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Etude du projet de loi no 70
Loi constituant la Société
nationale de l'amiante
(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
Les membres de la commission pour la présente séance sont:
M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu
(Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M.
Laplante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt
(Saint-François) et M. Gratton (Gatineau) qui remplace M. Raynauld
(Outremont).
Les intervenants sont M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Godin (Mercier),
M. Ciaccia (Mont-Royal) en remplacement de M. Garneau (Jean-Talon), M. Landry
(Fabre), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Léger
(Lafontaine), M. Lèves-que (Kamouraska-Témiscouata), M. Paquette
(Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud) et M. Samson (Rouyn-Noranda).
M. le député de Richmond, avez-vous le nouveau texte de la
dernière motion que vous avez présentée?
Objets de la société (suite)
Décision du président
Avant l'ajournement des travaux hier soir, le député de
Richmond a présenté une motion qu'il a par la suite
modifiée dans sa rédaction, et qui se lit maintenant ainsi: "Que
le ministre des Richesses naturelles indique avant l'étude de l'article
4 de la loi 70 les possibilités de mise en marché, tant au niveau
national qu'au niveau international, des produits de l'amiante au
Québec."
Depuis que nous sommes rendus à l'article 4, j'ai remarqué
qu'une nouvelle tendance apparaissait, et c'était de présenter
des motions qui n'étaient pas des motions d'amendement et de
sous-amendement. Il est reconnu que lorsque nous étudions article par
article un projet de loi, les motions généralement
présentées sont des motions qui ont pour but d'amender ou de
sous-amender un article. Il y a également comme possibilité des
motions de suspension de l'étude d'un article, des motions d'ajournement
des travaux, des motions de suspension de l'étude d'un article pour
commencer l'étude d'un autre. Cependant, il s'est
développé, au fil des années, une certaine jurisprudence
qui admet que, même en étudiant un projet de loi article par
article, soient déposées des motions ayant pour but d'inviter le
ministre à distribuer toutes sortes de documents. Même si,
effectivement, ce n'est pas le mot "déposer" qu'on emploie cette
pratique s'est installée dans les présentations des
députés et dans les décisions des présidents,
d'ailleurs.
La plupart des motions que j'ai déclarées re-cevables
à l'article 4, avant d'entreprendre exac- tement et
précisément l'étude de l'article 4, allait dans ce sens,
sauf que la motion actuelle du député de Richmond demande au
ministre d'indiquer les possibilités de mise en marché, tant au
niveau national qu'international. Elle ressemble étrangement à
une motion que j'ai déclarée rece-vable, et vous ne m'en voudrez
pas, soit la dernière présentée par le
député de Marguerite-Bourgeoys, qui demandait au ministre
d'indiquer sur quel motif le gouvernement se fondait pour pouvoir
prétendre acquérir la société Asbestos
Corporation.
Ce sont des motions tellement larges qu'elles équivalent, en
réalité, à une question qui est posée au ministre,
puisque la motion, telle qu'indiquée, telle que présentée
veut dire quoi? Au lieu de dire au ministre dans une question: M. le ministre
pourriez-vous m'indiquer les possibilités de mise en marché, tant
au niveau national qu'international, des produits de l'amiante? Au lieu de
poser cette question, on présente une motion pour demander au ministre
d'indiquer cette même chose.
Je pense que cela devient manifestement intolérable, que cela
dépasse les cadres de notre mandat et je dois dire ici que, dans le
même sens, la dernière motion du député de
Marguerite-Bourgeoys, j'aurais dû, normalement, la déclarer
irrecevable.
Ce matin, avant qu'il ne se développe une nouvelle jurisprudence,
je tiens à dire que notre mandat est d'étudier article par
article le projet de loi 70, il y a certaines motions très limitatives
qui peuvent être présentées avant qu'il n'entreprenne
lui-même l'étude de l'article. Mais je pense que la motion du
député de Richmond, telle que rédigée, n'entre pas
dans le cadre des balises que doivent avoir les motions, lorsqu'on
étudie article par article un projet de loi, de telle sorte que je la
déclare irrecevable. Je dis bien ici que celle du député
de Marguerite-Bourgeoys, présentée vers 21 h 30 hier soir, aurait
dû, je pense, également en vertu des mêmes principes,
être déclarée irrecevable, puisque celui-ci demandait au
ministre, en fin de compte: indiquez-moi les motifs sur lesquels vous vous
basez pour acheter Asbestos Corporation.
C'est une question et je ne voudrais pas qu'on se serve de motion, du
moyen des motions, au lieu tout simplement de poser des questions, surtout que
les mots "mise en marché" apparaissent à l'article 4a du projet
de loi 70 de telle sorte que, ou bien des questions sur la mise en
marché pourront être posées à l'article 4a, ou bien
des motions relativement à la mise en marché pourront
également être présentées à l'article 4a.
Donc je ne voudrais pas que la décision d'hier soir sur la motion
du député de Marguerite-Bourgeoys soit considérée
comme une décision qui fera jurisprudence. Je voulais arrêter
cette façon de procéder.
M. Brochu: M. le président, disons que je suis heureux que
vous fassiez cette mise au point, parce que je pense que quand même, la
décision qui a été rendue hier soir aurait pu, si vous
n'aviez
pas pris la peine de faire cette mise en garde, ce matin, servir de
jurisprudence, à l'avenir, de précédent dans le domaine.
Je pense que le jugement que vous rendez ce matin en ce qui concerne la
recevabilité de ma motion est tout à fait exact et sage. Je vous
avouerai même, M. le président, honnêtement qu'hier, j'ai
dû formuler de nouveau une première motion rapidement, à la
fin de nos travaux, c'est ce qui a fait qu'elle a été
présentée de cette façon-là. Je me suis rendu
compte par la suite et ce matin c'était mon intention
d'intervenir au tout début que justement je pouvais atteindre
logiquement les mêmes fins que je poursuis par la motion
évidemment à condition que le ministre réponde aux
questions mais par des questions adressées au ministre à
ce sujet-là. Alors j'avais même l'intention de la retirer, parce
que je voyais qu'elle ne satisfaisait pas aux normes de notre règlement.
Alors je me soumets volontiers à votre directive, et je suis content que
cela ait permis de rétablir les faits pour l'avenir dans le domaine de
l'amiante.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense
que cela s'imposait, puisque vous avez été tellement large sur la
dernière motion du député de Marguerite-Bourgeoys. Je vous
dis, par exemple, qu'il y a d'autres motions que des motions d'amendement ou de
sous-amendement qui peuvent être présentées lors de
l'étude article par article, mais ces autres motions sont quand
même limitatives. Ce n'est pas n'importe quel genre de motion demandant
n'importe quoi, ce sont des motions, comme je l'ai dit tout à l'heure,
de suspendre l'étude d'un article, d'ajourner des travaux, ou bien
même cette nouvelle jurisprudence qui s'est installée,
d'invitation au ministre à distribuer certains documents. Là je
vous le dis, elle est acceptable et elle est acceptée par les
présidents depuis de nombreuses années, c'est une nouvelle forme
de motion, alors que cette dernière motion n'entrait pas justement dans
le cadre de ces motions. Je ne voulais pas non plus causer des problèmes
à ceux qui vont avoir à présider d'autres commissions
parlementaires, qui vont rendre peut-être des décisions qui
auraient été différentes, et à ce moment-là
je pense que nous devons avoir une politique commune. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Non, M. le président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
L'article 4 était appelé. J'ai demandé s'il est
adopté.
M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le président, j'aimerais présenter
une motion.
M. Bérubé: Cela me surprend beaucoup de la part du
député de Saint-Laurent, qui n'avait pas présenté
une motion depuis déjà longtemps.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
Motion invitant le ministre à distribuer une
évaluation du coût des réclamations des
travailleurs
M. Forget: II est toujours possible de s'amender, M. le
Président.
M. Bérubé: Vous continuez à amender
préférablement le projet de loi.
M. Forget: M. le Président, j'aimerais présenter la
motion suivante et je vais en faire la lecture immédiatement. "Que cette
commission invite le ministre des Richesses naturelles à distribuer
avant le début de l'article 4 du projet de loi no 70, aux membres et
intervenants de cette commission, une évaluation du coût des
réclamations qui sont présentées ou qui seront
présentées au bénéfice des travailleurs
passés et actuels de la Société Asbestos Limitée,
au titre de l'indemnité pour les séquelles physiques et
incapacités résultant de l'amiantose." J'imagine que vous
souhaitez entendre quelques propos sur la recevabilité. Tenant compte
des remarques que vous venez de faire, selon lesquelles les motions
préalables à l'étude d'un article ne devraient pas amener
à des expressions d'opinions ou à des questions posées au
ministre, mais devraient porter sur des points précis qui permettraient,
qui sembleraient nécessaires, pour aborder intelligemment l'étude
de l'article et qui y seraient reliés directement. Je crois qu'il est
évident, d'après les débats de cette commission, que tout
ce qui touche la question de l'acquisition de la société Asbestos
et tout ce qui peut jeter une lumière sur l'acquisition de la
société Asbestos, ses tenants et aboutissants financiers, ses
implications, les engagements que le gouvernement assume par une telle
acquisition sont des renseignements pertinents. Ça ne suppose pas de la
part du ministre une expression d'opinion. Ce n'est pas non plus une question
de nature générale qui est posée au ministre, c'est la
demande d'un renseignement, préalable à l'étude de
l'article, nécessaire pour la bonne intelligence des implications de
l'article 4 qui, à son paragraphe a), prévoit des
activités d'exploitation des gisements d'amiante. Je ne sais pas si cela
répond aux objections qui peuvent être formulées, de toute
manière, en me réservant peut-être le droit d'y
répondre lorsqu'elles seront formulées, si elles le sont, il me
semble, à cause de cela, que cela devrait être une motion, bien
sûre, recevable.
M. Grégoire: C'est une bonne question, cependant, je n'ai
pas trouvé l'article sur la recevabilité justement; vous pourriez
m'aider à trouver l'article qui dit que lorsqu'un document est
déjà public et qu'il a été publié et qu'on
peut se le procurer facilement, une question ou une motion portant sur un tel
dépôt de document ou une question sur de tels documents ne serait
pas recevable si les documents sont déjà publics, publiés
et que celui qui pose la question ou demande le dépôt de documents
peut se le procurer facilement. Je crois, à ce sujet que le document est
publié chaque année, que le député de Saint-Laurent
peut se
le procurer très facilement, que cela est public et qu'il le
reçoit même chaque année avec le dépôt des
rapports de la Commission des accidents du travail. Pour cette...
M. Forget: Pour les réclamations passées.
M. Grégoire: Oui, les sommes dépensées
chaque année pour...
M. Forget: La motion porte sur plus que les réclamations
passées, c'est une estimation, une projection des réclamations
à venir.
M. Grégoire: Oui, vous allez trouver les projections
également dans le rapport de la Commission des accidents du travail,
c'est-à-dire qu'il y a...
M. Forget: La projection des déboursés futurs pour
les réclamations passées, mais pas la projection des
déboursés futurs pour les réclamations futures.
M. Grégoire: Et parce que il y a là... La
Commission des accidents du travail se doit de débourser pour l'avenir
jusqu'à l'âge de 65 ans. Ces chiffres existent à la
Commission des accidents du travail. Cependant, je dois préciser,
à l'intention de mon collègue, le député de
Saint-Laurent, que ces versements, ces réclamations, ne sont pas
effectués par chacune des compagnies minières, individuellement,
mais bien par la Commission des accidents du travail. Ce n'est pas chacune de
ces compagnies minières qui verse pour ses employés, mais chaque
compagnie minière est cotisée pour la moyenne des
amiantosés qui peuvent exister dans l'ensemble des mines et chaque mine
paie au prorata. Ce n'est donc pas une cotisation personnelle à
l'Asbestos Corporation, mais à l'ensemble du secteur minier, comme cela
se produit dans tous les secteurs de la Commission des accidents du
travail.
Ces chiffres existent, ils n'existent pas et ne peuvent pas exister pour
l'Asbestos Corporation elle-même parce que l'Asbestos Corporation ne paie
pas directement pour ses propres mineurs, mais c'est la Commission des
accidents du travail qui paie pour l'ensemble, de telle sorte qu'une compagnie,
comme la société Asbestos Corporation, peut avoir quatre fois
plus d'amiantosés qu'une autre compagnie, mais payer le même
pourcentage, par rapport à ses employés, que les autres
compagnies. Mais cela ne lui coûte pas plus cher si elle en a quatre fois
plus que cela va coûter aux autres compagnies, les autres compagnies
payant pour l'Asbestos. Alors, pour ces raisons, M. le Président...
M. Brochu: M. le Président, question de
règlement...
M. Grégoire: Je termine sur la recevabilité...
M. Brochu: Je pense qu'on aborde la question du fond...
M. Grégoire: ... pour ces raisons, les chiffres
étant publics et le député de Saint-Laurent pouvant se les
procurer à la Commission des accidents du travail, je crois que la
motion est irrecevable.
M. Forget: Brièvement, M. le Président, parce qu'il
y a des faits qui sont cités par le député de Frontenac,
je crois qu'il n'est pas possible, en consultant quelques rapports publics,
d'avoir autre chose que les conséquences de réclamations
passées, selon le langage des avocats, des réclamations
liquidées. Pour ce qui est de projections quant à l'avenir, sur
des réclamations à venir pour des gens qui ne se sont pas encore
présentés ni n'ont formulé de réclamations, il est
nécessaire, évidemment, pour avoir un tableau complet des
engagements possibles du passif contingent, en quelque sorte, de la
société Asbestos, de se former une opinion sur les
probabilités de réclamations futures qui peuvent être en
plus grand nombre que maintenant, puisque les évaluations
médicales se poursuivent, les séquelles de l'exposition à
l'amiante vont se matérialiser au cours des années futures
à un rythme qui doit être estimé, qui n'est pas connu
d'avance. Il serait possible, sans aucun doute, sur la base des
réclamations déjà présentées, de faire de
telles projections mais la Commission des accidents du travail n'a pas cela
dans son mandat. (10 h 30)
D'autre part, même s'il est techniquement vrai que la cotisation
à la Commission des accidents du travail est déterminée
sur une base industrielle plutôt que sur une base d'entreprise, il reste
que...
M. Laplante: On est rendu sur le fond de la motion.
M. Forget: Bien oui, on y était tantôt. Il reste
que...
M. Laplante: Ecoutez...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Forget: ... cette réclamation va prendre la forme d'une
réclamation de cotisations plus ou moins élevées selon la
nature des projections qui seront faites quant à l'avenir.
M. Grégoire: La Commission des accidents du travail...
M. Forget: Donc, cela demeure pertinent.
M. Grégoire: La Commission des accidents du travail a tout
cela.
M. Laplante: Sur la recevabilité, M. le Président.
Je croyais qu'au début de la séance vous aviez donné une
directive qui étalait très clairement que... Même hier,
vous aviez donné, par un doute que vous aviez à ce
moment-là, gain de cause à une motion du Parti
libéral.
La motion qu'on vous présente aujourd'hui est similaire à
celle que le député de Richmond voulait présenter de
nouveau ce matin et que vous avez jugée irrecevable. Elle est apparente
aussi même si celle de l'Opposition, lorsqu'ils parlaient de motifs eux
aussi... Les deux sont similaires et je ne vois pas pourquoi, suite à la
déclaration que vous avez faite ce matin, celle-ci pourrait être
jugée recevable.
Il serait temps de commencer les amendements à l'article 4, s'il
y en a.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de la commission sont suspendus pour cinq minutes.
(Suspension à 10 h 32)
(Reprise à 10 h 37)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je déclare la motion
recevable.
M. Forget: Je vous remercie, M. le Président. Je pense
que, durant la suspension, les échanges qui ont eu lieu entre les
membres de cette commission démontrent que le problème n'est pas
artificiel, il existe. D'ailleurs, je pense que le ministre serait le premier
à reconnaître qu'il y a là un élément
d'incertitude quant aux implications pour les exigences financières de
chacune des compagnies dans cette industrie, comme retombées à la
loi 52, aux exigences actuelles de l'indemnisation des victimes de
l'amiantose.
