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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mercredi 12 avril 1978 - Vol. 20 N° 27

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 70 - Loi constituant la Société nationale de l'amiante


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 70

Loi constituant la Société

nationale de l'amiante

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Les membres de la commission pour la présente séance sont: M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François) et M. Gratton (Gatineau) qui remplace M. Raynauld (Outremont).

Les intervenants sont M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Godin (Mercier), M. Ciaccia (Mont-Royal) en remplacement de M. Garneau (Jean-Talon), M. Landry (Fabre), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Léger (Lafontaine), M. Lèves-que (Kamouraska-Témiscouata), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

M. le député de Richmond, avez-vous le nouveau texte de la dernière motion que vous avez présentée?

Objets de la société (suite) Décision du président

Avant l'ajournement des travaux hier soir, le député de Richmond a présenté une motion qu'il a par la suite modifiée dans sa rédaction, et qui se lit maintenant ainsi: "Que le ministre des Richesses naturelles indique avant l'étude de l'article 4 de la loi 70 les possibilités de mise en marché, tant au niveau national qu'au niveau international, des produits de l'amiante au Québec."

Depuis que nous sommes rendus à l'article 4, j'ai remarqué qu'une nouvelle tendance apparaissait, et c'était de présenter des motions qui n'étaient pas des motions d'amendement et de sous-amendement. Il est reconnu que lorsque nous étudions article par article un projet de loi, les motions généralement présentées sont des motions qui ont pour but d'amender ou de sous-amender un article. Il y a également comme possibilité des motions de suspension de l'étude d'un article, des motions d'ajournement des travaux, des motions de suspension de l'étude d'un article pour commencer l'étude d'un autre. Cependant, il s'est développé, au fil des années, une certaine jurisprudence qui admet que, même en étudiant un projet de loi article par article, soient déposées des motions ayant pour but d'inviter le ministre à distribuer toutes sortes de documents. Même si, effectivement, ce n'est pas le mot "déposer" qu'on emploie cette pratique s'est installée dans les présentations des députés et dans les décisions des présidents, d'ailleurs.

La plupart des motions que j'ai déclarées re-cevables à l'article 4, avant d'entreprendre exac- tement et précisément l'étude de l'article 4, allait dans ce sens, sauf que la motion actuelle du député de Richmond demande au ministre d'indiquer les possibilités de mise en marché, tant au niveau national qu'international. Elle ressemble étrangement à une motion que j'ai déclarée rece-vable, et vous ne m'en voudrez pas, soit la dernière présentée par le député de Marguerite-Bourgeoys, qui demandait au ministre d'indiquer sur quel motif le gouvernement se fondait pour pouvoir prétendre acquérir la société Asbestos Corporation.

Ce sont des motions tellement larges qu'elles équivalent, en réalité, à une question qui est posée au ministre, puisque la motion, telle qu'indiquée, telle que présentée veut dire quoi? Au lieu de dire au ministre dans une question: M. le ministre pourriez-vous m'indiquer les possibilités de mise en marché, tant au niveau national qu'international, des produits de l'amiante? Au lieu de poser cette question, on présente une motion pour demander au ministre d'indiquer cette même chose.

Je pense que cela devient manifestement intolérable, que cela dépasse les cadres de notre mandat et je dois dire ici que, dans le même sens, la dernière motion du député de Marguerite-Bourgeoys, j'aurais dû, normalement, la déclarer irrecevable.

Ce matin, avant qu'il ne se développe une nouvelle jurisprudence, je tiens à dire que notre mandat est d'étudier article par article le projet de loi 70, il y a certaines motions très limitatives qui peuvent être présentées avant qu'il n'entreprenne lui-même l'étude de l'article. Mais je pense que la motion du député de Richmond, telle que rédigée, n'entre pas dans le cadre des balises que doivent avoir les motions, lorsqu'on étudie article par article un projet de loi, de telle sorte que je la déclare irrecevable. Je dis bien ici que celle du député de Marguerite-Bourgeoys, présentée vers 21 h 30 hier soir, aurait dû, je pense, également en vertu des mêmes principes, être déclarée irrecevable, puisque celui-ci demandait au ministre, en fin de compte: indiquez-moi les motifs sur lesquels vous vous basez pour acheter Asbestos Corporation.

C'est une question et je ne voudrais pas qu'on se serve de motion, du moyen des motions, au lieu tout simplement de poser des questions, surtout que les mots "mise en marché" apparaissent à l'article 4a du projet de loi 70 de telle sorte que, ou bien des questions sur la mise en marché pourront être posées à l'article 4a, ou bien des motions relativement à la mise en marché pourront également être présentées à l'article 4a.

Donc je ne voudrais pas que la décision d'hier soir sur la motion du député de Marguerite-Bourgeoys soit considérée comme une décision qui fera jurisprudence. Je voulais arrêter cette façon de procéder.

M. Brochu: M. le président, disons que je suis heureux que vous fassiez cette mise au point, parce que je pense que quand même, la décision qui a été rendue hier soir aurait pu, si vous n'aviez

pas pris la peine de faire cette mise en garde, ce matin, servir de jurisprudence, à l'avenir, de précédent dans le domaine. Je pense que le jugement que vous rendez ce matin en ce qui concerne la recevabilité de ma motion est tout à fait exact et sage. Je vous avouerai même, M. le président, honnêtement qu'hier, j'ai dû formuler de nouveau une première motion rapidement, à la fin de nos travaux, c'est ce qui a fait qu'elle a été présentée de cette façon-là. Je me suis rendu compte par la suite — et ce matin c'était mon intention d'intervenir au tout début — que justement je pouvais atteindre logiquement les mêmes fins que je poursuis par la motion — évidemment à condition que le ministre réponde aux questions — mais par des questions adressées au ministre à ce sujet-là. Alors j'avais même l'intention de la retirer, parce que je voyais qu'elle ne satisfaisait pas aux normes de notre règlement. Alors je me soumets volontiers à votre directive, et je suis content que cela ait permis de rétablir les faits pour l'avenir dans le domaine de l'amiante.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense que cela s'imposait, puisque vous avez été tellement large sur la dernière motion du député de Marguerite-Bourgeoys. Je vous dis, par exemple, qu'il y a d'autres motions que des motions d'amendement ou de sous-amendement qui peuvent être présentées lors de l'étude article par article, mais ces autres motions sont quand même limitatives. Ce n'est pas n'importe quel genre de motion demandant n'importe quoi, ce sont des motions, comme je l'ai dit tout à l'heure, de suspendre l'étude d'un article, d'ajourner des travaux, ou bien même cette nouvelle jurisprudence qui s'est installée, d'invitation au ministre à distribuer certains documents. Là je vous le dis, elle est acceptable et elle est acceptée par les présidents depuis de nombreuses années, c'est une nouvelle forme de motion, alors que cette dernière motion n'entrait pas justement dans le cadre de ces motions. Je ne voulais pas non plus causer des problèmes à ceux qui vont avoir à présider d'autres commissions parlementaires, qui vont rendre peut-être des décisions qui auraient été différentes, et à ce moment-là je pense que nous devons avoir une politique commune. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Non, M. le président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 4 était appelé. J'ai demandé s'il est adopté.

M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le président, j'aimerais présenter une motion.

M. Bérubé: Cela me surprend beaucoup de la part du député de Saint-Laurent, qui n'avait pas présenté une motion depuis déjà longtemps.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Motion invitant le ministre à distribuer une évaluation du coût des réclamations des travailleurs

M. Forget: II est toujours possible de s'amender, M. le Président.

M. Bérubé: Vous continuez à amender préférablement le projet de loi.

M. Forget: M. le Président, j'aimerais présenter la motion suivante et je vais en faire la lecture immédiatement. "Que cette commission invite le ministre des Richesses naturelles à distribuer avant le début de l'article 4 du projet de loi no 70, aux membres et intervenants de cette commission, une évaluation du coût des réclamations qui sont présentées ou qui seront présentées au bénéfice des travailleurs passés et actuels de la Société Asbestos Limitée, au titre de l'indemnité pour les séquelles physiques et incapacités résultant de l'amiantose." J'imagine que vous souhaitez entendre quelques propos sur la recevabilité. Tenant compte des remarques que vous venez de faire, selon lesquelles les motions préalables à l'étude d'un article ne devraient pas amener à des expressions d'opinions ou à des questions posées au ministre, mais devraient porter sur des points précis qui permettraient, qui sembleraient nécessaires, pour aborder intelligemment l'étude de l'article et qui y seraient reliés directement. Je crois qu'il est évident, d'après les débats de cette commission, que tout ce qui touche la question de l'acquisition de la société Asbestos et tout ce qui peut jeter une lumière sur l'acquisition de la société Asbestos, ses tenants et aboutissants financiers, ses implications, les engagements que le gouvernement assume par une telle acquisition sont des renseignements pertinents. Ça ne suppose pas de la part du ministre une expression d'opinion. Ce n'est pas non plus une question de nature générale qui est posée au ministre, c'est la demande d'un renseignement, préalable à l'étude de l'article, nécessaire pour la bonne intelligence des implications de l'article 4 qui, à son paragraphe a), prévoit des activités d'exploitation des gisements d'amiante. Je ne sais pas si cela répond aux objections qui peuvent être formulées, de toute manière, en me réservant peut-être le droit d'y répondre lorsqu'elles seront formulées, si elles le sont, il me semble, à cause de cela, que cela devrait être une motion, bien sûre, recevable.

M. Grégoire: C'est une bonne question, cependant, je n'ai pas trouvé l'article sur la recevabilité justement; vous pourriez m'aider à trouver l'article qui dit que lorsqu'un document est déjà public et qu'il a été publié et qu'on peut se le procurer facilement, une question ou une motion portant sur un tel dépôt de document ou une question sur de tels documents ne serait pas recevable si les documents sont déjà publics, publiés et que celui qui pose la question ou demande le dépôt de documents peut se le procurer facilement. Je crois, à ce sujet que le document est publié chaque année, que le député de Saint-Laurent peut se

le procurer très facilement, que cela est public et qu'il le reçoit même chaque année avec le dépôt des rapports de la Commission des accidents du travail. Pour cette...

M. Forget: Pour les réclamations passées.

M. Grégoire: Oui, les sommes dépensées chaque année pour...

M. Forget: La motion porte sur plus que les réclamations passées, c'est une estimation, une projection des réclamations à venir.

M. Grégoire: Oui, vous allez trouver les projections également dans le rapport de la Commission des accidents du travail, c'est-à-dire qu'il y a...

M. Forget: La projection des déboursés futurs pour les réclamations passées, mais pas la projection des déboursés futurs pour les réclamations futures.

M. Grégoire: Et parce que il y a là... La Commission des accidents du travail se doit de débourser pour l'avenir jusqu'à l'âge de 65 ans. Ces chiffres existent à la Commission des accidents du travail. Cependant, je dois préciser, à l'intention de mon collègue, le député de Saint-Laurent, que ces versements, ces réclamations, ne sont pas effectués par chacune des compagnies minières, individuellement, mais bien par la Commission des accidents du travail. Ce n'est pas chacune de ces compagnies minières qui verse pour ses employés, mais chaque compagnie minière est cotisée pour la moyenne des amiantosés qui peuvent exister dans l'ensemble des mines et chaque mine paie au prorata. Ce n'est donc pas une cotisation personnelle à l'Asbestos Corporation, mais à l'ensemble du secteur minier, comme cela se produit dans tous les secteurs de la Commission des accidents du travail.

Ces chiffres existent, ils n'existent pas et ne peuvent pas exister pour l'Asbestos Corporation elle-même parce que l'Asbestos Corporation ne paie pas directement pour ses propres mineurs, mais c'est la Commission des accidents du travail qui paie pour l'ensemble, de telle sorte qu'une compagnie, comme la société Asbestos Corporation, peut avoir quatre fois plus d'amiantosés qu'une autre compagnie, mais payer le même pourcentage, par rapport à ses employés, que les autres compagnies. Mais cela ne lui coûte pas plus cher si elle en a quatre fois plus que cela va coûter aux autres compagnies, les autres compagnies payant pour l'Asbestos. Alors, pour ces raisons, M. le Président...

M. Brochu: M. le Président, question de règlement...

M. Grégoire: Je termine sur la recevabilité...

M. Brochu: Je pense qu'on aborde la question du fond...

M. Grégoire: ... pour ces raisons, les chiffres étant publics et le député de Saint-Laurent pouvant se les procurer à la Commission des accidents du travail, je crois que la motion est irrecevable.

M. Forget: Brièvement, M. le Président, parce qu'il y a des faits qui sont cités par le député de Frontenac, je crois qu'il n'est pas possible, en consultant quelques rapports publics, d'avoir autre chose que les conséquences de réclamations passées, selon le langage des avocats, des réclamations liquidées. Pour ce qui est de projections quant à l'avenir, sur des réclamations à venir pour des gens qui ne se sont pas encore présentés ni n'ont formulé de réclamations, il est nécessaire, évidemment, pour avoir un tableau complet des engagements possibles du passif contingent, en quelque sorte, de la société Asbestos, de se former une opinion sur les probabilités de réclamations futures qui peuvent être en plus grand nombre que maintenant, puisque les évaluations médicales se poursuivent, les séquelles de l'exposition à l'amiante vont se matérialiser au cours des années futures à un rythme qui doit être estimé, qui n'est pas connu d'avance. Il serait possible, sans aucun doute, sur la base des réclamations déjà présentées, de faire de telles projections mais la Commission des accidents du travail n'a pas cela dans son mandat. (10 h 30)

D'autre part, même s'il est techniquement vrai que la cotisation à la Commission des accidents du travail est déterminée sur une base industrielle plutôt que sur une base d'entreprise, il reste que...

M. Laplante: On est rendu sur le fond de la motion.

M. Forget: Bien oui, on y était tantôt. Il reste que...

M. Laplante: Ecoutez...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Forget: ... cette réclamation va prendre la forme d'une réclamation de cotisations plus ou moins élevées selon la nature des projections qui seront faites quant à l'avenir.

M. Grégoire: La Commission des accidents du travail...

M. Forget: Donc, cela demeure pertinent.

M. Grégoire: La Commission des accidents du travail a tout cela.

M. Laplante: Sur la recevabilité, M. le Président. Je croyais qu'au début de la séance vous aviez donné une directive qui étalait très clairement que... Même hier, vous aviez donné, par un doute que vous aviez à ce moment-là, gain de cause à une motion du Parti libéral.

La motion qu'on vous présente aujourd'hui est similaire à celle que le député de Richmond voulait présenter de nouveau ce matin et que vous avez jugée irrecevable. Elle est apparente aussi même si celle de l'Opposition, lorsqu'ils parlaient de motifs eux aussi... Les deux sont similaires et je ne vois pas pourquoi, suite à la déclaration que vous avez faite ce matin, celle-ci pourrait être jugée recevable.

Il serait temps de commencer les amendements à l'article 4, s'il y en a.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont suspendus pour cinq minutes.

(Suspension à 10 h 32)

(Reprise à 10 h 37)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je déclare la motion recevable.

M. Forget: Je vous remercie, M. le Président. Je pense que, durant la suspension, les échanges qui ont eu lieu entre les membres de cette commission démontrent que le problème n'est pas artificiel, il existe. D'ailleurs, je pense que le ministre serait le premier à reconnaître qu'il y a là un élément d'incertitude quant aux implications pour les exigences financières de chacune des compagnies dans cette industrie, comme retombées à la loi 52, aux exigences actuelles de l'indemnisation des victimes de l'amiantose.

