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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le jeudi 20 avril 1978 - Vol. 20 N° 39

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 70 - Loi constituant la Société nationale de l'amiante


Journal des débats

 

Étude du projet de loi no 70

Loi constituant la Société

nationale de l'amiante

(Dix heures vingt-huit minutes)

Le Président (M. Gendron): À l'ordre, messieurs!

M. Bérubé (Matane), présent. M. Bordeleau, présent. M. Brochu, présent. M. Forget (Saint-Laurent), présent. M. Grégoire, présent. M. La-plante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord). M. Rancourt (Saint-François). M. Raynauld (Outremont) remplacé par... et M. Cordeau qui est intervenant ou s'il remplace un membre?

M. Brochu: II remplace M. Fontaine.

Le Président (M. Gendron): II remplace M. Fontaine comme intervenant.

M. Brochu: Comme intervenant, oui.

Le Président (M. Gendron): M. Garneau est remplacé par M. Lalonde comme intervenant. M. Larivière est remplacé par M. Raynauld comme intervenant.

La commission est ouverte. Je pense que la parole, lors de la clôture de la séance, était au député de Saint-Laurent, M. Forget.

Objets de la société Autre motion d'amendement (suite)

M. Forget: Merci, M. le Président. Je vais relire cette motion d'amendement parce que j'avais à peine terminé la lecture de ma motion lorsque nous avons ajourné nos travaux. "Que le premier alinéa de l'article 4 soit modifié, en ajoutant... Non, excusez-moi. "Que le paragraphe a) de l'article 4 soit modifié en ajoutant, dans la première ligne, après le mot "de" le mot "nouveau" et en ajoutant, dans la deuxième ligne, après le mot "production" les mots "de ses nouveaux gisements". Le paragraphe amendé se lirait comme suit: a) la recherche, le développement et l'exploitation de nouveaux gisements d'amiante, y compris la mise en marché de la production de ses nouveaux gisements." "M. le Président, on a eu, hier matin, un débat autour de l'opportunité, pour l'État, de se lancer dans l'exploration minière et, sous-jacente à cette question, il y avait, bien sûr, toute la question de l'opportunité de se lancer dans les activités minières tout court. Il demeure que, dans la mesure où la motion précédente a été rejetée par la commission, nous avons le sentiment que, dans la mesure où il est désormais inévitable de voir ce pouvoir attribué à la société de l'amiante, ce pouvoir de s'intéresser aux activités minières, il serait plus conforme aux objectifs déclarés du gouvernement de susciter, par cette ressource naturelle, dont est particulièrement bien doté le Québec, soit l'amiante, contribuer à la création d'emplois et à l'essor économique du Québec.

Il ne peut pas le faire plus facilement que par le développement de nouvelles mines d'amiante. En effet, si le gouvernement croit ce qu'il nous a affirmé à de nombreuses reprises, à savoir qu'il existe pour l'amiante une demande en quelque sorte impossible à satisfaire, qu'il existe des perspectives de déficit ou de pénuries d'amiante, au moins à long terme, il faudrait dire que c'est certainement seulement à long terme puisqu'à court terme il y a au contraire un surplus, une espèce de surproduction de l'amiante. En font foi les chiffres sur la production des quatre dernières années au Québec qui est en déclin constant, comme en fait foi le dernier rapport annuel que j'ai reçu, comme probablement tous les autres membres de l'Assemblée nationale. Je ne sais pas si tout le monde a reçu le rapport annuel 1977 de la société Asbestos où on se rend compte que, durant l'année écoulée, la société Asbestos a accumulé des stocks d'amiante invendus assez importants, près de $13 millions, et même davantage, si on considère l'amiante qui n'est pas encore classé, pas encore mis en sacs.

M. Grégoire: Vous savez pourquoi?

M, Forget: Oui. Parce que le marché ne réussit pas à absorber cette demande...

M. Grégoire: Non.

M. Forget: ... et que les ventes elles-mêmes ont fléchi.

M. Grégoire: Non.

M. Forget: M. le Président, là, ça va aller pour le député de Frontenac! On verra ses théories sur les marchés de l'amiante sûrement au cours de la journée.

Mais c'est un fait indubitable que les ventes ont fléchi, les stocks entre les mains des producteurs sont accrus. Tout ceci pour dire qu'à court terme au moins, dans l'immédiat, pour les prochains mois et probablement pour les prochaines années, à moins d'une très forte reprise économique qui ne semble pas probable...

M. Godin: Peut-être, si Ryan gagne! D'après tout ce qu'on lit dans les journaux!

M. Forget: Je crois que cela affecte l'économie occidentale, M. le Président.

M. Godin: Ah bon! Ah bon!

M. Forget: Et je pense bien qu'il va y avoir une continuation de la situation de demande assez faible. Mais, même en admettant l'argumentation du ministre selon laquelle tes projections sur une

vingtaine d'années laissent apparaître un déficit ou une pénurie possible, à plus forte raison le gouvernement devrait-il s'intéresser au développement de nouvelles mines. Pensons aux avantages d'une telle approche en vertu de laquelle d'abord — ce n'est pas négligeable — la période d'installation et de développement de la mine, où il faut construire une usine, décaper en quelque sorte le gisement, enlever les couches de surface, construire des routes d'accès etc., implique des déboursés très considérables de l'ordre, nous dit-on, de quelque $300 millions et la création de quelque 1000 emplois temporaires pour cette construction. Imaginons un peu ce que cela serait dans la région du Nord-Ouest du Québec. Ce serait un véritable boum économique.

M. Grégoire: Ils ont hâte.

M. Forget: Ils ont hâte, mais ils sont de plus en plus impatients et déçus par l'attitude du ministre.

M. Grégoire: ... autre.

M. Forget: Pensons aussi aux 600 à 650 emplois permanents qu'un tel développement...

M. Bérubé: Pour retarder de façon inacceptable.

M. Forget: ... rendrait possible, ceci pendant une période d'au moins 25 ans puisque le gisement semble suffisant d'après les estimations, qui sont quand même sérieuses, puisque plusieurs millions de dollars ont été investis en exploration, en forage et en expertises de toutes sortes. Ce n'est peut-être pas absolument terminé, mais il reste qu'on en connaît déjà beaucoup sur ce gisement.

Il y a là une perspective très intéressante. Les installations en question, contrairement à celles qu'on va acquérir à Thetford Mines, seraient, par définition, les plus modernes, donc, par définition également, elles rempliraient, sans aucun doute, toutes les normes de salubrité du gouvernement. Les travailleurs seraient de nouveaux travailleurs de l'amiante. Il n'y aurait aucun problème d'acheter les problèmes des autres, les dettes des années passées...

M. Bérubé: M. le Président, c'est carrément faux.

M. Forget: Ce seraient de nouveaux travailleurs. J'imagine que vous ne déménageriez pas des gens de Thetford Mines.

M. Bérubé: Ils seraient obligés de supporter le prix des pensions de la Commission des accidents du travail au même titre que la société Asbestos. En d'autres termes, ils devraient assumer le coût des pensions payées par la commission pour les travailleurs de l'Asbestos. Il n'y a aucune différence, au point de vue du coût des maladies in- dustrielles comme l'amiantose, pour une nouvelle ou une ancienne mine, puisque les coûts sont répartis sur l'ensemble de la classe.

M. Forget: Cela montre peut-être que les règles relatives au financement des indemnisations devraient être repensées.

M. Grégoire: C'est vous qui les avez faites.

M. Forget: Non. Cela a été fait il y a des années et des années, comme le député de Frontenac le sait très bien.

Il reste qu'il y a certains éléments de responsabilité vis-à-vis de l'environnement, de la ville et de certaines maladies industrielles.

M. Godin: II a été là six ans et il n'a rien dit dans le temps. Qu'est-ce qui se passe?

M. Forget: M. le Président, les interruptions sont nombreuses et, sans aucun doute, dénuées de toute pertinence. L'expérience de 18 mois du Parti québécois qui n'a pas jusqu'ici accouché de sa fameuse loi sur la santé et la sécurité des travailleurs montre que ce qui se fait en 18 mois...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, à l'ordre...

M. Paquette: Elles vous déplaisent parce qu'elles sont reliées à vos propos.

M. Forget: ... montre que ce qui se fait en 18 mois ne peut pas se comparer très bien avec ce qui se fait dans six ans. C'est vite passé, six ans; les gens d'en face vont s'en rendre compte.

M. Godin: Mon Dieu, seigneur!

Le Président (M. Jolivet): Si vous voulez qu'on respecte votre droit de parole, s'il vous plaît, utilisez-le aux fins pour lesquelles il est prévu.

M. Bérubé: Nous, on a trouvé cela long.

M. Forget: M. le Président, je ne vous ai pas entendu interrompre beaucoup le député de Mercier, et le député de Frontenac.

Le Président (M. Jolivet): J'étais en train de le faire, M. le député.

M. Forget: J'aimerais cela vous voir aussi empressé à interrompre tous les intervenants qui s'écartent du sujet, M. le Président.

M. Godin: M. le Président, je vous demande une directive. Je n'endurerai pas qu'il mette en doute votre compétence et votre objectivité. J'estime que vous avez été, des deux côtés, très sévère, en ce qui me concerne, en tout cas.

M. Forget: Très sévère?

M. Godin: Je prends note de vos remarques qui s'adressent à l'ensemble du groupe ici et je le répète: Je n'endurerai pas que votre compétence soit mise en doute.

M. Ciaccia: M. le Président, j'invoque l'article 100. Le député de Mercier n'a pas le droit de parole.

M. Godin: Êtes-vous président, M. Ciaccia, vous aussi?

M. Ciaccia: Le droit de parole a été accordé au député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Jolivet): Messieurs, je voulais, au moment où le député de Saint-Laurent avait commencé à parler hors du sujet, demander à l'ensemble des députés de respecter l'article 100 pour le député de Saint-Laurent qui a le droit de parole et d'éviter de l'interrompre, s'il vous plaît.

M. Forget: Je comprends, M. le Président, que le député de Mercier a refait ses forces. Il n'est pas venu à la commission depuis au moins une semaine.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, si vous voulez qu'on respecte votre droit, utilisez-le.

M. Godin: Je suivais le congrès libéral...

M. Forget: M. le Président, j'ai le droit de parole.

M. Godin: ... dans mon fauteuil.

M. Forget: Avez-vous quelque chose à dire, M. le député de Mercier?

M. Godin: Vous m'avez entendu.

M. Forget: Non, je ne vous ai pas entendu. Avez-vous quelque chose de pertinent?

M. Godin: Le président ne veut pas que je vous interrompe.

M. Forget: Peut-être devriez-vous demander au président la permission de le dire, par exemple, avant de le dire?

M. Godin: II ne m'a pas autorisé à parler. Alors, je ne parle pas.

M. Forget: Ah bon! Je suis le premier à m'en réjouir. Il y a évidemment des énergies débordantes du côté de notre barde national, M. le Président, mais je pense bien qu'il va revenir à de meilleurs sentiments au cours des prochaines minutes. Du moins, on va lui faire ce crédit.

Je disais donc qu'il y a un certain nombre d'obligations qui découlent du fait que le gouvernement va acheter une mine existante, obligations qui n'existent certainement pas dans le cas d'une nouvelle mine. Qu'on pense, par exemple, aux dépenses nécessaires, à titre de bon citoyen corporatif, pour participer au financement des déménagements de quartiers à Thetford Mines, des problèmes d'urbanisation, des problèmes de stabilisation des crassiers, etc. Ce sont des dépenses de plusieurs millions de dollars qui sont des dettes en quelque sorte sociales qu'a contractées implicitement l'ancienne société et que le gouvernement va devoir assumer en totalité.

Dans le cas d'une mine nouvelle, il peut, dès le début, planifier les opérations pour que l'environnement soit le moins perturbé possible, de manière que, s'il y a des développements urbains ou des implantations résidentielles dans le voisinage, elles se fassent de façon que les opérations minières ne viennent jamais, dans un avenir même éloigné, troubler ces implantations, les rendre moins acceptables sur le plan social. Donc, il peut repartir à zéro. C'est un très grand avantage et il ne court aucun risque de causer sur les marchés une surabondance de minerai, une chute des cours puisqu'il est convaincu — du moins, c'est ce qu'il nous a dit — qu'il y a une demande très forte pour la fibre d'amiante. C'est un investissement qu'il peut faire en toute sécurité. Il n'y a vraiment aucune espèce d'hésitation.

M. le Président, est-ce que le ministre est pertinent?

M. Bérubé: Je répondais au député de Saint-Hyacinthe, qui avait une interrogation.

M. Forget: II n'a pas le droit de parole, donc, il n'est pas nécessaire de lui répondre.

Dans ce cas, donc, il y a un avantage clair. On a demandé au député d'Abitibi-Est, au compte de sa loyauté, le lourd sacrifice, depuis le début de ces travaux, d'écouter le ministre et plus spécialement l'adjoint parlementaire du ministre vanter les avantages de la région de Thetford Mines pour l'implantation du siège social. Il a entendu le ministre préférer l'acquisition d'une mine très loin du nord-ouest québécois et même dire à l'Assemblée nationale que c'était une question encore fumeuse à laquelle il accordait un ordre de priorités, en somme, assez bas. C'est un lourd fardeau à supporter pour le député d'Abitibi-Est, M. le Président. Je suis sûr qu'il se joindrait à nous pour inviter le ministre à accepter cet amendement. Qu'a-t-il à perdre, effectivement? Absolument rien du tout puisqu'il obtiendra l'approvisionnement en fibre d'amiante qu'il recherche.

M. le Président, lorsqu'on viendra — après un débat de procédure qui a permis d'éclairer des choses pour le ministre — lorsqu'on viendra à discuter le paragraphe a) comme tel, après la fin du débat sur les amendements que nous proposons, le ministre nous a promis de nous révéler enfin le grand secret de sa politique de l'amiante, à savoir les raisons qui incitent le gouvernement à insister sur l'acquisition d'une mine, alors que son objectif véritable n'est pas l'opération minière, mais une plus grande transformation des produits de l'amiante au Québec.

C'est là un mystère constant de tout ce débat qui se déroule depuis près de deux mois. Le ministre ne l'a jamais expliqué...

M. Grégoire: Vous ne le laissez pas parler, vous parlez tout le temps.

M. Forget: II ne l'a jamais expliqué. Il a promis une réponse fulgurante de clarté et de précision. Nous avons bien hâte d'en connaître le fin mot de cette réponse.

