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Étude du projet de loi no 70
Loi constituant la Société
nationale de l'amiante
(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Clair): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente des richesses naturelles est réunie pour
continuer l'étude article par article du projet de loi 70. Les membres
de cette commission sont: M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau
(Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M.
Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M. Ouellette
(Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François) et M. Raynauld
(Outremont).
M. Forget: M. le Président, serait-il possible de laisser
la liste un peu ouverte pour deux ou trois minutes? Je fais quelques
vérifications. J'avais fait des hypothèses.
Le Président (M. Clair): Pour une quinzaine de minutes, je
n'ai aucune objection, M. le député de Saint-Laurent. Les
intervenants, sauf de nouveaux venus, ou les remplaçants seraient: M.
Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Godin (Mercier), M. Garneau (Jean-Talon), M.
Landry (Fabre), M. Lari-vière (Pontiac-Témiscamingue), M.
Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata),
M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud) et M. Samson (Rouyn-Noranda).
Messieurs, lors de l'ajournement des travaux de cette commission, le
député de Jonquière présidait ces travaux. Je suis
néanmoins informé que vous étudiez l'article 4 du projet
de loi 70 et plus particulièrement qu'une motion d'amendement au
paragraphe a) de l'article 4 avait été déclarée
re-cevable par le député de Jonquière. Quelques personnes
avaient encore le droit de parole. Je pense que la motion avait
été présentée par le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: C'est cela, M. le Président.
Le Président (M. Clair): C'est cela. Y a-t-il d'autres
intervenants sur cette motion qui, pour vous rafraîchir la
mémoire, se lisait comme suit: "Que le paragraphe a) de l'article 4 soit
modifié en ajoutant dans la première ligne, après le mot
"de", le mot "nouveaux" et en ajoutant dans la deuxième ligne,
après le mot "production", les mots "de ces nouveaux gisements". Le
paragraphe amendé se lirait comme suit: "a) la recherche, le
développement et l'exploitation de nouveaux gisements d'amiante, y
compris la mise en marché de la production de ces nouveaux
gisements".
La motion d'amendement du député de Saint-Laurent est-elle
adoptée ou s'il y a d'autres intervenants?
M. Brochu: J'avais posé...
Le Président (M. Clair): M. le député de
Richmond, vous avez encore, suivant la compilation du temps que j'ai pu
retracer, le droit de parler pendant huit minutes sur cette motion.
M. Brochu: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Richmond.
Objets de la société Autre motion
d'amendement (suite)
M. Brochu: Je n'ai pas l'intention de faire un exposé,
mais plutôt de revenir sur certaines questions que j'avais posées
au ministre la semaine dernière lors de la présentation de cette
motion et auxquelles je n'avais malheureusement pu obtenir de
réponses.
Je rappelle au ministre que, lors du discours du budget, le ministre des
Finances n'a pas fait état de la question de l'amiante. Les seules
allusions qu'il a faites aux entreprises d'État, c'était de dire,
à ce moment-là, qu'il y avait beaucoup de problèmes avec
les entreprises d'État. Indirectement, il soulignait le fait que
certaines d'entre elles devaient bénéficier d'une forme de
bien-être social étatique, c'est-à-dire qu'elles revenaient
constamment devant l'Assemblée nationale demander des crédits
pour éponger leur déficit d'exploitation. Ma question au ministre
était la suivante et j'aimerais qu'il nous éclaire
là-dessus sur la stratégie qu'entend développer le
gouvernement en ce qui concerne le financement de son projet, plus
spécifiquement à l'article 4a, de nationaliser une entreprise
d'amiante et de se lancer dans l'exploitation et dans la production comme telle
de matériaux finis. J'aimerais savoir quelle stratégie le
gouvernement entend prendre au niveau du financement, étant donné
que le ministre des Finances, la semaine dernière, a été
très peu loquace, sinon complètement silencieux sur cette
question. Je pense que ce serait important, à ce stade-ci, que le
ministre nous indique quel mode d'approche le gouvernement entend adopter pour
financer son projet.
Le Président (M. Clair): M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, je pense qu'il
s'agit là d'une question en deux volets. Peut-être quatre volets
puisque nous avons du temps à tuer. Je m'attacherai donc, comme le
député de Richmond, à disserter autour du sujet. Vous
avez, dans le premier élément de votre question, souligné
le problème des sociétés d'État et de
l'efficacité des sociétés d'État. Ceci vous
amenait, à ce moment-là, à parler du problème du
financement de ces sociétés d'État et en particulier du
financement de la Société nationale de l'amiante, du moins pour
l'achat d'Asbestos Corporation. Je pense qu'il n'est pas exact de dire que les
sociétés d'État,
globalement, sont des entreprises non rentables, des entreprises qui ne
sont pas aussi efficaces que les sociétés privées. On a,
au contraire, un certain nombre de nos sociétés d'État qui
sont remarquablement efficaces. J'ai déjà eu l'occasion de citer
le cas de SOQUEM qui, à mon point de vue, est un bon exemple. En effet,
lorsqu'on examine le bilan financier de SOQUEM, on se rend compte que, pour une
quinzaine de millions $17 millions que le gouvernement a mis dans
l'exploration, cette société a réussi à
découvrir quatre mines, dont la prochaine sera mise en exploitation
très bientôt. Cette société a réussi à
découvrir quatre gisements. Il est également à souligner
que dans le cas du premier gisement qui fut exploité, soit celui de
Louvem, elle a fait des profits dès le début, elle a
autofinancé tout le développement du gisement ultérieur.
Il faut souligner que les seules pertes qu'elle a encourues sont les pertes
toutes récentes de la dernière année par suite de
l'effondrement du prix du zinc. Lorsque l'on compare même la situation
financière de cette société avec celle des autres
producteurs de zinc au Québec, on se rend compte que, de loin, elle est
encore une de celles qui perdent le moins d'argent par livre. Donc la
société SOQUEM a montré, dans le cas de Louvem, qu'elle
réussissait des performances certainement comparables à celles de
l'entreprise privée. Dans le cas de Louvem, elle contrôlait ce
gisement à 100%.
On a un problème un peu semblable dans le cas de Niobec. En
effet, dans ce cas, par suite de l'existence de brevets entre les mains du
groupe d'Oka, de Saint Lawrence Columbium, la société SOQUEM a
dû développer un procédé. Donc, elle a dû
mettre au point une technique entièrement nouvelle de flottation du
pyrochlore, ce qu'elle a réussi à faire. Quand on sait la
difficulté des procédés de flottation,
particulièrement dans les oxydes, cette société a
trouvé le moyen, dès le début de son projet de Niobec,
donc dans les premiers six mois, de générer des profits et,
pourtant, dans une conjoncture mondiale qui est difficile. À nouveau, la
société SOQUEM a montré une excellente performance au
niveau de la mise en valeur d'un gisement et de sa mise en exploitation.
On pourrait citer également d'autres exemples puisqu'on a
évidemment les Îles-de-la-Madeleine et on aura, très
bientôt, Silver Stack, qui est un autre gisement où SOQUEM aura
l'occasion de montrer son habileté.
Dans le domaine minier, SOQUEM a certainement fait la preuve que c'est
une entreprise dynamique. Or, il faut peut-être remonter à 1965
lorsque SOQUEM a été fondée. Il faut se souvenir
qu'à l'époque il n'y avait à peu près pas de
francophones dans le domaine minier. Il y avait bien le groupe Beauchemin et le
groupe de M. Gourd de Saint-Lawrence Columbium mais je ne suis pas certain que
la mine ait été en production à ce moment.
Au départ, il n'y avait à peu près pas de
présence de Québécois francophones dans le domaine minier.
Néanmoins, il y avait un bon nombre de compétences techniques
dans le domaine géologique. C'est à partir de ces
compétences que la société SOQUEM a bâti son
expertise. C'est intéressant de voir qu'une société a pu,
avec $17 millions en exploration, mettre la main sur quatre gisements alors
qu'on estime présentement qu'il faut entre $30 millions et $50 millions
en moyenne pour découvrir un gisement; c'est-à-dire qu'il aurait
fallu normalement à la société SOQUEM un investissement de
l'ordre de $120 millions pour justifier les découvertes qu'elle a
faites. C'est donc un excellent exemple.
On pourrait également citer l'exemple du groupe Donohue qui est
contrôlé par la Société générale de
financement. C'est un groupe qui a fait des profits extrêmement
importants. C'est une compagnie papetière qui, présentement, a
certainement une gestion financière parmi les meilleures. Elle a un
rapport dettes/équité qui est parmi les plus bas. Par
conséquent, elle est dans une situation financière
intéressante. Il faut également souligner que c'est à
Donohue qu'on a confié le soin de créer le complexe
Saint-Félicien-Donohue. Cela souligne, en même temps, l'importance
d'avoir une certaine expertise dans ces secteurs économiques que sont,
par exemple, l'industrie et les richesses naturelles. En effet, je pense qu'il
aurait été douteux que l'on ait pu confier à
l'époque, sous l'ancienne administration à une
société québécoise le soin d'implanter une usine de
pâte à Saint-Félicien si on n'avait pas eu entre les mains
l'expertise de la Donohue avec l'équipe de M. Walsh.
En effet, l'équipe de Donohue, contrôlée par la SGF,
a certainement servi de fer de lance pour ce projet et, sans le groupe Donohue,
il est douteux que le gouvernement du Québec ait pu trouver,
effectivement, le moyen de lancer un tel projet. On sait les difficultés
que plusieurs gouvernements ont d'ailleurs eues, par exemple, avec ce projet,
dans le cas de Krugger, où plusieurs investisseurs s'étaient
avancés et où tous se retiraient.
Donc, on se rend compte qu'il peut être éminemment utile,
pour un gouvernement, de disposer d'une compagnie ayant l'expérience
nécessaire dans un domaine et capable, éventuellement,
d'embarquer dans des projets aussi vastes, aussi importants que le complexe
Donohue à Saint-Félicien. Je dois dire qu'il y a peut-être
beaucoup d'analogie entre ce cas et le cas que nous discutons ici, soit celui
de la Société nationale de l'amiante et, également, celui
de l'achat d'As-bestos Corporation avec, à l'esprit, le
développement éventuel de nouveaux gisements.
Dans le cas de Donohue, on est parti d'une équipe en place ayant
l'expérience nécessaire pour implanter une nouvelle industrie
alors que, dans le cas qui nous intéresse, celui d'Asbestos Corporation,
on ferait exactement de même, on utiliserait le "know how" de la
société Asbestos Corporation pour permettre le
développement de nouveaux gisements. De tels nouveaux gisements sont des
gisements qui, généralement, représentent des
investissements de plusieurs centaines de millions de dollars. On se rend
compte que leur taille est telle qu'il serait à peu près
impensable de
confier à une toute petite société qui n'aurait
aucune expérience dans le domaine le soin de développer un tel
gisement.
Donc, la société Donohue est un bon exemple de la prise de
contrôle d'une société par l'État, ce qui a permis
éventuellement le développement d'un complexe papetier au
Québec qui, il faut le reconnaître, est peut-être
l'investissement majeur dans le secteur de l'industrie présentement au
Québec, et c'est un investissement gouvernemental. On pourrait
également citer un certain nombre d'autres entreprises. Tout
récemment, on a indiqué les difficultés que l'on avait
eues avec la Société générale de financement et
plus particulièrement avec Marine Industries.
Il faut quand même souligner que, pendant des années,
Marine Industrie a été prospère, que le départ d'un
certain nombre de ses cadres a certainement causé des problèmes
à l'entreprise. On sait que les cadres supérieurs de l'entreprise
ont quitté, avec un certain nombre de plans, d'ailleurs, et ont
fondé leur propre entreprise en achetant ici, à Québec,
une autre entreprise dans le même secteur. Il faut quand même
souligner que le groupe Marine a subi des contrecoups, certes importants,
résultant du départ de ses administrateurs. Si on revient aux
années antérieures, on doit constater que Marine a certainement
contribué au développement économique. On ne peut pas non
plus nier le rôle de SIDBEC. On pourrait certainement argumenter et je
pense que l'Opposition s'est fait un plaisir de le faire, ...
M. Forget: Le ministre des Finances aussi.
M. Bérubé: On pourrait argumenter sur le
déficit de la société SIDBEC. En effet, je pense qu'on
peut être justifié, après un certain nombre
d'années, de poser certaines questions et je pense que dans le cas de
SIDBEC, on a un problème un peu particulier. Effectivement, on lui a
confié, comme mandat, si on se réfère à la Loi de
SIDBEC, le soin d'élaborer un complexe sidérurgique
intégré. Or, on sait qu'aujourd'hui un complexe
sidérurgique intégré représente des investissements
qui dépassent le milliard, représente donc une quantité
faramineuse d'argent, d'une part, et d'autre part, exige une structure porteuse
suffisamment forte.
Ce qu'il faut constater, c'est que, peut-être, dans le cas de
SIDBEC, le désir d'en arriver un peu trop rapidement à un
complexe sidérurgique intégré, je pense, a forcé
l'entreprise à prendre une expansion excessivement rapide, d'une part,
en partant du simple laminage à la fabrication de l'acier, de là
à la préréduction, de la préréduction
à l'exploitation de sa propre mine. Et présentement, il faudrait
sans doute passer à l'intégration avale, c'est-à-dire,
toute la partie galvanisation, toute la partie laminage, d'ailleurs, puisque
les installations de laminage sont en assez piteux état, bien que
l'achat de Quésteel soit sans doute de nature à corriger la
situation.
Donc, on se rend compte que cette société, pour en arriver
au stade de complexe sidérurgique intégré, a dû
partir d'une petite entreprise qui était en faillite, qui
possédait un laminoir en très mauvais état, un
deuxième laminoir qui, lui, était peut-être en meilleur
état, mais qui était loin de répondre aux exigences
contemporaines puisqu'on fait encore du laminage à chaud avec un
Steckel, ce n'est quand même pas la meilleure technique étant
donné la calamine qui se forme. Donc, on a un problème dans le
cas de SIDBEC qui est important Parfait. Je peux vous montrer que je
suis capable de parler sur n'importe quoi, comme vous voyez.
M. Forget: La démonstration a déjà
été faite.
M. Bérubé: Par conséquent, dans le cas de
SIDBEC, je pense qu'il faut retenir le fait du mandat de la
société. Peut-être que le gouvernement n'en avait pas
l'intention, mais peut-être que le gouvernement n'a pas donné de
directive suffisamment claire à l'entreprise de manière à
la contraindre à certaines balises de développement. Je pense que
dans le cas de SIDBEC, il faut reconnaître que cette
société a dû prendre de l'expansion aussi bien en amont
qu'en aval et que cette expansion s'est faite à partir d'un noyau
extrêmement ténu, à partir d'installations physiques qui
étaient beaucoup trop petites. Il s'agissait vraiment d'une
sidérurgie de toute petite taille à l'époque, puisque le
coût d'achat le montre assez bien. (10 h 30)
Donc, on a tendance à critiquer un certain nombre de nos
sociétés d'État, mais on oublie trop souvent les
conditions dans lesquelles elles ont été amenées à
fonctionner. En effet, lorsqu'on confie à une société
d'État le soin d'implanter un complexe sidérurgique
intégré, on lui donne un mandat considérable. Un
gouvernement devrait réaliser qu'il vient de donner un mandat de $1,5
milliard à une société, et ne pas se plaindre de ce que
lui coûte effectivement ce prix. D'autre part, je me
réfère, par exemple, à certaines interventions de REXFOR.
On a demandé à REXFOR d'intervenir dans le Témiscamingue.
C'est d'ailleurs un château fort libéral, on le sait, qui est
toujours représenté à l'Assemblée nationale par un
député libéral, et on se doute un peu des pressions
politiques qui se sont faites à l'époque pour amener le
gouvernement à rescaper cette usine de la CIP qui fermait. Le
gouvernement l'a fait avec un certain bonheur à l'époque,
grâce à REXFOR, grâce aussi à certains anciens cadres
de la société CIP. On a donc pu conserver des emplois, on a donc
pu développer une industrie, et ceci, grâce à un outil que
le gouvernement avait à sa disposition qui était REXFOR. Le
gouvernement antérieur mais là, je ne sais pas si c'est le
gouvernement libéral ou l'Union Nationale a demandé
à REXFOR d'intervenir dans le cas de Béarn et Taschereau qui
étaient des coopératives forestières en faillite. Et
aujourd'hui on a, dans le cas de Béarn et Taschereau, deux scieries qui
sont prospères, qui sont rentables et qui sont parmi les mieux
gérées au Québec. Récemment on me montrait des
bilans financiers, des analyses de perfor-
mance de la société. J'ai pu comparer avec celles d'autres
scieurs du Québec qui sont considérés parmi les plus
dynamiques; je ne mentionnerai pas leur nom, mais j'ai été
à même de constater que les coûts de production dans l'usine
étaient inférieurs dans le cas de REXFOR aux coûts de
production de ses concurrents. Par conséquent, on a été
à même de constater que REXFOR pouvait accomplir, je dirais
même des miracles que l'entreprise privée n'avait pas
réussi à réaliser.
