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Audition de témoins et étude du bill no
54 - Code du travail (3)
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Demain, nous ajournerons
à mardi ou à mercredi, qu'est-ce que vous aimez mieux? Si le
comprends bien, vous voulez avoir quelques jours, des deux
côtés?
M. Massicotte: En ce qui nous concerne, M. le Président nous
préférerions mercredi, de façon que nous puissions
retourner a nos bureaux, pour nos affaires personnelles.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Marchand, M.
Prévost, qu'est-ce que cela vous dit, mercredi?
M. Marchand: Comme d'habitude, on va se soumettre.
Des voix: Oh! oh:
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, c'est compris,
demain après-midi, à 5 heures, nous ajournerons à mercredi
matin, 11 heures moins le quart.
Nous en étions hier à la définition, des
salariés. Je crois que nous avions fini les salariés. M. Morin,
qui? M. Morin vous avez le microphone.
Étude article par article (suite)
M. Morin (Fernand): Fernand Morin, Conseil du bâtiment.
Oui. M. le Président. Nous proposons d'ajouter comme
sixièmement de l'article 1-0 le mot "l'entrepreneur".
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): C'est dans votre
proposition.
M. Morin: Oui. oui.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Bill 54.
M. Morin: Le mot "entrepreneur". Ceci pour éviter des discussions
inutiles sur l'application de l'article éventuel, l'article 36, l'ancien
article de la Loi des relations ouvrières. C'est, disons, une
reconnaissance textuelle de l'explication que nous donnait M. Marchand hier,
à savoir que le Code du travail s'applique aux salariés et non
pas à ceux qui sont liés à d'autres personnes, non pas par
un contrat de travail mais par un contrat d'entreprise.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): La partie syndicale,
qu'est-ce qu'elle a à dire?
M. Morin: Je n'ai pas très bien saisi la portée de
l'amendement.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Vous n'avez pas le texte
qui a été produit... Salariés ne comprend pas,
sixièmement, "quiconque a le statut d'un sous-traitant
indépendant ou d'un artisan". M. Desaulniers.
M. Desaulniers: Alors, M. le Président...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Identifiez-vous.
M. Desaulniers: Guy Desaulniers, procureur.
Si vous vous souvenez, M. le Président il y a quelques
années, un problème a été créé par
l'acte d'une ccmpagnie. Je n'ai pas l'intention ici de faire de procès;
je ne la nommerai pas. Une compagnie avait siqné une convention
collective de travail avec une association reconnue par la Commission des
relations ouvrières. Lorsque la convention collective s'est
terminée - et même les préparatifs avaient
été faits précédemment -l'employeur a avisé
qu'il n'était plus employeur parce qu'il avait par incorporation,
formé trois compagnies, et les trois compagnies qu'il avait
formées étaient la propriété des
contremaîtres de trois départements.
Prenant la position qu'il n'était plus un employeur, parce que,
par le moyen de la loi, il avait cessé d'être un employeur, si
vous voulez - et je prends ici 'e mot "entrepreneur" comme employeur - il a
refusé de négocier une convention collective de travail.
Nous savions très bien que les trois compagnies n'étaient
que des compagnies fictives, mais en raison de l'existence d'une loi de la
province qui permet de former des compagnies qui ont une entité, une
existence, ce que nous ne pouvons pas nier, nous avions à faire face au
problème que, dans le fond, ces trois compagnies ne constituaient, en
fait et en réalité, que des sous-traitants. Et chaque
sous-traitant devenant l'employeur, le certificat qui avait été
accordé n'avait plus
aucune valeur et l'association, en somme, n'avait plus une unité
d'existence.
Je soumets respectueusement que le sixième paragraphe va
permettre à un employeur d'agir contrairement, et ici je fais un lien,
et de se soustraire aux implications de l'ancien article 10a de la Loi des
relations ouvrières qui apparaît dans le nouveau code, l'article
36.
M. Massicotte: M. le Président, le but de l'amendement
proposé par les patrons est simplement de définir de facon
précise. sous l'item "salarié", la différence entre une
personne qui travaille, si vous voulez, pour un salaire sous la forme que nous
connaissons et une oersonne qui travaille sous un contrat d'entreprise pour un
profit et c'est une question de fait. On a cru bon, dans certaines lois qui
couvrent un nombre immense de conventions collectives, de bien définir
cette précision. Cela n'a aucune relation, pour le moment, avec
l'article 36 ou l'ancien article 10a. En fait, nous n'avons, comme semble nous
prêter M. Desaulniers, aucune intention de mauvaise foi en proposant cet
amendement.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Je ne vous prête
pas ça.
M. Massicotte: Non, non, je dis: Nous n'avons aucune
arrière-pensée. C'est simplement une clarification. Et l'on verra
que nous reconnaissons les principes que M. Desaulniers vient d'émettre,
quand on verra notre proposition sur l'article 36. C'est simplement me question
de clarification.
M. Desaulniers: M. le Président, avec votre permission, j'aurais
une chose à ajouter. C'est qu'on veut, dans la loi, déterminer la
participation au droit d'association d'un groupe d'individus. Je
considère que les principes qui ont été établis, et
aussi 'es discussions qui se sont faites hier devant le comité, ont eu
comme conclusion, du moins c'est ce que j'ai cru comprendre, que lorsqu'il
s'agit de la détermination du caractère d'un salarié ou de
la détermination de ce que peut être un salarié, le
comité semblait, sans avoir oris de décision finale,
considérer que, avec les dispositions générales,
c'était la commission qui devait prendre cette décision.
Je dis que le 6 n'est pas un article qui peut être
considéré comme une loi générale parce que
l'article 6 implique nécessairement une situation de fait et je crois
que seule la commission pourra déterminer, suivant les principes
généraux de la loi et suivant la preuve et les faits qui lui sont
apportés, si vraiment un sous-traitant indépendant ou un artisan
n'est pas un salarié au sens de la loi.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): En fait, si on disait:
"ou bien l'enlever complètement ou ne pas s'occuper de l'article 6" ou
bien dire "sous réserve de l'article 36", qu'est-ce que vous diriez de
cela?
M. Desaulniers: Si vous mettez sous réserve de l'article 36... Un
instant, M. le Président.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): 36 c'est 10a autrefois,
l'aliénation partielle ou totale.
M. Desaulniers: Cela réglerait le cas de l'article 36 mais le
sixièmement a l'autres indications. Et le dis qu'en incluant l'article
36 dans la loi, vous enlevez à la Commission des relations
ouvrières le droit de déterminer, suivant la preuve qui sera
faite devant elle, si une personne qu'on, appelle un artisan ou un
sous-traitant indépendant est vraiment une personne salariée ou
non. Ce qu'on demande au comité, c'est de décider dans la loi ce
que la Commission des relations ouvrières doit décider.
Les services publics
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Les services publics. On
va entendre, si vous le voulez, les camionneurs, de l'Association des
camionneurs, qui n'ont pu se faire entendre.
M. Barry: M. le Président, Je suis Henry Barry, de l'Association
des manufacturiers du bois de sciage.
Avant de passer, si vous le permettez, aux services publics, au mot
"artisan" dans l'article proposé, je dois mentionner qu'il s'agissait de
doser certaines discussions oiseuses, particulièrement dans
l'opération forestière. Si l'on se fie à la
définition d'un artisan, il s'agit d'un ouvrier qui, de lui-même
et quelquefois avec une assistance, généralement, d'un membre de
sa famille, exécute un travail. Alors, il n'est pas au sens de la loi si
ni au sens d'aucune définition, un salarié à proprement
parler. Il serait plutôt considéré, dans certains cas
même, comme étant un employeur de cette assistance qu'il peut
obtenir. Nous avons été saisis. récemment. de
l'émission d'un certificat le reconnaissance syndicale par la Commission
des relations ouvrières pour le compte d'un groupe de camionneurs
artisans dans la région du Saguenay. Le cas n'est pas
réglé et ne peut pas être réglé parce qu'il
ne s'agit pas d'un groupe de salariés, alors qu'on les a
considérés comme tels.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, les services
publics, l'Association des camionneurs, M. Fournier, je pense.
Association du camiormaqe du Québec
M. Joron (Pierre): Pierre Joron, président de l'Association du
camionnage du Québec.
M. le Président, M!. le premier ministre, messieurs,
l'Association du camionnage du Québec allait accueillir avec
satisfaction ce projet du Code du travail lorsqu'elle a constaté avec
étonnement que les entreprises de transport public car camion, sous
permis de la Régie des transports, ne seraient plus comprises dans les
catégories d'employeurs désignées comme services
publics.
Pourtant, c'est grâce à la loi de 1944, reconnaissant le
transport routier professionnel comme service public et, en conséquence,
le mettant à l'abri des grèves, que cette industrie a
réussi à prendre l'essor qu'on lui connaît.
Cette loi s'est avérée satisfaisante, a permis de
régler les disputes et a facilité le renouvellement de contrats
de travail avantageux pour les ouvriers, sans que ceux-ci aient recours a la
grève, l'intimidation et la force, dans la plupart des cas.
Les transporteurs routiers sont conscients du rôle essentiel qui
est leur dans le développement économique et industriel de
l'État du Québec. Par ailleurs, ils connaissent la
vulnérabilité de leur industrie en cas de grève, parce
qu'elle se compose de centaines de petites entreprises ayant des
véhicules dispersés sur les diverses routes. Les employeurs du
camionnage n'ont pas la facilité et les moyens financiers de lutter
contre les puissants organismes ouvriers dont les ressources financières
sont considérables.
Transportant presque toute la marchandise périssable: les
viandes, les produits laitiers, le pain, les fruits, les légumes, ils
savent qu'une grève, chez eux, pourrait être gravement dommageable
et néfaste à la santé publique.
Il nous paraît qu'il serait donc illusoire de penser qu'une
grève généralisée, c'est-à-dire de plusieurs
entreprises dans une même région, serait impossible. On ne saura
penser qu'en pareil cas, dans les régions éloignées, les
chemins de fer pourraient se substituer aux camions parce que le réseau
ferroviaire dans la province de Québec, on le sait, est très
limité. Québec est la province qui possède le moins de
milles ferroviaires per capita de toutes les provinces canadiennes, et la
majorité de nos villes et villages compte essentiellement sur le
transport motorisé.
C'est pourquoi les entrepreneurs en transport public s'efforcent de
donner aux ouvriers du camionnage les meilleures conditions de travail et les
meilleurs salaires qu'il leur est possible d'offrir, prenant en
considération la capacité de payer et le bien-être des
travailleurs.
N'est-il pas vrai que dans la région de Montréal, par
exemple, depuis une douzaine d'années, l'échelle des salaires a
plus que doublé? Suivant le décret 407 du Comité
paritaire, le salaire d'un chauffeur de camion, en 1947, était
fixé à $0.70 l'heure.
En 1962, le même employé recevait $1.58 l'heure pour le
même travail pour les neuf premières heures, par jour, et le 1er
octobre 1963, il recevra $0.08 l'heure supplémentaire. Et cette
évolution s'est faite sans grève organisée.
A Montréal, les employés sous la juridiction de la loi
provinciale des services publics gagnent $0.04 l'heure de plus que ceux qui
tombent sur la juridiction fédéraie et où il y a une
grève, arrêt de travail et la violence que l'on sait.
Quant aux avantages sociaux, plan collectif d'assurance-vie,
hospitalisation, etc., jusqu'à maintenant, il a été
payé aux employés du camionnage une somme de. $1,750,000; aucune
contribution n'est requise de la part de l'ouvrier pour l'assurance.
L'employeur seul paie les frais de ce programme de protection sociale. Ce plan
a donné le ton à l'industrie du transport routier dans toute la
province. Les membres de l'Association du camionnage du Québec paient
volontairement des cours aux employés qui sont assujettis au
comité paritaire de la ville de Montréal, pour améliorer
leurs connaissances techniques et automatiquement améliorer leur salaire
et conditions de travail. Ils paient également des cours de premiers
soins à la Société d'ambulance Saint-Jean. En
matière de sécurité routière, une somme de $10,000
sera distribuée aux chauffeurs de camions qui n'auront pas eu d'accident
pendant les douze derniers mois.
Tout ceci s'est accompli en transiqeant suivant la Loi des services
publics.
Notre association participe aussi à la vie universitaire et a
remis des bourses d'études qui se totalisent à $35,000.
L'Association du camionnage du Québec compte aujourd'hui quelque
1400 membres. Des membres représentent la majorité de 26,153
véhicules de services publics portant la licence L. sous contrôle
de la Régie des transports, oui transportent 52% de toutes marchandises
dans la province.
Le camionnaqe public professionnel du Québec est une entreprise
privés essentiellement de chez nous. Comme nous l'avons dit, elle se
compose de centaines de petits entrepreneurs qui, dans leur milieu respectif,
constituent un facteur d'enrichissement. Elle donne de l'ouvrage directement
à 45,000 ouvriers. Prise dans son ensemble, elle représente
peut-être la plus importante industrie comme telle dans l'Etat du
Québec. Si elle a pris autant d'envergure, c'est
précisément, sauf dans Quelques cas isolés, parce qu'elle
n'a jamais été paralysée par les grèves et qu'elle
a su prendre ses responsabilités.
Grâce à sa souplesse, le transport par camion amène
la marchandise dans les régions les plus éloignées de la
province et nous crovons pouvoir affirmer, en toute quiétude, que le
programme du gouvernement de décentraliser l'industrie repose largement,
pour ne pas dire essentiellement, sur le transport par camion.
Nous soulignons que les régions de Chibougamau et de Matagami,
entre autres, se sont développées essentiellement en comptant sur
le transport routier. Toute la région du nord de la Gaspésie, par
exemple, compte entièrement et uniquement sur trois entreprises de
camionnage organisées, possédant une flotte de 200 unités
environ, pour alimenter sa population et satisfaire aux bespins du Transport,
du Commerce et de l'Industrie. Ce serait une catastrophe publique s'il y avait
une grève des transports routiers a cet endroit.
Il y a déjà de nombreux obstacles à la
décentralisation industrielle, surtout lorsqu'on parie de l'industrie
moyenne et de la arande industrie. Les principaux obstacles sont ceux de la
main-d'oeuvre, de I'éloignement des grands marchés, d'où
le besoin de la facilité et du coût contrôlé du
transport. Tout homme d'affaires ou groupe d'hommes d'affaires que le
gouvernement pourrait inviter à ouvrir une industrie dans une
région éloignée s'intéressera immédiatement
au facteur "transport" et à la certitude qu'il aura, en tout temps, de
faire transporter ses produits et approvisionner son usine. Dans l'état
actuel de la loi, il est assuré qu'il ne pourra devenir victime d'une
grève. Votre projet de loi lui enlève cette
sécurité essentielle: de là, la nécessité de
le modifier pour maintenir le statu quo, pour autant que le transport routier
professionnel est concerné.
Le transport pour autrui, moyennant rémunération sous
toutes ses formes, est en soi un service public puisqu'il est licencié
par la Régie des transports, paie un permis particulier à cet
effet et constitue un monopole contrôlé. Nous constatons, par
ailleurs, que le projet de loi protège largement l'ouvrier et
l'entrepreneur du transport, et nous en sommes reconnaissants au gouvernement.
Nous avons pleine et entière confiance qu'en cas de différends,
les décisions du tribunal d'arbitrage formé de juges de district
rendront pleine justice aux parties.
Nous soulignons d'une façon particulière qu'une union
internationale dont la réputation douteuse est de
notoriété publique, qui a été expulsée du
Congrès canadien du travail et de la fédération
américaine du travail, détient la majorité des certificats
de reconnaissance syndicale émis par la Commission des relations
ouvrières du Québec. Nous avons d'excellentes relations avec les
officiers québécois d'un local "le cette union internationale.
Cependant, un autre local de cet organisme syndical dirigé par des
étrangers harasse les employeurs en agissant illégalement et ils
ont causé des préjudices Graves et irresponsables à
certains d'entre eux. Quelques-uns ont même dû vendre leur commerce
à la suite de ces difficultés.
Nous croyons qu'il ne serait pas sage, dans l'intérêt
public, de donner plus de pouvoirs à ces dirigeants qui viennent chez
nous pour dicter la politique dans la province ou dans notre pays.
Suivant la politique d'autonomie du gouvernement, les camionneurs
routiers veulent, eux aussi, être maîtres chez eux sans toutefois
avoir objection à transiaer avec des représentants de notre
province.
Encore avant-hier, le 17 juin, cette union internationale a
organisé une grève illégale dans trois entreprises de
cammionnage public de l'Abitibi et a orivé cette région de
marchandises essentielles en plus des dommages graves causés aux
compagnies concernées.
Nous souhaitons respectueusement que le gouvernement ne devrait pas
permettre à aucun diriqeant étranger d'imposer sa domination dans
un secteur si imposant de notre économie. Pour toutes ces raisons, nous
demandons, durant l'étude des articles, de modifier le sous-paragraphe 5
du paragraphe n) de l'article 1 afin d'y inclure le transport routier pour
autrui moyennant considération.
Je désirerais ajouter ici que notre demande est appuvée
par le public expéditeur représenté par l'Association
canadienne des manufacturiers, la Chambre de commerce, le Board of Trade.
l'A.P.I. et plusieurs autres organismes.
M. le Président, M. le premier ministre, messieurs, je vous
remercie de votre bonne attention.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Merci, M. Joron. Est-ce
qu'il y a quelque chose à dire, du côté syndical, sur ce
mémoire-là?
M. Marchand: Voici, M. le Président. Je pense que le principe qui
est à la base du mémoire présenté par "Association
des camionneurs est un principe extrêmement important et je crois que la
philosophie générale de la loi doit tenir compte de la
réalité et de certaines libertés fondamentales dans notre
société, c'est-à-dire que suivant la conception qu'on se
fait d'une société libre, on arrive aux conclusions auxquelles
arrive l'Association des camionneurs ou à une autre qui est. disons, la
nôtre.
Ce qu'il y a d'assez curieux, c'est que si nous demandions ici, ce
matin, aux gens qui représentent la grande entreprise - il y en a -
"Est-ce que vous seriez d'accord pour que dans votre entreprise il y ait
l'arbitrage
obligatoire des conflits, même des différends à
l'occasion des renouvellements de la convention collective?", la
réponse, j'en suis convaincu, serait un "non" catégorique.
Pourquoi? Parce que des conflits de travail, ce ne sont pas essentiellement des
conflits de droits. Ce sont des conflits d'intérêts et c'est la
conception que chacun se fait de son entreprise, des risques qu'il est
prêt à courir. C'est dans cette atmosphère-là qu'il
négocie une convention qui s'applique non pas pour le passé, mais
pour l'avenir. Et là, il est extrêmement important que l'on tienne
compte de la conception et aussi de la mentalité et des risques que
l'entreprise ou les individus sont prêts à courir,
c'est-à-dire que ça repose et ça remet en question
fondamentalement tout le principe, toute la notion de la liberté
d'entreprise et même de la liberté d'association.
Je pense que nous ne pouvons pas toucher à ça à la
légère. Nous sommes d'accord à la CSN - et la FTQ
prendront ses propres positions - nous sommes d'accord pour que, dans certains
secteurs, le droit de grève soit restreint pour des raisons d'ordre
public. C'est limité, en fait, au secteur non dynamique, si vous le
voulez, de la vie économique: les fonctionnaires, les employés
municipaux, les corporations municipales et scolaires et je ne veux pas dire
que ces gens-là ne travaillent pas.
M. Bellemare: Vous avez perdu la clé...
M. Marchand: Non, je vais vous l'expliquer. Mon affaire a du bon sens.
Il n'y a que ce que je dis qui n'en a pas.
J'entends par facteur dynamique de la vie économique les
éléments de la vie économique qui peuvent, par leur
action, transformer les structures ou avoir une influence, disons, sur les
tendances économiques de notre société.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice:Ça devient
clair.
M. Johnson: Là, c'est clair.
M. Marchand: C'est clair? Il n'y a que moi qui n'ai pas compris.
Alors, je crois que c'est un principe fondamental. En somme, le droit de
coalition se rattache au droit d'association qui, lui-même, est
l'expression d'une liberté fondamentale du citoyen.
D'ailleurs, évidemment, il y a dans le mot "grève", si
vous voulez, toute une émotivité qu'on ne peut pas éviter,
seulement c'est simplement le phénomène qui se produit quand,
disons... On a parlé des avocats: un avocat refuse ses services à
certaines conditions qui lui sont posées, il ne donne pas son travail.
Et c'est vrai pour l'ensemble des citoyens. Ça n'a pas l'implication
d'une grève. Ça n'a pas les conséquences sociales d'une
grève, mais c'est la même liberté qui est en jeu. C'est la
liberté d'offrir, de donner son travail à des conditions qu'on
accepte ou qu'on n'accepte pas. Alors, c'est quelque chose de fondamental dans
notre société et c'est tellement fondamental, comme je vous le
dis, que si vous demandez à la grande entreprise de restreindre ces
droits-là, c'est elle qui va se battre contre vous.
Maintenant, les seules restrictions que l'on peut apporter à
ça sont pour des raisons d'ordre public, non pas parce que ça
peut créer des ennuis localement à une industrie ou à une
autre, toutes les grèves créent des ennuis. À cette
condition-là, faites une loi générale et enlevez le droit
de grève.
Par exemple, sous prétexte que les camionneurs rendent des
services absolument essentiels - je suis bien d'accord - je pense que ce n'est
pas une raison suffisante. Pourquoi, par exemple, les laitiers ici à
Québec qui distribuent le lait, ou à Montréal, ont-ils le
droit de grève eux? Ils peuvent priver toute la population de lait.
C'est sérieux ça. On pourrait dire: Bien, mon Dieu, ça n'a
aucun sens, on va les mettre sous la Loi du service public. Les
épiceries peuvent toutes fermer à Québec ou à
Montréal. Enfin, c'est-à-dire que si vous partez du principe que
dès que ça crée un ennui à la population il faut
enlever ce droit, je pense que vous rendez un mauvais service parce que vous
enlevez une responsabilité que des citovens libres doivent avoir, et
même la liberté de faire des bêtises. Mais donnez la chance
à l'opinion publique de se faire une opinion sur les conflits,
même quand ça l'ennuie. Ils n'auront pas le
téléphone dans tel secteur, ils se demanderont pourquoi et ils
feront pression sur les parties. Si on veut avoir la liberté sans en
avoir les inconvénients, on va perdre la liberté et on aura des
inconvénients également.
Alors, le comprends que s'il y a une entreprise de camionnage qui est
paralysée à un moment donné, ça peut nuire,
ça peut être embêtant. Mais est-ce qu'on peut dire que
ça va être un conflit d'ordre public tellement important qu'il
faille les mettre sous la Loi du service public?
Si l'Assemblée législative croit ça, je pense que
vous vous en allez vers l'arbitrage obligatoire dans tout le domaine
industriel, parce que partout ça crée des ennuis.
M. Johnson: Excusez, M. Marchand, vous plaidez contre tout le paragraphe
5.
M. Marchand: Oui, c'est ce que ça veut dire, au fond. D'ailleurs,
j'aime autant le faire tout de suite, le n'aurai pas besoin de recommencer tout
à l'heure. C'est-à-dire que je crois que nous devons essayer de
limiter. C'est par voie d'exception qu'on enlève le
droit de coalition dsns une société libre, pour des
raisons de bien commun. Il y a des groupes, à un moment donné,
qui peuvent égorger l'ensemble de la société et, a ce
moment-là, je pense que le bien commun justifie une restriction. Mais
même dans ce temps-là, vous savez - il ne faut pas se faire peur -
je pense que l'opinion publique et le Parlement existent et ils peuvent
intervenir. Vous prenez le cas des chemins de fer au fédéral.
C'est sûr que les syndicats de cheminots ont en main un pouvoir
extraordinaire, une puissance extraordinaire puisqu'ils peuvent paralyser
l'économie de l'ensemble de la nation. Ils ont quand même le droit
de grève. Vous savez ce qui s'est passé lorsqu'ils ont voulu
l'exercer. La société s'est dit, par le truchement de son
Parlement: Tout de même, on n'est pas pour paralyser l'ensemble de
l'économie. Mais je pense que dans une société
démocratique libre, il ne faut pas enlever aux agents privés la
responsabilité de l'exercice de leur liberté. On rend un mauvais
service à tout le monde. Alors, j'ai beaucoup d'estime pour l'industrie
du camionnage. Je pense que c'est une industrie qui rend de grands services.
mais je suis convaincu que même si Guilbault Transport arrête, M.
Langis Galipeault, la société québécoise n'est pas
en danger. Il y a des ennuis autant pour M. Galipeault que pour nous et pour un
certain nombre de citoyens.
M. Johnson: Pas pour M. Galipeault.
M. Bertrand (Missisquoi): Il n'a pas d'ennuis, lui.
M. Marchand: Alors, c'est le principe général parce
qu'autrement, vous essayez de faire déterminer dans un domaine
économique dynamique - je reviens avec le mot parce que c'est important
en dehors du jeu de mots qu'on peut faire - par un juge, des problèmes
d'intérêts et il ne peut pas se substituer à la
liberté des parties là-dessus dans un domaine économique
qui n'est pas d'intérêt réellement public. Comment
voulez-vous qu'un juge puisse dire: Votre conception, monsieur l'entrepreneur,
de ce que sera votre marché dans six mois ou dans un an, moi je
décide qu'elle n'est pas bonne; c'est une autre que vous devez avoir.
Dire aux syndicats: Vous croyez-vous, que l'entreprise va fonctionner, disons,
à profit et qu'il y aura un accroissement de productivité, et
vous voulez, dans la convention qui va couvrir une période d'avenir,
fixer les conditions de rémunération? Moi, je considère
que vous avez tort. Votre conception le l'avenir est fausse. Vous savez que ce
n'est pas un problème de droit; il ne s'agit pas de savoir, dans un
texte, si le texte veut dire ceci ou cela. C'est toute la conception qu'on peut
se faire de l'économie et du dynamisme de l'économie, à
moins que vous vous en alliez strictement vers un dirigisme d'État. Si
c'est l'idée des employeurs représentés par l'Association
des camionneurs, on aimerait mieux le savoir. Si c'est ça leur
conception fondamentale, ce serait peut-être intéressant à
discuter.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Ce serait peut-être
intéressant à discuter.
M. Johnson: À appliquer. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Si les employeurs sont
d'accord.
M. Marchand: Le dirigisme d'État, vous savez, je n'y crois pas,
comme principe.
M. Johnson: C'est la première fois qu'on s'entend, nous
autres.
M. Marchand: Seulement, cela ne veut pas dire que je suis contre
l'intervention de l'État; au contraire, dans certains domaines. Mais
essayez de penser une minute. Comment se fait-il que la grande entreprise se
bat contre ça à mort et que des petits employeurs, eux, veulent
l'avoir?
Ils se battent à mort et je comprends pourquoi. C'est tout leur
système, dans le fond, que vous mettez en danger. Ensuite, je pense
qu'il ne faut pas empêcher la population de se faire un jugement et une
opinion sur les conflits qui éclatent dans son sein; c'est la
démocratie, c'est la liberté, prenons-en tous les aspects et tous
les risques. Je peux vous dire personnellement, comme représentant de
centrale syndicale, que dans plusieurs cas, ça fait notre affaire
d'avoir la Loi des services publics et d'être sous la Loi des services
publics parce qu'on n'a pas le fardeau de la grève, les obligations que
cela comporte, les risques que cela comporte. C'est l'État qui vient
mettre à notre service une puissance que peut-être nous n'aurions
pas, comme c'est le cas.
Cela fait notre affaire, mais nous sommes prêts à courir le
risque de la liberté que nous réclamons et je pense que
l'Association des camionneurs, comme les gens du téléphone et
ceux qui spnt rémunérés, à l'article 5, ont tort de
poser ces principes-là parce qu'ils songent qu'un jour peut-être
ils peuvent envisager que les autorités publiques marcheront
plutôt dans le sens conservateur et là, j'entends au point de vue
du conservatisme social et économique et non pas au point de vue
politique. Cela peut faire leur affaire, mais qu'ils se mettent bien dans
l'idée que la forme de gouvernement qu'on a n'est pas celle qu'ils
désirent et l'instrument que nous avons entre les mains va être
utilisé contre eux. À ce
moment-là, ils vont réclamer leur liberté.
Je pense que la liberté, il faut la prendre des deux
côtés et nous, nous sommes prêts à en courir le
risque. De toute façon, je trouve que vous avez tort de demander cette
chose-là. Nous allons insister, même si, dans les petites
entreprises de camionnaqe, on aime mieux avoir la loi. Je vous le dis, on aime
mieux l'avoir, on n'a pas besoin de faire de grève, ca vient
automatiquement. On aime bien mieux ca. Ils nous enlèvent un tas de
responsabilités, mais je pense qu'on ne rend pas service à la
société et, de plus, on peut laisser les citoyens responsables de
leurs problèmes. C'est mieux, comme philosophie générale,
en tenant compte de la présence des corps intermédiaires. C'est
ce que j'avais a dire sur la philosophie.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Puisqu'on est dans les
généralités, on pourrait préciser non moins
philosophiquement, parce que ca va s'appliquer tout le long, quels seraient les
critères - ordre public, monopole, etc., danger à la santé
- essentiels que les syndicats, les centrales admettraient pour désigner
un service public.
M. Marchand: Là, je ne peux pas parler au sujet des centrales. Je
peux vous dire simplement que nous - d'ailleurs, vous allez le voir par
l'énumération - lorsque nous acceptons, disons, d'une
façon générale, dans les services publics...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Qu'est-ce que c'est, un
service public acceptable, dans cette loi-là?
M. Marchand: Enfin, je pense que je ne peux pas donner de
définition d'un service public; la seule chose que je peux faire
là, spontanément, c'est de vous donner une espèce
d'énumération. Nous sommes d'accord que les policiers ne peuvent
pas faire de grève, nous sommes d'accord, à l'heure actuelle - et
là, ce n'est pas un principe -que dans les corporations municipales et
scolaires le droit de grève n'existe pas, que dans les hôpitaux,
le droit de grève n'existe pas parce que, justement, vous mêlez
à un conflit des gens qui ont un problème fondamental à
régler, le problème de leur santé. Je pense qu'il faut
restreindre le droit de grève pour ces raisons-là. Je ne dis pas
d'une façon absolue, je dis tant et aussi longtemps que nous aurons des
mécanismes qui nous permettront d'obtenir justice. N'oubliez pas une
chose, je pense qu'il ne faut pas faire de théorie non plus
là-dessus, si un groupe d'hommes, que ce soit dans les hôpitaux et
même dans la police, éventuellement, est placé dans une
situation telle que ce groupe-là sent qu'il n'a pas tous les recours
pour avoir justice, ayez n'importe quelle loi, ils passeront à
côté et l'État ne pourra rien faire. Il s'agit de
créer une loi qui tienne compte des intérêts de tout le
monde et qui donne des recours aussi. C'est pour ça que, dans les
hôpitaux, nous acceptons la restriction au droit de grève, comme
dans les corporations municipales et scolaires, mais à une condition:
que les autres recours existent et à titre exceptionnel.
Si vous remarquez, dans les énumérations qu'il y a
là, je pense que nous ne demandons pas l'abolition du droit de
grève dans aucun des secteurs dynamigues de la société
économique, aucun, parce que dans ce domaine-là, nous croyons que
les parties doivent jouer leur rôle. Alors, il y a les fonctionnaires
provinciaux. Nous sommes d'accord parce que c'est sûr que si les
fonctionnaires vident la bâtisse ici et les quelques autres qu'il y a
autour ou à Montréal, là, c'est l'ensemble de la
société qui se trouve égorgée. Je pense qu'il est
bon qu'il existe un recours: par exemple, on est favorable à la
présence d'un tribunal d'arbitrage où ces gens-là, qui
sont des citoyens comme les autres, qui ont des droits comme les autres,
peuvent aller exposer leurs griefs et essayer d'avoir justice.
Quand on est employeur, vous savez, ça ne veut pas dire qu'on est
de mauvaise foi, mais on regarde plutôt nos intérêts. Cela
va vous surprendre, mais moi, comme président de centrale syndicale, je
me comporte comme un employeur. Puisqu'il y a un syndicat de permanents chez
nous, c'est moi qui deviens le "torrieu" de gars à l'autre bout,
qu'est-ce que vous voulez? Mais c'est normal parce que les
intérêts peuvent être divergents, de même que les
conceptions. Ils ont un recours même contre leurs officiers. Cela devrait
exister pour le Parlement, évidemment, je ne trouve, pas ça
drôle parce que j'ai déjà eu des sentences arbitrales
contre mes décisions et je vous assure que je trouvais que le juge
n'avait pas beaucoup de jugement mais, de toute façon, je les ai
acceptées et je pense que le aouvernement devrait faire la même
chose. De toute façon, comme vous le remarquez, c'est surtout dans le
secteur des services que nous apoelons les services publics...
M. Bellemare: L'eau, le aaz, l'électricité, pas Se
téléphone.
M. Marchand: Oui, ça, on est d'accord; pas le
téléphone. Même si le téléphone du
Bas-Saint-Laurent arrêtait un bout de temps, évidemment, ra irait,
les gens utiliseraient le télégraphe: ils ont déjà
vécu ça, il y a des moyens de s'en sortir. Là où il
n'y a pas moyen de s'en sortir... évidemment, si vous bloquez les lignes
d'un hôpital et qu'il y a 50 personnes qui meurent, c'est sûr que
là, il y a un problème extrêmement grave. Mais
bloquer le téléphone, entre nous, d'abord, moi, ça
ferait mon affaire pendant un bon bout de temps, si je pouvais ne pas en avoir
pendant quinze jours! Bloquer les lignes de la Commission des liqueurs,
ça peut s'endurer...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Pas trop longtemps.
M. Marchand: Pas trop longtemps, non. J'ai une provision d'à
peine une semaine. De toute façon, je pense que l'argumentation qui veut
qu'on enlève le droit de grève parce que ça crée
des ennuis n'est pas valable parce que vous devrez l'enlever partout. Il s'agit
de savoir si la nature des ennuis que ça crée touche l'ensemble
de la société; c'est réellement un pouvoir exorbitant
entre les mains d'une institution privée. Il n'y a qu'une raison
d'imposer l'arbitrage obligatoire, c'est dans un contexte strictement
socialiste et de dirigisme économique, c'est-à-dire où la
communauté, dans l'ensemble, prend des risques économiques, et si
vous voulez ça, il va falloir que vous fassiez également l'autre
partie. On ne vous dit pas qu'on sera contre si vous décidez d'embarquer
dans ça, mais il ne faudrait pas être sur la clôture et
prendre les bonnes affaires des deux régimes. Je pense qu'il faut faire
l'évolution en temps normal.
De toute façon, ce sont les réflexions que j'avais
à vous soumettre. Nous y sommes opposés non pas parce que, si
vous nous l'imposez, on ne criera pas, on ne dira pas que vous voulez tuer le
mouvement syndical, pas du tout. Dans bien des cas, vous allez nous rendre
service, mais je pense que vous nous rendez un mauvais service et vous en
rendez un mauvais aussi aux entrepreneurs, aux entreprises de camionnage.
M. Provost (Roger): Je veux simplement ajouter ceci, M. le
Président: On accepte la liberté d'entreprise avec les risques
inhérents. On ne peut pas se fendre de longs discours sur la
liberté d'entreprise pour, ensuite, chaque fois que, dans un contexte de
société libre qu'on prône, ça nous cause des
embêtements, venir demander l'interférence ou l'ingérence
de l'État par un tribunal. On dit que c'est bon, l'État, dans ce
temps-là, mais si l'État arrive pour nous déranger,
même en vue du bien public, ça, ce n'est plus bon. Il va falloir
que l'entreprise libre fasse son option et accepte tous les risques
inhérents à la libre entreprise;
On parle de monopole, dans le mémoire de l'Association des
camionneurs. C'est un petit monopole de 1400. Il y a 1400 camionneurs dans la
province de Québec, il y a 1400 membres, c'est encore mieux; il y a 4000
détenteurs de permis et je ne crois pas, d'ailleurs, qu'ils parlent au
nom de la majorité s'ils ne sont que 1400 sur 4000.
Deuxièmement, je ne crois pas que le fait qu'un camionneur
arrête quelque part cela constitue un danqer public. Je pense que M.
Spector, hier, a établi certaines normes qui vaudraient la peine
d'être considérées quant aux services publics. Il a dit, si
je lis bien ses notes - j'espère ne pas déformer sa pensée
- ceci: Lorsqu'il y a une espèce de monopole qui doit servir toute la
population - c'est le cas des camionneurs - lorsque ce sont des institutions
publiques, là, nous l'acceptons avec restrictions mais, dans le moment,
nous concédons que le gouvernement veuille imposer dans le contexte
actuel certaines restrictions qu'on est prêt à discuter.
Lorsqu'il s'agit d'une institution publique, surtout lorsqu'elle est
financée par des taxes - c'est le fait des écoles, des couvents,
des hôpitaux - on comprend que le gouvernement veuille savoir où
il s'en va dans ce domaine-là avec l'argent du public, là
où la cessation des opérations pourrait créer un danger
pour la santé ou la sécurité publique. Je ne pense pas
qu'un livreur de lait, même s'il en passe douze dans la même rue,
ou un camionneur qui apporte du lait d'une ville à l'autre, lorsqu'il y
en a dix qui font la même chose, puisse créer un danqer pour la
sécurité ou la santé publique. C'est la raison pour
laquelle nous sommes favorables à ce que ceci disparaisse, et c'est dans
le présent texte.
Maintenant, pour la distribution du gaz, la vente du gaz, de l'eau et de
l'électricité, nous imposons une restriction, lorsqu'une partie
de cette production est pour des fins publiques, est destinée a
l'utilité publique. Nous ne croyons pas, par exemple, que si une
comoaqnie a son propre aqueduc, pour elle-même, les ouvriers oui
travaillent à l'aqueduc, qui ne sont pas d'utilité publique,
n'ont pas le droit d'exercer leur droit de grève.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Pour une compagnie...
Prenons un cas qu'on connaît dans la province, la oortion de son pouvoir,
sa oroduction électrique irait dans la production industrielle. Pour
vous autres, évidemment, ça devrait être exclu.
M. Provost: Exclu des services publics parce qu'on ne pense pas que si
le pouvoir arrête ce soit une calamité qui mette en danger la
santé ou la sécurité de la province. En somme, nous nous
résumons à ce qui peut mettre en danger la sécurité
ou la santé de la province.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): J'aimerais bien savoir -
je pense que c'est M. Renault qui représente la CMA, hein? -M. Renault,
ce que vous avez à dire sur la théorie de M. Marchand à
l'effet que si on établit l'arbitrage obligatoire, dans le cas du
camionnage, comme ça, là, ça crée un
principe qui, à un moment donné, peut conduire à
l'arbitrage obligatoire, à des conflits partout.
M. Renault: Eh bien, je crois, M. le Président...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Je vous demande votre
opinion parce que M. Joron dit que la CMA, l'API et d'autres organisations
soutiennent le mémoire de l'Association des camionneurs.
M. Renault: Oui. Je fais tout de suite remarquer qu'en ce qui me
concerne, comme représentant de l'Association des manufacturiers
canadiens, si on discute au point de vue théorique de l'affaire, je vous
soumets, M. le Président qu'il ne faut pas oublier que dans toutes nos
lois ouvrières, qu'on le veuille ou non, l'employeur ne retire rien des
lois ouvrières, sauf la paix industrielle. Il faut partir du principe
que toutes les lois ouvrières sont pour la protection de
l'employé. Il n'y a absolument rien, je le soumets respectueusement,
qui, dans les lois ouvrières, est en faveur de l'employeur; tout ce
qu'on enlève, ce sont des droits à l'employeur. Alors, en partant
de la base, c'est la raison pour laquelle, en ce qui concerne mes clients nous
appuyons le mémoire de l'Association des camionneurs.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Ce n'est pas très
clair comme raisonnement.
M. Renault: M. Lévesque, il y a des cas, au point de vue des
services publics, en autant que nous sommes informés...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Oui, mais enfin, on n'a
pas encore décidé que les camions étaient redevenus
services publics; alors, on parle sur le camionnage.
M. Renault: Oui, mais, comme principe, l'industrie du camionnage...
Enfin, ce que j'en comprends, je ne suis pas avocat et je n'ai même pas
de clients dans le camionnage alors, je ne voudrais pas compromettre la cause
des autres.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): M. Hamel vous demandait
simplement si la CMA, d'après vous, l'appuyait et jusqu'à quel
point.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Ils l'ont appuyé,
le mémoire.
M. Renault: Nous l'avons appuyé et nous l'avons appuyé sur
la base suivante. Dans certaines régions, par le fait que la province a
décidé d'imposer aux camionneurs d'obtenir une licence,
qu'arrive-t-il? Vous avez, dans certains cas, un seul camionneur qui a un droit
exclusif dans un district ou peut-être pas dans un district, mais sur
certaines lignes...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Est-ce que vous connaissez
des régions de ce genre-là''
M. Renault: J'ai changé de mot, M. Lévesque,
"région" pour "certaines lignes". J'en connais en tout cas, dans la
Beauce, M. Lévesque. J'en connais dans la Beauce où certains
villages sont desservis simplement par une seule ligne de camionnage ou enfin
un propriétaire de camions.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Ça, c'est un cas,
excusez-moi, puisqu'on parle de cas de fait, c'est des cas de fait qui changent
continuellement à tous les mois, ou à tous les six mois, il peut
y avoir de nouveaux permis d'émis...
M. Renault: Peut-être.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Ça arrive depuis
des années.
M. Renault: Comme je vous ai dit, M. Lévesque, vous
m'entraînez dans un domaine que je connais très peu, parce que je
n'ai pas de clients dans cette ligne-là. Mais pour répondre
à votre question, c'est le principe sur lequel nous nous sommes
basés pour appuyer le mémoire de l'association des camionneurs.
Nous n'avons pas approfondi le problème plus que ça. Mais vu que
la province décide, par le ministère du Transport, d'imposer aux
camionneurs l'obligation d'avoir une licence et que, dans certains secteurs,
peut-être qu'ils ne sont pas nombreux, M. Lévesque, mais ils
existent dans certains secteurs, il n'y a que ce camionneur qui peut...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): En partant de ce
principe-là, est-ce que les taxis ne sont pas dans le même
cas''
M. Renault: Bien oui, mais seulement écoutez, je ne connais pas
de région de taxis, M. Lévesque, où il n'y a qu'un seul
taxi. Le taxi, tout ce que vous avez...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Ah! il y a quelques
endroits que je connais où vous avez une seule compagnie ou une seule
association, parce qu'il n'y a pas de place pour deux.
