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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mardi 11 avril 1978 - Vol. 20 N° 25

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 70 - Loi constituant la Société nationale de l'amiante


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 70

Loi constituant la Société

nationale de l'amiante

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, messieurs!

Les membres de la commission pour la présente séance sont: M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) en remplacement de M. Raynauld (Outremont).

Les intervenants sont: M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Godin (Mercier), M. Raynauld (Outremont) en remplacement de M. Garneau (Jean-Talon), M. Landry (Fabre), M. Ciaccia (Mont-Royal) en remplacement de M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda).

M. Lalonde: M. le Président, avant l'appel des membres, je pense qu'on avait indiqué au député de Frontenac notre refus de commencer les délibérations de cette commission en l'absence du ministre. Je ne sais pas pourquoi vous avez appelé les membres.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est parce que le règlement me dit que lorsque je constate qu'on a quorum, je dois commencer, ministre ou pas ministre. On avait quorum.

M. Lalonde: Cela va.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le quorum est atteint. Il est de cinq membres; nous sommes huit membres.

M. Grégoire: On ne veut pas brusquer l'Opposition. Le ministre est allé au Conseil du trésor à 8 h 45 ce matin, car il avait trois dossiers à faire passer. On me dit que cela ne tardera pas. Si vous voulez une suspension ou si vous préférez, on peut commencer et...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous sommes à étudier la motion du député de Saint-Laurent. C'est le député de Richmond qui avait la parole. M. le député de Richmond.

M. Brochu: J'avais terminé mon intervention.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous aviez terminé?

M. Brochu: Pour le moment.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous sommes à étudier la motion du député de Saint-Laurent...

M. Brochu: C'est avant l'étude l'article 4, c'est une motion visant...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... qui avait trait à des investissements supplémentaires au coût d'achat. Il vous reste neuf minutes, vous ne les utilisez pas?

M. Brochu: Pas pour le moment.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord.

M. Lalonde: M. le Président, j'avais l'intention de faire une intervention sur cette motion, mais en attendant le ministre, je vais demander qu'on suspende les débats de cette commission. J'espère que les députés ne me forceront pas à faire une motion.

M. Grégoire: On ne vous forcera pas. Cependant, je vais faire un appel au député de Marguerite-Bourgeoys. Etant donné que jeudi après-midi et jeudi soir, on ne siégera pas pour permettre à nos amis d'en face de mieux se préparer à leur travail, dans le cadre de leur congrès, cela donne une semaine plus courte. Etant donné la collaboration qui a existé pour suspendre jeudi les délibérations de la commission pour vous permettre justement de vous absenter, ne pourrait-on pas vous demander un peu cette même collaboration, étant donné qu'on a seulement deux jours de travaux cette semaine, pour qu'on puisse continuer en l'absence du ministre? S'il n'est pas ici, ce n'est pas par mauvaise foi, mais parce qu'il a dû aller au Conseil du trésor pour discuter de dossiers urgents.

Si le député de Marguerite-Bourgeoys est prêt à nous offrir cette collaboration, très bien; sinon, on va suspendre. Je vous demanderais quand même de nous donner cette collaboration. Sinon, on acceptera de suspendre, comme le député nous le demande.

M. Forget: M. le Président, je ne voudrais pas que les gestes de courtoisie qui sont traditionnels à l'Assemblée nationale vis-à-vis des partis politiques qui, à l'occasion, font face à un congrès annuel ou à un congrès d'orientation, ou à un congrès au leadership — cela s'est fait du temps de l'ancien gouvernement; lorsque le Parti québécois avait des congrès également, nous suspendions nos travaux — servent d'argument pour se lancer dans d'autres pratiques au point de vue du problème qui est devant nous ce matin, par exemple, l'absence du ministre à nos travaux.

Je crois qu'il n'y a jamais eu de tradition créée dans le sens que des ministres pouvaient ne pas être présents aux travaux de commissions parlementaires. D'ailleurs, c'est bien connu que — on pourrait dire bien des choses là-dessus — le ministre est, dans une certaine mesure, le patron de la commission parlementaire. C'est plus vrai à l'Assemblée nationale du Québec que dans tous les autres Parlements. Dans d'autres Parlements, il y a

d'autres traditions. Je ne voudrais pas qu'on s'en éloigne, à moins de le faire systématiquement et de façon générale. Je crois qu'il y aurait de grands avantages à ce que l'importance du rôle des ministres, quel que soit le ministre en question, soit diminuée dans les commissions parlementaires. Mais on n'abordera pas une réforme parlementaire par le biais d'une question incidente, l'absence du ministre, en dehors de changements dans nos règles de fonctionnement.

Pour ce qui est de ne pas siéger jeudi, encore une fois, c'est une règle élémentaire de courtoisie, dans les circonstances. Je ne pense pas que cela doive être négocié en échange de quelque chose d'autre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De toute façon, ce que j'ai à dire, c'est qu'il y a une motion actuellement en délibération. A moins d'avoir le consentement unanime, l'autre motion ne peut être présentée actuellement. Y a-t-il consentement unanime pour la présentation de la motion du député de Marguerite-Bourgeoys? On ne peut pas étudier deux motions en même temps. C'est une motion qu'il a faite en bonne et due forme. Pour qu'elle soit recevable, il faudrait suspendre l'étude actuellement en cours d'une autre motion, celle du député de Saint-Laurent. Pour cela, cela prend le consentement unanime, parce qu'il y a actuellement une motion devant nous. On ne peut pas sauter de motion en motion...

M. Brochu: Par contre, M. le Président, si vous permettez, j'ai cru comprendre, par ce que le député de Frontenac a indiqué, qu'il s'agissait simplement que les députés de l'Opposition indiquent s'ils consentaient à continuer ou non. Je pense que cela ne prend pas une motion en bonne et due forme, d'après les propos du député de Frontenac. S'il y a consentement unanime pour qu'on suspende en attendant l'arrivée du ministre ou non, je pense qu'il s'agit simplement que l'Opposition dise si elle est d'accord ou non d'après les propos que nous avons tenus.

M. Grégoire: Oui, j'ai nettement indiqué que si l'Opposition était prête à continuer, on continuerait, sinon, on consentirait à l'ajournement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Qu'est-ce qui arrive? Les travaux de la commission sont suspendus.

(Suspension à 10 h 22)

(Reprise à 10 h 32)

Le Président (M. Laplante): La parole était, je crois, au député de Saint-Laurent.

M. Lalonde: Au député de Mont-Royal.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mont-Royal.

Objets de la société (suite)

M. Ciaccia: M. le Président, dans la motion que nous présentons, nous demandons que le ministre des Richesses naturelles distribue les études qui ont été préparées concernant les investissements supplémentaires au coût d'achat que le gouvernement devra faire pour améliorer les installations. Je crois que le gouvernement a admis qu'il sera nécessaire de faire des améliorations; je crois même qu'il est de notoriété publique que l'usine et les installations d'Asbestos Corporation, apparemment, sont les plus désuètes, sont celles qui ont le plus besoin d'améliorations. Personne n'a contredit ce fait, cela a été constaté par tous ceux qui ont fait des interventions en commission, même par les invités qui sont venus ici pour faire valoir leur point de vue sur la nécessité ou sur le besoin d'acquérir Asbestos Corporation ou non.

La première question qu'on pourrait poser est: Est-ce que le gouvernement a vraiment fait son ouvrage? Est-ce qu'il s'est préparé pour l'acquisition de cette compagnie? Est-ce que des études ont été faites? C'est la première chose que le gouvernement devrait nous dire, s'il y a vraiment des études pour démontrer le coût de ces améliorations. Deuxièmement, je crois qu'il serait tout à fait normal, pour nous, d'avoir une copie de ces études pour pouvoir examiner le coût des améliorations; autrement, c'est une négociation dans laquelle le gouvernement s'engage, sans donner d'information au public, sans informer la commission. Il nous demande de lui donner un chèque en blanc, ce qui ne serait pas raisonnable; on manquerait à nos responsabilités et je crois que le gouvernement lui-même manquerait à ses responsabilités. Si vraiment des améliorations sont nécessaires, je pense que le gouvernement devrait nous démontrer quelles sortes d'améliorations le seraient et quel en sera le montant. M. le Président, si mes informations sont bonnes, le gouvernement l'a dit et même, dans les représentations qui ont été faites devant le gouvernement par différents organismes, ceux-ci ont affirmé que, du coût d'achat, il faudrait déduire le coût de l'amélioration. Autrement, ce serait quelque chose de trop lourd à assumer pour le contribuable. Ce serait trop lourd pour le gouvernement de payer non seulement le coût d'achat, mais en plus d'être responsable de toutes les améliorations qui seront nécessaires à l'implantation de l'usine.

Alors, ce n'est pas une question de négociation. Le gouvernement ne peut pas nous dire: On ne veut pas dévoiler le coût d'achat. On ne veut pas dévoiler les études pour démontrer la valeur de la compagnie. On demande seulement de nous dire quels seront les coûts pour faire ces améliorations.

Premièrement, cela nous démontrerait aussi si le gouvernement fait respecter les normes de salubrité dans l'industrie parce que je crois que le service de l'environnement a certaines obligations. On pourrait demander, même avant de penser à la négociation, même avant qu'il ne soit question de discuter avec le gouvernement, si le ministre délégué à l'environnement a essayé de faire respecter

les normes de salubrité. Il devrait nous déposer les réglementations qui existent.

Je crois que le ministre des Richesses naturelles devrait demander ou obtenir du ministre délégué à l'environnement la réglementation qui existe quant aux normes de salubrité dans l'industrie.

Deuxièmement, le ministre des Richesses naturelles sait-il si le ministre délégué à l'environnement fait respecter ces règlements? Si ces règlements ne sont pas respectés, quelle sera l'attitude du ministre des Richesses naturelles, non seulement vis-à-vis de l'Asbestos Corporation, mais quelle sera son attitude vis-à-vis des autres compagnies?

Il est nécessaire pour nous d'avoir ces études parce que s'il y a des normes de salubrité à faire respecter, ce n'est pas seulement pour l'Asbestos Corporation. C'est pour toutes les compagnies, et nous craignons qu'il n'y ait un conflit d'intérêts entre les différents ministères.

Si le ministre des Richesses naturelles acquiert la compagnie, il aura des obligations à remplir quant aux normes de salubrité. Cela prendra des sommes d'argent. Cela veut dire que le ministère des Richesses naturelles va vouloir avoir un budget pour appliquer les réglementations qui seront imposées par le ministre de l'environnement. Mais admettons, M. le Président, que dans le budget il y a eu un oubli ou que le ministre des Richesses naturelles n'a pas pris en considération certains coûts additionnels, est-ce qu'il n'y aura pas, à ce moment-là, une pression ou une tendance, pour le ministre des Richesses naturelles, à dire au ministre de l'environnement: On va retarder un peu la mise en application de ces règlements? Si cela arrive, est-ce que cela va affecter les normes de salubrité pour les autres compagnies? Cela va être difficile, pour le gouvernement, de ne pas respecter les normes et les règlements sur la salubrité et d'insister pour que les autres compagnies respectent tous les règlements du ministre de l'environnement.

C'est une autre raison, M. le Président, pour laquelle c'est absolument nécessaire de voir le coût, de voir les études pour la compagnie Asbestos. Cela nous permettrait non seulement de connaître la situation de la compagnie Asbestos, d'évaluer les coûts et de pouvoir étudier l'article 4 qui sera étudié après que nous aurons discuté de cette motion, mais cela nous permettrait aussi de même qu'au public de voir l'effet de cette acquisition par le gouvernement sur les normes de salubrité et sur les engagements des autres compagnies. Je crois que ce n'est pas assez de dire: Si nous acquérons la compagnie Asbestos, nous allons l'exploiter comme une compagnie modèle et nous allons, nous du gouvernement, assurer la santé, la sécurité et les conditions de travail des ouvriers et de ceux qui sont employés par la compagnie Asbestos.

Il y a d'autres compagnies et je crois que ce n'est pas parce que le gouvernement s'engagerait à acquérir une des compagnies que les employés des autres devraient avoir des conditions moins convenables et que le gouvernement devrait avoir des réglementations différentes. Alors, c'est un enchaînement; ce sont des obligations qui vont affecter non seulement l'acquisition de cette compagnie-ci, mais cela peut nous aider à évaluer l'effet de l'acquisition de la compagnie Asbestos sur le gouvernement, sur le coût de la compagnie, sur toutes les autres compagnies. Je crois que si vraiment on veut être logiques avec nous-mêmes, pour mettre en application la réglementation pour les normes de l'environnement, ce ne serait pas nécessaire du tout, M. le Président, pour acquérir l'Asbestos. J'aurais cru, M. le Président, s'il y avait eu une obligation pour toutes les compagnies, que ce soit Asbestos, Johns-Manville ou les autres, de se conformer pour rencontrer les exigences des employés, pour rencontrer les exigences de ceux qui doivent travailler dans cette industrie, que cela aurait dû être la première étape.

Là, le gouvernement aurait pu dire: J'ai insisté, j'ai pris mes responsabilités de faire respecter, par toute l'industrie, certaine réglementation que le ministère de l'Environnement a le pouvoir de faire respecter.

Après que cela aurait été fait, si le gouvernement avait dit: Pour telle ou telle raison, qu'on peut discuter, on va acquérir la compagnie Asbestos, là, ce serait une autre situation, on ne s'embarquerait pas dans des dépenses qu'on ne connaît pas maintenant, on ne s'embarquerait pas dans cette situation. C'est vraiment une situation dangereuse et, je le répète, c'est un conflit d'intérêts dans lequel le gouvernement se place.

Une fois que le gouvernement va avoir acquis cette compagnie, ce n'est pas illimité, les fonds du gouvernement. Et si les améliorations ne sont pas apportées, si on ne connaît pas les coûts, il va y avoir des pressions, il va y avoir une tendance pour le gouvernement de ne pas s'avancer trop vite dans la question de la réglementation de cette industrie. Cela va être très difficile. Je ne vois pas le ministre de l'Environnement insister auprès du ministre des Richesses naturelles pour dépenser plus et plus d'argent pour faire respecter la réglementation que le ministre de l'Environnement croit devoir être respectée. On sait ce qui va arriver. Ou le ministre des Finances ou le ministre des Richesses naturelles va dire: Ecoutez, nous n'avons pas les sommes nécessaires, on va retarder la mise en application de ces règlements.

Avant d'étudier l'article 4, avant de pouvoir discuter vraiment de la façon dont le gouvernement devrait s'embarquer avec l'acquisition de cette compagnie, est-ce que le gouvernement peut ou devrait aller plus loin? Je crois que c'est élémentaire d'avoir toutes les informations, informations qui ne causeront pas de préjudice au gouvernement dans ses discussions avec Asbestos Corporation. Je crois même que, du point de vue tactique, stratégique, cela aiderait le gouvernement dans ses discussions. Si le public savait que cela prend tant et tant d'argent, que ce soit $1 million, $10 millions ou $50 millions, je crois que cela placerait la compagnie Asbestos dans une position moins avantageuse. Elle pourrait faire moins de demandes au gouvernement dans la position

qu'elle pourrait prendre vis-à-vis l'acquisition de ses actions. (10 h 45)

Je pense qu'on devrait faire la lumière. Je pense que le gouvernement ne devrait avoir rien à cacher là-dessus. Même si le gouvernement n'avait aucune intention d'acquérir l'Asbestos Corporation, je crois qu'il devrait rendre publiques les conditions qui existent dans cette usine, les règlements que le ministre de l'environnement devrait imposer, de même que ce que ces améliorations pourraient coûter à la compagnie.

C'est une obligation que le gouvernement a vis-à-vis des contribuables qui vont être appelés à payer la note de l'acquisition, mais ce qui est plus important, c'est une obligation que le gouvernement a vis-à-vis des employés, des travailleurs de l'industrie de l'amiante. Il ne faut pas qu'il y ait différentes catégories d'employé. Ce n'est pas parce que quelqu'un va travailler pour une compagnie que le gouvernement va acquérir qu'il a le droit d'avoir de meilleures conditions de travail que les autres employés.

Je crois que toute la lumière devrait être faite sur cette question, et que le ministre des Richesses naturelles ne devrait rien avoir à cacher. Il devrait nous parler clairement, et cela démontrerait qu'il a fait ses études, qu'il a fait son "homework". Cela nous permettrait de mieux connaître cette position, être en meilleure posture pour apporter des recommandations. Cela aiderait au déroulement des travaux de cette commission.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Mont-Royal. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, l'actualité quotidienne rattrape peu à peu le travail de cette commission. On apprenait tous ce matin, à l'audition des nouvelles à la radio d'Etat, que les chiffres, quant à la production des mines d'amiante au Québec, pour l'année 1977, affichaient une diminution sur l'année antérieure.

Il s'agit là — et c'est important de le souligner — de la troisième année de suite, sans tenir compte de l'année 1975 — où il y a eu des grèves — où on assiste à une diminution des ventes de la fibre d'amiante de la part de l'ensemble des producteurs miniers du Québec.

Si l'on compare le niveau de 1974, qui représente une année de production complète, au niveau de ventes atteint en 1976 et en 1977, on se rend compte que nous sommes en face d'un déclin maintenant échelonné sur trois ans. Encore une fois, on ne tient pas compte de 1975, puisqu'il y a eu là une année spéciale, mais on est devant la troisième année ordinaire où on assiste à une diminution du chiffre des ventes en volume de la fibre d'amiante.

Bien sûr, en dollars, il y a eu une progression, puisque la hausse du prix de la fibre fait plus que compenser la diminution du volume et permet à l'industrie d'afficher un chiffre d'affaires croissant, mais, malgré tout, le volume des ventes de la fibre, encore une fois, est en diminution.

Cette diminution constante, sur trois ans et même sur quatre ans, est d'autant plus surprenante qu'on aurait pu s'attendre, après la pénurie causée par la longue grève de 1975, à une poussée nouvelle des ventes, en 1976. Elle ne s'est pas réalisée. En 1977 non plus.

Ces chiffres les plus récents sur l'activité minière nous fournissent une indication, à mon avis, extrêmement précieuse sur l'avenir qui attend cette industrie, cette ressource naturelle; une indication qui, puisque les chiffres viennent tout juste d'être connus, n'a pu être prise en considération par les études précédemment faites sur les projections de demandes à moyen et à long terme de ces industries. Ce sont des chiffres qui sont trop récents pour avoir été pris en considération, par exemple, par l'étude SORES ou par d'autres études. L'on peut s'attendre que, lors de révisions ultérieures des projections faites il y a déjà quelques mois ou un an ou deux, les projections à long terme affichent une diminution par rapport à ce qui est attendu.

Nous en viendrons plus tard à considérer les conséquences de ceci pour les projets du gouvernement dans le domaine de l'extraction et dans le domaine de la transformation. Mais je crois que, pour notre propos immédiat, étant donné la motion qui est devant cette commission, plutôt que de parler des conséquences, il serait approprié de parler des causes probables d'une telle diminution.

Bien sûr, on voudra faire ressortir les causes qui tiennent à la fameuse conjoncture économique internationale pour dire que ce ralentissement de la demande pour la fibre d'amiante est relié à un affaiblissement de l'activité dans l'industrie de la construction, en particulier au Canada et aux Etats-Unis. Il y a sans aucun doute une part de vérité dans cette affirmation, mais il est loin d'être certain que l'activité dans l'industrie de la construction sur le continent nord-américain a fléchi dans la même mesure qu'ont fléchi les ventes de la fibre d'amiante.

En effet, l'activité dans le secteur de la construction a été fort élevée durant la plupart de ces années, non pas nécessairement toujours au Québec, mais ailleurs en Amérique du Nord. On sait que, en particulier en 1977, il y a eu, dans le domaine de la construction aux Etats-Unis, une reprise fort intéressante. Il y avait, au Québec même, en 1976, une activité anormalement élevée d'ailleurs dans le domaine en particulier de la construction domiciliaire.

Nous avons une situation qui n'a pas du tout les caractéristiques de fléchissement général de la demande pour les produits et matériaux de construction, les produits qui servent à la construction et nous avons une baisse étalée maintenant sur quatre ans de la demande pour ce produit.

Je crois qu'il y a dans ce fléchissement de la demande la réflexion d'une préoccupation de plus en plus grande d'un très grand nombre d'utilisateurs visant à diminuer dans toute la mesure du

possible leur utilisation de produits à base de fibre d'amiante. J'étais, d'ailleurs, hier à Baie-Comeau et j'avais l'occasion de m'entretenir, lors d'une très brève visite, visite des installations de la société Reynolds à Baie-Comeau, de cette question de l'amiante, puisqu'on utilise dans cette industrie, comme dans d'autres, certains produits à base d'amiante. Un cadre de cette entreprise me confiait qu'il existe depuis environ un an une directive très ferme de la direction de cette société — et ceci est adressé jusqu'au niveau des contremaîtres — d'avoir à examiner et à expérimenter l'utilisation de produits autres que l'amiante pour un certain nombre d'usages courants dans cette usine. Effectivement, on me citait des cas précis d'expérimentations qu'on était en train de faire ou qu'on avait déjà faites, par exemple avec la fibre de verre, pour remplacer certains joints d'étanchéité dans ce qu'on appelle les pots, les cuves d'électrolyse de l'aluminium. On s'était trouvé, pour cet usage en particulier, généralement satisfait de ce choix. On me citait cet exemple, incidemment, pour démontrer que c'est une préoccupation qui n'est peut-être pas nécessairement complètement raisonnée ou rationnelle dans bien des cas, mais qui est à l'oeuvre dans un grand nombre d'entreprises au Québec, tout doucement, sans faire de bruit; cela existe non seulement dans les entreprises au Québec, mais dans les entreprises à travers le monde occidental.

On prend de multiples décisions, des microdécisions, de remplacer tel ou tel produit, tel joint d'étanchéité ici, tel ou tel revêtement isolant là, etc., par d'autres produits. On voit cet effort constant de tous de se disculper en quelque sorte d'avance si jamais il y avait des difficultés relatives à la santé des travailleurs dans une entreprise quelconque, en disant: Regardez, nous faisons déjà des efforts depuis trois ou quatre ans pour trouver des substituts; nous en avons déjà trouvé ici et là, mais il en reste encore quelques-uns que nous n'avons pas réussi à déplacer. Ce genre de préoccupations est une espèce de cancer qui ronge les perspectives d'avenir de cette industrie et de cette fibre.

Il est évident que ce processus est à l'oeuvre un peu partout. On peut le déplorer. Je suis le premier à le déplorer. Je crois qu'il y a eu très certainement une réaction hyperémotive aux études sur les dangers de l'amiante, encore que la certitude absolue, personne ne l'a. Il reste que, même si on le déplore, les chiffres qui viennent d'être publiés nous portent à croire qu'il y a, effectivement, un déclin de la demande, un déclin qui n'est pas explicable par les aléas de la conjoncture économique, et qu'on peut très bien se diriger vers une période non pas de disparition de l'industrie — il ne s'agit pas de tracer ici un scénario fantaisiste ou indûment sombre — mais, malgré tout, dans une situation où la capacité de production des mines existantes serait constamment excédentaire par rapport à la demande, ce qui produirait, bien sûr, sur la rentabilité des entreprises, des effets assez désastreux, un peu comme ceux que l'on constate à l'heure actuelle dans l'industrie productrice d'acier. Dans le monde entier, un très grand nombre de hauts fourneaux sont fermés; même au Japon, qui est pourtant le producteur le plus en pointe. On retrouve dans un grand nombre d'entreprises japonaises, productrices d'acier, la moitié des hauts fourneaux qui sont fermés. La situation est au moins aussi grave un peu partout: aux Etats-Unis, en Europe de l'Ouest et on sait qu'au Québec on a aussi le reflet de ces difficultés.

On n'aurait pas, dans le domaine de l'amiante, M. le Président, la consolation de voir qu'on partage nos difficultés avec d'autres producteurs. On est, comme on l'a dit si souvent, tellement important qu'on serait les seuls à supporter ce fardeau d'une production excédentaire où on serait largement ceux qui ont à supporter la plus grande partie de cette capacité excédentaire.

Il y a donc à l'oeuvre cette préoccupation qui est plus répandue qu'on ne l'imagine, plus répandue que ne voudraient le croire, malgré tout, les porte-parole de l'association. Je vois le député de Frontenac qui consulte le dernier Bulletin de l'Association des mines d'amiante où on dénonce — je pense que c'est le mot approprié — le lobby antiamiante; on s'insulte du fait qu'on a — je pense bien que c'est plus ou moins le message qui est émis — un peu charrié sur les dangers quant à la santé, etc. Cela préoccupe; dans une visite que j'ai faite au groupe intéressé à l'amiante, dans la région de Thetford Mines, il y a environ deux mois, on sentait très clairement l'espèce de mauvaise humeur, ou même de hargne d'un certain nombre de personnes actives dans l'industrie vis-à-vis de ces campagnes de dénigrement dont les dernières manifestations avaient été constatées en Europe, au Conseil de l'Europe du Parlement européen; on est clairement de mauvaise humeur. Une telle mauvaise humeur s'explique quand même par la conscience qu'ont ces personnes que ces campagnes de dénigrement ont un effet.

M. Laplante: M. le Président, je crois que le député de Saint-Laurent est très loin de la motion.

M. Forget: Non, puisqu'on parle de salubrité dans la motion; il est question de cela précisément, mais sans doute le député de Bourassa a-t-il été distrait à un moment donné.

M. Lalonde: Oui, un petit bout de temps seulement, il a compris tout le reste!

M. Forget: Alors, cette question de salubrité, M. le Président, est présente à l'esprit de tous et elle commence à avoir tellement d'effet que, comme je le disais, elle commence à créer une certaine hargne, une certaine mauvaise humeur chez ceux qui sont impliqués dans l'industrie. Le fait que l'association consacre la première page de son bulletin à une dénonciation du lobby antiamiante ne prouve qu'une chose, c'est que ce lobby commence à avoir des effets, et les effets commencent à inquiéter l'association. On ne peut donc pas dire: C'est rien, "y a rien là", ce sont des sentiments, ce sont des choses vagues, c'est du pessimisme exagéré. Il y a quelque chose qui est à

l'oeuvre et on en voit des manifestations, encore une fois, dans les chiffres publiés ce matin et dont Radio-Canada a fait état. Il y a une diminution, pour la quatrième année consécutive, dans le volume physique des ventes et on ne peut pas attribuer cela à autre chose, principalement, — étant donné la longueur, la persistance du phénomène — qu'à un détachement, un éloignement de l'amiante comme produit dans tous les cas où on peut trouver des substituts. C'est une situation sérieuse et, pour surmonter cette situation, des investissements seront nécessaires. C'est ce qui est important de souligner, je pense...