M. Grégoire: ...

M. Forget: Jusqu'à maintenant, il n'a fait que la réaffirmer sur tous les tons avec toutes les ressources du vocabulaire mais il n'en a jamais expliqué aucun élément. Cela demeure une affirmation injustifiée jusqu'à maintenant. Mais même en supposant qu'il réussira à faire sa démonstration— c'est une supposition gratuite et fort téméraire de notre part, parce que nous n'y croyons pas — même en supposant qu'il réussisse, raison de plus pour accepter cette modification; j'imagine que son raisonnement va se baser sur la nécessité, étant donné une prétendue pénurie à venir et encore impossible à déceler, d'obtenir une sécurité d'approvisionnement pour des usines de transformation de l'amiante au Québec.

Si tel est le cas, cette sécurité d'approvisionnement peut être acquise aussi facilement par une nouvelle mine dans le Nord-Ouest du Québec ou à Chibougamau qu'elle pourrait l'être par une mine existante dans la région de Thetford Mines. Il n'y a absolument aucune espèce de différence, c'est le même matériau, c'est la chrysotile dans le même cas, c'est la même distribution, semble-t-il. de fibres en fonction des différentes catégories de fibres pour autant qu'on a pu l'établir par des expertises qui ont été faites à ce jour. Donc, il s'agit essentiellement du même produit et, de toute manière, du type de produit qui serait utile ou nécessaire pour les projets de transformation qui sont envisagés, qui ne demandent pas, comme on sait, du moins si on se fie à l'étude SORES, les fibres les plus longues. Les fibres les plus longues sont utilisées dans les produits textiles à base d'amiante et les produits qui sont les plus prometteurs, d'après l'étude SORES, consistent dans les panneaux d'amiante-ciment, dans les garnitures de friction moulées et dans les endos de linoléum. Ce sont les trois produits prioritaires qui sont les plus prometteurs, selon l'étude SORES. C'est la seule étude sur laquelle on peut se baser, puisque c'est la seule qui est publique. C'est peut-être même la seule qui existe sur le sujet. (10 h 45)

Dans le cas de ces trois produits, il n'est pas nécessaire d'avoir (es fibres les plus longues. Des fibres de catégorie 3, 4, 5 et 6 sont suffisantes pour ces produits.

M. Grégoire: Trois, c'est la plus longue.

M. Forget: La plus longue c'est la no 1 et la no 2.

M. Grégoire: No 3. Il n'y a pas de nos 1 et 2.

M. Forget: M. le Président, qu'il regarde encore une fois ses catalogues, il va voir que cela existe, et elle est d'ailleurs la plus chère. Mais elle n'est nécessaire, encore une fois, que pour certains produits tissés, elle n'est pas nécessaire pour les produits qui pourraient être fabriqués au Québec. De ce côté, le gisement d'Abitibi-Est, le gisement qui est situé à environ 45 milles au nord d'Amos, si je comprends bien...

M. Bordeleau: C'est en Abitibi-Ouest.

M. Forget: ... en Abitibi-Ouest... Excusez-moi. Enfin, c'est sur le bord. Je suis sûr qu'il y aurait certaines retombées économiques dans le comté du député d'Abitibi-Est.

Il semble donc que ce soit approprié. Encore une fois, il s'agirait d'argent nouveau. Quant à aller emprunter sur les marchés américains, comme le ministre des Finances sera probablement amené à le faire, quoique là-dessus on sait combien il a été pudique dans son discours du budget, au point d'avouer que ni les modalités, ni le moment, ni le prix d'acquisition de la société Asbestos ne lui étant connus, il était dans l'impossibilité de prévoir quelque somme que ce soit dans son budget pour l'acquisition de la société Asbestos...

C'est assez amusant parce que, dans le fond, on peut penser que ces raisons sont superficiellement les véritables raisons qui poussent le ministre des Finances à ne rien mettre dans son budget. Dans une certaine mesure, c'est vrai que le moment précis de l'acquisition est inconnu, quoique le ministre des Finances était celui qui, quelques semaines auparavant, disait: À l'automne, au plus tard, cela va être fait. Donc, on sait au moins que cela va être fait durant l'exercice actuel.

M. Bérubé: II y aura un budget supplémentaire.

M. Forget: Un budget supplémentaire, c'est ordinairement pour les imprévus. On semble prévoir cet achat, on semble le prévoir pour une date assez certaine. On semble également avoir une idée du prix; il faudrait espérer que le gouvernement a au moins quelques notions vagues sur le prix.

M. Bérubé: On n'est certainement pas pour vous le dire!

M. Forget: Mais c'est là que le bât blesse. Le ministre des Finances craignait le ridicule, qui serait le sien dans tous les cas, de toute manière. S'il mettait un chiffre donné dans les prévisions budgétaires pour le coût d'acquisition et si jamais l'acquisition se faisait à un prix supérieur, il aurait l'embarras d'expliquer pourquoi ce prix, qu'il avait estimé, a été largement dépassé. Pour éviter ce problème, il aurait dû mettre une somme d'argent qui se situerait au niveau du prix qui sera proba-

blement payé ou un peu supérieure; à ce moment-là, il nous aurait donné raison, il aurait donné raison à l'Opposition qui prétend depuis le début que cette acquisition va nous coûter trop cher.

Quelles qu'en soient les modalités, il y a un risque très grand que cette acquisition nous coûte trop cher. Pourquoi? Parce que le gouvernement va certainement choisir de mettre quelques millions de plus plutôt que de perdre la face. Il va certainement vouloir racheter son prestige et son honneur, en quelque sorte, en utilisant, comme d'habitude les deniers publics. Il ne s'en fait pas faute lorsqu'il s'agit de faire, à grand renfort de publicité, un lavage de cerveau pour persuader la population que certaines de ses mesures sont justifiées. Un gouvernement qui dépense autant et même davantage, au Québec, que presque tous les gros annonceurs, les compagnies multinationales qui vendent du savon, M. le Président, un gouvernement qui se sert des deniers publics pour, dans le fond, prolonger sa propagande politique va certainement y aller très généreusement pour ajouter quelques millions au prix d'achat de manière à pouvoir réaliser ses promesses électorales.

M. Paquette: II parle d'Ottawa.

M. Forget: Je ne parle pas des promesses qu'il a faites avant ou durant l'élection, parce qu'il en avait fait d'autres, mais celles-là, il les a déjà laissé tomber.

M. Godin: II doit parler du congrès libéral.

M. Paquette: Elles sont à peu près toutes réalisées, nos promesses électorales.

M. Godin: Parlant de vente de savon, il y a eu une belle vente de savon en fin de semaine.

Le Président (M. Jolivet): Laissez le droit de parole au député de Saint-Laurent; il ne lui reste que très peu de temps pour son intervention.

M. Godin: D'accord.

M. Paquette: Ah, il achève, on va le laisser aller!

M. Forget: Alors, M. le Président...

M. Grégoire: II essaie de tuer le temps, de toute façon.

M. Forget: Non, il a beaucoup de choses à dire sur ce scandale, dans le fond. C'est un scandale, la façon dont le gouvernement va utiliser les deniers publics sans se compromettre au départ sur le prix qu'il a l'intention de payer, en sachant très bien qu'il va mettre les millions qu'il faut pour sauver la face, le moment venu. Un ministre des Finances qui n'ose pas le mettre dans son budget, tout en sachant que cela doit se faire avant l'automne, parce qu'il n'ose pas faire face à l'opinion publique quant au prix qu'il sait très bien qu'il va devoir payer pour cet achat.

M. Bérubé: Si le ridicule tuait, vous seriez mort!

M. Forget: Dans cette décision, M. le Président, il y a des alternatives et il y a des alternatives beaucoup plus acceptables, comme celle d'accepter l'offre de participation de BRINCO pour le développement d'une mine dans le Nord-Ouest. Un investissement inférieur à $30 millions sous forme d'une prise de capital-actions du gouvernement suffirait à développer BRINCO dans le Nord-Ouest du Québec, puisque c'est tout ce dont il s'agit. Au lieu de cela, on va dépenser cinq fois plus pour acheter une mine existante. C'est irresponsable comme décision et je suis persuadé que le ministre va, encore une fois, nous faire un grand exposé sur d'autres sujets, de manière à éviter de répondre à ces objections-là. Comme il l'a fait si souvent, il va prétendre avoir vu dans mon intervention quelques arguments et quelques hommes de paille qu'il va s'amuser à démolir, en évitant totalement de répondre aux objections qu'on soulève par cette motion

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Par sa motion, le député de Saint-Laurent veut orienter la question de la recherche, du développement et de l'exploitation du côté des nouveaux gisements. Il a fait valoir différents points de vue à ce sujet, en ce qui concerne, en particulier, toute la question du Nord-Ouest québécois où il y a certaines exploitations existantes actuellement. Le député pourra souligner également la nature des problèmes, des besoins ou des réalités de sa région. Il y a également dans le Nord-Ouest québécois aussi tout un potentiel minier à développer davantage, ce qui aurait pour effet d'aider, d'assister cette région.

Cependant, en ce qui concerne l'amendement précis qui a été présenté par le député de Saint-Laurent, je vous rappellerai, M. le Président, que l'Union Nationale a établi clairement sa position en ce qui concerne l'intervention du gouvernement en matière d'amiante. Nous avons indiqué à plusieurs reprises — et de façon claire et nette — que nous souhaitions et que nous voulions une plus grande transformation des produits de l'amiante au Québec, pour arriver directement à créer de l'emploi chez nous, mais en prenant la voie la plus directe, en allant directement au niveau de la transformation, soit par une société mixte avec les entreprises ou autrement. C'est une question de choix par la suite. Ce que nous disons au gouvernement, c'est, oui à l'objectif de la transformation, mais non au moyen que le gouvernement prend actuellement, soit celui de se porter acquéreur de l'une des entreprises exploitant l'amiante.

Je reprends les différentes raisons que j'ai eu l'occasion d'expliquer par le passé. D'abord, ce n'est pas le rôle du gouvernement de se porter ac-

quéreur d'une entreprise. Ensuite, cela ne l'aide pas à atteindre son objectif comme tel, parce que cette approche ou cette opération qui consiste à acheter une mine ou à se porter acquéreur de l'une des entreprises ne créera, en soi, aucun emploi nouveau. Je pense qu'on doit l'admettre et regarder plutôt du côté de la transformation directe, comme SORES l'avait dit, dans les produits qui sont transformables, faisables au Québec à un plus haut niveau. Il y a trois produits qui peuvent être retenus. On sait qu'il y a un bassin potentiel immédiat d'environ 400 emplois, ce qui amènerait un déboursé pas mal inférieur à ce que le gouvernement veut s'engager à mettre actuellement dans la cagnotte pour arriver à réaliser son projet. Notre position à ce sujet est donc passablement claire.

Maintenant, ce qui me surprend actuellement et ce qui me fait dire que, dans la discussion qu'on tient, on parle un peu en l'air et un peu dans la fumée, c'est parce qu'on est rendu dans une zone passablement ténébreuse, à cause, justement, du discours du budget qu'on a entendu mardi dernier. J'ai été passablement surpris, quant à moi, de voir l'éloquence du silence du ministre des Finances lorsqu'il a été question d'amiante. Au même moment où ici, à cette commission parlementaire, on nous demande d'étudier article par article le projet de loi 70 visant à créer la Société nationale de l'amiante qui doit acquérir les gisements de l'Asbestos Corporation, au moment même où on nous demande de voter cette loi, de l'étudier en détail et de l'adopter pour donner au gouvernement l'outil qu'il veut avoir pour créer sa Société nationale de l'amiante, au même moment, en haut à l'Assemblée nationale, dans le discours du budget qui implique l'année financière qui s'en vient, on n'a aucun chiffre, aucune donnée, aucun investissement prévu par le gouvernement pour l'acquisition de cette même société. Cela nous place dans une situation curieuse. On est un peu à une commission "funny" parce qu'on étudie une loi qui ne sera éventuellement pas mise en vigueur, du moins pas dans le prochain exercice financier.

J'aimerais que le ministre nous donne des indications à ce sujet, à savoir de quelle façon compte-t-il procéder pour former sa Société nationale de l'amiante alors qu'il n'y a rien, au budget qui vient d'être présenté il y a deux jours, il n'y a rien de prévu pour assurer l'existence même de la Société nationale de l'amiante et son fonctionnement en ce qui concerne l'acquisition de l'Asbestos Corporation. Cela me fait dire que la commission parlementaire fonctionne un peu à vide actuellement...

M. Paquette: Elle fonctionne surtout au ralenti!

M. Brochu: ... parce que si le but de la commission parlementaire est seulement d'adopter le projet de loi pour ensuite le mettre sur une tablette, je me demande ce que nous faisons ici. À toutes fins pratiques, c'est cela qui va arriver, avec la situation dans laquelle nous sommes placés actuellement. Je me demande quelles sont, à ce stade-ci, les intentions du gouvernement. Est-ce que le ministre a changé ses intentions en ce qui concerne l'acquisition d'Asbestos Corporation et est-ce que le gouvernement a changé ses intentions en ce qui concerne la création de la Société nationale de l'amiante? N'ayant pas de budget pour appuyer ce projet de loi qui serait adopté éventuellement, le gouvernement va tout simplement devoir le mettre sur une tablette.

Et c'est là que je pose la question également au ministre. Je me demande si ce ne serait pas, à ce stade-ci, après l'évolution du dossier, après avoir vu les réactions du public, également après avoir vu les données fondamentales de ce problème, après avoir compris qu'il s'agit peut-être, à cause du moyen que le gouvernement a choisi, d'une aventure plutôt qu'autre chose, je me demande si le gouvernement ne s'est pas rendu compte qu'il s'engageait dans une voie dangereuse. Peut-être qu'il veut maintenant se retirer tranquillement, en douce, de ce projet-là, tout en sauvant la face, évidemment, tout en gardant une bonne allure. C'est ce qui me fait croire que nous allons devoir passer cette commission parlementaire sur le projet de loi 70. Peut-être le gouvernement nous forcera-t-il éventuellement à adopter ce projet de loi pour dire: On a adopté la loi, pour, ensuite, abandonner le projet de loi sur une tablette puisqu'il n'aura même pas les fonds nécessaires pour le mettre en application. Je me demande si cela ne répondrait pas à la stratégie que le gouvernement a peut-être décidée, d'une part pour se donner bonne figure face peut-être à ces partisans qui veulent ce projet de loi, mais de l'autre côté cela lui permettrait de ne pas réellement passer à l'action pour l'acquisition de la société Asbestos Corporation. C'est assez sérieux parce que ce n'est pas souvent dans le passé qu'on a demandé à une commission parlementaire d'étudier un projet de loi qui était, à toutes fins pratiques, destiné à ne pas avoir de suite, ce qui a été confirmé par un budget qui est en cours actuellement.