Il y a donc tout un domaine qu'il faut éclaircir, qu'il faut explorer parce que, il a une signification importante en lui-même. Les victimes de l'amiantose, depuis deux ans, sont dans une situation qui n'est pas encore entièrement claire, on ne sait pas jusqu'à quel point la loi s'applique à eux et de quelle façon ils peuvent en profiter; dans un certain nombre de cas, on nous dit que les réclamations ont été réglées; dans un certain nombre d'autres cas, elles ne l'ont pas été. Il faut voir que même au-delà de l'incertitude résultant du sort qu'on fait aux réclamations déjà présentées, il reste une incertitude d'un autre genre quant aux réclamations qui pourraient survenir au cours des prochaines années.

Là, il y a des hypothèses optimistes ou pessimistes, selon que l'on croit que les nouvelles normes de salubrité permettront d'abaisser l'incidence de l'amiantose, plus ou moins. Donc, il y a toutes sortes de possibilités quant au nombre de personnes qui pourraient être affectées, au nombre de personnes qui pourraient se mériter une indemnisation et, donc, les implications pour l'industrie de l'amiante en général et pour une société en particulier, telle que la société Asbestos, sont grandes.

Dans le cas de la société Asbestos, comme on propose d'en faire l'acquisition, ces implications deviennent des préoccupations importantes puisqu'elles constituent un passif, une obligation qui peut se matérialiser à un niveau difficile à prévoir mais qu'il faut bien prévoir puisque, de toute façon, on est forcé de passer par une hypothèse donnée, de faire certaines suppositions au moment où on en fait l'acquisition.

J'aimerais citer le témoignage qu'a rendu M. L'Heureux, ici, qui est le vice-président de la CSN, qui accompagnait les membres du syndicat CSN, les travailleurs de l'amiante, le 22 mars dernier, et qui a fait allusion spontanément, dans sa présentation, à cette question. Il disait en particulier que le prix d'achat de la Société Asbestos, le prix que le gouvernement devra payer pour la Société Asbestos, devait être diminué par un montant exactement équivalent à ce qu'il en coûtera pour payer non seulement les réclamations, encore une fois, déjà présentées, mais le coût futur des réclamations actuelles et des réclamations probables pour l'avenir, pour indemniser les mineurs victimes des maladies causées par l'exposition aux poussières d'amiante. Alors, je cite en enchaînant: Déjà 273 travailleurs d'Asbestos Corporation reçoivent une compensation de la Commission des accidents du travail, dont 89 en vertu de la loi 52".

On sait que l'enquête du Mont Sinaï demandée par la CSN a révélé que 65% des mineurs ayant 20 ans et plus de service ont des troubles pulmonaires. C'est intéressant de noter, M. le Président, que 65%, c'est à peu près, grosso modo, les 2/3 des mineurs qui ont fait 20 ans dans la mine ont des troubles pulmonaires. Des troubles pulmonaires, cela ne veut pas dire qu'ils sont dans une incapacité totale de continuer à travailler. Ils ont des troubles pulmonaires partiels qui peuvent les gêner à un degré variable, mais pour certains d'entre eux, cela peut être assez important. "Or — continue M. L'Heureux — il y a 705 travailleurs d'Asbestos Corporation qui ont été exposés à de la poussière pendant plus de 20 ans, 345 d'entre eux ont plus de 55 ans. Dans la détermination de la valeur de la compagnie, il est donc nécessaire de prévoir un passif comme compenser les mineurs malades. En supposant que pour les trente prochaines années, un groupe constant de 125 travailleurs, reçoit une compensation en vertu de la Loi 52, 90% du salaire net, la base actuelle est de $10 000 par année, et que cette compensation soit indexée à raison de 7% par an, il faudrait prévoir un montant de $25 millions environ pour payer des prestations, en supposant que l'intérêt réalisé sur cette somme, est égal à 10% par année ".

Autrement dit ce que M. L'Heureux suggère, c'est que si le gouvernement paie $25 millions de moins pour la mine que sa valeur nette aux livres pour tenir compte de ces réclamations-là, il peut placer en quelque sorte cet argent à 10%, et s assurer que le fonds qui va en résulter va être suffisant pendant 30 ans, pour payer 90% du salaire net à un groupe constant. Cela ne peut pas néces-

sairement toujours être les mêmes, mais un groupe qui se maintient aux alentours de 125 personnes tous les ans, pendant cette période de 30 ans. Il est évident qu'il y a beaucoup d'hypothèses qui sont faites, de ce côté là. Il y a une hypothèse selon laquelle il s'agit d'un groupe constant de 125 travailleurs. Quand on rapproche cela du fait que 705 travailleurs d'Asbestos ont été exposés à de la poussière pendant plus de 20 ans et que ceux qui ont subi une enquête par le Mont Sinaï, l'Hôpital Mont-Sinaï, ont révélé que les 2/3 de ceux qui ont été exposés pendant 20 ans et plus étaient affectés à un degré quelconque, ce groupe de 125 travailleurs, indemnisés, à partir d'un réservoir de travailleurs de 705 dont les 2/3 sont affectés, cela n'est certainement pas une exagération du nombre.

Il y a probablement là-dedans une hypothèse assez optimiste quant à l'avenir de la salubrité dans les mines et probablement une hypothèse selon laquelle au fond, au cours des vingt prochaines années, des travailleurs qui sont exposés à la poussière d'amiante, il y en a une proportion beaucoup plus faible que les 2/3 qui souffrira d'amiantose. Mais cela n'est qu'une hypothèse; on pourrait envisager des hypothèses plus ou moins pessimistes ou optimistes et on pourrait donc avoir un chiffre d'indemnisation à payer qui serait plus considérable que $25 millions.

M. L'Heureux de la CSN, enchaîne: "Aussi demandons-nous que le gouvernement entreprenne une étude actuarielle du financement de la compensation présente et future afin d'en déduire le montant de la valeur nette d'Asbestos Corporation". Alors, M. le Président, au fond, cette motion que nous présentons est l'écho direct de cette phrase prononcée par M. L'Heureux. Il demande que le gouvernement entreprenne une étude actuarielle du financement de la compensation présente et future, afin de déduire ce montant-là de la valeur nette que le gouvernement entend payer pour la Société Asbestos Corporation.

C'est donc un élément important aux yeux de la CSN parce que M. L'Heureux commençait son exposé au tout début en disant qu'ils étaient d'accord avec l'achat d'Asbestos Corporation, mais non pas à n'importe quel prix et en particulier, qu'il fallait que ce prix reflète totalement la déduction qui serait nécessaire pour payer le coût estimé de la compensation. (10 h 45)

D'autre part, et je termine là-dessus avec cette citation de M. L'Heureux, il dit: "II faudrait également tenir compte du coût de la pollution de l'environnement ". Ceux qui connaissent la région voient les montagnes de rebuts, le développement absolument erratique de la ville. C'est un autre aspect qui, évidemment, déborde la question des $25 millions mais qu'il serait aussi intéressant d'aborder. Dans le fond, la question qui se pose, c'est simplement la suivante, ce que l'on aimerait savoir, ce que la CSN et l'Opposition officielle aimeraient savoir du gouvernement: A combien le gouvernement évalue-t-il le coût des réclamations qu'il devra assumer, une fois devenu propriétaire, pour l'indemnisation des victimes d'amiantose? A combien le gouvernement évalue-t-il les responsabilités sociales qu'il devra assumer comme propriétaire de la plus importante mine de la région et capable, indirectement, d'influencer le développement des autres mines? A combien évalue-t-il sa contribution, la contribution de l'ensemble des contribuables du Québec, si l'on veut, à l'amélioration de l'environnement de la région de Thetford-Mines?

La ville de Thetford est venue ici, en commission, et nous a dit que la phase 2 de son programme de déménagement de quartiers, de réaménagement de la ville de Thetford-Mines, impliquait des dépenses estimées actuellement à $7 millions ou $8 millions. C'est simplement pour déménager des quartiers, une rue entre autres qui est située entre deux crassiers, entre deux séries de crassiers, mais aussi certains autres aménagements. On sait qu'il faut reconstruire les aqueducs, les égouts, les trottoirs, les rues, etc., aider les particuliers à déménager, à acquérir une nouvelle maison, etc. Ce sont des dépenses considérables. Il y a tout le problème des tas de rebuts; il ne s'agit pas de les déménager, bien sûr, je pense bien que ce serait impossible et déraisonnable, mais il y a certainement des travaux d'aménagement physique qui permettraient, par exemple, de stabiliser les pentes et d'y faire pousser de la végétation afin de dissimuler les cicatrices trop visibles et permanentes qui résultent de l'exploitation des mines.

Il y a des coûts, je ne pense pas que personne ne les ait jamais estimés, mais on peut facilement imaginer qu'à partir du moment où l'Etat sera propriétaire de la société Asbestos, la population sera en droit et on pourra certainement prévoir qu'elle va exiger que ce propriétaire, qui est devenu propriétaire au nom de l'intérêt public justement, manifeste vis-à-vis de ces questions d'environnement une conscience sociale plus aiguë que ce qu'on peut attendre de voir manifesté par des sociétés privées. Il se peut très probablement que le gouvernement trouve que ce raisonnement est suffisamment fort pour y donner suite et on ne sait pas exactement, on ne sait pas du tout même, dans quelle aventure financière le gouvernement va s'avancer à ce moment-là.

Ce n'est pas une raison pour ne pas le faire, M. le Président, mais au moment de prendre la décision, avant qu'on ne s'engage dans tout cela, il serait peut-être intéressant — je pense, personnellement, que ce serait essentiel bien plus que seulement intéressant — que le gouvernement nous dise: Bien oui, on a examiné cela; il y a la question de l'indemnisation des victimes d'amiantose, cela vise toute l'industrie, c'est l'application des lois mais encore faut-il le déduire du prix d'achat. Il y a des questions d'environnement, des questions de déménagement de quartiers et d'urbanisation, il y a des choses qu'on va faire, que les sociétés privées ne faisaient pas. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le gouvernement veut, pré-sumément, faire un tel investissement. Il veut démontrer que les propriétaires antérieurs n'avaient pas une conscience sociale satisfaisante. Il ne sera pas en mesure, lui, comme gouvernement et

comme représentant du public, d'éviter aussi facilement ces mêmes responsabilités. Alors, voici les chiffres auxquels on a estimé leur coût. Ceci permettrait au public d'être informé.

Ce n'est rien d'autre que cela que nous souhaitons, que le public soit informé en disant: Bien oui, voilà; non seulement serions-nous informés sur le plan financier, mais on connaîtrait enfin les intentions véritables du gouvernement. Je ne peux pas m'imaginer que le gouvernement se retourne, là-dessus, du côté de la société nationale de l'amiante et dise: Ecoutez, messieurs du conseil d'administration de la Société nationale de l'amiante, vis-à-vis des responsabilités sociales face à l'environnement, face aux travailleurs, face à l'environnement urbain, prenez les décisions qui vous semblent bonnes, le gouvernement ne s'y intéresse pas. Non, c'est une responsabilité clairement gouvernementale, une fois que celui-ci en deviendra propriétaire, d'indiquer ses priorités. Personne d'autre ne peut le faire à sa place. Il pourra, bien sûr, avoir des conseillers techniques sur la façon de procéder, des gens qu'il nommera au conseil d'administration, des cadres de la Société nationale de l'amiante mais ce ne sont pas ces cadres, qui ne sont pas élus, qui pourront prendre les décisions du gouvernement. C'est le gouvernement qui, à ce moment-ci, avant de prendre la décision, doit savoir si, oui ou non, il a l'intention de s'engager dans cette direction. Il nous semblerait naturel, à la fois sur le plan économique que sur le plan de ses orientations sociales, que le gouvernement soit tout à fait explicite. Il n'y a rien qui menace, de ce côté-là, les négociations qui ne sont pas, d'ailleurs, amorcées avec la société General Dynamics; il n'y a rien de secret ou de confidentiel dans tout cela, il n'y a rien qui puisse influencer la valeur des actions directement.

Il me semble que c'est au contraire un facteur qui permettrait à plus grand nombre de gens, à travers le Québec, de juger si I'initiative gouvernementale est justifiée. Si on pouvait dire: Voyez, le gouvernement, lui, il va restaurer la qualité de la vie aux gens de Thetford-Mines, il va se préoccuper de l'environnement, il va faire une contribution majeure, il a prévu d'avance le coût d indemnisation des victimes d'amiantose et il ne paiera pas deux fois pour cela, il ne paiera pas à la compagnie un prix qui est gonflé par linclusion d éléments de rentabilité qui vont s'évanouir à partir du moment où I'on va respecter ces engagements-là. Donc, il est essentiel de rassurer l'opinion publique là-dessus, de s'engager, aussi, pour le gouvernement, d'assumer ses responsabilités face a l'opinion publique, quant à des questions comme celles-là qui concernent à peu près tout le monde.

J'aimerais, M. le Président, souligner une chose. Le gouvernement, relativement aux questions de salubrité, relativement aux questions de I indemnisation des victimes de I amiante comme sur d autres sujets relatifs à lamiante, se trouve en face, essentiellement, de I'héritage du gouvernement précédent. C est une chose qu il faut préciser absolument, puisque ce gouvernement se flatte, d être le premier à prendre des initiatives dans le domaine de I amiante. Il reste que si l'on se pose sérieusement la question à savoir: Qu'est-ce que le gouvernement précédent a fait pour amorcer une solution aux problèmes de l'amiante? On trouve au premier plan la création du Comité Beaudy qui constitue, de l'aveu même de certains documents gouvernementaux qui sont ici et qui datent d'une période toute récente, I'initiative la plus systématique, de la plus grande envergure dans le monde entier pour découvrir les implications de l'amiante sur la santé des travailleurs.

C'est une étude que Ion peut citer ailleurs comme étant vraiment exhaustive, vraiment soignée. C'est là une initiative du gouvernement précédent, non pas seulement pour créer des comités et des rapports, mais aussi pour légiférer à la suite de ce rapport, une loi portant sur I indemnisation des victimes. Sans doute, tous les problèmes ne sont pas réglés, il y a des difficultés d'application, mais il y a bien peu de lois où il n y a pas de difficultés imprévues d application. C'est pour cela qu on les amende continuellement, c est un processus connu, mais il reste que le principe de I indemnisation à 90% du salaire antérieur est posé dans cette loi et la seule difficulté qui se pose, c'est I interprétation, évidemment, ce que ' on veut dire par une incapacité, la possibilité d'offrir d autres emplois en substitution pourvu qu ils ne comportent pas les mêmes risques etc. Ce sont des questions relativement secondaires, mais le principe a été posé, donc il y a eu du côté de la salubrité des initiatives extrêmement importantes et même l'entrée en vigueur, au premier janvier 1978, de certaines normes nouvelles de salubrité de I'air dans les usines. Contrairement au fait que sa date d entrée en vigueur semblerait suggérer que c est une décision récente, c est une décision, au contraire, qui était prévue et une date d entrée en vigueur pour ces normes était prévue depuis de longs mois, antérieurement à I'automne 1976.