M. Grégoire: Vous n'avez pas lu le dernier paragraphe où on parle des perspectives d'avenir et...

M. Forget: Oui, écoutez, il y a une expression anglaise qui dit: "whistling in the dark". Vous savez, quand les gens on peur en traversant la forêt où il fait très noir, ils chantent fort ou ils sifflent, ils se donnent du courage. Alors c'est ce que les anglais appellent: "whistling in the dark". Quand vous avez peur, vous vous mettez à chanter. (11 heures)

M. Grégoire: C'est le président de l'Association des mines d'amiante qui le déclare...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: Cela ne veut rien dire. Au contraire. J'y vois là une indication plus grande que les gens sont inquiets. On ne consacre pas un article en première page d'un belletin pour dire: II ne faut pas s'inquiéter. Il y a quelque chose. Le lobby antiamiante n'a pas été inventé pour les fins de la cause. Cela existe, et cela a des manifestations nombreuses, non seulement au Québec, mais aux Etats-Unis et en Europe. On peut le déplorer. J'ai dit au député de Frontenac et aux autres membres de la commission: Nous le déplorons, comme ils le déplorent de l'autre côté de la table.

Il est clair que c'est une ressource québécoise et cela ne nous aide en rien que les gens portent un jugement favorable sur l'amiante, et c'est exagéré. Mais quand bien même on le dirait, quand bien même on serait tous d'accord entre nous que c'est exagéré, si les Américains ou les Européens ont décidé que, quant à eux, ce n'était pas exagéré, on va en subir les conséquences. Il y a des faits quand même probants: La diminution, pendant quatre ans, année après année. Ce n'est pas diminué une fois pour se maintenir à un niveau plus bas. A chaque année, c'est inférieur à l'année précédente et cela depuis quatre ans.

Il y a quand même quelque chose. Donc, il faudra des investissements pour régler le problème de la salubrité. Mais, plus que pour régler le problème de la salubrité, il faudra, comme cela arrive souvent quand il y a une vague, peut-être un peu irraisonnée ou irrationnelle, aller plus loin que ce qui est strictement nécessaire pour protéger la salubrité.

Il faudra que cela devienne évident aux utilisa- teurs éventuels, au public en général que toutes les précautions ont été prises au niveau de la production. Mais comme un grand nombre d'utilisateurs ne sont pas préoccupés par la production des fibres, parce que cela ne se passe pas chez eux, il faudra qu'il y ait un effort de recherche et un effort d'information des utilisateurs éventuels pour démontrer que, pourvu qu'on prenne telle et telle précaution, l'utilisation de l'amiante et de produits à base d'amiante ne constitue pas un risque.

Ce ne sont pas simplement des investissements dans la machinerie pour la dépollution des usines et des mines dont il faut parler. Il s'agit d'un investissement majeur pour faire la démonstration que l'utilisation de produits à base d'amiante ne constitue pas des dangers sensibles, des dangers perceptibles et aussi un effort d'information pour que les acheteurs éventuels de produits à base d'amiante soient convaincus que les craintes qu'ils ont entretenues jusqu'à maintenant étaient superflues.

Alors, cela dépasse de loin la question technique, qui, entre parenthèses, est loin d'être réglée de façon aussi convaincante qu'on voudrait nous le faire croire.

Je vais citer le rapport Beaudry. Dans le rapport final, au volume 3, il y a quand même, parmi d'autres choses qu'on pourrait citer, des renseignements qui sont instructifs là-dessus. Bien sûr, le comité Beaudry a procédé à des recommandations sur la base de certaines connaissances techniques et médicales et aussi sur la base de certaines hypothèses. Une des premières hypothèses qu'il a dû formuler, c'était celle selon laquelle, si les entreprises font certains investissements d'équipements de dépoussiérage, etc., on peut anticiper une certaine baisse du niveau d'empoussiérage et que les normes gouvernementales seront satisfaites.

Il reste que, tant que l'équipement n'est pas en place, tant qu'il n'a pas été rodé, tant qu'il n'y a pas eu une évaluation de la qualité de l'air ambiant qui résulte de l'installation de ces appareils, personne ne peut être absolument sûr que ces investissements seront suffisants.

D'ailleurs, à la page 23 du volume 3, il nous rappelle cela. Il parle à ce moment du coût et il dit que cela ne sera pas un coût catastrophique. Ce serait aux environs de $20 la tonne de plus, au coût de 1975. Il y a déjà l'équivalent de $10 par tonne qui a été investi au moment où le rapport est préparé et il anticipe que des investissements équivalents seront nécessaires pour satisfaire aux normes prévues pour le 1er janvier 1978. Il dit, entre autres: "Le coût attribuable à la révision proposée par le comité de la norme définie à l'article 68a est très difficile à déterminer parce que les entreprises minières prétendent ne pas pouvoir établir de liens précis entre leur programme d'assainissement et l'amélioration de la qualité de l'air dans leurs établissements, amélioration mesurée soit en quantité de fibres, soit en quantité de poussières totales.

Il procède plus loin en disant que les caractéristiques physiques des installations influent sur

les déboursés nécessaires pour améliorer la salubrité. Il dit évidemment ici — c'est intéressant étant donné l'achat qu'on fait d'Asbestos Corporation du côté gouvernemental — que tout dépend de la qualité des installations existantes pour savoir quel est l'impact économique sur ces installations des nouvelles normes de salubrité. On peut penser au processus d'extraction, à l'âge et au type de construction des usines, à la nature et à la disposition de la machinerie de même qu'à l'efficacité des systèmes de ventilation présentement en place.

Un peu plus loin, le comité dit: Toutefois, sans pouvoir ni confirmer ni infirmer les arguments invoqués ci-haut par les entreprises, nous sommes prêts à reconnaître qu'un système de contrôle — où les entreprises émettent des doutes quant à la possibilité, avec ces investissements, de satisfaire aux normes — de poussière n'atteint son optimum d'efficacité qu'après de multiples ajustements qui ne peuvent être faits que lorsque l'équipement est en place et que la production est à son niveau normal.

Il est donc possible, M. le Président, d'une part, comme on l'a vu dans le rapport sur la salubrité que nous a remis le ministre il y a quelques jours, que les normes actuelles ne soient pas suffisantes, que les normes actuellement en vigueur ou prévues ne soient pas suffisantes pour assurer un niveau satisfaisant de salubrité; deuxièmement, il est possible, même si ces normes sont suffisantes, que les équipements et les investissements prévus à l'origine par le comité Beaudry pour satisfaire les normes ne soient pas, eux suffisants pour satisfaire aux normes et, donc que les investissements additionnels dont il parle de $75 millions au prix de 1975, soient requis. Il y a donc, à ce moment-ci, étant donné qu'il s'est écoulé du temps depuis la préparation du rapport Beaudry, un certain nombre de questions qui méritent d'être évaluées. C'est le but de la motion.

D'une part, est-ce que nous sommes toujours satisfaits que les normes en question seront celles qui devront prévaloir dans un avenir prévisible? Sommes-nous satisfaits, à cause de l'implantation qui est déjà fort avancée dans certain cas, de l'équipement de dépoussiérage? Les investissements envisagés par le comité Beaudry ne seront-ils pas, dans le fond, essentiellement beaucoup plus élevés que ce qui était prévisible il y a deux ans et ces techniques de dépoussiérage sont-elles efficaces?

A l'aide de ces renseignements, à l'aide également des considérations plus pertinentes à la société Asbestos, il serait intéressant — bien plus qu'intéressant, M. le Président, il serait capital — que les contribuables du Québec sachent à quoi s'en tenir relativement à ces investissements. Encore une fois et pour terminer, M. le Président, il ne s'agit pas simplement d'équipement en machinerie de dépoussiérage; c'est attaquer le problème par le mauvais bout. La perte de marchés qui menace l'industrie de la fibre d'amiante à l'heure actuelle oblige le gouvernement à faire porter ses investissements non pas seulement sur de l'équipement de dépoussiérage, mais sur un programme de recherche et d'information des utilisateurs éventuels quant au caractère exagéré des risques qui les amènent actuellement à chercher des substituts à l'amiante. Il y a des investissements importants qui sont requis de ce côté.

Je voudrais que le gouvernement nous dise qu'il a l'intention de faire quelque chose de ce côté. C'est très beau, pour le premier ministre, dans son discours de deuxième lecture, d'affirmer sa foi dans l'avenir de l'industrie de l'amiante. C'est magnifique des actes de foi, M. le Président. Tant que cela demeure dans le cadre des activités religieuses, je n'ai aucune espèce d'objection à cela, mais quand le gouvernement nous dit: On va dépenser $250 millions sur la base d'une profession de foi, je commence à être un petit peu mal à l'aise. J'aimerais qu'on ait autre chose que des professions de foi à nous offrir, qu'on ait des renseignements précis. Est-ce qu'il y a une stratégie d'information des utilisateurs européens et nord-américains? Est-ce qu'il y a une estimation des investissements qui seront nécessaires pour faire la recherche et l'effort d'information? Est-ce qu'on est un peu mieux informé — on devrait l'être maintenant — sur l'efficacité des méthodes de dépoussiérage dans l'industrie et les investissements qui seront requis pour les futurs propriétaires de la société Asbestos?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le ministre

M. Bérubé: M. le Président, il y a plusieurs aspects qui ont été soulevés dans le débat. Dans un aparté, en début de sa présentation, le député de Saint-Laurent a souligné la baisse de la demande pour l'amiante au cours des quatre dernières années. Cependant, lorsque je lis une étude, que j'ai d'ailleurs remise au député de Saint-Laurent au début de cette commission, et que je regarde la consommation de l'amiante américaine, je constate qu'en 1967 elle était de 721 000 tonnes; en 1968, elle montait à 814 000 tonnes; en 1969, elle baissait à 784 000 tonnes; en 1970, elle baissait à 734 000 tonnes; en 1971, elle remontait à 759 000 tonnes pour passer à 809 000 tonnes et à 876 000 tonnes en 1973, pour rebaisser, en 1974, à 846 000 tonnes et, au moment de la grève, à 608 000 tonnes et, en 1976, à 725 000 tonnes.

M. Forget: C'est à peine un tableau d'une croissance continue.

M. Lalonde: En 1967, 721 000 tonnes; en 1976 725 000.

M. Bérubé: Ce que le député de Saint-Laurent souligne, je pense que c'est important de le réaliser dans le cas de l'amiante; il faut parler de fluctuation, effectivement, continue de l'offre et de la demande. Le député de Saint-Laurent a parfaitement raison, lorsque l'on prend deux, trois ou quatre années, de pouvoir conclure à peu près n'importe quoi, puisque je pourrais, dans le tableau présent, prendre trois années et lui démontrer que c'était une croissance fabuleuse, mais prendre

trois autres années et lui montrer, au contraire, que c'est une décroissance tout aussi importante.

M. Forget: Est-ce qu'il y a déjà eu quatre années de décroissance successives?

M. Bérubé: Quatre années, oui, sensiblement, de 1968 à 1971.

M. Forget: Mais dix ans après, on était à 4000 tonnes de plus que dix ans plus tôt.

M. Lalonde: En 1971, on a augmenté de 734 000 tonnes à 759 000 tonnes.

M. Bérubé: En fait, ce qui ressort effectivement de ces études, c'est que, d'une part, le marché de l'amiante est un marché assez volatile. Là-dessus, je pense que nous nous entendrons rapidement. En d'autres termes, toute intervention gouvernementale doit être, je pense, assez posée, une intervention qui s'efforce de ne pas bousculer trop le marché.

Une des raisons pour lesquelles il m'était apparu, à l'origine, que la régie de mise en marché pourrait présenter des difficultés, c'est justement qu'elle pouvait contribuer à désorganiser le marché puisqu'elle impliquait un intermédiaire entre le producteur et le consommateur et il était difficile, a priori, de pouvoir évaluer exactement quel en serait l'impact sur les conditions du marché.

Donc, d'une part, je pense qu'il faut reconnaître que le marché de l'amiante est un marché certainement volatile qui fluctue beaucoup d'année en année. Il faut également reconnaître qu'il existe des substituts. Je pense que le député de Saint-Laurent reconnaîtra, par exemple, que nous lui avons remis entre les mains un rapport d'une société spécialisée dans la recherche de substituts. On voit bien, en particulier dans les produits isolants, les isolants thermiques, qu'il est possible de remplacer l'amiante très fréquemment à des coûts qui sont tout à fait raisonnables et même moindres que l'amiante; dans ces cas, on ne voit pas beaucoup de raisons pour lesquelles, dans les années à venir, on ne remplacera pas l'amiante pour ces utilisations. Ceci ne fait aucun doute.

Nous nous entendrons donc rapidement sur le fait qu'il existe des substituts, sur le fait qu'une intervention étatique majeure dans un secteur comme l'amiante aurait pu entraîner certainement, en tout cas, une certaine désorganisation du marché que les usines, que les industries québécoises de l'amiante auraient dû payer.

C'est également pour cette raison que, lors-qu'est venu le temps de choisir le mode d'acquisition d'une société, nous avons eu à choisir entre un mode basé sur la nationalisation et un autre basé sur l'achat de gré à gré. La nationalisation nous aurait permis de fixer arbitrairement un prix et de l'imposer, quitte à laisser la société, si elle n'était pas satisfaite du règlement, faire appel à la cour, demander un jugement de cour et se voir attribuer un montant supérieur ou inférieur dépendant du jugement qui serait rendu. (11 h 15)

Par conséquent, cela aurait pu être une approche. Je pense que le gouvernement aurait été dans l'inconnu, exactement comme l'Opposition prétend que nous le sommes présentement, puisque de toute façon, dans toute loi d'expropriation, il existe un droit juridique d'appel. Je pense qu'il n'aurait pas été acceptable, dans le climat dans lequel nous vivons. Nous ne sommes pas en Union Soviétique ou en Chine. Dans le climat où nous vivons, effectivement, nous devons reconnaître, par conséquent, que l'appel d'une entreprise pour contester une loi d'expropriation demeure possible, particulièrement quant au prix payé.

Donc, la deuxième solution qui nous apparaissait plus acceptable consistait, à ce moment-là, à offrir à la société de s'asseoir avec elle et d'évaluer objectivement le coût. Cela ne veut pas dire que le gouvernement n'a pas, à l'origine, cherché à évaluer la valeur de l'entreprise. Il existe pour cela différentes techniques plus ou moins sophistiquées qui sont utilisées, par exemple, pour les courtiers en valeurs mobilières, lorsqu'il s'agit de décider quelle devrait être la valeur d'un stock. En particulier, on base une telle évaluation sur la capacité à faire des profits, donc, sur les profits des années antérieures. Non seulement sur les années antérieures, mais sur les profits attendus pour les années à venir.

Ceci peut se faire en tentant de projeter une inflation des prix dans les années à venir, mais également de projeter des coûts de fabrication à un taux qui, très souvent, est différent, même, du taux utilisé pour la projection des prix. Ceci, évidemment, ne permet pas de calculer exactement quels vont être les profits de l'entreprise, puisqu'il faut également évaluer les immobilisations qui seront requises.

Dans le calcul de ces immobilisations, il faut faire appel à un certain nombre d'hypothèses. Par exemple, si vous avez accès à toutes...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre, excusez-moi. Je constate qu'on ne parle pas du tout de la motion.

M. Lalonde: Consentement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On a le consentement, mais le consentement peut également amener d'autres députés à parler de ce sujet. Je n'entends pas faire sortir les députés de l'objet de la motion qui est la salubrité. Le député de Saint-Laurent a parlé de salubrité, de coûts...

M. Lalonde: C'est de cela qu'il parlait, du coût.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En l'espace de sept minutes, je n'ai pas encore entendu...

M. Bérubé: Si vous voulez me permettre, graduellement, j'arriverai rapidement à cet aspect de la salubrité qui vous permettra de comprendre pourquoi j'ai utilisé ce long préambule, sans doute trop long pour votre patience.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si je vous donne cette permission, je dois la donner à tout le monde.

M. Lalonde: Sûrement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est sans doute pour cela que le député de Marguerite-Bourgeoys était prêt à me laisser...

M. Lalonde: C'est me prêter des motifs indignes, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ils ne sont pas indignes par exemple.

M. Bérubé: Donc, nous sommes amenés à faire certaines évaluations des coûts d'immobilisation. Le débat que nous abordons ici, c'est justement sur certains coûts d'immobilisation que le gouvernement aura à rencontrer lorsque, propriétaire de la Société Asbestos Corporation, il devra, lui aussi, respecter les normes de protection de l'environnement que, d'autre part, ses services de protection de l'environnement imposent.

Vous l'avez, d'ailleurs, souligné lorsque vous avez discuté de la recevabilité de la motion, j'ai cru percevoir certaines hésitations dans l'esprit de notre président. Je ne veux pas dire qu'il les a exprimées très clairement mais, néanmoins, son interprétation a justement porté sur la difficulté de séparer les coûts que pourrait représenter l'amélioration des installations en ce qui avait trait à la salubrité du coût d'achat de l'entreprise. Ce qui vous montre, M. le Président, que je dois effectivement parler du coût d'achat de l'entreprise si je veux traiter de cette question des coûts que représentera l'amélioration des facilités, des installations de l'entreprise.

Donc, il nous faut évaluer ce que représentent ces coûts. Il existe évidemment plusieurs hypothèses. Par exemple, dans les rapports annuels de l'entreprise, celle-ci a fait état, à un moment ou l'autre, que, pour une somme d'environ $30 millions, elle serait en mesure de dépoussiérer les installations qu'elle possède présentement à Thet-ford Mines.

Cependant, cette même société, à la commission Beaudry, avait indiqué la possibilité d'un coût de $80 millions pour certaines autres dépenses. On se rend compte que, même pour la société, le coût exact n'est pas encore évident, n'est pas encore clair. Il y a donc un inconnu qui est beaucoup plus grand au niveau du gouvernement, puisque nous n'avons pas accès aux livres de la société. Par conséquent, nous ne sommes pas en mesure d'entrer dans l'usine et de faire toutes les études d'engineering qui sont requises.

C'est pour cette raison que nous avons opté pour la deuxième approche. La deuxième approche consiste à s'asseoir avec les dirigeants de l'entreprise et leur demander s'ils sont d'accord pour que nous examinions ensemble la valeur des installations, en engageant les firmes des consultants qui ont l'expertise nécessaire. Ceci va donc consister à examiner en détail l'ensemble de l'équipement installé dans l'usine, également à comparer, avec l'expérience que certaines sociétés ont eue. Les sociétés Johns-Manville et Lake Asbestos ont une expérience dans le dépoussiérage — on pourrait d'ailleurs élaborer davantage là-dessus — qui a permis, je pense, essentiellement, de satisfaire à l'ensemble des normes actuelles.

Dans le cas de la Canadian Johns-Manville et Lake Asbestos, on peut dire que, présentement, elles répondent presque entièrement aux normes. Si elles n'y répondent pas immédiatement, je pense que, d'ici certainement une très courte période, elles arriveront à satisfaire à ces normes.

On sait ce que représentent les investissements pour une telle opération de dépoussiérage. Le même calcul peut se faire dans l'usine de l'As-bestos Corporation. C'est pour cette raison que nous avons choisi de prendre des experts-consultants. La société a également pris des contre-experts. A ce moment-là, nous évaluerons, objectivement, le coût des transformations qu'impliquent l'achat d'Asbestos Corporation et la satisfaction des normes de protection de l'environnement.

Pour ce qui a trait à l'approche gouvernementale pour essayer d'évaluer quel devrait être l'ordre de grandeur du coût, je pense qu'on peut arriver à une certaine précision généralement. Puisque nous avons plus d'inconnues, nous sommes obligés d'utiliser des taux d'actualisation beaucoup plus élevés.

Ainsi, lorsque nous projetons les profits futurs de l'entreprise, nous allons supposer un taux d'actualisation pour ramener cela en dollars 1977. Le taux d'actualisation pour une entreprise extrêmement sécuritaire, qui n'aurait aucun risque, par exemple les obligations du gouvernement, 9 1/4% semblent un bon taux d'actualisation, puisque c'est le taux d'intérêt facturé.

Cependant, lorsqu'on s'aventure dans l'industrie minérale où, là, le degré d'inconnues est beaucoup plus grand, puisque la notion de réserve est un facteur qui doit être apprécié — les marchés sont également beaucoup plus volatiles, on le voit présentement dans le zinc et dans le cuivre — il nous faut donc utiliser des taux d'actualisation beaucoup plus élevés.

Lorsque vous faites une évaluation de l'entreprise, vous calculez qu'il existe une marge probable entre, par exemple, $30 millions et $80 millions — posons une hypothèse — pour l'amélioration des usines pour les rendre salubres.

Puisque vous avez un facteur d'inconnues, puisqu'il y a une différence importante entre $30 millions et $80 millions, qui se situe autour de $50 millions, effectivement, ces $50 millions représentent un coût potentiel dont il faut tenir compte dans l'achat en augmentant le facteur d'inconnues, c'est-à-dire le taux d'actualisation que nous avons utilisé. C'est ce qui nous permet, évidemment, de poser un taux d'actualisation qui, sans doute, dans notre cas, est très élevé, parce que nous avons plus d'inconnues, et que la compagnie contestera.

Elle contestera de la façon suivante: En nous

donnant la preuve qu'il n'en coûtera pas si cher pour faire ces transformations, mais qu'au contraire elle pourra se débrouiller, avec des chiffres d'ingénieurs à l'appui, à un coût beaucoup moindre. Cela nous amènera, étant plus au courant de la situation exacte de l'entreprise, à abaisser le taux d'actualisation de cette société et, à ce moment-là, à payer plus cher.

C'est le genre de calcul qui ne peut être fait qu'en s'assoyant avec l'entreprise. Qu'est-ce que la Saskatchewan a adopté comme approche, lorsqu'elle a décidé de racheter l'ensemble de son industrie de la potasse? Elle a donc adopté une loi qui lui permet — là, il faut le souligner — à la fois d'exproprier ou d'acheter de gré à gré. La Saskatchewan Potash Corporation est donc libre soit d'exproprier, soit d'acheter de gré à gré. Elle fait donc planer une menace sur l'industrie, ce que nous n'avons pas voulu faire planer sur l'industrie de l'amiante, justement à cause des remarques du député de Saint-Laurent, dans le sens qu'il s'agit d'un marché minier volatile dans lequel il faut pénétrer, je pense, avec une certaine délicatesse, avec une certaine souplesse. Nous n'avons pas cherché à faire planer cette menace comme telle. Nous n'avons pas voulu, dans le projet de loi que nous débattons ici, donner le pouvoir de nationaliser.

Cela veut donc dire qu'en cas de désaccord l'Opposition pourrait, lors d'un prochain débat sur une loi de nationalisation, invoquer, à ce moment-là, tous les arguments qu'elle voudrait juger bon d'invoquer contre le prix payé, contre telle, et telle, et telle condition d'achat, puisqu'à ce moment-là elle aurait en main tous les chiffres.

Nous n'avons pas voulu suivre cette approche de la nationalisation, comme la Saskatchewan a fait, mais plutôt suivre l'approche d'un achat de gré à gré où les experts négocient ce que représentent les investissements dans la transformation. C'est pour cette raison que les études portant sur le coût exact de la transformation de ces usines pour les rendre salubres, seront disponibles, évidemment, lorsque les experts, ayant eu accès à tous les détails de fonctionnement de l'usine, pourront poser sur la table les chiffres. Il pourra y avoir un débat entre experts. A ce moment, le gouvernement paiera ce qui est jugé comme étant objectivement valable. Donc, le gouvernement n'a évidemment pas présentement d'étude systématique sur le dépoussiérage de chacun des broyeurs Eastman de la société ou de chacun des défi-breurs de la société, puisque ceci aurait impliqué une étude d'engineering très détaillée, étude qui est présentement en cours. Cela explique pourquoi ces études ne sont pas disponibles, mais cela explique également que même si ces études ne sont pas disponibles, il est néanmoins possible d'évaluer approximativement quel en serait le coût. C'est ce que le gouvernement a fait avant de décider si le jeu en valait la chandelle. Nous avons décidé que le jeu en valait la chandelle.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, est-ce que le ministre me permettrait une question à la suite des derniers propos qu'il vient de tenir? Dans le scénario que le ministre nous présente, on se place dans les négociations du gouvernement avec l'entreprise. Lorsqu'il parle du taux d'actualisation, à toutes fins pratiques, à la dernière limite, il se pourrait, dans la perspective que le ministre nous indique, que le coût pour rendre salubres les installations soit beaucoup moindre que les chiffres lancés au point de départ, puisqu'on reviendrait à des proportions de part et d'autre, et de la part de l'entreprise et de la part du gouvernement, plus rationnelles et s'approchant davantage de la réalité. Est-ce que c'est ce que le ministre nous a dit?

M. Bérubé: Exactement. C'est-à-dire que nous avons dû supposer des coûts basés sur une évaluation approximative puisqu'on sait que ce serait peut-être entre $30 millions et $80 millions. Par conséquent, nous avons supposé un coût moyen probable, mais seulement, sachant qu'il y avait une inconnue, nous avons augmenté le taux d'actualisation des profits escomptés. En d'autres termes, nous cherchons à payer moins, sachant qu'il existe plus de risques. La société, elle, cherchera à nous faire payer plus en nous faisant la preuve que les risques que nous prévoyons n'existent pas.

M. Brochu: Vous augmentez votre taux d'actualisation pour prévoir une marge de sécurité plus large?

M. Bérubé: Exactement.

M. Brochu: D'accord, mais dans l'optique de la modernisation des équipements, des installations déjà existantes. Ma deuxième question serait la suivante, parce que vous placez ce scénario dans l'optique de la modernisation des équipements déjà existants. Par contre, on sait qu'il y a différentes déclarations qui ont été faites de la part, entre autres, de la Canadian Johns-Manville qui, vous le citiez tout à l'heure, est actuellement pas mal au diapason des normes exigées au point de vue de la salubrité, qui sait ce que cela implique au point de vue du coût, qui sait également ce que cela implique au point de vue du changement de structure, etc. On sait que les dirigeants de Johns-Manville, en parlant de l'usine Normandie, par exemple, ont indiqué que c'était à peu près impossible de la rendre salubre, sinon en reconstruisant complètement l'usine en question. Je vous référerai également à certains propos qui ont été tenus par M. Landry, ministre d'Etat au développement économique, qui a indiqué également qu'on devrait, à toutes fins pratiques, reconstruire l'usine en question. Ma question est la suivante: Où exactement vous situez-vous là-dedans, parce que tantôt, dans le scénario que vous avez donné — c'est une hypothèse de travail, je pense — vous vous situiez dans l'optique où vous modernisiez les installations déjà existantes. Cependant, si vous devez, comme il semble que ce

soit le cas, reconstruire plutôt complètement pour répondre aux normes de salubrité, là on parle peut-être moins du genre de taux d'actualisation dont vous avez fait état tout à l'heure, mais plutôt de tout un autre coût, étant donné qu'on doit jeter à terre une usine et en reconstruire une nouvelle, ce qui voudrait dire des déboursés sensiblement plus élevés.

M. Bérubé: Dans le cas présent — j'essaie de me souvenir...

M. Brochu: A ce moment, le ministre Landry n'avait pas nié un coût de reconstruction de $75 millions environ au point de départ pour l'usine en question.

