurs.
M. Dumesnil: Nous sommes d'accord, oui, sur une base
régionale.
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez. Le premier
ministre vient de faire une déclaration qui m'intéresse beaucoup,
mais qui doit intéresser plusieurs des corps qui sont ici, entre autres,
la CSN et le Conseil consultatif de la fonction publique. Le premier ministre
dit: "Je n'attendrai pas pour régler ce problème que le
rapport...
M. Lesage: C'est le problème de l'arbitrage...
M. Johnson: ...sur la fiscalité soit réglé...
M. Lesage: ...la négociation dans les hôpitaux, les
commissions scolaires...
M. Johnson: Voici. La CSN et le Conseil consultatif ont demandé
qu'on fasse une enquête a part et qu'on traite ce problème
à part, qu'on ne bâcle pas trop
rapidement le code parce qu'on veut régler ce
problème-là tout de suite.
M. Lesage: On a demandé ça au début et, par la
suite, je pense que nous avons eu des discussions qui peuvent nous amener
à une solution. On a parlé aussi du Conseil supérieur du
travail, mais n'oublions pas que nous avons ici une assemblée beaucoup
plus représentative que le Conseil supérieur du travail devant
nous. Et je crois qu'il appartient aux législateurs d'entendre les
représentations de tous les groupes intéressés sur chacun
des articles et que l'audition doit être complète.
M. Johnson: Par ailleurs, M. le Président, si vous le permettez,
la déclaration du premier ministre pose un autre problème. Est-ce
qu'on doit éliminer comme possibilité que l'enquête sur la
fiscalité donnera aux commissions scolaires plus de pouvoirs, plus de
sources de revenus...
M. Lesage: Je ne l'élimine pas. Je ne traverse jamais une
rivière avant d'arriver au pont, vous le savez.
M. Johnson: Je comprends, mais si les commissions scolaires avaient
plus... Si on en arrivait à la conclusion et si le gouvernement faisait
suivre ça d'une législation appropriée que les commissions
scolaires doivent avoir plus de revenus, à ce moment-là, le
gouvernement serait beaucoup moins intéressé dans les conventions
collectives. Et puis l'autonomie des commissions scolaires serait, à ce
moment-là, respectée ou beaucoup mieux sauvegardée.
M. Lesage: Très bien. Si on peut trouver des sources de revenus
additionnelles pour les commissions scolaires, il est évident qu'il
faudra amender les lois au cours d'une session. Et quelle que soit la
décision que nous prenons à ce moment-ci ou à la prochaine
session, alors que nous n'aurons pas le rapport de la commission
d'enquête sur la fiscalité quant à la participation
gouvernementale aux négociations pour les instituteurs, si, à un
moment, il devient possible de prévoir que les commissions scolaires
auront leurs sources complètes de revenus sans qu'elles aient à
compter sur le gouvernement... Comme ministre des Finances, j'ai hâte de
voir ce jour-là, je vous l'avoue. Si, à un moment donné,
ça se produit, fasse le ciel que ça arrive, à ce
moment-là, c'est aussi facile d'amender les lois qui prévoient la
participation du gouvernement à la négociation que d'amender les
lois fiscales. C'est aussi simple que ça. Il n'y a pas de
problème.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Après M.
Lévesque, nous entendrons le Conseil patronal du bâtiment.
Fédération des travailleurs forestiers
de l'UCC
M. Lévesque (Léopold): Je suis Léopold
Lévesque, directeur du service forestier de l'UCC.
M. Lesage: Parlez fort, M. Lévesque.
M. Lévesque (Léopold): Nous représentons ici la
Fédération des travailleurs forestiers de l'UCC qui groupe plus
de 15,000 travailleurs en forêt actuellement. Alors, il est
peut-être bon de justifier un peu notre présence puisque en fin de
compte, même si nous avons un peu moins d'intérêt que nous
en avions au bill 13, il reste quand même que le Code du travail vient de
faire un grand pas pour les travailleurs forestiers. Et nous devons tout
d'abord féliciter les autorités du gouvernement et ceux qui ont
mis la main à la préparation de ce Code du travail pour avoir
enfin compris que les travailleurs forestiers avaient, eux aussi, le droit de
s'associer et de s'unir sans avoir à surmonter les difficultés
qu'ils ont eues jusqu'à présent.
En effet, pour la première fois, le Code du travail viendra
à leur secours tant pour leur faciliter le droit d'association et
surtout lorsque dans le Code du travail, on permet présentement aux
organisateurs de syndicats de rencontrer les travailleurs de la forêt, ce
qui n'existait pas auparavant.
C'est donc un immense pas, ne serait-ce que cette clause qui donne le
droit aux organisateurs syndicaux de pénétrer en forêt pour
rencontrer les travailleurs de la forêt. Cependant, nous avons quelques
petites inquiétudes. Évidemment, il s'agit de la reconnaissance
de l'employeur en forêt. Il est évident que le code
démontre qu'il est possible à la Commission des relations
ouvrières, à un moment donné, de certifier des
employés ou une union vis-à-vis des entrepreneurs ou
peut-être même des sous-entrepreneurs. À ce
moment-là, il est évident que l'organisation syndicale en
forêt est pratiquement nulle ou équivaut à rien puisque ces
gens-là, selon l'expérience que nous avons à ce jour,
n'ont aucun pouvoir de négociation vis-à-vis de l'union parce que
leur piastre dépend des exigences des contrats que l'industrie
forestière voudra bien donner à ces gens-là. Et si l'union
tente de négocier des conditions de salaires, des conditions de travail
avec ces employeurs-là, à ce moment-la, évidemment, ils
nous disent tout simplement que nous n'avons aucune autorité. Nous
aimerions savoir si nous aurons, d'abord, des contrats, deuxièmement, si
l'industrie elle-même va accepter les revendications que vous faites au
nom des
employés et ce qui veut dire que ça met l'union dans une
impasse, particulièrement au sujet de la négociation.
Un autre point que nous voulons souligner, c'est que...
M. Lesage: M. Lévesque, avant que vous nous expliquiez ce
point-là.
M. Lévesque (Léopold): À l'article 2,
deuxième paragraphe.
M. Lesage: Le concessionnaire forestier est, pour les fins des chapitres
2 et 3, réputé employeur de tout salarié employé
à l'exploitation forestière de ces terres. Ce sont ceux qui sont
employés au transport routier.
M. Lévesque (Léopold): Oui.
M. Lesage: La commission peut cependant reconnaître une
association d'employeurs comme représentant de tous les employeurs
faisant l'exploitation forestière des terres d'un concessionnaire
forestier ou d'une partie déterminée de ces terres. Cette
association est alors réputée employeur de la façon
ci-dessus indiquée. Mais il faut que ce soit une association.
M. Lévesque (Léopold): Oui, il faut que ce soit une
association; évidemment, une association d'entrepreneurs...
M. Lesage: Non, vous comprenez que la règle, c'est le
concessionnaire. Mais justement à cause de ce que vous venez de
dire.
M. Lévesque (Léopold): Mais l'association d'employeurs
dont il est question ici.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Le concessionnaire, c'est
la compagnie forestière.
M. Lévesque (Léopold): C'est la compagnie
forestière, très bien. Mais vous avez le détenteur du
permis, le permissionnaire, par exemple, qui est peut-être un
entrepreneur et un groupe d'entrepreneurs qui s'associent dans un district
donné, sur le territoire d'une comDagnie, sur les terres de la couronne,
peut être certifié par la commission. À ce
moment-là, ce sont les intermédiaires, en somme, qui existent
entre l'union et l'employeur réel.
M. Lesage: Oui, mais ce n'est pas l'association des entrepreneurs d'un
concessionnaire. C'est une association d'entrepreneurs.
M. Lévesque (Léopold): C'est l'association d'un
entrepreneur et d'un concessionnaire.
M. Lesage: Oui, ça peut être ça aussi. Mais
là, si tous sont ensemble...
M. Lévesque (Léopold): Même si tous sont
ensemble.
M. Lesage: Mais là, alors, la négociation
évidemment va se faire à la connaissance du concessionnaire.
M. Lévesque (Léopold): À la connaissance du
concessionnaire, mais seulement il n'a aucune responsabilité
vis-à-vis des employés dans le contrat que l'union va signer pour
ses employés avec son intermédiaire...
M. Lesage: Vous en voulez donc au deuxième paragraphe?
M. Lévesque (Léopold): Bien, c'est ça. M. Lesage:
Le premier vous satisfait.
M. Lévesque (Léopold): Le premier nous satisfait. On n'a
pas d'objection au premier.
M. Lesage: Bon, par ailleurs le deuxième paragraphe.
M. Lévesque (Léopold): Le deuxième paragraphe.
M. Lesage: Le premier, c'est ce que vous voulez?
M. Lévesque (Léopold): Le premier, le concessionnaire,
c'est ce qu'on veut. Que ce soit lui qui soit considéré comme
l'employeur réel, puis en réalité c'est lui aussi.
D'ailleurs, jusqu'à présent, la pratique a fait cas de ça
puisque je crois qu'il y a très peu d'entrepreneurs certifiés
à ce jour. Ce sont les concessionnaires, en réalité, les
employeurs réels, les industries forestières, les compagnies qui
sont certifiées jusqu'à maintenant.
M. Lesage: Oui.
M. Lévesque (Léopold): Ensuite, un autre point qui nous
préoccupe. C'est que l'expansion des mots "exploitation
forestière" n'est pas aussi grande que dans l'ordonnance 39 que vous
avez actuellement en vigueur qui va, par exemple, jusqu'aux employés qui
travaillent aux barrages, aux routes, aux lignes de transmission qui passent en
forêt. Tous ces gens-là, elle ne les couvre pas ici.
M. Lesage: Bien non, mais tout salarié employé à
l'exploitation forestière de ces
terres sont tous ceux qui sont employés au transport
routier...
M. Johnson: Cela ne comprend pas tous ceux qui sont occupés
à la "slash".
M. Lévesque (Léopold): La "slash", les lignes de
transmission, les barrages... Et il y en a d'autres aussi.