M. Godin: Le député a déjà été meilleur que cela, M. le Président.

M. Paquette: Cela n'a rien à voir avec l'amendement.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Godin: M. le député a mal dormi.

M. Bérubé: M. le député de Richmond, me permettriez-vous une question?

M. Brochu: Je pose des questions et j'espère que vous allez me répondre dans votre réplique. S'il y a d'autres questions, cela me fera plaisir d'y répondre à ce moment. Si vous me permettez, je vais continuer là-dedans. Je comprends l'intervention...

Le Président (M. Jolivet): ...

M. Bérubé: On pourrait éclaircir votre question.

M. Brochu: J'espère que vous allez éclaircir ma question. Je pose le problème. Écoutez, je ne vous cacherai pas que cela se dit.

M. Grégoire: C'est la première fois!

M. Brochu: II y a un discours du budget qui sort et il n'y a pas un cent de voté pour l'acquisition de la société Asbestos Corporation.

M. Bérubé:... en train de voter l'argent pour la société Asbestos.

M. Paquette: On va l'exproprier sans indemnisation!

M. Brochu: J'espère que vous allez me donner les réponses. C'est cela que je veux éclaircir ce matin.

M. Bérubé: C'est de l'extra-budgétaire.

M. Brochu: II y a quelque chose de non prévu là-dedans.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, vous aurez le droit de répliquer lors de votre...

M. Brochu: Mon collègue de Saint-Hyacinthe me fait une remarque; si vous procédez comme vous le dites, qui va payer les salaires de votre conseil d'administration et tout cela, s'il n'y a rien de prévu au budget? D'ailleurs, vous relirez ce que le ministre des Finances a dit à ce sujet.

M. Bérubé: C'est de l'extra-budgétaire, M. le député de Richmond.

M. Brochu: Vous nous répondrez et vous nous direz ce qu'il en est à ce moment.

M. Bérubé: Vous ignorez complètement le fonctionnement du gouvernement.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît. Laissez le député. Il a son droit de parole. Vous aurez le droit de lui répondre dans le vôtre.

M. Brochu: M. le Président, mes collègues sont bien nerveux ce matin. Je comprends que le député d'en face m'a dit que d'autres de mes interventions étaient plus intéressantes. C'est vrai, n'est-ce pas?

M. Grégoire: C'est vrai.

M. Brochu: Peut-être qu'à ce moment les autres vous touchaient moins. Cela m'intéresse peut-être plus de m'orienter dans ce sens. Cela touche peut-être plus le fond du problème.

M. Godin: C'est bon votre affaire.

M. Brochu: M. le Président, pour continuer, j'espère que le ministre va éclaircir cette situation qui est un peu curieuse. Je lui rappellerai que le prochain discours du budget sera dans un an. Cela a des implications. Cela reporte l'application de la loi, à certains égards, à beaucoup plus tard. C'est ce qui me fait dire que peut-être stratégi-quement le gouvernement a choisi de voter la loi et ensuite la mettre sur la tablette pour y revenir un peu plus tard ou simplement la laisser mourir avec le temps en s'adonnant, par la suite, à d'autres préoccupations qu'il jugera plus importantes — c'est son choix — en particulier celle du référendum qui viendra l'an prochain. Cela lui permettra, à ce moment, de ne pas avoir cette entrave, ce boulet aux pieds ou cet investissement de $200 millions à $400 millions qui va venir et, éventuellement, davantage lorsque l'appétit du gouvernement s'agrandira comme je l'ai déjà indiqué. S'il veut assurer sa rentabilité, il va devoir aller beaucoup plus loin dans le secteur de l'acquisition des entreprises, pour avoir un monopole. L'image de l'Hydro-Québec est bien différente de celle de l'Asbestos Corporation que vous allez acquérir parce qu'avec l'Hydro-Québec vous avez le monopole. En réalité, vous augmentez les taux à votre guise.

M. Paquette: C'est pour cela qu'ils sont les plus bas en Amérique du Nord. (11 heures)

M. Brochu: Demandez à ceux qui paient l'électricité. Ce n'est pas là-dessus qu'est la question. En ayant un monopole avec l'hydroélectricité, vous avez l'ensemble du marché. Vous êtes certains d'avoir le marché. Tandis qu'en ayant une seule de toutes les entreprises exploitant l'amiante vous n'êtes pas sûrs d'avoir le marché. C'est la différence. C'est cela qui m'a fait dire, dans le passé, que le gouvernement va réaliser que son entreprise n'est pas rentable parce qu'il est l'un des seuls concurrents avec la plus vieille installation au point de vue minier ou l'installation la plus mal organisée. Il va alors devoir investir pour être seulement un des concurrents. Il va peut-être trouver le jeu difficile. À ce moment-là, il va peut-être revenir encore à l'Assemblée nationale pour nous demander des crédits supplémentaires pour acquérir le monopole qui lui — je vois déjà les slogans — va nous permettre d'être maîtres chez nous et d'acquérir un monopole absolu dans le domaine de l'amiante, cette richesse naturelle qui est nôtre profondément.

Je vois déjà venir le scénario dans ce sens. Cela pourrait, à ce moment-là, se vendre. On pourrait faire valoir l'argument que si on avait tout, ce serait plus rentable, et tout cela, comme pour l'hydro-électricité. Tout ceci pour vous dire que le canal dans lequel s'engage le gouvernement actuellement est drôlement dangereux et que c'est un terrain passablement glissant, tellement glissant que le ministre des Finances a lui-même arrosé la patinoire mardi soir dernier lorsqu'il n'a annoncé aucun fonds ou fait aucune déclaration d'intention en ce qui concerne l'application de la loi comme telle.

M. le Président, c'étaient les remarques que je voulais faire à ce stade-ci.

Je caricature également un peu en faisant mon intervention, espérant que le ministre va clarifier...

M. Bérubé: Vous faites le clown.

M. Brochu: ... en espérant que le ministre va répondre, non seulement par des pitreries, peut-être à ces questions et clarifier cette situation. Je comprends que c'est un grand humoriste et que cela lui fait plaisir de répondre dans ce sens, mais j'espère qu'il dépassera ce stade de l'humour pour aller au stade de la réalité et peut-être répondre à nos questions dans ce sens. On l'apprécierait beaucoup et je pense que les citoyens du Québec également l'apprécieraient beaucoup.

Je limiterai donc mes remarques à ce stade-ci. Je demande au ministre d'en tenir compte et de répondre aux questions qu'on se pose de ce côté-là. Je vous indiquerai, en même temps, que sur la motion présentée par le député de Saint-Laurent, je devrai être en désaccord, puisque, en ce qui concerne l'Union Nationale, nous n'accepterons pas, au paragraphe a), que le gouvernement procède comme cela à la recherche de gisements dans le cadre de la Société nationale de l'amiante, procède à l'exploitation d'une mine, qu'il devienne mineur lui-même ou entrepreneur. C'est dans ce sens également que nous devrons voter contre l'amendement proposé par le député de Saint-Laurent.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, je ne veux pas parler longtemps. Tout ce qui me surprend, dans cet amendement de l'Opposition, c'est de vouloir exclure du champ d'action du gouvernement ou de la Société nationale de l'amiante les gisements déjà en exploitation.

Je ne vois pas pourquoi on exclurait cela. Pourquoi limiter l'action du gouvernement et dire qu'elle se consacrera seulement aux nouveaux gisements? C'est évident que les nouveaux gisements, il faut les développer, mais il faut également laisser à la société nationale l'occasion d'agir, d'exploiter dans tous les domaines. Il ne faut pas chercher à l'exclure de plus en plus et à diminuer son action, au contraire. Je crois qu'il faut donner à la Société nationale de l'amiante le plus grand champ d'action possible, puisqu'elle aura acquis, avec l'Asbestos Corporation, tout le personnel compétent. C'est ce que le député d'Abitibi-Est a compris. Avec l'achat de l'Asbestos Corporation, la Société nationale de l'amiante se trouve à acquérir une équipe qui a toute la compétence technique nécessaire et qui pourra aider au développement des nouveaux gisements. À l'heure actuelle, le gouvernement n'a aucune compétence dans ce domaine.

M. Ciaccia: II faut mettre un point après "n'a aucune compétence"...

M. Grégoire: Oui, dans le domaine des nouveaux gisements...

M. Ciaccia: ... sans ajouter "dans ce domaine".

M. Grégoire: ... alors que l'Asbestos Corporation a toutes les équipes voulues pour cela. C'est ce qui va aider justement la découverte de nouveaux gisements.

Le député de Saint-Laurent disait: Peu importe la longueur de la fibre, c'est toujours la même longueur, et ce n'est pas le tissé qui est le plus en demande. Le marché est pauvre. Il se fiait au rapport SORES. Je crois que ce sont des chiffres qu'il faudrait apporter ici, qu'il serait bon d'examiner. Dans le rapport SORES, on disait — c'est un fait, c'est écrit dans une annexe, à A.6, où on parle du tissé, des produits de friction tissés: — "La croissance du marché est pauvre sur toute la ligne." Que ce soit à Toronto, New-York, Paris, Tokyo et Le Caire, la croissance du marché est pauvre, mais rien n'empêche que, parmi tous les produits de l'amiante, c'est un marché de $840 millions. C'est indiqué dans le rapport SORES: Le marché des produits de friction dans le monde est de $840 millions. Mais qui la produit, cette fibre? On l'a également dans le rapport SORES, à la page 24, tableau 23: Production mondiale d'amiante en 1974. Ce sont les chiffres de SORES donnés en 1977. C'est la dernière année complète qu'il a.

Qui en produit? On va aux États-Unis; les États-Unis produisent zéro tonne d'amiante de la catégorie no 3. Zéro tonne. Ils en ont besoin de combien? 20 000 tonnes par année. Ils vont le chercher quelque part, cet amiante no 3. Zéro tonne qu'ils produisent et ils en ont besoin de 20 000 tonnes. C'est la plus dispendieuse de toutes les fibres d'amiante. C'est le plus gros marché de produits d'amiante, $840 millions, les matériaux de friction tissés. Allons voir en Amérique du Sud et en Amérique centrale, ils en produisent zéro tonne. Ils en ont besoin de combien? 5000 tonnes. Il faut qu'ils le prennent quelque part, cet amiante. Ils n'en produisent pas.

Allons voir l'Europe de l'Ouest. Combien produit-elle d'amiante de longueur no 3? Zéro tonne en Europe de l'Ouest. Cela comprend l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Angleterre, les pays Scandinaves. Zéro tonne qu'ils produisent. Ils en ont besoin de combien? De 20 000 tonnes par année. Il faut qu'ils le prennent quelque part. Vous allez me parler encore de la Russie, peut-être. Allons voir combien ils en produisent en Europe de l'Est, y compris la Russie. Ils en produisent 5000 tonnes par année. Combien en consomment-ils? De combien en ont-il besoin? De 25 000 tonnes. Il faut qu'ils le prennent quelque part, cet amiante.

Les États-Unis, l'Amérique du Sud, l'Europe de l'Ouest, l'Europe de l'Est, les principaux marchés n'en produisent pas et ils en consomment, 20 000, 25 000 tonnes. Le Japon n'en produit aucune tonne. Il en consomme combien? 5000 tonnes par année. Il faut qu'il prenne cela quelque part. Le Québec, lui, 33 000 tonnes de production.

C'est ici qu'elle est, la fibre no 3. En Europe de l'Est, ils en ont besoin de 20 000 tonnes qu'ils viennent chercher chez nous. En Europe de l'Ouest, ils n'en produisent pas une tonne. Aux États-Unis, ils n'en produisent pas une tonne. En Amérique du Sud et en Amérique centrale, ils n'en produisent pas une tonne. Au Japon, ils n'en produisent pas une tonne.

Nous le produisons et on nous dit: Le marché est pauvre. Ce n'est pas le marché qui est pauvre, c'est la production qui est pauvre. Il n'y en a pas assez. Je vais vous donner un exemple des valeurs de cet amiante dont parJait tout à l'heure, sans savoir de quoi il parlait, le député de Saint-Laurent. On dit: C'est un marché de $840 millions. Il parlait des plaques; il disait: Le plus bel avenir pour les produits d'amiante, ce sont les plaques d'amiante-ciment. Une tonne de plaques d'amiante-ciment, cela se vend, la tonne finie, $225 et il n'y a que pour $57 d'amiante dans les plaques. Les feutres à toitures, cela se vend $430 la tonne et il y a $175 d'amiante. Les endos à linoléum, cela se vent $700 la tonne et il y a pour $195 d'amiante. Quand on arrive maintenant dans les bardeaux en amiante, cela se vend $185 la tonne et il y a pour $37 d'amiante.

Regardons maintenant les produits tissés. Allons voir les produits tissés, toujours à A-6. Cela se vend $10 500 la tonne et il y a pour $2260 d'amiante dans une tonne de produit fini, de matériaux de friction tissés. C'est là qu'est l'argent. C'est cela qui se vend le plus cher. C'est cela qui coûte le plus cher. Et le marché, c'est là qu'il est le plus gros, $840 millions. Mais on dit: La croissance du marché est pauvre. C'est vrai, personne n'en produit. Il y a nous qui en produisons et on n'en produit pas encore assez. La demande est là pour cela. SORES énumère ces chiffres. Il dit: La taille du marché est pauvre. Mais tout le monde en a besoin.

L'Europe seulement en achète pour $496 millions, le Moyen-Orient, pour $165 millions et le Japon pour $90 millions. Ce n'est pas nous qui le produisons. Nous sommes les seuls à avoir la fibre et on ne la transforme pas. On admet la déclaration du rapport SORES qui dit: "La croissance du marché est pauvre". C'est parce que la production est rare dans ce domaine et c'est cela qui se vend le plus cher. C'est dans cela qu'il y a le plus de profits, alors que dans l'amiante-ciment, à la tonne, il y a une augmentation de valeur économique de $300, dans ce domaine, il y a une augmentation de valeur économique de $9 500 la tonne. Ce sont des chiffres frappants.

Maintenant, où cela est-il produit au Québec? J'ai ici les chiffres. En comparant les différents secteurs de production, le secteur sud-ouest qui est Asbestos, à la Johns-Manville, pour chaque tonne qu'ils produisent il y a 0,5% de fibre du groupe no 3 qui sert au tissage, 0,5%. Dans le secteur nord-est, il y a 0,35% de fibre du groupe no 3. Le secteur nord-est, c'est East Broughton, par rapport à Asbestos qui est au sud-ouest; 0,5%, cela veut dire 1/2 tonne par 100 tonnes de fibre no 3 à Asbestos, 3/10 de tonne par 100 tonnes vers East Broughton. Mais quand on arrive dans le secteur central, à Thetford, 4,95%, cela veut dire presque 5 tonnes du 100 de longueur no 3. C'est là que c'est important.

