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Etude du projet de loi no 70
Loi constituant la Société
nationale de l'amiante
(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, messieurs!
Les membres de la commission pour la présente séance sont:
M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu
(Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M.
Laplante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt
(Saint-François), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) en remplacement de
M. Raynauld (Outremont).
Les intervenants sont: M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Godin
(Mercier), M. Raynauld (Outremont) en remplacement de M. Garneau (Jean-Talon),
M. Landry (Fabre), M. Ciaccia (Mont-Royal) en remplacement de M.
Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Léger (Lafontaine),
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Paquette (Rosemont), M.
Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda).
M. Lalonde: M. le Président, avant l'appel des membres, je
pense qu'on avait indiqué au député de Frontenac notre
refus de commencer les délibérations de cette commission en
l'absence du ministre. Je ne sais pas pourquoi vous avez appelé les
membres.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
parce que le règlement me dit que lorsque je constate qu'on a quorum, je
dois commencer, ministre ou pas ministre. On avait quorum.
M. Lalonde: Cela va.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
quorum est atteint. Il est de cinq membres; nous sommes huit membres.
M. Grégoire: On ne veut pas brusquer l'Opposition. Le
ministre est allé au Conseil du trésor à 8 h 45 ce matin,
car il avait trois dossiers à faire passer. On me dit que cela ne
tardera pas. Si vous voulez une suspension ou si vous préférez,
on peut commencer et...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous
sommes à étudier la motion du député de
Saint-Laurent. C'est le député de Richmond qui avait la parole.
M. le député de Richmond.
M. Brochu: J'avais terminé mon intervention.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
aviez terminé?
M. Brochu: Pour le moment.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous
sommes à étudier la motion du député de
Saint-Laurent...
M. Brochu: C'est avant l'étude l'article 4, c'est une
motion visant...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... qui
avait trait à des investissements supplémentaires au coût
d'achat. Il vous reste neuf minutes, vous ne les utilisez pas?
M. Brochu: Pas pour le moment.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord.
M. Lalonde: M. le Président, j'avais l'intention de faire
une intervention sur cette motion, mais en attendant le ministre, je vais
demander qu'on suspende les débats de cette commission. J'espère
que les députés ne me forceront pas à faire une
motion.
M. Grégoire: On ne vous forcera pas. Cependant, je vais
faire un appel au député de Marguerite-Bourgeoys. Etant
donné que jeudi après-midi et jeudi soir, on ne siégera
pas pour permettre à nos amis d'en face de mieux se préparer
à leur travail, dans le cadre de leur congrès, cela donne une
semaine plus courte. Etant donné la collaboration qui a existé
pour suspendre jeudi les délibérations de la commission pour vous
permettre justement de vous absenter, ne pourrait-on pas vous demander un peu
cette même collaboration, étant donné qu'on a seulement
deux jours de travaux cette semaine, pour qu'on puisse continuer en l'absence
du ministre? S'il n'est pas ici, ce n'est pas par mauvaise foi, mais parce
qu'il a dû aller au Conseil du trésor pour discuter de dossiers
urgents.
Si le député de Marguerite-Bourgeoys est prêt
à nous offrir cette collaboration, très bien; sinon, on va
suspendre. Je vous demanderais quand même de nous donner cette
collaboration. Sinon, on acceptera de suspendre, comme le député
nous le demande.
M. Forget: M. le Président, je ne voudrais pas que les
gestes de courtoisie qui sont traditionnels à l'Assemblée
nationale vis-à-vis des partis politiques qui, à l'occasion, font
face à un congrès annuel ou à un congrès
d'orientation, ou à un congrès au leadership cela s'est
fait du temps de l'ancien gouvernement; lorsque le Parti
québécois avait des congrès également, nous
suspendions nos travaux servent d'argument pour se lancer dans d'autres
pratiques au point de vue du problème qui est devant nous ce matin, par
exemple, l'absence du ministre à nos travaux.
Je crois qu'il n'y a jamais eu de tradition créée dans le
sens que des ministres pouvaient ne pas être présents aux travaux
de commissions parlementaires. D'ailleurs, c'est bien connu que on
pourrait dire bien des choses là-dessus le ministre est, dans une
certaine mesure, le patron de la commission parlementaire. C'est plus vrai
à l'Assemblée nationale du Québec que dans tous les autres
Parlements. Dans d'autres Parlements, il y a
d'autres traditions. Je ne voudrais pas qu'on s'en éloigne,
à moins de le faire systématiquement et de façon
générale. Je crois qu'il y aurait de grands avantages à ce
que l'importance du rôle des ministres, quel que soit le ministre en
question, soit diminuée dans les commissions parlementaires. Mais on
n'abordera pas une réforme parlementaire par le biais d'une question
incidente, l'absence du ministre, en dehors de changements dans nos
règles de fonctionnement.
Pour ce qui est de ne pas siéger jeudi, encore une fois, c'est
une règle élémentaire de courtoisie, dans les
circonstances. Je ne pense pas que cela doive être négocié
en échange de quelque chose d'autre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De toute
façon, ce que j'ai à dire, c'est qu'il y a une motion
actuellement en délibération. A moins d'avoir le consentement
unanime, l'autre motion ne peut être présentée
actuellement. Y a-t-il consentement unanime pour la présentation de la
motion du député de Marguerite-Bourgeoys? On ne peut pas
étudier deux motions en même temps. C'est une motion qu'il a faite
en bonne et due forme. Pour qu'elle soit recevable, il faudrait suspendre
l'étude actuellement en cours d'une autre motion, celle du
député de Saint-Laurent. Pour cela, cela prend le consentement
unanime, parce qu'il y a actuellement une motion devant nous. On ne peut pas
sauter de motion en motion...
M. Brochu: Par contre, M. le Président, si vous permettez,
j'ai cru comprendre, par ce que le député de Frontenac a
indiqué, qu'il s'agissait simplement que les députés de
l'Opposition indiquent s'ils consentaient à continuer ou non. Je pense
que cela ne prend pas une motion en bonne et due forme, d'après les
propos du député de Frontenac. S'il y a consentement unanime pour
qu'on suspende en attendant l'arrivée du ministre ou non, je pense qu'il
s'agit simplement que l'Opposition dise si elle est d'accord ou non
d'après les propos que nous avons tenus.
M. Grégoire: Oui, j'ai nettement indiqué que si
l'Opposition était prête à continuer, on continuerait,
sinon, on consentirait à l'ajournement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Qu'est-ce qui arrive? Les travaux de la commission sont suspendus.
(Suspension à 10 h 22)
(Reprise à 10 h 32)
Le Président (M. Laplante): La parole était, je
crois, au député de Saint-Laurent.
M. Lalonde: Au député de Mont-Royal.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Mont-Royal.
Objets de la société (suite)
M. Ciaccia: M. le Président, dans la motion que nous
présentons, nous demandons que le ministre des Richesses naturelles
distribue les études qui ont été préparées
concernant les investissements supplémentaires au coût d'achat que
le gouvernement devra faire pour améliorer les installations. Je crois
que le gouvernement a admis qu'il sera nécessaire de faire des
améliorations; je crois même qu'il est de notoriété
publique que l'usine et les installations d'Asbestos Corporation, apparemment,
sont les plus désuètes, sont celles qui ont le plus besoin
d'améliorations. Personne n'a contredit ce fait, cela a
été constaté par tous ceux qui ont fait des interventions
en commission, même par les invités qui sont venus ici pour faire
valoir leur point de vue sur la nécessité ou sur le besoin
d'acquérir Asbestos Corporation ou non.
La première question qu'on pourrait poser est: Est-ce que le
gouvernement a vraiment fait son ouvrage? Est-ce qu'il s'est
préparé pour l'acquisition de cette compagnie? Est-ce que des
études ont été faites? C'est la première chose que
le gouvernement devrait nous dire, s'il y a vraiment des études pour
démontrer le coût de ces améliorations.
Deuxièmement, je crois qu'il serait tout à fait normal, pour
nous, d'avoir une copie de ces études pour pouvoir examiner le
coût des améliorations; autrement, c'est une négociation
dans laquelle le gouvernement s'engage, sans donner d'information au public,
sans informer la commission. Il nous demande de lui donner un chèque en
blanc, ce qui ne serait pas raisonnable; on manquerait à nos
responsabilités et je crois que le gouvernement lui-même
manquerait à ses responsabilités. Si vraiment des
améliorations sont nécessaires, je pense que le gouvernement
devrait nous démontrer quelles sortes d'améliorations le seraient
et quel en sera le montant. M. le Président, si mes informations sont
bonnes, le gouvernement l'a dit et même, dans les représentations
qui ont été faites devant le gouvernement par différents
organismes, ceux-ci ont affirmé que, du coût d'achat, il faudrait
déduire le coût de l'amélioration. Autrement, ce serait
quelque chose de trop lourd à assumer pour le contribuable. Ce serait
trop lourd pour le gouvernement de payer non seulement le coût d'achat,
mais en plus d'être responsable de toutes les améliorations qui
seront nécessaires à l'implantation de l'usine.
Alors, ce n'est pas une question de négociation. Le gouvernement
ne peut pas nous dire: On ne veut pas dévoiler le coût d'achat. On
ne veut pas dévoiler les études pour démontrer la valeur
de la compagnie. On demande seulement de nous dire quels seront les coûts
pour faire ces améliorations.
Premièrement, cela nous démontrerait aussi si le
gouvernement fait respecter les normes de salubrité dans l'industrie
parce que je crois que le service de l'environnement a certaines obligations.
On pourrait demander, même avant de penser à la
négociation, même avant qu'il ne soit question de discuter avec le
gouvernement, si le ministre délégué à
l'environnement a essayé de faire respecter
les normes de salubrité. Il devrait nous déposer les
réglementations qui existent.
Je crois que le ministre des Richesses naturelles devrait demander ou
obtenir du ministre délégué à l'environnement la
réglementation qui existe quant aux normes de salubrité dans
l'industrie.
Deuxièmement, le ministre des Richesses naturelles sait-il si le
ministre délégué à l'environnement fait respecter
ces règlements? Si ces règlements ne sont pas respectés,
quelle sera l'attitude du ministre des Richesses naturelles, non seulement
vis-à-vis de l'Asbestos Corporation, mais quelle sera son attitude
vis-à-vis des autres compagnies?
Il est nécessaire pour nous d'avoir ces études parce que
s'il y a des normes de salubrité à faire respecter, ce n'est pas
seulement pour l'Asbestos Corporation. C'est pour toutes les compagnies, et
nous craignons qu'il n'y ait un conflit d'intérêts entre les
différents ministères.
Si le ministre des Richesses naturelles acquiert la compagnie, il aura
des obligations à remplir quant aux normes de salubrité. Cela
prendra des sommes d'argent. Cela veut dire que le ministère des
Richesses naturelles va vouloir avoir un budget pour appliquer les
réglementations qui seront imposées par le ministre de
l'environnement. Mais admettons, M. le Président, que dans le budget il
y a eu un oubli ou que le ministre des Richesses naturelles n'a pas pris en
considération certains coûts additionnels, est-ce qu'il n'y aura
pas, à ce moment-là, une pression ou une tendance, pour le
ministre des Richesses naturelles, à dire au ministre de
l'environnement: On va retarder un peu la mise en application de ces
règlements? Si cela arrive, est-ce que cela va affecter les normes de
salubrité pour les autres compagnies? Cela va être difficile, pour
le gouvernement, de ne pas respecter les normes et les règlements sur la
salubrité et d'insister pour que les autres compagnies respectent tous
les règlements du ministre de l'environnement.
C'est une autre raison, M. le Président, pour laquelle c'est
absolument nécessaire de voir le coût, de voir les études
pour la compagnie Asbestos. Cela nous permettrait non seulement de
connaître la situation de la compagnie Asbestos, d'évaluer les
coûts et de pouvoir étudier l'article 4 qui sera
étudié après que nous aurons discuté de cette
motion, mais cela nous permettrait aussi de même qu'au public de voir
l'effet de cette acquisition par le gouvernement sur les normes de
salubrité et sur les engagements des autres compagnies. Je crois que ce
n'est pas assez de dire: Si nous acquérons la compagnie Asbestos, nous
allons l'exploiter comme une compagnie modèle et nous allons, nous du
gouvernement, assurer la santé, la sécurité et les
conditions de travail des ouvriers et de ceux qui sont employés par la
compagnie Asbestos.
Il y a d'autres compagnies et je crois que ce n'est pas parce que le
gouvernement s'engagerait à acquérir une des compagnies que les
employés des autres devraient avoir des conditions moins convenables et
que le gouvernement devrait avoir des réglementations
différentes. Alors, c'est un enchaînement; ce sont des obligations
qui vont affecter non seulement l'acquisition de cette compagnie-ci, mais cela
peut nous aider à évaluer l'effet de l'acquisition de la
compagnie Asbestos sur le gouvernement, sur le coût de la compagnie, sur
toutes les autres compagnies. Je crois que si vraiment on veut être
logiques avec nous-mêmes, pour mettre en application la
réglementation pour les normes de l'environnement, ce ne serait pas
nécessaire du tout, M. le Président, pour acquérir
l'Asbestos. J'aurais cru, M. le Président, s'il y avait eu une
obligation pour toutes les compagnies, que ce soit Asbestos, Johns-Manville ou
les autres, de se conformer pour rencontrer les exigences des employés,
pour rencontrer les exigences de ceux qui doivent travailler dans cette
industrie, que cela aurait dû être la première
étape.
Là, le gouvernement aurait pu dire: J'ai insisté, j'ai
pris mes responsabilités de faire respecter, par toute l'industrie,
certaine réglementation que le ministère de l'Environnement a le
pouvoir de faire respecter.
Après que cela aurait été fait, si le gouvernement
avait dit: Pour telle ou telle raison, qu'on peut discuter, on va
acquérir la compagnie Asbestos, là, ce serait une autre
situation, on ne s'embarquerait pas dans des dépenses qu'on ne
connaît pas maintenant, on ne s'embarquerait pas dans cette situation.
C'est vraiment une situation dangereuse et, je le répète, c'est
un conflit d'intérêts dans lequel le gouvernement se place.
Une fois que le gouvernement va avoir acquis cette compagnie, ce n'est
pas illimité, les fonds du gouvernement. Et si les améliorations
ne sont pas apportées, si on ne connaît pas les coûts, il va
y avoir des pressions, il va y avoir une tendance pour le gouvernement de ne
pas s'avancer trop vite dans la question de la réglementation de cette
industrie. Cela va être très difficile. Je ne vois pas le ministre
de l'Environnement insister auprès du ministre des Richesses naturelles
pour dépenser plus et plus d'argent pour faire respecter la
réglementation que le ministre de l'Environnement croit devoir
être respectée. On sait ce qui va arriver. Ou le ministre des
Finances ou le ministre des Richesses naturelles va dire: Ecoutez, nous n'avons
pas les sommes nécessaires, on va retarder la mise en application de ces
règlements.
Avant d'étudier l'article 4, avant de pouvoir discuter vraiment
de la façon dont le gouvernement devrait s'embarquer avec l'acquisition
de cette compagnie, est-ce que le gouvernement peut ou devrait aller plus loin?
Je crois que c'est élémentaire d'avoir toutes les informations,
informations qui ne causeront pas de préjudice au gouvernement dans ses
discussions avec Asbestos Corporation. Je crois même que, du point de vue
tactique, stratégique, cela aiderait le gouvernement dans ses
discussions. Si le public savait que cela prend tant et tant d'argent, que ce
soit $1 million, $10 millions ou $50 millions, je crois que cela placerait la
compagnie Asbestos dans une position moins avantageuse. Elle pourrait faire
moins de demandes au gouvernement dans la position
qu'elle pourrait prendre vis-à-vis l'acquisition de ses actions.
(10 h 45)
Je pense qu'on devrait faire la lumière. Je pense que le
gouvernement ne devrait avoir rien à cacher là-dessus. Même
si le gouvernement n'avait aucune intention d'acquérir l'Asbestos
Corporation, je crois qu'il devrait rendre publiques les conditions qui
existent dans cette usine, les règlements que le ministre de
l'environnement devrait imposer, de même que ce que ces
améliorations pourraient coûter à la compagnie.
C'est une obligation que le gouvernement a vis-à-vis des
contribuables qui vont être appelés à payer la note de
l'acquisition, mais ce qui est plus important, c'est une obligation que le
gouvernement a vis-à-vis des employés, des travailleurs de
l'industrie de l'amiante. Il ne faut pas qu'il y ait différentes
catégories d'employé. Ce n'est pas parce que quelqu'un va
travailler pour une compagnie que le gouvernement va acquérir qu'il a le
droit d'avoir de meilleures conditions de travail que les autres
employés.
Je crois que toute la lumière devrait être faite sur cette
question, et que le ministre des Richesses naturelles ne devrait rien avoir
à cacher. Il devrait nous parler clairement, et cela démontrerait
qu'il a fait ses études, qu'il a fait son "homework". Cela nous
permettrait de mieux connaître cette position, être en meilleure
posture pour apporter des recommandations. Cela aiderait au déroulement
des travaux de cette commission.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Mont-Royal. Est-ce qu'il y a d'autres
interventions? M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, l'actualité quotidienne
rattrape peu à peu le travail de cette commission. On apprenait tous ce
matin, à l'audition des nouvelles à la radio d'Etat, que les
chiffres, quant à la production des mines d'amiante au Québec,
pour l'année 1977, affichaient une diminution sur l'année
antérieure.
Il s'agit là et c'est important de le souligner de
la troisième année de suite, sans tenir compte de l'année
1975 où il y a eu des grèves où on assiste
à une diminution des ventes de la fibre d'amiante de la part de
l'ensemble des producteurs miniers du Québec.
Si l'on compare le niveau de 1974, qui représente une
année de production complète, au niveau de ventes atteint en 1976
et en 1977, on se rend compte que nous sommes en face d'un déclin
maintenant échelonné sur trois ans. Encore une fois, on ne tient
pas compte de 1975, puisqu'il y a eu là une année
spéciale, mais on est devant la troisième année ordinaire
où on assiste à une diminution du chiffre des ventes en volume de
la fibre d'amiante.
Bien sûr, en dollars, il y a eu une progression, puisque la hausse
du prix de la fibre fait plus que compenser la diminution du volume et permet
à l'industrie d'afficher un chiffre d'affaires croissant, mais,
malgré tout, le volume des ventes de la fibre, encore une fois, est en
diminution.
Cette diminution constante, sur trois ans et même sur quatre ans,
est d'autant plus surprenante qu'on aurait pu s'attendre, après la
pénurie causée par la longue grève de 1975, à une
poussée nouvelle des ventes, en 1976. Elle ne s'est pas
réalisée. En 1977 non plus.
Ces chiffres les plus récents sur l'activité
minière nous fournissent une indication, à mon avis,
extrêmement précieuse sur l'avenir qui attend cette industrie,
cette ressource naturelle; une indication qui, puisque les chiffres viennent
tout juste d'être connus, n'a pu être prise en considération
par les études précédemment faites sur les projections de
demandes à moyen et à long terme de ces industries. Ce sont des
chiffres qui sont trop récents pour avoir été pris en
considération, par exemple, par l'étude SORES ou par d'autres
études. L'on peut s'attendre que, lors de révisions
ultérieures des projections faites il y a déjà quelques
mois ou un an ou deux, les projections à long terme affichent une
diminution par rapport à ce qui est attendu.
Nous en viendrons plus tard à considérer les
conséquences de ceci pour les projets du gouvernement dans le domaine de
l'extraction et dans le domaine de la transformation. Mais je crois que, pour
notre propos immédiat, étant donné la motion qui est
devant cette commission, plutôt que de parler des conséquences, il
serait approprié de parler des causes probables d'une telle
diminution.
Bien sûr, on voudra faire ressortir les causes qui tiennent
à la fameuse conjoncture économique internationale pour dire que
ce ralentissement de la demande pour la fibre d'amiante est relié
à un affaiblissement de l'activité dans l'industrie de la
construction, en particulier au Canada et aux Etats-Unis. Il y a sans aucun
doute une part de vérité dans cette affirmation, mais il est loin
d'être certain que l'activité dans l'industrie de la construction
sur le continent nord-américain a fléchi dans la même
mesure qu'ont fléchi les ventes de la fibre d'amiante.
En effet, l'activité dans le secteur de la construction a
été fort élevée durant la plupart de ces
années, non pas nécessairement toujours au Québec, mais
ailleurs en Amérique du Nord. On sait que, en particulier en 1977, il y
a eu, dans le domaine de la construction aux Etats-Unis, une reprise fort
intéressante. Il y avait, au Québec même, en 1976, une
activité anormalement élevée d'ailleurs dans le domaine en
particulier de la construction domiciliaire.
Nous avons une situation qui n'a pas du tout les caractéristiques
de fléchissement général de la demande pour les produits
et matériaux de construction, les produits qui servent à la
construction et nous avons une baisse étalée maintenant sur
quatre ans de la demande pour ce produit.
Je crois qu'il y a dans ce fléchissement de la demande la
réflexion d'une préoccupation de plus en plus grande d'un
très grand nombre d'utilisateurs visant à diminuer dans toute la
mesure du
possible leur utilisation de produits à base de fibre d'amiante.
J'étais, d'ailleurs, hier à Baie-Comeau et j'avais l'occasion de
m'entretenir, lors d'une très brève visite, visite des
installations de la société Reynolds à Baie-Comeau, de
cette question de l'amiante, puisqu'on utilise dans cette industrie, comme dans
d'autres, certains produits à base d'amiante. Un cadre de cette
entreprise me confiait qu'il existe depuis environ un an une directive
très ferme de la direction de cette société et ceci
est adressé jusqu'au niveau des contremaîtres d'avoir
à examiner et à expérimenter l'utilisation de produits
autres que l'amiante pour un certain nombre d'usages courants dans cette usine.
Effectivement, on me citait des cas précis d'expérimentations
qu'on était en train de faire ou qu'on avait déjà faites,
par exemple avec la fibre de verre, pour remplacer certains joints
d'étanchéité dans ce qu'on appelle les pots, les cuves
d'électrolyse de l'aluminium. On s'était trouvé, pour cet
usage en particulier, généralement satisfait de ce choix. On me
citait cet exemple, incidemment, pour démontrer que c'est une
préoccupation qui n'est peut-être pas nécessairement
complètement raisonnée ou rationnelle dans bien des cas, mais qui
est à l'oeuvre dans un grand nombre d'entreprises au Québec, tout
doucement, sans faire de bruit; cela existe non seulement dans les entreprises
au Québec, mais dans les entreprises à travers le monde
occidental.
On prend de multiples décisions, des microdécisions, de
remplacer tel ou tel produit, tel joint d'étanchéité ici,
tel ou tel revêtement isolant là, etc., par d'autres produits. On
voit cet effort constant de tous de se disculper en quelque sorte d'avance si
jamais il y avait des difficultés relatives à la santé des
travailleurs dans une entreprise quelconque, en disant: Regardez, nous faisons
déjà des efforts depuis trois ou quatre ans pour trouver des
substituts; nous en avons déjà trouvé ici et là,
mais il en reste encore quelques-uns que nous n'avons pas réussi
à déplacer. Ce genre de préoccupations est une
espèce de cancer qui ronge les perspectives d'avenir de cette industrie
et de cette fibre.
Il est évident que ce processus est à l'oeuvre un peu
partout. On peut le déplorer. Je suis le premier à le
déplorer. Je crois qu'il y a eu très certainement une
réaction hyperémotive aux études sur les dangers de
l'amiante, encore que la certitude absolue, personne ne l'a. Il reste que,
même si on le déplore, les chiffres qui viennent d'être
publiés nous portent à croire qu'il y a, effectivement, un
déclin de la demande, un déclin qui n'est pas explicable par les
aléas de la conjoncture économique, et qu'on peut très
bien se diriger vers une période non pas de disparition de l'industrie
il ne s'agit pas de tracer ici un scénario fantaisiste ou
indûment sombre mais, malgré tout, dans une situation
où la capacité de production des mines existantes serait
constamment excédentaire par rapport à la demande, ce qui
produirait, bien sûr, sur la rentabilité des entreprises, des
effets assez désastreux, un peu comme ceux que l'on constate à
l'heure actuelle dans l'industrie productrice d'acier. Dans le monde entier, un
très grand nombre de hauts fourneaux sont fermés; même au
Japon, qui est pourtant le producteur le plus en pointe. On retrouve dans un
grand nombre d'entreprises japonaises, productrices d'acier, la moitié
des hauts fourneaux qui sont fermés. La situation est au moins aussi
grave un peu partout: aux Etats-Unis, en Europe de l'Ouest et on sait qu'au
Québec on a aussi le reflet de ces difficultés.
On n'aurait pas, dans le domaine de l'amiante, M. le Président,
la consolation de voir qu'on partage nos difficultés avec d'autres
producteurs. On est, comme on l'a dit si souvent, tellement important qu'on
serait les seuls à supporter ce fardeau d'une production
excédentaire où on serait largement ceux qui ont à
supporter la plus grande partie de cette capacité
excédentaire.
Il y a donc à l'oeuvre cette préoccupation qui est plus
répandue qu'on ne l'imagine, plus répandue que ne voudraient le
croire, malgré tout, les porte-parole de l'association. Je vois le
député de Frontenac qui consulte le dernier Bulletin de
l'Association des mines d'amiante où on dénonce je pense
que c'est le mot approprié le lobby antiamiante; on s'insulte du
fait qu'on a je pense bien que c'est plus ou moins le message qui est
émis un peu charrié sur les dangers quant à la
santé, etc. Cela préoccupe; dans une visite que j'ai faite au
groupe intéressé à l'amiante, dans la région de
Thetford Mines, il y a environ deux mois, on sentait très clairement
l'espèce de mauvaise humeur, ou même de hargne d'un certain nombre
de personnes actives dans l'industrie vis-à-vis de ces campagnes de
dénigrement dont les dernières manifestations avaient
été constatées en Europe, au Conseil de l'Europe du
Parlement européen; on est clairement de mauvaise humeur. Une telle
mauvaise humeur s'explique quand même par la conscience qu'ont ces
personnes que ces campagnes de dénigrement ont un effet.
M. Laplante: M. le Président, je crois que le
député de Saint-Laurent est très loin de la motion.
M. Forget: Non, puisqu'on parle de salubrité dans la
motion; il est question de cela précisément, mais sans doute le
député de Bourassa a-t-il été distrait à un
moment donné.
M. Lalonde: Oui, un petit bout de temps seulement, il a compris
tout le reste!
M. Forget: Alors, cette question de salubrité, M. le
Président, est présente à l'esprit de tous et elle
commence à avoir tellement d'effet que, comme je le disais, elle
commence à créer une certaine hargne, une certaine mauvaise
humeur chez ceux qui sont impliqués dans l'industrie. Le fait que
l'association consacre la première page de son bulletin à une
dénonciation du lobby antiamiante ne prouve qu'une chose, c'est que ce
lobby commence à avoir des effets, et les effets commencent à
inquiéter l'association. On ne peut donc pas dire: C'est rien, "y a rien
là", ce sont des sentiments, ce sont des choses vagues, c'est du
pessimisme exagéré. Il y a quelque chose qui est à
l'oeuvre et on en voit des manifestations, encore une fois, dans les
chiffres publiés ce matin et dont Radio-Canada a fait état. Il y
a une diminution, pour la quatrième année consécutive,
dans le volume physique des ventes et on ne peut pas attribuer cela à
autre chose, principalement, étant donné la longueur, la
persistance du phénomène qu'à un
détachement, un éloignement de l'amiante comme produit dans tous
les cas où on peut trouver des substituts. C'est une situation
sérieuse et, pour surmonter cette situation, des investissements seront
nécessaires. C'est ce qui est important de souligner, je pense...
M. Grégoire: Vous n'avez pas lu le dernier paragraphe
où on parle des perspectives d'avenir et...