Il y a donc tout un domaine qu'il faut éclaircir, qu'il faut
explorer parce que, il a une signification importante en lui-même. Les
victimes de l'amiantose, depuis deux ans, sont dans une situation qui n'est pas
encore entièrement claire, on ne sait pas jusqu'à quel point la
loi s'applique à eux et de quelle façon ils peuvent en profiter;
dans un certain nombre de cas, on nous dit que les réclamations ont
été réglées; dans un certain nombre d'autres cas,
elles ne l'ont pas été. Il faut voir que même
au-delà de l'incertitude résultant du sort qu'on fait aux
réclamations déjà présentées, il reste une
incertitude d'un autre genre quant aux réclamations qui pourraient
survenir au cours des prochaines années.
Là, il y a des hypothèses optimistes ou pessimistes, selon
que l'on croit que les nouvelles normes de salubrité permettront
d'abaisser l'incidence de l'amiantose, plus ou moins. Donc, il y a toutes
sortes de possibilités quant au nombre de personnes qui pourraient
être affectées, au nombre de personnes qui pourraient se
mériter une indemnisation et, donc, les implications pour l'industrie de
l'amiante en général et pour une société en
particulier, telle que la société Asbestos, sont grandes.
Dans le cas de la société Asbestos, comme on propose d'en
faire l'acquisition, ces implications deviennent des préoccupations
importantes puisqu'elles constituent un passif, une obligation qui peut se
matérialiser à un niveau difficile à prévoir mais
qu'il faut bien prévoir puisque, de toute façon, on est
forcé de passer par une hypothèse donnée, de faire
certaines suppositions au moment où on en fait l'acquisition.
J'aimerais citer le témoignage qu'a rendu M. L'Heureux, ici, qui
est le vice-président de la CSN, qui accompagnait les membres du
syndicat CSN, les travailleurs de l'amiante, le 22 mars dernier, et qui a fait
allusion spontanément, dans sa présentation, à cette
question. Il disait en particulier que le prix d'achat de la
Société Asbestos, le prix que le gouvernement devra payer pour la
Société Asbestos, devait être diminué par un montant
exactement équivalent à ce qu'il en coûtera pour payer non
seulement les réclamations, encore une fois, déjà
présentées, mais le coût futur des réclamations
actuelles et des réclamations probables pour l'avenir, pour indemniser
les mineurs victimes des maladies causées par l'exposition aux
poussières d'amiante. Alors, je cite en enchaînant:
Déjà 273 travailleurs d'Asbestos Corporation reçoivent une
compensation de la Commission des accidents du travail, dont 89 en vertu de la
loi 52".
On sait que l'enquête du Mont Sinaï demandée par la
CSN a révélé que 65% des mineurs ayant 20 ans et plus de
service ont des troubles pulmonaires. C'est intéressant de noter, M. le
Président, que 65%, c'est à peu près, grosso modo, les 2/3
des mineurs qui ont fait 20 ans dans la mine ont des troubles pulmonaires. Des
troubles pulmonaires, cela ne veut pas dire qu'ils sont dans une
incapacité totale de continuer à travailler. Ils ont des troubles
pulmonaires partiels qui peuvent les gêner à un degré
variable, mais pour certains d'entre eux, cela peut être assez important.
"Or continue M. L'Heureux il y a 705 travailleurs d'Asbestos
Corporation qui ont été exposés à de la
poussière pendant plus de 20 ans, 345 d'entre eux ont plus de 55 ans.
Dans la détermination de la valeur de la compagnie, il est donc
nécessaire de prévoir un passif comme compenser les mineurs
malades. En supposant que pour les trente prochaines années, un groupe
constant de 125 travailleurs, reçoit une compensation en vertu de la Loi
52, 90% du salaire net, la base actuelle est de $10 000 par année, et
que cette compensation soit indexée à raison de 7% par an, il
faudrait prévoir un montant de $25 millions environ pour payer des
prestations, en supposant que l'intérêt réalisé sur
cette somme, est égal à 10% par année ".
Autrement dit ce que M. L'Heureux suggère, c'est que si le
gouvernement paie $25 millions de moins pour la mine que sa valeur nette aux
livres pour tenir compte de ces réclamations-là, il peut placer
en quelque sorte cet argent à 10%, et s assurer que le fonds qui va en
résulter va être suffisant pendant 30 ans, pour payer 90% du
salaire net à un groupe constant. Cela ne peut pas néces-
sairement toujours être les mêmes, mais un groupe qui se
maintient aux alentours de 125 personnes tous les ans, pendant cette
période de 30 ans. Il est évident qu'il y a beaucoup
d'hypothèses qui sont faites, de ce côté là. Il y a
une hypothèse selon laquelle il s'agit d'un groupe constant de 125
travailleurs. Quand on rapproche cela du fait que 705 travailleurs d'Asbestos
ont été exposés à de la poussière pendant
plus de 20 ans et que ceux qui ont subi une enquête par le Mont
Sinaï, l'Hôpital Mont-Sinaï, ont révélé
que les 2/3 de ceux qui ont été exposés pendant 20 ans et
plus étaient affectés à un degré quelconque, ce
groupe de 125 travailleurs, indemnisés, à partir d'un
réservoir de travailleurs de 705 dont les 2/3 sont affectés, cela
n'est certainement pas une exagération du nombre.
Il y a probablement là-dedans une hypothèse assez
optimiste quant à l'avenir de la salubrité dans les mines et
probablement une hypothèse selon laquelle au fond, au cours des vingt
prochaines années, des travailleurs qui sont exposés à la
poussière d'amiante, il y en a une proportion beaucoup plus faible que
les 2/3 qui souffrira d'amiantose. Mais cela n'est qu'une hypothèse; on
pourrait envisager des hypothèses plus ou moins pessimistes ou
optimistes et on pourrait donc avoir un chiffre d'indemnisation à payer
qui serait plus considérable que $25 millions.
M. L'Heureux de la CSN, enchaîne: "Aussi demandons-nous que le
gouvernement entreprenne une étude actuarielle du financement de la
compensation présente et future afin d'en déduire le montant de
la valeur nette d'Asbestos Corporation". Alors, M. le Président, au
fond, cette motion que nous présentons est l'écho direct de cette
phrase prononcée par M. L'Heureux. Il demande que le gouvernement
entreprenne une étude actuarielle du financement de la compensation
présente et future, afin de déduire ce montant-là de la
valeur nette que le gouvernement entend payer pour la Société
Asbestos Corporation.
C'est donc un élément important aux yeux de la CSN parce
que M. L'Heureux commençait son exposé au tout début en
disant qu'ils étaient d'accord avec l'achat d'Asbestos Corporation, mais
non pas à n'importe quel prix et en particulier, qu'il fallait que ce
prix reflète totalement la déduction qui serait nécessaire
pour payer le coût estimé de la compensation. (10 h 45)
D'autre part, et je termine là-dessus avec cette citation de M.
L'Heureux, il dit: "II faudrait également tenir compte du coût de
la pollution de l'environnement ". Ceux qui connaissent la région voient
les montagnes de rebuts, le développement absolument erratique de la
ville. C'est un autre aspect qui, évidemment, déborde la question
des $25 millions mais qu'il serait aussi intéressant d'aborder. Dans le
fond, la question qui se pose, c'est simplement la suivante, ce que l'on
aimerait savoir, ce que la CSN et l'Opposition officielle aimeraient savoir du
gouvernement: A combien le gouvernement évalue-t-il le coût des
réclamations qu'il devra assumer, une fois devenu propriétaire,
pour l'indemnisation des victimes d'amiantose? A combien le gouvernement
évalue-t-il les responsabilités sociales qu'il devra assumer
comme propriétaire de la plus importante mine de la région et
capable, indirectement, d'influencer le développement des autres mines?
A combien évalue-t-il sa contribution, la contribution de l'ensemble des
contribuables du Québec, si l'on veut, à l'amélioration de
l'environnement de la région de Thetford-Mines?
La ville de Thetford est venue ici, en commission, et nous a dit que la
phase 2 de son programme de déménagement de quartiers, de
réaménagement de la ville de Thetford-Mines, impliquait des
dépenses estimées actuellement à $7 millions ou $8
millions. C'est simplement pour déménager des quartiers, une rue
entre autres qui est située entre deux crassiers, entre deux
séries de crassiers, mais aussi certains autres aménagements. On
sait qu'il faut reconstruire les aqueducs, les égouts, les trottoirs,
les rues, etc., aider les particuliers à déménager,
à acquérir une nouvelle maison, etc. Ce sont des dépenses
considérables. Il y a tout le problème des tas de rebuts; il ne
s'agit pas de les déménager, bien sûr, je pense bien que ce
serait impossible et déraisonnable, mais il y a certainement des travaux
d'aménagement physique qui permettraient, par exemple, de stabiliser les
pentes et d'y faire pousser de la végétation afin de dissimuler
les cicatrices trop visibles et permanentes qui résultent de
l'exploitation des mines.
Il y a des coûts, je ne pense pas que personne ne les ait jamais
estimés, mais on peut facilement imaginer qu'à partir du moment
où l'Etat sera propriétaire de la société Asbestos,
la population sera en droit et on pourra certainement prévoir qu'elle va
exiger que ce propriétaire, qui est devenu propriétaire au nom de
l'intérêt public justement, manifeste vis-à-vis de ces
questions d'environnement une conscience sociale plus aiguë que ce qu'on
peut attendre de voir manifesté par des sociétés
privées. Il se peut très probablement que le gouvernement trouve
que ce raisonnement est suffisamment fort pour y donner suite et on ne sait pas
exactement, on ne sait pas du tout même, dans quelle aventure
financière le gouvernement va s'avancer à ce
moment-là.
Ce n'est pas une raison pour ne pas le faire, M. le Président,
mais au moment de prendre la décision, avant qu'on ne s'engage dans tout
cela, il serait peut-être intéressant je pense,
personnellement, que ce serait essentiel bien plus que seulement
intéressant que le gouvernement nous dise: Bien oui, on a
examiné cela; il y a la question de l'indemnisation des victimes
d'amiantose, cela vise toute l'industrie, c'est l'application des lois mais
encore faut-il le déduire du prix d'achat. Il y a des questions
d'environnement, des questions de déménagement de quartiers et
d'urbanisation, il y a des choses qu'on va faire, que les
sociétés privées ne faisaient pas. C'est d'ailleurs une
des raisons pour lesquelles le gouvernement veut, pré-sumément,
faire un tel investissement. Il veut démontrer que les
propriétaires antérieurs n'avaient pas une conscience sociale
satisfaisante. Il ne sera pas en mesure, lui, comme gouvernement et
comme représentant du public, d'éviter aussi facilement
ces mêmes responsabilités. Alors, voici les chiffres auxquels on a
estimé leur coût. Ceci permettrait au public d'être
informé.
Ce n'est rien d'autre que cela que nous souhaitons, que le public soit
informé en disant: Bien oui, voilà; non seulement serions-nous
informés sur le plan financier, mais on connaîtrait enfin les
intentions véritables du gouvernement. Je ne peux pas m'imaginer que le
gouvernement se retourne, là-dessus, du côté de la
société nationale de l'amiante et dise: Ecoutez, messieurs du
conseil d'administration de la Société nationale de l'amiante,
vis-à-vis des responsabilités sociales face à
l'environnement, face aux travailleurs, face à l'environnement urbain,
prenez les décisions qui vous semblent bonnes, le gouvernement ne s'y
intéresse pas. Non, c'est une responsabilité clairement
gouvernementale, une fois que celui-ci en deviendra propriétaire,
d'indiquer ses priorités. Personne d'autre ne peut le faire à sa
place. Il pourra, bien sûr, avoir des conseillers techniques sur la
façon de procéder, des gens qu'il nommera au conseil
d'administration, des cadres de la Société nationale de l'amiante
mais ce ne sont pas ces cadres, qui ne sont pas élus, qui pourront
prendre les décisions du gouvernement. C'est le gouvernement qui,
à ce moment-ci, avant de prendre la décision, doit savoir si, oui
ou non, il a l'intention de s'engager dans cette direction. Il nous semblerait
naturel, à la fois sur le plan économique que sur le plan de ses
orientations sociales, que le gouvernement soit tout à fait explicite.
Il n'y a rien qui menace, de ce côté-là, les
négociations qui ne sont pas, d'ailleurs, amorcées avec la
société General Dynamics; il n'y a rien de secret ou de
confidentiel dans tout cela, il n'y a rien qui puisse influencer la valeur des
actions directement.
Il me semble que c'est au contraire un facteur qui permettrait à
plus grand nombre de gens, à travers le Québec, de juger si
I'initiative gouvernementale est justifiée. Si on pouvait dire: Voyez,
le gouvernement, lui, il va restaurer la qualité de la vie aux gens de
Thetford-Mines, il va se préoccuper de l'environnement, il va faire une
contribution majeure, il a prévu d'avance le coût d indemnisation
des victimes d'amiantose et il ne paiera pas deux fois pour cela, il ne paiera
pas à la compagnie un prix qui est gonflé par linclusion d
éléments de rentabilité qui vont s'évanouir
à partir du moment où I'on va respecter ces
engagements-là. Donc, il est essentiel de rassurer l'opinion publique
là-dessus, de s'engager, aussi, pour le gouvernement, d'assumer ses
responsabilités face a l'opinion publique, quant à des questions
comme celles-là qui concernent à peu près tout le
monde.
J'aimerais, M. le Président, souligner une chose. Le
gouvernement, relativement aux questions de salubrité, relativement aux
questions de I indemnisation des victimes de I amiante comme sur d autres
sujets relatifs à lamiante, se trouve en face, essentiellement, de
I'héritage du gouvernement précédent. C est une chose qu
il faut préciser absolument, puisque ce gouvernement se flatte, d
être le premier à prendre des initiatives dans le domaine de I
amiante. Il reste que si l'on se pose sérieusement la question à
savoir: Qu'est-ce que le gouvernement précédent a fait pour
amorcer une solution aux problèmes de l'amiante? On trouve au premier
plan la création du Comité Beaudy qui constitue, de l'aveu
même de certains documents gouvernementaux qui sont ici et qui datent
d'une période toute récente, I'initiative la plus
systématique, de la plus grande envergure dans le monde entier pour
découvrir les implications de l'amiante sur la santé des
travailleurs.
C'est une étude que Ion peut citer ailleurs comme étant
vraiment exhaustive, vraiment soignée. C'est là une initiative du
gouvernement précédent, non pas seulement pour créer des
comités et des rapports, mais aussi pour légiférer
à la suite de ce rapport, une loi portant sur I indemnisation des
victimes. Sans doute, tous les problèmes ne sont pas
réglés, il y a des difficultés d'application, mais il y a
bien peu de lois où il n y a pas de difficultés imprévues
d application. C'est pour cela qu on les amende continuellement, c est un
processus connu, mais il reste que le principe de I indemnisation à 90%
du salaire antérieur est posé dans cette loi et la seule
difficulté qui se pose, c'est I interprétation,
évidemment, ce que ' on veut dire par une incapacité, la
possibilité d'offrir d autres emplois en substitution pourvu qu ils ne
comportent pas les mêmes risques etc. Ce sont des questions relativement
secondaires, mais le principe a été posé, donc il y a eu
du côté de la salubrité des initiatives extrêmement
importantes et même l'entrée en vigueur, au premier janvier 1978,
de certaines normes nouvelles de salubrité de I'air dans les usines.
Contrairement au fait que sa date d entrée en vigueur semblerait
suggérer que c est une décision récente, c est une
décision, au contraire, qui était prévue et une date d
entrée en vigueur pour ces normes était prévue depuis de
longs mois, antérieurement à I'automne 1976.
