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Version finale

27e législature, 1re session
(15 janvier 1963 au 11 juillet 1963)

Le mardi 18 juin 1963 - N° 1

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de témoins et étude du bill no 54 - Code du travail


Journal des débats

 

Audition de témoins et étude du bill no 54 - Code du travail (1)

Cette nouvelle édition du compte rendu du comité des relations industrielles pour l'audition de témoins et l'étude article par article du projet de Code du travail est fondée sur l'enregistrement et la transcription des débats qui avaient débuté quelques mois plus tôt et ne revêtaient aucun caractère officiel.

Dans la première édition, publiée en 1963 même, l'éditeur du journal des Débats attirait l'attention des lecteurs sur le fait qu'une installation provisoire, faite à la hâte, s'était avérée déficiente, principalement à l'ouverture de la première séance du comité. Il fut impossible d'enregistrer les paroles de bienvenue du président, M. René Hamel, ministre du Travail. C'est ce qui explique que le compte rendu débute alors qu'on a déjà commencé à dresser la liste des groupes désirant se faire entendre.

Une voix: L'Association des cultivateurs catholiques. M. Fillion. M. Moisan. secrétaire général.

Une voix: Est-ce qu'il a fini, M. le ministre, M. Lafrance?

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): On va enregistrer ceux-là. G. Fillion.

Une voix: M. Gilles Fillion, représentant des hôpitaux et directeur des hôpitaux catholiques de la province.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Avec monsieur?

Une voix: M. Moisan. Omer Bouchard, vice-président général des cultivateurs. M. Bouchard avec M. Léopold Lévesque, directeur des services forestiers. M. Bouchard et M. Lévesque pour l'UCC.

Une voix: Est-ce que vous en avez d'autres là qui travaillent pour le gouvernement?

Une voix: Oui, M.. le ministre.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Est-ce qu'elle n'a pas été présentée déjà l'Association professionnelle...

Une voix: Je présente aussi un mémoire particulier, M. le ministre.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Ce qui est important de savoir à ce moment-ci, c'est ceux qui vont prendre la parole ppur le compte de leur association ou de leur organisation.

Une voix: L'API présente un mémoire conjoint avec des associations patrpnales et aussi un mémoire particulier. M. Lachance.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Lachance est indiqué sur ça...

Une voix: M. le Président, Langis Galipeault, représentant Paul Guilbault Inc.

M. Lesage: Votre compagnie n'est pas représentée par l'Association des camionneurs?

Une voix: Oui, mais on supporte l'association.

M. Lesage: Ah, très bien! Il faut que les membres supportent leur association.

Une voix: Il y a plusieurs avocats qui représentent les intérêts particuliers.

Une voix: M. le Président voulez-vous nommer le nom de ceux oui sont enregistrés à ce moment-ci?

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): La Corporation des instituteurs, M. Garant et M. Désilets. Langis Galipeault, Paul Guilbault Inc. Fédération provinciale des travailleurs forestiers de l'UCC représentée par MM. Lionel Sorel, Jos. Bouchard et Léopold Lévesque. Jean-Paul Lapointe. président de la Fraternité des policiers représentant 42 syndicats de policiers. Charles-E. LeBrun... Association des camionneurs du Québec, Georqes-René Fournier, et... Pierre Bournival, secrétaire général de la Corporation des ingénieurs professionnels du Québec. Fédération du détail et des services du Québec Inc. Association des marchands détaillants du district de Québec Inc.: représentant, Alfred Lévesque.

Raymond Caron, Consolidated Paper. L'Association des industries forestières du Québec. L'Assocation des mines et métaux, Jean-H. Gagné. Fernand Morin et Me Jean Cournoyer, représentants conjoints de la Fédération de l'industrie de la construction de la province de Québec. Association patronale des manufacturiers de chaussures du Québec, Marcel Lafontaine et Marcel Craig. L'Union des municipalités de la province de Québec, J.-A. Mongrain, Arthur Matteau... Association du camionnage du Québec Inc., Me Georges-René Fournier et Pierre Joron, Jean Marchand, CSN, et Roger Provost, FTQ, Me Guy Desaulniers, procureur. Jean-Claude Plourde, Hamel Transport Ltée, Chibougamau Express et Port-Cartier Transport. Jean Grimard, avocat, API.

Une voix: Girouard.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Oui, Girouard.

Jean Massicotte, Institut des textiles primaires...

Charles-E. LeBrun, API et Jean-Louis Lachance.

L'Association des manufacturiers, Paul Renaud, procureur, et M. Gagnon, je crois. Est-ce qu'il y en aurait d'autres qui veulent se faire enregistrer pour parler? Il y en a peut-être qui n'ont pas pu avoir leur admission et qui sont dans le corridor...

M. Lesage: On recommencera. M. Hamel... Il va y avoir moins de monde.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, si vous voulez, nous allons d'abord...

M. Lesage: Est-ce que la galerie de la presse désire se, faire entendre?

Une voix: La galerie préfère écouter.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Est-ce Qu'il y en a dans la salle qui représentent les fonctionnaires publics?

M. Lesage: L'Association de la fonction publique.

Une voix: Nous, nous recrésentons les syndicats de la fonction publique qui sont affiliés...

Une voix: Conjointement.

M. Lesage: L'Association de la fonction publique, les recherches...

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Seulement pour les syndicats qui sont affiliés, c'est la CSN qui...

M. Lesage: C'est la CSN.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Maintenant, voici comment nous allons procéder. Nous allons demander d'abord ceux qui ont une expression générale à donner sur l'ensemble du code, sur les principes du code, d'exposer leur théorie et, ensuite, quand nous aurons fini ça, nous prendrons article par article. On va tirer au sort qui va commencer, c'est-à-dire qu'aorès avoir parlé de ça ici, on avait pensé faire commencer la partie ouvrière et nous avons deux billets ici: un, c'est la FTQ. et l'autre, c'est la CSN Alors, nous allons commencer, seulement nous allons alterner. Les ouvriers vont parler et un représentant patronal parlera ensuite.

M. Lesage: J'ai deux autres billets ici qui sont pour l'Association des manufacturiers canadiens et pour le groupe de l'API.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, c'est la CSN qui devrait commencer. Maintenant voici...

Une voix: Le hasard fait bien les choses.

M. Lesage: Ah! Si vos deux représentations se complètent, il vaudrait mieux qu'elles se suivent. Ensuite, ce sera le billet qu'on vient de tirer, l'Association des manufacturiers canadiens.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Maintenant, nous demandons à ceux oui prennent la parole d'avancer au microphone là-bas parce que la discussion est enreqistrée. On demande de s'identifier d'abord parce que les gens qui vont suivre l'enregistrement ne connaissent pas, évidemment, tous ceux qui vont parler. On demande de s'enregistrer d'abord, de donner le nom de l'association qu'on représente et, ensuite, de parler au micro. M. Marchand.

M. Marchand (Jean): Alors, M. le Président, M. le premier ministre, voici Ses remarques générales que je ferai.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Vous êtes-vous enregistré, M. Marchand?

M. Marchand: Jean Marchand président de la CSN. Les remarques Générales que je vais faire... Roger, va donc dire aux gars de...

M. Lesage: Voudriez-vous nous aider

messieurs?

Voudriez-vous leur expliquer, M. Laberge? Je regrette.

CSN et FTQ

M. Marchand: Quand les autres parleront, ça ne nous fait rien. Alors, les remarques générales que je vais faire, je les ferai au nom de la CSN et également au nom de la FTQ, et le confrère, Roger Prévost, fera d'autres remarques sur d'autres points et ces remarques aussi vaudront pour les deux centrales syndicales. Nous nous sommes entendus, ce n'est pas une collusion, mais c'est simplement pour éviter une perte de temps au comité qui nous fait l'honneur de nous recevoir cet après-midi. Je pense bien que la délégation qu'il y a ici indique l'importance pour l'ensemble de la province -et je crois bien que le gouvernement et l'Opposition s'en sont déjà rendu compte -d'un Code du travail. Il est sûr qu'un Code du travail, toutes modifications, surtout lorsqu'elles touchent à peu près l'ensemble de la législation du travail, intéresse non seulement un grand nombre d'individus puisque nous représentons près de 350,000 syndiqués, mais ça intéresse également une foule d'institutions et d'entreprises commerciales et industrielles. C'est pourquoi nous avons apprécié que le ministre du Travail, lors de la présentation du bill - et j'espère que je l'ai bien compris - ait indiqué que le gouvernement était ouvert aux suggestions et que le projet qui était devant les Chambres n'avait pas un caractère rigide à tel point que nous ne puissions le discuter entièrement à notre aise.

Voici. Je pense que l'idée d'un Code du travail, M. le Président, est une idée qui a un caractère non seulement dynamique, mais un peu mythique dans notre province. On parle d'un Code du travail depuis tellement d'années que la simple appellation peut nous induire en erreur. Nous désirons un Code du travail ardemment. Je pense que l'ensemble des employeurs le désirent aussi. Seulement, ça ne veut pas dire que dès qu'une législation est libellée code du travail, automatiquement nous tombons d'accord sur l'ensemble de ses clauses. Cela me fait penser... Excusez-moi de rappeler ça ici, c'est juste une histoire que nous avons vécue, mais comme c'est une histoire assez sérieuse dans le temps, je pense bien que l'Opposition ne m'en voudra pas de rappeler le bill no 5. Il y avait un de nos vieux syndicalistes qui disait devant un ministre du temps: "Ça me fait penser un peu à une femme qui veut se marier à tout prix et, un bon jour, on lui arrive avec un gorille. Alors, on a beau lui dire: On va lui faire la barbe, on va lui couper les ongles, elle finit toujours par constater que c'est un gorille. Evidemment, je ne fais aucun lien entre la législation qui est devant nous et...

M. Lesage: Messieurs, pas de manifestation parce qu'on sera obligé de faire évacuer.

M. Marchand: ...le bill no 5. Je pense que ça serait injuste pour ceux qui ont conçu et fabriqué le Code du travail qui est devant l'Assemblée législative. Ceci n'est que pour indiquer que le simple nom peut nous induire en erreur et peut induire le public en erreur. Je voudrais que ça soit bien clair, même si nous prenons certaines positions assez rigides au sujet du Code du travail, ça ne veut pas dire que nous y sommes opposés en principe. Au contraire, nous continuons d'en désirer un et nous espérons que de ce comité sortira un projet amendé qui donne satisfaction aux employeurs, aux syndicats et à l'ensemble de la population.

L'idée d'un Code du travail pour nous, pour les centrales syndicales, ce n'est pas simplement une consolidation des lois, une fusion de certaines lois. C'est beaucoup plus que ça. Vous savez que le droit du travail s'est développé un peu comme un droit spécial en dehors du Code de procédure civile. C'est une réalité nouvelle, la création de syndicats, l'innovation dans le domaine des conventions de travail, c'est-à-dire la création de conventions collectives de travail. Autour de ces réalités s'est créé ce qu'on appelle le droit du travail qui a été et qui est, jusqu'à présent, disons, d'ordre statutaire. Nous avons toujours réclamé et nous continuerons de réclamer que ce droit du travail soit un droit, disons, ayant une existence propre en dehors du Code civil, en dehors du Code de procédure civile, non pas parce que nous croyons que ces législations ou ces codes n'ont plus de raison d'être, ils sont encore très valables au niveau des relations individuelles, mais ils sont tout à fait inappropriés lorsqu'il s'agit de réglementer les relations entre groupes, les relations entre employeurs et syndicats de travailleurs. Alors, sur ce point, disons que pour nous, quand nous parlons d'un Code du travail, ce que nous avons fondamentalement à l'esprit, c'est un code qui ne sera pas nécessairement subordonné, dans son essence même, au Code de procédure civile et au Code civil lui-même, sans toutefois nier la valeur de ces deux codes, comme je vous l'ai mentionné il y a un instant.

Dans le projet qui a été déposé à l'Assemblée législative et qui s'appelle le "Code du travail", il y a définitivement des innovations heureuses. Il n'est pas question de nier l'effort qui a été fait pour répondre à certains besoins, pour corriger certaines injustices qui existaient dans l'ancienne loi. J'ai à l'esprit, par exemple, la facilité ou les facilités nouvelles qui existeront et qui permettront l'organisation d'une façon plus

efficace des travailleurs en forêt. Il n'y a aucun doute que cette disposition de la nouvelle législation est une disposition très valable et nous espérons qu'elle sera incluse dans le code, une fois adoptée.

Il y a l'abolition des bills 19 et 20. Encore là, cela a été un symbole du mouvement syndical, des luttes syndicales dans la province, et la disparition de ces deux bills du nouveau projet de loi nous réjouit sincèrement. L'introduction aussi d'une clause, d'une disposition prévoyant le prélèvement des cotisations syndicales, prélèvement volontaire et révocable des cotisations syndicales, est aussi une innovation qui nous plaît et nous croyons que c'est dans le sens du proqrès.

Mais, il y a des choses qui, évidemment, nous frappent moins bien. Tout d'abord, il y a disons, sur le droit d'association, lui-même, une foule de restrictions avec lesquelles nous ne pouvons pas être d'accord pour nous, le droit d'association est un droit sacré, un droit sacré de citoyen et un droit qui est indispensable et fondamental dans toute société démocratique, c'est pas un droit qui doit s'exercer simplement, disons, d'une façon restrictive, continuellement, et qu'on accorde simplement quand on ne peut pas faire autrement. Nous croyons que c'est un droit fondamental, et les seules restrictions au droit d'association que nous acceptons en principe, sont celles qui se rattachent, disons, au bien commun, à l'ordre public et aux bonnes moeurs. En dehors de ça, nous ne voyons pas comment une loi peut réglementer et restreindre le droit des individus de s'associer librement pour défendre leurs intérêts légitimes. Et c'est pourquoi par exemple, je vous donne simplement un exemple de ce que je veux mentionner, dans le cas des exclusions, des corporations comprises dans les statuts de 272 à 76 ou 62 à 76, c'est-à-dire les avocats, les ingénieurs, etc. nous trouvons par exemple là-dessus, que la restriction est inadmissible. Si un jour les avocats, parce qu'ils sont devenus des salariés, ou les médecins ou les ingénieurs, et qu'ils croient qu'ils ne peuvent sous ce régime-là, disons, corriger les injustices dont ils sont victimes, de quel droit l'Etat va leur empêcher de se servir d'un droit qui leur appartient, autant qu'à n'importe quel salarié? Il y a quelques années, il y a eu à New-York une grève d'avocats, pourquoi, parce qu'il y avait 200 avocats salariés dans un bureau qui étaient plus mal traités que les autres syndiqués. Enfin, quelle est la justification de priver ces gens-là de leur droit d'association? Qu'eux mêmes décident, à un moment donné, de ne pas l'utiliser, c'est leur affaire, s'ils croient qu'ils ont à l'intérieur de leur corporation tous les mécanismes pour corriger les injustices dont ils peuvent être victimes, ils ont simplement à ne pas l'utiliser, mais sous prétexte que ça pourrait nuire à un certain prestige de la profession, je pense que c'est aller un petit peu loin dans la restriction du droit d'association.

Ce que je dis au sujet de ces corporations, je pourrais le dire au sujet des domestiques. Je pourrais le dire au sujet de certains fermiers. De quel droit, leur enlève-t-on, le droit de s'associer et d'être représentés collectivement. Si ce n'est pas possible qu'ils le soient comme dans le cas des domestiques, ou dans le cas des fermiers, par exemple, des employés des fermes familiales, eh bien, ils ne l'utiliseront pas. c'est tout, mais s'ils croient à un moment donné, que c'est leur intérêt de le faire, je pense que la loi ne doit pas les empêcher de le faire st doit les traiter comme tous les autres citoyens.

Maintenant, il y a un point, M. le Président, qui est très important, que je veux identifier dans ces remarques ici. C'est le problème de la fonction publique. Depuis quelques années, dans cette province, il y a une évolution qui ne s'était pas produite antérieurement, c'est-à-dire que l'État, directement ou indirectement, devient intéressé aux néaociations collectives. Il devient intéressé de la façon suivante: c'est l'Etat québécois, qui doit écoper du résultat des négociations faites par rapport à lui, par des tiers. C'est sûr que cette réalité nouvelle est extrêmement importante, et le gouvernement ne peut pas s'en désintéresser. C'est vrai pour les employés d'hôpitaux, c'est vrai pour les instituteurs sans doute, et c'est vrai aussi éventuellement pour d'autres employés de la fonction publique.

C'est sûr que nous voilà en face d'un problème extrêmement grave qui pose non seulement le problème du financement de la part de l'État, mais qui pose le problème des structures de la négociation collective dans ces secteurs-là. Jusqu'à présent, chaque établissement, chaque hôpital pouvait s'entendre avec son syndicat. L'hôpital en réglait les frais ou le public indirectement, évidemment parce que c'est toujours le public qui finit par payer. Tout de même, la négociation se faisait établissement par établissement et ça allait bien puisque c'était le régime général.

Aujourd'hui, à cause de la législation nouvelle que nous ne voudrions pas voir rappeler d'ailleurs, nous sommes absolument d'accord sur cette législation. Il y a une réalité qui n'existait pas et les structures de la négociation collective sont déficientes et nous sommes d'accord avec le gouvernement lorsqu'il se pose un point d'interrogation à ce sujet-là. Mais nous ne sommes pas d'accord sur la solution qu'il a trouvée, non pas parce que nous lui en voulons de chercher une solution, mais évidemment il peut toujours nous dire: "Si la nôtre n'est pas bonne, quelle est la vôtre?" C'est sûr qu'à ce

moment-là, il va nous poser aussi un problème extrêmement sérieux.

Je ne voudrais faire ici une remarque, M. le Président, pardon?

M. Lesage: Je vous la pose la question.

M. Marchand: Oui, oui, je vais vous répondre, étant donné que vous me la posez. Voici, toute cette question de la fonction publique, M. le Président. C'est que si, a un moment donné, le Code du travail devait être adopté plus vite que normalement, il devrait l'être à cause de tous les autres problèmes que ça comporte. Je crois que ce problème devrait être isolé de l'ensemble du Code du travail et faire l'objet d'une étude spéciale, soit par un comité d'enquête publique ou autrement, afin de trouver non seulement disons des solutions partielles, mais afin d'étudier et de faire des recommandations sur les structures de négociations collectives qui doivent exister dans ce secteur-là.

Je pense que la solution qui est trouvée par le Code du travail ou le projet de Code du travail de faire éventuellement décider par le ministre des négociations collectives dans des secteurs aussi importants que ça, je pense que cette solution conduit non seulement à la négation pratique du droit d'association, non seulement à la néqation aussi de certains droits collectifs de la part des employés de la fonction publique, mais ça conduit à des conflits d'ordre public dans la province de Québec où le gouvernement, directement, va être aux prises avec les parties.

Je pense que cette section-là, nous en comprenons l'urgence de la part du gouvernement. Nous sommes de la province de Québec et nous nous solidarisons aussi sur ce plan-là et nous ne voulons pas prendre des attitudes irresponsables vis-à-vis du gouvernement. Nous dirons: "C'est vrai qu'il y a un problème, mais nous voudrions attirer son attention aussi sur le fait que nous aussi ça nous crée des problèmes pour des dizaines de milliers d'employés qui ont le droit comme les autres de se faire représenter et de négocier collectivement. Nous demandons, devant cette situation-là, si nous ne pouvons trouver la solution rapidement, il ne faut pas presser l'adoption du Code du travail à cause de ça. Je crois que la solution, c'est de charger un organisme spécial d'étudier tout ce problème qui a des implications graves pour le gouvernement, graves et pour l'ensemble du syndicalisme et l'ensemble de la population et faire le plus rapidement possible des recommandations afin que la solution ne donne pas lieu à des problèmes plus graves que ceux que le code entend régler.

Alors, évidemment, j'ai attiré votre attention là-dessus parce que je ne voudrais pas que ce soit un élément au Code du travail s'il en a un d'adopté. Nous espérons qu'il le sera et nous sommes prêts à en discuter article par article, mais nous ne voudrions pas qu'il soit adopté sous pression parce qu'il y a des problèmes réels du gouvernement et que le gouvernement voudrait absolument les régler à l'occasion du Code du travail, ce qui veut dire d'ici quelques jours, ou peut-être quelques semaines.

Maintenant, M. le Président, je dois attirer l'attention du comité sur le rôle du Conseil supérieur du travail dans tout ça. Le Conseil supérieur du travail siège depuis au-delà de quinze ans. Je crois que c'est plutôt vingt ans. Il a étudié des projets, il a produit des codes, quelques-uns sont disparus de la circulation, quelques-uns sont revenus à la surface, après une absence de quelques années, mais j'ai l'impression et je crois que la FTQ partage notre opinion à ce sujet, qu'on n'a pas fait une utilisation rationnelle et systématique du Conseil supérieur du travail. Je pense que demander au conseil de faire des rapports et ensuite arriver avec une législation qui fait, disons, abstraction des parties importantes du rapoort, même de parties unanimes du rapport qui amènent des éléments nouveaux, sans qu'il soit à nouveau consulté pour donner mes opinions sur les sujets en litige. Je pense que ce n'est pas faire remplir le rôle au Conseil supérieur du travail. Je ne sais pas quelles sont les intentions du gouvernement, mais je crois que le conseil aurait intérêt à être consulté sur ces sujets là: la négociation collective, la représentation devant la Commission des relations ouvrières, les organisations syndicales, les organisations patronales qui ont une vaste et riche tradition sur ce plan-là, une vaste et riche expérience et je pense que le gouvernement aurait tort de se priver de cette expérience. Non pas que je crois et que nous croyons qu'automatiquement, dès que le Conseil supérieur recommande quelque chose, le gouvernement devrait dire: "Nous autres on abandonne nos responsabilités et entérinons simplement ce que le conseil a dit." Nous ne sommes d'accord que le gouvernement garde sa responsabilité en face du bien commun et qu'il ne peut pas être lié par toutes les recommandations d'un conseil. Mais si nous avons un Conseil supérieur du travail dont les recommandations sont à peu près systématiquement ignorées, je pense que ça équivaut à toutes fins pratiques à nier son existence et son utilité.

Alors, nous croyons que dans ce cas-ci, M. le Président, il y aurait eu intérêt à ce que le Conseil supérieur, devant un document nouveau, un document oui a une valeur juridique certaine, il n'y a aucun doute là-dessus... Je ne sais pas oui l'a rédigé, mais je sais que c'est un document qui est valable en lui-même; au point de vue juridique, il

règle un tas de problèmes. Mais le monde industriel, le monde syndical est tellement complexe que je ne connais pas un homme qui puisse faire une loi du travail ou un Code du travail seul ou à quelques-uns. Il faut nécessairement consulter l'ensemble des intéressés qui ont de l'expérience dans cette matière, qui l'ont vécue et qui sont sûrement en mesure de donner des avis valables.

En somme, je pense qu'on sera facilement d'accord là-dessus, il ne suffit pas d'avoir de bonnes lois, il faut que les gens...

M. Lesage: Je ne voudrais pas, M. Marchand, que les gens restent sous l'impression, que vous avez pu avoir créée, peut-être sans le vouloir, que c'est l'oeuvre d'un homme seul.

M. Marchand: Non, non.

M. Lesage: Rassurez-vous là-dessus; il y en a de grandes parties, n'est-ce pas, qui émanent du Conseil supérieur du travail; d'autres des officiers en loi, des officiers supérieurs du ministère du Travail et finalement du Conseil des ministres.

M. Marchand: Oui, ça je ne sais pas...

M. Lesage: Je puis vous dire, M. Marchand, que nous avons passé des heures et des heures au Conseil des ministres, à préparer ce document pour le soumettre. Et justement, si nous avons décidé de ne l'adopter qu'en première lecture, c'est parce que le gouvernement le soumettait beaucoup plus comme un document de travail que comme un document auquel il attache son sort. Je voudrais que ce soit bien compris. Donc, ce n'est pas un homme seul. Beaucoup de personnes ont travaillé à sa préparation. Et, deuxièmement, il est déposé comme document de travail. Et le gouvernement n'attache son sort ni au projet de loi lui-même ni à quelqu'un de ses articles.

M. Marchand: Je vous remercie, M. le premier ministre...

M. Lesage: Cela va faciliter la discussion si je fais cette mise au point à ce moment-ci.

M. Marchand: Alors, je m'excuse si j'ai fait une insinuation qui, enfin, pouvait être interprétée comme une insinuation...

M. Lesage: Non, M. Marchand, je ne vous ai accusé de rien. Je voulais purement et simplement qu'il n'y ait pas de fausse impression.

M. Marchand: Oui, mais seulement je pense que dans ce domaine complexe, j'ai reconnu dans le texte évidemment des choses qui venaient définitivement du Conseil supérieur du travail. Mais vous comprendrez comme moi que dans un texte comme celui-là, d'abord c'est une traduction législative, si vous voulez, juridique de recommandations qui...

M. Lesage: C'est ça.

M. Marchand: ... n'avaient pas ce style et dans la traduction c'est sûr qu'on modifie nécessairement un certain nombre de choses. Et je crois que ceux qui sont aux prises avec les problèmes pratiques, ces problèmes sont tellement d'intérêt général, qu'il y a intérêt... Je ne mets aucunement en doute la bonne foi de ceux qui l'ont fait. Je dis que dans les faits, il y a des choses qui nous frappent, comme elles frappent d'ailleurs, disons, l'élément patronal. Il y a même des choses qui nous frappent tous les deux de la même façon et nous sommes convaincus que le gouvernement ne voudrait pas être en arrière des employeurs et des syndicats en même temps. Et ce n'est pas l'intention qui a présidé à la rédaction du Code du travail.

Alors, si j'ai été mal compris là-dessus, je ne sais pas qui a fait le projet. De toute façon, ce sont sûrement des gens extrêmement compétents et ce n'est pas sur ce point-là. J'essaie de vous faire comprendre simplement le point de vue syndical à ce sujet.

Maintenant, je suis content de la mise au point du premier ministre qu'il s'agit simplement d'un document de travail. Quant à nous, nous sommes prêts à travailler. Seulement, après avoir passé plusieurs journées dans le Code du travail, nous-mêmes - je pense que les employeurs ont fait ça et le gouvernement lui-même nous avait déjà précédé dans cette voie puisque c'est lui qui a été le premier à voir le document, ce qui me semble tout à fait normal, d'ailleurs -nous avons à discuter à peu près chacun des articles du code. Cela veut dire que nous nous attendrons, évidemment, quant à nous, -parce que ce n'est pas nous qui menons le jeu ici - si le gouvernement et les membres qui représentent ici l'Opposition veulent nous donner satisfaction, nous leur disons que nous voulons discuter du premier au dernier article et nous nous attendions d'avoir le temps de faire les représentations que nous jugeons à Dropos de faire. Car nous sommes convaincus que, une fois adopté, ce code sera dans les statuts pendant passablement longtemps et je crois qu'on ne peut pas. disons, parce qu'il y a quelques problèmes urgents, nous envoyer dans une aventure enfin que tout le monde regrettera en dernière analysa.