M. Renault: Et vous n'avez pas une ligne exclusive, vous n'avez pas la
rue Willowdale, ou Quelques rues dans Montréal, comme la rue
Vendôme, qui ont été servies seulement par un... Et vous
n'avez pas de
taxi qui est le seul à avoir le droit de servir cette
rue-là...
M. Johnson: D'ailleurs, M. Renault, vous n'éliminez pas la
possibilité d'une grève générale du camionnage qui
paralyserait les deux lignes qui desservent la même région ou les
trois lignes?
M. Lévesque (Montréal-Laurier): À ce
moment-là, j'ai la valise de ma voiture pour aller m'approvisionner.
M. Johnson: Si vous êtes dans la Gaspésie, c'est moins
drôle.
M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, est-ce qu'il n'y
aurait pas moyen d'avoir une charte qui nous donnerait un peu les lignes de
distribution du camionnage dans la province, avec le nombre à peu
près de compagnies qui desservent telle ou telle région? Est-ce
qu'il y a quelqu'un qui pourrait nous la donner?
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Je vais inviter M.
Fournier tantôt, si vous voulez attendre une minute, M. Fournier, je vais
vous inviter tantôt.
M. Renault: Je m'accorde avec M. Marchand pour dire que, en ce qui nous
concerne, l'entreprise certainement s'objecterait à ce qu'on nous
enlève le droit de négociation. Très bien. Je
m'accorde.
Seulement, M. le Président, je soumets que c'est le devoir de la
Législature, dans tout ce domaine-là, de poser une certaine
limite. Où allez-vous la poser? Vos responsabilités, j'aime bien
mieux que ce soit vous autres, vous avez choisi de les prendre, que
moi-même. Moi, je représente un certain groupe et je crois que je
peux me limiter.
M. Johnson: M. Renault, et vous en avez élu une partie de nous
autres...
M. Bertrand (Missisquoi): Aidez-nous à établir la
limite.
M. Renault: Dans ce domaine-là, je crois que je dois me limiter
et laisser à mes confrères, qui ont étudié le
problème plus que moi, le soin de défendre les
intérêts des camionneurs. Je crois que je ne peux rien ajouter
pour contribuer à la discussion que vous allez avoir à faire.
M. Girouard (Jean): M. le Président...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Un instant, une minute,
c'est M. Fournier là, un instant là.
M. Girouard: Je veux juste terminer ce que monsieur mon confrère
vient de dire. Il ne devrait pas y avoir d'arrêt de travail dans tout
service essentiel à la vie sociale. Peu importe, maintenant, la
situation juridique de l'entreprise qui donne ce service-là. Je crois
qu'elle est là, la notion.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): La vie sociale, vous
admettrez que c'est une notion un peu floue.
M. Girouard: Je la définirai.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Est-ce que ça
comprend les bingos? Non, enfin la vie sociale...
Une voix: Les clubs de nuit?
M. Girouard: Écoutez, moi je sais une chose, sur un fait
précis. Si, disons, j'ai un cas d'urgence, chez moi, je dois communiquer
chez le médecin, il n'y a pas de service téléphonique,
imaginez les conséquences. Je donne l'énumération de faits
comme ça.
M. Bellemare: Mais dans ce cas-là, les ambulanciers ne sont pas
compris. C'est bien important les ambulanciers.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):
M. Girouard, qu'est-ce que vous pensez du principe énoncé
par M. Marchand, disant que le droit de grève ne doit pas être
restreint parce qu'il cause des ennuis aux personnes qui en sont victimes?
M. Girouard: Bah! encore là, faisons la distinction entre les
différents ennuis. Si c'est un ennui extrêmement onéreux
mais qui, à la rigueur, je dirais, se supporte, je n'aurai pas tort.
Mais si c'est un ennui dont l'effet tombe dans la nature des choses
essentielles et irréparables, je crois qu'il faut distinguer.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Fournier.
M. Provost: Je voulais simplement demander à M. Renault s'il est
prêt à laisser tomber les relations ouvrières, puisqu'il
n'y a rien dedans pour les patrons? Nous, il nous resterait notre droit de
grève, suivant le Code criminel, puis on s'est déjà
débrouillé sans loi, ça ce serait plus difficile,
ça serait moins dans l'ordre, mais on pourrait peut-être. Seule
une affirmation qu'il n'y a rien dans la loi des relations ouvrières
pour les patrons, moi je trouve ça un peu vaque et un peu étendu
comme affirmation.
M. Marchand: Si vous me permettez, juste là-dessus, pour
compléter ce qu'a dit mon ami Provost. C'est que les organisations
syndicales sont antérieures à la législation du
travail. Et les législations ouvrières sont venues, non
pas pour augmenter les droits des travailleurs parce qu'on les avait, on avait
nos syndicats et puis on pouvait se battre. Elles sont venues pour les limiter:
Vous serez reconnus, mais à telles conditions. Vous ne pourrez pas faire
la grève dans telles conditions. Et quand M. Renault trouve que la loi
nous donne des droits, ces droits-là, nous croyons que nous les avions
avant la loi. C'est basé sur la nature même et la libellé.
Alors, c'est le contraire. Et en est prêt...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Si je comprends votre
histoire, est-ce que les syndicats ne sont pas venus comme une espèce de
réaction violente pour des abus de la civilisation industrielle?
M. Marchand: C'est sûr.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Il a fallu, à un
moment donné, codifier, autrement ça aurait été la
jungle. Ça aurait été la pagaille.
M. Marchand: Et là, on a voulu canaliser ça et puis on a
voulu enlever des droits et limiter l'exercice des droits des syndicats. Et
ça c'est la Loi des relations ouvrières, la Loi des services
publics et toutes les autres lois qui se greffent autour.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Marchand, la Loi des
relations ouvrières, par exemple, dit, suivant le Code civil, si vous
voulez, c'est la liberté individuelle; ne peut mettre un gars dehors
suivant certains avis d'une semaine ou un mois. Alors dans la Loi des relations
ouvrières, quand on dit que le patron, par exemple, ne peut pas mettre
un gars dehors pour activité syndicale et qu'en plus il y a une
présomption contre lui, on ne peut pas dire que c'est une restriction
aux lois des ouvriers ou aux lois d'un syndicat.
M. Provost: Voici, c'est une concession qu'on nous fait parce qu'on nous
enlève notre droit de grève à n'importe quel temps. On ne
dit pas que c'est mauvais ou pas. on ne discute pas sur le mérite, mais
on nous enlève le droit de grève, à n'importe quel temps,
qui existait avant qu'il y ait des lois du travail. Et puis on a dit: Pour
mettre de l'ordre, on vous enlève votre droit de grève. Nous, on
a dit: En retour, orotéqez-nous parce qu'on n'a plus l'arme
nécessaire pour exercer ce recours qu'on avait en tout temps autrefois.
Ce n'est pas un privilège qu'on nous a...
M. Fortin: M. Provost, vous allez admettre que si on entre dans ce
domaine-là, on entre dans toute la philosophie de la législation
du travail. On n'en sortira pas.
M. Provost: Non, non. c'est juste cour répondre à
l'affirmation générale rie M. Renault qui dit: "Nous autres,
dans...
M. Fortin: La réglementation nous permet de légaliser de
plus grandes jouissances de sa liberté et de ses droits.
M. Provost: Exactement, mais ce n'est pas nous qui avons ouvert le
débat, M. Fortin.
M. Renault: Bien voici, écoutez. J'ai ouvert le débat,
peut-être, mais je crois qu'à la façon dont j'ai ouvert le
débat, le n'ai certainement pas voulu commencer un argument avec les
amis, parce qu'en fait nous nous connaissons tous assez bien. Mais voici un
point, je n'ai rien à retirer, vous savez que ce que j'ai dit,
plutôt à ajouter ceci: que les abus dont on vient de parler ont
existé des deux côtés, de telle sorte que la
Législature a cru bon de faire des lois ouvrières. Mais si on
avait le temps, si on prenait article par article de la Loi des relations
ouvrières on ne trouverait aucun article en faveur des patrons, sauf
qu'il doit avoir la paix dans le temps de la convention collective. C'est ce
que je ne retire pas.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Fournier.
M. Fournier: M. le Président, je crois que l'exercice de la
liberté doit être limité, du moment qu'il peut affecter le
bien commun. Et un groupe d'ouvriers d'une entreprise de camionnage, s'il leur
est possible, au moyen de la grève, par exemple, de bloquer, disons, une
route, comme on l'a déjà vu, c'est nuire au bien commun d'une
région. Je crois que ce droit de grève doit être
limité.
En somme, le droit de grève, c'est quoi? C'est le refus de se
soumettre à d'autres qu'à son propre jugement afin d'obliger le
partie opposée, l'employeur dans le cas, à se rendre à
certaines conditions. Nous n'avons aucune objection et nous ne nous opposons
pas a l'association, à la syndicalisation, chez nous. Mais quant aux
services publics. l'ouvrier est entièrement protéqé
lorsqu'il comparaît devant le tribunal d'arbitrage qui décidera
des droits de l'une et l'autre des parties. Sa liberté n'est pas abolie
par le seul fait qu'il n'a pas le droit suprème d'imposer sa
volonté au moyen d'une grève. Ce droit-là, on le lui donne
lorsqu'i! peut être localisé. Mais dans le cas du camionnage, la
grève peut être généralisée. Et à
titre d'exemple, dans la Gaspésie, vous avez trois grands camionneurs,
on le dit dans le mémoire, qui contrôlent 200 camions. En vertu de
la Loi de la Régie des services
publics, on ne peut pas accorder d'autres permis de camion, et ceci pour
répondre à l'honorable M. Lévesque, on ne peut pas
accorder d'autres permis de camion dans cette région-là parce
qu'alors toute l'industrie du transport dans cette région-là ne
pourrait pas exercer avec un profit raisonnable et elle cesserait d'être
rentable.
Par conséquent, la Régie des services publics a
limité un certain nombre de camionneurs, comme d'ailleurs elle le fait
sur toutes les routes, au droit de transporter.
J'en reviens à la Gaspésie. Vous avez trois camionneurs et
vous avez une route pour sortir de la Gaspésie. Il faut être
réaliste, il faut regarder l'histoire. Il faut savoir ce qui se passe en
temps de grève.
On a déjà vu des routes bloquées. La route entre
Toronto et Montréal a été bloquée par des
camionneurs qui commençaient la grève. Si on bloque la route de
la Gaspésie, c'est la santé publique qui est affectée, et
c'est tout le développement de cette région qui est
affecté. Pendant 9 jours, 15 jours...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Comme je suis
gaspésien moi aussi, puisque vous parlez d'une situation de fait...
M. Fournier: Je sais, je cite la Gaspésie.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): À l'ordre!
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Si vous me le permettez,
M. Fournier, je veux juste vous faire un tableau puis je vais vous demander si
vous êtes d'accord. Prenez la Gasoésie, vous dites que vous avez
trois compagnies de transport par camions qui ont des permis. Soyons d'accord
pour dire qu'il ne faut pas en avoir six, si ce n'est pas rentable. Alors, il y
en a trois. Il y a deux choses: ou toutes les trois sont en grève ou
bien il y en a moins que trois. Si c'est moins que trois, il en reste une. Les
deux peuvent être en grève et la santé publique n'est pas
affectée ni quoi que ce soit parcs qu'entre la santé et le
camionnage, je ne vois pas de relation directe. Si les trois sont
affectées, il reste quand même que dans le sud, vous avez le
chemin de fer qui couvre tout le monde. Il resterait le nord; si cela dure
quelques jours, il y a quand même la route qui permet aux automobiles
puis aux autobus de compenser, et il y a l'opinion publique, comme disait M.
Marchand. Qu'est-ce qu'il y a là qui affecte de façon vitale le
droit de grève et la population? A moins que cela s'éternise:
à ce moment-là, il y aurait des réactions dans la
oopulation et dans les parties.
M. Fournier: Bien voici, M. Lévesque, celui qui est possesseur
d'une automobile pourra toujours aller chercher sa marchandise là
où il sera nécessaire, en autant...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): La santé publique,
cela peut vouloir dire quoi'' Cela peut vouloir dire, dans le camionnage, les
choses à manger qui manquent, s'il s'agit d'une pièce pour une
usine ou s'il s'agit de choses comme cela, ce n'est quand même pas vital.
Cela affecte évidemment la région comme n'importe quelle
grève, mais ce n'est pas vital.
M. Fournier: Et cela conduit évidemment au chômage.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): D'accord.
M. Fournier: Les camions transportent les aliments, comme je l'ai dit
d'ailleurs et c'était très clair. On a vu, par exemple, si mon
souvenir est bon, une grève à New York où les
grévistes ont empêché d'entrer le lait sur le
marché, il y a deux ans, je pense. Et il y avait là de nombreux
camionneurs, cela a été une grève
généralisée.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Est-ce que vous ne vous
dirigez pas justement vers ce que M. Marchand disait? Si vous continuez de
parler des ennuis, M. Fournier, et toute grève cause des ennuis; on va
finir par dire qu'il faudrait arbitrer obligatoirement tous les conflits.
M. Fournier: Toute grève cause des ennuis, mais la grève
ne doit pas être permise lorsqu'elle affecte le bien commun d'une
région, par exemple. C'est dans ce sens que je dis que la grève
ne doit pas être permise.
Maintenant, lorsqu'on parle des chemins de fer comme un substitut, les
chemins de fer dans la province de Québec ne peuvent pas être un
substitut aux camionneurs.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Je parlais de la
Gaspésie, du sud de la Gaspésie.
M. Fournier: Dans la Gaspésie ou dans toute autre région.
Parce que, à partir de ce moment, il faut commencer, lorsque la
marchandise arrive, par la distribuer, et c'est encore le camion qui la
distribuera. Et est-ce que les chemins de fer seront en mesure de mettre fin
à une grève qui durerait 10 ou 15 jours? Le manque
d'équipement, le manque de matériel roulant, je ne crois pas que
le chemin de fer puisse servir de substitut. Les camionneurs, par exemple, en
l951, ont servi de substitut, à l'occasion de la grève des
chemins de fer.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Cela serait
peut-être l'occasion de donner aux chemins de fer la chance de prouver
qu'ils peuvent en faire autant. Il y a même eu une grève
générale à cause de la loi.
M. Fournier: À cause de la loi, évidemment, c'est,
jusqu'à présent, M. Lévesque et je vous remercie de le
souligner, empêcher la grève.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Cela, c'est enlevé
dans le texte proposé.
M. Fournier: Maintenant, nous sommes exactement dans la même
situation, c'est-à-dire que nous sommes essentiellement un service
public. La Régie des services publics nous oblige à accepter les
transports. On nous confie des marchandises, on n'a pas le droit de la refuser,
il faut la transporter. Cela, c'est l'article 32 de la loi de la Régie.
Les sections 30, 31, 32, 33...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Est-ce que vous n'admettez
pas que la définition des services publics peut évoluer? Si on
dit service public essentiel, ce n'est pas tout à fait la même
chose. Autrement dit, un service public n'est pas nécessairement, est-ce
que vous êtes d'accord, par définition, essentiel à la
santé, à la sécurité, à l'ordre public,
etc... Il peut quand même s'appeler service public dans le sens
général de ces divisions-là.
M. Fournier: Je crois que l'industrie du camionnage, le transport par
camion, particulièrement dans la province de Québec, est un
service essentiel. À l'heure actuelle, la politique du gouvernement, par
exemple, est la décentralisation de l'industrie. Le mémoire le
souligne ouvrir la décentralisation de l'industrie veut dire aller
ouvrir des industries, disons, dans la région de la Gaspésie.
Est-il un industriel sérieux qui ne prendra pas en considération
comme un des facteurs essentiels pour aller ouvrir une industrie dans cet
endroit-là, de s'assurer le transport de ses marchandises pour qu'elles
arrivent sur le marché? Or, s'il y a une grève, s'il y a la
possibilité d'une grève dans le transport par camions, dans les
régions éloignées où seuls les camions circulent,
je crois qu'on paralyse, de cette manière, l'essor industriel de la
province.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Paralyse, si on veut,
à l'occasion, cela peut s'appeler une paralysie qui serait
extrêmement provisoire et je ne crois pas que cela dérangerait.
Enfin, prenez une région qui se développe, où il y a des
mines, par exemple, cela ne dérangera pas. Si quelqu'un veut
développer cette mine-!à, il va passer à travers la
grève puis il la développera quand même. C'est
évident que c'est un ennui, cela. Vous parlez de paralysie comme si cela
empêchait le développement. Vous ne croyez pas que c'est un peu
excessif?
M. Fournier: Je ne crois pas que ce soit exagéré parce
qu'avant d'aller installer une industrie, ici on parle des mines,
évidemment, les mines, il faut aller les exploiter où elles sont,
mais je parle d'une industrie de production, avant d'aller installer une
industrie dans une région éloignée, l'homme d'affaires est
invité à s'y rendre, considère le transport et les
facilités de transport. C'est la première chose qu'il fait.
M. Bellemare: M. Fournier, vous avez un exemple qui est donné
dans le Canada tout entier, le transport des marchandises par chemin de fer qui
est un service absolument nécessaire et inévitable pour toute la
population. Il ne faut pas oublier que dans les lois du Canada, quand on parle
de chemin de fer, justement, les employés de chemin de fer ont le droit
de grève. Comme c'est déjà arrivé, les
grèves du CNR et du CPR.
M. Fournier: Cela a été extrêmement
dommageable...
M. Bellemare: Le droit de l'individu à la liberté.
M. Fournier: A ce moment-là, on a été obligé
de convoquer le Parlement. Alors, pourquoi changerions-nous la situation dans
la province de Québec alors que nous avons cette loi de 1944, le
chapitre 31, 169 qui, jusqu'à présent, a permis essentiellement,
grâce au camionnage le développement de la province de
Québec? À ce titre-là, nous le sommes pas non plus une
province comme les autres, à cause du Saint-Laurent qui divise la
province de Québec en deux. Nous n'avons pas les mêmes avantages
que "Ontario, par exemple, où le chemin de fer se répand partout
comme une toile d'araignée. Nous n'avons que deux routes. Une du
côté sud et une du côté nord. La grève peut
être extrêmement dommageable, et alors, à ce
moment-là, la grève dans les transports par camionnage est
à l'encontre du bien commun, et du moment que c'est à l'encontre
du bien commun, je soumets respectueusement qu'elle ne peut pas être
donnée.
M. Fortin: M. Fournier, est-ce que vous seriez capable de
répondre à cette question? Savez-vous combien il y a de
régions dans la province de Québec où il n'y a qu'un
permis unique pour desservir une région, par exemple? où il n'y a
qu'une compagnie, qu'un camionneur qui dessert tel comté ou tel...
Est-ce qu'il y en a plusieurs?
M. Founier: M. le ministre, je ne suis pas en mesure de répondre
à cette question. M. Archambault serait peut-être en mesure de
répondre à la question. Je ne suis pas versé en...
M. Fortin: Parce qu'en fin de compte, c'est, une question de fait...
M. Archambault (David): David Archambauit, directeur des relations
extérieures de l'Association du camionnage qui dessert le publie. Vous
avez Sherbrooke-Québec, par exemple, vous avez Montréal-Cornwall.
Il y a trois compagnies, ce sont les mêmes intérêts.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Excusez-moi, M.
Archambault, juste pour préciser. Quand vous dites une seule,
Sherbrooke-Québec, vous voulez dire que sur tel circuit de transport,
Sherbrooke-Québec, il y a un seul permis mais qu'il y a d'autres
camions, cela c'est évident, sur la route, qui circulent
continuellement? Autrement dit, d'autres circuits et d'autres...
M. Archambault: Il y en a un seul qui est licencié par la
Réqie des transports avec obligation de donner un service
régulier quotidien entre Sherbrooke et Montréal.
M. Johnson: Entre Sherbrooke-Québec.
M. Archambault: Entre Sherbrooke-Québec, pardon. Maintenant, si
vous me permettez quelques observations, M. le Président, au sujet des
remarques de M. Marchand. M. Marchand est un grand penseur et un grand
théoricien pour qui j'ai beaucoup d'admiration. Mais je soumets que nous
devrions étudier et savoir si la Loi des services publics dans le
passé a été une bonne ou une mauvaise chose oour les
ouvriers du transport. Si vous vous reportez à la page 3 de notre
mémoire, nous vous avons signalé des faits qui démontrent
que dans la région de Montréal, les salaires ont
été augmentés de plus de 100%, que dans les réqions
de Montréal où il y a eu contrat de travail négocié
en vertu de la Loi des services publics, les ouvriers gagnent $0.04 l'heure de
plus que dans les cas de Smith Transport, puis Osborne et d'autres où il
v a eu grève, au niveau fédéral. Nous avons
été les premiers à établir des plans d'assurance
sociale pour les ouvriers, entièrement défrayée par les
patrons. Nous établissons des concours de sécurité
routière et nous mentionnons que cette année, nous donnons $10
000 à nos employés à Montréal seulement pour leur
bonne conduite au volant. Alors, qu'est-ce qu'on reproche aux employeurs de
l'Institut de camionnage, pourquoi veut-on enlever le statu quo? On se le
demande.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Vous êtes de bons
papas.
M. Lesage: Bien non, s'il a toutes ces bonnes ambitions-là, il
n'y aura pas de grève jamais.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Il n'a pas besoin de
s'inquiéter de la grève jamais, si c'est bon comme cela.
M. Lesage: M. Archambault, avec tout le respect que j'ai pour vous,
j'aimerais mieux vous voir attaquer la question de principe que de vous
entendre réciter combien vous avez été bon pour vos
employés.
M. Archambault: Bien oui, mais un principe je crois...
M. Lesage: Jusqu'à quel point, dans un domaine comme le
camionnage, qui est un domaine concurrentiel, qui n'est pas un monopole,
jusqu'à quel point...
M. Archambault: C'est un monopole contrôlé par la
Régie des transports.
M. Lesage: C'est-à-dire qu'il y a un monopole... oui,
évidemment, il faut une franchise, mais simplement, c'est juste qu'il
n'y ait qu'une seule franchise pour un territoire donné.
M. Archambault: J'admets que c'est rare qu'il n'y ait qu'une seule
franchise. Habituellement, il y en a deux, trois, peut-être quatre.
M. Lesage: Deux. trois, il y a concurrence.
M. Archambault: Mais l'expérience démontre que...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Cela change souvent, selon
le volume.
M. Lesage: C'est là que je vois la différence avec le
téléphone...
M. Archambault: L'expérience démontre...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Selon le premier
volume...
M. Archambault: L'expérience démontre que les "teamsters",
lorsqu'ils organisent des grèves ailleurs au Canada et aux
États-Unis, ils bloquent une route entièrement. Ils
n'arrêteront pas deux ou trois compagnies de camionnage. Vous avez
l'exemple de l'an dernier, Montréal-Toronto, ils ont tout
bloqué.
Une voix: Cela, c'est du piquetage... Le Président (M. Hamel,
Saint-Maurice):
Que voulez-vous faire contre une organisation syndicale
particulière dans la loi générale?
M. Archambault: Nous ne disons pas ça. Nous demandons le statu
quo actuel de la loi...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): C'est ça qui est
le problème.
M. Archambault: ...pour la bonne raison que le principe de cette Loi des
services publics, dans notre cas, a apporté de bons résultats. Il
semble être facile... Certaines personnes mentionnaient tout a l'heure:
S'il y a des entreprises de camionnage qui sont bloquées, il y aura
d'autres camions qui circuleront.
Mais ce n'est pas facile, du jour au lendemain et en criant ciseaux, de
se procurer des camions-isothermes, des camions
réfrigérés, des camions-citernes. Par exemple, vous avez
des spécialités dans le transport. Ce sont des
spécialités essentielles: les camions-citernes qui transportent
l'huile, les réfrigérés qui transportent les aliments, les
médicaments. Alors, pour toutes ces raisons, nous demandons le statu
quo, M. le premier ministre et M. le Président, étant
donné que les résultats que nous crovons ont été
dans le passé à l'avantage des ouvriers.
M. Maheux: J'aimerais bien vous poser une question avant que vous
partiez.
M. Archambault: Avec plaisir.
M. Maheux: Vous avez mentionné tout ce que vos employés
ont. J'aimerais bien savoir si ce sont les employeurs qui ont offert ça
ou si ce sont les employés qui l'ont demandé.
M. Archambault: Si vous voulez parler de certains cas particuliers, le
montant de $10,000 oui est mis à la disposition de nos ouvriers, cette
année, pour bonne conduite au volant a été offert par les
employeurs. Le plan d'assurance sociale est offert par les employeurs.
M. Maheux: Ça peut vous payer s'il n'y a pas d'accidents, je le
comprends, si vous mettez un montant de $10,000. Mais les autres?
M. Archambault: Mais comme quoi? L'échelle des salaires,
c'était négocié, évidemment.
M. Maheux: Alors?
M. Archambault: Mais par contre, je souligne de nouveau que nous donnons
$0.04 l'heure de plus que le Service public.
M. Maheux: Le fils l'a demandé à papa, papa le lui a
accordé.
M. Archambault: Nous donnons $0.04 l'heure de plus qu'à
Montréal, en vertu des contrats négociés comme service
public, que les employés du transport reçoivent en vertu de la
Loi fédérale de négociation.
M. Fortin: Supposons qu'il y a un changement à la direction de
l'Association du camionnage et que la direction cesse de donner de bons effets
à la partie ouvrière. C'est le seul moyen pour les ouvriers de
faire valoir leurs droits.
M. Archambault: Moi, je prévois, M. Fortin, que s'il y a pouvoir
de grève dans l'industrie du camionnage, l'entreprise privée,
telle qu'elle existe aujourd'hui, l'industrie du camionnage disparaîtra
et ce seront de grosses entreprises qui contrôleront le camionnage dans
la province de Québec.
M. Desaulniers: M. le Président, je n'ai pas l'intention de
discuter le mérite du problème, mais simplement je soumets une
information que je crois pouvoir être utile à votre comité
dans la décision ou du moins dans la recommandation qu'il pourra faire.
C'est qu'un grand nombre de salariés, employés par un nombre de
compagnies qui sont actuellement représentées par les
porte-parole, sont soumis à la loi fédérale, et la loi
fédérale permet le droit de grève à tous ses
employés.
M. Lesage: Y compris ceux des chemins de fer?
M. Desaulniers: Y compris ceux des chemins de fer. Toute entreprise de
camionnage qui tombe sous la juridiction fédérale - je ne parle
pas de permis parce que le permis, c'est un autre problème
-c'est-à-dire qui fait du transport entre une province et une autre ou
plusieurs provinces est soumise à la Loi des relations ouvrières
fédérales et, par conséquent, les salariés de ces
entreprises ont le droit de faire la grève. Je crois que c'est bien
important que certains membres de votre comité qui n'étaient pas
au courant de ce fait le reconnaissent.
M. Plourde (Jean): Jean Plourde, procureur de la Maison de transport
Ltée et Chibougamau Express Ltée.
M. le Président, M. le premier ministre, mes clientes m'ont
prié de soumettre le point suivant au comité. Ce qu'elles
veulent, c'est l'égalité de traitement avec d'autres
services publics. Tout à l'heure, M. Marchand se disait favorable
à ce que soient déclarés services publics les domaines de
l'éducation, de l'hospitalisation, les policiers, les corporations
municipales et scolaires, les fonctionnaires provinciaux, la distribution
d'eau, le gaz et l'électricité. Ce qui impliquait qu'il ne
considérait pas comme services publics le transport par tramway, le
transport par autobus...
M. Lesage: Est-ce que je puis vous demander s'il a mentionné les
poubelles en juillet?
M. Plourde: Il n'en a pas parlé. M. Marchand: On est
d'accord.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): On ne peut pas dire qu'il
s'est déclaré favorable; il acceptait.
M. Marchand: Ce n'est pas parce que ça crée des ennuis.
C'est parce que c'est un danger pour la santé publique.
M. Plourde: Alors, il ne considérait pas comme services publics
le service de téléphone, le transport par autobus, par bateau,
aar tramway et le transport routier. Alors, M. le Président nous
considérons que ça nous place dans une meilleure position. Nous
disons: Nous sommes un service public aussi essentiel que Bell
Téléphone et le transport par bateau. Si vous en arrivez à
la conclusion que les compagnies de téléphone, de transport par
tramway, par autobus, par bateau sont des services publics, nous
considérons que nous sommes sur le même pied que ces
services-là. Nous ne voulons pas qu'il y ait de discrimination dans ce
qui sera un service public. Maintenant, on dit: Le camionnage, ce n'est pas un
monopole en raison du nombre de ceux qui en font. Je dis que ce n'est pas le
nombre de ceux qui exercent un commerce qui fait que ce commerce-là est
de la nature d'un monopole. Ce qui fait qu'un commerce est de la nature d'un
monopole, c'est le fait qua pour exercer ce commence, il faut obtenir un
permis, que ce permis est donné après que la preuve
d'intérêt public est faite. C'est ce qui arrive quand quelqu'un se
présente devant la Régie des transports et demande un permis de
camionnage. On obtient ce permis après que la preuve
d'intérêt public est faite et ensuite on fait disparaître la
concurrence. Il n'y a pas de concurrence dans le domaine du camionnage soumis
à la Régie des transports parce que les taux sont
déposés. La seule concurrence qu'il y a pourrait être dans
la Qualité des services qui seraient donnés, mais quant au prix,
c'est un prix qui, théoriquement - je ne vous dis pas qu'il n'y a pas
des trucs qui se prennent pour contourner la difficulté - quand
ça se fait, se fait en marge de la loi. Alors, on n'a pas, je crois, ici
à tenir compte de ce qui se fait en marge de la loi. Normalement, la loi
devrait prévoir elle-même à réparer le
dommage...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): M. Plourde, si vous me
permettez. Vous êtes en train de prouver que c'est d'intérêt
public...
M. Plourde: Je suis content de savoir que je suis en train de le
prouver.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Je suis d'accord et je
crois bien que personne ne discute là-dessus. C'est
d'intérêt public. Mais entre l'intérêt public et la
nécessité publique, quotidienne, vitale, il y a autre chose.
M. Plourde: Voici, M. le ministre, évidemment, si on s'en tient
à la définition du dictionnaire pour savoir ce qu'est un service
public, on n'ira pas très loin, Mais je crois que c'est le
législateur lui-même qui nous indique ce qu'est un service public
lorsqu'il déclare qu'un service public ne sera pas soumis à la
grève. Le législateur veut donc que l'on pèse la somme des
inconvénients qu'il y a si on suspend un service, et c'est ça qui
est la nature d'un service public, lorsque la suspension d'un service est d'une
nature telle que sa susoension ou sa disparition, pour un temps plus du moins
prolongé, pèse trop lourd sur l'intérêt de la
communauté ou d'une section importante de la communauté,
évidemment, nous disons que la plus grande partie du transport de la
nourriture se fait par camion dans les régions
extra-métropolitaines de Montréal et de Québec.
Naturellement s'il n'y a qu'une seule compagnie de transport dans la
région du Saguenay, où, le crois, il y a six permis, qui nous
relie à Québec et à Montréal, s'il n'y en a qu'une
seule en grève, il n'y a pas danger pour la santé publique. Mais
quand même, les gens oui dirigent les syndicats ne sont pas des
imbéciles, tout le monde le sait. Si, à un moment donné,
il y a une grève des chemins de fer, n'est-ce pas que le moment serait
tout choisi pour les employés du transport routier de faire une
grève qui nous placerait dans une situation d'urgence nationale? Ce
n'est pas notre devoir d'attendre que le problème se pose comme
celui-là. Il est suffisant que le problème se oose, existe, pour
qu'on agisse en conséquence...
M. Bellemare: Si le gouvernement disait: "Ceux qui sont des
permissionnaires sont suspendus", qu'est-ce qui arriverait?
M. Plourde: Eh bien, ce serait sûrement une situation draconienne
et, M. Bellemare,
plutôt que d'en arriver à cette situation-là, que
l'on suspende la grève. Comme le disait M. Marchand, ce n'est pas si
agréable que ça que de ne pas avoir le droit de grève dans
une entreprise parce que si, à un moment donné, un patron a les
moyens financiers, il peut peut-être trouver avantage à vouloir
briser le syndicat.
M. Fortin: Vous présumez l'hypothèse qu'il y a une
grève dans les chemins de fer.
M. Plourde: Oui.
M. Fortin: Et qu'à un moment donné, toute l'Association
des camionneurs, pas nécessairement des camionneurs...
M. Plourde: Ce serait le moment choisi.
M. Fortin: Et s'ils sont liés par une convention collective, ils
n'auront pas le droit de faire la grève pendant la durée de la
convention collective.
M. Plourde: M. Fortin, M. le ministre, lorsqu'on prévoit qu'il va
y avoir une grève des chemins de fer, on la prévoit un an
d'avance au moins. Que le risque de grève dans les chemins de fer
arrive, il n'est pas impossible, il ne répugne pas au raisonnement que
les diverses conventions collectives, on les laisse épuiser...
M. Fortin: Vous présumez, vous apportez l'élément,
je peux dire, de mauvaise foi de la part de la partie ouvrière.
M. Plourde: Ce n'est pas de la mauvaise foi, M. le ministre.
M. Fortin: On va profiter d'une circonstance pour faire une grève
syndicale.
M. Plourde: Si, dans le camionnage, ils veulent faire une grève,
pourquoi attendre celle des chemins de fer?
M. Fortin: Ce n'est pas de la mauvaise foi que de se placer dans une
position où on va essayer de gagner son point. C'est de la bonne
stratégie, Napoléon a fait ça toute sa vie.
Des voix: Il est mort.
M. Fortin: Vous ne prétendez pas que M. Marchand n'en est pas
là.
M. Johnson: Un petit peu.
M. Plourde: Alors, M. le Président c'est ce que nous voulons.
Nous voulons être traités avec égalité. Et si
l'article devait rester ce qu'il est, c'est-à-dire que le transport
routier ne soit pas inséré dans la liste des services publics,
nous demandons, suivant la demande que M. Marchand a faite, que les compagnies
de téléphone soient soustraites, que les chemins de fer soient
soustraits, que les tramways soient soustraits, que le service par autobus soit
soustrait et que le transport par bateau le soit parce que c'est exactement la
même situation que la nôtre. Nous considérons que du fait de
ne pas placer le transport routier dans cette liste-là, telle qu'elle
est faite actuellement, il y a une discrimination dans des services publics de
même égalité, de même importance.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Si on prenait le
cinquièmement, je poserai la question à M. Marchand, si M.
Plourde le permet. Est-ce que vous avez fini l'essentiel de votre
exposé?
M. Plourde: Eh bien! l'essentiel, on n'a jamais fini.
M. Lesage: J'aimerais savoir quelle réponse les gens du
camionnage et les unions auraient à donner à une suggestion qui
couvrirait non seulement le camionnage, mais les autres.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Sous forme de question, ce
serait ceci...
M. Lesage: Écoutez! Je veux sauver du temps, M. Plourde.
M. Plourde: Oui, oui, c'est raisonnable. Une voix: C'est juste
aussi.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Si, dans le
cinquièmement tel qu'il sera défini...
M. Lesage: Même si on inclut le camionnage.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): En supposant que ce qui
est mentionné là doit rester, malgré qu'il y ait bien des
choses qui doivent sauter, y compris le camionnage, ce serait uniquement par
définition, qui pourrait être celle du lieutenant-gouverneur en
conseil, uniquement soustrait au droit de grève dans les cas, disons, de
fléaux, des cas d'urqence véritable, d'urgence collective,
etc.
M. Lesage: Et qu'un arrêté ministériel
empêcherait la grève et uniquement dans ces cas-là. Prenez
par exemple un cas d'inondation dans une région. Évidemment, on a
besoin, à ce moment-là, de tous les services publics, on a besoin
des camions, on a besoin de tout, on a besoin du téléphone
surtout, on a besoin du télégraphe. Est-ce qu'on ne pourrait pas
exclure le cinquièmement, en faire un article spécial et
dire que le lieutenant-gouverneur en conseil, en cas d'urgence
extrême, a le droit de réquisitionner et d'empêcher la
grève et d'obliger...
M. Marchand: On est d'accord là-dessus, M. le premier ministre.
Évidemment, au fédéral, c'est le Parlement qui a ce
pouvoir. Il faut dire que, dans le cas des chemins de fer, on convoque le
Parlement.
M. Lesage: Je sais.
M. Marchand: Je comprends que c'est une procédure très
lourde et surtout, comme M. Desaulniers me l'indiquait il y a quelques minutes,
évidemment, disons que c'est un principe qui est dangereux. Voici le
raisonnement que M. Desaulniers me faisait il y a un instant. Si vous regardez
quelle est la base, l'unité de négociation qu'il y a dans notre
loi, c'est l'unité d'entreprise. Ce n'est pas l'unité
d'industrie, alors, c'est chacune des entreprises qui négécie et
qui obtient son droit de grève. On me dit qu'il y a 4000 camionneurs
dans la province de Québec. Pour créer un état d'urgence,
il faudrait qu'il y ait une coalition et, coïncidence, expiration de la
convention collective et coalition de tous les syndicats pour bloquer tout le
transport. Or, la situation fédérale n'est pas la même
parce que l'unité de négociation est canadienne. Quand on
négocie pour les chemins de fer, on négocie pour le Canada et
là, c'est plus dangereux. Même si c'est plus dangereux, le
gouvernement fédéral n'a pas jugé opportun de leur enlever
le droit de grève. Entre nous, on a déjà eu la situation
dans un cas particulier, je l'ai vécu. S'il fallait qu'à un
moment donné vous ayez une grève du transport des gens qui
tombent sous la loi fédérale, eux ont le droit, et si ce sont les
gars qui la font, par exemple, dans le comté de Charlevoix, ça va
être une grève illégale, ils n'auront pas le droit de faire
la grève.
Je me souviens très bien de la situation où, ici à
Québec, la compagnie Quebec Power - celle qui opérait le secteur
d'autobus, en vertu de sa charte fédérale, avait
évidemment le droit de grève - était exclue de la loi
provinciale. Ceux qui étaient à Montréal, la plus grosse
unité de chauffeurs d'autobus, étaient sous juridiction
provinciale et ils n'avaient pas le droit de grève. Alors...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Alors, si ça
prenait une forme de quelque chose comme ça...
M. Marchand: On serait d'accord.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): ... une réunion du
gouvernement dans les sept jours...
M. Bertrand (Missisquoi): Il croit réunir dans un tel
délai...
M. Lesage: Ils n'ont pas la convocation dans les sept jours, si le
Parlement voulait se réunir... c'est une situation, il me semble, qui ne
pourrait pas être justifiée.
M. Provost: On l'a fait avant la guerre quand on a renoncé
à notre droit de grève pour les questions de fléaux et de
calamités.
M. Lesage: Il est évident que le patron est obligé de
convoquer, s'il faut que la Législature se réunisse dans les sept
jours, il va y penser deux fois.
M. Marchand: Ça, je suis d'accord...
M. Plourde: Je voudrais quand même, M. le Président, que
l'on sache que si j'ai suggéré les compagnies de
téléphone, de tramway et d'autobus, de transport par bateau, et
que le transport routier n'a pas être nommé, c'est parce que
j'avais l'impression que jamais le comité ne rayerait cet
élément. Et nous insistons fortement...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): À l'ordre,
à l'ordre.
M. Gobeil (Antoine): Antoine Gobeil, procureur de D'Anjou Transport. Je
voudrais ajouter certaines remarques à celles de mon confrère Me
Plourde.
M. Johnson: Quelle compagnie, monsieur?
M. Gobeil: D'Anjou Transport. Me Plourde a souligné l'article de
la régie qui veut que les entreprises de transport soient
opérées seulement après l'obtention d'un permis et
après preuve d'intérêt public. La même loi de la
Régie des transports prévoit qu'un opérateur ne peut pas
cesser ses opérations avant d'être autorisé à le
faire par la réqie. Il ne peut pas non plus les modifier. La
régie, toutefois, peut, dant l'intérêt public, canceller
son permis il n'importe quel moment. Elle peut aussi, dans
l'intérêt public, n'importe quand, le forcer à
étendre ses opérations.
Alors, si on veut rester avec le même principe que la Régie
des transports, dans l'intérêt public - c'est elle qui
connaît l'intérêt public, qui a des enquêteurs
à sa disposition - elle pourrait permettre, dans certains cas,
l'exercice du droit de grève. Cet exercice pourrait être
limité aussi longtemps que la Régie des transports ne l'a pas
permis. C'est un organisme du gouvernement oui a les connaissances, qui a les
enquêteurs, qui a l'expérience, qui connaît l'industrie du
transport d'une façon générale.
M. Marchand: Inutile de vous dire que l'on s'objecte à cela, la
Régie des transports n'est pas un organisme - et je ne veux pas utiliser
le même type d'arguments que j'ai utilisés hier afin de ne pas
affaiblir ma cause - ce n'est pas un type d'organisme qui a pour fonction et
qui a été conçu pour régler des problèmes de
cette nature.
M. Galipeault (Langis): M. le Président quelqu'un m'a
signalé qu'il était une heure moins vingt. Je suis prêt
à commencer, si vous le voulez, ou je suis prêt à suspendre
le débat.
M. Lesage: Vous en avez pour combien de temps, M. Galipeault?
M. Galipeault: Certainement pour dix minutes ou un quart d'heure,
peut-être.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): La séance est
suspendue jusqu'à trois heures moins quart.
(Reprise de la séance du comité sur les relations
industrielles à 2 h 45 P.M.)
M. Galipeault: M. le premier ministre, messieurs les membres du
comité, madame, mes premières paroles, M. le Président,
seraient pour féliciter le gouvernement d'avoir décidé de
faire un Code du travail, une loi qui était bien importante, à
mon sens, et qui arrive en son temps.
En deuxième partie, je vais vous féliciter de nouveau.
Mais, en premier lieu, je suis d'accord avec tous nos amis de nos unions
ouvrières. En deuxième lieu - nous serons le seul groupe à
vous féliciter - c'est que le gouvernement mérite
également des félicitations pour la loi qui a été
incorporée dans le code au sujet d'un vote de grève. Il me semble
qu'il est temps qu'une loi sérieuse établisse des
règlements avant qu'il n'arrive des grèves au caprice de qui que
ce soit.
En troisième lieu, je tiens également à souligner
le mérite du gouvernement d'établir des tribunaux avec des juges
de district pour les auestions de services publics, et ceci, comme on peut
dire, nonobstant la décision qui sera prise par le comité de nous
accepter ou non comme service public. Je crois que c'est une décision
qui est très importante et qui va rendre service, malgré qu'on
puisse dire que les juges ne sont pas suffisamment préparés dans
les questions ouvrières. S'ils ne le sont pas suffisamment, ils vont se
préparer, ils sont aussi intelligents que les autres et sont capables de
faire le travail aussi bien que n'importe qui.