M. Forget: Oui, écoutez, il y a une expression anglaise
qui dit: "whistling in the dark". Vous savez, quand les gens on peur en
traversant la forêt où il fait très noir, ils chantent fort
ou ils sifflent, ils se donnent du courage. Alors c'est ce que les anglais
appellent: "whistling in the dark". Quand vous avez peur, vous vous mettez
à chanter. (11 heures)
M. Grégoire: C'est le président de l'Association
des mines d'amiante qui le déclare...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Forget: Cela ne veut rien dire. Au contraire. J'y vois
là une indication plus grande que les gens sont inquiets. On ne consacre
pas un article en première page d'un belletin pour dire: II ne faut pas
s'inquiéter. Il y a quelque chose. Le lobby antiamiante n'a pas
été inventé pour les fins de la cause. Cela existe, et
cela a des manifestations nombreuses, non seulement au Québec, mais aux
Etats-Unis et en Europe. On peut le déplorer. J'ai dit au
député de Frontenac et aux autres membres de la commission: Nous
le déplorons, comme ils le déplorent de l'autre côté
de la table.
Il est clair que c'est une ressource québécoise et cela ne
nous aide en rien que les gens portent un jugement favorable sur l'amiante, et
c'est exagéré. Mais quand bien même on le dirait, quand
bien même on serait tous d'accord entre nous que c'est
exagéré, si les Américains ou les Européens ont
décidé que, quant à eux, ce n'était pas
exagéré, on va en subir les conséquences. Il y a des faits
quand même probants: La diminution, pendant quatre ans, année
après année. Ce n'est pas diminué une fois pour se
maintenir à un niveau plus bas. A chaque année, c'est
inférieur à l'année précédente et cela
depuis quatre ans.
Il y a quand même quelque chose. Donc, il faudra des
investissements pour régler le problème de la salubrité.
Mais, plus que pour régler le problème de la salubrité, il
faudra, comme cela arrive souvent quand il y a une vague, peut-être un
peu irraisonnée ou irrationnelle, aller plus loin que ce qui est
strictement nécessaire pour protéger la salubrité.
Il faudra que cela devienne évident aux utilisa- teurs
éventuels, au public en général que toutes les
précautions ont été prises au niveau de la production.
Mais comme un grand nombre d'utilisateurs ne sont pas préoccupés
par la production des fibres, parce que cela ne se passe pas chez eux, il
faudra qu'il y ait un effort de recherche et un effort d'information des
utilisateurs éventuels pour démontrer que, pourvu qu'on prenne
telle et telle précaution, l'utilisation de l'amiante et de produits
à base d'amiante ne constitue pas un risque.
Ce ne sont pas simplement des investissements dans la machinerie pour la
dépollution des usines et des mines dont il faut parler. Il s'agit d'un
investissement majeur pour faire la démonstration que l'utilisation de
produits à base d'amiante ne constitue pas des dangers sensibles, des
dangers perceptibles et aussi un effort d'information pour que les acheteurs
éventuels de produits à base d'amiante soient convaincus que les
craintes qu'ils ont entretenues jusqu'à maintenant étaient
superflues.
Alors, cela dépasse de loin la question technique, qui, entre
parenthèses, est loin d'être réglée de façon
aussi convaincante qu'on voudrait nous le faire croire.
Je vais citer le rapport Beaudry. Dans le rapport final, au volume 3, il
y a quand même, parmi d'autres choses qu'on pourrait citer, des
renseignements qui sont instructifs là-dessus. Bien sûr, le
comité Beaudry a procédé à des recommandations sur
la base de certaines connaissances techniques et médicales et aussi sur
la base de certaines hypothèses. Une des premières
hypothèses qu'il a dû formuler, c'était celle selon
laquelle, si les entreprises font certains investissements d'équipements
de dépoussiérage, etc., on peut anticiper une certaine baisse du
niveau d'empoussiérage et que les normes gouvernementales seront
satisfaites.
Il reste que, tant que l'équipement n'est pas en place, tant
qu'il n'a pas été rodé, tant qu'il n'y a pas eu une
évaluation de la qualité de l'air ambiant qui résulte de
l'installation de ces appareils, personne ne peut être absolument
sûr que ces investissements seront suffisants.
D'ailleurs, à la page 23 du volume 3, il nous rappelle cela. Il
parle à ce moment du coût et il dit que cela ne sera pas un
coût catastrophique. Ce serait aux environs de $20 la tonne de plus, au
coût de 1975. Il y a déjà l'équivalent de $10 par
tonne qui a été investi au moment où le rapport est
préparé et il anticipe que des investissements équivalents
seront nécessaires pour satisfaire aux normes prévues pour le 1er
janvier 1978. Il dit, entre autres: "Le coût attribuable à la
révision proposée par le comité de la norme définie
à l'article 68a est très difficile à déterminer
parce que les entreprises minières prétendent ne pas pouvoir
établir de liens précis entre leur programme d'assainissement et
l'amélioration de la qualité de l'air dans leurs
établissements, amélioration mesurée soit en
quantité de fibres, soit en quantité de poussières
totales.
Il procède plus loin en disant que les caractéristiques
physiques des installations influent sur
les déboursés nécessaires pour améliorer la
salubrité. Il dit évidemment ici c'est intéressant
étant donné l'achat qu'on fait d'Asbestos Corporation du
côté gouvernemental que tout dépend de la
qualité des installations existantes pour savoir quel est l'impact
économique sur ces installations des nouvelles normes de
salubrité. On peut penser au processus d'extraction, à
l'âge et au type de construction des usines, à la nature et
à la disposition de la machinerie de même qu'à
l'efficacité des systèmes de ventilation présentement en
place.
Un peu plus loin, le comité dit: Toutefois, sans pouvoir ni
confirmer ni infirmer les arguments invoqués ci-haut par les
entreprises, nous sommes prêts à reconnaître qu'un
système de contrôle où les entreprises
émettent des doutes quant à la possibilité, avec ces
investissements, de satisfaire aux normes de poussière n'atteint
son optimum d'efficacité qu'après de multiples ajustements qui ne
peuvent être faits que lorsque l'équipement est en place et que la
production est à son niveau normal.
Il est donc possible, M. le Président, d'une part, comme on l'a
vu dans le rapport sur la salubrité que nous a remis le ministre il y a
quelques jours, que les normes actuelles ne soient pas suffisantes, que les
normes actuellement en vigueur ou prévues ne soient pas suffisantes pour
assurer un niveau satisfaisant de salubrité; deuxièmement, il est
possible, même si ces normes sont suffisantes, que les équipements
et les investissements prévus à l'origine par le comité
Beaudry pour satisfaire les normes ne soient pas, eux suffisants pour
satisfaire aux normes et, donc que les investissements additionnels dont il
parle de $75 millions au prix de 1975, soient requis. Il y a donc, à ce
moment-ci, étant donné qu'il s'est écoulé du temps
depuis la préparation du rapport Beaudry, un certain nombre de questions
qui méritent d'être évaluées. C'est le but de la
motion.
D'une part, est-ce que nous sommes toujours satisfaits que les normes en
question seront celles qui devront prévaloir dans un avenir
prévisible? Sommes-nous satisfaits, à cause de l'implantation qui
est déjà fort avancée dans certain cas, de
l'équipement de dépoussiérage? Les investissements
envisagés par le comité Beaudry ne seront-ils pas, dans le fond,
essentiellement beaucoup plus élevés que ce qui était
prévisible il y a deux ans et ces techniques de
dépoussiérage sont-elles efficaces?
A l'aide de ces renseignements, à l'aide également des
considérations plus pertinentes à la société
Asbestos, il serait intéressant bien plus qu'intéressant,
M. le Président, il serait capital que les contribuables du
Québec sachent à quoi s'en tenir relativement à ces
investissements. Encore une fois et pour terminer, M. le Président, il
ne s'agit pas simplement d'équipement en machinerie de
dépoussiérage; c'est attaquer le problème par le mauvais
bout. La perte de marchés qui menace l'industrie de la fibre d'amiante
à l'heure actuelle oblige le gouvernement à faire porter ses
investissements non pas seulement sur de l'équipement de
dépoussiérage, mais sur un programme de recherche et
d'information des utilisateurs éventuels quant au caractère
exagéré des risques qui les amènent actuellement à
chercher des substituts à l'amiante. Il y a des investissements
importants qui sont requis de ce côté.
Je voudrais que le gouvernement nous dise qu'il a l'intention de faire
quelque chose de ce côté. C'est très beau, pour le premier
ministre, dans son discours de deuxième lecture, d'affirmer sa foi dans
l'avenir de l'industrie de l'amiante. C'est magnifique des actes de foi, M. le
Président. Tant que cela demeure dans le cadre des activités
religieuses, je n'ai aucune espèce d'objection à cela, mais quand
le gouvernement nous dit: On va dépenser $250 millions sur la base d'une
profession de foi, je commence à être un petit peu mal à
l'aise. J'aimerais qu'on ait autre chose que des professions de foi à
nous offrir, qu'on ait des renseignements précis. Est-ce qu'il y a une
stratégie d'information des utilisateurs européens et
nord-américains? Est-ce qu'il y a une estimation des investissements qui
seront nécessaires pour faire la recherche et l'effort d'information?
Est-ce qu'on est un peu mieux informé on devrait l'être
maintenant sur l'efficacité des méthodes de
dépoussiérage dans l'industrie et les investissements qui seront
requis pour les futurs propriétaires de la société
Asbestos?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
M. le ministre
M. Bérubé: M. le Président, il y a plusieurs
aspects qui ont été soulevés dans le débat. Dans un
aparté, en début de sa présentation, le
député de Saint-Laurent a souligné la baisse de la demande
pour l'amiante au cours des quatre dernières années. Cependant,
lorsque je lis une étude, que j'ai d'ailleurs remise au
député de Saint-Laurent au début de cette commission, et
que je regarde la consommation de l'amiante américaine, je constate
qu'en 1967 elle était de 721 000 tonnes; en 1968, elle montait à
814 000 tonnes; en 1969, elle baissait à 784 000 tonnes; en 1970, elle
baissait à 734 000 tonnes; en 1971, elle remontait à 759 000
tonnes pour passer à 809 000 tonnes et à 876 000 tonnes en 1973,
pour rebaisser, en 1974, à 846 000 tonnes et, au moment de la
grève, à 608 000 tonnes et, en 1976, à 725 000 tonnes.
M. Forget: C'est à peine un tableau d'une croissance
continue.
M. Lalonde: En 1967, 721 000 tonnes; en 1976 725 000.
M. Bérubé: Ce que le député de
Saint-Laurent souligne, je pense que c'est important de le réaliser dans
le cas de l'amiante; il faut parler de fluctuation, effectivement, continue de
l'offre et de la demande. Le député de Saint-Laurent a
parfaitement raison, lorsque l'on prend deux, trois ou quatre années, de
pouvoir conclure à peu près n'importe quoi, puisque je pourrais,
dans le tableau présent, prendre trois années et lui
démontrer que c'était une croissance fabuleuse, mais prendre
trois autres années et lui montrer, au contraire, que c'est une
décroissance tout aussi importante.
M. Forget: Est-ce qu'il y a déjà eu quatre
années de décroissance successives?
M. Bérubé: Quatre années, oui, sensiblement,
de 1968 à 1971.
M. Forget: Mais dix ans après, on était à
4000 tonnes de plus que dix ans plus tôt.
M. Lalonde: En 1971, on a augmenté de 734 000 tonnes
à 759 000 tonnes.
M. Bérubé: En fait, ce qui ressort effectivement de
ces études, c'est que, d'une part, le marché de l'amiante est un
marché assez volatile. Là-dessus, je pense que nous nous
entendrons rapidement. En d'autres termes, toute intervention gouvernementale
doit être, je pense, assez posée, une intervention qui s'efforce
de ne pas bousculer trop le marché.
Une des raisons pour lesquelles il m'était apparu, à
l'origine, que la régie de mise en marché pourrait
présenter des difficultés, c'est justement qu'elle pouvait
contribuer à désorganiser le marché puisqu'elle impliquait
un intermédiaire entre le producteur et le consommateur et il
était difficile, a priori, de pouvoir évaluer exactement quel en
serait l'impact sur les conditions du marché.
Donc, d'une part, je pense qu'il faut reconnaître que le
marché de l'amiante est un marché certainement volatile qui
fluctue beaucoup d'année en année. Il faut également
reconnaître qu'il existe des substituts. Je pense que le
député de Saint-Laurent reconnaîtra, par exemple, que nous
lui avons remis entre les mains un rapport d'une société
spécialisée dans la recherche de substituts. On voit bien, en
particulier dans les produits isolants, les isolants thermiques, qu'il est
possible de remplacer l'amiante très fréquemment à des
coûts qui sont tout à fait raisonnables et même moindres que
l'amiante; dans ces cas, on ne voit pas beaucoup de raisons pour lesquelles,
dans les années à venir, on ne remplacera pas l'amiante pour ces
utilisations. Ceci ne fait aucun doute.
Nous nous entendrons donc rapidement sur le fait qu'il existe des
substituts, sur le fait qu'une intervention étatique majeure dans un
secteur comme l'amiante aurait pu entraîner certainement, en tout cas,
une certaine désorganisation du marché que les usines, que les
industries québécoises de l'amiante auraient dû payer.
C'est également pour cette raison que, lors-qu'est venu le temps
de choisir le mode d'acquisition d'une société, nous avons eu
à choisir entre un mode basé sur la nationalisation et un autre
basé sur l'achat de gré à gré. La nationalisation
nous aurait permis de fixer arbitrairement un prix et de l'imposer, quitte
à laisser la société, si elle n'était pas
satisfaite du règlement, faire appel à la cour, demander un
jugement de cour et se voir attribuer un montant supérieur ou
inférieur dépendant du jugement qui serait rendu. (11 h 15)
Par conséquent, cela aurait pu être une approche. Je pense
que le gouvernement aurait été dans l'inconnu, exactement comme
l'Opposition prétend que nous le sommes présentement, puisque de
toute façon, dans toute loi d'expropriation, il existe un droit
juridique d'appel. Je pense qu'il n'aurait pas été acceptable,
dans le climat dans lequel nous vivons. Nous ne sommes pas en Union
Soviétique ou en Chine. Dans le climat où nous vivons,
effectivement, nous devons reconnaître, par conséquent, que
l'appel d'une entreprise pour contester une loi d'expropriation demeure
possible, particulièrement quant au prix payé.
Donc, la deuxième solution qui nous apparaissait plus acceptable
consistait, à ce moment-là, à offrir à la
société de s'asseoir avec elle et d'évaluer objectivement
le coût. Cela ne veut pas dire que le gouvernement n'a pas, à
l'origine, cherché à évaluer la valeur de l'entreprise. Il
existe pour cela différentes techniques plus ou moins
sophistiquées qui sont utilisées, par exemple, pour les courtiers
en valeurs mobilières, lorsqu'il s'agit de décider quelle devrait
être la valeur d'un stock. En particulier, on base une telle
évaluation sur la capacité à faire des profits, donc, sur
les profits des années antérieures. Non seulement sur les
années antérieures, mais sur les profits attendus pour les
années à venir.
Ceci peut se faire en tentant de projeter une inflation des prix dans
les années à venir, mais également de projeter des
coûts de fabrication à un taux qui, très souvent, est
différent, même, du taux utilisé pour la projection des
prix. Ceci, évidemment, ne permet pas de calculer exactement quels vont
être les profits de l'entreprise, puisqu'il faut également
évaluer les immobilisations qui seront requises.
Dans le calcul de ces immobilisations, il faut faire appel à un
certain nombre d'hypothèses. Par exemple, si vous avez accès
à toutes...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre, excusez-moi. Je constate qu'on ne parle pas du tout de la motion.
M. Lalonde: Consentement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On a le
consentement, mais le consentement peut également amener d'autres
députés à parler de ce sujet. Je n'entends pas faire
sortir les députés de l'objet de la motion qui est la
salubrité. Le député de Saint-Laurent a parlé de
salubrité, de coûts...
M. Lalonde: C'est de cela qu'il parlait, du coût.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En
l'espace de sept minutes, je n'ai pas encore entendu...
M. Bérubé: Si vous voulez me permettre,
graduellement, j'arriverai rapidement à cet aspect de la
salubrité qui vous permettra de comprendre pourquoi j'ai utilisé
ce long préambule, sans doute trop long pour votre patience.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si je
vous donne cette permission, je dois la donner à tout le monde.
M. Lalonde: Sûrement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
sans doute pour cela que le député de Marguerite-Bourgeoys
était prêt à me laisser...
M. Lalonde: C'est me prêter des motifs indignes, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ils ne
sont pas indignes par exemple.
M. Bérubé: Donc, nous sommes amenés à
faire certaines évaluations des coûts d'immobilisation. Le
débat que nous abordons ici, c'est justement sur certains coûts
d'immobilisation que le gouvernement aura à rencontrer lorsque,
propriétaire de la Société Asbestos Corporation, il devra,
lui aussi, respecter les normes de protection de l'environnement que, d'autre
part, ses services de protection de l'environnement imposent.
Vous l'avez, d'ailleurs, souligné lorsque vous avez
discuté de la recevabilité de la motion, j'ai cru percevoir
certaines hésitations dans l'esprit de notre président. Je ne
veux pas dire qu'il les a exprimées très clairement mais,
néanmoins, son interprétation a justement porté sur la
difficulté de séparer les coûts que pourrait
représenter l'amélioration des installations en ce qui avait
trait à la salubrité du coût d'achat de l'entreprise. Ce
qui vous montre, M. le Président, que je dois effectivement parler du
coût d'achat de l'entreprise si je veux traiter de cette question des
coûts que représentera l'amélioration des facilités,
des installations de l'entreprise.
Donc, il nous faut évaluer ce que représentent ces
coûts. Il existe évidemment plusieurs hypothèses. Par
exemple, dans les rapports annuels de l'entreprise, celle-ci a fait
état, à un moment ou l'autre, que, pour une somme d'environ $30
millions, elle serait en mesure de dépoussiérer les installations
qu'elle possède présentement à Thet-ford Mines.
Cependant, cette même société, à la
commission Beaudry, avait indiqué la possibilité d'un coût
de $80 millions pour certaines autres dépenses. On se rend compte que,
même pour la société, le coût exact n'est pas encore
évident, n'est pas encore clair. Il y a donc un inconnu qui est beaucoup
plus grand au niveau du gouvernement, puisque nous n'avons pas accès aux
livres de la société. Par conséquent, nous ne sommes pas
en mesure d'entrer dans l'usine et de faire toutes les études
d'engineering qui sont requises.
C'est pour cette raison que nous avons opté pour la
deuxième approche. La deuxième approche consiste à
s'asseoir avec les dirigeants de l'entreprise et leur demander s'ils sont
d'accord pour que nous examinions ensemble la valeur des installations, en
engageant les firmes des consultants qui ont l'expertise nécessaire.
Ceci va donc consister à examiner en détail l'ensemble de
l'équipement installé dans l'usine, également à
comparer, avec l'expérience que certaines sociétés ont
eue. Les sociétés Johns-Manville et Lake Asbestos ont une
expérience dans le dépoussiérage on pourrait
d'ailleurs élaborer davantage là-dessus qui a permis, je
pense, essentiellement, de satisfaire à l'ensemble des normes
actuelles.
Dans le cas de la Canadian Johns-Manville et Lake Asbestos, on peut dire
que, présentement, elles répondent presque entièrement aux
normes. Si elles n'y répondent pas immédiatement, je pense que,
d'ici certainement une très courte période, elles arriveront
à satisfaire à ces normes.
On sait ce que représentent les investissements pour une telle
opération de dépoussiérage. Le même calcul peut se
faire dans l'usine de l'As-bestos Corporation. C'est pour cette raison que nous
avons choisi de prendre des experts-consultants. La société a
également pris des contre-experts. A ce moment-là, nous
évaluerons, objectivement, le coût des transformations
qu'impliquent l'achat d'Asbestos Corporation et la satisfaction des normes de
protection de l'environnement.
Pour ce qui a trait à l'approche gouvernementale pour essayer
d'évaluer quel devrait être l'ordre de grandeur du coût, je
pense qu'on peut arriver à une certaine précision
généralement. Puisque nous avons plus d'inconnues, nous sommes
obligés d'utiliser des taux d'actualisation beaucoup plus
élevés.
Ainsi, lorsque nous projetons les profits futurs de l'entreprise, nous
allons supposer un taux d'actualisation pour ramener cela en dollars 1977. Le
taux d'actualisation pour une entreprise extrêmement sécuritaire,
qui n'aurait aucun risque, par exemple les obligations du gouvernement, 9 1/4%
semblent un bon taux d'actualisation, puisque c'est le taux
d'intérêt facturé.
Cependant, lorsqu'on s'aventure dans l'industrie minérale
où, là, le degré d'inconnues est beaucoup plus grand,
puisque la notion de réserve est un facteur qui doit être
apprécié les marchés sont également beaucoup
plus volatiles, on le voit présentement dans le zinc et dans le cuivre
il nous faut donc utiliser des taux d'actualisation beaucoup plus
élevés.
Lorsque vous faites une évaluation de l'entreprise, vous calculez
qu'il existe une marge probable entre, par exemple, $30 millions et $80
millions posons une hypothèse pour l'amélioration
des usines pour les rendre salubres.
Puisque vous avez un facteur d'inconnues, puisqu'il y a une
différence importante entre $30 millions et $80 millions, qui se situe
autour de $50 millions, effectivement, ces $50 millions représentent un
coût potentiel dont il faut tenir compte dans l'achat en augmentant le
facteur d'inconnues, c'est-à-dire le taux d'actualisation que nous avons
utilisé. C'est ce qui nous permet, évidemment, de poser un taux
d'actualisation qui, sans doute, dans notre cas, est très
élevé, parce que nous avons plus d'inconnues, et que la compagnie
contestera.
Elle contestera de la façon suivante: En nous
donnant la preuve qu'il n'en coûtera pas si cher pour faire ces
transformations, mais qu'au contraire elle pourra se débrouiller, avec
des chiffres d'ingénieurs à l'appui, à un coût
beaucoup moindre. Cela nous amènera, étant plus au courant de la
situation exacte de l'entreprise, à abaisser le taux d'actualisation de
cette société et, à ce moment-là, à payer
plus cher.
C'est le genre de calcul qui ne peut être fait qu'en s'assoyant
avec l'entreprise. Qu'est-ce que la Saskatchewan a adopté comme
approche, lorsqu'elle a décidé de racheter l'ensemble de son
industrie de la potasse? Elle a donc adopté une loi qui lui permet
là, il faut le souligner à la fois d'exproprier ou
d'acheter de gré à gré. La Saskatchewan Potash Corporation
est donc libre soit d'exproprier, soit d'acheter de gré à
gré. Elle fait donc planer une menace sur l'industrie, ce que nous
n'avons pas voulu faire planer sur l'industrie de l'amiante, justement à
cause des remarques du député de Saint-Laurent, dans le sens
qu'il s'agit d'un marché minier volatile dans lequel il faut
pénétrer, je pense, avec une certaine délicatesse, avec
une certaine souplesse. Nous n'avons pas cherché à faire planer
cette menace comme telle. Nous n'avons pas voulu, dans le projet de loi que
nous débattons ici, donner le pouvoir de nationaliser.
Cela veut donc dire qu'en cas de désaccord l'Opposition pourrait,
lors d'un prochain débat sur une loi de nationalisation, invoquer,
à ce moment-là, tous les arguments qu'elle voudrait juger bon
d'invoquer contre le prix payé, contre telle, et telle, et telle
condition d'achat, puisqu'à ce moment-là elle aurait en main tous
les chiffres.
Nous n'avons pas voulu suivre cette approche de la nationalisation,
comme la Saskatchewan a fait, mais plutôt suivre l'approche d'un achat de
gré à gré où les experts négocient ce que
représentent les investissements dans la transformation. C'est pour
cette raison que les études portant sur le coût exact de la
transformation de ces usines pour les rendre salubres, seront disponibles,
évidemment, lorsque les experts, ayant eu accès à tous les
détails de fonctionnement de l'usine, pourront poser sur la table les
chiffres. Il pourra y avoir un débat entre experts. A ce moment, le
gouvernement paiera ce qui est jugé comme étant objectivement
valable. Donc, le gouvernement n'a évidemment pas présentement
d'étude systématique sur le dépoussiérage de chacun
des broyeurs Eastman de la société ou de chacun des
défi-breurs de la société, puisque ceci aurait
impliqué une étude d'engineering très
détaillée, étude qui est présentement en cours.
Cela explique pourquoi ces études ne sont pas disponibles, mais cela
explique également que même si ces études ne sont pas
disponibles, il est néanmoins possible d'évaluer
approximativement quel en serait le coût. C'est ce que le gouvernement a
fait avant de décider si le jeu en valait la chandelle. Nous avons
décidé que le jeu en valait la chandelle.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richmond.
M. Brochu: M. le Président, est-ce que le ministre me
permettrait une question à la suite des derniers propos qu'il vient de
tenir? Dans le scénario que le ministre nous présente, on se
place dans les négociations du gouvernement avec l'entreprise. Lorsqu'il
parle du taux d'actualisation, à toutes fins pratiques, à la
dernière limite, il se pourrait, dans la perspective que le ministre
nous indique, que le coût pour rendre salubres les installations soit
beaucoup moindre que les chiffres lancés au point de départ,
puisqu'on reviendrait à des proportions de part et d'autre, et de la
part de l'entreprise et de la part du gouvernement, plus rationnelles et
s'approchant davantage de la réalité. Est-ce que c'est ce que le
ministre nous a dit?
M. Bérubé: Exactement. C'est-à-dire que nous
avons dû supposer des coûts basés sur une évaluation
approximative puisqu'on sait que ce serait peut-être entre $30 millions
et $80 millions. Par conséquent, nous avons supposé un coût
moyen probable, mais seulement, sachant qu'il y avait une inconnue, nous avons
augmenté le taux d'actualisation des profits escomptés. En
d'autres termes, nous cherchons à payer moins, sachant qu'il existe plus
de risques. La société, elle, cherchera à nous faire payer
plus en nous faisant la preuve que les risques que nous prévoyons
n'existent pas.
M. Brochu: Vous augmentez votre taux d'actualisation pour
prévoir une marge de sécurité plus large?
M. Bérubé: Exactement.
M. Brochu: D'accord, mais dans l'optique de la modernisation des
équipements, des installations déjà existantes. Ma
deuxième question serait la suivante, parce que vous placez ce
scénario dans l'optique de la modernisation des équipements
déjà existants. Par contre, on sait qu'il y a différentes
déclarations qui ont été faites de la part, entre autres,
de la Canadian Johns-Manville qui, vous le citiez tout à l'heure, est
actuellement pas mal au diapason des normes exigées au point de vue de
la salubrité, qui sait ce que cela implique au point de vue du
coût, qui sait également ce que cela implique au point de vue du
changement de structure, etc. On sait que les dirigeants de Johns-Manville, en
parlant de l'usine Normandie, par exemple, ont indiqué que
c'était à peu près impossible de la rendre salubre, sinon
en reconstruisant complètement l'usine en question. Je vous
référerai également à certains propos qui ont
été tenus par M. Landry, ministre d'Etat au développement
économique, qui a indiqué également qu'on devrait,
à toutes fins pratiques, reconstruire l'usine en question. Ma question
est la suivante: Où exactement vous situez-vous là-dedans, parce
que tantôt, dans le scénario que vous avez donné
c'est une hypothèse de travail, je pense vous vous situiez dans
l'optique où vous modernisiez les installations déjà
existantes. Cependant, si vous devez, comme il semble que ce
soit le cas, reconstruire plutôt complètement pour
répondre aux normes de salubrité, là on parle
peut-être moins du genre de taux d'actualisation dont vous avez fait
état tout à l'heure, mais plutôt de tout un autre
coût, étant donné qu'on doit jeter à terre une usine
et en reconstruire une nouvelle, ce qui voudrait dire des
déboursés sensiblement plus élevés.
M. Bérubé: Dans le cas présent
j'essaie de me souvenir...
M. Brochu: A ce moment, le ministre Landry n'avait pas nié
un coût de reconstruction de $75 millions environ au point de
départ pour l'usine en question.
M. Bérubé: Oui, c'est un chiffre qui circule. Je
pense que c'est la moyenne qui a été choisie.