Plus récemment, on a souligné le problème de
Samoco, et je pense que le problème de Samoco est extrêmement
pénible, extrêmement difficile. À nouveau, on a
envoyé REXFOR dans un problème de faillite; en voulant
épargner à certains petits créanciers et à d'autres
créanciers plus importants des pertes financières importantes, on
a demandé à REXFOR d'aller réchapper cette entreprise.
Normalement, cette société aurait dû faire faillite de
manière à la remettre sur une base financière saine avant
le redémarrage. Or, on a choisi de ne pas le faire. Je ne m'attaquerai
pas à cette décision, il reste néanmoins qu'on a
confié à la société REXFOR un
éléphant blanc, je dirais un "mongol", pour utiliser les termes
des gens de l'entreprise, puisqu'on a donné à cette
société une usine qui vaut au maximum $12 millions, mais qui se
trouve prise avec un passif, avec des dettes de l'ordre de $22 millions, et on
demande à la société REXFOR de faire des miracles! Il n'y
a pas une entreprise privée qui ferait ces miracles, mais
néanmoins, on le demande parce que c'est le seul instrument qu'un
gouvernement a à sa disposition pour intervenir.
Commencer une intervention, comme beaucoup de députés de
l'Opposition font, en s'atta-quant aux sociétés d'État,
à mon point de vue, c'est s'attaquer souvent à la main qui vient
au secours de plusieurs députés, même de
députés de l'Opposition. Je ne mentionnerai pas le nom, mais j'ai
très vivant à l'esprit le cas d'un député de
l'Opposition fort important dans son parti, le Parti libéral, qui vient
me voir pour me demander si REXFOR ne pourrait pas intervenir dans le cas de
telle scierie dans son comté. Il y a eu aussi un député de
l'Union Nationale qui est venu me voir parce qu'il a une scierie, qu'il est en
mauvaise posture et qu'il ne voit pas d'autre solution que de demander que
REXFOR vienne à son secours. Je ne mentionnerai pas le nom du
député de l'Union Nationale, mais ceci est tout récent,
cela s'est fait dans l'espace d'une année.
En d'autres termes, les députés de l'Opposition qui voient
leurs électeurs dans des situations économiques difficiles, qui
ne faont font pas de politique partisane mais qui ne pensent qu'au
bien-être de leurs électeurs, lorsqu'ils pensent au
bien-être de leurs électeurs et qu'ils doivent se retourner vers
l'instrument qui est peut-être susceptible de sortir leurs commettants
d'une situation difficile, se tournent très souvent vers les
sociétés d'État. On ne peut pas reprocher aux
sociétés d'État, qui très souvent se voient aux
prises avec un double mandat un mandat de développement
économique, qui devrait être évalué sur une base
économique, et un mandat de développe- ment social qui, lui,
devrait être évalué sur d'autres bases d'être
continuellement dans des situations conflictuelles.
Une façon saine d'administrer les sociétés
d'État consisterait à séparer très nettement le
rôle d'intervention sociale qu'on pourrait confier aux
sociétés d'État, d'évaluer soigneusement quel en
serait le coût, donc demander essentiellement une soumission de la part
de la société d'État et ne pas craindre d'y aller par la
voie des subventions. Évidemment, la subvention a l'inconvénient
d'obliger le gouvernement à répondre de ses gestes, mais il a
quand même l'avantage de garder les finances de la société
d'État qui se voit confier un mandat on pourra revenir sur ce
thème lorsqu'on discutera de cet article de loi concernant le pouvoir de
directives il a quand même cet avantage de bien distinguer entre
les deux types d'activités. À ce moment-là, on pourrait
exiger de la société d'État qu'au moins ses
activités commerciales soient faites sur une base financière
saine. On devrait sans doute adopter dans le mode de gestion de ces
sociétés essentiellement le même type de gestion que celui
adopté par l'entreprise privée, c'est-à-dire des conseils
d'administration qui sont distincts du bureau de direction de la
société, avec généralement un président du
conseil d'administration distinct du président de la
société, de manière qu'on ait véritablement un
tampon entre le gouvernement et la direction de l'entreprise et que la
direction de l'entreprise soit amenée très rapidement à
gérer son entreprise sur des bases commerciales saines. Lorsque le
gouvernement entend confier un mandat social à une société
d'État, parce que cela pourrait être avantageux de confier un tel
mandat social, à ce moment-là il devrait prendre ses
responsabilités et confier ce mandat social en passant directement par
le biais de subventions, de manière que la société
d'État n'ait pas à générer des déficits.
M. Forget: Le ministre me permettrait-il des questions? Je les
poserai à la fin de son exposé, s'il le
préfère.
M. Bérubé: À la fin de mon exposé,
oui, certainement, je me ferai un plaisir de répondre à vos
questions. Donc, concernant les sociétés d'État, je pense
que j'ai eu l'occasion d'exposer quelques idées qui permettraient de
voir dans quelles perspectives il faut examiner le rôle de la
Société nationale de l'amiante. Si on entend utiliser la
société Asbestos Corporation pour se donner des avantages
comparatifs, il ne faut pas que cela se fasse au détriment de la
profitabilité de l'entreprise. Il faudra donc utiliser des moyens qui
n'affecteront pas la profitabilité, mais qui pourraient nous donner cet
avantage comparatif, si nous jugeons que l'avantage comparatif est
nécessaire pour arriver à développer un type d'industrie
auquel nous pouvons tenir. Cela devient donc un outil gouvernemental pour du
développement économique qui ne serait pas possible sans cet
outil.
Quant au financement j'en arrive à la deuxième
partie de la question du député de Richmond il va de soi
qu'un tel financement se fait
par le biais d'emprunts gouvernementaux; il n'y a aucun cloute
là-dessus. C'est donc de l'extrabudgétaire. Ce n'est donc pas
inclus dans les prévisions budgétaires normales du ministre des
Finances. Ces montants pourraient évidemment avoir été
inclus dans ses prévisions extrabudgétaires, mais on voit le
danger de le faire puisqu'il aurait fallu, à ce moment-là,
spécifier un montant précis, ce qui était difficilement
conciliable avec l'approche que nous avons adoptée. Par
conséquent, cela n'apparaît pas dans l'extrabudgétaire.
Mais essentiellement cela veut dire que le ministre des Finances aura à
augmenter ses emprunts pour financer l'achat d'une entreprise comme la
société Asbestos Corporation. Je pense que c'est la technique
classique habituelle de financement de toutes les sociétés
d'État. Que ce soit SIDBEC, que ce soit REXFOR, que ce soit SOQUEM ou
quelle que soit la société d'État, elles ne sont jamais
financées à même les budgets réguliers du
gouvernement. Elles sont toujours financées à même les
extra-budgétaires.
M. Forget: Est-ce le temps pour mes petites questions, M. le
Président? J'irai brièvement.
Le Président (M. Clair): En principe, M. le
député de Saint-Laurent, votre temps est écoulé.
Cependant, étant donné que ce sont des questions et non pas
j'en suis convaincu l'occasion pour vous de prononcer un nouveau
discours...
M. Forget: Non, non, pas du tout.
Le Président (M. Clair): ... je vais vous permettre des
questions.
M. Forget: Non, parce que...
Le Président (M. Clair): De votre côté, M. le
ministre, je vous engagerai à être bref puisqu'en principe votre
temps...
M. Bérubé: Nous sommes au complet, M. le
Président. Je pourrai être bref.
Le Président (M. Clair): ... est écoulé sur
cette motion d'amendement. M. le député de Saint-Laurent.
M. Brochu: Je vous rappellerai que, sur le plan des
règlements, le ministre jouit de toute la latitude voulue et qu'il n'y a
aucune limite de temps en ce qui concerne ses réponses.
M. Bérubé: Un temps illimité.
Le Président (M. Clair): Je vous remercie de vous porter
à la défense de la présidence. M. le député
de Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je comprends que le
ministre a atteint son objectif qui était de compléter son
quorum. Malgré tout il a fait des déclarations assez importantes
et j'aimerais lui demander d'en préciser le sens.
M. Bérubé: C'est bon signe. Je peux tuer le temps
en faisant des déclarations importantes. On ne peut pas toujours dire la
même chose de l'Opposition.
M. Brochu: C'est tout simplement un meurtre massif.
M. Forget: Que le ministre ne se félicite pas trop
tôt! Les déclarations importantes émanant d'un homme
politique ne sont pas toujours des déclarations sages. Dans ce qu'il a
dit au sujet des sociétés d'État il nous a livré un
plaidoyer qui venait du coeur, apparemment, quant à la valeur et
à l'intérêt pour l'économie des
sociétés d'État. Je ne veux pas du tout lui faire un
procès là-dessus. Il est certain qu'il y a quelques
succès, même des succès remarquables dans certains cas, qui
peuvent être cités. Ce n'est jamais une démonstration, ce
sont des exemples, cependant, de succès. J'aimerais bien savoir si on
doit comprendre ces remarques comme étant une remise en question ou une
contestation, dans un certain sens, des paroles qu'a prononcées le
ministre des Finances dans son discours du budget. Parce qu'il a
été très dur et sans faire d'exception notable. Par
exemple, ce que j'ai remarqué, c'est que le ministre des Richesses
naturelles, comme c'est normal, a surtout défendu ses ouailles dans les
exemples qu'il a donnés puisqu'il a largement parlé des
sociétés dont il est le ministre de tutelle. Voudrait-il en faire
une exception aux règles générales sur les
sociétés d'État ou aux règles
générales que le ministre des Finances est à
élaborer, de même qu'un comité ministériel, ou
est-ce, plus largement que cela encore, un grand point d'interrogation qu'il
place sur les affirmations qu'a faites le ministre des Finances?
M. Bérubé: Non, M. le Président. Je pense
que le ministre des Finances a souligné une préoccupation que,
malheureusement, les gouvernements n'ont peut-être pas suffisamment eue
dans le passé, qui est celle d'établir des critères de
performance. En effet, j'ai souligné, par exemple, qu'il me serait
totalement impossible d'appliquer des critères de performance objectifs
aux problèmes plus spécifiques de SAMOCO puisque c'est là
un mandat social qu'on a confié à REXFOR dans des conditions
extrêmement difficiles et que, par conséquent, il apparaît
difficile de juger de la performance de la société sur cette
entreprise en particulier.
Je citerais un autre exemple que le gouvernement antérieur, je
crois, avait lui-même adopté mais insuffisamment, cela a
été le cas du développement des coopératives de la
moyenne Côte-Nord. L'ancienne administration avait confié à
REXFOR le soin d'implanter des chantiers-écoles sur la moyenne
Côte-Nord. Les déficits que la société REXFOR a
encourus et qui ont été essuyés à même les
dépenses d'administration de la société, à
même les revenus de ces. sociétés, ont amené cette
société REXFOR à réduire le rendement sur le
capital investi, donc amené le gouvernement à porter un jugement
sévère sur la performance de
l'entreprise. Néanmoins, il va de soi que lorsque je regarde le
coût du bois livré par REXFOR à la Société
Rayonier à Port-Cartier je me dois de constater que leurs coûts ne
sont pas plus élevés que la même société
Rayonier dans ses propres exploitations, dans ses propres chantiers, sur la
forêt domaniale. J'en conclus donc que REXFOR n'est pas moins rentable,
qu'elle n'est pas moins efficace. Mais néanmoins, dans les conditions
dans lesquelles on lui a demandé de fonctionner, conditions que la
société ITT n'aurait pas acceptées elle-même, je
pense qu'on ne peut pas appliquer de critères économiques de
performance.
Or, ce que j'ai dit, c'est que le ministre des Finances a parfaitement
raison de dire qu'il faut des critères économiques de performance
pour les entreprises commerciales. Je ne porterai pas de jugement sur la valeur
du mandat qui peut avoir été confié par tel et tel
gouvernement dans le passé, mais un gouvernement, à un moment
donné, a jugé bon de confier un mandat. Le jour où on a
confié ce mandat à la société d'État, le
gouvernement devrait avoir une certaine générosité en
confiant son mandat et ne pas hésiter à subventionner la
société d'État pour tout coût supplémentaire
qui serait prévu, en implantant peut-être des critères de
performance différents pour ces projets. Mais je pense qu'il faut
dissocier ces projets.
Ce que le ministre des Finances a souligné, c'est qu'on n'arrive
pas, dans les sociétés d'État actuelles, à
dissocier les projets à caractère économique dans lesquels
la société se serait lancée. À titre d'exemple, je
pense que si la Société générale de financement en
prenant le contrôle de Do-nohue, a cherché, en le faisant,
à faire un investissement économique, à ce moment, il faut
que cet investissement soit rentable. La société Donohue doit
répondre à des critères de performance purement
économiques. (10 h 45)
Je ne suis pas en mesure de faire l'exégèse de tous les
cas dans lesquels la SGF s'est vue impliquée, mais il reste, dans un
certain nombre de cas, qu'elle s'est impliquée par la suite de pressions
gouvernementales. L'implication avec la Régie Renault a
résulté, en large part, d'un désir de coopération
économique entre la France, le Canada et le Québec. On a donc
amené la SGF à vouloir s'impliquer dans l'assemblage
d'automobiles. Il ne fait aucun doute que, lorsqu'on introduit des pressions
politiques supplémentaires, il pourrait y avoir, évidemment, des
critères différents de performance.
Or, ce que le ministre des Finances a souligné, c'est simplement
que, dans les opérations purement commerciales dans lesquelles s'engage
de plein gré la société d'État, on devrait avoir
des critères de performance absolue identiques à ceux
pratiqués dans l'entreprise privée.
Par contre, parfois on demande à une société
d'État de s'impliquer parce que le gouvernement estime qu'on doit
confier un mandat de développement économique à une
société d'État qui ne répond pas exactement
à des critères économi- ques. Puisque l'entreprise
privée n'est pas prête à le faire, ce mandat peut
répondre à un besoin social criant et peut avoir des
justifications économiques importantes pour le gouvernement. En effet,
souvent l'économie qu'il fait en bien-être social peut plus que
compenser pour l'investissement qu'il fait dans ce projet.
Par conséquent, il peut y avoir une justification à y
aller. Dans ces cas, il faut avoir d'autres critères. C'est simplement
une nuance que j'apporte aux affirmations du ministre des Finances qui, lui, a
mis l'accent sur le méli-mélo dans lequel se retrouvaient les
sociétés d'État, faute de voir leur mandat clairement
distingué et identifié.
Le Président (M. Clair): Messieurs, je suis porté
à vous réprimander tous deux parce que la question a
été longue et la réponse également. Je veux bien
permettre une autre question, mais cette fois-ci il faudra vraiment qu'elle se
rapproche davantage du sujet puisque nous en sommes à l'étude de
l'article 4 et, notamment, d'une motion d'amendement à l'article 4.
Jusqu'à maintenant, j'ai été tolérant pour les deux
partis. M. le député, une autre question.
M. Forget: Nous n'avons pas soulevé la pertinence du
débat pendant nos exposés.
Le Président (M. Clair): J'en suis bien conscient.
M. Forget: Cela a quand même un certain rapport avec la
création d'une nouvelle société d'État. La
théorie que vient d'exposer le ministre est une ancienne théorie
qui est bien connue mais qui, dans le fond, permettrait, si elle pouvait
s'appliquer, mais elle ne le peut pas, d'avoir son gâteau et de le manger
aussi. Il est bien évident, selon le prix que l'on met sur un objectif
social ou politique auquel est vouée une société
d'État, qu'on pourra produire le taux de rendement qu'on voudra. Il
s'agira d'imputer une valeur plus ou moins grande à un objectif social
pour lui faire afficher un taux de rendement absolument faramineux si on le
désire.
Cela montre clairement que c'est une vue de l'esprit, cette distinction
entre les critères de performance et les objectifs sociaux parce que,
effectivement, c'est à la fois celui qui fait l'évaluation de la
performance qui place également un prix sur la réalisation de
certains objectifs sociaux. Je ne crois pas du tout, si c'est tout ce que l'on
nous annonce comme réforme de l'évaluation et du fonctionnement
des sociétés d'État, à cette espèce
d'exercice de raison résonnante. On ne sera pas beaucoup plus
avancé. Je vais laisser ce sujet. On pourra y revenir si on a l'occasion
de le faire. De toute façon, on pourra peut-être le faire aux
crédits.