En dernier lieu, je tiens à féliciter le gouvernement pour
les deux juges d'appel au sujet des grèves de prérogative. Je
considère que c'est un mouvement constructif.
Maintenant, M. le Président, je ne sais pas si je déplace
le débat ou le problème, mais on nous a demandé, ce matin,
de vous convaincre que le camionnage devait être considéré
comme un service public. Est-ce que ce ne serait pas plutôt au
gouvernement de nous expliquer pourquoi on ne le serait plus? À l'heure
actuelle, nous sommes considérés comme tels dans la Loi des
services publics. Dans la loi des différends, les services publics et
leurs salariés, le transport est compris parmi les services publics.
C'est pourquoi je dis que si le législateur, qui est supposé
avoir toujours raison, nous a considérés jusqu'à
maintenant comme un service public, c'est déjà un argument
considérable qui dit que nous devrions rester un service public,
à moins de raisons particulières. À tout
événement, ce n'est pas à moi de demander les raisons au
gouvernement, et je crois que c'est un des arguments que la Législature
ou les autorités provinciales devraient considérer avant de
décider, comme cela, que le camionnage ne doit plus faire partie des
services publics.
Si on considère l'industrie du camionnage, il s'agit d'une
industrie canadienne-française. On a dit à plusieurs reprises
qu'il était temps d'être maîtres chez nous. Eh bien, voici
une industrie où nous pouvons avoir des patrons, nous pouvons avoir des
officiers qui n'ont pas besoin d'avoir la compétence qu'on
considère être tellement importante dans certaines compagnies.
Là, nous avons l'occasion de pouvoir former des hommes pour devenir
chefs de l'industrie. Ce qui plus est, c'est par ce moyen qu'on pourrait
arriver, dans l'industrie canadienne-française, à un des moyens
qui nous sont propres.
M. Bellemare: Que! est le pourcentage approximatif des biens
possédés par les entreprises canadiennes-françaises?
M. Galipeault: Je n'ai pas de chiffres exacts, je ne voudrais pas vous
induire en erreur, mais je peux vous dire, d'après les informations que
j'ai obtenues de la Régie des transports, qu'il y a 4000
détenteurs de permis. Sur ces 4000 détenteurs de permis, ce sont,
dans bien des cas, des ouvriers, des employés ou des personnes qui font
le travail elles-mêmes. Alors, dans les circonstances actuelles, ces 4000
détenteurs, on ne peut pas dire, en réalité, qu'ils sont
de vrais employeurs. Ce sont des artisans et ce sont seulement quelques
organisations plus considérables qui deviennent de plus en plus
considérables. Pour votre information, dans le même domaine, il y
a 70% des permis de la Régie des transports qui sont donnés
à des maisons canadiennes-françaises et 30% sont donnés
à des maisons anglaises.
Par contre, si on considère le transport,
il y a 70% du transport qui est fait par des maisons anglaises; 30% est
fait par des maisons canadiennes-françaises. Si vous prenez les
relations ou le transport entre la province de Québec et l'Ontario, il y
a un nombre considérable de détenteurs de permis de l'Ontario ou
d'autres provinces qui viennent dans la province de Québec mais nos
détenteurs de permis de la province de Québec ne vont pas en
Ontario. De sorte qu'on peut dire ceci: Depuis 1958, il y a une tendance en
faveur des liaisons canadiennes-françaises qui augmente de plus en plus
en importance et qui devient plus utile dans la province de Québec.
Maintenant, pour vous donner un exemple, la majorité, je pourrais
dire - c'est encore trop facile - plus des trois quarts des détenteurs
de permis sont des Canadiens français qui étaient des
employés ou des ouvriers et qui ont créé des emplois. Pour
votre information, je représente la compagnie Paul Guilbeaut et on est
porté à penser que c'est une qrosse compagnie. Eh bien, la
compagnie Paul Guilbeault, ce sont des frères et des soeurs qui
étaient des ouvriers et qui ont travaillé depuis trente ans comme
ouvriers, qui travaillent encore comme ouvriers, qui fournissent du travail
à des ouvriers et ils ont laissé leurs économies dans
cette organisation qui a pris de l'expansion graduellement. Si on prend le
problème tel qu'il est, il y a une institution
canadienne-française dans la province de Québec qui mérite
d'être protégée. C'est ce que je soumets
respectueusement.
Maintenant, d'après ce que j'ai compris, il y a eu une
recommandation du Conseil supérieur du travail pour exclure le transport
par camion des services publics. Si je ne me trompe pas, cette recommandation,
quand on connaît les relations entre patrons et employés, se
considère toujours un peu dans les intérêts particuliers de
chacun. Si je ne me trompe pas, il n'y avait personne du camionnage
présent au Conseil supérieur du travail ou faisant partie du
Conseil du travail, et c'est le seul service que l'on enlève dans le
projet de loi, dans le bill 54. C'est le seul service que l'on enlève du
projet et je soutiens respectueusement que l'une des raisons qui peut inciter
le Conseil supérieur du travail à le faire, c'est qu'il n'y avait
pas un seul employeur qui pouvait faire valoir les droits du camionnage.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Il n'y avait pas de
représentants des universités, des collèges, des
distributeurs, des hôpitaux...
M. Galipeault: Ce n'est pas ça que j'ai dit.
M. Bellemare: Il n'y en avait pas non plus pour les poubelles...
M. Galipeault: Je n'ai pas dis qu'il n'y . en avait pas dans d'autres
catégories...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):
Ce que je veux dire, M. Galipeault, c'est qu'il n'y avait pas de
représentants spécifiques du camionnage. Il y avait des
représentants patronaux, des représentants d'ouvriers, mais il
n'y avait pas de représentants des corporations municipales et
scolaires. Le Conseil supérieur du travail...
M. Galipeault: Je ne dis pas que le Conseil supérieur du travail
est mal organisé. Je dis purement et simplement ceci: Qu'il n'y avait
pas de représentants du camionnage, que l'Association du camionnage n'a
pas eu la chance d'être représentée et de faire valoir
devant le Conseil supérieur du travail les arguments qu'elle aurait pu
faire valoir, de sorte que ça aurait été beaucoup plus
facile. Si les représentations avaient été faites, tout
probablement que le transport par camions serait resté dans le bill 54.
Maintenant, en vertu de la loi de la Régie des transports, la
Régie des transports n'accorde pas de permis sans qu'il y ait une preuve
de nécessité, et ceci apparaît à la loi.
Si vous prenez l'article 30 de la Loi de la Régie des transports,
il est dit ceci: "Aucun propriétaire ne peut commencer l'exploitation
d'un service de transport dans cette province à moins d'avoir obtenu de
la Régie une autorisation à cette fin. L'autorisation doit
indiguer les conditions que la Régie juge utiles ou nécessaires
à la protection des droits des usagers du service et des
intérêts du public" On a encore la preuve, par la loi de la
Régie des transports, qui est une loi provinciale, que c'est un service
public par la Loi du Service public.
Maintenant, si la Réoie des services publics a accordé des
permis, ce matin qu'il y avait trois camionneurs qui avaient une route
particulière, si on veut. Si la Régie des services publics a
accordé trois permis, c'est en raison des dispositions de la loi parce
qu'il y avait une nécessité pour les usagers, dans
l'intérêt du public.
Or s'il arrive la grève d'un seul camionneur, ça veut dire
que les usagers puis le public sont appelés à en souffrir. C'est
ce que je voudrais dire. Maintenant si on veut prendre un exemple de ce que
ça veut dire, une grève, au point de vue des
intérêts du public, dans la grève entre Toronto et
Montréal, qu'est-ce qui est arrivé dans notre temps? Les routes
ont été fermées et les aliments ne sont pas entrés
à Montréal. Il est arrivé une rareté de fruits, il
est arrivé une rareté d'aliments importés. Qu'est-ce oui
est arrivé? C'est tout le public de la province de Québec qui a
été appelé à en souffrir, par une augmentation de
prix. Si nos savants amis avaient voulu régler plus
tard, on s'en serait aperçu encore plus, par exemple.
M. Johnson: Les prix ont montés, par exemple, un peu.
M. Galipeault: Oui, oui, c'est ce que je dis. C'est le public qui a
payé.
M. Dozois: Ma femme ne m'en a pas parlé.
M. Galipeault: Je pense bien, M. Dozois, que l'allocation que vous
donnez à votre femme peut lui permettre de rencontrer les petites
augmentations qui en résultent. Il y en a qui en souffrent, de ces
augmentations-là. Alors, ce que je veux dire c'est ceci, c'est que le
public est assez petit, et si le public est assez petit, ça
démontre encore plus que c'est un service public. Si vous prenez
maintenant l'article 21 de l'ordonnance de la Régie des transports,
l'article 21 oblige les camionneurs de donner le service comme en vertu des
articles 46 et 48. Le transport doit être fait, qu'on ait des camions
vides, des camions pleins, il faut faire le transport tous les jours, comme les
autobus sont obligés de donner un service à l'heure, de la
même manière, qu'il y ait des passager ou qu'il n'y en ait pas. Le
bill 54, si on le considère tel quel et si je comprends qu'il y a eu des
additions, on peut, à l'heure actuelle, considérer qu'au point de
vue de l'élimination du service public, on considère la
santé et l'intérêt public. Je dis ceci en ajoutant, dans le
bill 54, les crèches ou les orphelinats. Qu'est-ce qui peut arriver s'il
arrive une grève dans un orphelinat par exemple? Est-ce que la
santé du public va en souffrir? Est-ce que la Loi du service public...
Si vous prenez les universités, les collèges et les couvents,
est-ce que la santé publique va en souffrir? Si vous prenez maintenant
un autre item, on accepte, en vertu du bill, le transport par bateau. Or, le
transport par bateau, à l'heure actuelle, suivant mes
prétentions, je soumets respectueusement que c'est de la juridiction de
la province de Québec. C'est tellement vrai que la Loi de la
Régie des transports ne s'occupe pas du transport par bateau. Alors la
province de Québec est prête à considérer un service
par bateau comme un service public.
M. Johnson: Les traversiers, monsieur Galipeault?
M. Galipeault: Pardon.
M. Johnson: Les traversiers?
M. Galipeault: C'est la même chose.
M. Johnson: Ce n'est pas sous la juridiction provinciale?
M. Galipeault: Les autobus, mais les traversiers ne sont pas sujets
à la Régie des transport de Québec. La traverse de
Lévis n'est pas sujette à la juridiction de la province de
Québec. Monsieur Marchand pense sûrement que c'est une
rivière interprovinciale. Supposons même que la province de
Québec ait juridiction sur certains bateaux, il y aurait même de
la discrimination, parce que les bateaux ont le droit de transporter de la
marchandise et ça pourrait devenir un service public dans les cas de
nécessité et les camions n'auraient pas le droit de transporter
de la marchandise. Plus loin, si vous prenez l'article 6, à la
définition de services publics, vous acceptez ceci: "Les entreprises de
production, transport, distribution ou vente de qaz, d'eau ou
d'électricité". On peut permettre, par camions, le transport de
qaz, on peut appeler ça du gaz propane, on peut appeler ça
n'importe comment, puis on n'aurait pas le droit de transporter des
marchandises.
M. Johnson: Pas de qaz naturel.
M. Galipeault: Si mon bon ami, monsieur Johnson, veut me le permettre,
je n'ai pas assez l'expérience dans le gaz naturel pour le savoir.
M. Johnson: Seul mon courtier le sait.
M. Galipeault: Dieu et moi le savons. Il y a une discrimination de cette
manière-là. On parle en même temps d'ordures
ménagères dans les...
M. Johnson: Vous allez m'excuser, monsieur, mais je crois que les
traversiers sont de juridiction provinciale, entre Québec et
Lévis, Rivière-du-Loup, Sorel, tant pour l'octroi du permis que
pour les tarifs.
M. Gobeil: La juridiction est jn peu concurrente, le ministère
des Transports fédéral a juridiction - Gobeil, mon nom - a
juridiction sur, par exemple, l'opération, le trafic, l'inspection, le
maintien des bateaux: mais pour ce qui regarde l'octroi des permis et les taux,
les horaires, c'est la Régie des transports qui détermine.
M. Galipeault: M. le Président, même si la province a
juridiction, cela ne change pas mon argument parce que j'ai dit que même
pour les bateaux pour lesquels la province pourrait avoir juridiction, c'est
une discrimination de permettre aux bateaux d'être
considérés comme un service public. Ils transportent de la
marchandise, ils transport en même temps des passagers, si vous voulez,
mais on permet le transport
de la marchandise par bateaux et on ne le permet pas par camions.
Ça, c'est ma prétention à ce sujet-là.
Maintenant, j'ai parlé des ordures ménagères, c'est
la même chose. Supposons, par exemple, qu'à Trois-Rivières,
parce qu'il y a des représentants, hier, qui ont parlé souvent de
Trois-Rivières et monsieur le représentant de
Trois-Rivières en a été heureux, apparemment, alors
supposons qu'à Trois-Rivières, pour prendre un...
M. Gabias: Jusqu'à un certain point.
M. Galipeault: Je vais accepter votre réticence. Maintenant,
supposons qu'au point de vue de Trois-Rivières, si vous voulez, puis
qu'on parle des ordures ménagères, ça ne devient pas un
problème plus qrave que les ordures ménagères ne soient
pas enlevées dans la ville de Trois-Rivières, pour prendre un
exemple, que si, demain matin, il arrive une grève de camions. Je ne
parle pas d'une grève générale, parce que ça, ce
n'est pas la même chose. Mais une grève importante, partielle, si
vous voulez, d'une certaine région, peut paralyser tout un territoire.
Les services de chemins de fer provinciaux, parce que la loi provinciale
s'applique simplement aux chemins de fer provinciaux qui représentent
quelques petites compagnies, si l'on peut dire, les services provinciaux, si
une grève de camions importante survenait, les chemins de fer ne
seraient pas capables de les remplacer, mais il pourrait y avoir une
grève des services provinciaux de chemins de fer qui ne paraîtrait
même pas parce que les camions peuvent donner le même service.
Maintenant, supposons un autre problème: les relations
patronales-ouvrières sont une question, comme on peut dire ou en
anglais, de "give and take". La province de Québec a imposé aux
camionneurs, en 1944, de considérer le service de camionnage comme un
service public. À ce moment-là, je n'ai pas eu à me
prononcer, tous les patrons n'ont pas eu à se prononcer. La loi l'a
imposé, et tout le monde s'est habitué à ce
climat-là, et aujourd'hui, tout le monde est organisé pour
opérer de cette manière-là. Et aujourd'hui, on dit: vous
n'en êtes plus, un service de camionnage. Or, si on procède, comme
on dirait, indirectement par des négociations dans le domaine des
relations ouvrières, les patrons renoncent à l'heure actuelle
à une prérogative importante, prérogative que,
probablement, au début, ils n'ont peut-être pas aimée, mais
ils se sont habitués à ça, et toute leur
législation et toutes leurs relations, toutes leurs conventions
collectives de travail sont établies sur cette base-là. Si les
unions disaient: On veut avoir cet avantage-là, c'est correct, mais
quelles sont les raisons que les unions ont à donner pour avoir ce
service- là? Est-ce qu'elles ont mérité d'avoir un
avantage supplémentaire tout en avant les services publics? Qu'est-ce
qu'elles ont fait pour avoir ça? Ce sont les mêmes unions qui sont
ici qui n'ont pas respecté la loi en faisant des grèves. Alors,
le gouvernement dirait: Mes bons petits enfants, vous avez été
bons, on va enlever aux patrons le service de camionnage et puis on va vous le
laisser à vous autres. C'est ça que je considère.
Maintenant, et ceci sera mon dernier argument, si on veut enlever aux patrons
le service public, il faut toujours leur donner un droit égal, ce qu'on
a appelé "parité" à date, à plusieurs reprises. Cet
argument-là, je dois vous le déclarer bien franchement, il ne
vient pas de moi, et je suis bien heureux de le dire que c'est d'autres qui me
l'ont suggéré, mais j'ai trouvé qu'il était
très important. Si vous donnez le droit de grève, les patrons
dans le camionnage n'ont pas le droit de "lock out", en vertu de l'article 32
de la . Loi des Relations ouvrières, de la Loi de la Régie des
transports. Un propriétaire de service de transport, visé par le
sous-paragraphe du paragraphe 3 de l'article 2, doit obtenir l'autorisation au
préalable de la Régie pour cesser ou interrompre ses
opérations ou pour étendre ou modifier son entreprise. Alors,
vous ne mettez pas les patrons, dans le service de camionnage, sur un pied
d'égalité. C'est une injustice qui va être
créée si ça arrive, cette chose-là.
Alors, messieurs, pour toutes ces raisons, vous allez m'excuser, mais je
soumets respectueusement que le service de camionnage devrait être
maintenu comme un service public.
M. Alma: Dans le cas où il y aurait une grève des
transports publics dans une région et que ces camions
précisément transporteraient des aliments...
M. Galipeault: Qu'est-ce que vous dites?
M. Dozois: Transporteraient des aliments.
M. Galipeault: Oui transporteraient? Les camions?
M. Dozois: Oui. Est-ce que ça pourrait empêcher une maison
de gros d'aller faire les livraisons d'aliments dans ses propres camions?
M. Galipeault: Au point de vue légal, non. mais ce que je peux
vous dire...
M. Alma: Ça veut dire que ça ne couperait pas
complètement les approvisionnements d'une région parce qu'il y
aurait une grève de camionnage dans une
région.
M. Galipeault: Je vais vous dire ceci: quand on parle ici au
comité, puis quand on est dans notre bureau avec une grève, on
voit la différence. J'en ai eu une grève, je peux vous montrer
des bombes qui ont été photographiées par la police, si
vous voulez en entendre parler, le F.L.Q. a commencé à certains
endroits à apprendre comment faire des bombes, ils ont fait ça
quelque part.
M. Johnson: C'est quelle union qui organisait chez vous?
M. Galipeault: C'est le Syndicat catholique, Monsieur.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):
Je crois qu'il n'y a pas tellement avantaqe à
remémorer...
M. Marchand: Toutefois on en est venu à bout...
M. Galipeault: Ah! j'en suis venu a bout. Si vous voulez savoir comment
j'en suis venu à bout, c'est vous qui avez insulté le ministre du
Travail à plusieurs reorises et je l'ai défendu publiquement dans
les journaux, et je dois le louanger, si vous voulez le savoir, dans les
circonstances actuelles.
Une voix: Il est capable de se défendre tout seul.
M. Galipeault: Je ne dis pas qu'il n'est pas capable de se
défendre tout seul, mais il est bon de souligner des faits. Je pourrais
vous dire autre chose...
M. Johnson: Il est meilleur pour attaquer que pour se
défendre.
M. Galipeault: Je peux vous dire autre chose par exemple qui est encore
mieux, monsieur le président, je crois que c'est bon de le souligner
ça ici.
M. Bertrand (Missisquoi): Mon, non, c'est en dehors du problème,
M. Galipeault.
M. Galipeault: M. le Président, me permettez-vous de dire un mot
seulement? C'est dans l'intérêt de la province que je vais le
dire, ça va être tout court. C'est la première fois qu'un
syndicat se reconnaît tellement dans la vallée de l'humiliation,
comme l'a dit déjà M. McKenzie King. Les syndiqués sont
venus porter, comme des enfants, à la Commission des relations
ouvrières, leur certificat de reconnaissance syndicale. Ils ont dit: "On
abandonne tous les droits sur ça et puis on n'en demandera pas un
autre".
M. Bertrand (Missisquoi): Ça va engager un débat, M.
Galipeault, sur un problème qui ne relève pas du
comité.
M. Marchand: Je peux vous conter l'histoire de M. Galipeault, mais je ne
pense pas que ce soit intéressant, je pense que M. Galipeault sera
gêné de rester ici si je raconte toute l'histoire, alors on va
laisser faire.
M. Fournier: M. le Président, me permettriez-vous d'ajouter
quelques mots a ce que M. Galipeault vient de vous dire, pour vous donner des
informations précises'' J'ai ici le rappprt annuel de statistiques pour
l'année de calendrier 1962 sur de nombreux membres, des
détenteurs de permis de la Régie, des véhicules
employés pour tous les gens de service ou de transport sous son
contrôle. L'information suivante est en rapport avec l'argument de M.
Galipeault, que l'Association du camionnage, dans la province de Québec,
c'est une entreprise strictement canadienne-française ou presque
exclusivement canadienne-française et que c'est de la petite entreprise.
La statistique aussi vous établira l'argument que l'on a donné
dans le mémoire à l'effet que cette petite entreprise est
très vulnérable en temps de grève, est aussi
vulnérable au point de vue financier.
Sur 410, il y a 400 détenteurs de permis qui n'ont pas plus que
six à quinze camions. Je tiens cette information du rapport dont je
viens de vous parler. Il y a 2845 détenteurs de permis qui n'ont pas
plus que un à cinq camions. C'est vous dire que l'industrie du
camionnage dans la province de Québec est strictement une petite
industrie.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): M. Fournier, me
permettez-vous une question? Justement, c'était un argument qui me
paraissait a double tranchant, peu importe que ça ait un rapport ou non
avec la question du droit de grève. On a le cas sur la Côte-Nord,
par exemple, et dans beaucoup d'autres régions de la province, mais la
Côte-Nord, je la connais mieux. d'un investissement non rentable au point
de vue économique. Cela devient une plaie sociale, ce petit camionnage
oui s'est développé outrancièrement, probablement parce
qu'il y avait des facilités peut-être trop grandes. le ne sais
pas. Mais cela devient à un point qu'on est obligé quasiment de
porter ça comme la sécurité sociale, c'est-à-dire
que vous en avez, dans vos 2845 dans beaucoup de régions,
peut-être deux fois ou trois fois plus que l'économie de la
région en demanderait.
M. Fournier: Les détenteurs, les personnes les petites
entreprises dpnt je viens de parler, je croyais avoir dit qu'i!
s'agit de détenteurs de permis de ta réqie avec licence
"L" qui, avant d'obtenir ce permis-là, ont été
obligés de prouver à la régie qu'il y avait
nécessité pour leur service. Ce ne sont pas des artisans du
camionnage. Je ne sais, pas si je vois dans la pensée du ministre...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Vous voulez dire
détenteur de permis de service.
M. Fournier: De permis de service. Nous sommes ici, M. le
Président, pour les détenteurs de permis dûment
enregistrés à la régie et qui ont fait preuve de
nécessité.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): D'accord.
M. Fournier: Je crois que l'argument du ministre et de l'affaire de la
Manicouagan...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Entre autres.
M. Fournier: C'est pourquoi nous avons pensé à l'affaire
de Manicouagan, M. le ministre. Nous n'avons pas été
égoîstes dans notre suggestion. Et lorsque viendra la
rédaction de l'article, nous vous suggérerons une
rédaction telle qu'elle permettra d'empêcher la grève
lorsque les services donnés seront contre rémunération.
Les artisans, par exemple, qui vont prendre un contrat pour transporter du
gravier, dans un sous-contrat de voirie, afin d'empêcher la grève,
les artisans, par exemple, qui étaient à Manicouagan et qui sont
quelques centaines, pourraient, au moyen d'une grève, causer des
dommaqes considérables à ce grand développement
industriel. Je voudrais rappeler ici... Qu'est-ce qui vous fait rire, M. le
ministre...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Vous donnez l'impression
que, puisque vous me répondez, vous vouliez prendre
l'intérêt de l'Hydro.
M. Fournier: Pas nécessairement, je le prends à titre
d'exemple parce que, évidemment, comme tous les autres qui ont lu les
journaux, j'ai vu que vous aviez eu peut-être un petit peu de
misère à régler cet aspect-là du
problème.
M. Johnson: Oui, mais il se débrouille bien.
M. Fournier: J'en viens à un autre argument. Il y a un an ou
deux, nous avons été obligés de défendre
l'Association du camionnage devant la Régie des transport parce que
Osborne Transport, une immense compagnie de transport, Midland Superior, une
immense compagnie de transport, voulaient devenir propriété du
CNR. En fin de compte, le CNTL, Canadian National Transportation, achetait ces
deux compagnies-là. Nous avons comparu devant la Régie et nous
avons défendu, nous avons plaidé, évidemment, que le
transfert des permis ne devait pas être consenti, du moins quant à
ce qui concernait la province de Québec. La Régie des services
publics a émis une ordonnance, disant que les chemins de fer dans la
province de Québec ne pourraient pas acquérir de services
routiers, le tout était afin de protéger le petit camionneur et
d'empêcher le monopole. S'il y a des grèves possibles dans des
petites entreprises, on doit considérer l'aspect financier et ce sont
des petits entrepreneurs, ce sont, comme disait justement M. Galipeault, des
ouvriers devenus petits patrons qui travaillent et gagnent pour
eux-mêmes, avec deux ou trois aides, souvent des membres de leur famille.
Mais s'il est possible de faire la grève...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): S'il y avait une
grève dans la famille, là, c'est moins grave.
M. Fournier: Ça devient du droit civil. Mais s'il est possible de
faire la grève dans ces petites entreprises, évidemment, elles
n'ont pas, financièrement, les reins assez forts pour résister.
Il en résulte la faillite ou il en résulte, à la prochaine
occasion, la vente à une organisation plus puissante, et dans un an,
deux ans, trois ans ou dans un délai cessez court, vous verrez dans la
province de Québec, et c'est ce qu'attendent les unions, c'est ce
qu'elles désireraient, deux, trois grandes organisations de transport et
alors là, vous aurez le monopole et vous aurez la grève
généralisée qui, actuellement peut-être, est
difficile à cause du nombre des transporteurs, mais à ce
moment-là, vous aurez une grève généralisée.
C'est ce vers quoi on se dirige si le camionnage n'entre pas dans le
sous-paragraphe 5 au paragraphe n).
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Voulez-vous vous
identifier''
M. Gobeil: Antoine Gobeil. Ce matin, lorsqu'on a suggéré
que le droit de grève soit limité à certains
contrôles du gouvernement en conseil, j'ai mentionné les pouvoirs
qu'avait la Régie des transports et j'ai suggéré que la
Régie des transports était compétente pour décider
de toutes les questions. Je crois qu'il est nécessaire d'insister sur
certains arguments qui ont été soulevés ce matin et cet
après-midi par Me Galipeault.
Si le bill 54 n'est pas changé, les salariés obtiendront
le droit de grève. On a parlé de parité,
d'égalité; la parité, quand il y a droit de grève,
doit accorder le "lock-
out" et c'est justement ce que la loi des transports défend par
son article 32, qui dit: "un propriétaire doit obtenir l'autorisation au
préalable de la Régie pour cesser ou interrompre ses
opérations, pour les étendre ou pour les modifier". Alors, si on
accorde le droit de grève, et si on laisse la loi des transports telle
qu'elle est, la parité est détruite.
M. Marchand: M. le Président, là-dessus, nous sommes pour
la justice pour tout le monde. S'il y a un doute, quant aux droits des
employeurs dans le transport, de faire un "lock-out", nous croyons qu'ils
devraient être sur un pied d'égalité avec nous. Si nous
avons le droit de faire la grève, je ne vois pas pourquoi ils n'auraient
pas le droit d'utiliser l'arme économique semblable. Alors, nous sommes
absolument d'accord, il n'y a pas d'objection.
M. Gobeil: Il n'existait aucun doute avec l'article 32 tel que
rédigé.
M. Fournier: M. le Président, est-ce que je pourrais m'acquitter
d'une mission qu'on vient de me confier, avant que je ne l'oublie? Me Wilbrod
Bhérer, qui représente l'Association des propriétaires
d'autobus, ne pouvait pas rester et il m'a demandé de vous transmettre
le message suivant, au nom des propriétaires d'autobus. C'est qu'il
s'oppose à cet argument qui a été émis ce matin,
que les autobus pourraient ne pas être considérés comme un
service essentiel. Ils se considèrent, au même titre que les
autres services, comme un service essentiel. Ils demandent au comité,
puisqu'ils ne sont pas représentés, qu'ils soient toujours
considérés comme un service public.
M. Fortin: M. Fournier, est-ce que les camionneurs qui n'ont pas de
permis de la Régie font partie de votre association?
M. Fournier: Non, seuls les camionneurs qui font partie de la
Régie font partie de l'Association.
M. Johnson: M. le Président, m'accorderiez-vous juste un
moment...
M. Fortin: Je vous demande pardon, est-ce qu'ils ont une association,
ces camionneurs-là?
M. Fournier: On me dit qu'ils ont des assocations régionales.
Une voix: Ils essaient de s'en former à l'heure actuelle avec le
ministre.
M. Johnson: Ils sont plusieurs fédérations
libérales comme ça.
M. Fournier: Le résultat des dernières élections,
M. Johnson, semble nous faire croire qu'ils sont tous dans le Parti
libéral.
M. Bertrand (Missisquoi): ...de patronage.
M. Johnson: M. le Président, on n'avs:: pas de
fédération, nous, on était...
M. Bertrand (Missisquoi): La liberté illimitée.
M. Johnson: ...je ne voudrais cas que ça rentre dans les
transcriptions alors je vais me retenir. Disons que notre patronage
n'était pas systématisé.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Le patronage, ça,
c'est disparu. Je demande...
M. Johnson: M. le Président, vous me permettrez, très
brièvement, d'apporter ce que je voudrais taire, mais que j'ai
l'intention de dire. En somme, je ne parle qu'en mon nom personnel. Tout le
monde l'a compris, le gouvernement qui, pourtant, a ses experts, ses conseils
et puis des nouveaux experts et tout l'argent voulu, votre argent et le mien,
nous arrive quand même avec ce qu'il considère être un
instrument de travail et ne se lie pas à aucune des clauses. Alors.
évidemment, nous jouons le jeu te! que! et nous parlons ici non pas
comme chef de parti, mais tout simplement comme député et
essayons d'apporter une contribution que nous voulons constructive.
Je voudrais d'abord, M. le Président, dire que je m'entends avec
M. Galipeault. mais pas loin, loin, évidemment, il est vrai que
l'économie de la Loi du transport, telle qu'elle est actuellement,
serait complètement bouleversée, et M. Galipeault a bien raison,
en bon avocat, d'essayer de concilier les deux textes. Mais le
législateur, qui peut modifier le texte de la Loi de la Commission des
relations ouvrières, pourrait aussi modifier l'autre en temps et lieu
pour les faire concorder, s'il en vient à cette décision.
J'ai été bien impressionné par le plaidoyer de
l'avocat de Roberval, de Saint-Félicien qui, à mon sens, est
allé au fond du problème quand il a dit, sur le terrain des
principes: "Si on admet la thèse de M. Marchand, eh bien, enlevons tout
ce qu'ii . a là, dans l'article 5, ou bien ajoutons-y le camionnage."
Moi, je suis de l'avis de " '. Plourde là-dessus. C'est la
première fois que j'ai l'occasion de l'être d'ailleurs et
ça me fait bien plaisir.
M. Plourde: Ce n'est pas arrivé souvent.
M. Johnson: Ca peut revenir. On va vous ballotter.
M. le Président, sur le terrain des principes, l'exposé de
M. Marchand est bien intéressant. Les précédents dans les
autres provinces sont aussi des facteurs dont il faut tenir compte et qui nous
impressionnent jusqu'à un certain point. Cependant, je crois qu'il ne
faudrait pas se hâter dans le domaine du Code du travail, et agir avec
une précipitation que nous pourrions regretter. On m'informait, par
exemple, qu'en Ontario, quand on a eu à faire un Code du travail, le
Comité des relations industrielles a siégé pendant un an
complet. Il a pris la peine de faire venir les membres de la Commission des
relations ouvrières, des experts, des économistes et tous les
groupes intéressés pour réellement pouvoir digérer
tout ce qui lui était soumis.
Alors, M. le Président, nous, il n'y a pas tellement longtemps
que nous siégeons et je n'aimerais pas être un "bulldozer", dans
ce domaine comme dans bien d'autres. M. Marchand nous pose le problème
assez bien quand il dit: "Il faut se décider, à un moment
donné, entre deux régimes". Celui qui voudrait que toutes les
décisions soient rendues par des tribunaux de travail, M. Marchand
connaît certains pays où ça se fait et où il semble
y avoir non seulement la paix industrielle, mais aussi certains proqrès.
Mais, quant à moi, j'aimerais qu'on qarde le plus longtemps possible le
système qui prévaut en Amérique du Nord et qu'on ne
détonne pas trop vite dans le portrait général de
l'Amérique du Nord. C'est d'autant plus important qu'on a des unions,
paraît-il, qui ont des relations avec d'autres parties de
l'Amérique du Nord et si on changeait toute l'économie des
relations patronales-ouvrières, eh bien, ça créerait un
paguet de problèmes.
M. le Président ce qui me frappe, dans l'affaire du transport
routier - c'est un domaine que je connais particulièrement pour y avoir
exercé comme avocat pendant plusieurs années - c'est que, comme
l'a dit tantôt M. Fournier, c'est un monopole à certains points de
vue, mais un monopole constitué par un groupe, c'est-à-dire un
groupe de très nombreux entrepreneurs. C'est une industrie oui est
fragile, extrêmement fragile de ce temps-ci. J'aime bien ça, les
principes, mais il faut faire attention quand on veut appliquer des principes
à la réalité. Les syndicats sont les oremiers à
s'en rendre compte, d'ailleurs. Ils règlent des problèmes
réels quand ils règlent certains conflits ouvriers, comme nous,
nous aimerions adopter des lois qui collent à la réalité.
Or, ce qui me fraope, dans l'industrie du camionnage, c'est qu'à l'heure
actuelle elle est dans un état fragile, extrêmement fragile. Elle
a reçu de bons coups sur la tête par des augmentations de taxe,
mais je ne veux pas m'étendre sur le sujet un peu litigieux et soulever
un débat. Mais elle a été durement frappée par
trois augmentations dont deux sur l'huile diezel et une autre sur les
enregistrements.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Ça n'a aucun
rapport avec le bill, ça.
M. Johnson: Alors, elle est fragile. M. le ministre, vous allez
comprendre devant le tableau. Ca compte quand il faut apprécier la
valeur, la disposition dans laquelle se trouve actuellement le camionnage.
Mais ce qui est plus grave encore, c'est que le camionnage est un des
modes de transport, et on sait qu'il y a une lutte à mort entre le
camionnage, d'une part, et les chemins de fer de l'autre. Les camionneurs ont
essayé d'empêcher des compagnies de chemin de fer d'entrer dans le
camionnage, ils ont perdu la cause de Smith Transport, ils ont perdu la cause
de Osborne et de Middland, avec le résultat qu'aujourd'hui, les deux
grandes compagnies de chemin de fer qui sont subventionnées par
l'État fédéral -l'un, le CN, d'une façon tellement
évidente et l'autre, d'une façon indirecte, peut-être moins
connue - sont en concurrence ouverte avec le camionnage et seraient maintenant
en position. Je ne veux pas leur prêter des intentions, je veux tout
simplement poser l'hypothèse: seraient en position. Tous ceux qui s'y
connaissent en relations ouvrières savent ce que je veux dire par une
grève bien faite. Seulement dans le camionnage ou par une convention
bien faite dans leur cas, ils pourraient tuer l'industrie du camionnage en peu
de temps. C'est à ce point-là, dans la réalité des
faits.
Alors, je pense qu'il faudrait songer a ça. On parle
d'émancipation économique, évidemment, il ne faudrait pas
la faire au détriment des ouvriers. Il ne faudrait pas la faire en
perpétuant des conditions de travail qui ne sont pas raisonnables en
1963, si tel est le cas dans l'industrie du camionnage. Mais
l'émancipation économique, voici un domaine où les
Canadiens français ont prouvé, à l'heure qu'il est, qu'ils
Douvaient prendre leur place. 90% du camionnage dans la province de
Québec est entre les mains des Canadiens français. Ils sont dans
un état fragile, je parle du transport à l'intérieur de la
province seulement, je ne parle pas du transport interprovincial inclus. C'est
à peu près cette proportion. Alors, actuellement, si on
plaçait le camionnage dans une position d'infériorité
vis-à-vis des grands chemins de fer, je crois que ce serait mauvais pour
le moment. Peut-ètre qu'on sauverait le principe pour lequel on semble
se battre, mais je pense, en réalité, qu'on rendrait un mauvais
service à toute notre économie et je me demande pour quelle
raison spécifique le gouvernement - quand M. Godbout avait
inclus le camionnage dans (l'énumération des services
publics - change d'idée et n'enlève que ce moyen de
transport.
Encore une fois, je suis de l'avis de M. Plourde. Si on doit restreindre
le droit de grève pour les opérations des bateaux et des chemins
de fer, qu'on le fasse aussi pour le camionnage ou bien qu'on le permette pour
tout le monde. Je crois, M. le Président, que c'est un principe sain.
Mais je voudrais tâcher de faire comprendre aux députés du
gouvernement et à ceux qui, en somme, auront la responsabilité de
la rédaction définitive de ce projet, qu'il y a une question de
fait, une situation économique, il y a une position de concurrence
désavantageuse à cause du manque de capitaux. Quand on compare
ces deux concurrents, je vous assure qu'on conclut vite que le camionnage est
faible. Je voudrais donc que le gouvernement y songe deux fois avant
d'asséner ce qui serait à toutes fins utiles un coup sur la
tête du camionneur, un autre coup après en avoir
déjà donné quelques-uns qui n'étaient pas tellement
agréables pour l'industrie du camionnage.
Quant à légiférer contre une union en particulier,
je pense qu'aucun de nous, ici, ne voudrait faire ça. Même si on a
peur, si on tremble devant certaines méthodes qui seraient
appliquées par des unions en contrôle américain, je pense
qu'on ne peut pas légiférer contre une union en particulier. On
ne devrait pas la faire, ce serait trop dangereux, ça nous permettrait
de le faire en d'autres occasions, ce serait un précédent
dangereux même entre les mains du ministre du Travail actuel parce qu'il
est comme tous les autres ministres, il est un humain.
Mais je pense que, dans l'opinion publique de la province de
Québec - ce n'est pas une loi que je propose, c'est un voeu que
j'exprime - on a hâte que les unions et les patrons trouvent des
façons de changer qui ne vont pas en conflit direct avec notre notion
d'émancipation économique et le contrôle des agents
dynamiques de l'économie entre des mains étrangères. Je
connais les efforts qui sont faits pour "canadianiser" certaines unions, je
connais le travail de certains chefs ouvriers, entre autres M. Prévost
et M. Jodoin, mais si les employés du camionnage tombaient
éventuellement sous le contrôle américain direct sans
même passer par la FTQ ou le CTC, ce serait beaucoup moins
intéressant encore au point de vue de l'émancipation
économique.
Mon ami, le député de Champlain, n'est pas de mon avis,
peut-être, lui qui est de la Brotherhood et qui paie $12 par mois aux
États-Unis. Je lui disais, avant le dîner: Si vous payez tout
ça et tous vos collèques ici, dans la province ou au Canada, ce
serait un agent dynamique du mouvement de l'économie. Ce serait un moyen
d'avancer notre émancipation économique. Ce n'est pas une
suggestion de loi, c'est un voeu et ce sont en même temps, pour ceux oui
doivent l'étudier, des informations qui me viennent, comme chef d'un
parti, de gens oui ont hâte qu'on accentue ce mouvement de rapatriement
non pas de la constitution, mais de rapatriement du contrôle de certaines
unions, entre autres celles qui s'occupent du transport.
M. le Président, c'est vous qui allez décider, je suis
certain que le premier ministre va vous écouter, mais je pense que,
lorsque vous aurez à prendre la décision, vous devriez de nouveau
consulter tous les membres du comité des relations industrielles qui
aimerait débattre ce point-là au stage final.
M. Marchand: M. le Président si vous me le permettez, juste un
mot. Le type d'argument utilisé par M. Johnson est encore un type
d'argument qui nous conduit pas mal plus loin que là où, sans
doute, nous serions prêts à aller, tout le monde. Si la situation
économique des entreprises peut être une justification à un
moment donné de les placer sous la Loi des services publics, je peux
vous en nommer un certain nombre d'autres qui sont dans une situation
économique extrêmement précaire. L'industrie de la
chaussure, l'industrie du meuble, par exemple, vous avez toute la petite
industrie des scieries dans la province de Québec, et du bois, vous avez
toutes ces industries qui sont dans une situation économique, disons,
difficile. Qu'est-ce qui arrive? C'est que les syndicats, évidemment,
s'entendent avec les employeurs. On tient compte de la situation. Que
voulez-vous? Chacun prend sa responsabilité. Ce n'est pas, je pense
bien, que la solution à ce problème n'est pas une solution, ne
peut être une solution strictement légale. Alors, c'est pour
ça, évidemment...
M. Johnson: M. Marchand, je ne l'érige pas en principe.
M. Marchand: Non? Bon, c'est correct.
M. Johnson: C'est pour une situation de fait entre deux concurrents dont
l'un disparaît ou on a tout lieu de croire qu'il va disparaître
à cause du climat des luttes qui se font et de
l'infériorité où se trouve...
M. Marchand: Mais, entre nous, la menace qui peut exister à
l'encontre de ces petites compagnies de transport, ce n'est pas le syndicalisme
et ce n'est pas la Loi des services publics, ce sont les grands monopoles, les
grandes compagnies qui, à cause de leur puissance financière ou
l'efficacité de leur service, peuvent les mettre en péril. Qu'on
soit sous la Loi des services publics ou non, ce qu'on craint -
disons que c'est une hypothèse qui n'est pas impossible,
impensable - c'est que, à un moment donné, directement ou
indirectement, on se serve du syndicalisme pour paralyser les petites
entreprises et, éventuellement, les tuer. Mais ça, ça
suppose une organisation extrêmement bien faite et je me demande si
même les "teamsters", à cause de notre régime de
négociation qui établit par établissements... vous savez
que provoquer la solidarité de tout un secteur comme celui du transport
de Gaspé à Hull... Moi, ça fait 21 ans que je fais du
syndicalisme, si vous me demandez de le réaliser, je vous avoue que je
ne vois pas comment je pourrais le faire.
Alors, cette chose est une hypothèse, évidemment, qui est
envisageable, mais il ne faudrait tout de même pas considérer que
les syndicats sont là, obsédés par l'idée, un jour,
de faire une grève générale. Que voulez-vous? Chez nous,
on a 600 ou 700 conventions collectives de travail. Il y en a une ou deux par
année qui donne lieu à des grèves et même, dans
l'ensemble du Canada, les jours perdus en grève, c'est un dixième
de un pour cent de l'ensemble des jours travaillés, alors que le
chômage représente à peu près entre 9% et 10%. Vous
savez, c'est pas mal plus sérieux. On exagère un peu cet aspect.