M. Brochu: Lorsqu'on parlait de moyenne, est-ce qu'on parlait,
à ce moment, de coût moyen en termes de rendre salubres des lieux
existants ou si on se plaçait dans l'optique de jeter à terre
l'entreprise et de reconstruire une usine nouvelle? La différence est
énorme. Je comprends qu'au niveau de la discussion, on peut passer
facilement de l'un à l'autre, mais dans la pratique, lorsqu'on va
arriver pour rendre salubres les lieux, qu'est-ce qu'on va faire? Est-ce que le
gouvernement va plutôt essayer de rendre salubres les installations
vieillottes ce qui, au dire de ceux qui ont fait l'expérience, comme
Johns-Manville, ne se fait pas? Ou bien si on va prendre l'autre optique de
jeter à terre l'usine et de reconstruire à neuf, ce qui change
complètement le mode d'approche? Les coûts vont être
énormes, à ce moment, beaucoup plus que prévu, parce que
le premier scénario ne tiendrait plus. (11 h 30)
M. Bérubé: L'hypothèse pessimiste est
à l'effet que BC 1 soit à reconstruire complètement; c'est
l'hypothèse pessimiste. Quant à l'hypothèse optimiste, si
je ne me trompe je ne voudrais pas vous induire en erreur je
crois que la société avait indiqué un prix d'environ $30
millions pour l'ensemble du programme de dépoussiérage. J'essaie
d'avoir le chiffre exact. Ce serait l'hypothèse optimiste,
c'est-à-dire que c'est un coût certain, alors que les $80 millions
sont un coût hypothétique qui peut être plus ou moins
probable, dépendant du point de vue.
M. Brochu: Donc, ce qui est certain, c'est que ce n'est pas moins
de $30 millions, mais dans l'optique du dépoussiérage de
l'entreprise existante, au point de départ. Mais entre l'optique
optimiste et l'optique pessimiste, est-ce qu'on peut trouver un peu...
M. Bérubé: C'est $30 millions.
M. Brochu: ... ce que je pourrais appeler l'optique
réaliste, le plus possible?
M. Bérubé: $30 millions apparaîtraient ce que
la société estime devoir investir pour le
dépoussiérage de ses usines et elle estime pouvoir rencontrer les
normes pour 1979. Si, au contraire, il devait s'avérer que l'on doive
reconstruire BC 1, à ce moment il pourrait en coûter $80
millions.
M. Brochu: Ah bon! Est-ce que cette déclaration, à
laquelle fait allusion le ministre, a été faite avant l'annonce
par le gouvernement de son intention de se porter acquéreur de
l'entreprise ou après?
M. Bérubé: A ma connaissance, il y a eu très
peu de déclarations sur la politique de l'amiante avant l'annonce
officielle.
M. Brochu: Mais il y avait quand même dans l'air toute la
discussion en ce qui concerne le besoin de rendre salubres les installations.
Est-ce que le député de Frontenac a des chiffres exacts à
ce sujet?
M. Grégoire: Ici, dans le bulletin, on indique que ce
programme de $30 millions aurait commencé depuis 1976.
Maintenant, il y a ceci: les mines de l'Asbestos Corporation sont assez
rapprochées les unes des autres; BC 1, BC 2, King Beaver sont assez
rapprochées. Comme il est mentionné dans le dossier du CRD des
Cantons de l'Est, une usine unique dans cette région pourrait permettre
une récupération de 7% à 8% de fibre
supplémentaire. Si on base cela sur le chiffre total d'affaires
d'Asbestos Corporation, la création de l'usine unique pourrait
pratiquement être envisagée avec les seules ventes provenant de
ces 7% ou 8% de fibre supplémentaire à même le même
minerai.
M. Brochu: Est-ce le moyen de travail que le gouvernement a
l'intention de se donner, la création de cette usine unique? Parce que
là, on demeure encore dans une zone grise si le choix n'est pas
arrêté.
M. Bérubé: Je pense que la discussion de cette
proposition du CRD ne peut se faire qu'à la lumière d'une
évaluation économique assez détaillée. Or, il va de
soi que ce n'est certainement pas avec les ressources gouvernementales qu'il
est possible de prendre une décision concernant l'usine unique, d'autant
plus que cela implique d'autres sociétés avec lesquelles nous
n'avons nullement l'intention de transiger de la façon dont nous le
faisons actuellement avec Asbestos, c'est-à-dire en les achetant ou en
en prenant le contrôle d'une façon ou d'une autre. Par
conséquent, si une usine unique devait être implantée dans
la région de Thetford, cela ne pourrait venir qu'à la suite d'une
entente entre les sociétés de la région de Thetford qui y
verraient un avantage économique réel. Il faut souligner que le
fait pour le gouvernement du Québec de posséder la
société Asbestos Corporation, évidemment, nous met dans
une situation extrêmement favorable pour entreprendre des discussions
quant à cette possibilité, mais une telle discussion ne se
fera
évidemment pas à rencontre de la volonté des
partenaires éventuels. Si, effectivement, on devait en arriver à
la conclusion qu'une usine unique est économiquement viable et
désirable et si les autres partenaires, c'est-à-dire la Bell
Asbestos, Lake Asbestos vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a
énormément de problèmes d'interpénétration
des propriétés minières dans cette région et
l'ensemble des sociétés devait estimer que c'est
intéressant, je pense qu'à ce moment cela devrait être
évalué et que cela pourrait effectivement être une
décision à prendre.
M. Brochu: Sauf que, pour le moment, cette option demeure
simplement une hypothèse qui n'a pas été retenue par le
gouvernement. Alors, à ce titre, disons que la...
M. Bérubé: Cela ne veut pas dire qu'elle n'a pas
été retenue par le gouvernement. Effectivement, ce serait faux de
ma part de dire que cette hypothèse n'a pas été
examinée et que l'on ne sait pas présentement quelles
démarches devraient être entreprises pour rechercher la
construction d'une telle usine, mais je pense que la position du gouvernement a
été très claire. Nous n'avons nullement l'intention de
nous ingérer dans le fonctionnement des autres entreprises
impliquées dans l'extraction de l'amiante au Québec. Par
conséquent, il faudra que ce soit la future Société
nationale de l'amiante qui approche les autres compagnies minières et
qu'elle fasse la proposition si, effectivement, ces autres
sociétés sont intéressées par le projet. Je pense
que ce qui est extrêmement important à retenir est que le
gouvernement n'a nullement l'intention de forcer ou d'inciter les autres
compagnies minières à s'aventurer dans un projet, dans un nouveau
projet comme celui-là à leur corps défendant.
M. Brochu: Mais essentiellement, ce que je voulais dire, pour
continuer dans la même ligne...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richmond, je vais être obligé de prendre
cela sur votre temps, si cela continue.
M. Brochu: Oui. Je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors,
il vous reste deux minutes.
M. Brochu: C'est pour cela que je continue aussi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord. Très bien.
M. Brochu: Essentiellement, ce que je voulais dire est que
l'argumentation qui avait été apportée par le
député de Frontenac ne se rattachait pas directement aux
questions que je vous ai posées.
Pour revenir à la même question, d'une façon un peu
différente, puis-je vous demander, à ce stade-ci, quel est votre
choix, avec ce que vous connaissez, puisque les entreprises qui ont
l'expérience dans le domaine, qui ont le "know how " au point de vue de
la modernisation des installations pour les rendre salubres vous disent que ce
n'est pas possible de rendre salubres les installations vieillottes telles que
la mine Normandie, et que cela coûterait extrêmement cher. Par
contre, on a les déclarations de vos collègues d'autres
ministères qui disent: On doit reconstruire l'usine. Vous autres,
puisque vous avez la responsabilité, et vous, puisque vous avez la
responsabilité de l'application de la loi, avec ce que vous connaissez
maintenant de ces données, qu'allez-vous faire? Pouvez-vous dire
maintenant que vous opterez pour la reconstruction complète de l'usine
en question ou allez-vous aller du côté de la rendre salubre avec
les moyens que vous avez?
M. Bérubé: La question qui nous est posée
là met presque en doute votre décision, M. le Président,
quant à la recevabilité de cette question parce que vous voyez
immédiatement que nous sommes amenés à juger du prix que
nous allons payer pour l'entreprise. Si nous posons, a priori, que nous devrons
reconstruire une usine, cela suppose immédiatement un coût, un
coût la tonne pour le minerai, donc une diminution des profits. Par
conséquent, lorsque nous actualisons cette diminution des profits, il y
a une incidence directe sur le coût d'achat. C'est là la
difficulté, finalement, de vouloir perpétuellement côtoyer
une discussion qui voudrait ne porter que sur la salubrité mais qui,
finalement, doit également porter sur le coût d'achat, et c'est
très difficile d'y échapper. Je pense que dans le cas
présent, il ne serait pas possible de vous dire laquelle des options
nous favorisons.
M. Brochu: Mais vous conviendrez cependant, M. le
Président, en terminant, que cela nous place, par exemple, de ce
côté-ci de la table, dans une drôle de position puisque ces
coûts, on a à y faire face et on aura à les payer et on
nous demande maintenant d'adopter un projet de loi qui va nous embarquer dans
ce genre de zone grise où les choses ne sont pas clairement
définies, du moins avec un ordre de grandeur précis. On n'est
même pas, à ce moment-ci, en mesure de nous dire: Voici, on va
fonctionner de telle ou telle façon.
Donc, là-dessus, je dois vous dire que cela nous place dans une
drôle de situation. C'est difficilement acceptable, surtout qu'il y a
quand même eu des déclarations du gouvernement, en dehors de cette
commission parlementaire, d'autres membres du cabinet qui ont dit: Oui, il faut
reconstruire.
M. Bérubé: II est évident que l'Opposition
aura tout le temps nécessaire pour porter un jugement puisqu'en effet ce
que nous faisons ici, c'est entreprendre une négociation d'achat et nous
devrons en évaluer le prix. Lorsque, officiellement, les parties en
cause publieront les résultats de leurs études et nous
n'avons nullement l'intention de cacher quoi que ce soit à la population
du Québec la population sera en mesure de porter un jugement,
à savoir si ceci a été payé trop cher ou pas assez
cher. Là, il y aura un jugement à
porter, effectivement, sur la décision. Mais pour l'instant, il
ne peut y avoir de jugement à porter puisque le prix d'achat est le prix
qui sera négocié après l'examen attentif de l'état
des installations. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous n'avons pas
demandé un mandat, un blanc-seing pour nationaliser la
société Asbestos Corporation. Nous n'avons pas demandé
ceci à l'Opposition. Nous avons simplement créé la
Société nationale de l'amiante et, entre-temps, nous
négocions de gré à gré. Il sera possible, en tout
temps, à l'Opposition de convoquer un débat à
l'Assemblée nationale si elle jugeait que le prix payé par le
gouvernement est un prix excessif, à la lumière, à ce
moment, de toutes les données, et elle aura en main toutes les
données objectives.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, le but de cette motion est
évidemment d'obtenir des études qui ont été
préparées concernant les investissements supplémentaires
au coût d'achat que le gouvernement devra faire pour améliorer les
installations périmées de l'usine de la société
Asbestos afin de respecter les normes de salubrité. Le ministre nous a
candidement avoué tantôt que de telles études n'existent
pas, qu'elles sont en voie de préparation. Nous sommes actuellement
à étudier prématurément un projet de loi inutile
qui n'est absolument pas nécessaire pour appliquer une politique
cohérente de l'amiante, cela fait, comme le député de
Richmond l'a si bien dit tantôt avec un air de surprise, quoique je le
sais beaucoup moins naïf et il s'en est aperçu bien avant
aujourd'hui, que nous sommes en train, ici dans l'Opposition, de parler dans le
noir. On nous demande un acte de foi. Je pense que c'est quand même notre
devoir de tenter de démontrer au gouvernement quels sont les
écueils de ce projet de loi et de sa politique telle que comprise par le
gouvernement.
Ces études sont indispensables quant à
l'évaluation. Je pense que là-dessus on s'entend. Le ministre a
dit que c'était en voie de préparation. C'est donc que le
gouvernement conçoit la nécessité de telles études.
Elles sont indispensables compte tenu de l'objectif de salubrité de
toute politique gouvernementale en matière d'amiante, salubrité
à la mine et aux installations. Mais il y a un autre aspect que le
député de Saint-Laurent a touché tantôt, il s'agit
de la question de la salubrité en ce qui concerne les pertes de
marchés que nous pouvons constater, pertes qui se sont confirmées
encore aujourd'hui par l'annonce, ce matin, d'une diminution de 6% pour la
production de la fibre d'amiante au Québec en 1977. Le ministre a
répondu en donnant un tableau de la consommation d'amiante. La copie que
j'ai reçue de Asbestos Mineral... Je ne peux pas lire le reste, M. le
Président. La copie est un peu mauvaise. Alors, si je fais erreur, le
ministre me corrigera. C'est la consommation de l'amiante et non pas
l'importation. Il s'agit réellement de la consommation
américaine.
M. Bérubé: La consommation américaine de
l'amiante.
M. Lalonde: Parce que le titre est un peu effacé sur la
copie.
M. Bérubé: Asbestos Supply, Demand, Relationship,
1967-1976.
M. Lalonde: Je crois qu'il se référait, dans ce
document, au tableau que l'on voit à la page 9, où l'on voit une
consommation de... Est-ce qu'il s'agit bien de "long ton" ici? Cela aussi est
effacé sur mon...
M. Bérubé: En général, aux
Etats-Unis, c'est la "short ton" de 2000 livres.
M. Lalonde: "Short ton", oui, parce que le titre est
effacé. En tout cas, de 721 000 tonnes à 725 000 tonnes, une
augmentation fulgurante de 4000 tonnes de 1967 à 1976! Le ministre nous
a mis en garde contre le danger de prendre une photographie trop courte des
tendances de trois à quatre ans. Je reprends les chiffres qu'il nous a
lui-même distribués. Alors que le maximum de consommation
était, en 1973, je crois, de 876 000 tonnes, nous avons...
M. Bérubé: Est-ce que le député me
permettrait une question pour être certain qu'on se comprend?
M. Lalonde: Oui.
M. Bérubé: Est-ce que le député
pourrait, cependant, prendre le chiffre de 608 000 tonnes en 1975 et 725 000
tonnes en 1976 et projeter cette croissance phénoménale sur les
cinq prochaines années? (11 h 45)
M. Lalonde: M. le Président, je devrai demander au
ministre qui a raison, lui ou son groupe de travail fantôme qui nous a
lui-même dit: Surtout ne considérez pas les chiffres en 1975. Il y
a eu l'incendie, il y a eu la grève de sept mois. Alors, je ne sais pas
si le ministre peut nous dire qui on doit croire, lui ou son groupe de travail.
C'est assez difficile pour moi de choisir parce que je ne connais pas son
groupe de travail, et je le connais lui. Donc, je serais tenté de
prendre son groupe de travail. Quand même, je voudrais lui donner toutes
les chances possibles de rétablir sa crédibilité. Alors,
on a une augmentation fulgurante de 4000 tonnes en dix ans. Et là, je
vais me rapporter à une évaluation très empirique, que le
PNB américain aurait probablement augmenté je n'ai pas les
tableaux ici entre 40% et 50%, avec un taux d'augmentation moyen de 4%
à 5% par année. On pourrait ainsi avoir une augmentation du
produit national brut américain, de 1967 à 1976, probablement,
pour être bien conservateur, de 35% à 45%.
Alors, on peut dire que les tendances que nous avons mentionnées
tantôt, que le député de Saint-Laurent a soulignées,
sont à la baisse dans la production de l'amiante au Québec; en
oubliant l'année 1975, en partant de 1974, 1 536 571 tonnes pour les
groupes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, et 8, avec le plus gros de la production pour les
groupes de 4 à 7, de fibre inclusivement, passer de 1 536 000 tonnes, en
1974, oubliant 1975 pour les fins de la discussion, passant de 1 373 000 tonnes
en 1976, une diminution de 6% sur les chiffres de 1976, je crois que ça
donne 1,2 million de tonnes à peu près pour 1977.
Donc, cette tendance à la baisse est confirmée par le
tableau que le ministre a tenté d'invoquer à l'encontre de nos
prédictions. On nous dira que nous sommes des prophètes de
malheur et on tentera d'occire l'Opposition dans le but de faire oublier la
mauvaise nouvelle. M. le Président, cela ne changera rien. C'est vrai
qu'il y a un lobby antiamiante, un lobby tellement fort qu'on ne peut quand
même pas y référer comme étant simplement un
accident ou un fait artificiel lorsqu'on sait que des pays aussi
crédibles que la Suède, la Hollande, la France, l'Angleterre et
les Etats-Unis, en ce qui concerne la connaissance, la technique, ont banni
complètement l'amiante, dans le cas de la Suède, où on
fait des législations restreignant les utilisations. Je pense qu'on doit
conclure qu'on a un problème sérieux qu'il faut attaquer
sérieusement.
Je sais que...
M. Bérubé: M. le Président, le
député pourrait-il prendre la page 14 du même rapport et
examiner justement la demande américaine d'amiante, de 1955 à
l'an 2000, à partir du comportement du marché où on voit
le caractère erratique, d'ailleurs comme la demande de toute
matière minérale, la demande fortement erratique mais pour
laquelle il est extrêmement difficile de tirer les conclusions qu'il
vient de tirer. Effectivement, on constate qu'en 1975 il y a une chute brutale,
c'est vrai. Mais lorsqu'on voit les fluctuations et lorsqu'on rapporte les
tendances globales avec d'autres évaluations, on se rend compte que
l'étude qu'il a entre les mains, qui date de septembre 1977, ne conclut
pas du tout ce que le député prétend conclure
présentement.
M. Lalonde: M. le Président, le ministre, à qui
j'ai laissé le soin de terminer son intervention
antiréglementaire, fait état d'une projection en l'an 2000. Je ne
sais pas jusqu'à quel point il croit, il attache une importance à
de telles productions. Je le mets en garde contre une telle attitude, justement
à cause des tendances actuelles qui me semblent un fondement beaucoup
plus sûr quand il s'agit de dépenser l'argent du public. Si le
ministre veut investir lui-même ses propres fonds dans des projections
pour l'an 2000, libre à lui, mais il me semble que, comme administrateur
des fonds publics, il doit faire preuve de beaucoup plus de prudence, surtout
lorsque l'on constate deux choses absolument réelles, qu'on peut
toucher: la diminution de la production depuis 1974 au Québec, donc la
diminution de la demande, et, deuxièmement, ce que son groupe de travail
appelle des législations émotives, parrainées par des
organismes et des individus qui incriminent l'amiante bien souvent
au-delà de toute preuve réelle et scientifique.
C'est tellement important, M. le Président, cette perte de
marchés, cette diminution de la consommation, cette réduction de
la production, que cette question devient capitale quant à la
stratégie du gouvernement, à savoir quel genre d'intervention le
gouvernement doit faire dans l'amiante.
On sait que la garantie d'approvisionnement est la cheville
ouvrière dans la stratégie de la politique actuelle du
gouvernement. A moins que l'achat d'une mine ne soit qu'un geste symbolique
pour exciter l'imagination de la galerie ou à moins que cet achat ne
procède d'une politique avouée de nationalisation de nos moyens
de production, la seule raison d'investir entre $100 millions et $200 millions
on ne sait trop de fonds publics, c'est pour assurer
l'approvisionnement. D'ailleurs, le rapport fantôme que le ministre nous
a remis, lorsqu'il conclut à l'acquisition d'une mine il invoque
peut-être l'aspect un peu symbolique, en parlant d'une volonté,
pour prouver au monde qu'on est bien sérieux, parce que cela coûte
cher plus sérieusement, n'invoque que la garantie
d'approvisionnement pour une industrie de transformation éventuelle.
A la page 9 il y a beaucoup de pages 9 dans ce rapport, qui me
semblent un peu bousculées on dit, au troisième
paragraphe: "La disponibilité de fonds publics importants pour investir
seul ou conjointement avec les entreprises, de même que l'achat d'une
compagnie minière assurant l'approvisionnement en fibres affirmeraient
indéniablement la volonté du Québec".
Or, cette réduction, qui semble liée d'assez près
à la question de la salubrité, à ce qui semble être
un effet de "législations émotives", dans d'autres pays, a pour
effet que la production québécoise est en deça de ses
capacités et que nous n'avons donc plus une situation où nous
devons faire des gestes coûteux, des gestes bien ponctuels comme celui
d'acheter une mine, pour nous assurer maintenant l'approvisionnement.
M. Grégoire: Vous voulez dire que cela aurait dû se
faire avant, quoi?
M. Lalonde: M. le Président, je comprends qu'avec
l'âge politique du député de Frontenac, il voit
plutôt en arrière qu'en avant. Mais il me semble qu'actuellement
nous discutons d'une démarche, d'une décision du gouvernement
pour acheter une mine. Nous avons la question de la salubrité qui est
non seulement liée aux installations c'est précis, c'est
vrai, et c'est surtout à cela que le ministre s'est adressé dans
sa longue intervention tantôt mais qui va plus loin que cela,
à un point tel que son rapport fantôme lui dit, à un moment
donné, à la page 4 à une des nombreuses pages 4
et je lis: "Une campagne importante destinée à rectifier
les choses et à ré-
tablir les faits aussi scientifiquement que possible... " et, si ce
n'est pas possible, pas scientifiquement du tout. C'est entre
parenthèses et c'est de mon cru; je ne veux pas que cela paraisse comme
citation dans le débat.
M. Bérubé: C'est de votre cru.
M. Lalonde: Je continue la citation: "... s'impose pour le
détenteur de la ressource qu'il ne possède pas toutes les
technologies de substitut et afin que nos partenaires commerciaux ne soient pas
tentés d'utiliser les dangers relatifs de l'amiante comme un
prétexte à une discrimination commerciale envers une ressource
fortement concentrée au Québec ".
On aurait souhaité que le ministre nous permette de
préciser cette question avec les membres, s'ils existent. On ne sait pas
si les membres de ce groupe sont encore en existence. Il ne semble pas,
puisqu'on ne veut pas nous les présenter. Mais, dans l'hypothèse
où on ne peut pas nécessairement préciser cela avec les
membres de ce groupe de travail, il serait intéressant de savoir si le
ministre a l'intention de rectifier les choses, de rétablir les faits,
aussi scientifiquement que possible, avant de procéder à l'achat
d'Asbestos Corporation. Il me semble que c'est là un geste capital qui
lui est recommandé, une campagne importante dit le rapport. C'est une
campagne qui s'impose, dit le rapport. Il me semble que le ministre aurait
dû, au départ, nous dire quels sont les fonds publics qui seront
dépensés pour justement faire cette campagne, pour faire les
études aussi scientifiquement que possible, dit-on dans le rapport, pour
justement nous affranchir, affranchir toute la production
québécoise d'amiante de cette hypothèque qu'il est
difficile de mesurer actuellement dans ses sources, dans ses origines, mais
dont les effets, dont les résultats sont nocifs pour la production, pour
toute politique à long terme de l'amiante.
C'est ce que nous aurions souhaité que le ministre nous dise.
Mais il nous a parlé seulement du dépoussiérage des
immobilisations, entre $30 millions et $80 millions, avec un taux
d'actualisation, je pense... Je n'ai pas tout à fait compris la savante
démonstration du ministre. J'ai toujours pensé qu'un taux
d'actualisation, c'est un taux qu'on appliquait en fonction
d'éventualités futures. C'est de transporter, de ramener à
aujourd'hui des coûts, de traduire dans des coûts des
éventualités qui sont dans l'avenir, de savoir, en termes de
dollars aujourd'hui, combien cela coûtera, étant donné le
plan à moyen terme ou à long terme qu'on a, et non pas pour faire
quelque chose qui est actuellement facilement mesurable, le
dépoussiérage, par exemple.
Si le taux d'actualisation doit tenir compte d'une
éventualité, le ministre va-t-il prendre, comme objectif de
salubrité, les normes du rapport Beaudry? Peut-il nous assurer, par
exemple, que la norme de l'OSHA des Etats-Unis de je voudrais la citer
0,5 fibre par centimètre cube qui est actuellement poussée
avec beaucoup de vigueur par cet organisme américain ne sera pas
désirable au Québec, si cela devient une loi aux Etats-Unis?
Comment, dans son taux d'actualisation, a-t-il tenu compte de cette
éventualité? On aurait souhaité le savoir, M. le
Président.
Le ministre invoque la loi de nationalisation de l'industrie de la
potasse en Saskatchewan. Je vous ferai remarquer, M. le Président, qu'il
s'agit là d'un tout autre problème. En Saskatchewan, on a
décidé de nationaliser une industrie. On met le débat sur
la table pour savoir si c'est bon pour la population qu'on nationalise
l'industrie. A ce moment-là, il est loisible à tous les membres
de cette commission de dire oui ou non, de dire: On est pour la nationalisation
ou on est contre la nationalisation. On supporte ou on combat une politique
socialiste de nationalisation. On pourrait le faire. Ici, ce n'est pas ce qu'on
a devant nous. On a l'acquisition d'une mine pour assurer l'approvisionnement,
dans le but éventuel d'établir des installations, des industries
de transformation. On ne peut donc pas comparer la démarche qui a
été faite en Saskatchewan avec celle que le ministre nous propose
actuellement. (12 heures)
M. Bérubé: M. le Président, est-ce que le
député me permettrait, non pas de rectifier, mais ajouter
simplement quelque chose à ce qu'il vient d'affirmer? Cela va prendre 30
secondes.
M. Lalonde: Oui.
M. Bérubé: Vous avez dit qu'OSHA s'occupait
fiévreusement à abaisser sa norme à 0,5 fibre. Or, si vous
prenez un des rapports que je vous ai déposés, vous y verrez
qu'effectivement, en date de juillet 1976, OSHA a adopté une limite de 2
fibres par centimètre cube et, en juin 1967, il n'y avait eu encore
absolument aucune audience portant sur une nouvelle norme qui serait de 0,5
fibre par centimètre cube. Par conséquent, vous avez dit qu'OSHA
s'occupait fiévreusement à abaisser la norme. Leur fièvre
ne leur permet pas de tenir une audience plus d'une fois par année.
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais savoir...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Avec une minute.
M. Lalonde: Oui, mais il vient de me prendre 30 secondes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
viens de vous donner une minute. Vous aviez fini.
M. Lalonde: Oui, c'est juste. Je vous remercie. J'aimerais quand
même demander au ministre qui on doit croire, le nouveau rapport qu'il
vient de lire ou celui de son groupe de travail fantôme. Je vais citer,
on dit ici, à la page 5 du rapport: "Si le Québec devait suivre
le comportement de OSHA des USA, les possibilités de transformations
additionnelles de la fibre au Québec s'estomperaient rapidement.
Après avoir présenté une norme de 2 je pense que
c'est ce que le ministre vient de
dire OSHA pousse actuellement une loi pour 0,5". Est-ce que le
ministre doit nous dire si ses fonctionnaires fantômes ont raison?
Où ont-ils pris cela? Il faudrait qu'il les raboue lui-même et non
pas rabrouer les députés de l'Opposition qui ont le malheur de
les croire.
M. Bérubé: C'est sur la fièvre que j'ai
commentée.
M. Lalonde: Quelqu'un qui pousse une loi, il me semble qu'il doit
le faire avec beaucoup de vigueur et d'intensité comme le ministre l'a
fait fiévreusement...
M. Bérubé: Fiévreusement.
M. Lalonde: ... pour la loi sur la Société
nationale de l'amiante.
M. Bérubé: Disons qu'ils ont un accès de
fièvre à tous les deux ans.
M. Lalonde: Bon. Ecoutez, si c'est la fièvre qui
dérange le ministre, à ce moment, disons qu'en citant le rapport
même du ministre, qu'il n'a pas osé prendre à sa charge, je
le comprends, cela fait trois ou quatre contradictions qu'on relève
actuellement, OSHA pousse actuellement une loi de 0,5 fibre. Je pense...
M. Forget: Une petite question qui se répond en un
mot.
M. Bérubé: Question médicale.
M. Forget: Est-ce que, d'après le jugement du ministre, il
nous affirme, connaissant si bien le dossier, que cet organisme
américain, effectivement, n'adoptera pas des normes plus
sévères que celles actuellement en vigueur?
M. Bérubé: Non, ceci est absolument impossible de
ma part de faire une telle affirmation...
M. Forget: Que vous fassiez une affirmation.
M. Bérubé: ... puisque cela m'apparaît
illusoire.