M. Johnson: Votre juridiction à vous, ce sont les employés
en forêt.
M. Lévesque (Léopold): Les employés en forêt
tels que définis ici, que ce soit en tant qu'exploitation
forestière, l'ordonnance 39 actuelle...
Évidemment, il faut quasiment que ça se suive.
Il y a un troisième point, à part quelques petits points,
mais ce n'est pas grave. Il s'agit de l'accréditation au sujet de la
majorité absolue. Vous savez qu'en forêt, étant
donné le travail saisonnier, c'est assez difficile de recruter à
longueur d'année. Nous sommes pris pour recruter environ deux mois par
année, trois mois au plus, sans quoi, si nous recrutons, par exemple,
dans le temps de la drave, on peut nous objecter: Bien, ce ne sont pas la nos
opérations principales et puis la majorité de nos employés
ne sont pas là. Même dans le temps de la coupe; si bien que des
grandes compagnies vont ouvrir, par exemple, 25, 30, 40 camps. Ils vont en
ouvrir 10 d'abord. Ils commencent par ça, puis ils disent: "Bien, vous
ne pouvez pas le certifier sur 10, 12 camps, vous allez en avoir 35."
Ce qui veut dire qu'à ce moment-là, pendant que les dix
premiers finissent, on en ouvre d'autres. Jamais on n'a pu avoir la
majorité absolue en forêt. C'est un problème.
M. Lesage: Est-ce que vous avez l'ordonnance 39 ici?
M. Bertrand (Missisquoi): Vous l'avez dans le code, à la page
316.
M. Lesage: Qu'est-ce qu'il y manque? Ça va m'éviter
de...
M. Lévesque (Léopold): Exactement...
M. Lesage: C'est parce que j'avais l'intention - je sais que les
industries forestières sont représentées - de leur
demander de faire leurs commentaires tout de suite après ce...
M. Lévesque (Léopold): L'expression "exploitation
forestière" désigne, pour les gens de la province, l'ordonnance
ou l'une des opérations suivantes: la coupe, le transport, le chargement
du bois a bord des bateaux ou wagons de chemin de fer, l'écorçage
et le tronçonnement du bois avant le chargement sur ledit bateau ou
wagon...
Une voix: D'accord.
M. Lévesque (Léopold): ...mais ne comprend pas les travaux
de transformation du bois sorti de la forêt. Sont également
considérés comme exploitations forestières les usines ou
établissements où l'on fait le sciage ou le façonnage du
bois exclusivement pour les fins d'opérations forestières. Cette
expression comprend également le déboisement de la forêt en
vue de la construction des chemins, de l'autoroute, du barrage, des lignes de
transmission et de tout autre travail du même genre. On voudrait que la
définition soit étendue, c'est ça. Les divers travaux qui
se font à part de la coupe ordinaire.
Alors, messieurs du comité, nous vous remercions de
l'opportunité que nous avons eue de présenter notre point de vue
et nous tâcherons de les discuter lorsque viendront...
M. Bellemare: M. Lévesque, une question. Dans le dernier
paragraphe, deux, "sauf ceux qui sont employés au transport
routier..."
M. Lévesque (Léopold): Oui.
M. Bellemare: Est-ce que ça s'applique pour ceux qui font, par
exemple, le charriage du bois à la rivière?
M. Lévesque (Léopold): Ah, ça ne s'applique pas
à ça. Le transport routier, à ce moment-là, je ne
pense pas que ça comprenne...
M. Bellemare: Il y a des chemins en forêt...
M. Lévesque (Léopold): Par le transport routier, ils
veulent dire les routes principales où on camionne...
M. Bellemare: On transporte de la "pitoune".
M. Lévesque (Léopold): Le transport routier et le
transport de la "pitoune" doivent être compris. Le transport de la
"pitoune", je ne sais pas si vous l'entendez comme transport routier...
M. Bellemare: Je vous pose la question. Je veux savoir ça, parce
que c'est marqué "sauf".
M. Lévesque (Léopold): "Sauf", je le sais bien. Ah,
évidemment, ce sont des points qui vont venir là...
M. Bellemare: Non, mais qu'est-ce que vous en pensez, vous?
M. Lévesque (Léopold): Ce que j'en pense, voici. C'est que
tout transport routier concernant les exploitations forestières doit
être inclus dans la loi.
M. Bellemare: Même si c'est donné en contrat...
M. Lévesque (Léopold): Même si c'est donné en
contrat à des compagnies de camionnage, quand ça se fait en
forêt. Sorti de la forêt, on n'y a plus d'affaire...
Une voix: Une fois qu'il est sorti de la forêt...
M. Lévesque (Léopold): Une fois qu'il est sorti de la
forêt, on n'a plus d'affaire là. Il se fait beaucoup de transport
à l'intérieur de la forêt. À ce
moment-là...
M. Lévesque (Laurier): Ce qui reste, essentiellement, si j'ai
bien compris, de l'ordonnance 39, oui ne serait pas compris dans le sens de ces
mots-là, ce serait la "slash", les barrages et les chemins
d'accès, les chemins dans le bois...
M. Bertrand (Missisquoi): C'est ça, la construction des camps
dans la forêt, ces choses-là qui concernent l'organisation dans la
forêt...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Maintenant, M. Morin,
vous allez nous excuser. On va entendre l'industrie forestière. M.
Gagné, je pense qu'il représente l'industrie
forestière.
Une voix: Nous autres, on est d'accord avec l'UCC, en tous les cas.
C'est juste une information, comme ça.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):À l'ordre! Vous
allez vous identifier.
Associations des industries forestières du
Québec
M. Gagné (Jean-H.): Jean-H. Gagné, représentant de
l'Association des industries forestières du Québec.
M. le Président, M. le premier ministre, madame, messieurs, j'ai
fait distribuer un document qui contient nos commentaires et des textes
suggérés. Nous avions pensé...
M. Lesage: Oui, évidemment, quand on arrivera aux articles, M.
Gagné, Nous sommes en discussion générale, mais
simplement, j'aimerais que vous fassiez des commentaires sur ce que vient de
dire M. Lévesque.
M. Bertrand (Missisquoi): Des commentaires généraux.
M. Lesage: Vous dites que vous n'avez aucun commentaire sur la
définition de "exploitation forestière"...
M. Gagné: Aucun commentaire.
M. Lesage: Avez-vous des commentaires à faire sur ce que M.
Lévesque a...
M. Gagné: Bien, par exemple, sur un point. Quand M.
Lévesque dit que la situation particulière ou le caractère
particulier des opérations forestières qui fait en sorte que les
campements s'ouvrent tranquillement, si vous voulez et que le nombre
d'employés varie, le nombre de camps varie, je crois que l'article 27 du
code répond à l'inquiétude de M. Lévesque sur ce
point-là.
M. Lévesque (Laurier): Mais, M. Gagné, votre
première remarque, à l'article deux, touche exactement ce que
disait M. Lévesque. Vous voulez que la commission puisse
reconnaître non seulement l'association d'employeurs, mais un "jobber",
par exemple. Vous dites comme employeur au sens de la loi, celui qui fait
l'exploitation des terres d'un concessionnaire ou d'une partie de ces terres.
Donc, un gars qui avait un permis de coupe, par exemple, de la CID ou d'une
autre compagnie serait réputé employeur sur les terres dont il
a...
M. Gagné: C'est-à-dire qu'il pourrait être...
M. Lévesque (Laurier): C'est ça.
M. Gagné: Voici. Si nous prenons, comme exemple... D'acord, je
réponds à la première question, l'article 27. À mon
avis, l'article 27 permet à la commission, justement par
règlement, d'établir une procédure d'accréditation
spéciale pour les employés de la forêt. Alors, M.
Lévesque dit: "Il est difficile pour nous d'avoir la majorité
absolue". Je ne crois pas, parce que suivant ce règlement qui sera
préparé par la commission, il sera prévu qu'une
requête pourra être présentée à telle
période de temps donnée.
Le jour où la requête est présentée, c'est ce
jour-là que le syndicat doit avoir sa majorité, ce n'est pas la
veille, ce n'est pas le lendemain.
M. Lesage: Mais pour ce qui est des relations entre les concessionnaires
forestiers et leurs entrepreneurs, je comprends que les petits "sous-jobbers"
eux n'ont pas grand-chose à dire avec le prix qu'ils reçoivent,
mais est-ce qu'il n'y a pas de grands entrepreneurs comme, pour en nommer
quelques-uns, M. Jean Crête, M. Murdock...
M. Gagné: Oui, il y a...
M. Lesage: Eux, ce sont ceux qui, réellement, fixent les
salaires?
M. Gagné: Définitivement.
M. Lesage: Qui sont les véritables employeurs.
M. Gagné: Qui sont les véritables employeurs.
M. Lesage: Même s'ils ne sont pas ces concessionnaires
forestiers.
M. Gagné: Exactement.
M. Lesage: Par exemple, pendant des années, à ma
connaissance, moi, à Saint-Raymond-de-Portneuf, M. Murdock coupait sur
les concessions de Consolidated Paper.
M. Gagné: C'est exact.
M. Lesage: Mais ce n'est pas lui qui était le patron.
M. Gagné: C'est lui qui est le patron et au surplus, prenons le
cas de M. Murdock, il négocie depuis de très nombreuses
années des conventions collectives de travail pour ses salariés
et...
M. Lesage: Sans être le concessionnaire forestier.
M. Gagné: Sans être le concessionnaire et ces
conventions-là sont appliquées. Il semble que les unions avec
lesquelles nous faisons affaires s'en portent bien. Au surplus, lorsque M. le
ministre Lévesque a dit: "Concessionnaire forestier", bien là,
vous précisez au paragraphe 2 de l'article 2 que ça peut
être un employeur unique comme le cas de MM. Murdock ou Crête.