Le ministre a fait un certain nombre de récits de succès
des sociétés d'État. Il a passé plus rapidement sur
la question de SIDBEC et l'analogie très intéressante qu'on
pourrait faire entre SIDBEC et la société Asbestos ou la
Société nationale
de l'amiante. En effet, on part d'une expertise, de certains
équipements, de certaines installations dans les deux cas, en partie
vétustes, en partie valables, et on est forcé, par la logique
même de ce premier investissement, à en faire un très grand
nombre d'autres. C'est justement ce qui a conduit SIDBEC devant la perspective,
soit de stagner pendant un avenir indéfini, soit de se livrer à
une espèce d'opération de fuite en avant et d'investir un autre
demi-milliard au cours des prochaines années pour pouvoir se
rentabiliser. La position que l'Opposition officielle a, relativement à
la société de l'amiante, ce n'est pas qu'on s'oppose, en
principe, à une intervention du gouvernement dans la question de
l'amiante, c'est qu'on dit: II y a une logique à votre décision
qui va vous entraîner beaucoup plus loin que vous ne le
soupçonnez, une logique qui n'est pas inévitable pourvu que vous
ayez une stratégie plus appropriée. La logique de partir de
l'approvisionnement en fibre pour faire un investissement et développer
de l'emploi dans la transformation, c'est une logique du type de SIDBEC.
Le ministre a été sévère relativement
à cette difficulté de SIDBEC. Il a enfin porté un jugement
assez négatif en disant: II faut y aller à $1 milliard ou ne pas
y aller du tout. C'est un peu à cela que cela rimait. Pourquoi cela ne
s'appliquerait-il pas, changeant ce qu'il faut changer, bien sûr, de
façon littérale, à la question de l'amiante? Il faut
pouvoir y mettre $1 milliard ou ne pas y aller, surtout étant
donné la stratégie adoptée par le gouvernement de partir
de l'exploitation des mines.
M. Bérubé: Avec $1 milliard dans la transformation
de l'amiante si vous connaissez les résultats du rapport SORES,
M. le député de Saint-Laurent il y aurait des usines qui
nous sortiraient par les oreilles.
M. Forget: Oui, si c'était seulement dans la
transformation, mais s'il faut, à la fois, les mines existantes, des
mines nouvelles, la mise en marché, la recherche et les usines de
transformation, plus les déficits que vous nous avez annoncés et
au sujet desquels je vous avais dit que ce ne serait pas rentable, au
départ, de toute façon, sur une période de cinq ans, cela
va aller chercher à peu près $1 milliard.
M. Bérubé: Là-dessus, je m'inscris en faux,
M. le Président. D'une part, je pense que le député de
Saint-Laurent a cherché à faire une analogie entre SIDBEC et la
Société nationale de l'amiante. Je dois lui souligner que,
lorsque l'on parle de SIDBEC, on parle d'un complexe sidérurgique
intégré. Donc, on part de la mine, on part du bouletage, on passe
directement à la préréduction, on passe à la
fusion, on passe à la mise en forme coulée, au laminage et au
traitement de surface. Or, qu'est-ce que le gouvernement a acheté
lorsqu'il a acheté DOSCO? Il a acheté la dernière partie,
c'est-à-dire, pour la mise en forme, une installation de coulée
continue flambant neuve, tellement moderne qu'en fait, l'entreprise avait de
réels problèmes d'exploitation. Donc, on a acheté une ins-
tallation de coulée continue neuve et des installations de
transformation mécanique désuètes.
On a donc acheté le bout de ligne, l'extrémité de
la ligne. La société a donc dû, dans le mandat qu'on lui
confiait, rebâtir à partir de zéro, donc revenir en
arrière et reculer.
M. Forget: Ce n'est pas sûr, cette partie. Ils ont choisi
de reculer. Ils auraient pu avancer aussi.
M. Bérubé: Ils ont choisi mais les gouvernements
qui leur ont donné des directives leur ont donné des directives
d'aller dans ce sens. Si, effectivement, la société SIDBEC n'a
pas suivi les directives du gouvernement, c'est donc, d'une part, qu'il aurait
dû y avoir un changement de la direction. Comme il n'y a pas eu
changement de la direction, je conclus que le bureau de direction a donc suivi
les directives du gouvernement et, par conséquent, c'est le gouvernement
qui a erré. Je dois en tirer certaines conclusions.
M. Forget: Ou qu'il a poursuivi un objectif social, selon
l'expression du ministre.
M. Bérubé: II semble donc que le
député de Saint-Laurent est en désaccord complet avec les
directives que ses anciens collègues à l'Industrie et au Commerce
ont données à la société SIDBEC. C'est la
première fois qu'il l'avoue publiquement.
M. Forget: Je note les motifs pour lesquels ils ont
été faits, motifs auxquels serait sensible également un
gouvernement subséquent relativement à une autre
société d'État.
M. Bérubé: Là où je soulignerais la
très grande différence entre les deux, c'est que nous parlons ici
d'un objectif qui est d'augmenter la transformation de l'amiante au
Québec.
Une usine de transformation doit bénéficier de certains
avantages. Or, on réalise que le marché québécois
est un marché extrêmement limité et qu'il est très
difficile, pour une entreprise de quelque importance que ce soit, de ne pas
exporter au moins la majeure partie des produits qu'elle fera.
M. Forget: Vous parlez toujours de l'acier? M.
Bérubé: De l'amiante.
M. Forget: Ah! De l'amiante!
M. Bérubé: Par conséquent, dans le cas de
l'amiante, il est important que l'on donne à cette société
certains avantages comparatifs. Elle peut être rattachée à
un service de mise en marché très développé.
À titre d'exemple, la société Eternit, en Europe,
étant impliquée à fond dans les matériaux de
construction, peut ajouter une ligne de produits d'amiante à la ligne de
ses produits et, par conséquent, c'est toute sa structure de mise en
marché qui supporte son industrie de transformation de l'amiante.
M. Forget: C'est cela.
M. Bérubé: N'ayant pas les marchés au
Québec, il va de soi que nous n'avons pas cette organisation de mise en
marché. Par conséquent, nous sommes déficients en aval.
Qu'est-il possible d'utiliser comme avantages comparatifs? L'approvisionnement
est un deuxième avantage puisque l'on sait, dans l'industrie des
matières premières, à titre d'exemple, qu'il y a beaucoup
de petites mines qui n'ont pas de mise en marché, mais, étant
donné la demande mondiale pour les matières premières, en
général elles n'ont pas trop de problèmes pour la mise en
marché, les marchés étant relativement libres.
M. Forget: Les marchés du concentré, pas du
produit.
M. Bérubé: Par conséquent, une industrie de
l'amiante peut être avantagée du fait qu'elle possède un
approvisionnement stable. Elle aura donc l'approvisionnement et les usines de
transformation, alors qu'un autre type d'industrie de l'amiante pourra, elle,
bénéficier de la mise en marché et des usines de
transformation.
Mais il faut toujours bénéficier d'un avantage, soit une
base solide de mise en marché, soit une base solide d'approvisionnement
en fibre. C'est soit l'un, soit l'autre. Ce que l'Opposition voudrait nous
faire faire, c'est construire une industrie de transformation qui ne reposerait
ni sur la base solide d'une organisation de mise en marché, ce que nous
ne pouvons pas avoir étant donné la taille du marché, ni
sur la base solide d'un approvisionnement en fibre. C'est là l'erreur
que fait l'Opposition.
M. Forget: C'est une affirmation gratuite de la part du ministre.
Je pense qu'il faut avoir un avantage là où l'avantage est
important et l'avantage n'est pas important du côté de
l'approvisionnement en dépit de ce qu'a dit le ministre. Il est
important du côté de la mise en marché et c'est là
que justement votre logique va vous pousser à faire des investissements
additionnels.
Le Président (M. Clair): La motion du député
de Saint-Laurent...
M. Brochu: M. le Président, j'aurais quelques autres
questions à poser au ministre.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Richmond, il vous reste encore six minutes.
M. Brochu: Merci, M. le Président. J'avais d'ailleurs
été très bref et précis dans ma question pour
obtenir de l'information du ministre. Le ministre a parlé de SIDBEC
lorsque j'ai fait allusion tout à l'heure au discours du budget et aux
remarques que le ministre lui-même nous fait en ce qui concerne cette
forme d'assistance sociale pour certaines de nos entreprises d'État,
évaluée cette année, je pense, à $225 millions ou
$250 millions. Évidemment, il est question de SIDBEC. SIDBEC, je vous le
rappelle, M. le ministre, chaque année, lorsqu'elle revient devant la
Chambre, puisque cela devient une habitude, a chaque fois d'excellentes raisons
de non-rentabilité. Je rappellerai à M. le ministre
également que, chaque année, on s'engage et on donne comme raison
sublime, comme motif extrême d'une dernière aide, que
l'année suivante, ce sera la bonne année, que désormais la
rentabilité va être assurée.
Chaque année, c'est le même scénario. Je vous
rappelle ces choses et je vous réfère au journal des
Débats où il y a eu différentes questions et
réponses à ce sujet. C'est donc un peu le fauteuil que prennent
certaines de nos entreprises d'État. C'est aussi le fauteuil que risque
de prendre la Société nationale de l'amiante pour certaines
raisons. D'ailleurs, même si le silence du discours du budget peut d'une
certaine façon être motivé, il y a le coût
réel d'achat de l'Asbestos Corporation qui n'est pas connu. Vous allez
devoir faire face, comme on l'a souligné à différentes
occasions, à la reconstruction complète des installations de la
plus vieille usine que vous achetez actuellement. Vous allez devoir, le
lendemain matin, entrer sur un marché de compétition très
serrée où déjà les entreprises en place ont, comme
vous le dites vous-même, le "know-how", l'expertise, les marchés
et la puissance pour vous faire une très grande concurrence.
Vous n'avez pas de garantie, je pense, à ce jour, de
marchés. Du moins, la présente commission ne nous a pas permis
d'avoir des garanties certaines sur lesquelles nous appuyer. Je vous ai
déjà indiqué également qu'au lendemain de
l'acquisition de l'Asbestos Corporation, étant donné que vous
allez vous trouver un seul des compétiteurs, vous allez peut-être
vouloir avoir tout le gâteau pour avoir le monopole comme à
l'Hydro-Québec, afin vous le direz à ce moment, j'imagine
d'assurer la rentabilité de l'entreprise, puisqu'elle ne le sera
pas. Dans les circonstances, c'est à prévoir actuellement que ce
ne sera pas le cas. Je rappelle ces faits au ministre pour dire qu'il y aura
également, comme SIDBEC en a chaque année, d'excellentes raisons
pour, annuellement, motiver la non-rentabilité, tout en promettant que
l'année suivante cela ira beaucoup mieux.
Maintenant, M. le Président, ma question est la suivante. Le
premier paragraphe de l'article 4, on sait qu'évidemment cela concerne
la recherche, le développement de nouveaux gisements parce que le
gouvernement, comme le ministre l'a dit, veut mettre la main sur certaines
sources d'approvisionnement pour passer ensuite, dans une étape
subséquente, au niveau de la transformation. Qu'est-ce que le
gouvernement a de fait? Quel genre d'évaluation a-t-il faite à ce
jour et quelle approche a-t-il faite auprès de l'ensemble des compagnies
exploitant au Québec pour vérifier au près d'elles les
possibilités d'approvisionnement en fibre d'amiante? (11 heures)
Je pose la question suivante parce que j'ai déjà
indiqué au ministre qu'il serait peut-être
préférable d'explorer une autre avenue, un autre mode d'approche
en ce qui concerne la transfor-
mation d'amiante que tout le monde veut à une plus grande
échelle, je pense, au Québec. Ce qu'on dit au ministre c'est que
le chemin que le ministre emprunte pour arriver à ses fins est
passablement douteux et risque de l'amener à d'autres objectifs que ceux
que le gouvernement se fixe actuellement. Alors, au lieu de procéder
directement à la transformation en s'approvisionnant de fibre, je pense,
à ce niveau, qu'il y a de l'offre possible; en ce qui concerne, par
exemple, Johns-Manville-Asbestos, je sais qu'il y avait des surplus
accumulés, il n'y a pas longtemps encore, et pour d'autres mines,
j'imagine que cela doit être la même chose avec les marchés
acutels.
Quelles approches le gouvernement a-t-il faites? Quels ont
été les résultats, s'il y en a eu? Et que se passe-t-il,
là-dedans? Pourquoi le gouvernement ne vérifie-t-il pas
immédiatement les possibilités d'approvisionnement, au lieu de se
lancer dans le domaine de l'extraction ou de l'exploitation d'une mine comme
telle?
M. Bérubé: Je pense que l'approvisionnement, c'est
une chose, les liens tissés par une garantie d'approvisionnement, c'est
autre chose. En effet, verbalement, je pense qu'aucune compagnie minière
au Québec ne pourrait refuser officiellement d'approvisionner une usine
de transformation de l'amiante. Cependant, si l'on proposait à une
compagnie minière exploitant de l'amiante et qui approvisionne certains
concurrents et qui approvisionne ses propres usines, si on lui demandait de
s'impliquer dans un projet de transformation de manière à
être copartenaire dans le projet, là la question serait
différente.
Il faut se rendre compte qu'à partir du moment où une
société devient partenaire dans le développement d'une
industrie de transformation, elle veille à ses intérêts,
elle n'a donc pas avantage à ce que la concurrence en provenance
d'autres firmes soit de nature à lui faire perdre ses investissements
dans cette industrie de transformation. Cela veut donc dire qu'il y a une
énorme différence entre avoir Johns-Manville actionnaire d'une
usine de fabrication, par exemple, de feutre d'amiante, et avoir Johns-Manville
fournissant la fibre d'amiante, parce que la compagnie Johns-Manville pourra
toujours se fournir en fibre d'amiante à ses propres usines avec 10%
d'escompte ou 20% d'escompte qu'elle n'offrira pas à la firme
établie au Québec, de manière à toujours maintenir
la firme établie au Québec au seuil de la rentabilité. Il
lui sera toujours possible.
Comment se fait-il et je vous poserai simplement la question
que dans le cas des papiers Cascade jusqu'à l'année
dernière la société des papiers Cascade n'a
fonctionné en fait qu'à 50% de sa capacité? La compagnie
Johns-Manville ne lui fournissait la fibre nécessaire que pour
fonctionner à 50% de capacité. C'est dans votre comté, M.
le député de Richmond.
Par suite d'une stratégie de la société
Johns-Manville, elle estimait qu'en fonctionnant à ce niveau cela
permettait à la société de papiers Cascade de ne pas faire
faillite, donc d'avoir une certaine marge de profit mais, en même temps,
pour la société Johns-Manville, de protéger ses
arrières, parce qu'elle avait d'autres usines ailleurs aux
États-Unis et elle s'organisait pour protéger sa production,
même si la productivité des papiers Cascade était de
beaucoup supérieure à celle de toutes les autres usines.
Alors, on voit donc qu'il y a une énorme différence entre
avoir une usine de transformation qui est liée à un
approvisionnement en fibre et une usine de transformation qui se contente
d'acheter de la fibre de Johns-Manville. Lorsque votre usine de transformation
achètera de la fibre de Johns-Manville, elle sera en concurrence avec
les filiales de Johns-Manville USA ou les filiales d'Antarco USA ou les
filiales de Turner and Newall, britanniques qui elles, obtiendront leur fibre
au prix de transfert qu'elles jugeront bon de s'imposer.
Le plus bel exemple qu'on ait c'est que, pour pouvoir imposer les droits
miniers aux compagnies d'amiante, nous sommes obligés de colliger les
déclarations des compagnies d'amiante en appliquant un prix
international de la fibre d'amiante qu'ils se vendent à leurs propres
filiales, et non pas le prix interne qu'ils se le sont vendu, sans quoi nous
aurions, comme vous connaissez le système, avec le prix de transfert
qu'ils pratiquent, des marges de profits insuffisants au niveau de
l'exploitation minière, compte tenu des droits miniers que nous
désirons percevoir pour l'État du Québec.
Donc, on se rend compte que les compagnies minières peuvent,
à l'intérieur de leurs structures, pratiquer les prix de
transfert sur lesquels nous n'avons aucun contrôle. Quel genre de
protection aurait-on? Je ne dis pas que l'industrie de l'amiante existante va
faire en son possible pour faire faire faillite à notre industrie de
l'amiante, loin de là, mais elle pourrait s'organiser de manière
que notre industrie de l'amiante soit juste à la marge et que, par
conséquent, on soit toujours très prudent dans la recherche de
nouveaux investissements, qu'on calcule très soigneusement toute
nouvelle aventure dans le secteur. À ce moment-là cela
permettrait aux compagnies, finalement, de contrôler le
développement de la transformation au Québec. C'est de ce facteur
dont vous ne tenez pas compte, malheureusement, dans votre intervention puisque
vous avez l'impression qu'il s'agit tout simplement d'un achat de fibre
auprès des compagnies existantes; c'est plus que cela, c'est un lien
entre l'approvisionnement et l'industrie de transformation qui offre un certain
nombre de garanties, une certaine sécurité.