M. Bérubé: Oui, c'est un chiffre qui circule. Je pense que c'est la moyenne qui a été choisie.

M. Brochu: Lorsqu'on parlait de moyenne, est-ce qu'on parlait, à ce moment, de coût moyen en termes de rendre salubres des lieux existants ou si on se plaçait dans l'optique de jeter à terre l'entreprise et de reconstruire une usine nouvelle? La différence est énorme. Je comprends qu'au niveau de la discussion, on peut passer facilement de l'un à l'autre, mais dans la pratique, lorsqu'on va arriver pour rendre salubres les lieux, qu'est-ce qu'on va faire? Est-ce que le gouvernement va plutôt essayer de rendre salubres les installations vieillottes ce qui, au dire de ceux qui ont fait l'expérience, comme Johns-Manville, ne se fait pas? Ou bien si on va prendre l'autre optique de jeter à terre l'usine et de reconstruire à neuf, ce qui change complètement le mode d'approche? Les coûts vont être énormes, à ce moment, beaucoup plus que prévu, parce que le premier scénario ne tiendrait plus. (11 h 30)

M. Bérubé: L'hypothèse pessimiste est à l'effet que BC 1 soit à reconstruire complètement; c'est l'hypothèse pessimiste. Quant à l'hypothèse optimiste, si je ne me trompe — je ne voudrais pas vous induire en erreur — je crois que la société avait indiqué un prix d'environ $30 millions pour l'ensemble du programme de dépoussiérage. J'essaie d'avoir le chiffre exact. Ce serait l'hypothèse optimiste, c'est-à-dire que c'est un coût certain, alors que les $80 millions sont un coût hypothétique qui peut être plus ou moins probable, dépendant du point de vue.

M. Brochu: Donc, ce qui est certain, c'est que ce n'est pas moins de $30 millions, mais dans l'optique du dépoussiérage de l'entreprise existante, au point de départ. Mais entre l'optique optimiste et l'optique pessimiste, est-ce qu'on peut trouver un peu...

M. Bérubé: C'est $30 millions.

M. Brochu: ... ce que je pourrais appeler l'optique réaliste, le plus possible?

M. Bérubé: $30 millions apparaîtraient ce que la société estime devoir investir pour le dépoussiérage de ses usines et elle estime pouvoir rencontrer les normes pour 1979. Si, au contraire, il devait s'avérer que l'on doive reconstruire BC 1, à ce moment il pourrait en coûter $80 millions.

M. Brochu: Ah bon! Est-ce que cette déclaration, à laquelle fait allusion le ministre, a été faite avant l'annonce par le gouvernement de son intention de se porter acquéreur de l'entreprise ou après?

M. Bérubé: A ma connaissance, il y a eu très peu de déclarations sur la politique de l'amiante avant l'annonce officielle.

M. Brochu: Mais il y avait quand même dans l'air toute la discussion en ce qui concerne le besoin de rendre salubres les installations. Est-ce que le député de Frontenac a des chiffres exacts à ce sujet?

M. Grégoire: Ici, dans le bulletin, on indique que ce programme de $30 millions aurait commencé depuis 1976.

Maintenant, il y a ceci: les mines de l'Asbestos Corporation sont assez rapprochées les unes des autres; BC 1, BC 2, King Beaver sont assez rapprochées. Comme il est mentionné dans le dossier du CRD des Cantons de l'Est, une usine unique dans cette région pourrait permettre une récupération de 7% à 8% de fibre supplémentaire. Si on base cela sur le chiffre total d'affaires d'Asbestos Corporation, la création de l'usine unique pourrait pratiquement être envisagée avec les seules ventes provenant de ces 7% ou 8% de fibre supplémentaire à même le même minerai.

M. Brochu: Est-ce le moyen de travail que le gouvernement a l'intention de se donner, la création de cette usine unique? Parce que là, on demeure encore dans une zone grise si le choix n'est pas arrêté.

M. Bérubé: Je pense que la discussion de cette proposition du CRD ne peut se faire qu'à la lumière d'une évaluation économique assez détaillée. Or, il va de soi que ce n'est certainement pas avec les ressources gouvernementales qu'il est possible de prendre une décision concernant l'usine unique, d'autant plus que cela implique d'autres sociétés avec lesquelles nous n'avons nullement l'intention de transiger de la façon dont nous le faisons actuellement avec Asbestos, c'est-à-dire en les achetant ou en en prenant le contrôle d'une façon ou d'une autre. Par conséquent, si une usine unique devait être implantée dans la région de Thetford, cela ne pourrait venir qu'à la suite d'une entente entre les sociétés de la région de Thetford qui y verraient un avantage économique réel. Il faut souligner que le fait pour le gouvernement du Québec de posséder la société Asbestos Corporation, évidemment, nous met dans une situation extrêmement favorable pour entreprendre des discussions quant à cette possibilité, mais une telle discussion ne se fera

évidemment pas à rencontre de la volonté des partenaires éventuels. Si, effectivement, on devait en arriver à la conclusion qu'une usine unique est économiquement viable et désirable et si les autres partenaires, c'est-à-dire la Bell Asbestos, Lake Asbestos — vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a énormément de problèmes d'interpénétration des propriétés minières dans cette région — et l'ensemble des sociétés devait estimer que c'est intéressant, je pense qu'à ce moment cela devrait être évalué et que cela pourrait effectivement être une décision à prendre.

M. Brochu: Sauf que, pour le moment, cette option demeure simplement une hypothèse qui n'a pas été retenue par le gouvernement. Alors, à ce titre, disons que la...

M. Bérubé: Cela ne veut pas dire qu'elle n'a pas été retenue par le gouvernement. Effectivement, ce serait faux de ma part de dire que cette hypothèse n'a pas été examinée et que l'on ne sait pas présentement quelles démarches devraient être entreprises pour rechercher la construction d'une telle usine, mais je pense que la position du gouvernement a été très claire. Nous n'avons nullement l'intention de nous ingérer dans le fonctionnement des autres entreprises impliquées dans l'extraction de l'amiante au Québec. Par conséquent, il faudra que ce soit la future Société nationale de l'amiante qui approche les autres compagnies minières et qu'elle fasse la proposition si, effectivement, ces autres sociétés sont intéressées par le projet. Je pense que ce qui est extrêmement important à retenir est que le gouvernement n'a nullement l'intention de forcer ou d'inciter les autres compagnies minières à s'aventurer dans un projet, dans un nouveau projet comme celui-là à leur corps défendant.

M. Brochu: Mais essentiellement, ce que je voulais dire, pour continuer dans la même ligne...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond, je vais être obligé de prendre cela sur votre temps, si cela continue.

M. Brochu: Oui. Je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, il vous reste deux minutes.

M. Brochu: C'est pour cela que je continue aussi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. Très bien.

M. Brochu: Essentiellement, ce que je voulais dire est que l'argumentation qui avait été apportée par le député de Frontenac ne se rattachait pas directement aux questions que je vous ai posées.

Pour revenir à la même question, d'une façon un peu différente, puis-je vous demander, à ce stade-ci, quel est votre choix, avec ce que vous connaissez, puisque les entreprises qui ont l'expérience dans le domaine, qui ont le "know how " au point de vue de la modernisation des installations pour les rendre salubres vous disent que ce n'est pas possible de rendre salubres les installations vieillottes telles que la mine Normandie, et que cela coûterait extrêmement cher. Par contre, on a les déclarations de vos collègues d'autres ministères qui disent: On doit reconstruire l'usine. Vous autres, puisque vous avez la responsabilité, et vous, puisque vous avez la responsabilité de l'application de la loi, avec ce que vous connaissez maintenant de ces données, qu'allez-vous faire? Pouvez-vous dire maintenant que vous opterez pour la reconstruction complète de l'usine en question ou allez-vous aller du côté de la rendre salubre avec les moyens que vous avez?

M. Bérubé: La question qui nous est posée là met presque en doute votre décision, M. le Président, quant à la recevabilité de cette question parce que vous voyez immédiatement que nous sommes amenés à juger du prix que nous allons payer pour l'entreprise. Si nous posons, a priori, que nous devrons reconstruire une usine, cela suppose immédiatement un coût, un coût la tonne pour le minerai, donc une diminution des profits. Par conséquent, lorsque nous actualisons cette diminution des profits, il y a une incidence directe sur le coût d'achat. C'est là la difficulté, finalement, de vouloir perpétuellement côtoyer une discussion qui voudrait ne porter que sur la salubrité mais qui, finalement, doit également porter sur le coût d'achat, et c'est très difficile d'y échapper. Je pense que dans le cas présent, il ne serait pas possible de vous dire laquelle des options nous favorisons.

M. Brochu: Mais vous conviendrez cependant, M. le Président, en terminant, que cela nous place, par exemple, de ce côté-ci de la table, dans une drôle de position puisque ces coûts, on a à y faire face et on aura à les payer et on nous demande maintenant d'adopter un projet de loi qui va nous embarquer dans ce genre de zone grise où les choses ne sont pas clairement définies, du moins avec un ordre de grandeur précis. On n'est même pas, à ce moment-ci, en mesure de nous dire: Voici, on va fonctionner de telle ou telle façon.

Donc, là-dessus, je dois vous dire que cela nous place dans une drôle de situation. C'est difficilement acceptable, surtout qu'il y a quand même eu des déclarations du gouvernement, en dehors de cette commission parlementaire, d'autres membres du cabinet qui ont dit: Oui, il faut reconstruire.

M. Bérubé: II est évident que l'Opposition aura tout le temps nécessaire pour porter un jugement puisqu'en effet ce que nous faisons ici, c'est entreprendre une négociation d'achat et nous devrons en évaluer le prix. Lorsque, officiellement, les parties en cause publieront les résultats de leurs études — et nous n'avons nullement l'intention de cacher quoi que ce soit à la population du Québec — la population sera en mesure de porter un jugement, à savoir si ceci a été payé trop cher ou pas assez cher. Là, il y aura un jugement à

porter, effectivement, sur la décision. Mais pour l'instant, il ne peut y avoir de jugement à porter puisque le prix d'achat est le prix qui sera négocié après l'examen attentif de l'état des installations. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous n'avons pas demandé un mandat, un blanc-seing pour nationaliser la société Asbestos Corporation. Nous n'avons pas demandé ceci à l'Opposition. Nous avons simplement créé la Société nationale de l'amiante et, entre-temps, nous négocions de gré à gré. Il sera possible, en tout temps, à l'Opposition de convoquer un débat à l'Assemblée nationale si elle jugeait que le prix payé par le gouvernement est un prix excessif, à la lumière, à ce moment, de toutes les données, et elle aura en main toutes les données objectives.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, le but de cette motion est évidemment d'obtenir des études qui ont été préparées concernant les investissements supplémentaires au coût d'achat que le gouvernement devra faire pour améliorer les installations périmées de l'usine de la société Asbestos afin de respecter les normes de salubrité. Le ministre nous a candidement avoué tantôt que de telles études n'existent pas, qu'elles sont en voie de préparation. Nous sommes actuellement à étudier prématurément un projet de loi inutile qui n'est absolument pas nécessaire pour appliquer une politique cohérente de l'amiante, cela fait, comme le député de Richmond l'a si bien dit tantôt avec un air de surprise, quoique je le sais beaucoup moins naïf et il s'en est aperçu bien avant aujourd'hui, que nous sommes en train, ici dans l'Opposition, de parler dans le noir. On nous demande un acte de foi. Je pense que c'est quand même notre devoir de tenter de démontrer au gouvernement quels sont les écueils de ce projet de loi et de sa politique telle que comprise par le gouvernement.

Ces études sont indispensables quant à l'évaluation. Je pense que là-dessus on s'entend. Le ministre a dit que c'était en voie de préparation. C'est donc que le gouvernement conçoit la nécessité de telles études. Elles sont indispensables compte tenu de l'objectif de salubrité de toute politique gouvernementale en matière d'amiante, salubrité à la mine et aux installations. Mais il y a un autre aspect que le député de Saint-Laurent a touché tantôt, il s'agit de la question de la salubrité en ce qui concerne les pertes de marchés que nous pouvons constater, pertes qui se sont confirmées encore aujourd'hui par l'annonce, ce matin, d'une diminution de 6% pour la production de la fibre d'amiante au Québec en 1977. Le ministre a répondu en donnant un tableau de la consommation d'amiante. La copie que j'ai reçue de Asbestos Mineral... Je ne peux pas lire le reste, M. le Président. La copie est un peu mauvaise. Alors, si je fais erreur, le ministre me corrigera. C'est la consommation de l'amiante et non pas l'importation. Il s'agit réellement de la consommation américaine.

M. Bérubé: La consommation américaine de l'amiante.

M. Lalonde: Parce que le titre est un peu effacé sur la copie.

M. Bérubé: Asbestos Supply, Demand, Relationship, 1967-1976.

M. Lalonde: Je crois qu'il se référait, dans ce document, au tableau que l'on voit à la page 9, où l'on voit une consommation de... Est-ce qu'il s'agit bien de "long ton" ici? Cela aussi est effacé sur mon...

M. Bérubé: En général, aux Etats-Unis, c'est la "short ton" de 2000 livres.

M. Lalonde: "Short ton", oui, parce que le titre est effacé. En tout cas, de 721 000 tonnes à 725 000 tonnes, une augmentation fulgurante de 4000 tonnes de 1967 à 1976! Le ministre nous a mis en garde contre le danger de prendre une photographie trop courte des tendances de trois à quatre ans. Je reprends les chiffres qu'il nous a lui-même distribués. Alors que le maximum de consommation était, en 1973, je crois, de 876 000 tonnes, nous avons...

M. Bérubé: Est-ce que le député me permettrait une question pour être certain qu'on se comprend?

M. Lalonde: Oui.

M. Bérubé: Est-ce que le député pourrait, cependant, prendre le chiffre de 608 000 tonnes en 1975 et 725 000 tonnes en 1976 et projeter cette croissance phénoménale sur les cinq prochaines années? (11 h 45)

M. Lalonde: M. le Président, je devrai demander au ministre qui a raison, lui ou son groupe de travail fantôme qui nous a lui-même dit: Surtout ne considérez pas les chiffres en 1975. Il y a eu l'incendie, il y a eu la grève de sept mois. Alors, je ne sais pas si le ministre peut nous dire qui on doit croire, lui ou son groupe de travail. C'est assez difficile pour moi de choisir parce que je ne connais pas son groupe de travail, et je le connais lui. Donc, je serais tenté de prendre son groupe de travail. Quand même, je voudrais lui donner toutes les chances possibles de rétablir sa crédibilité. Alors, on a une augmentation fulgurante de 4000 tonnes en dix ans. Et là, je vais me rapporter à une évaluation très empirique, que le PNB américain aurait probablement augmenté — je n'ai pas les tableaux ici — entre 40% et 50%, avec un taux d'augmentation moyen de 4% à 5% par année. On pourrait ainsi avoir une augmentation du produit national brut américain, de 1967 à 1976, probablement, pour être bien conservateur, de 35% à 45%.

Alors, on peut dire que les tendances que nous avons mentionnées tantôt, que le député de Saint-Laurent a soulignées, sont à la baisse dans la production de l'amiante au Québec; en oubliant l'année 1975, en partant de 1974, 1 536 571 tonnes pour les groupes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, et 8, avec le plus gros de la production pour les groupes de 4 à 7, de fibre inclusivement, passer de 1 536 000 tonnes, en 1974, oubliant 1975 pour les fins de la discussion, passant de 1 373 000 tonnes en 1976, une diminution de 6% sur les chiffres de 1976, je crois que ça donne 1,2 million de tonnes à peu près pour 1977.

Donc, cette tendance à la baisse est confirmée par le tableau que le ministre a tenté d'invoquer à l'encontre de nos prédictions. On nous dira que nous sommes des prophètes de malheur et on tentera d'occire l'Opposition dans le but de faire oublier la mauvaise nouvelle. M. le Président, cela ne changera rien. C'est vrai qu'il y a un lobby antiamiante, un lobby tellement fort qu'on ne peut quand même pas y référer comme étant simplement un accident ou un fait artificiel lorsqu'on sait que des pays aussi crédibles que la Suède, la Hollande, la France, l'Angleterre et les Etats-Unis, en ce qui concerne la connaissance, la technique, ont banni complètement l'amiante, dans le cas de la Suède, où on fait des législations restreignant les utilisations. Je pense qu'on doit conclure qu'on a un problème sérieux qu'il faut attaquer sérieusement.

Je sais que...

M. Bérubé: M. le Président, le député pourrait-il prendre la page 14 du même rapport et examiner justement la demande américaine d'amiante, de 1955 à l'an 2000, à partir du comportement du marché où on voit le caractère erratique, d'ailleurs comme la demande de toute matière minérale, la demande fortement erratique mais pour laquelle il est extrêmement difficile de tirer les conclusions qu'il vient de tirer. Effectivement, on constate qu'en 1975 il y a une chute brutale, c'est vrai. Mais lorsqu'on voit les fluctuations et lorsqu'on rapporte les tendances globales avec d'autres évaluations, on se rend compte que l'étude qu'il a entre les mains, qui date de septembre 1977, ne conclut pas du tout ce que le député prétend conclure présentement.

M. Lalonde: M. le Président, le ministre, à qui j'ai laissé le soin de terminer son intervention antiréglementaire, fait état d'une projection en l'an 2000. Je ne sais pas jusqu'à quel point il croit, il attache une importance à de telles productions. Je le mets en garde contre une telle attitude, justement à cause des tendances actuelles qui me semblent un fondement beaucoup plus sûr quand il s'agit de dépenser l'argent du public. Si le ministre veut investir lui-même ses propres fonds dans des projections pour l'an 2000, libre à lui, mais il me semble que, comme administrateur des fonds publics, il doit faire preuve de beaucoup plus de prudence, surtout lorsque l'on constate deux choses absolument réelles, qu'on peut toucher: la diminution de la production depuis 1974 au Québec, donc la diminution de la demande, et, deuxièmement, ce que son groupe de travail appelle des législations émotives, parrainées par des organismes et des individus qui incriminent l'amiante bien souvent au-delà de toute preuve réelle et scientifique.

C'est tellement important, M. le Président, cette perte de marchés, cette diminution de la consommation, cette réduction de la production, que cette question devient capitale quant à la stratégie du gouvernement, à savoir quel genre d'intervention le gouvernement doit faire dans l'amiante.

On sait que la garantie d'approvisionnement est la cheville ouvrière dans la stratégie de la politique actuelle du gouvernement. A moins que l'achat d'une mine ne soit qu'un geste symbolique pour exciter l'imagination de la galerie ou à moins que cet achat ne procède d'une politique avouée de nationalisation de nos moyens de production, la seule raison d'investir entre $100 millions et $200 millions — on ne sait trop — de fonds publics, c'est pour assurer l'approvisionnement. D'ailleurs, le rapport fantôme que le ministre nous a remis, lorsqu'il conclut à l'acquisition d'une mine — il invoque peut-être l'aspect un peu symbolique, en parlant d'une volonté, pour prouver au monde qu'on est bien sérieux, parce que cela coûte cher — plus sérieusement, n'invoque que la garantie d'approvisionnement pour une industrie de transformation éventuelle.

A la page 9 — il y a beaucoup de pages 9 dans ce rapport, qui me semblent un peu bousculées — on dit, au troisième paragraphe: "La disponibilité de fonds publics importants pour investir seul ou conjointement avec les entreprises, de même que l'achat d'une compagnie minière assurant l'approvisionnement en fibres affirmeraient indéniablement la volonté du Québec".

Or, cette réduction, qui semble liée d'assez près à la question de la salubrité, à ce qui semble être un effet de "législations émotives", dans d'autres pays, a pour effet que la production québécoise est en deça de ses capacités et que nous n'avons donc plus une situation où nous devons faire des gestes coûteux, des gestes bien ponctuels comme celui d'acheter une mine, pour nous assurer maintenant l'approvisionnement.

M. Grégoire: Vous voulez dire que cela aurait dû se faire avant, quoi?

M. Lalonde: M. le Président, je comprends qu'avec l'âge politique du député de Frontenac, il voit plutôt en arrière qu'en avant. Mais il me semble qu'actuellement nous discutons d'une démarche, d'une décision du gouvernement pour acheter une mine. Nous avons la question de la salubrité qui est non seulement liée aux installations — c'est précis, c'est vrai, et c'est surtout à cela que le ministre s'est adressé dans sa longue intervention tantôt — mais qui va plus loin que cela, à un point tel que son rapport fantôme lui dit, à un moment donné, à la page 4 — à une des nombreuses pages 4 — et je lis: "Une campagne importante destinée à rectifier les choses et à ré-

tablir les faits aussi scientifiquement que possible... " et, si ce n'est pas possible, pas scientifiquement du tout. C'est entre parenthèses et c'est de mon cru; je ne veux pas que cela paraisse comme citation dans le débat.

M. Bérubé: C'est de votre cru.

M. Lalonde: Je continue la citation: "... s'impose pour le détenteur de la ressource qu'il ne possède pas toutes les technologies de substitut et afin que nos partenaires commerciaux ne soient pas tentés d'utiliser les dangers relatifs de l'amiante comme un prétexte à une discrimination commerciale envers une ressource fortement concentrée au Québec ".

On aurait souhaité que le ministre nous permette de préciser cette question avec les membres, s'ils existent. On ne sait pas si les membres de ce groupe sont encore en existence. Il ne semble pas, puisqu'on ne veut pas nous les présenter. Mais, dans l'hypothèse où on ne peut pas nécessairement préciser cela avec les membres de ce groupe de travail, il serait intéressant de savoir si le ministre a l'intention de rectifier les choses, de rétablir les faits, aussi scientifiquement que possible, avant de procéder à l'achat d'Asbestos Corporation. Il me semble que c'est là un geste capital qui lui est recommandé, une campagne importante dit le rapport. C'est une campagne qui s'impose, dit le rapport. Il me semble que le ministre aurait dû, au départ, nous dire quels sont les fonds publics qui seront dépensés pour justement faire cette campagne, pour faire les études aussi scientifiquement que possible, dit-on dans le rapport, pour justement nous affranchir, affranchir toute la production québécoise d'amiante de cette hypothèque qu'il est difficile de mesurer actuellement dans ses sources, dans ses origines, mais dont les effets, dont les résultats sont nocifs pour la production, pour toute politique à long terme de l'amiante.

C'est ce que nous aurions souhaité que le ministre nous dise. Mais il nous a parlé seulement du dépoussiérage des immobilisations, entre $30 millions et $80 millions, avec un taux d'actualisation, je pense... Je n'ai pas tout à fait compris la savante démonstration du ministre. J'ai toujours pensé qu'un taux d'actualisation, c'est un taux qu'on appliquait en fonction d'éventualités futures. C'est de transporter, de ramener à aujourd'hui des coûts, de traduire dans des coûts des éventualités qui sont dans l'avenir, de savoir, en termes de dollars aujourd'hui, combien cela coûtera, étant donné le plan à moyen terme ou à long terme qu'on a, et non pas pour faire quelque chose qui est actuellement facilement mesurable, le dépoussiérage, par exemple.

Si le taux d'actualisation doit tenir compte d'une éventualité, le ministre va-t-il prendre, comme objectif de salubrité, les normes du rapport Beaudry? Peut-il nous assurer, par exemple, que la norme de l'OSHA des Etats-Unis de — je voudrais la citer — 0,5 fibre par centimètre cube qui est actuellement poussée avec beaucoup de vigueur par cet organisme américain ne sera pas désirable au Québec, si cela devient une loi aux Etats-Unis? Comment, dans son taux d'actualisation, a-t-il tenu compte de cette éventualité? On aurait souhaité le savoir, M. le Président.

Le ministre invoque la loi de nationalisation de l'industrie de la potasse en Saskatchewan. Je vous ferai remarquer, M. le Président, qu'il s'agit là d'un tout autre problème. En Saskatchewan, on a décidé de nationaliser une industrie. On met le débat sur la table pour savoir si c'est bon pour la population qu'on nationalise l'industrie. A ce moment-là, il est loisible à tous les membres de cette commission de dire oui ou non, de dire: On est pour la nationalisation ou on est contre la nationalisation. On supporte ou on combat une politique socialiste de nationalisation. On pourrait le faire. Ici, ce n'est pas ce qu'on a devant nous. On a l'acquisition d'une mine pour assurer l'approvisionnement, dans le but éventuel d'établir des installations, des industries de transformation. On ne peut donc pas comparer la démarche qui a été faite en Saskatchewan avec celle que le ministre nous propose actuellement. (12 heures)

M. Bérubé: M. le Président, est-ce que le député me permettrait, non pas de rectifier, mais ajouter simplement quelque chose à ce qu'il vient d'affirmer? Cela va prendre 30 secondes.

M. Lalonde: Oui.

M. Bérubé: Vous avez dit qu'OSHA s'occupait fiévreusement à abaisser sa norme à 0,5 fibre. Or, si vous prenez un des rapports que je vous ai déposés, vous y verrez qu'effectivement, en date de juillet 1976, OSHA a adopté une limite de 2 fibres par centimètre cube et, en juin 1967, il n'y avait eu encore absolument aucune audience portant sur une nouvelle norme qui serait de 0,5 fibre par centimètre cube. Par conséquent, vous avez dit qu'OSHA s'occupait fiévreusement à abaisser la norme. Leur fièvre ne leur permet pas de tenir une audience plus d'une fois par année.

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais savoir...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Avec une minute.

M. Lalonde: Oui, mais il vient de me prendre 30 secondes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je viens de vous donner une minute. Vous aviez fini.

M. Lalonde: Oui, c'est juste. Je vous remercie. J'aimerais quand même demander au ministre qui on doit croire, le nouveau rapport qu'il vient de lire ou celui de son groupe de travail fantôme. Je vais citer, on dit ici, à la page 5 du rapport: "Si le Québec devait suivre le comportement de OSHA des USA, les possibilités de transformations additionnelles de la fibre au Québec s'estomperaient rapidement. Après avoir présenté une norme de 2 — je pense que c'est ce que le ministre vient de

dire — OSHA pousse actuellement une loi pour 0,5". Est-ce que le ministre doit nous dire si ses fonctionnaires fantômes ont raison? Où ont-ils pris cela? Il faudrait qu'il les raboue lui-même et non pas rabrouer les députés de l'Opposition qui ont le malheur de les croire.

M. Bérubé: C'est sur la fièvre que j'ai commentée.

M. Lalonde: Quelqu'un qui pousse une loi, il me semble qu'il doit le faire avec beaucoup de vigueur et d'intensité comme le ministre l'a fait fiévreusement...

M. Bérubé: Fiévreusement.

M. Lalonde: ... pour la loi sur la Société nationale de l'amiante.

M. Bérubé: Disons qu'ils ont un accès de fièvre à tous les deux ans.

M. Lalonde: Bon. Ecoutez, si c'est la fièvre qui dérange le ministre, à ce moment, disons qu'en citant le rapport même du ministre, qu'il n'a pas osé prendre à sa charge, je le comprends, cela fait trois ou quatre contradictions qu'on relève actuellement, OSHA pousse actuellement une loi de 0,5 fibre. Je pense...

M. Forget: Une petite question qui se répond en un mot.

M. Bérubé: Question médicale.

M. Forget: Est-ce que, d'après le jugement du ministre, il nous affirme, connaissant si bien le dossier, que cet organisme américain, effectivement, n'adoptera pas des normes plus sévères que celles actuellement en vigueur?