Alors, quant à nous, je vous dis simplement que la délégation syndicale est prête à rester ici le temps qu'il faut, les semaines qu'il faut pour étudier, article par

article, chacune des dispositions du code. Et si pour des raisons, M. le Président et M. le premier ministre, que nous n'avons pas à apprécier comme groupe, le gouvernement ne croit pas que ce soit possible, je pense qu'il serait mieux d'envisager une autre procédure afin que lorsqu'un Code du travail sera adopté il le soit, disons pas unanimement par toute la population parce qu'il y aura toujours des secteurs dissidents même dans nos propres rangs, mais du moins qu'il aura l'appui de la grande majorité de la population. Nous sommes confiants que le présent gouvernement peut nous donner un Code du travail satisfaisant et nous ne voudrions pas qu'à cause de certains problèmes urgents, il soit mécontent lui-même de sa propre législation et qu'il mécontente l'ensemble de la population.

Nous souhaitons simplement que nous soyons prêts a discuter tous les articles et nous demandons en faveur au comité de nous accorder tout le temps voulu pour faire les représentations que nous voulons faire et tout ça, même si ça prend quelque dix jours ou quelques semaines, bien mon Dieu, ça va être onéreux pour vous et pour nous, mais pour nous, nous le considérons comme un devoir fondamental et nous nous en voudrions de ne pas faire cet effort à ce moment-ci.

En résumé, - et je termine là-dessus -je pense qu'il ne suffît pas chez nous d'avoir de bonnes lois, mais comme nous sommes dans une démocratie, il faut que les gens soient convaincus que nous avons de bonnes lois et que nous avons besoin d'un certain moment pour nous en convaincre. Merci beaucoup.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Provost.

M. Provost: M. le Président, M. le Premier ministre, MM. les membres du comité, je n'ai pas besoin de vous dire... Pardon?

Roger Provost, fédération des travailleurs du Québec.

Je n'ai pas besoin de vous dire que les déclarations que vient de faire le premier ministre indiquant que c'est un document de travail va rendre ma tâche plus facile et surtout raccourcir le temps comme je voulais, à l'origine, prendre pour exposer le problème au comité.

M. Lesage: J'aimerais mieux que vous l'exposiez, Monsieur.

M. Provost: D'accord.

M. Lesage: Si c'est un document de travail, travaillons dessus.

M. Provost: D'accord. Tout d'abord, nous constatons que la province de Québec connaît à l'heure actuelle un développement économique et social qui réjouit tout le monde. Nous sommes convaincus que pour réussir à donner cet essor économique et social à la province de Québec, il va falloir que sur le plan industrie: règne un climat de liberté et de paix. Je pense que le document sur lequel votre gouvernement va s'arrêter et la législation va déterminer jusqu'à quel point va exister le climat de liberté et de paix industrielle dans la province de Québec. C'est la raison pour laquelle nous y attachons une importance capitale. Je n'ai pas à répéter ici les considérations, comme M. Marchand, le président de la CSN a fait. Je me bornerai à attirer l'attention du comité sur trois points seulement.

Tout d'abord, le droit de grève. Le droit de grève fondamentalement est un droit naturel qui appartient à tout le monde. Je dis fondamentalement et en principe. Nous reconnaissons qu'inspiré par le bien commun votre gouvernement veuille, dans certains secteurs, limiter le droit de grève; mais nous voudrions que ce droit de grève soit limité, non pas tant parce qu'on travaille pour un employeur quelconque qui, en l'occurrence, peut être le gouvernement, mais soit limité en raison de la nature des fonctions et des conséguences que peuvent impliquer les grèves qui pourraient survenir dans certains secteurs. Et ceci, c'est parce que le gouvernement, pour donner à la province de Québec l'essor économique dont elle a besoin, il est possible qu'il ait une influence de plus en plus grande dans certains secteurs qui, autrefois, étaient du domaine presque industriel et de l'entreprise privée. Et s'il fallait, a priori, admettre que partout où le gouvernement exerce à bon escient une influence, le droit de grève doit disparaître parce qu'il y a changement d'employeur, nous craignons qu'à un moment donné, ceci ne vienne à augmenter la limitation du drcit de grève et à le rendre dans un immense secteur de la population presque illusoire. Et c'est la raison pour laquelle nous disons que s'il faut imposer des limitations au droit de grève, ces limitations doivent ressortir de la nature des fonctions que remplissent les gens qui peuvent lui être soumis ou des conséquences que pourraient avoir pour les gens-là l'exercice de leur droit de grève.

Nous constatons que dans le code, on donne un traitemert différent aux employeurs, aux syndicats quant à la définition du droit de grève et ceci nous inquiète assez sérieusement, parce que maintenant, pour les syndicats ouvriers, c'est pratiquement toute cessation de travail, même s'il y a un paragraphe, un peu plus loin, qui dit que ça peut être une cessation de travail qui ne constitue pas un droit de grève. Pour l'employeur, on dit que c'est parce qu'il refuse d'accorder des conditions ou ne veut pas l'accorder et quand il s'agit des ouvriers, on dit: "Grève, cessation de

travail", un point.

C'est à nous demander si les gens qui sont venus nous visiter aujourd'hui, avec ce nouveau code, ne seraient pas accusés d'être en grève pour assister au comité des Relations industrielles pour voir ce qui se passait et ceci nous inquiète.

On impose aux ouvriers...

M. Lesage: M. Provost, excusez-moi, j'étais à causer avec M. Lévesque. J'ai manqué vos dernières phrases.

M. Provost: Oui, M. le premier ministre.

M. Lesage: Seriez-vous assez obligeant de les répéter, s'il vous plaît.

M. Provost: Je dis, dans les définitions, M. le premier ministre...

M. Lesage: Vous avez dit non, pas dans cette partie-là. Vous avez dit: Il y a des gens qui sont venus ici pour...

M. Provost: ...qui sont venus ici pour écouter le Comité des relations industrielles et nous nous demandons si le nouveau code était en effet, par la définition du droit de grève qui y existe, si ces gens ne pourraient pas être, demain, accusés par leur employeur d'avoir fait une grève aujourd'hui; parce que si vous regardez la définition, ça veut dire: "Toute cessation de travail".

Ils sont élus par leurs commettants pour venir ici. C'est concerté jusqu'à un certain point.

Ah oui, nous visons toujours au maximum dans nos revendications, M. Lévesque, je pense que vous le savez, vous.

Pour le droit de grève, on impose des conditions que nous ne trouvons pas assez sévères aux syndicats ouvriers. Quand il s'agit des employeurs qui font un lock-out, aucune condition n'est exigée, excepté qu'ils doivent attendre 50 jours à partir de la date de la conciliation. Nous voudrions que le régime soit le même pour les deux, s'il doit y avoir un régime. Je n'implique par ceci que nous acceptons d'emblée ce que propose le code, mais nous trouvons là une différence de traitement que nous avons des difficultés à nous expliquer entre le concept du lockout, les conditions qui doivent exister pour un lock-out et les conditions qui doivent exister avant la déclaration d'une grève et nous voyons entrer aussi le gouvernement dans la détermination de l'exercice du droit de grève par les ouvriers.

Nous nous posons la question suivante d'abord: est-ce que par ingérence - et je ne prête pas d'intention à personne - on voudrait penser que lorsqu'il y a des grèves dans la province de Québec, elles ne sont pas faites normalement, de façon démocratique ou qu'elles sont faites de façon échevelée par les leaders syndicaux ou qu'elles sont faites par des gens qui n'acceptent pas les responsabilités économiques d'une grève?

Puisqu'on exiqe, pour la tenue d'une grève, un vote au scrutin secret dont la loi ne contient aucune des modalités, nous ne savons d'aucune façon comment il pourrait être pris, par qui il pourrait être pris, nous ne savons pas si la commission ferait des règlements en ce sens ou elle n'en fera pas.

Mais, tout ce que nous ressentons, c'est l'ingérence du gouvernement et ceci, je pense, part d'une philosophie que nous pouvons difficilement accepter. La philosophie à laquelle nous croyons, c'est que le gouvernement intervient pour l'ordre public et pour le bien commun jusqu'au seuil de la convention collective. Lorsque nous franchissons le seuil de la convention collective, que les deux parties déterminent leurs conditions et que deuxièmement, lorsqu'il y a renouvellement d'une convention collective, lorsqu'il y a un différend, que le gouvernement intervienne pour tenter de rétablir la paix entre les deux parties.

Mais, il nous semble un peu en dehors de notre concept de voir d'abord l'introduction du gouvernement à l'intérieur de la convention collective et deuxièmement, en dehors du différend, la détermination, par le gouvernement, des moyens d'agir afin d'exercer un droit qui est la grève. Ceci nous semble un peu nouveau dans le code et nous voudrions avoir l'opDortunité de le discuter pleinement.

Cela nous place en même temps devant un dilemme. Si le gouvernement détermine comment le droit de grève doit être exercé, ceci peut entrer à tout moment en conflit avec les constitutions que nous nous sommes donné, constitutions que nous avons déposées à la Commission des relations ouvrières qui les a acceptées et nous oouvons être oris devant des problèmes auxquels, en toute honnêteté, nous ne pourrons pas trouver la véritable solution. Et nous nous demandons toujours si réellement nous sommes dans la légalité ou si nous ne sommes pas dans la légalité.

Déterminer une date exacte pour la tenue d'un scrutin affaiblit sérieusement la force des négociations d'un syndicat. En disant ceci, je n'apprends rien aux patrons et je ne les surprends pas du tout. La prise d'un vote de grève est d'abord une arme psychologique qui indique au cours des négociations le sérieux qu'apporte le syndicat aux positions patronales et leur indique qu'il faut réellement négocier de bonne foi. L'expérience nous a prouvé que c'est bien souvent après seulement un vote de grève que les deux parties s'assoient sérieusement à la table des négociations et commencent réellement à faire un travail qui peut les

conduire à des conclusions pacifiques. Et, comme le vote de grève maintenant ne peut être pris que cinquante jours après la demande de conciliation, il se produit là des vacuums qui - nous le craignons - au lieu de diminuer le nombre de grèves dans la province de Québec pourraient conduire à l'augmentation du nombre de grèves. Nous sommes convaincus que ce n'est pas ce que recherche le gouvernement. Ce n'est pas non plus ce que nous recherchons.

Nous désirons remercier le gouvernement de l'article 37. Je pense qu'il est bon que nous le soulignions ici. C'est sur la retenue syndicale et je pense que nous devons féliciter le gouvernement pour son courage, d'avoir mis au pas des employeurs réactionnaires, surtout lorsqu'ils opèrent dans des secteurs qui appartiennent au peuple de la province de Québec. Bien que nous nous en réjouissions et que nous remercions le gouvernement, ceci n'a pas réussi à nous faire perdre de vue une foule d'autres articles sur lesquels nous désirons attirer l'attention du gouvernement.

La Commission des relations ouvrières. Vous savez, M. le premier ministre, je pense qu'en dépit des délais, le mouvement syndical n'a jamais été aussi heureux dans son histoire d'une Commission des relations ouvrières qu'il ne l'est de celle qui existe à l'heure actuelle. Je pense qu'il faut que nous le soulignions.

Mais, lorsque nous lisons le nouveau bill, nous nous inquiétons. Nous espérons pouvoir clarifier notre inquiétude au cours des discussions parce que nous avons l'impression - c'est peut-être seulement une impression, nous l'espérons - que certains articles du nouveau bill semblent vouloir enlever au président et aux membres de la commission le contrôle sur leur personnel et ceci, à notre avis, pourrait amener le danger de faire entrer la politique qui en est sorti deouis 1960.

M. Lesage: Vous parlez de la nomination de l'administrateur?

M. Provost: De l'administrateur. Et ceci nous inquiète très sérieusement.

M. le Président et M. le ministre, une autre chose nous inquiète.

M. Lesage: Oui, monsieur.

M. Prévost: C'est l'abolition de la parité. Dans certains cas, la parité est abolie. Nous serons prêts à discuter, quand nous serons rendus aux articles, de ce qui arrive dans les conflits de juridiction, mais je pense qu'on a aboli trop facilement le principe de la parité. Si nous prenons les dix législations ouvrières qui existent au pays, partout, on reconnaît la parité. Nous aurons, à un moment donné, des solutions à vous apporter...

M. Lesage: M. Prévost, comment ça, des conflits intersyndicaux? Moi, les représentations que j'ai eues au sujet de la parité qui existait, n'est-ce pas, c'est qu'il arrivait que c'étaient les patrons qui décidaient qui serait le syndicat qui représenterait les ouvriers.

M. Prévost: Nous sommes totalement d'accord quant à ce que vous dites là.

M. Lesage: C'est sur ce point-là, n'est-ce pas? Nous ne mettons que le président et le vice-président parce que, autrement, ce n'est pas juste à l'égard des ouvriers, ce sont les patrons qui décident.

M. Prévost: Oui, mais, M. le premier ministre, puis-je souligner que les conflits intersyndicaux arrivent assez rarement à la CSN et à la FTQ? Ils arrivent surtout entre les unions indépendantes que nous appelons dominées et une des deux centrales. À ce moment-là, nous tenons à ce qu'il y ait la présence de l'une ou l'autre des deux centrales.

M. Johnson: Oui, mais comment? Comment allez-vous faire cela?

M. Prévost: Nous avons une suggestion à vous faire. En disant que lorsqu'il y aura unanimité parmi les membres...

M. Lesage: Je voudrais bien que vous me compreniez.

M. Prévost: Pardon?

M. Lesage: Je voudrais bien que vous compreniez que ce nouveau mode a été établi après qu'on m'eut convaincu que ce n'était pas juste pour les centrales syndicales parce que c'étaient les patrons qui jugeaient quand vous étiez pris dans un conflit entre la FTQ et la CSN.

M. Prévost: M. le premier ministre, loin de vouloir critiquer l'intention du gouvernement - au contraire, on s'en réjouit - dans la pratique courante, quotidienne, nous avons une solution de rechange qui permettra la présence des commissaires, mais si le vote n'est pas unanime, simplement, le juge décidera. Mais nous voulons en tout temps la présence paritaire afin, justement, de nous prévenir contre les problèmes de juridiction avec les unions soi-disant indépendantes. Puis, malgré tous les efforts de la commission du gouvernement, il en reste encore dans la province de Québec.

Maintenant, une autre chose nous inquiète. On donne à la commission le droit de décréter un vote en n'importe quel temps.

Voici pourquoi ça nous inquiète. Dans les provinces ou ailleurs où on donne le droit à la commission d'ordonner un vote en n'importe quel temps, c'est parce qu'on n'exige pas la majorité absolue pour faire une requête. Mais ici, dans la province de Québec - nous pensons que c'est bon - on exige pour la reconnaissance syndicale qu'on ait au moins 50% plus un, et nous disons que, lorsque l'enquête a prouvé que nous avions 50% plus un, nous avons de ce fait acquis un droit à la reconnaissance qui n'est pas conditionné à une décision de la commission de donner un vote. Non pas que nous manquions de confiance en la commission, mais nous allons ouvrir une porte à d'autres contestations devant les tribunaux, et Dieu sait s'il y en a à l'heure actuelle. Même si nous représentons 95% des ouvriers, on dira que la commission peut organiser un vote. Nous avons créé un doute suffisant dans l'esprit de la commission pour ordonner un vote et nous aurons des centaines et des centaines de votes où notre droit a été reconnu par une majorité absolue des membres qui ont adhéré au syndicat.

Maintenant, nous allons l'éclaircir au cours du débat, mais il y a un point où le Gouvernement a fait un effort sérieux et nous lui demandons s'il a réellement réussi. La commission ne peut maintenant, en théorie, révoquer un certificat de reconnaissance syndicale pour faute de majorité, mais il y a un article, l'ancien article 41, qui dit qu'il peut encore révoquer pour cause. Comme nous allons vivre avec ce code, nous souhaitons au gouvernement de vivre aussi longtemps que le code va exister. Il n'en reste pas moins que c'est dans nos statuts. Un moment peut arriver où une commission des relations ouvrières, n'étant pas celle que nous avons aujourd'hui, se servant du nouveau code, invoque toutes sortes de raisons pour empêcher l'accréditation. Alors, nous nous disons que même si le climat est bon, nous ne devons prendre une chance dans ce domaine.

Je reviens sur un point qu'a appuyé M.. Marchand. M. le premier ministre, j'insiste encore, M. le Président du comité, sur la fonction publique. Je comprends que les fonctionnaires...

M. Johnson: Vous allez m'excuser, M. Prévost. Est-ce que vous parlez de l'article 41 de la loi actuelle?

M. Prévost: Non, non, de l'ancienne loi. M. Lesage: Oui, de la loi actuelle.

M. Prévost: De la loi actuelle... Moi, je l'appelle l'ancienne parce qu'on va changer avant longtemps.

M. Lesage: Cela se lit comme ceci: "La commission peut, pour cause, réviser ou révoquer toute décision et tout ordre rendus par elle et tout certificat qu'elle a émis."

M. Johnson: Est-ce que c'est arrivé souvent que, d'elle-même, la commission ait pris l'initiative de révoquer, M. Prévost?

M. Prévost: Pardon?

M. Johnson: Est-ce qu'il est arrivé souvent que la commission, d'elle-même, ait révoqué, ait pris l'initiative de révoquer?

M. Prévost: Vous savez, M. le chef de l'Opposition, même si c'est arrivé dix fois sur 10,000 cas, pour nous, c'est dix fois de trop.

M. Johnson: Non, mais est-ce que c'est arrivé souvent?

M. Prévost: Quelques fois. Je n'ai pas les dossiers ici, mais je pourrais, pour votre information, vous produire des cas où on a invoqué d'une façon assez arbitraire que, pour cause, la commission révisait ou enlevait le certificat. Comme l'expérience nous a habitués à être prudents dans le mouvement syndical...

M. Lesage: Est-ce que ça n'a pas été fait dans le passé? Est-ce que ça n'a pas été utilisé par la commission en se basant principalement sur 19 et 20?

M. Prévost: Oui, c'est-à-dire que ça s'est fait avant 19 et 20. Et pour s'assurer, par la suite, on a fait 19 et 20 que, heureusement, le gouvernement fait disparaître parce que c'est allé jusqu'en Cour suprême. C'est la cause des instituteurs, par exemple, où 19 et 20 n'étaient pas encore, si je me souviens bien, je peux me tromper dans les dates, mais on est allé jusqu'en Cour suprême pour dire que la commission ne pouvait pas enlever un certificat pour cause. Alors, c'est arrivé dans le passé, M. le chef de l'Opposition. Pardon?

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Je pense avoir entendu les parties.

M. Prévost: Ah, c'était fréquent dans ce temps-là, c'était presque commun.

M. Johnson: Non, mais M. Prévost, sérieusement, est-ce que la Commission des relations ouvrières s'est souvent servi de l'article 41, même en utilisant 19 et 20?

M. Prévost: M. Jonnson, je ne suis pas pour vous donner des chiffres, je n'ai pas les dossiers devant moi. Je ne voudrais pas, si je dis...

M. Lesage: Vous pourrez vous renseigner, on va certainement être ici demain encore.

M. Prévost: Si je dis six et vous dites que c'est quatre, il y a des journaux ou des gens qui vont dire que je suis un menteur. Alors, je ne donne pas de chiffres.

M. Lesage: Demain, M. Prévost, j'aimerais être renseigné sur ce point-là.

M. Prévost: La commission doit avoir les dossiers, M. le premier ministre.

M. Desaulniers (Guy-Merrill): À plusieurs occasions - je parle d'il y a plusieurs années - à la suite de grèves illégales, des requêtes étaient présentées à la Commission des relations ouvrières demandant la révocation d'un certificat de reconnaissance syndicale en raison de grève. Cela a été fait à plusieurs reprises au cours de ces enquêtes. Je peux vous dire qu'une raison qui a diminué, je crois, l'augmentation du nombre de ces requêtes en révocation d'un certificat en raison d'une grève illégale, c'est qu'à un certain moment, une requête avait été faite devant la Commission des relations ouvrières à cet effet. Un bref de prohibition a été obtenu en Cour supérieur et, dans ce bref de prohibition, on se basait sur le point suivant: On disait que la Commission des relations ouvrières, en vertu de la loi, n'avait pas le droit d'enlever un certificat, sauf dans le cas où l'association n'avait pas de majorité. Deuxièmement, on attaquait aussi le règlement no 1 parce que, dans le règlement no 1, la commission avait dit qu'elle pouvait décider sur l'accord d'un certificat ou sur la révocation d'un certificat sur une disposition qui disait qu'une association devait avoir suivi la loi. Nous avons attaqué ce règlement comme étant ultra vires des pouvoirs de la commission. À la suite de ce bref de prohibition, à ma connaissance personnelle, le nombre de ces requêtes a diminué considérablement. Je peux dire que la commission, à partir de ce moment-là - et je crois que c'est à ma connaissance - n'a plus semblé vouloir, en raison de l'existence de ce bref, donner suite à ces requêtes en décertification.

M. Prévost: M. le Président, M. le premier ministre, il est un point, en terminant, sur lequel je veux, moi aussi, attirer l'attention du comité, c'est le problème de tout le secteur public des employés de la fonction publique. Je me pose très sincèrement une question: Est-ce que l'affiliation d'un syndicat de fonctionnaires ou d'un syndicat de policiers rend ce même syndicat moins responsable, moins conscient de ses devoirs, moins efficace - parce que le but d'un syndicat, c'est la défense des intérêts des ouvriers - ou si elle ne contribue pas à lui donner une plus grande conscience de ses responsabilités au sein du syndicalisme en général?

Nous comprenons mal qu'on refuse aux gens de la fonction publique des privilèges afin que, sur le plan syndical, ils soient des citoyens à part entière. Nous, ça nous semble tout à faite juste. Il faut donner aux gens de la fonction publique les mêmes traitements qu'on donne aux autres citoyens de cette province. Je comprends le cas de la délimitation quant à la grève, mais quant à l'affiliation, nous le comprenons très mal. Sans vouloir nous vanter, nous avons l'impression, au sein des centrales syndicales, d'avoir contribué, dans le syndicalisme, au développement social, intellectuel et moral de nos membres. Nous pensons que si les employés de la fonction publique avaient le même privilège que les autres syndiqués de la province, ils pourraient contribuer eux aussi, aux différents organismes que les centrales syndicales ont mis sur pied: conseillers techniques, éducation et autres. Ils pourraient probablement rendre des services encore plus grands a la province et aux municipalités que ceux qu'ils rendent à l'heure actuelle.

En terminant, je reprends le problème et je voudrais dire que c'est presque une "colle" que M. le premier ministre a posée à mon ami Marchand sur la question des tribunaux d'arbitrage dans la fonction publique parce que nous croyons...

M. Lesage: Je n'ai pas essayé de poser une "colle".

M. Prévost: Vous avez demandé des solutions. Je pense, M. le premier ministre, que vous ne m'en voudrez pas d'être très franc. Nous reconnaissons que, surtout pour les hôpitaux et pour les commissions scolaires, le gouvernement a des problèmes. Nous reconnaissons qu'il va peut-être falloir que le gouvernement adopte des politiques de salaires et nous pensons qu'il a le droit d'adopter des politiques de salaires. Là où nous comprenons moins bien, c'est qu'on confie à des tribunaux, à des corps juridiques, la fonction presque d'appliquer les politiques de salaires du gouvernement. Nous préférerions que le gouvernement prenne ses responsabilités directement, et nous savons qu'il est capable de prendre ses responsabilités. Qu'il applique des politiques de salaires, alors, les travailleurs de la fonction publique pourront discuter directement avec le gouvernement provincial dans le cas où les gouvernements municipaux... C'est surtout pour le gouvernement provincial dans le cas des hôpitaux et des commissions scolaires: ils sauront exactement quelles conséquences a eu pour eux une décision politique du

gouvernement. Je sais que le gouvernement est capable de prendre ses responsabilités là-dessus tandis que, là, on nie jusqu'à un certain point la négociation directe sans la nier.

M. Lesage: C'est que la négociation serait faite pour les instituteurs.

M. Prévost: Les corporations municipales et scolaires et les hôpitaux. On la nie sans la nier.

M. Lesage: On ne parle pas des corporations municipales.

M. Prévost: Mais même sur les corporations municipales, avec des assesseurs, on a changé la formule, et je puis vous dire que les services publics sont très mécontents de ce changement de formule.

M. Lesage: Je ne veux pas me tromper là, je veux bien saisir votre sugqestion. C'est que vous suggérez que les négociations dans le cas des instituteurs, employés des commissions scolaires...

M. Prévost: Oui.

M. Lesage: ...se fassent à l'échelle provinciale.

M. Prévost: Nous le préférerions, je n'ai pas parlé aux instituteurs, c'est la conception de la FTQ.

M. Lesage: Et pour les hôpitaux, la même chose.

M. Prévost: Exactement.

M. Lesage: À l'échelle provinciale.

M. Prévost: Nous le préférerions.

M. Lesage: Avec les associations, les diverses associations d'employés des hôpitaux et avec la corporation des instituteurs.

M. Prévost: Cela, c'est mon opinion à moi, je n'engage pas les autres.

M. Lesage: Je ne me prononce pas, je veux être sûr que je comprends bien la suggestion.

M. Prévost: Je vous exprime une opinion qui est à moi, je ne les ai pas consultés.

M. Lesage: Parce que les employés d'hôpitaux vont dire, M. Garant est ici.

M. Prévost: Il veut parler, M. Garant, il le dira tout à l'heure, M. le premier ministre. Mais ça me ramène au point, qu'il faut trouver une formula qui ne soit pas celle où le gouvernement fait prendre certaines responsabilités par des juges, par des tribunaux.

Une voix: Est-ce que la CSN est d'accord avec vous là-dessus?

M. Prévost: Vous le lui demanderez à la CSN.

M. Marchand: Non, mais il ne faut pas qu'il y ait une confusion, étant donné qu'on a parlé conjointement. Cela, c'est une solution suivant laquelle pense M. Prévost; évidemment, nous ne sommes pas tout à fait d'accord.