M. Forget: Vous contredisez le député de
Marguerite-Bourgeoys et vous donnez l'impression que cela ne se fera pas.
Est-ce que cela va se faire ou est-ce que cela ne se fera pas d'après
vous?
M. Bérubé: J'ai contesté le mot
"fièvre ". M. Forget: Vous reculez.
M. Lalonde: M. le Président, je conclus en regrettant que
le ministre ait à l'égard de la commission parlementaire une
attitude si fermée. En concluant qu'étant donné que ces
études n'existent pas nous sommes actuellement dans une situation d'une
loi prématurée, nous allons devoir adopter une attitude qui est
conséquente avec cette situation qui nous est imposée par le
gouvernement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Frontenac.
M. Grégoire: M. le Président, en parlant de
salubrité, le juge Beaudry, dans son rapport de 1976, disait: "Le
gouvernement du Québec s'est toujours conduit de façon honteuse
vis-à-vis de ses travailleurs de l'amiante". Cela a été ce
qui a ressorti du rapport Beaudry en 1976. Vous allez le trouver dans le
rapport.
M. Forget: La page?
M. Grégoire: Si vous ne l'avez pas lu, lisez-le. Je peux
vous dire ceci, par exemple, c'est que...
M. Forget: II est incapable, comme le ministre, de faire une
affirmation fondée.
M. Grégoire: Cela a été publié,
à part cela, en gros titres dans tous les journaux...
M. Lalonde: Ah! Ce n'est pas du juge Beaudry, ce sont les
journalistes.
M. Grégoire: ... le 5 novembre 1976, c'était
publié en grandes pages: Déclaration du juge Beaudry...
M. Lalonde: Quel journal?
M. Grégoire: Le Soleil. Cela vous frappe, cela vous
fatigue.
M. Forget: M. le député de Frontenac, le juge
Beaudry dit que la moitié du travail est déjà fait au
moment où il rédige son rapport. Je l'ai cité
tantôt.
M. Grégoire: Le juge Beaudry disait que le gouvernement
s'était toujours conduit d'une façon honteuse vis-à-vis de
ses travailleurs de l'amiante. Il l'a dit. C'était avant 1976.
Une Voix: C'est faux.
M. Forget: ... donner une citation.
M. Grégoire: Aujourd'hui, il y a un gouvernement qui veut
faire quelque chose et vous êtes là...
M. Forget: Pas dans le domaine de la salubrité, c'est
déjà fait.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Grégoire: Vous parlez d'une façon pessimiste.
Vous dites: Pour la fibre, la production a baissé. Oui, mais la valeur
de l'amiante qui n'était pas avant 1972/73, la première valeur
minérale ou la première valeur minière est devenue la
première valeur minière. En 1974, il se vendait pour $180
millions des grenailles de fibre d'amiante; l'an dernier,
en 1976, c'était monté à $350 millions et, en 1977, c'est
rendu à $405 millions ou $408 millions. Mais cela, vous ne le mentionnez
pas.
M. Lalonde: C'est le grand débat...
M. Forget: Le grand succès, c'est quand on vendra une
livre pour $5 millions.
M. Grégoire: Alors, la fibre a pris de la valeur, elle a
augmenté plus qu'aucune autre dans n'importe quel autre domaine minier.
Je me demande pourquoi l'Opposition elle se l'est pourtant fait dire en
fin de semaine encore dans un éditorial du Devoir voit toujours
les choses en noir.
M. Forget: Vous vous êtes aussi fait dire que vous n'aviez
pas de politique... Parce que nous ne sommes pas des rêveurs comme le
député de Frontenac.
M. Lalonde: Parce qu'on est devant vous. Mettez-vous à
notre place, vous allez voir tout en noir.
M. Grégoire: C'est choquant pourtant l'amiante est
blanc au Québec mais ce sont des pessimistes.
M. Lalonde: Avec un gouvernement comme le vôtre, c'est la
moindre des choses.
M. Grégoire: Que les mines d'amiante qui forment un cartel
assez bien contrôlé, où on s'est toujours bien entendu,
décident de faire monter les prix, créent une espèce de
raréfaction de la fibre pour faire monter les prix, qu'il y ait une
usine qui brûle tout à coup mettant 800 personnes en chômage
et diminuant la production de 1975, qu'il y ait une grève de sept mois,
qu'il y ait une mine qui ferme la Fiintkote parce qu'elle n'a
plus de réserves ou, du moins, parce qu'elle est collée aux
concessions minières d'Asbestos Corporation qui refuse de lui donner du
terrain, forçant une mine à fermer... Tout cela se produit, mais,
malgré tout, le prix de la fibre augmente la valeur économique de
l'amiante augmente et les profits augmentent.
Il est dit dans le rapport du CRD que les profits sont rendus à
environ 20%, ce qu'aucun autre secteur minier n'a fait.
M. Forget: Avant la dépréciation.
M. Grégoire: Même si on prend la
dépréciation, les réserves prouvées augmentent et
l'Asbes-tos Corporation, dans ses statistiques, a augmenté la
quantité de ses réserves prouvées depuis l'annonce du 21
octobre. Cela a pratiquement doublé.
M. Forget: C'est moins utile si on ne peut pas vendre la
fibre.
M. Grégoire: On en est rendu là et pourtant
j'entends: L'avenir n'est pas drôle. Vous n'avez pas confiance dans
l'avenir du Québec, dans l'avenir de ses richesses minérales?
M. Lalonde: Avec ce gouvernement-là, non!
M. Grégoire: Je cherche les pronostics...
M. Lalonde: Avec un autre gouvernement, on serait peut-être
plus rassuré.
M. Forget: Oui, c'est ça.
M. Grégoire: Avec un autre gouvernement? Le vôtre
n'a jamais rien fait en 100 ans...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: On n'est pas...
M. Forget: Le comité Beaudry, ce n'est pas vous qui l'avez
créé.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: ... jamais rien. A quelle conclusion en
est-il arrivé? Il dit: Vous vous êtes conduits d'une façon
honteuse vis-à-vis des travailleurs de l'amiante. Je l'ai
ici. Une rentabilité élevée: "Le secteur de
l'extraction de l'amiante est reconnu c'est toujours le comité
des mines du Conseil régional de développement des Cantons de
l'Est...
M. Forget: Ne le citez pas, c'est gênant, vous ne faites
pas ce qu'il demande.
M. Grégoire: ... pour sa rentabilité
économique. Les taux de profits sont nettement supérieurs.
M. Forget: Vous contredisez toutes les recommandations; vous
n'êtes pas gêné de citer cela?
M. Bérubé: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent, à l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Grégoire: Cela les fatigue, n'est-ce pas, M. le
Président?
M. Bérubé: M. le Président, question de
règlement. Je pense que lorsqu'un intervenant a le droit de parole,
l'Opposition est certainement en droit de lui demander s'il accepte une
question, ce que j'ai fait à quelques reprises et je dois dire que
l'Opposition s'est complaisamment soumise à ma question et y a
d'ailleurs répondu. Jusqu'à maintenant, cela s'est fait dans les
normes. Je pense que présentement l'Opposition manque de
savoir-vivre.
M. Forget: II y a une question de qualité de
l'interlocuteur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Frontenac, sur la motion, s'il vous plaît!
M. Grégoire: Je pense que le ministre a bien raison de
dire que c'est un manque de savoir-vivre, mais, d'un autre côté,
c'est un indice: Quand on les touche où ça fait mal, ça
rouspète et ça rouspète tellement fort que je
m'aperçois que ça fait bien mal, ce qu'on dit à
l'Opposition présentement.
M. Lalonde: Cela fait mal à notre intelligence, quand vous
parlez.
M. Grégoire: Cela vous fait mal, parce que vous
rouspétez.
M. Forget: Oui, justement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: Si la citation qui vient du CRD des Cantons
de l'Est... Il y a deux mois, le député de Saint-Laurent est
allé faire une tournée dans ce coin pour essayer d'avoir des
opinions.
M. Forget: J'en ai eu beaucoup aussi. C'est pour cela qu'on fait
de l'Opposition.
M. Grégoire: II en a eu du CRD. Je vais lui en citer une
du CRD des Cantons de l'Est sur l'amiante où il est dit: "Le secteur de
l'extraction de l'amiante à la page 20, vous voulez avoir le
numéro de la page, à la page 20 est reconnu pour sa
rentabilité économique. Les taux de profits sont nettement
supérieurs à ceux existant dans les secteurs similaires ou
même industriels. Malgré l'absence de données
précises, due à la non-obligation pour les compagnies de publier
des rapports financiers pour leurs opérations québécoises,
la loi les en dispensant malheureusement, les profits réalisés
actuellement sont de l'ordre de 20%, avant impôt, en moyenne, selon le
rapport de M. Normand Alexandre. "Pour le Comité des mines, il y a lieu
de croire que ce pourcentage est peut-être nettement plus
élevé pour certaines exploitations. Peu de secteurs peuvent se
vanter d'une telle performance et cette situation est appelée à
se maintenir compte tenu de la demande mondiale et de la rareté de
l'amiante ailleurs.
M. Forget: Bien oui, on voit cela.
M. Grégoire: II y a tout de mêmel'Opposition
va l'admettre des beaux côtés au secteur de l'amiante.
C'est drôle, j'aurais aimé cela que l'Opposition qui critique
j'admets qu'elle puisse critiquer de temps en temps dise: C'est
vrai que l'amiante, c'est un bon secteur économique. C'est vrai qu'on
est plus fort dans l'amiante que dans le cuivre ou dans d'autres domaines.
C'est vrai qu'on produit moins de diamants que d'amiante, mais on produit de
l'amiante.
J'aurais aimé cela que l'Opposition nous dise: II y a quelque
chose dans l'amiante. Il y a des profits à en retirer. Il y a du
développement à faire là. Mais non, c'est le pessimisme le
plus noir. Quand vous allez sortir de cette commission, vous serez
enterrés dans le vide du pessimisme qui vous ronge présentement.
Vous n'êtes pas capables de voir quelque chose de beau dans l'avenir du
Québec. Démissionnez-vous avant de partir?
M. Lalonde: Ne mêlez pas l'avenir du Québec avec
cela.
M. Grégoire: Démissionnez-vous avant de partir?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur la
motion, M. le député de Frontenac.
M. Grégoire: Ils ont démissionné tout le
temps en parlant sur cette motion.
M. Lalonde: On va vous remplacer à la place.
M. Grégoire: C'est mieux pour le député de
Richmond. Je m'aperçois qu'il s'est amélioré depuis
quelques jours.
M. Lalonde: C'est le nouveau style. Ne vous y fiez pas.
M. Grégoire: On ne s'y fiera peut-être pas, mais il
a peut-être eu, tout à coup, un soubresaut d'optimisme.
M. Forget: Ne vous inquiétez pas. Cela s'en venait bien.
Ne nous inquiétez pas.
M. Grégoire: Je m'aperçois qu'il a
légué tout cela à l'Opposition. Peut-être a-t-il vu
que ses compagnons de l'Opposition étaient rendus trop pessimistes et
que c'était difficile de les suivre dans le trou béant du
pessimisme où ils ne surnagent même pas depuis quelques jours.
Je vous dis que je suis là dans la région de l'amiante.
Hier, je jasais avec les travailleurs de l'amiante. Hier soir, il y en avait
une quarantaine. Il y a des grèves qui se règlent. Les gars de
l'amiante sont des gars fiers. Le député de Richmond en sait
quelque chose. Ils ont lutté et ils se sont fait matraquer
déjà. Ils en ont fait des grèves.
M. Forget: Par un certain gouvernement.
M. Grégoire: Oui. Ils se sont fait promettre des choses
par un autre gouvernement.
M. Forget: Cela va revenir parce qu apparemment ils sont trop
payés, selon les spécialistes du gouvernement.
M. Grégoire: En 1934, il y avait un premier ministre d'une
autre formation politique qui était allé
les encourager là-bas en disant: Ce ne sera pas long, on va vous
sortir du trou, les gars de l'amiante. Il a dit: Vous autres, les compagnies,
si vous ne faites pas quelque chose, avant longtemps on va vous nationaliser.
Ce n'était tout de même pas un communiste qui avait dit cela.
C'était un premier ministre libéral qui s'appelait Alexandre
Taschereau. C'est en 1934 qu'il a dit cela et les travailleurs de l'amiante en
ont subi des coups. Ils ont travaillé dans le fond de la mine. Il y en a
qui se sont empoussiérés. Ils en subissent encore des coups. Il y
en a des amiantosés dans le coin, mais là, ils ont confiance que
cela débloque après 100 ans et ils m'en parlent. Hier, je parlais
avec eux autres et ils ont dit: Qu'est-ce qu'ils ont, l'Opposition? Qu'est-ce
qui leur prend tout à coup?
Une Voix: Un de vos organisateurs?
M. Grégoire: Des libéraux. Il y a un libéral
qui est venu le dire ici, ouvertement, et tout fort: C'est le gouvernement
libéral qui m'a demandé de faire des études. Le gars
était libéral. Il vous l'a dit en pleine face.
M. Forget: Apparemment on n'a rien fait.
M. Grégoire: II a dit: Là, ça veut
débloquer. Pourquoi ne laissez-vous pas cela débloquer?
M. Lalonde: M. le Président, puis-je poser une
question?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
mais sur le sujet puisqu'il est en dehors du sujet.
M. Lalonde: Justement, c'est pour cela. Quelles sont les
objections du député à ce qu'il prenne connaissance, comme
membre de cette commission, des études concernant les coûts
additionnels relatifs à la salubrité?
M. Forget: Répondez. Répondez.
M. Grégoire: Je n'ai pas d'objection. Le ministre vous l'a
dit tantôt.
M. Lalonde: Ah! Le ministre l'a dit. Mais le
député, qu'est-ce qu'il pense?
M. Grégoire: L'Asbestos Corporation évalue cela
à $30 millions. C'est commencé depuis 1976. Vous nous citez le
bulletin de l'Association des mines. Elle dit ici, dans son dernier bulletin:
La société Asbestos, engagée dans un programme
d'assainissement de $30 millions, a mis sur place depuis le début de
1976 de nombreux équipements de contrôle de la poussière
à ses installations de Thetford, Black-Lake et Coleraine.
M. Bérubé: Vous avez la réponse. M.
Lalonde: C'est cela la réponse?
M. Grégoire: Là on arrive, on prend...
M. Lalonde: C'est cela l'étude? Ce n'est pas fort.
M. Grégoire: J'imagine que l'Asbestos Corporation a
dû étudier beaucoup mieux que vous autres.
M. Lalonde: Donnez-nous l'étude.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Grégoire: Le député de Saint-Laurent est
allé dans la région d'Asbestos. Je gagerais qu'il n'est
même pas allé jaser avec un seul gars de l'Asbestos Corporation
pour demander combien cela coûterait le dépoussiérage de
cela? Vous êtes allé là pourquoi?
M. Forget: Ne gagez pas.
M. Grégoire: Vous êtes allé là pour
essayer de trouver des bêtes noires et non pas pour vous informer.
Nommez-moi donc l'ingénieur de l'Asbestos Corporation que vous avez
rencontré là-bas. (12 h 15)
M. Forget: Ne gagez pas trop.
M. Lalonde: Combien gagez-vous? M. Grégoire:
Nommez-le moi donc!
M. Lalonde: Dites-nous combien vous gagez et on en reparlera
après.
M. Grégoire: Je vous gage une bonne fondue chinoise, si
vous voulez, parce que vous faites des chinoiseries depuis le début.
M. Lalonde: Une fondue, c'est cela que vous allez être
après...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Grégoire: Avec un vin noir parce que vous êtes
dans le noir également.
M. Forget: II se rend compte que son affaire est en train de
fondre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: Quels sont les ingénieurs d'Asbestos
Corporation que vous avez rencontrés? Là, vous auriez des
chiffres.
M. Lalonde: Voulez-vous nous confier la politique? Nous allons la
faire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Grégoire: Vous n'en avez jamais fait depuis 100 ans et
vous pensez qu'on va vous confier cela? Cela va prendre encore 100 ans...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Lalonde: Répondez à ma question.
M. Grégoire: M. le Président, je m'aperçois
que cela les choque.
M. Lalonde: Répondez à ma question.
M. Grégoire: Ils sont allés s'informer pour trouver
des bêtes noires et non pas pour avoir les véritables
renseignements. Etes-vous allés visiter une mine quand vous êtes
allés faire un tour dans ce coin-là?
M. Lalonde: Comme bête noire, allez trouver le
député.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Grégoire: Etes-vous allés visiter une mine?
Etes-vous allés visiter l'Asbestos Corporation? Etes-vous allés
dans le trou de la mine à Normandie?
M. Forget: Oui, monsieur.
M. Grégoire: Oui. Vous êtes allés à la
Normandie.
M. Lalonde: Cela étonne. Est-ce qu'on a le broit?
M. Grégoire: Oui, vous avez le droit. Je vais m'informer
certainement, parce qu'on m'a dit que vous vous êtes mis les pieds
là pour avoir quelques organisateurs libéraux, mais pas pour
visiter les mines.
M. Lalonde: Merci. Le député est tellement
régionaliste que...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Grégoire: Je vais m'informer auprès des...
M. Forget: J'ai visité le moulin de haut en bas, la mine,
toute l'affaire. J'ai tout vu.
M. Grégoire: La Normandie. Je vais aller m'informer de
cela.
M. Forget: C'est pour cela que j'ai vu que le trou n'était
pas assez grand pour engouffrer la bêtise...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Grégoire: C'est vrai que le trou n'est pas assez grand,
il est rendu dangereux. Il est rendu plus que dangereux. C'est dû
à la politique d'As-bestos Corporation.
M. Lalonde: La bêtise du député est encore
plus dangereuse.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Grégoire: Tous les travailleurs le savent. J'ai appris
hier il y a des choses qu'on apprend tous les jours que la mine
est en train de laisser toute la pierre pour ne prendre que l'amiante. Au lieu
d'envoyer la pierre sur les tas de résidus, ils laissent la pierre
là et ne sortent que les sillons de fibre.
M. Forget: Cela fait de moins gros crassiers.
M. Grégoire: Cela diminue la valeur de l'Asbestos
Corporation. Ceux qui évaluent doivent être en train de voir
comment ils sont en train d'exploiter ce trou de la Normandie qui fonctionne
à l'encontre du bon sens, à rencontre de tout ce qui se fait
à la Johns-Manville ou à la Lake Asbestos ou à la
Nationale ou à la Bell Asbestos. Ils sont en train de faire exactement
comme ils ont fait à la Flintkote et c'est fermé depuis deux ou
trois ans à la Flintkote
M. Forget: M. le Président, il y a une erreur de faits.
Dans le trou de la Normandie, il n'y a plus d'exploitation.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! M. le député de Saint-Laurent, votre temps est
épuisé.
M. Grégoire: Justement, ils sont obligés d'entrer
sous terre parce qu'ils ont mal exploité le trou. Ils n'ont pas agrandi
autour.
M. Forget: L'ingénieur minier, de l'autre
côté, c'est le ministre, ce n'est pas nous.
M. Grégoire: C'est cela qui choque l'Opposition.
M. Lalonde: Non, on n'est pas choqué...
M. Grégoire: C'est cela qui les choque. C'est que le
secteur de l'amiante, c'est un secteur d'ici qui est très rentable, qui
a été mal développé; les anciens gouvernements ne
se sont pas préoccupés de voir à ce que cela profite aux
citoyens du Québec...
Une Voix: Je pensais que c'était à la province.
M. Grégoire: ... voir à ce que cela profite
à l'économie du Québec. Aujourd'hui, le gouvernement veut
le faire. La population de la région a compris qu'on veut enfin faire
profiter les Québé-
cois d'un secteur économique qui appartient aux
Québécois et qui doit être exploité au profit des
Québécois.
M. Lalonde: Est-ce que le député me permet une
question, M. le Président?
M. Grégoire: Je termine en disant que je comprends mal, je
comprends très mal...
M. Lalonde: Est-ce que le député me permet une
question?
M. Grégoire: Je comprends très mal le pessimisme de
l'Opposition et la noirceur de ses idées sur le dossier de
l'amiante.
M. Lalonde: Est-ce que le député me permet une
question?
M. Grégoire: Tant que vous voudrez.
M. Lalonde: Quelles sont les objections qu'il a à voir,
comme député, membre de cette commission, les études
relatives aux investissements additionnels nécessaires pour atteindre
des objectifs de salubrité?
M. Grégoire: Je n'ai aucune objection à ça
et, comme le ministre vous l'a dit tout à l'heure, quand les
négociations de gré à gré, faites avec la compagnie
Asbestos, où toutes ces choses sont mises de l'avant, par les
négociateurs de la compagnie Asbestos Corporation et par l'équipe
nommée par le gouvernement, vous aurez l'occasion de faire tous les
débats que vous voudrez.
M. Lalonde: Alors, on n'a pas les études actuelles?
M. Grégoire: Si vous n'êtes pas capable de vous
renseigner, libre à vous.
M. Lalonde: C'est un autre aveu, on a deux aveux.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Est-ce que la motion du député de Saint-Laurent sera
adoptée?
M. Grégoire: Appel des noms, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bérubé (Matane)?
M. Bérubé: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bordeleau (Abitibi-Est)? M. Brochu (Richmond)?
M. Brochu: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Forget (Saint-Laurent)?
M. Forget: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Grégoire (Frontenac)?
M. Grégoire: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Laplante (Bourassa)?
M. Laplante: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Ouellette (Beauce-Nord)?
M. Ouellette: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Rancourt (Saint-François)? M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys)?
M. Lalonde: En faveur. Quatre à trois, c'est proche.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un peu
plus et le président votait. La motion est rejetée à
quatre voix contre trois. Est-ce que l'article 4 sera adopté?
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je m'en voudrais de ne pas
accepter l'invitation qu'un de vos prédécesseurs m'a faite
lorsque j'ai présenté une motion le 23 mars 1978 à 17 h
28, à cette commission. La motion se lisait de la façon suivante,
ou à peu près, je ne sais pas si elle a été
reproduite verbatim, c'était dans le même sens exactement: "Que
cette commission invite le ministre des Richesses naturelles à exposer
en détail, avant le début de l'étude de l'article 4 du
projet de loi no 70, aux membres et intervenants de cette commission les motifs
juridiques sur lesquels le gouvernement s'appuie pour prétendre pouvoir
acquérir, par expropriation, la société Asbestos
Limitée'.
Je vous dirai que j'ai fait une motion semblable, sauf qu'elle a
été modifiée pour inclure ici l'endroit où la
motion doit être faite, c'est-à-dire avant l'étude de
l'article 4. Le député de Drummond, qui présidait à
ce moment-là, avait déclaré cette motion irrecevable parce
que prématurée. Je vous réfère aux galées,
R/259-B/RN, page 1, où le président M. Clair, dit: "M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, vous savez fort bien qu'en vertu
de nos traditions, avant l'étude de l'article 1 d'un projet de loi, on
ne reçoit que des motions préliminaires qui visent à
l'organisation matérielle et générale de nos travaux."
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
présidents ont les mêmes jurisprudences.
M. Lalonde: "Autrement dit, si cette motion était
présentée, et ce n'est peut-être pas la seule circonstance
dans laquelle elle pourrait être pré-
sentée, au début de l'étude de l'article 4, il
m'apparaîtrait qu'elle pourrait être recevable '
M. le Président, comme vous connaissez ma docilité
à l'égard des présidents, à l'égard du
règlement, je prendrais comme une insulte personnelle de ne pas
présenter la motion que le président m'avait invité
à faire au début de l'étude de l'article 4. C'est une
motion, comme vous le savez, qui veut simplement transmettre aux membres de la
commission les connaissances du ministre en ce qui concerne les motifs
juridiques sur lesquels il s'appuie pour prétendre acquérir, par
expropriation, la société Asbestos.
Dans les circonstances, je pense qu'il va de soi qu'elle est
recevable.
M. Grégoire: M. le Président, dans la loi 70, il
n'est nullement question et le gouvernement, par la voix du ministre,
l'a également déclaré nettement à l'heure
actuelle, d'expropriation. C'est donc vouloir demander une étude
juridique sur un sujet qui n'est aucunement inclus dans le projet de loi.
Dans le projet de loi, à l'article 4, on parle bien
d'exploitation de gisements d'amiante...
M. Lalonde: Où ça?
M. Grégoire: II n'est pas question d'achat de mines ou de
choses du genre, mais la politique du gouvernement ayant été
exprimée clairement lors de son énoncé le 21 octobre
à Thetford, il planait en fond de scène c'est pourquoi les
discussions sur l'achat de l'Asbestos ont toujours été
acceptées il planait toujours, en fond de scène, dis-je,
cette déclaration du gouvernement de vouloir se porter acquéreur,
de gré à gré, de l'Asbestos Corporation.
Or, le principe de la loi qui a été adopté en
deuxième lecture est celui de la création d'une
société nationale de l'amiante ayant pour un de ses objets
l'exploitation de gisements d'amiante. L'achat de l'Asbestos Corporation est
entrée dedans, comme je viens de le dire, parce qu'il a
été déclaré ouvertement par le gouvernement qu'il
en était question. Mais le gouvernement ayant toujours maintenu son
idée et ayant toujours déclaré qu'il était question
à l'heure actuelle d'achat de gré à gré et
non pas d'expropriation je crois qu'introduire dans le dossier un achat
forcé ou une expropriation de la Société Asbestos
Corporation viendrait complètement à l'encontre du principe
émis dans le projet de loi et l'arrière-scène dont on a
toujours tenu compte, c'est-à-dire l'achat de gré à
gré de l'Asbestos Corporation.
C'est pourquoi je crois, M. le Président, que la motion est
irrecevable. De plus, je n'ai malheureusement pas l'article du règlement
je crois qu'il n'est pas nécessaire de l'invoquer non plus
mais je crois qu'il y a un article du règlement qui dit qu'il n'est pas
nécessaire d'émettre, qu'il n'appartient pas au ministre de la
Justice ou à un ministre d'émettre des avis juridiques en tant
que ministre.
On demande ici justement...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Voulez-vous me citer l'article en question, s'il vous plaît?
M. Grégoire: Oui.
M. Lalonde: Un avis juridique en réponse à la
question.
M.Grégoire: En réponse à des questions,
émettre un avis juridique.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
à l'Assemblée nationale.
M. Grégoire: Je crois que ces règlements s
appliquent mutatis mutandis, même...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En tout
cas.
M. Grégoire: Mais je crois que ce n est pas là
l'argument de base. Je crois que c est plutôt un argument de forme.
L'argument de base est tout de même celui-ci, c'est que, le principe de
la loi ne mentionne pas d expropriation de la société Asbestos
Ltée, au contraire, si on s'en tient comme fond de scène, il est
question d achat de gré à gré. D'introduire maintenant le
mot "expropriation viendrait à rencontre du projet de loi et des
idées énoncées par le gouvernement au sujet de I achat d
Asbestos Corporation.
M. Lalonde: Sur la recevabilité, M. le Président,
si vous permettez, j'ai deux arguments à apporter au
député de Frontenac. Le premier c est qu il s oppose à ce
que la motion soit acceptée, parce qu on réfère à
I'acquisition par expropriation de la société Asbestos
Corporation.
Je pense qu'il est de notoriété publique que le
gouvernement ait décidé d'acheter, enfin, de se porter
acquéreur de la société Asbestos. Des motions ont
été trouvées recevables, dans ce sens, lorsque, par
exemple, on a demandé des études sur l'évaluation de la
société Asbestos. Lorsque la dernière motion que nous
avons étudiée tantôt...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...
M. Lalonde: On parle d'améliorer les installations
périmées de l'usine de la société Asbestos. C'est
tout en fonction de...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Evaluation du coût d'achat, c'est ce que votre motion a
précisé, alors qu'on parle là d'expropriation.
M. Lalonde: Je veux dire...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
J'aimerais que vous me parliez...
M. Lalonde: La référence à la
société Asbestos est acceptée dans tous nos débats.
Il s'agit peut-être de l'expropriation. A ce moment-là, c'est
une question de modalité d'acquisition. On peut acheter de
gré à gré. On peut se la faire donner par donation
notariée. On peut l'acheter par expropriation. On peut même en
hériter par voie de testament. Il s'agit simplement d'une
modalité. Il ne me semble pas que la modalité ait pour effet
d'aller à l'encontre d'un principe, d'autant plus que c'est une
modalité qui a été invoquée par le gouvernement,
par ses représentants dans le passé.