M. Bérubé: Non, ceci est absolument impossible de ma part de faire une telle affirmation...

M. Forget: Que vous fassiez une affirmation.

M. Bérubé: ... puisque cela m'apparaît illusoire.

M. Forget: Vous contredisez le député de Marguerite-Bourgeoys et vous donnez l'impression que cela ne se fera pas. Est-ce que cela va se faire ou est-ce que cela ne se fera pas d'après vous?

M. Bérubé: J'ai contesté le mot "fièvre ". M. Forget: Vous reculez.

M. Lalonde: M. le Président, je conclus en regrettant que le ministre ait à l'égard de la commission parlementaire une attitude si fermée. En concluant qu'étant donné que ces études n'existent pas nous sommes actuellement dans une situation d'une loi prématurée, nous allons devoir adopter une attitude qui est conséquente avec cette situation qui nous est imposée par le gouvernement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, en parlant de salubrité, le juge Beaudry, dans son rapport de 1976, disait: "Le gouvernement du Québec s'est toujours conduit de façon honteuse vis-à-vis de ses travailleurs de l'amiante". Cela a été ce qui a ressorti du rapport Beaudry en 1976. Vous allez le trouver dans le rapport.

M. Forget: La page?

M. Grégoire: Si vous ne l'avez pas lu, lisez-le. Je peux vous dire ceci, par exemple, c'est que...

M. Forget: II est incapable, comme le ministre, de faire une affirmation fondée.

M. Grégoire: Cela a été publié, à part cela, en gros titres dans tous les journaux...

M. Lalonde: Ah! Ce n'est pas du juge Beaudry, ce sont les journalistes.

M. Grégoire: ... le 5 novembre 1976, c'était publié en grandes pages: Déclaration du juge Beaudry...

M. Lalonde: Quel journal?

M. Grégoire: Le Soleil. Cela vous frappe, cela vous fatigue.

M. Forget: M. le député de Frontenac, le juge Beaudry dit que la moitié du travail est déjà fait au moment où il rédige son rapport. Je l'ai cité tantôt.

M. Grégoire: Le juge Beaudry disait que le gouvernement s'était toujours conduit d'une façon honteuse vis-à-vis de ses travailleurs de l'amiante. Il l'a dit. C'était avant 1976.

Une Voix: C'est faux.

M. Forget: ... donner une citation.

M. Grégoire: Aujourd'hui, il y a un gouvernement qui veut faire quelque chose et vous êtes là...

M. Forget: Pas dans le domaine de la salubrité, c'est déjà fait.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Grégoire: Vous parlez d'une façon pessimiste. Vous dites: Pour la fibre, la production a baissé. Oui, mais la valeur de l'amiante qui n'était pas avant 1972/73, la première valeur minérale ou la première valeur minière est devenue la première valeur minière. En 1974, il se vendait pour $180

millions — des grenailles — de fibre d'amiante; l'an dernier, en 1976, c'était monté à $350 millions et, en 1977, c'est rendu à $405 millions ou $408 millions. Mais cela, vous ne le mentionnez pas.

M. Lalonde: C'est le grand débat...

M. Forget: Le grand succès, c'est quand on vendra une livre pour $5 millions.

M. Grégoire: Alors, la fibre a pris de la valeur, elle a augmenté plus qu'aucune autre dans n'importe quel autre domaine minier. Je me demande pourquoi l'Opposition — elle se l'est pourtant fait dire en fin de semaine encore dans un éditorial du Devoir — voit toujours les choses en noir.

M. Forget: Vous vous êtes aussi fait dire que vous n'aviez pas de politique... Parce que nous ne sommes pas des rêveurs comme le député de Frontenac.

M. Lalonde: Parce qu'on est devant vous. Mettez-vous à notre place, vous allez voir tout en noir.

M. Grégoire: C'est choquant — pourtant l'amiante est blanc au Québec — mais ce sont des pessimistes.

M. Lalonde: Avec un gouvernement comme le vôtre, c'est la moindre des choses.

M. Grégoire: Que les mines d'amiante qui forment un cartel assez bien contrôlé, où on s'est toujours bien entendu, décident de faire monter les prix, créent une espèce de raréfaction de la fibre pour faire monter les prix, qu'il y ait une usine qui brûle tout à coup mettant 800 personnes en chômage et diminuant la production de 1975, qu'il y ait une grève de sept mois, qu'il y ait une mine qui ferme — la Fiintkote — parce qu'elle n'a plus de réserves ou, du moins, parce qu'elle est collée aux concessions minières d'Asbestos Corporation qui refuse de lui donner du terrain, forçant une mine à fermer... Tout cela se produit, mais, malgré tout, le prix de la fibre augmente la valeur économique de l'amiante augmente et les profits augmentent.

Il est dit dans le rapport du CRD que les profits sont rendus à environ 20%, ce qu'aucun autre secteur minier n'a fait.

M. Forget: Avant la dépréciation.

M. Grégoire: Même si on prend la dépréciation, les réserves prouvées augmentent et l'Asbes-tos Corporation, dans ses statistiques, a augmenté la quantité de ses réserves prouvées depuis l'annonce du 21 octobre. Cela a pratiquement doublé.

M. Forget: C'est moins utile si on ne peut pas vendre la fibre.

M. Grégoire: On en est rendu là et pourtant j'entends: L'avenir n'est pas drôle. Vous n'avez pas confiance dans l'avenir du Québec, dans l'avenir de ses richesses minérales?

M. Lalonde: Avec ce gouvernement-là, non!

M. Grégoire: Je cherche les pronostics...

M. Lalonde: Avec un autre gouvernement, on serait peut-être plus rassuré.

M. Forget: Oui, c'est ça.

M. Grégoire: Avec un autre gouvernement? Le vôtre n'a jamais rien fait en 100 ans...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: On n'est pas...

M. Forget: Le comité Beaudry, ce n'est pas vous qui l'avez créé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: ... jamais rien. A quelle conclusion en est-il arrivé? Il dit: Vous vous êtes conduits d'une façon honteuse vis-à-vis des travailleurs de l'amiante. — Je l'ai ici.— Une rentabilité élevée: "Le secteur de l'extraction de l'amiante est reconnu — c'est toujours le comité des mines du Conseil régional de développement des Cantons de l'Est...

M. Forget: Ne le citez pas, c'est gênant, vous ne faites pas ce qu'il demande.

M. Grégoire: ... pour sa rentabilité économique. Les taux de profits sont nettement supérieurs.

M. Forget: Vous contredisez toutes les recommandations; vous n'êtes pas gêné de citer cela?

M. Bérubé: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Cela les fatigue, n'est-ce pas, M. le Président?

M. Bérubé: M. le Président, question de règlement. Je pense que lorsqu'un intervenant a le droit de parole, l'Opposition est certainement en droit de lui demander s'il accepte une question, ce que j'ai fait à quelques reprises et je dois dire que l'Opposition s'est complaisamment soumise à ma question et y a d'ailleurs répondu. Jusqu'à maintenant, cela s'est fait dans les normes. Je pense que présentement l'Opposition manque de savoir-vivre.

M. Forget: II y a une question de qualité de l'interlocuteur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac, sur la motion, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Je pense que le ministre a bien raison de dire que c'est un manque de savoir-vivre, mais, d'un autre côté, c'est un indice: Quand on les touche où ça fait mal, ça rouspète et ça rouspète tellement fort que je m'aperçois que ça fait bien mal, ce qu'on dit à l'Opposition présentement.

M. Lalonde: Cela fait mal à notre intelligence, quand vous parlez.

M. Grégoire: Cela vous fait mal, parce que vous rouspétez.

M. Forget: Oui, justement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Si la citation qui vient du CRD des Cantons de l'Est... Il y a deux mois, le député de Saint-Laurent est allé faire une tournée dans ce coin pour essayer d'avoir des opinions.

M. Forget: J'en ai eu beaucoup aussi. C'est pour cela qu'on fait de l'Opposition.

M. Grégoire: II en a eu du CRD. Je vais lui en citer une du CRD des Cantons de l'Est sur l'amiante où il est dit: "Le secteur de l'extraction de l'amiante — à la page 20, vous voulez avoir le numéro de la page, à la page 20 — est reconnu pour sa rentabilité économique. Les taux de profits sont nettement supérieurs à ceux existant dans les secteurs similaires ou même industriels. Malgré l'absence de données précises, due à la non-obligation pour les compagnies de publier des rapports financiers pour leurs opérations québécoises, la loi les en dispensant malheureusement, les profits réalisés actuellement sont de l'ordre de 20%, avant impôt, en moyenne, selon le rapport de M. Normand Alexandre. "Pour le Comité des mines, il y a lieu de croire que ce pourcentage est peut-être nettement plus élevé pour certaines exploitations. Peu de secteurs peuvent se vanter d'une telle performance et cette situation est appelée à se maintenir compte tenu de la demande mondiale et de la rareté de l'amiante ailleurs.

M. Forget: Bien oui, on voit cela.

M. Grégoire: II y a tout de même—l'Opposition va l'admettre — des beaux côtés au secteur de l'amiante. C'est drôle, j'aurais aimé cela que l'Opposition qui critique — j'admets qu'elle puisse critiquer — de temps en temps dise: C'est vrai que l'amiante, c'est un bon secteur économique. C'est vrai qu'on est plus fort dans l'amiante que dans le cuivre ou dans d'autres domaines. C'est vrai qu'on produit moins de diamants que d'amiante, mais on produit de l'amiante.

J'aurais aimé cela que l'Opposition nous dise: II y a quelque chose dans l'amiante. Il y a des profits à en retirer. Il y a du développement à faire là. Mais non, c'est le pessimisme le plus noir. Quand vous allez sortir de cette commission, vous serez enterrés dans le vide du pessimisme qui vous ronge présentement. Vous n'êtes pas capables de voir quelque chose de beau dans l'avenir du Québec. Démissionnez-vous avant de partir?

M. Lalonde: Ne mêlez pas l'avenir du Québec avec cela.

M. Grégoire: Démissionnez-vous avant de partir?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur la motion, M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Ils ont démissionné tout le temps en parlant sur cette motion.

M. Lalonde: On va vous remplacer à la place.

M. Grégoire: C'est mieux pour le député de Richmond. Je m'aperçois qu'il s'est amélioré depuis quelques jours.

M. Lalonde: C'est le nouveau style. Ne vous y fiez pas.

M. Grégoire: On ne s'y fiera peut-être pas, mais il a peut-être eu, tout à coup, un soubresaut d'optimisme.

M. Forget: Ne vous inquiétez pas. Cela s'en venait bien. Ne nous inquiétez pas.

M. Grégoire: Je m'aperçois qu'il a légué tout cela à l'Opposition. Peut-être a-t-il vu que ses compagnons de l'Opposition étaient rendus trop pessimistes et que c'était difficile de les suivre dans le trou béant du pessimisme où ils ne surnagent même pas depuis quelques jours.

Je vous dis que je suis là dans la région de l'amiante. Hier, je jasais avec les travailleurs de l'amiante. Hier soir, il y en avait une quarantaine. Il y a des grèves qui se règlent. Les gars de l'amiante sont des gars fiers. Le député de Richmond en sait quelque chose. Ils ont lutté et ils se sont fait matraquer déjà. Ils en ont fait des grèves.

M. Forget: Par un certain gouvernement.

M. Grégoire: Oui. Ils se sont fait promettre des choses par un autre gouvernement.

M. Forget: Cela va revenir parce qu apparemment ils sont trop payés, selon les spécialistes du gouvernement.

M. Grégoire: En 1934, il y avait un premier ministre d'une autre formation politique qui était allé

les encourager là-bas en disant: Ce ne sera pas long, on va vous sortir du trou, les gars de l'amiante. Il a dit: Vous autres, les compagnies, si vous ne faites pas quelque chose, avant longtemps on va vous nationaliser. Ce n'était tout de même pas un communiste qui avait dit cela. C'était un premier ministre libéral qui s'appelait Alexandre Taschereau. C'est en 1934 qu'il a dit cela et les travailleurs de l'amiante en ont subi des coups. Ils ont travaillé dans le fond de la mine. Il y en a qui se sont empoussiérés. Ils en subissent encore des coups. Il y en a des amiantosés dans le coin, mais là, ils ont confiance que cela débloque après 100 ans et ils m'en parlent. Hier, je parlais avec eux autres et ils ont dit: Qu'est-ce qu'ils ont, l'Opposition? Qu'est-ce qui leur prend tout à coup?

Une Voix: Un de vos organisateurs?

M. Grégoire: Des libéraux. Il y a un libéral qui est venu le dire ici, ouvertement, et tout fort: C'est le gouvernement libéral qui m'a demandé de faire des études. Le gars était libéral. Il vous l'a dit en pleine face.

M. Forget: Apparemment on n'a rien fait.

M. Grégoire: II a dit: Là, ça veut débloquer. Pourquoi ne laissez-vous pas cela débloquer?

M. Lalonde: M. le Président, puis-je poser une question?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, mais sur le sujet puisqu'il est en dehors du sujet.

M. Lalonde: Justement, c'est pour cela. Quelles sont les objections du député à ce qu'il prenne connaissance, comme membre de cette commission, des études concernant les coûts additionnels relatifs à la salubrité?

M. Forget: Répondez. Répondez.

M. Grégoire: Je n'ai pas d'objection. Le ministre vous l'a dit tantôt.

M. Lalonde: Ah! Le ministre l'a dit. Mais le député, qu'est-ce qu'il pense?

M. Grégoire: L'Asbestos Corporation évalue cela à $30 millions. C'est commencé depuis 1976. Vous nous citez le bulletin de l'Association des mines. Elle dit ici, dans son dernier bulletin: La société Asbestos, engagée dans un programme d'assainissement de $30 millions, a mis sur place depuis le début de 1976 de nombreux équipements de contrôle de la poussière à ses installations de Thetford, Black-Lake et Coleraine.

M. Bérubé: Vous avez la réponse. M. Lalonde: C'est cela la réponse?

M. Grégoire: Là on arrive, on prend...

M. Lalonde: C'est cela l'étude? Ce n'est pas fort.

M. Grégoire: J'imagine que l'Asbestos Corporation a dû étudier beaucoup mieux que vous autres.

M. Lalonde: Donnez-nous l'étude.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Grégoire: Le député de Saint-Laurent est allé dans la région d'Asbestos. Je gagerais qu'il n'est même pas allé jaser avec un seul gars de l'Asbestos Corporation pour demander combien cela coûterait le dépoussiérage de cela? Vous êtes allé là pourquoi?

M. Forget: Ne gagez pas.

M. Grégoire: Vous êtes allé là pour essayer de trouver des bêtes noires et non pas pour vous informer. Nommez-moi donc l'ingénieur de l'Asbestos Corporation que vous avez rencontré là-bas. (12 h 15)

M. Forget: Ne gagez pas trop.

M. Lalonde: Combien gagez-vous? M. Grégoire: Nommez-le moi donc!

M. Lalonde: Dites-nous combien vous gagez et on en reparlera après.

M. Grégoire: Je vous gage une bonne fondue chinoise, si vous voulez, parce que vous faites des chinoiseries depuis le début.

M. Lalonde: Une fondue, c'est cela que vous allez être après...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Grégoire: Avec un vin noir parce que vous êtes dans le noir également.

M. Forget: II se rend compte que son affaire est en train de fondre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Quels sont les ingénieurs d'Asbestos Corporation que vous avez rencontrés? Là, vous auriez des chiffres.

M. Lalonde: Voulez-vous nous confier la politique? Nous allons la faire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Grégoire: Vous n'en avez jamais fait depuis 100 ans et vous pensez qu'on va vous confier cela? Cela va prendre encore 100 ans...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Lalonde: Répondez à ma question.

M. Grégoire: M. le Président, je m'aperçois que cela les choque.

M. Lalonde: Répondez à ma question.

M. Grégoire: Ils sont allés s'informer pour trouver des bêtes noires et non pas pour avoir les véritables renseignements. Etes-vous allés visiter une mine quand vous êtes allés faire un tour dans ce coin-là?

M. Lalonde: Comme bête noire, allez trouver le député.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Grégoire: Etes-vous allés visiter une mine? Etes-vous allés visiter l'Asbestos Corporation? Etes-vous allés dans le trou de la mine à Normandie?

M. Forget: Oui, monsieur.

M. Grégoire: Oui. Vous êtes allés à la Normandie.

M. Lalonde: Cela étonne. Est-ce qu'on a le broit?

M. Grégoire: Oui, vous avez le droit. Je vais m'informer certainement, parce qu'on m'a dit que vous vous êtes mis les pieds là pour avoir quelques organisateurs libéraux, mais pas pour visiter les mines.

M. Lalonde: Merci. Le député est tellement régionaliste que...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Grégoire: Je vais m'informer auprès des...

M. Forget: J'ai visité le moulin de haut en bas, la mine, toute l'affaire. J'ai tout vu.

M. Grégoire: La Normandie. Je vais aller m'informer de cela.

M. Forget: C'est pour cela que j'ai vu que le trou n'était pas assez grand pour engouffrer la bêtise...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Grégoire: C'est vrai que le trou n'est pas assez grand, il est rendu dangereux. Il est rendu plus que dangereux. C'est dû à la politique d'As-bestos Corporation.

M. Lalonde: La bêtise du député est encore plus dangereuse.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Grégoire: Tous les travailleurs le savent. J'ai appris hier — il y a des choses qu'on apprend tous les jours — que la mine est en train de laisser toute la pierre pour ne prendre que l'amiante. Au lieu d'envoyer la pierre sur les tas de résidus, ils laissent la pierre là et ne sortent que les sillons de fibre.

M. Forget: Cela fait de moins gros crassiers.

M. Grégoire: Cela diminue la valeur de l'Asbestos Corporation. Ceux qui évaluent doivent être en train de voir comment ils sont en train d'exploiter ce trou de la Normandie qui fonctionne à l'encontre du bon sens, à rencontre de tout ce qui se fait à la Johns-Manville ou à la Lake Asbestos ou à la Nationale ou à la Bell Asbestos. Ils sont en train de faire exactement comme ils ont fait à la Flintkote et c'est fermé depuis deux ou trois ans à la Flintkote

M. Forget: M. le Président, il y a une erreur de faits. Dans le trou de la Normandie, il n'y a plus d'exploitation.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! M. le député de Saint-Laurent, votre temps est épuisé.

M. Grégoire: Justement, ils sont obligés d'entrer sous terre parce qu'ils ont mal exploité le trou. Ils n'ont pas agrandi autour.

M. Forget: L'ingénieur minier, de l'autre côté, c'est le ministre, ce n'est pas nous.

M. Grégoire: C'est cela qui choque l'Opposition.

M. Lalonde: Non, on n'est pas choqué...

M. Grégoire: C'est cela qui les choque. C'est que le secteur de l'amiante, c'est un secteur d'ici qui est très rentable, qui a été mal développé; les anciens gouvernements ne se sont pas préoccupés de voir à ce que cela profite aux citoyens du Québec...

Une Voix: Je pensais que c'était à la province.

M. Grégoire: ... voir à ce que cela profite à l'économie du Québec. Aujourd'hui, le gouvernement veut le faire. La population de la région a compris qu'on veut enfin faire profiter les Québé-

cois d'un secteur économique qui appartient aux Québécois et qui doit être exploité au profit des Québécois.

M. Lalonde: Est-ce que le député me permet une question, M. le Président?

M. Grégoire: Je termine en disant que je comprends mal, je comprends très mal...

M. Lalonde: Est-ce que le député me permet une question?

M. Grégoire: Je comprends très mal le pessimisme de l'Opposition et la noirceur de ses idées sur le dossier de l'amiante.

M. Lalonde: Est-ce que le député me permet une question?

M. Grégoire: Tant que vous voudrez.

M. Lalonde: Quelles sont les objections qu'il a à voir, comme député, membre de cette commission, les études relatives aux investissements additionnels nécessaires pour atteindre des objectifs de salubrité?

M. Grégoire: Je n'ai aucune objection à ça et, comme le ministre vous l'a dit tout à l'heure, quand les négociations de gré à gré, faites avec la compagnie Asbestos, où toutes ces choses sont mises de l'avant, par les négociateurs de la compagnie Asbestos Corporation et par l'équipe nommée par le gouvernement, vous aurez l'occasion de faire tous les débats que vous voudrez.

M. Lalonde: Alors, on n'a pas les études actuelles?

M. Grégoire: Si vous n'êtes pas capable de vous renseigner, libre à vous.

M. Lalonde: C'est un autre aveu, on a deux aveux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Est-ce que la motion du député de Saint-Laurent sera adoptée?

M. Grégoire: Appel des noms, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bérubé (Matane)?

M. Bérubé: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bordeleau (Abitibi-Est)? M. Brochu (Richmond)?

M. Brochu: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Forget (Saint-Laurent)?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Grégoire (Frontenac)?

M. Grégoire: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Laplante (Bourassa)?

M. Laplante: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ouellette (Beauce-Nord)?

M. Ouellette: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Rancourt (Saint-François)? M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?

M. Lalonde: En faveur. Quatre à trois, c'est proche.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un peu plus et le président votait. La motion est rejetée à quatre voix contre trois. Est-ce que l'article 4 sera adopté?

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je m'en voudrais de ne pas accepter l'invitation qu'un de vos prédécesseurs m'a faite lorsque j'ai présenté une motion le 23 mars 1978 à 17 h 28, à cette commission. La motion se lisait de la façon suivante, ou à peu près, je ne sais pas si elle a été reproduite verbatim, c'était dans le même sens exactement: "Que cette commission invite le ministre des Richesses naturelles à exposer en détail, avant le début de l'étude de l'article 4 du projet de loi no 70, aux membres et intervenants de cette commission les motifs juridiques sur lesquels le gouvernement s'appuie pour prétendre pouvoir acquérir, par expropriation, la société Asbestos Limitée'.

Je vous dirai que j'ai fait une motion semblable, sauf qu'elle a été modifiée pour inclure ici l'endroit où la motion doit être faite, c'est-à-dire avant l'étude de l'article 4. Le député de Drummond, qui présidait à ce moment-là, avait déclaré cette motion irrecevable parce que prématurée. Je vous réfère aux galées, R/259-B/RN, page 1, où le président M. Clair, dit: "M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous savez fort bien qu'en vertu de nos traditions, avant l'étude de l'article 1 d'un projet de loi, on ne reçoit que des motions préliminaires qui visent à l'organisation matérielle et générale de nos travaux."

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les présidents ont les mêmes jurisprudences.

M. Lalonde: "Autrement dit, si cette motion était présentée, et ce n'est peut-être pas la seule circonstance dans laquelle elle pourrait être pré-

sentée, au début de l'étude de l'article 4, il m'apparaîtrait qu'elle pourrait être recevable '

M. le Président, comme vous connaissez ma docilité à l'égard des présidents, à l'égard du règlement, je prendrais comme une insulte personnelle de ne pas présenter la motion que le président m'avait invité à faire au début de l'étude de l'article 4. C'est une motion, comme vous le savez, qui veut simplement transmettre aux membres de la commission les connaissances du ministre en ce qui concerne les motifs juridiques sur lesquels il s'appuie pour prétendre acquérir, par expropriation, la société Asbestos.

Dans les circonstances, je pense qu'il va de soi qu'elle est recevable.

M. Grégoire: M. le Président, dans la loi 70, il n'est nullement question — et le gouvernement, par la voix du ministre, l'a également déclaré nettement — à l'heure actuelle, d'expropriation. C'est donc vouloir demander une étude juridique sur un sujet qui n'est aucunement inclus dans le projet de loi.

Dans le projet de loi, à l'article 4, on parle bien d'exploitation de gisements d'amiante...

M. Lalonde: Où ça?

M. Grégoire: II n'est pas question d'achat de mines ou de choses du genre, mais la politique du gouvernement ayant été exprimée clairement lors de son énoncé le 21 octobre à Thetford, il planait en fond de scène — c'est pourquoi les discussions sur l'achat de l'Asbestos ont toujours été acceptées — il planait toujours, en fond de scène, dis-je, cette déclaration du gouvernement de vouloir se porter acquéreur, de gré à gré, de l'Asbestos Corporation.

Or, le principe de la loi qui a été adopté en deuxième lecture est celui de la création d'une société nationale de l'amiante ayant pour un de ses objets l'exploitation de gisements d'amiante. L'achat de l'Asbestos Corporation est entrée dedans, comme je viens de le dire, parce qu'il a été déclaré ouvertement par le gouvernement qu'il en était question. Mais le gouvernement ayant toujours maintenu son idée et ayant toujours déclaré qu'il était question à l'heure actuelle d'achat de gré à gré — et non pas d'expropriation — je crois qu'introduire dans le dossier un achat forcé ou une expropriation de la Société Asbestos Corporation viendrait complètement à l'encontre du principe émis dans le projet de loi et l'arrière-scène dont on a toujours tenu compte, c'est-à-dire l'achat de gré à gré de l'Asbestos Corporation.

C'est pourquoi je crois, M. le Président, que la motion est irrecevable. De plus, je n'ai malheureusement pas l'article du règlement — je crois qu'il n'est pas nécessaire de l'invoquer non plus — mais je crois qu'il y a un article du règlement qui dit qu'il n'est pas nécessaire d'émettre, qu'il n'appartient pas au ministre de la Justice ou à un ministre d'émettre des avis juridiques en tant que ministre.

On demande ici justement...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Voulez-vous me citer l'article en question, s'il vous plaît?

M. Grégoire: Oui.

M. Lalonde: Un avis juridique en réponse à la question.

M.Grégoire: En réponse à des questions, émettre un avis juridique.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est à l'Assemblée nationale.

M. Grégoire: Je crois que ces règlements s appliquent mutatis mutandis, même...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En tout cas.

M. Grégoire: Mais je crois que ce n est pas là l'argument de base. Je crois que c est plutôt un argument de forme. L'argument de base est tout de même celui-ci, c'est que, le principe de la loi ne mentionne pas d expropriation de la société Asbestos Ltée, au contraire, si on s'en tient comme fond de scène, il est question d achat de gré à gré. D'introduire maintenant le mot "expropriation viendrait à rencontre du projet de loi et des idées énoncées par le gouvernement au sujet de I achat d Asbestos Corporation.

M. Lalonde: Sur la recevabilité, M. le Président, si vous permettez, j'ai deux arguments à apporter au député de Frontenac. Le premier c est qu il s oppose à ce que la motion soit acceptée, parce qu on réfère à I'acquisition par expropriation de la société Asbestos Corporation.

Je pense qu'il est de notoriété publique que le gouvernement ait décidé d'acheter, enfin, de se porter acquéreur de la société Asbestos. Des motions ont été trouvées recevables, dans ce sens, lorsque, par exemple, on a demandé des études sur l'évaluation de la société Asbestos. Lorsque la dernière motion que nous avons étudiée tantôt...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...

M. Lalonde: On parle d'améliorer les installations périmées de l'usine de la société Asbestos. C'est tout en fonction de...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Evaluation du coût d'achat, c'est ce que votre motion a précisé, alors qu'on parle là d'expropriation.