Ça peut être une association de petits entrepreneurs. Eh bien, je
prétends, à la lecture de la loi, particulièrement
l'article 1p, que dans la définition de la loi, l'employeur unique, si
vous voulez, celui qui a obtenu le droit de coupe, cela peut être trois
catégories de personnes, ou de corporations si vous voulez: le
détenteur du droit de coupe d'abord, le propriétaire du fonds ou
le détenteur du permis de coupe. Or, comme, suivant la Loi des terres et
forêts, il n'y a qu'un seul genre de permis de coupe et c'est le permis
de coupe usuel qui est accordé par le gouvernement sur les terres
publiques, nous sommes d'avis que le législateur a voulu ici
également inclure celui qui a le droit de coupe du détenteur du
permis de coupe. Alors, il y a l'employeur unique, le propriétaire du
permis de coupe, le "free holder", comme on l'appelle, celui qui possède
Se fonds, en d'autres termes, des termes concédées, puis celui
qui a son exploitation sur des terres de la couronne, des terres publiques.
Alors, toutes les corrections que nous avons apportées n'ont
été faites qu'en regard de ces trois catégories
d'employeurs.
M. Lévesque (Laurier): Si vous permettez, moi, je ne suis pas un
expert dans la forêt, mais je lis le texte. Vous avez d'abord le
détenteur du droit de coupe de bois, ça, je crois... Si je me
trompe, vous pouvez me corriger. Il me semble que ça, ça va avec
une concession; pour autant qu'il y a une concession, le droit de coupe va
avec. Ce droit de coupe peut être cédé par le
détenteur, mais ce serait le troisième cas, je crois. Le
détenteur du permis de coupe à qui on a cédé - je
mets ça au positif - le droit de coupe, c'est-à-dire le tiers qui
détient le permis d'un concessionnaire.
M. Gagné: À mon humble avis, M...
M. Lévesque (Laurier): Parce que, par exemple, les grandes
compagnies, - si vous permettez, c'est parce qu'on connaît de ces
cas-là - disons dans les régions de Hull ou dans les
régions n'importe où dans la province, disons la compagnie CIP,
dit à M. Untel: "Vous allez pouvoir couper tel genre de bois sur ma
concession parce que celui-là, je vous le cède pour tant la
corde. C'est un tiers qui devient permissionnaire d'un gars qui a la
concession.
M. Gagné: M. le ministre, j'ai parcouru la Loi des terres et
forêts et dans la Loi des terres et forêts, l'on ne parle que de
permis de coupe. Alors, le permis de coupe, ce sont les termes fondamentaux et
le permis de coupe est accordé à un concessionnaire sur les
terres de la couronne et ce détenteur du permis de coupe peut, lui,
donner un droit de coupe à un entrepreneur.
M. Lévesque (Laurier): C'est ça.
M. Gagné: Alors, il y a d'abord, si on veut procéder dans
l'ordre, il y a le propriétaire du fonds, lui peut opérer son
exploitation forestière et alors, il n'a pas besoin de permis de coupe.
Il opère lui-même. Alors, il est l'employeur.
M. Bertrand (Missisquoi): C'est ça, c'est ça. Et ensuite,
le propriétaire d'un permis de coupe sur les terres de la couronne, lui,
peut opérer lui-même aussi. Alors, il est l'employeur et le
propriétaire du fonds aussi bien que le propriétaire du permis de
coupe peut donner le droit de coupe à un entrepreneur qui est John
Murdock, M. Crête ou d'autres.
M. Lévesque (Laurier): Si je comprends bien, le texte dit bien,
d'après le texte qu'on a, que le concessionnaire forestier ne peut pas
être ce troisième là, dans le texte qu'on a.
M. Gagné: Oui.
M. Lévesque (Laurier): Parce que le texte dit: Concessionnaire
forestier, c'est le détenteur du permis de coupe lorsqu'il n'a pas
cédé le droit de coupe à un tiers.
M. Gagné: Oui, c'est justement. C'est pour redéfinir,
à mon avis. Il y a peut-être une redondance, mais lorsque le
détenteur de permis de coupe n'a pas cédé le permis de
coupe, son droit de coupe à un tiers, alors il est l'employeur. S'il l'a
cédé à un tiers, le concessionnaire forestier est le
détenteur du droit de coupe. À ce moment-là, alors il a
cédé à un tiers et s'il l'a gardé pour
lui-même, s'il fait l'exploitation, l'employeur, c'est le
propriétaire du fonds ou le concessionnaire, parce que nulle part dans
la Loi des terres et forêts, on ne parle de droit de coupe.
M. Lesage: Non, ce n'est pas là-dessus que j'en suis. Excusez, M.
Lévesque voudrait dire un mot, mais simplement, j'aimerais bien que
ça soit enregistré. M. Lévesque, venez vous installer
à côté de M. Gagné.
M. Lévesque (Laurier): Le temps que ça va vous prendre, il
a le temps de parler.
M. Lesage: Non, mais je voudrais vous poser des questions sur d'autres
points. Quelle objection y aurait-il à ce que la définition
d'opérations forestières soit la même dans la Loi des
relations ouvrières que dans l'ordonnance 39?
M. Gagné: Nous n'aurions pas d'objection, à condition
qu'on prenne dans l'ordonnance 39 la définition d'employeur. C'est que
dans l'ordonnance 39, il y a la définition du mot "salarié" pour
des fins très précises, l'application d'une ordonnance
spéciale du gouvernement. À ce moment-là, on
élimine l'idée de syndicalisation. C'est une loi
générale qui s'applique à tous les... Alors, à
cette définition de "salarié" dans l'ordonnance 39 correspond la
définition d'employeur. Si on veut remplacer la définition
d'employeur forestier dans cette loi-ci par la définition d'employeur
dans l'ordonnance 39, on pourrait remplacer la définition de
salarié par celle qui apparaît dans l'ordonnance 39. Ce sont deux
lois, à mon avis, qui sont totalement différentes. La Loi du
salaire minimum établit tout simplement un plancher tandis que la Loi
des relations ouvrières définit des droits particuliers qui
seront reconnus à des unions ouvrières et, plus
particulièrement, force des employeurs à négocier "es
conventions collectives.
M. Lesage: vtais quelle serait l'objection à ce que les
employés, par exemple, qui fabriquent les estacades, les écluses,
font la construction des chemins soient inclus?
M. Gagné: Bien, entre vous et moi, s'ils sont membres du
syndicat, personne au monde ne peut les empêcher de faire partie d'une
unité de négociation, ils ne sont pas nécessairement
exclus.
M. Lesage: Il vaudrait peut-être mieux le dire. Pardon? Je suppose
que M. Marchand a dit la même chose en même temps.
M. Gagné: Mon ami, Jean, m'a dit: Tu fais bien. Alors, à
mon avis, s'ils sont membres du syndicat, je ne vois pas que la loi les exclue
plus spécifiquement. Maintenant, puisqu'on parie des principes, on a
voulu, par cette loi, pour la première fois dans la législation
ouvrière canadienne, exclure, si vous voulez. du plutôt "single
out", comme on dit en anglais, plutôt préciser et circonscrire ce
que pourraient être les conditions de négociation de conventions
collectives dans un secteur particulier de l'industrie...
M. Lesage: M. Gagné, pardon, vous voulez parler?
M. Gagné: Excusez-moi. En principe, la loi est
générale pour tout le monde. Comme le dit M. Lévesque, il
aooaraît que, dans la forêt, c'est plus difficile. Je suppose que
c'est plus difficile en Ontario, je suppose que c'est plus difficile dans le
Manitoba, au Nouveau-Brunswick, partout. Dans les autres lois de relations
ouvrières, on ne voit pas de tels articles, mais je comprends que le
législateur a voulu tout simplement préciser de façon
particulière qui serait l'employeur en forêt pour favoriser
l'organisation ouvrière, et nous le voyons par l'article 9. Alors,
à mon avis, les syndicats ouvriers des employés de la forêt
ne sont privés d'aucun des privilèges ou d'aucun des articles
prévus dans la loi pour définir, par exemple, le terme
"salarié". Mais seulement le terme "employeur" dans l'industrie
forestière est précisé. En d'autres termes, si vous
recherchez l'employeur. ce sera le concessionnaire forestier.
M. Lévesque (Laurier): Dans votre ordonnance 39, la
définition de l'employeur, si on revenait à ça dans 'a
loi, un employeur peut désigner, je croîs, dans des cas
extrêmes, mais il y est dans la définition: "L'employeur peut
désigner toute personne
ayant la responsabilité totale ou partielle, directement ou
indirectement, du paiement des salaires à un ou plusieurs
salariés." Finalement, vous auriez des gars qui sont mieux de
négocier avec les contremaîtres.
M. Gagné: C'est exact, mais votre loi...
M. Lévesque (Laurier): On reviendrait, ce serait une jungle, ce
ne serait plus une forêt, ce serait la jungle.
M. Gagné: La jungle. Voici, il est évident que la loi
actuelle n'empêche pas l'application aux employés de la
forêt des articles généraux, de tous les articles qui
peuvent s'appliquer, si vous voulez, aux salariés qui peuvent être
membres d'un syndicat. C'est seulement l'employeur qu'on a voulu indiquer comme
étant soit la compagnie qui détient le permis ou, de toute
façon, la corporation la plus responsable sur les terres, soit de la
couronne, soit même sur les terres privées.
À mon avis, cette définition d'exploitation
forestière, nous l'acceptons, nous la trouvons juste et raisonnable. La
définition de concessionnaire forestier, nous l'acceptons, nous la
trouvons raisonnable et, puisque nous acceptons ces deux définitions,
nous avons établi une concordance à l'article 2, nous avons
établi une concordance à l'article 9 et nous avons...
M. Lesage: On y reviendra certainement lors de l'étude des
articles, M. Gagné, mais je voulais savoir ce qui en était sur
les principes.
M. Gagné: C'est exact.
M. Lesage: Vous n'auriez pas d'objection à ce que nous incluions
la "slash" et le flottage du bois, la construction des chemins en bois?
M. Gagné: M. le premier ministre, quand on dit la coupe, le tronc
seulement, l'écorçage en forêt, le charroyage,
l'enlèvement, le flottage, le chargement et le transport routier du
bois, évidemment, la construction des chemins par des experts en la
matière, à mon avis, ça n'a aucune relation avec
l'exploitation forestière elle-même. En d'autres termes, ceux qui
construisent l'usine ne font pas partie de la même unité de
négociation que ceux qui vont la faire fonctionner par la suite.