M. Prévost: Mais à l'heure actuelle, M. le premier ministre, on négocie dans la fonction publique, on en arrive à une entente entre patrons et syndiqués, chez les instituteurs par exemple, dans les hôpitaux. La convention est remise à un ministre de la couronne qui lui, décide que les négociations qui se sont conduites de bonne foi sont nulles et ne valent rien, et qu'il faut renvoyer le problème à un tribunal. Et ça, je pense que c'est assez difficilement acceptable. Nous préférerions...

M. Bellemare: Si vous me le permettez, il y a une différence énorme, à mon sens, entre les négociations à l'échelle des employée des hôpitaux et ce qui concerne les instituteurs et les institutrices à la commission scolaire, parce que quand vous arrivez au domaine des commissions scolaires, vous avez les parents, tandis que de l'autre côté, c'est l'État, il y a une différence énorme.

M. Prévost: Oui, mais je pense que l'État intervient de plus en plus dans le domaine de l'éducation et je pense que c'est nécessaire.

M. Bellemare: Ah, ah!

M. Prévost: Oui, et ça ne me scandalise pas, ça, et je pense que c'est nécesaire. Le rapport Parent nous a dit qu'il fallait un ministère de l'éducation, le mouvement syndical a appuvé cette partie du rapport Parent. Mais je pense que vous m'entraînez dans des diversions.

M. Johnson: C'est un peu comme le Code du travail, ça dépend de ce qu'il y a dedans.

M. Prévost: Pardon?

M. Johnson: C'est un peu comme le Code du travail, ça dépend de ce qu'il y a

dedans.

M. Prévost: Assez souvent. Cela dépend de deux choses, M. Johnson, ce qu'il y a dedans et de la façon dont on interprète ce qu'il y a dedans quand on est au pouvoir.

M. Johnson: C'est vrai.

M. Prévost: Alors, en terminant, M. le premier ministre, nous vous remercions de votre attention et nous sommes très rassurés, du fait que vous nous avez dit que nous étudierions clause par clause. Alors, nous vous remercions.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): S'il vous plaît, on demande de ne pas manifester.

M. Gagnon, voulez-vous vous identifier pour les fins de l'enregistrement?

Associations patronales

M. Gagnon (Jacques): Mon nom est Jacques Gagnon et je représente ici un groupe d'associations patronales qui se sont réunies pour étudier le projet de code et pour le renseignement des membres du comité, voici la liste des associations concernées.

M. Lesage: M. Gagnon, est-ce que vous allez donner la liste?

M. Gagnon: Oui. M. Lesage: Merci.

M. Gagnon: L'Association professionnelle des industriels. La Fédération de l'industrie et de la construction. Les Associations des industries de là forêt, de la pulpe et du papier. L'Association des mines de métaux. L'Association des épiciers en gros de la province de Québec. La Fédération du détail et des service du Québec. Le Montreal Board of Trade. L'Asociation des marchands détaillants du district de Québec. L'Institut des textiles primaires. La Corporation des maîtres électriciens. La Corporation des entrepreneurs en plomberie et chauffage et finalement, l'Association des manufacturiers canadiens.

Alors, M. le Président, M. le premier ministre, Madame, Messieurs du comité, nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de venir ici rencontrer le comité pour faire valoir certaines représentations au nom des organisations dont je viens de faire l'énumération.

Les divers groupes patronaux que je représente ont fait une étude en commun du projet de Code du travail. Je suis heureux de vous dire qu'ils se sont entendus sur l'attitude générale qu'ils désirent faire valoir sur l'ensemble du projet. En ma qualité de président de ce comité, l'on m'a confié l'agréable tâche de faire une déclaration préliminaire à ce sujet. Je tiens à noter toutefois que certaines associations feront connaître leur point de vue sur la disposition qui les concerne d'une façon spéciale et il y aura entre autres, présentation de mémoire par l'APl par l'Association, la Fédération de l'industrie et de la construction et la Fédération, je crois, des fabricants de chaussures.

Le rôle que joue dans l'économie du Québec les membres qui font partie des organismes dont j'ai nommé la liste est trop bien connu pour que je m'attarde à vous en parler en détail. Qu'il me suffise de noter que les industries et les commerces que représentent ces associations ont à leur emploi au-delà de 1,300,000 personnes. Ils paient en salaires un montant dépassant $4,500,000,000. Dans l'important domaine des relations patronales-syndicales, les organisations représentées ici, préconisent la reconnaissance de principes et l'adoption d'une ligne de conduite bien définie. 1. Les employeurs et les employés exercent des fonctions distinctes et il est de l'intérêt public que chaque partie respecte le champ d'activité et les droits de l'autre partie. 2. Les patrons et les travailleurs se doivent d'examiner, sans parti pris, les propositions faites par l'une des parties à l'autre en essayant de comprendre leurs besoins et problèmes respectifs à la lumière de leur interdépendance. 3. Il incombe à l'autorité publique d'assurer 1. qu'il y ait dans le domaine des relations du travail, un minimum de législation et de formalisme afin de laisser aux parties la liberté de déterminer les règles qui vont régir leus relations: 2. que la législation tienne des droits et obligations de chaque partie et finalement, que les lois qui assurent la sauvegarde des droits de tous les citoyens, soient appliquées rigoureusement.

Fn d'autres mots, nous croyons qu'il appartient à l'État d'indiquer dans leurs grandes lignes, les attributions des parties, attributions qui leur permettront de s'orienter et de trouver les moyens par lesquels elles pourront se tracer la voie à suivre au cours de leurs activités communes. Nous croyons que les deux parties sont les plus aptes et probablement les mieux outillées pour résoudre leurs propres problèmes elles-mêmes. En conséquence, l'intervention de l'État devrait être restreinte au strict minimum. Même sous certains aspects, le Code semble apparaître comme positif, et manifester un effet d'adaptation à la réalité changeante et dynamique du monde du travail.

Les employeurs ont lieu de s'inquiéter

de la portée de ce projet, pour plusieurs raisons. En effet, le nouveau code cherche, semble-t-il, à protéger les syndicats ouvriers contre les employeurs. Il s'agit en l'occurrence d'un projet lourd de conséquences si l'on tient compte des points suivants: 1. Le projet confère des avantages additionnels aux syndicats ouvriers. Par exemple, dans la procédure concernant l'accréditation ainsi que les changements qui pourraient être apportés aux certificats de reconnaissance, l'employeur ne pourra, à toutes fins pratiques, intervenir. C'est tout à fait inacceptable, car on ignore la présence de l'employeur qui est souvent en mesure d'apporter des précisions de nature à renseigner la commission des relations ouvrières. 2. Dans le même ordre d'idées, les nouvelles dipositions du Code réduiront la fonction de la commission à un travail de vérification des effets syndicaux, vu la législation formelle contenue dans le projet.

Par ailleurs, si l'on croit devoir référer les cas de congédiements à un juge seul, nous ne voyons pas pour quelle raison il faudrait créer à cet effet un tribunal spécial au lieu de faire entendre des cas par les tribunaux existants. 3. La retenue syndicale volontaire et révocable est tout simplement imposée d'autorité. 4. L'abolition des conseils de conciliation peut donner des résultats fâcheux et par le fait même ne serait pas nécessairement un changement des plus désirables. 5. L'ambiguïté à laquelle se prête l'interprétation de la disposition concernant l'aliénation partielle ou totale d'une entreprise peut avoir des conséquences désastreuses sur l'avenir économique de la province. Finalement, la présomption en faveur de l'employé et le fardeau de la preuve imposé à l'employeur dans les cas de griefs et de plaintes sont des mesures qui ne sont pas conformes a l'esprit de nos lois.

Dans son ensemble, le projet donne une tournure d'automatisme aux règles concernant les relations ouvrières, ce qui n'est pas tout à fait sous le régime actuel des lois du travail. Il prévoit des correctifs de portée générale qui en fait, ne peuvent s'appliquer qu'à des situations exceptionnelles. C'est ainsi qu'on légifère sur des questions qui relèvent traditionnellement du domaine de la négociation volontaire et qu'on crée une ooiigation de ce qui, jusqu'à maintenant, était facultatif et faisait l'objet de négociations entre employeurs et syndicats, processus d'ailleurs qui a apporté des solutions satisfaisantes dans la presque totalité des cas.

En voulant rendre obligatoire la retenue syndicale volontaire et révocable, l'Etat a décidé de se substituer à l'une des parties en lui enlevant, à toutes fins pratiques, un sujet de négociation. Il nous semble, dans les circonstances, que le législateur a agi d'autorité et n'a envisagé que l'aspect légal de la négociation.

Nous aimerions signaler que dans le contexte des relations patronales-ouvrières, il y a beaucoup d'autres dimensions que l'aspect légal et législatif. Il y a le côté social et il y a le côté psychologique. Deux aspects qui conditionnent l'atmosphère favorisant les relations harmonieuses et sur lesquelles on peut difficilement statuer.

La négociation de la convention collective est un domaine où le législateur ne devrait pas intervenir sauf pour prévenir des injustices. Il y a aussi évidemment l'aspect économique des relations du travail qui peut affecter particulièrement la rentabilité de l'entreprise qui souvent conditionne son existence et met sa vie en danger dans des cas trop fréquents hélas!

Il n'y a pas de doute que la négociation implique des questions techniques et légales. Mais elle implique aussi d'autres considérations qui touchent plus particulièrement les sentiments des travailleurs, des chefs de département, des chefs syndicaux, des représentants d'atelier, des contremaîtres et de la direction des entreprises, petites, moyennes ou grandes.

Pour bien comprendre le processus de la négociation, il faut considérer particulièrement deux aspects qui, à notre point de vue, ont une importance primordiale. En premier lieu, il y a tout le réseau des relations humaines. Et en deuxième lieu, il y a l'expression des sentiments.

Pour les fins qui nous intéressent, le réseau des relations humaines et l'expression des sentiments n'affectent pas seulement les représentants des deux parties a la table des négociations ou encore l'entreprise des syndicats comme telle, mais aussi les relations des chefs syndicaux avec leurs membres, des négociateurs patronaux avec la direction des entreprises et du personnel de maîtrise, particulièrement les contremaîtres avec les employés d'autre part qui sont membres d'un syndicat. Ce sont là des domaines au sujet desquels il est bien difficile de légiférer et pourtant, ces aspects de la condition humaine sont bel et bien présents dans les relations patronales ouvrières de chaque jour.

En effet, l'entreprise est une entité économique et sociale douée d'une existence propre. Elle n'est pas seulement le lieu de travail où naissent les conflits, comme semble le décréter le projet du code. Dans son désir de faciliter par voie législative l'établissement cie relations organiques, le législateur doit se garder d'imposer des obligations à l'une seulement des parties en

cause. Les distinctions injustes nuisent aux bonnes relations et peuvent même entraver les parties dans leurs négociations. Il en est de même des articles touchant les congédiements qui stipulent une présomption en faveur de l'employé. La disposition qui laisse entendre que seul l'employeur est tenu de changer de bonne foi sous peine d'amende est une de ces distinctions injustes qu'il faut éviter.

Dans un domaine où les relations humaines priment, il y a lieu de se demander si, en instituant de nouvelles méthodes ou en modifiant sensiblement la procédure comme on se le propose par exemple pour le régime de la conciliation, on ne court pas le risque de semer la confusion en voulant accélérer la conclusion de conventions collectives de travail par une autre diminution des délais qui avaient d'ailleurs été raccourcis déjà en 1961 et par l'élimination des conseils de conciliation qui, dans un nombre de cas, peuvent avoir une grande utilité pratique pour certaines entreprises qui n'ont pas les moyens financiers de se faire aider au point de vue technique. Ne court-on pas le risque d'obtenir, dans certains cas, des résultats désastreux?

Nous soumettons que le législateur devrait s'assurer que les changements qu'il apporte par ce projet n'ont pas pour effet de nuire à la paix industrielle. À ce sujet, nous demandons sérieusement s'il y a vraiment lieu de faire juger les causes de congédiement et de conflits intersyndicaux par un juge seul. Comme il ne s'agit pas ici strictement d'une question légale mais aussi d'une question d'équité et de bonne conscience, il nous semble que dans l'intérêt des parties et de la paix industrielle, on devrait maintenir le régime actuel d'un juge et de deux commissaires.

L'on devrait aussi songer aux conséquences d'ordre économique qui pourraient découler de l'application du code et il y en a. On doit se garder, nous semble-t-il, d'imposer des conditions à l'une ou à l'autre des parties en cause qui auraient pour effet de contrecarrer les mesures gouvernementales, susceptibles de présenter la province sous un jour le plus favorable et de l'aider ainsi à réaliser ses aspirations légitimes.

À ce sujet, l'on craint, par exemple, que certaines dispositions du code n'augmentent le coût de production du fait qu'elles pourraient être interprétées de façon à interdire, effectivement, la pratique tout à fait légitime de confier à des sous-traitants l'exécution de certains travaux.

Il pourrait s'ensuivre des résultats regrettables dont l'abandon de projets susceptibles d'assurer la création de nouveaux emplois. Nombre de petits entrepreneurs et de sous-traitants qui vivent de contrats qui leur sont octroyés par des employeurs dans le cours ordinaire des choses pourraient sombrer.

En conséquence, il en résulterait une atmosphère propre à décourager l'expansion et l'établissement de nouvelles industries. Nous ne croyons pas que le législateur devrait, par des textes ambigus, permettre que soit concédé par l'unique interprétation des chefs syndicaux ce qui, jusqu'à maintenant, pour des raisons considérées justes et valables, n'a été concédé dans la plupart des cas ni par la négociation, ni par l'arbitrage des griefs. Surtout dans des conditions économiques où les marchés ne sont nullement garantis aux entreprises qui toutes doivent faire face à une très grande concurrence tant dans la province qu'au Canada tout entier et dans certains cas, sur les marchés internationaux.

Dans la conjoncture actuelle, la loi ne devrait pas, à notre avis, accorder de protection statutaire à un groupe au détriment de la collectivité. Des associations d'employeurs qui sont représentées ici se rendent compte du fait que tous les intéressés se doivent d'accommoder leurs objectifs et leurs lignes de conduite, aux exigences du siècle.

Elles ont la ferme conviction par ailleurs que le rôle de l'État est de favoriser l'établissement de conditions propres, à assurer l'expansion générale par l'adoption de mesures appropriées. Nous croyons que dans le contexte actuel de la planification en vue de l'expansion économique du Québec, il est du devoir du législateur de favoriser la création et la maintenance d'un climat économique susceptible de faire grandir les industries actuelles et d'en attirer d'autres.

Historiquement et logiquement, la notion d'entreprise est antérieure à celle du syndicalisme. Au moment où il importe que toutes les parties composantes de la société entament le dialogue, nous croyons inopportun d'établir des conditions qui pourraient gêner les entreprises.

À part de présenter une codification générale ou désirable plutôt et de prévoir la nomination d'un administrateur délégué qui sera responsable du personnel de la commission et de l'administration de son gré, on peut demander dans quelle mesure, ce projet contribuera à améliorer le contexte actuel des relations patronales-syndicales, surtout si l'on considère que le projet, tel que présenté, ne constitue que la première tranche du Code du travail. Que nous réserve la deuxième tranche? Nous n'en savons rien, mais il est toutefois possible qu'un bon nombre d'articles du code actuel sur lesquels nous pourrions être d'accord, se révèlent à la lecture de la seconde partie inacceptables, pour un grand nombre de raisons valables.

Qu'il me soit permis de dire que le code tel que présenté semble sous certains asoects vouloir restreindre considérablement

les employeurs dans leur liberté d'action. Cette attitude ne tient évidemment pas compte du fait qu'au cours des dernières vingt années, les rapports entre employeurs et syndicats ont acquis un caractère généralement ordonné et équilibré. Il n'y a donc pas lieu de réglementer davantage les relations patronales syndicales. Pour cette raison, le législateur devrait tenir compte du fait qu'il y a aujourd'hui parité des forces en présence.

Nous tenons à rappeler qu'il y a eu accord au sein du Conseil supérieur du travail sur un nombre de dispositions de son projet de code et auxquelles les employeurs continuent de se rallier. Nous notons qu'on semble n'avoir reproduit dans le projet actuel que le texte de quelques-unes seulement de ces dispositions. Nous serions portés dans ce cas à préférer le texte original.

Nous remercions le comité de nous avoir donné l'occasion de faire valoir le point de vue des associations patronales. Qu'il me soit permis d'exprimer le regret que le temps mis à notre disposition pour l'examen du code soit insuffisant, parce que c'est un texte compliqué et lourd de conséquences qui aurait justifié une attitude approfondie que les circonstances nous ont refusées. Pour cette raison, je crois que nous nous rallions à la position prise par M. Marchand à l'effet que nous sommes prêts à consacrer tout le temps nécessaire, ici, pour faire l'étude des clauses du bill tel que présenté, point par point. Si cela prend deux semaines, nous sommes prêts à prendre deux semaines, et si cela en prend quatre, nous sommes prêts à prendre quatre semaines. Mais je crois que dans les circonstances, si la chose n'est pas possible, nous suggérerions pour cette raison que l'adoption du bill soit reportée à la prochaine session.

À tout événement, messieurs, les procureurs des diverses associations ou leurs représentants...

Une voix: C'est la meilleure phase...

M. Gagnon: ... se feront un devoir, s'il y a lieu, de donner leur point de vue respectif légal et canonique ou social au fur et à mesure que l'on étudiera ensemble les détails du projet de code. Merci bien.

M. Lesage: M. Gagnon, vous dites qu'historiquement et logiquement, la notion de l'entreprise est antérieure à celle du syndicalisme. Historiquement, je vais être plus clair, les premiers à travailler... C'est évidemment, mais logiquement?

M. Gagnon: Mais, je crois qu'il faut d'abord insister...

M. Lesage: Pourquoi dites-vous logiquement?

M. Gagnon: Parce que c'est l'entreprise qui est instituée au préalable qui fonctionne comme telle...

M. Lesage: Historiquement, cela...

M. Lévesque (Montréal-Laurier): Est-ce que la question d'esclavage va venir avant celle de l'entreprise ou en même temps?

M. Gagnon: Ah, je ne crois pas que c'est dans ce sens qu'on veuille...

Une voix: Historiquement...

M. Gagnon: Je ne crois pas qu'il s'agisse ici de relations entre maîtres et esclaves. Mais, au contraire, comme je le disais, ce sont des farces qui ont...

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Maintenant, merci. Si vous voulez, nous avons entendu M. Gagnon, nous allons entendre maintenant M. Lachance avec l'API. Ensuite, nous entendrons M. Garant.

Association professionnelle des industriels

M. Lachance (Jean-Louis): Mon nom est Jean-Louis Lachance, président de l'Association professionnelle des industriels.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lachance: M. le Président, M. le premier ministre, madame, messieurs, l'Association professionnelle des industriels a toujours, depuis sa fondation, attaché une très grande importance au domaine des relations patronales - ouvrières, et particulièrement, à la législation du travail.

Depuis vingt ans, elle a présenté des mémoires remarqués sur la question et son influence a été sensible. Ces jours derniers, elle a accordé une collaboration totale à l'élaboration d'une opinion patronale commune sur les différents articles du projet du Code du travail. L'API se devait, à titre de représentante d'employeurs, de faire partie de cette solidarité. Cependant, pas plus que les autres participants, elle n'aurait pu endosser toutes les réclamations de tous les groupes patronaux. Telle est la diversité en effet entre les différents secteurs d'entreprises.

Mais, cette diversité, inscrite dans les faits et dans la vie, nous croyons que la législation doit en tenir compte, non pas comme d'un obstacle à l'élaboration et à l'application de la loi, mais comme étant l'expression de besoins différents et légitimes. C'est cette même diversité qui justifie l'API de vouloir présenter en marge du mémoire commun des commentaires inspirés par la nature précise de son mandat.

Qu'il nous soit permis, messieurs, d'exprimer le regret que le temps mis à la disposition des organismes intéressés à l'examen du bill 54 soit insuffisant. Il s'agit, comme l'a dit M. Gagnon, d'un texte lourd de conséquences, dont l'esprit manifeste sous certains aspects un sérieux souci d'adaptation à la réalité changeante du monde du travail.

Il aurait fallu une étude et une médiation approfondie que les circontances nous refusent. Mais l'API insiste fortement pour que le gouvernement n'accorde pas à ce projet de loi une consécration prématurée.

Le Code du travail n'est pas une série de recettes ajustables selon les fantaisies de chacun. Il est vraiment un code, un ensemble de règles devant régir les rapports entre deux institutions éminemment respectables et importantes: l'entreprise et le syndicalisme.

Pour être vraiment valable, le Code du travail doit découler d'une éthique des institutions concernées. Et, si on nous affirme que cet examen a été fait, nous ne pouvons que répondre: L'entreprise et le syndicalisme moulés sur une société qui se transforme à vue d'oeil doivent être évalués de nouveau dans l'optique du Québec d'aujourd'hui.

La politique de planification, par exemple, exigera une collaboration constante de l'entreprise et du syndicalisme entre eux et avec le gouvernement sans que les partenaires renoncent à leur identité. Est-ce à dire que nous nous résignons au statu quoi? Si la planification doit se faire, il faudra bien que se modifient les modes de collaboration. C'est-à-dire, pour être précis, que c'est d'abord sur le problème fondamental du partage des fruits du conflit permanent entre les urgences sociales et les nécessités économiques, des séries d'échéances acceptables à toutes les parties que l'on doit miser. Ces ajustements seraient impossibles sans une orientation nouvelle de la lettre et de l'esprit qui régissent la négociation collective.

Cette demande s'appuie sur l'argument additionnel suivant: Le bill 54 n'est qu'une partie du Code du travail. Évidemment, les dispositions de la seconde partie du code affecteront certains articles du bill...

M. Lesage: Je m'excuse de vous interrompre, il ne faudrait pas être sous une fausse impression. Le Code du travail, c'est l'ensemble des lois ouvrières, mais cela, c'est la Loi des relations ouvrières complète. Les autres parties du code sont la Loi des accidents du travail, la Loi des établissements industriels...

M. Lachance: Mais il ne peut pas y avoir certaines...

M. Lesage: La Loi des conventions collectives, la Loi du salaire minimum.

M. Lachance: Mais, ne pourrait-il pas y avoir des indications venant des...

M. Johnson: Surtout dans la Loi des conventions collectives.

M. Lesage: Peut-être dans la Loi des conventions collectives. C'est l'extension du...

Une voix: La Loi du salaire minimum, la Loi du Code de procédure civile concernant les saisies d'immeubles, vous les...

M. Lesage: Tout ce qui touche à toute la législation, qui touche le travail et plusieurs parties du travail, c'est directement les relations patronales et ouvrières.

M. Lachance: Est-il recommandable, on pose la question, de donner force de loi à un texte qui pourrait être dépourvu de sa pleine signification? À tout événement, nous ne pouvons nous prononcer aussi bien sur l'ensemble que sur les détails du bill que sur la réserve d'inventaire.

La loi ne peut statuer que sur le concret, le réel. La législation ouvrière n'est donc préoccupée que des problèmes concernant les rapports entre le patron et l'employé tels qu'ils se présentent dans un ensemble de situations localisées dans le temps et dans l'espace. Le bill 54 s'applique donc au Québec d'aujourd'hui. Or, en dépit de l'affirmation générale exprimée plus haut, le bill 54 ne conserve-t-il pas, comme un relent de l'époque noire des relations patronales-ouvrières, les restrictions à l'endroit des sous-contrats, le fardeau de la preuve imposé à l'employeur dans les cas de griefs, tout ça constituant une condamnation implicite sinon une mise en tutelle de l'employeur considéré comme un mineur ou un sous-développé social? Je pense tout particulièrement aux petits employeurs. La nouvelle loi cherche, elle aussi, à protéger l'employé contre l'employeur dans une partie de son contexte et sous certains de ses aspects. Elle accule tous les employeurs à un dilemme susceptible de limiter considérablement leur liberté d'action. Cette attitude des législateurs ne provient-elle pas d'une notion des relations du travail que les faits contredisent en grande partie? Les rapports pour acquérir un caractère généralement ordonné dont les nombreuses conventions collectives sans histoire sont la preuve la plus réconfortante?

M. Bellemare: Très bien.

M. Lachance: Devant la négociation, l'employé n'est plus seul face à un maître omnipotent. Il apparaît souvent que la solitude du petit et moyen patron n'est pas moins évidente. L'évolution des positions respectives du syndicalisme et du patronat ne

justifierait-elle pas l'introduction dans le Code du travail d'une préoccupation plus exacte de la parité des forces en présence? Inspiré par le souci légitime, mais qui devient de plus en plus superflu, de la défense des droits de l'employé, les lois ouvrières aident à maintenir les positions d'affrontement traditionnelles. Le "bargaining power" est entré dans les moeurs de l'Amérique du Nord et la législation ne contribue pas a orienter l'évolution vers des solutions de détente. Les conséquences de cet état de fait sur la productivité, le niveau de vie, l'emploi sont sérieuses. Il serait peut-être temps d'élaborer et d'inscrire dans notre législation ouvrière une notion juste de l'entreprise considérée non plus uniquement comme le lieu de travail et des conflits de travail, mais comme une entité économique et sociale douée d'une existence propre, indépendante des individus, de permettre que s'établisse à travers l'application de la loi la distinction nécessaire entre les conflits d'intérêt inévitables et l'unité d'action essentielle à la poursuite efficace d'une oeuvre collective. C'est un problème de fond auquel nous aurions désiré pouvoir attacher plus de temps, mais encore une fois, le délai qui nous est accordé ne nous permet pas de le faire. La nécessité d'une telle définition apparaît davantage à mesure que se développent et se multiplient les entreprises d'État. Aussi longtemps que l'entreprise privée sera réduite a la définition de l'employeur telle qu'exprimée dans le bill 54, elle devra subir, ça nous semble, un préjudice considérable vis-à-vis de la corporation publique ou de l'entreprise d'État qui est parée du prestiqe gouvernemental et dotée de privilèges particuliers. Les conséquences de cette situation sont évidentes et risquent de compromettre le développement de la libre initiative. On ne peut évidemment pas demander au législateur d'accorder la reconnaissance juridique a des organismes qui n'existent pas, tel le syndicat des cadres dont la création relève des intermédiaires eux-mêmes. Ce n'est cependant pas le cas de l'entreprise dont la reconnaissance juridique pourrait contribuer fortement, croyons-nous, à orienter dans un sens plus positif les relations de travail.