M. Lalonde: Je veux dire...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'aimerais que vous me parliez...

M. Lalonde: La référence à la société Asbestos est acceptée dans tous nos débats. Il s'agit peut-être de l'expropriation. A ce moment-là, c'est

une question de modalité d'acquisition. On peut acheter de gré à gré. On peut se la faire donner par donation notariée. On peut l'acheter par expropriation. On peut même en hériter par voie de testament. Il s'agit simplement d'une modalité. Il ne me semble pas que la modalité ait pour effet d'aller à l'encontre d'un principe, d'autant plus que c'est une modalité qui a été invoquée par le gouvernement, par ses représentants dans le passé.

On a dit même récemment que, si, à l'automne, ce n'était pas réglé, on verrait à exproprier.

M. Grégoire: Avec le projet de loi, comme le ministre l'a mentionné tout à l'heure.

M. Lalonde: Je ne sais pas de quelle façon le ministre va s'y prendre, mais il reste que nous sommes actuellement devant des possibilités dans les modalités et nous ne savons pas lesquelles le gouvernement va choisir.

Quant à la question d'opinion, naturellement, je ne demande pas l'opinion personnelle du ministre. Je demande qu'il nous fasse état des études juridiques qui ont été faites à son ministère. Premièrement, peut-être que les membres ne seraient pas tout à fait intéressés. Deuxièmement, ce serait trop lui demander et ce serait tout à fait injuste à son égard.

Il ne m'apparaît pas que, parce qu'on réfère à l'expropriation de la société Asbestos, cela ait pour effet de rendre inadmissible la motion. Par exemple, si c'était le cas, je pourrais simplement dire: "Pour pouvoir acquérir la société Asbestos Corporation ". Si c'était le cas que l'inclusion de la modalité, c'est-à-dire l'expropriation, devait rendre la motion inacceptable, j'aurais pu dire: "Les motifs juridiques sur lesquels le gouvernement s'appuie pour prétendre pouvoir acquérir la société Asbestos Corporation ", et dans l'argumentation, prévoir toutes les éventualités, y compris l'expropriation. Il me semble que cette modalité qui n'a pas pour effet d'aller à l'encontre du principe, à savoir qu'une telle motion est parfaitement rece-vable, à ce stade, d'ailleurs, comme votre prédécesseur nous l'avait indiqué... Je ne veux pas que vous vous sentiez lié là-dessus, je veux vous laisser toute la liberté, mais simplement, comme jurisprudence...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je me sens mal à l'aise...

M. Lalonde: Cela peut sûrement... Je vous comprends parfaitement d'être mal à l'aise, si vous deviez aller conclure, contrairement à ce que votre prédécesseur a fait, parce qu'il y a une certaine jurisprudence... Il me semble que cette motion, à ce stade, est parfaitement recevable, que la référence à l'expropriation n'étant qu'une modalité, elle n'a pas pour effet de défaire le but de cette motion, qui est d'avoir des études juridiques sur l'acquisition.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est la question que j'allais vous poser. Vous n'avez, certes, pas mis les mots "par expropriation " là... Vous avez des raisons pour avoir mis les mots "par expropriation". Est-ce que les études juridiques que vous voulez avoir sont sur l'acquisition, de gré à gré, éventuelle ou une acquisition par expropriation éventuelle?

M. Forget: Naturellement...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La distinction est très importante.

M. Lalonde: Oui. C'est exact que la motion réfère à l'expropriation, en particulier, pour être bien sûr que le gouvernement s'est bien préparé là-dessus et pour rassurer les membres de la commission. Maintenant, il reste que...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je porte un jugement d'avocat. Je me dis que cette loi ne donne aucunement le droit au gouvernement d'exproprier. C'est pour cela que je vous dis qu'en ayant les mots "par expropriation", à partir du moment où la loi ne donne pas le pouvoir à un gouvernement d'exproprier, c'est parce qu'elle ne l'a pas. Je me réfère, par exemple, à la loi 67, où on avait eu un amendement, vous vous rappelez...

M. Lalonde: 201.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... 201, qui voulait permettre, et qui n'était pas là en deuxième lecture, au ministre ou à la régie d'acquérir... Je me rappelle les arguments, d'ailleurs, très pertinents qui avaient été évoqués par l'Opposition, cela avait été rejeté. Pour pouvoir acquérir par la force, c'est-à-dire par l'expropriation, il faut un article dans la loi. Actuellement, je me dis que que la loi ne le permet pas. S'il n'y avait que le mot — c'est une suggestion que je vous fais...

M. Lalonde: Acquérir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): "Acquérir ", là, je me dirais, votre motion est recevable, mais quel en est son intérêt puisqu'on ne parle plus d'expropriation, on parle de gré à gré? Or, une personne morale ou physique peut toujours acheter de consentement avec une autre partie. Alors, c'est...

M. Lalonde: Oui, mais M. le Président...

M. Bérubé: ... le Code civil puisque, de toute évidence, il a passé son diplôme du Barreau de peine et de misère et que, vraiment, il n'a pas assimilé encore ses études de droit.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: C'est l'article 1400...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De toute façon, on pourra peut-être continuer la discussion cet après-midi sur la recevabilité.

M. Lalonde: D'accord.

M. Grégoire: Ce sont les articles 1472 et suivants; on pourrait les déposer.

M. Forget: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord, je le permettrai également au député de Bourassa.

Les travaux sont ajournés sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

Reprise de la séance à 20 h 12

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les membres pour la présente séance sont: M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); les intervenants, M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Godin (Mercier), M. Raynauld (Outremont), M. Landry (Fabre), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Paquette (Rosemont)...

M. Grégoire: ... il ne serait pas ici aujourd'hui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors M. Paquette (Rosemont) est membre à la place de M. Rancourt (Saint-François); M. Rancourt (Saint-François) est intervenant à la place de M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda).

M. Forget: Je pense que, lorsqu'on s'est quitté ce matin, il y avait d'autres députés qui voulaient intervenir sur la recevabilité, le député de Saint-Laurent et le député de Bourassa. Vous avez manifesté le désir... Non, alors, M. le député de Saint-Laurent.

M. Laplante: Je crois, M. le Président, qu'avec les interventions qui ont été faites ce matin, vous avez dû prendre conseil sur cette motion et, d'après moi, vous êtes assez renseigné actuellement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent. Règle générale, pas sur le règlement; sûrement pas de vous, M. le député de Frontenac, sur le règlement; s'il vous plaît.

M. Forget: Quant à la recevabilité, M. le Président, il y a un aspect qui me semble important quant à cette question de savoir si la notion d'expropriation qu'on retrouve dans la motion rend par elle-même l'amendement irrecevable. Je crois qu'il est impossible de décider dans l'abstrait d'une question de recevabilité; tout est question de contexte, à savoir si un mot, une notion telle que celle de l'expropriation est pertinente pour la compréhension de la loi et c'est sur ce point que j aimerais argumenter.

Même si aucun article de la loi ne mentionne explicitement la notion d'expropriation, il demeure que cette question est pertinente, même si nous n'en venons jamais à l'expropriation parce qu'elle définit le contexte dans lequel se fait la négociation de gré à gré.

Le gouvernement, d'ailleurs, a annoncé, à la fois l'automne dernier, et cet hiver au cours de réponses à des questions à l'Assemblée nationale et par une déclaration faite par le ministre des Richesses naturelles que, si jamais la négociation de gré à gré ne devait pas déboucher sur une conclusion finale, il n'hésiterait pas à recourir à l'expro-

priation. Donc, la possibilité juridique et la volonté du gouvernement de recourir à l'expropriation constituent des éléments déterminant de l'achat de gré à gré. C'est pourquoi il est difficile de bien circonscrire cette intention et ce processus de négociation, et même d'évaluer correctement le prix qui sera éventuellement payé par le gouvernement pour cette acquisition, sans avoir un exposé très clair de la possibilité pratique et politique du gouvernement, pour le gouvernement, de recourir à un instrument tel que celui-là.

Or, ce n'est pas, à première vue, apparent que le gouvernement peut exproprier une société en particulier. Les règles sur l'expropriation, même par voie de législation spéciale — du moins, c'est un point qu'on peut débattre et argumenter, je pense — sont conditionnées par certaines règles qu'on retrouve dans d'autres lois, en particulier dans la Charte des droits et libertés de la personne, qui interdisent la discrimination et un usage arbitraire et discrétionnaire du pouvoir.

On peut se poser la question: Dans quelles circonstances ou au moyen de quelles exceptions législatives le gouvernement devrait-il intervenir dans le domaine de l'expropriation? On ne peut pas invoquer vis-à-vis d'une compagnie en particulier des règles d'intérêt public aussi claires que celles qu'on peut invoquer si on nationalisait l'ensemble de l'industrie. On nationalise une entreprise, par hypothèse, en particulier.

Alors, je pense qu'il est vitalement important, pour tous ceux qui veulent bien comprendre les implications de cette loi et de l'intention gouvernementale d'acheter de gré à gré, d'avoir un avant-goût des modalités et des moyens qu'entend prendre le gouvernement, si jamais il doit recourir à l'expropriation. Autrement, la crédibilité de sa position et la compréhension de la loi en seront sérieusement affectées.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Non, M. le Président, je ne voudrais pas reprendre essentiellement... je veux seulement souligner un fait à partir de l'argumentation qui a été faite par le député de Frontenac selon laquelle l'arrière-scène de tout le projet de loi comportait uniquement ou principalement l'acquisition de gré à gré de l'entreprise. Il ne faut pas oublier cela. Je reviens aux propos du député de Saint-Laurent qu'en cas d'échec — c'est clair, et d'ailleurs les déclarations mêmes du premier ministre contenues dans des coupures de presse que j'ai ici l'indiquent clairement — le gouvernement va recourir directement à l'expropriation.

A ce moment, on ne peut pas nier cette arrière-scène à laquelle faisait allusion le député de Frontenac, cette possibilité de recourir à l'expropriation et même cette obligation éventuelle de le faire puisqu'il y a toutes les chances possibles que cela en arrive là.

M. Grégoire: ... le projet de loi.

M. Brochu: Mais cela fait partie de l'ensemble de la discussion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bérubé: Je crois que nous débordons manifestement dans notre discussion en rapport à ce projet de loi, que l'intention gouvernementale arrêtée soit l'achat d'une société, que la Société nationale de l'amiante, dans la mesure où c'est en vertu de ses objets, ait pour mission l'exploitation de gisements d'amiante, par conséquent, possiblement l'exploitation de la société Asbestos et les gisements de la société Asbestos, ce qui amène — et on comprend facilement la présidence à admettre le prolongement du débat actuel au principe même de l'achat de la société Asbestos, même si en vertu de l'article 4, il est nullement mentionné que pour cette société, celle-ci doive acheter Asbestos Corporation. J'ai d'ailleurs souligné récemment, à titre purement hypothétique que la société Jim Walter devant se départir de sa mine de Carey, il se pourrait que la Société nationale de l'amiante décide d'acheter cette société plutôt qu'Asbestos Corporation après une évaluation et qu'à ce moment, finalement, on achète une autre société que celle prévue.

Par conséquent, rien dans le texte de ce projet de loi ne spécifie qu'on doive acheter une société plutôt qu'une autre. C'est plutôt la volonté gouvernementale qui est analysée lorsqu'on fait porter le débat sur l'achat d'Asbestos Corporation parce qu'en autant que le projet de loi est concerné, on pourrait argumenter du droit qu'aurait cette société d'exploiter des gisements. On pourrait donc demander un amendement et vouloir exclure l'exploitation de gisements du mandat de la société. Cela m'apparaîtrait une discussion tout à fait ad rem et que je prévois d'ailleurs dans les prochains amendements, sans doute dans la pile des 252 amendements qui s'en viennent. Je le vois certainement parmi les amendements qu'on aura à discuter. Donc, on pourrait certainement éliminer l'exploitation de gisements comme étant une partie du mandat de la société. Cependant, nulle part dans la loi, il n'est spécifié quelle société, la Société nationale de l'amiante pourrait être amenée à acheter dans l'exercice, ce qui pourrait amener, pour autant que je suis concerné, un débat à savoir si la Société nationale de l'amiante devrait pouvoir acheter Asbestonos, devrait pouvoir acheter Amiante Sherbrooke, devrait pouvoir acheter toutes les sociétés travaillant de l'amiante au Québec, y compris Atlas Asbestos.

On pourrait étendre certainement la discussion présentement à toutes les sociétées exploitant de l'amiante, puisque, dans la mesure où cette société a le pouvoir d'effectuer des activités de nature industrielle, on pourrait dire: Le gouvernement ne doit pas investir, par exemple, dans Asbestonos. Je comprends que la présidence a cru bon de juger que la discussion qui a porté, à ce jour, uniquement sur Asbestos Corporation, était acceptable dans la mesure où effectivement c'était un aspect important de la politique gouvernementale, un aspect important sur lequel le gouvernement a insisté, mais je pense néanmoins qu'il faudrait. M. le Président, revenir au contenu de la

loi. Le contenu de la loi dit tout simplement que la société a pour objet l'exploitation de gisements d'amiante. Il ne dit pas que la société a pour objet la nationalisation d'un gisement ou de tous les gisements d'amiante au Québec. D'ailleurs, le gouvernement a clairement manifesté sa répugnance à aller du côté de la nationalisation et, par conséquent, entend bien procéder de gré à gré.

Par conséquent, il m'apparaît présentement que l'Opposition voudrait extrapoler encore davantage le débat de manière sans doute à pouvoir le faire durer un peu plus longtemps, mais il m'apparaît, M. le Président, que malheureusement nous sommes très loin de l'objet de la présente loi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Durant les quelques heures de l'ajournement, j'ai réfléchi sur cette question, et surtout aux paroles qui avaient été prononcées par le député de Drummond lorsqu'il présidait cette commission, suite à la présentation de la motion par le député de Marguerite-Bourgeoys. Tout d'abord, je n'ai pas le texte ici, devant moi, mais je pense que le député de Drummond avait alors déclaré que si cette motion était présentée, ce ne serait peut-être pas la seule circonstance dans laquelle elle pourrait être présentée au début de l'article 4. Il m'apparaît qu'elle pourrait être recevable. J'indique bien par là que le député de Drummond précisait que cette motion pourrait certainement être présentée à l'article 4 et pourrait être déclarée recevable, de telle sorte que je ne me sens lié, en aucune façon — pour en avoir parlé à l'heure du dîner avec le député de Drummond — par les paroles qu'il a prononcées à cette séance.

Je suis d'accord avec le député de Saint-Laurent lorsqu'il dit que la motion en question est pertinente, puisque dans les discussions que nous avons eues, nous avons parlé d'acquisition, de gré à gré ou d'expropriation. Je pense qu'on ne peut ignorer ça.

D'autre part, une motion pertinente n'est pas nécessairement recevable, alors qu'une motion doit nécessairement être pertinente pour être recevable. Il ne fait aucun doute que votre motion est pertinente. La question qu'il faut se poser: Est-ce qu'une motion... elle est pertinente au débat, certainement, puisque nous avons parlé d'acquisition de gré à gré, nous avons parlé d'expropriation. Mais est-ce qu'une motion pertinente au débat est nécessairement recevable dans le cadre de l'étude, article par article, d'un projet de loi?

Je dis par exemple qu'une motion doit au moins avoir la qualité d'être pertinente pour avoir une chance d'être déclarée recevable. C'est d'ailleurs la première qualité qu'elle doit avoir...

M. Forget: ... suffisant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pour le moment nécessaire, vous verrez tout à l'heure. Donc, notre mandat est d'étudier, article par article, le projet de loi et, comme le député de Saint-Laurent l'a si bien dit, l'article 4 ne parle pas d'expropriation. Si on lit la motion, même si je ne nie pas que le gouvernement veuille éventuelle- ment acquérir, peut-être par expropriation, la société Asbestos Limitée, on demande les études juridiques sur lesquelles le gouvernement s'appuie pour prétendre pouvoir acquérir, par expropriation, la société Asbestos Limitée.

Je vais rendre un jugement qui est le suivant, un jugement simplement fondé sur la motion telle que libellée sur le droit. Avec ce que j'ai devant moi, je dis qu'il n'y a aucun motif juridique, il n'y a aucun fondement juridique dans la loi, devant nous, sur lequel le gouvernement pourrait s'appuyer pour prétendre acquérir Asbestos Corporation ou toute autre compagnie. Je dis qu'en vertu de la loi actuelle, telle que rédigée, le gouvernement ne peut procéder par expropriation, que le gouvernement devra nécessairement poser un autre acte législatif ou administratif pour ce faire; je pense que ce serait un acte législatif. Nous serions probablement alors appelés à revenir en commission parlementaire, étudier article par article cet autre acte législatif. Mais il m'apparaît absolument impensable de demander sur quel fondement juridique se base le gouvernement pour acquérir une société alors que dans la loi elle-même, ce pouvoir ne lui est même pas donné.

Le pouvoir qui est donné à la société, dans la loi, c'est d'exploiter un gisement d'amiante, et non pas d'exproprier un gisement d'amiante.

Comme vous voyez, c'est exclusivement juridique. Je me sers peut-être un peu de ma formation pour rendre ce jugement, mais je me dis: Comment peut-on essayer de découvrir, dans cette loi, le fondement juridique qui permettrait à la Société nationale de l'amiante de nationaliser une compagnie?

Connaissant la subtilité, l'intelligence et la formation juridique du député de Marguerite-Bourgeoys et l'ayant même vu barrer les mots "par expropriation", si j'étais à sa place, je suis sûr que je présenterais une nouvelle motion en enlevant les mots "par expropriation".

J'avais prévu que peut-être le député de Marguerite-Bourgeoys présenterait cette nouvelle motion et je lui dis immédiatement que je la déclarerais irrecevable parce que toute société, toute personne physique ou morale, en étant constituée, a la personnalité juridique, et donc, a la personnalité juridique d'acheter, de vendre, d'acquérir, de gré à gré, par consentement, l'acte de vente ou d'achat normal prévu au Code civil du Québec. Cette société, pour moi, en étant constituée par une loi, a ces pouvoirs normalement dévolus à une personne qui a la personnalité juridique.

A partir de ce moment-là, je me demande sur quels motifs juridiques le gouvernement s'appuie-t-il pour pouvoir acquérir. Comment peut-on acquérir? Par expropriation, et je viens de régler le problème. L'autre moyen d'acquérir, c'est de gré à gré, par consentement, par voie normale.

Je me dis que le fondement juridique, c'est la loi elle-même, c'est le Code civil, c'est la personnalité juridique de la société. A ce moment-là, je déclarerais, si elle était présentée, également irrecevable cette motion.

Je suis sûr que j'ai peut-être présumé, mais il m'apparaissait normal qu'une telle motion pourrait

être présentée à nouveau. J'ai voulu rendre ce jugement immédiatement, pour avoir prévu cette argumentation possible.

M. Bérubé: M. le Président, est-il exact de dire qu'elle est, soit irrecevable, soit inintelligible?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai dit qu'elle serait irrecevable.

M. Lalonde: M. le Président, vous avez préjugé d'une motion que je n'ai pas présentée...

M. Bérubé: On vient d'en économiser une. (20 h 30)

M. Lalonde: ... que je n'ai pas eu l'occasion de défendre. Je laisse cela à votre appréciation. Il reste toutefois que je serais curieux de connaître les motifs, sinon les motifs juridiques, les motifs sur lesquels le gouvernement s'appuie pour prétendre pouvoir acquérir la société Asbestos.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne l'avais pas prévue, celle-là.

M. Lalonde: Je serais fort curieux — je pense que cela intéresse toute la population — de connaître les,motifs sur lesquels le gouvernement s'appuie pour pouvoir prétendre acquérir Asbestos Corporation. Je ne veux pas en faire un aride débat juridique. Je pense que vous avez...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Prima facie, elle m'apparaît meilleure.

M. Lalonde: Elle paraît beaucoup meilleure. Je n'ai pas le texte ici.

Une Voix: C'est un encouragement.

M. Lalonde: II s'agirait d'enlever dans la motion les mots "juridiques " et "par expropriation". Je pense que je viens de bonifier, que je viens d'ajouter des vertus, inexistantes auparavant, à mon ancienne motion. Je pense qu'à ce moment-là, le ministre serait libéré des contraintes que ma première motion contenait. Je pense qu'elle est parfaitement recevable. Vous n'avez pas dit qu'on ne peut pas parler de la société Asbestos Ltée. Je pense qu'au contraire, vous avez dit qu'on ne peut pas ignorer...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'ailleurs, il y a déjà des jugements antérieurs où j'ai permis des motions semblables.

M. Lalonde: II s'agit donc que le ministre donne les motifs sur lesquels le gouvernement s'appuie pour prétendre pouvoir acquérir la société Asbestos Ltée.

M. Laplante: Sur la recevabilité, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Très brièvement.

M. Laplante: Oui. Je doute qu'une telle motion puisse être recevable. On vient d'accepter le projet en deuxième lecture sur des motions de fond. Il y a une discussion de fond qui a été faite à l'Assemblée nationale. Il me semble que les arguments qui sont apportés ici, en commission parlementaire, sont les mêmes que ceux présentés à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je sais.

M. Laplante: C'est délicat.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, d'accord.

M. Laplante: Avant de dire qu'elle est recevable...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne l'ai pas dit encore, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je prendrais le temps, si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si vous pensez pouvoir me convaincre...

M. Laplante: Oui. On recommence, par cette motion, tout un débat qui s'est fait en deuxième lecture. Ce n'est pas le but de la commission actuellement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, c'est un par parti.

M. Laplante: C'est très clair, la façon dont elle est faite. La motion est très bien faite.

M. Grégoire: ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, mais j'avais offert au député de Bourassa de parler également sur l'autre.

M. Grégoire: Je ne sais pas si c'est un par parti parce que, tout à l'heure, vous avez permis à deux de parler sur l'amendement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Normalement, c'est un par parti, mais, quand j'en permets deux à un parti, je permets... sauf pour l'Union Nationale, évidemment; je ne peux pas permettre à monsieur qui accompagne le député de Richmond de parler.

M. Brochu: Bien que, si vous le préférez, je peux revenir deux fois.

M. Paquette: On peut toujours s'arranger.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Allez-y, M. le député de Bourassa, mais très brièvement.

M. Laplante: D'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Très brièvement.

M. Laplante: D'accord, mais on va laisser le reste à mon associé, le député de Frontenac.

M. Grégoire: C'est la décision que je voulais avoir.

M. Laplante: Allez-y.

M. Grégoire: Avais-tu fini? Ce n'était qu'une précision, un renseignement que je voulais avoir. Est-ce qu'on demande ici un dépôt de documents? On demande une déclaration ministérielle.

M. Lalonde: Qu'il expose les motifs. M. Forget: Qu'il explique. Une Voix: L'article?

M. Laplante: Juste pour répondre, ce serait pour vous demander de lire l'article 63, le premier paragraphe; le lire tout seul, avec toute votre pensée profonde.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous me demandez beaucoup.

M. Laplante: Oui, je vous en demande beaucoup.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'ailleurs, c'est un article, M. le député de Bourassa, que vous avez déjà invoqué.

M. Laplante: Oui, il n'est pas bête, cet article-là.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je suis prêt à rendre une décision. Remarquez que la motion du député de Marguerite-Bourgeoys s'apparente beaucoup plus à une question, en fait; il invite un ministre à donner des motifs. Cela aurait pu faire l'objet d'une question. C'en est presque une sous forme de motion, sauf qu'il faut, je suis d'accord avec votre argumentation sur... L'article 63-1 existe et il y a d'autres articles également qui disent qu'on ne peut pas parler à l'encontre d'un principe, mais, justement, il faut se demander ce qu'est le principe et ce que n'est pas le principe dans ce projet de loi.

Il n'y a pas d'erreur que la constitution de la Société nationale de l'amiante est un principe, mais les objets, les fonctions, les attributions, les pouvoirs que l'on donne à cette société, pour moi — le principe est la constitution de cette société — ne m'apparaissent pas des principes. J'ai déjà dit qu'à partir du moment où on parlait de l'exploitation de gisements d'amiante, cela donnait ouverture à énormément de discussions. Je ne pense pas que le fait que la Société ait pour objet de faire de la recherche, la recherche devienne un principe. Je ne pense pas que, le fait qu'on dise que la société peut faire du dévelop- pement, cela devienne un principe du projet de loi. On aurait beaucoup de principes. Que l'exploitation devienne un principe... ce sont des pouvoirs que la loi donne à une société, mais, concernant la création de la société, par exemple, je ne permettrai jamais une discussion sur le fait que cette société-là ne devrait pas exister. Cela irait à l'encontre du principe.

M. Lalonde: II ne devrait pas y avoir d'objet. Une motion pour enlever tous les objets irait contre le principe.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mais le fait de dire: La société devrait avoir seulement comme objet la recherche et le développement et on pourrait enlever le mot exploitation... d'ailleurs, raisonnons par l'absurde, est-ce que je pourrais recevoir une motion qui aurait pour but de retrancher, dans le paragraphe a de l'article 4, les mots "et l'exploitation "? Moi, je dis que oui.

A partir du moment où je déclare "oui " à une question semblable, je déclare "oui" à la motion du député de Marguerite-Bourgeoys, puisque ce ne sont pas des principes, le développement, la recherche, et l'exploitation, ce sont les objets, les attributions.

D'ailleurs, dans toute loi constitutive d'une société quelconque, on donne des pouvoirs, des attributions à ces sociétés-là, et je pense que c'est de bon aloi d'en discuter. En tout cas, cela ne m'apparaît pas aller contre le principe du tout, bien objectivement, et même si, au strict niveau de la procédure, cela m'apparaît... on aurait pu, chaque fois...

Une Voix: Une demande de directive.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'ailleurs, on a eu une directive, nous-mêmes, les présidents, soit de faire attention de donner des réponses à des demandes de directives lorsqu'une décision vient d'être rendue sur une motion.

M. Lalonde: Surtout quand vous êtes en train de rendre une décision, c'est encore pire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai remarqué que tous les partis politiques, quels qu'ils soient, sont portés, et certaines personnes se reconnaîtront sans doute, bien souvent, après une décision, à demander une question de directive à la présidence. Mais, de toute façon, posez-la.

M. Bérubé: II faut reconnaître, M. le Président, que pour extraire toute la substantifique moelle d'une décision que vous rendez, il est important d'en saisir toute l'implication de manière à ne pas...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On ne peut pas les gagner toutes et on ne peut pas les perdre toutes.

M. Bérubé: C'est cela, de manière à ne pas

commettre d'impair dans nos interventions. Est-ce que je peux savoir exactement...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Remarquez que je ne calcule pas.

M. Grégoire: Voyons, le président fait de l'obstruction, le président est en train de "filibuster" la loi.

M. Bérubé: Nous ne voudrions pas commettre d'impair. Ne vous semble-t-il pas, M. le Président... Vous venez de dire que vous accepteriez un amendement pour rayer "et l'exploitation de gisements" parce que là, ce serait effectivement une discussion portant spécifiquement sur un objet de la loi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, j'ai dit qu'un amendement — je ne me suis pas lié encore mais, prima facie— qui aurait pour but soit d'enlever le mot "recherche", soit d'enlever le mot "développement", soit d'enlever le mot "exploitation" dans le paragraphe a), par exemple, de l'article 4 m'apparaîtrait recevable puisque, pour moi, le grand principe de la loi 70, c'est la création de la Société nationale de l'amiante, mais il peut arriver que les parlementaires décident de lui confier le développement et l'exploitation et non pas la recherche, la recherche et le développement et non pas l'exploitation, ou le développement et l'exploitation et non pas la recherche; ce ne sont pas quatre principes, tous les mots de la loi ne sont pas des principes.