Donc, il y a là un héritage du gouvernement actuel et une
réponse catégorique à la question qu'il semble parfois
poser d'une façon rhétorique: Qu est-ce que vous avez fait dans
le domaine de I'amiante? On s'est, premièrement, intéressé
au problème de la salubrité. On s est premièrement
intéressé au problème de l'indemnisation des travailleurs
frappés d amiantose, mais on ne s est pas limité, seulement,
à ces initiatives, M. le Président, puisque dès le
début des années 1970, le gouvernement antérieur, le
gouvernement libéral a créé le Bureau d économie
minière. Je ne sais pas si c est une expression absolument
appropriée, c est un bureau, une direction, un service à
l'intérieur du ministère des Richesses naturelles dont la
fonction était d examiner, non pas seulement comme par le passé,
la qualité physique, le contenu mineralogique de certains
échantillons etc., et de surveiller les claims et la façon dont
les droits miniers ont été acquis ou devenaient éteints,
mais aussi de s intéresser a I économie minière, à
l'impact de I'activité minière sur I économie du
Québec, aux possibilités de transformation, travail
d'implantation, donc, d'un nouveau service gouvernemental, d'un foyer
d'expertise gou-
vernemental, qui a donné lieu aux études avec lesquelles
le gouvernement actuel fait ses beaux dimanches. Ce sont les seules
études qui existent sur le sujet, celles-ci ayant été
amorcées avant le changement de gouvernement, comme leur date de
publication en témoigne, puisque ce sont des études qui ont
duré plus de quelque semaines, sans aucun doute, cela devient
très évident, et même des études amorcées par
le secteur privé de I industrie. L'étude SORES, qui est quand
même une étude extrêmement fouillée, a
été entreprise par l'Association des mines d'amiante, sous
l'encouragement, quoique ce soit là bien plus un en-phémisme
qu'autre chose, l'incitation, la poussée du gouvernement
précédent qui, cependant, avait refusé effectivement de
participer financièrement à la conduite de cette étude
privée parce que le gouvernement ne sachant pas, n'étant pas
sûr à cette époque-là, absolument sûr des
motivations de l'industrie, a préféré ne pas donner plus
de crédibilité d'avance aux résultats ne sachant pas si
les résultats seraient conformes à ses attentes.
M. Bérubé: C'est du patinage, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Non, ce n'est pas un patinage, c'est exactement la
raison qui a été retenue à l'époque, à
savoir qu'il ne fallait pas d'avance donner bénédiction à
des travaux sans savoir s'ils concouraient dans le sens que le gouvernement du
Québec le souhaitait. Et d'ailleurs, sachant qu'il y avait une pression
du côté gouvernemental, malgré ce refus de participation
financière de la part du gouvernement, l'industrie a senti qu'il lui
était nécessaire d'aller de l'avant malgré tout. Et c'est
à partir de ces bases-là, les bases dans le domaine de la
préoccupation, dans le domaine de la santé, de la
salubrité des travailleurs, qui est une priorité et qui a
été réglée substantiellement par l'ancien
gouvernement, sur la base de l'établissement de structures de recherche
et d'analyse au sein du ministère des Richesses naturelles, et l'amorce
d'un certain nombre d'études que le gouvernement actuel est en mesure,
jusqu'à un certain point, d'aborder en quelque sorte
immédiatement des décisions et des orientations politiques avec
lesquelles nous ne sommes pas d'accord, parce que nous croyons cependant que
ces études, même si elles ont été amorcées
par le gouvernement précédent, ne sont pas suffisantes, dans
certains cas, pour expliquer les orientations prises par le gouvernement ou au
contraire, devraient l'inciter à prendre une voie différente.
Là, c'est une question d'interprétation au sujet de laquelle il
est normal que les formations politiques divergent d'opinion.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent, je vous inviterais à conclure, est-ce que vous avez
complété?
M. Forget: Ecoutez, M. le Président, je voulais rappeler
ces faits parce que je crois qu'ils sont pertinents. Etant donné que
nous parlons de salubrité, d'indemnisation des victimes de l'amiantose,
je crois qu'il était nécessaire que l'on corrige des affirmations
qui voudraient faire croire que le gouvernement précédent n'a
pris aucune initiative et ne s'est pas préoccupé de la question
de l'amiante. Le but principal de la motion, bien sûr, n'est pas de faire
cet historique, je ne l'ai fait qu'incidemment. Il est de savoir, pour
l'instant, quelles sont les intentions gouvernementales véritables dans
ce domaine-là et quelles sont les implications financières de ces
intentions vis-à-vis l'indemnisation des victimes d'amiantose,
vis-à-vis de son acquisition d'une société, jusqu'à
quel point il n'a pas un chiffre précis, vis-à-vis la
société Asbestos; pourra-t-il déduire, comme le demandait
la CSN, du prix d'acquisition l'estimation future qu'il fait de ses
responsabilités envers les travailleurs affectés d'amiantose.
L'un ne va pas sans l'autre et à moins de posséder ces
chiffres, on pourra toujours douter de l'affirmation que le gouvernement fait,
que le ministre va faire; on pourra douter qu'il a tenu compte de ces
coûts-là. C'est une affirmation vide de sens puisque effectivement
l'évaluation n'ayant pas été faite, n'ayant pas
été scrutée et débattue publiquement, c'est un
chiffre commode qu'on pourra insérer à la fin, dans le
communiqué final rapportant l'achat et le prix d'achat de la
société, en disant: Ce prix qui est de $10 millions, de $12
millions, de $5 millions, cela représente une estimation convenable, de
l'avis du gouvernement, du coût des réclamations. C'est une
affirmation qu'il faudrait pouvoir vérifier, scruter, sur laquelle il
faudrait pouvoir s'entendre avant de faire une pareille affirmation.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Frontenac. (11 heures)
M. Grégoire: M. le Président, j'ai l'impression,
à l'heure actuelle, que le député de Saint-Laurent essaie
d'enfoncer une porte ouverte ou, plutôt, tel un Don Quichotte à la
moderne, qu'il essaie de s'attaquer à des moulins à vent. Il nous
demande, dans sa motion, l'évaluation du coût des
réclamations qui sont présentées ou qui seront
présentées au bénéfice des travailleurs
passés et actuels de la société Asbestos, au titre de
l'indemnité pour les séquelles physiques et incapacités
résultant de l'amiantose. Tous ces chiffres existent, M. le
Président. Le député de Saint-Laurent, s'il ne jette pas
les documents qu'il reçoit, les a dans son bureau; s'il les jette sans
les lire, j'admets qu'il ne les ait pas lus et qu'il ne soit pas au courant.
Mais si, tous les jours, lorsqu'il reçoit de la documentation des
différents ministères, ou chaque année, lorsqu'il
reçoit le rapport annuel de la Commission des accidents du travail, s'il
prend la peine de s'informerpuisque la chose semble l'intéresser
s'il prend la peine de lire ces rapports, il réalisera que tous
les chiffres demandés sont dans ces rapports et existent
présentement. Il les a et il vient de demander de les déposer, il
vient de demander au ministre de les distribuer. Mais cela lui a
déjà été distribué et chaque année,
depuis qu'il est député.
Je ne sais pas depuis quelle année le député
de Saint-Laurent est député ici, depuis 1970 ou 1966...
Depuis 1973, c'est un jeune député, je le vois. Depuis 1973 qu'il
est député, donc, chaque année, il a reçu ces
rapports; il sait exactement ce qu il en coûte a chaque compagnie
minière d amiante, chaque année, pour I indemnité
payée aux amiantosés. Il le sait, il l'a dans son bureau;
à moins qu il ne jette les informations qu'il reçoit. C est
possible, il y en a qui font cela; peut-être que le député
de Saint-Laurent est dans la classe de ceux qui jettent au fur et à
mesure, sans lire, sans garder, sans classer. A ce moment-là, je
comprends qu il ne les ait pas et qu il les demande
ICI.
Je comprends que vous les demandiez ici. Je ne sais pas si vous les
jetez; si vous ne les jetez pas, vous les avez dans votre bureau. Vous les avez
pour 1973, puisque vous étiez député; vous les avez pour
1974, 1975, 1976 et, pour 1977, je ne sais trop si le rapport est
déposé à I heure actuelle mais vous l'avez d'année
en année.
Le député de Saint-Laurent demande quelles sont les
incidences sur le coût. C est évident que les montants que la
Commission des accidents du travail demande à chacune des mines, des
sociétés minières, de verser à la Commission des
accidents du travail sont inclus dans le bilan, sont inclus dans les
dépenses. Malgré que tout cela soit inclus, à I neure
actuelle, dans les dépenses des compagnies, rien n empêche que,
malgré ces versements annuels faits par les compagnies minières
à la Commission des accidents du travail pour les amiantosés, les
profits des compagnies minières sont de I'ordre de 20%. Alors,
l'évaluation d Asbestos Corporation se fait en fonction des profits qui
sont de Tordre de 20%, une fois les indemnisations payées à la
Commission des accidents du travail pour les amiantosés.
M. Forget: C est cela que je voulais dire, ah bon!
M. Grégoire: Bien, c est évident.
M. Forget: Donc, vous ne tenez aucun compte des
réclamations futures?
M. Grégoire: Evidemment qu'on en tient compte puisque c
est déjà payé dans les dépenses de la compagnie et
que...
M. Forget: Non, non, les réclamations...
M. Grégoire: ... Malgré ces dépenses, les
profits sont là.
M. Forget: ... futures ne sont pas dans le bilan.
M. Grégoire: Pour les réclamations futures, le tout
peut se calculer. Combien y en a-t-il sous le terme...
M. Forget: Une porte pour le ministre. M. Grégoire:
Oui.
M. Forget: Une belle porte de sortie.
M. Grégoire: C'est tout de même évident. Si
vous n'y avez jamais pensé, il commence à être temps que
vous y pensiez. Une compagnie s évalue avec son actif et son passif.
M. Forget: Vous pensez...
M. Grégoire: Bien oui, mais cela fait déjà
un mois et demi qu on parle d'amiante et vous n'y avez jamais pensé?
Voyons donc!
M. Forget: On prenait, au préavis, les promesses du
ministre.
M. Grégoire: M. le Président, je dis ceci: Si le
député de Saint-Laurent veut avoir une réponse à la
question, qu'il aille à son bureau, cela va lui prendre cinq minutes;
s'il a le tour de faire du classement ordonné, qu'il demande qu'on lui
sorte les derniers rapports de la Commission des accidents du travail, qu'il le
demande. Il va l'avoir, la réponse, ici. Cela ne prendra pas une heure
et demie de discussion sur sa motion, ici, parce qu'on sait fort bien que s il
a présenté cette motion, malgré qu'il ait tous les
chiffres dans son bureau, c'est simplement comme motion dilatoire pour faire
perdre le temps à la commission comme il le fait depuis un mois et demi,
en essayant d'entrer dans le vif du sujet, en essayant d'entrer sur le fond de
la question, en essayant d entrer sur le fond des raisons pour lesquelles la
Société nationale de I amiante est créée,
c'est-à-dire la recherche, le développement, I exploitation, la
mise en marché, les activités de nature industrielle,
manufacturière, transformation de la fibre chez nous, valeur
économique que cela peut représenter pour les
Québécois.
On n'est pas encore embarqués là-dedans, depuis un mois et
demi, deux mois; l'Opposition a peur d'y entrer et de commencer à
discuter du fond du problème. C'est pourquoi on nous arrive avec des
motions demandant de produire des chiffres qu ils ont déjà dans
leur bureau. Nous, nous avons hâte d'entrer dans le fond du sujet, pour
montrer et démontrer que la politique nationale de l'amiante du
gouvernement actuel est une politique qui vise au développement
économique de tout ce secteur, ce qui n'a jamais été fait
depuis 100 ans que les mines d'amiante existent au Québec. Alors en
conclusion, M. le Président, je recommande au député de
Saint-Laurent de regarder les rapports annuels qu'il reçoit
continuellement et, à ce moment-là, ses questions auront
réponses d avance.
Le Président (M. Bordeieau): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: M. le Président, j'aimerais à ce
stade-ci adresser une question au ministre des Richesses naturelles, concernant
le problème des personnes atteintes de maladies industrielles,
l'amiantose en particulier. Est-ce que le ministre
peut nous dire maintenant quel est le nombre de travailleurs,
spécifiquement a I'entreprise d Asbestos Corporation, atteints
d'amiantose à un degré suffisant pour devoir actuellement
bénéficier des recours prévus dans la loi 52?
M. Bérubé: M. le Président, malheureusement,
j'ai demandé à mes conseillers du ministère de colliger
ces renseignements. De toute façon, concernant les mineurs de
I'Asbestos, je pense que le député de Richmond n'a pas vraiment
compris I'argumentation du député de Frontenac en ce sens que ce
n est pas la société Asbestos qui paie pour ses mineurs atteints
d'amiantose, ou atteints d autres maladies industrielles, mais c'est I ensemble
de la classe des mines d amiante qui défraie I'ensemble des coûts
encourus pour les compensations. En d autres termes, s'il ne devait y avoir
aucun mineur à l'Asbestos atteint d'amiantose, mais qu'il devait y en
avoir un grand nombre a la Johns-Manville, par exemple, l'Asbestos Corporation
serait obligée de défrayer sa part des dépenses sur la
même base que la Johns-Manville. Par conséquent, la question que
vous posez concernant la société Asbestos n a pas comme telle d
incidence, relativement à la question qui est posée ici,
puisqu'elle ne permettrait pas du tout d avoir un portrait global de I'ensemble
de l'industrie.
Cependant, si vous posiez votre question en essayant plutôt de
savoir combien il y a de mineurs présentement qui sont couverts par la
loi 52 et qui reçoivent les prestations de la Commission des accidents
du travail, je pense que votre question, évidemment, serait de nature
à nous permettre d avoir un portrait global de l'ensemble de l'industrie
et je vous dirais, à ce moment, que d'ici quelques minutes j aurai la
réponse.
M. Brochu: Ma première question allait être suivie
par une autre, M. le Président. Je comprends que le ministre garde quand
même cette réserve dans sa réponse parce que, effectivement
et vous le verrez par mon autre question il me semble qu'il y a
une incidence, et une incidence assez considérable quand même
lorsqu'on regarde I'achat d'Asbestos Corporation. Je comprends qu'en ce qui
concerne l'indemnisation des victimes d amiantose à la grandeur du
territoire du Québec, c'est I ensemble des compagnies qui, par un taux
établi, contribue et non pas spécifiquement I entreprise
touchée. A ce titre là, d'ailleurs, le gouvernement, s'il devait
se porter acquéreur d Asbestos Corporation, participerait, j'imagine,
dans ce programme établi.
Cependant, et c'est là l'objet de ma deuxième remarque et
également de ma deuxième question, c'est que la politique du
gouvernement...
M. Bérubé: En d'autres termes, M. le
député, cela voudrait dire que l'incidence des mesures sociales
sur le prix de vente de la fibre de la société Asbestos serait
exactement la même que l'incidence sur le prix de vente de la fibre
vendue par la Johns-Manville.
M. Brochu: il y a des nuances, mais cela peut se voir de cette
façon, évidemment, lorsqu on le prend en terme de quote-part.
M. Bérubé: La seule chose que cela peut avoir comme
conséquence, c est cela. Cela n'a pas plus d influence sur la
profitabilité de l'Asbestos que de la Johns-Manville. Ce que cela peut
avoir comme conséquence, cependant, c'est de faire croître le prix
de la fibre et, à ce moment, mettre cette fibre non compétitive
par rapport à des substituts. C'est le seul calcul que vous puissiez
faire. C'est donc uniquement une comparaison du prix de vente de la fibre avec
le prix de vente d autres produits substituts. C'est le seul impact que I'on
peut voir en autant que les industries sont concernées, elles sont
toutes affectées de la même façon, ceci provoque donc un
accroissement simultané de I'ensemble de leur coût.
M. Brochu: Oui, puisque tout le monde est impliqué de la
même façon et au même titre.
M. Bérubé: Cela paraît important.
M. Brochu: Oui, c'est important, dans la discussion. Cependant,
j'en suis sur ceci, c'est qu actuellement, d accord, les personnes qui sont
sous I'effet de la Loi 52, du moins pour une grande partie d'entre elles, sont
actuellement hors du marché du travail et reçoivent une
compensation de 90% de leur salaire, qui leur est versée. Cependant,
comme la politique du gouvernement n est pas arrêtée encore et n
est pas annoncée, on espère que cela le sera bientôt.
Cela fait quinze ou seize mois qu'on attend une présentation qui
modifierait toute la situation, de la part du gouvernement, mais cela n a pas
été fait.
Je vous rappellerai, M. le Président, qu'à ce chapitre, la
Commission des accidents du travail, il y a quelques mois, a tenté
certaines approches auprès de travailleurs atteints d amiantose qui
reçoivent 90% de leur salaire, chez eux, parce qu ils ont un pourcentage
élevé d amiantose, pour essayer de leur faire
réintégrer le marché du travail. D accord? La question qui
se pose maintenant cest: Si le gouvernement, dans son livre blanc
éventuel sur cette question et sur la modification de I ensemble des
lois ainsi que de la loi 52, prend I approche de vouloir
réintégrer ces gens sur le marché du travail, c est
là qu'on aura des incidences directes en termes de coût. Il y a
des différences de coût, parce que ces personnes redeviennent des
personnes productives dans l'industrie. Alors que si le choix du gouvernement
est celui de maintenir l'optique de la loi 52, telle qu elle est actuellement,
a ce moment-la, ces travailleurs continueront à demeurer chez eux,
protégés par la loi 52. Ce qui veut donc dire des
différences de coût appréciables.