L'API considère que cette partie du Code du travail comporte des améliorations sensiblement importantes. Certaines dispositions par ailleurs lui apparaissent inacceptables et ce sont nos procureurs qui, malheureusement, lors de la discussion article par article, vous feront valoir notre point de vue. Elle reste persuadée toutefois que c'est la base même des relations entre les hommes, entre les humains qui donne le ton a la législation. Elle forme le voeu que les dialogues engagés entre organismes autrefois indifférents ou ooposés s'accentuent et se multiplient. De rapports plus étroits et de l'étude des problèmes en commun naîtront les solutions bienfaisantes et la prospérité que nous voulons tous.

Nous ne saurions terminer notre exposé sans souligner la qualité des services que rendent à la cause des bonnes relations industrielles les officiers de la Commission des relations ouvrières. Pour nous particulièrement, nous pensons à Me Claude Avery, qui nous représente au sein de cet organisme. Nous tenons à remercier le gouvernement et vous-même, M. le Président, en votre qualité de ministre du Travail, de nous donner l'occasion d'ajouter ces quelques notes au dossier du bill 54. Merci.

M. Bertrand (Missisquoi): Très bien.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Garant. Après ça, nous demanderons l'Union des municipalités.

Corporation des instituteurs

M. Garant (Léopold): Léopold Garant, Corporation des instituteurs.

M. le Président, M. le premier ministre, messieurs, je vais essayer d'être bref, parce qu'il y a beaucoup de choses qui ont été dites, par exemple, par M. Marchand, au début, que nous pouvons endosser sans aucune réserve sur l'aspect général, si vous voulez, du Code du travail. Il est bien clair pour tout le monde qu'un code du travail, réunissant des lois qui ont déjà été amendées plusieurs fois, peut faciliter à tous l'utilisation des mécanismes de la législation syndicale; il rendra certainement service. Les instituteurs en particulier, nous avons utilisé ces mécanismes depuis un certain nombre d'années, mais pas depuis tellement longtemps. On courrait dire que notre expérience date de dix à douze ans. Nous considérons que cette législation nous a rendu énormément service. Nous croyons que nous devrons l'utiliser encore dans l'avenir pour plusieurs années.

La fonction d'instituteur commence à peine à être suffisamment attrayante pour attirer des talents nécessaires que la population réclame pour avoir de bonnes écoles. Il est donc nécessaire qu'on maintienne cette situation ou cette profession dans un état au moins d'attrait minimal qui nous permette d'obtenir le nombre suffisant d'instituteurs et d'institutrices avec une préparation suffisante. Nous croyons donc que nous devrons utiliser longtemps encore la législation syndicale.

C'est en 1960 que nous avons obtenu de la Législature le retour du droit à l'arbitrage pour la partie rurale, même si nous utilisons les mécanismes depuis une douzaine d'années. Il reste que, dans la partie rurale, dans 1400

commissions scolaires sur 1600, nous n'avions pas, jusqu'à 1960, le droit à l'arbitrage, c'est-à-dire, que les mécanismes de la convention collective n'ont pas joué du tout en notre faveur et la situation dans la partie rurale est restée extrêmement précaire. Donc, c'est seulement depuis 1960 que nous pouvons négocier des conventions pour les instituteurs et les institutrices dans la partie rurale avec au moins un minimum de chances de régler nos problèmes puisque nous avons le droit à l'arbitrage. Évidemment, cela a créé des problèmes aux commissions scolaires gouvernement parce que nous avons demandé des augmentations importantes dans plusieurs endroits. C'est facile à comprendre. En 1953, il y a seulement dix ans, la moyenne de salaires des institutrices était de $1050. Nous avions un grand nombre de non-diplômés; nous avions une pénurie considérable de titulaires dans toutes les écoles, dans toute la province. Aujourd'hui, après dix ans, nous sommes rendus à une moyenne de $2400 pour les institutrices dans la province; ça peut varier jusqu'à $2500, mais en tout cas, c'est la moyenne à peu près. On ne peut pas dire que c'est là encore un traitement exorbitant. C'est dire tout de même que la législation syndicale nous a rendu service et que nous devons continuer.

Dans le projet de Code du travail, tel qu'il nous est proposé, celui que nous avons étudié en fin de semaine avec la Corporation des instituteurs et institutrices et, précédemment, avec le Conseil consultatif de la fonction publique, on nous propose un nouveau système de tribunal d'arbitrage; nous craignons beaucoup ce nouveau système. Nous craignons que, avec ce nouveau système, dans très peu de temps, il sera presque impossible sinon inutile pour notre groupe, pour les instituteurs et institutrices de la province d'utiliser efficacement les mécanismes de la législation syndicale. Nous avons aussi examiné ce projet de code au Conseil consultatif de la fonction publique qui comprend neuf organismes regroupant environ 150,000 membres qui sont personnellement affectés par le projet de code. Tant au sein du Conseil de la fonction publique qu'au sein de la corporation, nous nous sommes entendus. Nous étions d'accord et spontanément pour vous indiquer certaines améliorations, entre autres aux articles 5, 50, 60 et au nouveau mode de tribunaux d'arbitrage de 83 à 87. Nous voulons en discuter avec le gouvernement et nous sommes prêts évidemment à collaborer à la recherche de toute solution...

M. Lesage: M. Garant, tout à l'heure, j'ai posé une question à M. Prévost qui ne voulait pas la création de ce tribunal d'arbitrage spécial. Quelle serait votre solution, vous?

M. Garant: J'en viens là, M. le premier ministre.

M. Lesage: Je pensais que vous vous réserviez pour une étude en détail, mais sur ce point, vous devez avoir votre idée dès maintenant.

M. Garant: Voici, pour tous les gens de la fonction publique, nous ne sommes pas dans la même situation évidemment que les autres salariés. L'État nous pose un dilemme, parce que, pour nous, l'État a deux fonctions bien distinctes. D'une part, ce sont les représentants élus par le peuple pour légiférer et voir au bien commun de la société avec qui nous devons collaborer avec tout le respect et le dévouement que nous pouvons avoir. D'autre part, étant donné qu'il participe aux frais, les salaires par exemple, dans le cas des instituteurs, il devient partie comme employeur et alors là, il y a une autre fonction et, d'après les coutumes, n'est-ce pas, lorsqu'il y a négociation de conventions entre employeur et salariés, les deux à la table de négociation négocient d'égal à égal. C'est toujours difficile de négocier d'égal à égal avec le gouvernement ou avec les représentants du gouvernement.

M. Bellemare: Surtout quand il n'est pas à la table.

M. Garant: Et quand il n'y est pas, c'est encore pire.

M. Bellemare: Non, il n'y est pas.

M. Lesage: C'est là le problème, c'est que nous ne sommes pas à la table.

M. Garant: C'est ici que les gens de la fonction publique - M. Marchand !'a mentionné tantôt - accepteraient que le gouvernement organise une commission royale d'enquête, par exemple, qui serait chargée d'étudier les mécanismes qui vont permettre...

M. Lesage: Vous avez des idées, M. Garant?

M. Garant: C'est une commission qui va étudier tout le problème.

M. Lesage: Nous sommes ici les représentants du peuple, les contribuables.

M. Garant: Ah! mais si vous voulez accepter d'être le genre de comité d'enquête, on va préparer toute la documentation qu'il faut, on va préparer tous les mémoires et on va vous faire quelque chose de précis.

M. Lesage: Vous n'avez pas des idées?

M. Garant: Mais pas pour ce soir, ça vient juste de sortir ça, il y a quinze jours, le Code du travail.

M. Lesage: Le problème existe depuis un bout de temps.

M. Garant: On peut peut-être vous proposer quelque chose demain. Mais ce que je veux dire surtout, M. le premier ministre, c'est que le problème tel qu'il est proposé, c'est-à-dire la solution telle qu'elle est proposée dans le code actuel, ça ne nous convient pas. On est prêt à chercher autre chose, ça ne nous convient pas pour plusieurs raisons. Ces raisons-là seront déterminées quand on étudiera les articles.

M. Lesage: Qu'est-ce que vous pensez de la suggestion de M. Prévost de traiter ça sur le plan provincial?

M. Garant: Nous admettons que le gouvernement a son mot à dire, parce qu'il paie, mais nous ne voulons pas que ce soit le gouvernement, l'autorité civile qui vienne, mais qu'il délègue quelqu'un qui soit présent aux négociations pour qu'on puisse travailler ensemble sur le même pied lors des négociations.

M. Lévesque (Montréal-Laurier): Vous n'êtes pas clair, M. Garant, vous dites que vous voulez que le gouvernement ne soit pas là tout en y étant.

M. Garant: Non, non, je veux qu'il soit présent à la table des négociations, mais non pas qu'il impose ses volontés indirectement, par un tribunal qu'il aura nommé.

M. Lesage: Non, vous avez dit que vous étiez contre le tribunal.

M. Garant: Contre le tribunal tel qu'il est proposé dans le code.

M. Lesage: Quand vous faites votre suggestion d'établissement d'un tribunal, il s'agit de membres de la judicature qui sont nommés à vie sur lesquels le gouvernement n'a pas le contrôle immédiat; ce ne sont pas des employés du gouvernement, les juges. C'est ça la proposition. C'est parce que je me demandais comment, autour d'une table, par exemple, la Corporation des instituteurs et le gouvernement, les représentants du gouvernement, nous pourrions arriver à négocier s'il n'y avait pas au-dessus un tribunal d'appel.

M. Garant: Cela, c'est une formule, une formule à condition que la négociation se fasse réellement.

M. Bellemare: M. Garant, je voudrais savoir si vous être favorable à déférer une décision d'un conseil de conciliation unanime à un ministre qui a le droit, la santé et la jeunesse de rappeler à l'arbitrage.

Des voix: Non, non. Unanimement, c'est non.

M. Lesage: Non, mais je regrette, je vous dis, avec toute ma responsabilité, il y a des cas où il y a eu unanimité.

M. Garant: Cela n'a pas de sens.

M. Lesage: Dans le cas des hôpitaux, d'ailleurs M. Marchand l'a reconnu lui-même, le gouvernement n'aurait pas dû être là comme négociateur.

M. Garant: Cela, c'est possible et ça doit être logique.

M. Lesage: Cela, tout le monde le sait.

M. Désilets (Ubald): Je suis Ubald Désilets, procureur de la Corporation des instituteurs que je représente avec M. Garant.

Dans le cas des hôpitaux, la situation n'est pas la même tout à fait.

M. Lesage: Pas tout à fait.

M. Désilets: Les hôpitaux, vous payez 100% de la note, disons 95%, il leur reste leur 40% de chambres.

M. Lesage: Oui, oui.

M. Désilets: À ce moment-là, je sais que les syndicats d'infirmières, je veux bien dire que j'en représente un certain nombre, au moins 1600, on a demandé au gouvernement: montrez-vous, venez vous asseoir à notre table, qu'on discute avec vous autres de la négociation. Seulement, je voudrais qu'au-dessus de ça par exemple, il y ait un pouvoir judiciaire, parce que, à ce moment-là, vous êtes un justicier comme moi; sans ça on n'est pas de la même taille. Ce n'est pas du tout ça, il faut un organisme judiciaire qui ne soit pas sous une sanction immédiate de l'État, avec une norme, sans ça, il suffit que le gouvernement dise: moi je ne paie pas plus que $60, on a eu des sentences qui n'ont pas excédé $60.

M. Lesage: Oui, je regrette, M.

Désilets, mais ce qu'on propose ici, l'établissement du tribunal, c'est que le gouvernement veuille nécessairement s'y conformer comme il se conforme à des jugements sur des pétitions de droit, c'est évident.

M. Désilets: Maintenant, à ce moment-

ci, vous...

M. Lesage: Là, vous n'êtes pas d'accord ni avec M. Marchand, ni avec M. Prévost.

M. Désilets: Voici, il y a une suggestion qui a été faite par la corporation. Je n'ai pas de mandat ici de contredire le président, pas du tout, seulement, je puis dire par exemple, qu'à un moment donné, la corporation a envisagé comme possibilité que le tribunal d'arbitrage soit constitué de la façon suivante. C'est ça vous demandiez des suggestions.

Chaque partie suggère son arbitre...

M. Bellemare: Pour les services publics?

M. Désilets: ... plus que les services publics, la fonction publique.

M. Bellemare: C'est ça.

M. Lesage: Oui, oui.

M. Désilets: Chaque partie suggère son arbitre, pas un assesseur, un arbitre. Bien nous, écoutez, c'est le sentiment qu'on a après plusieurs années de...

M. Lesage: Les arbitres ne sont jamais d'accord.

M. Désilets: Les arbitres sont souvent d'accord.

M. Lesage: C'est toujours le président qui décide.

M. Désilets: Les arbitres sont souvent d'accord. Le président, tantôt il est majoritaire avec les patrons, puis tantôt avec l'employé; ça veut dire que cela a eu son effet. Deuxièmement, que les parties s'entendent sur le choix d'un président. Si les parties s'entendent, pourquoi ne pas donner suite à cette entente-là, puis à cette harmonie-là. Et si les parties ne s'entendent pas, que l'on nomme un président parmi une liste faite par le Conseil supérieur du travail.

M. Lesage: C'est le système actuel ça?

M. Désilets: Ah non, ce n'est pas le système actuel, pas du tout.

M. Lesage: Les arbitres?

M. Désilets: Ah ce n'est pas du tout le système actuel. Les arbitres sont suggérés par les deux parties, puis le président est nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. Lesage: Mais s'ils sont d'accord, on le nomme.

M. Désilets: Non, il n'y a pas de possibilités. Dans notre secteur, on ne peut pas s'accorder sur...

M. Lesage: Dans votre secteur.

M. Désilets: Dans notre secteur.

M. Johnson: M. Désilets, vous faites une distinction tout de même entre les employés d'hôpitaux et les commissions scolaires, vous n'avez pas parlé de celles-là.

M. Désilets: Pardon?

M. Johnson: Vous parlez des hôpitaux, où vous aimeriez voir le gouvernement présent, pour négocier.

M. Lesage: Non, non, il parie des commissions scolaires.

M. Johnson: Parce qu'il paie la note. Verriez-vous le gouvernement présent pour négocier quand il s'agit des instituteurs?

M. Désilets: Écoutez, je veux bien distinguer n'est-ce pas, que j'ai exprimé le sentiment des clients que je représente dans les hôpitaux, ce n'est pas sur celui des instituteurs. Sur le sujet, la question précise que vous me posez, les instituteurs, en assemblée, on exprimé qu'ils ne voulaient pas négocier sur le plan provincial avec le gouvernement ou avec un autre. Ils sont prêts à négocier avec les commissions scolaires sur le plan régional, ça peut aller jusque-là. Mais il reste des distinctions, des divergences, des particularités à faire dans chaque région. Deuxièmement, ils ne sont pas prêts à négocier une convention collective avec l'État puis à l'appliquer avec les commissions scolaires.

Une voix: Ils veulent un employeur.

M. Lesage: La commission scolaire doit être partie, parce que, après tout, les membres de la commission scolaire représentent les "payeurs de taxes" et ce sont eux qui, au niveau local, imposent la taxe foncière.

M. Désilets: C'est ça.

M. Lesage: C'est ça. C'est comme vous disiez tantôt, il y a une distinction de ce côté-là avec les hôpitaux st c'est là qu'est la distinction fondamentale. Je sais que les commissions scolaires paient une partie et une partie qu'ils doivent, comme nous, prélever an taxe. Mais étant donné la contribution considérable de l'état, aux salaires des instituteurs directement, est-ce

que l'Etat ne devrait pas être partie à la négociation?

M. Désilets: Là-dessus, je vous dis ceci, je vous exprime le sentiment des instituteurs.

M. Lesage: Une troisième partie.

M. Désilets: Oui, oui. Voici: les instituteurs estiment qu'ils devraient négocier seulement avec les commissions scolaires. Deuxièmement, étant donné que la fédération des commissions scolaires demande, pour elle, l'octroi des privilèges que nous avons eus, à savoir: le droit de représenter en négociations plusieurs commissions scolaires, ce qu'elle ne peut pas faire actuellement, parce qu'aucune commission scolaire ne peut déléguer ses pouvoirs, si elle l'obtient ça, évidemment qu'on aime ça ou qu'on le déteste, il nous faudra négocier sur le plan régional et peut-être même davantage. Maintenant à ce moment-là, je devance. Je ne veux pas me faire blâmer par mes clients, parce que je suis avocat puis il faut que je gagne mon pain encore après demain moi. Si jamais l'État applique un plan dans lequel on saura ce qu'il veut investir dans l'éducation, ce qu'il veut investir en immobilisations, puis en personnel enseignant, là un tribunal indépendant pourra avoir une norme à appliquer qui va être au-dessus, puis indépendante du ministre. Cela me fera plaisir de plaider contre lui à ce moment-là, de négocier avec lui. Mais pas à ce moment-ci, pas à ce stade-ci, puis surtout pas devant un tribunal qui est nommé en quelque sorte par le ministre, où le ministre est partie et juge à la fois. On s'oppose à ça.

M. Lesage: Ce n'est pas ça qu'on propose, monsieur. Ce qu'on propose, c'est de nommer un magistrat.

M. Désilets: Nommer...

M. Lesage: Et ça serait comme le Tribunal de la sécurité routière, les magistrats seraient nommés comme magistrats et on en prendrait un certain nombre pour juger, pour être membres de ce tribunal et il y aurait rotation comme garantie.

M. Désilets: Je suis bien content de l'apprendre. Moi, j'ai pris la loi que vous avez écrite, puis vous dites "on nomme". Puis je sais Que le statut 1 de l'interprétation dit: quand on a le pouvoir de nommer, on a le pouvoir de décoller. Alors là, vous nommez un certain...

M. Lesage: Je m'excuse. Nous n'avons pas le droit, une fois qu'un magistrat est nommé à la Cour de magistrat, nous n'avons pas de droit de le "décoller", comme vous dites.

M. Désilets: C'est correct.

M. Lesage: ... de le dégommer.

M. Désilets: Mais ce n'est pas ce que vous dites dans le code.

M. Lesage: Oui. Le tribunal sera composé de magistrats de district, la même chose que le Tribunal de la sécurité routière.

M. Désilets: Ah bon, alors vous sélectionnez dans la liste des magistrats un certain nombre, vous choisissez un président, et maintenant il n'y a rien qui dit dans la loi que ce président, vous ne pouvez pas le changer si ça ne fait pas votre affaire.

M. Lesage: Pardon?

M. Désilets: Je dis que vous choisissez un certain nombre de magistrats, vous choisissez le président aussi, vous ne dites pas c'est le juge en chef, ce qui pourrait être indépendant, mais là...

M. Lesage: Mais non.

M. Désilets: 8on, vous en choisissez un et je dis ceci, je suis bien content qu'on me le dise, tant mieux si cela arrive...

M. Lesage: Mais oui, il ne peut pas être dégommé comme magistrat par le gouvernement c'est ça.

M. Désilets: Est-ce que je peux poser une question? Peut-il être dégommé comme président du tribunal d'arbitrage permanent par exemple?

M. Lesage: Pardon?

M. Désilets: Est-ce qu'il peut être dégommé...

M. Lesage: Certainement.

M. Désilets: Ah oui...

M. Lesage: Comme le président du Tribunal de la sécurité routière.

M. Désilets: Vous n'êtes pas satisfait de ces décisions, la sanction vous l'ôtez.

M. Lesage: Bien bon, mais vous autres vous vous plaignez aussi.

M. Désilet: Bien ça. On se plaint de... C'est pour ça qu'on...

M. Lesage: Si a un moment donné un juge a une tendance, qu'il est toujours du

côté patronal ou qu'il est toujours du côté ouvrier. S'il est toujours du côté patronal, je vous entends, M. Désilets, vous serez le premier à demander qu'il soit changé.

M. Désilets: Je demande un juge qui n'est pas changé. Un juge de la Cour de magistrat qui soit toujours d'un côté ou de l'autre, il reste juge.

M. Johnson: Mais vous demandez des normes, par exemple.

M. Désilets: Bien oui, je demande des normes. Le ministre s'y connaît en fait de normes. Vous étiez bien sage. Je m'étais promis de ne pas vous attaquer. Ce que je veux dire c'est que nous ne sommes pas du tout et puis ne buvons pas le cru de M. Provost. Ça c'est bien clair. Je ne veux pas laisser d'ambiguïté...

M. Lesage: "Nous ne buvons pas..." dites-vous?

M. Désilets: M. Provost dit ceci: "Nous voulons une négociation provinciale" et à un moment donné il dit: "ça c'est mon cru". Je veux qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. La corporation ne boit pas de ce cru-là; elle ne veut pas pour le moment, de négociations provinciales. On n'est pas prêt a devenir, demain matin, des fonctionnaires de l'État. D'accord, ça n'a rien de péjoratif pour les fonctionnaires de l'État. Nous autres, les instituteurs, on ne veut pas, demain matin, devenir des fonctionnaires de l'État. Un peu plus tard, on serait prêt à discuter nous autres.

M. Lesage: M. Désilets, j'ai été bien clair lorsque j'ai dit qu'il peut y avoir une négociation à trois. Et ça, vous croyez que c'est possible. C'est la question que je vous ai posée. Est-ce que le gouvernement ne doit pas être partie à la négociation? C'est ça ma question.

M. Désilets: Moi, je vous ai répondu que c'est immédiatement possible chez les infirmières; chez les instituteurs. On ne considère pas ça comme immédiatement possible. En tout cas, depuis une semaine qu'on a le code, on n'a pas vu encore une solution qui nous permettrait de vous dire cet après-midi: "Cela serait possible demain matin". Pour le moment, on dit ceci:...

M. Lesage: Ce tribunal d'appel, tribunal d'arbitrage, si la négociation bloque, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Désilets: Ce que j'en pense, je dis ceci: Il faudrait un système selon lequel ce tribunal aurait véritablement les deux critères judiciaires indispensables, c'est-à-dire l'indépendance voulue nécessaire vis-à-vis les justiciables.

M. Lesage: Alors, vous le voudriez pas qu'il y ait rotation.

M. Désilets: On ne /eut pas qu'il y ait...''

M. Lesage: Rotation chez les membres du tribunal.

M. Désilets: Sur ce détail technique-là... Notre position pour le moment, il y a deux choses qu'on ne veut pas particulièrement, c'est l'ingérence du ministre et puis le tribunal d'arbitrage, tel que suggéré dans la loi. Cela c'est catégorique.

M. Bellemare: Si, M. Désilets, le gouvernement, dans son enquête de taxation, trouvait les moyens nécessaires aux commissions scolaires de s'administrer toutes seules, il n'y aurait pas de problème.

M. Désilets: Il y aurait encore, pour nous autres, des problèmes de négociation. Malgré ce que je dis-là, ça ne veut pas dire qu'on n'est pas prêt à discuter article par article et faire des suggestions.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Nous allons revenir tantôt. Est-ce qu'on pourrait laisser finir M. Garant.

M. Garant: Je pense, M. le Président, que j'ai passablement fini. C'étaient juste des considérations générales. Et puis, en ce qui regarde les articles, au fur et à mesure qu'ils vont venir, bien, on en discutera à ce moment-là. Maintenant, le veux tout simplement ajouter un mot. C'est que, étant donné que le droit à l'arbitrage dans la partie rurale nous a été rendu seulement en 1960, les premières années, évidemment, vous ont causé plus de trouble: il va venir un temps où ça va se stabiliser et puis j'imagine que ça sera dans peu de temps...

M. Bellemare: L'article 25-A pourrait disparaître.

M. Garant: Oui. J'imagine que dans peu de temps, l'effet du droit a ''arbitrage qu'on a obtenu dernièrement va être atténué parce que la situation sera stabilisée, dans peu de temps.

M. Lesage: Alors, à huit heures, M. le Président...

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, à huit heures, nous commencerons par...

M. Lesage: Bien, M. Marchand voulait faire une remarque, je crois, alors... Si ça reprend une discussion, on peut attendre à huit heures.

M. Marchand: Non, ça va prendre juste une seconde. La seule chose, c'est que nous représentons une partie assez large de la fonction publique.

M. Lesage: Oui.

M. Marchand: Nous ne voudrions pas que le problème au mérite soit discuté accidentellement s'il est pour être sur la table ici nous voudrions...

M. Lesage: Il va y être, monsieur.

M. Marchand: ...avoir l'occasion d'élaborer un petit peu sur ce sujet-la et donner nos propres solutions.

M. Lesage: D'ailleurs, vous avez bien exposé le problème vous-même.

M. Marchand: Il y a deux principes auxquels nous allons tenir. C'est que là où l'État est appelé à écoper directement ou indirectement, nous acceptons que l'État intervienne. Cela, c'est un principe. Mais lorsqu'il s'agira de décider, nous n'acccepterons pas volontiers que l'État lui-même, directement ou indirectement, soit celui qui dirige le conflit. Alors, ces deux principes-là, je pense que nous pouvons tenter de trouver une formule autour de ça.

M. Lesage: Il ne faudrait pas partir de l'idée que les juges, c'est nécessairement l'État. Ce n'est pas...

M. Marchand: Non, non, mais seulement, il s'agira de savoir si celui qui le nomme réellement donne les garanties d'impartialité.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Messieurs, ce soir, est-ce qu'on pourrait demander que la table d'en avant là-bas soit divisée en deux, une partie patronale et puis une partie ouvrière ce côté-là. La raison est celle-ci: c'est qu'il y en a qui veulent à un moment donné prendre des notes et puis ils n'ont pas de table pour prendre leurs notes. Je pense que ce sont tous des patrons en avant.

(Reprise de la séance à 8 heures P.M.)

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Désilets a demandé...

M. Désilets: M. le Président, M. le premier ministre, la corporation fait la proposition suivante: que, comme le premier ministre l'a fait remarquer cet après-midi, ce document de travail-là, est l'oeuvre de plusieurs individus, de techniciens, des gens de métiers, des gens qui s'y connaissent. Quant à ma cliente...

M. Lesage: Merci pour les individus, dont je suis, avec le ministre du Travail.

M. Désilets: Évidemment, je fais allusion à ceux que vous avez mentionnés, des associations d'employeurs, puis des techniciens, en outre des membres du conseil.

Maintenant, mes clients, les institutrices et les instituteurs, ont eu la dernière fin de semaine pour l'étudier. Ils sont actuellement en classe et en examen. Tout ce que nous avons pu consacrer à l'étude de ça, c'est samedi et dimanche, samedi dans l'avant-midi, dans l'après-midi et dans la soirée puis dimanche. Il nous a été impossible de faire une étude complète et satisfaisante du document. Alors, j'ai instruction...

M. Lesage: D'après ce que j'ai lu dans les journaux, vous avez l'air à le connaître pas mal.

M. Désilets: Bien, on a pris certaines positions. Mais vous nous avez demandé cet après-midi de nous exprimer sur des solutions.