M. Lesage: Oh, mais mon expérience dans la forêt, c'est que
ceux qui construisent les chemins sont ceux qui conduisent; d'abord c'est de la
coupe, puis ensuite, c'est simplement du bélier mécanique en
forêt.
M. Gagné: Est-ce que vous voulez parler, M. le premier ministre,
de ceux qui construisent les petits chemins?
M. Lesage: Les chemins d'accès.
M. Lévesque (Laurier): M. Gagné, j'ai un exemple à
vous suggérer. Est-ce que vous vous considéreriez comme
syndicable d'après l'interprétation de la liste dans la loi?
Hydro-Québec, par exemple... Vous avez des compagnies forestières
qui vont soumissionner probablement, qui vont déblayer la "slash",
disons, 12,000 ou 20,000 acres de terre sur la Manicouagan comme ça
vient de se produire à Carillon. Est-ce que vous considérez que,
dans la liste qui est là, il se trouverait des syndicats?
M. Gagné: Je le pense.
M. Lesage: La difficulté que je vois pour la construction des
chemins, c'est que, quand un juge, par exemple, cherche quelle peut avoir
été l'intention du législateur, il va trouver la
construction des chemins dans l'ordonnance 39, il ne la trouvera pas dans cette
loi. Alors, c'est là qu'est le danger.
M. Bertrand (Missisquoi): M. le premier ministre, je peux vous dire que
les termes utilisés dans l'ordonnance 39, les termes utilisés
dans la Loi des terres et forêts ne correspondent pas du tout aux termes
utilisés et n'ont pas le même sens que ceux qui ont
été utilisés dans la présente loi. Il y a une
différence et, même, j'irai plus loin que ça, c'est que la
traduction anglaise...
M. Lesage: La preuve que c'était bien un document de travail.
M. Gagné: ... est absolument incorrecte et inexacte. Maintenant,
pour répondre à M. le ministre Lévesque, je dis que ces
employés sont syndicables parce que la définition du terme
"exploitation forestière" ne sert, selon mon opinion, qu'à
définir qui sera le principal employeur et n'enlève à
aucun autre salarié en forêt le droit d'être
considéré comme salarié au sens de la loi, dans les termes
généraux de la loi, parce qu'il n'y a pas de définition
spéciale pour le salarié en forêt. C'est la
définition générale qui s'applique; il n'y a une
définition spéciale que pour le concessionnaire forestier.
Maintenant, si vous prenez l'article 2, premier paragraphe, que M.
Lévesque accepte ici, c'est bien écrit, c'est bien dit:
"réputé employeur de tout salarié, employé à
l'exploitation forestière". Évidemment, si on s'en tient à
l'interprétation stricte des termes, à ce moment-là, un
employeur, si vous voulez, pourrait dire à un petit concessionnaire
forestier: Vous ne pouvez pas couvrir les employés affectés aux
barrages parce que ce n'est pas inclus dans la
définition "exploitation forestière". Mais, au point de
vue pratique, je n'aimerais pas me prononcer sur Jes différentes
opérations connexes, et je demanderais tout simplement de discuter des
articles un par un, chacun à son tour, pour définir notre
position définitive è ce sujet.
M. Lesage: Alors, songez-y et M. Lévesque...
M. Lévesque (Léopold): Au moment de la discussion de
coupe, vous avez le droit de coupe, d'abord, qui est octroyé au
concessionnaire forestier, au grand propriétaire forestier ou à
de petits aussi, mais vous avez, à part ça, le permissionnaire
forestier en province. C'est celui, par exemple, qui va couper sur des terrains
vacants de la couronne. Vous lui donnez un permis pour couper du bois, vous lui
vendez le bois debout, en somme; lui le coupe et le vend à qui il veut.
Mais vous pouvez avoir encore un permissionnaire d'un concessionnaire.
M. Lesage: Oui.
M. Lévesque (Léopold): Alors, une compagnie, par exemple,
vend un droit de coupe à John Murdock.
M. Lesage: Ou sans lui vendre...
M. Lévesque (Léopold): Sans lui vendre, il faudrait qu'il
ait le bois debout, puis, après ça, il le vend à la
compagnie ou il le vend à une autre compagnie. A ce moment-là, on
peut le reconnaître comme employeur, il est entrepreneur, si on veut; il
est un deuxième dans l'affaire, mais, quand même, on peut le
reconnaître comme un employeur. Mais, plus loin que ça, ça
ne va pas, on tombe...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):
Voici, M. Lévesque. Je crois que ce qui a inspiré ce
texte, c'est le cas suivant. Vous avez des compagnies comme CIP, par exemple,
qui sont intéressées, disons, au bois pour le papier, au bois
à pâte, et dans leur concession forestière, il arrive
parfois qu'elles ont du bois franc, du feuillu, qu'elles cèdent leur
affaire de feuillu à un autre entrepreneur. Alors, à ce
moment-là, on dit, pour ce qui est de la coupe du feuillu, ce n'est pas
nécessairement la CIP qui est l'employeur, mais le concessionnaire du
feuillu, dans ce cas-là. C'est pour ça qu'on a dit que la
commission pourra trouver leur véritable employeur.
M. Lesage: M. Lévesque, il y a des cas où c'est encore
plus compliqué que ça. Vous avez un grand "jobber" qui fait la
coupe à contrat, à prix fixe, pour une compagnie de papier, mais
qui, d'un autre côté, cet entrepreneur général, ce
grand "jobber", comme on l'appelle, fait en même temps, à son
compte, la coupe du bois franc parce qu'il achète le droit de coupe de
la compagnie.
M. Lévesque (Léopold): Il achète le droit de coupe,
à ce moment-là, s'il ne l'avait pas.
M. Lesage: Oui, mais les employés font à la fois du bois
à pâte qui est pour le concessionnaire forestier et du bois franc
qui est au compte de l'entrepreneur lui-même.
M. Lévesque (Léopold): Une opération mixte.
M. Lesage: Cela existe.
M. Lévesque (Léopold): Oui, ça existe, ça
amène...
M. Lesage: C'est pour ça qu'il faut, je crois, à la
Commission des relations ouvrières, une discrétion par la
détermination de celui qui doit être considéré comme
responsable de la négociation.
M. Lévesque (Léopold): Oui, mais ce que ça
entraîne, si la commission n'a pas les pouvoirs nécessaires pour
rendre une sentence qui va rester collée là, qui ne pourra pas
aller dans les autres tribunaux plus hauts, très bien. Mais à ce
moment-là, si c'est appelable en Cour supérieure en Cour d'appel
ou en Cour suprême, comme ça se voit actuellement, ça
entraîne des...
Actuellement, la commission n'a pas les pouvoirs.
M. Lesage: Parlez plus fort parce que j'aimerais bien que
tout ça soit enregistré.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):
Très bien, M. Lévesque. M. Morin, industrie de la
construction. Par la suite, nous pourrons entendre la fédération
du détail ou les marchands détaillants. C'est M. Labrecque qui
est ici pour M. Morion. Il est constructeur, lui...
Conseil patronal du bâtiment
M. Morin (Fernand): Je dois dire au tout début que M. Cournoyer
est aussi mandaté comme porte-parole pour le Conseil patronal du
bâtiment.
M. le Président, Madame, messieurs les membres du comité
des relations industrielles, le Conseil patronal du bâtiment est heureux
de pouvoir présenter le point de vue de l'ensemble des entrepreneurs en
construction pour ce projet, le Code du
travail. Nous croyons utile de donner quelques notes explicatives
concernant notre conseil. Pour fins d'étude, de consultations et pour
assurer une meilleure coopération, le conseil réuni sous un
même toit, la Fédération de l'industrie de construction de
la province de Québec groupant 2,191 entrepreneurs, l'Association des
constructeurs de routes de Québec, groupant 90 entrepreneurs, la
Corporation des
Entrepreneurs en plomberie et chauffage, groupant 1,200 entrepreneurs et
la corporation des maîtres-électriciens, soit 2,125 entrepreneurs;
un total de plus de 6,000 employeurs.
Faute de temps mis à notre disposition, il nous est impossible de
faire une étude exhaustive du projet du Code du travail. Cependant,
grâce aux différents mémoires et études soumis par
nos associations particulières, depuis 1955, nous pouvons formuler
certaines recommandations. Pour ce faire nous croyons utile de rappeler d'une
part, les particularismes de l'industrie du bâtiment et notre mode de
relations du travail, d'autre part, nous montrerons que le présent
projet de Code, ne respecte pas cet état de choses.
Je m'excuse, mais vu la nature des recommandations que nous ferons, il
est important d'expliquer le particularisme de notre industrie.
M. Lesage: Allez-y, je vous en prie, oarlez de votre mémoire.
M. Morin: Les particularismes de l'industrie du bâtiment. Tout
d'abord une industrie saisonnière; elle est bourdonnante
d'activités durant une certaine période de l'année pour,
peu après, tomber dans l'inertie totale.
En plus, une multiplicité de lieux de travail. Le meilleur
entrepreneur peut avoir à la fois quatre, sept, neuf milieux de travail
différents, éparpillés sur un territoire relativement
étendu. Autres caractéristiques: instabilité de la
main-d'oeuvre. Durant une même année, tous les travailleurs du
bâtiment sont susceptibles de changer quatre ou cinq fois et souvent plus
de lieux de travail. Pour certains d'entre eux ils devront changer d'employeur
aussi souvent qu'ils changent de lieu de travail.
Une autre caractéristique: Changement de l'importance de la
firme. L'entrepreneur peut avoir 200 enoloyés pour sept ou huit mois de
l'année, puis il n'aura, à la fin du projet de construction, que
quinze ou vingt employés. L'inverse est également vrai;
l'importance de la liste de paie de l'entrepreneur, varie constamment. Encore
une dernière caractéristique de notre industrie.
La construction est un travail d'équipe. Sur un même
chantier, nous trouvons une dizaine de groupes d'employés, ayant chacun
leur employeur respectif. Le travail exige, M. le Président, une
parfaite coordination ce qui implique une harmonisation des conditions de
travail et du processus pour les établir.