Thetford Mines, c'est cela l'Asbestos Corporation, il n'y a pas d'autre mine. Il y a la King Beaver, une partie de B C 1 qui sont dans l'Asbestos Corporation à Thetford Mines. À Vimy Ridge, c'est la mine Normandie, dont parle souvent le député de Saint-Laurent parce qu'il est allé voir cela à Vimy Ridge, 5,9% comparé à 0,5% à Asbestos, douze fois plus comme pourcentage de fibre de catégorie no 3 à Vimy Ridge, qui est la mine Normandie qui appartient à l'Asbestos Corporation. À Black Lake, il y a la Lake Asbestos, mais il y a également des mines de l'Asbestos Corporation, c'est 2,3%.

Alors, la fibre no 3, le gros c'est l'Asbestos Corporation, c'est celle qui a le plus de valeur, c'est celle qui est la plus exclusive dans le monde, c'est celle qui se vend le plus cher, celle qui apporte le plus de valeur économique pour chaque tonne. 80% à Asbestos Corporation pour la fibre no 3. Cela, c'est bon, c'est SORES qui le dit. L'Europe de l'Ouest n'en produit pas une tonne, les États-Unis, l'Amérique centrale n'en produisent pas une tonne. La Russie en produit 5 tonnes et elle a besoin de 25 tonnes. Cela veut dire qu'il faut qu'elle en importe 20 tonnes de quelque part. Où viennent-ils la chercher.

C'est notre valeur à nous, et nous, nous ne transformons pas cela. L'Asbestos Corporation a des mineurs dans le fond du trou qui vont chercher la fibre no 3, qui l'envoient en Russie, qui l'envoient en Allemagne, qui l'envoient aux États-Unis, qui l'envoient en France puis, eux, finissent ces produits. Ils ont les industries, ils ont les gros commerces, les grosses industries et ils transforment cela pour $840 millions, comme je l'ai dit tout à l'heure. Cette fibre no 3, c'est simplement pour les matériaux de friction, parce qu'il y a également deux autres utilités de fibre no 3, le tissage. Simplement le fil, quand cela se vend $3500 la tonne, il y a pour $815 d'amiante là-dedans. On voit qu'il y a des différences énormes avec les produits d'amiante-ciment. Il y a également le tissu, quand cela se vend $4700 la tonne, il y a pour $1615 d'amiante dans une tonne de produit fini pour le groupe no 3. Il y a $112 millions comme taille de marché pour le fil.

Encore là, on dit: La croissance du marché est pauvre partout, à Toronto, à New York, à Paris, à Tokyo, au Caire. Mais la croissance du marché est pauvre parce que la fibre n'est pas là. Comment voulez-vous développer un marché quand personne ne produit de cette fibre? C'est difficile. Vous avez le rapport SORES devant vous, ce sont les chiffres que je cite ici qui sont là. Quand on arrive au tissu, maintenant, c'est un marché de $22 millions. On dit, encore là: Le marché est pauvre. Ce sont les trois secteurs qui se servent de la fibre de catégorie no 3, la longue, celle qui sert au tissage. (11 h 15)

Partout, on dit: La croissance du marché est pauvre. C'est vrai, mais c'est un marché de $1 milliard tous ensemble. Combien est-ce de milliers d'emplois partout, sauf au Québec? Où y a-t-il de

la fibre no 3? Nulle part, sauf au Québec. C'est épouvantable, accepter cela! Quand le gouvernement dit: On achète l'Asbestos Corporation qui possède les gisements qui ont la fibre no 3, vous dites: Non, ne touchez pas à cela, c'est trop gros pour nous autres, c'est bien trop riche, cette affaire-là! C'est bien trop gros, aie! On est trop petit, nous autres, n'est-ce pas?

M. Bérubé: C'est bien trop payant!

M. Grégoire: On est trop petit! Je vois des mineurs de la région du Nord-Ouest québécois; ils savent qu'on n'est pas obligé de se contenter tout le temps du "job" dans le fond de la mine quand on pourrait avoir au moins la richesse qui découle de cela. Vous autres, vous dites: Non! Vous ne voulez pas. C'est épouvantable de raisonner comme vous le faites. C'est épouvantable, cela ne se comprend pas.

M. Ciaccia: C'est la démagogie que vous faites qui est épouvantable.

M. Grégoire: Si le peuple du Québec était ici à vous regarder faire, cela ne serait pas long...

M. Ciaccia: La démagogie que vous faites est épouvantable.

M. Grégoire: ... il vous regarderait et dirait: Ils sont mûrs pour quelque part, ces gars-là.

M. Ciaccia: La démagogie que vous faites est épouvantable.

M. Grégoire: Cela vous fait mal! Changez donc d'attitude plutôt que de crier à la démagogie. Essayez donc de raisonner avec bon sens. C'est le rapport SORES que je vous cite, c'est celui que vous citez depuis tantôt. C'est le rapport SORES et vous dites: Ce n'est pas prévu dans le budget. D'autres fois, vous nous dites: Oui, mais pourquoi ne nous dites-vous pas combien cela va coûter pour qu'on puisse en discuter? Justement. S'il arrive un budget supplémentaire, vous allez avoir le droit d'en discuter tant que vous allez vouloir, Vous allez pouvoir discuter, à ce moment-là, du prix que cela va coûter, et vous n'êtes pas contents? C'est ce que vous demandez et vous allez avoir l'occasion de discuter du prix et des modalités d'action, de combien on va payer les amiantosés quand va venir le budget supplémentaire incluant les $250 millions.

M. Brochu: Ah! Parce qu'il y a un budget supplémentaire qui s'en vient?

M. Grégoire: Cela a été dit par le ministre des Finances.

M. Brochu: Spécialement là-dessus?

M. Grégoire: Cela a été dit par le ministre des Finances, il me semble.

M. Brochu: Où a-t-il dit cela et quand?

M. Ciaccia: II vient de mettre des paroles dans la bouche du ministre des Finances.

M. Grégoire: Cela n'a pas été dit par le ministre des Finances? Peut-être pas.

M. Brochu: Une nouvelle en primeur!

M. Ciaccia: Je pense bien que le ministre des Finances serait très intéressé de savoir cela.

M. Godin: II a dit qu'il aurait recours au marché des capitaux comme il y a eu recours dans le passé pour acheter d'autres entreprises semblables.

Une voix: Donohue-Saint-Félicien.

M. Ciaccia: II n'a pas parlé d'un budget supplémentaire.

M. Bérubé: ... budget supplémentaire. M. Godin: II n'a pas dit cela, c'est vrai.

M. Grégoire: Quand viendra le temps de voter les crédits, vous aurez tout de même le droit de parler là-dessus.

M. Ciaccia: On ne criera pas d'avance.

M. Godin: On trouvera bien quelques piastres pour acheter cela quand on en aura le moyen avec la loi.

M. Grégoire: II reste une chose, tous les chiffres qu'on vous apporte sont basés sur un rapport que vous avez cité. Là, vous avez des chiffres. Quand on veut acheter l'Asbestos Corporation, qui, d'après tous les documents qui le démontrent, a cette catégorie de fibre, vous dites: Non, ne touchez pas à cela, allez trouver des gisements nouveaux. Celle-là, c'est une valeur sûre, les preuves sont là. Pourquoi essayer d'attacher les mains de la Société nationale de l'amiante et l'empêcher de se lancer vers ce qu'il y a de mieux? Est-ce parce que nous, les Québécois, ne sommes pas capables de faire ce qu'il y a de mieux? La question mériterait bien une réponse. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mercier.

M. Godin: La raison pour laquelle je me suis fait le plaisir de revenir à cette commission ce matin, c'était pour vérifier s'il y aurait des changements d'attitude chez nos amis d'en face. L'Opposition officielle est devenue, en fin de semaine, un consistoire sous la direction du pape "Pie XIII". J'espérais que les "cardinaux" Claude Forget et Giovanni Ciaccia auraient un changement d'attitude à l'égard de ce projet de loi et cesseraient de faire perdre le temps de la commission, de faire

poireauter le peuple du Québec, qui veut avoir un contrôle sur ses richesses naturelles.

Or, si on étudie bien l'amendement, il ne peut viser que deux choses, au-delà d'être un "filibuster" déguisé. Le "cardinal" Claude Forget vise deux choses avec cela; il vise, premièrement, à créer...

M. Ciaccia: Et le "zouave" Godin, lui, qu'est-ce qu'il dit?

M. Godin: ... de la confusion.

M. Ciaccia: Et le "zouave" Godin, lui, qu'est-ce qu'il vise?

M. Godin: Sûrement pas dans le Vatican du pape "Pie XIII", en tout cas!

De deux choses l'une. Ou la proposition du "cardinal" Forget vise à exclure du projet de loi l'achat des mines existantes, ce qui, à mon avis, serait tout à fait aberrant parce qu'on ne peut pas, dans une loi, parler de nouveaux gisements sans savoir s'il y aura de nouveaux gisements; donc, cela coupe les jambes et les pieds du gouvernement; si c'est cela qu'ils veulent, qu'ils le disent. Ou elle voudrait que le gouvernement puisse prendre à la fois le contrôle des mines existantes, présentes et futures. À ce moment-là, le mot "nouveaux" vient en contradiction avec un document que l'Opposition connaît sûrement, Rédaction et interprétation des lois, par Louis-Philippe Pigeon, qui est un maître en la matière, où, à la page 29, il parle des mots superflus dans un projet de loi.

Les mots "exploitation de gisements d'amiante" incluent les gisements passés, présents et futurs. Si vous inscrivez "nouveaux gisements d'amiante", cela exclut les gisements passés et présents. Si telle est l'intention des "cardinaux" d'en face, qu'ils le disent; sinon, je pense que la motion ne vise qu'à ajouter de la confusion. Cela ne m'étonne pas de leur part, remarquez bien, mais cela crée de la confusion parce que, à ce moment-là, il faudrait procéder par énumération de tous les adjectifs pouvant se rattacher aux gisements, s'ils veulent qu'on puisse avoir les mains libres à l'égard du futur. Sinon leur proposition vient en contradiction, je le répète, avec des principes élémentaires dans la rédaction des lois, M. le Président.

Je vous lis quelques phrases de ce document de Me Pigeon: "Dans les choses à éviter, il faut aussi mentionner l'emploi de deux ou trois mots là où un seul devrait suffire. C'est presque traditionnel, etc., dans les actes notariés..." et on entre dans la règle du ejusdem generis. Le mot "de" inclut tous les gisements, le mot "nouveaux" exclut les autres, et c'est ce que le gouvernement veut éviter. Le gouvernement ne veut pas se lier les mains quant à son avenir.

La proposition du "cardinal" Forget, qui est d'inciter le gouvernement à acheter seulement des actions en collaboration avec une entreprise existante pour avoir un contrôle moins coûteux sur une partie des richesses naturelles dans ce sec- teur, c'est exactement la position que, au moment de la nationalisation de l'Hydro-Québec, faite d'ailleurs par ce même gouvernement qui, à l'époque, n'était pas encore un consistoire, ce même parti qui avait nationalisé l'Hydro-Québec, un peu sur le modèle que nous voulons utiliser pour notre amiante...

L'amendement et les discussions qui ont suivi l'amendement du député Forget impliquent que le gouvernement devrait en acheter une partie seulement, et l'Opposition, à l'époque, utilisait ces arguments, ces contre-propositions, également pour tuer le temps, contre la proposition Lesage et Lé-vesque de nationaliser l'Hydro-Québec.

Mon collègue me dit que, dans le consistoire d'en face, il y a déjà un Mgr Marcel Lefebvre en la personne du député Raymond Garneau. C'est possible, je ne sais trop, on verra bien. Il y a déjà des schismatiques dans le consistoire, M. le Président.

M. Ciaccia: M. le Président, je fais appel au règlement.

Le Président (M. Jolivet): Un instant, il y a appel au règlement. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Seulement pour rappeler au député de Mercier, au cas où il...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mercier, il y a un appel au règlement.

M. Ciaccia: Je voudrais seulement faire appel au règlement 99, sous-paragraphe 6...

M. Grégoire: Cela fait mal, n'est-ce pas?

M. Ciaccia: Cela ne fait pas mal du tout, c'est juste une question de politesse. Il est interdit "de désigner le président ou un député par son nom", alors vous pourriez vous référer...

M. Godin: D'accord, le "cardinal" de Saint-Laurent et le "cardinal" de Mont-Royal...

M. Ciaccia: II y a des raisons, on voudrait seulement suivre notre règlement.

M. Godin: Aucune objection... Ou le schismatique de Jean-Talon, on peut les appeler comme cela.

Je conclus, M. le Président, en vous disant de cet amendement soit qu'il vise à aller tout à fait à l'encontre du projet de loi, soit qu'il procède de l'ignorance crasse des règlements élémentaires de la rédaction des lois — ainsi que cités par l'expert Louis-Philippe Pigeon — soit qu'il vise — et c'est mon hypothèse de travail, comme vous le savez depuis le début à cette commission — à faire perdre le temps de la commission et à ralentir, à freiner la reprise en main par les Québécois de leurs richesses naturelles dans le secteur de l'amiante.

Quant à l'intervention du député de Richmond — qui fait toujours partie d'un parti politi-

que, lui — on lui a dit que ce n'était pas sa meilleure, d'une part; d'autre part, on dirait qu'il fait partie de la même Opposition officielle que messieurs les députés de Mont-Royal et Saint-Laurent... Excusez-moi.

M. Ciaccia: II faut qu'il se fasse "coacher".

M. Godin: Heureusement, il a conclu son intervention en disant qu'il serait contre la proposition du consistoire libéral et je m'en réjouis, mais...

M. Brochu: Vous avez failli ne pas vous en rappeler, n'est-ce pas?

M. Godin: Je préparais mon intervention... M. Brochu: Pour m'attaquer sur ma position?

M. Godin: Ce qu'ils veulent, au fond, c'est qu'on dévoile notre stratégie. Nous sommes en négociation, M. le Président, avec General Dynamics. On ne va pas dire dès maintenant à l'Opposition et à General Dynamics, par le fait même, le prix qu'on veut payer. On est en train de négocier avec eux par des intermédiaires compétents la valeur réelle de cela, en tenant compte de tous les frais et des coûts inhérents à l'achat de cette entreprise. On n'est pas pour dire aujourd'hui, publiquement, les résultats ou notre intention là-dessus. C'est une négociation qui est en cours. Ils le sauront en temps et lieu.