On a dit même récemment que, si, à l'automne, ce
n'était pas réglé, on verrait à exproprier.
M. Grégoire: Avec le projet de loi, comme le ministre l'a
mentionné tout à l'heure.
M. Lalonde: Je ne sais pas de quelle façon le ministre va
s'y prendre, mais il reste que nous sommes actuellement devant des
possibilités dans les modalités et nous ne savons pas lesquelles
le gouvernement va choisir.
Quant à la question d'opinion, naturellement, je ne demande pas
l'opinion personnelle du ministre. Je demande qu'il nous fasse état des
études juridiques qui ont été faites à son
ministère. Premièrement, peut-être que les membres ne
seraient pas tout à fait intéressés. Deuxièmement,
ce serait trop lui demander et ce serait tout à fait injuste à
son égard.
Il ne m'apparaît pas que, parce qu'on réfère
à l'expropriation de la société Asbestos, cela ait pour
effet de rendre inadmissible la motion. Par exemple, si c'était le cas,
je pourrais simplement dire: "Pour pouvoir acquérir la
société Asbestos Corporation ". Si c'était le cas que
l'inclusion de la modalité, c'est-à-dire l'expropriation, devait
rendre la motion inacceptable, j'aurais pu dire: "Les motifs juridiques sur
lesquels le gouvernement s'appuie pour prétendre pouvoir acquérir
la société Asbestos Corporation ", et dans l'argumentation,
prévoir toutes les éventualités, y compris
l'expropriation. Il me semble que cette modalité qui n'a pas pour effet
d'aller à l'encontre du principe, à savoir qu'une telle motion
est parfaitement rece-vable, à ce stade, d'ailleurs, comme votre
prédécesseur nous l'avait indiqué... Je ne veux pas que
vous vous sentiez lié là-dessus, je veux vous laisser toute la
liberté, mais simplement, comme jurisprudence...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je me
sens mal à l'aise...
M. Lalonde: Cela peut sûrement... Je vous comprends
parfaitement d'être mal à l'aise, si vous deviez aller conclure,
contrairement à ce que votre prédécesseur a fait, parce
qu'il y a une certaine jurisprudence... Il me semble que cette motion, à
ce stade, est parfaitement recevable, que la référence à
l'expropriation n'étant qu'une modalité, elle n'a pas pour effet
de défaire le but de cette motion, qui est d'avoir des études
juridiques sur l'acquisition.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est la
question que j'allais vous poser. Vous n'avez, certes, pas mis les mots "par
expropriation " là... Vous avez des raisons pour avoir mis les mots "par
expropriation". Est-ce que les études juridiques que vous voulez avoir
sont sur l'acquisition, de gré à gré, éventuelle ou
une acquisition par expropriation éventuelle?
M. Forget: Naturellement...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
distinction est très importante.
M. Lalonde: Oui. C'est exact que la motion réfère
à l'expropriation, en particulier, pour être bien sûr que le
gouvernement s'est bien préparé là-dessus et pour rassurer
les membres de la commission. Maintenant, il reste que...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je porte
un jugement d'avocat. Je me dis que cette loi ne donne aucunement le droit au
gouvernement d'exproprier. C'est pour cela que je vous dis qu'en ayant les mots
"par expropriation", à partir du moment où la loi ne donne pas le
pouvoir à un gouvernement d'exproprier, c'est parce qu'elle ne l'a pas.
Je me réfère, par exemple, à la loi 67, où on avait
eu un amendement, vous vous rappelez...
M. Lalonde: 201.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... 201,
qui voulait permettre, et qui n'était pas là en deuxième
lecture, au ministre ou à la régie d'acquérir... Je me
rappelle les arguments, d'ailleurs, très pertinents qui avaient
été évoqués par l'Opposition, cela avait
été rejeté. Pour pouvoir acquérir par la force,
c'est-à-dire par l'expropriation, il faut un article dans la loi.
Actuellement, je me dis que que la loi ne le permet pas. S'il n'y avait que le
mot c'est une suggestion que je vous fais...
M. Lalonde: Acquérir.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
"Acquérir ", là, je me dirais, votre motion est recevable, mais
quel en est son intérêt puisqu'on ne parle plus d'expropriation,
on parle de gré à gré? Or, une personne morale ou physique
peut toujours acheter de consentement avec une autre partie. Alors,
c'est...
M. Lalonde: Oui, mais M. le Président...
M. Bérubé: ... le Code civil puisque, de toute
évidence, il a passé son diplôme du Barreau de peine et de
misère et que, vraiment, il n'a pas assimilé encore ses
études de droit.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: C'est l'article 1400...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De toute
façon, on pourra peut-être continuer la discussion cet
après-midi sur la recevabilité.
M. Lalonde: D'accord.
M. Grégoire: Ce sont les articles 1472 et suivants; on
pourrait les déposer.
M. Forget: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord, je le permettrai également au député de
Bourassa.
Les travaux sont ajournés sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
Reprise de la séance à 20 h 12
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
membres pour la présente séance sont: M. Bérubé
(Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget
(Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M.
Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys); les intervenants, M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M.
Godin (Mercier), M. Raynauld (Outremont), M. Landry (Fabre), M. Ciaccia
(Mont-Royal), M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Paquette (Rosemont)...
M. Grégoire: ... il ne serait pas ici aujourd'hui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors M.
Paquette (Rosemont) est membre à la place de M. Rancourt
(Saint-François); M. Rancourt (Saint-François) est intervenant
à la place de M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson
(Rouyn-Noranda).
M. Forget: Je pense que, lorsqu'on s'est quitté ce matin,
il y avait d'autres députés qui voulaient intervenir sur la
recevabilité, le député de Saint-Laurent et le
député de Bourassa. Vous avez manifesté le désir...
Non, alors, M. le député de Saint-Laurent.
M. Laplante: Je crois, M. le Président, qu'avec les
interventions qui ont été faites ce matin, vous avez dû
prendre conseil sur cette motion et, d'après moi, vous êtes assez
renseigné actuellement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent. Règle générale, pas
sur le règlement; sûrement pas de vous, M. le député
de Frontenac, sur le règlement; s'il vous plaît.
M. Forget: Quant à la recevabilité, M. le
Président, il y a un aspect qui me semble important quant à cette
question de savoir si la notion d'expropriation qu'on retrouve dans la motion
rend par elle-même l'amendement irrecevable. Je crois qu'il est
impossible de décider dans l'abstrait d'une question de
recevabilité; tout est question de contexte, à savoir si un mot,
une notion telle que celle de l'expropriation est pertinente pour la
compréhension de la loi et c'est sur ce point que j aimerais
argumenter.
Même si aucun article de la loi ne mentionne explicitement la
notion d'expropriation, il demeure que cette question est pertinente,
même si nous n'en venons jamais à l'expropriation parce qu'elle
définit le contexte dans lequel se fait la négociation de
gré à gré.
Le gouvernement, d'ailleurs, a annoncé, à la fois
l'automne dernier, et cet hiver au cours de réponses à des
questions à l'Assemblée nationale et par une déclaration
faite par le ministre des Richesses naturelles que, si jamais la
négociation de gré à gré ne devait pas
déboucher sur une conclusion finale, il n'hésiterait pas à
recourir à l'expro-
priation. Donc, la possibilité juridique et la volonté du
gouvernement de recourir à l'expropriation constituent des
éléments déterminant de l'achat de gré à
gré. C'est pourquoi il est difficile de bien circonscrire cette
intention et ce processus de négociation, et même d'évaluer
correctement le prix qui sera éventuellement payé par le
gouvernement pour cette acquisition, sans avoir un exposé très
clair de la possibilité pratique et politique du gouvernement, pour le
gouvernement, de recourir à un instrument tel que celui-là.
Or, ce n'est pas, à première vue, apparent que le
gouvernement peut exproprier une société en particulier. Les
règles sur l'expropriation, même par voie de législation
spéciale du moins, c'est un point qu'on peut débattre et
argumenter, je pense sont conditionnées par certaines
règles qu'on retrouve dans d'autres lois, en particulier dans la Charte
des droits et libertés de la personne, qui interdisent la discrimination
et un usage arbitraire et discrétionnaire du pouvoir.
On peut se poser la question: Dans quelles circonstances ou au moyen de
quelles exceptions législatives le gouvernement devrait-il intervenir
dans le domaine de l'expropriation? On ne peut pas invoquer vis-à-vis
d'une compagnie en particulier des règles d'intérêt public
aussi claires que celles qu'on peut invoquer si on nationalisait l'ensemble de
l'industrie. On nationalise une entreprise, par hypothèse, en
particulier.
Alors, je pense qu'il est vitalement important, pour tous ceux qui
veulent bien comprendre les implications de cette loi et de l'intention
gouvernementale d'acheter de gré à gré, d'avoir un
avant-goût des modalités et des moyens qu'entend prendre le
gouvernement, si jamais il doit recourir à l'expropriation. Autrement,
la crédibilité de sa position et la compréhension de la
loi en seront sérieusement affectées.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richmond.
M. Brochu: Non, M. le Président, je ne voudrais pas
reprendre essentiellement... je veux seulement souligner un fait à
partir de l'argumentation qui a été faite par le
député de Frontenac selon laquelle l'arrière-scène
de tout le projet de loi comportait uniquement ou principalement l'acquisition
de gré à gré de l'entreprise. Il ne faut pas oublier cela.
Je reviens aux propos du député de Saint-Laurent qu'en cas
d'échec c'est clair, et d'ailleurs les déclarations
mêmes du premier ministre contenues dans des coupures de presse que j'ai
ici l'indiquent clairement le gouvernement va recourir directement
à l'expropriation.
A ce moment, on ne peut pas nier cette arrière-scène
à laquelle faisait allusion le député de Frontenac, cette
possibilité de recourir à l'expropriation et même cette
obligation éventuelle de le faire puisqu'il y a toutes les chances
possibles que cela en arrive là.
M. Grégoire: ... le projet de loi.
M. Brochu: Mais cela fait partie de l'ensemble de la
discussion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bérubé: Je crois que nous débordons
manifestement dans notre discussion en rapport à ce projet de loi, que
l'intention gouvernementale arrêtée soit l'achat d'une
société, que la Société nationale de l'amiante,
dans la mesure où c'est en vertu de ses objets, ait pour mission
l'exploitation de gisements d'amiante, par conséquent, possiblement
l'exploitation de la société Asbestos et les gisements de la
société Asbestos, ce qui amène et on comprend
facilement la présidence à admettre le prolongement du
débat actuel au principe même de l'achat de la
société Asbestos, même si en vertu de l'article 4, il est
nullement mentionné que pour cette société, celle-ci doive
acheter Asbestos Corporation. J'ai d'ailleurs souligné récemment,
à titre purement hypothétique que la société Jim
Walter devant se départir de sa mine de Carey, il se pourrait que la
Société nationale de l'amiante décide d'acheter cette
société plutôt qu'Asbestos Corporation après une
évaluation et qu'à ce moment, finalement, on achète une
autre société que celle prévue.
Par conséquent, rien dans le texte de ce projet de loi ne
spécifie qu'on doive acheter une société plutôt
qu'une autre. C'est plutôt la volonté gouvernementale qui est
analysée lorsqu'on fait porter le débat sur l'achat d'Asbestos
Corporation parce qu'en autant que le projet de loi est concerné, on
pourrait argumenter du droit qu'aurait cette société d'exploiter
des gisements. On pourrait donc demander un amendement et vouloir exclure
l'exploitation de gisements du mandat de la société. Cela
m'apparaîtrait une discussion tout à fait ad rem et que je
prévois d'ailleurs dans les prochains amendements, sans doute dans la
pile des 252 amendements qui s'en viennent. Je le vois certainement parmi les
amendements qu'on aura à discuter. Donc, on pourrait certainement
éliminer l'exploitation de gisements comme étant une partie du
mandat de la société. Cependant, nulle part dans la loi, il n'est
spécifié quelle société, la Société
nationale de l'amiante pourrait être amenée à acheter dans
l'exercice, ce qui pourrait amener, pour autant que je suis concerné, un
débat à savoir si la Société nationale de l'amiante
devrait pouvoir acheter Asbestonos, devrait pouvoir acheter Amiante Sherbrooke,
devrait pouvoir acheter toutes les sociétés travaillant de
l'amiante au Québec, y compris Atlas Asbestos.
On pourrait étendre certainement la discussion
présentement à toutes les sociétées exploitant de
l'amiante, puisque, dans la mesure où cette société a le
pouvoir d'effectuer des activités de nature industrielle, on pourrait
dire: Le gouvernement ne doit pas investir, par exemple, dans Asbestonos. Je
comprends que la présidence a cru bon de juger que la discussion qui a
porté, à ce jour, uniquement sur Asbestos Corporation,
était acceptable dans la mesure où effectivement c'était
un aspect important de la politique gouvernementale, un aspect important sur
lequel le gouvernement a insisté, mais je pense néanmoins qu'il
faudrait. M. le Président, revenir au contenu de la
loi. Le contenu de la loi dit tout simplement que la
société a pour objet l'exploitation de gisements d'amiante. Il ne
dit pas que la société a pour objet la nationalisation d'un
gisement ou de tous les gisements d'amiante au Québec. D'ailleurs, le
gouvernement a clairement manifesté sa répugnance à aller
du côté de la nationalisation et, par conséquent, entend
bien procéder de gré à gré.
Par conséquent, il m'apparaît présentement que
l'Opposition voudrait extrapoler encore davantage le débat de
manière sans doute à pouvoir le faire durer un peu plus
longtemps, mais il m'apparaît, M. le Président, que
malheureusement nous sommes très loin de l'objet de la présente
loi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Durant
les quelques heures de l'ajournement, j'ai réfléchi sur cette
question, et surtout aux paroles qui avaient été
prononcées par le député de Drummond lorsqu'il
présidait cette commission, suite à la présentation de la
motion par le député de Marguerite-Bourgeoys. Tout d'abord, je
n'ai pas le texte ici, devant moi, mais je pense que le député de
Drummond avait alors déclaré que si cette motion était
présentée, ce ne serait peut-être pas la seule circonstance
dans laquelle elle pourrait être présentée au début
de l'article 4. Il m'apparaît qu'elle pourrait être recevable.
J'indique bien par là que le député de Drummond
précisait que cette motion pourrait certainement être
présentée à l'article 4 et pourrait être
déclarée recevable, de telle sorte que je ne me sens lié,
en aucune façon pour en avoir parlé à l'heure du
dîner avec le député de Drummond par les paroles
qu'il a prononcées à cette séance.
Je suis d'accord avec le député de Saint-Laurent lorsqu'il
dit que la motion en question est pertinente, puisque dans les discussions que
nous avons eues, nous avons parlé d'acquisition, de gré à
gré ou d'expropriation. Je pense qu'on ne peut ignorer ça.
D'autre part, une motion pertinente n'est pas nécessairement
recevable, alors qu'une motion doit nécessairement être pertinente
pour être recevable. Il ne fait aucun doute que votre motion est
pertinente. La question qu'il faut se poser: Est-ce qu'une motion... elle est
pertinente au débat, certainement, puisque nous avons parlé
d'acquisition de gré à gré, nous avons parlé
d'expropriation. Mais est-ce qu'une motion pertinente au débat est
nécessairement recevable dans le cadre de l'étude, article par
article, d'un projet de loi?
Je dis par exemple qu'une motion doit au moins avoir la qualité
d'être pertinente pour avoir une chance d'être
déclarée recevable. C'est d'ailleurs la première
qualité qu'elle doit avoir...
M. Forget: ... suffisant.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pour le
moment nécessaire, vous verrez tout à l'heure. Donc, notre mandat
est d'étudier, article par article, le projet de loi et, comme le
député de Saint-Laurent l'a si bien dit, l'article 4 ne parle pas
d'expropriation. Si on lit la motion, même si je ne nie pas que le
gouvernement veuille éventuelle- ment acquérir, peut-être
par expropriation, la société Asbestos Limitée, on demande
les études juridiques sur lesquelles le gouvernement s'appuie pour
prétendre pouvoir acquérir, par expropriation, la
société Asbestos Limitée.
Je vais rendre un jugement qui est le suivant, un jugement simplement
fondé sur la motion telle que libellée sur le droit. Avec ce que
j'ai devant moi, je dis qu'il n'y a aucun motif juridique, il n'y a aucun
fondement juridique dans la loi, devant nous, sur lequel le gouvernement
pourrait s'appuyer pour prétendre acquérir Asbestos Corporation
ou toute autre compagnie. Je dis qu'en vertu de la loi actuelle, telle que
rédigée, le gouvernement ne peut procéder par
expropriation, que le gouvernement devra nécessairement poser un autre
acte législatif ou administratif pour ce faire; je pense que ce serait
un acte législatif. Nous serions probablement alors appelés
à revenir en commission parlementaire, étudier article par
article cet autre acte législatif. Mais il m'apparaît absolument
impensable de demander sur quel fondement juridique se base le gouvernement
pour acquérir une société alors que dans la loi
elle-même, ce pouvoir ne lui est même pas donné.
Le pouvoir qui est donné à la société, dans
la loi, c'est d'exploiter un gisement d'amiante, et non pas d'exproprier un
gisement d'amiante.
Comme vous voyez, c'est exclusivement juridique. Je me sers
peut-être un peu de ma formation pour rendre ce jugement, mais je me dis:
Comment peut-on essayer de découvrir, dans cette loi, le fondement
juridique qui permettrait à la Société nationale de
l'amiante de nationaliser une compagnie?
Connaissant la subtilité, l'intelligence et la formation
juridique du député de Marguerite-Bourgeoys et l'ayant même
vu barrer les mots "par expropriation", si j'étais à sa place, je
suis sûr que je présenterais une nouvelle motion en enlevant les
mots "par expropriation".
J'avais prévu que peut-être le député de
Marguerite-Bourgeoys présenterait cette nouvelle motion et je lui dis
immédiatement que je la déclarerais irrecevable parce que toute
société, toute personne physique ou morale, en étant
constituée, a la personnalité juridique, et donc, a la
personnalité juridique d'acheter, de vendre, d'acquérir, de
gré à gré, par consentement, l'acte de vente ou d'achat
normal prévu au Code civil du Québec. Cette
société, pour moi, en étant constituée par une loi,
a ces pouvoirs normalement dévolus à une personne qui a la
personnalité juridique.
A partir de ce moment-là, je me demande sur quels motifs
juridiques le gouvernement s'appuie-t-il pour pouvoir acquérir. Comment
peut-on acquérir? Par expropriation, et je viens de régler le
problème. L'autre moyen d'acquérir, c'est de gré à
gré, par consentement, par voie normale.
Je me dis que le fondement juridique, c'est la loi elle-même,
c'est le Code civil, c'est la personnalité juridique de la
société. A ce moment-là, je déclarerais, si elle
était présentée, également irrecevable cette
motion.
Je suis sûr que j'ai peut-être présumé, mais
il m'apparaissait normal qu'une telle motion pourrait
être présentée à nouveau. J'ai voulu rendre
ce jugement immédiatement, pour avoir prévu cette argumentation
possible.
M. Bérubé: M. le Président, est-il exact de
dire qu'elle est, soit irrecevable, soit inintelligible?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai dit
qu'elle serait irrecevable.
M. Lalonde: M. le Président, vous avez
préjugé d'une motion que je n'ai pas
présentée...
M. Bérubé: On vient d'en économiser une. (20
h 30)
M. Lalonde: ... que je n'ai pas eu l'occasion de défendre.
Je laisse cela à votre appréciation. Il reste toutefois que je
serais curieux de connaître les motifs, sinon les motifs juridiques, les
motifs sur lesquels le gouvernement s'appuie pour prétendre pouvoir
acquérir la société Asbestos.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne
l'avais pas prévue, celle-là.
M. Lalonde: Je serais fort curieux je pense que cela
intéresse toute la population de connaître les,motifs sur
lesquels le gouvernement s'appuie pour pouvoir prétendre acquérir
Asbestos Corporation. Je ne veux pas en faire un aride débat juridique.
Je pense que vous avez...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Prima
facie, elle m'apparaît meilleure.
M. Lalonde: Elle paraît beaucoup meilleure. Je n'ai pas le
texte ici.
Une Voix: C'est un encouragement.
M. Lalonde: II s'agirait d'enlever dans la motion les mots
"juridiques " et "par expropriation". Je pense que je viens de bonifier, que je
viens d'ajouter des vertus, inexistantes auparavant, à mon ancienne
motion. Je pense qu'à ce moment-là, le ministre serait
libéré des contraintes que ma première motion contenait.
Je pense qu'elle est parfaitement recevable. Vous n'avez pas dit qu'on ne peut
pas parler de la société Asbestos Ltée. Je pense qu'au
contraire, vous avez dit qu'on ne peut pas ignorer...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'ailleurs, il y a déjà des jugements antérieurs où
j'ai permis des motions semblables.
M. Lalonde: II s'agit donc que le ministre donne les motifs sur
lesquels le gouvernement s'appuie pour prétendre pouvoir acquérir
la société Asbestos Ltée.
M. Laplante: Sur la recevabilité, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Très brièvement.
M. Laplante: Oui. Je doute qu'une telle motion puisse être
recevable. On vient d'accepter le projet en deuxième lecture sur des
motions de fond. Il y a une discussion de fond qui a été faite
à l'Assemblée nationale. Il me semble que les arguments qui sont
apportés ici, en commission parlementaire, sont les mêmes que ceux
présentés à l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
sais.
M. Laplante: C'est délicat.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
d'accord.
M. Laplante: Avant de dire qu'elle est recevable...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne
l'ai pas dit encore, M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Je prendrais le temps, si vous me permettez, M. le
Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si vous
pensez pouvoir me convaincre...
M. Laplante: Oui. On recommence, par cette motion, tout un
débat qui s'est fait en deuxième lecture. Ce n'est pas le but de
la commission actuellement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non,
c'est un par parti.
M. Laplante: C'est très clair, la façon dont elle
est faite. La motion est très bien faite.
M. Grégoire: ...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
mais j'avais offert au député de Bourassa de parler
également sur l'autre.
M. Grégoire: Je ne sais pas si c'est un par parti parce
que, tout à l'heure, vous avez permis à deux de parler sur
l'amendement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Normalement, c'est un par parti, mais, quand j'en permets deux à un
parti, je permets... sauf pour l'Union Nationale, évidemment; je ne peux
pas permettre à monsieur qui accompagne le député de
Richmond de parler.
M. Brochu: Bien que, si vous le préférez, je peux
revenir deux fois.
M. Paquette: On peut toujours s'arranger.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Allez-y,
M. le député de Bourassa, mais très brièvement.
M. Laplante: D'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Très brièvement.
M. Laplante: D'accord, mais on va laisser le reste à mon
associé, le député de Frontenac.
M. Grégoire: C'est la décision que je voulais
avoir.
M. Laplante: Allez-y.
M. Grégoire: Avais-tu fini? Ce n'était qu'une
précision, un renseignement que je voulais avoir. Est-ce qu'on demande
ici un dépôt de documents? On demande une déclaration
ministérielle.
M. Lalonde: Qu'il expose les motifs. M. Forget: Qu'il
explique. Une Voix: L'article?
M. Laplante: Juste pour répondre, ce serait pour vous
demander de lire l'article 63, le premier paragraphe; le lire tout seul, avec
toute votre pensée profonde.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous me
demandez beaucoup.
M. Laplante: Oui, je vous en demande beaucoup.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'ailleurs, c'est un article, M. le député de Bourassa, que vous
avez déjà invoqué.
M. Laplante: Oui, il n'est pas bête, cet
article-là.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je suis
prêt à rendre une décision. Remarquez que la motion du
député de Marguerite-Bourgeoys s'apparente beaucoup plus à
une question, en fait; il invite un ministre à donner des motifs. Cela
aurait pu faire l'objet d'une question. C'en est presque une sous forme de
motion, sauf qu'il faut, je suis d'accord avec votre argumentation sur...
L'article 63-1 existe et il y a d'autres articles également qui disent
qu'on ne peut pas parler à l'encontre d'un principe, mais, justement, il
faut se demander ce qu'est le principe et ce que n'est pas le principe dans ce
projet de loi.
Il n'y a pas d'erreur que la constitution de la Société
nationale de l'amiante est un principe, mais les objets, les fonctions, les
attributions, les pouvoirs que l'on donne à cette société,
pour moi le principe est la constitution de cette société
ne m'apparaissent pas des principes. J'ai déjà dit
qu'à partir du moment où on parlait de l'exploitation de
gisements d'amiante, cela donnait ouverture à énormément
de discussions. Je ne pense pas que le fait que la Société ait
pour objet de faire de la recherche, la recherche devienne un principe. Je ne
pense pas que, le fait qu'on dise que la société peut faire du
dévelop- pement, cela devienne un principe du projet de loi. On aurait
beaucoup de principes. Que l'exploitation devienne un principe... ce sont des
pouvoirs que la loi donne à une société, mais, concernant
la création de la société, par exemple, je ne permettrai
jamais une discussion sur le fait que cette société-là ne
devrait pas exister. Cela irait à l'encontre du principe.
M. Lalonde: II ne devrait pas y avoir d'objet. Une motion pour
enlever tous les objets irait contre le principe.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mais le
fait de dire: La société devrait avoir seulement comme objet la
recherche et le développement et on pourrait enlever le mot
exploitation... d'ailleurs, raisonnons par l'absurde, est-ce que je pourrais
recevoir une motion qui aurait pour but de retrancher, dans le paragraphe a de
l'article 4, les mots "et l'exploitation "? Moi, je dis que oui.
A partir du moment où je déclare "oui " à une
question semblable, je déclare "oui" à la motion du
député de Marguerite-Bourgeoys, puisque ce ne sont pas des
principes, le développement, la recherche, et l'exploitation, ce sont
les objets, les attributions.
D'ailleurs, dans toute loi constitutive d'une société
quelconque, on donne des pouvoirs, des attributions à ces
sociétés-là, et je pense que c'est de bon aloi d'en
discuter. En tout cas, cela ne m'apparaît pas aller contre le principe du
tout, bien objectivement, et même si, au strict niveau de la
procédure, cela m'apparaît... on aurait pu, chaque fois...
Une Voix: Une demande de directive.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'ailleurs, on a eu une directive, nous-mêmes, les présidents,
soit de faire attention de donner des réponses à des demandes de
directives lorsqu'une décision vient d'être rendue sur une
motion.
M. Lalonde: Surtout quand vous êtes en train de rendre une
décision, c'est encore pire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai
remarqué que tous les partis politiques, quels qu'ils soient, sont
portés, et certaines personnes se reconnaîtront sans doute, bien
souvent, après une décision, à demander une question de
directive à la présidence. Mais, de toute façon,
posez-la.
M. Bérubé: II faut reconnaître, M. le
Président, que pour extraire toute la substantifique moelle d'une
décision que vous rendez, il est important d'en saisir toute
l'implication de manière à ne pas...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On ne
peut pas les gagner toutes et on ne peut pas les perdre toutes.
M. Bérubé: C'est cela, de manière à
ne pas
commettre d'impair dans nos interventions. Est-ce que je peux savoir
exactement...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Remarquez que je ne calcule pas.
M. Grégoire: Voyons, le président fait de
l'obstruction, le président est en train de "filibuster" la loi.
M. Bérubé: Nous ne voudrions pas commettre
d'impair. Ne vous semble-t-il pas, M. le Président... Vous venez de dire
que vous accepteriez un amendement pour rayer "et l'exploitation de gisements"
parce que là, ce serait effectivement une discussion portant
spécifiquement sur un objet de la loi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non,
j'ai dit qu'un amendement je ne me suis pas lié encore mais,
prima facie qui aurait pour but soit d'enlever le mot "recherche", soit
d'enlever le mot "développement", soit d'enlever le mot "exploitation"
dans le paragraphe a), par exemple, de l'article 4 m'apparaîtrait
recevable puisque, pour moi, le grand principe de la loi 70, c'est la
création de la Société nationale de l'amiante, mais il
peut arriver que les parlementaires décident de lui confier le
développement et l'exploitation et non pas la recherche, la recherche et
le développement et non pas l'exploitation, ou le développement
et l'exploitation et non pas la recherche; ce ne sont pas quatre principes,
tous les mots de la loi ne sont pas des principes.