M. Lesage: Mais si vous aimez donner vos opinions aux journaux avant de venir les donner au comité, ça vous regarde.

M. Désilets: Sur des questions de principe, mais vous nous avez demandé d'exprimer des opinions et des solutions sur des points particuliers.

M. Bellemare: Ce n'est pas le seul non plus qui a fait ça.

M. Désilets: Alors, ce que nous demandons au gouvernement, c'est d'ajourner pour nous permettre de consulter nos membres.

M. Lesage: J'ai bien l'intention d'entendre tous ceux qui sont ici, M. Désilets, et de ne pas recommander au président de mettre votre motion aux voix, motion que vous n'avez pas le droit de faire, d'ailleurs.

M. Désilets: Ce que je demande, pour mes clients, c'est la permission de pouvoir étudier ce document. J'ai fait ma demande.

M. Lesage: On se fait dire par les unions ouvrières pendant des années, qu'on

est en retard; quand on arrive, là, on va trop vite.

M. Désilets: Pour eux, ce que nous disons, c'est que le document que vous venez de sortir, nous avons eu une fin de semaine pour le considérer et nous voulons nous faire entendre davantage, et pour ça, il faut avoir le temps de l'étudier, puis consulter nos membres qui sont actuellement en classe, en examen. Enfin, j'ai fait mon application, le gouvernement disposera.

M. Lesage: C'est ça, très bien.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): L'Union des municipalités, M. Mongrain.

L'Union des municipalités

M. Mongrain (J.-A.): M. le Président, M. le premier ministre, Madame, MM. les ministres, MM. les députés, messieurs, je représente ici l'Union des municipalités de la province de Québec qui est l'union des maires et des conseillers municipaux de cette province. Nous représentons 208 cités et villes sur une possibilité de 227 probablement, ce qui représente aussi une population de 3,400,000 citoyens.

M. Johnson: Montréal n'est pas là?

M. Mongrain: Montréal est inclus, oui. Mes collègues m'ont choisi pour des raisons évidentes... Ce ne sont probablement pas celles que vous pensez.

M. Bellemare: S'il y en a un qui le sait, c'est moi.

M. Mongrain: C'est que la ville de Trois-Rivières et le maire de Trois-Rivières sont actuellement l'objet de 160 poursuites de la part d'un syndicat ouvrier. Vous admettrez que c'est un record et tout ça dans l'espace d'un an.

Heureusement, les gens de la CSN et du FLQ, non, vous avez remarqué que M. Provost a protesté tout de suite, de la Fédération des travailleurs du Québec rendront le témoignage à la ville de Trois-Rivières et à son maire qui se sont toujours entendus.

Tout de même, ces 160 poursuites ont donné l'occasion au maire de Trois-Rivières, d'étudier la législation ouvrière plus probablement qu'il l'aurait étudiée dans des circonstances normales. Et au nom de mes collègues de l'Union des municipalités, M. le premier ministre, vous admettrez que ça doit être vrai parce que j'ai déjà eu l'occasion de vous dire des choses moins agréables. Nous venons vous dire que ce projet de code du travail, bill 54, nous trouvons que c'est un excellent début. Nous pensons que c'est un bon projet parce que nous sentons tout le long de ce projet qu'il a été inspiré par un souci évident du bien commun, un souci de protéger la majorité contre des pressions indues et quelquefois des coups de force de certaines minorités qui n'envisagent pas les problèmes peut-être au palier où ceux qui sont les élus du peuple doivent les envisager. Je ne dis pas ça pour vouloir déprécier ce que les représentants des unions ont voulu dire ici. J'ajouterai même que nous sommes d'accord avec eux sur un assez grand nombre de questions et de façon tangible. Je rappellerai encore qu'en ce qui concerne ma municipalité, nos relations sont excellentes avec les unions et les syndicats qui veulent marcher dans le sentier de la vertu.

Nous voudrions, M. le Président, exprimer notre satisfaction, en particulier, de voir que vos conseillers et le gouvernement ont tenu compte d'un assez grand nombre de suggestions que l'Union des municipalités avait faites en juillet dernier dans un mémoire qui fut présenté à l'honorable ministre du Travail.

Nous voudrions aussi ajouter, M. le Président, que nous aimerions tout de même que l'Union des municipalités, qui représente les maires et les conseils municipaux de cette province, puisse avoir une représentation au Conseil supérieur du travail ou à toute autre commission qui aurait à intervenir dans le domaine des relations entre employés et employeurs au municipal. Si on se rappelle que nous représentons 3,400,000 citoyens et 201 municipalités, vous admettrez que nous devenons des employeurs importants et que nous aurions notre mot à dire pour une raison supplémentaire, c'est que les relations entre employeurs et employés dans le service public ne sont pas toujours les mêmes que les relations entre employeurs et employés dans l'industrie privée.

Nous souhaiterions aussi, M. le Président, que parmi les juges que vous allez nommer sur ces tribunaux du travail, il y ait un certain nombre de personnes compétentes en droit municipal, en droit scolaire et, enfin, toutes ces choses connexes. Et, nous croyons que ce serait nécessaire que ces choses se fassent.

Certains penseront que dans certaines de nos attitudes, nous avons laissé l'impression que nous sommes des antisyndicaux, des antiunionistes. Rien n'est si loin de la vérité. La preuve, c'est qu'à peu près 50% des membres des conseils municipaux de cette province sont des unionistes, des syndiqués ou des ouvriers qui bénéficient de ce que les unions et Ses syndicats accomplissent chez nous. Et les autres qui ne le sont pas, bien, ils doivent se rappeler qu'à tous les deux ou trois ans, ils ont des élections et, alors, les unionistes s'intéressent à leurs affaires, en bien ou en

mal. Alors, ça nous oblige toujours d'avoir la conscience en éveil et ne jamais oublier que nos préoccupations à nous doivent être inspirées par le bien commun. Mais, j'insiste pour dire que nos préoccupations à nous, les conseils municipaux, s'apparentent un peu à celles d'un gouvernement provincial, par exemple, ou d'un gouvernement fédéral qui doit examiner les questions d'un palier supérieur, peut-être, à ce qui préoccupe ceux qui sont chargés simplement des destinées des unions et des syndicats. Ils ont tout de même notre sympathie et nous souhaitons, les membres des conseils municipaux, avoir souvent l'occasion de siéger autour de la table ronde, faire des sortes de conférences au sommet, en dehors des négociations directes dans des cas spécifiques, pour pouvoir établir certains principes généraux sur lesquels nous nous accorderons avec les principaux dirigeants syndicaux qui ont fait la preuve qu'ils ont assez d'intelligence et le souci du bien commun pour faire un dialogue objectif et puis accepter certaines conclusions qui pourraient être communes aux deux parties.

M. le Président, je vous répète, et j'ai instruction de le dire, je le dis en mon nom personnel aussi, nous sommes satisfaits de ce Code du travail. Nous croyons que c'est un excellent début. Nous sommes heureux de voir que vous avez consulté toutes les parties, les syndicats, les unions, les employeurs, et j'ai l'impression que vous allez même entendre l'Opposition. De tout ça, il va certainement sortir une loi qui, dans les circonstances, va être la meilleure. Et nous savons aussi qu'au cours des sessions futures de la Législature, il sera toujours possible de l'amender et de la rapprocher de cette perfection que nous souhaitons tous.

Monsieur le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Les ingénieurs professionnels, M. Bournival. Nous entendrons ensuite la Fédération des Commissions scolaires qui est représentée par M. Dumesnil, je pense. Pierre Bournival, Corporation des Ingénieurs.

Corporation des ingénieurs professionnels

M. Bournival (Pierre): M. le Président, monsieur le premier ministre, Madame et Messieurs les membres du comité, la Corporation des Ingénieurs professionnels du Québc n'a pas attendu que le Code du travail soit publié, pour s'intéresser aux dispositions qu'il contient. Depuis un an déjà, vous avez annoncé qu'il y aurait une modification à la loi des relations ouvrières et nous avons, dès l'an dernier, nommé un comité d'étude pour se préparer à venir vous rencontrer aujourd'hui. Nous avons intérêt dans cette loi, en ce qu'elle prévoit dans une de ses dispositions que la loi ne s'applique pas aux membres des professions qui sont visées aux chapitres 262 à 275, corporations professionnelles qui ont leurs propres lois comme tout le monde le sait. La justification de notre position est contenue dans un mémoire que vous avez eu l'amabilité de recevoir il y a quelques semaines, alors que nous avons démontré que la disposition de la loi qui nous intéresse était pleinement justifiée. Je crois qu'il serait abuser du temps des membres de ce comité si j'entreprenais la lecture de ce mémoire ce soir; cependant, il est disponible, je vous en remettrai chacun une copie si vous le désirez et nous considérerons que notre point de vue aurait été suffisamment développé étant donné que la disposition qui nous intéresse en est une que nous appuyons entièrement. Nous considérons que la loi à cet égard est désirable et répond à l'intérêt public. Elle répond non seulement à l'intérêt public, coyons-nous, mais aussi au désir de nos membres qui a été maintes fois exprimé et que l'étude d'une année dont je viens de parler, a permis de retracer et de remettre sur une base, disons plus moderne, telle que les conditions valent aujourd'hui.

Cette étude a été entreprise par un comité qui comprenait des représentants des ingénieurs qui sont dans l'administration inférieure, des ingénieurs de ce qu'on appelle en anglais "junior management" - c'est l'administration intermédiaire - et de la haute administration. Le résultat de leur étude a été publié dans le Bulletin qui a été distribué à nos 11,000 membres dans la province de Québec. Nous avons reçu quelques commentaires défavorables, mais aucun mouvement qui soit assez important; c'est normal que dans un groupe démocratique, il y ait des divergences de vues surtout parmi des gens qui n'ont pas eu l'avantage de se renseigner entièrement sur la question. Je crois qu'en bref, nous pouvons dire que nous croyons avoir le droit de nous associer dans le genre d'organisation qui répond le mieux à nos besoins et aux besoins de la population, du public. Nous avons choisi la forme d'une corporation professionnelle comme étant mieux adaptée à nos besoins et aux besoins du public et nous croyons que s'il devenait nécessaire de changer la méthode par laquelle les ingénieurs ainsi que les demandes des autres professions libérales sont groupées, il nous appartiendrait de venir faire des représentations que sans aucun doute, on écouterait avec bienveillance.

M. Lévesque (Laurier): Prenez votre mémoire ici; si vous vous référez à l'exclusion des professionnels, y compris les membres de votre corporation, du droit d'association normal...

M. Lesage: Bien je vois le sujet.

M. Lévesque (Laurier): ...le droit d'association syndicale, c'est à cette

disposition-là que vous vous référez?

M. Bournival: Oui, je me réfère à la disposition de la loi des relations ouvrières.

M. Lévesque (Laurier): Est-ce que l'argument alors qui a été invoqué cet après-midi par exemple et c'est vrai, singulièrement dans votre profession, de gens qui sont des salariés dans de gros bureaux dont les patrons sont des patrons à leur point de vue et eux sont des salariés ne permet pas à votre avis quand même de considérer que ça peut être, un droit additionnel pour vos ingénieurs, non seulement de faire partie de la corporation, mais de pouvoir s'unir sur des bases syndicales.

M. Bournival: Bien si on examine la question d'un point de vue d'intérêt général, comme le comité cherchait à le faire cet après-midi, après ça d'un point de vue d'intérêt particulier...

M. Lesage: Voulez-vous répéter s'il vous plaît, je ne pouvais pas suivre.

M. Bournival: Pardon, monsieur le ministre. Si on examine la question au point de vue du principe de l'intérêt général de la législation, nous avons soumis dans le mémoire dont vous recevrez copie ultérieurement qu'il y aurait deux obstacles majeurs qui se présenteraient à ce que les membres de notre profession comme ceux des autres professions, soient soumis à la loi des relations ouvrières et à ses dispositions, à ses avantages et à ses faiblesses.

Savoir que d'abord il y aurait une incompatibilité entre les responsabilités que les membres des professions ont vis-à-vis le public, et le droit de grève qui est un droit qu'on veut reconnaître et, comme M. Prévost l'a dit cet après-midi, qu'il faut le moins possible limiter et brimer. Donc, première incompatibilité au point de vue de l'intérêt général. Le deuxième, c'est que dans le cas des ingénieurs à tout le moins et de la plupart des autres professions, comme les comptables à qui j'en parlais récemment, il est à peu près impossible de faire la distinction qui est nécessaire dans les conditions de négociations entre employeurs et employés, à savoir où l'ingénieur se situe. Est-ce qu'il est vraiment dans l'administration? Nous prétendons que oui. Ou s'il est un salarié, un employé comme la plupart des employés le sont? Or, dans l'entreprise...

M. Lévesque (Laurier): Excusez, M. Bournival, je veux juste voir si vous avez dans un bureau d'ingénieurs, la tendance, dans votre profession, d'arriver au bureau, d'autant plus de gros bureaux conseils, où les ingénieurs non seulement sont de l'Union mais en fait sont des salariés. À ce moment-là, vis-à-vis du Code, l'ingénieur qui est responsable comme vous dites, au point de vue social, qui est l'inqénieur associé, le salarié, lui vous lui enlèveriez quand même, dans l'intérêt de la profession à votre point de vue, le droit de s'unir syndicalement?

M. Bournival: Oui. Remarquez que j'ai parlé à peu près exclusivement des ingénieurs qui sont employés sur une base de rémunération annuelle à titre de salariés. Les autres, je crois qu'il n'en est même pas question, les ingénieurs-conseil. Je parle des professionnels salariés, que ce soit des ingénieurs ou même des comptables; c'est la même chose pour tout le monde. Le principe que nous avons soumis, nous croyons qu'il s'applique à ces gens-là, à savoir qu'eux ne devraient pas jouir du droit de grève et deuxièmement, que ces professionnels salariés, dans la plus grande partie des cas, même s'ils sont salariés, font partie de l'administration; ils occupent des postes de direction, soit à un niveau junior lorsqu'ils sortent de l'université, mais après quelques années ils sont vite dans l'administration des entreprises. Par conséquent, il deviendra difficile de savoir avec qui ils négocieraient puisqu'ils sont eux-mêmes dans la direction de l'entreprise. Alors, ça c'est le point de vue, je dirais, général et le point de vue particulier, ce qui...

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Quel est le nombre de vos membres dans la Corporation?

M. Bournival: Dans la province de Québec, nous comptons 11,000 ingénieurs qui sont membres de la Corporation.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Dans la province. Combien là-dessus sont salariés et combien sont leur propre patron, avez-vous une idée?

M. Bournival: Il faut compter parmi nos membres salariés, et le résident du C.P.R., de Canadair, et puis de toutes ces compagnies-là, qui sont de nos membres et je dirais que dans une proporotion de 30% sont salariés.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Quelle est la proportion? Vous avez la proportion?

M. Bournival: Oui, c'est la très grande majorité, la proportion est de 80%.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): La très grande majorité sont des salariés?

M. Bournival: Dans une proportion de

80%, ils retirent leur revenu à titre de salaires.

M. Lévesque (Laurier): Vous-même, M. Bournival, vous êtes salarié de la Corporation.

M. Bournival: Je suis un permanent.

M. Lévesque (Laurier): Un beau jour, vous n'êtes pas content, vous et votre bureau; professionnellement, vous aimez mieux vous en aller plutôt que de pouvoir vous unir pour réclamer.

M. Bournival: Évidemment, nous avons des situations de rechange, M. le ministre, nous ne sommes pas négatifs, au contraire, nous sommes très positifs et nous croyons que dans la formule des corporations professionnelles, lorsqu'elle est améliorée et modernisée, il se trouve des éléments satisfaisants de réponse aux problèmes de communications entre les professionnels et leur patron. Nous avons établi ce que nous appelons des groupes de communications à l'intérieur des entreprises. Nous en avons un à l'Hydro-Québec qui fonctionne très bien et qui groupe les 300 ingénieurs de l'Hydro-Québec et qui est tout à fait satisfait de la situation actuelle au point de vue de législation. C'est pour cette raison que nous appuyons le bill tel qu'il est.

M. Bellemare: M. Bournival, est-ce que dans la définition du mot salarié qui paraît au début de la loi, c'est dans les exceptions que vous touchez présentement; je ne comprends pas la...

M. Bournival: C'est la clause 1m3, qui dit que le mot salarié ne comprend pas une personne appartenant à l'une des professions visées aux statuts refondus.

M. Bellemare: Et surtout à la direction d'une compagnie...

M. Bournival: C'est là aussi, mais dans une autre clause, ça fait partie de la même chose...

M. Bellemare: Les fonctions de direction d'une compagnie...

M. Lesage: Non, non, mais c'est général pour tous les ingénieurs, tous les membres d'une profession, tous les avocats.

M. Johnson: Oui, mais dans le cas de plusieurs ingénieurs, il y a cette raison additionnelle de direction...

M. Bournival: Je n'ai pas compris, M. Johnson.

M. Johnson: Dans le cas des ingénieurs, le député de Champlain a raison, je crois; il y a dans plusieurs cas cet élément additionnel de participation à la direction, plus ou moins.

M. Bournival: C'est très juste, c'est le cas de l'immense majorité des ingénieurs qui, après quelques années d'apprentissage dans l'industrie, sont vite admis dans les fonctions d'administration, à un niveau inférieur, intermédiaire et finalement, dans bien des cas, à titre...

M. Johnson: M. Bournival, prétendez-vous que la corporation des ingénieurs et sa charte sont assez étendues ou pourraient l'être par des amendements, pour jouer le même rôle ou avoir la même utilité qu'une union?

M. Bournival: Nous avons eu une opinion légale, à l'effet que la loi telle qu'elle est et telle qu'elle est réécrite dans un bill que nous avons présenté au gouvernement pour amender notre loi, contient les dispositions nécessaires pour nous permettre non seulement d'identifier vis-à-vis du public qui est ingénieur, non seulement pour contrôler la conduite professionnelle de nos membres, ce qui sont les deux buts essentiels de notre loi. Mais comme troisième but également, de permettre ce que vous venez de dire, de voir au bien-être social et économique de nos membres, ce que nous n'avons pas attendu cette année pour entreprendre d'ailleurs puisque déjà depuis une quinzaine d'années, nous fournissons des statistiques à nos membres sur les salaires qui sont payés aux ingénieurs et nous leur fournissons aussi des services de conseillers techniques, de conseillers en relations industrielles.

M. Lévesque (Laurier): Au point de vue exploitation à l'intérieur de la profession.

M. Bournival: Dans ces cas où il y aurait de l'exploitation de certains de nos ingénieurs par d'autres ingénieurs, évidemment, nous avons certaines dispositions du code d'éthique qui l'interdisent et que nous avons cherché à mettre en vigueur. En plus de ces dispositions-là, nous avons aussi les mécanismes dont je parlais tout à l'heure qui sont les groupes de communication qui permettent à des ensembles d'ingénieurs salariés et d'un grand nombre, dans les grandes entreprises, de pouvoir communiquer entre eux et établir certaines revendications qui ne sont pas de nature de négociations collectives parce que nous voulons nous éloigner de cette formule-là, à l'intérieur de notre profession. Nous croyons que les rapports individuels sont plus efficaces.

M. Lévesque (Laurier): Autrement dit, ils veulent s'unir, mais pas de syndicat.

M. Bournival: Ils peuvent s'unir à l'intérieur de leur corporation professionnelle et les mécanismes qu'elle produit le sont non pas dans l'esprit mais dans les besoins que les syndicats on réussi à établir. D'ailleurs à ce point de vue-là, je crois qu'il serait peut-être opportun, M. le Président de dire que notre attitude n'a rien d'antisyndical, nous croyons que les syndicats remplissent une fonction extrêmement importante dans la société, qu'ils ont fait leur preuve pour les ouvriers et pour d'autres groupes de salariés qui pouvaient être démunis. Nous croyons que dans les professions, nous avons certains avantages que la société et que l'État nous a donnés qui nous rendent responsables et qui doivent nous priver de certains avantages que les syndicats ont. Comme le droit de grève et ces choses-là, dont nous nous séparons volontairement dans le plus grand intérêt public.

M. Gervais: Est-ce qu'il n'y a pas déjà eu un mouvement au sein de votre section vers le syndicalisme?

M. Bournival: Il y a plusieurs mouvements vers le syndicalisme, c'est très juste, surtout aux États-Unis, depuis une vingtaine d'années et après avoir fait l'expérience, les ingénieurs américains entre autres, se sont aperçus que c'était une expérience qui n'était pas à leur avantage. Nous croyons que cette formule n'est pas adaptée encore une fois à nos besoins et qu'elle n'est pas d'intérêt public, et nous l'avons abandonnée. Nous avons fait des référendums parmi les ingénieurs, pour connaître leur point de vue et ils nous ont confirmé dans cette opinion-là, et tout récemment, ce comité a fait une étude et une enquête qui a révélé les mêmes tendances.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Bournival, vous allez déposer votre mémoire, n'est-ce pas?

M. Bournival: Oui; nous en avons déjà déposé une copie à votre bureau, M. le ministre, et nous en aurons une copie pour chacun des membres du comité et nous l'enverrons par la poste.

M. Johnson: M.. Bournival, pour les États-Unis, n'est-il pas exact que récemment un groupe d'ingénieurs s'est affilié à une centrale syndicale?

M. Bournival: Ils ont eu plusieurs expériences de cette nature. Dans certains cas, ils étaient isolés comme syndicat d'ingénieurs seulement; dans d'autres cas, ils se sont affiliés à des grandes centrales et dans les deux cas, on a observé des inconvénients sérieux qui ne vont pas avec la nature de l'ingénieur, l'enrégimentation et la standardisation des fonctions qui ne sont pas tout à fait aptes à des gens qui appartiennent à une profession.

M. Johnson: M. Bournival, voulez-vous demander au ministre, avez-vous assez de pouvoir pour défendre les ingénieurs d'Hydro-Québec contre le ministre des Richesses naturelles?

M. Bournival: Je crois que vous nous donnez une bonne occasion.

M. Lévesque (Laurier): ...dit autant sous l'ancien régime.

M. Bournival: Je crois que le progrès d'Hydro-Québec, qui date de plus de dix ans déjà, est une bonne illustration du fait que les ingénieurs ont toujours eu accès à la haute direction de l'entreprise. C'est une des raisons principales pour lesquelles nous croyons que le syndicalisme pour les ingénieurs n'est pas le même besoin que pour les ouvriers, parce que les membres de profession sont tout près de la direction des entreprises, peuvent facilement parler en tout temps avec leur patron et négocier sur une base individuelle. Les améliorations sont nécessaires.

M. Lesage: Les relations ont toujours été bonnes.

M. Bournival: Les relations ont toujours été faciles, ont toujours été profitables et la preuve c'est que la profession est prospère.

M. Lesage: Alors, vous aimez bien ne pas prendre le risque que cela se détériore.

M. Johnson: Même sous l'ancien régime.

M. Bournival: J'aimerais cependant, noter, M. le Président, qu'il y a comme dans tout groupe, parmi 11,000 membres, quelques personnes qui voient les choses différemment et qui peuvent exprimer des points de vue contraires à celui que je viens d'exprimer, mais le point de vue que j'ai exprimé est celui de notre conseil, élu par nos membres, basé sur une étude d'un comité qui, encore une fois, travaille à la chose depuis un an, depuis que le premier comité nous a annoncé que la loi serait amendée.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Très bien.

M. Dozois: ...chacun, environ...

M. Bournival: C'est assez difficile à

dire, nous avons reçu peut-être une vingtaine de lettres à la suite de la publication de la substance de notre mémoire à tous nos 11,000 membres.

M. Lévesque (Laurier): Vous n'avez pas fait de référendum...

M. Bournival: Nous n'avons pas eu besoin de faire de référendum récemment. Nous en avons fait un en 1949, lorsque la Loi des relations ouvrières a été amendée et que certains pensaient que ce n'était pas conforme à nos besoins.

M. Lévesque (Laurier): Et depuis 1949, vous n'en avez pas eu?

M. Bournival: Sur la Loi des relations ouvrières proprement dite?

M. Lévesque (Laurier): Sur le statut de vos membres...

M. Johnson: Non, non, ils font des élections, ils font comme le gouvernement au lieu d'un référendum.

M. Bournival: Nous avons...

M. Lesage: Comme au Barreau.

M. Bournival: Nous n'avons pas senti le besoin, lorsqu'il ne nous a pas été exprimé, de faire un référendum sur cette question, étant donné que nous sentions l'unanimité de la profession derrière la position que le conseil prenait. Et tout récemment, le conseil en bonne démocratie encore, a été substantiellement changé et la moitié des membres qui ont été élus au conseil représente des ingénieurs qui sont dans l'administration disons inférieure dans les compagnies.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Les salariés.

M. Bournival: Oui. Nous croyons que les ingénieurs en tout temps, font, a toutes fins pratiques, partie de l'administration...

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Allez-vous nous remettre votre mémoire ce soir, monsieur?

M. Bournival: Je vais vous en remettre une copie immédiatement M. le ministre.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Très bien.

M. Bournival: Et les autres par la poste dès demain.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Très bien, merci monsieur.

M. Bournival: Merci beaucoup monsieur.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): La fédération des commissions scolaires.

Une voix: On ne peut pas faire de commentaires tout de suite.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Après ça, nous entendrons l'UCC M. Bouchard est là.

M. Johnson: La réplique, c'est l'an prochain, M. Marchand...

M. Lesage: Cela, c'est ce que pense le chef de l'Opposition. Ce n'est pas nécessairement ce qui va se produire, monsieur.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Voulez-vous vous identifier pour l'enregistrement?

Fédération des commissions scolaires

M. Dumesnil (Mario): Mario Dumesnil, procureur de la fédération des commissions scolaires:

M. le Président, M. le premier ministre.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Pourriez-vous élever la voix, monsieur?

Une voix: Oui, plus fort.

M. Lesage: Une bonne voix de politicien.

M. Dumesnil: La Fédération des commissions scolaires.

Une voix: Il faudrait un amplificateur.

M. Dumesnil: La fédération des commissions scolaires est en faveur du orojet de loi sous la réserve de faire certaines remarques lors de l'étude des articles. Comme l'Union des municipalités, nous présenterons un mémoire. Nous aimerions, par exemple, que soit étudiée la question d'une définition des conditions de travail entre autres. Également sur l'article 60, nous ferons nos remarques lors de l'étude du bill article par article.

En conclusion, la fédération est en faveur du projet de loi. Merci.