M. Brochu: M. le Président...
Le Président (M. Clair): Messieurs, vous avez tous
épuisé votre temps de parole sur cette motion d'amendement.
M. Brochu: ... sur une question de règlement.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: M. le Président, je ferais peut-être
appel à votre chronomètre puisqu'il restait six minutes et je
pense en avoir épuisé deux minutes et demie à trois sur ma
dernière question.
D'autre part, M. le Président, je vous rappellerais mon
privilège de député également. Sur cette question,
vous avez permis certaines sous-questions alors même qu'un
député avait dépassé son temps; ce n'est pas un
reproche, vous avez jugé bon de le faire dans le cas du
député de Saint-Laurent. Vu l'importance du sujet, je suis
entièrement d'accord; cependant, je vous demanderais d'avoir la
même attitude en ce qui concerne le député de Richmond afin
de me permettre de poser les quelques sous-questions qu'il me reste à
poser à ce chapitre important.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Richmond, je vous ferai remarquer que tantôt vous avez employé
exactement...
M. Bérubé: C'est un cendrier d'amiante, messieurs.
Il me fait plaisir de déposer cette pièce à conviction,
c'est un cendrier d'amiante, un nouveau produit inventé au Québec
grâce aux subventions du ministère des Richesses naturelles.
M. Brochu: Est-ce un cadeau à l'endroit du premier
ministre? Si oui, il devra être déposé au Musée du
Québec.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Richmond, je vous ferai remarquer que tantôt, effectivement, vous n'avez
pas utilisé les six minutes qui vous restaient pour poser une question,
mais vous en avez utilisé quatre pour poser votre question. Je peux vous
assurer, messieurs, que je n'ai pas l'intention de minuter à la seconde
près la durée des interventions, j'essaierai de me servir de mon
jugement. Une chose est certaine; lorsque nous avons commencé nos
travaux, à 10 h 15 ce matin, il restait au député de
Richmond huit minutes et, au député de Saint-Laurent, aucune
minute. Nous sommes maintenant à 11 h 10 et ma largesse d'esprit fait en
sorte que nous sommes encore sur la même motion.
Si vous voulez poser une question, sans faire de discours, je veux bien
vous le permettre, mais posez une question, s'il vous plaît, M. le
député de Richmond. Je comprends que vous sentez que je suis
peut-être plus dur à votre endroit; ce n'est pas que je le suis
plus qu'à l'endroit de qui que ce soit, mais c'est simplement la
décision que je prends de plus en plus de resserrer mon autorité.
Au début d'une commission, il est normal qu'un président soit le
plus souple possible. Mais quand les intervenants des deux côtés
c'est ma conviction ce matin cherchent à en abuser, tant
du côté du ministre que du côté de l'Opposition, je
pense que le président a quand même la responsabilité de
faire avancer le débat.
M. le député de Richmond.
M. Bérubé: M. le Président, vous me
prêtez de mauvaises intentions.
M. Brochu: M. le Président, je souscris à votre
esprit de justice en vous rappelant que c'est bien de resserrer, mais
après que tous les intervenants auront eu le même droit de parole.
Je vous en remercie.
Le Président (M. Clair): Questionnez, questionnez!
M. Brochu: Je me devais de vous féliciter étant
votre voisin de comté, je comprends vos empressements, M. le
Président.
Je rappellerai au ministre qu'en ce qui concerne Johns-Manville, par
exemple, la majeure partie de leur fibre est vendue, à toutes fins
utiles, à des concurrents. L'argument, à ce stade, ne tient pas;
les chiffres sont clairs là-dessus également. Lorsque vous dites
que, si vous faites une coen-treprise avec les entreprises existantes pour
aller dans le domaine de la transformation, vous allez subir, en quelque sorte
c'est ce que vous avez dit la force des entreprises en place qui
pourraient vous serrer assez sur la bande pour vous rendre non opérant
ou non rentable, je vous rappellerai que vous avez la même pression, et
même davantage, si vous devenez un concurrent direct via la
Société nationale de l'amiante en étant un des exploitants
en gisements et un des fabricants de la matière transformée au
Québec, encore davantage même qu'en ayant une coentreprise avec
l'entreprise privée.
Pour ramener l'exemple à un niveau peut-être plus
restreint, c'est un peu le même phénomène je parlais
de cela avec quelqu'un l'autre jour qui se produirait si vous vouliez, M.
le ministre, lancer une laiterie, une entreprise de transformation de lait.
J'ai l'impression que vous n'achèteriez pas toutes les fermes du
voisinage mais que vous regarderiez peut-être du côté de
l'approvisionnement en lait chez les agriculteurs pour exploiter votre...
M. Bérubé: Mais vous achèteriez un
réseau de distribution à ce moment-lâ.
M. Brochu: Vous avez besoin d'un réseau de distribution,
mais vous n'avez pas besoin d'acheter toutes les entreprises et toutes les
fermes. C'est cela qui est la différence.
M. Bérubé: Vous ne vous fabriqueriez certainement
pas une laiterie ou une beurrerie si vous n'aviez pas un réseau de mise
en marché en partant. C'est fondamental; il faut que vous ayez un
avantage ou l'autre.
M. Brochu: C'est la même chose pour l'amiante. C'est pour
cela que je reviens à la question. Si vous dites que vous risquez
d'être étranglé avec une coentreprise, avec ceux qui
exploitent déjà des gisements d'amiante, si vous êtes
partenaire dans une entreprise de transformation, comment allez-vous survivre
le lendemain alors que vous aurez une entreprise tout simplement concurrente et
même pas en copropriété? Je re-
viens à ma question principale: Avez-vous approché des
entreprises pour des approvisionnements en fibre au lieu d'y aller directement
avec une volonté politique d'acquisition d'une mine simplement pour le
plaisir de posséder un emblème?
M. Bérubé: M. le Président, je pourrais
répondre à la deuxième partie de la question à
savoir si nous avons approché des compagnies pour des approvisionnements
de fibre. La réponse est "oui", dans au moins...
M. Brochu: Y a-t-il des possibilités de ce
côté-là?
M. Bérubé: Certainement, pour avoir un contrat
d'achat de fibre, il n'y a pas de problème. Il n'y a pas de compagnie
qui va...
M. Brochu: ... résidus ou si vous avez d'autres...
M. Bérubé: Pour l'instant, nous cherchons à
utiliser des résidus à toutes sortes de sauces, comme vous avez
pu le voir la semaine dernière.
M. Brochu: Oui.
M. Bérubé: Je vous ai présenté un
autre produit de l'imagination des Québécois qui, depuis quelques
mois, est à l'oeuvre et produit des résultats intéressants
puisque nous avons devant nous un magnifique cendrier fait avec des
résidus d'amiante. Cependant, je doute effectivement que la fabrication
de cendriers pourrait conduire à éliminer les tas de
résidus actuellement accumulés. Il faudrait beaucoup...
M. Forget: Surtout qu'on arrête de fumer.
M. Bérubé: Enfin. Ce serait très avantageux
pour la taxe sur les cigarettes, en tout cas.
M. Brochu: Ce qui veut donc dire, M. le Président,
je termine là-dessus...
M. Grégoire: Mais le matériau lui-même est
intéressant.
Le Président (M. Clair): ... là-dessus.
M. Brochu: Disons que c'est une amorce de fin, M. le
Président. Je commence à conclure. C'est un début de
conclusion. Ce qui veut donc dire que si vous aviez politiquement choisi
d'aller directement dans la transformation, vous aviez la possibilité
d'obtenir un approvisionnement en fibre selon vos besoins.
M. Bérubé: Bon.
M. Brochu: Mais vous avez politiquement choisi d'acquérir
une entreprise. Donc, la différence entre les deux, c'est simplement
votre choix politique et non pas une question de rentabilité.
M. Bérubé: II n'y a aucun doute là-dessus
qu'une décision d'investissement doit reposer sur deux types d'analyses.
La première: Est-ce que c'est un investissement économiquement
sain? En d'autres termes, si nous achetons l'Asbestos Corporation à un
prix acceptable et que nous faisons des profits, est-ce que ceci en soi peut
être acceptable pour le gouvernement? Le gouvernement peut-il investir
dans des compagnies minières? Je pense que cette question est une
question essentiellement politique, à savoir: Le gouvernement doit-il
investir dans l'industrie des richesses naturelles? Nous prétendons que
oui. C'est une question.
La deuxième question, c'est l'avantage dont pourrait
bénéficier une compagnie faisant de la transformation à
partir du moment où elle possède son approvisionnement. À
titre d'exemple, il pourrait être possible d'amener au Québec un
fabricant étranger qui a déjà de la mise en marché
dans son pays si nous le faisons bénéficier d'un certain nombre
d'avantages au niveau des prix de la fibre et d'avantages au niveau d'une
garantie d'approvisionnement à long terme, puisqu'un investissement,
quand même, suppose que l'industriel pourra bénéficier d'un
approvisionnement. Or, je peux certainement certifier que, dans le cas d'un
projet que nous serons en mesure d'annoncer très bientôt, nous
avions l'industriel capable de faire la distribution du produit fini d'amiante,
capable de fabriquer le produit d'amiante en question. Un problème
auquel faisait face le distributeur, c'est qu'il aurait voulu qu'une compagnie
d'amiante s'implique comme partenaire de manière à
protéger ses arrières si jamais ceux qui l'approvisionnaient en
produits d'ailleurs, dans la période de transition
venaient à exercer une certaine revanche, une certaine pression sur lui
en lui coupant ses approvisionnements. Vous savez qu'on fait... Les luttes
économiques existent. L'avantage de posséder un gisement
d'amiante, c'est qu'il vous met à l'abri d'un certain nombre de
pressions. (11 h 15)
Vous avez souligné tantôt que la majeure partie de la fibre
de la Johns-Manville était vendue sur le marché libre. Cela me
paraît assez normal. Si on calcule que 70% de la fibre qui va dans les
produits d'amiante-ciment ne peuvent pas être exportés d'une
façon générale sur de très longues distances, sauf
dans des cas particuliers pour des produits spécialisés
d'amiante-ciment, il apparaît donc assez normal que la majeure partie des
ventes de la Johns-Manville se fasse, un peu partout dans le monde, à
des petits industriels qui fabriquent de l'amiante-ciment et qui sont
près des marchés. Dans ce cas-là, vous avez un type
d'industrie qui est accrochée à un marché; elle
s'approvisionne sur le marché libre, mais elle bénéficie
d'un marché.
Or, ce que vous voulez faire, c'est pénétrer le
marché, mais sans être déjà dans le marché.
Vous arrivez donc de l'extérieur. Si vous ne bénéficiez
pas d'un certain nombre d'avantages comparatifs, vous ne pourrez pas
pénétrer les marchés parce
que la compagnie Johns-Manville, dans à peu près tous les
matériaux, que ce soit le frein, que ce soit le papier d'amiante, qui
représentent un pourcentage relativement limité de l'utilisation
de la fibre, qui ne dépasse sans doute pas 25% à 30%, pourra
toujours pratiquer des prix de transfert tels que son industrie de
transformation sera en mesure de vous tenir en échec et elle
bénéficiera de l'avantage supplémentaire des
marchés parce qu'elle est déjà impliquée dans le
marché. La Johns-Manville est déjà impliquée par
les nombreux produits qu'elle vend et a déjà tout un
réseau de distribution. Alors, ajouter une ligne de produits d'amiante
à la ligne de ses produits n'est pas un problème en soi et elle
bénéficie de tous ses points de vente, de tout son réseau
de vendeurs.
Or, ce que vous essayez, c'est de faire compétition à ce
réseau de distribution sans aucun avantage comparatif. Vous voudriez
construire une usine de transformation d'amiante et là mettre vos
produits en marché, sans aucun avantage. D'une part, vous avez les
tarifs à l'importation; donc, votre produit se vend plus cher. Vous
achetez votre fibre au même prix que votre compétiteur, vous avez
des salaires qui sont sensiblement comparables, puisque les salaires
québécois sont sensiblement les mêmes que les salaires
américains. Vous faites donc face à des salaires semblables,
à un tarif à l'importation, à des coûts de transport
du produit fini qui sont forcément plus élevés que le
coût de transport de la fibre brute. Vous additionnez ces
désavantages comparatifs et vous ajoutez à cela le fait que votre
compétiteur lui, peut pratiquer des prix de vente internes
inférieurs et peut bénéficier d'un réseau de mise
en marché à son avantage. Et vous vous imaginez qu'il serait
possible d'implanter une industrie de transformation au Québec. La seule
façon d'implanter une industrie de transformation, c'est de lui donner
un certain nombre d'avantages.
M. Brochu: En terminant, qu'est-ce que cela change? Parce que le
même réseau de distribution, les mêmes entreprises vont
l'avoir le lendemain du jour où vous aurez acheté la mine
Asbestos Corporation, exactement le même. Si vous allez du
côté de nouveaux produits, ce n'est pas pareil; là, vous
avez de nombreux marchés à acquérir. Si le Québec a
des usines de transformation comme telles, ce qui est différent de la
question de l'approvisionnement, là vous pouvez aller sur des
marchés nouveaux parce que ce sont des nouveaux produits. Dans les
produits existants, que vous ayez ou non une mine, vous allez rencontrer la
même concurrence, exactement, et même davantage, parce qu'ils sont,
comme vous le dites, installés, ils ont la force, ils ont le "know-how"
ils ont les marchés, ils ont les vendeurs, ils ont les points de vente,
ils ont tout le réseau. Alors, cela ne change rien! Vous travaillez au
niveau de l'hypothèse pour appuyer vos arguments.
M. Bérubé: Je m'amuserai, à titre d'exemple,
à vous faire le petit calcul suivant, soit de poser comme
hypothèse que la société Asbestos, ne payant pas
d'impôt, on applique cette économie à la réduction
de prix sur la fibre d'amiante.
M. Brochu: Je vous rappellerai que le ministre Parizeau a
indiqué qu'il voulait taxer davantage les sociétés
d'État. Cela compliquerait davantage la question.
M. Grégoire: Là, M. le Président, je pense
qu'on est rendu en dehors du sujet. On est sur l'exploitation des
gisements.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Frontenac, vous avez tout à fait raison. On est considérablement
éloigné de la motion d'amendement comme telle. Vous aurez
sûrement l'occasion de revenir sur le même sujet...
M. Brochu: On faisait la discussion sur d'autres points; on avait
d'autres questions et d'autres réponses.
Le Président (M. Clair): ... avec la prochaine motion,
j'en suis convaincu.
M. Brochu: Vous présumez.
Le Président (M. Clair): S'il y en a.
M. Brochu: M. le Président, en étant juge...
Le Président (M. Clair): La prochaine motion sera
peut-être la motion d'adoption de l'article 5? Qui sait?
M. Brochu: Vous ne pouvez même pas faire de pressions pour
arriver à l'adoption d'un article!
Motion rejetée sur division
Le Président (M. Clair): Loin de moi de telles intentions.
La motion d'amendement du député de Saint-Laurent afin que le
paragraphe a) de l'article 4 soit modifié en ajoutant dans la
première ligne, après le mot "de", le mot "nouveaux" et en
ajoutant dans la deuxième ligne, après le mot "production", les
mots "de ces nouveaux gisements", est-elle adoptée?
M. Grégoire: Non.
M. Forget: Sur division.
Le Président (M. Clair): Rejeté sur division. M. le
député de Saint-Laurent, vous avez la parole.
M. Forget: Je vous remercie. M. le Président, il est 11 h
20. Jusqu'à présent je n'ai posé que deux questions au
ministre. L'Opposition officielle ne pourra pas être accusée de
faire de l'obstruction.
M. Bérubé: Non. Pas ce matin.
M. Forget: On est des spectateurs intéressés pour
l'instant. Avant de prendre la parole, je vou-
drais vous souligner une décision qui a été prise
par la présidence, la semaine dernière, lors de nos travaux,
voulant que le paragraphe a) de l'article 4 soit une motion principale,
à la demande du ministre parce que ce dernier nous avait promis,
relativement au paragraphe a) de l'article 4, un débat de fond. Il avait
appelé de ses voeux ce débat parce qu'il avait dit que c'est
autour de ce débat qu'on va finalement attaquer le fond de la
création de la Société nationale de l'amiante, ce qui
voudrait dire que l'ensemble des membres de la commission ont droit de parole
relativement au paragraphe a), tel que le président l'avait
déterminé à ce moment.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent, je ne mets pas votre parole en doute, mais j'aimerais simplement
informer les membres que si on considère que le paragraphe a) de
l'article 4 constitue en soi une motion de fond aux fins de son adoption, je ne
suis absolument pas informé du temps de parole qui aurait
été pris par chacun des membres sur cette motion principale, de
sorte que je me verrais nettement dans l'obligation de considérer que
personne n'a utilisé du temps hormis que quelqu'un puisse m'apporter la
preuve que, effectivement, il y a eu du temps de pris.