Du particularisme de l'industrie, nous voulons maintenant, donner
quelques notes sur le particularisme de nos relations actuelles, de nos
relations de travail. Ce projet de refonte de nos lois du travail, ne peut
avoir d'autres fins que celle d'améliorer le processus des
présentes relations du travail. Nous croyons inutile de faire table rase
et imposer à l'industrie du bâtiment des règles et un mode
de vie qui ne répondent pas à ses besoins. Nos méthodes
actuelles de négociation et de surveillance des conventions collectives
peuvent certes être améliorées et c'est dans ce sens qu'il
nous semble que le législateur devrait travailler, non pas imposer, sous
prétexte d'uniformisation, les méthodes propres à un autre
contexte.
Voyons le particularisme des présentes méthodes de
relations du travail dans le bâtiment qu'il faudrait pour le moins
respecter et améliorer si possible avec votre aide: a- les
négociations collectives bipartites et régionales.
Les négociations collectives ne se font pas entre un employeur et
le syndicat de ses employés mais entre une association d'employeurs et
un ou des syndicats représentant l'ensemble des salariés
concernés. Par le truchement de l'extension juridique, ces conventions
régissent tous les contrats de travail d'un territoire donné. Les
conditions de travail...
M. Lesage: Il y en a des conventions collectives à l'heure
actuelle.
M. Morin: Certainement.
M. Lesage: Dans l'industrie et le bâtiment, il me semble que ce
sont les industries où vous êtes le plus avancés.
M. Morin: C'est justement, M. le premier ministre, ce que nous allons
vous demander c'est d'avancer encore un peu plus.
M. Lesage: Parce que vous avez eu Ses premières pensions
transportables dans la province de Québec et je vous en
félicite.
M. Morin: Exactement, M. le premier ministre, et c'est pour montrer que
nous sommes organisés, nous sommes constitués, nos structures
nous permettent de libéraliser un petit peu plus le cadre juridique de
nos relations de travail.
M. Lesage: Bon, vous oarlez au nom des employeurs!
M. Morin: Oui, M. le premier ministre. M. Lesage: Bon, alors.
M. Morin: Les conditions de travail sont les mêmes quel que soit
l'employeur. Un salarié du bâtiment ayant une qualification
donnée est assuré de recevoir le même salaire, et
relativement élevé, quel que soit son employeur.
Administration paritaire de la convention collective. L'administration,
la surveillance, le contrôle de nos conventions collectives sont
confiés à un comité constitué d'employeurs et de
salariés.
Formation professionnelle: depuis de nombreuses années, la
responsabilité de la formation d'une main-d'oeuvre qualifiée est
confiée aux employeurs et aux employés. Nos conventions
collectives bipartites sont de plus en plus reconnues tant par les employeurs
que par les syndicats, et c'est ici très important, exclusives des
conventions collectives d'entreprise.
Ces conventions sont complètes et conformes aux conditions de vie
dans le bâtiment. Les intéressés ne voient pas, sauf
exception, la nécessité de les compléter par d'autres
conventions collectives particulières à l'échelon de
l'entreprise. Tant du côté patronal que du côté des
travailleurs, les associations syndicales sont suffisamment organisées
pour être pleinement représentatives de l'ensemble des
intéressés. Les salaires prévus par ces conventions
collectives bipartites ne constituent pas un salaire minimum mais bien un
salaire régulier régional.
Enfin, de ces deux points, on peut maintenant avoir
l'incompatibilité des règles proposées par le projet du
Code du travail et du code actuel de nos relations de travail dans le
bâtiment.
L'économie de ce bill 54 repose sur la détermination
possible de l'unité de négociation dans les cadres de
l'entreprise. On circonscrit les employés permanents d'un employeur
travaillant sur un lieu donné pour ensuite reconnaître au syndicat
majoritaire le droit de représentation pour l'ensemble de ces
travailleurs. Dans le bâtiment, il est impossible de déterminer
d'une façon objective l'existence et le nombre d'employés stables
d'un même employeur. De plus, il n'y a pas un lieu de travail permanent.
Il y en a plusieurs à la fois et ces lieux de travail sont tous
temporaires.
Autre incompatibilité, le bill 54 ne reconnaît pas au
Conseil des métiers de la construction le droit à
l'accréditation. Dans notre contexte, il est essentiel qu'à la
table des négociations, l'ensemble des travailleurs de tous les
métiers à la fois soit représenté par un tel
conseil. De plus ce même projet de Code du travail ne reconnaît pas
aux associations patronales le droit de négociation. Dans l'industrie de
la construction, la négociation ne se fait pas à l'échelon
d'un employeur mais bien par l'ensemble des entrepreneurs d'une région
donnée. L'instabilité de la main-d'oeuvre et les changements
constants de l'importance de la firme rendent de plus les articles 14, 15 et 16
inapplicables et ces articles peuvent être la source de nombreux conflits
sociaux au lieu de voir à assurer la paix.
L'article du projet qui a pour effet d'étendre le domaine
d'application d'une convention collective dans le cas d'aliénation, de
concession totale ou partielle d'une entreprise ne peut être en aucune
façon respecté dans l'industrie de la construction de par la
nature même des travaux qui lui sont confiés.
Le bill 54 réglemente d'une façon particulière
l'exercice du droit de grève. Mais dans le bâtiment, les syndicats
accrédités selon les règles de ce projet exercent
légalement ce droit de grève. Il forcera l'ensemble des
employés travaillant sur le même chantier à faire
illégalement cette grève ou à la subir et ce, au moment ou
ce même projet, le bill 54, veut prohiber la grève durant
l'existence de la convention collective.
À l'article 27 du projet, le législateur reconnaît
le particularisme de notre industrie. Cependant il nous propose une simple
réglementation spéciale sans garantie de respect du contexte
actuel de nos relations du travail. C'est pour ces raisons que nous demandons,
premièrement, que l'industrie du bâtiment soit soustraite pour
l'instant de l'application éventuelle du titre 1 du Code du travail, un
peu plus constructif; deuxièmement, de prendre les mesures pour
améliorer notre présent système de relations du travail
ayant pour base la loi de la convention collective.
Ici, nous donnons si vous voulez quelques points sur lesquels on
pourrait peut-être s'aventurer. Il y aurait avantage à
étudier la possibilité de conférer aux associations
patronales et ouvrières qualifiées des plus
représentatives, un plus large pouvoir de réglementation des
conditions de travail, telles qu'on les comprend présentement. Cette
charte professionnelle, cette charte de travail ainsi constituée par les
parties des métiers, du bâtiment serait restée
évidemment sous le contrôle d'un conseil supérieur de la
convention collective, conseil satellite au plan si vous voulez.
Troisièmement, de permettre à tous les membres de
l'industrie du bâtiment de formuler toute suggestion susceptible
d'améliorer les relations du travail, et d'assurer une plus grande
sécurité aux travailleurs. Merci.
M. Lesage: M. Morin, dans les relations de vos associations avec les
employés dans
tout le domaine de la construction, est-ce que les ouvriers et les
patrons n'ont pas presque toujours procédé en vertu de la loi de
la convention collective et non en vertu de la loi des relations
ouvrières?
M. Morin: C'est-à-dire qu'il y a une rectification, M. le premier
ministre. Il y a une rectification en ce sens que je pense que nous avons
évolué, si vous voulez, M. le premier ministre. Au tout
début, on négociait des conventions collectives qu'on appelait,
qu'on n'appelait même pas conventions collectives, on les appelait le
décret, c'est-à-dire les clauses...
M. Lesage: Le décret d'extension.
M. Morin: Et après ça, on allait pour quelques
entrepreneurs mieux organisés par les syndicats, on allait sur les
conventions collectives dites particulières ou d'entreprises. Mais
maintenant, nos conventions collectives sont, si vous voulez, complètes.
Ce ne sont pas des conventions collectives, mais elles respectent
intégralement le texte de l'article 9, je crois, de la loi des
conventions collectives. Evidemment, ce sont souvent les conventions
collectives qui lient les parties et une bonne partie de la convention
collective n'est pas reproduite dans le décret. Il y a réellement
convention collective particulière dans ce sens qu'elle n'est pas
extensionnée, mais elle est bipartite, elle est collective bipartite, en
ce sens qu'elle lie l'ensemble des entrepreneurs et l'ensemble des
travailleurs.
M. Lesage: C'est en vertu de la loi de la convention collective
ça; ça existe à l'heure actuelle, on ne la change pas la
loi de la convention collective.
M. Morin: Si rien n'est fait, on aura cette duplication. Si, par
exemple, un syndicat est certifié et accrédité, il courra
en vertu...
Le Président, (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Morin, dans la
construction !à, il n'est pas question de l'accréditation, parce
que c'est admis chez vous que les gens négocient. C'est la distinction
qu'on fait entre l'association accréditée et celle reconnue. Et
chez vous, c'est admis que les associations reconnues négocient les
conventions collectives, ayant absolument les mêmes droits en fait.
M. Morin: Oui, ce qu'on voudrait, c'est une loi pour, si vous voulez,
entériner le système actuel, qui veut qu'il n'y ait qu'une
convention collective bipartite, qu'une seule convention collective
négociée à la fois pour tous les entrepreneurs, pour tous
les employés qui sont sur un même chantier, et non pas en vertu de
l'économie de la loi du titre premier, qui veut l'unité de
négociation centrée sur l'entreprise. Par conséquent,
chaque chantier représente en quelque sorte souvent, 7 ou 8
unités de négociation. C'est ce qu'on ne veut pas. Lorsqu'on a
négocié une convention collective, lorsqu'on a fait certains
compromis avec les syndicats pour quelques années, on veut avoir la
paix, on veut être assuré de la paix et on ne veut pas recommencer
deux mois après une autre négociation.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Chez vous en fait,
"Builder's Exchange", la corporation des électriciens, la corporation
des plombiers je pense, négocient globalement avec le conseil de la
construction de Montréal. C'est ça que vous avez
actuellement.