Si le gouvernement, dans son livre blanc, réintègre ces
gens sur le marché du travail, ils ne seront plus concrètement
à charge. Alors, il y a une variante dans les coûts qui est
énorme à ce ni-
veau. Je pense qu'à ce titre, le ministre aurait peut-être
avantage à nous donner certaines précisions sur les intentions du
gouvernement, lesquelles sont attendues par la population et par nous aussi,
parce que cela a une implication directe sur ce que le gouvernement veut faire
actuellement.
Je ne sais pas, est-ce que le ministre aurait des précisions
à nous apporter, immédiatement, en ce qui concerne les intentions
du gouvernement?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Brochu: Pas pour le moment? Le ministre me fait signe que non.
Cela fait quinze ou seize mois qu'on espère que cela viendra
bientôt.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, je pense que
vous pourriez suggérer puisque je ne peux pas m'adresser au
député de Richmond directement au député de
Richmond de poser cette question au ministre d'Etat au développement
social lors de la prochaine période de questions, cet après-midi,
en Chambre.
M. Brochu: Oui, mais je vais continuer mon intervention, M. le
Président, suite aux propos du ministre. C'est justement là un
peu le dilemme dans lequel on se trouve avec toute cette question; c'est qu'on
nous envoie de l'un à l'autre et, pendant ce temps, les mois passent et
la situation demeure entière. Je comprends le bien-fondé de cette
motion qui est devant nous actuellement; cela me préoccupe au plus haut
point, évidemment, étant représentant d'une région
minière où le problème de l'amiantose se pose avec
beaucoup d'acuité, comme dans la région de Thetford et comme dans
les régions où il y a d'autres mines. La situation demeure
ambiguë pour beaucoup de ces personnes qui sont aux prises avec la loi 52
ou avec une mauvaise application de la loi 52, ou avec une refonte de ces lois
qui devait venir et qui n'est jamais venue. On est encore devant rien;
là aussi, on est devant une zone grise en ce qui concerne le projet de
loi qui est devant nous actuellement.
On nous demande encore un blanc-seing ou un chèque en blanc en ce
qui concerne tout ce problème. M. le Président, je vous dirai
simplement, pour bien vous situer dans le contexte, par exemple, qu'il y a des
travailleurs actuellement qui sont encore sur le marché du travail,
à qui on a enlevé le permis de travail, qui n'auraient pas de
raison légale d'être là, et qui sont atteints d'amiantose
à des pourcentages aussi élevés que d'autres qui
bénéficient de la loi 52. Ces gens demandent: Est-ce que je vais
sortir demain ou non? Est-ce que je dois sortir et bénéficier de
la loi 52 ou non? Je ne sais pas si, le gouvernement, dans ce qu'il doit
annoncer dans les années à venir, va nous obliger à
réintégrer le travail. Alors, le seul effet qu'auraient les lois
pour la santé des travailleurs et, en particulier, ceux atteints de
l'amiantose, c'est de pénaliser les gens qui sont atteints de ces
maladies industrielles; on aurait fait sortir une personne du marché du
travail pour l'obliger, par la suite, à revenir à un emploi. Mais
ne pouvant plus occuper le même emploi, elle est obligée de
prendre un emploi à la base de salaire.
Le seul effet des lois pour la santé, en ce qui concerne les
maladies industrielles, avec l'inaction du gouvernement actuellement, serait de
pénaliser ces gens d'avoir été malades, d'avoir
été atteints de maladies industrielles. C'est assez
sérieux et cela fait partie, fondamentalement, de nos discussions si on
a la préoccupation d'aider ces gens, réellement.
Je vous ai fait état, tantôt et je reviens
là-dessus de l'incohérence de l'attitude gouvernementale
et aussi du danger d'une telle attitude. Il y a quelques mois, comme je l'ai
mentionné dans mon argumentation au ministre, la Commission des
accidents du travail s'est mise à faire la chasse aux travailleurs
bénéficiant de la loi 52, pour essayer de réinstaller
ailleurs ces gars-là. Imaginez-vous les problèmes que cela pose;
la personne de 45 ans, 50 ans ou 55 ans qui s'est vue retirer son permis de
travail, qui a maintenant 90% de son salaire, qui demeure à Asbestos
depuis toujours, qui a sa maison et sa famille là et on lui dit: Tu vas
aller travailler maintenant dans la région de Drummondville ou dans la
région de Sherbrooke, ou ailleurs. Quelle implication cela a-t-il,
vraiment, sur le plan humain par rapport à cela. On a cessé par
la suite, il faut dire qu'il n'y a pas eu de cohérence. Cela ne faisait
pas partie d'une action gouvernementale dans ce sens, puisqu'on l'a
abandonné par la suite, mais ce que je veux vous dire, c'est que l'on
cause énormément de soucis à tous ces gens et je pense que
cela justifie aujourd'hui, non seulement des éclaircissements sur le
plan financier, comme la motion l'indique, mais également, ce qui
sous-tend tout cela, des éclaircissements sur les intentions du
gouvernement en ce qui concerne la santé de nos travailleurs. (11 h
15)
II y a même des problèmes, actuellement, le
député de Frontenac en est peut-être au courant, si des
directeurs ont fait appel à lui. C'est tellement flou, actuellement,
tout ce secteur, que vous avez deux cas identiques; j'en ai un exemple
flagrant. La semaine dernière, à mon bureau, un monsieur qui est
sur la loi 52 depuis quelques mois, a 20% d'amiantose, et il demande sa rente
pour invalidité; on la lui refuse, alors, que d'autres, avec à
peu près le même pourcentage d'incapacité, reçoivent
leur régime de rentes au chapitre d'invalidité Cela pour vous
montrer tout le flou, toute l'incohérence qui existe dans ce domaine. Je
vais vous citer le nom, c'est M. André Beauregard, de la rue
Saint-Hubert à Asbestos. Vous pourrez vérifier, il y en a comme
cela... C'est simplement pour vous donner des exemples de l'incohérence
de tout ce qui existe au niveau de ce problème de la santé des
travailleurs.
M. Grégoire: Le député de Richmond
comprendra tout de même, si vous me le permettez, que cela vous a pris
100 ans pour présenter la loi 52, qui ne fonctionne pas.
M. Brochu: Un instant, un instant. Non, une minute. M. le
Président il y a quand même des...
M. Grégoire: ... on peut quand même prendre un an
pour la faire fonctionner.
M. Brochu: M. le Président, il y a quand même
des...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Frontenac, jusqu'à nouvel ordre, c'est le
député de Richmond qui a la parole. Si vous voulez lui poser une
question, c'est à lui d'en décider.
M. Bordeleau: II me semble... M. Grégoire: Je vous la
laisse...
M. Brochu: Je comprends que le bât blesse, M. le
Président...
M. Grégoire: Non, non cela ne blesse pas.
M. Brochu: Je comprends que cela touche peut-être le
député de Frontenac, mais je n'accuse personne, à ce
moment-ci...
M. Grégoire: C'est vous autres que cela blesse.
M. Brochu: ... je décris des réalités, des
faits, je comprends que cela devient douloureux pour le gouvernement parce
qu'après 15 ou 16 mois d'inaction cela peut indisposer, lorsqu'on met
des réalités comme celles-là sur la table.
M. Grégoire: Vous n'avez rien fait pendant 100 ans.
M. Brochu: Je vous ferai remarquer, M. le Président, que
je n'ai pas 100 ans, moi, je ne peux pas...
M. Grégoire: Votre parti... les deux vieux partis n'ont
rien fait pendant 100 ans.
M. Brochu:... je dépasse à peine 30 ans, alors le
député de Frontenac ne peut pas m'accuser d'inaction depuis 100
ans.
M. Grégoire: Cela a été 100 ans sans qu'ils
ne fassent quoi que ce soit.
M. Brochu: M. le Président, pour continuer mes propos,
tout ceci pour indiquer qu'on est, au chapitre de la santé des
travailleurs, devant de drôles de situations, des situations vraiment
intenables. J'ai bien hâte de voir, j'espère que cela va
être cette année ou au cours des prochaines années ou du
reste du mandat du gouvernement qui est devant nous, qu'on aura vraiment une
loi ou une modification à la loi 52 ou qu'on appliquera la loi 52, telle
qu'elle devrait normalement s'appliquer, comme elle nous a été
présentée. Pour montrer aussi, M. le Président, à
quoi aura à faire face, par exemple, le gouvernement dans son projet de
loi, je dois dire qu'actuellement il y a une situation qui semble assez
aberrante dans le domaine des maladies industrielles au chapitre de
l'amiantose. Je donne l'exemple d'Asbestos, il aura le même
problème quand il sera propriétaire d'Asbestos Corporation,
puisqu'il veut également se lancer dans le domaine manufacturier,
à ce chapitre.
Vous avez des personnes qui sont atteintes d'amiantose, qui travaillent
dans l'industrie connexe à Asbestos dans la fabrication de sous-produits
d'amiante. Ces personnes, ayant été exposées pendant un
certain nombre d'années aux poussières d'amiante, sont atteintes
au même degré, parfois à des degrés
supérieurs, de maladies industrielles au niveau de l'amiantose mais
elles ne sont pas compensées parce qu'étant dans le secteur de
l'industrie, elles ne sont pas considérées comme faisant partie
du secteur minier. Elles ne peuvent pas entrer sous la tutelle de la loi 52. Le
gouvernement devra faire face au même problème lorsqu'il va se
lancer dans le secteur manufacturier, si jamais il s'y lance, en étant
propriétaire en même temps d'une mine. Là aussi, il demeure
encore une incohérence sur laquelle je ne fais pas de reproche
actuellement, je dis que c'est intolérable que cela continue plus
longtemps et qu'il faut des correctifs. Cela fait partie des décisions
qu'il appartient, maintenant, au gouvernement de rendre. Dans ce sens, la
motion va beaucoup plus loin et je voudrais qu'elle aille encore plus loin, en
demandant non seulement d'obtenir des estimations en ce qui concerne le nombre
des amiantosés actuels et futurs, mais aussi de fournir la pensée
politique, s'il y en a une, en ce qui concerne la correction de toute la loi en
matière de santé au travail. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Merci, M. le Président. C'est certain que si
on achète les mines, on devra tenir compte des amiantosés, cela
doit faire partie des négociations de l'achat de ces mines. Je peux le
comparer, aussi, à l'achat d'une propriété à
revenus. Je regarde ces amiantosés comme une deuxième
hypothèque. Si on achète une maison à revenus, on va
considérer dans l'achat les taxes à payer, les dépenses ou
les travaux qu'il y a à faire après l'achat de cette maison, le
pourcentage que cela peut donner au bout d'une année pour en
déterminer un prix rentable pour ce qu'on va investir là-dedans,
il y a un phénomène qu'on ne peut pas trouver, ce sont les
défauts cachés d'une propriété. Une fois la maison
achetée, il faudra payer la deuxième hypothèque qu'il y a
dessus. Les amiantosés, c'est une deuxième hypothèque dans
le sens qu'il y a déjà des déboursés dans les
revenus actuels de ces compagnies.
Lorsqu'une compagnie déclare, au bout de trois ou quatre ans, $20
millions de profits par année, automatiquement, ces dépenses ont
été figurées dans ces revenus. C'est la même chose
lorsque vous lisez le rapport que les fonctionnaires nous ont
présenté, qu'on ne peut pas évaluer.
Lorsqu'ils disent, à la page 10: "Les points importants, non
encore résolus dans l'actuel des connaissances... Il existe encore de
nombreux points importants définis concernant l'incidence de l'amiante
sur les maladies professionnelles dont plusieurs font l'objet de recherches
scientifiques très poussées. On cite comme exemple l'importance
des caractéristiques physiques ce qui veut dire longueur,
diamètre, forme des poussières d'amiante, reliés au
pouvoir patogène de ces poussières. '
C'est de la recherche encore. On donne un autre exemple sur le
rôle possible, dans la pathogène, des autres substances contenues
dans les poussières respirées, ce qui veut dire, en substances
minérales, fibres de verre, laines minérales, plastique. On donne
comme autre exemple l'influence du profil d'exposition des individus aux
poussières d'amiante, ou encore les effets sur la santé, une
exposition prolongée à de faibles concentrations de
poussières d'amiante, ou encore l'évolution de la maladie
après le retrait de l'exposition, la physiopathologie des maladies,
l'évolution naturelle des maladies, à savoir à quel moment
débute la maladie, où se situe le début de la maladie par
rapport au début d'exposition à l'amiante, la
susceptibilité individuelle.
Evaluer ces coûts actuellement n'est à peu près pas
possible. Ce sont les défauts cachés de ceux qui travaillent avec
cet amiante. La même chose existe avec une propriété
lorsqu'on a des... On ne peut pas figurer dans l'achat de ces
propriétés tous les défauts cachés. Si vous partez
de la motion du député de Saint-Laurent qui veut savoir les prix,
je ne crois pas que les fonctionnaires puissent déterminer un prix et
dire que ça va coûter $25 millions, $50 millions ou $100 millions
de recherches additionnelles pour en arriver à ces dépenses.
On ne peut pas l'ignorer. Mais si le rapport Beaudry dit que ses
objectifs à atteindre, c'est de ne plus avoir, à l'avenir, de cas
d'amiantose chez nos travailleurs de l'amiante. C'est par ces recherches qu'il
pourra en arriver là et n'avoir aucun excès de risque de cancer
de la population exposée aux poussières d'amiante. La motion
pourra aller aussi loin que s'appliquer aux habitants qui vivent dans cette
ville, combien ça coûte, pour eux, en médicaments. Est-ce
qu'on sera obligés un jour de donner des compensations aux
résidants de ces villes qui ne travaillent pas dans l'amiante? Cela
pourra aller aussi loin que ça la motion du député de
Saint-Laurent.
Je pense que ce n'est pas logique actuellement, de donner... On s'est
refusé, le ministre s'est refusé depuis le début à
donner des prix de transaction qui pourraient se faire en négociation
pour l'achat de ces mines. Si on commence à donner des chiffres tout de
suite, cela a une importance directe sur les fluctuations de la bourse pour en
déterminer le prix global de l'achat des mines d'amiante.
Pour toutes ces raisons, je vais voter contre la motion, parce qu'elle
me paraît problématique. Il n'y a rien dedans qui peut être
très clair pour dire jusqu'où vont les séquelles physiques
et incapaci- tés résultant de l'amiantose. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je voudrais bien être
fixé sur les intentions réelles du gouvernement vis-à-vis
de cette question du dédommagement ou des réclamations des
employés amiantosés. On sait que le gouvernement a
déclaré de façon solennelle qu'il entendait, au moment de
l'achat de l'Asbestos Corporation, déduire du prix d'achat le montant
des réclamations pour les amiantosés aussi bien actuels et
passés que futurs.
Ce matin, ce qu'on nous sert du côté du gouvernement depuis
le début des travaux, c'est que l'Asbestos Corporation, dans son bilan,
indique déjà les montants qu'elle paie à la Commission des
accidents du travail et donc, qu'on n'a pas à se poser des questions sur
les montants impliqués à ce niveau pour les amiantosés
actuels ou passés. On est en train de nous dire qu'on ne peut pas
prévoir, ou presque pas prévoir, combien il y en aura plus tard
et de toute façon, tout cela est payé par l'ensemble de
l'industrie, c'est-à-dire par les compagnies qui oeuvrent
déjà dans le domaine et que cela ne réflète donc
pas sur la rentabilité spécifique de l'Asbestos Corporation.
Je me pose la question suivante: Le gouvernement, effectivement,
fera-t-il en sorte qu'on déduire du prix d'achat ces réclamations
ou va-t-on tout simplement laisser tomber en disant que c'est l'ensemble de
l'industrie qui paiera cela, selon une quote-part de chacun?
Il me semble qu'avant de s'embarquer dans les négociations, au
moment où ces négociations sont déjà
entamées, il y aurait lieu qu'au moins la commission parlementaire soit
informée des implications financières de cette nature.