Puis, nous autres, on n'y a pas plus intérêt qu'eux. Seulement, si
la petite compagnie, les petites compagnies de transport se comportent comme
certaines compagnies se sont comportées dans le passé et font
tout pour tuer les syndicats libres qui seraient prêts à
coopérer, bien, mon Dieu, qu'un jour ils aient de la misère, ils
en auront. Si jamais le local dont on parlait, le local 106, leur tombe dans
les jambes, je vous assure que ce n'est pas nous qui allons les retirer parce
que, que voulez-vous, ils n'y croient pas à cette coopération
fondamentale.
Mais, dans l'ensemble, je ne pense pas que le problème qui est
réel, celui soulevé par M. Johnson, peut être
réglé par cet instrument. Je ne le crois pas.
M. Johnson: La valeur de l'argument s'appliguerait d'ailleurs contre
toutes les entreprises mentionnées au sous-paragraphe 5.
M. Marchand: Ah oui. D'ailleurs, nous, on demande que le paragraphe soit
exclu...
M. Johnson: Et mon argumentation, évidemment, était
plutôt dans la ligne de celle adoptée par M. Plourde où
c'étaient des relations entre divers modes de transport qui se font
concurrence actuellement. C'est surtout à ce point-là que... Si
on enlève le sous-paragraphe 5, c'est un autre problème.
M. Marchand: Bien, nous, on demande les deux. On trouve que ce n'est pas
plus valable pour ce qu'il y a au sous-paragraphe 5 qu'au camionnage.
M. Johnson: Mais si le sous-paragraphe 5 devait rester,
n'êtes-vous pas d'avis que ça devrait rester pour le camionnage
également?
M. Marchand: Bien, vous savez, disons qu'au point de vue intellectuel,
ça se justifie très difficilement. Seulement, en fait, ce ne sont
pas des industries qui sont sur le même pied, le téléphone
et le transport. Vous avez le bateau, le transport par bateau. Vous savez que
dans toute grève, il y a un danqer pour l'entreprise qui est en
grève, c'est que des substituts entrent sur son marché et le
remplacent. C'est le risque normal de la grève. Mais, de toute
façon, nous, comme position, nous demandons que tout ça soit
enlevé et nous croyons qu'avec des syndicats responsables comme nous en
avons a la FTQ et chez nous, il y a moyen d'organiser un régime
où il y aura la paix.
D'ailleurs, M. Archamhault est venu nous dire ce matin que non seulement
il payait des salaires courants, mais il donnait $0.04 de l'heure de plus.
Alors, avec de telles conditions de travail, vous savez, je ne les ai pas
vérifiées, mais si elles sont vraiment aussi bonnes que
ça, je ne vois pas pourguoi on craindrait des difficultés
ouvrières. C'est nous qui aurions des difficultés à sortir
ces gars-là en grève s'ils sont aussi bien traités que
ça. Si, par hasard, il y en a qui étaient maltraités,
bien, il faudrait penser qu'ils ont des droits eux aussi.
M. Johnson: En théorie, vous avez parfaitement raison.
M. Marchand: Mais en pratique aussi.
M. Johnson: Mais quand vous organisez-vous...
M. Marchand: Vous savez, je ne suis pas un professeur
d'université, moi, je suis un gars d'action qui négocie des
conventions collectives.
M. Johnson: Vous avez un petit peu des deux.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Il rouqit.
M. Marchand: Je ne suis pas certain si c'est une insulte ou un
compliment, c'est ça qui m'inquiète.
M. Maheux: Si vous décidiez de nous embarquer dans les services
publics, nous. les députés, nous accorderiez-vous le droit de
grève?
M. Marchand: Ah oui. Le grand danqer,
c'est qu'il s'agirait de savoir si le gouvernement peut marcher quand
même.
M. Johnson: Ça dépendrait de la personne.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): De toute façon, je
suis très heureux d'entendre le chef de l'Opposition et, pour faire
suivre sa première phrase qui concernait le fait qu'on était
arrivé avec juste un instrument de travail, que le gouvernement laissait
un peu l'impression que ce n'était pas prêt et que, par
conséquent, c'était hors d'ordre de faire suivre cette phrase,
quelques phrases après j'étais rassuré quand le chef de
l'Opposition a dit, comme nous le disons, que cet instrument de travail, il ne
faudrait pas l'adopter avec une précipitation regrettable.
Je voudrais simplement répéter, M. le premier ministre
n'est pas là, qu'il s'agissait de le prendre en
délibéré aussi _ et que, pour l'instant, on n'adoptait
rien. Je me substitue au ministre du Travail qui est président, il peut
difficilement reprendre de notre côté tous les arguments, mais je
voudrais bien que ça reste clair.
Maintenant, il y a une chose que M. Marchand a soulignée et qui,
peut-être, colore un peu ce que vient de dire le chef de l'Opposition, ce
qu'on est tous exposés à dire, c'est qu'on parle de grève,
de droit de grève, d'exclusion du droit de grève depuis le
début de la journée et on finit par avoir une certaine obsession.
On finit par voir la grève comme une espèce de monstre, dans la
discussion, qui est présent autour de la table, tandis qu'en fait - et
je voulais le souligner, mais M. Marchand l'a fait mieux que moi, parce qu'il
est plus dans ce milieu quotidiennement - la grève est quand même
une chose exceDtionnelle - et il s'agit ici d'un droit qui peut être un
droit pour la majorité des travailleurs auquel il faut apporter des
restrictions selon certains critères - dont les voies économiques
peuvent être l'un de ces critères. Mais il s'agit quand même
de ne pas en abuser, parce que, quand on parle de lois économiques, on
rejoint directement ce qui fait l'objet de la plupart des conflits. Justement,
si on commence à travailler avec des lois économiques ou vouloir
faire d'une loi un parapluie artificiel pour une industrie, il faut y penser
à plusieurs reprises et délibérer assez longuement, parce
que ça pourrait s'appliquer à toute une gamme d'industries. C'est
là le principe du parapluie économique.
Le chef de l'Opposition a fait une analyse rapide mais sérieuse:
on voyait que ça venait de sa pratique et de son expérience des
difficultés auxquelles peut se heurter le transport routier. Par
exemple, la multiplicité qu'il y a d'entrepreneurs dans ce monopole,
à cause des permis de la régie, etc., si on peut appeler
ça un monopole, mais enfin un monopole très multiple avec
beaucoup de petits entrepreneurs et parmi lesquels il y a beaucoup de
fragilité. Je crois bien que tout le monde peut être d'accord. ils
sont également grevés d'une foule de servitudes, peut-être
de taxes aussi. Tout le monde peut être d'accord aussi là-dessus.
Mais tout ça, c'est un tableau économique qui n'est pas complet,
parce qu'il faudrait savoir exactement ce qu'il en est, quel est le prix de la
main-d'oeuvre, quelle est la possibilité d'ajustement des tarifs, parce
que, là encore, la réqie a son mot à dire quand les prix
de revient augmentent.
De toute façon, il reste que la question de principe existe aussi
et l'emporte probablement, si on ne veut pas se servir de l'argument de
parapluie économique qui est un argument fragile qui ne doit pas aller
dans une loi, il me semble, une loi générale. On ne doit pas
légiférer pour protéger telle ou telle industrie,
exactement comme en peut être d'accord avec le chef de l'Opposition au
départ pour dire qu'on ne doit pas légiférer contre tel ou
tel syndicat, parce qu'à ce moment-là, on n'aurait plus une loi,
on aurait une espèce de série de décrets camouflés
en loi. De même, j'essaie de peser mes mots, mais l'argument d'une
industrie canadienne-française, en soi - et Dieu sait que
j'espère être nationaliste dans un sens positif et faire des
efforts auotidiens pour que ça rapporte positivement - ne me
paraît pas non plus s'appliquer à une loi comme celle-là,
du tout, d'autant plus que, quand on parle du Québec, on ne parle quand
même pas uniquement de Canadiens français. De toute façon,
qu'ils soient Canadiens français, Anglais, Juifs ou Américains,
la loi que nous allons éventuellement adopter est une loi
générale qui doit s'appliquer à tout un secteur, quelle
que soit l'origine raciale ou religieuse ou sociale de ceux qui y
participent.
Dans le domaine des principes, je voudrais simplement rappeler qu'il y a
une proposition, qui est également en délibéré, qui
est encore de faire sauter l'article 5, tel quel, au complet, mais d'v
substituer la possibilité pour le gouvernement, avec convocation du
Parlement, dans un délai très bref - on a parlé de seot
jours, enfin il s'agissait d'une proposition encore informe, sauf pour
l'essentiel - la possibilité pour le Gouvernement, pour ce secteur des
transport et communications, dans les cas d'urgence, de faire quelque chose oui
soit comme une mobilisation, une réquisition, qui soit en tout cas
l'arrêt de tout arrêt de travail à cause de situations qui
soient véritablement classifiées comme étant d'urgence,
quittes à être ratifiées ou non ratifiées par le
Parlement dans les sept, les dix ou les quatorze jours.
M. Johnson: Je vous remercie, j'ai juste
un mot à dire. Cela va illustrer peut-être mieux que tout
ce que j'ai dit, le fond de ma pensée. Si on avait cru - et ce n'est pas
fait d'une manière désagréable - qu'une grève
arrivée au Canada aurait eu pour effet de tuer Radio-Canada, j'en
connais plusieurs qui ne l'auraient pas fait, la grève, à
Radio-Canada. C'est dans ce sens-là. L'industrie du camionnage, elle est
fragile en soi, globalement fragile à cause de sa multiplicité.
Et je ne parle pas nécessairement pour protéger les petits parce
qu'il va falloir que les petits obéissent comme n'imoorte qui à
certaines lois économiques. S'ils ne sont pas capables de survivre, de
faire la concurrence à d'autres grosses industries du camionnage, je
crains bien qu'ils disparaissent. Ce sera comme dans d'autres industries. Mais
celle-là est fragile globalement. Ce ne sont pas que des unités
qui sont fragiles, elle l'est à cause des magnats des transports qui
voudraient tuer l'industrie privée du transport, industrie dont on a
besoin dans certains coins. C'est juste l'inverse de l'autre situation que je
vous mentionne pour illustrer ma pensée seulement. Alors, on
délibère, moi j'ai dit ce que j'avais à dire à
titre personnel.
M. Plourde: Je ne voudrais pas, M. le Président, passer pour
celui qui a proposé d'abroger l'article 5; il faut bien se placer dans
le contexte.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Il serait peut-être
mieux que vous le souligniez.
M. Plourde: Voici, je regardais comme un mal que l'on n'insère
pas le transport routier dans les services publics et t'apportais
l'hypothèse: pourquoi alors ne pas agrandir le mal et abolir l'article
5, pour que le mal soit tellement qrave due le gouvernement sente le besoin de
suturer la plaie?
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, c'est tout pour
les services publics?
M. Brunelle (Jean): Jean Brunelle, de l'API. M. le Président, je
me demande si la solution qui est proposée de laisser au gouvernement le
choix de déterminer quand il doit y avoir grève ou non n'est pas
compliquée, si elle ne forcera pas le gouvernement a une foule
d'interventions qui vont l'engager dans la détermination des points
particuliers de la convention collective. Je voudrais souligner
également que l'atmosphère dans laquelle les
délibérations se passent, M. le Président, est
extrêmement importante: nous travaillons sur un code sérieux qui
doit déterminer les bases des relations du travail et du capital pour
quelques années. Je pense qu'il est difficile d'interpréter d'une
façon unique la position de l'entreprise à cause de la
variété des organismes qui sont concernés et je pense que
nos amis les syndicats utilisent une tactique assez facile qui consiste
à prendre un moment la sensibilité, un moment des questions de
liberté pour étendre leur aire d'influence. Par exemple, hier, au
chapitre des corporations, on demandait, pour les gens qui sont membres de ces
organismes, le droit de se syndiquer. C'est peut-être aux membres
mêmes qu'il faudrait le demander. Il n'en reste pas moins qu'à
plus ou moins brève échéance le syndicalisme se
réserve des aires de travail et de prospection qui limitent
considérablement le champ d'action de l'entreorise comme telle, à
tel point que je me demande si on ne la trouvera pas, à un moment
donné, dans la situation d'un bonhomme qui a le collet trop serré
et qui, le sang lui sortant par le nez, trouvera que ça travaille
très inconfortablement. Je pense que, si on réserve l'aire
d'activité du syndicalisme dans un rayon trop étendu, on arrivera
à un moment où l'entreprise ne pourra plus fonctionner. Il faudra
bien se déterminer que nous avons créé chez nous un
socialisme d'état contre lequel il sera extrêmement difficile de
faire machine arrière.
M. Marchand: M. le Président, je pense que c'est une attitude
d'esprit à l'endroit du syndicalisme qui est inadmissible. À tout
bout de champ, il y a des gens qui vont en Europe, oui vont en Suède et
disent: Il n'y a plus de grève, il y a de la coooération. En
Belgique, c'est la même chose. En Hollande, c'est beau de voir le
syndicalisme coopérer avec le patronat. Mais vous savez que, dans tous
ces pays-là, le syndicalisme n'est plus contesté du tout. En
Suède, vous n'avez même pas la Commission des relations
ouvrières, le patronat reconnaît le syndicalisme partout
dès qu'il est constitué. Et ici, regardez ce qui se passe depuis
le début, il n'y a pas un article où on n'a pas tenté de
restreindre le droit d'association des employés et, d'un autre
côté, sur le plan théorique, on parle de
coopération. Si on ne veut pas développer l'agressivité
sur le plan syndical, il ne faut surtout pas s'attaquer à une chose qui
se réfère à l'instinct de conservation,
c'est-à-dire le droit de s'associer. On est prêt à
coopérer avec la patronat, on sait qu'on est solidaire de la vie
économique, mais qu'il cesse donc de s'imaginer que le syndicalisme est
un instrument de destruction de l'économie et d'embêtement pour le
patronat. On est aussi intéressé a la vie économique que
les patrons peuvent l'être, seulement qu'ils cessent de nous piquer et de
trouver ou d'essayer de faire des lois où on va être
continuellement harassés.
Tout à l'heure, on a parlé des ingénieurs, non pas
des ingénieurs, msis des
corporations. Je n'avais pas l'intention d'en parler à nouveau,
mais je vais simplement donner lecture d'un télégramme pour vous
indiquer l'espèce de mandat tacite que je pouvais avoir:
"Félicitation pour l'appui à la cause des ingénieurs
salariés. Une pétition à cet effet est en route,
signée par un groupe d'ingénieurs salariés de la ville de
Montréal." Alors, vous allez recevoir une pétition et vous allez
voir qu'on n'est pas seuls à penser ça.
M. Johnson: Si vous permettez, M. Provost, juste un moment. À ce
propos, M. Marchand, vous voyez, vous venez de me fournir un argument et je
pense que vous allez être de mon avis d'entendre les ingénieurs de
ces pétitions-là.
M. Marchand: On est bien d'accord.
M. Johnson: J'aimerais entendre les économistes sur certains
problèmes. On va décider implicitement de la rédaction de
certains articles et on n'aura pas le temps de faire ça. Le Conseil
supérieur du travail est censé avoir fait ça. Il nous a
soumis un rapport. Le gouvernement est parti de là pour bâtir un
projet qui, dit-il, est un instrument de travail, mais il n'inclut pas
certaines recommandations unanimes du Conseil du travail et il inclut, dans le
projet qu'on a devant nous, des articles qui n'ont pas été soumis
au Conseil supérieur du travail. Alors, vous voyez la situation dans
laquelle on se trouve pour rendre un jugement d'hommes intelligents. Je trouve
qu'on n'est pas tout à fait assez informés et ce sont vos
pétitionnaires que j'aimerais bien entendre ou un de leurs
porte-parole.
M. Marchand: Je ne les connais pas mieux que vous, M. Johnson, j'ai
seulement reçu le télégramme, je suppose qu'ils
existent.
M. Johnson: Ah! j'en connais qui m'ont appelé et qui m'ont dit
que vous aviez raison.
M. Marchand: Oui, ils ne sont pas bêtes.
M. Johnson: C'est ce que je leur ai dit.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Brunelle.
M. Brunelle: M. le Président, les bases de collaboration de l'API
ou d'autres membres patronaux...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Identifiez-vous.
M. Brunelle: Jean Brunelle, de l'API.
Les bases de la collaboration ne devraient pas aller jusqu'à
exiger que les patrons refusent de considérer leurs
intérêts. Quand on parle de syndiquer, par exemple, les
ingénieurs, les avocats qui sont normalement à l'emploi de
l'entreprise, ça peut aller loin, cette histoire-là. Est-ce qu'on
va aussi syndiquer les négociateurs patronaux?
M. Marchand: Pourquoi pas?
M. Brunelle: Et pourquoi oui? Il y a tout de même des limites. Si
l'entreprise comme telle n'a plus le droit de se protéger et si sa
reconnaissance est impossible, il faudrait savoir qu'on s'en va vers le
socialisme, M. le Président. Il y a des mesures à prendre et la
collaboration, je pense, n'exige pas du patronat qu'il renonce
complètement à ses droits. Qu'il fasse son unité, c'est
d'accord, les traditions patronales sont courtes chez nous et il n'en reste pas
moins que nous avons un droit, comme entreprise, à défendre - et
je pense que c'est notre rôle de le faire - parce que, si on abandonne
toute responsabilité aux efforts collectifs, encore une fois, M. le
Président, nous serons socialisés dans très peu de
temps.
M. Marchand: Il existe en France - la France, Dieu sait si c'est une
société qui aime sa liberté individuelle - ce qu'on
appelle la Confédération générale des cadres
où vous avez des éléments du patronat qui ne sont pas
affiliés aux centrales syndicales, mais qui se regroupent et qui se
syndiquent. En quoi est-ce que cela tue l'entreprise privée
ça?
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Provost a
demandé la parole et, après ça, nous allons prendre les
articles.
M. Provost: Deux mots seulement, M. le Président. J'ai
écouté M. Galipeault et les autres, cet après-midi,
attentivement. J'en suis sorti avec l'impression très marquée
qu'on tentait de faire régler par législation les
problèmes de négociation de l'industrie du camionnage en
invoquant que c'est une industrie fragile. Je vous soumets que, si on veut les
faire régler, on prépare un paragraphe. Nous sommes à un
paragraphe définissant un service public et non pas à prouver
l'essentiel de leur service. Tout ce qu'ils disent sur l'organisation
économique, ce n'est pas l'endroit où en discuter, il y aura
d'autres lois peut-être que la règleront pour eux.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Je comprends qu'on a
discuté surtout l'article 1, même si la discussion a porté
sur 5. Pour ce qui est des corporations municipales et scolaires, y en a-i-il
qui ont
quelque chose de particulier à dire?
Des voix: Non.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Les hôpitaux, les
sanatoriums, les orphelinats, les universités, les collèges, les
couvents?
M. Renault: M. le Président, avec votre permission, j'aurais une
suggestion à faire.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Sur quel paragraphe?
M. Renault: Sur le deuxième, M. le Président.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Sur les
hôpitaux?
M. Renault: Oui, on pourrait ajouter, M. le président, si on
tient compte du cas des hôpitaux, la question de la Croix rouge. Je doute
qu'on puisse l'inclure actuellement, mais je crois que si on parle de
santé publique et le reste, le service de la Croix rouge, comme
organisation charitable, si vous voulez, devrait être inclus dans le
paragraphe 2. Mais je ne crois pas que les mots employés actuellement
puissent inclure l'organisation de la Croix rouge et je vous soumettrais, si
vous voulez considérer les mots, je n'ai pas pensé aux mots si
vous voulez, organisation charitable.
Une voix: Oh non!
M. Renault: En tout cas, organisation de bien-être.
Une voix: Pas plus.
M. Renault: En tout cas, tout ce que je demande au comité...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Qu'on pense à la
Croix rouge.
M. Renault: ...c'est de considérer la classe, si vous voulez, et
l'organisation de la Croix rouge.
M. Johnson: L'Ambulance Saint-Jean aussi?
M. Renault: Surtout à cause du service de transfusion de
sanq.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Provost.
M. Provost: C'est le quatrièmement.
M. Bellemare: Dans le deuxièmement, M. Provost, il est quelque
chose de bien important dans la province, qui touche les hôpitaux, c'est
le service ambulancier, les ambulances.
M. Provost: Quand il est raccordé aux hôpitaux et qu'il
appartient aux hôpitaux, d'accord. Mais vous seriez surpris des
organisations privées qui ont développé des services
d'ambulances là où l'intervention syndicale s'impose. Je ne veux
pas porter de jugement, mais je vous dis qu'il est bon d'y regarder et d'y
regarder de près.
M. Bellemare: C'est pour ça que je voulais avoir votre
réaction parce que dans le rapports qui est fait par les sociologues,
ils prétendent que les ambulanciers devraient être ajoutés
aux services des hôpitaux.
M. Provost: Absolument pas quand ils sont pour des entreprises
orivées.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Vous êtes sur 4, M.
Provost, là.
M. Provost: Sur i, M. le Président, nous demanderions que
l'article se lise comme suit: "les universités, les collèges et
les couvents, en autant qu'ils demeurent dans les limites de leurs
activités dans l'enseiqnement." Je m'explique: Il peut arriver et il
arrive que certaines institutions qui dirigent en même temps des
collèges ou des couvents ont des activités qui entrent en
concurrence avec des organisations d'entreprises privées.
M. Johnson: Elles peuvent avoir des imprimeries?
M. Provost: Elles peuvent avoir des imprimeries ou d'autres
entreprises.
M. Johnson: Actuellement, elles ne sont pas syndiquées?
M. Provost: Oui, elles sont syndiquées, pour les laïcs, mais
là, elles ne le seront plus après ça.
M. Johnson: Alors actuellement, les imprimeries...
M. Provost: Elles vont tomber sous la Loi des services publics.
M. Johnson: Ah! bon.
M. Provost: Avec le résultat qu'elles s'en tirent beaucoup mieux
que l'entreprise privée à laquelle elles font concurrence. Alors,
si elles entrent dans le domaine de l'entreprise privée...
M. Johnson: Syndiquer les Frères. M. Provost: C'est
ça.
M. Johnson: Il est rendu à vouloir syndiquer les Frères.
Quand est-ce qu'il va attaquer les vicaires?
M. Provost: Quelles sont les religieuses à la CSN?
Sérieusement, à cause de ce fait, nous voudrions qu'elles restent
dans les limites de leurs activités dans l'enseignement.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): C'est correct.
Article 5, on en a discuté suffisamment.
M. Fournier: M. le Président, à l'articie 5, nous
suggérerions qu'après les mots "de transport par bateaux" soient
inclus "le transport routier pour autrui moyennant considération".
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Article 6.
M. Provost: Après s'être opposés a l'article 5 tel
qu'on vient de nous le présenter, M. le Président, nous
suggérons que l'article 6 se lise comme suit: "Les entreprises
privées de production, de transmission, de . distribution ou de vente de
gaz. d'eau ou d'électricité ne tombent pas sous le coup des
présentes dispositions, à moins qu'une partie de leur production
ne soit régulièrement destinée à l'utilité
publique." C'est ce que nous avons discuté ce matin.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Sous-paragraphe 7, pas de
problème; 8 pas de problème: paragraphe o), exploitations
forestières, pas de problème. À o) il n'y a pas de
problème?
Une voix: Il y a un problème, on demande un amendement.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Vous en avez des copies,
M. Levesque?
M. Levesque (Léopold): Services forestiers de l'UCC et je parle
ici en même temps pour la CSN et la FTQ.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Vous parlez en même
temps pour les deux?
M. Levesque (Léopold): Oui, pour les trois. Nous n'avons pas
assez de papillons pour distribuer à tout le monde, probablement qu'on
pourra se les séparer pour suivre. Or, l'amendement que nous proposons
à l'article 1, paragraphe o), "exploitations forestières",
devrait se lire: "la coupe, le tronçonnement, l'écorcage en
forêt, le charroyage, l'empilement, le flottage, le chargement et
déchargement du bois en forêt et à bord des bateaux et
wagons de chemins de fer, l'usine de sciage et façonnage du bois pour
fins d'opérations forestières, le déboisement de la
forêt en vue de la construction de chemins, d'autoroutes, de barrages, de
lignes de transmission, de piliers, de champs, d'écluses ainsi que tous
autres travaux du qenre tels que les travaux de reboisement,
d'amélioration, d'entretien de la forêt et le transport routier du
bois, à l'exclusion de la transformation en dehors de la forêt".
C'est à peu près...
M. Levesque (Montréal-Laurier): ...J'ordonnance.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Monsieur, qui est-ce qui
représente l'entreprise forestière? L'entreprise, c'est M.
Gagnon?
M.. Levesque, est-ce que c'est textuel avec l'ordonnance 39 ou si
ça va un peu plus loin?
M. Levesque (Léopold): Cela ne va pas plus loin, ça va
moins loin.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Cela va moins loin? Ce
n'est pas textuel?
M. Levesque (Léopold): On n'a pas placé les gens oui sont
pour la protection contre le feu, par exemple, parce qu'il y a un danger.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, M.
Gaané.
M. Gagné: m. le Président, lors de l'ouverture des
séances de votre comité, nous avons exposé
immédiatement le point de vue de l'industrie forestière, à
la demande du premier ministre, et à cette occasion, nous avons soumis
un texte, il y a eu discussion au comité et le ministre des Ressources
naturelles a fait quelques remarques. J'en ai tenu compte, j'ai soumis le point
de vue aux membres de l'association que je représente et aujourd'hui, je
me vois placé subito presto devant un nouveau texte avec force
détails. Je vous demanderais la permission de déooser demain
matin, par écrit, un texte corresDondant ou enfin
différent...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): D'accord, très
bien.
M. Gagné: Merci.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): L'autre article o).
"concessionnaires forestiers".
M. Levesque (Léopold): Alors, au paragraphe p), "concessionnaire
forestier", nous proposons: "concessionnaire forestier" -
le détenteur du droit de coupe de bois où le
propriétaire du fonds, ou le détenteur du permis de coupe,
conjointement avec le détenteur du droit de coupe de bois ou le
propriétaire du fonds, lorsqu'il n'a pas cédé le droit de
coupe à un tiers.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Là, vous ajoutez
"conjointement".
M. Lévesque (Léopold): Conjointement avec le droit de
coupe du bois. Nous n'avons pas d'objection au contracteur,
particulièrement au grand contracteur, mais à condition qu'il
soit certifié lors des reconnaissances syndicales, en même temps
que le concessionnaire réei, le concessionnaire forestier réel,
c'est-à-dire la compagnie forestière, que soient certifiés
les deux conjointement.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, M. Gagné,
ce sera la même chose sur ça?
M. Gagné (Jean H.): La même réserve.
M. Bellemare: M.. Gagné, pourriez-vous répéter
votre réserve?
M. Bertrand (Missisquoi): Non, il va nous la faire parvenir demain par
écrit.
M. Gagné: M. Bellemare, lors du premier jour des auditions, j'ai
été appelé, un peu avant mon tour, je pense, à
soumettre mes amendements à la loi qui avait été
suggérée et je soumets que M. Lévesque a eu tout le temps
voulu pour analyser le texte soumis et je veux le considérer avec mes
clients.
M. Bellemare: Vous avez gagné votre temps.
M. Gagné: Merci.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors article 2. M.
Gagné, vous prenez ça en note?
M. Gagné: M.
Le Présirlent (M. Hamel, Saint-Maurice): Vous suggérez
qu'on enlève le deuxième paragraphe.
M. Gagné: À l'article 1, oui.
M. Crête (Marcel): Procureur de cette industrie précaire
qu'est celle de la chaussure.
M. le Président, suggestion que nous espérons objective:
l'association sggère d'ajouter dans les définitions, à la
fin, la suivante, en ce qui concerne le lieu du travail, ce serait l'ensemble
des terrains et bâtisses où un employeur exerce ses
activités professionnelles. Ceci dans le but de faire disparaître
les oossibilités de confusion et de conflit qui existent actuellement,
puisque la loi, par ailleurs, aux articles 6, 7 et 8, prévoit ou
défend certaines activités syndicales au lieu du travail. Sans
une définition de ce genre-là, il y aurait peut-être lieu
de se demander si c'est à l'intérieur de la tannière ou
à l'intérieur de l'usine...
M. Bellemare: La deuxième partie de l'article 7, M.
Crête.
M. Bertrand (Missisquoi): Avez-vous un texte?
M. Bellemare: La deuxième partie de l'article 7...
M. Crête: La distribution de circulaires, ce n'est pas
nécessairement à l'intérieur de l'usine, c'est bien plus
souvent à l'intérieur de la barrière.
M. Bellemare: Non, mais quand ça arrivera pour les
employés forestiers, l'article 7, deuxième paragraphe, vous avez
oarfaitement raison.
M. Gérin-Lajoie: Préparez donc votre texte, vous le
remettrez demain matin.
M. Crête: Je suggère cette
définition-là...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Pour l'article 1. ce
serait la définition q).
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): À l'article 9, il
est question de l'endroit où logent les salariés, mais vous
suggérez que ce soit après les définitions, qu'on
définisse le lieu du travail.
M. Crête: C'est bien exact. évidemment, le vais
peut-être annoncer qu'à l'article 7 nous demanderons de radier le
second paragraphe, mais ra viendra là-dedans.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors article 3 droit
d'association. Pas de problème.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): l'article 2 n'est pas
fini.
M. Lévesque (Léopold): Nous demanderons d'enlever le
deuxième parapraphe de l'article 7.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Ah! oui. "La commission
peut cependant
reconnaître une association", n'est ça que vous voulez
enlever? Vous suggérez d'enlever ça?
M. Lévesque (Léopold): Justement parce que l'on croit que,
avec la nouvelle définition considérant les forestiers...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, M. Gagné,
vous avez décidé ça de même?
M. Gagné: Oui?
Le droit d'association
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Article 3. Il n'y a pas
de problème à 3, je pense bien.
Article 4 ...
M. Desaulniers: Dans 4...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Avez-vous quelque chose
à lire sur l'article 3, M. Desaulniers?
M. Desaulniers: Je crois que M. Lapointe n'est pas ici, mais je crois
pouvoir parler en son nom. M. Lapointe, hier, dans son exposé, vous a
suggéré, n'est-ce pas, certaines recommandations concernant un
amendement au premier paragraphe de l'article, en ce sens que...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): C'est à l'article
4, ça. On est à 3, là M. Desaulniers. Il n'y a rien de
particulier à 3?
M. Desaulniers: Non, c'est correct. Alors M. Lapointe est ici.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Article 4.
M. Lapointe (Jean-Paul): M. le Président sur l'article 4, j'ai
pas mal mentionné notre position. Je crois que mercredi prochain, je .
déposerai le texte, mais en fait, après les explications que le
premier ministre nous a données tantôt, notre amendement est bien
simple. Tout ce qu'on demande, c'est: "Nonobstant toute loi à ce
contraire, "c'est pour prévoir certaines chartes particulières
à la municipalité et afin qu'il n'y ait pas d'exception, que le
droit soit bien accordé à tous les policiers municipaux. Nous le
déposerons mercredi prochain.
M. Bellemare: Maintenant, M. Lapointe, vous en faites un amendement
spécialement attenant pour les policiers municipaux. Et les
pompiers?
M. Lapointe: Je dis que je parlais uniquement pour les policiers
municipaux. Je ne parle pas de la deuxième partie du deuxième
paragraphe.
M. Bellemare: Et les pompiers municipaux?
M. Lapointe: Les pompiers municipaux, en vertu de leur certificat, pour
nous, ce sont des policiers. Et le certificat de reconnaissance syndicale les
considère comme policiers. Alors, ils tomberaient sous le coup de la
loi. Ils n'ont pas droit à l'affiliation extérieure.
M. Dozois: Quand c'est conjoint.
M. Lapointe: Pardon? Quand c'est conjoint uniquement. Là, c'est
un corps de pompiers séparé et ça tombe en vertu d'une
autre association que vous connaissez dont le président, M. André
Plante, est ici. Je parle uniquement pour les policiers-pompiers.
M. Bellemare: Là où il y a des pompiers permanents, ils
font partie de votre association, de vctre fédération. Ils ne
s'affilient pas à d'autres. Quand ils ont le double mandat d'être
policiers et pompiers, vous avez déjà une association.
M. Lapointe: Cette priorité-là est établie par
jurisprudence de la Commission des relations ouvrières qui satisfait les
deux parties.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Merci M. Lapointe. M.
Desaulniers, vous avez quelque chose?
M. Desaulniers: Non, c'est très bien. C'était simplement
pour vous dire que les certificats accordés par la commission, dans le
cas des pompiers, à l'Association internationale des pompiers, ce sont
des certificats donnés dans les villes où il y a un
département de pompiers séparé du département des
policiers.
M. Bellemare: Ils sont reliés à leur
fédération.
M. Desaulniers: C'est ça.
M. Lesage: C'est seulement pour inscrire dans la loi ce qui a
déjà été déterminé par la Commission
des relations ouvrières.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Maintenant, le
deuxième paragraphe, les membres de la Sûreté. Il n'y a pas
de problème?
M. Marchand: Comme ils ne sont pas affiliés, on ne peut pas en
parler.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Article 5, les
fonctionnaires. Sur l'article 5, M. Girouard?
M. Girouard: Article 4. Étant donné que l'article 4 parle
des policiers municipaux, des membres de la Sûreté, nous nous
demandons si, en toute logique, on ne devrait pas aussi considérer le
cas des agents de sécurité, au sens de la loi, des
détectives particuliers, 1962, chapitre 49, qui se touvent un peu dans
la même situation que les policiers qui sont salariés,
relèvent de leur patron, mais qui, en même temps, sont des agents
de la paix ou des agents de la reine.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Vous voudriez que les
agents de sécurité soient considérés comme des
policiers municipaux.
M. Girouard: Mais non, pas assimilés aux policiers municipaux. Ce
que je veux dire, si je comprends bien le sens, M. le Président, ils ne
nient pas le droit d'association. Ils ne nient pas le droit de négocier.
Je dis tout simplement qu'ils doivent faire partie d'une unité qui est
propre, qui n'est pas affiliée à d'autres groupements. Nous, nous
demandons si, en toute logique, les agents de sécurité au sens
très précis de cette loi-là, pas n'importe qui...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Mais quand on dit,
à la définition de salarié cela ne comprend pas les
employés à titre confidentiel. Les agents de
sécurité ne sont pas assez confidentiels.
M. Girouard: Je ne crois pas que ce soit suffisant, parce que dans
l'exercice même de ses fonctions, l'aqent de sécurité se
trouve à être un agent de la paix et en ce sens-là, il peut
être, il devient assimilable à un policier.
M. Johnson: Parlez-vous des genres de Pinkertons qu'on voit à la
porte des hôpitaux?
M. Girouard: Pas nécessairement eux autres,...
M. Johnson: Non mais ce genre d'agents de sécurité.
M. Girouard: Ça pourrait être ça. Je pense surtout
à ces endroits où il y a des employés qui ont
pratiquement, sans l'aide de statut de policier mais pour les fins
particulières sur les lieux...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):
Délibéré.
M. Massicotte (Jean): M. le Président, si vous me le permettez.
Je pense que nous devons donner toutes les informations nécessaires
à votre comité. Il ne s'agit pas de ne pas avoir, dans la
même unité de négociation, les gens qui sont chargés
de voir à la protection de notre propriété, qui sont
chargés, par exemple, de fouiller nos employés pour savoir s'il y
a des vols de commis. Pour l'information du comité, il y a, dans un
certain pays, une loi, particulièrement aux Etats-Unis qui a reconnu ce
principe-là, en Ontario aussi, je pense. Ces gens-là ne doivent
pas faire partie de la même unité de négociation, ce qui,
à un moment donné, peut leur créer un conflit
sérieux. Ça n'empêche pas qu'ils soient membres d'un
syndicat. Nous n'avons aucune objection, mais qu'ils ne soient pas membres du
même syndicat qui représente les employés qu'ils sont
obligés de fouiller. Ils peuvent être membres du syndicat, je n'ai
aucune objection à ça.
M. Desaulniers: M. le Président, je dois soumettre aux membres de
votre comité que le problème qui a été
soulevé concernant une unité appropriée composée,
disons, d'aqents de sécurité a été
réglé par la Commission des relations ouvrières et c'est
la commission qui a établi, par des décisions, que les qardiens
ou si vous voulez, les agents de sécurité travaillant dans une
usine doivent constituer un corps à part comme unité
appropriée de négociations.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Notre commission a de
bons jugements, ordinairement.
M. Gaqné: Le problème n'a pas été
réglé par la commission. Ce que la commission a
décidé, à mon sens, c'est tout simplement qu'à
cause des termes de la loi actuelle, la commission ne peut pas faire la
distinction. Entre autres, M. Desaulniers connaît très bien le cas
de la Canadian Celanese Limited où le commissaire Baker a fait une
très forte dissidence.
M. Massicotte: M. le Président, sur cette question-là,
nous déposerons un texte demain matin.
M. Bertrand (Missisquoi): Ils vont déposer un texte demain
matin.
M. Lapointe: M. le Président, je voudrais affirmer que dans
l'amendement qui nous concerne, nous ne croyons pas que les policiers des
agences doivent être ajoutés. En ce qui a trait aux agences qui
auraient pu agir comme policiers municipaux, ça a été
entièrement réglé par la Loi des agences privées
puis adopté par le gouvernement, à la satisfaction
générale.
Quant au problème interne d'affiliation de ces salariés au
sens de la loi, eh bien, là, je pense que la position des centrales
syndicales revient parce que je ne crois pas qu'ils devraient revenir à
notre unité de négociation ou dans notre groupe.
M. Massicotte: M. le Président, ce n'est pas ce qu'on veut du
tout. Nous demandons simplement que nos agents de sécurité ne
fassent pas partie de l'unité de négociation qui a
été définie, disons, pour les employés manuels. La
balance, les syndiqués, ça n'a aucune importance pour nous.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Est-ce qu'il y a des
mandats particuliers?
M. Bertrand (Missisquoi): Qui les représente?
M. Marchand: Voici, si l'amendement, à la définition du
terme salarié, est accepté, tel que nous l'avons proposé
en conjonction avec l'article 5, il n'y a aucun doute que ça voudra dire
que le gouvernement accorde le droit d'association à ses fonctionnaires.
Et, évidemment, si tel est bien le cas, je crois que nous allons
être unanimes à féliciter le gouvernement pour ce geste
démocratique et cette reconnaissance du droit des fonctionnaires. Les
fonctionnaires sont des citoyens comme les autres, à part
entière. Ils paient les taxes, ils ont le droit d'être membres du
Club Richelieu, du Kiwanis, ou de la Chambre de commerce et ils pourront aussi
avoir leur syndicat et défendre collectivement leurs
intérêts. Autrement dit, le gouvernement qui dit aux entreprises
privées, par le truchement d'une loi comme la Loi des relations
ouvrières: Reconnaissez les syndicats librement organisés, se
soumet lui-même à la même obligation. Et je pense que si mon
interprétation du texte est bonne, surtout si on tient compte de
l'amendement au terme ''salarié", le gouvernement méritera
d'avoir donné à 20,000 ou 30,000 personnes dans la province de
Québec le droit d'association qu'on considère comme un droit
fondamental.
M. Lesage: Il n'y a aucun doute qu'en vertu de l'article 5, les
fonctionaires ont le droit de s'associer et de se syndiquer.
M. Marchand: Alors, dans cette mesure-là, c'est une grande
satisfaction et nous croyons...
M. Lesage: La condition, c'est qu'il n'y ait pas d'affiliation, la
même chose que pour les policiers...
M. Marchand: Alors évidemment, vous vous attendez un petit peu
à ce que je parle de cette restriction. Je crois que c'est une
restriction au droit d'association si nous l'avons compris et si nous le
comprenons dans le cas des policiers, nous le comprenons beaucoup moins bien
dans le cas des foncctionnaires.
M. Lesage: C'est à cause du secret d'État...
M. Marchand: Voici, pour ce qui est de la partie de la fonction ou
plutôt du secret d'État, c'est valable dans certaines fonctions.
Dans d'autres...
M. Lesage: C'est grave, même pour une sténographe ou un
messager confidentiel...
M. Marchand: Oui, enfin, disons que pour une série de fonctions,
je pense bien que ça n'a aucune gravité et que les
employés qui sont sous la Loi du service civil et qui sont, par exemple,
au département de la Voirie, une foule de personnes qui occupent des
fonctions au Parlement, je ne vois par comment la raison d'État...
M. Lesage: Oui, je comprends. Il est très difficile souvent de
faire une distinction entre ceux qui ont entre les mains - entre les mains,
c'est une façon de parler - dans les mains desquels passent les
documents confidentiels. Il est extrêmement difficile de
déterminer quelle est la catégorie de ces gens-là à
comparer à l'autre catégorie. Nous avons nous-mêmes de la
difficulté quand il s'agit de faire prêter les serments.
M. Marchand: M. le premier ministre, moi, j'ai de la difficulté
à comprendre en quoi l'absence d'affiliation peut constituer une
garantie du maintien du secret d'État.
M. Lesage: C'est-à-dire que ça constitue une garantie
qu'il n'y aura pas de pression extérieure.
M. Marchand: Bien ça, vous savez, ça pourrait être
valable aussi. Plusieurs employeurs pourraient invoquer la même chose.
Nous avons des syndicats qui nous sont affiliés, des syndicats qui
viennent de compagnies qui sont souvent en concurrence les unes les autres. Il
y en a quelques-uns là-dedans, surtout les employés de bureau,
qui manoeuvrent des renseignements confidentiels et jamais la centrale
syndicale n'a été l'instrument...
M. Lesage: Je n'accuserai pas la centrale syndicale, M. Marchand, mais
n'oubliez pas qu'il y a des centrales qui ont une affiliation politique. Il ne
faut pas oublier ça.
M. Marchand: Sur ce plan-là, M. le
premier ministre, je ne suis pas le mieux désigné pour
discuter du problème...
M. Lesage: J'étais d'autant plus à l'aise de vous le
mentionner.
M. Marchand: Je le laisserai discuter par ceux qui peuvent avoir des
difficultés sur ce plan-là, bien des difficultés avec
l'argumentation, je veux dire. Mais, par exemple, prenez les employés de
la Commission des liqueurs. Évidemment, c'est peut-être
confidentiel de nous livrer des bouteilles de scotch ou de gin, mais je ne
pense pas que l'affiliation...