M. Bérubé: Alors, ne devrait-on pas, à ce moment-là, pour déclarer recevable toute future motion que nous aurons à débattre, la faire porter spécifiquement sur l'article 4, soit les objets de cette loi. En d'autres termes...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II est bien sûr que le jugement que je viens de rendre permet sans doute au député de Marguerite-Bourgeoys de prévoir qu'un amendement semblable pourrait être déclaré recevable, mais ce n'est pas à moi de dire: Retirez votre motion et présentez une motion d'amendement pour enlever le mot "exploitation". Ce n'est pas mon problème.

M. Bérubé: M. le Président, à titre d'exemple; dans le rapport du ministre de l'Expansion économique régionale, on recommande l'achat d'As-bestonos. Est-ce que vous jugeriez recevable une motion voulant que le gouvernement justifie les raisons pour lesquelles il n'achète pas Asbestonos ou que, prenons cette formule, cette commission invite le ministre des Richesses naturelles à exposer en détail les raisons pour lesquelles il n'achète pas Asbestonos. Est-ce que ce serait une motion recevable dans votre esprit?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, parce que, dans le débat actuel, je n'ai jamais entendu parler d'Asbestonos, mais d'Asbes-tos Corporation. Si, dans la motion, on parlait — je ne sais pas, j'ai entendu parler de plusieurs mines, de BC1, BC2 — je la jugerais irrecevable parce que je n'ai jamais entendu dire que le gouvernement voulait acheter BC1. J'ai entendu parler...

M. Grégoire: L'Asbestos Corporation.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De toute façon, c'est un exemple que je vous donne.

M. Bérubé: Ce qui montre là le danger, à mon avis, M. le Président, d'aller au-delà du texte même d'un projet de loi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre, ma décision est rendue. De toute façon, je n'ai pas l'habitude de rendre des décisions sur des motions hypothétiques qui pourraient m'être présentées, mais je pense que, pour avoir présidé plusieurs commissions parlementaires et pour avoir vu des lois dans ma vie, il faut faire la distinction entre la création et les pouvoirs d'une société. Les pouvoirs ne sont pas des principes. C'est la création de la société qui devient le principe dont on n'a pas le droit de discuter et qu'on n'a pas le droit de remettre en cause en commission parlementaire.

C'est clair, mais il y a des lois qui donnent de multiples pouvoirs à une société d'Etat. Il pourrait y avoir 25 alinéas ici. Est-ce que cela voudrait dire que tous les pouvoirs que l'on donne à la société ne sont pas discutables? La création de la société n'est pas discutable, mais on peut lui enlever un pouvoir et on peut aussi lui en donner un nouveau. Il n'y a rien qui m'empêcherait de déclarer recevable, par exemple, une motion d'amendement à l'article 4a qui aurait pour but de donner un nouveau pouvoir à la société. Cette motion pourrait même être présentée par le gouvernement et cela n'irait pas à rencontre d'un principe. On n'est pas encadré dans le ciment.

M. Lalonde: M. le Président, permettez-vous une question de règlement?

Je sais que c'est par l'effet de votre courtoisie que vous tolérez cette espèce de discussion actuellement avec un membre de la commission, mais étant donné que vous êtes le protecteur du règlement et, en particulier, de l'Opposition, je vous offrirais ma protection.

J'aimerais protéger la présidence contre le danger justement de faire des discussions à double sens, dans le bon sens du mot, avec un membre de la commission. Il me semble que cela ne fait pas tellement avancer le débat, mais je sais que vous le faites, naturellement, pour tenter de convaincre tous les membres.

Puis-je vous demander si vous avez rendu votre décision sur la recevabilité ou êtes-vous prêt à la rendre?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense qu'elle a été rendue.

M. Lalonde: Elle a été rendue. Donc, ma motion est recevable.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Grégoire: Elle est recevable?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Oui.

M. Grégoire: Sur la...

Une Voix: Vous venez de la rendre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne l'avais pas dit? Je le dis.

M. Lalonde: Alors, M. le Président... M. Grégoire: Sur la dernière?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Oui, la dernière, parce que les deux autres... Celle qui a été présentée et celle qui a été présumée, même présumée d'ailleurs...

M. Grégoire: C'est une motion à quel effet?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Ecoutez un peu, M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Je voudrais la saisir parce que là, on ne nous a pas passé une nouvelle motion...

M. Paquette: ... la mémoire...

M. Grégoire: ...une ancienne motion où on a enlevé les termes... Une ancienne motion qui avait été déclarée recevable, de laquelle on a enlevé des mots...

M. Lalonde: C'est malheureux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De laquelle on a enlevé les mots "juridique ' et "par expropriation ", répondant par là au motif que j'avais invoqué au soutien de ma première décision.

Je ne vous demande pas d'être d'accord.

M. Grégoire: Cela doit être des motifs sportifs, je suppose, si ce ne sont pas des motifs juridiques, ou ce sont peut-être des motifs culturels. Je ne sais pas, M. le Président. Je n'ai pas compris... J'aurais réellement besoin d'une directive.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Demandez-la.

M. Grégoire: Parce que si on présente une motion, il faudrait tout de même savoir ce que c'est. On nous a présenté une motion demandant au ministre de fournir les motifs juridiques sur lesquels le gouvernement s'appuie. On a enlevé le mot "juridique". Il y a les motifs. Je voudrais savoir...

M. Lalonde: C'est cela.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je l'ai déclarée recevable.

M. Grégoire: Parce que si on discute d'un amendement...

M. Lalonde: Laissez-moi la défendre.

M. Grégoire: ...une motif culturel, intellectuel, sportif, pictural, littéraire, psychologique, psychiatrique, philosophique, métaphysique, chimique, minéralogique, politique ou quoi? Economique? On discute sur quoi, M. le Président?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On n'a pas encore commencé à discuter, M. le député de Frontenac.

M. Lalonde: M. le Président, j'ai présenté cette motion et on voit la curiosité...

M. Grégoire: Le motif juste à la fin...

M. Lalonde: ...du député de Frontenac, qui est curieux, à bon droit, dans le bon sens du mot; cela témoigne bien de la pertinence de ma motion et surtout du bien-fondé de votre décision, à savoir...

M. Grégoire: ...protéger la présidence avec de telles motions!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Lalonde: ...que cette motion répond à un besoin naturellement des députés de cette commission parlementaire et aussi de la population de connaître les motifs sur lesquels le gouvernement s'appuie pour prétendre pouvoir acquérir la société Asbestos Limitée.

Je laisserai au député de Frontenac les aspects imaginaires qu'il peut invoquer. Je le laisserai, par exemple, songer aux motifs culturels et psychiatriques puisqu'il a mentionné cet...

M. Grégoire: J'admets que vous avez besoin d'avoir des motifs psychiatriques. Ceux-là, je vous les laisse. (20 h 45)

M. Bérubé: Les motifs psychiatriques... Vous avez vraiment besoin de cela.

M. Grégoire: Aux membres et intervenants de cette commission, vous en avez besoin.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Lalonde: M. le Président, le député de Frontenac vient de perdre encore dix secondes.

M. Bérubé: Dix secondes de votre temps.

M. Grégoire: Dix de plus ou de moins. Vous ne sauriez pas quoi dire pendant 20 minutes d'une manière ou d'une autre.

M. Lalonde: Je pense que ce qui intéresse

particulièrement les députés de l'Opposition, _- ce qui m'intéresse, ce sont les motifs d'ordre économique, les motifs de rentabilité; les motifs d'ordre politique, on en a eu beaucoup. Ce n'est pas très cohérent, mais quand même on en a eus. Je voudrais m'attacher aux motifs d'ordre juridique, M. le Président. Cela est compris dans les motifs en général du gouvernement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous inciterais à ne pas parler des motifs juridiques puisque la loi ne permet pas à la société d'acquérir par expropriation.

M. Grégoire: Mais c'est basé sur les expropriations. Il faut que vous admettiez les motifs juridiques.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, c'est ce que je viens de dire.

M. Lalonde: Dans les motifs sur lesquels s'appuie le gouvernement, M. le Président...

M. Grégoire: C'est le motif, M. le Président. Il faut que vous admettiez les motifs juridiques.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, M. le député de Frontenac. Toutes vos remarques...

M. Brochu: Je pense qu'il vient de toucher un point...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... ont pour effet de railler la décision du président et cela, je ne l'admets pas. Que vous ne soyez pas d'accord, je le comprends, mais que vous ne la respectiez pas, cela n'est pas normal. Je comprends que vous avez respecté les deux premières décisions que j'ai rendues, je ne comprends pas que vous ne respectiez pas la troisième.

M. Grégoire: Est-ce que je peux demander une directive, M. le Président?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II n'y a pas de directive. La décision est rendue. Le député de Vanier a démissionné comme président. Il a été nommé adjoint parlementaire. On en a peut-être besoin d'un neuvième; allez donner votre nom. Vous serez peut-être choisi.

M. Grégoire: Comme quoi?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Comme président, mais pour le moment c'est moi qui préside.

M. Grégoire: Non, on ne peut pas être là tous les deux. Je ne peux pas avoir de directive. Je ne comprends plus rien.

M. Lalonde: M. le Président, la motion demande au ministre d'exposer en détail les motifs sur lesquels le gouvernement s'appuie. Il n'y a au- cun doute que lorsque vous nous avez dit que les motifs juridiques n'étaient pas acceptables, mais que les motifs en général le sont, à ce moment-là...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cela exclut les motifs juridiques, par la première décision.

M. Lalonde: Si ma motion était acceptée comme incluant tous les motifs...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce ne sont pas tous les motifs. Ce sont les motifs et on ne peut pas enlever votre première motion et ma première décision. Je pense que c'est implicite en fait. Ce sont les motifs autres que juridiques. Je viens d'en rejeter une avec les motifs juridiques. Je pense qu'il ne faudrait pas faire indirectement ce que je vous ai défendu de faire directement.

M. Lalonde: M. le Président, à ce moment-là, je croyais que le général incluait...

Une Voix: L'Opposition.

M. Lalonde: ... le particulier.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il n'y avait pas eu de première décision, oui, mais il y a eu une première décision excluant les motifs juridiques.

M. Grégoire: Ou la part d'expropriation, lequel des deux?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Et par expropriation. Le mot "juridique " a été accolé, évidemment, au mot "expropriation ".

M. Lalonde: Pour l'instant, M. le Président, je ne pourrai pas, en me soumettant à votre décision, poser des questions au ministre sur les problèmes de juridiction, par exemple, qui pourraient rencontrer ceux concernant l'expropriation, l'acquisition des actions ou des actifs. Ce sera pour un autre moment. Les motifs d'ordre économique sont naturellement les motifs qui intéressent le plus les membres de cette commission et aussi la population. J'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, de discuter avec des électeurs du comté de Marguerite-Bourgeoys du projet d'acquisition de la société Asbestos. Naturellement, lorsqu'on parle du comté de Marguerite-Bourgeoys, on ne parle pas de la région de l'amiante. A plusieurs reprises, le député de Frontenac en particulier, et les autres membres de cette commission, ont invoqué l'intérêt de la région de l'amiante et il nous est nécessaire, comme membres de l'Assemblée nationale, de tenir compte aussi des intérêts de chacune des régions dans le développement économique. Mais il reste que j'aimerais que le ministre explique ses motifs d'ordre économique parce que la population qui demeure dans d'autres régions que celle de l'amiante va être impliquée dans le projet et va devoir, naturellement, payer le prix.

M. Grégoire: Si le député me permet une question.

M. Lalonde: A la fin, après.

M. Grégoire: Demain soir, on va dans le comté de Saint-Laurent...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, à l'ordre!

M. Grégoire: ... pour expliquer à la population du comté de Saint-Laurent la politique de l'amiante. Si le député de Saint-Laurent veut venir, nous l'invitons.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Allez-vous venir? Etes-vous prêt à venir l'expliquer?

M. Fcrget: J'ai des occupations fort spéciales à Québec, comme vous le savez, cette semaine.

M. Grégoire: Faites-vous remplacer par le député de Marguerite-Bourgeoys, ce n'est pas loin.

M. Lalonde: J'ai le même genre d'occupations.

M. Forget: ...

M. Lalonde: Quand vous viendrez dans le comté de Marguerite-Bourgeoys, j'espère que vous nous le direz assez longtemps à l'avance et que vous viendrez un lundi soir.

M. Forget: ... de faire déplacer le congrès de fin de semaine à cause de cela.

M. Grégoire: Cela pourrait être un vrai congrès.

M. Lalonde: II reste que les électeurs de Marguerite-Bourgeoys sont intéressés à savoir quelle est la cohérence économique, quels sont les motifs d'ordre économique qui vont justifier une décision qui les affecte autant que n'importe quel autre citoyen, une décision qui les affecte dans leurs taxes, dans les obligations et les engagements qu'ils devront prendre, qui vont être pris par le gouvernement en leur nom. Je pense que, trop souvent, on leur dit: Ecoutez, vous autres, vous n'êtes pas de la région de l'amiante, ça ne. vous regarde pas, qu'est-ce que vous faites ici? Cela n'a pas été dit de cette façon, mais c'était sous-entendu dans plusieurs des interventions, surtout des députés qui sont de la région de l'amiante. Pas le député de Richmond, il a été extrêmement poli là-dessus, mais souvent le député de Frontenac se permet de commettre ce genre de déclaration.

Les électeurs de Marguerite-Bourgeoys et leur député sont de plein droit dans ce débat et sont aussi intéressés que les électeurs du beau comté de Frontenac dans la décision à prendre, dans la décision prise et qui, j'espère, va être changée, mais qui devra être prise en fonction de leurs intérêts, à tout le monde.

M. Grégoire: Vous auriez dû consulter la population de Frontenac avant les dépenses extraordinaires des Jeux olympiques.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: On veut noyer le poisson, on veut noyer le poisson.

M. Grégoire: Cela coûte beaucoup plus cher, c'est $1 milliard, c'est $1 milliard qu'on est obligé de payer pour vous autres.

M. Lalonde: Au moins, vous avez la chance ici de pouvoir vous préparer, de ne pas être mis devant un fait accompli, de ne pas avoir une échéance déterminée; vous avez la chance de déterminer vous-mêmes vos propres échéances et de préparer votre dossier avant de prendre la décision. C'est ça qui intéresse les électeurs du comté de Marguerite-Bourgeoys. Je pense que tous les députés, le gouvernement, et le député de Frontenac en particulier, doivent donner des explications sur les motifs d'ordre économique. Pourquoi est-on obligé d'acheter la société Asbestos Ltée?

M. Grégoire: On n'est pas obligé.

M. Lalonde: II semble qu'on soit obligé, est-ce que la décision est simplement une parade?

M. Bérubé: On veut.

M. Lalonde: On veut, c'est ça. La volonté politique. Ah, je vois ça, la volonté politique.

M. Bérubé: Ah, c'est une chose que vous n'avez jamais comprise. Ils n'ont jamais compris ce qu'était une volonté politique, c'est ça le problème; ils n'en ont jamais eu.

M. Lalonde: Si c'est ça la volonté politique, M. le Président, ça ressemble beaucoup plus à du caprice politique qu'à de la volonté politique. Qu'on donne les motifs...

M. Grégoire: C'est de vouloir agir.

M. Lalonde: Vouloir agir, d accord, mais pas faire n'importe quoi, pas faire n'importe quoi.

M. Grégoire: Mais les Jeux olympiques, on vous a laissé ça.

M. Lalonde: Alors, ici, la société Asbestos Ltée, est-ce que c'est absolument nécessaire? La seule raison qu'on a invoquée jusqu'à maintenant, c'est l'approvisionnement. On a vu, encore aujourd'hui, M. le Président, c est peut-être un autre motif d'ordre économique que le ministre pourrait nous expliquer... Est-ce que le fait que la demande

baisse, par voie de conséquence, que les capacités de production qui sont ici au Québec dépassent la demande, est-ce que ça ne change pas un des éléments les plus fondamentaux dans la décision d'acheter une compagnie, d'acheter une mine...

M. Forget: C'est la reconciliation.

M. Lalonde: M. le Président, les bouffonneries du député de Frontenac étant terminées, je demanderai au ministre si le fait que la demande diminue, si on se fie aux chiffres de 1977 rendus publics aujourd'hui — peut-être le ministre les connaissait-il auparavant; peut-être que son ministère avait été informé, avait obtenu ces chiffres, mais, quant à la population, elle a appris ce nouvel élément aujourd'hui — révélant que la production de l'amiante au Québec a diminué de 6% en 1977, comparativement à 1976 qui avait déjà diminué d'un pourcentage que j'ignore mais qui est assez considérable sur les chiffres, non pas de 1975, à cause des difficultés de production qu'on a connues, mais de 1974.

Est-ce que ce n'est pas là un élément important, un élément capital, qui devrait être pris en considération par le gouvernement pour modifier toute la dialectique sur laquelle le gouvernement s'est appuyé, pour conclure qu'il fallait absolument acheter Asbestos Corporation, pour mette en place la politique de transformation de l'amiante, la politique de salubrité, la politique de création d'emplois dans le secteur secondaire, le secteur de pointe, objectifs qui sont partagés par toute la population de façon très générale? La population comprend également que le gouvernement s'implique directement, d'une façon ou d'une autre. On peut différer sur la manière d'agir, mais que le gouvernement s'implique dans une intervention en la matière, c'est-à-dire de transformation.

C'est cela, au fond, qui n'a pas encore été expliqué et que les gens ont beaucoup de difficulté à comprendre. Pourquoi le gouvernement ne l'explique-t-il pas? Seulement dire que c'est la volonté politique n'est pas suffisant. Les gens de Marguerite-Bourgeoys qui vont devenir propriétaires de cette société — pourquoi pas une autre société et qui vont devoir signer le chèque, comme tous les autres citoyens, au bas de la page, ont droit de savoir pourquoi le gouvernement doit dépenser des dizaines de millions de dollars — est-ce que cela sera $50 millions, $100 millions, $150 millions? On ne le sait pas — pour acquérir une mine, alors que l'approvisionnement semble de moins en moins être une condition essentielle pour se lancer dans des entreprises de transformation.

C'est ce que je voudrais que le ministre nous explique. On a tenté de trouver des réponses dans les documents qui nous ont été remis. Le document le plus récent, c'est celui du groupe de travail fantôme et il est quasi muet là-dessus, sauf une déclaration, un diktat qui dit: II faut acheter; c'est une conclusion. On ne la justifie pas, on n'en fait pas la démonstration. Est-ce que le ministre peut comprendre que c'est l'argent du public et qu'il est totalement en contrôle de la situation qu'il n'a pas de contrainte de temps? Il faut agir le plus tôt possible, d'accord. Mais la population va comprendre que le ministre dise: On va prendre un mois, deux mois ou six mois de plus pour examiner, de façon très sérieuse, tous ces éléments, pour ne pas entraîner la population dans une dépense qui serait inutile.

Par la motion, je voudrais que le ministre le fasse pour que les travaux de cette commission soient plus positifs, pour qu'on sache exactement pourquoi le gouvernement agit. Jusqu'à maintenant, il m'apparaît qu'il s'agit là d'un drapeau tout simplement. Il s'agit d'un symbole. On a dit: en achetant une société, on se trouve à démontrer une volonté politique. Mais on n'a pas besoin de la démontrer de cette façon-là. Au contraire, je pense qu'on la démontre d'une façon beaucoup plus sérieuse si on explique pourquoi on fait tel et tel geste, mais le pourquoi économique, le pourquoi qui, réellement, affecte les goussets de la population. C'est ce que le monde veut savoir et au niveau de toute la population, pas seulement la population de la région de l'amiante. Tous les Québécois sont intéressés à savoir pourquoi le gouvernement veut acheter la société Asbestos.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre. (21 heures)

M. Bérubé: M. le Président, j'interviendrai immédiatement, de manière qu'on soit clair quant à mon intention de répondre. J'ai bien l'intention de répondre à la question que pose le député de Marguerite-Bourgeoys concernant les motifs ayant amené le gouvernement à choisir cette option, soit l'achat de l'Asbestos Corporation. Cependant, de la même façon que j'ai peut-être fait mauvaise figure, face à l'opposition systématique que présentait l'Opposition libérale dans les premières semaines de cette commission, puisque nous n'avons pas pu aborder l'article premier et que nous nous sommes contentés de généralités dont l'objectif, suivant la définition traditionnelle, était d accélérer les travaux de cette commission, j'ai donc décidé, à ce moment-là, de ne pas jouer le jeu.

De la même façon, dans le cas présent, il m'apparaît que lorsque nous discuterons de l'exploitation de gisements, à l'article 4, il sera possible et loisible à l'Opposition d'apporter un amendement, par exemple, contestant le droit ou la volonté du gouvernement de procéder à l'achat d'Asbestos Corporation.

Lorsque nous arriverons à l'article 4 et que nous discuterons spécifiquement d'un tel amendement que l'Opposition voudra bien déposer, qui m'apparaîtrait parfaitement recevable, en ce qui me concerne — je ne veux pas engager la présidence, M. le Président — j'aurai certainement plaisir, à ce moment, à tenter d'expliciter la pensée gouvernementale et je suis convaincu que les députés de notre gouvernement feront de même.

Néanmoins, dans la motion que la présidence a acceptée et la motion que nous discutons présentement, je pense que la présidence a accepté et a rendu un très mauvais service à l'Opposition.

Je viens d'écouter des propos décousus, des propos éminemment soporifiques d'un député surpris de voir la présidence considérer recevable une motion, chose à laquelle il ne s'attendait pas. Par conséquent, il a dû improviser, à la hâte, une petite intervention. Je lui dirai simplement que, oui, j'ai l'intention d'y répondre. J'ai l'intention d'y répondre lorsque nous discuterons de l'article 4 et que nous aurons un amendement en bonne et due forme portant sur le fond de la loi où, là, je pense que nous jouerons notre rôle de parlementaire. Mais, en attendant, personnellement, M. le Président, je dis carrément que je n'ai pas l'intention de répondre à ce moment précis, mais bien quand viendra une motion véritablement intelligible et non pas bâclée à la hâte par une Opposition qui s'est vu rayer deux ou trois mots de sa résolution, celle-ci étant déclarée à la fois intelligible et irrevable. A ce moment-là, à la hâte, on se dépêche de fabriquer une nouvelle motion qui, finalement, ne fait que contribuer à retarder le débat.

Pour cette raison, je pense qu'il ne siérait pas que je participe.

M. Lalonde: M. le Président, seulement quelques mots. Je veux que le ministre se rende compte que son refus de répondre à la question, au moment où elle est posée, oblige — surtout la façon dont il a refusé — presque l'Opposition à présenter un amendement qu'on n'aurait peut-être pas eu à présenter, lorsque nous serons arrivés à l'article 4, si on avait eu les réponses.

M. Grégoire: On ne vous fera pas confiance pour cela, on vous connaît à présent.

M. Lalonde: II ne pourra pas se plaindre qu'on soit obligé de faire des gestes qui sont simplement inutiles, sauf dans la mesure où c'est la seule façon d'obtenir des réponses.

M. Grégoire: On vous connaît à présent, on ne vous fait plus confiance.

M. Paquette: Je trouve cela tout à fait... M. Laplante: Enfantin. M. Grégoire: Enfantin.

M. Paquette: ... surprenante cette attitude du député de Marguerite-Bourgeoys, quand on sait que tout le débat de deuxième lecture a porté essentiellement sur l'achat ou le non-achat de la société Asbestos et non sur la transformation, puisque tout le monde est d'accord là-dessus qu'il y ait plus de transformation d'amiante au Québec. Là, il vient nous dire qu'ils ne sont pas suffisamment sûrs de leur position pour présenter un amendement dans le sens de ne pas acheter Asbestos Corporation. C'est cela que vous venez de dire.

M. Lalonde: Question de règlement.

M. Paquette: Vous venez de dire qu'on va vous forcer à présenter cet amendement. Je trouve cela étonnant, après le débat que vous avez fait en deuxième lecture.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! A l'ordre! Est-ce que vous voulez rectifier, M. le député de Marguerite-Bourgeoys? Est-ce que vous avez fini votre intervention, M. le député de Rosemont?

M. Paquette: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 96. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Le député de Rosemont change complètement les propos que j'ai eus. J'ai simplement dit au ministre que s'il avait répondu à la question qui est contenue dans la motion, on ne serait peut-être pas obligé, si on avait les explications suffisantes, de présenter un amendement. J'espère que la façon tortueuse dont le député de Rosemont a transposé mes propos est seulement l'effet d'un accident.

M. Paquette: Vous voulez dire que toutes les raisons pour lesquelles vous avez voté en deuxième lecture contre le projet de loi et oontre l'achat d'Asbestos Corporation n'étaient pas suffisamment solides pour que votre position soit arrêtée maintenant?

M. Lalonde: Non, ce n'est pas cela.

M. Paquette: Vous attendez les explications du ministre pour savoir si vous allez être pour ou contre l'achat d'Asbestos. C'est cela qui me surprend.

M. Lalonde: Non, rectification, M. le Président, l'article 96. Ce qu'on a dit, c'est qu'on n'avait pas suffisamment d'explications, de démonstrations de la part du gouvernement pour voter pour en deuxième lecture et on n'en a pas encore davantage actuellement, mais c'est notre devoir, comme députés, d'en demander chaque fois qu'on a l'occasion de le faire, parce que c'est notre devoir que la lumière soit faite là-dessus.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, j'ai noté dans les propos du ministre deux choses assez remarquables. Il nous a dit, et ce n'est pas la première fois, qu'il nous répondrait un jour lorsqu'on arriverait à une étape ultérieure de l'étude du projet de loi. On commence à être un peu habitués à ce genre de promesse. On a eu, lors des travaux préliminaires en commission parlementaire, la promesse que, dès qu'on aborderait l'étude, article par article, on en viendrait à des explications de fond. On n'a pas fait des progrès remarquables de ce côté, lorsque,

finalement, on a abordé l'article 1 et les articles subséquents. Encore maintenant, à l'occasion d'une motion préalable, si l'on veut, à l'article 4, on nous promet que, lorsqu'on en viendra au paragraphe a) de l'article 4, on va en avoir pour notre argent. Mais c'est une remise à plus tard continuelle. C'est le premier point.

Le deuxième point, c'est que le ministre a quand même senti — et c'est visible dans sa remarque, même si l'adoption et la recevabilité de cette motion ont donné lieu à plusieurs contestations et à plusieurs débats — qu'il y a quand même un point, qui est peut-être le point central de tout ce débat et, qui est touché par cette motion. C'est peut-être un peu curieux, mais, en écoutant les derniers échanges, je me suis persuadé que, finalement, ce qu'il y a dans la tête de tout le monde là-dedans, c'est que, de façon concrète, il s'agit de l'achat de la société Asbestos et, à la fois ceux qui sont pour et ceux qui sont contre, sont confirmés dans leur position, à la fois pour ou contre, selon l'impression qu'ils se font de l'existence ou de l'inexistence des motifs.