Donc, il y a là un héritage du gouvernement actuel et une réponse catégorique à la question qu'il semble parfois poser d'une façon rhétorique: Qu est-ce que vous avez fait dans le domaine de I'amiante? On s'est, premièrement, intéressé au problème de la salubrité. On s est premièrement intéressé au problème de l'indemnisation des travailleurs frappés d amiantose, mais on ne s est pas limité, seulement, à ces initiatives, M. le Président, puisque dès le début des années 1970, le gouvernement antérieur, le gouvernement libéral a créé le Bureau d économie minière. Je ne sais pas si c est une expression absolument appropriée, c est un bureau, une direction, un service à l'intérieur du ministère des Richesses naturelles dont la fonction était d examiner, non pas seulement comme par le passé, la qualité physique, le contenu mineralogique de certains échantillons etc., et de surveiller les claims et la façon dont les droits miniers ont été acquis ou devenaient éteints, mais aussi de s intéresser a I économie minière, à l'impact de I'activité minière sur I économie du Québec, aux possibilités de transformation, travail d'implantation, donc, d'un nouveau service gouvernemental, d'un foyer d'expertise gou-

vernemental, qui a donné lieu aux études avec lesquelles le gouvernement actuel fait ses beaux dimanches. Ce sont les seules études qui existent sur le sujet, celles-ci ayant été amorcées avant le changement de gouvernement, comme leur date de publication en témoigne, puisque ce sont des études qui ont duré plus de quelque semaines, sans aucun doute, cela devient très évident, et même des études amorcées par le secteur privé de I industrie. L'étude SORES, qui est quand même une étude extrêmement fouillée, a été entreprise par l'Association des mines d'amiante, sous l'encouragement, quoique ce soit là bien plus un en-phémisme qu'autre chose, l'incitation, la poussée du gouvernement précédent qui, cependant, avait refusé effectivement de participer financièrement à la conduite de cette étude privée parce que le gouvernement ne sachant pas, n'étant pas sûr à cette époque-là, absolument sûr des motivations de l'industrie, a préféré ne pas donner plus de crédibilité d'avance aux résultats ne sachant pas si les résultats seraient conformes à ses attentes.

M. Bérubé: C'est du patinage, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Non, ce n'est pas un patinage, c'est exactement la raison qui a été retenue à l'époque, à savoir qu'il ne fallait pas d'avance donner bénédiction à des travaux sans savoir s'ils concouraient dans le sens que le gouvernement du Québec le souhaitait. Et d'ailleurs, sachant qu'il y avait une pression du côté gouvernemental, malgré ce refus de participation financière de la part du gouvernement, l'industrie a senti qu'il lui était nécessaire d'aller de l'avant malgré tout. Et c'est à partir de ces bases-là, les bases dans le domaine de la préoccupation, dans le domaine de la santé, de la salubrité des travailleurs, qui est une priorité et qui a été réglée substantiellement par l'ancien gouvernement, sur la base de l'établissement de structures de recherche et d'analyse au sein du ministère des Richesses naturelles, et l'amorce d'un certain nombre d'études que le gouvernement actuel est en mesure, jusqu'à un certain point, d'aborder en quelque sorte immédiatement des décisions et des orientations politiques avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord, parce que nous croyons cependant que ces études, même si elles ont été amorcées par le gouvernement précédent, ne sont pas suffisantes, dans certains cas, pour expliquer les orientations prises par le gouvernement ou au contraire, devraient l'inciter à prendre une voie différente. Là, c'est une question d'interprétation au sujet de laquelle il est normal que les formations politiques divergent d'opinion.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent, je vous inviterais à conclure, est-ce que vous avez complété?

M. Forget: Ecoutez, M. le Président, je voulais rappeler ces faits parce que je crois qu'ils sont pertinents. Etant donné que nous parlons de salubrité, d'indemnisation des victimes de l'amiantose, je crois qu'il était nécessaire que l'on corrige des affirmations qui voudraient faire croire que le gouvernement précédent n'a pris aucune initiative et ne s'est pas préoccupé de la question de l'amiante. Le but principal de la motion, bien sûr, n'est pas de faire cet historique, je ne l'ai fait qu'incidemment. Il est de savoir, pour l'instant, quelles sont les intentions gouvernementales véritables dans ce domaine-là et quelles sont les implications financières de ces intentions vis-à-vis l'indemnisation des victimes d'amiantose, vis-à-vis de son acquisition d'une société, jusqu'à quel point il n'a pas un chiffre précis, vis-à-vis la société Asbestos; pourra-t-il déduire, comme le demandait la CSN, du prix d'acquisition l'estimation future qu'il fait de ses responsabilités envers les travailleurs affectés d'amiantose.

L'un ne va pas sans l'autre et à moins de posséder ces chiffres, on pourra toujours douter de l'affirmation que le gouvernement fait, que le ministre va faire; on pourra douter qu'il a tenu compte de ces coûts-là. C'est une affirmation vide de sens puisque effectivement l'évaluation n'ayant pas été faite, n'ayant pas été scrutée et débattue publiquement, c'est un chiffre commode qu'on pourra insérer à la fin, dans le communiqué final rapportant l'achat et le prix d'achat de la société, en disant: Ce prix qui est de $10 millions, de $12 millions, de $5 millions, cela représente une estimation convenable, de l'avis du gouvernement, du coût des réclamations. C'est une affirmation qu'il faudrait pouvoir vérifier, scruter, sur laquelle il faudrait pouvoir s'entendre avant de faire une pareille affirmation.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac. (11 heures)

M. Grégoire: M. le Président, j'ai l'impression, à l'heure actuelle, que le député de Saint-Laurent essaie d'enfoncer une porte ouverte ou, plutôt, tel un Don Quichotte à la moderne, qu'il essaie de s'attaquer à des moulins à vent. Il nous demande, dans sa motion, l'évaluation du coût des réclamations qui sont présentées ou qui seront présentées au bénéfice des travailleurs passés et actuels de la société Asbestos, au titre de l'indemnité pour les séquelles physiques et incapacités résultant de l'amiantose. Tous ces chiffres existent, M. le Président. Le député de Saint-Laurent, s'il ne jette pas les documents qu'il reçoit, les a dans son bureau; s'il les jette sans les lire, j'admets qu'il ne les ait pas lus et qu'il ne soit pas au courant. Mais si, tous les jours, lorsqu'il reçoit de la documentation des différents ministères, ou chaque année, lorsqu'il reçoit le rapport annuel de la Commission des accidents du travail, s'il prend la peine de s'informer—puisque la chose semble l'intéresser — s'il prend la peine de lire ces rapports, il réalisera que tous les chiffres demandés sont dans ces rapports et existent présentement. Il les a et il vient de demander de les déposer, il vient de demander au ministre de les distribuer. Mais cela lui a déjà été distribué et chaque année, depuis qu'il est député.

Je ne sais pas depuis quelle année le député

de Saint-Laurent est député ici, depuis 1970 ou 1966... Depuis 1973, c'est un jeune député, je le vois. Depuis 1973 qu'il est député, donc, chaque année, il a reçu ces rapports; il sait exactement ce qu il en coûte a chaque compagnie minière d amiante, chaque année, pour I indemnité payée aux amiantosés. Il le sait, il l'a dans son bureau; à moins qu il ne jette les informations qu'il reçoit. C est possible, il y en a qui font cela; peut-être que le député de Saint-Laurent est dans la classe de ceux qui jettent au fur et à mesure, sans lire, sans garder, sans classer. A ce moment-là, je comprends qu il ne les ait pas et qu il les demande

ICI.

Je comprends que vous les demandiez ici. Je ne sais pas si vous les jetez; si vous ne les jetez pas, vous les avez dans votre bureau. Vous les avez pour 1973, puisque vous étiez député; vous les avez pour 1974, 1975, 1976 et, pour 1977, je ne sais trop si le rapport est déposé à I heure actuelle mais vous l'avez d'année en année.

Le député de Saint-Laurent demande quelles sont les incidences sur le coût. C est évident que les montants que la Commission des accidents du travail demande à chacune des mines, des sociétés minières, de verser à la Commission des accidents du travail sont inclus dans le bilan, sont inclus dans les dépenses. Malgré que tout cela soit inclus, à I neure actuelle, dans les dépenses des compagnies, rien n empêche que, malgré ces versements annuels faits par les compagnies minières à la Commission des accidents du travail pour les amiantosés, les profits des compagnies minières sont de I'ordre de 20%. Alors, l'évaluation d Asbestos Corporation se fait en fonction des profits qui sont de Tordre de 20%, une fois les indemnisations payées à la Commission des accidents du travail pour les amiantosés.

M. Forget: C est cela que je voulais dire, ah bon!

M. Grégoire: Bien, c est évident.

M. Forget: Donc, vous ne tenez aucun compte des réclamations futures?

M. Grégoire: Evidemment qu'on en tient compte puisque c est déjà payé dans les dépenses de la compagnie et que...

M. Forget: Non, non, les réclamations...

M. Grégoire: ... Malgré ces dépenses, les profits sont là.

M. Forget: ... futures ne sont pas dans le bilan.

M. Grégoire: Pour les réclamations futures, le tout peut se calculer. Combien y en a-t-il sous le terme...

M. Forget: Une porte pour le ministre. M. Grégoire: Oui.

M. Forget: Une belle porte de sortie.

M. Grégoire: C'est tout de même évident. Si vous n'y avez jamais pensé, il commence à être temps que vous y pensiez. Une compagnie s évalue avec son actif et son passif.

M. Forget: Vous pensez...

M. Grégoire: Bien oui, mais cela fait déjà un mois et demi qu on parle d'amiante et vous n'y avez jamais pensé? Voyons donc!

M. Forget: On prenait, au préavis, les promesses du ministre.

M. Grégoire: M. le Président, je dis ceci: Si le député de Saint-Laurent veut avoir une réponse à la question, qu'il aille à son bureau, cela va lui prendre cinq minutes; s'il a le tour de faire du classement ordonné, qu'il demande qu'on lui sorte les derniers rapports de la Commission des accidents du travail, qu'il le demande. Il va l'avoir, la réponse, ici. Cela ne prendra pas une heure et demie de discussion sur sa motion, ici, parce qu'on sait fort bien que s il a présenté cette motion, malgré qu'il ait tous les chiffres dans son bureau, c'est simplement comme motion dilatoire pour faire perdre le temps à la commission comme il le fait depuis un mois et demi, en essayant d'entrer dans le vif du sujet, en essayant d'entrer sur le fond de la question, en essayant d entrer sur le fond des raisons pour lesquelles la Société nationale de I amiante est créée, c'est-à-dire la recherche, le développement, I exploitation, la mise en marché, les activités de nature industrielle, manufacturière, transformation de la fibre chez nous, valeur économique que cela peut représenter pour les Québécois.

On n'est pas encore embarqués là-dedans, depuis un mois et demi, deux mois; l'Opposition a peur d'y entrer et de commencer à discuter du fond du problème. C'est pourquoi on nous arrive avec des motions demandant de produire des chiffres qu ils ont déjà dans leur bureau. Nous, nous avons hâte d'entrer dans le fond du sujet, pour montrer et démontrer que la politique nationale de l'amiante du gouvernement actuel est une politique qui vise au développement économique de tout ce secteur, ce qui n'a jamais été fait depuis 100 ans que les mines d'amiante existent au Québec. Alors en conclusion, M. le Président, je recommande au député de Saint-Laurent de regarder les rapports annuels qu'il reçoit continuellement et, à ce moment-là, ses questions auront réponses d avance.

Le Président (M. Bordeieau): M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, j'aimerais à ce stade-ci adresser une question au ministre des Richesses naturelles, concernant le problème des personnes atteintes de maladies industrielles, l'amiantose en particulier. Est-ce que le ministre

peut nous dire maintenant quel est le nombre de travailleurs, spécifiquement a I'entreprise d Asbestos Corporation, atteints d'amiantose à un degré suffisant pour devoir actuellement bénéficier des recours prévus dans la loi 52?

M. Bérubé: M. le Président, malheureusement, j'ai demandé à mes conseillers du ministère de colliger ces renseignements. De toute façon, concernant les mineurs de I'Asbestos, je pense que le député de Richmond n'a pas vraiment compris I'argumentation du député de Frontenac en ce sens que ce n est pas la société Asbestos qui paie pour ses mineurs atteints d'amiantose, ou atteints d autres maladies industrielles, mais c'est I ensemble de la classe des mines d amiante qui défraie I'ensemble des coûts encourus pour les compensations. En d autres termes, s'il ne devait y avoir aucun mineur à l'Asbestos atteint d'amiantose, mais qu'il devait y en avoir un grand nombre a la Johns-Manville, par exemple, l'Asbestos Corporation serait obligée de défrayer sa part des dépenses sur la même base que la Johns-Manville. Par conséquent, la question que vous posez concernant la société Asbestos n a pas comme telle d incidence, relativement à la question qui est posée ici, puisqu'elle ne permettrait pas du tout d avoir un portrait global de I'ensemble de l'industrie.

Cependant, si vous posiez votre question en essayant plutôt de savoir combien il y a de mineurs présentement qui sont couverts par la loi 52 et qui reçoivent les prestations de la Commission des accidents du travail, je pense que votre question, évidemment, serait de nature à nous permettre d avoir un portrait global de l'ensemble de l'industrie et je vous dirais, à ce moment, que d'ici quelques minutes j aurai la réponse.

M. Brochu: Ma première question allait être suivie par une autre, M. le Président. Je comprends que le ministre garde quand même cette réserve dans sa réponse parce que, effectivement — et vous le verrez par mon autre question — il me semble qu'il y a une incidence, et une incidence assez considérable quand même lorsqu'on regarde I'achat d'Asbestos Corporation. Je comprends qu'en ce qui concerne l'indemnisation des victimes d amiantose à la grandeur du territoire du Québec, c'est I ensemble des compagnies qui, par un taux établi, contribue et non pas spécifiquement I entreprise touchée. A ce titre là, d'ailleurs, le gouvernement, s'il devait se porter acquéreur d Asbestos Corporation, participerait, j'imagine, dans ce programme établi.

Cependant, et c'est là l'objet de ma deuxième remarque et également de ma deuxième question, c'est que la politique du gouvernement...

M. Bérubé: En d'autres termes, M. le député, cela voudrait dire que l'incidence des mesures sociales sur le prix de vente de la fibre de la société Asbestos serait exactement la même que l'incidence sur le prix de vente de la fibre vendue par la Johns-Manville.

M. Brochu: il y a des nuances, mais cela peut se voir de cette façon, évidemment, lorsqu on le prend en terme de quote-part.

M. Bérubé: La seule chose que cela peut avoir comme conséquence, c est cela. Cela n'a pas plus d influence sur la profitabilité de l'Asbestos que de la Johns-Manville. Ce que cela peut avoir comme conséquence, cependant, c'est de faire croître le prix de la fibre et, à ce moment, mettre cette fibre non compétitive par rapport à des substituts. C'est le seul calcul que vous puissiez faire. C'est donc uniquement une comparaison du prix de vente de la fibre avec le prix de vente d autres produits substituts. C'est le seul impact que I'on peut voir en autant que les industries sont concernées, elles sont toutes affectées de la même façon, ceci provoque donc un accroissement simultané de I'ensemble de leur coût.

M. Brochu: Oui, puisque tout le monde est impliqué de la même façon et au même titre.

M. Bérubé: Cela paraît important.

M. Brochu: Oui, c'est important, dans la discussion. Cependant, j'en suis sur ceci, c'est qu actuellement, d accord, les personnes qui sont sous I'effet de la Loi 52, du moins pour une grande partie d'entre elles, sont actuellement hors du marché du travail et reçoivent une compensation de 90% de leur salaire, qui leur est versée. Cependant, comme la politique du gouvernement n est pas arrêtée encore et n est pas annoncée, on espère que cela le sera bientôt.

Cela fait quinze ou seize mois qu'on attend une présentation qui modifierait toute la situation, de la part du gouvernement, mais cela n a pas été fait.

Je vous rappellerai, M. le Président, qu'à ce chapitre, la Commission des accidents du travail, il y a quelques mois, a tenté certaines approches auprès de travailleurs atteints d amiantose qui reçoivent 90% de leur salaire, chez eux, parce qu ils ont un pourcentage élevé d amiantose, pour essayer de leur faire réintégrer le marché du travail. D accord? La question qui se pose maintenant cest: Si le gouvernement, dans son livre blanc éventuel sur cette question et sur la modification de I ensemble des lois ainsi que de la loi 52, prend I approche de vouloir réintégrer ces gens sur le marché du travail, c est là qu'on aura des incidences directes en termes de coût. Il y a des différences de coût, parce que ces personnes redeviennent des personnes productives dans l'industrie. Alors que si le choix du gouvernement est celui de maintenir l'optique de la loi 52, telle qu elle est actuellement, a ce moment-la, ces travailleurs continueront à demeurer chez eux, protégés par la loi 52. Ce qui veut donc dire des différences de coût appréciables.