Quant à la partie du budget, le ministre des Finances a été extrêmement clair là-dessus. Quand on aura l'instrument, qui est cette loi, pour procéder à cette action, nous prendrons les moyens qui s'imposent pour avoir le fric nécessaire. Si cette loi n'est pas encore votée, d'ailleurs, c'est, comme je l'ai dit, parce qu'il y a un "filibuster" déguisé qui se fait en face. Je souhaitais que la venue d'un esprit éminent à la tête du parti modifierait les choses. C'était le test pour moi ce matin. Cette commission est un laboratoire pour nous. Est-ce que ce parti-là, avec un homme de renouveau, a été renouvelé?

M. Ciaccia: C'est une idée fixe!

M. Godin: Jusqu'à maintenant, il n'y a pas de renouveau. C'est pire qu'avant! C'est moins clair qu'avant! Leurs motions sont plus ambiguës qu'avant! Est-ce que Pie XIII a vu cette motion? Je ne pense pas que le pape Pie XIII ait vu cette motion, parce que lui-même aurait probablement trouvé que c'était...

M. Paquette: D'autant plus qu'il est infaillible.

M. Godin: ... tout à fait en dehors de l'intention du gouvernement et surtout en dehors des principes élémentaires de la rédaction des lois. C'est vrai qu'il est tout à fait nouveau en politique et qu'il n'est pas encore au Parlement. Il ne connaît peut-être pas l'existence de ce livre-là; il ne connaît peut-être pas ces choses-là. Mais je pense qu'ils devraient se concerter et arrêter de faire un "filibuster" déguisé et faire des motions ou des propositions qui visent à améliorer le projet de loi. On ne dit pas qu'il est parfait, mais, au moins, qu'ils n'en nient pas le sens même ou, alors, qu'ils ne le rendent pas ambigu au point où cela exclurait la possibilité, pour le gouvernement, d'acheter toute mine existante. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, mon collègue a avancé un certain nombre d'interprétations pour essayer de comprendre pourquoi cette motion nous arrivait sur la table. Il a privilégié celle du désir de l'Opposition de retarder le plus possible l'adoption du projet de loi. On ne sait trop pour quelle raison. Je ne sais pas si c'est parce que, justement, ils veulent se donner le temps de tenir un conciliabule ou un autre conclave pour déterminer leurs positions, pour harmoniser leurs positions. Effectivement, il serait peut-être bon de réfléchir à la chose quand on constate l'appui massif de la population à ce projet de loi et à l'achat d'Asbestos Corporation. C'est peut-être une bonne raison de continuer leur "filibuster", mais je pense qu'à force de discuter ils vont se rendre compte que ce n'est peut-être pas dans leur intérêt de le faire.

L'autre raison, c'est peut-être qu'ils pensent, étant donné qu'ils sont généralement inconditionnellement pour l'entreprise privée, que l'acquisition d'Asbestos Corporation par le gouvernement ne serait pas utile aux Québécois. Ce serait probablement mieux de laisser le contrôle du principal producteur indépendant au monde de l'amiante entre les mains d'une corporation multinationale qui a son siège aux États-Unis. Probablement que c'est comme cela qu'on pourrait avoir plus de transformation de l'amiante au Québec. À regarder les résultats, on est déjà rendu à 3%. On transforme déjà 3% de notre amiante au Québec! C'est fantastique! C'est probablement une politique à continuer, dans leur esprit.

J'aimerais simplement ajouter à ce que dit mon collègue de Frontenac au sujet de la qualité des fibres d'Asbestos Corporation l'élément quantitatif aussi. Là, je vais citer un rapport que les députés ont entre les mains, qui est le rapport d'Energie Mines et Ressources-Canada sur l'amiante, donc l'organisme fédéral qui s'occupe de publier régulièrement des études sur la situation de l'industrie minière au Canada. Après avoir fait une analyse de la production de l'amiante au Canada, on y affirme que le principal producteur indépendant d'amiante au monde, qui a un rendement possible annuel évalué à 260 000 tonnes de concentré d'amiante, c'est l'Asbestos Corporation.

On souligne le fait qu'on va avoir de la difficulté — je pense que c'est le député de Richmond qui nous disait cela — et que la société Asbestos

va être en concurrence défavorable avec les autres compagnies.

(11 h 30)

On peut se demander à quoi cela tient lorsqu'on constate qu'Asbestos Corporation non seulement produit la meilleure qualité de fibre — elle est une des seules à le faire; elle produit presque la totalité des fibres no 3 qui sont utilisées dans un certain nombre de produits d'amiante — mais qu'en plus elle est le principal producteur indépendant, ce qui veut dire qu'elle n'est pas intégrée à d'autres usines. On peut se demander ce qui reste de son opposition.

D'ailleurs, un peu plus loin, le même rapport nous explique la cause de cette dépendance chronique des Québécois dans le domaine de la transformation. Le rapport dit ceci: "Vu cette expansion des grandes sociétés multinationales intégrées verticalement — c'est-à-dire qui prennent la majeure partie de leur production et l'acheminent vers leurs propres usines qui sont situées ailleurs qu'au Québec — et le fait que le marché national canadien était relativement faible, le développement de la fabrication des produits de l'amiante, par des compagnies opérant au Canada, a beaucoup souffert".

C'est évident, M. le Président, que toutes les compagnies qui voulaient faire de la transformation de l'amiante ont senti le besoin de s'assurer de sources d'approvisionnement et se sont mises à développer des mines au Québec. On se demande en vertu de quel raisonnement un gouvernement qui veut faire la même chose, mais faire en sorte que cette transformation se fasse au Québec, ne devrait pas, lui aussi, s'assurer de sources d'approvisionnement, en particulier constituées par le plus grand producteur indépendant au monde et celui qui produit les fibres de meilleure qualité.

Je pense que mon collègue de Mercier a bien fait de qualifier le député de Sain-Laurent de "cardinal du pape Pie XIII". J'ai ici un certain nombre de ses déclarations — c'est pour cela que je disais tantôt qu'il répétait sa cassette — disant que le gouvernement n'ira pas au bout de ses intentions, ne pourra pas exproprier, que cela va coûter trop cher, que c'est un projet de loi — le député de Richmond a repris cela et j'ai été peiné de l'entendre — qu'on adopte pour mettre sur la tablette. M. le Président, il y a des choses qui ont changé depuis le 15 novembre, et particulièrement le "cardinal" de Saint-Laurent devrait s'en rendre compte.

À l'Assemblée nationale, le 28 février 1978, le "cardinal" de Saint-Laurent nous dit que le gouvernement n'ira pas au bout de ses opinions, qu'il n'ira pas jusqu'à exproprier, qu'il ne peut pas exproprier Asbestos Corporation. Je pense que le "cardinal" de Saint-Laurent a passé trop de temps dans l'ancien gouvernement. C'est peut-être le contact avec l'ex-premier ministre. Il pense qu'un gouvernement ne peut pas se rendre au bout de ses décisions quand il a pris la décision d'intervenir dans un secteur clé comme l'amiante. Alors, il dit ceci, le 28 février, lors du débat de deuxième lecture; son raisonnement est le suivant: "D'un côté, le gouvernement, s'étant politiquement engagé à faire cette acquisition, en quelque sorte à n'importe quel prix, sera obligé de compléter la transaction, et on trouve en face de lui un vendeur qui ne sera pas obligé de vendre parce que le gouvernement ne mettra pas sa menace d'expropriation à exécution. C'est du "bluff" de la part du gouvernement et la compagnie le sait très bien".

Plus loin, il révèle l'espèce de psychologie qui s'est développée par son contact trop prolongé avec ses anciens collègues du gouvernement Bourassa et qui décrit très bien l'optique dans laquelle ce gouvernement baignait. Il dit que le gouvernement du Québec deviendra le prisonnier de ses propres promesses, le prisonnier qui devra payer une rançon fort élevée pour un engagement dont il ne pourra plus se défaire. C'est exactement ce qui se passait dans l'ancien gouvernement. On payait continuellement des rançons avec des cadeaux aux compagnies pour essayer d'amadouer et d'amener les investissements étrangers qui venaient à leurs conditions, à leur goût et quand ils le voulaient.

Justement, ce que vise l'achat de l'Asbestos Corporation, c'est tout le contraire. C'est de contrôler l'approvisionnement et d'amener les industries de transformation ici au Québec. Un peu plus loin, toujours dans la même veine de ce gouvernement, le prisonnier impuissant devant cette compagnie, il dit: On devra se satisfaire en faisant appel au marché newyorkais. C'est pour cela que les députés de l'Opposition insistent tellement sur le fait qu'il n'y ait pas de montants d'inscrits au budget et qu'ils disent: C'est parce que le gouvernement voudrait masquer sa difficulté d'emprunter, et tout cela. Ensuite, il dit, et je cite: II est inconcevable que — dans un tel contexte, puisque le gouvernement va être obligé d'aller emprunter sur le marché américain — le gouvernement prenne le risque d'imposer une loi d'expropriation à l'une des sociétés américaines les plus importantes. Là, c'est le coup d'encensoir à plat ventre devant la multinationale General Dynamics, qui, faut-il le dire, est l'une des grandes sociétés américaines, un des principaux fournisseurs de matériel militaire. C'est rendu une qualité, d'être un principal fournisseur de matériel militaire. Principal fournisseur de matériel militaire du gouvernement américain qui dispose, par elle-même et par les relations qu'elle entretient dans les milieux financiers et dans les milieux des affaires, de tous les moyens possibles pour bloquer l'accès aux marchés financiers du gouvernement du Québec.

C'est justement ce qu'on a fait l'année dernière et, là, je reviens au budget. Ce que le ministre des Finances a fait, c'est de rendre le Québec indépendant des marchés financiers américains en se suffisant lui-même, pour une bonne part, en réduisant le montant de la dette, qui est moins élevé que celui de l'Ontario et celui du Canada. Puisqu'on doit, même si on produit plus d'épargne qu'on en a besoin et qu'on l'exporte parce qu'on ne contrôle pas nos institutions financières, puisqu'il faut faire appel, en partie, aux marchés extérieurs, la majorité de nos emprunts de l'année

dernière a été faite sur le marché européen, où on a pu conclure des emprunts qui mettaient le gouvernement tout à fait à l'abri. Vers la fin de l'année, on a constaté que les investisseurs américains commençaient à prêter très facilement au gouvernement et la tendance va se poursuivre cette année.

Quand on dit, finalement — je termine avec cela, M. le Président — qu'on se met à jouer sur des détails, sur des chiures de mouches, à savoir qu'il n'y a pas de montants dans le budget, c'est pour une raison bien simple, c'est qu'on ne veut pas dire à General Dynamics — qu'on va probablement être obligés d'exproprier — si c'est notre volonté de le faire — quel est le minimum. Si on met un montant dans le budget, les négociations vont commencer là et cela va être le prix minimum.

On est en négociation avec cette compagnie. On n'est certainement pas pour lui dire l'intervalle dans lequel elle va négocier. C'est à nous de la laisser venir et de lui laisser faire ses offres. Ce ne sera pas la première fois qu'en cours d'année, après l'adoption du budget, un gouvernement présente à l'Assemblée nationale une loi réclamant des crédits extrabudgétaires pour un budget spécial, pour un projet spécifique. C'est arrivé récemment, je crois, dans le cas SIDBEC. C'est arrivé dans le passé, sous d'autres gouvernements, de recourir à l'Assemblée nationale, en cours d'année, pour voter des crédits extrabudgétaires, spécialement dans des cas d'expropriation. Alors, il n'y a absolument aucun problème de ce côté.

Donc, je pense tout simplement — je répète ce qu'a dit le député de Mercier là-dessus — que les députés de l'Opposition officielle sont tout simplement en train de faire perdre le temps de la commission et de faire poireauter les Québécois, qui sont tannés de voir leur amiante sortir à pleins bateaux et se transformer ailleurs, dans une situation de chômage, comme celle dans laquelle on vit maintenant, qu'ils passent leur temps à dénoncer, et pour laquelle ils n'ont jamais de solutions à proposer.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Devant cette nouvelle motion présentée par le député de Saint-Laurent, je ne peux pas m'empêcher d'intervenir, du moins pour quelques minutes. Je suis heureux, d'ailleurs, que le député de Saint-Laurent ait repris son siège, cela va me permettre de lui faire mon message.

M. Forget: J'étais avec les stagiaires parlementaires de la Chambre des communes, M. le Président.

M. Bordeleau: Ce n'est pas un reproche, remarquez bien. En fait, je voudrais donner au député de Saint-Laurent la chance de retirer sa motion avant qu'on ne passe au vote parce que je considère que cette motion est vraiment insensée, surtout quand on pense qu'il vient de nous parler, pendant un bon bout de temps, du projet d'Abitibi-Amiante.

Cette motion est vraiment insensée, je pense, parce qu'elle veut limiter la recherche à de nouveaux gisements, alors que le gisement d'Abitibi-Amiante n'est pas un nouveau gisement. En fait, c'est un gisement connu depuis 1969, qui a été découvert en 1969 et dont on connaît les réserves. On sait, par exemple, que les réserves sont de l'ordre de 110 millions de tonnes. On connaît également la longévité possible de la mine, on connaît les investissements requis. Il y a eu beaucoup d'études de faites là-dessus.

M. Forget: Ce ne sont pas des gisements nouveaux, ce sont les mines qui le sont.

M. Bordeleau: Cela commence d'abord par un nouveau gisement pour faire une nouvelle mine.

M. Ciaccia: Ils doivent être là depuis le quaternaire, le tertiaire ou quelque chose dans ce genre.

Le Président (M. Jolivet): Messieurs!

M. Bordeleau: Est-ce que j'ai vraiment la parole? Je ne me souviens pas d'avoir interrompu le député de Saint-Laurent, surtout sur sa dernière motion. J'en demande autant de sa part.

M. Ciaccia: ... comme le député de Mercier. Le Président (M. Jolivet): À l'ordre.

M. Bordeleau: Je vous disais justement que le gisement d'amiante de l'Abitibi est un gisement très connu. Avec cette motion...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, respectez le droit de parole du député d'Abitibi-Est.