C'est tout à fait central que cette motion, et j'aimerais, malgré tout, et à cause de cela, suggérer au ministre, dans la réponse qu'il nous fera un jour, un certain nombre de dimensions de cette question quant aux motifs. Il m'apparaît que l'argument principal, le motif principal — le seul motif, dans le fond, quand on le débarrasse de toutes les considérations accessoires qui ont été présentées par le gouvernement — est basé sur la notion d'assurance des approvisionnements, de garanties d'approvisionnements pour l'industrie de transformation.

M. Bérubé: Cela en est un, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: C'est le seul auquel j'attache la moindre créance, puisque le reste, ce sont des arguments très circonstanciels et très accessoires.

M. Bérubé: Je pourrais vous présenter d'autres motions.

M. Forget: Vous le ferez en temps et lieu. Je peux aussi formuler cela de façon interrogative: Existe-t-il vraiment d'autres arguments que l'argument d'approvisionnement? On sera heureux d'en avoir la démonstration, mais, jusqu'à maintenant, rien ne m'a porté à croire que le ministre faisait reposer son argumentation, décrivait ses motifs comme étant autres qu'une question de garanties d'approvisionnements. En tenant pour acquis que cela constitue l'argument principal ou, je veux bien, en faire la concession au ministre, un des arguments principaux, si cela lui fait plaisir, et sous bénéfice d'inventaire...

M. Bérubé: Pour la vérité.

M. Forget: ... par condescendance ou par esprit de compromis, peut-être que je le regretterai, M. le Président, mais je ne veux pas me quereller sur la question de savoir si c'est le seul motif.

C'est certainement, à ce moment-ci, le seul motif qui m'apparaît avoir été présenté et expliqué par le gouvernement dans une certaine mesure.

S'il était vrai que l'approvisionnement constitue un objectif central, la première question qui surgirait à l'esprit serait: Pourquoi une société minière plutôt qu'une autre, puisqu'une garantie d'approvisionnements, on peut l'avoir de mille et une façons, enfin pas vraiment de mille et une façons, mais de plus d'une façon? Il y a la possibilité de développer un nouveau gisement, comme celui de l'Abitibi; il y a la possibilité d'acheter une autre, n'importe laquelle, des mines existantes.

On s'entend rapidement là-dessus; c'est dire que la prochaine question sera de savoir pourquoi donc celle-là en particulier. A ce moment-là, pour comprendre la réponse que le gouvernement présente à cette question... la seule explication qu'on a eue — il faut se rappeler les dates, les dates sont importantes là-dessus — cela a été le raisonnement contenu dans le fameux rapport Alexandre, qui a été publié en 1975, mais qui a largement été fait et complété en 1974, ou au début de 1975. A cette époque-là, la situation de la société Asbestos était différente, puisqu'il y courait une rumeur — d'ailleurs, elle avait couru quelques années auparavant — selon laquelle la société Asbestos était en vente. Alors, cela constitue au moins, de façon hypothétique, la réponse à la question: Pourquoi la société Asbestos? Parce qu'elle est en vente, les autres ne l'étant pas. Alors, on a un enchaînement assez logique, pas nécessairement valable, mais au moins un enchaînement logique dans le sens au moins où le raisonnement se suit. Pourquoi s'intéresser à une mine pour des questions d'approvisionnement? Pourquoi cette mine en particulier? Parce qu'elle est en vente. Bon, le raisonnement va bien tant et aussi longtemps que chacun des chaînons du raisonnement tient, le chaînon nécessité de garantie d'approvisionnement, je n'y toucherai pas pour l'instant, on y reviendra dans d'autres contextes, mais je vais m'attacher seulement à la question de savoir: Est-ce que, effectivement, la société Asbestos est en vente? Pour cela, je pense qu'il serait peut-être utile, pour ce que cela vaut et étant donné que de toute manière cela peut être intéressant pour les étudiants du sujet qui pourront avoir la patience de lire le compte rendu de nos débats, il semble qu'il s'est passé l'enchaînement de circonstances suivant du côté de la société Asbestos. Je tiens évidemment ces renseignements de gens qui me les ont communiqués sans les avoir vérifiés dans les archives de toutes les sociétés impliquées, de façon personnelle, mais comme personne ne s'est jamais donné la peine, publiquement au moins, de faire cet historique, je le présente pour ce qu'il vaut.

Il semble que la société Asbestos ait changé de mains vers la fin des années soixante, vers la fin de 1969 environ. Elle a été achetée, à ce moment-là, par la société General Dynamics, en même temps que Canadair a changé de mains. Cet achat a été suivi, au sein de la société Dynamics, par une révolution de palais, par un "take over" d'intérêts financiers nouveaux. Ces intérêts finan-

ciers et en particulier un actionnaire majoritaire qui réside à Chicago ont entrepris de faire le ménage de fond en comble de la société General Dynamics. Parmi les décisions de l'ancienne administration de General Dynamics se trouvaient un certain nombre d'actifs que les nouveaux propriétaires de la société ont jugés, a priori, très sévèrement. En particulier, la société Asbestos. C'était, une période d'assez grande noirceur au point de vue de la rentabilité de la société Asbestos pour toutes sortes de raisons, y compris l'ouverture de certaines mines en Union Soviétique et une concurrence assez acharnée qui venait de ce côté depuis quelques années. Donc, la nouvelle direction de la société General Dynamics a tenu pour acquis que tout ce qui avait été fait par l'ancienne direction était mal conçu, était une tentative de créer un conglomérat ingouvernable, inadmisnis-trable.

M. Bérubé: Presque un changement de gouvernement quoi!

M. Forget: Presque un changement de gouvernement, mais vous allez voir la suite de l'histoire, c'est intéressant.

Cependant, quelques années se sont écoulées; à l'énervement et à l'euphorie de la prise de contrôle initiale a succédé une période de réflexion, comme on en voit parfois après un changement de gouvernement et on s'est décidé...

M. Bérubé: Continuons cette analogie!

M. Forget: ... apparemment, à faire une étude plus soigneuse de ces actifs, de ces décisions de l'ancienne administration et on s'est rendu compte, après une analyse minutieuse que, finalement, la société Asbestos n'était pas un si mauvais placement après tout.

M. Bérubé: C'est la première fois qu'on entend cela.

M. Forget: Non, c'est...

M. Grégoire: C'est encourageant.

M. Forget: C'est encourageant pour la société General Dynamics.

M. Grégoire: Ou pour ceux qui vont avoir I'Asbestos.

M. Forget: N'anticipons pas sur le récit. M. Bérubé: C'est un conte de fées.

M. Grégoire: Est-ce une histoire ou de l'histoi re?

M. Forget: C'est de l'histoire, mais, comme je vous le dis, je ne suis pas un historien et je n'ai pas eu accès aux archives; je le raconte comme il m'a été raconté et je le raconte pour l'intérêt des membres de la commission. Il y a un côté...

M. Grégoire: C'est donc du ouï-dire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Forget: ... anecdotique qui, malgré tout, a une importance parce qu'il explique une partie de la motivation gouvernementale.

Cette rumeur de vente probable de la société Asbestos a couru pendant les quelques années et demie ou deux ans qui ont suivi la prise de contrôle, d'abord de la société Asbestos par General Dynamics et qui a été suivie, quelques mois après, par les changements de la direction interne de General Dynamics. C'est vers les années 1972 ou 1973, approximativement, ou peut-être 1974. que la société General Dynamics a réévalué la situation et a décidé que, finalement, ceci était un investissement qui méritait d'être valorisé et qui méritait d'être conservé... (21 h 15)

M. Bérubé: ... à ce stade?

M. Forget: Bien, oui, vous pouvez...

M. Bérubé: La société, ayant, à ce moment, également choisi de façon assez audacieuse d'investir dans le développement du gisement d'As-bestos Hill, elle a, de cette façon, augmenté substantiellement la rentabilité de l'entreprise.

M. Forget: Non. Je ne suis pas d'accord avec le ministre parce que la décision d'investissement à Asbestos Hill est antérieure à ce changement d'orientation de la société General Dynamics qui d'ailleurs, avait fourni des investissements considérables qui ont été nécessaires et, d'ailleurs, grossièrement sous-évalués à l'origine; cela a contribué à créer ce climat de pessimisme chez les actionnaires principaux puisque, d'un budget original de $50 millions, on en est arrivé à dépasser quelque $90 millions pour développer ce site dans l'Unvaga qui, d'ailleurs, n'est pas d'une rentabilité extraordinaire, même aujourd'hui.

M. Bérubé: Plus de 50% du "cash-flow".

M. Forget: Peu importe le "cash-flow" parce que le "cash-flow", c'est bien important en termes de "cash-flow ", mais cela n'évalue pas directement la rentabilité. Le "cash-flow" doit être proportionnel à la mise de fonds et la mise de fonds est très considérable.

M. Bérubé: Mais en 1974, la mise de fonds ayant été faite, on n'avait plus qu'à considérer le "cash-flow" produit.

M. Grégoire: La compagnie prenait les profits de Thetford pour les investir là-bas.

M. Forget: II reste que la rentabilité du projet ne dépend pas, strictement, seulement du "cashflow ". Il y a quand même des charges financières liées à cet investissement. Il y a quand même des

opportunités qui ont été abandonnées au profit d'un tel développement.

Mais, de toute façon, ce sont des coûts.

M. Bérubé: Je voulais compléter pour l'année 1974.

M. Forget: Ce sont des coûts qui sont immobilisés, de toute manière, et pour lesquels il n'est pas possible de réécrire l'histoire. Donc, dans ces circonstances, l'hypothèse de base qui a inspiré dans une certaine mesure le rapport Alexandre, lequel se trouvait à inspirer également le choix gouvernemental, a perdu, depuis environ quatre ans, sa base dans les faits. Il n'y a pas, effectivement, une société qui soit en vente et, à défaut d'autres motifs visibles, on se trouve en face d'une décision qui, si elle avait été prise en 1973, aurait été fort opportune et aurait eu une motivation dans les faits, mais, comme on veut acheter une société qui n'est pas en vente, alors, il faut se trouver une autre motivation.

Le ministre a fait allusion à d'autres hypothèses, comme le fait que la mine de East Broughton qui appartient à Jim Walter pourrait aussi être en vente. Il ne faudrait pas sauter d'une hypothèse à l'autre parce que cela non plus ne constitue pas un motif suffisant pour l'acquisition de cette société minière en particulier.

La copie du jugement que le ministre a distribuée du Federal Trade Commission américain et des conversations que j'ai eues avec les responsables de cette société démontrent que, d'abord, l'affaire n'est pas conclue de façon finale. Le jugement est encore sujet à un appel et il est fort probable que la société Jim Walter réussira à faire exempter la mine qu'elle possède à East Broughton du jugement du Federal Trade Commission parce que cette partie du jugement qui vise la mine d'East Broughton n'est pas pertinente à l'objet du litige et à l'objet de la décision rendue par le Federal Trade Commission.

Par un jeu de changement de propriétaires, ce qui est arrivé à Jim Walter a été de prendre le contrôle de sociétés qui fabriquent des bardeaux d'amiante pour le revêtement des toitures et de devenir propriétaire de l'équivalent de 60% de la capacité de fabrication des bardeaux d'amiante pour toiture sur le marché américain.

L'objet de la requête qui est sur le point d'être présentée par Jim Walter vise à dire: Très bien. Nous allons vendre les sociétés qui produisent des bardeaux d'amiante, de manière à réduire notre part du marché à un niveau acceptable, mais nous allons, cependant— et c'est ce qui est demandé au Federal Trade Commission — conserver la mine d'East Broughton qui n'affecte en rien notre taux de pénétration du marché du bardeau d'amiante et il n'y a vraiment aucune raison visible pour laquelle une objection pourrait être faite à une requête présentée dans ces termes. On demande simplement de diviser les actifs de manière à se conformer à l'objet du jugement et à ne pas faire donner au jugement des effets plus considérables qu'il n'est strictement nécessaire pour les fins de la loi antitrust américaine.

Donc, je pense que cette société non plus n'est pas en vente et c'est un fait que les dirigeants de la société de la mine d'East Broughton nient vigoureusement, ainsi que leurs actionnaires, ainsi que leur actionnaire principal, Jim le fait que la mine soit en vente. Elle ne l'est pas. Ils n'ont pas l'intention de la mettre en vente. Ils ont l'intention, au contraire, de prendre toutes les mesures légales pour qu'elle ne soit pas en vente. Donc, sur le plan des motifs, M. le Président, on se retrouve avec bien peu de choses.

Je me résume très brièvement. On a un argument qui est la garantie d'approvisionnement. J'ai dit et répété — et le contraire n'a jamais été établi par le ministre — qu'il n'est pas nécessaire d'obtenir une garantie d'approvisionnement, et pour ce qui est d'obtenir cette garantie par rapport à d'autres, c'est-à-dire l'achat de la société Asbestos, le seul motif qu'il y avait, c'est quelle était en vente. Cela a été vrai dans le passé, cela a été vrai au moment où l'auteur du rapport Alexandre a colligé ses notes de travail pour la préparation de son rapport; ce n'est plus vrai. Il n'y a pas d'autres sociétés minières, dans le domaine de l'amiante, qui soient en vente. Donc, on n'a plus de motif, M. le Président. On n'en a rigoureusement plus, sauf un désir général d'être présent sur la carte des producteurs de fibre d'amiante. Mais cela n'est pas un motif, c'est une velléité, c'est un désir, c'est une espèce de rationalisation après coup, puisqu'un motif suppose qu'on a quelque chose de beaucoup plus concret à l'esprit que simplement le désir d'être présent sur la carte. Pourquoi ne pas être présent sur la carte de la fabrication des bicyclettes ou autres choses. A cet égard, c'est une fantaisie parmi d'autres. Il n'y a rien de nécessaire, d'obligatoire dans une telle démarche.

C'est bien là, je pense, que cette motion fait ressortir... J'espère que le ministre s'inspirera de ces questions ou de ces affirmations qui sont en réalité autant de questions adressées au gouvernement. Les raisons qui sont avancées, les raisons que le ministre prétend nous avoir données à plusieurs reprises consistent dans des éléments si fragiles, les circonstances de dates, par exemple, pour ce qui est de la possibilité d'acheter de gré à gré Asbestos Corporation ne sont plus historiquement des faits, mais sont des hypothèses sans fondement. Il y a donc énormément de choses qui apparaissent encore mystérieuses et s'il lui était possible de nous démontrer l'enchaînement logique entre le désir d'accélérer et de renforcer, d'inciter la transformation des produits de l'amiante au Québec, et cet enchaînement de motifs, je pense qu'il emporterait l'adhésion de tout le monde. Je suis persuadé, encore une fois, M. le Président, qu'il n'y a pas de motifs, il n'y en a plus. S'il y en avait, ils sont disparus; parce que le motif, encore une fois, principal, c'était qu'il y avait une société minière qui était en vente, il y avait une aubaine à faire, mais l'aubaine n'est plus là parce que l'aubaine et la rentabilité de l'entreprise, cela s'évalue seulement en fonction du prix qu'on peut payer.

Quand il y a un vendeur qui veut vendre, qui a décidé qu'il n'était pas intéressé à des actifs, on

peut réaliser une aubaine, on peut payer pour cet actif moins cher que ne vaut, dans le fond, essentiellement, cette rentabilité future escomptée; mais dès qu'on est en face d'un acheteur qui n'est plus intéressé à vendre pour d'autres raisons qui lui appartiennent en propre, dès qu'il est en face d'un placement, il va bien sûr nous le vendre et si le placement est rentable, tout ce que cela veut dire, c'est que le prix qu'il va exiger va être d'autant plus élevé, donc cela va être rentable pour lui et cela va continuer à être rentable pour lui, parce qu'il va liquider son placement à un prix avantageux. Mais pour l'acheteur, cette rentabilité disparaît à cause d'un prix d'achat trop élevé. C'est comme une maison qui serait louée moyennant un loyer très avantageux étant donné que le propriétaire est propriétaire depuis longtemps, qu'il a construit avant l'inflation, etc. Il peut faire beaucoup d'argent; mais pour un nouvel acheteur, qui achète la valeur équivalente au rendement de cette propriété, la rentabilité disparaît. Le propriétaire initial peut liquider cette rentabilité, peut se l'approprier et l'emporter avec lui en quelque sorte. Le nouvel acheteur se retrouve avec un placement qui sera peut-être trop onéreux.

C'est la situation dans laquelle on se trouve, M. le Président, et c'est pourquoi je pense que cette motion est peut-être la plus significative de toutes celles qu'on a présentées puisqu'elle va au coeur du projet, au coeur des motifs gouvernementaux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Grégoire: Appel des noms.

M. Brochu: M. le Président, excusez-moi j'avais l'impression que d'autres collègues voulaient intervenir. J'aimerais faire quelques remarques sur un point qui m'apparaît assez important parce que tout au cours de nos discussions, que ce soit à l'étape de deuxième lecture ou dans les autres étapes qui ont suivi au niveau de la commission parlementaire, un fait demeure. Je pense que nos collègues du gouvernement le reconnaîtront également et le ministre aussi. J'espère qu'il le reconnaîtra dans son attitude future par rapport à ça.

Le fait est le suivant: à aucun moment a-t-on indiqué clairement, que ce soit aux membres de la commission parlementaire ou aux membres de l'Assemblée nationale, ni même dans les tournées que vous effectuez, ou dans l'information que vous avez pu fournir au public à cet effet, à aucun moment n'ont été fournis, de façon complète, claire et précise, les motifs fondamentaux qui vous font opter pour le choix que vous avez fait, celui d'acquérir une entreprise d'une part et, deuxièmement, acquérir Asbestos Corporation.

Cela, je pense, le gouvernement en conviendra avec nous, ça demeure ce que j'ai appelé souvent une des zones grises. On aura beau émettre moult arguments autout de ce fait, mais il n'en demeure pas moins que le choix du gouvernement ne semble pas s'appuyer sur des données vraiment sérieuses dans ce domaine, des données vraiment définitives, puisqu'à aucun moment, il n'a ouvert complètement son jeu pour dire: Voici les motifs fondamentaux qui nous font choisir ce moyen plutôt que tel autre, qui sont, untel, untel, untel en nous fournissant les données qui devraient s'y rattacher.

Si on se reporte dans le temps, pour faire le bref historique de ce projet de loi devant nous maintenant, on se rappellera que dans un premier temps, le programme du Parti québécois manifestait une volonté d'en arriver à une plus grande transformation de la fibre d'amiante en sol québécois. Cela, j'en suis. Je pense que les discussions qu'on a eues, tant ici qu'au niveau de la deuxième lecture, indiquent que tous, qui que nous soyons ici, visent cet objectif. D'ailleurs le Parti québécois n'était pas le seul parti politique à avoir, dans son programme politique, lors de la dernière campagne électorale, cette volonté indiquée d'en arriver à une transformation d'un plus grand pourcentage de la fibre d'amiante en sol québécois, le tout visant, le plus possible, à une création d'emplois dans ce secteur, puisqu'on avait toujours dit qu'on avait laissé la situation en plan et qu'on devait faire profiter les Québécois de ces richesses naturelles, au niveau de l'emploi.

Ce n'est donc pas simplement pour viser l'acquisition d'une entreprise, pour acquérir une entreprise, puisqu'en soi, ce serait une aventure fort coûteuse. Si cela devait s'arrêter là, je pense que le jugement se porterait de lui-même sur un tel projet de la part du gouvernement.

Donc, le Parti québécois avait dans son programme cette indication d'une volonté de vouloir procéder à une transformation de l'amiante.

Par la suite, on sait qu'au cours des années, en même temps que le Parti québécois a évolué, le CRD aussi a évolué, a fait certaines recherches, le CRD-CE en particulier, celui des Cantons de l'Est, en présentant un document fort important et d'ailleurs, ceux qui ont présidé à sa composition sont venus devant cette commission parlementaire pour répondre à nos questions et donner davantage d'indications.

Ce document du CRD est devenu, pour ainsi dire, le livre de chevet, sinon la bible du député de Frontenac, malgré qu'à toutes fins pratiques, lorsqu'on regarde le choix du gouvernement en ce qui concerne le moyen pour atteindre cet objectif, on se rend compte qu'il n'a pas tenu compte des recommandations du CRD-CE en matière de moyens à prendre pour arriver à une valorisation plus grande de cette richesse naturelle au profit des Québécois.

Le gouvernement a préféré plutôt faire ce que j'ai mentionné au cours de cette semaine à d'autres séances de cette commission parlementaire, le gouvernement a préféré commencer un "window shopping ' en matière d'amiante. J'ai d'ailleurs indiqué, en m'appuyant sur des articles de journaux qui n'ont pas été contestés par le ministre qui était présent à ce moment-là en commission parlementaire, que même, à certains moments, les regards du gouvernement se sont por-

tés sur la Canadian Johns-Manville d'Asbestos qui est un des leaders principaux dans ce domaine. Donc, le cheminement du gouvernement a été quand même assez long et a revêtu diverses formes en cours de route. C'est donc dire que cette politique n'était pas cristallisée et qu'elle n'a pas un corps en soi, si on peut s'exprimer ainsi, mais qu'elle se fabrique au fur et à mesure des circonstances et des choses qui se présentent. (21 h 30)

On a donc délaissé, puisqu'il n'y a pas eu de suite, la question de l'achat d'une mine comme Canadian Johns-Manville à Asbestos. Il semble maintenant qu'on ait choisi Asbestos Corporation.

Les questions fondamentales qu'on peut se poser maintenant, étant donné que le gouvernement, pour arriver à la transformation, du moins ce qu'il croit, pour pouvoir arriver à faire de la transformation, davantage au Québec, des produits d'amiante, va vouloir acquérir la société Asbestos Corporation.

J'aimerais que, avant qu'on continue l'étude du projet de loi article par article, le ministre ouvre clairement son jeu en cette matière et nous indique pourquoi, plus précisément, avoir choisi Asbestos Corporation comme moyen d'action dans le domaine de l'amiante, après avoir fait ce "window shopping" auquel je faisais allusion tout à l'heure.

Une autre question à laquelle... Formidable! Je vois le ministre qui arrive avec deux serviettes pleines. On nous indique que ce sont peut-être les motifs fondamentaux pour lesquels le gouvernement a l'intention d'acheter Asbestos Corporation. J'espère que tout à l'heure, le ministre aura l'occasion d'ouvrir ses valises et de nous l'indiquer.

L'autre question qui se pose, on peut la poser par l'inverse également. Pourquoi le gouvernement du Québec limite-t-il actuellement ses achats — puisqu'il est en pleine période d'achat — à l'Asbestos Corporation?

M. Bérubé: C'est une bonne question. M. Brochu: Oui, c'est une bonne question.

NI. Grégoire: Voulez-vous qu'on en achète d'autres en plus? Est-ce que c'est une suggestion pour qu'on en achète une de plus?

M. Brochu: Ce n'est pas une suggestion.

M. Bérubé: Ses électeurs commencent à faire pression sur lui. Je vois.

M. Brochu: Ce n'est pas une suggestion. Je pars du choix que vous avez fait. Je crois qu'on peut le contester — et on le conteste d'ailleurs — au niveau des moyens. Je pars du choix que vous avez fait, dis-je, pour vous faire voir la situation dans laquelle vous vous trouvez actuellement et dans laquelle vous allez vous trouver éventuellement.

La raison pour laquelle je pose cette question, pourquoi, quant à commencer à acheter, vous limitez vous à l'Asbestos Corporation?

M. Grégoire: C'est une suggestion que vous voulez faire?

M. Brochu: Non, ce n'est pas une suggestion, c'est une constatation.

M. Grégoire: Non, vous demandez pourquoi.

M. Brochu: D'ailleurs, je vais vous référer à des propos fort savants qui ont été tenus il y a un mois environ, soit le 10 mars dernier, par nul autre que le premier ministre du Québec à ce sujet. L'absurde de la situation ressort. Je cite le journal La Tribune du 10 mars où on rapporte les paroles du premier ministre, il dit ceci: Troisième observation du premier ministre, celle portant sur les mines en garde présumées de la communauté européenne contre l'exploitation et la transformation de l'amiante.

M. Lévesque a expliqué que ces directives ne proscrivent que les opérations de 15% du marché mondial de l'amiante. J'en suis. Il en reste encore 85% pour les Québécois. C'est formidable, n'est-ce pas, comme observation. Cela peut, j'imagine, se vérifier.

M. Bérubé: Qui a fait cela?

M. Brochu: C'est votre premier ministre, M. Lévesque, qui a fait cette déclaration en disant que le problème qui se dessine au niveau des communautés européennes n'englobe pas tout le marché de l'amiante, mais seulement 15% du marché de l'amiante. Il en reste donc, pour le Québec, 85%. Je pense que ses calculs sont exacts.

Cependant, ce qu'il omet de dire à ce moment-là, c'est qu'il ne fait pas de différence entre le fait que vous allez acheter, d'après l'hypothèse dans laquelle vous vous embarquez actuellement, une seule des entreprises. Donc, le 85% qui reste ne vous appartient pas en totalité. C'est un peu là que le bât blesse. C'est là aussi que je pose la question: Pourquoi limitez-vous votre achat à l'Asbestos Corporation, puisque ce que vous visez, c'est d'obtenir un contrôle sur l'amiante, un contrôle de cet emblème?

M. Bérubé: Toute l'amiante?

M. Brochu: Je pose la question, parce que le premier ministre a dit: II nous reste, à nous, Québécois, 85%. Qu'est-ce que cela veut dire, 85%? Ce n'est pas uniquement 85% à Asbestos Corporation. C'est à l'ensemble des entreprises exploitant en sol québécois.

M. Bérubé: Ça doit être cela.

M. Brochu: Donc, on ne doit pas faire une telle affirmation gratuite, pour laisser croire aux citoyens du Québec que tout cela nous appartient et que, demain matin, on aura un contrôle absolu là-dessus. Même si vous faites l'achat, en dernier ressort, après avoir fini votre magasinage, d'Asbestos Corporation, vous allez avoir seulement une des entreprises exploitant au Québec. J'ai

parlé plusieurs fois de cela. Je reviens là-dessus. D'ailleurs, le premier ministre, sans le dire à ce moment-là, lorsqu'il a fait cette déclaration, en se disant fier d'avoir sous ses pieds 85% de la production mondiale possible, indiquait peut-être indirectement que, tôt ou tard, si vous voulez avoir ce contrôle sur cet emblème que vous voulez vous donner, il vous faudra magasiner sur une plus vaste échelle et, éventuellement vous porter acquéreur d'autres mines.

M. Bérubé: Si cela devait être la solution, elle sera à envisager.

M. Brochu: Justement, vous allez être obligés d'y arriver. Vous allez être obligés d'y arriver, parce que...

M. Bérubé: Si vous étiez au pouvoir, vous nationaliseriez toute l'industrie de l'amiante.

M. Brochu: Non, pas du tout. Pas du tout, parce que ce n'est pas du tout le rôle de l'Etat d'intervenir là-dedans, d'acheter des mines et de devenir producteur d'amiante. C'est notre choix et notre décision.