M. Cournoyer (Jean): Bien, voici, il y a quand même
certaines...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Voulez-vous vous nommer
s'il vous plaît Monsieur.
M. Cournoyer: Mon nom est Jean Cournoyer et je suis l'officier des
relations ouvrières de l'ancien "Builder's Exchange", maintenant
l'Association de la construction de Montréal.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Ah bon.
M. Cournoyer: Il existe présentement à Montréal un
décret qui contient plusieurs conventions collectives
extensionnées. Vous avez la convention générale qui est
discutée avec deux conseils de construction, un affilié à
la CSN et l'autre affilié à l'American Federation of Labor.
L'association de la construction négocie cette première
partie du décret. Une partie qu'on appelle générale. Dans
six autres parties cependant, on négocie séparément des
conventions collectives qui reçoivent, en partie, extension juridique
par décret. Je parle de la structure métallique, de la tuile du
terrazzo et du marbre, de l'industrie de la plomberie, des électriciens,
etc... Dans les secteurs séparés de l'Association de la
construction de Montréal et récemment dans l'industrie de la
construction, par l'association de la construction de Montréal, on a
décidé jusqu'à un certain point de négocier des
conditions de travail qui ne recevraient pas toutes extension juridique par
décret, pour répondre à une évolution
marquée dans l'industrie.
Comme le faisait remarquer le premier ministre tantôt, nous avons
été les premiers à établir un plan de pension
transférable dans la province de Québec. Ceci, nous
prétendons que c'est le système de la loi de la convention
collective qui l'a permis.
M. Lesage: Oui.
M. Cournoyer: Ce que nous pensons présentement, M. le premier
ministre, c'est que le simple fait de penser ou de donner à la
Commission des relations ouvrières, la possibilité de
légiférer en matière de construction...
M. Lesage: Réglementer.
M. Cournoyer: ...de réglementer en matière de construction
place l'industrie de la construction dans une situation indue vis-à-vis
les autres industries.
M. Lesage: Précaire.
M. Cournoyer: On prend la peine présentement d'établir la
procédure de reconnaissance et d'accréditation pour tout le
reste, pour toutes les autres industries. Nous pensons que l'industrie de la
construction est suffisamment importante pour avoir un secteur particulier qui
la reconnaisse pleinement et je pense qu'à ce point de vue, je ne veux
pas présumer de l'attitude du mouvement syndical, mais je pense que le
mouvement syndical ne peut que penser comme nous. Nous sommes satisfaits pour
autant que les employeurs sont concernés, du système de la
convention collective.
Ce système de la loi de la convention collective nous comprenons
qu'il mériterait d'être amélioré, que certaines
clauses qui ne peuvent pas recevoir extension juridique présentement
pourraient peut-être donner lieu à l'extension juridique. Mais,
nous pensons que, pour le moment du moins et pendant une étude faite par
le comité qui est ici présent, ou soit par un autre
comité, l'industrie de la construction devrait être soustraite
à toutes fins pratiques de l'application de la Loi des relations
ouvrières ou du Code du travail.
M. Lesage: J'aimerais bien savoir ce que vos employés pensent de
ça.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Ménard et M.
Gosselin sont des membres du Conseil de la construction.
M. Ménard (Jean-Paul): Voici, M. le Président, je suis
presque entièrement d'accord avec ''exposé de M. Cournoyer.
Une voix: Identifiez-vous s'il vous plaît.
M. Ménard: Jean-Paul Ménard, président du Conseil
de la construction de Montréal. Je suis presque entièrement
d'accord même si les motifs qui nous poussent à être
d'accord ne sont pas les mêmes...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Ils sont
différents.
M. Ménard: Ce qui nous manque présentement en vertu de la
loi de la convention collective, c'est le fait qu'on puisse négocier une
convention avec les employeurs et que malgré tout, cette convention
puisse être changée à la minute où elle est
déposée pour être extensionnée.
Alors, ça c'est un des dangers qu'on a actuellement même si
on s'entend sur une clause et que cette clause est la clé de plusieurs
autres clauses dans notre convention. Il arrive assez souvent qu'en
présentant notre convention collective, on passe le couteau dedans. On
ne se cachera pas derrière les mots, on passe le couteau dedans sans en
parler aux intéressés. Alors, à ce moment-là,
ça veut dire que ça change essentiellement.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): C'est au
ministère, ça.
M. Ménard: C'est au ministère, c'est ça.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Oui, mais M.
Ménard, ça n'arrive pas souvent qu'on passe le couteau dedans,
sans vous en parler...
M. Ménard: Mais oui, mais vous avez tout de même des
opérateurs qui opèrent à froid et puis qui coupent dans le
vif et à ce moment-là, changent essentiellement le terrain
d'entente qui a été convenu entre les patrons et les ouvriers. Si
on accepte trois clauses parce que les patrons nous en donnent une et qu'au
moment de l'extension juridique on nous coupe cette clause, on se ramasse que
les patrons ont leurs trois clauses et nous autres on n'a pas la nôtre.
Alors, à ce moment-là, il reste tout de même que dans ce
domaine, il y a un peu trop de latitude de donnée au ministère
pour extensionner.
M. Lesage: Oui, mais monsieur, excusez-moi de vous interrompre, il faut
tout de même dans vos ententes entre employeurs et employés que
l'intérêt public soit protégé,
l'intérêt des tiers et c'est le devoir du ministère de
protéger les tiers.
M. Ménard: Bien, si on considère par exemple, dans une
convention particulière, qu'une formule de sécurité
d'emploi, c'est une condition de travail, alors, une condition de travail,
c'est quelque chose qui peut être extensionné aussi. Alors, une
formule de sécurité d'emploi, c'est...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Oui, mais ça
demanderait probablement des modifications à la loi de la convention
collective.
M. Ménard: Bien, j'en doute.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Il n'est pas
touché par le code actuellement. La loi des conventions collectives dit
qu'on peut extensionner par décret certaines choses, mais elle ne permet
pas de tout extensionner.
M. Ménard: Non, non, mais elle permet d'extensionner quelque
chose qui a acquis par exemple, un motif d'intérêt public.
À ce moment-là, je pense que pour prévenir les
grèves et toutes ces affaires-là, une formule de
sécurité syndicale atteint certainement un degré
d'intérêt public et ça mériterait d'être
extensionné au même titre que les augmentations de salaires sont
extensionnées à tous les autres ouvriers qui ne participent pas
et ne paient pas. Alors, à ce moment-là, tout ce dont on aurait
besoin dans la construction, c'est une formule d'un comité qui
étudierait les conventions.
M. Lesage: ...ça viendrait sous la convention collective.
M. Ménard: Alors, voici où le Code du travail, par
exemple, pourrait nous nuire.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Où cela vous
inquiète-t-il? C'est ça que je voudrais savoir.
M. Ménard: Voici où le Code du travail pourrait nous
nuire: quand en vertu de nos négociations collectives, quand on
représente tous les ouvriers d'une région donnée, il est
permis à d'autres associations, en se servant de la loi, de venir se
faire accréditer. Vous avez un article qui dit qu'au moment où
quelqu'un a acquis l'accréditation, toute la balance est
cancellée et nous autres, on se trouve le bec à l'eau. Alors
c'est ça qui n'est pas normal, qu'une industrie qui, enfin, emploie tout
de même dans la province de Québec 250,000 ouvriers, qui emploie
dans la majorité des cas des matériaux locaux, des
matériaux qui sont produits dans la province, ne soit pas
protégée.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Je crois, M.
Ménard que l'intention de ceux qui ont rédigé l'article
27, c'était précisément de vous couvrir, en ce sens que la
commission pourrait vous accréditer suivant des formalités
beaucoup plus simples, beaucoup plus faciles.
M. Ménard: Bien, justement, j'ai interprété
l'article 27 comme étant une façon pour les gens qui ont
préparé le code de se débarrasser d'une corvée, de
ne pas avoir à établir des modalités. On dit, bien, ce
n'est pas important ces 300 000 travailleurs. On va donner ça à
la commission, ce sont encore des gars qui ne connaissent pas la construction
et eux-autres ils vont trouver le moyen. Nous autres, on n'est pas capables
mais eux ils vont être capables. Alors, en fait, l'article 27, moi je
l'ai interprété comme étant une façon de se
débarrasser de son devoir d'établir des modalités.
M. Lesage: Il y a des raisons bien plus sérieuses que ça
dans l'industrie de la construction et dans l'industrie forestière parce
que ces deux industries ont des caractéristiques bien spéciales
au point de vu saisonnier. C'est la raison, c'est aussi simple que
ça.
M. Ménard: C'est justement pour cela qu'on veut protéger
notre industrie qui a prouvé au cours des 25 dernières
années qu'elle était capable d'établir des
modalités qui rencontraient les besoins de l'intérêt public
et les besoins de la classe des travailleurs puisque la formule de pensions
transférables a tout de même été
négociée par les ouvriers et les patrons et qu'ils sont tout de
même arrivés au gouvernement avec quelque chose de pensé et
d'établi. Alors, à ce moment-là, je pense qu'une industrie
qui est capable d'arriver et d'établir quelque chose de ce
genre-là a certainement prouvé hors de tout doute qu'elle
était mûre et capable de se conduire par elle-même. Alors,
c'est ça qu'on demande au législateur, de nous donner encore un
peu plus de latitude.
M. Lévesque (Laurier): M. Ménard, excusez-moi, une
question incidente.
Vous avez mentionné, tantôt, à propos de
problèmes sur les extensions, la question de la sécurité
syndicale. Je suis de Montréal, moi aussi, j'ai entendu certains
échos. Est-ce que vous voulez dire par là une formula de "check
off", par exemple, qui permettrait qu'à cause de l'instabilité de
la main-d'oeuvre et de la difficulté de garder les gars, les syndicats
puissent être assurés de vivre un peu mieux et avec un peu plus de
sûreté?