D'ailleurs, cela rejoint un peu l'objet de la motion qu'a
présentée le député de Richmond, que vous avez
très correctement jugée irrecevable, mais encore là, par
sa motion, il parlait des possibilités de mise en marché au
niveau national et international des produits d'amiante du Québec. Ce
sont là des informations qu'on aurait bien voulu que le ministre nous
fournisse avant qu'on aborde l'étude de l'article 4 puisqu'en
définitive, si à l'article 4, on se trouve à consacrer les
objectifs du projet de loi, il y aurait lieu pour des personnes responsables au
gouvernement de s'assurer qu'on a toutes les informations valables avant de le
faire.
M. Grégoire: Vous les avez.
M. Bérubé: Je vais vous les donner dans quelques
secondes. Je vais les extraire de vos rapports et je vais vous les redonner en
plein visage.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Gratton: Pour les réclamations futures?
M. Bérubé: Tout ce que vous avez... M.
Grégoire: Vous les avez déjà.
M. Ciaccia: Alors, vous allez accepter la motion.
M. Gratton: Pourquoi ne pas accepter simplement d'adopter la
motion du député de Saint-Laurent et, à ce moment, on
pourrait obtenir ces informations dans quelques minutes, comme l'a dit le
ministre...
M. Bérubé: Je vais vous démontrer que ce
n'est même pas la peine de le faire. Vous les avez.
M. Grégoire: On l'accepte. Vous les avez
déjà les rapports.
M. Gratton: Non, on ne les a pas.
M. Bérubé: On va vous le montrer que vous les
avez.
M. Gratton: On n'a absolument rien sur les réclamations
futures.
M. Grégoire: A moins que vous ne jetiez toute la
documentation que vous recevez.
M. Bérubé: Je vais vous répondre dans
quelques secondes.
M. Forget: Patinage! M. Gratton: II y a un autre aspect... M.
Bérubé: Je vais vous répondre. M. Grégoire: On va
vous répondre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Gratton: II y a un autre aspect qui mérite d'être
souligné, à mon avis. Tous reconnaissent que dans le cas de
l'Asbestos Corporation, c'est la compagnie, dans le domaine de l'amiante, qui a
fait le moins au point de vue de la salubrité et de l'assainissement de
l'entreprise et des usines dans tout le secteur.
Or, si c'est le cas et que du côté du gouvernement, on nous
répond tout simplement que l'Asbestos Corporation n'est pas dans le
moment pénalisée d'avoir fait moins que la Johns-Manville, par
exemple, ou d'autres compagnies dans le domaine, sur le plan du contrôle
et de l'élimination de la pollution par les fibres d'amiante, c'est donc
dire que la compagnie elle-même n'avait aucune motivation spéciale
de faire les améliorations, mais le gouvernement se portant
acquéreur de l'Asbestos Corporation ne voudra sûrement pas que se
continue ce rôle d'employeur moins conscient de la réalité.
(11 h 30)
II voudra sûrement devenir un employeur modèle et cela
entraînera effectivement des investis- sements en conséquence.
Tout cela, lorsque le député de Bourassa, par exemple, nous parle
de la rentabilité et du bilan de la compagnie avec des profits de $20
millions par année. Le bilan est déjà le reflet de cette
situation et le gouvernement, à ce moment-là, la motion ne le
demande pas, mais le gouvernement devrait, à mon avis, fournir
également les prévisions des coûts. Au moment où le
gouvernement négociera l'achat de l'Asbestos Corporation, ce sont des
considérations très importantes qu'il devra faire avant d'en
arriver à un prix d'achat quelconque.
M. Grégoire: M. le Président, sur une question de
règlement. Je crois que là, nous discutons des prévisions
des prestations à verser aux travailleurs. Le député
revient sur le sujet des investissements supplémentaires au coût
d'achat que le gouvernement devra faire pour améliorer les installations
périmées de l'usine afin de respecter les normes de
salubrité. On a déjà eu cette motion et elle a
déjà été discutée. Alors...
M. Bérubé: Mais, M. le député de
Frontenac, comme le député ne vient jamais aux travaux de la
commission, il est souvent en retard. En fait, nous avons effectivement
discuté de cette question.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
I ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: C'est la deuxième fois depuis deux
mois qu'il vient à la commission. C'est pour cela qu'il n'était
pas au courant qu'on avait déjà eu cette motion. S'il venait un
peu plus souvent qu'une fois par mois, il s'apercevrait qu'on a
déjà eu toute cette pile de motions, environ 40, et il ne
discuterait pas de ce qu'on a discuté hier.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Sur la motion.
M. Gratton: M. le Président, vous me permettrez sans
doute...
M. Grégoire: On a déjà eu celle-là
quand vous n'étiez pas là.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
I ordre!
M. Gratton: ... de parler de la question de règlement qu'a
soulevée le député de Frontenac. Je ne suis quand
même pas pour lui donner un compte rendu de mes déplacements au
cours des dernières semaines qui m'ont empêché d'être
aussi présent à la commission parlementaire que je l'aurais
personnellement souhaité. Le fait demeure, et je l'ai dit la semaine
dernière: Je me tiens tout à fait à la page et au courant
en lisant le journal des Débats.
M. Grégoire: Vous n'avez pas lu ces pages-là.
M. Gratton: Je suis conscient que la motion a été
faite et qu'elle a été rejetée. Cela n'empêche
pas qu'on veuille encore obtenir les informations qu on avait
souhaité obtenir par la présentation de ces motions que le
gouvernement a refusées.
M. Bérubé: C est contraire aux
règlements.
M. Gratton: Si vous voulez ouvrir complètement la porte,
je vais simplement proposer une motion d'amendement à la motion du
député de Saint-Laurent pour inclure tout cela, pour inclure
celle du député de Richmond et celle du député de
Saint-Laurent.
M. Grégoire: Cela a déjà été
tout discuté. M. Bérubé: C est contraire aux
règlements.
M. Gratton: Effectivement, on pourrait le faire, une par une, et
on pourrait être ici toute la matinée et en discuter. Ce n est
sûrement pas ce que le président souhaiterait que je fasse.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non.
M. Gratton: Je demanderais au président d inviter le
député de Frontenac d arrêter de me provoquer.
M. Grégoire: Cela a été
déclaré antiréglementaire, d'une manière ou d une
autre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De toute
façon, il y a une motion devant nous; bien sûr, c est difficile
d'en juger lorsqu un député sort du sujet. Il y en a qui sortent
et qui reviennent vite, il y en a d'autres qui sortent et qui reviennent moins
vite. De toute façon, le député de Gatineau a une bonne
expérience parlementaire et il connaît le contenu de la motion. Je
I'invite à parler sur la motion.
M. Gratton: Oui, M. le Président. D ailleurs, je dirai
simplement qu'on est très heureux, du côté de I Opposition,
de constater qu'enfin le ministre, lui, ne s absente plus. Cela était
moins facile a comprendre.
M. Bérubé: Vous commencez a être un peu plus
sérieux, vous parlez du projet de loi maintenant.
M. Gratton: C'est cela qui vous amène...
M. Bérubé: Certainement, c est bien plus
intéressant.
M. Gratton: Tant mieux.
M. Grégoire: Au début vous étiez...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre
M. Gratton: Alors, M. le Président, sur la motion du
député de Saint-Laurent, il me semble que si le ministre
s'apprête, dans quelques minutes, nous dit-il, à nous fournir
toutes les informations dont il est question dans cette motion, à ce
moment-là, bien entendu, il ne sera pas utile d'en débattre
très longuement. Le fait demeure que ces informations sont essentielles
pour qu'on fasse un travail valable à cette commission avant d
étudier l'article 4 qui, comme je l'ai dit tantôt, constitue,
à toutes fins pratiques, le principe même du projet de loi quant
aux objectifs, en tout cas, de la politique du gouvernement sur I'amiante.
Je trouve assez curieux que le ministre ne fournisse que maintenant ces
informations, alors qu on les réclame depuis un mois et demi, comme le
dit le député de Frontenac, mais mieux vaut tard que jamais.
J'espère que les informations qu'il nous fournira tantôt incluront
I aspect le plus important, à mon avis, du contenu de la motion du
député de Saint-Laurent, c'est-à-dire la prévision
ou l'estimation des réclamations futures quant aux
bénéfices à verser aux travailleurs passés et
actuels de la société Asbestos Corporation.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):Merci, M.
le député de Gatineau. M. le ministre.
M. Bérubé: Nous avons le plaisir d avoir le
député de Mont-Royal. Je peux répondre, cela va
peut-être lui permettre de...
M. Grégoire: Ah non...
M. Ciaccia: J a: le droit de parler?
M. Bérubé: Oui
M. Ciaccia: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pour
suivre l'ordre... J avais reconnu le ministre au préalable et, d'autre
part, il y a une sorte de tradition qui veut qu autant que possible,
après un parti politique...
M. Grégoire: Est-ce que le ministre a le droit de parler
aussi?
M. Ciaccia: Non, je vais le laisser parler...
M. Grégoire: Est-ce qu il a le droit de parler?
M. Bérubé: M. le Président, je vais prendre
plaisir à répondre a cette question non pas en déposant
des documents, mais en faisant la preuve que I Opposition, en fait, n est
même pas en mesure d analyser les documents qu elle a en main. Le depute
de Marguerite-Bourgeoys hier nous parlait d un rapport fantôme qui
était muet sur ceci et sur cela. Je dois dire qu'effectivement il s'agit
peut-être d un rapport muet d'un groupe ministériel fantôme
a I intention d une Opposition sourde
C'est là une des caractéristiques du débat qui a
cours présentement. En dépit du fait que nous ayons
déposé une quantité épouvantable de documents au
début de cette commission, de toute
évidence, l'Opposition n'en a pas pris connaissance puisque ces
gens reviennent avec des questions pour lesquelles ils ont déjà
les réponses en main.
Je vais démontrer qu'ils ont la réponse en main. Ils
n'auraient aucune difficulté, ils auraient pu s'éviter la peine
de présenter une motion, sauf que leur objectif étant connu, il
s'agit de retarder les travaux de cette commission et non de débattre le
projet de loi; par conséquent, cela n'aurait sans doute rien
changé et ma réponse ne changera rien.
D'une part, je tiens à réitérer ce que je dis
depuis le début de cette commission. Ce n'est pas la place, ici, du
point de vue du gouvernement, pour débattre l'achat de la
société Asbestos, pour débattre chacun des coûts
implicites à l'achat de la société Asbestos. Nous avons
choisi de négocier l'achat de cette société parce que nous
reconnaissons que, dans l'achat d'une telle entreprise, il faut faire un
certain nombre d'hypothèses, hypothèses qui sont plus ou moins
nécessaires, selon le degré de connaissances qui sont à
votre disposition. La compagnie, qui a en main ses propres installations, est
certainement en mesure de prétendre que certaines hypothèses que
nous avons faites ne sont pas valables, eu égard à l'état
actuel de leurs installations et, par conséquent, de nous amener
à réviser notre évaluation.
Par conséquent, il va donc falloir et nous l'avons admis
dès le départ, et le ministre des Finances l'a clairement
expliqué à l'Assemblée nationale nous admettons
dès le départ qu'il doit y avoir une négociation, que
c'est à la suite de cette négociation que nous pourrons
définir clairement ce que vaut l'entreprise, tenant compte des charges
financières qu'implique la modernisation des installations, des charges
financières que pourraient impliquer, par exemple, les règlements
actuels de la Commission des accidents du travail.
A ce moment-là, je pense que l'Opposition se fera un plaisir de
démolir l'argumentation gouvernementale, à savoir que nous aurons
payé; dans notre cas, nous prétendrons que nous aurons
payé un prix juste et, dans le cas de l'Opposition, on prétendra
que nous aurons payé trop cher. A ce moment-là, vous aurez en
main tous les chiffres et vous pourrez certainement critiquer.
Mais, présentement, émettre ces chiffres serait
déjà commencer, sur la place publique, un débat de fond
sur la valeur de l'entreprise et provoquer une spéculation que nous ne
voulons provoquer nullement. Par conséquent, nous maintenons
présentement le silence le plus complet sur l'évaluation que nous
faisons de l'entreprise.
Lorsque le député de l'Opposition présente une
motion invitant le gouvernement à déposer des études, je
vais lui répondre de la façon suivante. Le député
de Saint-Laurent s'est d'ailleurs amusé à sortir des chiffres de
ce bulletin de l'Association des mines d'amiante. Il a en main un rapport
je ne veux pas commenter la valeur de ce rapport; il semble cependant
que ce rapport a été effectivement commandé par l'ancien
gouvernement qui, après examen de mineurs, prétend
je ne veux pas du tout avilir les chiffres qui sont dans ce rapport; je vais
simplement montrer comment l'Opposition pourrait s'en servir dans ce
rapport, on dit qu'après avoir examiné 6785 dossiers de mineurs
et cela, depuis 1975; donc, de 1975 à 1976 on a
constaté dix cas d'amiantose avancée, 53 cas
modérés et 372 cas considérés comme
légers.
Je ferai l'hypothèse immédiate, M. le Président,
que tous ces cas, qu'ils soient légers ou graves, doivent être
compensés à 100% de leur salaire pour le reste de leurs jours.
C'est une hypothèse grave. Je prends la pire hypothèse qu'il me
soit possible de prendre. Nous allons compenser tous ces mineurs, quels qu'ils
soient, qu'ils soient gravement ou peu atteints.
Comme ceci représente 6% de la classe des travailleurs, ceci nous
amène à dire que nous allons augmenter la masse salariale de 6%.
Nous payons des salaires à 6% de la masse des travailleurs qui ne
travaillent pas. Il faut donc les remplacer. Nous augmentons donc la masse
salariale de 6%. Je suppose que l'Opposition est capable de comprendre
cela.
Deuxièmement, je m'interroge pour savoir quel pourcentage du prix
de vente de la fibre provient des salaires. C'est très facile à
calculer, puisqu'on sait que le volume total des ventes est de $400 millions,
que le volume des salaires totaux est de $100 millions. Nous constatons donc
que le quart je devrais dire 29%, en fait, puisque, si j'avais pris les
chiffres exacts, j'aurais trouvé environ 29% le quart du prix de
vente de la fibre d'amiante provient des salaires.
Par conséquent, un quart de 6%, grosso modo, me donne une
augmentation des prix de 1,74% de l'amiante. N'oubliez pas que, cette
année seulement, l'amiante a connu un bond dans ses prix, de 15%,
n'est-ce pas? Par conséquent, on se rend compte que l'importance de ce
facteur, si elle n'est pas négligeable, néanmoins est
certainement limitée quant à l'incidence sur la
"profitabilité" de l'entreprise.
Egalement, je soulignerais qu'un grand nombre de ces mineurs ne sont
déjà plus sur le marché du travail, puisque, ayant perdu
leur certificat médical, ils sont... Il y en a un grand nombre. Il y en
a un certain nombre d'autres qui sont en litige. Là-dessus, nous sommes
d'accord. Mais il y en a un grand nombre qui ne sont déjà plus au
travail. Cela veut donc dire que la "profitabilité " de l'entreprise de
1976 et de 1977 traduit déjà le coût des compensations qui
doivent être payées à ces mineurs. Cela veut donc dire que
sur ce 1,74% d'augmentation du prix, il y en a déjà une
très forte proportion qui est déjà couverte par les
augmentations de prix antérieures et, par conséquent, ne sorit
plus à la charge pour l'avenir. On se rend donc compte de l'importance.
Voilà donc un exemple en calculs rapides. Voilà donc, en gros, ce
que représente l'incidence des "amiantosés " actuels sur la
"profitabilité" de l'entreprise.
L'autre question qu'il faut poser, à ce moment, c'est quelle est
l'incidence des lois futures? Il ne fait aucun doute que, si on modifie la loi,
on aura des coûts supplémentaires. A titre d'exemple, un des
principaux problèmes que nous rencon-
trons présentement dans l'industrie minière, c'est une
réévaluation des normes de surdité. Ces normes ont
été rabaissées, ce qui fait qu'un nombre de plus en plus
grand de mineurs sont déclarés sourds et ont droit à des
compensations. Voilà également un coût
supplémentaire que l'industrie de l'amiante aura à rencontrer.
Mais de la même façon, dans, par exemple, les fonderies, on est
à réévaluer toutes ces normes d'empoussiérage. On
se rend compte que c'est l'ensemble de l'industrie nord-américaine et
l'ensemble de l'industrie mondiale qui est amené, au cours des
années, à réévaluer ces prestations à ces
mineurs, à ces travailleurs et que, par conséquent, la
société est amenée à payer un coût plus grand
pour ces mesures sociales. Cela se traduit dans les prix et cela affecte non
seulement une société, mais affecte l'ensemble de
l'industrie.