M. Grégoire: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Sur la motion principale du paragraphe a), le
député de Saint-Laurent avait épuisé onze minutes
de son temps de parole lors de la présentation d'une motion
d'amendement.
M. Forget: ... sur l'article 4, mais sur le paragraphe a) comme
tel, il n'y a pas eu de temps de parole parce que...
M. Grégoire: Ah! bon. C'était sur l'ensemble de
l'article 4.
M. Forget: Oui, c'est cela.
M. Grégoire: C'est la même chose pour le
député de Richmond qui avait pris dix minutes de son temps de
parole sur l'ensemble de l'article 4.
M. Brochu: Pardon?
M. Grégoire: II avait été
déterminé, par le président de la commission, que tout ce
qui était prononcé, avant la présentation d'un amendement,
constituait un temps de parole pris sur la motion principale.
M. Brochu: D'accord.
Le Président (M. Clair): Cela me cause quand même un
certain petit problème. On a déjà considéré
l'article 4 comme étant une motion principale. Il y a eu du temps de
pris là-dessus. Par la suite, il y a eu une nouvelle entente ou une
décision du président voulant que le paragraphe a) constitue en
soi une motion principale. Je n'ai pas l'intention de remettre cela en cause si
c'est comme cela que les membres de la commission interprètent...
M. Forget: ... pendant assez longtemps. D'ailleurs, entre le
côté ministériel et la présidence, il y a eu un long
échange là-dessus qui a conclu de cette façon. La raison
pour laquelle le président avait donné cette décision
à ce moment, c'est que, par la présentation d'un amendement au
paragraphe a), celui-ci devenait automatiquement une motion principale.
Recherche, développement et exploitation de
gisements
Le Président (M. Clair): Quoi qu'il en soit, je n'ai pas
à revenir sur les motifs qui ont pu être invoqués. Si la
décision a été rendue dans ce sens, je me fais solidaire
de ce que le député de Jonquière avait
décidé. M. le député de Saint-Laurent, je vous
indique que s'il s'agit d'une motion principale vous avez un droit de parole de
20 minutes sur le paragraphe a) de l'article 4. M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, j'aimerais résumer
l'état de la question telle qu'elle nous apparaît à ce
moment-ci, relativement à toute cette question de la stratégie
gouvernementale, qui a été à nouveau exposée ce
matin, et peut-être plus clairement ce matin qu'à d'autres
occasions, stratégie qui consiste à faire pénétrer
le gouvernement et les contribuables du Québec dans le dossier de
l'amiante par la voie d'un investissement massif dans le secteur minier.
Le ministre a dit qu'il faut donner à l'initiative
gouvernementale dans l'amiante un avantage comparatif. Autrement, il nous sera
impossible de pénétrer les marchés internationaux si nous
n'avons pas d'avantages comparatifs. Il a dit que nos concurrents
étrangers, comme la société Johns-Manville, trouvent cet
avantage comparatif dans la possession d'un réseau de distribution de
produits d'amiante. Comme nous ne pouvons nous placer sur un pied
d'égalité avec eux sur ce plan, sur le plan des
débouchés, sur le plan des marchés internationaux, il nous
faut, par conséquent, investir du côté de
l'approvisionnement et trouver dans l'approvisionnement assuré et
à prix avantageux la source de notre avantage comparatif.
Ce raisonnement oublie un fait absolument crucial dans toute
espèce de décision d'investissement. Peu importent les avantages
dont on peu bénéficier sur le plan de l'abondance d'une
ressource, que ce soient des ressources humaines, minérales ou autres,
le plus important et ce qui est déterminant, la condition à la
fois nécessaire comme l'approvisionnement mais suffisante pour un
investissement industriel, c'est la certitude d'avoir des
débouchés.
Or, si, en partant, le gouvernement prend pour acquis qu'il ne lui est
pas possible d'entrer en concurrence avec les sociétés
multinationales qui écoulent les produits à base d'amiante sur
les marchés mondiaux, au départ, il accepte de situer son
investissement, son initiative dans l'amiante sur un pied
d'infériorité permanente avec ses concurrents.
En effet, c'est un désavantage qu'il ne pourra jamais surmonter.
Examinons pendant un instant le raisonnement auquel s'est livré le
ministre pour dire: Regardons, par exemple, la question de Papier Cascade. Le
ministre a attribué le faible fonctionnement de cette entreprise pendant
un certain temps à un resserrement des approvisionnements en fibre qui
aurait été décidé par la société
Johns-Manville de manière à protéger des entreprises
analogues qu'elle possède aux États-Unis. Fort bien!
Supposons que cette hypothèse soit la bonne. Qu'est-ce qui serait
changé par le fait que l'approvisionnement pourrait être fourni de
façon ininterrompue et aussi complètement que possible pour
permettre à Papier Cascade, dans les mêmes circonstances, de
fonctionner à 100%? Si la société Asbestos dispose des
débouchés par définition cela a été
admis par le ministre si elle dispose du réseau de distribution
et du contact avec les marchés américains, il demeure que,
même si Papier Cascade produisent deux fois plus de papier d'amiante, ils
devront l'écouler d'une façon ou d'une autre et,
présumément, ils devront l'écouler par un réseau de
distribution. S'ils n'ont pas ce réseau de distribution et, par
définition, le gouvernement semble avoir choisi de ne pas investir dans
un réseau de distribution pour rejoindre le marché
nord-américain ils devront passer par les réseaux de
distribution connus comme, par exemple, la société
Johns-Manville. Même la possession d'amiante même
l'approvisionnement à 100% d'un transformateur québécois
mettraient ce transformateur québécois devant la même
réalité inexorable d'un marché étranger qu'il faut
pénétrer et pour lequel il n'y a pas de court-circuit possible,
il n'y a pas de raccourci possible. Il faut être en possession ou en
relation avec un réseau de distribution. Quelles que soient les
facilités d'approvisionnement, ceci ne constitue pas, en soi, une raison
suffisante pour pénétrer des marchés, s'il existe
déjà des sociétés qui ont
pénétré ces marchés, qui ont leur propre
réseau de distribution et qui, en plus, sont des transformateurs de la
fibre aux États-Unis ou ailleurs.
À ce moment-là, intervient l'argument de prix. Le ministre
dit: Les sociétés comme Johns-Manville peuvent avantager leur
transformateur américain, leur société transformatrice
filiale aux États-Unis en lui concédant des prix de transfert de
la fibre inférieurs aux prix internationaux et, de cette façon,
lui donner un avantage compétitif sur le marché
américain.
Supposons que ce soit vrai il y a des raisons qui peuvent nous
faire douter de la vérité de ceci, sur un plan concurrentiel
il demeure que la société Johns-Manville, qui n'est ni
expropriée ni achetée par le gouvernement, va conserver cet
avantage même le jour et l'année qui vont suivre l'acquisition par
le Québec de la société Asbestos et l'établissement
d'une industrie de transformation au Québec. (11 h 30)
Donc, même si la fibre est vendue à un transformateur
québécois par la Société nationale de l'amiante
à un prix qui serait inférieur aux prix internationaux par une
marge considérable, il reste que tout ce qu'elle pourra recréer,
c'est une situation d'égalité, sur le plan des prix, avec, par
hypothèse, le prix de transfert inférieur au prix international
pratiqué par la société Johns-Manville. On n'a pas
là un avantage comparatif. On a tout au plus la restauration d'une
parité. Mais il faut poser plus de questions relativement à ces
prix de transfert. Il est vrai qu'il existe à tout moment, pour les
matières premières, des prix internationaux affichés. Il
est vrai également que les échanges commerciaux internationaux ne
se font pas toujours au prix affiché, mais qu'il y a des escomptes qui
sont concédés selon l'état des marchés. Il serait
cependant illusoire de croire que ces escomptes reflètent seulement les
relations de propriété entre une société
mère et les filiales.
Ils reflètent, de façon générale, les
conditions du marché pour la matière première, et ces
escomptes varient d'une année à l'autre selon l'état du
marché. Mais ce qui est plus, c'est que si un transformateur
américain qui dispose de mines au Québec se voyait
favorisé par des prix trop avantageux, des prix de transfert qui se
situeraient non seulement en bas des prix affichés, mais même en
bas des prix que ses concurrents doivent payer pour la même
matière première, ces concurrents, dont certains sont des
concurrents américains, bien sûr, puisque Johns-Manville ne
dispose pas d'un monopole absolu sur le marché américain, ces
concurrents disposent d'un recours en justice devant les tribunaux
fédéraux américains, de manière à obtenir un
rajustement à la hausse de ces prix de transfert.
C'est d'ailleurs à la suite de procédures analogues, des
procédures anti-trust analogues à ces préoccupations
relatives au prix, qu'on a obtenu copie ici en commission parlementaire d'un
jugement forçant Jim Walter à se départir d'un certain
nombre d'entreprises. Ce n'était pas strictement sur la question de
l'approvisionnement, mais cela illustre que ces mécanismes juridiques
fonctionnent, qui permettent soit d'invoquer les lois antitrust pour briser un
monopole sur le marché américain ou, via la Federal Trade
Commission et la réglementation sur les prix de dumping, interdire
à une compagnie qui possède des sources d'approvisionnement
à l'étranger des prix de transfert qui constitueraient du dumping
et qui, à ce titre, constitueraient une concurrence déloyale pour
les autres transformateurs américains.
Il y a donc des doutes sérieux qu'on doit entretenir sur cette
question d'escomptes préférentiels donnés par les
sociétés multinationales intégrées sur les prix de
l'amiante. Cela est si vrai que dans un certain nombre de
sociétés, Jim Walter en
est une, la société Johns-Manville en est une autre, on
s'abstient presque de façon systématique de vendre une partie
trop considérable de la fibre à des sociétés
filiales américaines. Ce qui explique les pourcentages très bas.
La société Johns-Manville vend à Jim Walter de la fibre
alors que la mine qui est la propriété de Jim Walter à
East Broughton vend a Johns-Manville aux États-Unis. Il y a donc cette
espèce de croisement des approvisionnements de manière,
justement, à ne pas venir sous le coup des lois américaines qui
interdisent ce genre de dumping. Il y a le genre de fibre, mais il y a
également les préoccupations juridiques qui sont à la
source de ces pratiques commerciales. Il y a donc des possibilités
réelles pour les producteurs américains de policer
eux-mêmes les prix de transfert, ce qui, bien sûr, n'empêche
pas les autorités fiscales du Québec de déterminer
arbitrairement elles en ont le droit, et cela se fait dans tous les pays
que la fibre se vend au prix affiché plutôt qu'au prix
escompté, étant donné qu'on peut connaître plus
facilement le prix affiché et qu'on peut éviter ainsi des
transferts de profits d'une frontière à l'autre puisque c'est
également une préoccupation légitime du fisc.
Revenons-en à notre politique québécoise de
l'amiante et imaginons que la Société nationale de l'amiante
exploite une mine, veuille concéder des escomptes sur le prix de
l'amiante à l'intention des transformateurs québécois qui
sont situés ici, escomptes qui dépasseraient de loin même
les escomptes consentis par les sociétés multinationales à
leurs propres filiales aux États-Unis, et voudraient, à la suite
de cela, utiliser les produits transformés au Québec, l'amiante
transformé au Québec pour alimenter son exportation vers les
États-Unis. Il y a un problème très sérieux qui se
pose. C'est que même si on peut supposer qu'il y a des prix de transfert,
etc., entre filiales d'une même société américaine,
il reste qu'on peut se demander quelle attitude la société
Asbestos, la société Johns-Manville, la société Jim
Walter et d'autres adopteraient vis-à-vis des produits de transformation
qui envahiraient le marché américain et qui jouiraient sur ce
marché d'un avantage comparatif attribuable au fait d'un escompte
vraiment exceptionnel consenti par des mines, propriété du
gouvernement au Québec, à des transformateurs
québécois.
On peut faire une prédiction certaine là-dessus, c'est que
le premier trimestre où on verrait ces exportations faire une
percée importante sur le marché américain, il y aurait une
intervention de la Federal Trade Commission américaine et on invoquerait
devant cette instance des lois antidumping pour imposer ce qu'on appelle un
"compensating levy", c'est-à-dire une charge compensatoire, un droit
compensatoire sur ces importations afin que l'avantage additionnel que la mine
gouvernementale aurait consenti sur le prix de l'amiante soit exactement
compensé dans le prix du produit fini, de manière à
restaurer la situation concurrentielle "ex ante" entre les produits
transformés au Québec et ceux transformés aux
États-Unis.
Il est donc impossible pour le gouvernement du Québec, de
façon unilatérale et seulement en se servant de l'outil que
constitue la propriété d'une mine et, donc, la
propriété d'une source d'approvisionnement en fibre, de modifier
les politiques commerciales américaines. Cela devrait être
évident. C'est un peu ce que le ministre suggère en disant que
l'on peut se donner par l'approvisionnement et par des prix favorables sur la
fibre un avantage comparatif dont d'autres jouissent, mais sous une autre
forme, c'est-à-dire la proximité des marchés, la
propriété des réseaux de distribution pour les produits de
l'amiante; pas pour l'amiante, pas pour la fibre, mais pour les produits de
l'amiante.
C'est une stratégie qui porte complètement à faux,
parce qu'il n'est pas possible pour le gouvernement, même s'il voulait
donner la fibre d'amiante à un transformateur du Québec, de
franchir le mur fiscal que constitue la frontière américaine. Je
dis la frontière américaine, mais la même chose vaut
évidemment pour la frontière tarifaire, douanière du
Marché commun. Même si on voulait donner la fibre à un
transformateur du Québec, ces pays, soit le Marché commun, soit
les États-Unis, rétabliraient l'équilibre en imposant, en
sus de leurs douanes normales sur les produits transformés à base
d'amiante, une charge compensatoire qui mettrait leurs propres producteurs
nationaux sur un pied d'égalité avec les transformateurs de la
fibre qui se situeraient sur le sol du Québec.
Donc, c'est une stratégie qui nous implique dans des
dépenses considérables, peut-être des dépenses pas
rentables, mais là n'est pas le point important. C'est une fausse
stratégie puisqu'elle nous promet des résultats qu'elle ne peut
pas livrer. Les amendements que nous avions présentés et qui ont
été rejetés visaient à restreindre le plus possible
les dégâts, à éliminer la recherche de gisements,
à éliminer même complètement l'exploitation
d'anciens gisements pour au moins que cette aventure nous donne de nouveaux
emplois.
Si on regarde l'ensemble du dossier, il reste que c'est tout l'ensemble
du paragraphe a) qu'il faudrait éliminer. En effet, si des
investissements sont nécessaires dans le domaine de l'amiante, tout le
monde convient qu'ils doivent se faire sur le plan de la transformation. Les
mines, on les a déjà. Donc, le problème ne se situe pas du
côté des mines, on les a déjà. Ce qui nous manque,
ce sont des industries de transformation au Québec. Il est faux de
prétendre, comme le dit le gouvernement, qu'il faut posséder des
mines pour avoir des industries de transformation. Ce qu'il faut faire
et nous y reviendrons plus loin c'est prendre pied sur des
marchés étrangers en faisant des investissements pour partager au
moins, à titre de partenaire, la propriété de certains
réseaux de distribution de produits de l'amiante.
Je me demande encore comment il se fait que le ministre actuel et
même les ministres précédents, dans le domaine de
l'amiante, n'aient pas entrepris de négociations pour avoir une
participation a une société qui a un réseau de
distribution soit en Europe, soit aux États-Unis. Peu importe,
dans le fond, où est le réseau de distribution, ce qu'il
s'agit de faire, c'est de distribuer les produits. Il est fort possible que le
marché européen soit plus intéressant ou le marché
japonais, et Dieu sait que le marché américain l'est pour les
produits de l'amiante, peu importe, mais il y a un certain nombre de
possibilités pour que les investissements qu'on veut faire dans les
mines ici, on les fasse plutôt...
Après, si vous n'avez pas d'objection.