M. Lesage: Écoutez, je voudrais bien vous poser une question, étant donné qu'on a eu l'opinion de M. Marchand, de M. Provost, de M. Désilets, de M. Garant pour les négociations. Est-ce que les commissions

scolaires seraient prêtes à ce que le gouvernement soit une troisième partie aux négociations, quand il s'agit des salaires des instituteurs et des conditions de travail évidemment?

M. Dumesnil: La position de la fédération sur cette question, est à l'effet que nous aimerions mieux pour le moment que les discussions relatives aux négociations se fassent entre la corporation et la commission scolaire concernée.

M. Lesage: Oui.

M. Dumesnil: C'est l'attitude de la fédération pour le moment.

M. Lesage: Et puis, et nous là? Qu'on paie.

Une voix: Cela vient par surcroît.

M. Dumesnil: C'est pour ça que j'ai dit tout à l'heure, M. le premier ministre, "pour le moment". Si l'enquête sur la fiscalité donne...

M. Lesage: Non, non, je n'attendrai pas le résultat de l'enquête sur la fiscalité pour régler cette affaire.

M. Dumesnil: Même là, M. le premier ministre, nous croyons que les commissions, d'une façon générale dans la province, lorsqu'il y a eu des conventions collectives faites de gré à gré, ont étudié la question et ont signé des conventions collectives de gré a gré qui étaient réellement bien fondées.

M. Lesage: Bien, il y a la question des conditions de travail.

M. Dumesnil: La question des conditions de travail, c'est une chose un peu plus difficile.

M. Lesage: Ou nombre d'heures, du nombre d'élèves, des normes quoi.

M. Dumesnil: Les normes, c'est un peu plus difficile cette question-là et c'est pour cela que nous aimerions que dans le projet de loi soit définie la question de travail, ce qu'est une condition de travail?

M. Lesage: Cela fait partie des conventions collectives.

M. Dumesnil: Cela dépend, M. le premier ministre, pas de toutes les conventions collectives. Il y a plusieurs conventions collectives où il n'est pas question de normes. Il y a plusieurs conventions collectives où il en est question. Mais règle générale, la tendance actuellement dans les commissions scolaires sur la question des normes, est de ne pas les accorder aux instituteurs. Nous disons que nous nous en référons aux décisions du ministère. Alors sur les normes, cela ne pose pas de problème cette question-là.

M. Lesage: Pas de problème.

M. Dumesnil: Non, M. le premier ministre. Par l'expérience que j'en ai et l'expérience que nous en avons actuellement, il n'y a pas de problème de ce côté-là.

M. Lesage: Est-ce que vous voudriez, comme M. Désilets, que les négociations aient lieu sur une base régionale plutôt que sur une base de commission scolaire individuelle?

M. Dumesnil: Sur une base régionale, nous serons en faveur.

M. Lesage: Vous seriez d'accord avec la Corporation des instituteurs là-dessus.

M. Dumesnil: Oui, par région économique sur une base régionale. D'ailleurs, c'est déjà commencé dans certaines associations diocésaines. Vous avez...

M. Lesage: Cela, je sais, oui.

M. Dumesnil: ...l'Association de Montréal, par exemple.

M. Lesage: Mais sur les principes, vous êtes d'accord avec les instituteurs.

M. Dumesnil: Nous sommes d'accord, oui, sur une base régionale.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez. Le premier ministre vient de faire une déclaration qui m'intéresse beaucoup, mais qui doit intéresser plusieurs des corps qui sont ici, entre autres, la CSN et le Conseil consultatif de la fonction publique. Le premier ministre dit: "Je n'attendrai pas pour régler ce problème que le rapport...

M. Lesage: C'est le problème de l'arbitrage...

M. Johnson: ...sur la fiscalité soit réglé...

M. Lesage: ...la négociation dans les hôpitaux, les commissions scolaires...

M. Johnson: Voici. La CSN et le Conseil consultatif ont demandé qu'on fasse une enquête a part et qu'on traite ce problème à part, qu'on ne bâcle pas trop

rapidement le code parce qu'on veut régler ce problème-là tout de suite.

M. Lesage: On a demandé ça au début et, par la suite, je pense que nous avons eu des discussions qui peuvent nous amener à une solution. On a parlé aussi du Conseil supérieur du travail, mais n'oublions pas que nous avons ici une assemblée beaucoup plus représentative que le Conseil supérieur du travail devant nous. Et je crois qu'il appartient aux législateurs d'entendre les représentations de tous les groupes intéressés sur chacun des articles et que l'audition doit être complète.

M. Johnson: Par ailleurs, M. le Président, si vous le permettez, la déclaration du premier ministre pose un autre problème. Est-ce qu'on doit éliminer comme possibilité que l'enquête sur la fiscalité donnera aux commissions scolaires plus de pouvoirs, plus de sources de revenus...

M. Lesage: Je ne l'élimine pas. Je ne traverse jamais une rivière avant d'arriver au pont, vous le savez.

M. Johnson: Je comprends, mais si les commissions scolaires avaient plus... Si on en arrivait à la conclusion et si le gouvernement faisait suivre ça d'une législation appropriée que les commissions scolaires doivent avoir plus de revenus, à ce moment-là, le gouvernement serait beaucoup moins intéressé dans les conventions collectives. Et puis l'autonomie des commissions scolaires serait, à ce moment-là, respectée ou beaucoup mieux sauvegardée.

M. Lesage: Très bien. Si on peut trouver des sources de revenus additionnelles pour les commissions scolaires, il est évident qu'il faudra amender les lois au cours d'une session. Et quelle que soit la décision que nous prenons à ce moment-ci ou à la prochaine session, alors que nous n'aurons pas le rapport de la commission d'enquête sur la fiscalité quant à la participation gouvernementale aux négociations pour les instituteurs, si, à un moment, il devient possible de prévoir que les commissions scolaires auront leurs sources complètes de revenus sans qu'elles aient à compter sur le gouvernement... Comme ministre des Finances, j'ai hâte de voir ce jour-là, je vous l'avoue. Si, à un moment donné, ça se produit, fasse le ciel que ça arrive, à ce moment-là, c'est aussi facile d'amender les lois qui prévoient la participation du gouvernement à la négociation que d'amender les lois fiscales. C'est aussi simple que ça. Il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Après M. Lévesque, nous entendrons le Conseil patronal du bâtiment.

Fédération des travailleurs forestiers de l'UCC

M. Lévesque (Léopold): Je suis Léopold Lévesque, directeur du service forestier de l'UCC.

M. Lesage: Parlez fort, M. Lévesque.

M. Lévesque (Léopold): Nous représentons ici la Fédération des travailleurs forestiers de l'UCC qui groupe plus de 15,000 travailleurs en forêt actuellement. Alors, il est peut-être bon de justifier un peu notre présence puisque en fin de compte, même si nous avons un peu moins d'intérêt que nous en avions au bill 13, il reste quand même que le Code du travail vient de faire un grand pas pour les travailleurs forestiers. Et nous devons tout d'abord féliciter les autorités du gouvernement et ceux qui ont mis la main à la préparation de ce Code du travail pour avoir enfin compris que les travailleurs forestiers avaient, eux aussi, le droit de s'associer et de s'unir sans avoir à surmonter les difficultés qu'ils ont eues jusqu'à présent.

En effet, pour la première fois, le Code du travail viendra à leur secours tant pour leur faciliter le droit d'association et surtout lorsque dans le Code du travail, on permet présentement aux organisateurs de syndicats de rencontrer les travailleurs de la forêt, ce qui n'existait pas auparavant.

C'est donc un immense pas, ne serait-ce que cette clause qui donne le droit aux organisateurs syndicaux de pénétrer en forêt pour rencontrer les travailleurs de la forêt. Cependant, nous avons quelques petites inquiétudes. Évidemment, il s'agit de la reconnaissance de l'employeur en forêt. Il est évident que le code démontre qu'il est possible à la Commission des relations ouvrières, à un moment donné, de certifier des employés ou une union vis-à-vis des entrepreneurs ou peut-être même des sous-entrepreneurs. À ce moment-là, il est évident que l'organisation syndicale en forêt est pratiquement nulle ou équivaut à rien puisque ces gens-là, selon l'expérience que nous avons à ce jour, n'ont aucun pouvoir de négociation vis-à-vis de l'union parce que leur piastre dépend des exigences des contrats que l'industrie forestière voudra bien donner à ces gens-là. Et si l'union tente de négocier des conditions de salaires, des conditions de travail avec ces employeurs-là, à ce moment-la, évidemment, ils nous disent tout simplement que nous n'avons aucune autorité. Nous aimerions savoir si nous aurons, d'abord, des contrats, deuxièmement, si l'industrie elle-même va accepter les revendications que vous faites au nom des

employés et ce qui veut dire que ça met l'union dans une impasse, particulièrement au sujet de la négociation.

Un autre point que nous voulons souligner, c'est que...

M. Lesage: M. Lévesque, avant que vous nous expliquiez ce point-là.

M. Lévesque (Léopold): À l'article 2, deuxième paragraphe.

M. Lesage: Le concessionnaire forestier est, pour les fins des chapitres 2 et 3, réputé employeur de tout salarié employé à l'exploitation forestière de ces terres. Ce sont ceux qui sont employés au transport routier.

M. Lévesque (Léopold): Oui.

M. Lesage: La commission peut cependant reconnaître une association d'employeurs comme représentant de tous les employeurs faisant l'exploitation forestière des terres d'un concessionnaire forestier ou d'une partie déterminée de ces terres. Cette association est alors réputée employeur de la façon ci-dessus indiquée. Mais il faut que ce soit une association.

M. Lévesque (Léopold): Oui, il faut que ce soit une association; évidemment, une association d'entrepreneurs...

M. Lesage: Non, vous comprenez que la règle, c'est le concessionnaire. Mais justement à cause de ce que vous venez de dire.

M. Lévesque (Léopold): Mais l'association d'employeurs dont il est question ici.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Le concessionnaire, c'est la compagnie forestière.

M. Lévesque (Léopold): C'est la compagnie forestière, très bien. Mais vous avez le détenteur du permis, le permissionnaire, par exemple, qui est peut-être un entrepreneur et un groupe d'entrepreneurs qui s'associent dans un district donné, sur le territoire d'une comDagnie, sur les terres de la couronne, peut être certifié par la commission. À ce moment-là, ce sont les intermédiaires, en somme, qui existent entre l'union et l'employeur réel.

M. Lesage: Oui, mais ce n'est pas l'association des entrepreneurs d'un concessionnaire. C'est une association d'entrepreneurs.

M. Lévesque (Léopold): C'est l'association d'un entrepreneur et d'un concessionnaire.

M. Lesage: Oui, ça peut être ça aussi. Mais là, si tous sont ensemble...

M. Lévesque (Léopold): Même si tous sont ensemble.

M. Lesage: Mais là, alors, la négociation évidemment va se faire à la connaissance du concessionnaire.

M. Lévesque (Léopold): À la connaissance du concessionnaire, mais seulement il n'a aucune responsabilité vis-à-vis des employés dans le contrat que l'union va signer pour ses employés avec son intermédiaire...

M. Lesage: Vous en voulez donc au deuxième paragraphe?

M. Lévesque (Léopold): Bien, c'est ça. M. Lesage: Le premier vous satisfait.

M. Lévesque (Léopold): Le premier nous satisfait. On n'a pas d'objection au premier.

M. Lesage: Bon, par ailleurs le deuxième paragraphe.

M. Lévesque (Léopold): Le deuxième paragraphe.

M. Lesage: Le premier, c'est ce que vous voulez?

M. Lévesque (Léopold): Le premier, le concessionnaire, c'est ce qu'on veut. Que ce soit lui qui soit considéré comme l'employeur réel, puis en réalité c'est lui aussi. D'ailleurs, jusqu'à présent, la pratique a fait cas de ça puisque je crois qu'il y a très peu d'entrepreneurs certifiés à ce jour. Ce sont les concessionnaires, en réalité, les employeurs réels, les industries forestières, les compagnies qui sont certifiées jusqu'à maintenant.

M. Lesage: Oui.

M. Lévesque (Léopold): Ensuite, un autre point qui nous préoccupe. C'est que l'expansion des mots "exploitation forestière" n'est pas aussi grande que dans l'ordonnance 39 que vous avez actuellement en vigueur qui va, par exemple, jusqu'aux employés qui travaillent aux barrages, aux routes, aux lignes de transmission qui passent en forêt. Tous ces gens-là, elle ne les couvre pas ici.

M. Lesage: Bien non, mais tout salarié employé à l'exploitation forestière de ces

terres sont tous ceux qui sont employés au transport routier...

M. Johnson: Cela ne comprend pas tous ceux qui sont occupés à la "slash".

M. Lévesque (Léopold): La "slash", les lignes de transmission, les barrages... Et il y en a d'autres aussi.

M. Johnson: Votre juridiction à vous, ce sont les employés en forêt.

M. Lévesque (Léopold): Les employés en forêt tels que définis ici, que ce soit en tant qu'exploitation forestière, l'ordonnance 39 actuelle...

Évidemment, il faut quasiment que ça se suive.

Il y a un troisième point, à part quelques petits points, mais ce n'est pas grave. Il s'agit de l'accréditation au sujet de la majorité absolue. Vous savez qu'en forêt, étant donné le travail saisonnier, c'est assez difficile de recruter à longueur d'année. Nous sommes pris pour recruter environ deux mois par année, trois mois au plus, sans quoi, si nous recrutons, par exemple, dans le temps de la drave, on peut nous objecter: Bien, ce ne sont pas la nos opérations principales et puis la majorité de nos employés ne sont pas là. Même dans le temps de la coupe; si bien que des grandes compagnies vont ouvrir, par exemple, 25, 30, 40 camps. Ils vont en ouvrir 10 d'abord. Ils commencent par ça, puis ils disent: "Bien, vous ne pouvez pas le certifier sur 10, 12 camps, vous allez en avoir 35."

Ce qui veut dire qu'à ce moment-là, pendant que les dix premiers finissent, on en ouvre d'autres. Jamais on n'a pu avoir la majorité absolue en forêt. C'est un problème.

M. Lesage: Est-ce que vous avez l'ordonnance 39 ici?

M. Bertrand (Missisquoi): Vous l'avez dans le code, à la page 316.

M. Lesage: Qu'est-ce qu'il y manque? Ça va m'éviter de...

M. Lévesque (Léopold): Exactement...

M. Lesage: C'est parce que j'avais l'intention - je sais que les industries forestières sont représentées - de leur demander de faire leurs commentaires tout de suite après ce...

M. Lévesque (Léopold): L'expression "exploitation forestière" désigne, pour les gens de la province, l'ordonnance ou l'une des opérations suivantes: la coupe, le transport, le chargement du bois a bord des bateaux ou wagons de chemin de fer, l'écorçage et le tronçonnement du bois avant le chargement sur ledit bateau ou wagon...

Une voix: D'accord.

M. Lévesque (Léopold): ...mais ne comprend pas les travaux de transformation du bois sorti de la forêt. Sont également considérés comme exploitations forestières les usines ou établissements où l'on fait le sciage ou le façonnage du bois exclusivement pour les fins d'opérations forestières. Cette expression comprend également le déboisement de la forêt en vue de la construction des chemins, de l'autoroute, du barrage, des lignes de transmission et de tout autre travail du même genre. On voudrait que la définition soit étendue, c'est ça. Les divers travaux qui se font à part de la coupe ordinaire.

Alors, messieurs du comité, nous vous remercions de l'opportunité que nous avons eue de présenter notre point de vue et nous tâcherons de les discuter lorsque viendront...

M. Bellemare: M. Lévesque, une question. Dans le dernier paragraphe, deux, "sauf ceux qui sont employés au transport routier..."

M. Lévesque (Léopold): Oui.

M. Bellemare: Est-ce que ça s'applique pour ceux qui font, par exemple, le charriage du bois à la rivière?

M. Lévesque (Léopold): Ah, ça ne s'applique pas à ça. Le transport routier, à ce moment-là, je ne pense pas que ça comprenne...

M. Bellemare: Il y a des chemins en forêt...

M. Lévesque (Léopold): Par le transport routier, ils veulent dire les routes principales où on camionne...

M. Bellemare: On transporte de la "pitoune".

M. Lévesque (Léopold): Le transport routier et le transport de la "pitoune" doivent être compris. Le transport de la "pitoune", je ne sais pas si vous l'entendez comme transport routier...

M. Bellemare: Je vous pose la question. Je veux savoir ça, parce que c'est marqué "sauf".

M. Lévesque (Léopold): "Sauf", je le sais bien. Ah, évidemment, ce sont des points qui vont venir là...

M. Bellemare: Non, mais qu'est-ce que vous en pensez, vous?

M. Lévesque (Léopold): Ce que j'en pense, voici. C'est que tout transport routier concernant les exploitations forestières doit être inclus dans la loi.

M. Bellemare: Même si c'est donné en contrat...

M. Lévesque (Léopold): Même si c'est donné en contrat à des compagnies de camionnage, quand ça se fait en forêt. Sorti de la forêt, on n'y a plus d'affaire...

Une voix: Une fois qu'il est sorti de la forêt...

M. Lévesque (Léopold): Une fois qu'il est sorti de la forêt, on n'a plus d'affaire là. Il se fait beaucoup de transport à l'intérieur de la forêt. À ce moment-là...

M. Lévesque (Laurier): Ce qui reste, essentiellement, si j'ai bien compris, de l'ordonnance 39, oui ne serait pas compris dans le sens de ces mots-là, ce serait la "slash", les barrages et les chemins d'accès, les chemins dans le bois...

M. Bertrand (Missisquoi): C'est ça, la construction des camps dans la forêt, ces choses-là qui concernent l'organisation dans la forêt...

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Maintenant, M. Morin, vous allez nous excuser. On va entendre l'industrie forestière. M. Gagné, je pense qu'il représente l'industrie forestière.

Une voix: Nous autres, on est d'accord avec l'UCC, en tous les cas. C'est juste une information, comme ça.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):À l'ordre! Vous allez vous identifier.

Associations des industries forestières du Québec

M. Gagné (Jean-H.): Jean-H. Gagné, représentant de l'Association des industries forestières du Québec.

M. le Président, M. le premier ministre, madame, messieurs, j'ai fait distribuer un document qui contient nos commentaires et des textes suggérés. Nous avions pensé...

M. Lesage: Oui, évidemment, quand on arrivera aux articles, M. Gagné, Nous sommes en discussion générale, mais simplement, j'aimerais que vous fassiez des commentaires sur ce que vient de dire M. Lévesque.

M. Bertrand (Missisquoi): Des commentaires généraux.

M. Lesage: Vous dites que vous n'avez aucun commentaire sur la définition de "exploitation forestière"...

M. Gagné: Aucun commentaire.

M. Lesage: Avez-vous des commentaires à faire sur ce que M. Lévesque a...

M. Gagné: Bien, par exemple, sur un point. Quand M. Lévesque dit que la situation particulière ou le caractère particulier des opérations forestières qui fait en sorte que les campements s'ouvrent tranquillement, si vous voulez et que le nombre d'employés varie, le nombre de camps varie, je crois que l'article 27 du code répond à l'inquiétude de M. Lévesque sur ce point-là.

M. Lévesque (Laurier): Mais, M. Gagné, votre première remarque, à l'article deux, touche exactement ce que disait M. Lévesque. Vous voulez que la commission puisse reconnaître non seulement l'association d'employeurs, mais un "jobber", par exemple. Vous dites comme employeur au sens de la loi, celui qui fait l'exploitation des terres d'un concessionnaire ou d'une partie de ces terres. Donc, un gars qui avait un permis de coupe, par exemple, de la CID ou d'une autre compagnie serait réputé employeur sur les terres dont il a...

M. Gagné: C'est-à-dire qu'il pourrait être...

M. Lévesque (Laurier): C'est ça.

M. Gagné: Voici. Si nous prenons, comme exemple... D'acord, je réponds à la première question, l'article 27. À mon avis, l'article 27 permet à la commission, justement par règlement, d'établir une procédure d'accréditation spéciale pour les employés de la forêt. Alors, M. Lévesque dit: "Il est difficile pour nous d'avoir la majorité absolue". Je ne crois pas, parce que suivant ce règlement qui sera préparé par la commission, il sera prévu qu'une requête pourra être présentée à telle période de temps donnée.

Le jour où la requête est présentée, c'est ce jour-là que le syndicat doit avoir sa majorité, ce n'est pas la veille, ce n'est pas le lendemain.

M. Lesage: Mais pour ce qui est des relations entre les concessionnaires forestiers et leurs entrepreneurs, je comprends que les petits "sous-jobbers" eux n'ont pas grand-chose à dire avec le prix qu'ils reçoivent, mais est-ce qu'il n'y a pas de grands entrepreneurs comme, pour en nommer quelques-uns, M. Jean Crête, M. Murdock...

M. Gagné: Oui, il y a...

M. Lesage: Eux, ce sont ceux qui, réellement, fixent les salaires?

M. Gagné: Définitivement.

M. Lesage: Qui sont les véritables employeurs.

M. Gagné: Qui sont les véritables employeurs.

M. Lesage: Même s'ils ne sont pas ces concessionnaires forestiers.

M. Gagné: Exactement.

M. Lesage: Par exemple, pendant des années, à ma connaissance, moi, à Saint-Raymond-de-Portneuf, M. Murdock coupait sur les concessions de Consolidated Paper.

M. Gagné: C'est exact.

M. Lesage: Mais ce n'est pas lui qui était le patron.

M. Gagné: C'est lui qui est le patron et au surplus, prenons le cas de M. Murdock, il négocie depuis de très nombreuses années des conventions collectives de travail pour ses salariés et...

M. Lesage: Sans être le concessionnaire forestier.

M. Gagné: Sans être le concessionnaire et ces conventions-là sont appliquées. Il semble que les unions avec lesquelles nous faisons affaires s'en portent bien. Au surplus, lorsque M. le ministre Lévesque a dit: "Concessionnaire forestier", bien là, vous précisez au paragraphe 2 de l'article 2 que ça peut être un employeur unique comme le cas de MM. Murdock ou Crête. Ça peut être une association de petits entrepreneurs. Eh bien, je prétends, à la lecture de la loi, particulièrement l'article 1p, que dans la définition de la loi, l'employeur unique, si vous voulez, celui qui a obtenu le droit de coupe, cela peut être trois catégories de personnes, ou de corporations si vous voulez: le détenteur du droit de coupe d'abord, le propriétaire du fonds ou le détenteur du permis de coupe. Or, comme, suivant la Loi des terres et forêts, il n'y a qu'un seul genre de permis de coupe et c'est le permis de coupe usuel qui est accordé par le gouvernement sur les terres publiques, nous sommes d'avis que le législateur a voulu ici également inclure celui qui a le droit de coupe du détenteur du permis de coupe. Alors, il y a l'employeur unique, le propriétaire du permis de coupe, le "free holder", comme on l'appelle, celui qui possède Se fonds, en d'autres termes, des termes concédées, puis celui qui a son exploitation sur des terres de la couronne, des terres publiques. Alors, toutes les corrections que nous avons apportées n'ont été faites qu'en regard de ces trois catégories d'employeurs.

M. Lévesque (Laurier): Si vous permettez, moi, je ne suis pas un expert dans la forêt, mais je lis le texte. Vous avez d'abord le détenteur du droit de coupe de bois, ça, je crois... Si je me trompe, vous pouvez me corriger. Il me semble que ça, ça va avec une concession; pour autant qu'il y a une concession, le droit de coupe va avec. Ce droit de coupe peut être cédé par le détenteur, mais ce serait le troisième cas, je crois. Le détenteur du permis de coupe à qui on a cédé - je mets ça au positif - le droit de coupe, c'est-à-dire le tiers qui détient le permis d'un concessionnaire.

M. Gagné: À mon humble avis, M...

M. Lévesque (Laurier): Parce que, par exemple, les grandes compagnies, - si vous permettez, c'est parce qu'on connaît de ces cas-là - disons dans les régions de Hull ou dans les régions n'importe où dans la province, disons la compagnie CIP, dit à M. Untel: "Vous allez pouvoir couper tel genre de bois sur ma concession parce que celui-là, je vous le cède pour tant la corde. C'est un tiers qui devient permissionnaire d'un gars qui a la concession.

M. Gagné: M. le ministre, j'ai parcouru la Loi des terres et forêts et dans la Loi des terres et forêts, l'on ne parle que de permis de coupe. Alors, le permis de coupe, ce sont les termes fondamentaux et le permis de coupe est accordé à un concessionnaire sur les terres de la couronne et ce détenteur du permis de coupe peut, lui, donner un droit de coupe à un entrepreneur.

M. Lévesque (Laurier): C'est ça.

M. Gagné: Alors, il y a d'abord, si on veut procéder dans l'ordre, il y a le propriétaire du fonds, lui peut opérer son exploitation forestière et alors, il n'a pas besoin de permis de coupe. Il opère lui-même. Alors, il est l'employeur.

M. Bertrand (Missisquoi): C'est ça, c'est ça. Et ensuite, le propriétaire d'un permis de coupe sur les terres de la couronne, lui, peut opérer lui-même aussi. Alors, il est l'employeur et le propriétaire du fonds aussi bien que le propriétaire du permis de coupe peut donner le droit de coupe à un entrepreneur qui est John Murdock, M. Crête ou d'autres.

M. Lévesque (Laurier): Si je comprends bien, le texte dit bien, d'après le texte qu'on a, que le concessionnaire forestier ne peut pas être ce troisième là, dans le texte qu'on a.

M. Gagné: Oui.

M. Lévesque (Laurier): Parce que le texte dit: Concessionnaire forestier, c'est le détenteur du permis de coupe lorsqu'il n'a pas cédé le droit de coupe à un tiers.

M. Gagné: Oui, c'est justement. C'est pour redéfinir, à mon avis. Il y a peut-être une redondance, mais lorsque le détenteur de permis de coupe n'a pas cédé le permis de coupe, son droit de coupe à un tiers, alors il est l'employeur. S'il l'a cédé à un tiers, le concessionnaire forestier est le détenteur du droit de coupe. À ce moment-là, alors il a cédé à un tiers et s'il l'a gardé pour lui-même, s'il fait l'exploitation, l'employeur, c'est le propriétaire du fonds ou le concessionnaire, parce que nulle part dans la Loi des terres et forêts, on ne parle de droit de coupe.

M. Lesage: Non, ce n'est pas là-dessus que j'en suis. Excusez, M. Lévesque voudrait dire un mot, mais simplement, j'aimerais bien que ça soit enregistré. M. Lévesque, venez vous installer à côté de M. Gagné.