Si le gouvernement, dans son livre blanc, réintègre ces gens sur le marché du travail, ils ne seront plus concrètement à charge. Alors, il y a une variante dans les coûts qui est énorme à ce ni-

veau. Je pense qu'à ce titre, le ministre aurait peut-être avantage à nous donner certaines précisions sur les intentions du gouvernement, lesquelles sont attendues par la population et par nous aussi, parce que cela a une implication directe sur ce que le gouvernement veut faire actuellement.

Je ne sais pas, est-ce que le ministre aurait des précisions à nous apporter, immédiatement, en ce qui concerne les intentions du gouvernement?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Brochu: Pas pour le moment? Le ministre me fait signe que non. Cela fait quinze ou seize mois qu'on espère que cela viendra bientôt.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, je pense que vous pourriez suggérer— puisque je ne peux pas m'adresser au député de Richmond directement — au député de Richmond de poser cette question au ministre d'Etat au développement social lors de la prochaine période de questions, cet après-midi, en Chambre.

M. Brochu: Oui, mais je vais continuer mon intervention, M. le Président, suite aux propos du ministre. C'est justement là un peu le dilemme dans lequel on se trouve avec toute cette question; c'est qu'on nous envoie de l'un à l'autre et, pendant ce temps, les mois passent et la situation demeure entière. Je comprends le bien-fondé de cette motion qui est devant nous actuellement; cela me préoccupe au plus haut point, évidemment, étant représentant d'une région minière où le problème de l'amiantose se pose avec beaucoup d'acuité, comme dans la région de Thetford et comme dans les régions où il y a d'autres mines. La situation demeure ambiguë pour beaucoup de ces personnes qui sont aux prises avec la loi 52 ou avec une mauvaise application de la loi 52, ou avec une refonte de ces lois qui devait venir et qui n'est jamais venue. On est encore devant rien; là aussi, on est devant une zone grise en ce qui concerne le projet de loi qui est devant nous actuellement.

On nous demande encore un blanc-seing ou un chèque en blanc en ce qui concerne tout ce problème. M. le Président, je vous dirai simplement, pour bien vous situer dans le contexte, par exemple, qu'il y a des travailleurs actuellement qui sont encore sur le marché du travail, à qui on a enlevé le permis de travail, qui n'auraient pas de raison légale d'être là, et qui sont atteints d'amiantose à des pourcentages aussi élevés que d'autres qui bénéficient de la loi 52. Ces gens demandent: Est-ce que je vais sortir demain ou non? Est-ce que je dois sortir et bénéficier de la loi 52 ou non? Je ne sais pas si, le gouvernement, dans ce qu'il doit annoncer dans les années à venir, va nous obliger à réintégrer le travail. Alors, le seul effet qu'auraient les lois pour la santé des travailleurs et, en particulier, ceux atteints de l'amiantose, c'est de pénaliser les gens qui sont atteints de ces maladies industrielles; on aurait fait sortir une personne du marché du travail pour l'obliger, par la suite, à revenir à un emploi. Mais ne pouvant plus occuper le même emploi, elle est obligée de prendre un emploi à la base de salaire.

Le seul effet des lois pour la santé, en ce qui concerne les maladies industrielles, avec l'inaction du gouvernement actuellement, serait de pénaliser ces gens d'avoir été malades, d'avoir été atteints de maladies industrielles. C'est assez sérieux et cela fait partie, fondamentalement, de nos discussions si on a la préoccupation d'aider ces gens, réellement.

Je vous ai fait état, tantôt — et je reviens là-dessus — de l'incohérence de l'attitude gouvernementale et aussi du danger d'une telle attitude. Il y a quelques mois, comme je l'ai mentionné dans mon argumentation au ministre, la Commission des accidents du travail s'est mise à faire la chasse aux travailleurs bénéficiant de la loi 52, pour essayer de réinstaller ailleurs ces gars-là. Imaginez-vous les problèmes que cela pose; la personne de 45 ans, 50 ans ou 55 ans qui s'est vue retirer son permis de travail, qui a maintenant 90% de son salaire, qui demeure à Asbestos depuis toujours, qui a sa maison et sa famille là et on lui dit: Tu vas aller travailler maintenant dans la région de Drummondville ou dans la région de Sherbrooke, ou ailleurs. Quelle implication cela a-t-il, vraiment, sur le plan humain par rapport à cela. On a cessé par la suite, il faut dire qu'il n'y a pas eu de cohérence. Cela ne faisait pas partie d'une action gouvernementale dans ce sens, puisqu'on l'a abandonné par la suite, mais ce que je veux vous dire, c'est que l'on cause énormément de soucis à tous ces gens et je pense que cela justifie aujourd'hui, non seulement des éclaircissements sur le plan financier, comme la motion l'indique, mais également, ce qui sous-tend tout cela, des éclaircissements sur les intentions du gouvernement en ce qui concerne la santé de nos travailleurs. (11 h 15)

II y a même des problèmes, actuellement, le député de Frontenac en est peut-être au courant, si des directeurs ont fait appel à lui. C'est tellement flou, actuellement, tout ce secteur, que vous avez deux cas identiques; j'en ai un exemple flagrant. La semaine dernière, à mon bureau, un monsieur qui est sur la loi 52 depuis quelques mois, a 20% d'amiantose, et il demande sa rente pour invalidité; on la lui refuse, alors, que d'autres, avec à peu près le même pourcentage d'incapacité, reçoivent leur régime de rentes au chapitre d'invalidité Cela pour vous montrer tout le flou, toute l'incohérence qui existe dans ce domaine. Je vais vous citer le nom, c'est M. André Beauregard, de la rue Saint-Hubert à Asbestos. Vous pourrez vérifier, il y en a comme cela... C'est simplement pour vous donner des exemples de l'incohérence de tout ce qui existe au niveau de ce problème de la santé des travailleurs.

M. Grégoire: Le député de Richmond comprendra tout de même, si vous me le permettez, que cela vous a pris 100 ans pour présenter la loi 52, qui ne fonctionne pas.

M. Brochu: Un instant, un instant. Non, une minute. M. le Président il y a quand même des...

M. Grégoire: ... on peut quand même prendre un an pour la faire fonctionner.

M. Brochu: M. le Président, il y a quand même des...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac, jusqu'à nouvel ordre, c'est le député de Richmond qui a la parole. Si vous voulez lui poser une question, c'est à lui d'en décider.

M. Bordeleau: II me semble... M. Grégoire: Je vous la laisse...

M. Brochu: Je comprends que le bât blesse, M. le Président...

M. Grégoire: Non, non cela ne blesse pas.

M. Brochu: Je comprends que cela touche peut-être le député de Frontenac, mais je n'accuse personne, à ce moment-ci...

M. Grégoire: C'est vous autres que cela blesse.

M. Brochu: ... je décris des réalités, des faits, je comprends que cela devient douloureux pour le gouvernement parce qu'après 15 ou 16 mois d'inaction cela peut indisposer, lorsqu'on met des réalités comme celles-là sur la table.

M. Grégoire: Vous n'avez rien fait pendant 100 ans.

M. Brochu: Je vous ferai remarquer, M. le Président, que je n'ai pas 100 ans, moi, je ne peux pas...

M. Grégoire: Votre parti... les deux vieux partis n'ont rien fait pendant 100 ans.

M. Brochu:... je dépasse à peine 30 ans, alors le député de Frontenac ne peut pas m'accuser d'inaction depuis 100 ans.

M. Grégoire: Cela a été 100 ans sans qu'ils ne fassent quoi que ce soit.

M. Brochu: M. le Président, pour continuer mes propos, tout ceci pour indiquer qu'on est, au chapitre de la santé des travailleurs, devant de drôles de situations, des situations vraiment intenables. J'ai bien hâte de voir, j'espère que cela va être cette année ou au cours des prochaines années ou du reste du mandat du gouvernement qui est devant nous, qu'on aura vraiment une loi ou une modification à la loi 52 ou qu'on appliquera la loi 52, telle qu'elle devrait normalement s'appliquer, comme elle nous a été présentée. Pour montrer aussi, M. le Président, à quoi aura à faire face, par exemple, le gouvernement dans son projet de loi, je dois dire qu'actuellement il y a une situation qui semble assez aberrante dans le domaine des maladies industrielles au chapitre de l'amiantose. Je donne l'exemple d'Asbestos, il aura le même problème quand il sera propriétaire d'Asbestos Corporation, puisqu'il veut également se lancer dans le domaine manufacturier, à ce chapitre.

Vous avez des personnes qui sont atteintes d'amiantose, qui travaillent dans l'industrie connexe à Asbestos dans la fabrication de sous-produits d'amiante. Ces personnes, ayant été exposées pendant un certain nombre d'années aux poussières d'amiante, sont atteintes au même degré, parfois à des degrés supérieurs, de maladies industrielles au niveau de l'amiantose mais elles ne sont pas compensées parce qu'étant dans le secteur de l'industrie, elles ne sont pas considérées comme faisant partie du secteur minier. Elles ne peuvent pas entrer sous la tutelle de la loi 52. Le gouvernement devra faire face au même problème lorsqu'il va se lancer dans le secteur manufacturier, si jamais il s'y lance, en étant propriétaire en même temps d'une mine. Là aussi, il demeure encore une incohérence sur laquelle je ne fais pas de reproche actuellement, je dis que c'est intolérable que cela continue plus longtemps et qu'il faut des correctifs. Cela fait partie des décisions qu'il appartient, maintenant, au gouvernement de rendre. Dans ce sens, la motion va beaucoup plus loin et je voudrais qu'elle aille encore plus loin, en demandant non seulement d'obtenir des estimations en ce qui concerne le nombre des amiantosés actuels et futurs, mais aussi de fournir la pensée politique, s'il y en a une, en ce qui concerne la correction de toute la loi en matière de santé au travail. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président. C'est certain que si on achète les mines, on devra tenir compte des amiantosés, cela doit faire partie des négociations de l'achat de ces mines. Je peux le comparer, aussi, à l'achat d'une propriété à revenus. Je regarde ces amiantosés comme une deuxième hypothèque. Si on achète une maison à revenus, on va considérer dans l'achat les taxes à payer, les dépenses ou les travaux qu'il y a à faire après l'achat de cette maison, le pourcentage que cela peut donner au bout d'une année pour en déterminer un prix rentable pour ce qu'on va investir là-dedans, il y a un phénomène qu'on ne peut pas trouver, ce sont les défauts cachés d'une propriété. Une fois la maison achetée, il faudra payer la deuxième hypothèque qu'il y a dessus. Les amiantosés, c'est une deuxième hypothèque dans le sens qu'il y a déjà des déboursés dans les revenus actuels de ces compagnies.

Lorsqu'une compagnie déclare, au bout de trois ou quatre ans, $20 millions de profits par année, automatiquement, ces dépenses ont été figurées dans ces revenus. C'est la même chose lorsque vous lisez le rapport que les fonctionnaires nous ont présenté, qu'on ne peut pas évaluer.

Lorsqu'ils disent, à la page 10: "Les points importants, non encore résolus dans l'actuel des connaissances... Il existe encore de nombreux points importants définis concernant l'incidence de l'amiante sur les maladies professionnelles dont plusieurs font l'objet de recherches scientifiques très poussées. On cite comme exemple l'importance des caractéristiques physiques ce qui veut dire longueur, diamètre, forme des poussières d'amiante, reliés au pouvoir patogène de ces poussières. '

C'est de la recherche encore. On donne un autre exemple sur le rôle possible, dans la pathogène, des autres substances contenues dans les poussières respirées, ce qui veut dire, en substances minérales, fibres de verre, laines minérales, plastique. On donne comme autre exemple l'influence du profil d'exposition des individus aux poussières d'amiante, ou encore les effets sur la santé, une exposition prolongée à de faibles concentrations de poussières d'amiante, ou encore l'évolution de la maladie après le retrait de l'exposition, la physiopathologie des maladies, l'évolution naturelle des maladies, à savoir à quel moment débute la maladie, où se situe le début de la maladie par rapport au début d'exposition à l'amiante, la susceptibilité individuelle.

Evaluer ces coûts actuellement n'est à peu près pas possible. Ce sont les défauts cachés de ceux qui travaillent avec cet amiante. La même chose existe avec une propriété lorsqu'on a des... On ne peut pas figurer dans l'achat de ces propriétés tous les défauts cachés. Si vous partez de la motion du député de Saint-Laurent qui veut savoir les prix, je ne crois pas que les fonctionnaires puissent déterminer un prix et dire que ça va coûter $25 millions, $50 millions ou $100 millions de recherches additionnelles pour en arriver à ces dépenses.

On ne peut pas l'ignorer. Mais si le rapport Beaudry dit que ses objectifs à atteindre, c'est de ne plus avoir, à l'avenir, de cas d'amiantose chez nos travailleurs de l'amiante. C'est par ces recherches qu'il pourra en arriver là et n'avoir aucun excès de risque de cancer de la population exposée aux poussières d'amiante. La motion pourra aller aussi loin que s'appliquer aux habitants qui vivent dans cette ville, combien ça coûte, pour eux, en médicaments. Est-ce qu'on sera obligés un jour de donner des compensations aux résidants de ces villes qui ne travaillent pas dans l'amiante? Cela pourra aller aussi loin que ça la motion du député de Saint-Laurent.

Je pense que ce n'est pas logique actuellement, de donner... On s'est refusé, le ministre s'est refusé depuis le début à donner des prix de transaction qui pourraient se faire en négociation pour l'achat de ces mines. Si on commence à donner des chiffres tout de suite, cela a une importance directe sur les fluctuations de la bourse pour en déterminer le prix global de l'achat des mines d'amiante.

Pour toutes ces raisons, je vais voter contre la motion, parce qu'elle me paraît problématique. Il n'y a rien dedans qui peut être très clair pour dire jusqu'où vont les séquelles physiques et incapaci- tés résultant de l'amiantose. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je voudrais bien être fixé sur les intentions réelles du gouvernement vis-à-vis de cette question du dédommagement ou des réclamations des employés amiantosés. On sait que le gouvernement a déclaré de façon solennelle qu'il entendait, au moment de l'achat de l'Asbestos Corporation, déduire du prix d'achat le montant des réclamations pour les amiantosés aussi bien actuels et passés que futurs.

Ce matin, ce qu'on nous sert du côté du gouvernement depuis le début des travaux, c'est que l'Asbestos Corporation, dans son bilan, indique déjà les montants qu'elle paie à la Commission des accidents du travail et donc, qu'on n'a pas à se poser des questions sur les montants impliqués à ce niveau pour les amiantosés actuels ou passés. On est en train de nous dire qu'on ne peut pas prévoir, ou presque pas prévoir, combien il y en aura plus tard et de toute façon, tout cela est payé par l'ensemble de l'industrie, c'est-à-dire par les compagnies qui oeuvrent déjà dans le domaine et que cela ne réflète donc pas sur la rentabilité spécifique de l'Asbestos Corporation.

Je me pose la question suivante: Le gouvernement, effectivement, fera-t-il en sorte qu'on déduire du prix d'achat ces réclamations ou va-t-on tout simplement laisser tomber en disant que c'est l'ensemble de l'industrie qui paiera cela, selon une quote-part de chacun?

Il me semble qu'avant de s'embarquer dans les négociations, au moment où ces négociations sont déjà entamées, il y aurait lieu qu'au moins la commission parlementaire soit informée des implications financières de cette nature.