M. Bérubé: Oui.
M. Forget: ... dans des réseaux de distribution des
produits à base d'amiante. C'est seulement de cette façon que
l'avantage comparatif, qu'il nous faut avoir d'une façon ou d'une autre,
on va pouvoir l'acquérir de façon beaucoup plus certaine que par
l'approvisionnement. Il n'y a pas de problème d'approvisionnement de
fibre, il y a un très grand problème d'accès au
marché. Tout le monde sait très bien qu'il faut exporter 90% ou
quelque chose du genre de notre fibre d'amiante; la question qui se pose
à nous n'est pas de savoir si on va l'exporter ou pas, c'est de savoir
si on va la transformer avant de l'exporter ou si on ne la transformera pas
avant de l'exporter. Pour la transformer ici avant de l'exporter, il faut
être sûr que les produits qu'on va exporter ont un marché.
Pour exporter des produits à base d'amiante, il faut un réseau de
distribution autrement plus compliqué, autrement plus étendu que
celui qu'il faut avoir pour distribuer les fibres d'amiante. Les fibres
d'amiante sont classées, malgré tout, d'après un certain
nombre de catégories et ceux qui en veulent savent où se les
procurer, c'est largement au Québec puisque 70% de l'amiante qui est
commercialisée internationalement se retrouvent au Québec; donc,
il n'y a pas de problème de ce côté, la mise en
marché de fibres se fait relativement facilement.
De fait, la société Asbestos elle-même avait
quelques problèmes de mise en marché de sa fibre; elle a
engagé une personne additionnelle qui est une espèce de commis
voyageur itinérant, qui est installé à Montréal,
qui prend l'avion et qui va avoir les utilisateurs. C'est essentiellement un
groupe de vente de quelque deux ou trois personnes qui peut suffire à
commercialiser des centaines de millions de fibre. Finalement, les utilisateurs
sont sophistiqués, ils n'ont pas besoin de mode d'emploi, ils savent
comment l'utiliser; ils ont tout simplement besoin d'avoir la
possibilité d'un contact pour la conclusion de commandes. Dans le cas de
produits d'amiante, dans le cas de matériaux de construction, il faut
entreposer les matériaux, il faut avoir des instructions au
constructeur, s'il s'agit de nouveaux matériaux, sur le mode d'emploi.
Il s'agit en somme, d'avoir tout un réseau qui ne se justifie pas pour
un seul produit, mais qui se justifie seulement si on a un certain
éventail de produits à offrir, d'où sa complexité.
C'est de ce côté que le gouvernement devrait regarder, non pas du
côté des mines, non pas du côté de
l'approvisionnement.
Encore une fois, même si on avait deux fois plus de mines qu'on en
a au Québec, même si on donnait la fibre aux transformateurs, il
reste que le problème demeurerait entier, le problème en est un
d'accès au marché. C'est seulement en regardant de ce
côté-là que le gouvernement va faire des progrès.
C'est une distraction lamentable, une distraction au point de vue de
l'attention que le gouvernement peut accorder au dossier, au point de vue des
ressources finaicières qu'il peut consacrer au développement de
l'amiante, à ce double point de vue, c'est une distraction lamentable
à laquelle se livre le gouvernement par cette stratégie qui est
mal orientée et qui n'est pas justifiée. Encore une fois, le
ministre l'a dit tout à l'heure, on peut conclure des contrats
d'approvisionnement avec des producteurs de fibre au Québec, il n'y a
pas de problème de ce côté, "y a rien là"! On
acquiert une société de l'amiante, on acquiert une mine
soi-disant pour obtenir de l'expertise, mais c'est une expertise
minière, ce n'est pas une expertise de fabrication. Si on veut faire de
la fabrication au Québec, ce n'est pas d'une expertise minière
dont on a besoin, c'est de l'expertise de fabrication. De ce côté,
la possession de la société Asbestos ne nous avance pas d'un
cheveu.
Nous serons encore une fois, comme dans le cas de SIDBEC je
termine là-dessus dans la position d'avoir acquis une partie, et
pas nécessairement la partie la plus significative, de l'ensemble d'une
industrie. Dans un an, dans deux ans, on obtiendra de la part du conseil
d'administration de la Socité nationale de' l'amiante un plaidoyer
disant: Avec ce qu'on a, on n'est pas capable de déboucher du
côté de la transformation, on n'a pas les débouchés
voulus, il faut faire des investissements auprès de distributeurs, il
faut prendre une participation minoritaire dans telle société qui
fait la mise en marché de produits de construction au Japon, en Italie
ou Dieu sait où et, de ce côté-là, il faut une
dizaine de millions, il faut une vingtaine de millions, il en faut une autre
vingtaine ailleurs; si on n'a pas cela, de toute façon, on n'est pas
plus avancé qu'avant.
C'est la raison pour laquelle je disais tout à l'heure au
ministre: II y a entre SIDBEC et la société Asbestos un
parallèle remarquable, c'est le pied dans la porte seulement. Les $250
millions, c'est juste pour s'amuser, ce sont les hors-d'oeuvre de la politique
gouvernementale. On devrait peut-être se dispenser des hors-d'oeuvre et
passer au plat principal le plus rapidement possible, le plat principal
étant la transformation. De cela, on n'en entend pas parler. On entend
parler de toutes sortes d'élucubrations sur la nécessité
de posséder des mines. Cela ne nous a pas convaincus et c'est la raison
pour laquelle nous voterons contre l'adoption du paragraphe a) de l'article 4.
(11 h 45)
Le Président (M. Clair): Je vous remercie, M. le
député de Saint-Laurent. Je vous indique que vous avez
épuisé votre droit de parole sur la motion principale concernant
l'adoption de l'article
4a. M. le député de Richmond, désirez-vous
intervenir?
M. Brochu: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Clair): Vous avez 20 minutes.
M. Brochu: Je vais également revenir sur certaines
questions que j'ai posées et que j'ai discutées avec le ministre
tout à l'heure. L'objet de l'article 4a, en définitive, est de
permettre au gouvernement de passer à l'acquisition d'une entreprise et
d'exploiter lui-même un gisement d'amiante. Le but ultime de toute
l'opération que le gouvernement met en branle actuellement par son
projet de loi 70, ainsi que par toutes les autres dispositions qui pourront
venir par la suite, c'est d'assurer une plus grande transformation de l'amiante
au Québec. On l'a dit et on le répète: en ce qui nous
concerne, nous de l'Union Nationale, on a dit qu'on était
entièrement d'accord avec la question de transformation de
l'amiante.
Cependant, ce que j'ai indiqué au ministre déjà
je le lui rappelle également c'est que le chemin que le
gouvernement prend est beaucoup trop long et beaucoup trop onéreux pour
arriver aux résultats définis. M. le Président, le choix
que le gouvernement s'est fixé et je reviens là-dessus
c'est d'abord un choix politique. Dans les questions que j'ai
posées au ministre tout à l'heure, on n'a pas eu les
réponses satisfaisantes en termes de rentabilité et de raisons
pour lesquelles on emprunte cette voie de vouloir acquérir une
entreprise qui procède à l'extraction du produit d'amiante.
Transformation, oui, mais le moyen que le gouvernement prend, non. Cet
emblème, en fait, que le gouvernement veut se donner pour dire qu'on est
maître chez nous dans le domaine de l'amiante risque de nous coûter
fort cher, beaucoup plus cher que prévu au point de départ, et de
nous amener à des résultats fort différents de ceux que le
gouvernement vise actuellement.
Le parallèle, je pense qu'il a été établi
j'en ai parlé tout à l'heure avec SIDBEC, qui est
une entreprise d'État. J'ai bien l'impression l'avenir pourra
nous le dire à ce sujet; j'espère que cela ne sera pas le cas,
mais je crains que cela le devienne que ce sera une autre SIDBEC qui
soit sous l'assistance sociale gouvernementale et qui nous revienne
régulièrement devant l'Assemblée nationale pour demander
des fonds nouveaux pour être capable de fonctionner et d'éponger
ses déficits accumulés.
Ce qui se passe et ce qui va se passer par le projet de loi du
gouvernement, c'est que tout d'abord le gouvernement a fait ce que j'ai
appelé la semaine dernière ou la semaine d'avant un peu de
"window shopping" dans le domaine des entreprises puisque j'ai fait état
de certaines recherches que le gouvernement avait faites auprès d'autres
entreprises pour voir les possibilités d'acquisition. Je sais qu'il y a
eu un certain coup d'oeil qui a été jeté du
côté de l'entreprise canadienne Johns-Manville Asbestos,
peut-être d'autres également. Le choix du gouvernement s'est
posé, en dernier ressort, sur la plus vieille entreprise existante, sur
celle dont les installations sont les plus vétustes, qui laisse le plus
à désirer au point de vue de la salubrité et des
conditions de travail.
C'est le choix du gouvernement; je lui en laisse la
responsabilité. Il aura d'ailleurs à en répondre devant la
population. Mais le début du scénario a été tout
d'abord une prospection au niveau de l'achat possible de différentes
entreprises pour arriver, en conclusion, à acheter l'entreprise la plus
vétuste, la moins rentable peut-être, celle que la compagnie
elle-même n'avait pas jugé bon de relever comme entreprise.
On va donc procéder éventuellement à l'achat
si jamais cela se fait de cette entreprise. Il faudra le lendemain matin
reconstruire l'usine qui est déjà existante et, par la suite, le
gouvernement du Québec va se retrouver simplement une des entreprises
d'extraction de fibre d'amiante au Québec. Il devra procéder
à une foule d'autres opérations pour arriver au domaine qu'il
veut toucher, soit celui de la transformation. À ce moment-là,
dans ce cheminement qui sera plus ou moins cahoteux on peut le
prévoir maintenant j'ai l'impression qu'on va revenir souvent
devant l'Assemblée nationale demander d'autres crédits pour
pouvoir compléter les opérations, sinon s'engager dans un
processus beaucoup plus large d'acquisition d'entreprises de fibre d'amiante au
Québec. Le lendemain matin, même si vous aurez une entreprise
entre vos mains en créant une nouvelle société
d'État, vous n'aurez pas davantage les marchés des produits
déjà existants. Je pense que c'est la réalité
à laquelle vous allez devoir faire face au lendemain de l'acquisition de
l'Asbestos Corporation. Vous allez vous lancer dans la bataille de titans qui
existe actuellement au niveau des marchés où déjà
des entreprises qui ont le "know-how", l'expertise, non seulement au niveau de
l'extraction, mais également au niveau de la fabrication et des
marchés de vente d'amiante brut, occupent déjà une large
place. À ce moment-là, vous allez vous retrouver tout simplement
dans cette bataille et l'issue du combat est un peu prévisible dans le
sens que j'ai déjà indiqué. Lorsque vous parlez de
nouveaux produits, évidemment, étant des nouveaux marchés,
à ce moment-là la marge de manoeuvre est beaucoup plus large et
les champs d'action sont possibles. Cependant, cela ne change pas du tout le
fond du problème auquel j'ai fait allusion tout à l'heure. Ce
dont vous avez besoin à ce moment-là ce sont des garanties
d'approvisionnement. Ce que le ministre m'a indiqué tout à
l'heure lorsque je lui ai posé ces questions c'est qu'il y avait
possibilité pour le gouvernement d'avoir auprès des entreprises
existantes, des sources d'approvisionnement en matière
première.
M. Bérubé: Pas des garanties. Je n'ai jamais dit
qu'il y ayait des garanties.
M. Brochu: Vous avez dit qu'il y avait des possibilités
d'approvisionnement. Lorsqu'on parle de garanties, c'est autre chose,
c'est...
M. Bérubé: Les compagnies vont vous dire qu'elles
sont prêtes à vous vendre...
M. Brochu: Elles sont prêtes à vendre, c'est leur
rôle premier de faire l'extraction d'amiante et de vendre leurs
produits...
M. Bérubé: Si le prix est bon, elles vont
vendre.
M. Brochu: ... tant et si bien d'ailleurs, le ministre l'a
reconnu à partir des propos que je lui ai tenus que les grandes
entreprises qui font l'extraction au Québec actuellement ne transforment
qu'un faible pourcentage et la majeure partie de leur fibre brute est vendue
à ce que le ministre appelle et je le souligne entre guillemets
"des entreprises compétitives de transformation".
M. Bérubé: Si le prix est bon, elles vont
vendre.
M. Brochu: À ce moment-là, cela veut dire
simplement ceci et je reviens là-dessus, parce que je pense que
c'est une question fondamentale le gouvernement n'a pas besoin du tout de
passer par l'acquisition d'une entreprise pour s'approvisionner en fibres. Ce
dont il a besoin pour faire la transformation d'amiante en produits finis au
Québec, c'est de la fibre. Pourquoi passer par l'acquisition d'une
entreprise qui va nous amener des coûts énormes, qui va placer le
gouvernement dans un état de compétition où il ne pourra
pas faire le point?
M. Bérubé: Le député de Richmond me
permettrait-il de lui poser une question juste sur ce point-là en
particulier? J'aimerais qu'il explicite là-dessus, parce que cela nous
permettrait de mieux comprendre et de mieux répondre.
M. Brochu: Je reviens essentiellement sur ce qu'on était
en train de...
Le Président (M. Clair): Permettez-vous la question, M. le
député de Richmond?
M. Brochu: Oui, mais je pense qu'elle a été
posée dans ce sens pour... Je reviens essentiellement...
M. Bérubé: Je voudrais la poser. M. Brochu:
D'accord. Posez-la!
M. Bérubé: Je sais que vous vous prépariez
à répondre avant que je la pose, mais c'est toujours plus
intéressant de savoir la question.
M. Brochu: Vous avez dit: Je peux avoir plus de précisions
sur ce que vous m'avez dit!
M. Bérubé: Ce que je ne comprends pas tout à
fait dans votre argumentation et vous devez être capable
d'expliquer ce point-là j'ai bien dit qu'il n'y avait pas une
compagnie présentement qui refuse de vendre de la fibre. Par
conséquent, si le prix est bon, il ne fait aucun doute que nous pourrons
obtenir de la fibre. De quel avantage disposerait une industrie de
transformation établie au Québec si elle achetait sur le
marché québécois de la fibre au même prix,
peut-être même un peu plus cher, que son concurrent
étranger, qui lui achète la fibre au Québec et la
transforme chez lui? De quel avantage disposerait-elle de manière
à justifier l'implantation d'une industrie de transformation? Puisque
vous insistez sur ce point-là, il faudrait que vous vous disiez comment,
parce que je vous réponds que ce n'est pas possible. Vous n'explicitez
jamais vraiment sur ce point-là. Je vous demande de quel avantage
dispose votre usine de transformation établie au Québec qui
achète sa fibre sur le marché libre, qui est donc obligée
de faire compétition et doit forcément payer un peu plus cher, ou
au moins le même prix que la fibre vendue sur les marchés
mondiaux? De quel avantage cette industrie va-t-elle bénéficier
pour vendre ses produits sur les marchés mondiaux?
M. Forget: Si vous comptez sur le genre d'avantages que vous avez
à l'esprit, il faudrait d'abord que vous répondiez en quoi il n'y
aura pas une taxe compensatoire...
M. Bérubé: Laissez-moi répondre! Je demande
au député de Richmond... Parce que c'est là,
fondamentalement, la question qu'il faut poser à la suite du genre
d'argumentation que vous évoquez. Si une industrie au Québec ne
bénéficie d'aucun avantage, je ne vois pas comment elle va faire
compétition avec notre fabricant européen qui lui, achète
sa fibre au même prix...
M. Grégoire: Mais qui n'a pas de droits
d'entrée.
M. Bérubé: ... et qui n'a pas de droits
d'entrée, qui a des coûts de transport plus faibles.
M. Brochu: Indépendamment, évidemment, de la
question qui a été soulevée par le député de
Saint-Laurent en ce qui concerne la taxe...
M. Bérubé: II ne faudrait pas toujours se
réfugier derrière le Parti libéral.
M. Brochu: Non, non. Je ne me réfugierai nulle part, mais
il va falloir vous expliquer vous aussi. C'est là le sens des questions
qu'on pose et des éclaircissements qu'on veut avoir. De quel avantage
je vous la pose sur l'autre sens, je vous retourne la question de
quel avantage allez-vous bénéficier au lendemain de l'acquisition
d'une entreprise à X coût sur le marché lorsque vous allez
être seulement un des compétiteurs? À ce moment-là,
vous avez emprunté une voie très longue pour arriver à un
niveau de transformation qu'on ne connaît même pas encore. Vous
avez investi parce que vous calculez votre coût d'investissement pour
l'achat, la reconstruction et toutes
ces choses avant d'arriver à faire votre premier sou de profit;
j'espère que c'est aussi l'objectif, que cela soit rentable. De quels
avantages allez-vous bénéficier en vous portant acquéreur
d'une seule des entreprises exploitant au Québec pour vous trouver en
concurrence très forte avec les autres qui ont actuellement les
marchés? Je peux vous retourner la question dans ce sens parce qu'il y a
deux niveaux de discussion là-dedans.