M. Lévesque (Laurier): Le temps que ça va vous prendre, il a le temps de parler.

M. Lesage: Non, mais je voudrais vous poser des questions sur d'autres points. Quelle objection y aurait-il à ce que la définition d'opérations forestières soit la même dans la Loi des relations ouvrières que dans l'ordonnance 39?

M. Gagné: Nous n'aurions pas d'objection, à condition qu'on prenne dans l'ordonnance 39 la définition d'employeur. C'est que dans l'ordonnance 39, il y a la définition du mot "salarié" pour des fins très précises, l'application d'une ordonnance spéciale du gouvernement. À ce moment-là, on élimine l'idée de syndicalisation. C'est une loi générale qui s'applique à tous les... Alors, à cette définition de "salarié" dans l'ordonnance 39 correspond la définition d'employeur. Si on veut remplacer la définition d'employeur forestier dans cette loi-ci par la définition d'employeur dans l'ordonnance 39, on pourrait remplacer la définition de salarié par celle qui apparaît dans l'ordonnance 39. Ce sont deux lois, à mon avis, qui sont totalement différentes. La Loi du salaire minimum établit tout simplement un plancher tandis que la Loi des relations ouvrières définit des droits particuliers qui seront reconnus à des unions ouvrières et, plus particulièrement, force des employeurs à négocier "es conventions collectives.

M. Lesage: vtais quelle serait l'objection à ce que les employés, par exemple, qui fabriquent les estacades, les écluses, font la construction des chemins soient inclus?

M. Gagné: Bien, entre vous et moi, s'ils sont membres du syndicat, personne au monde ne peut les empêcher de faire partie d'une unité de négociation, ils ne sont pas nécessairement exclus.

M. Lesage: Il vaudrait peut-être mieux le dire. Pardon? Je suppose que M. Marchand a dit la même chose en même temps.

M. Gagné: Mon ami, Jean, m'a dit: Tu fais bien. Alors, à mon avis, s'ils sont membres du syndicat, je ne vois pas que la loi les exclue plus spécifiquement. Maintenant, puisqu'on parie des principes, on a voulu, par cette loi, pour la première fois dans la législation ouvrière canadienne, exclure, si vous voulez. du plutôt "single out", comme on dit en anglais, plutôt préciser et circonscrire ce que pourraient être les conditions de négociation de conventions collectives dans un secteur particulier de l'industrie...

M. Lesage: M. Gagné, pardon, vous voulez parler?

M. Gagné: Excusez-moi. En principe, la loi est générale pour tout le monde. Comme le dit M. Lévesque, il aooaraît que, dans la forêt, c'est plus difficile. Je suppose que c'est plus difficile en Ontario, je suppose que c'est plus difficile dans le Manitoba, au Nouveau-Brunswick, partout. Dans les autres lois de relations ouvrières, on ne voit pas de tels articles, mais je comprends que le législateur a voulu tout simplement préciser de façon particulière qui serait l'employeur en forêt pour favoriser l'organisation ouvrière, et nous le voyons par l'article 9. Alors, à mon avis, les syndicats ouvriers des employés de la forêt ne sont privés d'aucun des privilèges ou d'aucun des articles prévus dans la loi pour définir, par exemple, le terme "salarié". Mais seulement le terme "employeur" dans l'industrie forestière est précisé. En d'autres termes, si vous recherchez l'employeur. ce sera le concessionnaire forestier.

M. Lévesque (Laurier): Dans votre ordonnance 39, la définition de l'employeur, si on revenait à ça dans 'a loi, un employeur peut désigner, je croîs, dans des cas extrêmes, mais il y est dans la définition: "L'employeur peut désigner toute personne

ayant la responsabilité totale ou partielle, directement ou indirectement, du paiement des salaires à un ou plusieurs salariés." Finalement, vous auriez des gars qui sont mieux de négocier avec les contremaîtres.

M. Gagné: C'est exact, mais votre loi...

M. Lévesque (Laurier): On reviendrait, ce serait une jungle, ce ne serait plus une forêt, ce serait la jungle.

M. Gagné: La jungle. Voici, il est évident que la loi actuelle n'empêche pas l'application aux employés de la forêt des articles généraux, de tous les articles qui peuvent s'appliquer, si vous voulez, aux salariés qui peuvent être membres d'un syndicat. C'est seulement l'employeur qu'on a voulu indiquer comme étant soit la compagnie qui détient le permis ou, de toute façon, la corporation la plus responsable sur les terres, soit de la couronne, soit même sur les terres privées.

À mon avis, cette définition d'exploitation forestière, nous l'acceptons, nous la trouvons juste et raisonnable. La définition de concessionnaire forestier, nous l'acceptons, nous la trouvons raisonnable et, puisque nous acceptons ces deux définitions, nous avons établi une concordance à l'article 2, nous avons établi une concordance à l'article 9 et nous avons...

M. Lesage: On y reviendra certainement lors de l'étude des articles, M. Gagné, mais je voulais savoir ce qui en était sur les principes.

M. Gagné: C'est exact.

M. Lesage: Vous n'auriez pas d'objection à ce que nous incluions la "slash" et le flottage du bois, la construction des chemins en bois?

M. Gagné: M. le premier ministre, quand on dit la coupe, le tronc seulement, l'écorçage en forêt, le charroyage, l'enlèvement, le flottage, le chargement et le transport routier du bois, évidemment, la construction des chemins par des experts en la matière, à mon avis, ça n'a aucune relation avec l'exploitation forestière elle-même. En d'autres termes, ceux qui construisent l'usine ne font pas partie de la même unité de négociation que ceux qui vont la faire fonctionner par la suite.

M. Lesage: Oh, mais mon expérience dans la forêt, c'est que ceux qui construisent les chemins sont ceux qui conduisent; d'abord c'est de la coupe, puis ensuite, c'est simplement du bélier mécanique en forêt.

M. Gagné: Est-ce que vous voulez parler, M. le premier ministre, de ceux qui construisent les petits chemins?

M. Lesage: Les chemins d'accès.

M. Lévesque (Laurier): M. Gagné, j'ai un exemple à vous suggérer. Est-ce que vous vous considéreriez comme syndicable d'après l'interprétation de la liste dans la loi? Hydro-Québec, par exemple... Vous avez des compagnies forestières qui vont soumissionner probablement, qui vont déblayer la "slash", disons, 12,000 ou 20,000 acres de terre sur la Manicouagan comme ça vient de se produire à Carillon. Est-ce que vous considérez que, dans la liste qui est là, il se trouverait des syndicats?

M. Gagné: Je le pense.

M. Lesage: La difficulté que je vois pour la construction des chemins, c'est que, quand un juge, par exemple, cherche quelle peut avoir été l'intention du législateur, il va trouver la construction des chemins dans l'ordonnance 39, il ne la trouvera pas dans cette loi. Alors, c'est là qu'est le danger.

M. Bertrand (Missisquoi): M. le premier ministre, je peux vous dire que les termes utilisés dans l'ordonnance 39, les termes utilisés dans la Loi des terres et forêts ne correspondent pas du tout aux termes utilisés et n'ont pas le même sens que ceux qui ont été utilisés dans la présente loi. Il y a une différence et, même, j'irai plus loin que ça, c'est que la traduction anglaise...

M. Lesage: La preuve que c'était bien un document de travail.

M. Gagné: ... est absolument incorrecte et inexacte. Maintenant, pour répondre à M. le ministre Lévesque, je dis que ces employés sont syndicables parce que la définition du terme "exploitation forestière" ne sert, selon mon opinion, qu'à définir qui sera le principal employeur et n'enlève à aucun autre salarié en forêt le droit d'être considéré comme salarié au sens de la loi, dans les termes généraux de la loi, parce qu'il n'y a pas de définition spéciale pour le salarié en forêt. C'est la définition générale qui s'applique; il n'y a une définition spéciale que pour le concessionnaire forestier.

Maintenant, si vous prenez l'article 2, premier paragraphe, que M. Lévesque accepte ici, c'est bien écrit, c'est bien dit: "réputé employeur de tout salarié, employé à l'exploitation forestière". Évidemment, si on s'en tient à l'interprétation stricte des termes, à ce moment-là, un employeur, si vous voulez, pourrait dire à un petit concessionnaire forestier: Vous ne pouvez pas couvrir les employés affectés aux barrages parce que ce n'est pas inclus dans la

définition "exploitation forestière". Mais, au point de vue pratique, je n'aimerais pas me prononcer sur Jes différentes opérations connexes, et je demanderais tout simplement de discuter des articles un par un, chacun à son tour, pour définir notre position définitive è ce sujet.

M. Lesage: Alors, songez-y et M. Lévesque...

M. Lévesque (Léopold): Au moment de la discussion de coupe, vous avez le droit de coupe, d'abord, qui est octroyé au concessionnaire forestier, au grand propriétaire forestier ou à de petits aussi, mais vous avez, à part ça, le permissionnaire forestier en province. C'est celui, par exemple, qui va couper sur des terrains vacants de la couronne. Vous lui donnez un permis pour couper du bois, vous lui vendez le bois debout, en somme; lui le coupe et le vend à qui il veut. Mais vous pouvez avoir encore un permissionnaire d'un concessionnaire.

M. Lesage: Oui.

M. Lévesque (Léopold): Alors, une compagnie, par exemple, vend un droit de coupe à John Murdock.

M. Lesage: Ou sans lui vendre...

M. Lévesque (Léopold): Sans lui vendre, il faudrait qu'il ait le bois debout, puis, après ça, il le vend à la compagnie ou il le vend à une autre compagnie. A ce moment-là, on peut le reconnaître comme employeur, il est entrepreneur, si on veut; il est un deuxième dans l'affaire, mais, quand même, on peut le reconnaître comme un employeur. Mais, plus loin que ça, ça ne va pas, on tombe...

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):

Voici, M. Lévesque. Je crois que ce qui a inspiré ce texte, c'est le cas suivant. Vous avez des compagnies comme CIP, par exemple, qui sont intéressées, disons, au bois pour le papier, au bois à pâte, et dans leur concession forestière, il arrive parfois qu'elles ont du bois franc, du feuillu, qu'elles cèdent leur affaire de feuillu à un autre entrepreneur. Alors, à ce moment-là, on dit, pour ce qui est de la coupe du feuillu, ce n'est pas nécessairement la CIP qui est l'employeur, mais le concessionnaire du feuillu, dans ce cas-là. C'est pour ça qu'on a dit que la commission pourra trouver leur véritable employeur.

M. Lesage: M. Lévesque, il y a des cas où c'est encore plus compliqué que ça. Vous avez un grand "jobber" qui fait la coupe à contrat, à prix fixe, pour une compagnie de papier, mais qui, d'un autre côté, cet entrepreneur général, ce grand "jobber", comme on l'appelle, fait en même temps, à son compte, la coupe du bois franc parce qu'il achète le droit de coupe de la compagnie.

M. Lévesque (Léopold): Il achète le droit de coupe, à ce moment-là, s'il ne l'avait pas.

M. Lesage: Oui, mais les employés font à la fois du bois à pâte qui est pour le concessionnaire forestier et du bois franc qui est au compte de l'entrepreneur lui-même.

M. Lévesque (Léopold): Une opération mixte.

M. Lesage: Cela existe.

M. Lévesque (Léopold): Oui, ça existe, ça amène...

M. Lesage: C'est pour ça qu'il faut, je crois, à la Commission des relations ouvrières, une discrétion par la détermination de celui qui doit être considéré comme responsable de la négociation.

M. Lévesque (Léopold): Oui, mais ce que ça entraîne, si la commission n'a pas les pouvoirs nécessaires pour rendre une sentence qui va rester collée là, qui ne pourra pas aller dans les autres tribunaux plus hauts, très bien. Mais à ce moment-là, si c'est appelable en Cour supérieure en Cour d'appel ou en Cour suprême, comme ça se voit actuellement, ça entraîne des...

Actuellement, la commission n'a pas les pouvoirs.

M. Lesage: Parlez plus fort parce que j'aimerais bien que tout ça soit enregistré.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):

Très bien, M. Lévesque. M. Morin, industrie de la construction. Par la suite, nous pourrons entendre la fédération du détail ou les marchands détaillants. C'est M. Labrecque qui est ici pour M. Morion. Il est constructeur, lui...

Conseil patronal du bâtiment

M. Morin (Fernand): Je dois dire au tout début que M. Cournoyer est aussi mandaté comme porte-parole pour le Conseil patronal du bâtiment.

M. le Président, Madame, messieurs les membres du comité des relations industrielles, le Conseil patronal du bâtiment est heureux de pouvoir présenter le point de vue de l'ensemble des entrepreneurs en construction pour ce projet, le Code du

travail. Nous croyons utile de donner quelques notes explicatives concernant notre conseil. Pour fins d'étude, de consultations et pour assurer une meilleure coopération, le conseil réuni sous un même toit, la Fédération de l'industrie de construction de la province de Québec groupant 2,191 entrepreneurs, l'Association des constructeurs de routes de Québec, groupant 90 entrepreneurs, la Corporation des

Entrepreneurs en plomberie et chauffage, groupant 1,200 entrepreneurs et la corporation des maîtres-électriciens, soit 2,125 entrepreneurs; un total de plus de 6,000 employeurs.

Faute de temps mis à notre disposition, il nous est impossible de faire une étude exhaustive du projet du Code du travail. Cependant, grâce aux différents mémoires et études soumis par nos associations particulières, depuis 1955, nous pouvons formuler certaines recommandations. Pour ce faire nous croyons utile de rappeler d'une part, les particularismes de l'industrie du bâtiment et notre mode de relations du travail, d'autre part, nous montrerons que le présent projet de Code, ne respecte pas cet état de choses.

Je m'excuse, mais vu la nature des recommandations que nous ferons, il est important d'expliquer le particularisme de notre industrie.

M. Lesage: Allez-y, je vous en prie, oarlez de votre mémoire.

M. Morin: Les particularismes de l'industrie du bâtiment. Tout d'abord une industrie saisonnière; elle est bourdonnante d'activités durant une certaine période de l'année pour, peu après, tomber dans l'inertie totale.

En plus, une multiplicité de lieux de travail. Le meilleur entrepreneur peut avoir à la fois quatre, sept, neuf milieux de travail différents, éparpillés sur un territoire relativement étendu. Autres caractéristiques: instabilité de la main-d'oeuvre. Durant une même année, tous les travailleurs du bâtiment sont susceptibles de changer quatre ou cinq fois et souvent plus de lieux de travail. Pour certains d'entre eux ils devront changer d'employeur aussi souvent qu'ils changent de lieu de travail.

Une autre caractéristique: Changement de l'importance de la firme. L'entrepreneur peut avoir 200 enoloyés pour sept ou huit mois de l'année, puis il n'aura, à la fin du projet de construction, que quinze ou vingt employés. L'inverse est également vrai; l'importance de la liste de paie de l'entrepreneur, varie constamment. Encore une dernière caractéristique de notre industrie.

La construction est un travail d'équipe. Sur un même chantier, nous trouvons une dizaine de groupes d'employés, ayant chacun leur employeur respectif. Le travail exige, M. le Président, une parfaite coordination ce qui implique une harmonisation des conditions de travail et du processus pour les établir.

Du particularisme de l'industrie, nous voulons maintenant, donner quelques notes sur le particularisme de nos relations actuelles, de nos relations de travail. Ce projet de refonte de nos lois du travail, ne peut avoir d'autres fins que celle d'améliorer le processus des présentes relations du travail. Nous croyons inutile de faire table rase et imposer à l'industrie du bâtiment des règles et un mode de vie qui ne répondent pas à ses besoins. Nos méthodes actuelles de négociation et de surveillance des conventions collectives peuvent certes être améliorées et c'est dans ce sens qu'il nous semble que le législateur devrait travailler, non pas imposer, sous prétexte d'uniformisation, les méthodes propres à un autre contexte.

Voyons le particularisme des présentes méthodes de relations du travail dans le bâtiment qu'il faudrait pour le moins respecter et améliorer si possible avec votre aide: a- les négociations collectives bipartites et régionales.

Les négociations collectives ne se font pas entre un employeur et le syndicat de ses employés mais entre une association d'employeurs et un ou des syndicats représentant l'ensemble des salariés concernés. Par le truchement de l'extension juridique, ces conventions régissent tous les contrats de travail d'un territoire donné. Les conditions de travail...

M. Lesage: Il y en a des conventions collectives à l'heure actuelle.

M. Morin: Certainement.

M. Lesage: Dans l'industrie et le bâtiment, il me semble que ce sont les industries où vous êtes le plus avancés.

M. Morin: C'est justement, M. le premier ministre, ce que nous allons vous demander c'est d'avancer encore un peu plus.

M. Lesage: Parce que vous avez eu Ses premières pensions transportables dans la province de Québec et je vous en félicite.

M. Morin: Exactement, M. le premier ministre, et c'est pour montrer que nous sommes organisés, nous sommes constitués, nos structures nous permettent de libéraliser un petit peu plus le cadre juridique de nos relations de travail.

M. Lesage: Bon, vous oarlez au nom des employeurs!

M. Morin: Oui, M. le premier ministre. M. Lesage: Bon, alors.

M. Morin: Les conditions de travail sont les mêmes quel que soit l'employeur. Un salarié du bâtiment ayant une qualification donnée est assuré de recevoir le même salaire, et relativement élevé, quel que soit son employeur.

Administration paritaire de la convention collective. L'administration, la surveillance, le contrôle de nos conventions collectives sont confiés à un comité constitué d'employeurs et de salariés.

Formation professionnelle: depuis de nombreuses années, la responsabilité de la formation d'une main-d'oeuvre qualifiée est confiée aux employeurs et aux employés. Nos conventions collectives bipartites sont de plus en plus reconnues tant par les employeurs que par les syndicats, et c'est ici très important, exclusives des conventions collectives d'entreprise.

Ces conventions sont complètes et conformes aux conditions de vie dans le bâtiment. Les intéressés ne voient pas, sauf exception, la nécessité de les compléter par d'autres conventions collectives particulières à l'échelon de l'entreprise. Tant du côté patronal que du côté des travailleurs, les associations syndicales sont suffisamment organisées pour être pleinement représentatives de l'ensemble des intéressés. Les salaires prévus par ces conventions collectives bipartites ne constituent pas un salaire minimum mais bien un salaire régulier régional.

Enfin, de ces deux points, on peut maintenant avoir l'incompatibilité des règles proposées par le projet du Code du travail et du code actuel de nos relations de travail dans le bâtiment.

L'économie de ce bill 54 repose sur la détermination possible de l'unité de négociation dans les cadres de l'entreprise. On circonscrit les employés permanents d'un employeur travaillant sur un lieu donné pour ensuite reconnaître au syndicat majoritaire le droit de représentation pour l'ensemble de ces travailleurs. Dans le bâtiment, il est impossible de déterminer d'une façon objective l'existence et le nombre d'employés stables d'un même employeur. De plus, il n'y a pas un lieu de travail permanent. Il y en a plusieurs à la fois et ces lieux de travail sont tous temporaires.

Autre incompatibilité, le bill 54 ne reconnaît pas au Conseil des métiers de la construction le droit à l'accréditation. Dans notre contexte, il est essentiel qu'à la table des négociations, l'ensemble des travailleurs de tous les métiers à la fois soit représenté par un tel conseil. De plus ce même projet de Code du travail ne reconnaît pas aux associations patronales le droit de négociation. Dans l'industrie de la construction, la négociation ne se fait pas à l'échelon d'un employeur mais bien par l'ensemble des entrepreneurs d'une région donnée. L'instabilité de la main-d'oeuvre et les changements constants de l'importance de la firme rendent de plus les articles 14, 15 et 16 inapplicables et ces articles peuvent être la source de nombreux conflits sociaux au lieu de voir à assurer la paix.

L'article du projet qui a pour effet d'étendre le domaine d'application d'une convention collective dans le cas d'aliénation, de concession totale ou partielle d'une entreprise ne peut être en aucune façon respecté dans l'industrie de la construction de par la nature même des travaux qui lui sont confiés.

Le bill 54 réglemente d'une façon particulière l'exercice du droit de grève. Mais dans le bâtiment, les syndicats accrédités selon les règles de ce projet exercent légalement ce droit de grève. Il forcera l'ensemble des employés travaillant sur le même chantier à faire illégalement cette grève ou à la subir et ce, au moment ou ce même projet, le bill 54, veut prohiber la grève durant l'existence de la convention collective.

À l'article 27 du projet, le législateur reconnaît le particularisme de notre industrie. Cependant il nous propose une simple réglementation spéciale sans garantie de respect du contexte actuel de nos relations du travail. C'est pour ces raisons que nous demandons, premièrement, que l'industrie du bâtiment soit soustraite pour l'instant de l'application éventuelle du titre 1 du Code du travail, un peu plus constructif; deuxièmement, de prendre les mesures pour améliorer notre présent système de relations du travail ayant pour base la loi de la convention collective.

Ici, nous donnons si vous voulez quelques points sur lesquels on pourrait peut-être s'aventurer. Il y aurait avantage à étudier la possibilité de conférer aux associations patronales et ouvrières qualifiées des plus représentatives, un plus large pouvoir de réglementation des conditions de travail, telles qu'on les comprend présentement. Cette charte professionnelle, cette charte de travail ainsi constituée par les parties des métiers, du bâtiment serait restée évidemment sous le contrôle d'un conseil supérieur de la convention collective, conseil satellite au plan si vous voulez.

Troisièmement, de permettre à tous les membres de l'industrie du bâtiment de formuler toute suggestion susceptible d'améliorer les relations du travail, et d'assurer une plus grande sécurité aux travailleurs. Merci.

M. Lesage: M. Morin, dans les relations de vos associations avec les employés dans

tout le domaine de la construction, est-ce que les ouvriers et les patrons n'ont pas presque toujours procédé en vertu de la loi de la convention collective et non en vertu de la loi des relations ouvrières?

M. Morin: C'est-à-dire qu'il y a une rectification, M. le premier ministre. Il y a une rectification en ce sens que je pense que nous avons évolué, si vous voulez, M. le premier ministre. Au tout début, on négociait des conventions collectives qu'on appelait, qu'on n'appelait même pas conventions collectives, on les appelait le décret, c'est-à-dire les clauses...

M. Lesage: Le décret d'extension.

M. Morin: Et après ça, on allait pour quelques entrepreneurs mieux organisés par les syndicats, on allait sur les conventions collectives dites particulières ou d'entreprises. Mais maintenant, nos conventions collectives sont, si vous voulez, complètes. Ce ne sont pas des conventions collectives, mais elles respectent intégralement le texte de l'article 9, je crois, de la loi des conventions collectives. Evidemment, ce sont souvent les conventions collectives qui lient les parties et une bonne partie de la convention collective n'est pas reproduite dans le décret. Il y a réellement convention collective particulière dans ce sens qu'elle n'est pas extensionnée, mais elle est bipartite, elle est collective bipartite, en ce sens qu'elle lie l'ensemble des entrepreneurs et l'ensemble des travailleurs.

M. Lesage: C'est en vertu de la loi de la convention collective ça; ça existe à l'heure actuelle, on ne la change pas la loi de la convention collective.

M. Morin: Si rien n'est fait, on aura cette duplication. Si, par exemple, un syndicat est certifié et accrédité, il courra en vertu...

Le Président, (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Morin, dans la construction !à, il n'est pas question de l'accréditation, parce que c'est admis chez vous que les gens négocient. C'est la distinction qu'on fait entre l'association accréditée et celle reconnue. Et chez vous, c'est admis que les associations reconnues négocient les conventions collectives, ayant absolument les mêmes droits en fait.

M. Morin: Oui, ce qu'on voudrait, c'est une loi pour, si vous voulez, entériner le système actuel, qui veut qu'il n'y ait qu'une convention collective bipartite, qu'une seule convention collective négociée à la fois pour tous les entrepreneurs, pour tous les employés qui sont sur un même chantier, et non pas en vertu de l'économie de la loi du titre premier, qui veut l'unité de négociation centrée sur l'entreprise. Par conséquent, chaque chantier représente en quelque sorte souvent, 7 ou 8 unités de négociation. C'est ce qu'on ne veut pas. Lorsqu'on a négocié une convention collective, lorsqu'on a fait certains compromis avec les syndicats pour quelques années, on veut avoir la paix, on veut être assuré de la paix et on ne veut pas recommencer deux mois après une autre négociation.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Chez vous en fait, "Builder's Exchange", la corporation des électriciens, la corporation des plombiers je pense, négocient globalement avec le conseil de la construction de Montréal. C'est ça que vous avez actuellement.

M. Cournoyer (Jean): Bien, voici, il y a quand même certaines...

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Voulez-vous vous nommer s'il vous plaît Monsieur.

M. Cournoyer: Mon nom est Jean Cournoyer et je suis l'officier des relations ouvrières de l'ancien "Builder's Exchange", maintenant l'Association de la construction de Montréal.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Ah bon.

M. Cournoyer: Il existe présentement à Montréal un décret qui contient plusieurs conventions collectives extensionnées. Vous avez la convention générale qui est discutée avec deux conseils de construction, un affilié à la CSN et l'autre affilié à l'American Federation of Labor.

L'association de la construction négocie cette première partie du décret. Une partie qu'on appelle générale. Dans six autres parties cependant, on négocie séparément des conventions collectives qui reçoivent, en partie, extension juridique par décret. Je parle de la structure métallique, de la tuile du terrazzo et du marbre, de l'industrie de la plomberie, des électriciens, etc... Dans les secteurs séparés de l'Association de la construction de Montréal et récemment dans l'industrie de la construction, par l'association de la construction de Montréal, on a décidé jusqu'à un certain point de négocier des conditions de travail qui ne recevraient pas toutes extension juridique par décret, pour répondre à une évolution marquée dans l'industrie.

Comme le faisait remarquer le premier ministre tantôt, nous avons été les premiers à établir un plan de pension transférable dans la province de Québec. Ceci, nous

prétendons que c'est le système de la loi de la convention collective qui l'a permis.

M. Lesage: Oui.

M. Cournoyer: Ce que nous pensons présentement, M. le premier ministre, c'est que le simple fait de penser ou de donner à la Commission des relations ouvrières, la possibilité de légiférer en matière de construction...

M. Lesage: Réglementer.

M. Cournoyer: ...de réglementer en matière de construction place l'industrie de la construction dans une situation indue vis-à-vis les autres industries.

M. Lesage: Précaire.

M. Cournoyer: On prend la peine présentement d'établir la procédure de reconnaissance et d'accréditation pour tout le reste, pour toutes les autres industries. Nous pensons que l'industrie de la construction est suffisamment importante pour avoir un secteur particulier qui la reconnaisse pleinement et je pense qu'à ce point de vue, je ne veux pas présumer de l'attitude du mouvement syndical, mais je pense que le mouvement syndical ne peut que penser comme nous. Nous sommes satisfaits pour autant que les employeurs sont concernés, du système de la convention collective.