M. Lesage: Ce qu'il peut y avoir de confidentiel, c'est d'en prendre en
arrière du comptoir.
M. Marchand: Mais voyez-vous, on pourrait détailler des
catégories comme ça, et la raison d'État, pour un
très grand nombre ne pourrait même pas être
invoquée.
M. Dozois M. Marchand, est-ce qu'il existe de telles restrictions dans
les autres provinces où on reconnaît l'organisation..
M. Marchand: Non. Au fédéral, quelques syndicats sont
affiliés, d'autres sont indépendants. En Saskatchewan, ils ont
été affiliés longtemps après ça, les
fonctionnaires eux-mêmes ont décidé de se
désaffilier. Ils ont le droit.
M. Lesage: Oui, oui.
M. Marchand: Je fais le même raisonnement dans le cas de
l'affiliation que dans le cas du droit d'asociation. Si les fonctionnaires ne
veulent pas s'affilier, ils doivent être libres et ils ne doivent pas le
faire.
Dans l'ensemble des pays du monde occidental, les fonctionnaires sont
organisés, ils sont affiliés aux centrales. Pourquoi? parce
qu'ils reçoivent des centrales syndicales des services que ces
syndicats-là ne peuvent pas se donner seuls. Le mouvement syndical a une
tradition, s'est enrichi d'une expérience que je considère
considérable, au cours des années. C'est normal qu'un syndicat
veuille profiter de cette expérience et veuille profiter des services
que donne une centrale syndicale. Pourquoi les fonctionnaires ne pourraient-ils
pas orofiter de cette expérience et de ces services? Au nom de quel
principe? Je ne vous dis pas que les fonctionnaires provinciaux
décideront de s'affilier. S'ils décident de ne pas s'affilier
pour la raison qu'ils trouveront bonne, c'est leur affaire. Mais pourquoi le
gouvernement leur enlèverait-il ce droit? Ce sont des citoyens comme les
autres qui ont le droit de participer à la vie démocratique de la
nation et c'est par le truchement des centrales syndicales qu'ils peuvent mieux
le faire. Ou bien s'ils jugent qu'ils ne peuvent pas mieux le faire par le
truchement des centrales syndicales, bien mon Dieu, ils ne s'affilieront pas.
Alors, ce qui arrive au Canada, c'est qu'il y en a qui sont affiliés et
d'autres qui ne le sont pas. Ils sont libres de le faire.
Aux Etats-Unis, le président Kennedy vient de donner instructions
de négocier avec les syndicats, et les syndicats de fonctionnaires sont
affiliés à l'AFL-CIO. Partout en Europe, les syndicats de
fonctionnaires sont affiliés à des centrales syndicales. En
Angleterre également.
M. Johnson: En Saskatchewan...
M. Marchand: En Saskatchewan, ils ne le sont pas présentement.
Ils ont le droit, mais ils n'ont pas voulu. Je ne sais pas pour quelle raison.
Ils ont été affiliés un bout de temps et puis aujourd'hui,
ils ne le sont plus.
M. Johnson: En Colombie?
M. Marchand: En Colombie, ils se sont affiliés. Je ne sais pas
s'ils le sont encore aujourd'hui.
M. Provost: Quelques-unes, c'est ce qui s'est dit.
M. Marchand: Il ne faut pas se faire de leurre. Il est sûr que des
syndicats de fonctionnaires seront toujours très sensibles aux attitudes
politiques que peuvent prendre les centrales, à cause de leurs fonctions
même. Mais ils décident eux-mêmes de leur propre
attitude.
M. Lesage: Voulez-vous, vous allez me laisser ça en main. Je vais
y penser, à la lumière de toute cette réforme du service
civil dont je vous ai parlé hier.
Pour les raisons que je vous ai données, mon esprit n'est pas
convaincu, même par votre éloquence et vos compliments.
M. Marchand: Ce qui me frappe, M. le premier ministre, ce n'est pas que
votre esprit ne soit pas convaincu, mais qu'il ne semble pas ouvert à la
conclusion.
M. Lesage: Il est certainement ouvert puisque je veux étudier
ça à la lumière de tout le problème du service
civil.
M. Marchand: Alors, nous vous remercions de cette attitude, mais nous
considérons qu'au point de vue de droit - et nous savons toutes les
difficultés concrètes que ça peut comporter - nous sommes
intéressés au gouvernement comme citoyens
et aussi comme institution importante, et nous n'avons pas
intérêt à vous créer des ennuis simplement pour le
plaisir d'en créer. Seulement sur certains principes, nous aimerions
que, disons, notre démocratie soit la plus parfaite possible et je
comprends que vous étudiiez sérieusement...
M. Lesage: Vous savez, j'ai beaucoup d'ennuis personnellement, comme
chef du gouvernement avec la réorganisation et la revalorisation de la
fonction publique. C'est une chose à laquelle je tiens.
M. Marchand: Et nous aimerions vous aider.
M. Lesage: Ça crée beaucoup de problèmes, mais
j'aimerais bien voir clair...
M. Bellemare: Ce n'est pas la première fois.
M. Lesage: ...avant d'accepter votre aide. Mais soyez sûrs que je
vais examiner l'affaire sans préjugés.
M. Gabias: Après la déclaration de l'honorable premier
ministre, est-ce que vous avez un porte-parole au cabinet?
M. Marchand: Nous autres, non. Nous n'avons pas de porte-parole, ni
même dans l'Opposition, d'ailleurs.
M. Gabias: On ne fait pas partie du cabinet.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Qu'est-ce que vous diriez
si nous prenions un petit repas?
Une voix: Oui, oui, c'est admis.
M. Lesage: On commencera à six, après.
M. Bellemare: M. Garant va avoir quelque chose à dire sur 5.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Mesdames, messieurs, M.
Garant avait demandé la parole sur l'article 5.
M. Garant (Léopold): M. le Président, M. le premier
ministre, j'ai entendu tantôt, évidemment la discussion au sujet
de l'article 5 et puis, le premier ministre a demandé à y songer.
Mais je voudrais juste apporter un exemple qui peut aider à trouver la
solution. À la Corporation des instituteurs, nous avons eu, de 1946
à 1950, ou 1951, je pense, affiliée à notre corporation,
l'Association des professeurs d'Écoles normales. Cela a enrichi tout le
monde parce que les discussions étaient nécessaires autour des
orogrammes d'écoles normales, de la préparation des professeurs
et puis des méthodes nouvelles, etc. Si le gouvernement accorde la
demande faite par M. Marchand, à savoir le droit d'affiliation, c'est
très bien. S'il ne l'accorde pas, il est peut-être possible de
considérer la possiblité de mettre certaines exceptions pour
certaines catégories comme celle que j'ai donnée comme
exemple.
M. Lesage: C'est surtout à ça que je pense, M. Garant. Je
pense aussi aux employés de la voirie.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Merci M. Garant. Article
6. Sur 5, je comprends que c'est fini.
M. Marchand: En suspens.
M. Jean Massicotte: On peut peut-être esaver de changer la
tendance. Nous suggérons de prendre l'ancien article ou. plutôt,
l'article 23 de la Loi des relations ouvrières, de l'amender pour
remplacer l'article 6 du projet du Code du travail de la façon suivante:
enlever dans l'article 23 les mots "sauf avec le consentement de l'employeur".
On m'avait signalé que parfois, il pouvait arriver qu'il y ait des
unions de boutiques et que les patrons permettent la sollicitation durant les
heures de travail. Alors, avec la suggestion que nous faisons, personne ne
pourra le faire et ça se lirait comme suit: "Personne ne peut, au nom ou
pour le compte d'une association, solliciter pendant les heures de travail
l'adhésion d'un salarié à une association." Je crois que
ceci rencontre le point de vue des syndicats.
M. Marcel Pepin: Cet article 6 est, de près, relié
à l'article 7 qui suit immédiatement. Notre proposition à
6 aurait été de biffer les mots "et sur le lieu du" pour les
remplacer par "durant les heures de travail". uniquement. Maintenant, nous en
avons causé, avant la reprise de la séance, et ce que nous
demandons au comité, c'est de suspendre l'étude des articles 6 et
7 pour nous permettre, pendant l'heure du dîner, de les réexaminer
et de dire ce que nous en ferons après l'ajournement.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors 6 est suspendu et 7
est suspendu.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Nous arrivons à
8.
M. Massicotte: M. le Président, Jean Massicotte. En ce qui
concerne l'article 8, nous suggérons qu'il soit rayé. Nous y
voyons des difficultés d'application, probablement tant du
côté du syndicat que du côté de I'employeur. Si je
parle du côté de
l'employeur, évidemment, l'article nous vise autant que le
syndicat et nous voyons, par exemple, qu'il pourrait peut-être être
difficile, des fois, si nous voulons faire circuler un article de journal, de
retracer l'auteur; souvent ils ne sont pas signés. De plus, M. le
Président, quand nous avons une convention collective de travail, nous y
prévoyons habituellement que nous donnons, à l'usage des
syndicats et des unions, certains tableaux d'affichage et nous
déterminons par convention collective le type d'avis et d'affiche qui
peuvent être affichés sur ces tableaux. Alors, nous
suggérons de laisser ceci à la négociation en
matière de convention collective.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, les deux sont
d'accord là-dessus. 9...
M. Lesage: Cela venait du Conseil supérieur du travail. Les
patrons et les sociologues étaient d'accord, mais les ouvriers
n'étaient pas d'accord. Donc, vous êtes d'accord pour qu'il n'y
ait pas d'article 8; il y en a un, mais autrement.
M. Bellemare: M. Lévesque, dans 9 au paragraphe 2, vous ne
trouveriez pas que l'article 7 irait mieux là?
M. Lévesque: L'article 7 s'applique généralement
à l'industrie, l'article 9 s'applique à la forêt.
M. Bellemare: Oui, mais pour les lieux affectés aux repas des
salariés..
M. Lévesque: On va revenir demain matin là-dessus.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): C'est suspendu pour le
moment 7 et 8; 6 et 7 sont suspendus. Nous sommes à 9.
M. Lévesque (Léopold): À 9, M. le Président.
Léopold Lévesque, services forestiers...
M. Lesage: M. Lévesque, si vous êtes pour proposer cet
amendement qui est ici, alors, mademoiselle, voudriez-vous l'inscrire?
Amendement proposé par M. Léopold Lévesque, des
services forestiers de l'U.C.C.
L'article 9 devrait se lire comme suit: "Sous réserve de la Loi
des terres et forêts, le propriétaire d'une terre ou concession
où se fait une exploitation forestière est tenu de permettre le
passage et de donner accès aux camps où logent les
salariés à tout représentant d'une association de
salariés muni d'un permis délivré par la commission.
"L'exploitant est tenu de fournir à ce représentant le gîte
et le couvert au prix fixé pour les salariés par ordonnance,
suivant la Loi du salaire minimum." 2e paragraphe, amendement: "L'association,
sur demande écrite d'un salarié, peut réclamer de
l'employeur la somme requise pour droit d'entrée dans une association et
la première cotisation. Cette demande écrite du salarié
remise à l'association constitue, pour fins de la présente loi,
le paiement du droit d'entrée et de la première cotisation,
pourvu que ce salarié ait cette somme à son crédit. "Le
présent article ne s'applique pas à l'exploitation
forestière effectuée sur sa oropriété par un
cultivateur ou un colon."
M. Lévesque (Léopold): Est-ce que vous voulez que je lise
l'amendement?
M. Lesage: Bien, vous n'avez pas besoin de le lire parce que
mademoiselle va l'inscrire dans le transcript.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, M.
Lévesque, on vous écoute.
M. Lévesque (Léopold): Alors, l'article 9, 3e paragraphe,
nous disons: "L'association, sur demande écrite d'un salarié,
peut réclamer de l'employeur la somme requise pour droit d'entrée
dans une association et la crémière cotisation. Cette demande
écrite du salarié remise à l'association constitue, pour
fins de la présente loi, le paiement du droit d'entrée et de la
première cotisation, pourvu que ce salarié ait cette somme
à son crédit. "Nous demandons cet amendement afin de conserver le
secrret du droit d'association et d'éviter particulièrement des
représailles de la part des employeurs, en certaines circonstances.
M. Lesage: C'est le "check off", mais simplement que le salarié
demande à l'association qui, elle, transmet la demande du salarié
à l'employeur.
M. Lévesque (Léopold): A l'employeur, justement.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Si vous dites au patron:
J'ai une autorisation de M. Untel, M. Untel, M. Untel; comme vous avez
mentionné que c'était pour garder le secret de
l'adhésion...
M. Provost: M. le Président, si vous permettez M.
Lévesque, rien n'empêcherait, lorsque nous envoyons notre
requête à la commission, d'y attacher les créances.
L'inspecteur de la commission à vérifier avec les transferts de
créances si, à la date où il a signé, il y avait le
$2, le $3 ou le $5. Nous pensons que l'article actuel peut nous causer des .
difficultés ou le secret ne sera pas maintenu. Nous disons: Il le
transmet à l'association, puis on l'attachera, nous autres, avec notre
requête; et puis votre inspecteur, qui est un homme
impartial, va y aller, et discret, il va dire à l'employeur:
Donnez-moi la liste des créances, et puis il va vérifier M.
Untel.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Cela voudrait dire que le
paiement serait fait seulement après que cela sera déposé
à la commission.
M. Desaulniers: Si vous me permettez, M. le Président, votre
remarque est absolument juste. Je ne crois pas que la créance puisse
constituer un paiement simplement au moment où l'enquêteur de la
commission examine les livres parce qu'en vertu de la loi, si le paiement est
une condition dans la considération de ce qui est un membre de
l'association, il faut que toutes les conditions soient remplies avant le
dépôt de la requête. Mais avec cette différence, je
crois que vous êtes certainement au courant qu'une organisation
ouvrière dans la forêt, ce n'est pas une chose qui se fait dans
les 24 heures; cela peut prendre assez de temps. Dans le cas ordinaire, en
dehors de la forêt, l'individu qui signe une carte d'adhésion et
qui paie à l'association de son choix, normalement il n'est pas
obligé d'aller dire ou de faire connaître à l'employeur son
adhésion. Dans la forêt, en raison de problèmes
particuliers qui ont été bien compris par le gouvernement,
puisqu'il l'a compris dans sa législation, vous avez trouvé une
formule pour dire que si le type n'a pas d'argent dans la forêt, et
ça se comprend, ce sera une promesse de créance qu'il remet
à l'association. Simplement la différence, c'est ceci:
L'Association devra remettre cette créance ou cette demande de
créance à l'employeur, mais pourra le faire quelques jours avant
l'assemblée au cours de laquelle on votera la résolution pour
demander un certificat de reconnaissance syndicale. Alors ça
empêchera une étendue de délai telle que cela ouvrira les
portes à toute intimidation ou à toute coercition. Si vous
examinez la loi actuelle, du moment que vous avez passé à une
assemblée une résolution disant que les gens ont signé les
cartes d'adhésion, ont payé leur contribution et leur initiation
et qu'une requête a été envoyée, la commission doit
considérer, au moment du dépôt de la requête, quel en
était le caractère représentatif. Or, ça, ça
peut se faire deux ou trois jours avant l'assemblée. Rien dans la loi
n'exige que cette assemblée se fasse un mois d'avance. Alors, pour
couvrir la demande ici, c'est que l'espace entre la remise de la créance
à l'employeur et le dépôt de la requête à la
commission soit assez court pour empêcher toute campagne d'intimidation.
C'est la raison.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Je comprends, vous allez
faire votre recrutement, comme vous le faites d'habitude, et quand vous aurez
votre majorité, quand vous prétendrez avoir la majorité,
vous délivrerez des cartes ou vous aviserez l'employeur de vous
payer.
M. Desaulniers: À ce moment-là, l'association qui est
dépositaire de ces créances les enverra à l'employeur et
tel que la loi le dit, automatiquement sur réception par l'employeur de
ces créances, s'il y a un crédit, eh bien, ça constitue
paiement.
M. Fortin: La seule autorisation pourrait équivaloir pour les
fins de la Commission des relations ouvrières.
M. Desaulniers: En autant que l'employeur les recevra, si j'ai bien
compris la loi, à ce moment-là, il y aura un montant
d'argent...
Une voix: C'est simplement un crédit.
M. Desaulniers: Si vous me permettez, M. le Président, j'ai dit
que la créance, lorsqu'elle sera remise à l'association, et je
lis le texte, si vous me le permettez: "cette demande écrite du
salarié remise à l'association constitue, pour les fins de la
présente loi le paiement du droit d'entrée et de la
première cotisation, pourvu que le salarié ait cette somme
à son crédit."
M. Fortin: Ce serait conditionnel.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Si je comprends bien, la
loi telle qu'écrite disait ceci...
M. Desaulniers: Si vous me permettez, dans les explications qu'on vous a
données, on vous a dit tout à l'heure qu'on donnait ça
à l'inspecteur. Alors, il y a deux solutions. Je comprends que votre
comité veut savoir quelle est la solution qu'on propose. Il y a deux
solutions, soit que la créance soit remise à l'employeur pour
constituer un paiement ou soit que la simple remise de la créance
à l'association constitue un paiement. Simplement, dans leur
enquête, il est évident que les inspecteurs de la commission
devront constater que lorsque la créance a été remise, et
je prends le texte qui est ici, l'employé avait un crédit.
M. Fortin: M. Desaulniers, après l'enquête,
l'enquêteur fait rapport à la commission et là, le
certificat de reconnaissance syndicale est émis.
M. Desaulniers: C'est ça.
M. Fortin: Maintenant si, après ça, vous envoyez vos
créances à l'employeur...
M. Desaulniers: Si M. le ministre me permet, il n'est pas obligé
de l'encaisser à ce moment-là.
M. Fortin: Mais il faut croire que la procédure se fait assez
rapidement pour que, si l'employé s'en va de la forêt...
M. Bellemare: Cela se fait dans une soirée.
Une voix: Une journée.
M. Bellemare: Mais je veux dire, quand l'inspecteur part, il l'a...
M. Fortin: Quand l'employé va remettre sa créance au
syndicat, après ça, je crois que l'inspecteur a le devoir, dans
la forêt, de vérifier s'il a de l'argent à son
crédit, et il faudra qu'il fasse un rapport à la commission. La
commission rend la décision et donne le certificat de reconnaissance
syndicale et après ça, vous aller percevoir le dû, assez
rapidement avant que le type ne s'en aille de la forêt.
M. Desaulniers: Et c'est pour cela qu'on a demandé cette
formule-là.
M. Turpin: Le syndicat, pour être en mesure d'entrer et
d'organiser un groupe d'ouvriers, est censé avoir la majorité. Sa
majorité doit se composer de membres qui auront signé une carte,
en vous donnant l'autorisation d'aller percevoir la somme. Vous allez garder
ça en main, juste quelques jours avant d'être en mesure de tenir
votre assemblée après que vous aurez obtenu la permission de la
commission. Vous allez arriver avec ça et je sais très bien que
dans les opérations forestières, il peut s'écouler une
semaine, même davantage, avant que l'employeur soit en mesure de dire si
M. Unte! a l'argent à son crédit. L'ouvrage dans I» bois ne
se fait pas à l'heure et à la journée. 30% de l'ouvrage du
bois se fait à forfait et souvent ça va prendre une équipe
de mesureurs pour aller mesurer le bois de tel ou tel individu pour savoir si
le type en question a l'argent à son crédit. Je ne dis pas que
ça arrivera, mais ça peut vraiment arriver, dans un camp de 100
personnes, que 55 auront signé leur adhésion et que, sur ces 55,
après vérifictaion, il y en aura au moins 25 à 30 qui
n'auront pas l'argent pour payer leur cotisation. Vous aurez obtenu un droit,
non pas sous de fausses représentations, parce que vous êtes de
bonne foi. Vous fournissez à la commission le nombre de signatures
établissant que les employés sont prêts à faire
partie du syndicat mais quand vous allez découvir que ces derniers
n'avaient pas la solvabilité nécessaire pour signer cet
acte-là, quand dans un camp de 100 personnes, vous découvrez
qu'il y en a seulement 55 qui ont signé - vous avez le droit d'entrer
à cette condition-là - et quand vous réaliserez que vous
en aviez seulement 25, qu'est-ce qui va arriver? Ça tombera à
l'eau.
M. Johnson: Il y en aura une vingtaine qui seront tombés,
à part ça.
M. Turpin: Ah! peut-être.
M. Lévesque (Léopold): M. le Président,
aussitôt que l'assemblée est terminée dans le camp, on peut
passer chez le commis, c'est le commis qui tient le temps de tous les hommes,
qui peut dire si le gars a l'argent nécessaire immédiatement.
M. Turpin: J'ai passé 25 ans dans le bois, et on serait venu me
demander un soir, combien d'ouvriers avaient $25 à leur crédit,
j'aurais été en peine de le dire, avec la meilleure
volonté.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Voici, quand un type
quitte le camp, puis demande une avance, il va voir le commis à
brûle-pourpoint, une heure avant. Le commis sait s'il a une avance ou
non, puis il lui donne son $25. C'est de même que ça se passe
partout.
M. Turpin: Des employés qui ne retirent jamais le dernier cent,
même sans prendre le livre, on peut dire: "Je sais très bien que
celui-là a $50 à son crédit, il en a peut-être $200,
je suis certain de ça". Mais dans le bois, ça ne se passe pas
comme ça.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Je pense que le commis
peut dire, "celui-là ici, n'a pas l'argent nécessaire, que ce
soit $2, etc."
M. Bellemare: C'est la commission M. Lévesque, quant aux autres,
priorité d'association, quant...
M. Provost: M. Turpin, nous prenons un risque, mais c'est le même
risque que nous prenons dans l'industrie quand nous signons 90% de cartes et
que seulement 45% nous sont réellement payées. Si nous allons
devant la commission, l'enquêteur va dire: Ils n'ont pas la
majorité signée et payée, vous n'avez pas votre
certificat... S'il y en a qui nous trompent en forêt en nous disant: J'ai
$2, $3 ou $4, ou je ne les ai pas. C'est le risque que nous devons courir. Cela
veut dire qu'on n'a pas une majorité d'ouvriers qui ont rempli les
conditions du règlement et puis là, on en subira les
conséquences.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Alors, comme c'est assez
impondérable, que veut dire, l'amendement? Je voudrais comprendre,
mais je ne suis pas très familier avec la forêt. Que veut
dire l'amendement? Est-ce que c'est par rapport à ce qui était
dans le texte? Dans le texte, cela voulait dire que le gars, individuellement,
se révélait un peu rapidement, tandis que selon la formule que
vous employez, c'est l'association qui se chargera, elle, de faire savoir,
quand elle le saura, qu'elle a le plan qu'il faut pour négocier.
M. Provost: C'est cela, pour conserver le secret d'organisation, afin
d'empêcher la discrimination possible.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Le reste étant une
question de risque à savoir s'il l'a ou ne l'a pas à son
crédit.
M. Provost: Cela prend plus de temps, le risque.
M. Lesage: J'aurais seulement une remarque à faire, moi, qui ne
va pas au fond de la question; il ne faudrait tout de même pas nous
accuser d'être trop juridiques ou procéduriers, parce qu'à
ce moment, ce n'est pas nous qui le sommes.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Il y a-t-il des
objections, du côté patronal sur cet article?
M. Gagné: Encore là, nous avons un texte qui vient de nous
être remis et que nous aimerions bien examiner pour en voir toutes les
indications, sauf que j'aimerais peut-être immédiatement faire des
remarques sur le texte que nous avons soumis, lors de la première
audition de votre comité: "Sous réserve de la Loi des terres et
forêts, le propriétaire du fonds." Dans le texte soumis par le
syndicat, on dit: "Le propriétaire d'une terre..." Or, dans les articles
o), p)l et 2, on se réfère toujours au "propriétaire du
fonds." Alors, pour faire une concordance dans les termes, pour ne pas qu'il y
ait d'erreurs, nous suggérons ''propriétaire du fonds ou
concession où se fait une exploitation forestière." Or, nous
savons - et j'ai tenté de me faire comprendre sur ce point, lorsque je
me suis déjà exprimé ici devant vous - que toutes les
terres sont concédées, concédées comme "free
holder", comme on dit, ou concédées comme terres publiques. C'est
la première fois que nous voyons apparaître le terme
"concessionnaire" et, au moins quant aux terres qui sont détenues en
propre, qui sont concédées en vertu de lettres patentes par le
gouvernement, il n'y a aucun doute que ses deux mots veulent dire la même
chose.
Alors, nous avons suggéré "le détenteur d'un permis
de coups sur une terre", parce que sur les terres publiques, l'État, le
gouvernement émet un permis, le permis de droit de coupe. Le droit de
coupe peut être concédé, mais le gouvernement n'intervient
pas. C'est une transaction à l'ordre. Si on distingue les deux classes
de personnes visées, nous suggérons: "le propriétaire du
fonds, détenteur d'un permis de coupe sur une terre où se fait
l'exploitation forestière, est tenu de permettre le passage et de donner
accès au campement." Nous disons "au campement", au lieu de "camp
où logent les salariés".
La raison est très simple, c'est que le campement, nous le
prétendons, c'est l'endroit où sont situés tous les
édifices ou toutes les bâtisses nécessaires aux
opérations forestières. Ici, il est question de donner
accès; or, supposons le cas, par exemple, où le
prooriétaire du permis de coupe n'est pas l'exploitant, il a
cédé son droit de coupe, alors il ne peut pas donner accès
au camp; il va donner accès au campement. Il laisse passer, en d'autres
termes.
D'autant plus que, dans le paragraphe qui suit, on dit que c'est "celui
qui fait". Cela veut dire que c'est l'exploitant qui doit donner le gîte
et le couvert, alors, il y aura une certaine contradiction entre les termes.
C'est pourquoi nous suggérons que le "propriétaire du fond ou le
détenteur du permis de coupe sur une terre donne accès au
campement", ce qui est beaucoup plus précis, et que "celui qui fait
l'exploitation forestière ou l'exploitant" donne le gîte et le
couvert aux représentants du syndicat.
Au lieu de "délivré par la commission" - c'est tout
simplement une correction de style - nous suggérons "émis par la
commission".
M. Lesage: Non, pardon, M. Gagné. Ce n'est pas français.
C'est "délivré" qui est français.
M. Gagné: "Délivré"
M. Lesage: Oui.
M. Gagné: Dans ce cas. je retire ma remarque.
M. Lesage: Oui, c'est mieux. C'est un anglicisme. Ce n'est pas
l'émission des permis, c'est la délivrance des permis.
M. Gagné: La délivrance des permis, très bien.
M. Fortin: M. Gagné, la personne qui va être employeur peut
être différente de relie qui lui a accordé le droit de
passage?
M. Gagné: Exactement. Au point de vue pratique, c'est ce qui va
arriver dans bien des cas.
M. Turpin: M. le Président, sur cette question, je crois que si
ce projet de loi passe, les compagnies vont être au courant et, comme
dans les autres domaines, vont obliger leurs sous-entrepreneurs ou leurs
entrepreneurs à respecter les lois comme on 1e fait pour la Commission
des accidents du travail, comme on le fait pour une question de feu. Cela va
être inclus dans les contrats que les compagnies vont signer avec les
entrepreneurs. Je suis certain que ces clauses vont être incluses dans le
contrat,
M. Gagné: Je suis bien d'accord avec M. Turpin. Seulement, pour
la bonne compréhension des textes, j'ai consulté l'association
que je représente. Nous ne nous opposons pas aux principes, nous
acceptons de leur donner accès, nous acceptons de leur donner le
gîte et le couvert à de très bonnes conditions par jour,
etc. mais nous voulons que les termes décrivent exactement la situation
qui va se produire en forêt.
Quant au deuxième paragraphe, nous suggérons, au lieu de
"l'exploitant", "celui qui fait l'exploitation forestière"
déjà décrite antérieurement. On pourrait encore
faire une concordance dans les termes pour permettre une même
interprétation des termes utilisés dans tous les articles qui
concernent la forêt. "Est tenu de fournir à ce représentant
le gîte et le couvert au prix fixé pour les salariés par
ordonnance suivant la Loi du salaire minimum".
Maintenant, les centrales syndicales suggèrent un amendement au
troisième oaragraphe: "L'association, sur demande écrite d'un
salarié, peut réclamer de l'employeur la somme requise" au lieu
de: "l'employeur doit, sur demande écrite d'un salarié, lui
avancer la somme requise pour droit d'entrée dans une association et la
première cotisation pourvu que ce salarié ait cette somme
à son crédit." Encore là, il s'agit d'une formule
extrêmement particulière. Évidemment, du côté
patronal, tout ce que nous pouvons dire, c'est que c'est certainement une
très grande victoire syndicale. Mais encore là, c'est le
pré-check-off". En d'autres termes, c'est la seule fois dans sa vie
où un bûcheron, pour parler de lui ici, où ce
salarié aurait le privilège de prendre l'argent dans sa poche
volontairement ou, en tout cas. aller demander une somme d'argent à son
patron pour n'importe quoi. Il peut dire que c'est pour du tabac. Il peut dire
que c'est pour 3utre chose. Il peut obtenir l'argent, l'avoir dans sa poche et
puis dire au représentant de l'union: Voici, je te paie ma cotisation",
les frais d'initiation et la première cotisation. C'est la seule fois
dans sa vie, avec les lois actuelles, que ce salarié, après avoir
été convaincu, aura le privilège de faire ce geste
lui-même, comme dans l'industrie d'ailleurs.
Si le comité veut aller jusque-là - et remarquez bien que
ce salarié en particulier n'aura jamais fait même ce geste
fondamental, initial et originaire de payer -eh bien! pour te moins, ce qu'on
peut dire, c'est que cette demande continue à être faite par lui.
Je le répète, on parle de discrétion, évidemment,
c'est usuel, dans le langaqe, lorsqu'on parle d'employeur, à
l'époque d'organisation syndicale, quoique ce soit bien
dépassé aujourd'hui, d'intimidation ou enfin de pratique
interdite. Mais je dis ici que le système de payer d'avance ou de
remettre des sommes d'avance aux employés de le forêt est
déjà reconnu dans l'ordonnance no 39 du salaire minimum. Nous
avons déjà le système reconnu. Si l'employé a de
l'argent à son compte, à son crédit, si on veut garder la
discrétion, rien de plus simple que de le lui dire tout simplement
plutôt que de le demander pour une autre raison et de le remettre
à l'agent syndical. Si on veut garder la formule plus directe de forcer
l'employeur à remettre cet argent si une demande d'avance est faite pour
des fins de première cotisation et de frais d'initiation, encore
là, nous n'aurions pas d'objection formelle, sauf que nous tenons
à ce que la demande soit faite par l'employé lui-même et
non pas par le truchement de l'association et par une cession de
créance.
Il est reconnu - et je pense que je ne dis rien de nouveau ici - que
lorsqu'un syndicat organise une usine, il fait signer des cartes et quand il en
a suffisamment, je pense qu'on peut présumer que dans bien des cas, les
cartes sont datées à une date la plus rapprochée possible
de la demande de certification, parce qu'en fait, il n'y a que l'effet
d'initiation. La première cotisation est payée et on date les
cartes quand on est suffisamment assuré qu'il y a majorité.
Alors, je dis que dans la forêt on pourra procéder de la
même façon. L'agent syndical, chez nous plus que partout ailleurs,
étant déjà sur les lieux - il demeure chez nous, nous le
logeons et nous le nourrissons, évidemment à un certain taux, un
taux, comme vous le savez, que nous concédons à nos
employés - il peut arriver avec son groupe de cartes, ses demandes
d'avance de la part de chacun des salariés, et dire: Voilà les
gens qui demandent de faire des retenues sur leur salaire pour payer telle
chose et telle chose, voulez-vous faire ces retenues sur leur salaire pour
payer telle chose et telle chose; voulez-vous faire ces retenues.
Immédiatement, l'agent syndical, connaissant le camp très bien
puisqu'il y demeure - dans l'industrie, ils n'ont pas ce privilège -
nous n'avons pas de doute du moins qu'il fasse une campagne syndicale. Nous
n'avons pas de doute qu'il ait rencontré les employés à
maintes occasions. Il les rencontrera dans nos bâtisses, dans nos
bâtiments, il sera chez nous au su et au vu des contremaîtres,
même du propriétaire ou de l'exploitant, alors il n'y a
aucune cachette possible et je dirais même - et c'est évidemment
le but de l'article, sans doute - qu'il n'y a aucune possibilité
d'intimidation d'aucune sorte. Alors, nous nous objectons à la cession
de créance en faveur de l'association pour cette première
cotisation et les frais d'initiation et nous acceptons le texte soumis par le
comité, disons, du moins le texte de la loi avec l'amendement, toutefois
du syndicat, s'il le croit utile. Cette demande écrite du salarié
constitue, pour fins de la présente loi, le paiement du droit
d'entrée de la première cotisation, pourvu que ce salarié
ait cette somme à son crédit.
Évidemment, on pourrait peut-être améliorer le texte
pour dire que ça constitue une quittance mais je ne vois pas
l'utilité du tout de procéder par cession de créance.
Le droit du salarié, on le dit toujours, c'est un droit qui est
personnel, alors, au moins pour la première fois où, dans sa vie,
il devient membre et paie sa cotisation, nous tenons, comme employeurs,
à garder cette relation personnelle qui existe entre l'employeur et le
salarié, lorsqu'il y a une demande de paiement de cotisation syndicale
que nous acceptons de faire.
M. Barry: René Barry, M. le Président. L'industrie du bois
de sciage voit une certaine objection dans l'application de cet amendement
proposé par les syndicats sur ce qui se rapporte à ces
exploitations forestières, étant donné, comme M. Turpin
l'a si bien mentionné, les difficultés de contrôle des
cotisations envers ces ouvriers. Il s'agit tout simplement d'une traite qui est
tirée par deux personnes à l'endroit d'une troisième
personne à son insu, sans qu'il y ait possibilité de
vérification. Selon l'article 37, on procède également par
autorisation à prélever sur les salaires dus les retenues
syndicales. L'autorisation est alors remise dans les mains de l'employeur et ce
transfert de droit est fait en connaissance de cause par les trois personnes.
Avec l'amendement qu'on propose à l'article 9, il faudrait de toute
façon que l'employeur soit informé de ce transfert ou de cette
traite qui est tirée à son endroit.
M. Provost: Il y a une chose, M. le Président, qui me frappe. On
parle de créance envers une troisième personne. Il y a un
régime spécial, en forêt, qui est différent de celui
de l'industrie parce que le gars n'a pas d'argent à dépenser,
puis l'ordonnance veut, pour le bon ordre, que l'argent reste au patron. Mais
il lui appartient techniquement, du moment qu'il l'a gagné. Le patron
agit comme une banque envers lui, ni plus ni moins. Il garde son argent en
dépôt pour le moment où il en aura besoin ou lorsqu'il
sortira de la forêt.
Deuxièmement, aujourd'hui, on vous dit: Il mentira, il dira que
c'est pour du tabac, il mentira pour payer le $2, il mentira quand le patron
demandera s'il a rejoint le syndicat ou non, mentez, mentez, il reste toujours
quelque chose, peut-être pas du syndicat. Mais, on a beaucoup
exploité ceci dans le passé. Je dois attirer votre attention sur
le fait qu'on a demandé des requêtes devant la commission, des
paquets de tabac ou de paquets de cigarettes, pour prouver que les gars avaient
payé. Je pense qu'il est temps qu'on sorte de ce régime-là
qui est tout à fait anormal, à mon avis. Pour que ce ne soit pas
révélé, le gars allait au magasin -parce qu'ils ont des
magasins, apparemment, dans certains camps - suis il disait: Je veux avoir pour
$3 de cigarettes. Puis le syndicat allait revendre les cigarettes après
pour avoir $3. Je pense que tous les gens sérieux vont admettre qu'il y
a quelque chose d'anormal et d'irrégulier dans ce
système-là et qu'il faudrait trouver une formule pour le
régulariser, le normaliser.
M. Lesage: On a parlé de traite, M.. Provost. Si je vous signe
une traite sur une banque, la banque n'est pas représentée lors
de la signature. Je vous signe une traite et vous l'utilisez en temps utile,
dans la mesure où il y a des fonds, c'est comme un chèque.
M. Gagné: Je ne sugqère pas qu'on paie avec des paquets de
cigarettes ou des boîtes de tabac. Je dis tout simplement que si c'est
aussi vrai que ça que l'argent le ce salarié-là lui
appartient, il n'a même pas de justification à donner: il a le
droit d'avoir des "paid out", comme le prévoit l'ordonnance no 39. Il a
le droit d'avoir $5, s'il l'a à son crédit, il a le droit d'avoir
$10.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): M. Gagné, si vous
me permettez une question, qu'est-ce ça peut faire, sauf si on a
l'intention - je ne veux pas vous en prêter -sauf si on a l'intention de
se servir de l'individu en sachant ce qu'il fait. Qu'est-ce que ça peut
faire qu'il fasse cette traite dont parlait le premier ministre? Qu'est-ce que
ça peut faire? C'est son argent. S'il l'a, il l'a, s'il ne l'a pas, vous
ne le paierez pas.
M. Gagné: Quand il y a transport de créance, M. le
ministre, l'individu le sait certainement. Il faut qu'il le sache.
Je soumets tout simplement...
M. Lesage: Non, non. on signifie le transport de créance.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Si je vous fais un
chèque, moi, M. Gagné, je n'ai pas besoin de répondre,
vous non plus, vous le verrez quand vous verrez qu'il n'y a pas de fonds, puis
vous courrez après.
M. Gagné: Ce que je dis, c'est que ce n'est pas là la
question, en fait. La question, à mon humble avis, c'est qu'il s'agit du
paiement d'une cotisation syndicale. Nous avons l'agent sur les lieux. Je sais
fort bien que le ministre ne peut pas m'imputer des actions de mauvaise foi.
Mais avec l'article que nous avons ici, principe auquel nous ne nous objectons
pas, nous pouvons garder des agents syndicaux dans la forêt durant quinze
jours, trois semaines, et je dirais que toute activité contraire
à l'activité syndicale qui se produit, ce serait beaucoup trop
visible, ce serait trop facile de combattre toute action de l'employeur. Nous
l'avons chez nous.
M. Dozois: Vous ne savez pas quand même qui a signé ou qui
n'a pas signé, tandis que vous savez qu'il y a de l'activité
syndicale. Mais de la minute où il va y avoir une procession
d'employés qui va réclamer $3.00, vous allez les identifier au
fur et à mesure...
M. Marchand; C'est ça.
M. Gagné: Dans ses précisions, je ne sais pas si j'ai bien
compris, Me Desaulniers a dit: deux jours avant, ou quelque chose comme
ça. Qu'est-ce que c'est, ça? Vous avez mentionné tout
à l'heure: deux jours avant la demande d'accréditation, parce
qu'il faut que la cotisation soit payée au moins avant que la
requête soit présentée. Est-ce que j'ai bien compris quand
vous avez dit qu'on se fera payer la cotisation le même jour, toutes en
même temps, quelques jours avant l'accréditation?
M. Desaulniers: M. le Président, avec votre permission et en
réponse à mon confrère, M. Gagné, je vais suivre la
recommandation ou du moins prendre en considération l'observation qui
nous a été faite. Je ne veux pas pour le moment discuter de
questions légales, je dirai simplement que, si je comprends la loi, la
loi a raison, pour des raisons particulières de décider d'aider
l'employé, de faciliter son paiement. C'est ce que la loi veut faire.
Or, actuellement, on discute dans quelle condition le paiement doit être
fait. Je soumets que le problème qui est en jeu et qui est le
problème principal, c'est que le législateur, ayant trouvé
une facilité à l'employé de faire son paiement, ce n'est
pas à l'employeur de dire comment ça va se faire et comment il va
se servir du droit que le législateur lui donne.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Oui, mais il a tout de
même le droit de suggérer, quitte au comité à
prendre ses responsabilités. Je pense bien que...
M. Desaulniers: Oui, ce n'est pas au point de vue suggestion, que j'ai
dit. J'ai dit: on demande un texte précis.
Une voix: On suggère...
M. Desaulniers: On suggère un texte précis. Le texte
précis a pour effet de faire exactement le contraire de ce qu'on
suggère.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Bien oui, mais ça
ne veut pas dire que le comité va l'accepter.
M. Desaulniers: Je n'ai pas pris ça pour acquis, M. le
Président.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Non, ce que vous voulez
dire, si vous me permettez, c'est que le problème est d'éviter
l'identification des gars à mesure qu'ils viendraient, un par un, dire:
"J'ai demandé de faire partie du syndicat, donc, j'ai besoin de $5.00 ou
de $2.00". On suppose qu'il n'y en aura pas, mais à supposer qu'il y ait
de la mauvaise volonté de la part de l'employeur vis-à-vis d'un
syndicat en voie de formation, ça lui permettrait de "sacrer" dehors
tous les gars qui veulent en faire partie. C'est ça.
M. Lesage: Il y a d'ailleurs des employeurs, des "jobbers", par exemple,
qui, à certains de leurs employés, ne donnent pas d'argent, sur
la recommandation de la mère de famille.
M. Provost: M. le Président, s'ils n'avaient pas peur d'aller
à l'employeur, M. Turpin justement nous a dit que, dans certaines
circonstances, ça peut prendre une semaine, quinze jours avant qu'il
leur donne $5. Alors, l'organisateur syndical en forêt, lui, il va
être obligé de demeurer dans le camp une semaine, quinze jours ou
trois semaines de plus, jusqu'à ce que le patron ait pu faire sa
comptabilité. Alors, on dit: Il est là, il a une preuve de
paiement, une preuve de créance. Comme disait le premier ministre, il a
signé ses cartes. Il sort de la forêt; il dit à la
commission: "Voici." L'inspecteur va voir dans les livres du patron, il l'avise
puis il dit au patron: "Bien, ce gars-la, il avait $2, $3 ou $5. On a la
majorité, voici le certificat." Ce n'est pas plus compliqué que
ça.
M. Gagné: M. le Président, pour terminer sur la même
réserve que pour les autres articles, vu que je viens d'avoir le texte,
je vais soumettre un texte pour convenir aux remarques que j'ai faites. En
second lieu, je souligne à mon confrère tout simplement une
chose: c'est tout de même un service que nous rendons quand nous
percevons les cotisations.
Une voix: Ah! quand vous payez les ouvriers, vous leur rendez
service.