M. Bordeleau: Cette motion, si on l'acceptait, priverait donc les gens de chez nous de la possibilité de voir la Société nationale de l'amiante investir dans ce gisement et, effectivement, de ne pouvoir créer les emplois qui y seront rattachés éventuellement. Le problème majeur du gisement d'Amiante-Abitibi, c'est avant tout un problème de marché. C'est avant tout un problème de vente de ses fibres sur le marché, de mettre en vente ses fibres sur le marché. Le gouvernement, en investissant actuellement dans l'Amiante-Abitibi, tel qu'on le demande depuis quelque temps... D'ailleurs, pourquoi cela n'a-t-il pas été fait auparavant par l'ancien gouvernement? Le député de Saint-Laurent, depuis l'ouverture de la session...

M. Forget: Cela ne s'est pas terminé avant la fin de 1976.

M. Bordeleau: ... demande au gouvernement d'investir dans l'Amiante-Abitibi. Je pense que c'est plutôt l'inverse. Il faut plutôt attendre la créa-

tion de la Société nationale de l'amiante. C'est cela qui va nous donner vraiment accès au marché. Je me demande même si Brinco, actuellement propriétaire du gisement de l'Amiante-Abitibi, n'attend pas justement que le gouvernement du Québec achète l'Asbestos Corporation, forme sa Société nationale de l'amiante pour mettre ce gisement en exploitation et, de la sorte, s'assurer du marché possible pour pouvoir avoir une meilleure garantie pour mettre ses fibres sur le marché. Comme tout le monde — c'est même le seul point sur lequel je suis d'accord avec le député de Saint-Laurent — j'ai bien hâte, moi aussi, pour toute la population de l'Abitibi-Témiscamingue, que le gisement de l'Amiante-Abitibi se développe et qu'on crée des emplois. Le chômage est assez élevé.

Je ne veux pas, non plus, exiger du gouvernement qu'il investisse de l'argent comme ci comme ça sans être assuré au départ d'un marché reconnu. Je ne veux pas en fait qu'il arrive ce qui est arrivé, par exemple, en Ontario avec la United Asbestos qui a fermé après avoir ouvert à cause d'un manque d'information, à cause d'un manque de détails important. Même si je vous dis qu'on a très hâte chez nous que le gisement se développe, soit en exploitation, on ne demandera pas au gouvernement d'investir à tort ou à travers dans l'exploitation de ce gisement. Chez nous, nous avons des exemples flagrants de mines qui ont fermé depuis quelques années. Je voulais saluer justement les gens de l'Abitibi-Témiscamingue qui étaient ici tout à l'heure qui, eux, sont du domaine minier et qui savent ce que signifient des fermetures de mines et ce qui se passe après. Malheureusement, ils sont partis.

Même si je n'ai pas de conseils à donner au député de Saint-Laurent, je voudrais simplement lui permettre — je pense qu'il en est encore temps avant qu'on vote — de retirer sa motion parce qu'à mon sens, elle est complètement insensée. Les gens du Nord-Ouest québécois ou de l'Abitibi-Témiscamingue verront cette motion d'un très mauvais oeil. Je ne comprends vraiment pas l'utilité de cette motion qui vise, d'après moi, tout simplement à retarder la création de la Société nationale de l'amiante. Par contre, si on doit vraiment se rendre au vote, c'est sûr que je voterai contre. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. C'est malheureux que l'auditoire du député de Frontenac soit parti, auditoire pour lequel il avait fait sa manifestation avec toute la verve possible.

M. le Président, ce n'est pas contre la transformation des produits que nous sommes. Toute votre preuve, tous les chiffres que vous avez cités, c'était pour essayer de prouver que nous étions de mauvais Québécois, que nous étions contre les intérêts du Québec. Non, vous l'avez dit comme cela. On n'avait pas les intérêts...

M. Grégoire: En fait, vous l'avez dit plus clairement que je ne l'ai dit. (11 h 45)

M. Ciaccia: Je suis content que vous le confirmiez. Si le but du projet de loi, était la transformation, on l'adopterait tout de suite. Je m'étonne, M. le Président, qu'on se fasse accuser de faire un "filibuster". Je voudrais que vous remarquiez que, ce matin, on n'a quasiment pas eu le droit de parole; ce sont les membres du côté ministériel qui ont fait des interventions, les uns après les autres.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je m'excuse. Vous m'attaquez, mais, au moment où vous m'avez demandé la parole, je vous ai inscrit et vous veniez après la demande de tous les autres.

M. Ciaccia: M. le Président, je ne vous attaque pas du tout. Ce n'est pas que vous ne m'avez pas accordé le droit de parole; je souligne seulement le nombre d'interventions du côté ministériel et ce sont eux qui nous accusent de faire un "filibuster".

Le Président (M. Jolivet): J'aime mieux cela comme cela.

M. Ciaccia: C'était ma pensée, M. le Président. Je ne veux pas que vous interprétiez cela comme une accusation contre la présidence. Je ne dirais pas la même chose pour le député de Frontenac.

Si le but du projet de loi était seulement la transformation, on l'adopterait immédiatement, mais ce ne sont pas là, les objectifs du projet de loi. C'est pour cela qu'on s'oppose et on vous donne des arguments.

M. Grégoire: Est-ce que le député me permettrait une question?

Si c'était cela, est-ce que je pourrais vous faire une suggestion? Qu'on suspende le paragraphe a) de l'article 4 qui parle d'exploitation. Vous dites que, s'il n'y avait pas cela, vous l'adopteriez immédiatement. Est-ce qu'on pourrait adopter immédiatement tout le reste et revenir à l'article 4?

M. Ciaccia: Non, parce que le député de Frontenac sait fort bien qu'on a des informations à obtenir avant d'adopter le reste. Si vous nous dites que vous allez enlever ce paragraphe, oui.

M. Grégoire: Non.

M. Ciaccia: Bien, c'est pour cela qu'on veut faire ressortir certains éléments et certaines mauvaises interprétations que vous faites. Dans les chiffres que vous citez, vous n'expliquez pas pourquoi la production diminue de 1,6 million à 1,1 million de tonnes métriques de 1973 à 1975, alors que cela augmente dans les autres pays. En Europe, cela a augmenté de 1,5 million à 2,6 millions.

M. Grégoire: Je l'ai dit, mais vous n'étiez pas là.

Le Président (M. Laplante): Laissez-lui son droit de parole, s'il vous plaît.

M. Ciaccia: Cela me rappelle les dernières années des "vaudeville shows". Quand les "performers" ne pouvaient plus vraiment intéresser le monde, pour obtenir des applaudissements, ils sortaient le drapeau. C'étaient les "Yankee Doodle". En sortant le drapeau, tout le monde devait applaudir. C'est cela que vous avez fait ce matin. Vous avez sorti le drapeau du Québec, parce que vous n'aviez plus d'argument pour combattre l'amendement que le député de Saint-Laurent avait présenté.

Quant à l'argumentation du député de Mercier concernant l'Hydro-Québec, M. le Président, j'espère que le député de Mercier est plus au courant de ce qui s'est passé à ce moment qu'il l'a laissé savoir. Au moment où le gouvernement a acquis l'Hydro-Québec, il avait fait une offre publique. Quand il a fait sa déclaration d'acquisition des compagnies hydroélectriques, cela a été fait publiquement, en toute transparence — pour utiliser un de vos mots — et personne n'a accusé le gouvernement d'avoir mal négocié. Il ne l'a pas fait d'une telle façon que cela a permis des fluctuations à la Bourse. Il ne l'a pas fait en cachant au public son intention, le prix qu'il devait payer et le programme qu'il avait pour l'acquisition de toute cette industrie. Alors, essayer de faire la comparaison entre l'acquisition d'Asbestos Corporation et l'Hydro-Québec, je crois que même les députés ministériels vont admettre que ce n'est pas du tout la même chose.

On a critiqué l'interprétation de nouveaux gisements. Le député de Mercier se demande ce que cela vise. Je pense que c'est assez clair et même le député d'Abitibi-Est, je crois, n'a pas vraiment compris le sens de l'amendement du député de Saint-Laurent. C'est très clair — je pense que le député de Mercier est meilleur poète qu'avocat — que ça vise à restreindre le développement de la société de l'amiante à l'exploitation de nouveaux gisements et non à l'acquisition d'une compagnie comme l'Asbestos Corporation. Je crois que c'était assez clair. Peut-être que vous n'êtes pas d'accord, mais je crois que l'interprétation et les mots sont clairs pour tous.

Je voudrais revenir aux raisons spécifiques à l'appui de cet amendement. Je pense qu'il faudrait revenir aux objectifs que le gouvernement même s'est donnés, ce sont les objectifs du gouvernement dans l'industrie de l'amiante. Premièrement, il y a l'amélioration des conditions de travail; deuxièmement, l'augmentation de la transformation du produit de l'amiante au Québec. Si ce sont les objectifs visés, je crois que l'amendement du député de Saint-Laurent aide le gouvernement à atteindre ces objectifs. Quand on parle des conditions de travail, ce sera plus facile. Je pense que c'est ce que le gouvernement aurait dû faire en première étape, de s'assurer que les lois de l'envi- ronnement, que les lois de la salubrité soient mises en vigueur, soient appliquées dans toute l'industrie. Si le gouvernement procède par l'acquisition d'une compagnie, qui est reconnue par tout le monde pour avoir des installations désuètes, qui est reconnue pour détenir l'un des pires records dans le domaine des conditions de travail et de santé, je vois mal comment le gouvernement, en plus, pourra trouver le moyen — il y aura des pressions contre le gouvernement — de ne pas procéder si vite à la mise en vigueur des lois sur l'environnement.

La première étape que le gouvernement aurait dû faire, c'est de dire: C'est vrai que, pendant des décennies, il y a eu des problèmes de conditions de travail; nous allons commencer dans ce domaine. Voici les règlements que nous allons appliquer et nous allons les appliquer à toute l'industrie. J'ai visité, par exemple, Asbestos. Dans les discussions que j'avais, dans les négociations avec les autochtones, j'ai visité cette mine et je peux vous dire que la poussière d'amiante, à cet endroit, était effrayante à voir. Les autochtones de cet endroit disent que les oies sont à l'épreuve du feu, tellement il y a de la poussière d'amiante dans l'air.

Qu'est-ce que cela va coûter au gouvernement? Je me souviens d'avoir parlé au gérant de la mine. Je lui ai demandé: Pourquoi avez-vous des conditions si affreuses? Il a avoué que le coût de l'amélioration des conditions de travail serait trop élevé. C'est pour cela qu'on demande des informations au gouvernement et il persiste à refuser. Combien cela va-t-il coûter pour rendre ces installations acceptables pour les travailleurs? L'amendement du député de Saint-Laurent éviterait ce problème, il permettrait au gouvernement d'être honnête avec toutes les compagnies, avec toute l'industrie. Le gouvernement ne s'embarquerait pas dans des investissements dont il ne connaît pas lui-même le coût pour rendre les conditions de travail acceptables à tous les membres de cette industrie, à tous les travailleurs.

Au sujet de la transformation, il n'y a pas de pénurie d'amiante au Québec ni dans le monde. Les études auxquelles le député de Frontenac s'est référé démontrent aussi qu'il y a à peu près 15% de la production qui sont "captive market" et qui sont utilisés par les sociétés elles-mêmes en dehors du Québec, pour transformation en dehors du Québec. Cela veut dire qu'il y a 85% qui sont disponibles à ceux qui veulent les acheter. Cela veut dire que si le gouvernement se concentrait plutôt dans le domaine de la transformation, soit par "joint venture" ou d'autres moyens, il n'y aurait pas de pénurie d'amiante et les investissements seraient beaucoup moindres et ils produiraient les résultats désirés.

Une autre raison pour laquelle l'amendement du député de Saint-Laurent devrait être appuyé, c'est qu'on parle de confiance des investisseurs, on parle de l'encouragement de l'entreprise privée. En plus de toutes les autres raisons, ce n'est pas la raison principale, c'est un autre moyen pour démontrer qu'on n'affecte pas les sociétés qui

existent ici, on commence seulement de nouvelles installations. Il n'y a pas d'accusation qui pourrait naître et dire: On nationalise une société ou non. Il ne faut pas être paranoïaque envers l'entreprise privée. Parfois le député de Rosemont nous donne l'impression que dès que c'est l'entreprise privée, les multinationales, c'est quelque chose qu'on devrait attaquer à tout prix.

M. Paquette: On veut développer le Québec, M. le député.

M. Ciaccia: Vous pouvez le développer avec l'amendement du député de Saint-Laurent à un coût moins élevé, qui résulterait en la création d'emplois. Même ceux qui sont venus témoigner devant la commission ont dit: Tout ce que vous allez faire... Ils étaient trop diplomates pour vous dire franchement que cela ne valait pas la peine d'acheter la société Asbestos, ils ont essayé de vous donner le message d'une autre façon, parce qu'il y a beaucoup de ces gens qui dépendent peut-être du gouvernement — soyons honnêtes — alors ils ne sont pas venus ici vous dire: N'achetez pas la société, mais ils vous ont dit: Si c'est seulement cela que vous faites, ce n'est pas assez. Ce qui veut dire que ce n'est absolument pas nécessaire d'acheter cette compagnie...

M. Paquette: C'est un sophisme que vous venez de faire.

M. Ciaccia: ... et que vous avez d'autres moyens. Vous ne nous dites pas le prix, vous ne nous dites pas ce que cela va coûter, vous ne nous dites pas le coût de...

M. Bérubé: ... olympiques.

M. Ciaccia: Ce n'est pas une réponse, encore une fois vous n'êtes pas sérieux.

M. Grégoire: C'est une bonne réponse au contraire.

M. Ciaccia: Ce n'est pas une réponse. Le Président (M. Jolivet): Messieurs...

M. Forget: C'est votre standard de comparaison?

M. Bérubé: C'est un excellent standard de comparaison.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: II faut encore tourner au ridicule plutôt que de répondre sur le fond. C'est votre tactique...

M. Grégoire: C'est une bonne comparaison par exemple, c'est moins cher que les Jeux olympiques.

M. Ciaccia: Non, ce n'est pas du tout une bonne comparaison et s'il y a eu des erreurs...

M. Forget: N'importe quoi est bon!

M. Ciaccia: C'est cela...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Grégoire: C'est vrai que n'importe quoi coûterait moins cher que les Olympiques.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, messieurs!

M. Ciaccia: Alors, même s'il y a eu des erreurs, continuez les erreurs.

M. Grégoire: Alors, vous admettez qu'il y a eu une erreur?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Certainement, il y a eu des erreurs, personne ne l'a nié, tout le monde a admis qu'il y a eu des erreurs dans les Jeux olympiques. Allez-vous prendre cela comme le nouveau standard de gouvernement pour l'avenir? Dépenser sans limite, sans mettre de restrictions? C'est ce que vous dites? C'est ce que vous faites?