D'ailleurs, cela rejoint un peu l'objet de la motion qu'a présentée le député de Richmond, que vous avez très correctement jugée irrecevable, mais encore là, par sa motion, il parlait des possibilités de mise en marché au niveau national et international des produits d'amiante du Québec. Ce sont là des informations qu'on aurait bien voulu que le ministre nous fournisse avant qu'on aborde l'étude de l'article 4 puisqu'en définitive, si à l'article 4, on se trouve à consacrer les objectifs du projet de loi, il y aurait lieu pour des personnes responsables au gouvernement de s'assurer qu'on a toutes les informations valables avant de le faire.

M. Grégoire: Vous les avez.

M. Bérubé: Je vais vous les donner dans quelques secondes. Je vais les extraire de vos rapports et je vais vous les redonner en plein visage.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Gratton: Pour les réclamations futures?

M. Bérubé: Tout ce que vous avez... M. Grégoire: Vous les avez déjà.

M. Ciaccia: Alors, vous allez accepter la motion.

M. Gratton: Pourquoi ne pas accepter simplement d'adopter la motion du député de Saint-Laurent et, à ce moment, on pourrait obtenir ces informations dans quelques minutes, comme l'a dit le ministre...

M. Bérubé: Je vais vous démontrer que ce n'est même pas la peine de le faire. Vous les avez.

M. Grégoire: On l'accepte. Vous les avez déjà les rapports.

M. Gratton: Non, on ne les a pas.

M. Bérubé: On va vous le montrer que vous les avez.

M. Gratton: On n'a absolument rien sur les réclamations futures.

M. Grégoire: A moins que vous ne jetiez toute la documentation que vous recevez.

M. Bérubé: Je vais vous répondre dans quelques secondes.

M. Forget: Patinage! M. Gratton: II y a un autre aspect... M. Bérubé: Je vais vous répondre. M. Grégoire: On va vous répondre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gratton: II y a un autre aspect qui mérite d'être souligné, à mon avis. Tous reconnaissent que dans le cas de l'Asbestos Corporation, c'est la compagnie, dans le domaine de l'amiante, qui a fait le moins au point de vue de la salubrité et de l'assainissement de l'entreprise et des usines dans tout le secteur.

Or, si c'est le cas et que du côté du gouvernement, on nous répond tout simplement que l'Asbestos Corporation n'est pas dans le moment pénalisée d'avoir fait moins que la Johns-Manville, par exemple, ou d'autres compagnies dans le domaine, sur le plan du contrôle et de l'élimination de la pollution par les fibres d'amiante, c'est donc dire que la compagnie elle-même n'avait aucune motivation spéciale de faire les améliorations, mais le gouvernement se portant acquéreur de l'Asbestos Corporation ne voudra sûrement pas que se continue ce rôle d'employeur moins conscient de la réalité. (11 h 30)

II voudra sûrement devenir un employeur modèle et cela entraînera effectivement des investis- sements en conséquence. Tout cela, lorsque le député de Bourassa, par exemple, nous parle de la rentabilité et du bilan de la compagnie avec des profits de $20 millions par année. Le bilan est déjà le reflet de cette situation et le gouvernement, à ce moment-là, la motion ne le demande pas, mais le gouvernement devrait, à mon avis, fournir également les prévisions des coûts. Au moment où le gouvernement négociera l'achat de l'Asbestos Corporation, ce sont des considérations très importantes qu'il devra faire avant d'en arriver à un prix d'achat quelconque.

M. Grégoire: M. le Président, sur une question de règlement. Je crois que là, nous discutons des prévisions des prestations à verser aux travailleurs. Le député revient sur le sujet des investissements supplémentaires au coût d'achat que le gouvernement devra faire pour améliorer les installations périmées de l'usine afin de respecter les normes de salubrité. On a déjà eu cette motion et elle a déjà été discutée. Alors...

M. Bérubé: Mais, M. le député de Frontenac, comme le député ne vient jamais aux travaux de la commission, il est souvent en retard. En fait, nous avons effectivement discuté de cette question.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A

I ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: C'est la deuxième fois depuis deux mois qu'il vient à la commission. C'est pour cela qu'il n'était pas au courant qu'on avait déjà eu cette motion. S'il venait un peu plus souvent qu'une fois par mois, il s'apercevrait qu'on a déjà eu toute cette pile de motions, environ 40, et il ne discuterait pas de ce qu'on a discuté hier.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Sur la motion.

M. Gratton: M. le Président, vous me permettrez sans doute...

M. Grégoire: On a déjà eu celle-là quand vous n'étiez pas là.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A

I ordre!

M. Gratton: ... de parler de la question de règlement qu'a soulevée le député de Frontenac. Je ne suis quand même pas pour lui donner un compte rendu de mes déplacements au cours des dernières semaines qui m'ont empêché d'être aussi présent à la commission parlementaire que je l'aurais personnellement souhaité. Le fait demeure, et je l'ai dit la semaine dernière: Je me tiens tout à fait à la page et au courant en lisant le journal des Débats.

M. Grégoire: Vous n'avez pas lu ces pages-là.

M. Gratton: Je suis conscient que la motion a été faite et qu'elle a été rejetée. Cela n'empêche

pas qu'on veuille encore obtenir les informations qu on avait souhaité obtenir par la présentation de ces motions que le gouvernement a refusées.

M. Bérubé: C est contraire aux règlements.

M. Gratton: Si vous voulez ouvrir complètement la porte, je vais simplement proposer une motion d'amendement à la motion du député de Saint-Laurent pour inclure tout cela, pour inclure celle du député de Richmond et celle du député de Saint-Laurent.

M. Grégoire: Cela a déjà été tout discuté. M. Bérubé: C est contraire aux règlements.

M. Gratton: Effectivement, on pourrait le faire, une par une, et on pourrait être ici toute la matinée et en discuter. Ce n est sûrement pas ce que le président souhaiterait que je fasse.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non.

M. Gratton: Je demanderais au président d inviter le député de Frontenac d arrêter de me provoquer.

M. Grégoire: Cela a été déclaré antiréglementaire, d'une manière ou d une autre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De toute façon, il y a une motion devant nous; bien sûr, c est difficile d'en juger lorsqu un député sort du sujet. Il y en a qui sortent et qui reviennent vite, il y en a d'autres qui sortent et qui reviennent moins vite. De toute façon, le député de Gatineau a une bonne expérience parlementaire et il connaît le contenu de la motion. Je I'invite à parler sur la motion.

M. Gratton: Oui, M. le Président. D ailleurs, je dirai simplement qu'on est très heureux, du côté de I Opposition, de constater qu'enfin le ministre, lui, ne s absente plus. Cela était moins facile a comprendre.

M. Bérubé: Vous commencez a être un peu plus sérieux, vous parlez du projet de loi maintenant.

M. Gratton: C'est cela qui vous amène...

M. Bérubé: Certainement, c est bien plus intéressant.

M. Gratton: Tant mieux.

M. Grégoire: Au début vous étiez...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre

M. Gratton: Alors, M. le Président, sur la motion du député de Saint-Laurent, il me semble que si le ministre s'apprête, dans quelques minutes, nous dit-il, à nous fournir toutes les informations dont il est question dans cette motion, à ce moment-là, bien entendu, il ne sera pas utile d'en débattre très longuement. Le fait demeure que ces informations sont essentielles pour qu'on fasse un travail valable à cette commission avant d étudier l'article 4 qui, comme je l'ai dit tantôt, constitue, à toutes fins pratiques, le principe même du projet de loi quant aux objectifs, en tout cas, de la politique du gouvernement sur I'amiante.

Je trouve assez curieux que le ministre ne fournisse que maintenant ces informations, alors qu on les réclame depuis un mois et demi, comme le dit le député de Frontenac, mais mieux vaut tard que jamais. J'espère que les informations qu'il nous fournira tantôt incluront I aspect le plus important, à mon avis, du contenu de la motion du député de Saint-Laurent, c'est-à-dire la prévision ou l'estimation des réclamations futures quant aux bénéfices à verser aux travailleurs passés et actuels de la société Asbestos Corporation.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):Merci, M. le député de Gatineau. M. le ministre.

M. Bérubé: Nous avons le plaisir d avoir le député de Mont-Royal. Je peux répondre, cela va peut-être lui permettre de...

M. Grégoire: Ah non...

M. Ciaccia: J a: le droit de parler?

M. Bérubé: Oui

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pour suivre l'ordre... J avais reconnu le ministre au préalable et, d'autre part, il y a une sorte de tradition qui veut qu autant que possible, après un parti politique...

M. Grégoire: Est-ce que le ministre a le droit de parler aussi?

M. Ciaccia: Non, je vais le laisser parler...

M. Grégoire: Est-ce qu il a le droit de parler?

M. Bérubé: M. le Président, je vais prendre plaisir à répondre a cette question non pas en déposant des documents, mais en faisant la preuve que I Opposition, en fait, n est même pas en mesure d analyser les documents qu elle a en main. Le depute de Marguerite-Bourgeoys hier nous parlait d un rapport fantôme qui était muet sur ceci et sur cela. Je dois dire qu'effectivement il s'agit peut-être d un rapport muet d'un groupe ministériel fantôme a I intention d une Opposition sourde

C'est là une des caractéristiques du débat qui a cours présentement. En dépit du fait que nous ayons déposé une quantité épouvantable de documents au début de cette commission, de toute

évidence, l'Opposition n'en a pas pris connaissance puisque ces gens reviennent avec des questions pour lesquelles ils ont déjà les réponses en main.

Je vais démontrer qu'ils ont la réponse en main. Ils n'auraient aucune difficulté, ils auraient pu s'éviter la peine de présenter une motion, sauf que leur objectif étant connu, il s'agit de retarder les travaux de cette commission et non de débattre le projet de loi; par conséquent, cela n'aurait sans doute rien changé et ma réponse ne changera rien.

D'une part, je tiens à réitérer ce que je dis depuis le début de cette commission. Ce n'est pas la place, ici, du point de vue du gouvernement, pour débattre l'achat de la société Asbestos, pour débattre chacun des coûts implicites à l'achat de la société Asbestos. Nous avons choisi de négocier l'achat de cette société parce que nous reconnaissons que, dans l'achat d'une telle entreprise, il faut faire un certain nombre d'hypothèses, hypothèses qui sont plus ou moins nécessaires, selon le degré de connaissances qui sont à votre disposition. La compagnie, qui a en main ses propres installations, est certainement en mesure de prétendre que certaines hypothèses que nous avons faites ne sont pas valables, eu égard à l'état actuel de leurs installations et, par conséquent, de nous amener à réviser notre évaluation.

Par conséquent, il va donc falloir — et nous l'avons admis dès le départ, et le ministre des Finances l'a clairement expliqué à l'Assemblée nationale — nous admettons dès le départ qu'il doit y avoir une négociation, que c'est à la suite de cette négociation que nous pourrons définir clairement ce que vaut l'entreprise, tenant compte des charges financières qu'implique la modernisation des installations, des charges financières que pourraient impliquer, par exemple, les règlements actuels de la Commission des accidents du travail.

A ce moment-là, je pense que l'Opposition se fera un plaisir de démolir l'argumentation gouvernementale, à savoir que nous aurons payé; dans notre cas, nous prétendrons que nous aurons payé un prix juste et, dans le cas de l'Opposition, on prétendra que nous aurons payé trop cher. A ce moment-là, vous aurez en main tous les chiffres et vous pourrez certainement critiquer.

Mais, présentement, émettre ces chiffres serait déjà commencer, sur la place publique, un débat de fond sur la valeur de l'entreprise et provoquer une spéculation que nous ne voulons provoquer nullement. Par conséquent, nous maintenons présentement le silence le plus complet sur l'évaluation que nous faisons de l'entreprise.

Lorsque le député de l'Opposition présente une motion invitant le gouvernement à déposer des études, je vais lui répondre de la façon suivante. Le député de Saint-Laurent s'est d'ailleurs amusé à sortir des chiffres de ce bulletin de l'Association des mines d'amiante. Il a en main un rapport — je ne veux pas commenter la valeur de ce rapport; il semble cependant que ce rapport a été effectivement commandé par l'ancien gouvernement — qui, après examen de mineurs, prétend — je ne veux pas du tout avilir les chiffres qui sont dans ce rapport; je vais simplement montrer comment l'Opposition pourrait s'en servir — dans ce rapport, on dit qu'après avoir examiné 6785 dossiers de mineurs — et cela, depuis 1975; donc, de 1975 à 1976 — on a constaté dix cas d'amiantose avancée, 53 cas modérés et 372 cas considérés comme légers.

Je ferai l'hypothèse immédiate, M. le Président, que tous ces cas, qu'ils soient légers ou graves, doivent être compensés à 100% de leur salaire pour le reste de leurs jours. C'est une hypothèse grave. Je prends la pire hypothèse qu'il me soit possible de prendre. Nous allons compenser tous ces mineurs, quels qu'ils soient, qu'ils soient gravement ou peu atteints.

Comme ceci représente 6% de la classe des travailleurs, ceci nous amène à dire que nous allons augmenter la masse salariale de 6%. Nous payons des salaires à 6% de la masse des travailleurs qui ne travaillent pas. Il faut donc les remplacer. Nous augmentons donc la masse salariale de 6%. Je suppose que l'Opposition est capable de comprendre cela.

Deuxièmement, je m'interroge pour savoir quel pourcentage du prix de vente de la fibre provient des salaires. C'est très facile à calculer, puisqu'on sait que le volume total des ventes est de $400 millions, que le volume des salaires totaux est de $100 millions. Nous constatons donc que le quart — je devrais dire 29%, en fait, puisque, si j'avais pris les chiffres exacts, j'aurais trouvé environ 29% — le quart du prix de vente de la fibre d'amiante provient des salaires.

Par conséquent, un quart de 6%, grosso modo, me donne une augmentation des prix de 1,74% de l'amiante. N'oubliez pas que, cette année seulement, l'amiante a connu un bond dans ses prix, de 15%, n'est-ce pas? Par conséquent, on se rend compte que l'importance de ce facteur, si elle n'est pas négligeable, néanmoins est certainement limitée quant à l'incidence sur la "profitabilité" de l'entreprise.

Egalement, je soulignerais qu'un grand nombre de ces mineurs ne sont déjà plus sur le marché du travail, puisque, ayant perdu leur certificat médical, ils sont... Il y en a un grand nombre. Il y en a un certain nombre d'autres qui sont en litige. Là-dessus, nous sommes d'accord. Mais il y en a un grand nombre qui ne sont déjà plus au travail. Cela veut donc dire que la "profitabilité " de l'entreprise de 1976 et de 1977 traduit déjà le coût des compensations qui doivent être payées à ces mineurs. Cela veut donc dire que sur ce 1,74% d'augmentation du prix, il y en a déjà une très forte proportion qui est déjà couverte par les augmentations de prix antérieures et, par conséquent, ne sorit plus à la charge pour l'avenir. On se rend donc compte de l'importance. Voilà donc un exemple en calculs rapides. Voilà donc, en gros, ce que représente l'incidence des "amiantosés " actuels sur la "profitabilité" de l'entreprise.

L'autre question qu'il faut poser, à ce moment, c'est quelle est l'incidence des lois futures? Il ne fait aucun doute que, si on modifie la loi, on aura des coûts supplémentaires. A titre d'exemple, un des principaux problèmes que nous rencon-

trons présentement dans l'industrie minière, c'est une réévaluation des normes de surdité. Ces normes ont été rabaissées, ce qui fait qu'un nombre de plus en plus grand de mineurs sont déclarés sourds et ont droit à des compensations. Voilà également un coût supplémentaire que l'industrie de l'amiante aura à rencontrer. Mais de la même façon, dans, par exemple, les fonderies, on est à réévaluer toutes ces normes d'empoussiérage. On se rend compte que c'est l'ensemble de l'industrie nord-américaine et l'ensemble de l'industrie mondiale qui est amené, au cours des années, à réévaluer ces prestations à ces mineurs, à ces travailleurs et que, par conséquent, la société est amenée à payer un coût plus grand pour ces mesures sociales. Cela se traduit dans les prix et cela affecte non seulement une société, mais affecte l'ensemble de l'industrie.