M. Bérubé: Alors, ne devrait-on pas, à ce
moment-là, pour déclarer recevable toute future motion que nous
aurons à débattre, la faire porter spécifiquement sur
l'article 4, soit les objets de cette loi. En d'autres termes...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II est
bien sûr que le jugement que je viens de rendre permet sans doute au
député de Marguerite-Bourgeoys de prévoir qu'un amendement
semblable pourrait être déclaré recevable, mais ce n'est
pas à moi de dire: Retirez votre motion et présentez une motion
d'amendement pour enlever le mot "exploitation". Ce n'est pas mon
problème.
M. Bérubé: M. le Président, à titre
d'exemple; dans le rapport du ministre de l'Expansion économique
régionale, on recommande l'achat d'As-bestonos. Est-ce que vous jugeriez
recevable une motion voulant que le gouvernement justifie les raisons pour
lesquelles il n'achète pas Asbestonos ou que, prenons cette formule,
cette commission invite le ministre des Richesses naturelles à exposer
en détail les raisons pour lesquelles il n'achète pas Asbestonos.
Est-ce que ce serait une motion recevable dans votre esprit?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non,
parce que, dans le débat actuel, je n'ai jamais entendu parler
d'Asbestonos, mais d'Asbes-tos Corporation. Si, dans la motion, on parlait
je ne sais pas, j'ai entendu parler de plusieurs mines, de BC1, BC2
je la jugerais irrecevable parce que je n'ai jamais entendu dire que le
gouvernement voulait acheter BC1. J'ai entendu parler...
M. Grégoire: L'Asbestos Corporation.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De toute
façon, c'est un exemple que je vous donne.
M. Bérubé: Ce qui montre là le danger,
à mon avis, M. le Président, d'aller au-delà du texte
même d'un projet de loi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre, ma décision est rendue. De toute façon, je n'ai pas
l'habitude de rendre des décisions sur des motions hypothétiques
qui pourraient m'être présentées, mais je pense que, pour
avoir présidé plusieurs commissions parlementaires et pour avoir
vu des lois dans ma vie, il faut faire la distinction entre la création
et les pouvoirs d'une société. Les pouvoirs ne sont pas des
principes. C'est la création de la société qui devient le
principe dont on n'a pas le droit de discuter et qu'on n'a pas le droit de
remettre en cause en commission parlementaire.
C'est clair, mais il y a des lois qui donnent de multiples pouvoirs
à une société d'Etat. Il pourrait y avoir 25
alinéas ici. Est-ce que cela voudrait dire que tous les pouvoirs que
l'on donne à la société ne sont pas discutables? La
création de la société n'est pas discutable, mais on peut
lui enlever un pouvoir et on peut aussi lui en donner un nouveau. Il n'y a rien
qui m'empêcherait de déclarer recevable, par exemple, une motion
d'amendement à l'article 4a qui aurait pour but de donner un nouveau
pouvoir à la société. Cette motion pourrait même
être présentée par le gouvernement et cela n'irait pas
à rencontre d'un principe. On n'est pas encadré dans le
ciment.
M. Lalonde: M. le Président, permettez-vous une question
de règlement?
Je sais que c'est par l'effet de votre courtoisie que vous
tolérez cette espèce de discussion actuellement avec un membre de
la commission, mais étant donné que vous êtes le protecteur
du règlement et, en particulier, de l'Opposition, je vous offrirais ma
protection.
J'aimerais protéger la présidence contre le danger
justement de faire des discussions à double sens, dans le bon sens du
mot, avec un membre de la commission. Il me semble que cela ne fait pas
tellement avancer le débat, mais je sais que vous le faites,
naturellement, pour tenter de convaincre tous les membres.
Puis-je vous demander si vous avez rendu votre décision sur la
recevabilité ou êtes-vous prêt à la rendre?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense
qu'elle a été rendue.
M. Lalonde: Elle a été rendue. Donc, ma motion est
recevable.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.
M. Grégoire: Elle est recevable?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Oui.
M. Grégoire: Sur la...
Une Voix: Vous venez de la rendre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne
l'avais pas dit? Je le dis.
M. Lalonde: Alors, M. le Président... M. Grégoire:
Sur la dernière?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Oui, la dernière, parce que les deux autres... Celle qui a
été présentée et celle qui a été
présumée, même présumée d'ailleurs...
M. Grégoire: C'est une motion à quel effet?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Ecoutez un peu, M. le député de Frontenac.
M. Grégoire: Je voudrais la saisir parce que là, on
ne nous a pas passé une nouvelle motion...
M. Paquette: ... la mémoire...
M. Grégoire: ...une ancienne motion où on a
enlevé les termes... Une ancienne motion qui avait été
déclarée recevable, de laquelle on a enlevé des
mots...
M. Lalonde: C'est malheureux.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De
laquelle on a enlevé les mots "juridique ' et "par expropriation ",
répondant par là au motif que j'avais invoqué au soutien
de ma première décision.
Je ne vous demande pas d'être d'accord.
M. Grégoire: Cela doit être des motifs sportifs, je
suppose, si ce ne sont pas des motifs juridiques, ou ce sont peut-être
des motifs culturels. Je ne sais pas, M. le Président. Je n'ai pas
compris... J'aurais réellement besoin d'une directive.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Demandez-la.
M. Grégoire: Parce que si on présente une motion,
il faudrait tout de même savoir ce que c'est. On nous a
présenté une motion demandant au ministre de fournir les motifs
juridiques sur lesquels le gouvernement s'appuie. On a enlevé le mot
"juridique". Il y a les motifs. Je voudrais savoir...
M. Lalonde: C'est cela.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je l'ai
déclarée recevable.
M. Grégoire: Parce que si on discute d'un
amendement...
M. Lalonde: Laissez-moi la défendre.
M. Grégoire: ...une motif culturel, intellectuel, sportif,
pictural, littéraire, psychologique, psychiatrique, philosophique,
métaphysique, chimique, minéralogique, politique ou quoi?
Economique? On discute sur quoi, M. le Président?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On n'a
pas encore commencé à discuter, M. le député de
Frontenac.
M. Lalonde: M. le Président, j'ai présenté
cette motion et on voit la curiosité...
M. Grégoire: Le motif juste à la fin...
M. Lalonde: ...du député de Frontenac, qui est
curieux, à bon droit, dans le bon sens du mot; cela témoigne bien
de la pertinence de ma motion et surtout du bien-fondé de votre
décision, à savoir...
M. Grégoire: ...protéger la présidence avec
de telles motions!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Frontenac, s'il vous plaît! S'il vous
plaît!
M. Lalonde: ...que cette motion répond à un besoin
naturellement des députés de cette commission parlementaire et
aussi de la population de connaître les motifs sur lesquels le
gouvernement s'appuie pour prétendre pouvoir acquérir la
société Asbestos Limitée.
Je laisserai au député de Frontenac les aspects
imaginaires qu'il peut invoquer. Je le laisserai, par exemple, songer aux
motifs culturels et psychiatriques puisqu'il a mentionné cet...
M. Grégoire: J'admets que vous avez besoin d'avoir des
motifs psychiatriques. Ceux-là, je vous les laisse. (20 h 45)
M. Bérubé: Les motifs psychiatriques... Vous avez
vraiment besoin de cela.
M. Grégoire: Aux membres et intervenants de cette
commission, vous en avez besoin.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Lalonde: M. le Président, le député de
Frontenac vient de perdre encore dix secondes.
M. Bérubé: Dix secondes de votre temps.
M. Grégoire: Dix de plus ou de moins. Vous ne sauriez pas
quoi dire pendant 20 minutes d'une manière ou d'une autre.
M. Lalonde: Je pense que ce qui intéresse
particulièrement les députés de l'Opposition, _- ce
qui m'intéresse, ce sont les motifs d'ordre économique, les
motifs de rentabilité; les motifs d'ordre politique, on en a eu
beaucoup. Ce n'est pas très cohérent, mais quand même on en
a eus. Je voudrais m'attacher aux motifs d'ordre juridique, M. le
Président. Cela est compris dans les motifs en général du
gouvernement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
inciterais à ne pas parler des motifs juridiques puisque la loi ne
permet pas à la société d'acquérir par
expropriation.
M. Grégoire: Mais c'est basé sur les
expropriations. Il faut que vous admettiez les motifs juridiques.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
c'est ce que je viens de dire.
M. Lalonde: Dans les motifs sur lesquels s'appuie le
gouvernement, M. le Président...
M. Grégoire: C'est le motif, M. le Président. Il
faut que vous admettiez les motifs juridiques.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît, M. le député de Frontenac. Toutes vos
remarques...
M. Brochu: Je pense qu'il vient de toucher un point...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... ont
pour effet de railler la décision du président et cela, je ne
l'admets pas. Que vous ne soyez pas d'accord, je le comprends, mais que vous ne
la respectiez pas, cela n'est pas normal. Je comprends que vous avez
respecté les deux premières décisions que j'ai rendues, je
ne comprends pas que vous ne respectiez pas la troisième.
M. Grégoire: Est-ce que je peux demander une directive, M.
le Président?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II n'y a
pas de directive. La décision est rendue. Le député de
Vanier a démissionné comme président. Il a
été nommé adjoint parlementaire. On en a peut-être
besoin d'un neuvième; allez donner votre nom. Vous serez peut-être
choisi.
M. Grégoire: Comme quoi?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Comme
président, mais pour le moment c'est moi qui préside.
M. Grégoire: Non, on ne peut pas être là tous
les deux. Je ne peux pas avoir de directive. Je ne comprends plus rien.
M. Lalonde: M. le Président, la motion demande au ministre
d'exposer en détail les motifs sur lesquels le gouvernement s'appuie. Il
n'y a au- cun doute que lorsque vous nous avez dit que les motifs juridiques
n'étaient pas acceptables, mais que les motifs en général
le sont, à ce moment-là...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cela
exclut les motifs juridiques, par la première décision.
M. Lalonde: Si ma motion était acceptée comme
incluant tous les motifs...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce ne
sont pas tous les motifs. Ce sont les motifs et on ne peut pas enlever votre
première motion et ma première décision. Je pense que
c'est implicite en fait. Ce sont les motifs autres que juridiques. Je viens
d'en rejeter une avec les motifs juridiques. Je pense qu'il ne faudrait pas
faire indirectement ce que je vous ai défendu de faire directement.
M. Lalonde: M. le Président, à ce moment-là,
je croyais que le général incluait...
Une Voix: L'Opposition.
M. Lalonde: ... le particulier.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il n'y
avait pas eu de première décision, oui, mais il y a eu une
première décision excluant les motifs juridiques.
M. Grégoire: Ou la part d'expropriation, lequel des
deux?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Et par
expropriation. Le mot "juridique " a été accolé,
évidemment, au mot "expropriation ".
M. Lalonde: Pour l'instant, M. le Président, je ne pourrai
pas, en me soumettant à votre décision, poser des questions au
ministre sur les problèmes de juridiction, par exemple, qui pourraient
rencontrer ceux concernant l'expropriation, l'acquisition des actions ou des
actifs. Ce sera pour un autre moment. Les motifs d'ordre économique sont
naturellement les motifs qui intéressent le plus les membres de cette
commission et aussi la population. J'ai eu l'occasion, à plusieurs
reprises, de discuter avec des électeurs du comté de
Marguerite-Bourgeoys du projet d'acquisition de la société
Asbestos. Naturellement, lorsqu'on parle du comté de
Marguerite-Bourgeoys, on ne parle pas de la région de l'amiante. A
plusieurs reprises, le député de Frontenac en particulier, et les
autres membres de cette commission, ont invoqué l'intérêt
de la région de l'amiante et il nous est nécessaire, comme
membres de l'Assemblée nationale, de tenir compte aussi des
intérêts de chacune des régions dans le
développement économique. Mais il reste que j'aimerais que le
ministre explique ses motifs d'ordre économique parce que la population
qui demeure dans d'autres régions que celle de l'amiante va être
impliquée dans le projet et va devoir, naturellement, payer le prix.
M. Grégoire: Si le député me permet une
question.
M. Lalonde: A la fin, après.
M. Grégoire: Demain soir, on va dans le comté de
Saint-Laurent...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, à l'ordre!
M. Grégoire: ... pour expliquer à la population du
comté de Saint-Laurent la politique de l'amiante. Si le
député de Saint-Laurent veut venir, nous l'invitons.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: Allez-vous venir? Etes-vous prêt
à venir l'expliquer?
M. Fcrget: J'ai des occupations fort spéciales à
Québec, comme vous le savez, cette semaine.
M. Grégoire: Faites-vous remplacer par le
député de Marguerite-Bourgeoys, ce n'est pas loin.
M. Lalonde: J'ai le même genre d'occupations.
M. Forget: ...
M. Lalonde: Quand vous viendrez dans le comté de
Marguerite-Bourgeoys, j'espère que vous nous le direz assez longtemps
à l'avance et que vous viendrez un lundi soir.
M. Forget: ... de faire déplacer le congrès de fin
de semaine à cause de cela.
M. Grégoire: Cela pourrait être un vrai
congrès.
M. Lalonde: II reste que les électeurs de
Marguerite-Bourgeoys sont intéressés à savoir quelle est
la cohérence économique, quels sont les motifs d'ordre
économique qui vont justifier une décision qui les affecte autant
que n'importe quel autre citoyen, une décision qui les affecte dans
leurs taxes, dans les obligations et les engagements qu'ils devront prendre,
qui vont être pris par le gouvernement en leur nom. Je pense que, trop
souvent, on leur dit: Ecoutez, vous autres, vous n'êtes pas de la
région de l'amiante, ça ne. vous regarde pas, qu'est-ce que vous
faites ici? Cela n'a pas été dit de cette façon, mais
c'était sous-entendu dans plusieurs des interventions, surtout des
députés qui sont de la région de l'amiante. Pas le
député de Richmond, il a été extrêmement poli
là-dessus, mais souvent le député de Frontenac se permet
de commettre ce genre de déclaration.
Les électeurs de Marguerite-Bourgeoys et leur
député sont de plein droit dans ce débat et sont aussi
intéressés que les électeurs du beau comté de
Frontenac dans la décision à prendre, dans la décision
prise et qui, j'espère, va être changée, mais qui devra
être prise en fonction de leurs intérêts, à tout le
monde.
M. Grégoire: Vous auriez dû consulter la population
de Frontenac avant les dépenses extraordinaires des Jeux olympiques.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: On veut noyer le poisson, on veut noyer le
poisson.
M. Grégoire: Cela coûte beaucoup plus cher, c'est $1
milliard, c'est $1 milliard qu'on est obligé de payer pour vous
autres.
M. Lalonde: Au moins, vous avez la chance ici de pouvoir vous
préparer, de ne pas être mis devant un fait accompli, de ne pas
avoir une échéance déterminée; vous avez la chance
de déterminer vous-mêmes vos propres échéances et de
préparer votre dossier avant de prendre la décision. C'est
ça qui intéresse les électeurs du comté de
Marguerite-Bourgeoys. Je pense que tous les députés, le
gouvernement, et le député de Frontenac en particulier, doivent
donner des explications sur les motifs d'ordre économique. Pourquoi
est-on obligé d'acheter la société Asbestos
Ltée?
M. Grégoire: On n'est pas obligé.
M. Lalonde: II semble qu'on soit obligé, est-ce que la
décision est simplement une parade?
M. Bérubé: On veut.
M. Lalonde: On veut, c'est ça. La volonté
politique. Ah, je vois ça, la volonté politique.
M. Bérubé: Ah, c'est une chose que vous n'avez
jamais comprise. Ils n'ont jamais compris ce qu'était une volonté
politique, c'est ça le problème; ils n'en ont jamais eu.
M. Lalonde: Si c'est ça la volonté politique, M. le
Président, ça ressemble beaucoup plus à du caprice
politique qu'à de la volonté politique. Qu'on donne les
motifs...
M. Grégoire: C'est de vouloir agir.
M. Lalonde: Vouloir agir, d accord, mais pas faire n'importe
quoi, pas faire n'importe quoi.
M. Grégoire: Mais les Jeux olympiques, on vous a
laissé ça.
M. Lalonde: Alors, ici, la société Asbestos
Ltée, est-ce que c'est absolument nécessaire? La seule raison
qu'on a invoquée jusqu'à maintenant, c'est l'approvisionnement.
On a vu, encore aujourd'hui, M. le Président, c est peut-être un
autre motif d'ordre économique que le ministre pourrait nous
expliquer... Est-ce que le fait que la demande
baisse, par voie de conséquence, que les capacités de
production qui sont ici au Québec dépassent la demande, est-ce
que ça ne change pas un des éléments les plus fondamentaux
dans la décision d'acheter une compagnie, d'acheter une mine...
M. Forget: C'est la reconciliation.
M. Lalonde: M. le Président, les bouffonneries du
député de Frontenac étant terminées, je demanderai
au ministre si le fait que la demande diminue, si on se fie aux chiffres de
1977 rendus publics aujourd'hui peut-être le ministre les
connaissait-il auparavant; peut-être que son ministère avait
été informé, avait obtenu ces chiffres, mais, quant
à la population, elle a appris ce nouvel élément
aujourd'hui révélant que la production de l'amiante au
Québec a diminué de 6% en 1977, comparativement à 1976 qui
avait déjà diminué d'un pourcentage que j'ignore mais qui
est assez considérable sur les chiffres, non pas de 1975, à cause
des difficultés de production qu'on a connues, mais de 1974.
Est-ce que ce n'est pas là un élément important, un
élément capital, qui devrait être pris en
considération par le gouvernement pour modifier toute la dialectique sur
laquelle le gouvernement s'est appuyé, pour conclure qu'il fallait
absolument acheter Asbestos Corporation, pour mette en place la politique de
transformation de l'amiante, la politique de salubrité, la politique de
création d'emplois dans le secteur secondaire, le secteur de pointe,
objectifs qui sont partagés par toute la population de façon
très générale? La population comprend également que
le gouvernement s'implique directement, d'une façon ou d'une autre. On
peut différer sur la manière d'agir, mais que le gouvernement
s'implique dans une intervention en la matière, c'est-à-dire de
transformation.
C'est cela, au fond, qui n'a pas encore été
expliqué et que les gens ont beaucoup de difficulté à
comprendre. Pourquoi le gouvernement ne l'explique-t-il pas? Seulement dire que
c'est la volonté politique n'est pas suffisant. Les gens de
Marguerite-Bourgeoys qui vont devenir propriétaires de cette
société pourquoi pas une autre société et
qui vont devoir signer le chèque, comme tous les autres citoyens, au bas
de la page, ont droit de savoir pourquoi le gouvernement doit dépenser
des dizaines de millions de dollars est-ce que cela sera $50 millions,
$100 millions, $150 millions? On ne le sait pas pour acquérir une
mine, alors que l'approvisionnement semble de moins en moins être une
condition essentielle pour se lancer dans des entreprises de
transformation.
C'est ce que je voudrais que le ministre nous explique. On a
tenté de trouver des réponses dans les documents qui nous ont
été remis. Le document le plus récent, c'est celui du
groupe de travail fantôme et il est quasi muet là-dessus, sauf une
déclaration, un diktat qui dit: II faut acheter; c'est une conclusion.
On ne la justifie pas, on n'en fait pas la démonstration. Est-ce que le
ministre peut comprendre que c'est l'argent du public et qu'il est totalement
en contrôle de la situation qu'il n'a pas de contrainte de temps? Il faut
agir le plus tôt possible, d'accord. Mais la population va comprendre que
le ministre dise: On va prendre un mois, deux mois ou six mois de plus pour
examiner, de façon très sérieuse, tous ces
éléments, pour ne pas entraîner la population dans une
dépense qui serait inutile.
Par la motion, je voudrais que le ministre le fasse pour que les travaux
de cette commission soient plus positifs, pour qu'on sache exactement pourquoi
le gouvernement agit. Jusqu'à maintenant, il m'apparaît qu'il
s'agit là d'un drapeau tout simplement. Il s'agit d'un symbole. On a
dit: en achetant une société, on se trouve à
démontrer une volonté politique. Mais on n'a pas besoin de la
démontrer de cette façon-là. Au contraire, je pense qu'on
la démontre d'une façon beaucoup plus sérieuse si on
explique pourquoi on fait tel et tel geste, mais le pourquoi économique,
le pourquoi qui, réellement, affecte les goussets de la population.
C'est ce que le monde veut savoir et au niveau de toute la population, pas
seulement la population de la région de l'amiante. Tous les
Québécois sont intéressés à savoir pourquoi
le gouvernement veut acheter la société Asbestos.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre. (21 heures)
M. Bérubé: M. le Président, j'interviendrai
immédiatement, de manière qu'on soit clair quant à mon
intention de répondre. J'ai bien l'intention de répondre à
la question que pose le député de Marguerite-Bourgeoys concernant
les motifs ayant amené le gouvernement à choisir cette option,
soit l'achat de l'Asbestos Corporation. Cependant, de la même
façon que j'ai peut-être fait mauvaise figure, face à
l'opposition systématique que présentait l'Opposition
libérale dans les premières semaines de cette commission, puisque
nous n'avons pas pu aborder l'article premier et que nous nous sommes
contentés de généralités dont l'objectif, suivant
la définition traditionnelle, était d accélérer les
travaux de cette commission, j'ai donc décidé, à ce
moment-là, de ne pas jouer le jeu.
De la même façon, dans le cas présent, il
m'apparaît que lorsque nous discuterons de l'exploitation de gisements,
à l'article 4, il sera possible et loisible à l'Opposition
d'apporter un amendement, par exemple, contestant le droit ou la volonté
du gouvernement de procéder à l'achat d'Asbestos Corporation.
Lorsque nous arriverons à l'article 4 et que nous discuterons
spécifiquement d'un tel amendement que l'Opposition voudra bien
déposer, qui m'apparaîtrait parfaitement recevable, en ce qui me
concerne je ne veux pas engager la présidence, M. le
Président j'aurai certainement plaisir, à ce moment,
à tenter d'expliciter la pensée gouvernementale et je suis
convaincu que les députés de notre gouvernement feront de
même.
Néanmoins, dans la motion que la présidence a
acceptée et la motion que nous discutons présentement, je pense
que la présidence a accepté et a rendu un très mauvais
service à l'Opposition.
Je viens d'écouter des propos décousus, des propos
éminemment soporifiques d'un député surpris de voir la
présidence considérer recevable une motion, chose à
laquelle il ne s'attendait pas. Par conséquent, il a dû
improviser, à la hâte, une petite intervention. Je lui dirai
simplement que, oui, j'ai l'intention d'y répondre. J'ai l'intention d'y
répondre lorsque nous discuterons de l'article 4 et que nous aurons un
amendement en bonne et due forme portant sur le fond de la loi où,
là, je pense que nous jouerons notre rôle de parlementaire. Mais,
en attendant, personnellement, M. le Président, je dis carrément
que je n'ai pas l'intention de répondre à ce moment
précis, mais bien quand viendra une motion véritablement
intelligible et non pas bâclée à la hâte par une
Opposition qui s'est vu rayer deux ou trois mots de sa résolution,
celle-ci étant déclarée à la fois intelligible et
irrevable. A ce moment-là, à la hâte, on se
dépêche de fabriquer une nouvelle motion qui, finalement, ne fait
que contribuer à retarder le débat.
Pour cette raison, je pense qu'il ne siérait pas que je
participe.
M. Lalonde: M. le Président, seulement quelques mots. Je
veux que le ministre se rende compte que son refus de répondre à
la question, au moment où elle est posée, oblige surtout
la façon dont il a refusé presque l'Opposition à
présenter un amendement qu'on n'aurait peut-être pas eu à
présenter, lorsque nous serons arrivés à l'article 4, si
on avait eu les réponses.
M. Grégoire: On ne vous fera pas confiance pour cela, on
vous connaît à présent.
M. Lalonde: II ne pourra pas se plaindre qu'on soit obligé
de faire des gestes qui sont simplement inutiles, sauf dans la mesure où
c'est la seule façon d'obtenir des réponses.
M. Grégoire: On vous connaît à
présent, on ne vous fait plus confiance.
M. Paquette: Je trouve cela tout à fait... M. Laplante:
Enfantin. M. Grégoire: Enfantin.
M. Paquette: ... surprenante cette attitude du
député de Marguerite-Bourgeoys, quand on sait que tout le
débat de deuxième lecture a porté essentiellement sur
l'achat ou le non-achat de la société Asbestos et non sur la
transformation, puisque tout le monde est d'accord là-dessus qu'il y ait
plus de transformation d'amiante au Québec. Là, il vient nous
dire qu'ils ne sont pas suffisamment sûrs de leur position pour
présenter un amendement dans le sens de ne pas acheter Asbestos
Corporation. C'est cela que vous venez de dire.
M. Lalonde: Question de règlement.
M. Paquette: Vous venez de dire qu'on va vous forcer à
présenter cet amendement. Je trouve cela étonnant, après
le débat que vous avez fait en deuxième lecture.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! A l'ordre! Est-ce que vous voulez rectifier, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys? Est-ce que vous avez fini votre
intervention, M. le député de Rosemont?
M. Paquette: Oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'article 96. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Le député de Rosemont change
complètement les propos que j'ai eus. J'ai simplement dit au ministre
que s'il avait répondu à la question qui est contenue dans la
motion, on ne serait peut-être pas obligé, si on avait les
explications suffisantes, de présenter un amendement. J'espère
que la façon tortueuse dont le député de Rosemont a
transposé mes propos est seulement l'effet d'un accident.
M. Paquette: Vous voulez dire que toutes les raisons pour
lesquelles vous avez voté en deuxième lecture contre le projet de
loi et oontre l'achat d'Asbestos Corporation n'étaient pas suffisamment
solides pour que votre position soit arrêtée maintenant?
M. Lalonde: Non, ce n'est pas cela.
M. Paquette: Vous attendez les explications du ministre pour
savoir si vous allez être pour ou contre l'achat d'Asbestos. C'est cela
qui me surprend.
M. Lalonde: Non, rectification, M. le Président, l'article
96. Ce qu'on a dit, c'est qu'on n'avait pas suffisamment d'explications, de
démonstrations de la part du gouvernement pour voter pour en
deuxième lecture et on n'en a pas encore davantage actuellement, mais
c'est notre devoir, comme députés, d'en demander chaque fois
qu'on a l'occasion de le faire, parce que c'est notre devoir que la
lumière soit faite là-dessus.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, j'ai noté dans les
propos du ministre deux choses assez remarquables. Il nous a dit, et ce n'est
pas la première fois, qu'il nous répondrait un jour lorsqu'on
arriverait à une étape ultérieure de l'étude du
projet de loi. On commence à être un peu habitués à
ce genre de promesse. On a eu, lors des travaux préliminaires en
commission parlementaire, la promesse que, dès qu'on aborderait
l'étude, article par article, on en viendrait à des explications
de fond. On n'a pas fait des progrès remarquables de ce
côté, lorsque,
finalement, on a abordé l'article 1 et les articles
subséquents. Encore maintenant, à l'occasion d'une motion
préalable, si l'on veut, à l'article 4, on nous promet que,
lorsqu'on en viendra au paragraphe a) de l'article 4, on va en avoir pour notre
argent. Mais c'est une remise à plus tard continuelle. C'est le premier
point.
Le deuxième point, c'est que le ministre a quand même senti
et c'est visible dans sa remarque, même si l'adoption et la
recevabilité de cette motion ont donné lieu à plusieurs
contestations et à plusieurs débats qu'il y a quand
même un point, qui est peut-être le point central de tout ce
débat et, qui est touché par cette motion. C'est peut-être
un peu curieux, mais, en écoutant les derniers échanges, je me
suis persuadé que, finalement, ce qu'il y a dans la tête de tout
le monde là-dedans, c'est que, de façon concrète, il
s'agit de l'achat de la société Asbestos et, à la fois
ceux qui sont pour et ceux qui sont contre, sont confirmés dans leur
position, à la fois pour ou contre, selon l'impression qu'ils se font de
l'existence ou de l'inexistence des motifs.