Je vous dis que, parce que vous avez posé un premier geste, celui d'intervenir de cette façon, au lieu d'aller directement dans la transformation qui créerait de l'emploi à court terme, si vous passez par l'achat d'une mine, comme vous voulez le faire actuellement, ne devenant qu'un des exploitants des mines d'amiante, vous allez vous trouver, au lendemain de cette acquisition, en concurrence avec des gens à qui appartient le marché. Qu'on le veuille ou non, que vous aimiez cela ou non, vous allez vous trouver en concurrence directe avec des gens qui ont les marchés, qui ont la connaissance de la production, qui ont le "know-how" dans différents secteurs.

Je me demande où vous allez vous situer, le lendemain matin, vis-à-vis de ce qu'on peut appeler les spécialistes de l'amiante, de ceux à qui, en définitive, appartient toute l'expérience dans ce domaine. Où allez-vous vous situer? C'est là que je me dis que, le lendemain matin, vous pourrez facilement être porté à dire: On n'a pas suffisamment de contrôle dans le domaine. Pour arriver à ce que ce soit rentable, maintenant, cela nous en prend plus. C'est pour cela que je pose cette question. Pourquoi vous limitez-vous à Asbestos Corporation? Vous allez y répondre vous-mêmes par la situation, sinon absurde, tout au moins extrêmement difficile ou intenable dans laquelle vous allez vous trouver en mettant le pied sur ce terrain, parce que vous voudrez mettre l'autre pied, pour avoir l'équilibre complet, tout de suite après. C'est là que vous reviendrez devant l'Assemblée nationale en nous présentant non seulement un autre volet à ce projet de loi, mais peut-être une foule d'autres volets à suivre pour vous assurer l'autonomie, la force, la puissance, le contrôle dont vous aurez besoin pour contrôler cette richesse naturelle. Sans cela, le lendemain matin, vous ne contrôlerez rien de plus, vous aurez une des mines et vous serez en concurrence avec l'industrie déjà existante. C'est un des points assez importants. J'aimerais que le ministre nous parle là-dessus. Cela aurait peut-être dû faire l'objet de discussions préalables à tout le projet de loi. Lors de la deuxième lecture, le ministre aurait même dû nous donner des indications claires à ce sujet, parce que, dans le fond, c'est ce qui sous-tend l'ensemble de tout ce projet de loi, c'est le choix du gouvernement. Je ne le conteste pas, vous pouvez choisir ce que vous voulez, à la vitesse que vous voulez et comme vous voulez.

Par contre, on va tous supporter les résultats ensemble, c'est ce qui fait la différence. Les prochains gouvernements auront aussi à vivre avec cette loi. Cela aussi, c'est la différence. Il ne faudrait pas que vous oubliiez que vous engagez le Québec pour les prochaines années, d'une façon assez considérable. C'est pour cela que je pose ces questions. Il serait peut-être bon, à ce stade-ci, avant qu'on aille trop loin dans le projet de loi... Cela ne fait pas uniquement l'objet d'un des articles, cela ne fait pas l'objet du paragraphe b) de tel article, je pense que c'est la question de l'attitude profonde du gouvernement, ce sur quoi il se base. Pourquoi pose-t-on ces questions fondamentales en disant au ministre: Pourquoi choisir Asbestos Corporation? Pourquoi avoir choisi cette façon de procéder? Pourquoi limiter, à ce moment-là, dans un autre sens, vos achats à celui d'Asbestos Corporation? Pouvez-vous nous garantir, par exemple, aujourd'hui, qu'à aucune condition vous n'allez étendre votre appétit à d'autres entreprises? Je pense que vous ne pouvez pas du tout. Non seulement vous ne pouvez pas, mais déjà vous pouvez prévoir maintenant que vous devrez aller plus loin. Quels sont, par exemple, les impacts économiques réels sur les régions visées? Avez-vous des données à nous fournir à ce sujet? Le motif sur lequel vous vous appuyez pour procéder de cette façon, est-ce d'abord un motif de salubrité et de santé des travailleurs? J'en doute au point de départ, pour les raisons que j'ai déjà données. Si on parlait de santé des travailleurs...

M. Bérubé: ... l'oripeau du nationalisme.

M. Brochu: Non, si cela avait été une question de santé ou de salubrité, je pense, M. le Président, que, dès son élection, le gouvernement se serait attaché à appliquer, sinon à corriger la loi 52 pour régler cela. Si c'était une question de salubrité, il ferait simplement appliquer les normes par les entreprises actuellement et peut-être qu'il obtiendrait une collaboration dans ce sens. Je ne pense pas que ce soit l'objectif fondamental, le motif fondamental non plus. Aussi curieux que cela puisse paraître, il semble difficile de croire que ce soit la création d'emplois.

M. Forget: Le député de Richmond me permettrait-il une question?

M. Brochu: Oui.

M. Forget: II raisonne de la façon suivante, en disant: Est-ce que le ministre réalise qu'il s'engage

dans une voie où il peut être appelé à faire d'autres acquisitions, parce que c'est dans la logique de cette première décision? Est-ce que le député de Richmond serait d'accord pour aussi voir qu'il y a d'autres issues possibles à cela, dans le sens que cette logique n'est pas irréversible et, si une société minière s'achète, elle se vend aussi. N'est-il pas d'accord là-dessus?

M. Brochu: Oui.

M. Grégoire: C'est là le programme de Gar-neau. C'est selon le programme de votre futur chef, la revendre.

M. Brochu: Oui, cela peut être l'inverse, sauf qu'avec ce qu'il recherche, avec ce que le Parti québécois recherche fondamentalement...

M. Grégoire: C'est le programme du Parti libéral, tel qu'annoncé par votre futur chef, soit revendre Asbestos Corporation.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La question était adressée au député de Richmond.

M. Forget: En tout cas, la question se posera en temps et lieu.

M. Bérubé: Mais, comme gouvernement, ils avaient mis une affiche à l'entrée du Québec; c'était marqué: A vendre.

M. Lalonde: Est-ce que le député de Frontenac est délégué au congrès libéral?

M. Grégoire: J'espère que non. Je n'irais pas là. Je vais vous laisser cela.

M. Lalonde: On l'a vu virer capot tellement souvent! On se demande...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, à l'ordre!

M. Brochu: D'ailleurs, actuellement, ceux qui sont peut-être les plus heureux de cette situation, c'est probablement Asbestos Corporation et General Dynamics.

M. Bérubé: II faudrait vous entendre avec votre collègue de l'Opposition libérale, parce qu'il vient, dans son brillant exposé historique de l'histoire d'Asbestos, d'expliquer toutes les raisons pour lesquelles General Dynamics ne voulait pas vendre Asbestos; il faudrait vous entendre.

M. Forget: Ce n'est pas très contradictoire.

M. Grégoire: Pas très très, mais un peu. C'est à moitié contradictoire.

M. Brochu: Pas du tout...

M. Grégoire: Même pas du tout, pas du tout contradictoire.

M. Forget: Ils ne veulent pas vendre, mais ils sont bien prêts à vendre si on leur offre suffisamment cher.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Brochu: De toute façon, il faut se placer dans l'optique où General Dynamics en achetant Asbestos Corporation, voulait diversifier ses actifs, aussi on connaît l'importance de cette entreprise, on connaît aussi de quelle façon ces entreprises peuvent fonctionner pour équilibrer l'ensemble de leurs opérations, cela fait partie de toute l'histoire. Cela ne règle pas le problème du gouvernement au contraire pas du tout. Je veux dire, fondamentalement que, si Asbestos Corporation avait voulu tirer réellement profit de l'entreprise et avait voulu rester en affaires longtemps, je pense que les intéressés auraient, d'abord, modernisé leur entreprise beaucoup plus qu'ils ne l'ont fait, parce que toutes les autres entreprises dans le domaine de l'amiante ont fait des efforts à différents degrés pour se moderniser et, par exemple, accéder au normes de salubrité et garantir leur efficacité à répondre aux normes du gouvernement, alors qu'Asbestos Corporation ne l'a pas fait. Pourquoi? On peut se poser des questions dans ce sens-là, sur leur façon de voir cela sans question.

Mais, je reviens, en terminant, sur d'autres motifs aussi. Aussi curieux que cela puisse paraître, vous ne semblez pas viser la création d'emplois parce que l'acquisition d'Asbestos Corporation — le ministre me corrigera dans sa réponse — n'apportera aucun emploi de plus. Contrairement à ce que l'on a chanté sur tous les toits dans la région des Cantons de l'Est, même de la part de distingués visiteurs qui sont venus à Asbestos dernièrement.

Lorsqu'on faisait valoir qu'il y avait 1000 ou 1200 emplois qui allaient dépendre du projet de loi en question de l'acquisition...

M. Bérubé: J'aurais un éditorial intéressant à vous lire d'ailleurs de chez vous, d'Asbestos.

M. Brochu: Non, si vous êtes rendus que vous faites écrire partout dans les journaux, vous allez être occupés. Je comprend qu'à la commission parlementaire, si vous-même en plus écrivez les articles j'imagine que cela doit vous occuper.

M. Grégoire: II s'agit de l'éditorialiste de votre journal, à Asbestos. C'est le Citoyen d'Asbestos.

M. Brochu: Ce que je veux dire par là. C'est celui qui a fait l'étude du CRD.

On verra l'avenir d'ailleurs à ce sujet-là.

M. Grégoire: Ce n'est pas le même, ce n'est pas celui qui a fait l'étude du CRD.

M. Brochu: L'avenir nous réserve peut-être des surprises. Pour vous dire que la réalité là-dedans, si vous allez quelque part, si vous continuez vos sorties durant la semaine, le mercredi

soir, vous pourriez peut-être dire exactement ce qui en est. C'est-à-dire que l'achat d'Asbestos Corporation, je parle en soi, ne crée aucun emploi. Vous n'avez rien changé le lendemain matin et c'est les mêmes mineurs qui sont là avec la même mine et avec la même usine et, lorsqu'on parlera ensuite de transformation, c'est une autre affaire complètement à part. Il faut quand même placer les choses dans leur contexte et peut-être essayer de dire un peu la vérité quand c'est possible et surtout aux citoyens du Québec qui auront à payer la facture de ce projet du gouvernement.

En terminant, sur la question de l'approvisionnement visé par le ministre, sur la question de l'approvisionnement que le ministre veut se donner en achetant une mine, vous me permettrez de vous dire simplement que c'est un motif qui m'apparaît non essentiel dans les discussions et pas nécessaire pour atteindre l'objectif de création d'emplois. D'ailleurs, au niveau de l'approvisionnement, on sait qu'il y a de l'amiante et on sait que des entreprises sont également prêtes à vendre de l'amiante. Dernièrement on a vu qu'il y avait des stockages qui se faisaient de ce côté, on a même vu certains chiffres mentionnant que pour janvier et février, il y avait une diminution de 15,6% d'exportation. C'est le Globe and Mail du 4 et du 7 avril qui nous indique cela. Donc, au niveau de l'approvisionnement possible, il n'y a pas de problème. Alors, j'aimerais que maintenant le ministre nous donne vraiment les motifs fondamentaux pour lesquels il a choisi cette option.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que la motion du député de Saint-Laurent sera adoptée?

M. Grégoire: L'appel des voix, M. le Président.

M. Forget: La motion a été présentée par le député de Marguerite-Bourgeoys. (21 h 45)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, excusez, par le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Bérubé, Matane.

M. Bérubé: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bordeleau, Abitibi-Est.

M. Bordeleau: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Brochu, Richmond.

M. Brochu: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Forget, Saint-Laurent.

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Grégoire, Frontenac.

M. Grégoire: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Laplante, Bourassa.

M. Laplante: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ouellette, Beauce-Nord.

M. Ouellette: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Paquette, Rosemont.

M. Paquette: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Lalonde, Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La motion est donc rejetée, j'appelle l'article 4.

M. Brochu: M. le Président, avant de procéder à l'article 4, j'aimerais faire une autre motion très rapidement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Très rapidement?

M. Brochu: Oui, très rapidement, M. le Président, me référant aux propos qui ont été tenus, il n'y a pas tellement longtemps, par le député de Frontenac — qui sont fort louables — à l'effet de vouloir que les Québécois profitent les premiers de cette richesse naturelle qu'est l'amiante chez nous. On sait qu'on a eu plusieurs affirmations dans ce sens, que cela allait avoir énormément de retombées sur notre population du Québec, qu'il y aurait différents profits qui pourraient être tirés par la province et par ses citoyens de différentes façons. Il y a eu de nombreuses déclarations qui ont été faites dans la presse, ici à cette table de commission, en deuxième lecture, à ce sujet, en disant qu'il y aurait de nombreuses possibilités et qu'il y aurait des retombées fort positives du projet. J'espère que ce sera le cas.

Cependant, pour arriver à un ensemble d'affirmations de la sorte, je pense que le gouvernement doit sûrement baser ses assertions et ses expressions d'opinion sur des données assez pertinentes. Cela ne doit sûrement pas être basé sur le document qui a été déposé par le ministre, l'autre jour, sans indiquer les noms des fonctionnaires qui l'avaient préparé; document qui aurait d'ailleurs servi de base à l'établissement de la politique du gouvernement en matière d'amiante au Québec puisque simplement — je vous fais une petite référence, M. le Président, pour bien vous situer— à la

page 14 on dit: "Dans une usine neuve, les coûts de production au Québec ne devraient pas être plus élevés qu'aux Etats-Unis. Une usine au Québec aurait avantage à être située sur les bords du Saint-Laurent pour pouvoir expédier vers les grands lacs, par la voie maritime, et vers la côte atlantique et les pays en voie de développement, par le Saint-Laurent. Une telle usine pourrait remplacer, en partie, une ou plusieurs des usines de Johns-Manville, situées aux Etats-Unis", etc. Donc, le panorama qui nous est décrit ici comme possibilité semble quand même être assez vaste, ce ne sont peut-être pas les objectifs visés par le ministre, cela demeure quand même des hypothèses. Ceci pour vous dire que, j'imagine, le ministre ne s est pas basé uniquement sur ces projections pour établir la rentabilité de son projet et pour nous dire: Voici ce sur quoi on s'appuie pour dire que le projet sera rentable et qu'il aura les retombées auxquelles on est en droit de s'attendre pour des capitaux aussi importants que ceux qu'on veut investir.

J'imagine, par exemple, qu'en ce qui concerne les marchés, il y a sûrement des données sur lesquelles le ministre s'est appuyé pour être capable de nous garantir aujourd'hui que les sommes d'argent qui seront investies par les Québécois rapporteront quelque chose et auront ces retombées effectivement positives que le ministre et que le gouvernement visent avec leur projet de loi.

Il doit donc exister une espèce d'évaluation des marchés et ce, à différents niveaux. Il doit exister, par exemple, une forme d'évaluation en ce qui concerne les marchés intérieurs pour l'amiante, ici, en sol québécois ou en sol canadien.

On s'est plaint dans le passé, à différentes occasions, que nous-mêmes, ici, même si on est les plus grands producteurs d'amiante, étions peut-être sous-consommateurs à certains égards.

On ne s'est peut-être jamais assez préoccupé, soit par la recherche ou à d'autres niveaux, d'utiliser chez nous l'amiante, ce qui, à ce moment, créerait une demande beaucoup plus grande sur notre territoire même et arriverait...

M. Grégoire: Le député me permettrait-il une question?

M. Brochu: Si vous permettez...

M. Grégoire: Le député est-il au courant que le gouvernement, à l'heure actuelle, effectue des travaux de voirie sur huit milles de long à Thet-ford...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: ... et que tous les tuyaux d'égouts fluviaux, les aqueducs et les égouts seront en amiante-ciment?

M. Brochu: Vous l'avez mentionné l'autre jour à la commission parlementaire, lorsque les gens de chez vous sont venus.

M. Grégoire: C'est tout de même un bon commencement.

M. Lalonde: Sont-ce les mêmes tuyaux?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! A l'ordre!

M. Lalonde: Ce sont les mêmes tuyaux que l'autre fois? Passez à autre chose.

M. Grégoire: Ce sont les mêmes qui vont être posés.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Grégoire: Le député de Richmond va-t-il faire la même chose dans son comté?

M. Brochu: C'est déjà fait. On l'a fait, nous, en 1966 ou en 1967.

M. Grégoire: La ville de Thetford est toute en tuyaux d'amiante-ciment.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, M. le député de Frontenac!

M. Brochu: Pour répondre à la question du député de Frontenac...

M. Forget: Le député de Richmond a des préoccupations avec des tuyaux de fonte, si je comprends bien.

M. Brochu: Plus maintenant.

M. Forget: Non. Plus maintenant.

M. Grégoire: II y a un contrat qui se fait en tuyaux de fonte.

M. Brochu: Pour l'information du député de Frontenac, on a déjà fait, d'ailleurs, l'expérience sur ce qu'on appelle le boulevard Lafrance à Asbestos. C'est sûrement dans les données du ministère. Je ne sais pas ce qui en a été fait au juste par la suite, mais on a déjà fait l'expérience d'une route construite selon ce mariage d'amiante et d'asphalte. Il semblerait que les résultats soient intéressants. Il y a peut-être des problèmes techniques qui se posent au niveau du mélange quand vient le temps d'utiliser l'amiante en faisant la route. Je pense qu'il y a peut-être des problèmes techniques qui peuvent se poser au niveau des entrepreneurs routiers, etc.

Par contre, il existe sûrement des dossiers au ministère à ce sujet. Il y a peut-être aussi une question de routes glissantes. Il y a peut-être des aspects de sécurité qui se sont posés.

Le député de Frontenac aurait intérêt, sur cette question même, à regarder simplement ce

qui s'est fait au ministère jusqu'à maintenant. Ce n'est pas nouveau. Je pense que la ville de Thet-ford n'a pas innové. C'est heureux qu'elle le fasse, mais ce n'est pas une innovation. Il y a déjà eu quelque chose de fait dans le passé et je pense que le député comme le ministre...

M. Grégoire: ... 25 ans dans Thetford.

M. Brochu: ... auraient intérêt à réviser les dossiers qui ont été mis de l'avant à ce sujet, entre autres, en ce qui concerne la construction du boulevard Lafrance entre Asbestos et Danville.

Donc, on aurait sûrement des marchés intéressants à étudier sur le plan local. Le gouvernement a peut-être, dans les idées ou dans les motifs qu'il peut nous fournir des données à ce sujet en ce qui concerne d'abord nos marchés locaux, ce qu'on pourrait en faire, ce qui pourrait être mis à profit en ce qui concerne la vente d'amiante sur le plan local.

Il y a sûrement aussi des données sur lesquelles...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Excusez-moi de vous interrompre, même si je le fais.

M. Brochu: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est parce que vous devez savoir, du moins si vous ne le savez pas, je vous le dis, que lorsque vous prenez des minutes avant de parler sur votre motion d'amendement, vous parlez sur la motion principale. Je le dis pour tous les députés, parce que j'ai appelé l'article 4 et on n'est pas encore rendu à 4a, mais vous utilisez du temps sur vos 20 minutes pour l'article 4. C'est pour le bénéfice de tout le monde, pour bien se comprendre. D'accord? Conformément à notre règlement, d'ailleurs. C'est bien important et je pense que l'article 4... Je veux dire que quand vous parlez 18 minutes...

M. Brochu: Sur l'article 4 comme tel, non pas uniquement sur la motion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce que je voulais vous dire, c'est que pour votre compréhension, parce que je ne voudrais pas__le pense que vous ne le savez pas...

M. Bérubé: Je n'ai aucune objection, M. le Président, à ce qu'il continue à parler.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord, mais je pense que les membres doivent quand même savoir cela et je le leur dis.

M. Lalonde: Je vous remercie. Cela a pour effet d'accélérer les travaux.

M. Grégoire: Quand vous parlez...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Quand vous parlez, disons 18 minutes, avant de présenter votre motion, à ce moment-là vous parlez 18 minutes sur la motion principale. Il ne vous reste plus que deux minutes sur l'article 4, alors que si vous présentez votre motion immédiatement, vous gardez vos 19 minutes sur la motion principale.

M. Brochu: Je vous remercie de cette directive, parce que j'avais vraiment l'impression que...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est une directive qui s'applique depuis longtemps, mais c'est important de le savoir. Je pense que vous l'ignoriez, mais vous avez le droit de l'utiliser.

M. Grégoire: Cela fait 18 minutes.

M. Bérubé: II vous reste deux minutes. Mais vraiment, vous pouvez quand même utiliser vos 20 minutes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Brochu: Non, M. le Président, au risque de faire offense au ministre et peut-être de le priver de certains arguments intéressants qu'il est en train de noter d'ailleurs, je vais changer ma façon de procéder et vous présenter immédiatement la motion en question quitte à revenir ensuite à l'autre aspect de la discussion.

M. le Président, j'aimerais faire la motion suivante: "Que cette commission prenne connaissance des études faites, à la demande du gouvernement, sur les possibilités de mise en marché, tant au niveau national qu'au niveau international des produits de l'amiante au Québec. '

M. le Président, c'est là la motion que je vous fais tenir dans la minute.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond, n'y aurait-il pas lieu de corriger pour: "que cette commission invite le ministre des Richesses naturelles à déposer les études...

M. Lalonde: Pas déposer, M. le Président, à distribuer.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... excusez-moi, à distribuer.

M. Bérubé: Je pense que c'est excellent, M. le Président, "prenne connaissance"; effectivement, nous avons déposé des documents et il serait important que les députés de l'Opposition en prennent connaissance. Il est vraiment temps, après quinze jours, que vous en preniez connaissance. Je concède, M. le député de Richmond, que vous auriez dû faire vos devoirs et que le document que nous avons déposé concernant les possibilités de mise en marché, tant au niveau national qu'au niveau international, vous auriez dû le lire. Je reconnais que c'est une excellente motion et je pense que votre recherchiste a voulu vous envoyer un message.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un instant.

M. Brochu: M. le Président, simplement pour enchaîner, étant donné que le ministre a pu s'exprimer à ce sujet, en ce qui concerne mes devoirs, je lui ferais remarquer qu'ils sont faits et que toutes les copies qu'il m'a remises sont annotées, ont été étudiées. Mais là-dedans, je n'ai pas trouvé d'étude de mise en marché sérieuse. Je ne sais pas si ça fait partie des documents non signés qu'il a ramassés sur les tablettes, en passant, pour nous distribuer lorsqu'on a demandé des documents. Ce ne sont pas des études sérieuses...

M. Bérubé: Vous voulez dire: Prenne connaissance des études sérieuses...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, je pense que de deux choses l'une: ou la proposition a pour effet que la commission prenne connaissance des études, il y en a un certain nombre qui ont été déposées, c'est ça qui est le sens de la résolution. Je pense que c'est déjà fait pour le député, c'est déjà fait pour la plupart des députés. Je ne sais pas ce que c'est pour une commission de prendre connaissance d'études, sinon que chacun de ses membres les étudie. C'est une des interprétations possibles de la résolution. L'autre interprétation serait à l'effet que le ministre distribue de nouveaux documents, les documents déjà distribués étant insatisfaisants. Si c'est ça, M. le Président, je pense que c'est irrecevable.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je déclare irrecevable la motion telle que présentée puisqu'elle demande à la commission de prendre connaissance. Je pense qu'il appartient à chacun des membres de cette commission de prendre connaissance de quelque chose.

M. Brochu: C'est au niveau de la formule, M. le Président, au lieu de dire "qu'on distribue"...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Là oui, telle que rédigée.

M. Laplante: Cela ne veut pas dire...

M. Paquette: M. le Président, c'est parce que je voulais parler de la possibilité de reformuler la proposition en disant que le ministre...

M. Brochu: La rendre recevable.

M. Paquette: ... distribue des études. Je pense que la demande a déjà été faite au tout début de nos travaux. Le ministre a distribué un certain nombre de documents et je pense que cette motion devrait être irrecevable parce qu'elle a déjà été faite. Si c'est ça qui est le sens de la motion...

M. Brochu: M. le Président, je me conformerai à votre directive et, si vous le permettez...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Telle que rédigée, elle est manifestement irrecevable, mais je n'ai pas encore pris en considération l'autre argument du député de Rosemont. Telle que rédigée, on ne peut pas demander à des membres de prendre connaissance. Ils ont à prendre connaissance...

M. Brochu: J'accepte votre argumentation, M. le Président; cependant, vous me permettrez, comme vous avez également rendu d'autres directives à ce sujet, de corriger la motion dans sa présentation même, pour l'aborder d'une autre façon.

Je présenterai la motion suivante: Que le ministre des Richesses naturelles indique, avant l'étude de l'article 4 de la loi 70, les possibilités de mise en marché, tant au niveau national qu'au niveau international, des produits de l'amiante au Québec.

Que le ministre nous indique, à ce stade-ci, quelles sont vraiment les possibilités, en ce qui concerne la rentabilité sur le plan national...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II ne reste que deux minutes. Je ne trancherai pas cela ce soir. Ce que j'ai à vous dire, c'est ceci: On est ici pour étudier article par article le projet de loi no 70. J'ai déclaré irrecevables certaines motions avant d'en arriver au paragraphe a) de l'article 4. L'article 4 a été appelé et nous ne sommes pas rendus à 4a, sauf que c'est bien évident que les membres de la commission peuvent demander, avant d'arriver à 4a, toutes sortes de choses. La présidence n'est pas au courant de tout ce qui a été distribué. J'ai vu des papiers distribués, des documents distribués. Evidemment, vous allez me dire: Vous auriez dû les lire, c'est votre devoir. Je ne l'ai pas fait, de telle sorte qu'il m'est extrêmement difficile, à ce stade-ci... Je sais qu'au début, l'Opposition officielle, entre autres, a demandé le dépôt de certains documents; je sais que certains documents ont été déposés. Est-ce que ce qui est demandé par le député de Richmond fait partie de ces documents? La présidence l'ignore totalement. Je me trouve dépourvu devant une telle motion, à moins de m'en remettre au témoignage des membres mêmes de la commission. Comment voulez-vous que je tranche ce...

M. Lalonde: M. le Président, est-ce que vous devez préjuger de ce qui a été fait? Si cela a déjà été fait, c'est au ministre — le tout soumis respectueusement — d'argumenter que cela a déjà été fait, que cela a déjà été donné.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur la recevabilité.

M. Lalonde: Non, sur le fond.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non. Je vais déclarer irrecevable une telle motion,

si on me démontre que ces documents ont été distribués.

M. Grégoire: C'est parce qu'on ne peut pas demander deux fois la même chose.

M. Lalonde: Cela c'est vrai. C'est la première chose vraie que le député de Frontenac dit depuis trois mois.

M. le Président, c'est vrai qu'on ne peut pas faire une deuxième motion semblable. Je pense qu'il faut que vous preniez connaissance des motions qui ont été faites.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Des motions qui ont été faites, mais si, à l'intérieur de la motion faite, par hypothèse, par vous, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous demandez l'évaluation du coût d'achat d'Asbestos Corporation, mais que, dans des documents qui vous ont été distribués, suite à cette demande bien précise de votre part, il se trouvait qu'il y avait des choses demandées par le député de Richmond, ce que j'ignore, à ce moment-là, on en arriverait à... C'est extrêmement difficile. En tout cas...

M. Lalonde: J'aurai des suggestions à vous faire demain matin, M. le Président. Il est 22 heures, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont ajournés à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 2)

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