M. Grégoire: Ah, non.

M. Bérubé: Dans le développement économique, oui, je pense que cela peut être valable.

M. Forget: Sans limite.

M. Ciaccia: Sans limite, sans savoir où vous allez, sans savoir combien vous allez payer.

Je pense que le député de Saint-Laurent vous donne une manière très élégante de sauver la face. Vous pouvez procéder à l'adoption de cette loi avec l'amendement du député de Saint-Laurent et vous pourrez dire au public: Nous avons adopté la loi. Mais au moins vous auriez protégé le public quant aux investissements, quant à la question que ce n'est pas nécessaire d'acquérir une société, mais vous pouvez atteindre vos objectifs.

Je crois que le ministre devrait se prévaloir de cette façon très élégante de sauver la face qu'on lui a fournie. On a mentionné que, dans le budget, il n'y avait même pas de montant prévu. Est-ce que cela veut dire que le budget, au lieu d'avoir un déficit de $1,25 milliard, aura un déficit de $1,5 milliard?

M. Bérubé: C'est un investissement, ils ne savent même pas faire la différence.

M. Ciaccia: Cela aurait dû être prévu dans le programme d'emprunt des sociétés d'État, cela ne l'était pas.

M. Forget: ... déficit.

M. Grégoire: Quand vous achetez une maison, faites-vous un déficit?

Le Président (M. Jolivet): Messieurs, je sais qu'on est rendu à midi...

M. Ciaccia: Non, mais on le budgétise et on le prévoit, quand on le sait d'avance, je crois que les normes élémentaires pour les budgets auraient demandé de faire une allusion...

M. Bérubé: ... c'est un déficit.

M. Ciaccia: Ce n'est pas ce que j'ai dit...

M. Bérubé: C'est essentiellement cela que vous...

M. Ciaccia: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit, vous ne savez même pas le montant de l'investissement que vous allez faire.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous aurez la chance de répondre tout à l'heure.

M. Bérubé: Bien, M. le Président, j'attends avec impatience que le député de Mont-Royal termine. (12 heures)

M. Ciaccia: L'amendement du député de Saint-Laurent viserait vraiment les objectifs. Vous voulez créer des emplois, vous voulez être dans l'industrie, vous voulez être dans le club d'amiante, cela vous permet de le faire, mais cela protège le public, cela protège le contribuable, cela vous aide à créer des emplois... Vous pouvez arriver à tous vos objectifs à la façon d'un bon gouvernement, en protégeant ce qui doit être protégé au Québec, sans vous embarquer dans des aventures.

M. Forget: Le député de Frontenac sera déçu.

M. Grégoire: C'est pour protéger les intérêts du public. ,.. l'a dit au mois de novembre dernier: out!

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Cela n'a pas pris de temps!

M. Ciaccia: Vous voulez continuer votre intervention et ensuite nous accuser de faire un "filibuster"!

M. Grégoire: C'est le député de Saint-Laurent qui m'a interpellé.

M. Ciaccia: Toutes les raisons valables ont déjà été données de ce côté-ci de la table indiquant pourquoi cela devrait être accepté. Si vraiment le gouvernement savait ce qu'il veut faire... C'est parce qu'il ne le sait pas. Il n'a pas d'argent prévu au budget, il ne sait pas ce que peuvent coûter les améliorations aux installations existantes. Il veut un projet de loi pour couvrir tout et pour lui donner une plus grande marge de manoeuvre, sans en informer le public. On pourrait au moins restreindre les activités du gouvernement à des choses qui seraient contrôlables et qui pourraient en même temps arriver aux objectifs voulus.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: Dans la mesure où c'est la formation même de l'amendement présenté par l'Opposition qui dicte le sujet sur lequel nous devons parler, je pense qu'il convient ici de ne parler que du développement de nouveaux gisements, que de l'exploitation de nouveaux gisements, par opposition au principe général même de l'exploitation du gisement comme avantage au développement de l'industrie de transformation.

J'ai donc l'intention de réserver pour la discussion générale de l'alinéa a) mes arguments concernant les raisons pour lesquelles il est important, pour une industrie dynamique de transformation, de bénéficier de certains avantages comparatifs que l'industrie de transformation pourrait trouver dans le lien qu'elle aurait avec un approvisionnement stable de fibres à un prix qu'elle peut contrôler. J'aurai d'ailleurs l'occasion de souligner ce point en détail.

Ce que nous devons discuter ici, c'est évidemment de ne restreindre cet avantage que dans l'éventualité où nous ne ferions que du développement de nouveaux gisements. En d'autres termes, nous chercherions à profiter de l'avantage du contrôle de la fibre, mais cependant nous ne rechercherions cet avantage que dans les nouveaux gisements. D'abord, ce qui est intéressant c'est qu'on voit dans l'amendement de l'Opposition carrément l'acceptation du principe que le développement de l'exploitation minière par les Québécois est un facteur important du développement de notre économie. En effet, je pense que si l'Opposition refusait le principe même de l'action gouvernementale au niveau de l'exploitation des gisements, elle aurait refusé de voter l'alinéa a) plutôt que de chercher à l'amender pour le rendre acceptable à ses yeux. Je dois donc en conclure...

M. Forget: On n'en est pas rendus là, M. le Président.

M. Bérubé: M. le Président, je pense que le député de Saint-Laurent vient de m'interrompra...

M. Ciaccia: Comme vous l'avez fait à maintes reprises pendant toute la matinée!

M. Forget: Si le ministre veut le savoir, on va voter contre le paragraphe a).

M. Bérubé: En général, je pose mes questions. Je demande toujours au député s'il veut bien accepter de répondre à une question, et s'il s'y refuse, je retiens mon interrogation pour le moment où j'ai le droit de parole. Alors, j'apprécierais qu'il montre la même magnanimité!

Donc, le type même d'amendement implique automatiquement que l'Opposition, à moins qu'elle ait à l'esprit un pur "filibuster" — ce à quoi elle s'oppose puisqu'à plusieurs reprises elle a souligné à quel point le projet de loi serait beaucoup plus facile à adopter si nous acceptions ses amendements — donc si elle amende cet article, c'est qu'implicitement elle a reconnu à l'État un rôle au niveau de l'exploitation des richesses naturelles. Cette reconnaissance par l'Opposition m'apparaît un point important, un point qu'il faut souligner à l'intention au moins du journal des Débats. Je pense que la postérité pourra juger le Parti libéral et peut-être se montrer moins sévère qu'elle pourrait l'être si l'Opposition n'avait pas fait cet amendement.

D'autre part, je pense que ceci est évident, dans la mesure où le député de Saint-Laurent lui-même, à l'Assemblée nationale, a pressé le gouvernement d'intervenir dans le développement du gisement Abitibi. Par conséquent, le député de Saint-Laurent a clairement manifesté son désir de voir le gouvernement investir directement dans le développement de nouveaux gisements.

Également, je pense qu'il y a reconnaissance implicite — là, c'est peut-être moins clair — qu'il pourrait y avoir avantage, pour la Société nationale de l'amiante, à contrôler l'exploitation de l'amiante. Là-dessus, le député de Saint-Laurent a vu juste parce que, effectivement, il y a de réels avantages.

Cependant, la première question qu'il nous faut poser...

M. Forget: Question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, il y a une question de règlement.

M. Forget: M. le Président, il ne s'agit pas strictement d'une question de privilège, mais on peut corriger des faits...

M. Bérubé: Non, M. le Président.

M. Forget: ... et donner des explications selon l'article 93 sur...

M. Bérubé: M. le Président, il s'agit là d'une interruption camouflée malhabilement sous une utilisation fautive du règlement et je m'y oppose.

M. Ciaccia: Ne vous énervez pas!

M. Bérubé: M. le Président, je m'y oppose totalement. Je refuse de donner le droit de parole au député de l'Opposition à moins qu'il puisse invoquer un article.

M. Forget: Ce n'est pas au ministre à décider si on a le droit de parole ou pas, M. le Président. Question de règlement en vertu de l'article 96. On peut corriger des faits. Le ministre prend tout son temps...

M. Grégoire: Lorsque le discours qui les provoque est terminé.

Le Président (M. Jolivet): Laissez-moi décider. Il m'a demandé une question de règlement. Je veux entendre sa question de règlement avant de prendre une décision. J'aimerais savoir quelle est sa question de règlement?

M. Forget: Ma question de règlement vise à donner des explications sur un discours que j'ai déjà prononcé, c'est-à-dire mon intervention sur cet amendement, que le ministre se charge actuellement d'interpréter de la façon la plus fantaisiste qui soit au lieu de répondre directement à l'argument.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, si je prends la demande que vous m'avez faite de l'article 96, il est clair, et à moins que le ministre accepte d'être interrompu, vous pourrez faire les rectifications, au niveau des explications de ce discours, à la fin.

M. Forget: Très bien, M. le Président.

M. Bérubé: M. le Président, l'intention de l'Opposition d'inciter le gouvernement à pénétrer dans le secteur des richesses naturelles est une intention valable. En effet, il ne fait pas de doute que l'industrie minière, au Québec, s'est développée essentiellement par le biais d'étrangers et ceci a des implications assez graves pour le développement de l'économie.

Je citerai, entre autres, certaines études d'économistes qui sont intéressantes parce qu'elles traduisent bien l'impact d'une industrie minière contrôlée par des intérêts étrangers sur le développement économique. C'est ainsi que Hirchman fait remarquer que la domination d'un secteur par des non-résidants peut conduire à l'établissement d'industries exportatrices du type enclave qui ont beaucoup de mal à sortir de cette situation d'enclave.

C'est même Easterbrook qui a défini ce facteur comme une mentalité qui explique pourquoi peut-être au Québec il n'y a pas eu suffisamment de transformation de l'amiante. Il a défini ce facteur comme une mentalité d'exportations défensives qui résultent dans une concentration trop poussée d'efforts dans le secteur de l'exportation.

Beaucoup d'économistes s'accordent à dire qu'il est dangereux, pour une collectivité, de laisser l'exploitation, le développement des richesses naturelles, carrément entre les mains d'étrangers. Il est donc important — non pas simplement pour flatter son orgueil — que les décisions qui doivent être prises et qui reposent sur la possession d'un avantage comparatif que confère la possession des richesses naturelles, il est important que ces décisions soient prises par des Québécois, par des résidants du Québec qui, eux, auront à coeur le développement économique du Québec parce qu'ils vivent à l'intérieur du Québec et non par des sociétés étrangères.

Le principe même de la pénétration des Québécois dans le secteur de l'exploitation minière, dans le développement de nouveaux gisements, est un facteur qui semble reconnu par l'amende-

ment qui est ici présenté. C'est un principe sur lequel nous serons tous unanimes. Non pas que je crois qu'il faille que ces investissements soient tous gouvernementaux, bien au contraire, il serait avantageux que nous ayons un plus grand nombre d'entreprises privées au Québec qui se spécialisent dans l'exploitation des richesses naturelles et qui fassent que beaucoup de ces décisions soient prises par un nombre plus grand de citoyens plutôt que simplement par un organisme gouvernemental, que ce soit une société d'État ou une autre formule.

Par conséquent, il ne fait aucun doute que l'entreprise privée puisse être un moteur important de développement de l'industrie minière. L'inconvénient, c'est que nous n'avons pas au Québec de support pour ce développement de l'industrie minière à l'intérieur même des entreprises québécoises, ce qui fait qu'il ne reste finalement que le gouvernement comme moteur de développement économique. Refuser de reconnaître ce facteur, c'est condamner irrémédiablement le Québec à perpétuellement conserver cette économie d'enclave, cette économie de filiale, de "subsidiaries". Je pense que c'est un effort que tous les Québécois devraient effectuer.

Or, un des drames évidemment que nous vivons, c'est qu'à un moment donné, il faut commencer. On ne bâtit pas l'expertise du jour au lendemain. On ne se lance pas du jour au lendemain dans des aventures aussi importantes que l'exploitation d'un gisement de $300 millions, par exemple, sans avoir une certaine garantie. À titre d'exemple, lorsque l'ancien gouvernement a autorisé la société SIDBEC à se lancer dans le développement de Sidbec-Normines, il a confié la gérance de l'entreprise à la société Québec Cartier. Pourquoi? Pour la simple raison qu'il se serait certainement avéré éminemment risqué de voir une société comme SIDBEC, n'ayant aucune connaissance dans le développement de gisements à ciel ouvert du type des mines de fer, se lancer dans une telle aventure. On a donc exigé une certaine garantie. On a demandé une gérance faisant d'ailleurs appel à des Québécois pour une bonne part, puisque le président de SOQUEM était le directeur général pour le développement de ce projet. Par conséquent, c'étaient a nouveau des Québécois, mais des Québécois qui avaient acquis leur expertise au sein des autres entreprises.

Je pense que le gouvernement de l'époque a certainement pris une décision qui peut se défendre sur le plan logique. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que cela se fait. On parle de l'Hydro-Québec. On a fait tantôt une comparaison avec l'Hydro-Québec. Or, comment le gouvernement du Québec a-t-il pu à un moment donné risquer l'aventure de l'Hydro-Québec et en faire un succès? Il y a deux jours, il m'a été donné de rencontrer des experts de Kidder Peabody & Co. Mc. qui avaient fait une évaluation de l'Hydro-Québec sur la base d'une comparaison avec toutes les utilités publiques américaines, donc sur la base des critères d'efficacité. Ils devaient conclure que, sur la base des critères d'efficacité comparatifs, l'Hydro-Québec était, de loin, la société de services publics qui était la plus efficace.

C'est quand même intéressant de voir que l'Hydro-Québec est aujourd'hui une société d'État efficace et qui est parmi les meilleures en Amérique du Nord.

Comment l'Hydro-Québec a-t-elle bâti cette expertise? Il faut reconnaître que M. Duplessis avait décidé d'acheter The Montreal Light & Power et qu'à partir de Montreal Light & Power, il s'est graduellement développé un certain "know-how", une certaine expertise. Il faut également reconnaître qu'à l'arrivée du gouvernement libéral dans les années soixante, il y a eu un débat de fond assez important, à savoir si la construction du barrage de Carillon devait rester entre les mains de Donolo, je crois, qui était à l'époque une société de Boston, ou plutôt être confiée à des firmes québécoises. C'était le début de SNC, cette firme québécoise d'ingénieurs, qui est le fleuron de notre "engineering" québécois et qui a fait aujourd'hui sa marque sur l'ensemble des marchés mondiaux.