M. Gagné: Pas plus.
M. Barry: M. le Président, René Barry. Si j'ai
mentionné tout à l'heure les difficultés que ça
comporte, c'est en tenant compte du complexe d'opérations
forestières où l'on a, dans des article précédents,
transmis les responsabilités de traitants à sous-traitants, et de
sous-traitants à sous sous-traitants, etc. Alors, étant
donné la difficulté de vérification, étant
donné le grand pourcentage de population flottante dans la main-d'oeuvre
forestière, il n'est pas question du tout de refuser les paiements
à une personne qui a des droits. Je ne connais pas un entrepreneur
forestier qui conteste le salaire quand il est gagné. C'est simplement
une question de contrôle que tout homme en affaires doit tenir.
Maintenant...
M. Lesage: Vous savez comme moi qu'un "sous-jobber" qui part, avec son
groupe de bûcherons, de sa petite paroisse, puis qui a la recommandation
des femmes, avant de partir, de ne pas donner un sou à leur mari pour
certaines raisons, il se sent obligé de ne pas leur donner un sou. Je
sais ça. Il y a des "jobbers" qui...
M. Bellemare: Ils envoient leurs chèques d'en bas...
M. Lesage: Bien ça, je l'ai vécu. J'étais
député à Montmagny et j'ai eu conaissance de ça.
Dans certaines paroisses, il partaient en groupes; il y en avait un qui
était le petit "jobber". Il ramassait les bûcherons de la paroisse
pour ses employés. C'était entendu. La condition, c'était
ça.
M. Barry: Il ne faudrait pas ériger la question en principe puis
insinuer que toute la main-d'oeuvre forestière est en tutelle...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):
À l'ordre, s'il vous plaît, on ne comprend rien.
M. Barry: ... sous la tutelle de la maman ou de l'épouse, pour
des raisons qu'on ne mentionnera pas.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): On est tous en
tutelle.
M. Barry: Pas pour un montant de $5, M. le ministre. Maintenant, c'est
tout à fait inique d'insinuer que les intentions pieuses sont d'un seul
côté puis que les intentions mauvaises sont de l'autre
côté, du côté patronal. Et il ne faut pas insinuer
que l'article 12 qui dit que nul ne doit utiliser l'intimidation, ça
s'applique aux patrons.
Alors, il ne faut pas présumer que chaque fois qu'un
ouvrier...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): On n'est pas rendu
à 12...
M. Barry: Non, mais tout de même, on anticipe peut-être un
petit peu, on a anticipé par les insinuations.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): 12 s'applique au
deux.
M. Barry: Oui, évidemment, alors le texte de l'article 12
s'applique à la mauvaise intention des deux parties. Quand on dit que
toute personne qui va aller chercher de l'argent, que ce soit pour emprunter,
pour acheter des bas de laine, du tabac ou pour payer une cotisation syndicale,
il ne faut pas croire que le patron va immédiatement user
d'intimidation.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): 10.
M. Marchand: Seulement une remarque générale, M. le
Président. Ici, il s'agit de la reconnaissance de l'association des
employeurs. Il n'y a aucune restriction. Il n'est pas indiqué qu'ils
doivent être membres en règle, qu'ils doivent payer leur
cotisation, ni dans quelles conditions ça doit se faire. Cela ne nous
fait exactement rien, nous sommes heureux. Ils ont le droit
d'association...
M. Bellemare: Même, M. Marchand, si, à l'article 3, ils ont
fait ajouter: Tout salarié...
M. Massicotte: M. le Président, nous remercions M. Marchand de
nous permettre de nous associer. Nous faisons remarquer aussi qu'il
était difficile, je pense, à M. Marchand de s'objecter au texte,
vu que c'est sensiblement le même texte que celui qui donne le droit
d'association aux salariés. C'est la parité, nous sommes contents
que vous la reconnaissiez.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): D'accord.
M. Massicotte: L'article 11, premier paragraphe, prévoit qu'aucun
employeur ni aucune personne, agissant pour un employeur ou une association
d'employeurs, ne cherchera par intimidation d'aucune manière à
dominer, entraver ou financer, etc. Cette première partie de l'article
11, M. le Président, et je parle à ce moment-ci au nom
d'employeurs, a été bien mal comprise de la part de beaucoup
d'employeurs et même, dans certains cas, de la part d'avocats qui ont
conseillé les employeurs.
Voici un article où nous demandons la parité. Les
employeurs ont cru généralement que dès qu'une union ou un
syndicat commençait des activités d'organisation, leur
liberté de parole leur était enlevée par ce premier
paragraphe de l'article 11. Pendant le même temps, les organisateurs
d'unions exerçaient, eux, leur droit de parole sous toutes sortes de
formes, sous forme de circulaires, sous forme de pamphlets, etc. Nous
suggérons, du côté employeur, d'ajouter un texte qui se
lirait comme suit:
M. Lesage: Voulez-vous attendre un instant, M. Massicotte? Je voudrais
bien que la jeune fille soit ici pour insérer le texte.
Bill no 54
Amendement suggéré Article 11
M. Massicotte:. "Aucun employeur ni aucune personne agissant pour un
employeur ou une association d'employeurs ne cherchera d'aucune manière
à dominer, entraver ou financer la formation ou les activités
d'une association de salariés ni à y participer. "Aucune
association de salariés ni aucune personne agissant pour le compte d'une
telle organisation n'adhérera à une association d'employeurs ni
ne cherchera à dominer, entraver ou financer la formation ou les
activités d'une telle association ni à y participer. "Le fait
d'exprimer ou de distribuer des opinions, des arguments, des points de vue, que
ce soit sous forme écrite, imprimée, graphique ou visuelle, ne
constitue pas ou ne peut faire preuve d'une pratique interdite au sens des
dispositions du présent code, pourvu que cette expression ou cette
distribution ne contienne aucune menace, intimidation ou promesse."
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Il n'y a pas de
changements dans les deux premiers paragraphes?
M. Massicotte: Non, mais nous suggérons d'ajouter au texte de
l'article 11 un troisième paragraphe qui reconnaîtrait, que ce
soit du côté employeur ou que ce soit du côté
employé, le droit de parole, soit en transmettant ses vues par
écrit ou autrement, à condition que l'exercice de ce droit de
parole ne constitue pas ou ne fasse pas preuve d'intimidation, de menaces ou de
promesses.
Je pense que, là au moins, il y aura un énoncé de
principes que les gens de la Législature connaissent bien: la
liberté de parole. Pour une fois, tout le monde saurait que, d'abord, il
ne viole pas les clauses du Code du travail en ce qui concerne l'intimidation,
la coercition. Nous avons le droit de parler, nous avons le droit
d'émettre nos opinions personnelles à l'endroit des
problèmes auxquels nos employés font face, de façon qu'ils
puissent exercer leur droit d'association, comme on l'appelle, dans un champs
plus libre.
M. Desaulniers: M. le Président, je crois qu'il n'est pas
nécessaire de mettre dans une loi que l'on peut exprimer des opinions.
L'ensemble de notre législation est fait de telle sorte que toute
personne a le droit d'exprimer les opinions qu'elle veut exprimer. Et la
restriction quant à l'expression de parole est régie par des
législations de portée générale et ce ne sont que
les tribunaux qui peuvent décider, et non pas la loi, si, lorsque je me
suis exprimé, je l'ai fait contrairement à la façon dont
la loi me permet de le faire.
Maintenant, si vous me permettez, peut-être que vous comprendrez
un peu plus la portée du dernier paragraphe et les exemples peuvent
souvent servir. Je vais vous donner un cas que je connais personnellement. Une
organisation a présenté dix requêtes à la Commission
des relations ouvrières pendant huit ans; sur les dix requêtes,
nous avons dû faire face à deux ou trois brefs de prohibition.
À un certain moment, nous avons obtenu qu'il n'y ait pas de bref de
prohibition à la condition, malgré que nous avions la
majorité, qu'il y ait un vote a la demande de l'employeur; nous avons
accepté. Deux jours avant le vote ou même une journée avant
le vote, et peut-être la journée du vote, il y a des wagons qui
sont entrés dans la cour de la compagnie et l'employeur a
expliqué, c'était son opinion sur un problème purement
d'administration, que pour des raisons économiques, il était
obligé de faire transporter sa machinerie à New York parce que la
production se ferait à New York. Inutile de vous dire que cette
expression d'opinion a eu pour résultat que nous avons perdu le vote.
Vouloir déterminer par la loi...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Est-ce qu'il est parti
pour New York après?
M. Desaulniers: Non, il est encore là. Simplement, on doit vous
dire que nous rencontrons, avec une nouvelle requête encore, les
mêmes procédures; alors, je suggère que quant au dernier
paragraphe, cela sera à la Commission des relations ouvrières
d'interpréter, suivant les faits qui lui sont apportés, si oui ou
non l'expression d'opinion a été faite conformément aux
dispositions de la loi.
M. Massicotte: M. le Président, Jean Massicotte.
Évidemment, avec le texte que nous soumettons et avec l'exemple que
M.
Desaulniers vient de donner, je pense il aurait appartenu à
l'union qu'il représentait d'aller prouver à la commission que la
compagnie s'était servie de son droit de parole contrairement aux
dispositions de la loi. Maintenant, ce qui m'inquiète le plus, c'est que
justement nous soumettons devant vous un texte où cela donne la
parité. On ne vous a pas demandé un texte pour permettre à
l'employeur d'exprimer ses opinions, on demande un texte, le même pour
les deux. Maintenant...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): M. Massicotte, est-ce que
vous avez vu souvent des employés empêcher la formation
d'association d'employeurs?
M. Massicotte: Cette partie du texte, je ne l'ai jamais comprise
incidemment.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): C'est pour cela qu'en
fait, cela s'applique uniquement dans un sens.
M. Massicotte: Non, voici, un instant, M. le ministre, si vous me
permettez. Je suis prêt à suggérer ceci; c'est que ce
texte, si vous voulez, qui apparaît comme troisième paragraphe
devienne, comme dans une autre loi que je connais, un article particulier. Il
n'est peut-être pas dans le contexte et comme question de fait, il est
traduit, si vous voulez, de l'article 8-C de la législation
américaine. Je pense qu'aux États-Unis, on semble
reconnaître les principes de liberté. C'est l'article 8-C, tout
probablement mal traduit, mais enfin, nous avons cru que le principe
était bon pour tout le monde, que les employeurs et que les gens sachent
qu'ils ont le droit de parole, même en période d'organisation
syndicale.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Vous me permettez une
question? Tout simplement, sur le fond de l'affaire, l'information, en fait.
Quand vous dites opinions, arguments, points de vue, c'est de l'information,
finalement peut-être de la propagande avec le but très net de
rejoindre le premier paragraphe qui est: "Ne cherchera d'aucune manière
à dominer, à entraver", mais finalement, cela va être une
question d'interprétation. Alors, pourquoi ajouter une chose qui,
finalement avec les trois derniers mots "menace, intimidation ou promesse", va
revenir au premier paragraphe où quelqu'un va être obligé
d'interpréter de toute façon, si la compagnie essaie de se servir
du mot "opinion" pour faire, en fait, la menace, l'intimidation ou la
promesse?
M. Massicotte: Mais, M. le ministre, évidemment, ce texte que
nous suggérons touche aussi à l'article 12 et à l'article
13.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Enfin, je trouve que cela
ne donne rien.
M. Massicotte: Bien voici. Nous sommes, si vous me permettez, M. le
ministre - je parle pour moi, si vous voulez, sans parler pour une association
- j'ai eu l'occasion de représenter les employeurs devant la Commission
des relations ouvrières; il y a les mots, dans le premier paragraphe:
"en aucune façon, vous n'essaierez d'entraver". J'exerce mon droit de
parole, je ne fais pas d'intimidation, je ne fais pas de menace de renvoi, je
ne fais aucune coercition; j'explique à mes employés que, par
exemple, il serait peut-être bon qu'avant de signer une carte d'union,
ils se posent certaines questions; ils sont libres de joindre l'union, mais
enfin, je leur fais penser à certains points auxquels ils doivent
penser, peut-être comme tout le monde intelligent. Si on me demande
d'entrer dans une Chambre de commerce, je vais me poser certaines questions,
j'ai droit à certains renseignements. Alors, il n'y a pas de menaces,
d'intimidation, mais on dit: Vous entravez la formation ou les
activités, et nous le savons; du côté de l'employeur, quand
nous allons devant la Commission des relations ouvrières, pour employer
une expression dans ces matières, une expression anglaise, "we have got
two strikes against us". Du moment qu'on parle comme employeur, on nous
présume encore, comme sous d'autres articles, comme ayant voulu
empêcher la formation ou les activités d'une union, alors qu'en
fait, nous faisons ce que nous croyons être simplement exprimer une
opinion librement, comme on doit le faire dans une société comme
la nôtre.
M. Lesage: On dit qu'au Conseil supérieur du travail, il y avait
unanimité sur cet article.
M. Marchand: M. le premier ministre, ça...
M. Massicotte: Si vous me permettez, en lisant les recommandations
faites par le groupe d'employeurs, faites par le Conseil supérieur du
travail, il y avait une recommandation - l'article 13, je crois - des
employeurs un peu dans le sens que j'indique, mais qui était
unilatérale, c'est-à-dire qui le s'appliquait qu'aux employeurs.
Après en avoir discuté avec mes collègues, nous en sommes
venus à la conclusion que nous ne devrions peut-être pas vous
demander des privilèges spéciaux, mais que les unions aussi bien
que nous devraient avoir le même privilège. Il n'y a pas eu
unanimité en ce qui concerne le droit de parole au Conseil
supérieur du travail.
M. Lesage: Sur le principe...
M. Marchand: Je pense qu'on n'a pas besoin de la Loi des relations
ouvrières pour donner le droit de parole aux employeurs. Ils l'ont, le
droit de parole. La seule chose, s'ils l'utilisent à l'encontre des
dispositions de la loi, eh bien, on en discutera à la Commission des
relations ouvrières. L'histoire est qu'il y a une vieille
présomption ou une vieille philosophie qui existe encore. Je dois dire
ici, pour le bénéfice de tous les gens de bonne foi, que dans la
grande entreprise, ces problèmes ne se posent pas aujourd'hui; enfin, on
n'a pas de difficultés. Le syndicalisme est accepté, ils se
battent au moment de la convention collective, mais en dehors de ça, il
n'y a pas de difficultés.
Le droit d'association est un droit qui appartient aux employés
puis les employés n'appartiennent pas aux employeurs. Ce n'est pas leur
propriété, c'est un droit qui appartient aux employés et
ce que la loi tente de faire, c'est de faire en sorte que ce droit soit
exercé normalement, qu'il n'y ait pas d'entrave. Qu'est-ce que c'est,
les employeurs? Enfin, qu'est-ce que M. Massicotte allait dire en donnant des
informations sur les unions aux employés? Si vous rentrez dans tel
syndicat, votre argent va aller aux États-Unis; si vous gardez votre
argent ici, dans une association indépendante, évidemment,
ça va vous en faire plus. Qu'est-ce que vous voulez? C'est ça.
L'employeur n'est pas le gars qualifié pour donner des informations sur
les unions. On va les donner, nous autres.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Est-ce que c'est
ça que vous considérez comme une menace?
M. Marchand: Oui, c'est de l'intimidation parce que moi, si je ne veux
pas de syndicat, si je suis employeur, je donne des informations ou des
renseignements qui vont inciter le gars à ne pas y entrer, etc.
L'histoire, c'est qu'il faut considérer -la loi le reflète,
d'ailleurs - le projet qui est devant nous. Les travailleurs sont des citoyens
adultes, qui s'appartiennent à eux-mêmes; ils ont un droit qui
s'apoelle le droit d'association et leurs seules restrictions sont des
restrictions qui visent justement à empêcher qu'on abuse de ce
droit et que justement ils ne puissent pas le faire en pleine liberté;
ça, d'accord. Mais qu'est-ce que l'employeur vient faire
là-dedans? Est-ce qu'on va se mêler de leur association, nous?
C'est normal, ça ne nous regarde pas.
M. Johnson: Ils ont même le droit de se faire informer.
M. Bertrand (Missisquoi): Oui. M. Marchand: Les employés?
M. Johnson: Oui.
M. Marchand: Ils peuvent se faire informer. Si les informations sont
tendancieuses, on ira devant la Commission des relations ouvrières et la
commission plaidera.
M. Provost: C'est ça.
M. Johnson: Vous ferez comme les politiciens, vous avez les journaux,
vous endurerez.
M. Marchand: Oh oui! On est une organisation démocratique comme
toutes les autres; on a eu nos bombes, on a eu, à un moment
donné, des hommes forts, c'est possible, mais on n'a pas
été tout seul à en avoir; il y a même des
institutions très respectables qui en ont eu dans la province.
M. Lesage:. Délibéré,
délibéré.
M. Brown: Sir, looking over the section 11, it worries me quite a little
because 1 find that section 11 is diametric to section 9. On section 9, we just
finished up with the employer who practically invites the organizer into his
camp, feeds him, gives him his money; he is something like a fellow going out
duck hunting and he has somebody even put the ducks in his bag and then, we
find that in his particular paragraph here "any man who seeks to dominate or
finance the formation of the activities". Now, what is more "financing
activities" than to pay the dues or to advance the dues of the worker from the
point of view of the manager than we come along with section 11 and say: Well,
you are not supposed to even see, talk, touch, nothing to do with the employee
whatsoever? I am really worried about this type of thing if it goes before the
Supreme Court...
M. Lesage: In the case of the forestry workers, the situation is
different. And when you say that the employer feeds the representative of the
union, he feeds him, but he has to pay.
M. Bertrand (Missisquoi): He pays.
M. Lesage: He pays for his meals and lodging.
M. Bertrand (Missisquoi): You read the article again.
M. Brown: I understand that quite well, but at the same time, we have
financed the formation of... Well, here is the employer who is advancing the
money...
M. Bertrand (Missisquoi): No, no, the
money belongs to the employee.
M. Brown: But advances money from the salary of the man.
M. Johnson: On condition that the guy has the...
M. Brown: But the money belongs to the employee. Well, something like my
boy who has his advance coming along. He comes to me and says: Hay! Dad, I
would like to go to the show tonight.
M. Bertrand (Missisquoi): The employee is not the child of the
employer.
M. Lesage: Mr. Brown, it is the same as if you transport me under your
signature, part of your indemnity.
M. Bertrand (Missisquoi): Regardez...
M. Renault: Je voudrais attirer l'attention du comité sur le fait
que ce paragraphe n'est pas seulement à l'avantage, s'il y a avantage,
de l'employeur. Il s'applique aux deux parties. L'exemple que M. Desaulniers a
donné, je pourrais le soumettre à votre comité
textuellement, au point de vue pratique, automatiquement ou pratiquement
automatiquement, lorsque l'employeur veut donner certaines informations
à ses employés. Je vous fais remarquer que dans certains cas,
c'est assez nécessaire, ça dépend avec qui on peut ou avec
qui l'employeur peut faire affaires. Il n'y a pas de problème quand on
fait affaires avec la CSN ou la FTQ ou, enfin, la Fédération du
travail.
Mais il y a d'autres unions qui sont peut-être actuellement
enquêtées ou toutes sortes de choses du genre, où
l'employeur aime à donner des informations et je soumets, si j'en juge
par le nombre de contestations ou de requêtes en révision qui ont
été faites - et j'en ai encore pendantes - qu'actuellement,
devant la Commission des relations ouvrières, certaines requêtes
ont été faites seulement parce que l'employeur a donné des
lettres ou a fait circuler des lettres à ses employés ne donnant
que les faits qui s'étaient passés ou ce qu'il croyait.
Peut-être qu'il peut avoir fait erreur, mais je ferais remarquer que
d'après le débat, si on s'oppose à ce qu'on intercale un
article qui...
M. Bertrand (Missisquoi): M. Renault, si vous me le permettez, vous
êtes un excellent avocat, M. Massicotte aussi, ne croyez-vous pas que
même avec votre dernier paragraphe, ça va être laissé
à l'interprétation du juge de dire si l'écrit, l'argument,
le point de vue a été une menace, une intimidation ou une
promesse? Alors, c'est un cercle vicieux.
M. Renault: Je voudrais justement vous faire remarquer, M. Bertrand, que
le problème actuel... J'ai des requêtes, je n'ai pas besoin de
demander quoi que ce soit, le seul fait d'avoir fait circuler une lettre et on
allègue qu'il s'agit d'une entrave.
M. Bertrand (Missisquoi): ... survenir au même.
M. Renault: Bien oui, mais enfin, si on a le droit, si c'est
mentionné que...
M. Lesage: Vous ne pourrez pas empêcher, M. Renault, un plaideur
de se présenter en prétendant que la lettre constituait une
entrave.
M. Renault: Non, c'est très bien, mais le fait... Pardon?
M. Lesage: Avec le texte tel que vous l'avez maintenant...
M. Bertrand (Missisquoi): Il a tout ce qu'il faut pour juger.
M. Lesage: ... il faut que vous invoquiez, que vous prouviez que la
lettre constituait une menace, une entrave. Votre dernier paragraphe en droit,
comme un bon avocat... Et comme vient de dire M. Bertrand, c'est
définitivement un cercle vicieux qui vous ramène aux deux
premiers et particulièrement au premier.
M. Renault: Je l'admets jusqu'à un certain point, mais je crois
et je soumets encore à votre comité qu'actuellement ce qu'on
allègue, dans la majorité des cas, c'est que le fait de faire
circuler, c'est une entrave en soi, sans même mentionner la lettre.
Des voix: Ah!
M. Renault: Ce sont les faits tels que je vous les soumets.
M. Lesage: Mais est-ce qu'il arrive que le seul fait de faire circuler
une lettre ait été reconnu comme une entrave par la Commission
des relations ouvrières sans que celle-ci ait pris connaissance du texte
de la circulaire ou de la lettre et ait jugé au mérite?
M. Renault: Je dois admettre que ce rapport a été
fait.
M. Marchand: Quand on a une commission comme ça, ça ne
sert à rien d'avoir une loi, il peut arriver n'importe quoi.
M. Renault: Ce sont les délégations
qu'on fait...
M. Bertrand (Missisquoi): Il va revenir ce soir.
M. Bélanger (René): René Bélanger,
Fédération des employés des corporations municipales et
scolaires. Dans le texte de l'ancienne...
M. Lesage: Parlez plus fort parce que...
M. Bélanger: ... loi, on n'avait pas ce dernier membre de phrase
où on dit "ni à y participer". Évidemment, je pense que
ça restreint un peu la liberté des employeurs qui ont compris
quelques chose dans les encycliques sociales et les lettres collectives des
évêques.
M. Provost: Comment va-t-on les distinguer, ceux-là?
M. Bélanger: Je comprends qu'il peut y avoir des abus, mais
lorsqu'on ajoute ce texte, à mon avis, ça ne change pas grand
chose, parce que lorsqu'on a dans le texte "dominer, entraver ou financer", je
crois qu'on a suffisamment de choses pour prendre le patron qui voudrait
organiser un syndicat de boutique. Je peux vous citer des exemples. Ça
remonte à vingt-six ans. Le syndicat des fonctionnaires...
M. Gabias: Pas Trois-Rivières.
M. Bélanger: ... le syndicat des fonctionnaires municipaux de
Québec a été organisé et fondé dans une
salle de l'hôtel de ville qui était la Cour municipale dans le
temps, sous la présidence du maire du temps, la présidence
d'honneur, si vous voulez, avec la présence de l'ancien président
de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada.
Est-ce qu'avec un texte comme ça on ne pourrait pas dire que l'employeur
a participé à l'organisation d'un syndicat?
Vous avez le cas d'une ville qui est voisine d'ici, à Sainte-Foy,
par exemple, où la ville parle de participer à la formation. A
Sainte-Foy, lorsque le gérant de la ville où les employeurs se
sont rendu compte que les employés manuels s'étaient
organisés, ils ont dit: "Les fonctionnaires, c'est une chose à
venir. On aime autant prendre le problème de face." Ils ont
invité les employés à se réunir dans la salle du
conseil et puis ils m'ont fait demander et puis j'y suis allé. Les
employés ont signé, certainement.
M. Provost: Svndicat de boutique.
M. Bélanger: Non, non, ce n'est pas un syndicat de boutique. Je
vais vous le prouver. Je me suis rendu là. Les employés ont
payé leur droit d'entrée. J'étais un petit peu surpris,
mais on ne peut tout de même pas empêcher un employeur qui est
favorable à l'organisation ouvrière, il y a une question de
principe. Mais j'ai ici, M. le Président, justement une lettre
collective qui a peut-être été oubliée, mais que je
n'oublie pas, qui a été éditée en 1950, qui est la
lettre collective des évêques de la province de Québec
où on dit clairement que les patrons doivent favoriser l'organisation
ouvrière. On dit, on spécifie que les patrons ce n'est pas leur
devoir d'organiser des syndicats ni de s'immiscer dans leur vie, mais comment
pourraient être interprétés les exemples que je vous ai
donnés? Cela s'est présenté à la ville de Lachine
aussi.
Et quand on parle de syndicat de boutique, c'est absolument faux. Le
syndicat de Sainte-Foy n'est pas un syndicat de boutique. Il a toute sa
liberté, mais il faudrait comprendre qu'un employeur pourrait être
favorable à la formation d'un syndicat et ensuite lui laisser la paix.
C'est ce qu'on a fait à Saihte-Foy, d'ailleurs; on ne s'est pas entendu
lors de la première négociation. Nous sommes allés
à l'arbitrage et nous avons eu, comme président du tribunal
d'arbitrage, l'honorable juge Paul Lesage qui nous a rendu une sentence
favorable. Et depuis ce temps-là, nous avons eu des griefs qui ont
été réglés par le juge Paul Roy. Ce n'est
absolument pas un syndicat de boutique.
À présent, il y a le point de vue, M. le Président,
dans le cas particulier des villes... Alors je termine...
C'est parce que le cas particulier des villes est un peu
différent des autres. Les salles de l'hôtel de ville sont à
la disposition de tout le monde. Alors, ça arrive assez souvent, dans
nos syndicats, qu'on a nos réunions dans les salles des conseils de
ville et puis ça n'engage à rien les syndicats.
M. Lesage: M. Marchand, je voudrais vous poser rien qu'une question.
Vous penserez à ça entre six et huit et vous me répondrez.
Aucun employeur ni aucune personne agissant comme un employeur ou une
association d'employeurs ne cherchera d'aucune manière à dominer,
entraver ou financer la formation des activités d'une association de
salariés ni à y participer. Supposons, par exemple, qu'un
syndicat, un bon soir, donne une soirée de danse. Est-ce que ça
veut dire que l'employeur n'a pas le droit de danser avec la présidente
du syndicat?
M. Bertrand (Missisquoi): Pensez-y.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Silence, s'il 'vous
plaît. La séance est suspendue jusqu'à huit heures.
(Suspension de la séance^
(Reprise de la séance à 20 heures)
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, nous sommes rendus
à 12. Nous prenons en considération la suggestion de M.
Massicotte, qui est dans le dossier, concernant le troisième paragraphe
de l'article 11.
M. Pepin: M. le Président, est-ce qu'on peut revenir
immédiatement aux articles suspendus, 6 et 7?
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Bien, je ne le sais
pas.
M. Pepin: On avait dit qu'on donnerait une réponse ce soir; on
est prêt à la donner.
M. Lesage: Un instant, c'est où ça?
M. Bertrand (Missisquoi): Les articles 6 et 7, page 4.
Recrutement syndical interdit pendant les heures de
travail
M. Pepin: Alors, à l'article 6, M. le Président, M.
Massicotte, au nom des employeurs, a proposé de modifier l'article 23 de
la Loi des relations ouvrières, qui maintenant se lirait ainsi:
"Personne ne peut, au nom ou pour le compte d'une association, solliciter
pendant les heures de travail l'adhésion d'un salarié à
une association." Alors, nous serions d'accord là-dessus.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Voulez-vous le relire, M.
Pepin, qu'on voie? Actuellement, dans l'ancienne loi, si vous voulez, la loi
actuelle qui est en marche, celle qui est en vigueur, l'article 23 dit: "Sauf
avec le consentement de l'employeur..."
M. Pepin: Biffez ça.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors: "Personne ne peut,
au nom ou pour le compte d'une association, solliciter pendant les heures de
travail l'adhésion d'un salarié à une association".
M. Pepin: C'est ça. C'est la proposition de M. Massicotte sur
laquelle nous sommes d'accord.
M. Crête: Marcel Crête, de la chaussure. M. le
Président nous regrettons de ne pas être d'accord parce que, si
cet amendement-là était accepté, ça veut dire qu'on
pourrait même solliciter en dehors des heures de travail,
c'est-à-dire à l'heure des repas. Alors, nous croyons qu'à
ce moment-là ça peut engendrer des sources de conflits. Nous
désirons enregistrer notre dissidence.
M. Marchand: Cela veut dire que, pendant l'heure des repas, on pourrait
parler de politique, de religion, d'armes atomiques, mais pas de
syndicalisme.
M. Crête: Faire du recrutement.
M. Marchand: C'est ça que ça veut dire.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, l'article 7?
M. Lesage: L'article 7, ce n'est pas ça qu'on vient de voir,
là.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Non, c'est l'article
6.
M. Pepin: À l'article 7, notre suggestion serait la suivante: le
premier paragraphe de l'article 7 tel que proposé dans le bill 54, pas
de modification; le deuxième paragraphe de l'article 7 serait
retiré de cet endroit-là et reporté à l'article 9
qui parle de la concession des forêts.
M. Bellemare: Deuxième paragraphe après le salaire
minimum; ça peut s'ajouter là.
M. Pepin: Oui, oui, ça peut s'ajouter à cet
endroit-là ou on peut en faire un 9a)si on le désire. Oui, avec
une modification.
M. Lesage: Cela ne marchera pas, parce que ce n'est pas le sujet. Le
troisième paragraphe commence par "il" qui se rapporte à
l'exploitant qui ast le sujet du deuxième paragraphe.
M. Pepin nous proposons pour ce paragraphe serait d'ajouter après
le mot "repas", le mot "logement". Alors, je le lirai au complet pour qu'on ait
une meilleure idée du texte: "Les lieux affectés aux repas et
logement des salariés ne sont pas considérés comme lieux
de travail".
M. Lesage: Bien, M. Pepin, moi, je vais vous parler au nom des
bûcherons. Je pense que M. Lévesque va être d'accord, Moi,
j'ai été dans les camps de bûcherons. S'il y a un endroit
où les bûcherons ne veulent pas se faire "achaler", c'est quand
ils sont dans leur cantine pour se coucher. Dans les lieux de repas,
très bien, dans un chantier - puis, je connais bien ça -
d'accord, il peut y avoir des réunions, ça va bien là. Ils
se réunissent là le soir. Mais qu'ils laissent dormir ceux qui
veulent dormir parce qu'ils se lèvent à cinq heures et demie le
lendemain matin.
M. Bellemare: Parce que, pendant les repas actuellement, c'est
silence.
M. Lesage: Je trouve que ça n'a pas de bon sens et que ce n'est
pas humain pour le bûcheron qui veut dormir, ce que vous proposez
là.
M. Provost: M. le Président, la raison pour laquelle nous avons
demandé d'ajouter le mot "logement" est la suivante. Vous allez
peut-être pouvoir nous aider, messieurs les membres du comité.
C'est parce qu'il arrive souvent que le lieu du repas n'appartient pas à
la compagnie, appartient à un concessionnaire. Ils pourraient s'opposer,
eux, parce que ça leur appartient, ils sont locataires, à ce
qu'il y ait des réunions sur le lieu du repas. Si vous me trouvez une
autre solution, on n'a aucune objection. Mais dans les cas de concessionnaires
pour la nourriture, ça crée des embêtements.
M. Lesage: Peut-être, oui. Mais simplement, monsieur, une chose
certaine, c'est qu'on trouve que ce n'est pas juste pour le bûcheron qui
a travaillé dur toute la journée, qui veut se coucher et dormir,
d'être pris avec un tas de gars qui font ce que vous savez autour de
lui.
M. Provost: M. le Président, on n'y tient pas tant que ça,
si vous mettez quelque chose dans la clause qui dit qu'au lieu du repas,
même s'il est détenu par un concessionnaire, ils ont le droit.
M. Lesage: Mais, laissez dormir les bûcherons fatigués.
M. Bellemare: Même s'il est détenu par un
concessionnaire.
M. Pepin: Alors, M. le premier ministre, je pense bien que, si on
ajoutait cette disposition que vient de soumettre M. Provost, ce serait
conforme.
M. Lesage: Oui. Autrement, ça n'a pas de bon sens.
M. Pepin: Alors, avec ça. ça rencontrerait les vues de
tout le monde.
Une voix: Même s'il est détenu par un concessionnaire.
M. Massicotte: M. le Président, Jean Massicotte. En ce qui
concerne notre groupe d'employeurs, à l'exception du groupe, disons, qui
concerne la forêt et qui est représenté par Me Gagné
et qui n'est pas encore ici, nous acceptons, évidemment, que soit
ravée cette dernière partie de l'article 7 et qu'elle soit
reportée à l'article 9, sujet aux commentaires de Me
Gagné, s'il en a. Cela va être difficile d'en faire après
les remarques du premier ministre.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, l'article 12.
M. Crête: M. le Président, Marcel Crête, de la
chaussure, toujours. Nous suggérons respectueusement à l'article
12 d'ajouter les "fausses représentations" à part les
"intimidations" et les "menaces", parce que, dans notre industrie
particulière, nous soumettons qu'il y a des fausses
représentations qui équivalent réellement à dol.
Parce que, dans notre industrie, notre main-d'oeuvre principalement est
féminine et d'âge, je dirais, en bas de vingt et un ans, il y a
des fausses représentations très sérieuses qui
réellement influent sur l'adhésion au syndicat. Nous croyons
qu'au même titre que les menaces ou l'intimidation, les fausses
représentations devraient être incluses dans l'article 12 comme
pouvant influer défavorablement ou enfin préjuger à la
liberté de l'employé d'adhérer au syndicat.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Mais il n'y aurait pas
d'objection à une louange exagérée.
Une voix: Ce serait encore des fausses représentations.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Je crois que les
tribunaux civils ont parlé de louanges exagérées à
un moment donné.
M. Crête: Cela s'applique aux associations d'employés.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Oui, M. Desaulniers.
M. Desaulniers: Guy Desaulniers, procureur. M. le Président,
avant de pouvoir faire une représentation concernant la suggestion,
j'aimerais tout de même savoir, au point de vue de
l'interprétation légale, ce que ça veut dire exactement
"fausse représentation" qui équivaut à dol. Qu'on
m'explique ce que ça veut dire.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): C'est la
représentation fausse d'un fait passé ou présent.
M. Desaulniers: Oui, je comprends, mais étant donné
qu'actuellement nous discutons, n'est-ce pas, de situations
particulières, comment cette formule peut-elle s'appliquer dans le cas
présent?
Si on fait une demande d'amendement, je soumets qu'on peut savoir
pourquoi on voit la nécessité d'ajouter ces mots à la loi.
Alors, j'aimerais savoir pourquoi on veut ajouter ces mots, pour comprendre le
sens qu'on veut donner à cette phrase.
M. Johnson: Si vous voulez un exemple
de louanges exagérées, écoutez le ministre du
Travail parfois.
M. Desaulniers: Est-ce que c'est ça que ça voudrait dire
dans le texte?
M. Johnson: Louanges exagérées, ah oui.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Si c'est rien que
ça, ce n'est pas grave.
M. Crête: Je suis prêt à donner des exemples que nous
avons vécus, M. le Président. On a dit par exemple, ici dans la
région de Québec. On vous demande d'adhérer au syndicat
parce que le ministre du Travail favorise la signature des conventions
collectives particulières de façon à pouvoir amender le
décret. À ce moment-là, je pense bien qu'on va
peut-être un peu loin. On a dit un tas de choses. On a dit: Votre patron
vous vole $0.25 parce qu'il est amateur de pêche au saumon, puis c'est
vous autres, les employés, qui payez ça. Toujours pour faire du
recrutement syndical. Alors, on n'est pas au niveau de la négociation de
la convention collective, du moins à ce stade-là. Enfin, nous
pourrions citer des tas d'exemples comme ceux-là et je
répète que ça a de l'importance parce qu'on a affaire
à des employés de 17, 18, 19, 20 ans qui sont excessivement
impressionnables et toujours j'exclus les menaces et l'intimidation. Puisque
dans l'économie générale de la loi, M. le
Président, le mineur est restituable pour cause de lésion, bien,
elles sont des mineures, ces jeunes filles-là. Je parle principalement
de la main-d'oeuvre féminine, impressionnable et influençable et
je soumets que ceci fausse réellement la liberté d'association du
salarié.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Crête, quant
à votre premier exemple, si on ramasse là toutes les
déclarations que j'ai faites et que je ferai encore à l'occasion,
je me demande si on va trouver que c'est une fausse représentation.
M. Crête: Non, non, ce n'est pas de vous montrer... Mais c'est
sérieux, M. le ministre, parce que nous sommes régis par un
décret et on sait que la prédominance actuellement, c'est le
décret. Et les unions ouvrières, particulièrement dans la
chaussure, veulent bien par le jeu de conventions particulières, forcer,
si on veut, des majorations au décret. Et c'est de ça, de ces
choses-là qu'on se sert.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Il a des preuves qu'il
donne une interprétation trop...
M. Crête: Je dirais que c'est plus que le "wishful thinking".
M. Gabias: M. Crête, quand le ministre du Travail a
dîné avec les créditistes, est-ce que c'était une
fausse représentation?
M. Crête: C'était au moins une fausse
présentation.
M. Bertrand (Missisquoi): Il avait un vrai béret.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): C'est un vrai beau
portrait.
M. Bertrand (Missisquoi): Il avait un vrai béret.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Oui, madame.
Mme Parent: M. le Président, je veux seulement m'opposer à
ce qu'un représentant patronal se serve de l'excuse que la main-d'oeuvre
féminine, jeune, peut être plus impressionnable que les autres. Je
pense que les femmes qui travaillent ont autant de jugement, sont aussi
responsables que n'importe quel autre individu.
M. Johnson: Très bien.
M. Marchand: Si réellement c'est tellement important de
réglementer les discours de tous les représentants syndicaux -et
là, je ne parle pas seulement des officiers, des organisateurs, mais de
tous les travailleurs qui, à un moment donné, deviennent des
propagandistes parce que ça peut conduire à la reconnaissance
syndicale -je pense qu'à un échelon plus élevé,
lorsqu'il s'agit d'élire un gouvernement, ce qui est encore plus
sérieux que de choisir un syndicat, on devrait avoir la même
disposition dans la Loi électorale.
M. Johnson: Voulez-vous en rédiger une, M. Marchand?
M. Bertrand (Missisquoi): On va amender la Loi électorale.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, à l'article
12, la suggestion de l'association de la chaussure est notée. Article
13?
M. Massicotte: Jean Massicotte. M. le Président, même si
notre suggestion sur l'article 11, cet après-midi, pour la parité
au point de vue de la liberté de parole n'a pas reçu de sympathie
de la part des unions, n'a pas reçu, non plus, de sympathie de la part
du gouvernement, ni de la part de l'Opposition...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Elle est
notée.
Congédiement pour activités
syndicales
M. Massicotte: ... nous demandons encore la parité. Le ministre
des Ressources hydrauliques a dit cet après-midi, je crois, dans une
remarque, que l'article 12 s'appliquait à tout le monde, ce qui est le
cas. Cela s'applique aux employeurs, ça s'applique aux employés,
ça s'applique aux unions. L'article 13 s'applique exclusivement aux
employeurs. Maintenant, dans l'article 13, on ne se limite pas, par exemple,
comme dans l'article 12 aux mots "intimidation ou menace", on ajoute: "menace
de renvoi ou autre menace, ou par l'imposition d'une peine ou par quelque autre
moyen". Nous suggérons, premièrement, à l'article 13, pour
établir la parité entre l'article 12 et l'article 13, que l'on
enlève les mots "par quelque autre moyen". Il y a déjà une
énumération assez fantastique de toutes les choses qu'on peut
faire contre les employés sans en laisser trop à l'imagination.
Nous suqgérons aussi, à l'article 13, que le dernier paragraphe
de l'article 13 soit enlevé. Nous croyons, évidemment, que cet
article 13 était dans l'ancienne loi depuis peut-être 1944. La
dernière partie de l'article 13 n'a plus de raison d'être à
cause, évidemment, de la présomption qui a été
imposée sur les employeurs par l'article 14.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Y a-t-il objection
à barrer le deuxième paragraphe?
M. Marchand: Oui, sûrement objection, une objection, à part
ça, fondamentale. Je pense bien qu'il n'est pas nécessaire
d'élaborer longtemps. Voici, on présente faussement, à mon
avis, la situation des rapports entre employeurs et employés. On parle
de parité entre les deux. Il y a des choses qu'on a vues souvent dans
notre vie, qui ont été constatées, d'ailleurs, par les
tribunaux, c'est qu'il y a eu des employés de congédiés
pour activités syndicales. Nous n'avons jamais vu un employeur
congédié pour activités syndicales. Alors, si on veut la
parité, il va falloir qu'on donne au syndicat le droit de "sacrer le
boss dehors". Là, on va avoir la parité, mais ça n'existe
pas comme ça, bon. Alors, qu'il y ait une différence dans les
textes... Je reviens encore là-dessus, M. le Président: C'est une
loi qui consacre le droit d'association des travailleurs. C'est ça qu'il
faut protéger et je pense qu'il ne peut pas y avoir de parité
entre les deux articles soulignés par M. Massicotte. Alors, quant au
fardeau de la preuve, il y a une raison, c'est que les travailleurs sont
réellement dans un état d'infériorité à ce
sujet-là. Ce sont eux qui sont sujets à congédiement. Je
pense que, dans une campagne d'organisation syndicale, s'il y a des motifs
sérieux de croire qu'un employé a été privé
de son gagne-pain parce qu'il exerçait un droit qui lui est
consacré dans la loi, c'est à l'employeur de démontrer
qu'il ne l'a pas fait pour ça. Alors, évidemment, c'est un
article qui est fondamental au point de vue de la protection du droit
d'association et nous demandons qu'il soit maintenu intégralement.
M. Massicotte: M. le Président, Jean Massicotte.
Premièrement, je pense que M. Marchand a peut-être, avec son
talent habituel, déplacé un peu la question. Je n'ai pas
suggéré qu'on enlève dans le premier paragraphe les mots
"menace de renvoi ou autre menace"; j'ai suggéré simplement qu'on
enlève les mots "quelque autre peine". En ce qui concerne le
deuxième paragraphe, nous soulignons qu'il nous semble que c'est une
redondance parce qu'à l'article 16, c'est marqué encore: "Il
incombe à l'employeur de prouver que le salarié a
été congédié, suspendu ou déplacé
pour une autre cause, juste et suffisante". Nous voulons simplement indiquer
qu'il y a une redondance et qu'il n'est pas nécessaire qu'on le
répète à deux places, à moins qu'on ne veuille
absolument nous convaincre que c'est à nous autres le fardeau de la
preuve.