Par conséquent, le calcul très rapide que je vous ai fait,
c'est simplement pour vous illustrer ce que vous pourriez faire avec les
chiffres que vous avez en main. Je pense que...
M. Forget: Le ministre nous donne une bonne démonstration
de ce qu'on peut faire avec des chiffres.
M. Bérubé: J'ai pris les chiffres que vous avez en
main.
M. Forget: Littéralement n'importe quoi.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bérubé: Je n'ai pas pris littéralement n
importe quoi, j'ai pris les chiffres que vous avez en main.
M. Ciaccia: Je vais lui dire après l'expression en
anglais.
M. Bérubé: Allez-y.
M. Ciaccia: On dit: "Figures do not lie, but liers can
figure."
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Avez-vous terminé?
M. Bérubé: Je vais laisser l'Opposition
répondre, je reprendrai la parole, je n'ai pas fini mes vingt
minutes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
n'avez pas vingt minutes, vous avez un droit de parole illimité, M. le
ministre.
M. Ciaccia: Continuez, on ne veut pas vous interrompre.
M. Bérubé: De toute façon, j'attends les
chiffres exacts qui nous seront envoyés du ministère, comme je
l'ai dit, j'essaierais de les déposer. J'ai essayé de vous
donner, avec les chiffres que vous avez en main, le genre de calcul que vous
auriez pu faire.
M. Forget: C'est noyer le poisson.
M. Bérubé: Je n'ai pas essayé de noyer le
poisson.
M. Forget: Ah oui!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous ne
terminez pas, M. le ministre? M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je pense que le ministre
commençait à réaliser ce qu'il faisait, le genre de
demi-vérité qu'il nous donnait en prenant certains chiffres qui
n'étaient pas officiels, des chiffres qu'il prenait dans une revue, des
estimations, des spéculations, et il nous donnait cela comme des
chiffres réels. Je ne sais pas s'il essaie de donner trop peu
d'informations ou si vraiment les gens du ministère n'ont pas fait les
études et qu'ils n'ont pas ces études.
Ce que je trouve incohérent, M. le Président, c'est le
refus systématique, du côté ministériel, de nous
donner les informations... Cela fait une heure que vous passez à nous
dire: On les a les chiffres. Plutôt que de dire cela... (11 h 45)
M. Grégoire: ... les accidents du travail les a.
M. Ciaccia: ... ce serait plus simple de dire: Très bien,
nous allons accepter la motion du député de Saint-Laurent et nous
allons vous les fournir. Est-ce que cela ne serait pas plus honnête?
Parce que je commence à m'inquiéter quand vous nous dites: Nous
avons tous ces chiffres, mais vous allez voter contre la motion. Ecoutez, votre
position n'a pas de logique.
M. Grégoire: Vous les avez déjà, les
chiffres. Vous les avez dans votre bureau.
M. Ciaccia: Ou vous les avez, vous êtes prêts
à donner cette évaluation; dans ce cas, on pourrait arrêter
de discuter de cette motion. On obtiendrait les chiffres, les coûts,
l'évaluation qu'on demande dans la motion. On pourrait procéder
aux travaux. On ne les a pas.
M. Grégoire: Vous les avez dans votre bureau. C'est parce
que vous les jetez au fur et à mesure que vous les recevez.
M. Ciaccia: On vous dit qu'on ne les a pas. C'est bien facile. On
ne pourrait jamais gagner...
M. Grégoire: Cessez de jeter vos rapports et
lisez-les.
M. Ciaccia: C'est la façon la plus facile de ne pas donner
de renseignement. Chaque fois qu'on en demande, on nous dit: Vous les avez, on
va voter contre. Ecoutez, il y a une certaine honnêteté
intellectuelle...
M. Grégoire: On n'est pas pour toujours vous en envoyer 20
copies.
M. Ciaccia: ... et certaines régies du jeu qu'on devrait
accepter.
M. Grégoire: Si vous les voulez en vingt copies, c'est une
autre paire de manches.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: Mettez-le sur la motion. M. Laplante:
...
M. Ciaccia: C'est ma première remarque. Laissez-moi donc
finir! Je trouve inconcevable, incroyable que vous acceptiez cette tactique. Ce
n'est pas nous qui faisons de l'obstruction. Nous demandons des renseignements
qui sont absolument essentiels. Si je pouvais vous donner quelques
conseils...
M. Grégoire: Vous n'étiez pas à la
commission quand on les a donnés.
M. Ciaccia: Arrêtez donc de m'interrompre deux minutes. Je
pourrais vous donner quelques conseils. Ce serait dans un bon esprit. Je crois
que cela démontre le manque d'expérience de votre
côté dans le domaine des affaires. Vous dites que vous ne voulez
pas que la bourse augmente, mais les déclarations que vous avez faites,
ont fait augmenter les actions d'Asbestos Corporation au-dessus de $40.
M. Grégoire: Cela a baissé. M. Ciaccia: Un
instant!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal, sur la motion.
M. Ciaccia: Sur la motion, j'en viens. Je veux dire pourquoi il
faut avoir l'évaluation de ces coûts. Le député de
Bourassa a dit: Si on fait de telles déclarations, cela peut
affecter...Peut-être que ce serait dans l'intérêt de tout le
monde de dire la vérité. Si, aux résultats de cette
vérité, cela affecte le prix de la Bourse, ce serait une
démarche normale. Vous ne pouvez pas seulement faire des
déclarations pour faire augmenter les actions, mais ne pas en faire
aussi pour les faire baisser. Ce n'est pas tout à fait honnête non
plus.
M. Grégoire: Cela baisse depuis deux mois.
M. Ciaccia: Cela ne vous prête d'intention. C'est votre
manque d'expérience franchement, mais cela va nous coûter cher,
votre manque d'expérience. La raison pour laquelle on a besoin de ces
chiffres, et je vous donne cela comme méthode de
négociation...
M. Grégoire: Vous pensiez tout à l'heure que
c'était à $49. C'est rendu à $38.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Grégoire: ...
M. Ciaccia: ... c'est le député de Frontenac.
M. Gratton: M. le Président, question de
règlement.
Une Voix: Expulsez-le!
M. Gratton: II me semble que jusqu'à maintenant, quand le
ministre a parlé, quand le député de Frontenac
lui-même a parlé tantôt...
M. Grégoire: Tant bien que mal.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Frontenac.
M. Gratton: Avez-vous déjà vu cela? Il m'interrompt
quand je suis en train de vous demander de lui demander de ne pas
m'interrompre? Il y a toujours des limites.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Ciaccia: II y en a qui sont sourds, mais il y en a qui
devraient être sourds et muets. Cela aiderait nos travaux.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! La parole est au député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, est-il nécessaire que
je cite l'article 100 au député de Frontenac?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Citez-le
donc!
M. Gratton: Je le cite avec plaisir, à votre invitation.
Aussi longtemps qu'un député a la parole, aucun
député ne doit l'interrompre, si ce n'est pour lui demander la
permission de poser une question ou de donner des explications pour soulever
une question de règlement ou une question de privilège, pour
signaler un défaut de quorum. Le député de Frontenac,
quand il dit: Vous les avez les chiffres. Cela fait 182 fois, je pense, ce
matin qu'il dit: Vous les avez, ces chiffres. Ce n'est pas pour donner des
explications qu'il le dit. C'est strictement pour essayer de faire perdre le
temps à la commission, ou je ne sais trop quoi. Moi non plus, je ne lui
prête pas d'intention. Je vous demanderais, M. le Président, de
lui demander de laisser le député de Mont-Royal terminer son
intervention.
M. Bérubé: Question de règlement, M. le
Pré-
sident, toujours relativement à l'article 100. J'ai dû
constater, lors de mon intervention, de nombreuses interventions et
interruptions de la part du député de Saint-Laurent et de la part
du député de Mont-Royal. Je dois dire quand même qu'il
s'est retenu beaucoup plus que les autres.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
remarque du député de Gatineau est fort pertinente. J'inciterais
les députés...
M. Grégoire: Elle s'adresse à tous les
députés.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît, M. le député de Frontenac.
M. Grégoire: Epouvantable!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
J'inviterais tous les membres de la commission tout d'abord à avoir
leurs règlements, à l'ouvrir à la page où se
retrouve l'article 100. Je pense qu'on pourrait constater que cet article est
loin d'être respecté dans son essence et dans sa philosophie.
Même si ce n'est pas l'article 100, la moindre politesse exige le respect
de la parole de l'autre. Cela ne s'adresse pas plus à un qu'à
l'autre. Cela s'adresse à tout le monde.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Si le
député de Frontenac veut prendre la parole, je vais parler plus
tard ou je vais lui céder mon droit de parole et je parlerai
après.
M. Grégoire: Après.
M. Ciaccia: D'accord, je peux parler, là?
Une Voix: Oui.
M. Ciaccia: Merci.
M. le Président, je disais que j'allais donner certains conseils
au gouvernement; c'est pour rien, je suis payé par l'Assemblée
nationale, c'est ma responsabilité et mon devoir d'accomplir mon
rôle dans l'Opposition officielle. Il vous manque de l'expérience
dans le domaine des affaires, le saviez-vous? Il y en a de ce
côté-ci qui en ont un peu plus que vous et les conseils qu'on va
vous donner ne sont pas pour votre bénéfice, mais pour le
bénéfice de la population du Québec. Vous ne lui donnez
pas toute l'information.
Ce n'est pas la question de négocier en public; c'est la question
de donner l'information à la population, la préparer à cet
achat; Vous voulez faire l'achat; nous disons que cela va contre
l'intérêt du Québec; très bien, mais donnez
l'information au public, donnez-lui les informations qui sont
réclamées par le député de Saint-Laurent;
préparez la population à vos démarches parce qu'une
population bien préparée, bien informée vous facilitera la
tâche.
Peut-être n'achèterez-vous pas cette compagnie;
peut-être la population, après qu'elle aura eu toutes ces
informations, dira-t-elle: II y a X millions de réclamations pour les
amiantosés; il y a X mil- lions pour telle et telle chose. Cela n'est
peut-être pas dans notre intérêt.
Est-ce ce dont vous avez peur? Avez-vous peur de donner l'information?
Cela n'affectera pas vos négociations, ça va seulement les
améliorer. Pouvez-vous vous imaginer la position dans laquelle vous
allez être quand vous allez vous asseoir avec Asbestos Corporation et que
vous allez dire: La population du Québec sait que l'évaluation
pour les amiantosés est de $50 millions. On ne peut pas cacher ces
chiffres, il faut les prendre en considération et, par
conséquent, on ne peut pas vous donner plus que X dollars. Asbestos
Corporation n'aurait pas un mot à dire. Vous ne pourrez pas faire de
négociations secrètes parce que des négociations
secrètes, quand vous prenez les deniers publics, c'est immoral.
Je vous le dis. Vous voulez travailler pour le bien du Québec,
alors donnez ces informations; je ne vous demande pas de nous dire combien vous
allez offrir à la compagnie, c'est peut-être quelque chose qui
entre dans le domaine des négociations, mais ce sont des chiffres, des
évaluations, des maladies, des dépenses actuelles et futures que
la population, si vous obtenez la propriété d'Asbes-tos
Corporation, devra subir; c'est le contribuable qui doit payer cela.
Selon quel motif pouvez-vous essayer de justifier, aujourd'hui, de ne
pas donner ces chiffres? Cela me dépasse complètement, M. le
Président. Quand le député de Frontenac dit qu'on ne veut
pas aller au fond du sujet, cela dépasse... Même le microphone
avait honte, il a baissé...
M. Laplante: Est-ce que le député de Mont-Royal me
permettrait une question?
M. Ciaccia: Non, un instant, après; je vais revenir
à vous dans un instant.
On y va au fond du sujet; ces motions ne sont pas pour perdre du temps;
elles ont pour but de rendre la discussion des articles du projet de loi plus
facile. On a besoin de cette information; si vous ne voulez pas la donner,
justifiez cela à la population. Jusqu'à maintenant, depuis ce
matin, 10 h 30, vous n'avez pas justifié les raisons pour lesquelles
vous ne pouvez pas nous donner les évaluations de ces coûts.
Je vais même vous citer les études que vous nous avez
produites. C'est vous qui nous les avez données. On y lit: "Depuis
plusieurs années un effort considérable a été fait
au niveau de la protection des travailleurs pour diminuer les accidents du
travail, mais on a souvent ignoré l'aspect salubrité et ses
conséquences à moyen et long terme sur la santé des
travailleurs. "
C'est vous qui nous avez donné cela. On demande: Donnez-nous ces
chiffres, cette évaluation; vous faites des déclarations
gratuites. On est supposé prendre cela pour la vérité? On
veut avoir les informations.
Dans ces mêmes études, plus loin, vous dites: "Le fait de
déceler des signes d'exposition passée aux poussières de
l'amiante ne constitue pas nécessairement une maladie en tant que telle.
" Je ne sais pas si vous essayez de justifier les activités
d'Asbestos Corporation, d'une façon ou d'une autre, mais il me
semble que l'information porterait lumière sur les déclarations,
sur les données qui sont incluses dans vos études.
Plus loin vous dites encore: "Les principaux points propres à
l'amiante peuvent se résumer ainsi: Or, dans tous les secteurs où
il y a eu exposition professionnelle aux poussières d'amiante et
où des études ont été rapportées, on observe
constamment cette maladie. "
C'est une déclaration assez importante. On voudrais savoir
vous allez acquérir cette compagnie combien cela va coûter,
à quel point cette maladie a été subie et quel est le
coût, spécifiquement, pour la compagnie Asbestos. Vous ne
nationalisez pas toute l'industrie, vous allez acquérir une compagnie et
nous avons le droit d'obtenir cette information. Encore plus loin vous dites
qu'il existe plusieurs types de cancer pour lesquels un excès de
mortalité a été relié à l'exposition aux
poussières d'amiante. En général, le nombre de
décès causés par le cancer du poumon a
considérablement augmenté au cours des dernières
années. C'est pour cette raison qu'on veut démontrer quel est
l'effet, quels sont les coûts, dans quoi est-ce qu'on s'embarque en
achetant la compagnie.
Le député de Bourassa, tout à l'heure, a fait
allusion au fait que lorsqu'on achète une entreprise, c'est la
même chose que lorsqu'on achète une propriété
à revenus, il y a une deuxième hypothèque et il faut la
payer. Premièrement, je ne suis pas tout à fait d'accord pour
faire le parallèle entre des personnes qui se sont rendues malades
à cause du travail dans cette industrie et une hypothèque. Je
pense qu'il y a des considérations sociales, ce ne sont pas seulement
des considérations monétaires.
Même si je veux prendre cet exemple, faire le parallèle
entre les amiantosés et une hypothèque, vous n'achèteriez
pas une propriété sans avoir le montant de cette deuxième
hypothèque. C'est une règle élémentaire. C'est
ça qu'on vous demande, quel est le montant de la deuxième
hypothèque. On ne veut pas se faire donner toutes sortes de raisons,
qu'on peut obtenir l'information ailleurs, etc. Je prends votre argument. C'est
d'accord, je vais faire le parallèle entre la deuxième
hypothèque et les amiantosés, quel est le montant? Le public a le
droit de savoir et ça ne nuirait pas à vos négociations.
Cela va seulement améliorer votre position envers la
société Asbestos.
M. Laplante: On a donné le montant.
M. Ciaccia: Non, M. le Président, je n'accepte pas
ça, on ne l'a pas donné. Si vous êtes honnête dans
vos propos, je vais le dire pour la dernière fois, acceptez cette motion
et déposez les chiffres. Ne continuez pas à nous dire: On va
donner l'information, vous l'avez, vous l'avez et après ça, vous
votez contre. Ecoutez, je ne veux pas vous prêter de motifs, mais ce
n'est pas de cette façon que je vois la sincérité du
côté ministériel.