Par conséquent, le calcul très rapide que je vous ai fait, c'est simplement pour vous illustrer ce que vous pourriez faire avec les chiffres que vous avez en main. Je pense que...

M. Forget: Le ministre nous donne une bonne démonstration de ce qu'on peut faire avec des chiffres.

M. Bérubé: J'ai pris les chiffres que vous avez en main.

M. Forget: Littéralement n'importe quoi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bérubé: Je n'ai pas pris littéralement n importe quoi, j'ai pris les chiffres que vous avez en main.

M. Ciaccia: Je vais lui dire après l'expression en anglais.

M. Bérubé: Allez-y.

M. Ciaccia: On dit: "Figures do not lie, but liers can figure."

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avez-vous terminé?

M. Bérubé: Je vais laisser l'Opposition répondre, je reprendrai la parole, je n'ai pas fini mes vingt minutes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous n'avez pas vingt minutes, vous avez un droit de parole illimité, M. le ministre.

M. Ciaccia: Continuez, on ne veut pas vous interrompre.

M. Bérubé: De toute façon, j'attends les chiffres exacts qui nous seront envoyés du ministère, comme je l'ai dit, j'essaierais de les déposer. J'ai essayé de vous donner, avec les chiffres que vous avez en main, le genre de calcul que vous auriez pu faire.

M. Forget: C'est noyer le poisson.

M. Bérubé: Je n'ai pas essayé de noyer le poisson.

M. Forget: Ah oui!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous ne terminez pas, M. le ministre? M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je pense que le ministre commençait à réaliser ce qu'il faisait, le genre de demi-vérité qu'il nous donnait en prenant certains chiffres qui n'étaient pas officiels, des chiffres qu'il prenait dans une revue, des estimations, des spéculations, et il nous donnait cela comme des chiffres réels. Je ne sais pas s'il essaie de donner trop peu d'informations ou si vraiment les gens du ministère n'ont pas fait les études et qu'ils n'ont pas ces études.

Ce que je trouve incohérent, M. le Président, c'est le refus systématique, du côté ministériel, de nous donner les informations... Cela fait une heure que vous passez à nous dire: On les a les chiffres. Plutôt que de dire cela... (11 h 45)

M. Grégoire: ... les accidents du travail les a.

M. Ciaccia: ... ce serait plus simple de dire: Très bien, nous allons accepter la motion du député de Saint-Laurent et nous allons vous les fournir. Est-ce que cela ne serait pas plus honnête? Parce que je commence à m'inquiéter quand vous nous dites: Nous avons tous ces chiffres, mais vous allez voter contre la motion. Ecoutez, votre position n'a pas de logique.

M. Grégoire: Vous les avez déjà, les chiffres. Vous les avez dans votre bureau.

M. Ciaccia: Ou vous les avez, vous êtes prêts à donner cette évaluation; dans ce cas, on pourrait arrêter de discuter de cette motion. On obtiendrait les chiffres, les coûts, l'évaluation qu'on demande dans la motion. On pourrait procéder aux travaux. On ne les a pas.

M. Grégoire: Vous les avez dans votre bureau. C'est parce que vous les jetez au fur et à mesure que vous les recevez.

M. Ciaccia: On vous dit qu'on ne les a pas. C'est bien facile. On ne pourrait jamais gagner...

M. Grégoire: Cessez de jeter vos rapports et lisez-les.

M. Ciaccia: C'est la façon la plus facile de ne pas donner de renseignement. Chaque fois qu'on en demande, on nous dit: Vous les avez, on va voter contre. Ecoutez, il y a une certaine honnêteté intellectuelle...

M. Grégoire: On n'est pas pour toujours vous en envoyer 20 copies.

M. Ciaccia: ... et certaines régies du jeu qu'on devrait accepter.

M. Grégoire: Si vous les voulez en vingt copies, c'est une autre paire de manches.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Mettez-le sur la motion. M. Laplante: ...

M. Ciaccia: C'est ma première remarque. Laissez-moi donc finir! Je trouve inconcevable, incroyable que vous acceptiez cette tactique. Ce n'est pas nous qui faisons de l'obstruction. Nous demandons des renseignements qui sont absolument essentiels. Si je pouvais vous donner quelques conseils...

M. Grégoire: Vous n'étiez pas à la commission quand on les a donnés.

M. Ciaccia: Arrêtez donc de m'interrompre deux minutes. Je pourrais vous donner quelques conseils. Ce serait dans un bon esprit. Je crois que cela démontre le manque d'expérience de votre côté dans le domaine des affaires. Vous dites que vous ne voulez pas que la bourse augmente, mais les déclarations que vous avez faites, ont fait augmenter les actions d'Asbestos Corporation au-dessus de $40.

M. Grégoire: Cela a baissé. M. Ciaccia: Un instant!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal, sur la motion.

M. Ciaccia: Sur la motion, j'en viens. Je veux dire pourquoi il faut avoir l'évaluation de ces coûts. Le député de Bourassa a dit: Si on fait de telles déclarations, cela peut affecter...Peut-être que ce serait dans l'intérêt de tout le monde de dire la vérité. Si, aux résultats de cette vérité, cela affecte le prix de la Bourse, ce serait une démarche normale. Vous ne pouvez pas seulement faire des déclarations pour faire augmenter les actions, mais ne pas en faire aussi pour les faire baisser. Ce n'est pas tout à fait honnête non plus.

M. Grégoire: Cela baisse depuis deux mois.

M. Ciaccia: Cela ne vous prête d'intention. C'est votre manque d'expérience franchement, mais cela va nous coûter cher, votre manque d'expérience. La raison pour laquelle on a besoin de ces chiffres, et je vous donne cela comme méthode de négociation...

M. Grégoire: Vous pensiez tout à l'heure que c'était à $49. C'est rendu à $38.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: ...

M. Ciaccia: ... c'est le député de Frontenac.

M. Gratton: M. le Président, question de règlement.

Une Voix: Expulsez-le!

M. Gratton: II me semble que jusqu'à maintenant, quand le ministre a parlé, quand le député de Frontenac lui-même a parlé tantôt...

M. Grégoire: Tant bien que mal.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Frontenac.

M. Gratton: Avez-vous déjà vu cela? Il m'interrompt quand je suis en train de vous demander de lui demander de ne pas m'interrompre? Il y a toujours des limites.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Ciaccia: II y en a qui sont sourds, mais il y en a qui devraient être sourds et muets. Cela aiderait nos travaux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! La parole est au député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, est-il nécessaire que je cite l'article 100 au député de Frontenac?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Citez-le donc!

M. Gratton: Je le cite avec plaisir, à votre invitation. Aussi longtemps qu'un député a la parole, aucun député ne doit l'interrompre, si ce n'est pour lui demander la permission de poser une question ou de donner des explications pour soulever une question de règlement ou une question de privilège, pour signaler un défaut de quorum. Le député de Frontenac, quand il dit: Vous les avez les chiffres. Cela fait 182 fois, je pense, ce matin qu'il dit: Vous les avez, ces chiffres. Ce n'est pas pour donner des explications qu'il le dit. C'est strictement pour essayer de faire perdre le temps à la commission, ou je ne sais trop quoi. Moi non plus, je ne lui prête pas d'intention. Je vous demanderais, M. le Président, de lui demander de laisser le député de Mont-Royal terminer son intervention.

M. Bérubé: Question de règlement, M. le Pré-

sident, toujours relativement à l'article 100. J'ai dû constater, lors de mon intervention, de nombreuses interventions et interruptions de la part du député de Saint-Laurent et de la part du député de Mont-Royal. Je dois dire quand même qu'il s'est retenu beaucoup plus que les autres.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La remarque du député de Gatineau est fort pertinente. J'inciterais les députés...

M. Grégoire: Elle s'adresse à tous les députés.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Epouvantable!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'inviterais tous les membres de la commission tout d'abord à avoir leurs règlements, à l'ouvrir à la page où se retrouve l'article 100. Je pense qu'on pourrait constater que cet article est loin d'être respecté dans son essence et dans sa philosophie. Même si ce n'est pas l'article 100, la moindre politesse exige le respect de la parole de l'autre. Cela ne s'adresse pas plus à un qu'à l'autre. Cela s'adresse à tout le monde.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Si le député de Frontenac veut prendre la parole, je vais parler plus tard ou je vais lui céder mon droit de parole et je parlerai après.

M. Grégoire: Après.

M. Ciaccia: D'accord, je peux parler, là?

Une Voix: Oui.

M. Ciaccia: Merci.

M. le Président, je disais que j'allais donner certains conseils au gouvernement; c'est pour rien, je suis payé par l'Assemblée nationale, c'est ma responsabilité et mon devoir d'accomplir mon rôle dans l'Opposition officielle. Il vous manque de l'expérience dans le domaine des affaires, le saviez-vous? Il y en a de ce côté-ci qui en ont un peu plus que vous et les conseils qu'on va vous donner ne sont pas pour votre bénéfice, mais pour le bénéfice de la population du Québec. Vous ne lui donnez pas toute l'information.

Ce n'est pas la question de négocier en public; c'est la question de donner l'information à la population, la préparer à cet achat; Vous voulez faire l'achat; nous disons que cela va contre l'intérêt du Québec; très bien, mais donnez l'information au public, donnez-lui les informations qui sont réclamées par le député de Saint-Laurent; préparez la population à vos démarches parce qu'une population bien préparée, bien informée vous facilitera la tâche.

Peut-être n'achèterez-vous pas cette compagnie; peut-être la population, après qu'elle aura eu toutes ces informations, dira-t-elle: II y a X millions de réclamations pour les amiantosés; il y a X mil- lions pour telle et telle chose. Cela n'est peut-être pas dans notre intérêt.

Est-ce ce dont vous avez peur? Avez-vous peur de donner l'information? Cela n'affectera pas vos négociations, ça va seulement les améliorer. Pouvez-vous vous imaginer la position dans laquelle vous allez être quand vous allez vous asseoir avec Asbestos Corporation et que vous allez dire: La population du Québec sait que l'évaluation pour les amiantosés est de $50 millions. On ne peut pas cacher ces chiffres, il faut les prendre en considération et, par conséquent, on ne peut pas vous donner plus que X dollars. Asbestos Corporation n'aurait pas un mot à dire. Vous ne pourrez pas faire de négociations secrètes parce que des négociations secrètes, quand vous prenez les deniers publics, c'est immoral.

Je vous le dis. Vous voulez travailler pour le bien du Québec, alors donnez ces informations; je ne vous demande pas de nous dire combien vous allez offrir à la compagnie, c'est peut-être quelque chose qui entre dans le domaine des négociations, mais ce sont des chiffres, des évaluations, des maladies, des dépenses actuelles et futures que la population, si vous obtenez la propriété d'Asbes-tos Corporation, devra subir; c'est le contribuable qui doit payer cela.

Selon quel motif pouvez-vous essayer de justifier, aujourd'hui, de ne pas donner ces chiffres? Cela me dépasse complètement, M. le Président. Quand le député de Frontenac dit qu'on ne veut pas aller au fond du sujet, cela dépasse... Même le microphone avait honte, il a baissé...

M. Laplante: Est-ce que le député de Mont-Royal me permettrait une question?

M. Ciaccia: Non, un instant, après; je vais revenir à vous dans un instant.

On y va au fond du sujet; ces motions ne sont pas pour perdre du temps; elles ont pour but de rendre la discussion des articles du projet de loi plus facile. On a besoin de cette information; si vous ne voulez pas la donner, justifiez cela à la population. Jusqu'à maintenant, depuis ce matin, 10 h 30, vous n'avez pas justifié les raisons pour lesquelles vous ne pouvez pas nous donner les évaluations de ces coûts.

Je vais même vous citer les études que vous nous avez produites. C'est vous qui nous les avez données. On y lit: "Depuis plusieurs années un effort considérable a été fait au niveau de la protection des travailleurs pour diminuer les accidents du travail, mais on a souvent ignoré l'aspect salubrité et ses conséquences à moyen et long terme sur la santé des travailleurs. "

C'est vous qui nous avez donné cela. On demande: Donnez-nous ces chiffres, cette évaluation; vous faites des déclarations gratuites. On est supposé prendre cela pour la vérité? On veut avoir les informations.

Dans ces mêmes études, plus loin, vous dites: "Le fait de déceler des signes d'exposition passée aux poussières de l'amiante ne constitue pas nécessairement une maladie en tant que telle. " Je ne sais pas si vous essayez de justifier les activités

d'Asbestos Corporation, d'une façon ou d'une autre, mais il me semble que l'information porterait lumière sur les déclarations, sur les données qui sont incluses dans vos études.

Plus loin vous dites encore: "Les principaux points propres à l'amiante peuvent se résumer ainsi: Or, dans tous les secteurs où il y a eu exposition professionnelle aux poussières d'amiante et où des études ont été rapportées, on observe constamment cette maladie. "

C'est une déclaration assez importante. On voudrais savoir — vous allez acquérir cette compagnie — combien cela va coûter, à quel point cette maladie a été subie et quel est le coût, spécifiquement, pour la compagnie Asbestos. Vous ne nationalisez pas toute l'industrie, vous allez acquérir une compagnie et nous avons le droit d'obtenir cette information. Encore plus loin vous dites qu'il existe plusieurs types de cancer pour lesquels un excès de mortalité a été relié à l'exposition aux poussières d'amiante. En général, le nombre de décès causés par le cancer du poumon a considérablement augmenté au cours des dernières années. C'est pour cette raison qu'on veut démontrer quel est l'effet, quels sont les coûts, dans quoi est-ce qu'on s'embarque en achetant la compagnie.

Le député de Bourassa, tout à l'heure, a fait allusion au fait que lorsqu'on achète une entreprise, c'est la même chose que lorsqu'on achète une propriété à revenus, il y a une deuxième hypothèque et il faut la payer. Premièrement, je ne suis pas tout à fait d'accord pour faire le parallèle entre des personnes qui se sont rendues malades à cause du travail dans cette industrie et une hypothèque. Je pense qu'il y a des considérations sociales, ce ne sont pas seulement des considérations monétaires.

Même si je veux prendre cet exemple, faire le parallèle entre les amiantosés et une hypothèque, vous n'achèteriez pas une propriété sans avoir le montant de cette deuxième hypothèque. C'est une règle élémentaire. C'est ça qu'on vous demande, quel est le montant de la deuxième hypothèque. On ne veut pas se faire donner toutes sortes de raisons, qu'on peut obtenir l'information ailleurs, etc. Je prends votre argument. C'est d'accord, je vais faire le parallèle entre la deuxième hypothèque et les amiantosés, quel est le montant? Le public a le droit de savoir et ça ne nuirait pas à vos négociations. Cela va seulement améliorer votre position envers la société Asbestos.

M. Laplante: On a donné le montant.

M. Ciaccia: Non, M. le Président, je n'accepte pas ça, on ne l'a pas donné. Si vous êtes honnête dans vos propos, je vais le dire pour la dernière fois, acceptez cette motion et déposez les chiffres. Ne continuez pas à nous dire: On va donner l'information, vous l'avez, vous l'avez et après ça, vous votez contre. Ecoutez, je ne veux pas vous prêter de motifs, mais ce n'est pas de cette façon que je vois la sincérité du côté ministériel.