M. Marchand: C'est ça qu'on veut faire. M. Massicotte: Mais on le
sait.
M. Crête: À tout événement, si la suggestion
de Me Massicotte n'est pas acceptée en ce qui concerne le
deuxième paragraphe qu'il voudrait faire radier, nous demandons qu'on
enlève les mots "dont la preuve lui incombe" parce que, dans notre
conception, dans toute l'économie de nos lois, je dirais, civiles et
pénales, c'est au plaignant de faire sa preuve, c'est lui qui a le
fardeau de la preuve. Si on nous accuse de quelque chose, eh bien, au moins
qu'on le prouve. Si, à tout événement, la suggestion de M.
Massicotte n'est pas acceptée d'emblée, comme alternative nous
suggérons respectueusement d'enlever les mots "dont la preuve lui
incombe" à la fin de l'article.
M. Desaulniers: Si vous le permettez, je ferai remarquer que, lorsqu'il
s'agit de l'article 13, il ne s'agit à ce moment-là que de
pratiques interdites. Donc, l'article 13 ne doit pas s'interpréter en
raison de 14, 15 et 16.
M. Lesage: Je crois qu'on peut établir une présomption sur
13, c'est seulement à 13 qu'on peut l'établir.
M. Desaulniers: C'est ça. Ce n'est pas une redondance; elle est
obligatoire, la répétition.
M. Lesage: Certainement.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Article 14?
M. Pepin: Alors, voici, M. le Président, sur l'article 14,
ça ici c'est le bill no 3 adopté en ce sens; les articles 14 et
suivants correspondent à 21 a) et suivants.
Une voix: C'est ça.
M. Pepin: Je pense que, dans l'ensemble, on peut dire que ces articles
ont été bien reçus et ont donné des
résultats convenables pour tout le monde. Maintenant, à l'examen
et aussi à la pratique, on peut se rendre compte que certains employeurs
ont tenté de contourner quand même l'article 14 et ont
essayé de démontrer qu'ils n'avaient ni congédié,
ni suspendu, ni déplacé un employé, mais qu'il avait
été uniquement mis à pied et qu'il ne tombait pas sous les
dispositions de l'article 14 et des suivants. Il avait été mis
à pied en raison d'activités syndicales, quant à nous,
mais ils disaient! Il n'a pas été congédié, il
n'est pas suspendu, il n'est pas déplacé...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):
C'était un jugement, ça?
M. Pepin: Non, cela à été prétendu et
défendu devant la CRO. Alors, la seule chose, je pense, M. le
Président, que nous pourrions ajouter, c'est, en plus de
congédié, suspendu ou déplacé, les mots "mis
à pied".
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Congédié
puis mis à pied, il y a une différence entre les deux?
M. Pepin: Oui, parce que, voyez-vous, un congédiement en
général, on l'interprète dans le domaine du travail comme
étant un renvoi pour cause de cessation d'emploi. Dans une mise a pied,
la relation entre employeur et employé n'est pas éteinte, elle
existe encore. Alors, on dit: Non, il n'est pas congédié,
ça existe encore, mes relations avec lui. Voilà pourquoi nous
demandons de clarifier cela.
M. Lesage: Si c'est ça que ça veut dire "mise à
pied", il a été suspendu.
M. Pepin: Bien, voyez-vous, il y a aussi la suspension pour raisons
disciplinaires, M. le premier ministre.
M. Lesage: Mais oui, mais ça ne dit pas pourquoi ici.
M. Marchand: Une suspension, M. le Président, c'est une action
dont le terme est prédéterminé, on vous suspend pour un
mois, deux mois. Une mise à pied, c'est simplement parce qu'à un
moment donné il y a une diminution dans les opérations de la
compagnie. En anglais, ils disent: On a été "slackés". Ils
ne sont pas congédiés. Ils ne perdent pas habituellement leurs
droits acquis, mais seulement on attend que cela reprenne et, à ce
moment, on les redemande. Alors, une suspension, c'est habituellement pour un
terme prédéterminé; dans une mise à pied, il n'y
à pas de terme prédéterminé. Alors, il y a une
distinction, on voudrait la mettre, parce que, justement, on l'a
invoqué.
M. Lesage: Avez-vous eu une mauvaise expérience, M. Marchand?
M. Massicotte: M. le Président...
M. Lesage: Je viens de poser une question à M. Marchand,
excusez.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Marchand,
répondez donc à M., le premier ministre.
M. Marchand: Oui, excusez, c'est parce que je suis à chercher les
mauvaises expériences.
M. Johnson: C'est une preuve qu'on a tenté de faire, hein?
M. Marchand: C'est une preuve qu'on a tenté de faire devant la
commission, on l'a invoquée. On veut se couvrir parce qu'il y à
une distinction entre ces motions.
M. Lesage: Vous êtes plus procédurier que moi,
monsieur.
M. Massicotte: M. le Président sur cette question de mise
à pied, je référerais votre comité à une
décision très élaborée et très
détaillée de la Commission des relations ouvrières. Cela
devient une question d'appréciation de faits. En d'autres termes, un
employeur peut très bien arriver devant la Commission des relations
ouvrières et dire: Je n'ai pas congédié cet
employé, je l'ai mis à pied dans le cours des opérations
normales de mon entreprise, parce que je n'avais plus d'ouvrage pour lui, parce
que je n'avais plus de commandes. Or, je l'ai invoqué personnellement
dans une couple de cas où je pensais avoir, si vous voulez, une preuve
assez solide pour convaincre la commission. La commission ne m'a pas
donné raison, la commission n'a pas accepté ma simple
déclaration comme quoi j'avais mis des employés à pied
parce que je manquais d'ouvrage pour eux. Elle a dit: En fonction de telle et
telle raison, vous avez commis une pratique qui n'est pas permise par la
commission; on fait une ordonnance de réinstâllation.
Maintenant, sur cet article 14, nous soumettons un amendement, une
addition d'un paragraphe pour des raisons bien particulières...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): En avez-vous des
copies?
M. Massicotte: Je pense qu'elles ont été
distribuées, M. le Président.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Cela va.
M. Massicotte: Nous demandons que la décision de la
commission...
M. Lesage: Un instant, M. Massicotte. Voulez-vous, mademoiselle,
intégrer le texte?
M. Massicotte: Bill no 54 Amendement suggéré Article 14 -
"Lorsqu'un salarié est congédié, suspendu ou
déplacé par l'employeur ou son agent à cause de l'exercice
par ce salarié d'un droit qui lui résulte du présent code,
la commission peut ordonner à l'employeur de réintégrer,
dans les huit jours de la signification de la décision, ce
salarié dans son emploi avec tous ses droits et privilèges, et de
lui payer, à titre d'indemnité, l'équivalent du salaire et
des autres avantages dont l'a privé le congédiement, la
suspension ou le déplacement. "Toutefois, la décision de la
commission ne peut rétroagir au-delà de six mois et elle doit
tenir compte de faits subséquents à la soumission de la plainte
qui feraient que l'employé n'aurait pu être effectivement
réengagé ou réintégré au poste d'où
il a été déplacé."
M. Lesage: Très bien.
M. Massicotte: Nous demandons, premièrement, que la
décision de la commission ne rétroagisse pas au-delà de
six mois. En voici la raison: nous espérons, évidemment, que,
dans l'avenir, les décisions de la commission soient rendues avec plus
de diligence. Mais, par ailleurs, nous avons eu des cas où, dans ces
matières, les décisions de la commission nous sont parvenues un
an, un an et demi après que la plainte eut été
déposée devant la commission. Or, dans certains cas, nous sommes
en face de petits employeurs. Il y en a beaucoup dans cette province qui, par
exemple, ont un chiffre d'affaires assez bas, qui vont montrer un profit
à la fin de l'année de $5000 ou $6000. Quand ils reçoivent
une ordonnance de la commission qui va dix-huit mois en arrière, s'il y
a deux ou trois congédiements et que la partie est perdue, cela peut
équivaloir, si vous voulez, à des sommes de $12,000, $13,000 ou
$14,000. Nous trouvons qu'à cause, si vous voulez, de la lenteur qu'il y
a devant la Commission des relations ouvrières un employeur ne devrait
pas être pénalisé outre mesure. Pardon?
M. Gabias: Dans ces cas, lorsque l'employé a travaillé
ailleurs, il y a ajustement.
M. Massicotte: Il y a réajustement, excepté - et nous
allons y venir, à cet article - que la partie syndicale et
peut-être Me Desaulniers a prétendu, à un moment
donné, qu'avec la législation actuelle la question des gains que
l'employé a pu faire ailleurs ne s'appliquait, pour les fins, disons, de
cette loi, qu'au paragraphe 17, dans le cas où un employé
refusait de se rapporter au travail, et que cela ne s'appliquait pas à
l'article 14 ou 15. Là-dessus, nous avons une suggestion à faire
aussi.
La deuxième suggestion que nous faisons pour l'article 14, c'est
que nous ayons la possibilité d'aller devant la commission, à un
moment donné, pour indiquer à la commission des situations de
fait qui feraient que nous ne serions pas obligés de payer
l'indemnité à laquelle on a été condamnés.
Voici de quelle façon cela peut arriver. Si cela prend, par exemple,
douze mois ou dix-huit mois à la commission avant de rendre une
décision sur un cas de congédiement, il se peut très bien
que, pour des raisons parfaitement de bonne foi, l'entreprise cesse d'exister.
Alors, c'est un cas subséquent à la plainte. Il y a d'autres cas,
par exemple, où vous avez deux employés qui ont été
congédiés dans la période intercallaire entre la plainte
et la décision de la commission. Il y a eu un ralentissement de travail
général. Il y a eu baisse de commandes dans l'industrie. Et, au
point de vue des faits, ces deux employés n'auraient jamais
été réengagés d'une façon ou d'une
autre.
Alors, nous voudrions avoir la possibilité d'aller devant la
commission et d'établir ces faits devant la commission de façon
à éviter, dans ce domaine évidemment, un cas comme celui
que j'ai, par exemple, à l'heure actuelle, où je suis
obligé de conseiller à mon client de se laisser poursuivre parce
qu'au point de vue physique son entreprise a tellement décliné
que les personnes que la commission nous a ordonné de
réinstaller, on ne les aurait pas reprises d'une façon ou d'une
autre. Généralement, c'est le but de nos deux propositions
d'amendements.
M. Johnson: C'est joliment compliqué.
M. Marchand: Nous comprenons très bien que cela peut être
triste pour un petit employeur qui n'a que $5000 ou $6000 de profit par
année. C'est sûrement triste de recevoir une ordonnance de la
commission
qui peut lui coûter $7000, $8000 ou $10,000. Mais, quant à
être dans la tristesse, pensez à la tristesse aussi du travailleur
qui a cru que c'était vrai, la loi, et qu'il avait le droit de
s'organiser. Non seulement la loi le lui disait, mais à peu près
tout le monde, les gouvernements, les représentants syndicaux,
l'Église catholique, lui a dit: Monsieur, vous avez ,1e droit de vous
organiser. Il y a cru; il est rentré dedans et puis l'employeur l'a
congédié. Et lui, avec sa famille, il n'a pas $5000 ou $6000 de
profit. Il n'a que son salaire et puis il en est privé. Cela aussi est
très triste.
Alors, si l'employeur prend l'initiative de commettre une
illégalité comme celle-là, je pense qu'il doit en assumer
le fardeau. C'est comme si, devant les tribunaux, là où il y a
une amende disons, de $500 ou $1000 de prévue, on disait: Bien, celui
que vous condamnez, il n'a pas beaucoup d'argent et puis il a beaucoup
d'enfants. Alors, je pense que, si on accepte le principe de tristesse, cela va
modifier substantiellement non seulement cette loi, mais plusieurs autres
lois.
M. Johnson: M. Marchand, y a-t-il eu beaucoup de procédures
basées sur cet article?
M. Marchand: Devant la commission?
M. Johnson: Y a-t-il eu beaucoup de jugements?
M. Desaulniers: Beaucoup de jugements sur les congédiements?
M. Lesage: À peu près 700 cas.
M. Dozois: Est-ce que cela arrivait souvent que cela dépassait
six mois?
M. Desaulniers: Je n'ai pas de statistiques pour établir si cela
dépassait six mois ou non. Mais je peux dire qu'il y a eu
énormément de jugements rendus sans pouvoir être en mesure
de dire si la rétroactivité est de six mois.
M. Dozois: Généralement, de combien de mois?
M. Desaulniers: Cela peut être trois, quatre ou cinq mois.
Maintenant, un instant, si vous le permettez, M. le Président, puisqu'on
veut entrer dans les détails sur ce problème, on va entrer dans
les détails.
Lorsqu'une cause de congédiement est envoyée à la
Commission des relations ouvrières, une plainte doit être faite
dans les quinze jours. L'employé doit attendre que la décision
soit rendue avant de pouvoir toucher ce à quoi il a droit s'il a
été congédié contrairement à la loi. Des
employés, particulièrement dans des régions où il y
a du chômage, peuvent crever de faim pendant trois, quatre, cinq, six
mois tant et aussi longtemps que la décision, se fait attendre.
Or, au point de vue de la procédure, il y a eu des contestations
qui ont été faites et ces contestations, dans bien des cas, de
part et d'autre, ont amené des délais. Or, parce que le droit est
donné aux individus de contester des réclamations qui sont faites
contre eux, peut amener des délais et peut amener aussi de la part d'un
juge ou d'un tribunal un certain temps pour décider, est-ce qu'on va
punir celui qui se sert de la loi pour réclamer parce que le
système judiciaire est tel et ne peut pas être autrement?
Je dis que le principe s'applique autant devant nos cours de justice
qu'il s'applique devant la Commission des relations ouvrières. Nous
acceptons un système. Nous acceptons que, dans un système
judiciaire bien organisé, chaque partie ait toutes les
possibilités de se défendre, de présenter sa cause. Je ne
vois pas en quoi on peut exiger d'un juge qu'il rende son jugement,
immédiatement, indépendamment du fait qu'il ait le temps de
rendre un jugement sérieux ou non, simplement parce qu'une partie va en
subir les conséquences. Je me permettrais, à ce moment, de dire
que je suis très surpris que l'on s'oppose et qu'on demande, si vous
voulez, une limitation au droit de réclamation quand on agit contre les
employeurs, alors qu'il a été prouvé depuis plusieurs
années que les employeurs ont été ceux qui ont
créé le plus de délais quand il s'agissait d'une demande
en certification.
M. Fortin: M. Desaulniers, au sujet de l'article 14 et de la remarque
qui a été faite par M. Gabias, député de
Trois-Rivières, est-ce que vous acceptez que le salaire que l'ouvrier
peut avoir gagné pendant le délibéré de sa cause
soit déduit?
M. Desaulniers: Il est toujours déduit.
M. Fortin: Il y a déjà eu des difficultés
d'interprétation au sujet de l'article 17.
M. Desaulniers: Un instant! Je ne prends pas mon opinion comme
étant une jurisprudence, ce que semble vouloir dire mon confrère,
M. Massicotte.
M. Gabias: Cela viendra.
M. Desaulniers: Merci, M. Gabias. Prenons la politique suivie ou la
jurisprudence de la Commission des relations ouvrières. La Commission
des relations ouvrières, après avoir décidé,
n'est-ce pas, si oui ou non il y avait eu un congédiement pour
activités syndicales, prenait des dispositions et demandait aux parties,
je vous
le dis, sous la forme pratique: Est-ce que vous voulez vous entendre sur
la question du montant qui serait dû si, oui ou non, nous en venons
à la conclusion que l'employé a été
congédié à cause d'activités syndicales? En
plusieurs occasions, les parties ont, par entente, déterminé le
montant. Lorsque les parties ne se sont pas mises d'accord sur le montant
à être payé, si la décision de la commission
ordonnait à l'employeur de payer, c'était la commission qui
entendait les deux parties et nous devions faire la preuve et cette preuve se
faisait suivant le mode normal d'une preuve pour établir la perte d'un
individu.
M. Fortin: Que fait-on du salaire qu'il avait gagné?
M. Desaulniers: La commission suivait dans ces cas-là les normes
régulières de la loi de la preuve au point de vue de
l'établissement du montant à être payé.
M. Fortin: Vous êtes probablement au courant de la cause ideal
Concrete, parce qu'il y a eu une difficulté sur l'interprétation
de l'article 21c. Il serait peut-être bon de faire un paragraphe distinct
du dernier paragraphe.
M. Desaulniers: Si vous me le permettez, je ne suis pas au courant. On a
mentionné tout à l'heure que j'avais plaidé quelque chose;
je vous avoue en toute franchise que je ne m'en souviens pas du tout.
M. Fortin: Parce qu'on serait porté à croire...
M. Desaulniers: Qu'est-ce que c'est la cause? Je ne le sais pas.
M. Fortin: Parce qu'on a prétendu qu'un des paragraphes de
l'article 21c s'appliquait seulement à l'article 21c. Alors, c'est pour
ça que je vous ai posé la question. Si on prenait l'article 17
tel que rédigé, on serait porté à croire que le
dernier paragraphe de l'article 17 ne s'applique qu'à l'article 17,
c'est-à-dire si l'ouvrier refuse de revenir travailler, et seulement
dans ce cas-là, on détruirait le salaire qu'il a gagné.
Alors, comme avocat, vous allez comprendre mon objection; ce serait
peut-être préférable d'avoir un article différent
pour le dernier paragraphe de l'article 17.
M. Desaulniers: Est-ce que vous me permettez de reqarder l'ancien texte?
Dans l'ancien texte, c'est pareil. Or, l'interprétation donnée
par la commission, c'est qu'indépendamment que le texte soit identique
ou non, dans chaque cas, la procédure a été suivie pour
tous les autres articles.
M. Gabias: Ils l'ont appliqué, autant que mon souvenir est exact,
que l'employé reprenne ou non son travail.
M. Desaulniers: Qu'il le reprenne ou non, ils ont toujours
employé ça.
M. Gabias: La commission.
M. Desaulniers: La commission l'a fait.
M. Fortin: M. Desaulniers, c'est sur le dernier paragraphe de l'article
21c qu'il y avait eu la cause d'idéal Concrete.
M. Desaulniers: Juste un instant... M. le ministre, si vous examinez
21c, troisième paragraphe, on dit ceci: "Au cas de contestation entre
l'employeur et le salarié quant au montant de l'indemnité, le
quantum en est fixé par la commission." Or, si le quantum en est
fixé par la commission, est-ce qu'à ce moment-là la loi ne
donne pas la juridiction à la commission de prendre en
considération les qains que l'employé a obtenus pendant son
absence de chez l'employeur?
M. Bellemare: Même la commission a le droit en sa faveur sans
recours.
M. Fortin: C'est parce que, M. Desaulniers, ce paragraphe-là est
dans l'article où l'employé refuse de revenir au travail. Alors,
on orétendait que ça s'applique juste dans ce cas-là.
M. Desaulniers: Ici, c'est tout simplement dans le but, n'est-ce pas, de
clarifier la loi. Nous ne pouvons pas avoir une objection à ce que ce
chapitre s'applique ailleurs, parce que, du moins, quant à moi, c'est
toujours comme ça que j'ai compris la loi et c'est toujours comme
ça que je l'ai vu administrer par la commission.
M. Fortin: Seriez-vous d'accord que ce serait plus clair at que
ça éviterait toute discussion si on faisait un article
spécial du dernier paragraphe?
M. Desaulniers: Il faut faire un article spécial, si vous voulez
tout couvrir.
M. Fortin: C'est ça que je voulais savoir.
M. Massicotte: Nous sommes évidemment d'accord.
M. Desaulniers: Excusez-moi, M. Massicotte. Maintenant, à
l'article 17, il y a une chose qu'il faut considérer. Vous avez le
salaire. Alors, votre article que vous voulez
ajouter ailleurs, si vous voulez qu'il s'applique aux deux sections,
comme vous l'avez dit, il faut que ce soit un article à part. Autrement,
ça serait une répétition. Moi, je ne vois pas d'objection
à ça.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Massicotte, que
vouliez-vous dire, en attendant là?
M. Massicotte: M. le Président, évidemment, la suggestion
de M. Fortin nous va, parce que c'est comme ça que nous l'avions
compris. C'est pour ça que nous avions l'intention de suggérer
qu'il y ait un article à part pour ce dernier paragraphe de l'article
17. En effet, contrairement à ce qu'a dit M. Desaulniers, qui a bien
pris la peine de dire qu'à sa connaissance personnelle la commission
avait toujours interprété que le salaire gagné ailleurs
devrait être déduit, que l'employé ait repris son travail
ou non, je dois vous dire que la commission ne l'a pas toujours
interprété ainsi; ça dépendait des juges. Il y a eu
des interprétations différentes.
M. Marchand: Là-dessus, juste un mot. On n'a pas d'objection
à faire un paragraphe. La seule chose, on vérifie pour voir si
tous les droits qui sont consacrés dans les deux articles sont bien
couverts. On n'en veut pas de nouveau. Seulement, on veut être
sûr...
M. Bellemare: Est-ce qu'il a eu des difficultés, M. Marchand,
quant à l'application de cette clause à l'article 21c?
M. Marchand: Je me souviens qu'il y a eu des interprétations
différentes, je crois que M. Massicotte a raison là-dessus. On
n'a pas d'objection, la seule chose qu'on veut vérifier, c'est qu'en
isolant ce paragraphe-là ça couvre bien des droits qui sont
présentement consacrés dans les deux articles.
M. Bellemare: Parce qu'il y avait un recours qui pouvait
été exercé par la commission même s'il
dépassait 24 jours. Si l'employé ne le faisait pas, la commission
pouvait exercer ce recours-là, même après 24 jours, cela
existait, ça.
M. Marchand: Est-ce que vous êtes d'accord sur le principe que je
mentionne, parce qu'on n'a pas le temps?
M. Massicotte: Ah oui! Je suis parfaitement d'accord, on n'a aucune
arrière-pensée en le suggérant, nous, non plus,
excepté de mettre cet article de façon qu'il s'applique à
tous les cas.
M. Marchand: Très bien, très bien.
M. Massicotte: M. Desaulniers a parlé tout à l'heure des
statistiques de la commission qu'il ne connaissait pas à fond,
particulièrement en ce qui concerne les jugements de la commission sur,
disons, l'article 21a. Si le ministre réfère aux statistiques
qu'il a, il constatera qu'évidemment il y a eu un tas de jugements,
comme le dit M. Desaulniers, et que, dans ces tas de jugements, il y a eu aussi
un tas de jugements oui ont renvoyé les plaintes. Il constatera aussi
que, sur le nombre de plaintes qu'il y a eu devant la commission, nous nous
sommes trouvés souvent le matin à l'audition, comme partie
patronale, en face de désistements, parce que l'organisation syndicale
avait été faite et qu'on s'était servi, si vous voulez,
parce qu'un employeur normalement avait mis des gens a pied, de ce
moyen-là pour continuer l'organisation syndicale et prétendre que
l'employeur commettait des pratiques interdites. Dès qu'on avait
reçu la certification et qu'on arrivait devant la commission pour
plaider les plaintes, soit que les plaignants ne se présentaient pas ou
soit qu'un procureur de l'union venait dire devant la commission: Nous nous
désistons de toutes les plaintes. Cela, vos statistiques, M. le
ministre, vous le montreront.
On a parlé du principe des cours de justice. Je voudrais bien
qu'on établisse une différence dans les délais
vis-à-vis d'une cour de justice ordinaire par rapport aux dommages. Dans
le cas d'un action en dommages devant une cour de justice ordinaire, vous
êtes poursuivi pour un montant que vous connaissez, vous êtes
poursuivi pour $10,000 en dommages. Par ailleurs, vous savez que ça peut
prendre du temps, mais que votre "liability", comme on dit en anglais, vos
obligations ne montent pas de jour en jour. C'est là la
différence essentielle avec les plaintes de congédiement.
M. Bertrand (Missisquoi): L'intérêt est rétroactif
au moment...
M. Massicotte: C'est l'intérêt qui est rétroactif;
le capital ne monte pas. Or, dans le cas des plaintes de congédiement.
le capital monte et, s'il s'agit d'un nombre important d'employés, le
montant peut devenir fantastique.
M. Bellemare: M. Massicotte, est-ce que vous craigniez ça avec la
nouvelle composition du tribunal?
M. Massicotte: Un juge seul. Bien, nous sommes opposés à
un juge seul.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): M. Massicotte, une autre
question. Est-ce que...
M. Bellemare: Pour les congédiements
seulement.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Il faut prendre les deux
côtés de la médaille. Pendant que les jours s'accumulent
et, comme vous dites, que la somme ne peut pas être fixée quand on
ne sait pas évidemment la longueur des délais., est-ce que
ça ne court car également pour le gars qui s'est fait mettre
à la porte pour activités syndicales? Il ne sait pas, lui non
plus, combien de jours il va perdre de son salaire. Or, si le patron est
condamné, c'est quand même lui qui s'est mis dans
l'illégalité. S'il n'est pas condamné, ça ne lui
coûte rien.
M. Massicotte: M. le ministre, je pense que, sur ce point-là,
nous allons tomber sur le côté pratique. Le côté
pratique est le suivant: un gars est mis à la porte, on fait une plainte
de congédiement à la commission et l'union dit: On te paye tout
le temps que tu es dehors. Si on qaqne, tu nous rembourseras. Et c'est exact.
Alors, il n'y a pas de préjudice. Il y a tellement peu de
préjudice que les employés qui sont congédiés dans
ces circonstances-là ne se cherchent même pas d'emploi.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): M. Massicotte, si vous me
le permettez, là-dessus, puisque c'est juste un cas de fait, j'aimerais
savoir ce que disent les syndicats, parce que je ne sais pas s'ils ont les
moyens je payer pour tous les gens qui peuvent être
congédiés. Cela, je ne le sais pas.
Une voix: C'est une assurance.
Une voix: S'ils ont les moyens de payer pour tout le monde qui est
congédié? Il n'y en a pas tellement.
M. Provost: Il parle du coût de congédiements massifs.
C'est là que ça coûte cher. S'il y en a cinquante dehors,
pensez-vous qu'un syndicat pourrait payer, disons, $80 par semaine à
cinquante personnes ou $4000 par semaine pendant un an et demi?
M. Massicotte: M. le Président je regrette, un nombre plus
considérable...
M. Marchand: M. le Président, s'il y a un employé qui est
réellement congédié pour activités syndicales, si
ses confrères ont assez de solidarité pour l'aider pendant qu'il
est la victime du groupe. Bien oui, mais ça, c'est le groupe. Autrement,
qu'est-ce que vous voulez? Vous voudriez qu'il y ait dans la loi que personne
n'a le droit de leur donner quoi que ce soit dans ce temps-là pour
qu'ils crèvent? Bien voyons, c'est normal, c'est la solidarité
syndicale.
M. Johnson: M. Marchand, vous plaidiez la misère de l'individu
tantôt; là, vous plaidez la misère du syndicat.
M. Marchand: Oui, mais dans bien des cas, quand ce sont de petits
syndicats qui n'ont pas d'argent, les gars le perdent, leur salaire.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Est-ce que je pourrais
juste ajouter cette question? Que ce soit le syndicat lui-même ou
l'employé, de toute façon, si le patron s'est mis dans
l'illégalité, il est condamné. Le tribunal juge qu'il a
été dans l'illégalité. Est-ce que c'est plus juste
que l'argent que ses confrères du syndicat lui auraient avancé
pour l'empêcher de crever de faim soit, à toutes fins pratiques,
confisqué, parce qu'on dit: C'est le syndicat, il a les moyens?
M. Massicotte: Oui, mais, M. le ministre, évidemment, on semble
encore partir de la présomption que, chaque fois qu'il y a une plainte
de congédiement devant la commission, l'employeur a agi
illégalement. Or, les statistiques du ministère du Travail vous
montreront...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Justement, je voulais
dire ça tantôt. Voici les statistiques. Le rapport de 1962 finit
au mois de mars 1962. Depuis le mois de septembre, nous avons fait des
modifications qui peuvent changer ces chiffres. En 1961-1962, la commission a
reçu 558 plaintes de congédiements, 87 plaintes de suspensions et
12 plaintes de déplacements. Ces plaintes furent réglées
comme suit: ordonnances de réintéqration, 36, comme on le voit,
sur 657; ordonnances de payer salaires perdus, 10; plaintes rejetées,
157; plaintes retirées, 428.
M. Massicotte: Vous l'avez, l'histoire. Elle est claire, d'après
les chiffres.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Oui, mais, M. Massicotte,
nous avons quelque chose pour essayer de corriger cela.
M. Massicotte: Maintenant, si vous me permettez de finir, M.
Desaulniers, je vous ai laissé toute la liberté de parler. Je
veux relever une autre chose. M. Desaulniers a parlé des délais
de quatre ou cinq mois. J'ai un cas avec M. Desaulniers de congédiement
d'au-delà de deux ans devant la commission. On n'a pas de
décision. C'est le cas de Sterling Furniture.
M. Desaulniers: Avec moi?
M. Massicotte: Avec vous, monsieur.
M. Johnson: Si vous me le permettez, je pense qu'on a
déplacé la question. Pour mesurer l'amende, M. Desaulniers, il ne
faut
pas se baser sur la misère du syndicat ou de l'individu.
M. Marchand: Je n'ai jamais mis ça dans...
M. Johnson: La question, pour nous, c'est de savoir si l'amende
basée sur l'équivalent des jours perdus est établie d'une
bonne manière. Et, en principe, je pense que ça l'est. Je ne vois
pas encore comment ça peut nuire à l'employeur si les plaintes
sont retirées, sauf que ça peut se refléter sur son bilan
éventuellement...
M. Massicotte: Bien, si les plaintes sont retirées.
M. Johnson: Non, mais avant qu'elles soient retirées, s'il a une
centaine de plaintes contre lui, évidemment quand il fait son bilan,
quand il essaie d'évaluer ses obligations continqentes, comme il disait,
"liabilities", ça peut avoir un certain reflet, mais je ne vois pas
ailleurs où ça peut nuire à ce point-là.
M. Massicotte: M. le Président, Jean Massicotte. Nous ne sommes
pas contre le principe, si vous voulez, que, si nous avons agi
illégalement, l'employé soit remboursé du montant qu'il a
perdu. Nous acceptons cette procédure dans nos conventions collectives
pourvu que, dans les conventions collectives, à part de cas
d'espèce, nous ayons une procédure rapide et sachions exactement
que, dans un délai relativement court, nous allons savoir de la part du
tribunal d'arbitrage si le congédiement que nous avons fait est juste ou
injuste, si notre geste est confirmé.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Massicotte,
après qu'on va avoir passé à travers cette loi-là,
on prévoit des procédures beaucoup plus rapides.
M. Massicotte: Nous n'acceptons pas le seul arbitre, si vous voulez, ou
le seul juge et nous donnerons nos raisons, évidemment, quand nous
arriverons à cet article-là.
M. Johnson: M. Massicotte, qu'est-ce que vous oenseriez de laisser au
juge la discrétion d'établir qu'une partie des délais est
due a l'avocat oui poursuit? Alors, il pourrait réduire ça. Cela,
c'est pour envisager les cas où la ooursuite retarderait de mauvaise
foi. Dans ce cas-là, il y a des avocats qui seraient
embêtés, à commencer par moi quand je pratiquais. Je pense
que ce serait une manière équitable de ne pas faire porter par
l'employeur les délais qui sont dus à la partie poursuivante.
Par ailleurs, les délais qui sont dus à l'encombrement des
tribunaux, ça, c'est la faute du gouvernement. Je pense que le
gouvernement doit en prendre la responsabilité et il faut admettre qu'il
a, d'année en année, essayé d'améliorer
l'expédition ries affaires. Si on nommait plus de juges, ça
passerait peut-être plus vite, les causes. La meilleure preuve, c'est
qu'on en a nommé depuis deux ans, on à augmenté leur
nombre et on a essayé d'expédier les affaires devant la
Commission des relations ouvrières. Qu'est-ce que vous pensez de cette
suggestion-là?
M. Massicotte: Nous avons une autre suggestion à faire aussi sur
la question des plaintes. Nous aimerions que les plaintes soient
libellées de façon qu'on nous dise exactement de quoi on est
accusé. Les unions, si vous me permettez le mot, M. Lévesque, ont
"patenté" une formule. Je suis membre de l'union, j'ai été
congédié et je considère mon congédiement
illégal. Cela s'en va. On ne sait aucune des circonstances dans
lesquelles ça s'est produit. Pourtant, on fait face, si vous voulez,
à une condamnation en dommages et on n'a aucune connaissance des faits.
On ne sait même pas de quoi il s'agit souvent. On fait nos
enquêtes, on demande à nos clients de faire leurs enquêtes,
puis ils ne peuvent pas voir de quoi il s'agit. Si au moins les plaintes nous
indiquaient des faits précis, nous oourrions reqarder la situation. De
fait, dans bien des cas, M. le Président, si nous connaissions les
faits, nous pourrions rétablir la situation immédiatement. Nous
avons des clients qui viennent à nos bureaux, qui nous disent: J'ai fait
telle chose, j'ai fait telle chose. On fait enquête, on leur demande de
faire enquête. On questionne, on transquestionne et, après
ça, on leur dit: Eh bien, reprends-le, tu n'as pas de chance.
M. Bertrand (Missisquoi): Comment est rédigée la plainte,
M. Massicotte?
M. Massicotte: Toujours la même chose avec des variantes
très petites. Par exemple, c'est la CSN: "J'ai été
congédié à celle date pour activités syndicales".
On dit: "Quel est le motif du congédiement'"' "Congédié
pour activités syndicales à telle date".
M. Johnson: Est-ce Qu'ils étaient assermentés?
M. Massicotte: Assermentés.
Évidemment, avec les désistements que vous voyez
là, je regrette, mais on fait se parjurer un tas d'employés dans
la province de Québec.
Des voix: Ah, ah, ah;
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):
Oui, M. Desaulniers.
M. Desaulniers: M. le Président j'aimerais informer, tout de
même, le comité sur certaines affirmations nui ont
été faites et surtout sur certaines ailusions qui ont
été faites concernant le nombre de plaintes retirées. Je
signalerais à votre comité qu'en vertu de la loi des relations
ouvrières une plainte doit être déposée à la
Commission des relations ouvrières dans les quinze jours qui suivent le
congédiement, la suspension ou le déplacement. Et ce délai
n'est pas un délai de procédure; c'est un délai de droit
strict. Or, M. Massicotte, qui est un avocat comme moi, sait très bien
qu'un client qui vient nous voir... Je vais donner l'exemple des accidents dans
le cas des corporations municipales. Prenons la ville de Montréal
où, lorsqu'il y a un accident sur le trottoir, l'on doit, en vertu de la
loi - et c'est un délai de droit strict - déposer notre avis, si
je me souviens bien, dans les quinze jours de la date de l'accident.
Une voix: Dix jours.
M. Desaulniers: C'est encore pire, 10 jours. Il est du devoir d'un
avocat de dire qu'il n'est pas en position, en dix jours, de faire une
enquête complète sur tous les faits, d'aviser son client, de
déposer l'avis prescrit par la loi et dans les délais de la loi.
Et c'est son devoir de le faire. Deuxièmement, encore sur ce
point-là, la Commission des relations ouvrières, dans le but de
décharger ses rôles et dans le but de régler le
problème de l'amoncellement des causes de conqédiements qui
traînaient en lonqueur, a institué un système en vertu
duquel ses employés agissent comme enquêteurs et conciliateurs.
À la suite d'un congédiement et d'une plainte, la commission
envoie d'abord ses représentants - nommez-les enquêteurs ou
conciliateurs - et ces derniers voient l'employé, obtiennent des
renseiqnernents de cet employé-tà, voient l'employeur et essaient
de régler le cas.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Ils en règlent
60%.
M. Desaulniers: J'étais pour le dire. Ils règlent
actuellement 62% des plaintes. Or, quand on parle d'une accumulation, je
soumets resoectueusement qu'un nouveau système a été
établi par la commission, non seulement par des règlements, mais
aussi par des pressions oui ont été exercées dans certains
cas par le conciliateur pour faire comprendre a l'employé qu'il n'avait
pas vraiment de cause et à ce moment-là, l'employé a
retiré sa olainte. Alors, je crois que ces renseignements...
M. Johnson: M. Desaulniers, quand les 426 plaintes ont été
retirées, le ministre me dit qu'il n'y avait pas de conciliateur.
M. Desaulniers: Il n'y avait pas de conciliateur.
M. Johnson: Alors, elles sont retirées à quel stade? Tout
de suite après, dès que l'avocat a eu le temps de se rendre
compte qu'il n'y avait pas de cause, ou bien juste à l'audition?
M. Desaulniers: Je regrette, mais je n'ai aucune statistique sur
cela.
M. Marchand: Si vous me le permettez, là-dessus, pour vous
répondre, M. Johnson, à ma connaissance personnelle, j'ai vu
beaucoup de cas se régler à l'occasion de la négociation
de la convention collective. Là, on s'entend et puis on dit: Retire tes
plaintes devant la commission. On en a réglé pour le Lac
Saint-Jean toute une série dernièrement. Cela ne veut pas dire
que les plaintes n'étaient pas fondées, mais, au moment où
les deux parties s'entendent, on dit: Lavons donc ça, cette
histoire-là, et on n'en entendra plus parler. Alors, quel est le
pourcentage là-dedans? Je ne le sais pas, mais je sais qu'il y en a un
nombre considérable.
M. Johnson: Il serait bon que la commission, quand même, ait des
statistiques plus précises là-dessus, pour l'avenir afin qu'on
sache comment cette clause-là fonctionne.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): On va donner la parole
à M. Renault; après ça, on passera à un autre
article.
M. Renault: M. le Président Paul Renault. Sur l'article 14, je
voudrais revenir à une suggestion qu'on a faite à votre
comité. Après "lorsqu'un salarié est
congédié, suspendu ou déplacé", on a demandé
d'ajouter "mis à pied". Je demande à votre comité de ne
jamais mettre "mis à pied" parce qu'enfin il s'agit d'une loi
restrictive, il s'agit d'un cas où, enfin, on présuppose, tout de
même, que l'employeur a agi illégalement. Pour le cas de "mis
à pied", dans nombre d'industries, aujourd'hui, à certaines
périodes de l'année, on doit mettre à pied un certain
nombre d'employés. Je demande à votre comité de
considérer qu'en ajoutant "mis à pied" dans ce
paragraphe-là vous allez augmenter le nombre des plantes. Comparé
aux 400 quelques plaintes que vous avez actuellement, je vous assure que vous
pouvez doubler et tripler ce nombre.
M. Marchand: On abandonne notre demande là-dessus. M. le
Président, on abandonne notre demande sur "mis à pied".
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Bélanger, vous
vouliez dire quelque
chose?
M. Marchand: J'ai juste un petit mot à vous dire avant M.
Bélanger. Par exemple, dans le domaine des relations ouvrières,
il se passe des choses, des fois, qui ne se passent pas dans d'autres milieux.
Moi, depuis que je fais du syndicalisme - ça fait déjà
quelques années - je ne sais pas combien de dizaines et peut-être
de centaines d'actions en dommages nous avons reçues, actions en
dommages qui ont à peu près toutes été
réglées à l'occasion des conventions collectives de
travail. Est-ce que ça serait raisonnable de notre part de demander, en
vous établissant la statistique de toutes les actions en dommages qui
ont été reçues: Messieurs, modifiez donc la loi de
façon qu'ils ne puissent plus prendre d'actions en dommages, car,
voyez-vous, c'est toujours retiré? Cela ne serait pas raisonnable.
Alors, c'est la même chose dans le domaine des relations ouvrières
pour les congédiements. Nous croyons que ça consacre un droit et
même si on...
M. Lesage: M. Marchand, je pense que vos connaissances du droit sont
telles que vous pouvez vous donner votre réponse à
vous-même.
M. Marchand: Non, non, c'est simplement une réponse. Je ne sais
pas. si vous étiez revenu, M. le premier ministre, mais en donnant des
statistiques sur les retraits des congédiements...
M. Johnson: Des actions en dommages où on ne fait pas
d'affidavit.
M. Marchand: ... on le prouve.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Bélanger.
M. Bélanger: René Bélanger,
Fédération des employés des corporations municipales et
scolaires. En ce qui nous concerne, nos employés ont porté des
plaintes devant la Commission des relations ouvrières. Dans le cas d'une
ville, la décision a été :endue au bout de sept ou huit
mois. Une deuxième décision a été rendue au bout de
six mois, un premier conaédiement. À la suite de l'ordonnance de
la commission, les deux employés ont été
réenqaqés et, quelque temps après, ils ont
été mis à pied, c'est-à-dire que tous les
employés ont été mis en vacances et qu'au bout d'une
semaine on a engagé d'autres employés qui venaient de
l'extérieur. On est devant la Commission des relations ouvrières
avec cette deuxième plainte qui est là depuis le mois de
septembre 1962. Il y a une audition qui va avoir lieu mardi.
A présent, voici ce qu'il y a d'un peu particulier: c'est qu'on
parle des délais. Moi, évidemment, je suis contre le
deuxième paragraphe de l'amendement qui est suggéré par la
partie patronale parce que ce n'est pas aux travailleurs de payer pour tous ces
délais inévitables. Dans le cas du dernier employeur que je viens
de vous signaler, les deux principaux témoins, du moins dans les
dossiers de la commission, étaient en dehors de la ville lors de la
dernière convocation. Il y en a un qui avait une déclaration
assermentée à l'effet qu'il était en Europe; le
deuxième, il avait une lettre de son avocat à l'effet qu'il
était aussi en Europe. À la grande surprise de notre procureur
qui est allé au palais de justice le même jour pour une cause de
faillite, il a vu ce même individu, qui était censé
être en Europe, sur le banc en avant de lui. Alors cela a retardé
l'affaire d'un mois.
M. Johnson: Il était revenu.
M. Bélanger: Non, je comprends que ça revient vite. Il
n'avait pas eu le temps de partir. C'est pour vous dire que ces délais
existent. Dans le cas d'une autre ville, évidemment, les
congédiements ont lieu en février 1962 et il y a toutes sortes de
retards, tantôt dus à la partie patronale, tantôt
peut-être à la partie syndicale et aussi à cause du
rôle chargé de la commission. Bien, je crois que les
employés ne sont pas obligés de payer pour ces
retards-là.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Nous cherchons un moyen
pour que la Commission des relations ouvrières puisse expédier
ses affaires dans le plus bref délai possible.