M. le Président, je pense que c'est irresponsable de la part du
gouvernement de refuser de nous donner ces informations. Ou ils l'ont et ils
devraient accepter la motion ou bien peut-être ne l'ont-ils pas,
peut-être sont-ils allés trop vite avec ce projet de loi. Ils
n'ont pas toutes les informations nécessaires et c'est pour ça
que je commence à sauter aux conclusions. C'est bien beau adopter un
projet de loi et vouloir dépenser $250 millions. On ne donne pas
l'information, comme ça on peut justifier n'importe quel prix qu'on va
payer. Si vous payez $150 millions, $200 millions ou $225 millions, qui va vous
critiquer? On peut seulement dire que c'est trop cher. On n'a pas l'information
et on n'a pas de moyens de l'obtenir ici.
Quand le ministre dit que c'est inclus dans le bilan, le seul chiffre
inclus dans le bilan, ce sont les dépenses actuelles. Il n'y a pas de
montant dans ce bilan inclus pour les réserves futures, les
réclamations futures, ce que ça peut coûter au gouvernement
ou à la compagnie dans cinq, dix ou quinze ans, dans trois ou quatre
ans. Je ne peux pas comprendre, je pense que le ministre est assez
compétent dans son domaine pour connaître la différence
à laquelle je réfère, les dépenses actuelles
démontrées dans le bilan pour ce qui est payé, pour les
réclamations qui ont été faites, soit pour celles du
passé ou celles qui viendront à l'avenir. Il y a un moyen
d'arriver à ces chiffres, de faire une évaluation.
En concluant, M. le Président, cela peut seulement aider le
gouvernement dans ses démarches, mais... avec la compagnie Asbestos. Si
toute l'information est donnée, peut-être que le gouvernement en
arrivera à la conclusion que c'est inutile d'acheter cette compagnie,
qu'il y a d'autres moyens d'arriver aux objectifs de transformation. Ce n'est
pas en achetant une compagnie qui a tous les aspects négatifs, qui a
toutes sortes de passifs, qu'on peut arriver à un autre objectif qui
n'est aucunement lié à l'acquisition de cette compagnie.
Je crois que pour la population... on parle d'un gouvernement
transparent, honnête, il faut donner l'information... Ecoutez, chaque
fois que vous avez l'occasion de démontrer, dans les faits concrets, vos
slogans, vous manquez d'une façon qui est tellement évidente que
je ne peux pas comprendre comment vous pensez que la population ne verra pas
à travers vos tactiques.
Soyez clairs. Protégez la population, protégez mes taxes
quand vous allez les dépenser et donnez-nous ces informations. (12
heures)
M. Laplante: M. le Président, sur mon temps, est-ce que je
pourrais poser une question au député de Mont-Royal?
M. Ciaccia: Vous avez le droit, d'après le
règlement.
M. Laplante: Je veux bien croire aux conseils que vous nous
donnez. Vous dites que vous avez acquis une grande expérience et que
nous n'avons pas d'expérience.
M. Ciaccia: De ce côté-ci, pas de question
personnelle.
M. Laplante: L'expérience que vous voulez nous vendre,
est-ce l'expérience de la baie James et du stade olympique?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Question irrecevable.
M. Ciaccia: C'est irrecevable. M. Laplante: Elle est
recevable.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Gratton: Le projet de la baie James? M. Laplante: Dans
son coût, par exemple.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Ciaccia: Evitez les mêmes erreurs, au moins.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Bérubé: M. le Président, le
député de Mont-Royal prévoyait faire une intervention que
je pensais percutante. J'avais donc prévu un certain droit de parole
pour essayer de répondre à ses objections. Malheureusement, je me
rends compte que je n'ai pas à répondre à grand-chose,
puisque, finalement...
M. Ciaccia: Tu n'as pas de réponse.
M. Bérubê: ... cela s'est avéré de peu
de poids, je dois dire.
Il nous a cependant souligné à quel point nous
connaissions mal les affaires, nous sommes tellement incompétents en
affaires. Je ne ferai pas de remarque, mais j'ai essayé de voir quelle
était la fonction de nos distingués collègues d'en face,
avant qu'ils entrent en politique, et je dois avouer que leur connaissance des
affaires m'apparaît plus faible que celle des gens de ce
côté-ci de la table.
M. Ciaccia: Une autre remarque qu'il va falloir
vérifier.
M. Bérubé: J'ai, en ce moment, un certain nombre de
chiffres pour essayer de répondre, puisque, entre-temps, on me les a
fournis.
M. Ciaccia: Voulez-vous qu'on le fasse, le bilan?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Bérubé: J'ai présentement en main les
chiffres. Quand je disais que l'Opposition avait les chiffres, c'est
qu'effectivement, le député de Frontenac a dit: L'Opposition a
reçu les rapports de la Commission des accidents du travail. Or, j'ai
de- mandé à mes fonctionnaires d'aller fouiller dans les rapports
de la Commission des accidents du travail, pour avoir les chiffres que, de
toute évidence, l'Opposition n'avait pas cru bon d'aller chercher.
Là, évidemment, je n'y suis pour rien.
D'une part, combien y existe-t-il de cas d'amiantose reconnus, dans le
passé? En 1974, il y a eu 59 cas; en 1975, 240 cas; en 1976, 81 cas; en
1977, 39 cas et en 1978, pour les trois premiers mois, zéro; pour un
total de 419.
Donc, la Commission des accidents du travail rapporte 419 cas
d'amiantose.
Quant au rapport dont faisait état l'Association des mines
d'amiante, il n'est pas public présentement. Nous ne voulons pas le
publier, pour une raison très simple, nous sommes à
vérifier la validité de ces chiffres. Ils portent
évidemment sur les mineurs présentement dans l'industrie; on a
donc essayé de voir si l'examen, le ratissage des cas avait
été bien fait. Je pense qu'on laissera l'Association des mines
d'amiante défendre ses chiffres. De mon côté, ils
m'apparaissent, pour le moins, mal défendus pour l'instant. Je pense
qu'on n'a pas d'évidence scientifique démontrant qu'ils sont
certains.
Donc, nous avons 419 cas certainement déclarés par la
Commission des accidents du travail. Quant à l'avenir,
évidemment, ils dépendront des études qui sont
présentement faites. Je laisse l'Opposition se fier au rapport de
l'Association des mines d'amiante, si cela l'intéresse.
M. Forget: Ou à la CSN.
M. Bérubé: Ou à la CSN. Personnellement, je
ne ferai pas d'hypothèse.
Pour aider l'Opposition à se faire un ordre de grandeur des
implications économiques de ces coûts, présentement, la
contribution de la Commission des accidents du travail demandée
auprès des compagnies s'évalue à $18 du $100 de salaire.
Donc, présentement, on demande $18 du $100 de salaire comme contribution
à la Commission des accidents du travail. Je dois souligner que cette
contribution inclut à la fois les compensations pour tous les accidents
industriels, que ce soit la surdité ou l'amiantose.
A titre d'exemple, l'industrie minière prévoit payer $3000
par travailleur, le salaire moyen étant de $18 000, j'ai fait le bref
calcul, ce qui donnerait autour de $16 à $17 du $100, pour l'industrie
minière en général. Il semble donc qu'effectivement
l'industrie de l'amiante ait un coût de prestations supérieur
à celui de l'industrie minière en général. Ceci
peut être utile à l'Opposition: $18 les $100 de salaire
payé.
A combien est évalué le coût d'un amiantosé?
J'ai dû demander une estimation, puisque, évidemment, on n'avait
le chiffre absolument exact. Ceci peut être utile à l'Opposition.
D'après les estimations, le coût d'un amiantosé, le
coût capitalisé, est d'environ $100 000.
Je pense qu'avec les chiffres que vous avez en main, vous êtes en
mesure, présentement, de savoir combien coûte à l'industrie
de l'amiante les cas d'amiantose actuels. Quant à savoir combien il
y en aura dans le futur, je pourrai préciser un peu plus cette
question.
Pour l'avenir, il faut reconnaître qu'il y a eu une nette
diminution des cas d'amiantose au cours des dernières années. En
d'autres termes, on a dû, je pense, racheter un grand nombre de cas qui
résultaient de conditions extrêmement insalubres qui ont
prévalu dans cette industrie les années passées.
Cependant, le rapport de la commission Beaudry... Il faut
reconnaître la contribution du député de Saint-Laurent qui
était le ministre des Affaires sociales à l'époque. Je
pense qu'il a certainement joué un grand rôle dans cette
commandite. Le rapport Beaudry, il faut le reconnaître, est le seul
rapport vraiment substantiel qui existe dans le monde portant sur les maladies
industrielles causées par l'amiante. Il est effectivement, avec ses neuf
volumes, un outil extrêmement important dans l'évaluation de
l'incidence de l'amiante, des maladies causées par l'amiante sur la
"profitabilité" des industries.
Qu'est-ce qu'on retient de ce rapport? L'objectif visé est
essentiellement une combinaison de trois normes: une norme au niveau de
l'empoussiérage total, une norme limite au niveau du nombre de fibres,
une norme concernant l'aire de recirculation et un pourcentage d'amiante
à respecter dans la fibre. Il y a donc une combinaison de normes.
Cette combinaison de normes, aux dires des experts de la commission
Beaudry, est susceptible de ramener le risque d'amiantose dans l'industrie
à zéro; en d'autres termes, d'annuler presque totalement les
risques d'amiantose.
Il faut supposer que l'application des nouvelles normes dans l'avenir
fera en sorte qu'il n'y aura pas de nouveaux cas d'amiantose
détectés, étant donné que les conditions de travail
seront beaucoup plus salubres qu'elles ne l'étaient dans le
passé.
Il reste cependant une zone grise. Cette zone grise, essentiellement,
c'est la situation des travailleurs qui n'ont pas été
déclarés amiantosés dans le passé, mais qui
pourraient néanmoins souffrir jusqu'à un certain point de cette
maladie. C'est cette zone grise. C'est ce que l'Association des mines d'amiante
citait dans son mémoire, je pense, dans son bulletin où on
essayait de faire cette évaluation. Ce que nous n'acceptons pas de cette
évaluation présentement, c'est que nous voudrions savoir
exactement quels sont les travailleurs qui avaient déjà
été considérés comme amiantosés dans
l'échantillonnage qui a été prévu.
L'interprétation exacte des chiffres qui sont là, je pense, va
nécessiter un examen beaucoup plus sérieux de tous les
travailleurs qui ont été impliqués dans cette
étude, étude qui, je dois le dire, a couvert l'ensemble des
mineurs de l'amiante. Mais je ne pense pas que l'on puisse tirer les
conclusions que le bulletin voulait bien tirer. C'est pour cela que j'ai pris
la situation la pire, c'est-à-dire que j'ai supposé, au pire, que
tous étaient des amiantosés extrêmement graves pour essayer
de voir quelle serait effectivement l'incidence sur ce rapport, s'il
s'avérait fondé.
Ce que j'ai essayé de montrer, par mon intervention, c'est qu'on
peut, raisonnablement, faire certaines hypothèses sur l'importance des
cas d'amiantose sur la "profitabilité " des entreprises. On peut
également faire certaines hypothèses concernant l'incidence de
l'amiantose sur les prix de la fibre d'amiante, en voir l'importance relative
et, par conséquent, être certainement capable d'obtenir les
réponses aux questions qui sont posées en consultant simplement
les rapports qui sont disponibles. Par conséquent, je pense qu'il reste
que l'Opposition devra faire son propre travail, examiner les chiffres qui sont
à sa disposition et affirmer que c'est trop cher ou pas assez cher ou
enfin, argumenter dans le sens où elle voudra bien argumenter. Je pense
que j'ai donné suffisamment d'exemples pour rendre l'Opposition prudente
dans ses avancées. Je pense qu'elle sera suffisamment prudente pour ne
pas vouloir pousser ce point trop loin.
Le point qui reste également en litige, c'est l'incidence des
lois futures, parce qu'il faut reconnaître que le travail du ministre
d'Etat au développement social, de concert avec le ministre des Affaires
sociales et le ministre du Travail, portant sur une nouvelle loi qui va
régir la santé et la sécurité au travail,
évidemment, pourrait amener des changements importants dans les
pratiques du gouvernement, concernant l'indemnisation des accidents du travail
et des maladies industrielles. Dans un tel cas, il ne fait aucun doute que ceci
aurait également une incidence sur la "profitabilité" de
l'ensemble de l'industrie de l'amiante, il ne fait aucun doute, pas plus
spécifiquement sur Asbestos Corporation, mais également, comme on
l'a vu, sur l'ensemble de l'industrie de l'amiante.
Il faut supposer que la réglementation qui sera introduite ne
sera pas de nature à engendrer la faillite pour l'ensemble de
l'industrie québécoise, parce qu'il faut reconnaître que
les conditions de travail dans les "smelters ' du Québec, que ce soit,
des "smelters ' de cuivre, que ce soit des "smelters " de fonte ferrugineuse,
que ce soit, enfin, toutes les fonderies qui existent au Québec, on doit
constater que les conditions de travail ne sont pas ce qu'elles devraient
être. Il faut également constater que dans l'industrie de
transformation de l'amiante, les conditions de travail ne sont pas ce qu'elles
devraient être, et que par conséquent, une grande partie de
l'industrie lourde québécoise est affligée par des
conditions de travail qui sont véritablement inacceptables, conditions
qui devront changer.
Cela veut-il dire que l'industrie québécoise va
disparaître pour autant? Je ne crois pas, parce que les normes qui sont
imposées présentement dans le monde, sont également
beaucoup plus sévères. Présentement, les Etats-Unis nous
devancent de beaucoup en ce qui a trait aux normes de protection du
travailleur. Les compagnies américaines, nos concurrentes, ayant elles
aussi, à rencontrer ce même genre de dépenses,
évidemment, cela a comme conséquence qu'elles doivent
transférer le coût de ces mesures de sécurité et de
salubrité aux consommateurs. Elles doivent donc augmenter les prix. Il
ne fait aucun doute que finalement,
c'est le consommateur qui paie. Cela veut donc dire que le Québec
devra se mettre au diapason du reste de l'industrie nord-américaine et
de l'industrie européenne, et que, forcément, nous aurons, comme
pays, à faire face à des coûts, mais des coûts qui ne
seront pas plus élevés qu'ailleurs. Il faut souligner que
présentement, notre industrie est souvent soumise à des normes de
protection de l'environnement, des normes de protection du travailleur qui sont
inférieures à celles auxquelles doivent répondre nos
concurrents, et que déjà notre industrie est souvent
avantagée, si on veut utiliser ce terme "avantagée". Par
conséquent, il m'apparaît anormal que le Québec devienne,
ce que j'appellerais un "pollution heaven", un refuge pour la pollution, et que
nous récupérions au Québec des industries qui n'ont aucun
respect pour les travailleurs, aucun respect pour l'environnement. Ce serait
donc fondamental que notre industrie au Québec se mette au diapason du
reste de l'industrie. Ce n'est pas parce que notre industrie doit se mettre au
diapason du reste de l'industrie que nous devons conclure pour autant que notre
industrie va devenir non concurrente et non rentable. Cela veut tout simplement
dire que nous allons nous retrouver, dans ce secteur de la protection du
travailleur, avec des coûts semblables à ceux que rencontrent nos
concurrents. C'est donc une conséquence inéluctable à
laquelle nous ne pouvons échapper et à laquelle l'industrie de
l'amiante ne pourra échapper.
Il faut d'ailleurs souligner que plusieurs sociétés... Il
y en a deux en particulier, Lake Asbestos et la Johns-Manville qui ont fait des
efforts absolument remarquables dans le domaine et qui, présentement,
respectent littéralement les normes que nous imposons pour
l'année prochaine. Par conséquent, ce qui m'apparaît, c'est
qu'il est économiquement possible de satisfaire aux normes de protection
de l'environnement. (12 h 15)
On le voit à la "profitabilité " de l'industrie
présentement, il est également possible de couvrir le coût
des pensions que représentent les 419 travailleurs de l'amiante.
Advenant le cas où on devrait trouver d'autres cas d'amiantose dans
cette industrie, advenant le cas où tous ceux que prétend
identifier le bulletin de l'Association des mines de l'amiante, advenant le cas
où tous ces cas seraient vérifiés, on peut
également évaluer quelle serait l'incidence, et je vous ai fait
un calcul rapide puisque, si on prétend qu'il y a encore 6% des
travailleurs qui souffrent d'amiantose, en plus de ceux qui ont
été identifiés, dans un tel cas, cela représente
une augmentation du prix de la fibre de 1,74% approximativement; en supposant
une pleine pension qu'on leur paierait pour le reste de leurs jours. En
conséquence, on se rend compte que c'est certainement un problème
important, mais qui n'a pas l'importance que veut bien lui attacher
l'Opposition.