M. le Président, je pense que c'est irresponsable de la part du gouvernement de refuser de nous donner ces informations. Ou ils l'ont et ils devraient accepter la motion ou bien peut-être ne l'ont-ils pas, peut-être sont-ils allés trop vite avec ce projet de loi. Ils n'ont pas toutes les informations nécessaires et c'est pour ça que je commence à sauter aux conclusions. C'est bien beau adopter un projet de loi et vouloir dépenser $250 millions. On ne donne pas l'information, comme ça on peut justifier n'importe quel prix qu'on va payer. Si vous payez $150 millions, $200 millions ou $225 millions, qui va vous critiquer? On peut seulement dire que c'est trop cher. On n'a pas l'information et on n'a pas de moyens de l'obtenir ici.

Quand le ministre dit que c'est inclus dans le bilan, le seul chiffre inclus dans le bilan, ce sont les dépenses actuelles. Il n'y a pas de montant dans ce bilan inclus pour les réserves futures, les réclamations futures, ce que ça peut coûter au gouvernement ou à la compagnie dans cinq, dix ou quinze ans, dans trois ou quatre ans. Je ne peux pas comprendre, je pense que le ministre est assez compétent dans son domaine pour connaître la différence à laquelle je réfère, les dépenses actuelles démontrées dans le bilan pour ce qui est payé, pour les réclamations qui ont été faites, soit pour celles du passé ou celles qui viendront à l'avenir. Il y a un moyen d'arriver à ces chiffres, de faire une évaluation.

En concluant, M. le Président, cela peut seulement aider le gouvernement dans ses démarches, mais... avec la compagnie Asbestos. Si toute l'information est donnée, peut-être que le gouvernement en arrivera à la conclusion que c'est inutile d'acheter cette compagnie, qu'il y a d'autres moyens d'arriver aux objectifs de transformation. Ce n'est pas en achetant une compagnie qui a tous les aspects négatifs, qui a toutes sortes de passifs, qu'on peut arriver à un autre objectif qui n'est aucunement lié à l'acquisition de cette compagnie.

Je crois que pour la population... on parle d'un gouvernement transparent, honnête, il faut donner l'information... Ecoutez, chaque fois que vous avez l'occasion de démontrer, dans les faits concrets, vos slogans, vous manquez d'une façon qui est tellement évidente que je ne peux pas comprendre comment vous pensez que la population ne verra pas à travers vos tactiques.

Soyez clairs. Protégez la population, protégez mes taxes quand vous allez les dépenser et donnez-nous ces informations. (12 heures)

M. Laplante: M. le Président, sur mon temps, est-ce que je pourrais poser une question au député de Mont-Royal?

M. Ciaccia: Vous avez le droit, d'après le règlement.

M. Laplante: Je veux bien croire aux conseils que vous nous donnez. Vous dites que vous avez acquis une grande expérience et que nous n'avons pas d'expérience.

M. Ciaccia: De ce côté-ci, pas de question personnelle.

M. Laplante: L'expérience que vous voulez nous vendre, est-ce l'expérience de la baie James et du stade olympique?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Question irrecevable.

M. Ciaccia: C'est irrecevable. M. Laplante: Elle est recevable.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Gratton: Le projet de la baie James? M. Laplante: Dans son coût, par exemple.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Ciaccia: Evitez les mêmes erreurs, au moins.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Bérubé: M. le Président, le député de Mont-Royal prévoyait faire une intervention que je pensais percutante. J'avais donc prévu un certain droit de parole pour essayer de répondre à ses objections. Malheureusement, je me rends compte que je n'ai pas à répondre à grand-chose, puisque, finalement...

M. Ciaccia: Tu n'as pas de réponse.

M. Bérubê: ... cela s'est avéré de peu de poids, je dois dire.

Il nous a cependant souligné à quel point nous connaissions mal les affaires, nous sommes tellement incompétents en affaires. Je ne ferai pas de remarque, mais j'ai essayé de voir quelle était la fonction de nos distingués collègues d'en face, avant qu'ils entrent en politique, et je dois avouer que leur connaissance des affaires m'apparaît plus faible que celle des gens de ce côté-ci de la table.

M. Ciaccia: Une autre remarque qu'il va falloir vérifier.

M. Bérubé: J'ai, en ce moment, un certain nombre de chiffres pour essayer de répondre, puisque, entre-temps, on me les a fournis.

M. Ciaccia: Voulez-vous qu'on le fasse, le bilan?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Bérubé: J'ai présentement en main les chiffres. Quand je disais que l'Opposition avait les chiffres, c'est qu'effectivement, le député de Frontenac a dit: L'Opposition a reçu les rapports de la Commission des accidents du travail. Or, j'ai de- mandé à mes fonctionnaires d'aller fouiller dans les rapports de la Commission des accidents du travail, pour avoir les chiffres que, de toute évidence, l'Opposition n'avait pas cru bon d'aller chercher. Là, évidemment, je n'y suis pour rien.

D'une part, combien y existe-t-il de cas d'amiantose reconnus, dans le passé? En 1974, il y a eu 59 cas; en 1975, 240 cas; en 1976, 81 cas; en 1977, 39 cas et en 1978, pour les trois premiers mois, zéro; pour un total de 419.

Donc, la Commission des accidents du travail rapporte 419 cas d'amiantose.

Quant au rapport dont faisait état l'Association des mines d'amiante, il n'est pas public présentement. Nous ne voulons pas le publier, pour une raison très simple, nous sommes à vérifier la validité de ces chiffres. Ils portent évidemment sur les mineurs présentement dans l'industrie; on a donc essayé de voir si l'examen, le ratissage des cas avait été bien fait. Je pense qu'on laissera l'Association des mines d'amiante défendre ses chiffres. De mon côté, ils m'apparaissent, pour le moins, mal défendus pour l'instant. Je pense qu'on n'a pas d'évidence scientifique démontrant qu'ils sont certains.

Donc, nous avons 419 cas certainement déclarés par la Commission des accidents du travail. Quant à l'avenir, évidemment, ils dépendront des études qui sont présentement faites. Je laisse l'Opposition se fier au rapport de l'Association des mines d'amiante, si cela l'intéresse.

M. Forget: Ou à la CSN.

M. Bérubé: Ou à la CSN. Personnellement, je ne ferai pas d'hypothèse.

Pour aider l'Opposition à se faire un ordre de grandeur des implications économiques de ces coûts, présentement, la contribution de la Commission des accidents du travail demandée auprès des compagnies s'évalue à $18 du $100 de salaire. Donc, présentement, on demande $18 du $100 de salaire comme contribution à la Commission des accidents du travail. Je dois souligner que cette contribution inclut à la fois les compensations pour tous les accidents industriels, que ce soit la surdité ou l'amiantose.

A titre d'exemple, l'industrie minière prévoit payer $3000 par travailleur, le salaire moyen étant de $18 000, j'ai fait le bref calcul, ce qui donnerait autour de $16 à $17 du $100, pour l'industrie minière en général. Il semble donc qu'effectivement l'industrie de l'amiante ait un coût de prestations supérieur à celui de l'industrie minière en général. Ceci peut être utile à l'Opposition: $18 les $100 de salaire payé.

A combien est évalué le coût d'un amiantosé? J'ai dû demander une estimation, puisque, évidemment, on n'avait le chiffre absolument exact. Ceci peut être utile à l'Opposition. D'après les estimations, le coût d'un amiantosé, le coût capitalisé, est d'environ $100 000.

Je pense qu'avec les chiffres que vous avez en main, vous êtes en mesure, présentement, de savoir combien coûte à l'industrie de l'amiante les cas d'amiantose actuels. Quant à savoir combien il

y en aura dans le futur, je pourrai préciser un peu plus cette question.

Pour l'avenir, il faut reconnaître qu'il y a eu une nette diminution des cas d'amiantose au cours des dernières années. En d'autres termes, on a dû, je pense, racheter un grand nombre de cas qui résultaient de conditions extrêmement insalubres qui ont prévalu dans cette industrie les années passées.

Cependant, le rapport de la commission Beaudry... Il faut reconnaître la contribution du député de Saint-Laurent qui était le ministre des Affaires sociales à l'époque. Je pense qu'il a certainement joué un grand rôle dans cette commandite. Le rapport Beaudry, il faut le reconnaître, est le seul rapport vraiment substantiel qui existe dans le monde portant sur les maladies industrielles causées par l'amiante. Il est effectivement, avec ses neuf volumes, un outil extrêmement important dans l'évaluation de l'incidence de l'amiante, des maladies causées par l'amiante sur la "profitabilité" des industries.

Qu'est-ce qu'on retient de ce rapport? L'objectif visé est essentiellement une combinaison de trois normes: une norme au niveau de l'empoussiérage total, une norme limite au niveau du nombre de fibres, une norme concernant l'aire de recirculation et un pourcentage d'amiante à respecter dans la fibre. Il y a donc une combinaison de normes.

Cette combinaison de normes, aux dires des experts de la commission Beaudry, est susceptible de ramener le risque d'amiantose dans l'industrie à zéro; en d'autres termes, d'annuler presque totalement les risques d'amiantose.

Il faut supposer que l'application des nouvelles normes dans l'avenir fera en sorte qu'il n'y aura pas de nouveaux cas d'amiantose détectés, étant donné que les conditions de travail seront beaucoup plus salubres qu'elles ne l'étaient dans le passé.

Il reste cependant une zone grise. Cette zone grise, essentiellement, c'est la situation des travailleurs qui n'ont pas été déclarés amiantosés dans le passé, mais qui pourraient néanmoins souffrir jusqu'à un certain point de cette maladie. C'est cette zone grise. C'est ce que l'Association des mines d'amiante citait dans son mémoire, je pense, dans son bulletin où on essayait de faire cette évaluation. Ce que nous n'acceptons pas de cette évaluation présentement, c'est que nous voudrions savoir exactement quels sont les travailleurs qui avaient déjà été considérés comme amiantosés dans l'échantillonnage qui a été prévu. L'interprétation exacte des chiffres qui sont là, je pense, va nécessiter un examen beaucoup plus sérieux de tous les travailleurs qui ont été impliqués dans cette étude, étude qui, je dois le dire, a couvert l'ensemble des mineurs de l'amiante. Mais je ne pense pas que l'on puisse tirer les conclusions que le bulletin voulait bien tirer. C'est pour cela que j'ai pris la situation la pire, c'est-à-dire que j'ai supposé, au pire, que tous étaient des amiantosés extrêmement graves pour essayer de voir quelle serait effectivement l'incidence sur ce rapport, s'il s'avérait fondé.

Ce que j'ai essayé de montrer, par mon intervention, c'est qu'on peut, raisonnablement, faire certaines hypothèses sur l'importance des cas d'amiantose sur la "profitabilité " des entreprises. On peut également faire certaines hypothèses concernant l'incidence de l'amiantose sur les prix de la fibre d'amiante, en voir l'importance relative et, par conséquent, être certainement capable d'obtenir les réponses aux questions qui sont posées en consultant simplement les rapports qui sont disponibles. Par conséquent, je pense qu'il reste que l'Opposition devra faire son propre travail, examiner les chiffres qui sont à sa disposition et affirmer que c'est trop cher ou pas assez cher ou enfin, argumenter dans le sens où elle voudra bien argumenter. Je pense que j'ai donné suffisamment d'exemples pour rendre l'Opposition prudente dans ses avancées. Je pense qu'elle sera suffisamment prudente pour ne pas vouloir pousser ce point trop loin.

Le point qui reste également en litige, c'est l'incidence des lois futures, parce qu'il faut reconnaître que le travail du ministre d'Etat au développement social, de concert avec le ministre des Affaires sociales et le ministre du Travail, portant sur une nouvelle loi qui va régir la santé et la sécurité au travail, évidemment, pourrait amener des changements importants dans les pratiques du gouvernement, concernant l'indemnisation des accidents du travail et des maladies industrielles. Dans un tel cas, il ne fait aucun doute que ceci aurait également une incidence sur la "profitabilité" de l'ensemble de l'industrie de l'amiante, il ne fait aucun doute, pas plus spécifiquement sur Asbestos Corporation, mais également, comme on l'a vu, sur l'ensemble de l'industrie de l'amiante.

Il faut supposer que la réglementation qui sera introduite ne sera pas de nature à engendrer la faillite pour l'ensemble de l'industrie québécoise, parce qu'il faut reconnaître que les conditions de travail dans les "smelters ' du Québec, que ce soit, des "smelters ' de cuivre, que ce soit des "smelters " de fonte ferrugineuse, que ce soit, enfin, toutes les fonderies qui existent au Québec, on doit constater que les conditions de travail ne sont pas ce qu'elles devraient être. Il faut également constater que dans l'industrie de transformation de l'amiante, les conditions de travail ne sont pas ce qu'elles devraient être, et que par conséquent, une grande partie de l'industrie lourde québécoise est affligée par des conditions de travail qui sont véritablement inacceptables, conditions qui devront changer.

Cela veut-il dire que l'industrie québécoise va disparaître pour autant? Je ne crois pas, parce que les normes qui sont imposées présentement dans le monde, sont également beaucoup plus sévères. Présentement, les Etats-Unis nous devancent de beaucoup en ce qui a trait aux normes de protection du travailleur. Les compagnies américaines, nos concurrentes, ayant elles aussi, à rencontrer ce même genre de dépenses, évidemment, cela a comme conséquence qu'elles doivent transférer le coût de ces mesures de sécurité et de salubrité aux consommateurs. Elles doivent donc augmenter les prix. Il ne fait aucun doute que finalement,

c'est le consommateur qui paie. Cela veut donc dire que le Québec devra se mettre au diapason du reste de l'industrie nord-américaine et de l'industrie européenne, et que, forcément, nous aurons, comme pays, à faire face à des coûts, mais des coûts qui ne seront pas plus élevés qu'ailleurs. Il faut souligner que présentement, notre industrie est souvent soumise à des normes de protection de l'environnement, des normes de protection du travailleur qui sont inférieures à celles auxquelles doivent répondre nos concurrents, et que déjà notre industrie est souvent avantagée, si on veut utiliser ce terme "avantagée". Par conséquent, il m'apparaît anormal que le Québec devienne, ce que j'appellerais un "pollution heaven", un refuge pour la pollution, et que nous récupérions au Québec des industries qui n'ont aucun respect pour les travailleurs, aucun respect pour l'environnement. Ce serait donc fondamental que notre industrie au Québec se mette au diapason du reste de l'industrie. Ce n'est pas parce que notre industrie doit se mettre au diapason du reste de l'industrie que nous devons conclure pour autant que notre industrie va devenir non concurrente et non rentable. Cela veut tout simplement dire que nous allons nous retrouver, dans ce secteur de la protection du travailleur, avec des coûts semblables à ceux que rencontrent nos concurrents. C'est donc une conséquence inéluctable à laquelle nous ne pouvons échapper et à laquelle l'industrie de l'amiante ne pourra échapper.

Il faut d'ailleurs souligner que plusieurs sociétés... Il y en a deux en particulier, Lake Asbestos et la Johns-Manville qui ont fait des efforts absolument remarquables dans le domaine et qui, présentement, respectent littéralement les normes que nous imposons pour l'année prochaine. Par conséquent, ce qui m'apparaît, c'est qu'il est économiquement possible de satisfaire aux normes de protection de l'environnement. (12 h 15)

On le voit à la "profitabilité " de l'industrie présentement, il est également possible de couvrir le coût des pensions que représentent les 419 travailleurs de l'amiante. Advenant le cas où on devrait trouver d'autres cas d'amiantose dans cette industrie, advenant le cas où tous ceux que prétend identifier le bulletin de l'Association des mines de l'amiante, advenant le cas où tous ces cas seraient vérifiés, on peut également évaluer quelle serait l'incidence, et je vous ai fait un calcul rapide puisque, si on prétend qu'il y a encore 6% des travailleurs qui souffrent d'amiantose, en plus de ceux qui ont été identifiés, dans un tel cas, cela représente une augmentation du prix de la fibre de 1,74% approximativement; en supposant une pleine pension qu'on leur paierait pour le reste de leurs jours. En conséquence, on se rend compte que c'est certainement un problème important, mais qui n'a pas l'importance que veut bien lui attacher l'Opposition.