C'est tout à fait central que cette motion, et j'aimerais,
malgré tout, et à cause de cela, suggérer au ministre,
dans la réponse qu'il nous fera un jour, un certain nombre de dimensions
de cette question quant aux motifs. Il m'apparaît que l'argument
principal, le motif principal le seul motif, dans le fond, quand on le
débarrasse de toutes les considérations accessoires qui ont
été présentées par le gouvernement est
basé sur la notion d'assurance des approvisionnements, de garanties
d'approvisionnements pour l'industrie de transformation.
M. Bérubé: Cela en est un, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: C'est le seul auquel j'attache la moindre
créance, puisque le reste, ce sont des arguments très
circonstanciels et très accessoires.
M. Bérubé: Je pourrais vous présenter
d'autres motions.
M. Forget: Vous le ferez en temps et lieu. Je peux aussi formuler
cela de façon interrogative: Existe-t-il vraiment d'autres arguments que
l'argument d'approvisionnement? On sera heureux d'en avoir la
démonstration, mais, jusqu'à maintenant, rien ne m'a porté
à croire que le ministre faisait reposer son argumentation,
décrivait ses motifs comme étant autres qu'une question de
garanties d'approvisionnements. En tenant pour acquis que cela constitue
l'argument principal ou, je veux bien, en faire la concession au ministre, un
des arguments principaux, si cela lui fait plaisir, et sous
bénéfice d'inventaire...
M. Bérubé: Pour la vérité.
M. Forget: ... par condescendance ou par esprit de compromis,
peut-être que je le regretterai, M. le Président, mais je ne veux
pas me quereller sur la question de savoir si c'est le seul motif.
C'est certainement, à ce moment-ci, le seul motif qui
m'apparaît avoir été présenté et
expliqué par le gouvernement dans une certaine mesure.
S'il était vrai que l'approvisionnement constitue un objectif
central, la première question qui surgirait à l'esprit serait:
Pourquoi une société minière plutôt qu'une autre,
puisqu'une garantie d'approvisionnements, on peut l'avoir de mille et une
façons, enfin pas vraiment de mille et une façons, mais de plus
d'une façon? Il y a la possibilité de développer un
nouveau gisement, comme celui de l'Abitibi; il y a la possibilité
d'acheter une autre, n'importe laquelle, des mines existantes.
On s'entend rapidement là-dessus; c'est dire que la prochaine
question sera de savoir pourquoi donc celle-là en particulier. A ce
moment-là, pour comprendre la réponse que le gouvernement
présente à cette question... la seule explication qu'on a eue
il faut se rappeler les dates, les dates sont importantes
là-dessus cela a été le raisonnement contenu dans
le fameux rapport Alexandre, qui a été publié en 1975,
mais qui a largement été fait et complété en 1974,
ou au début de 1975. A cette époque-là, la situation de la
société Asbestos était différente, puisqu'il y
courait une rumeur d'ailleurs, elle avait couru quelques années
auparavant selon laquelle la société Asbestos était
en vente. Alors, cela constitue au moins, de façon hypothétique,
la réponse à la question: Pourquoi la société
Asbestos? Parce qu'elle est en vente, les autres ne l'étant pas. Alors,
on a un enchaînement assez logique, pas nécessairement valable,
mais au moins un enchaînement logique dans le sens au moins où le
raisonnement se suit. Pourquoi s'intéresser à une mine pour des
questions d'approvisionnement? Pourquoi cette mine en particulier? Parce
qu'elle est en vente. Bon, le raisonnement va bien tant et aussi longtemps que
chacun des chaînons du raisonnement tient, le chaînon
nécessité de garantie d'approvisionnement, je n'y toucherai pas
pour l'instant, on y reviendra dans d'autres contextes, mais je vais m'attacher
seulement à la question de savoir: Est-ce que, effectivement, la
société Asbestos est en vente? Pour cela, je pense qu'il serait
peut-être utile, pour ce que cela vaut et étant donné que
de toute manière cela peut être intéressant pour les
étudiants du sujet qui pourront avoir la patience de lire le compte
rendu de nos débats, il semble qu'il s'est passé
l'enchaînement de circonstances suivant du côté de la
société Asbestos. Je tiens évidemment ces renseignements
de gens qui me les ont communiqués sans les avoir vérifiés
dans les archives de toutes les sociétés impliquées, de
façon personnelle, mais comme personne ne s'est jamais donné la
peine, publiquement au moins, de faire cet historique, je le présente
pour ce qu'il vaut.
Il semble que la société Asbestos ait changé de
mains vers la fin des années soixante, vers la fin de 1969 environ. Elle
a été achetée, à ce moment-là, par la
société General Dynamics, en même temps que Canadair a
changé de mains. Cet achat a été suivi, au sein de la
société Dynamics, par une révolution de palais, par un
"take over" d'intérêts financiers nouveaux. Ces
intérêts finan-
ciers et en particulier un actionnaire majoritaire qui réside
à Chicago ont entrepris de faire le ménage de fond en comble de
la société General Dynamics. Parmi les décisions de
l'ancienne administration de General Dynamics se trouvaient un certain nombre
d'actifs que les nouveaux propriétaires de la société ont
jugés, a priori, très sévèrement. En particulier,
la société Asbestos. C'était, une période d'assez
grande noirceur au point de vue de la rentabilité de la
société Asbestos pour toutes sortes de raisons, y compris
l'ouverture de certaines mines en Union Soviétique et une concurrence
assez acharnée qui venait de ce côté depuis quelques
années. Donc, la nouvelle direction de la société General
Dynamics a tenu pour acquis que tout ce qui avait été fait par
l'ancienne direction était mal conçu, était une tentative
de créer un conglomérat ingouvernable, inadmisnis-trable.
M. Bérubé: Presque un changement de gouvernement
quoi!
M. Forget: Presque un changement de gouvernement, mais vous allez
voir la suite de l'histoire, c'est intéressant.
Cependant, quelques années se sont écoulées;
à l'énervement et à l'euphorie de la prise de
contrôle initiale a succédé une période de
réflexion, comme on en voit parfois après un changement de
gouvernement et on s'est décidé...
M. Bérubé: Continuons cette analogie!
M. Forget: ... apparemment, à faire une étude plus
soigneuse de ces actifs, de ces décisions de l'ancienne administration
et on s'est rendu compte, après une analyse minutieuse que, finalement,
la société Asbestos n'était pas un si mauvais placement
après tout.
M. Bérubé: C'est la première fois qu'on
entend cela.
M. Forget: Non, c'est...
M. Grégoire: C'est encourageant.
M. Forget: C'est encourageant pour la société
General Dynamics.
M. Grégoire: Ou pour ceux qui vont avoir I'Asbestos.
M. Forget: N'anticipons pas sur le récit. M.
Bérubé: C'est un conte de fées.
M. Grégoire: Est-ce une histoire ou de l'histoi re?
M. Forget: C'est de l'histoire, mais, comme je vous le dis, je ne
suis pas un historien et je n'ai pas eu accès aux archives; je le
raconte comme il m'a été raconté et je le raconte pour
l'intérêt des membres de la commission. Il y a un
côté...
M. Grégoire: C'est donc du ouï-dire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Forget: ... anecdotique qui, malgré tout, a une
importance parce qu'il explique une partie de la motivation
gouvernementale.
Cette rumeur de vente probable de la société Asbestos a
couru pendant les quelques années et demie ou deux ans qui ont suivi la
prise de contrôle, d'abord de la société Asbestos par
General Dynamics et qui a été suivie, quelques mois après,
par les changements de la direction interne de General Dynamics. C'est vers les
années 1972 ou 1973, approximativement, ou peut-être 1974. que la
société General Dynamics a réévalué la
situation et a décidé que, finalement, ceci était un
investissement qui méritait d'être valorisé et qui
méritait d'être conservé... (21 h 15)
M. Bérubé: ... à ce stade?
M. Forget: Bien, oui, vous pouvez...
M. Bérubé: La société, ayant,
à ce moment, également choisi de façon assez audacieuse
d'investir dans le développement du gisement d'As-bestos Hill, elle a,
de cette façon, augmenté substantiellement la rentabilité
de l'entreprise.
M. Forget: Non. Je ne suis pas d'accord avec le ministre parce
que la décision d'investissement à Asbestos Hill est
antérieure à ce changement d'orientation de la
société General Dynamics qui d'ailleurs, avait fourni des
investissements considérables qui ont été
nécessaires et, d'ailleurs, grossièrement
sous-évalués à l'origine; cela a contribué à
créer ce climat de pessimisme chez les actionnaires principaux puisque,
d'un budget original de $50 millions, on en est arrivé à
dépasser quelque $90 millions pour développer ce site dans
l'Unvaga qui, d'ailleurs, n'est pas d'une rentabilité extraordinaire,
même aujourd'hui.
M. Bérubé: Plus de 50% du "cash-flow".
M. Forget: Peu importe le "cash-flow" parce que le "cash-flow",
c'est bien important en termes de "cash-flow ", mais cela n'évalue pas
directement la rentabilité. Le "cash-flow" doit être proportionnel
à la mise de fonds et la mise de fonds est très
considérable.
M. Bérubé: Mais en 1974, la mise de fonds ayant
été faite, on n'avait plus qu'à considérer le
"cash-flow" produit.
M. Grégoire: La compagnie prenait les profits de Thetford
pour les investir là-bas.
M. Forget: II reste que la rentabilité du projet ne
dépend pas, strictement, seulement du "cashflow ". Il y a quand
même des charges financières liées à cet
investissement. Il y a quand même des
opportunités qui ont été abandonnées au
profit d'un tel développement.
Mais, de toute façon, ce sont des coûts.
M. Bérubé: Je voulais compléter pour
l'année 1974.
M. Forget: Ce sont des coûts qui sont immobilisés,
de toute manière, et pour lesquels il n'est pas possible de
réécrire l'histoire. Donc, dans ces circonstances,
l'hypothèse de base qui a inspiré dans une certaine mesure le
rapport Alexandre, lequel se trouvait à inspirer également le
choix gouvernemental, a perdu, depuis environ quatre ans, sa base dans les
faits. Il n'y a pas, effectivement, une société qui soit en vente
et, à défaut d'autres motifs visibles, on se trouve en face d'une
décision qui, si elle avait été prise en 1973, aurait
été fort opportune et aurait eu une motivation dans les faits,
mais, comme on veut acheter une société qui n'est pas en vente,
alors, il faut se trouver une autre motivation.
Le ministre a fait allusion à d'autres hypothèses, comme
le fait que la mine de East Broughton qui appartient à Jim Walter
pourrait aussi être en vente. Il ne faudrait pas sauter d'une
hypothèse à l'autre parce que cela non plus ne constitue pas un
motif suffisant pour l'acquisition de cette société
minière en particulier.
La copie du jugement que le ministre a distribuée du Federal
Trade Commission américain et des conversations que j'ai eues avec les
responsables de cette société démontrent que, d'abord,
l'affaire n'est pas conclue de façon finale. Le jugement est encore
sujet à un appel et il est fort probable que la société
Jim Walter réussira à faire exempter la mine qu'elle
possède à East Broughton du jugement du Federal Trade Commission
parce que cette partie du jugement qui vise la mine d'East Broughton n'est pas
pertinente à l'objet du litige et à l'objet de la décision
rendue par le Federal Trade Commission.
Par un jeu de changement de propriétaires, ce qui est
arrivé à Jim Walter a été de prendre le
contrôle de sociétés qui fabriquent des bardeaux d'amiante
pour le revêtement des toitures et de devenir propriétaire de
l'équivalent de 60% de la capacité de fabrication des bardeaux
d'amiante pour toiture sur le marché américain.
L'objet de la requête qui est sur le point d'être
présentée par Jim Walter vise à dire: Très bien.
Nous allons vendre les sociétés qui produisent des bardeaux
d'amiante, de manière à réduire notre part du
marché à un niveau acceptable, mais nous allons, cependant
et c'est ce qui est demandé au Federal Trade Commission conserver
la mine d'East Broughton qui n'affecte en rien notre taux de
pénétration du marché du bardeau d'amiante et il n'y a
vraiment aucune raison visible pour laquelle une objection pourrait être
faite à une requête présentée dans ces termes. On
demande simplement de diviser les actifs de manière à se
conformer à l'objet du jugement et à ne pas faire donner au
jugement des effets plus considérables qu'il n'est strictement
nécessaire pour les fins de la loi antitrust américaine.
Donc, je pense que cette société non plus n'est pas en
vente et c'est un fait que les dirigeants de la société de la
mine d'East Broughton nient vigoureusement, ainsi que leurs actionnaires, ainsi
que leur actionnaire principal, Jim le fait que la mine soit en vente. Elle ne
l'est pas. Ils n'ont pas l'intention de la mettre en vente. Ils ont
l'intention, au contraire, de prendre toutes les mesures légales pour
qu'elle ne soit pas en vente. Donc, sur le plan des motifs, M. le
Président, on se retrouve avec bien peu de choses.
Je me résume très brièvement. On a un argument qui
est la garantie d'approvisionnement. J'ai dit et répété
et le contraire n'a jamais été établi par le
ministre qu'il n'est pas nécessaire d'obtenir une garantie
d'approvisionnement, et pour ce qui est d'obtenir cette garantie par rapport
à d'autres, c'est-à-dire l'achat de la société
Asbestos, le seul motif qu'il y avait, c'est quelle était en vente. Cela
a été vrai dans le passé, cela a été vrai au
moment où l'auteur du rapport Alexandre a colligé ses notes de
travail pour la préparation de son rapport; ce n'est plus vrai. Il n'y a
pas d'autres sociétés minières, dans le domaine de
l'amiante, qui soient en vente. Donc, on n'a plus de motif, M. le
Président. On n'en a rigoureusement plus, sauf un désir
général d'être présent sur la carte des producteurs
de fibre d'amiante. Mais cela n'est pas un motif, c'est une
velléité, c'est un désir, c'est une espèce de
rationalisation après coup, puisqu'un motif suppose qu'on a quelque
chose de beaucoup plus concret à l'esprit que simplement le désir
d'être présent sur la carte. Pourquoi ne pas être
présent sur la carte de la fabrication des bicyclettes ou autres choses.
A cet égard, c'est une fantaisie parmi d'autres. Il n'y a rien de
nécessaire, d'obligatoire dans une telle démarche.
C'est bien là, je pense, que cette motion fait ressortir...
J'espère que le ministre s'inspirera de ces questions ou de ces
affirmations qui sont en réalité autant de questions
adressées au gouvernement. Les raisons qui sont avancées, les
raisons que le ministre prétend nous avoir données à
plusieurs reprises consistent dans des éléments si fragiles, les
circonstances de dates, par exemple, pour ce qui est de la possibilité
d'acheter de gré à gré Asbestos Corporation ne sont plus
historiquement des faits, mais sont des hypothèses sans fondement. Il y
a donc énormément de choses qui apparaissent encore
mystérieuses et s'il lui était possible de nous démontrer
l'enchaînement logique entre le désir d'accélérer et
de renforcer, d'inciter la transformation des produits de l'amiante au
Québec, et cet enchaînement de motifs, je pense qu'il emporterait
l'adhésion de tout le monde. Je suis persuadé, encore une fois,
M. le Président, qu'il n'y a pas de motifs, il n'y en a plus. S'il y en
avait, ils sont disparus; parce que le motif, encore une fois, principal,
c'était qu'il y avait une société minière qui
était en vente, il y avait une aubaine à faire, mais l'aubaine
n'est plus là parce que l'aubaine et la rentabilité de
l'entreprise, cela s'évalue seulement en fonction du prix qu'on peut
payer.
Quand il y a un vendeur qui veut vendre, qui a décidé
qu'il n'était pas intéressé à des actifs, on
peut réaliser une aubaine, on peut payer pour cet actif moins
cher que ne vaut, dans le fond, essentiellement, cette rentabilité
future escomptée; mais dès qu'on est en face d'un acheteur qui
n'est plus intéressé à vendre pour d'autres raisons qui
lui appartiennent en propre, dès qu'il est en face d'un placement, il va
bien sûr nous le vendre et si le placement est rentable, tout ce que cela
veut dire, c'est que le prix qu'il va exiger va être d'autant plus
élevé, donc cela va être rentable pour lui et cela va
continuer à être rentable pour lui, parce qu'il va liquider son
placement à un prix avantageux. Mais pour l'acheteur, cette
rentabilité disparaît à cause d'un prix d'achat trop
élevé. C'est comme une maison qui serait louée moyennant
un loyer très avantageux étant donné que le
propriétaire est propriétaire depuis longtemps, qu'il a construit
avant l'inflation, etc. Il peut faire beaucoup d'argent; mais pour un nouvel
acheteur, qui achète la valeur équivalente au rendement de cette
propriété, la rentabilité disparaît. Le
propriétaire initial peut liquider cette rentabilité, peut se
l'approprier et l'emporter avec lui en quelque sorte. Le nouvel acheteur se
retrouve avec un placement qui sera peut-être trop onéreux.
C'est la situation dans laquelle on se trouve, M. le Président,
et c'est pourquoi je pense que cette motion est peut-être la plus
significative de toutes celles qu'on a présentées puisqu'elle va
au coeur du projet, au coeur des motifs gouvernementaux.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'il y a d'autres interventions? Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Grégoire: Appel des noms.
M. Brochu: M. le Président, excusez-moi j'avais
l'impression que d'autres collègues voulaient intervenir. J'aimerais
faire quelques remarques sur un point qui m'apparaît assez important
parce que tout au cours de nos discussions, que ce soit à l'étape
de deuxième lecture ou dans les autres étapes qui ont suivi au
niveau de la commission parlementaire, un fait demeure. Je pense que nos
collègues du gouvernement le reconnaîtront également et le
ministre aussi. J'espère qu'il le reconnaîtra dans son attitude
future par rapport à ça.
Le fait est le suivant: à aucun moment a-t-on indiqué
clairement, que ce soit aux membres de la commission parlementaire ou aux
membres de l'Assemblée nationale, ni même dans les tournées
que vous effectuez, ou dans l'information que vous avez pu fournir au public
à cet effet, à aucun moment n'ont été fournis, de
façon complète, claire et précise, les motifs fondamentaux
qui vous font opter pour le choix que vous avez fait, celui d'acquérir
une entreprise d'une part et, deuxièmement, acquérir Asbestos
Corporation.
Cela, je pense, le gouvernement en conviendra avec nous, ça
demeure ce que j'ai appelé souvent une des zones grises. On aura beau
émettre moult arguments autout de ce fait, mais il n'en demeure pas
moins que le choix du gouvernement ne semble pas s'appuyer sur des
données vraiment sérieuses dans ce domaine, des données
vraiment définitives, puisqu'à aucun moment, il n'a ouvert
complètement son jeu pour dire: Voici les motifs fondamentaux qui nous
font choisir ce moyen plutôt que tel autre, qui sont, untel, untel, untel
en nous fournissant les données qui devraient s'y rattacher.
Si on se reporte dans le temps, pour faire le bref historique de ce
projet de loi devant nous maintenant, on se rappellera que dans un premier
temps, le programme du Parti québécois manifestait une
volonté d'en arriver à une plus grande transformation de la fibre
d'amiante en sol québécois. Cela, j'en suis. Je pense que les
discussions qu'on a eues, tant ici qu'au niveau de la deuxième lecture,
indiquent que tous, qui que nous soyons ici, visent cet objectif. D'ailleurs le
Parti québécois n'était pas le seul parti politique
à avoir, dans son programme politique, lors de la dernière
campagne électorale, cette volonté indiquée d'en arriver
à une transformation d'un plus grand pourcentage de la fibre d'amiante
en sol québécois, le tout visant, le plus possible, à une
création d'emplois dans ce secteur, puisqu'on avait toujours dit qu'on
avait laissé la situation en plan et qu'on devait faire profiter les
Québécois de ces richesses naturelles, au niveau de l'emploi.
Ce n'est donc pas simplement pour viser l'acquisition d'une entreprise,
pour acquérir une entreprise, puisqu'en soi, ce serait une aventure fort
coûteuse. Si cela devait s'arrêter là, je pense que le
jugement se porterait de lui-même sur un tel projet de la part du
gouvernement.
Donc, le Parti québécois avait dans son programme cette
indication d'une volonté de vouloir procéder à une
transformation de l'amiante.
Par la suite, on sait qu'au cours des années, en même temps
que le Parti québécois a évolué, le CRD aussi a
évolué, a fait certaines recherches, le CRD-CE en particulier,
celui des Cantons de l'Est, en présentant un document fort important et
d'ailleurs, ceux qui ont présidé à sa composition sont
venus devant cette commission parlementaire pour répondre à nos
questions et donner davantage d'indications.
Ce document du CRD est devenu, pour ainsi dire, le livre de chevet,
sinon la bible du député de Frontenac, malgré qu'à
toutes fins pratiques, lorsqu'on regarde le choix du gouvernement en ce qui
concerne le moyen pour atteindre cet objectif, on se rend compte qu'il n'a pas
tenu compte des recommandations du CRD-CE en matière de moyens à
prendre pour arriver à une valorisation plus grande de cette richesse
naturelle au profit des Québécois.
Le gouvernement a préféré plutôt faire ce que
j'ai mentionné au cours de cette semaine à d'autres
séances de cette commission parlementaire, le gouvernement a
préféré commencer un "window shopping ' en matière
d'amiante. J'ai d'ailleurs indiqué, en m'appuyant sur des articles de
journaux qui n'ont pas été contestés par le ministre qui
était présent à ce moment-là en commission
parlementaire, que même, à certains moments, les regards du
gouvernement se sont por-
tés sur la Canadian Johns-Manville d'Asbestos qui est un des
leaders principaux dans ce domaine. Donc, le cheminement du gouvernement a
été quand même assez long et a revêtu diverses formes
en cours de route. C'est donc dire que cette politique n'était pas
cristallisée et qu'elle n'a pas un corps en soi, si on peut s'exprimer
ainsi, mais qu'elle se fabrique au fur et à mesure des circonstances et
des choses qui se présentent. (21 h 30)
On a donc délaissé, puisqu'il n'y a pas eu de suite, la
question de l'achat d'une mine comme Canadian Johns-Manville à Asbestos.
Il semble maintenant qu'on ait choisi Asbestos Corporation.
Les questions fondamentales qu'on peut se poser maintenant, étant
donné que le gouvernement, pour arriver à la transformation, du
moins ce qu'il croit, pour pouvoir arriver à faire de la transformation,
davantage au Québec, des produits d'amiante, va vouloir acquérir
la société Asbestos Corporation.
J'aimerais que, avant qu'on continue l'étude du projet de loi
article par article, le ministre ouvre clairement son jeu en cette
matière et nous indique pourquoi, plus précisément, avoir
choisi Asbestos Corporation comme moyen d'action dans le domaine de l'amiante,
après avoir fait ce "window shopping" auquel je faisais allusion tout
à l'heure.
Une autre question à laquelle... Formidable! Je vois le ministre
qui arrive avec deux serviettes pleines. On nous indique que ce sont
peut-être les motifs fondamentaux pour lesquels le gouvernement a
l'intention d'acheter Asbestos Corporation. J'espère que tout à
l'heure, le ministre aura l'occasion d'ouvrir ses valises et de nous
l'indiquer.
L'autre question qui se pose, on peut la poser par l'inverse
également. Pourquoi le gouvernement du Québec limite-t-il
actuellement ses achats puisqu'il est en pleine période d'achat
à l'Asbestos Corporation?
M. Bérubé: C'est une bonne question. M. Brochu:
Oui, c'est une bonne question.
NI. Grégoire: Voulez-vous qu'on en achète d'autres
en plus? Est-ce que c'est une suggestion pour qu'on en achète une de
plus?
M. Brochu: Ce n'est pas une suggestion.
M. Bérubé: Ses électeurs commencent à
faire pression sur lui. Je vois.
M. Brochu: Ce n'est pas une suggestion. Je pars du choix que vous
avez fait. Je crois qu'on peut le contester et on le conteste d'ailleurs
au niveau des moyens. Je pars du choix que vous avez fait, dis-je, pour
vous faire voir la situation dans laquelle vous vous trouvez actuellement et
dans laquelle vous allez vous trouver éventuellement.
La raison pour laquelle je pose cette question, pourquoi, quant à
commencer à acheter, vous limitez vous à l'Asbestos
Corporation?
M. Grégoire: C'est une suggestion que vous voulez
faire?
M. Brochu: Non, ce n'est pas une suggestion, c'est une
constatation.
M. Grégoire: Non, vous demandez pourquoi.
M. Brochu: D'ailleurs, je vais vous référer
à des propos fort savants qui ont été tenus il y a un mois
environ, soit le 10 mars dernier, par nul autre que le premier ministre du
Québec à ce sujet. L'absurde de la situation ressort. Je cite le
journal La Tribune du 10 mars où on rapporte les paroles du premier
ministre, il dit ceci: Troisième observation du premier ministre, celle
portant sur les mines en garde présumées de la communauté
européenne contre l'exploitation et la transformation de l'amiante.
M. Lévesque a expliqué que ces directives ne proscrivent
que les opérations de 15% du marché mondial de l'amiante. J'en
suis. Il en reste encore 85% pour les Québécois. C'est
formidable, n'est-ce pas, comme observation. Cela peut, j'imagine, se
vérifier.
M. Bérubé: Qui a fait cela?
M. Brochu: C'est votre premier ministre, M. Lévesque, qui
a fait cette déclaration en disant que le problème qui se dessine
au niveau des communautés européennes n'englobe pas tout le
marché de l'amiante, mais seulement 15% du marché de l'amiante.
Il en reste donc, pour le Québec, 85%. Je pense que ses calculs sont
exacts.
Cependant, ce qu'il omet de dire à ce moment-là, c'est
qu'il ne fait pas de différence entre le fait que vous allez acheter,
d'après l'hypothèse dans laquelle vous vous embarquez
actuellement, une seule des entreprises. Donc, le 85% qui reste ne vous
appartient pas en totalité. C'est un peu là que le bât
blesse. C'est là aussi que je pose la question: Pourquoi limitez-vous
votre achat à l'Asbestos Corporation, puisque ce que vous visez, c'est
d'obtenir un contrôle sur l'amiante, un contrôle de cet
emblème?
M. Bérubé: Toute l'amiante?
M. Brochu: Je pose la question, parce que le premier ministre a
dit: II nous reste, à nous, Québécois, 85%. Qu'est-ce que
cela veut dire, 85%? Ce n'est pas uniquement 85% à Asbestos Corporation.
C'est à l'ensemble des entreprises exploitant en sol
québécois.
M. Bérubé: Ça doit être cela.
M. Brochu: Donc, on ne doit pas faire une telle affirmation
gratuite, pour laisser croire aux citoyens du Québec que tout cela nous
appartient et que, demain matin, on aura un contrôle absolu
là-dessus. Même si vous faites l'achat, en dernier ressort,
après avoir fini votre magasinage, d'Asbestos Corporation, vous allez
avoir seulement une des entreprises exploitant au Québec. J'ai
parlé plusieurs fois de cela. Je reviens là-dessus.
D'ailleurs, le premier ministre, sans le dire à ce moment-là,
lorsqu'il a fait cette déclaration, en se disant fier d'avoir sous ses
pieds 85% de la production mondiale possible, indiquait peut-être
indirectement que, tôt ou tard, si vous voulez avoir ce contrôle
sur cet emblème que vous voulez vous donner, il vous faudra magasiner
sur une plus vaste échelle et, éventuellement vous porter
acquéreur d'autres mines.
M. Bérubé: Si cela devait être la solution,
elle sera à envisager.
M. Brochu: Justement, vous allez être obligés d'y
arriver. Vous allez être obligés d'y arriver, parce que...
M. Bérubé: Si vous étiez au pouvoir, vous
nationaliseriez toute l'industrie de l'amiante.
M. Brochu: Non, pas du tout. Pas du tout, parce que ce n'est pas
du tout le rôle de l'Etat d'intervenir là-dedans, d'acheter des
mines et de devenir producteur d'amiante. C'est notre choix et notre
décision.