Il y a donc eu là une décision gouvernementale valable de confier la construction d'un barrage, ce qui a amené éventuellement la construction de Manicouagan. À nouveau on constate qu'il faut, lorsque l'on veut bâtir un secteur, il faut le bâtir pièce par pièce et non se lancer dans une aventure sans avoir au départ assuré ses arrières, sans avoir établi des fondations solides. L'exemple de l'Hydro-Québec devrait nous servir ici. Si on veut carrément se lancer dans le développement de nouveaux gisements, je pose la question à l'Opposition libérale: Comment va-t-on faire cela avec l'expertise que nous n'avons pas? Nous n'avons pas de spécialistes présentement dans l'exploitation de gisements d'amiante. Nous n'avons pas de spécialistes de mise en marché d'amiante. Finalement, l'Opposition libérale nous dira que nous pourrions publier des annonces dans les journaux et espérer qu'un certain nombre de cadres des sociétés minières existant au Québec soient transférés à cette Société nationale de l'amiante et qu'éventuellement on puisse reconstituer une équipe.

Mais une équipe, ce n'est pas évidemment, l'adjonction d'un grand nombre d'experts isolés. Ce sont des gens qui ont travaillé ensemble. Ce sont des gens qui ont bâti un "know-how", comment; et il y a une transmission de ce "know-how". Il y a tout un bagage qui accompagne ces gens, bagage d'information, bagage statistique qui permet à une entreprise d'être autre chose qu'une simple addition d'experts. Je pense qu'il serait éminemment dangereux de confier à simplement une addition d'experts le soin de faire un développement parce qu'on n'aurait pas là une équipe rodée. Le développement d'un gisement suppose une équipe rodée, sauf, évidemment, dans de petits gisements à petite échelle où là, on peut commencer à bâtir. (12 h 15)

Or, dans l'amiante, il n'y a pas de petit gisement, sauf peut-être, le gisement du groupe Cape Asbestos. Donc, il nous apparaît très difficile, pour

l'instant, de procéder par le développement d'une expertise à partir de petits gisements, mais bien plutôt — puisqu'il faut aller directement dans les ligues majeures dans le cas de l'amiante — de bâtir à partir d'autres entreprises existantes. Ce qui est intéressant, c'est quand même la théorie d'hier du député de Saint-Laurent. En effet, le député de Saint-Laurent avait une théorie qui était intéressante, à savoir qu'il faut confier les décisions importantes aux incompétents. Ainsi, il a proposé dans son amendement, hier, que l'on mette sur pied une société gouvernementale spécialisée dans l'exploitation des gisements d'amiante, dans le développement de gisements d'amiante, mais que cette société ne pourrait pas avoir le droit de faire de l'exploration. Il voulait donc placer cette société — puisque, s'il a proposé l'amendement, à moins que ce soit dans un but de faire un "filibuster", s'il a proposé cet amendement, c'est qu'il a à l'idée...

M. Forget: ... de mauvaise foi.

M. Bérubé: Je ne suis pas de mauvaise foi, M. le député de Saint-Laurent, et cela fait mal présentement.

M. Grégoire: C'est douter de la vérité.

M. Bérubé: C'est que, ce qu'il nous a proposé, c'est qu'on pourrait confier l'exploration à des compétiteurs. Donc, ce seraient les compétiteurs de la Société nationale de l'amiante qui eux, découvriraient les gisements et après les offriraient à la Société nationale de l'amiante sans doute gratuitement. On sait très bien que l'esprit de compétition n'existe pas en Amérique du Nord et que les compétiteurs auront à coeur de confier les gisements qu'ils auront découverts à la Société nationale de l'amiante sans rien demander en retour de manière que la Société nationale de l'amiante soit plus rentable qu'eux et que, par conséquent, elle puisse leur faire une compétition éhontée.

On pourrait également confier — parce que c'était la proposition du député de Saint-Laurent— à des compagnies juniors qui n'ont aucune expérience dans le domaine de l'amiante et qui seraient donc l'instrument de développement des nouveaux gisements de la Société nationale de l'amiante... En d'autres termes, M. le Président, advenant...

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement, M. le ministre.

M. Forget: Question de règlement. Quelle est la pertinence de ces arguments au sujet de la motion qui est actuellement devant la commission?

M. Ciaccia: II ne parle pas sur l'amendement d'hier.

M. Forget: L'amendement d'hier, je pense, a été débattu hier.

M. Bérubé: À ma connaissance, M. le Prési- dent, le député de Saint-Laurent a proposé qu'on ne confie que le développement de nouveaux gisements à la Société nationale de l'amiante...

M. Forget: Parlez donc de ça.

M. Bérubé: ... ce qui suppose que, forcément, les gens qui vont travailler au développement de ces nouveaux gisements ne seront pas des gens en train d'exploiter des gisements, par conséquent, des gens n'ayant pas l'expertise. Ce qui montre bien que c'est une continuité avec l'amendement d'hier puisque l'amendement d'hier refusait aussi à la Société nationale de l'amiante, qui aurait l'expertise dans le secteur de l'amiante, le soin de faire de l'exploration. C'est à nouveau le même principe fondamental qui consiste à nier à la Société nationale de l'amiante le droit d'avoir une certaine expertise pour entreprendre des projets, pour effectuer des investissements gouvernementaux. C'est dans la même logique.

Advenant une participation de l'État, il faudrait donc, parce que, si une société junior mal prise, n'ayant pas la connaissance nécessaire pour déve-loppper les gisements, devait s'adresser au gouvernement pour participer à ces gisements — la proposition du député de Saint-Laurent était qu'il faudrait confier cela à une autre société d'État, SOQUEM en particulier — elle n'aurait aucune expérience dans l'amiante puisque ce n'est pas son mandat. C'est bien la Société nationale de l'amiante qui se serait vu confier le mandat; donc, confiez à une autre société d'État, n'ayant pas d'expertise dans l'amiante, le soin de participer à l'exploration. À nouveau, nous avons là un exemple absolument patent d'un principe du député de Saint-Laurent qui veut qu'il faille toujours confier aux incompétents les décisions importantes à prendre.

Je m'inscris en faux contre cette théorie du député de Saint-Laurent et je vais lui montrer maintenant où son amendement l'amène.

Dans le cas du gisement de l'Abitibi où le député de Saint-Laurent a voulu que le gouvernement s'engage très rapidement, je ferai remarquer au député de Saint-Laurent que, de toute évidence, il n'est pas vraiment au courant de ce dossier et que, par conséquent, il ne sait pas vraiment ce dans quoi le gouvernement doit s'engager. En effet, lorsqu'on examine les résultats obtenus par la société BRINCO, que tire-t-on comme conclusion? On tire comme conclusion qu'il existe certainement une bonne corrélation entre les teneurs en fibre mesurées par les forages, soit dans les parois latérales des galeries, soit dans les fronts de galeries, il existe une très bonne corrélation entre ces échantillons obtenus par forage et l'échantillon global obtenu lors de l'abattage des murs. Donc, ceci semble valable.

Cependant, un examen un peu plus serré montre qu'il n'existe, à ce moment, qu'une corrélation très mauvaise, lorsqu'on regarde la valeur de la fibre. Évidemment, c'est là une argumentation un peu technique que le député de Saint-Laurent ne comprend pas. Mais c'est évidemment un inconvénient d'avoir malheureusement comme

parrain d'un projet de loi quelqu'un qui connaît justement quelque chose dans le domaine et qui, par conséquent se sert de ses connaissances pour prendre des décisions, mais cela choque le député de Saint-Laurent; il ne comprend absolument pas cela.

Lorsqu'on veut faire la corrélation sur la base de la valeur de la fibre, qu'est-ce que l'on constate, M. le député de Saint-Laurent? On constate qu'on a des variations de plus ou moins 13%, suivant une technique d'analyse ou une autre technique. Cela devient très problématique, à savoir si c'est rentable oui ou non. Alors, on se dit: II faudrait faire plus d'études, il faudrait certainement avoir des gens qui connaissent cela pour pouvoir gratter un peu plus en profondeur. Qu'est-ce que la société Brinco offre au gouvernement? Elle offre une participation, cela ne fait aucun doute, mais une participation qui obligerait le gouvernement à mettre en marché sa part de fibre. Si on contrôle le tiers ou la moitié du gisement, il faudrait mettre en marché le tiers ou la moitié de la fibre. Donc, le gouvernement devrait développer sa mise en marché, en concurrence avec tous les autres. Comme notre objectif est la transformation, au moment où nous aurions sur les bras une production de 100 000 ou 200 000 tonnes, il faudrait en même temps que toutes nos usines de transformation que nous avons à l'esprit partent en même temps parce que nous aurions là un surplus de fibre, à moins de développer la mise en marché pour 200 000 tonnes et, après, revenir en arrière pour commencer à faire de la transformation.

Donc, non seulement le député de Saint-Laurent...

M. Forget: C'est ce que vous ferez avec l'Associated Asbestos, de toute façon.

M. Bérubé: On voit donc que si le gouvernement veut s'engager dans le gisement Abitibi-Amiante, il faudra qu'il ait une expertise pour la mise en marché. S'il veut se servir de l'avantage du gisement d'Abitibi-Amiante, il faudra qu'en même temps, au moment où le gisement entre en production, il puisse dégager de la fibre pour ses industries de transformation avec le problème de la transition que cela implique. Il faudrait également qu'il ait une expertise dans l'exploitation de gisements miniers de manière à être sûr de ne pas commettre les erreurs qu'on a connues à United Asbestos, en Ontario, ou à Woodsrees, en Australie.

Donc, il faudra un certain nombre de prérequis. À nouveau, la société BRINCO se retourne vers le gouvernement; si elle se tourne vers le gouvernement, c'est à la fois pour un problème de capitalisation, mais à la fois aussi pour un problème d'expertise, ce qui amène la société à dire: II faudrait sans doute un troisième partenaire. Là, pour ce troisième partenaire, on ne prend pas n'importe qui. On cherche nécessairement quelqu'un qui a cette expertise. C'est intéressant de voir que si le gouvernement devenait vraiment celui qui développe les gisements, le développeur des nouveaux gisements, nous serions obligés de faire la même chose que Brinco, demander à nos compétiteurs de nous servir de gérant; donc, nous développerions une industrie avec des compétiteurs qui, dans le passé, n'ont certainement pas montré d'enthousiasme particulier pour développer la transformation au Québec. Il faudrait se livrer pieds et poings liés dans le développement d'un gisement à un autre mineur de l'amiante qui, lui, a l'expertise aussi bien dans la transformation que dans la mise en marché et que dans l'exploitation des gisements. Voilà le type d'aberration où nous amène la proposition du député de Saint-Laurent et c'est ce genre d'aberration qui me fait dire que le député de Saint-Laurent connaît insuffisamment le dossier; il faut malheureusement le reconnaître. Je pense que le député de Saint-Laurent n'a pas vraiment saisi la problématique du développement d'un gisement.

Pour terminer, je soulignerais qu'il y a des inconvénients sérieux à ne tabler que sur les nouveaux gisements pour bénéficier d'un avantage comparatif. En effet, il est tout probable que le développement d'un nouveau gisement devra viser l'exportation de la fibre brute, parce que la mise en marché subite de 500 000 tonnes ne peut évidemment pas être dirigée instantanément vers des industries établies au Québec. Cela veut dire que le développement d'un nouveau gisement va viser l'exportation.

Deuxièmement, un nouveau gisement, non seulement va viser l'exportation, mais ne va entrer en production que dans à peu près cinq ans, potentiellement sept ans; c'est assez difficile à dire puisqu'il y a énormément de travaux préliminaires d'investissements à faire. Donc, il faudra attendre cinq à sept ans avant de pouvoir bénéficier d'un approvisionnement en fibre, ce qui nous donne un certain avantage à nouveau. Tout ce qu'on va faire, c'est retarder l'avantage comparatif que l'on peut retirer de la possession d'une quantité de fibre à un moment stratégique et au prix qui nous intéresse. Or, je pense que, en fait, vouloir ne développer l'industrie de transformation que sur les futurs gisements, c'est vouloir retarder l'implantation d'une industrie de transformation au Québec.

M. Forget: II va falloir que le ministre se décide: ou il y a trop de fibre, ou pas assez. Enfin, on y reviendra la prochaine fois.

Le Président (M. Jolivet): Donc, il reste... Une voix: Est-ce qu'on peut voter?

M. Grégoire: II reste une minute, M. le Président, si vous me le permettez... On peut voter...

M. Forget: M. le Président, j'avais demandé le droit de parole en vertu de l'article 96.

Le Président (M. Jolivet): Oui, le député de Saint-Laurent a le droit de parole; c'est à lui, s'il veut l'exercer dans les minutes qui restent.

M. Forget: Oui, M. le Président, je veux protester de la façon la plus énergique contre l'utilisation de mauvaise foi qu'a faite le ministre, de façon absolument impénitente, au cours de son exposé, de prétendues admissions que j'ai pris bien soin d'exclure dans les remarques que j'ai faites au sujet de cet amendement. J'ai indiqué très explicitement que, bien sûr, il fallait reconnaître que la force du nombre étant du côté du ministre, ce projet de loi, de même que l'article 4, serait adopté et, afin de limiter les dégâts — c'est explicitement l'expression que j'ai utilisée — nous avions cherché à introduire des amendements de manière que, premièrement, des activités superflues ne soient pas encouragées par la loi constitutive de cette société, de manière que les ressources qui lui sont attribuées soient consacrées aux fins prioritaires. Mais le ministre ne semble pas vouloir maintenir les priorités au centre de ses préoccupations. Dès qu'on parle de mine, il prend des accents d'une passion absolument incontrôlable, cela semble le fasciner que cette question des mines! Il a argumenté ce matin, de façon contradic- toire, tantôt qu'il n'y avait pas assez de fibres et tantôt qu'il y en avait trop. On ne sait plus très bien où il se situe, mais ce qui apparaît très clairement, c'est qu'il cherche désespérément à justifier, par un recours aux sophismes et même à des arguments de pure mauvaise foi, que de toute manière, il en veut une mine! Il veut un contrôle du gouvernement sur une mine! Il ne sait pas très bien pourquoi, puisque tantôt, il nous a dit qu'il nous en faut une pour des sécurités d'approvisionnement et il a terminé son exposé en disant que tout à coup, on aurait trop de fibres, on ne saurait pas quoi en faire, et il faudrait de toute façon l'exporter rapidement.

Cela illustre très bien l'incohérence de la politique gouvernementale sur ce sujet-là et je déplore qu'on ait fait de l'interprétation de propos qui sont pourtant très clairs, propos des membres de l'Opposition.

Le Président (M. Jolivet): Étant donné qu'il est 12 h 30, la séance est ajournée sine die.

(Fin de la séance à 12 h 30)

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