M. Forget: M. le Président, étant donné l'importance du sujet, étant donné que mes collègues n'ont pas épuisé leur droit de parole — et je crois qu'ils n'ont pas l'intention de le faire — est-ce que je pourrais faire, à titre de question bien soulevée, pour être bien sûr que le ministre et moi-même, nous nous comprenons sur cette question... Ce sera bref et il reste quelques minutes d'ici la fin de nos travaux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce qu'il y a consentement?

M. Bérubé: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, parce que le député de Saint-Laurent avait épuisé son temps.

M. Grégoire: Surtout s'il demande que ce soit pris sur le temps de ses collègues, d'accord.

M. Bérubé: Oui, il nous reste quinze minutes...

M. Forget: M. le Président, le ministre a dit — je ne mets en doute aucune de ses affirmations, remarquez, c'est simplement pour en préciser le sens — Le coût d'un amiantosé est de $100 000...

M. Bérubé: Je voudrais qu'on ajoute quelques bémols, en ce sens que j'ai demandé à mon cabinet de prendre contact avec M. Sauvé, de la Commission des accidents du travail, pour répondre aux questions que vous m'avez posées, à partir des données qui sont disponibles. C'est ce qu'on m'a dit. On m'a dit que le coût — j'avais demandé quel était le coût capitalisé d'un amiantosé — était estimé à $100 000.

M. Forget: C'est excellent. Je remercie d'ailleurs le ministre pour certaines précisions, dont celle-là.

Donc, utilisons, pour fins d'illustration, ce chiffre de $100 000; regardons, en deuxième lieu, les éléments qui sont déterminants pour établir le coût global des amiantosés à l'avenir.

Il y a d'abord un certain nombre d'hypothèses qui ont été avancées par le gouvernement et qu'il est important de souligner. Je ne veux pas les contester, mais je veux en souligner l'importance. Il a dit, en premier lieu: On suppose que, pour ce qui est de l'avenir, les nouvelles normes sont présumées 100% efficaces, c'est-à-dire qu'il n'y aura plus, si les nouvelles normes sont respectées... C'est une hypothèse qu'on peut faire, c'est légitime de le faire; remarquez que je ne veux pas le contester, mais je pense que c'est important de souligner qu'on la fait. On dit: A partir du 1er janvier 1978.

M. Bérubé: Grâce aux excellents travaux parrainés par cet excellent ancien ministre des Affaires sociales.

M. Forget: J'en remercie le ministre, mais ce n'est pas le sens que je veux donner à mes interventions.

Cependant, on fait cette supposition qu'on a, à partir du 1 er janvier 1978, grâce à tous ces excel-

lents travaux et tout ce qu'on voudra, des normes qui seront 100% efficaces, qu'il n'y aura plus de nouvelles expositions à l'amiante susceptibles d'aggraver une amiantose déjà partiellement acquise, en quelque sorte, avant le 1er janvier 1978, ou de rendre susceptibles de maladie de nouveaux travailleurs. Donc, les réclamations futures découleront — c'est l'hypothèse qu'on fait et je veux bien l'accepter pour les fins de la discussion — de l'exposition passée, avant le 1er janvier 1978, à la poussière de l'amiante. On peut toujours dire: C'est une hypothèse qu'on fait, on souhaite qu'elle soit vraie, on souhaite ardemment qu'elle soit vraie, dans l'intérêt des travailleurs comme dans l'intérêt de l'industrie, du Québec et de sa prospérité, mais, évidemment, il n'y a aucune certitude que ce le soit; mais acceptons cette première hypothèse, d'accord.

Il y a une autre zone grise; parmi les travailleurs exposés à l'amiante, avant l'entrée en vigueur de ces nouvelles normes, il y en a qui ont présenté des réclamations, il y en a qui ne les ont pas encore présentées et là, il y a un élément d'incertitude. Combien y en a-t-il qui vont sortir du rang et réclamer une indemnisation? Le ministre cite les chiffres qui se trouvent effectivement dans le bulletin pour dire: Prenons les choses au pire, il y en a 372 comme légers, etc., supposons qu'ils soient tous pénibles et graves, on peut faire un calcul — j'en ai calculé 435, 372 plus 53 plus 10 — 435 personnes qui demandent une indemnisation totale; on sait que le coût d'un amiantose est estimé à $100 000, ce qui fait une possibilité...

M. Grégoire: Si M. le député veut me le permettre, j'ai les chiffres exacts de 1977.

M. Forget: Non, peu importe qu'ils soient quelques-uns de plus ou de moins.

M. Grégoire: On nous dit qu'il y en a cinq d'indemnisés à 100% en 1977.

M. Forget: Je prends la même hypothèse que le ministre.

M. Grégoire: C'est le rapport de la... M. Forget: II y a une zone grise.

M. Bérubé: C'est-à-dire qu'on prend le plus pessimiste.

M. Forget: II y a une zone grise. M. Bérubé: C'est cela.

M. Forget: II y a, bien sûr, des cas qui sont fermés et il y en a d'autres qui vont s'ouvrir l'an prochain, puis l'année suivante et on va contester, etc.

M. Bérubé: Soyons très pessimistes.

M. Forget: Soyons très pessimistes. Cela nous donne un chiffre, multiplié par $100 000 pièce, de $43 500 000 de réclamation, la valeur présente des réclamations futures pour des cas qui ne sont pas encore certains, mais en prenant l'hypothèse la plus pessimiste.

C'est quand même un chiffre. Comment traite-t-on ce chiffre, même en admettant dès l'abord qu'il est le plus pessimiste? Le ministre a fait un exposé qui est exact et d'ailleurs, très instructif, sur la situation concurrentielle. On veut bien que la situation concurrentielle d'une entreprise par rapport à une autre ne soit pas affectée, ni même de l'ensemble de l'industrie de l'amiante vis-à-vis des produits concurrents.

C'est très rassurant de savoir cela, mais ce n'est pas strictement le problème qu'on avait à l'esprit.

M. Bérubé: Vous me permettez de vous retourner une petite question? On a un peu de temps de libre. Vous avez bien dit $43 millions comme étant le coût actualisé avec vos calculs.

M. Forget: Les cas contenus dans la zone grise.

M. Bérubé: Alors, le chiffre des ventes cette année est de $400 millions.

M. Forget: Oui.

M. Bérubé: Donc, cela représente 10%. D'accord?

M. Forget: C'est cela.

M. Bérubé: Vous admettez que des 15% d'augmentation du prix de la fibre d'amiante cette année, on a racheté tout d'un coup tous les cas d'amiantose dont on vient de parler.

M. Forget: Oui. Remarquez que c'est ce que je disais...

M. Bérubé: C'est-à-dire qu'on n'a même plus besoin de s'en préoccuper pour l'avenir puisque...

M. Forget: Votre raisonnement sur la position concurrentielle de la fibre est exact...

M. Grégoire: Cela a augmenté de 35% l'an dernier.

M. Bérubé: $40 millions sur $400 millions, c'est 10% du chiffre de vente.

M. Forget: Oui.

M. Bérubé: Cela fait 10% du chiffre de vente. Comme on vient d'augmenter de 15% le prix de la fibre, donc on admet qu'en une année, l'industrie de l'amiante a payé pour tous ces cas d'amiantose...

M. Ciaccia: Non.

M. Bérubé: Le coût actualisé, si je comprends bien.

M. Ciaccia: Non. C'est faux.

M. Forget: Ne nous mélangeons pas.

M. Ciaccia: Vous n'avez pas les dépenses.

M. Forget: S'il vous plaît, M. le Président...

M. Ciaccia: Un instant.

M. Forget: ...j'aimerais bien terminer mon raisonnement avant d'aborder d'autres genres de considérations. J'ai noté, effectivement, que le ministre a fait des consultations intéressantes et encourageantes, même dans l'optique la plus pessimiste, sur l'effet de tout cela sur la position concurrentielle de l'amiante face aux produits concurrents. Je veux bien l'admettre, mais ce n'est pas la préoccupation première qui est à l'origine de cette discussion.

La préoccupation première n'est pas sur la situation concurrentielle, c'est sur la position de négociation, dans le fond, le prix, qu'éventuellement, le gouvernement paiera parce que quel que ce soit l'effet sur la capacité concurrentielle de l'ensemble de l'industrie, il reste qu'une entreprise en particulier fait face à une part de cette responsabilité financière future estimée grossièrement à $43 millions au pire et c'est dans la valeur, au moment de l'acquisition que doit se refléter cette moins-value, en quelque sorte.

A ce moment, il y a deux choses dont il faut se souvenir. Les $100 000 que coûtera un amiantosé ne sont pas actuellement capitalisés. Ils ne sont pas sous forme d'une réserve. Comme on le sait, la Commission des accidents du travail ferme ses livres tous les ans. Elle paie les réclamations. Elle détermine un taux de cotisation, mais c'est pour les indemnités payées cette année. Elle ne tient aucun compte des indemnités payées même l'an prochain et à plus forte raison, celles payées les années subséquentes.

Donc, il y a une bonne partie de ces $100 000 par amiantosé qui demeure une responsabilité future de chacune des entreprises. Cela ne pose pas de problème dans la mesure où on ne s'attend à aucune augmentation et c'est là qu'intervient la zone grise, à savoir combien il y a de réclamations qui sont encore en suspens dont on ne connaît pas le montant. Le ministre a répondu à cela en disant: Au pire, ce sont $43,5 millions dans le fond.

L'autre question qui se pose — c'est le seul but de mes remarques — est de faire ressortir qu'il y a un montant de $43,5 millions qui est en l'air et c'est peut-être trop...C'est peut-être seulement un montant de $10 millions pour l'ensemble des industries, d'accord? Il y a aussi une autre source d'inquiétude. Le ministre a parlé de l'influence des lois futures. Bien sûr, on peut être plus ou moins sévère quant au test et quant au seuil d'admissibilité pour l'incapacité, mais il y a un autre facteur d'incertitude que toutes ces études traitent de façon incidente et c'est, par exemple, le risque de cancer. Parce qu'on a parlé de l'amiantose, toutes les énergies se sont concentrées sur l'amiantose depuis quelques années, parce qu'il y a eu des études faites à New York, en particulier, depuis 1964 qui ont fait ressortir ce risque, sauf que depuis deux ou trois ans, les gens se sont dit: II y a aussi un risque de cancer et vraiment, on est en terra incognita complètement...

Il reste que s'il y a eu des cas de cancer et qu'on le découvre dans deux ou trois ans, on a quand même la puce à l'oreille et il y aura peut-être des réclamations. Il y aura peut-être une loi nouvelle pour dire: Les risques de cancer aussi doivent être indemnisés et à ce moment, oui ou non, tient-on compte de cela dans le prix d'acquisition? Fait-on quelques hypothèses? Bien sûr, on pourrait discuter entre l'Opposition et le gouvernement à savoir si le prix de vente en tient compte adéquatement. Ce qu'on aimerait savoir c'est: Est-ce qu'on fait des hypothèses là-dessus et est-ce qu'on a l'intention d'en tenir compte dans la négociation et, si on en fait et si on à en tenir compte, à combien est-ce que cela va se monter aussi? Alors, cela s'ajouterait aux $43,5 millions. C'est peut-être une somme négligeable mais comme le cancer est mortel contrairement à l'amiantose, peut-être que les indemnités prendraient une forme différente. Ce serait peut-être des indemnités de décès dans ce cas-là plutôt que des indemnités de salaire.

M. Bérubé: Mais je pense que le député de Saint-Laurent a bien lu le rapport Beaudry — de toute évidence, je suppose qu'il l'a lu — et reconnaîtra que l'évidence recueillie concernant l'incidence de l'amiante sur le cancer, est une évidence scientifiquement mal étayée en ce sens que...

M. Forget: Incertaine.

M. Bérubé: Oui, incertaine. On semble unanime, en tous les cas, aujourd'hui pour affirmer qu'il existe une incidence de l'amiante sur le cancer. On semble également unanime à reconnaître qu'il existe également une relation incidence, enfin une relation dose-réponse — m'y connaissant peu en médecine, je ne voudrais pas m'aventurer trop loin — qui permet donc d'affirmer que plus les teneurs en amiante sont basses, moins les risques de cancer sont élevés. Cependant, on ne semble pas être en mesure présentement de distinguer entre une exposition prolongée à une faible dose versus une exposition brève à une forte dose. On ne semble pas en mesure de distinguer entre le risque cancérigène de ces deux types d'exposition. Par conséquent, les connaissances concernant le cancer sont très maigres. Elles sont également très maigres parce qu'il s'agit d'un petit nombre de cas. Un des problèmes du mésothéliome c'est que, par exemple, dans l'ensemble de l'Angleterre... prenons le Canada, je crois qu'il y a une moyenne de 30 cas de mésothéliome pour l'ensemble du Canada par année. Par conséquent, lorsqu'on veut faire une analyse des statistiques de l'incidence du mésothéliome chez les travailleurs de l'amiante, on a une chance. Je pense qu'un travailleur de l'amiante a 100 fois plus de chances de mourir d'un accident d'automobile

que de mésothéliome du fait que le nombre de travailleurs de l'amiante qui risquent d'être atteints de cette maladie est relativement très faible. Evidemment je suis d'accord avec vous qu'il faudrait certainement les compenser, mais cela devient très difficile à quantifier parce que c'est très petit et cela a certainement moins d'impact que l'amiantose comme telle. Donc, on a déjà un ordre de grandeur en bas; par conséquent, cela risque d'avoir beaucoup moins d'influence.

M. Forget: M. le Président, on aura terminé là-dessus...

M. Grégoire: M. le Président, juste avant de...

M. Forget: ... je voudrais seulement souligner que quand l'Etat se porte acquéreur d'une entreprise qui crée des risques pour la santé des travailleurs, il se place dans la situation curieuse que des membres du gouvernement en viennent à argumenter que peut-être le risque n'est pas aussi grave que cela et cela crée...

M. Bérubé: Je ne prétends pas qu'il n'est pas grave. Je dis...

M. Forget: Non, mais qu'on n'est pas sûr, etc. Donc, vous êtes porté, contrairement au rôle traditionnel d'un gouvernement, s'il y a quelque chose, à sous-estimer le risque et à déprécier les indications qu'on peut avoir qu'il y a un risque.

M. Bérubé: Non, M. le Président. Je pense que ceci est inexact. Dans la mesure où le député m'a demandé quelle est l'incidence sur le coût d'achat, j'ai dit que l'incidence sur le coût d'achat, à mon point de vue, étant donné le petit nombre de cas, va être négligeable. Nous ne sommes pas en présence, par exemple, de 800 cas d'amiantosés. Nous sommes en présence d'un petit nombre de cas. Par conséquent...

M. Forget: Les diagnostics ont été bien faits.

M. Bérubé: Oui, c'est juste. Par conséquent, je prétends simplement que le coût est minimum. Cela ne veut pas dire pour autant qu'on ne doit pas compenser ces travailleurs. Là c'est tout à fait différent. C'est-à-dire que mon attitude face à une politique sociale concernant l'indemnisation des victimes est évidemment tout à fait différente, mais je dis: Quelle va être l'incidence? Je dis elle est sans doute négligeable sur le coût.

M. Forget: C'est espérer beaucoup.

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais juste faire remarquer en terminant qu'il y a cinq pages dans le dernier rapport de la Commission des accidents du travail consacrées aux chiffres sur les amiantosés, la maladie dans les mines d'amiante, à la loi 52. Si le député de Saint-Laurent avait voulu prendre ces chiffres-là, il aurait eu exactement ce qu'il a pris toute la matinée à demander. C'est tout ici.

M. Forget: Je concede tout cela, M. le député. C'est la zone grise dont parlait le ministre. Lui il a compris.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 12 h 30)

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