Je vous dis que, parce que vous avez posé un premier geste, celui
d'intervenir de cette façon, au lieu d'aller directement dans la
transformation qui créerait de l'emploi à court terme, si vous
passez par l'achat d'une mine, comme vous voulez le faire actuellement, ne
devenant qu'un des exploitants des mines d'amiante, vous allez vous trouver, au
lendemain de cette acquisition, en concurrence avec des gens à qui
appartient le marché. Qu'on le veuille ou non, que vous aimiez cela ou
non, vous allez vous trouver en concurrence directe avec des gens qui ont les
marchés, qui ont la connaissance de la production, qui ont le "know-how"
dans différents secteurs.
Je me demande où vous allez vous situer, le lendemain matin,
vis-à-vis de ce qu'on peut appeler les spécialistes de l'amiante,
de ceux à qui, en définitive, appartient toute
l'expérience dans ce domaine. Où allez-vous vous situer? C'est
là que je me dis que, le lendemain matin, vous pourrez facilement
être porté à dire: On n'a pas suffisamment de
contrôle dans le domaine. Pour arriver à ce que ce soit rentable,
maintenant, cela nous en prend plus. C'est pour cela que je pose cette
question. Pourquoi vous limitez-vous à Asbestos Corporation? Vous allez
y répondre vous-mêmes par la situation, sinon absurde, tout au
moins extrêmement difficile ou intenable dans laquelle vous allez vous
trouver en mettant le pied sur ce terrain, parce que vous voudrez mettre
l'autre pied, pour avoir l'équilibre complet, tout de suite
après. C'est là que vous reviendrez devant l'Assemblée
nationale en nous présentant non seulement un autre volet à ce
projet de loi, mais peut-être une foule d'autres volets à suivre
pour vous assurer l'autonomie, la force, la puissance, le contrôle dont
vous aurez besoin pour contrôler cette richesse naturelle. Sans cela, le
lendemain matin, vous ne contrôlerez rien de plus, vous aurez une des
mines et vous serez en concurrence avec l'industrie déjà
existante. C'est un des points assez importants. J'aimerais que le ministre
nous parle là-dessus. Cela aurait peut-être dû faire l'objet
de discussions préalables à tout le projet de loi. Lors de la
deuxième lecture, le ministre aurait même dû nous donner des
indications claires à ce sujet, parce que, dans le fond, c'est ce qui
sous-tend l'ensemble de tout ce projet de loi, c'est le choix du gouvernement.
Je ne le conteste pas, vous pouvez choisir ce que vous voulez, à la
vitesse que vous voulez et comme vous voulez.
Par contre, on va tous supporter les résultats ensemble, c'est ce
qui fait la différence. Les prochains gouvernements auront aussi
à vivre avec cette loi. Cela aussi, c'est la différence. Il ne
faudrait pas que vous oubliiez que vous engagez le Québec pour les
prochaines années, d'une façon assez considérable. C'est
pour cela que je pose ces questions. Il serait peut-être bon, à ce
stade-ci, avant qu'on aille trop loin dans le projet de loi... Cela ne fait pas
uniquement l'objet d'un des articles, cela ne fait pas l'objet du paragraphe b)
de tel article, je pense que c'est la question de l'attitude profonde du
gouvernement, ce sur quoi il se base. Pourquoi pose-t-on ces questions
fondamentales en disant au ministre: Pourquoi choisir Asbestos Corporation?
Pourquoi avoir choisi cette façon de procéder? Pourquoi limiter,
à ce moment-là, dans un autre sens, vos achats à celui
d'Asbestos Corporation? Pouvez-vous nous garantir, par exemple, aujourd'hui,
qu'à aucune condition vous n'allez étendre votre appétit
à d'autres entreprises? Je pense que vous ne pouvez pas du tout. Non
seulement vous ne pouvez pas, mais déjà vous pouvez
prévoir maintenant que vous devrez aller plus loin. Quels sont, par
exemple, les impacts économiques réels sur les régions
visées? Avez-vous des données à nous fournir à ce
sujet? Le motif sur lequel vous vous appuyez pour procéder de cette
façon, est-ce d'abord un motif de salubrité et de santé
des travailleurs? J'en doute au point de départ, pour les raisons que
j'ai déjà données. Si on parlait de santé des
travailleurs...
M. Bérubé: ... l'oripeau du nationalisme.
M. Brochu: Non, si cela avait été une question de
santé ou de salubrité, je pense, M. le Président, que,
dès son élection, le gouvernement se serait attaché
à appliquer, sinon à corriger la loi 52 pour régler cela.
Si c'était une question de salubrité, il ferait simplement
appliquer les normes par les entreprises actuellement et peut-être qu'il
obtiendrait une collaboration dans ce sens. Je ne pense pas que ce soit
l'objectif fondamental, le motif fondamental non plus. Aussi curieux que cela
puisse paraître, il semble difficile de croire que ce soit la
création d'emplois.
M. Forget: Le député de Richmond me permettrait-il
une question?
M. Brochu: Oui.
M. Forget: II raisonne de la façon suivante, en disant:
Est-ce que le ministre réalise qu'il s'engage
dans une voie où il peut être appelé à faire
d'autres acquisitions, parce que c'est dans la logique de cette première
décision? Est-ce que le député de Richmond serait d'accord
pour aussi voir qu'il y a d'autres issues possibles à cela, dans le sens
que cette logique n'est pas irréversible et, si une
société minière s'achète, elle se vend aussi.
N'est-il pas d'accord là-dessus?
M. Brochu: Oui.
M. Grégoire: C'est là le programme de Gar-neau.
C'est selon le programme de votre futur chef, la revendre.
M. Brochu: Oui, cela peut être l'inverse, sauf qu'avec ce
qu'il recherche, avec ce que le Parti québécois recherche
fondamentalement...
M. Grégoire: C'est le programme du Parti libéral,
tel qu'annoncé par votre futur chef, soit revendre Asbestos
Corporation.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
question était adressée au député de Richmond.
M. Forget: En tout cas, la question se posera en temps et
lieu.
M. Bérubé: Mais, comme gouvernement, ils avaient
mis une affiche à l'entrée du Québec; c'était
marqué: A vendre.
M. Lalonde: Est-ce que le député de Frontenac est
délégué au congrès libéral?
M. Grégoire: J'espère que non. Je n'irais pas
là. Je vais vous laisser cela.
M. Lalonde: On l'a vu virer capot tellement souvent! On se
demande...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, à l'ordre!
M. Brochu: D'ailleurs, actuellement, ceux qui sont
peut-être les plus heureux de cette situation, c'est probablement
Asbestos Corporation et General Dynamics.
M. Bérubé: II faudrait vous entendre avec votre
collègue de l'Opposition libérale, parce qu'il vient, dans son
brillant exposé historique de l'histoire d'Asbestos, d'expliquer toutes
les raisons pour lesquelles General Dynamics ne voulait pas vendre Asbestos; il
faudrait vous entendre.
M. Forget: Ce n'est pas très contradictoire.
M. Grégoire: Pas très très, mais un peu.
C'est à moitié contradictoire.
M. Brochu: Pas du tout...
M. Grégoire: Même pas du tout, pas du tout
contradictoire.
M. Forget: Ils ne veulent pas vendre, mais ils sont bien
prêts à vendre si on leur offre suffisamment cher.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Brochu: De toute façon, il faut se placer dans
l'optique où General Dynamics en achetant Asbestos Corporation, voulait
diversifier ses actifs, aussi on connaît l'importance de cette
entreprise, on connaît aussi de quelle façon ces entreprises
peuvent fonctionner pour équilibrer l'ensemble de leurs
opérations, cela fait partie de toute l'histoire. Cela ne règle
pas le problème du gouvernement au contraire pas du tout. Je veux dire,
fondamentalement que, si Asbestos Corporation avait voulu tirer
réellement profit de l'entreprise et avait voulu rester en affaires
longtemps, je pense que les intéressés auraient, d'abord,
modernisé leur entreprise beaucoup plus qu'ils ne l'ont fait, parce que
toutes les autres entreprises dans le domaine de l'amiante ont fait des efforts
à différents degrés pour se moderniser et, par exemple,
accéder au normes de salubrité et garantir leur efficacité
à répondre aux normes du gouvernement, alors qu'Asbestos
Corporation ne l'a pas fait. Pourquoi? On peut se poser des questions dans ce
sens-là, sur leur façon de voir cela sans question.
Mais, je reviens, en terminant, sur d'autres motifs aussi. Aussi curieux
que cela puisse paraître, vous ne semblez pas viser la création
d'emplois parce que l'acquisition d'Asbestos Corporation le ministre me
corrigera dans sa réponse n'apportera aucun emploi de plus.
Contrairement à ce que l'on a chanté sur tous les toits dans la
région des Cantons de l'Est, même de la part de distingués
visiteurs qui sont venus à Asbestos dernièrement.
Lorsqu'on faisait valoir qu'il y avait 1000 ou 1200 emplois qui allaient
dépendre du projet de loi en question de l'acquisition...
M. Bérubé: J'aurais un éditorial
intéressant à vous lire d'ailleurs de chez vous, d'Asbestos.
M. Brochu: Non, si vous êtes rendus que vous faites
écrire partout dans les journaux, vous allez être occupés.
Je comprend qu'à la commission parlementaire, si vous-même en plus
écrivez les articles j'imagine que cela doit vous occuper.
M. Grégoire: II s'agit de l'éditorialiste de votre
journal, à Asbestos. C'est le Citoyen d'Asbestos.
M. Brochu: Ce que je veux dire par là. C'est celui qui a
fait l'étude du CRD.
On verra l'avenir d'ailleurs à ce sujet-là.
M. Grégoire: Ce n'est pas le même, ce n'est pas
celui qui a fait l'étude du CRD.
M. Brochu: L'avenir nous réserve peut-être des
surprises. Pour vous dire que la réalité là-dedans, si
vous allez quelque part, si vous continuez vos sorties durant la semaine, le
mercredi
soir, vous pourriez peut-être dire exactement ce qui en est.
C'est-à-dire que l'achat d'Asbestos Corporation, je parle en soi, ne
crée aucun emploi. Vous n'avez rien changé le lendemain matin et
c'est les mêmes mineurs qui sont là avec la même mine et
avec la même usine et, lorsqu'on parlera ensuite de transformation, c'est
une autre affaire complètement à part. Il faut quand même
placer les choses dans leur contexte et peut-être essayer de dire un peu
la vérité quand c'est possible et surtout aux citoyens du
Québec qui auront à payer la facture de ce projet du
gouvernement.
En terminant, sur la question de l'approvisionnement visé par le
ministre, sur la question de l'approvisionnement que le ministre veut se donner
en achetant une mine, vous me permettrez de vous dire simplement que c'est un
motif qui m'apparaît non essentiel dans les discussions et pas
nécessaire pour atteindre l'objectif de création d'emplois.
D'ailleurs, au niveau de l'approvisionnement, on sait qu'il y a de l'amiante et
on sait que des entreprises sont également prêtes à vendre
de l'amiante. Dernièrement on a vu qu'il y avait des stockages qui se
faisaient de ce côté, on a même vu certains chiffres
mentionnant que pour janvier et février, il y avait une diminution de
15,6% d'exportation. C'est le Globe and Mail du 4 et du 7 avril qui nous
indique cela. Donc, au niveau de l'approvisionnement possible, il n'y a pas de
problème. Alors, j'aimerais que maintenant le ministre nous donne
vraiment les motifs fondamentaux pour lesquels il a choisi cette option.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que la motion du député de Saint-Laurent sera adoptée?
M. Grégoire: L'appel des voix, M. le Président.
M. Forget: La motion a été présentée
par le député de Marguerite-Bourgeoys. (21 h 45)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
excusez, par le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Bérubé, Matane.
M. Bérubé: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bordeleau, Abitibi-Est.
M. Bordeleau: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Brochu, Richmond.
M. Brochu: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Forget, Saint-Laurent.
M. Forget: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Grégoire, Frontenac.
M. Grégoire: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Laplante, Bourassa.
M. Laplante: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Ouellette, Beauce-Nord.
M. Ouellette: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Paquette, Rosemont.
M. Paquette: Contre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Lalonde, Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
motion est donc rejetée, j'appelle l'article 4.
M. Brochu: M. le Président, avant de procéder
à l'article 4, j'aimerais faire une autre motion très
rapidement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Très rapidement?
M. Brochu: Oui, très rapidement, M. le Président,
me référant aux propos qui ont été tenus, il n'y a
pas tellement longtemps, par le député de Frontenac qui
sont fort louables à l'effet de vouloir que les
Québécois profitent les premiers de cette richesse naturelle
qu'est l'amiante chez nous. On sait qu'on a eu plusieurs affirmations dans ce
sens, que cela allait avoir énormément de retombées sur
notre population du Québec, qu'il y aurait différents profits qui
pourraient être tirés par la province et par ses citoyens de
différentes façons. Il y a eu de nombreuses déclarations
qui ont été faites dans la presse, ici à cette table de
commission, en deuxième lecture, à ce sujet, en disant qu'il y
aurait de nombreuses possibilités et qu'il y aurait des retombées
fort positives du projet. J'espère que ce sera le cas.
Cependant, pour arriver à un ensemble d'affirmations de la sorte,
je pense que le gouvernement doit sûrement baser ses assertions et ses
expressions d'opinion sur des données assez pertinentes. Cela ne doit
sûrement pas être basé sur le document qui a
été déposé par le ministre, l'autre jour, sans
indiquer les noms des fonctionnaires qui l'avaient préparé;
document qui aurait d'ailleurs servi de base à l'établissement de
la politique du gouvernement en matière d'amiante au Québec
puisque simplement je vous fais une petite référence, M.
le Président, pour bien vous situer à la
page 14 on dit: "Dans une usine neuve, les coûts de production au
Québec ne devraient pas être plus élevés qu'aux
Etats-Unis. Une usine au Québec aurait avantage à être
située sur les bords du Saint-Laurent pour pouvoir expédier vers
les grands lacs, par la voie maritime, et vers la côte atlantique et les
pays en voie de développement, par le Saint-Laurent. Une telle usine
pourrait remplacer, en partie, une ou plusieurs des usines de Johns-Manville,
situées aux Etats-Unis", etc. Donc, le panorama qui nous est
décrit ici comme possibilité semble quand même être
assez vaste, ce ne sont peut-être pas les objectifs visés par le
ministre, cela demeure quand même des hypothèses. Ceci pour vous
dire que, j'imagine, le ministre ne s est pas basé uniquement sur ces
projections pour établir la rentabilité de son projet et pour
nous dire: Voici ce sur quoi on s'appuie pour dire que le projet sera rentable
et qu'il aura les retombées auxquelles on est en droit de s'attendre
pour des capitaux aussi importants que ceux qu'on veut investir.
J'imagine, par exemple, qu'en ce qui concerne les marchés, il y a
sûrement des données sur lesquelles le ministre s'est
appuyé pour être capable de nous garantir aujourd'hui que les
sommes d'argent qui seront investies par les Québécois
rapporteront quelque chose et auront ces retombées effectivement
positives que le ministre et que le gouvernement visent avec leur projet de
loi.
Il doit donc exister une espèce d'évaluation des
marchés et ce, à différents niveaux. Il doit exister, par
exemple, une forme d'évaluation en ce qui concerne les marchés
intérieurs pour l'amiante, ici, en sol québécois ou en sol
canadien.
On s'est plaint dans le passé, à différentes
occasions, que nous-mêmes, ici, même si on est les plus grands
producteurs d'amiante, étions peut-être sous-consommateurs
à certains égards.
On ne s'est peut-être jamais assez préoccupé, soit
par la recherche ou à d'autres niveaux, d'utiliser chez nous l'amiante,
ce qui, à ce moment, créerait une demande beaucoup plus grande
sur notre territoire même et arriverait...
M. Grégoire: Le député me permettrait-il une
question?
M. Brochu: Si vous permettez...
M. Grégoire: Le député est-il au courant que
le gouvernement, à l'heure actuelle, effectue des travaux de voirie sur
huit milles de long à Thet-ford...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: ... et que tous les tuyaux d'égouts
fluviaux, les aqueducs et les égouts seront en amiante-ciment?
M. Brochu: Vous l'avez mentionné l'autre jour à la
commission parlementaire, lorsque les gens de chez vous sont venus.
M. Grégoire: C'est tout de même un bon
commencement.
M. Lalonde: Sont-ce les mêmes tuyaux?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! A l'ordre!
M. Lalonde: Ce sont les mêmes tuyaux que l'autre fois?
Passez à autre chose.
M. Grégoire: Ce sont les mêmes qui vont être
posés.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Grégoire: Le député de Richmond va-t-il
faire la même chose dans son comté?
M. Brochu: C'est déjà fait. On l'a fait, nous, en
1966 ou en 1967.
M. Grégoire: La ville de Thetford est toute en tuyaux
d'amiante-ciment.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, M. le député de Frontenac!
M. Brochu: Pour répondre à la question du
député de Frontenac...
M. Forget: Le député de Richmond a des
préoccupations avec des tuyaux de fonte, si je comprends bien.
M. Brochu: Plus maintenant.
M. Forget: Non. Plus maintenant.
M. Grégoire: II y a un contrat qui se fait en tuyaux de
fonte.
M. Brochu: Pour l'information du député de
Frontenac, on a déjà fait, d'ailleurs, l'expérience sur ce
qu'on appelle le boulevard Lafrance à Asbestos. C'est sûrement
dans les données du ministère. Je ne sais pas ce qui en a
été fait au juste par la suite, mais on a déjà fait
l'expérience d'une route construite selon ce mariage d'amiante et
d'asphalte. Il semblerait que les résultats soient intéressants.
Il y a peut-être des problèmes techniques qui se posent au niveau
du mélange quand vient le temps d'utiliser l'amiante en faisant la
route. Je pense qu'il y a peut-être des problèmes techniques qui
peuvent se poser au niveau des entrepreneurs routiers, etc.
Par contre, il existe sûrement des dossiers au ministère
à ce sujet. Il y a peut-être aussi une question de routes
glissantes. Il y a peut-être des aspects de sécurité qui se
sont posés.
Le député de Frontenac aurait intérêt, sur
cette question même, à regarder simplement ce
qui s'est fait au ministère jusqu'à maintenant. Ce n'est
pas nouveau. Je pense que la ville de Thet-ford n'a pas innové. C'est
heureux qu'elle le fasse, mais ce n'est pas une innovation. Il y a
déjà eu quelque chose de fait dans le passé et je pense
que le député comme le ministre...
M. Grégoire: ... 25 ans dans Thetford.
M. Brochu: ... auraient intérêt à
réviser les dossiers qui ont été mis de l'avant à
ce sujet, entre autres, en ce qui concerne la construction du boulevard
Lafrance entre Asbestos et Danville.
Donc, on aurait sûrement des marchés intéressants
à étudier sur le plan local. Le gouvernement a peut-être,
dans les idées ou dans les motifs qu'il peut nous fournir des
données à ce sujet en ce qui concerne d'abord nos marchés
locaux, ce qu'on pourrait en faire, ce qui pourrait être mis à
profit en ce qui concerne la vente d'amiante sur le plan local.
Il y a sûrement aussi des données sur lesquelles...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Excusez-moi de vous interrompre, même si je le fais.
M. Brochu: Oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
parce que vous devez savoir, du moins si vous ne le savez pas, je vous le dis,
que lorsque vous prenez des minutes avant de parler sur votre motion
d'amendement, vous parlez sur la motion principale. Je le dis pour tous les
députés, parce que j'ai appelé l'article 4 et on n'est pas
encore rendu à 4a, mais vous utilisez du temps sur vos 20 minutes pour
l'article 4. C'est pour le bénéfice de tout le monde, pour bien
se comprendre. D'accord? Conformément à notre règlement,
d'ailleurs. C'est bien important et je pense que l'article 4... Je veux dire
que quand vous parlez 18 minutes...
M. Brochu: Sur l'article 4 comme tel, non pas uniquement sur la
motion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce que
je voulais vous dire, c'est que pour votre compréhension, parce que je
ne voudrais pas__le pense que vous ne le savez pas...
M. Bérubé: Je n'ai aucune objection, M. le
Président, à ce qu'il continue à parler.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord, mais je pense que les membres doivent quand même savoir cela et
je le leur dis.
M. Lalonde: Je vous remercie. Cela a pour effet
d'accélérer les travaux.
M. Grégoire: Quand vous parlez...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Quand
vous parlez, disons 18 minutes, avant de présenter votre motion,
à ce moment-là vous parlez 18 minutes sur la motion principale.
Il ne vous reste plus que deux minutes sur l'article 4, alors que si vous
présentez votre motion immédiatement, vous gardez vos 19 minutes
sur la motion principale.
M. Brochu: Je vous remercie de cette directive, parce que j'avais
vraiment l'impression que...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
une directive qui s'applique depuis longtemps, mais c'est important de le
savoir. Je pense que vous l'ignoriez, mais vous avez le droit de
l'utiliser.
M. Grégoire: Cela fait 18 minutes.
M. Bérubé: II vous reste deux minutes. Mais
vraiment, vous pouvez quand même utiliser vos 20 minutes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Brochu: Non, M. le Président, au risque de faire
offense au ministre et peut-être de le priver de certains arguments
intéressants qu'il est en train de noter d'ailleurs, je vais changer ma
façon de procéder et vous présenter immédiatement
la motion en question quitte à revenir ensuite à l'autre aspect
de la discussion.
M. le Président, j'aimerais faire la motion suivante: "Que cette
commission prenne connaissance des études faites, à la demande du
gouvernement, sur les possibilités de mise en marché, tant au
niveau national qu'au niveau international des produits de l'amiante au
Québec. '
M. le Président, c'est là la motion que je vous fais tenir
dans la minute.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richmond, n'y aurait-il pas lieu de corriger pour: "que
cette commission invite le ministre des Richesses naturelles à
déposer les études...
M. Lalonde: Pas déposer, M. le Président, à
distribuer.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...
excusez-moi, à distribuer.
M. Bérubé: Je pense que c'est excellent, M. le
Président, "prenne connaissance"; effectivement, nous avons
déposé des documents et il serait important que les
députés de l'Opposition en prennent connaissance. Il est vraiment
temps, après quinze jours, que vous en preniez connaissance. Je
concède, M. le député de Richmond, que vous auriez
dû faire vos devoirs et que le document que nous avons
déposé concernant les possibilités de mise en
marché, tant au niveau national qu'au niveau international, vous auriez
dû le lire. Je reconnais que c'est une excellente motion et je pense que
votre recherchiste a voulu vous envoyer un message.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un
instant.
M. Brochu: M. le Président, simplement pour
enchaîner, étant donné que le ministre a pu s'exprimer
à ce sujet, en ce qui concerne mes devoirs, je lui ferais remarquer
qu'ils sont faits et que toutes les copies qu'il m'a remises sont
annotées, ont été étudiées. Mais
là-dedans, je n'ai pas trouvé d'étude de mise en
marché sérieuse. Je ne sais pas si ça fait partie des
documents non signés qu'il a ramassés sur les tablettes, en
passant, pour nous distribuer lorsqu'on a demandé des documents. Ce ne
sont pas des études sérieuses...
M. Bérubé: Vous voulez dire: Prenne connaissance
des études sérieuses...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît. M. le député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je pense que de deux choses
l'une: ou la proposition a pour effet que la commission prenne connaissance des
études, il y en a un certain nombre qui ont été
déposées, c'est ça qui est le sens de la
résolution. Je pense que c'est déjà fait pour le
député, c'est déjà fait pour la plupart des
députés. Je ne sais pas ce que c'est pour une commission de
prendre connaissance d'études, sinon que chacun de ses membres les
étudie. C'est une des interprétations possibles de la
résolution. L'autre interprétation serait à l'effet que le
ministre distribue de nouveaux documents, les documents déjà
distribués étant insatisfaisants. Si c'est ça, M. le
Président, je pense que c'est irrecevable.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
déclare irrecevable la motion telle que présentée
puisqu'elle demande à la commission de prendre connaissance. Je pense
qu'il appartient à chacun des membres de cette commission de prendre
connaissance de quelque chose.
M. Brochu: C'est au niveau de la formule, M. le Président,
au lieu de dire "qu'on distribue"...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Là oui, telle que rédigée.
M. Laplante: Cela ne veut pas dire...
M. Paquette: M. le Président, c'est parce que je voulais
parler de la possibilité de reformuler la proposition en disant que le
ministre...
M. Brochu: La rendre recevable.
M. Paquette: ... distribue des études. Je pense que la
demande a déjà été faite au tout début de
nos travaux. Le ministre a distribué un certain nombre de documents et
je pense que cette motion devrait être irrecevable parce qu'elle a
déjà été faite. Si c'est ça qui est le sens
de la motion...
M. Brochu: M. le Président, je me conformerai à
votre directive et, si vous le permettez...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Telle
que rédigée, elle est manifestement irrecevable, mais je n'ai pas
encore pris en considération l'autre argument du député de
Rosemont. Telle que rédigée, on ne peut pas demander à des
membres de prendre connaissance. Ils ont à prendre connaissance...
M. Brochu: J'accepte votre argumentation, M. le Président;
cependant, vous me permettrez, comme vous avez également rendu d'autres
directives à ce sujet, de corriger la motion dans sa présentation
même, pour l'aborder d'une autre façon.
Je présenterai la motion suivante: Que le ministre des Richesses
naturelles indique, avant l'étude de l'article 4 de la loi 70, les
possibilités de mise en marché, tant au niveau national qu'au
niveau international, des produits de l'amiante au Québec.
Que le ministre nous indique, à ce stade-ci, quelles sont
vraiment les possibilités, en ce qui concerne la rentabilité sur
le plan national...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II ne
reste que deux minutes. Je ne trancherai pas cela ce soir. Ce que j'ai à
vous dire, c'est ceci: On est ici pour étudier article par article le
projet de loi no 70. J'ai déclaré irrecevables certaines motions
avant d'en arriver au paragraphe a) de l'article 4. L'article 4 a
été appelé et nous ne sommes pas rendus à 4a, sauf
que c'est bien évident que les membres de la commission peuvent
demander, avant d'arriver à 4a, toutes sortes de choses. La
présidence n'est pas au courant de tout ce qui a été
distribué. J'ai vu des papiers distribués, des documents
distribués. Evidemment, vous allez me dire: Vous auriez dû les
lire, c'est votre devoir. Je ne l'ai pas fait, de telle sorte qu'il m'est
extrêmement difficile, à ce stade-ci... Je sais qu'au
début, l'Opposition officielle, entre autres, a demandé le
dépôt de certains documents; je sais que certains documents ont
été déposés. Est-ce que ce qui est demandé
par le député de Richmond fait partie de ces documents? La
présidence l'ignore totalement. Je me trouve dépourvu devant une
telle motion, à moins de m'en remettre au témoignage des membres
mêmes de la commission. Comment voulez-vous que je tranche ce...
M. Lalonde: M. le Président, est-ce que vous devez
préjuger de ce qui a été fait? Si cela a
déjà été fait, c'est au ministre le tout
soumis respectueusement d'argumenter que cela a déjà
été fait, que cela a déjà été
donné.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur la
recevabilité.
M. Lalonde: Non, sur le fond.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non. Je
vais déclarer irrecevable une telle motion,
si on me démontre que ces documents ont été
distribués.
M. Grégoire: C'est parce qu'on ne peut pas demander deux
fois la même chose.
M. Lalonde: Cela c'est vrai. C'est la première chose vraie
que le député de Frontenac dit depuis trois mois.
M. le Président, c'est vrai qu'on ne peut pas faire une
deuxième motion semblable. Je pense qu'il faut que vous preniez
connaissance des motions qui ont été faites.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Des
motions qui ont été faites, mais si, à l'intérieur
de la motion faite, par hypothèse, par vous, M. le député
de Marguerite-Bourgeoys, vous demandez l'évaluation du coût
d'achat d'Asbestos Corporation, mais que, dans des documents qui vous ont
été distribués, suite à cette demande bien
précise de votre part, il se trouvait qu'il y avait des choses
demandées par le député de Richmond, ce que j'ignore,
à ce moment-là, on en arriverait à... C'est
extrêmement difficile. En tout cas...
M. Lalonde: J'aurai des suggestions à vous faire demain
matin, M. le Président. Il est 22 heures, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de la commission sont ajournés à demain matin, 10
heures.
(Fin de la séance à 22 h 2)