M. Ménard: En réponse à votre question, je ne vous
dirai pas que c'est l'opinion de la majorité. Mais c'est l'opinion d'un
bon groupe en autant que le "check off" est concerné. Personnellement et
plusieurs des unions affiliées à mon conseil, on n'est pas
intéressé à un "check off". Ce à quoi on est
intéressé, c'est la sécurité d'emploi. À ce
moment-là, on ne veut pas établir une formule en vertu de
laquelle l'ouvrier a tant d'enlevé dans sa paie, comme ''impôt, et
à
ce moment-là, perd toute considération de son union. Ce
qu'on veut, c'est une formule de sécurité d'emploi où
l'employeur emploiera de préférence des gens de l'union - enfin,
quelque chose de semblable - mais que l'homme vienne lui-même à
son union. A ce moment-là, il continue à participer, il demeure
une partie intégrante, totale de son union et ne devient pas un
numéro de "check off...
M. Lévesque (Laurier): En pratique, ça devient quoi? Un
centre d'atelier fermé.
M. Ménard: Pas nécessairement atelier fermé. Cela
devient tout de même une formule de sécurité syndicale
où l'employeur serait, en vertu de la convention, tenu d'engager
premièrement les gars de l'union.
M. Bellemare: D'après les conventions collectives, dans l'article
9, vous êtes couverts.
M. Ménard: Je comprends, on est couvert, mais quand ça
arrive au ministère et puis que l'affaire est coupée et bien on
n'est plus couvert, on est à découvert.
M. Marchand: Juste un mot, M. le Président. Le président
du conseil du métier, qui travaille à Montréal, a
donné son opinion. J'ai cru comprendre qu'il était d'accord pour
l'exclusion des métiers de la construction des dispositions de la loi
des relations ouvrières. Je peux vous dire, au nom de la CSN, que nous
ne sommes pas d'accord. Nous ne sommes pas d'accord quoique c'est une
très bonne méthode qu'on négocie en vertu de la convention
collective; ça se fait à Montréal, ça se fait
à Québec et je pense que, comme on dit, c'est encore la meilleure
méthode. Mais on ne doit pas priver les syndicats qui n'ont pas d'autres
moyens, qui sont en face d'un employeur qui refuse de les reconnaître, on
ne doit pas les priver des dispositions de la loi des relations
ouvrières. Que les syndicats décident d'eux-mêmes de
procéder exclusivement en vertu de la loi de la convention collective,
je pense que c'est une bonne chose. Qu'ils le fassent donc. Pourquoi avoir peur
de la liberté comme ça? Qu'ils le fassent et qu'ils s'en tiennent
à ça. Ils le font à Montréal, ils l'ont fait depuis
toujours ici à Québec. Seulement, si un syndicat est aux prises
avec un problème particulier, pourquoi lui, au nom de la loi, les gens
de Montréal et de Québec le priveraient de ses droits de
négociation en vertu de la loi des relations ouvrières? C'est
tout ce que je demande et nous restons sur ce principe-là.
M. Provost: M. le premier ministre, je pense que dans tout ceci...
Une voix: Pourriez-vous vous approcher du micro, parce que j'aimerais
bien à ce que... Je vais approcher le micro.
M. Provost: Je pense qu'il faut retenir dans tout ceci, qu'à la
base, il y a la liberté d'association, et que pour que la liberté
d'association s'exprime, il faut qu'il y ait quelque part une formule
d'accréditation ou de reconnaissance. Il faut que la loi prévoie
d'une manière ou d'une autre, à un certain moment, que les
ouvriers pourront s'exprimer pour ou contre un syndicat quel qu'il soit,
indépendant, CSN ou FTQ. Je pense que nous n'avons pas le droit
d'oublier ce principe de base.
Mais je pense d'un autre côté que la loi actuelle, si on
fait pour une minute exclusion de 27, ne prévoit pas d'une façon
complète le problème de l'industrie de la construction. Vous
allez me répondre: l'article 27 y pourvoit, mais je comprends M.
Ménard de se sentir un peu dans un contexte d'infériorité
lorsque, pour l'accréditation des autres industries, des autres
travailleurs, la loi légifère et que pour les métiers de
la construction, on semble vouloir se contenter d'un règlement. Vous
savez, lorsqu'il y a contestation, il est beaucoup plus difficile de passer
à côté de la loi que de contester un règlement; et,
deuxièmement, les règlements peuvent se changer beaucoup plus
souvent que les lois, sans prêter d'intentions à qui que ce soit
et pas toujours avec la pleine connaissance des intéressés.
M. Lesage: La Commission des relations ouvrières a la main
dessus.
M. Provost: Bien, on les voit quand ils sont publiés en ordre en
conseil.
M. Lévesque (Laurier): Êtes-vous d'accord avec M. Marchand,
de ne pas exclure ces gens-là?
M. Provost: Absolument, il faut garder à la base la
liberté d'association.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Prévost,
l'article 27, c'est pour solutionner le problème suivant: vous avez dans
le domaine de la construction, par exemple, un édifice qui commence.
À un moment donné, il y a 10, 15 ou 20 employés sur le
chantier, mais on prévoit que dans un mois ou dans deux mois ou dans
trois mois, il y en aura 500. Alors, on veut donner à la Commission des
relations ouvrières la possibilité de déterminer à
quel moment la majorité devrait être appréciée.
Est-ce au moment où il y en a une dizaine ou si c'est quand il y en aura
500? C'est le problème qui se pose. Il s'est posé dans le Nord.
Il y avait une dizaine d'employés, on les faisait
signer pour une union quelconque et là, on faisait une convention
collective avec atelier fermé de sorte que, même si ce
chantier-là devait contenir 1000 hommes, ce sont les 10 du début
qui décidaient du régime syndical pour tout le temps de la
construction.
M. Provost: Mais je pense, M. le Président, que pour
déterminer à quel moment il y a une unité
appropriée, la loi y pourvoit à l'article 20, deuxième
paragraphe. Mais ceci ne règle pas le problème
d'accréditation et on ne peut pas, à mon avis, avoir un
règlement qu'on pourrait changer tous les mois, deux mois ou trois mois;
je ne dis pas qu'on le fera, mais on pourra le changer pour s'ajuster à
des conditions particulières. Alors, il serait peut-être
préférable que pendant que nous l'étudions ici, on demande
à quelqu'un de nous préparer, ça ne doit pas prendre des
mois, des articles qui auraient trait à l'accréditation dans le
bâtiment. Cela répondra probablement à l'objection de bien
des gens.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Il y a un autre monsieur
qui veut dire un mot là-dessus. M. Labrecque, on vous entend tout de
suite après.
M. Gérard Ledoux
M. Ledoux (Gérard): Je remercie, premièrement, le
Parlement ou le ministère du Travail d'avoir fait invitation, pas
seulement aux groupements, mais d'inviter...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Voulez-vous donner votre
nom parce que pour enregistrer...?
M. Ledoux: Gérard Ledoux de Montréal, peintre. J'ai
écrit à quelques reprises au Parlement ici, je vois pour la
première fois cette année. Je voudrais remercier
sincèrement le Parlement d'inviter réellement ceux qui, eux
aussi, ont quelque chose à dire, pas pour critiquer l'organisation
syndicale ou les députés, idée contraire à ce que
j'ai ce soir, mais pour vous supplier comme je fais, de garder dans ce Code du
travail qui sera donné cette année, quelque chose pour ceux qui
n'appartiennent pas aux syndicats. Ils représentent, je crois, 75 pour
cent ou 70 pour cent des travailleurs qui devraient peut-être y
appartenir, mais qui n'en sont pas. Je dois donner raison aux chefs des
syndicats, mais je crois qu'on ne devra pas brusquer les choses et que ceux qui
devraient avoir la place auprès de vous, chefs de syndicats et
députés, et ceux qui ont des postes clé, c'est d'ouvrir le
plancher dans ce Code du travail et d'en donner un qui y restera en tout temps
lorsque les syndicats auront quelque chose à dire. Il y a aussi les
ouvriers qui font partie de ces mêmes syndicats, il y a aussi les
ouvriers qui ne font pas partie de ces syndicats et qui ont soif de justice.
Ceci, c'est pour le bien des syndicats, pour les chefs des syndicats, c'est
pour le bien de l'autonomie de chaque citoyen de cette province.
M. Lévesque (Laurier): M. Ledoux, appartenez-vous à une
organisation quelconque?
M. Ledoux: J'ai appartenu, M. Lévesque, à des syndicats,
à la CTCC. Je ne veux pas mentionner CAEC, j'ai eu à faire deux
grèves, une de cinq mois et demi, une de trois mois et demi, on n'en
parlera pas ce soir. Je n'ai pas reproché à qui que ce soit ces
grèves-là; je les ai faites comme les autres. C'est encore un
point, question de grève actuellement, dans une province.
M. Lévesque (Laurier): Non, mais actuellement appartenez-vous
à une organisation quelconque?
M. Ledoux: Non, actuellement, je n'appartiens à aucune
organisation, seulement, principalement, c'est pour ça que je vous dis,
ça été toujours la même chose, M. le ministre. Dans
les organisations dont on fait partie, on veut dire quelque chose, on veut
exprimer notre opinion, c'est une risée. Je pense que dans ce Parlement,
ce n'est pas la place pour une risée, qu'on doit laisser dire l'opinion
de l'homme de la rue, qu'il ait une éducation, une instruction... Je
n'en ai pas, je n'ai pas d'école, mais sachez que je la comprends la
vérité. Je comprends aussi les paroles des députés,
des ministres, des syndicats et de tout le monde, et dans ce Parlement, je vous
remercie de me permettre de vous donner mon opinion, et je vous demande de
garder dans ce Code du travail cette liberté, l'autonomie de chaque
citoyen pour qu'il prenne ses responsabilités dans la vie. Comme on le
disait tout à l'heure, on n'est qu'un numéro, les ouvriers. On a
déploré des grèves, j'en faisais partie, on l'a
déclarée malgré les ouvriers, on l'a
déclarée à des votes ouverts.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):À l'ordre.