M. Forget: M. le Président, étant donné
l'importance du sujet, étant donné que mes collègues n'ont
pas épuisé leur droit de parole et je crois qu'ils n'ont
pas l'intention de le faire est-ce que je pourrais faire, à titre
de question bien soulevée, pour être bien sûr que le
ministre et moi-même, nous nous comprenons sur cette question... Ce sera
bref et il reste quelques minutes d'ici la fin de nos travaux.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'il y a consentement?
M. Bérubé: Oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
parce que le député de Saint-Laurent avait épuisé
son temps.
M. Grégoire: Surtout s'il demande que ce soit pris sur le
temps de ses collègues, d'accord.
M. Bérubé: Oui, il nous reste quinze minutes...
M. Forget: M. le Président, le ministre a dit je ne
mets en doute aucune de ses affirmations, remarquez, c'est simplement pour en
préciser le sens Le coût d'un amiantosé est de $100
000...
M. Bérubé: Je voudrais qu'on ajoute quelques
bémols, en ce sens que j'ai demandé à mon cabinet de
prendre contact avec M. Sauvé, de la Commission des accidents du
travail, pour répondre aux questions que vous m'avez posées,
à partir des données qui sont disponibles. C'est ce qu'on m'a
dit. On m'a dit que le coût j'avais demandé quel
était le coût capitalisé d'un amiantosé
était estimé à $100 000.
M. Forget: C'est excellent. Je remercie d'ailleurs le ministre
pour certaines précisions, dont celle-là.
Donc, utilisons, pour fins d'illustration, ce chiffre de $100 000;
regardons, en deuxième lieu, les éléments qui sont
déterminants pour établir le coût global des
amiantosés à l'avenir.
Il y a d'abord un certain nombre d'hypothèses qui ont
été avancées par le gouvernement et qu'il est important de
souligner. Je ne veux pas les contester, mais je veux en souligner
l'importance. Il a dit, en premier lieu: On suppose que, pour ce qui est de
l'avenir, les nouvelles normes sont présumées 100% efficaces,
c'est-à-dire qu'il n'y aura plus, si les nouvelles normes sont
respectées... C'est une hypothèse qu'on peut faire, c'est
légitime de le faire; remarquez que je ne veux pas le contester, mais je
pense que c'est important de souligner qu'on la fait. On dit: A partir du 1er
janvier 1978.
M. Bérubé: Grâce aux excellents travaux
parrainés par cet excellent ancien ministre des Affaires sociales.
M. Forget: J'en remercie le ministre, mais ce n'est pas le sens
que je veux donner à mes interventions.
Cependant, on fait cette supposition qu'on a, à partir du 1 er
janvier 1978, grâce à tous ces excel-
lents travaux et tout ce qu'on voudra, des normes qui seront 100%
efficaces, qu'il n'y aura plus de nouvelles expositions à l'amiante
susceptibles d'aggraver une amiantose déjà partiellement acquise,
en quelque sorte, avant le 1er janvier 1978, ou de rendre susceptibles de
maladie de nouveaux travailleurs. Donc, les réclamations futures
découleront c'est l'hypothèse qu'on fait et je veux bien
l'accepter pour les fins de la discussion de l'exposition passée,
avant le 1er janvier 1978, à la poussière de l'amiante. On peut
toujours dire: C'est une hypothèse qu'on fait, on souhaite qu'elle soit
vraie, on souhaite ardemment qu'elle soit vraie, dans l'intérêt
des travailleurs comme dans l'intérêt de l'industrie, du
Québec et de sa prospérité, mais, évidemment, il
n'y a aucune certitude que ce le soit; mais acceptons cette première
hypothèse, d'accord.
Il y a une autre zone grise; parmi les travailleurs exposés
à l'amiante, avant l'entrée en vigueur de ces nouvelles normes,
il y en a qui ont présenté des réclamations, il y en a qui
ne les ont pas encore présentées et là, il y a un
élément d'incertitude. Combien y en a-t-il qui vont sortir du
rang et réclamer une indemnisation? Le ministre cite les chiffres qui se
trouvent effectivement dans le bulletin pour dire: Prenons les choses au pire,
il y en a 372 comme légers, etc., supposons qu'ils soient tous
pénibles et graves, on peut faire un calcul j'en ai
calculé 435, 372 plus 53 plus 10 435 personnes qui demandent une
indemnisation totale; on sait que le coût d'un amiantose est
estimé à $100 000, ce qui fait une possibilité...
M. Grégoire: Si M. le député veut me le
permettre, j'ai les chiffres exacts de 1977.
M. Forget: Non, peu importe qu'ils soient quelques-uns de plus ou
de moins.
M. Grégoire: On nous dit qu'il y en a cinq
d'indemnisés à 100% en 1977.
M. Forget: Je prends la même hypothèse que le
ministre.
M. Grégoire: C'est le rapport de la... M. Forget:
II y a une zone grise.
M. Bérubé: C'est-à-dire qu'on prend le plus
pessimiste.
M. Forget: II y a une zone grise. M. Bérubé:
C'est cela.
M. Forget: II y a, bien sûr, des cas qui sont fermés
et il y en a d'autres qui vont s'ouvrir l'an prochain, puis l'année
suivante et on va contester, etc.
M. Bérubé: Soyons très pessimistes.
M. Forget: Soyons très pessimistes. Cela nous donne un
chiffre, multiplié par $100 000 pièce, de $43 500 000 de
réclamation, la valeur présente des réclamations futures
pour des cas qui ne sont pas encore certains, mais en prenant
l'hypothèse la plus pessimiste.
C'est quand même un chiffre. Comment traite-t-on ce chiffre,
même en admettant dès l'abord qu'il est le plus pessimiste? Le
ministre a fait un exposé qui est exact et d'ailleurs, très
instructif, sur la situation concurrentielle. On veut bien que la situation
concurrentielle d'une entreprise par rapport à une autre ne soit pas
affectée, ni même de l'ensemble de l'industrie de l'amiante
vis-à-vis des produits concurrents.
C'est très rassurant de savoir cela, mais ce n'est pas
strictement le problème qu'on avait à l'esprit.
M. Bérubé: Vous me permettez de vous retourner une
petite question? On a un peu de temps de libre. Vous avez bien dit $43 millions
comme étant le coût actualisé avec vos calculs.
M. Forget: Les cas contenus dans la zone grise.
M. Bérubé: Alors, le chiffre des ventes cette
année est de $400 millions.
M. Forget: Oui.
M. Bérubé: Donc, cela représente 10%.
D'accord?
M. Forget: C'est cela.
M. Bérubé: Vous admettez que des 15% d'augmentation
du prix de la fibre d'amiante cette année, on a racheté tout d'un
coup tous les cas d'amiantose dont on vient de parler.
M. Forget: Oui. Remarquez que c'est ce que je disais...
M. Bérubé: C'est-à-dire qu'on n'a même
plus besoin de s'en préoccuper pour l'avenir puisque...
M. Forget: Votre raisonnement sur la position concurrentielle de
la fibre est exact...
M. Grégoire: Cela a augmenté de 35% l'an
dernier.
M. Bérubé: $40 millions sur $400 millions, c'est
10% du chiffre de vente.
M. Forget: Oui.
M. Bérubé: Cela fait 10% du chiffre de vente. Comme
on vient d'augmenter de 15% le prix de la fibre, donc on admet qu'en une
année, l'industrie de l'amiante a payé pour tous ces cas
d'amiantose...
M. Ciaccia: Non.
M. Bérubé: Le coût actualisé, si je
comprends bien.
M. Ciaccia: Non. C'est faux.
M. Forget: Ne nous mélangeons pas.
M. Ciaccia: Vous n'avez pas les dépenses.
M. Forget: S'il vous plaît, M. le Président...
M. Ciaccia: Un instant.
M. Forget: ...j'aimerais bien terminer mon raisonnement avant
d'aborder d'autres genres de considérations. J'ai noté,
effectivement, que le ministre a fait des consultations intéressantes et
encourageantes, même dans l'optique la plus pessimiste, sur l'effet de
tout cela sur la position concurrentielle de l'amiante face aux produits
concurrents. Je veux bien l'admettre, mais ce n'est pas la préoccupation
première qui est à l'origine de cette discussion.
La préoccupation première n'est pas sur la situation
concurrentielle, c'est sur la position de négociation, dans le fond, le
prix, qu'éventuellement, le gouvernement paiera parce que quel que ce
soit l'effet sur la capacité concurrentielle de l'ensemble de
l'industrie, il reste qu'une entreprise en particulier fait face à une
part de cette responsabilité financière future estimée
grossièrement à $43 millions au pire et c'est dans la valeur, au
moment de l'acquisition que doit se refléter cette moins-value, en
quelque sorte.
A ce moment, il y a deux choses dont il faut se souvenir. Les $100 000
que coûtera un amiantosé ne sont pas actuellement
capitalisés. Ils ne sont pas sous forme d'une réserve. Comme on
le sait, la Commission des accidents du travail ferme ses livres tous les ans.
Elle paie les réclamations. Elle détermine un taux de cotisation,
mais c'est pour les indemnités payées cette année. Elle ne
tient aucun compte des indemnités payées même l'an prochain
et à plus forte raison, celles payées les années
subséquentes.
Donc, il y a une bonne partie de ces $100 000 par amiantosé qui
demeure une responsabilité future de chacune des entreprises. Cela ne
pose pas de problème dans la mesure où on ne s'attend à
aucune augmentation et c'est là qu'intervient la zone grise, à
savoir combien il y a de réclamations qui sont encore en suspens dont on
ne connaît pas le montant. Le ministre a répondu à cela en
disant: Au pire, ce sont $43,5 millions dans le fond.
L'autre question qui se pose c'est le seul but de mes remarques
est de faire ressortir qu'il y a un montant de $43,5 millions qui est en
l'air et c'est peut-être trop...C'est peut-être seulement un
montant de $10 millions pour l'ensemble des industries, d'accord? Il y a aussi
une autre source d'inquiétude. Le ministre a parlé de l'influence
des lois futures. Bien sûr, on peut être plus ou moins
sévère quant au test et quant au seuil d'admissibilité
pour l'incapacité, mais il y a un autre facteur d'incertitude que toutes
ces études traitent de façon incidente et c'est, par exemple, le
risque de cancer. Parce qu'on a parlé de l'amiantose, toutes les
énergies se sont concentrées sur l'amiantose depuis quelques
années, parce qu'il y a eu des études faites à New York,
en particulier, depuis 1964 qui ont fait ressortir ce risque, sauf que depuis
deux ou trois ans, les gens se sont dit: II y a aussi un risque de cancer et
vraiment, on est en terra incognita complètement...
Il reste que s'il y a eu des cas de cancer et qu'on le découvre
dans deux ou trois ans, on a quand même la puce à l'oreille et il
y aura peut-être des réclamations. Il y aura peut-être une
loi nouvelle pour dire: Les risques de cancer aussi doivent être
indemnisés et à ce moment, oui ou non, tient-on compte de cela
dans le prix d'acquisition? Fait-on quelques hypothèses? Bien sûr,
on pourrait discuter entre l'Opposition et le gouvernement à savoir si
le prix de vente en tient compte adéquatement. Ce qu'on aimerait savoir
c'est: Est-ce qu'on fait des hypothèses là-dessus et est-ce qu'on
a l'intention d'en tenir compte dans la négociation et, si on en fait et
si on à en tenir compte, à combien est-ce que cela va se monter
aussi? Alors, cela s'ajouterait aux $43,5 millions. C'est peut-être une
somme négligeable mais comme le cancer est mortel contrairement à
l'amiantose, peut-être que les indemnités prendraient une forme
différente. Ce serait peut-être des indemnités de
décès dans ce cas-là plutôt que des
indemnités de salaire.
M. Bérubé: Mais je pense que le
député de Saint-Laurent a bien lu le rapport Beaudry de
toute évidence, je suppose qu'il l'a lu et reconnaîtra que
l'évidence recueillie concernant l'incidence de l'amiante sur le cancer,
est une évidence scientifiquement mal étayée en ce sens
que...
M. Forget: Incertaine.
M. Bérubé: Oui, incertaine. On semble unanime, en
tous les cas, aujourd'hui pour affirmer qu'il existe une incidence de l'amiante
sur le cancer. On semble également unanime à reconnaître
qu'il existe également une relation incidence, enfin une relation
dose-réponse m'y connaissant peu en médecine, je ne
voudrais pas m'aventurer trop loin qui permet donc d'affirmer que plus
les teneurs en amiante sont basses, moins les risques de cancer sont
élevés. Cependant, on ne semble pas être en mesure
présentement de distinguer entre une exposition prolongée
à une faible dose versus une exposition brève à une forte
dose. On ne semble pas en mesure de distinguer entre le risque
cancérigène de ces deux types d'exposition. Par
conséquent, les connaissances concernant le cancer sont très
maigres. Elles sont également très maigres parce qu'il s'agit
d'un petit nombre de cas. Un des problèmes du mésothéliome
c'est que, par exemple, dans l'ensemble de l'Angleterre... prenons le Canada,
je crois qu'il y a une moyenne de 30 cas de mésothéliome pour
l'ensemble du Canada par année. Par conséquent, lorsqu'on veut
faire une analyse des statistiques de l'incidence du mésothéliome
chez les travailleurs de l'amiante, on a une chance. Je pense qu'un travailleur
de l'amiante a 100 fois plus de chances de mourir d'un accident
d'automobile
que de mésothéliome du fait que le nombre de travailleurs
de l'amiante qui risquent d'être atteints de cette maladie est
relativement très faible. Evidemment je suis d'accord avec vous qu'il
faudrait certainement les compenser, mais cela devient très difficile
à quantifier parce que c'est très petit et cela a certainement
moins d'impact que l'amiantose comme telle. Donc, on a déjà un
ordre de grandeur en bas; par conséquent, cela risque d'avoir beaucoup
moins d'influence.
M. Forget: M. le Président, on aura terminé
là-dessus...
M. Grégoire: M. le Président, juste avant de...
M. Forget: ... je voudrais seulement souligner que quand l'Etat
se porte acquéreur d'une entreprise qui crée des risques pour la
santé des travailleurs, il se place dans la situation curieuse que des
membres du gouvernement en viennent à argumenter que peut-être le
risque n'est pas aussi grave que cela et cela crée...
M. Bérubé: Je ne prétends pas qu'il n'est
pas grave. Je dis...
M. Forget: Non, mais qu'on n'est pas sûr, etc. Donc, vous
êtes porté, contrairement au rôle traditionnel d'un
gouvernement, s'il y a quelque chose, à sous-estimer le risque et
à déprécier les indications qu'on peut avoir qu'il y a un
risque.
M. Bérubé: Non, M. le Président. Je pense
que ceci est inexact. Dans la mesure où le député m'a
demandé quelle est l'incidence sur le coût d'achat, j'ai dit que
l'incidence sur le coût d'achat, à mon point de vue, étant
donné le petit nombre de cas, va être négligeable. Nous ne
sommes pas en présence, par exemple, de 800 cas d'amiantosés.
Nous sommes en présence d'un petit nombre de cas. Par
conséquent...
M. Forget: Les diagnostics ont été bien faits.
M. Bérubé: Oui, c'est juste. Par conséquent,
je prétends simplement que le coût est minimum. Cela ne veut pas
dire pour autant qu'on ne doit pas compenser ces travailleurs. Là c'est
tout à fait différent. C'est-à-dire que mon attitude face
à une politique sociale concernant l'indemnisation des victimes est
évidemment tout à fait différente, mais je dis: Quelle va
être l'incidence? Je dis elle est sans doute négligeable sur le
coût.
M. Forget: C'est espérer beaucoup.
M. Grégoire: M. le Président, je voudrais juste
faire remarquer en terminant qu'il y a cinq pages dans le dernier rapport de la
Commission des accidents du travail consacrées aux chiffres sur les
amiantosés, la maladie dans les mines d'amiante, à la loi 52. Si
le député de Saint-Laurent avait voulu prendre ces
chiffres-là, il aurait eu exactement ce qu'il a pris toute la
matinée à demander. C'est tout ici.
M. Forget: Je concede tout cela, M. le député.
C'est la zone grise dont parlait le ministre. Lui il a compris.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de la commission sont ajournés sine die.
(Fin de la séance à 12 h 30)