M. Bérubé: J'ai l'impression que vous ne voulez pas
répondre.
M. Brochu: Non. Regardez, vous avez les produits qui peuvent
être fabriqués qui sont connus actuellement. Les marchés
sont occupés par les entreprises déjà existantes. Elles
les ont, les marchés. Qu'allez-vous faire le lendemain matin? Dans
quelle position allez-vous être, même si vous avez votre propre
petite mine, lorsque vous allez essayer de frapper à la porte des
clients éventuels sur le marché international, aux
États-Unis ou ailleurs, puisque les compagnies qui sont
déjà là sont fortement implantées avec tous leurs
points de distribution, avec leur réseau de vendeurs et ainsi de suite?
C'est une question. Elle est importante parce que vous allez devoir y faire
face.
M. Bérubé: Oui, on a le même problème.
Je ne nie pas ce problème, mais vous l'avez aussi.
M. Brochu: Oui, mais là où il y a plus de
possibilités...
M. Forget: C'est là qu'il faut faire l'investissement.
M. Brochu: Oui. Là où il y a plus de
possibilités, c'est au niveau de produits nouveaux.
M. Forget: On peut faire une entente avec un produit...
Le Président (M. Clair): À l'ordre, s'il vous
plaît, messieurs!
M. Forget: C'est la première fois que vous le dites. Vous
n'en avez jamais parlé.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent et M. le ministre, je vous invite à respecter le droit de
parole du député de Richmond.
M. le député de Richmond, vous avez la parole.
M. Brochu: Merci, M. le Président. C'est simplement au
niveau des produits nouveaux où il y a des marchés qui sont plus
facilement accessibles. Ce que je veux dire par là, c'est que le
gouvernement n'est pas obligé, pour atteindre ces marchés de
produits nouveaux, de procéder à l'acquisition d'une entreprise.
Ce qui suffirait, au point de départ, c'est de s'assurer de
l'approvisionnement en fibre et de procéder directement. Ce serait beau-
coup moins onéreux et moins risqué que de créer encore une
autre entreprise d'État qui va nous amener je ne sais pas où et
qui va nous coûter je ne sais pas quoi. C'est cela, dans le fond, le
problème. Vous voulez effectuer la transformation. On le veut, nous
aussi. Il n'y en a pas de problème là-dessus. Cependant, ce que
l'on vous dit, c'est que vous n'avez pas besoin de passer par Ottawa pour aller
à Orsainville à partir de Québec. C'est cela que vous
faites actuellement en disant: On veut s'acheter une mine. Vous pouvez bien
vouloir vous acheter une mine, mais seulement cela implique des deniers et des
coûts. Vis-à-vis de l'objectif que vous vous êtes
fixé, on dit oui, mais on dit non au moyen parce que le niveau de
l'aventure est beaucoup trop grand.
Tout à l'heure, j'ai posé au ministre la question
suivante: Est-ce que vous avez fait des approches auprès des compagnies
existantes, à savoir si elles seraient prêtes à vous
fournir de la fibre? On a dit: Oui, il y a eu certaines discussions larges
là-dessus. L'approvisionnement en fibre auprès des compagnies
existantes est possible. Donc, si elle est possible, partons de ce constat et
mettons-le en rapport avec l'objectif du gouvernement de procéder
à plus de transformation. Je vous dis ceci: Organisez-vous pour avoir un
approvisionnement raisonnable en fibre et, à ce moment, vous allez
pouvoir effectuer directement la transformation. Vous n'aurez pas besoin de
nous entraîner dans tout ce cheminement dangereux dans lequel vous voulez
nous embarquer actuellement. C'est un peu cela, les données
fondamentales du problème. J'aimerais que le ministre nous donne des
indications là-dessus.
Le Président (M. Clair): M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, je vais donc
essayer d'amener un certain nombre d'arguments. D'une part, je dois dire que,
dans la présentation du député de Saint-Laurent, j'ai cru
discerner un certain nombre d'affirmations que je voudrais qualifier, à
tout le moins, de légèrement gratuites. Ainsi, le
député de Saint-Laurent nous dit qu'il n'y a pas de
pénurie d'amiante, qu'il n'y a pas de pénurie prévisible
d'amiante. Personnellement, cela m'apparaît intéressant puisque
tous les documents que nous avons déposés à cette
commission, qu'ils originent du gouvernement fédéral, qu'ils
originent du gouvernement du Québec, qu'ils originent du gouvernement
américain, qu'ils originent de SORES, enfin de quelque source qu'ils
soient, affirment un problème de pénurie. Or, le
député de Saint-Laurent...
M. Forget: Ce sont de vieilles projections.
M. Bérubé: ... lui, nous dit, évidemment,
que ce n'est pas vrai. Nous avons accès à des sources
d'information, à des analyses rigoureuses dans la demande en amiante et
nous sommes en mesure de nier tous ces mémoires que le ministre a
déposés. (12 heures)
Évidemment, s'il ne s'était agi que de mémoires et
de documents en provenance du gouvernement je pourrais comprendre que le
député de Saint-Laurent invoque des soi-disant
possibilités d'emplois qu'il pourrait obtenir dans la future
Société nationale de l'amiante pour faire montre d'une certaine
complaisance à l'égard du ministre et lui fournir les
renseignements que le ministre espère obtenir. C'est le genre
d'argumentation que j'ai entendu au moins à six ou sept reprises depuis
les derniers mois.
Néanmoins, je citerais une phrase de la page 6 du Mineral
Commodity Profiles, Asbestos, United States Department of the Interior, de
septembre 1977. Ayant fait une analyse des projections de demande, des "current
researches", voici ce que l'auteur souligne: "The present shortages and
projected demands indicate non pas "will indicate", mais "indicate" au
présent serious depletion of present reserves by the end of the
century. Accelerated research is necessary to find substitute fibers." À
plusieurs endroits, dans l'étude, on souligne la dépendance des
fabricants américains de source étrangère. On souligne ce
problème comme étant un problème politique important pour
le gouvernement américain.
Donc, le député de Saint-Laurent prétend qu'il n'y
a pas de déficit, alors que les rapports que je lui ai remis indiquaient
que, dès 1974, il y avait un déficit de 85 000 tonnes. Il est
vrai que, présentement, il existe un léger surplus. Faut-il
souligner cependant au député de Saint-Laurent, puisqu'il a,
à un moment donné...
M. Forget: ... une baisse continue.
M. Bérubé: ... invoqué cette argumentation,
que les prix ont augmenté à une vitesse effarante au cours des
dernières années...
M. Forget: C'est pour cela qu'il n'y avait pas de
déficit.
M. Bérubé: ... que, tout récemment, dans le
"Northern Miner"... S'il prenait la revue de presse d'aujourd'hui, il verrait
un article intitulé "Price increase in 1977 boosts value of Asbestos
shipments."
En d'autres termes, l'industrie de l'amiante, comme elle peut choisir de
le faire, a préféré miser sur l'augmentation des prix, ce
qui, forcément, connaissant la loi de l'offre et de la demande dans un
marché statique et non pas dans un marché dynamique... La loi de
l'offre et de la demande prédit que, lorsque l'on augmente
substantiellement les prix, la demande doit fléchir. C'est un principe
fondamental d'économique dans un marché statique.
Évidemment, on ne tient pas compte du marché dynamique de
l'augmentation naturelle de la demande avec les années. Je dis bien que,
instantanément, lorsque l'on augmente substantiellement les prix, il
doit y avoir une diminution de demande. Or, les prix ont plus que doublé
pendant ces quatres dernières années et la consommation a
baissé de 6%. Vous imaginez l'augmentation de profitabilité pour
l'industrie. Donc, l'industrie a jugé qu'il était plus
intéressant pour elle, présentement, d'augmenter ses prix, et de
réduire légèrement son volume de production de
manière à maximiser ses profits. Évidemment, elle sait
qu'elle court toujours un risque, celui d'entraîner la substitution.
Par conséquent, cette industrie qui, on l'espère, n'est
pas folle, va regarder évoluer le marché. Si la substitution se
fait trop importante, elle n'a qu'à maintenir ses prix à ce
niveau, à attendre un certain nombre d'années pour que
l'inflation rejoigne ses compétiteurs et, à ce moment-là,
elle se remettra dans une meilleure situation; elle pourra donc recommencer la
manoeuvre. C'est donc un calcul économique qui m'apparaît
personnellement tout à fait plausible, tout à fait valable, et
qui s'explique très bien dans un marché de pénurie de
fibre où on a une marge de manoeuvre beaucoup plus grande que dans un
marché où la fibre est tellement abondante qu'une augmentation
substantielle du prix serait immédiatement annulée par un des
vendeurs qui refuserait de soutenir le prix au niveau où il est de
manière à écouler davantage le produit. Il pourrait donc
prendre la place de ses compétiteurs.
On voit donc que, dans un marché captif, l'industrie de l'amiante
peut se permettre le luxe d'augmentations très substantielles de ses
prix en affectant relativement peu la demande, parce qu'il s'agit là
d'un marché captif où il y a pénurie.
Donc, c'est peut-être une affirmation un peu rapide de la part du
député de Saint-Laurent. Une deuxième affirmation
peut-être un peu rapide, mais dans laquelle il y a un
élément de vrai néanmoins.
Il a mentionné qu'une baisse draconienne du prix de vente de
fibre à des industries québécoises amènerait des
accusations de motivation en vertu des lois antitrust américains. Je
pense que ce n'est pas tant des accusations en vertu des lois antitrust que des
accusations en vertu des lois antidumping. Oui, après correction, c'est
pour cela que je vous dis qu'on pourrait difficilement savoir si or parlait de
lois antitrust ou antidumping. Cela pou vait nous donner le
bénéfice du doute. Dans le cas de la loi antitrust, je pense que
c'est tout à fait différent. La notion du trust invoquée,
par exemple, dans le cas de Jim Walter est que Jim Walter prenait un
contrôle beaucoup trop grand de l'industrie de la construction et,
à ce moment, on obligeait la société Jim Walter à
se départir d'un certain nombre de ses intérêts.
Ce n'est pas parce qu'une mine est intégrée à une
industrie de transformation de l'amiante qu'on peut invoquer des lois
antitrust. Cependant, la Loi antidumping, pourrait certainement être
invoquée, dans le cas où, effectivement, une industrie vendrait
moins cher à l'étranger qu'elle vend dans son propre pays, on
pourrait accuser une telle compagnie de dumping. C'est ce que l'on fait quand
on veut vérifier une accusation de dumping; on va vérifier si le
prix de vente au Japon est supérieur au prix de vente américain.
Je n'ai jamais dit que
nous vendrions plus cher au Québec que nous vendrions aux
États-Unis. Au contraire, forts de l'absence de tarifs et forts de
l'absence des coûts de transport, nous pourrions vendre moins cher au
Québec que nous vendrions aux États-Unis, ce qui fait que la
preuve du dumping serait éminemment difficile à
établir.
Dois-je souligner au député de Saint-Laurent...
M. Forget: C'est fort.
M. Bérubé: Ah, c'est très fort, parce que
vous voyez tout de suite que l'accusation antidumping est beaucoup plus
difficile à invoquer. Je dois souligner également au
député de Saint-Laurent qu'il n'y a pas de tarif...
M. Forget: Ce que le ministre oublie, c'est que c'était la
production essentiellement pour l'exportation.
Le Président (M. Clair): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bérubé: M. le Président, je n'ai pas
permis au député de Saint-Laurent de poser des questions. Il ne
m'a d'ailleurs pas donné cette autorisation alors que c'était son
droit de parole. J'ai dû attendre à la fin de son exposé
pour poser mes questions. Je voudrais donc souligner au député de
Saint-Laurent que le Canada pourrait imposer un tarif à l'exportation,
ce qui donnerait un avantage comparatif à notre industrie de l'amiante
au Québec.
M. Forget: Cela réglerait votre problème
d'approvisionnement.
M. Bérubé: Or, faut-il le souligner, le
gouvernement canadien le fait dans le cas du pétrole, c'est ce qu'il
applique présentement, il applique des tarifs, des droits miniers, des
royautés au pétrole provenant de l'Alberta pour subventionner
l'industrie québécoise. On n'a jamais entendu parler aux
États-Unis de loi antitrust ou de loi antidumping qui pourrait
s'appliquer dans le cas présent. Et vous avez pourtant exactement la
même situation. Vous avez un gouvernement...
M. Forget: On vent plus cher à l'étranger que sur
le marché domestique.
M. Bérubé: Exactement, on vend plus cher à
l'étranger que sur le marché domestique.
M. Forget: L'antidumping, c'est pour l'inverse.
M. Bérubé: Ce qui permettrait à votre
industrie québécoise, l'industrie pétrochimique, de vendre
des produits pétroliers à meilleur compte sur le marché
américain. C'est exactement le même mécanisme. Vous voyez
bien que cela ne s'applique pas, c'est-à-dire qu'un gouvernement peut
certainement choisir de se priver de ses taxes s'il veut favoriser une
industrie et ceci lui est tout à fait loisible. À une condition:
c'est qu'il ne vende pas sur ses propres marchés à des
coûts qui sont finalement inférieurs à ce qu'il vend
à l'étranger parce que, là, il pourrait être
susceptible d'accusations de dumping. Ce qui m'amène à souligner
pourquoi l'achat de l'Asbestos Corporation peut être avantageux.
Le député de Saint-Laurent a souligné un
problème qui est réel et qui, je pense, ne fait aucun doute,
celui de la pénétration des marchés. Je pense qu'il
souligne un aspect important d'une politique de l'amiante qui a d'ailleurs
été présentée lorsque nous avons soumis au public
cette politique de l'amiante. Il y avait un des éléments de la
politique de l'amiante qui parlait de la création au Québec, par
le biais de la Société nationale de l'amiante. On avait bien dit
Seule ou avec d'autres, mais que nous rechercherions l'association avec
d'autres pour la création d'une industrie de transformation de
l'amiante. La raison pour laquelle on chercherait des associations, c'est
évidemment de manière à pouvoir pénétrer
plus facilement les marchés. Il ne fait aucun doute qu'une association
avec une entreprise, que ce soit Eternit ou Latty ou une autre qui
détient déjà une part du marché mondial, nous
permettrait certainement de pénétrer plus facilement les
marchés. Sauf que et c'est là que le député
de Richmond n'a pas voulu répondre à la question pour
amener Eternit à s'implanter au Québec, il faudrait lui donner
des avantages, il faudrait compenser certains désavantages par d'autres
avantages, puisqu'il ne fait aucun doute que l'exportation de produits
transformés aux États-Unis faisant face à une tarification
ne donnerait aucun avantage à la société Eternit si elle
venait s'établir au Québec. Elle aurait même tout avantage
à s'établir aux États-Unis, à transformer aux
États-Unis et, à ce moment, à acheter la fibre directement
du Québec.
Donc, le député de Richmond n'a pas voulu répondre
à cette question, mais c'est une question qui est fondamentale et que le
député de Saint-Laurent a très bien comprise, à mon
point de vue, c'est-à-dire que, si nous voulions pénétrer
les marchés, il faudrait nécessairement donner à notre
industrie de transformation certains avantages. Idéalement, c'est lui
trouver des partenaires qui sont déjà implantés dans les
marchés que nous voulons pénétrer. Mais, pour trouver ces
partenaires, il faut offrir quelque chose. En affaires, il faut toujours offrir
quelque chose. Il est impossible d'amener un partenaire à
s'établir ici si nous n'avons absolument rien à lui offrir en
échange.
Qu'est-ce que le député de Saint-Laurent prévoit
offrir en échange? Il ne l'a jamais souligné, il dit simplement:
On devrait s'associer, mais il reconnaît que nous aurons des tarifs
à vaincre, il reconnaît que nous aurons des coûts de
transport de produits finis à vaincre, il reconnaît donc des
désavantages comparatifs, que le député d'Outremont a
très bien soulignés lors de son discours de deuxième
lecture, à l'implantation d'une industrie de transformation au
Québec, mais, les ayant reconnus, n'ayant proposé aucune solution
pour
les corriger... Parce que cette participation, M. le
député de Saint-Laurent, ne viendra pas s'il n'y a aucun
avantage. Quel avantage va-t-on offrir à notre coparticipant?
M. Forget: De l'argent, ce n'est pas de l'avantage?
M. Bérubé: Vous voulez dire que vous allez
réduire ses impôts, que vous allez lui donner des subventions?
M. Forget: Contribuer à son investissement ici, ce n'est
pas un avantage?
M. Bérubé: Et de lui laisser... Pardon?
M. Forget: Si, pour vous, ce n'est pas un avantage, d'accord. On
n'est pas sur la même longueur d'onde.