M. Ledoux: ... à des votes ouverts. Des voix: Lesquelles?
M. Ledoux: Asbestos si vous voulez. Oui, je suis de la grève
d'Asbestos, monsieur, laissez-moi parler poliment, laissez-moi exprimer mon
idée, je vous laisse exprimer la vôtre. Vous différez
d'idée avec moi, très bien, je vous respecte, mais s'il vous
plaît, comme chef du syndicat, respectez donc
l'idée d'un ouvrier qui veut parler lui-même et qui a aussi
soif de justice que vous l'avez.
M. Marchand, vous représentez 25 pour cent des ouvriers, il y en
a 75 pour cent qui ne sont pas syndiqués et il y en a 20 pour cent qui
savent pas trop pourquoi ils y appartiennent. Je fais partie des 75 pour cent
actuellement qui ne font pas partie de l'organisation, M. Marchand.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Ledoux, voulez-vous
vous tourner, voulez-vous vous adresser au président?
M. Ledoux: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): ... et aux
députés.
M. Ledoux: Oui, M. le Président, et s'il vous
plaît demandez à M. Marchand d'être assez poli pour me
laisser tranquille.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Je demande aux gens de
l'autre côté de laisser parler M. Ledoux.
M. Ledoux: Merci. Il s'est exprimé tout à l'heure et on
n'entendait pas parler personne. C'est drôle, c'est l'habitude de
plusieurs chefs de syndicats ça; quand on se lève debout pour
parler, on veut nous bâillonner.
M. Bertrand (Missisquoi): Allez-y.
M. Ledoux: Et dans les assemblées syndicales, où l'on
voulait parler, au risque de se faire casser la gueule... J'en suis un, J'en
suis un de la ville d'Asbestos où on est venu déclarer des
grèves. Pour se lever et prendre la parole ç'a pris quinze
à vingt minutes pour venir à bout de parler, au risque de me
faire casser la gueule. Et Dlusieurs se' la sont fait casser. On a quand
même dit la vérité sur ça. Mais je ne reprocherai
pas à M. Marchand, je ne reprocherai pas au député
syndical... Je l'ai fait, je ne le reproche à personne, mais dans
l'avenir, je veux, avant qu'on fasse une grève, qu'on prenne le vote, et
que vous du Parlement, et que les adversaires au syndicat, puissent voter sur
la grève, soient à la table pour comoter les votes avec eux; et
vous saurez nous remercier, M. le Président, et les syndicats sauront
nous remercier et dans un avenir rapproché...
M. Lévesque (Laurier): Parlez au pluriel.
M. Ledoux: ... quand les syndicats reconnaîtront ces droits qui
sont sacrés, que je fasse partie d'une organisation ou que je n'en fasse
pas partie. Je vous supplie, vous qui êtes dans le Parlement, qui avez le
droit de nous représenter dans cette province. Je ne suis pas contre
l'idée de former des syndicats, mais je suis contre qu'on brusque les
choses et qu'on rentre le monde à coups... les mains et les pieds
attachés, sans qu'on puisse dire un mot. Est-ce que ça va
être une organisation syndicale puissante? Non, c'est une organisation
syndicale de piastres, ce n'est pas une force d'hommes qui se comprennent. Ce
n'est pas de numéros comme je le disais tout à l'heure dont on a
besoin; soyons un petit nombre, entrons-y avec la liberté.
M. Bertrand (Missisquoi): Êtes-vous pour ou contre le Code du
travail?
M. Ledoux: Je suis pour le Code du travail, mais je suis contre
actuellement qu'on demande la sécurité syndicale obligatoire qui
n'est ni plus ni moins que d'attacher les ouvriers et les prix.
M. Lévesque (Laurier): Vous auriez dû me le dire, je serais
parti tout de suite.
M. Ledoux: Pardon? Pardon, M. Lévesque.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):À l'ordre, à
l'ordre. M. Ledoux, la sécurité syndicale telle qu'elle est
prévue c'est volontaire et révocable.
M. Ledoux: Volontaire oui, volontaire très bien ça, c'est
beau; pas plus que ça et sur les grèves, s'il vous plaît le
vote secret et non plus avec une main... que le gars a peur de parler à
côté de lui au risque d'avoir des coups.
M. Bellemare: M. Ledoux. est-ce que vous avez lu l'article 94, qui parle
des grèves, dans le Code du travail, où il est dit, par exemple,
que ce sera la majorité des syndiqués, par un vote secret? Pas
question d'être présent a l'Assemblée: à la
majorité des membres syndiqués et dans un scrutin secret, dix
jours après, durant les délais, soixante jours pour le
renouvellement d'une convention ordinaire et quatre-vingt-dix, est-ce que vous
avez lu cet article-là?
M. Ledoux: Je vais regarder ça, mais tout à l'heure, comme
je voulais vous le dire tout à l'heure, faut bien accepter cette
idée de grève lorsqu'on la fait, malheureusement s'il faut
l'accepter...
M. Bellemare: Mais vous, vous êtes en faveur d'un vote secret?
M. Ledoux: Oui.
M. Bellemare: D'un vote à la majorité
de tous les membres syndiqués de l'union.
M. Ledoux: Et avant de prendre le vote, que les deux côtés
se fassent entendre comme je le fais actuellement devant vous pour pas...
M. Bellemare: C'est un vote secret de tous les membres.
M. Ledoux: Oui, après discussion des deux côtés de
la médaille.
M. Bellemare: Pas seulement des membres présents à
l'assemblée.
M. Ledoux: Oui, c'est d'accord ça. Pardon?
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Ledoux, en avez-vous
pour longtemps encore là?
M. Ledoux: Non seulement pour quelques minutes. J'en aurais bien long,
seulement il y en a d'autres qui veulent parler aussi.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Il est 10 heures.
M. Ledoux: Je sais que ça ne fait pas l'affaire de certaines
personnes.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):À l'ordre, à
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ledoux: J'ai appartenu à des assemblées, comme je vous
disais tout à l'heure, où le gars voulait exprimer son ooinion;
c'était du train pour ne pas être comoris. C'est ça qui
existe actuellement dans les mouvements syndicaux, la
vérité...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Ledoux, vous aviez
droit de vous faire entendre, vous savez, vous êtes parti de
Montréal pour venir vous faire entendre...
M. Ledoux: Oui.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Je demande à tout
le monde d'entendre M. Ledoux comme on a entendu tout le monde et comme on va
entendre les autres.
M. Ledoux: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): S'il vous plaît, on
demande de ne pas manifester.
M. Ledoux: Mais je demande que ce conseil soit observé de la part
de nos chefs dans leurs assemblées et je crois que dans un avenir
rapproché, les syndicats auront du monde. Moi-même ou d'autres,
qui en sont sortis rentreront et iront discuter à la table avec eux, des
choses que les hommes aiment à discuter: la justice, la
vérité, le soical, la liberté de tous ces hommes qui
recommandent ces choses-là. Lorsqu'on veut imposer quelque chose
à un autre, malgré lui, sachons que c'est loin de respecter ce
qu'on réclame ici, ce soir. On vient de réclamer la
liberté d'association, oui très bien, mais on n'a pas
réclamé la liberté de s'associer quand ça ne fait
pas notre affaire. On nous tient et on doit payer pour ça, on doit payer
pour ces choses-là et l'argent ne sert pas toujours à des choses
qui sont trop populaires.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Cela, c'est prévu.
La liberté syndicale est prévue dans le code, M. Ledoux.
M. Ledoux: Cela, c'est bien, mais ce qui ne l'est pas et que je n'ai pas
vu observer, c'est que la liberté des membres n'est pas
respectée. La liberté de ceux qui n'appartiennent pas n'est pas
respectée. On est traité de toutes sortes de noms parce qu'on est
contre à certaines demandes syndicales.
M. Lévesque (Laurier): Je veux soulever un point d'ordre.
Personne ne vous a empêché de sortir d'un syndicat...
M. Ledoux: Pardon?
M. Lévesque (Laurier): Personne ne vous a jamais
empêché de sortir d'un syndicat.
M. Ledoux: Si je vous dis, je vais vous demander la question, quand j'ai
sorti, j'appartenais à un comité.
M. Lévesque: Est-ce qu'on vous a empêché de sortir?
C'est tout ce qu'on vous demande.
M. Ledoux: Bien non, mais après ça on a créé
une formule pour rentrer les gars malgré eux, comme ça existe
actuellement à Drummondville. Est-ce que c'est bien, M. le ministre,
ça?
M. Marchand: M. le Président, j'ai un point d'ordre à
soulever. C'est très réglementaire comme procédure. Je
suis bien d'accord que le comité ici écoute les
créditistes de M. Louis Evans. Il a le droit de s'exprimer comme tel,
seulement je pense qu'il y a ici des ouvriers d'Asbestos qui sont membres avant
la grève, pendant et après et comme monsieur n'a pas simplement
donné des opinions, mais qu'il s'est référé
à des faits, je pense qu'on est en droit de demander que ce qu'on a cru
qui était les
faits, soit rectifié.
Je comprends qu'il ait des droits parce que nous, si nous avions
amené 300,000 syndiqués ici pour faire la même chose que
monsieur fait ici, la séance du comité aurait durée
longtemps.
M. Ledoux: Si elle a été longue, M. Marchand, c'est parce
que vous vous êtes levé trop souvent pour poser des questions
illégales. Merci beaucoup M. Hamel et je vous supplie, le Parlement, pas
pour vous dire encore que je reproche aux garrocheurs de pierres, mais je vous
supplie de penser à ce que je viens de dire et d'ôter dans la
province, actuellement ce qui oblige les gens à appartenir aux syndicats
malgré eux, c'est contre la justice. Merci.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Messieurs, la
séance est ajournée à demain matin à onze heures
moins quart. Nous siégerons demain matin ici, nous siégerons
demain après-midi ici. Demain soir, nous devrons siéger en
Chambre mais nous continuerons jeudi ici.
M. Larrivée (Armand): M. Hamel, j'aimerais avoir, au moins, si je
n'ai pas la chance de parler ce soir, j'aimerais au moins avoir la parole
demain matin. J'aimerais avoir le privilège de parler demain matin si je
ne peux parler ce soir.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Mais oui, mais donnez
votre nom. Monsieur...?
M. Larrivée: Armand Larrivée, d'Asbestos.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Très bien.