Ce système de la loi de la convention collective nous comprenons qu'il mériterait d'être amélioré, que certaines clauses qui ne peuvent pas recevoir extension juridique présentement pourraient peut-être donner lieu à l'extension juridique. Mais, nous pensons que, pour le moment du moins et pendant une étude faite par le comité qui est ici présent, ou soit par un autre comité, l'industrie de la construction devrait être soustraite à toutes fins pratiques de l'application de la Loi des relations ouvrières ou du Code du travail.

M. Lesage: J'aimerais bien savoir ce que vos employés pensent de ça.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Ménard et M. Gosselin sont des membres du Conseil de la construction.

M. Ménard (Jean-Paul): Voici, M. le Président, je suis presque entièrement d'accord avec ''exposé de M. Cournoyer.

Une voix: Identifiez-vous s'il vous plaît.

M. Ménard: Jean-Paul Ménard, président du Conseil de la construction de Montréal. Je suis presque entièrement d'accord même si les motifs qui nous poussent à être d'accord ne sont pas les mêmes...

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Ils sont différents.

M. Ménard: Ce qui nous manque présentement en vertu de la loi de la convention collective, c'est le fait qu'on puisse négocier une convention avec les employeurs et que malgré tout, cette convention puisse être changée à la minute où elle est déposée pour être extensionnée.

Alors, ça c'est un des dangers qu'on a actuellement même si on s'entend sur une clause et que cette clause est la clé de plusieurs autres clauses dans notre convention. Il arrive assez souvent qu'en présentant notre convention collective, on passe le couteau dedans. On ne se cachera pas derrière les mots, on passe le couteau dedans sans en parler aux intéressés. Alors, à ce moment-là, ça veut dire que ça change essentiellement.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): C'est au ministère, ça.

M. Ménard: C'est au ministère, c'est ça.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Oui, mais M. Ménard, ça n'arrive pas souvent qu'on passe le couteau dedans, sans vous en parler...

M. Ménard: Mais oui, mais vous avez tout de même des opérateurs qui opèrent à froid et puis qui coupent dans le vif et à ce moment-là, changent essentiellement le terrain d'entente qui a été convenu entre les patrons et les ouvriers. Si on accepte trois clauses parce que les patrons nous en donnent une et qu'au moment de l'extension juridique on nous coupe cette clause, on se ramasse que les patrons ont leurs trois clauses et nous autres on n'a pas la nôtre. Alors, à ce moment-là, il reste tout de même que dans ce domaine, il y a un peu trop de latitude de donnée au ministère pour extensionner.

M. Lesage: Oui, mais monsieur, excusez-moi de vous interrompre, il faut tout de même dans vos ententes entre employeurs et employés que l'intérêt public soit protégé, l'intérêt des tiers et c'est le devoir du ministère de protéger les tiers.

M. Ménard: Bien, si on considère par exemple, dans une convention particulière, qu'une formule de sécurité d'emploi, c'est une condition de travail, alors, une condition de travail, c'est quelque chose qui peut être extensionné aussi. Alors, une formule de sécurité d'emploi, c'est...

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Oui, mais ça demanderait probablement des modifications à la loi de la convention collective.

M. Ménard: Bien, j'en doute.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Il n'est pas touché par le code actuellement. La loi des conventions collectives dit qu'on peut extensionner par décret certaines choses, mais elle ne permet pas de tout extensionner.

M. Ménard: Non, non, mais elle permet d'extensionner quelque chose qui a acquis par exemple, un motif d'intérêt public. À ce moment-là, je pense que pour prévenir les grèves et toutes ces affaires-là, une formule de sécurité syndicale atteint certainement un degré d'intérêt public et ça mériterait d'être extensionné au même titre que les augmentations de salaires sont extensionnées à tous les autres ouvriers qui ne participent pas et ne paient pas. Alors, à ce moment-là, tout ce dont on aurait besoin dans la construction, c'est une formule d'un comité qui étudierait les conventions.

M. Lesage: ...ça viendrait sous la convention collective.

M. Ménard: Alors, voici où le Code du travail, par exemple, pourrait nous nuire.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Où cela vous inquiète-t-il? C'est ça que je voudrais savoir.

M. Ménard: Voici où le Code du travail pourrait nous nuire: quand en vertu de nos négociations collectives, quand on représente tous les ouvriers d'une région donnée, il est permis à d'autres associations, en se servant de la loi, de venir se faire accréditer. Vous avez un article qui dit qu'au moment où quelqu'un a acquis l'accréditation, toute la balance est cancellée et nous autres, on se trouve le bec à l'eau. Alors c'est ça qui n'est pas normal, qu'une industrie qui, enfin, emploie tout de même dans la province de Québec 250,000 ouvriers, qui emploie dans la majorité des cas des matériaux locaux, des matériaux qui sont produits dans la province, ne soit pas protégée.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Je crois, M. Ménard que l'intention de ceux qui ont rédigé l'article 27, c'était précisément de vous couvrir, en ce sens que la commission pourrait vous accréditer suivant des formalités beaucoup plus simples, beaucoup plus faciles.

M. Ménard: Bien, justement, j'ai interprété l'article 27 comme étant une façon pour les gens qui ont préparé le code de se débarrasser d'une corvée, de ne pas avoir à établir des modalités. On dit, bien, ce n'est pas important ces 300 000 travailleurs. On va donner ça à la commission, ce sont encore des gars qui ne connaissent pas la construction et eux-autres ils vont trouver le moyen. Nous autres, on n'est pas capables mais eux ils vont être capables. Alors, en fait, l'article 27, moi je l'ai interprété comme étant une façon de se débarrasser de son devoir d'établir des modalités.

M. Lesage: Il y a des raisons bien plus sérieuses que ça dans l'industrie de la construction et dans l'industrie forestière parce que ces deux industries ont des caractéristiques bien spéciales au point de vu saisonnier. C'est la raison, c'est aussi simple que ça.

M. Ménard: C'est justement pour cela qu'on veut protéger notre industrie qui a prouvé au cours des 25 dernières années qu'elle était capable d'établir des modalités qui rencontraient les besoins de l'intérêt public et les besoins de la classe des travailleurs puisque la formule de pensions transférables a tout de même été négociée par les ouvriers et les patrons et qu'ils sont tout de même arrivés au gouvernement avec quelque chose de pensé et d'établi. Alors, à ce moment-là, je pense qu'une industrie qui est capable d'arriver et d'établir quelque chose de ce genre-là a certainement prouvé hors de tout doute qu'elle était mûre et capable de se conduire par elle-même. Alors, c'est ça qu'on demande au législateur, de nous donner encore un peu plus de latitude.

M. Lévesque (Laurier): M. Ménard, excusez-moi, une question incidente.

Vous avez mentionné, tantôt, à propos de problèmes sur les extensions, la question de la sécurité syndicale. Je suis de Montréal, moi aussi, j'ai entendu certains échos. Est-ce que vous voulez dire par là une formula de "check off", par exemple, qui permettrait qu'à cause de l'instabilité de la main-d'oeuvre et de la difficulté de garder les gars, les syndicats puissent être assurés de vivre un peu mieux et avec un peu plus de sûreté?

M. Ménard: En réponse à votre question, je ne vous dirai pas que c'est l'opinion de la majorité. Mais c'est l'opinion d'un bon groupe en autant que le "check off" est concerné. Personnellement et plusieurs des unions affiliées à mon conseil, on n'est pas intéressé à un "check off". Ce à quoi on est intéressé, c'est la sécurité d'emploi. À ce moment-là, on ne veut pas établir une formule en vertu de laquelle l'ouvrier a tant d'enlevé dans sa paie, comme ''impôt, et à

ce moment-là, perd toute considération de son union. Ce qu'on veut, c'est une formule de sécurité d'emploi où l'employeur emploiera de préférence des gens de l'union - enfin, quelque chose de semblable - mais que l'homme vienne lui-même à son union. A ce moment-là, il continue à participer, il demeure une partie intégrante, totale de son union et ne devient pas un numéro de "check off...

M. Lévesque (Laurier): En pratique, ça devient quoi? Un centre d'atelier fermé.

M. Ménard: Pas nécessairement atelier fermé. Cela devient tout de même une formule de sécurité syndicale où l'employeur serait, en vertu de la convention, tenu d'engager premièrement les gars de l'union.

M. Bellemare: D'après les conventions collectives, dans l'article 9, vous êtes couverts.

M. Ménard: Je comprends, on est couvert, mais quand ça arrive au ministère et puis que l'affaire est coupée et bien on n'est plus couvert, on est à découvert.

M. Marchand: Juste un mot, M. le Président. Le président du conseil du métier, qui travaille à Montréal, a donné son opinion. J'ai cru comprendre qu'il était d'accord pour l'exclusion des métiers de la construction des dispositions de la loi des relations ouvrières. Je peux vous dire, au nom de la CSN, que nous ne sommes pas d'accord. Nous ne sommes pas d'accord quoique c'est une très bonne méthode qu'on négocie en vertu de la convention collective; ça se fait à Montréal, ça se fait à Québec et je pense que, comme on dit, c'est encore la meilleure méthode. Mais on ne doit pas priver les syndicats qui n'ont pas d'autres moyens, qui sont en face d'un employeur qui refuse de les reconnaître, on ne doit pas les priver des dispositions de la loi des relations ouvrières. Que les syndicats décident d'eux-mêmes de procéder exclusivement en vertu de la loi de la convention collective, je pense que c'est une bonne chose. Qu'ils le fassent donc. Pourquoi avoir peur de la liberté comme ça? Qu'ils le fassent et qu'ils s'en tiennent à ça. Ils le font à Montréal, ils l'ont fait depuis toujours ici à Québec. Seulement, si un syndicat est aux prises avec un problème particulier, pourquoi lui, au nom de la loi, les gens de Montréal et de Québec le priveraient de ses droits de négociation en vertu de la loi des relations ouvrières? C'est tout ce que je demande et nous restons sur ce principe-là.

M. Provost: M. le premier ministre, je pense que dans tout ceci...

Une voix: Pourriez-vous vous approcher du micro, parce que j'aimerais bien à ce que... Je vais approcher le micro.

M. Provost: Je pense qu'il faut retenir dans tout ceci, qu'à la base, il y a la liberté d'association, et que pour que la liberté d'association s'exprime, il faut qu'il y ait quelque part une formule d'accréditation ou de reconnaissance. Il faut que la loi prévoie d'une manière ou d'une autre, à un certain moment, que les ouvriers pourront s'exprimer pour ou contre un syndicat quel qu'il soit, indépendant, CSN ou FTQ. Je pense que nous n'avons pas le droit d'oublier ce principe de base.

Mais je pense d'un autre côté que la loi actuelle, si on fait pour une minute exclusion de 27, ne prévoit pas d'une façon complète le problème de l'industrie de la construction. Vous allez me répondre: l'article 27 y pourvoit, mais je comprends M. Ménard de se sentir un peu dans un contexte d'infériorité lorsque, pour l'accréditation des autres industries, des autres travailleurs, la loi légifère et que pour les métiers de la construction, on semble vouloir se contenter d'un règlement. Vous savez, lorsqu'il y a contestation, il est beaucoup plus difficile de passer à côté de la loi que de contester un règlement; et, deuxièmement, les règlements peuvent se changer beaucoup plus souvent que les lois, sans prêter d'intentions à qui que ce soit et pas toujours avec la pleine connaissance des intéressés.

M. Lesage: La Commission des relations ouvrières a la main dessus.

M. Provost: Bien, on les voit quand ils sont publiés en ordre en conseil.

M. Lévesque (Laurier): Êtes-vous d'accord avec M. Marchand, de ne pas exclure ces gens-là?

M. Provost: Absolument, il faut garder à la base la liberté d'association.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Prévost, l'article 27, c'est pour solutionner le problème suivant: vous avez dans le domaine de la construction, par exemple, un édifice qui commence. À un moment donné, il y a 10, 15 ou 20 employés sur le chantier, mais on prévoit que dans un mois ou dans deux mois ou dans trois mois, il y en aura 500. Alors, on veut donner à la Commission des relations ouvrières la possibilité de déterminer à quel moment la majorité devrait être appréciée. Est-ce au moment où il y en a une dizaine ou si c'est quand il y en aura 500? C'est le problème qui se pose. Il s'est posé dans le Nord. Il y avait une dizaine d'employés, on les faisait

signer pour une union quelconque et là, on faisait une convention collective avec atelier fermé de sorte que, même si ce chantier-là devait contenir 1000 hommes, ce sont les 10 du début qui décidaient du régime syndical pour tout le temps de la construction.

M. Provost: Mais je pense, M. le Président, que pour déterminer à quel moment il y a une unité appropriée, la loi y pourvoit à l'article 20, deuxième paragraphe. Mais ceci ne règle pas le problème d'accréditation et on ne peut pas, à mon avis, avoir un règlement qu'on pourrait changer tous les mois, deux mois ou trois mois; je ne dis pas qu'on le fera, mais on pourra le changer pour s'ajuster à des conditions particulières. Alors, il serait peut-être préférable que pendant que nous l'étudions ici, on demande à quelqu'un de nous préparer, ça ne doit pas prendre des mois, des articles qui auraient trait à l'accréditation dans le bâtiment. Cela répondra probablement à l'objection de bien des gens.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Il y a un autre monsieur qui veut dire un mot là-dessus. M. Labrecque, on vous entend tout de suite après.

M. Gérard Ledoux

M. Ledoux (Gérard): Je remercie, premièrement, le Parlement ou le ministère du Travail d'avoir fait invitation, pas seulement aux groupements, mais d'inviter...

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Voulez-vous donner votre nom parce que pour enregistrer...?

M. Ledoux: Gérard Ledoux de Montréal, peintre. J'ai écrit à quelques reprises au Parlement ici, je vois pour la première fois cette année. Je voudrais remercier sincèrement le Parlement d'inviter réellement ceux qui, eux aussi, ont quelque chose à dire, pas pour critiquer l'organisation syndicale ou les députés, idée contraire à ce que j'ai ce soir, mais pour vous supplier comme je fais, de garder dans ce Code du travail qui sera donné cette année, quelque chose pour ceux qui n'appartiennent pas aux syndicats. Ils représentent, je crois, 75 pour cent ou 70 pour cent des travailleurs qui devraient peut-être y appartenir, mais qui n'en sont pas. Je dois donner raison aux chefs des syndicats, mais je crois qu'on ne devra pas brusquer les choses et que ceux qui devraient avoir la place auprès de vous, chefs de syndicats et députés, et ceux qui ont des postes clé, c'est d'ouvrir le plancher dans ce Code du travail et d'en donner un qui y restera en tout temps lorsque les syndicats auront quelque chose à dire. Il y a aussi les ouvriers qui font partie de ces mêmes syndicats, il y a aussi les ouvriers qui ne font pas partie de ces syndicats et qui ont soif de justice. Ceci, c'est pour le bien des syndicats, pour les chefs des syndicats, c'est pour le bien de l'autonomie de chaque citoyen de cette province.

M. Lévesque (Laurier): M. Ledoux, appartenez-vous à une organisation quelconque?

M. Ledoux: J'ai appartenu, M. Lévesque, à des syndicats, à la CTCC. Je ne veux pas mentionner CAEC, j'ai eu à faire deux grèves, une de cinq mois et demi, une de trois mois et demi, on n'en parlera pas ce soir. Je n'ai pas reproché à qui que ce soit ces grèves-là; je les ai faites comme les autres. C'est encore un point, question de grève actuellement, dans une province.

M. Lévesque (Laurier): Non, mais actuellement appartenez-vous à une organisation quelconque?

M. Ledoux: Non, actuellement, je n'appartiens à aucune organisation, seulement, principalement, c'est pour ça que je vous dis, ça été toujours la même chose, M. le ministre. Dans les organisations dont on fait partie, on veut dire quelque chose, on veut exprimer notre opinion, c'est une risée. Je pense que dans ce Parlement, ce n'est pas la place pour une risée, qu'on doit laisser dire l'opinion de l'homme de la rue, qu'il ait une éducation, une instruction... Je n'en ai pas, je n'ai pas d'école, mais sachez que je la comprends la vérité. Je comprends aussi les paroles des députés, des ministres, des syndicats et de tout le monde, et dans ce Parlement, je vous remercie de me permettre de vous donner mon opinion, et je vous demande de garder dans ce Code du travail cette liberté, l'autonomie de chaque citoyen pour qu'il prenne ses responsabilités dans la vie. Comme on le disait tout à l'heure, on n'est qu'un numéro, les ouvriers. On a déploré des grèves, j'en faisais partie, on l'a déclarée malgré les ouvriers, on l'a déclarée à des votes ouverts.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):À l'ordre.

M. Ledoux: ... à des votes ouverts. Des voix: Lesquelles?

M. Ledoux: Asbestos si vous voulez. Oui, je suis de la grève d'Asbestos, monsieur, laissez-moi parler poliment, laissez-moi exprimer mon idée, je vous laisse exprimer la vôtre. Vous différez d'idée avec moi, très bien, je vous respecte, mais s'il vous plaît, comme chef du syndicat, respectez donc

l'idée d'un ouvrier qui veut parler lui-même et qui a aussi soif de justice que vous l'avez.

M. Marchand, vous représentez 25 pour cent des ouvriers, il y en a 75 pour cent qui ne sont pas syndiqués et il y en a 20 pour cent qui savent pas trop pourquoi ils y appartiennent. Je fais partie des 75 pour cent actuellement qui ne font pas partie de l'organisation, M. Marchand.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Ledoux, voulez-vous vous tourner, voulez-vous vous adresser au président?

M. Ledoux: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): ... et aux députés.

M. Ledoux: Oui, M. le Président, et s'il vous plaît demandez à M. Marchand d'être assez poli pour me laisser tranquille.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Je demande aux gens de l'autre côté de laisser parler M. Ledoux.

M. Ledoux: Merci. Il s'est exprimé tout à l'heure et on n'entendait pas parler personne. C'est drôle, c'est l'habitude de plusieurs chefs de syndicats ça; quand on se lève debout pour parler, on veut nous bâillonner.

M. Bertrand (Missisquoi): Allez-y.

M. Ledoux: Et dans les assemblées syndicales, où l'on voulait parler, au risque de se faire casser la gueule... J'en suis un, J'en suis un de la ville d'Asbestos où on est venu déclarer des grèves. Pour se lever et prendre la parole ç'a pris quinze à vingt minutes pour venir à bout de parler, au risque de me faire casser la gueule. Et Dlusieurs se' la sont fait casser. On a quand même dit la vérité sur ça. Mais je ne reprocherai pas à M. Marchand, je ne reprocherai pas au député syndical... Je l'ai fait, je ne le reproche à personne, mais dans l'avenir, je veux, avant qu'on fasse une grève, qu'on prenne le vote, et que vous du Parlement, et que les adversaires au syndicat, puissent voter sur la grève, soient à la table pour comoter les votes avec eux; et vous saurez nous remercier, M. le Président, et les syndicats sauront nous remercier et dans un avenir rapproché...

M. Lévesque (Laurier): Parlez au pluriel.

M. Ledoux: ... quand les syndicats reconnaîtront ces droits qui sont sacrés, que je fasse partie d'une organisation ou que je n'en fasse pas partie. Je vous supplie, vous qui êtes dans le Parlement, qui avez le droit de nous représenter dans cette province. Je ne suis pas contre l'idée de former des syndicats, mais je suis contre qu'on brusque les choses et qu'on rentre le monde à coups... les mains et les pieds attachés, sans qu'on puisse dire un mot. Est-ce que ça va être une organisation syndicale puissante? Non, c'est une organisation syndicale de piastres, ce n'est pas une force d'hommes qui se comprennent. Ce n'est pas de numéros comme je le disais tout à l'heure dont on a besoin; soyons un petit nombre, entrons-y avec la liberté.

M. Bertrand (Missisquoi): Êtes-vous pour ou contre le Code du travail?

M. Ledoux: Je suis pour le Code du travail, mais je suis contre actuellement qu'on demande la sécurité syndicale obligatoire qui n'est ni plus ni moins que d'attacher les ouvriers et les prix.

M. Lévesque (Laurier): Vous auriez dû me le dire, je serais parti tout de suite.

M. Ledoux: Pardon? Pardon, M. Lévesque.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):À l'ordre, à l'ordre. M. Ledoux, la sécurité syndicale telle qu'elle est prévue c'est volontaire et révocable.

M. Ledoux: Volontaire oui, volontaire très bien ça, c'est beau; pas plus que ça et sur les grèves, s'il vous plaît le vote secret et non plus avec une main... que le gars a peur de parler à côté de lui au risque d'avoir des coups.

M. Bellemare: M. Ledoux. est-ce que vous avez lu l'article 94, qui parle des grèves, dans le Code du travail, où il est dit, par exemple, que ce sera la majorité des syndiqués, par un vote secret? Pas question d'être présent a l'Assemblée: à la majorité des membres syndiqués et dans un scrutin secret, dix jours après, durant les délais, soixante jours pour le renouvellement d'une convention ordinaire et quatre-vingt-dix, est-ce que vous avez lu cet article-là?

M. Ledoux: Je vais regarder ça, mais tout à l'heure, comme je voulais vous le dire tout à l'heure, faut bien accepter cette idée de grève lorsqu'on la fait, malheureusement s'il faut l'accepter...

M. Bellemare: Mais vous, vous êtes en faveur d'un vote secret?

M. Ledoux: Oui.

M. Bellemare: D'un vote à la majorité

de tous les membres syndiqués de l'union.

M. Ledoux: Et avant de prendre le vote, que les deux côtés se fassent entendre comme je le fais actuellement devant vous pour pas...

M. Bellemare: C'est un vote secret de tous les membres.

M. Ledoux: Oui, après discussion des deux côtés de la médaille.

M. Bellemare: Pas seulement des membres présents à l'assemblée.

M. Ledoux: Oui, c'est d'accord ça. Pardon?

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Ledoux, en avez-vous pour longtemps encore là?

M. Ledoux: Non seulement pour quelques minutes. J'en aurais bien long, seulement il y en a d'autres qui veulent parler aussi.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Il est 10 heures.

M. Ledoux: Je sais que ça ne fait pas l'affaire de certaines personnes.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):À l'ordre, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ledoux: J'ai appartenu à des assemblées, comme je vous disais tout à l'heure, où le gars voulait exprimer son ooinion; c'était du train pour ne pas être comoris. C'est ça qui existe actuellement dans les mouvements syndicaux, la vérité...

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Ledoux, vous aviez droit de vous faire entendre, vous savez, vous êtes parti de Montréal pour venir vous faire entendre...

M. Ledoux: Oui.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Je demande à tout le monde d'entendre M. Ledoux comme on a entendu tout le monde et comme on va entendre les autres.

M. Ledoux: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): S'il vous plaît, on demande de ne pas manifester.

M. Ledoux: Mais je demande que ce conseil soit observé de la part de nos chefs dans leurs assemblées et je crois que dans un avenir rapproché, les syndicats auront du monde. Moi-même ou d'autres, qui en sont sortis rentreront et iront discuter à la table avec eux, des choses que les hommes aiment à discuter: la justice, la vérité, le soical, la liberté de tous ces hommes qui recommandent ces choses-là. Lorsqu'on veut imposer quelque chose à un autre, malgré lui, sachons que c'est loin de respecter ce qu'on réclame ici, ce soir. On vient de réclamer la liberté d'association, oui très bien, mais on n'a pas réclamé la liberté de s'associer quand ça ne fait pas notre affaire. On nous tient et on doit payer pour ça, on doit payer pour ces choses-là et l'argent ne sert pas toujours à des choses qui sont trop populaires.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Cela, c'est prévu. La liberté syndicale est prévue dans le code, M. Ledoux.

M. Ledoux: Cela, c'est bien, mais ce qui ne l'est pas et que je n'ai pas vu observer, c'est que la liberté des membres n'est pas respectée. La liberté de ceux qui n'appartiennent pas n'est pas respectée. On est traité de toutes sortes de noms parce qu'on est contre à certaines demandes syndicales.

M. Lévesque (Laurier): Je veux soulever un point d'ordre. Personne ne vous a empêché de sortir d'un syndicat...

M. Ledoux: Pardon?

M. Lévesque (Laurier): Personne ne vous a jamais empêché de sortir d'un syndicat.

M. Ledoux: Si je vous dis, je vais vous demander la question, quand j'ai sorti, j'appartenais à un comité.

M. Lévesque: Est-ce qu'on vous a empêché de sortir? C'est tout ce qu'on vous demande.

M. Ledoux: Bien non, mais après ça on a créé une formule pour rentrer les gars malgré eux, comme ça existe actuellement à Drummondville. Est-ce que c'est bien, M. le ministre, ça?

M. Marchand: M. le Président, j'ai un point d'ordre à soulever. C'est très réglementaire comme procédure. Je suis bien d'accord que le comité ici écoute les créditistes de M. Louis Evans. Il a le droit de s'exprimer comme tel, seulement je pense qu'il y a ici des ouvriers d'Asbestos qui sont membres avant la grève, pendant et après et comme monsieur n'a pas simplement donné des opinions, mais qu'il s'est référé à des faits, je pense qu'on est en droit de demander que ce qu'on a cru qui était les

faits, soit rectifié.

Je comprends qu'il ait des droits parce que nous, si nous avions amené 300,000 syndiqués ici pour faire la même chose que monsieur fait ici, la séance du comité aurait durée longtemps.

M. Ledoux: Si elle a été longue, M. Marchand, c'est parce que vous vous êtes levé trop souvent pour poser des questions illégales. Merci beaucoup M. Hamel et je vous supplie, le Parlement, pas pour vous dire encore que je reproche aux garrocheurs de pierres, mais je vous supplie de penser à ce que je viens de dire et d'ôter dans la province, actuellement ce qui oblige les gens à appartenir aux syndicats malgré eux, c'est contre la justice. Merci.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Messieurs, la séance est ajournée à demain matin à onze heures moins quart. Nous siégerons demain matin ici, nous siégerons demain après-midi ici. Demain soir, nous devrons siéger en Chambre mais nous continuerons jeudi ici.

M. Larrivée (Armand): M. Hamel, j'aimerais avoir, au moins, si je n'ai pas la chance de parler ce soir, j'aimerais au moins avoir la parole demain matin. J'aimerais avoir le privilège de parler demain matin si je ne peux parler ce soir.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Mais oui, mais donnez votre nom. Monsieur...?

M. Larrivée: Armand Larrivée, d'Asbestos.

Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Très bien.

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