M. Bérubé: J'ai déjà expliqué
quelque chose au député de Saint-Laurent et j'ai l'impression
qu'il vaudrait la peine...
M. Forget: Vous allez le faire de toute façon; alors, ne
parlez pas contre.
M. Bérubé: ... maintenant de pousser cela
davantage, puisqu'il vient d'ouvrir une porte toute grande. Il vient de nous
dire: Nous devrions subventionner, par exemple, Eternit. En d'autres termes,
vous offrez à Eternit 100% du financement de l'usine... Je vois
déjà la recherchiste de l'Union Nationale qui se gratte la
tête en se disant: Ma parole, le recherchiste du Parti libéral a
oublié de conseiller son député. C'est M. Gilles Avard;
vous avez d'ailleurs un excellent recherchiste dans le domaine de l'amiante, je
dois dire qu'il connaît bien son domaine, M. le député de
Richmond. Le député de Saint-Laurent vient d'ouvrir toute grande
la porte, parce que... Qu'est-ce qu'il nous offre? Il nous dit: Vous recherchez
un partenaire à 50-50 avec la Société nationale de
l'amiante. Alors, si vous mettez 50-50, il y aura 50% d'argent venant du
Québec et 50% venant d'Eternit. Sauf que, comme il n'y a pas d'avantage
pour Eternit à venir s'établir au Québec je
mentionne Eternit, cela pourrait être Latty, cela pourrait être
n'importe qui d'autre il faudra peut-être payer 75% de
l'investissement en échange d'une participation à 50%, parce
qu'il faut commencer à avoir un avantage. Mais ce n'est pas tout, c'est
que j'ai déjà eu l'occasion d'exposer à mon
collègue, le député de Saint-Laurent, les raisons pour
lesquelles, très rarement, une industrie vient dans un pays par suite de
subventions, purement par suite de subventions, parce qu'une fois
l'amortissement de l'investissement effectué, l'industrie se retrouve
avec les désavantages comparatifs de base. L'investissement est amorti,
donc, l'investissement initial n'a plus aucun effet sur les coûts.
Cependant, vous avez continuellement le désavantage comparatif des 10%
de tarification à vaincre, le coût de transport, etc.. ce qui fait
que vous échangez, M. le dé- puté de Saint-Laurent, ce
qu'on appelle un plat de lentilles, quelque chose qui n'a aucune valeur; vous
échangez une subvention à l'entreprise contre l'assurance qu'elle
fera des déficits dans cinq ans pour les prochains 50 ans. Il n'y a pas
une industrie qui va le faire. Donc, vous n'avez pas corrigé le
désavantage comparatif à la base et vous pratiquez ce que vous
avez toujours pratiqué, c'est-à-dire une politique de subvention
à l'entreprise privée très souvent sans que ce ne soit
pour aucune façon la cause de l'investissement à
l'intérieur même du Québec. Il y a des fois où les
subventions sont justifiées, il y en a d'autres où elles ne le
sont pas.
M. Forget: Ne parlez pas trop contre, M. le ministre, dans
quelques mois, vous allez peut-être faire cela.
M. Bérubé: Oui, et je vais vous en donner la
raison, M. le député de Saint-Laurent. Les seuls moments
où une subvention est justifiée, c'est lorsque l'entreprise
corrige de cette façon un désavantage comparatif. Par exemple, si
les coûts de construction sont plus élevés au
Québec...
M. Forget: Ce qui est le cas. (12 h 15)
M. Bérubé: ... ce qui est le cas, une subvention
à l'implantation d'une usine corrige ce fait et permet de faire en sorte
que le coût de construction au Québec devienne le même que
le coût de construction dans le sud des États-Unis et, par
conséquent, on peut amener une industrie à s'établir ici.
On a corrigé un désavantage qui était temporaire par un
avantage qui est temporaire. Ce dont on parle maintenant, c'est d'un
désavantage persistant, celui des tarifs à l'exportation, celui
des coûts de transport sur les produits finis. On voit donc que votre
raisonnement est le suivant: Vous vous dites, en paroles, favorable à la
transformation mais, dans les faits, vous niez au gouvernement tout moyen
susceptible de favoriser cette transformation. Ce qui me fait dire, M. le
député de Saint-Laurent, qu'au fond, vous ne voulez pas de
transformation au Québec, vous ne voulez créer aucune situation
favorable à l'éclosion d'une industrie de transformation puisque
vous n'avez rien proposé qui soit susceptible de corriger les
désavantages comparatifs dont le député d'Outremont a
très bien parlé en Chambre, qui sont là, qui sont
réels, que je n'ai jamais voulu nier et que nous cherchons, nous,
à compenser par d'autres avantages comparatifs.
Maintenant, parlons de ces avantages comparatifs. Le
député de Saint-Laurent dit: II n'y a pas pénurie de
fibre. Je regrette infiniment, mais je suis obligé de dire que
l'approvisionnement en fibre est certainement restreint,
particulièrement dans la fibre de catégorie plus longue, les
fibres de catégories 1, 2 et 3, qui sont les classes 1 du rapport
SORES.
M. Forget: D'après le député de Frontenac,
cela n'existe pas, des fibres de catégorie 1.
M. Bérubé: II y en a, elles sont triées
à la main. Cela existe, mais il n'y en a pas au Québec. Il y en a
quand même en Rhodésie. Je suis d'accord, il n'y a pas de
catégorie 1, c'est surtout la catégorie 3 au Québec. Je
suis d'accord, M. le député de Saint-Laurent.
M. Grégoire: La classe 1 de SORES, c'est la
catégorie 3.
M. Bérubé: Oui, essentiellement. Donc, dans ce
domaine particulier, toutes les analyses sont unanimes pour dire qu'il y a
pénurie et que présentement le recours aux substituts est
essentiellement dicté par l'absence de cette fibre. Dans ces conditions,
on se rend bien compte qu'une industrie de transformation au Québec qui,
elle, aurait en main cette fibre, aurait un produit fini, transformé,
qui aurait des propriétés, soit mécaniques, soit
physiques, soit des propriétés de coût supérieures
à ses compétiteurs qui, eux, feraient appel à des produits
substituts. Donc, vous venez de donner un avantage comparatif. Vous venez de le
donner à une condition.
M. Brochu: Juste une petite correction quand vous dites que la
recherche de substituts est nécessitée essentiellement ou
uniquement...
M. Bérubé: Elle est nécessitée en
partie, plus la santé.
M. Brochu: Parce qu'il y a la question de la santé.
M. Bérubé: Oui, oui, les deux.
M. Brochu: On vient de voir les dernières
déclarations européennes encore.
M. Bérubé: C'est dommage. Dans une
présentation, il faut malheureusement toujours simplifier et il faudrait
être tellement complexe... Ce n'est pas 20 minutes qu'il faudrait
prendre, mais au moins trois heures; ce serait évidemment beaucoup trop
long. Donc, retenez qu'effectivement...
M. Forget: En fin de compte, c'est parce qu'il ne parle pas assez
longtemps.
M. Bérubé: C'est cela. Vous avez beaucoup d'humour,
M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: II faut bien en avoir.
M. Bérubé: C'est cela. Quand il n'y a pas autre
chose, il fait de l'humour. Cela va. Alors...
M. Forget: C'est ce qu'on fait dans le moment.
M. Bérubé: M. le Président, il
m'apparaît ici que, pour plusieurs produits, il existe
présentement une pénurie de fibre; l'amiante n'a pas de substitut
pour plusieurs de ses produits et la détention d'un approvisionnement en
fibre pourrait être de nature à amener certains partenaires
étrangers à venir au Québec à la condition,
évidemment, qu'on leur assure, pour toute la durée de la vie de
leur industrie, un approvisionnement en fibre. Si on leur garantit pour la
durée de leur investissement l'approvisionnement en fibre, on vient de
leur donner un avantage comparatif face à leurs concurrents que sont les
substituts. Ce qui n'est possible que si nous avons un pouvoir sur
l'industrie.
Certes, la compagnie Asbestos dira toujours: Nous sommes prêts
à fournir la fibre à toute compagnie s'établissant ici,
mais est-elle prête à donner une garantie de 40 ans à une
compagnie selon laquelle elle va toujours approvisionner cette industrie? Non,
parce que ce serait automatiquement se lier quant au prix puisque la compagnie
qui aurait un contrat en bonne et due forme avec Asbestos, l'obligeant à
l'approvisionner pour les 40 prochaines années, maintenant obtiendrait
la fibre à n'importe quel prix, puisque, chaque fois qu'Asbestos ne
fournirait pas la fibre, elle serait susceptible d'une accusation de bris de
contrat. On voit donc qu'il n'y a aucune compagnie qui va s'engager à
très long terme quant à un approvisionnement. Le gouvernement,
lui, le peut, avec ses propres filiales, qui pourraient être
créées en association avec d'autres sociétés.
Là, le gouvernement le peut. Donc, on vient de créer un avantage
comparatif vis-à-vis de l'approvisionnement.
Mais, comme l'a dit le député de Saint-Laurent, l'amiante
abonde dans le monde; il n'y a pas de pénurie de fibre. Il est le seul
à le dire. Lui, évidemment, est un expert, alors que le
gouvernement américain et le gouvernement canadien, SORES, sont
absolument tous des incompétents dans le domaine de l'amiante.
Lorsqu'ils prétendent qu'il y a pénurie, le député
de Saint-Laurent a accès à des sources qu'il ne divulgue pas,
parce que, quand on a accès à des sources aussi rares, messieurs,
il ne faut jamais les divulguer. Car...
M. Forget: Cela aussi fait partie de l'humour, M. le
Président. Qu'il lise ses rapports attentivement et il se rendra compte
sur quoi ils sont basés.
M. Bérubé: M. le Président, je continue. Un
deuxième avantage comparatif parce que je pense avoir assez
expliqué cette idée de garantie d'approvisionnement
important, c'est celui du prix de transfert. En effet, le député
de Saint-Laurent a reconnu, finalement, que les compagnies d'amiante
pratiquaient des escomptes, donc des prix de transfert qui différaient
du prix officiel. La société Asbestos ne le fait pas, elle, mais
les autres sociétés le font pour leurs propres opérations
internes.
Ce qui nous amène, lorsque nous faisons des corrections...
M. Forget: Parce qu'elle n'a pas de filiales de
transformation.
M. Bérubé: Exactement. Elle vend sans escompte,
tandis que la compagnie Johns-Manville...
M. Forget: Non, avec des escomptes. Elle vend avec des
escomptes.
M. Bérubé: Oui, dans certains cas, vous avez
raison. Je ne devrais pas faire d'affirmation aussi catégorique, mais,
d'une façon générale, non pas méthodique, comme
dans le cas des autres sociétés...
Prenons donc un cas intéressant. Je vais faire avec vous, M. le
Président, toujours, et non pas avec les députés de
l'Opposition, mais je vais m'adresser à vous je vais faire avec
vous un petit calcul simple, que je ne déposerai pas. Je demanderai donc
à l'Opposition d'avoir la patience de suivre l'exposé.
Je vais supposer que la société nationale a finalement
acquis Asbestos Corporation, c'est-à-dire que le "filibuster"
mené par l'Opposition libérale a finalement fait long feu et nous
avons adopté la loi et la Société nationale de l'amiante a
acheté Asbestos Corporation.
M. Forget: Est-ce que c'est cela qui retarde, M. le
Président? Les négociations sont terminées?
M. Bérubé: Je poserai également une autre
hypothèse. Nous avons décidé, comme Société
nationale de l'amiante, de transformer 7% de la production totale
québécoise de l'amiante. Je ferai donc cette deuxième
hypothèse. Je me servirai de chiffras qui sont publics, parce que
l'Opposition nous a accusés de ne pas déposer de rapports alors
que nous avons déposé un nombre considérable
d'études. Je n'utiliserai que le rapport annuel de l'Asbestos
Corporation, les études SORES. Je dirai également je
poserai l'hypothèse que la Société nationale de
l'amiante ou Asbestos Corporation, étant une société
d'État, ne paie pas d'impôt et je supposerai pour
exagérer..,
M. Forget: ...
M. Bérubé: Je n'ai pas terminé, M. le
député de Saint-Laurent! Je supposerai qu'elle applique cette
économie d'impôt à une réduction de prix à
des fabricants faisant partie de son réseau. Elle vend...
M. Forget: Aux fabricants seulement.
M. Bérubé: Oui. Elle vend à
l'extérieur du Québec au prix international, elle ne fait donc
aucune concurrence déloyale aux autres mines d'amiante. Alors, reprenons
les calculs et essayons de voir quelle serait la thèse des prix de
l'amiante au Québec. Uniquement pour vous donner un ordre de grandeur,
une idée. Asbestos va payer, en 1976, $20 millions. C'est son rapport
annuel 1976, page 12, septième ligne. Si elle était la
Société nationale de l'amiante, elle ne paierait pas
d'impôt. Donc, la Société nationale de l'amiante vient
d'économiser $20 millions.
M. Forget: Ah bon! Pas les contribuables! M.
Bérubé: Je n'ai pas dit les contribuables, mais
j'arriverai éventuellement aux contribuables, M. le député
de Saint-Laurent.
M. Forget: J'espère.
M. Bérubé: Et alors, votre sourire sera de retour.
La Société nationale de l'amiante a vendu, en 1976, pour $150
millions de fibre. Toujours la même source. Elle en a vendu 400 000
tonnes à $375 la tonne. Si la Société nationale de
l'amiante transformait 7% de 1,5 million de tonnes qui est la production au
Québec, et qu'elle appliquait le $20 millions d'impôt comme
réduction au prix québécois, cela donnerait une
réduction de $200 la tonne, sur le prix de vente. C'est-à-dire
une économie de 47%. Alors, examinons maintenant la diminution des
coûts des produits qui seraient fabriqués au Québec. C'est
là que c'est intéressant puisque, pour faire ce calcul, nous
allons à nouveau utiliser la structure de coût du rapport SORES,
structure de coût que je n'ai pas d'ailleurs voulu commenter lorsque le
député de Saint-Laurent l'a invoquée à l'encontre
de nos propres études. J'aurais néanmoins un certain nombre
d'éléments de cette étude que j'aurais pu certainement
remettre en cause à la lumière des informations que nous avons
maintenant directement sur les investissements.
Je n'ai donc pas voulu le faire, mais nous nous servirons de la
structure de coût de SORES, tableau 5,1, c'est-à-dire nous
prendrons trois produits types: l'amiante-ciment, pour fabriquer des plaques,
du fil de textile et du feutre à linoléum.
Si on prend l'amiante-ciment, le coût SORES est de $130 la tonne,
dont 50% vient de l'amiante. Le coût fabrication Québec est donc
de 47% de $50 moindre, soit $23.50 moindre. Le coût de fabrication de
l'amiante-ciment est donc de 18% inférieur au coût indiqué
par SORES. Nous venons de créer un avantage comparatif substantiel.
D'après SORES, le désavantage du Québec sur le
marché de Toronto est de $7. Nous venons donc de fabriquer de
l'amiante-ciment au Québec à $23.50 meilleur marché, alors
que ce qui nous désavantage par rapport à Toronto est de $7. Je
viens de balayer tout compétiteur sur le marché torontois.
Première action du gouvernement. Voilà ce que j'appelle un
avantage comparatif. Nous aurons un avantage comparatif de $16.50 sur le
marché torontois. Nous venons de prendre le marché le plus
important au Canada avec celui du Québec.
Pour New York, nous inclurons dans le désavantage comparatif le
tarif et le transport. Nous prenons donc les chiffres de SORES en incluant le
tarif et le transport. Le désavantage SORES était $12 par tonne
de transport et de $2 de douane, c'est-à-dire $14 de désavantage
comparatif. Donc, tout fabricant de plaques d'amiante-ciment au Québec
qui voudrait vendre sur le marché de New York aurait un coût
le coût des ventes, si vous voulez de $14 supérieur la
tonne. Or, l'avantage dû à la baisse de prix étant de
$23.50, soustrayons ces $14 de désavantage comparatif, nous pouvons
maintenant fabriquer, livrer sur le marché new-yorkais des plaques
d'amiante-ciment à $9.50 la
tonne, meilleur marché, en théorie, que tout
compétiteur. Nous venons d'occuper le marché new-yorkais, et pour
un produit qui ne s'exporte pas, messieurs. Attendez que je fasse l'analyse
pour un produit qui s'exporte, là, vous allez rigoler. C'est une
véritable catastrophe pour nos compétiteurs.
Le Président (M. Clair): M. le ministre, avant d'entamer
une nouvelle partie de votre exposé, il vaudrait peut-être mieux
suspendre la séance immédiatement.
Une voix: Nous allons terminer. M. Bérubé:
Six à sept pages.
Le Président (M. Clair): La commission permanente des
richesses naturelles ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 29)