M. Bélanger: Ce n'est pas une plainte que je ferai contre la
commission parce que je sais qu'il y a eu des problèmes au point de vue
des congédiements et puis je sais qu'il y a eu des remises qui ont
été dues, dans certains cas, à la partie patronale. Enfin,
on avait des séances de conseil, on avait des bills, puis on avait
toutes sortes de choses. Alors, dans ce temps-là, la commission,
évidemment, se rend à leur demande.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Des questions de la part
de la partie syndicale?
M. Bélanger: Alors, nous autres, en ce qui nous concerne, on n'a
pas retiré de plaintes; on en a perdu une.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, l'article 15?
M. Desaulniers: Les deux centrales
syndicales me disent que l'article est accepté. Simplement, nous
vous demanderions d'ajouter, soit un paragraphe ou un article 15a). Je vais
vous lire le texte et je vous donnerai l'explication après: "La date de
la mises à Ia poste de la piainte constitue la date de réception
de ladite plainte par la commission."
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Mais ce n'est pas
prévu quelque part, un peu plus loin?
M. Desaulniers: Non, non, je ne crois pas que ce soit prévu par
la loi. Maintenant, si vous me le permettez, je vais vous dire pourquoi nous
faisons cette demande. La Commission des relations ouvrières a rendu une
décision sur ce problème. Si vous examinez le texte, on dit ceci:
"L'employé doit soumettre sa plainte par écrit à la
commission dans les quinze jours du conqédiement, de la suspension ou du
déplacement." Le mot "soumettre" sa plainte a été
considéré par la Commission des relations ouvrières comme
voulant dire "déposer" à la Commission des relations
ouvrières. Or, ceci veut dire - je donne ça comme exemple - que,
si je malle ma plainte, disons, le treizième jour, ou le deuxième
jour avant le quinzième jour, et que la commission est fermée
pour trois jours, comme la commission ne peut pas recevoir la malle, il n'y a
donc pas en ce moment de dépôt. Ce qui est arrivé en fait,
c'est que cette interprétation permet de renvoyer une plainte.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Desaulniers, j'ai eu
l'occasion d'en discuter avec la commission et votre théorie est admise,
ça devrait être a partir de la mise à la poste.
M. Desaulniers: Mais ça n'est pas dans la loi.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Seulement, on en avait
discuté et on s'est demandé si ça ne devait pas se faire
par règlement de la commission.
M. Bertrand (Missisquoi): Dès la mise à la poste, la
lettre...
M. Desaulniers: M. le Président, si je me souviens bien et ne
fais pas erreur, je crois que la loi de l'Ontario le prévoit.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice):
Le prévoit? M. Lesage: Du moment qu'une lettre est mise à
la poste, elle est la propriété du destinataire.
M. Desaulniers: M. le premier ministre, c'est ce que j'ai plaidé.
Malheureusement, on n'a pas admis que j'avais raison et, comme la
décision de la commission est finale, qu'on est en avant des opinions
même du premier ministre, je suis obligé de demander cela.
M. Lesage: Mais il faudrait, tout de même, prendre des
précautions et voir à ce que vous puissiez faire la preuve de la
mise à la poste.
M. Desaulniers: Nous l'avons faite. M. Lesage: Non, non mais...
M. Desaulniers: La preuve est nécessaire, si vous avez une
disposition disant que la date de la mise à la poste, vous devez
nécessairement en faire la preuve.
M. Lesage: C'est ça.
M. Desaulniers: Maintenant, si vous le permettez, M. le premier
ministre, je vous dirais ceci: Cela peut créer une injustice
sérieuse. Prenons, par exemple, un employé ou un salarié
de la Côte-Nord qui se fait congédier à un moment
donné. Avant d'obtenir tous les renseignements qui lui sont
nécessaires...
M. Lesage: M. Desaulniers, je ne discute pas le mérite de votre
argumentation.
M. Desaulniers: Je vous remercie, M. le premier ministre.
M. Lesage: Je ne faisais que dire que, dans mon opinion - mais,
évidemment, il y en a d'autres qui ne l'ont pas partagée - et la
vôtre, la mise à la poste n'a pas été
considérée suffisante.
M. Massicotte: Jean Massicotte. Nous n'avons certainement aucune
objection à la position de M. Desaulniers. même si cela augmente
encore un peu les délais.
M. Bellemare: M. Massicotte, vous avez un amendement à l'article
15.
M. Massicotte: M. Bélanger va parler.
M. Lesage: Voulez-vous m'excuser? Ce ne serait pas 15a) M. Desaulniers:
ce serait un deuxième paragraphe à 15 un deuxième
alinéa à 15. Il ne faut pas que ce soit 15a).
Deuxième alinéa de l'article 15: "Le salarié qui a
été congédié, suspendu ou déplacé
illégalement pour que des causes mentionnées à l'article
14 doit, lorsque dûment rappelé au travail par l'employeur,
reprendre son emploi dans les trois jours
d'avis à cet effet. En réintégrant ainsi son
emploi, le salarié aura droit à tous ses droits et
privilèges, et l'employeur devra lui payer le salaire dont l'a
privé le congédiement, la suspension ou le déplacement en
question. La reprise de son emploi par le salarié dans ces circonstances
ou son défaut de répondre à cet avis a pour effet
d'annuler toute plainte déjà déposée ou qui
pourrait l'être en vertu de l'article 14."
M. Desaulniers: Je n'ai pas d'objection. D'ailleurs, je profite de
l'occasion pour vous dire que le même problème va se soulever
lorsque nous arriverons à la présentation de la requête. Le
même problème se soulève, le même principe.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Bélanqer.
M. Massicotte, est-ce que vous avez quelque chose à dire?
M. Massicotte: Non, non. M. Girouard parlera.
M. Bélanger: M. le Président, hier, dans les remarques
générales, je vous ai soumis un cas concret qui est actuellement
devant la commission. Il s'agit de l'interprétation du mot
"congédiement". J'ai dit que, dans une ville que tout le monde
connaît, il y a eu des congédiements par avis légal,
après une décision du conseil. Plaçons-nous au 23 juillet
1961. Les employés reçoivent un avis de congédiement. Il y
a un bref d'injonction qui est accordé par la Cour supérieure et
qui défend à la ville de congédier les employés. Ce
bref-là est renversé par la Cour d'appel. Alors, il y en a qui
soutiennent que cela place les parties dans la situation ou elles
étaient le 23 juillet et ils soutiennent que l'avis de
congédiement ou la plainte de congédiement...
M. Gabias: Un instant, M. Bélanger, s'il vous plaît. C'est
parce que j'ai reçu un télégramme du maire Mongrain et je
pense que le président également en a reçu un. C'est un
télégramme assez violent; je ne prends pas la liberté de
le lire. Si le président veut le lire, cela lui appartient. Je crois
qu'il m'appartenait comme citoyen et comme maire de Trois-Rivières, de
souliqner le fait.
M. Bélanger: La violence ne me surprend pas. Est-ce que je peux
continuer?
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Oui, oui, allez-y.
M. Bélanger: Alors, voici ce qui arrive. Les employés ont
porté plainte au mois de février 1962 et on soutient que les
plaintes sont tardives parce que le congédiement réel
était au mois de juillet 1961, alors que ces employés-là
ont continué à travailler jusqu'en février 1962. Est-ce
que le mot "congédiement" ne pourrait pas être changé pour,
par exemple, "dans les 15 jours de son départ" afin qu'on clarifie cette
histoire-là? Il y a des bons avocats dans le comité: si vous
soutenez que le mot congédiement est suffisamment clair.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Pourquoi a-t-on
interprété ça ainsi?
M. Bélanger: C'est-à-dire que la décision de la
commission n'est pas rendue.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Ah non, non.
M. Bélanger: Mais, enfin, c'est l'objection que la ville a
apportée devant la Commission des relations ouvrières.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Et le congédiement
a eu lieu, disons, au mois de...
M. Bélanger: Au mois de juillet, même si les
employés sont demeurés au travail pendant...
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Les employés ont
continué de travailler jusqu'au mois de janvier.
M. Bélanger: Jusqu'au mois de janvier.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): La Commission des
relations ouvrières, pour moi, a assez de jugement pour trouver une
solution à ça.
M. Bélanger: Je pensais peut-être que vous pourriez vous
prononcer, ça nous aiderait.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Non, non, j'ai confiance
au jugement de la commission.
M. Bélanger: Ça fait que là, M. le
Président, si le code ne passe pas avant la décision de la
commission, si la décision était défavorable, on pourrait
peut-être suggérer de remplacer le mot "congédiement" par
un autre.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Article 15, alors?
M. Girouard (Jean): Au sujet de l'article 15, nous demandons d'ajouter,
selon le texte distribué, "et comparaître en personne à
l'audition". Je dois ajouter tout de suite que ceci est une suggestion
première et, si la commission avait des
pouvoirs, disons, de faire des remises en conséquence, je n'ai
aucune objection.
Voici le point de départ de notre demande. C'est qu'il y a des
plaintes de déposées et, selon les statistiques que vous avez
entendues tantôt, en très grand nombre. Sitôt
déposées, la commission en avise l'employeur. À cause de
son secrétariat souvent, nous constatons que ça prend un temps
assez long. Nous n'avons aucun détail, la plainte n'est pas
libellée, il faut se préparer pour aller devant la commission.
Ici, je fais une autre distinction qui est très importante. Lorsque
l'employeur visé est un employeur organisé au point de vue de ses
relations du personnel, le problème n'est pas tellement grave parce que,
avant de prendre sa décision, lui-même l'employeur, ou
forcément son directeur du personnel ou ses contremaîtres ont, je
dirais, justifiés vis-à-vis d'eux-mêmes leur geste. Ils ont
des dossiers, tout est fait et s'il s'agit d'aller devant la commission,
même s'il y a une présomption contre eux, ils sont en mesure, tout
de même, d'apporter ça. Mais le petit ou le moyen patron, lui, n'a
pas de directeur de personnel, n'a pas 40 contremaîtres chez lui. Il
prend ses décisions, le plus sauvent de mémoire. On me
répondra qu'à ce moment-là il agit peut-être trop
sentimentalement, peut-être. À ce sujet-là, j'ai un article
15a) que je vous suggérerai ensuite.
M. Bellemare: Sur votre article 15a), c'est simplement pour aviser
qu'après trois jours ça ne tient pas.
M. Girouard: Oui, tantôt, on reviendra à ça. Le
problème pour l'avocat qui reçoit l'employeur tout excité
avec ça, bien, écoutez, c'est terrible. Il faut se dire: Bien,
comment pouvez-vous justifier devant la commission le geste que vous avez
posé?
M. Gabias: Vous étiez là pour le tranquilliser.
M. Girouard: Oui. Vu que mon député me parle, j'ajouterai
que je fais partie du Barreau rural et...
M. Gabias: Moi aussi, d'ailleurs.
M. Girouard: Dans ces régions, le plus souvent, il y a beaucoup
de moyens et de petits patrons. Tout ceci pour dire que, même si nous
croyons avoir une bonne preuve à faire devant la commission, nous
comparaissons devant la commission et le plaignant n'y est même pas. Le
libellé de la plainte n'existe pas ou pratiquement pas. Nous sommes
privés automatiquement du droit de contre-interroger le plaignant. Il
faut tout de même savoir de quoi il se plaint, pourquoi il se plaint. Or,
en vertu de l'article 32 de la Loi des poursuites sommaires, on nous dit que le
plaignant n'est pas obligé de comparaître en personne s'i! est
représenté par avocat. Et, chose remarquable dans mon
expérience à moi, il y a toujours un avocat. Je le connais comme
étant toujours l'avocat de l'union ou du syndicat concerné. Je
pose la question si le plaignant est représenté.
Forcément, le confrère se lève et dit: "Je
représente le plaignant". Alors, quoi faire? On ne peut même pas
contreinterroger le plaignant. Je crois qu'il...
M. Fortin: Comment peut-il faire sa demande?
M. Girouard: Le document est là, la plainte est là. La
présomption est contre l'employeur et la commission dit: Faites votre
preuve. Or, nous sommes obligés, par précaution depuis cette
décision-là, d'assigner à nos frais - et j'insiste pour
dire que ma clientèle, ce sont surtout des petits et moyens patrons -
les plaignants qui viennent dans l'automobile de l'organisateur. Je crois qu'il
y a quelque chose qui manque. Il devrait y avoir comparution personnelle du
plaignant ou, s'il y a un avocat qui justifie son absence, que la commission,
à ce moment-là, remette la cause. Autrement, nous somme
absolument sans moyens.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Desaulniers.
M. Desaulniers: M. le Président, je dois dire que j'ai toujours
eu le plus grand respect pour les avocats des districts ruraux. J'en ai
rencontré plusieurs et je les ai toujours reconnus comme étant de
bons juristes.
Pour moi, il est absolument inconcevable qu'un avocat vienne plaider
devant ce comité que dans une cause, même si c'est devant la
Commission des relations ouvrières, qui est une cause de matière
civile il y ait dans la loi une obligation à la personne qui poursuit
d'être devant le tribunal. Un instant, vous êtes en présence
de matière civile lorsque vous plaidez sur une question de
congédiement et non pas sur une question pénale. Et, d'ailleurs,
la loi l'établit clairement parce que vous avez deux articles distincts
concernant les recours; un article, c'est le recours pénal, l'autre
article, c'est le recours civil.
Deuxièmement, si l'employeur considère qu'i! lui est
nécessaire d'avoir, pour établir sa preuve, le plaignant, les
dispositions de la Loi des relations ouvrières sont faites de telle
sorte qu'il peut assigner le plaignant et le plaignant est obligé de se
présenter devant la Commission des relations ouvrières.
M. Lesage: Monsieur, je pense que vous n'avez pas besoin de continuer
parce que,
dans ma pratique d'avocat, ça m'est arrivé comme avocat de
la défense d'assigner le demandeur pour être sûr de sa
présence.
M. Girouard: C'est parce que, M. le premier ministre, tantôt, on a
cité certaines statistiques. J'aurais voulu éviter d'être
obligé de le dire, mais depuis que les articles 21a) et suivants
existent, on en a fait une utilisation maximum, et c'est devenu un moyen
d'organisation et de chantage.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Les statistiques que j'ai
données tantôt ne sont plus valables aujourd'hui parce que la
procédure a été changée depuis ce
temps-là.
M. Marchand: Nous l'avons expliqué.
M. Gabias: M. le Président, si vous me le permettez. M. Girouard,
est-ce qu'il y a quelque chose qui vous empêche de demander à la
commission d'assigner le plaignant?
M. Girouard: Le cas où le juge Lespérance a exigé
de l'avocat Filion à Montréal - je ne me souviens pas du nom, par
exemple - qu'il procède. Il a été pris de court. Pour ma
part, je n'ai jamais pris cette chance-là. Mais c'est toujours aux frais
de l'employeur en question.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Dans les causes civiles,
si vous assignez le demandeur, vous lui envoyez tous les frais de
déplacement.
M. Desaulniers: M. le Président, c'est inconcevable. Voyons,
c'est à croire, moi, que je vais aller en cours civile.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Choquez-vous pas, M.
Desaulniers.
M. Gabias: Votre affaire allait bien, choquez-vous pas.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Vous paraissez si bien
quand vous ne vous choquez pas.
M. Bellemare: Vous pourriez retourner le compliment au
président.
M. Desaulniers: M. le Président, je suis déchoqué.
Ce que je veux dire, c'est ceci: Est-ce que vous croyez convenable que j'arrive
en Cour supérieure et que je dise au juge: Le demandeur n'est pas venu
et j'ai oublié de l'assigner. Voulez-vous, s'il vous plaît,
remettre la cause? C'est à peu près ça que mon
confrère dit.
M. Lesage: Délibéré.
M. Girouard: Nous avions maintenant l'article 15a). Peut-être
qu'on pourrait le disposer à un autre endroit. Il se
réfère mot à mot à l'article 17.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): À l'ordre.
M. Bellemare: Est-ce que c'est trois jours du rappel?
M. Girouard: Oui, oui, à 15a) que nous suggérons.
M. Bellemare: Oui.
M. Girouard: L'histoire de ceci se réfère à
l'article 17c).
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): À l'ordre.
M. Bellemare: Quand l'employeur, après trois jours d'avis formel,
adressé, s'il ne se présente pas... Vous voulez actuellement que
cet amendement-là, qui a pour effet d'annuler toute plainte
déjà déposée, soit inséré dans notre
article 14.
M. Girouard: Oui, ceci se réfère à l'article 17c)
du mémoire des patrons au Conseil supérieur du travail. Et
l'histoire encore est celle-ci...
M. Bellemare: Oui, mais dans la Loi des relations ouvrières,
à l'article 21c) il y avait une disposition.
M. Girouard: Non, il y a une disposition une fois que la décision
par la commission est rendue.
M. Bellemare: Oui.
M. Girouard: L'objet de l'article 15a) que nous suggérons - vous
pourrez le disposer à un autre endroit - c'est celui-ci. C'est qu'un
employeur, même de bonne foi et surtout de bonne foi, pose un geste
aujourd'hui. À ce moment précis, il ne sait pas qu'une
organisation syndicale est en cours chez lui, pas du tout. Il apprend, trois,
quatre ou cinq jours après, qu'on lui reproche telle chose pour un
déplacement, une mise à pied ou même un
congédiement. D'où immédiatement la réalisation
qu'il y a une organisation syndicale. Là encore, la distinction vaut
entre ceux qui sont organisés au point de vue service de personnel et
ceux qui ne le sont pas. Immédiatement consultation chez un procureur
qui dit: Étant donné la présomption, on ne pourra pas
faire une preuve suffisante. Alors, immédiatement, on devrait pouvoir
rappeler l'employé et le réintégrer dans ses fonctions en
payant ce qu'il aurait peut-être perdu. Mais, à ce
moment-là, on ne voudrait pas que ça reste
un moyen de pression vis-à-vis de l'employeur en vue des
négociations qui doivent suivre.
M. Bellemare: Oui, mais ça, ce sont des craintes qui ne peuvent
pas se justifier, parce que ce n'est rien que des présomptions que vous
avez la, avec un article comme celui-là.
M. Girouard: Mais non. Au moment où l'employeur réalise
qu'il y a eu une plainte déposée contre lui, là, il dit:
Il s'est passé quelque chose. Maintenant, évidemment, il cherche
à savoir qu'est-ce qu'il doit faire avec ça. Et, à ce
moment-là, nous nous rendons compte qu'il ne peut pas lutter contre la
présomption.
M. Bertrand (Missisquoi): Pourquoi, M. Girouard, dans un cas comme
celui-là, l'employeur ne peut-il pas immédiatement le
réengager?
M. Girouard: Précisément, M. Bertrand...
M. Bertrand (Missisquoi): A ce moment-là, je pense bien que
l'employé ne persistera pas avec sa plainte.
M. Girouard: Ah, c'est là qu'est le problème.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Girouard, l'article 17
ne vous plaît pas?
M. Girouard: Pardon?
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): L'article 17 ne vous
satisfait pas?
M. Lesage: "... jusqu'au jour où il a été
rappelé au travail. Si le salarié a travaillé ailleurs su
cours de la période précitée, le salaire qu'il a ainsi
gagné doit être déduit de cette indemnité". Il n'est
même pas question de trois jours: à partir du jour où il
est rappelé au travail.
M. Girouard: Voici ce que nous demandons: si ce geste est posé,
il s'agit de l'effacer, autrement dit. Oui, évidemment, si ce geste est
posé avant le jugement rendu, c'est-à-dire immédiatement
après que la commission a avisé l'employeur de ce qui vient de se
passer, nous voudrions qu'à ce moment-!à on règle
l'affaire moyennant le paiement de tout. C'est toujours une leçon, je
dois le dire, pour le patron de bien organiser son département du
personnel ou, du moins, d'avoir une certaine fiche du personnel. Alors il paie,
mais on se dit que la plainte demeure.
M. Lesage: Oui, mais c'est la garantie de l'employé qui a
été congédié, ça, M. Girouard. Moi, je ne
vois pas comment 15a) peut vous aider quand vous avez 17. Je vous le dis bien
franchement. Il me semble que l'employeur a toutes les garanties que, s'il
rappelle l'employé, l'union confesse jugement à ce
moment-là. Quand il le rappelle, il confesse jugement et admet qu'il l'a
renvoyé sans faute. Il le réengage, il le reprend, la plainte
reste là et c'est la garantie de l'employé.
M. Massicotte: M. le premier ministre, je pense que vous avez raison.
C'est parce que nous avions l'impression, jusqu'à un certain point, que
le troisième paragraphe de l'article 21c) n'avait pas été
amendé. Mais là il est amendé.
M. Lesage: Il a été amendé par l'article 17.
M. Girouard: Si on me disait que l'article 17 répond exactement
et efface la plainte, pas d'objection.
M. Lesage: Lisez l'article 17 dans le bill.
M. Bertrand (Missisquoi): Cela donne la qarantie.
M. Lesage: Pourquoi alors?
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, vous retirez votre
amendement, monsieur?
M. Girouard: En autant que... D'accord. M. Bertrand (Missisquoi): Alors,
retiré.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, l'article 16?
M. Crête: Si vous me le permettez, M. le Président
l'article 16 prévoit que lorsqu'il a été établi
à la satisfaction de la commission qu'un salarié exerce un droit
qui lui résulte de la loi, à ce moment et à cette
condition, il y a présomption en sa faveur d'un congédiement
illégal et il y a le fardeau de la preuve contre l'employeur.
M. Lesage: C'est votre remarque, ça.
M. Crête: Pardon? À 16, oui. Si la commission...
M. Lesage: Bien oui, il y a une présomption en sa faveur.
M. Crête: Il y a présomption et le fardeau de la preuve est
contre l'employeur. Nous suggérerions, M. le Président que, pour
établir que l'employé exerce un droit qui lui
résulte de la loi, il y ait une préenquête
déterminée et connue des parties.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Avec notre système
de médiateur, ça va simplifier le problème, parce
qu'immédiatement quand la plainte est portée on a un
médiateur qui se trouve à peu près à faire ce qu'on
peut appeler la préenquête. Je ne peux pas voir...
M. Crête: Même dans le système de la conciliation, il
arrive que nous ne sommes pas exactement au courant de la position de la partie
adverse, ni de ses prétentions. Enfin, c'est une suggestion que nous
faisons avec autant d'objectivité que possible pour les raisons
suivantes. Nous espérerions que ça éliminerait certaines
plaintes, disons, futiles, que ça pourrait raccourcir les délais
et rendre le travail de la commission plus effectif, également,
ça réduirait le préjudice possible tant pour l'employeur
que pour le salarié qui est en dehors pendant toute cette
période. Je ne voudrais pas tromper le comité, mais un avocat
d'expérience dans le domaine m'a dit que cette préenquête
existait dans les lois ontariennes.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): M. Crête, je pense
qu'elle existe à peu près comme elle existe aujourd'hui chez
nous. C'est que nous avons des médiateurs qui, dès qu'une plainte
est portée, vont voir les parties, se renseiqnent et font rapport
à la commission immédiatement.
M. Crête: Évidemment, je peux parler d'expérience
personnelle peut-être, mais...
M. Bellemare: Si vous lisez, M. Crête, l'article 21d de la Loi des
relations ouvrières, vous allez voir, à mon sens, qu'il y a une
amélioration sensible.
M. Fortin: M. Crête, au point de vue pratique, vous avez, devant
un tribunal, un ouvrier qui a été congédié. Le
patron dit: Dehors. Il arrive devant le tribunal, puis le juge dit: Monsieur,
prouvez que vous avez été congédié pour
activités syndicales. Comment voulez-vous qu'il fasse cette preuve?
M. Crète: Bien, voici, M. le ministre, comment ça se
présente. Un employé peut avoir été
congédié pour activités syndicales légales ou
illégales. S'il s'agit d'activités syndicales illégales,
le patron peut être parfaitement en droit de le congédier. Mais on
ne le sait pas, ça - et c'est arrivé devant la commission - sans
préenquête, évidemment. On ne sait pas à quel moment
et à quelles conditions. Nous avons le fardeau de la preuve et
l'employé a la présomotion en sa faveur.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Je crois qu'on a
prévu votre suggestion en établissant un médiateur, M.
Crête.
M. Crête: Bien, évidemment, je ne veux pas contredire.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Évidemment,
ça ne fait pas tellement longtemps.
M. Crête: Parce que notre expérience a été
contraire, c'est seulement à l'audition que la commission a
déterminé et nous a indiqué si l'employé avait
exercé un droit résultant de la loi.
M. Gabias: Vous avez raison.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Article 16 en
délibéré. Article 1.7, cela va; on l'a
étudié avec 14. Article 19?
Prescription quant au recouvrement de
l'indemnité
M. Desaulniers: Le texte de l'article 19 est accepté, sauf que
nous suqqérons au comité d'inclure la prescription d'un an. M. le
Président, si je considère la décision de la commission,
elle équivaut à un jugement. Une décision de la commission
équivaut à un jugement. Nous ne sommes pas ici pour
réclamer la prescription trentenaire, mais nous considérons que
la décision de la commission est un jugement; elle reconnaît
l'existence d'un droit au moment où le jugement est rendu. Je crois que
c'est l'interprétation que l'on doit donner au jugement de la
commission. Or, si nous référons...
M. Lesage: M. Desaulniers, je ne comprends pas très bien.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Six mois à partir
du huitième jour qui suit la décision de la commission.
M. Lesage: La Prescription, c'est pour faire la déclaration.
M. Desaulniers: Oui, oui.
M. Lesage: Bon, alors, ce n'est pas un jugement de la commission qui
donne ouverture au droit: l'ouverture au droit existe au moment...
M. Desaulniers: C'est-à-dire que le recours existe, mais c'est le
jugement qui décide de l'existence du droit, oui le constate; il ne le
crée pas.
M. Lesage: Très bien, mais ne parlez pas d'ouverture du droit,
parlez de
l'existence.
M. Desaulniers: De l'existence, il le constate.
M. Bellemare: M. Desaulniers, est-ce que l'article 59 du nouveau code ne
s'applique pas dans ce cas?
M. Provost Non, parce que c'est une convention collective.
M. Desaulniers: Si vous me le permettez, sans vouloir sauter d'article,
je veux simplement souligner que...
M. Lesage: Je voudrais que vous justifiiez pourquoi on donnerait un
délai d'un an à un salarié congédié pour
avoir recours a cette procédure.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): C'est une question de
jugement.
M. Desaulniers: Parce que le jugement de la commission, comme vous
l'avez dit, M. le premier ministre, à ce moment, constate le droit de
l'individu. Or, le droit à son salaire, c'est à partir de la
décision. Me reportant aux prescriptions du Code civil, je vois que la
prescription est d'un an.
M. Lesage: Est-ce que vous avez eu connaissance que des ouvriers aient
été lésés?
M. Desaulniers: C'est-à-dire que cette prescription de six mois
n'existait pas avant. Maintenant, si vous me le permettez, je veux faire ici un
parallèle. Sur la question de la sentence arbitrale, nous allons aussi
suggérer une prescription d'un an.
Maintenait, je dois dire que le problème est actuellement devant
la Cour d'appel, parce que la Cour d'appel, suivant les dispositions de la Loi
des relations ouvrières telle qu'elle est et de la loi des services
publics, doit décider actuellement si, lorsqu'une sentence est rendue,
nous sommes en face d'une prescription trentenaire, d'une prescription d'un an
ou d'une prescripton de six mois en vertu de l'article 24 de la Loi des
cités et villes. Alors, quelle va être la décision de la
Cour d'appel? Je ne le sais pas. Mais la prétention que nous avons
soutenue devait la Cour d'appel, c'est que la prescriotion de six mois
mentionnée dans la Loi des cités et villes ne s'appliquait pas et
qu'on devait appliquer la prescription, soit d'un an ou trentenaire.
M. Fortin: Est-ce que ça n'a pas été soulevé
dans une cause de la cité de Sherbrooke?
M. Desaulniers: C'est soulevé dans une cause de la ville de
Malartic.
M. Lesage: M. Desaulniers, on a une prescription de cinq ans dans nos
lois pour les dettes; évidemment, on donne une prescription parce qu'on
veut donner une chance au débiteur. On lui demande de nous payer.
M. Bertrand (Missisquoi): C'est un an, deux ans, suivant le cas.
M. Lesage: Bon, ensuite, dans le cas des blessures corporelles, c'est
deux ans.
Mme Kirkland-Casgrain: Blessures corporelles, c'est un an.
M. Lesage: Un an pour les blessures corporelles. C'est vrai qu'au bout
d'un an il faut faire une demande incidente parce qu'on ne sait pas où
l'on va. Mais voici qu'ici on a un jugement de la commission qui est la base de
l'action et à six mois, M. Desaulniers, voyons!
M. Desaulniers: Je n'ai plus besoin de parler, M. le premier
ministre.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, l'article 19?
M. Gabias: M. le Président, seulement une question. La commission
et la partie peuvent toutes deux poursuivre en recouvrement. Vous ne pensez pas
qu'à un moment donné les deux parties pourront poursuivre pour
recouvrement. Qu'est-ce qui va se produire à ce moment?
M. Renault: Je ne sais pas. M. Gabias. est-ce que vous crovez que la
commission comme telle peut poursuivre'' Je ne le crois pas.
M. Gabias: Je le comprends comme ça, dans le troisième
paragraphe.
M. Renault: Oui, "l'action en recouvrement de l'indemnité par le
salarié ou la commission est intentée devant le tribunal
compétent en raison du montant réclamé". Je ne connais pas
encore de moyen pour la commission de prendre des poursuites. Enfin, si comme
telle la commission le couvait, ce dont je doute, bien, j'admets avec vous
qu'on aurait une cause de répétition de l'indu. peut-être,
si on était pris de cette façon ou encore en Cour
supérieure, avec une exception à la forme...
A tout événement, pour le moment, M. Gabias, je dois dire
que je n'avais pas prévu ce problème.
M. Girouard: Après l'article 18, M. le Président, ou
à l'endroit que vous voudrez,
pour les raisons déjà énoncées et
étant donné que nous avons pu personnellement constater que
même, parfois, le banc à la Commission des relations
ouvrières eût été heureux de pouvoir le faire, dans
les cas de plaintes frivoles, de contestations frivoles, nous demanderions que
la commission puisse statuer sur les frais, qu'elle établisse ce qu'elle
voudra ou que les parties établissent les dépenses encourues
inutilement dans des circonstances comme ça. La commission aurait le
pouvoir de statuer. Certaines gens prétendent qu'elle a le pouvoir,
d'autres disent que non.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, l'article 19,
adopté: Article 20?
L'accréditation
M. Provost: M. le Président, à l'article 20, se
présentait un problème, dans la loi actuelle, qui est rendu en
Cour suprême. Le règlement no 1 excluait du droit d'organisation
les ouvriers de moins de seize ans. Les tribunaux ont prétendu
jusqu'à maintenant - je ne sais pas ce que décidera la Cour
suprême - que, par le fait même, il restreignait la
définition de "salarié" qui est dans la loi. Nous sommes
organisés de telle façon que, si la Cour suprême maintient
la décision de la Cour d'appel, dans le nombre total des
salariés, on comptera ceux qui ont moins de seize ans, mais, d'un autre
côté, nous n'avons pas le droit de les organiser à cause du
règlement no 1. Alors, nous vous demandons ici, au comité, de
décider. Nous préférerions que les moins de seize
ans...
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Qu'ils restent à
l'école?
M. Provost: Qu'ils restent à l'école, mais s'ils
travaillent, si on leur donne des permis pour travailler - il y en a toujours
trop - ils doivent avoir les mêmes droits que les autres travailleurs.
Alors, il faudra prévoir que le règlement no 1 ne contienne pas
d'exclusion pour les moins de seize ans ou, si le gouvernement décide de
les exclure, il faudra que ce soit prévu dans la loi.
M. Bellemare: Il y a un autre point de vue dans cet article de
l'accréditation qui me frappe d'une manière particulière.
Le règlement no 1 de la Commission des relations ouvrières impose
deux conditions vitales pour l'accréditation. La Commission des
relations ouvrières dit dans son règlement que le
caractère de bonne foi, premièrement, et, deuxièmement, le
caractère représentatif sont des conditions essentielles. Ici,
dans l'article, vous avez "la majorité absolue" qui représente
bien le caractère représentatif, mais je serais très
heureux si on ajoutait, par exemple: A droit à l'accréditation
l'association de salariés "de bonne foi", parce qu'en vertu du
règlement no 1 de la Commission des relations ouvrières on
l'exige. On dit que le caractère de bonne foi et le caractère
représentatif sont des conditions très essentielles qui sont
requises pour avoir droit à un certificat de reconnaissance. Alors, je
pense que ça serait à l'avantage de tout le monde, et de la
sécurité syndicale, puisqu'on l'a ajouté au début,
dans la définition, qu'on dise ici: l'association de salarié "de
bonne foi".
M. Lévesque (Montréal-Laurier): On pourrait le prendre en
délibéré.
M. Bellemare: C'est sûr, en délibéré, mais je
ferais une suggestion qu'on puisse le prendre en délibéré
si...
M. Desaulniers: M. le Président concernant la remarque faite par
l'honorable député de Champlain, je dirais ceci. Si l'honorable
député veut inclure dans la loi union, "de bonne foi", il faudra
nécessairement que les législateurs, s'ils désiqnent une
union comme étant de bonne foi, sachent au moins ce qu'est une union "de
bonne foi". Or, vous n'avez pas dans la loi de désignation de l'union de
bonne foi.
M. Bellemare: Il est question d'associations de salariés.
M. Desaulniers: Si je comprends l'esprit de la loi,
l'accréditation est basée sur le fait que l'association a un
caractère représentatif. C'est l'esprit de toute la loi. Sur le
caractère "de bonne foi", vous ne pouvez pas déterminer, n'est-ce
pas, ce qu'est la bonne foi ou mettre ces mots dans l'article 20 si on ne sait
pas ce qu'est la bonne foi.
M. Bellemare: M. Desaulniers, vous avez saisi mon point de vue. Vous
savez où je veux aller. Vous me comprenez comme deux et deux font
quatre. Je pense que ce que je suggère est à l'avantage de tout
le monde. Dans le règlement premier, en partant, de la Commission des
relations ouvrières, ces deux conditions sont formelles: d'abord, le
caractère de bonne foi et, ensuite, le caractère
représentatif.
M. Desaulniers: Mais est-ce nécessaire de le mettre dans la
loi?
M. Bellemare: Bien, nécessaire. Vous allez dire: En 1953,
c'était peut-être nécessaire; en 1963, ça ne l'est
pas. Comme le disait le ministre du Travail, on a affaire à un peuple
d'adultes. Dans ce cas-là, il y a bien des articles qu'on a
adoptés depuis ce matin dont on n'aura pas besoin.
M. Marchand: M. Bellemare, c'est parce que, dans le règlement no
1, si vous le lisez comme il le faut - vous n'avez lu que le premier article -
à l'article 2, on définit ce qu'on entend car la bonne foi.
Alors, qu'est-ce qu'une union de bonne foi? C'est une union qui a
déposé en double sa requête en reconnaissance, qui doit
produire le texte d'une résolution, etc. C'est ça. Si vous
employez simplement le terme, là il est défini, on sait
exactement ce que c'est.
M. Bellemare: M. Marchand, c'est qu'à mon sens la Commission des
relations ouvrières qui doit être formée va
répéter ces règlements. Bon! Si elle l'inclut?
M. Marchand: C'est parce que, si vous mettez simplement dans la loi
"caractère de bonne foi", vous faites entrer un élément
discrétionnaire, tandis que, dans le règlement, ce n'est pas un
élément discrétionnaire. C'est défini. Alors, ce
n'est pas du tout la même chose de le mettre dans la loi et de le laisser
dans le règlement.
M. Bellemare: M. Marchand, vous savez pourquoi j'insiste. Je ne veux pas
aller contre le comité, ni contre la délibération qui sera
faite à ce sujet. Mais, pour tout le monde, je pense que ça
serait avantageux. Vous allez me dire...
M. Marchand: Je pense, M. Bellemare, qu'il ne faut pas ramener les bills
19 et 20.
M. Bellemare: Ah non! Je vous ai vu venir sur ça. Je suis au XXe
siècle, moi aussi. Je suis bien conscient des responsabilités qui
nous incombent. Ce n'est cas pour rappeler le bill 19 qui disparaît par
cet article. C'est sûr, je le comprends. Pardon?
M. Marchand: On comprend la même chose.
M. Bellemare: Ah oui! Vous savez aussi où je vais: vous me voyez
aller. Mais je pense que ça serait, pour tout le monde, juste et
raisonnable que, dans les règlements qui vont être faits, oui vont
être répétés par 'a Commission des relations
ouvrières, ces deux principes fondamentaux, l'expression "de bonne foi"
et l'expression de la garantie au point de vue majoritaire, soient inclus.
M. Provost: Pas dans la loi.
M. Marchand: Si c'est dans la loi et que vous ne le définissez
pas, c'est là que vous avez un élément
discrétionnaire. Si vous répétez les mêmes
conditions dans la loi, évidemment, je n'ai peut-être pas
d'objection, mais si vous employez simplement le terme "de bonne foi", vous
entrez...
M. Bellemare: En délibéré.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Article 20? L'amendement
vient de qui à l'article 20?
M. Bertrand (Missisquoi): Des employeurs.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Des employeurs.
Amendement suggéré par M. Girouard (API) à
l'article 20. "A droit à l'accréditation l'association de
salariés groupant la majorité absolue des salariés d'un
employeur ou l'association d'employeurs pour ses membres qui l'ont
mandatée. "Selon les décisions de la commission, ce droit existe
envers la totalité des salariés de l'employeur ou envers chaque
groupe desdits salariés que la commission, après avoir entendu
les représentants de l'employeur, déclare devoir former un groupe
approprié pour les fins du présent code. "Dans la
détermination du groupe approprié, la commission doit tenir
compte des caractéristiques particulières à l'entreprise
de l'employeur visé."
M. Girouard: Jean Girouard, avocat. M. le Président, il existe
actuellement des associations d'employeurs qui, se prévalant de la Loi
des relations ouvrières, ont été
accréditées. Si un certificat de reconnaissance peut être
obtenu pour une association de salariés, l'ancienne loi d'ailleurs
prévoyait le même droit pour une association d'employeurs. Dans
les définitions que nous avions suggérées au début,
nous avions prévu le cas de l'association d'employeurs
accréditée. Le but du certificat, c'est d'obliger le patron
à changer avec le détenteur du certificat pour les ouvriers. Vous
avez exactement la réciproque dans le cas de l'association d'employeurs
qui est reconnue, c'est-a-dire certifiée. Alors, c'est nourauoi nous
demandons, au premier paragraphe, d'ajouter "ou l'association d'employeurs pour
ses membres qui l'ont mandatée."
Voici maintenant pourquoi. Lorsqu'une association d'employeurs demande
un certificat de reconnaissance, elle prouve à la commission qu'elle
existe, qu'elle a suivi ses règlements, qu'un tel et un tel sont bien
parmi ses membres. Cependant, la commission exiqe toujours qu'il y ait un
mandat spécifique de donné par cet employeur, membre de son
association. La raison est très simple. Nous ne voulons pas que
l'association d'employeurs, à ce moment-là, devienne
accréditée pour représenter tous ses membres parce que,
dans les associations
d'employeurs qui existent actuellement, vous constaterez qu'il y a
beaucoup d'autres buts que celui unique et exclusif de la représentation
an négociation et le certificat est donné "pour ses membres qui
l'ont mandatée". D'ailleurs, c'est exactement ce qui se fait
actuellement. Nous demandons que ça continue d'exister. Cela, c'est pour
le premier paragraphe.
Au second paragraphe, l'idée, c'est que nous disons qu'une
accréditation n'est pas la chose unique d'un groupe de salariés.
Ils ont leurs buts, ils ont leur point de vue. Ils demandent d'être
reconnus pour tel groupe de salariés, pas la totalité: le plus
souvent, c'est pour un groupe Qu'ils essaient de définir. Nous disons
ceci: Lorsque la commission émet un certificat de reconnaissance et
donne, si je puis dire, un acte de baptême à une asscciation
d'employés avec qui l'employeur va transiger et va vivre, le but de la
loi, c'est précisément qu'ils s'entendent bien, qu'ils aient la
paix. Or, si, au départ, la commission a émis le certificat sans
tenir compte de l'entreprise de l'employeur, de sa nature propre, de ses
activités propres, elle risque - c'est arrivé - d'émettre
un certificat qui a pour effet de chambarder toutes les structures de
l'entreprise. À ce moment-là, au point de départ, vous ne
réalisez pas la première condition qui pourrait aider à
avoir précisément la paix dans l'entreprise.
M. Lévesque (Montréal-Laurier): Je ne comprends pas.
Voulez-vous donner un exemple?
M. Marchand: Je vais vous en donner un, si vous voulez, et, en
même temps, je vais vous dire pourquoi ça ne tient pas. Les
syndicats sont certifiés par unités d'entreprises,
c'est-à-dire que, si le syndicat qui a un certificat décide de
signer une convention collective avec un employeur, nous autres, on peut tenter
d'exercer des pressions surtout si c'est dans un large secteur et si ça
peut avoir une incidence sur d'autres syndicats, on peut essayer de le
convaincre de ne pas siqner. Mais légalement on ne peut rien faire; si
le syndicat décide de signer, il signe. Si l'employeur est membre d'une
association patronale certifiée, il arrive, à un moment
donné, dans un groupe d'employeurs, que nous autres, lors des
négociations, on réussit à en convaincre un qu'il devrait
signer cette convention collective. Qu'est-ce qui est arrivé dans le
passé? C'est que l'association patronale s'est opppsée à
ce que la convention soit signée. Or, si vous accordez à
l'association patronale ce droit, nous allons demander le droit de certifier
nos fédérations professionnelles et même la
confédération. Puis, à un moment donné, on pourra
empêcher les syndicats de siqner. Alors, je pense que ce droit est abusif
et, dans le passé, ça a donné lieu à des abus
considérables.
Le Président (M. Hamel, Saint-Maurice): Alors, si vous voulez, on
va dormir là-dessus et, demain matin, on ppurra continuer. On pourra
reprendre cela demain matin, entre 10 h 45 et 11 heures, parce qu'on a quelque
chose à faire avant. Maintenant, au lieu de mardi, nous ajournerons,
demain à 17 heures, jusqu'à mercredi après-midi, 15
heures.
Une voix: Cela, c'est bien. (Fin de la séance)